(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Simard): Alors, nous allons commencer nos travaux. Nous vous rappelons que nous sommes réunis ce matin pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Létourneau (Ungava) est remplacé par Mme Lemieux (Bourget); M. Turp (Mercier) est remplacé par M. Côté (Dubuc).
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): Voilà. On n'a rien entendu. Donc, nous allons commencer nos travaux. Je rappelle que lors de notre ajournement nous avions... Lors de la dernière suspension, nous avions des motions préliminaires qui étaient... une motion préliminaire qui était en débat, c'est la motion 5. Je vous la relis, pour ceux qui auraient entre-temps oublié son contenu ou qui n'y étaient pas:
«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi [...] et qu'à cette fin elle entende le Conseil interprofessionnel du Québec.» Voilà. Alors, c'est une...
Une voix: Il y avait un amendement à cette...
Le Président (M. Simard):«Ainsi qu'à tous les amendements déposés par le ministre».
Oui, il y avait un amendement qui... Alors, «...ainsi qu'à tous les amendements déposés par le ministre».
Alors, voilà la motion sur laquelle nous sommes en train de débattre. Je vais demander au secrétaire de faire le point sur les droits de parole de façon à ce que nous soyons bien, bien au courant de la situation.
Le Secrétaire: Merci, M. le Président. Donc, M. le député de Chicoutimi dispose de 20 min 40 s sur cette motion, puis par la suite M. le député de Dubuc aurait, quant à lui, 10 minutes sur la motion préliminaire n° 5.
Le Président (M. Simard): De ce côté-ci, tout le monde ayant le maximum du temps qu'ils peuvent utiliser, évidemment.
Le Secrétaire: Et les députés ministériels ont droit à 10 minutes, M. le Président.
Motion proposant d'entendre le Conseil
interprofessionnel du Québec
Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, merci, M. le secrétaire. Et j'invite donc celui qui veut prendre la parole à ce moment-ci, c'est-à-dire le député de Dubuc... pardon, le député de Chicoutimi, à prendre la parole.
M. Stéphane Bédard (suite)
M. Bédard: Merci, M. le Président. C'est une erreur que je vous pardonne. Nous venons de la même région, nous avons des comtés mitoyens, donc nous avons une commune pensée et de communes convictions, comme vous le savez bien.
n(9 h 40)nLe Président (M. Simard): Nous avons fréquenté tous le même séminaire.
M. Bédard: En plus, alors un autre critère qui nous unit tous les trois. Malheureusement pas la députée à côté de moi, qui n'a pas fréquenté l'institution reconnue qu'est le Séminaire.
Le Président (M. Simard): À notre époque, il n'y avait pas de jeunes filles.
M. Bédard: Non, malheureusement, et à notre grand désespoir d'ailleurs ? de l'époque ? et je vous dirais que le Séminaire s'est corrigé depuis ce temps-là, les filles sont acceptées.
Alors, M. le Président, pourquoi nous sommes ici? Évidemment, ce n'est pas de nous entretenir sur les questions de mixité dans le domaine de l'éducation mais bien du projet de loi qui a été déposé par le ministre. Et, vous le savez, comme ça fait plusieurs semaines que je n'ai pas eu l'occasion de vous entretenir sur le projet de loi dû au fait que, vous le savez, je suis aussi porte-parole au niveau de l'accès à l'information, et, comme vous le savez, nous sommes en révision de la loi, de cette loi fort importante, donc j'ai eu à m'occuper dans les dernières semaines à entendre plus d'une quarantaine de mémoires ? travail que je compléterai cette semaine d'ailleurs ? relativement aux modifications que nous pourrions apporter à cette loi qui est la loi d'accès à l'information ainsi que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Donc, malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de traiter plus avant de cette question fort importante, vous le savez comme moi, qui est celle de la justice administrative, cette justice ? et vous me permettrez de faire quelques rappels ? qui intervient dans un domaine fort important qui est celui des relations entre l'État et le citoyen. Et je le fais au bénéfice, évidemment, des membres de la commission et des nouveaux membres de cette commission qui sont mes deux collègues, mais aussi à ceux et celles qui nous écoutent et peut-être ceux de l'opposition qui sont nouveaux à cette table, mais il me semble que non, effectivement.
Je tiens aussi à saluer les collaborateurs du ministre, qui sont ici présents en très grand nombre, et je tenterai, dans la mesure du possible, de les convaincre, eux aussi ? parce qu'il semble que le ministre... j'avais pensé que cette période de réflexion aurait pu justifier le retrait du projet de loi; il semble que ce n'est pas le cas ? donc, les convaincre à leur tour ? il y a quelques nouveaux visages ? de retirer tout simplement ce projet de loi et de passer à la pièce de résistance qui est celle que nous annonce le ministre, qui est une réforme de l'ensemble des tribunaux administratifs, réforme qui, somme toute, je vous dirais, se base ? et comme j'ai eu l'occasion, d'ailleurs à plusieurs reprises, de le dire ? qui se base souvent sur des impressions ou plutôt ou aussi plutôt, je devrais dire, des expériences vécues par le ministre alors qu'il était dans une pratique bien particulière, mais qui, malheureusement, ne tient pas compte d'un rapport fort bien fait qui est celui... le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, un document, je vous rappellerais, M. le Président, qui a tout près de... qui a plus de 150 pages, et qui fait un retour, et qui analyse la réforme que le gouvernement du Québec a mise en oeuvre en 1998, qui était une réforme d'envergure et qui a mené d'ailleurs à des résultats fort intéressants.
Je dois d'ailleurs en féliciter le ministre de l'époque, si je ne me trompe pas, qui était Me Paul Bégin ? maintenant on peut l'appeler par son nom, c'est l'avantage ? Me Paul Bégin, qui avait initié avec, évidemment, les fonctionnaires du ministère cette réforme qui a conduit à de fort bons résultats tant vis-à-vis, je vous dirais, la perception qu'a le public de cette justice, mais aussi en termes de célérité et aussi et surtout en termes de qualité. Or, malheureusement, le ministre actuel fait faux bond à plusieurs égards, et nous aurons l'occasion de vous en faire part plus longuement aujourd'hui et sûrement pendant les journées qui vont suivre.
J'ai aussi dit au ministre ? et je le rappelle à vous, M. le Président, parce que je pense que, la dernière après-midi, vous avez dû quitter, vous n'étiez pas présent lors de nos débats ? que nous sommes tout à fait ouverts à l'amélioration de cette justice administrative et que tout n'a pas été fait. Il faut continuer l'oeuvre qui a été entreprise depuis plus de 20 ans par les différents ? et je vous dirais plus de 20 ans, même presque 30 ans ? par les différents gouvernements qui se sont succédé, qu'ils soient libéraux... libéral ou du Parti québécois, qui ont modifié cette justice dans une fin qui est la plus noble, soit celui de s'assurer que les gens aient accès à des services, à une justice de qualité. Et aussi, «y ait accès», ça veut dire d'augmenter, de favoriser la célérité. Or, malheureusement, dans ce cas-ci, ce n'est pas le cas.
Vous avez aussi été témoin, M. le Président... Je rappellerais aux membres de cette commission tout d'abord que nous avons voté en faveur du principe du projet de loi à sa première lecture parce qu'il nous avait été présenté sous un angle qui nous semblait intéressant. Et malheureusement... Et vous le savez, nous avons eu l'occasion d'entendre plusieurs groupes qui sont venus témoigner devant cette commission. Et la large majorité, la très grande, large majorité des mémoires qui ont été déposés et des groupes qui sont venus ont manifesté clairement leur demande, soit celle de retirer ce projet de loi, pour les motifs que nous allons expliquer un peu plus loin. Les seuls groupes qui ont souhaité le maintien du projet de loi se regroupent autour de l'assurance automobile, de gens qui sont dans le domaine de l'assurance automobile: d'abord, un praticien du domaine qui a même... qui est venu ? malheureusement, nous n'avions pas de mémoire, M. le Président ? mais qui est venu témoigner, avec toute la verve dont on connaît les avocats, donc sur l'importance pour lui de modifier par rapport à son domaine de pratique, et deux autres groupes sont venus, qui représentent principalement... ce sont des avocats dans le domaine spécialisé de l'assurance automobile, qui sont venus expliquer leur problématique qui est celle de la problématique visant l'administration de la preuve ? ce qu'on nous a expliqué tout simplement et, je vous dirais, avec beaucoup d'éloquence, mais aussi avec beaucoup de précision, parce que je connaissais peu le domaine ? soit celle que les juges, au niveau de l'administration de la preuve, que les membres du Tribunal, lorsque ce sont des membres qui sont de fonction autre que juriste, soit, entre autres, médecins, dans le domaine de l'assurance automobile, apprécient la preuve d'une façon différente. Autrement dit, ils appliquent un degré de preuve qui est plus élevé que celui de la simple prépondérance de preuve. Et, nous disait-il encore, et je le répète, que le médecin qui est membre du Tribunal va appliquer une règle qui est beaucoup plus sévère, soit celle de la presque certitude.
Or, vous savez, il est rare que les juges viennent témoigner devant nos commissions. La Conférence des juges administratifs vient nous dire: Non, non, non, ce problème-là n'est pas réel et ce n'est pas... Nous, nous ne partageons pas cette vision des choses. Et, à la blague, on a même dit: Faisons une première réforme, M. le Président, enlevons les médecins de la composition du Tribunal; si on voit que les décisions se maintiennent par rapport à cette administration de la preuve, eh bien, faisons une autre réforme qui va maintenant enlever les juges et avocats, et nous verrons qui des deux, finalement, applique un degré de preuve qui est plus élevé. Mais, au contraire, les juges, les médecins, mais aussi ? et là c'est important, M. le Président ? ceux qui représentent des gens qui souvent ne sont pas assistés par avocat... Et là je vous cite, entre autres ? mais je pourrais vous en citer plusieurs ? le Front commun des personnes assistées sociales du Québec et d'autres groupes qui représentent des individus, qui ont dit: Non, non, non; écoutez bien, nous, on souhaite qu'il y ait un membre du Tribunal qui ait une expertise qui est autre, qui est médicale ? pourquoi médicale? ? mais aussi comme travailleur social, dans des causes d'autres natures, ou évaluateur. Pourquoi? Parce que nous pensons que ce Tribunal assure... que... plutôt, cette personne qui dispose d'une expertise autre que juridique, que cette personne assure une meilleure administration de la justice, fait en sorte que le dossier de l'individu est mieux compris par le Tribunal et souvent fait en sorte d'ailleurs que la personne qui se retrouve devant le Tribunal n'a pas lui-même à administrer une preuve médicale qui, vous le savez, est fort lourde et fort complexe, alors que l'État, lui, se représente devant le Tribunal ? et c'est normal ? prépare ses causes à grand renfort de spécialistes, évidemment, au niveau juridique, mais aussi dans les différents domaines et, entre autres, au niveau médical.
n(9 h 50)n Et je rappellerai, M. le Président: Malheureusement, ces travaux ont été fort mal menés, parce que, lors des auditions, nous avions certains commentaires par rapport, bon, à la présence des avocats devant le Tribunal administratif. Or, en aucun temps le ministre n'a daigné, je vous dirais, documenter les affirmations qu'il faisait, de quelque nature qu'elles soient. Et, entre autres, au niveau de la présence... ou plutôt du fait que ceux qui se présentent devant le Tribunal sont souvent représentés... ne sont pas représentés, plutôt, par des avocats. Et, simplement, je vous dirais, en lisant le rapport sur la justice administrative ? et vous avez simplement à en prendre connaissance; je suis convaincu que vous l'avez fait, M. le Président ? vous avez pu voir qu'il y a près de 40 % de nos concitoyens qui sont devant le Tribunal administratif et qui ne sont pas accompagnés d'un avocat. Donc, qu'est-ce que ça dit à ces gens-là? Alors que l'État, lui, est représenté par un avocat souvent fort expérimenté ? et c'est normal d'ailleurs ? accompagné d'un spécialiste, d'un expert dans le domaine, et à grand renfort d'expertises, et ce qui fait que cette personne qui, au-delà d'avoir raison, et vous le savez, attend de la justice, qu'elle soit administrative ou autre, d'avoir cette apparence de justice, autrement dit d'avoir la conviction que lorsqu'ils ont été entendus, qu'ils aient tort ou raison, que leur dossier a été pris en compte et qu'ils ont obtenu justice. Et, malheureusement, 40 % de ces gens pourraient se voir, je vous dirais, préjudiciés par rapport à l'approche qu'a prise le ministre dans ce dossier.
Plus grave encore, M. le Président, cette pseudoréforme a pour effet d'attaquer un des principes qui guident et, je vous dirais plutôt, qui constituent un des éléments fondamentaux d'un tribunal administratif, c'est celui de sa spécificité. Un tribunal judiciaire obéit à des règles, un tribunal de droit commun obéit à des règles qui sont normales en termes d'administration de la justice. Or, un tribunal administratif a une mission qui est plus élargie et vise à avoir dans sa composition des gens qui sont souvent issus d'autres milieux que celui du domaine juridique. Pourquoi? Parce qu'ils apportent un éclairage qui est autre et qui fait en sorte, d'ailleurs, que les tribunaux maintiennent depuis plus de 20 ans... et maintenant, vous savez, ce sont les principes qui ont été consacrés par la Cour suprême, un des arrêts de base était ? souvenez-vous, Control Data... Mais, depuis ce temps-là, il y en a eu plusieurs, et je pourrais en citer vraiment au moins une vingtaine, de décisions de la Cour suprême et de la Cour d'appel qui sont venues établir ce principe élémentaire qui est celui de la non-intervention des tribunaux de droit commun en matière de révision judiciaire, sauf en cas d'erreur manifestement déraisonnable, assimilable, vous le savez, à des erreurs... ils peuvent même se tromper, vous le savez, donc... mais cette erreur ne doit pas être manifestement déraisonnable.
Et pourquoi les tribunaux ont adopté une telle attitude? Parce qu'ils croient, justement, à cette accessibilité, mais ils croient aussi à cette spécificité des tribunaux administratifs, tribunaux qu'on qualifie, entre guillemets, de quasi judiciaires. Et je n'ai pas besoin, je vous dirais, d'un... ? malgré que j'aie fait le cours, évidemment, comme tout bon avocat, en droit administratif ? pour comprendre ces éléments de base qui qualifient un tribunal administratif.
D'ailleurs, dans une décision de la Cour d'appel où la Cour d'appel, à la fin des années quatre-vingt-dix ou même je crois que c'était 2000, a invalidé, vous le savez, certaines dispositions du Tribunal administratif. Et pour quels motifs? Des motifs très particuliers en termes d'indépendance judiciaire. Mais, lorsque est venu le temps pour la Cour d'appel de qualifier ce tribunal, et ça tient en un paragraphe auquel j'ai fait référence, M. le Président, à de nombreuses reprises pendant les débats de cette commission, le tribunal a tout simplement constaté la spécificité, donc autrement dit le devoir de réserve de la Cour d'appel et des tribunaux supérieurs, en mentionnant que, à la base même, en voyant la composition du Tribunal administratif, il est évident que ce tribunal répond justement à cette caractéristique qui est celle de la spécificité.
Et on y fait mention, dans un paragraphe que j'aurai l'occasion un peu plus tard aujourd'hui de lire au complet, là... c'est un simple paragraphe, mais on y dit: Regardez la composition du Tribunal en matière d'affaires sociales, en matière de droit au niveau économique, et on y fait mention des membres du Tribunal qui ne sont pas simplement d'ordre juridique mais de d'autres domaines variés, ce qui fait en sorte que le tribunal, à ce moment-là, considère le Tribunal administratif du Québec comme un tribunal bénéficiant de cette clause privative pleinement. Et c'est bien d'ailleurs: ça empêche les justiciables du Québec de se voir malheureusement, comme il arrivait auparavant, obligés de payer à grands frais des décisions souvent qui leur étaient favorables devant les Cour supérieure et Cour d'appel. Et, vous savez, entre vous et moi, un des autres facteurs qui fait en sorte que nous avons créé au Québec ces tribunaux administratifs, c'est justement pour rendre cette justice plus accessible, évidemment, en termes de temps et, je vous dirais aussi et surtout, en termes d'argent. Parce que employer, utiliser, évidemment, les tribunaux de droit commun conduit à des dépenses, vous le savez, très lourdes pour le simple justiciable, et d'où la nécessité de maintenir cette étanchéité, cette quasi étanchéité des tribunaux administratifs en matière de décisions qui relèvent de leur juridiction.
Et nous avons eu lors de nos débats, vous savez, plusieurs gens... on a eu beaucoup de difficultés d'ailleurs à entendre certains groupes. Souvenez-vous, M. le Président, à notre grand désarroi, le ministre a changé d'idée, à cause du contexte, paraît-il: il a refusé d'entendre la Commission des services juridiques, qui est celle, je le rappelle, qui défend les gens les plus démunis de notre société, il a refusé d'entendre la Commission des services juridiques. Pourquoi? Parce que, lors de l'audition des crédits, ils ont ramené à l'ordre le ministre, qui malheureusement s'était égaré dans l'évaluation qu'il faisait de la Commission des services juridiques en citant des rapports du Vérificateur de 1995, comme il fait d'ailleurs en matière de justice administrative où on nous cite un rapport de 1999 du Vérificateur qui, encore une fois, je vous le rappelle, ne remet aucunement en doute la spécificité de ce Tribunal, au contraire, qui suggère des améliorations, qui sont aussi contenues dans le rapport sur la mise en oeuvre de la justice administrative qui, lui, fait un constat, je vous dirais, entre guillemets, là, «up to date», récent, avec toutes les données précises et à jour de la façon dont est mené les débats et dont, je vous dirais plutôt, le fonctionnement du Tribunal a été appelé à se gouverner pendant les cinq dernières années. Et le constat est somme toute favorable, mais il suggère des améliorations importantes, intéressantes.
Or, le ministre, malheureusement ? et c'est ce que nous avons constaté lors de l'audition des groupes ? n'avait pas lu ni pris connaissance de ce mémoire... pas du mémoire, de ce rapport qu'il a tout simplement... il a fait une simple page de reconnaissance au début en faisant référence ? et, ça, je peux vous dire que ça ne rend pas hommage à ceux et celles qui ont préparé ce rapport ? en faisant référence au rapport du Vérificateur qui datait, lui, de 2000-2001, alors que depuis ce temps, vous le savez, la situation... Et on lit... Simplement à la lecture du mémoire, ça apparaît. Même quelqu'un qui n'a pas, je vous dirais, une compétence pointue en matière de tribunal administratif va percevoir les améliorations qui ont été... qui se sont produites dans le cadre de la gestion du Tribunal administratif. Et c'est bien malheureux que le ministre n'en ait pas pris connaissance.
Donc, évidemment, une des oeuvres utiles que nous ferons pendant cette commission, ce sera de rappeler les éléments principaux de ce rapport, et aussi aux membres de cette commission, pour faire en sorte, lorsque viendra le temps et s'ils le souhaitent, d'aller plus loin dans une soi-disant réforme des tribunaux administratifs, eh bien, que chacun dispose de l'information pertinente à évaluer les tenants et aboutissants de cette réforme.
Donc, je disais que plusieurs groupes sont venus, certains ont été refusés, d'autres ont été acceptés après... Et c'est la première fois, M. le Président... J'ai une courte expérience, il faut dire, beaucoup moins grande que la vôtre, mais nous avons eu des lettres, même, sans dire «de menaces», mais plutôt de demandes pressantes de groupes de se faire entendre. Et, entre autres, un corps professionnel, après avoir appelé au bureau du ministre, malheureusement, ne se faisait pas offrir l'opportunité d'être présent devant cette commission, et il a dû... le corps professionnel a dû contacter directement cette commission et envoyer des lettres même à l'opposition officielle ? ce qui est plutôt rare ? pour se faire entendre comme ils avaient le droit, dans cette enceinte qui... Vous le savez, un des principes qui guident nos travaux, c'est le droit de parole, évidemment, de nous, parlementaires, mais aussi et surtout parce que c'est la maison du peuple, de nos concitoyens et concitoyennes qui ont une opinion très arrêtée. Et d'autres groupes, évidemment, nous ont fait part de leurs préoccupations, entre autres le Conseil interprofessionnel du Québec, dont mes collègues auront l'occasion, entre autres le député de Dubuc un peu plus tard, qui a, lui aussi... ce n'est pas n'importe quoi, vous le savez, lors de mes remarques préliminaires, c'est près de trois... qui représente près de 300 000 personnes, citoyens, professionnels qui demandent le retrait du projet de loi.
Alors, encore une fois, je plaide auprès du ministre, auprès de mes collègues, pour qui j'ai beaucoup de respect, de l'autre côté de la Chambre, de cette table, entre autres, de convaincre avec moi le ministre, tout simplement, et de mettre de côté, je vous dirais, ce petit projet de loi qui n'a pas d'impact en termes d'objectifs que s'était donnés au départ le ministre, mais qui a plutôt des effets néfastes sur la justice administrative au Québec. Et donc, là j'aurai l'occasion dans les prochaines heures, M. le Président et les membres de cette commission, de vous entretenir plus longuement sur les tenants et aboutissants de cette réformette.
n(10 heures)nLe Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Chicoutimi. La parole est à celui qui la demandera, et je pense que le député de Dubuc s'est déjà manifesté en ce sens. S'il n'y a personne d'autres, je vais lui donner la parole. À vous, M. le député.
M. Jacques Côté
M. Côté: Alors, merci, M. le Président. D'abord, vous me permettrez de vous saluer respectueusement et de vous féliciter pour votre nomination comme président de cette commission. Vous l'avez rappelé au début, nous avons ensemble cheminé durant nos années du Petit Séminaire à Chicoutimi, et j'en suis très fier. Bien, je voudrais également saluer ma collègue la députée de Bourget, critique officielle en matière d'affaires municipales et de la métropole, de même que mon collègue de Chicoutimi, critique en matière de justice; saluer également mes collègues de l'opposition; un petit salut particulier à mon ami le député de Marguerite-D'Youville avec qui j'ai eu l'occasion de travailler à la Confédération parlementaire des Amériques, et que nous aurons d'ailleurs d'autres occasions de travailler ensemble. Et je voudrais... je m'en voudrais de manquer de politesse en ne saluant pas le ministre de la Justice, que je salue respectueusement et à qui j'assure toute ma collaboration pour les travaux de cette commission.
Comme je le disais tout à l'heure, je suis ici dans le but de collaborer. Mon intention est de, naturellement, comme... la même intention que vous avez tous et toutes, c'est-à-dire que nous voulons tous que le justiciable, le citoyen ait un meilleur accès à la justice. Malheureusement, je n'ai pas assisté à la présentation des mémoires qui ont eu lieu les 10 et 11 septembre dernier, mais j'ai quand même pris connaissance des remarques préliminaires du ministre de même que du député de l'opposition. J'ai également consulté plusieurs mémoires, dont celui de la Chambre des notaires. Disons que c'est une petite tendance, que j'ai un penchant pour la Chambre des notaires. J'ai également pris connaissance des remarques du Barreau du Québec, de Me Manon Houle. J'ai également travaillé sur le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, qui m'est apparu un rapport excessivement étoffé et particulièrement bien fait. Je me suis donc fait une idée de ce projet de loi, je suis donc en mesure, comme je le disais tout à l'heure, d'y apporter ma contribution, si minime soit-elle.
Ceci étant dit, je voudrais rappeler la motion du député de Chicoutimi, qui demande des consultations particulières quant à tous les... qui demande... «d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi ainsi qu'à tous les amendements déposés par le ministre et qu'à cette fin elle entende le Conseil interprofessionnel du Québec».
Pourquoi entendre le Conseil interprofessionnel du Québec? D'abord, le député de Chicoutimi l'a souligné tout à l'heure, lorsqu'il a terminé son intervention, le Conseil regroupe 45 ordres professionnels du Québec, qui comptent ensemble 286 000 membres. Alors, je pense que le seul fait de cette constatation, c'est déjà énorme, et nous devrions entendre le Conseil professionnel. De plus, ce Conseil représente effectivement des médecins, représente des psychologues, représente des travailleurs sociaux, des avocats, des notaires, et ce sont ces personnes qui sont au Tribunal administratif, ce sont ces personnes qui sont les décideurs dans les décisions dont le citoyen aura à faire... aura à accepter. Alors, il m'apparaît important que le Conseil interprofessionnel du Québec soit convoqué devant cette commission pour nous donner son avis sur ce projet de loi n° 4.
De plus, comme organisme-conseil auprès de l'autorité gouvernementale, le Conseil habituellement est consulté notamment sur des grandes orientations, ses orientations générales; il peut également être consulté sur des orientations particulières du système professionnel; sur des projets de loi, aussi, c'est dans sa nature, c'est dans sa charte, sur des projets de loi ou sur des projets de règlement aussi; alors, sur la constitution d'un nouvel ordre professionnel; sur l'intégration à des ordres existants. Alors, il m'apparaît important, il m'apparaît même essentiel que le Conseil interprofessionnel du Québec soit convoqué devant cette commission.
Lors de l'adoption du Code des professions, en 1973, qui est entré en vigueur en 1974, le Conseil avait vu son rôle et son existence reconnus par des dispositions législatives particulières. Alors, il s'est vu confier, en parallèle à l'Office des professions, un mandat d'organisme-conseil auprès de l'autorité publique, et c'est ça qui est important, c'est ça qui est la base de tout: organisme-conseil auprès de l'autorité publique. Alors, à ce seul chapitre, le Conseil interprofessionnel du Québec devrait se présenter devant nous pour nous donner son idée, pour nous donner ses idées, pour nous donner des propositions, nous faire part de ses propositions quant à ce projet de loi.
Le Conseil peut également de sa propre initiative, M. le Président, après également consultation auprès de ses membres, il peut effectuer d'autres sortes d'interventions. Il émet aussi des avis sur différents projets relatifs à des actions gouvernementales. Et c'est justement ça qu'on voudrait savoir, que le Conseil interprofessionnel du Québec nous émette des avis sur l'action gouvernementale actuelle, sur l'action législative actuelle du gouvernement, parce que ces décisions, ces actions gouvernementales, ces actions législatives ont un impact énorme sur la justice administrative, sur la fin sur laquelle on va vouloir arriver, sur la cohérence, aussi, de ce projet de loi, et aussi surtout sur l'efficacité de notre système administratif.
Vous savez que la Loi sur la justice administrative, qui a été mise en force en 1998, si je ne m'abuse, a été une loi qui a été, on peut dire, la pierre angulaire de toute la justice administrative au Québec. C'est une oeuvre qui a été bien faite, c'est une oeuvre qui est à compléter, toutefois. Parce qu'il n'y a jamais d'oeuvres, dans la vie, qui sont parfaites ou qui sont complètes, il faut toujours les améliorer. En ce sens-là, je suis d'accord avec les propos du ministre de la Justice lorsque, dans son rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, il parle d'une réforme globale de la justice administrative.
Mais, je pense, pourquoi il faut travailler sur cette réforme, c'est parce que les plus vulnérables de notre société, les citoyens et les citoyennes qui vont devant ces tribunaux, qui ont accès à ces tribunaux, méritent justement une meilleure accessibilité, une meilleure qualité et une meilleure célérité aussi dans les décisions qui sont prises par ces tribunaux. Et, comme on m'a toujours appris, dans mes cours de droit, lorsque j'étais jeune étudiant à l'Université Laval, que le droit évolue, je pense que, dans ce sens-là, la réforme est très importante.
Sauf qu'on nous présente un projet de loi aujourd'hui qui est partiel, qui n'est pas dans le cadre de ce que le ministre affirme dans son rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative. On nous présente un projet qui va mettre en péril la multidisciplinarité du Tribunal et qui va surtout ? et sous l'argumentation qu'il faut raccourcir, qu'il faut raccourcir les délais ? c'est qu'on va aussi mettre justement cette multidisciplinarité en péril.
n(10 h 10)n Alors, je pense que le Tribunal administratif est un tribunal... non seulement je le pense, mais tout le monde... je le crois et tout le monde le confirme, c'est un tribunal spécialisé, c'est un tribunal spécifique, alors conservons-lui cette spécialisation et cette spécificité. Merci, M. le Président.
Mise aux voix
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Dubuc. Je crois que c'était le dernier intervenant du côté de l'opposition, qu'il n'y a pas de demande de prise de parole du côté de la... ministériel. Donc, nous allons, sur cette motion, passer au vote. Vous demandez un vote nominal. M. le secrétaire, voulez-vous procéder, s'il vous plaît, au vote sur cette motion?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bédard (Chicoutimi)?
M. Bédard: En faveur.
Le Secrétaire: Mme Lemieux (Bourget)?
Mme Lemieux: Faveur.
Le Secrétaire: M. Côté (Dubuc)?
M. Côté: Pour.
Le Secrétaire: M. Bellemare (Vanier)?
M. Bellemare: Contre.
Le Secrétaire: M. Moreau (Marguerite-D'Youville)?
M. Moreau: Contre.
Le Secrétaire: Mme Thériault (Anjou)?
Mme Thériault: Contre.
Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?
M. Bordeleau: Contre.
Le Secrétaire: M. Descoteaux (Groulx)?
M. Descoteaux: Contre.
Le Secrétaire: M. Gabias (Trois-Rivières)?
M. Gabias: Contre.
Le Secrétaire: M. le Président?
Le Président (M. Simard): Pour.
Le Secrétaire: 4 pour, 6 contre, aucune abstention, monsieur.
Le Président (M. Simard): Donc, la motion n'est pas acceptée, elle est renvoyée. Est-ce qu'il y a, à cette étape des remarques préliminaires, d'autres motions d'organisation?
M. Côté: Oui, j'aurais une motion, M. le Président, en vertu de l'article 44. Est-ce que je dois vous la lire, ou...
Le Président (M. Simard): Absolument. Si vous voulez bien la lire et surtout me la faire parvenir, s'il vous plaît.
M. Côté: Oui. Je l'ai ici. Je vais vous la faire... Je vais la lire et vous la remets tout de suite après.
Le Président (M. Simard): J'en ai une copie maintenant.
Motion proposant d'entendre
la Protectrice du citoyen
M. Côté: Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi ainsi qu'à tous les amendements déposés par le ministre et qu'à cette fin elle entende la Protectrice du citoyen.
Le Président (M. Simard): Bon. Première décision à prendre, c'est sur la recevabilité. Il s'agit évidemment d'entendre un intervenant public par la commission. Alors, il s'agit de motion classique, acceptée par la jurisprudence. Alors, je la juge recevable. Maintenant, est-ce qu'elle est acceptée par tout le monde? j'imagine qu'il y aura débat sur cette question. Et j'entendrai sur cette motion les intervenants de part et d'autre qui voudront bien se manifester. Alors, quelle est la première personne? Il s'agit évidemment de son proposeur. M. le député de Dubuc, nous vous écoutons.
M. Jacques Côté
M. Côté: Merci, M. le Président. M. le président, pourquoi entendre la Protectrice du citoyen? Je pense qu'il y a une chose importante qu'il faut se rappeler, c'est que la Protectrice du citoyen, ou le Protecteur du citoyen ? présentement, c'est la Protectrice du citoyen ? a un rôle majeur, c'est de favoriser la transparence et contribuer à la simplification administrative au bénéfice des citoyens. Ça, c'est majeur pour le rôle de la Protectrice du citoyen. Alors, à cet effet, je pense que le citoyen, qui est continuellement face à la justice administrative, a justement cette... nous avons besoin justement de lui accorder cette transparence et de lui simplifier la façon dont l'administration fonctionne. Et en ce sens-là, la Protectrice du citoyen viendrait sûrement nous donner ici un éclairage extraordinaire sur ce projet de loi.
Ceci étant dit, M. le Président, je pense qu'il faut se rappeler les grands objectifs du gouvernement en matière de justice administrative. On parle d'accessibilité, on parle de qualité, on parle de célérité. Pourquoi, aussi, nous sommes ici? C'est aussi, je pense, que nous avons à nous rappeler notre serment, aussi, comme députés, le serment que nous avons fait en faveur du Québec, le serment que nous avons fait en faveur de nos citoyens, en faveur de nos citoyennes, surtout les plus démunis, les plus vulnérables de notre société. Nous avons aussi fait un serment en faveur d'une plus grande justice sociale. Et, justement, il y a un mot qui transcende tout ce serment que nous avons fait comme députés, c'est la vulnérabilité de nos citoyens qu'il faut protéger.
En ce sens, un projet de loi public doit toujours avoir pour objectif le bien commun, non le bien d'un intérêt particulier. Il ne faut pas que dans son application on en arrive à miner le lien de confiance qu'il y a entre le citoyen et l'État. Un projet de loi doit aussi avoir une vision globale, ça, ça m'apparaît important, c'est-à-dire dans le meilleur intérêt des citoyens et citoyennes, pas une vision à courte vue, pas une vision de ce que je pourrais appeler une vision ponctuelle. Alors, le projet de loi que nous avons présentement devant nous, malheureusement, n'a pas de vision globale, n'a pas de vision complète, et c'est un projet de loi partiel, c'est un projet de loi avec une vision ponctuelle.
D'ailleurs, M. le Président, concernant ce pourquoi nous sommes ici, j'aimerais citer le ministre de la Justice lui-même lorsqu'il affirme, dans sa présentation du rapport sur la mise en oeuvre de la justice administrative, et je vais le citer, il dit ceci lorsqu'il fait la présentation de son rapport au président de l'Assemblée nationale, il nous dit: «Nous nous souviendrons également que le Vérificateur général a pour sa part produit un rapport à l'égard des décisions administratives et du Tribunal administratif du Québec en 2000-2001. Bien que les deux rapports diffèrent notamment quant à la nature des objectifs et de leur étendue, ils illustrent la nécessité de revoir en profondeur les façons de faire en matière de justice administrative pour mieux servir les citoyens.» Alors, le ministre accepte de revoir en profondeur la justice administrative, les différents... différentes choses, et, par ce projet de loi, il se contredit, il ne le fait pas, il y va de façon partielle.
Alors, comment se fait-il qu'on nous présente ce projet de loi qui s'attaque ? et j'insiste sur le mot «partielle», sur le «partiellement» ? à la solution des problèmes que le ministre veut régler? Et là, M. le Président, je voudrais rappeler les propos... je voudrais rappeler les propos de Me Denis Marsolais, le président de la Chambre des notaires, qui justement est venu en commission parlementaire présenter son mémoire. Et Me Marsolais a eu une question que M. le député de Chicoutimi lui avait posée ? si on devait plutôt améliorer la réforme complète plutôt que la réformer de façon partielle ? Me Marsolais a répondu: «Mais, écoutez, on ne peut pas être contre la volonté du gouvernement d'améliorer le système actuel, on l'a précisé tantôt, et on salue cette initiative-là. À savoir si c'est plus pertinent d'attendre, dans le cadre d'une réforme globale ou d'une amélioration globale, qu'on dépose un seul projet de loi... Écoutez, c'est toujours souhaitable d'avoir une vision globale des choses avant de trouver des correctifs. Et le seul problème, je vous dirais ? et je continue la citation de Me Marsolais ? le seul problème, je vous dirais, et le seul risque, c'est que, en essayant de corriger cas par cas certaines situations, là on a un problème de délais. Et je pense qu'il y a un problème important[...]. Le seul risque ou le seul problème que ça peut amener, c'est que, à la fin ou en bout de piste, bien, des dispositions qu'on a adoptées au début, que là on trouve que ce n'est plus cohérent ou que ça devrait être dit d'une autre façon.» Alors, voilà, M. le Président, un témoignage très éloquent de ce que le ministre a fait en déposant ce projet de loi. Il a déposé un projet de loi de façon partielle, dans une vision ponctuelle, alors qu'il m'apparaît qu'il aurait dû le faire de façon globale.
Il ne faut jamais, M. le Président, oublier que le Tribunal administratif règle des litiges entre le citoyen et l'État, d'où l'importance d'assurer ce qu'on appelle cette certitude de la justice et aussi cette qualité, la qualité de la justice. Tous reconnaissent cependant que les délais sont trop longs et que ce sont les citoyens qui en subissent souvent les conséquences, des conséquences qui ont, si je peux dire, une influence sur la croyance favorable des citoyens en regard de leur système judiciaire. Et ça, ça peut... c'est sûr que ces choses-là peuvent avoir des effets malheureux, parce que les citoyens viennent qu'ils perdent confiance en leur système. Et cela m'apparaît excessivement important.
n(10 h 20)n De plus, nous savons tous que les citoyens, les citoyennes qui se présentent devant le Tribunal administratif ne sont pas des experts juridiques, et la majorité sont de simples citoyens. Ce sont des citoyens ordinaires, des citoyens souvent, M. le Président, qui sont anxieux, qui sont nerveux, qui ne connaissent habituellement pas les procédures. Souvent, aussi, le seul fait de se présenter leur fait perdre tous leurs moyens, et souvent il y en a qui en perdent la parole. Alors, certains ont peine à s'exprimer, M. le Président, devant le Tribunal administratif. Il faut donc que les décideurs ? et j'insiste sur le mot «les», parce que la multidisciplinarité m'apparaît importante à conserver ? il faut donc que les décideurs disent... fassent preuve de compréhension, soient capables d'informer adéquatement ces citoyens et citoyennes, donnent confiance aussi à ceux et celles qui sont devant eux et surtout aient... comme tribunal, ils aient l'expertise nécessaire pour être capables de juger de l'affaire, et cela est primordial, M. le Président.
Je n'insisterai pas, M. le Président, sur l'importance de la règle de droit dans notre société; tous comprennent que c'est la pierre angulaire. Alors, pourquoi... lorsque je parle d'expertise nécessaire, pourquoi laisser aller les décideurs spécialisés, pourquoi laisser aller des experts et ne confier les décisions qu'à des avocats ou des notaires? Il m'apparaît, M. le Président, que l'expertise du Tribunal, la spécialisation du Tribunal administratif doit être conservée. C'est un élément non seulement essentiel, mais c'est un élément primordial, parce que le Tribunal administratif va perdre tout son sens. Lorsqu'on dit que l'expertise sera plus grande si deux personnes jugent d'une affaire, ça m'apparaît évident. Puis, on ne réglera la question des délais par le seul fait de multiplier les bancs. D'ailleurs, multiplier les bancs, nous allons être obligés de les multiplier avec des avocats ou des notaires, et qu'est-ce qu'on va faire de tous ceux qui siégeaient comme médecins, comme experts, comme psychologues, travailleurs sociaux?
Alors, je voudrais ici, M. le Président, vous citer Me Pierre Gagnon, qui disait, lors de la présentation du mémoire du... je pense que c'est le Barreau du Québec, devant la commission, disait ceci: Cependant, je dirais qu'il ne faudrait pas, en voulant améliorer la question des délais, selon une expression populaire, jeter le bébé avec l'eau du bain et perdre des acquis très importants qui avaient déjà été établis dans la Loi sur la justice administrative et qui, selon nous, doivent être maintenus à tout prix. Alors, le ministre a raison de se préoccuper de cette question, et nous allons l'aider pour s'attaquer à cette question. Maintenant, au niveau de la source du problème, le projet de loi n° 4 permettra de passer de deux à un décideur et donc de multiplier le nombre de formations ou le nombre de bancs. Est-ce que cette solution va régler le problème des délais? On peut se poser la question. Si les dossiers, par exemple, ne sont pas prêts à procéder, il ne seront probablement pas plus prêts si on multiplie le nombre de formations. Nous croyons que ça peut régler une partie du problème, cependant, mais... Cette question de la non-disponibilité des experts... Les informations que nous avons sont que souvent les dossiers sont reportés ou ne procèdent pas à cause d'une question de non-disponibilité des experts. Il semble que, des juristes, il y en a beaucoup, qu'il y en a suffisamment, mais, des experts, c'est plus problématique, et c'est souvent du côté des experts que les problèmes se posent. Alors, la question qu'on doit se poser: Comment doit-on assurer la présence accrue d'experts reconnus? Devons-nous envisager un nouveau système d'accréditation, par exemple? Alors, c'est une question que nous posons.
Donc, M. le Président, on ne met pas en doute la multidisciplinarité, on met plutôt en doute... on dit que le problème est au niveau des experts. Alors, à mon avis, M. le ministre, vous devriez repenser, refaire vos devoirs. On dit que le Tribunal administratif du Québec est un tribunal d'experts, un tribunal spécialisé. Son caractère spécialisé est reconnu parce que les personnes qui y siègent sont des experts, sont des spécialistes, et conséquemment, bien, on sait que «expert» est égal à... correspond aussi, veut dire également «spécialiste». Lorsque vous proposez d'enlever le principe de la multidisciplinarité au Tribunal et que vous proposez, à l'article 17.1, que les recours portés devant le Tribunal soient instruits et décidés par un seul membre, n'êtes-vous pas, M. le ministre, en train d'enlever justement le caractère de cette spécialisation au Tribunal administratif? Et il y a des enjeux immenses dans cette décision que vous voulez prendre.
La Loi sur la justice administrative est unique, elle est spéciale au Québec. À ma connaissance, cette façon de faire est unique au Canada, et là on est en train de briser des acquis, de renoncer à cette multidisciplinarité. Partout le ministre, même à la page 144 de votre rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, se montre satisfait de la loi. Et ça, je vais vous lire ce que vous dites: «Au terme de cette évaluation de la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, une conclusion positive s'impose: la loi permet de mieux servir les citoyens et les entreprises. Elle a rendu plus accessible la justice administrative en favorisant le dialogue entre l'administration gouvernementale et les administrés, en améliorant la communication et en soulignant l'importance de l'information du citoyen. Elle a permis à l'administration d'accentuer ses démarches pour fixer des objectifs de délai et les suivre en vue d'accroître la célérité de la justice. Enfin, elle a mis l'accent sur des attentes de qualité à tous les niveaux du processus décisionnel.» Alors, comment concilier une telle affirmation avec le projet de loi n° 4? Cela m'apparaît, M. le ministre... M. le Président, tout au moins questionnable.
Vous me permettrez, M. le Président, également de citer un extrait qui en dit long et surtout qui contredit les intentions du ministre en regard de la présentation de ce projet de loi. À la page... toujours au même rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, à la page 110 de ce rapport, le ministre dit: «Il demeure cependant que des mesures additionnelles pourraient être également envisagées pour accentuer la poursuite[...] ? d'objectifs ? de la loi dans toutes ses actions et mieux faire ressortir la spécificité de la justice administrative au sein du Tribunal et dans l'atteinte de ces mêmes objectifs.» Nous l'avons dit au début, une loi n'est pas parfaite, il faut toujours qu'elle soit améliorée, et c'est ce que vous dites, et je suis parfaitement d'accord avec ça. «Ceux-ci, faut-il le rappeler, valent dans tous les domaines de l'administration de la justice, qu'elle soit administrative, civile ou pénale. Or, le maintien de la spécificité de chacun de ces secteurs exige une meilleure identification et intégration des caractéristiques qui lui sont propres. Pour la justice administrative, il importe d'accentuer les caractéristiques qui tiennent à la multidisciplinarité et à la participation plus constante des administrés, et de développer à tous les paliers d'intervention un esprit commun et des approches qui répondent aux attentes des citoyens envers cette justice. Il s'agit là d'un des objectifs que s'est donnés le Tribunal, et, dans une certaine mesure, les commentaires et les recommandations qui suivent le rejoignent.» Je suis parfaitement d'accord avec vous, M. le ministre, je vous seconde à 100 %. Mais vous ne dites pas la même chose dans votre projet de loi, et votre projet de loi dit exactement le contraire du rapport.
Nous tous ici présents, nous savons également qu'il est important de réitérer à ce moment que les grands objectifs de la Loi sur la justice administrative, j'en ai parlé au début, qui sont l'accessibilité, et la qualité, et la célérité... Je pense que, ici, les députés, que ce soient les députés de l'opposition comme les députés du gouvernement, sont d'accord avec ces grands objectifs, et nous travaillons tous ensemble en vue de les mettre en oeuvre et surtout de les améliorer.
n(10 h 30)n Je voudrais peut-être faire quelques commentaires qui s'attarderont sur l'objectif de la célérité, puisque le dépôt du projet de loi n° 4, selon le ministre, permettra, au nom de cet objectif, de diminuer les délais d'attente en n'exigeant plus la double expertise, sauf exception bien entendu. Pourtant, M. le Président, plusieurs groupes qui ont présenté des mémoires qui n'ont pas été entendus par cette commission considèrent que le projet de loi amenuise le caractère spécialisé du Tribunal administratif du Québec et qu'il faut maintenir cette multidisciplinarité.
Permettez-moi de vous mentionner, M. le Président, ces différents groupes, des groupes qui considèrent justement que le projet de loi diminue cette spécialité, ce caractère spécialisé du TAQ, et qui à leur façon donnent avis au ministre qu'il faut absolument maintenir cette multidisciplinarité. Et je vous citerais des groupes qui ont été entendus en commission parlementaire, comme la Chambre des notaires du Québec, l'Ordre des évaluateurs agréés, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, Collège des médecins, l'Association des juristes en droit social, le Front commun des personnes assistées sociales, la Conférence des juges administratifs, le Mouvement action justice.
Et il y a des groupes, également, M. le ministre... M. le Président, pardon, des groupes qui vous ont transmis des commentaires par écrit. C'est le Conseil interprofessionnel du Québec, Me France Houle également, professeure de droit à l'Université de Montréal ? d'ailleurs, je reviendrai sur les commentaires que Me Houle a faits au ministre ? la CSN, la Commission des services juridiques, Genèse, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec, l'ATTAQ. Alors, tous ces groupes, M. le Président, considèrent que ce projet de loi diminue le caractère spécialisé du TAQ, justement, en ce sens que ces groupes préconisent le fait qu'il faut maintenir la multidisciplinarité.
Sur les délais, M. le Président, j'aimerais peut-être m'attarder, je l'ai dit tout à l'heure, sur le mémoire de Me France Houle, professeure à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, et qui affirme que le fait de remettre en cause le mode de fonctionnement du Tribunal constitue une proposition qui est en quelque sorte un retour en arrière, un retour en arrière en ce qui a trait à la conceptualisation contemporaine de la justice et de l'équité. Écoutez, c'est une affirmation importante, lorsqu'une avocate, professeure de droit à l'Université de Montréal, nous dit que le fait de remettre en cause ce mode de fonctionnement est un retour en arrière en ce qui a trait à la conceptualisation contemporaine de la justice et de l'équité.
Me Houle affirme de plus que le problème des délais n'est pas lié au mode de fonctionnement du Tribunal. Donc, il n'est pas nécessaire de remettre en cause le caractère bidisciplinaire des formations du Tribunal. Oui, il y a un problème de délais; tel que nous avons mentionné, le rapport du Vérificateur, en 2000-2001, et le rapport du ministre sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative en font mention également. Personne ne conteste ce fait. Toutefois, ces délais, d'après les documents que j'ai lus, d'après le document, entre autres, de Me Houle, les délais sont dus à des facteurs exceptionnels, si je puis dire.
D'abord, on a parlé d'inventaire du Tribunal au moment de la création du Tribunal administratif. Remarquez que le mot «inventaire» ne me plaît pas beaucoup, ça m'apparaît comme un mot de matière commerciale, ça m'apparaît un petit peu mercantile. J'aurais préféré qu'on parle de cumul des dossiers ou de... mais le mot «inventaire»... on a parlé d'inventaire, on a dit que les délais et aussi le retard dans l'administration gouvernementale étaient surtout dus à la transmission des dossiers, à la transmission des dossiers au Tribunal.
Le rapport de Me Houle est très poussé à ce sujet, c'est un rapport qui est excessivement bien fait. Et, lorsque le Vérificateur général fait mention de délais qui sont exagérément, trop longs, il a raison, et nous le constatons, et nous ne contestons pas non plus ce fait. Toutefois, le rapport du Vérificateur général est pour l'année 2000-2001. Donc, il a été fait à peine deux ans après, si on peut dire, la naissance de ce Tribunal, qui s'est faite, M. le Président, durant l'année 1998. Et c'est là que l'argumentation de Me Houle m'apparaît prendre toute sa signification, toute sa force, lorsqu'elle affirme qu'au moment de la création du TAQ, du Tribunal administratif du Québec, il y avait au-delà de 22 600 dossiers qui lui ont été transférés. Alors, écoutez, quelqu'un qui naît avec... Un tribunal administratif qui naît avec 22 600 dossiers à régler, il ne fallait pas s'attendre, en l'an 2000, que tous ces dossiers-là puissent avoir été réglés.
Alors, c'est évident, M. le Président, que le Tribunal, en partant, avait deux prises, comme on dit, au bâton, parce qu'il avait 22 600 dossiers à régler, et, en plus, le Tribunal reçoit, on nous dit... règle environ 10 000 demandes par année. Alors, imaginez, il réussit à régler 10 000 demandes par année, et, même, on nous dit que, depuis un an ou deux, il y a une augmentation des dossiers réglés par le Tribunal, ce qui fait qu'on règle plus de dossiers que l'on en reçoit. Donc, il m'apparaît que, d'ici deux ans, M. le Président, je pense que le Tribunal administratif du Québec aura atteint sa vitesse de croisière.
D'ailleurs, j'ai lu, je ne me souviens pas à quel endroit, mais il me semble d'avoir lu que, sur les anciens dossiers de 1998, 85 % des dossiers auraient été réglés à ce jour. Donc, il ne resterait que des dossiers qui traînent en longueur, comme on dit, et qui sont surtout des dossiers en matière immobilière, surtout des dossiers d'expropriation, qui, on le sait, peuvent prendre plus de temps à régler.
Ce qui est intéressant, M. le Président, c'est que le TAQ indique également, le Tribunal administratif indique... Je vais vous donner une note que lui-même... Quant au TAQ, il indique avoir fait un suivi rigoureux des dossiers ouverts avant sa création. En date du 31 mars 2001, plus de 82 % des dossiers ont déjà été réglés à la section des affaires sociales, 94 % en matière de fiscalité municipale et 78 % en matière d'expropriation. Alors, effectivement, ça confirme ce que je disais tout à l'heure, c'est que la plupart des dossiers qui ne sont pas réglés, ce sont des dossiers qui relèvent de l'expropriation.
Le ministre affirme, d'autre part, à la page 91 de son rapport... Et je cite beaucoup ce rapport, M. le Président, parce que je trouve qu'il est bien fait, je trouve que c'est un rapport qui est fourni, qui est bien étoffé, et je voudrais citer le ministre qui dit que: «Les données fournies permettent de constater que le Tribunal ferme cependant plus de dossiers qu'il n'en reçoit. En effet, en 2001-2002, il en a fermé 2 336 ? dossiers ? de plus que pendant l'exercice précédent, soit 14 512 en 2001-2002, comparativement à 12 176 en 2000-2001. L'écart entre les dossiers ouverts et fermés annuellement s'explique par la fermeture graduelle des 22 643 dossiers en attente d'une audience dont le Tribunal a hérité au moment de son institution.» Alors, voilà, M. le Président, le ministre confirme qu'il se ferme actuellement plus de dossiers qu'il n'en reçoit, dû au fait qu'il y avait 22 600 dossiers au moment de la création du Tribunal administratif.
Donc, il faut donner du temps, M. le Président, il faut donner du temps à ce Tribunal qui est encore presque tout jeune... je ne voulais pas dire «bébé», mais c'est un tribunal qui... C'est presque ça, à cinq ans... à cinq ans, on commence la maternelle. Alors, écoutez, le Tribunal est tout jeune. Il faut... Il avait à absorber 22 600 dossiers, ça ne se fait pas en deux ans. Alors, je pense qu'il a fait ses preuves présentement. Il a, de plus, une augmentation annuelle du nombre de dossiers, et, avec les effectifs actuels, on ne peut pas demander le règlement de plus de dossiers qu'ils ne font actuellement.
n(10 h 40)n Oui, M. le Président, le TAQ a hérité de plusieurs dossiers, ce qui a eu pour effet d'augmenter les délais de règlement de ces dossiers ? je pense qu'on vient de le démontrer amplement ? mais il faudrait également tenir compte des délais, également, que prend l'administration gouvernementale à transmettre les dossiers des administrés au Tribunal. Cela, M. le Président, empêche souvent d'enclencher le processus décisionnel. L'administré a aussi des torts, puisque souvent on nous dit qu'il tarde lui-même à fournir des documents et des rapports qui sont souvent nécessaires à l'examen de son dossier.
Alors, moi, je pense que le ministre devrait plutôt regarder du côté de la prévention, regarder du côté de quelle façon... comment pourrait-il informer davantage les citoyens et les citoyennes à préparer leurs dossiers, comment pourrait-il, soit par des moyens... les nouveaux moyens de communication, par Internet, par des moyens de diffusion, par des campagnes de publicité, comment informer davantage le citoyen, pour lui permettre de dire: Oui, lorsque vous allez devant le Tribunal administratif, voici comment les procédures... voici ce que vous devez faire, comment vous devez vous... ce à quoi vous devez vous conformer, comment vous devez vous diriger.
Cela est confirmé d'ailleurs par le rapport du Vérificateur général qui nous indique que l'administration gouvernementale n'avait transféré que 17 % des dossiers au TAQ au 31 mars 2001. Alors, voir ça, c'est un constat, M. le Président, qui fait réfléchir, parce que effectivement c'est que, si l'Administration ne transfère pas les dossiers au Tribunal, bien, on paralyse indirectement le Tribunal, et, en ce sens-là, je pense qu'un effort devrait être fait également.
Alors, M. le Président, je ne comprends pas le ministre qui nous dépose un tel projet de loi. Je pense qu'il sort l'artillerie lourde alors qu'il n'aurait besoin que d'un tire-pois, comme on dit. En plus, M. le Président, il s'attaque à la spécialisation de ce Tribunal. Il lui enlève sa... il lui enlève sa couleur, ce qu'on peut dire ce qui faisait son originalité. Comment peut-on... comment va-t-on pouvoir plus tard encore qualifier ce Tribunal de «spécialisé» s'il ne l'est plus? Alors, si vous persistez dans votre volonté, M. le ministre, pour diminuer des délais qui sont trop longs, je ne pense pas que ce soit le bon moyen. Je pense que vous devriez plutôt, comme je l'ai dit tout à l'heure, engager des fonds supplémentaires, augmenter des décideurs, peut-être à temps partiel, faire des campagnes de promotion, faire des campagnes de prévention pour informer les citoyens et les citoyennes afin que justement cette justice administrative soit beaucoup plus accessible, soit de meilleure qualité et que nous ayons...
Le Président (M. Simard): Je suis désolé, M. le député de Dubuc, vous alliez conclure.
M. Côté: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi, vous avez une question à poser?
M. Bédard: Oui, simplement en vertu de l'article 213 de notre règlement, et jouir en même temps, je vous dirais, de la longue expérience de mon collègue, vous le savez, qui était un notaire émérite dans sa circonscription, mais dans notre région. Il a fait mention dans son allocution, je vous dirais, de craintes de nos concitoyens qui se retrouvent devant un tribunal. Et j'aimerais savoir, lorsqu'il pratiquait comme notaire, est-ce qu'il est arrivé effectivement qu'il conseille... ou que des gens qui sont venus le voir se retrouvaient devant ce Tribunal, et quelle était leur attitude ou leur, je vous dirais, état d'esprit en préparation de ces causes?
Le Président (M. Simard): La question a été relativement brève, la réponse le sera aussi pour répondre au règlement.
M. Côté: Oui, M. le Président. Les citoyens et les citoyennes... J'ai eu l'occasion de pratiquer pendant 29 ans comme notaire chez moi, et souvent il m'est arrivé que des citoyens et des citoyennes sont venus me rencontrer pour me faire part de leurs appréhensions parce qu'ils avaient à se présenter devant le Tribunal dans les semaines ou dans les jours... Et les citoyens venaient chercher des conseils, ils venaient chercher des appuis, ils venaient chercher... parce qu'ils se sentaient démunis devant l'administration de la justice. Et c'est à ce moment-là que, comme notaire, je leur conseillais toujours d'être eux-mêmes, d'être simples aussi et d'expliquer le plus possible avec leur coeur ce qu'ils avaient... ce pourquoi ils allaient devant le Tribunal. Et ça, M. le Président, je pense que le ministre devrait aussi, lorsque je parlais de prévention tout à l'heure, devrait prendre ces remarques de façon sérieuse, sérieusement. La question du député de Chicoutimi est très opportune, puisqu'il faut justement... et, lorsqu'on parle d'accessibilité, ça fait partie, ça, de l'accessibilité.
Le Président (M. Simard): Merci, M. le député. Le député de Marguerite-D'Youville m'a fait signe qu'il nous poserait une question ou qu'il ferait une intervention.
M. Moreau: Une brève... Je suggérerais une brève suspension, M. le Président, de cinq minutes.
Le Président (M. Simard): Accepté. Nous reviendrons dans cinq minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 46)
(Reprise à 11 h 1)
Le Président (M. Simard): Bon. Nous allons reprendre nos travaux. Nous allons... Nous en étions donc au débat sur la motion présentée par le député de Dubuc visant à entendre le Protecteur du citoyen...
Une voix: La Protectrice.
Le Président (M. Simard): ...la Protectrice du citoyen, pardon. Je ne sais pas si le titre est changé du fait que son détenteur soit une détentrice...
M. Bédard: On peut se référer à votre secrétaire, qui est un spécialiste de ces questions.
Le Président (M. Simard): Est-ce que le secrétaire peut nous dire s'il s'agit de la Protectrice du citoyen ou de Mme Champoux-Lesage, Protecteur du citoyen?
Le Secrétaire: J'hésite, monsieur, je vais faire la vérification. À première vue, je crois que c'est la Protecteur du citoyen.
Le Président (M. Simard): Alors, il y a deux écoles, québécoise et française, là-dessus, vous le savez très bien, dans la francisation des titres.
M. Bédard: Maghrébine aussi, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Il y a aussi une école maghrébine qui... je ne demanderai pas... je ne vous dirai pas à qui on devrait demander une expertise.
Je vais inviter la députée de Bourget à prendre son droit de parole à ce moment-ci.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Alors, moi, je dirai «la Protectrice du citoyen», considérant mon passé hautement féministe.
M. Bédard: Vous voyez, c'est une autre école...
Mme Lemieux: Voilà. M. le Président, d'abord, je voudrais vous saluer, saluer tous les membres de la commission, vous dire que c'est avec plaisir que je participe à ces travaux de la commission des institutions ce matin. Un de nos collègues, en introduction, m'a fait remarquer que je sortais d'une participation très intense à la commission de l'aménagement du territoire où nous avons complété les consultations, la semaine dernière, sur le projet de loi n° 9. Et effectivement je me retrouve ici ce matin, frappée par un fil conducteur, par des caractéristiques communes entre cette commission des institutions qui étudie le projet de loi n° 4, modifiant la Loi sur la justice administrative, et le projet de loi pour lequel il y a eu de longues consultations à la commission de l'aménagement du territoire, concernant donc le projet de loi n° 9.
Quels sont ces caractéristiques communes, ce fil conducteur entre ces deux processus parallèles qui en apparence n'ont aucun lien? Il y en a plusieurs. D'abord, je dirais: le manque de rigueur. Le manque de rigueur de ces deux processus m'apparaît très clair. Dans le cas des défusions, on le sait, le gouvernement du Parti libéral penche du côté d'intérêts électoralistes plutôt que des intérêts supérieurs du Québec, c'est-à-dire l'intérêt du développement des villes. Et, dans ce cas-ci, on sent bien que ce ne sont pas les intérêts supérieurs de la bonne marche de la justice administrative, qui est au-dessus de la mêlée.
Je dirais aussi qu'une des caractéristiques de ce projet de loi que nous étudions ce matin et pour lequel nous débattons de la pertinence de rencontrer des gens et des experts témoigne du fait que le ministre a pris le dossier un peu à l'envers. Alors, plutôt que de s'engager dans un processus rigoureux, minimalement méthodique ? je ne parle pas d'être cartésien, mais qui s'appuie sur une méthode minimale ? faisant en sorte que les amendements proposés à la Loi sur la justice administrative puissent être bien appuyés sur l'expérience, sur l'expertise, sur les pratiques qui se sont développées au fil des années, eh bien, il prend des raccourcis. Il prend des raccourcis, et ça a pour effet de nous laisser sous l'impression que ce ne sont donc pas les intérêts supérieurs, mais bien des intérêts particuliers qui sont soutenus par le dépôt de ces amendements au sujet de la Loi sur la justice administrative.
Mon collègue de Dubuc tout à l'heure a fait allusion au fait que cette réforme de la justice administrative, elle est somme toute jeune. Cinq ans, effectivement, c'est un assez court laps de temps, somme toute, pour pouvoir intégrer non seulement l'esprit qu'il y avait derrière l'adoption de cette grande réforme, mais pour pouvoir également développer les pratiques qui sont conséquentes aux objectifs qui étaient recherchés au moment de l'adoption de cette réforme.
Je dirai également, Mme la Présidente, que, si l'opposition ce matin fait un plaidoyer fort quant à la nécessité de la présence, et d'un dialogue, et d'échange avec des gens à l'extérieur, des gens qui ont un rôle à jouer dans le bon déroulement des instances mises en place quant à la justice administrative, ce n'est pas par caprice, c'est parce que, et j'ai pris connaissance de presque tous les documents qui ont un lien avec les propos que nous devons avoir ce matin et avec le projet de loi qui est déposé, si nous avons ce besoin de parler à des gens, d'avoir un dialogue, d'avoir des échanges, de partager à partir de l'expertise que ce soit la Commission des services juridiques, que ce soit le Conseil interprofessionnel, dont on a parlé il y a quelques minutes, que ce soit Me France Houle, de l'Université de Montréal, qui a fait un mémoire écrit extraordinaire, qui fait le tour de la question de manière rigoureuse, que ce soient des échanges avec les membres qui ont rédigé le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, si nous plaidons ça, c'est parce qu'on a le sentiment que le ministre a pris ce dossier par le mauvais bout, il a pris le mauvais chemin.
Qu'est-ce qu'il aurait dû faire? M. le Président, cette réforme de la justice administrative... Mme la Présidente, pardon, elle est jeune, elle a donné lieu à plusieurs rapports, à plusieurs examens minutieux, notamment un examen du Vérificateur général, et elle a donné lieu à un rapport qui a été dirigé et rédigé par les autorités du ministère de la Justice, qui comporte, à l'oeil, au moins 150 pages, un rapport dont j'ai pris connaissance, qui est très costaud, qui a beaucoup de substance, qui est substantiel. Nous aurions dû... C'est ce qu'on aurait dû faire ce matin, Mme la Présidente, et, depuis le début du dépôt de ce projet de loi, nous aurions dû prendre le temps d'examiner ce rapport, d'en prendre connaissance, d'avoir des échanges avec différents experts pour que, à la suite de cette analyse en profondeur du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, le ministre puisse, avec les parlementaires, poser les gestes les plus pertinents, les meilleurs gestes, qui allaient dans le sens d'amélioration de notre processus de gestion de la justice administrative.
Or, ce n'est pas ça que le ministre fait, Mme la Présidente. Il présente des amendements, fort peu nombreux, et je vous ferai remarquer que dès les remarques préliminaires le ministre a parlé de manière assez brève, il a dit essentiellement deux choses: Voici les articles et les amendements que je propose, et, deuxièmement, et je le cite: «J'ai l'intention de proposer d'autres modifications à l'administration de la justice administrative au cours des semaines ou des mois qui viennent. De sorte que j'invite les divers intervenants devant cette commission à nous livrer leurs commentaires sur l'abolition du caractère obligatoire des révisions administratives effectuées par divers ministères ou organismes, en matière d'indemnités et de prestations, sur la conciliation par le Tribunal, la régionalisation des points de services, le statut des membres et leur déontologie et la représentation des parties devant le Tribunal.» Fin de la citation.
n(11 h 10)n C'est quand même incroyable, Mme la Présidente, le ministre propose des amendements, fort peu nombreux, mais il dit dans un même souffle: Les gens qui vont venir commenter ces amendements, ce serait bien agréable si vous nous faisiez des commentaires sur des grandes questions qui nous interpellent quant à la justice administrative. Alors, je crois qu'il y a un problème, là, et plusieurs intervenants l'ont souligné, je pense notamment au Barreau et à bien d'autres qui disent, et je le dis d'une manière un peu... en faisant un peu des raccourcis, qui disent: Quant à faire le travail, peut-on le faire correctement et, plutôt que de présenter de minuscules amendements sur des questions somme toute importantes mais qui sont liées à des questions encore plus larges, pourrait-on faire le travail globalement? Et c'est la raison pour laquelle, Mme la Présidente, je soutiens la motion de mon collègue député de Dubuc à l'effet d'entendre la Protectrice du citoyen.
Parce que, là encore, on aurait un tas de choses à apprendre de cet échange, puisque, on le sait, le mandat du Protecteur du citoyen consiste à apporter une réponse à des citoyens qui se sentent lésés par l'administration. Or, plusieurs des organismes qui sont sous la juridiction de la Loi sur la justice administrative peuvent être aussi pris à partie par des citoyens devant le Protecteur du citoyen, et je crois que ce serait extrêmement riche comme échange de pouvoir discuter comment ces interfaces, comment tout ça peut s'entrechoquer, se rencontrer et comment tout ça sera géré, comment la Protectrice du citoyen voit les amendements, comment elle perçoit, comment elle analyse les amendements présentés par le ministre de la Justice au sujet de la Loi sur la justice administrative, quels effets cela aura-t-il sur des clientèles potentielles qu'elle est appelée à recevoir au sein de son organisation, quels effets, positifs ou négatifs, on peut anticiper de ces amendements quant à la bonne administration des services destinés aux citoyens.
Bref, il y aurait là des échanges extrêmement judicieux. Mais ils seraient encore plus judicieux si nous avions pris la peine non seulement de recevoir ce rapport, de l'analyser et de faire en sorte que les gestes posés par le ministre et par l'Assemblée nationale soient documentés, appuyés, et non pas simplement des mouvements d'humeur, Mme la Présidente. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Mme la députée de Bourget. Je reconnais maintenant le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. J'ai une demi-heure, je crois? C'est ça, 30 minutes?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, 30 minutes.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Alors, je vous remercie. Et vous comprendrez qu'il est dur d'entretenir cette commission après un si bel exposé de ma collègue la députée de Bourget, qui, je vous dirais, a assimilé en très peu de temps les problématiques qui se retrouvent à l'intérieur de ce projet de loi et même, aussi, je vous dirais plus loin, de ce qui anime une saine et une bonne justice administrative, donc. Et elle a pris du temps malgré, vous le savez, un horaire fort chargé, dans les démêlés, que vous connaissez bien, au niveau du projet de loi sur des défusions municipales. Donc, je tiens à la remercier et la remercier de ses commentaires, précieux à cette commission, j'en suis convaincu, par rapport à la suite de ce dossier.
Elle a, je vous dirais, effleuré, parce que, en 10 minutes, on ne fait qu'effleurer. Je vais tenter d'approfondir certains des thèmes dont elle a fait mention, à l'intérieur de cette motion de mon collègue tout aussi estimé, le député de Dubuc, soit celle d'entendre la Protectrice du citoyen, la Protectrice qui est la responsable de l'institution qui est le Protecteur du citoyen. C'est ce qu'on m'a dit qui était conforme et peut-être un mariage entre les deux écoles, alors... du moins... Peut-être que nous aurons d'autres commentaires, mais ce que m'a mentionné... Et, vous savez, Mme la Présidente, c'est unanime, en termes de langage parlementaire, de respecter les règles de base de notre belle langue française. D'ailleurs, quand je ne le fais pas, c'est mon collègue le député de Mercier qui peut me rappeler à l'ordre avec le dictionnaire, comme, vous le savez, la dernière fois. Donc, je vais tenter de respecter les conventions d'usage dans ce domaine.
M. Moreau: Le Larousse qu'il aime tant.
M. Bédard: Le Larousse, effectivement, on sait qu'il a une prédilection envers le Larousse.
M. Moreau: Oui, il a un penchant.
M. Bédard: Il y a des écoles aussi là-dessus, Le Petit Robert, Larousse, mais je vais... Et je le respecte beaucoup dans ses interventions. Je me réfère aux deux écoles de cette façon et je souhaite que l'usage que j'en fais est conforme aux belles règles qui animent notre langue française.
Maintenant... M. le Président, oui, alors, entre deux chaises, M. le Président. Donc, je vais dans les prochaines minutes faire état des éléments qui justifient l'intervention de la Protectrice, qui est, vous le savez, responsable de l'institution qu'est le Protecteur du citoyen, donc, et pourquoi nous souhaitons l'entendre.
Tout d'abord parce que, vous savez, ce projet de loi a été concocté en catimini, sans consultation et sans prise en compte même... Et la simple décence aurait demandé au ministre au moins qu'il se réfère au volumineux et fouillé rapport sur la justice administrative. Or, il n'en a pas été le cas, donc d'où l'importance d'avoir, pour les membres de cette commission, nous, membres de l'opposition, mais, j'espère, aussi les membres du gouvernement, d'avoir toute l'information pour juger l'à-propos des modifications qui sont demandées par le Procureur général et le ministre de la Justice. Et, malheureusement, M. le Président... Et c'est lors des auditions que nous avons constaté que ce projet de loi ne répond à aucune demande, à aucune attente de ceux qui utilisent ou même, ou même, qui rendent justice.
Et je vous réfère encore... parce qu'ils ne sortent pas souvent devant... ils ne viennent pas, plutôt, souvent devant les commissions parlementaires, dû, vous le savez, au sacro-saint, je vous dirais, sacro-saint principe d'ordre constitutionnel qui est celui de la séparation des pouvoirs. Donc, ils sont quand même intervenus devant cette commission pour rappeler à l'ordre le ministre de la Justice par rapport à cette réformette, et j'en suis... J'en ai pris bien note. Malheureusement, M. le Président, si le ministre avait fait de même, nous ne serions pas pris ici à avoir le devoir moral de convaincre le ministre que cette réforme ? et mes collègues aussi ? que cette réforme ne mène à rien, que cette réforme contrevient à des règles importantes, malgré son peu d'articles, à des règles qui guident notre Tribunal administratif.
D'ailleurs, je disais que ce document... plutôt, ce projet de loi avait été concocté en catimini, en secret. J'en prends même pour preuve le mémoire du Conseil des ministres, auquel j'ai fait référence un peu plus tôt, évidemment la section publique, parce que je ne contreviendrais pas à des règles, malheureusement que certains ont contrevenu, mais celle qui n'est pas accessible au public, évidemment jamais, comme parlementaire, même avec le privilège qu'on peut avoir de cette liberté de parole, jamais je ne contreviens à une règle aussi fondamentale et encore plus, je vous dirais, à titre de porte-parole de la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Donc, je vous réfère au mémoire qui est, lui, public et qui dit: Les ministères et organismes dont la... et, regardez, ça peut sembler anodin, M. le Président, mais: Les ministères et organismes dont les décisions peuvent être contestées devant le TAQ seront informés.
Alors qu'est-ce que dit évidemment Le Petit Robert sur «informer»? Mais ça ne prend même pas Le Petit Robert. Informer: «Mettre au courant, faire part». Alors... Et vous comprendrez avec moi... vous conviendrez, plutôt, avec moi que c'est très différent et ça n'a rien à voir avec celui de «consulter», qui est plutôt de demander avis, demander conseil, consulter l'opinion. Or, le ministre, lui, non, nul n'est besoin pour lui d'avoir d'opinion ni d'avis. Lui, ce qu'il veut tout simplement, c'est informer les membres des différents ministères concernés qu'il va modifier en profondeur cette justice administrative. Et ça démontre à quel point il est important pour cette commission, puisque le ministre n'a pas la décence, je vous dirais, de consulter même ses collègues par rapport à cette réforme, du moins que, nous, comme membres de cette commission, nous ayons l'occasion de consulter les principaux intéressés sur cette question, sur cette modification qu'entend faire le ministre au Tribunal administratif.
Et, vous le savez, des experts sont venus, eux, nous dire... Et, entre autres, ma collègue de Bourget faisait référence à une éminente professeure dans ce domaine, qui est Me France Houle, et auquel j'avais invité mes collègues à lire le mémoire, et malheureusement il semble que ça n'a pas été le cas, ou peut-être un l'a lu, il n'est malheureusement plus présent à cette commission, mais... et de voir quels sont les dangers qui nous guettent et qui guettent le Tribunal administratif par de telles modifications. Et ce mémoire fort simple, qui tient sur une vingtaine de pages, fait le tour de l'ensemble, en plus de la documentation qui concerne ce sujet, et, entre autres, fait référence évidemment au rapport sur la mise en oeuvre de la justice administrative, mais aussi différents rapports qui ont été écrits par rapport à ce sujet, et met en garde le ministre. Parce que je ne la connais pas, M. le Président, Me Houle, alors j'espère qu'on ne prétendra pas que je l'ai moi-même... que je lui ai demandé de préparer un mémoire. C'est simplement dans le cadre de ses fonctions comme professeure, comme titulaire de charge auprès d'universités, qui donne des cours dans le domaine administratif et qui nous met en garde vis-à-vis une telle réforme.
n(11 h 20)n Alors, mon devoir comme parlementaire qui, moi, vous le savez, a voté en faveur du principe, c'est de prendre acte de ce que les spécialistes, les gens bien informés, les gens avec des expertises documentées, fouillées, nous donnent sur cette question. Et, vous savez, nous devons, encore une fois, je le rappelle et j'aurai l'occasion de le faire, rappeler le devoir d'humilité que nous avons comme membres de cette Assemblée, qu'on soit ministre ou député, lorsque des gens bien, bien documentés, avec des expertises comme celle dont dispose Me Houle, mais, je vous dirais aussi, comme celle dont dispose la Conférence des juges administratifs, comme celle dont dispose le Front commun des personnes assistées sociales, comme celle dont dispose la Chambre des notaires ? et mon collègue le député de Dubuc est membre de la Chambre des notaires encore, je crois ? alors, le mémoire extraordinaire qui a été déposé par la Chambre des notaires, qui met en garde le gouvernement par rapport à une telle réforme...
Et j'espère qu'on ne reprochera ni au Barreau, ni à la Chambre des notaires, je vous dirais, ni à la Conférence des juges administratifs ? et je suis convaincu qu'on ne pourrait pas aller jusque-là ? de manger à la même table que l'opposition. Au contraire, ce sont des gens guidés par des intérêts qui sont plutôt de l'ordre du bien public, de l'intérêt public. Alors, ces gens ont mis en garde le gouvernement, et, moi, je me serais attendu à la fermeture des travaux, M. le Président. Je me serais attendu que ce projet de loi ne revienne pas, tout simplement parce qu'il ne répond à aucune attente, qu'il ne corrige absolument rien et qu'il n'améliore d'aucune façon la justice administrative. D'où mon désarroi, honnêtement et franchement, quant à l'entêtement du ministre de vouloir ramener ce projet de loi.
Et, même, je vous dirais, il y a même une éditorialiste qui a écouté nos travaux. Dans Le Soleil, je crois, j'ai lu, ou dans Le Devoir, Mme Boileau, que je lis régulièrement et qui aura pris les mises en garde que nous faisons aujourd'hui. Alors, est-ce qu'on va dire que Mme Boileau aussi mange avec l'opposition? M. le Président, vous savez bien que, au niveau des journalistes, ça me surprendrait que... D'aucuns pourraient prétendre qu'ils mangent à notre table. Au contraire, ce sont des gens animés par un souci, souvent, effectivement, de bien faire les choses. Et, dans un domaine aussi précis que la justice administrative, quel intérêt un journaliste a à s'intéresser à cette question qui est d'ordre très technique mais qui conditionne... je vous dirais, les attentes qui conditionnent, la perception qui conditionne même cette volonté, ces attentes qu'ont la population d'obtenir justice devant le Tribunal administratif? Eh bien, Mme Boileau a mis en garde le ministre et a demandé aussi au ministre: Où est-ce qu'on s'en va avec cette pseudoréformette, alors que le ministre nous convie à une réforme que lui seul réclame actuellement?
Mais, moi, je vous dis: Si on est pour être ici, faisons oeuvre utile, soyons transparents et proposons cette réforme. Mme la députée de Bourget mentionnait même qu'on est allé jusqu'à demander à différents groupes de parler d'autre chose que du projet de loi qui était mentionné, qui était proposé à l'Assemblée. Est-ce que c'est faire oeuvre de transparence? Non. Moi, je vous dirais que j'assimile la position du ministre actuellement à de l'arrogance, à une conduite qui répond plus à une croyance de détenir la vérité. Mais, malheureusement, ceux qui sont venus en cette commission, qui n'ont rien à gagner si ce n'est que de protéger cet intérêt public, sont venus dire au ministre: Wo! Assez! Vous êtes dans l'erreur. Pourriez-vous faire un pas de côté, réfléchir et de bien lire, de bien vous documenter par rapport aux questions que vous abordez?
Malheureusement, malgré les demandes, je vous dirais, nous n'avons été que le porte-voix de ces spécialistes, et, malgré ces demandes, le ministre s'entête à faire en sorte que ce projet de loi soit débattu devant cette commission. Donc, nous allons tout de même tenter de le convaincre, et aussi mes autres collègues de ce côté-ci évidemment, mais il semble que cette oeuvre est déjà faite, alors nous allons tenter de convaincre mes collègues de l'autre côté et de les inviter, comme lorsque nous étions au pouvoir, et je l'ai mentionné lorsque j'ai terminé notre dernière journée d'auditions, lorsque ce projet de loi sera appelé devant le caucus, de faire leur travail de députés et de tout simplement demander au ministre, comme l'ont fait les différents groupes, de retourner faire ses devoirs, parce que, selon toute apparence, il ne les a pas faits. Donc, j'espère que ce sera le cas.
Et, vous savez, c'est arrivé à de nombreuses reprises, vous en avez été témoin, M. le Président, vous, à une certaine époque, lorsque les députés trouvaient qu'un ministre avait mal fait ses devoirs, il était fréquent de demander... d'abord de questionner et, quand il n'y avait pas des réponses satisfaisantes, de demander alors au ministre de refaire ses devoirs et d'arriver plutôt avec un projet de loi qui correspond aux attentes de la population, mais aussi aux attentes de nos concitoyens et concitoyennes, surtout, dont nous sommes le porte-voix, et, tant qu'à y être, M. le Président, si le ministre entend, et je le souhaite, aller d'un côté un peu plus transparent, un peu plus, je vous dirais, qui est à l'écoute des attentes et de faire preuve de cette même façon d'une très grande transparence.
Vous savez, dans le même mémoire, il était fait mention qu'on comptait faire de gros gains financiers. Là, vous comprendrez qu'on fait référence, là, à la réingénierie, là. On veut couper dans la justice, diminuer la qualité et peut-être sauver de l'argent. Peut-être! Peut-être! Or, lorsqu'on arrive au point 6, Implications financières: «Une étude...» Et là je vous lis le mémoire du Conseil des ministres, là. Ce n'est pas, là, des racontars ou, comme disait le premier ministre, «des oiseaux de basse-cour», c'est vraiment le mémoire du Conseil des ministres. Et j'espère qu'on n'assimilera pas le Conseil des ministres à un poulailler de basse-cour, et je vous dirais que, moi, je n'irai jamais jusque-là, mais le premier ministre pourrait le faire, parce que, la dernière fois, il a assimilé le travail, vous le savez, d'un éminent collègue du domaine judiciaire à «un oiseau sans tête» et à «du travail de basse-cour». Donc: «Une étude devrait être effectuée à cet égard au niveau des implications financières». Alors, à l'époque où le projet a été déposé, ce n'était pas le cas.
Alors, je demande à nouveau au ministre: Où est cette étude? Au moins, est-ce qu'on peut avoir au moins un élément qui pourrait du moins justifier, en termes financiers, cette réformette? Est-ce qu'on peut l'avoir? Et, moi, je pense même, M. le Président, que nous pouvons l'exiger comme membres de cette commission, comme nous exigeons que ceux qui ont rédigé le rapport sur la justice administrative soient entendus. Je le dis et je le répète, je l'ai dit au ministre, je le dis aux membres de cette commission: nous ne ferons pas un pas, ni dans ce projet de loi ni dans d'autres qui relèvent de la justice administrative, si nous n'avons pas entendu ceux qui ont rédigé le rapport sur la justice administrative. Je pense que, par respect pour cette commission mais aussi par respect pour ceux et celles qui l'ont rédigé et qui ont travaillé, j'imagine, pendant de nombreuses... des dizaines et des dizaines, des dizaines d'heures, et comme le prévoit d'ailleurs la loi, qui demande que ceux qui ont rédigé le rapport soient entendus par cette commission, alors qu'on commence... Vous savez, l'alphabet, ça commence par la lettre a, vous le savez, M. le Président, nul besoin d'un dictionnaire. Donc, la lettre a demande à cette commission que nous entendions ceux et celles qui ont rédigé ce rapport.
Je l'ai lu, j'ai vu à quel point il était fouillé et documenté et je demande ? et je pense que même par simple décence pour ceux qui l'ont rédigé ? qu'on entende ces gens, qu'on puisse, comme parlementaires, leur poser des questions. Et, du moins, vous le savez, si le ministre n'entend pas le faire dans le cadre de ce projet de loi, nous avons l'obligation, comme membres de cette commission, d'entendre ceux qui ont rédigé le rapport dans un délai d'un an. Et je vous dirais que, aujourd'hui, la principale et, je vous dirais, la seule... ou celle, plutôt, qui doit se retrouver en tête de nos priorités comme membres de cette commission, pour faire un travail correct et utile comme bons parlementaires, c'est d'entendre les membres de cette... entendre ceux et celles qui ont rédigé ce rapport. C'est la moindre des choses.
n(11 h 30)n Et nous ne serions pas d'ailleurs aujourd'hui à débattre ou à demander que la Protectrice soit entendue par cette commission. Peut-être que ce serait pertinent après avoir entendu ceux et celles qui ont rédigé ce rapport, mais du moins nous aurions l'information et nous pourrions creuser les sujets qui ont été abordés dans ce rapport. Et nous ne serions pas non plus en train, je vous dirais, de se baser sur cette réforme, comme le fait le ministre, sur cette réformette, sur des impressions, sur des... Ou, simplement j'ai même, et vous le savez, vous étiez présent, demandé à maître... je pense, ce n'était pas Me Michel Cyr, c'était une association d'avocates en relations... pas en relations de travail, en assurance automobile: Combien de causes, vous pensez, qui ne nécessitent pas la présence de deux membres d'un tribunal? J'ai entendu ça dans cette commission. Et, écoutez, les pauvres personnes qui étaient là, le ministre pose la question et ils se doivent de répondre, mais ils n'ont d'autres, je vous dirais, documents que leur propre interprétation par rapport à leur domaine, et ils disent: Autour de 90 %, si je me souviens bien.
Alors, vous voyez comment on fonctionne à l'aveugle ici, là. Et, quand on parle de justice administrative, s'il y a un domaine qui ne doit pas être traité à l'aveugle, c'est bien la justice administrative. S'il y a un domaine, et je l'ai dit au ministre, pour lequel j'ai donné toute, toute, toute ma collaboration... et que je suis prêt, à partir du moment où le projet de loi... et même si on peut être d'une opinion différente, mais que le projet de loi peut servir les intérêts de la justice et des justiciables, nous allons collaborer, comme je le fais d'ailleurs dans plusieurs autres commissions.
Vous le savez, M. le Président, je suis aussi responsable de l'accès à l'information, et tous les jours je suis avec la ministre responsable, ou presque tous les jours, je vous dirais, et nous entendons des groupes d'une façon très... en commune pensée par rapport aux atteintes... aux attentes plutôt que la population et que nous avons par rapport aux modifications que nous devons apporter à cette loi très importante qui est souvent assimilée ou qui est presque sur le même pied que la Charte des droits et libertés de la personne.
Donc, vous avez vu... et je peux témoigner avec des preuves de mon souci de collaborer aux différents travaux qui animent les commissions, mais, dans ce cas-ci, je suis encore surpris de l'entêtement du ministre, M. le Président. Et, s'il avait eu l'humilité de reconnaître qu'il avait fait fausse route, comme ça aurait été le cas... comme ça aurait dû être le cas, nous ne serions pas ici en train de vous convaincre, vous, mais tenter de convaincre à nouveau le ministre. Et mon ancien... mon collègue, avec lequel j'ai eu plusieurs bons moments, le député d'Orford ? c'est ça, M. le...
Une voix: Shefford.
M. Bédard: Shefford, excusez-moi. Orford, c'est votre ancien collègue... mais qui à plusieurs occasions nous a entretenus sur... Il est arrivé à l'occasion un certain entêtement du gouvernement. Dans ce cas-ci, je l'invite ? je le sais, que c'est quelqu'un avec une bonne connaissance juridique ? de prendre connaissance du projet de loi, et de se faire une tête là-dessus, et d'agir avec le même souci de justice auquel j'ai eu l'occasion souvent même de subir, mais toujours avec de bons termes bien choisis et dans un climat somme toute fort intéressant. Et je tiens d'ailleurs à remercier le député de Shefford, qui a parfois, je vous dirais, par ses commentaires fait avancer l'institution qu'est notre beau Parlement. Alors, je l'invite à continuer son oeuvre utile.
M. Brodeur: On pourrait peut-être faire une motion là-dessus.
M. Bédard: Oui, éventuellement. D'ailleurs, nous avons une motion aussi pour qu'une des membres de cette Assemblée... de cette commission plutôt, ait accès au Conseil des ministres. Alors, vous serez le deuxième, député de Shefford, dans l'ordre des commissions, dans un ordre plus personnel des motions. Et je l'invite encore une fois à continuer le bon travail qu'il faisait comme parlementaire.
Une voix: ...
M. Bédard: M. le Président, M. le député de Marguerite-D'Youville souhaite... Comme il n'a pas encore parlé, je peux lui donner la parole, non?
Le Président (M. Simard): Ce sera un tremplin pour lui, cette commission.
M. Bédard: Peut-être, lui aussi. Le troisième, oui, effectivement, à qui... Ce serait sûrement, je pense, quelqu'un qui a le panache, mais aussi les compétences et le recul pour accéder au Conseil des ministres.
Une voix: ...
M. Bédard: Oui, mais la période de chasse est terminée.
Le Président (M. Simard): ...de l'actuel titulaire. Alors, s'il vous plaît, voulez-vous revenir au dossier?
M. Bédard: Mais, vous savez, M. le Président, l'actuel titulaire me prête peu d'oreille à mes propos, alors j'ai tendance évidemment à m'entretenir avec ceux qui...
Une voix: ...
M. Bédard: Le député de Shefford est un bel exemple. D'ailleurs, je l'écoutais souvent lorsqu'il prenait la parole, et ses commentaires étaient toujours à propos. Mais, vous savez, le ministre a moins d'expérience parlementaire que le député de Shefford, et malheureusement il lui arrive de traiter avec un peu de légèreté les règles, us et coutumes qui guident le fonctionnement de cette Assemblée, donc... et je me permets à l'occasion de lui rappeler.
Mais, au-delà de la coutume et des us qui nous guident, il y a, au-delà de tout ça, il y a l'intérêt du citoyen, l'intérêt public. Vous savez, il est arrivé, M. le Président, que, pour des motifs d'intérêt public, nous allions à l'encontre... lorsque nous étions au gouvernement, et justifiés par l'intérêt public, d'aller à l'encontre d'avis de groupes. Or, dans ce cas-ci, le ministre, lui, n'invoque que son propre entêtement. Et c'est ce qui m'inquiète, et ça m'inquiète d'autant plus qu'il nous annonce une réforme de la justice administrative sans trop savoir ce qui la motivera. Mais ce que j'ai compris au départ, c'est qu'on nous annonce la fin des bureaux de révision sans autre document la justifiant.
Or, on constate que, si on enlevait le bureau de révision ? et là tout le monde nous met en garde, maintenant, là, qu'ils le savent ? si on enlevait le bureau de révision, il y aurait avalanche de causes devant le Tribunal administratif, ce qui ferait simplement d'augmenter les délais et faire en sorte justement qu'on contrevienne à la règle de la célérité. Et le ministre l'a dit souvent: Lorsqu'il y a trop de délais, évidemment ceci contrevient aux règles de justice. Mais, vous savez, ce qui anime sa réforme a pour effet justement d'augmenter les délais.
Alors, vous comprendrez maintenant ma prudence, parce que j'aurais cru qu'un ministre de la Justice, normalement, se documente, fait référence, et, lorsqu'il intervient dans des domaines aussi pointilleux, aussi sensibles, aussi, même, apolitiques qu'est celui de la justice administrative, qu'il prenne toutes les précautions qui sont requises, comme parlementaire et comme titulaire de cette charge, pour faire un travail qui correspond aux attentes et qui aussi correspond aux trois grands principes qui guident la justice administrative: l'accessibilité, la célérité et la qualité. Or, cette réforme, cette réformette, ces petites modifications, en plus de n'avoir aucun effet sur la célérité, briment l'accessibilité et briment la qualité.
Alors, je dis, M. le Président, c'est assez. Ne badinons pas avec la justice administrative, faisons un travail sérieux. Et ce travail va commencer, encore une fois, par la lettre a, ce qui veut dire entendre ceux et celles qui ont rédigé le rapport sur la justice administrative, et par la suite nous pourrons entendre la Protectrice, celle qui est en charge de l'institution qu'est le Protecteur du citoyen, qui va venir nous faire part de ses commentaires, mais évidemment après avoir entendu ces gens qui ont... Vous savez, ce sont des fonctionnaires, là, les grands mandarins de l'État. Vous ne pouvez pas les taxer ? en tout cas j'espère, mais il semble que ça devienne une habitude dans le cabinet du ministre ? mais de taxer ? du ministre de la Justice particulièrement ? mais de taxer ceux et celles qui font carrière dans la fonction publique et, peu importe qui ils ont servi, ont toujours agi dans le seul intérêt de la justice, de les taxer, ces gens-là, d'être... encore une fois, de manger à la table de qui que ce soit. Et j'espère que là on n'ira pas jusqu'à prétendre que ceux qui ont rédigé le rapport mangent à la table de l'opposition. Non, non.
Ce que je constate, par contre, c'est que le rapport, comme ils disent, M. le Président... Comme le rapport, plutôt, fait mention que, je vous dirais, les propositions du ministre ne vont pas dans le sens de l'amélioration de la justice administrative, eh bien, le ministre, plutôt que d'y faire référence, bien, écarte ce rapport, préfère ne pas le lire, ne pas le voir, ne pas le consulter, ne pas y faire référence, et préfère plutôt poser des questions aux groupes qui viennent, sur une base totalement informative, sans autre appui que l'opinion exprimée par les gens, pour lequel... Ces gens, M. le Président, je ne leur en veux pas, on leur demande, à la commission: Quelles sont vos impressions? Ils les donnent. On ne modifie pas la justice administrative sur de simples impressions.
Et, encore une fois, ce n'est pas la première fois que ça arrive. Le ministre de la Justice, lorsque est venu le temps de parler, là, lors de l'étude des crédits de la Commission des services juridiques, parlait encore d'impressions. Il avait un rapport qui datait de 1995, et il a dit... Et là je m'inquiète, parce que, vous savez, c'est le Procureur général, aussi, là. Ça date de 1995, et vous allez voir le verbatim mot pour mot... Ça date de 1995, mais, vous savez, j'ai l'impression que c'est encore comme ça aujourd'hui. Je peux vous dire que, si j'envoyais ces notes à Herbert Marx, ancien ministre de la Justice, je suis convaincu qu'il serait sidéré, et il n'aurait pas... et ça ne me surprendrait pas, même, qu'il écrive au ministre au moins pour le mettre en garde... Un ministre de la Justice et Procureur général qui agit sur base d'impressions, je peux vous dire une chose, c'est inquiétant pour le justiciable du Québec, et c'est inquiétant pour la justice administrative, et, je vous dirais, c'est inquiétant sur tous les sujets, et les plus épineux, je vous dirais, les plus sensibles, comme j'ai eu l'occasion de le faire, vous le savez, devant notre Assemblée en période de questions.
n(11 h 40)n Donc, oui, nous devrions entendre le Protecteur du citoyen, oui... la Protectrice, plutôt, responsable de l'institution du Protecteur du citoyen, oui, nous aurions dû entendre Me Houle, oui, nous aurions dû entendre aussi la Conférence des juges administratifs et peut-être même aussi entendre le député de Brome-Missisquoi, qui est un juriste reconnu, vous le savez, M. le Président, qui est quelqu'un...
Une voix: ...
M. Bédard: Ah oui! Un parlementaire de grande expérience. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de siéger avec lui, et je peux vous dire que, bien qu'il ne donnait de chance à personne, c'était un gardien. Vous savez, le grand grimoire de nos us et coutumes parlementaires, eh bien, nous avons, chacun de notre côté, ces gardiens de ces règles écrites et non écrites, eh bien, je peux vous dire que le député de Brome-Missisquoi en était un.
Une voix: Il nous manque.
M. Bédard: Il nous manque effectivement. D'ailleurs, à l'occasion, quand même, il se ramène à notre mémoire. Aujourd'hui d'ailleurs, entre autres, où le député de Brome-Missisquoi lance des pierres vers Charest... vers le premier ministre, vous savez ? on ne peut pas nommer des noms... Mais, moi, je vais être plus... moins dur. Je ne lance pas de pierres au ministre de la Justice, bien que j'aurais bien des raisons de le faire, non, je lui demande simplement d'écouter, d'écouter les gens. Je lui donne encore une chance, M. le Président, et, comme le disait avec beaucoup d'à-propos mon collègue de Shefford, je lui tends la main, je tends la main au ministre de la Justice. Et je me souviens d'avoir entendu souvent le député de Shefford demander... il disait: Je tends la main au gouvernement. Eh bien, à mon tour, je tends la main au ministre de la Justice pour qu'il revienne, qu'il...
D'abord, je peux même lui laisser le temps de prendre connaissance du rapport et, par la suite, de nous permettre d'entendre ceux et celles qui ont rédigé ce rapport ? ce n'est que par respect et par décence pour ces gens. Et, par la suite, comme membres de cette commission, moi, évidemment, comme critique, mais aussi la députée de Bourget, mon collègue le député de Dubuc, qui est un éminent membre de la communauté juridique, et d'autres membres, le député de Marguerite-D'Youville, qui est avocat de profession... Et je suis convaincu que nous aurions, à ce moment-ci... nous nous guiderions sur autre chose que sur des impressions et des à-peu-près, mais que nos travaux seraient animés du souci de bien faire les choses, avec les éléments et la documentation et les informations utiles à ces travaux.
Alors, M. le Président, malheureusement, on me dit que mon temps est écoulé. Donc, j'espère que j'aurai encore l'occasion de ramener les points sur lesquels nous guidons nos interventions et peut-être aussi même certains commentaires du député de Brome-Missisquoi. Et je pense que ça va faire l'objet d'une motion, et je vous le dis, M. le Président, pour être entendu devant cette commission, vu son statut, sa connaissance profonde des règles parlementaires, mais aussi et surtout sa connaissance juridique. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chicoutimi. Évidemment, vous comprendrez que vous ne pourrez vous exprimer sur ces points qu'à l'intérieur d'autres sujets, puisque votre temps est écoulé, et je ne vois personne du côté ministériel qui désire vous donner la réplique. Cependant, on m'indique qu'il y a un dépôt d'une autre motion. Alors, est-ce que...
M. Bédard: Est-ce qu'on peut passer au vote, M. le Président, avant?
Le Président (M. Simard): Ah! ce serait une bonne idée, ce serait une très bonne...
M. Bédard: À moins que la... À moins que nous ayons...
Le Président (M. Simard): L'issue ne vous semble pas trop incertaine, je l'espère, mais il est très important de me rappeler qu'il faut quand même voter. J'imagine que vous demandez un vote...
M. Bédard: J'ai senti une hésitation de l'autre côté.
Le Président (M. Simard): Il y a peut-être des hésitations.
M. Bédard: Le député de Shefford. Ah! bien là, si le député de Shefford va voter. Est-ce qu'il a droit de vote?
M. Brodeur: J'ai demandé à faire partie de votre commission parlementaire exprès pour vous entendre.
Le Président (M. Simard): Il a droit de vote, il est membre de la commission. Et j'invite donc le secrétaire à procéder, puisqu'on me demande, je crois...
M. Bédard: Ah! quel plaisir.
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous avez demandé un vote nominal?
M. Bédard: Vote nominal, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Merci.
M. Bédard: Et avec la conviction peut-être maintenant, comme on a un nouveau membre, d'avoir quelqu'un de plus qui va, je vous dirais...
Le Président (M. Simard): Le suspense va rester jusqu'à la dernière seconde.
M. Bédard: Je le souhaite. Je le souhaite. Nous vivons d'espoir.
Mise aux voix
Le Président (M. Simard): Et j'invite le secrétaire à faire l'appel.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bédard (Chicoutimi)?
M. Bédard: En faveur.
Le Secrétaire: Mme Lemieux (Bourget)?
Mme Lemieux: Pour.
Le Secrétaire: M. Côté (Dubuc)?
M. Côté: Pour.
Le Secrétaire: M. Bellemare (Vanier)?
M. Bellemare: Contre.
Le Secrétaire: M. Moreau (Marguerite-D'Youville)?
M. Moreau: Contre.
Le Secrétaire: Mme Thériault (Anjou)?
Mme Thériault: Contre.
Le Secrétaire: M. Brodeur (Shefford)?
M. Brodeur: J'aurais aimé mieux voter en dernier, mais je vais dire contre immédiatement.
Le Secrétaire: M. Descoteaux (Groulx)?
M. Descoteaux: Contre.
Le Secrétaire: M. Gabias (Trois-Rivières)?
M. Gabias: Contre.
Le Secrétaire: M. le Président?
Le Président (M. Simard): Pour.
Le Secrétaire: 4 pour, 6 contre, aucune abstention.
Le Président (M. Simard): Et voilà. Maintenant, nous poursuivons nos travaux. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui demande la parole? Mme la députée de Bourget, oui, je vous écoute.
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. J'aurais une motion à déposer en vertu de l'article 244.
Le Président (M. Simard): En avez-vous copie, Mme la députée?
Mme Lemieux: Je suppose qu'on l'a.
Le Président (M. Simard): Oui, on vient de me la donner.
Motion proposant d'entendre
la Vérificatrice générale du Québec
Mme Lemieux: Oui? D'accord. Alors, je peux la lire? Il est donc proposé «qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi ainsi qu'à tous les amendements déposés par le ministre et qu'à cette fin elle entende la Vérificatrice générale du Québec».
Le Président (M. Simard): Très bien, étant donné qu'il s'agit d'une motion en tous points semblable aux précédentes et qui est dans la tradition des motions reçues par ces... qui correspond d'ailleurs au règlement qui nous régit, alors je déclare que cette motion est recevable. Et nous allons donc procéder évidemment à la discussion sur le contenu de cette motion. C'est évidemment à la proposeure de commencer. Nous allons écouter la députée de Bourget qui va nous présenter ses arguments en faveur de cette motion.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai dit il y a quelques minutes que, si l'opposition présentait des motions aujourd'hui qui vont dans le sens d'entendre des experts, d'entendre des organismes publics qui ont des responsabilités importantes à exercer quant à la justice administrative, ce n'était pas une opération de caprice mais bien parce que nous avons le sentiment profond que ce projet de loi est inadéquat, inapproprié et surtout qu'il ne fait pas suite à une analyse rigoureuse et documentée de la situation. Et c'est donc le sens de cette motion, puisque nous proposons d'entendre la Vérificatrice générale, qui a eu d'ailleurs ? et j'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure ? a eu d'ailleurs l'occasion d'exercer un mandat, de compléter un mandat d'évaluation de la Loi sur la justice administrative et des organismes qui sont impliqués dans la gestion et dans les suites de cette loi.
Alors, pourquoi nous présentons cette motion, pourquoi avons-nous présenté la motion à l'effet de rencontrer... que cette commission rencontre le Conseil interprofessionnel, le président du Tribunal administratif, les membres qui ont rédigé le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, Me France Houle, de l'Université de Montréal, bref, j'en passe? Pourquoi? Parce que nous avons le sentiment que ce dépôt de projet de loi est un processus à l'envers et que le ministre, au lieu de suivre une méthode minimalement rigoureuse, nous propose une gestion anecdotique de la justice administrative.
Le vrai travail et une intervention qui aurait été judicieuse et pertinente auraient consisté à faire un certain nombre de choses. D'abord, le ministre a déposé ce rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, il l'a déposé récemment. Ce rapport, je crois comprendre, a été complété au mois de mars et il a été déposé au mois de juin 2003. C'est un rapport d'au moins 150 pages, et je ne compte pas les annexes, un rapport qui n'est pas... qui est visiblement et assez clairement, pour en avoir pris connaissance, rigoureux, rigoureux en ce sens qu'il a fait le tour des questions soulevées par la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative.
Alors, qu'est-ce qu'il aurait dû faire? S'il avait voulu poser des gestes pertinents, avoir une intervention pertinente et utile quant à l'amélioration de la justice administrative, il aurait fallu non seulement déposer ce rapport, mais, comme le dit ou l'indique l'esprit de l'article 200 de la Loi sur la justice administrative, nous aurions dû étudier ce rapport. Et, à partir de cette étude, le ministre et même les parlementaires auraient pu dégager des solutions, des correctifs, des amendements qui auraient été dans le sens de l'amélioration de cette réforme de la justice administrative. Mais, non, le ministre ne fait pas ça, il joue au cow-boy. Il dit: On va faire ceci, ceci et cela. Basé sur quoi? Basé sur quoi, Mme la Présidente?
n(11 h 50)n Écoutez, je regarde, entre autres, le mémoire du Conseil des ministres. C'est mince, c'est mince, quand on cherche les motifs profonds derrière les quelques amendements qui sont proposés. Et ce reproche, il ne vient pas que de l'opposition, il vient de d'autres. Comment le ministre peut-il dire dans le même souffle, presque dans la même phrase: Je dépose des amendements, quelques articles, sur ce projet de loi n° 4 modifiant la Loi sur la justice administrative, mais en même temps je vous le dis, là ? et je cite ? «j'ai l'intention de proposer d'autres modifications à l'administration de la justice administrative au cours des semaines et des mois qui viennent».
Est-ce que je peux comprendre dans quel processus on est ici, Mme la Présidente? S'il voulait faire un vrai travail de fond, c'est-à-dire partir des connaissances, de l'expérience, de l'analyse des données, pas des impressions, pas des anecdotes, pas des mouvements d'humeur, si on était... si, lui, le ministre, était parti de ça, si cette commission était partie de ça, on aurait fait un fichu de bon boulot. Et je crois qu'il n'est pas trop tard pour reprendre le processus de manière rigoureuse, d'où le fait que, ce matin et depuis quelques jours, mon collègue de Chicoutimi a porté ce message-là fortement depuis plusieurs jours, ce désir que nous exprimons d'entendre des gens, d'entendre des experts. On ne va quand même pas débattre de ce projet de loi et de ces quelques articles qui proposent d'amender la Loi sur la justice administrative comme ça, basé sur quoi, à l'aveugle? Qu'est-ce que c'est, cette manière d'aborder son rôle?
Alors donc, comme je le disais, une intervention judicieuse et pertinente aurait été basée, se serait appuyée sur des documents, sur des témoignages, sur des échanges, sur des échanges, entre autres, non seulement sur ce qui a été fait, mais sur les pistes de solution pour améliorer, pour peaufiner, pour rendre à terme cette réforme de la justice administrative, et nous aurions pu donc ensemble dégager des pistes de correction beaucoup plus soutenues, beaucoup plus costaudes et beaucoup plus en rapport avec l'analyse de la situation.
Je suis d'autant plus troublée de ce processus malsain que nous propose le ministre parce qu'il provient du ministre de la Justice. Je pourrais, à la limite, avoir une certaine tolérance envers des gens qui occupent d'autres fonctions, mais, provenant du ministre de la Justice et du Procureur général du Québec, j'avoue que ça m'embête énormément, ce processus un peu tordu. Le fait qu'on dépose des amendements, trois, quatre trucs un peu éparpillés, basés sur on ne sait pas quoi, je trouve ça un peu inquiétant, ça me trouble. Il me semble que ce devoir de rigueur... Évidemment, tout le monde qui a des responsabilités publiques se doivent d'avoir une rigueur, mais il me semble que les attentes envers cette fonction de ministre de la Justice et Procureur général du Québec sont beaucoup plus élevées.
Le député de Chicoutimi a fait allusion tout à l'heure à des gens qui ont occupé ces fonctions dans le passé. Moi, j'ai eu la chance de côtoyer, dans une autre vie, alors que je n'étais pas du tout au Parlement, je n'étais pas députée, je m'occupais des victimes de violence envers les femmes, et j'ai eu la chance de côtoyer des gens qui ont occupé cette fonction. Et le député de Chicoutimi a rappelé à ma mémoire cette relation extraordinaire et cet apport extraordinaire d'un ministre de la Justice qui s'appelle Herbert Marx, qui est maintenant juge, je le crois, encore. Et, je m'excuse de le dire aussi crûment, là, et même si je ne suis pas d'allégeance libérale: jamais, jamais, au grand jamais un homme comme Herbert Marx n'aurait pris et nous aurait engagés dans un processus aussi tordu et aussi vicié. Et ça, j'en suis vraiment désolée, parce qu'on est en droit de s'attendre à un minimum de rigueur, de suivi, d'analyse, de profondeur et de substance d'un ministre de la Justice. Et, quand je vois un projet de loi aussi mince, aussi anecdotique, basé sur à peu près rien, j'en suis profondément déçue.
Vous savez, on peut se permettre d'être créatif, d'imaginer des solutions auxquelles on n'aurait jamais pensé dans le passé dans la mesure où nous sommes bien documentés. C'est vrai qu'il y a un défi d'améliorer notre justice administrative, c'est vrai que cette réforme, il y a encore un tas de choses à faire. Il y a un grand bout de chemin qui a été réalisé avec beaucoup de vigueur de la part des intervenants concernés, mais c'est vrai que, pour aller plus loin, c'est vrai que, pour atteindre véritablement les objectifs audacieux qui étaient fixés au moment de l'adoption de cette réforme, il faut être capables d'imaginer des fois des pistes un peu différentes que nos réflexes habituels.
Mais, pour se permettre un peu d'audace et un peu de créativité, il y a une condition à ça. La condition, c'est d'être documenté, c'est d'être appuyé par des données, pas par des impressions, pas par de l'anecdote, pas par des mouvements d'humeur, pas par des intérêts particuliers qu'on n'arrive pas à détecter. Et cette condition-là, elle n'est pas remplie, et, en ce sens, le ministre est passé complètement à côté de l'esprit même qui devrait le guider lorsqu'il dépose un projet de loi.
Alors, pourquoi voulons-nous entendre la Vérificatrice générale? Parce que, dans le cheminement de cette réforme de la justice administrative, la Vérificatrice générale a effectivement porté un regard à un moment de l'implantation de cette réforme, et ce moment, c'est au cours de l'année 2000-2001. On le sait, la loi actuelle sur la justice administrative a été adoptée en 1996 pour une mise en vigueur en 1998, parce qu'il y avait, entre le moment de son adoption et le moment de la mise en vigueur, toutes sortes d'opérations à mener, faisant en sorte que la mise en vigueur était évidemment décalée par rapport à l'adoption. Donc, la Vérificatrice générale a porté un regard en cours de réforme, au moment où cette réforme était en train de se déployer, un regard qui était à certains moments critique mais qui est utile lorsqu'on veut intégrer et déployer des changements aussi fondamentaux que ceux qui avaient été soutenus par le projet de loi adoptant cette réforme sur la Loi de la justice administrative.
Je rappelle quelques éléments-clés du rapport du Vérificateur général à l'époque, donc en 2000-2001, où ? et là je vais en citer quelques extraits ? nous rapportons, dans ce rapport, le mandat du Vérificateur général à ce moment, et je cite: Notre mandat «avait pour but d'évaluer dans quelle mesure l'encadrement gouvernemental de la justice administrative favorise l'atteinte des objectifs de la Loi sur la justice administrative». Il visait également à nous assurer que «les entités effectuent, dans les meilleurs délais, la révision de leurs décisions administratives tout en respectant la législation pertinente et qu'elles tiennent compte des décisions rendues par les tribunaux administratifs. Ils avaient aussi pour objet de nous assurer que chaque tribunal administratif s'est doté d'un cadre de gestion adéquat ? et ? qu'il organise ses activités de manière à favoriser une saine gestion». Fin de la citation.
Donc, on voit là le mandat à ce moment exercé par le Vérificateur général où, dans ce rapport dont j'ai repris connaissance, on nous indique déjà... le Vérificateur général indique déjà que le processus de révision administrative est complexe et long. Il y a là une reconnaissance que c'était une opération qui était très importante en termes d'objectifs, de résultats et de moyens à mettre à la disposition. Et on rappelle évidemment, dans ce rapport de 2001-2002, que les travaux du Vérificateur général se sont déroulés de septembre 2000 à juin 2001.
Je ne reprendrai pas, une à la suite de l'autre, l'ensemble des recommandations du Vérificateur, si ce n'est que de reprendre certains éléments de la vue d'ensemble que le Vérificateur avait au moment où il a fait cette vérification, et vous me permettrez, M. le Président, d'en citer quelques extraits. Le Vérificateur, dans son rapport, dit, et je cite: «Les gouvernements successifs ont pris différentes mesures pour que les institutions gouvernementales rendent des décisions justes et équitables.» Fin de la citation.
Un peu plus loin, et je cite à nouveau: «Son objet ? donc l'objet de la Loi sur la justice administrative ? est "d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité, de même que d'assurer le respect des droits fondamentaux des administrés". Compte tenu de la nature ? M. le Président, je poursuis toujours la citation, pour les fins de la transcription, compte tenu de la nature ? des recours, souvent liés aux besoins essentiels des individus, la célérité est primordiale. Quant à l'accessibilité, qui signifie que la justice administrative doit être peu coûteuse pour le citoyen et adaptée à ses besoins véritables de justice, elle représente un des fondements essentiels du concept de justice administrative.» Fin de la citation.
n(12 heures)n Je rappelle que c'est toujours dans le rapport du Vérificateur général qu'on rappelle donc ces grands objectifs de la réforme de la Loi sur la justice administrative. Et on nous rappelle essentiellement, et je cite: «L'ensemble du processus décisionnel, soit la décision administrative initiale, la révision de la décision administrative et la décision dite juridictionnelle, est couvert par la Loi sur la justice administrative. La décision juridictionnelle fait habituellement suite à un recours formé devant un organisme autonome externe contre la décision administrative, révisée ou non.» Alors, voilà donc un certain nombre d'éléments de mise en contexte au moment où le Vérificateur général est intervenu et a porté un regard sur les suites de la réforme de la Loi sur la justice administrative. Or, ce rapport a été déposé, il a été analysé. Les intervenants concernés, y compris les ministres à l'époque responsables et de la loi et des organismes administratifs interpellés par les recommandations du Vérificateur général, ont donné des suites. Nous sommes presque deux ans plus tard.
Entre-temps est arrivé un autre rapport, celui-là extrêmement intéressant, qui s'appelle Rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, qui est donc le résultat d'une recherche. D'ailleurs, il y a toute une section dans ce rapport sur la méthodologie, là. Ce n'est pas un document improvisé, là, visiblement, personne n'a écrit ça sur sa table de cuisine. Il y a eu toute une opération de questionnaires ? d'ailleurs, les annexes sont extrêmement explicites à ce sujet ? où on est allé voir dans les organismes publics comment se déroulaient les processus de révision des décisions qui concernent les citoyens, on est allé voir du côté du TAQ, du Tribunal administratif. Bref, il y a eu une démarche visiblement très, très, très exhaustive et assez rigoureuse pour pouvoir évaluer la mise en place de cette Loi sur la justice administrative.
Et je ferai remarquer au ministre ? et, moi, j'ai toujours été partisane de cela ? dans la loi elle-même, lorsque les amendements et les changements ont été apportés à la Loi sur la justice administrative, en 1996, il a été prévu que ce rapport soit confectionné, et qu'il soit déposé, et qu'il soit analysé. Et je dirais que toute administration publique moderne, de plus en plus ? et, M. le Président, je vous vois réagir extrêmement positivement à mes travaux, vous avez été président du Conseil du trésor et vous le savez ? toute organisation publique... l'administration publique moderne, de plus en plus, ou dans ses programmes, ou dans les législations qui les guident... vont inclure des articles ou des éléments qui visent à prévoir des processus d'évaluation.
Il est fini, le temps, M. le Président, où on adoptait une loi puis on se disait: Bon, bien, quand ça ne fonctionnera plus, on l'abrogera. Non. Maintenant, les administrations publiques modernes, les législatures modernes prévoient dans des législations, soit de nouvelles législations ou des législations qui sont renouvelées, revampées, revues, prévoient d'inclure, d'intégrer des processus, des méthodes, des moyens d'évaluation des objectifs de ces législations. Et ça avait été prévu à ce moment-là, et je crois que c'était judicieux de la part du législateur. Comme on dit, le législateur ne parle pas pour ne rien dire, et, dans ce cas-là, il n'a pas parlé pour ne rien dire, et...
Une voix: ...exceptions.
Mme Lemieux: ... ? oui, il y a quelques exceptions; on ne nommera pas de noms ? et, dans ce cas-là, donc, ça avait été prévu qu'il y ait un rapport de mise en oeuvre. Étant donné que les objectifs étaient tellement importants, étant donné que ça amenait un brassage au niveau des structures, des méthodes de travail, tellement substantiel, on ne pouvait pas, comme législateurs et comme parlementaires, ne pas se donner un moyen d'examiner le tout quelques années plus tard. Alors, ça a été sage, l'adoption de cet article 200. Mais, je vais le redire et redire, malheureusement, le rapport a été déposé et il n'y a personne qui n'a rien fait avec. C'est assez terrible.
Tout à l'heure, j'entendais le député de Chicoutimi nous dire que ce serait important et même indispensable d'entendre les gens, là, qui ont labouré ces informations-là, qui ont développé les outils méthodologiques pour essayer d'aller mesurer les éléments de mise en oeuvre de cette réforme de la justice administrative. Et ce n'est pas juste important de les entendre parce qu'on veut être sympathiques puis on veut les remercier. C'est parce qu'ils sont une source d'information formidable. Ils la maîtrisent, cette information-là, ils ont les données, ils ont essayé de faire une analyse de ces données-là, d'en tirer des leçons. Ce n'est pas juste pour les remercier qu'on veut les rencontrer, c'est parce qu'on sait qu'on a quelque chose à tirer de ces gens qui ont manipulé toutes ces informations-là, qui ont essayé d'en tirer le meilleur et qui ont essayé de nous guider dans la suite des choses.
Alors, je disais donc... Je vais prendre une pause de deux secondes. Je disais donc qu'arrive en cours de route... était adoptée en 1996 cette réforme de la Loi sur la justice administrative; en 1998, la mise en oeuvre commence; en 2000-2001, le Vérificateur général fait une enquête; et arrive ce rapport de mise en oeuvre. Alors, ce rapport de mise en oeuvre, il est extrêmement intéressant, et c'est autour de ça qu'il aurait été intéressant de débattre. Qu'est-ce que ça aurait dû être, ce processus, là, aujourd'hui? Ça aurait dû être qu'on entende les demandes, les gens qui ont travaillé à ce rapport, et, après, qu'on entende des gens qui ont quelque chose à dire là-dessus, qui sont des praticiens, entre guillemets, qui sont en lien avec ce monde de la justice administrative qui, convenons-en, est un monde qui est assez vaste. Ce n'est pas juste le TAQ, ce n'est pas juste le Tribunal administratif, il y a toutes, aussi, les démarches qui sont prévues dans différents ministères. Donc, et, à partir de là, ça aurait été une base bien documentée pour pouvoir donner des outils au ministre lui permettant donc d'apporter les amendements les plus intéressants.
Et, parmi ces gens qu'on aurait entendus dans le cadre de l'analyse de ce rapport de mise en oeuvre, bien, le Vérificateur général, évidemment, aurait dû être entendu ? la Vérificatrice dans ce cas-ci, M. le Président. Pourquoi? Parce que, un, il y a des mandats... l'organisme Vérificateur général a juridiction sur ce genre de questions là; deux, la Vérificatrice générale a déjà fait un rapport sur la réforme de la Loi sur la justice administrative; trois, ça aurait été extrêmement utile de confronter ? dans le sens positif du terme, on s'entend, quand j'utilise le mot «confronter» ? de confronter l'information qui est arrivée presque deux ans après le dépôt du rapport du Vérificateur général, qui origine donc de ce rapport de mise en oeuvre; ça aurait été intéressant de voir quel est le regard, la connaissance, l'évaluation qu'en fait la Vérificatrice générale aujourd'hui, en 2003, sachant qu'un rapport a été fait par le Vérificateur général en 2001, comment la Vérificatrice réagit à ces nouvelles informations, considérant que son organisation avait également pointé un certain nombre de problèmes en 2000-2001.
Donc, c'est ça, le processus qu'on aurait dû suivre, c'est ça, le processus dans lequel le ministre aurait dû s'engager et c'est ça qu'on essaie de rattraper comme on peut, avec les moyens qu'on a aujourd'hui, en présentant ces motions. Parce qu'on demeure avec ce sentiment profond, comme disait si judicieusement ma grand-mère, qu'on met la charrue avant les boeufs. C'est une expression populaire imagée, mais c'est un peu ça que le ministre a fait: il a mis la charrue avant les boeufs. Puis, en plus, entre vous et moi, il y a pas grand-chose dans la charrue, mais ça, c'est une autre histoire. Alors, c'est les raisons pour lesquelles nous aurions dû entendre... nous devrions entendre la Vérificatrice générale.
Je rappellerai également ? M. le Président, j'ai un petit chat dans la voix ? je rappellerai que ce rapport de mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative est extrêmement instructif. Et à défaut pour le ministre de nous donner l'occasion de l'étudier collectivement comme parlementaires, ça ne m'a pas empêchée, ni mes collègues, de l'étudier individuellement comme parlementaire. Ce qui est malgré tout dommage, c'est que le ministre nous empêche de faire cet exercice parlementaire de manière plus large.
n(12 h 10)n Mais ce rapport, donc, il est très important. Je ne vais pas tenter de le résumer, il y a beaucoup trop d'informations, mais, quand même, pour vous dire qu'il y a deux chapitres-clés dans ce rapport. Le premier concerne... Parce que c'est un rapport qui ressemble à un rapport, hein, c'est-à-dire où il y a des grandes têtes de chapitre où on a mesuré minutieusement les aspects avec... on a découpé, là, si je peux me permettre cette expression, différents aspects pour évaluer la mise en oeuvre. Mais, après chacun de ces chapitres, les gens qui ont fait ce rapport expriment un certain nombre de commentaires; ils n'utilisent pas le mot «recommandation», mais ils font quand même une synthèse sur qu'est-ce qui a été fait, qu'est-ce qui a été réussi dans cette réforme et quels éléments méritent une attention particulière, parce que tous les objectifs n'ont pas été atteints. Et c'est donc dans la première section du chapitre 4 et dans la deuxième section, le chapitre... 4 également.
Et je me permettrai de porter à l'attention au ministre une de ces sections, parce que... Enfin, le ministre a déposé le rapport, je sens qu'il l'a lu, à défaut qu'on en débatte. J'espère qu'il l'a lu, mais les gens qui ont examiné, donc, cette réforme et la mise en oeuvre de cette Loi sur la justice administrative nous disent un certain nombre de choses. Et je me permettrai de citer deux paragraphes, à la page 110: «Au terme de l'examen auprès du Tribunal administratif du Québec, il ressort que celui-ci adhère au principe à la base de la Loi sur la justice administrative et aux objectifs qui y sont inscrits. De nombreuses mesures ont été adoptées pour assurer le respect de la loi et l'atteinte des objectifs d'accessibilité, de célérité et de qualité, particulièrement quant à la formation des membres, à la planification de la gestion du Tribunal ou des dossiers, à l'utilisation de l'informatique comme outil de gestion, ou à l'expérience prise en matière de conciliation.
«Il demeure cependant ? je cite toujours, pour les fins de transcription ? que des mesures additionnelles pourraient également être envisagées pour accentuer la poursuite des objectifs de la loi dans toutes ses actions et mieux faire ressortir la spécificité de la justice administrative au sein du Tribunal et dans l'atteinte de ces mêmes objectifs. Ceux-ci, faut-il le rappeler, valent dans tous les domaines de l'administration de la justice, qu'elle soit administrative, civile ou pénale. Or, le maintien de la spécificité de chacun de ces secteurs exige une meilleure identification et intégration des caractéristiques qui lui sont propres. Pour la justice administrative, il importe d'accentuer les caractéristiques qui tiennent à la multidisciplinarité et à la participation plus constante des administrés, et de développer à tous les paliers d'intervention un esprit commun et des approches qui répondent aux attentes des citoyens envers cette justice. Il s'agit là d'un des objectifs que s'est donnés le Tribunal et, dans une certaine mesure, les commentaires et les recommandations qui suivent le rejoignent.» Fin de la citation.
Qu'est-ce que ça dit, ça, M. le Président? Deux choses. D'abord, ça dit: Voici ce que des gens qui se sont donné des méthodes reconnues ont observé: Il y a eu des gains, il y a eu des progrès, il y a des acquis. Et ça nous dit également: Il y a certains éléments sur lesquels il nous faut travailler dans le futur, première chose; et ces éléments sont cernés, deuxième chose. Et ça, c'est vraiment formidable. Est-ce que vous vous rendez compte, M. le Président, que d'aucune manière dans les deux paragraphes que je viens de lire ? et je l'ai lu toute, cette section-là, personnellement ? on ne fait allusion aux moyens proposés par le ministre dans son projet de loi lui-même? Si au moins le ministre avait dit: D'ailleurs, mon projet de loi s'appuie sur le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative. Non, M. le Président. Alors là on se dit: Mais d'où a-t-il sorti ce projet de loi? Qu'est-ce qu'il a fait? Il a écrit des solutions qu'il a imaginées, il a mis ça dans un petit chapeau puis a tiré au sort?
M. le Président, les gens qui ont étudié la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative nous disent clairement: Il y a des acquis, il y a des résultats positifs, mais, oui, il y a des choses sur lesquelles il faut travailler. Et, parmi ces choses, il faut garder la spécificité de la justice administrative, il faut garder le caractère multidisciplinaire.
Alors, M. le Président, je me corrige. Tantôt, j'ai dit: D'aucune manière le ministre ne s'appuie sur les résultats que les gens de son propre ministère ont identifiés. Non seulement il ne s'appuie pas là-dessus, il va à l'encontre, M. le Président. Où est la rigueur de ce ministre, M. le Président? Je suis vraiment déboussolée de cela, et c'est la raison pour laquelle, désespérément, avec le plus d'intensité et d'authenticité, aujourd'hui, M. le Président, comme les précédents jours, nous essayons de faire comprendre au ministre de la Justice que nous aurions intérêt à reprendre et à remettre ce processus à l'endroit, à franchir les étapes une après l'autre.
Alors, j'invite le ministre à réfléchir sur ces considérations et à surtout assumer dignement ses fonctions de ministre de la Justice, c'est-à-dire, entre autres, avec rigueur.
Le Président (M. Simard): Merci, Mme la députée de Bourget. J'invite maintenant le député de Chicoutimi, qui veut prendre la parole.
M. Bédard: ...en vertu de l'article 213, j'aimerais poser une question à Mme la députée de Bourget. Comme elle a une connaissance précise et détaillée, vous l'avez vu, de certains aspects ? je comprends que le rapport est quand même assez vaste, ainsi que le rapport de la... du Vérificateur, à l'époque, qui était un vérificateur ? j'aimerais savoir, dans les recommandations du Vérificateur ou du rapport sur la mise en oeuvre de la justice administrative, est-ce qu'il y a une recommandation qui demande de, je vous dirais, remplacer le critère d'utilité par le critère de nécessité? Et est-ce que le rapport du Vérificateur, ou le rapport sur la mise en oeuvre demande l'abolition du caractère multidisciplinaire du Tribunal administratif?
Le Président (M. Simard): Juste rappeler rapidement à la députée de Bourget que, selon la lettre même de notre règlement, les réponses doivent être aussi brèves que les questions.
Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je serai brève et je dirais, très directement, en tout cas en ce qui a trait à multidisciplinarité: le fait, donc, qu'un tribunal et qu'un processus de révision administratif jusqu'au Tribunal administratif est basé sur cette valeur de multidisciplinarité, d'aucune manière dans le rapport du Vérificateur ni dans le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative ces réalités, ces suggestions ne sont évoquées. Il n'y a pas le début d'une phrase sur ces questions, M. le Président.
M. Bédard: Merci.
Le Président (M. Simard): Merci. Alors, maintenant, nous poursuivons notre étude de la motion présentée par la députée de Bourget. Et j'invite maintenant le député de Dubuc à prendre la parole.
M. Côté: Merci, M. le Président, de m'accorder la parole. D'abord, dans la...
Le Président (M. Simard): ...député, que dans huit minutes nous vous suspendrons en plein envol.
M. Jacques Côté
M. Côté: Oui. Ça va. Ça va, M. le Président. Alors, dans la foulée des propos de ma collègue la députée de Bourget, propos d'ailleurs fort pertinents, comme elle le fait toujours, comme elle l'a fait d'ailleurs pendant toutes les audiences sur le projet de loi n° 9, alors j'aimerais, M. le Président, vous rappeler certaines choses qui m'apparaissent très importantes.
D'abord, nous sommes tous ici des législateurs, et notre première fonction comme législateurs, c'est d'abord d'améliorer, je pense, notre processus en matière de législation, notre processus en matière de gestion. Comment on peut faire ça, M. le Président? C'est qu'on peut tout d'abord écouter les gens, écouter les intervenants lorsque nous sommes en commission parlementaire. Et c'est dans ce sens-là que notre motion aujourd'hui, qui demande d'écouter... demande que la Vérificatrice générale soit entendue, c'est dans ce sens-là que notre motion est faite. Pourquoi? Parce que, c'est très important, les intervenants, ils sont là pour nous conseiller, ils sont là pour nous faire part de leur point de vue au sujet d'un projet de loi, et parce que, aussi, le ministre n'a pas justement voulu entendre toutes les personnes intéressées à l'occasion de cette commission et qui parlent du processus de la loi n° 4.
n(12 h 20)n Nous avons aussi à faire notre travail, aussi, de façon globale, parce que nous devons travailler avec une vision globale. Vous savez, lorsque certaines personnes se sont réclamées d'être prêtes, il n'y a pas si longtemps, eh bien, je pense que les résultats que nous avons actuellement vont complètement dans le sens contraire de ces déclarations. Nous y allons par des visions à courte vue, des visions... des projets de loi qui sont partiels, qui sont ponctuels. Alors, je pense que nous devrions revoir ce processus et essayer d'aller plus loin que ce que nous faisons présentement, de ce que le gouvernement fait présentement.
Nous demandons aussi que la Vérificatrice générale soit entendue, parce que, aussi, le rapport que nous avons sur, justement, la justice administrative, le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative va complètement à l'encontre du projet de loi n° 4, et ça, c'est aussi important. Et, s'il est une personne qui aurait pu nous donner des informations pertinentes à ce sujet, c'est bien la Vérificatrice générale, elle qui en 2000-2001 a fait justement un rapport à l'Assemblée nationale sur le Tribunal administratif.
Dans le mémoire au Conseil des ministres du ministre de la Justice, toujours la partie accessible au public, le ministre dit ceci, à l'item 3... D'abord, il intitule son paragraphe La solution ? la solution; alors, moi, je trouve ça prétentieux. Et il dit, à la fin: «Ces modifications favoriseraient la célérité de la justice administrative en permettant d'augmenter le nombre d'audiences et de réduire les délais. Elles diminueraient les coûts de chaque recours entendu tout en maintenant le niveau actuel du nombre de membres.» Diminuer des coûts; mais qu'en est-il, M. le Président, des impacts sur le justiciable? Qu'en est-il des impacts sur les citoyens, sur les citoyennes? Nullement dans le rapport, dans le mémoire du ministre, il n'en est fait mention. Et ça, c'est important, et c'est ça qui est important, parce que le rapport du citoyen avec l'État est quelque chose qui est essentiel. Les services d'expertise, aussi, sont essentiels; on n'en fait pas mention nulle part.
Alors, c'est pour ça, M. le Président, qu'il faut entendre le plus de gens possible. C'est pour ça que ces motions sont faites. Elles ne sont pas faites dans un but dilatoire, elles sont faites dans le but justement d'éclairer cette commission, d'éclairer les membres de cette commission. Parce que, il ne faut pas se le cacher, la complexité sans cesse grandissante des structures administratives de l'État amène les citoyens à se poser des questions de plus en plus, amène les citoyens à être un peu plus réticents vis-à-vis l'État.
La Loi sur la justice administrative, que nous avons adoptée en 1978... en 1998, pardon, est un grand acquis pour notre démocratie. L'administration prend de plus en plus de place, et cette loi venait un peu comme en contrepoids pour permettre justement au citoyen d'avoir une meilleure accessibilité, d'avoir une meilleure qualité de services et d'être entendu dans les meilleurs délais. Le projet de loi ne répond pas à ces attentes-là, M. le Président, parce que, justement, la majorité des intervenants qui sont venus en commission nous l'ont dit, et, en plus, c'est que plusieurs intervenants qui ne sont pas venus en commission et qui auraient aimé être présents en cette commission ne sont pas d'accord, également, avec le présent projet de loi. Je pense que les citoyens doivent être traités avec respect, et, par cette loi, par cette loi n° 4 qu'il propose de modifier, nous ne le faisons pas. Le gouvernement ne le fait pas.
Vous savez, M. le Président, vous étiez aussi président du Conseil du trésor, la députée de Bourget vous l'a rappelé tout à l'heure, la fameuse Loi sur l'administration publique, vous en savez quelque chose. Elle avait deux grands objectifs, cette loi, c'était d'améliorer la qualité des services à la population, et aussi elle avait comme un autre objectif qui était de simplifier la gestion de cette administration: cadre de gestion avec des résultats, en regard des résultats accomplis. C'est pour cela que nous devons entendre les rédacteurs de ce rapport dont Mme la députée de Bourget faisait part tout à l'heure. Ces personnes-là vont nous conseiller, elles vont nous orienter, elles vont nous donner des pistes de solution, mais surtout elles vont être capables d'identifier la problématique, telle que, par exemple, de la simplification de l'administration; le plus grand accès à ces services; l'information d'une plus grande, d'une meilleure qualité; tout le problème de la prévention, je vous en ai parlé tout à l'heure, c'est très important. Alors, il m'apparaît, dans tout ce système, dans tout ce processus, que nous devons avoir une vision globale, ce qui n'est pas le cas présentement.
C'est pour ça, M. le Président, je vais conclure en disant que la population est de plus en plus exigeante, mais l'État, d'autre part, doit être de plus en plus soucieux de ses relations avec ses citoyens, il doit être de plus en plus soucieux de la qualité qu'il offre à ces citoyens. Et ce n'est pas de n'importe quelle façon que nous devons agir, nous devons le faire de façon globale, avec une vision globale et en entendant surtout les rédacteurs de ce fameux rapport sur la justice administrative. Merci, M. le président.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup M. le député de Dubuc. Nous sommes évidemment à la fin de nos travaux. Je voudrais rappeler à la commission qu'il y aura séance de travail le 5 novembre prochain, 5 novembre qui est un mercredi, c'est à 11 heures. C'est dans la tradition parlementaire, cette séance de travail vise à permettre à la Protectrice du citoyen d'informer les membres de la commission des grandes lignes de son rapport. Alors, mercredi le 5 novembre, la commission doit être prête à se réunir en séance de travail avec la Protectrice du citoyen.
Nous nous retrouvons, puisque nous ajournons à cette heure-ci, nous nous retrouvons après la période des questions, à la suite de l'appel des commissions par la Chambre. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise à 16 h 6)
Le Président (M. Simard): Cette commission, je le rappelle, est réunie afin d'étudier le projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative. Lorsque nous nous sommes quittés, à midi trente, nous étions en... nous discutions d'une motion présentée par l'opposition officielle demandant à ce que... proposant qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi ainsi qu'à tous les amendements déposés par le ministre et qu'à cette fin elle entende la Vérificatrice générale du Québec.
M. le secrétaire, où en étions-nous dans l'utilisation des temps de parole des différents membres de cette commission?
Le Secrétaire: Je vous dis ça dans un instant, M. le Président. Oui, on m'informe qu'il restait deux minutes à M. le député de Dubuc, environ 2 min 45 s, et que, dans le cas de M. le député de Chicoutimi, son temps de parole de 30 minutes, là, était toujours utilisable.
Le Président (M. Simard): Évidemment, avec le temps de tous les autres députés du côté ministériel. Alors, je pense que le député de Dubuc voudra utiliser son 2 min 45 s, nous allons l'écouter.
M. Côté: Alors, merci, M. le Président. Je vais prendre les quelques secondes qu'il me reste pour demander au ministre de la Justice d'être à l'écoute, à l'écoute de ce que nous lui avons dit ce matin, à l'écoute de ce que les groupes lui ont fait part durant les audiences publiques, à l'écoute également de ce que mes collègues lui ont fait part depuis que la commission siège sur l'étude du projet de loi. Je voudrais lui demander également de réfléchir sérieusement sur les demandes aussi, sur les différentes... sur ce que les groupes qui se sont présentés, comme la Chambre des notaires, comme le Barreau du Québec, lui ont proposé comme solutions, et ce, au nom des grands principes de la justice administrative.
M. le ministre, je pense que vous devriez procéder par une réforme globale plutôt que par une réforme ponctuelle. Si vous le faisiez, nous vous donnerions notre accord tout de suite. Nous sommes prêts à vous appuyer dans une réforme globale. Je pense que c'est important, parce qu'il y a des spécialistes qui vous l'ont dit, il y a des spécialistes, il y a des experts qui sont venus vous dire que vous devriez procéder de cette façon.
Je pense que vous devriez regarder les acquis que nous avons faits avec la Loi sur la justice administrative depuis 1998. Convoquer plutôt les signataires du rapport de la justice sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, je pense que ce serait une bonne chose. Nous pourrions les entendre, nous pourrions travailler avec eux, voir leurs différentes opinions. Et ainsi, ensemble, pour l'intérêt, pour le bien commun des citoyens et des citoyennes du Québec, je pense que nous pourrions arriver à un projet de loi qui ferait consensus, et nous serions fiers d'être consensuels avec vous à ce sujet. Alors, merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Dubuc. Est-ce que, M. le député de Shefford, j'ai compris que vous vouliez prendre la parole?
M. Brodeur: Pas immédiatement, M. le Président. J'ai compris que le porte-parole de l'opposition, le député de Chicoutimi, avait une intervention fort éloquente à nous prononcer, de 30 minutes d'ailleurs, et je garde, je réserve mon droit d'intervenir après le discours du député de Chicoutimi.
n(16 h 10)nLe Président (M. Simard): Très bien. Alors, nous reviendrons après. Alors, j'invite le député de Chicoutimi à prendre maintenant la parole.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Merci, M. le Président. Je vais tenter d'être à la hauteur des attentes du député de Shefford. Alors, M. le Président, il me fait plaisir à nouveau de tenter une nouvelle fois de convaincre le ministre de revenir et de revoir les actions qu'il entend poser quant à l'importante question qui est celle de la justice administrative.
Vous savez, M. le Président, nous avons une motion devant vous, que nous débattons actuellement, celui d'entendre la Vérificatrice. Mais, au-delà d'entendre cette personne et celles et ceux que nous avons proposés auparavant, il faut rappeler aux membres de cette commission et peut-être à ceux qui viennent de se joindre à nous que ce que nous faisons n'a rien, je vous dirais, de personnel, que l'opposition était disposée à donner, je vous dirais, toute l'écoute et toute la collaboration nécessaires à l'avancement de cette justice administrative. Or, au fur et à mesure que se sont déroulées les auditions, nous avons constaté qu'il n'en allait pas de même du ministre, malheureusement, sur un projet de loi qui, somme toute, n'a rien de partisan.
Ça ne fera pas les manchettes dans les médias, en général, je vais vous le dire, bien qu'il y a un éditorialiste qui a quand même qualifié cette réformette de «manquée». Mais, généralement, ce sujet est fort complexe et s'adresse principalement aux initiés, mais a un impact sur l'ensemble des justiciables du Québec. Donc, personnellement, politiquement, je n'ai aucun avantage à prolonger indûment les travaux de cette commission, et ce n'est pas mon but, M. le Président. Mon but est de convaincre. Pourquoi? Parce que le projet de loi ne répond à aucune des attentes, aucun, même, je vous dirais, des objectifs qu'il s'est fixés.
Et je vous dirais même plus, ceux et celles qui soit sont venus témoigner soit nous ont adressé des mémoires ont eux aussi fait état de leurs réserves profondes quant à la poursuite de ce projet de loi. Et, lorsque nous étions en auditions, M. le Président, je vous réfère au verbatim, au lieu... Et ça arrive des fois, et je l'ai même vécu en matière municipale, encore dernièrement je suis allé écouter le ministre des Affaires municipales, ou dans d'autres domaines, il arrive, sur des questions précises, qu'il peut y avoir confrontation. Et le ministre ou la ministre responsable du dossier, je le vis aussi au niveau de la Commission d'accès à l'information, va confronter le groupe intéressé par rapport à l'élément qui fait obstacle ou sur lequel le groupe s'oppose. Or, nos travaux n'ont pas été guidés de cette façon.
Lorsque les groupes mentionnaient leur résistance et leur refus, on abordait d'autres thèmes, celui de l'indépendance des juges, ou on se portait dans l'avenir, sur supposément une réforme à venir dont on n'a ni les tenants ni les aboutissants. Et ça faisait en sorte que le débat a été, je vous dirais, médiocre, malheureusement médiocre. La première journée a été bien. C'est une des députées qui me disait ça, la vice-présidente de la commission. Elle est arrivée le lendemain, elle a dit: Mon Dieu! le ton a changé. Bien, évidemment, le ton a changé: l'attitude du ministre a changé. Moi, vous savez, quand huit groupes viennent me dire que ça n'a pas de bon sens, ce que je fais, bien, je vais avoir tendance au moins à me poser la question. Mais ce n'était pas le cas. Alors, vous comprendrez que notre attitude a varié en fonction de l'écoute qu'avait le ministre par rapport à ces groupes.
Et ce n'est pas les moindres, M. le Président, là, et sans enlever quoi que ce soit à quelque groupe que ce soit, parce que j'ai beaucoup de respect pour ceux qui s'organisent et font valoir leur voix ici, à l'Assemblée, comme ailleurs, mais, pour vous donner un exemple, par exemple, des groupes qui considèrent que le projet de loi amenuise le caractère spécialisé du TAQ et qu'il faut maintenir la multidisna... Mon Dieu! mul-ti-dis-ci-pli-na-ri-té et retirer les articles qui concernent les modifications à cette multidisciplinarité, eh bien, écoutez-les, M. le Président, et qui sont venus, là: la Chambre des notaires...
Ce n'est quand même pas rien, la Chambre des notaires, et vous l'avez vu, le mémoire, très fouillé, où ils se sont prononcés sur des sujets qui ne relèvent pas spécifiquement, je vous dirais, du mandat à titre de notaire, mais d'une vision plus large qu'on s'attend d'ailleurs d'un ordre professionnel, soit celui d'aller un peu plus loin et de viser où est l'intérêt du citoyen, où est l'intérêt du simple justiciable. Et ils l'ont fait, le travail. C'était fort documenté. Et, moi, je peux vous dire, c'est en lisant les rapports que j'ai été convaincu, et vous aussi, M. le Président, parce que vous aviez la même lecture. Tous les deux, on s'est dit: Bon, bien, on va regarder. Mais là, quand on a commencé à recevoir les mémoires, on s'est dit: Oh! comme on dit, ce n'est pas aussi évident qu'on le pensait. Alors, la Chambre des notaires est venue nous dire: Vous êtes dans le champ, vous êtes à côté de la track.
L'Ordre des évaluateurs agréés, souvenez-vous, on a même prétendu que... Et il y a un fort bon commentaire d'un des membres de l'Ordre, qui a dit que, même, cette façon-là aurait pour effet d'empêcher le justiciable d'avoir justice. Comment? Et c'est là où le ministre a dit: Oui, mais, vous savez, il y a des dossiers simples. Et l'Ordre des évaluateurs, parce que... Et, moi-même, vous savez, j'ai fait de l'expropriation, c'est un domaine que je connais bien, j'ai passé un été simplement à rechercher toutes les méthodes d'expropriation, mais, encore là, je ne me prétends pas expert. Cet homme est un expert, il est venu dire: Écoutez, la complexité des dossiers vient aussi, elle peut venir de d'autres mesures, mais elle vient aussi, je vous dirais, des moyens des clients. On peut partir d'un dossier qui paraît simple, or, à l'étude et selon la recherche qu'on va y faire, le dossier va devenir très complexe. Et, vous le savez, en évaluation, il y a les différentes méthodes, la parité, les méthodes de remplacement, la méthode du revenu, il y a une foule de méthodes, qui continuent d'ailleurs à évoluer et qui font en sorte que ces problèmes ne sont pas simples. Et il mettait en garde, sans aucune intention, le ministre par rapport à cette vision simpliste de dire qu'il y a des dossiers simples.
Et ça me fait penser d'ailleurs au bon sens, M. le Président. Se référer au bon sens en matière juridique est quelque chose de très dangereux. Et, je me souviens même, comme stagiaire à l'époque, j'avais lu un jugement de la Cour du Québec qui, lorsqu'une demande avait été faite dans le cadre de... pour déterminer, plutôt, le lien... pas matrimonial, mais le lien de filiation qui existait entre un enfant et son père, le juge avait ordonné... L'autre partie demandait que des tests sanguins soient effectués sur le père et qu'on prélève sur lui le sang. Là, évidemment, les gens se sont opposés en invoquant la Charte des droits et libertés, parce qu'il y a un principe sacré: l'inviobi... Mon Dieu! j'ai de la misère, M. le Président, et on n'en est que la deuxième journée, l'inviolabilité de la personne. Or, le juge, et pas de... et, je vous dirais, bien animé, avait dit: Non, c'est une histoire de gros bon sens, et que le père... l'enfant pouvait le déterminer et que c'est au père à donner ce prélèvement.
Je peux vous dire, la Cour d'appel, quand... Évidemment, j'ai lu la suite, où la Cour d'appel met en garde d'ailleurs, ce n'est que par rapport à cette utilisation du gros bon sens ou, entre guillemets, de la vérité. On peut dire la vérité. Ce qui peut sembler de bon sens pour quelqu'un peut être une aberration pour un autre, tout dépendant de la façon... à l'endroit où on se place. Et c'est vrai pour les distances, c'est vrai même au niveau physique, c'est vrai pour les opinions. Et, en matière juridique, on s'est toujours gardé, M. le Président, d'agir en étant guidé par la vérité ou le bon sens. On agit selon des principes qui sont la règle de droit. Et c'est ce qui gouverne les décisions des tribunaux. Et je peux vous dire que, personnellement, c'est ce qui devrait gouverner un ministre de la Justice et Procureur général qui prend des décisions dans ce domaine et, je vous dirais aussi, en ce qui concerne la justice administrative. Et, malheureusement, ce n'est pas le cas.
On prétendait... Et, je le répète encore, on a demandé, comme ça, là, tout de go, à un groupe: Combien de pourcentage, vous pensez, des causes qui se trouvent devant le Tribunal sont simples puis ne demandent pas deux membres? Ça a été posé ? allez au verbatim ? sans aucune documentation. Et la personne, très gentiment, nous répond: Je pense, et là je me trompe peut-être, mais ça varie entre 85 %, 95 %, comme ça, là, comme, moi, j'aurais pu dire 3 %. Alors, vous comprendrez que, lorsqu'on prétend vouloir améliorer la justice, on ne peut pas se guider à partir d'impressions ou à partir de commentaires recueillis à gauche et à droite, d'autant plus quand on dispose des outils à portée de main.
Cet outil, M. le Président, il est simple, hein? Cet outil, c'est le rapport sur la justice administrative, qui a, ma collègue la députée de Bourget l'a rappelé, j'ai eu l'occasion de le faire à de nombreuses reprises, plus de 150 pages. On va dire le nombre exact, M. le Président, 145 pages, sans compter les annexes. Alors, vous avez une précision...
Une voix: ...
M. Bédard: Non, non, je ne souhaiterais pas, parce que vous ne méritez pas ça. Je pense que les membres de cette commission ne méritent pas d'être induits en erreur, au contraire.
145 pages de contenu, 145 pages d'information, 145 pages aussi de recommandations visant l'amélioration de cette justice. Et qu'est-ce qu'on en a fait, M. le Président? ? je n'ai pas de poubelle à portée de la main. Pouf! poubelle. Comme si ce rapport n'existait pas, comme si le travail des fonctionnaires et de tous ceux qui ont participé... 77 ministères et organismes ont été consultés et ont rendu... ont répondu au questionnaire. À tout ce beau monde, le ministre a dit: Bien, moi, ça ne m'intéresse pas. Moi, je regarde le problème selon ma réalité à moi et je vous dis: C'est comme ça que je vais me guider.
n(16 h 20)n Je peux vous dire, si vous questionnez n'importe qui et dans ce domaine, en matière de justice administrative, quiconque vous dira que le ministre fait fausse route. D'ailleurs, le seul groupe qu'il a trouvé pour venir dire qu'ils étaient en faveur, c'est des gens qui étaient associés, en termes, je vous dirais, de réalité de pratique, à un domaine qu'il connaît. Or, c'est une des parties. Et tout le reste, tous les gens sont venus nous dire: Non, vous faites fausse route. Alors, je vous en ai cité quelques-uns, et encore une fois je vais le faire. J'ai mon collègue de Shefford qui est là et qui commence à participer aux travaux. Je l'invite, avec le député de Marguerite-D'Youville, qui est le leader... pas le leader adjoint ? Mon Dieu! c'est moi, le leader adjoint...
Une voix: ...
M. Bédard: Oui, c'est vrai, vous le méritiez sûrement.
Le Président (M. Simard): L'adjoint parlementaire.
M. Bédard: L'adjoint parlementaire du ministre. Alors, de lire le rapport de Me France Houle, qui est totalement désintéressée, que je ne connais pas...
Une voix: Combien de pages?
M. Bédard: À peu près 15, une vingtaine de pages, maximum, et qui est fort bien rédigé, et j'invite... Je pense que le député de Shefford a des connaissances juridiques, alors peut-être... Et, s'il ne veut pas le lire, qu'il revienne sur la motion que nous avons faite. Parce que je sais qu'il prend la parole après moi, M. le Président, il pourrait revenir sur le vote qui a eu lieu, et je suis prêt à consentir, je l'annonce tout de suite, M. le Président, à une reconsidération du vote quant au fait d'entendre Me France Houle.
M. Brodeur: ...
M. Bédard: Il y a une question de règlement, M. le Président.
Le Président (M. Simard): C'est trop hypothétique à ce moment-ci pour que je me prononce. Nous allons poursuivre l'écoute du député de Chicoutimi, M. le député de Shefford.
M. Brodeur: ...garder du temps peut-être à la fin pour discuter de la question.
Le Président (M. Simard): Absolument, mais je pense que l'opposition est très ouverte à un débat...
M. Bédard: Absolument. D'ailleurs, on peut le faire immédiatement ou un peu plus tard. Je le laisse à la faculté de mon cher collègue, de mon bon ami, comme dirait notre ami le député de Brome-Missisquoi, mon bon ami le député de Shefford.
Le Président (M. Simard): Le grand absent aujourd'hui dans cette Chambre.
M. Bédard: Oui, malheureusement, et quant aux, vous le savez, us et coutumes qui guident notre Assemblée.
Alors, j'en étais aux groupes qui se sont prononcés contre, désintéressés: alors, la Chambre des notaires ? j'étais au premier, non, au deuxième ? l'Ordre des évaluateurs agréés, qui a été très clair, M. le Président; l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux.
Encore là, est-ce que vous allez me dire que ces gens-là sont venus travailler pour leur paroisse ou sont venus créer des jobs pour ceux qui sont dans leur Ordre? Aucunement. Ces gens-là visent quoi? visent à ce que les gens auprès de qui ils interviennent et qui ont besoin des services de l'État et d'obtenir justice, eux demandent, l'Ordre des professionnels et travailleurs sociaux: Maintenez la multidisciplinarité du Tribunal. Maintenez ce qui fait sa spécificité, et surtout n'intervenez pas de façon aussi légère et mettre en péril ce qui a fait la grandeur, la spécificité de ce Tribunal. Alors, M. le Président, malheureusement, malheureusement, ces cris, ces demandes n'ont pas été écoutés ni par le ministre et, à mon grand désespoir, ni par les membres de cette commission. Du moins du côté du pouvoir.
Aussi, M. le Président, le Collège des médecins, et, encore une fois... Et le Collège est venu dire, à la blague: Écoutez, on n'est pas à la recherche de travail, là. Il n'y a personne de notre Ordre, là, qui manque d'emploi, là, aujourd'hui, là. Nous, on vient ici parce qu'on croit que les gens... Lorsque nous sommes sur le Tribunal, nous faisons en sorte de rendre une meilleure justice aux citoyens qui sont appelés. Et cela a été accrédité. Accrédité par qui? Par ceux et celles qui utilisent ces services. Et là j'en arrive, un peu plus loin, à l'Association des juristes en droit social, encore une fois, qui, eux, je vous dirais, en termes personnels, n'en ont rien à cirer. Eux, ce qu'ils veulent, c'est avoir une meilleure justice et qui défende des gens dans le domaine social. Même chose pour le Front commun des personnes assistées sociales. Tout ce qu'ils souhaitent, ces groupes, c'est que les gens qui interviennent auprès d'eux aient accès à une justice de qualité. Et ces gens sont venus dire: De grâce, M. le ministre, ne touchez pas, ne touchez pas à cette multidisciplinarité.
Et là, moi, ça m'a éveillé sur certains points, M. le Président. Parce qu'on se demandait combien de gens ne sont pas représentés par avocat. Et je le dis, je le répète parce qu'on avait... Vous savez, on était abreuvés... Et je défie quiconque de cette commission d'aller voir aux galées et de vérifier une donnée qui aurait été émise par le ministre, une seule, pour justifier les délais, le nombre de mois, l'ensemble. Il n'y avait aucune donnée fouillée et, entre autres, au niveau du pourcentage des gens qui ne sont pas représentés par avocat. Et là ça m'a fait sursauter, parce qu'il est inclus dans le rapport, si on prend la peine de le lire, encore une fois. Alors, je tiens à vous le dire, c'est à la page 84 du rapport. Vous me permettrez de m'y référer, M. le Président, comme il est fort long, on ne peut pas avoir tous les éléments. Page 84: Pourcentage de requérants représentés par avocat. Et ce que ça nous démontre, M. le Président, c'est qu'un nombre important de gens ne sont pas représentés par avocat: 40 %. 40 % dans certains cas. Même, Régie des rentes, 49 % des gens sont représentés par avocat, ce qui en fait plus de la majorité qui n'ont pas d'avocat. Et qu'est-ce que ça veut dire dans la réalité, M. le Président? Et qu'est-ce que ces groupes... Et, si j'étais le seul à le dire, vous diriez: Bien, oui, mais, bon, vous avez votre connaissance, et peut-être d'autres ont une vision différente. Non, non. Ceux qui représentent ces gens sont venus nous dire textuellement: Lorsqu'il y a un membre du Tribunal qui a une compétence spécialisée, ça fait en sorte que la personne non représentée a accès à une meilleure justice.
Pourquoi? C'est très simple. Lorsque vient le temps d'administrer une preuve médicale, M. le Président, et que quelqu'un arrive seul, sans avocat, comment pensez-vous que l'État, et je tiens à vous le répéter, que l'État, lui, et c'est normal, défende ses décisions à l'aide d'experts et d'avocats? Le pauvre citoyen qui arrive... Et c'est son État, c'est ses impôts qui servent finalement à financer, je vous dirais, ceux qui plaident contre lui. Alors, eux arrivent à grand renfort d'experts, et, lui, il n'a aucun moyen, ou à peine, à moins qu'il soit richissime, et vous savez que ceux qui se retrouvent devant ces tribunaux souvent ne sont pas les gens qui ont le plus de moyens dans notre société. Vous savez, Pierre Péladeau, je suis convaincu que la Régie des rentes... il ne viendra pas plaider souvent devant le tribunal spécialisé sur la Régie des rentes, hein, ça me surprendrait. Alors, qui vient, vous pensez? C'est ceux souvent qui n'ont pas les moyens de se payer... ni même un avocat, je vous dirais, parce qu'un avocat, ça coûte très cher, vous le savez, mais, plus loin que ça, un spécialiste.
Lorsqu'on prépare une preuve médicale, et j'ai eu l'occasion d'en préparer devant des tribunaux spécialisés, M. le Président, j'ai eu l'occasion de préparer ces preuves, tout d'abord, il y a la rencontre entre le spécialiste et le plaignant, et qui va conduire à la rédaction d'un rapport qui, lui, est souvent très, très onéreux, M. le Président. Et, par la suite, il y a l'audition. Et, encore là, une preuve par expert, vous le savez, lorsqu'il y a remise ou même lorsque le dossier s'avère plus complexe en termes de présentation, ça coûte très cher au justiciable. Et, souvent, d'ailleurs, qu'est-ce qui arrive quand les gens se représentent seuls? Et même, des fois, par avocat? Ils n'ont pas les moyens d'avoir accès à un spécialiste.
Alors, qu'est-ce qu'ils demandent, ces gens? Qu'est-ce que demande le Front commun des assistés sociaux? Qu'est-ce que demande l'Association des juristes en droit social? Qu'est-ce que demandent, M. le Président, le Collège des médecins, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, l'Ordre des évaluateurs agréés et la Chambre des notaires? Ce qu'ils demandent, c'est que cet expert soit sur le Tribunal, de façon à ce que la Cour soit mieux informée, puisse mieux évaluer la preuve qui est présentée devant elle et faire en sorte que le justiciable ne soit pas défavorisé dans le cadre de la décision et de l'audition du dossier devant ce Tribunal.
Et, à ça, j'ajoute, encore une fois, M. le Président, d'autres groupes sont venus, je n'ai pas terminé ma liste: la Conférence des juges administratifs. Et je ne veux pas aller plus loin. Vous savez, la Conférence est venue; j'ai agi avec beaucoup de précautions, parce qu'il est rare que la Conférence va, et c'est normal d'ailleurs dans notre système, prendre la peine de venir faire des commentaires sur un projet de loi. Ils l'ont fait avec beaucoup de précautions, mais ils ont mis en garde le ministre. Et, encore une fois, je n'ai pas le mémoire entre les mains, mais, aux amendements qui nous sont proposés et aux commentaires qui sont faits par le ministre, vous savez, prenez le mémoire de la Conférence des juges administratifs, et vous pouvez le mettre à la poubelle. Comme, d'ailleurs... D'ailleurs, remarquez, ils n'ont pas à s'indisposer de cela, ça a été la même chose pour ceux qui ont préparé le rapport sur la justice administrative: poubelle, pas intéressant. Ce n'est pas pertinent, M. le Président. On aime mieux se fier sur des impressions: «j'ai l'impression que», et ça, ça peut justifier bien des choses.
Un autre mouvement, M. le Président, Mouvement action justice. Pourriez-vous bien me dire quel est l'intérêt du Mouvement de venir nous dire ça, en termes d'intérêts corporatistes? Aucun. Ce Mouvement-là, tout simplement, est destiné à accompagner ses gens. Il va continuer à le faire, d'ailleurs. Eux, ils disent: Il y aura meilleure justice si vous gardez ce côté multidisciplinaire du Tribunal. Encore une fois, le Mouvement action justice, la Conférence des juges administratifs, le Front commun des personnes assistées sociales, l'Association des juristes en droit social, le Collège des médecins, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, l'Ordre des évaluateurs agréés, la Chambre des notaires: poubelle, M. le Président. Poubelle, on n'en tient pas compte.
n(16 h 30)n Et il y a ceux qui sont venus témoigner et, vous le savez, il y a ceux qui nous ont transmis leurs craintes et leurs commentaires, et je vais en faire quelques-uns, M. le Président.
Le Conseil interprofessionnel du Québec, dont on a fait motion un peu plus tôt, et c'est pour ça que je ne m'étendrai pas sur le Conseil, parce qu'on l'a quand même abordé, je pense, de long en large, mais ce Conseil, qui représente tout près de 300 000 professionnels du Québec, a dit: C'est assez, M. le ministre, vous faites fausse route. Poubelle!
Me France Houle, professeure en droit, Université de Montréal, qui enseigne à des étudiants et qui est fort intéressée aux questions de justice administrative, a envoyé un mémoire fouillé. Je l'avais dit au ministre, je l'ai dit aux membres de cette commission, regardez ce mémoire, il contient... même ceux qui, je vous dirais même, n'auraient eu aucune connaissance des tribunaux administratifs... liraient ce rapport, ce mémoire, en arriveraient, je vous dirais, à avoir une bonne idée de la réforme et aussi du fonctionnement des tribunaux administratifs. Or, ce mémoire, comme celui du Conseil interprofessionnel, le Mouvement action justice, la Conférence des juges, le Front commun des personnes assistées sociales, l'Association des juristes, le Collège des médecins, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, l'Ordre des évaluateurs agréés, la Chambre des notaires, poubelle. Poubelle!
Sur un projet de loi qui ne soulèvera pas les passions, où je ne pense pas, M. le Président, que nous réussissions à faire la première page du Journal de Québec, non plus Le Journal de Montréal; Le Devoir, ça me surprendrait bien gros, la première page, M. le Président; Le Soleil, on risque d'avoir des commentaires au niveau des éditorialistes, mais ce n'est pas un sujet où l'opposition fera les manchettes, et ce n'est pas le but. Ce n'est pas le but. Pourquoi nous intervenons? Pourquoi nous nous opposons? Parce qu'il s'agit d'un mauvais projet de loi, qui a été d'ailleurs décrié par l'ensemble des groupes non intéressés et qui ont le même objectif que nous et que devrait normalement avoir le ministre: avoir une justice administrative de qualité qui agit avec célérité et qui est accessible.
À cela, aux commentaires que malheureusement nous n'avons pas eu l'occasion d'entendre: le groupe Genèse, qui est un groupe aussi d'intervention auprès des gens à Montréal, est venu dire la même chose, réclamer de ne pas toucher à la multidisciplinarité. Et l'ensemble de ces mémoires, M. le Président, d'ailleurs réclamaient du ministre que, tant qu'à nous parler d'une pseudoréforme, mais alors qu'il fasse preuve de transparence et qu'il la dépose ou qu'il en fasse mention spécifiquement au lieu d'aller sur des tribunes autres et de nous annoncer, à l'encontre même des règles qui doivent guider ce Parlement et même en non-respect de nos règles, annoncer une réforme qui n'existe pas encore. Alors, est-ce qu'on peut avoir la simple décence de nous dire les tenants et aboutissants?
La CSN est venue dire la même chose, M. le Président: Si vous voulez faire une réforme, dites-nous-le. Regardons-le et agissons avec transparence. Non. Le ministre agit, vous le savez, en catimini. Il concocte, à partir de ses réflexions propres, ce que pourrait être cette justice administrative, à laquelle n'adhère malheureusement personne de notre société, M. le Président. Il y a quelque chose de dramatique, je vous le dis, dans cette façon d'agir du ministre, parce que cette volonté origine d'une simple perception personnelle, d'une volonté personnelle, non appuyée par aucun des intervenants dans le milieu. Alors, nous faisons fausse route, M. le Président.
Et j'en profite encore pour rappeler à l'ordre le ministre: j'espère qu'il écoutera ces gens bien intentionnés et qui souhaitent une justice administrative de qualité, qui est accessible et qui agit avec célérité. Et, si vous lisez, M. le Président ? vous l'avez lu, mais ? si les membres de cette commission prennent la peine de regarder ce mémoire, ils y trouveront plusieurs des recommandations qui amèneront une amélioration de cette justice administrative. Alors, j'en étais à la CSN, M. le Président.
La Commission des services juridiques, vous le savez, malheureusement n'a pu venir, bien malheureusement, et pour quelles raisons, M. le Président? Vous savez, il y a un nouvel ordre qui gouverne ce gouvernement et plus particulièrement le ministre de la Justice, c'est que ceux qui ne sont pas d'accord avec nous, on ne les écoute pas. Et, quand on a les moyens de les faire taire, bien, on les fait taire. Alors, et très surprenamment, M. le Président, après même avoir eu un accord, le ministre a refusé d'entendre la Commission des services juridiques, ceux qui défendent les gens les moins fortunés de notre société.
Alors, je peux vous dire que, moi, je pense que ça semble être un trait de caractère, tous ceux qui même... Vous savez, on est... en démocratie, il y a des règles qui nous gouvernent; en royauté, c'en est d'autres. Je peux vous dire que le système qui gouverne actuellement a quand même, je vous dirais, certaines dérives qui ne correspondent plus aux règles démocratiques, mais, je vous dirais, s'associent beaucoup plus au bon vouloir d'un prince. Et cela, M. le Président, je vais toujours m'objecter, d'autant plus que, un, vous le savez, nous sommes les gardiens de cette démocratie, mais qu'en matière de justice administrative on doit se garder de toute partisanerie, et, dans le cadre des fonctions d'un ministre de la Justice et Procureur général, on doit se mettre à l'abri, de toutes les façons possibles, à une façon de faire qui associerait les gestes et actions et décisions prises par le ministre à un ordre de nature souveraine plutôt qu'à un ordre démocratique. C'est ce qui m'inquiète.
Et des règles, vous le savez, je pense, de bonne séance, en plus, ont été violées en refusant à la Commission des services juridiques d'être entendue devant cette commission. Et pourquoi? Parce que le prince fut, je vous dirais, contesté par un des sujets lors d'une commission parlementaire, et cela est assez pour bâillonner les membres de cette commission mais aussi ce groupe intéressé. Et j'en ai été, je vous dirais, surpris au départ, mais, depuis ce temps, consterné, parce que ça semble être une manière d'agir qui se répercute de façon plus large.
Un autre groupe, M. le Président, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec, ATTAQ, qui est un nom assez agressif, vous en conviendrez, mais qui, dans leur mémoire, sont plutôt, je vous dirais, destinés plutôt à la... sympathiques même, je vous dirais ? et j'ai eu l'occasion même de parler à un des membres ? et qui recommandent au ministre qu'il fait fausse route, de reculer, plutôt d'y aller... s'il parle d'une réforme, qu'il dépose la réforme, et surtout de ne pas toucher au caractère multidisciplinaire du Tribunal. Et peut-être que nous aurions eu...
Je suis convaincu que ceux et celles qui sont intéressés par cette question viendraient dire la même chose. Je pense, M. le Président, à Patrice Garant. J'invite le ministre, pendant les moments qu'il aura entre deux commissions, à les consulter ou à lâcher un petit coup de téléphone à un expert bien reconnu en droit administratif et pour qui j'ai un énorme respect et que je me suis référé souvent en jurisprudence, Me Patrice Garant, vous savez, qui est...
Une voix: ...
M. Bédard: ... ? oui, en droit administratif ? qui est une référence. Et je suis convaincu que Me Garant va indiquer au ministre qu'il fait malheureusement fausse route, Me Garant qui a écrit plusieurs, vous le savez, plusieurs tomes de traités en droit administratif. Aussi le traité Borgeat et Dussault, Louis Borgeat, anciennement membre du ministère de la Justice, je pense, et qui n'est plus au ministère. Je suis convaincu que cette sommité en droit administratif n'aurait jamais cautionné une telle réformette. Et j'invite d'ailleurs le ministre et les membres de cette commission peut-être à en discuter avec lui et de voir... Et je n'en lui ai jamais parlé, mais j'aimerais bien le faire, mais vous comprendrez qu'avec son statut de membre du Conseil... faisant partie du Conseil exécutif, évidemment, on me le reprocherait peut-être, mais je suis convaincu qu'il aurait des bémols assez fondamentaux. Ah oui! Allez parler à... allez parler à Me Borgeat, et, à la limite, je suis prêt à l'entendre ici, à cette commission. Je suis prêt à l'entendre.
Allez parler à Peter Hogue, allez parler à l'ensemble des spécialistes en droit administratif. Ils vont vous dire, M. le Président, que, au-delà de la nature, je vous dirais, purement discrétionnaire de la réflexion gratuite qu'a faite le ministre, qu'il n'en va pas du bon fonctionnement de la justice administrative d'agir de la façon qu'il agit dans ce dossier.
n(16 h 40)n Et, nous, encore une fois, quel intérêt avons-nous? Regardez la salle, M. le Président: j'ai mes collègues qui sont devant moi; j'ai quelques recherchistes de l'autre côté; je n'ai même plus de membres du cabinet, peut-être un; j'ai une personne dans la salle; mes collègues. Vous savez, on ne fera pas les manchettes ce soir encore, là. Pourquoi nous faisons ça?
Une voix: ...
M. Bédard: Oui, il y a quand même des téléspectateurs, c'est vrai, parce que nous avons des commentaires, qui se surprennent d'ailleurs du fait que le parti au pouvoir ne répond pas à nos arguments. Mais je pense qu'encore aujourd'hui ils seront déçus, malheureusement pour eux. Peut-être qu'ils sont difficiles à contrer, ces arguments, parce qu'on n'a jamais eu de réponse. Mais pourquoi nous le faisons? Parce que nous faisons, encore une fois, oeuvre utile. Nous tentons de convaincre le ministre et les membres de cette commission de réévaluer la position qu'il a prise, de le faire avec humilité, tout simplement, et de constater, comme l'ont demandé... et comme l'ont dit, plutôt, l'Assemblée des travailleurs accidentés du Québec, la Commission des services juridiques, la CSN, le groupe Genèse, Me France Houle, le Conseil interprofessionnel du Québec, le Mouvement action justice, la Conférence des juges administratifs, le Front commun des assistés sociaux, l'Association des juristes en droit social, le Collège des médecins, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, l'Ordre des évaluateurs agréés, la Chambre des notaires, que le ministre fait fausse route.
Le Président (M. Simard): Je vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Le député de Shefford avait manifesté l'intention d'exercer son droit de réplique.
M. Brodeur: J'imagine, M. le Président, que sûrement que... les collègues du député de Chicoutimi, je leur suggère de poser des questions en vertu de 213.
Une voix: ...
M. Brodeur: Pas sur sa dernière intervention.
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous voulez utiliser 213, M. le député?
M. Brodeur: Non, non, non, pas du tout.
Le Président (M. Simard): C'est une suggestion gratuite.
M. Brodeur: D'ailleurs, je ne voudrais pas non plus, M. le Président...
M. Bédard: Il me ferait plaisir d'entendre une question de mon éminent collègue, M. le Président. Ça me ferait vraiment plaisir.
M. Brodeur: Non, je ne voudrais pas, M. le Président, empêcher l'opposition de s'exprimer correctement. Je sais que les explications sont un peu longues, mais je pense que chacun d'eux ont parfaitement droit à leur temps pour discuter des motions. Sûrement qu'il y a d'autres motions très passionnantes qui vont être déposées, et ça nous fera un immense plaisir, comme à l'habituelle, M. le Président, de les écouter...
Une voix: Respectueusement.
M. Brodeur: ...respectueusement et même religieusement, la journée étant propice à écouter les gens religieusement. Donc, M. le Président, moi, là, je ne veux pas me prévaloir de mon temps de parole. Je ne voudrais pas retarder indûment les travaux de la commission, non plus, ce serait malheureux.
Le Président (M. Simard): Alors, si je résume votre pensée, vous allez être un auditeur privilégié, vous allez être d'une écoute...
M. Brodeur: Je pense qu'on peut enlever le mot «privilégié». Je serai un auditeur.
Le Président (M. Simard): Un auditeur ordinaire.
Une voix: De premier rang.
M. Bédard: Je demanderais le vote, M. le Président, par appel nominal.
Le Président (M. Simard): Puisqu'il n'y a plus d'interventions sur cette motion... Non? Mme la députée d'Anjou, non, ce n'était pas ça. Alors, puisqu'il n'y a plus d'interventions, nous allons passer au vote sur la motion.
M. Bédard: Par appel nominal.
Le Président (M. Simard): Vous avez demandé un vote nominal, donc je vais demander... Est-ce que le député de Marguerite-D'Youville, avant le vote, veut intervenir?
M. Moreau: Non, pas du tout, j'avais un chat dans la gorge et je suivais avec beaucoup d'attention les propos du député de Chicoutimi, et j'attendais le vote.
Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, maintenant...
M. Brodeur: Est-ce qu'ils sont prêts à voter?
Le Président (M. Simard): Bien, c'est la question qu'on peut vous poser, puisque vous intervenez depuis quelques minutes.
M. Bédard: Est-ce que le ministre est prêt, lui?
M. Brodeur: On pourrait peut-être suspendre pour demander au ministre s'il est prêt.
Le Président (M. Simard): Est-ce que c'est une suggestion que vous faites?
M. Brodeur: Non, non, ce n'est pas une suggestion. Sûrement que, vers six heures moins dix, je suggère au député de Chicoutimi d'utiliser l'article 165.
M. Bédard: Que j'ai pris bien... Merci, M. le... Merci, plutôt, M. le député de Shefford.
Le Président (M. Simard): Qui permet de faire avancer l'horloge. Alors, puisque tout le monde est intervenu, j'invite le secrétaire maintenant à...
M. Moreau: On a de la collaboration dans cette commission, je pense qu'il faut le souligner. Les gens collaborent d'une façon absolument extraordinaire.
M. Bédard: Oui. Sur la forme, mais moins sur le fond. Sur le fond, il y a moins de collaboration.
M. Moreau: On écoute religieusement.
M. Brodeur: Je pense que, M. le Président, je vais demander mon droit de parole. J'ai un droit de parole de 10 minutes?
Le Président (M. Simard): Ah! absolument. Alors, nous nous...
M. Brodeur: Je ne vous dis pas que je vais l'utiliser pleinement.
M. Bédard: Est-ce qu'on peut interrompre un vote, M. le Président? Est-ce qu'on peut interrompre un vote?
Le Président (M. Simard): Il n'a pas été formellement demandé.
M. Bédard: Ah non! Demandé? Alors, allons-y.
M. Brodeur: Je ne dis pas que je vais utiliser mon 10 minutes, sauf que c'est la première fois que j'ai la chance d'écouter les députés de l'opposition dans mon nouveau rôle de député ministériel, et je pense que c'est de mon devoir de leur faire des suggestions dans leur nouveau rôle et pour l'application pratique des techniques parlementaires qu'on utilise dans ces cas-là. Et je vois que... D'ailleurs, je suis surpris de voir toutes ces motions-là. Je regarde, ici, mes collègues du côté ministériel et je ne me souviens pas d'avoir vu aucun de ces collègues utiliser ce stratagème pour retarder les travaux de la Chambre.
M. Bédard: M. le Président, j'aurais une question de règlement.
Le Président (M. Simard): Non, je pense que le mot «stratagème» sera retiré par le député...
M. Bédard: Il sera retiré. Je vous invite aussi, vous savez...
Le Président (M. Simard): ...d'autant plus que...
M. Bédard: Comme le député se réfère au règlement, qu'il connaît bien d'ailleurs, alors, vous le savez, il y a une règle, c'est la règle de la pertinence, et c'est une motion. Alors, simplement, j'inviterais le député, comme nous le faisons d'ailleurs depuis tout près de deux jours, à se conformer à notre règle de la pertinence. Et, par contre, je suis disposé à aller manger avec le député quant aux conseils qu'il pourrait nous donner sur la lecture du règlement.
M. Brodeur: J'ai bien compris qu'il payait le repas, donc je n'ai aucun problème. Simplement, c'est une suggestion que j'ai à faire à l'opposition, parce qu'on connaît les techniques usuelles des motions préliminaires.
Le Président (M. Simard): Les auriez-vous parfois utilisées?
M. Brodeur: Je me souviens de l'avoir utilisée à quelques reprises, M. le Président, mais d'une façon différente. J'ai entendu, depuis ce matin, les députés de Chicoutimi, de Bourget et de Dubuc s'exprimer sur des opinions, c'est-à-dire des... pas des suggestions, mais des, je peux dire, revendications à ne pas faire telle chose ou telle chose.
Lorsque nous étions à l'opposition, M. le Président, on s'appliquait... puis, je me souviens, on avait une réunion chaque matin, avant chaque commission parlementaire, et on s'appliquait à trouver des suggestions concrètes pour modifier ou bonifier un projet de loi, et je n'ai pas entendu encore... Depuis ce matin, on a entendu, oui, citer des rapports de 145 pages et de quelques pages, mais jamais une solution concrète disant: Bon, bien, M. le ministre, nous, on vous suggère à l'avance que tel ou tel article sera modifié de la façon suivante, pour permettre peut-être une bonification ou avoir une façon plus pratique d'appliquer la loi.
Donc, si je peux faire cette suggestion-là, dans les prochaines motions, parce que probablement qu'il y aura des motions déposées encore jusqu'à un avenir rapproché, peut-être qu'on aura des motions jusqu'à entendre le pape, peut-être, mais, de toute façon, ce que peux...
Le Président (M. Simard): Le cardinal serait plus facile aujourd'hui.
M. Brodeur: Le cardinal. Bien, tant qu'à l'avoir ici, pourquoi pas. Non, tout simplement pour dire que, je pense, si on veut travailler de façon constructive, qu'on donne donc des suggestions immédiates... ou peut-être pourrons-nous suspendre les travaux quelques minutes avant 18 heures pour nous permettre d'étudier ces suggestions-là. Mais je pense qu'il est du devoir de l'opposition de travailler de façon constructive ? de façon constructive ? et peut-être, peut-être nous déposer par écrit, pour qu'on puisse discuter avec le ministre, des suggestions qui pourraient être faites.
De ce côté-ci, M. le Président, je pense que, ne voulant pas... ne voulant pas...
Une voix: Être en reste.
M. Brodeur: ...être en reste... ou prolonger ? «prolonger» est le mot juste ? prolonger indûment les travaux, je pense que, M. le Président, à ce moment-là, on serait peut-être prêts à passer au vote, à moins que certains de mes collègues aient quelque chose à ajouter soit sur les propos du député de Chicoutimi ou soit sur des suggestions qu'on pourrait apporter au déroulement des travaux pour aller plus rapidement et permettre justement à l'opposition de faire un rôle constructif dans cette commission parlementaire. Donc...
M. Bédard: Question de directive, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Oui, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Comme... Et là je ne veux pas souligner le fait que le député n'était pas présent aux autres journées, mais est-ce que je peux...
Une voix: Il n'était pas membre.
M. Bédard: Il n'était pas membre? Alors, voilà. Donc, est-ce que je le référer aux galées, parce que nous avons quand même plusieurs journées, entre autres une qui s'est passée strictement sur le projet de loi actuel, et de se référer aux moyens que nous avons proposés au ministre, et ils se retrouvent dans les galées? Je reviendrai, mais, aux fins de directive, j'aimerais savoir: Est-ce que je peux référer un député aux galées où... lesquels contiennent des propositions très claires sur... entre autres au niveau de la célérité, au niveau de l'accessibilité? Est-ce que c'est possible, M. le Président?
Le Président (M. Simard): M. le député, c'est tellement possible que vous l'avez déjà fait.
M. Brodeur: Pardon, M. le Président, j'aimerais ajouter quelque chose.
M. Bédard: Même si mon temps est écoulé?
Le Président (M. Simard): M. le député de Shefford, qui désirez répliquer.
M. Brodeur: Oui. Concernant le règlement, oui, il est possible de référer un autre député au Journal des débats, mais il est, par contre, interdit de souligner l'absence d'un député dans une séance antérieure. Donc, M. le Président, je vous rappellerais que le député de Chicoutimi a contrevenu au règlement, donc peut-être de le rappeler à l'ordre.
M. Moreau: Nous le déplorons.
Le Président (M. Simard): Alors, devons-nous considérer que vous étiez là lors des autres réunions? La question est intéressante.
M. Brodeur: Je n'étais pas membre de la commission à cette époque-là.
Le Président (M. Simard): Voilà. Mais, eussiez-vous été membre, vous vous seriez fait un plaisir d'être avec nous?
M. Brodeur: Exactement. Certainement.
M. Moreau: Nous déplorons d'ailleurs le fait qu'il n'était pas membre.
M. Brodeur: Oui.
Le Président (M. Simard): Alors, est-ce qu'il y a une motion pour déplorer l'absence antérieure du député de Shefford? Ça ne va pas jusque-là?
M. Moreau: Non. Nous le déplorions de façon unanime, sans présenter de motion, M. le Président.
M. Brodeur: Déplorer l'absence serait contraire au règlement, M. le Président.
Le Président (M. Simard): M. le député de Shefford, vous avez invité vos collègues du côté ministériel à faire des recommandations, s'ils le jugeaient à propos, ou des commentaires. Est-ce qu'il y a des commentaires ou des... Je vois que nous en resterons là.
Alors, nous revenons au point de départ de ces interventions, le vote est demandé. J'invite maintenant le...
M. Brodeur: Est-ce qu'on peut suspendre quelques instants?
Le Président (M. Simard): Vous demandez une suspension?
M. Brodeur: Deux, trois minutes.
Le Président (M. Simard): Avant le vote?
M. Brodeur: Oui.
Une voix: ...
M. Brodeur: Non, à la suite de la motion.
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): Après le vote.
M. Brodeur: Pendant le vote.
Mise aux voix
Le Président (M. Simard): Non, il n'y aura pas de suspension et ni d'interruption pendant le vote. Le vote est demandé, j'invite le secrétaire à faire l'appel, s'il vous plaît.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bédard (Chicoutimi)?
M. Bédard: En faveur.
Le Secrétaire: Mme Lemieux (Bourget)?
Mme Lemieux: En faveur.
Le Secrétaire: M. Côté (Dubuc)?
M. Côté: Pour.
Le Secrétaire: M. Bellemare (Vanier)?
M. Bellemare: Contre.
Le Secrétaire: M. Moreau (Marguerite-D'Youville)?
M. Moreau: Contre.
Le Secrétaire: M. Brodeur (Shefford)?
M. Brodeur: Contre.
Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?
M. Bordeleau: Contre.
Le Secrétaire: M. Descoteaux (Groulx)?
M. Descoteaux: Contre.
Le Secrétaire: M. Gabias (Trois-Rivières)?
M. Gabias: Contre.
Le Secrétaire: Mme Thériault (Anjou)?
Mme Thériault: Contre.
Le Secrétaire: M. le Président?
Le Président (M. Simard): Pour.
Le Secrétaire: 4 pour, 7 contre, aucune abstention, monsieur.
M. Moreau: Je note que la présidence n'est pas influencée par le nombre.
M. Brodeur: Oui. Et j'ai constaté autre chose, qu'il y en a deux en faveur puis un pour. Est-ce qu'on doit distinguer le vote?
Le Président (M. Simard): Rappelons le député de Shefford au sérieux de nos débats, et nous allons poursuivre nos travaux. Il y avait dans l'air, si je me souviens bien, une demande de suspension du député de Shefford. Est-ce qu'il la maintient?
M. Brodeur: Non.
Le Président (M. Simard): M. le député de Dubuc, vous aviez, vous, un commentaire ou une motion à proposer?
n(16 h 50)nMotion proposant d'entendre l'Ordre
des psychologues du Québec
M. Côté: J'aurais, M. le Président, une motion à vous présenter. Il est proposé, M. le Président, «que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi ainsi qu'à tous les amendements déposés par le ministre et qu'à cette fin elle entende l'Ordre des psychologues du Québec».
Le Président (M. Simard): Alors, j'ai copie de...
Une voix: Ou un membre de l'Ordre. On peut l'amender. On peut l'amender, «un membre de l'Ordre».
Le Président (M. Simard): Notre collègue de l'Acadie pourrait être inclus dans la délégation.
M. Brodeur: Il est docteur en psychologie.
Le Président (M. Simard): Et je suis sûr qu'une partie des membres de l'Ordre des psychologues du Québec a un jour étudié dans les cours du député de l'Acadie.
Alors, cette proposition, cette motion, évidemment, est recevable, puisqu'elle suit le mode classique.
M. Moreau: Vous en êtes sûr?
Le Président (M. Simard): Écoutez, je peux le prendre en délibéré, si vous le contestez, et j'aimerais entendre vos arguments.
M. Moreau: J'aimerais juste savoir si la présidence a la certitude absolue de la réceptivité...
Le Président (M. Simard): Oui, recevabilité.
M. Moreau: Recevabilité. Ah! excusez-moi.
M. Brodeur: Est-il réceptif?
M. Moreau: Êtes-vous réceptif à recevoir cette motion?
Le Président (M. Simard): Je suis très réceptif mais surtout déterminé à établir sa recevabilité. Il s'agit ici, à ce stade de nos travaux, d'une motion d'organisation, c'est-à-dire qui vise à déterminer la façon dont nos travaux doivent se poursuivre, et, ici, il s'agit d'écouter un groupe. Toute la jurisprudence, toute la tradition parlementaire indique que ce type de motion est parfaitement recevable à ce stade de nos travaux.
M. Moreau: Est-ce que la jurisprudence est unanime là-dessus, M. le Président?
Le Président (M. Simard): Je ne connais pas d'exception à cette jurisprudence unanime, mais, si vous le souhaitez, nous pouvons suspendre les travaux pour vérifier et sortir toutes les statistiques nécessaires de la jurisprudence.
M. Moreau: Non, non. J'en faisais appel à votre connaissance... de mémoire.
Le Président (M. Simard): Non. De mémoire, il n'y a pas d'exception à cette règle, mais nous pouvons prendre le temps de vérifier.
M. Moreau: Ah! moi, je me fie à la mémoire présidentielle.
M. Brodeur: Bien, est-ce que vous avez pris le temps, antérieurement, sur d'autres motions, de vérifier la recevabilité de ceux-ci?
Le Président (M. Simard): Absolument, et j'avais la même assurance, la même certitude, la même conviction de prendre une décision tout à fait juste en acceptant la... en reconnaissant la recevabilité.
Mais il est très simple de remettre en question cette décision, il s'agit de contester la décision du président, et nous aurions un débat, j'en suis sûr, intéressant.
M. Brodeur: Je comprends, mais, M. le Président, si je peux vous souligner une chose...
Le Président (M. Simard): Parce que là on ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne fait pas directement. Contester la décision présidentielle est un droit absolu de chaque membre de cette commission; ne pas le faire par une motion n'est pas le droit des membres de la commission.
M. Brodeur: Il semble, M. le Président, que votre discours a été modifié depuis quelques années. Je me souviens, dans un mandat précédent, lorsque vous occupiez un poste semblable, que vous n'avez jamais tenu de tels propos; même, ils semblaient plutôt des propos au contraire. Que s'est-il passé depuis le 14 avril, M. le Président?
Le Président (M. Simard): Précisez, M. le député de Shefford, ce que vous entendez par «propos contraires».
M. Brodeur: Vous n'incitiez pas des parlementaires, à cette époque-là, à contester les décisions de la présidence. Donc, aujourd'hui, que s'est-il passé?
Le Président (M. Simard): J'étais, à l'image du ministre de la Justice, d'une relative discrétion et à l'écoute de la commission, plutôt que provoquant quelques débats, inutiles dans ce cas-là.
M. Brodeur: Moi, si je peux suggérer une chose, M. le Président, peut-être, je suis anxieux d'entendre les propos de l'opposition concernant cette motion, et entendre l'Ordre des psychologues du Québec, M. le Président, serait peut-être utile, mais je vais laisser le soin à l'opposition de plaider cette cause, et nous en disposerons par la suite.
Le Président (M. Simard): Donc, je dois comprendre de votre nouvelle attitude que vous ne contestez pas la décision du président sur la recevabilité de cette proposition?
M. Brodeur: Ah! ce n'est pas ma nouvelle attitude. Non, pas du tout. Ça n'a jamais été notre propos, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Bon. Vous me rassurez.
M. Bédard: C'est donc l'annonce, M. le Président, d'un changement de cap du parti au pouvoir. C'est une première étape, et j'en suis fort heureux, de voir le député de Shefford, sans faire le grand pas de l'autre côté, mais quand même faire un pas. Alors, la main sera tendue de ce côté-ci, M. le Président, et je tiens à l'assurer.
M. Moreau: Vous allez vous faire marcher sur les doigts, si vous tendez la main lorsqu'il fait un pas.
M. Bédard: Pas au député de Shefford. C'est un homme soucieux des us et coutumes de notre Parlement...
M. Brodeur: Il faut dire que mes pas ne sont pas grands, là, mais...
M. Bédard: ...et, s'il avait eu la main piétinée, je peux vous dire, après l'avoir tendue, elle serait effectivement... Elle aurait été piétinée à de nombreuses reprises.
Le Président (M. Simard): Les métaphores sont audacieuses, et nous allons laisser au député de Dubuc le plaisir de présenter la motion qu'il... de défendre la motion qu'il nous a présentée.
M. Jacques Côté
M. Côté: Alors, merci, M. le Président. M. le Président, j'aimerais défendre ma motion dans le calme... dans la quiétude surtout et sans être continuellement dérangé par le député de Shefford.
M. le Président, pourquoi demander que soit entendu l'Ordre des psychologues? Tout simplement parce que certains des psychologues sont très étroitement liés à la justice administrative. Certains sont même des décideurs au Tribunal administratif du Québec, et, en ce sens, ils sont des experts, ils sont des spécialistes, j'irais même jusqu'à dire qu'ils sont des polices d'assurance pour le justiciable. C'est presque des paratonnerres pour les citoyens et les citoyennes qui viennent devant le Tribunal administratif et qui souvent ont besoin de cette expertise, ont besoin de cette spécialisation pour se sentir beaucoup plus à l'aise versus la personne qui justement a une formation juridique. C'est justement à cause de cette vision autre que juridique que ces gens auraient avantage à être entendus devant notre commission.
Je voudrais répéter au ministre que ces motions que nous faisons ne sont pas faites dans un but de partisanerie; elles ne sont pas faites non plus dans un but dilatoire; nous faisons notre travail de législateur. C'est sûr que ce travail de législateur est souvent mésestimé, il est souvent... Certaines personnes font ressortir d'autres facettes de notre travail, mais nous sommes, comme je le disais auparavant, nous sommes des législateurs et nous avons à faire notre devoir, c'est-à-dire travailler dans le meilleur intérêt du bien commun, travailler dans le meilleur intérêt des citoyens et citoyennes que nous représentons. C'est pourquoi, à ce titre, nous devons faire notre travail, oui, mais nous devons le faire avec rigueur, c'est-à-dire ce que nous faisons, comme aujourd'hui devant cette commission, comme opposition officielle au sein de cette commission.
En ce sens-là, nous avons besoin d'être informés, et c'est justement par l'information, par la présentation de spécialistes, d'experts, de groupes, d'associations, de personnes qui n'ont pu être présents devant cette commission ou qui se sont vu refuser la possibilité d'informer cette commission... et c'est pour cela que nous sommes ici et c'est pour cela que nous demandons ces motions. Et je ne comprends pas le peu d'empathie de la part du ministre, à ne pas vouloir entendre ces groupes qui ont manifesté leur intention de venir devant la commission, et de même que des personnes que nous lui proposons. Ça ne fait pas sérieux, M. le Président, et c'est pour cela que nous présentons cette motion d'entendre l'Ordre des psychologues du Québec.
Nous voulons l'entendre parce que cet Ordre, je l'ai dit, a une expertise. Nous avons demandé également que d'autres groupes ou d'autres personnes soient entendus parce qu'ils ont aussi une expertise, ces gens-là, parce qu'ils peuvent nous donner de l'information, parce qu'ils peuvent aussi nous faire part de certains commentaires qui pourraient être sûrement positifs en faveur de l'amélioration de nos travaux... des travaux de cette commission. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes prêts à collaborer, nous voulons que le ministre le fasse également.
n(17 heures)n Pourquoi la Commission ? mon collègue député de Chicoutimi l'a mentionné tout à l'heure ? pourquoi la Commission des services juridiques, qui avait obtenu, semble-t-il, l'accord du ministre, lors de l'étude des crédits, à se présenter en commission, pourquoi a-t-elle été avisée qu'elle ne pourrait pas le faire? Je trouve ça... Je trouve que c'est une question importante et je me demande pourquoi. C'est un organisme d'État, et, en plus, la Commission des services juridiques représente des citoyens et des citoyennes souvent les plus démunis de notre société, souvent des citoyens qui ont besoin d'être représentés, parce que justement ces citoyens manquent souvent de connaissances. Ce sont des citoyens qui sont souvent incertains, ce sont des citoyens qui ont peur de la justice, souvent, qui ont peur de certaines choses. Alors, il m'apparaîtrait important d'entendre la Commission des services juridiques à ce sujet. La Commission aurait certainement pu nous livrer des remarques très pertinentes et très à propos. Pourquoi le ministre, qui se dit en faveur des grands objectifs de la loi ? objectifs que je lui rappelle, qui sont la qualité, la célérité, l'accessibilité ? n'est pas conséquent avec sa pensée? Parce que, en ne favorisant pas ces trois grands objectifs, il se trouve à être contre ce qu'il dit. Par son projet de loi, il fait le contraire de ce qu'il pense.
Et je reviens, M. le Président, sur la multidisciplinarité. Je voudrais vous rappeler le mémoire de la Chambre des notaires, qui faisait mention au sujet de la disciplinarité... À la page 2 dudit mémoire, on y retrouve la citation suivante: «La Chambre des notaires est en désaccord avec le projet du législateur d'ériger en principe que la composition des bancs des décideurs du Tribunal administratif du Québec soit formée d'un seul membre. La multidisciplinarité est une spécificité de la justice administrative. Cette dernière ne peut être mise de côté sans porter atteinte à la nature même de ce Tribunal.» La Chambre des notaires poursuit, plus loin dans son rapport à la commission... dans son mémoire plutôt, à la page 7 et 8, elle dit ceci: «En érigeant en principe que la composition des bancs des décideurs du Tribunal administratif du Québec soit formée d'un seul membre, l'exception se voit devenir la règle et la règle devenir l'exception. Pourtant, les motifs qui, en 1996, lors de l'adoption de la Loi sur la justice administrative ont justifié la mise sur pied de bancs de formations multiples sont-ils aujourd'hui disparus, moins de 10 ans après? La Chambre des notaires en doute.» À la page 12, également, M. le Président, du mémoire de la Chambre des notaires, on dit également ceci: «De l'avis de la Chambre des notaires, la comparaison entre la Cour du Québec et la Cour supérieure avec le TAQ ou la Commission des lésions professionnelles est inappropriée.» Le TAQ et la CLP sont des tribunaux administratifs spécialisés, cette spécialité se rattache à sa spécialisation, elle-même rendue possible par la composition multidisciplinaire des bancs des membres décideurs.
Alors, voici, M. le Président, un organisme, la Chambre des notaires du Québec, qui a quand même été... qui est quand même un organisme avant-gardiste au sein de notre profession juridique à travers le Québec, c'est un organisme, la Chambre des notaires, qui est sérieux, c'est un organisme qui est crédible. La Chambre des notaires a été l'instigatrice de plusieurs projets de loi. Elle a été l'instigatrice également de plusieurs grandes réformes juridiques au Québec, que l'on pense au registre des testaments, qu'on pense au registre des mandats. La Chambre des notaires a été une des premières professions juridiques à mettre en oeuvre les grandes technologies de l'information, la signature électronique qu'on retrouve aujourd'hui. Alors, je pense que, avec le mémoire qu'elle nous présente aujourd'hui, c'est sérieux, M. le Président ? qu'elle nous a présenté lors des audiences ? c'est sérieux, et le ministre devrait en tenir compte de façon importante.
J'aimerais également, M. le Président, toujours au sujet de la multidisciplinarité, parler du mémoire de l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec, qui, dans une lettre adressée à l'honorable Marc Bellemare, ministre, le 4 septembre 2003, disait ceci, à la page 2 de la lettre: «Soyons clairs. Le projet de loi n° 4, en abrogeant l'article 33 de la Loi sur la justice administrative, évacue carrément les évaluateurs agréés du Tribunal administratif du Québec. Ce n'est pas rien. À un niveau plus systémique, il remet carrément en question l'exercice multidisciplinaire qui a fait la force de ce Tribunal et porte ainsi préjudice à la qualité des décisions rendues au public par l'administration.
«En outre, ce projet de loi ne tient pas compte d'interfaces administratives et législatives avec la Loi sur la fiscalité municipale dont le ministère responsable n'a peut-être pas été conseillé par vos conseillers. Quoi qu'il en soit, les représentants des grandes villes entendent également vous faire connaître leur désaccord.» Je continue, M. le Président. Le Collège des médecins du Québec, dans son mémoire présenté à la commission des institutions...
Le Président (M. Simard): Excusez-moi, M. le député de Dubuc. M. le député de Shefford a une question de règlement à poser.
M. Brodeur: Oui. J'écoute religieusement le député de Dubuc depuis tantôt. Il nous a parlé des notaires, des évaluateurs, il est au Collège des médecins, mais faut-il lui rappeler que la motion porte sur... pour entendre l'Ordre des psychologues du Québec? Donc, après plusieurs minutes, plus de la moitié de son temps qui lui est imparti, je pense qu'il faudrait peut-être le rappeler à la pertinence.
Le Président (M. Simard): Oui. Voulez-vous plaider, M. le député de Chicoutimi, même si j'étais prêt à décider?
M. Bédard: Alors, O.K. Sur la règle de la pertinence, vous le savez, c'est interprété largement, mais, comme le député de Shefford nous rappelle à l'ordre, alors je compte bien, lors de ses interventions, qu'il respecte cette règle de la pertinence, parce que, vous savez, il y a encore quelques minutes, lorsque nous avons eu l'occasion de l'entendre, malheureusement, il était, dans ses propos... il nous entretenait... Et c'est bien, je pense que c'est correct de sa part ? il sympathise ? de s'en tenir sur le règlement. Mais nous avons quand même accepté de bénéficier finalement de sa grande expertise comme membre de ce Parlement, et je tiens encore une fois à le remercier. Et, comme vous l'avez vu, nous avons quand même été relativement élastiques par rapport à cette notion de pertinence. Et vous l'avez été, vous aussi, parce que j'ai fait cet appel et nous avons maintenu cette règle de la pertinence de notre côté toute la journée, mais vous avez jugé que, dans le cadre de la motion, il était pertinent d'entretenir cette commission du règlement.
Alors, je vous dirais que le député de Dubuc, jusqu'à maintenant, traite spécifiquement des ordres professionnels, entre autres cet Ordre que nous demandons, mais, dans un cadre plus large, l'ensemble des ordres professionnels, qui dans certains cas ont presque dû user de menaces, et c'est, entre autres, l'Ordre des évaluateurs agréés auquel il faisait référence, la lettre dans laquelle... et avec copie conforme, et elle est publique, là, à peu près tout le monde qui demandait incessamment et avec beaucoup, beaucoup de, je vous dirais... en pesant beaucoup, en mettant beaucoup de pression, d'être entendu par cette commission. Pourquoi? Parce qu'on avait refusé tout simplement qu'ils soient entendus par cette commission. Donc, quant à la règle de pertinence, M. le Président...
Mais je conçois en même temps que, quand le député de Shefford commence à écouter nos travaux, il peut parfois, mais en toute bonne foi, dériver quant à son appréciation de la pertinence, et ça, je ne lui en veux pas. Malgré son expérience, vous le savez, ça ne veut pas dire... l'expérience ne peut être assignée à la science infuse, on ne peut pas devenir spécialiste dans un dossier parce qu'on s'assoit à cette table, et c'est là où je fais appel d'ailleurs moi-même à l'humilité, mais il est évident qu'il est mieux placé que vous, et je vous dirais que nous, mais surtout vous qui... M. le Président, quant à la pertinence des sujets qui sont abordés, bien, je l'invite encore une fois, à le faire comme il fait depuis le début: à bien écouter les commentaires que font mes collègues, entre autres le député de Dubuc qui est d'une pertinence, je vous dirais, à toute épreuve, ma collègue la députée de Bourget, qui, vous le savez, a de nombreux dossiers fort chargés mais a tenu, je pense, des lignes et des demandes par rapport à ce projet de loi qui relèvent, eux, d'une grande pertinence.
Mais je tiens d'ailleurs à souligner que le député de Shefford n'avait pas souligné la règle de pertinence lors de la prestation de ma collègue. Alors, je lui demande simplement de se mettre au diapason de cette commission, et on est prêts à lui donner le temps d'écouter attentivement les commentaires de mon collègue, notaire de profession, vous le savez, membre d'un ordre professionnel et qui respecte d'ailleurs ces ordres professionnels. Alors qu'on sait que le ministre est responsable des ordres professionnels, alors on l'invite par la même occasion à faire la même chose, donc, et de traiter de l'ensemble de la problématique qui a animé des consultations. mais aussi, je pense, la poursuite de ce projet de loi. Et donc, oui, entendre... Et c'était dans ce souci d'entendre cet ordre professionnel qui est l'Ordre des psychologues, mais évidemment elle visait un ordre un peu plus large, plutôt dans une vision un peu plus large, soit de faire bénéficier à cette commission de l'ensemble des expertises qui animent ces ordres professionnels.
Alors, M. le Président, quant à la règle de pertinence, j'espère que nous aurons l'occasion et la chance de voir notre collègue continuer son laïus et son intervention sur la pertinence d'entendre à cette commission l'Ordre des psychologues.
Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chicoutimi. Est-ce que le député de Shefford veut poursuivre sur l'argumentation?
M. Brodeur: Oui, nous sommes prêts à entendre votre décision, M. le Président.
n(17 h 10)nLe Président (M. Simard): Vous êtes prêts à entendre ma décision. Alors, comme vous le savez tous... D'abord, je mentionne au député de Shefford que le député de Dubuc n'a utilisé que 10 des 30 minutes à sa disposition; il lui en reste donc 20. Deuxièmement, je pense qu'en parlant de plusieurs ordres professionnels il se dirigeait ? et c'est le discours classique, en entonnoir ? vers, évidemment, l'ordre qu'il vise; troisièmement, il est de tradition, évidemment, que la présidence interprète de façon large et générale cette notion de pertinence, tout en s'assurant constamment que nous soyons pertinents. Et je suis, en terminant, très heureux, mais très, très heureux, d'apprendre que le député de Shefford écoute nos propos religieusement. Merci. M. le député.
M. Brodeur: Il n'y a pas de temps précis, monsieur, si je peux récapituler votre position, M. le Président, ou votre décision, en ce qui concerne l'introduction à nos propos finals, donc il n'y a pas de temps, il n'y a pas de temps précis, ça peut durer 10 minutes, 29 minutes, 29 min 30 s ou ne jamais arriver au sujet.
Le Président (M. Simard): Je ne suis pas sûr de comprendre le sens de vos propos, mais je doute fort qu'ils soient très...
M. Brodeur: Je vais me rendre à votre décision, M. le Président. Nous allons écouter le député de Dubuc.
Le Président (M. Simard): ...pas très éclairants pour la présidence. Mais vous vous rendez à ma décision...
M. Brodeur: Je ne voudrais pas vous éclairer trop longtemps.
Le Président (M. Simard): ...et nous allons religieusement, comme vous... Et c'est une journée pour le faire religieusement, n'est-ce pas, nous avons dans nos murs la présence du cardinal de Québec, le cardinal Ouellet, alors je vais inciter mes collègues... D'ailleurs, c'est ce que nous faisions tous lorsque nous étions ensemble en rhétorique au séminaire de Chicoutimi, lorsque Jacques parlait, nous l'écoutions religieusement. Alors, nous allons maintenant écouter le député de Dubuc religieusement.
M. Côté: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir à l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec, et ça va peut-être répondre à la question du député de Shefford. C'est, lorsqu'ils disent dans leur mémoire qu'«en évacuant des instances décisionnelles les professionnels non juristes ? et ça comprend les psychologues, M. le député ? le projet du ministre remet carrément en question l'exercice multidisciplinaire, qui a fait la force de ce Tribunal, et porte ainsi préjudice à la qualité des décisions rendues au public par l'administration»...
Je reviens au mémoire du Collège des médecins, qui dit, à la page 3 de son mémoire: «En ce sens, nous considérons que le médecin a un rôle prépondérant à jouer au Tribunal administratif du Québec dans l'évaluation des litiges à caractère médical. Il est le professionnel le mieux formé pour pouvoir apprécier à leur juste valeur les opinions émises par ses confrères et en déterminer la cohérence et la pertinence. Cette démarche professionnelle doit conduire à des conclusions logiques et équitables assurant aux citoyens une justice de qualité. Il va donc de la nature même de ce Tribunal de compter des membres spécialisés...»Le Président (M. Simard): Je m'excuse, M. le député de Dubuc, je vais interrompre un instant pour faire un rappel à l'ordre. Il est de tradition de diriger ces travaux de façon la plus informelle possible, de façon à ce que tous les points de vue s'expriment, mais une seule personne à la fois a le droit de s'exprimer ici. Alors, j'aimerais qu'on écoute ? je reprends l'expression du député de Shefford ? religieusement le député de Dubuc et que l'on ne parle pas pendant qu'il intervient. À vous la parole.
M. Côté: Merci, M. le Président. Ça ne les intéresse peut-être pas tellement, mais je pense que nous sommes ici pour défendre les intérêts des citoyens, le bien commun, et je pense que ça vaut la peine de prendre quelques minutes pour écouter ce que les gens qui sont venus en commission avaient à nous dire.
Alors, je reprends, M. le Président. Dans le mémoire des médecins, on nous dit qu'«il va donc de la nature même de ce Tribunal de compter des membres spécialisés qui partagent ensemble toute la responsabilité de la prise de décision». Et ça, ça m'apparaît très important afin que justement ce Tribunal administratif continue d'être un tribunal spécialisé, qu'il ne perde pas la nature, sa nature même qui fait un tribunal original.
J'aimerais également, M. le Président, citer la Conférence des juges administratifs du Québec, qui nous dit, à la page 9 de leur mémoire: «Le degré de déférence que l'ordre judiciaire accorde à un tribunal spécialisé est fonction de son niveau de spécialisation ? spécialisation. La réduction du rôle des spécialistes est susceptible de correspondre à un critère d'intervention moins exigeant.
«En faisant d'une formation comprenant un spécialiste l'exception plutôt que la règle, l'article 1 du projet de loi n° 4 heurte la notion de la spécificité de la justice administrative que le Tribunal administratif du Québec érige en principe depuis cinq ans, confirmé en cela par les tribunaux supérieurs.
«En voulant donner à ces tribunaux administratifs les mêmes caractéristiques que celles des tribunaux de droit commun, la justice administrative se trouve dénaturée. Au lieu d'un tribunal administratif d'appel, on aura un semblant de tribunal judiciaire.» Et je termine la citation de la Conférence des juges administratifs en lisant ceci, ce qu'ils disent à la page 13 de leur mémoire: «Ainsi, les juges administratifs du Tribunal administratif du Québec considèrent essentiel que les auditions de ce Tribunal soient, en règle générale, tenues devant une formation multidisciplinaire.» Alors, voilà, M. le Président, un autre organisme très important qui demande au ministre de maintenir le caractère multidisciplinaire du Tribunal administratif. Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec insiste également en disant, en demandant au ministre que... Ils estiment «qu'un banc de deux personnes constitue un nombre minimum pour assurer une véritable impartialité dans les décisions prises».
Alors, j'ajouterai, M. le Président, que la multidisciplinarité est essentielle notamment dans le cas où le citoyen se représente seul. Il fait face à l'État qui, lui, pourra se permettre d'étayer sa preuve avec plusieurs expertises de spécialisation. Le justiciable pouvait actuellement compter sur le fait qu'il y avait un spécialiste sur le banc qui était en mesure de questionner ces expertises et ainsi permettre de créer un équilibre pour le justiciable. Voilà les effets pervers de ce projet de loi, M. le Président. Cela permet une qualité de jugement et de service. Le Tribunal administratif du Québec est souvent le dernier mécanisme d'appel. Les possibilités sont minces par la suite d'aller en révision judiciaire, car les règles qui permettent un tel recours sont très restrictives.
En ce qui concerne, M. le Président... J'aimerais ici me référer au rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, le rapport dont mon collègue de Chicoutimi et ma collègue de Bourget ont amplement parlé ce matin, et j'aimerais rappeler que le rapport, à la page 86, mentionne ceci: «Outre ces moyens, le Tribunal considère que le fait que plusieurs décisions soient rendues par deux membres constitue un gage de qualité en raison des échanges et de la double vérification que cela suppose.» À la page 93 dudit rapport, M. le Président, encore là, selon le Tribunal, «la réduction des formations à un seul membre pour entendre les demandes et en décider n'est pas un moyen à privilégier».
Alors, je pense que, M. le Président, la multidisciplinarité, elle vient même nous être recommandée par les gens qui ont préparé ce rapport sur la justice administrative. Comment se fait-il que le ministre nous présente un projet de loi qui va à l'encontre de ce rapport? Et c'est ça qui est incompréhensible. Est-ce que le ministre est le seul qui a raison, est-ce que c'est lui qui a décidé seul de ce projet de loi, alors que tous les organismes, la plupart de tous les organismes, toutes les personnes qui se sont présentées demandent au ministre de conserver ce caractère de spécialité, ce caractère particulier qui est accolé au TAQ?
M. le Président, j'aimerais également continuer avec le rapport sur la mise en force de la justice administrative et vous lire le paragraphe suivant: «Enfin, le respect et la promotion de la spécificité de la justice administrative peuvent exiger de la part du Tribunal des interventions visant à faire en sorte que les membres participent à l'élaboration d'orientations qui la favorisent, notamment quant aux méthodes utilisées par les membres pour exercer certaines fonctions. La justice administrative doit être multidisciplinaire et le Tribunal doit se faire le porteur de cette caractéristique. Il doit le faire non seulement dans la composition des formations chargées d'entendre et de décider d'une affaire, mais aussi dans ses approches, de manière à développer une culture qui lui soit propre et le distingue des tribunaux de l'ordre judiciaire.
M. le Président, je ne sais pas combien il me reste de minutes.
n(17 h 20)nUne voix: Consentement, il n'y a pas de problème.
M. Côté: Oui? J'aimerais, M. le Président, parler ici de...
Une voix: Au plus 10 minutes.
M. Côté: J'aimerais ici parler de la majorité des intervenants, qui nous ont indiqué que le projet de loi n'aura aucun effet sur la réduction des délais. Parce que le ministre, au début de son projet de loi, dans ses remarques préliminaires, avait dit qu'il présentait ce projet de loi d'abord pour réduire les délais.
Par contre, dans son mémoire au Conseil des ministres, il dit que c'est pour les réduire... la solution, c'est pour réduire les délais, mais c'est aussi pour réduire les coûts. Alors, je pense que c'est important, en ce qui concerne les délais, de trouver ensemble des solutions. Je sais qu'il y en a, des solutions. C'est évident que le Tribunal administratif, lors de sa création, a hérité de plus de 22 600 causes, dossiers. Alors, il faut que ces dossiers-là soient réglés. J'en ai parlé ce matin, on me dit que ça va bien. Alors, je pense qu'il faut regarder l'avenir de façon positive.
Encore là, M. le Président, en ce qui concerne les délais, la Chambre des notaires du Québec, dans son mémoire, aux pages 12 et 13, nous dit ceci, c'est que «le remède suggéré par le projet de loi ne semble pas coller à la réalité des problèmes identifiés qui retardent le traitement des dossiers, à en croire la lecture des différents rapports[...]. Le rapport du Vérificateur général de 2001 pointe à titre d'élément de ralentissement [...] la non-disponibilité des requérants.» Le rapport annuel 2001-2002 du TAQ fait également état de diverses problématiques et de solutions administratives envisagées: la conciliation, les développements de systèmes informatisés, la diminution des remises, etc.
À la page 14, la Chambre nous réitère que «les conditions de réalisation des objectifs en matière de qualité, de célérité et d'accessibilité ne dépendent pas toutes du Tribunal. La multiplication du nombre de juges pouvant entendre les causes ne saurait résoudre les problèmes identifiés qui retardent le traitement des dossiers».
M. le Président, je poursuis avec le Collège des médecins, qui dit également: «Le Collège des médecins du Québec partage ces objectifs spécifiques ? augmenter la célérité, la qualité, l'accessibilité ? et s'interroge sur les moyens à prendre pour améliorer l'efficacité et la productivité, tout en maintenant un haut niveau de qualité. Le fait de faire entendre la grande majorité des causes par un seul membre n'accélérera pas le processus de façon significative, puisque le membre devra rédiger lui-même toutes les décisions, en plus de devoir procéder aux consultations et aux recherches requises pour clarifier certains aspects plus spécialisés de certains dossiers. Considérant les délais importants, la lourdeur procédurale du droit commun, vouloir se rapprocher de cette procédure ne nous semble pas une avenue propice à l'atteinte des objectifs visés.» Alors, voilà, M. le Président, des remarques importantes, des remarques lourdes de sens qui nous ont été produites par différents intervenants. J'espère que le ministre va réfléchir encore davantage sur ces remarques. J'espère que le ministre va relire les mémoires qui lui ont été déposés. Je pense qu'il a intérêt à le faire, parce que sa réforme doit s'inscrire dans le cadre d'une réforme globale, il l'a dit lui-même. Et là il nous arrive avec une réforme partielle ? mon collègue a parlé de réformette ? alors je pense qu'il doit le faire de façon plus globale. Et, s'il le fait, s'il décide de le faire, s'il décide d'écouter l'opposition, je peux lui assurer notre entière collaboration, parce que, s'il le fait, il le fera dans l'intérêt commun, dans l'intérêt de tous les citoyens et les citoyennes du Québec, et nous en serons à ce moment-là satisfaits autant que lui et nous pourrons ensemble travailler sur le dossier. Merci, M. le Président.
M. Brodeur: M. le Président, avec le consentement, il pourrait peut-être conclure sur les psychologues. Donc, nous, de notre côté, on ne voit pas d'objection à lui donner un cinq minutes supplémentaire.
Le Président (M. Simard): Il a toujours sept minutes à sa disposition, qu'il ne pourra utiliser que... au moment où il le souhaitera.
M. Brodeur: Ah! O.K.
Des voix: ...
Le Président (M. Simard): Alors, nous allons maintenant écouter une autre intervention. Mme la députée de Bourget désire intervenir sur cette motion qui vise, en vertu de l'article 244, à faire entendre l'Ordre des psychologues du Québec. Nous vous écoutons, Mme la députée de Bourget.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. J'avais l'intention d'utiliser le temps qui m'est attribué pour plaider à nouveau sur l'importance du caractère multidisciplinaire de notre justice administrative. Le député de Dubuc l'a fait de manière très éloquente, et, considérant que nos collègues d'en face visiblement ne comprennent pas le sens d'une motion que nous avons déposée depuis le début de la matinée, je voudrais me permettre, M. le Président, de rappeler ce pour quoi l'opposition officielle s'est engagée dans le dépôt de ces motions-là. D'autant plus que le député de Shefford semble archi-intéressé par le déroulement de nos travaux. Alors, je lui permettrai de faire du rattrapage en quelques minutes.
M. le Président, ce que nous essayons de dire et ce que nous essayons surtout ? je crois que notre propos est clair ? ce que nous essayons de faire comprendre au ministre et au gouvernement, c'est que le processus dans lequel le ministre lui-même s'est engagé, a engagé son propre ministère, son propre gouvernement et cette commission parlementaire, est un processus qui est vicié, qui est malsain, qui est tout sauf rigoureux.
M. le Président, le ministre a déposé un projet de loi qui a pour objet d'amender la Loi sur la justice administrative. Qu'aurait-il dû faire? Considérant que cette loi a subi et a vécu ? passez-moi l'expression ? des amendements extrêmement importants en 1996 et que l'ensemble de cette réforme, suite aux amendements apportés à la Loi sur la justice administrative, a été mise en oeuvre au début... au cours de l'année 1998, considérant que nous avons une organisation, quant à la justice administrative, qui est jeune, qui a à peu près cinq ans d'existence, le ministre aurait dû faire preuve de rigueur. Et d'abord parce que le député de Shefford s'est demandé qu'est-ce qu'on faisait ici cet après-midi et nous a surtout invités à faire des suggestions constructives, bien, je vais vous en faire une, suggestion constructive: le ministre a en main un rapport qui s'appelle le Rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, rapport qui a été déposé, complété au printemps 2003 ? en mars 2003 ? déposé en juin 2003, qui comporte au moins 145 pages, de multiples annexes et qui constitue un regard fouillé, documenté sur la mise en oeuvre de cette réforme concernant la justice administrative. Alors là il aurait dû, comme je le soulignais ce matin, mettre la... poser les bons gestes au bon moment et, dans ce cas-ci, il aurait dû s'appuyer sur quelque chose.
Mais non, M. le Président, ce n'est pas ce que le ministre a fait. Le ministre a déposé un projet de loi qui est assez réduit en termes de nombre d'articles qui sont mis sur la table et il a... Vous savez, j'ai relu, M. le Président, la partie accessible au public du mémoire du Conseil des ministres. J'espère que la partie non accessible est un peu plus consistante, parce que je vous jure, là, que, à la lecture de ce document-là, ce n'est pas tellement rassurant. La partie accessible au public, c'est quatre pages ? en fait, je devrais dire trois pages et demie ? sous la forme de 81/2 X 14, qui comporte une longue description de la composition actuelle du Tribunal administratif du Québec et qui finit par dire, et je cite: «Il y aurait lieu de remplacer les règles actuelles et d'établir que les recours portés devant le TAQ soient instruits et décidés par un membre seul.» Zéro argument. Appuyé sur quoi? On ne le sait pas.
n(17 h 30)n Alors, on a l'impression, comme je le disais ce matin, que le ministre avait trois, quatre petites lubies avant d'entrer en politique. Il les a mises dans un chapeau et a tiré au sort lesquelles il mettrait le plus vite de l'avant dans un projet de loi. Là, on ne va pas gérer comme ça. Et, venant d'un ministre de la Justice, c'est encore plus déplorable, parce qu'il me semble qu'on pourrait s'attendre à ce qu'un ministre de la Justice rencontre des standards de rigueur encore plus élevés que ce qu'on peut même attendre d'autres membres du gouvernement. Alors, c'est ça qu'on essaie de dire et de faire réaliser et admettre par les membres ministériels de cette commission: nous voulons essayer de rattraper ce processus. Et, lorsque nous avons déposé une motion au sujet du fait que nous voulions entendre le Conseil interprofessionnel du Québec, la Protectrice du citoyen, la Vérificatrice générale du Québec, le président du Tribunal administratif, les personnes du ministère de la Justice qui ont piloté les travaux de recherche, qui ont rédigé ce rapport de mise en oeuvre sur la loi administrative, M. le Président, ce n'est pas un caprice puis ce n'est pas juste pour faire du temps. Ce qu'on est en train de dire, c'est que ça n'a pas de bons sens d'amender à la pièce, alors que ce n'est absolument pas documenté, ce n'est absolument pas soutenu, la Loi sur la justice administrative.
Et on dit: On peut-u entendre des gens? On peut-u entendre des experts, pas juste des experts qui regardent ça de haut, des gens qui ont des pratiques quant à la justice administrative? C'est ça qu'on essaie de faire comprendre. La Vérificatrice générale a exercé un mandat d'examen au sujet de la réforme administrative il y a quelques années. Il y aurait eu des choses intéressantes à tirer de ce rapport de la Vérificatrice générale. Le Conseil interprofessionnel du Québec, qui réunit l'ensemble des professions du Québec, aurait eu des choses à nous dire sur cette question-là du caractère multidisciplinaire de notre justice et des processus de justice administrative.
Alors, le ministre a tiré du chapeau ces amendements. On ne sait pas d'où ça vient. Ce n'est pas sérieux, ça manque de rigueur, ce n'est pas documenté. Et il nous demande d'embarquer là-dedans les yeux fermés. Je ne crois pas que ce soit acceptable, et, en ce sens, la motion de mon collègue de Dubuc, elle est tout à fait justifiée, parce qu'elle va dans le sens d'essayer d'entendre et d'être alimentés par des propos, entre autres les organismes professionnels. L'Ordre des psychologues est un exemple, les travailleurs sociaux également, et bien d'autres.
Alors, M. le Président, c'est ça. C'est ça, le sens de nos travaux cet après-midi. Le député de Shefford est arrivé, a voulu participer activement à nos travaux. Je l'invite à le faire. Le plus beau geste qu'il pourrait poser, c'est de dire à son collègue ministre de la Justice: Ça ne marche pas. Et, quand, nous, nous étions à l'opposition, si le parti au pouvoir avait osé faire ça, on aurait fait exactement ce qu'ils sont en train de faire. C'est sur le fond dont on vous parle cet après-midi, M. le Président. On n'est pas dans la fioriture, on vous parle du fond. On dit: Peut-être que, oui, il y aurait des amendements qui mériteraient d'être examinés, mais, pour pouvoir évaluer ça, on peut-u s'engager dans un vrai processus, baser nos travaux sur ce rapport de mise en oeuvre, construire à partir des acquis qui ont été décrits, des éléments de faiblesse aussi qui ont été décrits par ce rapport de mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative? On peut-u entendre les gens pour faire en sorte que les choix qui sont posés par le ministre et par le législateur, par l'Assemblée nationale, par cette commission parlementaire soient pertinents, soient judicieux? Pas une partie de pêche, pour l'amour du ciel, M. le Président!
Et, d'ailleurs, je constate que dans son projet initial le ministre s'était même aventuré à vouloir inclure, et on le voit dans ses documents préliminaires, inclure dans ce projet d'amendement sur la Loi sur la justice administrative des éléments au sujet du «no fault», dont il n'a pas la juridiction. Ce n'est pas le ministre de la Justice qui a la responsabilité de ces lois-là. Il faut quand même le faire! Il a eu la main heureuse lorsqu'il est allé piger dans son chapeau, à savoir: Quels éléments qui font partie de mes lubies que je pourrais réaliser dans les premières semaines de mon mandat? C'est une vraie folie, M. le Président.
Ce qu'on essaie de faire ici, du côté de l'opposition, c'est de faire comprendre que lorsqu'on pose des gestes comme ceux-là, comme déposer un projet de loi, ce sont des gestes sérieux, qui demandent de la rigueur. Et voilà l'appel qu'on lance aux membres du parti au pouvoir. Il nous faut entendre des gens, il faut reprendre ça du début, correctement. Il faut être capables de parler aux gens qui ont fait ce rapport de mise en oeuvre. Il faut être capables de creuser, de bien comprendre, de bien analyser l'information qu'ils ont... qui est à notre disposition dans ce rapport. Il faut être capables d'entendre et de discuter, de dialoguer avec des experts, des praticiens, puis après, on prendra des décisions judicieuses et pertinentes quant à l'amélioration de nos mécanismes de justice administrative. Voilà, M. le Président, ce sur quoi je voulais sensibiliser les membres, et particulièrement le député de Shefford, dans la période qui m'était attribuée.
Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville, puisque la députée de Bourget a terminé son temps de parole, je vous écoute.
M. Moreau: Oui, je demanderais à la députée de Bourget si je pourrais lui poser une question en vertu de l'article 213 du règlement, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous acceptez, Mme la députée de Bourget, qu'on vous pose une question en vertu de 213, ou déclinez-vous cette demande?
Mme Lemieux: Même si c'est si gentiment demandé, je décline cette offre.
Le Président (M. Simard): Alors, voilà, l'invitation a été lancée. Alors, qui... est-ce que... Je me tourne vers ma droite, et je regarde, et je demande s'il y a des gens qui désirent intervenir à ce moment-ci. Alors... Donc, je reviens du côté de l'opposition et je reconnais à ce moment-ci le député de Chicoutimi sur cette motion.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi... Je sais que ça peut paraître opportuniste de souligner lorsque quelqu'un du même parti fait des interventions bien senties. Vous avez là, je pense, au cours des 30 dernières minutes, deux exemples, je vous dirais, éloquents quant à nos prétentions, et c'est évidemment les interventions du député de Dubuc et de la députée de Bourget, qui n'avait que 10 minutes, parce que, je dois le dire, elle a peut-être un peu plus de mérite, parce que, en 10 minutes, c'est plus dur ramasser ses idées qu'en 30. Moi, j'aurai 30 minutes, peut-être que nous aurons l'occasion, monsieur... Mais vous avez... Je tiens aussi à souligner au député de Marguerite-D'Youville qu'il a aussi un temps de parole, et il peut l'utiliser selon ce que bon lui semble, et ça nous fera plaisir d'entendre ses commentaires.
Alors, vous avez vu ce qui guide l'opposition, M. le Président, et je ne saurais mieux dire que ma collègue de Bourget, à la rigueur. Et le travail que nous faisons aujourd'hui est animé pas d'intérêts partisans, je le dis et je le répète, mais simplement du souci de bien faire notre travail. Et, dans ce cas-ci, je peux vous dire, M. le Président, que je n'ai aucun doute, aucune réserve quant à la finalité et, je vous dirais, à l'à-propos des mesures que nous prenons pour faire entendre raison au ministre.
Parce que, à travers les moyens que nous prenons, nous souhaitons que des intervenants dans les différents ministères, qui ne souhaitent pas consulter, qui souhaitent aviser, mais aussi dans l'ensemble de notre société civile interviennent auprès du cabinet et auprès du ministre pour lui faire entendre raison, vous savez. Parce qu'il est très dur, malheureusement, de prendre contact, tellement que lors des auditions... Et mon collègue de Dubuc... Je partais d'ailleurs pour souligner la difficulté qu'a eue l'Ordre des évaluateurs agréés à se faire entendre à cette commission. Et je vais vous rappeler... première fois que je voyais ça, moi, en cinq ans, là. Vous avez plus d'expérience que moi, M. le Président, mais j'ai rarement vu, là, en plus à l'arrivée d'un gouvernement où on se prétend, là, ouvert... faire l'objet, je vous dirais, d'une telle remontrance par un ordre professionnel, qui n'a rien à gagner et qui, à ce que j'ai vu...
Parce que je n'ai pas pris connaissance de l'ensemble des amendements au petit projet de loi, et ce que j'ai compris, c'est qu'une des représentations qui avaient été faites a été écoutée. Or, ces gens-là demandaient à être entendus, et le ministre refusait. Tellement qu'ils ont écrit à cette commission avec copies conformes à Jean-Marc Fournier, au député, finalement, au ministre des Affaires municipales, au leader parlementaire de l'opposition, au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'ordres professionnels, évidemment à moi-même, aussi au porte-parole en matière d'affaires municipales, au président de l'Office des professions ainsi qu'au président du Conseil interprofessionnel du Québec, où ils mentionnaient que, malheureusement, là, le cabinet «n'avait pas saisi les enjeux de cette réforme pour notre profession et le public, ce qui peut se comprendre. Malheureusement, nous n'avons pas senti d'ouverture à écouter ce que nous avions à dire sur le sujet.» Et c'est l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec qui parle, là: «Ce qui est plus préoccupant, je comprends qu'à titre de ministre de la Justice, procureur et nouvellement Procureur général des notaires le Barreau et la Chambre des notaires soient des partenaires privilégiés pour vous. Mais je vous rappellerai, M. le ministre, que vous êtes également le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, une responsabilité qui suppose, à notre avis, que vous devriez vous préoccuper de l'impact de projets de loi sur des professions dont vous avez la responsabilité.» Et, sans vouloir répéter ce qu'a dit mon collègue, vous savez, les commentaires ont été très durs, là. Et on finit par dire: «Nous voulons bien mettre sur le compte de l'inexpérience la décision de votre personnel politique, mais persister dans cette voie relèverait du mépris.»n(17 h 40)n Du mépris. Et je peux vous dire qu'ils n'ont pas été les seuls à être méprisés. Qui a été méprisé? La Commission des services juridiques, M. le Président, l'Ordre des travailleurs sociaux, c'est après âpres négociations que nous avons réussi à les entendre. C'est inacceptable que, à cette commission, on ait de la difficulté à entendre des groupes qui n'ont rien de partisans, qui représentent des ordres professionnels. J'ai vécu ça à cette commission après avoir donné mon accord pour aller de l'avant avec ce projet de loi et être le plus objectif possible. Alors, est-ce que vous pensez... Même le Collège des médecins a eu de la misère à se faire entendre ici, dans une commission parlementaire sur un projet de loi sur la justice administrative. Je trouve ça ridicule, M. le Président. Ridicule. Méprisant pour le Parlement et méprisant pour ces groupes. Et c'est pour ça...
Et si, en plus, le ministre, il avait une once de... un bon côté à travers ce projet de loi... À part l'article sur la mise en vigueur, tout est à jeter à la poubelle. Puis, je vous dis, la mise en vigueur, évidemment, s'il n'y a rien dans le projet de loi, vous comprendrez que l'article sur la mise en vigueur n'a pas une très grande portée. Alors... et regardez si ce n'est que... Je vais vous donner un exemple, mais par la suite je donnerai des suggestions à mon collègue le député de Shefford, ce qui aurait dû guider plutôt l'intervention du ministre de la Justice s'il était animé.
Il est de notre intérêt M. le Président, d'entendre ces différents groupes, et vous le savez, parce que tant l'Ordre des psychologues que les autres vont venir nous dire ce que le ministre a refusé d'entendre lors de consultations, je vous dirais, personnelles. Parce que, évidemment, lorsqu'un ministre prépare un projet de loi, normalement il appelle deux, trois personnes, M. le Président, ce n'est pas, là... J'imagine, un projet de loi de cette nature-là n'est pas décidé, là, à deux autour d'une table: on s'en va à gauche, ah! à droite plutôt, puis on part, go! là. Non. Des projets de loi qui touchent la justice administrative, normalement, sont décidés après moult consultations d'ordre privé, qui par la suite aboutissent à des consultations d'ordre particulier ou général devant l'Assemblée, et c'est ce qui est normal. Mais, dans ce cas-ci, il semble que ça n'a pas été le cas, et c'est bien malheureux.
Alors, pour revenir, M. le Président, à... le ministre a pris le mauvais chemin à plusieurs égards. Il est allé d'affirmations qui, malheureusement, à la lecture même du rapport sur la justice administrative, ont été totalement mises de côté. Exemple, vous retrouvez, au niveau... à la page 95, les délais quant à la transmission des dossiers. Et là je fais une suggestion à mon collègue le député de Shefford. Si le ministre avait vraiment voulu agir sur les délais, il aurait lu le rapport sur la justice administrative, à la page 95, il aurait constaté qu'il y avait... que, dans les délais qui originent des décisions du Tribunal, une... et plusieurs ne relèvent aucunement de leur administration du Tribunal, entre autres la transmission des dossiers.
Parce que, vous savez, avant que le Tribunal prenne une décision, ou soit même, je vous dirais, sensibilisé, ou qu'il y ait une demande officielle, il y a des décisions d'instance administrative en première instance, je vous dirais, et en révision. Et, par la suite, les dossiers, lorsque le citoyen fait appel de ces décisions, comme il a le droit devant le Tribunal, les dossiers doivent être transmis devant le Tribunal administratif par l'ordre qui a rendu décision, qui originent de différents ministères. Or, il appert du rapport que, dans l'extrême majorité des cas, ces dossiers ne sont pas transmis selon les délais. Et là regardez, là, page 95, sécurité du revenu, 91,5 % des dossiers ne sont pas transmis dans les délais prévus par la loi, qui est 30 jours. Dans le domaine de l'assurance automobile, 98,2 % des dossiers ne sont pas transmis dans le délai qui est prévu; la Régie des rentes, 98,9 %, M. le Président; les autres, 71,7 %; affaires sociales, 92,6 %; et il y en a d'autres qui varient entre 40,6 % et 69,1 %.
Écoutez, M. le Président, quand on lit ça, là... Et vous comprendrez qu'à la suite des recommandations on fait état: pourriez-vous, s'il vous plaît, rappeler à l'ordre les différents ministères? Est-ce qu'ils peuvent transmettre ces dossiers comme il est prévu dans la loi? Eh non! Le ministre, non, aucune directive n'est menée du ministère. Il n'apparaît aucun... on ne fait état... On n'a pas fait de conférence de presse. Je ne me souviens pas d'avoir entendu une conférence de presse qui indiquait un quelconque ordre par rapport à cet aspect du dossier. Et donc, en voici une, proposition à M. le député d'Orford, M. le Président.
Aussi, lorsqu'on lit le rapport, dans certains délais, bien qu'ils diminuent en général et que...
Une voix: ...
M. Bédard: ...Shefford, pas d'Orford, pardon, M. le député de Shefford. C'est un coin qui est magnifique d'ailleurs, je vais souvent passer mes vacances dans le coin et j'adore.
Une voix: Ou à Harvard.
M. Bédard: Non. Ah! non, ça, c'est le premier ministre qui va à Harvard, vous savez, qui va se faire former à Harvard. Mais...
Une voix: Oxford.
M. Bédard: Non, c'était à Harvard, je pense. Donc, dans les autres... M. le Président, dans les autres mesures ou, plutôt, explications qui s'y trouvaient, en termes de délais, il existait, entre autres, les remises par les avocats. Lorsqu'il a des experts, la plupart des remises ont été faites souvent... Et c'est ce qui est expliqué, dans le cadre de gens, de citoyens qui sont représentés, ou parfois non représentés, qui demandent un délai pour trouver un avocat ou un représentant où, même, dans le cas où les gens sont représentés par avocat, ils ont une preuve par expert à faire.
Vous savez, le ministre a pratiqué là-dedans, et je suis convaincu qu'il a eu l'occasion, et il l'a fait sûrement à de nombreuses reprises, de demander des délais quant à la préparation de sa cause. Et est-ce que quelqu'un va lui faire reproche aujourd'hui d'avoir demandé des délais? Mais personne, M. le Président. Mais est-ce qu'on va maintenant imputer au Tribunal administratif la responsabilité des délais augmentés demandés par ceux qui plaident devant lui? Bien non. On n'ira pas jusque-là. Bien, c'est ce que fait le ministre. Alors, ça n'a pas de bon sens. Donc, transmission des dossiers, tout le dossier de la conciliation. Et j'aurai l'occasion un peu plus tard de vous faire état de l'ensemble des recommandations. Je vais les dire, je vais vraiment le citer au livre, au député de Shefford. Alors... Et il va voir qu'il y a des recommandations très précises quant à la mise au rôle, la conciliation, pour encore améliorer un peu plus ce fonctionnement du Tribunal.
Et, quand je vous dis qu'il n'y a rien de bon dans ce projet de loi, on inclut dans le... Et ça, c'est encore plus grave, on inclut... on change le critère de l'utilité par le critère de la nécessité. Plusieurs experts dans le domaine nous ont mis en garde pour cet amendement parce qu'il aurait pour effet... il pourrait avoir pour effet, s'il était adopté, d'invalider la loi actuelle. Et pourquoi? Parce que de cette façon le Procureur général et le ministre de la Justice interférerait, dans le cadre du projet de loi, à une règle sacro-sainte de notre système judiciaire et... de notre Constitution, plutôt, qui est l'indépendance judiciaire, reconnue, comme vous le savez, à l'article 23 de la Charte des droits et libertés, où toute personne évidemment a droit à une justice, à un tribunal indépendant.
Mais ça ne veut pas dire, par contre, M. le Président, sans dire ça à la blague, ça ne veut pas dire que toute personne a droit à un tribunal. Parce que j'ai déjà entendu quelqu'un plaider que toute personne a droit à un tribunal, et c'était d'ailleurs la ministre actuelle de l'Agriculture. On est allé jusqu'en Cour d'appel pour se faire dire: Non, ça ne veut pas dire que dans tous les cas les gens ont droit à un tribunal. Ça ne veut pas dire ça. Mais, dans le cas où les gens ont droit à un tribunal, ils ont droit effectivement à un tribunal qui est indépendant, et ce qui est bien différent, parce qu'il faut lire la phrase dans son entier.
Alors, ce projet de loi qui garantit... pas ce projet de loi, cet article de la Charte, mais aussi dans notre Constitution, qui garantit l'indépendance judiciaire, par le biais du projet de loi, qui... Autrement dit, dans la façon qu'a à déterminer... le président du Tribunal a à déterminer les membres qui composeront le Tribunal, eh bien, le projet de loi a pour effet donc d'interférer au niveau administratif. Et ça, M. le Président, c'est grave et ça contreviendrait, selon ce que nous a même écrit le Barreau, à cette règle de l'indépendance judiciaire. Et, je vous dirais même, la Conférence émet des réserves par rapport à cet ajout, à ce changement de critère. Alors... Et je souhaite que le ministre repense à cet aspect du projet de loi, qui est simple mais qui aurait des conséquences funestes sur évidemment le projet de loi, mais, je vous dirais aussi, sur les causes qui sont traitées devant le Tribunal. Alors, j'invite à la prudence requise.
Un peu plus tôt, M. le Président, dans un ordre juridique, j'ai aussi eu l'occasion... dans une question, plutôt, d'ordre juridique, de citer certains... de faire référence, plutôt, à des extraits de la Cour d'appel en matière de l'appréciation du caractère administratif du Tribunal. Et mon collègue le député de Dubuc a rappelé, avec beaucoup d'à-propos, l'obligation de maintenir cette multidisciplinarité du Tribunal, pour des raisons évidemment... de faire en sorte que la justice soit d'aussi bonne qualité, sinon de meilleure qualité, mais aussi, et c'est ce que nous ont fait part plusieurs juristes dans le domaine... Ce n'est pas moi qui le prétends, mais plusieurs juristes, y incluant, encore une fois, la Conférence des juges administratifs, à qui j'ai posé la question pour bien en être sûr.
n(17 h 50)n Et je vous réfère au paragraphe de la Cour d'appel, M. le Président, qui traitait de cette question relative à l'indépendance judiciaire et de l'appréciation des règles guidant le Tribunal quant à, je vous dirais, son intervention en matière d'erreur manifestement déraisonnable, autrement dit, de vérifier si le Tribunal était vraiment spécialisé et si la clause privative s'appliquait dans son intégralité, comme il est prévu dans les décisions de la Cour suprême, telle Control Data data, et la suite.
Alors, je vous réfère aux paragraphes 150 et suivants de la décision du Tribunal, M. le Président, qui se lit comme suit: «Selon le premier juge, le fait que le TAQ soit chargé de recours variés qui tirent leur origine de plusieurs lois et que ses membres puissent être temporairement permutés d'une section à une autre sont autant d'éléments "susceptibles d'apporter des munitions à ceux qui doutent du caractère réellement spécialisé d'un tel tribunal". Ici encore, une mise au point s'impose.» M. le Président, alors c'est ce que dit la Cour d'appel: «D'une part, si on examine chacune des sections isolément, il n'y a pas de doute que les trois premières [...] sont spécialisées.» Et là il explique pourquoi... la Cour d'appel explique, plutôt, pourquoi: «La composition même des formations qui y entendent les recours, particulièrement dans les deux premières sections, le démontre bien: on y trouve des membres ayant la qualité de médecins, psychiatres, travailleurs sociaux ou évaluateurs agréés.» La seule, donc... Et la seule section qui pose questionnement était celle des affaires économiques, dont... seulement à la composition du Tribunal, la Cour d'appel a décidé que le TAQ devait bénéficier de cette règle, de sa clause privative pleinement, et donc que ses décisions n'étaient pas attaquables sinon qu'en cas d'erreur manifestement déraisonnable.
Or, la modification du Tribunal comme le veut actuellement le ministre, plusieurs juristes, la Commission des services juridiques, mais bien d'autres, et même Me France Houle, professeure en droit administratif à l'Université de Montréal, sont venus nous dire: Modifier ce cadre, modifier la composition aurait peut-être pour effet, M. le Président, dans l'appréciation des cours supérieures, aurait peut-être pour effet de modifier ce critère de l'erreur manifestement déraisonnable et de le faire passer à un critère beaucoup moindre. Autrement dit, quand un simple justiciable qui, lui, va passer entre six et 12, 15 mois devant le Tribunal pour avoir, obtenir justice, et lorsque l'administration ne serait pas satisfaite de ces décisions... pourrait à ce moment-là prétendre que cette décision maintenant doit être révisée par la Cour supérieure et que, même si cette Cour... et même si le Tribunal s'est trompé, que cette décision serait maintenant attaquable parce que le critère n'est plus l'erreur manifestement déraisonnable mais la rectitude de la décision. Et comment? En prenant tout simplement, je vous dirais, argument de la décision de la Cour d'appel et de l'ensemble de la jurisprudence en matière de tribunal administratif, où, lorsqu'on ne reconnaît pas le caractère spécialisé d'un tribunal, eh bien, ses décisions peuvent être changées par une décision... un tribunal de droit commun pour d'autres motifs, et ça, ce serait catastrophique, M. le Président, pour le simple justiciable.
Qu'est-ce que ça veut dire? C'est qu'en plus, pour le justiciable, de ne pas pouvoir se payer d'avocat à l'étape du Tribunal administratif, bien là il se retrouverait devant la Cour supérieure, la Cour d'appel et peut-être même devant la Cour suprême pour aller plaider son dossier de Régie des rentes du Québec, d'assurance automobile ou de seul Dieu sait quoi! Est-ce qu'on souhaite cela à nos justiciables du Québec? Est-ce qu'on souhaite qu'ils dépensent, je vous dirais, à qui mieux mieux tous leurs avoirs pour se voir faire... voir une décision reconnue en matière de Régie des rentes, qui n'équivaudrait même pas, même à leur mort, l'ensemble des dépenses qu'ils vont justifier en termes d'avocats et d'experts?
Vous savez, il en va même, je vous dirais, de cette volonté gouvernementale, qui ne date pas de nous, M. le Président, qui date des libéraux, qui souhaitait voir apparaître ces tribunaux administratifs. Pourquoi? Parce que ces tribunaux sont plus simples en termes de procédure, moins coûteux, plus accessibles aux citoyens. Et contrevenir à cette règle aurait pour effet justement de mettre en péril ce caractère spécialisé et même la clause privative, donc coûterait beaucoup plus cher et les gens auraient une justice de moins grande qualité.
Et je vais vous dire, en terminant... Il me reste peu de temps, M. le Président, quelques minutes, oui, je vais le prendre au complet évidemment, parce qu'on fait oeuvre utile. Et là le ministre m'écoute, j'en suis bien content, peut-être que nous n'aurons pas perdu notre temps aujourd'hui. Parce que j'ai vu lire le ministre, et il a lu...
Une voix: ...
M. Bédard: Non, non, j'aurai l'occasion de manger, mais c'est bien sympathique de sa part. Je l'ai vu lire aujourd'hui, M. le Président. Peut-être, peut-être a-t-il pris l'occasion des travaux de notre commission pour lire ce rapport sur la justice administrative, et je le souhaite ardemment. C'est un gros bouquin, peut-être c'est un mémoire du Conseil des ministres, je ne le sais pas, mais je souhaite ardemment que le ministre ait pris le temps, au moins pendant notre commission, de lire...
Une voix: ...
M. Bédard: Oui, le ministre dit qu'il est prêt. Il est prêt à quoi? Et c'est ça qui nous inquiète, M. le Président. Il est prêt à quoi? Il est prêt à ne pas entendre ceux qui ont fait le rapport sur la justice administrative, les fonctionnaires du ministère, Me Louis Borgeat, Me Patrice Garant, la Commission des services juridiques, l'Ordre des évaluateurs agréés, les travailleurs sociaux, le Collège des médecins? Alors, il est prêt à quoi? Il est prêt à entendre sa propre voix intérieure? À se comporter comme un prince? À déterminer que lui-même a ce monopole de la vérité? Bien, moi, je dis: Assez, là. M. le ministre, là, ce dossier n'est pas de nature partisane, réveillons-nous et prenons le temps, comme le disait ma collègue ? je pense qu'elle a siégé, vous le savez, longtemps au Conseil des ministres: Agir avec rigueur.
Ce processus, et elle le dit, je ne pourrais pas... je ne peux que citer ses paroles, «a été vicié à la base». Et comment? Tout simplement en mettant à la poubelle un rapport qui datait de juin 2003 et qui traitait pendant 150 pages de la justice administrative. Eh bien, ce rapport n'a même pas été pris en compte ni lu, et on n'a même pas permis à cette commission de s'y référer. Et, si on avait voulu vraiment agir en toute transparence, on aurait commencé par, comme le disait mon collègue... plutôt, ma collègue, faire entendre ceux qui ont rédigé le rapport pour que nous, membres de cette commission, ayons l'avantage de bénéficier de cette expertise que refuse le ministre.
Le ministre, lui, c'est des gens de son ministère, et il dit aux gens de son ministère: Écoutez, moi, là, je ne... ça ne m'intéresse pas. Bien, moi, je dis aujourd'hui au ministre: Moi, ça m'intéresse. Moi, comme membre de cette commission, comme avocat aussi, je vous dirais, mais aussi comme personne qui a eu à plaider devant ces tribunaux-là, moi, c'est une question qui m'intéresse. Et ces gens-là qui ont une expertise même beaucoup plus grande que la mienne... et je le dis en toute humilité, humilité dont ne fait pas preuve le ministre, malheureusement, eh bien, ces gens-là ont une expertise beaucoup plus poussée que la mienne. Et le ministre ferait oeuvre utile, qui affecterait le Parlement et nos institutions, en écoutant les gens qui ont rédigé ce rapport, ou au moins honorerait le travail qu'ils ont fait, et les 77 ministères et organismes, de tout simplement donner suite à ce qui est mentionné dans ce rapport et au travail colossal qu'ils ont réalisé. Alors...
Le Président (M. Simard): Je remercie le député de Chicoutimi. Je pense que...
M. Bédard: Vous me permettez simplement en terminant, M. le Président, de souhaiter, et vraiment amicalement, au ministre qu'il...
Une voix: Une réflexion.
M. Bédard: ...voilà, effectivement, qu'il réfléchisse, qu'il consulte les gens dans ce domaine et qu'il nous arrive avec un vrai projet de loi, et je l'assure à nouveau de toute ma collaboration, s'il suit les règles qui normalement doivent guider quelqu'un qui agit avec rigueur et qui agit avec, je vous dirais, recul par rapport à un dossier aussi important et non partisan que celui de la justice administrative. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Avant de terminer, avant de nous quitter, je rappelle que, le 5 novembre, nous entendrons la Protectrice du citoyen venir nous présenter son rapport, à 11 heures. Donc, ne pas oublier ce rendez-vous. Il vous reste, pour répondre à votre question, 7 min 30 s, M. le député de Chicoutimi. Nous ajournons nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 59)