(Neuf heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Gautrin): Alors, étant donné que nous avons quorum, je vais déclarer la séance ouverte. Je me permets de rappeler le mandat de cette commission qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulianne (Frontenac) est remplacé par M. Tremblay (Lac-Saint-Jean); Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacée par M. Duguay (Duplessis); Mme Leduc (Mille-Îles) est remplacée par M. Laprise (Roberval); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); et M. Dumont (Rivière-du-Loup) est remplacé par M. Corriveau (Saguenay).
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le secrétaire. Alors, l'ordre du jour aujourd'hui est le suivant: nous allons recevoir Le Groupe Cleary et La piste amérindienne, je vois que vous avez déjà pris place; nous aurons la chance de rencontrer ensuite, à 10 h 30, le Conseil de la nation atikamekw; à 11 h 30, le Conseil de la nation huronne-wendat; à 14 heures, les Femmes autochtones du Québec; à 15 heures, la première nation malécite de Viger; à 16 heures, la Société de développement économique Ilnu de Mashteuiatsh ? je m'excuse si j'ai mal prononcé; et après, la coalition autochtone Ukauimau aimu ? excusez-moi si j'ai encore mal prononcé.
Auditions (suite)
Alors, ceci étant dit, je demanderais à M. Cleary de bien vouloir se présenter ? il s'est déjà approché de la table ? et présenter les personnes qui vous accompagnent.
M. Cleary, vous connaissez certainement les règles de témoignage devant les commissions parlementaires: une heure est accordée à votre témoignage et cette heure est partagée en 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes sur les questions provenant des parlementaires de l'opposition... des ministériels et 20 minutes pour les parlementaires provenant de l'opposition. Comme nous sommes proches d'une élection, on a tendance à mélanger ministériels et opposition. M. Cleary.
Le Groupe Cleary et La piste amérindienne
M. Cleary (Bernard): M. le Président, d'abord, merci d'avoir accepté que je puisse venir vous rencontrer au niveau de la commission. Je vais vous présenter d'abord les collaborateurs qui sont avec moi: Mme Rankin, Margot Rankin, qui travaille avec le Groupe Cleary dans le domaine de la négociation, qui est une collaboratrice assidue au dossier, et MM. François Rivard, qui est à ma gauche, et Daniel Vaillancourt, qui est à l'extrême gauche, qui sont tous ? vous allez savoir pourquoi un peu plus tard ? des collaborateurs avec nous.
Si vous me permettez, je pourrais peut-être vous faire une courte présentation de moi, dans le sens que j'ai fait une longue carrière, je pense que la barbe grise en fait foi, autant dans le monde québécois que dans le monde autochtone.
Dans le monde québécois, j'ai été journaliste. C'est pour ça que, quand vous me parlez de ça ici, j'ai assisté comme chroniqueur politique à plusieurs commissions. Ça me fait toujours plaisir quand j'y reviens. Mais j'ai été très impliqué, j'ai été au Soleil, j'ai été à la télévision, j'ai été professeur à l'Université Laval pendant 13 ans. Donc, c'est une carrière de communication.
Et après, j'ai travaillé dans le dossier autochtone plus particulièrement, d'abord en commençant par l'entente dont on va parler tantôt, qui ne s'appelait pas l'Approche commune dans le temps mais qui était avec le Conseil Atikamekw-Montagnais, la négociation. J'ai été là pendant cinq ans. Et j'ai été depuis ce temps-là consultant dans plusieurs dossiers, négociateur pour plusieurs groupes autochtones.
Donc, pour moi, l'expérience est partagée autant du niveau travail québécois que chez les autochtones. Donc, pour avoir été impliqué dans bien des débats au Québec, je pense que ça m'autorise de pouvoir venir vous rencontrer et discuter de l'ensemble du dossier autochtone, autant d'un côté comme de l'autre.
Donc, M. le Président, membres de la commission, c'est avec beaucoup de plaisir que je viens ici pour vous parler, d'abord parce que j'ai été frappé d'une façon impressionnante par l'espèce d'unité ou d'unanimité que l'on retrouve de la part autant des représentants du parti au pouvoir que des représentants de l'opposition sur la responsabilité face à l'ensemble du dossier autochtone.
Je vous avoue que je n'étais pas sûr de vivre assez vieux pour voir cette belle unanimité là. Et ça m'a, quant à moi, impressionné qu'à venir jusqu'à date, autant d'un parti comme de l'autre, ils ont pris leurs responsabilités pour en arriver à appuyer le dossier, même si évidemment chacun va y voir des corrections nécessaires ou, en tout cas, essayer d'apporter des corrections nécessaires. Mais on sent derrière les commentaires des gens qui sont à la commission, on sent une certaine unanimité intéressante. Donc, ça fait beaucoup de plaisir, pour une personne comme moi, de voir ça.
Donc, c'est avec les Andrew Delisle, de la nation mohawk, Aurélien Gill, de la nation innue, Max Gros-Louis, «Oné-Onti», de la nation wendat, Tom Rankin, aujourd'hui décédé, de la nation Abitibiwinni de Pikogan ? d'ailleurs, entre parenthèses, Margot est la fille de Tom Rankin; et nous avons le plaisir d'avoir des représentants de Pikogan, le chef de Pikogan, Édouard Kistabish, qui est ici aujourd'hui avec son principal conseiller qui est Jean-Paul Rankin ? et Robert Kanatewat, de la nation crie, que nous avons travaillé à dégager les fondements de l'Association des Indiens du Québec. Il s'agissait des premiers éléments dynamiques de ce qui allait devenir le mouvement pacifique du combat autochtone au Québec.
Pendant les cinq dernières années, le temps d'écrire un livre dont le titre est Capteur de rêves ? l'ouvrage qui est là ? un ouvrage qui a été publié le 14 novembre et qui est en vente sur La piste amérindienne, j'ai revécu les moments passionnants de ce combat de titans.
Si vous le permettez, M. le Président, je voudrais déposer le document qui a comme contenu l'ensemble du dossier autochtone, mais aussi plus particulièrement la partie des Innus, qui a été la plus grande expérience.
Document déposé
Le Président (M. Gautrin): La commission accepte le dépôt.
n
(9 h 40)
n
M. Cleary (Bernard): J'en profiterais aussi, durant que je suis en train de déposer, j'en profiterais aussi pour vous déposer le manifeste du Forum paritaire qui... En 1993, après la crise d'Oka, on s'était réunis avec des chefs de fil québécois, on s'était réunis pour aborder cette question-là et on en est arrivés à un manifeste qui, quant à nous, était extrêmement intéressant. Et j'ai envie, même si ce n'est pas long, j'ai envie de vous lire uniquement la conclusion.
«La démarche du Forum paritaire s'inscrit dans le processus d'élaboration d'un projet de société qui se veut en même temps une formule concrète de convivialité. Le Forum envisage l'avenir sans pour autant oublier le passé. Les tensions sont actuellement importantes ? il ne faut pas oublier qu'on était en 1993, là ? aux plans politique et juridique entre la population autochtone et la population québécoise, et il est devenu impérieux, en plus d'améliorer les communications sur ces deux aspects, d'établir sur d'autres plans, particulièrement social et économique.
«L'initiative du Forum ne constitue qu'une amorce de rencontres et le cercle de travail commun devra s'agrandir à d'autres acteurs de la vie sociale des milieux autochtone et québécois. Il y aura toujours des différences qui subsisteront sur le plan de la culture, de la langue, du mode de vie et de certaines priorités de développement, et nous devrons apprendre à vivre avec elles et à les respecter. Nous avons cependant dès maintenant la responsabilité commune de tout tenter pour renforcer nos convergences. Nous sommes conviés, par l'histoire et la géographie, à relever le défi de vivre ensemble et à identifier rapidement les assises de nos relations mutuelles.
«La rencontre historique qui a eu lieu en 1534 a été compromise parce que établie sur un rapport de force. Elle doit maintenant se concrétiser dans un contexte de justice, d'équité et de respect mutuel. Nos solitudes sont devenues intolérables, et les Québécois et les autochtones doivent jeter les bases d'un équilibre social sur lequel bâtir une véritable alliance. Les membres du Forum s'engagent à poursuivre leur travail dans leur organisation respective et invitent d'autres organismes et d'autres personnes qui veulent être agents positifs de changements à s'approprier de leurs réflexions.
«Pour favoriser les relations équitables, harmonieuses, enrichissantes et porteuses d'avenir entre autochtones et Québécois, les personnes suivantes proposent le présent manifeste:
«De l'Assemblée des évêques du Québec, Mgr Gérard Drainville; de l'Association des femmes autochtones du Québec, Mmes Jackie Kistabish et Michèle Rouleau; de la Centrale de l'enseignement du Québec, Mme Lorraine Pagé et MM. Daniel Lachance et Henri Laberge; du Centre justice et foi, le regretté Père Julien Harvey; de la Confédération des caisses Desjardins, MM. Michel Doray et Claude Têtu; de la Confédération des syndicats nationaux, M. Gérald Larose, coprésident; du Conseil des Atikamekw et des Montagnais, M. René Simon, ex-président, et Arthur Robertson; du Grand Conseil de la nation Waban-Aki, M. Denis Landry; du Grand Conseil des Cris du Québec, M. Diom Roméo Saganash, coprésident; de la Ligue des droits et libertés, M. Gérald Mckenzie et Sylvie Paquerot; du Groupe Cleary, Bernard Cleary.»Le Président (M. Gautrin): Si je comprends bien, M. Cleary, vous avez l'intention de faire le dépôt... de demander le dépôt à la commission?
M. Cleary (Bernard): Oui.
Document déposé
Le Président (M. Gautrin): Alors, la commission accepte le dépôt du document ? voulez-vous allez le chercher? Il est relativement court, ce document?
M. Cleary (Bernard): Oui, oui, très court.
Le Président (M. Gautrin): On pourrait demander à madame de le faire photocopier pour les membres de la commission pour le questionnement après. M. Cleary.
M. Cleary (Bernard): La raison pourquoi je l'ai déposé, d'abord parce que je trouve que ça a été quelque chose d'intéressant au niveau... parce qu'on a travaillé quand même deux ans là-dessus et on a recherché et les divergences mais aussi et surtout les convergences. D'ailleurs, ça avait été déposé à la Commission royale et ça avait été qualifié par le juge René Dussault comme un des documents les plus pertinents entre deux groupes: autochtones et canadiens ou québécois. Donc, je pense que ça cadre bien dans l'esprit de la commission.
Enfin, oui, à cette époque... Oh, il y a un autre document, excusez-moi. Vous allez voir, là, c'est que depuis quelque temps, j'ai travaillé avec Airmédic. Airmédic, vous connaissez un peu ce que c'est, là. J'ai travaillé avec Airmédic pour discuter d'un partenariat possible que l'on appelle d'ordre humanitaire. On a convenu entre nous ? et on va l'annoncer officiellement aujourd'hui ? on a convenu entre nous de profiter de l'occasion de partenariat, d'esprit de partenariat pour en arriver à démontrer qu'il existe au niveau des Québécois des partenariats différents qu'uniquement des partenariats d'affaires. Donc, on a fait un partenariat, vous allez le voir d'après le dépôt de ce communiqué de presse, on a fait un partenariat qui va nous permettre de développer pour les régions éloignées une façon beaucoup plus intéressante et beaucoup plus adaptée de faire du transport de malades. Et ce qui est intéressant dans ce partenariat-là, on ne le fera pas uniquement pour les autochtones des milieux éloignés, mais aussi pour les Québécois qui vivent à côté des réserves qui sont éloignées. Un exemple: par exemple, pour la Basse-Côte-Nord, on va faire autant de transport pour les Montagnais de La Romaine que pour les Québécois ou les Blancs de La Romaine. Donc, l'intérêt de ce partenariat-là, c'est d'ordre humanitaire pour tous. Donc, ce serait pour déposer aussi.
Document déposé
Le Président (M. Gautrin): Merci. La commission accepte le dépôt. M. Cleary.
M. Cleary (Bernard): Oui, à cette époque, ces circonstances pouvaient paraître difficiles. Pris un à un, dans le feu de l'action, les gestes posés ici et là semblent peut-être anodins.
Il s'agissait de 40 ans de luttes difficiles avec des hauts et des bas, 40 ans de victoires morales, 40 ans de répétitions au point d'être souvent perçus par les plus jeunes comme un vieux radoteux qui repasse sans cesse le même disque, sur vinyle, 78 tours, 40 ans de combats acharnés contre ceux qui avaient pour objectif d'éteindre nos droits aborigènes, 40 ans de débats lors de conférences sur des tribunes publiques comme celle-ci et d'entrevues dans les médias électroniques.
Aujourd'hui, quand je vois les Cliff Moar, Rémy Kurtness, Ghislain Picard, Roméo Saganash, Richard Kistabish, Jean-Charles Piétacho, Margot Rankin, Marcel Boivin, René Simon, Simon Awashish et bien d'autres, je pense à tous ces «pep-talk» nationalistes que je leur ai faits sur la fierté d'être Indiens et sur leur capacité de rayonner fièrement dans le monde des Blancs.
Cessez de longer les murs des corridors, leur disais-je, et marchez en plein centre. Allez vous battre sur leur terrain, là où je suis convaincu que vous excellerez. C'est ce qu'ils ont fait par la suite et que plusieurs d'entre eux font encore aujourd'hui avec beaucoup de succès. Petit à petit, avec la patience proverbiale qui caractérise les Amérindiens, nous avons amélioré notre sort d'une entente à l'autre et nous allons continuer à le faire contre vents et marées.
n(9 h 50)n Les questions telles que la pêche traditionnelle au filet et la récupération d'une partie de nos terres ancestrales, sujets alors impossibles à discuter aux tables de négociations, se sont retrouvées à l'agenda. Nous sommes passés de la tutelle sans borne à la prise en charge, puis à une certaine autonomie gouvernementale. Nous sommes rendus à des formules de partenariat politique et économique avec le gouvernement du Québec, comme l'ont conclu dernièrement les Cris, par la «Paix des Braves». Demain, nous appliquerons le droit inhérent à cette autonomie gouvernementale et, dans quelques années, je l'espère, nous aborderons la souveraineté interne, notre point de départ à l'arrivée des Blancs.
Voilà sur quoi se fondaient nos réflexions et nos plans d'action. Ce projet esquissé en groupe, il y a quelque 40 ans, je l'aurai suivi presque à la lettre sans pour cela déroger de ses grands principes d'un iota.
Il n'est donc plus possible de revenir en arrière. Nous devons avancer, toute visière levée, la tête haute. Nos ancêtres sont fiers de ce que nous faisons puisque ces réalisations faisaient partie de leurs grands rêves.
Il est pénible, pour un défenseur de la cause autochtone et un professionnel des communications tel que moi, de constater que le rouleau compresseur de l'opinion publique vient de se mettre en marche. Cette atroce impression est alimentée par les bonhommes sept heures de tout acabit des deux côtés de la clôture. Cette machine infernale peut écrabouiller, à tout jamais, toute volonté tant souhaitée et recherchée des Québécois et des Innus du Québec qui sont en négociation depuis 30 ans d'un nouveau contrat social acceptable mutuellement.
Quand on fait écho, dans un quotidien crédible comme Le Soleil, à des informations qui soulignent, et je cite, que «l'ensemble des territoires de la Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean serait sur le point de passer aux mains des Innus» ? fin de la citation ? on comprend mieux ce que veut dire le terme «désinformation». Il est, quant à moi, inconcevable que des gens sérieux puissent affirmer de telles énormités et, surtout, qu'elles soient rapportées intégralement, sans les nuances nécessaires pour bien comprendre.
Contrairement à certains leaders politiques autochtones, j'ai toujours été convaincu que nous devons lever le voile sur ces négociations. Il y a 15 ans, à la même table de négociations où j'agissais comme négociateur en chef pour les Innus et les Attikameks, j'avais prédit de tels problèmes si les gouvernements ne consultaient pas et n'informaient pas les gens du milieu. Il fallait, selon moi, que la terre soit bien préparée pour accueillir la semence d'un changement social aussi radical.
Pourtant, ces nouveaux contrats sociaux ne se négocient pas aux dépens de qui que ce soit. Ces négociations sont réalisées à partir de ce que souhaitent les premiers peuples comme projets de société, bien sûr. Ils sont acceptés par les gouvernements parce qu'ils sont conformes à leurs politiques autochtones. C'est ce que propose la Commission royale sur les peuples autochtones du Canada et c'est également ce qui est confirmé par la majorité des jugements de la plus haute instance de la justice canadienne. Je vous avoue que j'ai toujours beaucoup de difficultés à m'expliquer l'opposition du milieu au fait que les nations autochtones se développent. Il n'est pourtant pas nécessaire d'être des spécialistes du domaine économique pour savoir que 90 % des revenus des Indiens se dépensent hors des réserves, dans les municipalités blanches limitrophes. L'industrie numéro un de Sept-Îles est sans aucun doute les Innus de Uashat mak Mani-Utenam et des quatre communautés de Mamit Innuat sur la Basse-Côte-Nord. Il en est de même pour Baie-Comeau et la Haute-Côte-Nord, avec Betsiamites et Essipit, et pour Roberval et Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean, avec Mashteuiatsh.
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary, on arrive au terme de nos échanges, peut-être pourriez-vous conclure? Vos 20 minutes ? le temps passe très vite ? commencent à arriver à leur terme.
M. Cleary (Bernard): O.K. C'est vrai que ça passe vite.
Le Président (M. Gautrin): Je ne voudrais pas vous gêner non plus, voyez-vous.
M. Cleary (Bernard): Bien, regardez, quand vous avez l'intention que je laisse, là, vous me donnez deux minutes pour conclure.
Le Président (M. Gautrin): Bien, c'est ce que je voudrais vous donner maintenant, parce qu'on est arrivé déjà à 19 minutes.
M. Cleary (Bernard): O.K. Donc, écoutez, vous perdez une belle intervention, mais vous allez pouvoir revenir...
Le Président (M. Gautrin): Non, mais je vous laisse la chance, M. Cleary. Je vous signale simplement ça pour que vous ayez la chance de pouvoir conclure. Et vous comprenez bien que le temps file et, si vous voulez qu'il puisse y avoir un échange avec les parlementaires, il serait utile de pouvoir mettre un... demander d'arriver à votre conclusion.
M. Cleary (Bernard): Ce que je veux surtout souligner, c'est que les Canadiens pourraient être fiers de la sagesse de leurs gouvernements si ces derniers réalisaient le programme ambitieux mis de l'avant selon les recommandations de la Commission royale.
Je ne pourrais pas terminer cette courte intervention sans souligner avec force le magnifique travail effectué par les artisans de la «Paix des Braves», MM. Bernard Landry, premier ministre du Québec, et Ted Moses, grand chef de la nation crie. Pour moi, la conclusion de cette entente historique est aussi sinon plus importante que la reconnaissance par l'Assemblée nationale des premières nations. Elle consacre d'une manière évidente le traitement véritable d'une première nation. Elle ressort du dessous de tapis cette résolution de l'Assemblée nationale dont on avait annulé les effets.
Enfin, vous connaissez mon admiration pour le premier ministre Lévesque, mais je crois qu'avec le geste posé aujourd'hui par M. Landry, il passera à l'histoire pour un très grand premier ministre du Québec qui a traduit les paroles en actes dans la considération des premiers peuples.
Je dois vous remercier ? et je termine là-dessus ? encore une fois pour le travail effectué. Je pense que vous devez, à ce moment-ci, signer cette entente ou encore proposer au gouvernement de signer. Évidemment, je comprends qu'il y a des corrections qui méritent d'être faites. Une partie du rapport de M. Chevrette en a discuté, d'autres gens en ont parlé. Donc, je pense qu'il doit y avoir une signature de cette entente-là, et on ne peut pas attendre.
Quant aux Innus, je pense qu'ils doivent savoir, ils doivent savoir que cette chance-là unique que nous avons de pouvoir signer cette entente-là doit être prise. On ne peut pas, pour nos enfants et nos petits-enfants, ne pas avancer dans ce dossier-là. Donc, cette entente-là, de la part autant des Innus que des Québécois, est une entente que nous devons réaliser. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Je vous remercie, M. Cleary. Et pour commencer la période d'échange, je passerai la parole au député de Lac-Saint-Jean, qui est aussi l'adjoint parlementaire du ministre d'État aux Régions et ministre des Affaires autochtones. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord mentionner que les circonstances assez exceptionnelles font en sorte que le ministre est absent mais que ça ne diminue en rien le fait que nous allons percevoir vos propos.
M. Cleary, bonjour, Mme Rankin, M. Vaillancourt et M. Villeneuve. C'est un plaisir de vous accueillir à cette commission. Déjà, M. Cleary, j'ai eu la chance de vous rencontrer à Chicoutimi lorsque vous avez organisé le colloque sur Droits ancestraux et coexistence. Ça a été un exercice fort valable.
Vous l'avez mentionné, nous sommes actuellement ? et quand je dis «nous», c'est tout le monde autour de cette table ? un peu victimes d'une désinformation et nous en subissons les conséquences un peu sur nos territoires, par exemple au Lac-Saint-Jean. Vous qui êtes un professionnel ? puisque vous avez été journaliste ? un professionnel des communications, comment croyez-vous, à partir de maintenant, peut-on accroître le rapprochement entre les communautés, accroître les connaissances? Et je vous dirai que le colloque que vous avez organisé était certainement un pas dans la bonne direction, mais comment peut-on continuer à faire ce rapprochement, puisque d'ailleurs vous parlez, dans votre mémoire, de la richesse culturelle des autochtones?
Et je dois vous dire personnellement que j'ai vécu certaines expériences qui m'ont fait croire également qu'il y avait une culture extraordinaire que l'ensemble des Québécois connaissent mal. Donc, comment croyez-vous que, autant... Est-ce qu'il faut commencer au niveau des jeunes? Est-ce que c'est les médias qu'il faut davantage sensibiliser? Quels seraient les outils que vous pourriez suggérer?
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary.
M. Cleary (Bernard): Oui. D'abord, vous me soulignez quelque chose. Vous l'avez vécu avec moi, et j'ai vécu deux colloques: un à Baie-Comeau puis l'autre à Chicoutimi. Excusez si je ne dis pas «ville de Saguenay», mais le bonhomme est habitué à Chicoutimi, puis ça va prendre au moins une génération, puis je ne serai plus là après ça, O.K. Donc, on a vécu...
n(10 heures)nLe Président (M. Gautrin): Ce n'est pas le débat aujourd'hui. La fusion, on a assez débattu de la question.
M. Cleary (Bernard): On a vécu à cette période-là, et je veux le souligner avant d'embarquer dans l'autre, on a vécu à cette période-là quelque chose d'assez impressionnant et de fantastique. On a appris là, comprenez-vous, par la participation des gens qui étaient nombreux, il y avait pas loin de 200 personnes à Chicoutimi et pas loin de 200 personnes à Baie-Comeau, puis c'étaient des personnes quand même responsables, on a vécu là de l'information et de la discussion sur le sujet qui nous ont appris que l'Approche commune n'était pas reçue si négativement que ça, que, oui, il y avait des gens qui s'interrogeaient, parce que le gouvernement n'avait pas assez informé, et, oui, il y avait des gens qui se posaient des questions, mais ils ont reçu là les réponses qu'ils s'attendaient de recevoir. Donc, des gestes comme ça, ils devraient être multipliés. Et c'est d'abord par l'information, une information où il n'y a pas de place uniquement à la désinformation, mais une information factuelle qui nous permettra d'avancer.
Il y a aussi la création des partenariats. Moi, je pense que, plus les gens vont travailler ensemble, plus les gens vont se comprendre et vont partager les mêmes visions. Vous savez, malheureusement on a été un peu comme sur un wampum ? je fais la comparaison du wampum parce que c'est deux voies parallèles ? un peu comme sur un wampum, on s'en allait sur des voies parallèles. Moi, je pense que, dans le siècle présent, on doit rapprocher les voies. On ne peut plus se permettre d'y aller sur des voies parallèles. Donc, l'idée de notre partenariat avec Airmédic, c'était vraiment de démontrer qu'il peut y avoir des partenariats humanitaires intéressants et autres que toujours le financier, même si c'est une entreprise privée.
Donc, et pour le reste, c'est par la formation le plus possible et par l'implication. Mais je pense que ce qui a été dit à cette commission-là, si j'ai entendu assez de choses, démontre clairement que le gouvernement du Québec, quel qu'il soit là, le gouvernement du Québec devra informer la population et l'impliquer, comme le suggérait M. Chevrette, dans une partie des ententes sectorielles, parce que, là où ça va se passer, c'est sur le terrain, on vous l'a dit à maintes et maintes reprises, et c'est là que ça va passer ou que ça va casser, mais, quant à moi, ça va passer.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Il y a un défi qui demeure constant, parce que vous l'avez dit, lors du colloque à Chicoutimi, la perception de l'Approche commune n'est pas si mauvaise que ça. Je devrais vous dire que, comme personne qui va beaucoup sur le terrain, là où c'est difficile, c'est les gens peut-être qui ont moins la chance d'avoir l'information ou qui prennent moins le temps de s'informer, qui sont bourrés de préjugés parfois et peut-être aussi quelquefois pour cause, parce que certains non-autochtones ont parfois vécu des expériences où ils ont peine à comprendre comment il se fait que les autochtones pourraient avoir accès, par exemple, à pêcher au filet alors que les non-autochtones ne l'ont pas. Donc, cette conciliation, pour tenter d'amener davantage de compréhension dans un domaine où ce n'est vraiment pas facile, comment pensez-vous qu'on peut y arriver en fin de compte sur les territoires concernés?
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary.
M. Cleary (Bernard): Moi, je pense que c'est en s'expliquant mutuellement pour dire aux gens: Bien, voilà, les autochtones qui ont des droits... Il ne faut pas avoir peur de dire que les autochtones ont des droits. On a toujours voulu cacher l'histoire des droits autochtones. Je ne comprends pas pourquoi, mais on a toujours voulu... On n'a jamais voulu reconnaître clairement des droits. Donc, des droits de chasse, de pêche et de pratique d'activités traditionnelles, c'est existant, ça. Il faut le reconnaître. Premier élément.
Deuxièmement, il faut reconnaître que c'est des traditions différentes. Ce n'est pas parce que tu pêches avec un filet que tu vides le lac Saint-Jean, là. Il ne faudrait pas croire ça. On a fait la démonstration quand j'étais au camp ? Paul Charest pourrait témoigner ? on avait fait la démonstration, comprends-tu, que ce n'étaient pas les autochtones. Les autochtones... on a évalué avec le ministère, on avait pêché dans l'année 400 ouananiches et on avait pris les chiffres, qui étaient des pêcheurs sportifs, ils en avaient pêché 12 000. Qui vidait plus le lac Saint-Jean de ses ouananiches? Ce n'est certainement pas les 400 qui étaient pêchées, c'est les 12 000. Mais qui était le plus visé? C'étaient les Indiens à cause qu'ils pêchaient avec leurs filets. Donc, il faut se comprendre mutuellement. Encore là, il y avait un... Souvenez-vous, il y avait un ? voyons, comment tu appelles ça? ? un pourvoyeur qui était là, à notre colloque à Chicoutimi, qui, lui, était contre l'Approche commune parce qu'il avait peur que les Indiens le mettent dehors à coup de pied dans le derrière puis prennent son... Voyons donc! Voyons donc!
Donc, c'est une méconnaissance. Il faut expliquer les choses comme elles sont, ne pas avoir peur d'appeler un chat un chat. Et donc, des droits, c'est fait pour être pratiqué. Quand tu as des droits qui sont reconnus par la Cour suprême puis qui sont reconnus par les gouvernements, il est tout à fait normal que l'application de ces droits-là se réalise. Donc, il s'agit d'en parler clairement et d'arrêter de camoufler ça, d'avoir une maudite peur de dire qu'on est en train de négocier.
Moi, j'ai toujours dit aux tables de négociations que ce n'est pas dans les bunkers que je veux négocier. Je ne négocierai pas sur la place publique, mais qu'il faut informer la population de ce qu'on est en train de faire parce que les gens ont une peur normale de l'inconnu. Ils se figurent toujours que, parce que les Indiens négocient, ils sont en train de tripoter des privilèges. Bien, si tu ne réussis pas à contredire cette vision des choses là, c'est qu'on passe pour des tripoteux alors qu'en réalité, nous, on veut simplement, simplement faire reconnaître nos droits dans le... des droits qui devraient être automatiquement reconnus.
Donc, pour moi, là, je le maintiens, il va falloir que le gouvernement n'ait pas peur, O.K.? n'ait pas peur d'aller expliquer sa prise de position de façon à ce que les gens comprennent bien ce qui se fait. Regarde, juste la démarche de M. Chevrette, ce n'est quand même pas gros, ça, dans toute la période, 30 ans. O.K.? La population en a plus appris du gouvernement du Québec que durant 30 ans de temps. Pourquoi? Parce que M. Chevrette a au moins eu le coeur d'aller rencontrer le monde puis de leur parler. Bien, c'est comme ça qu'on aurait dû faire voilà 30 ans, associer la population sur la démarche. Et, aujourd'hui, ce que vous voulez, quand on veut convaincre les gens, il y a des moyens de communication. Tu sais, il n'y a personne qui s'attachait au Québec, hein, souvenez-vous de ça, avec la fameuse ceinture de sécurité. À un moment donné, le Québec a décidé de mettre le paquet, puis, aujourd'hui, tout le monde s'attache. Pourquoi? Ils ont pris la responsabilité de faire la démarche nécessaire.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Je vais y aller dans une question un peu plus... bien, peut-être délicate. Quand vous dites... En fait, la question que je me pose: Est-ce que vous pensez que «droits ancestraux» peut être compatible avec «règles environnementales»? Dans le sens que les ressources du territoire sont limitées, on peut dire, le gibier est quelque chose de limité. Au moment où les droits ancestraux se pratiquaient, il y a de cela plusieurs années, nous n'étions pas le même nombre de citoyens sur cette planète que nous sommes aujourd'hui, et je vous dirais que, dans 25 ans, nous dépasserons peut-être le 9 milliards d'humains sur cette planète. Ce qui me fait dire que, les ressources étant limitées, on doit s'établir des règles, des lois qui vont encadrer la chasse et la pêche ? c'est chose qui est faite actuellement. Est-ce que les autochtones sont d'avis qu'il faut établir un cadre justement pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de dérapage dans la chasse et la pêche et s'assurer qu'il y ait une pérennité des ressources fauniques?
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary.
n(10 h 10)nM. Cleary (Bernard): J'ai négocié et fait signer par les intervenants quatre négociations sur la chasse et la pêche. Dans toutes ces négociations-là ou toutes ces ententes-là qu'on a conclues, on reconnaissait la protection de la ressource clairement. On reconnaissait la protection de la ressource. On reconnaissait ce que le gouvernement du Québec a jadis accepté, que c'était la ressource en premier qui devait être protégée. Deuxièmement, c'étaient les autochtones qui devaient utiliser la pêche pour leurs besoins. Après ça, c'étaient les chasseurs sportifs. Après ça, c'étaient les chasseurs commerciaux. On reconnaît ça partout. Je n'ai pas lu le texte de l'Approche commune, mais je gagerais une terre en bois debout que c'est ça. Donc, on reconnaît toujours ça.
La seule chose qu'on veut, on veut être associés. Quand les gens disent que la ressource est menacée, on voudrait qu'on nous le démontre. C'est tout à fait normal. Ce n'est pas parce que, comprends-tu, tu signes quelque chose... tu as droit à avoir la foi du charbonnier, là, tu ne crois pas à n'importe quoi. Donc, c'est le seul point. Et le plus bel exemple... c'est quoi, donc? c'est Mingan. Le plus bel exemple, c'est Mingan. Mingan, quand ils ont retrouvé leur rivière, les Américains l'avaient vidée. Ils ont été obligés tout de suite de prendre une décision de ne pas pêcher. Je te dis que c'est brillant en enfant de choeur. Tu viens de retrouver ta rivière comme autochtone, puis la première décision que tu fais, tu décides de ne pas pêcher. Ça a duré cinq ans. Après ça, ils ont décidé qu'ils allaient pêcher à la canne à pêche, comme tout le monde, en contrôlant les choses. C'est-u protéger la ressource, ça, ou bien si ce n'est pas protéger la ressource? Bien, c'est un groupe autochtone là, et tous les groupes autochtones agissent à peu près... Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas chez les autochtones des braconniers, ce n'est pas ça que je dis là, ce n'est pas ça. Il y en a partout de ça, puis il y en a chez les autochtones. Donc, chez les autochtones, qu'ils soient punis comme les autres quant à moi, qu'ils soient punis comme les autres parce qu'ils scrapent tout l'ensemble du dossier. Moi, personnellement, c'est clair là-dedans, et je l'ai toujours dit à qui voulait l'entendre.
Cependant, qu'on respecte... quand on signe ces ententes-là avec des règles faites par les autochtones, ces règles-là ? les codes de pratique qu'on appelle dans notre jargon ? ces règles-là sont toujours conformes aux règles, aux lois du Québec. Donc, il n'est pas question de chasser l'orignal avec un collet ou chasser l'orignal la nuit avec un bazooka. C'est quoi, l'idée? Donc, on est aussi soucieux que les autres. La seule chose qu'on demande, que, nous autres, on en dirige ? c'est tout à fait normal ? qu'on dirige nos règles, qu'on les applique, puis qu'on punisse notre monde.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. Cleary, bien sûr, on est très heureux de vous recevoir avec toute votre équipe. Ce que vous venez de nous donner comme information, notamment en ce qui concerne l'Approche commune, nous, on le vit sur le territoire. Et vous êtes conscient que, sur un immense territoire comme le nôtre, nos ancêtres et vos ancêtres ont cohabité ensemble, ont chassé sur les mêmes rivières, ont pêché également sur les mêmes rivières, chassé et pêché, et avaient les mêmes habitudes de vie également. Donc, la forêt leur donnait leur subsistance, la mer leur donnait également... dans le fond, c'était le frigidaire, et ce qu'on avait comme moyen de survie, c'était ça, et les deux communautés ont vécu les mêmes habitudes sur le territoire.
Quand vous nous dites que vous êtes prêt à recommander au gouvernement de signer l'Approche commune comme elle est là, avec quelques amendements ? notamment avec, bien sûr, le travail qu'ont fait M. Chevrette sur le terrain et également les autres groupes qu'on a entendus depuis déjà une dizaine de jours ? ça va permettre au gouvernement d'aller de l'avant. Et, à ce stade-ci, je suis content également que vous ayez répondu au député du Saguenay?Lac-Saint-Jean, du Lac-Saint-Jean précisément, sur la question de la cohabitation sur le territoire.
Vous êtes conscient aussi que, lorsque... qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, il y a des comparaisons qui se font. On dit toujours: Bon, les autochtones ne paient pas d'impôts, ne paient pas de taxes. Et juste une petite anecdote en passant: à un moment donné, des citoyens blancs qui veulent s'acheter des cigarettes, plus souvent qu'autrement ils vont au centre d'achats, puis ils donnent de l'argent à l'autochtone, puis ils disent: Bien, achète-moi mon carton de cigarettes. Et ça se passe comme ça sur le territoire. Alors, c'est bien sûr que la situation que l'on vit, elle est quand même critique.
Qu'est-ce que vous seriez prêt à suggérer au gouvernement de mettre en application entre aujourd'hui et la signature de l'Approche commune? Parce que la situation que l'on vit, elle est quand même difficile. Je ne sais pas s'il y aurait des suggestions que vous pourriez nous faire dans le contexte actuel.
M. Cleary (Bernard): Moi, je pense... en tout cas...
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary.
M. Cleary (Bernard): Excusez, M. le Président. Moi, je pense que la meilleure façon de régler ces questions-là, c'est l'information. Tu sais, quand on dit que les Indiens ne paient pas d'impôts sur la réserve... mais, pauvre toi!... pauvre vous! il y a à peu près 90 % des autochtones sur réserve qui sont assistés sociaux. Quand même qu'ils resteraient dans le milieu de la ville de Sept-Îles, ils ne paieraient pas plus d'impôts. C'est quoi, cette folie-là de penser, comprends-tu, que les Indiens sont millionnaires? Donc, voilà une patente que le monde pense que c'est la panacée. Ce n'est pas la panacée de ne pas payer d'impôts quand tu es sur l'assistance sociale. Ils aimeraient bien mieux en payer probablement, de l'impôt, puis gagner 70 puis 80 000 de salaire comme les Québécois d'à côté. O.K.? Donc, ce n'est pas... Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas là aussi des choses exagérées, je ne vous dis pas ça, et ça, ça se discute et ça se regarde. Comme il y en a, tu sais, je veux dire... Quand on parle de M. Martin, il en sauve, de l'impôt aussi, lui. Il a trouvé un truc pour en sauver, de l'impôt. Donc, c'est bien normal que le gars qui est autochtone qui peut travailler sur sa réserve... n'en profite pas, ce serait bien complètement stupide que ce ne soit pas ça. Bon.
Donc, en réalité, il faut tout simplement que ce soit expliqué correctement aux gens, pas en essayant de camoufler ça, là. C'est là, l'histoire, c'est qu'on essaye tout le temps de ne pas parler de peur que le monde chiale. Bien, ils chialeront. Moi, j'aime autant qu'ils me chialent en pleine face puis qu'on s'engueule comme du bois pourri puis qu'après ça on aille prendre une bière tranquille à quelque part. Moi, ça, c'est mon approche. J'ai été dans des réunions avec la FQF, là, avec ces groupes-là, je les ai toutes faites, moi, de A à Z. Je ne me suis pas fait engueuler à peu près des fois, mais j'ai toujours passé à travers, j'ai toujours pris le temps de leur répondre. Et je me souviens, quand j'étais négociateur, les gens m'avaient dit, une fois, à une assemblée publique, ils avaient parlé aux négociateurs du Québec, ils ont dit: Au moins, avec M. Cleary, il vient nous rencontrer puis il nous dit ce qui se passe. Les informations qu'ils apprenaient sur la négociation à ce moment-là, c'était Cleary qui allait leur donner, avec ce que ça apportait de problèmes. Moi, ce n'est pas mon problème si les gens ne faisaient pas leur job ou si les gens avaient peur d'aller rencontrer les autres. Moi, j'allais rencontrer les gens des réserves et j'allais rencontrer les Québécois d'à côté. Ça, c'est le premier point. Et ne pas avoir peur de dire les choses telles qu'elles sont, arrêtons de jouer au fin filou puis à camoufler telle affaire. T'as-tu droit ou bien t'as-tu pas droit? Si t'as droit puis c'est légal, pourquoi tu ne peux pas le faire? Donc, si t'as le droit, c'est légal, tu le fais.
Au même titre que des Québécois d'à côté ont d'autres avantages. Il ne faudrait pas penser que des exceptions, il n'y en a pas partout ailleurs, là. On pense que les Indiens, parce qu'il y a des affaires spéciales, que c'est la fin du monde dans une poche. Mais il y en a partout de ça, les règles sont pleines d'exceptions, vous le savez comme moi, je parle à des gens qui sont au courant. Donc, arrêtons de focusser sur les exceptions des Indiens qui sont ridicules, O.K.? ridicules. L'histoire de sauver de l'impôt, là, c'est con assez raide, O.K.? et regardons les choses telles qu'elles sont. Aïe! on est les pires dans toutes les statistiques, de A à Z, puis on passe, comprends-tu, pour des richards.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Cleary. Et maintenant, au nom de l'opposition officielle, le porte-parole, le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue, M. Cleary, et de venir ici avec votre équipe pour partager votre vaste expérience dans le domaine des négociations.
J'ai vu, sur la page 3 de votre mémoire... je vais le citer: «Il est pénible, pour un défenseur de la cause autochtone et un professionnel en communication tel que moi, de constater que le rouleau compresseur de l'opinion publique vient de se mettre en branle. Cette atroce impression est alimentée par les bonhommes sept heures de tout acabit des deux côtés de la clôture.» Si je peux ajouter à ça, et vous avez dit ça plus loin, il y a également le sentiment d'exclusion. Il y a beaucoup de groupes qui sont venus ici des communautés non autochtones, de bonne foi, qui ont proposé des changements, mais le sentiment d'exclusion est très fort. Alors, de dire que c'est les bonhommes sept heures qui étaient la cause de cette opinion publique, je pense qu'il y a également un problème d'un processus bâclé où trop de personnes qui voulaient ajouter, qui voulaient faire une contribution positive aux délibérations n'avaient pas l'occasion pour le faire. Un petit peu comme j'ai dit, peut-être l'initiative de M. Chevrette comme mandataire était souhaitable, mais, quand même, il est allé réparer les pots que lui-même a cassés d'une certaine façon, parce qu'il y avait trop d'exclusions, il y avait trop de personnes qui voulaient participer.
n(10 h 20)n Vous avez dit dans vos commentaires: Il faut trouver le juste milieu entre une négociation à huis clos qui a donné le résultat qu'on connaît aujourd'hui, mais on ne peut pas négocier sur la place publique non plus parce qu'une table à 350 personnes, c'est voué à l'échec aussi. Il y a une obligation de résultat. Je pense que tout le monde veut nous amener vers un traité. Alors, avez-vous des suggestions? Qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer de la bonne participation au bon moment des associations des chasseurs et pêcheurs, des intérêts forestiers qui aimeraient avoir un mot à dire, qui ont agi, qui sont venus en commission parlementaire de bonne foi, mais qui trouvent à date un certain sentiment d'exclusion du processus?
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary.
M. Cleary (Bernard): Oui, j'ai eu l'occasion de réfléchir beaucoup à cette question-là parce que j'ai toujours senti qu'il y avait un problème majeur. Il est évident que, à la table de négociations principale, il ne peut pas y avoir d'autres intervenants, et la raison est simple, c'est que les Québécois sont défendus par deux groupes. Ils sont encore dans le Canada, donc le gouvernement du Canada les défend, puis ils sont encore au Québec, donc le gouvernement du Québec les défend. Ils sont deux déjà contre un. O.K.? Si on regarde ça, le nombre, là... Moi, j'ai passé ma vie à négocier contre deux. Ça ne m'énervait pas, là. Mais j'ai passé ma vie, O.K.? Donc, les deux défendaient les mêmes affaires.
Si les deux n'allaient pas chercher leur mandat de leurs mandants, ce n'est pas mon problème. Comme négociateur pour les Indiens, moi, je partais puis j'allais faire... Quand je négociais pour les Montagnais et les Attikameks, je faisais au moins trois à quatre tournées de toutes les communautés pour aller les rencontrer et leur expliquer ce qu'on faisait. Bien, je ne demande pas que les négociateurs québécois fassent la même chose avec les Québécois, mais qu'ils s'organisent en conséquence. Donc, à partir de ce moment-là, c'est à eux de faire l'effort là-dessus. Mais là on peut chialer de ça toute notre vie, on n'avancera pas. O.K.? C'est qu'on s'en va demain et, demain, c'est après la signature de l'entente, de l'Approche commune.
Moi, je pense que la vision que M. Chevrette ? parce que j'étais ici quand il l'a exprimée ? a exprimée ici sur le sectoriel, sur les ententes sectorielles, sur la partie sectorielle, moi, elle m'apparaît sensée. Elle m'apparaît sensée. Il faut que les gens qui vont subir, entre guillemets, mais ce n'est pas péjoratif, qui vont être obligés de changer leurs habitudes, il faut qu'ils soient impliqués un peu parce que, sans ça, tu n'arriveras pas au matin de la libération puis tu vas tout te revirer ça à l'envers; ça va être le bordel, puis ça va être la chicane sur le territoire, puis ça n'a pas de bon sens. Il faut qu'ils soient impliqués, il faut qu'ils comprennent pourquoi tel geste a été posé. Il faut qu'ils comprennent, comprenez-vous? Et ça, le seul moyen de le faire, c'est de les faire participer. Ils vont comprendre. Le monde n'est pas con, là. O.K.? Le monde n'est pas con. Ils vont comprendre puis ils vont s'apercevoir qu'en réalité c'est mieux pour tout le monde que des règles soient bien définies et clairement définies. Parce qu'il n'y a rien de pire que de ne pas savoir ce qui se passe. Tu sais, le problème entre les autochtones puis les Québécois depuis qu'on négocie, c'est que les gens se figurent qu'on est en train, comprends-tu, d'aller les mettre dehors, comprends-tu, puis qu'ils vont partir la maison sous le bras à l'extérieur du territoire revendiqué, tu sais. Mais c'est comme ça. Moi, j'en ai parlé souvent, puis j'en ai vu, quand on parlait tantôt du colloque, tu as des gens qui croyaient ça, là, dur comme fer, comprends-tu, qu'à la signature, comprends-tu, ils seraient dehors puis, là, ils deviendraient sous les règles des Indiens, puis que les Indiens vont les faire chanter, puis que les Indiens vont les mettre dehors avec leurs chalets. Tu sais, ça ne finissait plus. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas été impliqués. Donc, avec la partie que j'appelle sectorielle, c'est possible de le faire. C'est possible de le faire.
Moi, je vous avoue que jadis je n'aurais pas suggéré ça, parce que j'étais contre ces affaires-là. O.K.? Mais, de plus en plus, je m'aperçois qu'il faut essayer de convaincre les Québécois, comprends-tu, qu'on n'est pas en train de créer des choses abominables là, qu'on est en train de créer des choses qui ont du bon sens et non pas... Donc, ce n'est qu'à les faire participer. Et ça, ça vaut pour d'autres secteurs aussi: dans le domaine de l'environnement, dans le domaine de la création des parcs, dans le domaine de bien d'autres affaires. Moi, je pense que, sincèrement, il faut que les gens soient impliqués, et là ils n'auront plus peur de ce fameux inconnu là qui pense toujours qu'on va sortir quelque chose du chapeau, là.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Un autre élément qui a été soulevé, c'est le désir ou l'importance d'avoir un seul et unique traité avec la nation innue. Parce que vous avez cité la «Paix des Braves», la Convention de la Baie James qui est signée avec l'ensemble de la nation crie. Même chose pour les Inuits. Pour le moment, il n'y en a que quatre sur les neuf communautés innues qui sont impliquées directement dans l'Approche commune. À quel point est-ce que c'est important ? je pense que M. Chevrette y a fait allusion dans son rapport aussi ? d'avoir une entente globale qui va couvrir l'ensemble des neufs communautés innues?
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary.
M. Cleary (Bernard): Là, je n'engage personne, là. Je m'engage. Moi, c'est assez. O.K.? Je n'engage personne là-dessus. Moi, je pense sincèrement que tu ne peux pas ne pas avoir un gouvernement supra ou national. Je suis convaincu de ça. Je ne peux pas m'imaginer qu'on va chacun avoir notre petit gouvernement dans notre petit coin. Ce serait toujours trop ridicule. Cependant, il ne faut jamais oublier que le gouvernement fédéral, depuis une éternité, nous a poussés à être bande par bande, de façon à influencer plus facilement les bandes puis les chefs des bandes, avec comme résultat que les gens sont habitués de garder leur... Vous avez remarqué que les gens veulent que le supra soit plus faible que la communauté. Pour moi, c'est un non-sens. C'est un non-sens. Et ce n'est même pas logique dans ma logique à moi, pour la bonne et simple raison qu'un gouvernement est fort en autant qu'il y a du monde là puis que les pouvoirs sont tous là.
Donc, pour moi, c'est l'idéal. Sauf que, si on attend l'idéal... moi, je ne vivrai pas assez vieux pour voir des ententes, O.K.? Il faut donc trouver des solutions qui ne sont pas encore idéales, mais qui seront étapistes, qu'on y arrivera à un moment donné, à ce genre de chose là. Tu sais, ça fait 40 ans que je joue là-dedans, ce n'était pas comme ça au tout début, puis, voilà 10 ans, ce n'était pas comme ça. Les gens vont beaucoup plus loin qu'on n'a jamais été. Parce que je vais vous dire, voilà 10 ans ou 15 ans, être arrivé avec l'Approche commune d'aujourd'hui, ça ne passait dans aucune communauté ? je ne suis pas sûr que ça va passer partout, là ? mais ça ne passait dans aucune communauté. Aujourd'hui, ça passe de plus en plus. Il y a un chemin qui se fait. Donc, le fait de dire, là: Coûte que coûte, vous allez régler nationalement, entre guillemets, O.K.? moi, je pense que c'est d'aller vers l'échec, c'est d'aller vers l'échec, et on gaspille nos énergies puis nos efforts et ça va donner rien.
Moi, je pense que ce qu'il faut essayer de trouver, comprenez-vous, c'est de régler avec les bandes qui sont là, avec les communautés qui sont là, et, moi, je pense qu'il n'y en aura pas tant que ça au niveau des Innus, parce que ça va finir par finir. Tu sais, les Mamits, ça va venir à s'unir, etc., etc. Et il va arriver, dans quelques années d'ici, que le gouvernement national va arriver. Moi, je suis convaincu de ça. Mais il faut prendre le temps. C'est bien de valeur, les gens, ils ne peuvent pas prendre les bouchées plus grosses que ça, et c'est déjà beaucoup ce qu'on fait prendre aux gens comme bouchées avec l'Approche commune.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Oui. Juste un autre problème qui a été soulevé, notamment par les Innus de Matimekosh, mais qu'on voit également dans l'Approche commune, c'est toute la question du chevauchement des revendications territoriales. On a vu, dans le Nitassinan de Betsiamites, je pense qu'un tiers du territoire est déjà dans la Convention de la Baie James, et, si jamais il y a un projet minier, il faut se poser la question: Est-ce que c'est ce que l'évaluation environnementale prévoit dans la Convention de la Baie James qui s'applique? Est-ce que c'est la participation réelle qui, un jour, aura lieu selon les modalités qui sont dans l'Approche commune? Est-ce que, dans les autres provinces canadiennes ou... il y a d'autres situations au Québec où on a ce problème ? et je pense que nous allons le voir plus tard aujourd'hui avec la présentation du Conseil atikamekw ? où il y a effectivement ces chevauchements? Et c'est quoi, la meilleure façon de démêler tout ça?
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary.
n(10 h 30)nM. Cleary (Bernard): C'est une question... Le fameux article 2.14, il n'a pas été mis dans la Convention de la Baie James pour rien. À ce moment-là, moi, j'étais dans le dossier, et les vieux, on était allés à une commission parlementaire à Ottawa... les vieux, je n'étais pas vieux dans ce temps-là, mais on était allés, avec les aînés, à une commission parlementaire pour se plaindre des chevauchements, parce que ces chevauchements-là, ça n'avait pas de sens. Matimekosh... c'est un peu gros, là, ce qu'ils disent comme chiffres, là, mais Matimekosh, c'est évident qu'il y a une partie de chevauchement des territoires avec les Naskapi aussi, si tu englobes les Naskapi, O.K.? C'est évident qu'il y a ça. Il y en a pour les Atikamekw, il y en a pour les Montagnais puis il y en a pour les Algonquins. Il y en a partout, des chevauchements de la Baie-James. Tu sais, on a voulu un peu comme ? j'allais dire Dorval, c'est quoi l'autre aéroport, là?
Mme Rankin (Margot): Mirabel.
M. Cleary (Bernard): À Mirabel. Tu sais, ils ont voulu comme Mirabel exproprier à peu près la moitié du Québec, aller ramasser la moitié du Québec au cas où. Donc, c'est Hydro, ça, qui avait fait ces dessins-là; ce n'est pas les Indiens qui avaient fait ça. C'est Hydro qui est arrivée puis venir nous présenter ça, puis, eux autres, ils avaient besoin de tout ça. Donc, si on a besoin de tout ça, on règle ça avec les gens.
Donc, Hydro avait commis tout un impair. Mais on leur avait dit: Ça n'avait pas de sens, et, aujourd'hui, ça n'a plus de sens. Sauf que, présentement, c'est la même chose chez les Nisga'a. Ils ont le même problème chez les Nisga'a, O.K.? Sauf que, aujourd'hui, si le gouvernement fédéral mettait ses culottes, il prendrait un règlement qu'ils ont sorti du rapport Coolican, parce qu'il y avait eu une enquête sur ça par ? je ne me rappelle pas de son prénom, là ? Coolican, c'était devenu le rapport... Et, dans ça, ils disaient au gouvernement fédéral: Il faut que, avant chaque négociation conclue, les parties concernées par les chevauchements de territoire règlent leurs questions. Mais, évidemment, le gouvernement fédéral, il ne respecte jamais ses affaires, O.K.? Quand ça fait son affaire, il le fait, puis, quand ça ne fait pas son affaire... Donc, comme ils ne voulaient pas de chicane, ils ne forçaient pas les autres, et tu arrives que tout ce beau monde là est en cour aujourd'hui. Chez les Nisga'a, là, tu as une moyenne gang en cour sur les chevauchements. Pourtant, il y a un règlement qui est là et qu'ils n'appliquent pas. Donc, s'ils appliquaient ce règlement-là au moins, ils favoriseraient les discussions et tu en arriverais peut-être à régler ça.
Dans le cas de Matimekosh ? c'est vieux comme la terre, j'étais là, moi, dans le temps ? écoute, ils ont sorti du camp à ce moment-là, ils n'ont pas voulu signer l'entente de mesures provisoires à cause de ça, O.K.? Ils veulent ça, ils en voient dans leur soupe, là, le 2.14. Sauf une chose, il va falloir que les gouvernements s'assoient et imposent, soit aux Cris d'accepter certaines choses, ou fassent d'autre chose. La responsabilité, c'est le gouvernement du Québec puis le fédéral qui l'ont. C'est eux autres qui ont créé cet impair-là. C'est eux autres qui ont bousculé parce qu'il fallait que tout ça se fasse dans un an. Tu sais, nous autres, ça fait 30 ans qu'on est en négociation, puis, à la Baie-James, ils ont fait ça dans un an. Pourquoi? Parce qu'ils voulaient le barrage. Donc, à partir de ce moment-là, ce n'est pas de la faute des Indiens, ça. Matimekosh, ça fait longtemps qu'ils le demandent, ça fait longtemps qu'ils veulent l'avoir.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. le député de Saguenay, s'il vous plaît.
M. Corriveau: Bonjour, M. Cleary, ainsi que votre groupe. C'est toujours avec plaisir que je vous écoute. Je pense que vous êtes une source d'information unique en ce qui concerne les questions autochtones au Québec. Par contre, quand vient le temps de me donner la parole, ça veut dire qu'il reste moins de cinq minutes. Alors...
Le Président (M. Gautrin): J'ai partagé le temps exactement. Il vous reste 5 min 25 sec.
M. Corriveau: Ha, ha, ha! Je n'étais quand même pas loin de la vérité. Alors, il vous restera moins de cinq minutes lorsque j'aurai terminé de parler.
On a abordé la question du rapport Chevrette, tout à l'heure. Moi, c'est un document qui m'intéresse énormément. J'aimerais ça avoir votre opinion concernant les amendements que M. Chevrette propose. Quels sont, selon vous, les éléments les plus importants qui devront être présents dans le cadre du traité final?
Moi, les trucs qui m'intéressent, là, c'est tout ce qui est du respect de la propriété privée, qu'est-ce qui va se passer avec les zecs, qu'est-ce qui va se passer par exemple au niveau des redevances que les villes voisines pourraient obtenir de la part du gouvernement, et aussi, la question d'une véritable participation réelle, la représentativité des élus au sein des comités de négociation régionaux? Est-ce que, vous, vous croyez que c'est pas mal les éléments les plus importants ou si vous en voyez d'autres, des choses, qui sont vraiment importantes, qui devraient être à l'intérieur du traité final?
Le Président (M. Gautrin): M. Cleary.
M. Cleary (Bernard): J'ai eu la même information que vous avez eue au niveau du colloque. O.K.? Souvenez-vous, les trois juristes, là, au colloque où tous et chacun sont venus nous dire ? puis là, tu avais l'avocat indien là-dedans, là ? tous et chacun sont venus nous dire que la beauté de l'Approche commune ou la beauté de la reconnaissance de droits, c'est que tout va être clair dans l'entente. C'est ça que tu as entendu puis c'est ça que, moi, j'ai entendu.
Donc, moi, je m'attends à avoir ça clair dans l'entente. Donc, toutes ces questions-là qui restent à ce moment-ci sans réponse ? parce qu'il y en a un tas qui sont sans réponse ? moi, on m'a raconté à ce moment-là ? j'ai écouté, j'ai trouvé ça bien le fun ? on m'a raconté à ce moment-là que ce serait clair dans le traité, que le monde vont savoir dans quoi ils se sont embarqués. C'est ça que j'ai entendu.
Donc, je suppose qu'ils vont le faire. O.K.? Tu sais ce que je veux dire, je ne suis pas pour les passer au détecteur de mensonges. Je suppose qu'ils vont le faire. Donc, à partir de ce moment-là, 90 % des questions que vous soulevez là, en réalité, devraient être solutionnées. Si elles ne le sont pas, il va falloir qu'ils les solutionnent parce qu'il va y avoir des points d'interrogation alors qu'ils nous ont promis qu'il n'y en aurait pas. Ça, ils l'ont promis à moi et ils l'ont promis aux 200, aux 400 qui étaient là.
Donc, à partir de ce moment-là, la partie, l'autre bout de la démarche, elle va être excessivement importante et engageante. Parce que, dans le fond, pourquoi les gens au colloque ont cru à ce qui se disait là? C'est qu'ils se sentaient protégés sur l'avenir. On ne pourra pas leur mentir, là; on ne pourra pas leur mentir. Il va falloir que ce soit clair dans le traité, et, moi, je pense que c'est bon que ce soit comme ça. Tu sais? Dans ce traité-là, qui va régir nos vies pour longtemps, bien, c'est bon qu'on comprenne ce qu'il y a d'écrit là-dedans. Si on ne comprend pas, on a tous et chacun des problèmes.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay. Vous avez terminé?
M. Corriveau: Ça va être complet. Je vous remercie de votre témoignage, et j'espère que, pour faire un mauvais jeu de mots, qu'on saura «clearer» les questions le plus rapidement possible, les questions qui sont indésirables, afin de trouver des solutions à l'intérieur du traité final. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Alors, M. Cleary, au nom de la commission, il nous fait plaisir de vous remercier de votre témoignage et de remercier les personnes qui vous ont accompagné. Nous allons tenir bonne note de vos témoignages.
Et je vais demander maintenant aux représentants du Conseil de la nation atikamekw de bien vouloir s'avancer. Je comprends qu'on avait, d'après ce qu'on nous a dit, à peu près une vingtaine de personnes. Il n'y a que cinq ou sept fauteuils au maximum. Alors, vous allez être obligés de vous désigner des porte-parole.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Gautrin): Alors, chers amis de la nation atikamekw, si vous voulez bien choisir quels sont les sièges que vous voulez occuper. Bon. Ça ressemble à notre masse. Prenez le temps de vous installer tranquillement. Vous m'indiquerez quand vous seriez prêts à commencer? Il reste des sièges sur le côté de la salle, s'il y a des gens qui veulent s'installer. Vous êtes prêts?
Alors, M. Awashish, qui est le... vous êtes le grand chef de la nation atikamekw. Je vous signale que c'est un grand honneur pour nous de vous recevoir ici, en commission. Nous sommes néanmoins tenus à des règles de temps qui sont parfois un peu contraignantes. Il y a une heure qui est accordée pour votre témoignage, qui se partage en 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes pour les questionnements des parlementaires représentant les ministériels et 20 minutes pour les parlementaires représentant l'opposition.
n(10 h 40)n Alors, M. Awashish, je vous passe la parole.
Conseil de la nation atikamekw
M. Awashish (Ernest): Alors, merci. M. le Président, M. le ministre ? je vois qu'il n'y a pas de dames, j'allais dire Mmes les députées ? donc, MM. les députés également, avant de faire la présentation de notre mémoire, je voudrais signaler la présence de certains accompagnateurs qui sont présents dans la salle, en arrière. Il y a des aînés, hommes, femmes, il y a des jeunes hommes, il y a des jeunes femmes qui proviennent de nos trois communautés: de Manawan, Obedjiwan et de Wemotaci, et je suis également accompagné du chef de Manawan, M. Paul-Émile Ottawa; du chef ? je vais continuer à droite ? en fait, de notre négociateur adjoint associé, M. Jean-Paul Neashish; à ma gauche, c'est M. Paul Dionne, notre conseiller juridique; ensuite, M. Marcel Boivin, le chef de Wemotaci, ainsi qu'un aîné d'Obedjiwan, Jérôme Méquish, à l'extrême gauche.
Avant également de débuter, j'aimerais vous faire part de... vous livrer un message que nous avait laissé un de nos aînés. Il s'appelait César Newashish. Il avait bien voulu nous faire part d'un dernier message avant sa mort, puis je vais le dire en atikamekw, dans un premier temps, et je vais vous le répéter en français. Donc, ça commence comme suit:
(S'exprime dans sa langue).
En français: «Dites-leur que nous n'avons jamais cédé notre territoire, que nous ne l'avons jamais vendu, que nous ne l'avons jamais échangé, de même que nous n'avons jamais statué autrement en ce qui concerne notre territoire.» C'est la fin de la citation de César Newashish, un aîné qui est maintenant parti.
Et on a beaucoup hésité, hésité à nous présenter ici, devant cette commission, parce qu'elle est le fruit d'une décision unilatérale du gouvernement.
Des cinq questions proposées à l'examen de cette commission dans le document de réflexion préparé par le Secrétariat aux affaires autochtones, les deux premières soulèvent des doutes sur la volonté de négocier du Québec et sur la légalité du projet d'Entente de principe des Innus, et les trois autres s'inquiètent de l'accommodement des non-autochtones dans le processus de négociation et dans la pratique de leurs activités de chasse et pêche dans les territoires ancestraux.
Si nous avions été consultés sur le mandat de la commission, nous aurions fait remarquer au Secrétariat aux affaires autochtones que, abstraction faite de la problématique des non-autochtones, le processus de négociation des traités que nous vivons présentement avec le Québec et le Canada comporte des faiblesses inhérentes qu'il est nécessaire de corriger, et peut-être vous seriez-vous un peu moins occupés à accommoder les non-autochtones et un peu plus à améliorer le processus des traités, de notre point de vue.
Nous sommes profondément convaincus que le processus des traités doit et il se doit d'être amélioré pour les peuples autochtones et qu'il s'agit de la question principale qui devrait retenir l'attention de cette commission.
Le processus des traités peut être amélioré si on s'efforce de mieux respecter le principe de la négociation de bonne foi. C'est l'idée maîtresse que nous avons développée dans notre mémoire en identifiant cinq obligations qui découlent du principe de la négociation de bonne foi et qui ne sont pas toujours, malheureusement, respectées dans le processus des traités.
Nous proposons dans notre mémoire des moyens concrets pour remédier à une vingtaine d'accrocs à ces obligations. Ce matin, nous vous demandons d'oublier momentanément l'objectif d'accommodement des non-autochtones et de réfléchir avec nous sur les moyens de remédier à certains accrocs à la bonne foi qui nous inquiètent particulièrement.
D'abord, premier accroc: nous sommes préoccupés par la création, dans notre territoire pendant les négociations et sans consultation, d'aires fauniques communautaires, de pourvoiries en droits exclusifs et d'autres territoires structurés semblables.
La Cour d'appel du Québec vient de rappeler le mois dernier que le Québec ne peut étouffer les peuples autochtones en superposant sans retenue des zecs, des pourvoiries à droits exclusifs, des aires fauniques communautaires ou des réserves fauniques sur les territoires ancestraux. Il y a une limite à la quantité de territoires structurés qu'un territoire ancestral peut supporter, et le nôtre, le territoire atikamekw, en est saturé. On n'a qu'à penser aux innombrables zecs, aux innombrables territoires structurés que sont les aires communautaires, les CAAF. Tout le territoire est «caafé». Je n'ai pas de chiffres précis, mais c'est assez important pour dire que c'en est plein. Tout est affecté; le territoire est affecté par des lois et des règlements.
La Cour d'appel a aussi rappelé que le Québec ne peut créer ces territoires structurés sans d'abord consulter les peuples autochtones, et, lorsqu'on parle de consultation, il ne s'agit pas simplement d'une lettre transmise au conseil de bande, par acquit de conscience, mais d'une consultation véritable dans l'intention de tenir compte réellement des préoccupations des peuples autochtones, comme le dit l'arrêt Delgamuukw. En clair, ça signifie que, lorsqu'il projette en territoire structuré, le Québec doit non seulement tenir compte de l'avis des peuples autochtones quant à l'opportunité de le créer, quant à sa superficie ou quant à son emplacement, mais aussi s'entendre avec eux sur des mesures concrètes pour y accommoder l'exercice des droits ancestraux. C'est d'ailleurs ce que nous avons convenu à la table centrale, au chapitre de la participation aux décisions.
Nous proposons au Québec de mettre en oeuvre ce chapitre immédiatement, puisque le traité ne sera pas en vigueur avant quelques années. Le document d'orientation Partenariat, développement, actions, un document d'orientation du gouvernement du Québec, prévoit qu'un chapitre du traité puisse être mis en oeuvre sans attendre que les négociations soient complétées. De plus, les interventions des agents de conservation du Québec dans ces territoires structurés sont souvent perçues par nos membres comme des manoeuvres de harcèlement, parce que les droits des Atikamekw n'ont pas été accommodés dans ces territoires et parce que les agents ne sont pas non plus sensibilisés à la culture atikamekw.
n(10 h 50)n Nous avions proposé au Québec, à titre de mesure intérimaire il y a cinq ans, de sensibiliser les agents de conservation à la culture atikamekw. Nous avions aussi proposé d'introduire un mécanisme très simple de consultation entre les agents de conservation et la communauté atikamekw concernée avant qu'un dossier soit judiciarisé. Nous n'avons pu nous entendre à l'époque sur ces mesures intérimaires parce que le Québec insistait pour conclure une entente plus complexe avec code de pratique en annexe sur le modèle prévu à l'article 24.1 de la Loi sur la conservation et de la mise en valeur de la faune. On croit néanmoins que notre proposition était susceptible d'améliorer nos rapports avec le Québec en matière faunique et qu'elle devrait être reconsidérée.
Un deuxième accroc à l'obligation de négocier de bonne foi et qui nous préoccupe grandement concerne le développement qui se poursuit dans notre territoire pendant qu'on est en train de négocier sans que nous soyons consultés.
Pour vous donner une idée des projets de développement en marche sur notre territoire, on n'a qu'à penser aux innombrables exploitations forestières qui en atteignent maintenant les moindres recoins, même les îles du réservoir Gouin. La villégiature s'étend aussi chez nous dans toutes les directions, grâce aux chemins forestiers. Parallèlement à l'exploitation forestière et à la villégiature, le gouvernement adopte ou modifie les lois, les règlements et les décrets qui autorisent ces projets et bien d'autres. Lorsque le gouvernement du Québec a accepté de négocier un traité avec nous en 1980, il s'est engagé par décret à ce que, et je cite: «les projets de développement se fassent en consultation et, si possible, avec la participation des Atikamekw», fin de la citation. Au lieu de ça, les compagnies forestières coupent les forêts sans égard à nos droits et à nos activités. La communauté de Manawan notamment est aux prises avec un projet de coupe dévastateur dans le secteur du lac Kent, sous l'oeil complaisant du MRN qui refuse d'imposer des normes d'intervention plus sévères. Le chef Paul-Émile Ottawa, qui m'accompagne, comme je le disais tantôt, pourra répondre à vos questions à ce sujet.
Pour sa part, le gouvernement du Québec redéfinit les unités d'aménagement forestier. Il amorce la confection de nouveaux plans d'aménagement forestier et il accroît les baux de villégiature sans nous consulter. L'an dernier, nos négociateurs et ceux du Québec ont convenu à la table centrale d'un processus de participation particulier et distinct des Atikamekw aux décisions concernant le développement. Comme pour les projets de territoires structurés, ce processus pourrait être mis en oeuvre immédiatement, notamment pour l'aménagement des forêts et la villégiature, sans attendre que le traité soit complété. Le Québec pourrait ainsi respecter l'engagement qu'il a pris dans son décret en 1980. On n'est pas opposés au développement; bien au contraire, nous en avons besoin pour assurer l'avenir de nos jeunes. Nous tenons tout simplement à un développement qui respecte notre culture et nos traditions et qui, par le fait même, respecte la capacité du territoire et de ses ressources.
Un troisième accroc à l'obligation de négocier de bonne foi qui nous préoccupe également au plus haut point, c'est le traitement que les deux gouvernements ont réservé jusqu'à maintenant à nos revendications dans le territoire de la Convention de la Baie James. Il y a environ 15 % du territoire atikamekw, soit plus de 11 000 km², qui se trouvent au nord de la ligne de partage des eaux, cette frontière artificielle que les deux gouvernements ont créée en 1975 avec la Convention de la Baie James et en 1977 avec l'adoption de la loi C-9, loi fédérale de mise en oeuvre de la Convention. Dans la Convention de la Baie James, les parties ont prétendu éteindre tous les droits ancestraux dans les territoires visés par la Convention, même ceux des peuples autochtones qui étaient exclus des bénéfices de la Convention. Mais, en même temps, le Québec et le Canada s'engageaient à négocier les revendications des peuples autochtones exclus.
J'ai une citation également ici: «Le Québec s'engage, dit le premier alinéa de l'article 2.14, à négocier avec les autres Indiens et Inuits non admissibles aux indemnités et avantages de la présente Convention, toutes revendications qu'ils peuvent avoir relativement au territoire.» Fin de la citation.
Quant au Canada, le troisième alinéa de ce même article stipule: «Aucune disposition du présent article n'influe sur les obligations, s'il y en a, que le Canada peut avoir quant aux revendications de ces autochtones relativement au territoire.» Ça, c'était avant les arrêts Guérin et Delgamuukw. On sait maintenant que le Canada a bel et bien des obligations de fiduciaire quant aux revendications des autochtones non signataires dans le territoire de la Convention.
Dans la loi C-9, qu'il a adoptée en 1977 pour mettre en vigueur la Convention, le Canada a confirmé implicitement son engagement à négocier les revendications des peuples autochtones non signataires en prévoyant l'adoption de décrets pour approuver, mettre en vigueur et déclarer valide toute convention à laquelle le Canada serait partie avec tout groupe d'Indiens ou d'Inuits concernant les revendications de ces derniers dans le territoire de la Convention. En 1978, le Canada et le Québec ont mis à exécution cet engagement une première fois en signant, avec les Naskapis de Schefferville, la Convention du Nord-Est québécois, et, avec les Cris et les Inuits, la Convention complémentaire n° 1.
Dans notre cas, le Québec et le Canada agissent comme s'ils faisaient semblant de ne plus se souvenir de leurs engagements. Depuis cinq ans que nous négocions activement avec le Québec et le Canada, nous leur demandons de reconfirmer formellement leur engagement à négocier nos revendications dans le territoire de la Convention. Depuis cinq ans, le Québec et le Canada font la sourde oreille. Dans notre mémoire, nous leur demandons à nouveau de répondre immédiatement à notre demande comme signe de bonne foi. Nous attendons leur réponse.
Par ailleurs, il y a une première rencontre qui est prévue vendredi entre les trois négociateurs ? Atikamekw, Québec-Canada et les deux qui viennent d'être nommés pour une table qui serait réservée au règlement ou à la négociation des revendications atikamekw dans le territoire de la Convention. Donc, après pratiquement 25, 27 ans, on est prêts à s'asseoir.
Donc ? j'allais dire également mesdames ? donc, MM. les députés, on vous demande de ne pas vous laisser séduire par les questions du document de réflexion, par le rapport du mandataire spécial du gouvernement et par les nombreuses interventions qui vous éloignent à la fois de l'engagement du Québec à négocier de nation à nation avec les peuples autochtones et de l'objet honorable du processus des traités. On vous demande de vous ressaisir avant de conclure la semaine prochaine.
Rappelez-vous que le but des traités est de rendre justice aux peuples autochtones sur des griefs qui comptent parmi les plus sérieux dans notre société. Vos recommandations doivent viser à rétablir pleinement la bonne foi dans le processus de traités au Québec, c'est la vraie priorité. Dans toute négociation, la bonne foi se présume, mais nous avons démontré clairement dans notre mémoire et dans notre exposé ce matin que la bonne foi n'est pas toujours au rendez-vous à la table centrale de négociations des traités.
n(11 heures)n Nous avons ensemble la capacité d'imaginer un avenir meilleur pour tous. Cet avenir meilleur, il passe d'abord par l'amélioration des conditions politiques et socioéconomiques des peuples autochtones. Malheureusement, l'idée-force qui sous-tend les débats de la commission parlementaire est de rehausser tout le monde d'un cran, quitte à maintenir l'écart entre les premières nations et les autres citoyens. Ce n'est pas du tout le but poursuivi par les traités. Nous ne minimisons pas les problèmes des non-autochtones qui vivent dans les régions, mais nous déplorons que cette commission, consciemment ou non, se soit enfermée dans une logique qui dénature le processus des traités en voulant le transformer en un fourre-tout où personne ne trouve son compte. Vous voulez impliquer les régions dans le processus des traités? Eh bien, suivez notre conseil et commencez par les informer des raisons pour lesquelles les gouvernements négocient avec nous. Autrement dit, informez-les des droits ancestraux des premières nations. Informez-les aussi des conséquences d'un échec des négociations, ce dont personne ne semble se soucier, puisque tout le monde croit faussement que c'est un privilège que nous avons de négocier avec les gouvernements.
L'intervention des groupes comme la Fondation Équité Territoriale ou la ville de Saguenay fait voir qu'il y a une nécessité d'informer les citoyens pas tant sur le contenu des ententes de principe, mais sur le contenu et la portée des droits ancestraux. Mme Marie Malavoy, du Parti québécois, se demandait devant vous, il y a à peu près trois semaines, comment il se fait que les droits des autochtones reconnus par les tribunaux ne semblaient pas être reconnus par la population. La réponse en est très simple, la population est tenue dans l'ignorance des droits ancestraux.
Nous croyons que les traités sont le moyen le plus sûr pour rendre justice aux premiers occupants de ce pays. Nous le croyons même si les coups de force et le recours aux plaideurs semblent donner des résultats plus rapides et plus efficaces ailleurs au Québec et au Canada. Il n'est pas assuré que ceux qui nous suivent y croiront encore si nous ne remettons pas la bonne foi au coeur du processus des traités. Ça complète la présentation de ce matin. S'il y a des questions, on est prêts à répondre.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Awashish. Je vous remercie. On va commencer la période d'échange, et je commencerai en passant la parole au député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue et qui est ministre d'État aux Régions et ministre responsable des Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci de cette présentation, grand chef Awashish de la nation atikamekw, avec qui se sont développées des relations, vous avez mentionné, depuis 27 ans, et d'une façon plus intensive au cours des 10 dernières années, et, si on veut y ajouter un degré, au cours des deux dernières années. Je souhaite également la bienvenue à vos conseillers, surtout aux autres chefs des communautés de votre nation qui occupent le territoire québécois. Et je dirais de cette présentation à l'image de la nation atikamekw, ferme, claire, respectueuse, polie, invitante à la négociation qui doit être basée, cette négociation, sur la bonne foi des parties, et, pour tout cela, nous avons tous des démonstrations à faire.
Et, il y a une dimension dans le processus de négociation avec la nation atikamekw, vous sautez sur l'occasion de la négociation avec la nation innue pour remettre à l'avant-scène la négociation avec la nation atikamekw. Fort bien, j'en suis fort aise quant à moi, mais il y a un principe sur lequel je voudrais que l'on s'interroge un tout petit peu plus, sur cette insertion que vous avez dans votre mémoire, dans les chapitres, de bonne foi, de ne pas négocier sur la place publique. Essayons de faire le tour avec ça, parce que, ce matin, c'est le déroulement des événements qui fait cela comme ça, il y a deux bonnes grandes nouvelles dans l'actualité, et la deuxième surtout: Les Saguenéens approuvent l'Approche commune, un sondage réalisé par les étudiants et leurs professeurs de façon scientifique par le collège de Jonquière. Et disons que tout le travail qui a été réalisé depuis des mois, et en particulier ici, retrouve son écho dans le public et fait une relation avec ce que vous avez soulevé tantôt, parlant de l'interrogation de Mme Malavoy. Ce sondage, il dit que 70 % des personnes jointes par le sondage scientifique, par téléphone, ont entendu parler de l'Approche commune et qu'ils sont loin de s'opposer à l'Approche commune, ils vont même jusqu'à recommander la poursuite des négociations avec un représentant régional à la table de négociations, ce qui est acquis. Ce qui est acquis.
Ce sondage, là, il arrive au moment de nos travaux en commission parlementaire, dans les négociations avec les nations autochtones, à un moment très opportun parce qu'il dégonfle des mythes très certainement, comme mon collègue de Lac-Saint-Jean qui a courageusement travaillé avec d'autres collègues ici, à l'Assemblée nationale, et avec le Secrétariat aux affaires autochtones, et les chefs de la nation innue, et les représentants et porte-parole de cette nation... vont certainement ajouter à cette adhérence de la population à l'approche de paix, de respect et de développement, ce que vous avez noté.
Pourquoi, M. Awashish, insister sur le fait qu'on... Et quelle interprétation faut-il donner à cette expression: Nous ne devons pas négocier sur la place publique? Il s'agit quand même d'intérêts de bien commun. Que signifie cette expression? Et qu'est-ce que vous voulez qu'on se passe comme message, M. Awashish?
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Merci. En fait, on a toujours dit que négocier devant la place publique n'était pas une bonne idée, mais ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas informer. Je pense que c'est une nécessité, autant pour vous que pour nous, d'informer nos gens des enjeux de la négociation, de sa légitimité, de son origine, de sa nécessité, parce que l'intervenant précédent l'a mentionné également ? puis on est du même avis ? que c'est nécessaire maintenant de faire en sorte de clarifier les droits et obligations respectives de chaque partie. C'est ce qu'on recherche également dans notre négociation, c'est de le déterminer puis de l'identifier. Négocier sur la place publique, on ne veut pas le faire, mais on veut également informer. Puis je pense qu'il est de votre ressort également de faire en sorte que vos propres gens soient également informés de l'état des négociations, de leurs enjeux, de leurs tenants et de leurs aboutissants également.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Trudel: Je suis particulièrement heureux d'entendre cette interprétation à la place de l'information et du partage de cette information dans les populations des communautés de la nation atikamekw, par exemple, comme les communautés de la nation innue et la population, les Québécois et les Québécoises, parce que tout cela nous amène à un moment de convergence qui facilite, fait avancer plus rapidement nos traités, notre volonté de conclure des traités.
Regardez, là, autre illustration particulièrement spectaculaire que nous avons ce matin, le 26 février 2003: «Les revendications des Innus pour s'approprier des territoires ancestraux trouvent un écho positif au sein de la population du Saguenay. Encore là, la position de la majorité silencieuse qui approuve cette notion dans une proportion de 55 % va à l'encontre des arguments des opposants à l'Approche commune pour qui les gouvernements sont sur le point de céder le Québec aux Innus.»n(11 h 10)n Vous voyez que tous les efforts d'information, séminaires, communications publiques, assemblées, rencontres, échanges sur l'entente de principe et la volonté de conclure un traité de paix, et de respect, et de développement avec la nation innue... Le courage donne des résultats. D'avoir consacré tant d'efforts, ça donne des résultats pour nos nations. Et là je vais rattacher à ce que vous venez de mentionner et ce que mentionnait l'intervenant précédent, M. Cleary, qui nous a dit... Je m'en excuse auprès de M. Cleary, on était aussi avec les chefs de nations innues dans un autre lieu d'échange particulièrement intéressant. Bernard Cleary nous a dit: Quand les autochtones négocient avec les gouvernements, les gens ont l'impression que les autochtones négocient des privilèges ? et, ce n'en sont pas, c'est l'exercice des droits sur lesquels nous travaillons ? et je comprends, comme disait Bernard, que les gens ont peur de l'inconnu, d'où l'importance de l'information.
Dans votre cas, la question des chevauchements est une question cruciale, vous l'avez même située en prémisse. Vous savez que j'ai désigné M. Michel Crête, l'ex-P.D.G. de Loto-Québec, pour particulièrement travailler à cet aspect préliminaire de la négociation dans l'éventuel traité. Vous l'avez mentionné, c'est dans la loi C-9 du fédéral où ça s'est enfermé, cette notion de territoire au niveau des chevauchements. J'ai demandé à M. Crête de débuter ses travaux avec la nation atikamekw. Je ne veux pas qu'on négocie effectivement sur la place publique, grand chef, mais est-ce que vous êtes d'accord pour que nous nous assoyons non seulement rapidement, mais intensément avec ce facilitateur et que nous puissions dégager une solution, parce que j'y ai perçu, chez les représentants des autres nations concernées, une volonté d'entente également?
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Oui. En fait, on avait par ailleurs déposé auprès des deux paliers de gouvernement ? c'est le 18 mai 2001 si je me rappelle bien; ça fait presque deux ans ? une proposition qui va dans ce sens-là, et on est heureux de constater qu'on va enfin commencer à discuter de l'engagement du gouvernement du Québec de l'époque à négocier les droits qui ont été prétendument éteints par la Convention. En passant, pour nous, vous n'avez pas éteint nos droits. On ne le reconnaît pas du tout. C'est une position politique qu'on a toujours prise. On continue par ailleurs à exercer, à l'intérieur de ces limites de cette Convention-là, nos activités selon les règles et les coutumes qu'on nous a transmises également. Parce que, contrairement à ce qui a été affirmé également ici, il est faux de croire qu'il n'y a pas de règles qui régissent l'exercice de nos activités traditionnelles. Puis, s'il y a des questions supplémentaires là-dessus, j'ai M. Neashish, ici, qui pourra vous en parler plus longuement.
Le Président (M. Gautrin): C'est correct?
M. Awashish (Ernest): J'aurais, si vous permettez, peut-être... J'ai appris avec votre intervention, M. le ministre, que les autres nations autochtones concernées se seraient montrées ouvertes à ce qu'il y ait une négociation. Je voudrais vous signaler également que, depuis à peu près deux ans, on entretient des discussions avec les Cris à ce sujet-là, mais une question particulière qui m'intéresse, c'est qu'ils ont répondu à l'invitation de Chevrette du mois de janvier, je crois, 2002... Au mois de décembre même de ça, en tout cas, 2002. Je voulais savoir si les Cris avaient... de votre avis, s'ils avaient répondu affirmativement à l'invitation de Chevrette lorsqu'il avait invité les gens concernés à s'asseoir autour d'une table.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: J'ignore la réponse concrète. Vous pourrez la poser vendredi, à votre rencontre avec M. Crête, lorsque vous ferez cette première rencontre avec le facilitateur. Si le temps nous était... Si nous avions eu le temps, j'aurais donc aimé parler développement et projets de partenariat, mais je note l'esprit que vous avez énoncé ici de la volonté de partenariat pour l'avenir, les jeunes et le développement. Il y a mon collègue...
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Duplessis.
M. Trudel: Non, mon collègue du...
Le Président (M. Gautrin): Oh! M. le député de Lac-Saint-Jean. Et signalez-moi quand vous voulez intervenir.
M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Certainement, je l'ai fait tout à l'heure, M. le Président...
Le Président (M. Gautrin): Mais je vous signale que, suivant votre cas, il y a Duplessis qui veut poser une question.
M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): ...parce que je voulais dire à quel point j'étais enchanté de recevoir la communauté attikamek, parce que, vous savez, je suis du Lac-Saint-Jean, nous avons un collège... Le collège d'Alma reçoit beaucoup d'étudiants attikameks, et, à cet égard, ça m'a permis de me rapprocher des communautés autochtones et même d'aller à Wemotaci. Et, je le dis aussi pour le bénéfice de mes collègues, je suis allé à la grande manifestation culturelle de Wemotaci. Ça fait trois ans que j'y vais, et je dois dire que j'ai vu des choses là que je ne soupçonnais pas, les danses culturelles. C'était vraiment une activité très enrichissante, et je souhaite à tout le monde d'aller faire un tour là à un moment donné. Et autre élément aussi qui m'a fasciné, ça a été... J'ai eu la chance de participer à une hutte à sudation avec des Attikameks et de comprendre le mode de transmission des connaissances des autochtones qui se fait depuis des millénaires, si on peut dire, et de comprendre un peu les légendes, et la morale, et la spiritualité autochtone. Et je dois dire que c'est quelque chose qui m'a complètement enchanté et qui m'a fait comprendre davantage la réalité des peuples autochtones.
Je me réjouis aussi de voir le sondage, comme le ministre l'a dit tout à l'heure... le sondage qui vient de sortir dans ma région. Et je vous dirais même que c'est davantage à ville Saguenay que ce sondage s'est produit. Donc, je suppose que, si ce même sondage avait été fait au Lac-Saint-Jean, le pourcentage serait plus élevé. D'ailleurs, vous avez parlé de la Fondation Équité territoriale qui demandait un arrêt des négociations. Eh bien, je me réjouis de voir que les Saguenayens s'opposent seulement à 20 % pour l'arrêt des négociations, la fin des négociations. Donc, enfin, c'est un élément qui va dans la bonne voie, j'en suis persuadé.
Maintenant, pour revenir plus particulièrement à votre mémoire, vous dites que, sur le fondement des conditions, les Attikameks proposent au gouvernement du Québec et du Canada de rechercher avec eux la certitude dans le cas des négociations de traités, mais également qu'ils amènent... Et vous proposez: À répudier officiellement toute formule de certitude prête à porter et accepter de négocier une formule de certitude qui tienne compte des particularités de chaque peuple autochtone. Qu'est-ce que vous voulez dire par «particularités»? Bien, je peux le comprendre un peu, mais, dans le cas, par exemple, de la nation atikamekw, qu'est-ce que ça veut dire, cette particularité?
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish,
M. Awashish (Ernest): En fait, on est d'avis que, pour établir une certitude sur le territoire, ce n'est malheureusement plus possible d'éteindre... Je dis malheureusement, O.K., et heureusement pour nous. Mais ce qu'on cherche à obtenir le plus possible, c'est un degré de certitude raisonnable, donc qui établit le plus clairement possible quels sont les droits, les obligations respectives de chaque partie. Puis, quand on parle de particularités, c'est certain que chaque région est particulière. Les conditions économiques sont différentes, le taux, je dirais, de pénétration, même d'exploitation du territoire varie dans chaque région. Donc, quand on parle de particularités, c'est de faire en sorte qu'il y ait des... Il y a des dommages qui ont été causés à notre endroit qui risquent d'être différents de ce qui a été fait chez les Innus, chez les Algonquins ou chez les Cris, par exemple. C'est dans ce sens-là, là, qu'on parle de particularités.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. le député du Duplessis, brièvement, parce qu'il reste peu de temps.
M. Duguay: O.K. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Comme nous sommes excessivement loin, on n'a pas beaucoup de temps. Alors, bienvenue, M. le chef Awashish, et c'est bien évident que toute votre équipe également, je tiens à vous remercier pour la présentation que vous nous avez faite. Et je profite également de l'occasion pour saluer tous les autres chefs. Notamment, il y en a également de ma région. Alors, étant de la grande région Côte-Nord, c'est bien évident que sur le territoire la situation que l'on vit avec les communautés, elle est excellente. Et, moi, j'ai l'occasion de parcourir également toutes les réserves existantes, notamment au niveau de Kawawachikamach également, on s'aperçoit que la communauté s'est prise en main, et il y a des belles réalisations.
Cependant, il y a juste peut-être une petite question, moi, que j'aimerais vous soulever, qu'on retrouve à la page 18 de votre mémoire, Informer la population. Et le texte, vous dites qu'«il est irresponsable de tenter de faire croire à la population, sous prétexte de la rassurer, que les traités ne changent rien». Et c'est bien évident que si l'objectif, c'était de ne changer rien, probablement qu'on ne serait pas ici, en commission parlementaire. Alors, j'aimerais ça, vous entendre un petit peu plus là-dessus, là, compte tenu... C'est vrai que ça peut peut-être... Dans certains cas, c'est peut-être ce qui est relaté sur le territoire, mais, dans la vraie vie, là, l'objectif du traité, c'est de clarifier certaines choses. Alors, j'aimerais ça, vous entendre pourquoi ça a été écrit comme ça.
n(11 h 20)nLe Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Je vais vous demander d'être plus précis dans votre question, je ne suis pas sûr de saisir le...
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, quand vous dites qu'«il est irresponsable de tenter de faire croire à la population, sous prétexte de la rassurer, que les traités ne changent rien», alors, dans l'esprit où ça a été écrit, est-ce que pour vous autres c'est des commentaires que vous entendez ou est-ce que ça vient de la communauté blanche? Je ne sais pas, là.
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): En fait, c'est ça. C'est que quand on dit que les traités ne changent rien, effectivement, il y a beaucoup de changements. On doit partir de la situation actuelle qui fait en sorte qu'on est régi par la Loi sur les Indiens, on est également régi par une autre loi, une autre loi fédérale. Mais ce qui peut changer dans notre cas, c'est la reconnaissance qui n'est pas existante, actuellement, de nos droits. Ce qui peut changer également, c'est l'état... je dirais, l'état d'esprit de nos jeunes, parce que, veux veux pas, on a beaucoup de pression. Comme leaders politiques, on a beaucoup de pression quand on regarde la situation de nos communautés ? je m'en réfère seulement à nos communautés ? et c'est vraiment, pour nous, une bombe à retardement. Si on ne fait rien, les jeunes, ils vont être... Il y a déjà beaucoup de découragement qui est perceptible puis qu'on peut vérifier par des suicides qui surviennent et...
Le Président (M. Gautrin): Très brièvement ? excusez-moi ? M. le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue. Excusez-moi.
M. Trudel: Juste vous remercier de votre présentation. Il y a beaucoup d'aspects qui n'ont pas pu être soulevés ici, mais qui sont présents dans le mémoire. On va y attacher la plus grande des attentions dans la poursuite de nos négociations et de nos échanges en vue de conclure un traité de paix aussi avec la nation atikamekw, en notant que tout cela progresse sur tous les fronts. Tantôt, on voyait bien, là, maintenant l'adhésion de la population du Saguenay?Lac-Saint-Jean, tout comme, hier, les Innus de Mashteuiatsh ont conclut une entente avec Hydro-Québec pour la mise en oeuvre de Péribonka 4, ce qui signifie que, quand on est à la table de négociations, qu'on est de bonne foi, comme vous le soulevez, nous allons y arriver, à des traités de paix, de respect et de développement pour ceux et celles que vous venez de mentionner, les jeunes de votre nation, de vos communautés. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): Merci, monsieur. Au nom de l'opposition officielle, M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue au grand chef Awashish et les représentants de la nation atikamekw. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. Il y a beaucoup de points très précis, mais notamment sur deux volets. Je vais commencer sur le processus de négociation comme tel. Et on ne remet pas en question l'obligation d'une négociation de nation à nation, mais on a vu, dans la population, beaucoup de revendications des personnes qui aimeraient être soit à la table ou il y a des propositions de M. Chevrette d'avoir des tables sectorielles, et tout le reste. Et juste si vous avez une opinion, parce que ça va être le même genre de pression sur le processus de négociation avec les Atikamekw.
Vous avez évoqué la présence des zecs, et donc il y aura les associations des chasseurs, des pêcheurs, des gestionnaires des zecs, tout le monde qui est venu ici dans un autre contexte, mais, dès qu'on arrive à une entente de principe entre les Attikameks, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, on va être dans le même genre de contexte. Qu'est-ce que nous pouvons faire dès maintenant? Une table de négociations à 350, c'est impossible, parce que c'est voué à l'échec parce que c'est trop grand, mais qu'est-ce qu'on peut faire dès maintenant pour peut-être mieux impliquer... Parce que informer, ça, c'est un volet, je le comprends, mais souvent ces groupes des pêcheurs ou des chasseurs sont arrivés avec des propositions très précises, que sur le lac Y, sur le côté ouest, est-ce qu'il y a moyen de changer la proposition sans remettre en question l'entente comme telle, mais des précisions très terre-à-terre que, je trouve, il faut avoir une mécanique pour créer une bonne entente, que ces opinions qui sont exclues pour le moment... Et beaucoup des personnes qui sont venues ici sont venues de bonne foi. Ils veulent arriver avec un traité, mais ils sentent qu'il n'y a aucun point de chute pour leurs commentaires de comment on peut faire les lignes d'une entente, mais, pratico-précis, sur le lac Y, il y a une proposition différente.
Alors, comment est-ce qu'on peut faire la conception d'un processus assez efficace, parce qu'il y a une obligation de résultat, mais peut-être qui peut éviter pour les Attikameks certains des problèmes qu'on a rencontrés avec la réaction de temps en temps négative à la négociation sur l'Approche commune?
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Ce qu'on a pensé vous recommander, on l'a mentionné tantôt. Je pense que c'est important pour que le traité, l'autre traité qui s'en vient... Si on veut qu'il puisse être acceptable socialement pour tous, je pense que ce qui manque dans le moment... C'est l'incompréhension, le fait que le gens ne sachent pas ce que c'est que les droits ancestraux. Je pense que, si vous tenez des informations à vos gens à ce sujet-là, pourquoi on est obligé, entre guillemets, de négocier, c'est que ça, ça n'a pas été réglé. On a hérité d'un beau dossier, je dirais, de la part de nos ancêtres respectifs. Donc, on a le devoir de compléter, je dirais, le devoir ou le travail qui n'a pas pu être complété, et un des éléments qui peut faire en sorte de favoriser le succès de cette démarche, c'est justement d'informer vos propres gens de ce que c'est que... qui sont les autochtones, qui sont les Attikameks, qui sont les Innus, qui sont les Cris, les Mohawks, qui sont les premières nations, puis quels en sont leurs droits, comment ils vivaient, comment ils vivent maintenant et pourquoi, dans le fond, on est obligé de négocier avec eux. C'est ce qui manque, je dirais, chez la plupart de... la population en général.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: À l'intérieur du processus formel des négociations, est-ce que le Conseil a les contacts de temps en temps avec soit les gestionnaires des zecs, les associations des chasseurs et pêcheurs? Est-ce que, d'une façon informelle, on a déjà commencé l'exploration des partenariats, les choses que... Parce qu'il y a beaucoup d'inquiétude qui est partagée par l'ensemble des groupes sur la conservation de la nature. Les espèces, on a regardé le saumon qui, peut-être, est moins pertinent dans votre cas, mais il y a beaucoup d'inquiétude comment arrimer le respect des droits autochtones avec la conservation de l'espèce, et tout le reste. Alors, au niveau informel, pour préparer le terrain, est-ce que le Conseil a ses propres contacts ou discussions moins formels qu'une négociation comme telle avec, mettons, les gestionnaires de zecs ou les associations des chasseurs, des pêcheurs, des trappeurs, etc.?
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Je dois vous avouer qu'on en est à nos premiers, je dirais, balbutiements en termes de contacts et en termes d'information. Je crois qu'on a déjà fait une présentation sur la question de non-négociation auprès de la Chambre de commerce de La Tuque ? c'est au printemps dernier ? et on s'est doté récemment d'un plan de communication également qui vise, entre autres, de notre côté, à informer nos gens sur nos propres négociations et qui vise également à informer de notre point de vue les non-autochtones qui vont être touchés par l'éventuel traité à être convenu. Mais je dois vous avouer qu'il n'y a pas de contacts réguliers. Mais on cherche à s'en faire également, parce qu'on voit, avec l'expérience des Innus, qu'on doit le faire, ça, de notre côté également.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Awashish (Ernest): Juste compléter.
n(11 h 30)nLe Président (M. Gautrin): Excusez-moi.
M. Awashish (Ernest): J'en avais d'ailleurs parlé au ministre responsable des Affaires autochtones, il y a un an, un an et demi de ça, et qu'on était ouverts à ce qu'on fasse un exercice conjoint d'information.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Je pense que c'est quelque chose qui pourrait calmer le jeu et mieux expliquer, oui, qu'il y a un rôle pour le gouvernement d'informer. Mais je pense qu'il faut multiplier les moyens de passer le message que qu'est-ce qu'on cherche ici, c'est moins... on a toujours peur du changement, mais, comme vous l'avez bien dit dans le mémoire, c'est le changement qu'on cherche. Ce n'est pas pour maintenir le statu quo qu'on fait tout ça.
Et on veut établir des règles du jeu que tout le monde peut partager et qui peuvent respecter le droit autochtone. Donc, je pense qu'il y a un moyen moins officiel, mais que le Conseil peut faire avec vos voisins. Peut-être que ça peut aider pour qu'il y ait un climat propice.
Une autre chose que j'ai trouvée intéressante dans le mémoire ? et je partage la frustration comme quelqu'un qui a participé dans le débat sur la loi n° 136, le nouveau régime forestier, et qui, avec mon collègue de Kamouraska-Témiscouata, a proposé à maintes reprises une vingtaine au moins de modifications pour une meilleure reconnaissance du rôle, pour les nations autochtones, dans le processus de consultation dans la loi n° 136, et nous avons perdu chacun de ces amendements, M. le Président, malheureusement...
Et vous avez, sur les pages 14 et 15 ? et peut-être que vous pouvez élaborer, soit en attendant la signature d'un traité dans la phase de négociation, la phase transitoire ? à la fois un engagement pour la participation des autochtones aux décisions, aux projets de développement, notamment forestier, minier, etc. Il y a également un engagement plus formel pour consulter les autochtones au sujet des lois et règlements. Avez-vous réfléchi à la mécanique ou comment ça peut fonctionner? Parce que ce sont souvent les idées qui étaient au coeur des débats sur le régime forestier, que nous avons appuyé. Alors, avez-vous davantage de réflexion sur comment ça peut fonctionner?
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Pour cette question-là, je vais passer la parole à Me Dionne.
Le Président (M. Gautrin): Me Dionne.
M. Dionne (Paul): Oui. En fait, il existe un mécanisme qui est déjà prévu dans des textes qui ont été convenus à la table centrale et qui pourrait, avec certains ajustements, être utilisé, si on voulait mettre en oeuvre immédiatement ces mesures à titre de mesures provisoires ou intérimaires, jusqu'à ce que le traité soit conclu.
Alors, la réflexion s'est faite non seulement unilatéralement du côté atikamekw, mais elle s'est faite conjointement avec les représentants du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, pour ce qui concerne le fédéral, à la table centrale.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Alors, c'est un processus qu'on peut mettre pour aller de l'avant assez rapidement au niveau d'une consultation plus formelle, notamment sur les lois et règlements. C'est une obligation qu'ont... ou juste une pratique? Comment ça va fonctionner?
Le Président (M. Gautrin): Qui veut répondre? Me Dionne.
M. Dionne (Paul): En fait, ce qui est proposé, c'est que ce mécanisme-là, qui a été convenu à la table centrale par les négociateurs, puisse être mis en oeuvre immédiatement, ne pas attendre, si le traité doit être complété dans cinq ou six ans, que ce soit fait et, tout ce temps-là, qu'il y ait des problèmes sur le territoire. Donc, on a déjà un cadre dans le texte qui a été convenu. Il s'agirait tout simplement de l'adapter à ce que seraient des mesures provisoires pour chaque secteur d'activité, notamment la foresterie et la villégiature.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Et peut-être une dernière question. Vous avez abordé ça avec le ministre, M. Awashish, mais toute la question des chevauchements, parce qu'on a vu... Il y a deux contextes où il n'y a pas de traité ou d'entente encore, alors les Hurons, les Atikamekw, les Innus, etc., les Algonquins, comment arrimer entre les revendications non résolues. Mais le deuxième volet qui est tout le problème entre les nations non conventionnées et les conventionnées, et comment... Je vois, dans la proposition de l'Approche commune, que le tiers du Nitassinan, de Betsiamites, est sur les terres conventionnées. Il y a la nomination d'un négociateur spécial. Mais, est-ce qu'on a des exemples qui peuvent nous donner l'espoir qu'on peut régler ça et que l'enjeu des chevauchements ne devienne pas un autre obstacle à en arriver à une entente un jour?
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): En fait, au moment où on se parle, il n'y a pas eu de rencontre, il y a seulement eu une proposition qui a été déposée par nous, puis on s'attend toujours à ce qu'il y ait une réponse officielle, on a des objectifs qu'on s'est fixés.
Mais, en fait, il y a deux volets dans la question des chevauchements. Il y a une formule de règlement qui doit être réglée ou être insérée dans notre projet d'entente de principe, et c'est en deux volets: la question des droits atikamekw avec l'exercice des activités traditionnelles, c'en est un, volet. À notre avis, on va le régler directement de façon bilatérale avec les Cris, pour ce qui est de la pratique de l'exercice des activités traditionnelles.
L'autre volet, il est de nature... ça concerne, en fait, les droits économiques, puis ça, c'est d'abord, pour nous, d'abord et avant tout, des obligations qui relèvent des gouvernements du Québec et du Canada et qu'ils doivent assumer. Puis concernant les moyens concrets, à ce stade-ci, il est un peu tôt pour vous le démontrer parce qu'on n'a pas eu l'occasion de discuter encore de ces questions-là.
Le Président (M. Gautrin): Brièvement, parce qu'il y a notre collègue de Saguenay qui voudrait poser une question.
M. Kelley: Merci beaucoup pour votre présentation, la qualité du mémoire, je pense qu'il y a beaucoup de pistes intéressantes. Et juste, de notre part aussi, vous souhaiter bonne chance dans vos négociations, également, qui sont de longue date et qui sont de très grande importance pour l'avenir du Québec. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui. Premièrement, peut-être une chose pour M. le ministre qui, tout à l'heure, nous parlait des résultats du fameux sondage du collège de Jonquière. C'est-u quelque chose qui est disponible dans la parution du Quotidien d'aujourd'hui? Ou si vous en avez... Parce que je serais intéressé d'en avoir une copie rapidement, là, puis d'en prendre connaissance.
M. Trudel: C'est dans Le Quotidien d'aujourd'hui.
M. Corriveau: O.K. Bien, au niveau de votre exposé, je vous en remercie aussi, je crois que votre position est claire. Je n'ai pas beaucoup de questions, sinon peut-être une qui est davantage d'ordre culturel, j'ai tendance à quelques occasions à dévier un peu...
Document déposé
Le Président (M. Gautrin): Pour faciliter votre travail, on va en faire le dépôt formel à la commission, donc vous allez en avoir une photocopie.
M. Corriveau: Merci beaucoup. Alors, peut-être davantage sur le plan culturel, une des choses qui est assez étonnante et qui est une réalité quand même au Québec, c'est qu'on côtoie les mêmes lieux, on se voisine en tant que communautés sans se connaître comme il faut. Et je suis à peu près certain qu'il y a des gens qui présentement visionnent votre intervention et qui se demandent: L'objet qu'il y a sur la table, quel est-il? J'aimerais ça peut-être que vous puissiez nous décrire sa signification pour vous, là, question d'éclairer un peu aussi tout le monde qui finalement n'ont peut-être pas l'occasion de connaître tout le rituel et un peu l'esprit magique qui peut régner autour de la tradition autochtone au Québec?
Le Président (M. Gautrin): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): En fait, je vous remercie pour la suggestion, j'ai moi-même omis de le faire, en fait, j'avais l'intention de le faire. Il y a deux objets sur la table. Le premier objet, c'est une canne, c'est dévolu au grand chef lorsqu'il est élu, ça représente la vie atikamekw en forêt, et sur la base, c'est fait en patte d'orignal, ici, et c'est fait en bois également, c'est sculpté par un de nos artistes sur bois, et on y retrouve différents animaux qu'il y a sur le territoire dont les canards, le hibou, l'aigle, et dans sa partie supérieure, c'est la tête d'un aigle, ça signifie pour nous qu'il faut avoir une vision à long terme, une vision globale, et qu'on puisse ne pas oublier ce qu'il y avait avant, le présent et le futur également.
Et vous avez également ce qu'on pourrait appeler un wampum et c'est fait en cuir d'orignal, ça a été travaillé par les femmes, puis ça, c'est très récent, ça représente l'importance du rôle que jouent les femmes dans le développement de la communauté ou de la nation. Ça représente les trois communautés atikamekw ainsi que l'organisme national qui est le Atikamekw Sipi, le Conseil de la nation atikamekw. On m'a remis ça lors de l'élection du grand chef, et ça symbolise également que je porte aussi le fardeau, je dirais, la responsabilité qu'ont les femmes pour préserver la culture atikamekw. C'était ça que je voulais faire comme présentation au début.
n(11 h 40)nM. Corriveau: Merci beaucoup de nous partager cette richesse culturelle qui, quelque part, fait partie aussi des richesses culturelles du Québec.
Le Président (M. Gautrin): Avez-vous terminé, M. le député de Saguenay? Alors, il me reste à vous remercier de votre présentation, et je le ferais avec une petite remarque. Je dois dire... Moi, je suis le député de Verdun. Il y a eu un échange entre une maison de jeunes, qui est Point de mire, à Verdun, et les communautés atikamekw, où des jeunes d'un milieu urbain ? qui est asphalté quasiment complètement ? ont la chance d'aller passer l'été, 15 jours, en forêt, en territoire atikamekw et, inversement, on reçoit dans ce milieu urbain des jeunes Atikamekw. Je dois dire en témoignage que c'est extrêmement utile pour permettre aux uns et aux autres de se connaître et de faire en sorte de savoir qu'on peut exister conjointement en ayant des cultures différentes et qu'on est capables de vivre ensemble. Et je pense que c'était une initiative qu'il n'est pas inutile de rappeler ici à cette commission. Alors, je vous remercie pour votre témoignage. À bientôt.
Chers amis, nous avons encore à travailler et, après les Atikamekw, nous allons recevoir le Conseil de la nation huronne-wendat. Je vais demander aux représentants de la nation wendat de vouloir s'approcher.
Bon, écoutez, je vais suspendre les travaux pour cinq minutes, de manière qu'on puisse... Alors, la commission suspend ses travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 11 h 50)
Le Président (M. Gautrin): Alors, la commission reprend ses travaux et est heureuse d'accueillir actuellement le Conseil de la nation huronne-wendat. Alors, M. Picard, qui êtes le grand chef, je crois que c'est vous qui allez, au moins, commencer le témoignage. Vous avez une heure pour l'ensemble du témoignage qui est réparti en 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes pour les questions provenant des députés ministériels et 20 minutes pour les questions provenant des députés de l'opposition. Alors, grand chef Picard, vous avez la parole.
Conseil de la nation huronne-wendat
M. Picard (Wellie): Bonjour et bon matin! M. le ministre, MM. les députés et membres de la commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président, je suis très fier d'être ici aujourd'hui, à la commission parlementaire des institutions, pour pouvoir présenter la réflexion de notre nation sur de grands enjeux qui nous concernent et vous concernent, le gouvernement du Québec, et je vous en remercie.
Je vous présente les Hurons-Wendat qui m'accompagnent: M. Réjean Sioui, chef national délégué aux négociations, aux territoires et à la protection des droits de notre nation; M. Denis Bastien, chef familial délégué au développement économique de la nation, à la chasse, à la pêche et au piégeage; M. Raymond Picard, directeur du secteur développement économique; M. Louis Lesage, docteur en biologie et responsable de notre entreprise multiressource; Me Simon Picard, conseiller juridique de notre Conseil.
Nous sommes satisfaits d'être ici aujourd'hui, mais cela ne veut pas dire nécessairement que nous sommes heureux des résultats de nos discussions avec le gouvernement du Québec; vous pourrez vous en rendre compte au cours de notre représentation.
Nous avons déposé notre mémoire le 10 janvier 2003 en raison des exigences de votre commission. Depuis ce temps, nous avons pris le temps de compléter notre réflexion et nous vous déposons aujourd'hui un addendum à ce mémoire; nous allons vous en faire part dans notre présentation.
Nous avons plusieurs motifs de nous présenter ici aujourd'hui: d'abord, en raison de nos droits de traité et autres droits que nous détenons sur le territoire, en raison des ententes que nous avons conclues avec le gouvernement du Québec, en raison des ententes que nous voulons conclure avec le gouvernement du Québec et, enfin, parce que nous sommes touchés par les effets et modalités de la négociation des Innus concernant la partie sud-ouest du territoire concerné par le projet d'entente de principe.
Aux fins de notre présentation, je cède la parole à M. Raymond Picard qui agira à titre d'animateur dans la paix et l'amitié.
M. Picard (Raymond): Merci, M. le grand chef. Dans un premier temps, j'aimerais remercier le Créateur, le Créateur, à l'effet que l'on soit ici ce matin, et demander au Créateur de nous guider, de faire en sorte que nos gouvernements établissent des bases solides et des bases fondées sur un respect, un respect mutuel.
Dans cette perspective, j'inviterais le chef Denis Bastien, chef familial, à faire une présentation d'une partie du mémoire. M. Bastien. Merci.
M. Bastien (Denis): Merci, M. Picard. M. le Président, M. le ministre et députés, je vous souhaite une bonne journée. Vous avez tous eu connaissance probablement du mémoire, donc ça va être assez écourté comme lecture que je vais vous faire.
Au cours de l'histoire, nous avons participé aux ambassades requises par les diverses circonstances de la guerre et de la paix. Nous sommes probablement une des nations les plus près et les plus intimement liées à la nation québécoise, de par de nombreuses relations diplomatiques, historiques et soutenues que nous avons entretenues avec les gouverneurs français et anglais de la colonie et en raison de notre proximité avec le centre de décision politique contemporain du Québec.
La nation huronne-wendat a toujours été une nation commerçante; elle a joué un rôle-clé dans le commerce. La langue huronne a d'ailleurs été longtemps la langue nord-américaine du commerce.
Notre nation est sensible aux enjeux sociaux, politiques et économiques de son environnement et elle sait reconnaître et respecter la souveraineté des premières nations.
Le Conseil de la nation huronne-wendat représente les droits et les intérêts de l'ensemble des membres de la nation huronne-wendat. Celle-ci est constituée de 1 226 membres résidents à Wendake et 1 634 non-résidents, pour un total de 2 860 membres.
Le Conseil de la nation huronne-wendat oeuvre à convenir avec le gouvernement du Québec d'une forme de partenariat valable et sain. Dans les circonstances, nulle autre occasion ne s'apprête mieux maintenant que cette commission parlementaire pour exposer notre vision d'une relation moderne entre notre nation et le gouvernement du Québec. Cette vision sous-entend une intention ferme et déterminée de notre nation à conclure une alliance et ainsi concrétiser le traité de 1760 toujours en vigueur entre notre nation et le Québec.
Le gouvernement du Québec est actuellement engagé dans un processus actif de négociation avec plusieurs premières nations innues. Ces ententes marquent une nouvelle orientation de convergence axée sur une relation positive et concrète de respect mutuel, une relation véritable de nation à nation.
Après 1990, donc après avoir démontré clairement et obtenu gain de cause à l'effet que nos droits de traité avaient priorité sur certaines législations québécoises, nous aurions alors cru que l'attitude de l'État québécois à l'égard de nos droits aurait changé et que nos droits auraient été considérés à leur juste valeur.
La plus récente décision rendue par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Savard confirme la portée réelle de nos droits. Cette récente décision réaffirme l'obligation très lourde pour la couronne de justifier toute atteinte à ce traité. Nous n'avons jamais voulu cette confrontation devant les tribunaux et nous ne l'avons pas provoquée. Nous ne croyons pas que ce soit la bonne voie d'un véritable partenariat et d'une relation d'avenir positive. Nous invitons le Québec à prioriser la voie de la négociation et à retirer des causes encore pendantes et inutiles devant les tribunaux.
Nous ne sommes pas intéressés à être considérés comme de simples figurants dans les consultations gouvernementales. Nous nous inquiétons des décisions gouvernementales qui ont comme résultat de marginaliser nos activités et de nier les droits de notre nation. Il serait simpliste de qualifier la situation actuelle avec nous de relation de nation à nation, les bons mots dans des ententes ne suffisent plus. Nous voulons un partenariat concret et important avec l'État québécois si on veut bien y investir la volonté nécessaire.
Les ministères sectoriels sont limités par leurs politiques et leurs contraintes légales respectives et cloisonnées. Ces politiques ont été élaborées sans aucune prise en compte des droits et intérêts de notre nation et cette situation est improductive. La méconnaissance de nos droits et intérêts et l'absence de mandats clairs de la part des plus hautes autorités du gouvernement québécois ne peuvent que constituer l'assise de nos relations.
Le Conseil désire intervenir dans la présente consultation à titre de responsable de la protection des droits issus du traité et de tout autre droit de notre nation sur son territoire d'utilisation traditionnelle. Ce territoire est localisé essentiellement sur la rive nord du Saint-Laurent entre les rivières Saint-Maurice et le Saguenay. Selon les époques et les endroits, l'utilisation de ce territoire a été aussi partagée avec la nation innue. Celle-ci revendique, aux fins de sa négociation territoriale globale, ce qui est appelé «la partie sud-ouest du Nitassinan», soit une partie du territoire traditionnel huron.
Nous rappelons que les Hurons-Wendat pratiquent leurs activités coutumières et sont très actifs sur une partie du territoire faisant l'objet de la présente consultation parlementaire. Le Conseil est gestionnaire des activités récréatives sur le territoire Tourilli situé dans la réserve faunique des Laurentides. De plus, le Conseil a implanté, depuis plus de trois ans, une démarche viable de gestion intégrée des ressources dans le secteur Tourilli en plus d'y pratiquer certaines activités sylvicoles.
Le Conseil a aussi conclu avec le gouvernement du Québec une entente de partenariat dans le parc de la Jacques-Cartier. Il désire aussi indiquer à la commission parlementaire l'importance des nombreux partenariats qu'il a initiés et maintenus jusqu'à maintenant concernant la mise en valeur du territoire et des activités concertées qui s'y sont développées. Ces partenariats sont très appréciés dans la région de Québec et Portneuf. Il en a résulté plusieurs succès d'affaires et une reconnaissance claire du milieu autochtone et allochtone. L'ensemble de ces relations a permis de créer un synergie des activités et de dynamiser le développement du milieu.
Le Conseil a tenu à participer aux travaux de la présente commission pour souligner aussi l'existence des ententes qu'il a conclues avec le gouvernement du Québec et qui touchent le territoire concerné et afin d'y préserver les acquis. Ces ententes permettent à notre nation de consolider le dynamisme de sa participation dans divers partenariats. À titre d'exemple, la conclusion de notre entente faune-forêt assurerait à notre première nation et au gouvernement du Québec la visibilité et la diffusion d'un modèle exportable de gestion du territoire lors du Colloque forestier mondial présenté en septembre 2003 à Québec.
Le texte du document de respect mutuel convenu entre nous dans l'honneur et la dignité reconnaît en théorie que nous sommes une nation et que les Hurons se gouvernent et exercent leurs droits. Merci.
n(12 heures)nM. Picard (Raymond): Merci, chef Bastien. J'inviterais maintenant le chef Réjean Sioui, chef familial, à faire la présentation de la position et les recommandations du Conseil de la nation.
M. Sioui (Réjean G.): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, nombreux participants, représentants et visiteurs, «koey».
Nous pourrions discuter longtemps des erreurs du passé, mais il nous faut s'intéresser aujourd'hui à l'avenir. Suite à l'analyse sommaire que nous venons de vous exposer et dans le cadre des travaux de votre commission, la position de notre Conseil est la suivante:
1. Nous appuyons l'effort déployé par les premières nations innues auprès des gouvernements du Québec et du Canada pour faire reconnaître leurs droits ancestraux et leurs titres aborigènes sur leur territoire ancestral, et nous souhaitons que la démarche entière aboutisse à un véritable traité conclu dans le respect mutuel des uns et des autres, dont ceux de la nation huronne-wendat;
2. Nous considérons que les droits de traité de la nation huronne-wendat ou tout autre droit ou titre que notre nation exerce et possède sur notre territoire traditionnel doivent être pris en compte avec ceux que pourraient avoir les premières nations innues sur ce même territoire et qu'ils peuvent être harmonisés car ils sont coexistants et non incompatibles;
3. Nous considérons que toute intervention majeure sur notre territoire traditionnel ou que toute affectation gouvernementale de ce territoire doivent respecter le processus de consultation qui est prévu par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada relativement aux droits de traité;
4. Nous considérons que le règlement de la négociation des premières nations innues avec les gouvernements du Québec et du Canada ne doit d'aucune façon porter atteinte aux droits existants et de toutes espèces de notre nation sur le territoire concerné; 5. Nous estimons que le règlement de la négociation des premières nations innues avec les gouvernements du Québec et du Canada ne doit pas porter atteinte aux ententes conclues par la nation huronne-wendat avec le gouvernement du Québec et aux ententes en cours de négociation;
6. Nous recommandons au gouvernement du Québec de finaliser les décisions qui lui incombent afin de ratifier les ententes qui ont été négociées et qui ne sont pas encore formalisées;
7. Nous demandons au Procureur général du Québec de cesser l'acharnement et le harcèlement légaliste, de retirer les poursuites inutiles et caduques encore pendantes devant les tribunaux concernant nos membres;
8. Nous demandons au gouvernement du Québec de négocier et de conclure avec nous une déclaration solennelle concernant l'essence de notre relation issue de nos droits de traité;
9. Nous demandons au gouvernement du Québec de s'associer avec notre nation pour développer un laboratoire de développement qui servira de modèle viable et exportable de gestion intégrée des ressources du territoire;
10. Nous demandons enfin au gouvernement du Québec de s'associer avec notre nation afin que notre relation devienne un exemple reconnue nationalement et internationalement de partenariat économique et culturel exemplaire. Merci. Dans la paix et l'amitié.
M. Picard (Raymond): Merci, chef Sioui. En conclusion, je vais effectuer la présentation de l'addendum au mémoire déposé à la commission parlementaire le 10 janvier, dont nous avons remis copie aux parlementaires ce matin.
Le Conseil de la nation remet donc en complément le texte suivant qui constitue une analyse supplémentaire qui permettra de mieux comprendre sa position et ses conclusions. Notre Conseil a conclu en février 2000 une entente-cadre prévoyant un programme de négociations sectorielles. À cette époque, notre négociateur a eu beaucoup de difficulté à faire inclure dans l'entente l'esprit et l'essence même des discussions multisectorielles nécessaires à la réalisation de notre plan d'action et à notre développement. Dès le départ de ces négociations, nous avons déposé un plan de match comprenant les multiples composantes d'une nouvelle relation avec le gouvernement du Québec. Ce plan de travail incluait l'agrandissement de notre territoire de réserve à des fins de développement, l'accès à la propriété d'un territoire en milieu forestier à des fins de services divers à nos membres, la fiscalité, la participation à la mise en valeur et à la gestion des ressources naturelles et l'ensemble de nos activités d'utilisation et d'accès au territoire et bien d'autres sujets.
Nous avons tenu depuis ce temps des dizaines de séances à plusieurs tables de négociations avec des représentants des ministères sectoriels du Québec. Il nous a toujours été éminemment difficile de faire travailler ensemble les négociateurs de chacun des ministères concernés et encore plus de les faire sortir de leur petit livre des politiques existantes qui ne tiennent pas compte des orientations du Québec en matière autochtone et encore moins de nos droits spécifiques. Il semble que plus de créativité, de coordination et d'autorité seraient en l'occurrence nécessaires.
Après une exploration des avenues possibles, les ministères du Revenu et des Finances du Québec se sont retirés de notre table de négociations sous le prétexte de leurs besoins de définitions plus claires de leurs politiques en ces matières. Nous avons discuté pendant plus de deux ans avec le ministère des Ressources naturelles du Québec et nous avons réussi à négocier de peine et de misère une entente concernant la gestion intégrée des ressources dans le secteur Tourilli, de la réserve faunique des Laurentides. Après en avoir convenu avec le ministre Chevrette à l'époque et ensuite avec le ministre Trudel, nous attendons encore la concrétisation de la participation financière du Québec au chapitre de la faune, car elle concerne plusieurs ministères. Il en est de même avec la gestion du secteur Tourilli, pour lequel nous n'avons pas encore réussi à formaliser un cadre de gestion juste et valable depuis près de six ans ainsi que son financement.
La négociation en matière de chasse a été aussi très longue en raison des restrictions imposées par le ministère de la Justice du Québec et du manque d'ouverture de la Société de la faune et des parcs du Québec. La négociation s'éternise en matière de piégeage, pour les mêmes raisons, et on se fait imposer par les négociateurs québécois des reculs aux positions gouvernementales antérieures en raison des pressions inconsidérées de ses partenaires fauniques et de la marge de manoeuvre qu'il veut se garder artificiellement pour les Innus. Les discussions relatives à la négociation concernant l'implantation de camps sur le territoire n'a donné à date aucun résultat, sinon une tentative de la partie québécoise de nier cette possibilité dans notre entente en matière de chasse, ce qui constituait pour nous une forme de compromission et d'humiliation et un soupçon d'intention malveillante à notre égard.
Nous avons effectué des dizaines de représentations auprès des instances gouvernementales et ministérielles afin de régler ces questions qui restent jusqu'à maintenant sans réponse en partie parce que le Conseil du trésor et le Conseil des ministres ne considèrent pas prioritaires nos dossiers et ont dit non aux demandes des ministres concernés.
Malgré nos droits de traité reconnus unanimement par les neuf juges de la Cour suprême du Canada en 1990 dans l'arrêt Sioui, la Société de la faune et des parcs du Québec, de concert avec le Procureur général du Québec, harcèlent et poursuivent injustement nos membres malgré nos victoires répétées devant les tribunaux. Jusqu'où le Québec ira-t-il, de défaite en défaite devant les tribunaux? Jusqu'à la défaite finale, avant de s'ouvrir à une approche positive dans l'honneur et dans la dignité? Nos lettres expédiées au premier ministre du Québec, en date du 17 mai 2002 et du 6 août 2002, n'ont même pas été l'objet d'accusé de réception et encore moins l'objet de réponse. Est-ce bien cela que le gouvernement du Québec appelle une relation de nation à nation qui se respectent? Nous ne le croyons pas. Dans ce contexte, nous remettons sérieusement en question la volonté du gouvernement du Québec de dépasser les mots pour concrétiser ses orientations en matière autochtone.
n(12 h 10)n Évidemment, le gouvernement du Québec subit beaucoup de pression de la part de résidents des régions qui sont concernées par le projet d'entente de principe des premières nations innues. Plusieurs de ces pressions consistent dans la négation globale des droits spécifiques des autochtones et dans le mépris de leur histoire et de leur culture. Certains groupes québécois semblent nous aimer seulement dans la mesure où nous correspondons au dicton: Sois beau... Soyez beaux et taisez-vous! Nous ne croyons pas que le gouvernement du Québec doive reculer face à ce climat de désinformation et d'hystérie de certains personnages et groupes qui ont peine à cacher leur ignorance, leur intolérance et leur double agenda et qui utilisent les événements à leurs propres fins. Le gouvernement ne doit pas avoir peur de reconnaître les vrais enjeux de ces négociations avec les peuples autochtones, et il doit assumer sa responsabilité d'éducation du grand public, avoir le courage d'implanter ses propres politiques et expliquer clairement les choses à ses fonctionnaires, à ses cadres et à ses partenaires délégués.
Le gouvernement du Québec semble avoir démontré sa volonté d'agir en toute justice dans le nord du territoire avec les nations crie et inuite, mais il hésite pour les nations situées au centre et dans le sud du territoire. Si le gouvernement du Québec pense qu'il suffit de valoriser certaines de ses relations avec des peuples autochtones pour rehausser sa crédibilité sur les tribunes internationales, il se trompe grandement. Son approche doit être équitable partout au Québec, malgré les difficultés que cela suppose.
Nous sommes disposés à prendre en compte les besoins de l'ensemble des utilisateurs du territoire et à faire les ajustements nécessaires. Mais, pour le moment, la question à traiter n'est pas celle des autres utilisateurs du territoire qui ont tous les droits mais la nôtre, car elle n'est pas reconnue à sa juste valeur. Notre place n'est pas encore confirmée alors qu'on veut déjà la restreindre. Nous voulons aussi lancer à nos amis et alliés naturels et historiques, que sont les Innus, le message à l'effet que nous sommes en tout temps disposés à conclure avec eux des alliances de nature politique et à partager, comme toujours, l'utilisation du territoire.
Vous avez devant vous les représentants d'une nation formée et expérimentée qui veut conclure un partenariat modèle en matière de développement économique, territorial et régional et une déclaration solennelle de ses relations d'un traité déjà existant et non à venir. Mais le gouvernement du Québec ne semble pas être conscient de cette opportunité historique qui pourrait faire l'orgueil et la fierté des premières nations et du Québec. Toutes les discussions, toutes les représentations et toutes les tergiversations ont été faites. Le temps est venu de conclure nos ententes. Nous sommes simplement au temps de la volonté et du courage politique.
Tout ce que nous désirons est le respect dans la différence et l'harmonie, et nous privilégions la voie des ententes pour préciser nos relations. Cependant, malgré nous et à défaut d'entente mutuelle et de résultats concrets, nous n'avons actuellement d'autres choix que d'utiliser la voie de l'affirmation politique et sociale et d'utiliser les diverses tribunes, forums politiques, médiatiques, juridiques nationaux et internationaux pour faire valoir nos droits, et nous le ferons avec toute la ténacité et la dignité qu'exige la situation.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, monsieur.
M. Picard (Raymond): Le Conseil, peut-être juste pour conclure, M. le Président...
Le Président (M. Gautrin): Oui.
M. Picard (Raymond): ...le Conseil veut démontrer ainsi sa lassitude des éternels propos qui ne sont pas efficients et mettre ainsi en garde ses amis innus qui doivent exiger des résultats probants à leur démarche et non pas seulement se contenter de promesses. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Picard. Nous allons commencer la période d'échanges en passant la parole à M. le ministre d'État à la Population, aux Régions et aux Affaires autochtones, le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. D'abord souhaiter la bienvenue au grand chef, M. Wellie Picard, que nous rencontrons assez fréquemment, et les personnes qui l'accompagnent, M. Bastien, M. Raymond Picard qui vient de nous entretenir, M. Sioui ? M. Sioui qui est avec nous aujourd'hui ? et, également, M. Picard, les conseillers juridiques et M. Bastien.
Voilà un mémoire qui nous situe dans la même foulée de la grande décision de 1985 de l'Assemblée nationale du Québec, c'est-à-dire, vous réaffirmez avec la nation québécoise la nécessité d'utiliser la voie de la négociation pour en arriver à conclure des ententes de développement et des traités... et des traités de paix. Je note les deux mots de conclusion de l'intervention de M. Sioui: la paix et l'amitié. La paix et l'amitié, basé sur la paix et l'amitié. Mais tout ça nous impose aussi des responsabilités d'être très concrets.
Votre nation ? vous nous l'avez située tantôt en termes de nombre, 2 860 personnes ? est une nation avec tous les attributs d'une nation, et ce que nous avons choisi au cours des dernières décennies, c'est de matérialiser notre partenariat de développement... en termes de développement. Et c'est la voie aussi que nous avons privilégiée avec la nation crie, avec la nation inuite, avec la nation innue, la nation atikamekw et la nation huronne-wendat, ici, aujourd'hui.
Nous pouvons comprendre que les négociations diffèrent suivant les nations, parce que, dans le cas de la nation huronne-wendat, le traité Murray est une pièce de base pour en arriver à définir l'exercice de ces droits ancestraux du titre aborigène. Il y a une pièce supplémentaire dans votre cas, et c'est avec plaisir, grand chef Picard et également M. Raymond Picard, le directeur du développement économique, que je vous donne la lettre, que je vous lis la lettre de ce signe solennel ? je n'ai pas parlé de la déclaration ? faite par le premier ministre il y a quelques jours, à votre nation, le 17 février.
«Le ministre responsable des Affaires autochtones, M. Rémy Trudel, m'a informé, dans le prolongement de votre correspondance, d'une rencontre fructueuse tenue récemment. Le ministre en a profité pour me transmettre également votre volonté de convenir d'une alliance véritable entre la nation québécoise et la nation huronne-wendat, et ce, dans une dynamique de partenariat marqué de respect mutuel. Je me réjouis donc de votre recherche, citation, d'un partenariat concret et important avec l'État québécois et tout particulièrement par le truchement de la mise en place d'un comité spécial de travail. Ce groupe aura pour tâche d'explorer les blocs de discussions qui feront l'objet des pourparlers en vue de nous faire progresser vers l'établissement d'une nouvelle alliance. À cet égard, j'ai donc l'intention de suivre également l'évolution du dossier.
«Je retiens également la nécessité de donner suite aux divers sujets qui ont été arrêtés au sein de l'Entente-cadre. Voilà une façon pratique de concrétiser un accord auquel les deux parties ont consenti beaucoup d'efforts», et là... par rapport aux propos que vous venez de tenir... C'est signé du premier ministre, M. Bernard Landry, donc, le chef de la nation québécoise.
Nous ouvrons donc... nous avons la possibilité d'ouvrir un nouveau chapitre, de par le signal du premier ministre de la... du chef de la nation québécoise, des négociations pour en arriver à conclure un traité. Jamais auparavant un chef de gouvernement n'aura été si loin pour dire: Nous allons nous entendre sur l'exercice des droits ancestraux reconnus au traité de Murray et que nous reconnaissons et la façon de l'exercer.
M. le chef Picard, est-ce que votre nation est donc disposée, tel que vous nous l'aviez mentionné, à être de ce groupe d'action maintenant en vue aussi d'en arriver à un traité avec la nation huronne-wendat?
n(12 h 20)nLe Président (M. Gautrin): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Merci. M. le grand chef me demande de répondre justement à cette intervention, M. le ministre.
Dois-je vous rappeler que la correspondance fut reçue à nos bureaux hier en p.m. et qu'elle était datée du 17 février et que le contenu en référence aux correspondances transmises par le grand chef de la nation huronne-wendat, correspondances qui, à l'époque du 17 mai 2002, comportaient pas moins de six pages de textes et de références à l'ensemble de nos discussions et dans lesquelles nous avons reçu en une feuille, une page, réponse du premier ministre.
Je crois qu'il est clair, pour la première nation huronne-wendat, que l'on a cette intention ferme d'avoir des négociations claires mais basées non seulement sur des propos, mais sur des réalisations concrètes, des résultats. Merci.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Je me réjouis de cette réponse et je lis cela aussi, puisque notre commission examine ce projet d'entente de principe avec la nation innue, on voit la réaction de la population du Saguenay au fur et à mesure que nous réalisons les activités d'information, les activités de communication.
Les nations qui vivent sur le territoire québécois sont des nations ouvertes, comme vous venez par exemple d'en témoigner lorsqu'il s'agit... non pas d'harmoniser uniquement nos rapports, mais de reconnaître, de façon pratique, les effets des droits ancestraux, la reconnaissance de la pratique de ces droits ancestraux. C'est ce que la population du Saguenay a dit très clairement, au cours des derniers jours.
Vous l'avez noté au départ, parce qu'on est proches ici, vous avez dit: Vous êtes une nation de commerçants. J'ai comme l'impression que vous nous avez montré pas mal d'affaires, pas mal d'affaires, que nous sommes aussi une nation. La nation québécoise est une nation de commerçants. Il a bien fallu que quelqu'un nous le montre, et ça, ça fait un retour dans l'histoire qui nous prédispose à des ententes de paix et de respect.
J'aimerais ça que l'on aborde un peu plus cette notion de partenariat avec la nation huronne-wendat à travers cette société que les nations commerçantes intéressées ? québécoise et huronne-wendat ? ont mise sur pied, la société SOCARIAQ, pour le développement de capital de risque également pour la nation huronne-wendat. Est-ce que, déjà, à votre connaissance, il y a des projets qui ont été soumis à la Société et que cela peut se matérialiser dans un partenariat qui fait davantage de développement pour votre nation et pour la nation québécoise?
Le Président (M. Gautrin): M. Picard.
M. Picard (Wellie): Oui. Pour répondre à M. le ministre. On est appelés à vivre ensemble. On était ici les premiers. Il semble que vous n'êtes pas prêts d'accepter qu'on vive ensemble.
Je pense que vous auriez... Ce qui a manqué de la part du gouvernement, il a manqué un peu d'éducation concernant la population québécoise. S'il y avait une certaine éducation parmi la nation québécoise, je pense que vite, on aurait compris qu'ils n'étaient pas seuls.
Comme nation huronne-wendat, c'est une nation, c'est une fière et grande nation, et j'en suis extrêmement fier. Par contre, moi, rendu à mon âge, j'écoute ce qui arrive aujourd'hui, c'est que toutes les décisions qu'on a à prendre sont extrêmement importantes. Aujourd'hui, je suis ici, mais demain je ne serai plus là. Donc, je suis entouré d'une jeune génération. C'est cette génération qui va être appelée à me remplacer, et, par contre, je pense que je dois les remercier aujourd'hui parce qu'ils sont solidaires à cet état qu'on vous prononce aujourd'hui.
Je m'excuse d'être... par rapport à certaines... de langue parce que j'ai eu un petit accident de la nature. Mais, par contre, peut-être pas capable de l'exprimer tout à fait avec mes lèvres, mais, avec mon coeur et mon esprit, je remercie le Créateur d'être capable aujourd'hui de me donner cette capacité-là de travailler et de défendre ma patrie.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Avant de passer la parole, je voudrais souhaiter la bienvenue aux parlementaires de la Communauté française de Belgique qui nous visitent actuellement dans les tribunes; vous êtes les bienvenus parmi nous.
M. Trudel: ...juste mentionner que nous sommes à discuter ici d'une entente de nation à nation avec la nation innue, qui est particulièrement sur le territoire dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, dans la foulée des ententes ? maintenant qui sont citées au plan international ? avec la nation crie, la «Paix des Braves» et également l'entente avec la nation inuite, la «Paix Sanarrutik», que nous avons convenue au cours des derniers mois, et, ici avec nous, la nation huronne-wendat, tout près de Québec, ici, et leurs différents chefs qui sont avec nous aujourd'hui en commission parlementaire de l'Assemblée nationale du Québec.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Trudel: Je vais poursuivre, avec cette heureuse parenthèse, nos échanges avec la nation huronne, M. Picard. Oh! M. Picard, vous avez quelque chose à ajouter, je pense?
Le Président (M. Gautrin): M. Picard.
M. Picard (Wellie): De telles négociations doivent être fondées sur le respect des droits, la confiance réciproque et la reconnaissance mutuelle des identités collectives concernées.
La nation autochtone veut se réaliser et progresser comme communauté à l'intérieur de leur propre assise territoriale. Elle se prépare progressivement à se prendre en charge et en voie de conclure des partenariats avec les gouvernements en place. C'est la question qu'on vous pose aujourd'hui, et on veut avoir une réponse favorable, non pas dans des années à venir mais prochainement.
M. le ministre, quand on vous a rencontré dernièrement, vous avez montré une volonté ferme de vouloir négocier. Je pense que les dispositions sont toujours là, et la connaissance de ce qu'on veut vous présenter va être là. Moi, ce que je vous demande, c'est dans le respect de la dignité, que la nation huronne-wendat est une grande nation, et on est ici, je l'entends... Comme vous disiez, on est pacifiques, mais être pacifiques a ses limites, et, moi, je suis rendu à ces limites-là.
Le Président (M. Gautrin): Brièvement, parce que le temps passe.
M. Trudel: Je pense que la réponse, chef Picard, brièvement, c'est donc la lettre du premier ministre qui marque très clairement la volonté solennelle de progresser, puis, par ailleurs, je regarde en particulier Raymond Picard, le directeur du développement économique... On sait qu'il faut passer par le concret. Nous avons un contentieux autour du développement du secteur Tourilli, vous l'avez mentionné, dans le Parc des Laurentides, pour convenir d'une entente, chef Picard, pas plus de jours que j'ai de doigts dans mes mains pour conclure financièrement une entente avec la nation, pas plus de jours que je n'en ai dans mes mains, et j'en ai 10, j'en conviendrai avec vous.
Je vous remercie de votre présentation, et on va passer maintenant à l'étape suivante avec votre nation, en termes de partenaires, mais aussi avec les autres nations qui nous interpellent aujourd'hui et pour l'avenir dans la paix et l'amitié. Merci, M. Sioui.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Duplessis, brièvement, parce que le temps file.
M. Duguay: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi également, M. Picard, je tiens à vous remercier beaucoup pour la présentation et toute l'équipe qui vous accompagne. Et je crois que vous avez démontré d'une façon très objective, là, l'importance que les communautés ont à s'entendre pour vivre sur ce grand territoire là.
Juste une petite question. Dans l'addendum que vous nous avez déposé ce matin, à la page 4 ? dans le bas de la page 4 ? vous nous dites: «Nous sommes disposés à prendre en compte les besoins de l'ensemble des utilisateurs du territoire et à faire les ajustements nécessaires.» Est-ce qu'on doit comprendre avec ça que vous seriez prêts à reconnaître des droits sur le Innu Assi, donc sur ce qu'on connaît comme réserves agrandies ou modifiées, et que sur l'ensemble du Nitassinan ? l'autre territoire ? tous les citoyens devraient être assujettis aux mêmes règlements en ce qui concerne la chasse, la pêche, la piégeage et tout ça? Est-ce que c'est ce qu'on peut comprendre avec ce texte-là?
Le Président (M. Gautrin): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Je vais donc demander à Me Picard de répondre. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Oh! Me Picard, alors.
M. Picard (Simon): Merci.
Le Président (M. Gautrin): Remarquez, vous êtes... on va dire «M. Picard», mais vous choisissez lequel des Picard.
Des voix: Ha, ha, ha!
n(12 h 30)nM. Picard (Simon): Alors, nous, on pense que les droits de la nation innue sont tout à fait compatibles avec les droits que nous avons sur un territoire qui, manifestement, se chevauchent. Et, en ce sens-là, on peut citer les alliances naturelles et historiques qui ont toujours eu lieu entre nos nations. Il y a eu des ententes sur le partage du territoire; c'est dans cette voie-là qu'on entend poursuivre.
Par ailleurs, ça n'enlève pas, je pense, l'obligation, pour le gouvernement, lorsqu'il négocie avec des communautés, avec des nations comme la nation innue, de nous consulter et de tenir en compte nos droits également. On parle de chevauchements entre les nations mais ça inclut aussi la nation québécoise et, en ce sens-là, le gouvernement doit tenir compte de nos droits.
Et, sur la question plus spécifique de la réglementation, pour nous, il est évident, dans le cadre de nos ententes actuelles, qu'une grande majorité de la réglementation est applicable, particulièrement en matière de sécurité, la conservation de la faune. Ça a été évidemment un principe qu'on entend respecter, mais, dans un cadre où, comme les Innus, on négocierait les modalités d'exercice de nos droits, ce qui n'est pas le cas actuellement en ce qui nous concerne; il y aura lieu de prévoir évidemment des aménagements particuliers pour tenir compte de notre réalité spécifique traditionnelle et culturelle.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. le député de Jacques-Cartier, au nom de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. En mon nom, je dirai un mot de bienvenue aux représentants du Conseil de la nation huronne-wendat, et notamment le grand chef Wellie Picard. Je pense qu'une des dernières fois que nous étions ensemble, c'était à Montréal, au moment de la célébration de la Grande paix de Montréal. Et quel contraste au niveau de la température! Le grand chef était dans des vêtements traditionnels spectaculaires, mais il faisait assez chaud cette journée-là, alors j'avais beaucoup de respect pour la tolérance à la chaleur du grand chef Picard.
Le Président (M. Gautrin): Il était déguisé en quoi?
M. Kelley: Oui. Aujourd'hui, c'est moins un enjeu, la chaleur, dehors, et tout est sous contrôle. Mais merci beaucoup pour vos commentaires aujourd'hui. Peut-être, le moins qu'on peut dire, que c'est une chance qu'on a une commission parlementaire, parce qu'on commence à reconnaître le style de ce gouvernement: on a des communications, on a des lettres qui étaient ignorées pendant neuf mois malgré le fait qu'on ait pas un mais deux ministres aux Affaires autochtones, pour le première fois dans notre histoire. Mais, au niveau de répondre à vos exigences et tout le reste, ça a pris votre présence ici ce matin que quelqu'un a dit: Peut-être, il faut répondre à ces lettres. Alors, c'est le style que nous avons vu, même dans le dossier de l'Approche commune: premièrement, il faut casser les pots et, en deuxième lieu, on va les réparer. Alors, on est heureux qu'enfin il y a une réponse du premier ministre, on est heureux qu'il y ait une ouverture pour aller de l'avant avec les négociations avec la nation huronne. Mais il ne faut pas passer sous silence le fait que ça a pris beaucoup de temps.
Peut-être pour mettre en garde le ministre, juste une parenthèse, M. le Président, sur le fameux sondage dont il parle abondamment ce matin, d'éviter le triomphalisme. Parce que, oui, les Saguenéens approuvent l'Approche commune mais ils sont contre l'autonomie gouvernementale qui est l'essence même de l'Approche commune. Alors, je pense qu'il nous reste du chemin à faire. Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne tendance mais je pense qu'il faut quand même le travail qui reste à faire. Je pense qu'on n'a pas encore tout expliqué les enjeux.
Alors, peut-être que ça peut m'amener à ma première question parce que qu'est-ce qu'on a vu dans l'Approche commune, il y a un problème de bon voisinage. On a vu plusieurs situations où le respect mutuel n'est pas bien expliqué, chasse et pêche, la question économique entre Essipit et Les Escoumins, il y a beaucoup de questionnement.
Alors, vu que vous êtes à côté de la ville de Québec, vous avez une longue expérience de bon voisinage, avez-vous des suggestions ou, basé sur votre expérience, des choses qui peut-être peut améliorer le climat qui entoure les négociations de l'Approche commune?
Le Président (M. Gautrin): M. Picard.
M. Picard (Wellie): Concernant l'entente commune de principe, on a eu l'occasion la semaine dernière de rencontrer le grand chef de Mashteuiatsh avec... il y avait le grand chef et Rémy Kurtness. Je peux vous dire qu'on a été étonné de la discussion, tellement qu'on va possiblement prendre une alliance politique.
Je pense que, moi, concernant les Montagnais ? c'est un peu mes frères ? j'ai l'occasion de vivre à travers eux autres assez souvent. Et même avec tous les conseillers qui étaient présents ce soir-là, on a eu une approche extraordinaire. Je pense que le voisinage, il n'y a aucun doute à ce sujet-là. Évidement, dans le cas du territoire Nitassinan, évidemment il y a des territoires qui sont chevauchés. Comme je disais à M. Moar, le grand chef de Mashteuiatsh, on n'est pas là pour respecter leurs règles parce que ce sont leurs problèmes, on n'est pas des Innus, on est des Hurons et on a nos objectifs tous les deux. Mais, par contre, moi, je suis entièrement solidaire aux Innus. Je pense que... Quand je suis la commission parlementaire, là, j'ai l'impression qu'ils ont beaucoup d'appuis parmi les parlementaires, là. Et je pense, je crois que ça peut continuer dans ce sens-là...
Le Président (M. Gautrin): M. Raymond Picard voulait ajouter quelque chose.
M. Picard (Wellie): ... Moi, il n'y a pas de problème concernant le voisinage avec, soit Essipit, Betsiamites et Mashteuiatsh, là, ce sont mes frères, puis je suis prêt à les supporter, à aller jusqu'au bout avec eux autres.
Le Président (M. Gautrin): M. Raymond Picard, vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Picard (Raymond): Peut-être sur la base économique ou sur la base des affaires, ce qu'il faut comprendre, je pense que les principes de base, c'est la concertation, c'est le partage de la richesse, hein, c'est le partage de la ressource aussi, et, nous, on l'a bien saisi. Et, actuellement, on est très actif, autant dans la région de Portneuf, comme on le disait tantôt, que, actuellement, on travaille aussi avec nos voisins au niveau de l'arrondissement 7, mais le secteur de Loretteville. On participe même aux crécelles, à différents comités locaux pour faire en sorte justement qu'on harmonise nos relations et dans le fond, d'unifier également nos forces. Et c'est clair pour nous que, en unifiant nos forces, je pense qu'on va être capable de bien se positionner, autant au niveau de Wendake, en termes de premières nations, en termes d'approche et d'accueil touristique, mais également dans l'ensemble de nos entreprises.
Et le principe, je pense qu'il n'y a pas 1 000 recettes, hein, c'est le partage de l'information, des communications communes, et c'est tout ça. Tu sais, je pense que, lorsqu'on a ces fondements-là, on est voué au succès. Et c'est ce message-là qu'on livre au gouvernement du Québec, c'est de dire un message où on dit: partenariat, respect de nos politiques, respect aussi des orientations que l'on a prises pour faire en sorte qu'on ait un «success story» au Québec d'une première nation avec le gouvernement du Québec. Merci.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Oui. Et je veux juste souligner: dans le mémoire, vous avez inclus la liste de toute la participation de la nation huronne-wendat avec les voisins, la notion de partenariat, la notion de consultation est bien décrite dans le mémoire, et merci beaucoup parce que je pense, moi, j'ai toujours l'approche pratico-pratique, si on peut trouver des exemples, parce que, quand on propose quelque chose pour la première fois, souvent le monde a peur, comment ça peut fonctionner. Et je suis encouragé par le nombre de contacts les Hurons ont pris avec leurs voisins, soit dans le domaine de gestion des parcs, chasse et pêche et les autres éléments qui sont là. Et je veux juste vous encourager dans ce domaine.
Juste pour revenir pour les commentaires du grand chef. Au niveau de... Parce qu'une des choses qui a attiré notre attention, c'est la situation de Matimekosh où, avec la signature de la Convention de la Baie James et une adoption d'une loi fédérale C-9, il y a une grande exclusion qui a été faite à ce moment. Alors, au moment qu'on arrive à un traité avec la nation innue, c'est quoi, au niveau formel, la consultation ou le mécanisme pour s'assurer que, en signant avec les Innus, on ne remet pas ou ne brime pas les droits des Hurons? Parce qu'on ne veut pas répéter les erreurs du passé, alors, au-delà du bon voisinage et la consultation est faite, avez-vous une proposition ou comment on peut s'assurer que les problèmes qui étaient créés avec la Convention de la Baie James ne se répètent pas avec un traité éventuel avec la nation innue?
Le Président (M. Gautrin): C'est Me Simon... Me Picard, et je crois que le chef Sioui voudra aussi rajouter quelque chose après. Alors, Me Picard, d'abord.
n(12 h 40)nM. Picard (Simon): Alors, c'est sûr que, dans le cadre de la négociation de l'entente avec les Innus, le gouvernement du Québec a manifestement l'obligation de nous consulter, de tenir en compte nos droits. Le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada doivent agir équitablement envers toutes les nations autochtones. Et ça ne nous apparaît pas évident, à ce stade-ci, que le gouvernement a pris toutes les mesures pour le faire actuellement, tant dans le cadre des négociations innues que dans le cadre du développement du territoire comme tel, où il y a des développements qui se font sans que nos droits soient tenus en compte. Précisément à ce stade-ci, je ne pense pas qu'on ait de mécanisme précis à proposer aujourd'hui. Par contre, l'invitation du ministre de régler certaines choses dans un délai de 10 jours, on peut dire que dans un délai assez court, sans doute qu'on va pouvoir trouver des solutions efficaces et rapides dans ce sens-là.
Le Président (M. Gautrin): Une campagne électorale, ça aide. M. Sioui.
M. Sioui (Réjean G.): Bien, cette question-là est très importante. Nous, de la nation huronne-wendat, nous aurions dû établir depuis très longtemps, depuis une couple de décennies peut-être au moins une décennie, des relations bilatérales avec nos voisins naturels, nos alliés naturels, les Innus. Il faudrait le faire aussi avec les Abénakis au sud, et puis les Algonquins et certaines nations algonquines également.
Nous avons initié une rencontre, comme le grand chef, M. Wellie Picard, l'a mentionné, avec le chef de Mashteuiatsh, Clifford Moar, et puis le chef de Mamuitun, M. Rémy Kurtness. Peut-être qu'on va initier une relation bilatérale, la nation huronne-wendat avec Mashteuiatsh et Mamuitun. Et nous espérons que cette relation-là va être multilatérale en impliquant le gouvernement du Québec, c'est sûr et certain, il va falloir. Et puis aussi, étant donné qu'il y a un traité de nature constitutionnelle qui fait un trait d'union dans cette historique-là, peut-être le gouvernement du Canada aussi, tout comme il est impliqué dans le traité avec Mamuitun et Natashquan.
Nous espérons ne pas être en retard dans cette nouvelle relation multilatérale là qu'on va développer. Nous espérons non seulement ne pas être en retard mais ne pas retarder le développement de ces ententes importantes là à venir pour tous, pour la société québécoise de même que pour la société amérindienne. Moi, c'est tout ce que j'ai à dire là-dessus.
Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Juste une dernière question, parce que, un autre point qui est soulevé, vous avez mentionné que la nation huronne est une nation commerçante, et... toutes les revendications de la concurrence déloyale, et on a vu ça, notamment les représentants de la ville des Escoumins, la municipalité des Escoumins. Comment répondez-vous à ces genres de choses? J'imagine vous n'êtes pas... vous avez entendu les mêmes genres de revendications ou des commentaires dans la population. Comment répondez-vous à ces plaintes, si je peux traiter ça comme ça, de concurrence déloyale?
Le Président (M. Gautrin): M. Picard, Raymond Picard.
M. Picard (Raymond): La façon dont moi, je répondrais à cette préoccupation-là, c'est par, encore une fois, l'implication. Ce qu'il faut comprendre, lorsqu'on se présente, que ce soit à Essipit ou que ce soit chez nous localement, et qu'on fait rejaillir cette préoccupation-là du commerce dit déloyal, je pense que la réponse, c'est de dire que nos voisins ont avantage à utiliser, dans le fond, les potentiels qu'on représente en termes de marché et, encore une fois, ça va de pair avec la question du partage de la richesse.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que si localement nous mettons des infrastructures de qualité, si nous développons nos premières nations, bien, je pense qu'à partir de ce moment-là ça aura des incidences économiques, que ce soit pour notre communauté, mais pour aussi, également, les communautés voisines et les municipalités voisines. Et je pense que chacun doit tirer avantage de ces opportunités-là qui nous sont offertes. Mais il faut encore définir qu'est-ce qu'une concurrence déloyale. Il faut encore être capable de définir qu'est-ce que cette concurrence dite déloyale, et je pense que ce n'est pas nécessairement existant pour autant; c'est ça qu'il faut comprendre. Je pense qu'il faut définir le principe que chacun gagne en mettant justement nos forces vives, en unissant nos forces vives pour mieux se positionner. Je crois que, autant la communauté des Escoumins que nous localement, on est gagnants d'utiliser cette approche-là.
Le Président (M. Gautrin): Me Simon Picard, vous voulez ajouter quelque chose.
M. Picard (Simon): Peut-être juste ajouter, je pense que c'est important de le mentionner, que le traité hurons, Murray, hein, qui a été reconnu par la Cour suprême, mentionne spécifiquement notre liberté de commercer et, en ce sens-là, on est d'avis que la liberté de commerce, qui est reconnue dans ce traité-là, doit avoir une portée réelle aujourd'hui et, évidemment, notre possibilité de commerce va pouvoir ? comme M. Picard, le directeur du développement économique l'a mentionné ? on va pouvoir participer avec les autres intervenants pour développer l'économie du Québec finalement en entier.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier?
M. Kelley: Non. Non, merci.
Le Président (M. Gautrin): Non. Alors, il me reste, au nom de la commission, à vous remercier pour votre présentation, et soyez assurés qu'on tiendra compte de vos remarques pertinentes.
Alors, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président (M. Gautrin): Alors, je me permets de reprendre nos travaux et de rappeler que nous recevons, à 14 heures, les Femmes autochtones du Québec. Alors, mesdames, c'est un plaisir de vous recevoir ici. Je me permettrai de vous rappeler les modes de fonctionnement. Il y a une heure qui est accordée à votre témoignage: 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20 minutes pour les questions venant des parlementaires ministériels et 20 minutes pour les questions venant du parlementaire de l'opposition. Mesdames.
Femmes autochtones du Québec inc. (FAQ)
Mme Audette (Michèle): Merci beaucoup. Pour commencer, je veux juste vous rappeler qu'on vous a soumis le mémoire par la poste, et ce que j'ai ici avec moi, c'est le complément du mémoire.
Le Président (M. Gautrin): Alors, est-ce qu'on en a des copies, tout le monde?
Mme Audette (Michèle): Oui. Nous avons donné des copies.
Le Président (M. Gautrin): Attendez un instant, madame. Mais je ne conteste pas, je me... Ma question ne s'adressait pas à vous, elle s'adressait à nos fonctionnaires.
Mme Audette (Michèle): O.K.
Le Président (M. Gautrin): Oui, vous avez les copies?
Des voix: ...
Le Président (M. Gautrin): Vous avez tous les copies. Parfait. Alors, madame, vous avez la parole.
Mme Audette (Michèle): Merci beaucoup. Avant de commencer, je tiens à présenter les femmes qui sont avec moi: Mérilda St-Onge, à ma gauche, représentante de la nation innue au sein du conseil d'administration de Femmes autochtones du Québec; et, à ma droite, ici, nous avons Ellen Gabriel, membre du comité exécutif de Femmes autochtones; et, à ma gauche, Michèle Rouleau, conseillère spéciale.
Alors, (S'exprime dans sa langue). M. le ministre, MM. les parlementaires, nous sommes ici aujourd'hui pour vous faire part de nos observations et de nos préoccupations quant à l'entente appelée l'Approche commune.
Tout d'abord, à l'instar de nos frères et de nos soeurs qui se sont déjà adressés à vous, nous tenons à vous rappeler notre attachement à la terre. C'est elle qui nous maintient en vie, nous devons la protéger et nous devons la respecter. Nous tenons à la préservation de notre culture et de notre langue, et nous savons que pour ce faire il faut davantage de contrôle sur nos institutions. Il nous faut aussi un espace, une assise territoriale où nos sociétés pourront évoluer, où nos enfants pourront grandir et être heureux.
Nous sommes convaincues que des ententes négociées quant à un nouveau partage du territoire sont essentielles au mieux être de tous et de toutes. M. le ministre, nous applaudissons les efforts de votre gouvernement qui semble disposé à donner suite à la motion adoptée par l'Assemblée nationale en 1985. Et, quoi qu'en disent certains personnages qui souhaiteraient un retour au temps des bons sauvages tranquilles qui ne dérangent pas, il est clair que le temps est venu d'établir un équilibre entre nos peuples. Il est temps que les droits des premières nations soient enfin respectés.
n(14 h 10)n Nous croyons qu'en ce sens l'Approche commune est une avenue de solution. Cependant, nous avons des préoccupations quant à certains éléments de cette entente. Dans un premier temps, nous questionnons l'utilisation du terme «première nation», lorsqu'il est question d'une communauté évidemment. On perpétue ainsi la confusion créée et encouragée par le ministère des Affaires indiennes qui, depuis plus d'un siècle, n'a pas ménagé les efforts pour nier l'existence des premières nations en limitant sa relation avec des Indiens sur une base individuelle ou encore avec les conseils de bande. Le mot «nation» n'apparaît nulle part dans la Loi sur les Indiens. Dans un exercice de rectitude politique, le ministère des Affaires indiennes utilise et encourage l'utilisation du terme «première nation»; c'est beaucoup plus élégant que de dire réserve ou conseil de bande, mais cela ne change en rien la réalité: les réserves sont des créations de la Loi sur les Indiens et elles demeurent sous son contrôle. Il n'y a pas neuf nations innues, il n'y en a qu'une et elle compte neuf communautés. Le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada ne peuvent pas affirmer qu'ils signent une entente avec la ou les nations innues, alors que cette entente a été négociée avec les quatre communautés. Malgré cela, nous comprenons qu'il faut bien en venir à des ententes sur le partage du territoire. Nous ne pouvons qu'espérer que les autres communautés innues pourront être associées à cette démarche de reconnaissance du droit de la nation innue et que l'avenir donnera lieu à une véritable entente de nation à nation.
Ceci dit, notre engagement concernant la reconnaissance de nos nations ne date pas d'hier. Nous avons aussi acquis une certaine expérience dans la lutte pour la défense des droits humains. Nous savons qu'avec les droits viennent les responsabilités. C'est dans cet esprit que nous vous présentons ce qui suit. Nous estimons qu'il est de notre responsabilité et de notre devoir de prendre la parole.
Nous avons des demandes qui, si elles trouvent réponse, ne modifieraient en rien l'esprit du document de l'Approche commune. Nous souhaitons seulement avoir des garanties que les citoyens et les citoyennes de la nation innue auront une réelle participation dans l'élaboration de ce projet de société. Les étapes d'accession à l'autonomie gouvernementale sont au coeur de nos préoccupations.
En premier lieu, au projet de préambule du traité, nous souhaitons qu'il y ait une référence explicite de l'article 35.4 de la Loi constitutionnelle qui porte sur l'égalité de garantie des droits pour les deux sexes. Cette demande n'est pas un caprice de notre part. Nous luttons depuis plus de 25 ans pour assurer une protection des droits des femmes et nous savons à quel point les acquis sont fragiles. Nous tenons à préciser que, même si nous croyons à la nécessité de l'autonomie gouvernementale, nous sommes conscientes que notre mieux-être ne dépend pas uniquement d'un transfert de pouvoirs et du contrôle sur un territoire. Nous croyons qu'il doit y avoir une conscientisation et une responsabilisation des individus quant à leur place dans la société en tant que citoyens. Cette participation citoyenne, elle devra être encouragée par nos leaders. Nos futures instances gouvernementales devront être représentatives et elles devront être redevables à leurs populations.
Notre démarche d'accession à une autonomie réelle sera longue. Le défi est énorme pour nos communautés. Nous devons nous sortir de la dépendance, nous devons nous responsabiliser et nous devons nous guérir. Car dans la plupart de nos communautés, aujourd'hui, nous voyons le résultat de la dépossession, nous voyons ce qu'un siècle de tutelle sous la Loi des Indiens a fait de nous.
La réalité pour beaucoup de nos soeurs, de nos frères et de nos enfants, c'est l'alcoolisme, le suicide, les agressions sexuelles. Nous ne vous donnerons pas les statistiques sur les enfants autochtones qui se suicident. Ce sont nos enfants. À chaque fois qu'un enfant s'enlève la vie, c'est la communauté qui meurt. Il faut que cela cesse. Il faut donner de l'espoir à nos jeunes enfants. On veut leur permettre une vie meilleure dans une société où ils auront une place, leur place. L'autonomie gouvernementale va bien au-delà d'un accord écrit, c'est un ensemble de choses qui nous permettront de retrouver un équilibre dans nos vies, et l'autonomie gouvernementale, pour nous, c'est de se reprendre en main, c'est rebâtir, et ensemble.
Dans cette entente, il est dit que «chacune des premières nations adoptera sa constitution, et ce, suivant un processus démocratique. La constitution de chacune des premières nations aura le statut d'une loi fondamentale à laquelle sera subordonné l'exercice des pouvoirs et des compétences des instances gouvernementales de la première nation».
Les constitutions innues porteront sur des sujets primordiaux pour nous. Ce sont: le statut et les règles d'appartenance; le choix des dirigeants; l'imputabilité et la reddition des comptes; les mécanismes de ratification et de modification constitutionnels.
Ayant vécu sous l'autorité absolue de la Loi sur les Indiens depuis plus d'un siècle, nous avons des questions quant au processus démocratique. N'oublions pas que nous sortons à peine d'un siècle de tutelle. L'exercice de la démocratie n'est pas toujours chose facile dans nos communautés. Quels moyens aurons-nous pour exercer notre rôle de citoyennes à part entière? Est-ce que tous les membres de la nation innue auront leur place et leur mot à dire dans l'élaboration d'une constitution? Notre questionnement ne résulte pas d'une paranoïa extrême: il reflète nos expériences passées et les difficultés rencontrées pour la reconnaissance du droit des femmes à l'égalité et la tristement célèbre bataille pour la réinscription des femmes indiennes qui avaient perdu leur statut suite à un mariage avec un non-Indien. La Loi sur les Indiens a fait ses ravages dans nos communautés et le spectre de la discrimination est toujours présent.
Nous avons eu à nous battre contre un gouvernement fédéral puissant, contre une loi injuste, contre des politiques discriminatoires et, même, dans certains cas, nous avons dû affronter certains des nôtres qui avaient adopté la mentalité de la Loi sur les Indiens. Nous en ressentons encore la douleur, et, hélas, nous sommes toujours confrontées à des situations absurdes résultant de cette même loi. Lorsqu'on utilise les termes «statut» et «règles d'appartenance», ne fait-on pas référence au vieux vocabulaire de la Loi sur les Indiens, instrument de discrimination par excellence?
Cette entente a l'avantage de pouvoir innover, et, comme le note M. Chevrette dans son rapport, les modalités qui s'y rattachent constituent une véritable révolution en matière autochtone. C'est là l'occasion de nous sortir du carcan des législations arriérées. Ne faites pas l'erreur de vous enfermer dans ces mêmes vieux concepts. La nouvelle société autochtone doit faire preuve d'ouverture et non pas se refermer sur elle-même. Le respect, le partage sont des valeurs auxquelles nous tenons. Il faut aller au-delà de la rhétorique. Notre société doit se donner des règles qui reflètent ses valeurs, et seul un véritable processus démocratique peut assurer la participation pleine et entière de tous les citoyens et citoyennes des premières nations. Permettez-nous de vous rappeler que votre responsabilité à cet égard, à titre de cosignataires de ces ententes, n'est pas moindre que celle des leaders autochtones.
J'aimerais maintenant élaborer au niveau des chartes. Nous nous réjouissons du fait que la Constitution du Canada et la Charte canadienne des droits et libertés continuent de s'appliquer aux Innus, à leur territoire et à leur Innu tshishe utshimaut. Quant à la possibilité pour chacune des premières nations de pouvoir adopter une charte innue des droits et libertés qui mettra en valeur sa philosophie, ses traditions et ses pratiques culturelles distinctes, nous ressortons trois points: nous privilégions que, advenant le remplacement de la Charte canadienne, il n'y ait qu'une seule charte pour l'ensemble de la nation innue et non une par communauté; ensuite, une charte innue devra refléter non seulement la philosophie innue, les traditions et les pratiques culturelles distinctes, mais aussi elle devra refléter les valeurs universelles en ce qui concerne les droits fondamentaux et les droits et libertés de la personne; troisièmement, nous maintenons qu'il doit y avoir un équilibre entre le droit collectif de la nation et le droit individuel des membres de cette nation.
Au niveau de la famille, tout ce qui concerne la famille nous préoccupe au plus haut point. Nous travaillons sur les questions relatives au mariage, au divorce et aux régimes matrimoniaux. Encore là, la Loi sur les Indiens a créé des inéquités qui doivent être réparées absolument. Sur la question de petite enfance et de protection de la jeunesse, nous maintenons qu'il ne faut faire aucune concession. Le mieux-être des enfants doit être la règle ultime. Toute législation concernant le droit de la famille devra faire l'objet de consultations approfondies, et on devra s'assurer de faire appel à toutes les ressources et aux expertises du milieu et de Femmes autochtones du Québec.
n(14 h 20)n Maintenant, au niveau de la justice. La possibilité de mise en place de mécanismes communautaires alternatifs visant la résolution de conflits nous apparaît intéressante à condition que ces mécanismes s'inscrivent dans une démarche bien planifiée et qu'ils soient développés avec la participation de professionnels et d'intervenants qualifiés. Les moyens alternatifs ne doivent pas servir d'échappatoire pour des individus qui commettent des crimes graves. Particulièrement en matière de violence conjugale et familiale, nous ne voulons pas d'un système de justice où les victimes se retrouvent pénalisées.
La sécurité publique est aussi pour nous une question très importante. Nous l'avons dit précédemment: Si nous voulons l'autonomie, c'est pour une vie meilleure. Nous voulons vivre dans des communautés où règnent la paix, la sécurité et l'ordre public. Depuis plusieurs années, les communautés tendent à prendre en charge les services policiers et, depuis plusieurs années, nous clamons que nous voulons des services de police efficaces. On veut des vraies polices qui, eux-mêmes, respectent les lois, en particulier la Loi de la police, surtout lorsqu'il s'agit d'une intervention en matière de violence familiale.
Nous louons les efforts de l'Association des chefs de police des premières nations du Québec en vue de rehausser le niveau de formation des policiers. À l'instar de l'Association des chefs de police, nous souhaitons la mise en place des comités de sécurité publique dans chacune des communautés. Bien que la création de ces comités fasse partie des ententes tripartites sur les services policiers, il y en a peu ou ceux qui existent bénéficient de peu de moyens. Ces comités sont nécessaires; ils permettent d'assurer l'indépendance des services policiers face au pouvoir politique et ils constituent un moyen de participation active des citoyens au mieux-être de la communauté.
Femmes autochtones du Québec travaille depuis plus d'une dizaine d'années sur les questions de justice et de sécurité publique en milieu autochtone. Au fil des ans, nous avons produit de nombreux documents et nous avons effectué maintes représentations auprès des ministères concernés pour tenter d'apporter des solutions aux nombreux problèmes qui affectent nos communautés. Vous n'êtes pas sans savoir que les choses évoluent très vite. Nos sociétés font face à de grands changements. Cependant, les problèmes grandissent et il y a des besoins criants au niveau des services policiers, de l'aide aux victimes d'actes criminels et de l'administration de la justice.
Nous profitons de notre comparution devant vous pour vous lancer un cri du coeur et ce cri du coeur, il n'est pas seulement le nôtre, c'est celui de tous les groupes qui oeuvrent auprès des femmes victimes de violence au Québec et en particulier les maisons d'hébergement. Nous vous supplions d'agir, les femmes et les enfants victimes de violence et d'agression sexuelle ont besoin de services d'aide adéquats. Nous avons besoin de policiers compétents et nous voulons un système de justice efficace.
Avec nos consoeurs québécoises, nous avons participé aux travaux du Comité tripartite Femmes-Justice. Les recommandations de ce Comité doivent être déposées ces jours-ci devant le comité interministériel de coordination en matière de violence conjugale, familiale et sexuelle. Nous vous demandons de vous assurer que votre gouvernement donnera suite à ces recommandations.
Le processus d'inscription en tant que bénéficiaires du traité soulève des questions. Comment s'assurer que des personnes qui sont exclues suite à des pratiques discriminatoires issues de la Loi sur les Indiens ne se trouvent pas à nouveau discriminées? On n'a pas besoin de vous répéter nos craintes sur ce genre de processus. Disons seulement que chat échaudé craint l'eau froide.
Les conventions internationales. Nous nous réjouissons également que l'on fasse référence aux conventions internationales. Nous sommes d'avis que non seulement nous devons bénéficier des conventions relatives au peuple autochtone, mais aussi à toute autre convention relative aux droits des femmes et aux droits des enfants.
En conclusion, s'il est vrai qu'il y a lieu d'approfondir les discussions sur les questions territoriales, il en est tout autant pour l'autonomie gouvernementale. Notre appartenance au milieu, notre expérience passée et notre expertise en matière de droit de la personne nous portent à croire que nous pouvons apporter une contribution significative à l'élaboration de futurs traités entre nos peuples. Plus précisément, pour les suites de l'Approche commune, nous formulons deux demandes: nous demandons à ce qu'un comité de femmes soit partie prenante aux discussions concernant l'autonomie gouvernementale, en particulier sur la question de la participation citoyenne; ensuite, nous demandons au gouvernement du Québec de nous accorder le financement nécessaire afin de mettre sur pied des sessions d'éducation et de formation à la participation citoyenne ainsi qu'à l'action politique et communautaire.
Comme nous l'avons déjà mentionné dans un premier texte que nous vous avons fait parvenir, nous sommes très préoccupées en ce qui concerne nos relations avec la population québécoise. Il est triste de constater que, bien que nous vivions ensemble depuis fort longtemps, ce sont la méconnaissance, les préjugés et la méfiance qui servent de toile de fond à nos relations. De part et d'autre, des efforts doivent être faits pour contrer cet isolement.
Alors, dans le but de favoriser ce rapprochement, nous avons trois demandes. Il faut prendre les moyens nécessaires afin que l'enseignement de l'histoire et les relations avec les premières nations soient une priorité dans les écoles du Québec. Le Québec ne peut plus se permettre de faire grandir ses enfants dans l'ignorance quant aux premières nations. Ensuite, il faut encourager davantage les activités d'éducation et de rapprochement entre autochtones et non-autochtones et, évidemment, soutenir les organismes qui oeuvrent dans ce domaine. Les gens veulent nous connaître et on a beaucoup à apprendre d'eux aussi et eux aussi à apprendre sur nous. Et la dernière, examiner la possibilité que le 21 juin, Journée nationale des autochtones, devienne un congé férié au Québec. Ceci constituerait une véritable reconnaissance des premières nations et ce serait tout à l'honneur du gouvernement du Québec sur la scène nationale et internationale.
En terminant, nous vous remercions sincèrement de porter attention à nos préoccupations et à nos demandes. Nous avons la conviction qu'ensemble nous pourrons bâtir un monde meilleur à condition que nos relations de nation à nation soient empreintes d'équilibre et de respect.
Tshinishkumitin.
Le Président (M. Gautrin): Mme Audette, je vous remercie. On va commencer la période d'échange, et je passerai la parole à M. le ministre, député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme la présidente, Mme Audette ainsi que les compatriotes qui vous accompagnent, Mme Rouleau qui a des racines en bonne terre, en terre abitibienne, Mme St-Onge et Mme Gabriel également.
Votre intervention est un véritable plaidoyer, vibrant plaidoyer pour les valeurs démocratiques. Oui, votre contribution élève d'un cran le débat, déjà très élevé par son niveau, qui a pris place ici, en commission parlementaire, la première depuis 1983 sur les relations de nation à nation avec les nations autochtones et la nation québécoise. Je vous remercie parce que votre mémoire, à chacune de ses pages, sinon à chacune de ses lignes, nous rappelle à des valeurs fondamentales pour les humains de votre nation et les humains de notre nation. Les valeurs de justice, de respect, qui se transforment en amitié, nous le souhaitons tous les deux, sont constamment présentes dans ce mémoire, et je me rends compte aussi que, dans cet esprit, il y a même plusieurs de vos recommandations qui s'adressent non seulement au gouvernement du Québec, mais qui s'adressent aussi au futur gouvernement autonome des communautés de la nation, et il faut que ces valeurs soient évoquées dès aujourd'hui pour qu'il puisse concrètement s'installer, car nous nous dirigeons vers un traité de nation à nation et qu'il prévoit la sortie de la tutelle. Je n'ose pas dire le mot tutelle fédérale, parce qu'on l'a employé dans plusieurs contextes et ça pourrait être interprété politiquement, mais de la tutelle de la Loi des Indiens qui, vous le dites, infantilise les citoyennes et les citoyens qui sont régis par cette loi.
n(14 h 30)n D'entrée de jeu, vous faites référence aussi au contexte très actuel, avec un doigté assez remarquable, Mme Audette, évoquant certains personnages qui souhaiteraient un retour au temps des bons sauvages tranquilles qui ne dérangent pas; un sondage ce matin nous dit qu'ils sont minoritaires, ils ne sont que 20 % dans la grande région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, et que les chantres qui ont le droit de le faire, parce que la liberté de parole est aussi une liberté fondamentale importante dans notre société, on le voit bien, aujourd'hui, c'est 20 %, tandis que l'ouverture à la poursuite de la négociation, tel que vous venez de nous le mentionner, c'est 80 % de cette population de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. À discuter à en parler, à donner de l'information, la maturité dans nos deux nations finit par triompher, et le gros bon sens, qui va nous conduire à une amitié encore plus profonde, nous conduis à ces résultats, va nous aider à ces résultats.
Il y a deux expressions sur lesquelles j'aimerais vous entendre davantage. On peut bien sûr comprendre le sens général, mais vous dites: «Notre démarche d'accession à une autonomie réelle sera longue ? les Québécois en savent quelque chose: 300 ans et plus. Le défi est énorme pour nos communautés, nous devons nous sortir de la dépendance, nous devons aussi nous responsabiliser [...] nous devons nous guérir.» Et plus loin, vous dites: «Nous devons rebâtir.» Guérir de quoi? Un peu d'explications, davantage. Et, «rebâtir ce qui a été détruit»; qu'est-ce qui a été détruit et qu'il faut rebâtir, aussi?
Le Président (M. Gautrin): Mme Audette.
Mme Audette (Michèle): Merci beaucoup. Guérir des souffrances et des problèmes sociaux. Nous sommes les champions des statistiques au niveau du suicide, de la violence conjugale et agressions sexuelles, mais je ne suis pas ici pour parler de ça. Mais de façon constructive, je me dis que, ça, c'est une solution, Femmes autochtones du Québec voit ça comme une solution. Et je n'ai pas pris en note, là, la seconde réponse... c'était rebâtir. Rebâtir, pour nous, il est clair que, bien avant l'arrivée des Européens, et ça, je pense que les historiens l'ont souvent dit, on avait nos propres façons de faire; et maintenant, avec la dépendance qu'il y a avec le gouvernement... bien, la Loi sur les indiens, les problèmes, tout ça, ce n'est pas évident de parler d'autonomie gouvernementale. Je pense qu'il y a un processus de guérison à faire, et la volonté est là. Donc, il faut rebâtir, il faut rebâtir nos nations.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre d'État à la Population, aux Régions et aux Affaires autochtones.
M. Trudel: Sur la question fondamentale dans ce plaidoyer pour les valeurs démocratiques au sein des futurs gouvernements autonomes des communautés comme dans la société québécoise, vous évoquez donc la presque nécessité, oui, c'est la nécessité, pour vous, d'inclure l'article 35 de la constitution rapatriée unilatéralement en 1982 et d'y évoquer explicitement la partie Charte des droits qui énonce l'égalité des sexes.
Vous savez d'abord qu'il y a un article, dans le préambule du projet qui nous a été soumis, qui fait déjà référence à l'article 35. Je pense qu'il s'agit d'une idée encore plus riche que d'y nommément évoquer la question de la Charte. Ma question, c'est sur la Charte.
Le texte fait également référence, à l'article 8.4.2, que «Sous réserve des dispositions du Traité, les lois canadiennes et les lois québécoises d'application générale, y compris la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, continuent de s'appliquer aux Innus, à leur Innu tshishe utshimaut et à leurs territoires», sous réserve, bon, des dispositions que vous avez évoquées.
Puisque la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne peuvent exister en même temps, communément, est-ce que vous ne pensez pas qu'une future charte des droits et libertés innue pourrait inclure les dimensions fondamentales de la Charte québécoise et, en même temps, donc, que cet article-là, ici, puisse être complété et non pas remplacé par une autre charte des droits et libertés uniquement innue, pour davantage de garanties?
Le Président (M. Gautrin): Mme Audette. Ou quelqu'un d'autre veut répondre?
Mme Rouleau (Michèle): Oui, si vous me permettez, M. le ministre.
Le Président (M. Gautrin): Mme Rouleau, c'est ça?
Mme Rouleau (Michèle): Oui, c'est ça. Sur la question de charte québécoise ou canadienne qui remplacerait, ou charte innue qui remplacerait, je pense qu'on n'a pas... on est pas allé jusqu'à étudier techniquement comment on peut remplacer la Charte canadienne ou comment on peut les inclure, les principes de chartes canadienne et québécoise. Vous comprendrez que nous n'avons pas toujours les moyens juridiques, les moyens financiers pour faire ce genre d'exercice là.
Par contre, depuis plusieurs années, nous avons vu comment la Charte canadienne a eu un impact sur la réalité des personnes en milieu autochtone, en particulier des femmes. Le fait qu'on ait eu, à la charte canadienne, l'adoption de l'article 15 sur le droit à l'égalité a certainement eu une influence sur les modifications qui ont été apportées à la Loi sur les Indiens. Alors, on peut dire qu'historiquement on a une relation où on trouve des choses très utiles dans la Charte canadienne. Maintenant, on connaît aussi la Charte québécoise, on connaît les possibilités qui sont dans la Charte québécoise, on connaît que ce sont aussi des principes, là, qui respectent les libertés fondamentales, des valeurs qui sont universelles.
Alors, pour l'Association, ce qu'on priorise, c'est qu'on ne veut surtout pas tomber entre deux chaises et on ne veut surtout pas qu'il y ait d'ambiguïtés au niveau de l'interprétation du droit à l'égalité des femmes, du droit des membres, de tous les membres de la nation et du droit au citoyen à participer à des activités. Alors, moi, je pense que la question de est-ce que la Charte québécoise doit être incluse ou remplacée par, pour nous, ne se pose pas vraiment à ce moment-ci. Ce qu'on veut, c'est ne pas perdre le droit à l'égalité. Et c'est pour ça qu'on fait une référence explicite à 35.4. On ne veut pas que, dans l'avenir, on change d'interprétation sur la Loi constitutionnelle de 1982, en parlant de 35 et en excluant qu'il y a aussi 35.4, qui concerne le droit à l'égalité des hommes et des femmes.
Alors, pour nous, peu importe. Je dis «peu importe», ça peut avoir l'air léger là, c'est complexe, mais le principe de base, c'est qu'il y ait une protection des droits des individus. Et, pour nous, les chartes, elles servent à limiter les pouvoirs d'un gouvernement, à définir ses responsabilités par rapport à ses citoyens et citoyennes et que les droits des citoyens soient clairement définis à l'intérieur de ça.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Trudel: Ce débat est passionnant. Je saisis l'idée fondamentale: pas tomber entre deux chaises, ou vaut mieux trois chaises qu'une, la canadienne, la Charte des droits et libertés québécoise et celle du gouvernement autonome, en notant cependant qu'il y a des qualités supplémentaires pour la protection. La Charte québécoise des droits et libertés rejoint cet équilibre que vous souhaitez entre les droits individuels et les droits collectifs. Et, d'autre part, les tribunaux chargés d'administrer les recours par rapport à cette loi couvrent également un autre aspect qui vous préoccupe beaucoup: les droits et libertés de la personne et la protection de la jeunesse, ce qui vous importe beaucoup, ça transpire constamment dans votre mémoire.
Mme Rouleau, vous avez déjà eu le prix de la Justice du Québec, et je voudrais que vous nous entreteniez un peu davantage sur les comités de sécurité publique. Bon, parce que j'ai parcouru très attentivement, dans un autre contexte, les comités de justice pour la nation innue en particulier, le rapport du juge Jean-Charles Coutu. Là ici, vous évoquez les noms de comités de sécurité publique. Alors, puis ça, c'est relié à ce que je viens de dire quant à l'application et à la protection des droits fondamentaux par les chartes; est-ce que c'est la même chose que les comités de justice auxquels vous faites référence ici, quand vous parlez des comités de sécurité publique? Et j'ai une crainte, je vous le dis tout de suite, j'ai une crainte que, si c'est ces comités, est-ce qu'on aura suffisamment d'emprise pour les droits fondamentaux?
Le Président (M. Gautrin): Mme Rouleau.
Mme Rouleau (Michèle): Bien, je pense qu'il ne faut d'abord pas confondre la question des droits fondamentaux d'une charte puis les comités de sécurité publique. Quand on parle de comités de sécurité publique, là, peut-être que Michèle Audette pourra compléter, quand on fait référence ici aux comités de sécurité publique, là, on s'en tient strictement à ce qui est déjà contenu dans les ententes tripartites sur la police dans les communautés autochtones. Il y a des ententes tripartites et, dans ces ententes-là, il est clairement énoncé qu'il doit y avoir des comités de sécurité publique qui sont là pour justement créer une certaine distance entre le politique dans la communauté et s'assurer que les citoyens ont des bons services policiers.
Et, quand on fait référence à ça, nous, on parle surtout pour ce qui est des questions du maintien de l'ordre dans la communauté et de la pratique du métier de policier, mais surtout on le voit comme un comité qui sert en même temps de participation des citoyens directement à leurs services et une responsabilisation des gens qui y participent.
n(14 h 40)n Il y avait d'un autre côté, dans certaines communautés, des comités de justice qui avaient été formés de différentes façons, qui étaient aussi pour que les gens s'impliquent davantage au milieu de l'administration de la justice. Nous, on n'en fait pas mention ici parce que ce sur quoi on s'est concentré c'est vraiment, là, dans le cadre de ce qui est déjà écrit dans l'entente de l'Approche commune. Mais, par contre, ce qu'on encourage, c'est évidemment la création de comités, qu'il y ait des comités de justice aussi, peut-être, mais il faut que ça vienne de la base. Et le problème de certains comités de justice, dans certaines communautés, c'est qu'ils n'ont pas toujours été créés par la base et ils n'ont pas fonctionné.
Par contre, les comités de sécurité publique, quand il y en a, fonctionnent, et les gens comprennent qu'ils ont une responsabilité. Alors, c'est pour ça qu'on voulait insister. Ils sont déjà dans les ententes; il faut juste les faire respecter.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président...
M. Trudel: ...
M. Dion: Merci, monsieur le ministre. Alors, vous voyez, madame, tout le monde veut poser des questions; moi le premier. Je vous remercie pour votre mémoire, qui est extrêmement intéressant. Et je voudrais aller directement aux questions que j'ai à vous poser, parce que le temps est très bref. J'ai deux questions à vous poser. Je vais les poser à la suite, de même vous pourrez répondre à l'une, ou à l'autre, ou aux deux, et vous pourrez même voir une relation entre les deux.
Alors, ma première question touche des choses qui sont affirmées en pages 2, 3 et 4. Vous parlez de... vous souhaitez que les instances gouvernementales soient représentatives et redevables à leurs populations. Et, en 4, vous parlez du processus démocratique et vous vous inquiétez à ce sujet. Alors, quelles sont les raisons qui fait que vous vous inquiétez à ça? Ou, posé autrement: Qu'est-ce que l'État du Québec peut faire pour favoriser cela sans évidemment s'immiscer trop dans les questions internes aux nations autochtones?
Deuxième question se réfère à ce que vous dites à la page 7: «Nous demandons à ce qu'un comité de femmes soit partie prenante aux discussions concernant» le gouvernement autochtone et tout ça. Pourquoi un comité de femmes et non pas des femmes dans un même comité avec les hommes? Il doit bien y avoir une raison. Probablement que ma question dépend de mon ignorance de la situation, alors vous allez certainement vouloir m'éclairer.
Le Président (M. Gautrin): Mme Audette.
Mme Audette (Michèle): Merci beaucoup. Je tiens à le rappeler encore une fois, ça fait plus de 125 ans qu'on vit sous le régime de la Loi sur les Indiens, un concept de tutelle. Alors, ce n'est pas évident. Et, la façon que, la loi, elle est établie dans nos communautés, les communautés ne sont pas redevables aux membres de la communautés. Il y a des communautés qui le font, qui le font depuis longtemps, mais je pense à des communautés où elles ne le font pas, certaines communautés, ou, celles qui le font maintenant, le leadership change. Et qui pourrait nous garantir que les prochains leaders vont nous assurer une imputabilité, une reddition des comptes? Nous voulons que ce soit clair, que ce soit formel, que ce soit à nous que nos leaders nous rendent des comptes.
Et, moi, je me dis... Vous avez parlé de ne pas vouloir vous immiscer au niveau des premières nations, là, avec les autochtones. Je pense qu'en tant que gouvernement et en tant que personnes, ici, à notre écoute, vous avez un rôle important, très important. Vous êtes des cosignataires avec ces ententes-là, vous allez faire des recommandations au niveau de ces ententes-là, et il faut absolument que, oui, les femmes autochtones aient des garanties. Très important.
Au niveau du comité des femmes, encore une fois, la Loi sur les Indiens, une loi, à mes yeux et à mon coeur, paternaliste et désuète, a fait beaucoup de tort aux femmes autochtones et aux enfants. C'est important, si on parle d'autonomie gouvernementale, à nos yeux à nous, l'Association, tout est interrelié. Pendant des décennies, on a entendu parler des revendications territoriales, mais dans ces revendications territoriales là, il y a eu une faiblesse, une lacune: la réalité sociale. Et ça est la responsabilité aussi des gens. Et ça, Femmes autochtones du Québec l'a beaucoup, beaucoup poussé, a beaucoup travaillé là-dessus. Et on se dit qu'on a travaillé pendant plusieurs années, on a une contribution importante à faire et on est là comme des alliées. C'est comme ça qu'on voit notre rôle. Oui, on peut travailler avec des hommes, mais je pense que la protection des droits acquis des femmes indiennes, la protection des droits fondamentaux, l'aspect social, l'éducation, etc., les femmes le poussent depuis longtemps. Et je vois l'importance d'un comité.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Rouyn-Noranda avait une question supplémentaire à poser suite à votre réponse, Mme Audette. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Trudel: J'aimerais bien entendre aussi Mme Gabriel. Vous travaillez auprès des femmes autochtones hors réserve, en particulier au Centre d'amitié autochtone de Montréal, et le drame, pour plusieurs femmes autochtones, il est aussi grand, sinon plus grand, en milieu urbain, à Montréal, que les dimensions que vous venez d'évoquer dans les communautés. Est-ce que les communautés elles-mêmes ne devraient pas aussi, de concert avec le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ? il ne faut pas les oublier ? ne devraient pas participer financièrement à l'effort des femmes en milieu urbain, en particulier pour un certain nombre de centres d'amitié autochtone pour les femmes vivant en milieu urbain hors réserve?
Le Président (M. Gautrin): Mme Gabriel.
Mme Rouleau (Michèle): Un petit délai pour la traduction.
Le Président (M. Gautrin): Mrs. Gabriel you could be free to answer in English. We have no English problem.
Mme Rouleau (Michèle): ...traduit seulement votre question.
(Consultation)
Le Président (M. Gautrin): Feel free to speak in English, there is no problem.
Mme Gabriel (Ellen): If you don't mind, I'll speak in English, because my French would be very terrible.
Le Président (M. Gautrin): If it's easier for you, it doesn't matter, really.
Mme Gabriel (Ellen): O.K. I think it's the responsibility of both Governments, because urban aboriginal people are always excluded. Although they're counted in the per capita budget of the communities, they do not receive the services that band councils are supposed to give them. So, I think it's their responsibility. And I think there should be an initiative by both Governments to provide or to help urban aboriginals who cannot live on their reserve for various reasons and ensure that they have their rights protected as well.
M. Trudel: What do you think about the idea of... the fact that the government of the community itself should be, with the two other Governments, in this effort for women living outside of the reserve?
Mme Gabriel (Ellen): The community council?
M. Trudel: Yes.
Mme Gabriel (Ellen): The Community band council should be also responsible?
M. Trudel: Yes.
Mme Gabriel (Ellen): I'm in agreement with you, but they are so far away removed from the realities of urban aboriginal women that it's impossible for them to know the needs. So, places like the Native Friendship Centre, who are more in tune with the realities of women, or the kind of organizations who you should be talking to, people like the Québec Native Women's Association, who really understand these...
As far as the reserve system is concerned, it's full of unjust decisions, I guess, to put it diplomatically, by individuals in the band council systems. And so, it's not a fair system at all.
Le Président (M. Gautrin): So, to the Room Member for Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi tout d'abord d'excuser mon collègue et porte-parole de l'opposition, qui, dû à un conflit d'horaire, n'a pas pu être ici. Mais ça me donne l'opportunité d'avoir le plaisir, donc, d'échanger avec vous. Et je dis «plaisir» parce que ce que vous apportez comme point de vue et comme élément d'ajout dans ce débat qui nous préoccupe ici, c'est une perspective différente de ce qu'on a habituellement entendu durant nos audiences ici.
n(14 h 50)n En fait, vous vous placez un peu à l'extérieur de la dynamique de la négociation entre les autochtones et les droits ancestraux, etc., et les gouvernements du Québec et du Canada, et vous vous rattachez à des valeurs fondamentales qui s'appliquent à tout le monde finalement. Et vous dites: À partir de ces valeurs-là, on veut s'assurer qu'à l'intérieur des gouvernements autonomes, qu'on encourage, pour remplacer la Loi sur les indiens, paternaliste, etc., que ces valeurs puissent aussi trouver un lieu propice pour prendre racine. Et c'est intéressant de voir le dernier commentaire de Mme Gabriel qui nous ramenait les inquiétudes, puis les craintes, et les réalités que vous avez vécues par rapport à des situations injustes, que des individus ont vécues dans les réserves telles qu'on les connaît actuellement. Et vous apportez aussi beaucoup d'emphase sur la nécessité de structures et de valeurs démocratiques quant au fonctionnement d'éventuels gouvernements autonomes.
Et ça m'amène à vous poser donc la question: Dans l'état actuel des choses, est-ce que vous êtes optimistes quand à l'avenir, suite à une dévolution de pouvoirs, à une négociation de pouvoirs qui seront assumés par des gouvernements autonomes, en remplacement des conseils de bandes sous la Lois sur les indiens, et donc l'abolition de la Loi sur les indiens? Je comprends que vous craignez qu'on change le nom seulement. Mais, êtes-vous optimistes ou craintives? Comment vous vous situez par rapport au processus? Et, comme sous-question, quelle donc a été la capacité que vous avez eue, comme groupe et comme individus, d'avoir de la participation dans l'évolution des positions des négociations des autochtones, des gouvernements autochtones?
Le Président (M. Gautrin): Mme Audette.
Mme Audette (Michèle): Je vais répondre en vous disant: Nous allons être optimistes si nous pouvons offrir de la formation aux femmes. À l'heure actuelle, il n'y a pas beaucoup de femmes en politique, et ça manque. Donc, il faut donner les outils nécessaires et, là, peut-être qu'on va avoir un sourire et on va être optimistes.
Le Président (M. Gautrin): Une autre question, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Donc, si je comprends bien, à l'heure actuelle, les femmes ne participent pas autant que vous souhaiteriez qu'elles participent, les femmes ne participent pas autant que vous le souhaiteriez au processus politique. Est-ce qu'il y a des obstacles à leur participation qui sont particuliers aux communautés? Est-ce que c'est le même genre de situation qu'on a vécu à l'extérieur des communautés autochtones, il y a 30, 40 ans ou... C'est-u juste une question d'évolution ou est-ce qu'il y a des obstacles inhérents ou structurels, si vous voulez?
Le Président (M. Gautrin): Mme Audette.
Mme Audette (Michèle): Merci, M. le Président. Comme j'ai dit dans mon discours, les défis sont énormes. Les obstacles pour les femmes sont énormes aussi, mais il y a une volonté de la part des femmes. Mais il faut regarder le contexte dans lequel elles se retrouvent, l'environnement et la réalité sociale, et c'est là-dessus que Femmes autochtones du Québec travaille très fort. Alors, c'est là-dessus aussi qu'on dit qu'on pourrait travailler, éduquer, donner de la formation pour la participation citoyenne au niveau politique et communautaire, aussi.
Si vous voulez que je sois plus précise, demandez à une femme qui subit de la violence conjugale et familiale à se lancer en politique. La réponse va être: J'ai besoin de survivre avant de faire ça.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Pour poursuivre un peu sur la même lancée, à ce moment-là, est-ce qu'à l'heure actuelle, à l'intérieur des communautés, avez-vous du support, des appuis? Est-ce que... Comment je vais dire? Parce que je ressens, dans votre présentation ici, une... Vous avez même dit c'est votre responsabilité aussi de garantir un certain nombre de choses, en vous adressant à un des deux négociateurs dans le dossier, là, et non pas aux négociateurs autochtones. Est-ce que vous avez eu l'opportunité, en tant qu'organisme de femmes et en tant que femmes, dans les communautés, de faire valoir ces points à vos négociateurs, si je peux parler ainsi? Et quelle est la réception que vous avez? Est-ce que c'est une préoccupation aussi, du côté autochtone, point de vue partie à la table des négociations?
Mme Audette (Michèle): Je vais répondre à votre première question. Dans les communautés, il y a seulement les services sociaux et les services policiers. Sur les 42 communautés, on compte seulement cinq maisons d'hébergement. Donc, je pense qu'on voit très bien, là, qu'il y a un manque de services adéquats et un manque de professionnels, là, pour les femmes victimes d'actes criminels et les enfants. C'est ce que j'aimerais répondre. Ensuite, j'ai ma collègue, Mme Rouleau, qui aimerait rajouter des commentaires.
Mme Rouleau (Michèle): Oui. Sur votre deuxième question, sur la capacité de participation au processus de négociation, elle est à peu près la même que les femmes québécoises peuvent avoir dans le processus, aussi. Nous faisons partie de la population. Nous ne sommes pas des gens qui sommes des négociateurs, négociatrices. Les négociations se passent dans un autre cadre, et on comprend que ce n'est pas... on n'a pas à se retourner puis nous consulter pour toutes sortes de questions.
Mais ce qu'on vous dit, c'est que, dans cette entente-là, il y a des choses qui sont très innovatrices, et qui sont très importantes, et qui constituent des changements majeurs pour la société autochtone. On parle d'autonomie gouvernementale, puis on donne des modalités d'autonomie gouvernementale, et c'est le plus loin qu'on est allé jusqu'à maintenant. Et ce qu'on vous dit, c'est: Ce train-là, il est gros et il part vite. Et, la réalité étant ce qu'elle est, à cause de la Loi sur les Indiens, à cause du fonctionnement des communautés, peut-être que les gens se sentent un peu loin, parfois, du pouvoir. On n'a pas les moyens. Et ce n'est pas un blâme nécessairement aux leaders, c'est de dire: On n'a pas toujours fonctionné de façon très démocratique à certains niveaux, parce qu'il y a la Loi sur les Indiens, et c'est l'autorité suprême, la Loi sur les Indiens.
Alors, c'est une chose de la blâmer, la Loi sur les Indiens. Peut-être on peut dire: M. Sirros, notre problème, il relève en grande partie de la Loi sur les Indiens, donc abolissons la Loi sur les Indiens, et c'est la faute du gouvernement fédéral. Mais ce n'est pas le cas. Dans le cas de cette entente-là, il y a trois parties qui vont la signer, et on se dit: Ne reproduisez pas les erreurs du passé, n'excluez pas une partie de la population. Et cette partie de la population là vient vous dire: Nous, on veut parler de problèmes pratico-pratique, mais on ne veut pas s'insérer dans toutes les discussions et on ne veut pas réclamer un siège à des tables de négociations pour dire qu'on est là. Mais, par contre, sur certains dossiers, on a une expertise peut-être qui n'a pas été préoccupante jusqu'à maintenant, parce que les gens qui sont là ont d'autres préoccupations sur l'administration, sur le transfert des pouvoirs, mais, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on est dans la réalité et il y a des choses qu'on veut transmettre. On ne veut pas venir mettre des bâtons dans les roues.
Alors, le comité, il n'a pas été défini clairement pour justement dire: On voudrait en discuter avec vous, où est-ce qu'il y a une place? Mais le principe, c'est de discuter de comment on peut s'assurer que, dans ce transfert de pouvoirs et dans ce mécanisme-là, il y aura toujours protection des droits et qu'on encouragera la participation citoyenne, parce que la Loi sur les Indiens a toujours fait le contraire. Ça a toujours été un agent des Affaires indiennes qui décidait, dans la communauté, pour tout le monde. Alors, la démocratie, on n'a pas vécu toujours avec ça. Et là, ça peut paraître inquiétant qu'il y ait un comité de femmes qui s'interroge, mais ce n'est pas pour remettre en question le pouvoir, c'est pour dire: Est-ce qu'on pourrait faire les choses autrement? Et on a des choses à apporter. Alors, les recommandations qu'on apporte, elles vont dans ce sens-là, on veut aider à développer la responsabilisation des gens, la participation citoyenne.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Bien, ici, on a beaucoup entendu, de la part des communautés non autochtones concernées par la négociation, un désir d'implication dans le processus des négociations pour qu'ils soient plus au courant de ce qui est présenté et ce qui est négocié, ce qui est accordé au bout de la ligne. Je ressens le même genre de besoin chez vous et la même frustration, si je peux parler ainsi, que plusieurs nous ont exprimée ici, des non-autochtones, dans le sens qu'ils n'ont pas eu le sentiment d'avoir été impliqués jusqu'à maintenant. Est-ce que j'ai raison?
Mme Audette (Michèle): M. Sirros, on ne parlerait pas encore de frustration mais plutôt de crainte, avec l'histoire qu'on connaît, là.
M. Sirros: O.K. Mais ce que j'essaie de comprendre, c'est: est-ce qu'il y a des mécanismes, à l'heure actuelle, qui vous permettent de donner votre point de vue, votre input, votre façon de voir l'avenir quant au fonctionnement du gouvernement autonome à l'intérieur du processus de négociations du côté autochtone?
Mme Audette (Michèle): Des mécanismes clairs et bien établis? Non, il n'y en a pas.
M. Sirros: Pas plus qu'il y en a du côté non autochtone?
Mme Audette (Michèle): C'est ça.
M. Sirros: Donc, c'est pour ça que je disais: C'est à peu près l'équivalent.
Mme Audette (Michèle): Oui.
M. Sirros: Et donc, la démarche, elle est très semblable, finalement, à ce qu'on a déjà entendu ici. Il y a des gens qui disent... Sauf que, vous, vous venez chez nous, entre guillemets... c'est aussi chez vous, mais dans le contexte où on est, là ? des fois des mots... ? et vous sonnez une cloche d'alarme et vous dites aussi: C'est votre responsabilité, même si vous êtes dans un processus de négociations, de vous tenir aussi à certaines valeurs fondamentales incarnées dans la Charte canadienne des droits, etc., la Charte québécoise et des valeurs de démocratie quant au fonctionnement du gouvernement autochtone. J'ai bien compris votre point de vue?
Le Président (M. Gautrin): Mme Audette.
n(15 heures)nMme Audette (Michèle): Si je peux me permettre un commentaire, M. Sirros, ça m'aurait fait plaisir si les premières nations auraient fait une commission pour parler de l'Approche commune, et j'aurais tenu le même discours. Ici, le message qu'on vous lance, c'est en tant que cosignataires. C'est très important. Donc, on a l'opportunité, on la prend. C'est notre rôle puis c'est notre devoir.
M. Sirros: Merci. Et d'ailleurs, je trouve cette idée intéressante. Je ne sais pas si j'ai le temps d'une dernière...
Le Président (M. Gautrin): Bien sûr, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Sur un autre élément que vous abordez, quant à la question de nation versus communauté, vous semblez dire qu'il faut faire attention de ne pas tomber dans le piège de remplacer «conseil de bande» par les mots «première nation» et donc de recréer une multitude de premières nations à l'intérieur d'une seule nation. Est-ce que ce discours trouve écho du côté autochtone? Parce que j'ai en tête, par exemple, les communautés cries, qui s'appellent toutes «première nation crie de» Chisasibi, «première nation crie de», etc., et ils tiennent beaucoup aussi à leur autonomie, entre guillemets. Alors, quel est l'état d'évolution de cette perception de la création d'une éventuelle entité nationale du côté d'une nation autochtone?
Le Président (M. Gautrin): Mme Rouleau, votre sourire veut-il dire que vous voulez répondre?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Rouleau (Michèle): Oui, on est mieux de sourire. Écoutez, ce discours-là, on ne sait pas quel écho il trouve, mais, nous, le regard qu'on porte sur la Loi sur les Indiens, sur son héritage, c'est celui-là, et le regard qu'on porte sur le discours qui est tenu maintenant, c'est encore, selon nous, le discours qui est issu de la Loi sur les Indiens et des pratiques du ministère des Affaires indiennes, et, pour nous, on considère que c'est un piège.
Il est évident que des gens qui sont responsables d'une communauté ont une fierté à se définir comme une première nation. C'est évident. Par contre, nous, on pense que la façon de se définir comme nation... On appartient à une nation et on est une communauté qui appartient à une nation, alors on est convaincu qu'on a... Et ce qu'on trouve dommage, c'est que longtemps ce terme-là, «première nation», a servi à brouiller le débat, et, comme le disait Michèle, on utilise «première nation» au lieu de dire «réserve», ça fait moins paternaliste, mais ça reste que c'est encore une réserve.
Alors, nous, ce qu'on dit, tout simplement, c'est: Allez au-delà des mots et des termes et de la rhétorique. Mais, quand on signe une entente avec une nation... justement, vous avez signé une entente avec la nation crie, pas avec la première nation de Chisasibi, la première nation de Nemaska, la première nation de. Vous avez signé avec la nation crie, c'est très clair dans nos têtes. Alors, tout ce qu'on dit, c'est: Ne nous enfargeons pas dans des discours qui sont faux, qui faussent les choses.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de Jacques-Cartier, vous avez quelques commentaires à faire.
M. Kelley: Oui, juste... premièrement, de m'excuser. J'avais un autre rendez-vous. Donc, c'était difficile d'être dans deux endroits au même moment. Mais j'ai lu attentivement votre mémoire et je vais lire l'échange que vous avez eu avec le ministre et avec mon collègue de Laurier-Dorion. Mais c'est toujours un plaisir de voir les présentations faites par les Femmes autochtones du Québec. J'ai travaillé beaucoup, surtout avec Mme Rouleau, dans une autre expérience, dans un autre temps, sur les dossiers de la sécurité publique. Mme Audette, Mme St-Onge, Mme Gabriel, merci beaucoup pour votre contribution aujourd'hui.
M. Trudel: M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Oui, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Trudel: Très certainement vous remercier et souligner aussi la présence avec vous, à l'arrière, dans la salle, des femmes ? elles pourraient très bien se lever ? qui vous accompagnent, qui, je sais, ont travaillé sur cette présentation.
Le Président (M. Gautrin): Alors, levez-vous, mesdames. Vous êtes les bienvenues de vous lever.
M. Trudel: Merci de votre contribution.
Le Président (M. Gautrin): Merci de votre contribution.
M. Trudel: Ça a été un plaisir. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Alors, je tiens à vous remercier, Mme Audette... Non, on applaudit pas, là. Je veux vous remercier de votre témoignage, et soyez bien sûres que la commission prendra grand cas de ce que vous avez dit. Sur ce, je demande...
Une voix: ...
Le Président (M. Gautrin): Ah! le temps qu'on fasse des échanges, on va suspendre cinq minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 5)
(Reprise à 15 h 6)
Le Président (M. Dion): ...les représentants de la nation malécite de Viger, Mme Archambault et M. Robert, Me Robert. Si vous voulez vous approcher. Alors, bienvenue. Vous avez suivi les délibérations, alors vous êtes au courant de toutes les procédures. Vous avez une heure à votre disposition pour communiquer verbalement vos préoccupations, qui se divise en trois parties égales. Donc, j'apprécierais que vous vous présentiez. Je crois qu'il y a une dame qui n'est pas enregistrée. Alors, si vous voulez donner le nom pour qu'on puisse l'enregistrer.
Première nation malécite de Viger
Mme Archambault (Anne): D'accord, c'est Mme Anne Paquet Launière. C'est l'aînée pure indienne malécite de Viger, la dernière, la dernière pure indienne des Malécites de Viger. C'est ma mère.
Le Président (M. Dion): C'est votre mère. Vous avez de la chance, madame.
Mme Archambault (Anne): Absolument.
Le Président (M. Dion): Et vous êtes Mme Archambault.
Mme Archambault (Anne): Absolument. Anne Archambault, grand chef des Malécites de Viger.
Le Président (M. Dion): Alors, Me Robert.
Mme Archambault (Anne): Me Robert.
Le Président (M. Dion): Vous avez la parole.
Mme Archambault (Anne): Merci. (S'exprime dans sa langue). Bonjour, je prendrai soin de toi, première nation malécite de Viger.
Mmes et MM. les députés membres de la commission, je vous remercie de nous donner l'occasion de nous exprimer au sujet des négociations d'une entente préliminaire avec les Innus. J'aimerais vous dire au tout début que nous avons des réserves et même une certaine pudeur en tant que première nation de participer à une commission parlementaire sur un sujet aussi intime que les rapports entre d'autres premières nations et les gouvernements. Ces relations historiques leur appartiennent et ne doivent pas faire l'objet de concours de popularité ni être soumises au vote populaire, comme cela a été fait en Colombie-Britannique. Nous considérons les rapports entre l'État et les premières nations comme sacrés et ceux-ci ne doivent pas être pris à la légère. C'est pourquoi nous ne commenterons pas les négociations comme telles, mais allons traiter des grands enjeux en cause qui vont vraisemblablement se produire sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent. Nous voulons éviter que les erreurs commises sur la rive nord se répètent sur la rive sud, comme le manque d'information des non-autochtones qui vivent dans les régions voisines. Nous avons de bonnes relations avec le milieu chez nous et entendons les maintenir.
n(15 h 10)n Maintenant, qui sont les Malécites de Viger? Les Malécites sont une réalité et pas simplement des personnages qu'on a pu voir dans la série télévisée de Bouscotte. Comme première nation, nous avons notre propre histoire qui commence bien avant la venue des Européens au Canada. Nous sommes partie intégrante de l'histoire de ce pays et plus particulièrement de l'histoire du Bas-Saint-Laurent. Historiquement, comme nation autochtone, nous faisions souvent le poids qui faisait pencher la balance en faveur de l'un ou de l'autre des envahisseurs. Les Français surtout et les Anglais nous utilisaient comme alliés pour gagner leurs guerres pour notre territoire.
En 1603, Champlain arrive à Tadoussac et mentionne explicitement qu'il y rencontre les Etchemins. On nous appelait à l'époque les Etchemins. Quant à nous, on s'appelait «le peuple de la belle rivière», les «Wulust'agooga'wiks», soit le peuple de la rivière Saint-Jean ou Wulustook. Plus tard, en 1604, Champlain et DeMonts décident de s'installer en Acadie et mentionnent les Etchemins comme les habitants de la région. Nos ancêtres leur décrivent les portages qui mènent de la baie de Fundy jusqu'au fleuve Saint-Laurent. Cela démontre la grande connaissance des Malécites de leur territoire et, au surplus, cela démontre que nous occupions l'intérieur des terres entre le fleuve et la baie de Fundy.
Le mot «Malécite» apparaît sur des écrits pour la première fois en 1650. On le voit sur une carte de la côte de la Nouvelle-Angleterre. On indique sur cette carte «Sauvages Malécites».
Le territoire ancestral malécite couvrait les rivières Saint-Jean, Sainte-Croix, la rive est de la Chaudière, la rivière Etchemin, la Madawaska, les rivières autour de ce qu'on appelle aujourd'hui Rimouski, Rivière-du-Loup et Montmagny et allant vers le sud, en Nouvelle-Angleterre. Depuis les divisions entre les États modernes, notre territoire ancestral couvre, à l'ouest, la rivière Chaudière, à partir de la Pointe à Lévis, le long du fleuve Saint-Laurent, jusqu'à Métis-sur-Mer, et vers le sud, jusqu'au Nouveau-Brunswick et aux frontières américaines.
La lutte entre les Anglais et les Français pour le territoire indien se conclut pour nous, comme d'ailleurs pour les autres premières nations, par une invasion de notre territoire. Cette question n'est pas réglée encore aujourd'hui, en 2003.
Pendant les années 1700, nous sommes occupés à la défense de notre territoire qui est de plus en plus menacé par l'envahisseur anglais. Nous signons des traités de paix et d'amitié avec le gouverneur anglais, comme le traité de février 1760 qui a fait l'objet de la décision Marshall de la Cour suprême du Canada en 1999. À ce moment spécifique, les Français perdent la guerre; tout le territoire entre Louisbourg et Québec est aux mains des Anglais. Les Français n'occupent plus que le territoire autour de Montréal. Il aurait été inutile pour les Malécites de signer un traité en 1760 avec les Français qui n'avaient plus de présence sur notre territoire qui est situé entre Louisbourg et Québec. C'est pourquoi nous soumettons que l'arrêt Marshall de la Cour suprême du Canada s'applique aussi au Québec.
Après 1760, avec la Conquête anglaise, la colonisation de notre territoire se fait de façon plus intensive. Des Acadiens viennent se réfugier pour échapper à la déportation de 1755 et, avec l'arrivée des loyalistes, après 1783, l'invasion de nos terres ancestrales atteint un point important et devient de plus en plus une menace sérieuse à notre survie. Au fil des siècles, le nombre d'Européens nous surpasse numériquement. Nous devenons un problème, nos terres et nos ressources sont convoitées. Les ressources n'arrivant plus à soutenir nos activités économiques traditionnelles, ayant vécu jusque-là de nos propres moyens, nous devenons plus dépendants des autorités gouvernementales. La solution qui est trouvée fait en sorte que, graduellement, nous devenons exclus de l'économie. On nous met sur des réserves, on nous prend notre terre et on perd de l'importance dans la mémoire collective.
En 1827, le 15 mai, par une ordonnance en conseil du fédéral, on tente une expérience au Bas-Canada et on crée, pour les Malécites, une réserve à Viger, près de Rivière-du-Loup, pour nous établir dans l'agriculture. Les mauvaises récoltes, la famine, les incendies et notre mode de vie basé sur la pêche et la chasse ont fait que plusieurs d'entre nous utilisions la réserve principalement pendant l'été. Pour l'Église et les colons de l'époque, un mode de vie différent de l'agriculture était intolérable. Nos ancêtres étaient loin dans le territoire à chasser en hiver.
M. Jacques Parizeau mentionnait l'été dernier dans le journal La Presse que les Malécites avaient cédé leurs droits au territoire. Il faisait sans doute référence à une cession de réserve et non pas ? correction, M. Parizeau ? de la cession de tout notre territoire ancestral. Cette cession a eu lieu en 1869, alors que des Malécites convoqués par le surintendant général des Affaires des Sauvages parmi ceux qui étaient en accord avec la cession acceptent de céder leurs droits dans la réserve de Viger. Mais parlons-en, de cette cession de 1869 qui a occasionné le déplacement de notre population. Nous vivons encore aujourd'hui avec les effets intergénérationnels de ce déplacement de population.
L'évêque de Rimouski, Mgr Jean Langevin, subissant des pressions des colons de l'époque, écrit, peu avant 1869, au grand vicaire de Québec, Edmond Langevin, pour régler la question d'une mission et la construction d'une église et d'un presbytère près de la réserve à Viger. Coïncidence, il appert que les deux membres du clergé sont des frères. Les deux frères demandent au secrétaire d'État, qui est responsable des Sauvages, de vendre la réserve parce que, soi-disant, elle nuit à la colonisation. Malheureux hasard pour les Malécites, le secrétaire d'État est Hector-Louis Langevin, le troisième frère.
Des voix: ...
Mme Archambault (Anne): C'est très triste. La cession de la réserve, sans surprise, est obtenue rapidement par une vente des lots à l'encan sur le perron de l'église et cause le déplacement de notre première nation. Cette cession de réserve n'est certainement pas libre et volontaire. Par la suite, le prix d'achat des lots n'est même pas tout collecté des acheteurs, ces montants qui nous étaient destinés ne nous sont pas remis. Quelques années après la vente, le gouvernement baisse unilatéralement le taux d'intérêt promis sur le solde. Nous devons vivre encore aujourd'hui avec les effets dévastateurs de ce déplacement. Notre première nation a été éparpillée, avec tout ce que cela implique, sur plusieurs générations. Nous travaillons fort à réparer ces injustices.
Nous avons soumis récemment aux gouvernements du Canada et du Québec des documents prouvant l'occupation historique des Malécites sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent. Comme vous vous en doutez, un village composé de tipis depuis le contact avec les Européens, c'est comme un village d'igloos, ça laisse peu de ruines pour les générations futures. Nous devons donc composer avec cette caractéristique de notre occupation avant et après les premiers contacts sur notre territoire ancestral. Ainsi, la preuve de notre occupation historique comme première nation doit être complétée par d'autres moyens.
Nous avons déposé, entre autres preuves, une copie d'un baptistère daté de 1725, où le fils du seigneur de Rivière-du-Loup était baptisé en 1715, auquel assistait comme parrain François Chibagouichedes, un Malécite. Le choix de ce parrain par le seigneur de Rivière-du-Loup témoigne certainement d'une amitié entre les deux, mais constitue un facteur important pour nous en 2003: la preuve écrite de notre occupation depuis au moins 1715. Facteur également important, le parrain est Malécite, chef et capitaine de guerre de tous les Sauvages de la rivière Saint-Jean et de la rivière Trois-Pistoles. Un homme qui se désigne comme chef de guerre et qui est reconnu comme tel par le seigneur et par l'Église en 1715, cela implique qu'il y a des gens autour de lui. On n'est pas chef de guerre seul en 1715 et sans guerriers. Cela présuppose une occupation constante et un établissement permanent des gens autour de lui.
n(15 h 20)n Ce document, comme d'autres expertises historiques, sert de preuve de notre titre ancestral en vue de la négociation d'un nouveau traité moderne avec la première nation malécite de Viger et autres premières nations de l'Est du Canada. Nous avons cependant une particularité, nous avons un titre ancestral sur le territoire en plus des droits issus des traités. Nous devons ajouter cependant que nous ne sommes pas une menace pour soustraire du territoire du Québec le territoire sur lequel nous avons des droits. Nous voulons que nos droits ancestraux et issus de traités soient reconnus et respectés, comme le prévoit la Constitution du Canada. Tout ça est, bien entendu, une question de degré. Nous ne prétendons pas vouloir expulser tous les non-autochtones de nos terres ancestrales pour faire respecter nos droits, souveraineté du Québec ou pas. Ces droits ancestraux et issus de traités, pour ce qui est des Malécites, ont été constamment ignorés par les gouvernements. Nos ancêtres ont signé des traités en 1760 et les droits qui y sont prévus ont été ignorés pendant au-delà de 200 ans, jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada les reconnaisse en 1999 pour Donald Marshall junior, en Nouvelle-Écosse.
Nous sommes une petite communauté et voulons, nous aussi, profiter des opportunités qui se présentent pour ne pas laisser s'éteindre notre peuple, tout en bénéficiant d'un développement économique viable. La communauté internationale tient des conférences à grand déploiement pour protéger des espèces de plantes et d'animaux en voie d'extinction. Mais, lorsqu'une première nation est menacée d'extinction par les effets à long terme d'un déplacement, non seulement il faut travailler fort pour réparer ces effets dévastateurs, mais il faut en plus faire face à ceux qui croient que notre usage des ressources naturelles est une menace à leurs intérêts.
Pour quelle raison devons-nous nous adresser continuellement aux tribunaux pour faire valoir nos droits au Canada et au Québec, alors qu'ils sont reconnus par la Constitution du Canada? Les coûts d'aller en cour sont énormes pour nous et pour les gouvernements. La Cour suprême du Canada et les autres tribunaux renvoient constamment les gouvernements au processus de négociation plutôt qu'au processus long et coûteux des tribunaux.
On ne veut pas réécrire l'histoire. Nous voulons cependant sortir de l'oubli. Ce court aperçu historique des Malécites peut sembler pour certains comme non pertinent dans le cadre d'une commission parlementaire sur des négociations avec les Innus. Au contraire, il en est tout autre. Ces faits historiques parmi d'autres prouvent notre titre ancestral sur le territoire et nos droits issus des traités. La Cour suprême du Canada a reconnu que les droits ancestraux ne sont pas créés par la loi des Européens lorsqu'ils arrivent et légifèrent sur nos terres. Nos droits préexistent. Autrement dit, la source de nos droits provient de notre occupation antérieure du Canada. Ceci est également reconnu par la Constitution du Canada lorsqu'on y dit que les droits existants ancestraux des autochtones sont reconnus et confirmés. On retrouve cette reconnaissance de nos droits à l'article 35 de la Loi constitutionnelle du Canada de 1982. Cette Loi constitutionnelle est un des piliers du Canada, les tribunaux la prennent au sérieux.
«Meegwetch». Merci. Je suis disponible pour répondre à vos questions s'il y en a. Merci.
Le Président (M. Dion): Merci, Mme le grand chef. Pour ma part, je dois vous dire que j'ai trouvé votre document très intéressant. Je donne la parole à M. le ministre, qui est ici, anxieux de vous poser des questions.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président, votre curiosité historique a reçu un peu davantage de satisfaction, la mienne aussi, et celle du porte-parole de l'opposition, qui a une formation en histoire, j'en suis convaincu, aussi, s'est élevée d'un cran en termes de connaissances.
Mme Archambault, Mme le grand chef... On n'est pas habitué ici, c'est la première fois qu'on dit ça, «Mme le grand chef». Et j'imagine, à ma connaissance, vous êtes le seul... la seule femme grand chef sur tout le territoire québécois, n'est-ce pas?
Mme Archambault (Anne): Je suis la seule femme grand chef qui siège à l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador. Il y a une femme qui a été élue aussi au niveau du national. Disons qu'on prend de l'expansion.
M. Trudel: Très bien. Bienvenue également à Me Robert, qui est avec nous, et l'aînée, Mme Paquet Launière, qui est avec nous.
Dites-nous, Mme Archambault, en termes de connaissances historiques, si on part d'aujourd'hui, la nation malécite reconnue par l'Assemblée nationale en 1989, vous êtes combien maintenant sur le territoire? La nation, c'est combien de personnes?
Mme Archambault (Anne): Présentement, la nation malécite de Viger compte 1 000 membres, tous vivant hors réserve.
M. Trudel: Tous vivant hors réserve.
Mme Archambault (Anne): Absolument.
M. Trudel: Est-ce que vous avez aussi le chiffre historique de 1760? Combien y avait-il de Malécites de Viger, aujourd'hui qu'on identifie comme Malécites de Viger, à ce moment-là? Est-ce que c'est une donnée qui a été portée à votre connaissance, que vous avez pu retrouver?
Mme Archambault (Anne): Nous n'avons pas cette donnée-là, malheureusement.
Document déposé
M. Robert (François): M. le ministre, on a cependant un extrait du registre, ici, qu'on pourrait déposer à la commission. On en a cinq copies. Peut-être pour votre curiosité d'historien et pour M. Kelley, de l'opposition. C'est une copie du registre. On a une traduction, aussi, dactylographiée pour bien comprendre.
M. Trudel: Alors, c'est un document qui nous décrit...
M. Robert (François): Le registre dont Mme Archambault parlait dans son mémoire, de 1715...
M. Trudel: O.K., 1715.
M. Robert (François): ...qui parle d'un ancêtre malécite chef de guerre de la rivière Trois-Pistoles et de la rivière Saint-Jean. Donc, avec ce document-là, on prouve une occupation des Malécites antérieure à la souveraineté... Finalement, s'il y a un chef de guerre, c'est qu'il y avait une occupation antérieure aussi au contact avec les Blancs.
M. Trudel: Comme nous disait madame, s'il y a un chef de guerre, il devait y avoir des guerriers.
M. Robert (François): Exactement.
M. Trudel: Il devait bien y avoir une cause aussi, hein.
Par ailleurs, actuellement, là, en termes de réserve légalement reconnue, est-ce qu'il y a une ou des réserves formellement qui, disons, appartiennent ou auxquelles sont rattachés les Malécites de Viger?
Mme Archambault (Anne): Oui, je vais répondre à votre question. Avant, je vais mentionner qu'on occupait un grand territoire et on a été confiné à deux réserves: la première qui a été créée au Canada, qui est la réserve qu'on appelle la réserve de Whitworth, qui a 173.01 hectares, ce qui n'est pas très grand, et puis la réserve de Viger, un petit carré de 0.17...
M. Robert (François): Cacouna.
Mme Archambault (Anne): Cacouna, pardon, 0.17, un petit carré à peine pour mettre un bureau administratif.
M. Trudel: En fait, deux timbres-poste, à peu près.
Mme Archambault (Anne): Absolument.
M. Trudel: Bon. Mais c'est pourquoi vous dites que tous les membres de la nation vivent donc hors réserve même s'il y a formellement deux réserves qui sont attribuées, attribuées entre guillemets, là, à la nation malécite de Viger?
Mme Archambault (Anne): M. le ministre, si vous me permettez, suite à cette intervention-là qui est quand même intéressante. Dû au complot qu'il y a eu entre les trois frères Langevin, il y a eu un éparpillement suite à ce complot-là. Parce que, nous, on occupait un vaste territoire dont... ils nous appelaient les Malécites de Viger. Viger était un certain territoire, mais on occupait Rivière-du-Loup... Bon, on était reconnu... «Wulust'agooga'wiks» veut dire «peuple de la belle rivière». Donc, nous, on empruntait les rivières, comme, vous autres, des autoroutes aujourd'hui. Donc, on occupait un vaste territoire. Mais, suite à ce complot-là des trois frères Langevin qui nous ont confiné à la réserve de Whitworth, que ça a été prouvé que c'était une terre impropre à la culture, donc, suite à ça, il y a eu un éparpillement de la population. C'est là finalement que... pas la communauté, je vais rectifier, la première nation a éclaté, ce fut un éclatement. Et puis, vous connaissez l'histoire, en 1987, le grand chef Jean-Marie Aubin, a rencontré M. Brian Mulroney, a demandé de reconnaître à nouveau les Malécites de Viger comme la onzième nation, avec les autres.
M. Trudel: Oui, très bien, mais vous faites référence à M. Mulroney. C'est l'Assemblée nationale du Québec qui a reconnu la onzième nation.
Mme Archambault (Anne): Oui, mais il a quand même rencontré toutes les...
M. Trudel: Ah! très bien...
n(15 h 30)nMme Archambault (Anne): Il a quand même rencontré toutes les personnes possible à ce moment-là, parce que, avec le respect que je dois... ? il est mon mentor, d'ailleurs ? il a rencontré les personnes, Brian Mulroney, les personnes au niveau national, au niveau du Québec, au niveau du Canada. Il a rencontré toutes les personnes possible pour être reconnu et il a effectivement réussi sa mission de vie.
M. Trudel: C'est parce que je voulais bien faire aussi une petite fleur à celui qui le méritait, M. Bourassa, le premier ministre de l'époque qui... C'est lui, de mémoire et de connaissance, qui a introduit à l'Assemblée nationale la reconnaissance, et il faut rendre hommage aussi historiquement à M. Bourassa.
Mme Archambault (Anne): Ah oui, absolument. Absolument.
M. Trudel: Par ailleurs, donc, vous avez soumis, là, tous ces documents de démonstration au gouvernement fédéral pour la démonstration de l'occupation du territoire en vue évidemment, vous le dites, là, d'un nouveau traité, donc de l'ouverture de négociations globales territoriales. Supposons succès de ces étapes. Puisque nous sommes à traiter de la question avec la nation innue, d'un traité avec la nation innue, là j'imagine qu'on va se retrouver dans des chevauchements assez évidents compte tenu des secteurs que vous occupez. Je ne sais pas, est-ce que vous pensez qu'il y a des recoupements avec des parties de territoire qui, actuellement, sont à l'étude pour la nation innue ou d'autres nations, parce qu'il y a des chevauchements? Est-ce que, là, à votre avis... Je ne vous demande pas ça avec de la très grande précision, là, mais qu'il va y avoir des chevauchements? Je vous dis ça parce que j'ai mandaté quelqu'un, M. Crête, pour examiner ces questions de chevauchement et je ne lui ai pas fait référence explicitement à ce qui pourrait se passer avec les Malécites de Viger, et éclairez ma lanterne encore un peu davantage.
Mme Archambault (Anne): D'accord, M. le ministre. La question qui se pose au niveau des chevauchements, dernièrement ? je vais vous donner un exemple ? j'écrivais un document et puis je m'en allais vers Lévis, et puis je savais fort bien que mon ami, grand chef Wellie Picard, n'est pas loin de là, je lui a téléphoné. Et, à un moment donné, ça devient entre nations un respect qu'on se fait et qu'on se doit. Moi, j'ai des Malécites partout, sur les territoires innus, j'en ai à Kujuak, j'en ai à Québec, j'en ai à Montréal. J'en ai partout. Tous mes gens sont hors réserve.
Quand on a soumis la preuve au fédéral, j'ai rencontré M. Guy Chevrette et j'ai remis les mêmes documents au gouvernement du Québec pour la preuve d'occupation. Quant au chevauchement, je crois que, en quelque part, il y a une complicité entre les premières nations en ce qui concerne le chevauchement. Comme moi, quand je siège à l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador, il y a un respect entre les chefs, il y a un respect entre les territoires, il y a un échange important si on vient proche des limites d'un territoire d'un autre. C'est la façon dont...
M. Trudel: Bon. Alors donc, il y aura à travailler cet aspect-là éventuellement. Lorsque seraient ouvertes des négociations globales, il faudra s'intéresser à cette question des chevauchements possibles. Mais je vois que les relations avec les autres nations qui vont peut-être être concernées sont déjà très bonnes, pressenti aussi qu'il y aura des échanges. Parce qu'il faut bien aussi que cela s'accompagne, disons, d'arrangements reconnus entre les nations concernées pour qu'on puisse par ailleurs les inscrire dans un éventuel traité, comme c'est le cas actuellement. Ce matin, nous discutions des questions de chevauchement pour la nation atikamekw avec les Cris et également les autres communautés dans le Nord-du-Québec. Bon.
M. Robert (François): Au sujet des chevauchements, étant donné la situation géographique des Malécites par rapport à leur territoire ancestral, historique, qui va jusqu'au Nouveau-Brunswick et dans le Maine, c'est que les frontières formelles entre le Canada, les États-Unis, le Nouveau-Brunswick et le Québec règlent un petit peu cet aspect-là des chevauchements vers le sud. C'est qu'il n'y a pas personne qui va revendiquer un territoire du Nouveau-Brunswick vers le Québec et des États-Unis vers le Maine, là. Donc, c'est une grande limite, finalement, qu'on doit composer avec.
M. Trudel: Très bien. Je vous remercie aussi ? je termine là-dessus ? je vous remercie aussi pour cette précision bien simple mais importante. Quand on est dans des négociations de nation à nation, qu'on fait appel à ces questions territoriales, il y a bien des gens qui ont peur avec la question de la partition du territoire québécois, l'intégrité du territoire québécois. Vous dites dans votre mémoire: «Nous devons ajouter cependant que nous ne sommes pas une menace pour soustraire du territoire du Québec le territoire sur lequel nous avons des droits. Nous voulons que nos droits ancestraux et issus de traités soient reconnus et respectés comme le prévoit la Constitution[...]. Tout ça est, bien entendu, une question de degré, nous ne prétendons pas vouloir expulser tous les non-autochtones de nos terres ancestrales pour faire respecter nos droits, souveraineté du Québec ou pas.» Je pense que l'affirmation de la nation, peut-être en nombre la plus petite, est très claire, sur le territoire national peuvent vivre harmonieusement des nations sur ce territoire, dont les Malécites de Viger. Et je pense que cela est un complément à cette commission parlementaire et à l'Assemblée nationale quant au fait qu'on peut, à l'intérieur de la notion de l'intégrité du territoire québécois, non seulement reconnaître les premières nations, mais y conclure des traités quant à l'exercice des droits et les règles pour les exercer pour vivre harmonieusement sur le même territoire.
Ça ne fait pas une bien, bien longue question, mais ça fait une longue observation précieuse. Puis, quant à moi, c'est important pour les fins de l'histoire. Merci, quant à moi, de votre participation.
M. Robert (François): Vous posiez une question au Barreau du Québec sur la continuité d'occupation...
M. Trudel: Oui.
M. Robert (François): ...et puis j'aimerais apporter un complément d'information. Vous faisiez référence à l'arrêt Delgamuukw et au titre ancestral des autochtones. C'est une question qui est particulièrement importante pour la première nation malécite de Viger. Vous allez le comprendre, à cause du déplacement de 1869, qui cause... qui peut causer... est interprété par une partie adverse, si on peut dire, dans certains cas, que c'est une interruption de l'occupation continuelle. Mais la Cour suprême dit spécifiquement, dans l'arrêt Delgamuukw, que l'occupation continuelle n'a pas à être parfaite. S'il y a des ruptures dans la continuité, si c'est expliqué par quelque chose qui n'est pas du contrôle de la première nation, comme de la famine ou quoi que ce soit, ils changent de territoire, ça peut interrompre une continuité... On voit que, pour les Malécites de Viger, le déplacement de la communauté de Viger a pu causer une certaine rupture quoiqu'il y a noyau de membres qui est quand même resté sur le territoire, qui... Ils sont quand même partis de Viger parce que ça a été cédé, mais ils se sont installés à Cacouna, Rivière-du-Loup, Rimouski, au Bic. Il y en a qui sont allés vers Tobique qui est encore sur le territoire ancestral, mais au Nouveau-Brunswick. Puis il y en a d'autres qui sont allés ailleurs dans la province. Ça explique un peu les questions de continuité. Je voulais apporter un peu ce raffinement-là dans les discussions qu'il y a eu préalablement dans d'autres mémoires.
M. Trudel: Bien, merci beaucoup, cela enrichit notre document dans notre tête, lorsque nous aurons à réfléchir ici sur les conclusions de la commission également.
Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant donner la parole à M. le député de Jacques-Cartier et critique de l'opposition en matière autochtone.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue grand chef Archambault, Me Robert, madame. Et c'est fort intéressant, parce que, effectivement, il y a 11 premières nations au Québec. Il y en a certaines qu'on connaît mieux que les autres à cause de la proximité aux grands centres, à cause des ententes qui sont signées, parfois les enjeux qui sont en question. Et, alors, on apprend beaucoup de choses sur la première nation malécite. Vous avez parlé d'à peu près 1 000 membres au Québec. Est-ce qu'il demeure des Malécites au Nouveau-Brunswick et au Maine aussi?
Mme Archambault (Anne): ...1 000 membres dispersés. Oui, j'ai environ, je dirais, à peu près 70 à 80 membres qui habitent aux États-Unis.
M. Kelley: De votre nation, mais Malécites... S'il y avait les Malécites aux Maritimes aussi, est-ce que...
n(15 h 40)nMme Archambault (Anne): Là, regardez, vous avez les Malécites de Viger, les Malécites de Tobique, les Malécites de Houlton, les Malécites d'Oromocto, vous avez les Malécites de St. Mary's. Ça fait qu'avec tous ces Malécites-là on fait un beau gouvernement. On est des Malécites de différents endroits, puis ce gouvernement-là malécite a déjà existé, existe toujours un peu et redeviendra vivant. Je n'aime pas parler au passé quand je parle des Malécites de Viger, dire: On va revenir. On ne reviendra pas, on a toujours été là, dans ce sens-là. Oui, il y a des Malécites ? ça peut être surprenant ? un peu partout.
M. Kelley: Parce que le même point a été soulevé par les Innus. On parle des neuf communautés innues, mais, effectivement, il y a les deux communautés innues du Labrador. Même phénomène chez les Mohawks où même une communauté mohawk est divisée entre le Québec, l'Ontario et l'État de New York. Et ça, c'est une carte géographique complexe, pour dire le moins. J'ai eu le privilège de visiter Akwesasne une fois avec un ministre du Québec, et, au niveau du protocole et de la protection policière, et tout le reste, pour se rendre à Akwesasne, ce n'est pas évident, pour dire le moins. Est-ce qu'il y a toujours des liens avec les Malécites du Nouveau-Brunswick? Est-ce que ces liens sont toujours vivants ou est-ce qu'ils sont plus ou moins...
Mme Archambault (Anne): Ils sont plus vivants que jamais. Oui, il y a des rencontres qui s'effectuent, là.
M. Kelley: Et c'est quoi... Parce que j'imagine avec ce lien... Parce que vous avez fait référence dans votre mémoire à la portée de l'arrêt Marshall sur les Malécites de Viger, peut-être, vous pouvez l'expliquer davantage, le lien entre l'arrêt Marshall et la reconnaissance de la première nation de Viger.
Mme Archambault (Anne): O.K. Qu'est-ce qui est arrivé, c'est que les Malécites étaient signataires du traité de 1760, et puis disons que les Malécites de Viger ont été insistants, et puis, suite à l'arrêt Marshall, la nation malécite de Viger a travaillé énormément afin d'acquérir un bateau afin d'effectuer la pêche, d'avoir droit, finalement, à la ressource à laquelle elle a été privée depuis des centaines d'années, d'acquérir un bateau... négocié afin d'acquérir un bateau afin de commencer à pouvoir cheminer vers le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
M. Kelley: Mais...
M. Robert (François): Peut-être sur le plan plus technique, l'arrêt Marshall implique des Micmacs. La Cour suprême, dans son interprétation du traité de 1760, se sert de procès-verbaux de négociations de l'époque entre Malécites et le gouvernement parce qu'il n'y avait pas de procès-verbaux pour les Micmacs qui ont été déposés ou qui ont été trouvés. Donc, ils ont pris des éléments de négociation du traité des Malécites pour les appliquer aux Micmacs. Donc, c'est évident que les Malécites, ayant signé les mêmes traités, sont couverts par ces traités-là évidemment.
M. Kelley: Et, en parlant de la grande nation malécite des deux côtés de la frontière Nouveau-Brunswick et le Québec et basé sur cette interprétation, ça peut avoir une portée aujourd'hui sur les Malécites de Viger si j'ai bien compris. Parce que j'apprends les choses, comment tout ça...
M. Robert (François): Comme il y a des Micmacs aussi au Québec, à Gaspé, qui sont finalement avec des Micmacs du Nouveau-Brunswick et de...
M. Kelley: De l'autre côté de la baie des Chaleurs, et tout le reste. Je pense, c'est en 1989, l'Assemblée nationale a reconnu les Malécites comme la onzième nation. Treize ans après, ça veut dire quoi pratico-pratique au niveau de... Est-ce qu'il y a des ententes administratives qui sont signées entre le gouvernement du Québec et les Malécites de Viger ou... Cette reconnaissance, elle nous a amenés à quoi exactement?
Mme Archambault (Anne): Oui, nous signons des ententes, c'est une façon de se faire entendre. Nous avons signé, oui, une entente de chasse. On a signé plusieurs ententes depuis notre cheminement. Avec le fédéral aussi, plusieurs ententes. Comme je dis, souvent on signe une entente pour se faire entendre. Et puis aussi, parfois, les nations, des fois, on est dans des états de pauvreté assez spéciale qui, parfois, nous poussent à poser des gestes, à signer des ententes pour soulager les misères de nos nations, de nos peuples. Oui, il y a plusieurs ententes qui ont été signées.
M. Kelley: Mais au niveau... Parce que j'essaie de... Parce qu'on a parlé de... On n'a pas vraiment une assise territoriale, parce qu'il y a le Whitworth et parce que votre bureau, si j'ai bien compris, à Viger... Au niveau de l'amélioration des conditions de vie, comment est-ce que ces ententes fonctionnent? Est-ce qu'on passe par le bureau de la première nation, mais on donne les services ou les soutiens aux familles qui sont, si j'ai bien compris, dispersées à travers le Québec ou...
Mme Archambault (Anne): O.K. Exemple, j'ai signé une entente avec le fédéral suite à l'arrêt Marshall, le traité 1760. Les gens sont tous hors réserve. Comment vont-ils profiter de cette entente-là? Eh bien, monsieur, croyez-le ou non, on a fait une distribution de poisson communautaire cette année à 350 familles et plus qui sont situées toutes hors réserve, ce qui implique quasiment une petite entreprise. Donc, les retombées économiques retournent à la communauté, à la première nation malécite de Viger. Les aînés, cette année, n'ont pas eu à débourser pour le poisson parce qu'on était capable de leur offrir. Parce qu'on sait que, bon, les aînés ne sont pas toujours en moyens. C'est une façon d'appliquer une entente.
Moi, j'ai toujours dit: Quand on signe une entente, c'est comme une graine qu'on met dans la terre, elle pousse, et par la suite on va la tailler afin qu'elle pousse droit, afin qu'elle nous donne nos besoins, qu'elle nous fasse évoluer. Parce qu'on est quand même des Indiens de l'an 2000, là, ça fait qu'on applique... Quand on signe une entente, ça doit retourner à la communauté, à la première nation.
M. Robert (François): Peut-être en complément d'information, pour un exemple de juridiction du Québec, les ententes de chasse: un membre veut aller chasser, il fait application au conseil de bande pour obtenir un permis dans le cadre de l'entente de chasse, on lui assigne un territoire où il va chasser selon l'entente.
M. Kelley: Mais dans l'exemple de la chasse qu'est-ce que... C'est partout au Québec qu'on peut... ou est-ce que c'est dans un territoire précis? Comment...
M. Robert (François): Dans un territoire qui est spécifié à l'entente.
Mme Archambault (Anne): C'est spécifié à l'entente. Ça, ça se... Pour l'entente de chasse, on a travaillé très fort afin de pouvoir servir les membres qui sont à l'extérieur, qu'ils puissent venir chasser, mettons, sur les réserves ou venir chasser à Whitworth. Et puis, bon, on passe notre temps, à un moment donné, à ratifier les ententes afin de combler la demande des membres de la première nation malécite de Viger qui vont continuer à aller en grandissant.
M. Robert (François): C'est une situation qui est cependant temporaire, parce que la première nation travaille fort pour regrouper ses gens, pour rebâtir un village, pour réparer les torts, finalement, du déplacement de 1869. C'est une tâche à laquelle le conseil s'attarde puis travaille fort ces temps-ci.
M. Kelley: Et le village aura lieu...
M. Robert (François): C'est prématuré que...
M. Kelley: Alors, c'est vraiment...
M. Robert (François): Tout ça, là...
M. Kelley: On parle dans l'avenir, c'est un projet...
Mme Archambault (Anne): Vision d'avenir.
M. Kelley: ...de règlement... Mais je trouve ça fort intéressant, parce qu'un des enjeux avec... Je pense qu'au Canada on n'est pas loin de... La moitié de la population autochtone qui vit hors réserve maintenant, et toutes les notions de droits autochtones et autonomie gouvernementale, comment on peut arrimer ça avec les personnes qui vivent hors réserve ou qui ne sont pas dans les communautés, c'est un enjeu intéressant. Il y a des propositions, si j'ai bien compris, à travers le Canada, comment donner les services. On a même, à l'Assemblée nationale, dans un autre contexte, regardé la protection de la jeunesse. Il y avait un projet pour les Naskapis, mais une des questions ? et le ministère de la Santé, si j'ai bien compris, est toujours en réflexion ? si je suis sous la surveillance du service de protection de la jeunesse à Kawawachikamach et je me trouve en difficulté à Québec ou sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, qui est responsable ou comment est-ce qu'on peut arrimer les services entre la régie régionale de la santé sur l'île de Montréal, par exemple, avec les services qui existent chez les Naskapis?
Alors, je pense, votre expérience, parce que vous gérez un droit autochtone exclusivement hors réserve parce que la communauté comme telle n'existe pas comme village, comme lieu physique... Je veux dire que la communauté existe, mais pas comme une réserve. C'est ça que je veux dire. Alors, je trouve que votre expérience est fort intéressante, comment conserver cette identité autochtone et avec les droits qui sont attachés dans une population qui est dispersée. Alors, c'est fort intéressant.
n(15 h 50)nMme Archambault (Anne): Bien, merci.
Le Président (M. Dion): Merci beaucoup, M. le député de Jacques-Cartier. S'il n'y a pas d'autres questions, alors nous allons mettre fin à cette audition. Je vous remercie beaucoup pour votre collaboration et je vais demander tout de suite aux représentants de la Société de développement économique Ilnu de Mashteuiatsh de prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Dion): Alors, avec votre collaboration, nous allons poursuivre nos auditions, et je souhaite la bienvenue à la Société de développement économique Ilnu de Mashteuiatsh. Remarquez bien que je ne suis pas tellement habitué de prononcer ça. Peut-être qu'avec le temps je vais m'y faire. Il faudrait...
Une voix: ...
Le Président (M. Dion): Comment?
Une voix: Mashteuiatsh.
Le Président (M. Dion): Mashteuiatsh. Et ça fait partie des ignorances qu'il faut combler, hein? Donc, bienvenue parmi nous et merci d'être là. Et, vous connaissez déjà les règles de nos auditions, alors je vais vous demander de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent.
Société de développement économique Ilnu
de Mashteuiatsh (SDEI)
M. Robertson (Édouard): Alors, pour m'accompagner aujourd'hui, il y a Mme Colette Robertson, qui est directrice de la Société de développement économique; il y a M. Jean Launière, qui est vice-président de la Société de développement économique ? M. Launière qui est un de nos entrepreneurs; et M. Daniel Courtois, qui est le conseiller responsable du conseil de bande et qui est le conseiller responsable du développement économique. Et moi-même, Édouard Robertson, président de la Société de développement économique.
Le Président (M. Dion): Alors, vous avez la parole pour 20 minutes.
M. Robertson (Édouard): Alors, merci. Alors, M. le Président, distingués membres de la commission, d'abord, un gros merci de permettre à notre jeune organisme de pouvoir s'exprimer sur cette importante démarche. Pour ce faire, au-delà du mémoire comme tel déjà déposé, nous avons cru bon, afin de dynamiser la présentation, de se partager cette même présentation. Il en ira de même au terme de la présentation, en ce sens que chacun, dans nos domaines de compétences, nous tenterons de répondre, au meilleur de nos connaissances, aux interrogations des membres de la commission, évidemment, s'il y a lieu.
Dans le cadre de cette commission parlementaire portant sur l'entente de principe d'ordre général entre les premières nations du Conseil tribal Mamuitun, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, la Société de développement économique de Mashteuiatsh accueille avec un grand enthousiasme cette démarche de consultation.
Notre participation à cette commission parlementaire des institutions vise trois objectifs précis. D'abord, nous voulons appuyer la position de nos représentants politiques en ce qui a trait à la négociation pour la mise en place d'un projet de société stimulant et la signature d'un traité à la hauteur des aspirations des Pekuakamiulnuatsh.
Deuxièmement, nous voulons faire ressortir les problématiques que nous vivons dans les communautés quand on commence à penser développement économique et comment une entente de principe pose le défi d'apporter des solutions à ces problématiques. Nous voulons souligner à nos voisins québécois, comme l'ont mentionné certains de leurs leaders politiques positifs, que la venue d'un nouveau joueur, en l'occurrence les Pekuakamiulnuatsh, dans le développement de notre région pourra être bénéfique.
Troisièmement, dans l'esprit de l'entente de principe qui priorise une cohabitation harmonieuse, nous souhaitons démontrer que l'enjeu de ce nouveau pacte social passe par un partenariat réel et que les entrepreneurs de Mashteuiatsh adhèrent entièrement à une telle approche d'avenir. Qui plus est, les quelques expériences que la Société de développement économique Ilnu a pu tenter au cours de la dernière année pour démontrer son ouverture à réaliser des expériences de partenariat est tout à l'honneur de nos gens d'affaires.
Alors, si vous le permettez, je passerai la parole maintenant à Mme Colette Robertson qui nous entretiendra et qui nous expliquera finalement qu'est-ce que la Société de développement économique Ilnu et qu'est-ce que la communauté de Mashteuiatsh. Alors, Mme Robertson.
Le Président (M. Dion): Alors, Mme Robertson.
Mme Robertson (Colette): Merci à vous. Alors, Mashteuiatsh est la seule communauté autochtone dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Avec ses 4 622 membres, en 2001, les Montagnais du Lac-Saint-Jean formaient la deuxième communauté autochtone en importance au Québec. On compte actuellement 1 981 membres vivant sur la réserve et 2 641 membres vivant hors réserve. Le taux de croissance de la population résidente de Mashteuiatsh a été de 15 % entre 1996 et 2001. Alors que d'autres municipalités en région sont aux prises avec l'exode des jeunes, la fermeture des écoles primaires et la dénatalité, notre communauté vit un boom démographique, revient à un retour en région de ses membres et à une augmentation du taux de natalité à un rythme effréné.
Le développement économique vers une entité autonome. Le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean a identifié, en mai 2000, les forces et les faiblesses de son organisation politique et administrative afin d'actualiser son plan stratégique. On peut voir comme forces une population jeune, la volonté d'être un peuple autonome, la sauvegarde de l'identité culturelle et linguistique sur le Nitassinan, une synergie pour le changement. Par contre, comme faiblesses, on peut voir la dépendance étatique et systémique des individus, la détresse sociale, physique et mentale, des contraintes légales au développement en lien avec la Loi sur les Indiens, le faible taux d'emploi, faible progression de l'éveil et de la fierté.
Cet exercice de réflexion a permis de faire ressortir six grandes orientations stratégiques sur lesquelles se concentraient les priorités d'action du Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean. Celles-ci sont la structure gouvernementale, la négociation globale, le développement économique, la réalité sociale, la culture et l'environnement.
n(16 heures)n La détermination et la volonté du milieu des affaires combinées à un dessein politique orienté vers un gouvernement autonome amènent le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean à reconnaître l'association des gens d'affaires et mettre en place une structure de développement économique indépendante de son entité administrative. En décembre 2000, la Société de développement économique Ilnu est officiellement créée, et son implantation est prise en charge par un conseil d'administration constitué de cinq représentants du milieu des affaires et de deux représentants élus du Conseil de bande. Depuis septembre 2002, les règlements généraux ont été amendés par l'assemblée générale des entrepreneurs pour tenir compte de la nouvelle structure politique et, maintenant, seulement un représentant élu est membre d'office du conseil d'administration. La Société de développement économique Ilnu est donc à la fois un outil pour les entrepreneurs, et l'acteur principal du développement économique de la communauté de Mashteuiatsh.
Les objets pour lesquels la Société de développement économique a été constituée sont les suivants: D'abord, promouvoir le développement économique des Pekuakamiulnuatsh afin de contribuer à l'autonomie de ceux-ci par l'accroissement du patrimoine collectif; promouvoir des projets à caractère économique qui sont en harmonie avec l'environnement et qui respectent la culture ilnue; promouvoir, créer et supporter des entreprises appartenant à des Pekuakamiulnuatsh ou qui profiteront directement aux Pekuakamiulnuatsh; rendre accessible l'expertise-conseil; faciliter l'accès au crédit commercial et au crédit d'investissement; développer une culture entrepreneuriale.
Dans le support que nous offrons aux entrepreneurs, la Société de développement économique Ilnu est à même de vivre avec ces derniers les contraintes qu'ils doivent surmonter. Je laisserai donc la parole à M. Daniel Courtois pour vous présenter ces contraintes.
Le Président (M. Dion): M. Courtois.
M. Courtois (Daniel): Merci. Problématiques du développement économique en territoire ilnu. Nos communautés, longtemps administrées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ont commencé, dans les années soixante-dix, une prise en charge progressive des services qui étaient assurés par ce ministère. Les conseils de bande devenant responsables de la dispensation des services sont devenues pendant très longtemps l'employeur principal de nos communautés. Au cours des 10 dernières années, l'émergence d'une culture entrepreneuriale et le dynamisme démontré par certains hommes et certaines femmes d'affaires a fait en sorte que la majorité des emplois aujourd'hui relèvent de l'entreprise privée. Ce développement ne s'est pas fait sans heurt et, encore aujourd'hui, les contraintes sont omniprésentes pour le développement entrepreneurial autochtone. L'objectif de cette section est de vous sensibiliser sur quelques impacts de l'héritage de la tutelle du ministère des Affaires indiennes.
Comme vous le savez sans doute, démarrer une entreprise, à notre ère, nécessite des efforts et des investissements importants de la part des promoteurs. D'ailleurs, on entend fréquemment le diction suivant N'est pas entrepreneur qui le veut. Les hommes et les femmes d'affaires du Québec seraient sûrement les premiers à venir témoigner des difficultés auxquelles il faut faire face pour mettre à jour une entreprise, mais surtout à la rendre viable.
Les contraintes auxquelles font face les entreprises québécoises sont également les nôtres, mais, en plus, on doit également naviguer au travers de celles engendrées par la Loi sur les indiens, et elles sont importantes. Au-delà de certains avantages fiscaux qui laissent place à de drôles de perceptions chez nos voisins, le développement économique dans nos communautés est souvent très difficile, et cela est dû à l'héritage que nous a laissé cette loi.
Nous tenons à vous dresser peut-être un petit parallèle entre la réalité de nos deux sociétés. D'un côté, on retrouve la situation d'un indien vivant sur réserve et, de l'autre, la situation d'un citoyen à l'intérieur d'une municipalité. Donc, sur réserve, un indien a un droit limité de possession et d'occupation puisque le ministre des Affaires indiennes et du Nord délivre des certificats de possession et d'occupation. Donc, selon la loi, nous n'avons aucun droit, là. Dans le fond, nous n'avons pas de droit, nous avons seulement un droit d'occupation. Parallèlement à ça, si on parle d'un citoyen à l'intérieur d'une municipalité, il a un droit de propriété véritable.
Un second point. Si nous désirons vendre la maison que nous avons construite, nous sommes limités à un droit de transfert à la bande seulement et ce transfert n'est valable que s'il est approuvé par le ministre. Encore là, si on fait un parallèle avec le citoyen québécois, tout propriétaire d'un terrain ou d'une maison peut vendre, en toute liberté, à qui il désire, y compris à une ou des personnes résidant à l'extérieur de la municipalité. Le fait, dans le fond, d'essayer de vendre une maison et qu'il soit limité à la bande seulement fait en sorte qu'il y a une dépréciation importante au niveau de la maison vu le bassin peu important de personnes pouvant acquérir cette dernière.
Un troisième point. Les terres de réserve ne sont assujetties à aucune saisie sous le régime d'un acte juridique. Cela pourrait paraître, à première vue, un avantage, mais comme les biens d'un indien dans une réserve ne sont pas saisissables, l'accès au crédit à la consommation et l'obtention même d'une carte de crédit s'avèrent souvent impossibles, et ce, quels que soient son revenu et sa solvabilité. Parallèlement à ça, au niveau municipal, au niveau d'un citoyen québécois, il y a des droits de saisie qui existent et toute personne solvable, ayant des biens meubles ou immeubles en garantie, peut généralement avoir accès au crédit à la consommation et obtenir une carte de crédit.
Un quatrième point que nous mettons en parallèle. Nos infrastructures ne peuvent faire l'objet d'une hypothèque, ce qui limite grandement la capacité d'emprunt. Et, contrairement, il y a un droit d'hypothèque qui existe au niveau des gens du Québec, il y a une capacité d'emprunt.
Tout ça se traduit: Comment, maintenant, lorsque l'on veut démarrer une entreprise et dynamiser le développement économique dans nos communautés? Je vous dresse quelques exemples que nous aurons sûrement la chance d'aborder durant la période de questions.
Comme il est impossible d'hypothéquer nos biens et infrastructures, les institutions prêteuses demandent de fournir des mises de fonds importantes sans compter les cautionnements qui, très souvent, entraînent un manque de liquidité dès les premiers mois de fonctionnement de l'entreprise. À peine démarrée, l'entrepreneur peut rencontrer des difficultés l'empêchant de remplir ses obligations.
Un second exemple: Plus souvent qu'autrement, il est difficile de trouver du cautionnement. Il faut souvent référer à nos amis ou à nos familles et, dans bien des cas, pour ces derniers, c'est difficile de nous appuyer, même s'ils croient au fondement du développement de nos entreprises. Donc, c'est souvent le conseil de bande qui doit le faire et il n'est pas normal, en 2003, que ce soit encore la situation qui prévale.
Un troisième élément. Les compagnies d'assurances sont très craintives; souvent elles refusent tout simplement de s'impliquer.
Un dernier exemple: Une compagnie incorporée, dont 100 % des actionnaires sont autochtones, ne peut même pas avoir un pied-à-terre dans une communauté sans avoir reçu par résolution l'appui d'un conseil de bande, mais surtout l'autorisation du ministre des Affaires indiennes et du Nord.
Ce ne sont que quelques impacts de la Loi sur les indiens. Nous tenions à vous faire part de ce handicap, puisqu'il peut, à certains égards, empêcher le partenariat avec des entreprises québécoises, partenariat que nous savons important et qui est, selon nous, une solution d'avenir. Et à ce titre, je laisserais M. Jean Launière vous entretenir sur la notion de partenariat.
M. Launière (Jean): Dans le contexte des difficultés soulevées par M. Courtois, une solution s'impose: le partenariat qui est la pierre angulaire du développement. À titre d'expérience de partenariat, les 20 et 21 novembre dernier, la Commission de développement économique des premières nations du Québec et du Labrador a organisé un colloque sur le développement économique, qui avait comme thème L'économie concertée ? ensemble vers un but commun. À leur demande, la directrice générale de la Société de développement économique ici présente, Mme Colette Robertson, est intervenue comme conférencière pour présenter une expérience de partenariat avec le centre local de développement de notre région.
Pour préparer les participants au contenu de la conférence, la mise en contexte a été présentée comme suit: À l'instar des régions du Québec qui réclament plus d'autonomie pour consolider leurs acquis et explorer de nouvelles voies, les premières nations veulent assurer leur avenir et maîtriser leurs outils de développement, des objectifs parallèles rencontrés par le même moyen, c'est-à-dire la concertation. Enfin, le résultat de cette démarche se veut une démarche d'échange et d'expertise commune qui sera basée sur des valeurs profondes à notre nation, c'est-à-dire le respect et le partage. Dans un contexte où il devra y avoir création d'un contexte de partenariat dans toute cette démarche, en ayant toujours à l'arrière-esprit une notion de rattrapage économique.
Il faut mentionner que la Société de développement économique Ilnu avait impliqué, dès le départ, pour la réalisation de sa planification stratégique, des intervenants du centre local de développement, c'est-à-dire le CLD Domaine-du-Roy. Cette collaboration a permis de développer une vision plus globale, dis-je, du développement et d'établir un réseau de contacts sur le territoire, ce qui a favorisé le développement de véritables partenariats basés sur la confiance, la transparence, l'établissement d'une relation honnête où chacun y trouve son compte dans une complémentarité d'expertises.
n(16 h 10)n Un parallèle intéressant se présentait également entre les deux organisations sur l'historique de la création et de la prise en charge par le milieu. Ainsi, la conclusion de cette partie de présentation démontra que ces deux entités sont issues d'une volonté du milieu pratiquement en même temps et qu'elles viennent de se donner des orientations stratégiques territoriales. Par la suite, une présentation des enjeux, de la vision, des objectifs communs dans un partage des diagnostics et des stratégies a permis de constater qu'autant les autochtones peuvent amener aux non-autochtones, autant l'inverse est également vrai.
Pour bien illustrer les éléments de cette présentation, nous avons intégré dans notre mémoire des exemples concrets de partenariats sur notre territoire. Ces exemples concernent, entre autres, le Centre de conservation et de la biodiversité boréale, mieux connu sous le nom du Zoo sauvage de Saint-Félicien, et un autre partenariat, par la création d'une coentreprise avec la Corporation de développement Lac-Bouchette pour un projet de transformation du bois. Pour imager tout l'esprit du partenariat, je laisserai donc Mme Colette Robertson vous entretenir sur le «mukushan».
Le Président (M. Dion): Mme la directrice générale.
Mme Robertson (Colette): Merci. Quand le partenariat devient le «mukushan» du développement. Le «mukushan» se définit comme une activité communautaire qui permet à un groupe de personnes de partager un repas auquel les convives ont apporté un produit de leur chasse apprêté selon leur spécialité. Le principe de base à cette activité est de partager ensemble dans un climat de fraternité et de respect. Nous croyons que le partenariat doit se percevoir comme l'application du concept du «mukushan» avec les mêmes valeurs fondamentales de partage et de respect. Les appréhensions et les doutes représentent un risque certain. En partageant ensemble, nous aurons plus la chance d'évoluer avec nos différences, et nous y croyons. Le partenariat entre Innus et Québécois peut représenter une formule porteuse d'avenir et conduire à un partage des retombées pour nos communautés respectives. Nous souhaitons que les invités au «mukushan» puissent repartir rassasiés et satisfaits de l'expérience.
Les autochtones souhaitent une implication réelle dans le partenariat. Nous ne voulons surtout pas servir de prête-nom pour des gens qui ne veulent que l'apport financier que nous pouvons représenter. Nous voulons une implication réelle avec des partenaires qui respecteront notre rythme d'apprentissage des affaires. Chacun a des choses à apporter, et c'est seulement dans cet esprit que le développement d'une relation gagnant-gagnant sera rendu possible. Évidemment, il sera primordial, pour assurer la réussite du partenariat, de commencer par une analyse basée sur le potentiel de viabilité des projets.
Nous avons une richesse inestimable à considérer: les jeunes de notre communauté. Il ne faut pas oublier que nos jeunes qui grandissent souhaitent un avenir qui leur permettra de travailler et de gagner leur vie dans des secteurs plus contemporains. Nonobstant tous les enseignements que nous pouvons tirer de nos ancêtres, ces jeunes, tout comme nous d'ailleurs, savent que la prospérité pour notre nation passe nécessairement par un développement économique important, donc une économie forte. L'attachement à notre territoire fait en sorte qu'une proportion importante de nos jeunes souhaitent un développement entrepreneurial visant l'exploitation des ressources naturelles, et ce, dans le respect de nos valeurs et de nos principes.
Nous sommes convaincus qu'une économie florissante pour notre première nation se reflétera nécessairement sur notre région. À ce titre, il est difficile de concevoir que le peuple québécois ne nous reconnaisse pas ce droit d'être les artisans de notre avenir. Selon nous, la poursuite des négociations vers un traité est donc un espoir majeur pour les prochaines générations. Les résultats atteints jusqu'à présent par la négociation nous laissent croire que la table est mise. Il n'en tient donc qu'à nous tous de s'asseoir à la même table pour partager ce repas. Profitons donc de l'occasion qui nous est offerte.
Je laisse notre président, M. Édouard Robertson, pour conclure la présentation de notre mémoire.
Le Président (M. Dion): Alors, M. Robertson, il vous reste quelques secondes pour conclure.
M. Robertson (Édouard): Je serai très bref, merci. Nous savons donc que l'Approche commune permettra le développement desdites formules de partenariat essentielles à notre développement, tout comme à amenuiser l'écart économique flagrant entre nos deux peuples. Nous croyons que la voie des négociations demeure l'avenue à privilégier, et, dans ce contexte, la Société de développement économique entend être active et promouvoir l'approche de partenariat avec la région. De plus, nous croyons également que Innus et Québécois ont une opportunité extraordinaire, via l'Approche commune, de conclure un pacte social novateur dans une approche gagnant-gagnant où les seuls perdants seront ceux qui auront omis d'embarquer dans le train de la coopération entre deux nations fières qui ont droit à leur autonomie respective dans la paix et l'harmonie et le respect mutuel.
Nous ne venons pas quémander une quelconque autonomie abstraite, mais bien appuyer un pacte social qui viendra corriger des lacunes historiques évidentes qui ont fait en sorte de maintenir un climat de méfiance plutôt que de confiance, ce qui a eu comme impact de freiner le développement social, culturel et économique des deux nations impliquées. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dion): Merci beaucoup, M. le président. Je donnerai maintenant la parole à M. le ministre des Affaires autochtones.
M. Trudel: Bienvenue, M. le président, M. Robertson, Mme la directrice générale. C'est les femmes à la direction cet après-midi. Mme Robertson, on est très... on est réjoui de vous accueillir, M. Courtois également, et M. Launière, le vice-président, merci de votre présentation. Merci de la présentation parce que c'est une illustration pratique, concrète, que, le partenariat, il peut exister entre nos deux nations en faveur, pour le développement des compatriotes de votre nation et des compatriotes québécois, et démonstration faite à l'appui. Et, dans ce sens-là, M. le président, vous concluez en nous indiquant que la proposition d'entente de principe que nous avons sur la table, les travaux qui devraient nous mener à un véritable traité entre nos deux nations; c'est en fait un véritable pacte social, un véritable pacte social qui dépasse de beaucoup la question des territoires sur lesquels il y aurait pratique des activités ancestrales. Mais ce n'est qu'une partie, hein? Je dirais même une infime partie des propositions qui nous sont faites.
Et, dans ce sens-là, ça accompagne bien aussi, je pense, ce qui se passe dans la société Saguenay?Lac-Saint-Jean, la société régionale. Le sondage de ce matin, qui est publié le 26 février 2003 Les Saguenéens approuvent l'Approche commune, bien, il y a 84 % des répondants ? c'est un sondage scientifique ? qui sont persuadés que les deux peuples vivaient tout au long de leur histoire en collaboration alors que seulement 10 % parlent d'une compétition. Ça fait une bonne base pour un pacte social et ça fait une bonne base pour élever encore davantage, nous en convenons, l'acceptabilité sociale du traité que nous souhaitons convenir entre nos deux nations.
Allons sur le terrain du concret. Le temps ne vous a pas permis de nous exposer quelques éléments à tout le moins qui sont présents dans votre mémoire: les expériences de partenariat. Communément, comme on dit, le Zoo de Saint-Félicien est devenu le Centre de conservation de la biodiversité boréale. Quel beau terme? D'ailleurs, lorsque j'avais été à l'inauguration, est apparu dans notre langage: la Radissonie, la Jamésie et maintenant la Boréalie. C'est vraiment, cette langue est chantante et représentative et vous l'utilisez d'une merveilleuse façon.
De quel partenariat s'agit-il concrètement avec le Zoo, avec le Centre de conservation de la biodiversité boréale? Comment ça fonctionne, sur quelle base, très concrètement? Comment ça marche?
Le Président (M. Dion): M. le président.
M. Robertson (Édouard): Alors, si vous me permettez, je laisserais Mme Robertson répondre à cette question, puisqu'il y a quand même beaucoup d'éléments d'ordre technique sur ce partenariat. Et, comme c'est elle qui a vécu la réalité du plancher, je pense que ce serait la personne la mieux désignée pour y répondre. Si vous le permettez.
Le Président (M. Dion): Mme la directrice générale.
Mme Robertson (Colette): Merci. En fait, le partenariat qu'il y a eu avec le Centre de conservation de la biodiversité boréale, c'est que l'appellation du Zoo sauvage de Saint-Félicien opère un site dans les sentiers de la nature où il y a une reconstitution d'un site autochtone à une époque du XVIIIe siècle. Et la difficulté de recruter et d'opérationnaliser ce site-là avec une certaine authenticité a fait en sorte en sorte qu'ils nous ont approchés pour voir notre intérêt à y travailler. Et, nous, ce qu'on s'est dit à ce moment-là, c'est que, oui, on y a un intérêt. On y a un intérêt de faire un projet clé en main dans lequel on va mobiliser les ressources de notre milieu. Entre autres, on parle du musée amérindien, des institutions qui sont autour pour faire un partenariat qui va faire en sorte de donner une certaine dynamique à ce site-là, avec des gens de notre milieu, aussi de développer des formations sur le terrain avec des thèmes particuliers sur chaque semaine, pour lequel les gens pourront en même temps démontrer leur savoir-faire et apprendre aussi des nouvelles techniques ancestrales.
n(16 h 20)n Évidemment, pour nous, le concept d'être présents sur ce site, c'était, oui, on peut démontrer une certaine époque dans les sentiers de la nature de ce qu'était la vie autrefois, mais c'était aussi de démontrer qu'il existe, à presque 20 km de cette municipalité-là, une communauté dont la culture est encore bien vivante, ce qui veut dire qu'on peut reproduire des éléments du passé à travers ce site-là, mais on peut aussi référer les gens pour venir voir dans la communauté comment les gens, aujourd'hui, se sont adaptés à la vie contemporaine et vivent encore leur culture. Donc, c'est dans ce principe que le partenariat a eu lieu.
Évidemment, c'est, comme on le disait aussi dans le texte, qu'on n'a pas pris nécessairement le temps de vivre, mais ça a été une expérience qui a été intéressante parce qu'il y avait des éléments qui étaient très insécurisants autant pour les deux parties, pour nous autres, d'arriver en milieu non autochtone où il fallait opérationnaliser un site qui fait partie déjà d'une entité administrative pour laquelle les éléments sont bien implantés, et, pour eux, de voir arriver des étrangers pratiquement dans leur secteur d'activité. Et je pense qu'on a réussi à démontrer, dans le mémoire, que, effectivement, on peut s'apercevoir qu'on peut être bien proches... ? et c'est la conclusion qu'on fait dans notre mémoire en rapport avec cette expérience ? que c'est dans ce type d'expérience qu'on constate qu'il faut être si proches comme communautés voisines pour être si loin parce qu'on ne se connaît pas en réalité.
M. Trudel: Bien, c'est une belle description d'être partie à l'entreprise à réaliser, l'entreprise qui est le centre sans but lucratif, le Centre de conservation de la biodiversité boréale. D'abord, on doit avoir terminé la construction du pavillon principal, là, j'imagine. J'y étais au tout début de l'été. Mais ce n'est pas uniquement une présence de services, mais c'est vraiment contracter une dimension de la Boréalie qui y est exposée dans cette entreprise-là. Vous en avez aussi une autre expérience de partenariat... Je pose des questions là-dessus parce que, ici, il a été assez souvent question du développement des entreprises de la nation dans différentes communautés et de différents points de vue, différents points de vue, d'aucuns disant: Bon, bien, ils sont toujours dépendants au crochet des gouvernements puis d'une façon un peu paradoxale, des fois, les mêmes, ou d'autres disant: Bien, ils ont tellement travaillé sur leur développement que maintenant ils engagent d'autres membres... d'autres compatriotes de la nation québécoise. On prend aux Escoumins et à Essipit, les développements si formidables qui se sont produits.
Vous avez une autre expérience très concrète avec la Corporation du Lac-Bouchette, bon, au niveau du bois, au niveau du déroulage. Bon, là, ça m'apparaît assez clair qu'il s'agit d'une autre forme d'entreprise, et vous dites: Nous avons mis en place une coentreprise formée de la Société de développement économique Ilnu et la Corporation de développement du Lac-Bouchette. Bon. C'est la Corporation elle-même qui est la partie de la coentreprise en ce qui concerne la nation innue? Là encore quelles sont les bases de cette entente, de ce partenariat?
Le Président (M. Dion): Mme Robertson ou M. le président.
Mme Robertson (Colette): Oui. En fait, pour répondre à votre question, M. le ministre, c'est: Effectivement, la Société de développement économique Ilnu a reçu une présentation du Lac-Bouchette pour regarder un créneau différent qui est la partie du déroulage. Puis, ce qu'on rapporte au niveau de notre mémoire, c'est les éléments qu'on dit, évidemment: «Pour la Société, il existe des secteurs économiques issus de nos ressources naturelles, par exemple, la forêt ? et c'est un type de partenariats qui peuvent être intéressants à développer. ? L'expérience avec Lac-Bouchette vient en lien avec la vision culturelle autochtone, les expériences avec l'écorce de bouleau et le déroulage du tremble en font actuellement un créneau intéressant à explorer.» Donc, évidemment, je pense qu'on avait des affinités qui ont fait en sorte qu'on a pu se rejoindre pour regarder ensemble ce projet, étudier ce partenariat-là. Puis on est actuellement en train de le vivre sur le terrain et de s'apprivoiser comme sociétés entre nous pour apprendre à faire des choses ensemble, et c'est ce qu'on est en train de vivre. Mais je vais peut-être plus continuer en référant à M. Launière qui est un entrepreneur terrain et qui vit aussi des partenariats à tous les jours et qui vit des difficultés importantes par rapport à ce partenariat-là. Je pense qu'il va être en mesure de vous relater certains éléments de ça.
Le Président (M. Dion): Merci.
M. Robertson (Édouard): Si vous permettez, M. le Président, peut-être juste pour un complément de Mme Robertson avant que M. Launière prenne la parole. Concrètement, c'est la mise sur pied d'une nouvelle entité. C'est que, finalement. il y a des gens de notre société, il y a des représentants du Lac-Bouchette qui ont formé une nouvelle société qui s'appelle Les Entreprises Ouiatchouan, si je ne me trompe pas, dans laquelle c'est un partage 2-2 et qui a comme mandat principal de voir à une étude de faisabilité pour la relance de l'usine Lac-Bouchette dans laquelle il y aurait des projets de deuxième, troisième transformation qui viendraient par la suite, là, toucher directement les gens de la communauté, au niveau de la main-d'oeuvre. Alors, sur ça, M. Launière.
Le Président (M. Dion): M. le vice-président.
M. Launière (Jean): Pour renchérir sur l'aspect de partenariat, vous avez utilisé le terme «peut exister». Oui, il existe présentement, actuellement, des partenariats. Comme on le disait tantôt, c'est la pierre angulaire, c'est l'élément qui va faire en sorte qu'on va se développer au niveau économique.
À titre d'exemple très actualisé, là, c'est maintenant en opération, la société d'État Hydro-Québec a comme projet, dans notre coin, la dérivation de la rivière Manouane. Sur cet aspect-là, il y a une portion de contrat qui a été réservée à notre communauté et, évidemment, pour réaliser une partie de ces travaux-là et pour répondre, dans un procédé de qualification et de performance, il y a eu association avec une entreprise de notre communauté et une entreprise de Dolbeau, un partenariat régional, un partenariat basé sur des bases d'affaires où est-ce que tout le monde va y trouver son change, les deux parties, puis je dirais même les trois parties impliquées: notre communauté va y trouver son change au niveau de l'emploi; la région va y trouver son change en participant à la réalisation de ce projet-là via une structure comme la nôtre.
Donc, oui, le partenariat peut être gagnant gagnant. Il doit être gagnant gagnant pour être amené à des voies de réussite, pour avoir un succès. Donc, oui, on y croit. On y croit fort et on doit avoir des éléments comme, lorsque la notion de rattrapage économique qui était mentionnée tantôt, c'est des éléments qui viennent soutenir une notion semblable, là, une portion de... une partie de travaux qui est réservée. Évidemment, c'est un élément facilitateur pour susciter du partenariat avec des entreprises de chez nous. Oui.
Le Président (M. Dion): Merci beaucoup. je vais maintenant donner la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Merci, M. le Président. Chers voisins, bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale, d'autant plus qu'étant au citoyen de Saint-Gédéon, la communauté de Mashteuiatsh est juste en face surtout quand le lac est gelé; alors, on partage le même terrain.
Ce que vous avez dit est extrêmement important, je crois, et important pour lutter contre les préjugés à certains égards, puisque vous n'êtes pas sans savoir que, parfois, des gens, des non-autochtones, disent: Ah! les autochtones, c'est nous autres qui les faisons vivre. Mais, là, ce que vous êtes en train de dire, c'est que, avec la Loi sur les indiens actuellement, bien, il est très difficile que les autochtones puissent se prendre en main parce que vous avez des problèmes de solvabilité et des problèmes d'accès au crédit.
Alors, ce que vous avez dit, c'est que, avec l'Approche commune, ça, ça va tomber et vous allez pouvoir avoir accès au crédit et donc accès au développement. Et donc, les gens qui disent: Ah! pourquoi est-ce qu'ils ne se prennent pas en charge les autochtones? Eh bien, l'Approche commune est un argument à ce préjugé, en fin de compte.
Le Président (M. Dion): Alors, M. le président... M. le vice-président.
M. Launière (Jean): Pour répondre à ce questionnement-là très intéressant. Écoute, c'est le fondement même, hein. C'est le nerf de la guerre. Écoute, on va dire les choses comme elles sont.
Pour avoir oeuvré et pour oeuvrer présentement dans le secteur, dans l'industrie de la construction, deux éléments qui vont imager très bien les problèmes ponctuels et quotidiens que l'on doit gérer, il faut être habile, là. Une chose aussi fondamentale qu'un crédit d'opération, communément appelé une marge de crédit, c'est habituellement garanti sur un âge des comptes, en proportion, là, un âge des comptes à recevoir sur ce que les gens ont comme dus envers ton organisation.
n(16 h 30)n Bien, chez nous, il y a été... Écoutez, tu sais, on est dans un contexte, là, où est-ce qu'on marche sur des oeufs tout le temps, évidemment, le créancier. Le prêteur, bien, il est toujours soucieux de recouvrer sa créance donc garantie, garantie, garantie. Et, considérant que les garanties sont faibles, on a découvert... bien, évidemment, le créancier a découvert qu'un âge des comptes à recevoir était un bien saisissable... était un bien meuble sur réserve, par conséquent insaisissable. Lorsque tu n'as plus de crédit d'opération, là, disons que l'entreprise, on vit certaines difficultés. Dans le domaine de la construction plus proprement dit, il existe des «bonds», des cautionnements de soumissions, des cautionnements d'exécution, en tout cas, bref, je pense que c'est bourré de bonne volonté, tout le monde est conscient du problème, mais ce qu'il faut se rendre à l'évidence, c'est que les résultats...
Je vais donner un exemple encore concret. Moi, personnellement, j'ai commencé à travailler un dossier qui découlait d'une annonce du ministère des Affaires indiennes en novembre 2000, qui faisait état qu'il y avait la création d'un fonds de cautionnement réservé aux entreprises autochtones, de l'ordre de 5 millions de dollars. Bien, écoutez, c'était quand même une nouvelle intéressante. C'était un pas vers la bonne direction, puis, en tout cas, ça a suscité de l'intérêt chez nous puis de l'espoir.
Ça fait qu'on a commencé à travailler le dossier en mai 2001, grosso modo six mois après l'annonce, pour finalement me ramasser de porte en porte, de porte en porte, d'organisation en organisation, il n'y avait rien de préparé, il n'y avait rien suite à l'annonce, pour finalement avoir une réponse en août 2002, c'est-à-dire un an et demi d'efforts, où est-ce qu'il y a eu des intervenants au niveau politique, le sénateur Gill, chez nous, est intervenu dans le dossier, en tout cas, bref, il y a eu beaucoup de discussions dans ce dossier-là, pour finalement avoir une réponse positive. Mon organisation a eu une réponse positive sur ce fonds de cautionnement là. Oui, ils étaient intéressés, mais l'ordre de grandeur était ridicule.
Le cautionnement pour cautionner le projet proprement dit, l'offre qui était sur la table était 1 %, par mois, de l'ampleur du dossier, ce qui veut dire que le cautionnement total pour le projet en question totalisait 240 000 $ en frais de cautionnement sur une période de neuf mois. Une institution d'assurance, là, dans le marché, offre ce type de cautionnement là pour à peu près 18 000 $. Bien, l'offre qui était sur la table était 240 000 $. Comment voulez-vous être concurrentiel avec une entreprise qui est proche de chez nous, Roberval, Saint-Félicien? Comment voulez-vous que je sois concurrentiel à ce niveau-là? C'est difficile. C'est des situations que l'on vit. Et, suite à ça, là, évidemment, l'offre était non acceptable, donc on s'est arrangés autrement.
Mais le dossier n'est pas resté là. On a fait de la pression auprès du ministère des Affaires indiennes pour qu'il pousse un peu l'analyse puis qu'il remette un peu peut-être de sérieux dans ce qu'il avait annoncé. Et je me suis ramassé, encore là, trois mois plus tard, c'est-à-dire en, il me semble... c'est novembre ou octobre dernier, avec la personne qui avait annoncé le programme en novembre 2000 ? donc on est deux ans plus tard ? donc j'avais le bon interlocuteur, et il me dit, sous toutes réserves: Regarde, Jean, on a 5 millions de cautionnement pour les entreprises autochtones au Canada, le projet que tu veux faire, là, monopoliserait 3 millions, tu partirais avec 66 % du fonds de cautionnement qui est réservé au Canada. Le fonds est nettement insuffisant. Ce serait impensable et ce serait même impardonnable à une société comme le ministère des Affaires indiennes d'engager une partie aussi grande de fonds dans un projet précis. Donc, on est dans un cul-de-sac. On est...
Puis ça, je le fais encore état, c'est basé sur l'infaisabilité. Les actifs d'une entreprise sur réserve sont, en tout cas, en grande partie, situés sur réserve, et les propriétaires de cette entreprise-là ont leurs actifs également sur réserve. Donc, la solution, ce serait peut-être d'investir hors réserve, mais là on tourne en rond. Je veux dire, tu sais, on essaie de renforcir le sentiment d'appartenance, on essaie de ramener les gens chez nous, mais le contexte fait en sorte qu'on veut créer l'exode. Donc, c'est discordant, comme, ce qui se passe sur le terrain et ce qu'on a comme situation de tous les jours.
Le Président (M. Dion): Merci beaucoup, M. le vice-président. Je suis certain qu'il y aura encore beaucoup de questions, mais le temps est malheureusement écoulé. Je donne donc la parole à M. le critique de l'opposition et député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue aux représentants de la Société de développement économique Ilnu de Mashteuiatsh, M. et Mme Robertson, M. Courtois, M. Launière. Très intéressant, et je pense qu'un des fruits de la commission, à date, c'est qu'on commence à avoir un inventaire très intéressant des projets qui marchent. Parce qu'on a toujours l'impression qu'on parle de deux communautés en isolement total, il y a les autochtones et l'ensemble de la société québécoise, et qu'on n'a jamais fait de choses ensemble. Alors, je pense que les deux exemples que vous avez amenés aujourd'hui et plusieurs autres, aussi, projets qui ont été soulevés devant la commission sont la preuve tangible qu'il y a des choses, qu'il y a des affaires qu'on peut faire ensemble. Alors, je pense que, en premier lieu, merci beaucoup pour ce témoignage.
Je vois aussi, dans les notes biographiques que vous avez fournies aux membres de la commission, juste la diversité des expériences des membres du conseil d'administration, chez vous. Je suis impressionné de voir des biologistes, des personnes qui ont une expérience dans les forêts pour le développement durable, construction, fourrure, comptabilité. Alors, c'est juste, aussi, un beau portrait de l'ensemble des capacités, des talents. Quand on parle de partenariat, quand on parle de partage, votre mot «mukushan», des choses qu'on peut partager ensemble, je pense qu'il y a une richesse démontrée, entre autres, par la composition du conseil d'administration, chez vous. Mais c'est très prometteur de l'avenir parce qu'il y a beaucoup de choses qui sont ici.
Peut-être pour commencer les questions, sur votre page 3, pour juste mieux expliquer le portrait que vous avez présenté du nombre d'emplois créés à Mashteuiatsh, on parle d'environ 791 emplois. Alors, est-ce que ça, c'est les Ilnus qui travaillent ou est-ce que c'est les emplois? Comment est-ce que ces chiffres sont calculés? Et avez-vous des chiffres additionnels pour la présence des Ilnus de Mashteuiatsh sur le marché du travail, dans la région de Roberval dans son ensemble?
Le Président (M. Dion): M. le président... Mme la directrice générale.
Mme Robertson (Colette): Oui, je peux y aller. En fait, ce qu'il faut comprendre, c'est que 791... les statistiques qui sont là, c'est des statistiques pour des Innus et non Ilnus. Il y a des non-autochtones qui travaillent dans la communauté, parce qu'on n'a pas toutes les expertises, et ça comprend ces gens-là aussi, autant dans l'entreprise privée que dans l'entreprise publique donc et parapublique. Je pense que M. Courtois veut compléter.
Le Président (M. Dion): M. Courtois.
M. Courtois (Daniel): Là, vous nous demandiez également qu'est-ce qu'on a comme chiffres, peut-être, pour les communautés voisines et tout ça. Et je ramènerais peut-être, également, là, du moins, ma réponse en rapport avec ça aussi, avec des commentaires que le député de Lac-Saint-Jean avait tout à l'heure, là, de perception des gens du milieu ? et j'ai suivi avec attention les travaux de la commission. Je dirais que, présentement, en termes de chiffres bien précis de quelle est la proportion des gens qui travaillent, des gens de chez nous qui pourraient travailler dans les environs, on ne les a pas présentement. Mais on est quand même en mesure de vous dire que, pour une communauté autour de 4 600 membres, il y en a une très, très forte proportion, je dirais au-delà de 50 %, qui, d'une part, demeure à l'extérieur de la communauté et, d'autre part, travaille aussi à l'extérieur de la communauté.
Lors des travaux de la commission, je ne vous cacherai pas qu'à certaines occasions j'ai eu les cheveux qui m'ont dressé droit sur la tête d'entendre les gens dire: Bien, regardez, là, les Indiens, ils vivent de nos impôts et de nos taxes. J'aimerais, moi... et d'ailleurs, je pense que ça va être très important dorénavant, lorsqu'il y aura... Parce que les gens ont beaucoup demandé aussi d'être informés, d'être partie présente de la démarche, moi, je pense qu'il va être aussi très important de sensibiliser la population québécoise sur les réalités vécues à l'intérieur même des communautés et aussi la réalité voulant qu'un autochtone participe lui aussi au régime fiscal québécois et canadien, en ce sens que je vous disais qu'il y en a une très forte proportion de gens qui vivent à l'extérieur de la communauté. Les gens ont comme perception, eux, que, peu importe où tu travailles, quand tu es autochtone, tu ne paies pas d'impôts et de taxes. Il est faux de prétendre cette chose-là. Quand tu travailles à l'extérieur... pour l'avoir déjà fait, moi, je paie des impôts comme n'importe lequel contribuable québécois et canadien. Un élément fort important pour sensibiliser les gens.
Un deuxième élément. Même si j'ai, moi... Moi aussi, je suis dans le monde entrepreneurial, j'ai aussi une entreprise incorporée, avec un groupe de partenaires, chez moi, on est tous autochtones. Et, comme n'importe quelle entreprise québécoise, le fait d'être incorporé, quand arrive la fin de mon année financière, j'ai aussi à remettre mon chèque au deux paliers de gouvernement pour payer mes impôts au niveau de notre société. Donc, d'entendre parler, moi, les gens ou, du moins, que les gens perçoivent qu'on vit aux dépens de leurs impôts et de leurs taxes, ça me fait sursauter, parce que je dirais que nos gouvernements de première nation vivent aussi de nos impôts et de nos taxes que l'on paie. Donc, il est important, lors des rencontres que vous allez avoir, en tant que gouvernement ou peu importe, de sensibiliser la population québécoise en rapport avec ça. Merci.
n(16 h 40)nLe Président (M. Dion): Merci beaucoup. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Et c'est fort intéressant, parce que vous faites écho, entre autres, aux commentaires du chef Denis Ross, qui m'a indiqué que les pourvoiries, les entreprises d'Essipit paient des taxes aussi. On pense qu'ils sont tous exemptés de toutes les taxes au complet. Mais je pense que c'est une précision très importante et liée à la question de l'accès au capital. Vous avez, je pense, très clairement démontré que ça, ça fait partie de l'héritage de la Loi sur les Indiens qu'il y avait un frein sur le développement économique, parce qu'on n'avait pas le même moyen d'aller voir le gérant de la banque pour prêter de l'argent, bien... pour simplifier ou trop simplifier.
Mais, au niveau de... M. Cleary ce matin, qui est venu, a lancé un chiffre de l'importance économique des communautés autochtones dans leur région. Je ne sais pas si c'est chez vous ou si c'est le mandat qu'il faut donner au département économique de l'Université de Chicoutimi ou... mais je pense que quelqu'un un jour... je sais que les Cris l'ont fait un petit peu, avec les retombées économiques de la Convention de la Baie James, pour l'Abitibi, par exemple.
Mais je pense que c'est le genre de choses que nous devrons mettre... Parce que je vois qu'on parle des régions qui ont des moments économiques très difficiles à cause de la crise du bois d'oeuvre, entre autres, le prix de certains métaux sur les marchés internationaux. Alors, je pense que c'est très important de mettre en évidence que c'est une valeur ajoutée, la possibilité d'un partenariat, et l'argent ne reste pas à Mashteuiatsh, mais ça circule dans la région et c'est un levier économique important.
Alors, êtes-vous au courant des études? Ou avez-vous des propositions, des suggestions à formuler à cet égard? Parce que je pense que c'est un point fondamental que, si ça va mieux à Betsiamites, ça va être une bonne affaire pour Baie-Comeau et, si ça va mieux à Mashteuiatsh, ça va être une bonne affaire à Roberval ou à Saguenay. Alors, je ne sais pas si vous avez des réflexions, des commentaires là-dessus.
Le Président (M. Dion): M. le président.
M. Courtois (Daniel): ...bien compris. Alors, comme M. le président le disait, le maire de Roberval l'a bien compris lorsqu'il est venu vous exposer, dans le fond... Dans son centre d'achats à Roberval, ce n'est pas «welcome» mais bien «kuei», hein? Les retombées économiques, au niveau d'études comme telles... Je n'ai pas pu assister à la présentation de M. Cleary ce matin, mais je crois qu'il existe une étude, effectuée au début des années quatre-vingt-dix, des retombées économiques qui pouvaient y avoir pour la communauté de Mashteuiatsh, autour des villes voisines. Et c'est assez impressionnant de voir les chiffres qui sont avancés, là. Mais je ne voudrais pas non plus... prenons-le sur toutes réserves, là, on parle d'une trentaine de millions de dollars, au début des années quatre-vingt-dix, de retombées économiques pour des municipalités comme Roberval, Saint-Prime et Saint-Félicien seulement du fait de la présence de la communauté de Mashteuiatsh. On peut penser que, 10 ans après, ces chiffres-là ont nettement augmenté.
Il pourrait être très intéressant d'entreprendre de nouvelles études, comme vous le proposiez, là, peut-être avec le cégep de Jonquière ou des gens qui pourraient nous aider à ce niveau-là, Chicoutimi, l'Université du Québec à Chicoutimi aussi, donc d'entreprendre des études pour avoir quels sont les impacts concrets de la présence d'un milieu autochtone autour de municipalités comme celles-là. Et on parle de Mashteuiatsh, mais Mashteuiatsh en est une, on a aussi des confrères attikameks qui, Dieu sait, sont omniprésents aussi dans nos secteurs et avec qui on aura, éventuellement, aussi à travailler des partenariats, parce que je pense que des discussions ont été entreprises pour certaines entreprises, chez nous.
Donc, il pourrait être intéressant, parce que les gens... C'est des retombées, là, qui se traduisent en emplois directs pour des communautés voisines, et je pense que le maire de Roberval l'a très bien exprimé lorsqu'il est venu ici. Et je pense que la MRC Domaine-du-Roy et les autres MRC en sont aussi très conscientes. Donc, d'où l'importance pour ces gens-là de dire: Bien, travaillons avec les Pekuakamiulnuatsh puis travaillons ensemble.
M. Kelley: Et au niveau... je ne sais pas comment on dit ça, mais, dans les deux exemples que vous avez, pour établir le partenariat, comment est-ce qu'on a commencé à le faire et comment est-ce qu'on a réussi à briser la glace? Parce que, je pense, entre autres, aux témoignages que nous avons reçus sur la situation économique Les Escoumins et Essipit où, je pense, peut-être, le terrain n'est pas encore mûr pour ces genres de partenariats. Mais pourtant, s'il y a une destination qu'on peut faire la promotion ensemble, je pense que ça peut être Essipit et Les Escoumins, et faire la promotion conjointe, dire que, si vous êtes déjà rendus à Tadoussac, un autre 40, 50 km, vous pouvez vous rendre voir Essipit, voir Escoumins, et faire la promotion d'une destination; plutôt que de toujours voir ça un contre l'autre et, si je suis dans l'auberge de un, je ne serai pas dans l'auberge de l'autre, de travailler ensemble. Mais la situation est difficile ? vous avez peut-être écouté les témoignages ? et ça prend un petit peu de temps pour développer cet esprit de «mukushan».
Alors, avez-vous des propositions basées sur ces expériences ou des leçons que vous avez tirées? C'est quoi, la meilleure façon de briser la glace et comment on fait pour forger ces partenariats?
Le Président (M. Dion): M. Launière.
M. Launière (Jean): Pour répondre à votre question, pas plus tard que jeudi dernier, midi, je dînais avec un entrepreneur de Saint-Félicien. Et comment est-ce qu'on fait du partenariat? la recette est fort simple et elle est la même partout: en ayant comme valeur profonde le respect et le partage. Il faut être transparent. Il faut être intègre. Il faut que chacun y trouve son compte. Dans le monde entrepreneurial, des fois on se dit les choses comme elles sont, et ça faisait une demi-heure qu'on virait en rond, bien, qu'on virait en rond... qu'on s'expliquait, là, les modalités puis qu'on parlait un petit peu plus technique, puis tout ça, puis, à un moment donné, il a eu l'honnêteté de me dire: Écoute, Jean, on va dire les vraies choses, hein? Et les deux premières questions, là, elles ont été ce qu'on a discuté tantôt: Moi, je voudrais comprendre puis je voudrais qu'on se connaisse, puis c'est-u vrai, ça, que tu ne paies pas d'impôts, tu ne paies pas de taxes? Non, mais c'est carrément de même, là. Puis la question a tombé, puis on en a discuté puis on a expliqué d'où tout ça, ça venait puis que ce n'était pas mon choix à moi, là, la Loi sur les Indiens. Au contraire, si je pourrais faire quelque chose... C'est l'évidence même, là. Oui, on a des plus reliés à ça puis, oui, on a des gros moins reliés à ça aussi. Tu sais, il y a... Mais c'est d'être franc, c'est de discuter puis c'est qu'il y ait des opportunités d'affaires.
Et je ne vous cacherai pas qu'en milieu autochtone, dans le contexte où on est, les grandes entreprises, pour ne nommer que celles-là, les grandes entreprises forestières, les grandes entreprises dans le secteur de l'aluminerie, les grandes entreprises au niveau hydroélectrique sont très sensibles à la situation autochtone. Bien, évidemment, ça fait en sorte que des liens se créent mais toujours dans le contexte qu'il faut être humble. Chacun doit y trouver son compte. Un partenariat doit apporter à un puis il doit apporter à l'autre. En toute modestie, on essaie d'avoir certains éléments. Écoute, on se dote d'une bonne gestion, on se dote de... mais chacun y trouve son compte. Chacun y trouve son compte, puis c'est basé là-dessus, sur des valeurs que je vais répéter: le respect et le partage.
Le Président (M. Dion): Merci beaucoup. Alors, maintenant, je vais donner la parole à M. le député de Saguenay. Il vous reste combien de minutes... six minutes. Alors, vous voyez, on a pensé à vous.
M. Corriveau: Ça vous fera du temps pour meubler la réponse à ma question. À mon avis, vous vivez pas mal, disons, à cheval entre ces deux mondes. En raison des natures économiques, vous avez à côtoyer autant le monde des Blancs que le monde autochtone. Il y a plusieurs personnes qui mentionnent, par exemple, le peu de représentativité que peut avoir le discours des MRC, du CRD, des CLD, des municipalités. Certaines personnes vont même sur les ondes des médias dire qu'il ne représente personne, en fait, que le vrai discours officiel qui est tenu par ces organismes-là ne reflète pas ce que le vrai monde pense.
Il y a eu un sondage ce matin, que le ministre nous présentait, qui mentionne pourtant que les gens au Lac-Saint-Jean semblent davantage être pour l'Approche commune que contre. Vous, votre feeling sur le terrain, les liens que vous entretenez avec les communautés, est-ce que le portrait est aussi réaliste que ce qu'il peut y avoir dans le sondage ou si c'est plutôt, disons, négatif? En fait, est-ce que... les MRC, CRD, CLD, est-ce que ce qu'ils disent, au fond, ce n'est pas un peu ce que pense la majorité de la population, cette majorité silencieuse, généralement?
n(16 h 50)nLe Président (M. Dion): M. le président.
M. Robertson (Édouard): Alors moi, je dirais que oui, parce que les expériences au niveau du plancher... autant les gens d'affaires, on est appelés à côtoyer régulièrement des gens de notre communauté mais évidemment beaucoup... on a aussi de la clientèle qui vient de Roberval, dans le fond, un peu partout en région, et c'est clair que la majorité silencieuse, les commentaires qu'on entend... et peu importe les endroits où on va, peu importe les circonstances, c'est clair que les gens sont tous d'accord et unanimes à dire qu'il faut trouver une solution et qu'il faut améliorer les expériences de partenariat. Mais, s'il faut... C'est clair qu'on ne peut pas rester dans une situation comme ça. De là à dire que les gens sont tous unanimes sur l'Approche commune, peut-être pas, mais définitivement unanimes sur: il faut trouver une solution, et l'Approche commune pourrait en être une excellente.
M. Corriveau: Sur le modèle de l'Approche commune présentement sous étude, là, ce que vous entendez qui accroche le plus dans le monde ordinaire, là, c'est quoi?
Le Président (M. Dion): M. Courtois.
M. Courtois (Daniel): Moi, je vous dirais que ce qui accroche le plus, c'est vraiment ce qui est lié à nos activités traditionnelles, présentement. Dans le monde, dans le fond, c'est ? comment je vous dirais? ? l'appréhension que les gens pourraient avoir de la façon dont on va pratiquer les activités. Et, encore là, je vous dirais que les gens, c'est encore une question de perception. Parce que, je vous dirais, à titre d'exemple, nous, à Mashteuiatsh ? parce que je suis biologiste de formation et j'ai eu à travailler pour le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean ? on a chez nous ce qu'on appelle des «codes de pratique», des codes de pratique qui viennent un peu dicter, à partir de la façon de pratiquer les activités traditionnelles d'autrefois... qui ont, dans le fond, adapté nos activités au monde contemporain d'aujourd'hui. Et, à l'intérieur de ça, ce ne sont pas des règlements mais plus des codes de bonne conduite qui viennent nous dire: Bien, chez nous, puis c'est très légitime, afin d'harmoniser nos activités avec le monde, avec nos voisins et tout, on va pratiquer la pêche de telle façon, on va chasser de telle façon. Et ça fonctionne bien. Ça fonctionne bien parce qu'il y a des... Sur le territoire même, de dire qu'il y a des confrontations ou des situations conflictuelles, on n'en voit que très rarement, comme il peut arriver entre tout chasseur sportif, et tout ça. Mais je vous dirais que le gros des appréhensions, que moi, je vis personnellement, là, autour du dossier de l'Approche commune, sont liées à cette dimension-là, c'est le gros des perceptions que moi, j'en ai en tout cas.
M. Corriveau: En fait, les gens...
Le Président (M. Dion): Il vous resterait deux minutes, M. le député.
M. Corriveau: Oui. Merci. C'est que les gens ne sont pas inquiets de voir les autochtones peut-être avoir des droits confirmés comme plutôt que d'en perdre? Moi, je le vois plus comme ça. C'est qu'il y aurait une population blanche qui a peur de perdre des droits. Mais, au fond, ils s'en foutent bien que les autochtones aient des droits qui sont confirmés, qui existent déjà depuis longtemps. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M. Dion): M. le président.
M. Robertson (Édouard): Si vous permettez, je ne pense pas qu'il y ait d'inquiétude quant au départage de certaines choses. C'est probablement plus tard qu'il va y avoir des discussions. Mais, sur le principe même que chacune des nations doit avoir une certaine autorité sur certaines parties de territoire, en termes de gestion, c'est clair que tout le monde est très ouvert à ça. Il restera maintenant à voir, dans le concret, comment tout ça peut se concrétiser. Mais, sur le principe, évidemment aucune contrainte.
M. Corriveau: Je vous remercie.
Le Président (M. Dion): Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup à la Société de développement économique Ilnu de Mashteuiatsh.
Je vais maintenant demander à la coalition autochtone de s'approcher. Merci.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Dion): Alors, si vous voulez vous approcher, nous allons commencer immédiatement.
Alors, je souhaite la bienvenue à la coalition autochtone Ukauimau aimu. Vous connaissez déjà nos règles du jeu, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite il y aura des échanges avec le parti au pouvoir, le parti de l'opposition, 20 minutes chacun. Et je vous demanderais d'abord de présenter les gens qui sont avec vous et, ensuite, j'aimerais ça que vous expliquiez à tout le monde ce que vous m'avez expliqué, qu'est-ce que ça veut dire Ukauimau aimu. Merci.
Coalition autochtone Ukauimau aimu
Mme Charlish (Jeanne Mance): (S'exprime dans sa langue).
M. le Président, M. le ministre, et MM. les députés siégeant à cette commission.
(S'exprime dans sa langue).
En premier, j'aimerais remercier la nation où il y a les aînés, nos soeurs et nos frères hurons-wendat, de nous recevoir, de nous accueillir en leur territoire ancestral pour nous permettre de venir vous rencontrer, messieurs de la commission. Autrefois, les Hurons venaient sur notre territoire consulter mon grand-père, ma grand-mère. Aujourd'hui, les miens et moi-même venons exprimer notre pensée, notre position en leur territoire.
(S'exprime dans sa langue).
Je vais vous présenter les gens qui sont ici avec moi. J'ai Kuhkum Catherine Manigouche; j'ai Kuhkum Marie-Reine Germain; j'ai Mushum Georges Bégin; j'ai Ussishkueu Marie-Pier Issa, qui est une jeune femme également qui étudie et qui est également hors réserve; j'ai Mme Ukauimau Francine Buckell; et j'ai aussi Ukauimau Anne Cury, qui est ethnologue.
n(17 heures)n Vous vouliez que je vous dise ce que veut veut dire «Ukauimau aimu»? Ça veut dire «Les mères de famille parlent». Et également moi-même, évidemment, Jeanne Mance Charlish Ukauimau, qui est porte-parole de la coalition Ukauimau aimu.
La coalition regroupe des Innus inscrits selon la Loi sur les Indiens. Nous sommes issus de diverses communautés. On compte parmi nous des membres de Uashat mak Mani-Utenam et Betsiamites, comme Matimekosh. La majorité de nos signataires sont inscrits sur la liste de bande de Mashteuiatsh, lieu où a été fondée la coalition.
Nous sommes ici parce que nous sommes les héritiers du territoire actuellement revendiqué, Nitassinan. Ce territoire est le berceau de notre culture et l'unique lieu d'expression de notre mode de vie. Aujourd'hui encore, nous y vivons toujours en famille. Nos territoires et nos droits sur eux se transfèrent de génération en génération, et les documents et leur cartographie sont évidemment consignés au Conseil de bande.
Avant de continuer, je vais passer la parole à l'aîné Mushum Georges Bégin.
Le Président (M. Dion): Oui. M. Georges Bégin?
M. Bégin (Georges): (S'exprime dans sa langue).
Mme Charlish (Jeanne Mance): Il salue M. le Président, M. le ministre et MM. les députés, également toutes les personnes qui sont ici, dans la salle.
Il dit qu'il se présente ici également parce qu'il veut défendre son territoire, le protéger, comme lui ont transmis ses ancêtres, ses parents et ses grands-parents, et il ne veut pas perdre son territoire. C'est pour ça qu'il se présente à cette commission, pour venir le dire aussi lui-même.
Et, maintenant, je vais céder la parole à Mme Marie-Pier Issa.
Le Président (M. Dion): Mme Issa.
Mme Issa (Marie-Pier): Bonjour, messieurs. Je suis ici pour discuter du manque de ressources et aussi du manque d'appui de ma communauté face à leurs citoyens en milieu urbain. J'aimerais être plus considérée en tant que personne et en tant que membre de ma communauté. Merci.
Le Président (M. Dion): Je vais vous interrompre juste un instant pour vous demander de parler un peu plus fort parce qu'on ne perçoit pas tous les messages, et c'est tellement important ce que vous avez à dire, on aimerait bien le percevoir.
Mme Issa (Marie-Pier): Vous n'avez pas compris? O.K. Je m'excuse.
Bonjour, messieurs. Je suis ici pour discuter du manque de ressources et du manque d'appui de la part de ma communauté face à leurs citoyens en milieu urbain, puis j'aimerais aussi être plus considérée en tant que personne puis en tant que membre de ma communauté. Merci.
Le Président (M. Dion): Merci.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Alors, nous allons passer à la présentation, Mme Francine Buckell et moi-même, tour à tour. Je commence.
Pour expliquer ce qui se passe chez nous avec l'entente de principe, nous avons dû admettre, dès juillet 2000, que le processus promu par l'équipe de négociation de Mamuitun ne nous associerait pas à la discussion.
Si on prend l'exemple de Mashteuiatsh, on nous a annoncé l'Approche commune par les médias, et, déjà, nous étions intéressés à une participation réelle. Or, depuis ce jour, toutes nos demandes pour influencer d'éventuelles décisions, toutes nos demandes pour établir un vrai dialogue, toutes ces demandes sont restées lettre morte auprès du Conseil tribal et du Conseil de bande.
Dès cet instant, nous avons ressenti la même attitude paternaliste que celle dont nous cherchions à nous défaire, mais, cette fois, de la part de nos propres frères, nos frères qui font entendre leur voix à la table centrale mais qui ne veulent pas entendre la nôtre ni la relayer auprès des gouvernements.
Après deux ans sans débat public dans la communauté et à l'approche de cette commission, le Conseil a tenu deux rencontres, l'une s'adressant aux jeunes de 15 à 35 ans, l'autre sans limite d'âge.
De la première, nous ne pouvons que vous donner lecture d'un compte rendu de consultation de l'équipe locale de négociations: «Les jeunes Innus sont pessimistes et septiques face à l'entente. Ils exigent qu'on soient réalistes et se demandent s'ils conserveront leurs droits sur le territoire.» De la seconde, nous n'avons obtenu que des réponses vagues à des questions précises qui, dit-on, du côté de l'équipe de négociations, seront prises en considération. À travers quel processus? L'histoire ne le dit pas.
Le Président (M. Dion): Mme Buckell.
Mme Buckell (Francine): Oui. Nous voudrions faire valoir aussi le point des membres hors réserve, qui n'ont reçu aucune information spécifique concernant l'Approche commune de la part du leadership ilnu.
Quand on fait référence à la démocratie, ce qui saute aux yeux dans ce processus appelé Approche commune, c'est l'absence de démocratie, et, comme l'adage le dit si bien, Diviser pour mieux régner.
Le plus curieux à Mashteuiatsh, c'est que le Conseil de bande tarde, pour des raisons encore obscures, à mettre en application le jugement Corbiere qui accorde le droit de vote aux membres inscrits qui résident hors réserve. Il refuse de s'allier des membres majoritaires sur la liste de bande, des membres qui ont aussi des intérêts directs sur le territoire.
C'est une question importante, cette question du droit de vote des hors réserve aux élections des conseils de bande, parce que ces gens, qui auront peut-être à se prononcer sur l'entente finale, comme on leur a demandé lors des règlements de revendications particulières, composent plus de la moitié de la population de Mashteuiatsh.
Ce sont les élus qui désignent leurs représentants à la table de négociations. Il est surprenant de constater que les hors réserve seront amenés à se prononcer sur une entente soutenue par un Conseil de bande qu'ils n'ont pas élu, parce qu'ils n'ont pas le droit de vote, et qui ne leur adresse des informations qu'au moment de la décision finale, s'il estime que ces électeurs circonstanciels peuvent influencer le vote en sa faveur. À titre de référence, on peut constater que nous avons été consultés lorsqu'il a été question du rang 9.
Dans ce contexte et dans le cadre de la mise en oeuvre d'un traité, la population hors réserve est en droit de se demander quelle forme pourra prendre l'exercice de son droit à l'autonomie gouvernementale. Combien de temps les futurs Innu Tshishe Utshimau ? gouvernements innus ? vont pouvoir en assumer la responsabilité? Comment elle acheminera ses requêtes à des représentants qu'elle n'aura peut-être pas eu à élire? Pourtant, l'arrêt Corbiere est clair.
À cette étape, nous suggérons qu'il faudrait retrancher des calculs les 2 672 membres vivant hors réserve de Mashteuiatsh du total des Innus affectés ou directement concernés par l'entente négociée par Mamuitun, puisqu'ils n'ont pas de lien direct avec ce qui est discuté.
Le Président (M. Dion): Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Nous voudrions souligner que le Nitassinan n'est pas une création de cette entente mais qu'il préexiste à la négociation et qu'il fait partie de notre patrimoine, autant culturel que territorial, comme l'ont démontré Mme Andrée Lajoie et plusieurs autres, ici même.
Nous comprenons que l'entente actuellement négociée vise à établir des règles applicables aux seuls Innus dits de Mamuitun et Nutashkuan qui seront acceptés comme bénéficiaires de l'éventuel traité, qu'elle vise à encadrer leurs droits variables sur un Nitassinan de propriété québécoise, qu'elle nous donne collectivement un territoire en propre de quelque 500 et des poussières kilomètres carrés et un territoire plus grand mais sur lequel il a moins de droits au Conseil de bande de Nutashkuan.
n(17 h 10)n Nous comprenons que c'est le deal qu'on nous propose pour exercer véritablement notre autonomie gouvernementale et notre droit à l'autodétermination, accéder à nos ressources et y envisager des développements pour notre intérêt et pour celui de nos générations à venir.
Nous comprenons que notre autonomie s'exerce donc sur ces petites surfaces discontinues, les Innu Assi, par des gouvernements autonomes distincts pour les quatre communautés et qui appliqueront des politiques distinctes à leurs populations.
Pour le reste du territoire revendiqué par la nation innue, nous comprenons que tous les droits qui n'auront pas été prévus au traité sont suspendus y compris et pour toujours les aspects commerciaux sur notre territoire ancestral maintenant régi par le gouvernement du Québec.
Nous comprenons que nos futurs gouvernements autonomes participeront sans droit de décision au développement géré par le Québec sur nos territoires, à la faveur de mécanismes de compensation et de redevances qui permettront aux Innus de financer le train de vie de leurs multiples gouvernements.
Mme Buckell (Francine): Du point de vue de l'autonomie gouvernementale, il est faux de croire ou de prétendre que le Conseil de bande n'a pas la capacité de légiférer sur son territoire qui est encore aujourd'hui sous la responsabilité fiduciaire du fédéral. Même si actuellement il est régi par la Loi sur les Indiens, il agit conformément à ses pouvoirs de décision et d'approbation en adoptant résolutions et règlements. En ce sens et selon l'ouverture des gouvernements qui le financent, il est un gouvernement qui possède une autonomie de type gouvernemental et administratif. Donc, l'autonomie gouvernementale prévue par l'Approche commune ne lui apporte rien de nouveau. Il est une entité qui peut déjà faire valoir son droit sur les territoires revendiqués et demander le respect intégral, à la province comme au fédéral, de l'article 35 de la Constitution canadienne.
Cet aspect est intéressant parce que c'est celui qui le fait venir de plein droit à la table de négociations pour faire valoir le droit des Innus, tandis que les deux ordres de gouvernement doivent démontrer leurs droits sur le territoire.
C'est le Conseil de bande qui accepte de se voir comme une entité dépendante du fédéral et qui crée de la dépendance autour de lui. Il fournira donc des statistiques en conséquence. Pourtant, il serait intéressant de pousser plus loin les chiffres et de tenter de comptabiliser le nombre de personnes formées dans les cégeps et universités, le nombre de ceux-là qui ne trouveront jamais un travail dans leurs communautés et les raisons de ce chômage longue durée, le nombre de personnes pertinemment formées qui doivent quitter la communauté pour enfin trouver un travail stable.
Et, comme vous le savez, quitter la réserve, c'est devenir hors réserve.
Mme Charlish (Jeanne Mance): En 1998, la Commission royale sur les peuples autochtones statuait: «Nous avons conclu que le droit à l'autonomie gouvernementale ne pouvait pas être véritablement exercé par de petites collectivités distinctes, qu'il s'agisse de collectivités indiennes, inuites ou métis. Ce droit revient à des groupes d'une certaine taille, des groupes qui peuvent revendiquer la qualité de nation.» Bien heureusement ? et c'est peut-être un effet pervers de cette commission au sein de l'Assemblée nationale ? nous avons entendu les voix de tous nos frères de Uashat mak Mani-Utenam, de Matimekush-Lac John et de Mamit Innuat. Et, maintenant, nous savons que le peuple innu existe encore, même si on a toujours tenté de le séparer, car il y a une convergence dans les arguments développés par les Innus contre l'entente que le Conseil tribal Mamuitun vous demande de ratifier.
Toutes les questions que nos frères et soeurs se posent, les Innus, dans leurs maisons, en réserve comme hors réserve, ils se les posent aussi. Alors, ça crée une convergence dans nos intérêts et ça renforce notre sentiment d'appartenance au peuple innu, et cet aspect est très important pour nous.
Et si on revient au calcul de tout à l'heure, ça fait maintenant 5 778 Innus qui se prononcent contre l'entente que vous êtes sur le point de ratifier. Et si on ajoute les 2 672 hors réserve de Mashteuiatsh plus les communautés qui examinent encore ce qui se passe avant la ratification, soient Betsiamites et Nutashkuan, alors on voit que la majorité des Innus sur le territoire du Québec ne sont pas satisfaits du résultat obtenu jusqu'ici.
Nous sommes... Pardon.
Mme Buckell (Francine): Nous sommes directement interpellés par la définition que vous accordez à Nitassinan ? par la partition de nos territoires en plusieurs Innu Assi, leurs affectations et vocations ? et par le fait que le peu qui nous resterait, y compris les projets de minicentrales, soient encore en discussion.
Pour nous, Innus, c'est exactement là que se situe l'échec des négociateurs et l'arbitraire de l'objet dont nous parlons aujourd'hui.
Il y a une grande méprise sur laquelle réside cette entente, c'est celle qui concerne nos activités sur le territoire. Nous sommes particulièrement offensés que les relations qui guident cette négociation n'aient pas permis au Québec et aux conseils de bande concernés par l'entente de démontrer que les Innus appliquent déjà des règlements à la pratique des activités définies ici, comme droits de chasse et de pêche ou encore en matière d'écotourisme. Ces codes de pratique existent et ils sont respectés par la majeure partie des Innus sur leur territoire. Nous en avons fourni une copie à M. Chevrette, mais nous voilà aujourd'hui devant la recommandation numéro 11, dans le rapport de l'émissaire de votre gouvernement.
Bien qu'ils soient fortement pénétrés par le développement du Québec, nos territoires ne recèlent pas que des abris autochtones. Ils offrent un potentiel formidable de développement, et ce potentiel profite rarement à nos familles et au bien-être de nos communautés, ce qui est passablement justifié par notre absence aux tables et aux débats.
C'est pourquoi nous vous demandons aujourd'hui de faire preuve d'une ouverture d'esprit encore plus grande, encore plus novatrice.
Le Président (M. Dion): Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Merci. Nous savons...
Le Président (M. Dion): Je ne veux pas vous restreindre. Maintenant, il reste peu de temps, une minute environ. Je ne sais pas si c'est possible pour vous de conclure.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Nous avons presque terminé.
Le Président (M. Dion): Parfait! Allez-y.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Nous savons que la politique fédérale en matière de règlement de revendications territoriales oblige les premières nations à consulter leur population par voie référendaire et que c'est au moment de l'entente finale et avant la mise en oeuvre du traité que nous aurons à nous prononcer.
Nous vous recommandons cependant de ne pas ratifier cette entente de principe car nous pensons sincèrement qu'elle sera rejetée à la fin par les Innus concernés et que tout travail supplémentaire sur ces bases risque de n'avoir pour résultat que d'alourdir une facture inutile que nous aurons tous à payer.
Ce que nous voulons, c'est être partie prenante de toute discussion concernant nos territoires car nous y avons une histoire et des intérêts directs, que ce soit parce que nous y avons développé et construit mais également à titre de gestionnaires des ressources qui s'y trouvent pour le bien des générations futures.
Mme Buckell (Francine): Vous avez entendu la majorité des acteurs sur le territoire, et vos populations vont participer activement à définir avec vous une entente finale. Comme vous, nous savons que le but d'un traité est de sceller une relation de respect les uns envers les autres et de nation à nation.
Souvent, les voix des premières nations sont sous-représentées dans les débats et les travaux sur notre avenir. C'est pourquoi nous pensons qu'un arbitrage émanant d'un organisme indépendant et non partie à la négociation doit être impérativement agréé par tous les acteurs en présence pour aboutir à un résultat concret. Cet arbitrage constituerait à notre avis une solution réelle pour arriver à dialoguer et négocier un traité véritablement juste et équitable avec les Innus. Merci.
Le Président (M. Dion): Alors, je vous remercie beaucoup. Pour continuer les échanges, je vais donner la parole à M. le ministre des Affaires autochtones.
M. Trudel: Merci, M. le Président, et merci de cette présentation, mesdames, messieurs, les aînés en particulier, qui sont avec vous et à vous, Mme Charlish, de cette présentation, ainsi que Mme Buckell et celles qui vous accompagnent.
n(17 h 20)n Alors, merci d'abord de nous avoir aussi donné le sens de ce que ça signifie dans la langue française, «Ukauimau aimu». Et on est un peu craintifs quand on entend la traduction, parce que... en tout cas, dans notre culture québécoise ? québécoise francophone ? quand on disait: Écoute, ta mère te parle, ça avait une grosse signification pour nous et était différente très certainement de la signification que vous lui donnez comme voix de sagesse, de conscience dans votre communauté. Mais, en tout cas, dans ma propre famille à moi, ça voulait dire: Écoute quand ta mère te parle. Et on peut prendre un bout de ce sens-là aussi pour continuer à vous écouter et à explorer, parce que vous êtes véritablement le premier groupe qui venez devant nous d'une communauté de la nation et qui remette en question l'entente de principe qui nous a été présentée, que nous devons étudier, que nous étudions en commission parlementaire et pour laquelle nous aurons à faire des recommandations au gouvernement, et, subséquemment, entreprendre aussi les autres étapes qui devraient nous conduire à un traité.
Il y a des éléments de votre présentation qui sont... oui, qui sont étonnants. Je vous remercie d'avoir non seulement la franchise, mais le courage de venir nous le dire ici, parce que je pense que cela représente une certaine dissidence, en tout cas, par rapport à ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, et la voie de la dissidence est toujours assez... ça prend du courage pour l'exprimer et il faut en examiner les fondements respectueusement.
Est-ce qu'une des... Puisque vous nous recommandez de ne pas ratifier cette entente de principe, je comprends aussi que vous remettez en cause la négociation elle-même. Est-ce que vous préférez la voie des tribunaux, la voie d'organismes extérieurs ? ça s'appelle les tribunaux aussi ? d'arbitrage pour l'exercice des droits reconnus? Quelle est la voie que vous privilégiez pour assurer la cohabitation harmonieuse? Parce que, vu qu'on peut constater que la société québécoise va continuer d'exister ? votre nation très certainement aussi, nous le souhaitons vivement, avec de plus en plus de vivacité ? où allons-nous trouver les voies de notre cohabitation harmonieuse avec la reconnaissance de ce qui a déjà existé par les instances politiques et les tribunaux?
Le Président (M. Dion): Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Avant de répondre à votre question plus grande, M. le ministre, vous avez parlé... vous avez dit Ukauimau aimu, c'était intéressant de comprendre que ça veut dire «Les mères de famille parlent», mais également vous avez dit, bon, ça veut dire qu'il faut écouter les mères quand elles parlent, mais, également, étant une personne de transmission de traditions orales, nos grand-mères et nos mères aussi nous disent: Écoute qu'est-ce que je te dis puis rappelle-toi de ça. Ça veut dire: Sers-toi de ta tête. C'est peut-être une autre forme d'adage et c'est comme ça que l'oralité peut se transmettre et continuer.
Et autre chose: dissidence, je ne crois pas... Je ne me sens pas comme une personne ou un groupe, je ne représente pas un groupe où nous sommes des dissidents. Je crois que... Personnellement, je vais peut-être vous donner une réponse un peu ambiguë, si vous voulez: Pour moi, les dissidents, c'est ceux qui sont assis à la table, des frères qui sont assis à la table pour aller négocier avec vous autres alors que ça aurait dû être le contraire, que ça aurait été nous autres... c'est nous autres... C'est vous autres qui avez besoin de notre territoire, à nous, qu'on n'a jamais cédé. Donc, ce n'est pas nous, les dissidents. Nous autres, on garde... et ont a possédé notre territoire.
Et, pour la suite de votre question, je vais permettre à Mme Buckell d'y répondre.
Le Président (M. Dion): Mme Buckell.
Mme Buckell (Francine): Merci. Bon. On parlait de moyens. Bien, pour nous, quand vous parlez de moyens, bien, nous, pour nous, on privilégierait évidemment un arbitrage indépendant ou un comité indépendant.
Quand on a décidé de nous adresser aux Nations unies, à la fin de l'été, il nous est apparu clair que la seule manière de voir aboutir cette négociation serait de nommer un comité d'arbitrage des différentes parties, évidemment pour concilier les différentes parties.
Parce qu'il ne faut pas se leurrer, vous semblez très près des négociateurs mais très loin de la réalité des premières nations qui sont touchées par cette entente-là. Plus de la moitié des membres de la communauté de Mashteuiatsh vivent à l'extérieur. Je pense que vous l'avez entendu tout au long des différentes présentations et des difficultés qui ont été soulevées, tant par l'Association des femmes autochtones que des autres soeurs et frères innus.
On n'a pas du tout été consultés. Par contre, on a des territoires et on les exploite, ces territoires-là, dans le sens, pas que vous connaissez parce qu'on n'a pas cette possibilité-là malheureusement, mais on y demeure sur nos territoires; on chasse, on pêche, on vit sur nos territoires et on est touchés directement par cette entente-là et cette négociation-là.
Donc, nous, ce qu'on veut, c'est s'assurer que le processus va être démocratique, en ce sens où on va être consultés au préalable, et, également, ce qu'on aimerait et ce qu'on souhaite et recommande à cette table, c'est que ce soit une entente ? comme vous l'avez faite avec les Cris ? de nation à nation.
C'est quatre communautés. Nous, on fait partie de la nation innue. Nous, ce qu'on privilégie, ce n'est pas une entente séparée. Nous, ce qu'on privilégie, c'est une entente avec nos frères, nos soeurs de la Côte-Nord et de la Basse-Côte-Nord.
On n'est pas ici pour pouvoir renchérir sur la division. Au contraire, je pense qu'on a beaucoup de travail à faire pour se réunir ensemble et travailler ensemble en tant que nation, et je pense qu'on n'a pas intérêt à se diviser.
Donc, nous, pour nous, pour répondre à votre question, mon cher M. le ministre, on privilégierait évidemment un arbitrage indépendant.
Le Président (M. Dion): Merci. M. le ministre.
M. Trudel: Merci de cette précision. Et je pense que nous trouvons, ici au moins, un fil commun.
Pour un traité de nation à nation, l'entente de principe qui nous est proposée, elle n'a aucune portée juridique. Elle le dit dans sa description. Le projet lui-même, c'est un projet d'entente de principe qui va servir de base pour la négociation des ententes complémentaires pour en arriver à un traité mais avec la nation innue. Et c'est pourquoi il y a du travail qui se poursuit intensément, par exemple avec vos frères, vos soeurs, vos compatriotes, la nation de Uashat-Maliotenam et également de Mamit Innuat, et, aussi, des échanges qui peuvent se poursuivre, qui doivent se poursuivre en termes de rapprochement avec Matimekosh. Alors, là-dessus, je ne pense pas qu'on ait de différence de perception. Je le souhaite... En tout cas, on a la même vision des choses.
Vous dites: Nous, on veut être partie à la négociation. On veut être partie à la négociation. De façon pratique, là, comment ça pourrait se passer? Parce que, du côté de la nation québécoise, on a aussi beaucoup entendu cette expression, hein, et c'est tout à fait normal qu'on nous le manifeste comme ça lorsqu'on a un intérêt qui est impliqué.
Les piégeurs, les chasseurs, les trappeurs, le monde de la foresterie, les différents groupes sont venus nous dire: Nous, on veut être partie à la négociation. Comment vous voyez ça être partie à la négociation? Parce que la voie qui a été utilisée actuellement, jusqu'à maintenant, ça a été de dire aux représentants des nations... pardon, de dire aux communautés de la nation concernée: Eh bien, désignez vos représentants, le gouvernement fédéral ayant fait cette désignation de son négociateur et la même chose du côté du gouvernement du Québec. Qu'est-ce que ça signifie, ça, être partie à la négociation pour vous?
Le Président (M. Dion): Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Mme Buckell.
Le Président (M. Dion): Mme Buckell.
Mme Buckell (Francine): Je vais répondre, je vais vous donner une partie de ma réponse, puis, évidemment, je pourrais demander à Anne, qui est près de moi, de continuer.
Mais être partie prenante à une négociation... Être partie prenante... Je ne parle pas assez fort, il semblerait? Oui. Être partie prenante à la négociation, pour moi, c'est d'être informée en premier. C'est ça pour moi être partie prenante, être informée des tenants et des aboutissants d'une entente aussi importante.
Parce que, voyez-vous, Mme Charlish, ce qu'elle vous a exprimé il y a quelques minutes, c'était que, nous, on n'est pas un groupe de dissidents, on est des gens qui veulent se faire entendre et qui veulent participer à un processus d'évolution d'autonomie gouvernementale mais on veut être partie prenante de ce processus-là. Et là, comme c'est là, on ne l'est pas.
On est plus de 2 000 membres qui vivons à l'extérieur de la communauté, qui ne recevons aucune information que depuis que ce processus-là est en marche. Je ne pense pas que ce soit normal, moi. J'ai toujours travaillé pour les premières nations. Je vis sur mon territoire. Pour moi, c'est important que de faire partie des discussions qui vont traiter de mon avenir, de l'avenir de mes enfants, de mes petits-enfants. Anne, si tu veux compléter.
n(17 h 30)nLe Président (M. Dion): Mme Cury.
Mme Cury (Anne): Oui. Alors, si la coalition demande un arbitrage, c'est justement pour faire entendre cette voix, parce que, pour l'instant, elle a l'impression de ni être entendue par ses propres représentants innus, ni d'être entendue par les gouvernements, les paliers de gouvernement. C'est pourquoi elle propose un arbitrage qui permettrait de recevoir les requêtes de tous ces gens qui ont quelque chose à dire. Et quand on dit arbitrer, c'est aussi arbitrer dans la perspective où on disait effectivement que ce n'est pas une majorité qui doit s'exprimer sur une minorité par référendum. Donc, elle est capable, cette instance-là, on suppose qu'elle est capable de mesurer ces paramètres et donc de voir à ce que tous les intérêts en jeu sur le territoire soient représentés dans cette négociation, ce qui n'est pas le cas pour l'instant pour les Innus sur le territoire.
Le Président (M. Dion): Merci beaucoup. Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): J'aimerais simplement rajouter que, vous savez, au début, quand il y a eu la création du Conseil Attikamek-Montagnais, nous étions d'accord, et les aînés également suivaient encore, à ce moment-là, la discussion qu'il y avait pour arriver à une négociation territoriale. On avait comme donné un mandat à ces gens-là du Conseil Attikamek-Montagnais qui étaient nos frères et nos soeurs qui parlaient, surtout nos frères. Les hommes parlent plus dans ces cas-là. Mais ce que je veux dire, par contre, c'est qu'on leur avait dit: Allez faire reconnaître notre territoire. Comme nos grands-pères nous l'ont toujours appris, c'est à nous autres, ce territoire-là. On ne l'a jamais cédé. Ça allait, jusqu'à un certain point, on les a suivis. En cours de route, on s'est perdu. En cours de route, la discussion a manqué. En cours de route, on a été mis de côté. Et pourtant, c'est nous qui avons le territoire.
Les familles qui sont ici, les Kuhkum et Mushum, et tous nous autres, même Kuhkum Francine... Ukauimau Francine, pardon, elles ont un territoire et nous avons un territoire. Mais quand on se perd en cours de route, quand il n'y a plus de dialogue puis qu'on ne sait plus qu'est-ce qui se passe, est-ce qu'il y a de la transparence à quelque part, bien là on ne se comprend plus, puis là on n'est pas d'accord, puis ça prend une discussion sérieuse. O.K., c'est à l'intérieur de notre communauté, mais également de Mamuitun, également, qui représente quatre réserves indiennes, si vous voulez, là, parce que «communauté», des fois, on se demande si c'est vraiment une communauté.
Mais, par contre, c'est ce qui nous manque, cette discussion-là, et le fait aussi que, parce qu'on est un groupe qui s'est... on a formé une coalition, bien, on ne nous écoute même pas. Et pourtant, on est plusieurs membres de cette Coalition-là, et nous avons été les premiers, bien avant la région Saguenay?Lac-Saint-Jean et nord-côtière, à dire: Non, il faut que ça arrête, ces négociations-là, parce qu'on ne s'entend pas, on ne se comprend plus, puis il y a quelque chose qui ne va pas. Vous autres, vous allez vendre notre territoire. Et quand je dis «vous autres», c'est le Conseil tribal Mamuitun.
Nous autres, on ne veut pas le vendre, notre territoire. On est prêts à travailler avec les gens avec qui nous vivons, mais, pour ça, on n'est pas obligés d'aller le vendre, notre territoire; on n'est pas obligés de passer par une négociation et de dire: Bon, j'ai vendu mon territoire; puis non plus d'accepter de dire, comme M. Chevrette, le mandataire, a dit: Nous ne cédons rien aux Innus. Bien, nous ne cédons rien... Moi non plus, je ne l'ai jamais cédé, mon territoire. Et pourtant, il se passe plein de choses, d'accord, mais il faut qu'il y ait une discussion à quelque part qui se reprenne avec nous, car c'est notre territoire qui est négocié.
M. Trudel: Est-ce que vous convenez qu'il faut établir des règles cependant, qu'il faut établir des règles? On a évoqué tantôt, pour une activité particulière, la chasse et la pêche, un code de pratique, par exemple, qui existe donc dans les communautés et dans la nation innue. Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait qu'il faut y mettre toute la volonté nécessaire pour établir des règles de façon à ce que nous n'ayons pas à vivre des situations particulières, par exemple, comme il nous a été rapporté à Uashat-Maliotenam, parce que la cohabitation, elle est plus... il y a davantage de proximité, pour qu'on puisse mieux travailler à nos développements respectifs? Est-ce que ça ne vous apparaît pas nécessaire? Et est-ce que vous croyez à la possibilité d'établissement de règles?
Le Président (M. Dion): Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Nous y croyons tellement que ça n'a jamais été une question de revendications internes. Ça veut dire que les codes de pratique qui sont mis en place par le Conseil des Montagnais à travers le secteur qui touche le territoire, on est d'accord avec ça. Aujourd'hui, on doit accepter ces choses-là, on le sait, on a besoin des règlements, parce que nous sommes les héritiers du territoire, O.K., mais il y a d'autres personnes également qui se sont ajoutées à la communauté ou à la réserve de Mashteuiatsh. Il y a eu d'autres membres qui sont arrivés qui pas nécessairement connaissent toutes nos pratiques, et tout ca. Donc, oui, il y a des règlements, il faut s'entendre là-dessus. Ça, on est capables et on l'accepte, et c'est bien comme ça.
Le Président (M. Dion): Oui, madame.
Mme Buckell (Francine): D'ailleurs, j'aimerais rajouter qu'il y a des agents territoriaux dans la communauté ou dans la réserve. Donc, quand on va sur le territoire ? et je peux vous dire qu'on y est très souvent ? on pratique notre culture, notre chasse, notre pêche en respectant ces choses-là. Et les codes de pratique, à ce que je sache, ils existent, ils sont publics, donc vous en avez... M. Chevrette en a reçu des copies, j'imagine que ça lui est passé entre les doigts pour arriver avec une recommandation comme celle-là, mais l'erreur est humaine. Alors, pour nous, oui, on est tout à fait d'accord, parce que c'est important de protéger la nature.
Le Président (M. Dion): Merci beaucoup. Il reste deux minutes pour M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, mesdames, monsieur, bonjour et merci de l'information que vous nous transmettez. Et peut-être d'entrée de jeu, moi, je suis porté à... Je ne sais pas si j'ai mal compris ce que vous avez dit mais, dans le rapport de M. Chevrette, il n'a jamais dit que vous n'aviez pas de droits, il a dit que vous aviez tous les droits et qu'il appartenait aux deux communautés de négocier, et vous retrouvez ça à la page 7, dans les deux constats que M. Chevrette a faits.
Cependant, moi, c'est plus ma question de fond: À partir d'un principe comme celui-là, où les cours vous ont reconnu quand même tous les droits ? et je rejoins un peu la question que le ministre vous posait tout à l'heure: Comment on peut s'en sortir si on ne peut pas négocier? Et on sait que sur le territoire il y a quand même des réalités que l'on vit constamment, compte tenu qu'on vit sur les mêmes territoires. Moi, je viens de la Côte-Nord, et c'est bien évident qu'on peut difficilement vivre dans un contexte d'incertitude comme nous vivons présentement. Alors, la meilleure forme qu'a pensée le gouvernement, c'était de négocier pour essayer de protéger les droits de chacun. Alors, ma question, c'est beaucoup plus à savoir: Quelle est l'avenue que vous seriez prêts à privilégier, sur laquelle on pourrait trouver un terrain d'entente?
Le Président (M. Dion): Mme Charlish? Mme Buckell.
Mme Buckell (Francine): Je vais y aller. Je n'ai pas bien entendu votre nom, mais je trouve que votre question est importante. Vous avez probablement mal compris, parce que ce qu'on dit, ce n'est pas qu'on ne veut pas négocier, mais ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas à défendre quelque chose qui nous est déjà acquis, c'est nos territoires. Et ce qui nous désole, c'est d'entendre que les Québécois ne perdront pas leur territoire, et ça, en partant, ça devient difficile pour des gens qui ont toujours eu à s'excuser, à se défendre puis à se justifier. C'est les Innus, c'est la vie des Innus.
C'est bien entendu que, pour nous, c'est important de négocier. Je ne pense pas qu'ici autour de la table et dans le groupe que nous représentons aujourd'hui les gens ne veulent pas avancer, on est pour l'évolution, au contraire. D'ailleurs, on veut voter dans notre communauté, on veut participer. Moi, je suis hors réserve depuis plusieurs années puis j'ai grandi dans ma communauté. Donc, pour moi, c'est bien important, je cohabite avec des Québécois tous les jours, je travaille avec des Québécois tous les jours, puis j'adore ça, sauf que je ne suis pas prête à mettre mon territoire puis mes droits... Puis, je regrette, il y a dans cette entente-là des choses qui m'inquiètent par rapport à mes droits, quand on parle des réserves à castor, quand on parle du territoire, de l'exploitation. On va être légiférés par le gouvernement du Québec.
Vous savez, moi, je suis une première nation innue. Ce que j'envisage, quand vous me le demandez, c'est que, je me dis, il va falloir qu'on se parle entre Innus avant de penser à parler de négocier avec le gouvernement du Québec, le gouvernement québécois. Il va falloir qu'on soit capables de s'entendre entre Innus pour qu'on arrive à une négociation, si on peut dire, comparable à celle que les Cris ont eue avec votre gouvernement et non pas des négociations communauté par communauté ou par groupe de communautés. Donc, oui, on veut négocier, oui, on veut vous parler, oui, on veut bien s'entendre avec vous, mais pas à n'importe quel prix.
n(17 h 40)nLe Président (M. Dion): Merci, Mme Buckell. Je vais maintenant donner la parole à M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais dire un mot de bienvenue aux représentants de la Coalition autochtone Ukauimau aimu ? pardon pour la prononciation. Mais peut-être une première question, d'expliquer un petit peu l'origine de la Coalition, ce qui vous semble l'origine de la Coalition, qui vous représente aujourd'hui, en effet.
Le Président (M. Dion): Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Je crois que je l'ai mentionné au tout début. Nous représentons des membres qui se sont regroupés autour d'une coalition qu'on a formée il y a deux ans à la suite des questionnements que nous avions eus avec la présentation du livre, l'Approche commune. On s'est regroupés comme ça puis on n'a pas eu les réponses qu'on attendait. Il n'y a pas eu de poursuite à une première rencontre déjà qu'on avait eue avec le Conseil tribal Mamuitun et avec le Conseil de bande. Alors, on a formé une coalition et, à ce moment-là, on a demandé un arrêt des négociations où on a fait signer une pétition. C'est comme ça qu'on a eu des membres qui ont signé. Donc, maintenant, aujourd'hui, nous en sommes à 270 signataires seulement de la bande de Mashteuiatsh de notre communauté, et c'est comme ça que Ukauimau aimu a été mis sur pied.
Et, continuellement, nous sommes très attentives et attentifs à tout ce qui se passe avec l'entente de principe, avec la commission parlementaire. Les gens... Je ne sais plus comment le dire, là. Les non autochtones ou les allochtones, il y a tellement de mots qui s'emploient autour tous ces peuples. Mais, on a suivi tout ça et on a entendu toutes sortes de choses, là, aussi bien négatives que positives. Mais je pense que notre Coalition, si elle existe, c'est pour le bien-fondé, pour le respect de nos ancêtres, pour le respect des personnes âgées qui sont ici, pour notre respect à nous, aujourd'hui, en tant que personnes, et pour le respect de nos enfants et des générations à venir qui veulent garder ce territoire-là. On ne veut pas le céder, parce qu'on n'a pas à céder ce territoire-là. Nous sommes les gardiens de ce territoire-là et il faut le protéger. Notre façon de le protéger, c'est justement d'arriver à continuer à protéger notre territoire et à l'occuper, et nous l'occupons encore de façon plus traditionnelle, si vous voulez, vu qu'il n'y a pas d'économie là-dessus. Donc, c'est ce que je peux vous répondre, à moins que mes soeurs, ici, veuillent ajouter.
Le Président (M. Dion): Merci. M. le député.
M. Kelley: C'était juste pour mettre en contexte votre présentation, pour mieux éclairer, parce que ce qu'on cherche... Et je pense que les points qui sont soulevés ici sont très importants. Mais moi, une des choses... Après 23 ans, il y a une certaine obligation de résultat aussi. Alors, j'essaie d'arrimer. Presque tout le monde, qui a pris les chaises que vous occupez maintenant, veut être impliqué davantage. Alors, j'essaie à la fois, avec cette obligation de résultat... Parce que, arrêter, uniquement arrêter et mettre fin aux négociations, ça fait l'affaire peut-être des personnes que vous ne voulez pas faire des alliances avec. Il y a d'autres personnes qui sont venues pour dire: Ça, c'est les négociations pour les objectifs complètement différents.
Moi, je pense, oui, qu'il y a un territoire en question. Il y a les questions de l'arrimage des droits, il y a les questions d'un partage de certaines responsabilités sur ce territoire. Et il faut aller de l'avant avec une certaine négociation qui peut nous amener vers un traité. Alors, quand j'entends le mot «arrêter», ma crainte, c'est qu'on va perdre le momentum, et ça va être un autre 23 années avant d'arriver à une solution ou ça va être un retour aux tribunaux, ce qui est toujours... Souvent, le résultat d'un recours aux tribunaux, un juge va dire: Retournez à la table de négociations. Et on tourne en rond, on tourne en rond. Je pense qu'il y a des progrès qu'on peut faire. Je pense qu'il faut créer les moyens d'avoir les outils qu'on peut travailler ensemble, parce qu'il y a beaucoup d'enjeux où on peut travailler ensemble, pour améliorer à la fois nos sociétés, vos sociétés. Et c'est ça, je pense, qui est l'objectif qui est recherché.
Alors, j'essaie... Je comprends fort bien votre sentiment d'exclusion mais, pratico-pratique, comment est-ce qu'on peut mettre en place un processus plus inclusif mais à la fois efficace?
Le Président (M. Dion): Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Je pourrais peut-être vous dire qu'avoir à discuter ces choses-là, ça me touche, parce que je me dis: O.K. Ça fait 23 ans que ça se négocie, puis vous dites: Il faut... vous voulez qu'on arrête ça là. Mais, par contre, vous présentez un autre 23 ans où ça pourrait continuer. Donc, il n'y a pas d'arrêt là-dessus, on peut encore continuer à parler. Ou, sinon, on arrête.
Mais pourquoi est-ce que ce serait nous qui devrions absolument et dès maintenant embarquer dans vos négociations? Parce que, quand je vois que vous êtes pressés comme ça, que vous nous pressez soit de signer et tout ça ou que vous pressez le Conseil tribal qui, lui, a accepté de négocier, donc il y a quelque chose qui presse à quelque part, avant de vouloir vraiment nous comprendre et nous connaître.
Vous ne nous connaissez pas encore et, pourtant, vous voulez nous presser. Et vous dites: Ce territoire, il faut le partager, et tout ça. On n'a pas besoin de signer un traité pour accepter de le partager, de le partager, mais vraiment un partage. Est-ce qu'on a besoin d'une négociation? Ce terme-là, nous autres, il n'existe pas chez nous. «Négociation», pour nous, je le traduis, et ça a été traduit depuis les missionnaires qui ont commencé à écrire les dictionnaires, et tout ça, au début des années 1600, négocier, c'est «ataueu», et «ataueuian», c'est vendre. Donc, est-ce que je négocie? Il faut que je dise non à une négociation parce que je ne veux pas vendre mon territoire. Je suis prête à vivre avec d'autres personnes et à travailler sur des règlements puis à dire: On a une occupation à faire sur ce territoire-là, j'accepte que vous veniez. Je vous respecte et vous me respectez. Ça, c'est une discussion. Je n'ai pas besoin d'aller en négociation avec ça.
Et ce n'est pas notre philosophie non plus de ne penser seulement que pouvoir et argent et pas seulement que harmonie. Moi, je n'ai qu'à respecter qu'est-ce que je suis. Avec ça, je respecte qui sont les autres dont les aînés, dont ceux qui occupent ce territoire-là. Et on sait très bien qu'on a une responsabilité vis-à-vis de ce territoire-là, c'est ce qui nous a été légué, la responsabilité de protéger ce territoire-là. C'est peut-être un langage que vous ne comprenez pas, mais c'est comme ça que nous vivons. Et ainsi nous sommes.
Le Président (M. Dion): M. le député.
M. Kelley: Et, moi, ce n'est pas que je suis pressé, au contraire. Mais je pense qu'après 23 ans il y a beaucoup de ressources qui sont dédiées aux négociations et il y a une certaine obligation de résultat, un jour, et ce n'est pas... Moi, je ne suis pas ici pour mettre un échéancier qu'il faut régler ça dans trois mois, six mois. Ce n'est pas le but de mes questions. Mais je pense qu'il y a certains domaines qui ont été identifiés où le statu quo n'est pas acceptable en ce moment: les règles du jeu pour la chasse et la pêche par exemple.
Je pense que c'est dans l'intérêt de tout le monde d'avoir des règles qui sont claires parce que, sinon, ça risque de créer un climat de confrontation. Quand le monde part dans le bois pour aller à la chasse, je pense qu'il faut avoir certaines règles du jeu. Est-ce que ça prend un traité, est-ce qu'il y a un autre moyen pour y arriver? Je suis de votre avis, Mme Charlish, que, peut-être, il y a un autre moyen pour y arriver. Mais je pense, au moins les témoignages que nous avons reçus à date, que ce n'est pas clair. Il y a des enjeux pour la conservation qui sont très importants d'avoir certaines règles du jeu, pour les poissons, pour les animaux, et tout le reste.
Et, si vous n'aimez pas le mot «négociation», on peut le remplacer avec un autre, mais, moi, je pense que c'est important, avant que le monde aille dans le bois ou aille à la pêche, qu'il y ait certaines règles du jeu qui soient acceptées par tout le monde.
Et ma crainte, c'est, si on abandonne les négociations et le processus, qu'on va retourner dans une période de négligence où les revendications et les intérêts de votre nation sont oubliés. Parce qu'on a passé une longue période où vos revendications ont été négligées. Et ma crainte, c'est que mettre fin à ce processus va nous retourner dans une période de négligence. Et c'est ça que je veux éviter.
n(17 h 50)n Sur le modèle, on parle du mot «traité», une autre génération a préféré le mot «convention». Il y a mille et un mots, et on peut trouver le bon vocabulaire pour le faire, mais je trouve quand même que, à date, nous avons identifié plusieurs domaines où qu'est-ce qui se passe aujourd'hui n'est pas acceptable. Il faut, avec le partenaire fédéral, établir les nouvelles façons de faire et les nouvelles règles du jeu. Et, si vous n'aimez pas le mot «négociation», vous pouvez en suggérer un autre. Mais, autour d'une table, pour moi, c'est préférable que de se cacher derrière le tribunal parce que, ça, c'est beaucoup plus facile puis on peut envoyer ça au juge, et, pour moi, c'est une déresponsabilisation de leadership des communautés concernées.
Le Président (M. Dion): Mme Charlish.
Mme Charlish (Jeanne Mance): Je vais céder la parole à Mme Buckell. Auparavant, j'aimerais vous dire... Si je dis que «négociation» n'existe pas chez nous, par contre, j'ai peut-être un regret, c'est que, en 1534, il aurait dû exister, le mot «négociation». Je cède la parole à Mme Buckell.
Le Président (M. Dion): Mme Buckell.
Mme Buckell (Francine): Merci. M. le député, moi, ce que je tiens à vous dire, c'est que ce qui ressort de vos propos, c'est qu'il semblerait que, en participant au processus auquel vous voulez qu'on participe, c'est que nos codes qui existent, nos codes de pratiques que nous avons et que nous respectons, c'est comme s'ils n'étaient pas bons. Nos codes de pratiques respectent notre culture, respectent notre façon de vivre, respectent les Indiens.
Moi, je ne veux pas devenir une Québécoise. Avec tout le respect que j'ai pour les Québécois et les Canadiens, moi, je suis une première nation innue. Et, demain matin, je ne veux pas que, par la signature d'un traité, je sois traitée comme une Québécoise. On a des droits et ces droits-là, je veux les conserver. Et, si ces droits-là, c'est d'avoir des différences entre nos deux peuples, bien, il va falloir que ce soit accepté, parce qu'on va se battre pour garder nos droits.
On a eu les réserves à castors, par la suite il y a eu les zecs, il y a eu les pourvoiries. Je pense qu'on a fait notre bout de chemin. Je pense que, malgré les mots qu'on voudra bien utiliser, notre territoire est envahi et il est exploité. Et ce n'est pas toujours pour les fins de nos membres de notre communauté, ce n'est pas toujours pour nous, je dois vous le dire. À la majorité du temps, les gains qui sont faits à partir de nos territoires sont faits par vous et non par nous. Donc, ce qu'on vous dit, ce n'est pas qu'on ne veut pas discuter, ce qu'on vous dit, c'est que, en premier, nous, on aimerait échanger entre nous, en premier, parce que, un, on ne peut même pas s'exprimer, on ne peut pas exprimer ce qu'on vous exprime ici aujourd'hui et on ne peut même pas exprimer notre droit de vote qui... À ce que je sache, on est dans une société démocratique, il y a des lois qui existent et ces lois-là ne sont même pas appliquées, elles ne sont pas respectées.
Donc, vous pouvez comprendre que, pour nous, c'est très inquiétant, un processus comme vous semblez y accorder énormément d'importance. On ne vous dit pas: Effacez tout, recommencez tout. Mais, on a été capables d'attendre toutes ces années-là, pourquoi pas justement miser le maximum pour que ce soit une entente qui nous respecte, une entente qu'on n'aura pas sur le coeur pendant 23 ans, nous? Ce qu'on veut, c'est avoir une partie prenante. On ne vous demande pas de mettre fin à toutes vos affaires, mais ce qu'on vous dit, c'est qu'avant qu'on embarque dans vos affaires on aimerait, nous, discuter entre nous et se respecter en tant que premières nations innues, l'ensemble des communautés innues. Mais, par contre, gardez bien en tête une chose, c'est que nos territoires et nos droits, c'est notre patrimoine. Sans patrimoine, on n'existe plus, et j'ai l'intention d'exister comme innue et j'ai l'intention de transposer cette culture-là à mes enfants et à mes petits-enfants. Je vais céder la parole à M. Bégin.
M. Bégin (Georges): (S'exprime dans sa langue).
Mme Charlish (Jeanne Mance): Est-ce que j'ai le temps de traduire? Je vais résumer. Il dit: Ce que je veux dire, il y a une semaine, j'ai été à une réunion du Conseil de bande. En fait, c'était un cercle de discussion qu'il y avait. Il dit: J'ai voulu parler de mon territoire, mais il m'a été répondu: Ce n'est pas le moment d'en parler. Ça, c'est politique. Tu n'as pas à en parler, de ton territoire. Alors, il dit: Ce qu'on fait, ici, on vient parler de notre territoire.
n(18 heures)n Il dit une autre chose. Il y a six ans, avant ça, il avait écrit une lettre au Conseil des Montagnais pour dénoncer le morcellement qu'il y avait sur le territoire de la famille des Bégin, entre autres, qui est dans le parc Chibougamau. Il dit: Ce morcellement-là, par qui ça a été fait? Il dit: Je n'ai pas de réponse là-dessus, qui est responsable de ça. Puis il dit: Qu'est-ce qu'on voit au bout des négociations? Que voit-on au bout de ces négociations-là? Aurons-nous droit à une compensation à la perte de notre territoire? Il dit: On vient parler ici puis quand on va s'en retourner, est-ce qu'on va avoir une réponse, quelque chose qui va... une réponse, en tout cas, qui va nous être donnée?
Et il se demande également: Où est le respect, aujourd'hui, face aux aînés? Est-ce qu'on les respecte encore, les aînés, comme c'est dans nos traditions? Il dit: Je ne sais plus où nous en sommes. Est-ce que j'ai encore un territoire ou est-ce qu'il a été vendu, ce territoire-là, puis que je ne suis pas au courant? Il dit: On ne nous informe pas, en parlant du Conseil tribal et du Conseil de bande. Merci.
Le Président (M. Dion): Je vous remercie beaucoup, Mme Charlish, M. Bégin, mesdames, de votre contribution. Malheureusement, le temps passe, nous sommes déjà dépassés l'heure qui avait été prévue.
Alors, je vous remercie infiniment et je pense que vous avez soulevé des questions extrêmement importantes, et je pense qu'il faut continuer au moins à réfléchir et à échanger entre nous.
Alors, je vous remercie beaucoup et, le temps étant dépassé, j'ajourne la consultation au 6 mars. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 2)