(Quatorze heures huit minutes)
Le Président (M. Simard): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons entreprendre nos travaux. Je vous rappelle que la Commission des institutions est réunie afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Moreau (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Mercier (Charlesbourg) et Mme Thériault (Anjou) est remplacée par M. Ouimet (Marquette).
Le Président (M. Simard): Bien. Alors, tout le monde a l'ordre du jour de l'après-midi. Je signale qu'après le deuxième groupe, c'est-à-dire après Me André Brochu, il y a une pause de 15 minutes, de façon à permettre à des membres de cette commission de vaquer à certaines occupations, et nous nous retrouverons immédiatement ensuite ici.
Auditions (suite)
Alors, notre premier groupe invité aujourd'hui par la commission, il s'agit du Regroupement des innocentes victimes du crime organisé, et je demande à son porte-parole ? je pense que c'est M. Monastesse ? de prendre la parole, de nous présenter celui qui l'accompagne.
C'est peut-être votre première présentation devant une commission parlementaire. Je vais tout de suite vous mettre bien à l'aise. On est ici pour tenir un dialogue. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous donner l'essentiel de votre message et ensuite, alternativement, les deux parties de cette commission vont vous poser des questions et discuter avec vous. Alors, nous vous écoutons.
Regroupement des innocentes
victimes du crime organisé (RIVCO)
M. Monastesse (Robert): Le Regroupement des innocentes victimes du crime organisé tient à remercier les membres de la commission, et spécialement le ministre de la Justice Me Marc Bellemare, de nous avoir invités pour faire connaître notre position sur le projet de loi n° 35. Il s'agit pour nous d'une première expérience dans ce domaine et nous vous en sommes reconnaissants.
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(14 h 10)
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Tout d'abord, j'aimerais vous présenter la personne qui m'accompagne devant cette commission, M. Marc-André Baril. Il est secrétaire et attaché de presse du Regroupement des innocentes victimes du crime organisé, le RIVCO. Je me nomme Robert Monastesse et j'en suis le porte-parole.
D'entrée de jeu, les membres du RIVCO sont favorables au projet de loi n° 35. Nous aimerions cependant amener certains points relativement aux articles de loi qui touchent la CSST, la SAAQ. Bien que le projet de loi ne touche qu'à un article sur l'IVAC, nous souhaiterions décrire aux distingués membres de cette commission ce que nous pourrions appeler un double choc post-traumatique pour une victime du crime organisé après avoir passé par les dédales administratifs de l'IVAC, CSST, CLP et enfin le TAQ. Nous reviendrons sur cet élément, si le temps nous le permet, après avoir exposé à la commission certains points de ce projet de loi qui ont attiré notre attention et qui nous semblent quelque peu litigieux, notamment: la nomination des décideurs; la place du travailleur ou de la victime dans le processus décisionnel; les décisions versus le défaut de se manifester, réputé s'être désisté; les délais accordés au juge pour rendre sa décision; et enfin inverser le fardeau de la preuve à l'organisme qui voit sa décision contestée par le travailleur ou la victime.
La nomination des décideurs. Le législateur souhaite que le membre décideur soit un avocat ou un notaire. Une question se pose: les comparutions devant le tribunal seront-elles si légalistes que le travailleur ou la victime ne pourra plus se représenter sans la présence d'un avocat? Dans bien des cas, le travailleur ou la victime n'a pas les ressources financières pour affronter les organismes gouvernementaux, alors que ceux-ci ont toutes les ressources nécessaires.
Le législateur pourrait élargir ses choix auprès des ordres professionnels et nommer un avocat, un criminologue, un psychologue ou tout autre candidat qualifié pour entendre les différentes causes, s'assurant ainsi de toujours maintenir l'aspect humain. Nous ne voulons pas dire que les avocats et les notaires ne possèdent pas cette qualité, mais, en raison de leur mandat, ils devront peut-être s'en tenir aux points et aux virgules.
La place du travailleur ou de la victime dans le processus décisionnel. L'article 82 est remplacé par l'article 64: «Toute décision rendue par un fonctionnaire désigné doit être motivée et communiquée par écrit à l'intéressé.» Chers membres de cette commission, comme vous le savez, les détenus fédéraux, suite à une réforme du gouvernement fédéral en matière de décision, appliquent à la lettre les principes de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment l'article 2: «Chacun a les libertés fondamentales suivantes: [...]liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de presse et des autres moyens de communication.»Alors, chaque détenu qui reçoit une décision doit être convoqué afin qu'il ait le droit de s'exprimer.
Dans cet ordre d'idées, peut-on envisager que, lorsqu'un fonctionnaire désigné rend une décision, le travailleur ou la victime concernée soit ? il ou elle ? convoqué pour entendre cette décision et avoir le droit de s'exprimer au lieu de recevoir une lettre presque anonyme et qui semble parfois mettre fin au débat sans droit de recours? Lors de cette rencontre, le fonctionnaire pourrait, en écoutant la personne, dans certains cas, changer sa décision et par le fait même faire gagner du temps au système et éviter un long processus, souvent pénible pour bien des gens.
Décision rendue: défaut de se manifester réputé s'être désisté. À l'article 65.2, dernier paragraphe, il est dit: «En notifiant sa décision révisée, le fonctionnaire demande au requérant ? naturellement par écrit ? de lui indiquer, dans les 30 jours, s'il entend maintenir son recours devant le tribunal ou s'en désister. À défaut de se manifester, il est réputé s'en être désisté.» Le législateur doit comprendre que le fonctionnaire s'adresse à une personne accidentée, blessée ou traumatisée. Souvent, et compte tenu du traumatisme subi, cette personne n'est pas toujours en mesure, au moment de cette décision par écrit, de bien saisir la portée de cette lettre. C'est pourquoi nous croyons qu'une rencontre avec la personne concernée pourrait éviter bien des malentendus.
Si toutefois l'article 65.2 était maintenu, nous suggérons qu'une modification importante y soit apportée dans son libellé. L'énoncé se lirait ainsi: «À défaut de se manifester, il est réputé maintenir son recours devant le tribunal.» Les victimes pourraient ainsi éviter de perdre leur dernier recours.
Les délais accordés aux juges pour prendre leurs décisions. L'inscription de cet article dans notre déclaration se veut plus une question au président de la commission ou au ministre de la Justice: pourquoi faut-il 90 jours aux juges pour rendre une décision? Dans la volonté du ministre d'accélérer le processus, le tribunal pourrait gagner du temps en réduisant, en accord avec les personnes désignées, le temps alloué pour prendre une décision, car il faut prendre en compte le temps requis pour la rédaction de ce jugement.
Inverser le fardeau de la preuve à l'organisme qui voit sa décision contestée par le travailleur et la victime. Le gouvernement veut changer la façon de faire les choses au Québec. Pouvons-nous penser qu'il pourrait aller aussi loin que d'inverser le fardeau de la preuve dans les cas des victimes d'actes criminels, des accidentés de la route et des accidentés du travail? Cette exception pourrait être insérée dans ce projet de loi. Comme le gouvernement a déjà des effectifs nécessaires pour faire le travail, il n'y aurait donc aucune augmentation au niveau des coûts. Par ailleurs, les avocats et les notaires ne perdraient pas de clients, puisqu'ils ont maintenant une opportunité de travail à ce tribunal.
Plus sérieusement, bien des victimes de la route, d'actes criminels et du travail n'ont pas les moyens financiers pour se défendre devant les organismes provinciaux. Dans la majorité des cas où les personnes ont pu se rendre devant les tribunaux administratifs du Québec, celles-ci ont obtenu gain de cause, mais il s'agit d'une minorité de gens parce que les autres se sont découragées et ont eu peur de se défendre devant Goliath.
Dans notre introduction, nous parlions d'un double choc post-traumatique et si, bien, le temps... le temps nous le permet, je pense, je vous décrirai par où je suis passé depuis une tentative de meurtre en 1995.
Le 20 février 1995, je suis victime de la guerre des motards. À l'époque, j'étais journaliste en matière judiciaire. Cet attentat a eu lieu devant ma conjointe et ma fille, à mon domicile. Nous sommes donc trois victimes d'actes criminels. Dans un délai relativement court, je suis pris en charge par l'IVAC, et on reconnaît des blessures par balles aux cuisses, et une hernie discale lombaire, et naturellement un choc post-traumatique. Pendant sept ans, je resterai dans un mutisme complet. Je n'ai jamais accordé d'entrevues aux médias lors de ces attentats qui ont touché de nombreuses autres victimes innocentes du crime organisé. Je ne voulais pas mettre les vies de ma famille en danger. L'intimidation avait bien fonctionné. J'ai eu droit aux soins de toutes sortes et, environ 16 mois plus tard, je suis retourné sur le marché du travail dans un autre métier complètement différent.
Et le 19 mars 1998, je suis victime d'un accident de travail. Mon médecin émet un diagnostic primaire, entorse lombaire, et, sur ses notes personnelles, «hernie discale?». Je retourne au travail pour travaux légers. Fin mai 1998, n'ayant pas eu de réponse de la CSST, je contacte un agent pour l'informer que ma condition personnelle se détériore, et c'est à ce moment qu'elle m'informe que mon accident de travail est accepté.
Vers le mois de juillet, des résultats d'examen démontrent une aggravation de ma condition lombaire, une hernie discale en D8, D9. La CSST refuse les diagnostics et maintient celui d'entorse lombaire. Un neurochirurgien réputé me suggère fortement une opération, sinon je risque la paralysie des membres inférieurs. Un autre neurochirurgien nommé par la CSST et se disant président de l'Association des médecins experts du Québec rend une décision contraire: «Ce client n'a pas d'entorse lombaire. Il est en parfaite santé. Retour au travail.» La CSST envoie mon dossier au Bureau médical. Le 12 octobre 1999, un éminent neurochirurgien en vient, comme sept autres médecins et spécialistes, à la conclusion suivante: hernie discale D8, D9. Nous sommes à la fin décembre 1999, et la CSST met fin à mes prestations et favorise l'envoi de mon dossier à la révision.
Le 9 février 2000, je reçois la décision et on refuse ma réclamation. On m'invite alors à me tourner vers l'IVAC, puisque j'ai aggravé ma condition de 1995. Antérieurement, lors de la première décision en octobre 1999, j'avais fait appel devant la CLP. J'ai reçu un accusé de réception le 25 février 2000. Le 31 mars 2000, toujours, je subis l'intervention chirurgicale. Le 4 juillet, l'IVAC suspend l'étude de mon dossier, prétendant qu'elle ne pouvait rendre la décision, puisque ce dossier était en étude devant la CLP, ce qui est faux.
Le 11 juillet, audience devant la CLP. Je me représente moi-même, et le délibéré commence le 27 septembre. Le 14 du 10, je reçois la décision du tribunal qui reconnaît le lien et le fait accidentel pour la blessure en D8, D9. La CSST règle toutes les questions relativement à ma condition. J'ai accepté de participer à un programme de réadaptation, mais les conclusions ne sont pas favorables. Je suis considéré comme une personne ne pouvant trouver un travail en raison de sa condition. Décembre 2000. Je demande à l'IVAC de se prononcer sur ma condition lombaire, parce que j'ai besoin de soins et de traitements, et ceux-ci ne sont pas la responsabilité de la CSST.
n(14 h 20)n Le 7 février 2001, l'IVAC refuse ma demande. Le 2 mars, je demande révision de mon dossier. Le 23 mars, l'IVAC m'informe qu'il y aura une révision sans audition. Le 29 mai, je fournis des renseignements pour la révision et le 7 juillet, toujours de l'an 2000, un autre refus sans prendre en compte les documents médicaux fournis. Le 25 septembre, dépôt d'une contestation au TAQ. Le 27 du neuf, le TAQ fournit de l'information... me fournit de l'information sur la façon de procéder. Le 21 mai, j'ai mon avis de convocation et, le 14, je me présente devant le TAQ avec mon témoin, mais le juge considère qu'il ne peut m'entendre; l'affaire est renvoyée à une autre date. Il y avait deux auditions la même journée. Le 12 décembre, je reçois un avis de convocation pour le 26 février 2003. Je me présente avec mon témoin, et le juge décide de m'entendre, malgré un vice de forme, mais, comme d'habitude, l'IVAC ne se présente pas lors de ces audiences. Le juge est perplexe et me suggère une évaluation physique et de finir cette cause par écrit. L'affaire est renvoyée sine die.
À cette date, je n'ai pas pu répondre. Je suis en traitement contre la douleur lombaire et je reçois des injections de morphine et de cortisone à tous les deux mois, en plus de prendre 120 mg d'un dérivé de morphine et de méthadone pour essayer de contrôler la douleur.
Le RIVCO tient à vous remercier... remercier la commission de nous avoir permis de nous exprimer, et nous vous offrons toute notre collaboration.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Je vais inviter maintenant la partie ministérielle à lancer le débat, et le ministre de la Justice posera la première question.
M. Bellemare: Alors, merci, M. Monastesse et M. Baril, pour votre présence ici et pour la préparation de ce mémoire qui implique, cette fois-ci, les victimes d'actes criminels, les victimes du crime organisé. Et ma question prendra racine dans une de vos dernières affirmations à l'effet que l'IVAC n'est pas présente ou n'était pas présente, à tout le moins, dans le cadre du litige qui vous opposait.
En principe, les organismes publics qui sont impliqués dans la justice administrative, comme l'IVAC, évidemment, qui est un organisme qui relève du ministère de la Justice, qui indemnise des victimes d'actes criminels, donc quand ils sont partie d'un litige, ils sont sensés être là. Et, en principe, je sais que la Société de l'assurance automobile l'est tout le temps. Certains le lui reprochent d'ailleurs. Dans d'autres cas, comme à la CSST, bien, la CSST choisit les litiges en fonction de leur importance et n'est pas toujours présente, mais l'est quand elle estime que ses intérêts sont en jeu et de façon significative. Est-ce qu'il est exact que l'IVAC n'est jamais représentée devant le Tribunal administratif du Québec, ou dans quelle mesure l'est-elle?
M. Monastesse (Robert): C'est que le juge Cohen, qui présidait l'assemblée, m'a affirmé que l'IVAC ne se présentait jamais à une audition de ce genre.
M. Bellemare: Là, je vais parler au citoyen que vous êtes et qui a fait face à la justice administrative, qui s'est présenté devant le Tribunal administratif du Québec. Comment on se sent, comme citoyen, quand on se présente devant un tribunal en contestation de la décision d'un organisme public et que l'organisme n'est pas représenté?
M. Monastesse (Robert): Bien, c'est très décevant parce que, d'emblée, j'ai passé encore à quelques pouces d'un autre renvoi. Il faut dire qu'à cette période-là je suis toujours sans revenu. Alors, ça fait un an et demi, c'est encore assez important. Mais ce qui est grave, c'est que, l'IVAC n'étant pas là, elle n'a pas pu répondre à une question simple en disant: Pourquoi n'avez-vous pas rendu la décision sur la demande initiale au lieu de vous fier à un document de la CLP qui ne vous concerne pas? C'était aussi simple que ça. Et j'en étais à une deuxième comparution, là.
Alors, je vous dirai que la transparence et la disponibilité, là... On y croit un petit peu moins, à cette justice-là, étant donné... depuis le temps que je me bats contre certains organismes du gouvernement pour tout simplement faire reconnaître des soins que j'avais de besoin, que j'ai dû attendre un an et demi, par, je vous dirai, le canal habituel de tous les citoyens. Vous savez qu'étant soit un blessé, accidenté, soit de la route, accident de travail ou l'IVAC, nous avons dans cette... ces organismes-là nous permettent de passer par un autre service, un autre circuit qui devance les traitements, et, dans mon cas, ça aurait été sûrement utile.
M. Bellemare: Il existe un service de conciliation au Tribunal administratif du Québec depuis 1998. C'était d'ailleurs l'initiative, l'excellente initiative du gouvernement précédent que de créer un service de conciliation au Tribunal administratif du Québec, qui fonctionne malheureusement moins bien qu'au sein d'autres organismes semblables, comme la Commission des lésions professionnelles où on retrouve un taux de conciliation de l'ordre de 52 %. En tout cas, 52 % des causes se règlent suite à une initiative de conciliation, pas nécessairement entièrement grâce à la conciliation mais en partie, à tout le moins, pour 10 000 cas sur 22 000 chaque année qui sont contestés. Au Tribunal administratif du Québec, les résultats sont un peu plus décevants en termes de conciliation. Hier, certains intervenants attribuaient ça à un problème de culture ou de collaboration de la part des organismes.
Quand je suis arrivé au ministère, j'ai constaté qu'en matière d'IVAC, le taux de conciliation était inférieur à 1 %, donc il n'existait pas de conciliation au sein de l'IVAC. J'ai demandé à ce que ce soit réglé et qu'il existe... que l'IVAC collabore en termes de conciliation, qu'elle tende une perche au moins aux accidentés qui sont dans l'attente d'un procès devant le TAQ. Est-ce que vous avez été informé de ça, du fait qu'il y avait de la conciliation maintenant en matière d'IVAC?
M. Monastesse (Robert): Oui, le TAQ m'en a informé et m'a invité à y participer. J'ai accepté immédiatement; l'IVAC a refusé. Alors, c'est pour ça qu'il n'y a pas eu de conciliation dans mon cas.
M. Bellemare: Alors, le TAQ vous l'a...
M. Monastesse (Robert): Offert.
M. Bellemare: ...offert. Vous avez accepté?
M. Monastesse (Robert): Oui.
M. Bellemare: Et l'IVAC a refusé. Est-ce qu'on vous a dit pourquoi l'IVAC avait refusé?
M. Monastesse (Robert): Non, j'ai été sans réponse.
M. Bellemare: Parce que, avec le projet de loi n° 35, ce qu'on prévoit, c'est que, si le citoyen le demande, l'organisme gouvernemental sera obligé d'y participer. C'est une différence. Vous n'en parlez pas dans votre mémoire, mais je vous signale que nous proposons, avec le projet de loi n° 35, que le gouvernement, ou son organisme dont la décision est contestée, qu'il soit tenu de participer à la conciliation à la demande du citoyen justement peut-être pour forcer la main un peu, faire en sorte que l'État, par le biais de l'ensemble de ces organismes-là, ouvre un dialogue avec la personne qui est en contestation devant le TAQ. Je tenais à vous le signaler, simplement.
M. Monastesse (Robert): J'aimerais, si vous le permettez, relativement à cette question-là, je l'ai lue, j'ai de la difficulté à interpréter la question de l'inscription au rôle par rapport à ça. Et ce n'était pas clair, mais je ne voulais pas vraiment développé, parce qu'on est novices dans ce domaine. Mais l'inscription au rôle devant le Tribunal des recours, est-ce qu'il est à partir de la première démarche ou, si advenant une conciliation, ce serait après la conciliation, l'inscription au rôle du tribunal?
M. Bellemare: En vertu du projet de loi n° 35, il y aurait une contestation devant le tribunal. L'organisme dont la décision est contestée aurait un délai de 90 jours pour revoir sa position, ce qui n'implique pas qu'elle doive prendre 90 jours, je vous le signale, parce que, tantôt, vous disiez que c'était long. C'est vrai que, dans certains cas, j'imagine que l'Administration peut réviser dans un délai de quelques jours ou quelques semaines. C'est un maximum de 90 jours.
Si le citoyen, après la révision, n'est pas satisfait, il manifeste son intention de continuer, donc de maintenir son appel, et, à ce moment-là, il y aurait un processus de conciliation qui serait engagé dès que le dossier serait acheminé au Tribunal administratif. La conciliation interviendrait après l'échec de la révision, et, bien sûr, avant que le juge administratif ne soit saisi de l'affaire parce que la conciliation, par définition, vise à éviter au citoyen les inconvénients d'un procès.
M. Monastesse (Robert): Mais, dans ce cas-là, on n'a rien réglé, parce que toutes ces démarches-là ont des délais. Alors, moi, j'avais pensé que, à partir du moment où il y a contestation sur la première réponse négative de l'organisme, il y aurait eu une inscription au rôle du Tribunal de recours administratifs et passer les autres étapes sans avoir perdu cette inscription au rôle, là.
Si on passe toutes les étapes, conciliation, avant, il y a la révision, et ce n'est qu'après la conciliation qui a échoué qu'on inscrit la cause au rôle, on va se retrouver dans la même situation qu'auparavant, dans la même... celle que j'ai vécue, parce que j'ai dû attendre toutes les étapes, qu'elles soient passées, que j'aie eu des décisions ? et il y en a que ça a été long avant qu'on rende une décision ? et là j'ai pu être inscrit au rôle du TAQ.
Alors, je pensais que, dans votre recours, et sachant que vous aviez l'expérience, qu'on l'aurait mis déjà là, à la première contestation, et si... Ce serait plus simple de retirer une cause que d'en rajouter une après avoir passé tous les dédales, là, encore: révision, conciliation, et là l'inscription au rôle. On va perdre du temps. Ce serait mieux de l'inscrire immédiatement. On la retirera si on est réglé.
n(14 h 30)nM. Bellemare: Ce sera ma dernière intervention sur la question, mais je veux simplement vous expliquer la différence entre le processus actuel puis le processus qu'on tente d'introduire par le projet de loi n° 35. Actuellement, le citoyen conteste une décision devant l'instance de révision. Les délais moyens en révision à l'IVAC sont de cinq mois, et ce, depuis des années, pour une révision, là, simplement. Si la révision est insatisfaisante, le citoyen peut contester devant le Tribunal administratif du Québec où, là, il y a des délais qui sont assez effarants, d'à peu près deux ans.
Nous, ce qu'on introduit d'abord, c'est un appel direct au Tribunal d'appel. Pourquoi l'appel direct? Pour permettre aux citoyens de savoir qu'il y a un Tribunal d'appel, parce que, vous le savez, actuellement, les gens contestent en révision sans connaître l'existence d'un Tribunal d'appel. Dans bien des cas, ils vont se décourager, ils vont abandonner sans savoir qu'après l'étape de révision il y a un juge administratif externe à l'organisme qui a décidé qui peut statuer sur le dossier. Donc, en introduisant la demande directement au Tribunal d'appel, le citoyen est en contact avec le Tribunal d'appel qui constitue sa meilleure garantie de justice. Donc, c'est la première chose.
La deuxième chose qui est introduite par le projet de loi n° 35, c'est le délai maximal de révision qui est de 90 jours, qui est quelque chose d'important parce que les délais actuellement, et depuis quelques années, sont de cinq mois en révision, mais ils ont déjà été beaucoup plus longs que ça. Alors, pour éviter que... pour que l'Administration soit davantage encadrée quant au processus de révision: 90 jours. Et, si le citoyen y acquiesce, il y aura une possibilité d'accorder à l'Administration un autre délai de 90 jours. Mais s'il n'acquiesce pas, s'il est pressé de procéder, comme vous le dites, c'est 90 jours. Après ça, il y a une inscription, c'est-à-dire pas une inscription, mais le citoyen manifeste son intention de maintenir son appel, puis, à ce moment-là, c'est acheminé au Tribunal d'appel pour traitement au sein même du tribunal.
La procédure de conciliation ne vise pas à retarder l'affaire, la mise au rôle. Elle se fera dans l'attente de l'audience, parce que l'audience n'a pas lieu le lendemain matin, c'est bien certain. Mais, dans l'attente, il y a un processus de conciliation qui ne vise d'aucune façon à retarder les causes mais bien à occuper le temps de façon efficiente et de façon responsable face aux citoyens, essayer de voir si on ne peut pas régler l'affaire. C'est la différence avec le système actuel. Merci.
Le Président (M. Simard): M. le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Merci, M. le Président. Alors, MM. Monastesse et Baril, bonjour. Félicitations pour votre... d'abord votre présence. On sait que ce n'est pas nécessairement facile de venir expliquer, ce que vous avez si bien fait tout à l'heure, et en plus de ce que vous avez à vivre comme expérience qui est pénible. Alors, on vous en félicite.
Nous avons entendu, depuis le début de la commission, des groupements de personnes, des regroupements de personnes qui sont assez bien organisés, et qu'on pense aux syndicats pour ce qui est des problèmes que les travailleurs peuvent avoir et également le Regroupement des accidentés de la route.
Mais, pour notre compréhension, pourriez-vous nous expliquer davantage qui vous êtes, pas vous personnellement, mais votre Regroupement? Parce que j'imagine qu'il ne doit pas être évident... D'abord, quand on parle de victimes du crime organisé, il faut d'abord, j'imagine, se faire reconnaître comme une victime d'actes criminels en vertu de la loi, et souvent le problème se pose déjà au départ, et ça doit être assez difficile de vous regrouper ou du moins de vous identifier entre vous. Alors, peut-être pour mieux comprendre votre intervention, moi, je serais curieux de savoir un petit peu qui vous êtes. Comment êtes-vous soutenus financièrement? Comment êtes-vous organisés?
M. Monastesse (Robert): Le RIVCO est venu après un attentat contre Mme Hélène Brunet, qui était serveuse dans un restaurant sur la rue Henri-Bourassa, à Montréal. Il y a eu rencontre avec... Et c'est lors du lancement du livre de Michel Auger... les gens se sont rencontrés et regroupés. Mais, à ce moment-là, c'était, je vous dirais, là, des rencontres en voulant: Oui, on va faire quelque chose. Je n'étais pas présent. Moi, je suis arrivé environ trois mois plus tard ou quatre mois plus tard parce que je n'avais pas encore décidé et je n'avais pas eu encore le consentement de ma conjointe de revenir sur la place publique pour dénoncer le crime organisé et leur action.
Alors, quand j'ai adhéré au mouvement, ça a comme pris forme à ce moment-là, et les personnes qui en font partie, ce sont ceux qui ont été victimes d'un acte criminel et qui sont reconnues comme étant victimes d'un acte criminel ou d'un accident de travail. Parce que, dans un cas comme encore Mme Brunet, elle a été tirée sur son lieu de travail... donc on l'a reconnu comme un accident de travail. Alors, nous sommes regroupés comme ça.
Nous en sommes, comme je vous l'ai dit, à nos premières expériences. Nous avons eu une subvention de la part du ministre de la Justice de 10 000 $ et nous en avons reçu une autre de 5 000 $ de M. Chagnon, de la Sécurité publique. Nous avons l'intention de déposer à court terme notre mission pour pouvoir être reconnu comme OSBL ou un organisme d'intervention de première ligne auprès des prochaines victimes d'actes criminels, à ce moment-là. Parce qu'il est peu probable qu'il y ait d'autres victimes innocentes du crime organisé parce que la guerre des motards est terminée. Il est peu probable qu'on en vive une autre de cette nature-là.
M. Gabias: Si je peux ajouter... Vous signalez votre inquiétude dans votre mémoire que vous avez déposé. Vous en avez parlé tout à l'heure, là, sur la question des décideurs qui, tel qu'il est prévu au projet de loi, doivent avoir une formation, c'est-à-dire être avocats ou notaires. Et vous avez même employé des termes, là... Vous craignez qu'on se retrouve ou que des victimes se retrouvent devant un système où on donne plus d'importance aux points et aux virgules qu'aux problèmes que vivent ces individus-là. Est-ce qu'on ne doit pas faire une distinction entre les décideurs et les représentants ou les personnes qui peuvent représenter les victimes? C'est-à-dire que vous craignez peut-être qu'une victime qui ne peut se faire représenter pour une question financière risque peut-être un déni de justice ou du moins d'être moins bien comprise.
Ne pensez-vous pas que le fait d'avoir une personne qui a une formation juridique au contraire assure cette représentation-là, c'est-à-dire que le décideur est bien au fait de la qualité ou de la déficience de représentation que peuvent avoir les personnes devant lui et, à partir de là, évidemment en tenir compte et justement de préserver, parce que c'est son obligation aussi, de préserver les droits de représentation que ces personnes-là ont? Est-ce que j'ai tort de vous suggérer ça ou si vous maintenez, là, que vraiment le fait d'avoir un décideur de cette nature-là, c'est plutôt un risque?
M. Monastesse (Robert): Je le maintiens, parce que je vous ferai remarquer que les décisions que je vous ai énumérées, soit au niveau de la révision à l'IVAC ou d'autres organismes, ce sont des avocats ou avocates qui ont rendu des décisions. Alors, à ce moment-là, ils n'ont même pas pris le temps de nous écouter, de nous entendre ou de prendre des documents qu'on a acheminés à leur bureau, et c'étaient des avocats, ou avocates dans le cas présent, là. Alors, ce n'est pas dire non aux avocats. Je pense que, dans des situations précises, un avocat ferait très bien l'affaire parce que ça prend ça, mais, dans d'autres cas, on pourrait entendre, comme je l'ai noté, un criminologue, un psychologue, dépendant du type de victime que vous avez devant vous, parce qu'il a besoin d'être entendu différemment des fois.
M. Gabias: Mais est-ce que je me trompe? Dans le fond, ce que vous signalez, parce que peut-être cette personne-là, et là je dis ça un peu... a le double défaut d'être avocat et à l'emploi de l'organisme public devant lequel vous êtes, là... Alors, il me semble qu'il faut distinguer les choses. À partir du moment où on parle d'un tribunal administratif totalement indépendant, vous ne retrouverez pas... ou on ne se retrouve pas dans cette situation-là, c'est-à-dire on n'a pas affaire à quelqu'un qui est à l'intérieur de la boîte, là, pour tout dire.
M. Monastesse (Robert): C'était juste pour donner en fait une idée à la commission qu'on peut quand même élargir les horizons dans les cas... je vous dirai plus spécialement les victimes d'actes criminels. Parce que est-ce qu'on a vraiment entendu parler des victimes d'actes criminels avant la guerre des motards? Et je fais exclusion, là, des femmes violentées ou agressées sexuellement. Pour le reste, l'IVAC, c'était méconnu, puis ça l'est encore, je pense, par bien des gens. Alors, c'était dans ce sens-là. C'était ma préoccupation de voir les gens se retrouver devant ce que je dirais, là, une personne qui est très spécialisée au niveau du droit et que ce serait une lutte difficile.
M. Gabias: On peut certainement situer des événements tels les événements de la Polytechnique qui sont évidemment majeurs et à la connaissance de bien des gens, mais je vous le concède, là, qu'une personne seule, victime d'un acte criminel, elle est vraiment seule. Ça, je vous le concède totalement. Merci.
Le Président (M. Simard): M. le député de Charlesbourg.
M. Mercier: Merci, M. le Président. Il nous reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Simard): Oh! trois minutes.
n(14 h 40)nM. Mercier: Je serai très bref de toute manière. Pardonnez ma voix enrhumée. Bonjour, messieurs. Je me joins évidemment à mes collègues pour vous témoigner toute notre appréciation quant à votre présence et toute votre sérénité dans la délivrance de votre témoignage.
Je reviens un petit peu aux propos de notre ministre quant à la présence de l'IVAC ou de la CSST, quant à sa localisation, lorsqu'on parle de bureaux régionaux ou autres. Et je fais référence également à la première page de votre document, où vous avez attiré mon attention évidemment, et également dans votre témoignage, lorsque vous parlez de dédales administratifs, alors ce que je qualifierais d'espèce de distance administrative dans le traitement des réclamations à l'effet que le traitement des réclamations sont faites à Montréal. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur comment est-ce que, vous, vous voyez ça et quelles seraient les solutions à apporter pour que les régions par exemple, que ce soit la région de Québec ou les régions... Bas-Saint-Laurent, puissent bénéficier d'un traitement plus rapide ou du moins une écoute, je vous dirais, presque directe.
M. Monastesse (Robert): Nous sommes parfaitement d'accord avec la question d'aller en région, et justement d'avoir des personnes à qui parler et qui pourraient nous écouter, et rendre des décisions beaucoup plus rapidement, des décisions des fois plus faciles à rendre que d'aller à Montréal. Moi, c'est les lettres; j'en ai aux lettres. On ne peut même pas parler à nos agents. Ils considèrent administrer un dossier comme un dossier d'une compagnie. On est des numéros, des «nobody». Puis, peu importe ce qu'on dit, ils vont le noter, mais ils n'ont jamais rien compris à ce qu'on leur a dit, puis la détresse ou... peu importe. Ils le marquent, là; c'est parfait, c'est parfait, mais ils n'en tiennent même pas compte à un moment donné dans leur décision, ils n'ont même pas fait attention.
Alors, je pense qu'on doit humaniser davantage les bureaux de... d'acceptation et rendre des gens disponibles en région. Et je suis certain que les demandes seraient traitées rapidement, avec diligence et avec compréhension, bien plus que si elles sont envoyées à Montréal à un agent qui est là puis qui attend. Moi, je suis d'accord avec... que ce soit décentralisé.
Le Président (M. Simard): Alors, voilà, c'est tout le temps qui était imparti pour la partie ministérielle. Maintenant, nous allons écouter dans un premier temps le député de Chicoutimi, critique pour les questions de justice, vous poser la première question.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie tous les deux. Je voudrais aussi souligner le courage que vous avez de venir témoigner aussi de ce qui vous est arrivé évidemment personnellement parce que... Vous avez le témoignage de l'organisme qui est très clair aussi, mais vous faites état des événements plus que malheureux, là, qui vous sont arrivés tant avant l'accident qu'après les événements qui démontrent à quel point, là, c'est... Souvent, le malheur s'ajoute au malheur, et ça a été votre cas. Vous faites bien ressortir plusieurs éléments qui méritent d'être corrigés ou d'autres qui ne sont pas abordés et qui peut-être mériteraient aussi qu'on les regarde plus attentivement.
Une première chose tout d'abord m'étonne. Vous dites: Normalement, la personne qui rend la décision de l'organisme devrait rencontrer la personne, devrait... Lors de l'étude du dossier, à votre connaissance de votre organisme, là, est-ce qu'il y a des contacts réguliers avec ceux et celles qui déposent ces types de demandes, où les gens sont complètement laissés... c'est son dossier, il n'y a aucun contact, puis on a une lettre, un matin, qui nous dit que notre numéro est sorti?
M. Monastesse (Robert): Outre... Il y a seulement qu'une personne qui... Mme Michèle Forcier. Elle n'est pas ici. C'est la secrétaire également du mouvement. Son garçon a été victime d'un attentat d'un «street gang», a été tranché avec une machette. Et c'est la seule personne qui prend le temps d'écrire et d'envoyer ses trucs enregistrés à la CSST, parce qu'on semble ne pas comprendre ou être aussi rapide que les parents le souhaiteraient pour venir en aide à ce jeune homme qui, malgré que ça fait trois ans, là, souffre encore, attend encore des opérations. Alors, c'est la seule personne qui est en contact tout le temps avec la CSST. Tous les autres membres n'ont pas de contact avec... On attend comme, bon...
M. Bédard: ...dossier. Il n'y a pas d'autres contacts après ça, on a une lettre qui nous dit...
M. Monastesse (Robert): Non, on vous appelle, on dit: Bon, tu es éligible. Parfait. Mais, après ça, c'est vous qu'il faut que... Je ne dis pas qu'ils n'appellent pas à l'occasion pour savoir comment ça va puis qu'est-ce que vous faites, mais, si, vous, vous ne donnez pas de nouvelles, là, pour dire: Écoutez, j'aurais besoin de traitements de ci, de ça, non, on n'a pas d'appel, c'est laissé comme ça.
M. Bédard: Parfait. Vous faites ressortir aussi le déséquilibre de moyens qui existe entre les individus et ceux contre qui se retrouvent des individus, finalement. Là, vous dites: Bon, c'est David contre Goliath, ce qui fait que plusieurs se désistent. Seriez-vous en faveur de créer, de rendre disponible pour ceux et celles qui se retrouvent devant les instances, particulièrement dans les cas peut-être ? il faut bien commencer quelque part, là ? peut-être dans le cas des victimes d'actes criminels, d'avoir des fonds qui permettent justement que des gens soient représentés?
M. Monastesse (Robert): RIVCO sera davantage un organisme de soutien, d'accompagnement, et nous aurons ? et c'est un projet qui m'est cher, d'avoir les ressources ? les meilleures ressources pour ces personnes-là en banque. Et les membres du Regroupement seront disponibles pour accompagner ces gens-là comme soutien et non pas comme experts. Mais des gens qui ont connu c'était quoi que de passer devant une commission de révision de la... bien, en fait, ce qui sera le futur tribunal, là... parce que, dans mon cas, comme je vous dis, les décisions ont été rendues ? à part le TAQ, et on verra. Toutes les autres personnes sont en attente de décisions ou le cas n'est pas réglé, alors on ne sait pas s'il y aura des contestations à ce moment-ci, là, mais on...
M. Bédard: Mais, au niveau légal, au niveau légal, est-ce que vous voyez un intérêt que vous ayez des représentants?
M. Monastesse (Robert): Bien oui, à un moment donné, ce sera nécessaire, oui.
M. Bédard: Sûrement, hein, pour préparer le dossier, pour...
M. Monastesse (Robert): Oui.
M. Bédard: Parce que, vous, vous avez... Bien, comme plusieurs, là, ceux qui sont en attente ont souvent moins de moyens, en plus, là.
M. Monastesse (Robert): Oui.
M. Bédard: Tu es en attente d'une décision. Donc, en plus d'être désavantagé au niveau des moyens, de la connaissance même du tribunal, on est désavantagé par rapport aux moyens qu'on a justement de pouvoir utiliser des ressources spécialisées dans le domaine, pas seulement des experts, pas seulement médicaux mais légaux aussi, parce que, évidemment, là, c'est important d'être bien représenté. Parce qu'il existe dans d'autres législatures des possibilités où les gens dans différents domaines, là, vont avoir des représentants soit payés par le... ou du gouvernement, à part, là, mais qui vont représenter... qui sont disponibles pour ceux et celles qui se retrouvent devant les tribunaux administratifs.
M. Monastesse (Robert): Si c'est la volonté...
M. Bédard: Est-ce que vous jugeriez que, pour vous, ce serait une avancée intéressante?
M. Monastesse (Robert): Ah oui! Et on se dirige vers ça dans les prochaines semaines, prochains mois, en déposant notre mission, là, au gouvernement, afin d'être reconnus officiellement.
M. Bédard: O.K. Vous, vous allez l'offrir comme organisme aussi?
M. Monastesse (Robert): Oui.
M. Bédard: C'est votre objectif?
M. Monastesse (Robert): Ah oui, oui! d'accompagner les gens. Même, on a proposé à la Sécurité publique... On est, je dirais, en pourparlers d'être considéré comme un premier intervenant dans un cas de la commission d'un acte criminel auprès d'une victime innocente, et il semble que, selon la Sûreté du Québec, ce serait une chose possible et peut-être très, très intéressante parce que, pour eux, des fois, ils ne sont pas capables de gérer une situation comme celle-là. Alors, nous, on pourrait accompagner la personne juste pour la sortir de son endroit et lui trouver une personne-ressource diplômée, un psychologue ou... mais on sera avec elle pour l'amener jusque-là et l'aider et la soutenir. C'est le but de RIVCO.
M. Bédard: Ça implique des fonds récurrents?
M. Monastesse (Robert): Oui.
M. Bédard: Et vous souhaitez aussi, même, comme vous me dites, au niveau légal aussi? Il y a le soutien psychologique, le soutien personnel, mais il y a aussi le soutien légal que vous souhaiteriez offrir?
M. Monastesse (Robert): Oui, éventuellement, parce que ce sera nécessaire.
M. Bédard: Parfait. Une dernière question. Vous faites une intéressante proposition sur l'inversement de la preuve. Vous êtes peut-être un des rares organismes qui existe... Vous savez, dans certains cas, par exemple, en cas de congédiement illégal ? c'est un domaine que je connais mieux ? lorsque, bon, la personne a perdu son emploi dans le délai x d'un événement y, on inverse la preuve. Donc, on considère que la personne a été congédiée illégalement. Donc, c'est à l'employeur à démontrer effectivement qu'il l'a congédiée pour une autre cause juste et suffisante. Dans votre cas, vous souhaitez... Est-ce que c'est strictement dans... Dans quels cas exactement vous souhaiteriez, vous, une inversion de la preuve?
M. Monastesse (Robert): Dans le cas des accidentés de la route, victimes d'actes criminels et accidentés du travail.
M. Bédard: Et ce qui voudrait dire dans ces cas-là que la personne est, au départ... que les événements qui sont arrivés évidemment sont liés... ou la déficience physique ou les conséquences sont liées aux événements qu'elle...
n(14 h 50)nM. Monastesse (Robert): Qu'elle a vécus, qui sont notés ou enregistrés à quelque endroit que ce soit, là: un corps policier dans le cas de l'IVAC. Et, la SAAQ, c'est la même chose. Cependant, j'ai une petite réserve par rapport à ça. Je pense que ce droit à... la question du fardeau de la preuve, je pense qu'il devrait être restreint à des personnes qui ne bénéficient pas d'un soutien légal comme les syndicats. Ce n'est pas une position antisyndicale, c'est que les personnes paient déjà des sommes pour obtenir ces services-là. Alors, je me dis: Bien, pourquoi aussi charger plus le gouvernement ou, en tout cas, l'État pour... Moi, je pense que ça doit s'adresser à des personnes qui sont plus démunies que d'autres et qui n'ont pas les moyens, d'aucune sorte, de se rendre jusque-là. C'était dans ce sens-là, l'inversion du fardeau de la preuve.
M. Bédard: Merci.
Le Président (M. Simard): Oui. Je passe la parole maintenant au député de Mercier.
M. Turp: Bien, je voudrais continuer là-dessus, je voudrais bien comprendre. Quel est le critère qui justifie un tel renversement de fardeau de la preuve? Vous nous avez énoncé un certain nombre de situations. Lequel des critères déterminants... Parce que, vous savez, c'est exceptionnel, un renversement de fardeau de la preuve. C'est surtout en matière pénale. Puis, même en matière pénale, parfois il y a des problèmes de conformité avec les chartes, là. C'est vrai qu'en matière du travail ça se produit, mais c'est exceptionnel. Alors, qu'est-ce qui fait que cette situation est exceptionnelle jusqu'au point où on devrait, en matière administrative, renverser le fardeau de la preuve?
M. Monastesse (Robert): Je pense notamment aux travailleurs autonomes qui n'ont pas ce genre de soutien là par un employeur ou un syndicat. La famille, l'ex-conjointe d'un homme... Parce qu'on a un cas comme ça. Son ex-mari a été abattu. C'est elle qui a la garde des enfants, et deux tiers des revenus sont à l'ex-conjointe, alors que les enfants n'ont qu'un tiers. Et elle, ça lui coûte des sommes folles pour se faire défendre dans une cause comme ça, puis elle travaille, et ce sont les seuls revenus qu'elle a. Elle, cette personne-là, aurait besoin d'aide grandement, grandement. Et c'était pour défendre ses enfants et non pas elle personnellement. Je pense à des cas comme ça. C'est des cas qu'on rencontre souvent, mais que, moi, je prétends que ces gens-là ne feront jamais cette bataille-là. Ils ne l'auront jamais faite.
Vous avez sûrement écouté La Facture hier. C'était un cas de la SAAQ. Je pense que, des cas comme ça, il y en a eu, il y en a eu beaucoup, puis ces gens-là ont dû payer cher pour avoir leur 84 000 $, quand on connaît les tarifs que ça coûte pour avoir un avocat, un expert, etc. Mais il y a des gens qui n'ont pas ces argents-là et ont un droit légitime de se faire entendre, et ils ont raison. La seule chose qui leur manque, c'est de l'argent pour arriver à faire valoir leur point. Alors, ce serait à l'organisme de dire: Bien, vous vous êtes trompé; on va attendre vos preuves.
M. Turp: Mais le renversement du fardeau de la preuve n'a pas comme conséquence que la personne qui doit répondre n'a pas besoin de services juridiques, de soutien juridique, et il me semble que votre préoccupation peut-être est une préoccupation à laquelle on doit répondre par un soutien, une aide juridique spéciale, peut-être exceptionnelle, plutôt que par le renversement du fardeau de la preuve, parce que l'argument que vous soumettez est un argument de nature financier. Et, là-dessus, peut-être que vous pourriez nous faire part de votre expérience ou de l'expérience de gens que vous représentez. Est-ce que les gens ne peuvent pas avoir d'aide juridique, ne sont pas soit admissible ou...
M. Monastesse (Robert): Dans mon cas, c'est arrivé. Je n'étais pas admissible à l'aide juridique parce que ma conjointe travaillait. Moi, j'étais sans revenu. Je n'étais pas éligible. Je me suis informé comment que cela coûterait pour me défendre à certains paliers, avec expertise médicale, avec la présence du médecin, le rapport... Au minimum, au bas mot, c'était 6 000 $, plus 10 % ou 15 % des sommes réclamées.
M. Turp: O.K. Alors, est-ce que la situation particulière des victimes du crime ou d'actes criminels justifierait, selon vous, un régime particulier d'aide juridique pour ces personnes?
M. Monastesse (Robert): Oui, parce que... Puis, en plus, pour la question de tantôt, pour revenir à la question aussi pour... Le post-traumatique, là, quand il vous frappe, il vous frappe dur, et on n'est pas en mesure de se défendre. Ça va pendant trois mois, quatre mois, on va fonctionner, puis après on va planter, et c'est insidieux, cette maladie-là, parce que ça devient une maladie. Comment on fait pour se défendre? Ça va, comme je vous ai dit... Ce mini-mémoire-là, j'ai travaillé quelques heures là-dessus pour en arriver à pondre ça, mais j'y ai pensé longtemps, je n'avais pas l'énergie à le faire. Vous comprenez?
Alors, si l'IVAC rend une décision défavorable et que je doive entreprendre toutes ces démarches-là... Je reçois une lettre en pleine face, j'ai un refus, je suis découragé. Je veux dire que, des fois, il y aurait des solutions beaucoup plus simples, hein, qu'on envisage. Je vous parle des gens qui ont subi un choc post-traumatique, de façon générale. Alors, je me dis: Pourquoi les frapper davantage avec des décisions, puis faire la preuve, puis tout ça? Alors, je pense qu'avec une aide financière et également donner à l'organisme ? comment je pourrais m'exprimer là-dessus? ? le devoir de présenter qu'elles ont raison et que, nous, nous avons tort, bien, ce serait plus facile, je pense, pour la victime de passer à travers ce phénomène-là que de s'engager dans la lutte.
M. Turp: Juste une dernière chose, M. le Président. Est-ce que c'est de l'aide juridique dont il est question et dont vous avez vraiment besoin ou de l'accompagnement dans la procédure devant les instances et éventuellement devant le tribunal? Parce qu'il existe des organismes... D'ailleurs, j'ai fait part au ministre d'un organisme qui a pignon sur rue dans ma circonscription, le CLSC du Plateau Mont-Royal, ça s'appelle Côté cour, un organisme extraordinaire qui accompagne les victimes de violence conjugale surtout. Et ils offrent un service d'accompagnement de ces personnes lorsqu'elles doivent aller à la cour, mais les prépare. Est-ce que c'est plutôt ça, ou c'est de l'aide juridique, ou c'est les deux dont vous auriez besoin?
M. Monastesse (Robert): Les deux. L'accompagnement, mais, ça, c'est seulement des organismes bénévoles qui pourront arriver à faire ce type d'accompagnement là. Mais, comme je vous dis, c'est aussi entre qu'est-ce qui se passe à partir du moment où vous recevez une lettre et que vous aurez à répondre à ça. On n'a aucun contact avec ces personnes-là, soit de l'IVAC ou... ne serait-ce que par des lettres. Et puis, quand il faut parler à ces gens-là, c'est nous qui les appellent; eux autres, ils ne nous parlent pas. Alors, moi, je trouve que ça peut désemparer une personne complètement.
Tu sais, le soutien, ce n'est pas juste lors de la comparution. C'est quand tu reçois la lettre, tu dis: Qu'est-ce que c'est que je vais faire? Qu'est-ce que c'est? Là, il faut que tu y penses, à ça. Comment je vais m'arranger? Alors, je me dis: Si les gens qui ont subi un choc post-traumatique n'avaient pas ce souci-là de devoir démontrer qu'ils ont raison, bien, je vous dirai que, des fois, ça pourrait aider au rétablissement, beaucoup, beaucoup. C'est entre les deux souvent aussi. Puis la disponibilité des gens, bien là on ne peut pas l'avoir à ce moment-là, puis c'est compréhensible.
M. Turp: Merci beaucoup.
M. Monastesse (Robert): Merci.
Le Président (M. Simard): Voilà. Alors, écoutez, je vous remercie infiniment, M. Monastesse, de votre présentation. Nous allons suspendre quelques instants, le temps pour Me André Brochu et les gens qui l'accompagnent de venir nous retrouver.
(Suspension de la séance à 14 h 58)
(Reprise à 15 heures)
Le Président (M. Simard): Me Brochu, vous qui êtes sous-ministre adjoint au ministère de la Justice, vous connaissez très bien ces commissions parlementaires. Je ne vous apprendrai pas comment ça fonctionne. Sachez simplement que votre nom fut souvent prononcé l'automne dernier et que nous sommes très heureux de vous entendre nous parler notamment de ce bilan de l'action de la Loi sur la justice administrative auquel vous vous êtes livré et que vous avez rendu public le printemps dernier. Alors, je vous cède la parole en vous invitant à nous présenter ceux qui vous accompagnent.
M. André Brochu
M. Brochu (André): Tout à fait. Mmes et MM. les députés, d'abord, avant la présentation, quelques mots pour préciser d'entrée de jeu que, contrairement aux autres intervenants, notre intervention portera non pas sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives, mais plutôt sur le contenu du Rapport sur la mise en oeuvre de la justice administrative. Ce rapport a été préparé en collaboration par plusieurs directions du ministère de la Justice. M'accompagnent donc aujourd'hui Me Guylaine Matte, Me Pierre Legendre, Me Michel Lessard et M. Pierre Drouin, à ma gauche.
Le Président (M. Simard): ...de voir la plupart d'entre eux régulièrement ici.
M. Brochu (André): Je tiens aussi à souligner que le présent rapport n'aurait pu être réalisé sans la collaboration étroite des ministères et organismes de l'administration gouvernementale, du Conseil de la justice administrative et de cinq organismes juridictionnels, soit la Commission des lésions professionnelles, la Commission d'accès à l'information, le Commissaire de l'industrie à la construction, la Commission municipale du Québec et le Tribunal administratif du Québec. Ils ont accepté de répondre à nos questions nombreuses et souvent pointues, et le ministère tient à les remercier.
En vertu de l'article 200 de la Loi sur la justice administrative, le ministre de la Justice devait, au plus tard le 1er avril 2003, faire au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de ladite loi et sur l'opportunité, le cas échéant, de la modifier. Ce rapport devait ensuite être déposé devant l'Assemblée nationale et, dans l'année suivant la date de ce dépôt, la commission compétente de cette dernière devait procéder à son étude.
La Loi sur la justice administrative a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité et la célérité, de même que l'accessibilité aux citoyens et le respect de leurs droits fondamentaux. Elle établit les règles de procédure menant à la prise de décision individuelle par un ministère ou un organisme gouvernemental selon que la décision est prise dans l'exercice d'une fonction administrative ou d'une fonction juridictionnelle. Elle a également institué le Tribunal administratif du Québec et le Conseil de la justice administrative.
Si la responsabilité de la loi relève du ministre de la Justice, son application quotidienne relève de tous les ministères et organismes qui prennent des décisions individuelles et constituent l'administration gouvernementale. Elle relève également des organismes de l'ordre administratif chargés de trancher les litiges opposant des administrés à une autorité administrative. 85 ministères et organismes sont visés par ces notions.
Une cueillette de données a été effectuée auprès des représentants de ces ministères et organismes afin de connaître les mesures et les mécanismes qu'ils ont mis en place pour assurer le respect des obligations prévues par la loi et favoriser l'atteinte de ces objectifs. La cueillette d'information s'est faite au moyen d'un questionnaire expédié à 77 d'entre eux. 43 ont complété le questionnaire. À cause de leur visibilité, de la clientèle visée, de l'importance de leurs décisions sur l'intérêt public et pour tenir compte de la diversité des activités, 20 d'entre eux ont eu à répondre à des questions additionnelles. Enfin, 34 ministères ou organismes ont déclaré ne pas rendre de décision au sens de l'article 2 de la loi.
Pour leur part, les organismes juridictionnels visés par l'article 9 de la loi ont reçu et répondu à un questionnaire différent.
Le ministère a ensuite procédé à l'analyse et à l'évaluation des résultats obtenus. Cette analyse a été faite sur la foi des renseignements reçus et n'a pas porté sur la qualité des décisions prises par ces ministères et ces organismes administratifs et juridictionnels. L'évaluation des résultats, sans porter sur la pertinence, l'efficience et l'économie des mesures et des mécanismes répertoriés, visait à évaluer si ces mesures et ces mécanismes avaient contribué à assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité à la justice administrative.
Le rapport a été présenté au gouvernement par l'envoi, le 31 mars dernier, de trois copies au secrétaire général et greffier du Conseil exécutif. Il fut déposé à l'Assemblée nationale le 19 juin 2003.
Le rapport sur la mise en oeuvre de la loi a permis de vérifier les mesures prises par les ministères et organismes pour se conformer aux exigences de la loi et pour poursuivre les objectifs qu'elle fixe, qui sont d'assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité, de même que le respect des droits fondamentaux des administrés.
De tels objectifs supposent que la justice administrative soit simple, peu coûteuse pour l'administré en temps, en énergie ainsi qu'en argent, et adaptée aux besoins des citoyens et à leur demande de justice. La loi est venue consacrer les principes juridiques fondamentaux qui doivent régir les rapports entre les citoyens et l'administration gouvernementale, soit, dans l'exercice d'une fonction administrative, le devoir de l'Administration d'agir équitablement, l'humanisme dans les communications avec le citoyen et, dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle, l'indépendance du tribunal, l'impartialité du décideur, la loyauté dans les débats et la cohérence dans les décisions.
Le premier des quatre grands titres du rapport porte sur la justice administrative, le devoir d'agir équitablement et l'exercice des fonctions administratives. Les ministères et organismes qui prennent des décisions individuelles dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions sont tenus par la loi d'agir équitablement à l'égard des administrés.
L'examen de la mise en oeuvre a permis de vérifier que les principes à la base de la Loi sur la justice administrative sont bien acceptés par les ministères et organismes dans l'exercice de leurs fonctions administratives. Il convient de souligner leurs efforts pour recentrer leurs services sur les besoins des citoyens, notamment par l'établissement de priorités et d'objectifs pour réviser leur façon de faire afin de tenir compte des exigences de la loi et des besoins identifiés auprès des administrés et, enfin, pour informer les citoyens non seulement sur leurs services, mais aussi sur les exigences à la base des décisions qu'ils doivent rendre.
Il faut noter de même les travaux faits pour simplifier les processus et le langage administratif pour assurer le respect du droit des personnes, pour améliorer la qualité des communications et pour décider dans des délais raisonnables. Les pratiques ne sont toutefois pas toujours optimales par rapport aux exigences fixées par la loi, et les réponses fournies permettent de constater qu'il demeure un certain flottement sur la portée de la loi.
Sur la base de ces constats, le rapport conclut à la nécessité de poser certains gestes pour une meilleure application de la loi. Ainsi, il apparaît que de l'information plus précise doit être donnée aux ministères et organismes pour clarifier la portée de l'application de la loi, notamment quant aux décisions qu'elle vise. De même, des analyses devraient être faites pour vérifier l'extension possible de la loi à des organismes considérés comme faisant partie de l'administration gouvernementale au sens de la Loi sur l'administration publique et non au sens de la Loi sur la justice administrative. Une meilleure connaissance de la loi devrait être favorisée, et les liens entre celle-ci et d'autres instruments comme la Loi sur l'administration publique et les valeurs de compétence, d'impartialité, d'intégrité, de loyauté et de respect qui sont celles de l'administration gouvernementale québécoise devraient être renforcées.
Dans les différents ministères et organismes, il conviendrait de poursuivre l'établissement de communications plus rapides et de qualité avec les citoyens, notamment par l'identification des agents chargés des dossiers. L'utilisation des technologies de l'information doit aussi être prise en considération lorsque le volume d'interventions le justifie. Des efforts sont encore à faire pour mieux respecter les délais de transmission des dossiers administratifs au tribunal lorsque... lors de la contestation d'une décision et pour mieux respecter les dispositions des articles 5 à 8 de la loi, notamment quant à la communication des intentions de l'Administration, des plaintes et des oppositions.
Il faut également, dans la poursuite des objectifs de la loi, accentuer le caractère administratif des processus des organismes de régulation agissant selon des critères d'intérêt public et évaluer le champ d'application possible des modes amiables de règlement des différends dans les matières administratives.
Les deuxième et troisième titres portent respectivement sur la justice administrative et l'exercice de fonctions juridictionnelles et sur le Tribunal administratif du Québec. Les organismes juridictionnels auprès desquels ont été recueillies des informations doivent poursuivre les mêmes objectifs d'accessibilité, de célérité et de qualité. Vu la nature de leurs fonctions, ils sont soumis à des exigences particulières d'impartialité. Ils doivent tenir des audiences publiques, favoriser la loyauté des débats, le rapprochement des parties. Leur décision doit satisfaire à l'exigence de clarté.
L'examen a donc porté sur le respect de ces obligations, mais également sur la gestion et le déroulement de leurs affaires quant aux priorités et objectifs qu'ils se sont fixés, aux délais de traitement de leurs dossiers, à la conduite des audiences, aux relations qu'ils entretiennent avec les administrés et au mode de contrôle de la qualité de leurs actions et leurs décisions.
n(15 h 10)n L'examen de la situation a démontré que les divers organismes juridictionnels pourraient tirer profit de certaines mesures que les uns ou les autres mettent en oeuvre à des degrés divers. Ainsi, ils pourraient avoir avantage à utiliser plus qu'ils ne le font aujourd'hui les conférences de gestion, les conférences préparatoires à l'audience ou les séances de conciliation, à reconnaître les accords intervenant en conciliation et à leur donner la force de leur décision.
Sur un plan plus administratif, certains organismes pourraient faire un plus grand usage des technologies de l'information pour donner accès aux administrés à l'information contenue dans leur dossier. Ils pourraient aussi veiller à fixer des objectifs de délai au regard de chacune des phases de traitement des dossiers et revoir leur politique sur les remises.
Les organismes devraient à tous égards maintenir l'accent sur la formation des membres, sur la qualité des décisions et sur les valeurs de la justice administrative. Il leur faudrait, en collaboration avec les autres organismes juridictionnels, mettre sur pied des mécanismes d'échange sur leurs différents problèmes, à titre d'exemple étudier des questions étroitement liées à l'atteinte des objectifs de la loi comme la situation des personnes agissant seules devant eux, celle de la nouvelle preuve présentée devant eux lorsqu'elle aurait dû l'être devant l'organisation gouvernementale chargée en première ligne de prendre les décisions ou encore celle de l'harmonisation de leurs règles déontologiques et de leurs règles de procédure.
Le Tribunal administratif du Québec est au coeur de la justice administrative. Il s'agit d'un organisme juridictionnel dont la compétence est étendue et variée. Il intervient, par ses sections, dans les affaires sociales, immobilières et économiques ainsi que dans les matières qui concernent le territoire et l'environnement. Il adhère aux principes à la base de la Loi sur la justice administrative et aux objectifs qui y sont inscrits.
Considérant la charge des dossiers dont il a hérité, le nombre d'affaires portées devant lui et ses ressources constantes, il était permis d'affirmer, ce que fait le rapport, que le tribunal était l'objet d'une gestion rigoureuse, même si des mesures additionnelles pouvaient être envisagées pour accentuer la poursuite des objectifs de la loi, notamment quant à la gestion des remises et de certains délais. Ainsi, il a été considéré que ce tribunal devait, en raison de sa spécificité et de son importance dans l'architecture du droit administratif, assumer un certain leadership dans le développement des valeurs communes et des mécanismes d'échange avec les autres organismes juridictionnels.
Dans la poursuite de l'objectif de célérité, il demeure que le constat a été fait que plusieurs délais ne sont pas respectés, dont celui de la transmission, par les ministères et organismes, de leurs dossiers administratifs. Ainsi, le rapport considérait que le tribunal devrait accentuer ses pressions auprès des ministères et organismes concernés pour qu'ils lui transmettent leurs dossiers dans le délai prévu et qu'ils établissent la liste des raisons de ces écarts, et aussi que le gouvernement devrait intervenir dans son Administration pour que cette obligation soit respectée.
De plus, les délais de mise en état des dossiers semblent également un problème important, comme l'indique le fort taux élevé des remises. Le rapport soulignait à cet égard que la règle nouvelle, qui remplace le délai de six mois dont l'article 128 demandait de favoriser le respect pour la tenue de l'audience, règle selon laquelle une affaire doit être prête à être entendue dans les 180 jours du dépôt de la requête introductive du recours, devrait permettre de pallier ces insuffisances. Il y était suggéré que le tribunal évalue la possibilité, pour favoriser le respect de la règle nouvelle sur le délai de mise en état et responsabiliser les parties, d'introduire des mesures comme le calendrier d'instance.
En matière d'accessibilité, le rapport indique que des améliorations pouvaient être apportées pour accentuer la convivialité, la souplesse et la simplicité des différents processus. Ainsi, le nombre de personnes qui ne sont pas représentées est relativement important. Et, au-delà du constat de la situation, il a été constaté que le tribunal n'avait pas envisagé avec ses membres des actions pour en permettre une meilleure gestion. Or, il est permis de penser qu'en matière de justice administrative ce phénomène ne se résorbera pas. Aussi, le rapport annonçait que le tribunal pourrait s'allier à d'autres organismes juridictionnels de l'ordre administratif pour l'étudier plus avant.
Sur le plan de l'information, le rapport soulignait que les administrés ont accès à l'information générale qui leur est nécessaire, puisque le tribunal publie plusieurs dépliants qu'il distribue à bon escient, donne beaucoup d'informations dans son site Web et assigne des préposés pour les informer et les assister dans leurs demandes. Cependant, outre ces moyens, il était souhaité que le tribunal envisage d'autres mesures pour se faire connaître davantage de manière à accroître sa notoriété et la confiance du public à son égard.
L'administré devrait pouvoir utiliser les technologies de l'information non seulement pour obtenir de l'information, mais également pour transiger avec le tribunal, présenter sa demande et consulter son dossier. Il s'agit là d'un moyen efficace et efficient en matière d'accessibilité que, selon le rapport, le tribunal devrait considérer offrir si son cadre budgétaire et technologique le permet. L'utilisation de la vidéoconférence constitue également un moyen pour favoriser l'accessibilité. Le tribunal semble en faire déjà un bon usage, mais il ne semble pas qu'il en ait exploré toutes les disponibilités.
Enfin, le quatrième titre porte sur le Conseil de la justice administrative. Le Conseil a pour mission essentielle d'assurer le lien de confiance des administrés envers la justice administrative en leur offrant un lieu où faire valoir leurs attentes en cette matière et pour y porter leurs insatisfactions en cas de manquement des acteurs juridictionnels. Il est le gardien de la déontologie du Tribunal administratif du Québec et de ses membres. Il peut recevoir et examiner des plaintes formulées contre d'autres organismes juridictionnels et leurs membres.
Le rapport a constaté que le Conseil a dû faire face à certaines difficultés de fonctionnement dans les dernières années. Des modifications importantes apportées dans la composition du Conseil ont, semble-t-il, perturbé son fonctionnement. Le retard pris dans le traitement des plaintes aurait pu risquer de compromettre l'atteinte de l'objectif de célérité pour l'exercice 2002-2003. Le Conseil disait cependant avoir pris les mesures nécessaires pour qu'il en soit autrement, de sorte qu'à la fin de cet exercice l'examen de la recevabilité de toutes les plaintes aura été fait.
L'article 177 prévoit que le Conseil donne «son avis au président du Tribunal ? administratif du Québec ? sur l'efficacité des règles d'application adoptées par le tribunal en matière de procédure, sur l'harmonisation de celles applicables devant chaque section et sur les projets de règlement qui lui sont soumis». Compte tenu de leur importance quant à l'atteinte des objectifs de qualité, de célérité et d'accessibilité à la justice administrative, le rapport convient que le Conseil doit procéder à l'analyse des règles en vigueur et donner son avis. Cette mission devrait d'ailleurs s'étendre non seulement au Tribunal administratif, mais également aux autres tribunaux qui participent aux activités du Conseil.
Le rapport considérait que le Conseil de la justice administrative devait devenir un animateur de la justice administrative. Il pourrait alors entreprendre, en collaboration avec ses membres et les organismes juridictionnels, des analyses sur la procédure des organismes qui y sont représentés et effectuer des travaux pour en favoriser l'harmonisation. Il pourrait également animer des tables d'échange entre ces organismes et participer à certaines formations, surtout en matière déontologique. À cet égard, le rapport considérait qu'il fallait que le Conseil ne soit plus partie à l'adoption du code de déontologie applicable aux membres du Tribunal administratif, mais qu'il lui soit attribué un rôle de conseil au gouvernement à l'égard de la déontologie et de tous les organismes soumis à sa compétence déontologique.
Les constats qui se dégagent de cet examen sont positifs. Les principes de la loi et ses objectifs sont acceptés de tous. Quoique les mesures de mise en oeuvre prises et les mécanismes mis en place par les différents ministères et organismes varient, la conclusion s'impose que des efforts importants ont été faits et que la mise en oeuvre de la loi a permis de mieux servir les administrés, citoyens et entreprises. Elle a permis d'améliorer les communications avec les administrés et a mis l'accent sur la nécessité d'accroître la célérité des processus de décision et sur les attentes de qualité à tous les niveaux du processus décisionnel. Le rapport propose des correctifs et des améliorations, souvent de nature purement administrative, afin de mieux poursuivre l'atteinte des objectifs fixés par la Loi sur la justice administrative.
M. le Président, MM. les députés, merci de votre attention. Nous demeurons à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Brochu. J'invite le ministre à vous poser les premières questions.
M. Bellemare: Merci beaucoup, Me Brochu, Me Legendre, Me Lessard, Me Matte aussi, M. Drouin, pour votre présence ici. Je comprends que vous avez tous et toutes collaboré à la rédaction, à la conception du rapport en question, et ma première question ira à la question des délais ou de la méthodologie davantage.
n(15 h 20)n Vous dites que vous avez obtenu des chiffres de la part de différents organismes publics, et je sais que, par expérience, quand on demande des chiffres à l'Administration, ce n'est peut-être pas la même situation où vous étiez, mais on reçoit des données qui ne sont pas toujours vérifiées. Et je rappelais, j'indiquais il n'y a pas très longtemps aux membres de la commission que, il y a quelques années, comme avocat, j'avais demandé des statistiques de délai de révision à la Société de l'assurance automobile en demandant les délais de révision, et on m'avait répondu quelques mois d'attente, ce qui était à l'opposé de la réalité. En ce qui me concernait, du moins, il y avait des délais beaucoup plus longs dans les dossiers où j'occupais. Et j'avais insisté auprès de l'organisme pour obtenir les véritables délais de révision, puis on m'avait expliqué à ce moment-là que, une fois qu'une contestation était logée par un accidenté de la route, il y avait une étape qui s'appelait l'agent de liaison, qui n'était pas prévue à la loi, et qui prenait au moins autant de temps ou autant de délai que l'étape de révision, à proprement parler. Alors, on m'avait donné des chiffres qui, en apparence, étaient le reflet de la réalité, mais, à fouiller un peu plus, on avait la réponse et on savait que les délais étaient en réalité de 305 jours d'attente en révision seulement. Ça, c'était en 2002.
Alors, ma question est d'ordre méthodologique. Vous avez demandé aux organismes des données sur les délais, de multiples délais. Est-ce que vous avez prévu une quelconque méthode pour vérifier les chiffres? Pas comme le fait le Vérificateur général, mais avez-vous envoyé des gens pour vous assurer que les délais qu'on vous donnait reflétaient véritablement la réalité sur le terrain?
M. Brochu (André): D'abord, je dois dire que, oui, effectivement, dans notre cueillette d'information, qui a pris sûrement un deux à trois mois, là, du processus, là, d'abord pour confectionner, d'abord pour s'interroger comment on allait cueillir, auprès de 85 organismes, ministères et organismes et juridictionnels, de l'information, on a choisi d'y aller via un questionnaire effectivement. Et, dans ces... Il y en a... On en a confectionné deux: un questionnaire général d'une trentaine de questions qui sont en annexe au rapport, et un questionnaire abrégé qui a été adressé d'abord aux ministères et organismes de l'ordre administratif, et puis un questionnaire spécifique aux juridictionnels, à ceux qui exerçaient des compétences juridictionnelles.
Et, dans ces questionnaires-là, effectivement, on a posé des questions quant aux délais. Je dois vous dire que ce que nous avons reçu, d'une part, de la part des ministères et organismes... on a reçu peu d'information sur les délais. C'est la raison pour laquelle, si vous allez dans le rapport, dans la section qui en traite, vous allez voir beaucoup plus de mots que de chiffres. Donc, on en a tiré nos conclusions. C'est que les ministères et les organismes pour la plupart n'étaient pas rendus, cinq ans après l'implantation de la loi, à computer de façon précise, n'avaient pas mis les moyens en place pour computer ces délais-là.
Par ailleurs, on s'est bien rendu compte aussi que les délais étaient à améliorer. Et, une façon de les améliorer, et on le dit dans le rapport: il faudrait commencer d'abord par s'en donner, se commettre face au public, soit dans la déclaration de services aux citoyens soit dans les planifications stratégiques, sur certains délais et après se donner les moyens de les computer.
Concernant là où on en a reçu, on en a reçu un peu plus des juridictionnels, notamment du Tribunal administratif du Québec qui, lui, d'ailleurs... Si vous allez encore au rapport, page 80 et suivantes, vous allez voir que, sur la quinzaine de tableaux que nous avons, il y en a plus de la moitié qui ont pu être montés à partir des chiffres que nous avons reçus du Tribunal administratif. Et, effectivement, on n'a pas fait de vérification autre que celle, lorsqu'on s'apercevait, par exemple, que, des rapports annuels du Tribunal administratif, il y avait une anomalie entre les chiffres qu'on nous donnait et les chiffres qui apparaissaient dans le rapport annuel, de téléphoner.
Et, en ce qui concerne le Tribunal administratif, on doit dire que nous nous sommes aussi rendus sur place à une occasion, mais ça n'a pas été une vérification plus pointue que celle-là. En d'autres termes, on a pris les chiffres, là, comme ils nous les donnaient, et les délais nous apparaissaient longs. D'ailleurs, on l'a mentionné, je l'ai mentionné dans mon discours d'introduction, il y a amélioration... entre autres, chez ce juridictionnel-là, il y a place à amélioration des délais. Certaines causes sont identifiées; on pourra y revenir plus tard.
M. Bellemare: Vous avez consulté plusieurs organismes publics, la totalité des organismes publics qui ont, de près ou de loin, un rôle avec la justice administrative. Le mandat qui vous est confié de par la loi, de ce que j'en lis au tout début de votre exposé, consiste à faire rapport et à recommander, à la limite, des mesures législatives destinées à améliorer la justice administrative. Une façon de bien mesurer la justesse des informations qui sont fournies...
Loin de moi l'idée de douter de la bonne foi, évidemment, des organismes, mais ce sont des organismes publics qui gèrent des fonds publics et qui fournissent des données, bien sûr, qui sont de nature à établir qu'elles font un bon travail en général. Et une façon de mesurer la justesse, c'est d'aller voir dans le public, dans la population, auprès des partenaires comme tous ceux qu'on entend ici depuis le 13 janvier, des groupes sociaux, le Protecteur du citoyen, la Commission des services juridiques, les organismes qui représentent les différentes catégories de citoyens et de victimes qui, eux, elles, vivent sur le terrain des réalités de délai. Je parle des délais surtout.
Et j'ai posé la question la semaine dernière, je crois, à un organisme et même à un avocat. Hier, c'était Me Mercure, je crois, je lui ai demandé: Chez vous, ça ressemble à quoi, les délais, Me Mercure? On a, nous, des indications comme quoi les délais, c'est à peu près ça. Ça ressemble à quoi chez vous? Puis ce plaideur d'expérience, qui est venu également ici au mois de septembre, qui pratique en matière d'indemnisation, nous dit: Bien, c'est un an, un an et demi.
Alors, est-ce que vous avez mesuré également la question des délais par rapport à ce qui se vit sur le terrain ou vous avez pris uniquement les délais que les organismes vous donnaient? Êtes-vous allés voir sur le terrain qu'est-ce que vous disaient les gens qui, eux, reçoivent les décisions pour savoir à peu près quelle est l'importance des délais qu'ils vivent?
M. Brochu (André): Non. On n'est pas... On n'a pas... Nous ne sommes pas allés voir sur le terrain, comme vous dites, là. Remarquez que nous nous sommes posé la question en début de mandat. Et, compte tenu du délai, on était à neuf mois de la date lorsqu'on a reçu le rapport du ministre de la Justice demandant de confectionner ce rapport-là... On était environ à neuf mois de la date où il devait être déposé au gouvernement et, considérant ce facteur de temps là et considérant aussi les moyens qu'on mettait à notre disposition, nous avons décidé de ne pas aller directement sonder, si je peux m'exprimer ainsi, les administrés.
Par ailleurs, on a introduit ? on l'a fait indirectement, et ça vaut ce que ça vaut ? on a introduit une question dans les questionnaires auxquels je faisais référence il y a quelques instants, à savoir si, eux, ces ministères, organismes et juridictionnels-là testaient, avaient des moyens de prendre le pouls des administrés qui se présentaient devant eux soit pour obtenir une décision ou soit pour qu'une décision soit... qu'un litige soit tranché. Non, nous ne sommes pas allés directement.
M. Bellemare: Je retrouve la disposition. Vous la citez, en partie du moins, à la page 3 de votre mémoire, l'article 200 de la Loi sur la justice administrative qui amène le ministre à soumettre un rapport sur l'état de la justice administrative au Québec, donc un rapport sur la mise en oeuvre de ladite loi, et je cite: «...et sur l'opportunité, le cas échéant, de la modifier.» C'est l'article 200.
Donc, votre mission consiste non seulement à analyser, à scruter, à étudier, mais également à recommander des amendements à la loi. Vous avez dit, au terme de votre exposé, que les recommandations que vous avez faites étaient d'ordre strictement administratif. O.K. Bien, en tout cas, j'ai cru comprendre que c'étaient vos recommandations.
Maintenant, nous avons entendu des groupes depuis une semaine. Il y a une certaine... certains points, certaines dominantes dans les recommandations du projet de loi n° 35, notamment l'indépendance des décideurs et la régionalisation du TAQ. C'est déjà fait à la CLP. Et j'ai cru noter un engouement certain et beaucoup d'enthousiasme de la part de toutes les personnes qui sont venues ici, sauf peut-être le RIVCO, qui vous a précédé, qui n'a pas parlé de la question de la bonne conduite. Mais j'ai cru noter beaucoup, beaucoup d'intérêt chez tous les groupes sociaux, conférences de juges, syndicats sur la question de l'indépendance. Donc, on allait plus loin au chapitre de l'indépendance. Il n'y a pas de recommandation à cet effet-là dans votre rapport.
n(15 h 30)n La régionalisation du TAQ. Vous nous avez parlé d'humanisme, d'accessibilité tantôt. Il y a également beaucoup, beaucoup d'intérêt face à l'idée de régionaliser les opérations du TAQ. Le TAQ a comme auteur la Commission des affaires sociales, qui existe depuis 1975. Ça fait 28 ans ? septembre 1975, la CAS était créée ? 28 ans au Québec qu'on a un tribunal administratif avec encore, après 28 ans, des juges voyageurs qui circulent, qui sillonnent le Québec, mais qui n'ont aucune attache à part Québec et Montréal. On ne retrouve pas non plus dans les recommandations l'idée de régionaliser le fonctionnement du Tribunal administratif du Québec.
La bonne conduite et la régionalisation, donc deux points forts du projet de loi, et j'aimerais savoir s'il y a des raisons particulières qui expliquent le fait qu'il n'en soit pas question dans le rapport sur la mise en oeuvre quant aux opportunités de modifier la loi.
M. Brochu (André): Oui, indépendance et régionalisation. D'abord, sur l'indépendance ? et ça va vous éclairer un peu sur la méthodologie, là ? on en traite, mais sans en faire une recommandation, en cela, en ce sens qu'on n'a pas estimé qu'on devait être critique lorsqu'il y avait... à notre point de vue, que la question avait été, notamment dans le cas de l'indépendance, tranchée par la Cour d'appel. Alors, ce que l'on rapporte dans ledit rapport, c'est que finalement la question de l'indépendance, de l'impartialité des tribunaux administratifs, notamment du TAQ, avait été tranchée par la Cour d'appel. On en fait état sur quelques pages, mais on n'a pas poussé plus loin, à savoir si on ne pourrait pas faire mieux, si cette indépendance-là ne pourrait pas être mieux campée. Alors, c'est la raison pour laquelle il n'y a pas eu de recommandation.
Quant à la régionalisation, on en traite aussi, mais sur une base de données factuelles. Notamment à la page 100, puisque vous référiez beaucoup au TAQ, on a un tableau statistique où on a compris finalement de la cueillette de données que l'on a faite, que le TAQ nous a dit qu'il avait ses deux bureaux à Québec et à Montréal, qu'il n'avait pas de bureaux, contrairement à la CLP, en région, mais qu'il se déplaçait en région, et il nous a fourni des statistiques que nous avons... Dans le même état d'esprit dont on parlait tout à l'heure, là, nous ne nous sommes pas déplacés en région pour aller voir si effectivement ils s'étaient, eux, rendus siéger. On les a pris comme véridiques, là, d'autant plus qu'on pouvait les corroborer par leur rapport annuel. On a fait état, là, de leur présence en région, à l'effet qu'ils se déplaçaient.
Concernant la CAI, par exemple, pour prendre un autre juridictionnel, l'information qu'on a recueillie nous a permis de dire et de croire que la CAI se déplaçait dans les palais de justice pour aller entendre. Donc, par rapport à cet état de situation là, le rapport fait des recommandations générales, dit que c'est une façon de faire qui doit être continuée et bonifiée. Et le rapport notamment cite les technologies de l'information et notamment la vidéoconférence. Mais il n'y a pas de recommandations plus pointues, vous avez raison.
Le Président (M. Simard): M. le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Merci, M. le Président. Alors, Me Brochu, madame, messieurs, merci. Je réfère à votre mémoire, au document que vous avez déposé et auquel vous avez fait référence.
J'ai situé cinq constats que je me permettrai de vous citer.
Le premier, c'est: «Dans la même ligne de pensée et dans la poursuite de l'objectif de célérité, il demeure que le constat a été fait que plusieurs délais ne sont pas respectés, dont celui de la transmission par les ministères et organismes de leurs dossiers administratifs.» C'est à la page 10.
À la page 11, vous mentionnez: «...un problème important comme l'indique le taux fort élevé des remises.» Toujours à la page 11: «En matière d'accessibilité, le rapport indique que des améliorations pouvaient être apportées pour accentuer la convivialité, la souplesse et la simplicité dans les différents processus.» Fin de la page 11: «...il était souhaité que le tribunal envisage d'autres mesures pour se faire connaître davantage, de manière à accroître sa notoriété et la confiance du public à son égard.» Finalement, à la page 12: «L'administré devrait pouvoir utiliser les technologies de l'information non seulement pour obtenir de l'information, mais également pour transiger avec le tribunal...» Bon.
Avant d'arriver au cinquième constat, est-ce que j'ai raison de penser que la régionalisation peut très bien répondre aux quatre premiers constats qui sont mentionnés? C'est-à-dire, est-ce que ce n'est pas là un indice que la régionalisation s'avérerait nécessaire pour améliorer ces quatre points-là avant de passer à la solution qui serait d'utiliser les technologies de l'information?
M. Brochu (André): ...on pourrait me répéter les quatre, parce que j'essayais de... Puis j'ai vu que vous vous inspiriez du discours, alors je cherchais dans le rapport. Je trouvais que ça venait tôt dans le rapport, à la page 11, là, mais...
M. Gabias: D'accord. Alors, page 10, dernier paragraphe.
M. Brochu (André): Oui. Alors, vous dites... à ce moment-là, c'est la question de la transmission des dossiers par les organismes.
M. Gabias: Les délais, c'est ça. Page 11, le second paragraphe, au tout début, là. Alors: «...un problème important comme l'indique le taux fort élevé des remises.» Alors, je comprends qu'il y a un fort taux de remises.
M. Brochu (André): Oui.
M. Gabias: Troisième paragraphe, en matière d'accessibilité, alors: «...accentuer la convivialité, la souplesse et la simplicité dans les différents processus.» Et finalement, la fin du dernier paragraphe de la page 11: «...il était souhaité que le tribunal envisage d'autres mesures pour se faire connaître davantage...» Alors, est-ce qu'on n'a pas dans la régionalisation une réponse, en tout cas, peut-être pas en totalité, mais en bonne partie, à ces constats-là?
M. Brochu (André): Écoutez, en bonne partie, je serais porté à répondre oui à votre question, notamment sur trois des constats, celui des remises. Je pense qu'une présence en région, un greffe en région, des parties en région effectivement risquerait d'être plus près, ou enfin les moyens pour qu'il le soit seraient plus à leur portée.
En ce qui concerne la connaissance, le dernier, bon, effectivement, s'il y a une présence en région d'un Tribunal administratif, c'est bien évident que ça va... ça ne peut pas faire autrement que bonifier sa connaissance par les gens du milieu.
Il y a peut-être sur la transmission, là, le premier constat que vous avez fait, là, sur la transmission par le ministère ou l'organisme qui a pris la première décision. Je ne sais pas si le fait d'être présent en région, ça aiderait. Si la décision a été tranchée à Québec et finalement c'est pour un administré du Bas-du-Fleuve, je ne suis pas certain, là, que ce serait la régionalisation qui réglerait ce problème-là. Mais, pour répondre à votre question telle que posée, en partie, je répondrais oui.
M. Gabias: Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard): Merci. Nous allons passer maintenant à l'opposition officielle et inviter le député de Chicoutimi à poser la première question.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je remercie Me Brochu, Mme Matte, M. Drouin, M. Legendre et M. Lessard. Je vous remercie d'être présents aujourd'hui, de nous faire part des constats. Et je vous avouerais que je tenais personnellement à... Étant donné que nous étions dans l'étude du projet de loi n° 35 qui était plus global, là, sur la justice administrative, je trouvais important qu'on ait au moins une présentation de votre part de l'important rapport que vous avez déposé au mois de juin, au mois de mai plutôt, et sur... que j'ai eu le plaisir de lire, là, à plusieurs reprises, de fond en comble, et qui fait un constat intéressant, très précis sur la justice administrative en termes de délais et à tous niveaux, je vous dirais, là, sur les améliorations à être apportées à cette justice.
On aura eu l'occasion d'ailleurs de citer à de nombreuses reprises certains éléments de votre rapport lors de l'étude du projet de loi n° 4, parce que je trouvais important de rappeler certains des principes sur lesquels vous... que vous avez étudiés... plutôt que vous avez valorisés à travers votre rapport, entre autres, je vous dirais, celui de la multidisciplinarité.
Et nous avons eu une ouverture de la part du ministre pendant la présente commission. Je comprends que votre mandat n'est pas de parler du projet de loi actuel, du projet de loi n° 35, ni des amendements éventuels qui pourraient être apportés, mais vous vous faites des ardents défenseurs, comme plusieurs autres d'ailleurs, spécialistes en droit administratif, relativement à la spécialisation du tribunal, par le fait que d'autres membres du tribunal, issus de d'autres professions, puissent participer aux décisions, pas simplement à titre d'assesseurs mais, dans ce cas-ci, à titre de membres du tribunal. Et vous favorisiez aussi la présence de deux membres quand c'était utile.
n(15 h 40)n Qu'est-ce qui est, selon vous, le meilleur argument justement pour maintenir et même, et vous le dites même dans votre rapport, pour accentuer la multidisciplinarité du tribunal?
M. Brochu (André): Effectivement, nous, dans notre cueillette d'information, nous avons reçu de l'information que nous devions interpréter comme étant un plaidoyer en faveur... de la part, évidemment, je dis bien, de la part des répondants juridictionnels, comme étant un véritable plaidoyer en faveur de la multidisciplinarité. J'attribuerais cela au fait que c'est une façon d'assurer la spécificité d'un tribunal administratif. Cependant... Et là le rapport effectivement va dans... ne contredit pas ça, au contraire, il y va d'une phrase à l'effet que ça doit être... ça doit demeurer et ça devrait être encouragé. Mais le rapport spécifie bien aussi que ça peut être encouragé aussi non pas uniquement par... dans la composition du banc.
Multidisciplinarité, évidemment... Présentement, ce que l'on voit, si on analyse les tribunaux, là, ceux qui sont présentement multidisciplinaires, ils le sont... ce qui nous saute aux yeux, c'est par la formation du banc. Au TAQ, nous sommes en présence de deux décideurs; à la CLP, nous sommes en présence d'un décideur et d'assesseurs. Et, bon, évidemment, une fois qu'on a dit ça, on peut penser que la multidisciplinarité est atteinte. Ce n'est pas notre prétention, et on pense que les tribunaux doivent être multidisciplinaires, mais ils peuvent l'être aussi d'autres façons: dans leur approche; ils peuvent l'être aussi dans leur manière de développer une culture qui leur soit propre, dans la mobilité des membres, par exemple; ils peuvent l'être aussi dans une ouverture à une approche. Tout est une question, selon nous, d'ouverture à cette approche multidisciplinaire là et à l'utilisation des moyens que nous laissons à ceux qui ont à prendre les décisions pour assurer la multidisciplinarité de choisir.
M. Bédard: Parfait. Sur un des aspects ? le ministre a abordé la question de l'indépendance ? vous ne faites pas de recommandation effectivement, parce que, bon, il y avait même eu, suite à la décision de la Cour d'appel, il y avait même eu des modifications à la loi de façon à assurer, au niveau légal, au niveau constitutionnel, cette indépendance. Vous dites à ce moment-ci: La mise... Maintenant, ce qu'on dit, c'est selon bonne conduite.
Et nous avons eu ? vous êtes juriste ? nous avons eu hier des représentations de juristes réputés dans le domaine du droit administratif qui nous disaient que cela pourrait entraîner peut-être d'autres problématiques au niveau constitutionnel, le fait de tranquillement mais sûrement créer un... de donner un statut particulier de juge, jusqu'à aller à celui de juge, qui pourrait être assimilé au rôle de juge tel que défini par la Constitution. Est-ce que cette question a déjà été ? et, entre autres, c'est Me France Houle qui nous a fait part de ses questionnements, de ses craintes ? est-ce que cette question a déjà été étudiée de votre part?
M. Brochu (André): Non, pas de ma part. Pas dans l'exercice que j'ai eu à coordonner pour confectionner ce rapport-là. Nous n'avons pas étudié cette question-là de façon aussi pointue. Encore une fois, c'est que, lorsqu'on a eu à opiner sur... ou à écrire des lignes sur ce sujet-là, nous avons pris acte que la Cour d'appel et le projet de loi n° 70, à ce moment-là, si ma mémoire est fidèle, là, qui donnait suite à certaines recommandations de la Cour d'appel, nous avons pris acte que la question de l'indépendance était réglée, et nous ne nous sommes pas posé de questions sur les autres aspects.
M. Bédard: Vous conviendrez avec moi que cette question mérite par contre d'être regardée, parce qu'elle pourrait être de nature peut-être même à faire invalider le tribunal. Un plaideur pourrait plaider l'inconstitutionnalité. Est-ce que vous pensez que cette question... Et, même, j'avais un de mes collègues qui disait: Peut-être que nous devrions même le proposer, de faire un renvoi à la Cour d'appel pour voir effectivement quelles seraient les conséquences d'aller plus loin dans cette indépendance judiciaire des juges administratifs. Est-ce que vous pensez que cette question mérite d'être étudiée?
M. Brochu (André): Bien, écoutez, j'aimerais bien répondre au député et paraître très, très, très savant, mais je dois bien... je dois vous confesser que ça dépasse un peu mon champ de compétence. Mais je suis convaincu, connaissant les gens, les spécialistes du ministère qui entourent le ministre sur cette question-là, je présume que tout sera pensé, tout sera évalué.
M. Bédard: Une belle confiance. On est plus prudents.
Sur les délais, et sans vouloir non plus vous mettre dans une position difficile ? ce n'est pas mon but, vous comprendrez ? le ministre faisait part de ses impressions lors du projet de loi n° 4. Je vous avouerais que nous avions des attitudes assez tranchées par rapport à certains questionnements. Ce qui peut être des fois de la nature de l'impression ne se vérifie pas en statistiques. Et je donne en exemple que, nous, même comme députés, si on se fiait à nos réseaux par rapport aux gens que nous recevons dans nos bureaux, nous en conclurions que tout le réseau est à mettre à la poubelle parce que ce que nous recevons en grande majorité, ce sont ceux et celles qui se plaignent, et c'est normal, comme la police pourrait conclure que toute la société est complètement, je vous dirais, déphasée, parce que, évidemment, il est rare que les gens vont voir les policiers en leur souhaitant une bonne journée.
Et les avocats, c'est un peu la même chose, rares sont ceux qui vont voir les avocats et payer 150 $ tout simplement pour s'entretenir de leur santé, et c'est normal. Donc, il faut se méfier, c'est ce que je disais à l'époque et ce que je dis à nouveau, des impressions que notre réalité ? et moi-même que je vis aussi comme député, comme politicien, comme praticien ? peut nous amener à tirer comme conclusion sur la réalité des choses.
Dans votre rapport, vous arrivez avec des statistiques très claires quant aux délais. Sans vouloir y revenir, il reste que, dans l'ensemble, je tire le constat que, dans les dernières années ? et c'est un peu ce que faisait état votre... pas un peu, c'est tout ce que faisait assurément votre rapport ? bon, il y a eu un inventaire qui a été transféré au tribunal et que tranquillement cet inventaire se liquidait parce qu'il y avait plus de dossiers qui se fermaient qu'il ne s'en ouvrait, donc, autrement dit, que le tribunal fonctionnait bien parce que, en une année, il réglait plus de dossiers qu'il n'en recevait. Donc, c'est une certaine preuve de célérité, mais aussi que les délais avaient tendance à s'amenuiser, plutôt à se raccourcir. Et là je prends pour exemple dans le domaine de l'évaluation, dans le domaine de... dans différents domaines. Dans le domaine des affaires sociales, il semblait y avoir des noyaux un peu plus durs, et c'était, je vous dirais, plus particulièrement à l'assurance automobile où nous voyions quand même le maintien de délais assez importants.
Avez-vous creusé un peu plus cette question qui pourrait justifier, ou ne pas justifier, ou même trouver injustifiable que, dans un... dans des domaines plus précis, il semble que des délais persistent, alors que les moyens sont mis à la disposition pour justement les éviter ou les amenuiser? Est-ce que cette question a été abordée ou vous êtes allé un peu plus loin dans la rédaction de votre rapport?
M. Brochu (André): Écoutez, sous réserve de ce que mes collaborateurs pourraient ajouter, là, puisque votre question est un peu pointue, je vous dirais que, non, on n'a pas creusé de façon... parce que l'information qu'on nous a fournie ne nous permettait pas au-delà, par exemple, de constater qu'il y avait une... que les délais étaient ? justement à la section des affaires sociales, comme vous l'avez mentionné, et peut-être à une autre section ? longs, de constater que la longueur de ces délais-là était, entre autres, due par le temps que mettait souvent l'organisme qui avait pris la décision à transmettre le dossier au tribunal.
Aussi, un autre facteur de délai que l'on a pu constater, encore une fois sur l'information qu'on nous a donnée, c'est que finalement il y avait de nombreuses remises. Alors, ce n'est pas pour accélérer les décisions. On s'est rendu compte aussi, de façon un petit peu plus pointue, dans la gestion, par exemple, que finalement les organismes ne contrôlaient pas chaque étape. Ils essayaient peut-être de prendre la bouchée trop grande, en ce sens qu'on essayait de contrôler le délai de l'arrivée de la requête et la décision, alors qu'il y a plusieurs étapes dans leur processus, et ils n'avaient pas les moyens de contrôler les délais par rapport à chacune de ces étapes-là.
n(15 h 50)n Alors, à la faveur de ces trois critères-là, le temps que met le décideur à envoyer son dossier au tribunal, les nombreuses remises, lorsque, bon, tout est prêt, le tribunal est prêt pour entendre, mais là c'est les parties, les témoins, qui ne le sont plus, le tribunal lui-même qui, bon, peut-être ne met pas... ne mettait pas tout l'effort qu'il fallait sur chacune des étapes, on en avait assez, nous, pour dire qu'il y avait place à amélioration, là.
M. Bédard: Est-ce que le fait... En 2000? En 2001? En 2002, oui, il y a eu certaines modifications qui ont été apportées, entre autres, l'ajout du délai de 180 jours. Est-ce que ce délai, l'ajout de ce délai, a eu un impact positif ? positif évidemment dans le sens des administrés ? dans les décisions rendues et dans les attentes... ou plutôt dans les prises de décision des dossiers devant le TAQ?
M. Brochu (André): On me corrigera, mais je pense que cette nouvelle règle là, oui, on la retrouve dans la loi, mais elle n'est pas encore en vigueur. Sous toutes réserves, c'est un... On a introduit ça par le projet de loi n° 70, et je pense qu'elle n'est pas encore en vigueur. Donc, on n'a pas pu... Je serais assez embarrassé de vous dire si elle a des impacts.
M. Bédard: O.K.
Le Président (M. Simard): Oui. Juste avant de passer la parole au député de Dubuc, pour compléter peut-être la question du député de Chicoutimi, la Loi de l'administration publique ? vous y faites allusion dans votre rapport ? fait obligation aux ministères et organismes de faire... de présenter dans leurs déclarations de services aux citoyens les délais d'attente. Vous les avez observés, vous avez fait le tour de ces délais annoncés, en tout cas, des engagements pris par les ministères et organismes, est-ce qu'ils atteignent leurs objectifs?
M. Brochu (André): D'abord, je vous dirai que plusieurs organismes ne se commettent pas dans leurs déclarations de services aux citoyens sur les délais. D'ailleurs, c'est une des choses que l'on... c'est une des façons, là, que l'on recommande. Pour travailler... raccourcir des délais, encore faudrait-il s'en donner de façon très claire, nette et précise, et, si possible, dans une déclaration de services aux citoyens, pour recevoir la pression qu'une telle déclaration peut avoir sur une organisation.
Donc, on a constaté que, non, il n'y avait pas... les ministères n'osaient pas encore et les juridictionnels, là, probablement parce que conscients qu'ils n'avaient peut-être pas encore tous les moyens pour raccourcir, là, comme les administrés pourraient le souhaiter, les délais, ne se commettaient pas encore publiquement.
Le Président (M. Simard): Je dois rappeler à ce moment-ci que les sous-ministres et les dirigeants d'organismes sont imputables devant les parlementaires de l'atteinte de ces objectifs.
M. Brochu (André): Tout à fait.
Le Président (M. Simard): M. le député de Dubuc, s'il vous plaît.
M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, M. Brochu, madame, messieurs, M. Legendre et Mme Longtin, M. Drouin, M. Lessard, bienvenue dans cette commission. Merci pour votre présentation.
Vous ne vous êtes pas prononcés sur le projet de loi n° 35 comme tel. Vous avez plutôt présenté, là, un peu un résumé du rapport que vous aviez présenté au mois de juin. Alors, c'est un peu difficile pour nous, avec un projet de loi devant nous, de ne pas faire le rapport avec... le rapport avec ce que vous nous avez présenté aujourd'hui. Mais je vais quand même essayer de faire, comme on dit, indirectement ce que je ne peux pas faire directement. Je voudrais... Vous avez un plaidoyer...
Le Président (M. Simard): Ça a le mérite d'être clair.
M. Côté: Je vais référer à votre rapport, à la page 144, où vous faites quand même un plaidoyer que je trouve excellent en faveur du Conseil de la justice administrative, où vous dites qu'il doit devenir un animateur de la justice administrative. Est-ce que vous considérez l'importance de ce Conseil comme essentielle à l'atteinte des objectifs que la loi s'était... qui avaient été fixés par la loi? Et, pour vous, est-ce qu'il est important de le maintenir?
Je sais que vous ne pourrez peut-être pas me dire oui ou non, mais c'est parce que, selon ce que vous nous dites, vous lui donnez, entre autres... vous proposez, entre autres, plusieurs fonctions qui m'apparaissent tout aussi intéressantes les unes que les autres et, dans ce sens-là, je ne pouvais pas m'empêcher de vous poser la question. Est-ce que, pour vous, le Conseil de la justice administrative, c'est un élément capital dans cette Loi de la justice administrative?
M. Brochu (André): Écoutez, je vais vous dire, je disais à un moment donné à mes collaborateurs, après quelque temps, après l'avoir mis de côté, quand j'ai relu en diagonale le rapport, et, à compter de la page 116, où on commence, c'est... et aller à la fin aussi, sur le Conseil de la justice administrative, je disais que finalement les constats que nous avions faits étaient à l'effet que le Conseil de la justice administrative, pour toutes sortes de bonnes raisons ? et on a tenté d'être honnête envers lui, on les a inscrites dans le rapport ? n'avait pas été l'organisme le plus performant dans ses premières années de vie. On était bien obligé d'en prendre acte: que ce soit au chapitre des plaintes, par exemple, qui, à cause du fait qu'il... bon, s'interrogeant sur son quorum, il ne siégeait pas, et les plaintes... bon, même si la plupart d'entre elles, elles étaient non fondées, les plaintes n'étaient pas traitées et on était rendu à des délais inacceptables; que ce soit au chapitre, par exemple, de son rôle de conseil auprès du président du Tribunal administratif sur la procédure. Le rapport dit que le Conseil de la justice administrative devrait jouer ce rôle-là. Alors, vous avez compris que, quand on dit ça, de l'information qu'on a recueillie, on n'avait pas compris qu'il avait commencé à le jouer.
La même chose au niveau de son rôle au niveau de la déontologie. Le Conseil avait mis un certain temps avec toutes sortes de... je ne suis pas ici pour leur tirer la pierre, là, on l'a mentionné dans ledit rapport ? pour toutes sortes de bonnes raisons, encore là. Et aussi, finalement, la fameuse liste que le Conseil devait confectionner, de laquelle on s'est inspirés, parce que vous vous souviendrez qu'en début de l'exercice je vous ai parlé qu'on se demandait... la première question qu'on s'est demandé: Auprès de qui cueillons-nous de l'information? Je vous ai parlé de 85 ministères et organismes. C'est la liste que le Conseil a confectionnée, qui nous a permis de les identifier et qui nous a permis d'adresser des questionnaires à chacun d'entre eux. Le Conseil avait mis trois ans pour le faire, ce qui nous apparaît faible.
Donc, pour la conclusion, c'est que le Conseil avait eu un départ difficile. Évidemment, à la fin, on ne s'est pas questionnés, nous, si, à cause de ce départ difficile là, il devait être remodelé, aboli, modifié. On s'est dit: Il devrait y avoir... ce rôle-là devrait être joué, le rôle auquel vous faites référence en disant que vous plaidez, à la page 144, en faveur de ce rôle-là. C'est un rôle qui devrait être joué. Maintenant, qu'il soit joué par un autre organisme, le Conseil de la justice administrative, je pense que ça va aller... ça ne présente pas, quant à moi, de difficultés.
On était pour regarder...
Le Président (M. Simard): Alors, le temps est terminé, Me Brochu, vous allez m'excuser. Je sais que, du côté ministériel, on voudrait poser des questions, elle devra ne pas dépasser une minute, question et réponse.
M. Gabias: Merci, M. le Président. Vous aurez 1 min 30 s pour répondre certainement. Alors, sur la question de la multidisciplinarité, ne croyez-vous pas que de fusionner ni plus ni moins le Tribunal administratif et la CLP, c'est de nature à assurer la multidisciplinarité?
M. Brochu (André): À ce moment-là, ça va ? bon, j'essaie de voir la fusion ? ça va sûrement amener une expertise ensemble, ça va amener différentes expertises ensemble, parce que le TAQ a son expertise, la CLP a son expertise. Comme deux et deux font quatre, j'ai envie de vous dire que, effectivement, ce serait une façon de refléter une multidisciplinarité juridictionnelle.
Le Président (M. Simard): Nous allons terminer là-dessus et vous remercier, M. le sous-ministre et vos collègues. Je suspends nos travaux pour une quinzaine de minutes.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 26)
Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux, et j'invite maintenant la Centrale des syndicats démocratiques à prendre place.
Simplement, avant de poursuivre, nous avons entendu tout à l'heure Me Brochu sur le rapport de mise en oeuvre de la justice administrative, je veux juste rappeler à cette commission que nous avons un mandat d'examen qui va faire en sorte que nous pourrons aller beaucoup plus dans le détail au cours des prochains mois sur ce rapport.
Alors, je vous invite maintenant à... je nous invite à poursuivre avec M. Normand Pépin, de la CSD. C'est bien ça?
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M. Faucher (Claude): Non, désolé, M. Pépin n'est pas présent avec nous aujourd'hui.
Le Président (M. Simard): Ah bon! vous voyez comme... une belle erreur. Alors, vous allez nous préciser vos noms, nous dire qui vous accompagne. Et vous connaissez nos règles de fonctionnement, donc nous allons ensuite vous écouter.
M. Faucher (Claude): Alors, merci, M. le Président. Mon nom est Claude Faucher. Je suis vice-président de la Centrale des syndicats démocratiques. Et je suis accompagné, pour ma présentation, de Me Marie Anne Roiseux, qui est avocate aux lois sociales, à la CSD.
Alors, nous désirons, dans un premier temps, vous remercier de nous donner l'occasion de faire valoir notre point de vue concernant la réforme de la justice administrative. Et, plus particulièrement, nous allons nous adresser à ce qui concerne la Commission des lésions professionnelles et à la révision des décisions de la CSST parce que c'est le domaine dans lequel on est plus à l'aise, c'est le domaine dans lequel on intervient comme organisation syndicale.
Alors, la CSD, c'est, au Québec, 60 000 travailleuses et travailleurs provenant principalement du secteur privé, des petites et moyennes entreprises. Et l'analyse que nous avons faite du projet de loi concernant la justice administrative, surtout, comme je le mentionnais au départ, le volet qui touche la fusion... ou plutôt la confusion de la fusion de la Commission des lésions professionnelles et du Tribunal administratif pour en faire le TRAQ nous préoccupe beaucoup.
Premièrement, nous pensons qu'il y a un petit peu confusion des genres dans le sens que le Tribunal administratif du Québec, c'est un tribunal qui décide de litiges qui opposent un administré avec l'Administration publique. Concernant la CSST, c'est tout autre. Les décisions de la CSST qui sont contestées à la Commission des lésions professionnelles concernent au premier chef un travailleur ou un employeur et souvent les deux en opposition avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui, soit dit en passant, n'est pas ce qu'on appelle dans le sens strict un organisme public. Vous savez d'ailleurs que le gouvernement du Québec a sorti la CSST de son périmètre comptable il y a quelque temps. Alors donc, ce ne sont pas les mêmes parties. Et le fait que ce soit dans le fond à trois parties qu'on se présente bien souvent devant la Commission des lésions professionnelles, ça crée un contexte qui est fort différent et pour lequel ça prend, quant à nous, des attributions particulières à la Commission des lésions professionnelles.
n(16 h 30)n Donc, aussi, ce qu'on constate, c'est que la Commission des lésions professionnelles, qui est paritaire, est dans le fond la continuité de tout un ensemble de règles qui amènent les partenaires des relations de travail à travailler justement en paritarisme. Vous savez, entre autres, que la Loi sur la santé et la sécurité du travail, qui crée des comités paritaires dans les milieux de travail, donc font en sorte que les travailleurs et les employeurs se parlent pour régler les litiges ou les difficultés concernant la prévention en santé et sécurité du travail... et que le conseil d'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail est aussi paritaire, donc patronale et syndicale, et c'est dans cette volée-là, dans cette perspective-là qu'on a accepté que la Commission des lésions professionnelles ait aussi des représentants des travailleurs et des représentants des employeurs pour conseiller le commissaire dans les décisions qu'il doit prendre. Parce que, qu'on le veuille ou non, il y a beaucoup d'éléments qui sont portés devant la Commission des lésions professionnelles et qui font que seule une personne qui a une certaine expertise en relations de travail est en mesure d'apporter comme caractéristique, ou comme difficulté, ou comme problématique particulière à la présentation d'un dossier.... Donc, l'aspect relations de travail est pour nous quelque chose de fort important, et nous pensons que, à cela seul, ça justifie le maintien du paritarisme à la Commission des lésions professionnelles.
L'autre élément sur lequel nous voulons intervenir, c'est qu'il est inexact de prétendre que le gouvernement, que la CSST ou que la Commission des lésions professionnelles coûte quoi que ce soit à l'État parce que, de par la loi, la CSST est entièrement financée par les cotisations des employeurs. De par la loi, la facture de la Commission des lésions professionnelles est entièrement assumée par la CSST, donc par les cotisations des employeurs. Et, à ce jour, à notre connaissance, pour en avoir discuté avec plusieurs employeurs et surtout des représentants d'associations d'employeurs, ceux-ci semblent d'accord sur le maintien du paritarisme et le maintien de la Commission des lésions professionnelles. Alors, quand les payeurs sont d'accord, pourquoi changer en disant qu'on va économiser? En tout cas, il y a un gros point d'interrogation à cet égard-là en ce qui nous concerne comme organisation syndicale.
Donc, concernant le rôle des membres paritaires, pour nous, bien, ils ont une connaissance des relations de travail, ils ont une connaissance des milieux de travail, et qui fait souvent la différence dans l'éclairage qu'on peut apporter aux juges, ou au tribunal, ou aux commissaires dans le cas de la Commission des lésions professionnelles. Et ils sont aptes aussi et capables, et ils le font très bien à notre avis, de façon générale, à aider les personnes qui se présentent devant la Commission des lésions professionnelles et qui ne sont soit pas représentées ou qui sont mal représentées. Parce que les gens qui siègent ou qui représentent les travailleurs ou qui représentent les employeurs à la Commission des lésions professionnelles, en tout cas en ce qui concerne les représentants des travailleurs, ce sont des gens qui ont une expertise, expertise en santé et sécurité, tant en prévention qu'en réparation, expertise des relations de travail, expertise des milieux de travail. Donc, nous pensons qu'ils ont une influence plus que positive sur la décision que le commissaire aura à prendre.
Nous pensons que le projet de loi tel qu'il est présenté à l'égard ? et là nous limitons notre intervention à la Commission des lésions professionnelles et la CSST... Le projet de loi tel que présenté ne réglera pas la question des délais. Ça ne réduira pas les délais. Au contraire, il y a des dispositions là-dedans qui sont de nature à prolonger des délais, à semer de l'ambiguïté. Ça ne réduira certainement pas les coûts pour l'État. Comme je vous l'ai mentionné, c'est les employeurs qui paient les cotisations à la CSST. Et, à notre avis, ça n'améliorera pas la qualité des décisions puis ça ne favorisera pas, dans le fond, les administrés, qu'ils soient travailleurs ou employeurs.
Ce qui nous inquiète aussi, c'est de ramener la Commission des lésions professionnelles sous le ministère de la Justice. On craint qu'il y a là un début de judiciarisation de toutes les contestations à la Commission des lésions professionnelles, de toutes les contestations liées soit tant à la prévention, parce que la Commission des lésions professionnelles entend aussi des dossiers de prévention, tant de la prévention que la réparation des lésions professionnelles.
On se demande pourquoi le gouvernement veut changer ce qui, à notre avis, va bien. On ne dit pas que c'est sans problèmes, la Commission des lésions professionnelles, puis on ne dit pas qu'au niveau de la révision administrative de la CSST c'est parfait, loin de là. Mais on pense que les problématiques qui se posent sont réglables par des décisions administratives internes. Et on a eu l'assurance, en ce qui nous concerne, tant par la CSST puis tant par les gestes concrets qui sont posés régulièrement par la Commission des lésions professionnelles, qu'ils s'attardent avec beaucoup d'acharnement à régler ces difficultés administratives là auxquelles on pourrait faire référence.
Par contre, il y a quelques points avec lesquels on n'est pas en opposition, entre autres, la question de nommer les commissaires selon bonne conduite. Là, ça, écoutez, nous pensons que, dans les faits, la nomination des commissaires, le renouvellement des mandats des commissaires, là, outre des cas excessivement rares, là, c'était presque automatique qu'on faisait le renouvellement des nominations. Alors, nous pensons qu'à cet égard-là, bon, la nomination selon bonne conduite, ça va tout simplement rassurer des gens qui ne penseront pas, qui n'auront pas l'impression que leur job va se terminer dans quelque temps, mais qui savent que, s'ils se conduisent bien, il n'y a pas de problème du côté de la stabilité de leur emploi.
Quant à la question d'uniformisation des délais, donc de hausser les délais à 90 jours, ça non plus, on ne s'y oppose pas. On pense que c'est quelque chose qui va tout simplement faciliter la compréhension pour ceux qui ont à intervenir devant les différents tribunaux administratifs. On n'a pas à se demander devant telle instance c'est quel délai alors que, devant l'autre, c'est un autre délai. Les uniformisant, on pense que ça va faciliter la tâche surtout des représentants qui vont travailler auprès des travailleurs ou des employeurs concernés.
Concernant aussi la question des membres issus, qu'ils n'aient pas la possibilité de plaider devant la Commission des lésions professionnelles, bon, jusque-là, on avait toujours tenu le discours suivant, c'était de dire: Écoutez, le membre représentant des employeurs ou des travailleurs, il n'est pas neutre parce qu'il est représentant, et donc, de ce fait, nous, on pensait que, pour maintenir justement son expertise, que ce n'était pas une mauvaise chose qu'il puisse aller plaider dans d'autres régions que celle dans laquelle il siège. Ça, c'était notre position jusque-là. Mais on est disposé à ce moment-ci à dire: Écoutez, là, si c'est un problème que les membres aient le droit d'aller plaider même dans une autre région, bien, écoutez, on va le régler, le problème. On va accepter que les membres n'aient pas droit de plaider. Quand tu es membre représentant des employeurs ou des travailleurs, tu ne plaideras pas, tu vas être membre auprès du commissaire, point à la ligne.
Il y a beaucoup de questions, d'inquiétudes et d'appréhensions qui découlent du projet de loi tel que présenté. À titre d'exemple, vous apportez des dispositions qui vont permettre au tribunal ou, si la Commission des lésions professionnelles, comme nous le souhaitons, est maintenue, au commissaire de juger de la qualification d'un représentant. Ça, on trouve ça délicat, parce que, vous savez, quand on est procureur, qu'on soit avocat ou pas, puis qu'on se présente devant un tribunal ou un commissaire de la Commission des lésions professionnelles, il se peut très bien qu'il y ait une bonne chimie puis qu'il y ait un bon respect des individus, puis il se peut très bien, dans d'autres circonstances, qu'on s'aime moins pour toutes sortes de considérations, puis il se peut très bien qu'on ne comprenne pas quelle est l'approche du procureur sans pour autant être capable de dire s'il est compétent ou pas. Et nous pensons que c'est une clause qui sera impossible à gérer, qui va être inapplicable pour un commissaire, à moins de connaître le représentant, parce qu'il se sera présenté devant lui à plusieurs reprises, et donc, déjà, il va y avoir des dommages.
Par contre, ce que nous pensons, c'est que le paritarisme vient justement un peu équilibrer la situation, parce qu'ils sont des experts patronaux et syndicaux qui conseillent le commissaire et qui peuvent intervenir au besoin pour poser des questions, ajouter, faire en sorte que les éléments essentiels à la compréhension du dossier ressortent des différents témoignages qui seront présentés. Et il s'agit là d'un certain équilibre pour des travailleurs, surtout pour les travailleurs, parce que c'est les travailleurs qui sont les moins... qui sont les plus démunis, donc un certain équilibre pour qu'ils puissent avoir une bonne représentation auprès de la Commission des lésions professionnelles.
Il y a toute la question aussi de la remise de la contestation à l'autorité administrative concernée concernant certains sujets. Ça, nous pensons que c'est une source de difficulté, de confusion, parce que, s'il est vrai que, dans certains cas, on peut remettre notre contestation à l'autorité administrative, il se peut très bien qu'un travailleur pense que ce soit dans tous les cas et qu'il achemine par erreur sa contestation sur un autre sujet que ceux qui sont prévus dans la loi à l'autorité administrative concernée et que, de ce fait, perde son recours devant le tribunal auquel il voulait s'adresser. Donc, pour nous, c'est plus une source de confusion que de solution que de proposer une telle avenue. Si on avait dit que, dans tous les cas de contestation, si, par erreur, on achemine la contestation à l'autorité administrative, l'autorité administrative transfère à la bonne autorité dans le fond, puis qu'on considère que les délais ont été respectés, on n'aurait pas de problème, mais c'est quand on commence à discriminer les sujets pour lesquels on peut s'adresser à une place puis pour lesquels il ne faut pas qu'on cause des problèmes puis qu'on risque de causer des préjudices.
n(16 h 40)n Il y a aussi dans le projet de loi, soit dans l'introduction de ce qu'est la nouvelle section du TRAQ concernant la Commission des lésions professionnelles... où on identifie spécifiquement les sujets dont la section de la Commission des lésions professionnelles a l'autorité, de même que par l'introduction d'un nouvel article 359.1 de la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles qui fait disparaître l'ancien... On est très inquiets parce qu'on se demande qu'est-ce qu'il arrive des recours en vertu des articles 32 de la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles de même que 227 qui est son pendant au niveau de la prévention en santé et sécurité. Bref, ce que ça prévoit, ces articles-là, c'est que, si l'employeur prend une mesure discriminatoire, arbitraire, de représailles, disciplinaire, congédiement, contre un salarié à cause de l'exercice d'un droit prévu par la loi, que celui-ci peut déposer une plainte qui va être entendue par un conciliateur décideur, et, le cas échéant, que la décision du conciliateur décideur peut être contestée à la Commission des lésions professionnelles. Alors là c'est comme si on faisait disparaître ça, parce que, là, ce n'est pas une décision de la révision administrative de la CSST dont on parle, c'est une décision d'un conciliateur décideur. En tout cas, il nous semble qu'il y a peut-être un trou à cet égard-là, à moins que, dans les recours généraux, vous ayez vu là l'opportunité pour tout ce type de cas d'être adressés à la Commission des lésions professionnelles.
Une autre chose aussi, c'est que, concernant la spécificité des cas qui sont mentionnés dans la loi sous l'autorité de la nouvelle section lésions professionnelles du TRAQ, il nous semble aussi que ce n'est pas clair que les dossiers d'article 32 ou d'article 227 seront portés à la section lésions professionnelles. On a plutôt l'impression que, de la façon dont la loi est rédigée, il y a comme un vide et que donc c'est les autres sections du TRAQ qui auront autorité pour entendre ça, alors qu'on est en plein coeur des relations de travail quand on parle de mesure disciplinaire, arbitraire, discriminatoire en raison de l'exercice d'un droit prévu soit par la Loi des accidents du travail ou par la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Donc, pour nous, là, encore là, il y a beaucoup d'ambiguïtés, ce n'est pas clair, puis on a l'impression qu'il y a un recours qui semble se perdre à quelque part, puis, s'il n'est pas complètement perdu, bien, qu'il va s'en aller au TRAQ, autres sections que lésions professionnelles, alors que les lésions professionnelles, les commissaires ont toute l'expertise pour discuter et traiter de ce genre de dossiers là.
Aussi, en ce qui concerne le pouvoir de modifier la décision de l'autorité administrative, on trouve ça dangereux de la façon dont c'est présenté, dangereux parce que, sur un certain nombre de sujets, la CSST, en ce qui nous préoccupe, pourrait décider de réviser sa décision, bon, et, si elle décide de réviser sa décision, il y a un nouveau délai pour porter le dossier ou pour poursuivre le dossier au TRAQ ou à la Commission des lésions professionnelles, peu importe. Là, la source d'ambiguïté est la suivante. Premièrement, le nouveau délai, est-ce qu'il s'applique uniquement à la partie qui conteste la décision ou à l'autre partie? Parce qu'il y a trois parties, là. Ça, c'est un problème pour nous.
Alors, une autre affaire, c'est que... est-ce que cela, ce nouveau délai là ne va pas faire en sorte de semer une confusion pour une personne? Parce que des accidentés, souvent, surtout s'il y a rechute ou qu'on conteste la relation causale, puis que, par la suite, il y a une autre décision ou un autre dossier qui s'ouvre concernant la date de consolidation, là on va être habitué avec une procédure puis on va avoir l'impression que c'est la même procédure dans tous les dossiers, alors que ce n'est pas dans tous les dossiers que cette disposition-là s'applique. Alors, ça, pour nous, là, c'est une source d'inquiétude, de confusion et probablement de perte de droits pour des travailleuses et des travailleurs du Québec.
Puis le délai additionnel de 90 jours qui est proposé en cas d'expertise médicale, bien, ma petite expérience ? et ma collègue en a beaucoup plus que moi ? nous démontre qu'une expertise médicale, ça ne s'obtient pas en 90 jours. Alors, qu'est-ce qu'il advient si on dépasse le délai de 90 jours parce qu'on n'a pas obtenu l'expertise médicale? On ne le sait pas; la loi ne le prévoit pas. Et les seuls qui, à notre avis, ont les moyens financiers puis la capacité d'obtenir des expertises en 90 jours, ce sont les employeurs du Québec, parce que eux paient des gros frais pour être capables d'avoir une expertise rapidement. Ils se paient de grands bureaux d'experts médicaux qui sont là pour les aider.
Alors, cette disposition-là, quant à nous, si elle aide quelqu'un, elle va aider les employeurs du Québec à contester les accidentés du travail, et on trouve ça très malheureux. Et pourtant on a l'impression, tant dans le discours que dans la volonté, pour avoir entendu souvent M. Bellemare puis pour savoir un petit peu ce qu'il a fait dans la vie, on a l'impression que ce qu'il veut, c'est aider les accidentés. Mais on pense que le projet de loi, tel qu'il est déposé, fait fausse route.
La même chose concernant la possibilité pour le tribunal de retourner un dossier à l'instance administrative s'il considère qu'il manque une preuve. Ça, pour nous, ça va être une source de délai additionnel. Quand on se présente actuellement devant la Commission des lésions professionnelles, c'est un procès de novo: on présente notre dossier, puis on a une décision qui est la décision finale. On ne retournera pas à la CSST le temps qu'elle prenne une nouvelle décision puis qu'on retourne contester pour prolonger des délais. C'est beaucoup plus simple, nous pensons, la situation actuelle que celle qui est proposée dans le projet de loi.
Bref, pour nous, on... Nous pensons qu'à l'égard de la Commission des lésions professionnelles puis de la révision à la CSST, que le projet de loi fait fausse route. Nous pensons que, bien qu'il y a des problèmes administratifs, pas si graves que ça, qu'on peut régler tant à la CSST qu'à la Commission des lésions professionnelles, nous pensons que le gouvernement ne devrait pas toucher à la Commission des lésions professionnelles, devrait laisser intacte la Commission des lésions professionnelles. Et, concernant la question de la révision, qu'on ne touche pas, si ce n'est que la question des ajustements des délais puis les quelques points avec lesquels on s'est dit d'accord tout à l'heure, là... qu'on ne touche pas au reste, parce que pourquoi changer ce qui va bien? Puis il y a peu de choses dans la vie qui vont bien.
Pour nous autres, c'est toujours désagréable de s'adresser en contestation à la CSST parce que c'est une grosse machine, puis c'est toujours désagréable d'être obligé d'aller à la Commission des lésions professionnelles, mais on les connaît, on voit qui est notre vis-à-vis, puis on est habitué de travailler avec eux dans sa forme actuelle. On dit que ce n'est pas le temps de changer ça. Ce sera le temps de changer ça s'il y a des problèmes graves qui sont démontrés, mais, pour nous, il n'y en a pas actuellement qui justifient une modification de l'ampleur de ce qui est proposé dans la loi. Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard): Merci, M. Faucher. Alors, nous allons passer à la période des questions et d'échange, et j'invite le ministre de la Justice à poser la première question.
M. Bellemare: Merci beaucoup, M. Faucher, Mme Roiseux, bienvenue devant la Commission des institutions et félicitations pour la présentation d'un mémoire qui a le mérite d'analyser à fond tout le volet des lésions professionnelles et de présenter le point de vue d'une importante centrale syndicale, nous en convenons.
Vous avez qualifié tantôt le secteur des lésions professionnelles, en tout cas celui qui affecte... celui qui est touché par le projet de loi, de secteur des relations de travail. On a entendu hier matin un avocat dont l'expérience et la compétence n'est pas contestable, Me Cliche, nous parler de ce domaine des lésions professionnelles et nous dire avec énormément de charisme que ce n'est pas le secteur des lésions... un secteur des relations de travail. Vous savez, c'est vrai qu'un employeur puis un travailleur, une fois que... peut-être ce qui a causé l'accident, c'est un problème de relations de travail. Une fois que l'accident est survenu, de savoir si la loi s'applique ou non et si son cancer du larynx est en relation avec les produits toxiques, ça relève à mon avis de considérations autres que les relations de travail. Mais ça, c'est une question de point de vue, et vous avez exprimé le vôtre.
J'irai tout de suite à la question des membres paritaires. Alors, je retrouve à deux endroits dans votre mémoire l'expression «charlatan», le mot «charlatan», qui laisse croire et qui déclare finalement de votre part qu'il y a des charlatans qui représentent les accidentés. On ne dit pas que c'est la majorité, loin de là, mais je pense qu'il y a eu toutes sortes d'histoires qui ont été racontées à la commission et qui laissent croire qu'il y a, au niveau de la représentation, certaines lacunes qu'il faut... auxquelles il faut s'attaquer. Je n'irai pas à la question de la représentation, j'irai à la compétence des membres syndicaux et patronaux.
Vous savez qu'en vertu de la loi actuelle aucune compétence particulière n'est requise pour représenter une association syndicale ou patronale au sein même du tribunal. Les gens qui agissent comme représentant syndical, patronal, paritaire sont désignés à partir des associations syndicales et patronales. La CSD, qui en désigne quelques-uns, une vingtaine actuellement, dit: Voici, nous envoyons notre liste, et ces gens-là peuvent siéger à la CLP. La loi n'établit aucun critère de compétence. On n'exige même pas un cours primaire. On n'exige pas qu'il y ait une connexité entre l'expérience du membre et le litige sur lequel il devra se pencher. On n'exige aucun critère de formation ou d'expérience.
n(16 h 50)n Nous avons entendu, la semaine dernière, la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec qui nous a dit maintenir la position qu'elle avait prise en 1997, à savoir qu'elle était opposée au paritarisme. C'est une fédération syndicale qui regroupe 46 000 infirmiers et infirmières. Alors, je leur ai demandé: Bien que vous soyez contre le paritarisme, dans l'hypothèse où on le maintenait intégralement ou en partie, parce que le projet de loi n'abolit pas le paritarisme, il en réduit l'importance à certaines matières, sur option, mais il ne l'abolit pas... Mais, quand la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec m'a dit: Nous souhaiterions, oui, nous verrions d'un bon oeil que nous soyons nous-mêmes en mesure de désigner des représentants ? parce que seules, actuellement, la FTQ, la CSN et la CSD désignent des membres syndicaux ? je me suis dit: Bien, quelle bonne idée, parce que, en réalité, par définition, les membres de la FIIQ sont au moins de formation collégiale, parce qu'ils sont au moins infirmières ou infirmiers. Et je me suis dit: Pourquoi ne pas en profiter pour permettre à la FIIQ d'être présente et de désigner des membres paritaires et pourquoi ne pas hausser des standards en exigeant dans la loi, par exemple, que tous les membres syndicaux, patronaux devront au moins détenir une formation collégiale?
Vous comprendrez que mon intervention vise à rehausser les standards et à augmenter la confiance du public dans l'institution. Parce que, évidemment, les gens disent: Il n'y a pas de standards minimaux de compétence. Ces gens-là vont juger ma cause. Je comprends qu'ils ne sont pas décisionnels, mais ils jouent un rôle extrêmement important au sein du tribunal. Ils sont en mesure d'influencer le décideur. Et, si on augmentait les standards de compétence, il me semble que ce serait une idée qui serait favorable et promotionnelle en ce qui concerne le paritarisme, ne pensez-vous pas?
M. Faucher (Claude): Concernant la question des standards de compétence, je vous dirais ceci. Premièrement, il est louable de penser, et de souhaiter, et de faire en sorte que les membres représentants soient les plus compétents possible. Mais, par la force des choses, quand une organisation a la capacité, le mandat et donc le devoir de nommer des représentants des travailleurs, comme la CSD par exemple le fait, soyez assuré qu'on a le plus grand souci à ce que les représentants qu'on propose soient des représentants qui ont la compétence nécessaire pour bien comprendre les enjeux, qui connaissent la loi et qui sont capables de bien conseiller le commissaire.
C'est sûr, comme vous l'avez mentionné, ce ne sont pas là des décideurs. Ce sont là des conseillers auprès du commissaire. Mais ces gens-là ont une compétence et, nous, ce que nous exigeons, c'est que ces gens-là, d'une part, soient des gens qui s'occupent dans leur milieu de travail des dossiers de santé et sécurité du travail, soient des gens qui s'investissent, qui aient reçu la formation de la CSD en santé et sécurité du travail, puis soient des gens qui se tiennent au fait de ce qui se passe. Et il y a donc même une formation régulière que nous offrons à ces gens-là ? des fois c'est d'ordre médical, des fois c'est d'ordre légal, des fois c'est mixte ? une formation pour qu'ils maintiennent leur compétence. Et de là, pour nous, l'opinion que nous avions, et que nous sommes prêts à laisser de côté, de dire: Si on leur permet d'aller plaider en plus, c'est sûr qu'ils vont avoir la compétence mur à mur pour bien faire la représentation. Mais là on leur enlève ce volet-là.
La question de la scolarité, là, bien, c'est une référence, mais ça ne règle pas tout, hein? Parce que, plus on est âgé dans la société, plus il y a des possibilités qu'on n'ait pas eu la chance de faire nos études collégiales, puis ça ne veut pas dire pour autant que l'expérience puis les connaissances acquises dans le milieu de travail ou ailleurs ne sont pas équivalentes ou beaucoup supérieures à une formation collégiale. Donc, on pense que c'est dangereux que de glisser sur ce terrain-là.
Il y a, par la force des choses, par le fardeau qu'on a, nous, quand on désigne des représentants, de nommer les meilleurs représentants possible, hein... parce que ce qu'on souhaite, nous, c'est que les travailleurs, qu'ils aient justice, hein? C'est ça qu'on souhaite. Alors, quand on nomme des représentants, on s'assure que ce soient des représentants qui soient capables de leur rendre justice. Et nous pensons que, par la force des choses, ce que vous souhaitez, c'est déjà là.
Il peut arriver des exceptions. Il peut arriver que le gouvernement nomme un commissaire puis qu'après quelque temps qu'on se rende compte: Bien non, ce n'était pas le commissaire qu'on aurait dû nommer. Tout le monde peut en faire, des erreurs. Mais, de règle générale, moi, je suis d'avis... en tout cas, en ce qui concerne les représentants de la CSD, puis je suis convaincu que les autres organisations ? en passant, la CSQ aussi en nomme, des représentants ? je suis convaincu, moi, que les gens qui nomment des représentants sont soucieux, excessivement soucieux de la qualité des personnes qu'ils choisissent et qu'ils proposent à la CSST et finalement au gouvernement pour être représentants.
Concernant l'opinion, vous dites, de Me Cliche, moi, je pense qu'il y a de la relation de travail mur à mur à la Commission des lésions professionnelles. Qu'on pense aux questions de relations causales, qu'on pense aux questions d'inspection, parce qu'il y a aussi des cas d'inspection, qu'on pense aux questions de droit de refus, qu'on pense aux questions de retrait préventif en raison de contaminants ou de travailleuses enceintes ou qui allaitent, parce que là on parle de réaffectation, on parle de conditions de travail, on parle de milieu de travail, qu'on parle de l'article 32, qu'on parle de l'article 227, c'est des relations de travail mur à mur. Et ce n'est pas parce qu'on arrive avec un dossier médical que l'aspect des relations de travail ou des conditions de travail n'est pas important.
Si je parle d'une lésion musculosquelettique puis que je veux faire la... Qu'est-ce que je dois faire? la démonstration de travail répétitif, d'humidité, de froid, de conditions qui favorisent les lésions musculosquelettiques. Ce n'est pas médical, ça. Celui qui a la connaissance du milieu de travail puis qui est capable d'en parler, puis qui connaît les relations de travail est capable d'en parler tout autant que le médecin qui va fournir une opinion médicale quand les conditions sont rencontrées, mais il ne les connaît pas, les conditions, il n'est pas allé dans le milieu de travail. Alors, vous voyez, il y a comme une complémentarité entre les deux. Et il y a peu de sujets pour lesquels on peut dire que les relations de travail n'entrent aucunement en considération dans les dossiers qui vont à la Commission des lésions professionnelles. Veux-tu rajouter?
Mme Roiseux (Marie Anne): Non, ça va.
Le Président (M. Simard): M. le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Merci, M. le Président. J'ai bien lu votre mémoire. D'abord, bonjour, Mme Roiseux et M. Faucher. J'ai bien lu votre mémoire et je veux être certain que j'ai bien compris, parce que je vais avoir probablement une question qui peut être assez difficile, je vous préviens d'avance.
Vous mentionnez à la page 6... Vous dites en fait que la CSST et la CLP évidemment fonctionnent par le fait que ce soient les employeurs qui paient les cotisations. Bon. Et, sur cette base-là, vous mentionnez, et je vous cite, là, dans votre mémoire, on dit: «De plus, si ceux qui financent la CSST par leurs cotisations ? et on parle, là, des employeurs ? ne trouvent rien à redire sur le fonctionnement paritaire de la CLP, pourquoi le ministre de la Justice s'en mêlerait-il? À ce que l'on sache, les associations d'employeurs, en tout cas le Conseil du patronat du Québec, est contre la réforme proposée. Si les employeurs étaient si mal servis par la présence des membres représentant les parties lors des auditions, ne seraient-ils pas les premiers à réclamer qu'on en finisse?» Et vous ajoutez: «Ne se pourrait-il pas que cette présence "automatique" permette au contraire de mieux faire respecter les droits des travailleurs, en toute célérité, surtout pour les personnes qui tentent de se représenter elles-mêmes parce qu'elles ne sont pas syndiquées[...] ? ou ? pour celles qui risquent d'être mal représentées parce qu'elles font confiance à un charlatan ou encore à un représentant incompétent?» Et hier, nous avons entendu les représentants de l'Association de la construction du Québec qui, semble-t-il... Je pense bien que c'est une association d'employeurs qui ne semble pas être de votre avis. Ils mentionnent, eux... on dit: «Dans notre optique, un véritable juge de première instance doit être en mesure de décider d'un litige sans avoir à rechercher l'opinion que peuvent s'en faire d'autres personnes, exception faite des experts. Ce concept va de pair avec l'indépendance des commissaires. Aussi sommes-nous également favorables aux modifications proposées par le projet de loi. Nous croyons même qu'il devrait aller un pas plus loin et affranchir le tribunal de tout membre patronal ou syndical à quelque étape que ce soit du traitement du dossier.» Il me semble que c'est assez clair. Et là vous dites...
Une voix: L'APCHQ aussi.
M. Gabias: Et l'APCHQ allait un peu dans ce sens-là. Vous me dites, là, dans votre mémoire: Comme c'est eux autres qui paient, ils devraient avoir un mot à dire, puis ils nous disent....
M. Faucher (Claude): Bien, écoutez, le mémoire que vous avez devant vous, je ne sais pas si c'est l'APCHQ ou une autre association patronale en construction.
M. Gabias: L'ACQ, l'Association de la construction du Québec.
M. Faucher (Claude): C'est ça, l'ACQ. Alors, je ne suis pas surpris des représentants patronaux dans l'industrie de la construction, de leur réaction, je vous explique pourquoi. Premièrement, dans notre mémoire, nous n'affirmons pas que tous les employeurs du Québec sont d'accord, mais je peux vous dire qu'à la CSST on en a discuté de long en large, de ça, et qu'il y avait à la CSST... puis les employeurs, le Conseil du patronat viendra faire sa présentation, là, mais, moi, j'y suis, là, au conseil d'administration de la CSST et je peux vous dire que les patrons qui siègent au conseil d'administration de la CSST se sont dits favorables au maintien du statu quo. Bon.
Ceci dit, dans la construction, je sais très bien qu'il y a une problématique particulière parce que, s'il y a un endroit dans cette société où les travailleurs, même s'ils sont syndiqués, sont mal foutus en termes de relations de travail parce qu'il n'y a pas de clause d'ancienneté puis qu'ils peuvent perdre leur emploi à tout bout de champ, c'est l'industrie de la construction. Et, s'il y a un endroit où il est plus important encore qu'il y ait des représentants des travailleurs pour assurer que ceux-ci soient bien représentés, d'une part, mais, d'autre part, que justice soit rendue parce qu'ils connaissent le milieu de l'industrie de la construction puis donc il y a nécessité d'avoir des représentants à la Commission des lésions professionnelles, c'est bien dans l'industrie de la construction. Et, s'il y en a qui n'aiment pas ça puis qui ont peur de ça parce que eux ont l'habitude de faire la pluie puis le beau temps, c'est les entrepreneurs dans l'industrie de la construction. Alors, je ne suis pas surpris de la position des entrepreneurs en construction, mais ce n'est pas la position de tout le monde patronal, là. Vous allez voir, il y en a d'autres qui vont venir dire autre chose.
M. Gabias: Je comprends, mais il reste quand même que vous dites que ce sont...
M. Faucher (Claude): Mais...
M. Gabias: Si vous me laissez terminer ma question.
M. Faucher (Claude): Oui.
n(17 heures)nM. Gabias: Vous dites que ce sont eux qui paient et, sur cette base-là, ils devraient décider. Puis vous dites clairement, là, que les associations d'employeurs sont en défaveur de ce changement-là. Et je comprends de votre intervention... Et vous allez me corriger si je me trompe, pour vous, un assesseur, il est là pour représenter le salarié qui est devant le tribunal ou s'il est là pour conseiller l'arbitre ou le tribunal?
M. Faucher (Claude): Il ne fait pas une représentation directe; il fait une représentation indirecte, l'assesseur, hein? L'assesseur est là, il peut poser des questions. Il est normal pour lui de poser les questions qui vont faire ressortir les éléments importants pour le dossier, et c'est ça qu'ils sont appelés à faire. C'est comme quand vous nommez une commission d'enquête. La commission d'enquête va creuser, hein! Elle va poser plein de questions pour faire ressortir la vérité, pour être capable d'avoir une bonne opinion sur un élément.
Alors, ici, l'assesseur, il est là pour aider effectivement. Puis, comme il est représentant, il a un statut particulier parce que, lui, il n'est pas là pour aider la partie patronale, il est représentant des travailleurs. Ou, inversement, quand il est représentant des employeurs, il n'est pas là pour aider. Mais ils ont quand même généralement le souci de faire ressortir les éléments qui vont rendre justice. Mais, dans certains cas plus difficiles, il est important que l'expertise du représentant des travailleurs soit utilisée pour poser les bonnes questions, faire ressortir les vraies réponses. Il faut que le commissaire soit en mesure de rendre la décision qui s'impose dans les circonstances.
M. Gabias: Mais, vous allez plus loin dans votre mémoire, vous dites même qu'il vient pallier à un défaut de représentation de l'employé.
M. Faucher (Claude): Tout à fait. Tout à fait. On sait que les travailleurs n'ont pas tous les moyens de se faire représenter, hein, loin de là, surtout les non-syndiqués. Il y en a, des syndiqués dont l'organisation syndicale n'offre pas le service. Chez nous, ce n'est pas le cas; on l'offre. Mais, quand tu n'es pas syndiqué, là, puis que tu fais affaire à une machine, ça coûte cher d'aller voir des avocats. Puis il y a des associations d'accidentés qui font leur gros possible pour aider les gens, mais ils ne sont pas capables de tout faire non plus. Ça fait qu'il y en a, des travailleurs qui sont fort mal pris puis qui ont grandement besoin d'aide, et, dans ces circonstances toutes particulières là, le représentant, il fait un sacré bon boulot.
M. Gabias: Mais, si c'est valable pour l'employé ou le salarié, c'est valable pour l'employeur. Ça veut dire que l'assesseur patronal, lui, il est là vraiment contre le salarié.
M. Faucher (Claude): Bien, il y a un équilibre. Il y a comme deux représentants experts à la table qui sont là pour aider, conseiller, oui.
M. Gabias: Je comprends votre idée.
M. Faucher (Claude): Mais, généralement, les employeurs sont représentés. C'est les travailleurs qui ne le sont pas.
Le Président (M. Simard): ...
Mme Roiseux (Marie Anne): Je voulais juste ajouter que, d'une part, l'expertise des membres conseillers, là, des membres du côté patronal ou du côté syndical, c'est aussi une expertise qui est pratique. Ce sont des gens qui sont issus du milieu, soit des milieux d'usine, soit des milieux de la construction. Et, moi, je suis à même de le constater, quand on se retrouve devant un tribunal avec certains types de travailleurs de certains types d'usines, on voit que la personne en avant a une connaissance particulière de son industrie ou de ce que c'est que des conditions de travail dans certains milieux et peut, en effet, poser des questions. Parce qu'elle a la connaissance, elle va savoir quelles questions poser pour pouvoir faire sortir tel type... tel éclairage sur les conditions de travail qui ont pu favoriser ou non l'apparition d'une lésion professionnelle.
Et, en effet ? j'ai peut-être un peu plus de pratique que mon confrère en matière de représentation ? ce n'est pas tous les employeurs qui sont représentés. Et, parfois, même, ils ne sont tout simplement pas présents, et j'ai pu voir à plusieurs reprises le membre du côté patronal ? même si ça me choque parfois ? j'ai pu voir le membre du côté patronal vraiment agir beaucoup plus de façon de procureur que de la façon d'un simple conseiller. Mais je pense que son travail, tout comme du côté syndicat, son travail, c'est finalement de permettre de faire tout le jour sur les conditions de travail ou sur les circonstances d'un événement et pour permettre au commissaire, qui est tout à fait en mesure de juger en ce qui concerne le droit puis pour tous les autres éléments, mais peut-être d'être en mesure donc d'avoir une décision plus complète parce que certains aspects auraient pu lui échapper. Pourquoi se priver d'une expertise quand elle est là?
Le Président (M. Simard): M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: Oui. Merci, M. le Président. Me Faucher, Mme Roiseux, bienvenue. Et, Me Faucher, je reconnais aujourd'hui votre talent pour soutenir des arguments, talent que vous aviez à l'époque, lorsque vous aviez plaidé devant moi au niveau de griefs il y a plusieurs années.
Et je veux faire un parallèle justement avec l'arbitrage et la question des coûts que vous soulevez. Et, Mme Roiseux, vous disiez que, bon, vous faisiez de la représentation. Peut-être est-ce que vous pourrez me donner votre éclairage de ce côté-là. Au niveau des coûts, hier, vos collègues de la FTQ ont soutenu que c'était la raison de peut-être mettre de côté... à certains égards, le paritarisme était une question de coûts. Il y a une question d'efficacité aussi d'un tribunal, et lorsque... Moi, je fais assez facilement l'adéquation entre des coûts additionnels et du temps additionnel. Et est-ce que justement le fait qu'il y ait paritarisme... Dans bien des cas, s'il y a des coûts additionnels, est-ce que ça n'implique pas nécessairement une lourdeur additionnelle à un tribunal... du tribunal, donc non seulement au niveau du fait qu'il faille avoir un agenda plus difficile à gérer, mais même on a entendu certains commentaires au niveau de l'audience comme telle où c'est plus lourd?
Et ça rejoint un peu ce que votre collègue disait au niveau des échanges: le représentant patronal ou syndical peut poser des questions pertinentes, il connaît effectivement le milieu de travail en question; d'un autre côté, les procureurs de part et d'autre ou les représentants aussi connaissent le milieu en question et peuvent poser généralement les questions. Et d'ailleurs, c'est ce qu'on a entendu un procureur hier dire: Écoutez, mon adversaire connaît le dossier aussi bien que moi; il est capable de poser les bonnes questions.
Donc, est-ce que... Grosso modo, en résumé, ma question est à l'effet, s'il y a des coûts additionnels, est-ce qu'il n'y a pas effectivement une lourdeur additionnelle qu'on pourrait écarter en mettant un peu de côté le paritarisme?
M. Faucher (Claude): Premièrement, je ne vois pas où sont les coûts additionnels, là, parce que ce sont les employeurs qui paient, ce n'est pas l'État.
Deuxièmement, si vous faites une relation entre le fait d'être à plusieurs à siéger et du temps qui pourrait s'écouler en raison de ça, il y a une différence notable à faire entre l'arbitrage de grief puis la gestion de la Commission des lésions professionnelles. En matière d'arbitrage de grief, quand on a un assesseur syndical, un assesseur patronal, il faut agencer nos agendas pour fixer les dates d'audition. À la Commission des lésions professionnelles, ce n'est pas comme ça qu'ils fonctionnent. Eux, ils mettent la cause au rôle, et les représentants qui se sont dits disponibles cette journée-là sont appelés pour siéger. Alors, il n'y a pas de délai associé au fait qu'ils soient trois ou quatre, sauf ? je dis bien «sauf» parce qu'il peut y en avoir ? si c'est un dossier qui doit se poursuivre à une autre date. Là, nécessairement, il y a des délais, puis ces délais-là vont tenir compte aussi de l'agenda des deux autres représentants qui auront entamé l'audience avec le commissaire. Ce sont les seuls cas où il y a une relation à faire entre le fait d'être trois et un délai possible.
Le Président (M. Simard): Alors, le temps est écoulé depuis déjà pas mal de temps, donc nous allons passer aux questions de l'opposition, et j'écouterai... j'entendrai d'abord les questions du député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, M. le Président. J'en parlais justement d'ailleurs avec ma recherchiste sur... On disait justement que la question du paritarisme a été défendue avec beaucoup de clarté aujourd'hui. Et je tiens, bon, à saluer les deux représentants de la CSD, mais c'est la première fois qu'on voit, là, tous les éléments sur lesquels reposent ceux et celles qui la défendent. Et, qu'on soit d'un côté ou de l'autre ou qu'on réfléchisse sur quel est le meilleur, je pense que les arguments avancés de votre part sont très clairs à tous les niveaux. Donc, ça permet sûrement d'éclairer tous ceux et celles qui n'ont pas votre expérience ni votre compétence dans le domaine, et c'est mon cas plus particulièrement, je vous dirais. Donc, c'est intéressant pour la réflexion future.
Où j'ai des questions plus précises, et je pense que vous l'avez abordé... De toute façon, sur le paritarisme, on a quand même... Et, sur le lien des relations de travail, je pense que vous l'avez bien fait ressortir aussi. Sur l'aspect des recours, et là ça m'a étonné un peu, et je relis... Au niveau de la disparition du recours, là, les congédiements illégaux, articles 32 et 227, là, de quelle façon vous concluez qu'effectivement l'amendement actuel pourrait aboutir à l'abandon du recours?
M. Faucher (Claude): Premièrement, en ce qui concerne le projet de loi, la section I.1, qui introduit la nouvelle section des lésions professionnelles, nous dit que la section des lésions professionnelles est chargée de statuer sur des recours portant notamment sur la prévention, l'indemnisation, le droit de retour et le financement.
Donc, dans ces sujets-là, on ne retrouve pas un recours en article 32 qui porte sur une mesure qu'un employeur a prise contre un salarié; ce n'est pas couvert. Donc, c'est comme si...
M. Bédard: ...finalement va être amené, oui.
M. Faucher (Claude): C'est ça. C'est comme si, d'entrée de jeu, on disait que ce n'est pas la section lésions professionnelles. Donc, ça nous pose la question: est-ce que ça veut dire qu'on voudra l'envoyer aux autres sections? Donc, il y a un gros point d'interrogation.
n(17 h 10)n Deuxièmement, un peu plus loin, quand vient le temps d'amender la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles, on modifie ou on enlève l'actuel article 359.1 qui dit actuellement que les recours en 32 sont portables devant la Commission des lésions professionnelles. Cet article-là actuel dit ça. On l'enlève pour le remplacer par un autre article qui prévoit d'autre chose. Alors là on dit: Il y a comme un vide, là. Est-ce qu'on l'a prévu? C'est un questionnement qu'on a. Est-ce que c'est une erreur, un oubli? Est-ce que c'est déjà couvert par une autre disposition? En tout cas, ce n'est pas clair, parce que, si le législateur avait prévu un 359.1 spécifiquement pour les cas d'article 32 puis son pendant dans la loi... C'est parce que la Loi sur la santé et la sécurité, concernant des mesures semblables, fait référence à la procédure de la Loi sur les accidents de travail. Donc, si on l'a fait disparaître, il manque quelque chose, là. On soupçonne, là, en tout cas. On vous dit: Regardez ça comme législateurs, on pense qu'il y a un oubli.
M. Bédard: Alors, c'était le but de ma question de bien faire ressortir cette problématique qui peut... Parce que le but n'est pas évidemment d'enlever le recours, c'est clair, sinon on aurait aboli les articles 32 et 227...
M. Faucher (Claude): Je suis convaincu. Je suis convaincu.
M. Bédard: ...alors, ce qui n'est pas le cas. Mais vous ne souhaitez pas qu'il y ait un vide juridique pour les gens qui vont utiliser le recours finalement... qu'ils puissent l'utiliser puis ils ne se fassent pas plaider finalement que le recours n'est pas bon parce qu'il n'y a pas d'instance... on n'a pas attribué de juridiction à personne pour administrer le recours. C'est votre crainte, c'est ce que je comprends.
M. Faucher (Claude): Oui. J'ai la conviction qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui a pour but d'enlever des droits. Je suis convaincu, mais sauf que, dans ses effets, c'est là qu'il faut se questionner.
M. Bédard: Méfiez-vous. Méfiez-vous. Ha, ha, ha! Je suis convaincu que ce n'est pas le cas non plus pour l'actuel recours.
Sur le délai, un autre élément que vous faites ressortir, que je trouve intéressant, parce que vous amenez tout l'aspect plus pratique des choses, le ministre souhaite... Le projet de loi, le but, on le sait, vous l'avez dit vous-même d'ailleurs: ramener les délais, faire en sorte que les gens aient une justice, sans être expéditive... Et, ce n'est pas le but d'ailleurs, la justice expéditive est souvent une... et même, presque dans tous les cas, une mauvaise justice.
Mais vous dites: Le fait de rapprocher les délais, entre autres le délai de 90 jours, pourrait avoir des impacts beaucoup plus importants pour les travailleurs dans la recherche justement d'expertise médicale. Vous pratiquez... ou votre collègue semble pratiquer dans ce domaine-là. Et là on parle de gros employeurs, parce que, j'imagine, les petits employeurs vont être pris à peu près dans la même problématique que les travailleurs, là. Mais, pour les plus gros employeurs qui ont les moyens de se payer... avoir presque des gens à temps plein pour faire ça, là, c'est ça... Quel délai, vous pensez, qui est... Vous, là, en termes de pratique, c'est quoi, le délai normalement que ça vous prend? Et là sans... Je comprends que toute maladie est différente. Je fais appel à un neurochirurgien, un orthopédiste... Comme moi, je me souviens, dans ma région, les orthopédistes, il est venu un moment, il y en avait beaucoup et, par la suite, ils sont tous partis, donc... et là ça devenait très compliqué, avoir une expertise en orthopédie.
Mme Roiseux (Marie Anne): Et d'autant plus qu'une expertise, ce n'est pas nécessairement tous les médecins spécialistes qui vont accepter d'en faire. Alors, il y a des régions où les gens doivent carrément se déplacer. Je ne serais pas surprise de savoir que, dans votre région, les gens doivent se rendre à Québec pour pouvoir avoir un expert, c'est-à-dire une personne qui accepte de produire un rapport et de défendre ce rapport-là devant un tribunal. Pour beaucoup de médecins experts, c'est quelque chose de très difficile que de se faire dire qu'ils n'ont peut-être pas la vérité, alors ils ne sont pas tous prêts à venir défendre leur opinion devant un tribunal.
Dépendant des médecins, dépendant, je dirais, de leur cote de leur popularité ou de leur domaine d'expertise, on peut attendre jusqu'à six mois, je dirais même parfois huit mois pour avoir une expertise, dépendant du champ de pratique et de l'agenda de ce spécialiste-là. Alors, ça, c'est déjà une chose.
Mais ce qu'on trouve aussi d'un peu dangereux dans cette procédure, d'une part, il ne faut pas oublier qu'il y a deux personnes, en plus de la CSST, qui sont intéressées dans un dossier. Alors, vous avez, par exemple, un employeur qui décide... qui a une décision qui ne le satisfait pas de la CSST et qui la conteste, discute avec la CSST. La CSST lui dit: Bien, si vous avez l'opinion d'un médecin, ta, ta, ta, ta, on va peut-être réviser notre décision, produit, dans les 90 jours ou dans les 120... Et c'est long pour des gens qui sont au travail... qui sont peut-être même déjà revenus au travail. C'est long, 120 jours. Et 180 jours, c'est six mois. Alors, si vous avez l'opinion d'un médecin, voilà, on va peut-être changer notre opinion. La CSST modifie son opinion. Donc, le travailleur, lui, qui avait été accepté souvent ne réagira pas, ne comprendra pas l'impact que ça pourrait avoir, par exemple, d'être refusé, c'est-à-dire qu'il va devoir rembourser certaines sommes. D'autre part, quel est son délai, à lui, pour contester cette décision-là?
M. Bédard: ...
Mme Roiseux (Marie Anne): Est-ce que c'est 30 jours? Est-ce que c'est 90 jours? Est-ce que lui-même pourra redemander un autre délai de 180 jours, puisque ce 90 jours peut être augmenté de 90 jours pour obtenir une expertise médicale, pour, lui-même, produire une autre preuve médicale? Et est-ce que finalement on ne se retrouve pas à donner de plus en plus de délais, et à retarder, et entraîner tout le monde dans une confusion plutôt que de dire: Bon, vous contestez une décision, vous préparez la preuve et, dans un délai de plus ou moins un an, on a en général procédé devant le tribunal? Et ce qui retarde, mais, encore une fois, là-dessus on n'a pas de pouvoir, c'est la présence des experts qui est parfois aussi très longue à assumer. Mais ça, je ne crois pas qu'on puisse faire une loi, malheureusement, qui force les experts à être disponibles dans des délais plus rapides.
M. Bédard: ...encore. Puis effectivement, bon, mon autre question portait sur la révision, mais vous l'avez bien abordée. Mais vous n'êtes pas les seuls à avoir soulevé cette problématique qui est plus que juridique. Il peut y avoir eu un oubli. Il semble, parce qu'on n'a pas encore eu... Et, c'est normal, on est en auditions, là, on ne peut pas questionner le ministre, vous savez, alors il faut sonder les coeurs, c'est plus compliqué un peu donc. Mais il semble y avoir effectivement une problématique relativement à ces articles et au statut juridique de la révision, de ce que ça entraîne comme délais, là. Je vous avouerais que... Et j'ai relu encore les articles. Je n'avais pas vu à la première lecture, mais, avec des spécialistes qui pratiquent à tous les jours, on voit... ça nous a allumés sur des points ? en tout cas, moi, personnellement ? puis ce sera des éléments sur lesquels nous souhaitons avoir aussi des réponses plus précises... et souhaiter que ça n'entraîne pas plus de délais ou, même plus, de complexifier les dossiers.
Certains nous disaient aussi: même la révision possible de l'organisation qui décide elle-même de se réviser sans appel, je veux dire, sans... c'est quand même assez particulier. Normalement, une instance va épuiser sa juridiction, hein? C'est le concept juridique de l'appel, celui de dire: Tu as rendu la décision, après ça c'est quelqu'un d'autre qui va décider à ta place. Dans ce cas-ci, ça fait référence à d'autres. Vraiment, c'est les plaideurs qui vont décider... pas les plaideurs, les parties qui vont décider qu'est-ce qu'on fait avec la décision, finalement. Et, dans ce cas-ci, il y a comme un flou qui peut sembler sympathique, mais, dans les faits, au niveau juridique et au niveau concret, plutôt, de ceux et celles qui sont appelés à plaider, c'est quand même particulier que la personne garde sa juridiction, révise d'elle-même sans même un téléphone.
Mme Roiseux (Marie Anne): ...sans qu'on sache qu'est-ce qu'elle va aller vérifier avec l'autre partie, parce que, là, ça se passe entre... Par exemple, là vous les nommez, ça pourrait être un travailleur aussi et la CSST sans que l'autre partie soit amenée à donner son commentaire ou à faire part de sa position là-dessus.
M. Bédard: Ce qui est très particulier parce qu'elle ne sait même pas que c'est révisé, en plus.
Mme Roiseux (Marie Anne): Alors, voilà.
M. Faucher (Claude): Il y a un autre élément, si vous me permettez, puisque vous parlez des délais, qui me revient à l'esprit, c'est qu'il me semble qu'il y a une disposition qui permet par entente de prolonger les délais d'appel. Ça aussi, c'est source de confusion, là. Quand il y aura véritablement une entente puis quand il n'y en aura pas entre les parties pour prolonger les délais de contestation, ça aussi, ça risque d'être une source de confusion. Normalement, des délais, c'est des délais qui sont là pour être respectés. Ce sont des délais de rigueur qui sont prévus dans la loi, et on devrait se limiter à ces délais-là et non pas permettre à des parties privées de prolonger les délais de la loi.
M. Bédard: Merci.
n(17 h 20)nLe Président (M. Simard): Alors, très bien. M. Faucher, Mme Roiseux, merci infiniment. Et je vais demander tout de suite aux représentants du Front commun des personnes assistées sociales du Québec de venir se joindre à nous.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Simard): Bon. Nous nous excusons de ces... Vous le savez, en commission parlementaire, ce sont des retards auxquels vous êtes habitués, d'autant plus que vous êtes des familiers de ce forum. Vous étiez d'ailleurs avec nous pour le projet de loi n° 4, et on se souvient de votre présentation assez directe. Alors, nous allons vous entendre au cours des 20 prochaines minutes et, ensuite, entreprendre un dialogue avec vous. M. Desgagnés, à vous la parole.
Front commun des personnes
assistées sociales du Québec (FCPASQ)
M. Desgagnés (Jean-Yves): Alors, oui. Alors donc, bonjour, tout le monde. Alors donc, merci, là, d'avoir accepté de nous entendre, d'entendre le Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Alors, je suis accompagné aujourd'hui pour ma présentation, pour la présentation du Front commun, de mon collègue Christian Loupret qui... Christian est intervenant dans une association locale qui s'appelle l'Association pour la défense des droits sociaux du Québec métropolitain, donc... Alors, Christian m'accompagnait d'ailleurs pour... quand on a présenté ici, en commission parlementaire, le mémoire sur le projet de loi n° 4. Donc, merci d'avoir accepté.
Et on tient aussi à préciser que nous allons intervenir, nous, à partir du point de vue des citoyens et citoyennes que nous représentons, donc des personnes assistées sociales. On doit souligner aussi que nous ne sommes pas avocats, nous ne sommes pas juristes; nous allons donc amener le point de vue du citoyen, de M. et Mme Tout-le-monde, tu sais, qui effectivement parfois se confronte à un organisme, un ministère qui rend une décision que la personne considère injuste et qui doit justement, là, utiliser, dans le fond, ce qu'on appelle la justice administrative pour faire valoir ses droits et ses recours. Alors donc, c'est vraiment à partir de ce point de vue là.
Donc, nous ne sommes pas particulièrement intéressés à défendre des intérêts corporatistes, quels qu'ils soient. Nous défendons le point de vue de citoyens et citoyennes qui vivent dans la pauvreté et qui, dans le fond, font affaire avec une administration, donc l'Agence de la sécurité du revenu, qui, chaque mois, rend environ entre 750 000 et un million de décisions. Alors donc, on voit que c'est une machine qui rend des décisions quotidiennes, et, parmi les décisions rendues chaque année, il y a environ 20 000 citoyens et citoyennes qui contestent, dans le fond, qui contestent les décisions qui sont rendues, et, de ce nombre, environ 5 000 vont présenter une demande au Tribunal administratif du Québec.
Donc, alors, en ce qui concerne le projet de loi n° 35, il est clair pour nous que c'est un projet qui comporte plusieurs changements importants, qui propose notamment la fusion de la Commission des lésions professionnelles et du Tribunal administratif afin de créer le Tribunal des recours administratifs du Québec. On comprend aussi qu'on revient, dans le fond, avec une mesure qui nous avait été annoncée dans le projet de loi n° 4, soit la réduction des formations, là, appelées à instruire, tu sais, des recours à la section des affaires sociales. On constate aussi que le projet de loi n° 35 vise aussi dorénavant à nommer pour mandat de bonne conduite les membres du TAQ. On constate aussi qu'on veut abolir le Conseil de la justice administrative, qu'on veut revoir les règles de déontologie et qu'on veut établir également des nouvelles modalités de révision administrative.
Alors, c'est sûr que c'est un projet de loi donc qui est complexe, et nous n'avons pas la prétention de nous prononcer sur l'ensemble, dans le fond, du projet de loi. Nous allons concentrer notre intervention sur trois éléments du projet de loi n° 35. Alors, nous allons intervenir sur la diminution de deux à un membre des formations chargées d'instruire et de décider des recours en matière d'affaires sociales. Nous allons intervenir sur la question de la nomination pour durée de bonne conduite des membres du... ce qu'on appellera dorénavant le TRAQ. Et nous allons également nous prononcer sur les nouvelles modalités de révision administrative. Donc, nous allons nous concentrer sur ces trois aspects du projet de loi n° 35.
Alors, sur la question de la réduction des membres... du nombre de membres chargés d'instruire des recours, je vais laisser la parole à mon collègue Christian Loupret qui va vous introduire notre position sur cette question.
M. Loupret (Christian): Moi, dans la vie, je travaille avec des personnes assistées sociales. Lors de la commission parlementaire sur le projet n° 4, j'ai déjà exprimé mon opinion sur le fait que les membres du tribunal, sur le banc, passaient de deux à un. Donc, j'ai refait un petit résumé de qu'est-ce que j'avais dit à ce moment-là.
Il me semblait que les anciennes dispositions avaient pour but de donner au tribunal une plus grande expertise dans le domaine social. Or, dans les changements que vous avez proposés, à moins d'une cause exceptionnelle, le tribunal ne sera formé que d'un avocat ou d'un notaire. Une telle approche dénote une volonté d'uniformiser le tribunal et de l'enfermer dans une logique purement juridique en ne faisant plus aucune distinction entre un litige à forte connotation sociale et une affaire immobilière.
De plus, le projet de loi ne tenait pas compte que l'on est ici en présence d'une législation de dernier recours où un droit humain fondamental est en cause et que ce type de dossiers mérite un traitement davantage humanisé. Donc, c'était ça, en gros, la dernière fois, là.
M. Desgagnés (Jean-Yves): C'est ça. Donc, en fait, on... Donc, effectivement, là, quand on s'était présenté ici, en commission, sur le projet de loi n° 4, alors, nous avions exprimé notre désaccord effectivement sur la réduction du nombre de membres de deux à un, parce que, pour nous, cette réduction-là avait comme conséquence, dans le fond, de faire perdre au Tribunal administratif du Québec sa spécificité et son caractère multidisciplinaire. Donc, on constate que le projet de loi n° 35 revient à la charge avec cette disposition-là. Donc, pour nous, ça demeure toujours inacceptable.
Et on tenait aussi à vous rappeler aussi le rapport de mise en oeuvre. En tout cas, je pense que, cet après-midi, vous avez entendu, là, je pense, le sous-ministre qui est venu expliquer en gros les grandes lignes de ce rapport-là. Et, dans le Rapport sur la justice... justement, sur la mise en oeuvre de la justice administrative, à la page 86 et 93, il est dit que le TAQ même, les membres du TAQ, alors le TAQ... «Le tribunal considère que le fait que plusieurs décisions soient rendues par deux membres constitue un gage de qualité en raison des échanges et de la double vérification que cela suppose.» Alors donc, même le TAQ, dans le fond, défend la position, dans le fond, de maintenir la composition des formations à deux membres.
On disait même dans le fameux rapport que, selon le tribunal, «la réduction des formations à un seul membre pour entendre les demandes et en décider n'est pas un moyen à privilégier». Il me semble que c'est clair, ça, ce qui est dit là dans ce rapport.
n(17 h 30)n«Dans les faits, le tribunal n'y a recours que si la question en litige ne requiert pas d'expertise.» Donc, il y a même une marge de manoeuvre qui existe déjà pour réduire les... Alors donc, pour nous, c'est clair que cet aspect-là du projet de loi n° 35, on n'en veut pas. Donc, on n'est pas d'accord avec la réduction du nombre de membres de deux à un. On veut le maintien de deux membres pour garder, dans le fond, la spécificité du TAQ.
Sur la question maintenant de la révision, qui est un autre aspect auquel veut s'attaquer le projet de loi n° 35, on constate que, là, maintenant, on connaît les véritables intentions du ministre. Donc, on veut effectivement abolir, dans le fond, la révision, telle qu'elle existe présentement et on veut la remplacer par une révision discrétionnaire. Je sais, M. le ministre, que vous avez déjà dit que le projet de loi n° 35 maintenait un mécanisme de révision. Effectivement, ça maintient un mécanisme de révision, sauf qu'on a analysé finement effectivement le projet de loi n° 35, et vous retrouverez à la fin de notre mémoire un schéma, que je vous invite d'ailleurs à prendre connaissance, un schéma qui explique effectivement... Parce que, des fois, hein, d'avoir des schémas, ça permet vraiment peut-être de voir un peu la... de mieux comprendre la mécanique. Et, dans ce schéma, qui est à la fin de notre mémoire, on compare la situation actuelle... Naturellement, c'est un schéma qui, dans le fond, veut démontrer un peu l'impact, dans le fond, tu sais, de la loi n° 35 sur le cheminement d'un recours à l'aide sociale. O.K. On s'est limité toujours au volet Aide sociale.
Alors, quand on compare la situation actuelle à la situation après la loi n° 35 ? bon, en tout cas, je ne le présenterai pas en détails parce que je pense que vous connaissez bien les changements qui sont apportés ? mais quand on regarde un peu, visuellement, la situation actuelle comparée à la situation après la loi n° 35, on constate finalement que le projet de loi n° 35 ne simplifie pas du tout, dans le fond, les recours du citoyen face à l'Administration. Il a plutôt pour effet de complexifier, dans le fond, le cheminement d'un recours.
Le fait qu'on abolisse le palier... Présentement, il y a trois paliers, hein, la décision au bureau local, le palier de la révision et le palier de l'appel. Présentement, il y a trois paliers qui sont clairement établis, clairement identifiés, et c'est assez facile pour un citoyen de s'y retrouver. Mais, quand on compare, là, avec le projet de loi n° 35, on constate finalement que ça paraît plus simple parce que, là, on dit: la personne, elle a un seul endroit pour contester, c'est le TRAQ. Sauf que là on constate que, là, à partir du moment où ta demande est faite au TRAQ, là, il peut y avoir une révision discrétionnaire du ministre, donc on passe d'un véritable mécanisme de révision à une révision discrétionnaire, et là on s'aperçoit que, à partir de ce moment-là, si le ministre révise sa décision, on retourne la décision à l'administré, et là si l'administré n'est pas satisfait, eh bien là il faut qu'il signifie au TRAQ qu'il maintient sa révision.
Donc, pour nous, là, la nouvelle procédure, elle est vraiment inacceptable parce qu'elle crée un labyrinthe. Elle augmente, dans le fond, le pouvoir discrétionnaire de l'Administration. Et la conséquence, c'est que c'est les administrés, dans le fond, qui sont perdants. Et, pour nous, ça va vraiment à l'encontre de la loi même de la justice administrative qui dit que la justice doit permettre le respect des droits fondamentaux des administrés, et la révision qu'on nous propose a plutôt l'effet contraire.
Alors, sur la révision, je vais laisser aller aussi mon collègue parce que, dans le cadre du projet de loi n° 4, on avait également développé... parce que quelqu'un a dit tout à l'heure: Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne déjà bien et pour lequel, nous, on est satisfaits en matière de révision de l'aide sociale? Et Christian va expliquer un peu notre point de vue là-dessus.
M. Loupret (Christian): Bien, moi, là, ce que je disais, c'est que les services de révision, où les délais sont beaucoup moins longs qu'au Tribunal administratif, bien, ils ne réussissent à répondre à la demande à l'intérieur des délais prescrits par la loi que dans 60 % des cas. Donc, imaginons le Tribunal des recours administratifs du Québec, une structure beaucoup lourde puis judiciarisée, comment que ça... les difficultés qu'ils vont avoir. Puis que va-t-il arriver lorsqu'il y a un refus d'attribution de la demande initiale, où que le chèque sera amputé de plus de 50 % et que la loi prescrit que la décision doit être rendue dans les 10 jours ouvrables? Donc... Puis aussi, même des personnes instruites se sentent intimidées devant un tribunal. 63 % des personnes assistées sociales n'ont pas plus qu'un secondaire IV. Cela peut être très intimidant de répondre aux questions de l'avocat du ministère. Cela forcera les gens à obtenir un avocat de l'aide juridique. Qu'en seront les coûts supplémentaires à l'aide juridique?
Dans les bureaux de service de révision, l'individu est assis face à face avec l'agent réviseur. Il lui est assez facile de lui expliquer sa situation. S'il lui manque certains documents, il peut être possible de reprendre rendez-vous avec l'agent réviseur une fois les papiers en sa possession. N'est-ce pas le but des lois sociales d'avoir un côté plus humain? Nous trouvons très important de ne pas perdre ce bureau de justice administrative, le service de révision. Cette étape est cruciale, car elle permet l'exercice d'une justice de proximité, ce que ne peut pas être le TRAQ, compte tenu de sa fonction juridictionnelle. Selon les demandes traitées par le service de révision au cours de l'année financière 2002-2003, 31 % des demandeurs ont obtenu un gain à leur cause. La raison invoquée par le ministre Bellemare que les bureaux de révision maintiennent les décisions des centres locaux d'emploi ne tient donc pas la route.
Donc, je vais terminer avec l'article 45 du Code du travail... pas du Code du travail, de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne: «Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.» Merci.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Alors, comme le mentionne Christian dans les chiffres qu'il donne, donc 31 % des personnes qui contestent obtiennent gain de cause; et c'est sans compter le prétraitement, parce qu'il y a aussi des prétraitements qui se font, et, là aussi, il y a à peu près 24 % de... pas 24 %, mais environ 13 % de dossiers qui sont prérévisés. Donc, entre le moment où la personne conteste et il y a une décision qui se rend, il y a environ 44 % des dossiers qui se règlent en révision. Ce n'est quand même pas à dédaigner, ça.
Et l'autre avantage d'un palier de révision, c'est que ça permet aussi... ça joue un rôle un peu d'écrémage. Mettons une personne, un citoyen qui se sent quasiment lésé, il peut avoir accès rapidement à une révision. Et là, lorsqu'elle se présente en révision, la personne, effectivement, elle peut voir si son recours est fondé ou pas et là elle peut décider si elle va poursuivre au TRAQ, au Tribunal administratif du Québec, ou si elle va abandonner. Donc, il y a un rôle d'écrémage qui se joue aussi, donc ça fait qu'il y a moins de recours qui se rendent directement au TRAQ.
Et, comme le dit Christian, si on tombe à un seul palier de contestation, s'il ne reste que le TRAQ comme seul recours pour les citoyens et citoyennes à l'aide sociale, la conséquence, c'est que, nous, on va conseiller aux personnes d'avoir recours systématiquement à des avocats, parce que, là, c'est le seul recours qu'elles vont avoir. Donc, là, elles doivent être vraiment très, très bien préparées pour être sûres que leur dossier soit bien défendu au niveau du TRAQ. Donc, c'est clair que la conséquence des changements qui sont proposés, c'est plus de frais d'avocat, plus d'honoraires d'avocat, plus de frais à l'aide juridique, parce que, là, effectivement, comme l'a dit Christian, les gens, ça devient un palier juridictionnel où, là, finalement, les règles du jeu ne sont pas celles de la révision, du palier de la révision, qui est un palier beaucoup plus proche des citoyens puis des citoyennes.
En tout cas, nous, on vous invite à vraiment regarder ce qui se passe du côté de l'aide sociale. Ça fonctionne, la révision. Et peut-être que, si on s'inspirait de ce qui se passe en matière d'aide sociale et qu'on appliquait ça à l'ensemble des organismes du gouvernement du Québec, peut-être que les mécanismes de révision seraient de beaucoup... fonctionneraient beaucoup mieux, parce qu'il y a une pression de mise sur l'Administration. C'est ça qu'il faut faire, c'est mettre de la pression sur l'Administration, et ça, on le fait en donnant un pouvoir aux administrés de pouvoir forcer l'Administration à rendre des décisions dans les délais qui sont prévus par la loi, parce qu'il y a des délais très, très précis et très clairs à respecter.
Donc, pour conclure sur la révision, nous sommes en désaccord avec le projet de loi n° 35 par rapport aux modifications qui sont proposées. Pour nous, ce serait vraiment un recul important et ce serait vraiment l'Administration, dans le fond, qui sortirait gagnante et les avocats qui en sortiraient gagnants, des modifications qui sont proposées.
En ce qui concerne ? et je vais terminer avec ça ? en ce qui concerne la nomination pour durée de bonne conduite des membres du tribunal, nous sommes totalement en accord avec ce changement proposé, parce que, pour nous, effectivement, ça va permettre une plus grande indépendance, une plus grande impartialité. Il y a un aspect cependant qui nous inquiète, c'est qu'il n'y ait pas de mécanisme de prévu pour effectivement s'assurer que la bonne conduite soit respectée pendant toute la durée du mandat. Donc, je pense qu'il y aurait peut-être matière à amélioration de ce côté-là. Alors, voilà, ça termine notre présentation.
Le Président (M. Simard): Merci, MM. Desgagnés et Loupret. J'invite le ministre maintenant à poser les premières questions ou, en tout cas, à faire les premiers commentaires.
M. Bellemare: Alors, merci, M. Desgagnés. Merci et bienvenue, M. Loupret. Concernant la bonne conduite, vous êtes favorables. Vous élaborez très peu dans votre mémoire sur les bienfaits des nominations selon bonne conduite, mais vous joignez votre voix à celle d'à peu près tous ceux qui sont venus nous parler de justice administrative depuis mardi dernier.
Êtes-vous en mesure de nous expliquer, vu de la personne qui est sur l'aide sociale, en quoi les nominations selon bonne conduite amélioreraient les critères d'indépendance et d'impartialité, comme vous l'alléguez dans votre mémoire? Êtes-vous en mesure de nous expliquer en quoi s'enrichirait la qualité de la justice administrative?
n(17 h 40)nM. Desgagnés (Jean-Yves): Bien, c'est que ça va... en tout cas, le fait qu'on assure dans le fond aux membres, aux commissaires du TAQ ou du TRAQ ? il y aura le TRAQ, là... le fait de leur assurer un mandat, d'assurer leur mandat, bien, pour nous, ça les rend plus indépendants face à l'Administration, parce que le fait de maintenir des mandats de durée de cinq ans, eh bien, naturellement, tu sais, il y avait un risque. En tout cas, nous, c'est toute la question de la confiance, dans le fond, qu'on pouvait avoir envers les commissaires. Le fait qu'ils soient nommés pour durée de bonne conduite, ça nous assure, dans le fond, qu'ils ne sont pas à la merci, dans le fond, d'un changement d'Administration. Donc, le fait qu'ils soient nommés au-delà d'un gouvernement, bien, pour nous, ça assure une plus grande indépendance et ça nous donnerait en tout cas davantage confiance dans la justice administrative. Ça ne règle pas tous les problèmes, mais ça augmenterait en tout cas le caractère d'indépendance.
M. Bellemare: Je vous parlerai des délais de révision. Je peux vous rassurer sur cette question. Nous allons vraisemblablement modifier le projet de loi pour faire en sorte que les délais qui sont déjà prévus à la loi soient repris dans le projet de loi n° 35. Vous avez raison là-dessus, le projet de loi impose un délai maximal de 90 jours, alors qu'on a, en matière de sécurité du revenu, des délais qui sont déjà plus courts que ça, comme le délai de 10 jours dans les cas où la prestation est réduite de plus de la moitié. Alors, nous allons nous en assurer, et j'imagine que l'opposition serait favorable également à ce que les délais qui sont déjà très courts, plus favorables aux citoyens, soient maintenus dans le projet de loi n° 35.
Question concernant la représentation. Vous dites dans votre mémoire que la procédure de révision augmenterait le recours à l'avocat, augmenterait le nombre de gens représentés par avocats, que ça coûterait plus cher d'aide juridique parce qu'il y aurait davantage d'avocats dans le système. Dans la mesure où la représentation des gens sur l'aide sociale relève, en vertu de la Loi du Barreau, exclusivement des avocats, est-ce que ce n'est pas un signal positif que de croire que davantage d'avocats seraient impliqués dans la défense des gens sur l'aide sociale? Nous avons entendu beaucoup de groupes en matière d'assurance auto, des victimes d'actes criminels ce matin, d'accidents de travail aussi, nous demander que la représentation soit améliorée, parce qu'il y a un déséquilibre important entre le citoyen et l'État dans tous les dossiers de justice administrative. Nous avons entendu les groupes nous répondre à la question: Que feriez-vous pour améliorer la représentation? Que feriez-vous pour diminuer le déséquilibre entre le citoyen et l'État? Et on nous a répondu presque invariablement que l'augmentation des budgets d'aide juridique assurerait davantage la représentation des citoyens et donc améliorerait la qualité de la justice administrative en brisant ou en atténuant, à tout le moins, le déséquilibre. Vous avez l'air à trouver que le recours à l'avocat constitue un désavantage. Je ne comprends pas. Expliquez-nous ça.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Bien, par rapport... On parle toujours par rapport à... Nous, dans le fond, ce qu'on défend, c'est le point de vue d'une justice de proximité. Nous, notre approche, en matière... quand les gens viennent nous rencontrer dans nos organismes, c'est d'outiller la personne pour qu'elle comprenne effectivement ses droits, hein, et ses recours et, dans le fond, l'aider à ce qu'elle-même se représente. Parce que, nous, ce qu'on veut... Parce que, nous, les gens qui viennent nous voir, c'est qu'ils viennent parce qu'ils ont... leur chèque a été coupé ou on leur a refusé l'aide sociale. Donc, il y a une urgence de régler le dossier. Donc, nous, là, notre approche, c'est de régler le plus possible au plan local et au plan régional le maximum de dossiers. C'est notre approche en matière d'aide sociale. Pas nous prononcer en matière de santé et sécurité au travail, en matière de... Peut-être que dans d'autres domaines, c'est peut-être, tu sais, je veux dire... Mais, nous, en matière d'aide sociale, il y a une urgence de régler. Donc, tout ce qu'on peut régler localement et régionalement, pour nous, c'est à l'avantage du citoyen puis de la citoyenne.
Et les gens sont... Et, nous, on considère que les gens ont la capacité de se défendre. Et, quand les dossiers sont plus complexes, effectivement, on va suggérer aux gens de faire affaire avec des avocats. Mais, le plus possible, on essaie d'outiller les gens pour qu'eux-mêmes... Parce que, dans le fond, le but de la justice administrative, c'est de permettre justement que ce soit simple, de permettre aux administrés de pouvoir, dans le fond, exercer leurs droits et leurs recours, là. Je pense qu'on n'a pas intérêt à judiciariser au maximum. Je pense qu'on a intérêt... Si on veut que la justice... si on veut que le citoyen ait le sentiment qu'il a un pouvoir sur l'Administration, il faut qu'il puisse agir... il faut que ça fonctionne assez rapidement, et c'est le palier local et le palier régional qui nous permettent d'assurer cette célérité-là et cette rapidité-là.
M. Loupret (Christian): ...là-dessus. Je dirais... On fait de la défense collective de loin. On fait en sorte que les gens soient capables de reprendre leur vie en main. À moins d'être avec un avocat qui travaille déjà dans le communautaire, l'individu va être comme tassé de son dossier. Il ne participe comme plus à sa défense aussi. Il n'y a pas nécessairement un aller-retour entre l'avocat et son client. En tout cas...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Puis on aurait peut-être une critique à faire du monde... du milieu des avocats, puis je ne pense pas que c'est le but de la commission, mais disons que parfois on vit des insatisfactions par rapport au milieu des avocats.
M. Bellemare: Le but de la commission est d'améliorer la qualité de la justice administrative à travers un projet de loi qui est le projet de loi n° 35, et vous nous dites que vous croyez que les gens ont la capacité de se défendre en autant qu'ils sont conseillés, qu'ils sont outillés par votre organisation.
Je vous dirai que nous avons entendu la Commission des services juridiques, ici, qui représente plusieurs avocats qui sont versés en droit social et qui sont parmi les plus compétents au Québec, et nous avons l'impression ? en tout cas, c'est la mienne ? que l'augmentation de la représentation améliorerait la qualité des règlements qui sont conclus avec les gens qui sont sur l'aide sociale. Et, dans la mesure où tous les gens qui sont sur l'aide sociale, par définition, sont admissibles de plein droit à l'aide juridique, personnellement, je vois d'un très bon oeil qu'il y ait une augmentation de la représentation et que davantage de gens sur l'aide sociale aient droit à un avocat.
Je ne conteste pas votre compétence, je vous dis simplement que, s'il y a un avocat de l'aide juridique ou du privé avec un mandat de l'aide juridique qui peut représenter une personne sur l'aide sociale à toutes les étapes, ça n'empêche pas qu'il y ait une justice de proximité puis qu'il y ait des règlements avant le TRAQ ou le TAQ. Mais, à mon avis, une représentation accrue ? et c'est ce que vous semblez dire ? constitue une excellente nouvelle pour les gens sur l'aide sociale. Je ne comprends pas comment vous pouvez avoir des hésitations par rapport à ça.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Bien, ce n'est pas une bonne nouvelle, parce que, là, dans le fond, c'est que... Le changement important qu'apporte le projet de loi n° 35, c'est que, présentement, il y a un palier de révision qui est très... tu sais, qui est vraiment... qui existe, qui est clair, tu sais. Mais ce qu'on nous amène dans le projet de loi n° 35, c'est qu'il y a seulement un seul palier qui va être le TRAQ. À l'intérieur de la mécanique de cheminement au TRAQ, il y a un pouvoir de révision discrétionnaire du ministre ou de l'organisme, là, mais c'est vraiment une révision discrétionnaire. Ce n'est plus la personne qui peut obliger l'Administration à réviser sa décision, c'est le ministre qui peut... Donc, pour nous, c'est un recul très important, parce que l'administré a moins de pouvoir au palier de la révision.
Nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'on veut que les dossiers se règlent rapidement et le plus localement et régionalement possible, ce que ne permet pas... c'est un recul important que nous amène le projet de loi n° 35. Voilà! Et les délais seront beaucoup plus longs aussi.
Le Président (M. Simard): M. le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Desgagnés et Loupret. Deux sujets, d'abord votre position sur la réduction du banc du tribunal de deux à un. Et je comprends de votre mémoire et de votre intervention que vous semblez dire: Deux têtes valent mieux qu'une. C'est tellement important, la décision, qu'il est peut-être préférable d'avoir deux personnes.
Mais, d'un autre côté, est-ce qu'il n'est pas plus difficile ou plus risqué de convaincre, d'avoir à convaincre deux personnes d'une position? C'est-à-dire que vous pouvez très bien avoir une personne que vous convainquez et l'autre que vous ne convainquez pas et qui réussit à convaincre son collègue que justement vous avez tort. Est-ce que vous ne trouvez pas ça plus difficile de vous retrouver devant un banc de deux à convaincre plutôt qu'un?
M. Desgagnés (Jean-Yves): Nous, on trouve ça plus risqué de se retrouver devant une personne, parce que, là, il y a beaucoup moins... parce qu'il n'y a pas... tu sais, il n'y a pas... il y a une question d'équilibre aussi. Dans le fond, c'est que, si tu tombes devant un commissaire, tu sais, qui te trouve antipathique, qui ne t'aime pas la face, là, bien, tu es fait à l'os, tandis que, si tu en as deux, bien, il y en a peut-être un qui va te trouver antipathique puis un autre qui va te trouver plutôt sympathique. Alors, quand la décision va se rendre, ça va faire un équilibre. Disons que les risques sont beaucoup plus grands qu'il y ait un caractère subjectif aux décisions quand c'est seulement une personne qui rend la décision. Il ne faut jamais oublier que, là, ça va devenir le seul recours, c'est le dernier recours de la personne.
On le dit, en matière de justice... On l'avait déjà dit, que, sur le projet de loi n° 4, un citoyen qui fait affaire avec le système judiciaire, en première instance, il y a un juge; plus on monte dans les paliers de révision, il y a plus... Pourquoi il y a plus de personnes? C'est parce que, là, effectivement, les enjeux juridiques sont plus importants, et là on s'en va vers une décision finale, et là on s'assure que la décision soit la plus objective possible, tu sais.
M. Gabias: Mettons de côté les préjugés, là.
M. Loupret (Christian): Juste un petit peu là-dessus...
M. Gabias: On comprendra qu'en première instance...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Non, non, je parle de... On parle de la subjectivité, là.
M. Gabias: Oui. Mais, si on prend les tribunaux normaux, là, il y a un seul juge qui nous entend.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Oui. Mais, après ça, on peut... si on veut aller en révision, en appel, il y a trois juges, puis à la Cour suprême, il y en a sept... il y en a neuf, là, tu sais, je veux dire. Non, mais il faut voir, là. Tu sais, plus on monte dans les paliers, plus... Alors... Et, pour un citoyen ordinaire, là, lui, il veut avoir vraiment l'assurance, quand il conteste, qu'il y a eu justice, tu sais. Mais, s'il n'y a rien qu'une personne qui la rend, là, puis qu'il a l'impression qu'il n'a pas été écouté, bien là il va avoir le sentiment qu'il n'y a pas eu justice.
M. Loupret (Christian): Alors, cette personne-là est avocat ou notaire. Qu'est-ce qu'on demandait à l'époque, c'est qu'il y ait un travailleur social sur le banc aussi qui puisse amener aussi la complexité du problème social. Ce n'est pas juste le côté juridique, là.
M. Gabias: D'accord.
M. Loupret (Christian): Il y avait ça qu'on amenait.
M. Gabias: Je comprends bien. Deuxième point, la question du fait de passer immédiatement à un palier d'appel plutôt que la révision. Est-ce que, vous-mêmes, vous représentez des gens en révision?
n(17 h 50)nM. Desgagnés (Jean-Yves): On vous l'a dit tout à l'heure, nous, on n'est pas des avocats, on n'est pas des juristes. O.K. Alors, non, on ne représente pas des personnes, tu sais, dans le fond, comme tel, en révision, on les... Dans certains groupes, il y a un accompagnement qui se fait, puis, dans d'autres cas, les cas les plus complexes, on invite les gens à effectivement recourir à des avocats.
M. Loupret (Christian): On n'aurait pas le temps.
M. Gabias: C'est-à-dire que, si vous jugez utile d'accompagner des gens en révision, là ? et je ne veux pas rentrer dans un autre débat ? mais si vous jugez utile que ces gens-là soient accompagnés, pour ne pas dire représentés, mais disons accompagnés, vous ne trouvez pas que la décision en révision est aussi importante pour ces personnes-là dans le sens qu'il y a une question de délai à un moment donné? Et, si on constate...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Elle est très importante.
M. Gabias: Si la première décision est prise en sachant que, bon, il y aura peut-être une révision s'ils ne sont pas satisfaits, puis, dans les faits, il y a une première décision sur laquelle on peut... l'Administration peut peut-être se baser en disant: Bon, bien, s'il n'est pas trop satisfait, il y a toujours la révision, ce n'est pas si mal. Et, en révision, il y a des délais. Et, finalement, cette décision-là est importante parce qu'il y a une certaine finalité. Si on n'est pas satisfait en révision, après ça, on s'en va en appel. Vous ne pensez pas que tout ce délai-là...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Ce n'est pas très long.
M. Gabias: ...dessert très bien, dessert les gens?
M. Desgagnés (Jean-Yves): Absolument, ça dessert très bien. Présentement, à l'aide sociale, les délais, là, dans 60 % des décisions rendues, les délais sont respectés en révision. On les respecte, les délais, soit le délai de 10 jours, soit le délai de 30 jours. On les respecte, les délais. Donc, il n'y a pas de problème avec la révision à l'aide sociale. Il y en a peut-être à l'assurance automobile, mais il n'y en a pas à l'aide sociale.
Nous, ce qu'on vous dit: Ne touchez pas à la révision à l'aide sociale. Il y a 20 000 citoyens et citoyennes qui ont recours à ce mécanisme-là. Il y a environ 44 % des dossiers où ça se règle. Pourquoi vouloir toucher, tu sais, à des mécanismes qui fonctionnent? Vous ne faites pas du mur-à-mur, là. S'il y a des problèmes à l'assurance automobile, réglez-les, les problèmes à l'assurance automobile, mais ne venez pas en créer à l'aide sociale, par exemple.
M. Gabias: Merci. Je comprends bien.
Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, j'invite maintenant le député de Chicoutimi à poser la première question pour l'opposition.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie de votre présentation; vous allez devenir des experts en peu de temps en matière de tribunaux administratifs et de... en présentation, vous l'êtes déjà, parce que vous venez quand même assez régulièrement. Alors, je vous remercie. Vous dire aussi...
Le Président (M. Simard): Dans l'opposition, on dit: Assez régulièrement. Quand on est au pouvoir, on dit: Trop régulièrement.
M. Bédard: Non, pas dans mon cas, M. le Président, là.
Le Président (M. Simard): Non, non, je suis certain.
M. Bédard: Au contraire. Tout d'abord, vous faire part d'une ouverture que nous avons eue une position intéressante, je pense, que le ministre nous a faite, nous a proposée en début de commission, à la première journée, sur la multidisciplinarité, entre autres celle que vous avez défendue, celle que, aussi, par la suite, nous avons défendue.
Il y a une proposition de l'Association, je crois, des juges administratifs qui nous a fait la proposition suivante, je vous la fais, et qui a été reprise par le ministre et que je trouve intéressante, celle de modifier l'article 82 actuel qui permet... qui donne le pouvoir au président du tribunal d'assigner, dans les cas où il le juge utile, un seul membre, autrement dit, la règle demeure la double composition, et, dans les cas où effectivement ce n'est strictement que juridique, il n'y a pas d'autre motif d'avoir un banc plus élevé, donc que le président ait ce pouvoir-là de pouvoir assigner un seul juge, dans sa discrétion judiciaire, là, d'assigner un seul décideur dans les cas utiles, et pas la nécessité pour des cas évidemment de justification, là... de ne pas être obligé de justifier, mais avec le critère d'utilité. Seriez-vous... Et c'est que le ministre qui a nous... a fait cette proposition en début de commission. Seriez-vous favorables avec une telle proposition?
M. Desgagnés (Jean-Yves): Si on maintient la règle générale de deux membres et que l'exception devient la règle... C'est que parfois on permet un membre parce que la cause ne le justifie pas. Oui, je pense qu'on n'a aucun problème avec... qu'il y ait une souplesse, effectivement que le président puisse, dans certaines causes, décider qu'il n'est pas pertinent d'avoir deux membres. Alors, ça, ça ne nous poserait pas de problème, donc que ça devienne une exception et non pas la règle générale. Ça, ça nous satisferait effectivement, comme modification.
M. Bédard: Parfait. Merci. Vous soulevez des éléments aussi qui ont été pris par d'autres groupes, telle la publicité des décisions, et vous n'êtes pas les seuls, je vous dis ça en passant.
M. Desgagnés (Jean-Yves): ...élaborer.
M. Bédard: Vous voulez prendre quelques secondes?
M. Desgagnés (Jean-Yves): Oui.
M. Bédard: Mais je vous avouerais que beaucoup ont plaidé, surtout ceux qui sont dans le domaine plus particulier. Ils ont dit: Écoutez, là, c'est une atteinte... Même Me Lippel nous a dit: Vous savez, c'est une atteinte au déséquilibre. Vous renforcez le déséquilibre qui existe actuellement entre ceux qui, en plus d'avoir les moyens, ont aussi toutes les décisions. Alors, en termes jurisprudentiels ou en termes de représentation, ça leur donne en plus un avantage presque insurmontable pour les cas limites, évidemment, là.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Oui, effectivement. Ça, on ne l'a pas mentionné, mais, effectivement, une des modifications du projet de loi n° 35, c'est d'amener la disparition de l'obligation, dans le fond, du ministre de produire un recueil, tu sais, des révisions. Dans notre cas, c'étaient les révisions. Mais, compte tenu que ce n'était pas applicable, on avait obtenu, dans le fond, du ministère d'avoir accès effectivement à la jurisprudence du Tribunal administratif du Québec et on avait réussi à obtenir même que, dans chaque centre local d'emploi, ils puissent, les gens, avoir accès, là, justement à la jurisprudence. Alors, c'est tout nouveau. En tout cas, nous, c'était tout nouveau qu'on pouvait avoir accès à la jurisprudence et, effectivement, c'était une façon de renforcer le pouvoir des citoyens et des citoyennes, là, à l'égard de l'Administration. Alors, le fait qu'on perde, dans le fond, cette disposition-là dans le projet de loi n° 35, pour nous, effectivement, c'est une attaque, dans le fond, aux droits des administrés puis c'est un renforcement du déséquilibre effectivement entre l'Administration et les administrés.
M. Loupret (Christian): On se demande même c'est quoi, le but visé de ça. Parce que tu enlèves du pouvoir aux citoyens. Pourquoi, là? Je veux dire, c'est...
M. Desgagnés (Jean-Yves): En tout cas, quand on arrive à... Je ne sais pas si on a bien compris tantôt la présentation qu'on a faite, mais, tu sais, quand on regarde le schéma, comment, dans le fond, le citoyen, M. et Mme Tout-le-monde va se perdre, comment, dans le fond, on est en train de créer... Le projet de loi n° 35 crée un labyrinthe administratif, là, où le citoyen, dans le fond, ne saura pas, dans le fond, qui... Dans le fond, il a fait une demande au TRAQ, mais finalement il reçoit une décision du bureau local qui vient changer, tu sais... Puis là, si on ne lui dit pas qu'il peut être en accord puis en désaccord avec cette décision-là... Tu sais, ça crée une complexité, une confusion qui va faire qu'il y aura...
En tout cas, nous, ce qu'on a peur, c'est qu'il y ait beaucoup plus de désistements avec le nouveau mécanisme de révision, tu sais, que ce qu'il y a présentement, tu sais. Alors, c'est vraiment... En tout cas, pour nous, c'est une menace au droit des administrés.
M. Bédard: Oui, puis j'ai compris... Et là vous avez fait état de la révision, parce que, tout dépendant des domaines... Et on voit que celui de l'aide sociale, par contre, est très utilisé parce qu'il y a beaucoup de décisions rendues. Il y a beaucoup de révision aussi, mais ça fonctionne bien, alors que, dans d'autres, il y a effectivement des problématiques qui semblent exister, il y a même des mentalités peut-être d'organisation qui sont à modifier. Et, au-delà même de la loi, je vous dirais, il semble qu'il y ait une résistance où l'organisation se referme et, même, au départ, elle ne s'ouvre jamais finalement par rapport à ceux et celles qui utilisent leurs services.
Il y a comme une problématique qu'il faut voir, et là vous m'allumez... Parce que le principe de la révision, je trouvais ça intéressant, mais, dans votre cas particulier, le ministre a fait encore une ouverture sur les délais. Et vous dites même que l'outil de la révision est utile parce qu'il constitue une véritable instance qui peut être utilisée, qui est utilisée, qui est... et qui fait en sorte que, vous me dites ? et là je me souviens des statistiques ? c'est 44 %, là, qui se règlent.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Oui. Qui se règlent, au fond, à l'étape de la révision. Donc, tu sais, on est dans les délais... dans les délais très courts, là, à ce moment-là, tu sais, parce qu'il s'en règle en prétraitement, il s'en règle en révision, puis, même entre la révision puis l'appel, des fois le ministère décide de réviser. Ça fait que, tu sais, on est quand même, là... On permet de régler beaucoup de dossiers dans des délais assez courts. Donc...
Et ce que je voudrais ajouter aussi, c'est qu'on a obtenu aussi, au niveau de l'aide sociale, que le service de révision soit indépendant des bureaux locaux. Ça, c'est important aussi, là, parce que c'est en 1996 que ça a été établi dans la loi de... la dernière réforme de l'aide sociale, mais ça a été mis en place il y a à peu près un an ou deux, tu sais, l'indépendance du service de révision. Et, pour nous, c'est un acquis parce que là on a vraiment un service dont la fonction est de réviser, et là ils sont indépendants de l'administration locale, ils ne sont plus liés par les décisions, alors que, avant, il y avait de la confusion dans les rôles.
M. Bédard: Oui, oui, puis les gens qui se révisent eux-mêmes, c'est plutôt rare, hein! On s'entend que ce n'est pas la norme, là.
M. Loupret (Christian): Emploi-Québec. Emploi-Québec.
M. Bédard: Pardon?
M. Loupret (Christian): Emploi-Québec.
M. Bédard: Oui, c'est ça, mais je veux dire dans le sens de quelqu'un qui arrive à la conclusion qu'il a pris la mauvaise décision. Tu sais, là, la grâce, elle frappe, mais c'est plutôt rare. Donc, souvent, c'est quelqu'un d'autre qui va constater... Et on le fait nous-mêmes, là. Je fais souvent l'exercice comme député de dire: Écoutez, là, je comprends, mais il y a comme une personnalisation qui s'est développée, qui a fait en sorte que vous avez peut-être perdu un petit peu de cette objectivité qui aurait dû animer votre décision. Et là on met quelqu'un de nouveau dans le dossier puis, tout d'un coup, pop! la lumière jaillit. Il y a comme une...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Oui. C'est pour ça qu'il est important, ce palier de révision là, parce que...
M. Bédard: Oui, oui, effectivement, je le comprends. Et là vous dites finalement...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Puis on le perd avec...
M. Bédard: Pas le mur-à-mur. Pas de mur-à-mur. Vous, vous dites: Nous, ça fonctionne. Ailleurs, si ça ne fonctionne pas, bien, faites ce que vous pensez. Est-ce qu'on peut arriver à deux? En tout cas, c'est une suggestion qui est intéressante, je pense, parce que ça fonctionne. Ne brisons pas ce qui n'est pas brisé.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Bien, en tout cas, nous, on ne vous dit pas que c'est parfait mais, en tout cas, je veux dire, ça fonctionne présentement. Il y a des améliorations à avoir, mais...
M. Loupret (Christian): Au service de révision médicale, bien, c'est la seule place que la personne qui a eu un rapport médical refusé peut au moins parler au médecin du ministère puis expliquer son cas aussi. S'il est accusé de vie maritale non déclarée, l'enquêteur qui a enquêté dessus, c'est un peu comme un policier, il enquête, lui, il ne cherche pas, là... À ce moment-là, au service de révision, bien, il peut expliquer la situation aussi. Il l'explique face à face, il ne l'explique pas devant un tribunal, là. Ce n'est pas la même chose.
M. Bédard: Merci. Un autre élément plutôt que vous soulevez dans votre mémoire, pas dans votre présentation, mais il est très précis et c'est pour ça que je veux avoir... Vous dites, à la page 9: «En raison de la disparition de l'article 136 ? de quelle loi s'agit-il? et là je vais le lire au complet, là, c'est au niveau des intérêts, du paiement des intérêts ? prévoyant la suspension des intérêts dus sur ? cette ? dette lorsque le ministère ne respecte ? pas ? le délai de 30 jours pour rendre une décision, les personnes paieront davantage de frais d'intérêts.» Alors, moi, je veux bien comprendre cet énoncé-là.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Bien, en fait, on fait référence à la Loi sur le soutien du revenu, hein?
M. Bédard: O.K.
M. Desgagnés (Jean-Yves): C'est une disposition... Le projet de loi n° 35 amende la Loi sur le soutien du revenu, fait disparaître effectivement cet article-là. Et là, effectivement, la conséquence, c'est que l'administré aura davantage de frais d'intérêts, parce que, là, ce ne sera plus 30 jours, ça va être 90 jours, donc davantage... Donc, l'administré va s'appauvrir parce que le délai d'attente va être beaucoup plus long, ce qui ne sera plus 30 jours comme maintenant.
M. Bédard: Mais comment... l'intérêt sur quoi?
M. Desgagnés (Jean-Yves): Sur... C'est parce que...
M. Bédard: Souvent, on va réclamer...
n(18 heures)nM. Desgagnés (Jean-Yves): On réclame; la personne conteste la réclamation, tu sais. Avant, c'est que, si...
M. Bédard: À partir du 30 jours, tu étais payé... en plus de ce que tu avais, tu avais les intérêts. C'est ça?
M. Desgagnés (Jean-Yves): Exactement, c'est ça.
M. Bédard: Ah! O.K. Donc là, tu te trouves pénalisé sur les intérêts, finalement. Tu ne reçois pas les intérêts. O.K.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Voilà. Oui, c'est ça.
M. Bédard: Ah! O.K., O.K., O.K. Intéressant. Intéressant. Donc, il y a des éléments comme ça qui sont plus précis, puis je suis convaincu que ce n'est pas nécessairement le but, mais qui ont des impacts sur les administrés. Ils n'ont pas eu... Le but, ce n'est surtout pas de les appauvrir, comme disait le ministre. Ce que j'ai compris des intentions, si c'est à l'avantage de l'administré, bien, on va le garder. Donc, c'est un élément qui...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Bien, je pense que c'est un élément qu'il faut corriger.
Puis, par rapport aux délais, je pense qu'il ne faut pas seulement... Je pense que, si on veut vraiment améliorer la situation du projet de loi n° 35, il faut maintenir, dans le fond, le palier de révision tel qu'il existe présentement, avec les délais qui sont prévus, parce que, même si on ajoutait dans le projet de loi n° 35 des délais de révision à la révision discrétionnaire, ça reste de la révision discrétionnaire, c'est le ministre qui peut, tandis que présentement, c'est une révision obligatoire.
D'ailleurs, si le projet de loi n° 35 avait voulu améliorer la situation à l'aide sociale, ça aurait été effectivement de permettre que des décisions rendues par l'agence Emploi-Québec puissent être véritablement révisables. Présentement, c'est des réexamens administratifs et, pour nous, il n'y a pas de justice dans ce genre de mécanique de révision. Alors, dès qu'on enlève des pouvoirs aux administrés face à l'Administration, pour nous, ça va à l'encontre, dans le fond, des buts mêmes de la Loi sur la justice administrative, là.
M. Bédard: Dernière question. Seulement pour me souvenir. Dans la révision, là ? des fois on en fait un peu, là ? est-ce qu'il y a une obligation d'entendre les parties? Pas les entendre dans un processus formel, là, mais est-ce qu'il y a... Au niveau de l'aide sociale, y a-t-il obligation, dans la loi, que la personne va se référer à...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Il y a une obligation d'entendre les parties, effectivement.
M. Bédard: Il y en a une? O.K.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Il s'est développé, ces dernières années, une pratique qui est des ententes à distance, là, c'est-à-dire par...
M. Bédard: Oui, oui, c'est ça, par...
M. Desgagnés (Jean-Yves): ...conférence, vidéoconférence ou des choses du genre, là. Mais, effectivement, il y a obligation d'entendre les parties, oui.
M. Bédard: Merci.
Le Président (M. Simard): Très bien. M. le député de Dubuc, vous aviez une courte question à poser?
M. Côté: Oui. Bien, c'était... Merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci pour votre présentation. Je voulais simplement compléter avec ce que... sur la discussion qu'on a eue sur la révision. Vous dites que la révision, le pouvoir discrétionnaire du ministre d'aller en révision, c'est que ça va faire augmenter les désistements. Quel est le pourcentage actuel de désistements dans la loi actuelle? Est-ce que vous l'avez évalué?
M. Desgagnés (Jean-Yves): Je n'ai pas les chiffres à portée de main, là. Je pourrais vous les fournir, là. Je ne les ai malheureusement pas présentement, là. En fait, les désistements se produisent surtout entre la révision et...
M. Côté: L'appel.
M. Desgagnés (Jean-Yves): ...l'appel, c'est ça. C'est beaucoup plus là où les gens...
M. Côté: Mais est-ce que c'est fréquent ou c'est...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Il y a un bon pourcentage. Dans le fond, il y a à peu près 20 000 personnes qui vont en révision, il s'en règle à peu près 40 %, donc, dans le 6 000, là, il y en a peut-être effectivement la moitié peut-être, là, qui se désistent.
M. Côté: Est-ce que vous tenez des statistiques sur ces désistements, les raisons pour lesquelles les gens se désistent? C'est-u à cause des délais, à cause des...
M. Desgagnés (Jean-Yves): Non.
M. Côté: Non.
M. Desgagnés (Jean-Yves): Il faudrait voir, parce que, nous, on avait demandé des statistiques à l'agence, là, et malheureusement je n'ai pas les réponses à vos questions, là, très pertinentes.
M. Côté: Merci.
Le Président (M. Simard): Alors, M. Desgagnés, M. Loupret, merci beaucoup. Et cela met fin à nos travaux pour aujourd'hui. Nous ajournons à demain, 9 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 05)