(Neuf heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte et je rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaumier (Champlain) est remplacé par M. Duguay (Duplessis); Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) par M. Laprise (Roberval); Mme Leduc (Mille-Îles) par M. Tremblay (Lac-Saint-Jean); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Mancuso (Viger) par Mme Gauthier (Jonquière); et enfin, M. Dumont (Rivière-du-Loup) par M. Corriveau (Saguenay).
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je demande à toutes les personnes qui dans la salle ont un téléphone cellulaire ouvert de bien vouloir le fermer pendant la séance, s'il vous plaît. Et je souhaite la bienvenue à toutes les personnes, les parlementaires et autres personnes, pour cette sixième journée de travail sur ce mandat de la commission des institutions concernant l'entente, le projet d'entente avec les premières nations et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
Auditions (suite)
Alors, sans plus tarder, je vous indique notre ordre du jour: d'abord, nous entendrons les représentants du Collectif nord-côtier; par la suite, le Comité de défense des droits des Indiens montagnais de Schefferville; et nous suspendrons nos travaux vers 11 h 30 pour reprendre cet après-midi, à 14 heures.
Alors, madame, messieurs, bienvenue, et j'invite le porte-parole ou la porte-parole à bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent. Et je vous indique que vous avez droit à une présentation de 20 minutes.
Collectif nord-côtier pour une négociation
équitable avec la nation innue
M. Frenette (Pierre): J'en prends bonne note. Allons-y. Je m'appelle Pierre Frenette. C'est moi qui, disons, suis le porte-parole, et je vais initier le mémoire qui vous est présenté. Je peux me présenter brièvement. Je suis historien, j'enseigne au cégep de Baie-Comeau depuis une trentaine d'années. J'ai, dans mes clientèles étudiantes, des Innus et des étudiants euro-québécois ou nord-côtiers ordinaires, si on peut dire.
Je travaille beaucoup avec les Innus. J'ai fait de la formation au niveau du tourisme et, cet été, j'ai sorti un petit volume sur l'histoire du groupe de Betsiamites. Ça fait que j'ai une certaine expérience, disons, du vécu innu. Puis, dans le cas de Baie-Comeau, c'est important pour toute la région de Manicouagan, il y a une présence historique, et ça, on va en reparler dans le mémoire brièvement.
Je voudrais présenter ceux qui m'accompagnent. Il y a... En fait, elle peut se présenter. C'est Mme Lambert, conseillère à la ville de Sept-Îles.
Mme Lambert (Brigitte): Alors, je suis Brigitte Lambert, conseillère du district Clarke, en fait, qui a débuté en 1898, alors là où il y avait naturellement des Montagnais qui ont accueilli les gens pour un développement industriel. Ensuite, je suis vice-présidente du CLSC-Centre de santé des Sept-Rivières, responsable aussi de la qualité de vie. Alors, je suis membre du Réseau québécois de Villes et Villages en santé, ce qui fait que je me suis grandement intéressée à l'impact que ça avait sur le vécu de la population et que j'ai eu une grande oreille dans ce sens-là.
Je suis aussi membre du Conseil urbain de pastorale au niveau de la ville de Sept-Îles et, pour terminer, disons que je suis de la fondation d'une association qui s'appelle Épilepsie Côte-Nord, en 1985, de Tadoussac à Blanc-Sablon. Alors, je suis encore une personne-ressource et je peux vous dire que l'interaction Blancs-Montagnais va dans tous les domaines de la vie, et c'est pour ça que je suis si intéressée et que j'ai suivi ces débats-là.
M. Landry (Jacques): Jacques Landry, maire de Natashquan. J'ai toujours vécu à proximité d'une réserve indienne. Les relations ont toujours été très bonnes. Mes meilleurs amis, c'est des Indiens, mais chez les Blancs aussi. Alors, il y a toujours eu une bonne coopération, et nous souhaitons que cela continue. Merci.
M. Frenette (Pierre): Ça va? Le mémoire lui-même s'intitule Pour une région plus forte. C'est un mémoire, dans le fond, d'appui aux négociations fondamentalement. L'idée n'était pas de réinventer la roue ou de se mettre en lieu et place de différentes instances qui ont fait des représentations. Je pense, entre autres, au CRD hier qui a fait une représentation étoffée qui était appuyée sur de nombreux mémoires.
Dans notre cas, ça consiste plus à rappeler une série de principes de base qui nous semblent... parce qu'on est favorable à la négociation, qu'elle se fasse bien. Et pas besoin de chercher midi à quatorze heures pour... un certain nombre d'éléments de base qui sont bons pour ne pas qu'on s'enfarge trop, des fois, dans les cas par cas ou des cas particuliers qui peuvent être problématiques. Dans l'ensemble de notre mémoire, on appuie puis on trouve que la négociation va amener une région plus forte.
Ça fait que je reprends le texte. Le Collectif nord-côtier regroupe différentes personnalités impliquées dans le développement local et régional et qui sont désireuses de poursuivre et de compléter les négociations avec les différentes communautés nord-côtières, en particulier celles d'Essipit, Betsiamites et Nutashkuan.
Ici, je fais juste un petit... je peux quasiment l'introduire tout de suite. Le texte de base a été envoyé à différentes personnes pour fins d'appui et, dans les listes de signataires que vous avez, il y en a qui se sont ajouté depuis, si vous allez à la fin. Je reprends très brièvement les signataires en arrivée, si on veut.
Jean-Luc Burgess, maire de Longue-Pointe-de-Mingan; Johnny Deraps, maire d'Aguanish; Yvon Di Piazza, maire de Baie-Comeau; Pierre Frenette, moi-même; Christian Gagnon, directeur général du cégep de Sept-Îles; Gabriel-Yvan Gagnon, directeur au développement, ville de Baie-Comeau; Brigitte Lambert, conseillère à la ville de Sept-Îles; Jacques Landry, Corporation municipale de Natashquan; Roger Lapointe, directeur général du cégep de Baie-Comeau; Richmond Monger, administrateur, municipalité de la Basse-Côte-Nord du Saint-Laurent; Patrick Larocque, maire de Godbout; Ghyslain Lévesque, maire de la ville de Sept-Îles; et Jean-Marie Tanguay, maire de Baie-Johan-Beetz. Ça va?
Beaucoup étaient d'accord, mais disaient: On est déjà dans un autre mémoire. Ça fait qu'ils n'ont pas ajouté leur nom comme tel. Mais néanmoins, je fais remarquer deux choses: vous avez les deux plus grandes villes qui appuient le principe de base et, ce qui peut être intéressant, vous avez les communautés blanches qui jouxtent au moins quatre communautés, cinq communautés innues dans les signataires: Natashquan, La Romaine, Ekuanitshit, Basse-Côte-Nord ? vous avez cinq communautés ? et Sept-Îles. C'est des communautés qui ne sont pas dans l'entente actuellement, mais les communautés blanches sont ouvertes à ce qu'il y ait une entente éventuellement. Elles sont ouvertes à l'idée.
Et je lis différentes affirmations: Nous prenons pour acquis que les droits collectifs aborigènes sont reconnus par le droit international et la Cour suprême du Canada. Je pense que ça, c'est un élément incontournable, fondamental, premier.
Nous reconnaissons la légitimité de la présence historique innue sur le territoire non côtier, que ce soit sous le nom de Papinachois, de Montagnais ou de l'un des nombreux noms donnés par les explorateurs et les missionnaires aux différentes bandes autochtones rencontrées aux temps de la Nouvelle-France. Il y a eu Oumamioueks; en tout cas, il y a plusieurs noms différents parce qu'ils nommaient les groupes selon les zones, puis tout ça. Ça fait que ça a pu varier, mais fondamentalement c'est les mêmes qui sont toujours là.
Nous reconnaissons que les différentes communautés innues ont fréquenté, parcouru et habité toutes les rivières de ce territoire.
Nous reconnaissons que, depuis trois siècles, l'exploitation des différentes ressources et territoires a été organisée sous différentes formes de monopoles ou de concessions sans consultation des groupes innus installés sur place.
n
(9 h 40)
n
Il y a eu un bout de temps un truc qui s'appelait le Poste du Roy où toute la Haute-Côte-Nord était gérée directement, même c'était une machine à faire de l'argent pour le gouvernement. On louait le commerce des fourrures puis on faisait de l'argent avec ça. Il y avait des monopoles, il y a eu des seigneuries, puis jamais évidemment les Innus n'avaient été consultés ou quoi que ce soit tout au long de ce phénomène-là.
Nous nous rappelons que, lors de l'ouverture de la région à la colonisation agricole et au développement industriel, au milieu du XIXe siècle, les autorités ont toujours refusé d'offrir les redevances sur les ressources, demandées par les chefs innus de l'époque. Entre autres, je pense à Betsiamites, il y avait une demande formelle de dire: Il y a cinq moulins à scie, on voudrait avoir des redevances sur le bois que vous coupez, parce que c'est le nôtre. Et, évidemment, ça avait été jugé irrecevable tout simplement à l'époque. Compte tenu des mentalités de l'époque, c'était effectivement impensable.
Nous nous rappelons que la plupart des familles innues ont continué de nomadiser à l'année longue sur les différents territoires ancestraux jusqu'à la deuxième moitié du XXe siècle.
Nous savons que la sédentarisation et l'urbanisation récentes des différents groupes innus ont amené une difficile mutation des valeurs et des comportements sociaux et économiques. En fait, ils ont vécu ce que les Québécois ont vécu quand ils ont passé d'un monde agricole à urbain, progressivement. Il y a eu des difficultés et des ajustements. Et les Innus vivent quelque chose d'un peu plus poussé parce qu'ils passent en plus d'un mode souvent de cueilleur ou de chasseur à un mode de vie urbain.
Nous savons que les groupes innus... Ah! je pense que c'est vous qui embarquez.
Mme Lambert (Brigitte): Je vais embarquer. Nous savons que les groupes innus ont entrepris, au cours des dernières décennies, une importante et irréversible prise en charge administrative. Alors, nous, à Sept-Îles, nous l'avons bien vécu, ce phénomène-là.
Nous croyons que la prise en charge croissante des services d'éducation et de santé origine d'une nouvelle dynamique sociale mieux adaptée au nouveau millénaire, avec ses forces et ses faiblesses.
Alors, nous croyons aussi que les négociations liées à l'Approche commune peuvent créer une dynamique positive pour le développement régional, et ça, bien entendu, si les gens, les résidents se sentent vraiment impliqués et bien informés. Ça, c'est une condition sine qua non.
Nous croyons que des négociations intensives doivent être menées avec les différents utilisateurs sportifs, professionnels et industriels du Nitassinan.
Nous croyons que les négociations concernant les territoires privés et/ou municipalisés devraient respecter les droits acquis des uns et des autres, donc de bien impliquer les gens concernés, au bon moment. Alors, Jacques. Tu nous donnes un petit exemple, Jacques?
M. Landry (Jacques): Oui. Un exemple, c'est que chez nous il y a deux rivières à saumon: il y en a une qui est sur Innu Assi, qui est exploitée par le conseil de bande, qui est la pourvoirie Hibou; il y en a une autre, la rivière Aguanish, qui est de droits exclusifs aux Amérindiens, mais qui est exploitée par l'Association de chasse et pêche d'Aguanish, qui ne sont que des Blancs. Alors, ça fonctionne très bien, puis la coopération est très bonne, de part et d'autre.
M. Frenette (Pierre): En fait, Jacques est embarqué sur une affirmation qu'on fait, qu'on pose: Nous croyons que certains sites patrimoniaux ? parce que c'est un des irritants, nous croyons, de l'entente commune ? telles les rivières à saumon déjà prises en charge par les communautés locales et situées hors du Innu Assi ? je pense aux rivières Baie-Trinité et Godbout ? soient exclus des négociations ou fassent l'objet d'ententes spécifiques des groupes avec les groupes autochtones qui peuvent... comme dans le cas, par exemple, de Natashquan où, là, il y a un groupe blanc local qui a une entente avec un groupe amérindien pour exploiter les rivières à saumon. Mais que ce soit sur une base volontaire et d'échange volontaire.
Nous croyons que les Innus, comme les Nord-Côtiers, peuvent développer leurs capacités entrepreneuriales dans un contexte de disponibilité du capital, d'une participation réelle à l'aménagement du territoire ainsi qu'à la gestion des ressources et de l'environnement. Nous croyons que les gouvernants innus pourront développer des relations harmonieuses avec les communautés locales et régionales qui les entourent. Et nous croyons que les communautés innues et nord-côtières peuvent profiter des différentes redevances pour développer différents projets conjoints intéressants pour toutes les communautés. Ça, attention, c'est indépendamment du 3 % qui est une compensation qui est exclusive et unique aux Innus. Éventuellement, s'il y avait des sommes supplémentaires, ça pourrait être intéressant qu'il y ait des sommes supplémentaires disponibles pour des projets communs à partir soit de ce fonds-là ou d'autres fonds, mais l'incitation de développer en commun pourrait être une incitation justement à la collaboration puis à la coopération.
Mme Lambert (Brigitte): En un mot, ce qu'on veut dire, c'est que la négociation est quand même un moyen idéal pour qu'on apprenne à se connaître, à reconnaître nos forces, nos faiblesses et à mettre ensemble nos forces, parfois, pour être gagnants, d'où le titre. Ça va devenir une région encore plus forte si on se met ensemble, parce que, eux, ils ont des forces et, nous, on en a.
Alors, suite à ça, nous espérons que la poursuite et la conclusion des négociations liées à l'entente de principe soient accélérées et complétées au plus tôt, avec les groupes concernés et avec toutes les autres communautés, pour éviter de prolonger inutilement l'actuelle incertitude.
Nous croyons que le racisme, toujours latent quand deux cultures différentes se côtoient sur un même territoire, peut être limité, car le dialogue et l'information sont très importants. D'ailleurs, ce que nous préconisons, c'est un dialogue continu, c'est d'essayer d'investir dans un mécanisme d'information qui soit adéquat et à la hauteur de l'enjeu.
D'ailleurs, je tiens à souligner ici le côté plus positif et l'effort qu'on fait de faire cet arrêt pour bien vérifier qu'est-ce qu'on pourrait faire pour qu'un bon objectif atteigne ses fins. Alors, ça, je tiens à souligner ça, on l'a apprécié, parce qu'au début nous étions très frustrés, et c'est peut-être ce qui a démarré toute la problématique. Mais, en tout cas, nous sommes heureux de voir que maintenant on enclenche quelque chose de plus positif et qu'on va probablement pouvoir mettre ça sur des rails qui vont mieux fonctionner.
M. Frenette (Pierre): En fait, en conclusion, nous croyons que la perception de l'autre peut se transformer et évoluer dans le sens d'une histoire régionale renouvelée. En gros, je pense que, si je résume brièvement, là, c'est ça, c'est une série d'affirmations très simples qu'ils n'ont pas dans le détail des négociations de telle table ou tel secteur, mais, dans l'ensemble, nous croyons que c'est une opération importante qui se fait actuellement. C'est un rattrape historique qui date de... mais pas Mathusalem mais quasiment, et qui est un heureux retour des choses, qu'il y a des rééquilibrages à faire, que ça puisse être pénible dans certains cas, mais le jeu en vaut la chandelle. C'est essentiellement ça, le message. Merci.
Le Président (M. Lachance): Ça va pour votre présentation?
M. Frenette (Pierre): Oui.
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, nous allons amorcer la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre d'État à la Population et responsable des Affaires autochtones.
M. Trudel: Bienvenue, M. Frenette, M. le professeur Frenette, ainsi que Mme Lambert et M. Landry. Je vais avoir de la misère, M. Landry, à ne pas vous appeler Rocky Brisebois, moi, parce que ça nous rappelle tellement un beau chapitre de notre histoire. Même à vous entendre parler, c'est non seulement le physique, mais vous avez la bonhomie et le sens de la bonne entente qu'avait ce chroniqueur sportif dans l'histoire québécoise.
M. Frenette, Mme Lambert, M. Landry, non seulement vous remercier de vous déplacer, d'avoir pris le temps, avec vos occupations et aussi votre profession, de venir aider la société québécoise à davantage de compréhension de la situation et davantage d'éclairage pour franchir des nouveaux pas vers une entente de paix, de respect et de développement.
Certainement deux éléments qu'il faut tout de suite préciser. Le Collectif au nom duquel vous parlez ce matin est un collectif remarquablement représentatif. Je veux aussi le rappeler. Quand deux directeurs généraux d'institution d'enseignement supérieur et collège se joignent à ce Collectif, ce n'est pas une pétition au dépanneur qu'ils ont signée, là, lorsqu'on a les maires des deux grandes municipalités, quand on connaît ces personnalités-là, quand on ajoute à cela un ex-député, Gabriel-Yvan Gagnon, qui a été intimement mêlé au plan intellectuel et au plan pratique aussi aux négociations et à la défense et à l'illustration de la vie nord-côtière et qu'on y ajoute la Basse et les représentants de la Basse-Côte-Nord. Il y a beaucoup de gens qui viennent nous parler ici, c'est le but de la commission, mais disons que les lignes fortes que vous nous transmettez ce matin, au nom de ces personnes, représentent un Collectif d'une très haute qualité, surtout avec les conclusions en plus qui nous sont apportées.
Je dirais cependant, M. Frenette, qu'on ne va pas vous laisser échapper comme ça avec votre remarquable contribution d'intellectuel dans cette question. Et la deuxième chose que je voudrais faire remarquer, c'est l'importance des institutions d'enseignement supérieur en région. Si nous ne pouvions compter sur deux collèges et, j'espère, dans un temps très court, sur une Université du Québec, de plein droit, en Côte-Nord, eh bien, nous ne pourrions compter sur ces ressources pour nous éclairer au plan intellectuel.
n
(9 h 50)
n
M. Frenette, allons-y tout directement. Au plan intellectuel, vous contrez l'école de pensée de Russel Bouchard et d'un autre historien, M. Dawson, sur l'occupation continue en lien avec l'exercice des droits, la reconnaissance non seulement des droits ancestraux et des activités ancestrales.
Éclairez-nous un peu davantage sur les fondements intellectuels de cette approche: Est-ce une nouvelle école de pensée? Comment se fonde-t-elle? Va-t-elle chercher des fondements chez Fernand Braudel, ce grand historien européen? Mais situez-nous dans ce courant de pensée qui fixe une direction de la reconnaissance de l'existence ? si on peut employer ces mots ? de l'existence réelle de cette nation et de sa présence sur le territoire.
M. Frenette (Pierre): O.K. Parce que, sur la continuité historique, une des affirmations que je fais ici, en fait, je n'invente rien, c'est une continuité qui était déjà reconnue traditionnellement, qui était des fois difficile à préciser dépendant des approches ou des historiens mais, dans l'ensemble, par rapport à la Côte-Nord, il y avait un certain nombre de grands peuplements qui étaient reconnus, il y avait les Montagnais, il y avait les Papinachois, les Oumamioueks, qui sont les grands groupes, si on veut. Il y a des missionnaires qui arrivaient là-dedans, qui en inventaient, exemple, tout à coup on invente une nation des Monts-Pelés. Monts-Pelés, c'est Pointe-des-Monts. C'est parce qu'ils avaient rencontré un groupe d'Oumamioueks probablement qui était à Pointe-des-Monts, puis ils ont inventé une nation nouvelle. C'est qu'il y a eu différents noms qui ont été prêtés à ça.
Les Amérindiens ont eu des passages difficiles, entre autres, les épidémies au début de la Nouvelle-France, ça a fait qu'il y a des groupes qui ont été décimés, c'est dans le sens pur du terme. On calcule, je pense, à peu près... pratiquement 80 % de baisse de population des groupes qui... Par exemple, en Amérique même, il y en avait 50 millions, on calculait 50 millions d'autochtones à l'arrivée de colons, puis il en restait 10 millions au bout d'à peu près un siècle. C'est des épidémies essentiellement qui étaient meurtrières là-dedans, avec des virus, il n'y avait pas de défense biologique de faite, ce qui fait que ça a fait des hécatombes. Et, du côté de la Côte-Nord, il y a un groupe qui était au front de cette offensive-là, c'est les Montagnais, à Tadoussac, ceux que Champlain a rencontrés, et eux autres ont subi évidemment une hécatombe relativement importante.
Ça fait que, d'un côté, il y a eu l'affaiblissement d'un groupe qui s'appelait les Montagnais, puis, de l'autre, il y a eu aussi des variations dans le commerce des fourrures, ce qui fait qu'à la fin du XVIIe siècle il y a eu presque abandon du commerce des fourrures: la Nouvelle-France était en guerre avec la Nouvelle-Angleterre, le commerce se faisait mal, les fourrures dégringolent; Baie d'Hudson, grosse concurrence. Ça fait que, résultat, les Montagnais vont cesser de se présenter au poste de Tadoussac, disons, disparaissent du décor pendant une dizaine ou une quinzaine d'années à peu près. Puis, disons, M. Bouchard, en utilisant cette période-là d'absence, si on veut, dans les textes ? pas parce que nécessairement les Innus n'étaient pas là, mais les témoins n'étaient pas là ? lui, il va dire: Il y avait disparition carrément des Innus. Puis là il y a comme un jeu de mots qui est un peu grossier au plan intellectuel, il parle de la disparition des Montagnais, qui était le groupe de Tadoussac, et il conclut dans la même page frontispice de son volume: Fin de la nation innue. Oups! Là, on vient de passer d'un groupe qui était de quelques centaines de personnes à, tout à coup, tous les groupes qui représentent plusieurs milliers de personnes jusqu'à Blanc-Sablon. Puis, évidemment, ça ne tient pas debout. Ça, cet aspect-là est faible.
En tout cas, je ne veux pas faire un débat d'historiens, mais en gros, fondamentalement, même des linguistes par la suite... je pense à Josée Mailhot qui est une linguiste reconnue avec qui j'ai travaillé dans l'histoire de la Côte-Nord, pour l'Institut national de la recherche scientifique, pour l'Institut québécois de recherche sur la culture, en fait l'histoire de la Côte-Nord, pour elle, c'est très clair que le langage innu, ancien et moderne, est en continuité directe. Il n'y a pas eu de nouveaux groupes qui sont apparus. Parce que M. Bouchard dit: Les Montagnais ont disparu, c'est un autre groupe qui les a remplacés. Pour les gens qui s'occupent de langues, les linguistes, et pour les historiens, la question reste ouverte, ça ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de Montagnais, ça veut dire qu'il n'y avait pas de témoins des Montagnais, c'est quand même différent, il ne faut pas conclure, et ce n'est pas tous les Innus qui disparaissent, il n'en est pas question.
Comme, moi, je connais en plus très bien le groupe des Papinachois. C'est parce que c'est la base du groupe de Betsiamites aujourd'hui, avec la rivière Bersimis, la rivière Manicouagan. Ce groupe-là, c'est une évidence qui crève les yeux qu'ils sont là en continuité. Il n'y a pas moyen de chercher midi à quatorze heures, il y a des textes tout le temps, puis qui reviennent tout le temps. Sauf que là il y a eu ? je ne sais pas si c'est Hydro-Québec, en tout cas, je ne veux pas me mêler d'une controverse ? mais il y a un historien qui s'appelait Dawson, qui a essayé de développer une théorie ou une étude très impressionnante après coup d'oeil, avec beaucoup de citations où, là, il prouve par 14 que tous les groupes innus ont disparu ou ont été déménagés, mais, honnêtement, comme historien, ça sombre dans le ridicule. Dire que les Papinachois n'existent plus tout à coup, c'est complètement idiot. Les Oumamioueks, le groupe qui est à la base, entre autres, de ceux de Sept-Îles, encore aujourd'hui, ils s'appellent les Mamit Innuat, puis c'est le même terme, c'est le même groupe, c'est la même gang. Ce n'est pas compliqué. Puis on voit mal comment un groupe de Sept-Îles aurait disparu et été remplacé par un groupe de Mauricie, puis tout ça. Ça devient, en tout cas...
Personnellement, l'étude... Comment je dirais ça? M. Bouchard pose une hypothèse, puis ça, ça peut être défendable de poser une hypothèse. De sauter aux conclusions, ça peut être une autre paire de manches, là, au niveau scientifique. Dans le cas de Dawson, ce n'est même pas scientifique, c'est carrément une démonstration de style juridique où, en cour, un gars qui veut absolument prouver que le type, il n'a pas assassiné l'autre, ce n'est pas vrai, O.K., même si tous les faits disent le contraire, bon. Ça fait que ça ne s'apprend pas, une démarche scientifique, malheureusement, du tout. En tout cas, dans mon cas, au niveau historique, c'est très clair qu'il y a une continuité d'occupation, par rapport au groupe que je connais sur la Côte-Nord, évidente et constante. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Trudel: Oui, ça éclaire bien davantage et ça a le mérite d'être très clair, hein, ça a le mérite d'être très clair. Ce que vous nous rappelez donc, c'est que, au plan intellectuel, on peut soulever des hypothèses, mais elles doivent se transformer en thèses lorsqu'elles se prouvent, et, dans ce cas-là, la thèse n'aurait pas été défendue avec succès, arguments à l'appui. Les documents historiques et la continuité historique, dans votre esprit et dans votre démonstration, ne font aucun doute. Dire que Cliff Moar n'existe pas et que «Kak'wa» Kurtness n'existe pas, ça devient un peu difficile à prouver, je pense bien. Ça nous donne un éclairage. Évidemment, dans une vingtaine de minutes, on ne peut faire toute la démonstration, élément par élément, de la continuité historique, mais votre document, votre témoignage, vos écritures également sont une remarquable source pour en arriver à retrouver nos fondements.
Sur le plan pratique, par ailleurs, se transportant sur le terrain de l'actualité et de la réalité terrain, après avoir fait en sorte de dissiper cette confusion chez les historiens, dans votre mémoire, vous nous le dites: «Cette confusion systématique des déplacements au gré des cartes et des témoignages cités hors contexte oblitère complètement cette étude qui multiplie les invraisemblances historiques. Heureusement qu'Hydro-Québec a mandaté de meilleurs ingénieurs pour construire ses barrages», à propos de certaines thèses. Qu'est-ce qui vous...
M. Frenette (Pierre): Le document dont vous parlez, c'est un autre document que j'avais déposé à la commission, qui ne sera pas entendu comme tel, mais qui a été déposé et qui peut-être accompagne le mémoire, là. C'est pour ça que vous l'avez, là. Parce que c'est un autre document où je développe l'argumentation proprement historique. Ce n'est pas, comme tel, le travail du comité, du Collectif.
M. Trudel: Qu'est-ce qui vous amène, M. Frenette, avec le Collectif, Mme Lambert, M. Landry, à soutenir que nous croyons que les négociations liées à l'Approche commune peuvent créer une dynamique positive pour le développement régional, que c'est une dynamique de développement et non pas une dynamique de compensation ou de rachat historique uniquement?
Mme Lambert (Brigitte): Je peux commencer par de la petite histoire. Je vous ai dit que j'étais représentante du district Clarke à Clarke City. En 1898, quand sont arrivés les frères Clarke, ils ont été accueillis par un groupe d'Indiens, à ce qu'on m'a dit. Moi, je suis arrivée ? parce que je vais parler de ce que je connais; je ne suis pas historienne; ça m'intéresse, par exemple ? je suis arrivée en 1973, et déjà il y avait encore ce qu'on appelait, nous, Mémé Leblanc, entre guillemets. C'était une Montagnaise qui avait épousé un Blanc, et il y a eu une cohabitation. Et, dans la petite histoire qu'on raconte, c'est que, de tous les temps, pour que les Blancs survivent dans le coin et que se fassent les choses en harmonie, c'est qu'il y a eu une entraide et une collaboration, parce que, même si l'industrie a fait sa naissance là, parce qu'il y a eu barrage, lignes électriques avec une usine de transformation, et ils avaient besoin des Montagnais et de leur histoire. Mais en même temps, il y a des Montagnais qui se sont instruits, et ça a développé, parce qu'aujourd'hui ils ont fondé ce qu'on appelle une association de Métis, et il y en a encore chez nous, des gens qui cohabitent, et ça fait une force. Les gens s'entraident.
n
(10 heures)
n
Alors, si on transpose ça à aujourd'hui et si on apprend à se connaître, bien, on va pouvoir négocier. Et là, la richesse de l'un avec la richesse de l'autre vont compenser les faiblesses qui sont aussi des deux côtés. Ça ne peut pas faire autrement. Je n'ai jamais vu des gens qui se déchirent et qui se divisent qui deviennent forts. Par contre, pour affaiblir une région, pour affaiblir un peuple, une nation, rien de mieux que les diviser. Alors, il me semble que ça va de soi. Réapprendre à se connaître. Je dis «réapprendre» parce qu'il a été un temps où, moi, la petite histoire, ce que je vois... Et, même encore aujourd'hui, dans les rues, dans mon petit secteur à moi, je peux vous dire qu'il y a encore des surnoms qui sont donnés, qui rappellent... qui pourraient être du racisme pour vous, pour d'autres, mais qui sont affectueux et qui font voir que l'autre a des habilités que peut-être le petit Blanc n'avait pas ou a apprises. Alors, c'est indéniable, ça, c'est la vraie vie, c'est la vraie histoire, et je me base là-dessus.
M. Frenette (Pierre): Je pense, M. Landry, à Natashquan qui pourrait avoir un exemple intéressant de développement économique local.
M. Landry (Jacques): Un petit peu au... Oui, au niveau de Natashquan, en 1534, quand Jacques Cartier est arrivé au Canada, avant de traverser et de planter la croix à Gaspé, il est allé à la grande pointe Natashquan puis il a baptisé la grande pointe Natashquan Cap Thiennot. Puis, après ça, c'est devenu Natashquan par après, mais... Puis le village existe comme village depuis 150 ans bientôt, en 2005.
Dans ma famille, on opère un commerce depuis 1872. On a toujours vécu avec les Indiens, à proximité des Indiens, et les relations ont toujours été bonnes, très, très bonnes. Même, chez nous on avait... Voisin de la maison, on appelait ça le parc des sauvages. Tous les Indiens qui tombaient malades, tout ça, venaient camper la tente près de la maison. On est une grande famille chez nous. Combien de fois qu'on est allés leur porter des repas, les aider puis les soutenir? Puis combien de fois au magasin, sur l'heure du midi, les Indiens venaient pour chercher des provisions du village, puis ils étaient une dizaine, une quinzaine dans le magasin? Vous dire... Tellement, on dit: Les Indiens peuvent être ci, ça, voleurs ou n'importe quoi, il y a une fausseté dans ça, parce que, mon père, moi, je l'ai vu personnellement, moi aussi, laisser 15 à 20 Indiens dans le magasin durant l'heure du dîner, on revenait après dîner, il n'y a rien qui avait été dérangé ni volé. Ça, c'est du vécu, puis je l'ai vu.
Puis les relations présentement sont très bonnes avec les Indiens. Je vous donne un exemple. Tantôt, je parlais de la rivière Natashquan, je vais vous parler de la chasse l'automne denier. Je l'ai vécu tout récemment au niveau des territoires à droits exclusifs. J'arrive à la caisse populaire pendant la chasse l'automne dernier, je dis: Gilbert, tu vas à la chasse cet automne, tu vas où? Il dit: J'ai l'habitude d'aller au lac Bégin, aller à la chasse, mais là c'est devenu territoire exclusif pour la pourvoirie du lac Victor. Il dit: Je n'irai pas chasser là. Ça, il me l'a dit en public. Après ça, je suis allé à la chasse le long de la Grande Rivière sur le territoire Innu Assi. J'ai un camp de chasse là. Je l'ai installé au début de la chasse avec de la nourriture, tout ce qu'il faut. Si vous avez besoin, servez-vous-en. Je n'ai jamais été dérangé, puis tout ça, puis chaque Indien qui passait au camp venait me donner des nouvelles chez nous. On a arrêté au camp, tout est correct, puis on s'est servi de la nourriture. Ça fait que, moi, sur ce côté-là, la confiance est mutuelle autant d'un que l'autre.
Puis, au niveau économique, bien on a un développement, un protocole d'entente au niveau de la création d'emplois. On sait qu'on a une économie qui est faible, puis je crois que, si on veut une économie forte, nous autres, au niveau de la région, bien on est obligé de travailler ensemble avec les Indiens. Ils ont une population de 950 habitants tandis que, nous autres, on est 400, 450. Alors, on veut travailler, puis la coopération est très bonne avec le conseil de bande. Alors, je les ai rencontrés personnellement avec mon conseil aussi, puis la relation est très bonne.
Alors, j'espère, je souhaite que ça va continuer. Puis je pars du principe que, si on veut discuter d'égal à égal, aussi il faut se faire mutuellement confiance. Puis, il y a une quinzaine d'années je... Puis je le dis encore à mes enfants, moi. Puis j'ai des enfants qui sont assez âgés, puis les autochtones, là, autant que les autres nationalités, il faut apprendre à les aimer plutôt qu'à les haïr puis à bien vivre avec. Merci.
M. Trudel: M. Landry, mon collègue a des questions. Mais votre témoignage est remarquable, il est ancré dans la réalité, dans le quotidien, dans le vécu historique d'une famille qui a aussi une longue et belle histoire à Natashquan. Je suis allé aussi à votre magasin et j'espère que cela va contribuer, j'en suis convaincu, d'une façon magistrale, à abattre certains tabous, préjugés, mythes qui existent, et qui sont revéhiculés fréquemment, et qui ne correspondent pas à ce qui se vit à Natashquan. Merci beaucoup, beaucoup de votre témoignage.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi également, je tiens à vous remercier beaucoup pour votre participation et votre déplacement, Mme Lambert, M. Landry, M. Frenette. Le témoignage que vous venez de faire, comme le souligne le ministre, reflète la particularité de la Côte-Nord, et on la vit constamment sur tout le territoire, alors on est à même de constater que la délégation de la Côte-Nord est capable de démontrer qu'on est capable de vivre en harmonie.
J'ai une toute petite question, moi, qui m'a fatigué un petit peu au début de la commission, et surtout cette semaine, lorsqu'on a eu M. Lebel qui est venu en commission, et il a demandé au gouvernement de suspendre les négociations. À une question qu'on avait posée à savoir s'il était conscient de la problématique que l'on vit sur le territoire à l'effet que, bon, ce n'est pas clair, on ne sait pas qu'est-ce qu'on peut faire... Et, même à ça, il demande au gouvernement de suspendre le processus de négociation. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, comment vous voyez ça, vous autres.
M. Frenette (Pierre): Écoutez, personnellement, je pense qu'un des gros problèmes actuellement, c'est précisément l'incertitude, c'est-à-dire de ne pas savoir très bien ce qui va se passer, ce qui donne lieu à toutes sortes d'interprétations, des fois abusives. Je donne un cas bien précis, là, qui m'avait été dit. Entre autres, par exemple, les Innus de Betsiamites, il y avait traditionnellement une cueillette de bleuets qui se faisait à Pointe à Michel, en face. Il y a un monsieur qui a mis des clôtures, ça bloque la cueillette. Puis, après ça, je rencontrais des chasseurs, puis eux autres, c'était devenu: Les Innus veulent contrôler tout le bleuet sur la Côte-Nord. Ha, ha, ha! Ça, c'était parti d'un cas particulier à une espèce de règle générale. C'est ça, l'incertitude provoque ça. Ne pas savoir c'est quoi exactement, on peut imaginer le pire.
Et des groupes se font plaisir à évidemment remuer le pire systématiquement pour toutes sortes de raisons, là, qui peut être de pouvoir personnel ou des fois aussi de simples... Je nommerais ça de craintes normales, valables, de ne pas savoir... Je pense, entre autres... Je vais donner un exemple bien concret, les trappeurs indépendants, au sud des territoires de castors, des réserves à castors, c'est des gens qui mettent beaucoup d'énergie ? je le sais, j'ai fait souvent de tournées de trappe avec eux autres pour voir comment ça se faisait ? c'est des gens qui mettent énormément d'énergie, des capitaux, ils mettent vraiment beaucoup de temps là-dedans, et actuellement ils se demandent si ça ne va pas tout disparaître, et tous leurs efforts vont être absolument massacrés. Évidemment, ils sont inquiets, c'est normal. Ça fait que, plus on fait durer cette situation-là d'incertitude, pire c'est, parce que ça donne flanc à tous les abus.
Je reviens à ce petit détail, sur ce que vous posiez comme question sur le développement économique. Je crois personnellement que les sommes impliquées, par la force des choses, et la situation des Innus qui, avant, étaient dans un mode de vie traditionnel... Puis là ça, ça me rappelle les commentaires qu'on avait sur les Québécois dans les années cinquante, qu'on était très mauvais en affaires, qu'on n'était pas des bons hommes d'affaires parce qu'on n'était pas à l'aise là-dedans. Bien, en fait, c'est qu'on passait d'un monde agricole à un monde urbain, puis on apprenait des nouvelles valeurs, et c'est la même chose pour les Innus. Il y a des générations chez les Innus... C'est sûr qu'un aîné qui a toujours vécu en forêt, il faut lui donner... Bien, ça se produisait du temps de la crise. Ça me rappelle une anecdote. Il y a un Innu qui avait acheté une auto. Il était revenu... Ses fourrures valaient une fortune, ça fait qu'il s'était payé une voiture. Il a promené tous les enfants pendant l'été. Ha, ha, ha! Lui était bien fier de son coup. Puis, après ça, il y a un missionnaire qui a racheté ça puis qui a dit: L'Innu, il a acheté une voiture une somme épouvantable puis, après ça, il me l'a revendue, pour 50 piastres, je l'ai eue, puis... Ha, ha, ha! Là, lui, il pensait en homme d'affaires blanc, il disait qu'il avait eu une voiture pas cher, mais, pour l'Innu, pour lui, de s'être promené avec une voiture pendant un été de temps alors qu'il retournait en forêt puis qu'il n'avait pas besoin de voiture pantoute, c'était parfait pour lui, il était bien heureux de son coup. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, M. Frenette, c'est très intéressant, mais j'ai l'ingrate tâche de mesurer le temps ici, puis le temps du côté ministériel est épuisé. Alors, je vais maintenant céder la parole au député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue au maire Landry, à Mme Lambert et M. Frenette. Merci beaucoup pour les mémoires. J'ai dit les mémoires, parce que j'ai pris la peine à la fois de lire le mémoire du Collectif et aussi le mémoire que M. Frenette a envoyé à la commission à titre d'individu. Alors, peut-être, je vais commencer, malgré le fait qu'on est en présence d'un historien, de parler de l'avenir, parce qu'on a constaté que, malgré la bonne volonté, malgré, je pense, qu'il y a un consensus qui dégage que le statu quo n'est pas une option, il faut clarifier les règles du jeu dans plusieurs domaines, soit chasse et pêche, soit comment harmoniser le développement économique... Plusieurs dossiers qu'on a vu une volonté d'aller de l'avant, mais ça a causé beaucoup de réactions. Il y a quelques groupes, hier, qui étaient... Entre autres, les citoyens des Escoumins, des regroupements comme ça qui avaient long à dire sur le processus.
n
(10 h 10)
n
Et on voit dans le témoignage du maire Landry qu'au niveau local il y a des choses qui marchent bien, la cogestion d'une rivière au saumon, il y a des projets comme ça, il y a les exemples où, avec l'implication locale, avec la bonne foi, la bonne volonté, on peut régler les choses. Alors, c'est une question très vaste, peut-être qu'il n'y a pas de solution facile, mais comment est-ce qu'on peut, à la fois comme gouvernement, avoir les négociations nation à nation, qui est à un certain niveau... Mais, quand on fait ça, le local est exclu. Alors, est-ce qu'en parallèle... Ou est-ce qu'il y a des mécaniques où on peut impliquer davantage le local? Parce que je vois le monde, ici, qui a signé votre lettre, mais comment les impliquer davantage et comment, à la fois, avoir les négociations nation à nation? Mais, je pense, c'est très important que, tôt ou tard, tout ça arrive terre-à-terre. C'est la gestion d'une rivière au saumon, c'est la gestion des lacs, des chalets de chasse et de pêche. Comment est-ce qu'on peut impliquer davantage le local et mettre en évidence les exemples concrets des choses qu'on peut faire ensemble?
M. Frenette (Pierre): Je pense que c'est l'information... au moins que l'information qu'il y ait des lieux d'information qui se fassent... Je pensais tantôt à l'exemple... Si, par exemple, il y avait en haut du 3 % de redevances, il pourrait y avoir des projets communs, conjoints. Je pense que, si on multiplie les occasions de création commune, conjointe, c'est sûr qu'on multiplie les lieux de concertation, alors qu'actuellement ça se fait chacun de son bord. C'est un des problèmes aux Escoumins, c'est qu'il y a deux entités qui évoluent chacune de son bord. Puis là, évidemment, Sept-Îles a eu des expériences un peu similaires par moment, la ville Sept-Îles, et c'est... Parce que, à l'époque... En tout cas, bien, je ne veux pas m'immiscer, rentrer dans un dossier que je connais mal, mais je sais que le fédéral avait été un petit peu trop rapide en affaires là-dedans, visiblement. Et, du coup, ça avait permis des jeux de concurrence, puis il faut justement éviter des situations de concurrence puis créer, au contraire, des situations de collaboration. Plus il va y avoir d'incitation aux collaborations, les gens vont le faire. En tout cas, moi, par expérience, les groupes que je connais, je pense, en tourisme, quand il y a collaboration, ça peut fonctionner très bien. En tout cas, dans le coin de Manicouagan, l'ouverture est là, puis les accords sont là, la confiance est là.
Mme Lambert (Brigitte): Et dans le comment... Vous avez parlé de comment on peut négocier gouvernement... nation à nation, gouvernement à gouvernement et d'impliquer le local, bien, nous, des fois, on se plaît souvent à dire que les municipalités, c'est une créature du gouvernement, et le gouvernement a beaucoup de créatures comme ça.
Je pense qu'il y a eu une proposition... Moi, j'ai suivi tous les débats dans notre secteur, dans notre MRC, je me suis même déplacée à Baie-Comeau et à Québec et je pense que quelque chose qui revient toujours, une sorte de table intersectorielle où les négociateurs seraient là. Et on a même parlé d'une personne, et je pense qu'à cause de la force de l'enjeu il faudrait absolument investir dans ça, qu'il y ait une personne, un lien qui fasse toujours... pour que ce soit continu, ce dialogue. Alors, à ce moment-là, bien vous auriez des tables sectorielles, et tout le monde pourrait le faire. Et, quand les Innus arriveraient, aussi eux autres, de leur côté, devraient aussi faire la même chose, ils ont leur propre hiérarchie.
Parce que le danger qui arrive dans ça, c'est que si on suspend le processus, c'est qu'il va arriver des choses de confrontation comme c'est arrivé ? il vient d'en parler un peu ? à Sept-Îles. C'est-à-dire si on ne réussit pas à avoir un mécanisme d'information qui est assez objectif et qui permet toujours de l'interaction, un dialogue... On est en 2003, là, hein? Alors, vous pourriez avoir des sites Internet, vous avez les tables, il pourrait y avoir des choses par correspondance, des bulletins. On nous écoute à la télévision, c'est continu, pourquoi ne pas mettre ça puis que quelqu'un qui voudrait s'informer pourrait l'être et envoyer, au niveau de son représentant local, ses petites idées à la table sectorielle, et ça remonterait? Là, je pense qu'on embarquerait les gens dans un même bateau, et, ensemble, on ferait un développement au lieu de se confronter, au lieu d'arriver puis de dédoubler. Pourquoi partir les mêmes choses qui fonctionnent déjà? Alors, quand on négocie, là, servons-nous du mot «négociation», donnant, donnant, se connaître, se respecter.
Alors, pour moi, il faut continuer, mais en regardant qui on représente et en travaillant avec, d'une façon organisée, avec des règles bien définies.
M. Landry (Jacques): J'opte dans le même sens, exactement comme Mme Lambert.
Mme Lambert (Brigitte): C'est beau, Jacques.
M. Kelley: Merci beaucoup pour cette réponse, parce que c'était la notion d'un agent...
M. Landry (Jacques): La concertation et non l'affrontation.
Mme Lambert (Brigitte): Un agent de liaison, c'est important.
M. Kelley: Merci beaucoup pour cette précision, parce que la notion d'un agent de liaison, quelqu'un... Mais une personne plutôt que plusieurs. Mais c'est très important d'avoir une source fiable de renseignements, s'il y a des questions qui viennent à l'esprit, d'avoir un mécanisme assez rapide, parce que, quand il y a le silence, c'est là où on sème le doute, et je pense que c'est très important de...
Peut-être ma deuxième question, vu qu'on a un historien ici: C'est quoi, le rôle des historiens? Parce que, dans...
Une voix: ...
M. Kelley: Non, mais j'essaie d'intéresser le monde dans l'histoire. Ce n'est pas toujours facile d'intéresser notre jeunesse. Je suis un historien, j'ai une maîtrise en histoire. Je ne pouvais pas trouver un travail stable dans le domaine, alors j'ai opté pour la sécurité de la vie politique, pour un emploi, alors... Ha, ha, ha!
Une voix: ...faire l'histoire.
M. Kelley: Parce qu'il y a de la place pour le débat dans l'histoire, et, je pense, toute l'étude de l'histoire, d'une certaine façon, est basée sur un débat, une interprétation différente des faits du passé, mais c'est quoi... Comment est-ce qu'on peut baliser ce débat? Et ça ne nous permet pas de dire n'importe quoi non plus, et comment est-ce qu'on peut mettre en évidence notre passé? Parce que, je pense, c'est inconnu. Et je sais que le ministère de l'Éducation, il y a quelques années, dans un autre dossier, a émis un livre en anglais, c'était Some missing pages, qui était l'histoire de la communauté noire au Québec, vu que c'était le Mois de l'Histoire noire. Mais c'est un effort qu'ils ont fait pour mettre en évidence l'histoire de la communauté noire au Québec qui est également absente de nos livres d'histoire.
Alors, qu'est-ce que les historiens peuvent faire de mieux? C'est quoi, leur rôle pour peut-être mieux renseigner la population sur notre passé?
M. Frenette (Pierre): C'est de faire leur job. Ha, ha, ha! C'est-à-dire...
M. Kelley: Ça, c'est facile.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Frenette (Pierre): Non, de façon plus précise, ça implique, au niveau... Bien, il faut distinguer enseignement et recherche nettement. Au niveau de l'enseignement, en autant qu'il y ait des institutions d'enseignement, qu'il y ait des cégeps, qu'il y ait des groupes... Même au niveau du secondaire, ils ont des histoires locales, mais ce qu'il manquait souvent, c'était l'information pour dire... Entre autres, sur les groupes autochtones, c'étaient des histoires parallèles. Ça fait que les gens ne savaient pas. Puis ça, moi, par expérience, pour l'avoir fait au cégep de Baie-Comeau, entre autres, on donnait un cours qui s'appelle Langue et culture montagnaises avec une autochtone pour les Blancs, pour les... Puis je me rappelle, entre autres, de fonctionnaires du ministère des Transports qui avaient découvert une réalité qu'ils ignoraient totalement puis qui avait tout changé leur vision dans le sens où Jacques disait: Apprendre à aimer plutôt qu'apprendre à détester, là. Et il y a peu de lieux d'information, il y a peu d'information, puis, en tout cas, moi, je me trouve extraordinairement gâté d'être sur la Côte-Nord, une région où il y a beaucoup d'histoire, très diversifiée, sur tous les peuplements, maritime, agricole, les Innus. Il y a vraiment des peuplements très... Je suis absolument gâté.
Puis, en termes d'enseignement, là c'est d'avoir les lieux pour le faire, d'avoir les outils. Au niveau des cégeps, malheureusement, il y avait à l'époque, mais ça revient... Il y avait à l'époque des cours d'histoire régionale qui ont été changés pour des cours d'histoire... Puis ce n'est pas mauvais en soi, mais c'était civilisation occidentale. Ça fait qu'on parle des Grecs, des Romains, mais on oublie les Innus en cours, en arrière. Ha, ha, ha! Ça fait qu'il y a des problèmes d'avoir des lieux, mais ça recommence maintenant avec le nouveau programme, on réintroduit... Ça va s'appeler un cours d'initiation à la région où on va justement...
Puis, en tourisme, par contre, où là c'est plus souple, je donne beaucoup de cours à des... J'en ai donné à des Innus et j'en ai donné... Là, j'en donne actuellement aux Escoumins justement des cours, et avec des fortes résistances au début, puis je suis en train, tranquillement, de vendre ma salade puis de montrer qu'il y a des variétés de vécu. Et les gens le veulent. Si c'est là, ils sont bien d'accord. C'est d'avoir les lieux pour le faire, puis là je me calcule gâté.
Mme Lambert (Brigitte): Si tu permets, je vais ajouter une note qui est peut-être difficile pour lui. Je pense que, si le débat ou la page d'histoire qu'on vit ne servirait qu'à mettre en valeur l'importance de l'histoire dans la formation et l'éducation d'un peuple... Je pense qu'on aurait fait un grand pas par cette expérience. Pourquoi? Parce que le manque de connaissances d'une histoire objective, c'est en train de tuer tout notre développement économique. C'est beau, du français, de l'anglais, des mathématiques, mais, si vous n'assoyez pas ça sur des sciences humaines qui sont correctement enseignées, bien je pense qu'on va manquer le bateau souvent, parce que l'homme est un tout, et nous sommes enracinés dans notre histoire. Si je ne sais pas de quoi je suis nourrie, je ne saurai pas vers quoi et avec quoi, quelle force je pourrai me projeter dans l'avenir.
Alors, je pense qu'on est en train d'assister à une lacune dans notre manque d'histoire. Un jour, il y a des gens qui ont pensé que, pour une raison économique, on coupait les cours d'histoire au lieu de financer des recherches, et d'ajuster, et de permettre que cette connaissance, avec d'autres moyens... Je le disais tout à l'heure, on est en 2003, il y a peut-être d'autres moyens. Monsieur en donne en tourisme, il y a des façons peut-être plus ajustées. Mais, investissons dans l'histoire et les sciences humaines, c'est très important. Et j'entends souvent que c'est là qu'on coupe le plus souvent. La prévention, se connaître des deux bords.
Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Jonquière.
n
(10 h 20)
n
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer. Je vous ai entendue, Mme Lambert, tantôt dire qu'on devait négocier... qu'une négociation, c'est donnant, donnant. Une préoccupation des gens de ma région, du Saguenay?Lac-Saint-Jean, entre autres de la Fondation pour l'équité territoriale, c'est de dire qu'on négocie en vaincus. Et ils s'expliquent comme suit en disant: On a concédé l'ensemble du territoire aux Innus comme si nous, les Québécois, les Québécoises qui avons travaillé sur cette terre ? il y a plusieurs familles qui sont là depuis le début de la colonisation ? comme si nous, on n'avait aucun droit, comme si nous, on existait pas. C'est comme si, en quelque part, on devait s'excuser d'avoir été là. Comment on peut faire pour ramener le discours puis changer cette perception?
Mme Lambert (Brigitte): D'abord vous dire que je connais bien votre région. Je suis native de Jonquière, Arvida précisément. Alors, quand je dis: Quand des gens, personnellement en tous les cas, quand des gens, de mes amis partent et se disent vaincus, en dedans de moi je me dis: C'est vrai qu'ils sont perdants. Ils sont perdants, ils se sentent vaincus. Moi, je dis qu'il n'y a aucune situation où l'on est perdant lorsqu'on parle de négociation. Une table est mise, et, à cette table, il faut apprendre à se connaître, apprendre les besoins de l'un et de l'autre et apprendre à se respecter. Ce que veulent faire les Innus et ce que nous voulons, les Blancs, c'est continuer de se réaliser. C'est légitime. Au jour d'aujourd'hui, j'entends parler... Chez nous, la semaine dernière, on avait 2 000 personnes qui signaient pour avoir la paix, vous allez me dire, avec l'Irak, ils ne voulaient pas que les Américains fassent la guerre. O.K.? Ça se négocie. Si on n'est pas capable, nous, sur le territoire du Québec, d'apprendre à se connaître, bien arrêtons d'aller donner des leçons et de vouloir en donner aux autres. Assoyons-nous, regardons qu'est-ce qu'il faut pour que le peuple, notre peuple, notre culture se développent, regardons qu'est-ce qu'il faut aux autres, apprenons à nous respecter, à se connaître, et je suis certaine qu'on va en sortir gagnant-gagnant.
Mais, si je commence à mettre les freins et je suis perdant avant de partir, et que je joue au misérabiliste, je vous avoue, madame, que, oui, nous sommes perdants, on va perdre trop d'énergie. Alors, j'ai foi et j'ai confiance que si on apprend à se connaître... Parce qu'on ne serait pas là aujourd'hui si nos ancêtres n'avaient pas appris à s'apprivoiser, nous serions éteints. Qui nous aurait permis de survivre aux maladies qu'on ne connaissait pas? Qui nous aurait permis d'apprivoiser cette forêt, les animaux? Il y a eu, un jour, une histoire. Si nous sommes là, là, c'est parce que les gens, un jour, se sont parlé et ont travaillé ensemble. Chez nous, je vous ai parlé de Clarke City. Il y a des Innus qui ont travaillé à l'usine, puis il y en a qui ont continué. Alors, je crois que c'est possible, l'histoire me dit que oui. Autrement, par exemple, ajustons-nous, prenons le temps.
Mme Gauthier: Une dernière question. M. Landry, vous avez parlé ? peut-être que je vous ai mal saisi ? vous avez parlé qu'à Natashquan il y avait comme des projets de développement industriel conjoints avec la communauté innue.
M. Landry (Jacques): Oui.
Mme Gauthier: Voulez-vous nous en parler plus?
M. Landry (Jacques): Bien, on a notamment le projet du moulin à bois. Puis, après ça, il peut y avoir la tourbe, le côté minier aussi qui peut être développé. C'est surtout aussi au niveau de l'emploi. La création d'emplois, ça, il y a une volonté de créer autant d'emplois d'un côté que de l'autre, autant chez les Innus et puis les Blancs. Alors, on travaille ensemble.
Mme Gauthier: Est-ce qu'au niveau des conditions d'embauche il y a une discrimination positive par rapport aux Innus? Est-ce que vous devez d'abord embaucher des Innus par rapport...
M. Landry (Jacques): Non, non, nous, c'est égal à égal. Non, c'est 50-50, puis il n'y a pas nécessairement discrimination. Ça s'est toujours...
Mme Gauthier: On parle beaucoup de projets-pilotes dans ma région, commencer par des projets-pilotes, histoire de se connaître, de voir si on est capable de faire des choses ensemble. Vous, vous êtes, dans le fond, un projet... pas un projet-pilote, mais quelque chose qui existe depuis combien d'années?
M. Landry (Jacques): Bien, ça se parle depuis trois ou quatre ans. C'est en voie de tenter de le réaliser, là.
Mme Gauthier: Ah, c'est en voie de réalisation. O.K.
M. Landry (Jacques): Il y a une volonté de le réaliser. Maintenant, comme le côté moulin à papier, avec le contexte du bois d'oeuvre actuellement, bien c'est un peu difficile. Par contre, ça semble bien vouloir s'orienter.
Mme Gauthier: Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Bonjour à vous trois. Et je tiens particulièrement, un peu comme le ministre l'a fait tantôt, à souligner la contribution de M. Frenette qui... Je dois avouer que je suis un collectionneur de ses ouvrages, et ceux qu'il signe, ceux qu'il cosigne, puis ceux qu'il aide à se réaliser, des fois, dans l'ombre. Je pense que peut-être... En terminant, tantôt, j'aimerais vous entendre, là, énumérer vraiment l'ensemble, disons, de votre oeuvre, parce que, sans que vous ayez votre c.v. avec vous, votre contribution au niveau de faire connaître l'histoire de la Côte-Nord est assez unique. Je pense que vous avez dévoué une grande partie de votre vie à faire ça, et c'est là que je trouve ça intéressant.
Tantôt, on parlait justement des thèses de M. Bouchard puis des autres historiens, c'est que je pense, au niveau de l'histoire, vraiment, il est important que l'historien se rappelle toujours qu'il est là pour raconter l'histoire, pour l'écrire, pas pour la faire ou la refaire. Puis il y a des historiens, des fois, qui vont se dire: Bon, bien, on va faire une histoire, mais ce n'est pas ça. L'histoire, c'est les acteurs qui la font. Puis ce n'est pas en l'absence de preuves qu'on doit nécessairement considérer qu'il y a eu absence de présence. Par exemple, si je vais cogner à la maison de quelqu'un, ce n'est pas parce que ça ne répond pas qu'il n'est pas là. Puis c'est peut-être qu'il est dans la maison ou il est peut-être dans le jardin, en arrière, en train de cultiver ses choses aussi. Alors, si je ne fais pas le tour, comme vous l'avez mentionné tantôt, c'est parce qu'il y a absence de témoins. Ça ne veut pas dire qu'il y a absence de présence. Alors, je pense que le travail que vous avez fait, pour en avoir été un de ses témoins au cours des dernières années... Disons que ma vie est plus courte que votre carrière, mais, pour en avoir été témoin d'un grand bout quand même, je peux constater que vous avez toujours travaillé avec un peu la rigueur de l'avocat ou que vous vous fiez vraiment aux preuves que vous avez sous les yeux avant d'en arriver à des conclusions. Puis, quand vous n'avez pas les preuves qu'il faut, bien vous ne tirez pas de conclusion.
Donc, moi, je tiens à vous remercier aussi. Ce qui est important, c'est toute la question de l'éducation qui a été mentionnée tantôt. Pour avoir travaillé dans des projets où, malheureusement, lorsque vient le temps de faire connaître l'histoire, il peut arriver que, sur des décisions politiques, on manque de financement, qu'on manque d'argent... On avait des beaux projets qu'on... Un projet, entre autres, qu'on avait travaillé ensemble pour la ville de Baie-Comeau où, malheureusement, question de politique... L'histoire de la ville de Baie-Comeau ou les acteurs qui l'ont vécue il y a de ça 50, 60, 80 ans, ces gens-là qui, évidemment, arrivent en fin de vie, on est en train de perdre une valeur importante de leur contribution puis de leur savoir puis, faute de financement, bien on ne peut pas effectuer les recherches afin de collecter ces données-là. Je pense qu'au niveau autochtone c'est un peu la même chose qui se passe, puis il devient impératif d'aller faire cette collecte d'informations avant qu'elles soient toutes perdues.
Je veux dire, ma seule question, M. Frenette, c'est: Faites-nous un peu l'étalage, là... Puis je sais que vous n'êtes pas le genre de gars à être vraiment porté à vouloir vous vanter de tout ça, mais je pense qu'il est important, pour les fins de la commission puis pour les fins aussi des gens qui écoutent, parce que c'est diffusé sur le réseau de l'Assemblée nationale... C'est quoi, votre feuille de route comme historien? Parce que je pense que... Ce n'est pas parce que vous enseignez dans un petit cégep en région que vous n'êtes pas un des grands historiens québécois.
M. Frenette (Pierre): Non, je suis un historien régional. J'irais aussi simple que ça, là, c'est aussi peu et aussi gros que ça, je suis un historien de la région. Puis là, bon, par bon goût personnel, c'est évident, je me suis lancé dans... J'ai commencé à faire des recherches locales. Là, j'en ai fait pour des petits villages. Bien, tiens, un des... Je pense, le premier que j'ai écrit, c'était sur Napoléon Alexandre Comeau, qui était une petite biographie. Ça m'a introduit. Puis, après ça, j'ai travaillé l'histoire de Baie-Comeau, puis ensuite vous avez Sept-Îles. J'ai été engagé pour une étude sur Clarke City, sur le quartier industriel. Et, après ça, bon, les villages. Je me suis promené, j'ai fait plusieurs... Bon, peut-être une dizaine de livres, j'ai fondé la Revue d'histoire de la Côte-Nord, j'ai... Bon, je suis très impliqué à ce niveau-là, là.
L'histoire locale, c'est difficile à faire. On peut travailler sur le Moyen Âge, puis là il y a une série d'experts qui vont contre-expertiser votre chose, mais vous êtes tout seul dans une petite bulle, dans le fond, un peu, là. Par contre, quand vous faites de l'histoire locale, vous présentez ça, puis c'est le conseil de ville qui le subventionne, puis c'est eux autres qui vont le lire. Puis ils vont le lire, puis ça va parler d'eux autres. Ça fait que là il faut faire une partie historique, de bien creuser, aller chercher... Puis, moi, j'ai des outils, comme historien, de recensement, j'ai des documents, c'est ma job. Mais, quand je tombe dans le contemporain, il y a 15, 20, 25 entrevues, puis là c'est des gens qui sont vivants, là. Et puis c'est la partie la plus passionnante. Entre autres, Clarke City, je me rappelle d'avoir rencontré un paquet de gens, y compris des Clarke. J'ai été à Toronto, j'ai vraiment tout reconstitué un milieu, puis c'est absolument extraordinaire à faire.
L'autre extrême en ce sens-là, c'est l'histoire de Betsiamites. Pour moi, ça a été la cerise sur le gâteau, le bonheur total, le long terme, sur quatre siècles, avec des gens qui avaient un vécu, des gens nés en forêt. Quand vous jasez avec... Tu sais, une femme qui vous dit: Ça prenait x caribous pour passer l'hiver, tu sais, c'est quand même exceptionnel comme témoignage humain, puis qu'eux autres, le pain, quand ils arrivaient au mois de mars, des fois il n'y avait plus de pain, bon... Ça fait que ça, il y a toute une dimension qui, pour moi, est passionnante. Je vais simplement conclure, je suis historien régional puis je suis bien content. Je trouve que c'est extraordinaire.
Mme Lambert (Brigitte): N'oubliez pas l'histoire de la Côte-Nord.
n
(10 h 30)
n
Le Président (M. Lachance): Alors, merci M. Frenette. J'ai également une formation universitaire en histoire, je suis un ex-prof d'histoire, et j'apprécie particulièrement le ton que vous utilisez comme historien, parce que, habituellement, les historiens les plus crédibles sont ceux qui font l'histoire sans se faire les spécialistes de la polémique. C'est de rechercher la vérité et de le faire avec un ton aussi qui est modéré. Alors, merci également à Mme Lambert et M. Landry. Votre témoignage vient démolir des critiques malheureusement qu'on a entendues trop souvent. Merci pour votre participation aux travaux de cette commission.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux... nous allons poursuivre nos travaux, excusez. Alors, j'invite les représentants du Comité de défense des droits des Indiens Montagnais de Schefferville, la Nation Innu Matimekush-Lac John à prendre place, s'il vous plaît.
Alors, madame, messieurs, bienvenue à cette commission, et j'invite le porte-parole à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent, en vous disant que vous avez droit à une période de présentation de 20 minutes.
Comité de défense des droits des Indiens montagnais
de Schefferville (Nation Innu Matimekush-Lac John)
M. McKenzie (Armand): Kuei, kuei! Je vais laisser d'abord mon aîné, M. Alexandre McKenzie, vous adresser quelques mots.
M. McKenzie (Alexandre): (S'exprime dans sa langue). Il ne faut pas l'oublier, toujours le public.
Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, M. le député, je pense aujourd'hui que j'étais ici dans la première rencontre qu'il y a eu, la première session qu'il y a eu pour discussion, la parlementaire qu'il y a eu, la première session, puis j'avais donné la main au ministre aux Affaires autochtones. J'avais des aînés de Schefferville qui ont connu l'histoire un peu, l'histoire de Schefferville.
Je pense que ça ne prend pas des lunettes pour discuter de Schefferville, des années, depuis 25 ans. Au début, j'ai été dans le décor de Schefferville quand ça a commencé, les discussions, les revendications territoriales entre les Cris puis mes confrères Naskapis. J'ai été là du début jusqu'à aujourd'hui. Je pense qu'il y a des choses, qu'il a passé beaucoup de choses durant 25 ans.
J'écoutais M. Chevrette qui a parlé concernant les dossiers de Schefferville. J'écoutais mon ami Sirros, un de mes grands amis, qu'on a manqué de gaz une fois à Schefferville en allant des barricades de Terre-Neuve puis le Québec avec M. Sirros. Je pense aujourd'hui que j'ai mis mon temps pour discuter. J'ai laissé la politique de côté mais, comme Innu, comme un individu, je ne suis pas un représentant de la communauté de Matimekush, de Lac John. Je suis venu comme un individu.
Je pense aujourd'hui que vous voyez dans la télévision que tout le monde, il veut défendre ses droits, ses biens, la base qui est là, être une nation. C'est pour ça que j'ai pris mon temps de partir de Schefferville, laisser mon travail, laisser mon travail. Ça fait deux semaines que je laisse mon travail pour me présenter ici. Je ne représente pas ma communauté, je n'ai pas de mandat. J'ai déjà eu 25 ans de temps à représenter ma communauté. Aujourd'hui, je ne la représente pas, je me présente comme Innu.
Je pense, M. le Président, pour donner l'image, la fameuse extinction de nos droits qu'il y a eu avec d'autres acteurs, j'ai tout mentionné, dans le temps, j'ai donné à M. Trudeau la pétition, j'ai contesté avec mon frère Gaston, qui vient de décéder dernièrement, le 20 décembre, à l'hôpital de Sept-Îles, il a été président au Conseil Attikamek-Montagnais. Je pense qu'on a travaillé dur. Mon ami Brian Mulroney, on l'a secondé pour devenir député, devenir premier ministre. On a toujours cheminé pareil le dossier, la fameuse extinction de nos droits qu'on a eue. Ça n'a jamais abouti. Mon ami Chevrette, la première discussion, j'ai eu toujours à discuter le fameux 2.14, administrativement. Il ne faut pas l'oublier. Quand on a contesté la loi C-9, on a toujours contesté nos droits qui ont été éteints par le fameux Bill C-9. Entre-temps, qu'est-ce qu'ils nous avaient dit au Parlement d'Ottawa? Ils nous avaient dit: On veut-u être à l'intérieur des discussions entre les parties qui discutent actuellement la fameuse convention? Qu'est-ce qu'il nous a répondu, Warren Allmand? C'est lui qui était ministre aux Affaires indiennes. Qu'est-ce qu'il nous a répondu? Il nous avait dit: Vous n'êtes pas impliqués, ce n'est pas les gens des acteurs, des négociateurs à vous autres... vous êtes... Comme Montagnais, ce n'est pas vous autres qui êtes impliqués pour discuter ou affirmer vos droits. Là, tout ce qu'on a fait, là on a tous continué à présenter à nos politiciens québécois qui sont à Ottawa à garder toujours la base de nos droits qui ont été éteints par les deux conventions entérinées par le gouvernement du Québec, par le gouvernement fédéral, par d'autres Innus dans le décor. On n'a jamais eu des points positifs. Il n'y a pas eu de volonté du côté fédéral, du côté de la province, ils voulaient toujours régler nos affaires administrativement.
Là, aujourd'hui, comme citoyen, j'ai été 25 ans de temps, M. le Président, dans le temps de 25 ans, j'ai été comme chef, comme conseiller, j'avais toujours manifesté avoir une table, une table de négociations plus large que ça, que ce qu'on est actuellement, pour le fameux 2.14 quand on discute. Pour moi, comme représentant auparavant, il y a deux choses: nos droits ancestraux, avant qu'ils soient signés, on a contesté, personne n'était à l'écoute pour nous autres. Après ça, dans le décor, c'est là qu'ils ont mis le fameux 2.14. Là, aujourd'hui, nos droits ancestraux ne sont plus là; là, c'est le 2.14. Il y a une clause qui dit: Ils ont des droits, les Innus de Matimekush et de Lac John. Ce n'est pas clair, comme Innus. Je pense que c'est ça. Je suis venu pour vous discuter clairement comme un individu. Puis j'ai été 25 ans de temps... Tant et aussi longtemps que je n'ai pas de réponse claire, plus claire que ça, je ne peux pas m'aventurer. Quand j'ai été conseiller, c'est-à-dire un vrai chef à l'époque, il m'a toujours donné comme responsable de nos revendications territoriales de Matimekush et de Lac John. Moi, j'avais toujours un blocage à cause de la fameuse extinction de nos droits à l'intérieur dans nos terres. Puis le fameux... Ce n'est pas moi qui avais fondé, comme Alexandre McKenzie, c'est nos aînés qui sont partis de la rivière Moisie, qui passaient à l'année longue 11 mois par année à l'intérieur, dans les terres. C'est eux autres qui partaient de Schefferville pour contester, donner un mémoire aux acteurs concernés, fédéraux et provinciaux, dénoncer: Il y a des droits encore qui ne sont pas clairs à l'intérieur de ce que vous discutez. C'est ça qu'on avait fait.
n
(10 h 40)
n
Cependant, M. le Président, c'est là, je suis rendu là. Je le répète encore, je ne suis pas un politicien, mais je viens comme un individu, vous avez travaillé toujours avec mes aînés. Puis, M. le ministre, M. Aster fait demander... Il était ici la semaine passée. Il salue, puis il dit: Je souhaite qu'il y ait des résultats pour sa réunion. Oui, c'est ça, je vous laisse, M. le Président, trouver des solutions. Je ne sais pas quelles solutions, mais je pense que vous avez compris. Dans le temps qu'il était ministre, M. Chevrette, il n'y avait pas de problème. Là, il a parlé l'anglais dernièrement, «big problem» à Matimekush, Schefferville. C'est ça qu'il avait dit. Quand j'étais avec lui, il n'a pas dit ça, qu'il y avait un problème. Là, il dit lui-même qu'il y a un gros problème majeur pour les droits ancestraux, les Montagnais de Lac John et de Matimekush.
M. McKenzie (Armand): M. le Président, je voudrais également présenter ici Mme Yvette McKenzie, qui est une jeune femme innue de Schefferville, de 30 ans, ainsi que moi-même, un jeune Innu, une formation en économie et puis en droit. Je suis avocat. Donc, en plusieurs années, j'ai travaillé aussi au sein des négociations avec les gouvernements, soit avec l'Assemblée des premières nations à Ottawa, la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, avec le Conseil Attikamek-Montagnais, avec l'Assemblée Mamu Pakatatau Mamit, avec Innu Nation au Labrador, donc c'est tous les gens avec qui j'ai travaillé.
Écoutez, les gens qui nous écoutent évidemment doivent se dire, bon, Schefferville, c'est quoi, qu'est-ce qui se passe à Schefferville? À l'exception de la chanson de Schefferville de Michel Rivard, c'est peut-être la seule chose qu'ils ont à l'esprit. Mais nous sommes ici comme individus, comme citoyens, parce qu'on vit dans un régime démocratique dans lequel des individus peuvent s'exprimer et parler. J'ai entendu un certain, je pense, M. Pineault, il y a deux jours. C'est un individu qui a le droit de s'exprimer, qui a le droit de présenter ses vues. Il y a M. Lebel qui a présenté ses vues. Il y a d'autres gens. On ne prétend pas ici représenter la communauté innue de Matimekush-Lac John. On représente des gens de bonne volonté, c'est-à-dire des gens qui ont à coeur quelque chose, c'est-à-dire le territoire.
Vous savez, dans le mémoire, un moment donné, j'ai repris les extraits... Peut-être que M. Corriveau va reconnaître cette chanson-là. C'est celui de Gaston Mandeville dans lequel on dit: «Y avait un vieux dans l'Bas-du-Fleuve.» Un bon matin, il se lève, il y a un tracteur sur son territoire, puis il dit: «Calvaire! on est en train d'voler ma terre!» Vous savez ça. Bien, c'est à peu près la même chose qui s'est passée de notre côté quand on regarde ce qui s'est passé à Schefferville.
M. Alexandre... Il y a des aînés qui sont venus, M. François Aster. La Presse canadienne en a fait mention, un journaliste de La Presse canadienne. On ne pouvait pas se faire entendre il y a deux semaines, mais on se fait entendre maintenant. Mais ça, c'est les gens de bonne volonté, c'est les gens du Comité, c'est les gens qui sont là. C'est une association très libre dans laquelle les gens qui partagent notre point de vue... C'est-à-dire qu'il y a quelque chose qui n'est pas correct à Schefferville, c'est au niveau de la supposée... ou quand le Québec et le Canada prétendent avoir éteint, de façon définitive, nos droits territoriaux dans une zone de chevauchement avec les Cris de la Baie-James. Mais cette politique d'extinction des droits a été dénoncée à plusieurs reprises. Notre message, il s'est fait entendre. Le message de M. Alexandre Mckenzie puis des aînés qui sont allés à Ottawa en 1976, on l'a poursuivi depuis ce temps-là. M. Alexandre, il avait... Avant Alexandre McKenzie, il y avait Mathieu André et François Aster. François Aster, c'est une personne qui est allée à Ottawa faire des représentations devant le Comité permanent des affaires indiennes lorsque est venu le temps d'étudier la Loi sur le règlement des revendications des autochtones, Cris et Inuits. Alexandre McKenzie, il a fait la même démarche. Je ne sais pas s'il va m'en vouloir, mais il a à peu près dans la soixantaine, dans la jeune soixantaine. J'ai 37. J'ai 37 ans, je viens d'avoir 37 ans. Il y a une femme ici de 30 ans. Et il y a des jeunes qui auraient pu venir ici, qui ont 18, 19, 20 ans, qui nous disent: Bien, allez le porter, le message, le même message que les aînés ont porté devant le Tribunal Russell en 1980, le même message qui a été porté par les aînés en 1976 devant le Comité permanent des affaires indiennes, le même message qui a été porté devant la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones à Montréal par M. Pierre McKenzie qui est un aîné de la communauté, le même message que vous continuez à porter devant les instances internationales puis comme les Nations unies.
Écoutez, quand des organes de surveillance des traités des Nations unies ? ce n'est pas Armand McKenzie, ça, là, qui dit ça, ce n'est pas l'activiste innu, ce n'est pas l'avocat innu ? quand le Comité des droits de l'homme dit au Canada: «You have failed on aboriginal peoples, on indigenous peoples, you have to recognize the right to self-determination, vous devrez reconnaître le droit à l'autodétermination des peuples autochtones, vous devez revoir, même renoncer à cette politique visant l'extinction des droits», ce n'est pas Armand McKenzie qui dit ça, là. C'est le message qu'on a porté devant le Comité des droits de l'homme.
Quand l'enquêteur des Nations unies, Mme Daes, Erica-Irene Daes, qui a travaillé sur les questions autochtones pendant près de 20 ans, dit qu'il y a un problème dans les négociations territoriales, c'est l'extinction des droits. L'extinction des droits. Ça, c'est le message de nos aînés en 1976. En 1998, devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, on a repris le même message: Le Canada doit revoir sa politique visant l'extinction des droits, non seulement le Canada, mais les États. En août dernier, j'étais à Genève, aux Nations unies, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale dit la même chose. Puis le Canada, bien, à force de se le faire dire, il a dit: Bien, là, pour l'avenir, on va cesser d'exiger l'extinction des droits des peuples autochtones dans le cadre des règlements de revendications territoriales. C'est dans le mémoire.
Puis, moi, je vous mets les deux extraits que vous avez à la page 1. Je vais au moins le lire pour la forme, comme on disait devant le tribunal, pro forma. L'article 3.3 de la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois dit ceci: «La présente loi éteint tous les revendications, droits, titres et intérêts autochtones, quels qu'ils soient [...] de tous les Indiens [...] où qu'ils soient...» Ça, c'est l'article 3.3, à la page 1.
Document de la Commission des droits de l'homme. Dans le document de travail final qui a été fait par l'enquêteur spécial des Nations unies, Les peuples autochtones et leur relation à la terre, Mme Erica-Irene Daes écrit ce qui suit: Les États ? ça inclut l'État québécois ? devraient renoncer officiellement aux doctrines juridiques et politiques discriminatoires qui nient les droits de l'homme des peuples autochtones. Ils devraient en particulier envisager d'adopter une législation correctrice ? une législation correctrice ? ou des mesures correctrices dans le cadre de la Décennie internationale des populations autochtones ? donc, d'ici 2004 ? en ce qui concerne les doctrines et politiques qui opèrent unilatéralement extinction des droits et titres fonciers ou de la propriété des autochtones. Qu'est-ce que vous voulez qu'on vous dise de plus?
Il faut que vous fassiez vos devoirs, refaire vos devoirs, parce que, actuellement, dans le processus actuel, ce n'est pas une négociation de nation à nation qu'on retrouve là, c'est une négociation communauté par communauté. Il n'y a rien dans l'approche actuelle, dans ce qu'on appelle l'entente commune, il n'y a rien qui va régler la situation des Indiens montagnais de Schefferville dans laquelle... où ils sont sous un régime juridique d'extinction des droits. Ça ne règle pas notre situation, ça. J'écoutais les représentations, il y a deux semaines, puis hier, M. le ministre, je ne vous en veux pas mais, même dans le document de M. Chevrette, à plusieurs reprises, je vous entends dire, M. le ministre: Il faut reconnaître les droits de ces gens-là, les tribunaux, les jugements le disent. Les jugements le disent, les jugements de la Cour suprême disent qu'il faut reconnaître les droits. C'est quels droits vous allez me reconnaître, M. le ministre, pour les Indiens montagnais de Schefferville? C'est l'extinction des droits ou la reconnaissance des droits ancestraux et des titres aborigènes qui ont été éteints par une loi fédérale et qui a été entérinée par une loi québécoise?
n
(10 h 50)
n
Tu sais, il faut dire les vraies choses. À un moment donné, on sait dire: Il faut leur reconnaître des droits, ces gens-là, les jugements nous le disent, les jugements nous le prescrivent. Mais, M. le ministre, quand j'ai devant moi le Procureur général du Québec, avec cinq, six avocats, et qu'il vient me dire devant un tribunal, aussi récemment qu'il y a un an ou il y a deux ans: Ils n'ont pas de droits, les autochtones; ils n'ont pas de preuves, les autochtones, ils n'ont pas de preuves, c'est le Procureur général du Québec qui dit ça. À un moment donné, il faudrait se brancher. Il faut être honnête avec les gens puis il faut être honnête avec la population québécoise. Est-ce qu'ils ont des droits, les autochtones, ou ils n'en ont pas? Comprenez-vous? Il faudrait le savoir pour le bénéfice non seulement de la population québécoise qui nous regarde, mais aussi pour le bénéfice des enfants qui sont derrière nous. J'ai une fille, moi, de 17 ans qui est là, O.K. Il se dit des affaires ici, c'est incroyable! Il se dit des affaires! On n'a pas le droit de scraper une génération. Le fait qu'il y ait un traité ou qu'il n'y ait pas de traité, pour ma fille, là, ça veut dire quoi, ça? S'il n'y a pas de traité, ma fille, pauvre elle, elle va être scrapée? Voyons donc!
Moi, ce que je veux savoir, c'est que cette négociation-là, si elle est vraiment fondée sur le respect mutuel puis la reconnaissance de nous tous, de part et d'autre, est-ce que c'est sur la base du fait qu'on va dire: On n'a pas de droits? Vous n'avez pas de droits, M. McKenzie, M. André, M. Gabriel, vous n'avez pas de droits. On est prêts à négocier avec vous autres. On va nommer quelqu'un, un envoyé spécial du gouvernement du Québec, mais il n'aura pas le mandat de réouvrir la Convention de la Baie James parce que c'est réglé, c'est fait, c'est un dossier qui est clos. C'est ce que j'ai entendu et c'est ce que j'ai entendu il y a deux semaines. Ça fait que le problème, ce n'est pas nous autres, c'est vous autres. C'est quelle solution, comme M. McKenzie vient de dire, quelle solution vous avez pour nous autres? Parce que la loi qui vise l'extinction puis qui a été entérinée, on le sait que ce n'est pas le Québec qui a le pouvoir d'éteindre les droits, mais ça a été entériné, cette Convention-là. Ça a été entériné par le gouvernement québécois, par la loi C-67 des Lois refondues du Québec. Ça fait qu'on est prêts à vos questions, vos échanges.
M. McKenzie (Alexandre): Si vous permettez, M. le Président...
Le Président (M. Lachance): Oui, rapidement, s'il vous plaît, parce que le temps...
M. McKenzie (Alexandre): ...je voulais rajouter les remarques que vous faites. Chaque nation, on a des faiblesses, hein, soit la manière qu'on gère nos biens, mais ce que je n'ai pas aimé alentour de la table, ici, ça m'a blessé beaucoup, les remarques que vous faites à l'intérieur de la communauté, soit on est des alcooliques, soit des problèmes de drogue, soit des décrocheurs. Ça, ça me blesse. Tu sais, je trouve que ce n'est pas honnête, en disant à une communauté qui vient de commencer à apprendre, qui veut monter un escalier par étapes, quelqu'un qui dit ça. On le sait qu'on a des problèmes, on sait tout ça. On veut les régler, nos problèmes. Pas la façon de négocier tes terres pour régler tes problèmes. Ce sont des grosses blessures qu'on a actuellement ici, tout le changement de mode de vie qu'on vivait. C'est ça. Je ne voulais pas oublier de dire ça. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci.
M. McKenzie (Armand): Il y a peut-être un élément, pour conclure, M. le Président, c'est que je pense que tant que cette négociation-là ne sera pas envisagée sur la base de nation à nation, c'est-à-dire où on retrouve l'ensemble des communautés innues à la même table, ça ne réglera pas, pour vous, les problèmes que vous avez au niveau de la certitude juridique que vous recherchez puis de la certitude économique. L'industriel forestier, là, qui est à Manic 5, en haut de Manic 5, s'il y a une entente avec Mamuitun, n'importe quel autre aborigène innu pourra soulever le titre aborigène ou les droits aborigènes dans cette région-là, même si vous l'avez réglé avec ces communautés-là. C'est pour cette raison-là, je pense, que le premier ministre Landry a été très sage lorsqu'il a signé avec l'ensemble de la nation crie, avec l'ensemble de la nation inuite, quand il a signé, par exemple, avec les Cris, la «Paix des Braves» et qu'il a répété l'expérience quelques mois après avec l'ensemble de la nation inuite. Il n'a pas signé avec quatre communautés, ou deux, ou trois, ou quatre, ou neuf, il a signé avec l'ensemble, puis c'est un autre élément, à mon avis, qui est à considérer.
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, nous allons maintenant aborder la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre.
M. Trudel: M. et Mme McKenzie, merci de cette présentation. Mme McKenzie, parlez-nous de la vie des femmes à Matimekush et dans votre communauté. Quelles sont vos conditions? Comment vivez-vous sur le territoire et quelles sont vos principales aspirations? Pour avoir fréquenté et échangé à de très nombreuses occasions avec des représentantes des femmes autochtones, j'aimerais bien vous entendre sur cette question.
Mme McKenzie (Yvette): (S'exprime dans sa langue).
M. McKenzie (Armand): Je suis venue ici parce que je suis une femme innue et pour suivre les traces de cette dame qu'on a vue dans Le Soleil le 22 janvier, quand ils ont fait une conférence de presse. Je suis venue pour suivre les traces de cette femme-là qui occupait à ce moment-là toute la région de Caniapiscau.
Mme McKenzie (Yvette): (S'exprime dans sa langue).
M. McKenzie (Armand): C'est une femme innue qui a conservé de façon intacte sa culture, et je veux poursuivre dans cette voie-là.
(Consultation)
M. McKenzie (Armand): Vous savez, M. le ministre, je suis une personne très concrète, et autant on peut parler de ce qui se passe aux Nations unies, mais autant je peux vous parler de ce qui se passe à la DPJ, à la protection de la jeunesse. Je fais affaire de façon quotidienne quasiment avec les gens, avec des jeunes de ma communauté. Certains ont des problèmes, certains ont moins de problèmes. Il y a des parents qui ont des problèmes puis des parents qui ont moins de problèmes.
Mais quand on me dit qu'avec le traité nos gens seront en meilleure santé, on fait fausse route. Quand on me dit, avec le traité... s'il n'y a pas de traité, on va scraper une génération, bien là, je m'excuse, ça n'a rien à voir, ça n'a rien à voir.
La situation des jeunes femmes qui sont aux prises avec la violence dans les communautés, il faut la dénoncer. Je l'ai dénoncée à plusieurs reprises devant les tribunaux, en matière de protection de la jeunesse, je l'ai dénoncée en tant que criminaliste devant les cours criminelles du Québec.
Le traité ne réglera pas ces questions-là, c'est une question d'éducation, de responsabilisation des parents et du jeune. À un moment donné, il faut que le jeune comprenne, quand il est 8 heures, qu'il faut rentrer. Il ne faut pas rester dans la rue, il faut faire ses devoirs. Il faut que le parent, aussi, soit capable de dire à son jeune: Bien, mon jeune, il faut que tu rentres, il faut que tu fasses tes devoirs, puis que le parent soit là le matin, que le parent soit là pour l'encourager puis lui dire, bien: Vas-y. Je t'ai fait un petit-déjeuner, c'est tout ce qu'on avait, mais vas-y faire ton... va à l'école.
Tu sais, ça n'a rien à... le fait d'avoir une meilleure santé puis d'avoir un traité, ça n'a rien à voir, il n'y a pas de corrélation entre les deux. Tu sais, ce n'est pas parce qu'on aura un traité qu'on ne scrapera pas une génération ou ce n'est pas parce qu'on a un traité que, tout d'un coup, la génération des 17, 10, 5 ans, ils vont se porter mieux. C'est une question d'éducation personnelle, individuelle, familiale, «the parental skills», comme on dit. Et puis c'est une question aussi de responsabilisation de la communauté innue par rapport à ses problèmes puis d'adresser la violence qu'il peut y avoir à l'intérieur des communautés innues, d'adresser cette violence-là à l'égard des femmes puis de la dénoncer quand ça arrive.
M. Trudel: Nous avons aussi...
Le Président (M. Lachance): ...M. le ministre.
M. McKenzie (Alexandre): Pour répondre, M. le ministre, finir le point, en gros, nos jeunes, actuellement, ils vivent dans... on peut dire. Quand tu regardes un peu le pays, comment il a été endommagé à date, je parle de la région de Schefferville, vous voyez les trous de mines, une convention, et Terre-Neuve qui veut prendre sa juridiction à l'intérieur de nos terres, comme un autre, qu'est-ce que tu veux que nos jeunes... Toutes les blessures qu'il y a actuellement, nos jeunes actuellement qui vivent à l'intérieur des terres, qui voient tout ça, là, c'est dur pour nos jeunes, c'est bien dur pour nos jeunes. Ils voient tout ce qui se passe, les trous de mines qu'ils font, que la compagnie... Iron Ore, elle a été chercher la meilleure argent qu'elle pouvait faire, elle nous a laissé les trous de mines.
Combien de fois, quand j'ai été comme membre du conseil de bande, j'allais faire des rencontres avec le vice-président, à dire: Aïe! vous voyez, c'est trop dangereux. C'est dangereux pour nos jeunes, c'est dangereux pour tout le monde. Vous voyez, là, gardez-le un peu, le paysage, la nature, quelque chose de bien. Gardez-le propre, au moins, là, ça va donner de l'espoir à nos jeunes.
n
(11 heures)
n
Ça n'a pas été encore... Ils laissent tout encore à moitié dégrisé, le garage tout... C'est démoralisant, on peut dire. Mais, en gardant des jeunes de même, comment est-ce que tu veux que nos jeunes se prennent en main? Il ne sait plus comment penser en voyant juste la manière qu'on gère à l'intérieur de nos terres.
Je pense, M. le ministre, qu'il va falloir qu'on fasse de quoi à l'intérieur des terres. Je ne vois pas les frontières actuellement. Actuellement, il se passe des choses entre nos frères, les Innus, à l'intérieur de nos terres, puis on a toujours partagé le territoire entre les Innus.
Tu sais, il ne faut pas faire des erreurs encore. Il va falloir quelqu'un qui dit: C'est vrai, le monde a le droit d'avoir des discussions ouvertement, pas qu'on joue à cache-cache. Pourquoi on est ici, aujourd'hui? Ça a été joué en cache-cache ici, au début des négociations, quand ça a débuté, les Innus avec les négociateurs. Qu'est-ce qu'elle a fait, la population blanche? Elle voyait des choses qui n'étaient pas claires. Elle a pris la place.
Alors, qu'est-ce qu'on fait ici? On essaie de trouver d'autres idées pour calmer les choses qui se passent. Pourquoi faire des choses? Pourquoi, aujourd'hui, qu'on n'en parle pas tout de suite, clairement, éclaircir les affaires à la population innue puis éclaircir la population blanche?
Je pense que la population blanche, aujourd'hui, avec les Innus, on vit sur la même planète puis on boit la même eau dans la rivière. Il va falloir que, nous autres... respecter entre les Innus puis la population blanche. Je pense que c'est assez clair, là, aujourd'hui. Quand tu regardes aujourd'hui, à la table, ici, soit que la population blanche critique les Innus, nous autres, ont critique la population blanche. On se bat, là. On perd nos énergies pour rien. Il va falloir qu'on soit sérieux, avoir une volonté, une partie des Innus puis avec les gens du pouvoir. Ça fait trop longtemps que ça charrie, cette affaire-là.
Parce que, aujourd'hui, tout ce qui se passe à l'intérieur des discussions ici, ça peut être dangereux à l'intérieur des terres. Il y a du monde qui ne pense pas comme un autre, hein, à cause qu'il y a trop de bisbille. Il va falloir que nos dirigeants prennent leur place, se parler entre Innus puis entre la population blanche. Merci, M. le ministre.
M. Trudel: Bien, merci de reconnaître d'abord au départ le caractère foncièrement démocratique de nos sociétés ? je dis bien «nos sociétés» ? qui nous amène à miser davantage sur la parole, le dialogue et l'échange que sur la confrontation et les affrontements. Et je vous comprends très bien quand vous parlez des développements sur votre territoire parce que les Québécois y ont aussi vécu, ils ont aussi vécu ces situations.
Moi, je vis à 1 100 km d'ici puis j'ai vu les profondes traces qu'ont laissées sur ma terre, sur la terre qui est un bien privé, des gens qui font du forage, puis qui se poussent par après, puis qui laissent le baril de pétrole vide, et puis qui vous laissent des «trails», comme on dit, de 4 pieds de profondeur. Moi aussi, mes enfants, ils ont vu ça. Et là-dessus nous avons une histoire commune pour corriger, bien oui, les erreurs du passé. Et, dans ce contexte-là, je pense que vous savez, M. McKenzie, que le Québec, dans l'Approche commune, a renoncé à l'approche de l'extinction des droits. Là, nous avons défini, avec les juristes des nations concernées, une approche qui va plutôt vers la détermination des règles pour reconnaître les droits et les pratiques ancestrales et surtout en déterminer les règles pour leur exercice, de façon à ce que nous atteignons une certitude pour que vous puissiez aller vers votre développement et qu'on puisse le faire.
Vous avez évoqué les questions de partenariat aussi. C'est une approche que le Québec a décidé de prendre, non plus celle de l'extinction des droits mais de la reconnaissance des droits et des pratiques ancestrales et d'en délimiter les effets au niveau de leur application. Sur le terrain, M. McKenzie, vous avez une longue expérience. Est-ce que, avec la nation crie, avec la nation naskapie, vous partagez, à défaut de clarifications définitives, des territoires, des lignes de trappe ? en fait, des territoires sur lesquels il y a des lignes de trappe ? est-ce que, sur le territoire, avec les compatriotes des autres nations, est-ce que ça se passe bien? Est-ce qu'il y a des tensions qui nous amèneraient à dire qu'il n'y a pas de paix dans le Nord?
M. McKenzie (Alexandre): M. le ministre, quand on parle un peu du partage des territoires, c'est certain, nous autres, comme Innus, on partage des territoires administrativement. Mais le fond du territoire, c'étaient toujours les territoires ancestraux des Montagnais. Ça, il n'y a pas de problème de ce côté-là, administrativement.
Du côté de l'appartenance du territoire, ça, c'est d'autre chose. Je pense que ça appartient au gouvernement du Québec puis au fédéral, définir clairement qu'est-ce qu'on discute.
M. Trudel: ...sur vos activités, je dirais, quotidiennes, habituelles de chasse, pêche, de trappe, est-ce que, sur le terrain, vous vous entendez avec les Cris, les Naskapis pour réaliser vos activités?
M. McKenzie (Alexandre): Je viens de répéter, on n'a pas de problème de ce côté-là; on utilise le territoire comme auparavant. Mais, du côté juridique, au point de vue d'ententes, c'est là qu'il y a un problème.
M. McKenzie (Armand): Bon, voilà. M. le ministre...
M. Trudel: On comprend...
M. McKenzie (Armand): Regardez, regardez, je vais répondre à votre question en vous reposant une question.
M. Trudel: Oui, bien là c'est parce que je suis en train de placer quelque chose sur le terrain.
M. McKenzie (Armand): Oui, oui. Bien, on est sur le terrain, là. Vous dites que le Québec renonce à l'extinction des droits, qu'il y a une formule qui a été trouvée. C'est ce que vous venez de dire, n'est-ce pas? Mais est-ce que cette formule-là va trouver son application dans la région de Schefferville? Est-ce que vous êtes prêt à me dire aujourd'hui, M. le ministre, que la formule de reconnaissance des droits va trouver application dans la région de Schefferville? Je vous pose la question. Est-ce que vous êtes prêt à vous engager à cela?
M. Trudel: Est-ce qu'on peut se retrouver à une table de négociations, M. McKenzie? Vous, vous êtes un aîné...
M. McKenzie (Armand): Non, mais vous venez de dire que le Québec renonce à l'extinction des droits. M. le ministre...
M. Trudel: Bon. Écoutez, là, on va se parler très clairement, là, bien clairement.
M. McKenzie (Armand): Oui.
M. Trudel: Je parle à un aîné qui a l'expérience de l'histoire. Nous avons ouvert des tables pour discuter, pour définir les règles d'application des droits ancestraux et des pratiques ancestrales...
M. McKenzie (Armand): C'est ce qu'il vient de vous expliquer, M. le ministre. C'est ce qu'il vient de vous expliquer.
M. Trudel: Est-ce qu'on peut se retrouver... Est-ce que vous pensez qu'on peut se retrouver à une table de négociations parce qu'on a...
M. McKenzie (Armand): C'est ce qu'il vient de vous expliquer, M. le ministre.
M. McKenzie (Alexandre): M. le ministre, pour donner en gros l'historique: les choses que tu me ramènes, je ne peux pas te répondre. Il y a un Conseil de bande qui est là, qui peut discuter avec vous. Moi, je t'emmène le portrait de la situation, l'histoire de Schefferville, puis j'avais toujours été dans le décor quand on parle de Schefferville avec les ministres, même les premiers ministres. Même j'ai été jusqu'à Genève pour dénoncer le fédéral, provincial comme de quoi il n'a pas protégé nos droits comme tuteurs. Je pense que c'est le Conseil de bande qui peut te répondre.
M. Trudel: Bien, il vaut la peine très certainement de prendre en compte votre observation, M. McKenzie. Parce que l'approche du Québec, c'est de négocier sur la base des besoins de la communauté, des besoins par exemple de la composante féminine, des jeunes, du travail, de l'économie, du développement et la question de l'exercice de ces droits sur le territoire et de l'harmonie dans l'exercice de ces droits sur le territoire avec les pratiques ancestrales.
Alors, la conclusion, quant à moi, c'est: comme il est souhaité d'avoir une entente de nation à nation ? ce qui n'empêche pas, j'espère, de prendre en considération les besoins de chacune des communautés de cette nation ? est-ce que vous pensez, comme aîné, que nous pourrons en arriver, dans un temps relativement restreint ? parce qu'il faut que ces choses se solutionnent ? est-ce qu'on pourrait en arriver à une entente de nation à nation et est-ce qu'on peut penser, avec le facilitateur que nous avons nommé, qu'on pourra solutionner, à l'intérieur d'un traité de nation à nation ? avec la nation innue, les situations vécues à Matimekosh ? et s'engager dans les règlements historiques au niveau de l'exercice... de la reconnaissance de l'exercice des droits ancestraux, des pratiques ancestrales?
M. McKenzie (Alexandre): (S'exprime dans sa langue). O.K. Comme, M. le ministre, je ne suis pas un aîné, là, il va falloir qu'on s'arrête là. Tu es en train de tout me déranger dans... Ha, ha, ha!
n
(11 h 10)
n
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Mckenzie (Alexandre): Je ne suis pas un aîné. Il y avait un aîné qui voulait donner la main puis tu étais bien occupé. Il a 88 ans. C'est lui qui a connu le territoire, qui a vécu le territoire. Il n'est pas ici, l'aîné.
Je pense, M. le ministre, quand tu regardes un peu les tables de discussion qu'ils font actuellement ? les deux partis de l'opposition, l'opposition, le président ? quand on parle une nation, c'est une nation, hein, une nation.
Là, actuellement, je ne sais pas combien de tables vous négociez. Il va falloir qu'ils prennent position, en quelque part. Si on veut en discuter, qu'on en discute ensemble pour qu'on puisse avoir juste un traité.
Puis, d'autres choses, les remarques, je le voyais. Toutes les discussions qu'ils veulent signer dans l'entente actuellement, toutes déjà qu'on a eues auparavant: des droits de chasse ou de pêche, tout ce qu'on a eu, ce n'est pas un traité, ça. C'est plus lourd, le traité. C'est le sol du territoire, ça, c'est un traité.
Après ça, tu parles au gouvernement autonome avec le sol. Pas administrativement comme on en discute aujourd'hui à deux versions ou d'autres parties qui sont ici. On est perdants, la manière de ce qui se passe actuellement, comme Innus.
M. McKenzie (Armand): Ça ne fonctionne pas, M. le ministre. Puis, quand on parle de nation à nation, vous nous donnez l'opportunité d'expliquer quelque chose à la population québécoise, mais à vous également, comme gouvernement.
Tant qu'il n'y aura pas une entente globale avec la nation innue, il n'y aura pas la certitude économique puis juridique voulue. Vous ne me ferez pas accroire, M. le ministre, qu'une autonomie de 200 personnes, une autonomie locale, il doit y avoir quoi? Neuf gouvernements locaux innus, huit gouvernements locaux innus avec neuf régimes fiscaux innus? Une autonomie de 200 personnes, il n'y a personne qui croit à ça, M. le ministre.
Ça prend un gouvernement national innu où il y aura, comme ça existe actuellement avec les Cris puis les Inuits. Voulez-vous en faire un, gouvernement, avec les Inuits? Parlez pas avec deux communautés, parlez pas avec trois... Ça prend tout le monde à la table, tout le monde. C'est ça. C'est aussi simple que ça, puis, tant que ça, ce n'est pas réglé, ce ne sera pas réglé de façon définitive. Puis la population québécoise, c'est ça qu'elle veut. Elle veut régler la question des autochtones de façon définitive avec les Innus.
Bien, quand il y a deux communautés à la table ou trois ou quatre, on ne sait plus, là, comment ça va...
Le Président (M. Lachance): Le temps file rapidement. M. le député de Duplessis, vous voulez intervenir?
M. Trudel: Souvenez-vous bien qu'il y a des discussions à poursuivre à l'intérieur des communautés de votre nation aussi, mais la table de négociations est ouverte à tous.
Le Président (M. Lachance): Deux minutes, M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup, bien sûr, de vous être déplacés, connaissant le territoire, Mme McKenzie, bienvenue, messieurs McKenzie.
On sait que partir de Schefferville, venir à Québec, c'est toute une péripétie. Vous êtes soit obligés d'utiliser le train puis c'est un train non pas de passagers mais plus de transport de matériel. Ça prend au moins 12 heures en train avec tous les aléas du train. Et, si vous utilisez l'avion, bien sûr, c'est une autre péripétie parce que c'est un transport secondaire qui part de Schefferville jusqu'à Sept-Îles et de Sept-Îles à Québec, et ça coûte les yeux de la tête.
Mais je suis très heureux que vous soyez ici. Et, Alexandre, bien sûr, quand vous faites référence des discussions qu'il y a eu au sein de cette commission, soyez assuré que tous les parlementaires, on n'a jamais fait référence à quoi que ce soit. On est ici, bien sûr, pour essayer de trouver des solutions, et l'objectif de cette commission-là, c'est de s'assurer qu'on puisse trouver des avenues pour que les deux communautés puissent vivre harmonieusement sur le territoire.
Et, moi, mon objectif, c'est d'essayer de trouver les solutions. Armand amène, bien sûr, un aspect. Je ne sais pas, en tant que conseil ou en tant que représentant une partie de la communauté... parce qu'on sait que vous avez votre Conseil de bande qui est dûment élu. Ma question, c'est beaucoup plus à savoir: Est-ce que vous aimeriez que votre Conseil puisse rejoindre la table ou les deux tables qui sont là? Parce qu'il y en a deux actuellement. Et l'objectif que vous visez, c'est beaucoup plus d'avoir une seule table qui représenterait l'ensemble de la nation innue.
Il y a certains principes, bien sûr, que vous avez sûrement pris connaissance à l'intérieur du rapport de M. Chevrette. Il y a beaucoup d'orientations là-dedans, il y a 33 recommandations. Et, aussi, je vous inviterais peut-être à prendre connaissance des 15 principes qui ont été adoptés en 1983 par le gouvernement du Québec ? ça va peut-être répondre à certaines de vos appréhensions ? et également les autres recommandations qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale.
Or, la question fondamentale que j'aimerais peut-être vous entendre: Est-ce que votre Conseil, vous aimeriez qu'il rejoigne la table ou les deux tables, ou, en tout cas, comment on pourrait amener votre Conseil à la table?
M. McKenzie (Armand): M. Duguay ? Normand ? ça me fait plaisir de vous revoir. Et puis c'est vrai qu'il ne faisait pas beau hier quand on est partis de Sept-Îles. On a voulu partir à 6 heures hier matin, puis il y avait de la poudrerie, puis on n'a pas pris de chance. Ça fait qu'on est partis plus tard, on est arrivés plus tard, mais on est ici.
Et, vous savez, moi, je pense que nous sommes des gens de bonne volonté, qui sommes ouverts à conclure des choses, à conclure des ententes, O.K., pour créer de la richesse économique, autant pour nos jeunes que pour vos jeunes. C'est ça, la base, tu sais, l'échange mutuel où on peut trouver des choses où on est gagnant-gagnant.
Actuellement, on ne se sent pas gagnant-gagnant avec l'Approche qui est là. Je viens de poser la question à votre collègue; Si on embarque dans la négociation, est-ce qu'on embarque sur la base de la reconnaissance de nos droits ou bien sur la base de l'extinction? O.K.? Est-ce que la formule de reconnaissance des droits qu'on trouve dans l'Approche commune, est-ce qu'elle est applicable dans la région de Schefferville? Tu sais? Mais je n'ai aucune indication. On me dit qu'on a un envoyé spécial, M. Crête, mais il n'y a pas d'indication ministérielle qui nous dit que... un départ ou un signal qui va nous dire: Écoutez, c'est sur la base de la reconnaissance à Schefferville, c'est non pas sur la base de l'extinction.
Écoutez, au Québec, il y a deux personnes...
Le Président (M. Lachance): Rapidement, s'il vous plaît. Je sais que la question est importante mais le temps imparti du côté ministériel est déjà écoulé. Vous pourrez utiliser votre droit de réplique dans les questions de l'opposition pour compléter votre réponse. M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à la famille McKenzie ou aux représentants qui sont parmi nous. Je comprends fort bien la question d'un seul traité. Je pense que ça, c'est l'objectif qui est partagé par l'ensemble des membres de la commission. Dans le meilleur des mondes, c'est ça qu'on veut faire parce que c'est... Je comprends la logique.
La chose qui est difficile, comment en arriver? Et peut-être ma première question, parce que, dans la proposition de l'Approche commune, sur le Nitassinan de Betsiamites, il y a déjà environ le tiers du territoire qui est le territoire de la Convention de la Baie-James.
Alors, c'est quoi, votre compréhension? Comment est-ce que... Parce que, si ça peut fonctionner au niveau d'un partage du territoire conventionné avec les Innus de Betsiamites, s'il y a une mécanique qui peut fonctionner, est-ce que c'est envisageable qu'un éventuel Nitassinan de Matimekosh peut exister sur les terres déjà conventionnées?
M. McKenzie (Armand): Mr. Kelley, you know, the area covered by the James Bay Agreement, what is fundamental is the fact that it is an area... with the issue of the rights of the indigenous peoples, is upon the extinguishment of those rights of these peoples. Right? But how can we go into settling our coming to terms or coming to an agreement with the indigenous people of Schefferville or the Innu of Schefferville if it's based on extinguishment? We've had no signal from the Government...
M. Kelley: Je comprends tout ça, mais...
M. McKenzie (Armand): ...we have no signal from the Government that it will be based on a recognition of our rights, you know? That's the main point here.
M. Kelley: No, I understand. Mais, quand je regarde la proposition qui est ici... Parce qu'on n'est pas ici aujourd'hui pour rouvrir la Convention de la Baie-James avec les Cris. Ça, c'est un autre endroit, un autre forum. Qu'est-ce qu'on vise aujourd'hui, c'est comment en arriver avec un traité avec la nation innue. Et ma question est précise. Mais, dans la proposition... Et peut-être que ce n'est pas réaliste, je ne le sais pas, parce qu'il n'y a personne à date qui m'a expliqué comme il faut comment, dans le Nitassinan proposé pour le Betsiamites, dans l'Approche commune qui est basée non sur les extinctions de droits mais plutôt sur la reconnaissance de droits, il semblerait qu'il y a une proposition ici.
n
(11 h 20)
n
Et, dans la carte qui est dans l'entente, il y a toute une partie jaune qui est une partie qui dit que ça, c'est les terres qui sont déjà conventionnées dans la Convention de la Baie-James mais qui va devenir partie également du Nitassinan. Alors, est-ce que ce genre de partage ou pour une autre nation, il y avait une approche il y a 28 ans d'extinction de droits, mais, aujourd'hui, on est dans une Approche commune où on privilégie, si j'ai bien compris, une approche autre, c'est-à-dire une reconnaissance de vos droits et une confirmation... Et on peut avoir... mais le Innu Assi, c'est-à-dire où le titre aborigène est reconnu, et une mécanique de reconnaissance des droits ancestraux qu'on a appelé Nitassinan ou les territoires où ces droits ancestraux s'appliquent, mais comment est-ce qu'on peut faire l'arrimage?
Et je commence avec une question très précise. Sur les territoires de Nitassinan et Betsiamites, on va faire ce partage. Alors, est-ce que c'est possible?
M. McKenzie (Armand): Nothing is settled, Mr. Kelley, nothing is settled. There's no definitive solution or agreement on this. If you look at Section 3...
M. Kelley: ...
M. McKenzie (Armand): ...section 3.42, O.K. ? section 3.42 ? says that the issue of overlapping rights with the James Bay Cree or the James Bay Agreement will be dealt later, you know, at another stage, you know, either through compensation. O.K.? That's one of the avenues they are looking at. Donc, ils disent: L'article 3.42, c'est: On va parler de ça plus tard. Réglons d'abord ça, puis plus tard on va parler de comment on va régler la question, là, avec le Nitassinan qui est dans la zone conventionnée, tu sais?
Mais pour nous, plus tard, c'est trop tard, comprenez-vous? Pour nous, les Indiens montagnais de Schefferville, plus tard, c'est trop tard. Parce que ça fait 25 ans qu'on parle de ça ? depuis 1976, O.K. ? devant le Comité permanent des affaires indiennes, et M. Aster, en 1988, M. Alexandre McKenzie. You know?
M. Kelley: Non, je ne remets pas tout ça en question. C'est pourquoi je veux parler de comment en arriver, parce que je partage votre objectif qu'il faut arriver avec un traité, et ça, je comprends.
Mais je comprends aussi que ça fait déjà... M. McKenzie a dit que, déjà, ça fait trop longtemps, et je pense qu'il y a une certaine obligation de résultat sur l'ensemble des acteurs, à la fois les élus ici, à Québec, les élus à Ottawa, les leaders de la nation innue aussi. Je pense, tout le monde dit: Un jour, il faut en arriver. Il faut trouver une solution. Et c'est ça que je cherche.
M. McKenzie (Armand): On demande une solution.
M. Kelley: Est-ce que, au niveau des principes, c'est impossible de prévoir un Nitassinan pour Matimekosh sur les terres conventionnées? Parce qu'on est toujours au niveau des propositions. Même la carte qui est ici. L'Approche commune, c'est une proposition, et c'est sur la table. On est ici pour regarder une proposition. Il n'y a rien de coulé dans le béton.
M. McKenzie (Armand): Oui.
M. Kelley: Alors, si, d'ici la signature d'un traité final, on peut arriver avec des modalités... On n'est pas ici aujourd'hui pour négocier non plus. Ça, c'est quelque chose qui est complexe et on ne fait pas ça. On fait ça avec le Conseil de bande, les élus de Matimekosh.
Alors, je parle juste au niveau des idées. Si je lance comme hypothèse d'une reconnaissance d'un Innu Assi et également un Nitassinan sur les terres qui sont déjà conventionnées, est-ce que c'est impossible à prévoir ça ou est-ce que, comme dans la proposition où c'est déjà prévu pour Betsiamites, c'est quelque chose qu'on peut faire?
Et j'ajouterais ça: Si ça prend un arbitrage avec les autres premières nations comme les Cris, comme les Naskapis, comme les Inuits, est-ce qu'il y a un rôle... On a nommé un facilitateur, un mandataire ? je ne sais pas trop le titre ici ? mais est-ce qu'il y a un rôle à jouer pour l'Assemblée des premières nations du Québec? Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui peuvent nous aider à gérer cet arrimage ou ces dédoublements de territoire? Parce que c'est ça qu'on cherche.
Et, moi, je partage entièrement votre position, que l'idéal, dans le meilleur des mondes, ça va être neuf sur neuf, mais, 25 ans après, il y a quatre communautés qui ont manifesté une volonté d'aller de l'avant. Est-ce que je les garde en attente un autre 25 ans avant d'avoir les neuf à la table? Alors, je cherche comment on peut arriver.
M. McKenzie (Armand): M. Kelley, sur les quatre communautés, combien ont ratifié cette entente-là? Il y en a deux. Sur les quatre communautés, quel conseil de bande a ratifié cette entente-là encore, actuellement? Je ne le sais pas. Avez-vous des indications? Je ne le sais pas. Moi, je pense qu'il faut régler ça de façon globale avec l'ensemble de la nation innue.
Écoutez, vous parlez de solution, on vous en a proposé. Il y a des recommandations qu'on retrouve à la fin de notre mémoire. Demandez, demandez, la Loi approuvant la Convention de la Baie James et du Nord québécois, des Lois refondues du Québec, chapitre C-67. Vous êtes des législateurs, on vous propose des modifications à votre loi. La même chose pour la loi C-67.1, la loi qui a approuvé la Convention du Nord-Est québécois , celle qui a été signée. On vous propose des modifications.
Vous savez, dans la Convention de la Baie James, si vous êtes capables, dans la Convention de la Baie James, de dire que les droits des tiers ne sont affectés en rien par la Convention, c'est-à-dire des tiers blancs, O.K., des propriétaires terriens blancs... Dans la Convention de la Baie James, vous avez été capables de formuler ça, même dans la Convention du Nord-Est québécois, à l'article 2.11, ça été dit: «Rien dans la présente Convention n'affecte le droit des tiers», tu sais, des gens comme la situation des propriétaires blancs, au nord de la région de Val-d'Or, par exemple, des propriétaires terriens.
Comment ça se fait que pour ces gens-là ? les Blancs ? on a été capables de dire dans la Convention: On n'affecte pas les droits de ces tiers-là, mais que, pour les Indiens montagnais de Schefferville, on dit: Ah! Ce n'est pas grave, eux autres. Leur droit terrien au territoire, on va l'éteindre. Vous avez été capables de faire ça, vous, les législateurs du gouvernement du Québec puis du Canada.
Maintenant, on vous dit: On va essayer de trouver une solution. On vous propose de modifier ces deux projets de loi là... ces deux lois là pour dire que rien, dans la loi approuvant la Convention de la Baie James et du Nord-Est québécois n'affecte les droits, intérêts, titres des Indiens montagnais de Schefferville. Comme vous avez été capables de le dire pour les propriétaires terriens blancs lorsque la Convention de la Baie James a été signée.
Le Président (M. Lachance): Ça va?
M. McKenzie (Armand): Merci.
Le Président (M. Lachance): Y a-t-il d'autres interventions? M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui. Madame, messieurs les McKenzie, merci d'être ici, aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de discuter avec mon paternel, Me McKenzie, qui vous connaît bien et qui éprouve un grand respect pour la façon dont vous procédez à votre pratique. Et il m'avait un petit peu prévenu de votre éloquence, alors vos points de vue sont extrêmement intéressants.
Dans le contexte... Bon. Évidemment, là, toute la question de la reconnaissance, puis vous m'aviez mentionné déjà le point 5 ? la recommandation 5 de M. Chevrette ? qui, finalement, effleure la question sans vraiment y apporter de réponse. Mais, en dehors de ça ? évidemment, je mets le point le plus important, qui est le plus cher aussi à votre cause, de côté ? mais, à votre connaissance, au niveau de la population ? je ne dis pas que vous représentez la population, mais vous êtes un porte-parole puis vous êtes entièrement en droit de le faire, un porte-parole pour les gens qui vous sont proches ? est-ce que le type d'entente qui est présentement sur la table, c'est ce genre d'entente là que, si vos droits et votre existence légale, disons, étaient reconnus par une modification aux Conventions de la Baie James ou autrement, est-ce que c'est ce genre d'entente dans laquelle la communauté serait intéressée d'embarquer? Puis je ne vous demande pas de parler au nom du Conseil de bande, là, mais, vous, votre opinion de juriste.
M. McKenzie (Armand): Moi, je pense, M. Corriveau ? vous saluerez votre père de ma part ? je pense que toute entente, c'est décourageant un peu, puis de reprendre ce qui a été signé avec les Cris de la Baie-James, avec la «Paix des Braves». Trouver une entente de... oui, ça a été difficile à faire passer dans les communautés cries, mais ça s'est fait avec l'ensemble de la nation crie. Il n'y a pas de communauté qui a été «left out», comme on dit, ou laissée pour compte. Et puis je pense que des ententes où on peut trouver des bénéfices économiques de part et d'autre pour qu'on puisse développer le territoire de part et d'autre, pour qu'on puisse s'enrichir de part et d'autre, pour assurer un meilleur futur à nos enfants ? pour assurer un meilleur futur à nos enfants ? je pense que c'est quelque chose qui peut être regardable.
Mais, quand on nous dit sur la base... qu'on va vous négocier vos droits sur la base de l'extinction, ça ne peut pas être acceptable, M. Corriveau. Il y a plein de gens qui vous ont dit, les gens de Pointe-Parent par exemple: Faites attention à notre terre, O.K.? Nos terres, la valeur de notre territoire puis de notre terrain, le terrain va diminuer si vous signez l'entente. Parce qu'ils y tiennent à coeur à leur territoire, ces gens-là; ils tiennent à coeur à leur territoire privé. Mais nous autres aussi, on tient à coeur à ça. Mais, quand on nous dit que... quand je n'ai même pas l'engagement ministériel qu'on recherche, que ça va être sur la base, que la formule de reconnaissance des droits va s'appliquer dans la région de Schefferville, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? On est dans la spéculation, puis vous savez comme moi que, devant un tribunal, la spéculation, c'est une objection à présenter de la spéculation devant un tribunal. Donc, moi... on ne peut pas...
M. Corriveau: Je ne formule pas d'objection pour vos propos.
M. McKenzie (Armand): Ha, ha, ha! Mais je pense, M. Corriveau, aujourd'hui, je pense qu'on est contents d'avoir présenté quelque chose. Parce que, d'une part, on a pu vous éduquer un peu sur la situation des Indiens montagnais de Schefferville, des Innus de Schefferville. Je pense que vous tenez à coeur à votre territoire, vous autres aussi; nous autres aussi, on y tient à coeur. Il y a des aînés qui sont venus ici avant, tu sais. Puis les jeunes, il y a d'autres jeunes qui s'en viennent, qui vont dire la même chose, qui vont vous le dire en anglais, en français, en innu, et puis qui sont encore meilleurs que nous autres puis qui vont dire: Bien, écoutez, réglez notre situation parce que vous avez créé une injustice, les gouvernements du Québec et du Canada, à l'égard des Indiens montagnais de Schefferville. Puis il faut la régler, cette affaire-là.
n
(11 h 30)
n
M. McKenzie (Alexandre): (S'exprime dans sa langue). Merci beaucoup à M. le ministre, mesdames et messieurs.
Le Président (M. Lachance): J'aurais une question avant de terminer nos travaux: À quel âge peut-on être considéré comme un aîné chez vous?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. McKenzie (Alexandre): L'aîné, comme le monsieur qui est venu ici à la première session? Nous autres, on considère un aîné quelqu'un qui a 80...
Une voix: ...
M. McKenzie (Alexandre): Oui, 70. Pas à mon âge.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. McKenzie (Alexandre): Là, M. le ministre...
Le Président (M. Lachance): Merci. Merci beaucoup. Merci pour votre présence ici. Alors, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 11 h 31)
(Reprise à 14 h 1)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît. Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte et je rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
Alors, cet après-midi, nous entendrons tour à tour les représentants de la MRC de La Haute-Côte-Nord; par la suite, le Groupement agro-forestier et touristique de la Haute-Côte-Nord; suivra le Conseil de l'industrie forestière du Québec; et, finalement, les Pionniers septiliens. Alors, je vois que les représentants de la MRC sont déjà à la table. Alors, bienvenue, messieurs. Vous connaissez bien les règles du jeu, alors j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier, en vous indiquant que vous avez un maximum de 20 minutes pour votre présentation.
MRC de La Haute-Côte-Nord
M. Delaunay (Jean-Marie): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de l'Assemblée nationale, mon nom est Jean-Marie Delaunay, je suis maire de la municipalité de Sainte-Anne-de-Portneuf et préfet de la MRC de La Haute-Côte-Nord. Je suis accompagné du maire de la municipalité de Tadoussac, M. Pierre Marquis, et du maire de la municipalité de Longue-Rive, M. Mario Tremblay, ainsi que du directeur général de la MRC, M. Alain Tremblay.
Avant de vous livrer mon intervention, j'aimerais déposer une copie de mon texte en vous indiquant que certains détails viennent préciser des éléments de notre mémoire et qu'il est essentiel d'y faire référence si on désire connaître pleinement notre position.
Dans le cadre de cette commission parlementaire, bon nombre de groupes viendront donner leur opinion et voudront critiquer la gestion du dossier par le gouvernement du Québec. Notre objectif est tout autre. Bien sûr, nous émettrons nos commentaires sur cet aspect de la question, mais notre démarche se veut essentiellement constructive, car nous croyons fermement à la nécessité d'une entente avec la nation innue pour assurer le développement de nos collectivités, une entente qui satisfasse toutes les parties, dont nous sommes.
Pour ce faire, nous vous présenterons des extraits de notre mémoire, qui situe d'abord la MRC dans cette négociation, propose par la suite une brève analyse de la situation, pour terminer par les positions que nous avons adoptées dans ce dossier. Notre mémoire traite principalement de notre relation avec Essipit, mais nous tenons à souligner que notre territoire est aussi concerné par la revendication de la communauté de Betsiamites. Même si cette revendication nous affecte dans une moindre mesure, nous croyons que les principes élaborés dans notre mémoire devraient également s'appliquer à la communauté de Betsiamites.
Il y a longtemps qu'on entend parler de négociations avec les autochtones sans pouvoir dire notre mot. La première fois, ce fut au début des années quatre-vingt, lors de l'ouverture de ces négociations territoriales. Le second épisode de cette saga survint avec la première entente sur les objets de la négociation de la seconde moitié des années quatre-vingt. Les dirigeants de la MRC ayant constaté que le champ de négociation était large, nous avions alors manifesté notre inquiétude et nous souhaitions déjà, à cette époque, être associés à l'exercice.
La suite s'est déroulée dans le cadre de réunions des MRC concernées. Organisées par l'UMRCQ, ces rencontres avaient permis de constater l'ampleur des territoires revendiqués ainsi que les droits et pouvoirs en cause. Nul besoin de décrire notre inquiétude, la panique s'installait. Cet épisode s'est conclu par une réunion tenue à Québec au début des années quatre-vingt-dix, lorsque le négociateur de l'époque pour le gouvernement du Québec, M. Gilles Jolicoeur, a déclaré aux préfets présents que le dossier ne les concernait pas, qu'il relevait de la seule responsabilité de l'État. Le reste de la réunion fut orageux.
L'autre scène se déroula en 1994. En effet, ce fut dans un brouhaha indescriptible que les préfets furent informés du dépôt, par le gouvernement du Québec, d'un projet d'entente globale un certain vendredi de décembre. Nous fûmes convoqués en catastrophe la veille du dépôt, le jeudi soir, ici même, à l'Assemblée nationale. Sans cette réunion, nous aurions appris le contenu de la proposition comme tous les citoyens, par la voix des médias. Inutile de vous mentionner, encore une fois, que la réunion fut houleuse et que les préfets ne se sont pas gênés pour manifester leur insatisfaction en regard du procédé utilisé.
Depuis 1994, la question de la revendication territoriale est revenue fréquemment à l'ordre du jour. Que ce soit dans la foulée de l'agrandissement d'Essipit, lors des discussions sur la concurrence déloyale de la part des commerces de cette réserve, lors des nombreux changements des négociateurs gouvernementaux ou depuis la création de la table régionale il y a deux ans, la MRC de La Haute-Côte-Nord a toujours revendiqué une place dans la négociation ainsi que des moyens pour défendre sa position.
On peut le constater, les citoyens et leurs élus ont été mis de côté par le gouvernement qui estimait qu'il était le seul capable de définir les besoins en ce domaine. En fait, la Haute-Côte-Nord fut rarement écoutée, et c'est, à notre avis, ce qui explique largement le caractère de crise qu'a pris le dossier à la fin de l'année 2002. Toutefois, nous tenons à souligner que nos rencontres avec l'envoyé spécial du premier ministre dans ce dossier, M. Guy Chevrette, ainsi que la tenue de cette commission parlementaire nous permettent d'espérer que le gouvernement du Québec aura finalement compris et qu'il prendra enfin en considération ce que nous avons à dire. Malgré le caractère difficile et délicat du débat actuel, on doit toujours se rappeler que les gens ont le droit de s'exprimer.
Nous avons décrit la réalité de notre municipalité régionale de comté dans l'introduction de notre mémoire. Nous avons notamment mentionné que notre MRC était considérée comme une des moins favorisées du Québec. Une particularité de la Haute-Côte-Nord par rapport aux autres territoires où l'on retrouve une communauté innue, c'est la disparité économique en faveur de la communauté d'Essipit. Si la réalité autochtone est habituellement beaucoup plus triste que celle vécue par les autres Québécois, le cas d'Essipit tranche radicalement. Son plein emploi et ses revenus supérieurs à ses voisins en font un cas à part. En effet, déjà, avec les résultats du recensement de 1996, le revenu moyen des personnes vivant à Essipit était supérieur de près de 1 000 $ au revenu moyen des autres résidents de la MRC. Donc, un fait unique en matière autochtone, Essipit est plus riche que les autres communautés de son entourage. Comme le développement d'Essipit s'est accéléré depuis et que la réalité des municipalités de la MRC n'a pas connu la même progression, l'avantage en faveur des Innus de la Haute-Côte-Nord s'est probablement accentué.
Autre élément qui démontre la singularité d'Essipit, c'est le taux de chômage quasi inexistant qu'on peut y constater. D'ailleurs, afin de démontrer la vigueur de sa communauté, le chef d'Essipit ne se fait pas prier pour affirmer qu'ils manquent de main-d'oeuvre et qu'ils emploient plusieurs dizaines de Blancs dans les diverses entreprises du conseil de bande. Cette situation contraste avec ce qui est vécu dans les autres communautés innues.
Finalement, Essipit ne regroupe que 258 personnes et représente à peu près 10 % de la population du secteur des Escoumins. Le nombre d'autochtones pratiquant les activités traditionnelles est aussi peu élevé, et cela doit être pris en compte dans la définition des besoins réels de cette communauté.
Malgré sa faible population, pourquoi Essipit est si prospère? Cette question est sur toutes les lèvres de notre population depuis de nombreuses années. Les réponses données ne sont pas toujours politiquement correctes, mais elles tournent toutes autour des avantages conférés aux autochtones par la législation fédérale comme le non-paiement d'impôts, la non-taxation, le versement d'importantes subventions à la communauté par le ministère des Affaires indiennes et le Fonds de développement autochtone du gouvernement du Québec.
Si le succès économique d'Essipit nous réjouit et profite à toute la région, il est utile de se questionner sur les raisons qui sont à la base de ce succès. Après analyse de la situation, nous concluons qu'au-delà des avantages fiscaux ce sont la force du regroupement et la capacité collective d'investir dans des entreprises à but lucratif accordées aux communautés autochtones qui, nous croyons, leur ont permis de connaître les succès économiques constatés aujourd'hui. Les succès et les profits engendrés par leurs activités ont créé à Essipit, au fil des années, une culture entrepreneuriale unique sur la Côte-Nord.
Essipit a aussi choisi un modèle de développement communautaire. Cela signifie que tout appartient à la bande: les commerces, les hôtels, les bateaux de croisière, les campings, les pourvoiries, et le reste. Ainsi, avec ses budgets et la capacité d'investir qui en découle, de par le droit propre aux bandes autochtones d'être promoteur et d'investir dans des activités lucratives, Essipit a mis en place un réseau d'entreprises qui, au fil des années, est en train de prendre le contrôle de domaines entiers de l'activité économique de la Haute-Côte-Nord. Aucune autre structure de la région ne détient les mêmes pouvoirs et capacités d'intervention, et rares sont ceux qui peuvent faire concurrence à leurs entreprises. La lutte est donc inégale, les avantages fiscaux réservés aux autochtones rendant la concurrence déloyale.
Tel qu'indiqué précédemment, la MRC de La Haute-Côte-Nord est interpellée par cette négociation depuis plusieurs années. Le conseil de bande a donc pu se pencher à plusieurs reprises sur cette question et en est venu... Le conseil des maires a donc pu se pencher à plusieurs reprises sur cette question et en est venu, au fil des résolutions adoptées, à élaborer des principes qui guident son action.
n
(14 h 10)
n
En premier lieu, les municipalités de la MRC considèrent que la négociation constitue la seule voie pouvant être empruntée par les diverses communautés de la Haute-Côte-Nord. Toute autre voie qui représenterait un risque pour la paix sociale doit être exclue. À notre avis, personne au Québec, et encore moins les gens de notre région, pas plus les autochtones que les autres habitants, n'a les moyens de se payer une crise. Nous tenons aussi à mentionner qu'un processus de négociation doit obligatoirement signifier information et participation pour qu'il ait une chance de réussir.
Au niveau de l'autonomie, la MRC comprend et accepte que les Innus veuillent se doter d'une structure gouvernementale qui pourrait promouvoir leurs différences culturelles et leur mode de vie. Toutefois, les municipalités membres de la MRC considèrent essentiel que la mise en place de ce gouvernement innu respecte les chartes des droits et libertés de la personne et s'inscrive dans le cadre législatif qui nous régit. Si nous partageons l'idée de satisfaire les besoins autochtones en matière de gouvernance, cela ne doit en aucune façon signifier la création de deux types de citoyens. En ce sens, nous considérons que le futur gouvernement innu, à l'instar des municipalités locales et des gouvernements, devra autofinancer ses activités en levant des taxes et des impôts pour ses membres. L'harmonisation des régimes de taxation sera d'ailleurs un élément fondamental qui décidera du succès ou de l'échec d'une éventuelle entente.
La MRC considère qu'un autre résultat essentiel de ces négociations doit être l'établissement d'un partenariat fort et durable entre les membres de la communauté d'Essipit et les membres des autres communautés du territoire. Nos relations doivent être normales et tournées vers le partenariat et le développement afin de mettre en commun toutes nos forces et ainsi offrir plus de possibilités à nos citoyens et citoyennes. Cette négociation doit marquer la fin de la confrontation, de l'arrogance et des disputes. On devra donc prévoir des moyens pour permettre des ententes directes entre Essipit et les municipalités de la Haute-Côte-Nord.
L'accès au territoire constitue dans nos régions un élément fondamental de notre mode de vie. De tout temps, les populations de la Haute-Côte-Nord ont fréquenté les territoires. Elles y ont pêché, elles y ont chassé, elles y ont pratiqué des activités de trappage, et cela, sans parler du prélèvement de ressources servant aux activités industrielles et économiques du territoire.
Si les pratiques peuvent différer en raison de coutumes et de caractéristiques culturelles, la MRC de La Haute-Côte-Nord considère primordial que ces différentes pratiques soient harmonisées le plus rapidement possible. La MRC considère également qu'il est essentiel que les types de réglementation qui découleront de cette harmonisation devront être adoptés dans les meilleurs délais, que les responsabilités devront être claires et, surtout, que la rigueur quant à leur application devrait être la même pour tous.
La MRC de La Haute-Côte-Nord demande que les moyens de développement soient équitables, les mêmes pour toutes les communautés du territoire. La notion de rattrapage économique devra tenir compte des disparités sociales et économiques tant entre les communautés autochtones elles-mêmes qu'entre les différentes communautés d'un même territoire. Aussi, étant donné qu'Essipit est maintenant la communauté la plus riche du territoire, la MRC de La Haute-Côte-Nord jugerait inconvenant le versement de toute compensation si elle n'est pas accompagnée d'un montant suffisant pour favoriser le développement des communautés environnantes. À notre avis, donner plus de moyens d'intervention à Essipit créerait une situation dangereuse équivalant à concentrer entre les mains du seul Conseil de bande les principaux moyens d'intervention sur notre territoire.
De plus, afin d'être sur le même pied, nous demandons au gouvernement du Québec de modifier la loi pour permettre à la communauté régionale d'investir dans son développement. À l'instar de la communauté d'Essipit qui, nous le rappelons, peut être entrepreneur et investir dans des entreprises à but lucratif, la loi pourrait autoriser la MRC de La Haute-Côte-Nord à mettre en place des structures qui viendraient pallier une des carences fondamentales de notre milieu, la rareté de nos entrepreneurs. Avec une dotation de l'État qui équilibrerait les forces régionales, nous pourrions créer notre entrepreneur, prendre en main notre développement et investir directement dans des secteurs de notre économie. Cette nouvelle approche pourrait se concrétiser de multiples façons. À titre d'exemple, dans la foulée du Rendez-vous national des régions, pourquoi ne pas permettre la création d'une SGF au niveau de la MRC en collaboration avec notre CLD? En fait, l'équité est une condition fondamentale de la réussite de cette entente, et il ne servirait à rien d'aller plus loin si on ne respecte pas ce principe.
Le territoire de la Haute-Côte-Nord est vaste, et il y a de la place pour tout le monde. Toutefois, ces priorités ne signifient pas qu'aucun droit n'y ait été accordé. Et, en raison de leur importance, le respect des droits déjà consentis sur le territoire est fondamental pour la MRC et ne peut être l'objet d'aucun compromis.
L'agrandissement de la réserve d'Essipit a toujours créé des tensions importantes dans notre région, spécialement dans la municipalité des Escoumins. L'agrandissement de 1996 ne s'est pas fait sans heurts et a détérioré le climat social. D'entrée de jeu, nous affirmons que le scénario qui transfère les meilleurs secteurs du littoral, plusieurs propriétés privées ainsi que le plateau des bleuetières du côté nord de la route 138 à la réserve est inacceptable. La MRC considère plutôt qu'un agrandissement raisonnable d'Essipit qui pourrait notamment comprendre leurs pourvoiries, dont le lac à Jimmy, serait de mise. Nous croyons que les Innus seraient alors en mesure de satisfaire tous leurs besoins pour de très nombreuses années. Enfin, l'agrandissement d'Essipit ne doit pas réserver les meilleurs sites à la même communauté et devrait être respectueux des droits de propriété déjà concédés. Cela est particulièrement vrai pour le territoire le long du littoral. Par ailleurs, il est à noter que la position adoptée aujourd'hui par la MRC de La Haute-Côte-Nord correspond à une proposition élaborée par les Innus sur le même sujet il y a quelques années.
Aussi, pour qu'une entente soit à la satisfaction de toutes les parties, la MRC considère qu'à la redéfinition des limites territoriales d'Essipit on devrait ajouter l'exclusion définitive des territoires, municipalités de l'Innu Assi et du Nitassinan. De cette façon, les intervenants du territoire seraient rassurés, et l'hypothèque décrite précédemment serait clairement levée.
Au niveau des territoires non municipalisés et des activités traditionnelles pratiquées par les Innus, nous nous questionnons sur l'opportunité de réserver de vastes territoires à leurs seules fins. Les Innus sont déjà propriétaires de pourvoiries, et nous croyons que, pour satisfaire les besoins du petit nombre de personnes en cause, l'étendue de ce territoire pourrait suffire largement. De plus, le conseil de la MRC considère que les territoires libres doivent le rester.
La MRC demande également que la communauté d'Essipit soit intégrée au processus d'aménagement du territoire de la Haute-Côte-Nord. Plusieurs des problèmes actuels originent de l'absence de concertation économique et territoriale, et il serait essentiel que toutes les communautés, qu'elles soient autochtones ou non, soient liées par la planification régionale. Le schéma d'aménagement, qui est aussi un outil de développement, a été conçu pour satisfaire ce besoin, et le temps est venu que tous participent à son élaboration.
De plus, comme je le mentionnais au début de mon intervention, la revendication de Betsiamites aura des impacts sur notre territoire, et nous croyons que des mesures devraient être ajoutées à l'entente pour faciliter la mise en place de relations productives entre cette communauté et notre MRC sur la base de principes exposés dans notre mémoire.
Finalement, comme il est évident que la situation d'Essipit constitue un cas particulier, la MRC considère que des mesures spéciales devraient être prévues pour permettre l'élaboration de conditions qui rendraient possible l'application de l'entente sur notre territoire. Pour cela, la MRC demande la mise en place d'un processus spécial de négociation entre les chefs d'Essipit et les élus de la MRC de La Haute-Côte-Nord en présence d'un médiateur nommé par le gouvernement du Québec. Cette négociation porterait sur deux points, la redéfinition des limites territoriales et la définition d'un cadre de pratique commerciale sur le territoire de la Haute-Côte-Nord. Nous l'avons dit dès le départ, cette entente est possible si elle satisfait toutes les parties, dont nous sommes, et il serait raisonnable et porteur d'espoir que le gouvernement acquiesce à cette demande.
En somme, tout processus menant à la négociation et à la conciliation des intérêts étant un élément essentiel de notre développement, le seul résultat imaginable de ces pourparlers est un dénouement heureux, et les municipalité de la MRC de La Haute-Côte-Nord sont profondément résolues à oeuvrer en ce sens. Nous vous remercions pour l'attention portée à notre présentation et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le préfet, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, pour votre présentation. Et nous allons débuter immédiatement la période d'échange avec M. le ministre responsable des Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: M. le préfet de la MRC, M. Delaunay, et M. Marquis, M. Tremblay, les deux Tremblay, alors bienvenue à cette commission parlementaire. C'est avec plaisir que je retrouve le maire de Sainte-Anne-de-Portneuf et préfet, M. Delaunay. Si nous avons eu des échanges fréquents dans le passé, c'est parce qu'on est là depuis longtemps, hein, et qu'on a été témoins de bien des histoires. Je vous remercie de votre présentation avec vos collègues et de nous amener l'éclairage ici qui, je l'espère, sera précieux pour progresser.
n
(14 h 20)
n
M. Delaunay, on voit bien dans le mémoire, il y a clairement un fond de scène, là, qui peut nous apparaître à prime abord assez curieux. D'ailleurs, on va essayer de démêler les faits pour bien saisir la réalité. Hier, il y avait des gens qui nous disaient qu'il y avait 40 % de chômage à Essipit, puis aujourd'hui on est rendu au plein emploi ou à peu près. Remarquez, il faut bien qu'on essaie d'y voir clair, là, sur la situation. En autant que vous avez connaissance des faits, là, c'est quoi, votre perception et connaissance de la situation de la prospérité ou non d'Essipit et de la prospérité ou non des Escoumins?
M. Delaunay (Jean-Marie): M. le ministre, ce qu'on en sait, c'est qu'à Essipit il n'y en a pas de chômage. Et, je le dis dans mon exposé, même le chef se fait un honneur de dire qu'il emploie des dizaines de Blancs pour travailler dans ses entreprises. Mais le 40 % de chômage, là, on ne voit pas d'où il peut venir. Je ne peux pas vous répondre plus que ça, nous autres, on croit que c'est le plein emploi à Essipit.
M. Trudel: Un autre des faits qui nous a été quelquefois, plusieurs fois répété ici et que vous venez de mentionner également, c'est au niveau de la réussite économique. On va prendre... Au bout de la réussite économique d'Essipit, il y aurait 120 personnes de la proximité immédiate d'Essipit puis celle des Escoumins ou de tout proche, là, qui travailleraient dans des entreprises détenues par soit le Conseil de bande, comme vous le dites ici, ou des personnes de la communauté, de cette communauté innue. Est-ce qu'on ne doit pas, M. Delaunay, en tirer la conclusion qu'il y a, sur le terrain, un partenariat réel qui fait que le succès des uns donne des résultats pour les autres et que les deux communautés finissent par en profiter de cette prospérité? Puis, on y reviendra sur les causes, inquiétez-vous pas.
M. Delaunay (Jean-Marie): On l'a dit dans notre mémoire, M. le ministre, on n'est pas contre ce qui se passe à Essipit puis son succès en entreprise, on est complètement d'accord avec ça, mais, quand on parle, là, de signer une entente dans l'Approche commune et que le peuple Essipit va en recevoir beaucoup plus que nous autres ? et on le marque là-dedans ? on veut, nous autres aussi, avoir notre part. C'est ça, le but. Le but, ce qui a été fait... Essipit, on le sait comment ils sont prospères, et ça va bien, puis ils emploient des Blancs, puis tant mieux, puis on est content, là. Tout le monde sont contents de ça, mais, quand leur pouvoir de former des entreprises est beaucoup plus gros que celui-là des commerçants des alentours, bien c'est là que ça fait mal. C'est là qu'il se ferme des commerces, puis c'est là qu'il se ferme des choses parce qu'on ne peut pas suivre.
Et on l'a dit, pourquoi, ça, dans le mémoire, parce qu'il n'y a pas de taxes, ils n'ont pas d'impôts, ils ont de l'argent de deux ministères, le ministère des Affaires indiennes, le gouvernement du Québec, et qu'avec ça, bien, ils ont formé des compagnies, et ces compagnies-là, qui sont très bien administrées, font de l'argent, puis avec cet argent-là... On n'a pas ça dans nos petites communautés, là. On n'a pas ça dans nos petites entreprises. On ne peut pas attendre, il faut que... Tu sais, on ne peut pas attendre après que... Eux autres, ils peuvent. Ce qu'on en sait puis qu'on pense, leurs entreprises peuvent souffrir peut-être de rentabilité quelques années, mais ils sont capables d'attendre, ce qu'une petite entreprise n'est pas capable de le faire.
M. Trudel: La description est assez précise. Je vais, quant à moi, prendre au moins le bout où vous vous réjouissez, parce que, lorsqu'il y a une communauté qui se dirige davantage vers la prospérité que l'inverse et que ça déborde, il n'y a pas d'autres sentiments qui doivent nous animer que celui d'être content. Mais, pas satisfait, on est satisfait quand c'est le plein emploi partout. Il faut être content de ça. Et, si le mouvement de paix et de développement dans lequel on est engagé plus intensément au cours des dernières années donnait ça comme résultat, je pense qu'on peut convenir que ce n'est pas mauvais.
Et par ailleurs, est-ce que le fait pour une petite entreprise en Côte-Nord d'avoir aucun impôt à payer sur 10 ans quand elle fait de la transformation, le fait d'avoir 40 % de réduction d'impôts sur ses salaires pendant cinq ans pour tout emploi de transformation des ressources naturelles en Côte-Nord... Est-ce que le fait de conclure des ententes avec Alouette et Alcoa, par exemple, pour des tarifs d'électricité, oui, préférentiels et aussi des crédits d'impôt qui vont développer les emplois nécessairement en transformation... Est-ce que ça ne vous apparaît pas comme étant l'équivalent des forces à votre disposition au plan fiscal pour assurer du développement en Côte-Nord?
M. Delaunay (Jean-Marie): M. le ministre, la Haute-Côte-Nord, ce n'est pas Manicouagan puis ce n'est pas Sept-Îles. La Haute-Côte-Nord, c'est une région. La MRC de La Haute-Côte-Nord, elle a été, il y a quelques années, la deuxième, la plus... Nous autres, on ne dit pas «la plus pauvre», mais... Ils nous disent «la plus pauvre», mais on dit «la plus défavorisée». On est peut-être rendus la quatrième, là, la plus défavorisée de la Côte. Ce que vous dites, que les petites entreprises ont des rabais d'impôts puis elles ne paient pas d'impôts, ça ne nous attaque pas beaucoup, là. C'est des petites entreprises qu'on a par chez nous, et elles ont besoin de travailler.
Je vais revenir un petit peu sur la politique de la ruralité. Lorsque vous l'avez mise en place et que vous avez donné de l'argent à chaque MRC, on s'est posé des questions pourquoi faire que la MRC de La Haute-Côte-Nord a un tel montant, Manicouagan a tant, puis une autre, un tel montant, sur quoi qu'ils se sont fiés. Ça nous a été répondu: Sur certains critères. Peut-être huit, 10, je ne le sais pas, mais un des critères c'était les municipalités défavorisées. O.K.? Dans le temps, on avait 10 municipalités en Haute-Côte-Nord ? il y a eu deux fusions, là on est huit ? on était 10, et Essipit qui faisait la onzième. Et ce qu'on nous a répondu ? et, c'est écrit dans le document, vous pouvez le regarder ? c'est écrit que sur la Haute-Côte-Nord les 10 municipalités sont défavorisées, puis la seule qui n'est pas défavorisée, c'est Essipit. C'est là-dessus qu'on juge, nous autres, qu'Essipit est favorisée, puis Essipit est riche à côté de nous autres, des autres municipalités.
Et je vous le dis, que, Essipit, on ne veut pas rien enlever à Essipit, M. le ministre. Mais, si Essipit en a, vous en donnez à Essipit dans l'entente qu'on veut signer, c'est bien écrit, hein, on veut en avoir aussi, nous autres. On a parlé d'une SGF. Quelle structure ça prendra, je ne peux pas vous le définir aujourd'hui, mais si... On peut le voir... Dans les rencontres qu'on faisait avec la table de concertation de la Côte, dont je faisais partie puis je n'ai pas manqué une rencontre, on disait: Le montant qui va revenir à la fin de l'Approche commune, qu'on en fasse un montant réservé en Haute-Côte-Nord avec les Essipits, qu'on parte en partenariat puis qu'on travaille ensemble. Si ça, ce n'est pas possible, notre mémoire a l'air à dire un petit peu... Pas tout à fait la même chose, mais on dit: Si vous donnez... On s'informe au travers des branches un peu, on peut savoir que le 340 millions... Puis il y a 14 millions, puis, bon, ça pourrait donner peut-être à Essipit quelques millions. Bien, si Essipit reçoit quelques millions, que la MRC de La Haute-Côte-Nord, qui représente les autres municipalités, ait quelques millions aussi pour qu'on soit capable de concurrencer ensemble, pour être capable... aussi que, nous autres, on est capable d'avoir des fonds à notre disposition pour les entreprises qu'on pourrait créer.
M. Trudel: Bien, je peux comprendre sur le premier argument, bien sûr, sur les faits que la MRC de la Haute, ce n'est pas la moyenne puis ce n'est pas la Minganie, là, mais, quand on pense que le lieu probable où il y aura le plus haut taux d'activité économique ce printemps et l'été prochain, ça va être la Côte-Nord ? en tout cas, je me le fais dire assez souvent en Abitibi-Témiscamingue ? avec les projets Alouette et Alcoa, vous savez que vous avez des travailleurs et des travailleuses qui, sur tout le territoire, vont travailler et vont se retrouver en situation de travail.
n
(14 h 30)
n
Mais, quand même, l'idée de dire: Pourrions-nous avoir... c'est une image que vous faites, puis on n'est pas ici pour définir les modalités. Que la MRC puisse avoir son levier de développement, sa SGF, est-ce que vous avez été sensibilisé à ce que signifie le projet ACCORD, justement, et par région administrative, là, la Côte-Nord, et par territoire de MRC pour que SGF, Investissement Québec, La Financière du Québec, les grands instruments d'État puissent être aussi à la disposition davantage des régions que ce ne l'est actuellement, surtout que la loi n° 77, qui a été votée en décembre, ouvre maintenant la porte du développement économique aux MRC? Est-ce que, avec ces instruments, vous y voyez de réels partenariats, disons-le, économiques qui pourraient se développer avec la nation innue sur la Côte et singulièrement dans le territoire de votre MRC, M. le préfet?
M. Delaunay (Jean-Marie): Je vais demander à Alain, je pense qu'il est au courant du groupe...
Moi, écoutez, on est complètement d'accord avec ce qui va se faire. D'abord, on travaille... on pense que le développement des MRC se fait par les CLD et on travaille très bien ensemble. Mais on a toujours dans notre mémoire que, si on donne de l'argent, si on donne de l'argent de plus à Essipit, on ne pourra pas concurrencer les entreprises qu'ils mettront sur pied. On a des entreprises, nous autres aussi, puis ce n'est peut-être pas ça qui va arriver, mais on pense que, nous autres, c'est ça qui va arriver. C'est une concurrence déloyale, on le répète, et on voudrait être capable aussi de suivre Essipit. Puis je le dis, c'est un modèle, Essipit, mais ils ont de l'argent. Écoutez, ils ont de l'argent. Où est-ce qu'ils le prennent, leur argent? On le dit dans notre mémoire. Et là on n'est pas capable d'avoir ça. Ce n'est pas le programme ACCORD qui va nous donner cet argent-là. On fait des programmes, on suit les programmes, tout ce qu'on peut faire, mais on n'est pas équipé pour ça.
M. Trudel: Mais le CLD, avec toute sa capacité d'investissements directs, de garanties de prêts et de prêts, avec aussi les fonds supplémentaires de 10 millions qu'on a mis à leur disposition, en reçoit assez régulièrement, et on a répondu favorablement à toutes les demandes du CLD pour la Haute-Côte-Nord. Mais je ne vise pas à dire, M. Delaunay, qu'il faut prendre les mêmes moyens pour assurer autant de réussites économiques. Les instruments sont différents. Et on déplore tellement souvent que les communautés des premières nations sont dans des situations extrêmement difficiles. Bien oui, il y a l'air à en avoir une qui réussit bien. Elle réussit bien puis elle a des retombées pour les deux communautés, les personnes des deux communautés concernées. Ma foi, des fois, j'ai l'impression qu'on devrait adopter l'approche de Solidarité rurale avec M. Proulx. Il y a des villages prospères au Québec puis il y en a d'autres qui sont plus en difficulté. Allons voir qu'est-ce qui fait que ça réussit dans les villages prospères, regardons nos instruments de développement dont nous pouvons disposer et tâchons de marier les avantages, parce que, que je sache, les entreprises, même à Essipit, ils paient des taxes ? ils paient des taxes, ils paient leurs impôts, enfin le régime fiscal est le même ? sur les biens de consommation. Ça, on s'entend là-dessus.
Je ne sais pas si M. le maire avait quelque chose à rajouter sur l'instrument dont dispose ou pourrait disposer la MRC pour soutenir le développement économique davantage, parce que M. le préfet disait que vous avez peut-être quelque chose à dire. Non?
M. Tremblay (Mario): Non.
M. Trudel: Ça va. Est-ce qu'on doit poursuivre intensément, M. le préfet, les négociations? Est-ce qu'on doit poursuivre avec intensité les négociations? Il y a une personne qui nous a suggéré un moment d'arrêt, et tous les autres... mais, vous, vous êtes directement concerné, sur la poursuite des négociations. Est-ce qu'on doit accélérer le rythme des négociations pour en arriver à conclure un traité, avec les ajustements à la participation qui seront apportés dans le processus?
M. Delaunay (Jean-Marie): Je vois, M. le ministre, que vous connaissez mon idée là-dessus. Il faut continuer les négociations, les accélérer, informer le public, la population. Et rappelez-vous, M. le ministre, quand vous nous avez fait monter à Québec l'année passée, les préfets, pour en parler un petit peu. Vous vous rappelez de ça?
M. Trudel: Tout à fait, dans cette salle-ci.
M. Delaunay (Jean-Marie): Tout à fait. Et on devait sortir, suite à cette rencontre-là, un beau comité de je ne sais pas quoi ? comment vous l'appelez? ? de communication. On devait avoir des lignes ouvertes, on devait avoir 1-800, on devait avoir... Tout le monde qui voulait du renseignement, il pouvait avoir tout ce qu'il voudrait. On ne l'a jamais eu, celui-là.
M. Trudel: ...les activités sur le territoire, là, par M. Réal Forest, le directeur général du CRD.
M. Delaunay (Jean-Marie): Là, la population a commencé à voir quand vous avez fait les tournées. Mais ce n'est pas toute la population, on vous le disait, qui vont dans des assemblées.
M. Trudel: Il n'y a pas de non, non, non, non. Il n'y a pas de non, non, non, c'est oui. Il y a eu des activités, puis elles se sont tenues, puis il y a 800 personnes qui ont été rencontrées.
M. Delaunay (Jean-Marie): Oui, c'est vrai...
M. Trudel: On ne peut pas dire n'importe quoi puis laisser passer n'importe quoi, ce n'est pas vrai, là. Il y a eu des activités, il y a eu la formation d'une table, il y a eu des intervenants. C'est comme ça que ça s'est passé.
M. Delaunay (Jean-Marie): Ce n'est pas ça que je veux dire là, je veux dire qu'il y en a eu du monde aux assemblées. Mais, quand il y a 200 personnes dans une assemblée puis que, dans la population, il y en a 3 000, il y en a toujours bien encore 2 500 qui ne l'ont pas su ce qui s'est passé. Ça, il devait y avoir une ligne 800, puis toutes les informations. Je pense que ça, ça n'a pas été vraiment mis en action. Mais on est d'accord que ça continue. Puis je le dis à plusieurs occasions, il faut une entente, il faut s'asseoir puis la trouver, l'entente. Et ce n'est pas nouveau ce que je vous dis, en Haute-Côte-Nord, vous le savez, vous nous avez... le ministre du temps nous avait déjà donné un négociateur spécial pour la Haute-Côte-Nord, vous le savez. Bon.
Et peut-être ce qu'on a... si on vient ici se dire ce qu'on en pense, M. le ministre, pendant huit, neuf rencontres de la table régionale, nous en avons fait des propositions, nous en avons eu des discussions. Mais, quand l'entente de principe... puis là ils nous disent... ils nous disent: C'était rien qu'une entente de principe, partez pas en peur, puis... bon, c'est une entente de principe. Mais, M. le ministre, on n'a rien, rien vu dans l'entente de principe, rien. Des discussions, des choses qu'on demandait à la table, on n'en a pas eu. Vous nous avez envoyé un délégué spécial, on ne s'est pas entendus, je ne sais pas pourquoi, il n'y a rien qui a résulté. L'Approche commune a été placée dans l'entente de principe exactement comme l'entente de principe... comme l'Approche commune a été écrite. Il me semble que ça aurait été le fun que, dans l'entente de principe, il y ait quelques petites modulations à quelque part pour nous dire: Bien, écoute, ils ne sont pas assemblés pendant huit, 10 assemblées pour rien, ils n'ont pas discuté pendant combien de temps, des 10 heures... Ils n'ont pas fait deux heures, trois heures de voiture le soir pour retourner chez eux en pleine nuit pour rien. Mais on n'a pas vu ça, là.
Est-ce que vraiment on s'en va vers une entente qui va être une entente juste et équitable pour tout le monde? C'est ça qu'on veut. D'après moi, puis, si vous lisez le mémoire au complet, d'après moi, oui, les Blancs, ils ont des droits aussi. Oui, les autochtones ont des droits. On en a, des droits, on a fait partie du territoire depuis, nous autres, les 250, 300 ans aussi, on en a. Mais il faut s'asseoir ensemble et c'est ça qu'on vous demande dans la finition de notre mémoire. On demande un négociateur parce qu'à Essipit ? puis vous l'avez approuvé, vous, dernièrement, puis avant ? ce n'est pas pareil, Essipit. Je ne vous sors pas des mots de la bouche, M. le ministre, ça a été dit depuis deux ans, ce n'est pas pareil. Puis je l'ai dit quand j'ai participé à la journée Mamuitun à Baie-Comeau devant M. Kurtness, puis j'ai dit à M. Kurtness puis à M. Denis Ross: Assoyons-nous ensemble, à la MRC. Assoyons-nous, discutons. Moi, je n'ai jamais vu ça, des négociations, moi, où tu parles à un, puis l'autre va parler à l'autre: Lui, il a dit ça; va donc lui dire s'il veut avoir ça. L'autre, il veut ça; veux-tu avoir ça? Non, bien, je veux... Pourquoi faire qu'on ne s'assit pas en face? Puis, si on a un bout de territoire qu'on ne s'entend pas, peut-être qu'assis avec tous ensemble à la table, les cinq, six personnes, sept, huit personnes, on va pouvoir s'entendre.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le préfet.
M. Trudel: ...nous fait une recommandation à cet égard-là. C'est reçu positivement.
Le Président (M. Lachance): Très bien. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci, M. le Président. Bienvenue aux représentants de la MRC de La Haute-Côte-Nord pour votre présence ici aujourd'hui. Nous avons compris qu'au niveau de la circulation de l'information il y avait un problème dans le passé, il y a un manque de transparence, et on cherche également... de trouver un moyen que votre participation peut être reflétée dans les ententes. Alors, le message est bien reçu, nous avons bien noté ça.
n
(14 h 40)
n
Mais je vais prendre juste le dossier d'Essipit, parce que c'est quelque chose qui a été soulevé, les gens d'Escoumins étaient ici hier, c'est noté dans le rapport de M. Chevrette. Mais je vise plutôt l'avenir et je regarde les positions qui ont été prises ici, et, de distance ? moi, je suis un député de Montréal ? je regarde des deux côtés et je dis: Les chances d'arriver à une entente sembleraient très minces. J'essaie de voir comment... Parce que ce n'est pas un dossier qui date d'hier, il y avait l'agrandissement de la réserve qui a été fait au milieu des années quatre-vingt-dix qui a causé, relativement parlant... un petit agrandissement qui a déjà causé des problèmes. Avant d'envoyer quelqu'un passer six semaines, parce que c'est ça, l'échéancier qui est prévu dans le rapport de M. Chevrette, c'est quoi qui me donne l'espoir qu'on peut arriver à une entente? Parce que j'entends les deux côtés. Il y a les malentendus, je reviens... Ce n'est pas la commission qui a inventé le chiffre d'un taux de chômage de 40 %, c'est dans le document que la municipalité des Escoumins a déposé. Alors, je prends ça, c'est un chiffre de 1996, peut-être que ça a changé depuis un certain temps. Je vous invite à une certaine nuance avec le mot «riche» aussi, parce que peut-être que les conditions à Essipit sont, dans les chiffres qui ont été déposés, légèrement avantagées en comparaison avec Les Escoumins, mais, de là à dire «riche», je pense que c'est un mot qu'il faut peser, et il faut être prudent avec l'utilisation de ce mot. Mais c'est quoi qui me donne l'espoir que, après les difficultés, en six semaines on va être capable de régler quelque chose qui a pris beaucoup de temps, et on n'est pas encore au rendez-vous?
M. Delaunay (Jean-Marie): Moi, c'est le bon vouloir des deux partis. C'est certain que, s'il y a un parti qui traîne de la patte puis qui ne veut pas, ça va prendre du temps puis il n'y en aura pas. Mais, moi, j'ai vraiment l'espérance qu'on est capable d'en venir à une entente parce qu'il y a de place pour tout le monde puis on peut vivre ensemble. Il faut se rappeler qu'on vit ensemble, qu'on a toujours vécu ensemble. Il y a certainement eu à un moment donné des brasse-camarades à quelque part, mais on en a, entre Blancs, des brasse-camarades, il peut y en avoir eu d'autres. Mais c'est des choses qui se sont faites dans le passé. Puis il me semble qu'on a peut-être avec... en présentant l'Approche commune, on a peut-être plutôt rouvert un dossier qui était peut-être fermé: Bon, là, ils veulent avoir des territoires; nous autres, on ne veut pas trop leur en donner, mais on est capables de discuter pour s'entendre. C'est là-dessus qu'il faut aller. Il faut sincèrement que les chefs puis que les Blancs, on ait l'espérance, l'espoir qu'on va en arriver à une entente, puis il faut la faire, l'entente. C'est clair, là? Arrêtons de dire: Ils ont tout, puis ils ont tout, puis, eux autres, ils ont tout, puis ils ne paient pas de taxes, ils ne paient pas d'impôts. On est tannés de dire ça, hein. On est tannés de se faire dire, nous autres, les élus: Eux autres, ils ont tout. Ils veulent en avoir un, gouvernement? Qu'on leur en donne un, gouvernement. On est pour ça. Qu'ils paient des impôts, qu'ils taxent leur monde, puis qu'ils paient tout, qu'ils paient leurs taxes, c'est ça qu'on veut. Mais, pour en venir là, il va falloir peut-être que des gens, des deux côtés... il y a de l'ouvrage à faire des deux côtés, mais on est capables de s'entendre. Il faut s'entendre. Ça a assez duré.
Puis la pire affaire qui pourrait nous arriver, c'est de prendre le bord des tribunaux avec ça. Je l'ai dit tantôt, d'après moi, avec ce que je peux connaître de l'histoire, les autochtones, ils ont des droits, mais les Blancs, on a des droits aussi. Puis, ça, en commençant les négociations, il faudrait que les deux partis s'ancrent ça en eux autres mêmes, qu'on s'assit pour s'entendre puis pour faire quelque chose de bien pour l'avenir, si on en veut, une entente. Nous autres, je pense que ça a toujours été dit, j'ai suivi un petit peu ce qui s'était passé ici... en tout cas, la majorité dit qu'on veut une entente, puis on veut s'entendre, puis on veut parler. Mais, de leur bord aussi, il faut qu'ils soient de même, il n'y a pas rien qu'un bord. Moi, je pense qu'on peut... Puis je vous le répète, puis je le répéterai tout le temps, j'ai bonne espérance qu'on va... qu'il faut signer une entente.
M. Kelley: Merci, M. Delaunay, et je trouve ça intéressant. Peut-être une autre tendance que j'ai vue dans le mémoire, il y a une revendication territoriale qui date de très longtemps, je pense que ça fait 23 ans maintenant qu'à la fois le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada ont accepté qu'on a un tort dans le passé qu'il faut corriger. Alors, dans le mémoire, on a dit: L'argent qui est envoyé dans ces communautés, c'est pour faire le rattrapage. Mais, d'une certaine façon aussi, ce n'est pas lié aux conditions dans ces communautés, c'est une indemnité, parce qu'il y avait des choses qui s'étaient passées dans le passé qu'il faut corriger. Alors, le fait que les conditions sociales dans Betsiamites sont différentes d'Essipit, je ne pense pas que ça rentre dans la détermination que qu'est-ce qu'on est en train de regarder ici... que les cours ont décidé que, dans le passé, il y avait un tort à corriger, et, entre autres, on essaie de le faire avec de l'argent, on essaie de le faire avec l'autonomie gouvernementale. Alors, c'est un genre de package deal qu'on est en train de mettre ensemble pour corriger une situation du passé.
Je pense à un autre élément qui est dans votre mémoire. Parce que, à Essipit, ils sont aisés, entre guillemets ? on va avoir un débat sur qu'est-ce que ça veut dire. On ne doit pas verser davantage d'argent chez eux, et ça n'a rien à voir à mon avis, parce que c'est vraiment lié à la revendication territoriale, à un passé, avec la Loi sur les Indiens qu'il faut composer avec.
Un des autres groupes qui est venu hier, un des éléments ? pour revenir à Essipit parce que, souvent, ce sont des questions d'Essipit qu'ils soulèvent ? on a parlé des lots, des terrains le long de la 138. Est-ce qu'il y a une mécanique de cogestion? Est-ce qu'il y a une solution mitoyenne qu'on peut envisager? Parce que, sinon, les gens d'Escoumins ont dit: Pas question d'avoir ces terrains cédés. Je suis presque convaincu que, pour les Innus d'Essipit, qu'ils aimeraient avoir accès à ces terrains sur la 138. Alors, c'est quoi qui peut me donner l'espoir qu'il y a un terrain d'entente entre ces deux positions qui, à mon avis, sembleraient assez difficiles à réconcilier?
M. Delaunay (Jean-Marie): Moi, je crois toujours à ce que je vous ai dit tantôt, que je voulais négocier à la table. Je crois qu'on peut s'entendre. Ça fait longtemps qu'Essipit, que tout le monde, Essipit, et nous autres, et des Blancs, on travaille ensemble. Le chef Denis Ross, ça fait 35, 30 ans qu'on le connaît. On a vécu ensemble. J'ai fait du hockey mineur avec. On le connaît. On se connaît tous. On se parle. On est des chums, on est des amis partout à Bersimis, partout. Et, si on s'assit puis qu'on discute comme il faut, qu'on essaie de se comprendre, on est capable de réussir des choses plus que de se lancer des flèches, si vous voulez, par la radio, la télévision, tout ce que vous voudrez. Tu sais, on s'assit, on se parle. On est du bon monde, tout le monde. On n'est pas en guerre. Et il n'y a pas plus de guerres entre eux autres puis les Blancs.
Quand j'ai été à la journée Mamuitun à Baie-Comeau, j'ai fini en disant à un moment donné: Je suis arrivé sur la Côte-Nord, moi, je viens de la Rive-Sud, d'Amqui. Je suis arrivé sur la Côte-Nord en 1949 pour jouer au hockey. Il y avait un club de hockey à Bersimis, il y en avait aux Escoumins, il y en avait à Forestville. On jouait du hockey contre Bersimis. On ne jouait pas du hockey contre les Indiens; on ne jouait pas du hockey contre des sauvages; on ne jouait pas contre des... on jouait du hockey contre des joueurs de hockey. On jouait contre Bersimis. Puis il n'y avait pas plus de bagarres quand on jouait contre Bersimis qu'on en avait contre Escoumins ou contre Forestville. Il n'y en avait pas plus. On s'entendait bien, puis on les recevait après, puis c'était le petit party après, puis... Bon. Pourquoi faire qu'aujourd'hui, à cause qu'on s'en vient avec une Approche commune, il faut absolument qu'il y ait des tensions? Il y en aura toujours, je vous l'ai dit tantôt. Il y en a entre les Blancs et... Bon. Mais assoyons-nous puis soyons persévérants.
Et, moi, je ne voulais pas l'emmener, mais vous m'incitez quasiment à dire l'avenir. Bien, moi, écoutez, je suis bien placé puis je suis mal placé. J'ai un de mes frères qui est père Oblat, qui est missionnaire, puis qui est curé de Mingan. Puis vous savez que Mingan, c'est une réserve indienne. Je peux vous dire qu'il y a 30 ans ? il est là, ça fait 35 ans ? dans les premières années, quand on se parlait d'autochtones puis d'Indiens, on se parlait pas mal raide. Il y avait des discussions où il fallait qu'on mette nos fiertés de côté. Mais ça a évolué, et j'ai évolué avec, beaucoup. Et je lui demandais, la semaine passée, quand on a su qu'on venait ici, je lui ai demandé: Écoute, as-tu un conseil, quelque chose? Tu sais, tu es un Blanc puis tu travailles avec des autochtones, ça fait 30 ans. Puis qu'est-ce que tu ferais, là? Il a dit: Le plus beau conseil que je peux te donner... Puis là vous allez rire de moi peut-être de ce qu'il m'a dit, mais je vais vous dire ce qu'il m'a dit... Il a dit: Mettez donc le Seigneur dans... tu sais, mettez donc le Seigneur. Vous n'avez pas regardé en haut, vous regardez en bas sur des cartes, vous voyez des territoires, des terrains, puis tout ça: Ça, ça devrait m'appartenir; ça, ce n'est pas à moi; ça... Il a dit: Vous n'avez jamais levé les yeux au ciel. Regardez donc en haut, demandez-lui donc conseil un peu, peut-être qu'Il peut vous éclairer. Et, moi, c'est ça que je veux. J'ai l'espérance, moi, que ça peut réussir puis qu'on peut réussir à faire quelque chose de bien. Puis peut-être qu'on sera reconnu au travers du monde d'avoir réussi quelque chose de bien. Mais, pour ça, je le dis encore, il faut que les deux partis le veuillent.
n
(14 h 50)
n
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, messieurs. Il y a une question qui vous a été posée, M. le préfet, tantôt par le ministre, à savoir: En quoi les outils de développement économique qui sont actuellement à votre disposition, à savoir le programme ACCORD, vous avez aussi les crédits d'impôt sur la masse salariale pour la deuxième et troisième transformation, sont-ils insuffisants pour contrer ou encore pour pouvoir équivaloir aux avantages qu'on peut retrouver sur la réserve Essipit?
M. Delaunay (Jean-Marie): Oh! répondre à ça, madame, c'est... Est-ce qu'on a assez d'entrepreneurs sur la Haute-Côte-Nord? Est-ce que le monde viennent... l'entreprise? Est-ce que c'est ça qu'il manque? C'est peut-être une étude qu'il faudra faire, avec tout ce qui se passe dans le moment. Je ne sais pas si le directeur général de la MRC pourrait répondre un peu là-dessus. Moi...
Le Président (M. Lachance): M. Tremblay.
M. Tremblay (Alain): Oui, je peux peut-être intervenir. C'est parce que... O.K., on parle de deuxième et troisième transformation. Mais, par contre, Essipit ne travaille pas dans la deuxième et troisième transformation. Nous, ce qu'on veut, ce sont des instruments pour travailler d'égal à égal à eux, O.K.? Alors, s'ils investissent, nous aussi, on devrait être capables d'investir, tout comme le gouvernement a ouvert la porte actuellement, donnant l'autorisation aux MRC, aux municipalités d'investir dans des SOCOM. On prend de l'argent, on investit, on est partenaire tant avec Hydro-Québec qu'avec d'autres promoteurs au niveau hydroélectrique et, à ce moment-là, on est des partenaires. On parle d'égal à égal. Peu importent les outils que le gouvernement va mettre sur pied... il y en a, de l'argent; en Haute-Côte-Nord, il y en a, de l'argent, mais on manque d'entrepreneurs. Nous, on investit, mais via des entreprises d'OSBL et toutes sortes de différents organismes comme ça. Mais ce qu'on veut, c'est de l'argent et de travailler d'égal à égal. S'il y a une entreprise à acheter, s'il y a une entreprise dans laquelle... qu'on peut mettre sur pied et que le conseil de bande est prêt à investir, nous, on investit en investisseur, en chef d'entreprise. C'est ce que l'on veut. Et c'est ce que... Actuellement, tous les outils que les ministères nous donnent, que les différents organismes nous donnent, on n'est pas en mesure de le faire parce que c'est sans but lucratif puis on ne peut pas investir directement, il faut passer par différents organismes. Et ce n'est pas la MRC qui investit directement, tout comme on le fait pour les SOCOM actuellement.
Mme Gauthier: Bien, je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui, bonjour, bienvenue dans votre Assemblée nationale. Je me demande des fois... C'est parce que, au niveau des capacités du gouvernement, on a vu des fois des... Puis je pense que tout ne sera pas nécessairement réglé dans le cadre de l'entente de l'Approche commune. Il y a des choses que les gouvernements sont capables de faire aussi en dehors de ce contexte-là pour réussir à venir en aide à des collectivités. Puis particulièrement tout ce qui est de la région de la Haute-Côte-Nord, il y a un sentiment d'abandon qui est très fort, qui s'est fait connaître au cours des dernières années, puis qui est vraiment ressenti par la population. Les gens ont l'impression qu'ils n'existent plus dans la feuille de route du gouvernement actuel.
On a vu des efforts qui ont été posés par le gouvernement actuel pour venir en aide, malgré certains principes, à des régions. Je pense au quai de Gaspé ou de Percé où le député avait fait une demande de dérogation au niveau de la Loi sur l'environnement pour pouvoir procéder plus vite. Ça fait que, malgré le cadre existant, on est quand même capable de faire des gestes pour venir en aide à ce coin-là pour que l'économie se relance. En opposition à ça, je vois le quai des Escoumins où il ne se passe pas grand-chose, où ils ont annoncé qu'ils allaient patcher un peu pour qu'on réussisse à s'accrocher dessus pendant un an. Mais il y aurait là, à mon avis, peut-être des possibilités d'aider à la relance économique d'un secteur si le gouvernement y accordait un petit peu plus de volonté. Je pense aussi, M. le ministre, il y a la question des cochons. Dans votre comté, on manquait de cochons pour faire du bacon avant les Fêtes puis on a dérogé au moratoire provincial afin de réussir à approvisionner des usines.
Peut-être que là-dessus, M. le maire de Longue-Rive, vous pourriez nous entretenir. Il y a des projets qui existent, qui sont sur la table, et, en raison de ce refus ferme du gouvernement de ne pas modeler, disons, ses politiques provinciales pour venir en aide à des coins qui peuvent se sentir plus abandonnés comme celui de la Côte-Nord puis de la Haute-Côte-Nord, ça fait en sorte qu'à un moment donné, quand on voit un gouvernement qui s'intéresse à la question autochtone puis qui dit: On va régler la question autochtone, on va la régler, mais qu'en même temps tu dis: Oui, mais, nous, nous autres, on est tout abandonnés puis il n'y a personne qui s'occupe de nous autres, il me semble que là il y a effectivement les premières flammèches de deux pierres qui se frottent ensemble.
Peut-être, M. Tremblay, maire de Longue-Rive, que vous pourriez me parler de ce sentiment-là, ce sentiment d'abandon puis des projets que vous pourriez réaliser s'il y avait un peu de contribution du gouvernement, qui pourraient être des projets réalisés en collaboration avec Essipit aussi, des partenariats qui pourraient s'établir.
M. Tremblay (Mario): Oui. Dans un premier temps, M. le Président, moi, mon option que j'aimerais faire, M. le ministre aussi... Je voudrais prendre l'exemple d'un jeune Blanc, mettons, de 25 ans qui veut se partir en entreprise et puis d'un jeune qui est sur une réserve. Présentement, les outils qu'il a, celui qui est sur la réserve, je pense, sont plus avantageux présentement pour se partir en entreprise, plus rapidement, puis avec aussi l'argent qui est à son bord, que le jeune Blanc qui est à côté, qu'il faut qu'il passe par les CLD, les CRD, etc. C'est plus lourd d'avancement. C'est ça, ma situation.
Puis ce que M. Corriveau disait, c'est qu'au niveau des porcheries, je sais qu'il y a un moratoire qui est levé au Québec, peut-être qu'à un moment donné il va y avoir des projets qui vont s'en venir pour s'assire... Quand on sait qu'il y a des investisseurs qui seraient capables de venir investir de 10 à 15 millions en Haute-Côte-Nord, c'est des projets peut-être que dans le futur il va falloir s'assire puis il va falloir voir ensemble, avec les normes aussi gouvernementales. C'est ça, en gros, que... Puis, au niveau de l'économie, bien, ça va créer de l'emploi.
M. Corriveau: Dans un souci du respect de l'environnement, évidemment, où il y avait eu plusieurs arguments qui avaient été apportés dans votre comté, qui sont des arguments qui seraient très valables aussi dans le comté, particulièrement en Haute-Côte-Nord, et il y a une situation qui serait intéressante pour créer de l'emploi ou amener justement cette disparité-là peut-être à être un petit peu moins importante puis à calmer les tensions.
M. Trudel: ...
M. Tremblay (Mario): Non, il n'y a pas de projet encore en tant que tel, là. C'est des pourparlers encore.
M. Corriveau: Non, c'est embryonnaire. Mais, disons, c'est qu'à un moment donné on se demande, en région...
M. Trudel: ...à un endroit au Québec, j'imagine, puis trois points de suspension.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Corriveau: Évidemment, on se demande toujours, en région: Est-ce que ça vaut la peine de continuer de mettre des efforts dans cette direction-là si, au fond, le premier discours du ministère, c'est: Il n'en est pas question, il y a un moratoire partout? Est-ce qu'on travaille vainement?
Le Président (M. Lachance): Patience et ténacité récompensent.
M. Corriveau: Oui. Peut-être un dernier petit point...
M. Trudel: Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
M. Corriveau: Un dernier petit point. M. Delaunay, ma question habituelle. Au niveau du rapport Chevrette, au niveau du monde municipal, il y a la recommandation 26 qui fait une représentativité sur un comité de négociation où il y aurait trois élus qui participeraient. Est-ce que, à votre avis, trois élus pour l'ensemble de la Côte-Nord, ce serait suffisant comme représentativité au sein du comité de négociation?
M. Delaunay (Jean-Marie): Non.
M. Corriveau: O.K.
M. Delaunay (Jean-Marie): Ce serait trois élus par MRC, pas sur la Côte-Nord. Il faut savoir que la Côte-Nord, ça a 1 300 km de long, ce serait impossible. Je pense que ça prendrait trois...
Moi, j'aimerais peut-être revenir peut-être avec M. le ministre, si vous me le permettez. Dans les tables régionales qui vont continuer, j'espère, on avait demandé déjà à M. Bernard que, dans ces réunions-là, il y ait quelqu'un qui soit capable de rencontrer, après la rencontre, le jour suivant, qui serait capable de rencontrer les médias puis, tout de suite, immédiatement, si on veut savoir, la population, qu'est-ce qu'elle en pense là, de leur donner tout de suite qu'est-ce qui se passe à chaque table de négociations, après la table, et que, je ne sais pas, le gouvernement, qu'il nous donne une personne-ressource, quelqu'un qui est capable d'écrire vite puis capable de comprendre vite puis qui va aller chercher peut-être... assez vite, aller chercher des réponses à des questions qu'on pose à la table, qu'on n'est pas capable d'avoir, puis qu'on fasse ça vite, que, tout de suite, on informe la population de ce qui se passe, pas attendre six mois, huit mois, tout de suite, à un moment donné que ça se fait. Puis il y a des petits journaux locaux, qu'on peut mettre ça là-dessus aussi. Je pense que ce serait bien vu, ça, là, de la population, si on veut toujours venir à une entente.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le préfet.
M. Trudel: Vous parlez d'agent de liaison, je pense que votre député est d'accord aussi, il l'a mentionné, il l'a dit.
n
(15 heures)
n
Le Président (M. Lachance): C'est tout le temps dont nous disposions. Alors, merci, messieurs, de votre présence ici, à l'Assemblée nationale, aujourd'hui pour nous faire part de vos commentaires.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): J'invite les représentants du Groupement agro-forestier et touristique de la Haute-Côte-Nord pour prendre place à la table, s'il vous plaît.
Alors, bienvenue, messieurs. J'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez 20 minutes maximum de présentation.
Groupement agro-forestier et
touristique de la Haute-Côte-Nord inc.
M. Tremblay (Christian): Bonjour, M. le Président, M. et Mme les ministres, MM. et Mmes les députés, messieurs dames. Mon nom, c'est Christian Tremblay, je suis président du Groupement agro-forestier et touristique de la Haute-Côte-Nord, c'est-à-dire que je suis le représentant d'un nombre de 350 propriétaires de boisé privé sur la Côte-Nord; M. Marc Poissonnet, ici, à ma droite, est le directeur-gérant; et, à ma gauche, M. Denis Villeneuve, qui est ingénieur forestier, responsable de l'aménagement sur les boisés privés, qui est au Syndicat des producteurs de bois de la région de Québec qui étend ses ramifications jusqu'à la mise en marché sur la Côte-Nord, c'est-à-dire représente environ 15 000 propriétaires de boisé privé.
La présence à cette table se veut constructive. Notre but, c'est de faire en sorte que les territoires qui sont situés soit dans le Nitassinan ou dans le Innu Assi respectent les droits intégraux des propriétaires de boisé privé. Nous présumons que c'est aussi la volonté des communautés autochtones de voir que les droits de propriété sont respectés.
J'invite M. Poissonnet à nous faire lecture du mémoire qu'on vous a présenté, mais j'aimerais vous dire que ce mémoire-là qu'on vous présente, ça pourrait se résumer en une phrase, qu'on veut que tous les territoires privés soient exclus entièrement de l'entente. M. Poissonnet va faire lecture de l'entente, et puis après ça on pourra répondre si vous avez certaines questions à nous poser.
Le Président (M. Lachance): M. Poissonnet.
M. Poissonnet (Marc): Oui. Donc, à la page 1 du mémoire, on a la présentation de l'organisme. Je vais vous dire un peu qu'est-ce que le Groupement plus en détail, là. Fondé en 1985, le Groupement agro-forestier et touristique Haute-Côte-Nord est un organisme à caractère régional qui regroupe, après 17 ans d'existence, 351 propriétaires de boisé privé répartis, d'ouest en est, des municipalités de Sacré-Coeur, Tadoussac, jusqu'à Baie-Comeau. Son territoire d'intervention est représenté par une bande variant de 5 à 15 km le long du fleuve Saint-Laurent et totalisant une superficie d'environ 60 000 hectares.
L'organisme, dont le siège social est situé à Les Escoumins, a été constitué sous forme de compagnie, partie 1A de la Loi des compagnies du Québec, et ses membres, qui en sont actionnaires, doivent être propriétaires d'au moins 4 hectares boisés. À sa fondation, l'organisme s'est vu confier comme vocation première de promouvoir les activités d'aménagement forestier intégré sur forêt privée. Le rôle de l'organisme est donc de procurer à ses membres des services de conseiller forestier en matière d'aménagement forestier, faunique ou autres ressources liées au milieu forestier ainsi que des services d'exécutant de travaux sylvicoles. Puis là on a oublié de marquer aussi que notre rôle, c'est de défendre les intérêts de ces propriétaires-là.
Quelques données résultant du dernier exercice complété, 2001-2002, sont présentées au tableau suivant dans le but de mieux chiffrer l'importance. Donc, en 2001-2002, il y avait 47 emplois créés parmi les gens, là, répartis entre Tadoussac et Sainte-Thérèse-de-Colombier. Le chiffre d'affaires, c'est environ 2 millions. Propriétaires desservis: 124 sur 351. Les superficies aménagées en hectares, 618 ha ont été aménagés. Des chemins, il y en a eu pour 28 km. Puis on récolte environ 23 000 m³ bon an, mal an sur terres intramunicipales et forêts privées. Ça fait qu'au total cumulatif des travaux depuis notre fondation, en 1985, on a 7 111 hectares de travaux d'investis, là, en aménagement sur les terres privées et 7,6 millions de plants de reboisés.
La mise en contexte de notre démarche aujourd'hui, là, c'est dans le paragraphe qui suit. C'est en octobre 2001 que des rumeurs commençaient à circuler parmi la population à l'effet que des négociations se menaient à huis clos entre gouvernements et autochtones à propos de territoires englobant les propriétés privées en Haute-Côte-Nord. Lors de l'assemblée générale annuelle de notre organisme tenue en novembre 2001, ces rumeurs furent confirmées et une résolution fut prise afin que notre organisme soit représenté à la table régionale de consultation dans le but d'y faire respecter le droit de la propriété de l'ensemble de ses membres. Malgré nos revendications et celles de plusieurs participants, dont certains élus municipaux, à la table de négociations par voie écrite, c'est avec dépit que nous devons constater que le document intitulé Entente de principe d'ordre général et signé par les trois négociateurs englobe, dans sa cartographie, la totalité des propriétés forestières privées de la Haute-Côte-Nord à l'intérieur du Nitassinan et une certaine partie dans le Innu Assi.
Donc, le présent mémoire a fait l'objet d'une approbation de l'ensemble de nos membres ? les 351 membres dont on parlait ? par voie de résolution qui a été prise lors de notre dernière assemblée générale, le 15 novembre 2002.
La problématique, on vous la décrit comme ça. Le droit à propriété se définit ainsi: c'est le droit d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien, sous réserve des limites et des conditions d'exercice fixées par la loi. Il est écrit, de plus, dans un dépliant récemment intitulé Québécois Innus, sur un même territoire... De voisins à partenaires, que le Nitassinan désigne un territoire qui demeurera sous pleine juridiction québécoise, mais où les gouvernements innus pourront réglementer certaines activités traditionnelles.
Le seul fait d'englober les propriétés privées à l'intérieur d'un document tel que l'entente de principe a pour effet d'induire une future limitation ou altération du droit de la propriété sur lesdites propriétés. Il est difficile de concevoir qu'une telle entente, en plus de proposer le non-respect du droit de la propriété selon sa définition légale, favoriserait une application différente de ce droit pour les citoyens de la Côte-Nord par rapport aux citoyens des autres régions du Québec non touchés par l'entente.
Les propriétaires de boisé de la Côte-Nord ont pour la plupart développé un sentiment d'appartenance et de fierté sur leur boisé et s'attendent, comme tout citoyen, à ce que leurs droits de cette propriété-là soient respectés dans leur intégralité. Parmi toutes les régions du Québec, c'est sur la Côte-Nord que l'on retrouve la plus faible proportion de territoires privés, soit moins de 1 % ? exactement, c'est 0,8 % du territoire qui est privé dans les revendications territoriales innues ? comparativement à 12 % pour l'ensemble de la province. Est-ce là une raison valable pour balayer du revers de la main les droits de quelque 850 propriétaires, dont 600 sur la Haute-Côte-Nord, de terre boisée privée?
Si le gouvernement désire à tout prix régler la question des revendications territoriales avec la nation innue, qu'il discute des territoires dont il a la propriété, c'est-à-dire les terres publiques, et non des propriétés de tiers sans leur consentement, soit les terres privées. Aller contre ce principe équivaut à un non-respect et à une remise en question à l'ensemble du pays du droit fondamental de notre société qu'est le droit de la propriété.
Si la communauté innue désire agrandir son territoire ou exercer des droits qu'elle revendique, comme le Nitassinan, sur des propriétés privées déjà existantes, que cette démarche se déroule de gré à gré avec les propriétaires concernés selon les lois existantes afin d'éviter toute situation pouvant nuire à la paix sociale dans notre région.
Finalement, à la page 3, on a travaillé un peu l'entente. Mais, on n'est pas avocats, on a seulement sorti, là, les recommandations que nous, on croit qui doivent être faites dans cette entente avant qu'elle soit ratifiée par le gouvernement, et ces recommandations-là vont dans le même sens que la recommandation n° 7 de M. Chevrette dans son rapport qu'il a déposé il y a quelque temps.
Nous vous demandons donc d'intervenir dans ce dossier afin que nos droits de propriété soient respectés dans leur intégralité au même titre que tout citoyen du Québec et qu'à cet effet le territoire revendiqué dans l'entente de principe fasse exclusion des territoires municipalisés de tenure privée.
En conséquence, sans être exhaustives, les améliorations demandées à l'entente de principe sont les suivantes:
Au chapitre IV, section 4.5.1, enlever les trois derniers mots du paragraphe. Et le paragraphe se lit comme ça: «Selon les mécanismes qui seront prévus au traité, les droits de propriété et d'utilisation privative des tiers qui existeront à la date du traité sur Innu Assi seront respectés.» Et là on rajoute un «ou compensés équitablement». Ça ne peut pas rester, selon nos principes, comme ça. C'est respecté ou ça ne l'est pas.
n
(15 h 10)
n
Ça fait que chapitre V, section 5.8, modifier le titre de section par le suivant: «Territoires particuliers».
Chapitre 5, section 5.8.1, enlever de cette section le terme «terrains privés» à l'item Terrains privés et terrains du domaine de l'État sous bail.
Et, à l'annexe 4.1, 4.2 et 4.6 ? ce sont les cartes qui délimitent le territoire du Nitassinan et de l'Innu Assi ? distraire des territoires Innu Assi et Nitassinan qui sont cartographiés et décrits par texte les superficies de tenure privée dans le territoire municipalisé. Voir la carte en annexe.
Nous sommes confiants que notre démarche est tout à fait légitime et que vous saurez la considérer à juste titre dans un esprit et souci de justice ainsi que de saine démocratie. Veuillez agréer, mesdames et messieurs de la commission, l'expression de nos sentiments distingués.
Donc, à l'annexe I et les pages qui suivent, on a la liste des 350 membres qui ont endossé ce mémoire-là à notre assemblée de novembre dernier. Et puis vous avez, à l'annexe II, la carte qui vous donne un peu l'importance relative des territoires de propriété privée sur la Haute-Côte-Nord et un peu plus loin que la Haute-Côte-Nord.
Le Président (M. Lachance): Merci, monsieur, pour votre présentation. Alors, nous allons débuter maintenant cette période d'échange avec M. le ministre responsable des Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. On va souhaiter la bienvenue à des représentants, donc, du monde forestier, des boisés privés. Et d'avoir pris le soin de regarder cela, de nous transmettre vos impressions, vos recommandations pour nous aider à progresser... Pas spécialement pour vous, mais, à vous écouter ? et on se l'est fait dire plusieurs fois ici ? tout le monde veut aller au ciel, mais il n'y a personne qui veut mourir. C'est Petula Clark, hein? C'était bon, cette chanson-là, d'ailleurs. Tout le monde veut aller au ciel, mais personne... Tout le monde est en faveur de la négociation, moins un, tout le monde est en faveur de la bonne entente, tout le monde est en faveur de l'encadrement des droits qui ont été reconnus par les tribunaux et le législateur, mais sans qu'on compose avec ce qui est le droit actuel. Puis ce n'est pas étonnant qu'on soit là, qu'on soit dans cette situation-là, parce que vous et moi ? vous avez absolument raison, et votre mémoire est très bien fait là-dessus ? comme on dit communément en des termes moins juridiques, avec les cours, les décisions des cours, on a eu un méchant choc, tout un choc, parce que...
M. le directeur général nous donnait la définition de ce que c'est que le droit de propriété, qui se définit comme le droit d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien, sous réserve des limites et des conditions d'exercice fixées par la loi» Et, c'est précisément, très précisément ce que les tribunaux nous ont dit, c'est que nous, qui avions historiquement la prétention d'une application intégrale de cette définition, il fallait maintenant entrer dans notre définition qu'il y a des activités ancestrales ? pas n'importe laquelle ? des activités ancestrales qui pouvaient s'exercer sur nos territoires, et puis ils nous ont renvoyé la balle, et à vous et à nous, et à tout le monde, de s'entendre sur l'encadrement de ces droits. Alors, on comprend que ce choc qui nous est arrivé... Et c'est l'une des négociations en vue de déterminer les règles ? pour en avoir d'abord ? d'application et d'exercice de ces droits qui nous amène tous et chacun autour de la table.
Quand on est propriétaire de boisé privé, comme je le suis ? j'en ai 90 000 que je cultive ? est-ce que vous avez l'impression nettement que d'être dans le territoire du Nitassinan vous enlève des droits de jouissance de votre bien privé?
M. Tremblay (Christian): Votre question est posée directement.
M. Trudel: Oui, oui, oui, parce que tout le monde a l'air bien, bien franc là-dedans, comme toujours ici, d'ailleurs.
M. Tremblay (Christian): Je suis assez, disons... Si je vous réponds personnellement, je pense que je peux voir assez grand pour dire que, un moment donné, je ne me sens pas tellement lésé personnellement, connaissant les gens des communautés qui nous entourent. On sait que ce sont des gens qui... Premièrement, je suis persuadé qu'ils n'oseront pas venir exercer un droit ancestral sans demander de permission. On les connaît bien, c'est des gens de chez nous, là. Par contre, ce n'est pas tout le monde qui sont comme moi.
Demain matin, je décide de vendre ma propriété. Il y a quand même des gens racistes, ça existe, je pense. Il ne faudrait pas, mais il y a des gens qui vont se sentir mal à l'aise d'occuper un territoire où certaines personnes ont certains droits sur ce territoire-là. Et, au point du droit, quand on rencontre un notaire, il nous dit: Ça peut aller entre 5 à 25 000 $, un droit consenti à un tiers sur une propriété, un droit de chasse, un droit de cueillette, un droit d'accès, une route forestière, accès pour un lot, etc. C'est un peu ça qui nous inquiète.
À cette heure, il y a une chose, c'est 0,8 % du territoire qui est demandé par les communautés, la propriété privée qu'il y a sur ce territoire-là, 0,8 %. Entre nous autres, on ne pourrait pas déplacer un petit peu la ligne vers le haut pour donner 0,8 % de plus de territoire puis se dire une fois pour toutes: C'est correct, ces droits-là s'exerçaient? Je suis d'accord. Je ne veux pas l'enlever, ce droit-là, il existe, et ça leur a été donné. Mais, dans une négociation, on peut accepter que, même si un droit nous est accordé, on peut en user ou ne pas en user. On peut dire: Oui, on comprend, il faut vivre en harmonie avec une communauté qui nous entoure, déplacez donc d'environ 1 % la ligne un peu plus haut, puis, sur les territoires privés, on ne touchera pas à ça. On retrace la ligne de façon différente. D'abord, il y a quelqu'un qui l'a tracée, cette ligne-là quelque part.
M. Trudel: Est-ce qu'on parle, là, de Nitassinan ou de Innu Assi?
M. Tremblay (Christian): Nitassinan.
M. Trudel: O.K. Parfait. Très bien. Continuez.
M. Tremblay (Christian): Et, dans le Innu Assi, on vous le dit, à l'intérieur, si la communauté autochtone désire agrandir son territoire, c'est que l'achat... Si le gouvernement, lui, veut consentir des territoires à cette communauté-là dans le Innu Assi, on ne s'objecte pas. Mais, pour ce qui est des propriétés privées, on demande que ça se fasse de gré à gré. On ne dit pas «et/ou pourraient recevoir une compensation», parce que «et/ou recevoir une compensation», ça veut dire que peut-être qu'on pourrait aussi t'exproprier. On dit de gré à gré. Point. Et, après le point, c'est fini d'habitude, là. Nous autres, c'est ce qu'on amène à la commission face à cette question-là.
M. Trudel: Quand on parle d'Innu Assi, là, parce que, en Nitassinan, cela ne concerne que la pratique. Les tribunaux nous ont dit ça, que les pratiques d'activités traditionnelles et la négociation au niveau d'un certain nombre de royautés, cela ne toucherait pas, pour l'essentiel, par exemple, à l'activité d'un producteur en boisé privé. Ça ne donne pas le droit d'aller couper votre bois, parce que... Et je vous comprends très bien sur ce que ça signifie, oui, en termes d'effet juridique, parce qu'il faut qu'on soit capable de faire la lecture. Je m'en irais pratiquer une activité sportive de chasse sur votre boisé privé, vous me prieriez de quitter, et je devrais quitter. Un membre d'une première nation ferait la même chose, irait devant les tribunaux, et il a... Alors, ce ne sont pas des droits qu'on accorde. Ce qu'il est cherché à atteindre comme objectif, c'est de se fixer des règles, parce que, dans toute société, la connaissance des règles et qui peuvent avoir force de droit pour tout le monde de la première nation, eh bien c'est un très net avantage, parce qu'on est en matière privée ici. La pire règle en entreprise privée, c'est de ne pas avoir de règles. Quand on ne sait pas... Quand le banquier ne sait pas c'est quoi, les règles, il dit: Regarde, il y a trop d'incertitude. Il y a trop d'incertitude, je ne prête pas sur ton bien.
n
(15 h 20)
n
Est-ce que vous pensez que, à l'égard de l'exercice des activités traditionnelles de chasse, de pêche, de piégeage, de trappage, on peut en arriver à établir avec les propriétaires de boisé privé ? je ne parle pas de propriétés, là ? qu'on peut en arriver à établir des règles claires qui seraient, si c'est dans le traité, dans l'entente complémentaire, donc obligatoirement respectées par tout le monde? En somme, croyez-vous à ça?
M. Tremblay (Christian): Je trouve ça drôle un peu de voir qu'on va s'appliquer à s'asseoir des jours et des jours pour conclure des ententes, pour dire non à un territoire quand ça serait facile de résumer dans une phrase, dire: Le territoire des boisés privés ne fera pas partie de l'entente. C'est simple comme bonjour, là, propriété privée. Toute propriété privée ne fera pas partie de l'entente. Ça ne se discute plus après. Là, on va s'attarder à faire des lois qui vont...
M. Trudel: Vous avez l'air d'avoir... Tout le monde serait d'accord, sauf les juges de la Cour suprême.
M. Tremblay (Christian): Peut-être, mais pas sur un traité. Lors d'un traité, on est en pleine négociation, on peut dire oui et non à tout, là. La Cour suprême, après que le traité va être signé... La Cour suprême va dire: Je suis en mesure de reconnaître ce traité-là comme étant valable. Et tout ce qui a été mis à l'intérieur, pour moi, c'est valable, ça ne se discute pas. On a décidé que les propriétés privées demeuraient privées et on n'exerçait pas de droits dessus, puis je le reconnais à ce moment-là. Je pense que c'est simple comme bonjour, puis on n'a pas à se casser la tête pour dire: Est-ce qu'on faire plaisir à Pierre, Jean, Jacques?
Et il ne faut pas oublier que tous les boisés privés, entre nous autres, c'est une fameuse de belle réserve écologique. Beaucoup de propriétaires de boisé privé sur la Côte-Nord pratiquent l'aménagement faunique aussi, et on ne chasse pas de façon intensive chez nous, sur les boisés privés. On ne brime pas aucun droit en demandant, je pense, d'exclure tous les territoires privés de cette entente-là. Et je pense que même la communauté sont un peu peut-être d'accord. Ils ne le diront peut-être pas directement, mais peut-être pas fermés à l'idée de ne pas aller pratiquer nécessairement une activité sur des terrains privés.
M. Trudel: Cela serait déterminé en vertu des principes sur lesquels les négociateurs se sont entendus dans les ententes complémentaires et cela se prend en considération, tout en émettant... Il faut bien émettre non pas une opinion, mais les faits auxquels on doit faire référence. C'est qu'il n'y a personne qui est en train de reconnaître des droits. Je le répète, c'est la cour et les cours dans notre société. Au lieu de se taper dessus, on s'en va devant un juge, et les juges nous ont dit: Ça existe au-delà d'un certain nombre de règles de droit reconnues, ça existe aussi, puis entendez-vous sur leur application. Et c'est là-dedans que l'on est dans les ententes complémentaires à l'égard de la pratique des activités ancestrales. C'est ce qu'on cherche à déterminer, parce que prenons connaissance tous les deux qu'actuellement, en l'absence de règles, tout individu ? je ne parle pas de communauté ni de nation ? tout individu peut aller réaliser des activités sur vos terrains privés, et il semble que le droit lui reconnaîtrait cette activité-là.
Alors, s'entendre sur des règles, ça veut dire négocier, ça veut dire, oui, reconsidérer un certain nombre de choses dans notre façon de penser et d'agir dans le futur. Et on a vu tantôt... Je vais vous amener là-dessus, parce que vous êtes dans le monde économique, et les boisés privés, ça compte au Québec, puis ça compte dans les régions, puis ça compte dans l'économie des municipalités, là, des collectivités locales. Moi, j'en ai 38 municipalités dans mon comté puis j'en ai une trentaine pour qui les boisés privés et communautaires, parce qu'on a aussi retourné les lots intramunicipaux sur le territoire municipal aux municipalités elles-mêmes...
Est-ce que vous avez connaissance, vous avez envisagé ou vous imaginez qu'il puisse être possible d'avoir des partenariats avec des membres des communautés et des nations? Parce que là, là, on est tous là, je ne pense pas que par pensée magique on fasse disparaître quelqu'un; au contraire, on cherche à exister de mieux en mieux collectivement et dans chacune de nos nations. C'est possible, vous pensez, le partenariat économique, quand on est producteur de boisés privés?
M. Tremblay (Christian): En tant que président du groupement agro-forestier, on n'est pas fermé du tout à l'idée d'un partenariat, pas plus ni moins avec la communauté autochtone qu'avec une autre communauté qui serait là présente, qui voudrait oeuvrer pour le bien de la forêt privée en général, soutenir son développement, atteindre un rendement soutenu et même accru de la possibilité forestière, en faire une exploitation saine avec une création d'emplois dans le milieu. On est ouvert à toutes ces possibilités-là. Au contraire, on n'est pas fermé du tout, du tout, du tout. Ça pourrait aller dans un partenariat où le Groupement agro-forestier pourrait faire l'exploitation forestière et l'aménagement forestier, et la communauté autochtone pourrait, par exemple, s'occuper, côté faunique en général, d'un territoire donné. D'ailleurs, en passant, si le ministère a des terrains de libres puis s'il est prêt à nous les offrir, on est prêt à les accepter dans ce sens-là. On est ouvert à toutes les possibilités, on n'est pas fermé à rien.
Par contre, on est sûr que si, par exemple, des territoires qui sont... Parce que vous savez que la forêt privée, c'est une petite quantité sur la Côte-Nord, et, si on consent à la communauté Essipit, à Escoumins, d'agrandir sa propriété à partir de boisés privés, comme c'est le cas, c'est un nombre de boisés qui diminue du nombre de boisés que le Groupement agro-forestier aura à aménager sur sa Côte-Nord. Et ce n'est pas à négliger, parce qu'on les a au compte-gouttes chez nous. On a demandé au gouvernement d'agrandir les territoires de boisés privés pour la Côte-Nord. On n'a pas eu l'écoute qu'on désirait avoir, ça a été fait à maintes reprises. Parce que c'est une bande tout étroite le long du littoral, donc ce n'est pas évident.
M. Trudel: Est-ce qu'on convient que pour la proposition d'Innu Assi, Essipit, pour lesquels il y a encore beaucoup de discussions à tenir, ça ne touche pas, là, un très, très grand nombre de propriétés privées quand on parle des boisés?
M. Tremblay (Christian): Plusieurs...
M. Trudel: Je ne parle pas de Nitassinan, je parle d'Innu Assi, là.
M. Tremblay (Christian): Non, non, l'Innu Assi. Ça touche plusieurs propriétaires, parce que, en Haute-Côte-Nord, on n'a pas beaucoup de propriétaires. Donc, en pourcentage, c'est beaucoup de propriétaires. Que la communauté Essipit désire agrandir son Innu Assi à partir de boisés privés, on vous le dit dans le dépôt qu'on vient de faire que, si ça se faisait de gré à gré, on ne s'objecte pas. Mais, qu'on délimite en contour et couleuré en rouge un territoire, on trouve ça difficile, parce qu'il y a des personnes qui ont un attachement plus que monétaire sur leur propriété, il y a un attachement moral, et ce n'est pas facile de s'en départir. Il ne faut pas oublier aussi qu'en faisant une action semblable on crée un précédent. Alors, on est en train de mettre en place des balises qui vont être là pour le futur. Tout à l'heure, certaines communautés peuvent demander une partie de l'île de Montréal pour s'agrandir.
M. Trudel: Vous avez tout à fait raison, on nous demande de faire de l'histoire. Et je suis heureux de voir que vous êtes positifs pour participer à l'écriture de l'histoire, parce qu'il semble bien que la volonté collective, c'est de faire de l'histoire, tel que nous l'ont demandé ceux et celles qui sont chargés d'indiquer ces directions en droit. En termes de législation et de direction des affaires publiques, ça, c'est les gouvernements locaux, régionaux et les différents régimes que nous avons, et nous avons comme une obligation devant l'histoire.
Je pense qu'il y avait un de mes collègues qui avait des questions. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.
M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez, moi, je pense que, si on veut avancer dans l'Approche commune, il va falloir ouvrir la voie à certains partenariats. Et moi, je proposerais quelque chose dans votre... Je trouve ça intéressant, les lots privés. D'ailleurs, j'en ai, puis mon père en avait, puis on faisait chasser les autres. Parce que nous autres, on ne chassait pas, mais il y en avait qui chassaient quand même. Pourquoi vous ne proposez pas aux autochtones, s'ils veulent s'intégrer à vous autres pour une culture de la forêt, pour une régénération forestière et une récolte forestière annuelle, qu'ils mettent un lot quand vous en mettez un, que le privé mette un lot, les autochtones mettraient un lot? À ce moment-là, vous doublez vos effectifs. De 350 lots, vous monteriez à 700 lots. Le ministre des Régions pourrait vous permettre de négocier votre affaire avec les Forêts, et ça ferait un partenariat d'entreprise qui... Ça vous donnerait des droits sur les 350 autres également, des droits de regard, les droits de culture, les droits d'aménagement, et ça donnerait aux autochtones également des droits d'aménagement dans votre secteur, et ça ferait une entreprise, un partenariat qui rouvrirait la voie à faire des choses ensemble.
n
(15 h 30)
n
M. Tremblay (Christian): J'adore votre suggestion. Les voeux pieux, on les adore chez nous. On a demandé ça déjà au ministère et on n'a jamais été écoutés, monsieur. Vous siégez ensemble?
M. Laprise: Parce que, quand les sociétés sylvicoles ont été créées, il y avait été question de cette démarche-là, que le privé mette un lot, que le gouvernement mette un lot. On créait une société sylvicole, donc on créait un impact de culture de la forêt, de mise en valeur de la forêt assez important et on créait de l'intérêt aussi, parce que le privé qui mettait son lot puis que l'autre mettait un lot à côté, le gouvernement mettait un lot à côté, ça faisait une réserve forestière importante qui aurait pu même faire fonctionner des petites entreprises forestières.
Il va falloir peut-être sortir des sentiers battus, des voeux pieux, puis aller vers l'action. Moi, je dis que, si on continue à faire des voeux pieux, puis à ne pas agir, puis à ne pas proposer des choses concrètes, là, on n'avancera pas dans la vie, puis ça va être vrai pour nous autres, puis ça va être vrai pour les autochtones aussi.
M. Tremblay (Christian): Je vous remercie de nous faire des propositions du genre. On les a à l'écoute. Merci.
M. Trudel: Est-ce que vous avez une entente spécifique pour les lots intramunicipaux sur la côte?
M. Tremblay (Christian): L'entente... Oui, les lots intramunicipaux sont censés être transférés aux MRC prochainement. On trouve ça un peu malheureux parce que, nous, le Groupement agro-forestier, on avait la gestion d'un bloc de lots, un CAF à un A comme on dit, l'aménagement de ces lots-là, et on les voit disparaître pour les municipalités qui ne seront plus sous notre juridiction prochainement.
M. Trudel: ...avec les amis de la côte, j'imagine.
M. Tremblay (Christian): Je ne sais pas où ça va aller, remarquez, mais il reste que... En tout cas, je ne parle pas plus loin parce que je vais faire perdre le temps aux exposés. Il y a une vue que j'ai face à ça.
Le Président (M. Lachance): Justement, le temps du côté ministériel a été écoulé, et je passe maintenant la parole à M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais dire bonjour au Groupement agro-forestier et touristique de Haute-Côte-Nord. Je pense qu'un des objectifs de la commission parlementaire est d'avoir les renseignements pratico-pratiques. Alors, peut-être que mes premières questions, c'est pour décrire comme il faut l'ampleur des problèmes.
Si on prend Innu Assi, j'essaie d'arrimer la carte que vous avez dans votre mémoire avec la carte qui est dans l'entente de principe. Dans le coin de Betsiamites, est-ce qu'il y a des terres boisées privées qui sont transférées dans l'Innu Assi? Alors, ça ne pose pas de problème côté Betsiamites.
Alors, on revient toujours à Escoumins et Essipit, comme nous l'avons fait à quelques reprises aujourd'hui. Et j'essaie toujours de trouver la solution. Il y a une proposition de M. Chevrette, dans son rapport, de nommer un facilitateur, un médiateur pour aller sur le terrain. Les représentants de la MRC et de la municipalité des Escoumins ont mis beaucoup de balises: pas sur la 138, pas ci, pas ça. Si j'ai bien compris, par votre carte, il y a beaucoup de terres privées boisées autour des Escoumins. C'est difficile d'être précis mais, quand je regarde ça, la partie blanche enclave plus ou moins les Escoumins. Alors, je pense toujours à ce pauvre homme ou femme que nous allons nommer pour aller sur le terrain et essayer de résoudre tout ça.
Si j'accepte votre proposition qu'on ne touche pas aux terres privées, si j'accepte le principe que la 138, on ne touche pas à ça, je sais pertinemment que les discussions sur l'agrandissement d'Essipit ont causé des problèmes dans le passé, il y avait un petit agrandissement, relativement parlant, il y a cinq ou six ans, qui a causé... juste pour ajouter un demi-kilomètre carré, de mémoire, ça a causé déjà des problèmes. J'essaie de voir à travers tout ça. Si je mets toutes ces balises, j'accepte votre proposition, j'accepte la proposition de la MRC et de la municipalité des Escoumins, comment est-ce que je peux garder un espoir qu'il y aura quelque chose d'intéressant pour les Innus aussi?
Parce qu'on cherche une solution. Et ici j'ai dit: Tout le monde veut une entente. Vous avez dit vous-mêmes que vous voulez une entente. La MRC de La Haute-Côte-Nord veut une entente. Alors, tout le monde est pour une entente. Mais, quand je fais le résumé de toutes les restrictions ou les balises qu'on veut faire sur ça, je ne suis pas très optimiste qu'on peut y arriver. Alors, comment est-ce que je peux composer avec toutes ces exigences et quand même garder une lueur d'espoir, avant de nommer quelqu'un à envoyer sur le terrain, pour trouver une solution ou quelque chose qui va respecter la volonté de vos membres et les autres exigences qui ont été exprimées ici?
M. Tremblay (Christian): Je ne peux pas répondre. Regardez, vous me demandez d'essayer de solutionner un problème qui ne m'appartient pas du tout. Ce n'est pas moi qui vais trouver les solutions, parce que vous trouvez ça difficile d'en trouver, des solutions. Mais je pourrais vous donner une opinion personnelle, mais elle vaut ce qu'elle vaut, là. On demande, par contre, nous autres, dans notre mémoire de faire en sorte que ceux qui sont propriétaires privés qui désirent vendre leur propriété, que ça se fasse de gré à gré. On ne demande pas un mode d'expropriation. Ce serait d'allumer un bâton de dynamite chez nous.
À cette heure, la communauté Essipit a un territoire donné. Pourquoi agrandir leur territoire si on sauve déjà un espace qu'ils n'occuperont pas, qui est celui de la municipalité des Escoumins? Pourquoi commencer à agrandir tout de suite de l'autre côté sur des territoires privés? Je ne sais pas. Cette question-là, je me la pose au moment où on se parle. C'est peut-être important pour la communauté. Ils ont fait l'évaluation de leurs besoins. Ça, je ne veux pas rentrer à deux pieds trop profondément là-dedans. Mais vous me posez une question, puis je m'interroge.
Je ne dis pas qu'ils ont tort de le faire et je ne dis pas qu'ils ont raison. S'ils le font, c'est parce qu'ils ont de bonnes raisons de le faire. Et, s'ils désirent acquérir, qu'ils le fassent de gré à gré. Je ne pense pas que c'est une personne qui va arriver pour trancher la solution. Si elle tranche la solution, ça fait trop mal dans des places. Il y a des fois que ça fait plus mal que mal.
M. Kelley: Oh non. Et ça, je comprends et je pense que, l'expropriation, on ne parle pas de ça. Moi, de l'extérieur, j'essaie quand même de trouver une solution. Et c'est complexe, toute la question d'Essipit, et j'essaie de voir un terrain d'entente.
Je comprends que, si, de gré à gré, on peut régler de cette manière, il y a les personnes qui sont prêtes à échanger les terres privées à l'intérieur d'Innu Assi et à prendre un autre lot quelque part, et il y a des choses comme ça. Mais, tôt ou tard, il y a un genre de collusion entre la notion d'Innu Assi qui, je pense, respecte l'esprit des décisions de la Cour suprême qu'il y a certains territoires où il y a le titre aborigène et il y a d'autres territoires, et ça, c'est plutôt le Nitassinan, où on parle du respect de certains droits ancestraux. Alors, ils ne sont pas propriétaires de Nitassinan, mais, au niveau de la chasse et de la pêche, il y a certains arrangements qu'il faut faire pour... Alors, le partage de Nitassinan, on peut regarder ça aussi, mais c'est le problème d'Innu Assi qui est vraiment... on essaie de les... Les autochtones sont chez eux. Si on ne donne pas les terres privées autour d'Essipit, il faut trouver des moyens de traverser pour se rendre à leur territoire. Ça semble mettre un grand empêchement au désir que vous avez exprimé, et c'est pourquoi je pose la question.
Parce que vous avez dit au départ: Une entente, c'est souhaitable. Et je pense que tout le monde cherche une entente dans le meilleur des mondes. Mais j'essaie de voir comment je peux respecter cette volonté. Et en même temps, vous avez mis une balise qui peut-être, dans cette question précise, me semble poser un obstacle.
M. Tremblay (Christian): Quand vous dites «on», vous parlez en tant que gouvernement et vous désirez acquérir ces terres-là pour les confier à la communauté, et ça, je n'aime pas ça. J'aimerais mieux entendre une négociation de gré à gré. Mais M. Villeneuve aurait peut-être un petit quelque chose à vous répondre là-dessus, si vous permettez.
M. Villeneuve (Denis): Les gens d'Essipit, à ce qu'on a entendu, le conseil de bande est déjà propriétaire de certains terrains dans la superficie qu'ils veulent acquérir, Innu Assi. S'ils continuent et qu'ils... des offres d'achat aux propriétaires au prix du marché, avec l'argent qu'ils ont, et qu'ils achètent tous ces terrains-là, ils peuvent le faire. Ça se peut que certaines personnes refusent de vendre éventuellement. C'est le droit d'un individu. Mais on sait que les propriétés privées, ça change de main à peu près tous les 20, 25 ans. Le propriétaire, il est propriétaire à peu près 20, 25 ans.
Alors, laissons faire les lois du marché, laissons les gens s'agrandir. Ils sont capables de le faire au niveau de la réserve d'Essipit, ils peuvent même être encouragés par les gouvernements. Ça, on ne peut pas faire grand-chose contre ça, mais on laisse jouer les lois du marché, en ce qui concerne les propriétés privées, pour l'agrandissement de ça.
Puis, en tout cas, nous autres... Je suis inquiet. Comme je vous ai dit, je représente le syndicat des producteurs de bois de la région de Québec. On couvre toute la région: Charlevoix, Québec ainsi que la Rive-Sud, Portneuf, et on est inquiet. Qu'est-ce qui va arriver tout à l'heure avec la nation huronne-wendat? Ils vont-tu revendiquer l'usine d'épuration, de traitement des eaux de la ville de Québec demain matin? Je ne le sais pas. C'est un précédent important d'inclure des terrains privés dans une entente comme celle-là et d'agrandir l'Innu Assi ou une réserve d'une façon ou de l'autre.
n
(15 h 40)
n
Ce qu'on vous dit, c'est: Si vous voulez préserver la paix sociale, je pense, et vraiment régler le problème, n'incluez pas de terrains privés dans l'Innu Assi. Et le Nitassinan, bien, entendez-vous avec les nations autochtones de façon à ce qu'elles n'utilisent pas leurs droits ancestraux sur des terrains privés.
M. Trudel: ...la question du député est trop importante pour ne pas apporter une précision ici. Nulle part il ne saurait être question, pour prendre un gros mot, de nationalisation de terrains privés. C'est la compensation équitable, elle fait appel à la notion de gré à gré et de valeur marchande. Il n'est aucunement question, nulle part... Et là je redonne tout le temps voulu, M. le Président, au porte-parole de l'opposition officielle, s'il le désire.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Non, je... Merci.
Le Président (M. Lachance): Oui, Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Bien, merci. À mon tour de vous saluer, messieurs. Je pars de votre première recommandation, lorsque vous voulez voir retirer l'expression «ou compensés équitablement», à l'article 4.5.1. Ma compréhension, à moi, du texte, c'est qu'à quelque part on ferait perdre des droits aux Québécois et Québécoises. Par exemple, dans ma région, à moi, ce n'est pas beaucoup de personnes, de propriétés privées qui se voient affectées par l'Innu Assi agrandi sur la réserve Mashteuiatsh, et je me rappelle avoir vu un reportage où l'agriculteur concerné disait qu'il n'était pas certain de vouloir demeurer en territoire Innu Assi. Alors, si lui décide qu'il ne veut pas rester là, puis qu'on ne prévoit pas qu'il sera compensé de façon équitable, ça veut dire qu'il peut rester Gros-Jean comme devant avec sa terre, si personne ne veut l'acquérir, là. L'inverse est aussi...
M. Tremblay (Christian): Quand on pense... Oui, ou compensés, qu'ils pourront demeurer, ou compensés équitablement.
Mme Gauthier: Oui.
M. Tremblay (Christian): Ça veut dire que, «ou compensés», nous autres, on le prenait dans le sens qu'ils pourraient être achetés de façon, tu sais: Tu ne veux pas? On t'achète, point. À cette heure, il faut prévoir un mécanisme dans le cas où une personne, désirant demeurer sur le territoire d'Innu Assi, s'il est enclavé à un moment donné par sa propriété... ait un juste prix pour sa propriété lors d'une vente. Et on dit: La personne pourra aussi continuer d'habiter et aura peut-être la permission de léguer. Écoutez, là, c'est fort, là, «aura peut-être la permission de le faire». C'est dans le rapport de M. Chevrette qui dit «pourra aussi léguer à ses enfants». Ce n'est pas «aussi». Elle a déjà ce droit-là acquis, cette personne-là; il est propriétaire d'un terrain sur une parcelle, avec ses objets à lui, sa maison. Il n'a pas à demander à son voisin de léguer son bien. Et on dit là-dedans, dans le texte: Et, aussi, il pourra léguer. Ce «aussi» là, ça me dérange un peu, pas mal fort, tu sais. Il faudra s'assurer que, s'il veut léguer, ses enfants continuent à avoir un service équitable.
Je donne un exemple exagéré, si vous me permettez: je suis propriétaire d'une activité dans l'Innu Assi, une activité qui a besoin de pignon sur rue pour opérer, et la communauté décide, dans son schéma d'aménagement, de couper un bout de rue pour en faire un beau parc agréable pour les enfants, que l'école y voisine. La communauté peut, dans son schéma d'aménagement, décider de faire ça et de m'accorder, à mon accessibilité touristique ou autre, la petite rue d'en arrière. Un peu comme on quitte McDonald's après avoir été chercher au guichet. Ça n'a pas la même valeur sur le territoire.
Il faudra prévoir que ces personnes-là aussi ne seront pas pénalisées jusqu'à ce point-là si elles désirent demeurer là. Ça va jusque-là. Il y a un travail important à faire dans ce sens-là. Et puis je ne pense pas que c'est le désir aujourd'hui de la communauté, qui va avoir des propriétaires qui vont vouloir demeurer sur le territoire, d'aller aussi loin; je ne pense pas que ça aille jusque-là. Je ne pense pas que c'est une volonté de ces personnes-là. Mais, en cours de route, les personnes changent et les objectifs changent.
Mme Gauthier: Dites-moi, présentement puis par les années passées, est-ce qu'il y a beaucoup d'Innus qui sont allés pratiquer leurs activités ancestrales sur des territoires privés?
M. Tremblay (Christian): À ma connaissance, madame, il y en a peut-être très peu, et ceux qui y sont allés ont eu la gentillesse et l'amabilité de demander au propriétaire d'aller exercer ces activités-là, et ça s'est fait dans une harmonie totale, chez nous.
Mme Gauthier: Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Bonjour. Peut-être... C'est bien sûr, je trouve ça d'abord très intéressant de voir encore... comme je l'ai déjà mentionné à d'autres personnes, vous êtes spécialisés dans un domaine, vous venez nous faire un rapport qui est un mémoire dans ce domaine-là. Alors, vous vous limitez vraiment à votre champ d'expertise, puis ça, je respecte ça beaucoup. Ça permet de vraiment synthétiser chacun des éléments qui apparaissent dans l'entente de principe puis de dire: Bien, là, les experts qui connaissent ça, eux autres, dans ce domaine-là, ils sont venus nous en parler; puis s'ils sont experts en pommes, ils ne nous parlent pas de bananes.
La question des propriétaires privés, je feuilletais la liste des membres puis je trouve ça intéressant aussi de voir que vous avez pris la peine de la joindre. Je reconnais quelques noms là-dedans. Y a-tu aux Escoumins des propriétaires privés qui sont intéressés de céder, à juste prix, là, mais de céder leurs terres, éventuellement, si le Conseil de bande des Escoumins se montrait intéressé ou s'il s'est déjà montré intéressé dans le cadre des cartes qui ont déjà été déposées dans le processus?
M. Tremblay (Christian): On n'a pas fait de sondage auprès de nos membres à ce sujet-là, monsieur, du tout. Je ne peux pas dire plus, peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Il faudra poser la question. Je ne veux pas parler sur... Je ne m'avance pas sur un terrain comme ça.
M. Corriveau: M. Villeneuve semble avoir une réponse, là.
M. Villeneuve (Denis): Moi, j'ai une réponse. Un propriétaire forestier, un propriétaire privé, n'importe qui, un propriétaire de maison ou n'importe quoi, la seule chose qu'il déteste le plus, c'est d'être obligé de vendre. C'est pour ça que, dans les lois d'expropriation, on paie généralement une fois et demie, deux fois le prix de ce que ça vaut.
M. Corriveau: C'est pour ça que vous nous parlez de la loi du marché aussi, je veux dire...
M. Villeneuve (Denis): Exact. O.K.
M. Corriveau: ...j'ai un bon prix dans la mesure où je suis prêt à vendre.
M. Villeneuve (Denis): J'ai donné des exemples de vente. Si quelqu'un arrive, fait une offre raisonnable... Je pense qu'il y a eu un projet d'usine qui a été annulé à Bergeronnes.
M. Corriveau: La Louisiana-Pacific entre autres.
M. Villeneuve (Denis): La Louisiana-Pacific, puis c'était de gré à gré. Louisiana-Pacific était capable, avait des offres d'achat sur à peu près tous les terrains qu'elle désirait avoir sans trop de problèmes. Moi, je pense que, si les gens d'Essipit mettent les efforts requis pour vouloir faire des offres d'achat aux propriétaires, c'est...
M. Corriveau: Peut-être. Bien, d'abord, ma question a contrario: Est-ce qu'il y a des propriétaires, qui ont vu leur terre apparaître, qui ont signifié de vive voix à votre organisme: Il n'est pas question que ma terre soit cédée, même à quelque prix que ce soit?
M. Poissonnet (Marc): Je peux vous le confirmer, moi. Il y en a plusieurs, là. Ils se sentent frustrés de peut-être ne pas avoir le choix justement... de laisser aller, s'il y a une intervention, je ne sais pas, gouvernementale ou autre, là.
M. Corriveau: Comme d'avoir le droit de dire: Bien, moi, je veux rester dans l'Innu Assi, puis il suffit que je paie mes droits au Innu Assi.
M. Poissonnet (Marc): C'est ça. Dans le fond, ça se résume à ça, la question. Nous autres, aujourd'hui, on vient, de la part de nos 350 membres, dire: Respectez le droit de la propriété privée des propriétaires de la Haute-Côte-Nord puis de la Côte-Nord. On dirait que, quand le gouvernement... Je ne veux pas blâmer les... C'est des négociateurs qui ont signé cette entente-là. On dirait qu'ils ont négocié une entente au pôle Nord puis qu'ils pensaient qu'il n'y avait pas de gens qui l'habitaient, cette région-là. C'est drôle.
M. Corriveau: Il y en a qui se sentent comme ça.
M. Poissonnet (Marc): C'est ça qu'on a l'impression, puis on ne veut pas la changer. On nous dit: Dans les ententes complémentaires, faites-vous-en pas, ça va être respecté. Pourquoi ne pas le mettre tout de suite? Parce que c'est moins de 1 % de la superficie qui est revendiquée. Je ne parle pas pour l'Innu Assi, là, je parle pour le Nitassinan. C'est moins de 1 %.
M. Tremblay (Christian): Vous posez votre question, vous savez qu'on est dans une zone où est-ce que c'est qu'il y a des barrages hydroélectriques, et, si Hydro-Québec décide de passer une ligne et d'installer des pylônes, ils font un tracé à un moment donné. On le sait qu'on va être, en tant que propriétaires, dans nos obligations de consentir des droits. Et actuellement, on a un dessin qui nous indique qu'il y a certaines propriétés sur lesquelles on va demander de faire des choix. C'est contraignant pour certaines personnes. Je ne vous dis pas qu'elles refuseront de vendre. La première réaction, c'est de dire: Bien, écoute, je ne suis pas à vendre. C'est sûr que c'est une première réaction.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre présentation ici, cet après-midi, et... Oui.
M. Tremblay (Christian): J'aurais peut-être une question avant de partir, si vous me permettez. C'est qu'on a remarqué, en décortiquant le dernier rapport que M. Chevrette a donné, qu'on dit, si vous me permettez de vous citer la page, à la page 11 dans 3.1.2: «Étendue. Par ailleurs, les Innus revendiquent également les droits dans les parties dites sud-ouest comprenant Charlevoix, région de Québec et une partie de Portneuf.» C'est indiqué dans ce rapport-là, et, quand on va sur Internet pour chercher l'information sur l'entente, il n'est pas question de ça, on ne le retrouve pas. On retrouve une annexe qui nous amène à une carte géographique seulement qui... ça prend un gars habitué pour lire sur une carte géographique. Ce n'est pas comme chercher une route forestière qui nous conduit à Québec. C'est quasiment comme si on oubliait aussi que toute la région de Charlevoix, de Québec, l'île d'Orléans puis le comté de Portneuf, il y a une partie qui va être aussi sur le Nitassinan.
n
(15 h 50)
n
M. Trudel: Excellente question. Si ce n'est pas dans l'entente de principe, c'est parce que ce n'est pas conclu au niveau des principes.
M. Tremblay (Christian): Dans le carte de l'entente de principe...
M. Poissonnet (Marc): Oui, le document signé.
M. Trudel: C'est que c'est en discussion, sujet à discussion, pas d'entente.
M. Poissonnet (Marc): L'entente de principe signée par les trois négociateurs, j'ai la copie officielle...
M. Tremblay (Christian): Regardez... signé par les trois négociateurs.
M. Poissonnet (Marc): On voit très bien la partie sud-ouest identifiée qui va jusqu'à Portneuf.
M. Trudel: Bien, oui, mais c'est ça qu'on vous dit, c'est en discussion.
M. Poissonnet (Marc): Ça, c'est le document qui a été signé.
M. Trudel: Regardez à 3.4.2: «Les questions suivantes devront être finalisées avant la signature du traité: le statut de la partie Sud-Ouest dite commune aux premières nations de Mamuitun...»M. Tremblay (Christian): Ah oui! Bien, c'est comme toutes les autres choses, on dit qu'elles devront être réglées. Mais elles font partie d'une négociation actuellement.
M. Trudel: Elles sont sur la table de négociations...
M. Tremblay (Christian): Ah! elles sont sur la table de négociations.
M. Trudel: ...et il n'y a pas, tel qu'on vient de le lire, d'entente de principe à ce niveau-là.
M. Tremblay (Christian): Ah! O.K. Je suis d'accord. Elles sont dans la négociation.
Le Président (M. Lachance): Alors, si je vous ai permis d'intervenir à la fin, c'est qu'il nous restait un petit peu de temps sur le temps de l'opposition. Alors, c'est pour ça, parce que je ne voudrais pas établir de précédent, ici, pour les autres groupes qui vont venir après vous.
Des voix: ...
Le Président (M. Lachance): Parce que vous êtes... Non, mais c'est une excellente remarque que vous avez faite mais à l'intérieur du temps qui nous est imparti. Merci beaucoup.
Une voix: ...
Le Président (M. Lachance): Alors, nous allons suspendre les travaux pendant cinq minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 52)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M. Duguay): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bien sûr, on désire accueillir les membres du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Alors, vous connaissez un petit peu les règles, vous avez 20 minutes de présentation, et j'inviterais le porte-parole à s'identifier et à identifier également les collègues qui l'accompagnent.
Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ)
M. Gauvin (Jacques): Alors, merci, M. le Président. Merci de nous accueillir. Merci, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés. Alors, je me présente, mon nom est Jacques Gauvin, je suis directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec, et, effectivement, je vous présente les personnes qui m'accompagnent: tout d'abord, à ma droite, M. Jacques Robitaille, qui est membre du comité exécutif du Conseil de l'industrie forestière du Québec et également vice-président développement des Entreprises Barrette; et, à ma gauche, Yves Lachapelle, directeur, foresterie et approvisionnements, au Conseil de l'industrie forestière du Québec.
Je veux préciser également, M. le Président, que notre président du Conseil, M. André Boudreault, me prie de l'excuser auprès de vous. Vous avez certainement entendu parler de tous les événements qui se sont déroulés dans les derniers jours dans le dossier du bois d'oeuvre et des rencontres intensives à Washington. Alors, vous comprenez que M. Boudreault a été bien pris de diverses manières. Alors, il s'excuse, il ne pouvait pas être présent ici aujourd'hui.
Alors, ceci étant fait, notre présentation, effectivement, d'à peu près une vingtaine de minutes consistera en un texte que je vais lire et qui résume les propos essentiels que nous avons mis à l'intérieur de notre mémoire que nous avons soumis à la commission.
Tout d'abord, un mot peut-être, avant de commencer, sur le Conseil de l'industrie forestière. Pourquoi? Parce que c'est une nouvelle organisation qui est née en fait tout récemment, le 1er janvier 2003, du regroupement de l'ensemble des industries oeuvrant dans le domaine du bois de sciage résineux et des pâtes et papiers, auparavant dans deux associations distinctes, mais, maintenant, réunies dans le Conseil de l'industrie forestière. Le Conseil est donc le porte-parole de l'industrie forestière du Québec. Il représente la grande majorité des entreprises de ce secteur-là, défend leurs intérêts et fait la promotion de leur contribution au développement socioéconomique, à la gestion intégrée des ressources, à l'aménagement durable des forêts, de même qu'à l'utilisation optimale des ressources naturelles. Donc, nous représentons aujourd'hui ce Conseil-là, Conseil qui, lui-même, représente une industrie fort importante au Québec dont je vous dis un mot.
Avec ses quelque 300 usines de sciage et 63 usines de pâtes, papiers et carton, l'industrie forestière est au coeur du développement économique et social des régions du Québec. De fait, elle constitue l'assise économique prédominante d'au-delà de 250 municipalités. C'est un chiffre qu'on voit souvent apparaître, mais je pense, avec raison, qu'on le ramène souvent parce que c'est important. Elle génère environ 250 000 emplois directs, indirects et induits, pour une masse salariale d'environ 3 milliards de dollars. C'est donc une industrie fort importante pour le Québec.
Il y a quelques mois a été rendue publique l'entente de principe d'ordre général soumise par les négociateurs des gouvernements du Québec et du Canada et des premières nations innues. Il s'agit de la première étape d'un processus de négociation devant mener à la signature d'un traité. Or, le CIFQ a identifié plusieurs sujets abordés par ces négociations susceptibles d'avoir une influence sur les activités de l'industrie forestière. En effet, certains changements pourraient modifier la façon dont les industriels opèrent dans les forêts publiques ainsi que les volumes et les coûts de leurs approvisionnements en bois. Il nous apparaissait donc essentiel de faire part du point de vue de l'industrie forestière dans le contexte des consultations de votre commission. Notre intervention se veut définitivement constructive et dans un esprit d'ouverture et de dialogue tant avec le gouvernement qu'avec les premières nations innues. Elle se conclut d'ailleurs par une offre de collaboration.
Évidemment, l'entente dont il est question ici est propre ou, enfin, s'applique particulièrement à deux régions, le Saguenay?Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord. Peut-être, avant de débuter, un petit mot sur la situation de l'industrie forestière dans ces deux régions. Les 44 usines de transformation primaire du bois présentes sur la Côte-Nord offrent 3 000 emplois directs ou l'équivalent de 7 % de la population active à l'emploi. Cela correspond à quelque 262 millions de dollars en salaires versés annuellement. Ces emplois représentent plus de 47 % des emplois manufacturiers. Pour sa part, l'industrie forestière du Saguenay?Lac-Saint-Jean, avec ses 108 usines de transformation primaire du bois, offre 11 000 emplois directs ou l'équivalent de 13 % de la population active à l'emploi. Cela correspond à quelque 672 millions de dollars versés en salaires annuellement. Ces emplois représentent 52 % des emplois manufacturiers de la région. Alors, ce qu'on a dit pour le Québec tout à l'heure s'applique également, sinon encore plus, dans ces deux régions-là, c'est-à-dire l'importance au niveau socioéconomique de l'industrie forestière.
Maintenant, les principaux éléments de préoccupation ou sur lesquels on a voulu attirer l'attention quant à l'entente de principe.
Tout d'abord, la soustraction de territoires aux unités d'aménagement forestier. Plusieurs éléments de l'entente pourraient avoir comme conséquence la soustraction de territoires aux unités d'aménagement forestier, ce qui est susceptible d'abaisser la possibilité forestière. Dans notre jargon, c'est évidemment un terme utilisé couramment, mais, en fait, c'est la possibilité de volumes de bois qu'on peut récolter sur un territoire sans affecter la capacité de ce territoire-là. Or, en considérant le niveau actuel des attributions par rapport à cette possibilité, cela signifierait à coup sûr des diminutions d'approvisionnement pour les usines de transformation du bois, alors de là le fait que ce soit une préoccupation pour nous, vous le comprendrez.
La soustraction de territoires serait notamment provoquée par l'agrandissement des réserves indiennes pour constituer le territoire de l'Innu Assi. Ainsi, selon les informations contenues dans l'entente, près de 2 800 km² de territoire seraient ajoutés à la superficie des réserves dont environ 141 km² seraient soustraits aux unités d'aménagement forestier, c'est l'équivalent de 5 %.
D'autre part, l'entente prévoit que certains sites patrimoniaux seraient ajoutés à l'Innu Assi pour une superficie de près de 3 200 km². De cette addition, toujours selon les évaluations que nous avons faites, environ 2 157 km² font partie des unités d'aménagement forestier sur lesquelles des CAAF ont été octroyés. Je vous rappelle que les CAAF, ce sont les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, dont vous avez certainement entendu parler.
On retrouve également dans l'entente de principe l'établissement de parcs innus. D'après le texte, la réglementation s'appliquant à ces parcs prendrait en considération la définition internationale des parcs en vertu de laquelle les activités forestières industrielles sont interdites. Encore une fois, une source d'impacts potentiels. La superficie en question représente quelque 8 000 km² dont environ 720 km² font partie d'unités d'aménagement forestier.
Ainsi, globalement, les superficies forestières soustraites des unités d'aménagement forestier totaliseraient quelque 3 000 km², soit l'équivalent de quelque 300 000 m³ de bois, soit 2 % de la possibilité forestière des deux régions concernées, toutes essences confondues.
n(16 h 10)n Enfin, l'article 4.9 de l'entente de principe fait référence à la création d'aires d'aménagement et de développement innues. Il n'en précise toutefois pas leurs caractéristiques ni leur ampleur et encore moins les changements qui pourraient être applicables en ce qui a trait aux activités d'aménagement forestier. Ce concept et ses implications, dont on ne connaît pas l'ampleur encore une fois, je le répète, devront être précisés au cours des négociations, car c'est un autre sujet de préoccupation pour les industriels.
Deuxième élément, changements au cadre d'aménagement des forêts sur le Nitassinan. Le chapitre 6 de l'entente traite de la participation réelle et significative des Innus dans la gestion du territoire, des ressources naturelles et de l'environnement. Bien que ce concept de participation réelle demeure encore à définir, l'article 6.1.2 précise notamment que «cette participation réelle doit permettre une prise en compte des droits des premières nations et de leurs membres reconnus dans le chapitre des dispositions générales, notamment l'exercice d'Innu Aitun ? j'espère que je le prononce bien ? conformément au Traité et aux ententes complémentaires».
Deux aspects mentionnés ici nous apparaissent fort importants sinon fondamentaux, soit l'exercice d'Innu Aitun et les ententes complémentaires. Dans le premier cas, tel qu'indiqué dans l'entente, les parties poursuivront l'objectif de favoriser la compatibilité entre la pratique d'Innu Aitun et l'exploitation des ressources naturelles. Or, la définition d'Innu Aitun et certains autres articles s'y rapportant démontrent l'importance de ce concept de même que l'étendue éventuelle de son application. Il en découle évidemment des interrogations de la part de l'industrie quant aux effets possibles sur ses activités.
La conclusion d'ententes complémentaires est un autre aspect majeur. Ces ententes auront notamment comme objectifs généraux de définir les modalités de la participation réelle et de favoriser la compatibilité entre la pratique d'Innu Aitun avec l'exploitation des ressources naturelles et, par conséquent, évidemment du bois. Par conséquent, elles joueront un rôle déterminant en regard de plusieurs dimensions susceptibles de changer le contexte d'opération pour l'industrie forestière, et on reviendra sur la question des ententes complémentaires un peu plus loin.
Le point suivant, compensations financières. L'entente prévoit que des compensations financières pourraient être versées aux Innus si les mesures d'harmonisation proposées n'atténuent pas complètement les impacts des activités d'aménagement forestier sur la pratique d'Innu Aitun. Pour l'industrie forestière, l'octroi de telles compensations est une responsabilité du gouvernement et non de l'entreprise privée.
Partage des redevances. En l'absence de précisions, le partage d'une partie des redevances nettes, dont on parle évidemment dans l'entente, préoccupe l'industrie forestière. Elle ne voudrait pas connaître de majoration des redevances forestières déjà versées au gouvernement. De plus, il est important de maintenir l'utilisation prioritaire des redevances forestières pour le financement des travaux sylvicoles afin d'assurer le respect du rendement soutenu des forêts.
L'attribution de volumes de bois. L'attribution aux communautés innues d'un volume de 850 000 m³ de bois de bonne qualité constitue un autre élément majeur de l'entente. Les préoccupations de l'industrie forestière à cet égard sont évidentes si l'on considère que les usines de sciage manquent d'approvisionnement pour assurer pleinement leur compétitivité sur les marchés. Du 850 000 m³ ? oui, c'est ça ? un volume de 600 000 m³ ? soit dit en passant, on a constaté qu'on avait fait une petite erreur dans notre mémoire déposé, on avait mis 650 000 m³, mais c'était 600 ? fait partie des attributions actuelles. Compte tenu du fait que la possibilité forestière pour le groupe d'essences SEPM, c'est-à-dire les essences résineuses, est pratiquement allouée en entier, ce volume, s'il concernait effectivement ces essences, devra être nécessairement soustrait aux attributions existantes, donc aux CAAF existants. Il est à signaler que la possibilité forestière non attribuée est constituée d'essences feuillues. Or, les volumes en question pourraient effectivement constituer un patrimoine innu intéressant pour des projets de partenariat avec des entreprises spécialisées dans des productions nécessitant de telles essences.
C'étaient donc les grands éléments, principaux éléments sur lesquels nous avions des préoccupations. Quelles sont maintenant les attentes de l'industrie forestière?
L'industrie forestière reconnaît que l'incertitude juridique découlant des revendications territoriales autochtones justifie la démarche des gouvernements du Québec et du Canada. Toutefois, ces derniers ont également la responsabilité de ne pas déstabiliser l'économie des régions en créant un contexte d'incertitude économique dont un des effets est souvent de retarder ou de faire fuir les investissements. D'ailleurs, M. le ministre répondait tout à l'heure à des commentaires qui ont été faits; en parlant de la fragilité des banquiers par rapport à l'incertitude économique, ce n'est pas qu'eux qui sont fragiles, en fait le marché et les marchés réagissent à cette incertitude économique là, et les investissements évidemment en sont affectés directement, et c'est le point qu'on veut avancer. À cet égard, l'industrie juge que certains éléments sont essentiels.
En premier lieu, les entreprises ayant signé un CAAF avec le gouvernement du Québec ont besoin de connaître les volumes de bois sur lesquels elles peuvent compter, et ce, de façon stable. Les volumes actuels leur permettent d'envisager les investissements nécessaires pour maintenir et améliorer leur compétitivité, parce que c'est une bataille constante que de maintenir sa compétitivité sur les marchés. Les membres du CIFQ souhaitent donc que le développement socioéconomique des communautés innues ? et on souhaite qu'il y en ait ? puisse se réaliser sans que les attributions actuelles en soient affectées, mais plutôt en complémentarité avec les activités existantes.
Une façon de faire consisterait, par exemple, à prévoir dans l'entente ou le traité des mesures favorisant des projets de deuxième et troisième transformation du bois dans le contexte de maillages entre les entreprises en place et les communautés autochtones. C'est certainement une piste à explorer.
D'autre part, compte tenu de la situation financière précaire de plusieurs entreprises du secteur forestier ? et là on pourrait élaborer longuement du contexte actuel de notre industrie; je pense que vous le connaissez passablement ? il apparaît important que le traité et les ententes complémentaires visent un impact nul sur la possibilité forestière et sur les coûts de l'industrie. Également, le CIFQ est conscient que les négociations en cours mettent uniquement en présence les gouvernements et les premières nations, nations innues, j'entends. Néanmoins, l'exercice du futur traité s'articulera autour d'ententes complémentaires sectorielles à conclure au préalable. Or, plusieurs aspects concernant ces ententes risquent d'avoir des impacts sur l'industrie forestière.
Le CIFQ souhaite donc que le gouvernement permette une participation réelle de l'industrie forestière aux discussions concernant tous les aspects du traité et des ententes pouvant avoir un impact sur ses activités, sur ses volumes et ses coûts d'approvisionnement.
L'entente mentionne la mise sur pied de tables sectorielles de discussions. Évidemment, l'industrie devrait être présente sur celles traitant d'aménagement du territoire, de gestion des ressources naturelles, de protection de l'environnement ainsi que de développement économique. Toutefois, sous réserve de la nature et de l'étendue des discussions qui se tiendront à ces tables, l'industrie forestière voudrait pouvoir, par exemple, intervenir à nouveau après la rédaction des premiers textes d'ententes complémentaires. C'est parce que, à partir du moment où on a des textes où on voit quelles sont les mesures qui sont prévues, quels sont les aménagements qu'on recherche à avoir, les changements qui pourraient être apportés, c'est lorsqu'on commence à voir les écrits qu'on est en mesure peut-être d'apporter des réactions et proposer des compromis, comme je vais l'indiquer dans quelques instants.
Enfin, pour le CIFQ, il est essentiel de prévoir la réalisation d'études d'impact sur tous les aspects du traité ou des ententes. Ces études devraient couvrir notamment la possibilité forestière, les coûts du bois ainsi que les emplois en usine et en forêt. L'expérience récente de la participation de l'industrie à l'analyse de certaines mesures de gestion forestière mise de l'avant par le gouvernement a démontré que l'ajout de la perspective industrielle permettait une évaluation plus complète de la situation. Ce n'est pas parce qu'on se pense plus fins que les autres, c'est qu'on est proches des activités du terrain, on les réalise, on est en mesure d'apporter une perspective qui complète celle des autres intervenants dans le milieu. On veut donc apporter cette perspective-là. En outre, une telle façon de faire facilite la recherche et l'identification de mesures d'atténuation, d'approches de moindre impact et de compromis. En résumé, l'industrie veut être impliquée du début jusqu'à la fin du processus et excluant évidemment les discussions finales qui se tiendront uniquement entre les parties signataires du traité: les gouvernements évidemment et les nations innues.
Somme toute, c'est une offre de collaboration que nous apportons à ce dossier. Plusieurs des préoccupations de l'industrie pourraient finalement s'avérer des opportunités intéressantes de développement et créer un contexte favorable au renforcement de la filière forestière des deux régions concernées, une filière dans laquelle tous auraient leur place. L'industrie forestière offre sa collaboration et son expertise au gouvernement du Québec au cours des discussions visant la conclusion du traité. On l'offre au gouvernement du Québec, mais vous comprenez qu'on l'offre également aux parties participantes, le gouvernement du Canada et les communautés innues évidemment. Plus particulièrement, l'industrie souhaite un dialogue ouvert en ce qui a trait aux questions touchant la gestion du territoire, l'environnement, les ressources naturelles et le développement économique.
n(16 h 20)n En conclusion, nous croyons que l'industrie constitue une alliée de choix tant pour le gouvernement du Québec que pour les nations innues dans le développement de ces deux régions-ressources. L'approche visant à la conclusion d'une entente où il n'y aurait que des gagnants est basée sur un développement harmonieux des activités de l'industrie forestière avec les communautés autochtones et non autochtones. Cependant, pour qu'il en soit véritablement ainsi, l'industrie forestière doit être considérée comme un partenaire et traitée en tant que tel. Nous demandons donc d'avoir voix au chapitre sur les sujets qui nous touchent, et ce, afin d'apporter notre contribution aux discussions.
Alors, merci, M. le Président. Ça conclut ma présentation. Et là, évidemment, nous sommes plus qu'heureux d'essayer de répondre à vos questions.
Le Président (M. Duguay): Alors, merci, M. Gauvin. Vous êtes un homme discipliné. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Trudel: Est-ce que ça se peut que c'était un message pour moi, ça?
Le Président (M. Duguay): Non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: O.K. Merci, M. le Président. Bienvenue au Conseil de l'industrie forestière du Québec qu'on a rencontré aussi à titre... les individus dans d'autres sièges, et toujours la préoccupation du développement, en particulier des régions, parce que, essentiellement, ça commence et ça se passe dans les régions, et la nature même de vos activités fait en sorte que votre sort est intimement lié au nôtre, régions, et au nôtre en termes d'occupation du territoire.
Votre mémoire et votre présentation, on y reviendra bien sûr sur l'ouverture que vous mentionnez pour le travail, pour donner suite, dans les autres étapes, dans les étapes à venir, aux efforts qui devront être tentés, qui devront se poursuivre pour en arriver à un traité éventuellement. Ça fait 23 ans, mais le succès est toujours le fruit du dernier effort, ce qui nous condamne d'ailleurs à toujours essayer, n'est-ce pas? Mais on va tâcher au minimum d'éclairer certaines dimensions de votre mémoire pour en mesurer toute l'importance, les impacts et la prise en considération pour le futur.
Quand vous dites qu'il y aurait, quand on parle des territoires... dans l'entente de principe, des territoires qui seraient en propre et qui répondent aux exigences des tribunaux en termes de propriété et d'administration de titre aborigène, l'Innu Assi... Bon, vous dites: Il va y avoir 2 800 km dans la proposition des quatre communautés. Vous êtes conscient, j'imagine, que, là-dessus, il y en a quelque chose comme 1 500 dans l'Innu Assi de Natashquan. Y a-t'y bien du bois là-dessus?
M. Gauvin (Jacques): Je vais laisser mon ami Yves Lachapelle, qui a davantage joué dans les chiffres, peut-être aborder cette question-là.
M. Lachapelle (Yves): En ce qui concerne, M. le ministre, l'Innu Assi, comme vous pouvez constater dans le mémoire qu'on a préparé, il y a effectivement certains territoires dont il est question pour venir compléter le territoire de l'Innu Assi qui proviennent de territoires sous aménagement forestier. La grosse partie, vous avez parfaitement raison, c'est pour la communauté de Natashquan, et, à ce niveau-là, même dans les volumes qui sont en cause dans l'entente de principe, c'étaient déjà des volumes qui avaient été réservés pour la communauté de Natashquan. Donc, ce n'est pas vraiment à ce niveau-là qu'il y a des problématiques.
Par contre, avec l'information qu'on avait, on a effectivement fait certains recoupements des aires communes sur lesquelles il y a des attributions avec les territoires qu'on retrouve dans les annexes de l'entente de principe, et, pour les autres communautés, il y a effectivement des recoupages avec des terrains sur lesquels se base l'approvisionnement des usines actuellement.
M. Trudel: C'est parce que, au regard même de la ressource, quand on parle de 2 800 km² ? et votre évaluation est juste ? il n'y a pas de bois sur le territoire de Natashquan, le diable, qui soit commercialement et industriellement exploitable, ce qui nous en laisse pas mal moins en termes d'agrandissement des territoires en propre sous la responsabilité... en se disant aussi qu'il n'y a personne qui indique par ailleurs qu'il n'y aura plus pour l'éternité de mise en valeur des espaces forêts qu'il y aurait là-dessus. Mais, cependant, je conviens très clairement avec vous qu'en termes de... ? on va enlever les 1 500 km, là, dans la proposition actuelle ? oui, il y aurait des changements de pratique en termes d'aménagement forestier parce qu'on serait avec une juridiction différente en termes de propriété, et donc des règles qui seraient fixées, tout en indiquant que la prépondérance des lois du Québec et des lois fédérales dans les matières où ils sont responsables, dans les ententes complémentaires à cet égard-là comme dans d'autres, il doit y avoir la prépondérance qui est assumée, ce qui ne veut pas dire domination. «Prépondérance» ne veut pas dire: C'est les miennes qui s'appliquent et exclusivement. Il y a prépondérance, mais on a quand même l'obligation de l'harmonisation qui nous est faite par les tribunaux. Ça, c'est en Innu Assi.
Bon, par ailleurs, il y a cette inquiétude, parfaitement véhiculée ici, à l'égard des sites patrimoniaux qui pourraient faire partie donc des territoires, on va dire, protégés dans l'Innu Assi. Mais je vous rappellerai à cet égard-là, à l'égard des pratiques forestières, l'article 4.6.1 qui nous est proposé: «Les sites patrimoniaux autres que ceux visés à 4.2.2, dont la superficie et la délimitation[...] ? temporaires ? sont indiquées à l'annexe 4.6 ? vous avez regardé les cartes tantôt ? seront assujettis à une réglementation québécoise adaptée afin de protéger leur caractère patrimonial. Cette réglementation sera mutuellement agréée et ne pourra être modifiée sans le consentement des parties concernées. Les sites pour la Première Nation de Nutashkuan seront précisés dans les meilleurs délais.» Donc, la prépondérance est ici très clairement exprimée.
Sur la réglementation mutuellement agréée ? vous autres, vous avez l'habitude de ça depuis 15, 20 ans, vos membres, vos entreprises, c'est leur pain quotidien, ça, la négociation avec des premières nations sur le territoire... Quand on dit «cette réglementation sera mutuellement agréée», est-ce que ça vous apparaît être du rayon des voeux pieux ou de la réalité qu'il faille non seulement prendre en considération, mais que c'est possible d'y arriver avec la nécessité qui nous est faite en termes de société de droits?
M. Gauvin (Jacques): Je tenterai de répondre à votre question, M. le ministre, mais je ferais un petit peu de... je reculerais un peu. Quand vous avez fait référence et lu la portion de l'article en question, notamment pour ce qui est des sites patrimoniaux, vous référiez à ces sites-là, on doit donc en conclure que, par rapport à ces territoires-là, les activités industrielles, comme on dit dans le jargon, pourraient être... autrement dit, de récolte d'aménagements forestiers pourraient se poursuivre, et que, dans les...
M. Trudel: Oui, pourraient.
M. Gauvin (Jacques): Pourraient.
M. Trudel: Vous avez raison. Vous avez raison là-dessus. Pourraient.
M. Gauvin (Jacques): Pourraient se poursuivre et que, dans la mesure...
M. Trudel: Oui, vous avez...
M. Gauvin (Jacques): C'est ça. Et, dans la mesure où la réponse est oui, il pourrait y avoir une réglementation particulière qui serait à agréer mutuellement, si j'ai bien compris.
M. Trudel: Tout à fait. Je ne sais pas... d'autres ont rentré dans d'autres territoires, là... On vient, par exemple, de s'entendre pour compléter les mesures d'harmonisation à la communauté du lac Barrière avec les Algonquins. Des mesures d'harmonisation, on se dit: Comment on fait la coupe? Comment on tient compte des lignes, des éléments particuliers des sites? Mais ça ne veut pas dire, quand on reconnaît un site patrimonial, que ça exclut toute coupe. Ça exclut parfois la façon de couper, la façon de pénétrer, etc., des mesures d'harmonisation. Mais votre interprétation que vous venez de faire est très juste.
M. Gauvin (Jacques): C'est ça. Bien, je voulais préciser que ce qu'on a tenté de faire, quand on a parlé de soustraction de territoires, M. le ministre, c'était pas tant qu'on était certain absolument de tout ce qui allait se produire, parce qu'il y a beaucoup plus de questions que de réponses lorsqu'on fait la lecture attentive de l'entente de principe. Cependant, ne sachant pas, et on peut revenir au mot dont on parlait tout à l'heure, «l'incertitude», ne sachant pas comment ça pourrait se terminer, bien, on a considéré qu'il pourrait y avoir des soustractions de territoires, et là on a fait l'analyse sommaire de quels endroits recoupaient des territoires d'unités d'aménagement forestier en disant: À ces endroits-là, il pourrait y avoir des impacts sur la possibilité forestière.
n(16 h 30)n Maintenant, cela étant dit, s'il y avait à certains endroits, sur les sites patrimoniaux, possibilité de poursuivre les activités, les opérations forestières usuelles, si vous me permettez l'expression, avec une réglementation qui serait appropriée, agréée mutuellement... Là, on dit «mutuellement entre la nation innue touchée, et le gouvernement, et l'industrie» ou «mutuellement»... Est-ce qu'on a voix au chapitre? Est-ce que ça fera partie des discussions qui auront lieu ou qui seront incluses quelque part dans les ententes complémentaires? Comme vous le voyez, c'est dur de réagir sur des choses pour lesquelles il demeure énormément d'interrogations, ne serait-ce que sur le processus même, et où on pourra s'inscrire pour faire des commentaires et proposer...
Par exemple, M. le ministre, peut-être qu'on pourra accepter, du côté des nations innues, de poursuivre les opérations forestières sur certains sites patrimoniaux pour ne pas affecter l'économie outre mesure, etc., et même, à la limite, pour prévoir un certain niveau d'activité économique évidemment pour la main-d'oeuvre innue.
Mais, si par ailleurs on fait des propositions de contraintes en termes d'interventions en forêt qui sont majeures et qui affectent la possibilité forestière de façon majeure, bien là on n'a pas sauvé grand-chose, on n'a pas atteint les résultats qui étaient poursuivis.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, si on est là puis qu'on participe à la discussion, nous qui sommes proches du terrain, qui vivons les opérations, bien, on sera peut-être en mesure de faire des propositions pour dire: Bien, écoutez, vous voulez poursuivre les activités d'aménagement forestier. Vous posez cependant des contraintes qui ont des effets majeurs sur la possibilité forestière. Nous aurions peut-être d'autres suggestions à vous faire. Bon.
Alors là je retourne avec ma question: Mutuellement agréé, est-ce que c'est mutuellement entre ? et je pense que je connais la réponse ? mutuellement entre le gouvernement et les nations innues? Mais là l'industrie, on n'est pas là pour apporter notre contribution, si je puis dire.
Le Président (M. Duguay): Merci.
M. Trudel: Vous n'avez pas raison, vous n'avez pas complètement tort. Alors, c'est pas pire.
M. Gauvin (Jacques): Bon. Bien, ce n'est pas si mal. C'est 50-50. Ha, ha, ha!
M. Trudel: Pas pire, mais on va donner les précisions suivantes. C'est que, d'abord, il y a des mécanismes, il y a l'obligation d'une table de concertation avec l'industrie dans le projet d'entente, au niveau des principes. Il y a l'obligation de ça. Donc, vous seriez là. Mais, formellement, formellement, les parties qui agréent, bien, c'est effectivement les parties que vous venez de mentionner. Mais cependant, on ne peut pas ignorer qu'il y a un tiers là-dedans qui est vous autres qui avez des titres, des régimes pour lesquels il y a eu des contrats avec l'État public et que, si nous en arrivions à intervenir, il faudra que vous soyez dans la préparation du consentement par les mesures d'harmonisation.
Je dirais, un peu à l'image de ce qui se passe actuellement, de ce qu'on a vécu dans certains territoires, que les mesures d'harmonisation, elles doivent être formellement convenues avec l'entreprise forestière qui détient ou qui pratique les droits de coupe. Et cela nous amène effectivement sur la question de la certitude ou de l'incertitude.
Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre.
M. Trudel: Ah bon! Ça m'arrête là?
Le Président (M. Duguay): Alors, malheureusement, c'est tout le temps que le parti avait pour discuter. Alors, l'opposition. Alors, M. le député de Jacques-Cartier...
M. Gauvin (Jacques): Merci. C'était intéressant, M. le ministre. On pourra toujours se revoir, hein? Enfin...
M. Trudel: Tout à fait. Tout à fait. En fait, ici, on semble n'avoir qu'un seul petit problème, M. le Président...
M. Gauvin (Jacques): Mais je ne dirai pas ça, moi, M. le ministre. O.K.?
Le Président (M. Duguay): Alors, merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Je ne sais pas, M. Gauvin. Si vous voulez conclure ou faire un commentaire sur le temps de l'opposition, je vous permets de répondre au dernier commentaire du ministre.
M. Gauvin (Jacques): Non. J'aurais continué à écouter M. le ministre. Non, non, ça va, ça va.
M. Kelley: Alors, à mon tour, M. Gauvin, M. Lachapelle, M. Robitaille et les membres du Conseil de l'industrie forestière du Québec, bienvenue. Et, je pense, à la fois votre mémoire et votre témoignage aujourd'hui indiquent à quel point c'est important que vous soyez associés avec le processus parce qu'il y a des questions ici qui sont très précises, très techniques, qui...
Étant donné l'importance de l'industrie dans l'ensemble québécois, je pense qu'on a tout intérêt d'avoir une mécanique de vous donner des réponses claires à la question de la possibilité forestière, c'est quoi, les impacts. J'imagine que c'est un genre de calcul de l'assiette potentielle et, si l'assiette est plus petite, le potentiel est donc plus petit, si j'ai bien compris le processus.
Comme je dis, il y a très peu de cas dans mon comté. Les cafés, oui, mais pas les CAAF, parce que je suis en pleine banlieue. Mais je comprends. Alors, je pense, le premier message que j'ai reçu cet après-midi, c'est avant tout l'importance de mettre en évidence votre expertise dans le domaine.
Et, sur ça, ça m'amène à ma première question, parce qu'on parle un petit peu comme si vous n'aviez jamais eu d'expérience avec les nations autochtones, et c'est loin d'être le cas. Alors, je sais qu'il y a les scieries qui opèrent à Waswanipi, à Obedjiwan, qui sont un partage, si j'ai bien compris. Il y avait des expériences avec les Algonquins. Le ministre a fait référence pour un style de coupe qui est différent, mais qui a été négocié avec les Algonquins du lac Barrière, entre autres.
Alors, peut-être pouvez-vous partager un petit peu c'est quoi, certaines de ces expériences? C'est quoi, les leçons que vous avez tirées de la collaboration existante avec les nations autochtones?
M. Gauvin (Jacques): Bien, je pense que c'est un excellent sujet. En fait, c'est peut-être le plus bel exemple de ce qu'on veut illustrer par nos propos lorsqu'il est question d'établir des partenariats et de travailler tous ensemble dans la filière forestière, si on peut dire, dans les deux régions en question, c'est-à-dire la filière à partir des travaux en forêt et aller jusqu'à la livraison de divers produits sur les marchés.
Or, vous avez donné deux exemples de cas où des entreprises importantes au Québec ont pris des ententes de partenariat d'affaires avec des communautés autochtones. Ça s'est fait... Évidemment, c'était du nouveau, parce que c'était parmi les premières, sauf erreur, les premières expériences qui ont été vécues comme ça, mais avec des résultats aujourd'hui très positifs où tous sont ressortis finalement gagnants. Il a fallu s'adapter mutuellement, il a fallu travailler ensemble, et je pense que les bénéfices dans les communautés en question sont là pour prouver que c'était les bons choix.
Ailleurs, au Québec, peut-être de façon un peu moins visible, parce que ce n'est pas toujours à l'intérieur d'entreprises qui transforment du bois, des scieries, on retrouve, malgré tout, des entreprises qui travaillent, je dirais, très proche avec les communautés. Je pourrai peut-être même laisser M. Robitaille ici, à ma droite, parce que les Entreprises Barrette, au nord du Lac-Saint-Jean, ont une collaboration, je pense, étroite et essaient, autant que faire se peut, d'avoir les meilleures synergies possible avec les communautés autochtones qui sont dans leurs entourages.
On a connu ça. On a connu aussi, malheureusement, il faut le dire, des endroits où ça a été plus difficile, où c'est aujourd'hui encore plus difficile, il faut le dire quand même, où les exigences... où il y a eu des confrontations, entre guillemets ? il faut savoir reconnaître ça; on ne voudrait pas le reconnaître, mais on le verrait dans les journaux demain matin ? où ça a été effectivement une autre voie qui a été prise, une voie davantage de confrontation et où personne n'est sorti gagnant. Tout à fait le contraire de ce que je viens de dire pour les autres cas. Malgré les efforts des entreprises puis, je dirais, malgré les efforts des communautés, puis malgré les efforts des gouvernements, quelque part ça n'a pas pu fonctionner. Espérons que ça va finir par débloquer un de ces jours.
Là, on est avant le fait. On est dans une situation où il y a un processus, M. le ministre parlait de 23 ans, et il n'est pas question de le retarder de façon indue. Par contre, prendre le temps d'utiliser les potentialités des gens qui sont là, les nôtres de l'industrie forestière, mais d'autres également, tenir compte de ce qu'il est possible de faire ensemble plutôt que chacun de notre côté. Et, encore une fois, vous avez donné l'exemple où ça s'est produit, et je crois que c'est possible de se répéter encore. Il faut juste prendre le temps de s'asseoir ensemble. On parlait tout à l'heure d'opportunité de deuxième et troisième transformations. C'est facile à dire comme ça, là, ça paraît bien, mais il y a tout un travail derrière ça. Il y a toute une analyse d'opportunités et une collaboration où on retrouverait, dans ce contexte-là, du développement économique, des emplois puis éventuellement de la rentabilité économique pour les communautés innues qui seraient indiquées et, aussi, la contrepartie, des entreprises qui seraient intéressées d'avoir développé ces dimensions-là.
Alors, c'est un peu le message qu'on essaie de passer puis qui va dans le sens de ce que vous nous avez donné comme exemple.
Le Président (M. Duguay): Merci. M. Robitaille, est-ce que vous vouliez continuer?
M. Robitaille (Jacques): Bien, comme le mentionnait Jacques Gauvin, effectivement, il existe depuis déjà quelques années des ententes de collaboration avec les communautés locales qui, je dirais, ont leurs applications surtout en forêt au niveau des travaux de reboisement, des travaux de récolte. Mais je pense bien que les attentes des communautés sont au-delà de ça. C'est d'autres types de partenariat puis peut-être même jusqu'au niveau des usines, et ça, c'est beaucoup plus complexe. Ça va demander des programmes pour s'assurer que la main-d'oeuvre est formée, et tout ça.
Par contre, si je prends le cas de notre dossier, l'entente avec les Cris, on se heurte, par contre, à une difficulté, et j'ose espérer que dans le cas de l'entente avec les Innus... Et ce que je constate m'amène à penser qu'on va peut-être éviter cela. C'est que, dans le cas des Cris, on a été très rapidement pour signer cette entente-là et, malheureusement, on doit voir les conséquences sur les volumes qui pourront être laissés à l'industrie pour opérer.
n(16 h 40)n Donc, on fait face à une situation où il y a comme une contradiction dans les objectifs. On veut faire plus de place aux communautés à l'intérieur de nos entreprises pour tirer bénéfices de la ressource, mais, en même temps, si on voit nos volumes diminuer puis qu'on est obligé de faire des mises à pied, bien, on se dit que ça vient augmenter le difficulté. Donc, je pense, ce qui est important, c'est de faire une place à l'industrie pour qu'ensemble, dans le cas de cette entente-là, qu'on puisse ensemble travailler, évaluer les conséquences, les effets et trouver les meilleures solutions pour minimiser ces conséquences-là.
Le Président (M. Duguay): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Oui. Pratico-pratique, quand on accorde un volume de bois à une nation autochtone, dans le cas de Waswanipi, si j'ai bien compris, on a accordé un certain volume. Ils ont un partenariat avec Domtar, de mémoire, pour la gestion d'une scierie à Waswanipi qui a créé à la fois des emplois pour les Cris... Mais, est-ce que c'est uniquement des emplois cris ou est-ce qu'il y a d'autres travailleurs forestiers qui travaillent dans cette scierie? Comment tout ça fonctionne? Est-ce que l'octroi de ces volumes, c'est uniquement le bénéfice de la nation crie ou est-ce que c'est partagé? Et qu'est-ce qui arrive avec le bois après que nous avons accordé le volume? Peut-être que c'est ça, ma question, pour quelqu'un qui connaît moins bien l'industrie.
Le Président (M. Duguay): M. Robitaille.
M. Robitaille (Jacques): Je peux tenter de répondre, je ne suis pas au fait à 100 % de l'entente entre Waswanipi et Domtar. Il faut voir deux volets: il y a un premier volet qui est l'entente de partenariat, si on veut, industriel, c'est-à-dire la copropriété de cette usine-là ? donc, ça, je pense que c'est un volet très important ? et il y a aussi les travailleurs, les gens qui travaillent. Effectivement, je dirais que la majorité des travailleurs à l'usine probablement sont des membres de la communauté de Waswanipi, mais ce ne sont pas les seuls. Avec le temps, peut-être que ça va devenir comme ça mais, au départ, là, mon impression, c'était qu'il y avait un peu un mélange des deux pour partir l'affaire.
Mais je pense que ce qu'il est important de constater, c'est les deux volets: les emplois, oui, mais une vraie entente business, une vraie entente d'affaires, de copropriété.
M. Kelley: Et peut-être une dernière question parce que je sais que ma collègue aussi veut poser une question. Mais peut-être juste des précisions. Vous avez mentionné les deuxième et troisième transformations, mais avez-vous des exemples des genres de projets? Pas les projets formels, mais peut-être lancer les idées. Qu'est-ce que ça peut être, les projets de deuxième et troisième transformations?
M. Gauvin (Jacques): Bien, mon Dieu, on peut penser que... Bon, on faisait référence tout à l'heure à certaines essences qui ne sont pas utilisées à l'heure actuelle et qui pourraient l'être dans le contexte de projets. On sait qu'il y a des volumes disponibles de feuillus de trituration. Et là il peut y avoir des projets d'usine de panneaux et autres produits qui seraient potentiellement à mettre sur la table, puis à examiner, puis à analyser dans ce contexte-là, pour un. Ça, c'est les essences, peut-être, qui sont actuellement disponibles.
Quant à la deuxième transformation qui a été très populaire, même avec nos bois, je dirais, nos bois résineux traditionnels, bien, encore là, ça demande des investissements, ça demande aussi d'avoir les volumes appropriés de bois de plus petite dimension pour faire ces fameux produits de deuxième transformation, comme les bois aboutés ou autres petits produits différents, pardon. Alors là, peut-être qu'il faudra voir quel genre de partenariat pourrait être fait pour réunir des volumes suffisants pour aller dans des projets dans cette direction-là.
Je pense qu'il faut, sur une base d'affaires évidemment, comme vient de mentionner M. Robitaille, s'asseoir, regarder les opportunités et voir évidemment que ça fasse un sens. Parce que, si on bâtit une usine puis on arrive sur le marché avec des produits qui n'ont pas leur place, bien, évidemment on ne sera pas avancé, là. Mais il faut analyser les choses. Pour le faire, il faut s'asseoir ensemble puis regarder les opportunités.
M. Kelley: Merci beaucoup.
Le Président (M. Duguay): Alors, merci, M. le député de Jacques-Cartier. Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, messieurs. Moi aussi, ma question, c'est par rapport à la page 5 de votre présentation, où vous dites qu'en ce qui a trait à la disponibilité de volumes de bois, de résineux sur le territoire, il n'y a pas de disponibilité. Ce qu'on pourrait retrouver, c'est en termes de feuillus, et c'est pour ça que vous nous orientez vers de la deuxième et troisième transformation.
M. Gauvin (Jacques): Bien, c'est-à-dire que le commentaire, si vous permettez, de deuxième et troisième transformations, encore une fois, s'appliquait et pourrait s'appliquer également sur éventuellement des volumes dans le contexte de bois résineux, pas nécessairement des volumes supplémentaires, mais peut-être trouver des opportunités à même les volumes et les opérations industrielles de première transformation déjà en place pour pouvoir inclure ou additionner les projets de ce type-là.
Le Président (M. Duguay): En complément, peut-être, oui.
M. Lachapelle (Yves): C'est vraiment de créer de l'activité complémentaire. C'est de l'activité de plus qu'on veut au niveau des deux régions. C'est certain que les volumes, au départ... Toutes les entreprises de première transformation sont en manque de bois. Et l'industrie de première transformation, on est dans une situation où la compétition est très, très, très serrée. Donc, quelles sont les opportunités qui s'offrent à nous? C'est peut-être les essences qui ne sont pas attribuées actuellement. Donc, ça demande un certain volume, ça demande des projets, ça demande des partenaires spécialisés pour les produits qu'on peut tirer à partir de ces produits-là, ou des projets de transformation plus complète à partir, comme M. Gauvin le disait, de bois de plus petite dimension, de produire de la valeur ajoutée. Et ça, bien entendu, ce n'est pas de la première transformation. La première transformation, c'est fermé. C'est ça, la nuance, c'est de créer de l'activité supplémentaire avec le résineux qu'on a, des nouvelles activités avec le feuillu qui est disponible.
Mme Gauthier: Dites-moi: Est-ce que vous avez... Est-ce que des membres de votre regroupement ont fait des études d'impact sur l'attribution des mètres cubes, là, qui seraient attribués aux communautés innues sur les territoires du Saguenay?Lac-Saint-Jean ou encore sur la Côte-Nord?
M. Gauvin (Jacques): On ne pouvait pas véritablement faire d'étude d'impact en tant que telle. Tout à l'heure on soulignait qu'il y avait un certain nombre de facteurs qui étaient inconnus quant... par exemple, quelle serait finalement la proportion des superficies qui seraient soustraites des unités d'aménagement, quelles seraient ultimement, par rapport à ça, les évaluations de perte de possibilités forestières, quelles seraient les autres pertes qu'on peut envisager par rapport aux changements des activités d'aménagement forestier qui peuvent être des changements fort importants si on exige des modalités d'intervention en forêt qui sont beaucoup plus contraignantes. Il peut y avoir des effets sur la possibilité forestière, on a vu ça ailleurs. Alors, on n'a pas pu. Et, malheureusement, on pourrait, sur des bases purement hypothétiques, et là on aurait lancé des chiffres puis là on se serait fait accuser de lancer des chiffres puis de jouer un jeu qui est un peu dangereux. Alors, comme il y a tellement de questionnements et d'éléments qu'il faudrait prendre en considération, on n'a pas d'évaluation d'impact en tant que telle.
Ce qu'on souhaite cependant: participer aux discussions, participer aux échanges, participer à la définition des ententes complémentaires qui vont nous amener, entre autres celles qui vont toucher la question des interventions en forêt, pour dire: Oh! c'est ce que vous avez en tête, c'est ce que vous voulez faire. Maintenant, ensemble ? parce qu'on aimerait bien y participer ? faisons l'évaluation d'impact de ces mesures-là. Et peut-être que même tous les intervenants autour d'une table, on dirait: Bon, bien, on pensait que c'était bon, ça. Mais voyez-vous, là, on a des impacts qui sont beaucoup trop importants. Même nos propres communautés pour lesquelles on recherche des emplois, on n'en aura pas, on va les perdre, les emplois qui étaient déjà là. Bon.
Donc, regardons ensemble quelles seraient d'autres modalités qu'on pourrait faire, faisons d'autres analyses d'impact. C'est un peu le discours qu'on a dans notre présentation: participer aux discussions, un; deuxièmement, faire des évaluations d'impact pour voir c'est quoi qu'on a devant nous. Si l'impact est trop grand, qu'est-ce qu'on fait? On trouve des méthodes d'atténuation, on cherche des compromis pour que ce soit acceptable. Ultimement, on sait très bien que ce n'est pas nous qui allons prendre les décisions, c'est des gouvernements, c'est de nation à nation. Mais on est peut-être en mesure de faire un très grand bout de chemin pour trouver les solutions les moins... je vais prendre, exemple, un mot, mais qui ne veut pas dire que ce serait négatif, là, mais les moins dommageables, avec des répercussions les moins grandes sur le tissu économique dans les régions.
Mme Gauthier: Merci. Une dernière question, si vous me permettez, très technique. À la page 4, au niveau des sites patrimoniaux, vous avez dit, au quatrième paragraphe, que, globalement, les superficies forestières soustraites des unités d'aménagement forestier totalisent 3 000 km², soit l'équivalent de 300 000 m³. Avez-vous fait la ventilation de ce volume-là, la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, par rapport à la Côte-Nord?
M. Gauvin (Jacques): Je vais laisser M. Lachapelle répondre.
M. Lachapelle (Yves): La ventilation... Bon, je crois que, dans le mémoire, on a quand même indiqué les superficies qui étaient identifiées comme pouvant être soustraites ? c'est toujours du conditionnel parce qu'on n'avait pas de certitude ? au niveau des différentes unités d'aménagement, et ce serait très facile de le faire. On identifie pour les unités d'aménagement qui commencent par un 2, donc la région 2. Et la règle de 3 qu'on a utilisée pour avoir l'ordre de grandeur, c'est tout simplement un rendement moyen d'un mètre cube par hectare. Donc, si vous avez... Comme dans le cas de Mashteuiatsh au niveau de l'Innu Assi, il y avait, je pense, 141 km² de territoires qui pourraient éventuellement être en propriété propre de l'Innu Assi. Donc, 141 km², c'est 14 000 hectares, donc 14 000 m³ par année qui pourraient être affectés. On n'a pas la ventilation dans le mémoire comme tel, mais c'est possible de le faire.
n(16 h 50)nMme Gauthier: Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci.
M. Trudel: Est-ce que je vais pouvoir jouir de mes droits, M. le Président?
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Trudel: Moi qui étais très heureux, on m'a coupé huit minutes tantôt.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis, qui m'a remplacé tout à l'heure, a malencontreusement amputé effectivement de huit minutes le temps du côté ministériel. Alors, si vous voulez en utiliser une partie ou la totalité, libre à vous de me le faire savoir.
M. Trudel: Je vous le fais savoir...
Le Président (M. Lachance): Ah! M. le député de Roberval...
M. Trudel: ...mais je vais répondre à votre désir d'en utiliser en partie. Non, c'est parce que tantôt j'avais au moins une remarque à faire. Cette suggestion que vous avez, à la page 6, de prévoir dans l'entente, en fait, dans les ententes complémentaires, des mesures favorisant des projets de deuxième et de troisième transformation du bois dans un contexte de maillage entre les entreprises en place et les communautés autochtones ? et ça, ça va un peu dans le sens de la question du député de Jacques-Cartier ? quant à moi, c'est une très heureuse suggestion, ça, parce que c'est ça, la définition opérationnelle, en quelque sorte, de gagnant-gagnant.
On ne se rembarquera pas dans les chiffres de, par exemple, Essipit, Escoumins, mais on dit: À Essipit, il y a des entreprises là qui sont tellement florissantes qu'elles emploient 120 personnes, 120 Québécois et Québécoises qui ne sont pas de la nation innue. Eh bien, bravo, hein! Il y en a plus pour tout le monde. Et c'est assez évident aussi que, même si ce sera progressif, vous l'avez indiqué tantôt, tout le monde manque d'approvisionnement. Bien oui, parce que, bon, la demande, les volumes dans le sens des demandes du marché, bien, on ne peut pas dire: Il va y avoir 600 000 m³, mais il n'y a rien, rien, rien qui va changer, là, il n'y a rien, rien. Bien, voyons! On ne peut pas dire une chose et son contraire, quand même. Il y a des choses qui vont changer, même si on peut penser qu'on ne s'appliquera pas intégralement... Les mots que vous employez, c'est pour nous faire voir, j'imagine... «nécessairement soustraite aux attributions existantes».
Les contrats, ils seront respectés. C'est lorsqu'on arrive à terme ou que des industries cèdent parce qu'elles ferment, malheureusement, qu'on pourrait avoir des réaménagements. Mais votre suggestion de chercher le résultat par la transformation, il s'agit là d'une suggestion, quant à moi, qui est assez... qui doit être retenue et insérée à quelque part. C'est le résultat qui nous intéresse: davantage de prospérité, davantage de vitalité pour ces communautés, pour la nation innue comme pour la nation québécoise.
Est-ce que je fais une... Comme on dit, est-ce que je fais un syllogisme en disant la chose suivante: Vous reconnaissez que l'incertitude juridique découlant des revendications territoriales autochtones, ça justifie donc amplement la démarche des gouvernements, et il s'ensuit la conclusion d'un traité? Mais vous nous dites aussi, également, que: «Ces derniers ? les gouvernements ? ont également la responsabilité de ne pas déstabiliser l'économie des régions en créant un contexte d'incertitude économique.» Est-ce que je peux en conclure que le climat de certitude économique est très élevé, compte tenu de la performance du Québec, qui est le premier en termes d'investissements publics, privés, au cours de la dernière année au Canada, et qui en est arrivé au plus haut, en termes absolus, au plus grand nombre de création d'emplois dans tout le Canada? Ça doit correspondre à des conditions de certitude économique qui sont assez à l'avant-garde au Québec. Est-ce qu'on peut conclure ça du point de vue de l'industrie forestière?
M. Gauvin (Jacques): Bien, écoutez, monsieur...
M. Trudel: Je ne veux pas vous casser le bras; je veux juste forcer un peu, là.
M. Gauvin (Jacques): Non, non, non. Écoutez, vous ne me forcez pas le bras, là, puis je suis content de vous répondre là-dessus. Malheureusement, ma réponse, ce n'est pas une réponse, je dirais, qui est bien positive parce que, bien que ce que vous dites est sans doute vrai à l'échelle du Québec et possiblement à l'échelle canadienne, je ne sais trop, il n'en demeure pas moins que la situation, actuellement, dans l'industrie forestière en général, et plus particulièrement l'industrie du bois d'oeuvre, mais c'est vrai pour l'ensemble de l'industrie, est loin d'être positive. L'incertitude économique, l'incertitude sur les marchés, l'incertitude quant aux approvisionnements, l'incertitude nous attaque de partout, M. le ministre, à tous points de vue. Et les raisons, au départ, peuvent être fort bonnes. On ne peut pas être contre l'évolution de la société à divers points de vue, on ne peut pas rejeter les décisions que la société prendra en regard de la mise en valeur des ressources forestières. Bon.
Une fois qu'on a dit ça, quand on est dans les régions, on a des entreprises, on a des investissements, on crée des emplois. On est là pour l'activité économique dans les régions qui en ont tant besoin. Et puis on arrive avec des changements législatifs qui sont importants, vous le savez, et qui ont des impacts sur l'industrie forestière. Vous avez sans doute entendu parler des discussions qu'on a avec le ministère des Ressources naturelles par rapport aux modifications au régime forestier, les aires protégées, etc. Incertitude majeure sur l'approvisionnement, un; les coûts de l'industrie qui augmentent, deux; les marchés, eh bien, évidemment, le dossier américain nous fait un tort immense. Alors, actuellement, M. le ministre, c'est ce contexte-là dans lequel on vit dans l'industrie.
Et, additionné à ça, un niveau d'incertitude, puis vous en conviendrez avec moi, qui est loin d'être mineur quand on regarde des changements qui sont en train de se produire dans certaines régions du Québec par rapport aux revendications autochtones puis les ententes qui sont prises et ce qui s'en vient dans deux régions majeures au point de vue forestier au Québec, le Saguenay?Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord. De là, bien que notre approche se veut très ouverte, très collaboratrice et constructive... Mais on est très inquiets, M. le ministre, et «très» avec des lettres majuscules.
M. Trudel: Mais vous convenez que davantage de certitude dans les règles favorise davantage de développement.
M. Gauvin (Jacques): Oui, de stabilité, de connaissance. Oui, là-dessus, on s'entend, M. le ministre.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.
M. Laprise: Oh! Une suggestion bien simple. À la page 5, vous parlez des compensations financières et du partage des redevances. Je comprends votre réaction. Je pense qu'elle est normale. Mais, moi, je vois ça dans le contexte des marchés, qu'on se fait souvent reprocher que les entreprises forestières... Je pense que, au niveau de la taxe américaine, c'est un des reproches qu'ils nous font, que le taux qu'on charge aux compagnies n'est pas assez élevé.
Est-ce que votre participation dans ces redevances-là ne serait pas de nature à avoir un impact sur les marchés américains, à savoir qu'ils pourraient peut-être tenir compte de ça avant de nous dire qu'on ne charge pas assez ou encore que la participation des entreprises n'est pas assez élevée? Est-ce que ça pourrait être un atout?
M. Gauvin (Jacques): Vous soulevez une bonne question. Je vais laisser M. Robitaille, qui connaît bien le dossier américain, beaucoup plus que moi, vous répondre.
M. Robitaille (Jacques): Bon, écoutez, la question à savoir est-ce que le gouvernement charge assez pour les redevances, je pense qu'il ne faut pas prendre pour acquis les prétentions des Américains. J'aimerais simplement rappeler que, lors de la dernière enquête du gouvernement américain, dans le début des années quatre-vingt-dix, ils avaient trouvé, en regardant ce que l'industrie forestière payait ici, au Québec, qu'on était subventionné à 0,01 %, donc de minimis, et, depuis ce temps-là, les redevances au Québec ont plus que doublé.
Alors, quand on regarde le dossier américain actuellement puis le 27 % de taxe qui nous a été imposé, ce 27 % là a été déterminé en contradiction des lois existantes en utilisant des facteurs inappropriés, et le ministère des Ressources naturelles lui-même, en refaisant les calculs avec ce qu'on pense que doivent être les bons chiffres, eh bien, en arrive à un taux qui frise aussi, encore une fois, le zéro. Donc, il faut faire la distinction entre les prétentions des Américains et la vraie réalité des choses.
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, merci, messieurs du Conseil de l'industrie forestière du Québec, pour votre participation aux travaux de cette commission.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite le représentant de pionniers septiliens à prendre place, s'il vous plaît. Alors, bienvenue, M. Robert.
Des voix: ...
n(17 heures)nLe Président (M. Lachance): S'il vous plaît, messieurs. Alors, bienvenue, et je vous mets en garde tout de suite, M. Robert. Nous sommes dans un forum où on peut exprimer des opinions, mais, à la lecture de votre mémoire, je vous mets en garde sur le ton et les mots à être utilisés pour que ça se passe bien. Bienvenue, monsieur. Vous avez la parole et un maximum de 20 minutes de présentation.
Groupe de pionniers septiliens
M. Robert (Gaby): Oui. Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, merci. Comme vous venez de le dire, c'est un mémoire d'opposition. Nous avons pris un ton au niveau de la lettre. Au niveau du ton verbal, je pense que l'écrit est suffisant. Comme disait la personne qui vient de Joliette, je ne suis pas ici pour faire un show, quoique, des fois, au niveau des médias, si tu ne fais pas de show, ça ne passe pas. Mais ça, vous n'êtes pas des... Je fais le message pour d'autres en arrière. Mais, je ne suis pas venu ici pour eux autres, je suis venu ici pour ne pas me faire dire par le gars de Joliette que vous avez chialé ? baisser le ton ? vous avez chialé puis vous n'avez pas eu le courage de venir dire ce que c'est que vous aviez à dire. Donc, on vous l'a envoyé. Et, ce matin, moi, à 3 h 32, j'étais debout puis je suis ici. Ça m'a fait plaisir de le faire, mais il faut le faire.
Donc, c'est un mémoire d'opposition. Moi, j'ai accepté... Je ne suis pas un des premiers des pionniers septiliens, puis j'ai accepté d'être leur porte-parole pour différentes raisons. On n'est pas un gros groupe, sauf qu'il y a des gens là-dedans qui disent: Écoute, là, bon, moi, j'ai un commerce, si j'émets une opinion, bien mon commerce risque de fermer demain matin. Mais c'est des gens qui, des fois, exagèrent un peu mais ont mis du sérieux là-dedans. Puis il y en a un qui me disait à un moment donné, moi, il dit: Écoute, je suis grand-père, je regarde mes petits-fils qui n'ont pas de job, puis ils posent des questions, puis, il dit, ça m'énerve. Puis il dit: Si on continue de se taire, bien, vous connaissez l'expression, se taire, c'est mentir.
Donc, je vais commencer par un bout de lettre que j'ai envoyée à M. Pinette la journée qu'on l'a publiée. Bon, l'essentiel... Bon, pour présenter notre mémoire, là... Je lui parle de notre mémoire. Donc, notre mémoire en est un de réaction à la belle passe que nos pseudo-représentants ont tenté de nous vite, vite passer. Le groupe avec lequel je compose, pionniers septiliens, a, malgré l'opposition, l'à-plat-ventrisme de certains des nôtres... Notre groupe reconnaît la nécessité de contribution réciproque à notre avancement commun. Si l'expression «Approche commune» a été gaspillée par des manipulateurs, je vous invite ? je parle à M. Pinette ? à réfléchir à une approche équitante ? on parle d'équité, donc une approche équitante ? que nous définirons ensemble. Là, je vous laisse les autres bouts, là, parce que...
Puis, un petit peu plus loin, je lui parle de l'annexe A, que j'ai moi-même signée, parce que j'ai voulu mettre des éléments positifs. C'est beau de s'opposer à quelque chose qu'on trouve odieux, mais, s'opposer pour s'opposer, on ne va pas énormément loin avec ça. Donc, l'annexe A de notre mémoire est un document à utiliser.
Et puis je vous signale que, dans quatre mois, là, même moins de quatre mois, ce sera le 400e anniversaire de l'arrivée de Champlain. Donc, on est peut-être des allochtones, mais... Si eux autres sont autochtones, ils sont arrivés peut-être avant nous... Ça, ça a l'air qu'il y en a qui disent... Il y en a qui disent que oui, puis d'autres qui disent que non, mais 400 ans, on est des allochtones puis on n'arrive pas d'hier.
Donc, je vais vous lire rapidement, là, puis, à moins que ce soit nécessaire, j'entends en passer des bouts. Mais ce n'est pas... C'est pour écourter, si on veut, là. Bon, Mémoire d'opposition aux négociations territoriales et à l'Approche commune, un projet insensé visant à déposséder Nord-Côtiers et Québécois. En effet, un complot du Canada anglais dans le but de détruire la nation canadienne-française du Québec n'aurait certes pas mieux réussi parce que toutes ces démarches visent à donner aux autochtones des droits qu'ils n'ont pas, enlever aux Québécois des droits qu'ils ont, et ce, dans un style de dictature mesquine face à nous, victimes privées de nos droits d'intervention et dans une formule secrète et inusitée, dans un contexte où la démocratie est totalement écartée du processus.
Et je saute un paragraphe, là, c'est pour dire que nous sommes dans une situation inégale, une lutte inégale.
Ne nous demandez pas d'être positifs devant les manoeuvres aussi catastrophiques visant à l'anéantissement de notre peuple et à l'abolition de nos droits les plus élémentaires sur un immense territoire que nos ancêtres et nous-mêmes avons défriché, développé et exploité au profit de la collectivité. Pire encore, nous ne sommes que quelques groupes et individus isolés, non organisés, sans moyens contre un État surorganisé qui achète tous les opposants avec des fonds publics ? c'est nos impôts, en passant ? qui mobilise tous les effectifs et qui ne regarde pas à la dépense pour faire taire tous les opposants par des moyens trompeurs, si vicieux et malhonnêtes soient-ils. Cependant, la puissance de nos opposants en nombre, en organisation et en moyens financiers n'affecte nullement le courage et la détermination de notre groupe qui sait qu'il vaincra. O.K. Je passe un petit bout.
Bon, le Québec n'a jamais signé l'entente de 1982. Donc, si on n'a pas signé l'entente de 1982, bien il y a quelque chose là, à un moment donné, qu'on nous dit: Bon, bien, des jugements de la Cour suprême... Bien, c'est quoi, l'affaire, là? Si on n'a pas adhéré à la Constitution de 1982, bien pourquoi qu'on se sentirait si lié que ça?
Le Québec n'a pas autorité à négocier avec les autochtones, c'est le gouvernement fédéral qui a instauré un système de mise à part dans des réserves. C'est une erreur historique. Donc, on n'a pas à ancrer ça dans des droits pratiquement éternels.
Ça a des effets au niveau du dépeçage du Québec. Le Nitassinan, pour le moment, le secteur de Sept-Îles, qui n'a pas négocié encore, là, ça a l'air beau, mais, quand le secteur de Sept-Îles aura négocié, bien là leurs demandes, ce sera toute l'île d'Anticosti puis le restant de la Côte-Nord. Donc, ça, on appellerait ça un Nitassinan. Je vous reviendrai sur le «Nita» versus «tsinanussinan».
Combien de millions? Ça n'a pas d'allure, cette affaire-là, on parle maintenant d'au-dessus d'une quarantaine de millions qui ont été dépensés par des avocats. C'est avantageux que ça ne se règle pas, parce que les avocats, ils facturent, puis c'est le gouvernement fédéral qui finance ce système débile là.
Nous croyons que la panoplie de règlements... Bon, les impôts, ça, on peut passer là-dessus.
Au niveau de la toponymie, il y a un point. Moi, je suis arrivé en 1974 sur la Côte-Nord. Il n'y avait pas un Nord-Côtier sur la Côte-Nord, tout le monde disait: On est des gens d'ailleurs. Il n'y a pas personne qui s'identifiait. Puis, finalement, au début des années quatre-vingt, grâce à Radio-Canada, grâce à différents organismes, il s'est commencé... à partir de 1981 où est-ce qu'on a commencé à s'identifier comme Nord-Côtiers. Puis, s'il y en a qui doutent de ça, allez voir dans les médias, puis il n'y avait pas de Nord-Côtiers sur la Côte-Nord avant 1981. Radio-Canada télévision est arrivée, puis elle a aidé. Donc, pour moi, l'identification est bien importante. M. Jacques Léonard, avec le programme des MRC, nous avait sensibilisés aussi à l'effet que... Toute la notion des MRC, là, si on veut, il y a eu une consultation bien intelligente à l'époque avec M. Jacques Léonard, et puis nous autres, on a embarqué dans ce bag-là puis on s'est identifiés comme Nord-Côtiers, comme d'autres régions ils sont Gaspésiens, etc. Donc, les mots ont de l'importance.
Un jour, je trouve, sur une carte, route du Labrador puis le coin qui est... Moi, je me suis déjà déclaré comme labradophile, pour ne pas confondre avec un autre mot, même si je suis pédo... Mais, je ne suis pas un pédophile, là, je suis un pédagogue. Alors, il faut faire attention à nos mots, hein? Bon. À un moment donné, je ne vois-tu pas, à un moment donné, les monts Uapashke. Bon, vous allez dire, pour certains: Ah, c'est une niaiserie, ça. Non, ce n'est pas une niaiserie. Quand on n'est pas capable de se respecter, là, il y a un problème. Bon, je vérifie l'affaire, je vais voir... Je vérifie avec des autochtones que je côtoie, et puis personne ne savait qu'est-ce que ça veut dire, «Uapashke». Bon, on me dit: Va donc à l'ICEM, à Sept-Îles. Je vais à l'ICEM, à Sept-Îles, la première madame, elle me dit: C'est «oies blanches». Mais, elle n'était pas trop sûre, elle m'envoie à un autre. Puis l'autre, il venait de Bersimis puis il travaillait avec eux autres. Il dit: Non, ce n'est pas «oies blanches». Bon, elle doit se tromper, je me suis déjà trompé, moi aussi. Il dit: C'est «ours polaires blancs». Ah! Ça, ça sonne faux quelque part, mais c'est ça. J'arrive chez nous, c'est écrit dessus. Savez-vous c'est quoi, son «Uapashke»? «Montagnes blanches». On n'en a pas assez, de montagnes blanches, aux États-Unis, un peu partout?
Je n'ai rien à ce qu'on mette «Natashquan», c'est un mot d'origine autochtone. «Québec», ça vient des origines autochtones. On a enrichi notre culture grâce aux premiers arrivants. Le sirop d'érable ? je suis natif de Saint-Éphrem-de-Beauce ? bon, le sirop d'érable, c'est une bonne affaire, c'est les autochtones. Sauf qu'à un moment donné, quand on ne se respecte pas puis on dit... Les monts Groulx... Si c'était encore «monts Otis»... Mais «monts Groulx»... Le chanoine Groulx, il a dit des choses pour... Je me souviens de quoi, là. Il y en a, peut-être qu'ils ne s'en souviennent pas de ce qu'il a dit, le chanoine Groulx, vous le chercherez. Mais c'est un de nos leaders, puis on va marquer «montagnes blanches», ou «oies blanches», ou «ours polaires blancs». Pourquoi? Parce que, ah! il y en a qui tirent là-dessus puis on leur donne facilement... Donc, il faut se respecter.
n(17 h 10)n Par contre, dans le même coin, il y a une deuxième rivière, Sainte-Marguerite. La SM3, là, Sainte-Marguerite, il y en a une deuxième sur la Côte-Nord. Il y en a une dans le bout de Tadoussac, là, dans le comté du premier ministre René Lévesque, puis il y en a une... Dans le comté René-Lévesque, qui s'appellera René-Lévesque. On va avoir deux premiers ministres sur notre Côte-Nord, à moins que quelqu'un réussisse à changer le nom du comté de Duplessis. Mais il a besoin de se lever de bonne heure. Bon, en revenant à notre sujet, donc, dans le comté de René-Lévesque, dans le comté tout près de Tadoussac, il y a la rivière Sainte-Marguerite, une belle rivière à saumon. Puis la nôtre, elle serait à saumon aussi, mais il y a des barrages, SM1, SM2, SM3, donc ses saumons ne remontent pas. Donc, pourquoi deux rivières Sainte-Marguerite? Là, on pourrait trouver un nom... Qu'il soit autochtone, qu'il soit Blanc, ça n'a pas d'importance. Mais il y a une nécessité de changer des noms. Mais le mont Groulx pour des oies blanches puis des ours polaires blancs quand il n'y a même pas d'ours polaires blancs, aïe! bien là il faut se respecter puis dire: Ça va faire!
Un jour, j'étais au poste montagnais et puis je rends service à un autochtone, je lui ai offert une remorque, ce qu'on dit, un «trailer». Je lui ai dit: Mets ça en arrière de ta motoneige, puis je lui montre comment faire, mais il voulait avoir mon jeep. Non. J'ai dit: Le jeep, si tu le brises, je vais avoir des problèmes. Puis j'en avais rien qu'un. Mais la remorque, si elle brise, je m'en vais la réparer. Ça fait qu'à un moment donné je lui rends service, puis là ils ont eu du fun, puis ils ont amené leur... C'était du gros «foam», puis ils avaient quasiment 1 km à faire. Plutôt que de les voir forcer, là, bon, c'est un humain, qu'il soit autochtone, qu'il soit Blanc, qu'il soit Noir, je lui offre ça. Après, à un moment donné, le flo me dit ? le plus jeune ? il dit: C'est notre territoire. Savez-vous ce que j'ai répondu, puis ça, ce n'était pas voulu, hein ? bon, je vais prendre la madame, c'est la seule? Je l'ai regardé dans les yeux, j'ai dit: Oui, c'est notre territoire. Ils ont tous parti à rire.
C'est quand on sait se respecter. Vous comprenez bien? Je peux vous regarder chacun dans les yeux, mais vous êtes plusieurs. O.K.? Quand on sait se respecter. Les monts Groulx, chanoine Groulx, on va respecter ça. Si vous voulez appeler la rivière Sainte-Marguerite un nom autochtone, ça a un sens, pas des oies blanches puis des ours polaires blancs, là, quelque chose qui a un sens puis... Bon, on changera. Ça va devenir une nécessité pour ne pas avoir besoin... avoir trois, quatre rivières Sainte-Marguerite. Bon. Si je ne me trompe pas, il y en a une au Lac-Saint-Jean aussi, mais, en tout cas, sur la Côte-Nord, une Sainte-Marguerite, c'est assez.
Revenons. Bon. Oui, bon, céder? J-a-m-a-i-s. Je ne le dirai pas avec émotion, mais on ne cédera pas grand-chose là-dedans. Pourquoi? J'expliquerai tout à l'heure pourquoi.
Bon, on a eu des menaces à un moment donné, puis ça a été stupide. À un moment donné, le type qui s'est promené, venant de Joliette, là, il avait de quoi à cacher, parce que, la deuxième fois qu'il est revenu, il est venu avec la police, toi. Aïe! qu'on est dangereux, tu sais. Finalement, bien, il s'est rendu compte que c'était ridicule. Il est venu deux, trois fois, 570 $ par jour, puis il a fait un mémoire, puis il a fait 32 recommandations. Puis, au tout début, on était des racistes. Finalement, bien, là, on s'est mis à tirer sur le mot «raciste», c'est quoi, «raciste», tu sais? C'est de mettre du monde à part, puis c'est de mettre des races à part. Puis, finalement, c'était gênant d'utiliser le mot «raciste», là on serait des jaloux. Puis là on change des noms. Puis vous avez vu le parti pendant à Ottawa, à un moment donné, là, ils commencent à se chicaner puis là, bien, ils ont fait des mêmes enfantillages, tu sais. Ménard et compagnie, là, tu sais, on détruit presque des réputations parce qu'on n'est pas d'accord. C'est ça qu'on fait.
Des solutions, il y en a, sauf que ça ne passe pas par la patience. Et je vais passer vite, parce que mon temps passe vite aussi là. Bon, on revient à la fin, là, à notre emblème Je me souviens pour s'en souvenir comme il faut. Il faut savoir s'affirmer, c'est vrai, pas rien que sur le nom des lieux. À l'heure actuelle, dans les écoles, on est train d'enlever presque tous les saints, là. Je suis bien prêt à enlever Sainte-Marguerite parce qu'il y en a deux, mais on est en train de tout enlever les saints parce qu'on se dit: Ça va faire plus cool. Donc, il faut apprendre à se respecter.
Et dans l'annexe A... Ça, je vais vous la lire pour conclure pas mal ma présentation. Droits, devoirs et contributions communes. Je voulais emmener du positif aussi, pas rien que s'opposer à... O.K. À la page 6. C'est par obligation que nous utilisons le malsain jeu de guerre des droits. Je n'ai pas insisté beaucoup tout à l'heure, hein, droit de ci, droit de ça, mais je laisse ça reposer. Donc, une approche constructive devrait miser sur le devoir commun d'entraide, ce qui pourrait s'appeler une approche équitante, on l'a déjà dit. L'intégration bidirectionnelle de différentes cultures ? les autochtones puis la nôtre, mais il y en a d'autres cultures qui peuvent s'ajouter aussi ? l'intégration bidirectionnelle de différentes cultures, ce sont des communautés qui s'intègrent, s'influencent et qui cheminent ensemble.
Quelques projets pratiques, c'est ça qui va permettre d'avancer. Quelques projets pratiques permettraient la prise en charge de la communauté autochtone avec support technique lorsque requis, tel que la centrale hydraulique au fil de l'eau au village de La Romaine en Basse-Côte-Nord. Ils ont un projet, ces gens-là. Mais, si on les laisse se casser la gueule puis on dit: Bon, bien, regarde, ils ont un autre échec, ce n'est pas bon, ça. Mais, si on les aide puis on ne met pas des avocats qui cherchent à facturer, là, la relance du camping de Uashat, j'ai dit carrément à M. Pinette... J'ai dit: Moi, je suis enseignant, je suis prêt à mettre deux, trois étés à le relancer. Je ne suis pas un expert dans les campings, mais j'ai dit: Je n'irai pas dans les centrales au fil de l'eau. Je connais un petit peu, mais jamais assez pour me mettre les pieds là-dedans. Mais le camping, j'ai dit: Monsieur, on n'a pas besoin d'investissements puis de subventions, on va le repartir. Donne-moi quelques autochtones, j'en connais quelques-uns, on va le repartir, le camping. Puis, c'est qui qui va être le plus perdant, M. Pinette, j'ai dit, c'est-u les Blancs, ou si c'est les autochtones, les allochtones ou les autochtones? Bien, il dit, les deux sont gagnants. C'est ce que je pense aussi.
D'autres idées peuvent venir, et on a comparé ce qui se passe ailleurs dans le monde. Certaines similitudes expérimentées ailleurs dans le monde nous amènent à nous pencher sur les Maoris. C'est des aborigènes de la Nouvelle-Zélande qui n'ont jamais eu de réserves ? bon, ce n'est pas la faute du Québec, ça, l'histoire des réserves ? jamais eu de réserves, de la mise à part comme au Canada. Aujourd'hui, ces mêmes Maoris sont en rattrapage pour intégrer et ainsi contribuer au développement de la Nouvelle-Zélande. Les Néo-Zélandais ont le devoir de contribuer au rattrape des Maoris afin que l'un et l'autre...
Puis là j'aimerais que vous changiez le mot «malgré». C'est moi qui l'a écrit, le texte, là. C'est qu'il y a quelque chose de bien plus intelligent à écrire que «malgré», c'est «grâce à» leurs différences. C'est le seul mot que je vous demanderais de changer en page 6, là. Donc, les Néo-Zélandais ? mais c'est vrai pour nos cultures à nous autres aussi ? les Néo-Zélandais ont le devoir de contribuer au rattrapage des Maoris afin que l'un et l'autre, grâce à leurs différences, contribuent, puissent contribuer à un avancement commun. Bon.
Puis on compare aussi au niveau de l'apartheid. Ça a l'air bien gros. C'est sûr que ce n'est pas un genre d'apartheid aussi gros qu'il y avait en Afrique du Sud ? toute comparaison est boiteuse, de toute façon ? mais il y avait des gens qui étaient mis à part. Comme dans les réserves, c'est une mise à part. Dans le train Montréal-Schefferville, il y a un wagon pour les autochtones puis le wagon pour les Blancs. Mais c'est-u de l'apartheid, ça? Appelons ça «mise à part», ça fait plus français. Avec l'abolition de l'apartheid en Afrique du Sud, on peut constater là aussi de nombreux exemples amenant à une collaboration et une contribution positive à l'évolution du pays ou d'un pays.
Même si cela semble utopique à prime abord, une organisation municipale asymétrique regroupant Uashat-Malioténam et Sept-Îles serait à envisager, tel un seul système d'infrastructures, la tuyauterie, là, pour l'eau, et certains autres services d'intérêt commun et, d'autre part, certaines activités culturelles, récréatives, développements sociaux, économiques relevant directement de la communauté.
Il pourrait y avoir un arrondissement autochtone puis... Oui. Et puis, avec des budgets respectifs de 45 millions pour la ville de Sept-Îles ? on est 24, 23 millions, là ? et 65 millions pour Uashat-Malioténam, puis eux autres administrent aussi l'école tant qu'à ça, il serait intéressant d'explorer ce qui pourrait être fait en termes de rattrapage, de convergence et de contribution positive à l'avancement de la région.
Je ne voudrais pas manquer... J'ai encore, dans mon deux minutes... «Notre territoire», ça veut dire... «Nitassinan» veut dire «notre territoire». «Nita» veut dire «nous» en langue autochtone. O.K.? Puis il y a un autre mot qui veut dire «nous», qui est «tsinanu». Comme la langue anglaise, moi, j'ai une seule fille, j'ai une seule personne que je peux appeler «my daughter». O.K.? J'ai rien qu'une fille à moi, c'est «my daughter». Et les autres, c'est «the girl». O.K.? Ça a tout son sens, puis probablement que vous êtes plus bilingues que moi... Donc, dans la langue autochtone, il y a le nita qui est un «nous» exclusif. Quand je dis «nita», c'est nous autres, les autochtones. Notre territoire, c'est à nous autres, ça.
Si on disait qu'on va avoir un territoire tsinanu, ah bien là, par exemple, vous seriez des collaborateurs. Puis, si ça ne se fait pas à la cachette, là, un «tsinanussinan», ah bien là...
n(17 h 20)n Mais, vous savez, moi, je suis grand-père depuis cinq mois. Ma petite-fille, elle se fera dire, là, dans 40 ans: Bien, écoute, tes grands-pères, ils ont négocié sur une base d'un «nous» qui exclut, un «nita». Si on négocie sur une base de tsinanu qui rassemble, c'est une autre affaire. Puis ça ne me ferait bien rien, moi, que la Côte-Nord soit appelée le «tsinanussinan». Je parle pour moi, là, certains de mes groupes aimeraient moins ça. Mais il reste que ça peut s'envisager. Mais, si on parle d'un nita...
Le Président (M. Lachance): M. Robert, je m'excuse de vous interrompre, mais votre temps est expiré.
M. Robert (Gaby): En tout cas, l'essentiel a été dit.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Merci, M. le Président. M. Robert, dans vos propos, vous semblez avoir beaucoup de frustration par rapport à des expériences que vous avez vécues au cours de votre vie. Je dois vous dire que parfois beaucoup de mes concitoyens ont eu à côtoyer en forêt des autochtones et avoir certains sentiments de frustration. Et, moi-même, comme ancien pilote, je dois vous dire que ça m'est arrivé personnellement. Maintenant, quand ça m'est arrivé, je me suis posé la question: Comment ça se fait qu'ils agissent comme ça? Et j'ai tenté d'aller voir plus loin, j'ai tenté... Je me suis dit: Je vais aller voir, je vais essayer de connaître leur culture et de voir un peu, de connaître leur histoire, leur passé et je dois vous dire, M. Robert, que j'ai réalisé que, historiquement, les autochtones n'ont pas toujours eu la vie facile. Et, bien souvent, c'est mes ancêtres qui... Ou ce sont les non-autochtones qui ne leur ont pas donné la vie facile, comme, par exemple, de les envoyer dans des réserves, comme, par exemple, de prendre leurs enfants et de les envoyer au pensionnat. Et tout ça, je pense, a contribué à les bouleverser et de faire d'eux des gens qui se cherchent parfois, et moi, je me dis... D'abord, les comportements excessifs que vous avez pu côtoyer, ils ne sont pas tous comme ça. Parce que, je dois vous dire, moi, j'en ai côtoyé des autochtones, et je suis allé voir au plus profond de leur culture, et j'ai vu des choses extraordinaires.
Maintenant, il y a deux choix, soit qu'on continue à avoir une attitude d'opposition et qu'on continue la confrontation... Et, à cet égard, je ne suis pas certain que ça va être la meilleure solution pour vos petits-enfants, puisque vous disiez que vous étiez maintenant grand-père de quatre mois. Je ne suis pas sûr que c'est la meilleure solution. Alors, au lieu d'avoir cette attitude de confrontation, moi, j'ai plutôt décidé de tendre la main, d'essayer de comprendre, mais aussi de comprendre que, parfois, si ces comportements excessifs qu'il y avait chez les autochtones et qu'il y a aussi chez les non-autochtones... Il faut se le dire aussi, parce que parfois, quand on voit ce genre de choses on dit: Ah, ils sont tous comme ça, on les embarque tous dans le même bateau. Moi, je pense que ce n'est pas vrai. Puis, de notre côté aussi, on a eu des comportements excessifs et qui sont tout à fait déplorables.
C'est pourquoi, moi, je pense que, par rapport à votre propos... Et je vous pose la question: Ne pensez-vous pas justement que, face à cette situation-là, ce n'est pas une bonne occasion qu'on a actuellement de tendre la main, et de tenter de se comprendre mutuellement, et de tenter de travailler ensemble pour que justement ils aient accès à un développement, qu'ils aient accès à une dignité? Et, lorsque quelqu'un a une dignité, moi, je pense que c'est là qu'il ne fait plus ce genre de comportement excessif que vous déplorez et que, parfois, nous déplorons tous.
Donc, je ne sais pas si vous voyez le filon que je tente de vous amener, mais je crois que c'est... S'entendre, c'est la chose la plus difficile. C'est beaucoup plus facile, se confronter. Mais ce qu'on tente de faire aujourd'hui, la nation québécoise avec la nation innue, je crois que c'est quelque chose de noble, mais quelque chose d'extrêmement difficile, et on va devoir changer nos façons de faire. Moi, je me dis, je suis prêt à le faire, changer mes façons de faire, pour que justement nos enfants et nos petits-enfants puissent vivre sur un territoire dans l'harmonie et où les deux communautés peuvent se développer. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Robert (Gaby): Bon, moi, je vais te reprendre une petite phrase que j'ai lue... Notre groupe reconnaît la nécessité de contribution réciproque à notre avancement commun. Donc, ce n'est pas dire: Bon, on ne veut pas vous voir. O.K.? Ça, tout de suite en partant... Même, il y a une journaliste qui m'a fait parler par téléphone interposé, puis, comme bien d'autres, tu sais, si j'avais dit des conneries, là, bien elle aurait sorti, tu sais, les pionniers septiliens ont dit ci puis ont dit ça. Elle voulait me faire dire qu'on ne voulait pas faire d'entente, rien que des petites affaires à la pièce, puis là j'ai dit: Madame... J'ai dit, la réponse, c'est n... Puis elle m'a... Tu sais, elle aurait voulu que je dise oui. Elle me fournissait la réponse, là. Bon, j'ai dit: La réponse, c'est n ? je lui ai laissé du temps ? puis o ? puis j'ai laissé encore du temps, puis c'est non. Puis j'ai dit: Madame, si vous voulez vous réessayer de me faire dire oui à une affaire de même, là... J'ai dit: Notre entrevue est finie. C'est que les médias ont beaucoup de complaisance là-dedans.
On vous dit que... On veut travailler avec eux autres. J'ai écrit à M. Pinette. J'attends toujours l'accusé réception, mais c'est dans leur culture, eux autres. Peut-être, je vais avoir l'accusé réception plus tard. Puis, quand je dis ça, ce n'est pas par méchanceté. Tu sais, les habitudes d'un voisin... Si ton voisin, il a des habitudes, bien c'est comme ça, tu sais. Mais c'est très positif ce que c'est qu'on lui dit.
L'annexe A ? je pense que vous l'avez lue ? est-ce que c'est quelque chose qu'on dit qu'on veut tout démolir ou tout briser? Je voudrais vous dire, M. Tremblay, que notre opposition n'est pas contre les autochtones. Je vais le vous dire ? je ne l'ai pas dit tout à l'heure, je vais vous le dire ? contre le gibier de Joliette. C'est lui qui a parti la négociation, il est... il précède monsieur... Et tout le monde dit maintenant, tu sais, que les pionniers septiliens, des fois, qui ont exagéré un petit peu, là, O.K., ils ont réveillé le monde.
Hier, vous vous êtes fait dire par des gens des Escoumins, puis monsieur du Havre-Saint-Pierre, puis je suis ça un peu par les médias... C'est grâce à qui? Quelques personnes. O.K.? Puis, moi, j'ai accepté d'embarquer avec eux autres, j'ai dit: Écoutez, les gars, c'est très négatif, ce que c'est que vous avez là, là. J'ai dit: En autant que je mets une annexe... Parce qu'on voulait séparer les choses, j'ai dit: Je vais mettre une annexe pour des fois qu'on est capable de proposer des choses positives.
On parlait tout à l'heure que j'étais frustré. Je ne suis pas si frustré que ça. Puis l'Indien, là, ça été bien le fun, puis on s'est rendu des services mutuels, parce que j'ai presque perdu ma chemise au poste montagnais, en passant. Puis je ne fais pas comme à Toulnustouc, revenir puis dire qu'Hydro-Québec m'a induit en erreur. Bon, j'étais trop naïf, je n'avais pas d'expérience. J'ai perdu rien qu'une maison, c'est à peu près tout. C'est comme ça. C'est une mauvaise expérience financière, mais je reste avec des bons contacts. Puis je te dirai que, dans les années quatre-vingt, après la fermeture d'IOC, moi, j'avais un bloc appartements puis j'aurais fait faillite si je n'avais pas eu des Indiens. Je l'ai rempli d'Indiens puis j'ai des bons amis indiens là-dedans. Mais, tu sais, je ne suis pas prêt à tous leur donner des droits.
Je travaille avec des jeunes, là, secondaire III. Aussitôt que tu leur donnes un petit peu, bien j'ai bien le droit... Qu'est-ce c'est que tu veux faire avec des «j'ai bien le droit», tu sais? C'est de l'enfantillage, ça. Deviens donc plus responsable. Bien sûr qu'il faut en écrire, tu sais, des chartes des droits de la personne. Je ne peux pas cracher là-dessus, c'est une bonne chose, c'est un point de référence. Mais, tu sais, si, à chaque jour, moi, je me lève puis je lis les chartes de droits de la liberté puis, avant de travailler, je dis: Bon, bien là, à matin, je fais quoi, tu sais? Je n'enseignerai pas, tu sais. Non, non, je vais rien que voir... Je vais faire des griefs à coeur de jour puis... Je vais travailler sur le côté légal, je vais faire vivre des avocats, là, à coups de millions.
Donc, il y a de quoi à faire. M. Pinette, j'ai lu son mémoire, il y a des choses positives, il y a une convergence possible. Moi, il y a une référence que je voudrais vous donner, là, c'est Hervé Fisher, de l'Université Concordia, qui parle de convergence, divergence versus les nouvelles technologies, versus ce que c'est que l'échec, là, AOL et compagnie. Un petit texte de rien, mais ce gars-là, vous devriez l'écouter, lui, il parle des cultures... Pas rien que parler de la convergence de deux cultures, il y a la divergence. C'est pour ça que le terme, là, j'étais bien d'accord avec Fisher à un moment donné, puis le mot qu'on a changé, là, «malgré», ce n'est pas «malgré», c'est «grâce à» vos différences. Les gens vont venir sur la Côte-Nord pour visiter deux cultures, pas un melting pot forcé. C'est sûr que peut-être dans 300 ans on va tous être à moitié un, moitié l'autre. Possiblement.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Robert, moi, je suis un Nord-Côtier, et, quand vous faites référence, tout à l'heure, avant 1974, on n'entendait pas parler les gens de la Côte-Nord...
Une voix: Avant 1981.
M. Duguay: Avant 1981, c'est encore pire. Et je ne sais pas où vous avez pris ça. On ne peut pas dire n'importe quoi non plus. Et, moi, je veux juste vous faire un peu d'histoire, parce que, vu que vous êtes enseignant, mon père, qui était également un homme impliqué au niveau de la Côte-Nord, il ne s'est jamais caché de dire qu'il était un Nord-Côtier. Et, les luttes qu'on a menées à l'époque du mouvement souverainiste au niveau de la Côte-Nord, vous n'étiez pas là dans les années soixante. Et, à l'époque de M. Bourgault, qui était venu dans la région Côte-Nord, on était très fier de s'identifier comme étant des Nord-Côtiers. Et, dans le contexte de ce que vous nous avez présenté, c'est bien évident qu'en tant qu'enseignant... Et je ne sais pas si vous avez enseigné à mes jeunes, mais comment... Dans un système judiciaire qui existe, on reconnaît quand même les justices, et là vous semblez dire que la Cour suprême ou la Cour supérieure s'est trompée alors qu'ils reconnaissaient des droits aux autochtones. Ils ne les ont peut-être pas encadrés, mais l'objectif de la commission, c'est ça, c'est qu'on essaie de trouver des méthodes, comment on va encadrer les droits qui ont été reconnus par des cours. Alors, si vous me dites: Les cours se sont trompées, il faudrait que le gouvernement du Québec aille contester ce qui s'est passé devant les tribunaux, bien on va refaire la petite histoire.
Alors, c'est donc dire qu'il s'est peut-être créé des failles au cours de la vie. Nous n'étions pas là, vous et moi. Cependant, avec ce qui a été annoncé par le gouvernement du Parti québécois dans les année quatre-vingt-trois, j'espère que vous avez pris connaissance des 15 principes qui ont été adoptés. Vous avez fait référence tout à l'heure aussi à M. René Lévesque. Et, à l'Assemblée nationale, en 1985, il y a quand même une motion qui a été acceptée par l'ensemble des gens de l'Assemblée nationale ? or, c'est une institution démocratique dûment élue ? sur laquelle chacun des citoyens des comtés ont voté... les députés. Donc, au moment où on prend des décisions comme ça à l'Assemblée nationale, on est démocratiquement élu et on représente la communauté. Alors, c'est bien sûr que... Et, d'ailleurs, vous étiez souverainiste à l'époque des années soixante-dix et je comprends difficilement que vous teniez le discours que vous faites aujourd'hui.
n(17 h 30)n Alors, ma question, c'est beaucoup plus à savoir: Est-ce que vous êtes encore, avec ce que vous connaissez depuis que la commission a commencé ses travaux, est-ce que vous êtes encore convaincu qu'on devrait contester, aller devant les tribunaux pour définir les droits autochtones, ou est-ce que vous préférez l'approche qu'on a présentement, permettre aux trois parties de se rencontrer pour essayer de trouver une entente pour qu'on vive en harmonie sur le territoire nord-côtier? Moi, je sais bien que, quand je vais dans le bois... et on fréquente des autochtones d'une façon régulière, on les a même accueillis chez nous, et on vit très bien. Cependant, on ne voudrait pas que ça s'envenime. Vous savez comme moi que la situation qu'on vit aujourd'hui est inacceptable.
Or, dans un contexte comme celui-là, j'apprécierais beaucoup que vous nous donniez votre opinion, à partir de ce que vous connaissez aujourd'hui. Peut-être, il y a un mois et demi, deux mois, trois mois, que vous étiez dans la méconnaissance, mais je pense qu'aujourd'hui ça a été quand même très diffusé.
Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, M. le Président, ça m'a fait plaisir. Alors, M. Robert, j'attends votre réponse là-dessus.
Le Président (M. Lachance): Brièvement, s'il vous plaît.
M. Robert (Gaby): Bon, à votre réponse je vais faire... Par rapport aux histoires de nord-côtiers, là, il y avait un journaliste qui venait du Lac-Saint-Jean, qui s'appelait Pierre Thibault ? il est décédé ? qui commençait à parler dans les années 1979, 1980, qui commençait à parler des Côte-Nordiens, O.K.? Puis là on a dit: Aïe, là! C'est là qu'on a senti le besoin de s'identifier. Mais, ça, là, ceux qui veulent vérifier, vous regarderez dans le journal Le Nord-Est, le Nordic, Sept-Îles journal, si on utilisait régulièrement le terme. Et on ne l'utilisait pas. On a commencé avec la venue de Radio-Canada télévision, à partir de 1981, puis l'Ordre du mérite nord-côtier, entre autres. Bon.
Pour répondre à votre question, moi, je vous dirai... Dans l'annexe A, c'est par obligation que nous utilisons le malsain jeu de guerre des droits. Une approche constructive devrait miser sur les devoirs communs. Ils ont des choses à contribuer, nous avons des choses à contribuer. Et, vous savez, je vous ai lu tout à l'heure l'histoire, qu'est-ce qu'ils ont fait en Nouvelle-Zélande. Mais ils ne s'arrêtent pas avec des cadres juridiques. Faisons donc des projets ensemble. Moi, je te gage que je vais avoir plus d'amis si je relance leur camping, là, O.K.? Puis, s'ils sont capables de le relancer tout seuls, je vais aller l'utiliser, leur camping, il est en plein coeur de... bien, en plein coeur de Uashat, là, mais c'est dans le coeur de Uashat?Sept-Îles de toute façon. C'est tout interrelié. Comme, hier, aux Escoumins, là, j'ai pu voir que c'est une problématique semblable. Donc, on n'a pas de beaux campings. Le site est là, ils ont de la difficulté pour l'administrer. Puis c'est sûr que, si je me mets là-dedans, ce n'est pas pour faire un échec. Je suis prêt à m'avancer là-dedans. Je n'irai pas relancer leurs restaurants puis leurs ferronneries, là, mais, par des projets... Si, en 1962, on n'avait pas fait des barrages de la Manic, bien, les Québécois, ils n'auraient pas la fierté. Donc, c'est par des projets que les Québécois se sont donné une fierté. Ce n'est pas par des droits. Les Américains auraient pu dire: Les Québécois, ils sont beaux, ils sont fins, puis écrire ça sur une belle charte. Qu'est-ce qu'on aurait fait? Mais par les succès que les Québécois ont faits, par l'Hydro-Québec, par faire des routes, faire toutes sortes de belles choses. Puis les autochtones, ils ont un médecin. Ce n'est pas assez, mais ils en ont un. Ils ont des poètes, ils ont leur Félix Leclerc, Vollant puis l'autre, là, puis, bon, bien, je veux dire, ça commence. C'est par ça. C'est par des succès. Puis les gens vont applaudir. Puis je suis déjà allé à leur festival. J'ai peut-être décroché un peu. Mais qu'ils fassent des activités comme ça. Moi, je dis...
puis hier on était en réunion pédagogique, parce qu'il y avait une tempête là, puis les gens disaient: Oui, bien là... Dans un texte, projet éducatif de l'école, ils ont dit: Bien, on a mis «apprendre d'autres langues, dont le montagnais». Bien, les gens, ils commencent à avoir peur d'avoir peur. Coudon, là, si tu n'es pas capable de saluer l'autre, qu'il soit Allemand ou n'importe quoi, si tu n'es pas capable de lui dire «kuei, kuei», là, moi, je dis que tu n'avanceras jamais.
Le Président (M. Lachance): En conclusion, monsieur.
M. Robert (Gaby): Bien, en conclusion, c'est que c'est par des projets, puis qu'on en fasse, des petits pas, ensemble. Puis, ce que j'ai écrit dans la lettre à monsieur, là, en conclusion, le plus important, ce n'est pas la destination, c'est le chemin qu'on va faire ensemble.
Le Président (M. Lachance): Très bien.
M. Robert (Gaby): Si, moi, je fais un bout puis je relance le camping, je vais être fier de les avoir aidés puis ils vont être fiers qu'on ait fait un succès.
Le Président (M. Lachance): Très bien. M. le ministre.
M. Trudel: Merci de votre présentation. Je n'ai pas posé de question. Je ne suis pas d'accord avec vos idées, mais je vous admire sur une chose. Vous êtes parti à 3 h 33 ou 32 de Sept-Îles.
M. Robert (Gaby): 32. Bien, je me suis levé à 3 h 32.
M. Trudel: Bon. Alors, ça, j'imagine que vous dites à vos étudiants l'importance des institutions démocratiques, et vous les respectez en vous déplaçant pour vous exprimer en n'utilisant pas d'autres moyens qu'on a vus dans d'autres sociétés. Merci, M. Robert.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, bienvenue, M. Robert. Je ne sais pas si j'ose poser des questions parce que je risque d'être identifié comme membre du complot du Canada anglais, mais je vais prendre mes chances quand même.
Vous parlez beaucoup de respect, M. Robert, et je comprends. Comme le ministre, je respecte le fait que vous ayez pris votre voiture tôt ce matin pour venir ici. Mais, quand j'ai vu, dans un autre mémoire que nous avons regardé aujourd'hui, que votre organisme, les pionniers de Sept-Îles, a écrit à l'historien Pierre Frenette, et je comprends que vous ne partagez pas ses opinions, mais votre organisme l'a traité d'un traître, de dire que...
M. Robert (Gaby): ...
M. Kelley: C'était dans la lettre que votre organisme a signée, que ce monsieur est un traître parce qu'il ne partage pas vos opinions... On part de loin. Et vous voulez le respect, vous voulez arriver avec une approche «équitante». Mais je pense qu'il faut commencer avec le respect.
Et peut-être que je ne partage pas les opinions qui sont exprimées dans votre mémoire, mais je pense que, avant tout... les droits autochtones sont avant tout une question de respect. Ce n'est pas quelque chose qu'on nous donne, ce sont des choses qui sont existantes. Et même la Constitution de 1982 n'a pas créé ces droits, elle a reconnu l'existence de ces droits. Et on peut monter plus loin dans l'histoire, l'arrêt Calder, entre autres. Ça, c'est les choses qui existent. Peu importe notre situation, l'option de souveraineté ou fédéralisme, peu importe, ce sont des droits qu'il faut composer avec parce que c'est une question de respect. Et je ne vois pas dans votre mémoire le respect pour les personnes qui divergent... qui ont des opinions divergentes, soit les personnes dans la communauté nord-côtière qui sont venues ici, qui ont donné un autre son de cloche. Une diversité d'opinions, c'est une bonne affaire dans une société. Si tout le monde était d'accord, ce n'est pas une société réaliste, parce que nous sommes des hommes et des femmes qui ont toujours les opinions différentes, même dans une famille. De dire qu'il y a un consensus absolu parmi les sept membres de la famille Kelley, ça arrive parfois, mais, souvent, ce n'est pas le cas, et souvent c'est papa qui est dans la dissidence et ils perdent un autre vote. Mais c'est ça qui arrive dans la vraie vie, mais il y a toujours le respect chez nous. Et il faut, si on veut, un jour, un meilleur avenir à la fois pour les nations innues de la Côte-Nord, du Saguenay?Lac-Saint-Jean, pour l'ensemble de la société québécoise, ça part avec un certain respect. Et, dans la lettre que votre groupe a signée à l'historien M. Frenette, je trouve... c'était grossier de le traiter de traître. Qu'on n'aime pas ses opinions, vous avez le droit de dire ça, mais de dire qu'il est un traître, ce n'est pas correct. Et, encore une fois, il y a d'autres langages dans votre mémoire qui transpirent un manque de respect des autres.
Alors, c'est juste un commentaire, mais, à travers tout ça, avant tout, qu'est-ce qu'on cherche ici, à la commission, c'est du respect pour l'ensemble de la population. Et on cherche une entente qui reflète ce respect à la fois pour la population blanche, non autochtone ? on n'a pas le vocabulaire qu'il faut pour bien décrire ces populations concernées ? également pour les autochtones dans l'intérêt de la société québécoise. Et je pense que c'est ça, le but de notre travail. Et vous avez manqué à votre devoir dans la lettre que votre groupe a signée à M. Frenette que nous avons vu en commission ce matin.
M. Robert (Gaby): Pouvez-vous me rappeler votre nom, monsieur?
M. Kelley: Kelley.
M. Robert (Gaby): Kelley. M. Kelley. Bon, si vous voulez aller en page 2, concernant M. Bouchard, c'est moi qui l'ai formulé parce que c'était... puis, ça, je l'ai vu faire, là, je l'ai vu passer, ce n'est pas moi qui ai rédigé tout le document, là, j'ai travaillé. Et je ne serais pas venu, pas parce que M. Bouchard était un ancien premier ministre, je ne serais pas venu, sauf que j'ai dit: Écoutez, là, il y a des frustrations, on peut mettre ça... envelopper, mais c'était quelque chose du genre, O.K.? Je l'ai fait enlever, puis ça n'a pas été facile, et puis c'était stressant parce que c'était tout ou rien. Il y a un autre endroit... il y a deux endroits où est-ce que, à un moment donné... Quand je l'ai relue, avant de l'imprimer ? c'est moi qui l'ai imprimée, là... puis il y avait une situation de manque de respect.
Pour ce qui est de M. Frenette... je ne peux pas parler au nom des autres, mais, en ce qui me concerne, je vais lui écrire et puis... ce n'est pas parce que vous m'avez fait la remarque. Il faut croire que je n'ai pas lue et relue. Mais j'enseigne, et puis c'est la broue dans le toupette tout le temps, là. Puis mon dossier actuellement ? je suis la politique, vous savez ? ce n'est pas le dossier autochtone, c'est le dossier des fusions. Ça a peut-être passé ce matin au Conseil des ministres, fusions forcées, c'est le dossier. Mais occuper le territoire au niveau municipal, occuper du territoire, c'est qu'à un moment donné j'ai été obligé de faire les deux, puis, bon, bien, les gens ont dit: Écoute, toi, tu as une sécurité d'emploi; nous autres, on perd notre commerce si on... Mais, pour ce qui est de M. Frenette, personnellement, je vais lui écrire, puis je le connais peu... je le connais assez... Puis, de toute façon, même si je ne le connaissais pas, il ne mérite pas ça. Je m'en excuse. Là, je le fais en mon nom personnel. Si les autres veulent le faire, bien... Je vous remercie d'avoir fait la remarque.
Le Président (M. Lachance): Avez-vous une question à poser?
Mme Gauthier: Non, c'est beau.
Le Président (M. Lachance): Non? Très bien. Alors, merci et bon voyage de retour, et soyez prudent pour le retour à Sept-Îles. Merci. Alors, là-dessus, j'ajourne les travaux de la commission des institutions, et remarquez bien l'heure, à 11 h 30, 11 h 30, mardi, le 11 février 2003, à la salle du Conseil législatif.
(Fin de la séance à 17 h 40)