(Dix heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Gautrin): Alors, après avoir constaté le quorum, il me fait plaisir de déclarer cette séance ouverte. Je me permets de vous rappeler le mandat de la commission, qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
M. le secrétaire, auriez-vous l'amabilité de me dire s'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulianne (Frontenac) est remplacé par M. Laprise (Roberval); Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacée par M. Duguay (Duplessis); Mme Leduc (Mille-Îles) est remplacée par M. Labbé (Masson); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Mancuso (Viger) est remplacée par M. Sirros (Laurier-Dorion); et enfin M. Dumont (Rivière-du-Loup) est remplacé par M. Corriveau (Saguenay).
Le Président (M. Gautrin): Donc, il n'y a que moi qui n'est pas remplacé. Alors, je continue. Voici l'ordre du jour pour aujourd'hui. Si vous me permettez, on m'a donné le mauvais ordre du jour. C'est celui-ci, merci. Alors, à 10 h 30, nous devons rencontrer M. Louis-Edmond Hamelin; à 11 h 30, l'organisme Terres en vues; on suspendra nos travaux à 12 h 30; à 14 heures, nous recevrons le Dr Stanley Vollant; à 15 heures, l'Abitibi-Consol; à 16 heures, la Corporation métisse du Québec; et, à 17 heures, la municipalité de L'Île-d'Anticosti.
Auditions (suite)
Ceci étant dit, je me permets d'inviter à l'heure actuelle M. Louis-Edmond Hamelin qui devrait être dans la salle actuellement. M. Louis-Edmond Hamelin, vous êtes le bienvenu, si vous voulez vous avancer. Alors, je me permets de vous rappeler quelles sont les procédures. Il y a une heure qui va être globalement consacrée à votre témoignage. Cette heure est fractionnée de la manière suivante: les 20 premières minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes pour les questions provenant des députés ministériels et 20 minutes pour les questions provenant des députés de l'opposition. Alors, M. Hamelin, ça me fait plaisir de vous donner la parole. Le décor est impressionnant, mais sentez-vous chez vous, c'est votre maison et vous êtes le bienvenu ici. M. Hamelin.
M. Louis-Edmond Hamelin
M. Hamelin (Louis-Edmond): Merci, M. le Président. Relations politiques entre autochtones et non-autochtones au Québec. Cette présentation comprend deux déclarations accompagnées de quelques commentaires. Dans l'ensemble sont abordés des thèmes autres que ceux développés dans le contenu même de l'entente. Il s'agit, pour moi, de s'interroger sur les raisons fondamentales d'agir. Pourquoi entreprendre un exercice que certains individus trouvent non souhaitable et compliqué? Existe-t-il des motifs incontournables en fonction desquels le contentieux Innus-Québec-Canada devrait être considéré? Quels sont les critères qui permettraient de savoir si le projet doit être accepté ou refusé? Enfin, est-il temps d'aller plus loin que Champlain, George III, la Loi des Indiens de 1870 et même de la Convention d'il y a 25 ans?
De telles interrogations sont fondamentales. Si l'on n'allait pas découvrir des facteurs justifiant l'opération, il faudrait l'abandonner, car les personnes favorables à l'entente seraient privées d'arguments forts à offrir aux sceptiques et plus tard elles pourraient manquer de volonté pour régler les difficultés. Au contraire, l'identification de bonnes raisons servirait de substrat à la solution du problème séculaire d'un multiusage modulé du territoire. Or, M. le Président, des raisons solides et péremptoires, il y en a suffisamment.
Première déclaration, l'approche de négociation avec des Innus est à considérer favorablement pour les raisons suivantes: premièrement, une question d'idéologie, celle d'une coexistence pacifique et enrichissante des nations en cause; deux, une meilleure manière politico-administrative de faire; trois, l'évolution générale de la notion des peuples vivant à l'intérieur des polities constituées; quatre, le rattrapage politico-culturel des autochtones dans l'Est de la péninsule; et enfin la conformité avec les décisions des cours concernant les droits ancestraux.
Façons d'être dans la grande péninsule du Nord: l'entente de principe peut s'appuyer sur divers motifs dont un objectif d'amélioration des appareils de l'État. Voici comment: il faut d'abord admettre et affermir l'existence de trois polities ou structures de pensée et d'activités. Ces polities comprendraient respectivement un néosystème autochtone, un néosystème non-autochtone et un système conjoint. À ce dernier sujet, généralement annoncé par le mot «partenariat», on ne pourrait songer à échafauder un régime d'opération commune sans que la politie autochtone actuelle ne soit renforcée et sans que la mentalité de la politie non-autochtone ne soit ajustée.
La construction ou le remodelage de chacun de ces trois systèmes qui prend une solide justification dans l'idéologie de la coexistence exige un préalable, celui de préparation spécifique à la fois chez les autochtones et chez les non-autochtones. Un cheminement non autochtone se débarrasserait de ses comportements négatifs et indifférents tant au plan mental qu'opérationnel. De son côté, un cheminement autochtone exprimerait fièrement une mixture de ses faciès historiques, ses faciès modernistes et ses faciès prospectifs au travers de l'exercice de droits ancestraux spécifiquement délimités.
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(10 h 40)
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Des mots caractéristiques applicables au remodelage du versant septentrional du pays seraient soit au niveau parallèle: «attention», «respect», «compréhension», «cohérence»; soit au niveau conjoint: «alliance», «convergence» et «interdépendance». Ainsi, ces interventions tantôt autonomes, tantôt communes mais toujours faites en consultation assureraient une harmonisation dans les démarches, et cela, comme jamais auparavant.
Idéalement, les trois régimes, autochtones, non-autochtones, conjoints, formeraient un tout original, c'est-à-dire une mégapolitie, ce qui correspondrait à un Québec en partie nouveau. Une telle mégapolitie couvrirait tous les aspects nécessaires à la bonne vie des nations.
Le triple mouvement de bonification démocratiquement mené permettrait aux peuples de s'impliquer, d'évoluer d'une façon moins tendue et moins inquiète de leur avenir, ce qui les ferait bien davantage contribuer à la définition et à la réalisation du Québec de demain. Au détriment de personne, les parties sud et nord deviendraient mieux liées qu'elles ne le sont présentement. Voilà un aspect majeur de la plénitude du Québec.
Deuxième point: bref historique de la notion des droits ancestraux. Elle s'est déroulée en cinq étapes. Un, existence millénaire. Bien arrivés, les Européens, les Indiens réagissent suivant des coutumes et des objectifs propres. Même si la loi des grands pays n'avait pas cours, des actes de gestion, migration, hostilités, attitudes face à la famine, troc étaient continuellement posés. Le mot «ancestral» était inutile.
Deuxième étape: à partir des découvertes, la très grande majorité des arrivants tiennent très peu compte des usages des autochtones. Les droits de ces derniers n'étant pas écrits étaient considérés comme inexistants. En outre, les peuples indigènes ne peuvent occuper en permanence tous les petits espaces de leur vaste territoire, étant donné leur taille démographique réduite, la pratique du nomadisme, les feux de forêt, la migration naturelle des animaux et les conflits intertribaux.
Agiter la question de l'impermanence des occupations pour tenter de dépouiller les autochtones est une preuve d'ignorance et connote une apparente mauvaise foi. Les tentatives d'étouffement de tout genre vont durer jusqu'au troisième quart du XXe siècle et même jusqu'à aujourd'hui chez un nombre de plus en plus restreint d'individus.
Par opposition à ce blocage ? c'est la troisième période ? il a été fait mention d'usages autochtones distincts lors d'ententes sous le régime français, dans les documents de la Terre de Rupert, la capitulation de Montréal, en 1760 ? il n'y a que trois pages, mais c'est trois pages à lire ? la Proclamation royale trois ans plus tard ? il n'y a que cinq pages mais cinq pages à lire ? la reconnaissance d'un territoire proprement indien, de 1763 à 1774. Il fallait bien que des sauvages, comme il était dit, apparaissent différents pour que les autorités du temps leur consentent quelques avantages et concessions.
Quatrième période: acceptation plus explicite de certains droits. Les allusions juridiques de la phase précédente, pour timides qu'elles soient, vont apparaître suffisantes à une admission plus explicite de pouvoirs. En 1973 ? c'est l'année du revirement, 1973 ? indépendamment, des juges du Québec, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest statuent sur l'existence de droits de subsistance. On envisage même des caveat protégeant les liens aux terres. En outre, le public est étonné d'apprendre que des droits autochtones peuvent exister sans être définis, procédure peu usuelle qui déboute les adversaires qui comptaient justement sur cette imprécision pour étayer leur refus. Au Canada, les jugements pionniers des années 1970 servent de déblocage général à la question des droits autochtones.
Cinquième et dernière étape: extension de la reconnaissance des droits. Dans la présentation de la Convention à l'Assemblée nationale, le 5 novembre 1975, le député responsable déclare: «Les autochtones seront des citoyens à part entière.» Un tel horizon dépassait de beaucoup le niveau des droits d'aborigènes usuellement tolérés. Puis ce furent les articles de la Constitution de 1982 de même que la Déclaration de l'Assemblée nationale du 20 mars 1985, documents sur lesquels la présente entente s'appuie. D'autres événements favorables sont les conférences constitutionnelles, de 1983 à 1987, les recommandations culturelles du BAPE, de 1984 à 1987, la préparation du projet Nunavik, l'accord de principe des Inuits voisins du Labrador de même que plusieurs jugements de la Cour suprême qui ont été relevés ici.
Le texte de l'entente issue de l'Approche commune Innus-Québec-Canada se rend encore plus loin, il faut avoir bien conscience de cette chose-là. L'entente reconnaît à des droits hier encore ignorés d'être exercés normalement. Le rétablissement des choses est hardi mais acceptable. La promotion des droits ancestraux est conforme à l'idéologie de la coexistence et favorise la pratique démocratique d'une politie nordique. Le Québec semble reprendre à son compte une recommandation de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, je cite: «Le droit autochtone fait partie intégrante de l'Ordre des États et du cadre de leur développement social et économique.» Fin de la citation.
En conséquence de cette brève argumentation, la nécessité d'une entente Innus-Québec-Canada se justifie au plan de la philosophie politique, des recommandations juridiques, de l'amélioration des polities nordiques et d'une meilleure jonction entre le Nord et le Sud du Québec. L'utilisation du référent «droits ancestraux» fournit une base appropriée du traité en vue. En répondant courageusement ? je pense le dire ? en répondant courageusement à un mouvement de renaissance mondiale, l'autorité politique du Québec est loin d'être en retard, mais il existe toujours des risques à marcher presque en tête dans des chemins non définitivement balisés.
Seconde déclaration: si la justification d'un règlement entre les Innus et les non-autochtones est suffisamment établie, le fait de choisir un type particulier d'entente nécessite de considérer de très nombreuses questions, comme d'autres mémoires l'ont d'ailleurs démontré. Aussi l'attention des membres de la présente commission est-elle également attirée sur les considérations suivantes:
1. L'entente innue possède une amplitude qui dépasse le cadre de la Côte-Nord.
2. On souhaite des définitions les plus claires possible concernant les référents fondamentaux, par exemple innus, droits ancestraux, territoires.
3. On suggère, en utilisant les techniques de prévision et d'anticipation, d'élaborer un corpus de solutions applicables aux futurs problèmes d'opération, ce qu'on n'avait pas fait précédemment.
4. On propose de recruter des fonctionnaires à la fois autochtones et non-autochtones spécifiquement préparés à l'application du traité afin d'éviter de confier des responsabilités presque nouvelles à des administrateurs déjà surchargés.
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(10 h 50)
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5. Les gouvernements du Québec ont, depuis quelques décennies, mis en place plusieurs structures et législations majeures concernant l'administration régionale du Nord. Ces additions doivent se faire dans une préoccupation de coordination entre... de même qu'entre les polities proprement sudistes. On doit prendre conscience qu'on est en train de construire un Québec dans sa totalité territoriale. L'entente innue est une pièce à bien placer dans l'ensemble québécois.
6. Enfin, une chose incontournable est celle de l'amélioration du niveau général des connaissances autochtones chez les non-autochtones. Beaucoup plus d'informations seront nécessaires pour comprendre le traité à venir... mais tous les événements qui concerneront l'évolution du Moyen Nord et du Grand Nord du Québec. Cela est absolument nécessaire, il faut que le Sud connaisse bien davantage les autochtones.
Conclusion. À la fin des opérations de convergence, le Nord autochtone du Québec cesserait définitivement d'être, comme avant la Convention de 1975, une simple remorque qu'autoritairement et à sa convenance le Sud provincial daignait accrocher à sa propre locomotive. Par son territoire et ses cultures propres, ce Nord serait reconnu comme une locomotive tout aussi originale et essentielle que celle du Sud. Et c'est ensemble dans le temps mais différemment dans les manières que les deux engins justifiés contribueraient à faire avancer tout le Québec. Des savoir-faire éprouvés à la fois au moment des réflexions et à celui des applications devraient conduire à beaucoup plus de satisfaction chez les citoyens de chaque ethnie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Hamelin. Nous allons commencer la période d'échange, et je commencerai en donnant la parole à M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, ministre d'État aux Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Souhaiter une bienvenue particulière au Dr Louis-Edmond Hamelin qui vient de nous présenter ici son témoignage fort important aux fins de l'histoire et de la volonté de poursuite des intentions au niveau de l'État et au niveau du gouvernement ou des gouvernements.
Je ne peux pas m'empêcher bien sûr de manifester aussi le grand plaisir que j'ai de retrouver autour d'une même table, même s'il est un petit peu plus éloigné physiquement, l'ex-recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières que M. le recteur a toujours refusé d'appeler ainsi pour la nommer l'Université des Trois-Rivières; par ailleurs, de reconnaître aussi dans votre témoignage, Dr Hamelin, la contribution à la connaissance universelle du Nord et des peuples du Nord et de reconnaître, ici comme ailleurs, comme ça l'a été au Parlement canadien et à l'Assemblée nationale du Québec, le travail immense que vous avez réalisé au plan du progrès de la connaissance, ne serait-ce bien sûr que par la reconnaissance de celui qui aura inventé, au niveau de la connaissance universelle, le terme «nordicité», la nordicité canadienne, la nordicité québécoise. Et, moi, qui oeuvre dans le pré-Nord, dans la définition de Louis-Edmond Hamelin, je me réjouis que vous puissiez apporter votre témoignage aujourd'hui, Dr Hamelin.
Dr Hamelin, vous posez ce qu'on pourrait peut-être appeler les mégabalises qui nous interpellent comme nation québécoise si nous voulons atteindre ces objectifs de convergence, de coexistence de plusieurs nations sur le territoire national, sur le territoire québécois, et ça, ça m'apparaît être le fondement, le fondement de ce qui doit conduire à l'acceptabilité sociale plus élevée toujours nécessaire lorsqu'on veut en arriver non pas à un contrat mais à un traité, à un traité de paix, et de respect, et de développement des nations concernées.
M. Hamelin, pour que cette entreprise de convergence puisse progresser ? bien sûr des négociations avec la nation innue et vous nous indiquez que c'est la voie vers laquelle il faut poursuivre ? comment faire pour élever le niveau de connaissance dans la nation québécoise, la partie sud de la nation québécoise, pour en arriver à élever le degré d'acceptabilité sociale et assurer ainsi ce progrès national sur le territoire? Comment faire, selon vous?
Le Président (M. Gautrin): M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): Cette question, en somme, est majeure et touche plusieurs niveaux. J'ai déjà essayé de répondre à cette question, en somme, dans certains articles. La difficulté vient du fait de la mentalité, la mentalité des Québécois du Sud, si je puis dire. C'est une mentalité qui rend très difficile la réception normale, courante d'une culture qui est autre. Ça fait quatre siècles qu'on a été plutôt sourds aux cultures autochtones. On a pris un pli de refus dans un certain sens qui s'est exprimé, en somme, même dans cette commission. Il y a là une espèce d'aveuglement, de difficulté, en somme, pour que les mentalités évoluent, acceptent d'autres cultures. On l'a peut-être fait pour d'autres cultures aussi qui ne sont pas autochtones, mais on a une difficulté, là, d'ouverture.
Comment faire pour répondre à votre question? Je crois que c'est plutôt les connaissances publiques qui doivent bouger. Parce que, si je vois l'évolution de la nordicité dans la mentalité du Sud, si je prends des compagnies comme Hydro-Québec, Hydro-Québec a fait un mouvement considérable vers le respect, l'acceptation, le point de vue, en somme, des autochtones. Ce n'est pas parfait, mais, quand même, il y a des compagnies comme ça qui ont bougé. Il y a aussi, je dirais, que les gouvernements, les gouvernements, en somme, du Québec ont montré à certains moments une ouverture considérable. Il n'y a pas de doute que les universitaires ont aussi essayé de faire cette écoute, cette approche, cet effort pour comprendre, en somme, les autres cultures. Le Centre d'études nordiques de l'Université Laval dont on avait parlé dans l'Assemblée législative du Québec il y a 48 ans, donc le Centre d'études nordiques et d'autres centres, le GETIC à l'Université Laval, puis dans les universités de Montréal, de McGill, et d'autres universités, il y a là aussi un peloton qui a essayé de tirer, en somme, vers l'autochtonie, disons, l'esprit, en fait, des sudistes.
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(11 heures)
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Il y a comme ça des individus aussi qui ont fait des efforts. Il y a des députés, il y a des hommes politiques, en somme, qui ont fait de grands efforts, mais c'est surtout le public, je pense, le grand public qui, lui, a relativement moins embarqué dans cette chose-là, donc c'est lui qui doit être ciblé. Le Centre d'études nordiques de l'Université Laval avait donné des cours publics, en somme, sur le Nord pendant deux ans de temps chaque semaine. On avait une moyenne de 70 000 auditeurs. Ça a été énorme à ce moment-là. Il y a une certaine percée, un certain avancement du public, en somme, à la suite de ces cours-là qui n'étaient pas des cours savants. Les universitaires, en somme, essaient aussi de parler au peuple. Mais non, je crois que c'est par la télévision, la télévision et les choses publiques. Et je dois dire aussi que, dans les articles de journaux qui sont quand même encore très lus, les journalistes devraient être extrêmement prudents à parler, en somme, des choses autochtones. J'ai déjà rencontré dans le Nord, moi, des gens qui en étaient à leur premier voyage et qui faisaient de très grands reportages, en somme, sur le Nord. Ils ne distinguaient pas, en somme, un Inuit d'un Cri. Tu sais, c'est gênant, en somme, pour des spécialistes, de sorte que je crois qu'il faut s'attaquer à cette chose-là pour essayer de rejoindre le grand public. Et les gens qui ont une influence sur le grand public doivent être extrêmement précautionneux afin de ne pas passer toutes sortes de choses qui retardent en réalité, en somme, l'information rigoureuse concernant le Nord. C'est un métier, ça, d'être nordiste. C'est un métier d'être autochtoniste. On ne peut pas s'improviser comme ça. C'est aussi compliqué que d'être professionnel, en somme, dans une corporation, de sorte que ce serait le grand public, moi, que je viserais, M. le ministre.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. le ministre d'État aux Affaires autochtones.
M. Trudel: Merci beaucoup, parce que la nécessité d'élever le niveau de connaissances paraît être un constat qui, en particulier, se dégage de nos travaux de commission parlementaire, ici, et cette confirmation de la nécessité d'utiliser les médias, les mass médias pour y arriver au niveau de l'élévation de la connaissance, ça me semble incontournable.
Le temps est très court, Dr Hamelin, je ne voudrais pas me priver par ailleurs de vous interroger aussi sur le fait que j'ai une petite faille historique dans ma mémoire. Vous avez été membre d'une assemblée législative d'un territoire nordique à prédominance avec une autre nation, vous avez donc été à même, Dr Hamelin, d'expérimenter sur le terrain, sur la pratique législative, qu'est-ce que signifie un néosystème autochtone, ou on pourrait aussi parler de ces gouvernements autonomes en territoire propre aux communautés innues, à la nation innue, à ce qui nous intéresse, en Innu Assi. Est-ce que vous pensez, à la lumière de votre expérience de député ? parce que vous l'avez été, je crois, dans une assemblée législative en pays, en territoire nordique avec d'autres nations autochtones ? qu'on peut miser effectivement sur assez rapidement la mise en place d'un système de gouvernement autonome qui puisse en arriver par ailleurs à ce nouveau système mixte que vous évoquez, parce qu'il y aurait aussi des nouvelles dimensions chez la nation québécoise qui devront s'inventer? Parlez-nous de cette expérience et de ses chances de réussite, Dr Hamelin.
Le Président (M. Gautrin): M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): Au moment, en fait, où j'étais dans cette expérience, c'était à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Les mentalités étaient moins avancées qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, en somme, ma proposition, c'est d'avoir en gros trois systèmes: un système autochtone, un système non-autochtone puis un système de partenariat dans les cas où ça peut se produire. Quant à Yellowknife, c'était la Législature, en fait, au Canada qui était la plus développée, à l'écoute des autochtones, ça, il n'y a aucun doute. En fait, à l'Assemblée législative, en somme, on pouvait parler en cri, on pouvait parler, en fait, en chipewyan, on pouvait parler en inuit, etc. Il y avait quatre langues, en somme, amérindiennes qui étaient acceptées. Vous imaginez que, pour le peuple, là, le peuple qui écoutait dans sa propre langue les délibérations de l'Assemblée, c'était, à ce moment-là, en fait, l'Assemblée législative de Yellowknife, en somme, qui était la plus avancée au Canada, la plus respectueuse, la plus ouverte. Il y avait là, en somme, un message, mais les mentalités de la structure politique, ce que j'appelle la politie, ces mentalités-là étaient encore un peu de vieille garde, de sorte que c'était impossible de penser, en somme, que de renforcer un système autochtone, modifier la mentalité du système non-autochtone et établir un partenariat. Le partenariat va arriver, en somme... Quelqu'un après... Je pense qu'il y a quelqu'un dans la salle, ici, disons, qui a déjà développé cette idée-là. Bon. De sorte qu'à ce... Voulez-vous m'interrompre?
Le Président (M. Gautrin): Oui. Merci. Est-ce que vous avez encore une question, M. le ministre? Parce que j'ai deux autres collègues qui ont des questions.
M. Trudel: Oui, tout à fait. Dr Hamelin, vous nous indiquez très bien que, dans la progression de l'établissement de ces nouvelles relations avec la nation innue, les nations autochtones et avec les non-autochtones, tout cela se présente sur un continuum historique qui, ma foi, nous présente davantage que moins au cours de l'histoire.
Mais vous nous dites aussi qu'en étant favorable à cette direction et pour la soutenir il faut du courage pour que ce mouvement soit généralisé dans un Québec conscientisé. Il est loin de se situer en retard, le Québec, mais il y aura toujours des risques à marcher presque en tête dans des chemins non définitivement balisés.
Quels sont les éléments qui pourraient contribuer à s'assurer du courage, du niveau de courage nécessaire pour l'État, pour le gouvernement, pour les gouvernements pour poursuivre et atteindre les objectifs d'un traité qui, avez-vous dit, devrait nous conduire, devrait nous conduire finalement à de l'amitié entre les peuples en territoire québécois? Quels sont les principaux ingrédients dont il faudrait s'assurer la présence pour qu'il y ait succès vers un traité?
Le Président (M. Gautrin): M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): La première raison ? c'est dans ma présentation de tantôt, au début ? il faut que les non-autochtones, le gouvernement du Québec en l'occurrence ou toute la politie québécoise, soient convaincus, très convaincus des énoncés peut-être que j'ai pris tantôt ? on pourra en trouver d'autres ? c'est-à-dire être convaincus d'une coexistence, parce que la coexistence, en somme, nécessite l'acceptation de la distinctivité autochtone. Donc, il faut être convaincu de ça. Et, de ça, je crois que c'est le premier groupe, là... Il faut... Si vraiment on est convaincus de la coexistence, de la distinctivité autochtone, l'ajustement de nos mentalités, je pense que voilà une raison qui relève des risques.
Et la deuxième raison, deuxième chose qui pourra enlever des risques, c'est ce que je disais tantôt, il s'agit, en somme, que la population de base, en fait, du Québec marche aussi en arrière de cette chose-là et connaisse bien mieux le Nord. Ça fait que donc, si on a des raisons profondes et si le peuple, l'ensemble, en somme, du Québec, les non-autochtones sont convaincus, connaissent assez le Nord pour comprendre...
Il y a beaucoup de finesse, vous savez, dans le geste d'un autochtone, beaucoup de finesse et, si on arrive brutalement, simplement dans notre propre force intellectuelle rationnelle, déductive, on court une chance, en somme, de ne pas faire ce progrès.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Roberval.
M. Laprise: Oui, M. le Président. Vous avez parlé beaucoup de la plénitude entre les deux nations. Est-ce que c'est possible de vivre cette plénitude-là avec des lois différentes, des règles différentes ou encore est-ce qu'il faut que ce soit quand même encadré dans des règles qui correspondent et acceptables par les deux nations?
Le Président (M. Gautrin): M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): Les deux parties de votre énoncé, en somme, sont exactes, je crois que ça prend un encadrement. Mais il faut dire aussi que, dans mon texte, vous avez pu trouver à un endroit «à l'intérieur des pays constitués». Tu sais, les ententes rentrent à l'intérieur des pays constitués, là on n'est pas pour créer 70 pays, là, à l'intérieur, en fait, 11 pays à l'intérieur du Québec ou 70 à l'intérieur du Canada, enfin donc ça prend une base. D'ailleurs, la base est très bien énoncée, là, à l'article 2.1 de l'entente disant que tout cela se ferait, en somme, en acceptation des lois du Québec, donc il y a déjà un cadre général.
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(11 h 10)
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Quant à la différentialité, en somme, d'application, je n'ai pas de difficultés non plus là-dessus. L'Europe qui va se faire probablement se fera, en somme, avec des distinctions légales de France, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, etc., de sorte que je crois que les deux sont possibles. Les deux sont possibles, en somme, ce qui bloque fondamentalement, ce qui bloque, ce n'est pas l'exigence des autochtones, c'est le fait que les non-autochtones n'ont pas encore perdu cette espèce de supériorité là d'avoir compris mieux que l'autre, plus rapidement que l'autre, arrêter d'en rire, etc. Et je crois que qu'il y a moyen, vos deux énoncés, en somme, sont parfaits à la condition que les non-autochtones, d'une façon humble, acceptent une fois pour toutes l'existence réelle du pays.
Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Merci beaucoup, M. le Président. M. Hamelin, également, je tiens à vous remercier pour votre participation. Et nous bien sûr cette question-là nous intéresse au plus haut point, compte tenu que l'on vit sur le territoire également.
Et vous avez soulevé certaines interrogations au début de votre exposé, et je ne le sais pas si vous avez pris connaissance aussi du rapport qui avait été préparé par M. Chevrette, là, où, lui aussi, il avait quand même soulevé deux questions fondamentales, là, deux constats, et je pense que ça répond aussi aux appréhensions que vous avez soulevées. Et le premier constat, M. Chevrette disait: Existe-t-il certains droits distincts pour les autochtones, d'autres pour les Québécois? Et là-dessus je pense qu'on a tous convenu que, effectivement, les tribunaux avaient reconnu des droits mais ne les avaient pas nécessairement encadrés.
Moi, ma question est fort simple, c'est que, dans un contexte comme on est rendu ? et vous savez comme moi qu'avant d'avoir un traité signé ça peut prendre encore quelques années ? entre aujourd'hui et la signature future du traité, comment on peut trouver des solutions pour permettre aux deux communautés de continuer à vivre une certaine harmonie? Parce que vous savez comme moi que la situation aujourd'hui, elle est critique et, s'il n'y a pas des solutions à court terme, moi, je pense en tout cas que, sur le territoire, ça va devenir de plus en plus compliqué à continuer à vivre en harmonie. Alors, c'est un peu la question que je vous soulève, là, avec votre expérience. Et je sais que vous avez fait référence aussi à certains autres principes qui existent dans d'autres provinces, mais, pour nous, est-ce qu'il y aurait des solutions à court terme?
Le Président (M. Gautrin): M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): D'abord, il y a bien des choses, il faudrait que j'aie trois quarts d'heure, mais... D'accord, il y a des tensions sur la Côte-Nord, c'est évident, mais, moi, je crois qu'une partie des tensions ont été un peu accentuées, hein? Une partie des tensions ne me semblent pas être arrivées naturellement. Bon, ça fait que de sorte que est-ce que je dois m'enfarger parce que d'autres ont exagéré? Bon, moi, je suis un petit peu en deçà de ça.
Maintenant, en somme, ce que j'ai dit tantôt, le problème des Innus... Non, je me suis mal exprimé, ce n'est pas le problème des Innus, c'est le problème des relations entre les Innus et nous, et cet état-là, ce n'est pas l'affaire de la Côte-Nord. Il aurait fallu le dire plus tôt, ce n'est pas l'affaire de la Côte-Nord. Les relations entre le Sud du Québec et un peuple du Nord, que ce soient les Cris, les Inuits, les Innus, les Algonquins, les Mohawks, etc., c'est aussi une affaire de peuple à peuple, c'est aussi une affaire de l'ensemble du Québec.
Et ce qui m'a frappé ? il y a eu, je crois, 70 mémoires ou 80 mémoires ? dans ces mémoires-là, il n'y a pas eu assez de mémoires, en fait, qui auraient pu représenter, en somme, des forces générales, en fait, du Québec. Il y a le Barreau du Québec qui est venu, mais il n'y a pas beaucoup de gens, en somme, qui sont venus qui représenteraient, en fait, un vaste ensemble. Et je dirais, là, je ne sais pas pourquoi qu'il n'y a pas plus d'intellectuels qui se soient prononcés, en somme, là-dessus. Pourtant, théoriquement, ils devraient connaître la question, peut-être qu'ils la connaissent moins, en somme, qu'ils pensent la connaître, et de sorte qu'actuellement les Innus, là, c'est devenu une affaire de Côte-Nord, alors que, pour moi, c'est une affaire pan-Québec.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. le ministre, très brièvement.
M. Trudel: Très brièvement. Merci, Dr Hamelin, de nous aider à élever le débat. Vous élevez le débat et soulevez les questions réelles. Et, en vous remerciant, on va tâcher de, en particulier, se rappeler que davantage de Nord dans la tête des sudistes va nous aider à réussir cette entreprise de convergence. Dr Hamelin, merci de votre contribution. Elle est extrêmement précieuse pour le Québec et pour l'histoire.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle en la matière.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais dire bienvenue au Dr Hamelin et le remercier pour la qualité du mémoire qu'il a présenté à la commission et pour son intérêt, son engagement, sa passion pour le Nord et pour les relations Nord-Sud. On parle souvent de la notion des relations Nord-Sud dans un autre contexte, international, mais on a une vision québécoise, si vous voulez, de cette question, et je trouve que c'est très évident.
Mais je veux revenir un petit peu dans l'optique de comment améliorer le climat de débat ou le climat dans lequel on peut signer un traité. On a eu beaucoup de personnes, pas beaucoup, certaines personnes qui sont venues témoigner sur: il faut avoir l'égalité entre les individus, il faut avoir des gouvernements démocratiques où tout le monde qui demeure sur un territoire aura le droit de vote, alors un genre de présentation d'un libéralisme classique. Et comment expliquer aux personnes qui disent qu'un gouvernement basé sur des ethnies n'a pas de place dans un Québec moderne? Alors, comment est-ce qu'on peut répondre à ce genre de questions qui ont été soulevées par quelques témoins et comment est-ce qu'on peut les amener sur un terrain où, comme vous avez dit, encadrement, oui, mais laisser la place à la différence?
Le Président (M. Gautrin): M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): Bien, il n'y a jamais de réponse oui ou non, surtout si on soulève, en somme, des thèmes comme l'égalité. Moi, j'ai beaucoup d'amis chez les autochtones. Est-ce que je suis égal à un autochtone? Non. Il a une culture, il a une vision du monde, il a des contacts avec la nature que je n'ai pas, que je ne peux pas attraper et que j'attraperais peut-être, en somme, après une couple de générations, de sorte qu'il y a, au départ, en fait, une égalité intrinsèque, de sorte que ceux qui pensent avoir trouvé, là, un tapis, là, qui serait uniforme, mur à mur, je crois qu'on n'est pas prêts, peut-être dans 1000 ans ou je ne le sais pas, là. Dans la nordicité canadienne, je dis que ça prendrait au moins 100 ans, en somme, pour s'approcher, ça fait que ça prendrait peut-être 1000 ans pour devenir... que tout le monde soit fondu dans le même moule, et de sorte que, moi, ça ne me gêne pas qu'il y ait des différentialités, ça ne me gêne pas parce que la nature humaine... les cultures sont différentes. On le voit d'ailleurs internationalement dans des débats, là; on s'aperçoit, en somme, que la différence, c'est surtout des différences de points de vue, c'est des respects des personnes, c'est des respects des cultures et, non, ça ne me gêne pas.
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(11 h 20)
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Et dans le fond, quand on regarde aussi l'égalité, le fait qu'à l'Assemblée nationale du Québec, il n'y ait pas, il n'y a jamais eu, en fait, de député autochtone... bien, il n'y en a pas eu beaucoup en tout cas... Il peut y avoir des députés qui représentent le Nord, mais... En tout cas, disons qu'il y en a eu. Moi, je ne les connais pas tous, là, mais, dans l'ensemble, en somme, il n'y en a pas beaucoup, et c'est pour ça que dans mon mémoire je suggérais qu'un député innu siège à l'Assemblée nationale mais un autochtone le plus autochtone possible, là ? donc, je sais qu'il y a beaucoup de Métis qui peuvent se promener, et, bon, j'ai beaucoup de respect pour cette situation-là, là ? mais un vrai autochtone, là, comme les autochtones de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest. Il n'y a pas d'hésitation, en somme, par leur force, par leur exposé, par leur façon de voir les choses... Donc, l'égalité... Le fait, disons, qu'il n'y a pas eu assez d'autochtones ? disons, s'il y en a eu, il n'y en a pas eu assez d'autochtones à l'Assemblée législative ? me semble, disons, quelque chose, en somme, là... ça, c'est une inégalité au plan culturel. Ce n'est pas une inégalité au plan démographique, mais c'est une inégalité au plan culturel, et, disons, ça ne semble pas nous avoir trop, trop affectés.
La commission Dorion, en somme, avait suggéré un député autochtone à l'Assemblée nationale, moi, j'en suggère quatre pour les quatre principaux groupes indiens au Québec. Ça changerait beaucoup si on avait eu tout ça. Il y aurait eu beaucoup de parades peut-être qui n'auraient pas eu lieu, en somme, à New York et en Europe s'il y avait eu une assemblée pouvant accepter d'entendre ici les points de vue des autochtones, de sorte que l'égalité, d'accord, mais l'égalité, je la regarde, en somme, dans tous ces secteurs, et ça ne me gène pas que les autochtones soient des autochtones et ce serait faux de dire le contraire.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Et toute cette question de la diversité culturelle, c'est fort complexe. Je sais que Alan Cairns, qui est un professeur, je pense, en Colombie-Britannique, vient de publier un livre: Citizens Plus. Alors, il a essayé de jongler avec la notion du citoyen, mais avec les ajouts qui comprennent la diversité culturelle qu'amènent les premières nations au Canada. Et, de mémoire, je dois vérifier ça, mais je pense qu'il y avait un député huron au milieu du XXe siècle mais, suite à une vérification... Mais je pense qu'il y avait déjà un autochtone qui a siégé à l'Assemblée nationale.
Mais vous avez fait deux propositions dans votre mémoire que je trouve intéressantes: à la fois la proposition de quatre députés qui seraient élus pour les quatre grandes nations autochtones au Québec ? je ne sais pas comment les sept autres vont réagir à cette proposition ? et la deuxième, un genre de commission parlementaire annuelle qui est quelque chose que, je pense, nous avons jonglé avec l'idée aussi de plus mettre en évidence, parce que j'ai souvent dit: La distance de Povungnituk de l'Assemblée nationale est très grande, et il faut avoir un forum ou il faut avoir une occasion...
Il y a quatre ans, je pense que c'était la commission de l'aménagement du territoire qui a fait toute une commission parlementaire sur le Grand Nord québécois, et à la fois les premières nations, Lebel-sur-Quévillon, Chibougamau, la Société de la Baie-James, Hydro-Québec sont venus témoigner sur les défis, le potentiel que représente le Grand Nord québécois sur notre avenir.
Alors, comment est-ce que vous voyez à la fois votre proposition pour les quatre députés, mais également la forme que cette commission parlementaire annuelle pourrait prendre?
Le Président (M. Gautrin): M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): Moi, cette idée d'une commission parlementaire pour les autochtones, c'était lié à ma proposition d'avoir quatre députés autochtones à l'Assemblée nationale. Mais ces quatre députés, ça ne représenterait donc que quatre des 11 nations, en somme, autochtones au Québec. Ça fait que les autres qui n'étaient pas... en fait, dans les 11... Vous savez, une nation autochtone n'est pas représentée par une autre, c'est des entités complètes, ça. Et, en passant, je vais rappeler que dans mon livre Nordicité qui a été publié avant la Convention, en somme, j'attirais l'attention sur le fait que les Montagnais ne pouvaient pas, concernant leur territoire, avoir des signatures apportées par les Cris. On n'a pas tenu compte de ma suggestion, mais aujourd'hui, en fait, on est en présence d'un problème.
De ça, pour revenir à votre question. Chaque entité, en somme, est autonome, de sorte que, si on a quatre députés ici, pas ici mais de l'autre côté, à l'Assemblée nationale, les autres nations autochtones doivent s'exprimer et pourraient s'exprimer dans une commission parlementaire, de sorte que les 11 nations auraient une tribune. Parce qu'en réalité c'est une tribune où ils expliqueraient exactement, en somme, au public... ? c'est suivi par la population ? et, en même temps, ça, ce serait une éducation, un moyen d'éducation de la population. Et donc, c'est dans ce sens-là que je parlais d'une commission parlementaire pour les nations autres que les quatre qui seraient représentées à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Oui. Peut-être sur une autre question qui était soulevée que, comme professeur de géographie, vous pouvez nous aider. Je pense que c'est le désir de tout le monde d'arriver avec un traité pour la nation innue plutôt... On a maintenant quatre des neuf communautés qui sont dans l'Approche commune, il y en a trois autres dans l'Est qui sont associées avec un genre de processus plus ou moins parallèle. Et il y avait également le témoignage de Uashat-Maliotenam qui avait des problèmes autres. Et il y avait également la communauté de Matimekosh, à Schefferville, où, à mon avis, un des plus grands problèmes, c'est la question du chevauchement des revendications territoriales. Et il y avait toute l'histoire de l'exclusion des Innus au moment de la signature de la Convention de la Baie James, l'adoption d'une loi fédérale ensuite qui les a privé, dans les yeux des Innus, de leurs droits et qui peut-être empêche l'inclusion de Matimekosh dans un traité pour l'ensemble de la nation innue.
On voit dans la proposition de l'Approche commune, je pense, que c'est le tiers du Nitassinan des Betsiamites qui va être sur les territoires conventionnés aussi. Donc, vos expériences comme géographe... Est-ce que le chevauchement... Est-ce qu'il y a un moyen facile de gérer cette utilisation multiple des territoires sans trop compliquer la vie à la gestion de ces territoires non pas uniquement entre le Nord et le Sud mais entre les premières nations aussi?
Le Président (M. Gautrin): M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): Évidemment, les choses ne sont pas toujours idéales à mon point de vue. J'aurais préféré que la totalité d'une nation autochtone signe ou fasse partie de la même aventure de discussion ou de préparation, en somme, des grands traités, en l'occurrence ça n'arrive pas pour les Innus. Bon. Ça, ça ne fait pas partie de mon champ idéal. J'ai déjà écrit dans le passé que soit le Canada ou soit le Québec, en somme, qui communique avec une nation devrait communiquer avec la totalité de cette nation. Ça complique certainement des choses de faire les choses par étapes et ça pose aussi toutes sortes de problèmes, en somme, de chevauchement qu'on aurait pu éviter. Mais, de toute façon, les gens ont leur raison propre, en fait, d'agir comme ils le font. Ils le font certainement parce qu'ils ont des raisons fondamentales, bon, de sorte que là je me trouve en présence, en somme, d'un problème supplémentaire qui, comme on disait tantôt, lui aussi aurait pu être évité. Mais il y a toujours moyen... Moi, je crois que ce qui est difficile, ce n'est pas de trouver des solutions à un problème particulier, on a, en fait, au Québec, au Canada aussi, une fonction publique, en somme, qui est très développée, et il y a des as là-dedans, des fonctionnaires qui sont en mesure de trouver toutes sortes de réponses, en somme, vraiment, ce qui manque tout le temps, c'est la volonté, la volonté dite politique, comme on dit, et, moi, je traduis ça simplement à des raisons philosophiques profondes d'agir. Parce qu'à partir du moment, en fait, qu'on est sûr qu'on doit aller dans cette direction-là, c'est plutôt facile de trouver, en somme, des as de l'administration qui trouvent la passe. Ça fait qu'on pourrait la trouver également, en somme, pour le chevauchement des territoires de chasse. C'est...
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier, brièvement, parce que j'ai le député de Saguenay qui veut intervenir.
M. Hamelin (Louis-Edmond): Remarquez que, certainement, en somme, pendant les 5 000 ans, disons, que les autochtones ont fait de la chasse dans le Nord-du-Québec, il y a eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de chevauchement puis, bon, bien, il y a eu des réponses pratiques concernant cette chose-là.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. le député de... Vous avez terminé, monsieur? M. le député de Saguenay. Je m'excuse, M. le député de Jacques-Cartier.
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(11 h 30)
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M. Corriveau: D'abord, bonjour. Je n'ai jamais eu la chance de vous rencontrer et je constate que, sous cet air calme, et posé, et instruit, intellectuel que vous avez, il n'en demeure pas moins qu'une des choses qui m'a choqué le plus au cours de toute cette commission permanente, c'est vous qui l'avez mentionnée tantôt, et ça m'étonne, je ne m'attendais pas d'entendre ça dans le cadre de a commission. Et on arrive à la toute fin de cette commission-là puis je dois vous aviser, là: Vous avez pesé sur un bouton qui est une grosse corde sensible pour moi lorsque vous avez mentionné que ce n'était pas l'affaire des Nord-Côtiers, que c'était l'affaire de tout le Québec, mais que ce n'était pas l'affaire des Nord-Côtiers, ces négociations-là. Ça, personnellement, d'entendre quelque chose de même, pour quelqu'un qui vit sur la Côte-Nord ? puis vous répondiez à ce moment-là au député de Duplessis, le député de Duplessis qui est un Nord-Côtier et qui n'a pas répliqué à ça ? je dois vous dire que, moi, je le prends comme un affront. Je le prends pour un affront aussi pour tous les gens qui vivent sur la Côte-Nord parce que les négociateurs autochtones qui sont là sont des Nord-Côtiers, les négociateurs qui essaient de représenter le monde, là, ceux, en fait, qui veulent participer au niveau de la recommandation 26 de M. Chevrette, ce sont des Nord-Côtiers qui veulent être entendus, qui veulent participer à la table de négociations régionale, qui veulent pouvoir dire qu'on vit à proximité des peuples autochtones puis qu'on a le droit d'être entendus.
Ce qu'on a eu comme médecine, disons ? M. Stanley Vollant va venir tantôt ? ce qu'on a eu comme médecine du gouvernement au cours des dernières années, c'était justement de dire: Ce n'est pas de vos affaires puis c'est le gouvernement du Québec qui va négocier avec les peuples autochtones, puis inquiétez-vous pas, il n'y en a pas de problème, puis tout va bien aller, puis faites-nous confiance. Puis les gens sur la Côte-Nord... Puis au Lac-Saint-Jean, c'est la même affaire. Puis, si vous teniez un discours comme ça avec Mme Myriam Ségal, qui est une animatrice de radio au Lac-Saint-Jean, je peux vous dire qu'elle aussi, elle sauterait sur sa chaise parce qu'il ne faudrait surtout pas venir dire que ce n'est pas l'affaire des gens du Lac-Saint-Jean non plus, comme ce n'est pas les affaires des gens de la Côte-Nord. On veut participer à ces négociations-là parce que ça se passe dans notre cour. S'il y a un propriétaire de bloc-appartements où je suis locataire qui décide de défoncer une des chambres de mon appartement pour soit en donner une à un logement à côté ou encore, pour moi, m'en ajouter une, il me semble que ça me concerne, il me semble que là j'ai un mot à dire puis j'aimerais au moins pouvoir le dire. Ça fait que, s'il vous plaît, ne venez pas nous dire que ce n'est pas l'affaire des Nord-Côtiers! À la limite, je peux comprendre que, oui, c'est un enjeu qui est national, mais il faut surtout arrêter de penser que les Nord-Côtiers et Nord-Côtières peuvent être mis de côté puis qu'on va pouvoir trouver une solution à l'acceptabilité sociale de cette question autochtone là en mettant de côté la participation des Nord-Côtiers. J'espère que j'ai mal compris quand vous avez mentionné ça tantôt parce que ça se passe chez nous.
Le Président (M. Gautrin): Alors, on va laisser à M. Hamelin la chance de préciser sa pensée. Parce que le temps passe, M. Hamelin.
M. Hamelin (Louis-Edmond): Deux choses seulement. Premièrement, je vais relire la phrase qui vous a piqué: «L'entente innue possède une amplitude qui dépasse le cadre de la Côte-Nord.» Je n'ai pas dit que la Côte-Nord n'était pas là, là. Je pense qu'il faut d'abord comprendre. Je n'admets pas du tout, en somme, vos commentaires. Le deuxième commentaire que je ferais, c'est: Je pense que, quand je dis à un autre endroit que les non-autochtones doivent faire un certain cheminement pour rejoindre la réalité, peut-être que vous pourriez réfléchir aussi à cette deuxième chose là. J'ai terminé.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay, brièvement. Vous avez terminé, vous?
M. Corriveau: J'ai terminé.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier. Ou M. le député de Laurier-Dorion. Il vous reste très peu de temps.
M. Sirros: Il me reste encore très peu de temps, en souhaitant que tous ceux qui ont entendu ces propos puissent réfléchir, effectivement parce que je pense que vous avez bien situé et bien campé tout l'enjeu qui n'est pas un enjeu local seulement. Ça a des implications locales, ça a certainement des effets dans chacune des localités de tout le monde, mais c'est un enjeu qui dépasse l'enjeu local strictement, et je pense que vous l'avez mené dans une situation... dans un contexte qui, fondamentalement, appelle non seulement à une compréhension mais à une acceptation de cette autre réalité qui est sur le territoire québécois et qui a des implications au niveau des deux peuples parce qu'il s'agit justement de peuples différents, et c'est le fait effectivement que les peuples autochtones ont été ici et ont vécu ici, comme vous avez bien indiqué, pendant 4, 500 ans depuis dans l'oubli, dans le refus quasiment de reconnaître leur réalité et leur existence, et ce n'est que maintenant qu'on peut espérer commencer à arriver à un arrangement, à une entente, une capacité de trouver des mécanismes qui vont permettre aux deux peuples finalement de trouver une façon de se connaître, de se parler et d'évoluer dorénavant ensemble. Et à un moment donné ? je terminerai là-dessus ? je partage avec vous cet espoir qu'à un moment donné on puisse effectivement arriver à être synchronisés quant à nos évolutions. Et merci beaucoup pour votre présentation.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. M. Hamelin, en conclusion, voulez-vous ajouter quelque chose? Voulez-vous ajouter quelque chose, M. Hamelin?
M. Hamelin (Louis-Edmond): Non.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, au nom de la commission, il me fait plaisir de vous remercier pour la qualité de votre témoignage.
Et je demanderais maintenant aux représentants de Terres en vues... Je devrais peut-être suspendre. Je suspends les travaux deux minutes, parce que je n'arriverai pas au bout. Alors, suspension, deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 36)
(Reprise à 11 h 37)
Le Président (M. Gautrin): Nous reprenons nos travaux, et je demande aux représentants de l'association Terres en vues de vouloir s'avancer. Ils se sont bien avancés. Vous êtes représentés par Mme Cree, qui en est la présidente; M. Dudemaine, qui est le directeur des activités culturelles; et M. Corvec, qui en est le directeur administratif. Alors, je ne sais pas qui va prendre la parole.
Mme Cree (Myra): Je prendrai...
Le Président (M. Gautrin): Mme Cree, vous avez la parole.
Mme Cree (Myra): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Alors, vous comprenez, j'imagine, le format: une heure partagée en trois blocs de 20 minutes?
Mme Cree (Myra): Oui.
Le Président (M. Gautrin): Mme Cree, vous avez la parole.
Terres en vues
Mme Cree (Myra): Merci beaucoup. Peut-être dire, à la suite de ce que j'ai entendu depuis qu'on est ici, qu'il ne suffit pas d'être entendu, il faut aussi être compris, ce qui me ramène à une expérience toute récente, puisque j'étais jusqu'à tout récemment radio-active sur la chaîne culturelle de Radio-Canada, et l'une de nos doléances alors ? et je n'ai pas l'impression que ça a beaucoup changé depuis mon départ, en juin ? c'est qu'on regrettait la difficulté qu'avaient certains auditeurs à capter certaines de nos émissions. Et c'était une question géographique, dirons-nous, mais c'était une question d'antenne, et j'ai l'impression que cette commission tend des antennes comme on tend une perche pour que, au bout du compte, on puisse tous se mieux connaître et, se connaissant mieux, mieux savoir, ? oserai-je prendre le terme? Oui, puisqu'on est là pour ça ? négocier ensemble. Et, puisqu'on parle de connaissance, je vais laisser André Dudemaine vous dire qui nous sommes.
Le Président (M. Gautrin): M. Dudemaine.
M. Dudemaine (André): M. le Président, M. le ministre, MM. les parlementaires, Terres en vues est un organisme qui est voué au développement du dialogue interculturel entre la société québécoise dans son ensemble et les premières nations. Dans le cadre de cette mission, on a développé un important programme de développement culturel qui vise à inclure les premières nations à l'intérieur de la scène culturelle québécoise, à les inviter à prendre leur place et à occuper leur territoire dans la métropole culturelle qu'est le Québec, et sur les scènes, et dans les musées, et dans les salles de spectacle, et dans les endroits où se déroule tout le langage symbolique, où s'articulent ce qu'on appelle l'identité et la culture. C'est dans ce sens également que nous vous adressons ce mémoire, et j'invite Mme Cree à commencer sa lecture.
Mme Cree (Myra): Merci, André.
Le Président (M. Gautrin): Mme Cree.
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(11 h 40)
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Mme Cree (Myra): Merci. Quand il s'agit de poser des jalons historiques qui engagent l'avenir des sociétés, la façon de faire les choses compte autant que les choses que l'on va faire. Ceci est reconnu implicitement dans le document qui a lancé cette consultation, puisqu'on y invite les intervenants à une réflexion sur le contexte autant que sur les enjeux des négociations avec les Innus.
C'est donc sur ce contexte lui-même que porte ce court mémoire. Nous l'avons écrit avec notre expérience particulière, celle d'un groupe oeuvrant au Québec à la diffusion des cultures des premières nations. Cette optique, loin d'être réductrice, voire hors de propos, comme certains pourraient le croire ? et nous laisserons croire, mais c'est dommage pour eux ? nous donne au contraire un angle de vision et des instruments de mesure capables d'éclairer le débat.
La culture d'un peuple est son ambassadeur le plus important, et nulle relation internationale ne saurait se passer d'échange à caractère culturel. Terres en vues se trouve donc à un poste d'observation privilégié des rapports entre les peuples et les nations qui coexistent sur le même territoire, le Québec, puisque son action est essentiellement interculturelle et vise à faire connaître à l'ensemble de la population l'expression artistique des premières nations.
D'ailleurs, le premier des 15 principes adoptés par l'Assemblée nationale du Québec comme geste de reconnaissance envers les premières nations énonce le droit à la culture des peuples indigènes du Québec. Il est reconnu que la culture est le fondement de l'identité nationale et que les premières nations ont le droit d'orienter elles-mêmes le développement de cette identité propre.
En proposant ainsi de façon solennelle les principes devant guider les interventions gouvernementales, le Québec, tout en accomplissant un geste d'une grande portée historique, prenait un risque et se donnait un défi avec lesquels il doit désormais composer.
Le risque est celui de se payer de mots. En effet, il est souvent facile et même assez reposant de croire que le fait d'adhérer avec éclat à un principe généreux nous donne une crédibilité morale ipso facto et que, la chose étant dite, tout est fait. Mais que serait le mot sans la chose? On est alors en plein dans ce que la sagesse populaire appelle le pétage de bretelles, beaucoup de bruit pour peu d'action.
Le défi est de devoir subséquemment être jugé en fonction de l'accomplissement des promesses et résolutions qu'on aura si ostensiblement adoptées. Cela sera d'autant plus vrai dans un contexte de négociation où la crédibilité des partenaires est garante du respect des ententes que l'on signe, et l'histoire, dans le cas des peuples autochtones d'Amérique, aura enseigné la méfiance plutôt que la confiance. Rappelons que, comme premières nations, la tradition orale fait partie de notre tradition et est encore présente dans nos vies, ce qui veut dire que, pour nous, les mots comptent et que les gestes doivent impérativement s'accorder à la parole. On nous comprendra de jauger la pertinence de toute entente proposée au respect préalable de la parole donnée dont aura fait montre ceux qui parlent de partenariat et de bonne entente, toutes choses en soi souhaitables et bonnes en autant que nous gardions les pieds sur terre et sur nos terres.
Se baser sur les 15 principes a aussi l'avantage de nous sortir de l'ornière des négociations. Qu'on nous comprenne bien: nous savons l'importance et la noblesse de la tâche ardue des négociateurs, particulièrement quand il s'agit de balancer et de contrebalancer les droits et obligations de plusieurs parties en présence. La négociation bien faite est dialogue et constitue une alternative obligée au conflit et à l'affrontement.
Cependant, les discours et comportements issus d'une joute de négociations peuvent devenir stérilisants quand ils s'appliquent hors contexte. Ils peuvent conduire à des tics désagréables où toute générosité est alors perçue comme faiblesse, toute ouverture comme une concession naïve. D'ailleurs, les relations entre les peuples ne peuvent se réduire à des ententes signées et négociées si bonnes soient-elles.
En s'associant Guy Chevrette et en tenant cette commission, le gouvernement cherche d'ailleurs à corriger le tir en cette matière. En effet, toute approche commune, toute entente pour devoir être mise en oeuvre devra reposer sur une compréhension mutuelle de toutes les parties en présence, ce qui veut dire toutes les populations concernées et non seulement les juristes et les négociateurs.
C'est sur ce terrain crucial pour l'avenir qu'il y a un retard à rattraper, et ici on est en plein dans le domaine du symbolique. Tant et aussi longtemps que les aspects culturels de la coexistence n'auront pas été pris en charge, les ententes négociées à haut niveau risquent sur le terrain de provoquer des frustrations et des inquiétudes davantage que de paix. Le premier des 15 principes ne peut plus demeurer le dernier des soucis du gouvernement du Québec.
M. Dudemaine (André): Il y a tout juste deux ans, une autre commission de l'Assemblée nationale, celle sur la culture, a invité pratiquement toutes les associations et institutions à venir s'associer à une réflexion sur la culture au Québec. On a alors oublié tout simplement d'inviter les premières nations.
Vous trouverez en annexe la lettre que nous avions alors fait parvenir à M. Matthias Rioux, président de ladite commission. Suite à cela, nous avons été conviés à soumettre en catastrophe à la dernière minute un texte écrit qui aurait, nous avait-on dit, le mérite d'influencer les choses. Or, dans le rapport subséquent de la même commission, on ne retrouvera pas une seule fois mentionnés les mots «premières nations» et on comprendra que l'apport de ces dernières à la culture ne faisait l'objet d'aucun commentaire.
Accident de parcours? On sait aujourd'hui qu'à l'automne 2003 ce sera la Saison du Québec au Mexique, un pays qui, lui aussi, est fortement marqué par les cultures aborigènes d'Amérique. Serait bien malin celui qui pourrait aujourd'hui nous dire comment les premières nations du Québec seront associées à l'événement. À ce que l'on sache, elles n'ont pas été non plus associées à sa préparation. Ce qui est probable, c'est que, comme toujours, à la dernière minute, on nous ménagera la place du cousin pauvre dont on aimerait mieux se passer.
Il en va de même pour le droit à la culture que pour le droit de pêche. Les notions de survie, de subsistance ne peuvent se limiter au cadre de la communauté. Elles comportent, en ce XXIe siècle, la possibilité de pouvoir atteindre la notoriété par l'accès à une visibilité nationale et internationale. Que Terres en vues ait autant de difficultés ? et j'en parle en connaissance de cause ? à obtenir les sommes nécessaires au maintien d'une grande manifestation artistique où s'expriment les cultures des premières nations dans la grande métropole culturelle qu'est Montréal nous semble peu encourageant; les engagements pris il y a des années sont encore bien loin d'être tenus. On a parfois l'impression que la question des premières nations est vue comme une question irritante à résoudre avant de passer à autre chose. Il s'agit là d'un mauvais départ si on doit trouver un terrain d'entente.
Pour ne pas s'enfermer dans des impasses qui dureront des générations, il faut provoquer un déblocage majeur afin que les cultures des premières nations soient considérées à leur juste valeur, c'est-à-dire ? et là, c'est important, je souligne ? c'est-à-dire comme des trésors du patrimoine de l'humanité dont la survie et le développement sont une responsabilité collective de l'ensemble des Québécois et dont chacun des habitants de ce territoire puisse se sentir fier.
Toute négociation est dialogue; à cela, il faut ajouter qu'un véritable dialogue est bien plus qu'une négociation.
C'est dans cet esprit qu'à Terres en vues, on s'est fait promoteurs, en 2001, de la commémoration de la Grande paix de Montréal. L'événement aura été l'occasion d'échanges interculturels importants dans un climat d'amitié qui dépassait largement le cadre d'une séance de négociations justement. C'est là un exemple à suivre et il faut trouver des suites à lui donner.
En plus de donner un message clair de son engagement derrière les principes qu'il a lui-même reconnus, le Québec provoquerait le début d'un véritable dialogue des peuples et des cultures s'il se mettait à encourager véritablement et fortement le développement culturel chez les premières nations dans la foulée de son implication dans la commémoration de 2001.
Une meilleure connaissance des cultures et de l'histoire des premières nations dans l'ensemble de la population ne permettrait plus les dérives négationnistes et les manipulations médiatiques que l'on a connues récemment. D'ailleurs, nous croyons qu'aucune complaisance ne devrait être permise vis-à-vis des individus qui colportent des thèses niant le droit à l'existence nationale de certains groupes à cause de leur origine ethnique. En plus de n'avoir aucune crédibilité historique et scientifique, Josée Mailhot n'en aura fait qu'une bouchée dans Le Devoir, de ces thèses, et ici même d'ailleurs devant cette commission. Alors, ces thèses nous amènent sur un terrain très dangereux, celui de la négation de l'autre.
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(11 h 50)
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Alors, nos recommandations:
Que le gouvernement du Québec, dans un geste de reconnaissance vis-à-vis l'apport indispensable des cultures des premières nations à l'identité québécoise, réaffirme son engagement à soutenir le développement des cultures et des langues autochtones;
Qu'un vaste programme de développement culturel et de dialogue interculturel soit annoncé et que 5 % des budgets culturels y soient dédiés ? c'est un chiffre, 5 %, que l'on trouve dans les recommandations du fameux rapport Erasmus-Dussault qui s'adressaient également aux gouvernements provinciaux;
Que ce programme comporte deux volets intrinsèquement liés et dialectiquement articulés, l'un régional et l'autre métropolitain; et
Que les organismes des premières nations soient partie prenante dans la conception et la mise en oeuvre d'un tel projet.
Mme Cree (Myra): En conclusion, il s'agit, on l'aura compris, de dépasser les limites du cadre de la négociation pour amorcer un véritable virage vers la reconnaissance mutuelle des nations devant se partager le territoire. Nous sommes convaincus que sans un geste d'importance il n'y aura aucun avenir aux ententes paraphées plus haut. Il est important, à l'étape historique où le Québec se trouve, que soit ouverte dans l'imaginaire collectif la voie à une nouvelle forme de relation entre les Québécois qui ont adopté ce coin d'Amérique comme patrie et les ressortissants des premières nations, héritiers et témoins du patrimoine le plus ancien de cette partie du monde.
Nous nous réjouissons tous des manifestations d'amitié entre le premier ministre et le grand chef des Cris. Cependant, pour que de telles initiatives d'une grande portée symbolique atteignent leur objectif ? il arrive trop souvent aux leaders politiques de voir leurs gestes et propos méjugés par une opinion méfiante ? il faudra encore plus de braves et il faudra que des actions concrètes qui frappent les imaginations et qui remuent les consciences soient rapidement entreprises. L'amitié entre les peuples doit devenir l'affaire de tous, un projet collectif emballant et porteur d'avenir. Ainsi, du monde entier, les regards se porteront sur le Québec terre de paix et lieu exemplaire des relations harmonieuses entre les peuples et les cultures. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Nous allons commencer la période d'échange, et je donnerai la parole au député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue et ministre d'État aux Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Bienvenue à Terres en vues, Mme Cree, M. Dudemaine, M. Corvec, d'origine régionale bien connue aussi, la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Et merci de nous présenter ce témoignage et surtout ces précieuses propositions, suggestions, Mme Cree. On a encore le goût de vous écouter à la radio, le matin. Lorsqu'on entend votre voix et surtout les mots que vous y prononcez devant cette commission parlementaire, c'est fort précieux.
Et, sans l'ombre d'un doute, il y a comme une continuité avec ce que nous venons d'avoir comme témoignage devant cette commission parlementaire, celle du Dr Louis-Edmond Hamelin qui en quelque sorte nous conjurait à un effort pour élever la connaissance, pour élever la connaissance au niveau des autres nations sur le territoire. Et, vous, vous proposez le vecteur de la culture comme étant le vecteur par excellence que nous devrions utiliser pour en arriver à atteindre ces objectifs d'élévation de connaissance.
Je suis parfois non pas surpris mais, à l'analyse, un peu étonné de voir aussi le peu de place que prennent dans le paysage télévisuel les autres nations, les premières nations au Québec. Vous êtes une organisation qui, à ma connaissance, avez, le moins que l'on puisse dire, bûché pouce par pouce pour les nations autochtones, pour les artistes, pour les agents de culture des nations autochtones, des premières nations, vous avez durement acquis le terrain en milieu métropolitain. Comment devrions-nous faire en quelque sorte pour que le paysage télévisuel ? parce que c'est un médium dominant, c'est un lieu commun de dire cela ? pour qu'il y ait davantage, comme nous le disait Louis-Edmond Hamelin, comme vous nous le dites, davantage de Nord dans le Sud mais davantage d'autochtonie dans la tête des Québécois et des Québécoises?
Le Président (M. Gautrin): Mme Cree? M. Dudemaine? M. Dudemaine.
Mme Cree (Myra): Je vais laisser André, oui.
M. Dudemaine (André): Je pense que tout ça est une question de reconnaissance. Les médias généralement suivent l'opinion générale. Nous, de la façon dont nous avons procédé ? je vous donne cet exemple ? on a un spectacle annuel qui s'appelle Solstice, qui est enregistré pour la télévision. De la façon dont on a procédé, c'est qu'on a demandé à des artistes québécois bien connus de s'associer à des artistes des premières nations pour donner un spectacle qui soit justement à la fois une fête pour la culture des premières nations mais aussi un lieu de démonstration de l'amitié entre des peuples. Et la réponse a été partout extrêmement positive et, chaque année, Radio-Canada, en collaboration avec un producteur privé, enregistre cette émission. C'est là, pour nous en tout cas, un événement majeur, lorsqu'on organise toutes les années... c'est une des façons de percer des médias. Je pense qu'à partir du moment où vous avez un programme culturel développé les médias en tiennent compte. Si je regarde, par exemple, le festival Présence autochtone qu'on organise chaque année, ça donne lieu à énormément de retombées médiatiques également; les critiques d'art, les journalistes, même les gens d'affaires publiques viennent dans les manifestions et en tiennent compte dans leurs publications. Toujours au niveau médiatique, j'attire votre attention, ça vient de sortir dans les kiosques, une revue américaine importante qui a une circulation continentale qui s'appelle Native Peoples, Life and Culture a maintenant son numéro spécial du printemps qui est sur Tourism in Indian Country. Eh bien, vous allez trouver Wendake et le charme français de Québec; vous allez trouver Kahnawake, le festival Présence autochtone et Pointe-à-Callière, le Musée d'histoire de Montréal; vous allez trouver Wemotaci. Et comment ça se fait que Native Peoples a cet article-là? C'est que les journalistes de la publication se sont intéressés au festival Présence autochtone dont ils avaient entendu parler aux États-Unis, on leur aurait dit: Bien, écoutez, venez à Montréal, on va vous organiser une tournée. Et c'est comme ça que cet article... que maintenant, sur tout le continent, la ville dans laquelle aujourd'hui on se parle est considérée comme faisant partie du trajet de l'Indian Country pour un touriste américain. On a déjà de l'interculturalisme, on a déjà des retombées médiatiques.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: J'ai envie aussi de dire: Et parlons-nous de Télé-Québec et de TV5? Parce que vous nous évoquez, par exemple, l'expérience que vous réalisez avec Radio-Canada. J'ai eu le plaisir d'assister à cet enregistrement à l'occasion de votre dernier festival, et on pourra, à des heures de grande écoute le dimanche, écouter le résultat. Mais nous avons une télévision nationale aussi au Québec, qui s'appelle Télé-Québec, et vous soulevez par l'exemple que vous donnez aussi la dimension de l'international qui s'appelle TV5.
Avez-vous des rapports, des relations? Avez-vous des... oui, oui, des indications à nous donner, parce que ça sert à ça, les commissions parlementaires aussi, pas uniquement au ministre des Affaires autochtones mais au gouvernement, à l'État pour atteindre les objectifs qui nous ont été énoncés par votre groupe et par Mme Cree? Qu'en est-il de ces rapports? Qu'en est-il de ces possibilités avec la télévision nationale et avec, au plan international, TV5, s'il en est?
Le Président (M. Gautrin): M. Dudemaine.
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(12 heures)
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M. Dudemaine (André): M. le ministre, je me permettrai de répondre un peu à côté de la question dans la mesure où, si on regarde actuellement, il se passe des choses sur le plan fédéral et il tient beaucoup, je pense, aux suites du rapport Erasmus-Dussault. Il y a notamment eu la création de l'APTN, l'Aboriginal People Television Network, auquel j'ai l'honneur de participer en tant que membre du conseil d'administration, et ce qu'il y a de génial dans cette création d'un canal spécialisé pour les télévisions autochtones, c'est que, partout, si un producteur veut obtenir des fonds, il doit cogner à la porte de certaines institutions et faire jouer certains programmes de crédits d'impôt, et ce qui rouvre la porte, c'est une entente avec un producteur télé. Les premières nations maintenant ont un producteur télé.
Or, au Québec, on n'est pas équipé, comme première nation et particulièrement chez les francophones pour produire toutes les productions audiovisuelles qui pourraient circuler au pays et dans le monde, parce qu'on n'a pas développé ici les compétences. J'ai ici le rapport de la SODEC, le dernier rapport de la SODEC, la grande institution québécoise pour le développement culturel et des industries culturelles au Québec. Il n'y a pas de programme autochtone là-dedans. La présence autochtone y figure à deux endroits tout à fait dans le bas, bas, bas des colonnes: Événements nationaux, internationaux, programmes d'aide, moyenne d'aide accordée aux événements 175 000 $, accordée à présences autochtones 15 000 $. Vous avez les mêmes proportions au niveau aide au cinéma.
Je veux dire, quand on parle de développer d'abord un programme culturel, ça veut dire développer les capacités productives et les capacités créatrices qui sont à l'état latent présentement chez les premières nations et y associer des organismes qui sont réticents et, s'ils sont réticents, c'est qu'on pense, nous, que les messages politiques qu'on entend ici ne sont pas véhiculés clairement dans les agences gouvernementales.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre et député de Rouyn-Noranda.
M. Trudel: C'est un cri du coeur bien articulé, M. Dudemaine, et tout un défi surtout quand vous nous rappelez, à la fin du mémoire, ce qui s'est déjà dit et passé avec d'autres commissions ici. Ça nous fixe l'ampleur du défi la nécessité des résultats à cet égard-là avec une illustration très claire davantage d'autochtonie, davantage de nordicité, de Nord dans la tête et dans les organismes au niveau du vecteur culture pour élever la connaissance.
Je ne voudrais pas non plus échapper toute cette dimension de vos recommandations à l'égard de ce que génériquement vous appelez donc un programme culturel, que ce programme comporte deux volets intrinsèquement liés et dialectiquement articulés: l'un régional et l'autre métropolitain. M. Corvec, vos racines et votre vie sont d'abord régionales, comme la grande partie des Québécois et des Québécoises. Vous participez maintenant de cet effort en milieu métropolitain pour davantage de lieux d'expression de culture des autochtones.
Quelles seraient les principales dimensions qui devraient nous interpeller lorsque nous voudrions élever, dans le cadre du régional, l'élément culturel autochtonie pour davantage de développement? Qu'est-ce qui devrait nous interpeller surtout, à votre avis?
M. Corvec (Daniel): Il faut articuler...
Le Président (M. Gautrin): Monsieur... Corvec, excusez-moi. M. Corvec.
M. Corvec (Daniel): Merci. Je crois qu'il faut articuler région et métropole. Nous, à Terres en vues, le premier festival qu'on a fait, on l'a fait et à Montréal et à Val-d'Or à l'époque. En 1991, le premier, le tout premier. Ce qu'on aurait aimé continuer, parce que, dans les centres régionaux, il y a beaucoup d'autochtones qui se retrouvent avec les populations non-autochtones puis à Montréal, bien il y a la plateforme, la plateforme nationale et internationale pour montrer tout ça. Bon. Ça fait qu'on a commencé comme ça. On a dû arrêter faute de moyens, faute... Aussi, on avait épuisé nos partenaires, parce que, monter des festivals, monter des créations d'envergure, ça prend beaucoup d'efforts, beaucoup d'argent, beaucoup de personnel. Ça fait que c'est plus là que se situe l'articulation. Nous, ce qu'on veut faire, avec la présence autochtone à Montréal, c'est mettre la table et que les autochtones et urbains et des communautés y viennent démontrer leur savoir-faire, leur culture, leur manière de s'exprimer tant au niveau historique que moderne.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre. Mais j'ai deux autres de vos collègues qui ont demandé la parole.
M. Trudel: C'est très précieux, M. Corvec, ce que vous nous dites là, parce qu'il faut qu'il y ait effet d'espèce de miroir sur les grandes scènes métropolitaines pour capter l'attention du plus grand nombre de personnes et intéresser le plus grand nombre de personnes mais, en même temps, aussi que cela connaisse un enracinement régional parce que cela participe du mouvement national aussi, l'interprétation de coexistence et qui va nous mener jusqu'à l'amitié entre les peuples sur le territoire national.
Moi, je n'aurais qu'une question supplémentaire à Mme Cree. Mme Cree, on voit, par exemple, dans la situation très actuelle triste que nous visons au plan international, le rôle déterminant que sont en train de jouer les artistes de tous les secteurs d'activité dans le mouvement de paix et vers la paix et de cette lutte contre la guerre en Irak. Et les artistes sont vraiment... jouent un rôle important dans le message qui est en train de... la voix qui est en train de s'élever dans ce mouvement de paix et qui profondément habite la nation québécoise. Ce n'est pas hier matin que cela est né, c'est historique.
Est-ce que vous pensez que nous pourrions, Mme Cree, aussi faire cet appel et davantage... offrir davantage au monde artistique québécois et aux personnes, personnalités en particulier, de participer à ce mouvement de convergence de formation de paix, de respect pour en arriver à davantage de développement, davantage de compréhension et davantage de croissance pour les personnes des nations concernées?
Le Président (M. Gautrin): Mme Cree.
Mme Cree (Myra): Remplacer la Société des Nations par la société de la paix, on va attendre de voir si l'ONU pète au fret.
Ce que je voudrais dire, c'est que oui c'est sûr qu'il faut participer d'un mouvement vaste pour dire non à la guerre et que, si quelqu'un veut se faire Irak-kiri puis que, nous, on ne veut pas, il faut le dire. Seulement, je ne crois pas que, parce qu'on est artiste, on ait une opinion sur tout, qu'on soit renseigné sur tout, sinon, moi la première, j'irais faire de la politique. Je voudrais peut-être votre portefeuille, qui sait.
Ce que je veux dire, c'est...
Le Président (M. Gautrin): ...
Mme Cree (Myra): Mais, oui, je sais... Ha, ha, ha! C'est pour ça. Voyez comment on place son fion. Voilà, oui.
Oui, sans doute, ce serait un mouvement ? comment dire? ? pour élever le ton. Ça, c'est sûr. Mais c'est très vaste, il faut dire oui à toutes les bonnes idées. La seule chose que je pourrais évoquer, moi, ici, à partir... je ne dirais pas du désamour qu'on a pour les premières nations, mais de l'absence de... on est très peu séducteur et on est un petit numéro. On a beaucoup de rattrapage à faire dans le coeur de ceux qui ont envie de voir des belles choses et qui vont aller à tel festival plutôt qu'à l'autre, à telle exposition plutôt qu'à l'autre et qui oublient que l'exotisme dans la place, c'est aussi un peu nous.
Je pense à Blaise Cendrars qui disait qu'il aimait ces petits instants où le seul fait d'exister est un véritable bonheur. Je dirais bonheur pour la personne mais bonheur pour les autres. Ce qui, au plan ? disons à notre plan ? qui nous concerne, nous, mais ça vaut pour l'international, éviterait bien des éclats de voix, des écarts de langage et des envolées vitrioliques.
Donc, si vous me demandez: Êtes-vous pour la paix et contre la guerre? Je réponds oui. Faut-il que des gens de bonne volonté, des honnêtes hommes, des honnêtes femmes fassent partie de cette espèce de cénacle? Oui. Encore faut-il qu'ils aient une... que quelque chose se passe qui puisse drainer des... C'est l'affaire de tout le monde finalement.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. Dudemaine, et brièvement parce que j'ai deux autres collègues. Le temps file.
M. Dudemaine (André): Très brièvement, oui. Les artistes du Québec, je dois le dire, et les gens de culture du Québec en général, on a une collaboration formidable. Que ce soit avec la Cinémathèque québécoise, que ce soit avec l'Orchestre Métropolitain avec lequel on commence un projet, que ce soit avec Pointe-à-Callière avec qui on a eu un partenariat important. Je pourrais en nommer des douzaines comme ça. Je pense que les difficultés, là généralement où on les a, c'est là où il y a des administrateurs. Des gens d'administration, ce sont des gens qui ont peur. Les artistes ne sont pas des gens qui ont peur. Les artistes sont des gens qui sont capables de formuler le dialogue, encore faut-il leur en donner les moyens, faut-il leur en donner l'opportunité.
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(12 h 10)
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Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Hyacinthe, il reste peu de temps, mais je vais essayer de vous passer tous les deux.
M. Dion: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier pour cette présentation qui donne de la profondeur à la problématique que nous essayons de comprendre. Vous parlez... évidemment tout votre document porte sur la culture et le rôle de Terres en vues qui est un organisme très, très connu et qui s'est fait connaître en peu de temps. Et, chaque fois qu'on parle de question culturelle, évidemment on parle toujours de deux concepts complémentaires et qui se fécondent l'un et l'autre: d'un côté le produit culturel que l'on donne à consommer aux gens, que ce soit par le cinéma, la musique ou autrement, et, d'un autre côté, l'expression d'une vie collective, donc l'identité, la façon d'être d'un peuple. Et le dialogue culturel se fait et par l'un et par l'autre.
Vous savez qu'ici, au Québec on a déjà depuis longtemps, depuis plus de 20 ans, l'Office franco-québécois pour la jeunesse qui permet des échanges entre les Québécois et les Français, les jeunes. On a depuis plus ou moins cinq ans l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse qui permet les mêmes échanges entre la communauté québécoise et les autres peuples d'Amérique, mais on n'a pas encore d'office Nord-Sud pour la jeunesse. Croyez-vous que ce serait une chose qui pourrait favoriser justement cet échange culturel entre le nord et le sud? Première question. Et, deuxième question, est-ce que Terres en vues, étant donné sa mission propre, pourrait y jouer un rôle?
Le Président (M. Gautrin): M. Dudemaine.
M. Dudemaine (André): Oui. Alors, je répondrai tout de suite oui à votre dernière question. C'est là notre vocation effectivement de rapprochement interculturel. Je pense que, ce qui est important d'avoir, c'est des programmes qui soient dédiés aux premières nations. Je n'ai pas... ce qui arrive, c'est que très souvent les programmes qui sont pensés pour la société en général, très souvent, un problème qu'on retrouve assez rapidement, c'est que les premières nations n'y sont pas et n'en profitent pas. Et, si on veut que les premières nations aient un accès, généralement il faut avoir des programmes dédiés. Le temps ne me permet pas d'élaborer beaucoup là-dessus, mais on pourra trouver d'autres moments pour élaborer.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, brièvement.
M. Trudel: Merci de votre précieuse collaboration, témoignage et du défi que vous nous lancez. Merci.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue aux représentants de Terres en vues, Mme Cree, M. Dudemaine et M. Corvec. Ça me donne des souvenirs de la Grande paix à Montréal, il y a deux ans, et les cérémonies que vous avez organisées dans la très grande chaleur, de mémoire, notamment la cérémonie où il faisait tellement chaud, pas comme aujourd'hui.
Mais on est maintenant rendu... je pense, c'est la onzième journée de nos travaux, j'ai lu beaucoup de mémoires, mais je veux commencer en disant merci beaucoup pour une phrase dans votre mémoire que je trouve exceptionnelle, et c'est la phrase suivante: «On a parfois l'impression que la question des premières nations est vue comme une question irritante à résoudre avant de passer à autre chose.» Alors, merci beaucoup, parce que je pense que, s'il y a une façon de voir les choses qu'il faut changer, ça résume assez bien que, ça, c'est un atout, ça fait partie de la richesse de la société québécoise, la présence des 11 nations, et comment on peut le voir comme une opportunité, comme les partenariats, comme les choses qu'on peut faire ensemble plutôt que: Oh, il faut régler ça et après ça on peut retourner la question autochtone sur les marges de notre société, qui était le comportement dans le passé qui, à mon avis, nous a amenés à beaucoup de nos problèmes. Merci beaucoup pour la phrase. Comme j'ai dit, j'ai lu beaucoup de mémoires maintenant, mais c'est une phrase qui m'a frappé beaucoup.
Et dans votre mémoire... et je sais qu'à la fois le président et la vice-présidente de la commission de la culture ont regretté l'incident il y a deux ans, ce n'était pas le seul, moi, je me rappelle, il y avait un projet de loi n° 28, je pense, il y a deux, trois ans devant l'Assemblée nationale qui a traité la question des sages-femmes au Québec, et personne au gouvernement n'a pris la peine, entre autres, d'appeler à Inukjuak où il y a un centre de formation, parce qu'il y a beaucoup de communautés inuits sans médecin. Alors pour les femmes qui veulent rester dans leur communauté et faire un accouchement, il faut des sages-femmes, et la loi qu'on était en train d'adopter ici rend cette activité illégale.
Alors, je pense qu'il y a une certaine compréhension. Je pense qu'à Akwesasne aussi il y a un autre centre de formation, ça fait partie d'une tradition des pratiques autochtones et, nous autres, on faisait notre débat à côté, dans le salon bleu, sans tenir compte de cette réalité. Et on a au moins réussi à convaincre un des deux ministres concernés de préserver les projets-pilotes qui permettent toujours, à grandes difficultés, les pratiques existantes de continuer.
Mais sur l'autre côté de la médaille, parce que vous avez parlé beaucoup de dialogue dans votre présentation, il y avait beaucoup de sentiments d'exclusion des voisins des premières nations dans l'Approche commune. Et je pense que vous avez bien dit qu'on peut avoir la meilleure entente au monde, sans volonté politique d'aller de l'avant, on n'est pas plus avancé. On m'a dit que la Constitution de l'URSS était un modèle démocratique, c'était la meilleure Constitution qui n'avait jamais été inscrite dans l'histoire, sauf que M. Staline n'avait pas trop tendance à la suivre. Alors, il y avait tout un problème dans son application.
Dans le même ordre d'idées, qu'est-ce qu'on peut faire, pratico-pratique? On a vu les gens des Escoumins venir ici avec un sentiment d'exclusion fort légitime. Je ne le remets pas en question. Ils sentaient qu'il y a quelque chose qui arrive à huis clos qui les touche directement sans les consulter, sans les impliquer davantage.
Avez-vous, dans votre expérience de promouvoir le dialogue, des choses que peut-être on peut regarder de faire? Vous avez mentionné de corriger le tir dans votre mémoire; est-ce qu'il y a des choses qu'on peut faire pratico-pratique qui peuvent donner un climat beaucoup plus propice à la signature éventuelle d'un traité?
Le Président (M. Gautrin): M. Dudemaine.
M. Dudemaine (André): Hannah Arendt a dit: Ce n'est pas l'être humain qui peuple la planète mais la diversité des êtres humains. Et je pense que la diversité culturelle et la différentiation culturelle sont maintenant universellement reconnues comme des valeurs fondamentales de l'espèce, et on sait que la diversité culturelle, c'est quelque chose pour laquelle il faut maintenant se battre parce que les tendances sont au nivellement.
Or, la diversité culturelle, elle existe, ici, au Québec, et je pense que les Québécois, qui sont des gens de passion, hein. Quand on parle de grands publics, vous avez parlé tantôt à M. Hamelin, qu'est-ce qu'il faut faire, et il a parlé de culture et il a parlé de grands publics. Or, culture et grands publics, on parle de passion, on ne parle pas d'un langage...
Généralement, les réticences que vous avez entendues, si vous creusez un peu, c'est des réticences qui sont souvent fondées sur des inquiétudes qui proviennent de réflexes irrationnels et pas d'un raisonnement. Et très souvent, les universitaires ? vous en êtes et M. Trudel aussi, c'est là quelque chose de fort honorable ? ont tendance à trop considérer l'être humain comme un être rationnel à qui on peut enseigner; celui qui sait peut venir apporter la connaissance à celui qui ne sait pas.
Or, quand on parle de connaissances entre les peuples, le mot «connaître», il faut aller vraiment dans son étymologie, ça veut dire naître ensemble. Le professeur Girard a dit: S'il faut créer des lieux communs, et, créer des lieux communs, ça se fait dans un langage symbolique et public, ce sont des activités culturelles. Donc, à mon avis, il faut débloquer des fonds. Il faudrait que Mme Lemieux soit ici aujourd'hui, ce serait très heureux.
Le Président (M. Gautrin): Ou la prochaine ministre de la Culture.
M. Dudemaine (André): Ou la prochaine, oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dudemaine (André): Ce sera une femme, me dites-vous? Ha, ha, ha! Alors, il faudra donc développer des programmes spécifiques et je pense à même les budgets culturels importants qui sont là, et je pense que les artistes et les institutions générales vont suivre. Il faudra que l'intendance suive aussi, mais ceux-là, il suffit de leur donner un message assez clair avec un petit coup de poing sur la table, s'il le faut, et vous allez voir que même la SODEC va arriver à comprendre.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Je comprends le reproche que parfois on est trop rationnel, mais on a un problème réel à court et moyen terme aussi. Et je ne remets pas en question la valeur symbolique que vous avez discutée mais, pratico-pratique, s'il y aura une ratification de l'Approche commune, l'entente de principe, ça va nous amener dans une prochaine ronde, j'espère, assez rapidement parce que c'est déjà 23 ans qu'on négocie et je ne veux pas que ça prenne un autre 23 ans avant d'arriver à un traité. Je pense qu'il y a une certaine importance d'avoir l'encadrement que le professeur Hamelin vient de décrire pour nos différences, et je pense que ce serait souhaitable de faire ça.
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(12 h 20)
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Alors, je vais me rendre... mettons un événement comme... je pense, 1603, il y avait le Traité de Tadoussac. Est-ce qu'un événement comme ça, est-ce qu'on peut bien cerner certains messages de cet événement historique qui date de 400 ans qu'on peut véhiculer cet été pour essayer d'améliorer le climat? Parce qu'il faut préparer le climat. Après deux ans de pas assez de renseignements qui circulaient, il y avait un sentiment de méfiance, un sentiment d'exclusion dans les populations concernées qui n'est pas... et je pense, je cherche encore les moyens à court terme ou à moyen terme, parce qu'on a un problème réel. Peut-être que je suis l'homme rationnel en disant ça comme ça, mais on a un problème ponctuel à court terme, et est-ce qu'il y a des choses, des événements comme Tadoussac, 1603, qu'on peut utiliser pour améliorer le climat?
Le Président (M. Gautrin): M. Dudemaine.
M. Dudemaine (André): Très certainement, dans la mesure où les événements de 1603 démontrent, entre autres, que la présence française en Amérique provient d'une alliance franco-amérindienne et de liens d'amitié et que les contrats, si on peut, entre guillemets, signer à l'époque, les ententes conclues à l'époque sont toujours valides, de notre point de vue, comme nation. Donc, oui, voilà quelque chose qui nous reconnecte justement à un univers plus vaste que l'immédiat et le court terme. Parce qu'il faut gérer aussi l'immédiat et le court terme, mais ça prend aussi des négociations. Mais ça prend un peu plus.
On a vu récemment des hommes d'État se plaindre que certains poètes avaient plus d'importance qu'eux dès qu'ils prenaient la parole, mais il faut vivre avec ça. Les poètes ont une parole qui va avoir plus d'importance que la prose et que notre prose, parce que j'en suis moi aussi, et il faut laisser aux poètes... À très court terme, ils peuvent agir et avoir un impact durable parfois beaucoup plus important que celui de tous nos grands discours. Donc, cela dit, je me tais.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Ou avoir la sagesse de la République tchèque d'élire Vaclav Havel comme président. Alors, il peut faire les deux rôles en même temps. Mais ça, c'est maintenant chose du passé, mais c'était le rôle exceptionnel que le poète ou le dramaturge peut jouer.
Peut-être juste une dernière question sur... Avec votre présence, on parle de l'importance de la protection des diversités culturelles, avant tout linguistiques où, entre autres, ce serait un enjeu linguistique. Je sais que l'état de la protection des langues des premières nations au Québec varie d'une nation à une autre. Pour ceux qui sont plus isolés, il y a une certaine protection naturelle dans le fait que les Attikameks, par exemple, étaient assez isolés. Pour les Mohawks c'est un défi tout autre parce qu'ils sont voisins, proches de la région métropolitaine de Montréal.
Juste peut-être quelques commentaires d'une façon plus générale sur les enjeux de la protection linguistique et s'il y a d'autres propositions que nous devons regarder dans ce domaine que je trouve très important. Parce qu'une langue comporte... La présentation de Mme Mailhot était formidable. Quand elle est venue, il y a deux semaines, parler de la langue innue et sa connaissance de la langue innue, moi, je pouvais passer l'après-midi en écoutant Mme Mailhot. J'ai trouvé que c'était un des meilleurs témoins qu'on a eu.
Mais avez-vous d'autres propositions ou constats que vous voulez faire sur cet enjeu très important?
Le Président (M. Gautrin): M. Dudemaine.
M. Dudemaine (André): Oui, moi, je pense que la langue, les langues des premières nations devraient faire partie, un peu comme on l'a mentionné dans notre mémoire, de la richesse collective du Québec, et que leur préservation soit vraiment considérée comme une responsabilité collective. C'est sûr que l'usufruit de la langue va d'abord appartenir principalement aux premières nations concernées, mais il me semble qu'il pourrait y avoir aussi des instruments de mesure de l'état des langues et des instruments d'appui à leur maintien et à leur survie, et également, pourquoi pas, des cours de langue ou, au moins, d'initiation aux langues des premières nations qui soient donnés dans des institutions québécoises. Je sais que ça se fait ici, à Laval pour l'inuktitut, mais je pense que c'est le seul endroit où ça se fait, et c'est peut-être une pratique qu'il faudrait qui soit un peu plus répandue. C'est un autre moyen de mieux connaître une culture évidemment que de connaître sa langue.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Je peux confirmer, au niveau de la langue. Effectivement, j'ai suivi le cours langue montagnaise I à l'université avec un anthropologue du nom de Gerry McNulty, il y a de ça déjà plusieurs années. Un cours fort intéressant. Mais il est regrettable de voir qu'effectivement il faille se rendre jusque dans des cours d'anthropologie à l'université, souvent dans des cours hors bac en plus pour avoir les crédits supplémentaires qui ne sont pas très nombreux, mais pour réussir à être sensibilisé à ça. Puis il y a une place, peut-être même pour l'apprendre au jeune âge là, au primaire, au secondaire, d'être sensibilisé à l'existence de ça, de proximité d'une autre langue qui, des fois, est à quelques dizaines de kilomètres seulement de chez nous et qui est parlée par une foule de gens. Bon.
Ceci étant dit, je prends note aussi de ce que vous avez mentionné concernant les programmes dédiés, la SODEC, qu'il n'y a pas suffisamment d'aide en ce qui a trait à la programmation, au contenu autochtone, dans la langue française aussi, pour non seulement avoir ça sur l'Aboriginal TV Network là, mais aussi le voir sur des chaînes qui peuvent être francophones pour que la population blanche puisse en profiter.
L'appel aux artistes dont le ministre a fait mention tantôt, je pense que ça peut être intéressant, puis ça vous touche dans le milieu où vous êtes. Le bémol que j'aurais à y apporter, c'est qu'il faudra faire attention. On a vu des gens, des artistes marcher pour la paix et, le lendemain, M. Landry disait que tous ces artistes étaient nécessairement souverainistes péquistes. Je pense qu'il va falloir faire attention à la participation. Si on fait un appel à la participation des artistes québécois, ne surtout pas les mettre dans un contexte électoral, mais bien les mettre dans un contexte davantage qui sera pertinent pour l'avancée du Québec et ne pas faire ce rapatriage partisan de cette participation-là de nos artistes québécois. Moi-même, je me considère artiste québécois, je le suis en fonction de la Loi sous le statut professionnel des artistes, puis je peux vous dire que je suis pour l'Approche commune avec certaines modifications qui pourront avoir lieu à l'intérieur du traité final, puis je ne me considère pas un péquiste pour autant. Ça fait que, M. le ministre, j'espère ne pas voir des publicités avec Paul Piché disant: Il faut absolument voter pour le Parti québécois afin que l'Approche commune se...
M. Trudel: ...votre remarque est la seule remarque partisane que nous avions entendue en cette commission.
Le Président (M. Gautrin): Alors, M. le député de Saguenay, c'est vous qui avez la parole.
M. Corriveau: D'accord. Alors, tout ça pour dire qu'il y aura lieu d'essayer de sensibiliser les gens, les Québécois afin de pouvoir avoir une acceptabilité sociale de ce traité-là qui sera adéquat, hormis les autres considérations. Donc, bien, je vous remercie de votre témoignage. Je n'ai pas vraiment de question à vous poser. Je pense que ça a été très clair au niveau de ce que vous nous avez mentionné et... Bien, je vous souhaite un bon retour chez vous.
Le Président (M. Gautrin): Est-ce que vous...
M. Corriveau: Pardon?
Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi. Je vais demander à nos invités s'ils avaient des commentaires sur l'après-commentaire?
Mme Cree (Myra): J'aimerais juste ajouter un mot. Je crois que des gens qui marchent pour la paix, il faut voir ça comme les consciences qui marchent pour la paix et des êtres humains, point. Quand Gilles Vigneault chante «et les humains sont de ma race», je ne me demande pas à quelle enseigne il loge, dans quel parti politique il couche, de quel côté il vote. Ce n'est pas ça. Quand il est question de la paix et qui est-ce qui nous fout dans le foutoir? Ce sont tous ceux qui dirigent. On n'est même plus préoccupé par ça. Les gens qui prennent la rue, qui prennent le trottoir, c'est parce qu'ils en ont ras-le-bol. Donc, moi, je suis pour la proposition de monsieur... quand il parle d'une espèce de convention...
Le Président (M. Gautrin): ...Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
Mme Cree (Myra): Merci. De plus, je ne suis pas très forte en géographie, je suis universelle. Une convention pour des artistes, j'en suis, mais je n'y vois rien de... comment dire? je n'y vois pas d'étiquette, comprenez-vous. Je crois que les gens marchent pour ce pourquoi ils ont envie de marcher. Mais la paix, ça me semble un rassembleur plutôt qu'un diviseur quoique, encore là, je dis un peu peut-être n'importe quoi. Ça dépend de qui m'entend.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier. Brièvement.
M. Kelley: ...ça donne une occasion de souligner le travail exceptionnel d'un ancien membre de cette Assemblée, qui est maintenant mon député fédéral, M. Clifford Lincoln qui a écrit, qui a pris les positions contre la volonté de son parti à la Chambre des communes d'Ottawa que c'est quand le dossier est rassembleur qu'il n'y a pas de divergence politique, je pense qu'on est tous profondément inquiets de qu'est-ce qui se passe dans le Moyen-Orient. Et je veux juste clore sur le débat sur ce thème: c'est un dossier bipartisan.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Mme Cree, pour conclure.
Mme Cree (Myra): Juste un dernier message à M. Kelly, c'est ça.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Cree (Myra): Je crois que, vous et moi et plusieurs autres, nous serons très heureux le jour où les premières nations ne seront plus une question irritante ou autre, mais une réponse. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Je vous remercie de votre témoignage. Sur ce, je suspends nos travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 14 h 1)
Le Président (M. Gautrin): Nous allons reprendre nos travaux. Alors, je reconstate que nous avons le quorum. Et, cet après-midi, nous devons commencer en écoutant le Dr Stanley Vollant, ou Vollant. Excusez-moi de vous avoir mal prononcé votre nom. Alors, docteur, est-ce que vous pouvez vous approcher?
Une voix: ...
Le Président (M. Gautrin): Alors, vous pouvez vous asseoir aussi. Non, ça suffit. Prenez un siège si vous voulez. Je vous laisse le temps pour vous préparer. Alors, vous connaissez les règles de fonctionnement. Il y a une heure qui va être consacrée à votre témoignage partagée en 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes pour les questions provenant des parlementaires de l'opposition et 20 minutes pour les parlementaires représentant l'opposition actuelle, et ça, c'est les ministériels. Excusez-moi, je commence déjà à prévoir ce qui arrivera après l'élection. Alors, M. le docteur Vollant, vous avez la parole.
M. Stanley Vollant
M. Vollant (Stanley): Bonjour, M. le Président, «kuei, kuei». Mesdames, messieurs, je vous remercie de m'avoir donné l'opportunité de présenter mon mémoire à la commission. C'est un grand honneur et aussi un grand devoir de ma part de présenter aujourd'hui ce mémoire pour défendre et promouvoir cette entente entre nos deux peuples.
Permettez-moi de me présenter. Je suis Stanley Vollant, membre de la communauté innue de Betsiamites. Je suis aussi chirurgien général au centre hospitalier régional de Baie-Comeau, je suis chef du service de chirurgie générale du centre hospitalier et je pratique au centre hospitalier régional de Baie-Comeau depuis près de huit ans et aussi au Centre de santé de Betsiamites, comme consultant. Je suis également président de l'Association médicale du Québec qui est une association qui regroupe plus de 7 000 membres; je suis aussi membre du conseil d'administration de l'Association médicale canadienne et président de son groupe de travail sur la santé des autochtones; je suis aussi membre du Conseil consultatif fédéral sur la santé rurale et préside son groupe de travail sur la santé des autochtones; et je suis aussi membre du Conseil de la santé et du bien-être du Québec, un organisme qui est consultatif au ministre de la Santé.
J'aimerais, dans les prochaines minutes, vous entretenir de l'importance de réaliser cette entente pour permettre d'améliorer la santé des autochtones. L'état de la santé physique, mentale, sociale, économique et culturelle de nos populations dépend de sa capacité de se prendre en charge et d'avoir les leviers économiques pour le réaliser. Mon intérêt dans le sujet de la santé des autochtones remonte à très longtemps, en fait, ça remonte lorsque j'étais sur les bancs de la Faculté de médecine à Montréal, en 1984, et aussi lorsque je retournais durant l'été à Betsiamites pour étudier les statistiques sur la santé des autochtones.
L'espérance de vie pour les autochtones est d'environ six à sept ans moindre que la population québécoise. L'espérance de vie moyenne au Québec est de 78,6 ans, et enlevez sept ans et vous avez l'espérance de vie moyenne de l'autochtone au Québec. Et cet écart est encore plus important dans certaines communautés les plus éloignées. Plus les communautés sont éloignées des centres urbains, plus cet écart est marqué. La démographie est différente, la population autochtone étant beaucoup plus jeune. L'âge moyen des autochtones est de 25 ans, donc 10 ans de moins que la population québécoise; 50 % des gens ont moins de 24 ans, et, dans certaines communautés, de 40 à 50 % de la population a moins de 18 ans, contrairement à la population québécoise où nous assistons, avec l'effet des baby-boomers, à une pyramide qui est tronquée, une pyramide qui est inversée. Dans les populations autochtones, c'est une pyramide avec une très large base, beaucoup de jeunes et peu de gens âgés. Le taux de fécondité de nos communautés est très élevé, de deux à trois fois plus élevé que la population québécoise qui est de 1,7.
Pourquoi une telle différence au niveau de l'espérance de vie dans un pays et une nation comme le Québec qui se targue d'être un des pays, une des nations qui présentent les meilleures conditions de vie au monde? Je vais essayer de vous l'expliquer, expliquer ces différences. Quelques pathologies, tel le diabète de type II B, celui qui est non insulinodépendant, est de trois à quatre fois plus élevé dans toutes les populations autochtones. Il apparaît aussi 10 ans plus tôt que dans la population non-autochtone, et ce taux peut atteindre de 25 à 48 % des gens de plus de 40 ans.
Sachant que notre population est très jeune, il est à craindre que le pire de l'épidémie est encore à venir. Puisque la moitié des gens ont moins de 20 ans, d'ici 10 à 15 ans, cette population sera très à risque de développer un diabète, d'autant plus que 60 % des jeunes sont obèses et sont sédentaires. Donc, nous risquons dans une dizaine d'années d'avoir une épidémie très importante de diabète qui aura des répercussions importantes dans la structure de nos communautés et aussi sur la structure des soins de santé que les communautés auront besoin.
Le taux de complications secondaires au diabète est pire chez les autochtones. Mentionnons le taux d'amputation qui est de deux à trois fois plus élevé. Dans ma pratique personnelle, le trois quarts des amputations que j'ai réalisées au centre hospitalier régional de Baie-Comeau sont de gens de ma communauté, et pourtant nous ne représentons même pas 10 % de la population de la région de Baie-Comeau. Le taux de néphropathies, c'est-à-dire de pathologies au niveau des reins, et le risque d'insuffisance rénale terminale est aussi très élevé. Il est six fois plus risqué d'être dialysé lorsque nous sommes autochtones et diabétiques que non-autochtones et diabétiques. Le nombre de dialysés et de greffés rénaux augmente sans cesse dans nos communautés. La rétinopathie, c'est-à-dire l'atteinte de la rétine et de l'oeil, est six fois plus élevée, selon l'étude qui a été réalisée à Kahnawake il y a cinq ans.
Les autres complications sont aussi élevées, telle l'insuffisance vasculaire périphérique, c'est-à-dire le manque de sang au niveau des jambes, qui peut entraîner des pontages et des amputations. Les maladies coronariennes et les maladies cardiaques sont en constante évolution, l'atteinte nerveuse périphérique, pour ne nommer que ceux-là. Les maladies cardiaques sont en constante hausse; presque inexistantes dans les années soixante, ils sont devenus les tueurs numéro un actuellement. En relation avec le diabète qui fait augmenter le risque de maladies cardiaques, la sédentarité, l'inactivité, l'obésité et le tabagisme sont d'autres facteurs qui augmentent les pathologies cardiaques.
Le tabagisme est un phénomène important dans nos communautés: 70 % des autochtones fument contre 25 % de la population non-autochtone et, même chez les jeunes, nous rencontrons des taux de 80 à 90 % de jeunes qui fument. Pourtant, le tabac a pour nous une valeur culturelle, historique importante, cependant son usage abusif est néfaste pour la santé de nos communautés.
L'obésité est un problème qui est en émergence, qui est de plus en plus important, puisque presque 30 à 40 % de la population autochtone est obèse et, d'après moi, ces chiffrent sous-estiment le phénomène de l'obésité. Cette proportion atteint de 50 à 60 % chez les adolescents. De plus en plus de jeunes sont obèses, et il n'est pas rare pour moi de rencontrer en clinique des enfants de cinq ans qui pèsent plus de 100 livres, et pourtant les parents croient que c'est un phénomène normal, et c'est un phénomène qui est sous-estimé.
Les maladies pulmonaires sont très fréquentes aussi, la tuberculose qui a été une maladie très fréquente chez les autochtones le demeure encore. Trois quarts des cas de tuberculose au Canada sont ceux des autochtones et le restant ce sont ceux des immigrants. L'asthme et la bronchite sont de deux à trois fois plus élevés chez les enfants autochtones.
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(14 h 10)
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La sédentarité et l'inactivité sont de plus en plus importantes. Nous sommes passés un peu de l'âge de pierre à la conquête de l'espace en 50 ans. Mon grand-père était chasseur dans les années quarante, il vivait de la chasse, et aujourd'hui nous habitons dans des maisons qui sont supposément modernes, avec la télévision et le contact avec le restant du monde. Et c'est un choc culturel important: en une seule ou deux générations, nous avons franchi 2 à 300 ans d'âge, et ceci a sûrement des impacts et laissera des cicatrices dans nos communautés.
Les problèmes dentaires sont très fréquents aussi: 85 % des enfants de moins de cinq ans ont des caries, contrairement à un pourcentage d'environ 20 % des populations non-autochtones.
Les MTS, les maladies transmises sexuellement, telles la chlamydia, la gonorrhée sont très fréquentes, et d'où l'importance d'une éducation sexuelle culturellement appropriée pour nos jeunes.
Le cancer du col qui est relié aux MTS est en augmentation importante et son taux de mortalité est six fois plus élevé chez les autochtones que chez les non-autochtones. Le SIDA et le VIH sont une problématique qui est en progression. 15 % des sidéens canadiens sont autochtones. Sachant que 3 % seulement de la population est autochtone au Canada, vous voyez la disproportion énorme. Et l'hépatite B et l'hépatite C suivent les mêmes courbes. Et c'est le VIH, et l'hépatite B, et l'hépatite C qui sont surtout reliés aux usagers de drogues intraveineuses et aussi aux populations carcérales. Cependant, le risque de transmission risque d'être plus élevé, puisque nous sommes dans des petites populations et, lorsque quelqu'un vient avec une maladie comme le VIH ou l'hépatite, ceci peut avoir... ça peut faire une épidémie dans nos communautés.
L'alcoolisme et la toxicomanie sont des défis importants pour nos communautés et il va falloir s'attaquer à ces problématiques. Le visage de la toxicomanie varie de village en village. À Betsiamites, la consommation de PCP fait des ravages. Il n'y a pas de solution simple pour ces problèmes qui sont énormément complexes.
Les accidents et les morts violentes sont de trois à quatre fois plus élevés. Le taux de suicide et de détresse psychologique est quatre à six fois plus élevé que dans la population non-autochtone. Dans certaines communautés, le taux de suicide est huit fois plus élevé que dans la population québécoise. Et vous savez, M. le Président, que les Québécois sont déjà champions canadiens du suicide et que le Canada se classe parmi les champions mondiaux du suicide, donc se comparer avec des champions, les autochtones, on est des superchampions, et je ne suis pas fier d'être un champion du suicide.
Le phénomène de la violence est très prévalent mais sous-estimé et tabou. Nous n'avons pas de données précises. Une étude ontarienne précise que 80 % des femmes autochtones auraient été abusées physiquement, mais tous les professionnels de la santé s'entendent à dire qu'il s'agit d'un problème important et qui est sous-estimé et qui mine nos sociétés. La violence est souvent reliée à l'alcoolisme et la toxicomanie.
Mentionnons aussi le nombre croissant de grossesses chez les adolescentes: les chiffres officiels parlent de 10 % de grossesses comparativement à 1 % dans la population non-autochtone, et je peux vous dire personnellement que c'est beaucoup plus que 10 %. On voit de plus en plus dans mon village des jeunes qui deviennent enceintes à 12, 13, 14 ans et qui, par cette grossesse qui est quand même voulue, essaient peut-être de panser des blessures psychologiques anciennes, mais ce n'est peut-être pas la bonne façon de régler ces blessures-là. Il s'agit d'une problématique sociale qui est en éclosion, dont les impacts ne sont pas encore bien établis et qui aura un impact très important dans nos communautés.
Ceci dit une fois, on va parler du diagnostic. Je pense qu'il serait encore plus important de parler des déterminants de la santé. Les déterminants de la santé sont multiples et les déterminants de la santé sont beaucoup plus importants pour améliorer le niveau de santé d'une population. Les déterminants de la santé, M. le Président, sont surtout la pauvreté, la violence familiale, le phénomène du décrochage scolaire, l'éducation, le niveau socioéconomique, le désoeuvrement, la dépendance à l'assistance sociale, les facteurs environnementaux, la qualité de l'eau, la qualité de l'habitation et des infrastructures. Ce n'est pas une cachette à faire, dans nos communautés, par maison, on vit souvent 10 à 12 personnes et plus dans ces maisons-là et il y a une surpopulation dans nos habitations.
Le racisme et la discrimination ont aussi une importance sur notre santé et la perte de l'identité culturelle.
Et la plupart des spécialistes en santé publique au niveau national, au niveau international, et des spécialistes en santé des populations s'entendent à dire que, pour améliorer l'état de santé des populations, il est encore plus important de s'attaquer à ces déterminants de la santé que d'offrir des services supplémentaires aux patients. Nous ne pourrons jamais améliorer l'état de santé des autochtones et rattraper l'espérance de vie des populations québécoise et canadienne si on ne s'attaque pas d'abord à ces problèmes pour les régler. Même si on investit plus d'argent dans les soins de santé, si on ne s'attaque pas à la racine du problème qui est le niveau socioéconomique qui est pas mal le domaine de santé qui est le plus important, nous ne pourrons jamais régler ces problèmes-là.
Le processus de colonisation et la Loi sur les Indiens de 1867 a eu pour conséquence de rendre les populations autochtones dépendantes vis-à-vis du gouvernement. Et, malheureusement, il y a un schème de pensée qui s'est propagé et souvent les autochtones... plusieurs personnes relèguent leurs responsabilités à une tierce partie, au conseil de bande, au gouvernement au lieu de se prendre en charge, et la prise en charge individuelle et collective est cruciale pour essayer de régler ces problématiques-là.
Malheureusement, la stratégie du gouvernement, en 1867, qui visait l'assimilation, la disparition des peuples des premières nations n'a pas réussi. 135 ans après cette loi, nous sommes encore 1 333 000 au Canada, le même nombre qu'au début de la colonie, selon les historiens. Cependant, cette loi a laissé des cicatrices importantes faisant perdre les identités individuelles et collectives de plusieurs communautés. Et, actuellement, nous vivons les séquelles de cette colonisation mal planifiée.
Il faut avoir les moyens de nos ambitions. Comment réussir à régler les déterminants de la santé? C'est de se prendre en charge. Mais pour se prendre en charge, il faut avoir les moyens pour le faire. Actuellement, le revenu familial moyen des peuples des premières nations est de 25 000 $ contre 35, 36 000 $ pour les non-autochtones; 28 à 35 % des autochtones reçoivent de l'assistance sociale contre 11 % des non-autochtones; 73 % des familles monoparentales ? et il y en a beaucoup ? sont sous le seuil de la pauvreté contrairement à peut-être une trentaine de pour cent dans la population canadienne. Donc, le non-emploiement, d'être sur le bien-être ont un impact très important dans nos communautés, et il faudra absolument s'attaquer à cet aspect de l'économie.
Mais comment on peut donner des leviers économiques à nos communautés? Cette entente que vous avez et qu'on discute aujourd'hui était peut-être un levier, un début de levier pour être capable de devenir... se prendre en charge aux niveaux individuel et collectif. Et je pense qu'il faut absolument continuer d'explorer cette entente, puisque c'est la seule façon pour nous de pouvoir se prendre en charge.
J'aimerais souligner ici que l'Association médicale canadienne qui est un groupe... une association qui regroupe 56 000 médecins a présenté un travail, une politique sur la santé des autochtones dans le cadre de la Commission royale sur les autochtones, en 1996. Les 10 recommandations qui en découlaient ont été acceptées en assemblée générale la même année, à Winnipeg. Deux de ces recommandations concernaient le rôle du gouvernement canadien et des provinces et leurs responsabilités envers les peuples des premières nations dans le but de régler les revendications territoriales et respecter les traités et les ententes historiques. Il a été aussi reconnu que l'autodétermination sociale, politique et économique améliorerait la santé des peuples des premières nations et de leurs communautés. En conséquent, l'AMC encourageait et soutenait les peuples des premières nations dans leur quête pour la résolution de l'autodétermination et des revendications territoriales.
Dans le cadre de mon travail comme président du groupe, nous avons révisé ces recommandations-là, et nous avons réactualisé, et nous avons approuvé la recommandation concernant les revendications territoriales et l'amélioration du statut socioéconomique qui étaient primordiale pour nous.
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(14 h 20)
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Comme je l'ai déjà dit dans mon mémoire, il est minuit moins une. Actuellement, cette entente, c'est le fruit de travail acharné de part et d'autre, du fédéral, du provincial et de nos communautés depuis plusieurs années. La démographie de nos communautés fait en sorte qu'une deuxième chance sera peut-être trop tard. Actuellement, même si cette entente est signée, les effets positifs de cette entente-là ne seront jamais sentis avant plusieurs années. Je ne crois pas qu'on puisse assister à une amélioration de l'état de santé physique, mentale et sociale de nos communautés avant plusieurs années, avant qu'on puisse se prendre en charge complètement et pouvoir dire: nous sommes... nous avons une espérance de vie équivalente aux Québécois, ça va prendre encore plusieurs années.
Cependant, si cette entente-là... ces ententes-là sont remises encore aux oubliettes pour plusieurs années, je pense qu'il sera beaucoup trop tard pour nos communautés en sachant que la population qui est jeune s'en vient et, dans 10 à 15 ans, cette population va gonfler le rang des assistés sociaux, des chômeurs et aussi probablement des parents qui sont violents, et l'impact que ça aura sur nos communautés sera très important.
Il sera important aussi, si ces ententes-là sont signées, qu'on améliore notre système d'éducation, qu'on privilégie l'éclosion des nouveaux leaders, des modèles, parce que les jeunes en ont beaucoup besoin. Les jeunes de mon village... Le taux de décrochage dans nos villages est quasiment de 60 à 70 %, et il est important pour ces jeunes d'avoir une lueur d'espoir au bout du tunnel. Et, s'ils n'ont pas de possibilité d'avoir un meilleur statut économique un jour, il n'y aura pas de lueur au bout du tunnel, et ces gens-là deviendront d'autres toxicomanes, d'autres alcooliques dans un bassin qui est déjà trop grand, d'après moi.
Le Président (M. Gautrin): M. Vollant, le temps file avec une vitesse énorme. Est-ce que vous pourriez peut-être conclure, s'il vous plaît?
M. Vollant (Stanley): Bref, j'allais conclure. Et je souhaite que cette entente puisse être ratifiée et que nos deux peuples puissent travailler main dans la main pour développer économiquement le Québec et aussi développer des liens de coexistence pacifique au lieu de devenir... de se radicaliser afin d'éviter une palestinisation de la situation. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Alors, nous allons commencer la période d'échange, et je vais donner la parole à M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, qui est ministre d'État aux Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Dr Vollant, Dr Stanley Vollant, merci beaucoup de votre présentation, merci aussi d'avoir pris du temps pour réfléchir à la question, nous présenter des constats qui, ma foi, nous ébranlent beaucoup au niveau de la santé individuelle de votre communauté et des membres des nations, des nations autochtones au Québec ou au Canada et tout cela à travers des responsabilités sociales que vous avez acceptées au cours des dernières années qui honorent non seulement le Québec mais votre nation, l'Association médicale québécoise, et, en tout premier lieu, votre travail dans cette... Je vous ai vu à l'oeuvre non pas en salle d'opération mais en centre hospitalier régional de Baie-Comeau. Je pense qu'il s'agit là d'un témoignage vivant, particulièrement éloquent, de la capacité de servir sa nation et les autres nations vivant sur le territoire, la nation québécoise en particulier, quand on va se donner et qu'on se donne une formation de haut niveau de chirurgien et qu'on intervient au plan professionnel dans sa collectivité régionale, sa communauté d'appartenance aussi à Betsiamites. Tout cela vous honore, Dr Vollant, on va tâcher de ne pas trop vous priver de temps en salle d'opération, mais il y a certaines précisions que nous pouvons, j'imagine, apporter avec votre témoignage.
Toute cette question donc du triste championnat de suicides, on pourrait prendre cet élément-là, parce qu'on a l'impression que, pour chaque élément de santé individuelle, nous avons des problèmes graves communs, des problèmes graves communs: obésité, sédentarité, toxicomanie, alcoolisme, mais beaucoup plus alarmant, beaucoup plus alarmant en termes de taux chez votre peuple. De votre expérience professionnelle ? vous oeuvrez au centre hospitalier général de Baie-Comeau ? peut-on déployer conjointement des efforts particuliers pour en arriver à réduire de façon marquée ? parce qu'on ne peut pas se contenter de réductions légères ? à des réductions marquées du taux d'incidences des éléments observés que vous avez soulevés et qui pourraient aussi nous aider à les réduire, ces pathologies... ces maladies chez les Québécois aussi? Parce que sédentarité, obésité, taux de diabète, le coefficient chez vous est nettement plus élevé, comment pourrions-nous en arriver à faire une lutte conjointe en quelque sorte pour des résultats qui seront plus satisfaisants chez vous, compte tenu de la situation alarmante dans laquelle se trouvent plusieurs personnes de votre nation?
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): C'est une question très complexe qui mérite une réponse complexe, et je ne crois pas qu'on puisse avoir nécessairement des solutions communes. C'est sûr qu'on peut avoir une base commune, cependant les solutions doivent être spécifiques. Nous sommes... Les solutions qui ont souvent... Trop souvent, les gens ont débarqué dans la communauté en essayant d'appliquer des recettes qui fonctionnaient chez les Canadiens, chez les Québécois, et ça ne fonctionne pas dans les peuples des premières nations parce que ça doit aborder un champ beaucoup plus global, et pour améliorer l'alcoolisme, la violence, le suicide, le diabète chez les peuples des premières nations, il faut essentiellement s'attaquer à la notion de prise en charge individuelle et collective. Et, lorsque les communautés au Canada ont réussi à se prendre en charge individuellement et collectivement ? il y a certains quand même «success stories» au Canada et au Québec ? dans ces communautés, nous avons assisté à une diminution importante du diabète et du suicide. La notion de prise en charge est très importante et cette prise en charge doit être associée à l'élaboration de leviers socioéconomiques importants. C'est sûr qu'on peut avoir des stratégies communes pour les Québécois de toute allégeance, de toute nation, certes, j'y crois, mais il faut absolument s'attaquer à cette problématique de la prise en charge et d'élaboration des leviers socioéconomiques. L'entente que nous discutons actuellement permettait d'avoir des leviers économiques et permettait par rebonds d'améliorer la prise en charge de nos communautés. Mais c'est certain que des stratégies communes visant la sédentarité, c'est sûr que ça peut fonctionner, mais il faut toujours donner une saveur autochtone à ces stratégies-là. Si on ne donne pas cette saveur-là autochtone, ça ne marchera pas.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Bien, c'est important les principales dimensions de votre réponse parce qu'effort collectif mais gestes spécifiques, compte tenu de la situation des individus et des collectivités locales concernées, les communautés autochtones... Je vous écoute et je pense en particulier aujourd'hui que, sauf erreur, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse va à nouveau rendre ça public, son rapport sur les services jeunesse à fournir aux enfants de la nation algonquine dans la région de Val-d'Or et du... nous l'appelions à l'époque le Grand-Lac-Victoria mais qui maintenant s'appelle Kitcisakik.
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(14 h 30)
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Il faut être capable donc de dire que ça prend des interventions spécifiques puis des interventions spécifiques, ça demande des moyens supplémentaires. Et il y a un tel imbroglio avec le gouvernement fédéral qui a la responsabilité fiduciaire, mais qui n'apporte pas ses ressources adéquates pour donner les services non pas supplémentaires mais les services adéquats, et ce que vous soulevez au niveau de certains problèmes particuliers, ça s'applique partout pour la santé des individus, mais il faut qu'il y ait un degré d'amplitude qui soit plus élevé au niveau des services en commençant par cette notion de prise en charge. Il va falloir à quelque part qu'on relance cet appel au gouvernement fédéral, mais ici, dans cette commission parlementaire, il n'y a pas eu ou quasiment pas de gestes partisans. Alors, je fais juste le mentionner comme cela qu'il faut une intervention spécifique et il faut que le fiduciaire continue non seulement de jouer son rôle, mais qu'il mette des moyens supplémentaires.
Moi, ce qui m'interroge aussi, Dr Vollant, c'est, par exemple, la statistique sur les personnes atteintes de sida, 15 % de la population canadienne serait donc d'origine des premières nations. La santé des autochtones hors réserve, parce que souvent la perception qu'on a, c'est que, la situation, elle est inacceptable sur réserve, mais hors réserve, en milieu urbain, comment en arriver... D'abord, quelle est votre connaissance de cette situation des autochtones hors réserve et quelles sont les voies qu'on devrait privilégier à votre avis, là, pour aussi atteindre une réduction des taux de prévalence de certaines maladies ou pathologies pour les autochtones hors réserve?
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): Au niveau de l'état de santé des peuples des premières nations hors réserve, c'est un domaine qui a été très mal étudié. En fait, les statistiques de Santé Canada et aussi de Statistique Canada ne permettent pas d'identifier dans les centres urbains ceux qui sont autochtones et non-autochtones. Actuellement, il y a une étude longitudinale qui est en train d'être faite qui va probablement donner les premiers résultats valables au niveau de la santé des autochtones vivant hors réserve. Une étude récente de Statistique Canada, qui a été publiée il y a trois mois, démontrait que l'état de santé des peuples des premières nations vivant hors réserve était aussi pitoyable que de leur contrepartie qui vivait dans les réserves indiennes.
Cependant, on sait que le diabète est beaucoup plus important dans les réserves indiennes pour ne pas... je haïs employer le mot «réserve»... dans nos communautés comparativement à ceux qui sont dans des centres urbains. Certaines pathologies sont beaucoup plus spécifiques en centre urbain. La toxicomanie et l'usage de drogues intraveineuses est beaucoup plus important dans les centres comme Montréal, Toronto, Winnipeg, Saskatoon et Vancouver. À Vancouver, il y a un quartier complet de toxicomanes autochtones, dans West Vancouver, où on voit les gens se piquer dans des divans sur le bord de la rue et c'est des problématiques qui sont très importantes. C'est gens-là qui contractent le sida ou encore l'hépatite C ou l'hépatite B souvent ont des contacts avec leur communauté et peuvent entraîner des épidémies très importantes dans leur communauté.
J'imagine que, dans les prochaines années, cette problématique de santé des gens habitant dans des centres urbains va être à dresser. Mais je peux pas vous donner plus de détails, mais c'est sûr que c'est une préoccupation très importante pour nous. D'ailleurs, la commission Romanow, plusieurs groupes autochtones ont mentionné cette problématique-là que le fédéral doit investir dans la santé des autochtones vivant en milieu urbain.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Dr Stanley, moi également, ça me fait plaisir de vous entendre et ce que vous relatez dans votre mémoire reflète bien la situation que l'on vit sur nos territoires, là, quand vous faites référence aux problèmes de santé. Et connaissant votre implication dans le milieu, je suis très heureux, bien sûr, de vous écouter compte tenu que nous avons également travaillé un certain dossier, notamment au niveau du décrochage scolaire, mais aussi vous aviez fait une présentation qui reflétait la réalité de ce qu'on vit sur chacun de nos territoires. Et à l'intérieur de votre mémoire, vous nous donnez aussi votre orientation sur l'urgence à signer ces ententes-là, compte tenu que ça peut avoir un effet bénéfique, notamment vous faites aussi à ce qui peut être fait dans le milieu, notamment au niveau des arénas. On sait, quand il y a une construction d'un aréna, ce n'est pas tout, là, ça prend de l'équipement et ça prend tout ce qui va avec. Et pour le bénéfice de peut-être l'ensemble de la communauté, à Kawawachikamach, il y a quand même un centre culturel qui a été construit et une excellente piscine à l'intérieur et, depuis que c'est en opération, nos jeunes de cette communauté-là sont beaucoup plus heureux et ont moins de mauvaises habitudes, et notamment également aussi au niveau de La Romaine, où il y a eu un aréna de construit. Alors, c'est sûr que ça a une incidence positive.
Par contre, dans votre mémoire à la page 9, je retrouve un dossier ou, en tout cas, une observation qui est intéressante, notamment au niveau de la justice. Quand vous parlez des problèmes de justice que l'on vit sur nos territoires, notamment, on sait que la plupart des problèmes c'est soit la toxicomanie, l'alcoolisme, les problèmes familiaux, problèmes de violence. Mais il y a certains dossiers, qui sont en marche présentement, où on avait l'intention de mettre sur pied un projet où les jeunes autochtones ou la communauté autochtone pouvaient être traités selon les méthodes ancestrales.
Est-ce que vous être au courant de ce dossier-là? Est-ce que ça serait une avenue également qui permettra peut-être de corriger certains problèmes au sein de nos communautés?
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): Je ne suis pas au courant de cette avenue spécifique, mais je suis au courant de plusieurs avenues plus générales, siégeant sur des comités canadiens où il y a plusieurs initiatives à travers le Canada pour essayer de sortir les gens des milieux carcéraux et de faire partager certaines expériences culturelles et aussi de revenir à des valeurs autochtones et initiales. Ça, je suis très au courant et c'est peut-être une avenue de solution très importante. Revenir à nos valeurs anciennes, c'est très important. Nous sommes une nation qui a toujours privilégié les valeurs communautaires et collectives et malheureusement, de plus en plus, nous sommes en train de s'occidentaliser, c'est-à-dire privilégier les valeurs individuelles, et je pense que les valeurs collectives nous ont sauvés. Ça fait 30 000 ans que mes ancêtres ont foulé de sol de l'Amérique du Nord et ces valeurs collectives là leur ont sauvé la vie. Et c'est pour ça que je suis là aujourd'hui et je pense que c'est important de revenir à ces valeurs-là, les valeurs traditionnelles.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Roberval.
M. Laprise: Oui, M. le Président. J'avais connu la soeur volante mais je n'avais pas connu le Dr Vollant. Je pense que ça vous a permis quand même d'avoir un aspect d'ensemble de votre nation.
Moi, j'aimerais savoir de vous, de chasseur à docteur, qu'est-ce qui fait qui vous a fait allumer puis prendre une orientation complètement différente de ce que vous avez vécu dans le temps de votre jeunesse, là? Quel était l'élément motivateur qui vous a fait que vous vous êtes orienté vers cette vocation-là qui est toute à votre honneur d'ailleurs.
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): Je vais peut-être choquer des gens. C'est sur le... À l'extérieur de chez moi, mon grand-père était réuni avec d'autres aînés puis il m'a dit... à ses amis, il a dit: Mon fils ? parce qu'il m'appelait son fils, mon grand-père ? c'est un gars intelligent, c'est un excellent chasseur puis il aurait beaucoup d'avenir comme chasseur, mais je ne veux pas qu'il devienne comme moi, je veux qu'il aille à l'université pour qu'il puisse défendre nos droits qui ont été bafoués, et j'espère qu'il va pouvoir revenir et corriger qu'est-ce qui a été fait il y a plusieurs années.
Je n'ai pas respecté ce que mon grand-père a dit. Il aurait voulu que je devienne avocat mais je n'étais pas assez bon pour devenir avocat, je suis donc devenu médecin.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, en conclusion.
M. Trudel: En conclusion, on va sortir un peu de votre secteur de spécialisation, la médecine. Vous nous apportez une conclusion qui est assez... qui est intéressante parce qu'elle contribue indéniablement à briser un mythe. Ce projet d'entente est un compromis. Vous dites: Notre nation a accepté ce compromis parce qu'il y a urgence de régler par cette entente pour nous permettre de nous développer dans les prochaines années des outils économiques de développement. Même une fois signée, il faudrait encore des mois, voire des années avant d'en constater les impacts positifs. Si cette entente est retournée à la table à dessin, il faudra plusieurs années pour en arriver à une entente renouvelée.
Pas une question, une observation, Dr Vollant. Je suis d'accord avec vous. Merci de votre participation.
Le Président (M. Gautrin): Voulez-vous faire un commentaire Dr Vollant?
M. Vollant (Stanley): Je vais juste remercier les gens de la commission...
Le Président (M. Gautrin): Attendez! ce n'est pas terminé. Ce n'est pas terminé, il y a... l'opposition a encore ses droits. M. le député de Jacques-Cartier, porte-parole de l'opposition officielle.
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(14 h 40)
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M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue au Dr Vollant. C'est notre pratique de dire: Merci beaucoup pour votre mémoire, mais j'hésite de le faire parce que ce n'est pas de la lecture facile. J'ai lu attentivement le portait que vous avez dressé de la santé de nos communautés autochtones et c'est fort troublant. Alors, oui, merci beaucoup, dans le sens que vous avez mis sur la table et attiré l'attention des membres de la commission aux enjeux qui sont très, très importants.
Et c'est difficile de commencer. Vous avez dressé la liste sur la page 6 des déterminants de la santé, et il faut s'attaquer aux problèmes plutôt que de toujours traiter les symptômes. Et j'essaie de voir, on a parlé d'une prise en charge, on a parlé des autres volets, mais pouvez-vous juste expliquer davantage: Dans votre communauté, prendre Betsiamites comme exemple, qu'est-ce qu'on peut commencer de faire demain matin? Je sais qu'il n'y a pas de baguette magique dans tout ça. On ne peut pas, dans six mois...
Mais prendre le phénomène, le diabète, c'est quoi, les mesures que nous devrons envisager, dans un court délai, de commencer au niveau de la prévention? Vous avez identifié la jeunesse de la population et le fait que cette épidémie peut devenir beaucoup plus sérieuse dans les 10, 15 ans à venir. Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut commencer de faire dès maintenant pour corriger la situation ou avez-vous des... La prise en charge, je comprends mais, au-delà de ça, c'est quoi, les autres éléments que vous pouvez peut-être nous mettre en évidence?
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): Il y a certainement plusieurs éléments, mais, pour revenir à la prise en charge, je pense que c'est encore crucial. Puis je veux revenir à une citation de John F. Kennedy: «Don't ask what your country can do for you, but ask yourself what you can do for your country.» Et je pense que c'est la première question que les individus doivent se poser: Qu'est-ce qu'on peut faire pour nous pour améliorer notre santé, au lieu de dire: Qu'est-ce que le conseil de bande, qu'est-ce que le médecin, qu'est-ce que l'infirmière, qu'est-ce que le gouvernement peut faire pour améliorer ma santé?
Et je pense que la prise en charge individuelle est absolument nécessaire. C'est de se rendre compte que la façon qu'on vit actuellement peut être dangereuse pour ma santé, ça a encore beaucoup plus d'impact que de savoir que je vais avoir les meilleurs soins. Pour traiter mon diabète, c'est d'éviter de devenir diabétique, c'est d'éviter d'être obèse, c'est d'éviter d'être sédentaire.
Donc, ça demande nécessairement une prise en charge de l'individu qui dit: Non. Je vais faire de l'exercice, je vais mieux manger, je vais faire attention à mon poids et je vais écouter les enseignements qu'on me fait pour la prévention de ma santé. Et, à ce moment-là, on aura un impact important sur la santé des peuples de premières nations, et, si on prend le problème, au contraire, si on augmente le nombre de soins et le nombre de médecins et d'infirmières, d'insuline qu'on va donner, on va traiter un peu mieux les diabétiques mais, même bien traité, un diabétique meurt 15 à 20 ans plus vite que la population en général. Il faut éviter d'être diabétique, il faut éviter de se mettre la corde au cou. Et je pense que mon discours revient encore à la prise en charge malheureusement.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Et j'ai bien noté le commentaire du député de Duplessis à Kawawachikamach, un aréna. Moi, j'ai visité l'aréna à Kujuak avec la piscine à côté, et le grand succès de ces genres d'activités physiques, le Forum de Kujuak, c'est le lieu central dans la communauté et tout le reste.
J'essaie de voir dans ces problèmes à quel point est-ce que sont les phénomènes généraux des communautés pauvres. Parce qu'on vient de publier sur l'île de Montréal, les CLSC de l'est de Montréal, l'espérance de vie est 10 ans de moins que dans l'ouest de Montréal. Alors, il y a un certain lien généralisé entre la pauvreté et certains des problèmes qui sont ici.
Mais à quel point est-ce qu'il y en a certains qui sont autochtones, dans le sens suivant au-delà des problèmes généraux de la pauvreté, des problèmes ou les choses qui méritent une attention particulière?
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): Je crois que vous avez mis le doigt sur le bobo. La pauvreté est probablement l'élément essentiel qui caractérise les peuples de premières nations. Les nations ou les sous-populations qui ont un niveau socioéconomique très bas au Canada, au Québec ont un état de santé légèrement comparable à ceux des autochtones. C'est sûr que nous avons une génétique spécifique par rapport au diabète et probablement aussi à l'obésité. Cependant, dans les populations pauvres de Québec ou de Montréal, les gens sont plus obèses que les gens qui sont à un niveau socioéconomique plus élevé. Cependant, chez les autochtones, nous avons probablement une hérédité sous-jacente qui rend le problème encore plus important et, je dirais, l'obésité et aussi le diabète.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier, vous avez une autre question?
M. Kelley: Mais je veux juste... Et peut-être il n'y a aucune conséquence. Je suis loin d'être spécialiste, mais, pour le diabète, vous avez dit que l'incidence est deux fois plus élevée sur les réserves que hors réserve. Est-ce qu'il faut tirer des conclusions de ce phénomène? Est-ce qu'on sait pourquoi l'incidence est nettement plus importante sur les réserves que hors réserve?
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): Les autochtones en milieu urbain ont un niveau socioéconomique légèrement plus élevé que ceux qui habitent dans les communautés. Donc, probablement qu'il y a une relation entre le niveau socioéconomique et la différence au niveau du diabète. Et aussi, l'accès aux soins de santé est beaucoup plus facile en milieu urbain qu'en milieu éloigné.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Une autre question un petit peu dans l'esprit de la question de mon collègue de Roberval. Juste votre curriculum vitae, votre vécu nous impressionne au plus haut point, et je pense qu'on souhaite d'avoir plusieurs Stanley Vollant, des personnes qui vont... Une chance que vous êtes médecin, vous faites quelque chose d'utile dans notre société plutôt qu'être avocat. Non, non, non, je ne dois pas dire ça! Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Kelley: Non, non. Mais les personnes qui ont fait le choix de la formation, de l'éducation et tout le reste... J'ai visité Chisasibi récemment et, sur une école de 1 000 élèves, il n'y a que 12 rendus au secondaire V. Alors, le chef Rupert m'a dit que, sur un bassin de 1 000, il n'y a que 12 qui ont peut-être la possibilité de compléter leurs études secondaires cette année dans une grande communauté autochtone au Québec.
Ce n'est pas comme médecin que je vous adresse, mais plutôt quelqu'un qui a pris la voie de l'éducation, qui a vu l'importance de devenir médecin, retourner dans votre communauté pour donner les soins, s'en occuper des questions. Mais comment est-ce qu'on peut faire pour avoir plusieurs Stanley Vollant ou les autres personnes qui ont pris cette initiative? Parce que je pense que c'est très important. Et on voit, encore une fois, c'est un problème à long terme, on ne peut pas le changer d'un jour à l'autre, mais je pense qu'on a tout intérêt qu'il y aura plus des «success stories» et il y aura plus des personnes qui vont aller à l'extérieur trouver les formations intéressantes, mais également revenir pour faire un changement dans leur société.
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): Je pense que ça se résume surtout au leadership. Dans les communautés, je pense que les gens doivent assumer le leadership. Au niveau politique, au niveau social, au niveau éducation, il doit y avoir de plus en plus de gens qui sont des «role models» dans leur communauté. Je pense que, de plus en plus, ça augmente dans nos communautés, mais ce n'est pas assez. Il faut surtout donner aux jeunes qui sont à l'école actuellement une lueur d'espoir. Actuellement, ils sont à l'école, ils savent qu'il n'y a rien devant eux, aucune possibilité d'emploi. En finissant l'école, ils vont ne faire que des assistés sociaux éduqués ou des chômeurs éduqués. Et c'est leur donner une lueur d'espoir en donnant aux communautés autochtones des leviers économiques pour pouvoir se développer pleinement aux niveaux social et économique. Lorsqu'on aura atteint ces conditions-là, je crois que le taux de décrochage scolaire va être amélioré, mais c'est surtout de donner une lueur d'espoir. Un cheval qui a une carotte devant lui, il va avancer beaucoup plus vite que sans carotte.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui. Bonjour, Dr Vollant. Tantôt, je vous entendais mentionner que, bon, votre père voulait que vous aidiez les gens de chez vous, ça fait qu'il aurait bien aimé que vous vous fassiez avocat. La réplique a été reprise un petit peu par mon collègue. Vous n'étiez pas assez bon pour devenir avocat, alors vous vous êtes fait médecin. Mais je peux vous dire qu'il y a un autre fils de la Côte-Nord, en l'occurrence moi-même, qui... Il aurait bien voulu, mon père, que je devienne médecin pour aider les gens de chez eux, puis j'ai décidé finalement de faire avocat parce que je n'étais pas assez bon à l'école pour faire médecin.
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(14 h 50)
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Alors, je pense que nos rôles, quelque part, viennent se compenser puis je peux vous assurer que vous aurez tout mon soutien afin de permettre de faire évoluer nos communautés. On marche main dans la main. Vous en êtes un exemple flagrant, de ce partenariat-là qu'on vit quotidiennement entre communauté blanche, communauté autochtone. C'est votre épouse qui a donné naissance en opérant... à l'hôpital qui a donné naissance à ma deuxième fille. Alors, je pense que toute la population blanche, quand ils vous voient, ils ne voient pas juste un autochtone, ils voient aussi un homme. Ils voient un homme qui a bien réussi. Puis quand vous faites référence à toute la notion de «role model», qu'il faut qu'on ait des modèles, il est certain que vous êtes un modèle dans le succès que vous avez comme chirurgien à l'hôpital de Baie-Comeau. Vous êtes un modèle non seulement pour la communauté autochtone, mais aussi pour la communauté blanche. Je veux dire, par les réflexions que vous faites, par le rôle que vous jouez dans les communautés, à mon avis, là, peu importe la race, vous êtes définitivement une contribution positive à la Côte-Nord.
Les questions qu'on vit au niveau de l'Approche commune... je ne sais pas si vous avez pris connaissance du document de M. Chevrette. Vous, quels sont à ce moment-là vos commentaires face à ce document-là? Est-ce que vous croyez que c'est une solution vers laquelle on doit s'en aller, qui peut être positive? Quelles recommandations vous plaisent le plus, disons, au travers de tout ce que M. Chevrette a dit, afin de permettre d'en arriver à ce but qu'on a, ce but commun d'avoir une entente qui ferait en sorte qu'on est capable de vivre tout le monde main dans la main pour les prochaines années? Puis, pour aussi donner un avenir, un espoir d'avenir aux jeunes qui vous regardent en disant: Je peux réussir en devenant médecin, mais je peux aussi réussir en devant d'autre chose: ingénieur, administrateur, mais il faut leur donner le goût le continuer puis de travailler chez eux dans leur communauté, est-ce que l'approche de M. Chevrette est pertinente?
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant.
M. Vollant (Stanley): Je crois que oui, cette approche-là est pertinente. L'entente, c'est sûr qu'elle est très imparfaite. Je crois que les communautés autochtones ont fait un grand compromis. Je pense que mon grand-père se retournerait plusieurs fois dans sa tombe encore, s'il verrait cette entente-là, il dirait: Mon fils, tu as fait un maudit compromis d'accepter ça. Cependant, compte tenu de la situation actuelle, je pense que c'est un compromis qui est imparfait mais qu'on peut encore travailler pour le rendre parfait pour chaque partenaire, de part et d'autre, des autochtones et des non-autochtones. Il faut surtout mieux le communiquer. Je pense qu'il y a eu trop de mauvaises informations qui circule à travers le Québec. Sur la Côte-Nord, il y a beaucoup de mésinformation par rapport à ce projet d'entente là. Les gens circulent des mauvaises informations de bouche à oreille. Je pense que ce serait important que les gouvernements et nos leaders puissent donner la vérité par rapport à ces tendances-là à la population québécoise et aussi autochtone pour qu'on puisse éventuellement jeter la base d'un partenariat et d'une coexistence pacifique à long terme.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Bien, ça complète. Je voudrais peut-être un pitch final. Il reste quoi, cinq minutes à peu près, avant la prochaine audition?
Le Président (M. Gautrin): Bien, ça dépend. Si vous avez d'autres questions, je... Vous n'avez pas d'autres questions?
M. Corriveau: Alors, moi, c'est complet. Je vous remercie de votre témoignage.
Le Président (M. Gautrin): Est-ce que le député de Jacques-Cartier, vous avez encore une question?
M. Kelley: Juste plutôt un commentaire et question. Mais il y avait deux commentaires dans le mémoire que, je pense, méritent d'être soulignés, c'est d'insister davantage que le statu quo est inacceptable, et je pense on commence d'avoir plus ou moins un consensus des 80 témoins qui sont venus devant la commission, que nous devons aller de l'avant. Et aussi la notion qu'on était minuit moins une, je pense que ça, c'est très important aussi.
Et une des choses que peut-être, avec votre expérience canadienne... je regarde dans les autres provinces que je suis moins familier avec, mais les jeunes qui ont quitté les réserves qui se trouvent à Winnipeg, à Saskatoon, à Regina, à Vancouver, souvent pas prêts ou pas adaptés à la réalité des grandes villes, qui trouvent des problèmes que vous avez décrits: la piquerie dans Vancouver East, et tout le reste, sont les problèmes réels. Alors, ça ajoute à votre sentiment... C'est plutôt un commentaire qu'une question que, si on ne trouve pas l'espoir pour cette jeune génération des autochtones du Québec, bientôt on risque de tomber dans certains des problèmes qu'on a assisté, notamment dans l'Ouest canadien, pas uniquement, mais je pense, il y a des exemples des grandes villes qui ont des très grands problèmes maintenant. Et, si on veut l'éviter, je pense qu'il faut bien préparer l'avenir pour la jeunesse autochtone du Québec.
Le Président (M. Gautrin): Dr Vollant, voulez-vous conclure avant qu'on vous remercie?
M. Vollant (Stanley): Je suis tout à fait en accord avec cette affirmation. Je peux vous dire que, lorsque je voyage à travers le Canada et je vois ces gens-là, ça me fait beaucoup de peine. Et ça me fait beaucoup de peine de réaliser que, peut-être dans mon village, dans les communautés autochtones de la Côte-Nord, on risque d'assister à un tel phénomène.
Et cette entente-là, pour moi, était une lueur d'espoir. Et malheureusement, depuis quelque temps, on dirait que cette lueur d'espoir là veut s'étendre un petit peu. Et, si elle s'éteint, je crois que nous allons assister à une catastrophe pour nos communautés et nos jeunes.
Le Président (M. Gautrin): Alors, Dr Vollant, il me reste à vous remercier au nom de la commission pour la qualité de votre témoignage et en espérant que la commission pourra en prendre bonne note.
Alors, vous voulez tous aller dire au revoir au Dr Vollant, je vais suspendre nos travaux pendant deux minutes et demander, pendant ce temps-là, aux gens d'Abitibi-Consolidated de se préparer. Je suspends pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 14 h 56)
(Reprise à 14 h 57)
Le Président (M. Gautrin): Nous allons reprendre nos travaux avec le témoignage d'Abitibi-Consol... Consolidated. Alors, vous avez M. Boudreault, M. Dumoulin et M. Leclerc. Je pense, M. Boudreault, c'est vous qui faites la présentation. Vous avez vu notre mode de fonctionnement dans ce décor qui est peut-être impressionnant mais c'est relativement simple. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, 20 minutes pour les questions qui viendront des députés ministériels et 20 minutes pour les questions qui viennent des députés de l'opposition. Alors, M. Boudreault, vous avez la parole.
Abitibi-Consolidated inc. (ACI)
M. Boudreault (André): Merci, M. le Président. On va partager la tâche...
Le Président (M. Gautrin): Il n'y a pas de problème, le temps est à vous.
M. Boudreault (André): ...de la présentation. Alors, M. le Président, M. le ministre, les membres de la commission, bonjour à tous. J'aimerais, en premier lieu, vous remercier de cette opportunité qui nous est offerte de vous présenter bien sûr le point de vue d'Abitibi-Consol, Consolidated, sur les négociations en cours entre les premières nations et le gouvernement du Québec et du Canada.
Pour cette présentation, je suis accompagné aujourd'hui de M. Denis Leclerc qui est directeur des Affaires gouvernementales et publiques et M. François Dumoulin qui est directeur Foresterie pour notre compagnie.
En guise d'introduction, je vous souligne que plusieurs des usines d'Abitibi-Consolidated s'approvisionnent dans les territoires visés par les négociations. Des éléments de ces négociations laissent entrevoir des changements qui pourraient avoir des impacts significatifs sur la façon dont nous opérons dans les forêts du domaine public, sur le volume et les coûts de nos approvisionnements en bois, ainsi que sur le cadre de nos activités industrielles. Dans ce contexte, nous sommes préoccupés par les modalités qui pourraient aboutir dans le traité final.
Notre présentation d'aujourd'hui reprendra essentiellement les principaux éléments du mémoire que nous avons transmis au Secrétaire de la commission le 15 janvier 2003, en appuyant davantage sur nos recommandations. Je vous souligne que notre intervention se veut essentiellement constructive et constitue un appui à la poursuite des négociations. J'inviterais donc sans plus tarder M. Leclerc à vous présenter nos réflexions ainsi que nos recommandations dans ce dossier.
M. Leclerc (Denis): Merci, André. Bonjour tout le monde. Avant d'aller immédiatement sur le coeur de notre mémoire, j'aimerais vous faire, vous donner un portrait d'ensemble de l'entreprise: Abitibi-Consolidated, premier producteur mondial de papier journal et de papier à valeur ajoutée, sixième plus important producteur de bois d'oeuvre en Amérique du Nord, et le deuxième plus important producteur privé d'électricité au Canada, après Alcan.
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(15 heures)
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Alors, si on tient compte de l'ensemble de nos opérations, de nos activités au Québec, on est présents dans 29 municipalités, réparties dans sept des 17 régions administratives. Je vais vous les nommer, je pense que c'est important: l'Abitibi-Témiscamingue, la Capitale-Nationale, Côte-Nord, Mauricie, Montréal, Nord-du-Québec et le Saguenay?Lac-Saint-Jean.
Alors, nous sommes le troisième plus important employeur industriel au Québec et, si on compte l'ensemble de nos employés, c'est-à-dire même les employés saisonniers et temporaires, c'est à peu près 12 500 personnes au Québec uniquement, ce qui représente une masse salariale de plus de 650 millions de dollars, et nos activités nous obligent à faire des dépenses d'achats et services qui représentent près de 1,5 milliard de dollars par année. C'est des gros chiffres; à un moment donné, on perd l'ampleur de ces gros chiffres là. Mais tout ça pour dire qu'on est là sur le territoire, puis on est très présents.
Pour approvisionner nos usines, on détient ici, au Québec, plus du quart des attributions du volume résineux, et nous nous sommes engagés à aménager des forêts qui nous sont confiées selon les principes d'aménagement forestier durable ? le fameux principe d'ISO 14001 ou les autres de CSA ? et ça me fait plaisir de vous mentionner que l'ensemble de nos systèmes de gestion environnementaux et forestiers sont en oeuvre dans toutes nos divisions forestières.
Maintenant, si on parle de notre mémoire et surtout de la proposition d'entente, ça touche principalement deux des régions où nous sommes présents, Saguenay?Lac-Saint-Jean et Côte-Nord. En bref, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, on opère trois usines de papier, sept scieries ainsi que des installations de production d'électricité. C'est à peu près 4 300 employés que ça représente. Si on regarde au niveau de la Côte-Nord, nous possédons une usine de papier journal et un complexe de sciage constitué de deux scieries ainsi qu'une installation de production d'électricité. Côte-Nord, nous détenons à peu près 30 % des attributions de résineux. À peu près 2 300 personnes y travaillent, travaillent dans cette région.
Alors, tout ça pour vous dire que notre présence et l'ampleur de la contribution d'Abitibi-Consolidated au bilan socioéconomique de ces deux régions administratives sont importantes et c'est ce qui nous amène à prendre une participation active dans le débat dans la commission parlementaire présentement.
Alors, j'aimerais vous faire part des relations que nous avons présentement avec plusieurs peuples des premières nations ou plutôt avec les premières nations. Dans notre mémoire, on en cite plusieurs exemples. J'aimerais en reprendre trois. D'abord, celle concernant la société en commandite Scierie Opitciwan. C'est un partenariat qui a été créé en 1998 avec le Conseil des Atikamekw d'Opitciwan. Cette société a réalisé avec succès la construction et la mise en marche d'une scierie sur le territoire de la réserve Obedjiwan. Obedjiwan, pour vous situer, c'est juste un peu au nord du réservoir Gouin.
Grâce à un programme de formation sur mesure, la main-d'oeuvre attikamek occupe présentement 87 % des postes dans la scierie. Après trois ans d'activité, les impacts positifs de l'avènement de la scierie sont déjà remarquables. Le niveau d'emploi est plus élevé, l'entrepreneuriat a été en forte hausse et, finalement, l'activité économique de la communauté a été ravivée.
Un second exemple que j'aimerais vous citer et que... eh bien, au niveau du Saguenay?Lac-Saint-Jean, notre division forestière et sciage entretient depuis plusieurs années des bonnes relations avec la communauté innue de Mashteuiatsh. Alors, un comité conjoint a notamment été mis sur pied en 1999 pour améliorer les relations et s'assurer qu'on avait des relations harmonieuses sur le territoire. De plus, on voulait cibler des éléments d'intérêt commun, échanger sur la planification et ainsi identifier un canal d'information mutuelle pour les projets futurs.
Également, depuis cinq ans, une entreprise forestière mise sur pied par le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean réalise des contrats d'éclaircie précommerciale pour nous. Et, depuis 1999, on octroie de contrats de récolte et d'aménagement forestier à une entreprise innue de la région.
Si on regarde du côté de la Côte-Nord, nous avons procédé en 2000, à la vente de la pourvoirie Étamamiou à la communauté innue de La Romaine. La communauté présentement opère cette pourvoirie. Et Abitibi-Consolidated utilise maintenant les services de la pourvoirie, mais à titre de client. En 2002, nous avons procédé également à la vente de la pourvoirie du lac des Îles à la communauté innue de Betsiamites qui en assure maintenant l'opération. Alors, avec l'acquisition de ces deux pourvoiries, les communautés innues disposent d'outils supplémentaires pour accroître leur développement socioéconomique.
Alors, comme entreprise, nous sommes très soucieux de maintenir des bonnes relations qui soient mutuellement bénéfiques avec les premières nations. C'est sur la base de ces enseignements tirés de nos relations que nous avons établi notre position concernant les présentes négociations.
Notre position est très simple, et ça se résume à ceci: Abitibi-Consolidated souscrit entièrement à l'énoncé du document de réflexion à l'effet, et je cite, qu'«en clarifiant au besoin la portée des droits ancestraux et les modalités de leur exercice, la négociation devrait assurer un juste équilibre entre les droits de chacun des groupes et permettre aux autochtones de prendre en main leur destinée», fin de la citation. La négociation nous apparaît être la seule voie ? je répète: la seule voie ? qui permette d'aboutir à une solution viable et équitable pour tous. Cette négociation doit toutefois se réaliser en pleine connaissance de deux choses: un, les enjeux; deux, les impacts associés aux mesures proposées de part et d'autre.
À cet égard, l'analyse du développement et des conséquences des ententes conclues en février de l'an dernier, février 2002, entre le gouvernement du Québec et les Cris nous apparaît riche d'enseignement dont devraient s'inspirer les négociateurs du gouvernement du Québec impliqués dans les discussions avec les Innus. En effet, Abitibi-Consolidated et les autres entreprises forestières, on doit actuellement composer avec les impacts et les difficultés de la mise en oeuvre des ententes conclues avec les Cris. J'aimerais résumer ces impacts en trois facteurs: premièrement, on y retrouve, dans ces ententes, des modalités d'intervention particulièrement restrictives et, pour le moment, rigides; deuxièmement, en raison d'une contrainte prévue à l'entente, les nouvelles unités d'aménagement forestier ne peuvent regrouper plus de sept aires de trappe, ce qui se traduit malheureusement par une baisse de la possibilité forestière; et finalement, pour permettre l'octroi d'un volume de 350 000 m³ aux communautés cries, les CAAF devront être réduits. Il est prévu qu'environ 70 % devraient pouvoir revenir à l'industrie éventuellement avec les Cris prenant charge de la récolte, mais il y en a un 30 % restant. Ce 30 % là, soit 100 000 m³, pourrait constituer une perte nette d'approvisionnement pour l'industrie.
Alors, à la lumière de ce qui précède, nous observons que les négociations des modalités ayant d'importants impacts sur l'industrie forestière ont été réalisées sans que l'industrie ne puisse y contribuer et que les impacts des modalités proposées n'ont pas été quantifiés.
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(15 h 10)
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Malgré ce qui précède, nous ne remettons absolument pas en question les deux ententes conclues avec les Cris, loin de là. Nous émettons toutefois le souhait que les erreurs commises dans le cadre de ce dossier ne soient pas reproduites dans le cadre des présentes négociations, c'est-à-dire, comme disait ma mère, il faut apprendre de nos erreurs.
Si on revient à l'entente de principe d'ordre général présentement entre les Innus et les gouvernements, nous avons noté certains éléments qui suscitent chez nous certaines préoccupations par rapport à l'ensemble de l'industrie forestière. J'aimerais vous en citer quatre: le premier concerne la réduction des territoires de l'aménagement forestier. On en a fait état plus tôt. L'entente prévoit le remplacement des réserves indiennes actuelles par un territoire en pleine propriété détenu par les Innus. Les territoires actuels seraient agrandis en ajoutant des parcelles de terrain adjacentes ou non aux réserves actuelles, réduisant d'autant le territoire contribuant actuellement à l'approvisionnement de l'industrie forestière. L'entente de principe prévoit également l'établissement de parcs innus. Encore là, on n'est absolument pas contre cela, mais, si le statut accordé à ces parcs est tel que la récolte de bois y serait interdite, une baisse des approvisionnements des usines en résulterait, baisse des approvisionnements, réduction des activités et, finalement, impacts économiques et au niveau du travail et de la communauté directement.
Le deuxième élément concerne l'attribution d'un volume de 850 000 m³ de bois aux communautés innues pour le développement, et je cite, «de projets importants de nature privée d'exploitation et de transformation des ressources naturelles», fin de la citation. Selon nos informations ? je pense que vous le savez ? à peine 30 %, soit un volume de 250 000 m³, serait actuellement disponible, ce qui veut dire qu'il y a 600 000 m³ qu'il faudrait aller chercher, probablement au niveau des CAAF qui sont présentement consentis à l'industrie forestière. Le troisième élément concerne les modalités d'intervention qui s'appliquerait sur le territoire. On souscrit pleinement à l'objectif d'harmonisation entre la pratique innue et l'aménagement forestier réalisé sur une base industrielle. Toutefois, l'ampleur des impacts associés aux modalités inscrites dans l'entente conclue entre le gouvernement et les Cris, dont je vous ai fait part précédemment, invite à une certaine prudence. Il faut donc, avant de convenir de modalités particulières, que le gouvernement du Québec s'assure d'obtenir une évaluation crédible de l'impact des modalités. Finalement, le quatrième élément ? et j'accélère ? le quatrième élément concerne le partage des redevances. L'entente prévoit que les Innus recevraient une partie, au moins 3 % plutôt, des redevances perçues par le gouvernement pour l'exploitation des ressources naturelles. Nous sommes plutôt d'accord avec cette modalité qui crée de facto un large partenariat entre l'industrie forestière et les communautés innues. Les deux parties auraient ainsi un intérêt commun au maintien des niveaux d'activité sur le territoire.
À la lumière de tout ce que je viens dire, tout en étant conscient que les négociations en cours ne devraient mettre en présence que les gouvernements ainsi que les premières nations concernées, voici ? j'ai fait plusieurs trois et quatre ? mais voici quatre recommandations, finalement, nos quatre recommandations que nous croyons sincèrement susceptibles de contribuer à la négociation d'un traité qui ne fasse que des gagnants: premièrement, avant de convenir de modalités d'intervention précises ? je suis certain que vous me voyez venir ? le gouvernement du Québec devrait exiger la réalisation d'une analyse crédible des impacts de celles-ci autant sur les communautés autochtones que non autochtones ainsi que sur les coûts et les volumes d'approvisionnement des entreprises forestières qui seront affectées.
Deuxièmement, pour assurer la mise en place d'un large partenariat entre l'industrie forestière et les communautés innues, les retombées financières associées à l'exploitation des ressources naturelles dont pourraient bénéficier les communautés devraient fluctuer librement selon le niveau d'activité des industries concernées sans plafond ni plancher ni plancher de 3 %. Les communautés innues, l'industrie et le gouvernement auraient ainsi avantage à rechercher constamment des solutions constructives permettant de maintenir et même de hausser le niveau d'activité et, par conséquent, les retombées financières.
Troisième recommandation. Le gouvernement du Québec devrait faire preuve de beaucoup de transparence dans le déroulement des prochaines négociations de façon à éviter les craintes et les réactions négatives que l'incertitude, l'inconnu, l'incompréhension peuvent facilement engendrer au sein des populations et des entreprises qui sont susceptibles d'être affectées par ces négociations. Alors, on souscrit pleinement à l'énoncé du Dr Vollant.
Finalement, quatrièmement, l'industrie forestière étant, tout comme les Innus, un intervenant qui utilise et occupe une large part du territoire touché par cette négociation, le gouvernement du Québec devrait prévoir une tribune permettant à l'industrie d'émettre ses commentaires et recommandations, et ce, dans chaque région concernée. L'input, les commentaires de l'industrie devraient être sollicités en amont de la proposition des nouvelles modalités envisagées aux Innus, en amont et non pas en aval.
Si le gouvernement ? nous y croyons fermement ? si le gouvernement prend en considération nos quatre recommandations, la conclusion d'un traité moderne entre les gouvernements du Québec et du Canada et les premières nations nous apparaît très souhaitable et également réalisable. Abitibi-Consolidated s'inscrit donc résolument en appui à cette démarche de négociation.
Pour terminer, nous vous offrons notre entière collaboration dans la poursuite de cet objectif de conclure une entente qui permette une cohabitation harmonieuse de tous les intervenants sur le territoire, le maintien d'une industrie forestière compétitive et, finalement, la prise en main du développement socioéconomique par les premières nations elles-mêmes. Merci de votre attention.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Leclerc. Nous allons passer à la période d'échange, et je donnerai la parole à M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, ministre d'État aux Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Souhaiter la bienvenue au vice-président, Foresterie opérationnelle, M. Boudreault ainsi qu'à M. Leclerc également, le directeur des Affaires gouvernementales et publiques, et à M. Dumoulin qui est le directeur de la Foresterie, un très concerné par le projet de loi d'entente de principe que nous avons devant nous.
Je vais d'abord vous remercier de cette présentation, et que l'entreprise ait pris le temps de dégager des ressources pour préparer cette intervention, ce qui, encore une fois, confirme votre profonde implication dans la société québécoise lorsque a été créé, non pas ce géant, mais cet engin, pour reprendre... cette locomotive, pour employer un mot de ce matin du Dr Louis-Edmond Hamelin, et bien, il y a été pris la décision de situer le siège social à Montréal, au Québec, là où il y a une grande partie sur le territoire québécois. Nous, on tire des revenus de votre grande entreprise, donc vous êtes un citoyen corporatif, ce qui... Quand il se présente des questions sociales importantes comme celle qui est devant nous, vous prenez soin de nous donner non seulement vos commentaires, mais vos recommandations. Bien sûr, il ne faut pas être naïfs non plus. On s'occupe de ses affaires, on s'occupe bien de ses affaires et ses affaires vont bien aussi lorsqu'on s'en occupe. Vous en faites une belle démonstration.
Je suis impressionné par les expériences, au Québec et à l'extérieur du Québec, que vous avez avec les premières nations, parce qu'il est évident que, à l'égard du projet d'entente de principe qui est devant nous, il y a une nouvelle façon d'être sur le territoire, lorsque nous aurons conclu un traité, qui va s'appliquer. Cette expérience, vous l'avez en Ontario, vous l'avez en Terre-Neuve?Labrador et vous l'avez en partenariat à Obedjiwan avec la scierie où vous êtes actionnaire majoritaire mais où 87...
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(15 h 20)
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Une voix: Non.
M. Trudel: Vous n'êtes pas majoritaires.
M. Boudreault (André): Les Attikameks sont majoritaires à 55 % et, nous, on est à 45 %.
M. Trudel: À 45 %, c'est encore mieux, quant à moi.
Le Président (M. Gautrin): C'était M. Boudreault.
M. Trudel: Voilà. Et 87 % des employés ? si ma mémoire m'est fidèle ? qui opèrent sont de la nation autochtone.
Est-ce que vous pensez que, dans le projet d'entente qui est devant nous, nous pouvons penser que les paramètres qui vont s'appliquer en termes de définition des règles plus claires ? moins d'inconnu, moins d'incertitude ? ça pourrait nous permettre d'améliorer sensiblement et d'atteindre de tels partenariats en Côte-Nord et au Saguenay?Lac-Saint-Jean?
Le Président (M. Gautrin): M. Boudreault.
M. Boudreault (André): Pour répondre à votre question, M. le ministre, je pense que oui parce que si ? vous l'avez souligné vous-même ? on prend le dossier ? on appelle ça un dossier ? ou le partenariat que nous avons avec les Attikameks d'Obedjiwan, c'est un excellent projet. C'est sûr que ça n'a pas été facile, ça a pris quand même plusieurs mois ? je dirais années ? de négociations pour, finalement, finir par avoir une entente de ce type-là. Par contre, je peux vous dire qu'on a 63 emplois en usine, on a 195 emplois au total, directs, à part tout l'indirect et l'induit. Alors, je pense que c'est un dossier qui est bien. Il y a 70 % des travailleurs sur les 200 travailleurs qui sont là-bas qui sont des Attikameks. Puis on peut vous dire que dans une période normale de marché, quand le marché est relativement correct, parce que, là, vous savez, on a bien sûr le dossier américain sur le bois d'oeuvre qui vient nous imputer ou nous impacter de façon épouvantable avec leur 27 % de taxe, mais on peut vous dire que la scierie d'Obedjiwan se sort bien de ses affaires. On pourrait la comparer avec n'importe quelle autre scierie qu'on a ailleurs dans la province. Alors, je pense que c'est un excellent projet. Ça a été un bon partenariat et je pense que, pour répondre plus directement à votre question, M. le ministre, je pense que sur la Côte-Nord ou la partie du Saguenay?Lac-Saint-Jean, il y aurait sûrement un moyen de développer des projets.
Mais, en ajout à ça, je vous dirais que... je voudrais essayer de faire un petit peu un portrait un peu de l'ensemble, de voir ça plus globalement. On sait qu'on a une nouvelle loi n° 136 qui a été votée en 2000. On a eu une équipe de travail qui s'est mise à évaluer les impacts de cette nouvelle loi là et on est arrivés avec des impacts majeurs. Ensuite, il y a eu l'entente avec les Cris, comme il a été souligné par M. Leclerc dans la présentation; il y a aussi là, encore une fois, des impacts sur l'industrie forestière au niveau des volumes et au niveau des coûts. Alors, notre inquiétude, notre plus grande inquiétude... et c'est basé sur à savoir: comment on va négocier cette entente-là? Est-ce qu'on va faire un projet gagnant?
Alors, pour nous, oui, on peut faire des partenariats; oui, on peut regarder des façons de faire comme on l'a fait avec les Attikameks. Pour nous, ce n'est pas une question de noms ou de communautés ou de différences, c'est une question d'affaires. Je pense que c'est... On est là pour faire des affaires puis je pense que les communautés pourraient être là pour faire des affaires aussi. Alors, moi, je réponds à votre question: Oui, il y a moyen de faire des partenariats.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Je vais aller aussi directement à un autre point qui... Vous avez insisté en conclusion, et on comprend pourquoi aussi, facilement. Vous dites: Bon, la négociation, ça, c'est la seule voie à emprunter pour obtenir un résultat. Puis dans ce processus de négociation auquel vous adhérez, vous dites: Il faut qu'on ait de la place, nous, pour qu'on soit en mesure d'apprécier, de mesurer, d'influencer aussi dans les objectifs déterminés puis en amont.
La recommandation 26 de M. Chevrette, dans son rapport, va aussi dans cette direction avec la suggestion de la création de tables sectorielles dans chacune des régions, dans les deux régions: Saguenay?Lac-Saint-Jean et Côte-Nord, en particulier une table sectorielle mines et forêt. Nous avons l'intention ferme d'y donner suite de façon à ce que... Le milieu socioéconomique avait été impliqué jusqu'à maintenant dans les tables de consultation dans chacune des régions, mais là on souhaite aller plus loin. La commission aura à préparer, adopter des recommandations, mais je peux tout de suite vous exprimer la volonté gouvernementale on ne peut plus claire de donner suite à cette recommandation et de faire en sorte que les tables sectorielles mines et forêt puissent être créées dans chacune des régions, en plus, bien évidemment, des comités directeurs régionaux pour la négociation. C'est une volonté ferme.
Ça m'amène à vous poser des questions sur les modalités d'intervention en forêt, puis vous pourrez m'apporter des commentaires là-dessus, sur la première dimension là de la foresterie opérationnelle et la foresterie, là. Comment vous voyez ça, l'harmonisation et la nécessité de tenir compte d'un intervenant qui, lui, a non seulement des droits ancestraux, mais des pratiques ancestrales qui vont dorénavant être encadrées? Est-ce que, pour une grande entreprise comme vous, ça aussi, dans la modernité de nos relations avec les autres nations, il est souhaitable qu'on puisse en arriver à établir des règles sur l'harmonisation quant aux interventions, des règles d'intervention en forêt pour davantage de résultats?
Le Président (M. Gautrin): Qui répond? M. Boudreault.
M. Boudreault (André): Merci de votre question, M. le ministre. Le premier volet à votre question, suite au rapport de M. Chevrette, on pense que M. Chevrette a fait un bon rapport. Il a fait vraiment le tour de la question. Mais en ce qui concerne notre implication, là, on a eu un peu de déception dans le sens que c'est... On dit: Il va y avoir une table forêt et mines qui va se rapporter à une table régionale dont une personne de cette table-là serait représentante de la forêt et des mines, et la table régionale se rapporterait à une autre table dont je ne sais pas le nom exactement. C'est peut-être directement la table de négociations, je n'en suis pas sûr. Alors, on trouve que la structure... on est complètement au bas de la structure, puis on voulait être impliqués à un niveau supérieur. Alors, ce serait le commentaire que je voudrais faire sur la structure.
M. Trudel: ...la peine d'apporter une précision, si vous me permettez, là, parce que...
Le Président (M. Gautrin): Bien sûr, bien sûr.
M. Trudel: La volonté du gouvernement, ce n'est pas de se compliquer la vie comme ça. Vous avez raison de décrire ça comme ça, par exemple. Vous avez raison, formellement, dans l'écriture. Mais là, là, je vous le dis tout de suite: La volonté gouvernementale, ce n'est pas de faire ça compliqué comme ça. On veut atteindre l'objectif ? c'est ça que vous avez décrit ? d'avoir la préoccupation forêt sur des activités sécurité, avenir et développement, et on peut rendre ça pas mal plus simple pour que votre droit de parole soit efficace et direct. Vous ne serez pas autour de la table de négociations principale mais vous allez être proche.
M. Boudreault (André): Merci, M. le ministre. À l'autre volet de votre question, c'est sûr que si on vient d'être à un niveau plus intéressant, plus proche de la table de négociations, alors là, ça amène à votre question des modalités.
Au niveau des modalités, c'est sûr qu'on a vécu l'entente crie. Je ne voudrais pas ramener toujours ce point-là, mais parce que c'est un vécu, puis ça ne fait pas longtemps, alors c'est important pour nous, puis on veut être mieux supportés, on veut se rendre plus confortables puis, pour se rendre plus confortables, il faut connaître les modalités. Puis, à partir des modalités, il faut connaître aussi les impacts qui vont y être attribués. Alors, je pense que c'est d'être... C'est un niveau de confort qu'on recherche, et on veut être des collaborateurs dans la négociation, puis on veut être proche de la négociation.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, j'ai un autre collègue qui veut poser une question, mais...
M. Trudel: Il reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Gautrin): Il reste 9 minutes.
M. Trudel: Bon, le temps d'une question puis...
Le Président (M. Gautrin): Allez-y.
M. Trudel: Bon. À l'intérieur de ce processus-là, vous traitez aussi de la question, donc, des redevances et de l'attribution ? dans ce giron-là, dans ce monde-là ? de l'attribution d'approvisionnements supplémentaires. L'engagement dans l'entente, c'est 600 000 m². Il y en a déjà 250 000 qui sont déjà attribués à travers les processus normaux d'attribution.
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(15 h 30)
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Vous dites... Vous nous avez dit: La négociation, c'est la seule voie de solution. Vous nous dites, par ailleurs, première recommandation: Exiger la réalisation d'une analyse crédible des impacts. Mais là, là, il ne faut pas que cela nous rapporte aux calendes grecques ou à Mathusalem, là. Est-ce que le souci des impacts ne devrait pas s'accompagner d'une date butoir et à la nécessité de résultat? Parce que, qu'on soit capable de mesurer davantage les impacts, soit, mais est-ce que cela ne devrait pas s'accompagner d'une date butoir ou d'une obligation de résultat? Il faut qu'on en arrive à un traité, à l'établissement des règles. Les raisons pour pousser ça dans le temps, moi aussi, j'en aurais des bonnes, il y a plein de monde qui sont venus nous en dire des bonnes, les raisons peuvent être évoquées. Est-ce que vous seriez d'accord pour que nous fixions, par ailleurs, avec les partenaires une obligation de résultat?
Le Président (M. Gautrin): M. Boudreault.
M. Boudreault (André): À cette question, le premier volet, je laisserais mon collègue M. Dumoulin en premier.
Le Président (M. Gautrin): M. Dumoulin.
M. Dumoulin (François): Alors, M. le ministre, en réponse à votre question, la recommandation qu'on fait n'a pas du tout pour objectif de repousser les choses. Les évaluations peuvent se faire très rapidement. L'idée, c'est de les faire en amont et non pas en aval. On regarde le dossier de la «Paix des Braves», certains des éléments qui sont là auraient pu être rapidement quantifiés pour éclairer les négociateurs des deux parties lors de la conclusion de cette entente-là. Alors, de la même façon, pour celle-ci, maintenant qu'on peut bénéficier de cette expérience-là, s'il y a des modalités qui sont envisagées ? et il devra y en avoir, l'harmonisation est nécessaire ? à ce moment-là, qu'il y ait des choses qui soient enclenchées pour que, très rapidement, les négociateurs de part et d'autre sachent quels sont les impacts pour les communautés innues et pour la communauté québécoise et l'industrie aussi.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Peut-être en conclusion, parce que le temps file rapidement. Il n'y a aucune espèce de partie de notre volonté qui irait dans la direction de l'expropriation de volumes déjà accordés pour en arriver à remplir les obligations sur lesquelles nous nous sommes entendus et qui nous sont proposées. Notre expérience aussi nous amène à dire qu'il y a possibilité d'atteindre le résultat dans la gestion des éléments qui se présentent historiquement, c'est-à-dire la possibilité forestière, les usines qui peuvent être abandonnées pour toutes sortes de facteurs économiques. Quand on pense que, sur la Côte-Nord et le Saguenay?Lac-Saint-Jean, il y a grosso modo, de mémoire, 30 millions de mètres cubes de bois et qu'on aurait comme objectif d'en affecter 600 000 dans le temps pour le développement des nations autochtones, je pense qu'il n'y a pas l'heur de mettre en danger une grande entreprise, mais je prends très au sérieux cependant qu'il faut le regarder au plan microscopique usine par usine. Ça, je peux en convenir, mais il faut quand même voir le portrait d'ensemble: 600 000 m³ sur 30 millions, on n'est pas en train de tourner la région et la possibilité forestière et les niveaux à être récoltés à l'envers.
Le Président (M. Gautrin): Un commentaire, M. Boudreault?
M. Boudreault (André): Je ferais un commentaire à M. le ministre. Vous l'avez souligné vous-même, il faudrait le voir globalement. Quand on regarde l'arrivée de la nouvelle loi n° 136, les dossiers que j'ai soulignés tantôt, les aires protégées, etc., le problème est qu'on va probablement subir une réduction importante de nos approvisionnements totaux au Québec, et, à partir de cette réduction-là, si on ajoute encore d'autres dossiers qui viennent en réduire... Alors, il faut que ce soit bien fait. Alors, il faut le faire en collaboration, mais il faut le faire de façon que ce soit gagnant-gagnant pour chacune des parties.
M. Trudel: On va faire ça...
Le Président (M. Gautrin): Avant que je passe la parole au député de Roberval, M. le ministre voudrait corriger une...
M. Trudel: On fait une bonne base. Ce n'est pas 30 millions, c'est 10 millions, Saguenay?Lac-Saint-Jean et Côte-Nord.
M. Boudreault (André): L'approvisionnement total en SEPM du Québec est de 28 millions.
M. Trudel: Oui. Non, mais Côte-Nord et Saguenay?Lac-Saint-Jean, c'est 10 millions. On va partir sur des bonnes bases.
Le Président (M. Gautrin): Alors, c'était la tendance impressionniste du ministre.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Roberval.
M. Laprise: M. le Président, je trouvais vraiment que le 30 millions, ça avait multiplié vite, les forêts! Maintenant, messieurs de l'Abitibi-Consol, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue ici à cette commission parlementaire, considérant que mon comté est largement impliqué dans cette démarche d'Approche commune, également, au niveau de vos entreprises.
Maintenant, face aux études d'impact que vous faites, considérant que le plafond des approvisionnements forestiers, on est quand même rendu pas mal au plafond, est-ce que vous regarder de plus en plus à ouvrir la voie à la deuxième et troisième transformation, ce qui pourrait être un départ de partenariat avec des idées jeunes, des idées qui viennent parfois des milieux autochtones, qui ont peut-être une façon de voir la forêt qui est différente de la nôtre et qui pourraient peut-être utiliser justement cette transformation-là dans des projets nouveaux? Est-ce que vous êtes ouverts à ça également?
Le Président (M. Gautrin): M. Boudreault.
M. Boudreault (André): Oui, on est ouverts à ce genre de dossiers, parce qu'on en a déjà, nous, au Québec, deux ou trois; on en a dans la région de Québec, on en a au Lac-Saint-Jean. Oui, on est ouverts à ce genre de projets. Quand on regarde... Je vous ai dit tantôt qu'il y a des impacts, on va réduire la possibilité forestière du Québec. Nos usines dans l'ensemble du Québec opèrent avec 65 % d'approvisionnements par rapport à leur capacité, alors il va falloir être innovateur, il va falloir aller vers ce genre de projets là, oui.
Le Président (M. Gautrin): M. Leclerc, brièvement, parce que le temps file et mon collègue de Duplessis voudrait poser une question.
M. Leclerc (Denis): Très rapidement. C'est qu'au niveau de la valeur rajoutée ou de la deuxième transformation, dans notre plan stratégique cinq ans, il y a peut-être un mot, une expression qui est là à toutes les pages ou pratiquement dans tous les paragraphes, c'est «valeur ajoutée», tant au niveau papier que bois d'oeuvre.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi également, M. Boudreault, M. Dumoulin, M. Leclerc, bienvenue et merci. Très rapidement. Sur la Côte-Nord, bon, je sais que vous avez fait référence à un moment donné au CAAF qui est disponible à Natashquan, donc 250 000 m³... Et je vous passe un message au cas où vous ne le sauriez pas: la communauté autochtone est en attente bien sûr d'un partenaire, et il y a une entente entre les trois communautés pour permettre le développement de ce secteur-là. Alors, il y a du bois de disponible, il est très beau.
Et il y a une question fondamentale... Sans rentrer dans le détail là-dessus, la vision bien sûr de votre entreprise, mais ce serait une première question. Et également sur la rivière Étamamiou, à La Romaine, vous avez fait référence qu'effectivement vous l'aviez vendue à la communauté et vous avez conservé un siège au niveau du comité de gestion, au conseil d'administration. Alors, est-ce qu'on peut vous entendre un petit peu? Comment ça fonctionne, comment ça va? Et est-ce que vous êtes contents?
Le Président (M. Gautrin): Est-ce M. Leclerc ou M. Boudreault? M. Boudreault.
M. Boudreault (André): Je vais répondre à la première partie de la question, puis en ce qui concerne la rivière Romaine...
Le Président (M. Gautrin): O.K., allez-y.
M. Boudreault (André): Vous faites référence aux approvisionnements disponibles sur la Basse-Côte-Nord, oui, on est au courant qu'il y avait un promoteur, il y a un an, un an et demi à peu près. Je pense que... Ce promoteur-là, je ne sais pas s'il s'est désisté définitivement, je ne sais pas, mais, nous aussi, on regarde les projets, puis ça pourrait faire partie des dossiers qu'on pourrait regarder dans un avenir rapproché. Je cède maintenant le volet 2 à M. Dumoulin. Je pense que...
Le Président (M. Gautrin): M. Dumoulin.
M. Dumoulin (François): Pour la rivière Étamamiou, je n'ai pas beaucoup d'informations à vous communiquer autre que le fait que la participation de la compagnie était souhaitée, je pense, de la part des partenaires, pour assurer une continuité dans l'opération de la pourvoirie, et également on continue à fournir un apport de clientèle intéressant pour la pourvoirie. Alors, je pense que c'est une approche gagnant-gagnant de ce côté-là. La relation entre les gens de la communauté et celui qui nous représente, qui est notre vice-président exécutif, Louis-Marie Bouchard, elle est excellente, et c'est pour ça que ça se poursuit comme ça.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup. À mon tour, j'aimerais dire un mot de bienvenue à M. Boudreault, M. Leclerc et M. Dumoulin. Merci de venir ici partager votre expertise. Comme je ne le cache pas, le comté de Jacques-Cartier n'est pas couvert de forêts, ça fait quelques siècles qu'il y a un boisé à Beaconsfield, je pense, mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Mais j'ai suivi le débat sur la loi n° 136, on a eu l'occasion de discuter de l'importance de l'industrie forestière dans d'autres forums aussi, alors peut-être un jour que je vais même comprendre c'est quoi, la possibilité forestière. Mais un mot de bienvenue.
Et juste pour revenir sur une de vos recommandations qui, je pense, est très importante au niveau de l'évaluation des impacts. Vous avez dit: Avec la loi n° 136, avec la «Paix des Braves», c'est beaucoup de chambardements. On ajoute un dossier autre qui est tout le conflit avec les Américains sur le bois d'oeuvre. On parle d'une industrie qui est très importante au Québec mais qui traverse les eaux troublées pour le moment. Alors, si j'ai bien compris...
Une voix: Tumultueuses.
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(15 h 40)
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M. Kelley: Tumultueuses. Merci beaucoup. Alors, à partir de qu'est-ce qu'on a dans l'entente de principe, si j'ai bien compris, dès maintenant le ministère des Ressources naturelles peut commencer de faire les évaluations de l'impact d'une entente éventuelle avec les Innus, et c'est quelque chose qu'on n'est pas obligés d'attendre la signature d'un traité. Il se peut fort bien qu'entre l'entente de principe et le traité il y aura des changements, mais on peut même, dès maintenant, si j'ai bien compris votre message, tester les hypothèses de travail qui sont sur la table et peut-être autour d'une table sectorielle. Et je comprends fort bien votre objection de ne pas avoir un système qui est fort complexe de tables et sous-tables et sous-sous-tables. On veut quelque chose qui marche, on veut un lieu d'échanges où vos perspectives... On peut également avoir la participation des Innus sur le réaménagement des façons de faire et des territoires. Peut-être qu'il y a des façons de s'entendre autres que ce qui est proposé ici. Mais, selon vous, ça, c'est le genre de choses qu'on peut dès maintenant commencer, faire ces analyses ou tester ces hypothèses, plutôt qu'attendre la signature d'un traité final et être devant un fait accompli. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Boudreault (André): Vous avez absolument raison. Quand on a vécu l'expérience de la loi n° 136 à laquelle on a calculé les impacts après que la loi ait été votée. On a vécu le même scénario quand l'entente crie a été signée. Vous avez absolument raison quand vous dites: On peut mettre des hypothèses sur la table, mais il faudrait le faire en collaboration, c'est-à-dire que ce soit le ministère des Ressources naturelles, l'industrie et les communautés qui seraient impliquées dans le dossier. Il faudrait qu'ensemble on mette des hypothèques et qu'on s'assoie et qu'on travaille en collaboration pour en analyser les impacts. Je suis absolument d'accord avec votre commentaire. Peut-être que mon collègue aurait...
M. Dumoulin (François): Tout simplement un complément...
Le Président (M. Gautrin): M. Dumoulin.
M. Dumoulin (François): Dans l'entente, actuellement, ce qu'on a, c'est une entente d'ordre général, donc il n'y a pas beaucoup d'éléments très, très précis. Ceux qui le sont, vous avez raison, l'évaluation peut-être faite maintenant; lorsqu'on parle notamment du retrait de certains territoires à la récolte forestière, ça peut se faire immédiatement. Mais ce sera important de faire ces évaluations-là lorsque des modalités plus précises seront envisagées pour être mises sur la table, de part et d'autre. Alors, c'est à ce moment-là qu'il faudra le faire. Puis l'expérience qu'on a avec les ententes conclues avec les Cris, bien, on a développé une batterie d'outils pour faire ces calculs-là. On est donc capable de réagir rapidement. Les gens du ministère ont les outils pour faire ces calculs-là maintenant.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Un deuxième élément très important. Également, je suis impressionné par vos partenariats dans les autres provinces, les partenariats existants au Québec. Et, pour de meilleures chances de succès, si on arrive à un traité éventuel, est-ce qu'il y a des recommandations précises ou est-ce qu'il y a des conclusions qu'on peut mettre en place dès maintenant? Je pense, entre autres, à la formation. Mais des choses que, peut-être, dès maintenant il faut commencer à penser sur l'utilisation des 850 000 m³ de bois. Les autres choses... On a des succès: l'expérience d'Obedjiwan est fort intéressante. Mais est-ce qu'il y a des choses que, peut-être, dès maintenant on peut prévoir et on peut donner les meilleures chances de succès pour la possibilité d'utiliser l'entente comme levier de développement économique chez les autochtones?
Le Président (M. Gautrin): M. Boudreault.
M. Boudreault (André): Je répondrais à votre question en disant: Nous sommes présentement à, je dirais, discuter avec les Cris un des volets de l'entente, c'est-à-dire au niveau de la main-d'oeuvre. Puis, à l'intérieur de ce programme-là, il y a bien sûr tous les éléments que vous avez nommés, la formation, etc. Ce n'est pas final parce qu'on a eu une première proposition des Cris. Nous, on est en train de finaliser une contre-proposition. Et c'est un processus qui est en place. Je vous donne ça à titre d'exemple. Alors, il y a probablement moyen d'intégrer ce genre de projet là ailleurs sur la Côte-Nord, si nécessaire.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Juste une autre suggestion que, peut-être, vous pouvez expliquer davantage, c'est la deuxième recommandation sur les retombées financières associées à l'exploitation des ressources naturelles. Pouvez-vous juste expliquer ça davantage? Vous avez dit, plutôt qu'un montant fixe, que vous proposez de n'avoir ni plafond ni plancher. Comment est-ce que ça peut fonctionner? C'est quoi, l'objectif qui est recherché par la recommandation?
Le Président (M. Gautrin): M. Dumoulin.
M. Dumoulin (François): Alors, essentiellement, pour qu'il y ait un réel partenariat, il faut que, lorsque ça croît, ce soit au bénéfice de tous, et lorsque ça baisse à cause des demandes de l'un ou de l'autre, que tous soient impactés aussi. Alors, c'est un peu ça qui est l'idée. Si on met un plancher puis qu'il y a des demandes indues qui viennent en termes de modalités et autres, bien, à un moment donné on descend plus bas que le plancher, mais le plancher est assuré. Alors, il n'y a pas de... ce n'est pas un réel partenariat. Alors, je pense qu'il faut vraiment que toutes les parties soient gagnantes et perdantes en fonction des choix qui sont faits. Alors, s'il y a un plafond et un plancher, ça vient empêcher ce fonctionnement-là. Alors, il faut vraiment que ça puisse fluctuer selon les discussions, selon les modalités et selon les marchés aussi.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Bonjour. Dans le rapport de M. Chevrette, il est avancé une possibilité que le gouvernement devrait envisager dans la finalité du traité concernant la création de discrimination positive afin de permettre d'engager des autochtones à compétence égale. Dans les partenariats que vous avez déjà avec les communautés autochtones, est-ce que c'est quelque chose que vous utilisez ou qui existe ou qui est souhaitable, admettons?
Le Président (M. Gautrin): M. Boudreault.
M. Boudreault (André): Ce serait peut-être...
Le Président (M. Gautrin): M. Leclerc.
M. Leclerc (Denis): Je n'ai pas exactement tous les détails là-dedans, mais on a des processus qui sont en place présentement pour faciliter l'embauche des autochtones, soit par une meilleure connaissance de nos besoins, soit par une participation commune dans des modules d'enseignement un peu plus techniques, ce qui permet à ce moment-là aux autochtones d'acquérir l'expérience nécessaire afin de venir combler les postes que l'on a à combler. Alors, c'est un processus d'affichage de postes directement dans les communautés.
Alors, il y a un ensemble d'éléments là-dedans qu'on a mis en place, et j'ai en mémoire un endroit, particulièrement en Ontario, où on a mis certains processus en place pour faciliter l'embauche des autochtones.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Puis est-ce que ça fonctionne? Sur le terrain, est-ce que ça fonctionne? Parce que, souvent, ce qu'on entend dire aussi, c'est que, bon, ils viennent, ils essaient de travailler, mais ils s'aperçoivent vite qu'ils n'aiment pas ça, puis ils retournent dans leur milieu ou ils ne continuent pas.
Le Président (M. Gautrin): M. Boudreault.
M. Boudreault (André): Bien, avant peut-être. On a l'expérience d'Obedjiwan. Que ce soit dans les opérations en usine ou en forêt, on a une très belle expérience; les gens, ils viennent travailler. 70 % de notre main-d'oeuvre, c'est des Attikameks, puis ils travaillent à l'usine, puis ils travaillent en forêt, puis ils font un bon travail. Alors, à ça, je dirais qu'on a une belle expérience.
Puis on l'a aussi un petit peu en Colombie-Britannique; je suis responsable des opérations en Colombie-Britannique, pour Abitibi, puis on a aussi des autochtones qui travaillent dans nos organisations, puis ça va très bien.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: C'est faisable, disons, à l'intérieur...
M. Boudreault (André): C'est faisable de les garder au travail. C'est ça que je vous dis.
Le Président (M. Gautrin): M. Dumoulin.
M. Dumoulin (François): En ajout à tout ça, ce qui est important, c'est de faire des choses qui correspondent bien aux besoins, aux attentes puis au mode de vie dans les communautés. Je vous donne l'exemple d'Obedjiwan. À Obedjiwan, on a, au niveau de la scierie, un calendrier de travail qui est harmonisé avec celui de l'école. Alors, lorsque c'est la saison de la chasse aux oies ou la saison de la chasse à l'orignal, les activités cessent. Alors, ce n'est pas le même calendrier qu'on a dans les autres scieries, mais il faut adapter ça aux conditions de la communauté, sinon les gens vont être timorés entre leurs pratiques habituelles et les exigences de l'entreprise. Alors, il faut essayer d'harmoniser ça. On l'a fait dans le cas de cette scierie-là.
On observe ailleurs... Avec d'autres communautés, on a eu des tentatives qui n'ont pas toujours été fructueuses parce qu'on allait peut-être trop vite à leur demander de faire des choses auxquelles ils n'étaient pas habitués. D'autres communautés ont un sens de l'entrepreneuriat plus développé. Je prends l'exemple de Mashteuiatsh où il y a deux entreprises qui travaillent pour nous maintenant et qui se déplacent, vont sur le territoire, alors que, ailleurs, on a eu de la difficulté à amener les gens de ces communautés-là à se déplacer. Alors, il faut vraiment s'adapter à chaque situation. Je pense que le succès d'Obedjiwan ne pourra pas nécessairement être reproduit tel quel partout, mais on peut certainement s'en inspirer largement.
Le Président (M. Gautrin): Moi, j'ai une question à vous poser. Alors, je vais prendre mon chapeau de député. J'ai bien compris votre recommandation n° 4 où vous voulez être associé, l'industrie, aux négociations. Il y a d'autres secteurs industriels qui peuvent être concernés aussi pour la négociation; je pense, par exemple, au secteur minier et peut-être à d'autres. Est-ce que vous voulez avoir votre propre table, c'est-à-dire votre propre zone, ou bien vous êtes prêts à travailler de concert avec les autres secteurs industriels qui seraient concernés?
M. Boudreault (André): Idéalement, ce serait d'avoir notre propre structure qui touche la forêt...
Le Président (M. Gautrin): La foresterie.
M. Boudreault (André): ...et on veut être très près...
Le Président (M. Gautrin): Très près, ça, j'ai compris.
M. Boudreault (André): ...des activités. On veut être très près des activités pour être capable d'influencer si possible. Et aussi, en même temps, on a des idées, on connaît la forêt, on connaît le fonctionnement, puis on veut s'assurer qu'il n'y aura pas d'impact négatif pour personne.
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(15 h 50)
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Le Président (M. Gautrin): Donc, éventuellement, d'avoir aussi le parallèle pour l'industrie minière, le cas échéant, si elle est concernée.
M. Leclerc (Denis): Les enjeux sont différents.
M. Boudreault (André): Les enjeux sont différents.
Le Président (M. Gautrin): J'ai compris ça, mais je voulais savoir comment vous voyez ça à l'heure actuelle. M. le député de Jacques-Cartier. Je redeviens président.
M. Kelley: Juste revenir, parce que vous avez dit que la conclusion, c'est la négociation, c'est la voie qu'il faut prendre. Moi, je partage cet avis. On peut aller devant les tribunaux et gaspiller un autre 10 ans, les frais d'avocats et tout le reste. Et souvent, la Cour suprême va nous inviter à retourner à la table de négociations. Alors, peut-être plutôt on peut aller direct.
Mais une question que nous avons posée aux représentants syndicaux de l'industrie forestière: Qu'est-ce que vous pouvez faire auprès de vos employés pour mieux expliquer le pourquoi des négociations, pour aider à créer un climat beaucoup plus propice à une entente que tout le monde peut vivre avec? Dans toutes les ententes, il y a un compromis, et tout ça, mais on a vu que les négociations avant cet été ont été faites à huis clos, qu'il y avait beaucoup de sentiments d'exclusion, il y a beaucoup de rumeurs, des faussetés qui ont circulé en l'absence de renseignements solides. Alors, nous avons posé, comme commission, la question aux représentants de la FTQ, qu'est-ce qu'ils peuvent faire auprès de leurs membres pour mieux les informer. Mais, qu'est-ce qu'Abitibi peut faire auprès de ses employés aussi pour expliquer votre présence ici cet après-midi, mais, d'une façon plus générale, indiquer l'importance pour l'avenir d'avoir des ententes qui sont signées, d'avoir des règles du jeu qui sont beaucoup plus claires pour l'ensemble à la fois des autochtones et pour un meilleur avenir, je pense, pour l'industrie forestière?
Le Président (M. Gautrin): M. Boudreault.
M. Boudreault (André): C'est une bonne question, puis, en même temps, c'est assez complexe à répondre. Par contre, je dirais qu'on a vécu... Dans la «Paix des Braves», on n'était pas là, on n'était pas présents. Moi, je répondrais à votre question en disant: Si on est proches, puis on est impliqués, puis on travaille en collaboration, moi, je crois que, à partir de ça, on va être capables de cheminer avec nos employés, cheminer dans notre organisation. Puis je pense que les autres industriels aussi, qui sont autour de nous, pourraient faire la même chose. Jusqu'à maintenant, c'est décevant, mais on n'a jamais été impliqués de près dans ce genre de dossiers là. Alors, si cette fois-ci on est impliqués, je pense qu'on peut faire des belles choses ensemble.
Le Président (M. Gautrin): Ça va?
M. Kelley: Merci.
Le Président (M. Gautrin): Alors, écoutez, il me reste à vous remercier de votre témoignage. Et je vais suspendre les travaux pour deux minutes de manière qu'on puisse aller vous remercier et demander après aux représentants de la Corporation métisse du Québec de bien vouloir se présenter.
(Suspension de la séance à 15 h 53)
(Reprise à 15 h 57)
Le Président (M. Gautrin): Alors, il me fait plaisir de reprendre nos travaux en recevant la Corporation métisse du Québec. M. Montour, vous êtes le bienvenu parmi nous. Le décor a l'air impressionnant, le monde a l'air peut-être important, mais sentez-vous à l'aise, et je vais tout faire pour essayer de vous mettre le plus à l'aise possible.
On a une heure réservée pour votre témoignage. Elle est partagée en 20 minutes pour l'exposé que vous allez nous faire, 20 minutes pour les questions qui viendront des parlementaires ministériels et 20 minutes pour les questions provenant des parlementaires de l'opposition. Alors, je vous donne la parole, et vous avez le temps de nous exposer votre mémoire. M. Montour.
Corporation métisse du Québec
M. Montour (Pierre): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, Mmes, MM. les commissaires, si dames il y a, M. le délégué aux Affaires indigènes, mesdames et messieurs, bonjour. Mon nom est Pierre Montour, je suis directeur général de la Corporation métisse du Québec, un organisme sans but lucratif voué à la défense des droits ancestraux et territoriaux des Métis du Québec.
Au nom des Métis du Québec, au nom des membres de la Corporation métisse du Québec, en celui des membres de la famille souche métisse Montour et en mon nom personnel, permettez-moi d'exprimer le voeu suivant: Nous souhaitons que cette commission parlementaire soit fructueuse et que notre contribution à ces travaux les enrichisse et les éclaire sur la situation faite aux Métis du Québec comme ceux de l'Est du pays, en Ontario et dans les Maritimes, depuis la conquête anglaise sur les troupes françaises. Si je ne m'abuse, c'est la toute première fois qu'un Métis du Québec prend officiellement la parole au siège du gouvernement québécois.
Le Président (M. Gautrin): Alors, vous êtes le bienvenu, vous faites une première.
M. Montour (Pierre): Merci, monsieur. Connaissant les embûches que le peuple québécois a surmontées pour affirmer son existence et ses droits, je suis particulièrement fier d'annoncer que le peuple métis du Québec a également survécu. Il a survécu et il exercera dorénavant ses droits ancestraux et territoriaux, et ce, de plein droit. Le peuple métis n'a pas été exterminé: ma présence à cette commission parlementaire et l'existence au Québec d'environ 200 000 autres personnes métissées le prouvent.
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(16 heures)
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Nous sommes heureux d'avoir survécu, mais y a-t-il vraiment lieu de se réjouir du sort qui nous a été réservé à ce jour? Depuis 1763, notre identité, notre histoire et nos droits ont été niés, bafoués et foulés au pied. Nous avons été privés de nos droits sociaux, culturels, économiques, politiques, de nos droits ancestraux et de nos droits territoriaux. En jargon juridique, nous sommes victimes de discrimination systémique par omission. Les gouvernements ont volé nos biens, ont nié nos droits et font maintenant comme si nous n'existions pas. En conséquence, en ce jeudi, 6 mars 2003, nous, peuple métis du Québec, affirmons solennellement notre existence et réclamons publiquement le respect de nos droits ancestraux et territoriaux, de tous nos droits légués par nos ancêtres.
Rappelons les faits, M. le Président. Les membres des nations indigènes occupaient le nord-est du continent américain depuis la nuit des temps lorsque la France a demandé la permission aux Algonquiens et aux Hurons de commercer dans la vallée du Saint-Laurent en 1603. Les nations indigènes ont permis à la France de commercer et de peupler la vallée. La France a par la suite accordé à certains de ses sujets quelque 175 seigneuries de Québec à Montréal. Le reste du territoire appartenait et appartient toujours aux indigènes.
Durant l'aventure française en Amérique, les Européens se sont unis aux indigènes pour donner naissance aux membres d'un nouveau groupe: le peuple métis. Les Métis ont formé un peuple indigène distinct composé de personnes ni blanches ni indiennes, un peuple uni par des lois coutumières, une langue, une culture et des droits.
Au début de la guerre des Indiens et des Blancs de 1753 à 1766, l'Angleterre a vite compris qu'elle ne gagnerait pas la bataille de l'Amérique du Nord sans s'assurer l'alliance des nations indigènes ou, du moins, leur neutralité. Elle a donc adopté une politique de respect du territoire indigène ? et ce point est extrêmement important. Elle a confirmé le droit exclusif d'occuper et d'utiliser le territoire partout en Amérique du Nord, et le roi d'Angleterre s'est engagé sur l'honneur à l'acheter avant de permettre aux colons d'y accéder ou de l'exploiter. Le titre foncier indigène fut par la suite reconnu en droit anglais lors de l'affirmation de la souveraineté du roi d'Angleterre en Amérique du Nord en 1763.
Depuis, le droit d'occuper, d'utiliser le territoire non cédé appartient aux membres des trois peuples indigènes au Canada: les Indiens, les Inuits et les Métis. Malgré cette promesse d'achat, le premier gouvernement canadien responsable a adopté deux lois racistes, en 1850 et en 1851, par lesquelles il a exproprié le territoire indigène au Québec au profit de la couronne.
Le système seigneurial a été aboli en 1854. Des centaines de milliers de personnes ont alors envahi notre territoire. Le Québec s'est par la suite construit sur des terres et avec des matériaux volés aux indigènes.
En 1860, le gouvernement canadien a privé nos ancêtres de leur droit de vote et de leur droit d'être candidats aux élections. Puis, en 1876, Ottawa a adopté une loi raciste, L'Acte des sauvages, l'ancêtre de la Loi sur les Indiens actuelle, qui a privé les Métis du Québec et de l'est du pays de la reconnaissance et de l'exercice de leurs droits ancestraux.
Récemment, M. le Président, la Cour suprême du Canada a enfin reconnu, en 1997, l'existence du titre foncier indigène partout au Canada. Elle a établi que des indemnités doivent leur être versées en cas d'atteinte à leur titre foncier. Voilà pourquoi les deux ordres de gouvernement négocient avec les bandes indiennes actuellement. Ils négocient non pas parce que ça fait dur dans les réserves et que le taux de chômage y est élevé, comme l'a dit M. Chevrette à l'ouverture de vos travaux, mais bien parce que ces gouvernements savent que le territoire québécois appartient aux indigènes, si ce n'est quelque 175 terres seigneuriales. Les gouvernements ont l'obligation de verser des indemnités aux indigènes pour expropriation illégale et atteinte à leur titre foncier. Ils ont également l'obligation de leur payer des redevances en échange de l'exploitation commerciale de leurs ressources. Enfin, ils doivent prévoir le plein exercice de leurs droits ancestraux sur l'ensemble du territoire et non pas seulement dans les réserves. Voilà pourquoi ils négocient, ils doivent réparer les nombreuses fautes du passé des gouvernements précédents.
M. le Président, en l'absence d'une définition pourtant évidente du Métis en Canada, les gouvernements refusent actuellement de négocier avec les groupes métis du Québec. Ce refus est discriminatoire, inéquitable et malicieux. Les Métis risquent maintenant de tout perdre. L'ex-juge en chef de la Cour suprême du Canada, Antonio Lamer, met d'ailleurs les indigènes en garde contre ce danger. Dans l'arrêt Delgamuukw contre La Reine, rendu en 1997, le juge écrit que les décisions relatives au titre foncier ont un effet sur les droits de toutes les nations indigènes, car le titre comprend le droit exclusif d'utiliser et d'occuper les terres. Le juge Lamer prévient les nations de revendiquer rapidement leur titre foncier, parce que, si elles ne le font pas, elles perdront leur droit territorial qui aura déjà été accordé à d'autres.
M. le Président, nous, Métis du Québec, enjoignons Québec de surseoir immédiatement à toute négociation territoriale tant que les groupes métis seront exclus des tables de négociations. Devons-nous rappeler au gouvernement, M. le Président, que les chartes québécoise et canadienne interdisent au gouvernement de poser des actes discriminatoires parce qu'ils violent la dignité humaine? M. le Président, ne vous faites pas complice d'actes racistes de façon indirecte. Au contraire, privilégiez la conciliation. Dites non à l'ethnocentrisme et à l'exclusion des membres du peuple oublié au Québec. Finissez-en avec la division des groupes indigènes, privilégiez le respect de l'identité de l'autre et célébrez la différence.
Nous signalons ? et nous insistons sur ce point ? en l'absence des Métis, la «Paix des Braves» est viciée à sa face même et nulle, de nullité absolue. Le territoire de la Baie-James n'appartenait pas exclusivement aux Cris. Au contraire, il appartenait également et appartient toujours aux membres des nations algonquiennes et métisses. Les gouvernements ne pouvaient le céder aux seuls membres des bandes cries. Ils ne peuvent pas plus céder aux bandes innues non plus notre territoire commun de la Côte-Nord.
Pour terminer, M. le Président, force est d'admettre que les métissés forment un peuple subjugué au Québec depuis 1763. Si rien n'est fait rapidement pour mettre fin à cette situation d'apartheid, les Métis auront recours au droit international qui prévoit le droit des peuples subjugués à déclarer unilatéralement leur indépendance.
M. le Président, MM. les commissaires, je vous remercie de m'avoir écouté et je vous souhaite de fructueux travaux.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Montour. Et nous allons commencer les échanges, et je donnerai la parole au député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue et ministre d'État aux Affaires autochtones.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Montour, à cette commission parlementaire. Au nom du gouvernement, le ministre des Affaires autochtones ? ce n'est pas délégué aux Indigènes, c'est ministre des Affaires autochtones ? je vous remercie de la présentation et de la sensibilisation que vous nous faites de la cause des Métis. Peut-être y a-t-il lieu que vous nous donniez un peu plus d'informations sur la Corporation métisse, là, parce que, en préparation de notre commission parlementaire, je demande toujours des renseignements à nos collaborateurs puis à nos collaboratrices, et généralement, bien, on va voir sur les sites Internet ou les documents qui existent dans les bibliothèques, mais la Corporation métisse du Québec, là, ça représente qui? Comment ça fonctionne? Combien il y a de personnes? Parce que je voyais sur votre site Internet, là ? puis j'imagine que ça a dû grossir depuis ce temps-là ? que ça a été fondé par trois personnes, trois bénévoles en juillet 2001, un organisme sans but lucratif en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies, là, et, bon, vous avez été nommé directeur général. Les Métis au Québec, combien de personnes? Chez vous, combien de personnes? Qu'est-ce que ça représente comme ampleur pour qu'on puisse fixer les paramètres de la représentation?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Il y a trois administrateurs bénévoles qui sont à la tête, il y a une personne qui est nommée directeur général, qui est moi, et il y a des membres. Les membres sont moins d'une centaine actuellement, puis j'espère qu'ils vont être bientôt 200 000.
M. Trudel: C'est 200 000 que vous estimez, les Métis, au Québec?
M. Montour (Pierre): Exactement, monsieur.
M. Trudel: Quels sont les attributs principaux que vous relevez pour atteindre la définition de peuple et de nation, de la nation métisse ou du peuple métis? Parce qu'il y a des attributs généralement observés, reconnus dans la culture et dans les éléments auxquels on réfère chez les peuples pour reconnaître une nation ou un peuple, quels sont les principaux attributs chez les Métis qui font qu'ils doivent être considérés comme un peuple, une nation?
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(16 h 10)
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Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Nous sommes un groupe qui était naguère régi par des lois coutumières et qui occupait un territoire. Alors, c'est les deux principaux critères pour former un peuple.
M. Trudel: Puis est-ce qu'il y a des institutions qui vivent et qui accompagnent... Sauf erreur, tantôt vous avez dit qu'il y avait une langue commune aux Métis.
M. Montour (Pierre): Oui, la langue des fourrures qu'on a appelée aussi le michif. Les Métis ont créé la route des fourrures vers l'Ouest canadien. Et, en créant cette route, ils ont aussi créé une langue qu'on a surnommée la langue des fourrures.
M. Trudel: Nous avons, tous les deux, un bon référent par rapport à cela, parce que mon conseiller politique, Éric Cardinal, qui est à côté de moi, a été votre professeur à l'UQAM en droit autochtone, donc il a une bonne base de connaissances mutuelles à cet égard-là.
M. Montour (Pierre): M. Trudel, à ce moment-là, vous êtes fort bien informé de la situation des Métis au Québec, parce que M. Cardinal est particulièrement compétent en la matière.
M. Trudel: Oui. Je pense qu'on ne s'étendra pas pour fonder la société d'admiration mutuelle, là, mais disons que...
M. Montour (Pierre): Tout ce que j'en dis, c'est que vous êtes fort bien informé de notre situation par M. Cardinal.
M. Trudel: Surtout que, par les temps qui courent, d'aucuns souhaitent qu'il retourne à l'UQAM, ou quelque chose du genre, parce qu'il occupera d'autres scènes dans les mois à venir sur cet égard-là. Mais on a dit ici: Pas de partisanerie à cette commission parlementaire. Alors, n'étirons point.
Le Président (M. Gautrin): ...
M. Trudel: C'est ça, n'ouvrons pas la porte. Fondamentalement, vous voulez être compensés. Vous voulez être compensés pour l'occupation de terres. Et, si j'ai bien compris, là, vous incluez tout le territoire québécois. Ça pose, le moins qu'on puisse dire, un défi intellectuel au niveau de la compréhension, là. Je comprends qu'on ne réfère pas à des droits ancestraux, à des pratiques ancestrales en termes de grandeur de territoire, mais est-ce que, en reconnaissant, par exemple, comme l'a fait l'Assemblée nationale en 1985, les 10 premières nations puis ensuite 11 nations, une onzième nation... Est-ce qu'on ne va pas atteindre, par les reconnaissances des tribunaux et l'établissement de règles des pratiques ancestrales sur le territoire... on ne va pas atteindre les objectifs de la cohabitation harmonieuse? On pourrait peut-être dire ça autrement. Est-ce que la redevance, c'est une façon quasi exclusive d'enclencher la cohabitation harmonieuse sur un territoire à moins que l'autre partie, on dise: Quittez le territoire?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Vous me prêtez beaucoup d'intentions, monsieur. La première chose qui nous intéresse, c'est de cesser d'être exclus. Je ne sais si vous avez déjà été exclus, monsieur, mais c'est une atteinte à la dignité. On ne réclame pas présentement des indemnités, on réclame présentement la reconnaissance d'un peuple. Des indemnités, on en reparlera une fois qu'on aura eu le temps de réunir ce peuple, de l'avoir consulté, de lui avoir demandé ce qu'il veut. Ce n'est pas moi qui décide, ça va être ce peuple qui va décider. Je ne suis que le porte-parole de ce groupe-là et je vous demande d'adopter les mesures nécessaires pour qu'il soit reconnu, pour que cesse d'abord et avant tout la discrimination, l'atteinte à la dignité. C'est le principal objectif, aujourd'hui, de notre démarche.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, vous avez d'autres questions.
M. Trudel: Bien, ça précise beaucoup, là. Vous venez de donner une précision, c'est que le premier objectif recherché, c'est d'être reconnu comme peuple, comme nation et avec les attributs, bon, que cela comporte. Et, regardez, l'Assemblée nationale, en 1985, avait commencé par reconnaître 10 nations, et c'est en 1989, sauf erreur, avec M. Bourassa, le premier ministre, que l'Assemblée nationale avait reconnu une onzième nation. Donc, il y a des... On va employer le mot, il y a des groupes, il y a des individus qui, en vertu des attributs qui peuvent les unir, peuvent aussi prétendre à une définition de nation, et c'est beaucoup plus précis, ce que vous venez de nous dire que ce que j'avais cru, en tout cas, apercevoir jusqu'à maintenant.
Par ailleurs, parce que là j'ai eu deux, trois documents, là, vous souhaitez qu'on arrête les négociations actuelles avec les Innus pour régler l'autre problème? Est-ce que c'est ça?
M. Montour (Pierre): Exactement.
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Merci. Exactement, monsieur. Tant que nous sommes exclus des tables de négociations, nous demandons l'arrêt des négociations, où on ne sait pas ce qui se passe, on ne sait pas ce qui se négocie. Et le titre foncier... Dans l'arrêt Delgamuukw, l'ex-juge en chef Antonio Lamer l'a bien dit, le titre foncier comprend un volet exclusif. Si vous reconnaissez le titre foncier exclusif des Innus-Montagnais, vous excluez toutes les autres bandes sur ces territoires. Donc, nous voulons participer aux négociations, nous voulons savoir ce qui se dit et ce qui ce négocie, ce qui se signe. On veut participer à 100 %, on ne veut pas que le territoire soit cédé en notre absence.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Mais j'imagine que toutes ces... Le projet d'entente de principe étant public, l'information étant très largement répandue, j'imagine que vous avez pu observer, prendre en note, prendre connaissance de la reconnaissance, par exemple, du titre aborigène qui serait sur des territoires, mais extrêmement restreints par rapport à la superficie totale du Québec. Est-ce que vous croyez que cela apporterait éventuellement un réel préjudice aux gens que vous représentez?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Je vous répète ce que le savant juge Antonio Lamer a dit ? et, s'il en est un qui est au courant de la situation, s'il en est un qui l'a étudiée, s'il en est un qui a éclairci le chemin pour la reconnaissance des droits des indigènes au Canada, c'est bien l'ex-juge en chef Lamer ? c'est lui qui livre cette mise en garde, c'est lui qui dit aux groupes: Participez aux négociations, sinon vous risquez de tout perdre. Onglets 84, 85, l'arrêt Delgamuukw, je crois.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Alors, vous, vous souhaitez être à la table de négociations avec les représentants de la nation innue, la nation québécoise, le gouvernement fédéral, que votre groupe soit à la table de négociations en vertu de vos... disons de prétentions de droits, là, que vous plaidez, la plaidoirie de droit que vous faites pour les Métis sur tout le territoire québécois. C'est comme ça qu'il faut comprendre?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on cesse de diviser les groupes, que les négociations soient ouvertes, que tous soient bien informés et que tous soient consultés et soient en mesure de donner un accord libre et volontaire, clair et éclairé, et qu'on puisse accepter un accord ou le refuser en sachant exactement ce qu'il y a sur la table . Je ne sais pas, présentement, ce qu'il y a sur la table et j'ai fait beaucoup de recherches. Vous me dites que c'est public, je ne sais pas, moi, quelles sont les propositions gouvernementales actuelles. Et qu'est-ce qui se négocie jour après jour, je n'en ai aucune idée et je n'ai pas les moyens non plus d'y être sans une collaboration.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre. Et, après, j'ai le collègue de Roberval.
M. Trudel: Oui. Juste une note, c'est public depuis le 12 juin. Dès le moment où ça a été paraphé par les négociateurs pour nous les présenter, on l'a rendu public, c'est sur les site Internet. Je comprends que, dans notre société, il faut... ça prend un ordre de moyens. Je comprends très bien ça. Mais on ne peut pas dire, par ailleurs, que ce n'est pas public, ce n'est pas accessible. C'est public, c'est accessible et il faut se débrouiller pour y aller directement et prendre connaissance de ces documents, tout en mentionnant que peut-être un petit groupe... Mais, il faut toujours accorder de l'attention à tous les groupes et à leur expression, c'est pour ça que la commission parlementaire vous reçoit, et je vous remercie de votre contribution personnelle.
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(16 h 20)
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Le Président (M. Gautrin): M. le député de Roberval.
M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Au niveau des Métis hors réserve, moi, j'en ai dans mon comté, vous le savez. Dans le secteur Lac-Saint-Jean, dans le haut, dans le nord, là, il y en a plusieurs groupes, là. À ce moment-là, est-ce que ces groupes-là, c'est tout affilié dans un organisme provincial, national, si vous voulez?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Actuellement, les Métis ne connaissent pas leurs droits, ne connaissent pas leur histoire, ne connaissent pas leur origine et ils croient que... Certains croient: Ma grand-mère était Indienne ou mon arrière-grand-mère était Indienne, mais c'est trop tard, moi, je n'ai plus de droits. Moi, j'ai découvert mes origines métisses j'avais 25 ans. Beaucoup de gens, j'imagine, dans votre comté, ne sont pas au courant, même, qu'ils ont des origines indigènes.
M. Laprise: Mais dans...
M. Montour (Pierre): Présentement, l'association, elle est naissante. J'aimerais bien vous dire: Les 200 000 sont dehors et ils fêtent déjà la reconnaissance, mais il y a un gros boulot, il y a un gros travail à faire pour les informer, les réunir.
M. Laprise: Mais les Métis hors réserve, est-ce que vous aviez droit de propriété? Parce que j'en connais, moi, qui sont... Ils sont même propriétaires d'entreprises puis ils fonctionnent à l'extérieur des réserves. Mais le fait que vous avez accepté d'aller à l'extérieur des réserves, de vivre à l'extérieur des réserves, est-ce que vous ne vous êtes pas exclus vous autres mêmes?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Il y a peut-être certains Métis qui ont accepté d'aller vivre en réserve, mais il y en a d'autres qui ont... Ils ne se sont pas exclus des réserves, ils n'y ont tout simplement pas été. Je ne sais pas si vous savez c'est quoi, une réserve. On n'a pas la clé des champs là-dedans, c'est un ghetto. Alors, il ne faudrait quand même pas leur reprocher de ne pas avoir été vivre dans un ghetto. Le territoire est à eux autres. Ils pouvaient vivre où ils voulaient, comme ils voulaient, s'installer où ils voulaient. Et le roi s'était engagé. Il a reconnu leur territoire et il s'est engagé sur l'honneur à l'acheter. Le gouvernement canadien n'a pas tenu parole. Ce n'est pas de la faute des métissés, ce n'est pas de la faute des Indiens non plus.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier, au nom de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue à M. Montour devant cette commission. J'essaie toujours... Certaines précisions sur... Parce que le Dr Vollant, qui a témoigné plus tôt cet après-midi, il a fait un certain décompte de la population autochtone au Canada et il a parlé de 216 000 Métis au Canada et 426 000 Indiens sans statut. Maintenant, vous avez un terme légèrement différent, 200 000 personnes métissées uniquement au Québec. Alors, j'essaie de juste mieux comprendre. Vous réclamez une reconnaissance, mais peut-être une question beaucoup plus fondamentale, vous nous demandez de reconnaître quoi exactement? Et par quelle définition ou comment est-ce que je peux mieux cerner la question de ces personnes métissées?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Actuellement, il y a un déficit au niveau d'une définition. La Charte canadienne reconnaît les droits ancestraux de trois peuples: les Indiens, les Métis et les Inuits. Nous n'avons pas de définition du mot «Métis». Nous ne savons pas qui, légalement, est le Métis. Certains prétendent qu'il n'y a de Métis que dans l'Ouest canadien. Certains prétendent qu'il y a une génération spontanée qui a poussé entre les rangs de blé ou d'autres, des groupes de l'Ouest, des Métis de l'Ouest, disent qu'il n'y a de Métis que les descendants du groupe qui se trouvait sur le bord de la rivière Rouge en 1813, rassemblés sous Cuthbert Grant. Ils excluent même Louis Riel. Eux parlent d'une nation métisse historique qui sont les descendants des personnes qui étaient à la rivière Rouge, au Manitoba, en 1813, et certains groupes dans le nord-ouest de l'Ontario.
On va avoir la réponse bientôt, la Cour suprême va se pencher sur la question au milieu du mois de mars pour donner une définition finale du Métis. À ce jour, les tribunaux... En Ontario, il y a une cour provinciale, une Cour supérieure et la Cour d'appel de l'Ontario qui ont donné une définition du Métis en Canada. À chaque fois, ils sont arrivés... Les cinq juges et les trois tribunaux sont arrivés à la même conclusion, un Métis, c'est une personne qui est issue de l'union d'un indigène et d'un non-indigène. C'est une définition non discriminatoire.
M. Kelley: Mais, quand on dit indigène, un Indien dans le sens de la Loi sur les Indiens? Est-ce que je peux aller si loin que ça? J'essaie de... C'est parce que vous arrivez...
M. Montour (Pierre): On a un problème de définition.
M. Kelley: ...de dire qu'il n'y a pas de définition. Et, par contre, vous êtes capable de préciser 200 000 personnes, que je trouve difficile à suivre. Si la définition est imprécise, c'est curieux de voir un chiffre précis, si vous me suivez. Et je comprends, on est entre... Je pense qu'il y a une expression en anglais, «country born», qui est un autre groupe qui est issu des... par les unions, si vous voulez, entre les fourreurs... les Anglais qui étaient de la Hudson Bay Company, tout le reste. Alors, ça, c'est une autre histoire, mais j'essaie, avec une certaine précision, de mieux comprendre le chiffre de 200 000 personnes, d'où ça vient et c'est quoi... Si ce n'est pas une définition précise retenue par la cour, au moins quelque chose qui peut nous guider un petit peu pour mieux cerner votre réalité.
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Merci, monsieur.
Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi, c'est parce que je...
M. Montour (Pierre): Je n'ose jamais interrompre en plus.
Le Président (M. Gautrin): Allez-y, allez-y, allez-y.
M. Montour (Pierre): Des historiens démographes ont compté 16 mariages au XVIIe siècle entre indigènes et non-indigènes dans la vallée du Saint-Laurent. Ils en ont compté au total 125 entre indigènes et non-indigènes dans l'est du pays avant 1763. À partir de ces 125 unions là, on calcule qu'il y a environ 200 000 descendants.
Le Président (M. Gautrin): Je vais poser une question. Moi, j'ai une question à vous poser, parce que je voudrais cerner la réalité. Je vais vous donner sur un exemple très concret qui est: la mère de ma dernière fille a une grand-mère qui est Abénaquise. Est-ce que ma fille est Métisse dans votre sens à vous?
M. Montour (Pierre): Exactement, monsieur.
Le Président (M. Gautrin): Bon. Merci, je comprends ce que vous... Est-ce que...
M. Montour (Pierre): Il faut... Si vous...
M. Kelley: Oui.
M. Montour (Pierre): Il faut comprendre que... Qu'est-ce qu'un Indien...
Le Président (M. Gautrin): C'est parce que j'ai eu plusieurs femmes.
M. Montour (Pierre): Les Indiens, aujourd'hui, c'est suivant la loi... La définition qu'on a, c'est suivant la Loi sur les Indiens. Un homme indien qui se mariait avec une femme non indienne, ses enfants étaient toujours Indiens et même sa femme non indienne devenait Indienne. C'est la loi qui a créé cette distinction-là. C'est l'Acte des sauvages, qui est devenu la Loi sur les Indiens, qui a créé cette distinction-là. C'est complètement aberrant. La femme indienne qui s'unissait avec un non-Indien perdait ses droits, et ses enfants perdaient leurs droits. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, mais seulement pour une génération. L'enfant devient un statut 6(2), et son statut légal ne peut être cédé au petit-enfant. Un homme indien du XVIIe siècle peut avoir marié une Blanche, son fils peut avoir marié une Blanche, et ainsi de suite, durant 15 générations, l'enfant est encore Indien. L'inverse n'est pas vrai. C'est là que la discrimination se fait.
M. Kelley: Je comprends. Et c'est pourquoi je pose les questions sur la définition, parce que, dans le même ordre d'idées, mon neveu est autochtone, alors je comprends fort bien ces définitions et comment on est arrivé... Mais, pour mieux cerner, je ne sais pas le chiffre précis, mais j'ai vu les estimations sur le nombre de personnes au Québec qui ont du sang indien, si je peux dire ça comme ça, et c'est beaucoup plus que 200 000, de mémoire. C'est, en estimé, un montant beaucoup plus élevé que... Est-ce que c'est 10 % de la population ou... Je ne sais pas. Alors, j'essaie de voir... Vous arrivez ici, cet après-midi, de dire: Nous reconnaître, mais je suis toujours un petit peu soit sur reconnaître qui exactement... Comment est-ce que je peux, en premier lieu, juste commencer d'établir une catégorie ou une liste des personnes métissées du Québec? Comment est-ce que je peux... Si, demain matin, on dit: On va vous reconnaître, on va faire quoi pour déterminer cette liste des personnes?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
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(16 h 30)
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M. Montour (Pierre): Bien, on commence par les actes de mariage, de naissance, de décès, tous les indigènes unis à des non-indigènes et on dresse les arbres généalogiques. Nous, on a fait des projections puis on arrive, grosso modo, à 200 000. Mais, de façon plus générale, si vous voulez, j'arrive entre 20 000 et 440 000. Est-ce 20 000, 440 000? Je ne suis pas devin, je n'ai pas de boule de cristal. Tant que je n'ai pas... Je ne peux pas vous répondre de façon objective, monsieur, je peux juste, seulement vous répondre, grosso modo, de façon subjective. On est dans ce groupe-là. 10 %, c'est presque impossible.
Il y avait 70 000 personnes qui sont restées après la conquête anglaise sur les troupes françaises. De ce groupe, 10 % étaient indigènes. Mais il y a un groupe qui a quitté pour l'Ouest quand les Anglais sont rentrés au pays. Et quand les Iroquois sont rentrés au pays, ils ont promis de se venger et il y a un groupe métis qui est parti vivre à Saint-Louis, Missouri. Combien étaient-ils, monsieur? Donnez-nous les moyens, on va retracer ce peuple-là. On va vous le montrer mais on a besoin de moyens nécessaires. Présentement, on fait du mieux qu'on peut, mais on ne peut pas arriver avec une réponse parfaite à ce niveau-là.
Le Président (M. Gautrin): Monsieur... M. le député de Jacques-Cartier.
M. Montour (Pierre): Je ne vous ai pas répondu.
M. Kelley: Non, ce n'est pas... Moi, c'est plutôt la méthodologie qui m'intéresse plutôt que le résultat final. Je comprends fort bien que vous n'avez pas les moyens, mais, moi, je dois... Alors, est-ce que c'est par acte de mariage que c'est essentiel? Alors, tous les enfants nés hors mariage ? il y en a plusieurs dans nos histoires de toutes nos nations, de tous nos pays ? ils ne comptent pas? J'essaie... juste une certaine précision: qui on veut reconnaître.
Et, en deuxième lieu, on a parlé dans votre présentation de vos droits ancestraux et territoriaux, mais ça, c'est les droits issus de... Parce que, quand on regarde avec les premières nations, on parle des traités, on parle de reprendre les signatures des chefs, des leaders, de certaines nations autochtones et essayer de les retracer aujourd'hui pour définir c'est quoi, les droits ancestraux, les droits territoriaux qui en découlent. Pour ces personnes métissées, on va à partir de quels documents pour établir le droit ancestral des personnes métissées?
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): J'imagine qu'on a besoin d'une preuve prépondérante. Les actes authentiques de mariage, de naissance et de décès sont des actes authentiques reconnus par la cour. On va pouvoir faire une preuve prépondérante de l'origine de ces gens-là. Il y a une autre façon aussi: on teste l'ensemble de la population puis on fait un test d'ADN à tout le monde.
Le Président (M. Gautrin): C'est une solution radicale, mais absolument efficace.
M. Montour (Pierre): Libre à vous de refuser.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Tout le temps dans la même ligne, on n'a pas le monopole des autochtones en Amérique du Nord. Il y a des autochtones aussi qui ont vécu du côté américain. Au niveau de la définition que vous voulez en faire de qui est un Métis, est-ce que les ancêtres autochtones américains... Je pense à mes enfants; ça a l'air que la grand-mère de ma blonde serait une autochtone américaine. Est-ce que ça veut dire que mes enfants deviendraient, eux aussi ? pareils comme, M. le Président ? est-ce que mes enfants vont devenir Métis par ce moyen-là? Puis, je me dis: Moi, la culture autochtone ne fait pas partie de ma vie, la langue ne fait pas partie de ma vie, les origines de ma famille, de la façon qu'on vit aujourd'hui n'ont aucun lien avec la notion autochtone et là... C'est un petit peu pareil comme au cinéma, dans les films, quand on dit que vous venez d'hériter d'un lointain oncle, vous venez d'hériter d'une fortune, puis vous ne l'avez jamais connu, vous ne l'avez jamais rencontré. Tout d'un coup imaginer que, moi, mes enfants seraient Métis, parce qu'une arrière-grand-mère serait autochtone américaine, je ne vois pas en quoi que ça viendrait changer leur statut juridique puis qu'ils deviendraient tout à coup légataires d'une tradition autochtone qui, au fond, ne fait pas du tout partie de leur vie aujourd'hui
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): Je ne suis pas sûr si j'ai compris la question mais, premièrement, les autochtones en Amérique du Nord, ça n'existe pas. Un autochtone est une personne qui est issue du sol où elle est trouvée. La race humaine vient d'Afrique. Alors, les personnes qui sont autochtones, c'est les personnes qui sont en Afrique, ce sont les Africains en Afrique. C'est pour cela que j'utilise le terme «indigène». Le problème de votre grand-mère, monsieur... le territoire légué par votre ancêtre indigène à votre fille, petite-fille, c'est le territoire qu'elle occupait à cette époque-là. Quel territoire votre grand-mère occupait-elle? Elle a cédé ses droits; ça, c'est certain.
Une autre chose, vous dites que vous n'avez aucun lien avec la culture indigène. Votre langue est enrichie de la langue métisse. Votre musique est enrichie de la musique métisse. Votre culture est enrichie de la culture métisse. Monsieur, vous ne seriez pas l'ombre de vous-même si les Métis n'avaient pas existé.
M. Corriveau: Mais à cet effet-là...
M. Montour (Pierre): Le Québec n'aurait pas survécu, s'il n'y avait pas eu des indigènes ici. Les Français n'en auraient pas pris pied et la langue n'aurait pas évolué.
M. Corriveau: Mais, M. Montour, mais tous les Québécois... À ce chapitre-là, tous les Québécois sont un peu Métis.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Tous les Québécois ont quelque part un ancêtre qui va dire, par son arbre généalogique, qu'il avait un lien avec ce sang-là, à un millième de pourcentage près. Quand on parle de 12, 15 générations, on a tous un petit quelque chose là-dedans. Un moment donné, c'est parce qu'il faut tracer une ligne. Je reviens un peu à ce que le député de Jacques-Cartier disait tantôt. Où est-ce qu'on la fixe, cette ligne-là? Est-ce qu'on la fixe en fonction de la Loi sur les indiens ou est-ce qu'on la fixe en fonction de la généalogie, comme vous nous le dites? C'est que ça m'apparaît être quelque chose qui sera interminable. On n'arrivera jamais à fixer une ligne, qui est Métis, qui ne l'est pas.
Le Président (M. Gautrin): M. Montour.
M. Montour (Pierre): La Loi sur les indiens, si vous voulez vous y fier, moi, une loi raciste, je ne travaille pas avec ça. Ça fait que la Loi sur les indiens, aux vidanges, je ne travaille absolument pas avec ça. Un Métis, on l'est dans le sang, monsieur. Ça a été transmis de génération en génération. Alors, comment tracer la ligne? Il y a différentes façons. Il va falloir faire le tour de l'ensemble de la population, les informer parce qu'ils ont été désinformés, leur donner plus d'information possible puis cesser de leur mentir puis leur dire: Voici les faits, voici la situation. À ce moment-là, les gens vont faire des recherches. Ils vont faire une preuve prépondérante devant les tribunaux où on va les aider à faire cette preuve.
Le Président (M. Gautrin): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Écoutez, M. Montour, vous nous avez ouvert énormément de perspectives. Je voudrais vous remercier au nom de la commission. Sachez qu'on va essayer d'en tenir compte au moins dans notre rapport. Et je vous remercie, et j'imagine que ce n'est pas la dernière fois qu'on aura la chance de vous rencontrer, puisque ce dossier est un dossier important qui va de l'avant. Alors, je vous remercie.
Est-ce que vous voulez suspendre encore, le temps qu'on aille dire au revoir à M. Montour? Et je demanderais au maire de L'île-d'Anticosti... Est-ce qu'il est dans la salle? M. Malouin n'est pas là? N'est pas encore là. Non, non, mais écoutez...
Alors, je suspends la commission jusqu'à... 10 minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise à 16 h 55)
Le Président (M. Gautrin): Alors, la commission est prête à reprendre ses travaux. M. le député de Jacques-Cartier, M. le député de Saguenay. Nous avons le plaisir, à l'heure actuelle, de recevoir le maire de l'île-d'Anticosti, M. Denis Malouin. M. Malouin, je vais vous expliquer comment ça fonctionne: il y a une heure qui va être consacrée à votre témoignage, partagée de 20 minutes pour la présentation, par vous, de votre mémoire, 20 minutes pour les questions des parlementaires représentant la formation ministérielle, et 20 minutes pour les parlementaires qui représentent l'opposition. Alors, M. Malouin, vous avez la parole pour ces 20 minutes, elles sont à vous.
Municipalité de L'Île-d'Anticosti
M. Malouin (Denis): D'abord, je m'excuse pour mon retard.
Le Président (M. Gautrin): C'est nous qui... M. Malouin, je me permets de vous dire: vous n'êtes pas en retard. C'est nous qui avions été d'une efficacité rare à l'Assemblée nationale et nous avions devancé notre temps. Alors, vous êtes encore cinq minutes en avance du temps qui vous était prévu.
M. Malouin (Denis): Merci. Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier de me donner l'opportunité de venir réitérer la position de la municipalité de L'Île-d'Anticosti concernant l'inclusion d'une grande partie du territoire de l'île dans l'Entente de principe d'ordre général intervenue entre le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et certaines nations innues.
Nous avons résumé nos vues dans le petit mémoire que vous avez déjà en votre possession. J'aimerais simplement ajouter que nous avons été surpris de constater que la majeure partie du territoire anticostien faisait partie de l'Entente, alors que, au cours des négociations qui ont conduit à cette entente, nous étions informés que L'île-d'Anticosti ne faisait pas l'objet de revendications de la part des nations innues assises à la table des négociations.
L'autre élément sur lequel j'aimerais porter votre attention, c'est le libellé même de l'article 4.1.2 de l'Entente. Que L'Île-d'Anticosti fasse partie de Nitassinan au fins du partage des redevances, c'est une chose pour laquelle nous nous opposons, compte tenu que l'histoire ne révèle aucune présence significative des autochtones sur l'île.
Mais pire encore, l'article 4.1.2 mentionne que l'île fait également partie de Nitassinan, à d'autres fins qui restent à définir d'ici la conclusion du traité. Encore là, un tel libellé correspond pratiquement à signer un chèque en blanc.
Vous n'êtes pas sans savoir que l'économie de l'île repose essentiellement sur l'exploitation de la ressource faune par l'entremise de pourvoyeurs à droits exclusifs de chasse et de pêche. Depuis quelques années, se pratiquent également des aménagements forestiers par des coupes de bois en vue d'améliorer la qualité de l'habitat du cerf. En somme, la presque totalité des activités économiques gravitent autour de l'exploitation du chevreuil. Donc, toute intrusion dans cet écosystème déjà fragile mettrait sûrement en péril l'économie actuelle de L'île-d'Anticosti. Nous sommes d'avis que le Nord québécois offre suffisamment d'espaces inhabités où les autochtones sont déjà habitués à y pratiquer leurs activités traditionnelles sans compter, au surplus, sur L'île-d'Anticosti.
En conclusion, vous remarquerez que les mémoires présentés par la MRC de Minganie, le CRD Côte-Nord et le Bloc québécois abondent dans le sens d'exclure L'île-d'Anticosti de l'Entente. Le rapport de M. Guy Chevrette recommande également que soient reconsidérées les propositions d'ouverture ou de négociation afin d'inclure une partie de L'île-d'Anticosti dans le Nitassinan. Nous comptons finalement que les membres de la commission corroborent notre position et demandent d'exclure L'île-d'Anticosti de Nitassinan, de Nutashkuan. Je vous remercie.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Malouin. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange. Je demanderais, pour commencer cette échange, au ministre d'État aux Affaires autochtones de commencer l'échange et, ensuite, on passera la parole au député de Duplessis.
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(17 heures)
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M. Trudel: Merci, M. le Président. M. le maire, M. Malouin, bienvenue à cette commission. Merci d'avoir fait ce grand déplacement pour nous présenter la position de la municipalité, de vos compatriotes de l'île d'Anticosti. Votre point de vue, effectivement vous l'avez dit, a été connu. Cependant, il est important de venir le dire aussi devant les institutions de l'Assemblée nationale pour que ce soit, dans un premier temps, pris en considération. Lorsqu'on vient témoigner devant une institution de l'Assemblée nationale du Québec, c'est parce que les propos, les positions sont officiellement présentés et doivent faire l'objet de prise en considération pour des gestes futurs, d'abord dans la préparation du rapport de la commission à l'Assemblée nationale et de ses recommandations, si tel est le cas, si telle est sa volonté; et, deuxièmement, eh bien, que cela puisse constituer des éléments de référence pour les actions futures au niveau du gouvernement pour la poursuite des négociations.
M. le maire, ça ne semble pas clair, on va tenter de l'éclaircir en tout cas, ça ne semble pas clair que l'île d'Anticosti ne fait pas l'objet d'une conclusion claire, déterminée, terminée, comme faisant partie du territoire où pourraient s'appliquer certaines dimensions quant aux redevances et surtout la pratique des activités ancestrales. Je comprends que certaines présentations graphiques peuvent nous amener, dans un premier coup d'oeil, à penser cela, mais il n'y a pas, dans le projet d'entente de principe qui nous a été présenté, de conclusion définitive.
Est-ce que vous, vous croyez que la négociation et la prise en considération des arguments que vous nous apportez doivent toujours être la voie à privilégier pour en arriver à une entente en traité avec la nation innue et, particulièrement, la communauté de Natashquan, la communauté innue de Natashquan de cette nation?
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): Oui. Monsieur, nous sommes d'accord sur l'ensemble de l'entente de principe, c'est-à-dire de la façon où l'entente de principe veut se négocier. Ce qu'on ne trouve pas correct dans ça, c'est qu'à Anticosti, ce n'est pas clair c'est quoi. On ne revendique pas des territoires, je suis d'accord avec ça, on revendique des redevances. Bon. Les redevances, c'est une chose, mais on laisse une porte d'entrée ou une porte à d'autres fins. Mais d'autres fins, c'est quoi? Ça peut être qu'ils puissent avoir un petit territoire et puis pratiquer leurs droits qu'ils ont, leurs droits ancestraux, mais ça va finir où? Ça commence quand puis ça va finir où?
Et puis, il faut penser aussi, si on regarde la façon que l'île a été divisée dans l'entente, vous avez à peu près la moitié de l'île qui passe dans Nitassinan, le côté sud-est. Mais la partie sud-ouest, elle, personne ne la revendique encore présentement. Mais, si aujourd'hui ou comme demain l'île d'Anticosti fait partie du traité pour cette nation-là, il nous reste encore, monsieur, il nous reste encore la nation de Longue-Pointe-de-Mingan. Longue-Pointe-de-Mingan a des grosses visions chez nous. Ça fait que là, ils vont prendre l'autre partie, la partie sud-ouest, et là ça ne finirait plus, il n'y en aurait plus d'île, là. Ce ne serait plus l'île d'Anticosti, ça va être une île qui appartient aux autochtones. Puis je ne pense pas qu'un joyau comme l'île d'Anticosti devrait être partagé par qui que ce soit.
M. Trudel: Dans votre façon de voir les choses, c'est important que vous nous donniez votre perception, vous n'y êtes pas... Le député de Saguenay a dit quelquefois: Bon, bien il faut parler de ce dans quoi on est impliqué là, ce qu'on connaît, et je ne souhaite pas une réponse de spécialiste connaissant sur le bout des doigts le droit autochtone. Mais, avec ce que vous venez de dire, vous avez l'impression que, lorsqu'il y aurait reconnaissance de la pratique de certains droits ancestraux sur une partie du territoire de l'île, vous avez l'impression de céder le territoire de l'île à la nation innue.
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): C'est exact, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Oui. On a un problème, on a un gros problème. On a un gros problème que... Écoutez, il va falloir qu'on le solutionne. Vous avez raison, il faut qu'on le solutionne. D'abord, ce n'est pas cela qui nous est présenté. Mais, si on dit que ce n'est pas cela qui nous est présenté et que la croyance et la connaissance qu'en ont les compatriotes de l'île d'Anticosti puis leurs représentants démocratiquement élus... oui, oui, c'est vrai, on a un problème qu'il nous faut dissiper. Parce que vous avez l'impression que, s'il y avait une quelconque entente au niveau de redevances, là, de redevances pour l'ensemble du Nitassinan considéré actuellement ? considéré! ? cela représente une somme totale de quelque 6 millions de dollars; donc, on n'est pas en termes de centaines de millions. Mais vous dites: Non, ça ne devrait pas être considéré. Est-ce que vous êtes au moins en accord avec la recommandation de notre mandataire Guy Chevrette qui a dit: Reconsidérez la question ? reconsidérez la question ? incluant votre perception et ce que vous venez de nous dire aujourd'hui, est-ce que vous êtes d'accord avec cet angle de travail de reconsidérer ? «reconsidérer» signifiant bien sûr «considérer avec les parties à la négociation? Et vous êtes d'accord avec la négociation, vous l'avez dit tantôt.
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): M. le Président, je crois que dans ça, nous autres, on a bien compris M. Chevrette lors de sa venue à Anticosti; il nous a expliqué les pour, les contre, tout ça. Et nous autres, on a dit à M. Chevrette: Écoutez, dans l'histoire des redevances de Nitassinan, on est d'accord. Où est-ce qu'on n'est pas d'accord, c'est l'infime partie que ça peut rapporter de redevances, Anticosti: On se bat pour environ 25 000 $! Écoutez, 25 000 $, je ne pense pas que le peuple autochtone, ce n'est pas ça qu'ils attendent pour vivre. Puis nous, bien ce 25 000 $ là, on ne demande pas au gouvernement du Québec de nous le redonner. Je pense que, nous autres, on aurait droit à ça comme municipalité parce que l'île d'Anticosti est municipalisée à la grandeur. On ne le demande pas, on n'achale pas personne avec ça. La seule chose qu'on veut, on veut dire: Bien, écoutez, si vous enlevez... d'abord, vous demandez juste la partie des redevances, vous ne demandez pas une partie de territoire pour exercer vos droits. Enlevez donc ça dans l'entente de principe, ça ne vous fera pas mal, 25 000 $! C'est tout ce qu'on a dit à M. Chevrette, puis je pense que M. Chevrette a compris ça aussi. Mais le restant de l'entente de...
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Bien, écoutez, il va falloir que l'on progresse, bien sûr, dans cette direction, parce qu'on serait en train de se créer un immense problème pour 25 000 $. Mais, à l'inverse, du moins en termes de réflexion, posons-nous la question: Si ce n'était qu'une question de 25 000 $, quelle est la si grande menace qui pèse sur l'île d'Anticosti et cette partie du territoire québécois? Parce que là, si c'est juste 25 000 $, votre raisonnement arrêtait là, il se soutient. Si c'est juste 25 000 $, quel est le dommage que cela peut nous faire de l'envisager sous cet angle-là en disant: Bon, ça, ce n'est que... ce ne serait ? on met tout ça au conditionnel ? que la partie redevances? On dirait qu'il y a d'autres choses en arrière. Y a-tu d'autres choses en arrière, quoi?
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
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(17 h 10)
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M. Malouin (Denis): C'est exact, M. le Président. Les redevances de 25 000 $, ce n'est pas ça. Vous avez raison, ce n'est pas ça qui nous chicote. Si on se reporte à l'article 4.1.2, qui décrit bien les autres fins, on a peur des «autres fins», en d'autres mots. C'est ces «autres fins» là. Ça comporte quoi? Ce n'est pas clair. Si on continue toujours dans cette lignée là d'autres fins, bien là il peut y avoir beaucoup de choses qui s'ajoutent à ça, d'autres fins puis ça ne finira plus. C'est ce bout-là, là. Dans l'article 4.1.2, il ne devrait pas y avoir ce bout de phrase-là. Puis expliquer, juste dire: Bien, écoutez, on revendique à l'île d'Anticosti les redevances, mais pas à d'autres fins. On pourrait rajouter «pas à d'autres fins».
M. Trudel: Une précision extrêmement importante, parce que, si ça nous demande, si ça nous exige d'autres précisions, c'est pour cette partie du principe inscrit, comme vous venez de le dire à 4.1.2: «L'île d'Anticosti fait partie du Nitassinan aux fins de partage des redevances ? alors, je ne cherche pas à dire le mot, on s'entend, mais on constate tous les deux que c'est infime, ce n'est pas une somme significative ? et aux autres fins qui seront prévues d'ici la conclusion du traité pour la première nation de Natashquan.»
Est-ce que c'est cela dont vous nous prévenez quand vous nous dites: Bien, là, nous autres, ça nous apparaît comme un chèque en blanc, ça. Comme un chèque en blanc. Est-ce que vous êtes conscient que ça, par ailleurs, ça ne pourrait être introduit dans un éventuel traité sans qu'il y ait davantage de définitions nécessairement sur les «autres fins»?
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): Oui, mais ça revient quand même à dire dans le mot ou dans la phrase «d'autres fins», c'est qu'il va y avoir des choses puis, nous, on prétend à l'île d'Anticosti qu'il n'y a aucune prétention pour «d'autres fins». Il n'y a pas eu une preuve encore à l'appui qu'il y a eu des peuples innus qui ont resté à l'île d'Anticosti d'une façon significative.
Donc, pourquoi «à d'autres fins»? Ils peuvent mettre beaucoup de choses dans ça. C'est de ce bout-là que j'ai peur.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Alors, je pense qu'on peut avoir, j'imagine, la compréhension commune qu'il faudra avoir de meilleures définitions quant à ces «autres fins» à l'île d'Anticosti comme ailleurs en territoire Nitassinan. C'est pour ça qu'on cherche à définir des règles d'ailleurs et la portée de ces règles dans l'exercice des droits. Nous reconnaissons qu'il y a objet de négociation, mais tenir compte de la situation particulière non pas de la situation particulière, mais de la situation et de l'histoire de l'île d'Anticosti dans la poursuite des négociations, et surtout d'un chapitre qui, au niveau des principes, n'est pas encore conclu, c'est-à-dire la partie de l'île d'Anticosti qui est encore en discussion. Vous nous faites un préavis en quelque sorte d'avoir davantage et d'arguments à l'appui et, d'autre part, de mieux définir les «autres fins» auxquelles pourraient correspondre des activités ancestrales en Nitassinan.
Par ailleurs, vous dites aussi: Bon, si on traite de la question des redevances pour la nation innue, ah bien, nous, ici on voudrait qu'il y ait traitement de redevances ? 25 000 $ encore ? traitement des redevance si on était à parité. Est-ce que vous avez été appelés à soit faire parvenir un mémoire ou votre pensée à la Commission nationale sur les retombées de la mise en valeur des ressources naturelles du Québec qui a été créée dans la foulée du Rendez-vous national des régions qui est coprésidée par deux recteurs d'université en région là, M. Arsenault et M. Belley, parce que c'est là aussi que l'on va traiter cette question non seulement les redevances là, mais des retombées de l'exploitation.
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): Non, monsieur. On n'a pas été invités à aller faire une étude ou présenter un mémoire à ce sujet-là. Quand j'avance un chiffre de 25 000 $, c'est un chiffre...
M. Trudel: Bien, je vous invite à le faire au moins par lettre, qu'il y ait une lettre qui soit communiquée d'ici le 31 mars et que la commission doit faire rapport au ministre des Ressources naturelles. Je vous invite modestement à le faire parce que, dans l'équilibre recherché de partenariat peut-être à réaliser, à concrétiser, il y a cette partie donc, pour la nation québécoise, pour les régions, du partage en quelque sorte, de la mise en oeuvre d'un partage pour le développement des régions concernées à partir des retombées de la mise en valeur des ressources naturelles.
M. le maire, très clairement, c'est même... est-ce qu'on continue à négocier ou si on arrête tout ça?
M. Malouin (Denis): Moi, je crois qu'on devrait continuer à négocier. Je pense que le principe de la négociation qui est déjà entrepris, je pense que c'est une bonne chose. Je pense que tout le monde vise la même chose, que le peuple autochtone en devienne autonome un jour. Les négociations, c'est sûr que ça va aboutir, de part et d'autre, à des sessions, à des accords. Moi, je suis pour ça. La seule chose que je ne suis pas pour, c'est qu'on vienne prendre mon île.
Le Président (M. Gautrin): Je comprends. M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Malouin, merci beaucoup de votre participation. Et bien sûr que, moi, pour permettre peut-être à la communauté de mes collègues de comprendre où se trouve Anticosti et également aux gens qui nous écoutent, Anticosti, c'est une petite île qu'on peut cataloguer en plein milieu du golfe Saint-Laurent. C'est une île de dimensions, à peu près 150 000 km de long par 50 000 de large ? donc, si on ramène ça en kilomètres, c'est quand même au-delà de 250 km par au-delà de 100 km de large ? et sur laquelle vit une population, sans trop me tromper, autour d'environ 220 et quelques habitants, 223, 228, où vivent également 300 000 chevreuils.
Alors, c'est aussi... le seul moyen d'accès à Anticosti à ce temps-ci de l'année, c'est par avion. Il n'y a aucun transport maritime. L'été, il y a un traversier qui fait ça une fois par semaine jusqu'en direction de la Basse-Côte. Et c'est sûr que, au niveau de l'île d'Anticosti, la grosse problématique qui est soulevée, c'est, un peu comme M. Malouin disait tout à l'heure, la présence de communautés autochtones alors que ce sont ses ancêtres et les miens qui ont développé cette île-là.
Alors, c'est bien évident que, pour l'île d'Anticosti, le gros questionnement qu'il y a, et ma question, c'est beaucoup plus pour savoir comment la communauté vivrait avec ça, est-ce que la communauté serait prête à reconnaître à Anticosti que tous les citoyens, qu'on soit autochtones, Blancs ou peu importe, aient tous les mêmes droits, comme ils ont actuellement? Est-ce que la communauté vivrait bien avec ça pour la fréquentation? Ce qui... peut-être une question fondamentale puis, si vous voulez y répondre, vous avez beau: Depuis que le gouvernement fédéral a donné des permis d'exploitation de homards, est-ce que vous pouvez nous relater un peu comment ça se vit sur le territoire depuis que les permis de homards sont opérés par une communauté autochtone? Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): M. le Président, ça se vit... ça se vit très mal. On se dit: Il faut faire confiance aux autochtones. Moi, je suis d'accord avec ça. On leur fait confiance. Ils viennent à l'île d'Anticosti. Moi, je suis un ancien pêcheur de homards. J'ai déjà fait de la pêche au homard commerciale. Il y a des lois régies par Pêches et Océans Canada et puis elles sont applicables à tout le monde. Mais ces gens-là ont des permis de pêche au homard commerciale, mais n'appliquent pas les lois. Des femelles, tu n'as pas le droit de les prendre, et ils les prennent puis ils les consomment ou ils les revendent. Aller pêcher en-dessous des roches avec un instrument quelconque, tu n'as pas le droit non plus. Tu as juste le droit de faire la pêche au homard avec des casiers à homards. Et puis, etc., de toutes sortes de choses que ces gens-là ne tiennent pas compte.
Ils ont même fait une demande, je ne peux plus me rappeler à quel niveau gouvernemental, pour avoir un bâtiment à l'île d'Anticosti qui servirait de refuge en cas de naufrage, mais que ce bâtiment-là pourrait être multifonctionnel. Encore là ils espèrent. On le voit tout de suite, ces gens-là espèrent avoir un droit de rentrer à l'île d'Anticosti puis, par après, en faire ce qu'ils veulent. C'est ça qu'on ne veut pas puis c'est ça qu'on a peur. Mais je ne vous dis pas qui sont tous de même. Mais, tout ce qu'on a vu, nous autres, présentement à l'île d'Anticosti, sur le tour de l'île d'Anticosti où les gens pêchent, bien il n'y a aucune loi pour eux autres. On dit aux gardes-chasse: Allez arrêter ces gens-là. Ils n'y vont pas les arrêter. Ils savent bien que, même s'ils les amènent en cour, le juge va dire: Retourne-moi ça. Et ils ont leurs droits ancestraux, mais c'est toujours ça leurs droits ancestraux qui priment. C'est ma peur.
n(17 h 20)n Le Président (M. Gautrin): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, M. le Président, la résolution 3 de M. Chevrette, c'est un peu ce que M. Chevrette voulait faire ressortir: Regardez les particularités d'Anticosti. Et, bon, je suis heureux que M. le maire ait pu sensibiliser la commission. Effectivement, il y a un problème de fond. Mais je suis à peu près convaincu que la commission va se servir ce que vous nous avez donné comme information pour faire le tour de toute la question.
Et, peut-être pour conclure, au niveau de la communauté, est-ce que, M. Malouin, vos relations avec les autochtones présentement, comment sont-elles? Est-ce que ça va bien ou...
M. Malouin (Denis): Je n'en ai pas, mon cher monsieur. Je n'ai aucune relation. Je les rencontre et puis je n'ai aucune relation. On ne fait pas affaire avec eux autres. Il n'y a pas d'autochtones non plus à l'île d'Anticosti. Et j'aimerais bien préciser que tout autochtone qui voudrait venir s'installer à l'île d'Anticosti, qui demanderait un permis de construction et qui vivrait selon les lois municipales qu'on a présentement... Écoutez, je ne vous dis pas qu'ils seront les bienvenus, mais c'est sûr qu'ils ne seront pas rejetés non plus. Donc, on n'est pas racistes, là, sauf qu'on...
Le Président (M. Gautrin): Le temps étant écoulé mais je pense qu'on peut rapidement donner une question à mon collègue de Roberval, si vous êtes capable d'être concis.
M. Laprise: Écoutez, vous dites dans votre mémoire, à la deuxième page, à la remarque 1 que l'histoire ne révèle aucune présence significative des autochtones sur l'île. C'est niveau historique, là. Maintenant, est-ce qu'il y en a présentement qui résident sur l'île?
M. Malouin (Denis): Non.
M. Laprise: Il n'y a pas de présence sur l'île.
M. Malouin (Denis): Aucun autochtone qui réside sur l'île.
M. Laprise: Ils viennent sur l'île chasser ou pêcher depuis combien de temps?
M. Malouin (Denis): Ça fait des années qu'ils ont pratiqué ça. Si on... Moi, j'ai un... M. Luc Jobin, qui va vous dire quelque chose. Je pense que c'est un archiviste qui était à Ottawa, il y a quelque temps. C'est une personne qui est bien renommée. Et puis, après des études, on prétend même qu'un archéologue de Terre-Neuve qui aurait trouvé voilà une dizaine d'années, des ossements appartenant à des autochtones de l'an 3000, 3500 ans; donc, ce n'est pas d'aujourd'hui. Mais ces gens-là venaient chasser et puis pêcher et retournaient. Jamais qu'il n'y a eu une présence. Ils ne se sont jamais établis là. Ils n'ont jamais fondé un village. Ils n'ont jamais eu de communauté, là, à l'île d'Anticosti. Ni là, ni présentement.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le député de Roberval.
M. Laprise: Merci.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier, au nom de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Sur le même ordre d'idées, parce que je comprends qu'il n'y a pas une communauté permanente autochtone sur Anticosti, c'est une communauté de 225 pêcheurs avant tout. C'est quoi le...
M. Malouin (Denis): Non. Il n'y a pas de pêcheurs à l'île d'Anticosti. Il y a un pêcheur commercial, résident de l'île d'Anticosti. Non, c'est tous des gens qui travaillent soit comme guides, d'autres pour l'industrie forestière, d'autres dans des bureaux. Mais, les gens n'ont pas de vocation de pêche.
M. Kelley: Alors, c'est avant tout travailler sur l'île, comme tel. Mais, dans le passé, vous avez dit dans votre mémoire: L'histoire ne relève aucune présence significative des autochtones sur l'île et, plus loin: La présence d'autochtones ne s'est pratiquement jamais fait sentir sur l'île.
Mais, au niveau saisonnier, est-ce que dans le passé, ils sont venus pour aller à la chasse ou à la pêche, des réserves qui sont de l'autre côté, de Mingan ou Natashquan? Est-ce qu'il y avait des visites, les camps d'été, les choses comme ça ou est-ce que c'était vraiment que ces genres de liens n'étaient jamais développés?
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): M. le Président, ça a été prouvé que tout le long après M. Menier, et même dans le temps de M. Menier, ces gens-là avaient des relations avec l'île d'Anticosti pour venir chasser l'ours ou... D'ailleurs, il n'y avait pas de chevreuils dans le temps, au début, là. Ils venaient chasser mais ils retournaient. Il y a eu ça une bonne période jusqu'à, je crois, quand la compagnie forestière a acheté ça. Mais, après ça, ça a été fini. Les gens... Même sur la fin de M. Menier, il avait signifié au peuple autochtone de ne plus revenir chez eux parce que c'était à lui, l'île, puis il ne voulait plus ce genre de visite. Mais présentement, ça fait des années, et jamais, jamais un autochtone est venu chasser ou pêcher à l'île d'Anticosti. Pas à ma connaissance.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Alors, pour trouver ça, il faut remonter assez loin dans l'histoire, pour une époque où il y avait un genre de va-et-vient et peut-être une présence pendant une couple de semaines de l'été pour aller à la pêche ou quelque chose comme ça. Mais ça ne date pas d'hier.
M. Malouin (Denis): Non, ça ne date pas d'hier.
M. Kelley: Avez-vous une idée pourquoi alors Anticosti était incluse dans le Nitassinan de Betsiamites? Parce que le ministre a dit que ce n'est pas clair, mais la carte qui est dans l'entente, c'est assez clair que Natashquan, le Nitassinan comprend l'île d'Anticosti. Pourquoi est-ce que c'est dedans?
M. Malouin (Denis): Bien, moi, je pense que ça a été clair. Ce n'est sûrement pas pour la partie des redevances, je pense qu'on en a parlé, mais je pense que c'est pour les «autres fins». Les «autres fins» peuvent stipuler un tapon de choses qu'on ne sait pas.
C'est ça. Ils l'ont incluse pour ça, parce que ce n'est sûrement pas pour les redevances, puis ce n'est sûrement pas continuer les deux lignes non plus, là. Ils auraient pu arrêter ça à Havre-Saint-Pierre ou à Natashquan, là. Mais ils ont vu un intérêt spécial, et on sait c'est quoi, l'intérêt spécial. Monsieur notre député nous l'a dit, M. Duguay, il y a 300 000 chevreuils puis il y a 250 habitants. Ça fait que je pense que c'est un paradis que ces gens-là ont convoité.
Le Président (M. Gautrin): 1 000 chevreuils par habitant?
M. Malouin (Denis): C'est ça. Nous autres, on reste parmi les chevreuils, là, ce n'est pas les chevreuils qui restent parmi nous autres.
Le Président (M. Gautrin): Ah. Est-ce que vous les faites voter?
M. Malouin (Denis): Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Mais, si j'ai bien compris, pour aller un petit peu plus loin dans la définition, dans l'entente de principe, on parle de Innu Aitun et c'est les activités, notamment toutes les pratiques, coutumes ou traditions dans les activités de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette aux fins de subsistance rituelle ou sociale. Alors, c'est là où on ne peut pas envisager un partage de la chasse. C'est vraiment quelque chose qui doit continuer d'être contrôlé uniquement par les agents de la faune existants et ce n'est pas quelque chose qu'on peut prévoir, un partage, un jour, d'une chasse pas commerciale, mais juste une chasse pour les fins de subsistance rituelle et sociale.
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): M. le Président, je ne crois pas que ces deux choses là peuvent cohabiter ensemble. Je ne crois pas. C'est comme vous dites.
Présentement, on a une activité économique de chasse et puis c'est contrôlé, il y a des lois, il y a des gens partout de la province de Québec, il y a même des gens de partout dans le monde qui viennent, il y en a d'Europe, ça fait que... Donc, il y a beaucoup de gens qui profitent de cette activité-là, et puis, si on incluait le droit aux autochtones de pratiquer leurs droits ancestraux, avez-vous pensé à quel chiard que ça pourrait faire? Ces gens-là pourraient arriver dans une pourvoirie et pratiquer leur sport gratuitement, et le pauvre monsieur qui a payé 4 000, ou 3 000 $ puis il voit ça à côté de lui, écoutez...
Puis, en plus, ça ne s'arrêterait pas là, là. C'est ça qu'il faut essayer de préserver puis qu'il faut définir pour dire: Écoutez, l'île d'Anticosti, elle est faite pour telle fin, vous ne pouvez pas pratiquer d'autres fins que ça là à l'Île.
Le Président (M. Gautrin): M. le député Saguenay puis, après vous... M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Quelques petites questions en rafale. Les espèces introduites par l'homme blanc, par M. Menier, en fait, y a-tu seulement le chevreuil sur l'île d'Anticosti ou si on retrouve aussi d'autres espèces qui ne sont pas, disons, les espèces autochtones au territoire d'Anticosti?
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): Oui. M. le Président, vous avez... toutes les espèces d'animaux qui existent à Anticosti ont été introduites. Le seul animal qu'il y avait à l'île d'Anticosti avant Menier, c'était de l'ours, et il n'y avait absolument rien. Donc, on y retrouve du chevreuil, on retrouve du renard, on retrouve du lièvre, on retrouve un tapon d'animaux à l'île d'Anticosti. Puis c'est tous des animaux, je pense, que le peuple autochtone convoite, là.
n
(17 h 30)
n
M. Corriveau: O.K. Ensuite, la distance...
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Merci. La distance entre le littoral de Natashquan et le littoral d'Anticosti, c'est combien? Parce qu'on ne parle pas d'une rivière, là, on parle d'une mer.
M. Malouin (Denis): Oui. Bon. M. le Président, la distance entre les deux rives, la plus proche pourrait être Longue-Pointe de Mingan, c'est environ 22 milles, en kilomètres là, en termes de kilomètres. Et puis Havre-Saint-Pierre, qui est un peu plus en descendant, vous avez environ une quarantaine de milles. Puis, plus vous descendez, plus ça s'élargit. Donc, Natashquan à Port-Menier, vous avez encore plus loin, là, de distance. Mais ces gens-là pouvaient longer... aller jusqu'à Havre-Saint-Pierre, traverser le plus proche, là, je n'étais pas là dans le temps, là, mais j'imagine, parce que le peuple autochtone n'était pas des navigateurs, si on se réfère à l'histoire, là.
M. Corriveau: Ça fait qu'à ce moment-là...
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Peut-être une dernière question. C'est que, pour traverser, à cette époque-là, ce que les autochtones avaient, c'était des canots. Il fallait être drôlement courageux, là, puis j'imagine qu'ils ne faisaient pas la traverse à toutes les semaines. Mais y a-tu des historiens qui ont regardé ça ? les ossements, par exemple, qui ont été retrouvés ? de quelle façon ces autochtones-là avaient pu se rendre sur place? Parce que ça ne gèle pas l'hiver, là, le fleuve Saint-Laurent, là, dans le golfe, là.
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): Non. Quand ils venaient, M. le Président, c'était surtout dans la période où il n'y avait pas de glace, donc à l'été, à l'automne. Et puis les historiens prétendent qu'au fur et à mesure... Ils ont peut-être commencé en canot d'écorce, mais, au fur et à mesure, ils se sont fait construire des bateaux par des blancs, et puis ils venaient à l'île d'Anticosti...
M. Corriveau: Oui, mais là, c'est parce que tantôt vous avez parlé d'un cadavre, d'ossements de 3 300 ans, là. Ça fait que je comprends qu'à partir de l'avènement où l'homme blanc est arrivé avec ses embarcations, que c'était possible de le faire, là, mais avant que l'homme blanc arrive sur le territoire, là, il y a 6, 7, 800 ans de ça, là, comment qu'ils faisaient, les autochtones? La récurrence des passages, elle était... Vous n'avez pas d'idée?
M. Malouin (Denis): Moi, je n'ai aucune idée, mais j'imagine, M. le Président, que ça devait être en canot, le seul moyen de transport qu'on peut prévoir, à peu près, dans ce temps-là. C'est tout ce que je peux vous dire sur ça.
M. Corriveau: O.K.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier, vous avez encore une question ou deux?
M. Kelley: Oui. Juste... Je veux revenir sur l'échange sur la question du homard. Si j'ai bien compris, ce n'était pas une entente mais plutôt, dans la politique d'achat des permis commerciaux homard qu'on voit à travers les Maritimes, le gouvernement fédéral a permis un ou quelques bateaux de pêcher dans les eaux de l'Île d'Anticosti. Comment ça fonctionne? Et j'essaie de voir pourquoi on ne peut pas renforcer le règlement, parce qu'il y a quand même des règlements, et c'est quoi l'empêchement à tout ça.
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): D'abord, M. le Président, je pense que la façon dont les pêches à homard ont été données aux autochtones, c'est que Pêches et Océans a un nombre établi de permis de pêche commerciale à l'île d'Anticosti, pour faire le tour de l'île d'Anticosti, et puis Pêches et Océans a donné la permission à des blancs qui voulaient se départir de leurs pêches de les vendre au autochtones. Mais normalement ? je reviens à votre question ? c'est que les autochtones devraient être assujettis aux mêmes lois que le blanc avait. Écoutez, il y a une pêche à homard, il y a des lois et il faut qu'ils les respectent. Pourquoi qu'ils ne les respectent pas? Pourquoi ils ne sont pas arrêtés? Bien, là, c'est une question juridique, j'imagine. Mais pourquoi ils ne les respectent pas? Bien, probablement, c'est une question aussi de la façon de voir les choses, traditionnelle.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Et ça touche combien de permis sur l'île?
M. Malouin (Denis): Présentement, ils ont deux permis, à l'île d'Anticosti. Et puis, écoutez, moi, je n'aurais rien contre ce qu'il y ait des autochtones qui possèdent des permis de pêche au homard à l'île d'Anticosti puis qui viennent prélever du homard à l'île d'Anticosti. Écoutez, il y en a de Gaspé, il y en a des Îles-de-la-Madeleine, il y en a de tous les bords, de tous côtés. Je n'ai rien contre ça. Sauf que ces gens-là, les autres, ils respectent les lois; les autochtones ne respectent pas les lois. Et là, ça va arrêter où? Après ça, un bon matin, ils vont être installés, ils vont avoir un pied-à-terre à l'île d'Anticosti, parce qu'ils ont le droit d'avoir un camp. S'ils demandent à la municipalité pour avoir un camp de survie, bon, ils nous demandent un permis de construction; s'ils sont dans les règles, on leur donne. Mais l'autochtone qui va être là, lui, il va dire: Bien, écoutez, moi, ça fait... Il va se dire en lui-même: Ça fait trois jours que je mange du homard, je vais aller me chercher un chevreuil, il est à côté, il passe à côté de mon camp. Il le sait, qu'il ne se fera pas arrêter.
Le Président (M. Gautrin): Écoutez... Oui, M. le chasseur député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Trudel: À moins que... Pour avoir été ministre des Pêcheries puis avoir travaillé avec le ministre fédéral des Pêcheries, M. Dhaliwal, au moment du jugement Marshall, lorsque le gouvernement fédéral a aidé ? vous l'avez bien dit, de façon bien correcte ? à supporter le rachat de permis qui appartenaient à des Québécois, des membres des nations... de la nation innue, certaines communautés ont acheté ces permis avec l'aide du gouvernement fédéral, et, que je sache, le gouvernement fédéral fait respecter les quotas de prise et de poids, et il n'y a pas eu de délivrance de permis sans quota, sans limite. Les limites sont pesées... pas les limites, mais les prises sont pesées aux quais.
Vous faites appel, je pense, à d'autres pratiques, plus individuelles ? plus individuelles ? qui ne sont pas conformes aux règles établies par le droit en matière de chasse et pêche, par exemple, pour le Québec. D'où la nécessité d'établir des règles, justement. On le voit bien, vous faites une démonstration qui est particulièrement illustrative, les droits existent, les règles ne sont pas déterminées. Je ne pense pas qu'on puisse dire... non, il ne faut pas dire, je pense, là, qu'on ne respecte pas les quotas pour les permis qui ont été achetés, même avec l'assistance du gouvernement fédéral, mais de façon tout à fait légale, pour respecter les dimensions du jugement Marshall.
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin et M. le ministre, vous auriez plus de temps, mais... ça a été la générosité du président pour vous.
M. Trudel: Ah! Excusez-moi.
Le Président (M. Gautrin): M. Malouin.
M. Malouin (Denis): M. le ministre, ce que je voulais expliquer, c'est sûr... Je ne dis pas qu'ils ne respectent pas les quotas, je ne dis pas qu'ils ne respectent pas le nombre de casiers, mais ces mêmes pêcheurs ne respectent pas la façon dont ils pratiquent, c'est-à-dire d'aller en dessous des roches pour augmenter leurs prises. C'est sûr qu'ils n'ont pas un maximum, si je me rappelle très bien, il n'y a pas un maximum de livres à prendre, c'est un nombre de casiers qui est maximal, et puis ils peuvent en prendre tant qu'ils veulent, du homard. Mais, s'ils vont en dessous des roches pour augmenter leurs prises, ils ont des casiers à l'eau, puis, en plus, ils vont avec des instruments en dessous des roches en chercher... Bien, on n'a pas le droit, les blancs.
Le Président (M. Gautrin): Je comprends, mais ça, c'est un autre débat, M. Malouin. On le comprend, ici.
M. Trudel: Des règles de pratique. C'est ça.
Le Président (M. Gautrin): Alors, je voudrais vous remercier de votre témoignage, M. Malouin. Le secrétaire de la commission me disait en aparté qu'il désirerait beaucoup aller visiter l'île d'Anticosti. Alors, vous allez peut-être avoir sa visite bientôt.
Une voix: ...dépendra des recommandations de la commission.
Le Président (M. Gautrin): Alors, ça dépendra des recommandations, s'il va se faire tirer quand il va débarquer, ou pas. Mais, en tout cas, je vous remercie de votre témoignage. Vous avez éclairé la commission.
Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission à 9 h 30, le vendredi 7 mars.
(Fin de la séance à 17 h 38)