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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, September 23, 2003 - Vol. 38 N° 11

Consultations particulières sur le projet de loi n° 6 - Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant la perception des amendes


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Table des matières

Journal des débats

(Treize heures quatorze minutes)

Le Président (M. Simard): Nous allons commencer nos travaux en constatant d'abord le quorum. La séance est donc ouverte. Petit avertissement que je lance amicalement à tout le monde, et là-dessus je ne serai jamais trop insistant: si vous avez des téléphones cellulaires, et ça s'adresse aussi aux gens de la presse, vous les éteignez; je ne veux rien entendre dans cette salle.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Juré, craché. Très bien. Je vous rappelle le mandat de la commission, qui est d'étudier... de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 6, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant la perception des amendes.

Dans un premier temps, je vais demander au secrétaire s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) est remplacé par M. Morin (Montmagny-L'Islet) et M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Charbonneau (Borduas).

Le Président (M. Simard): Alors, avant de donner la lecture de l'ordre du jour, je veux d'abord saluer la présence, pour la première fois dans cette commission, du ministre de la Sécurité publique. On faisait des blagues tout à l'heure sur le changement de côté, mais c'est vraiment le résultat de la démocratie, c'est vrai. Mais, quel que soit le côté, je pense qu'il pourra témoigner que nos rapports ont toujours... et seront toujours exceptionnellement amicaux. Et donc, je suis convaincu que tout se passera très bien. Et donc, nous aurons, au cours des prochaines années, de longues heures de travail dans toute la sérénité nécessaire pour bien réaliser nos mandats et les mandats que la Chambre nous confie.

L'ordre du jour que vous avez devant vous implique d'abord qu'il y aura des remarques préliminaires en début d'étude. Elles ne sont pas obligées d'être très longues, vous le savez très bien. Ensuite, nous entendrons...

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): ... ? il y a comme un message, ce n'est pas très subliminal ? nous entendrons la Chambre des huissiers de justice du Québec, si vous êtes courts, à 13 h 30; ensuite, l'Union des municipalités du Québec; à 15 h 30, le Barreau du Québec; à 16 h 30, le Regroupement des organismes communautaires de référence du Québec; et ce seront les remarques finales ensuite pour terminer notre journée.

Alors, nous allons essayer d'être le plus respectueux possible de cet agenda. Il est toujours désagréable ou bien de forcer les groupes à témoigner beaucoup plus tard que ce qui était prévu ou devoir, dans certains cas, remettre au lendemain, ce qui est souvent difficile, parfois impossible. Alors, nous allons être très fidèles à notre programme.

M. Charbonneau: Avant de débuter, je voudrais savoir, de la part du président et peut-être du ministre, comment on fonctionne dans cette commission? Quand le ministre va commencer à prendre son droit de parole, non pas sur les remarques préliminaires, mais après l'allocution...

Le Président (M. Simard): Oui, je vais vous donner... C'est une bonne question, parce que vous n'étiez pas ici la semaine dernière où nous avons un petit peu commencé à déblayer ? il y a deux semaines ? ces questions-là. Alors...

M. Charbonneau: Je voudrais savoir si c'est... Ça dépend des commissions.

Le Président (M. Simard): Écoutez, évidemment, ça doit toujours se faire par consensus. Si vous n'êtes pas d'accord avec la façon que je propose, vous pouvez toujours revenir à la lettre du règlement, mais je préfère être en l'esprit du règlement, c'est-à-dire que le ministre et la partie ministérielle peut occuper une partie de son temps et remettre ensuite la parole du côté de l'opposition, quitte à reprendre de son temps, et, de la même façon... ce qui permet parfois des interventions un peu plus dynamiques que simplement la succession de deux 20 minutes. Ça peut être très important, une fois qu'une question a été posée par l'opposition, que le ministre puisse revenir sur la même question et, inversement, qu'une question ou une réplique qui a été faite par le ministre puisse être soulevée ensuite par le... Si tout le monde est d'accord, nous allons continuer à procéder de cette façon-là. D'accord? Mais évidemment, soyez bien conscients que c'est le genre de formule qui fonctionne tant que les deux parties sont d'accord, sinon ça tombe immédiatement et on revient à l'application du règlement strict.

Remarques préliminaires

Alors, j'invite, pour ses remarques préliminaires, pour sa première participation à notre commission, le ministre de la Sécurité publique à nous adresser à la parole.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, Mme et MM. les membres de la commission. D'abord, effectivement, c'est mon premier passage à cette commission après les crédits, mais c'est la première fois que j'y viens pour déposer un projet de loi et défendre, après qu'il ait été adopté en principe, défendre un projet de loi qui, je l'espère bien, sera un des premiers à être adoptés au cours de notre session d'automne.

M. le Président, vous avez évoqué avec raison la camaraderie sinon l'amitié, je devrais dire, qui nous ont toujours unis. Sachez que vous pouvez compter sur toute ma civilité pour les travaux de cette commission, cette fois-ci puis dans l'avenir aussi. Passer d'un côté ou de l'autre, ça ne change... ça ne devrait pas, en tout cas, changer quelqu'un, et, dans mon cas, je ne pense pas que ça m'ait changé, puis je ne vois pas pourquoi ça me changerait. Passer de l'opposition au cabinet, là, il n'y a pas de raison que ça change quelqu'un.

Alors, bref, M. le Président, si vous voulez, je vais, tout en saluant mon collègue de Borduas et mes autres collègues ici, autour de la table, commencer, pour éviter d'être grondé par le président, puisqu'il cherche à accélérer le processus, tout simplement vous faire lecture de quelques notes que j'ai colligées en préparation de cette ouverture de commission parlementaire.

Alors, M. le Président, la commission des institutions amorce aujourd'hui les consultations particulières sur le projet de loi n° 6 modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant la perception des amendes. En adoptant le principe de ce projet de loi, le 17 juin 2003, l'Assemblée nationale appuyait la démarche entreprise par le ministre de la Justice, le ministre des Transports et moi-même, dès notre arrivée au gouvernement, pour faire aboutir un débat qui était amorcé depuis près de 40 ans ? 40 ans.

n (13 h 20) n

J'ai ici... Les rapports Prévost sur la justice, 1968, le rapport Ouimet, 1969, le rapport Thiffault, 1978, le rapport Landreville, 1986, ont insisté sur l'importance de dépénaliser ou d'utiliser l'incarcération comme mesure ultime et d'accroître le recours à des mesures de rechange. Ça fait que c'est un débat qui est dans notre décor depuis fort longtemps. Mais je peux dire que, depuis les derniers 10 ans, il a été repris à quelques reprises et on a cherché à identifier d'autres moyens que l'incarcération pour amener un citoyen à répondre à ses obligations.

Donc, le projet de loi n° 6 est dans le fond le frère quasi jumeau d'un projet de loi qui avait été déposé par mon prédécesseur, il y a à peu près un an et demi, et dont les objectifs sont dans le fond les mêmes. Ce sont trois principaux objectifs: le premier, c'est celui d'assurer la récupération des sommes dues à l'État et aux municipalités; le deuxième, responsabiliser la personne à l'égard de ses dettes; le troisième objectif, améliorer l'utilisation de la capacité carcérale.

Le projet de loi n° 6 propose une série de mesures visant particulièrement le non-paiement des amendes reliées à des infractions à la circulation routière, celles-ci représentant environ 85 % de l'ensemble des amendes impayées. Il est bonifié de quelques amendements issus des travaux parlementaires de la commission des transports et de l'environnement du printemps dernier.

Tout d'abord, rappelons que les articles sont modifiés dans le Code de la sécurité routière pour habiliter la Société de l'assurance automobile du Québec à étendre la suspension du permis de conduire ou du droit d'en obtenir un, pour le contrevenant qui n'aura pas acquitté la totalité de ses amendes, à toutes les infractions relatives au stationnement. En fait, on ajoute le stationnement, les infractions relatives au stationnement, aux autres du Code de la route qui étaient déjà touchées. Actuellement, cette mesure s'applique seulement aux situations où les véhicules automobiles nuisent à la sécurité routière. De plus, son droit de circuler avec tout véhicule routier lui appartenant pourra également être suspendu ainsi que le droit de faire toute transaction ? vente, achat, location, etc. ? impliquant l'immatriculation d'un véhicule qui a été mis au rancart ou le transfert de propriété. Ainsi, le contrevenant ne pourra ni louer ni vendre son véhicule ? je viens de le dire ? à un proche pour tenter de le soustraire à ses obligations.

Je suis fermement convaincu que ces nouvelles mesures nous permettront d'atteindre les objectifs ciblés depuis plusieurs années. Elles devraient le faire mieux encore que nous ne l'avons fait par le passé en procédant déjà à des modifications. En effet, depuis 1995, à la suite des changements apportés au Code de procédure pénale, le percepteur dispose de nouvelles mesures pour recouvrer les sommes dues relatives aux amendes impayées. Il a des pouvoirs additionnels permettant, premièrement, de vérifier la situation financière de la personne contrevenante et de prendre des mesures plus appropriées pour effectuer la perception, tel, par exemple, l'étalement des paiements; deuxièmement, de demander à la SAAQ, Société de l'assurance automobile du Québec, de suspendre le permis de conduire ou le droit d'en obtenir un pour certaines infractions relatives au stationnement. Cela s'ajoute aux infractions à la circulation routière pour lesquelles la SAAQ pouvait déjà suspendre le permis.

La première série de mesures n'a pu atteindre tout à fait l'objectif poursuivi, car, en général, les personnes en défaut de paiement d'amende se retrouvent parmi les justiciables ayant de faibles revenus. Par ailleurs, même si des ententes de paiement sont possibles entre le contrevenant et le percepteur, elles demeurent dans plusieurs cas sans effet en raison d'une incapacité de payer de la personne ou de son manque de coopération.

Quant aux mesures relatives à la suspension de permis, elles ont conduit à une certaine augmentation du taux de perception des amendes, mais elles ont aussi contribué au développement d'un autre type de délinquance: la conduite sans permis. Pour contrecarrer cette situation, une nouvelle mesure a été implantée en 1997: la saisie du véhicule si une personne était interceptée alors que son permis était suspendu. Depuis, le taux de perception s'est grandement amélioré, mais elle ne concerne qu'une partie de l'ensemble des infractions reliées au stationnement. Désormais, lorsqu'elle recevra un avis de défaut de paiement d'une amende de la part du percepteur, la Société de l'assurance automobile du Québec sera tenue de suspendre le permis, d'empêcher l'immatriculation, d'interdire la mise en circulation de tout véhicule routier immatriculé au nom de l'automobiliste visé, incluant une motoneige, un véhicule tout-terrain, une motocyclette ou même un tracteur de ferme.

Ces mesures s'appliqueront tant que le contrevenant n'aura pas acquitté la totalité des amendes impayées pour ses infractions relatives au Code de la sécurité routière ou à un règlement municipal relatif à la circulation ou au stationnement. Si, à la suite de l'imposition de ces mesures, une personne choisit de faire remiser son véhicule, le montant des amendes dû, transmis au percepteur par la SAAQ, sera soustrait du remboursement nécessité par le remisage. Enfin, un article du Code de la sécurité routière prévoira que les frais encourus pour la gestion des nouvelles mesures à la SAAQ seront déduits du montant équivalant au total des amendes récupérées.

Par ailleurs, plusieurs modifications au Code de procédure pénale sont proposées. Les plus importantes sont celles relatives à l'emprisonnement pour défaut de paiement des sommes dues. Je crois qu'il existe un questionnement social sur l'intérêt d'incarcérer les personnes qui n'ont pas payé leurs amendes. En effet, la société québécoise est sensible au courant de pensée actuel en matière de détermination de la peine visant à réserver l'emprisonnement aux personnes qui présentent une menace, une véritable menace pour la sécurité de la population.

Ce courant a inspiré des réformes récentes au Canada, dont celle du Code criminel en 1996. Ainsi, comme l'a rappelé le juge en chef de la Cour suprême dans l'arrêt Proulx en l'an 2000, le Parlement a voulu lancer un message clair à tous les juges du Canada: beaucoup trop de gens sont envoyés en prison. Au Québec, la Loi sur le système correctionnel du Québec, adoptée en juin 2002, s'appuie aussi sur ce courant. Elle introduit les changements amorcés dans le cadre de la réforme correctionnelle visant une évaluation et un suivi mieux ciblé des personnes qui lui sont confiées, dans une perspective de réinsertion sociale et évidemment de protection de la société.

Le projet de loi n° 6 propose donc d'abolir l'emprisonnement imposé à toute personne qui, à la suite d'une infraction relative à la circulation routière, y compris le stationnement, se trouve en défaut de paiement d'amende. En contrepartie, une nouvelle infraction est créée, punissable d'emprisonnement de moins de deux ans, pour sanctionner toute personne de 18 ans et plus qui tente délibérément de se soustraire au paiement des sommes dues ou aux modalités qui lui sont proposées pour s'acquitter de ses obligations. Cette peine d'emprisonnement ne libérera pas la personne du paiement de ses amendes, et le paiement de l'amende n'empêchera pas l'incarcération imposée à une personne récalcitrante.

De plus, afin de répondre aux préoccupations exprimées par les municipalités, le Procureur général pourra donner le mandat aux procureurs municipaux, après entente, de plaider en cour municipale la nouvelle infraction, si tel est le cas et si tel est le souhait de la municipalité concernée.

Actuellement, c'est après avoir démontré l'insuffisance de toutes les mesures à sa disposition pour recouvrer les sommes dues ? délai de paiement, saisie des biens, suspension de permis de conduire et travaux compensatoires ? que le percepteur recourt à l'incarcération. Il reste à peu près 8 % de la valeur des infractions à payer. Lors de la signification du mandat d'emprisonnement, de 25 % à 50 % de la valeur de ces infractions sont acquittés. Le pourcentage des incarcérations se situe entre 2 % et 4 % du total des constats émis, et, ensuite, à l'entrée et au cours de l'incarcération, environ 10 % du montant des amendes en cause sont acquittées. Mais l'incarcération est encore largement utilisée et a pour effet de faire radier la dette. Les sommes dues deviennent donc irrécupérables. En 2001-2002, environ 12 millions ont été ainsi radiés pour toutes les infractions pénales québécoises, dont près de 9 millions pour les infractions relatives à la circulation routière.

L'utilisation de l'emprisonnement comme moyen de sanctionner le défaut de paiement des amendes, le refus d'effectuer des travaux compensatoires ou le non-respect d'un engagement à effectuer des travaux compensatoires engendre aussi des difficultés importantes au regard, d'une part, de l'administration publique ? que l'on pense à l'émission des mandats par les juges, aux arrestations par des policiers, au transport des contrevenants ? et, d'autre part, de l'utilisation du système correctionnel québécois.

En effet, les besoins continus, quotidiens de places pour des personnes en situation de défaut de paiement d'amendes imposées pour des infractions pénales québécoises, ce qui représente en moyenne, au cours des quatre dernières années, 207 places chaque jour dans un système de détention qui en contient 4 000, total ? 207 places en moyenne au cours des quatre dernières années ? conjugués à ceux nécessaires à l'intensification de la lutte contre le crime organisé et au resserrement récent des règles de remise en liberté créent une pression sur la capacité carcérale et pourraient conduire, à terme, à la construction de nouveaux établissements de détention au coût moyen estimé de 200 000 $ par place.

À titre indicatif, mentionnons qu'il faut prévoir un budget annuel récurrent approximatif de 10 millions de dollars pour le fonctionnement d'un établissement de 200 places. Le coût découlant de l'emprisonnement des personnes incarcérées pour défaut de paiement d'amende s'ajoute à la perte de revenus due à la radiation des dettes pour l'État et les municipalités qui démontrent un manque d'efficacité et d'efficience des mesures de recouvrement des amendes.

n (13 h 30) n

Vous conviendrez avec moi que, dans le contexte de rationalisation des dépenses publiques, il soit tout à fait extraordinaire que, pour punir quelqu'un qui doit 1 200 $ à l'État, on entretienne la détention pendant sept jours en moyenne, pour le surveiller ensuite pendant 35 jours dans sa communauté. Outre le coût que représente tout cela, il m'apparaît plus important que le personnel correctionnel utilise le temps dont il dispose à évaluer correctement les personnes présentant des risques pour la société plutôt qu'à s'assurer qu'une personne qui n'a pas payé son amende réside bien au domicile déclaré.

En résumé, nous pensons qu'outre la rentrée additionnelle de revenus pour l'État et les municipalités les impacts positifs reliés à l'implantation des mesures proposées dans le cadre du projet de loi n° 6 sont nombreux. Premièrement, une augmentation de la pression sur le contrevenant visé par les mesures afin qu'il paie des dettes dues à l'État ou aux municipalités. Deuxièmement, diminution significative du nombre d'incarcérations pour amendes impayées, puisque tout contrevenant visé par les mesures a intérêt à payer ses dettes si l'incarcération n'implique plus leur radiation. Troisièmement, augmentation de la marge de manoeuvre à l'égard de la gestion des places dans les établissements de détention au Québec grâce à la diminution du nombre de personnes incarcérées pour amendes impayées.

Les amendes impayées, tout à l'heure je vous disais que c'étaient 207 places-jour dans l'ensemble des centres de détention au Québec. Si on se situe uniquement à ceux dont on parle aujourd'hui et qui sont définis plus particulièrement par le Code de sécurité routière, on revient à 150 places. Il y aura donc encore 57 places-jour qui seront utilisées dans nos centres de détention pour d'autres fins; par exemple, des lois qui touchent le domaine de la construction ou encore le domaine de la faune.

Quatrièmement, l'amélioration de la crédibilité du système de justice pénal à l'égard de l'administration de la perception des amendes, car le contrevenant visé par les mesures ne pourra se soustraire au paiement de ses amendes. Et, cinquièmement et finalement, le financement de l'implantation de la gestion des nouvelles mesures par la SAAQ à partir des sommes perçues.

La question de la récupération des amendes préoccupe plusieurs d'entre vous? Je vous invite à vous exprimer, à faire en sorte que, dans une perspective de saine gestion des fonds publics et de souci du bien-être de la population, nous puissions avoir une discussion qui aujourd'hui nous permettra de bonifier le projet de loi et de faire en sorte que nous puissions l'adopter, j'espère bien, dans les délais les plus courts possible. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. La parole est maintenant au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Borduas.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Alors, M. le Président, M. le ministre, chers collègues, je suivais presque mot à mot les propos du ministre en regardant, en lisant les remarques préliminaires de son prédécesseur. Je comprends que les mêmes fonctionnaires collaborent pour les ministres...

Une voix: ...

M. Charbonneau: Non, non, non, puis je trouve que, finalement, on n'invente pas les boutons à quatre trous. Après tout, la problématique qui est devant nous, c'était celle qui était devant nous il y a déjà quelques mois, et, dans le fond, je crois que le ministre a bien dit, à la fin de son exposé, la raison pour laquelle on se retrouve en commission parlementaire. Bon. On se retrouve en commission parlementaire non seulement parce que le gouvernement a décidé de reprendre et de poursuivre le travail qui a été amorcé, comme il l'a signalé, depuis très longtemps... Mais dans quelle mesure peut-on à nouveau faire un exercice d'évaluation des impacts avec les gens qui ont accepté de venir devant nous et dans quelle mesure peut-on aussi, comme l'a indiqué le ministre, bonifier éventuellement le projet de loi qui est devant nous?

Parce que, essentiellement, il y a un consensus assez important à l'Assemblée nationale, comme dans une bonne partie de la population, à l'effet que l'utilisation de l'emprisonnement n'est pas nécessairement indiquée pour ce genre de délinquance, si on veut utiliser cette expression-là, dans notre société. L'emprisonnement devrait être utilisé pour une criminalité plus dure, plus sévère. Mais reste le problème de la conséquence à l'acte. Et je crois que, quand on va entendre les mémoires qui nous seront présentés, les discussions qu'on aura tantôt, ce qui va être important, c'est de voir dans quelle mesure les craintes qui nous sont manifestées, en particulier par la Chambre des huissiers et le monde municipal, le milieu des municipalités, dans quelle mesure les craintes qu'ils continuent de soulever, parce que c'est des craintes qu'ils soulèvent depuis plusieurs années...

Je crois que le ministre indiquait que le Code de procédure pénale a été modifié en 1995, et, à ce moment-là, déjà un an auparavant, le ministère de la Sécurité publique avait fait des propositions à l'effet qu'on puisse faire ce que nous voulons faire aujourd'hui, c'est-à-dire abolir l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes. Et, à ce moment-là, suite aux représentations qui avaient été faites par le monde municipal, l'Assemblée nationale avait décidé de ne pas aller aussi loin, et, bon, aujourd'hui, on se retrouve finalement à reprendre un exercice qui a été réamorcé à partir de 1998, c'est-à-dire, à peu près trois ans après que le Code de procédure pénale ait été modifié, l'idée est revenue à la surface, et des mémoires ont été présentés par les prédécesseurs du ministre, et des comités interministériels se sont mis à l'oeuvre, ont déposé... Finalement, on a eu un projet de loi, et, la période électorale et les élections étant arrivées, bien, finalement, le débat a été ajourné sine die, et on le reprend aujourd'hui.

Et, moi, ce qui me préoccupe... Je pourrais presque reprendre les propos et faire la même chose que le ministre, puis j'ai presque le goût de le faire, parce que mon... Le leader du gouvernement actuel, qui était le critique à l'époque, avait formulé un certain nombre de commentaires. Si j'enlève ceux qui concernaient la période électorale et le refus, à ce moment-là, de l'opposition d'aller plus loin, compte tenu du contexte, il y avait une préoccupation qui avait été soulevée par le député de Saint-Laurent, qui s'inquiétait finalement... ou qui était sensible aux représentations en particulier de l'Union des municipalités et qui disait aux membres de la commission et au ministre qu'il serait important qu'on réfléchisse un petit peu plus longuement sur les possibilités de la loi, c'est-à-dire les conséquences que la loi va soulever.

C'est clair que, bon, on a sans doute tous parcouru les mémoires ou les résumés de mémoires et on voit très bien que, dans le fond, la préoccupation de l'Union des municipalités, malgré les quelques petits changements que le ministre a ajoutés, reste la même. Alors, qu'est-ce... Et, moi, je crois que c'est ça qu'il faut essayer de cerner aujourd'hui: dans quelle mesure la nouvelle infraction qui est prévue, dont le ministre a parlé tantôt, va être efficace ou non efficace par rapport à la crainte que certains vont nous réitérer aujourd'hui quant aux conséquences négatives qu'ils voient ou qu'ils entrevoient par la suppression, éventuellement, de l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes?

Moi, a priori, peut-être à cause de ma formation en criminologie, je suis porté à adhérer au principe de la non-utilisation de l'emprisonnement pour des gens qui sont peu criminalisés ou, dans bien des cas, qui sont non criminalisés. Déjà que je considère que la prison est plus une école de crime qu'une école de réhabilitation, à bien des égards. Bon. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a un problème, c'est le problème qui est soulevé par ceux qui s'opposent encore au projet de loi, c'est-à-dire: Qu'est-ce qu'on fait avec les irréductibles, ceux qui, de toute façon, se foutent carrément des lois, de leurs responsabilités sociales et de leurs obligations citoyennes, et dans quelle mesure la mesure que l'on ajoute maintenant va être efficace pour dissuader ces gens-là, d'une certaine façon, de bafouer la loi et de bafouer l'État et, en même temps, de faire en sorte qu'ils paient ce qu'ils doivent à la société?

Et le collègue de Saint-Laurent mentionnait une autre chose. Le ministre en a fait allusion aussi dans son propos quand il indiquait qu'il resterait encore des places en détention qui seraient occupées par des gens qui seraient condamnés à un emprisonnement pour des fautes, par exemple, liées aux infractions sur la loi de la faune, de la construction. Et on se demandait, à ce moment-là, si... Je ne sais pas si l'exercice de réflexion, à la suite des commentaires du député de Saint-Laurent, a été faite parce que je disais: Est-ce qu'il n'y aurait pas intérêt pour l'État de faire en sorte de s'assurer que, quand un individu a des dettes envers l'État, qu'il ait une amende en vertu de la loi de la faune, ou en vertu de la loi de la construction, ou en vertu du Code de sécurité routière, qu'il ne puisse pas bénéficier des privilèges que l'État consent, notamment, par exemple, à l'égard des permis de conduire, et etc., et qu'il soit amené à acquitter ses responsabilités avant que l'État lui accorde des privilèges quelconques? Donc, ça suppose un croisement d'informations puis ça suppose une mécanique différente.

n (13 h 40) n

Je ne sais pas si, depuis que ce commentaire-là a été fait par le député de Saint-Laurent, le ministère que vous dirigez, M. le ministre, s'est penché sur ces commentaires-là. Ce que je comprends, c'est qu'aujourd'hui on revient avec la même loi ou à peu près sans couvrir... sans faire en sorte que les peines d'emprisonnement pour d'autres types d'infractions qui sont, encore là, pas plus graves dans certains cas... Et je pense que ce qui m'a frappé à la lecture des mémoires que j'ai lus: conduite en état d'ébriété ou conduite dangereuse, en tout cas, certains types de comportements de la route sont aussi néfastes que des comportements qui sont liés à des infractions au code... à la loi sur la faune, pas nécessairement le cas de conduite en état d'ébriété, là, mais des conduites... En tout cas, c'est ce qu'on indiquait dans les mémoires.

Et, moi, je serai intéressé et curieux de voir qu'est-ce qu'on a fait pour aller plus loin dans la réflexion. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut suspendre l'étude du projet de loi en attendant, disons, qu'un ensemble cohérent nous soit présenté. Mais je crois que le député de Saint-Laurent, à l'époque, posait un problème de cohérence intéressant et pertinent par rapport au comportement de l'État et à sa volonté de ne pas utiliser l'incarcération pour pénaliser ? parce que, dans le fond, c'est ça ? pour pénaliser les citoyens qui ont commis des infractions.

Le Président (M. Simard): ...

M. Charbonneau: Déjà, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Et je vais faire appliquer surtout à votre égard la règle de façon extrêmement stricte.

Une voix: ...consentement.

M. Charbonneau: J'en doute.

Le Président (M. Simard): Écoutez, il n'y a pas de moment de réplique prévu par nos règlements, mais je suis convaincu que le ministre aura l'occasion, au cours des prochaines heures, de nous faire valoir son point de vue sur les questions posées par le député de l'opposition.

Auditions

Alors, nous passons à la période d'audition des groupes. J'invite donc la Chambre des huissiers de justice du Québec à venir devant nous et à son porte-parole de s'identifier et d'identifier ceux qui l'accompagnent pour fins d'enregistrement. Alors, je pense que c'est M. Horic qui va commencer.

Chambre des huissiers de justice du Québec

M. Horic (Alan): Oui, effectivement. Bien le bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier évidemment de nous avoir inclus, là, parmi les organismes consultés. Également, j'aimerais vous présenter les membres de notre équipe. Je vais commencer par M. Ronald Dubé, qui est le directeur général, secrétaire de l'ordre. Évidemment, de l'ordre, je parle de la Chambre des huissiers de justice du Québec. Nous sommes également accompagnés de M. Pierre Blier, qui est le vice-président. Également, à l'arrière de la salle, il y a M. Daniel Gratton, qui est conseiller et administrateur également à la Chambre, ainsi que M. Guy Aidans, qui est le trésorier. Et nous sommes également accompagnés de l'ancien président, évidemment, de l'ordre professionnel, qui est M. Coulombe, qui est un huissier de justice, évidemment, de la ville de Québec.

Sans plus tarder, évidemment, étant donné qu'on n'a pas énormément de temps, je vais donner la parole à M. Dubé, qui, lui, sait faire preuve d'une meilleure discipline que la mienne. Moi, j'ai tendance à m'écarteler, si je peux m'exprimer ainsi, tandis que M. Dubé est beaucoup plus précis. Je te transfère, évidemment, la parole, Ronald.

M. Dubé (Ronald): Merci, M. le Président. Mon président me met de la pression. La barre est haute. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, c'est à mon tour de vous remercier de nous accueillir aujourd'hui. Et je vais tenter de vous guider à travers le mémoire, de telle sorte qu'on aura du temps pour les questions après, parce qu'un échange dynamique, ça permet de préciser davantage les positions que nous prenons.

Alors, à la page 8 du mémoire, je rappelle une affirmation de Cesare Beccaria, en 1764, qui disait: «Une loi qui n'est pas armée pour se faire respecter ou que les circonstances rendent inopérante ne devrait jamais être promulguée.» Ce qu'il faut retenir, c'est «que les circonstances rendent inopérante». Alors, lorsqu'on veut déplacer le recours au mandat d'emprisonnement, le recours à l'emprisonnement, ça risque de rendre la loi inopérante, et le résultat ferait en sorte qu'il y aurait... Ce serait plus difficile de récupérer les sommes. Parce qu'on dit un peu plus bas, dans cette même page 8: «Il est irréaliste d'imaginer que l'exécution d'une décision de justice ne dépende que de la bonne volonté du débiteur de l'obligation de donner, de faire ou de ne pas faire, et que la justice puisse être tenue en échec par ceux qui entendraient se placer en marge des lois. Croire en l'autodiscipline de ces derniers relève de l'angélisme et de l'utopie.»

À la page 9, on dit: «La Chambre souscrit aux mesures favorisant et même imposant des sanctions alternatives à l'emprisonnement, mais ajoute qu'il ne faut pas nécessairement emprisonner mais emprisonner moins et uniquement si nécessaire, au moyen d'un mandat obtenu au terme d'une démarche sans complication inutile.»

À la page 1... c'est-à-dire à la page 11, chapitre I, on avance certains impacts prévisibles du projet de loi n° 6 sur l'administration de la justice. En fait, l'élimination systématique de l'emprisonnement, sauf en certaines circonstances, c'est comme une réponse à l'évolution sociale d'éliminer une peine en apparence excessive et onéreuse par rapport à l'offense. Mais ça va supprimer... L'effet pervers de ça, ça va supprimer un moyen non négligeable d'assurer le respect des lois, le respect des décisions des tribunaux.

Parce que l'État investit énormément dans le recouvrement. À la page 12, par exemple, dans le rapport annuel de gestion du Bureau des infractions et des amendes du ministère de la Justice, il est dit: Essentiellement, la performance du Bureau des infractions et des amendes en matière de recouvrement «est essentiellement attribuable aux efforts déployés par l'effectif affecté au recouvrement des amendes et des frais pour intervenir rapidement dans les dossiers en souffrance et appliquer les moyens de perception jugés les plus efficaces».

Alors, le retour sur les investissements de l'État dans le domaine du recouvrement va devenir beaucoup moins intéressant si ne planaient... ou serait beaucoup moins intéressant si ne planaient pas déjà sur la tête du contrevenant certaines ombres inquiétantes comme la saisie des meubles, des revenus, l'ombre d'une saisie d'un véhicule routier par un agent de la paix en application de la loi n° 12, l'ombre d'un ensabotement, d'un remorquage ou d'un entreposage par un huissier dans l'île de Montréal, et l'ombre inéluctable et ultime de son emprisonnement par un huissier de justice ou un agent de la paix. Ce sont autant de contraintes graduées selon le niveau de résistance du débiteur qu'agitent les émules contemporains d'un personnage de Zola: «Après tout, ne payez pas, je m'en fiche, je vous enverrai le huissier», puisque, pour certains, l'huissier se compare comme un peu à la muleta du percepteur dans l'arène du recouvrement judiciaire pour provoquer et diriger les réactions du débiteur. En éliminant l'emprisonnement ou en rendant son application tellement compliquée, l'ombre ultime disparaît.

Le projet de loi introduit également une incohérence dans l'application des peines. En effet, il implique une différence inacceptable de traitements entre le citoyen dont le permis est sanctionné par des points d'inaptitude et celui qui l'est pour ne pas avoir payé des contraventions. Dans le premier cas, la sanction va prendre fin par l'écoulement du temps. Dans le second cas, elle ne prendra jamais fin tant et aussi longtemps que les amendes ne seront pas payées. Cela équivaut presque, dans certains cas, à une condamnation à perpétuité de ne pas conduire de véhicules routiers. Croyez-vous sérieusement qu'un Québécois refrénera ce qu'il considère comme le droit sacro-saint et inaliénable de conduire un véhicule routier?

Par ailleurs, la suppression du mandat d'emprisonnement causera un mal immense au réseau et à la profession d'huissier, surtout que ce moyen de dernier recours constitue encore une pression juridique fort valable pour recouvrer les sommes. Et c'est cette pression ultime qui maintient le flot des encaissements à quelque caisse que ce soit, que ce soient celles des cours municipales, celle du Bureau des infractions et des amendes, celle du ministère de la Justice et celles des huissiers. Est-ce qu'il est normal que l'État affaiblisse un système de recouvrement éprouvé? Le respect ultime de la décision du juge doit-il s'incliner devant un impératif comptable? En somme, il ne s'agit pas d'éliminer l'emprisonnement mais de tendre à moins l'exécuter.

Au chapitre IV, en fait, l'huissier, qu'est-ce que c'est? C'est un auxiliaire de justice et un officier ministériel public qui agit en vertu d'un pouvoir que lui délègue l'État. Quand le tribunal a parlé, il procède à l'exécution forcée de la décision si la personne condamnée n'obtempère pas volontairement à cette décision-là. Les membres de la Chambre constituent, de fait, les principaux agents d'exécution des jugements rendus ou des infractions en matière de circulation, que ce soit au moyen de la saisie, de l'immobilisation ou du mandat. La Chambre ne néglige rien pour que chaque professionnel constitue l'un des relais qui rendent la justice plus efficace.

n(13 h 50)n

Au chapitre III, on vous parle de qu'est-ce que c'est un huissier. Je vous résumerais son statut: c'est un professionnel et il est compétent pour exécuter les actes, là, qui originent des tribunaux. Sa rémunération est décidée par l'État. Elle n'est pas laissée à la libre concurrence entre les professionnels. Ensuite, son champ de compétence; qu'est-ce que ça fait, un huissier? Ça signifie, ça exécute, ça effectue des concertations, ça exerce des fonctions qui lui sont dévolues par une loi ou par un tribunal. Mais ce qu'on oublie trop souvent, c'est que l'huissier, dans l'exercice des ses fonctions, peut donner un renseignement à un justiciable ou à un citoyen sans que cela ne constitue un acte de partialité. Alors, qu'est-ce qu'il fait, le huissier, sur le terrain? Il se met à la portée de la compréhension d'un citoyen. Il vulgarise qu'est-ce que c'est, un papier de cour. Il démystifie le document et lui permet de remplir cette mission-là, de permettre d'atteindre l'objectif de recouvrer les sommes. Et ça, c'est bénéfique au système de justice, c'est bénéfique à l'État, et c'est bénéfique aussi au système de recouvrement des amendes.

À la page 21, on parle du contrat de la surveillance. Vous savez, nous sommes un ordre professionnel, alors tous les mécanismes prévus par le Code des professions existent pour nous. Combien sommes-nous au Québec? Nous sommes 495 titulaires d'un permis, répartis dans 133 études sises dans 74 localités. 88 femmes et 407 hommes exercent la profession actuellement au Québec.

À la page 23, on parle de la valeur de nos interventions, je les ai mises en gras. Mais c'est la partie discernement qui m'intéresse. Alors, la partie discernement de l'huissier sur le terrain, c'est à la page 25: «Grâce à son expérience, malgré la nature contraignante du titre exécutoire, l'huissier agit avec discernement, en tenant compte de la situation économique du débiteur. Est-il bénéficiaire de l'aide sociale? On lui offrira, avec l'accord du mandant, de moduler les versements au gré des réceptions de ses prestations, s'il est salarié, on pourra retarder d'une semaine ou deux la poursuite de l'exécution forcée dans le but de recouvrer les sommes sans être obligé de publier les avis ou de faire la vente en justice ou, le cas échéant, d'emprisonner le débiteur.» Vous voyez que l'émission du mandat intervient après un certain parcours de tentatives de recouvrement. C'est au cinquième niveau, l'émission du mandat d'emprisonnement qui est remis: après qu'on ait refusé les ententes des paiements, après la suspension de permis, après l'émission du bref d'exécution, après l'offre d'effectuer des travaux compensatoires.

En conclusion de ce chapitre-là, à la page 27, on dit qu'il faut comprendre que l'exécution forcée n'est jamais une finalité. C'est un moyen d'aboutir au respect des décisions des tribunaux. Et ce n'est que l'exception et ça doit tendre à le devenir davantage. En résumé: «La présence de l'huissier, c'est une façon d'assurer l'intervention humaine dans l'administration de la justice et de contribuer efficacement au maintien d'un équilibre entre les pouvoirs de l'État et les droits des citoyens. Il est un agent du contrôle social, spécialiste de la résolution de conflits en vue de négocier un retour à la normale. Et, plutôt que d'appliquer indistinctement et à distance une loi ou un règlement, il exerce avec discernement, sur le terrain, une discrétion qu'il module selon le niveau de résistance du débiteur.»

Quelles sont les mesures d'exécution actuelles et quel est leur objectif? Est-ce que c'est de punir davantage les contrevenants ou de récupérer les amendes? À la page 30, en haut, on dit: «Que deviendraient la crédibilité et l'autorité de la justice si ses décisions restaient lettre morte? L'efficacité du recouvrement [...] est directement proportionnelle à un ensemble de mesures incitatives ou contraignantes qui incitent le contrevenant à les acquitter.» Alors, on a un certain nombre de mesures incitatives, que j'ai énumérées. Mais que l'on sache que, si les mesures incitatives ne donnent pas de résultat, un jour, ça va sonner à la porte, et c'est un huissier qui va sommer la personne de payer. Généralement, la première phase des tentatives de recouvrement s'autofinance à même les pénalités, qui s'ajoutent à chacune des étapes.

Ensuite, on arrive aux mesures contraignantes, qui sont l'entente de paiement, la suspension des permis et l'offre d'effectuer des travaux. Mais ça, ça ne marchera jamais pour le récidiviste, le récalcitrant, l'insouciant, l'antisocial puis l'entêté. Eux autres, ils n'embarquent pas là-dedans. Le seul discours qu'ils comprennent, c'est l'emprisonnement. Mais l'impécunieux de bonne foi n'hésitera jamais à effectuer des travaux qui lui fournissent l'occasion de se valoriser auprès des autres et de lui-même. Mais il y aura toujours des entêtés que rien ne sensibilise. Alors, le projet de loi introduit certaines sanctions: suspension du permis, interdiction de mise en circulation. Alors, on est tous d'accord avec ça. Par contre, on peut aussi greffer un sabot ou que le véhicule soit saisi par un agent de la paix.

En matière de saisie au moyen du sabot, à la page 33, c'est «un moyen d'exécution qui permet à la loi de ne pas se sentir impuissante face au citoyen qui cherche à se soustraire [...] ou non à l'exécution des jugements rendus à son encontre». Et le Code de procédure pénale, il y a quelques années, a étendu à l'ensemble du Québec la possibilité de recourir à ça. Et, dans cette façon-là, le législateur a voulu recourir à une mesure incitative de paiement moins onéreuse que l'emprisonnement. On voit ça à la page 24, un grand nombre d'avantages.

Mais, à la page 35, on dit que... bien, on constate que c'est impossible de greffer un sabot en dehors de l'île de Montréal, parce qu'«il faudrait que la personne chargée de l'immobilisation ou du remorquage puisse relier immédiatement et avec certitude le numéro d'immatriculation d'un véhicule à la personne du contrevenant, sans quoi la loi donnerait ouverture à des situations arbitraires et inutilement oppressives à l'égard des personnes de bonne foi qui n'ont rien à voir avec les infractions». Par exemple, à Montréal, il y a 5 000 à 10 000 plaques qui sont vérifiées, hein, par semaine et il y a 500... par mois, c'est-à-dire, et il y a 500 sabots qui sont posés. Et, dans les plaques vérifiées, on nous apprend qu'il y a environ 20 % de ces plaques-là qui seraient invalides.

Alors, nous vous proposons trois solutions de nature à élargir le territoire d'application à des mesures d'exécution par l'immobilisation. L'action non seulement de la Société d'assurance automobile du Québec. Ça permettrait à l'huissier, en sa double qualité de professionnel membre d'un ordre exclusif, d'avoir accès à ces renseignements-là aux fins de mener à bien l'exécution ou la décision de justice soit par la saisie d'un véhicule routier soit par l'immobilisation, le remorquage ou l'entreposage du véhicule. La Commission d'accès a déjà reconnu que les huissiers avaient le droit... et c'était nécessaire qu'ils aient accès à des renseignements pour remplir les ordres de la cour. Mais on comprend que le système d'accès à ces informations doit être sécuritaire et laisser des traces. Et l'expérience dans d'autres pays, notamment la Belgique, a démontré que c'était faisable de donner des renseignements aux officiers chargés de l'exécution.

En ce qui concerne la perception des droits d'immatriculation, autrefois, d'un simple coup d'oeil, un agent de la paix pouvait du premier coup repérer le conducteur d'un véhicule routier qui n'avait pas payé ses droits d'immatriculation, à la page 39. Aujourd'hui, il faut se rabattre sur l'honneur et la bonne foi des propriétaires. Ça suffit dans l'immense majorité des cas. Mais, comme je vous disais un peu plus tôt, lorsqu'un huissier patrouille à Montréal, il se rend compte, dans 20 % des cas, un véhicule... il rencontre, dans 20 % des cas, un véhicule dont le permis du conducteur est frappé d'une sanction, et, une fois la greffe de sabot effectuée, la personne visée règle ses contraventions.

Alors, si la Société d'assurance transmettait aux huissiers, par voie électronique, toutes les immatriculations non renouvelées, la même patrouille permettrait de les repérer très facilement. Et, toujours dans la perspective de diminuer les recours à l'exécution éventuelle des mandats d'emprisonnement, le Code de la sécurité routière pourrait prévoir qu'il entre dans les attributions professionnelles d'un huissier d'immobiliser le véhicule ou de confisquer, au nom de la Société, toute immatriculation dont les droits n'ont pas été acquittés, à moins que le propriétaire ne les paie sur-le-champ à l'huissier. Alors, il s'agit de prévoir les modalités.

Troisième solution, c'est un greffe pénal électronique, centralisé. Autrement dit, les progrès des technologies permettent d'imaginer la création d'un greffe central. Au bas de la page 40, on dit: «Le collectionneur de contraventions à Montréal, Québec, Val-d'Or, Rimouski, Saguenay, Gatineau et Baie-Comeau peut être recherché par plusieurs percepteurs et autant d'huissiers [...]. L'entente de paiement d'un percepteur ne lie pas les autres. Et la saisie par un huissier n'empêche pas la saisie par les autres.»

Alors, à ce moment-là, nous, ce qu'on propose, c'est à la page 41, vers le centre: «Ainsi donc, la centralisation des jugements permettrait de régler plusieurs dossiers provenant d'horizons différents par l'une ou l'autre des mesures suivantes»: une seule entente de paiements; une seule saisie de meubles, une seule vente au besoin; une seule saisie des revenus; un seul sabot; une seule saisie en application à la loi n° 12; un seul avis à la Société; et un seul emprisonnement. Et le Bureau des infractions et des amendes... et le projet du système intégré de l'information de justice pourrait être mis à exécution en support aux huissiers de justice, dont c'est la fonction principale d'exécuter des décisions de justice.

Bon. À la page 43, on parle de la saisie par un agent de la paix. Alors, ça existe depuis 1997. Alors, c'est très efficace, mais nous, on collige les informations contenues dans le rapport annuel de la Société de l'assurance automobile depuis 1991, et on en a tiré certaines conclusions.

Par exemple, à la page 44, vous voyez, dans la colonne de gauche, les sanctions pour non-paiement d'amendes. Alors, vous voyez que, de 2002 à 1991, il y a eu une diminution du nombre de sanctions pour non-paiement d'amendes. Combien de sanctions sont levées? Alors, vous voyez, dans la deuxième colonne, le nombre de sanctions levées.

Ce qui nous intéresse, ce sont les sanctions non levées, qui sont susceptibles d'être des sanctions imposées à des conducteurs sans permis. Alors, on se rend compte que, en 1991, il y en avait 38 %, en 1992, 4,8 %. Ça, je n'ai jamais été capable de l'expliquer, mais ça fait partie des statistiques. Mais, après ça, on voit qu'il y a une progression du nombre de sanctions non levées, en termes de pourcentage, jusqu'à temps qu'entre en vigueur la loi n° 12, qui permet de saisir le véhicule puis de le sortir de la route lorsque le conducteur a des peines, des mandats impayés. Et, à ce moment-là, on voit que ça a diminué: 9,5 %, 9,3 %, 5,8 %, allant en diminuant, de sanctions non levées. Maintenant, les gens se sont habitués, et là ça commence à... vers le haut, ça commence à monter: 19,2 % en 2001 et 23,2 % en 2002. Alors, ça, c'est très, très préoccupant, à notre avis.

n(14 heures)n

Alors, en nombre absolu, les sanctions pour non-paiement d'amendes diminuent, tandis que les sanctions non levées augmentent, depuis deux ans, et les médias ont tiré les manchettes; je vous en fais grâce. Mais on se rend compte que la loi est efficace pendant un certain temps puis, après ça, bien, on dirait qu'elles devient moins efficace.

À la page 46, La Presse canadienne rapporte que 465 conducteurs dont le permis a été suspendu ont été interceptés, dont cinq par jour en moyenne. Et ensuite, à la page 47, ce qui nous paraît encore plus troublant, ce sont les poursuites routières dont les journaux nous abreuvent régulièrement.

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît, monsieur, je vais vous inviter à conclure parce qu'il ne nous reste que 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Dubé (Ronald): 30 secondes? Oh! Bon. Je voulais vous amener au chapitre V, au chapitre V où on amène exactement certaines propositions, c'est-à-dire: modification à l'article 5 pour permettre à l'huissier d'intervenir directement pour permettre à un citoyen de normaliser son dossier de conducteur, alors c'est la proposition que l'on fait, de modifier l'article 5; modification à l'article 10, que la Société communique sans frais les informations utiles à l'huissier; à l'article 17, la page 62, que l'on maintienne l'emprisonnement. Et les autres commentaires, bien, c'est de créer ce fameux greffe centralisé qui permettrait d'éviter d'avoir plusieurs personnes qui sont aux trousses d'un même débiteur.

Alors, on va répondre à vos questions, et certainement qu'on pourra revenir sur certains points du mémoire.

Le Président (M. Simard): Voilà. Vous avez compris qu'il nous faut respecter ces règles de temps parce que... pour permettre une équité avec tous les groupes et avec tous les partis. Alors, j'invite tout de suite, sans plus tarder, le ministre à vous poser ses premières questions.

M. Chagnon: Bien, d'abord, je voudrais remercier, d'abord, la Chambre des huissiers de justice du Québec, M. Horic et M. Dubé, d'être venus nous rencontrer ce matin... cet après-midi. Vous dites: «La Chambre souscrit aux mesures favorisant et même imposant des sanctions alternatives à l'emprisonnement, mais ajoute qu'il ne faut pas nécessairement emprisonner, mais emprisonner moins et uniquement si nécessaire, au moyen d'un mandat obtenu au terme d'une démarche sans complication inutile.» Il me semble que c'est exactement ce qu'on propose.

Quand vous dites, un peu plus loin: «Cependant, le récidiviste ? vous l'avez lu d'ailleurs, au bas de la page 31 ? le récalcitrant, l'insouciant, l'antisocial et l'entêté n'embarquent pas là-dedans. Le seul discours qu'ils comprennent, c'est l'emprisonnement. L'impécunieux de bonne foi n'hésitera jamais à effectuer des travaux qui lui fournissent l'occasion de se valoriser auprès des autres et, surtout, de lui-même. Mais il y aura toujours de ces entêtés que rien ne sensibilise.» Enfin, ce qu'on dit, article 19.

Mais, même à ça, on dit quelque chose que vous ne dites pas. C'est que, même si jamais il devait y avoir détention, dans les cas de... avec toutes les épithètes que vous avez déjà écrites, même dans ces cas-là, on dit: Il n'y aura pas suspension de l'amende, même s'il y a quand même un cas de détention dans ce cas-là.

J'ajoute que j'ai trouvé un peu particulier votre nouvelle... votre secret, dans le fond, secret qu'on retrouve à la page 41, en haut: «Souvent, un percepteur astucieux ne confie qu'un seul bref de saisie à l'huissier qui part en chasse. Son retour bredouille donne au percepteur un motif valable ou raisonnable de croire qu'il est inopportun de procéder sur les autres brefs. De la même manière, l'huissier porteur d'un seul mandat emprisonne le défendeur... et le percepteur remet les autres au directeur de l'établissement de détention. Nous avons l'impression que l'huissier est une muleta commode; bref, passons...» Mais, dans le fond, vous êtes en train de dire que le système ne marche pas. C'est ça que vous dites, à la page 41. Et, effectivement, je suis d'accord avec vous autres, c'est contraire un peu à l'organisation sociale que de continuer comme on le fait actuellement.

Vous avez dit un peu plus tôt qu'un Québécois qui n'accepterait pas... un Québécois n'accepterait pas de perdre son droit d'avoir un permis de conduire. Mais ce n'est pas un droit, d'avoir un permis de conduire, c'est un privilège. Et c'est la preuve que, dans plusieurs situations ? le député de Borduas le disait avec raison quand il mentionnait des cas de délit de fuite, des cas de conduite en état d'ébriété ? on retire immédiatement, d'office, le permis de conduire. Ce n'est pas un droit, là, qu'on retire, c'est un privilège qu'on retire. Et c'est le cas aussi, qui deviendra le cas, après l'adoption d'un projet de loi comme celui que nous proposons: faire en sorte que des gens qui n'auraient pas payé leurs amendes se voient justement punis de la façon suivante: ils auront perdu leur permis, ils auront perdu éventuellement leur voiture.

Je comprends que ces moyens-là semblent être un peu, pour vous, particuliers. Mais ce n'est pas la première fois qu'on cesse de, je dirais, pas décriminaliser mais de...

Une voix: Dépénaliser.

M. Chagnon: ...pas dépénaliser, parce qu'on ne dépénalise pas, on ajoute des pénalités nouvelles, mais de faire en sorte de désincarcérer pour différentes amendes. Souvenez-vous le cas de Lachine versus, je pense, Poirier, où une dame qui n'avait pas payé ses amendes pour un livre à la bibliothèque s'était vue condamnée par la Cour municipale à un temps de prison. Les gens, au Québec, à un moment donné, se sont dit: Bien, ça n'a rien que pas d'allure. Mais on est à la même étape, sur un autre moyen, sur un autre sujet qui est le Code de la route, aujourd'hui. Et le député de Borduas mentionne avec raison qu'il va falloir le regarder aussi pour d'autres sujets, comme la construction où éventuellement le...

Une voix: La faune.

M. Chagnon: ...la faune. Et il a raison. Et évidemment, ce à quoi on s'attaque actuellement, c'est 85 % du problème. Je sais que, vous le mentionnez d'ailleurs à la page 27, c'est important, en termes de revenus, pour vous. Je comprends. Maintenant, il y a d'autres choses, il y aura d'autres moyens pour lesquels... Les huissiers, on va encore en avoir besoin, ne soyez pas inquiets, mais pas pour cette raison-là, pour d'autres raisons.

Et, dans ces circonstances-là, je mets même en doute la suggestion que vous nous faites à la page 38, lorsque vous dites... Bon, vous voulez poser les sabots. Moi, je veux bien que vous posiez les sabots à Montréal, vous avez le droit de le faire. Mais lorsque vous dites: «membre d'un ordre d'exercice exclusif assujetti au Code des professions ? vous parlez de vous ? d'avoir accès aux renseignements contenus aux fichiers de la SAAQ aux fins de mener à bien l'exécution de la décision de justice, soit par la saisie d'un véhicule routier, soit par l'immobilisation, le remorquage ou l'entrepose de ce véhicule», c'est des renseignements confidentiels, ça, à la Société de l'assurance automobile du Québec, et je ne pense pas que le législateur soit enclin à ouvrir et faire en sorte que ces renseignements confidentiels là ne le soient plus. Il me semble que ça devrait demeurer des renseignements confidentiels. Et la lettre à laquelle vous faites référence en bas de page, c'est l'opinion du secrétaire de la Commission, mais ce n'est pas l'opinion de la Commission.

Et, bref, je pense que c'est un bel effort. On dit souvent des mêmes choses, mais à un moment donné on s'écarte du jugement final. Parce que, dans le fond, vous croyez encore que l'incarcération pourrait être un moyen d'assurer ce que vous appelez, un peu plus tôt ? je recule, ici ? ce que Cesare Beccaria disait: «Une loi qui n'est pas armée pour se faire respecter ou que les circonstances rendent inopérante ne devrait jamais être promulguée.» Or, justement, cette loi-là est armée: saisie de l'auto, saisie du permis, etc. Saint Thomas d'Aquin aussi dit qu'une loi sans bourreau ne valait pas la peine d'être adoptée. Mais on a le bourreau dans la loi, alors aussi bien s'en servir.

n(14 h 10)n

M. Dubé (Ronald): Si je peux répondre. Oui?

Une voix: Oui, vous pouvez, allez.

M. Dubé (Ronald): Bon. À la page 53 du mémoire, il existe une disposition analogue, dans le Code de procédure civile, pour une personne, par exemple, qui ne produit pas les biens saisis à une vente en justice. Elle peut être condamnée pour outrage au tribunal et... trouvée coupable d'outrage au tribunal et condamnée à l'emprisonnement. Alors... Et jamais... en fait, de mémoire d'huissier, c'est dans de très rares circonstances que cette disposition ultime a été utilisée. C'est très rare qu'un créancier exerce un tel recours. «Premièrement, ils doivent en supporter les délais et les coûts [...] deuxièmement, il apparaît inutile d'affliger davantage un débiteur déjà impécunieux». On ne voit «pas pourquoi le Procureur général se comporterait différemment du citoyen qui devrait investir en vue de punir davantage sans avoir une chance raisonnable de récupérer les sommes dues».

À un moment donné, il faut qu'il y en ait, un moyen d'évacuer les sommes que l'on doit, hein, que ce soit en matière de circulation, des infractions ou des amendes ou que ce soit dans des dettes civiles. Dans des dettes civiles, il y a la faillite qui permet à quelqu'un de se libérer de ses obligations, dans certaines circonstances, de recommencer à neuf, puis de se bâtir une vie, puis d'être un citoyen responsable qui paie des taxes, qui travaille, etc. La même chose en matière des infractions à la circulation. Si quelqu'un, pour différentes raisons, se libère de ses obligations, soit par les travaux compensatoires, soit par l'emprisonnement, à ce moment-là, il peut recommencer à vivre comme les autres citoyens. Parce que, il y en a qui jamais ne seront capables de payer leurs amendes. Il faut trouver une espèce de moyen d'évacuer ces sanctions éternelles là.

M. Chagnon: ...possibilité puis l'ouverture, c'est les travaux compensatoires. L'emprisonnement n'est pas une clé ni une fin en soi.

Le Président (M. Simard): D'autres questions ou d'autres commentaires, du côté ministériel? Sinon, je passerai la parole au député de Borduas.

M. Charbonneau: Moi, je voudrais bien saisir les raisons pour lesquelles vous utilisez des mots qui sont assez forts. Parce que vous dites que, finalement, l'application de l'éventuelle loi va être pratiquement inopérante. Comment... Vous dites qu'«il est irréaliste d'imaginer que l'exécution d'une décision de la justice ne dépende ? pas ? que de la bonne volonté du débiteur de l'obligation de donner, de faire ou de ne pas faire, que la justice puisse être tenue en échec par ceux qui entendraient se placer en marge des lois. Croire en l'autodiscipline de ces derniers relève de l'angélisme et de l'utopie.» Ce que je comprends, c'est que vous nous dites qu'il faut qu'on garde la possibilité d'emprisonner. Bon. On se comprend sur ça.

Mais, qu'est-ce que vous dites au fait que le projet de loi prévoit que, effectivement, s'il y a une mauvaise volonté d'établie, une mauvaise foi d'établie, qu'à ce moment-là il pourrait y avoir, dans le fond, poursuite pour une nouvelle infraction qui, elle, est justement liée non pas au comportement, le premier comportement délictueux, c'est-à-dire le manquement au niveau du Code de la route, par exemple, mais au comportement délictueux de ne pas respecter ces obligations qui ont été imposées par un tribunal? Et, à ce moment-là, il y aurait donc possibilité... en fait, la loi prévoit qu'il y aura incarcération. Donc, ce n'est pas d'enlever l'incarcération, comme vous le laissez entendre, mais c'est de faire en sorte que l'incarcération soit utilisée d'une façon peut-être plus parcimonieuse.

Alors, j'ai de la misère à concilier ça avec le jugement très catégorique que vous faites. Peut-être que vous pouvez le faire, là, et c'est ça que je voudrais essayer de voir, là: Qu'est-ce qui vous amène à faire un jugement assez péremptoire? Dans le fond, il va rester des gens qui vont être au-dessus de la loi.

M. Dubé (Ronald): D'accord. Lorsqu'on arrive à proximité du débiteur, puis que la loi telle qu'elle... si elle est modifiée, elle entre en vigueur, bon, et qu'on a à l'appliquer, premier réflexe du débiteur, il va dire: Tu n'as pas le droit de m'emprisonner. Puis là, bon, en premier, là, on vient de changer un moyen, une pression morale qui peut être mise, au moins, puis qui est légitime, hein, qui est mise au moyen d'un acte de procédure sur une personne pour qu'elle paie les sommes qui sont dues. Tu n'as pas le droit de m'emprisonner. Et, à ce moment-là, qu'est-ce qu'il nous reste, hein, comme moyen de pression morale pour récupérer les sommes, dans un premier temps?

Deuxièmement, il y aura toujours une catégorie de citoyens qui sont totalement...

M. Charbonneau: ...à votre deuxième catégorie. Je reste sur ce que vous venez de dire. Dans les faits, c'est vrai qu'actuellement vous ne pouvez pas l'emprisonner, parce que, de toute façon, il faut retourner devant le tribunal pour que... par exemple, quand un huissier obtient une fin de non-recevoir, que l'incarcération puisse se réaliser. Et, dans les faits, la loi prévoit que ça va être la même chose mais d'une façon différente, par la suite.

M. Dubé (Ronald): Oui, mais ça va être un mandat obtenu après un deuxième parcours. Il y a le premier parcours, qui conduit inévitablement à l'emprisonnement, supposons que les moyens ordinaires ne donnent pas de résultat, mais là il va falloir que tous les moyens ordinaires ne donnent pas de résultat. Ce n'est pas un automatisme, l'émission du mandat, actuellement, là, il faut... il y a un contrôle judiciaire par un juge. C'est un juge qui émet un mandat, là. Là, il va falloir qu'il y ait une autre démarche supplémentaire, hein, et qui... puis autorisée par le Procureur général. Et puis là il va falloir recommencer l'histoire. Ça n'en finira plus, il n'y aura pas de souplesse dans l'application des lois. Les lois sont facilement applicables et économiques à appliquer, lorsqu'on peut les appliquer avec souplesse et non pas lorsqu'il y a des embûches, hein, pour arriver à la fin ultime.

M. Charbonneau: Excusez-moi, je ne comprends pas, justement, ce... Quand vous parlez d'embûches, là, vous voulez dire quoi? Parce que, ce que je comprends, c'est qu'il y a des mesures actuelles qui amènent des gens ? des mesures incitatives ? à devoir rembourser ou payer leur amende. Le projet de loi en ajoute quelques autres ou bonifie des mesures qui existent. Dans un cas comme dans l'autre, il faut passer à travers ces mesures-là pour aller, comme vous le dites, devant... à nouveau devant une instance judiciaire pour obtenir un mandat d'emprisonnement. Qu'est-ce qui va changer, si, en bout de piste, la bonne foi n'étant pas présente, et qu'on passe à travers les mesures qui sont en place, et que le résultat c'est que, bon, la personne refuse de payer puis que c'est de la mauvaise foi? Alors, de toute façon, on va se retrouver devant la justice... devant le système judiciaire, néanmoins, pour peut-être arriver là aussi à un emprisonnement mais peut-être un emprisonnement plus long, parce que ce ne sera pas un emprisonnement qui sera lié d'abord à la première infraction, ce sera un emprisonnement lié à une nouvelle infraction, c'est-à-dire à un comportement antisocial de refuser de payer ses dettes.

M. Dubé (Ronald): Bien, actuellement, actuellement, c'est la même chose: on n'emprisonne pas quelqu'un parce qu'il ne paie pas ses amendes, c'est parce qu'il refuse de se conformer aux mesures actuelles, aux mesures incitatives actuelles. C'est pour ça qu'on emprisonne. Alors, pourquoi créer un deuxième forum? Alors, c'est un forum que nous croyons totalement inutile.

Actuellement, là, les percepteurs des amendes, les juges municipaux, les juges de la Cour du Québec ont déjà tous les pouvoirs, tous les mécanismes, même si tout... C'est un terrain très balisé, ça, pour atteindre le mandat de manière correcte et rapide sans que ce ne soit trop onéreux à mettre en oeuvre. Et, nous, on croit sincèrement que, premièrement, il y a un coût à payer pour ça, qui est un coût inutile, alors que l'on peut atteindre exactement le même résultat aujourd'hui avec les mécanismes que nous avons aujourd'hui. Oui à toutes les sanctions supplémentaires sur le permis de conduire. On souhaiterait cependant qu'il puisse y avoir une intervention humaine à proximité du débiteur pour lui permettre de régulariser sa situation; ça, on souhaite ça. Mais, en bout de piste, si jamais il ne veut rien entendre, bien, à ce moment-là, on a un mandat obtenu rapidement et qui peut être exécuté aussi rapidement.

Et on souhaite aussi que ça soit centralisé, ça, ces mandats-là, hein. Au lieu d'être 10, 15 huissiers à courir après le même bonhomme, qu'on soit... lorsqu'on règle un dossier, on le règle au complet, une fois pour toutes. Comme ça, lorsqu'il prend une entente, lorsqu'il va à la caisse ou à la banque emprunter de l'argent pour payer ses dettes ou demander de l'argent à sa belle-mère pour le sortir de prison, bien, au moins, il va régler tous ses dossiers, il n'y aura pas de mauvaise surprise.

M. Charbonneau: Remarquez que, ça, l'idée de centraliser et d'avoir, finalement, un dossier pour un citoyen, ce n'est pas une mauvaise idée en soi. On en parlait tantôt, de la cohérence. Éventuellement, et c'est un peu ce que mon prédécesseur critique disait à l'époque, c'est-à-dire qu'un citoyen qui a des dettes envers l'État devrait avoir... l'État devrait être en mesure de pouvoir savoir, dans ses différentes branches, ce qu'on lui doit et de ne pas accorder un privilège à un citoyen qui lui doit des choses.

n(14 h 20)n

Est-ce que j'ai bien compris? Ce que vous dites, c'est que, par ailleurs, par rapport à votre profession, là, vous dites: On n'utilise pas assez puis on n'utilise pas assez bien les huissiers, et, si on les utilisait mieux et plus, on aurait un recouvrement plus grand.

M. Dubé (Ronald): Oui. D'après moi, oui.

M. Charbonneau: C'est ça que vous dites?

M. Dubé (Ronald): Oui, oui. Je suis convaincu de ça: si on utilisait davantage l'huissier de justice, les mécanismes... Oui.

M. Horic (Alan): D'ailleurs, on fournit quelques exemples également à l'intérieur du mémoire. C'est peut-être un petit peu aberrant, à l'intérieur d'un système, là, comme le nôtre, qu'un citoyen puisse être en mesure de ne pas payer ses infractions, évidemment.

Puis lorsque, tantôt, je réfère au premier parcours, auquel vous référiez d'ailleurs, et un deuxième parcours, la menace qui pèse sur ce citoyen-là, elle est bien simple, c'est à l'intérieur du premier parcours, lorsque le citoyen est rendu au point où il y a une carence. Vous savez ce que c'est, une carence, évidemment: c'est lorsque l'huissier se présente, cogne à la porte et il n'y a aucun bien à saisir. Cette menace-là est tellement présente chez l'individu que celui-ci, la plupart du temps, va prendre un arrangement, même s'il n'y a absolument aucun bien à saisir, d'accord? Ce n'est pas seulement que la saisie qui prend effet ou la pression de cette saisie-là qui fait en sorte que le citoyen va réagir, puisqu'il n'y a aucun bien à saisir. Mais, par contre, sachant évidemment que le mandat n'est pas loin, celui-ci va tenter de prendre un arrangement, évidemment, avec l'huissier de justice.

Le deuxième parcours séparerait... Disons que, moi, je me mets à la place du citoyen; c'est sûr qu'il y en a plusieurs qui vont tout simplement se dire: Bon, bien, je viens peut-être de gagner un autre six mois ou une autre année, ça va bien aller, je peux dormir en paix pour un petit bout de temps.

D'un autre côté, on fait certaines suggestions à l'intérieur du mémoire puis on aimerait peut-être aussi qu'elles soient retenues d'une certaine façon. Cette même personne là stationne son automobile chez des voisins; c'est difficile pour l'huissier de justice de justement être en mesure d'effectuer son travail, à savoir d'exécuter son bref. Souvent, il est dans cette impossibilité-là de l'exécuter. Pourquoi? Le bien est ailleurs ou il est caché. D'un autre côté, lorsque M. le ministre parlait, un petit peu plus tôt, j'aime la remarque lorsqu'il dit: C'est un privilège, un permis de conduire. Une plaque d'immatriculation est également un privilège. On lui soutire. Mais, à notre avis, la présence de l'huissier de justice chez ce même citoyen là lui ferait peut-être réaliser que, en fait, son permis est vraiment suspendu.

Je vous donne une exemple. L'huissier se présente et lui dit: Regarde, je m'excuse, je reprends possession de ta plaque et également de ton permis de conduire parce qu'effectivement c'est un privilège. Se faire envoyer une lettre, évidemment, par la poste, qu'elle soit certifiée ou pas, et se faisant dire, évidemment: Votre permis est suspendu, je ne pense pas qu'en soi ça ait un effet contraignant sur ce même citoyen là. Et d'autant plus que, le fait de laisser des plaques en circulation alors que c'est un privilège, tel que vous le dites si bien, eh bien, évidemment, dans le mémoire je pense qu'on vous l'a mentionné, il y a un effet... en fait, c'est dangereux pour tous les citoyens qui paient effectivement leurs infractions.

Ça, c'est comme un petit peu, je ne le sais pas, prendre un alcoolique qui est en réhabilitation et puis lui dire: Tiens, je t'ai trouvé un emploi, je vais te donner un bon coup de main, je t'ai trouvé un emploi à la Société des alcools. Bien, en fait, l'individu, si son permis est suspendu et si sa plaque évidemment n'est plus valide, et que celui-ci peut se permettre d'avoir son véhicule à portée de lui, je veux dire, écoutez, c'est tenter le diable, là. D'ailleurs, je pense que, dans les statistiques, c'est quand même assez clair, les récidivistes, bien, une fois, deux fois et trois fois, ça se produit. Et également, l'huissier se trouve également, à certaines occasions, dans l'impossibilité de saboter un véhicule. Je veux dire, ça se produit assez fréquemment que l'huissier vérifie dans la banque de données que la ville de Montréal lui donne et qu'il s'aperçoive que, je ne le sais pas, ce n'est pas un Cavalier 1993 qui est porteur de la plaque... un numéro, c'est un Camaro 1997. Ça fait que, en quelque part, là, c'est sûr que ce sont des récidivistes.

Mais, par contre, ça représente quand même un certain danger. Ces individus-là, également, ce qui peut se produire lorsqu'ils vont... sont en pleine... sur l'autoroute, je ne le sais pas, un policier les intercepte; ils sont tentés. Tentés de quoi? Essayer de s'enfuir et de mettre la vie de certaines personnes en danger. Je pense qu'également, dans le mémoire, si vous rapportez à certains faits, il y a quand même eu certaines occasions dans lesquelles circonstances, évidemment, ces faits-là se sont produits.

Nous, on ne prétend pas, peut-être, là... On ne tient pas, là, évidemment... On n'est pas détenteurs de toutes les vérités. Par contre, ce qu'on maintient, c'est que le mandat représente une certaine mesure contraignante, il a un certain effet chez ce citoyen-là. Par contre, évidemment, c'est un petit peu immoral, on n'est pas en désaccord avec tout le grand principe. Par contre, ce qu'on vous dit, c'est de l'utiliser à bon escient, mais, par contre, de le garder. Nous jugeons par contre, également, qu'il y a moyen d'intervenir directement auprès de ces citoyens-là de certaines façons. Lorsque je vous parle du permis de conduire, et de la plaque, et puis de toutes ces petites choses là, ça fait partie d'un tout, là, il ne faut pas nécessairement scinder ces éléments-là.

M. Charbonneau: Non, non, mais je comprends, mais c'est deux éléments.

M. Horic (Alan): Oui.

M. Charbonneau: C'est-à-dire, ce que vous dites, c'est qu'on pourrait améliorer le message social aux individus et l'efficacité en faisant peut-être intervenir plus souvent le huissier, ou en ayant des approches additionnelles, ou en équipant mieux les huissiers. Mais vous revenez avec l'idée qu'il faut garder l'emprisonnement. Mais est-ce que vous ne croyez pas... Je reviens à ça, là, est-ce que, dans l'exemple que vous donniez tantôt, est-ce que vous ne croyez pas que, le fait qu'on n'enlève pas... Parce que, contrairement à ce que les médias donnent comme impression, c'est qu'on n'enlève pas l'emprisonnement, c'est-à-dire on va le rendre plus restreint, mais il restera un certain nombre d'individus qui vont se retrouver en prison justement parce qu'on aurait fait la démonstration qu'il y a une volonté manifeste de ne pas se conformer à un premier jugement de cour. Est-ce que... Dans le fond, quand le huissier va se... ça va se présenter puis que vous pourrez dire: Oui, mais, au bout du compte, il n'y a pas de danger, il n'y a pas d'emprisonnement, vous allez pouvoir répondre: Non, non, non, non, il y en a un, emprisonnement, là, tu te trompes. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Horic (Alan): Disons que, regardez, là, je pense que, pour nous, il est assez clair, lorsque Ronald s'est exprimé puis il a définitivement fait la distinction entre un premier parcours, qui est unique en ce moment, et l'ajout d'un deuxième parcours... On est fort probablement en accord avec vous sur une chose: le fait que cette menace-là puisse exister. Mais elle ne sera pas omniprésente. En ce moment, elle est très présente pour le citoyen qui, même au moment de la saisie, n'a aucun bien à se faire saisir, l'huissier sachant pertinemment bien que c'est une carence, l'individu, évidemment, en toute connaissance de cause, prend un arrangement malgré tout avec l'huissier de justice afin de payer son dû.

M. Charbonneau: Mais pourquoi il ne le prendrait pas dans l'avenir? C'est-à-dire, dans le fond, de deux choses l'une: un citoyen est de bonne foi, il n'est pas capable de payer pour une raison ou pour une autre et, à un moment donné, je veux dire, il doit dire à quelqu'un: Je ne suis pas capable.

M. Horic (Alan): Oui. Mais manifestement, se soustraire, je pense que vous pouvez être un petit peu, à tout le moins, là, d'accord avec nous, c'est assez spécial, manifestement, là...

M. Charbonneau: Non, non, mais, écoutez, il y a deux choses. Je...

M. Horic (Alan): ...de façon manifeste.

M. Charbonneau: C'est-à-dire, oui, il y a ceux qui sont de bonne foi puis il y a l'autre catégorie, ceux qui ne sont pas de bonne foi. Alors, ceux qui ne sont pas de bonne foi, actuellement, peuvent se retrouver en prison, puis, éventuellement, ils pourront se retrouver aussi emprisonnés parce qu'on aura fait la preuve qu'ils ne sont pas...

M. Horic (Alan): Oui, oui. Et il y a ceux également qui sont de bonne foi mais qui, pour une raison ou pour une autre, vont être en accord avec le fait de se présenter, là, à un centre de détention, évidemment.

M. Charbonneau: Oui, mais là on va peut-être éliminer justement ceux qui sont... parce que, à un moment donné, la pénalité additionnelle va peut-être dissuader. Et, en bout de piste, dans ce domaine-là, c'est l'usage qui va nous dire si effectivement l'hypothèse criminologique que l'on fait d'avoir une efficacité aussi grande avec ce type d'infraction là va être efficace.

M. Horic (Alan): Effectivement. Le temps donne tout le temps certaines réponses.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Borduas. D'autres questions, du côté ministériel?

M. Chagnon: ...page 73, dans vos commentaires du huissier de justice n° 3: «La saisie-exécution s'avère efficace parce que le jeune bum ne veut pas perdre les quatre pneus et le steering de sa minoune», dites-vous. Je pense que c'est exactement, dit en d'autres termes, ce que j'ai voulu dire, hein, lorsque je défendais... je faisais la défense tout à l'heure du projet de loi n° 6.

Et quand vous dites qu'il ne faudrait pas envoyer un alcoolique à la Société des alcools, il me semble que j'ai un...

M. Horic (Alan): Non, en réhabilitation, n'oubliez pas.

n(14 h 30)n

M. Chagnon: ...en réhabilitation à la Société des alcools, je serais porté à vous dire que, dans le fond, c'est exactement la même situation, celle qui se passe actuellement. On envoie des jeunes, des gens qui ont 35 ans et moins, là ? 66 % des gens dont on parle, là, c'est des gens marginaux, là, comme vous l'avez dit, mais qui ont moins de 30, 35 ans, 66 % ? on les envoie...

M. Horic (Alan): Je ne faisais aucunement allusion à la détention.

M. Chagnon: Bien, moi, j'en fais allusion, là. Alors...

M. Horic (Alan): O.K. O.K. C'est bien. Mais, moi, je tenais à le spécifier, ce n'était pas...

M. Chagnon: Oui, oui. Bien, je comprends. Mais ce que je vous dis, c'est qu'envoyer 66 % de jeunes dans les prisons, avec l'argument... Puis je suis d'accord avec le député de Borduas aussi, le jeune que tu envoies en prison, ce n'est pas une place pour le réformer, c'est une place où il va apprendre à faire d'autres mauvais coups. Alors, ce que je vous suggère comme réflexion finale, dans le fond, c'est ça: prenez votre exemple puis transformez-le un peu. Dans le fond, la prison, ce n'est pas une place pour envoyer 66 % des contrevenants dont on parle, qui ont moins de 35 ans, parce que c'est une place où justement ils risquent de tomber dans des habitudes criminelles plus graves que celles qu'ils auront acquises avant de rentrer en prison; un peu comme ce ne serait pas une bonne idée d'envoyer en réhabilitation un alcoolique dans une Société des alcools. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): D'autres questions? Sinon, je vais vous remercier, remercier d'avoir préparé ce mémoire et de nous l'avoir présenté.

Et j'invite maintenant le groupe suivant, c'est-à-dire l'Union des municipalités du Québec, M. Tremblay, à venir se joindre à nous. Suspension de deux minutes.

(Suspension de la séance à 14 h 31)

 

(Reprise à 14 h 33)

Le Président (M. Simard): J'invite tout le monde, y compris le ministre, à reprendre sa place. Si nous voulons finir, il faut poursuivre. Alors, j'invite l'Union des municipalités... J'aperçois le maire de Rimouski, vice-président de l'Union, qui est ici comme porte-parole aujourd'hui, qui prend sa place. J'invite tous ceux, je pense qu'ils sont nombreux, six, je crois, qui l'accompagnent à l'entourer. Je vois que les gens de Rimouski se saluent avant de partir, c'est bien, bonne tradition.

M. Tremblay (Michel): M. le Président, on est un comité multipartite, alors c'est pour ça que ça prend de la place. Six personnes, ce n'est pas de trop.

Le Président (M. Simard): Voilà. Alors, nous vous écoutons, M. le maire Tremblay, au nom de l'Union des municipalités du Québec, sur le projet de loi n° 6.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Tremblay (Michel): Je vais attendre quelques minutes, M. le Président, si vous n'avez pas d'objection, que la table soit mise, pour que je ne me trompe pas dans les présentations. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie d'offrir aujourd'hui à l'Union des municipalités du Québec l'opportunité de vous transmettre ses commentaires sur le projet de loi n° 6, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant la perception des amendes.

Il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. D'abord, M. Jean-Paul Cardinal, qui est maire de Sainte-Adèle et président du Comité multipartite sur l'avenir des cours municipales, mon ami ici. Vous avez Me Paul Brunet, représentant de l'Association des directeurs généraux des municipalités du Québec, M. Brunet... Me Brunet; Mme Sylvie Millette, présidente de l'Association des greffiers de cours municipales du Québec, Mme Millette qui est ici; Me Stéphane Forest, président du comité législatif de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec, Me Forest; et Me Claudie Gilbert, de l'Association des procureurs de cours municipales du Québec, alors Mme Claudie Gilbert; et Me Diane Simard, conseillère juridique à l'Union des municipalités du Québec. Voyez cette belle table unanime. Vous avez le même...

Une voix: ...

M. Tremblay (Michel): Oui, oui, une belle, une vraie belle table, vrai beau comité. Alors, toutes ces personnes sont membres du Comité multipartite sur l'avenir des cours municipales mis sur pied par l'Union des municipalités du Québec en avril 2002. Avec ses quelque 230 membres comptant plus de 6 millions de citoyens et gérant plus de 90 % des budgets municipaux du Québec, l'Union des municipalités du Québec représente le monde municipal dans toute sa diversité ? on couvre à peu près 75 % du territoire municipal du Québec.

Pour le milieu municipal, le projet de loi n° 6 représente deux enjeux importants: l'instauration de nouvelles mesures de recouvrement des amendes impayées au Code de la sécurité routière et à un règlement municipal de circulation qui sont attendues et souhaitables; deuxièmement, l'abolition des mandats d'emprisonnement, ce qui signifie l'abolition de la peine d'emprisonnement. C'est à cet enjeu fondamental que l'Union des municipalités, ses membres et ses partenaires demandent des amendements au projet de loi n° 6.

L'Union des municipalités et ses partenaires trouvent déconcertant qu'à peine quelques semaines après son arrivée au pouvoir le présent gouvernement dépose parmi ses tout premiers projets de loi, et ce, sans avoir au préalable consulté le milieu municipal, le projet de loi n° 6, portant sur l'abolition de la peine d'emprisonnement pour des amendes impayées au Code de la sécurité routière. Ce projet de loi s'avère en fait une copie quasi conforme du projet de loi n° 156 que le gouvernement précédent avait pourtant renoncé à faire adopter, en raison notamment des arguments invoqués par le milieu municipal. J'espère, M. le Président, qu'on fera mentir le vieux dicton: Plus ça change, plus c'est pareil. On se souviendra aussi que le projet de loi n° 6 s'inscrit dans une lignée de projets de loi déposés depuis 1997 par les différents gouvernements au pouvoir mais qui ont été abandonnés en raison de la vive opposition du milieu, qui avait alors été largement consulté.

Comme ils l'ont dit au gouvernement précédent, l'Union des municipalités et ses partenaires réitèrent donc le même message: Nous demandons au gouvernement d'adopter les nouvelles mesures de recouvrement des amendes dues pour les infractions à la circulation routière prévues au projet de loi n° 6, mais nous recommandons qu'il soit amendé pour maintenir le recours au mandat d'emprisonnement comme mesure ultime d'exécution des jugements. C'est en effet ce recours qui, en bout de piste, assure l'application de la loi et qui permet tant aux municipalités qu'au gouvernement lui-même de récupérer des millions de dollars en amendes impayées.

Notre message au gouvernement est par ailleurs appuyé de centaines de résolutions de municipalités qui souhaitent maintenir les mandats d'emprisonnement dans les cours municipales. Alors, nous avons les résolutions d'appui de nos municipalités qui appuient notre démarche. Alors, nous allons les déposer, M. le Président, ces résolutions.

Documents déposés

Le Président (M. Simard): J'accepte le dépôt.

M. Tremblay (Michel): Alors, on n'est pas seuls à parler, on parle au nom de nos municipalités.

Comme nous l'avons mentionné, l'Union des municipalités et les membres du Comité multipartite se réjouissent que le projet de loi n° 6 prévoie de nouvelles mesures de recouvrement des amendes dues pour des infractions au Code de la sécurité routière et aux règlements relatifs à la circulation et au stationnement adoptés par une municipalité. Toutefois, les nouvelles mesures de recouvrement, tout comme certaines des mesures actuelles, ont leurs limites et ne peuvent être efficaces que si on maintient le recours au mandat d'emprisonnement comme mesure ultime d'exécution des jugements. Certains contrevenants se moquent d'une interdiction de conduire un véhicule automobile et ils continuent d'accumuler des constats d'infraction tant et aussi longtemps qu'un mandat d'emprisonnement n'est pas émis contre eux. Si le recours au mandat d'emprisonnement est aboli, le gouvernement lance un message d'amnistie préautorisée aux conducteurs récalcitrants, et ce sont les gouvernements tant provincial que municipal qui subiront une perte de revenus, ce qui aura à moyen et à long terme des impacts sur leurs fiscalités respectives, et, en bout de piste, les grands perdants du projet de loi du ministre de la Sécurité publique s'avéreront nul autre que les citoyens qui paient des taxes, leurs impôts et leurs amendes.

n(14 h 40)n

Si le projet de loi n° 6 est adopté sans amendement pour maintenir le recours au mandat d'emprisonnement, le traitement réservé aux citoyens sera en effet de deux poids, deux mesures: les taxes pour les bons citoyens et l'impunité pour les autres. En abolissant la peine d'emprisonnement, le gouvernement s'apprête à encourager une certaine impunité et à créer une plus grande injustice que celle qu'il souhaite éliminer. Par exemple, avec le projet de loi n° 6, le recours au mandat d'emprisonnement tel qu'il existe actuellement sera maintenu lorsqu'un citoyen ne paie pas ses amendes pour avoir eu en sa possession plus de 15 perdrix grises, contrairement au Règlement sur les activités de chasse, mais il ne pourra plus être émis contre ceux qui refusent de payer leurs amendes pour une infraction de conduite dangereuse qui a failli causer la mort de plusieurs personnes.

Bien que, sur le plan sociétal, on puisse remettre en question la légitimité de maintenir l'emprisonnement pour des amendes non payées, la société ne souhaite certainement pas, par ailleurs, offrir l'amnistie sur un plateau d'argent à une classe d'individus qui ont commis des infractions aussi graves que celles, par exemple, d'un délit de fuite ou d'une conduite dangereuse. La société doit savoir que ces récalcitrants du système sont bien souvent des travailleurs au noir ou des individus qui ont refusé de se soumettre à des travaux compensatoires et qui auraient pu permettre de payer leurs dettes à la société. À l'heure actuelle, le système pénal leur donne toutes les chances de régler leurs amendes autrement que par l'incarcération, et il s'écoule en moyenne un délai de deux ans entre le moment de l'infraction et le mandat d'emprisonnement.

À cet égard, l'Union des municipalités et ses partenaires du Comité multipartite sur l'avenir des cours municipales comprennent très bien la réflexion sur le principe de l'emprisonnement. Nous estimons toutefois que, pour faire respecter la loi et préserver une certaine équité et justice dans notre société, il faille conserver cette mesure ultime, particulièrement pour les infractions au Code de la sécurité routière.

Le projet de loi n'a pas que des impacts sur les questions de principe, il a des effets sur le plan financier. Je vais maintenant laisser la parole à mon collègue maire de Sainte-Adèle et président du Comité multipartite sur l'avenir des cours municipales. M. Cardinal va s'attaquer particulièrement à l'aspect financier du projet de loi. Alors, M. Cardinal.

M. Cardinal (Jean-Paul): En fait, avec le projet de loi n° 6, le gouvernement veut réduire le nombre d'incarcérations pour faire économiser de l'argent à l'État. Tout en citant des chiffres astronomiques pour démontrer ce qu'il en coûte de maintenir une personne incarcérée, le ministre ne réalise pas combien cela coûtera aux municipalités et autres ministères de son gouvernement d'abolir la peine d'emprisonnement et de le publiciser à l'ensemble de la population. D'une part, la très grande majorité de citoyens paient leurs contraventions, et c'est une infime partie d'entre eux qui sont incarcérés. En fait, selon certaines données, seulement 3 % à 5 % des cellules seraient utilisées pour le non-paiement d'amendes, et la moitié de celles-ci seraient occupées par des personnes qui purgent des sentences pour des crimes prévues au Code criminel. L'impact sur les coûts est donc minime. Par contre, le gouvernement perdrait, tout comme les municipalités, des millions de dollars en amendes dues. D'autre part, ce moyen ultime, imposé après avoir tenté auprès du contrevenant toutes les autres mesures de recouvrement des amendes, permet aux cours municipales de récupérer, bon an, mal an, des sommes importantes, soit plusieurs millions de dollars. Il ne faut pas oublier que plus de 50 % des mandats d'emprisonnement émis par les juges des cours municipales du Québec aboutissent au paiement de l'amende.

Par exemple, pour certaines villes frontalières comme Gatineau, les conséquences de l'abolition de la peine d'emprisonnement sont encore plus lourdes sur le plan financier. En 2002, la ville de Gatineau a perçu plus d'un million de dollars en amendes pour des infractions commises par des résidents de l'Ontario, ce qui constitue 22 % de sa perception totale pour cette même année. En moyenne, la ville émet actuellement 65 000 constats d'infraction, dont 74 % sont émis à un résident du Québec et 26 % à un résident de l'Ontario. À l'étape du jugement, les résidents de l'Ontario représentent 63 % des amendes impayées et, à l'étape du mandat d'emprisonnement, près de 80 %. Cette observation démontre clairement que les contrevenants d'une autre province ne se soucieront pas de régler leurs amendes au Québec, sachant qu'il est impossible d'exécuter un jugement sur leur territoire. Ce n'est que sur l'émission d'un mandat d'emprisonnement que cette clientèle, qui possède des biens et des revenus, acceptera de payer ses amendes pour des infractions au CSR commises au Québec. Ainsi, en 2002, les étapes relatives à l'émission d'un mandat d'emprisonnement ont permis à la ville de Gatineau de récupérer au-delà de 300 000 $ d'amendes dues, résidents et non-résidents confondus.

En lançant le message d'abolir la peine d'emprisonnement pour les infractions au Code de la sécurité routière, le gouvernement banalise ce type d'infraction et doit s'attendre à voir émerger une catégorie d'individus qui aujourd'hui paient leurs amendes mais qui demain ne les paieront plus, se sachant hors d'atteinte par la justice. Les pertes monétaires du gouvernement se refléteront dans les revenus du Bureau des infractions et amendes géré par le ministère de la Justice et dans les revenus de la Société de l'assurance automobile du Québec, puisqu'on peut présager une augmentation de conducteurs qui seront sur les routes et les rues de nos municipalités tout en ayant volontairement omis de renouveler leur certificat d'immatriculation ou leur permis de conduire.

Le gouvernement doit également s'attendre à voir disparaître peu à peu le Programme de travaux compensatoires, puisque les mauvais payeurs n'auront plus aucune raison d'effectuer des travaux pour éviter l'emprisonnement. Ainsi, ce ne sont pas seulement les municipalités qui perdront des revenus considérables en abolissant la peine d'emprisonnement, le gouvernement lui-même se fera hara-kiri en abolissant une mesure de coercition efficace qui ne coûte presque rien à l'État mais qui rapporte beaucoup.

À la place des mandats d'emprisonnement, le projet de loi instaure pour les municipalités une procédure ingérable, inefficace, longue et coûteuse tant pour le gouvernement que pour les municipalités. Personne n'est dupe, la nouvelle poursuite d'incarcération introduite par le projet de loi n° 6 n'équivaut pas au maintien des peines d'emprisonnement. Elle s'avérera inopérante, ingérable et inefficace. La preuve en est que le gouvernement a choisi de centraliser cette procédure aux bureaux des substituts du Procureur général plutôt que de la décentraliser dans les cours municipales, comme le sont actuellement les mandats d'emprisonnement. Or, celles-ci traitent actuellement plus de 75 000 mandats d'emprisonnement par année.

Comment le gouvernement peut-il justifier de centraliser tous ces dossiers au ministère de la Justice dans le contexte actuel de décentralisation et de réingénierie de l'État? Pourquoi veut-il, dans ce domaine, introduire un processus inefficace, lourd et coûteux, puisque des milliers de dossiers d'amendes impayées en provenance des cours municipales se retrouveront en attente, soumis à une autorisation de poursuite qui n'est pas nécessaire à l'heure actuelle? En effet, les cours municipales ne pourront plus traiter ces dossiers tant qu'elles n'auront pas obtenu d'autorisation du Procureur général. Comment le personnel déjà surchargé du Procureur général parviendra-t-il à répondre avec efficacité et rapidité aux demandes des cours municipales? Le gouvernement devra-t-il engager du personnel supplémentaire pour rendre applicable la nouvelle poursuite d'incarcération ou décidera-t-il de tabletter les dossiers de la cour municipale, avec pour conséquence de faire grimper le nombre d'individus impunissables pour des infractions aussi graves que celle de la conduite dangereuse, ou encore les demandes d'autorisation de cours municipales seront-elles systématiquement refusées?

Les prisons ne sont donc pas engorgées par des individus qui purgent une peine pour défaut d'avoir payé leurs amendes à des infractions à la circulation routière. Par contre, la peine d'emprisonnement est un moyen ultime qui permet de récupérer les sommes dues à l'État et aux municipalités, et ce, à peu de coûts pour les cours de justice.

Je vous remercie de votre attention et laisse à nouveau la parole à M. Tremblay pour la conclusion de notre présentation.

M. Tremblay (Michel): Alors, on remercie M. Cardinal. Alors, M. le Président, Mmes, MM. les députés, il serait grandement imprudent d'adopter le projet de loi n° 6 sans l'amender pour maintenir les mandats d'emprisonnement, comme ils existent actuellement. D'ailleurs, pourquoi persister à vouloir abolir des mandats d'emprisonnement, alors que, selon les prévisions du ministère de la Sécurité publique, les nouvelles mesures de recouvrement, comme la suspension du permis de conduire pour les infractions de stationnement, s'avéreront si puissantes que tous les conducteurs paieront dorénavant leurs amendes avant même l'émission d'un mandat d'emprisonnement?

Afin de réduire le nombre d'incarcérations pour défaut de payer les amendes dues pour des infractions à la circulation et au stationnement, nous proposons plutôt au gouvernement d'introduire au projet de loi n° 6 un amendement qui garantirait qu'avant de recourir au mandat d'emprisonnement les autres moyens de recouvrement, soit la suspension du permis de conduire, la saisie, l'entente de paiement différé, travaux compensatoires, etc., ont été épuisés. Ainsi, l'objectif du gouvernement de diminuer le nombre d'emprisonnements pour des amendes dues au Code de la sécurité routière serait poursuivi.

n(14 h 50)n

Nous suggérons également au gouvernement d'évaluer, pendant une période minimale d'une année, l'efficacité de ces nouvelles mesures avant de retirer aux municipalités le pouvoir d'émettre des mandats d'emprisonnement pour récupérer les amendes impayées et créer un groupe de travail composé de représentants du ministère de la Sécurité publique, du ministère de la Justice, du ministère des Affaires municipales, des Loisirs et du Sport, des organismes reliés aux services correctionnels ainsi que des associations municipales et policières afin de poursuivre une réflexion qui conduira à l'instauration d'autres mesures additionnelles efficaces pour permettre aux municipalités de récupérer les amendes impayées et pallier au recours à l'emprisonnement. Mais, en entendant de connaître les impacts de la mise en place des nouvelles mesures de recouvrement et les conclusions du groupe de travail, nous demandons au gouvernement de maintenir la décentralisation actuelle qui permet aux cours municipales d'émettre des mandats d'emprisonnement pour récupérer les amendes impayées au Code de la sécurité routière et aux règlements municipaux relatifs à la circulation et au stationnement lorsque toutes les autres mesures en place se sont avérées infructueuses. Il faut donc maintenir la peine d'emprisonnement comme moyen de coercition ultime pour récupérer des amendes impayées au Code de la sécurité routière si, dans une société comme la nôtre, on veut conserver un juste équilibre entre le bon citoyen qui respecte les lois et remplit ses devoirs et celui qui refuse sciemment, malgré toutes les chances que le système pénal lui donne, de respecter les règles et droits que notre société s'est donnés. Sans emprisonnement comme mesure coercitive du respect de la loi, c'est le citoyen travailleur, surtaxé et saisissable qui assumera encore une fois les conséquences.

Voilà, M. le Président, pour le dépôt du rapport de l'Union des municipalités du Québec et du Comité tripartite que nous constituons.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Tremblay. Alors, j'invite maintenant le ministre à vous adresser les premières questions.

M. Chagnon: Alors, je voudrais remercier l'Union des municipalités du Québec d'être venue en commission sur le sujet qui nous préoccupe, particulièrement évidemment M. Michel Tremblay, maire de Rimouski, et M. Jean-Paul Cardinal, qui est maire de Sainte-Adèle.

Il y a plusieurs éléments dans votre défense qui soulèvent quelques questions. Lorsque vous parlez d'une infraction criminelle qui pourrait causer la mort comparée, selon vous, avec la possession d'une 16e perdrix dans une gibecière d'un chasseur égaré, est-ce que je peux vous rappeler que les facultés affaiblies, les conduites en état... les conduites dangereuses sont des infractions criminelles qui amènent justement l'emprisonnement, qui n'ont rien à voir avec ce dont on parle?

M. Tremblay (Michel): Je vais laisser M. Laforest vous répondre.

M. Forest (Stéphane): M. Forest ou Me Forest. Écoutez, M. le ministre, lorsque l'on parle de conduite dangereuse ou de délit de fuite, on parle des dispositions du Code de la sécurité routière. On est bien conscient que les dispositions du Code criminel actuellement prévoient l'incarcération dans ces domaines-là. Par ailleurs, vous avez des situations où le délit de fuite, aux articles 168 et suivants du Code de la sécurité routière, qui sont des infractions tout aussi importantes et très utilisées par les corps de police au Québec... Lorsque, par exemple, dans un cas de conduite dangereuse, au criminel, les éléments de preuve ne sont pas présents, on utilise à ce moment-là le Code de la sécurité routière pour porter une accusation pénale contre le contrevenant. Et la conduite, les éléments factuels de la conduite du conducteur sont souvent les mêmes que ceux qui auraient justifié une poursuite criminelle. Or, ces comportements-là que tout le monde dans la société, nous considérons comme étant des comportements qui sont tout à fait inacceptables, des conduites dangereuses, c'est prévu au Code de la sécurité routière, et c'est une conduite dangereuse.

M. Chagnon: Vous parlez évidemment de conduite dangereuse ayant la possibilité de causer la mort ou de causer des blessures graves. C'est ce dont le premier vice-président de l'Union des municipalités nous a informé. Alors, dans ces cas-là, évidemment, ça nous amène à un cas...

M. Forest (Stéphane): Oui, on se comprend, là. Ce qui a failli...

M. Chagnon: Voilà. Alors, je voulais tout simplement... Faisons attention aux mots que nous employons puis aux exemples que nous donnons. Ceci étant dit, dans la page 20 de votre mémoire, vous parlez d'une moyenne de 300 $ par municipalité par amende que vous avez perdus. Quels sont les coûts de huissier, de percepteur, de policier, par amende de 300 $ dont vous parlez ici, que vous payez? En deux mots, là, si ça vous coûte 500 $ pour en récupérer 300 $, ce n'est pas une bonne idée.

M. Tremblay (Michel): Alors, je vais laisser Mme Millette, qui est responsable de la cour à Saint-Hyacinthe, qui a de beaux exemples à vous donner. Mme Millette.

Mme Millette (Sylvie): Si j'ai bien compris votre question, c'est que vous dites: Pour récupérer 300 $ d'amende, quel est le coût au bout de la ligne? On a mis une moyenne. En principe, un dossier coûte 300 $ d'amende. Évidemment, il y a des frais de huissier en déboursé qui peuvent être ajoutés.

M. Chagnon: Qui sont de combien?

Mme Millette (Sylvie): Bien, de l'ordre... Ça peut jouer entre 30 $ et 150 $, un huissier. Ça dépend. Tout dépend, là, où est-ce qu'on est dans la procédure.

M. Chagnon: Or, moi, ce que je vous pose comme question, c'est: Pour une municipalité, là, quels sont les coûts d'huissier, de percepteur, de policier que ça comprend pour financer, pour payer le 300 $?

Mme Simard (Diane): Si vous permettez, M. le ministre, c'est que c'est compris dans le 300 $ qui est indiqué dans la page 20 du mémoire.

M. Chagnon: Ça fait que, là, on a une amende de 30 $ ou 50 $ qui est devenue 300 $.

Mme Simard (Diane): Non, c'est qu'on a calculé, on a pris trois exemples types de cour municipale, et puis c'est une moyenne selon les dossiers qui étaient référés pour mandat d'emprisonnement. Donc, c'est une moyenne, lorsqu'on parle de 300 $. Il y a des dossiers qui peuvent être de 50 $, de 60 $, il y en a d'autres qui sont de 600 $. Le 300 $ comprend les frais d'huissier, comprend les frais de policier, comprend tous les frais inhérents à l'amende qui a été donnée originellement sur le constat d'infraction, qui était payable dans les 30 jours.

M. Brunet (Paul): Et, si je peux me permettre un complément de réponse, M. le ministre, comme représentant des directions de municipalités, on conçoit bien qu'on n'applique pas la loi selon ce qu'elle nous rapporte. Les revenus dont on vous parle ici, il ne s'agit pas pour les villes de faire de l'argent, on s'entend, mais de faire appliquer les lois et qu'éventuellement justice soit rendue et que ceux qui doivent satisfaire à la loi le fassent par tous les moyens possibles que la loi leur offre déjà. Et espérons-le, que seule cette infime minorité d'irréductibles, qui ne sont pas des pauvres gens qui ont besoin d'aide, ces personnes-là, et je peux en témoigner... À notre cour, par exemple, particulièrement sur ces questions-là, les gens qui ont de la misère à payer, vous le savez, peuvent bénéficier de toutes sortes de mesures pendant des mois et des années avant que, ultimement... et ce sont des irréductibles ? en tout cas, chez nous, je peux témoigner pour chez nous ? qui malheureusement éventuellement se retrouvent confrontés à l'emprisonnement. Et, même là, la moitié de ceux-là finissent par payer quand ils sont confrontés à l'emprisonnement.

M. Chagnon: J'ai dit à plusieurs reprises que l'emprisonnement, c'était une façon un peu ? j'essaie de calculer mes mots ? un peu rétrograde de regarder une situation en l'an 2000. Ça fait 40 ans qu'on regarde ça au Québec, est-ce qu'il y a d'autres endroits au Canada où on continue... est-ce que vous connaissez d'autres endroits où on a cessé l'incarcération pour le défaut de paiement d'amendes?

M. Tremblay (Michel): On a fait un petit inventaire. Je pense que Me Brunet peut vous répondre.

M. Brunet (Paul): Écoutez, je sais, de façon plus contemporaine, que, dans plusieurs provinces, il y a toujours la possibilité d'incarcérer des gens pour le non-paiement d'amendes aussi mineures que les infractions dont on parle présentement. Je sais, entre autres, qu'en Colombie-Britannique il y a une loi de 1974 qui dit qu'on ne devrait pas, jamais, emprisonner quelqu'un, sauf si toutes les mesures ? un peu comme ce qu'on vous propose, qui est un peu compris dans le statu quo actuel ? si toutes les mesures... Et convenons-en, que toutes ces mesures-là fonctionnent ? et vous proposez dans votre projet de loi d'en rajouter d'autres ? puisque, en tout cas, chez nous ? et ça monte un peu, là, trois et quelques pourcentages de plus, si on prend la moyenne des cours municipales ? il y a 2 % des gens chez nous qui finissent par être confrontés à l'emprisonnement, et, même parmi ceux-là, les gens paient... la moitié de ces gens-là finissent par payer.

Et on en convient que ? et je suis d'accord avec vous, et nous sommes tous d'accord ? qu'en l'an 2000, en 2003, ça ne fait pas beaucoup de sens, en tout cas, au plan philosophique. Et ce qui nous irrite un peu, comme administrateurs en tout cas, c'est de sentir que, derrière ce principe-là, ce n'est pas tellement une question de philosophie comme une question d'économie, parce que, si c'était si important sur le plan philosophique, pourquoi on n'abolirait pas carrément tout l'emprisonnement pour toutes les lois provinciales, qui, de toute façon, sont aussi, en regard d'infractions que l'on convient qui sont mineures... et qui pourraient aussi irriter à l'esprit de voir emprisonner quelqu'un pour les avoir enfreintes.

M. Tremblay (Michel): Me Simard. Si vous permettez, M. le Président, que maître...

Mme Simard (Diane): M. le ministre, pour répondre à la question, à la page 13 de notre mémoire, premier paragraphe, effectivement, l'UMQ a fait une recherche auprès de toutes les autres provinces canadiennes, et on a identifié une seule province où on avait aboli la peine d'emprisonnement, c'est le Manitoba. Et c'est une recherche qui a été faite de façon très précise, là, auprès des bureaux des procureurs généraux. Et on a fait une recherche aussi auprès de certains États américains. On n'a pas fait une recherche auprès des 50 quelques États américains, mais, dans tous ceux où on a appelé, on nous dit que la peine d'emprisonnement existe toujours. Mais je ne peux pas vous dire qu'elle existe dans tous les États, là, parce que la recherche aurait été trop fastidieuse. Mais, nous, on n'a pas pu identifier d'États... J'ai la liste de ceux qu'on a faits, je pourrai la remettre au ministre, mais... Peut-être qu'il y a certains États, là, mais, nous, on n'a pas pu en identifier.

n(15 heures)n

M. Chagnon: J'ai ici... J'ai communiqué avec mon collègue de l'Ontario, l'Ontario: «Ontario no longer uses incarceration as a penalty option on the Highway Traffic Act.» Ontario, Manitoba, vous l'avez mentionné, la Saskatchewan, le New Brunswick, le Maine, New York, France n'utilisent plus ces recours-là. Et, bien entendu, ce qu'il faut faire, il me semble, c'est de s'attaquer non pas à la problématique de, finalement, arriver... Bon. On parle du 2 %, puis je m'entends avec le directeur général ? de quelle ville?

M. Forest (Stéphane): Châteauguay.

M. Chagnon: ...Châteauguay ? pour dire qu'effectivement on joue dans des marges petites. Mais, dans ces marges-là, on ne se trouve pas à créer... Faire un exemple, envoyer quelqu'un en prison. On envoie quelqu'un en prison, et là vous perdez l'amende que l'on vous doit. Parce qu'à partir du moment où la personne en question s'en va en prison vous venez de perdre votre amende. Vous venez de perdre votre amende puis, en même temps, vous venez de perdre l'ensemble des coûts importants, qui... Pour des raisons de principe, vous ne les regardez pas, semble-t-il. Vous avez de la misère à les évaluer, c'est ce que vous dites. Mais, au bout de la ligne, on n'a rien réglé. On a envoyé souvent des jeunes de 20, 25, 30 ans dans des centres carcéraux parce qu'ils n'ont pas payé leurs billets de stationnement ou pour d'autres raisons qui regardent le Code de la route. Pendant ce temps-là, bien, il y a des gens qui sont de vrais agresseurs, des gens pour qui, sur le plan criminel... on devrait les avoir en dedans puis on n'a pas de place.

M. Brunet (Paul): Là, M. le ministre, si vous me permettez, c'est peut-être une problématique...

M. Chagnon: Oui, qu'on va régler socialement en faisant en sorte...

M. Brunet (Paul): C'est une problématique avec l'emprisonnement et l'incarcération plutôt qu'une problématique dont devraient faire les frais tous les citoyens. Comment, à la fin de la journée, pouvons-nous dire aux citoyens qui paient leurs amendes qu'ils sont traités également devant la loi si certains ne sont jamais punis?

M. Chagnon: Ils vont perdre leur permis. Je pense que c'est une punition. Ils vont perdre leurs voitures. Je pense que c'est une punition.

M. Brunet (Paul): M. le ministre, je ne sais pas... Il faut que l'on vous dise que, dans le 2 %, il y a une bonne partie, je ne suis pas prêt à dire la moitié, mais il y a une bonne partie de ces gens-là qui n'ont plus de permis de conduire, M. le ministre, qui n'ont pas de voiture à leur nom. Ce sont des irréductibles.

M. Chagnon: Alors, ils conduisent quelle voiture?

M. Brunet (Paul): Ils conduisent la voiture de leurs amis, de leur conjointe...

M. Chagnon: Alors, leurs amis, leur conjointe vont perdre leurs voitures. Et voilà! Est-ce que ce n'est pas assez grave, selon vous?

M. Brunet (Paul): Mais je ne suis pas sûr que ce soit cette personne-là qui va se sentir la plus punie que sa conjointe.

M. Chagnon: Ah! bien, je vais vous dire, ça, on va le vérifier. Parce que, lorsque vous aurez perdu... ou lorsque vous aurez fait perdre la voiture de votre conjointe, de votre ami, de votre cousin, de votre mononcle, une chose est certaine, là, vous ne vous serez pas fait d'amis.

Le Président (M. Simard): M. Cardinal.

M. Cardinal (Jean-Paul): M. le Président, j'aimerais m'adresser au ministre. Nous, ce qu'on dit, le Comité, c'est qu'on est d'accord en principe avec tout ce que vous mentionnez sur le projet de loi n° 6. Ce qu'on mentionne cependant, c'est que, si vous enlevez la peine d'emprisonnement qui est présentement en vigueur, bien... Finalement, la justice, là, ce n'est pas compliqué, si on veut amener ça dans le commun des mortels, c'est qu'on part sous la forme d'un entonnoir puis on arrive avec un pourcentage à la fin qu'on est pris avec puis on ne sait plus trop quoi faire avec ça. Et, nous, ce qu'on dit, c'est que vous enlevez la peine d'emprisonnement... On parlait tantôt de 2 % qui est une infime partie. Mais j'écoutais tantôt les huissiers... Puis, là-dessus, tout le Comité, dont plusieurs siègent sur des cours municipales, on mentionne... c'est que, devant la menace d'emprisonnement... S'il n'y a plus cette menace-là, est-ce que le 2 % va monter à 5 %? à 7 %? à 8 %? à 9 %? à 10 %? On ne le sait pas. C'est là qu'on dit que, si vous avez des outils que vous nous donnez puis qu'on est d'accord que vous nous les fournissiez, on est pleinement d'accord avec ça. Maintenez la peine d'emprisonnement pour une période de temps, puis on évaluera les conséquences puis on réajustera après.

M. Chagnon: M. le maire, est-ce que, à la bibliothèque municipale chez vous...

M. Cardinal (Jean-Paul): ...le jugement L.

Une voix: C'est un cas exceptionnel, monsieur...

M. Chagnon: Mais non, mais c'est un cas exceptionnel qui regarde le monde municipal, on parle du monde municipal. Puis vous le citez d'ailleurs dans votre mémoire, dans l'arrêt Poirier. Est-ce que...

M. Cardinal (Jean-Paul): Mais nous...

M. Chagnon: Laissez-moi finir, s'il vous plaît.

M. Cardinal (Jean-Paul): Excusez.

M. Chagnon: Est-ce que, dans le... On sait, on se rappelle, il y a sept, huit ans, cette cause qui avait été traitée, à ville de Lachine, entre Mme Poirier et la ville de Lachine, qui faisait en sorte qu'on avait condamné... La Cour municipale avait condamné une dame parce qu'elle était en retard dans son règlement de paiement du retard de son livre à la bibliothèque, ou de ses livres à la bibliothèque municipale. C'est la cause que j'ai ici devant moi, la Cour municipale de Lachine. Et, à un moment donné, on a statué, on a dit: Bien, ça n'a pas d'allure, ça, on arrête ça. Est-ce que, là, il y a eu une grande augmentation des délits de paiement ou des défauts de paiement des amendes de vos livres, à la Cour municipale, depuis ce temps-là?

M. Cardinal (Jean-Paul): Bien, moi, j'aurais une autre question, M. le ministre, à vous répondre: Est-ce que, le fait de lui enlever son permis de conduire, elle va remettre plus vite ses livres à la bibliothèque? Je pense qu'en quelque part, si quelqu'un...

M. Chagnon: C'est quoi, le rapport?

M. Cardinal (Jean-Paul): Non, mais c'est que, si quelqu'un... le fameux dossier...

M. Chagnon: ...là vous me parlez d'un permis de conduire. Moi, je vous parle d'une cause.

M. Cardinal (Jean-Paul): Oui, mais, c'est ça, si le fameux dossier de la cour municipale ou de la justice dit à un citoyen qui est coupable de ne pas avoir remis ses livres... je pense que ce n'est pas... Les journalistes, à l'époque, en ont profité pour dire qu'à cause qu'elle n'avait pas remis ses livres elle est allée en... sous peine d'emprisonnement...

M. Chagnon: Bien, je ne suis pas sûr que ce soit la faute des journalistes, là. C'était la loi qui était appliquée.

M. Cardinal (Jean-Paul): Non, non, je ne dis pas que c'est la faute, ils ont véhiculé le message, mais c'est plutôt parce qu'elle n'a pas remis son dû, par diverses interventions qu'elle aurait pu faire, puis qu'à la longue elle a été soumise à l'emprisonnement.

M. Chagnon: Eh voilà! Nous sommes confrontés avec le même genre de décisions, le même genre de décisions, puisque celles-là sont des décisions que vous avez suggérées vous-mêmes comme exemples dans votre mémoire.

M. Cardinal (Jean-Paul): Oui.

M. Chagnon: Mais alors, ma question demeure la même: Est-ce que le taux de récidive a augmenté? Avez-vous perdu plus de livres? Avez-vous une augmentation substantielle du défaut de paiement d'amendes dans les livres de la bibliothèque? La réponse est probablement non. Alors, la réponse est probablement non ici aussi. Il faudra le vérifier. Il faudra le vérifier.

M. Forest (Stéphane): Si je peux répondre à votre interrogation, c'est qu'actuellement les municipalités ne procèdent plus par la voie pénale, dans le cas d'une bibliothèque, pour les livres non retournés. C'est qu'on retire le privilège d'avoir une carte de bibliothèque à cet individu-là, qui, lui, ne peut plus emprunter de livres maintenant.

M. Chagnon: Nous retirons le permis de conduire puis, même, nous retirons la voiture, après le deuxième.

M. Forest (Stéphane): Mais on dit dans le mémoire que ce sont des bonnes mesures. On l'a clairement identifié, que c'est des bonnes mesures, ça, mais...

M. Tremblay (Michel): Mais vous gardez même le privilège de l'emprisonnement, sauf que vous nous référez à la Cour du Québec. Alors là, encore là, en termes de gestion puis en termes d'efficacité, vous nous créez un embêtement supplémentaire.

M. Moreau: Mais, quand vous dites...

Le Président (M. Simard): Oui, allez-y.

M. Moreau: M. le maire, lorsque vous dites qu'on permet l'emprisonnement, en référant à la Cour du Québec, c'est l'article 366, l'article 19 du projet de loi. On dit également: «ou à une cour municipale».

M. Tremblay (Michel): Oui, mais après avoir eu l'autorisation de la Cour du Québec. Madame.

Mme Gilbert (Claudie): Justement, on s'est posé la question pour laquelle ce pouvoir-là, cette fonction-là était attribuée aux procureurs de la couronne, la Cour du Québec, étant déjà surchargés de travail, étant déjà dans une position où, au criminel, ils sont obligés de déjudiciariser des dossiers de moindre envergure, c'est-à-dire des vols à l'étalage, des méfaits ou des dossiers criminels moins graves, pour faire en sorte d'être en mesure d'avoir une charge de travail qui est moindre. Ils font également, à la Cour du Québec, les substituts. Ils n'autorisent même pas des charges pour des bris d'ordonnance de cours, soit des bris de probation. Et on dit: Ces gens-là, qui ne sont pas en mesure de faire en entier le travail qu'ils ont à faire au niveau criminel, on va leur donner une charge supplémentaire concernant les dossiers pénaux qui sont, au départ, traités dans des cours municipales.

Donc, on s'est posé la question: Quelle est la motivation du gouvernement, à l'article 19, de faire en sorte que ce pouvoir-là est retiré des procureurs des cours municipales, qui ont mené à bien, dès le départ, le dossier en faisant le procès, l'argumentation, en plaidant la sentence, et qui, tout d'un coup, ne sont plus en mesure d'exécuter le jugement? Et la seule raison qu'on a pu trouver, c'est de faire en sorte que cette mesure-là ne soit pas appliquée dans les faits. Donc, ce qui arrive, c'est que vous maintenez toujours une possibilité d'emprisonnement avec des mesures différentes pour y arriver, mais, ce pouvoir-là étant attribué aux procureurs de la couronne, qui n'ont pas le temps de le faire et qui n'auront certainement pas l'intérêt pour le faire, cette mesure-là ne sera pas appliquée dans les faits.

Alors, j'aurais aimé savoir, et c'est une question que je m'étais posée, quelle est la raison pour laquelle on a retiré ce pouvoir-là aux procureurs des cours municipales.

Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Mon intervention était d'une part de dire au maire de Rimouski que la possibilité qui est prévue par l'article 366 tel qu'introduit par le projet de loi n'est pas limitée à la Cour du Québec mais également à la cour municipale.

Pour votre intervention, vous savez également que, dans le domaine municipal, il existe plusieurs dispositions législatives où on permet au Procureur général, qui n'est pas limité nécessairement aux procureurs de la couronne mais qui peut être fait aussi par le contentieux civil et pénal à Montréal, d'intenter des procédures, notamment, par exemple, en matière de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, ou, lorsqu'il est sujet ou il est question de l'habilitation ou des infractions commises par des élus, que le Procureur général, donc représenté non seulement par les procureurs de la couronne, mais également par le contentieux civil, puisse intenter les procédures. Et, à date, je ne pense pas que ça ait fait l'objet de critiques, là.

n(15 h 10)n

Mme Gilbert (Claudie): Alors, je vais compléter ma réponse. Quand vous dites: Cette procédure-là, cette poursuite-là peut être intentée dans une cour municipale... Et l'autre question que je me suis posée, c'est: Pourquoi, justement, les procureurs des cours municipales, qui sont déjà sur place, qui connaissent très bien la personne, qui connaissent très bien les gens, qui sont très informés sur sa situation, ne peuvent pas procéder et mener à bien cette poursuite-là? Et, de toute façon, en bout de ligne, on comprend tous que c'est le juge de la cour municipale qui rend la décision. Donc, que ce soit le procureur de la cour municipale, ou que ce soit un procureur de la Cour du Québec, ou peu importe, que ce soit un substitut ou une autre personne qui la fasse, en bout de ligne, c'est le juge qui décide. Alors, ce qu'on ne comprend pas, c'est pourquoi retirer ce pouvoir-là aux procureurs des cours municipales si ce n'est que pour s'assurer que la mesure n'est pas utilisée.

Le Président (M. Simard): Alors, c'est sur cette question et cette réponse que s'interrompt cette première partie de la période des questions. J'invite maintenant le député de Borduas à poursuivre.

M. Charbonneau: Bien. Je vais enchaîner, si vous voulez bien. Faisons l'hypothèse que le projet de loi était modifié puis qu'on laisse aux procureurs des cours municipales, aux procureurs des municipalités, la possibilité de le faire, qu'est-ce que vous allez dire à ce moment-là?

Mme Millette (Sylvie): O.K. Il y a cet aspect-là du dossier qui est important. Il y a l'autre aspect. Dans le projet de loi n° 6, on ne prévoit aucune...

M. Charbonneau: Non, non, mais j'aimerais ça que vous me répondiez à celle-là parce que...

Mme Millette (Sylvie): Mais on ne prévoit aucun mécanisme. O.K. Il n'y a pas de disposition en vertu du Code de procédure pénale qui prévoit un mécanisme. On ne le connaît pas, comment vous voulez qu'on vous réponde à cette question-là? Le Code de procédure pénale et par un constat d'infraction qui nécessite une amende minimum. Pourquoi, dans le projet de loi, on ne voit pas les dispositions qui amènent le mécanisme du traitement de cette plainte? On se questionne là-dessus.

M. Charbonneau: Mais, justement, on est en commission parlementaire, vous nous faites des commentaires, des recommandations où vous identifiez des faiblesses. Alors, vous êtes au parlement, là, c'est le législateur. La loi n'est pas votée. La question que je posais, c'est: Si on répond à votre préoccupation, si, par exemple, on permet à des procureurs municipaux de pouvoir faire le travail que vous dites qu'ils ne peuvent pas faire actuellement à cause du projet de loi, par rapport à la nouvelle infraction, est-ce que, dans le fond... Parce que, au bout du compte, ce que vous avez dit, c'est que c'est ça, le hic. Ce que vous dites, c'est que, dans le fond, il va rester une petite gang qui ne seront jamais poursuivis parce que, dans le fond, les procureurs de la couronne n'auront ni le temps ni l'intérêt. Donc, c'est ce monde-là que vous visez, parce que tous les autres, de toute façon, ils vont être poignés d'une façon ou d'une autre. Si on règle ce problème-là, qu'est-ce que vous dites?

Une voix: Me Forest va répondre.

M. Forest (Stéphane): Je pourrais peut-être répondre de façon précise, M. le député de Borduas. C'est que, dans un premier temps, le Comité multipartite mentionne qu'il veut que l'article 19 du projet de loi n° 6 soit enlevé, donc que la fameuse poursuite dont on discute depuis cinq minutes ne soit pas présente.

M. Charbonneau: Là, ça, je comprends ça, là.

M. Forest (Stéphane): Par ailleurs, lorsqu'on était venus au mois de mars en commission parlementaire, devant l'ancien gouvernement, il a été mentionné que de ne pas permettre aux procureurs de la cour municipale d'autoriser la fameuse plainte que vous créez à l'article 19, c'était de lui enlever une partie de ses responsabilités et, en plus, d'enlever aux juges de la cour municipale un de ses attributs fondamentaux, qui était celui d'imposer une peine d'emprisonnement. Alors, si vous nous dites que, subsidiairement au maintien... que 19 serait maintenu, je vais vous dire que, peut-être, sous réserve de ce que la ville de Montréal pourrait vous répondre, les autres villes du Québec vont prendre la responsabilité.

M. Charbonneau: Non, ce que... Autrement dit, vous prendriez la responsabilité, et, à ce moment-là, les craintes que vous avez actuellement ne seraient plus fondées. C'est ça que je veux qu'on comprenne. Parce que, dans le fond...

M. Forest (Stéphane): Elle est encore plus importante. L'article tel qu'il est rédigé à l'article 366 donne un fardeau de preuve, et on a une intention pratiquement criminelle ? excusez l'expression, là ? mais c'est une intention délibérée de commettre la nouvelle infraction. Et, cette preuve-là, vous le savez, c'est une preuve d'intention, donc un mens rea qui va être lourd à prouver devant une cour municipale, alors que le mandat d'emprisonnement, actuellement, est une procédure qui est plus simple. On passe des étapes, et, lorsque ces étapes-là aboutissent, c'est l'entonnoir, bien là, à ce moment-là, la cour statue sur le mandat d'emprisonnement.

M. Charbonneau: C'est vrai. Sauf que, a contrario, si ça se produit et qu'après la preuve il y a une condamnation, la condamnation risque d'être plus sévère, parce que, à ce moment-là, ce n'est pas des deux, trois jours, cinq jours et sept jours, là, qui risquent d'arriver, là, c'est quelques mois, là, hein, jusqu'à deux ans, premièrement. Et, deuxièmement, l'amende, elle, n'est pas rayée.

Mme Simard (Diane): Là-dessus, M. le député, je vous dirais qu'on est tout à fait d'accord avec le fait que l'amende ne soit pas rayée par la peine. Mais ça, il s'agirait de tout simplement modifier le Code de procédure pénale actuel pour l'indiquer et de nous laisser les mandats d'emprisonnement. On n'a pas besoin de créer une nouvelle poursuite d'incarcération pour dire que la peine n'effacera pas la dette, il s'agit tout simplement de dire qu'à l'heure actuelle, lorsque quelqu'un purge sa peine, l'emprisonnement, ça n'efface pas la dette.

Et j'aimerais ça qu'on lise ensemble l'article, le fameux article 366, pour bien comprendre que ça change fondamentalement les choses par rapport au mandat d'emprisonnement actuel. Et, là-dessus, la ville de Montréal a pris la peine de transmettre au ministre hier une lettre expliquant que cette nouvelle procédure là, elle est même ingérable par les cours municipales telle qu'elle est rédigée et qu'il y aura des coûts astronomiques à appliquer ça. Et ça, c'est autant dans les cours municipales qu'à la Cour du Québec. Je pense que, si on parle à des juges à la Cour du Québec et à des procureurs, ils vont facilement nous dire que ce n'est pas gérable, l'article 366.

M. Charbonneau: Pourquoi?

Mme Simard (Diane): On va la lire ensemble, M. le député. On y dit: «Quiconque tente de façon délibérée de se soustraire au paiement des sommes qu'il doit». Tenter de prouver qu'on tente de façon délibérée de se soustraire au paiement des sommes qu'il doit. Et là on ne parle plus d'avoir commis une infraction, ça n'a plus aucun rapport avec l'infraction. Au départ...

M. Charbonneau: Nouvelle infraction.

Mme Simard (Diane): C'est une nouvelle infraction. Alors, il faut remonter le dossier au complet pour faire cette preuve-là. Je ne sais pas si on se rend compte du nombre de procédures que ça implique, et ça, c'est autant pour le gouvernement que pour les cours municipales.

M. Charbonneau: Mais est-ce que ce n'est pas déjà dans le dossier? Parce qu'à partir du moment où il y a comme une obligation de passer à travers un certain nombre de procédures ou de mécanismes... Quand la personne ne veut pas faire ses travaux compensatoires, quand elle ne veut pas payer, quand elle ne veut pas ci, quand elle ne veut pas ça, à un moment donné, je veux dire, l'accumulation de ça dans le dossier, c'est aussi la preuve d'une mauvaise foi. Parce que le mens rea en l'occurrence, c'est... Puis, dans le fond, c'est la preuve de la mauvaise foi. Si, à chaque fois que la bonne foi était en cause, la personne a raté le test de la bonne foi et a passé à côté, je veux dire, dans le fond, on se retrouve dans une situation où la preuve va être établie beaucoup par le dossier qui va être présenté, le dossier des refus successifs, là.

Et, à cet égard-là... Parce que, dans le fond, ce que vous dites, c'est que, sur le pourcentage qui reste de récalcitrants ou d'irréductibles, il y en a la moitié, de ceux-là, qui paient en bout de course. Et pourquoi ne paieraient-ils pas plus tard avec le projet de loi si, de toute façon, là aussi, s'il ne s'acquitte pas de bonne foi et s'ils ne saisissent pas... Parce que quelqu'un qui finit par payer, c'est parce qu'il a les moyens de payer, hein? Au bout du compte, il s'arrange. Alors, s'il s'arrange, c'est qu'il est capable de s'arranger. Alors, dans la mesure où, s'il ne veut pas s'arranger, c'est une question de mauvaise foi, il va se retrouver avec le même problème d'emprisonnement. Pourquoi actuellement serait-il enclin à payer et plus tard, avec le nouveau projet de loi, ne serait-il pas enclin à payer?

M. Forest (Stéphane): Bien, c'est la ville de Gatineau, l'exemple. Vous avez la réponse à votre question dans les conducteurs ontariens qui se présentent sur le territoire québécois, dans la ville de Gatineau.

M. Charbonneau: O.K. Mais ça, je comprends et j'étais pour revenir sur ça. Le problème frontalier que vous nous présentez, il faudrait le regarder à la commission. Moi, je me pose la question, je ne suis pas un juriste, et puis... Mais je pense qu'il y aurait lieu de voir est-ce qu'on ne peut pas faire un traitement d'exception pour les non-résidents québécois. C'est-à-dire que: Est-ce qu'on doit avoir la même approche pour les non-résidents que pour les résidents québécois? Bon. La question se pose, et on pourrait éventuellement regarder la problématique frontalière. Mais faisons l'hypothèse que, justement, on règle le problème frontalier, est-ce que, dans le fond... La moitié de ceux qui actuellement finissent par payer, est-ce qu'ils ne vont pas finir par payer pareil aussi?

M. Brunet (Paul): Mais, dans cette hypothèse-là, M. le député, pourquoi créer une nouvelle infraction? Pourquoi créer une nouvelle infraction si, au bout du compte, on s'entend sur le fait que, éventuellement, toute personne au Québec doit payer sa dette pour l'infraction qu'il a commise? Pourquoi avoir créé une nouvelle infraction? C'est la question qui demeure, à notre sens.

M. Charbonneau: Oui, mais c'est parce que, dans le fond, ce que vous dites, c'est que, nous, là, dans le fond, notre intérêt ? c'est ça que vous dites, puis ce n'est pas un péché, là ? mais vous dites: Ces gens-là, notre garantie d'avoir les fonds, les revenus qu'on budgète, là, dans nos budgets municipaux, c'est parce qu'ils paient.

Une voix: Non, non, non.

M. Charbonneau: Non, non, mais, écoutez, là, je veux dire...

Le Président (M. Simard): M. le député...

Une voix: Il y a 1 %...

M. Brunet (Paul): C'est plus que ça.

n(15 h 20)n

M. Charbonneau: Non, non, mais, écoutez, vous nous dites tantôt que vous allez perdre 10 millions de dollars...

M. Brunet (Paul): En fait, perdre 10 millions, c'est perdre l'argent que l'on perçoit déjà, qui représente, rappelons-nous-le, pas des revenus, mais qui représente le paiement d'une dette que quelqu'un a envers la société, qui est représentée ici par la municipalité, là.

M. Charbonneau: Oh! mais attention, la dette, là, quand elle est remboursée, là, elle va dans vos coffres.

M. Brunet (Paul): Oui.

M. Charbonneau: Bon. Alors, je veux dire, c'est des revenus budgétés, ça. Puis, quand vous dites que vous... Tu sais, à un moment donné, M. Tremblay tantôt, qui est un ancien collègue incidemment de l'Assemblée nationale, qui était ici, à une autre époque, de ce côté-ci de la table... Je veux dire, quand vous parlez de 10 millions, vous le budgétez, et ce n'est pas de l'argent, là, qui n'existe pas. Vous dites: 10 millions... Vous avez parlé de la fiscalité municipale. Je comprends ça et je ne vous blâme pas, là. Je veux dire, vous avez, comme administrateurs municipaux, la responsabilité de tenir compte de coûts, éventuellement, de nouvelles mesures ou de nouvelles législations qui vont vous être imposées. Et là vous nous dites: Bien, ça va nous coûter 10 millions à l'ensemble des municipalités, parce que cette perte de revenus là, il va falloir qu'on la comptabilise.

M. Tremblay (Michel): Le gouvernement va avoir les mêmes coûts, évidemment. Mais, M. le député, je vais vous dire une chose, ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de principe. Les gens qui paient, là, par rapport à ceux qui ne paient pas, comment vous interprétez ça? Il y a deux classes de citoyens, là. L'autre chose, vous maintenez... qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, vous maintenez l'emprisonnement malgré tout ça puis vous nous référez à la Cour du Québec, alors que, nous, nous voulons garder ce mandat-là. Par conséquent, pourquoi changer le véhicule? On a un véhicule qui est efficace, qui est dans le milieu, qui est en région, qui est partout, qui est bien administré. Bien, pourquoi changer de véhicule? Si vous maintenez l'emprisonnement de toutes parts, vous le maintenez.

M. Charbonneau: Bon. Mais, regardez, on ne peut pas tenir deux discours, là. Vous ne pouvez pas à la fois dire qu'on enlève l'emprisonnement puis qu'on le maintient.

M. Tremblay (Michel): Oui, c'est ça que vous faites.

M. Charbonneau: Non, non, on le maintient. Vous dites, vous, par ailleurs, que la procédure est plus compliquée. Ça, j'ai compris ça. Vous dites: La procédure est plus compliquée, puis, en plus, vous nous compliquez la vie, parce que nos procureurs ne pourront pas engager les poursuites puis faire le travail, puis, en plus de ça, vous risquez de nous créer des problèmes, parce que les procureurs de l'État, eux, ils ne sont peut-être pas intéressés puis ils en ont plein le casque. Si on règle ce problème-là, d'une part, il va rester le fait que l'emprisonnement va être l'ultime mécanisme, et, dans ce cas-là, vous ne pouvez pas dire qu'il n'y aura pas deux classes... qu'il va y avoir deux classes de citoyens. À partir du moment où on maintient l'emprisonnement, vous, vous dites: On reconnaît que vous le maintenez, mais vous nous compliquez la vie, puis ce ne sera peut-être pas aussi efficace. Très bien. Mais vous ne pouvez pas à ce moment-là dire en même temps qu'on le maintient puis qu'on l'enlève.

M. Brunet (Paul):«Was it broken to be fixed?» Qu'est-ce qui était brisé qui avait besoin d'être réparé ici aujourd'hui? Pourquoi? Pourquoi cette nouvelle infraction, M. le député?

M. Charbonneau: La problématique, c'est que moins on va avoir de gens qui vont rester dans les établissements pénitentiaires, mieux ça va être à la fois pour l'espace qu'on va récupérer pour des fins qui vont nous empêcher, puis je pense que je suis d'accord avec le ministre, de construire de nouveaux établissements pénitentiaires. Puis, deuxièmement, le fait que des gens ne se retrouvent pas en prison va faire en sorte qu'on va criminaliser moins les gens. Parce que, même une semaine en prison, là, pour certains individus qui ont choisi... ce n'est pas la sinécure.

Mais, encore là, moi, je n'arrive pas à saisir dans quelle mesure vous êtes justifiés d'aller jusqu'où vous allez dans vos affirmations. Parce que c'est fort, vous dites: C'est un message d'amnistie que le Parlement va envoyer puis c'est un message d'impunité. Alors que, dans le fond, on crée une nouvelle infraction qui risque, si la personne se retrouve en prison, de lui coûter plus cher et de faire en sorte que le temps passé à l'intérieur va être plus long, avec en plus comme conséquence qu'il n'aura pas rayé sa dette.

M. Brunet (Paul): Je ne suis pas sûr qu'au bout du compte il va de toute façon la payer, sa dette. Comme me disaient des greffières et des greffiers de cours: On va avoir affaire à des milliers de dossiers qui vont traîner ad vitam aeternam dans les dossiers, parce qu'ils ne seront jamais réglés. Mais, moi, j'ai un peu de misère, M. le député...

M. Charbonneau: Non, mais, s'ils ne sont pas réglés... Reprenons. S'ils ne sont pas réglés... Puis on verra, là. Nous, quand on va débattre du projet de loi, il va falloir se poser la question, effectivement. Je veux dire, si quelqu'un fait six mois, un an, un an et demi d'emprisonnement à cause de la nouvelle infraction puis qu'il ne paie pas à nouveau sa dette, qu'est-ce qu'on va faire après? Bon. Sauf que le coût social, c'est-à-dire le message social, est plus fort. C'est un message où, actuellement, il y a une conséquence plus forte à l'acte. Si tu es de mauvaise foi, bien, je vais te dire une affaire: un an et demi de prison, c'est pas mal plus que sept jours de prison.

Mme Gilbert (Claudie): Dans ce cas-là, vous ne réglez pas votre problème des gens qui sont dans les prisons et des coûts reliés à l'emprisonnement si les gens se retrouvent encore plus longtemps qu'ils sont actuellement.

M. Charbonneau: Mais, dans le fond, ce qu'on fait comme hypothèse, je présume, c'est ce que vous... c'est qu'il va y avoir plus de gens qui vont finalement... Parce que les mesures intermédiaires vont être augmentées et plus fortes, on fait l'hypothèse que, au bout du compte, l'entonnoir va être encore plus restreint. Mais on est d'accord, tout le monde, on est d'accord qu'il y a un nombre x difficile à déterminer mais minoritaire de gens qui, de toute façon, vont se retrouver en prison.

M. Cardinal (Jean-Paul): Mais, là-dessus, M. le député, on se rejoint. Tout le monde ici qui travaille dans le monde municipal, on est d'accord avec le projet de loi qui nous est proposé. La chose qu'on vous dit, c'est: Maintenez la peine d'emprisonnement telle qu'elle est gérée actuellement pendant un certain délai, puis, d'après moi, l'entonnoir dont on parle, justement, il va rétrécir encore et encore, puis, la journée qu'il aura assez rétréci, on n'en parlera plus.

Une voix: On se reparlera dans un an.

M. Cardinal (Jean-Paul): On n'en parlera plus.

Mme Millette (Sylvie): Savez-vous, M. le député, ce que l'on dit? Quand vous parlez de la nouvelle plainte, ce qu'il est important de vous dire, c'est que la nouvelle plainte nous inquiète parce qu'il n'y a aucune disposition législative qui établit le mécanisme de la nouvelle plainte, alors que, là, pour la demande d'imposition de peine d'emprisonnement, c'est bel et bien établi. La nouvelle plainte va être traitée comment? Comment? Il va falloir la signifier, cette plainte-là? À qui? À quoi, quand on ne retrouve pas le défendeur, qui se pousse, qui change d'adresse trois, quatre fois par année? Comment elle va être gérée, cette nouvelle plainte là? Le Code de procédure pénale, à l'heure actuelle, c'est sous la forme d'une déposition d'un constat d'infraction et qui requiert une amende minimum, et non pas d'amende et peine d'emprisonnement. Ce qu'on veut savoir, c'est pourquoi qu'il n'y en a pas, de dispositions et de mécanismes dans ce projet de loi là pour traiter cette nouvelle plainte là. C'est très inquiétant!

M. Charbonneau: Non, mais ça, on a compris le message. Moi, je pense que vous mettez le doigt sur un problème qu'on va avoir à regarder quand on va étudier en détail le projet de loi. Ça, moi, je conviens de ça, là. Mais, c'est comme je vous disais tantôt, faisons l'hypothèse, là... Et je ne peux pas présumer, là, de comment on va... quelle va être la conclusion du travail qu'on va faire par la suite, mais faisons l'hypothèse qu'on règle ce problème-là. Encore une fois, si on règle ce problème-là, vous allez être en mesure, au niveau des cours municipales puis des municipalités, de pouvoir opérer, selon la prétention de votre collègue, plus rapidement et peut-être avec beaucoup plus d'intérêt. Et, à ce moment-là, finalement, un dans l'autre, on va peut-être passer un message, aussi, social plus fort, c'est-à-dire qu'à un moment donné, là, sept jours de prison, à quelque part, quand tu es de mauvaise foi, il y a une conséquence à l'acte qui est peut-être plus importante qui devrait suivre un tel comportement que simplement... Parce que, si on convient que la majorité des gens finissent par payer, surtout à la fin, bon, il reste un noyau d'irréductibles, puis ce noyau d'irréductibles, c'est clair que le message qu'on doit envoyer, c'est qu'ils ne peuvent pas gagner sur l'État et sur la société, il y a une conséquence à l'acte.

M. Tremblay (Michel): Me Simard.

Mme Simard (Diane): M. le député, pour régler le problème, justement, dont vous parliez, puisqu'il n'y a pas de mécanisme, pourquoi ne pas revenir aux mandats d'emprisonnement tels qu'ils existent actuellement et le problème serait réglé? Et indiquez dans le Code de procédure pénale que l'emprisonnement n'efface pas la dette, et tout le monde va être content. Je pense que, si ce que vous dites... Il y a un problème avec l'article 366 parce qu'il n'y a pas de mécanisme. Eh bien, avec les mandats d'emprisonnement actuels, tous les mécanismes sont prévus, c'est une procédure qui s'est avérée efficace, qui a été éprouvée, qui a été démontrée, que le milieu municipal souhaite conserver. Et contactez des gens au gouvernement lui-même, au ministère de la Justice, il n'y a personne qui a de la misère avec ça, les mandats d'emprisonnement. C'est une procédure qui est... Il n'y a jamais personne qui a eu des problèmes avec cette procédure-là au niveau du Code de procédure pénale, là. Alors, pourquoi ne pas la conserver et retirer l'article 19? Et votre projet de loi, il va être parfait.

Et, dans un an, dans deux ans... Le ministre nous dit que les mesures sont tellement efficaces que les gens vont payer, la suspension de permis de conduire, saisir les véhicules, les gens vont payer, que c'est des mesures puissantes. Eh bien, attendons dans un an, dans deux ans, et puis, si nous-mêmes on constate que les gens paient et qu'on n'en émet plus, de mandats, bien, on va vous dire: Bien oui, vous aviez raison. Et il ne sera pas trop tard à ce moment-là. Mais là, si vous le faites maintenant, là, c'est que vous créez une classe d'individus qui vont être intouchables, et le 50 % de mandats d'emprisonnement qui sont payés, il n'y aura aucun moyen de récupérer ces 50 % là. Il n'y aura aucun moyen.

n(15 h 30)n

Alors, l'article 19 tel que rédigé, là, pour régler le problème, c'est de l'enlever, ce n'est pas de chercher à compliquer les choses. L'économie du Code de procédure pénale se voulait, lorsqu'il a été adopté, pour faciliter les procédures et non les compliquer. L'article 19 vient compliquer tout ça, là. Ce n'est pas d'alléger, là, on vient complexifier et on vient en plus centraliser une procédure qui va très bien à travers les 86 cours municipales du Québec. C'est ça qu'on est en train de faire, là, puis on est dans un contexte de décentralisation puis de réingénierie de l'État.

Il y a des questions à se poser, là, par rapport à l'article 366, là, par rapport à une procédure actuelle qui ne coûte rien à l'État et qui va très bien. Alors, pourquoi mettre l'article 19 si le ministre dit qu'il ne veut pas abolir la peine d'emprisonnement? Bien, si on ne veut pas l'abolir, la peine d'emprisonnement, qu'on adopte le projet de loi n° 6 et qu'on retire l'article 19, et la peine d'emprisonnement ne sera pas abolie.

Le Président (M. Simard): Alors, je dois mettre fin à nos très intéressantes discussions à ce moment-ci. Vous savez que nous réétudierons article par article ce projet de loi et que tout ce que vous avez dit, les textes que vous avez écrits, comme ceux de tous les témoins évidemment, seront pris en considération à la fois par le ministre dans sa réflexion, s'il veut lui-même déposer des amendements, soit par la commission, soit ensuite par l'Assemblée lors de l'étude du projet de loi. Je vous remercie infiniment de votre participation.

M. Cardinal (Jean-Paul): Et, nous, on vous remercie de nous avoir entendus...

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup.

M. Cardinal (Jean-Paul): ...et on souhaite que vous allez nous écouter.

M. Tremblay (Michel): M. le Président, on vous demande d'écouter pour voir.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard): Je sais que c'est très tentant de... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je sais que c'est très tentant de poursuivre les discussions...

Une voix: C'est pour ça qu'on n'arrête pas.

Le Président (M. Simard): Oui, c'est ça. Ce soir, ceux qui veulent venir peuvent se réunir.

Une voix: On peut compter sur vous?

Le Président (M. Simard): Pas vraiment, mais je suis sûr que vous ferez bien les choses sans moi.

Alors, nous avons maintenant... Je lui avais dit il y a quinze jours, et je ne prenais pas grand risque en lui disant, que nous verrions régulièrement. Alors, nous accueillons aujourd'hui le président... le bâtonnier du Québec, Me Pierre Gagnon, accompagné de Me Brosseau, je crois, du Barreau et...

M. Gagnon (Pierre): Carole Brosseau.

Le Président (M. Simard): Donc, nous vous écoutons.

Barreau du Québec

M. Gagnon (Pierre): Alors, merci, M. le Président. Mmes, MM. les membres de la commission, M. le ministre. Alors, les remarques que le Barreau du Québec veut faire sur le projet de loi n° 6 vont être regroupées sous cinq thèmes. Alors, le premier thème, ce sera la question de l'élimination de l'emprisonnement comme mesure d'exécution; le deuxième point sur lequel on veut faire des remarques, c'est la création d'une nouvelle infraction; le troisième point, c'est la juridiction concurrente de la Cour du Québec et des cours municipales; quatrième point, la communication des renseignements; et le cinquième point sera l'application de la Loi sur les règlements.

Alors, si je passe au premier point, le projet de loi sous étude propose, comme principale modification, l'élimination du recours à l'emprisonnement comme moyen de perception des sommes dues pour une infraction au Code de la sécurité routière ou aux règlements relatifs à la circulation ou au stationnement. Alors, le Barreau du Québec considère que l'initiative du gouvernement d'éliminer l'emprisonnement comme mesure d'exécution des jugements condamnant une personne à des amendes, nous considérons que cette initiative-là, elle est justifiée. Nous sommes favorables à cette initiative-là. En fait, le recours à l'emprisonnement, selon nous, est une mesure extraordinaire qui doit être utilisée de façon parcimonieuse. Or, le Barreau du Québec estime que l'incarcération pour des contrevenants à des infractions relatives au stationnement ou au Code de la sécurité routière n'est pas une mesure qui a fait ses preuves. Elle n'est donc pas, selon nous, dans cette catégorie, que l'on doit utiliser, selon nous toujours, de façon parcimonieuse, des genres d'infractions pour lesquelles on devrait utiliser l'emprisonnement.

À cet égard, l'exemple des modifications législatives apportées ces dernières années au Code de la sécurité routière et au Code criminel à l'égard des conducteurs ayant des facultés affaiblies est révélateur. Au surplus, les infractions au Code de la sécurité routière ou à la réglementation municipale en matière de circulation ou de stationnement représentent une proportion considérable des constats d'infraction émis. Par exemple, on sait que ces infractions représentent 97 % des constats d'infraction émis par la ville de Montréal.

Cependant, si les mesures législatives nous apparaissent acceptables, dans la mesure où l'abandon du recours à l'emprisonnement est acceptable, il faut que ce soit accompagné, selon nous ? c'est vraiment une condition qui est importante... Alors, la première disposition seule, selon nous, ne serait pas acceptable, si elle n'était pas accompagnée de mesures législatives aptes à assurer le paiement des amendes imposées par les tribunaux et, par conséquent, d'assumer le respect des lois. Alors, je n'ai pas besoin de vous faire un grand dessin pour savoir ce qui pourrait arriver si on n'est plus capables de faire assurer le respect des lois au Québec.

n(15 h 40)n

Ainsi, l'article 5 du projet de loi modifie l'article 194 du Code de la sécurité routière en prévoyant de nouveaux moyens de contrainte de nature administrative. Alors, les exemples sont la suspension de permis, l'interdiction de mettre en circulation tout véhicule routier, etc. Alors, ce sont des mesures qui accompagnent la modification proposée et qui, selon nous, sont importantes et sont même essentielles.

Le deuxième thème sur lequel on veut faire des remarques, c'est la création d'une nouvelle infraction. Alors, l'article 19 du projet de loi remplace l'actuel article 366 du Code de procédure pénale en créant une nouvelle infraction punissable par un emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans moins un jour de prison. Alors, cette mesure s'applique si, de façon délibérée, une personne tente de se soustraire au paiement des sommes qu'elle doit en refusant les diverses modalités de paiement qui lui sont offertes pour s'acquitter ou en ne respectant pas les engagements qu'elle prend de se présenter devant le percepteur ou en refusant ou en négligeant des travaux compensatoires ou en se rendant insolvable.

Alors, à cet égard, le Barreau du Québec s'inquiète du pouvoir... Alors, nous inquiétons du pouvoir qui est conféré au percepteur dans les circonstances. En effet, la discrétion que devra nécessairement exercer le percepteur pour déterminer si, de façon délibérée, la personne a tenté de se soustraire à l'infraction qui est commise risque de donner au percepteur la tâche de déterminer s'il y a infraction, pouvant ainsi, selon nous, usurper le rôle traditionnellement dévolu au tribunal. En effet, les demandes du percepteur pourraient être irréalistes face aux obligations financières et aux moyens du défendeur. Et on comprend qu'un percepteur qui aurait la gâchette plus facile qu'un autre ou qui serait en fin de saison, qui n'aurait pas encore pris ses vacances, il aurait la possibilité d'appliquer ça d'une façon assez différente. Alors, nous pensons que le défendeur à ce moment-là pourrait refuser, possiblement à juste titre, les modalités offertes par le percepteur, et, dans les circonstances, ça remet autrement dit dans les mains du percepteur la commission ou non de... Autrement dit, il crée l'infraction puis il décide si elle a été commise en même temps, un peu comme en déontologie.

Pour ces motifs-là, le Barreau du Québec souhaiterait qu'on modifie le nouvel article 366, et nous suggérons la façon suivante de l'écrire, alors: «Qui tente volontairement et sans excuse raisonnable». Alors, on propose d'ajouter «et sans excuse raisonnable». Vous comprenez l'importance, pour beaucoup d'aspects juridiques, de faire en sorte qu'il puisse y avoir un moyen de défense qui soit inscrit dans l'article. Nous pensons que nous allons au devant de beaucoup de problèmes si on ne le faisait pas.

Troisième remarque, juridiction concurrente de la Cour du Québec et des cours municipales. Alors, le projet de loi prévoit qu'«une poursuite prise en vertu du présent article ne peut être intentée que par le Procureur général devant la Cour du Québec ou une cour municipale». Remarquez que c'est notre compréhension de l'article 19 du projet de loi, qui modifie 306, alinéa 2, du Code de procédure pénale. Si on se trompe, ce n'est pas grave, là, mais notre compréhension à nous, c'est que, tel qu'il est écrit, ça peut devenir plus grave si beaucoup de personnes pensent, comme nous, que ça veut dire ça et puis qu'il n'y a pas de correction de faite, ça peut faire que beaucoup de causes vont se plaider, alors que ce serait très facile, selon nous, de régler le problème à l'avance.

Alors, je reviens à ce que je disais, le Barreau du Québec appuie la nouvelle approche de la saine juridiction concurrente à la Cour du Québec et aux cours municipales. Par ailleurs, ce qui nous fatigue, c'est le fait qu'on semble limiter au seul Procureur général le rôle de poursuivant dans tous les cas. Alors, nous croyons qu'une plainte pourrait être portée par le Procureur général, soit devant la Cour du Québec, et par une municipalité... c'est-à-dire le Procureur général pourrait la porter dans les deux cas, soit devant la Cour du Québec soit devant une cour municipale, et la municipalité, quant à elle, pourrait porter la plainte devant sa cour municipale lorsque les dossiers naturellement concernent cette municipalité.

Alors, à défaut d'amender cette disposition-là dans ce sens, nous croyons que la complexité administrative du projet de loi entraînera nécessairement une mise à l'écart de la disposition ainsi créée. Est-ce que le Procureur général va s'occuper de façon égale et régulière de chacune des municipalités? J'ai entendu un petit peu, en attendant, là, certaines préoccupations qui faisaient en sorte qu'il y a plus de chances que les gens naturellement qui sont impliqués dans la municipalité voient de façon plus régulière et spécifique à ce que les dossiers soient traités. Alors, nous croyons que, si on laisse au Procureur général ce choix de porter les plaintes dans les deux cas, il pourrait arriver que cette mesure-là ne soit pas, enfin dans certaines régions ou dans certaines périodes, véritablement appliquée.

Quatrième remarque, la communication des renseignements. Alors, l'article 10 du projet de loi modifie l'article 611.1 du Code de la sécurité routière afin de permettre à la Société de l'assurance automobile de communiquer des renseignements qui y sont définis. Par ailleurs, cette communication ne doit pas révéler le nom et l'adresse de la personne concernée ni les raisons pour lesquelles ces mesures ont été imposées. Alors, le Barreau du Québec estime que, pour l'application de la loi, ces mesures sont nécessaires. Cependant, le Barreau aimerait réitérer, comme il l'a toujours fait, que la divulgation de tels renseignements ne doit être faite que pour permettre l'exécution et la finalité de la loi. En aucun temps ces renseignements ne devraient être dévoilés dans d'autres circonstances.

Cinquième et dernier thème que nous voulons aborder, l'application de la Loi sur les règlements. Alors, le projet de loi ajoute un élément au pouvoir réglementaire du gouvernement déjà établi par le Code de la sécurité routière. Par ailleurs, l'obligation de publication prévue à l'article 8 de la Loi sur les règlements ne s'appliquera pas au règlement pris en vertu du paragraphe 52° du premier alinéa. Le ministère des Transports prévoit que l'Union des municipalités et la Fédération québécoise des municipalités locales et régionales seront consultées avant que les projets de règlement soient soumis au gouvernement.

Alors, le Barreau du Québec s'inquiète du fait que l'on puisse limiter la consultation seulement aux deux associations désignées, non pas que ces deux associations-là on puisse avoir rien contre elles naturellement, cependant ce sont des associations volontaires, certaines municipalités pourraient ne pas en faire partie, une d'elles pourrait cesser d'exister ou être remplacée par une autre association. En fait, nous pensons que cette consultation pourrait être plus large et permettre à des organismes directement intéressés par ces questions de pouvoir se prévaloir des modalités prévues à la Loi sur les règlements pour faire valoir leurs commentaires. La légitimité de la consultation pourrait peut-être être douteuse dans l'éventualité où certaines municipalités n'adhéreraient pas comme membres, comme je le mentionnais, à l'une ou l'autre des associations, et on peut penser qu'un certain nombre de municipalités ne pourraient pas, à ce moment-là, faire leurs représentations.

Un autre élément qui semble peut-être avoir été omis, c'est la question des communautés autochtones qui ne sont pas visées par cette disposition, ce qui risque de créer une situation d'injustice.

Alors, pour tous ces motifs-là, le Barreau du Québec propose de maintenir l'obligation de publication prévue à l'article 8 de la Loi sur les règlements ou, à défaut, peut-être, si vous ne voulez pas passer par l'article 8, de mettre une disposition qui serait assez large pour permettre de consulter les organismes intéressés mais sans peut-être en désigner expressément, ce qui n'empêcherait pas les deux associations naturellement de faire leurs représentations, comme toutes les autres.

Alors, ça complète, M. le Président, nos remarques, et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Simard): Merci, Me Gagnon. J'invite maintenant le ministre à vous poser les premières questions.

n(15 h 50)n

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier le bâtonnier du Québec, M. Gagnon, et Mme Brosseau d'être venus participer à cette commission. Je dois dire tout d'abord que le mémoire que vous nous avez soumis n'est pas très gros, mais au moins il est précis. Et, effectivement...

M. Gagnon (Pierre): Et substantiel.

M. Chagnon: Et voilà! Ce qu'on a de moins en épaisseur, on le retrouve en qualité.

M. Gagnon (Pierre): C'est ce que nous croyons.

M. Chagnon: Bon.

Une voix: En toute humilité.

M. Chagnon: En toute humilité.

M. Gagnon (Pierre): En toute humilité.

M. Chagnon: La modestie étant le seul défaut du Barreau.

M. Gagnon (Pierre): Ah! pour l'humilité, je dois admettre que ce n'est peut-être pas ma spécialité.

Le Président (M. Simard): Vous n'avez pas de concurrence là-dessus.

M. Chagnon: Ceci étant dit, je voudrais commencer peut-être par le dernier aspect du mémoire que vous avez mentionné, Me Gagnon. Je dois dire que ? et je vous en remercie d'ailleurs ? vous avez soulevé, mis le doigt sur un point qui est tout à fait juste, tout à fait exact lorsque vous dites que la question de la légitimité de la consultation pourrait être douteuse dans l'éventualité où certaines municipalités n'adhéreraient pas comme membres de l'une ou l'autre des associations municipales. Vous avez raison, mais ce qui me touchait aussi davantage, c'était... davantage, autant, je devrais dire, toute la question des droits des autochtones à être entendus, et il m'apparaissait impérieux, et il m'apparaît impérieux... Et je m'incline devant votre raisonnement. Je devrai, à ce moment-là, soumettre un amendement au projet de loi pour faire en sorte... Encore une fois, si j'ai à incliner, là, j'incline probablement à prendre la dernière suggestion que vous nous faites, c'est-à-dire consulter les organismes intéressés, qui incluront tous ceux qui voudront bien être consultés, dans le fond, et ce qui nous permettra de faire en sorte de répondre au questionnement que vous avez soulevé de façon la plus réaliste, la plus rapide possible.

Est-ce que vous êtes...

M. Gagnon (Pierre): ...solution qui, sans être compliquée, vous laisse les portes toutes grandes ouvertes.

M. Chagnon: C'est ça. C'est toujours une formule que j'apprécie, une solution qui, sans être compliquée, permet à tout le monde de se comprendre puis qui permet à tout le monde aussi d'avoir, en pleine transparence, la possibilité d'être entendu. Est-ce qu'on peut dire que l'approche, l'économie du projet de loi n° 6 va dans le sens de la nouvelle législation concernant la détention, et je pourrais même ajouter de la nouvelle jurisprudence, même de la Cour suprême, dans ce sens-là?

M. Gagnon (Pierre): Alors, je veux bien avoir l'air savant, mais là, si vous parlez de jurisprudence spécifique, je vais vous référer à Me Brosseau, qui est notre spécialiste en la matière.

M. Chagnon: Évidemment, je questionne au sujet de la gestion des peines, des temps de détention.

Mme Brosseau (Carole): Écoutez, pour ce qui est... De toute façon, comme vous avez vu, on cite quelques causes dans la présentation qui vous est faite, mais ce qu'on peut dire... Quand on regarde le projet de loi ? si vous permettez, je vais faire un petit peu un rappel sur la structure qui est présentée dans le projet de loi ? d'une part, il y a deux choses: on abolit l'emprisonnement comme mesure d'exécution dans le cas d'infractions au Code de la sécurité routière et dans le cas de stationnement; deuxièmement, on crée une nouvelle infraction qui est de nature tout autre. Donc, on procède par le processus tout à fait différent, et c'est dans ces circonstances-là qu'on propose un amendement en disant: de façon délibérée ou volontairement. Moi, je me suis... la compréhension qu'on avait, c'est de se rabattre sur des expressions qui sont plus communément utilisées, donc «volontairement».

Et il faut offrir aussi un moyen de défense. Comme il s'agit d'un nouveau moyen, il faut... une nouvelle infraction, il faut offrir également un moyen de défense, d'une part parce qu'on vous donnait la préoccupation du percepteur, mais, d'autre part, aussi de l'obligation qui relèverait sur les épaules du percepteur, parce que la jurisprudence, ce qu'elle dit essentiellement, la Cour suprême par ailleurs, ce qu'elle dit essentiellement, c'est qu'il faut que tu observes l'équité procédurale, et la règle audi alteram partem doit être faite. Ce qui veut dire à toutes fins utiles que, d'une part, pour arriver à l'infraction qui est nouvellement créée par l'article 19 du projet de loi, vous devez nécessairement épuiser en amont tout ce que vous avez fait.

On crée des infractions dites de nature administrative. Alors, on va voir, l'expérience a fait en sorte qu'en 1996 les amendements qui ont été apportés au Code de la sécurité routière et qui ont été suivis, vous rappellerez, dans le Code criminel pour justement imposer des sanctions administratives, telles suspension de permis, saisie pendant une période de 15 jours du véhicule dans le cas des facultés affaiblies, ont marqué des points. Alors, nous, notre compréhension, c'est de dire: Oui, on appuie ce projet de loi là parce que, effectivement, dans le cas de la sécurité routière, et comme il s'agit... Il faut bien comprendre, hein, la sécurité routière et tout ce qui est le véhicule automobile est un privilège et non pas un droit. Alors, dans cet esprit-là, on peut avoir des...

M. Chagnon: Je répète ma question: Est-ce que ça ne va pas dans le sens de la nouvelle législation puis de la nouvelle jurisprudence en matière justement de ce genre de délit?

Mme Brosseau (Carole): Écoutez, honnêtement, je ne pense pas qu'on ait fait de recherches dans le sens... Je ne pourrais pas maintenant vous répondre de façon très spécifique, sauf que l'emprisonnement... Et l'emprisonnement a toujours, toujours été vu comme un dernier recours, à tel point que, si on regarde au niveau criminel, là où il s'agit vraiment d'infractions criminelles, quand on regarde... qui n'est pas du tout dans le domaine pénal, là, mais qui s'en inspire par ailleurs, on a vu une gradation continuelle des sentences, on a vu une gradation pour arriver à, le moins possible, utiliser l'emprisonnement.

On pense, au niveau du Code criminel... Puis là je vais vous faire un petit commentaire: J'espère que vous aurez un jour le loisir de travailler sur un projet de loi là-dessus ou sur un programme là-dessus, mais il existe un programme de mesures de rechange, il existe aussi le sursis...

M. Chagnon: Vous suggérez de changer de chambre.

Mme Brosseau (Carole): Oui, mais je fais une petite suggestion, parce que ça fait des années qu'on en parle, si vous le permettez.

M. Chagnon: J'écoute.

Mme Brosseau (Carole): Non, mais on parle de programmes de mesures de rechange, on parle de sursis, etc. Donc, ça va toujours dans un sens de moins en moins vers l'emprisonnement comme tel, dans une institution, mais je ne vous dirais pas que c'est une réussite, là, en Amérique du Nord actuellement. L'emprisonnement reste quand même une mesure très fréquemment utilisée.

M. Chagnon: Je reviens à la page 3, à la fin de la page 2 puis à la page 3 de votre mémoire. Vous dites: «Le Barreau s'inquiète du pouvoir qui est conféré au percepteur dans les circonstances. En effet, la discrétion que devra nécessairement exercer le percepteur [...] "de façon délibérée", la personne a tenté de se soustraire à l'infraction qui est commise, risque de donner au percepteur la tâche de déterminer...» Si vous changiez «percepteur» par «procureur de la couronne» et si on le relisait?

Mme Brosseau (Carole): Est-ce que... Je vais...

M. Gagnon (Pierre): Il se lirait comment, à ce moment-là, monsieur?

M. Chagnon: Non, non, mais c'est votre texte que je suis en train d'amender.

M. Gagnon (Pierre): Oui, oui. Non, mais je veux juste...

M. Chagnon: Relisez-le mais, au lieu de «percepteur», mettez «procureur de la couronne».

Mme Brosseau (Carole): C'est parce que tout l'exercice de perception... Là, je voudrais vraiment comprendre ce que vous voulez poser comme question, M. Chagnon.

M. Chagnon: C'est parce que, dans mon esprit, c'est le procureur de la couronne qui va décider justement de...

Mme Brosseau (Carole): Qui va évaluer la preuve qui va aller au...

M. Chagnon: Qui va évaluer la preuve puis qui va faire en sorte de déterminer si délibérément l'individu a causé, exactement comme vous avez signalé tout à l'heure, d'amont en aval... on est capable de déterminer s'il y a effectivement une preuve comme quoi l'individu n'a pas délibérément voulu se...

Mme Brosseau (Carole): Effectivement, à toutes fins utiles, c'est le procureur de la poursuite, quel qu'il soit, mais, nous, on vous suggère aussi de maintenir au niveau des cours... C'est juste une question de gestion.

M. Chagnon: Oui, mais je mets «couronne», là, pour l'instant.

Mme Brosseau (Carole): O.K. Parfait. C'est au niveau de la poursuite...

M. Chagnon: Parce que ça change du principe du percepteur.

Mme Brosseau (Carole): Effectivement. Ce qui distingue, c'est que, dans la loi sur les substituts du procureur de la couronne, il y a une discrétion qui est très large accordée aux substituts, qui n'est pas nécessairement celle qui va être accordée et celle qui est dévolue aux substituts dans les cours municipales. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, oui, effectivement, c'est au procureur d'évaluer la preuve et ensuite, le cas échéant, de déterminer si, oui ou non, il va y avoir poursuite. Oui, c'est au procureur, sauf que dans la...

M. Chagnon: Mais pour constater comment ça peut changer, par rapport au mémoire que vous soumettez, juste changer «percepteur» par «procureur de la couronne»...

M. Gagnon (Pierre): Je comprends votre question, M. le ministre, comme étant: Si, par exemple, dans le projet de loi qui est soumis, on lisait le mot «percepteur» au lieu de... «procureur» au lieu de «percepteur», est-ce que, à ce moment-là, la remarque qu'on fait quant à savoir si...

M. Chagnon: Ce n'est pas dans le projet de loi. 366 ne fait pas allusion au percepteur.

Mme Brosseau (Carole): Non, non, non, non, c'est 364.

M. Gagnon (Pierre): Non, non, mais...

Une voix: C'est vraiment le mémoire.

M. Gagnon (Pierre): C'est ça, mais ce que je comprends de votre suggestion, c'est qu'on changerait le...

M. Chagnon: Oui, mais, si vous... Quand vous avez écrit votre mémoire, vous avez pensé au percepteur; moi, quand je relis votre mémoire, je dis: Ce n'est pas le percepteur qui va faire ça, c'est le procureur de la couronne. Ça change la vision complètement.

Mme Brosseau (Carole): Au niveau du processus, O.K., c'est le procureur, mais essayez de vous imaginer que, dans le cours régulier des choses, ce n'est pas le procureur qui va être au courant du dossier, pas...

M. Chagnon: Mais c'est lui qui va faire l'évaluation de la preuve.

Mme Brosseau (Carole): C'est lui qui va faire l'évaluation de la preuve parce que, ultimement, si c'est... c'est notre compréhension, c'est que vous voulez éviter justement qu'il y ait trop de poursuites, qu'il n'y ait pas d'incarcération. Donc, ultimement, c'est dans les cas extrêmes, quand on parle «de façon délibérée et volontaire».

n(16 heures)n

M. Chagnon: C'est exactement l'intention qui est recherchée par le législateur au moment où on se parle.

Mme Brosseau (Carole): O.K. Donc, quand ça va arriver là, c'est qu'il va avoir vraiment des éléments de preuve. Mais, dans le quotidien, dans la perception, dans l'évaluation du dossier, il va falloir vraiment que le percepteur ? si je me mets dans la peau du percepteur ? ait, dans le quotidien, lui, à déterminer: Oui, vous pouvez rembourser, oui, je fais une entente avec vous pour les remboursements, qu'il va revoir les conditions de remboursement, qu'il va exercer les avis prévus au Code de la sécurité routière.

M. Chagnon: C'est tout à fait juste.

Mme Brosseau (Carole): Mais c'est dans le quotidien, puis là ça lui laisse une large latitude et aussi de larges obligations sur les épaules aussi du percepteur.

M. Chagnon: C'est tout à fait justifié. Le percepteur a préparé les éléments de la cause pour permettre au procureur de la couronne de déterminer si, oui ou non, il y a lieu de poursuivre. Mais, effectivement, vous avez mis le doigt sur le bobo, c'est effectivement dans des cas extrêmement sévères, extrêmement particuliers qu'il y aura poursuite et c'est pour cette raison que le législateur estime que le procureur de la couronne est encore la meilleure personne pour être capable de faire la détermination de l'intention de la couronne, savoir si on poursuit ou pas.

Mme Brosseau (Carole): Mais la crainte qu'on avait, puis elle est indiquée aussi à la lettre qu'on vous a remise, c'est vraiment au niveau de... Compte tenu du fait qu'un fort pourcentage des infractions à la sécurité routière ainsi qu'au stationnement sont, relèvent de l'administration municipale et sont gérées par les cours municipales, on craint qu'à toutes fins utiles ce soit inapplicable ou que l'application soit fortement réduite, parce que ça va désintéresser les percepteurs ou l'administration municipale à poursuivre dans ce sens-là, ils vont plutôt laisser tomber à un moment donné.

M. Gagnon (Pierre): En fait, ce que nous craignons, M. le ministre, c'est que le principe de ce que vous dites peut être acceptable, cependant, à partir du moment où, dans la réalité des choses, les procureurs de la couronne, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent pas... ou ne sont pas placés où ils ont de la disponibilité, ou les circonstances font qu'ils puissent aller s'occuper de ces choses-là, à ce moment-là, on pense que la solution qu'on offre d'introduire le niveau de l'excuse raisonnable permettrait quand même au tribunal, éventuellement, de pouvoir...

M. Chagnon: Le seul problème, c'est qu'on risquerait de revenir à la situation exactement, celle qu'on connaît actuellement, puis d'avoir le même niveau d'incarcération.

M. Gagnon (Pierre): Là, vous avez toute une série de dispositions ? bonjour ? j'ai passé rapidement là-dessus tantôt parce que ça me semblait très clair. Vous avez déjà, là, la possibilité de suspendre le permis, d'interdire de remettre en circulation le véhicule, de mettre le véhicule au rancart, d'interdire la cession, l'acquisition. À quelque part, c'est toutes des dispositions que vous n'aviez pas pour ces cas-là et qui...

M. Chagnon: Pour le stationnement.

M. Gagnon (Pierre): ...nous apparaissent de mesure à... de nature, c'est-à-dire, à réduire le nombre de cas d'emprisonnement. Sinon, honnêtement, si nous pensions qu'au bout du compte on change quatre trente sous pour un dollar, en tout cas, si on avait cette impression-là, on vous le dirait.

M. Chagnon: Dans votre boîte à malice, est-ce que vous avez d'autres idées qui vont dans le même sens?

M. Gagnon (Pierre): Ce n'est pas la malice qui manque, c'est peut-être le temps d'avoir étudié votre document, pour le soussigné, mais on va y penser, M. le ministre.

Mme Brosseau (Carole): Mais, M. le ministre, si vous me permettez, je ne crois pas par ailleurs que ça mène nécessairement à un emprisonnement, comme on le dit actuellement, parce qu'il s'agit d'une nouvelle infraction. Donc, conséquemment, il va falloir faire une nouvelle preuve, donc il va y avoir d'autres procédures. Vous ne pourrez pas... Ça ne se fera pas automatiquement. Et j'imagine que les juges vont avoir à évaluer la preuve et vont avoir à déterminer la peine suivant le dossier qu'ils auront devant eux. Mais, la jurisprudence, et vous m'en parliez tantôt, la Cour suprême est assez claire: comme l'emprisonnement, particulièrement en matière de stationnement, est une mesure extrême, il faut nécessairement que toutes les étapes aient été suivies. Et c'est là où le bât va blesser. Si les suivis ne sont pas scrupuleusement suivis, à ce moment-là, c'est tout le processus d'équité procédurale qui peut être mis en péril, et, à ce moment-là, on donnerait raison à la personne qui serait poursuivie pour cette nouvelle infraction là. Alors, je pense que, là, la jurisprudence joue en votre faveur.

M. Chagnon: Merci.

Le Président (M. Simard): Très bien, merci. M. le député de Borduas maintenant.

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. M. le bâtonnier, madame. Est-ce que vous étiez là tantôt quand l'Union des municipalités a fait sa présentation puis qu'on a eu la discussion...

M. Gagnon (Pierre): Vers la fin.

M. Charbonneau: Vers la fin. Bon. Bien, très bien, si vous étiez vers la fin, c'est ça qui...

Une voix: ...

M. Charbonneau: C'est ça...

Le Président (M. Simard): ...l'opposition, peut-être.

M. Charbonneau: J'aime autant ne pas répondre à ça, M. le Président.

M. Gagnon (Pierre): Ça, on ne se mêlera pas de cette discussion-là, on va vous laisser...

Le Président (M. Simard): C'est des rôles interchangeables.

M. Charbonneau: Écoutez, la crainte de l'UMQ, c'était que la nouvelle infraction signifie, à toutes fins pratiques, l'impunité puis l'amnistie. De votre point de vue, qu'est-ce que vous pensez de cette crainte-là?

M. Gagnon (Pierre): Notre point de vue, c'est comme on vous a dit au début, si de fait on avait enlevé l'emprisonnement sans mettre, sans ajouter les autres dispositions que je viens de rappeler, là, mais que vous connaissez bien, là c'est sûr qu'on aurait un problème, parce que, là, ça deviendrait à la mode de ne pas payer ses infractions, et on est aussi bien de tous s'en retourner chez nous puis de ne plus faire de lois. Mais nous pensons... Nous ne sommes pas d'avis que... Tel qu'articulé et avec les moyens prévus, avec ? respectueusement ? les modifications que nous vous suggérons, on pense qu'effectivement on va dans la bonne direction.

Mais c'est important pour nous, au niveau du Barreau du Québec, là, je pense qu'il y a une question de principe, là, que l'emprisonnement... bien franchement, qu'on doit tout faire pour ne pas placer en prison des personnes qui n'ont pas payé des tickets. On n'a pas, comme société, de temps à faire ça. Mais ce n'est pas correct non plus d'avoir une peine aussi drastique, et aussi une question de coûts et autres. Maintenant, est-ce que les moyens qui sont là sont bons? On vous suggère quelques modifications. On pense que ça va dans la bonne direction, mais on est tous assez intelligents pour être capables d'aller modifier, là, si jamais il y a des choses qui, à l'usage, n'allaient pas aussi bien qu'on le pense.

Mme Brosseau (Carole): Si vous permettez. Si on regarde objectivement la disposition, là, à l'article 19, la nouvelle infraction, le 366, c'est sévère. O.K. C'est deux peines cumulatives. Dans le fond, ça n'efface pas les amendes et, deuxièmement, il y a un emprisonnement de deux ans moins un jour... pouvant aller jusqu'à deux ans moins un jour. C'est très sévère. Il s'agit d'une nouvelle infraction. Il s'agit effectivement, peut-être du point de vue de l'Union des municipalités du Québec, d'une nouvelle situation qui va générer des coûts dans sa gestion. Ça, c'est clair. Mais c'est quand même une infraction très sévère. Et cette personne-là qui, volontairement... Je vous réfère à l'affaire Poirier, dans l'affaire de ville de Lachine. Ça, c'était un cas qui passerait ici. Donc, ça n'effacerait pas nécessairement. C'est très sévère.

Où le bât peut blesser, mais le bât, à mon avis, blesse actuellement mais d'une autre façon, c'est qu'on a des peines discontinues. Les gens sont incarcérés pour des fautes de paiement d'amendes pour le Code de la sécurité routière et pour le stationnement, on s'entend, là. C'est de ça dont on parle aujourd'hui, on ne parle pas d'autres types d'infractions de nature pénale, là, qui sont en cause. Mais ces personnes-là, à toutes fins utiles, font parfois de l'incarcération et parfois pas. Où le bât pourrait blesser, c'est les personnes qui sont sans revenu et qui n'auraient pas les moyens effectivement de payer l'amende. Mais là ce serait extrême. Puis, la situation, on la vit encore aujourd'hui, alors elle n'est pas inchangée pour ces gens-là, ils sont automatiquement... ils reçoivent un avis d'incarcération et ils vont effectivement faire sur une peine... de façon discontinue leur peine. Mais c'est peut-être cette situation-là à laquelle songeaient les personnes qui sont sans revenu, qui n'ont pas de revenu.

M. Charbonneau: Sauf que les personnes qui sont sans revenu ne sont pas empêchées de faire des travaux compensatoires ou...

Mme Brosseau (Carole): Justement, mais ça, ce serait en amont, c'est ça que je vous dis...

M. Charbonneau: Ça veut dire qu'il faudrait...

Mme Brosseau (Carole): Pour arriver, là, à dire volontairement qu'ils ne se seraient pas présentés, qu'ils seraient récalcitrants, etc., là, c'est...

n(16 h 10)n

M. Charbonneau: Est-ce que j'avais raison de dire tantôt aux gens, aux procureurs de l'Union des municipalités que, justement, le dossier, l'accumulation des éléments d'information dans le dossier quant à la non... pour non-respect des mesures proposées alternatives ferait en sorte que, finalement, ce serait déjà un élément de preuve pour établir, disons, l'intention? Parce que, eux, ce qu'ils disaient, c'est que, finalement, ça va être très difficile de prouver l'intention. Est-ce que, dans l'accumulation, justement, des refus, il n'y aura pas aussi une intention? Parce que, au bout du compte, ceux qu'on va, disons, coincer avec cette nouvelle infraction là, c'est ceux qui sont vraiment de mauvaise foi, là.

Mme Brosseau (Carole): Écoutez, l'intention... Je pense que dans toute situation la mens rea n'est jamais facile à établir. C'est une question de fait. Mais, quand vous dites: Nous, regardez ce qu'on a fait par percepteur, il y a une accumulation, ça n'équivaut pas à présomption, là. Il n'y a pas un remboursement, là, qui sert de preuve là-dedans, il n'y a pas une présomption, mais il est évident que l'accumulation de faits fait qu'on peut arriver à une conclusion de mauvaise volonté. Et puis on peut très bien interroger les personnes, il peut y avoir des témoins qui viennent à ça. C'est clair que c'est une preuve nouvelle. Mais, quand vous avez une accumulation de faits... Et d'ailleurs, je pense que le percepteur, dans les circonstances, n'aura pas le choix de tenir, de faire une feuille de route en disant: Voici ce qui a été fait, voici ce qui a été engagé, puis, à chaque fois, cette personne-là n'a pas respecté ses engagements. Mais c'est vrai que l'excuse légitime, là, il va falloir que... Son moyen de défense, à cette personne-là, va être difficilement surmontable, là, parce qu'il faut comprendre que, oui, on a à faire la preuve, mais il y a aussi un moyen de défense. On vous suggère l'excuse légitime, mais il va falloir qu'il dise et explique à chaque fois, puis c'est une question de crédibilité, puis le juge va déterminer si, oui ou non, il y a culpabilité.

M. Charbonneau: Une autre question. Peut-être que vous pourriez peut-être nous donner des avis comme juristes, parce que, bon, quelqu'un ferait son emprisonnement, c'est-à-dire subirait l'emprisonnement, ferait son temps, comme on dit, il reste qu'il doit encore... Je veux dire, l'amende, la dette reste toujours là. Qu'est-ce que le législateur devrait prévoir si la dette n'est pas encore payée?

Mme Brosseau (Carole): Là, c'est encore les moyens civils. En n'effaçant pas la dette, le jugement prévaut, le jugement est toujours là. Le jugement ne s'éteint pas automatiquement, il en a pour 30 ans. Alors, allez-y, vous pouvez faire... Vous l'avez... Il y a tous les moyens civils: perception, etc. Ça fait que vous pouvez... Ça reste toujours, le jugement est toujours là. C'est ce que ça veut dire, que le jugement initial, l'amende n'est pas éteinte, au contraire, elle a augmenté. Est-ce que vous suspendez pendant le temps... l'incarcération les intérêts qui s'accumulent? Je ne crois pas. Ce n'est pas ma compréhension de l'analyse qu'on en a faite. Mais ça s'accumule.

M. Gagnon (Pierre): Alors, vous pouvez profiter de ce conseil gratuit que vous avez reçu.

Mme Brosseau (Carole): Le jugement, c'est un jugement qui est exécutable.

M. Charbonneau: Oui. Bien, merci, les contribuables apprécient.

Le Président (M. Simard): Alors, j'ai demandé au député de Chicoutimi à poser une prochaine question.

M. Bédard: Alors, je vous remercie, M. le bâtonnier, Me Brosseau. Je reviens un peu sur le même point, pour bien le comprendre, où vous demandez... Vous dites que le percepteur se met en position où lui-même se trouverait à porter l'accusation, mais j'ai de la misère à comprendre effectivement, comme c'est le procureur dans tous les cas. Mais c'est surtout... Et là où j'ai plus de misère encore, c'est quand vous dites à la fin: Bon, pour ces motifs, on vous demande de modifier l'article 366 de la façon suivante. Mais je lis ce que vous mettez, mais je ne vois pas en quoi ça pourrait changer la réalité, soit celle où le percepteur va analyser le dossier, va plutôt constater qu'il y a, lui, à son... disons, la preuve qu'il accumule, comme un policier d'ailleurs, comme... lui va voir à ce moment-là... va transmettre le dossier au procureur, qui, lui, prend la décision de porter ou non des accusations.

Mme Brosseau (Carole): C'est toute une question d'accumulation de preuves. Ce que va faire le percepteur... Et la crainte qu'on avait, c'est que le percepteur puisse déterminer les conditions d'entente, les conditions sans tenir compte de la réalité, dire: Bon, bien, moi, je fixe ça à tant, c'est ça, on s'établit des critères administratifs.

M. Bédard: D'accord. Parfait. Mais, et là c'est simplement, là, que je veux bien comprendre, ça, c'est vrai un peu... Et c'est le procureur qui va être amené. Mais, quand vous dites: On va modifier l'article 366 en incluant «qui tente volontairement et sans excuse raisonnable», encore là, ça va être le procureur qui va déterminer. Mais, entre vous et moi ? parce que le droit pénal, là, ça fait longtemps, là, que... mais, quand on dit «de façon délibérée», évidemment, c'est une infraction de responsabilité ni stricte ni absolue, donc ça demande, comme on l'a vu, une intention coupable, avec la possibilité de la défense de l'excuse légitime, de toute façon. Parce que, si on demande une mens rea...

Mme Brosseau (Carole): Il faut le préciser.

M. Bédard: ...normalement, on peut faire une preuve d'excuse légitime.

Mme Brosseau (Carole): D'excuse légitime. Mais, souvent, je vous dirais qu'on prend le libellé de ce qu'on retrouve en jurisprudence.

M. Bédard: Je suis d'accord. Mais est-ce qu'on est d'accord que, la façon que je l'interprète, même si je mets le paragraphe que vous mettez, le début, j'arrive au même résultat: le dossier va être transmis, les gens aussi ont droit à la défense de diligence raisonnable, ils ont le droit aussi à démontrer qu'ils n'avaient pas une intention coupable ou, autrement dit, que le percepteur a mal... lui a donné des conditions qui étaient inacceptables ou faisaient en sorte qu'il le mettait en situation où il était incapable de payer, autrement dit qu'on arrive au même résultat de cette façon-là?

Mme Brosseau (Carole): ...le faire, sauf que, du point de vue du citoyen, et, nous, on essaie de se mettre du point de vue du citoyen, arriver dans un processus judiciaire alors qu'au niveau administratif il aurait pu y avoir des arrangements, c'est quand même stigmatiser ? excusez, ce n'est pas très français ? stigmatiser davantage cette personne-là. C'est en cela que notre inquiétude venait.

Une voix: ...

Mme Brosseau (Carole): C'est français? Écoutez, c'est très français...

Une voix: ...

Mme Brosseau (Carole): Je ne le sais pas, mais là je sais qu'en droit pénal, en droit criminel, on le dit souvent, mais, je veux dire, est-ce que c'est français? Je m'inquiétais de ma langue française.

Mais c'est ça. Peut-être on est... Ce n'est pas nécessaire d'arriver à ce processus, c'est un processus inutile. Alors, c'est traumatisant aussi pour la personne. Alors, dépendamment du percepteur, il y a des fois où les problèmes ne se poseront pas, mais, dépendamment de d'autres situations, ça peut laisser une latitude au percepteur qui soit assez grande. C'est plus, vraiment, en situation du point de vue du citoyen, là, qu'on a vu ça.

M. Bédard: Mais est-ce qu'on est d'accord que...

Mme Brosseau (Carole): Mais ça ne change rien pour ce que vous avez dit tantôt, pour 366, là. Ça, je suis d'accord, je partage votre avis.

M. Bédard: C'est ça. Donc, on est d'accord que, même dans le libellé actuel, c'est la même chose.

Mme Brosseau (Carole): Absolument.

M. Bédard: Autrement dit, si cette personne-là, le percepteur utilisait mal sa discrétion, eh bien, tout simplement, la personne, qu'on change ou non l'article, comme vous le souhaitez, va être acquittée parce que, effectivement, elle a fait soit une démonstration de diligence raisonnable ou elle n'avait pas l'intention.

Mme Brosseau (Carole): Elle va pouvoir établir une défense, c'est ça, d'excuse.

M. Bédard: Par contre, on parle encore dans les cas extrêmes, là. Moi, j'imagine, là, deux ans moins un jour, ça va prendre quelqu'un qui... vraiment, là, c'est une tête brûlée, carrément, et que, là, lui, j'imagine aussi, là, sans présumer, que ce ne sera pas sa première expérience devant les tribunaux. Je vais vous dire bien honnêtement, là, je ne suis pas sûr qu'il va être si stigmatisé que ça. Il va peut-être en avoir, mais je suis convaincu que les cas qu'on va aller chercher, ça va être plutôt quelqu'un... et là je le dis avec beaucoup de précautions, mais il va avoir quand même une certaine habitude des tribunaux.

M. Gagnon (Pierre): À l'inverse, par contre, le fait de l'indiquer, je pense, quand même fait, établit quelque part un équilibre, et on pense aussi que ça... On parle de droit pénal, de sécurité routière, il y a beaucoup de gens qui peuvent être capables de lire eux-mêmes la voie d'une certaine défense dans le texte, là.

M. Bédard: Autrement dit, c'est ça, par votre amendement, vous voulez le rendre...

M. Gagnon (Pierre): Plus visible, finalement.

M. Bédard: Parce que, nous, on le sait. Parce que, vous, vous faites du droit pénal régulièrement, mais vous dites: Pour la personne qui lit le texte, elle va mieux savoir qu'elle peut faire la preuve, parce que souvent ils ne sont pas représentés par avocat, qu'elle peut faire la preuve qu'elle a fait diligence raisonnable. Est-ce que c'est le but que vous visez?

Mme Brosseau (Carole): C'est ça, oui, qu'elle a fait diligence raisonnable et que ça peut permettre à cette personne-là d'avoir... dire, bien, en bout de piste... Parce que, écoutez, il faut être conscients que, pour beaucoup de citoyennes et de citoyens, la sécurité routière, les infractions au Code de la sécurité routière, et au stationnement dans certains cas, ça va être leur seul contact dans leur vie avec la justice, d'une façon ou d'une autre. Alors, c'est pour permettre aussi à ces gens-là... et pour lancer le message clair qu'il y a des possibilités d'excuse. Donc, on doit bien faire son travail, parce que ce ne sera pas un automatisme, ce que craignait M. Chagnon tantôt, ce ne sera pas un automatisme dans ces circonstances-là et ça ne peut pas être perçu comme ça. Et puis je peux vous dire qu'en vertu de la Charte c'est comme si on blindait comme il faut cette... Surtout, particulièrement par l'article 12 de la Charte, là, la Charte canadienne, 4 et 24 de la Charte québécoise, on blinde.

M. Bédard: Pour fins de compréhension, très, très rapidement, mais vous avez dit aussi: Quand... Bon. Certaines mesures sont prévues à l'article 364: interdire... Et là je veux bien comprendre, dites-moi seulement oui ou non, je ne veux pas être trop long, là. Mais, si, autrement dit, on ne respectait pas... Comme la peine est sévère, c'est une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour, c'est quand même des infractions très fortes, aussi importantes, mais, si on n'utilisait pas à sa pleine mesure toutes les mesures administratives prévues, soit entre autres interdire, et tout ça, un juge pourrait conclure que c'est de nature...

Mme Brosseau (Carole): ...

M. Bédard: Ah oui? O.K.

Mme Brosseau (Carole): Écoutez, il faut que ce soit très strict, hein?

M. Bédard: Parce que le texte ne dit pas ça, le texte...

Mme Brosseau (Carole): J'ai relu toute la jurisprudence, là, et j'ai vérifié, là, et le texte ne dit pas ça. Mais, en fait, il va falloir vraiment qu'il y ait gradation. Je ne vous dis pas dans l'absolu, dans l'absolu, non, mais certainement tous les avis, et tout ça, tout devrait être utilisé, épuisé avant qu'on puisse vraiment... tout ce qui est permis ou possible aussi, là.

n(16 h 20)n

M. Bédard: Au niveau administratif.

Mme Brosseau (Carole): C'est ça. Au niveau administratif, là, c'est toujours un petit peu comme la Loi sur les services de santé et les services sociaux le prévoit, même dans l'esprit, c'est de dire: On ne peut pas offrir le service si on ne l'a pas, mais, dans la mesure où vous êtes capable d'offrir un service ou d'offrir les possibilités, il faut les offrir avant de passer à la solution ultime, qui est celle de cette nouvelle infraction là.

M. Bédard: Merci. Merci, M. le Président. Merci pour...

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Chicoutimi. Mme Brosseau, M. le bâtonnier, merci de votre contribution, encore une fois riche et éclairante, et nous reverrons sûrement bientôt.

(Changement d'organisme)

n(16 h 21 ? 16 h 26)n

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Et j'invite le dernier groupe, le Regroupement des organismes communautaires de référence du Québec, à venir se faire entendre. D'abord vous présenter. Et puis vous connaissez notre façon de travailler, puisque vous avez observé les groupes précédents, j'imagine. Alors, nous vous écoutons.

Regroupement des organismes communautaires
de référence du Québec (ROCRQ)

M. Cusson (Jean-François): Bonjour. Mon nom est Jean-François Cusson. Je suis criminologue et je travaille pour l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec. On présente, là... On a une présentation conjointe avec le Regroupement des organismes communautaires de référence du Québec. Et, à ma gauche, vous trouvez M. Éric Lagacé, qui est directeur du Programme de travaux compensatoires pour le YMCA de Montréal et qui est également le représentant du Regroupement des organismes communautaires de référence du Québec.

Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, nous vous écoutons.

M. Cusson (Jean-François): Donc, nous tenons d'abord à vous remercier de nous permettre de vous partager nos commentaires et nos réflexions concernant le projet de loi n° 6. Ces regroupements s'intéressent depuis plusieurs années au dossier de l'incarcération pour non-paiement d'amendes, et nos commentaires seront principalement orientés en fonction de nos observations et de notre expérience auprès des contrevenants qui vivent une situation économique précaire. Il faut quand même savoir que nous ne sommes pas des experts au niveau du droit. Notre expertise se situe ailleurs. En fait, elle se situe sur le terrain des comportements humains, des émotions et des valeurs individuelles et collectives.

Avant de vous présenter nos observations concernant le projet de loi, je veux simplement vous présenter brièvement nos deux organisations. Le ROCRQ, qui a été créé en 1990, est une organisation sans but lucratif qui regroupe les organismes gestionnaires du Programme de travaux compensatoires. Le mandat principal du ROCRQ est de promouvoir des mesures alternatives à l'incarcération et d'humaniser le processus de recouvrement des amendes au Québec. Les organismes membres sont constamment en interaction avec plus de 4 200 organismes d'accueil, recevant au-delà de 14 000 clients en travaux compensatoires chaque année.

Ce qui fait la force de ces organismes, c'est qu'ils sont déjà bien implantés dans leurs communautés, puisqu'ils y offrent généralement une gamme importante de services et une expertise très variée. Le Programme des travaux compensatoires ne représente donc qu'une partie de leurs activités, qui n'ont bien souvent rien à voir avec l'administration de la justice. Plusieurs organismes, en plus d'être impliqués au niveau de la prévention du crime et de la surveillance communautaire, offrent aux citoyens une gamme importante de services. Ils offrent des services d'accompagnement, de soutien à domicile, de médiation, d'entraide, de loisirs, d'action bénévole, pour n'en nommer que quelques-uns. C'est en fonction de leur rayonnement et de leur expertise auprès des clientèles démunies qu'ils reçoivent un mandat de la Sécurité publique, afin de gérer le Programme des travaux compensatoires.

n(16 h 30)n

De son côté, l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec a pour mission d'encourager et de supporter la participation des citoyens dans l'administration de la justice pénale, la prévention de la criminalité et la réhabilitation sociale des contrevenants adultes. À travers le territoire du Québec, l'Association regroupe 50 organismes sans but lucratif, dirigés par des citoyens bénévoles. Ces organismes accueillent annuellement plus de 20 000 contrevenants ayant des démêlés avec la justice qui peuvent autant être sous la juridiction provinciale que fédérale.

Les services qui leur sont offerts sont diversifiés selon les besoins, et la prestation est assurée par du personnel professionnel et/ou bénévole. Plus spécifiquement, le réseau communautaire offre des programmes en matière de travaux compensatoires, de surveillance des personnes faisant l'objet de sursis à l'incarcération, de l'hébergement avec encadrement et des programmes de réhabilitation aux probationnaires, sursitaires et aux libérés conditionnels. On retrouve aussi des programmes spécialisés, notamment en ce qui concerne des questions d'employabilité, de délinquance sexuelle, de santé mentale et de toxicomanie.

Depuis 40 ans, l'ASRS est un témoin privilégié des pratiques correctionnelles fédérales et provinciales et participe activement à la mise en place de solutions novatrices de prise en charge des problèmes de la criminalité. Ces solutions doivent toujours respecter le délicat équilibre entre les besoins de la communauté, des victimes, des contrevenants.

Concernant le projet de loi, dès le départ, nous tenons à confirmer que nous approuvons l'effort du gouvernement à rendre l'incarcération moins disponible pour les contrevenants incapables de payer leurs amendes. Il faut comprendre que l'incarcération n'est pas toujours la meilleure mesure pour traiter des problèmes de comportement, d'autant plus lorsqu'il s'agit de ceux qui sont davantage liés à l'incivisme et à l'irresponsabilité qu'à la vraie délinquance. La prison ne devrait être réservée que pour certaines exceptions et elle doit demeurer une mesure de dernier recours. L'emprisonnement ne règle pas tout. Par exemple, pour de courtes sentences, il n'est pas toujours facile en milieu carcéral de mettre de l'avant des mesures positives qui permettront d'éviter que le comportement déviant ne se reproduise. En d'autres mots, il est préférable de miser sur des solutions qui permettront aux contrevenants de se responsabiliser tout en demeurant dans la communauté. Même pour de courtes sentences, la prison peut avoir un impact néfaste important sur l'individu et sur ses proches.

Il existe présentement certaines alternatives intéressantes qui permettent de favoriser des mesures axées sur la responsabilisation. Dans le cas des amendes qu'un individu ne pourrait payer rapidement à cause de sa situation, il existe la possibilité de prendre une entente de paiement différé ou d'effectuer des travaux compensatoires. L'individu qui reçoit une amende et qui se sait incapable de payer peut signaler sa situation, et on peut alors lui offrir une entente de paiement différé ou des travaux compensatoires. Cependant, on remarque malheureusement qu'un bon nombre de contrevenants préfèrent ne pas se manifester à ce moment, ce qui entraînera plusieurs sanctions administratives pouvant mener jusqu'à l'incarcération.

Il est probable que ces sanctions ou simplement leur menace d'exécution incitent certains contrevenants à payer rapidement ou à prendre certaines ententes. Mais la nécessité ressentie par le fait de déposer un pareil projet de loi laisse supposer une certaine insatisfaction concernant le régime en place. Les modifications législatives proposées sont principalement orientées par le désir de favoriser une récupération plus efficace des sommes dues et par la volonté de mieux s'occuper des cas les plus difficiles que l'on qualifie souvent d'intouchables.

Afin d'évaluer le projet de loi, nous avons cherché à répondre aux questions suivantes: Favorisera-t-il une meilleure utilisation des outils disponibles pour permettre aux personnes qui se retrouvent dans une situation financière difficile de s'acquitter dignement de leurs dettes? Augmentera-t-il l'efficacité de la perception des amendes et une meilleure uniformité à travers la province? Et réussira-t-il à accroître la crédibilité du système?

Comme nous l'avons dit précédemment, nous approuvons l'esprit du projet de loi qui consiste à réserver l'incarcération uniquement à ceux qui, par leurs comportements et par leurs attitudes, ont clairement démontré qu'ils ne veulent pas entreprendre des démarches sérieuses afin de régler leurs amendes. Cependant, nous considérons que certaines modifications essentielles doivent être apportées afin que nous puissions offrir notre plein appui au projet de loi.

Nous proposons d'abord une modification à l'article 333 du Code de procédure pénale. Nous demandons aussi à ce que l'on fournisse aux percepteurs des outils qui leur permettront de mieux évaluer la situation du contrevenant. Nous demandons aussi la levée des sanctions administratives lorsqu'une entente est prise avec le percepteur. Finalement, la mesure d'incarcération doit représenter la mesure finale et mettre un terme au dossier.

Concernant l'article 333. Parce que certains contrevenants se retrouvent dans une situation financière précaire et que, pour certains, il peut être parfois très difficile, voire même impossible, d'en arriver à une entente de paiement différé, nous considérons que l'article 333 devrait inclure, pour le percepteur, l'obligation d'offrir les travaux compensatoires lorsqu'il réalise qu'il sera très difficile pour le contrevenant de s'acquitter de sa dette par les mesures prévues au Code de procédure pénale.

Le mot «peut» de l'article 333 du Code de procédure pénale devrait donc être remplacé par le mot «doit». L'article se lirait comme suit: «Le percepteur qui a des motifs raisonnables de croire que la saisie ne permet pas ou ne permettra pas de recouvrer les sommes dues par le défendeur et qui, après examen de la situation financière de celui-ci, est convaincu que ce dernier est incapable de payer doit, selon notamment la disponibilité des programmes de travaux compensatoires, lui offrir de payer les sommes dues au moyen de tels travaux.»

Pour donner suite à cette recommandation, il nous apparaît essentiel de mieux outiller les percepteurs. Compte tenu de l'impact de cette évaluation sur le contrevenant ainsi que sur ses proches, il apparaît nécessaire de la rendre plus uniforme sur tout le territoire québécois. Il faut donc fournir aux percepteurs des critères reconnus, fixés par règlement, qui permettront de bien saisir la situation financière du contrevenant et qui établiront les montants exigés lors d'ententes de paiement différé ou lors de l'évaluation de la pertinence d'offrir des travaux compensatoires.

La création d'une nouvelle infraction rend l'importance de ces outils encore plus pressante. Rendre disponibles des outils rigoureux aux percepteurs permettrait aussi d'accélérer le processus judiciaire et de moins l'encombrer, de façon à ce que les causes portées à la cour soient davantage reliées à la non-collaboration du contrevenant plutôt qu'à l'incapacité de payer de celui-ci. Présentement, nous sommes d'avis qu'il arrive que des individus soient considérés comme récalcitrants, alors que, dans les faits, ils sont financièrement démunis.

Finalement, si le projet de loi propose d'améliorer la perception des amendes, il devrait aussi solidifier l'accessibilité aux travaux compensatoires qui permettent à l'État de récupérer les sommes dues, comme en fait foi le préambule des contrats de services liant les organismes communautaires et le ministère de la Sécurité publique. Il y est clairement affirmé que les travaux compensatoires permettent le recouvrement des dettes d'un individu. On reconnaît donc l'apport du programme pour la communauté et les organismes qui reçoivent des contrevenants au sein de leurs organisations afin de s'acquitter des montants dus qu'ils ne pourraient payer autrement.

Les travaux compensatoires représentent bien plus qu'une occasion pour le contrevenant de régler son dossier. En plus de rendre service à la collectivité, les travaux compensatoires offrent l'opportunité de vivre une expérience de travail qui peut permettre de développer ou de consolider des compétences ou des habilités qui pourront devenir des atouts importants. Ils permettent d'inclure le contrevenant dans un projet de société qui pourra avoir pour effet d'accroître son sentiment d'appartenance à la communauté.

Considérant une récente étude de M. Guy Lemire, criminologue et ancien directeur de l'École de criminologie de l'Université de Montréal, il ressort que les personnes incarcérées pour non-paiement présentent souvent une inaptitude à prendre les bonnes décisions, une incapacité à envisager les conséquences et les inconvénients qu'entraînent leurs gestes illégaux. À partir de cette réalité, il apparaît évident de privilégier des mesures comme les travaux compensatoires qui favorisent leur responsabilisation.

C'est justement afin d'encourager la responsabilisation des contrevenants que nous proposons de suspendre les sanctions administratives lorsqu'ils entreprennent des démarches de remboursement soit par une entente de paiement différé ou par des travaux compensatoires. S'ils venaient à briser cette entente, les sanctions administratives deviendraient effectives jusqu'au paiement intégral de l'amende. Nous croyons que le respect d'une entente de paiement ou de travaux compensatoires témoigne de la bonne volonté du contrevenant. La possibilité de voir son permis suspendu, par exemple, deviendra un élément incitatif à poursuivre la réalisation de l'entente.

Même si nous approuvons la mise sur pied d'une nouvelle infraction pour ceux qui ne veulent pas payer leurs amendes, nous trouvons fort regrettable que l'emprisonnement soit encore le moyen privilégié afin de traiter de l'incivisme ou les situations qui ont plus à voir avec la conscience sociale qu'avec la criminalité. Il faut réserver l'incarcération uniquement à ceux qui, par leur comportement et leurs attitudes, ont clairement démontré qu'ils ne veulent pas entreprendre des démarches sérieuses afin de régler leurs amendes.

n(16 h 40)n

Nous sommes donc favorables à l'intervention du Procureur général, qui permettra de s'assurer que la personne pour qui on propose une peine d'incarcération est plus un délinquant qu'une personne pauvre. Cependant, lorsqu'un individu se verra condamné à une peine d'incarcération, nous considérons qu'elle devrait libérer le contrevenant des amendes dues. La peine d'incarcération doit demeurer la peine ultime qui met un terme au dossier. Ceci évitera la possibilité d'entrer dans une boucle sans fin permettant plusieurs périodes d'incarcération pour les mêmes amendes.

Considérant que les sanctions administratives et la menace de l'incarcération n'ont pas convaincu l'individu de payer ses dettes, rien n'indique qu'il paiera ses amendes à sa sortie de prison. L'incarcération du contrevenant ne peut pas être considérée comme un gage qu'à la sortie il désirera payer ses dettes afin de ne pas y retourner. Si le simple fait d'incarcérer jouait un rôle important de dissuasion, la récidive serait très rare.

Sur un autre ordre d'idées, nous trouvons regrettable qu'un contrevenant qui se sent lésé dans le traitement de son dossier à une cour municipale ne puisse pas porter plainte à un organisme indépendant. Il serait intéressant de mettre sur pied, en collaboration avec les municipalités, un mécanisme qui permettrait aux citoyens qui le désirent, au besoin, de porter plainte à cet organisme.

En conclusion, nous voulons simplement rappeler que nous trouvons dommage que, dans cet exercice de révision de la loi, il n'a pas été question de la capacité de payer des contrevenants, alors que les amendes et les frais qui y sont rattachés ne cessent d'augmenter. Également, alors qu'on s'intéresse à l'efficacité de la récupération des sommes dues, on ne s'intéresse pas à l'efficacité des mesures disponibles au niveau de la récidive.

Finalement, l'ASRS et le ROCRQ appuient le projet de loi, à condition qu'une modification soit apportée à l'article 333, que des outils d'évaluation soient offerts aux percepteurs et que l'emprisonnement devienne une mesure finale qui libérera des sommes dues.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Et je passe tout de suite la parole au ministre de la Sécurité publique.

M. Chagnon: Je voudrais, M. le Président, remercier MM. Cusson et Lagacé...

Une voix: ...

M. Chagnon: Lagacé? Lagacé.

Une voix: Oui.

M. Chagnon: On s'entend. Lagacé. M. Lagacé, justement, qui travaillait au YMCA Centre-ville et qui était mon voisin de bureau de comté, hein, et que j'ai... dont j'ai connu le service au YMCA, était un service très efficace, son service de travaux compensatoires, qui est très apprécié d'ailleurs dans le centre-ville.

Bien, je voudrais dire tout simplement, grosso modo, le point de vue que vous exprimez est très semblable à celui du législateur. Et il y a des choses qui nous séparent, là, mais pas grand-chose, dans le fond. Vous faites l'apologie des travaux compensatoires. J'en suis. Je crois à ça, moi. Je crois qu'on devrait en faire plus qu'on en fait actuellement. Puis je pense qu'il y a même une obligation qui se crée, dans le projet de loi qui est devant nous, pour qu'il s'en fasse encore davantage.

Et, quand vous suggérez de modifier l'article 333 en changeant le «peut» par le «doit», je ne sais pas si vous étiez ici quand le Barreau passait avant vous, là, mais l'argumentation de Mme Brosseau devrait vous sécuriser par rapport à ce que vous demandez. Il n'est pas nécessaire de changer le «peut» pour le «doit»; l'organisation même de la préparation de la preuve fait en sorte que chacun des éléments qui sont préparés à l'heure actuelle, y compris les travaux compensatoires, font partie intégralement, et ça, elle le disait, de façon blindée, pour faire en sorte qu'avant qu'il y ait incarcération, chacune de ces étapes-là soit étudiée et vérifiée par un procureur. On parle ici, dans mon esprit, davantage d'un procureur de la couronne mais par un procureur qui devra avoir fait exactement ce cheminement-là. Et, dans ce cadre-là, évidemment, l'idée que vous suggérez est déjà, dans le fond, incluse dans l'esprit puis dans la façon de voir et d'interpréter 333.

Lorsque vous suggérez de libérer l'amende suite à une incarcération, dans les cas ultimes, là, dont on parlait, là, libérer l'amende dans les cas d'incarcération, le député de Groulx, tout à l'heure, m'a accroché puis il me disait: Jacques, c'est-u possible, ça, que, une fois qu'on a quelqu'un qui est rentré... qui a fait de la prison, qui a fait une période de temps de deux ans moins un jour au maximum et qui n'est pas libéré de son amende, puisse, un an ou deux ans plus tard, être retourné... retourner en cellule parce qu'il n'a pas payé cette même amende là? La réponse, c'est non. C'est non. Tu ne peux pas être condamné deux fois pour la même infraction.

Et troisièmement... Évidemment, la raison pour laquelle l'amende est toujours là, c'est justement, c'est, encore une fois, en train d'essayer, peut-être... Vous l'avez dit vous-même... Et, ici, il y aura un duo de criminologues bientôt qui aura... Vous l'avez dit vous-même, c'est des cas extrêmement pointus puis, j'espère, rares. Mais, une chose certaine, c'est que nous, comme société, comme représentants de la population, on se doit de chercher à faire en sorte de responsabiliser davantage, de responsabiliser au maximum chacun des citoyens à l'égard des amendes qu'il reçoit.

Et troisièmement, quand vous avez soulevé la question de... J'avais un troisièmement. Je pense que je l'ai perdu. Ça arrive, ça, des fois. C'était...

Une voix: Les critères, non?

M. Chagnon: Les critères d'admissibilité, oui, les critères d'admissibilité concernant, par exemple, les travaux compensatoires, qu'on devrait retrouver dans un règlement. Ce serait quoi, selon vous, les critères d'admissibilité pour déterminer la pertinence des travaux compensatoires, pour déterminer la capacité financière des contrevenants, etc.?

M. Lagacé (Éric): Si on peut prendre l'exemple de l'aide juridique, au niveau de la décision d'offrir l'aide juridique à un citoyen, il y a des barèmes qui existent. C'est un peu dans cet ordre d'idées là que nous avons pensé à des barèmes, des outils de travail qui permettraient à dire: Une entente de paiement, par exemple, qui durerait cinq ans à 10 $ par mois ne serait pas une entente de paiement qui serait acceptée au niveau des barèmes. C'est quand même des choses que nous voyons, aux travaux compensatoires, des ententes de paiement qui s'échelonnent sur des années et des années, et la personne demeure toujours avec le permis de conduire suspendu. Donc, si la personne a besoin de son permis pour travailler...

M. Chagnon: C'était ça, mon troisième point. C'était votre idée de... mon quatrième point, c'est-à-dire, c'était la suspension des... demander de redonner le permis ou de faire en sorte que les sentences administratives soient amoindries lorsqu'on commence des travaux compensatoires. C'est comme n'importe quoi, il me semble que c'est quand tu as fini de faire tes travaux compensatoires qu'on te remet ton permis, ton auto, ton... et non pas quand tu commences à faire des travaux compensatoires. Vous risquez de perdre vos amis.

M. Lagacé (Éric): Qu'est-ce qui arrive, dans les faits, c'est qu'on a... Premièrement, ce n'est pas dans toutes les régions du Québec qu'on a un transport en commun comme Montréal puis Québec. Puis parfois, paradoxalement, on a des gens qui ont des travaux compensatoires à faire qui ne peuvent pas se rendre sur les lieux des travaux parce que leur permis de conduire est suspendu, ou des personnes qui ont des ententes de paiement qui s'échelonnent sur plusieurs mois qui ne sont pas en mesure d'accepter le travail de livreur de pizzas du coin pour pouvoir payer leur entente de paiement. Dans un sens, il s'agit de... On met des obstacles devant l'individu de s'acquitter des mesures qu'on lui offre.

Et qu'est-ce que, nous, on propose comme concept, c'est que, dès que la personne signe pour faire des travaux compensatoires ou signe pour une entente de paiement, qu'il y ait une levée temporaire de la sanction et que si, à un moment donné, la personne ne respecte pas, par la suite, à ce moment-là, les sanctions reviennent de force, mais qu'en quelque part on encourage le citoyen. On parle souvent des mesures dissuasives, mais il faut aussi penser à des mesures d'encouragement: Parce que vous êtes venu nous voir pour prendre une entente de paiement, on va enlever la suspension de votre permis de conduire, mais, si vous manquez vos paiements, on va le resuspendre.

M. Chagnon: Avez-vous pensé que ça va être un plaisir particulier pour les gens de la SAAQ de prendre le permis, reprendre le permis, reprendre... donner le permis, reprendre le permis? Ils vont revirer fous.

M. Lagacé (Éric): Effectivement, il peut y avoir des obstacles à notre concept. Mais le concept est tellement bon... l'idée, l'idée est bonne, mais...

M. Chagnon: Non, non, mais ce n'est pas grave. Ce n'est pas important, dans le fond, on discute puis on regarde le dossier de façon... O.K.

M. Lagacé (Éric): Oui, oui.

n(16 h 50)n

M. Cusson (Jean-François): En même temps, c'est aussi de comprendre aussi que l'utilisation d'un véhicule, même si on dit que c'est un privilège, dans certaines régions du Québec, par exemple, ça peut être extrêmement important. Et ce n'est pas seulement le contrevenant. On peut penser à un véhicule qui... par exemple, un couple va l'utiliser; si, à un moment donné, on ne permet plus à ce véhicule-là d'être utilisé, par exemple, eh bien, là, on peut punir également le reste de la famille. Il y a également ça en mémoire. Mais c'est toujours aussi de garder l'idée que, si on voit que la personne... finalement réussit à prendre une entente, qu'elle montre une certaine volonté, on va l'encourager là-dedans. On parle de responsabiliser la personne, il faut lui donner les outils. Oui?

M. Chagnon: On... Je m'excuse, allez-y, je ne veux pas vous interrompre.

M. Cusson (Jean-François): Non, allez-y.

M. Chagnon: C'est toujours le même problème, hein? Je suis certain que le député de Borduas, le député de Richelieu, les députés, ici, de l'Acadie, de Montmagny, de Groulx ? d'où, vous? ? et de Trois-Rivières ont tous ou auront tous quelqu'un qui passera dans leur bureau de comté puis qui viendra leur dire: Je suis camionneur puis j'ai été pris après la... bien, pas après la grand-messe, mais disons après les noces, samedi, de ma nièce, j'ai conduit en état d'ébriété, je me suis fait prendre en conduite en état d'ébriété puis j'ai perdu mon permis, donc, je perds mon job. C'est triste parce que, quand tu es dans le bureau de comté, tu regardes la personne droit dans les yeux puis tu dis: Je ne peux rien faire pour toi. Puis, dans le fond, je pense que la conduite en état d'ébriété, c'est criminel, puis je pense que c'est très dangereux, puis je pense que c'est une bonne chose qu'on la traite comme on la traite actuellement. Mais ça a des effets secondaires qui sont pernicieux, tristes, pas drôles, mais qui font en sorte qu'on les accepte, dans une société. Puis on se dit dans le fond: Jos, tu aurais dû y penser avant.

M. Lagacé (Éric): Notre suggestion ne s'étend pas aux gens qui ont eu leur permis de conduire suspendu pour conduite avec facultés affaiblies. Pas du tout. C'est pour non-paiement d'amendes seulement.

M. Chagnon: Non, non, je vous donne ça comme exemple, là. Ça, je suis d'accord, mais je vous le donne comme exemple.

M. Cusson (Jean-François): Mais l'exemple est intéressant, par contre, parce que, au niveau de la conduite en état d'ébriété, l'utilisation d'un véhicule est liée directement avec l'infraction, dans le sens où on a un comportement dangereux causé... qui peut être causé par le biais d'un véhicule.

M. Chagnon: Je suis d'accord. Mais c'est rare qu'on a une infraction de stationnement si on n'a pas de véhicule.

M. Cusson (Jean-François): C'est certain. Sauf que le véhicule est peut-être également utilisé par deux personnes.

M. Chagnon: Oui, mais c'est rare que... Oui, c'est vrai, bien sûr. Bien sûr.

M. Lagacé (Éric): Si c'est possible de revenir sur l'article 333 et la raison pourquoi, nous, on prône une modification d'un terme «peut» à «doit». C'est parce que nous ne croyons pas que ça devait être rendu au niveau du tribunal, que là on devait remarquer que les travaux compensatoires n'ont pas été offerts dans un cas méritoire, et donc on ne va pas incarcérer l'individu.

Présentement, nous, au niveau de notre regroupement, on est des témoins privilégiés d'un certain manque d'uniformité au niveau de l'application de la mesure des travaux compensatoires. Puis je veux vraiment préciser que, dans l'ensemble, nos deux associations sont satisfaites avec la façon dont les percepteurs des amendes au Québec utilisent le pouvoir discrétionnaire. Il y a une satisfaction majoritaire à ce niveau-là.

Dans certains cas, par contre, nous avons remarqué qu'il y a des défendeurs qui se font refuser des travaux compensatoires ou, je vais le dire autrement, qui se font accepter à la municipalité X, à la municipalité Y, mais non pas à une municipalité Z et qui ne comprennent pas pourquoi leur situation a été évaluée d'une certaine manière à deux municipalités et, oui, vous êtes éligibles aux travaux compensatoires, mais, dans une telle municipalité, qu'ils ont été refusés.

Et c'est pour ça que, nous, notre désir, c'est que le pouvoir discrétionnaire réside seulement sur l'évaluation de la situation économique du défendeur, mais que, un coup qu'on établit que le défendeur n'est pas en mesure de payer, là, il y a obligation légale d'offrir les travaux compensatoires. Parce que cette obligation n'existe pas. Et, même, il est possible, et je peux dire que c'est rare, mais il est possible qu'un percepteur puisse dire au défendeur: Je ne vous l'offre pas et je ne suis pas obligé de vous l'offrir; je peux mettre votre dossier en attente, en attendant que vous ayez les manières de payer plus tard.

M. Chagnon: Oui, mais, en tout cas, une chose certaine, c'est que ce cas-là ne pourra pas aller à l'incarcération parce qu'il aura...

M. Lagacé (Éric): Effectivement. Si les mesures que vous voulez avancer sont mises en place, on ose espérer que, rendu à l'étape de l'émission du mandat d'incarcération, que ces lacunes vont avoir été repérées. Mais, pour le citoyen qui le vit, c'est quelque chose. D'avoir été rendu juste devant le juge, sur le point de se faire émettre un mandat d'incarcération, c'est quand même quelque chose qui peut être très intimidant.

Au niveau de la libération des amendes, la raison pour que, nous, nous ne sommes pas en accord à ce que les amendes restent, c'est parce qu'il y a une... Nous avons une optique de réinsertion sociale, qu'à un moment donné, comme il a été mentionné plus tôt dans la journée, le citoyen qui se trouve surendetté a toujours une possibilité d'avoir recours à la Loi sur la faillite et donc, à ce moment-là, par la suite, résumer une vie de bon citoyen, etc. Pour nous, c'est la même chose, c'est que la personne qui soit libérée des amendes sorte d'une incarcération, que j'ai entendu pourrait être plus lourde ? nous ne parlons pas d'une incarcération de quelques jours, nous parlons des incarcérations qui peuvent être plus lourdes ? mais que, à la sortie de cette incarcération, après aussi avoir refusé ou négligé de faire des travaux compensatoires, avoir été pas en mesure ou avoir refusé de prendre des ententes de paiement, toutes les gammes de mesures qui sont en place, que là, ultimement, à la sortie de la détention, qu'il y ait comme une libération, là. La dette est partie, et donc on ne s'en soucie plus. On espère que la période d'incarcération va avoir eu son effet dissuasif, parce que, en quelque part, c'est une des finalités de la peine, mais que, là, la personne puisse continuer sa vie.

M. Chagnon: Mais on s'entend pour dire qu'elle ne peut pas être réincarcérée pour les mêmes amendes. O.K.?

M. Lagacé (Éric): Nous sommes heureux de l'entendre.

Le Président (M. Simard): Alors, M. le député de Borduas maintenant.

M. Charbonneau: Bien, merci beaucoup, messieurs. Moi, je suis assez réceptif à votre argument sur le «peut» par rapport au «doit». Je comprends, on va en reparler quand on fera l'étude détaillée du projet de loi, mais, si l'intention est que ça doit être offert et qu'il y ait une obligation d'offrir les travaux compensatoires, moi, je préfère que ce soit dit clairement et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Mais on verra, là, comment on peut faire ça.

J'aimerais ça que vous précisiez un peu plus. Vous disiez: Il faudrait mieux outiller les percepteurs pour l'évaluation, établir des critères uniformes. Vous pensez à quoi, par exemple, quand vous pensez à ça, vous faites référence à ça?

M. Cusson (Jean-François): Bien, c'est simplement qu'actuellement, pour mieux illustrer, c'est qu'à cause d'un manque d'outils les percepteurs vont travailler avec leur expérience, avec leur subjectivité. La plupart font un très bon travail par rapport à ça, mais il n'y a rien qui assure que la personne qui est devant elle a vraiment les moyens. On y va selon les contacts, selon l'expérience. Et, considérant l'importance de la décision qu'il va rendre, on se dit: Pour nous, c'est essentiel qu'on l'outille à ce niveau-là pour prendre une meilleure décision qui va justement permettre peut-être d'éviter que certains cas se retrouvent devant la cour.

Donc, en termes d'outils précis, de notre côté, nous, on n'est pas arrivés avec rien pour l'instant, mais on se disait que ce serait intéressant et important d'y aller avec l'ensemble des regroupements, de voir... parce qu'il y a des outils semblables qui existent au niveau de l'évaluation de la pauvreté, je suis convaincu. Donc, il faudrait voir de ce côté-là, avec les organismes de pauvreté, qu'est-ce qui se fait. Je suis certain qu'il y a quelque chose à ce niveau-là.

M. Charbonneau: En tout cas, je trouve ça intéressant, je pense ça vaudrait la peine de regarder. Est-ce que ça voudrait dire qu'on ajouterait un règlement à la loi qui préciserait les critères? Il faudrait voir. On a à la fois une volonté de déréglementer ou de ne pas réglementer inutilement, mais en même temps c'est clair que, quand on parle de critères plus uniformes, il y a... ça veut dire des règles.

M. Cusson (Jean-François): Parce qu'il faut s'entendre aussi que, toute la question des sanctions administratives, par exemple, de la menace d'incarcération, risque d'être très comme assez efficace et peut-être même, je dirais, trop efficace pour M. et Mme Tout-le-monde qui a peur de l'incarcération, qui est très conformiste.

Je ne donnerai pas d'exemple précis, mais quand même on sait que, pour la personne qui est délinquante, qui est marginale, ces sanctions-là vont être moins importantes. Mais, pour quelqu'un qui est conformiste, qui ne veut pas aller en prison... peut même se mettre dans une situation compromettante pour payer ses amendes. Et c'est ça qu'on veut éviter, dans le sens où on sait très bien que des fois il y en a qui peuvent à certains moments pouvoir dire: Bien, pour payer mon amende, je suis désolé, mais je vais peut-être baisser mon épicerie et peut-être qu'on va manger moins avec les enfants cette semaine. C'est un exemple banal, mais ça existe, et c'est ça qu'on veut éviter. On veut éviter que les gens qui n'ont pas les moyens même de prendre des petites ententes de paiement puissent avoir cette protection-là, et ce qu'on n'a pas présentement.

n(17 heures)n

M. Charbonneau: En tout cas, si vous avez, d'ici à ce qu'on étudie le projet de loi, si vous avez des suggestions concrètes comment, dans le projet de loi, on pourrait aménager une écriture qui fasse en sorte qu'on prévoie ça, parce que, bon, je pense qu'il n'y a personne autour de la table qui souhaite que des gens qui sont incapables de payer se retrouvent dans la situation d'être obligés d'être incarcérés. Puis, de toute façon, ça ne pourra pas se faire parce qu'il y a une présomption de mauvaise foi, c'est-à-dire qu'il faut vraiment que les gens soient de mauvaise foi, et volontairement de mauvaise foi, pour qu'ils se retrouvent éventuellement à être sanctionnés par la nouvelle mesure qui est prévue par la loi. Mais, néanmoins, l'incapacité de payer... C'est pour ça que j'imagine que l'élément «doit», par rapport à «peut», peut jouer, parce que, si les gens sont en difficultés financières, de leur offrir avec... l'obligation de faire des travaux communautaires et de ne pas garder ça comme une option ouverte, ça leur donne la porte de sortie correcte de pouvoir s'acquitter de leurs dettes.

M. Cusson (Jean-François): Je dirais aussi qu'au début, lorsqu'on a commencé à étudier le projet de loi, l'idée de la nouvelle infraction nous fatiguait un peu, puis la raison pour laquelle on est venus à être en accord, c'est qu'on s'est rendu compte que, avec cette nouvelle infraction là justement, c'était la seule garantie qu'on pouvait peut-être avoir justement que cette évaluation-là se fasse avant l'incarcération. Mais on continue à dire que ça ne devrait pas être rendu en cour qu'on fait cette évaluation, on devrait le faire avant.

M. Chagnon: J'ai fait le même cheminement.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, si le ministre a fait le même cheminement, ça augure bien.

Juste une dernière chose. Vous dites que la prison devrait libérer des dettes, sauf que, quand on pense que les gens qui vont faire éventuellement de la prison ne vont pas le faire parce qu'ils n'ont pas payé leurs amendes, là, c'est-à-dire ils vont le... ce n'est pas lié. C'est une autre infraction qui est liée finalement à un comportement de défiance de l'État puis de l'autorité de la loi et du bien commun. Dans ce sens-là, il y a des gens qui ne doivent pas penser qu'en faisant du temps, même si le temps est plus long, ils vont régler leurs problèmes. Il reste toujours, pour ces individus-là, l'obligation de régler leurs dettes à la société, parce que ça, c'est une autre affaire, qui était la première qui a initié le processus.

M. Cusson (Jean-François): Nous, on considère que, à notre avis, ça devient un acharnement démesuré par rapport à l'infraction qui a initié cette démarche-là, dans le sens où, même s'il s'agit d'une nouvelle infraction, il ne faut pas cacher que ce qui a initié ça, c'est une question d'amende et qu'en bout de ligne la personne qui va être incarcérée va avoir subi, de toute façon, plusieurs types de sanctions administratives qui vont s'accumuler, ensuite il va y avoir l'incarcération, qui est quand même la mesure de dernier recours, et là ce qu'on dit, c'est qu'après, encore, il va encore y avoir des sanctions. Donc, techniquement, la personne qui va se ramasser en prison pour ça va payer une peine beaucoup plus importante qu'on peut retrouver dans d'autres délits, qui peuvent être contre la personne, qui peuvent être peut-être plus graves en termes d'impact au niveau de la société. Donc, on se questionne par rapport à ça.

M. Charbonneau: Bien, en tout cas, nous aussi, on va continuer de se questionner. Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Borduas. Merci, messieurs, de votre collaboration. Écoutez, nous en sommes...

Une voix: ...

Remarques finales

Le Président (M. Simard): Oui, très rapidement, et nous allons passer aux remarques finales.

Alors, nous en sommes arrivés à l'étape des remarques finales. Alors, j'invite d'abord le porte-parole du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, le député de Borduas, à bien vouloir nous présenter ses remarques finales en cette fin de journée d'audiences des groupes sur le projet de loi n° 6.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Bien, M. le Président, je ne serai pas très long, parce que, dans le fond, on a atteint l'objectif qu'on visait, c'est-à-dire que les gens qui sont venus devant nous, les groupes qui sont venus devant nous et l'échange qu'on a eu avec eux nous ont permis d'identifier un certain nombre de problématiques qu'on va essayer de corriger dans l'étude détaillée. Bon, il reste une question presque idéologique, là, qui n'est pas réglée puis qui ne pourra pas l'être, dans la mesure où l'Assemblée semble se diriger vers un consensus, c'est-à-dire qu'on ne peut pas penser qu'on va répondre aux voeux de l'Union des municipalités et de la Chambre des huissiers puis laisser l'emprisonnement tel qu'il est actuellement. Mais en même temps ? j'ai essayé de le dire tantôt quand il y avait des journalistes ? c'est vrai qu'on enlève l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes, mais on va malgré tout garder l'emprisonnement pour le comportement antisocial qui est lié au non-paiement d'amendes délibéré et intentionnel, qui n'est pas lié à l'incapacité de payer ou à des difficultés personnelles mais qui est lié vraiment à une volonté d'affronter l'État puis l'ordre public et de dire: Moi, je ne veux rien savoir.

M. Chagnon: Qui, à la rigueur, même avec le paiement d'amendes, pourrait être continué.

M. Charbonneau: Exactement. Alors, je suis aussi content de voir finalement l'ouverture du ministre, parce que, bon, il y a un certain nombre de propositions qui nous ont été faites, encore par le dernier groupe, et, dans la mesure où on pourrait mettre des points sur les i puis, dans certains cas, les barres sur les t et de s'assurer que, par exemple dans le cas des travaux compensatoires, il y aurait comme une obligation et qu'un certain nombre de propositions qui ont été faites aussi puissent être prises en compte, notamment la question des procureurs, dans le fond, des municipalités, ce qui, semble-t-il, pourrait assouplir considérablement... Puis, effectivement, il y a un problème, là. On sait déjà que les substituts du Procureur général sont, à bien des égards, surchargés puis que, disons, faire une poursuite, une cause comme celle qu'ils devraient faire, ce ne serait pas nécessairement la cause de la carrière de quelqu'un, ça risque de passer peut-être après d'autres...

Une voix: Après les Hell's.

M. Charbonneau: ...après ? oui, c'est ça ? d'autres dossiers qui, intrinsèquement, pourraient paraître plus importants.

Alors, si on veut être efficaces, je pense qu'on devra regarder ça en commission quand on fera l'étude détaillée du projet de loi.

M. Chagnon: Les Hell's viennent d'être sen-tencés au moment où on se parle.

M. Charbonneau: Le ministre peut peut-être nous donner des informations. À quoi?

Le Président (M. Simard): Condamner à?

M. Chagnon: 20 ans pour les Rockers... les Nomads, c'est-à-dire, les Hell's Nomads, et 15 ans pour le prospect et les Rockers.

M. Charbonneau: Avec un minimum à faire, j'espère?

M. Chagnon: Avec un minimum de moitié, je pense, moitié de la sentence.

Le Président (M. Simard): Sur ces informations extraparlementaires...

M. Chagnon: Chaud, chaud, chaud, ça vient de sortir il y a 20 minutes à peu près.

Le Président (M. Simard): Bon. Alors, c'était évidemment la nouvelle du jour.

M. le ministre, vous avez des remarques finales à nous faire...

M. Chagnon: Un peu dans le même sens.

Le Président (M. Simard): ...j'imagine, qui iront à peu près dans le même sens.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Un peu, pas mal. M. le Président, je serai court aussi, je pense qu'on a fait un bon après-midi de travail. Souvenons-nous, c'est un projet de loi... je le répète, c'est le frère jumeau d'un projet de loi ante. On aurait pu fort bien décider, au mois de juin, de l'adopter un, deux, trois, et je pense qu'on a convenu ensemble de dire: Bon, ce serait bon d'écouter les gens puis de faire en sorte de ? et j'ai souvent dit que j'aimais mieux légiférer moins mais mieux ? donc faire en sorte de prendre le temps d'écouter les gens puis de revenir au mois d'octobre pour faire l'étude article par article qui va nous permettre de regarder les points qui ont été soulevés par les gens qui sont venus nous voir aujourd'hui et qui sont soulevés par le député de Borduas puis qui sont soulevés aussi par des députés de notre formation.

Mais évidemment il va falloir s'entendre, et là-dessus, ici, on s'entend, en tout cas: il est important de cesser l'incarcération pour le défaut de paiement d'amendes. On est une législature qui se veut moderne et qui se veut compréhensive du bien-fondé pour lequel nos institutions doivent fonctionner, et l'institution pénitentiaire est une institution qui doit servir pour recevoir des gens qui ont commis des crimes contre la personne, des crimes contre... mais des crimes qui peuvent passer de l'agression à des choses, enfin, qui sont beaucoup plus dommageables pour une société que le défaut d'avoir payé... de ne pas avoir payé, c'est-à-dire, son amende pour un stationnement ou son amende pour une vitesse... défaut d'avoir obtempéré... pas obtempéré, mais d'avoir conduit trop rapidement sur une voie publique.

n(17 h 10)n

Et on pourra regarder les éléments dont ont parlait tout à l'heure: le 303, «doit», «peut». Il y a des choses là-dedans qui sont plus contraignantes qu'on peut le voir à première vue. L'argumentation de Mme Brosseau était... on pourra la relire, là, regarder ça, mais c'est une chose assez évidente que, lorsqu'on saisit l'ensemble du dossier par des procureurs de la couronne, comme vous l'avez souligné, c'est vrai que ça restreint la capacité de pouvoir, encore une fois, faire de l'incarcération. Je suis un peu inquiet du monde du secteur municipal qui nous disait: Bien, on a 75 000 cas. Bien, si on a 75 000 cas, il ne faut pas s'imaginer que, nous, ici, de ce côté de la barrière, on a l'intention de passer 75 000 cas, par le biais de l'article 19, dans la procédure particulière. Ça, ça n'a pas d'allure, ça ne fait pas de sens.

Enfin, bref, on a encore du travail à faire avec l'étude article par article du projet de loi. Je souhaite, M. le Président, que nous puissions probablement le faire au début des travaux. Nous commençons nos travaux le 21. On va peut-être adopter la deuxième lecture à ce moment-là et puis ensuite s'en aller en article par article, quitte à ce qu'il soit adopté en troisième lecture avant la fin du mois d'octobre ou au début du mois de novembre, parce que, j'en avise... je l'ai dit quelques... je pense qu'on se l'est dit... J'en profite, pendant qu'on est en commission puis que c'est un moment plus solennel, entre guillemets, pour vous dire que j'ai l'intention... en tout cas je cherche à accélérer le processus pour faire un dépôt d'un livre blanc et d'un avant-projet de loi pour la mi-novembre, qui n'aura pas été étudié dans cette commission-ci dans la session qui vient évidemment, sur la sécurité intérieure, sur la sécurité privée, si vous préférez, et mon intention, ce serait de nous permettre, au mois de février... Enfin, on se trouvera des dates, là, qui nous permettront ensemble de pouvoir regarder ça, écouter ce que les gens ont à nous dire là-dessus, pour légiférer soit au printemps prochain ou même à l'automne 2004. Alors, je nous convierai à cette nouvelle étape là un peu plus tard.

Le Président (M. Simard): ...

M. Charbonneau: ...de savoir que le ministre va tenir compte de nos agendas mutuels.

M. Chagnon: Absolument, absolument. Écoutez, on...

Le Président (M. Simard): Tout est possible dans la vie. Tout est possible.

M. Chagnon: C'est l'expérience, hein, qui amène ce genre de comportement là.

Mémoire déposé

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît, je ne voudrais pas oublier de vous indiquer le dépôt d'un mémoire d'un organisme qui n'a pas été entendu. Vous avez reçu, je pense, aujourd'hui la Fédération québécoise des municipalités, très, très court et, bon, assez peu volumineux, là, assez peu... mais il est important de le déposer officiellement.

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président, M. le député de Borduas, ainsi que les collègues de ce côté-ci ? ils sont nombreux, d'ailleurs: Mme la vice-présidente et ses collègues, nos collègues ici...

Le Président (M. Simard): ...qui ont réussi à passer une journée en écoutant attentivement et sans dormir, ce qui est, dans certains cas... Dans mon cas, en tout cas, parfois, ce ne fut pas toujours facile, avec la pluie qui tombe dehors...

M. Chagnon: Comme ça, ce n'est pas nous qui sommes ennuyants.

Le Président (M. Simard): Non, non, non, c'est intéressant.

Une voix: Les téléphones n'ont pas sonné.

Le Président (M. Simard): Les téléphones n'ont pas sonné. Voilà une belle amélioration.

M. Chagnon: Je voudrais à l'instant remercier les gens du ministère et les gens de la SAAQ, les gens du ministère de la Justice, les gens du ministère de la Sécurité publique qui m'ont accompagné, M. le Président.

Le Président (M. Simard): On les connaît. Oui?

M. Charbonneau: ...parce que vous avez déposé, M. le Président... Je sais que la Fédération des policiers du Québec avait envoyé une lettre au ministre, cet été, hein, je crois. Moi, j'en avais eu une copie sur ça.

Mme Thériault: Bien, c'était la même position qu'auparavant, il n'y avait pas grand-chose...

M. Charbonneau: Oui, c'est ça, mais est-ce que la lettre, elle, ne pourrait pas être déposée à la commission?

M. Chagnon: Oui, moi, je la déposerais, mais ça ne me dit rien.

M. Charbonneau: Je l'ai, moi, ici.

Document déposé

Le Président (M. Simard): Alors, si vous l'avez, vous me la donnez, on la dépose, sinon, vous me la faites parvenir pour dépôt. On l'a? Bon, d'accord. Alors, on en accepte le dépôt.

Écoutez, nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 13)

 


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