(Neuf heures trente et une minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre. Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Et je rappelle le mandat de la commission qui est de tenir une consultation générale et des auditions publiques à l'égard du document intitulé Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaumier (Champlain) est remplacé par M. Duguay (Duplessis); Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) par M. Laprise (Roberval); M. Dion (Saint-Hyacinthe) par M. Bédard (Chicoutimi); Mme Leduc (Mille-Îles) par M. Tremblay (Lac-Saint-Jean); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Mancuso (Viger) par Mme Gauthier (Jonquière); M. Pelletier (Chapleau) par M. Sirros (Laurier-Dorion); et M. Dumont (Rivière-du-Loup) par M. Corriveau (Saguenay).
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le secrétaire. À la lecture de ce que vous venez de faire, il s'agit probablement d'un record de remplacements dans une commission parlementaire, ce qui n'enlève pas le mérite et le crédit et la qualité des intervenants.
Alors, bienvenue, mesdames, messieurs, pour cette journée. Alors, j'invite évidemment tous ceux qui auraient un téléphone cellulaire ouvert pendant la séance de bien vouloir le fermer.
Cet avant-midi, nous entendrons tour à tour des représentants du Conseil régional de développement de la Côte-Nord; par la suite, la municipalité des Escoumins et, finalement, pour terminer nos travaux de l'avant-midi des représentants du Parti libéral du Québec.
Auditions (suite)
Alors, bienvenue, messieurs. Je vous demande de bien vouloir vous identifier et je vous indique que vous avez une présentation maximum de 20 minutes avant d'aborder les échanges avec les parlementaires.
Conseil régional de développement
de la Côte-Nord (CRDCN)
M. Bélanger (Robin P.): Merci. Alors, Robin Bélanger, président du CRD Côte-Nord et maire de Fermont; et, à ma droite, M. Ghislain Lévesque, maire de Sept-Îles et vice-président du CRD Côte-Nord. Est-ce qu'on est prêt à... Est-ce qu'on débute?
Le Président (M. Lachance): Oui, vous pouvez y aller, monsieur.
M. Bélanger (Robin P.): Alors, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission parlementaire, c'est avec plaisir que le Conseil régional de développement de la Côte-Nord participe à cette commission parlementaire portant sur les négociations avec les Innus. La négociation d'un traité juste et équitable est d'une importance capitale pour le développement de la Côte-Nord, et c'est dans cet esprit que le CRD de la Côte-Nord désire vous soumettre ses réflexions sur ce dossier. Alors, je vous ai présenté tout à l'heure mon collègue M. Ghislain Lévesque, mais j'ajouterais aussi que les deux députés de la Côte-Nord et également membres de la commission font partie du comité exécutif.
La présentation du mémoire du CRD abordera de façon succincte cinq volets des présentes négociations, soit le processus de négociation, le contenu des négociations, la présence gouvernementale en région, l'harmonisation des relations Nord-Côtiers-Innus et, finalement, la résolution des problèmes parallèlement aux négociations.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais préciser la position du CRD face aux actuelles négociations. Le CRD de la Côte-Nord souscrit entièrement aux principes ou aux motifs qui guident les gouvernements du Québec et du Canada et les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan à négocier afin d'en arriver à un compromis acceptable et viable pour les deux peuples. Il s'agit nul doute d'un enjeu important pour le développement harmonieux des relations entre Innus et Nord-Côtiers. En effet, l'incertitude créée par le flou relié aux limites de l'exercice des droits ancestraux entraîne des zones de tension entre les deux nations. Il est donc impératif que les balises soient clairement définies afin que des situations de conflit soient éliminées.
La conciliation par le biais d'une entente signée plutôt que par les volets juridiques passe également par le chemin d'une nouvelle dynamique entre les deux peuples, basée essentiellement sur le respect, la reconnaissance et le partage.
Le CRD de la Côte-Nord appuie également les démarches visant à permettre le rattrapage socioéconomique des communautés innues vivant des disparités avec les collectivités nord-côtières avoisinantes. En effet, les indicateurs socioéconomiques sont suffisamment éloquents ? taux de chômage élevé, taux de suicide parmi les plus hauts, décrochage scolaire important et autres ? pour qu'une attention particulière soit réalisée par le biais d'un traité dans le but de développer l'économie des communautés innues et d'offrir un avenir plus prospère aux jeunes.
De plus, la plus forte croissance démographique des Innus impose que l'on redéfinisse les liens avec les autochtones afin de susciter un plus grand partenariat avec les Innus et les Nord-Côtiers. Il faut donc établir des liens basés sur une plus grande capacité de prise en charge des premières nations ainsi qu'à l'octroi des moyens pouvant permettre leur développement socioéconomique.
J'aborderais le volet 1 qui est le processus de négociation. Depuis l'annonce de la ratification de l'Approche commune en juillet 2000, les gens de la Côte-Nord se sont sentis mis de côté, bousculés et non écoutés. Malgré la mise en place des tables d'information et d'échange, les Nord-Côtiers ont une perception d'être spectateurs d'un match qui se joue et qui pourrait avoir des impacts sur leur vie sans que l'on les invite à participer aux discussions.
De plus, les gouvernements ont laissé entièrement la place dans les médias aux groupes rébarbatifs aux négociations et ainsi laissé se colporter des propos offensants, certaines faussetés et des préjugés. Pour le commun des mortels, sans nécessairement la comprendre et l'avoir lue, l'entente de principe part avec deux prises contre elle.
Et, puisque le gouvernement n'a pas mis les leaders de la région dans le coup dès le début des négociations, peu d'entre eux sont intervenus publiquement en faveur des négociations. Ainsi, on constate que le lien de confiance des Nord-Côtiers envers les gouvernements sur leur capacité à négocier des ententes en tenant compte des préoccupations nord-côtières a été sérieusement ébranlé et mis en péril. Par conséquent, le CRD estime que le processus d'implication de la population nord-côtière aux négociations exige d'être révisé et corrigé en profondeur et avec rapidité. Il en va de l'adhésion des leaders et de toute la population de la Côte-Nord à cette volonté de régler la question autochtone.
Nous vous proposons certaines modifications qui permettraient à notre avis de faciliter l'adhésion de la population aux négociations.
1° Informer la population. Il faut s'assurer que la population soit davantage informée. On doit faire mieux ressortir les raisons qui motivent les gouvernements à entreprendre des négociations avec les Innus. Il faut donc revenir à la base pour permettre une meilleure compréhension des enjeux par la population. Cet aspect est essentiel pour en arriver à une adhésion d'une grande majorité de la population sur l'importance d'arriver à une solution négociée et sur le rattrapage socioéconomique de certaines communautés innues. Nous estimons qu'il est impératif que les gouvernements, en collaboration avec des acteurs de la région, fournissent les efforts nécessaires et se dotent d'un plan de communication efficace permettant de rejoindre la population sur ce sujet et expliquer le contexte des négociations, la situation des Innus et le contenu des négociations ou autres.
2° Impliquer davantage de leaders de la région. Dans la révision du processus de négociation, il est essentiel qu'on implique davantage les leaders de la région. Cette implication doit notamment se traduire par le fait de mieux outiller les leaders sur le contenu des négociations, mais également sur les préoccupations qu'ils véhiculent soient prises en compte par les négociateurs. C'est par une implication réelle dans toutes les étapes du processus de négociation que les leaders pourront devenir des relayeurs efficaces d'information dans leur milieu respectif et ainsi calmer les inquiétudes des gens qu'ils représentent.
3° Renforcer les tables d'information et d'échange. Il existe déjà des tables d'échange et d'information qui réunissent plus d'une soixantaine de leaders de la région provenant de toutes les sphères d'activité dont les élus municipaux. Toutefois, les négociations actuelles sont perçues comme étant l'affaire du négociateur du gouvernement du Québec et celui-ci demande à la région de s'ajuster en fonction des négociations acceptées par les parties. Les membres de la table jugent que celles-ci ne servent qu'à recevoir l'information du négociateur du gouvernement du Québec et que les commentaires ou préoccupations exprimés ne sont pas tenus en compte. Or, l'adhésion de la région aux négociations passe inévitablement par un renforcement réel de ces forums. En effet, les tables devraient être le lieu privilégié pour les négociateurs afin de leur permettre de rencontrer les intervenants de la région pour discuter avec eux des éléments des négociations, d'analyser les limites acceptables pour la région, d'explorer les avenues de solution ou autres. Ainsi, il serait préférable de faire jouer un rôle proactif à la région en l'interpellant le plus rapidement dans les négociations au lieu de la mettre en réaction, comme ce fut le cas jusqu'à maintenant. Le volet 2, c'est le contenu des négociations, alors le prochain volet effleurera différents aspects du contenu proprement dit des négociations.
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(9 h 40)
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Tout d'abord, sur les aspects relatifs au territoire. Sur la question des portions du Nitassinan situées dans les territoires municipalisés et sur les délimitations des Innu Assi, le CRD juge essentiel de poursuivre les négociations entre les municipalités, les premières nations innues et le gouvernement afin d'en arriver à un compromis acceptable pour l'ensemble des parties. En ce qui concerne les aspects relatifs au développement économique et à la fiscalité, le CRD de la Côte-Nord appuie sans réserve la volonté de favoriser le rattrapage socioéconomique des communautés innues et de la prise en charge d'outils de développement.
Cet effort est nécessaire, puisque, comme d'autres municipalités de la Côte-Nord, les communautés innues, de façon générale, sont aux prises avec des indicateurs économiques qui témoignent de la faiblesse de leur économie. Les négociations doivent permettre de façon juste et équitable d'en arriver à favoriser le développement des partenaires gagnant-gagnant entre les Nord-Côtiers et les Innus. Il faut trouver des façons de faire novatrices qui permettront de relancer l'économie de la région et d'améliorer le sort des collectivités et des communautés qui ont des difficultés socioéconomiques. À titre d'exemple, nous soulignons la possibilité de créer par le traité des mesures de développement qui soient gérées conjointement par les Nord-Côtiers et les Innus. Les efforts de relance qui seront déployés par les gouvernements afin de soutenir la relance socioéconomique des Innus doivent se faire en respectant certains principes, soit que les mesures de développement économique doivent être modulées en fonction des particularités ou des besoins des communautés innues, et en les comparant avec les collectivités nord-côtières environnantes, et que les mesures de développement économique ne doivent pas créer une concurrence déloyale entre les communautés innues et les municipalités nord-côtières.
Traitons à ce moment-ci des droits ancestraux et les Innu Aitun. La question du Innu Aitun est importante pour les Nord-Côtiers. Par conséquent, le traité doit clarifier de façon acceptable pour les parties en cause la notion de cueillette ou le prélèvement à des fins de subsistance ou de commerce. De plus, les Nord-Côtiers sont tout aussi préoccupés que les Innus par la question des pérennités des ressources fauniques, aquatiques ou autres du territoire. Ainsi, la priorité octroyée aux Innus doit respecter le fait que les Nord-Côtiers ont également des pratiques de cueillette et de prélèvement des ressources fauniques, aquatiques ou autres du territoire, et on ne doit pas brimer la qualité de vie des résidents qui ont accès au territoire.
Le prochain aspect du contenu des négociations que nous discuterons a trait au suivi du traité. On recense au moins quatre endroits dans l'entente de principe où des comités conjoints seront formés pour voir la mise en oeuvre du traité et des ententes de même qu'à constater leur évolution et leur apporter, au besoin, des modifications. Le CRD juge essentiel que dans les différents mécanismes de suivi qui seront mis en place, la participation sous toutes ses formes de représentants désignés par la région soit nécessaire. Cette mesure permettrait de favoriser l'adhésion de la population et de développer des liens d'échange sur les impacts du traité.
Au niveau d'un agent de liaison sur la Côte-Nord du Secrétariat aux affaires autochtones. Alors, le troisième volet du mémoire concerne la présence gouvernementale en région. Les soubresauts créés par les négociations ont permis de mettre en relief l'importance des communications et de la fragilité de la confiance de la région envers les gouvernements pour défendre leurs revendications. Ainsi, pour créer ce lien de confiance, la région doit compter sur des personnes présentes dans la région en qui elle aura elle-même confiance. Dans un dossier aussi stratégique pour le développement de la région, il est plus que souhaitable que le gouvernement du Québec désigne sur la Côte-Nord des agents de liaison dédiés spécialement pour ce dossier. Dans la même lignée, il serait souhaitable que le Secrétariat aux affaires autochtones implante une forme de direction régionale sur la Côte-Nord.
Au niveau de l'harmonisation des relations Innus-Nord-Côtiers, le quatrième volet du mémoire a trait à l'établissement des relations davantage harmonieuses entre les Nord-Côtiers et les Innus. Au-delà des négociations en cours, l'harmonisation des relations entre les deux peuples constitue un enjeu d'importance pour la région. Les Innus et les Nord-Côtiers ont beau se côtoyer quotidiennement, force est de constater que les deux peuples se connaissent peu. À notre avis, le gouvernement du Québec doit élaborer une stratégie visant à favoriser le rapprochement entre les deux peuples, mais également contribuer à un meilleur apprentissage de la culture innue, de leurs coutumes, de leurs héros, ou autres. Cette harmonisation doit se traduire par des forums d'échange entre Innus et Nord-Côtiers, que ce soit par des manifestations culturelles, sportives ou autres. Le CRD de la Côte-Nord est prêt à travailler conjointement avec le gouvernement du Québec et les Innus pour préparer cette stratégie et mettre en place les actions qui en découlent.
Résolution de problèmes parallèle aux négociations. Alors, le cinquième et dernier volet du mémoire concerne la résolution de problèmes entre les Innus et Nord-Côtiers parallèlement aux négociations en cours. Le traité prévoit régler les différends entre les Innus et les Nord-Côtiers sur l'utilisation du territoire et le prélèvement des ressources qui s'y retrouvent.
Toutefois, d'ici à ce que soit signé ce traité final, le CRD juge qu'il serait souhaitable que le gouvernement du Québec entreprenne dès maintenant des actions parallèles aux négociations en cours pour le traité afin de résoudre à court terme les différends qui persistent entre les Innus et les Nord-Côtiers, principalement sur les activités de chasse, de pêche et d'utilisation du territoire.
En conclusion, nous souhaitons réaffirmer notre appui à la volonté exprimée par les gouvernements du Québec et du Canada et les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan d'en arriver, par le biais de la négociation, à une entente juste et équitable pour toutes les parties. Nous demeurons convaincus que la négociation permettra d'éliminer les zones de tension qui existent entre les Nord-Côtiers et les Innus et facilitera le développement de projets de partenariat entre les deux peuples. Alors, merci pour cette présentation.
Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs, pour la présentation de votre mémoire. Et, pour débuter cette période d'échange, je cède la parole à M. le ministre d'État à la Population et responsable des Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. M. le préfet, M. Bélanger, M. le maire de Sept-Îles sous le chapeau du CRD mais également à l'exécutif du CRD, bienvenue.
Votre mémoire est d'une particulière richesse. On comprend tous qu'une vingtaine de minutes pour le présenter à la commission, à cette commission de l'Assemblée nationale, c'est fort peu. Il faut que les gens sachent qu'il y a énormément de contenu dans votre mémoire. Et ce n'est pas parce qu'on n'a pas l'occasion de le verbaliser ici dans son entier que nous n'allons pas, et en prendre connaissance et surtout retenir plusieurs des suggestions et observations qui nous sont faites à l'égard de la poursuite.
Prenons peut-être cet aspect au départ. La poursuite du travail pour en arriver à un traité va demander, en termes d'illustration du processus, la négociation et la conclusion d'ententes complémentaires nombreuses. C'est pourquoi il faut le rappeler au public qui nous écoute. Il s'agit d'un projet, d'une entente sur les principes qui devrait nous amener à un traité de paix plus concret encore dans ces ententes complémentaires.
Cela suppose des étapes et, lorsqu'on croise cette nécessité dans le processus avec ce que vous nous dites ce matin, est-ce que les populations, la population de la Côte-Nord, les Nord-Côtiers, sont à votre avis en mesure de franchir un pas supplémentaire en se disant oui communément, communautés innues, nation innue, nation québécoise pour que nous puissions passer à cette étape de la négociation des ententes complémentaires?
M. Lévesque (Ghislain): M. le Président, si on se fie au cheminement qu'il y a eu dans le dossier au cours des dernières années, je vais être prudent dans la réponse que je vais donner, pour la simple et bonne raison que, à notre humble avis, nous avons encore à informer, à sensibiliser, à démystifier tout ce dossier si important pour les Québécois et les Québécoises et les nations innues, sur toute la question de la négociation.
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(9 h 50)
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Alors, je pense que nous sommes dans la voie, mais de là à ce que demain matin que l'on pense ou que l'on considère ou que le gouvernement considère que la population a eu suffisamment d'information, a suffisamment abattu les barrières pour qu'on puisse aller rapidement dans les détails, je pense que ce serait de reculer dans le dossier en processus. Alors, je pense qu'il faut être très prudent avant d'affirmer que notre population, elle est prête. Nous avons encore du travail de sensibilisation, de communication, de promotion, de démystification, et de surtout contrecarrer les interventionnistes à outrance qui se font dans la communauté, dans les communautés où est-ce qu'il y a beaucoup de choses qui sont dites, qui sont peut-être erronées et qui font justement... qui mettent la confusion dans notre population. Alors, nous sommes dans la bonne voie, mais soyons prudents, continuons à bien informer et à démystifier notre dossier.
M. Trudel: Bon, évidemment, je vais prendre vos mots, là, «continuer et dans la bonne voie», mais il y a là une prudence de bon aloi d'un membre du Conseil régional de développement et aussi d'un maire qui vit la situation au quotidien sur le territoire à Sept-Îles.
Vous notez, d'entrée de jeu, à la page 5 de votre mémoire, que nous avons ensemble, avec le CRD ? je fais la parenthèse, une collaboration exceptionnelle du CRD de la Côte-Nord dans les moments les plus difficiles et au moment où il s'est agi de faire davantage d'information ? nous sommes convenus, et ça s'est mis en place, «de constituer des tables d'information et d'échange» avec les leaders régionaux, la participation de la nation innue, la participation de différents leaders sous la responsabilité conjointe d'ailleurs du CRD et du ministère des Régions, y incluant des soirées d'information très grand public. Vous le mentionnez dans votre mémoire, il y a «plus de 800 personnes qui ont participé» à ces échanges d'information. C'est parce que la question est la suivante, c'est... Là c'est rendu un lieu commun de dire: Bon, il faut plus d'information, il faut plus de sensibilisation et vous notez bien qu'il n'y a aucun effort qui a été ménagé pour le faire et rendre l'information directement au public, puis vous n'allez pas dans le détail, on pourrait en énumérer. On a situé hier aussi d'autres éléments d'information, la distribution dans chacun des foyers du résumé de l'entente, des émissions, des soirées publiques. Mais qu'est-ce qui manque encore pour, je dirais, faire en sorte que, du côté d'un certain nombre de leaders ? je ne parle pas de la population, c'est un autre aspect, d'un certain nombre de leaders ? on assume ce leadership en avant des troupes régionales et non pas en suivant un certain nombre de modes?
M. Bélanger (Robin P.): Écoutez, il y a peut-être, je dirais, environ trois ans lorsqu'on était encore à l'étape, là, de mise en place des fameuses tables d'information, lors d'un conseil d'administration qu'on tenait à Sept-Îles, ce qui avait été demandé par les différents membres du conseil d'administration à l'époque, c'était, dans le fond, d'être présents lors des négociations qui se déroulaient avec les nations inuites. Et ce qu'on nous avait répondu à l'époque, c'est que le gouvernement du Québec représente l'intérêt des Québécois, donc c'est de nation à nation, et qu'il n'était pas question d'avoir, dans le fond, un observateur présent lors des négociations.
C'est bien clair que les gens, ce qu'ils manifestaient, c'est de ne pas être présents pour négocier, mais c'était au moins de voir un peu le déroulement des négociations et de la façon que ça se comportait. Bon. Ça n'a pas été accepté à l'époque, et on est toujours à peu près au même point. Alors, lorsqu'on voit revenir en région le négociateur avec le contenu, alors les gens sont déjà, en partant, je dirais, un peu méfiants, et, tout dépendant des différentes tables, parce qu'ils ne sont pas tous, je dirais, au même stade. Parce que, naturellement, on disait: On va mettre en place, du côté de Sept-Îles ou autre, les tables, ou commencer à préparer, à mettre en place des tables, alors que déjà au niveau de la Haute-Côte-Nord, il y a déjà des tables qui existent. Et déjà là il y a des gens qui nous manifestaient, au niveau du CRD, que les tables de la Haute-Côte-Nord, il commençait à y avoir des accrochages, que les gens qui rapportaient l'information ne faisaient que rapporter l'information, ne faisaient pas l'ajustement entre le commentaire qui était apporté aux tables pour essayer d'apporter des corrections. Or donc, on voyait déjà là s'établir, au niveau des tables existantes, une certaine, je dirais, résistance entre les commentaires des différents intervenants régionaux et le processus de négociation. Et on n'avait même pas en place encore des tables, je dirais, un peu plus haut dans la région de Sept-Îles ou même au niveau de Havre-Saint-Pierre.
Or donc, déjà là on voyait effectivement une espèce de communication qui était plus difficile à véhiculer et, à ce niveau-là, on se dit: Oui, on a fait beaucoup de choses en termes d'information, mais qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aller plus loin? On est à cette étape-là de réflexion.
Je vous dirais aussi que la présentation de notre mémoire a fait en sorte aussi que... même à l'intérieur de nos rangs comme CRD, on a des gens des communautés autochtones qui siègent sur l'exécutif du CRD qui nous ont avisés: Écoutez, là, vous allez peut-être trop loin dans les propos que vous tenez à l'intérieur de votre mémoire. Alors, déjà là on sent de la réticence de la part des membres qui siègent au niveau du CRD. Mais, je veux dire, on a toujours travaillé puis on essaie toujours de dire les vraies choses en région, mais là tu émets un commentaire ou une opinion d'une façon générale et aussi tu parles à des gens qui sont en train de négocier de nation à nation. Or donc, ce n'est pas facile souvent de garder le cap, autant pour eux, qui sont en négociation avec le gouvernement du Québec, et aussi nous, comme intervenants régionaux, d'essayer de réunir, dans le fond, les préoccupations de tout le monde sur le terrain. Or donc, déjà là on sait que ce n'est pas évident. À l'intérieur même du CRD, je dirais, il y a une espèce de séparation qui se fait présentement au niveau de notre exécutif à ce niveau-là.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, monsieur...
M. Lévesque (Ghislain): En complément, M. le Président. Je pense que, qu'est-ce qu'on a vécu, un moment donné ? puis, si je parle du milieu municipal, c'est parce que j'en proviens ? on s'est senti quasiment comme des «shock absorbers». Autrement dit, entre la population et entre le gouvernement, quand le milieu municipal est utile pour faire passer des règlements, pour faire passer des lois à travers la population, on est des courroies de transmission puis là on est des partenaires. Mais, dans ce dossier-là, comme on a dit dans notre mémoire, on s'est senti un peu mis de côté, parce que supposément qu'on négociait de nation à nation. Sauf que, sur le territoire, c'est nous qui sommes là et c'est nous qui vivons au quotidien.
Alors, si on veut faire de cette négociation un succès, je pense qu'on doit avoir ce changement de mentalité et je pense que ça s'en vient à l'effet que, nous aussi dans le milieu, nous sommes des partenaires avec ceux qui négocient avec nous, le gouvernement du Québec, pour pouvoir à en arriver à une entente avec la nation innue.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Lévesque. M. le ministre.
M. Trudel: Les observations faites par le président et membre du comité exécutif et M. le maire sont extrêmement précieuses. D'ailleurs, le rapport de M. Chevrette, qui avait lui-même mis en place les conditions et l'organisation de la négociation, dit lui-même dans son rapport qu'ils n'ont pas marché au sens où elles devaient donner davantage au niveau de l'implication régionale.
Alors, ce que mon prédécesseur avait fait en termes de mécanisme en établissant ces tables régionales, ça n'a pas donné le plein résultat recherché. Par ailleurs, il est aussi pris comme un acquis maintenant qu'il va devoir y avoir davantage de liens resserrés entre la façon de faire, de réaliser des étapes ultérieures avec les leaders municipaux, en particulier, et régionaux, M. le président du CRD, pour en arriver à un résultat d'acceptabilité sociale.
Est-ce que, pour vous, de renforcer très clairement avec, comme nous l'avons abordé, déjà commencé, les autorités municipales et régionales, les mécanismes actuels, y compris ? j'ai bien saisi votre message tantôt des relations entre régions et le mandataire du gouvernement ? le négociateur, est-ce que la voie qui nous est suggérée des comités de direction régionale pour encadrer, entre guillemets, la négociation vous apparaît une voie prometteuse et suffisante?
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(10 heures)
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Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Lévesque ou M. Bélanger.
M. Bélanger (Robin P.): Bien, écoutez, je pense qu'on est rendu à une autre étape. Alors, il faut aller plus loin dans le processus qu'on a mis en place. Vous avez soulevé tantôt la question: Qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus? Bien, je pense que, oui, on devrait effectivement aller un peu plus loin puis effectivement donner peut-être un peu plus de mordant soit à ces tables-là ou ces groupes régionaux là avec le négociateur gouvernemental. Et je pense effectivement... je veux dire, ce qu'on veut, c'est informer la population de l'état de situation effectivement de ce qui se passe d'une façon concrète, dans la négociation, et d'essayer de démystifier toute l'ampleur qui peut être souvent donnée dans les médias, je dirais, à certains événements.
Il faut se rappeler lorsque, à un moment donné, il a commencé à y avoir une espèce de, je ne dirais pas de révolution, mais une espèce de réaction par rapport à la négociation, c'est un peu comme une balloune, ça se gonfle assez rapidement. Et, à l'époque, ce que, nous, on avait fait comme CRD de la Côte-Nord, on a dit: Avant que ça prenne une ampleur disproportionnée, essayons, là, de faire une rencontre avec les gouvernements. Mais il est arrivé naturellement au niveau du gouvernement, je dirais, des mouvements de personnels et de gens qui ont fait en sorte qu'à un moment donné on n'a pas pu réagir à ce moment-là. Le ballon s'est gonflé, et là on est pris avec une dimension qui est, je dirais, disproportionnée par rapport à ce qui se passe réellement. Mais on doit réajuster ce tir-là et aller un peu plus loin pour ramener cette disproportion-là, je pense, à une échelle qui est beaucoup plus réelle. Parce que je pense que la majorité des gens attendent effectivement des informations de leurs leaders régionaux et, effectivement, c'est un petit groupe de gens qui souvent rend cette non-compréhension de l'entente d'une façon disproportionnée. Ça fait que, je pense, oui, on est rendu à l'étape où il faut aller plus loin. Peut-être que M. Lévesque voudrait...
M. Trudel: Je vais saisir votre balle, M. le président. Je pense qu'il faut absolument interroger un peu M. Lévesque et son chapeau de maire de Sept-Îles et préfet aussi...
Le Président (M. Boulianne): ...M. le ministre, qu'il reste quatre minutes et que le député de Duplessis a demandé la parole.
M. Trudel: Vous vivez une situation particulière, M. le maire de Sept-Îles, membre du conseil d'administration du CRD et préfet. Nous avons convenu, il y a plusieurs mois de mettre en oeuvre des travaux préparatoires à l'existence de négociations formelles avec Uashat-Maliotenam et la région. Quelles sont les conditions qui devront être présentes pour que nous puissions l'enclencher, cette négociation, ou encore quelles sont, selon vous, les conditions qui devraient apparaître pour que ce soit fructueux dans l'état actuel des choses?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Lévesque.
M. Lévesque (Ghislain): M. le Président, c'est une question qui est très difficile à répondre parce que, si j'ai bien compris l'intervention de M. le chef Pinette lors de cette audience, ici, j'ai compris qu'il n'était pas prêt nécessairement à s'asseoir à la table demain matin pour enclencher une négociation. Alors, si tel était le cas, tant et aussi longtemps que la communauté innue ne peut pas, ne veut pas négocier, je suis dans une situation difficile à répondre quant à mes interventions eu égard à la négociation.
Cependant, je profite de l'ouverture qui m'est offerte pour dire que, si je pars de la prémisse que la communauté de Uashat mak Mani-Utenam n'est pas prête dans un avenir très rapproché à entamer des négociations et de se rallier aux autres communautés innues, qu'est-ce que je lance comme message à la commission? C'est que je ne pourrai pas en tant que leader politique, en tant que leader de la communauté, faire en sorte d'éterniser des situations qui perdurent depuis trop longtemps. Alors, il va y avoir, et ça fait partie de notre mémoire, ou est-ce que s'il n'est pas pour y avoir des négociations et, nonobstant ça, si ça prend deux ans ou trois ans ou quatre ans avant qu'on signe un traité, je suis d'avis, et mes collègues le sont aussi, qu'il y a des dossiers qui vont devoir se traiter. On ne devra pas attendre la signature d'un traité pour régler des situations conflictuelles. Et ça, je pense que M. le ministre a été très attentif à ça ainsi que M. Chevrette. Il y a des situations qui sont sur le terrain et qu'on va devoir trouver des solutions dans un avenir rapproché et non attendre la signature d'un traité.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi, également, je désire vous remercier, Robin et Ghislain, pour votre participation. Et le rôle que le CRD Côte-Nord joue est un rôle très important par rapport aux acteurs socioéconomiques et, bien sûr, mon collègue le député de Saguenay et moi avons le plaisir et l'avantage de siéger sur le CE et on est à même de constater le rôle que vous jouez.
Moi, j'aurais eu beaucoup de questions à vous poser, mais le temps me manque, mais je vais essayer d'être de plus de synthèse possible. Hier, vous avez sûrement pris les mémoires qui ont été déposés, mais je vais vous amener sur le dernier, qui a été déposé par M. Lebel, où là il demandait au gouvernement de suspendre les négociations. J'aimerais ça, moi, entendre le CRD de la Côte-Nord, compte tenu du rôle que l'on joue, qu'est-ce que vous pensez de cette orientation-là? Et est-ce que vous êtes en accord avec une telle orientation ou vous demandez au gouvernement d'essayer de signer une entente de principe comme elle est ou peut-être avec quelques amendements et de continuer les négociations? J'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu là-dessus.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député.
M. Bélanger (Robin P.): O.K. Alors, moi, je n'ai pas pris connaissance du mémoire de M. Lebel. Mais c'est un peu comme un mal de dents, là, quand on arrive chez le dentiste, ça ne fait plus mal, puis on voudrait s'en aller, mais, je veux dire, on va reporter le mal à plus tard. Moi, je pense que, écoute, quand tu es rendu chez le dentiste ? je vais prendre le même exemple ? tu t'assieds dans la chaise puis tu fais face à la situation. On a un problème qui perdure au niveau, je pense, de la Côte-Nord, mais de l'ensemble du Québec par rapport à ces négociations-là. Ça ne date pas d'aujourd'hui, ça date de plusieurs années. Tout le monde dit: Bien, on pensait que c'était réglé et ce n'est pas réglé. Ce ne sera jamais réglé tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un traité de signé entre les nations, et, à ce niveau-là, je pense que c'est grand temps qu'on fait face à ce problème-là puis qu'on le règle d'une façon où tout le monde y trouve son intérêt et, je pense, sa raison d'être.
Ceci étant dit, je pense qu'il ne faut pas non plus tasser du revers de la main les préoccupations des gens sur le terrain. Ça, on l'a souligné, c'est important. Est-ce qu'on va être capable de rallier tout le monde dans une solution miracle? Je ne penserais pas.
Le Président (M. Lachance): Merci. Je m'excuse, mais le temps est déjà écoulé. M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue aux représentants du Conseil régional de développement de la Côte-Nord et, à mon tour, j'aimerais vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Je trouve que, lors de la présentation, vous avez soulevé les questions qui sont fort pertinentes à nos travaux. Alors, merci beaucoup d'entrée de jeu pour la qualité de votre travail.
Premièrement, juste parce que souvent on a parlé du problème du processus et le manque d'information, alors donc, les tables qui ont été mises en place, qui étaient insuffisantes, c'était quoi avant tout, la raison pour leur échec? C'est quoi qui n'a pas fonctionné dans les tables? Parce que qu'est-ce qu'on peut tirer comme leçon de cette expérience pour ne pas la répéter dans l'avenir?
M. Bélanger (Robin P.): Écoutez, ce qu'on a pu déceler du processus, c'est que... je peux comprendre que la négociation... qu'il y a certaines communautés innues qui n'ont pas adhéré immédiatement à la négociation, et c'est pour ça naturellement que certaines régions ne font pas partie de négociations présentes. Et c'est peut-être pour ça qu'on a commencé à mettre en place des tables dans certains secteurs du territoire et qu'à d'autres endroits il n'y en avait pas. Le problème, ce qui se passe quand on fait ça, c'est qu'il y a des gens qui véhiculent une partie d'information où d'autres ne sont pas au courant, il n'y a pas de tables qui existent, les leaders du milieu ne sont pas tous impliqués, parce qu'il n'y a pas de tables. Alors donc, déjà là l'information commence à véhiculer sur l'ensemble du territoire. Vous savez, les trappeurs, là, il n'y a pas juste les messages de fumée qui existent, je veux dire, c'est un peu comme le tam-tam, ça va assez rapidement. Alors, lorsqu'on voit quelque chose qui pourrait être néfaste dans le quotidien, exemple, de trappeurs ou de gens qui sont sur le territoire, bien, là, naturellement, on sait qu'est-ce qui se passe quand on... je vais conter quelque chose à l'oreille de mon voisin, lui le conte à un autre, mais quand ça arrive au vingtième, ce n'est plus pantoute la même affaire.
Moi, je pense que le fait qu'on n'a pas abordé l'ensemble du territoire de la même façon en même temps a fait en sorte qu'à un moment donné on a permis le gonflement de ce ballon-là que je soulignais tout à l'heure. On a permis effectivement l'interprétation de beaucoup de données alors qu'il n'y avait souvent peut-être à cette étape-là rien à mettre sous la dent. Mais on aime ça se conter des peurs, puis on aime ça souvent se faire peur, puis là on voit aussi l'ampleur que ça a prise. Moi, je pense que la façon d'éviter ça, ça aurait été: On le sait qu'on va devoir négocier sur l'ensemble du territoire, on sait qu'il y a des nations qui sont absentes, et naturellement, ça, c'est leurs raisons, mais je pense qu'on doit quand même réunir l'ensemble des intervenants, des gens qui seront touchés et faire des tables. Même si l'autre partie n'est pas là, on devrait avoir des tables prêtes pour être sûrs qu'on véhicule la même information en même temps partout. Et, de cette façon-là, on va éviter d'ébruiter, je pense, des mauvais propos à ce qu'on veut aboutir en termes de négociations.
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(10 h 10)
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M. Lévesque (Ghislain): En complément à ça, M. le Président, vous savez, au début des négociations, voilà trois ans, quatre ans là, nous avions nettement l'impression que c'étaient le gouvernement du Québec et les nations innues qui négociaient, et la population, entre les deux, n'avait aucune espèce de mot à dire. C'était la prétention que nous avions. Alors, à ce moment-là, vous comprenez qu'on a rué dans les brancards, excusez-moi l'expression. Mais on était en train de négocier comment est-ce qu'on allait pêcher puis chasser sur des territoires qu'on avait déjà, nous aussi, mais on n'était pas au courant, alors ça fait la volée de protestations. Mais je dois vous dire qu'aujourd'hui ce n'est plus... nous ne sommes plus dans ce même contexte là par contre. Je pense qu'il y a eu beaucoup de cheminement qui s'est fait. Mais, d'entrée de jeu, nous étions totalement exclus à toutes fins pratiques du processus.
M. Kelley: Ça rejoint... on a eu le même son de cloche hier de Mingan, Havre-Saint-Pierre parce qu'il y a les quatre communautés qui sont impliquées dans l'Approche commune. Mais, en fait, il y a d'autres situations. Vous avez évoqué Uashat-Maliotenam qui est une situation particulière. Il y a également les trois communautés de l'Est qui ne sont peut-être pas si loin d'une entente, on ne sait pas trop. Mais c'est le même son de cloche que, dès maintenant, je pense, pour ne pas répéter les erreurs du passé, on a tout intérêt de s'assurer qu'il y a une bonne information qui circule partout.
Alors, c'est pourquoi une idée que vous avez mise de l'avant dans votre mémoire que j'ai trouvée géniale, c'est la notion d'un agent de liaison. Comment arrimer la fonction d'un agent ou des agents avec le négociateur? On ne veut pas les chevauchements, on ne veut pas non plus compliquer davantage parce que ma seule crainte quand j'écoute les groupes et on cherche de trouver, comme membres de la commission, un moyen de négociations, d'information qui va être efficace, ma crainte, c'est ça ne devient pas trop lourd. On ne peut pas négocier à 1 000 personnes non plus, il faut... il y a une obligation de résultat.
Moi, je pense, comme vous avez dit, après 23 ans, avec l'incertitude, l'impact que ça peut avoir sur l'investissement et tout le reste, le fait que dans le bois les règles du jeu pour les chasseurs, les pêcheurs sont compliquées suite aux décisions de la Cour suprême et les autres, je pense qu'on a tout intérêt d'arriver avec quelque chose qui va mettre ça au clair. Comment est-ce qu'un agent de liaison dans ce contexte, comment... vous avez quelques pistes de la fonction, mais si vous pouvez l'expliquer un petit peu plus parce que je trouve l'idée intéressante.
M. Bélanger (Robin P.): Bien, écoutez, c'est sûr que l'agent de liaison pourrait utiliser les plateformes existantes. On sait qu'il y a la Table de préfets de la Côte-Nord naturellement qui regroupe tous les territoires qui sont touchés par les différentes négociations qui sont en cours ou qui devront éventuellement être en cours. On a aussi naturellement les différentes municipalités qui ont des caucus d'une façon régulière où l'agent de liaison pourrait d'une façon, je dirais, régulière dire, peut-être informer les gens où en est le processus et où on est rendu dans le processus. On a différentes plateformes, que ce soit au niveau du CRD en termes d'information.
Les véhicules, je pense qu'ils sont déjà en place, on n'a pas à en créer de nouveaux. Il faut juste s'entendre sur la façon que l'agent va intervenir et non pas d'avoir quatre, cinq agents ? parce que, là, à un moment donné, il y en a un qui a dit ça différemment de l'autre ? en avoir un qui véhicule dans le fond la même information, mais d'une façon constante et sur l'ensemble du territoire et le plus rapidement possible. Or donc, s'il peut être présent dans une MRC, peut-être de demander à la MRC de dire: Bien, écoutez, au lieu de siéger le même soir, retardez un soir puis le lendemain il peut être dans l'autre MRC et ainsi de suite. Or donc, il peut, à l'intérieur, je dirais, d'un court laps de temps, couvrir l'ensemble du territoire. C'est sûr que ça ne sera pas facile pour lui; on sait que même nos députés ont des grands territoires à couvrir et ce n'est pas évident pour eux.
Mais, nonobstant à tout ça, je pense qu'il y a des processus, en tout cas, il y a des organismes qui sont en place et je pense que c'est facile de faire le lien avec les leaders du milieu, les gens, avoir des endroits d'échange. Alors, ça, ça existe déjà, c'est juste de s'entendre sur la façon de le faire.
M. Kelley: Bien, je trouve l'idée intéressante d'avoir comme une personne ou un guichet unique plutôt qu'aller chercher l'information un petit peu partout. Et je retiens votre idée importante que c'est une personne dans la mesure du possible, de ne pas avoir des contradictions. Peut-être une dernière question parce que, je sais, ma collègue veut poser des questions aussi.
Dans l'expérience de la Convention de la Baie James, je sais que les chercheurs et les autres ont regardé les retombées économiques, pas uniquement pour les Cris et les Inuits mais également pour l'Abitibi, par exemple. Et est-ce qu'on a, au CRD, jamais fait une réflexion: C'est quoi, les retombées économiques potentielles d'une entente? Parce que, ce n'est pas que l'argent. On parle beaucoup du 377 millions de dollars, mais ce n'est pas de l'argent qui va rester à l'intérieur de ces communautés, ça va générer l'activité économique. Et est-ce qu'on a un moyen d'essayer d'évaluer ces aspects plus positifs du potentiel de l'entente?
M. Bélanger (Robin P.): Je vous dirais qu'on n'a pas fait d'étude, au niveau du CRD, pour voir comment, d'une façon économique, on pourrait peut-être regarder les retombées de ces ententes-là. Ce que je vous dirais, c'est, exemple, chez nous, dans la MRC de Caniapiscau, on a les Naskapis qui sont déjà sous l'entente du Nord-Est québécois, et on voit à un moment donné que, économiquement, si on regarde les deux communautés d'un oeil, je dirais, extérieur, on s'aperçoit qu'effectivement, eux, qui sont déjà à l'intérieur d'une entente, sont, je dirais, beaucoup plus responsables, dynamisés, ils sont beaucoup plus, on dirait... Ils fonctionnent comme une collectivité, comme une municipalité et, effectivement, ils sont partie prenante au développement de la région.
On regarde les Montagnais qui sont à côté ou les Innus de Schefferville, un petit peu différents, beaucoup plus difficiles d'accès, ne font pas partie des négociations présentes. Or donc, on s'aperçoit effectivement, quand il y a un traité qui est en place, il y a déjà une prise en charge par ces peuples-là, et ça, c'est tout à fait correct.
Je pense qu'il faut, si on regarde le niveau, je dirais, de... si je regarde le niveau de ma MRC, au niveau du CLD, les Naskapis sont présents, les Montagnais sont absents. Or donc, eux sont déjà, je dirais, dans l'engrenage, ils voient déjà un intérêt à participer aux différentes tables, que ce soit CLD, CRD, ils voient déjà un intérêt à être présents, proposer des projets et à travailler comme n'importe quelle autre collectivité qu'on retrouve sur l'ensemble de notre territoire. Or donc, on voit, je dirais, une différence. En tout cas, moi, je vois une différence de deux communautés qui sont sur mon territoire, et je me dis que, dans le fond, l'ensemble de nos communautés qui sont sur le territoire nord-côtier vont réagir de la même façon: Comment travailler ensemble, comment faire des liens et des arrimages de projets. Et c'est là, dans le fond, qu'est tout l'intérêt de cette négociation-là, c'est de tirer des liens et de faire des maillages pour qu'effectivement cette énergie-là naturellement profite à l'ensemble de la Côte-Nord.
M. Lévesque (Ghislain): M. le Président, en complément. Pour votre information, Uashat mak Mani-Utenam n'est pas à la table de négociations, mais, de façon historique, depuis les dernières décennies, nous cohabitons ensemble. Et présentement, si on parle de retombées économiques, qu'est-ce que la communauté de Uashat mak Mani-Utenam représente pour la collectivité septilienne? C'est qu'on parle de retombées économiques de l'ordre de 50 millions de dollars annuellement et une création d'environ entre 400 et 500 emplois. Alors, vous comprenez qu'on n'est pas en négociation et qu'on a... la communauté innue amène cet apport au niveau du développement économique. Vous imaginez que, si, un jour, on avait une négociation, qu'on avait des ententes et qu'on avait du partenariat puis qu'il y avait des sommes additionnelles d'injectées, je pense que ça ne serait que positif. Mais encore là, faut-il développer ce partenariat-là, et le développer année après année.
M. Kelley: Peut-être rapidement une dernière question qui est évoquée dans votre mémoire, mais on a une journée et on va écouter beaucoup Escoumins, Essipit et les questions, et toute la question de concurrence déloyale qui est évoquée dans votre mémoire et qui va être évoquée dans les autres mémoires, est-ce que vous êtes un petit peu plus précis? C'est quoi, les craintes ou c'est quoi, les choses que vous voulez nous mettre en garde concernant cette question de la concurrence déloyale économique?
M. Bélanger (Robin P.): Ce que, nous, on entend souvent comme élément qui est amené au niveau du CRD, c'est le fait que, bon, n'importe quel homme d'affaires ou femme d'affaires aujourd'hui se présente dans une banque, fait un emprunt bancaire, naturellement va devoir payer des intérêts et, naturellement, va établir un coût pour son produit et essayer de donner un service tout en remboursant ses différentes dettes et ainsi de suite. Souvent, ce qu'on entend, c'est que les gens ont accès à un financement qui provient, que ce soit du Québec ou du fédéral, peu importe, et qui fait en sorte que, naturellement, il est capable, à ce moment-là, d'offrir à un meilleur prix, alors plus concurrent que celui qui doit suivre, je dirais, le Nord-Côtier, qui doit suivre le processus normal là d'aller... de se mettre en affaire, de faire des emprunts. Or donc, on dit que c'est là que devient ce qu'on appelle la concurrence déloyale. On a un accès peut-être à un cash qui vient des fonds gouvernementaux, et ce que les gens disent: Bon, bien, dans le fond, c'est avec nos impôts que les mêmes gens-là reviennent nous compétitionner dans nos propres business. Ce n'est peut-être pas tout vrai ça, puis ce n'est peut-être pas comme ça que ça se passe, mais, comme je vous disais tantôt, le ballon, là, le message qui est véhiculé, souvent, on se ramasse avec la mauvaise information. Puis je pense que ça devra faire partie des fameux mythes qu'on doit à un moment donné démystifier, informer les gens, comment ça se passe l'échange de communauté puis ce partage-là, connaître un peu ce qui se passe dans la communauté voisine. On sait qu'est-ce qui se passe dans nos villes ou dans nos villes voisines, on ne sait pas qu'est-ce qui se passe dans la communauté autochtone parce qu'on n'y va pas, hein, ce n'est pas chez nous.
Or donc, je pense, cet échange d'information là ferait en sorte que peut-être on verrait les gens d'affaires de la communauté innue d'un meilleur oeil, si on savait un peu comment ça se passe. Alors, je pense que c'est plus, là, une espèce de méconnaissance de tout cet élément-là.
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(10 h 20)
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Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière, brièvement.
Mme Gauthier: Oui. Dans votre mémoire, vous vous questionnez sur la pertinence de transférer 350 000 m³ de bois à la communauté innue. Je voudrais savoir comment vous pensez qu'on peut réaliser ce transfert sans mettre en péril toute l'industrie forestière de la Côte-Nord.
M. Bélanger (Robin P.): Une question très au but, très directe. En fait, ça, ça fait partie des éléments de notre mémoire où on est peut-être trop précis, trop direct, mais je pense que ça fait partie des éléments qui sont sur la table.
Écoutez, ce qu'on dit dans le fond, c'est qu'on doit s'asseoir avec... Nonobstant la négociation, je pense que le processus normal, ce serait de s'asseoir avec, dans le fond, l'industrie, les gens qui sont déjà en place, et de voir si ce transfert-là ne peut pas se faire d'une façon progressive pour atteindre le même but et d'essayer que chacune des deux communautés, qu'on puisse atteindre le même objectif. C'est-à-dire naturellement que le transfert des emplois éventuellement se fasse et les mètres cubes aussi, mais qu'on ne fasse pas, dans le fond et dire: Bon, bien, demain matin, vous perdez tant de mètres cubes, on met tant de personnes au chômage. D'y aller d'une façon progressive.
Ce qu'on dit, c'est que la négociation, oui, va apporter des transferts de territoire et effectivement de ressources, mais faisons-le d'une façon progressive. Et ça, effectivement ce n'est peut-être pas bien perçu là, présentement.
Mme Gauthier: Juste une dernière question, une toute petite. Au niveau des tables sectorielles, une des préoccupations de certaines personnes qui sont venues témoigner en commission, c'est de dire qu'on allait reproduire la même erreur qu'on a au gouvernement, c'est-à-dire que l'occupation de la forêt, ce n'est pas simplement l'industrie forestière, mais il y a tout le domaine de la chasse, le trappage. Comment, vous, vous voyez... Comment pensez-vous qu'on devrait voir les tables pour vous mettre à contribution dans la négociation, mais de quelle façon les tables devraient être constituées?
M. Bélanger (Robin P.): Je pense... Je ne crois pas qu'à cette étape-ci, j'aurais une image, je pense, la plus claire possible de comment ces tables-là devraient être réalisées. Ce qu'on essaie de faire au niveau du CRD, c'est, quand on crée une table forêt, c'est d'essayer de tenir en compte tous les intervenants qui ont à intervenir dans la forêt, que ce soit à partir des gens qui veulent faire la culture du bleuet. On essaie aussi de sensibiliser les gens qui ont ces différents territoires de forêt là qu'il y a des préoccupations par rapport à la pousse de bleuets ou vice versa.
Or donc, on essaie de tenir compte, mais c'est bien évident que, lorsque les industriels forestiers sont autour de la table, la première préoccupation, c'est effectivement l'industrie forestière et naturellement tout ce qui en découle. Mais on doit toujours, je pense, tenir compte de tous les intervenants ou de tous les acteurs de la forêt.
Le meilleur exemple que je vous donnerais, c'est qu'il y a quelques années, on avait les gens qui travaillaient en forêt qui faisaient des routes forestières et les gens se ramassaient avec des routes forestières, faisaient des, je dirais, des chalets en forêt, des endroits d'accessibilité et, du jour au lendemain, lorsque l'industrie se retirait...(coupure de son) Si on ne met pas tout le monde à la même table pour échanger sur ces différents aspects là, on va effectivement créer des situations de conflit.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Tantôt, vous avez parlé de dentistes, on va rester dans le domaine de la santé en cette semaine... En gros, ce qu'on comprend, c'est qu'il y a une pilule présentement qui est un peu dure à avaler de la part des citoyens de la Côte-Nord en raison de l'information qui circule, qui peut être de la désinformation aussi, dans certains cas.
Afin de rendre la pilule, disons, plus facile à être assimilée, absorbée, toute la question des redevances qui aussi va être l'objet d'une commission là prochainement, pensez-vous que ce peut être une question importante pour les citoyens de la Côte-Nord? Puis je pense que c'est une préoccupation du CRD aussi, ça a été mentionné à plusieurs reprises, puis, là, je pense en particulier dans le calcul des redevances qui pourraient être attribuées au calcul des droits d'eau d'Hydro-Québec qui présentement sont plutôt à zéro.
M. Bélanger (Robin P.): Si je me réfère, dans le fond, au Rendez-vous des régions, puis j'amène ça jusqu'à aujourd'hui sur la table des redevances, ce qu'on s'est fait dire, puis d'une façon claire, c'est que, au niveau des redevances, je pense, il n'y a pas d'argent là-dedans. Hein? On va s'entendre là. C'est que ça coûtait plus cher au gouvernement que naturellement ce que le gouvernement en retirait.
Ce qu'on a accepté comme principe, c'est, je pense, une redistribution de la richesse... (coupure de son) ...on va prendre cet aspect-là, si la Côte-Nord produit tant de richesse, comment trouver... quelle serait la formule idéale pour faire une redistribution équitable.... (coupure de son) Alors, qu'est-ce que vous soulevez comme point, c'est comment redistribuer toute cette richesse-là, que ce soit aux Nord-Côtiers ou au niveau des Innus, comment essayer de trouver la formule idéale... (coupure de son) Et je pense que la tournée de la commission ou des gens qui siégeront sur cette commission-là vont sûrement soulever plusieurs bonnes idées, et ce sera, je pense, à ce moment-là, au gouvernement de regarder, je pense, l'aspect le plus intéressant pour s'assurer qu'effectivement... Je peux comprendre qu'on fasse de la deuxième puis de la troisième à Montréal, mais Montréal comprend aussi qu'il peut faire de la deuxième puis de la troisième parce qu'il y a la matière de la région.
Donc, c'est un ensemble de données, et je pense que tout le monde se rejoint à ce niveau-là, et, dans le fond, même, les gens de Montréal disent: Bien, écoutez, peut-être que, nous, on devrait se concentrer sur la troisième puis la quatrième, puis vous laisser la deuxième. Je pense qu'il faudra regarder tous ces aspects-là et, dans le cadre de la négociation avec les Innus, bien, je pense qu'il faudra aussi regarder comment eux pourront faire en sorte d'avoir, je dirais, leur juste retour au niveau du retour collectif.
M. Corriveau: Peut-être en terminant: Croyez-vous vraiment qu'il peut y avoir un lien étroit, là, dans l'issue autant du résultat de la commission sur les Innus de l'entente, de l'Approche commune, un lien étroit avec aussi l'issue de la commission sur le calcul des redevances, là, en retour aux régions? Parce que, moi, je pense que un va nécessairement aller avec l'autre. Disons que ça peut rendre la pilule plus facile à gober.
M. Bélanger (Robin P.): En tout cas, si j'étais négociateur innu, je regarderais sûrement qu'est-ce qui va se dire de l'autre côté, parce qu'il y aura effectivement des éléments très intéressants qui vont se partager à cette table d'information là. Et, effectivement, ce sera peut-être pour lui aussi une façon, je dirais, de mettre en place certaines pistes pour les différentes communautés qui sont en difficulté économique, autant socioéconomique ou autre. Alors, moi, je pense que, oui, il y aura un lien. Ça, je pense, c'est indéniable. Mais il faut regarder le lien, je pense, pour l'ensemble, je dirais, de l'avenir ou de la collectivité québécoise.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.
M. Trudel: Je vais prendre 10 secondes pour vous dire merci de ce mémoire novateur, responsable, tourné vers l'avenir, du même ton que celui du CRD du Saguenay?Lac-Saint-Jean et des préfets qui sont venus ici témoigner. Vous dire merci pour le rôle que vous avez joué, que vous jouez encore sur la Côte-Nord, M. le maire et M. le préfet et président, le président du CRD. Ce mémoire, il est tourné vers l'avenir et il reçoit déjà un écho très favorable dans l'esprit du ministre et du gouvernement.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Bélanger et Lévesque, pour votre présence ici, à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Merci.
...les représentants de la municipalité des Escoumins à prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Madame, messieurs, bienvenue à cette commission parlementaire, et j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent. Et je vous rappelle que vous avez droit à une présentation de 20 minutes.
Municipalité des Escoumins
M. Bouchard (Marc): Oui. Mon nom est Marc Bouchard, maire de la municipalité des Escoumins. À ma droite, vous avez M. Pierre Laurencelle, pro-maire; à ma gauche, vous avez Mme Chantale Otis, secrétaire-trésorière et M. Martin Claveau, consultant.n(10 h 30)n
Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme, MM. les députés, M. le secrétaire de la commission, mesdames, messieurs, au nom des citoyens et citoyennes et le conseil municipal de la municipalité des Escoumins, nous vous remercions de l'opportunité que vous nous offrez de venir échanger avec vous sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
D'abord, permettez-nous de vous présenter rapidement notre collectivité composée de la municipalité des Escoumins et de la communauté d'Essipit. Je vais maintenant passer la parole à Mme Otis qui va vous présenter une partie du document.
Mme Otis (Chantale): Bonjour. La municipalité des Escoumins est située à 250 km à l'est de Québec au fond d'une baie majestueuse en bordure du fleuve Saint-Laurent et forme la limite est du parc marin Saguenay?Saint-Laurent. Fondée en 1846, elle est encore aujourd'hui l'un des plus beaux villages de la Haute-Côte-Nord.
Les sites tels que le fleuve Saint-Laurent et ses baleines, la promenade de la baie, la rivière Escoumins renommée pour son saumon et une série de lacs poissonneux dans l'arrière-pays sont autant d'éléments qui caractérisent le milieu naturel de ce secteur et qui sont au centre du développement économique et touristique de la municipalité.
Le territoire des Escoumins couvre une superficie totale de 266,85 km². Le périmètre urbain actuel couvre une superficie de 4,46 km², soit environ 2 % de l'ensemble du territoire municipal. Plus de 68 % de cette superficie est présentement occupée. La communauté des Escoumins connaît depuis plus de 15 ans une baisse appréciable de sa population. Cette diminution est attribuable principalement à la fermeture de grandes entreprises forestières au tournant des années 1980, à une baisse substantielle de la natalité et à une émigration importante des jeunes partis étudier ou travailler à l'extérieur.
Le marché de l'emploi est directement tributaire des trois secteurs d'activité à caractère saisonnier ? forêt, pêche et tourisme ? qui façonnent l'économie du milieu. La population active s'est prise en main en mettant en valeur depuis quelques années ses ressources locales à partir de petites et moyennes entreprises. Le secteur tertiaire est représenté par de nombreux services personnels, professionnels, financiers, ainsi que par une trentaine de commerces de détail diversifiés. Cette diversité des services et des commerces traduit enfin une autre réalité, celle d'un dynamisme entrepreneurial.
Depuis le début des années quatre-vingt, le développement repose principalement sur le secteur tertiaire. C'est dans la municipalité des Escoumins qu'ont été établis les bureaux de la MRC de la Haute-Côte-Nord, le centre local de développement, la Société d'aide au développement des collectivités et le Centre de santé des Nord-Côtiers. À l'échelle de la MRC, les Escoumins est donc un lieu de concertation, de représentation et de décision. Une partie de la main-d'oeuvre demeure cependant toujours disponible en raison des cycles économiques récents qui furent moins favorables.
La municipalité des Escoumins bénéficie d'une réputation exceptionnelle grâce à ses paysages terrestres et maritimes. Nous sommes un des sites de plongée sous-marine les plus recherchés à l'est du Canada tout en représentant l'endroit de prédilection pour la certification des plongeurs.
Il est d'usage courant de qualifier l'arrière-pays de la Haute-Côte-Nord de paradis de la chasse et de la pêche. On retrouve aux Escoumins deux zones d'exploitation contrôlée ? zecs. L'une d'entre elles, la zec de la Rivière-des-Escoumins, permet la pêche au saumon. Cette rivière fait depuis quelques années l'objet d'une cogestion avec le conseil d'Essipit; l'autre, la zec Nordique, permet la pêche à la truite mouchetée ainsi que la chasse à l'orignal, à l'ours, au petit gibier et à la sauvagine. On peut également pratiquer ces activités dans l'une ou l'autre des huit pourvoiries à droits exclusifs qui opèrent dans l'arrière-pays. De ce nombre, seulement trois pourvoiries et demie sont gérées par des non-autochtones.
L'infrastructure récréotouristique est complétée par des services d'hébergement et de restauration diversifiés et de qualité. C'est dans notre municipalité que l'on retrouve, après Tadoussac, le plus grand nombre d'établissements d'hébergement et de chambres sur la Haute-Côte-Nord.
La municipalité des Escoumins assure à sa collectivité de nombreux services de base dont un réseau d'aqueduc ayant une capacité qui permettrait de répondre raisonnablement aux besoins supplémentaires occasionnés par le développement des espaces encore disponibles, un service de protection contre les incendies. Quant au réseau d'égout, on a ajouté dans les dernières années une usine d'épuration des eaux usées. En ce qui concerne le milieu communautaire, il se structure autour de 50 organismes qui oeuvrent dans les différents secteurs de la vie de la collectivité.
La communauté d'Essipit. On retrouve aussi sur le territoire des Escoumins la communauté innue montagnaise d'Essipit. Elle cohabite harmonieusement et est en bon voisinage avec l'ensemble de la collectivité escouminoise depuis 1892. La réserve est située sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, près de la baie des Escoumins. C'est en 1892 que le gouvernement fédéral a acheté un territoire pour l'usage des autochtones des Escoumins. À cette époque, la superficie de la réserve était de 0,39 km². En 1996, son territoire a été agrandi à 0,8625 km² afin de tenir compte des besoins urgents pour accueillir la population innue qui est actuellement hors réserve. Essipit se situe au cinquième rang pour sa superficie parmi les huit réserves montagnaises au Québec.
Situé entre l'ancienne route 138, auparavant rue Saint-Marcellin, et le fleuve Saint-Laurent, le territoire est aujourd'hui urbanisé à 60 %. On y relève environ 70 logements, surtout des résidences unifamiliales dont la majorité sont de valeur supérieure aux résidences que l'on retrouve aux Escoumins. Quelques nouvelles rues ont été ouvertes au développement résidentiel depuis cinq ans. Par contre, le nombre de constructions n'a pas augmenté significativement. Il s'est construit en moyenne deux résidences par année depuis 10 ans. À ce rythme, il y a suffisamment d'espace dans la réserve pour les 40 prochaines années. L'ensemble résidentiel est aménagé autour d'un important centre communautaire qui comprend une piscine, une patinoire extérieure, un court de tennis et de racketball, un terrain de balle, un terrain de jeu, une salle de conditionnement physique, une salle de quilles, un bar sportif et une salle de réception. Les Innus y gèrent également la seule station de radio communautaire de la Haute-Côte-Nord ainsi que leur propre service de police. Ils opèrent enfin un dépanneur, une station-service, un site de camping, des condos et des chalets locatifs de même que 5,5 pourvoiries dans le secteur.
La population innue de la communauté d'Essipit a connu dans les 10 dernières années une faible croissance d'environ 5 %. Seulement 50 % de ces personnes demeurent dans les limites de la réserve d'Essipit, et cette tendance ne semble pas vouloir se résorber même si le territoire de la réserve a été agrandi dans les dernières années pour accueillir plus d'Innus. Pour ce qui est de la population permanente sur la réserve, elle n'a connu qu'une augmentation de 3 % durant la même période de 10 ans. Cet accroissement est dû essentiellement à l'arrivée d'un plus grand nombre de non-autochtones qui, par alliance, mariage ou autre sont allés demeurer sur la réserve. La présence d'un peu plus de 30 % de citoyens non autochtones sur une réserve autochtone, voilà une situation particulière à Essipit qui démontre très clairement le maillage qui existe entre la population des deux collectivités. Il n'est pas rare en effet pour les familles des Escoumins de retrouver de la parenté sur la réserve et l'inverse est aussi vrai. La réserve d'Essipit a le ratio de population de 15 ans et plus sur population totale le plus élevé parmi les réserves, 85,3 %. Ce phénomène démontre clairement la dénatalité qui se vit depuis plusieurs années et qui aura comme conséquence à long terme la diminution de la communauté innue dans ce secteur.
En 1996, le marché de l'emploi était difficile à l'intérieur de la réserve. Depuis quelques années par contre la collectivité d'Essipit est devenue très dynamique en développant principalement une expertise dans les secteurs des services, du récréotourisme et de la pourvoirie. En 2002, on estime que plus de 120 citoyens des Escoumins travaillent pour la réserve dans le développement de leurs différents projets économiques et qu'un certain nombre d'Innus occupent des emplois dans des services spécialisés à l'intérieur de la municipalité des Escoumins. On constate par ailleurs que la communauté d'Essipit a la plus faible proportion de gens n'ayant pas terminé leur scolarité au secondaire parmi les réserves étudiées, c'est-à-dire 16 %. Il est important de mentionner que la population d'Essipit fréquente l'école primaire des Escoumins et secondaire des Bergeronnes. À partir de ces informations, nous pouvons affirmer que la population d'Essipit se rapproche du profil québécois et qu'elle se démarque nettement des autres réserves dans la prise en main de son développement économique.
n(10 h 40)n La collectivité des Escoumins. De par leur contiguïté et leur interdépendance, la municipalité des Escoumins et la réserve d'Essipit forment une collectivité. Celle-ci est identifiable par un même noyau urbain concentré et une similitude dans les activités économiques et sociales. La municipalité des Escoumins assure directement à la communauté d'Essipit un certain nombre de services sur la base d'ententes intercommunautaires. Le territoire de la réserve est couvert par des ententes relatives à la construction et l'exploitation d'un système commun d'assainissement des eaux, un réseau d'aqueduc et d'égout pour la fourniture de services d'acheminement, de chloration et d'alimentation en eau potable et la fourniture d'un service de protection incendie.
Les habitants d'Essipit, au même titre que l'ensemble des citoyens du reste de la collectivité, profitent des services offerts par la municipalité, mais, à la différence de ces derniers, les résidents de la réserve ne contribuent pas complètement au financement de ces services et, pour ce motif, ces ententes devraient être revues.
La présence de la réserve d'Essipit dans le territoire municipal des Escoumins a des conséquences positives. Une communauté de 258 personnes en 2002 au coeur même de la collectivité escouminoise renforce cette dernière. D'une part, elle en augmente la population et, d'autre part, elle en consolide le marché économique en y introduisant des capitaux, notamment par les importantes subventions fédérales dont bénéficient les autochtones. Ce type de développement a pour effet de limiter le marché escouminois au détriment de nos entrepreneurs. En contrepartie, la qualité de vie et les perspectives de développement de la réserve d'Essipit reposent largement sur son insertion au sein de l'agglomération des Escoumins.
Notre collectivité est cependant divisée en deux entités administratives. Il y a d'abord la municipalité des Escoumins, dont la gestion relève de son conseil municipal, et la réserve d'Essipit, représentée par le conseil de bande. Cette duplication de structures sur un territoire commun cause, à certains moments, des problèmes de juridiction dans le cas du développement urbanistique du territoire, d'une part, et, d'autre part, de la concurrence dans l'instauration des services à la collectivité.
En ce qui concerne le problème de juridiction, il se vit surtout en matière de taxation et d'urbanisme. D'abord, le régime fiscal plus que favorable auquel ont droit les Innus sur la réserve avantage indiscutablement ces derniers par rapport aux commerçants et contribuables de la municipalité. Par exemple, le fait que le bar sportif ait pu se construire sur la réserve a contribué à la fermeture d'au moins deux établissements du même genre aux Escoumins, deux commerces qui contribuaient au fardeau fiscal de la municipalité. Ce phénomène a tendance à vouloir se répéter pour d'autres commerces, dépanneurs, etc., ce qui, à chaque fois, prive la municipalité d'un manque à gagner pour maintenir ses services. Ce climat d'incertitude cause beaucoup d'inquiétude aux investisseurs ? difficulté à avoir du financement ? et force les gens à remettre à plus tard l'ouverture de leur nouvelle entreprise ou l'expansion de celles déjà existantes.
Quant à l'urbanisme, la duplication des mêmes usages commerciaux et institutionnels sur chacun des territoires et la non-obligation pour chacun des paliers décisionnels de se concerter dans leur affectation ne permettent pas d'instaurer un développement harmonieux. Cette concurrence vaut aussi pour les services publics. Voici deux exemples où l'on peut percevoir un problème de concertation. La municipalité des Escoumins s'est équipée d'un aréna, puis la réserve d'une patinoire. Alors que la municipalité a dû enterrer sa piscine faute de moyens pour l'entretenir, la réserve en creusait une.
À partir de la description que nous venons de faire des différentes composantes de la réserve d'Essipit, il ressort clairement qu'elle est un cas particulier quant à sa localisation sur le territoire municipal, sa prospérité économique, sa faible population et le fait que ses caractéristiques sociales ? santé, éducation, chômage et natalité élevée ? ne ressemblent pas à celles des autres réserves du Québec.
Je cède maintenant la parole à M. le maire pour la poursuite de la présentation.
M. Bouchard (Marc): La municipalité des Escoumins et l'entente. Par le caractère tout à fait distinct d'Essipit par rapport aux autres communautés montagnaises, la municipalité des Escoumins est directement interpellée par la proposition d'entente principalement à cause de la demande importante d'agrandissement de la réserve d'Essipit à même le territoire de la municipalité, des liens communautaires et socioéconomiques qui existent déjà avec les Innus de cette réserve et de la situation de continuité territoriale entre nos deux communautés. Les Escoumins veut vous faire connaître sa position et ses préoccupations. Le présent mémoire évalue et démontre les impacts territoriaux, socioéconomiques et fiscaux de l'entente de principe entre les premières nations autochtones, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
Les principes directeurs. La municipalité des Escoumins s'engage dans ce processus de négociation sur la base de 10 grands principes directeurs. Le premier: la municipalité considère que la négociation est un passage obligatoire et qu'elle constitue la seule voie pour en venir à une entente satisfaisante; le deuxième: la municipalité doit être un participant incontournable à la table de négociations parce que l'avenir de sa collectivité est vraiment mis en jeu; ensuite, la municipalité désire que sa population ne soit pas pénalisée par l'entente afin qu'elle puisse continuer à prendre son devenir en main. La municipalité désire protéger l'avenir de sa collectivité et être capable d'indiquer clairement à ses citoyens les véritables choix qui s'offrent à eux. La municipalité veut aussi que les parties engagées dans ce processus partagent le même objectif de négocier et de s'entendre sur une solution dans le respect de leurs droits et intérêts légitimes et respectifs; notre municipalité, fondée en 1846, considère primordial que la négociation se fasse sur la base des rapports fondés sur le respect, la reconnaissance et le partage, le tout sur le principe du bon voisinage qui existe, depuis 1892, entre la population d'Essipit et celle des Escoumins. La municipalité considère qu'il est temps de clarifier définitivement les droits ancestraux et territoriaux des Innus afin de lever l'incertitude économique que tout ce débat soulève. La municipalité considère, dans un souci d'équité pour sa population, que les deux communautés, compte tenu de leur contiguïté, doivent être munies des mêmes leviers de développement économique, tant au niveau des redevances que de la fiscalité, et qu'un mécanisme soit mis en place pour rétablir l'équilibre. À cet effet, la municipalité considère que des leviers touristiques et économiques doivent être envisagés à très court terme au sein de la localité escouminoise afin de permettre un rattrapage au niveau de son secteur commercial. La municipalité s'attend à ce que les différentes activités pratiquées sur chacun des territoires soient harmonisées afin d'assurer un développement harmonieux du territoire. Le dixième: la municipalité veut travailler en partenariat avec la collectivité d'Essipit pour développer notre territoire.
Positionnement général de la municipalité. La municipalité des Escoumins sera durement touchée par la mise en application de cette entente de principe entre les premières nations de Mamuitun et les gouvernements du Québec et du Canada.
La reconnaissance des droits ancestraux. En regard des droits ancestraux, la municipalité des Escoumins est d'accord avec le besoin de reconnaissance des droits ancestraux et du titre «aborigènes» pour les Innus. Les effets et les modalités de l'exercice de ces droits doivent cependant s'harmoniser avec les exercices des droits des Escoumins, cela en vue de régler définitivement le consensus qui nuit à notre développement en maintenant une incertitude quant à nos avenirs réciproques.
Dans les aspects relatifs aux droits ancestraux, la notion de cueillette ou de prélèvement à des fins de subsistance devra être mieux définie. Relativement aux prélèvements fauniques, nous croyons que les droits devraient être contrôlés d'une manière décroissante de telle sorte que, sur une période d'années, les Innus auront à respecter les mêmes règlements fauniques que les Blancs.
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, M. le maire, je vous prie de passer à la conclusion étant donné que le temps est presque terminé.
M. Bouchard (Marc): En conclusion, M. le Président, en ce qui concerne la deuxième phase de négociations qui s'entame, le conseil municipal demande, compte tenu du caractère distinctif de la réserve d'Essipit et des répercussions que va avoir l'entente de principe d'ordre général si elle est acceptée telle quelle, un statut particulier permettant le mise en place d'un mécanisme spécial de négociations entre les dirigeants d'Essipit et les dirigeants de la municipalité. Trois sujets principaux seraient adressés à cette table de négociations: ce sont la délimitation des limites territoriales d'Innu Assi pour la réserve, la définition d'un nouveau mode de pratique commerciale sur le territoire des deux communautés et le développement socioéconomique. D'autres sujets pourront faire l'objet de discussions à cette table de négociations, avec l'accord des parties.
n(10 h 50)n En terminant, je veux vous faire remarquer que nos principales revendications sont comprises dans le rapport de M. Chevrette pour la négociation d'un traité juste et équitable, surtout les recommandations 21, 22, 23, 24 et 25. Nous vous remercions de nous avoir écoutés. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, nous débutons cette période d'échange avec M. le ministre responsable des Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, en vous souhaitant bienvenue, M. le maire, M. Bouchard, comme beaucoup d'autres de la Côte, d'avoir fait tout ce parcours, ce long parcours pour venir ici témoigner et nous donner votre vision de l'avenir conjointement sur ce territoire avec la communauté d'Essipit et la nation innue, souhaiter la bienvenue également à Mme Otis, la secrétaire-trésorière adjointe, et également M. Laurencelle qui est conseiller et le consultant qui vous accompagne.
Disons que vous avez, M. le maire, bien résumé la position et ancré la position de votre municipalité avec ces 10 éléments fondamentaux, principes, énoncés d'avenir, en plaçant tout au haut de cette présentation que la municipalité considère que la négociation est un passage obligatoire et qu'elle constitue la seule voie pour en venir à une entente satisfaisante. Cela nous l'indique clairement: c'est actuellement insatisfaisant, la façon dont les choses se déroulent, se passent sur le territoire.
Si vous relevez les irritants qui amènent d'évidence le plus d'insatisfaction et chez les leaders du gouvernement local ? le conseil municipal ? et la population, quels sont les éléments que vous nous donneriez, les choses qui actuellement ? disons-le simplement ? ne marchent pas, marchent mal ou ne marchent pas suffisamment dans la situation actuelle?
M. Bouchard (Marc): Disons que c'est surtout au niveau de la concurrence déloyale où ça ne fonctionne pas; on est comme après envahir le marché. L'offre dépasse la demande, puis on s'aperçoit que tout ce qu'on fait comme efforts de développement, le plus souvent qu'autrement, ça retombe sur le voisin. Ça fait qu'il faut absolument qu'on rééquilibre tout ça parce que, si on continue comme ça sans entente et sans traité, moi, je me dis qu'au bout de deux, trois ans on va avoir comme grugé toute la possibilité de la municipalité des Escoumins d'aller de l'avant dans son développement, puis ça, dans différents secteurs, que ce soit au niveau de l'hébergement, que ce soit au niveau de différents projets qu'on pourrait réaliser ensemble, c'est bien sûr, mais, comme c'est là, on n'a comme pas d'entente puis on ne sait pas trop où est-ce qu'on va. Puis il faut aussi rassurer le marché des investisseurs. Chez nous, c'est un merveilleux village à développer. Malheureusement, on a comme créé trop d'incertitudes; les institutions financières se questionnent, que ce soit le CLD, les SADC, quand on arrive avec les plans d'affaires, c'est pas mal plus dur d'aller chercher le financement parce qu'il y a quand même une vive opposition qui est dans le coeur du village, et il faut qu'ils tiennent compte de ça pour accepter un financement pour un nouveau commerce ou un agrandissement. On s'aperçoit qu'on est comme saturés, là. Les gens sont trop inquiets pour investir, malgré que c'est un très beau village. L'incertitude règne.
M. Trudel: Alors là, ce que vous nous dites, c'est: Une entente, c'est un résultat obligé que nous devons non seulement rechercher, mais atteindre et que cela va favoriser le développement économique non seulement de votre municipalité des Escoumins, mais de la Côte-Nord. Et ce que vous nous dites aussi, c'est: L'absence de règles, l'absence de mécanismes précis de cohabitation, ça nuit au développement.
Est-ce que, M. Bouchard, puisque vous citez au premier chapitre, au premier abord, la question de ce que vous appelez, on se comprend bien, la concurrence déloyale, le fait que dans l'entente de principe et dans le projet de traité il y ait l'introduction de l'établissement possible d'une fiscalité autonome pour les communautés innues, d'Essipit comme d'autres, c'est de nature à vous rassurer et à corriger cette déloyauté que vous... la concurrence déloyale que vous illustrez très bien dans votre mémoire?
M. Bouchard (Marc): À long terme, oui, mais à court terme il faut faire un certain rattrapage au niveau de la municipalité des Escoumins. Il faut remettre ça à niveau puis repartir sur une nouvelle base, comme vous dites, avec une fiscalité équitable pour tout le monde pour au moins rassurer le marché. Mais, présentement, nous avons en tous les cas un effort à faire pour rétablir cette équité-là. Mais, à long terme, c'est sûr que ça nous prend les mêmes leviers de développement économique que la réserve Essipit, ça nous prend un fonds de développement, un fonds de développement pour être capables de faire du partenariat. Si on n'a pas de fonds de développement, on ne sera pas capables de suivre.
M. Trudel: Je trouve en tout cas remarquable que vous le souleviez sous cet angle-là, M. le maire, avec votre conseil municipal. Vous ne vous élevez pas contre le succès des autres mais plutôt vous vous prononcez en faveur de votre succès. Parce qu'on est en matière très particulière lorsqu'on prend la situation de la collectivité ? c'est de même que vous identifiez ça dans votre mémoire ? la collectivité Escoumins-Essipit. C'est clair qu'au niveau de la communauté d'Essipit il y a une réussite économique qui est observable. Vous souhaitez la même chose pour votre municipalité, en particulier sur la base de la clarification: titre «aborigène», droits ancestraux et territoriaux.
À cet égard-là, est-ce que ? vous l'avez mentionné là ? sur les aspects territoriaux, est-ce que vous pensez qu'il y a ? on dit simplement ? de réels espoirs d'entente si nous en arrivions à désigner ce que M. Chevrette appelle à sa recommandation 25 un facilitateur, pour les aspects territoriaux Escoumins-Essipit?
M. Bouchard (Marc): Disons que cette question, ça va être la partie la plus compliquée au niveau du territoire. En 1996, la municipalité des Escoumins a cédé, bon gré, mal gré, là, une certaine partie de territoire, puis, au cours des ans, bien, les citoyens se sont aperçus que, en cédant du territoire, bien, on se faisait concurrencer davantage. Ça fait que là, les citoyens, bien, ce qu'ils disent, c'est qu'à toutes les fois qu'on donne du territoire, c'est pour mieux se faire concurrencer, puis tout ce qu'il y a de... Le territoire agrandi comme il est là, qui passe sur la route 138, c'est inconcevable, d'aller créer une zone de discorde comme ça. Moi, je me dis: Si on n'enlève pas toutes ces parties-là, on va avoir de la difficulté à passer à travers ça. La grande difficulté des citoyens, ça va être d'accepter une chose pareille. Ce ne sera pas accepté, d'aller céder du terrain qu'on sait que ça va mettre possiblement nos possibilités de développement à bas niveau.
n(11 heures)nM. Trudel: Est-ce que vous, comme leader, chef de gouvernement ? vous êtes un chef de gouvernement local ? est-ce que... je ne vous demande pas de vous prononcer d'une façon ex cathedra, mais est-ce que vous ne considérez pas qu'une communauté qui est en développement démographique ? vous le mentionnez bien ? qui est cantonnée sur un 0,8 kilomètre de territoire, la réserve, ça ne mérite pas notre plus grande attention en termes de développement et de capacité? Parce qu'on peut s'imaginer que nous aurions le même traitement du côté de la communauté ou de la municipalité de dire: Vous avez un territoire de 0,8 km puis vous ne pouvez pas aller au-delà de cela. Est-ce qu'on peut imaginer que c'est comme une nécessité de s'entendre sur davantage pour permettre la vie de cette collectivité à l'intérieur de la grande collectivité, celle de Essipit?
M. Bouchard (Marc): C'est une nécessité, parce que, pour nous autres, chez nous, il faut faire très attention au climat social. Le climat social chez nous est très, très important. Le nombre de familles avec de la parenté avec Essipit, je pense qu'il y en a à toutes les maisons, puis il faut vraiment faire attention à cet aspect-là. Puis, si on arrive avec des éléments qu'une partie de la population n'accepte pas, on va encore davantage briser le climat social. Il faut vraiment... Il faut s'entendre, mais sur quelque chose accepté et acceptable par les deux communautés.
Moi, je pense qu'on n'a pas intérêt à ce qu'il y ait vraiment un gagnant là-dedans, là. Il faut que ce soit gagnant-gagnant au niveau de la société. Il faut que les deux communautés soient d'accord avec ce qu'on va mettre sur la table pour finalement arriver à une entente qui va être vivable pour les deux communautés. C'est l'aspect social chez nous qui est très, très important. Ça n'a pas été traité dans l'entente de principe. On réglait les problèmes d'hydroélectricité, de mines, de forêts, mais l'aspect social n'a comme jamais été traité, puis chez nous, l'aspect social vaut plus cher qu'un barrage. Il faut absolument que les deux communautés soient d'accord puis qu'elles soient capables de continuer à vivre harmonieusement comme elles le faisaient auparavant. C'est dans cet esprit de société qu'on veut faire quelque chose, puis il va falloir tenir compte de ça.
M. Trudel: Parfois, à premier abord, je relevais certains paradoxes apparents dans votre présentation puis je veux avoir davantage d'éclairage. Vous dites ? quant à moi à très juste titre: Il y a nécessité de fixer les règles, de déterminer comment les choses vont se faire pour l'avenir, pour le développement des communautés des deux nations. Mais, par ailleurs, vous dites, en conclusion, pour fonder la position de la municipalité... Et je répète, là, vous nous avez bien dit: Il faut réduire l'incertitude pour favoriser le développement, et vous nous dites que la municipalité des Escoumins va être durement touchée par la mise en application de cette entente de principe. On n'est pas sur la voie de l'amélioration des choses lorsqu'on donne suite, ensemble, à la reconnaissance des droits, à la délimitation des règles de leur exercice pour savoir où est-ce qu'on s'en va finalement? Est-ce que ce n'est pas favoriser le développement de la municipalité? Puis expliquez-moi pourquoi vous dites «durement touchée». Pourquoi on dit: «La municipalité des Escoumins sera durement touchée par la mise en application de cette entente de principe»?
M. Bouchard (Marc): Si elle restait telle quelle, oui. Parce qu'elle va comme briser le lien qui existe, les liens qui existent présentement, puis ça va briser les liens puis ça va... ça ne réconfortera pas les investisseurs. Il faut absolument... D'abord, pour discuter avec Essipit, il n'y en a pas, de problème, là, on a beaucoup d'ententes. En forêt, on s'entend, on se parle régulièrement, nous. On gère la rivière à saumon ensemble puis on a comme... Les ponts ne sont pas coupés, là. Mais il faut rassurer la population pour pouvoir continuer à oeuvrer ensemble puis développer. C'est sûr que développer, mais, il ne faut pas déshabiller Jean pour habiller Pierre. C'est...
M. Trudel: Vous n'avez pas l'impression, M. le maire... puis je veux avoir votre opinion très subjective, dans le fond, vous n'avez pas l'impression que, dans la population en général, on a souvent l'impression que le traité, les ententes complémentaires vont confirmer le fait qu'actuellement il n'y a pas de règles et qu'il n'y en aura pas et qu'on va comme confirmer le fait qu'il y a des pratiques individuelles, des pratiques individuelles qui laissent les choses à la va comme je te pousse? Est-ce que vous avez l'impression que votre population a une certaine crainte que l'on confirme en quelque sorte dans une entente l'absence de règles pour exercer les droits ancestraux et la pratique et l'exercice de ces droits?
M. Bouchard (Marc): Comme on dit, c'est certain qu'au niveau des Escoumins ça prend une entente. On ne peut pas continuer comme ça. Ça prend des ententes, ça prend des... Il faut clarifier les règles pour savoir où ce que chacun va. Puis, pour ne pas investir puis se faire fermer au bout de deux ans, il faut vraiment avoir des ententes qui vont indiquer clairement quels champs de compétence qu'on occupe puis à quel niveau. Mais la population est capable de... Si on arrive avec des arguments solides, on est capables de convaincre ces gens-là.
M. Trudel: Je pense qu'on vous compte comme allié, M. le maire. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Otis, M. Claveau, M. Laurencelle et M. Bouchard, bienvenue et merci beaucoup pour votre présentation.
Et je suis heureux que vous avez fait référence au rapport du médiateur ou du mandataire, M. Chevrette. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de la résolution n° 25 où, effectivement, M. Chevrette fait référence à la situation, en particulier, à Essipit ? et je profite de l'occasion bien sûr pour saluer Denis Ross, qui est chef de la communauté Essipit. Alors, je ne sais pas si vous avez pris connaissance de cette recommandation et j'aimerais vous entendre sur ce volet-là où M. Chevrette dit que les deux communautés, soit Bergeronnes et Les Escoumins, puissent s'asseoir ensemble avec la communauté Essipit. Et, s'il le faut, le gouvernement pourra nommer un facilitateur dans le but de trouver une solution pour amener les trois parties pour au moins essayer de s'entendre sur le Innu Assi. Alors, je ne sais pas si cette recommandation-là vous agrée. Et est-ce que ce serait une solution à court terme pour essayer de dénouer cette impasse?
M. Bouchard (Marc): Cette recommandation 25, elle était surlignée puis elle fait entièrement notre affaire. Je pense que ça va nous aider à cheminer. Puis il faut absolument que ça se passe comme ça, ça nous prend un facilitateur, puis on va se rencontrer, puis je pense qu'on va arriver à une solution acceptable puis acceptée par tout le monde. C'est qu'il ne faut pas oublier le climat social.
Le Président (M. Lachance): Il reste trois minutes.
M. Duguay: Trois minutes? Oui. Alors, il y a peut-être aussi un dernier petit point que j'aurais aimé clarifier avec vous autres. À la page 15 de votre mémoire, à l'item 6.1, vous en avez parlé quand vous avez fait la lecture tout à l'heure, mais je ne cerne pas exactement ce que vous voulez identifier comme contrainte. Vous faites référence à «régler définitivement le contentieux qui nuit à notre développement en maintenant une incertitude quant à nos avenirs réciproques», j'aimerais ça que vous nous donniez un petit peu plus d'information sur cet item-là.
(Consultation)
M. Bouchard (Marc): C'est certain que chez nous, on vit tous ensemble, hein? Chez nous, là, les autochtones, on vit tous ensemble, puis les gens voudraient avoir les mêmes règles pour tout le monde. Ce serait pas mal plus facile d'oeuvrer dans un même champ de compétence, puis même au niveau de la forêt puis au niveau du développement. Mais on reconnaît en même temps que ces gens-là pourraient avoir des droits spéciaux. Mais je pense qu'on est capables de vivre avec ça. On vit présentement en forêt puis on vit en harmonie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval, une très brève question, suivie d'une très brève réponse.
M. Laprise: Oui, ce serait dans cet ordre-là. Dans plusieurs mémoires, ça revient, les droits, les Innus auront à respecter les mêmes règles fauniques que les Blancs. Est-ce que, d'après vous, c'est possible quand on reconnaît des droits particuliers?
n(11 h 10)nM. Bouchard (Marc): C'est possible, dépendamment des individus qui vont fréquenter le territoire. Moi, je pense que, par le passé, souventefois les Innus respectaient les mêmes réglementations que les Blancs. Est-ce que le fait de reconnaître... Ces droits-là, de quelle façon ils vont les utiliser? Est-ce qu'ils vont les utiliser comme auparavant qu'ils respectaient assez bien les règles des Blancs ou si ça va aller à un autre niveau?
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais dire un mot de bienvenue aux représentants de la municipalité des Escoumins, M. le maire. Je veux revenir... je comprends l'intérêt pour la recommandation n° 25 qui est d'avoir un processus d'arriver à une entente sur les problèmes de territoire. Mais, si j'ai bien compris, ça, c'est une question qui ne date pas d'hier, il y avait des tentatives dans le passé de régler la question. M. Chevrette propose, dans six semaines, de s'asseoir à la table et de trouver une solution à un problème qu'on n'a pas réussi à résoudre depuis au moins sept ans, sinon avant ça.
C'est quoi... Et, si j'ai bien compris... Et merci beaucoup dans votre mémoire d'inclure une carte, parce que les cartes sont toujours... On est loin des Escoumins, on n'a pas toujours l'occasion d'y aller. Alors, quand je regarde, si j'ai bien compris, un des grands problèmes, c'est la distance sur la 138. C'est quelle distance exactement les territoires sur la carte sur la page 16? Est-ce qu'on parle de 1 km? Il n'y a pas d'échelle sur la carte. Alors, si j'ai bien compris, avant de déclencher un processus, si, chez vous, c'est une fin de non-recevoir qu'il y aura de Innu Assi sur la 138 et si, pour Essipit, il faut avoir accès à la 138, six semaines de plus, on ne va jamais résoudre ça. Alors, pouvez-vous m'expliquer le processus en général, mais surtout la question de ces terrains le long de la 138?
M. Bouchard (Marc): Bien, disons que la bande n'est pas tellement large, elle a à peu près... je ne sais pas si elle a 1 km de large, mais le fait que cette bande-là traverse la route 138, ça coupe une partie aussi de la municipalité. Puis, moi, je me dis que, en l'an 2000, on doit être capables de trouver une autre forme d'utilisation pour une bande, je ne sais pas, moi: contiguë pour les deux, qui pourrait servir pour les deux, une autre refonte qui nous garantirait que cette bande ou ces bandes ne viendraient pas nous concurrencer plus tard ou nous faire problème. Il faut vraiment regarder cet aspect-là pour ne pas créer justement une zone de discorde qui va toujours, à mon avis, chatouiller, si on veut, les gens. Moi, je pense qu'on est capables d'appeler ça différemment, d'occuper ça différemment, d'utiliser ça différemment. Pourquoi on revivrait des choses qu'on a vécues par le passé, à se faire barrer des routes, puis ainsi de suite? Moi, je pense que ça pourrait être, je ne sais pas, une bande fédérale-provinciale, n'importe quoi, mais il faudrait que ce soit rassurant pour les citoyens.
M. Kelley: Alors, comme un genre de parc industriel, peut-être que c'est trop formel, mais une zone industrielle ou commerciale partagée, ou on peut regarder un modèle de cogestion ou quelque chose comme ça, pour éviter... Parce que, si l'autre partie arrive à la table avec un négociateur ou quelqu'un nommé par Québec pour essayer de résoudre le problème et que Essipit dit... il maintient qu'il faut avoir accès à la 138, six semaines de plus, on ne peut pas régler le problème. Alors, est-ce qu'il y a des modèles de cogestion? Est-ce qu'il y a peut-être quelque chose qu'on peut envisager, un partenariat pour le partage du terrain en question?
M. Bouchard (Marc): Moi, je pense que les deux parties sont prêtes à se rencontrer puis sont prêtes à regarder différentes avenues, qu'elles soient nouvelles. Je pense qu'on en a fait, des ententes spécifiques, un peu, par le passé, qui n'existaient pas. On s'est entendus sur des choses qui n'avaient pas de modèles, on a réussi, on a passé à travers ça, puis ça se vit très bien. Moi, je pense qu'avec de la bonne volonté puis le fait de conserver l'harmonie qui existe chez nous, je pense que les gens sont capables de faire des compromis puis de s'entendre sur quelque chose.
M. Kelley: Dans le même... Je note aussi la question... Puis je pense que le maire de Roberval a admis aussi que, s'il y a des pertes pour les revenus d'une municipalité, c'est quelque chose que... Comme j'ai dit, le maire de Roberval a fait le même exercice que vous avez fait, de dire que ça peut représenter les manques à gagner au niveau de la taxe foncière. Alors, je pense, ça, on a retenu ça.
Encore une fois, la concurrence déloyale, avant tout, est-ce que c'est une question de l'accès au capital? Est-ce que ça, c'est le coeur du problème ou est-ce qu'il y a d'autres éléments du problème de la concurrence déloyale? Vous avez dit que, grâce au fait qu'ils ont accès aux subventions fédérales ou du gouvernement du Québec à l'intérieur de leur programme désigné pour le développement des infrastructures et des projets autochtones, il y a un problème, parce qu'eux autres peuvent aller trouver le financement pour un projet. Pour vos entrepreneurs, ça devient beaucoup plus difficile à cause de la précarité de la situation, si j'ai bien compris. Est-ce que ça, c'est le nerf de la guerre quant à la concurrence déloyale ou est-ce qu'il y a d'autres éléments aussi?
M. Bouchard (Marc): Disons qu'on peut offrir à meilleur prix le même... pas le même produit, mais un produit meilleur, à moins cher que ce qu'on va produire dans la municipalité. C'est certain que toute la partie subventionnée dont on n'a pas à rembourser les coûts peut servir à baisser les prix. Puis c'est à la longue que les gens, à un moment donné, ferment leur commerce, là. Ça peut prendre deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans. Mais, à toutes les fois qu'on peut avoir une concurrence agressive, bien, on peut en avoir une aussi qui s'en va lentement puis que, au fil des ans, bien, ça fait que les commerçants ne sont pas capables de s'agrandir. Ils n'ont pas... Le marché est occupé. C'est surtout le marché.
M. Kelley: Et est-ce qu'il y a des efforts, dans le passé, pour faire... Parce que souvent on parle des activités récréotouristiques, est-ce qu'il y a des efforts, ensemble, de promouvoir Essipit-Escoumins comme une destination? Je comprends que c'est souvent vos entreprises contre leurs entreprises, mais est-ce qu'il y a moyen de voir, ensemble, qu'on peut faire la promotion des Escoumins comme une destination? Parce que c'est une très belle municipalité et que, si on fait la promotion, si plus de groupes ou touristes vont venir dans la région, il y aura une activité économique accrue qui veut... Tout le monde peut tirer un bénéfice d'une promotion conjointe. Alors, est-ce qu'il y a des activités ou des choses qui ont été envisagées pour promouvoir ensemble une visite dans Escoumins et Essipit, qui peut avantager à la fois votre municipalité, mais également les entreprises sur la réserve?
M. Bouchard (Marc): Disons qu'on l'a fait au niveau de la rivière à saumon. Mais, présentement c'est sûr que le saumon, c'est à la baisse, hein? On a comme moins de retombées économiques. Mais il y a quand même des très beaux projets à réaliser dans le centre de la baie, qui est le coeur du village, puis qui permettraient d'attirer beaucoup plus de touristes puis que... pour prendre les paroles un peu de M. Louis Bernard: Créer de la richesse puis grossir la tarte pour qu'il y en ait pour tout le monde. Je pense que c'est... on reste dans un milieu qui est facile à développer puis qu'on est capables de se mettre des structures qui vont vraiment attirer le tourisme chez nous.
Mais, présentement, je sais qu'Essipit avait déjà un projet de musée quelque chose, mais il n'a pas été érigé. Au niveau des Escoumins, on a quelques attraits, mais ça n'a comme pas été fait en partenariat non plus. Le fait que ce ne soit pas fait en partenariat, ce n'est pas une bonne chose. Il faut vraiment que ce soit en partenariat, on est assis l'un sur l'autre.
M. Kelley: Et je sais que je dois être prudent, parce que c'est toujours plus facile de régler les problèmes des autres, mais, même dans votre mémoire, quand on parle d'une piscine ou un aréna, des choses comme ça ? tout le monde aime jouer au hockey, on veut que nos enfants apprennent à nager ? et ces genres d'équipements, il n'y a aucun moyen de les partager plutôt que... La municipalité a été obligée de fermer sa piscine, si j'ai bien compris, au moment où Essipit en a construit une. Il n'y a pas moyen de... Les activités sont similaires, ce n'est pas les genres de choses qu'on peut partager ou est-ce que c'est trop complexe, une question de gestion?
M. Bouchard (Marc): Bien, je vois le futur avec le partage, là. Moi, je me dis: Quand on va réaligner tout ça, on va réaligner tout l'ensemble, là, des choses où on fait des mises en commun, on va en parler puis on va les clarifier. C'est vers ça qu'on veut aller.
n(11 h 20)nM. Kelley: Et peut-être une dernière question, juste au niveau de... on a parlé... Au-delà de la question précise de M. Chevrette et d'une table sectorielle précise pour la question d'un territoire, d'une façon plus générale, comment est-ce qu'on peut s'assurer que, si jamais il y a d'autres négociations, votre voix est entendue, que vous pouvez participer? C'est quoi, le mécanisme qu'on peut mettre en place pour s'assurer que les gens des Escoumins n'ont pas un sentiment d'exclusion? Parce que, à date, si j'ai bien compris, tout ça s'est passé à huis clos, on n'était pas bien informés du déroulement des négociations. Alors, c'est quoi, le mécanisme correctif qu'on peut mettre en place pour s'assurer que Les Escoumins, dans le fond, sont partie prenante d'une future ronde de négociations?
M. Bouchard (Marc): Bien, moi, je pense que ça va prendre un comité de suivi puis je pense qu'il va falloir rencontrer souvent la population, puis, avec des arguments, on va passer à travers ça. Je pense qu'on est même capables de s'asseoir, Blancs et autochtones, pour faire nos rapports, il n'y a pas de problème avec ça.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Bonjour, M. le maire, madame, messieurs. Dites-moi, est-ce que je me trompe si je crois que vous aviez, sur la Haute-Côte-Nord, un comité de consultation avec les négociateurs du gouvernement pour discuter, effectivement, de l'ensemble du traité à venir? Est-ce que ça existait, cette table de négociations?
M. Bouchard (Marc): Moi, j'en faisais partie. J'en faisais partie, mais ce n'était pas une table de négociations, là...
Mme Gauthier: De consultation?
M. Bouchard (Marc): ...c'était une table d'information, de consultation, puis sans trop de choses à dire à nos citoyens. C'était bien plus un comité d'incertitude que d'autre chose.
Mme Gauthier: Qu'est-ce que vous voulez dire au juste, «un comité d'incertitude plus qu'autre chose»?
M. Bouchard (Marc): Bien, quand on se rencontre pendant deux heures puis qu'on ne tient pas compte des opinions de personne puis qu'on n'est comme pas capables de renseigner notre population, on a les mains liées, là.
Mme Gauthier: Et pourquoi vous dites que vous étiez incapables de renseigner votre population?
M. Bouchard (Marc): On n'avait pas assez de détails. Quand tu dis à la population: Vous ne serez pas là... Nous autres, on s'est fait dire que ça se négociait le gouvernement fédéral, provincial, les Innus, puis que, si on mettait toute la population là-dedans, ça ne passerait pas. Le message qu'on avait, c'était ça.
Mme Gauthier: Dites-moi, à ce moment-là, est-ce qu'il a été question du partage du territoire à cette table de consultation?
M. Bouchard (Marc): Brièvement. Les Innus avaient beaucoup de travail de fait là-dessus que nous autres, on ne connaissait pas.
Mme Gauthier: Je voudrais revenir à une question que mon collègue vous a posée tantôt. C'est vrai que la réserve et votre communauté, vous êtes collés l'un sur l'autre. Jamais auparavant vous n'avez essayé d'harmoniser vos règles de zonage pour éviter, effectivement, que, à 1 km, on construise une auberge pour faire concurrence déloyale à l'autre?
M. Bouchard (Marc): Je pense que, pour faire du partenariat, il faut quasiment être obligés de le faire, il faut être poussés vers ça. Il faut être poussés vers ça, mais notre population n'est pas toujours d'accord quand on est... C'est pour ça que, là, je me dis: Avec les nouvelles négociations puis si on a un comité puis qu'on est capables de faire du partenariat, ça va nous obliger à se rencontrer puis à travailler ensemble, ce qu'on n'avait pas avant. Puis, avant, bien, souventefois, des fois, on cherche à travailler chacun de notre côté.
Mme Gauthier: Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui. D'abord, bonjour, merci d'être ici aujourd'hui. Je n'ai pas vraiment une question à poser, puis c'est peut-être plus des commentaires, vous me direz par la suite si c'est l'essentiel de ce qu'on doit retenir de vos propos. Mais, moi, de ce que je retiens des discussions que j'ai eues avec les gens des Escoumins puis de ce qu'on a entendu ici, puis il y a des comités qui sont venus, puis Fondation Équité Territoriale, ils sont venus aussi, je pense que votre ton est un ton qui est beaucoup plus rassurant que ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. C'est intéressant de voir qu'au niveau du rapport Chevrette, je pense qu'il a su aussi bien écouter puis que les revendications des gens des Escoumins... Vous êtes ici comme élu pour les représenter valablement, bien, je pense que, quand vous dites que M. Chevrette a bien compris le message des gens des Escoumins puis que ça se reflète dans son rapport, moi, en tout cas, ça me fait plaisir de l'entendre, parce que c'était dans ce sens-là que j'abondais aussi.
La problématique des Escoumins, je pense que ce qu'il faut retenir vraiment, c'est que, disons, les quatre, présentement, territoires de réserves qui sont en négociation, c'est tous des casse-têtes. C'est tous des casse-têtes avec différents portraits: on a le portrait du Lac-Saint-Jean, mais c'est un casse-tête avec le même nombre de morceaux; on a le portrait qui est le portrait de la Basse-Côte-Nord avec Natashquan, puis c'est la terre de Caïn qui est sur le dessin. Le portrait des Escoumins, moi, la grosse problématique que je vois, c'est que les couleurs sont virées à l'envers, ils sont sur la table. Ça fait que la situation n'est pas la même sur la plan économique puis ça fait de cette situation-là, je dirais, pour M. le ministre, une société très distincte, là, que la situation qui est la situation des Escoumins.
Ça fait que, là-dedans, je préfère, moi, disons, apporter l'attention de la commission sur la réalité dans ce secteur-là, qui est vraiment autre. Puis, pour en arriver à une solution, il va falloir s'asseoir particulièrement avec les gens des Escoumins puis, comme vous le dites ici aujourd'hui, de vous faire prendre part activement à la négociation afin que vous ayez vraiment un rôle à jouer, pour que les inquiétudes de la population puissent trouver des réponses. Puis, essentiellement, toute la démarche qui a été menée depuis le début au niveau de la demande des gens, c'est venu des Escoumins en disant: On veut en savoir plus. Parce qu'il y a beaucoup d'informations qui circulaient, parfois contradictoires. Les gens n'avaient pas toujours lu les textes de l'entente de l'Approche commune. Des fois, certains textes pouvaient aussi créer des ambiguïtés. Alors, là-dessus, c'est plus un appel, là, que je fais vraiment.
Puis, comme je vous dis, vous pouvez dire, là, peut-être deux, trois mots par la suite là-dessus, mais c'est pour en arriver à régler le problème de l'ensemble de l'Approche commune, avec le tollé de protestations qui semblent plus venir de ce secteur-là. Parce qu'à Betsiamites les gens ne se sont pas mobilisés pour venir dire, là, qu'il ne fallait pas que ça se passe. Puis tout le monde est d'accord. Puis le milieu urbanisé de Ragueneau puis le milieu urbanisé des municipalités voisines comme Colombier, eux autres, en fait, ce qu'ils veulent, c'est juste une petite redevance là-dessus pour pouvoir aussi avoir le droit de se développer. Mais aux Escoumins, là, M. le ministre, c'est très, très particulier. Puis peut-être, là-dessus, M. le maire, bien, je vous laisserais conclure avec les quelques secondes qu'il vous reste.
M. Bouchard (Marc): Oui, puis, bien, je pense que c'est l'aspect social, je reviens toujours là-dessus, il faut arriver avec des ententes où est-ce que les deux communautés vont être capables de vivre avec ça. Il faut vraiment faire attention au climat social. Puis, moi, je me dis: Étant donné que le climat social nous permet d'être capables de s'asseoir ensemble puis de discuter, il va falloir garder ça en tête pour que ça fasse l'affaire des deux communautés.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci.
M. Trudel: Ici je pense qu'on est en présence, avec ce que vient de dire le député, de deux leaders, M. le maire ? M. Bouchard ? et Denis Ross, le chef d'Essipit, de deux hommes et des équipes tournés vers l'avenir, message saisi.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, madame, messieurs, de votre participation aux travaux de cette commission.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant le ou les représentants du Parti libéral du Québec à prendre place, s'il vous plaît.
Des voix: ...
n(11 h 30)nLe Président (M. Lachance): Alors, je vous invite à prendre place, s'il vous plaît.
Bienvenue, messieurs. Alors, j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne, selon notre rituel habituel.
Parti libéral du Québec (PLQ)
M. Blanchard (Marc-André): Alors, M. le Président, il me fait plaisir d'être parmi vous. Je suis Marc-André Blanchard. J'ai le privilège, l'honneur d'être le président du Parti libéral du Québec, et je suis accompagné d'André Fortier, qui est secrétaire de la Commission d'animation et d'organisation au sein de notre parti.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Vous avez 20 minutes pour votre présentation.
M. Blanchard (Marc-André): M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition, membres de la commission. Vous me permettrez, M. le Président, afin de respecter le temps qui nous est alloué, de vous présenter évidemment non pas une lecture intégrale, mais plutôt les passages les plus significatifs du mémoire que notre parti a transmis aux membres de la commission. Je terminerai ma présentation en évoquant de manière plus précise certaines avenues qui mériteraient, selon nous, d'être considérées dans la poursuite des négociations entreprises dans le but d'en arriver à des résultats satisfaisants pour toutes les parties concernées dans des délais raisonnables.
D'entrée de jeu, je suis très heureux de pouvoir présenter le point de vue de notre formation politique dans le cadre de cette consultation sur l'entente de principe convenue au printemps 2002. Nous avons réclamé, notre parti, à maintes reprises que le processus de négociations soit le plus transparent possible et que les acteurs sociaux, politiques et économiques concernés y participent. Si on veut en arriver à une entente qui soit véritablement commune, nous croyons qu'il est essentiel que ces acteurs soient associés aux démarches et aux délibérations des gouvernements du Québec, du Canada et des nations innues.
En août 2002, le chef du Parti libéral du Québec, M. Jean Charest, a lui-même réclamé la tenue de la présente commission parlementaire rappelant du même souffle que c'est au niveau politique que revient la responsabilité des négociations en cours. Nous espérons ainsi que l'exercice permettra aux citoyens de se faire entendre et qu'il sera l'occasion, pour le gouvernement, d'échanger sur leur proposition et de donner réponse à certaines questions.
Nous tenons à rappeler que nous abordons le dossier des négociations avec les autochtones selon une approche non partisane. Nous estimons qu'une attitude inverse serait non seulement irresponsable, mais également contraire au devoir qui incombe à toutes les formations politiques québécoises, celui d'évaluer avec justesse les circonstances dans lesquelles la collaboration des leaders politiques, dont nous sommes, est nécessaire à l'avènement de solutions viables pour l'ensemble de la population du Québec. Il importe que tous se rallient clairement au même objectif, soit l'établissement et le maintien de relations harmonieuses entre autochtones et non-autochtones, et ce, dans le respect des besoins et des réalités de chacune de leurs communautés. Nous devons garder à l'esprit qu'une fois les négociations terminées, et ce, quelle qu'en soit l'issue, les habitants du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, autochtones et non-autochtones, continueront de cohabiter dans un même environnement social et économique d'où l'importance de tout mettre en oeuvre, afin d'en arriver à un dénouement qui favorise leur plein développement et qui soit gagnant pour tous, comme nous l'évoquons plus loin.
Plusieurs avant nous vous ont déjà dressé un portrait de la situation socioéconomique des communautés autochtones. Je n'insisterai pas ici sur les données. Seulement, il semble se dégager un consensus assez clair sur le fait que le statu quo n'est pas acceptable. Le statu quo n'est pas acceptable ni pour les populations autochtones ni pour les non-autochtones, notamment en ce qui a trait aux droits de pêche et de chasse, à une partie importante de la vie économique des régions de la Côte-Nord, de la Basse-Côte-Nord et du Saguenay? Lac-Saint-Jean.
Le Parti libéral du Québec a toujours insisté sur l'importance du dialogue, du respect entre le gouvernement du Québec et les premières nations et sur la nécessité d'emprunter la voie des négociations pour le règlement des différends. En ce domaine, les actions du Parti libéral du Québec s'inscrivent dans une suite logique inspirée d'abord et avant tout par le fil conducteur que constituent les valeurs de notre parti, les valeurs libérales.
Notre mémoire donne les principaux repères historiques. Je ne voudrais pas abuser du temps de chacun en les déclinant tous. Je crois toutefois utile de rappeler que l'entente historique de la Baie James, considérée avec justesse comme le premier traité moderne avec les autochtones, constitue le fait marquant. Mais, dès les années soixante, à titre de gouvernement ou encore dans les différentes plateformes politiques qu'il a adoptées, notre parti a toujours misé sur le respect des droits des premières nations et sur le recours à la négociation. Je ne veux pas insister ici pour rappeler les étapes qui ont conduit à l'entente qui fait l'objet des présentes négociations. À ce moment des travaux de la commission, je crois qu'elles sont suffisamment connues. Il importe toutefois de rappeler que cette entente de principe est avant tout le fruit du travail des négociateurs, des parties en présence. L'entente de principe sous étude établit l'ordre du jour pour la prochaine ronde de négociations en dressant la liste des sujets sur lesquels une entente est appelée à survenir. En fait, elle donne l'orientation d'un traité à être négocié. Notons à cet effet qu'une fois que le Québec signerait cette entente, tous estiment que deux ans de négociations seraient encore nécessaires avant d'en venir à un traité.
Les difficultés entourant l'entente ne sont pas apparues en juillet 2002, au moment où des personnalités publiques bien connues ont décidé de prendre part au débat. Déjà Me Renée Dupuis, qu'on connaît tous, notait en 2001 que, de façon générale, le gouvernement du Québec a été discret sur le contenu et les termes des négociations menées avec les autochtones, ce qui a contribué à accroître la frustration de la population.
Dans les régions les plus directement touchées par les négociations, soit le Saguenay?Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, la Basse-Côte-Nord, il y a déjà plusieurs mois que des inquiétudes ont émergé. Le sentiment de ne pas avoir accès à l'information et l'impression que tout se déroulait en cachette ont lentement pris racine au fil des négociations, ceci, alors que le gouvernement tardait à prendre la voie de la transparence sur laquelle les députés libéraux l'ont invité à maintes reprises à s'engager.
Dès le début des négociations, le gouvernement du Québec avait la responsabilité de favoriser l'harmonie entre autochtones et non-autochtones et devait, par conséquent, prendre les mesures nécessaires afin que les pourparlers en cours s'effectuent dans un climat de transparence, tâche à laquelle le gouvernement a malheureusement lamentablement failli.
Depuis l'été, aucun progrès n'a été fait dans le dossier de l'Approche commune et de l'entente. Le gouvernement a eu le réflexe de pelleter en avant et d'attendre six mois pour la tenue d'une commission parlementaire et le dépôt du rapport du mandataire du gouvernement, M. Guy Chevrette. Étant donné l'importance de ce dossier, le fait qu'il existe un large consensus à l'effet qu'une entente doit intervenir et le fait qu'il reste beaucoup de travail à accomplir avant qu'une telle entente ne nous conduise à la signature d'un traité, nous croyons qu'il faut poursuivre les négociations.
Cependant, il y a quelques précisions qui, selon nous, devraient être apportées à l'entente telle qu'elle est formulée avant cette prochaine étape. Je vous renvoie à notre mémoire qui énonce certaines de ces précisions requises. Mais la lacune la plus évidente réside sans aucun doute dans l'absence de mécanisme de consultation et de validation qui impliquerait l'ensemble des citoyens et des groupes concernés par les négociations. Nous devons nous assurer dans un premier temps de bien informer, entre autres, les citoyens et les organismes qui représentent les pêcheurs, les chasseurs, les entreprises forestières et minières, les pourvoiries, les élus locaux, les maires, préfets des MRC, etc., et s'assurer de les faire participer au processus. Il n'est évidemment pas possible de négocier publiquement en tout temps. Cela n'est pas réaliste car il faut évaluer les hypothèses avant de les rendre publiques. Dans ces domaines, les parties à la négociation sont en droit de tenir des discussions franches et exploratoires dans un climat propice à de tels échanges. Toutefois, rien n'exclut, bien au contraire, que des opérations d'information et d'échange puissent s'effectuer en parallèle.
M. Chevrette a suggéré un mécanisme régional dans le rapport qu'il a rendu public récemment et présenté devant la commission. Il s'agit d'une avenue à considérer. On peut aussi penser au modèle des comités consultatifs régionaux ou spécialisés mis en place par le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique, notamment dans le cadre des négociations du traité avec les Nisga'a. Mais une chose est certaine, nous croyons que le gouvernement ne pourrait donner son accord à l'entente proposée sans irrémédiablement miner la confiance des populations locales touchées par les négociations à venir si un mécanisme pour assurer la transparence du processus n'était pas mis en place. Dans un souci d'implication et de transparence, nous réitérons que le mécanisme de consultation et de validation ne doit pas intervenir qu'à l'issue des négociations. Cela signifie, par exemple, que les étapes de consultation peuvent survenir à mesure que les négociateurs s'entendent sur des éléments de discussion afin d'éviter que les citoyens soient tenus dans l'ignorance tant que le point final ne sera pas apposé à l'entente et qu'ils aient ainsi l'impression que tout est joué d'avance.
n(11 h 40)n Il n'en demeure pas moins qu'en bout de ligne les négociateurs et les gouvernements devront trancher et mettre fin aux discussions. Cependant, nous croyons qu'un processus basé sur une meilleure participation des populations concernées permettra d'atténuer le sentiment d'exclusion qui est répandu dans les régions à l'heure actuelle.
De même, à la lumière des travaux de la commission qui se sont déroulés jusqu'à présent, nous sommes enclins à penser que l'entente devrait préciser un ordre de priorité des dossiers qui seront abordés lors des négociations. De plus, sans fixer un échéancier formel, l'entente devrait donner un aperçu du calendrier que les parties entendent suivre et, à tout le moins, préciser les moments où le gouvernement devrait faire rapport à l'Assemblée nationale du progrès des travaux.
Enfin, il faut peut-être prévoir que des ententes particulières puissent être mises en oeuvre avant que l'ensemble des travaux permettant de ratifier un traité ne soient finalisés. Par exemple, si les travaux sur les droits de chasse et de pêche devaient être complétés rapidement et qu'une telle entente permettait de mettre de l'ordre dans les rapports entre les autochtones et les non-autochtones et de faire baisser la méfiance et les tensions qu'on a pu observer à certains endroits, cela faciliterait la poursuite des négociations sur d'autre sujets.
Le Parti libéral du Québec est convaincu qu'un traité moderne signé avec les Innus s'inscrit parfaitement dans un mouvement vers des relations meilleures et plus respectueuses avec les autochtones du Québec. Au moment du dépôt du texte de l'entente de principe signée par les trois négociateurs le 12 juin dernier, le ministre Trudel a parlé d'une solution gagnante-gagnante pour les Innus et le gouvernement du Québec. Le porte-parole pour l'opposition officielle en matière d'affaires autochtones et député de Jacques-Cartier, M. Geoff Kelley, a vite ajouté un troisième gagnant pour la population des régions concernées. Une solution durable devra comprendre des éléments gagnants pour l'ensemble de la population. Alors, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs, pour la présentation de votre mémoire. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président, en souhaitant la bienvenue donc à M. le président du Parti libéral du Québec, M. Blanchard et celui qui vous accompagne.
D'abord, vous remercier d'avoir pris le temps, particulièrement en cette période un peu occupée, un peu occupée pour tous les partis, d'avoir pris le temps de réfléchir sur la question et de venir en commission parlementaire, de préparer un mémoire.
Il y a de ces rivalités partisanes qui se jouent sur certains terrains particuliers. Il y a aussi celui de la pleine responsabilité dans notre société civile qui est occupée par les partis politiques. Et je vous remercie d'avoir pris ce temps, d'avoir l'attention pour cette question et d'y constater aussi qu'il y a un certain nombre et un nombre certain de lieux de convergence sur la façon dont vous voyez les travaux entrepris, ceux réalisés et ce qu'il y a à réaliser dans l'avenir.
Je comprends aussi très bien qu'il y a une petite partie partisane qui va aussi s'y glisser, le petit coup de varlope au ministre, le coup de varlope au gouvernement sur la transparence, en vous rappelant, M. le Président, pour que la varlope soit égale, que je relisais hier l'article d'un journaliste, de 1994, un journaliste de La Presse canadienne, un nommé Norman Delisle, Norman Delisle en 1994 qui révélait un rapport qui avait été remis au ministre des Affaires autochtones d'alors, le député M. Christos Sirros. M. Christos Sirros. Et le journaliste Norman Delisle disait qu'on avait remis ce bilan sur la négociation à l'époque avec Attikamek-Montagnais et le mandataire du gouvernement, Guy Coulombe, avait remis son rapport au ministre. Et ce dernier a préparé un bilan des négociations, il l'a remis au ministre Sirros qui refuse toujours de le rendre public. Et c'est ce document dont La Presse canadienne a obtenu copie.
Alors, je vous soulignerai à cet égard, juste pour que les choses soient égales, soient bien égales, c'est que, quand, du côté gouvernemental, on m'a remis le rapport des trois négociateurs des parties concernées, la journée même, je l'ai rendu public. Et la culture du secret, etc., ça peut être de bon aloi au plan politique, mais je conteste les fondements et la véracité des faits, mais je ne vous dénie pas le droit de le dire, de le mentionner, et de l'évoquer.
M. Blanchard, vous dites, vous faites une affirmation au nom du Parti libéral que le statu quo n'est pas acceptable. Le statu quo n'est pas acceptable et je pense que ça fait très nettement partie des lieux communs où nous nous retrouvons actuellement en termes de convergence vers non seulement davantage d'harmonisation, mais de définition de comment exercer les droits ancestraux reconnus par les tribunaux et reconnus même dans la Constitution de 1982.
M. Blanchard, en termes de droits, nous passons d'une approche qui a été celle de la Convention de la Baie James et du Nord-Est québécois à une approche d'extinction des droits, à une approche nouvelle qui a été définie, qui nous a été proposée par des juristes de plutôt travailler et de définir les effets, donc de l'exercice de ces droits, sans que nous ayons à faire appel à la notion d'extinction des droits ancestraux. Quelle est votre pensée à cet égard de ce passage, cette nouvelle façon de voir les choses? Et est-ce qu'il s'agit là d'une voie dans laquelle nous devrions persister, à votre avis?
M. Blanchard (Marc-André): Alors, tout d'abord, je vais revenir sur la question de la transparence parce que c'est notre message principal aujourd'hui devant vous, M. le ministre, et ce n'est pas pour faire... C'est de bon aloi que vous fassiez référence à certaines choses du passé, mais je pense que le contexte est particulier ici. On est dans une entente qui est extrêmement importante pour l'avenir du Québec, pour l'avenir des relations entre les autochtones et les non-autochtones, et je vous dirais que, à cet égard, on ne fait que faire écho ou, en fait, disons qu'il y a une convergence certaine au niveau de certains reproches à l'égard du gouvernement quant à la transparence entre ce que le mandataire spécial du gouvernement, M. Guy Chevrette, a écrit dans son rapport et ce que je vous ai présenté, ce que je vous présente aujourd'hui au nom de notre parti. Alors, sur ce point-là, je vous invite à ne pas prendre ça à la légère. Je ne pense pas que c'était le but, le sens de votre propos, mais je pense qu'il faut... c'est vraiment la lacune principale qu'on retrouve en ce moment dans tout le processus de négociations. Et, si on veut arriver à quelque chose qui est viable, qui ramène la sérénité pour les personnes les plus touchées, les régions les plus touchées, il faut absolument qu'on ait un processus qui est inclusif de consultation, d'information et d'ouverture et de transparence, puis qu'on...
Ce n'est juste un voeu pieux, M. le ministre, c'est une... Ce qu'on propose, c'est d'anticiper la diffusion de l'information, de prévoir cette information-là au public à l'avance avec en parallèle la négociation qui aura cours.
Pour ce qui a trait à votre deuxième partie, c'est une question qui est hautement technique. Il y a des questions... Il y a la légale et juridique. Par exemple, il y a la question de la certitude qui est liée à ce que vous soulevez. Alors, pour cette question-là, moi, je me limiterai en fait aux commentaires du porte-parole de l'opposition libérale qui, en d'autres forums, vous a fait part de la position de notre parti à cet égard-là.
M. Trudel: On peut, à cet égard-là aussi, en tout cas, en termes d'approche... L'interrogation ne vise aucunement à remettre en cause les succès historiques et les progrès historiques que nous auront permis de franchir MM. Bourassa et Ciaccia avec l'approche à l'intérieur de la Convention de la Baie James. Il y a évolution, il y a... les tribunaux ont prononcé un très grand nombre de décisions entre 1976 et le moment où on a entrepris et poursuivi intensément ces négociations. C'est sur la base de ces succès historiques qu'il faut bâtir et il faut rendre à César la juste part de ce qui est à César. Ce n'était pas tout à fait ça la citation mais je l'ajoute, la juste part de ce qui est à César, des travaux et de l'énergie mis par M. Bourassa et M. Ciaccia à l'époque, qui nous ont permis ces développements et ces progrès.
n(11 h 50)n Plusieurs, pas plusieurs, quelques-uns, M. Blanchard, dans la foulée de l'exercice pour s'entendre sur ce que les tribunaux, ce que la Constitution, ce que les principes de 1983 et 1985 nous disent, les principes de l'Assemblée nous disent, le titre «aborigène», le droit inhérent à l'administration, la pleine responsabilité sur son territoire et l'exercice des droits ancestraux, oui, quelques-uns ont évoqué ici les dangers que cela pouvait représenter pour le Québec en termes d'intégrité du territoire, d'intégrité territoriale pour le Québec.
Est-ce que vous avez... vous vous êtes amenés à vous pencher sur cette question et quel est l'état de votre pensée à cet égard-là? Puis, disons-le très concrètement là, l'entente de principe qui n'engage pas de responsabilité juridique ? vous avez très bien dit, très bien mentionné dans votre présentation ? reconnaît cependant aux communautés innues de la nation le principe de la pleine responsabilité quant à l'administration sur des territoires Innu Assi en propre aux communautés de la nation. Est-ce que, pour vous, il y a là des dangers qu'il faudrait soulever à l'égard de l'intégrité territoriale du Québec?
(Consultation)
M. Blanchard (Marc-André): Évidemment, il ne faut prendre... vous faites écho aux positions des gens qui sont venus devant vous, aussi qui ont mis cette question-là de l'avant, qui ont émis une certaine crainte et, à cet égard-là, évidemment, il ne faut pas prendre ces craintes-là à la légère. Mais, pour nous, il faut y répondre puis il faut donner de l'information puis il faut dissiper certains doutes ou certains... mais, pour nous, ça ne pose pas de problème dans le sens qu'il y ait de questions particulières à ce moment-ci dans l'entente de principe. Je pense qu'il faut... cette question-là ne pose pas de préoccupations pour notre parti qui sont particulières.
M. Trudel: Merci. Je pense que c'est une précision qui est importante dans la poursuite des démarches, de la marche et des négociations qui devront se réaliser.
Vous soulevez la notion de progrès depuis l'été. Ce matin, le CRD, le Conseil régional de développement de la Côte-Nord, a fait une longue énumération de toutes les activités d'information, les activités de sensibilisation et encore davantage qu'il faudrait réaliser. Les trois négociateurs ici mandatés par leur... évidemment avec le mandat de leur mandant respectif, sont venus faire état de la situation et des progrès ici, en commission parlementaire. Le travail de mon mandataire, M. Chevrette, au nom du gouvernement, fait partie maintenant du patrimoine de la poursuite des activités.
Est-ce que, selon vous, on doit absolument atteindre le résultat de tout le monde, de toutes les communautés autour de la table, les communautés de la nation, pour poursuivre les négociations ou si nous devons poursuivre avec, disons, on va prendre l'illustration actuelle sans trop davantage de précision avec Mamit Innuat et Matimekosh et Uashat-Maliotenam pour lesquelles il se pose encore un certain nombre de questions qui demeurent sans réponse?
M. Blanchard (Marc-André): Je pense que ce qui... là-dessus, je pense qu'on peut référer à ce que M. Chevrette a énoncé dans son rapport à titre de mandataire spécial et il faut chercher à amener le plus de parties à la table. C'est une affaire, on comprend que c'est une affaire qui est progressive. Et c'est notre position à cet égard-là.
M. Trudel: Un autre aspect que... Combien il me reste de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lachance): Deux de vos collègues ont demandé à intervenir mais il reste encore un peu de temps, M. le ministre.
M. Trudel: O.K. Un élément qui est très clair, c'est, vous dites: Il faut dire oui à ces principes et poursuivre la négociation, compte tenu de ce qui a été fait et avec, cependant, je comprends, des ajustements au niveau des mécanismes de participation, en particulier des populations régionales. Est-ce que cela devrait se faire rapidement, à votre avis? Et quel est, dans votre esprit, l'échéancier que nous devrions adopter en termes de poursuite du travail?
M. Blanchard (Marc-André): Je dirais que, dans ce contexte-ci, ce n'est pas... Sur un point de vue bien personnel, M. le ministre, comme vous me permettrez, c'est oui, rapidement. Mais rapidement n'est pas non plus nécessairement une fin en soi, il y a le sereinement qui est extrêmement important dans le processus.
Le processus a une importance capitale dans ce qu'on est en train de faire comme société. Alors, c'est, oui, regrettable que, dans les six derniers mois, il n'y a rien qui a été fait. Et il faut agir, mais il faut agir en étant certain que le processus est légitime, que les populations se sentent à l'aise dans ce processus-là. Et donc, oui, la vitesse, mais pas à n'importe lequel prix.
M. Trudel: Très bien. Merci beaucoup de votre participation. Si j'ai l'occasion d'y revenir, je ne suis pas certain... Mais merci d'avoir ce temps, cette attention, c'est important pour l'avenir du Québec. C'est la première fois qu'on tient cet exercice depuis 1983, au moment où l'Assemblée nationale avait adopté les principes de reconnaissance des 11 nations autochtones sur son territoire. Et il faut louer votre attention et tout ce que vous apportez comme éléments dans votre mémoire, qui méritent grande attention aussi.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.
M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Vous parlez dans votre mémoire sur la création d'un régime fiscal pour répondre aux besoins vitaux des autochtones. À ce moment-là, est-ce que ça comprend également le 3 % des redevances qui est prévu ou si c'est un régime fiscal qui pourrait aller plus loin que ça?
(Consultation)
M. Blanchard (Marc-André): Sur cette question-là, je vous référerai au député de Jacques-Cartier et je vous dirai qu'à titre de parti, en tant que président de parti, et d'où ça vient dans le rapport, il y a un écho sur ce point-là qui est fait de ce qui est aussi rapporté par M. Chevrette dans son rapport à titre de mandataire. Alors, ce serait ma réponse à votre question.
M. Laprise: ...
Le Président (M. Lachance): Oui.
M. Laprise: D'accord. Vous parlez également des questions qui n'ont pas eu de réponse encore, qui n'ont pas eu de réponse dans le projet d'entente, qui demeurent en suspens. Je pense que les impacts de l'entente sur les droits de coupe et les droits de pêche et de chasse des non-autochtones, les droits de coupe des autochtones et le droit de chasse et de pêche des non-autochtones, c'est un élément qui revient dans pratiquement tous les mémoires qui sont présentés. Je voudrais avoir une précision là-dessus, comment est-ce que vous voyez ça. Est-ce que c'est possible là de reconnaître ça et de reconnaître également les droits des non-autochtones de pêcher et de chasser sur le territoire, qu'ils soient reconnus au même titre que les autochtones?
n(12 heures)n M. Blanchard (Marc-André): Alors, encore là, vous savez, M. Chevrette a touché à cette question-là. On a eu l'occasion, nous, comme parti, d'intervenir sur ces questions, cette question-là aussi dans le passé. C'est que, dans le fond, ça fait partie des choses qui restent à être négociées, qui doivent être négociées, qui doivent être incluses dans un échéancier de négociation. Et, avant de procéder à la négociation de ces choses-là, il faut consulter, parler avec les personnes impliquées, échanger de l'information, s'assurer que les points de vue de chacun... Ça fait partie des craintes qui sont évidentes, là, qui sont évoquées par une partie de la population, des populations qui sont les plus proches de la situation, et ça fait partie, selon nous, des prochaines étapes très, très proches qu'il faut franchir.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis, en vous signalant qu'il vous reste à peine deux minutes.
M. Duguay: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Fortier et M. Blanchard, merci beaucoup pour votre présentation. Et moi, je vais... Juste une petite question: aux pages 9 et 10 de votre mémoire, vous faites référence, bien sûr, à la page 9, à l'élément novateur de cette approche-là, et c'est dans le but de déployer un effort pour préciser et baliser les droits autochtones. Et, bien sûr, vous faites référence à l'harmonisation des lois et règlements. Est-ce qu'on doit comprendre, à ce stage-ci, que la volonté du Parti libéral, ce serait de permettre aux utilisateurs du Nitassinan, qu'on soit Québécois ou autochtones ou non-autochtones, là, est-ce qu'on doit comprendre que les lois et règlements devraient être les mêmes pour tous?
M. Blanchard (Marc-André): Vous savez, cette question-là est complexe et elle a été... Encore là, je vous réfère au propre mandataire du gouvernement qui en parle longuement, qui a écouté, qui a eu certaines rencontres, pas suffisamment selon nous, qui aurait dû en avoir plus, et là, à ce moment-ci aussi il faut être fidèles à ce que la Cour suprême nous a enseigné dans ces éléments-là; il y a certains éléments de réponse qui sont déjà dans certains jugements. On n'a qu'à penser aux droits, par exemple, la question des droits, les frais pour les zecs. Le jugement qui a été rendu par la Cour suprême nous donne certaines pistes, comment on peut baliser les responsabilités de chacun. Et je pense que c'est de ça qu'on doit s'inspirer pour l'avenir. Et puis, il n'y a pas de noir ou blanc là-dedans, M. le député.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue chers amis. C'est toujours les moments les plus difficiles dans une commission parlementaire, de questionner nos amis. Alors, on essaie de garder notre réserve de député et tout le reste. Je ne peux pas commenter la qualité de votre mémoire, M. le président, parce que Mme Rouleau et moi allons être en conflit d'intérêts, alors je ne fais pas ça non plus.
Mais je veux avant tout faire appel, M. Blanchard, à votre expérience comme avocat qui a participé surtout dans des négociations complexes, pas nécessairement en domaine autochtone mais, quand même, a participé dans des négociations complexes. Avez-vous des idées, des réflexions: comment on peut arrimer la nécessité du «give-and-take»? Il faut un certain lieu où on peut tester les idées, mais l'obligation de transparence... Et je pense que c'est ça qu'on est en train de chercher dans la commission: on veut mettre en place un meilleur mécanisme de consultation, mais, si c'est trop lourd, il y a également une obligation de résultat que, au bout de la ligne, nous avons besoin d'une entente. Alors, j'essaie de peser quelque chose qui est efficace, donc le monde peut faire les négociations, le monde peut travailler, mais, en même temps, la transparence parce que tous les problèmes qu'on voit maintenant sur le territoire, avant tout, il y avait un manque d'information, de transparence, il y a un sentiment d'exclusion. Alors, comment est-ce que je peux marier ces deux tendances qui sont des fois différentes? Et est-ce que vous avez des expériences dans d'autres négociations, qui peuvent peut-être nous aider?
M. Blanchard (Marc-André): M. le député, vous avez fait référence à ma carrière professionnelle d'avocat, vous auriez aussi pu faire référence à mon expérience comme président de parti où on a à faire ce genre de négociations là presque aussi souvent que comme avocat plaideur.
Mais, trêve de plaisanterie, écoutez, il y a un coût, c'est bien certain qu'il y a un coût à la transparence. Mais notre histoire là-dessus, notre histoire, l'histoire de notre pays, l'histoire du Québec aussi, est riche d'exemples où on a peut-être... il y a eu des rendez-vous manqués avec l'histoire faute de transparence et faute de s'assurer que les gens, la population concernée, aient pu non seulement légitimiser le processus, mais aussi se sentir partie du processus. Et les exemples qui sont les plus... il y a l'exemple de la Colombie-Britannique, et on m'a dit ? parce que j'ai parlé à des gens qui avaient participé à ce processus-là ? que c'était évidemment un processus qui avait un certaine lourdeur. Il y a un autre processus qu'on n'a pas évoqué dans le mémoire mais qui peut être aussi évoqué, c'est celui qui est utilisé dans le Nord de l'Ontario ? il y a des réclamations en vertu de certains traités, qui sont actuellement négociées ? où il y a un processus qui a été établi qu'à chaque fois qu'on atteint une certaine étape dans les négociations, bien, là, à ce moment-là, il y a des séances d'information publiques ? ils appellent ça, eux autres, des «public forums» ? et, préalables à ça, il y a des fiches d'information qui sont faites et qui sont distribuées. Alors, c'est le genre d'outil auquel on peut penser dans un premier temps. Alors, à ce moment-là, il y a la méthode qu'on utilise et il y a le public qu'on doit cibler et qu'on doit s'assurer de pouvoir atteindre avec ça. Puis, oui, c'est évident que c'est plus difficile d'avoir un processus de consultation avec transparence que de faire une négociation à huis clos, mais je pense que c'est une balance qu'il faut atteindre entre l'efficacité et la légitimité de tout le processus et la capacité par la suite d'être capables de mettre en oeuvre cette entente-là. Alors, moi, je pense que c'est un prix qui est... certains pourront dire que c'est lourd, c'est peut-être moins, et on va perdre en efficacité peut-être, mais, en légitimité, on va y gagner, puis je pense que, pour l'avenir du Québec, c'est souhaitable.
Mais il ne faut pas hésiter, là, et j'encourage le gouvernement à le faire, là, puis peut-être que vous l'avez déjà fait ou vous êtes en train de le faire, mais je pense que l'exemple de la Colombie-Britannique est pertinent et l'exemple de l'Ontario est pertinent. Et il faut aller voir ce qu'eux font pour s'en inspirer et tirer profit de leur expérience à cet égard-là. Et aussi on voit que le gouvernement fédéral a fait certaines ouvertures quant à son désir de collaborer au niveau de l'information et d'assister dans la distribution de l'information.
M. Kelley: Mais, M. le Président, hier, effectivement, le ministre a évoqué un rôle peut-être additionnel que le gouvernement fédéral peut jouer. Et, effectivement, le traité Nisga'a nous offre... il y avait, de mémoire, un TNAC et un RAC, c'est-à-dire Treaty Negotiation Advisory Committee et Regional Advisory Committees qui en découlaient, qui étaient les mécanismes qu'ils ont testés en Colombie-Britannique. Et dans le désir pour les membres de la commission de chercher quelque chose d'efficace, encore une fois, on peut apprendre des autres, on peut regarder dans les autres provinces, peut-être qu'il y a des éléments qui n'ont pas fonctionné. Il faut jumeler ça aussi avec une volonté de faire les tables sectorielles que... Juste comme membre de cette commission, il y a beaucoup de précisions sur les zecs et les réserves fauniques. Moi, je suis député de banlieue de Montréal, alors, ça, c'est des entités qui sont un petit peu distantes de ma réalité, comme député. Mais je pense que, il y a beaucoup d'expertises, beaucoup des points qui ont été soulevés qui sont très pointus, il faut mettre à contribution cette expertise parce que, souvent, c'est la gestion des berges d'une rivière qui cause problème. Et, si on peut régler ces problèmes à ce niveau, la suite des choses va être un petit peu plus facile.
Peut-être un complément de réponse. Le ministre évoquait la question de l'intégrité territoriale, mais, en lisant notre rapport du député de Chapleau, il faut ajouter que, dans le contexte du cadre constitutionnel canadien, on peut être rassurés sur la question de l'intégrité territoriale du Québec. Je pense que le renvoi à la Cour suprême nous démontre que la question des droits autochtones, la question de la protection des minorités sont des choses, advenant jamais, un chemin vers la sécession, qui peut compliquer davantage la vie. Alors, je pense que ces problèmes existent avant la signature d'une entente, et ce n'est pas l'entente comme telle qui pose problème. Mais je pense que la Cour suprême a déjà indiqué qu'il y aura certains questionnements parce que, entre autres, le respect des droits autochtones fait partie du cadre constitutionnel canadien existant.
M. Blanchard (Marc-André): Je n'ai pas de commentaires sur ça.
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(12 h 10)
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Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres...
M. Sirros: Bien, peut-être...
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Comme disait mon collègue, c'est souvent plus difficile de questionner nos propres amis. Donc, je commencerai avec un petit rappel au ministre actuel qui n'a pas pu s'empêcher d'aller retourner en 1994. Je rappellerai tout simplement qu'à l'époque les négociations n'ont pas conduit à un genre de ressac qu'on a senti et l'obligation ne s'était pas fait sentir de nommer quelqu'un pour aller corriger les erreurs qui ont été faites. Espérons qu'on peut dorénavant se retrouver sur le bon chemin et c'était... La date aussi était une date qui n'a pas permis la suite des choses qui aurait pu venir.
Ceci étant dit, hier on a eu droit à une présentation de la part de quelqu'un avec lequel j'ai essayé hier de comprendre la base philosophique de l'intervention du député Lebel. J'avais conclu ? et j'ai partagé ça avec les membres de la commission ? à l'effet qu'il me semblait qu'il avait une approche qui disait finalement: Si... Un refus de reconnaître l'identité culturelle particulière, la nécessité d'avoir un territoire sur lequel on pourrait exercer des droits particuliers par rapport à la langue, la culture, etc., tant exécutif, législatif et juridique ? donc, c'était une reconnaissance d'un ordre de gouvernement, pas nécessairement une troisième comme telle, mais d'une autre dimension ? et que ça découlait d'une philosophie, ce refus-là découlait d'une approche qui disait: Intégrez-vous ? c'était le mot utilisé ? mais, en fait, le message, c'était: Assimilez-vous. Est-ce que j'aurais raison? Et je pense que je vous donne...
Moi, ce que je comprends de notre approche, en tant que parti, c'est l'inverse: À l'intérieur d'un ensemble canadien qui offre des possibilités d'une reconnaissance particulière des différences avec les pouvoirs nécessaires pour chacun, nous, on se tourne de bord vers l'existence des nations autochtones, puis on voudrait voir comment est-ce qu'on peut agencer, à l'intérieur de cet ensemble, la reconnaissance de ces différentes identités culturelles. Et, dans ce sens-là, il me semble que c'est un équilibre difficile, souvent, à trouver au niveau de cette reconnaissance, au niveau du pouvoir que chacun va utiliser, en tenant compte des particularités de chacun.
La société québécoise, la nation québécoise, le peuple québécois et les nations autochtones ont des différences aussi, mais il y a aussi des similitudes. Et c'est cette approche, il me semble, qui est véhiculée par l'ensemble du mémoire et des prises de position antérieures de notre parti. C'est plus un commentaire que je fais parce que j'ai de la misère à trouver des questions qui n'auraient pas l'air d'être vraiment un genre de «puff ball». Mais, est-ce que vous voulez peut-être prendre cette occasion de commenter sur cette philosophie libérale qui finalement permet d'agencer les différences culturelles, les réalités d'identité que chacun a, dans le contexte de cette commission?
M. Blanchard (Marc-André): En fait, je vous dirai que vous avez énoncé très bien la philosophie de notre parti, et là j'ai un conflit familial quant aux valeurs libérales, puisque M. Ryan les a évoquées récemment dans un livre qu'il a écrit et qui, en fait, résume extrêmement bien l'histoire de notre parti et comment on a mis en oeuvre ces valeurs-là à travers le temps alors que nous avons été au gouvernement. Vous savez, on dit toujours, pour nous, le Parti libéral du Québec, que les différences enrichissent notre société. On cherche à s'assurer qu'on vive ensemble le mieux possible en ne niant pas ces différences-là, en ne cherchant pas, justement, une sorte d'assimilation comme certains peuvent le rechercher et en ne recherchant pas non plus... Pour nous, c'est une vision inclusive.
Alors, on bâtit la société avec l'apport extrêmement riche que nous font les nations autochtones, les apports que nous font les communautés culturelles au Québec, nous font les francophones, les non-francophones, les allophones, tous les gens, toutes les personnes qui constituent notre société. Et on essaie toujours de s'inspirer, dans nos prises de position, on s'inspire toujours de ces balises-là, et c'est l'une des pierres angulaires de notre parti. Je pense qu'en fait on est un exemple, au Parti libéral du Québec, à cet égard-là. Il faut le dire: On est le seul parti qui mettons en pratique de façon aussi éclatante ces valeurs-là et qui avons un passé aussi riche de respect de ces valeurs d'inclusion, de respect de la différence, justement, de bâtir la société québécoise à partir de ces différences-là.
Puis ce n'est pas toujours facile. C'est un défi, de balancer, vous savez, ces droits qui parfois peuvent paraître contradictoires dans leur application, les droits des uns par rapport aux droits des autres et, à la fin, c'est de chercher le compromis, de chercher la balance, comme on l'a fait dans des positions linguistiques par le passé, par certains traités ou par d'autres... Ça s'est cristallisé sous toutes sortes de formes. Alors, c'est un défi, mais c'est un défi extraordinaire puis c'est un défi que notre société doit relever. Et, en fait, vous savez, on pense qu'avec les autochtones c'est une question qui est particulière, qui est isolée, etc., peut-être, pour certaines parties de la population, mais, vous savez, dans l'avenir, je pense que ces événements-là, ces situations-là vont se multiplier, pour des raisons évidentes, au sein de notre société. Il va falloir... On va faire face à des défis qui sont tout aussi exigeants puis qui exigent tout autant de tolérance et d'ouverture d'esprit et de ne pas trancher des situations au couteau comme étant noires ou blanches. Et je pense que c'est un excellent exercice, M. le ministre, qu'on fait en ce moment, de se parler de façon raisonnable, sereine. Puis c'est pour ça qu'il faut s'assurer qu'il n'y a pas juste la classe politique qui participe à ce processus-là mais que tout le monde y participe et tout le monde se sente interpellé dans le processus parce que ça ne regarde pas juste les gens non plus de la Côte-Nord ou du Saguenay?Lac-Saint-Jean: c'est l'avenir du Québec tout entier qui est interpellé par ce qu'on vit en ce moment et ce qu'on est en train de discuter.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Bonjour. Merci d'être ici. J'ai, disons... Au cours de l'audition des différents témoins qui se sont présentés devant la commission, on a entendu certains discours dont le discours de M. Lebel, le discours également de la Fondation Équité Territoriale qui sont les tenants d'une grosse remise en question de l'existence même du titre «aborigène». C'est... en tout cas, à mon avis ? pis je pense que là-dessus les trois partis abondent dans le même sens ? je pense que ce n'est pas quelque chose qu'on veut voir amener sur le terrain de la campagne électorale qui est imminente et je pense que les électeurs auront ? là-dessus, j'en discutais un peu brièvement avec un journaliste ? je pense que les électeurs auront à faire un choix démocratique lors de l'élection qui sera basée sur d'autres choses que sur des discours, dans le sens où certains disent: Il faut abroger le titre «aborigène» ou il ne faut pas reconnaître le titre «aborigène».
Chez vous, au niveau du Parti libéral, les tenants de ça, de ce discours comme quoi il ne faut pas aller avec l'Approche commune, il ne faut surtout pas reconnaître les droits aborigènes mais, en fait, il faut plutôt les annuler, est-ce que ces gens-là seront bienvenus au Parti libéral lors de la prochaine campagne électorale ou si, comme à l'ADQ et, je pense, au Parti québécois, il va falloir qu'ils trouvent quelqu'un d'autre ou qu'ils barrent leur quatre choix sur le bulletin de vote pour annuler leur vote?
M. Blanchard (Marc-André): Je suis surpris, M. Corriveau, de votre prétention, que les positions de l'ADQ soient tellement claires, que ce soit sur l'entente ou sur votre position comme telle aujourd'hui ? ce n'est pas que votre position que vous avancez là n'est pas bonne, bien au contraire ? mais je suis surpris que votre parti n'ait pas décidé que ça valait la peine, que c'était un sujet suffisamment important, parce que vous avez des prétentions de vouloir gouverner le Québec et que votre parti ait boudé les travaux de cette commission parlementaire là...
M. Corriveau: Je pense que vous avez mal saisi l'essence de ma question...
M. Blanchard (Marc-André): J'arrive à ma...
M. Corriveau: ...ce n'est pas là-dessus que je vous pose la question. Je vous demande: Est-ce que...
M. Blanchard (Marc-André): Vous avez fait un préambule...
M. Corriveau: Oui, puis je n'attaque nullement le Parti libéral. Ce que je vous dis, c'est qu'il y a une campagne qui s'en vient, il y a des gens qui seront candidats, est-ce que ces gens-là seront bienvenus ? ceux qui tiennent un discours qui est un discours antiautochtone ? chez vous? Je pense que la réponse que vous vous devez de donner, c'est une réponse qui est très facile à donner, c'est: Non, ces gens-là ne seront pas bienvenus, comme ils ne sont pas bienvenus chez nous ni au Parti québécois. Mais je veux vous l'entendre dire, c'est tout.
M. Blanchard (Marc-André): J'avais un préambule à ma réponse, moi aussi. J'aimerais ça que vous me laissiez répondre à la question. Alors, je voulais juste vous dire que je suis un peu surpris que vous ayez une position aussi tranchée, alors qu'on n'a pas vu d'écrits de l'ADQ ici ni ailleurs concernant l'importante question qui est devant nous, puis j'espère... Ça fait deux fois que je viens en commission parlementaire, la dernière fois, c'était sur des questions de langue, et votre parti avait aussi décidé de ne pas présenter de mémoire, mais j'arrive à la réponse.
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(12 h 20)
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Alors, sur la question, sur l'importante question que vous posez, écoutez, c'est... Pour nous, ça fait partie de nos valeurs, c'est écrit dans le rapport Pelletier, et notre position a toujours été claire, au Parti libéral du Québec, sur notre position vis-à-vis du respect des droits des populations, des nations autochtones, et il est clair: les gens qui se joignent, qui sont au Parti libéral du Québec, connaissent cette valeur-là qui est au coeur de notre projet, qui a été répétée pas juste au sein de cette commission, ici, mais à travers les époques où nous avons gouverné le Québec, dans les écrits récents, que ce soit dans Reconnaissance et interdépendance, en 1996, que ce soit dans le document du rapport Pelletier, que ce soit dans les discours de M. Charest, pour nous, c'est un discours qui est un discours d'ouverture, de tolérance, et il n'y a aucun doute dans notre esprit quant à la question que vous posez. Et là, je pense qu'on a toute une histoire, et on offre une garantie, de toute façon, remarquable à cet égard-là.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre présence ici à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Là-dessus, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 21)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte et je rappelle le mandat de la commission qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.
Alors, cet après-midi, nous entendrons tour à tour des représentants de l'Association de chasse et de pêche de Forestville inc.; le comité des citoyens des Escoumins; par la suite, l'Association des chasseurs et des pêcheurs Manic-Outardes; le Regroupement des trappeurs de la Côte-Nord; et, finalement, pour terminer aujourd'hui, le Fonds régional d'exploration minière de la Côte-Nord.
Sans plus tarder, j'invite les représentants de l'Association de chasse et pêche de Forestville à prendre place, s'il vous plaît.
Alors, bienvenue, messieurs. Je vous indique que vous avez droit à une présentation d'une durée maximum de 20 minutes et je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne.
Association de chasse et de pêche
de Forestville inc. (ACPF)
M. Desbiens (Éric): Merci. Merci, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Éric Desbiens. Je suis directeur de l'Association chasse et pêche de Forestville. Et je vous présente aussi M. Jacques Lévesque, qui en est le président. Alors, on est ici aujourd'hui pour vous présenter notre mémoire concernant les territoires des zecs Forestville et Rivière-Laval, qui est une zec saumon.
L'Association de chasse et pêche de Forestville demeure préoccupée par la démarche en cours qui vise à convenir de modalités en ce qui concerne l'utilisation du territoire québécois qui se retrouve, selon les Innus de Betsiamites, d'Essipit, de Mashteuiatsh et de Nutashkuan, sur le Nitassinan. Étant directement concernés notamment par la pratique d'Innu Aitun sur le Nitassinan, au niveau de la chasse et la pêche, le site Nisula du lac Cassette, en territoire Innu Assi, et la rivière Laval, nous croyons plus que légitime d'y apporter notre point de vue, voire même nos propres revendications.
Bien que la plupart des membres de notre organisme voient dans l'Approche commune de nombreux irritants qui n'aideront en rien à l'aboutissement d'un traité favorable à des relations harmonieuses entre les communautés blanches et autochtones, nous sommes malgré tout convaincus qu'une entente juste et équitable devrait être signée dans des délais raisonnables.
À nos yeux, l'entente en question, pour qu'elle soit acceptable, devrait obligatoirement respecter les conditions suivantes: respect des règlements en vigueur pour quiconque en ce qui concerne les espèces récoltées à la chasse sportive, selon le principe d'une loi uniformisée; aucun abattage d'orignal sur le territoire en dehors de la saison prévue à cette fin et pour quiconque n'ayant pas acquitté ses droits ? on parle bien entendu sur les territoires des zecs ? la précédente étant valide pour toutes les espèces ne faisant pas partie des animaux à fourrure; ne pas comporter d'éléments susceptibles de créer une concurrence déloyale aux entreprises en place; favoriser le partenariat et le développement de la collectivité dans son ensemble; promouvoir des processus démocratiques en matière de gestion des ressources; ne pas créer de système à gouvernements multiples; limiter l'utilisation des territoires en propriété propre Innu Assi à des fins de préservation patrimoniale uniquement. On parle ici Innu Assi en dehors des réserves, M. le Président.
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(14 h 10)
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Si forme de redevances aux autochtones il y a, que celles-ci ne proviennent d'aucune façon des revenus générés par notre organisme et que, si redevances il y a, elles devraient considérer tous les habitants de la région sans discrimination aucune. Prévoir l'enregistrement obligatoire de tous les utilisateurs du territoire ainsi que le paiement des droits requis pour la pratique d'activités normalement tarifées, tel que le prévoit la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, et ce, même sur la réserve à castor. Prévoir des modalités spécifiques d'enregistrement en regard d'activités à caractère spirituel pratiquées sur notre territoire.
M. le Président, l'année 2003 marquera le 25e anniversaire des zecs au Québec. Ce sont 25 années d'expérience donc en gestion faunique qui ont su prouver à bien des égards l'efficacité du modèle appliqué. Si d'autres modalités de gestion devaient être retenues sur nos territoires structurés, notre plus grande crainte est de voir tant d'années d'efforts, de mises en valeur, d'aménagement et de sensibilisation compromises.
En effet, certaines techniques de chasse pratiquées par certains autochtones ne correspondent en rien aux principes de conservation et de préservation de la faune dans un contexte de développement durable que tend à promouvoir la communauté internationale. La chasse à l'orignal en hiver dans les aires de confinement de l'animal en est un exemple qu'il faut bannir à tout prix. Aujourd'hui, la technologie a évolué, de sorte que les animaux sont vulnérables comparativement aux méthodes traditionnelles autochtones. Si les autochtones revendiquent ce droit comme droit ancestral, pourquoi ils ne le pratiquent plus selon des méthodes traditionnelles? D'après ce que l'on en sait, la motoneige, les armes à feu et les aéronefs n'ont pas été introduits par les aborigènes de l'Amérique du Nord.
Notre organisme est résolu à défendre avec acharnement les principes de droit d'utilisation du territoire dans un cadre démocratique qui fait abstraction de la race. Toute autre formule faisant référence à la race pour justifier un privilège quelconque sera jugée comme inacceptable. De fait, cela aurait pour effet de créer des irritants qui entraîneraient à coup sûr un mouvement de contestation dont l'ampleur, difficilement mesurable à ce jour, M. le Président, serait d'ordre national, voire même au-delà de nos frontières.
De toute évidence, l'approche que nous souhaitons prioriser avec les autochtones est celle d'un partenariat renforcé par des liens égaux. Il faut s'entendre à partir d'une base solide comme celle d'un pays à construire à l'intérieur d'une frontière unique, dans un cadre législatif unique. Nous sommes d'avis qu'il faut tout mettre en oeuvre pour supporter les autochtones dans leurs démarches visant à préserver leurs particularités culturelles, qui contribuent, disons-le, à enrichir notre patrimoine. Cela ne doit toutefois pas se faire au détriment des autres qui sont aussi des bâtisseurs. Pour construire une société à part entière, viable pour des décennies à venir, nous avons besoin de tout un chacun.
Et, de façon plus spécifique au contenu de l'entente de principe, M. le Président, concernant Innu Assi du site Nisula, nous trouvons important de préserver le site Nisula, vu son caractère unique. En ce qui concerne la question de libre circulation, nous préconisons une forme de partage des coûts d'entretien du réseau routier. Il est clair cependant qu'aucune activité de chasse ni de pêche ne sera pratiquée sur ce territoire par quiconque n'ayant pas acquitté ses droits au même titre qu'ailleurs sur la zec. De même, aucune construction ne devra être autorisée ni rien susceptible de faire concurrence aux activités de la zec. Aussi, toute manifestation d'ordre spirituel sera respectée en autant qu'elle se réalise en harmonie avec les autres activités de la zec, et ce, pour fins de préservation du site en question. La notion «accès pour fins d'utilité publique» devra être bien définie pour s'assurer qu'elle se rapporte uniquement aux peintures rupestres et sa protection au niveau patrimonial, il faudra donc faire une distinction entre Innu Assi en réserve et Innu Assi hors réserve.
Concernant la rivière à saumon Laval, si un ou des sites de nature patrimoniale sont identifiés et localisés le long de la rivière, nous sommes d'avis qu'il faudra des mesures spécifiques pour les préserver. Si toutefois il s'agit de revendiquer la rivière dans son ensemble pour fins de gestion ou pour pratiquer des activités traditionnelles de pêche, cela sera définitivement inacceptable. La rivière Laval demeure une zone d'exploitation contrôlée dont le mandat de gestion a été confié à des gens du milieu par voie démocratique. D'aucune façon nous allons remettre en question ce principe fondamental. Il y eut un temps où la pêche dans la rivière était réservée pour une classe à part. Aujourd'hui, la rivière est redevenue la propriété de tous, sans distinction aucune, et son mode de gestion respecte le droit commun d'utilisation pour le bénéfice de sa conservation, de sa protection et de sa mise en valeur dans un contexte de développement durable.
Concernant la réserve à castor, la portion de la réserve à castor de Betsiamites comprise à l'intérieur du territoire de la zec de Forestville occupe environ deux fois l'espace qu'occupe le plus grand terrain de piégeage autre que la réserve en question. Le territoire de la zec compte en effet 19 autres terrains de piégeage. Tous les locataires de ce type de terrain respectent les règlements de l'organisme en matière de gestion faunique et d'accessibilité au territoire. On s'attend à ce que les autochtones en fassent autant. L'enregistrement obligatoire et l'acquittement des droits de chasse et de pêche pour les espèces non considérées comme animaux à fourrure sont non seulement une règle, mais une marque de respect à l'égard des autres utilisateurs, qu'ils soient membres ou non-membres. À ce titre, les autochtones ont le droit de devenir membres de l'organisme au même titre que quiconque.
Concernant le territoire des zecs Forestville et Rivière-Laval, de façon générale, la zec de Forestville et la zec de la Rivière-Laval sont des territoires structurés. Bien qu'ils fassent partie du Nitassinan, les activités de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette à des fins traditionnelles sur ces territoires ne doivent pas être reconnues comme telles. La Côte-Nord est vaste et possède des grandes superficies de territoire libre et où les autochtones pourraient, sur certaines portions, y appliquer leur mode de gestion souhaité. Il serait important que ces nouveaux territoires de gestion soient géographiquement délimités au même titre que le sont les réserves fauniques, les parcs ou les réserves. Il est non souhaitable que le principe du Nitassinan s'applique sur tout le territoire de façon généralisée.
En guise de conclusion, M. le Président, nous sommes d'avis que l'Approche commune devrait contenir des éléments faisant référence à des principes d'égalité plus souvent qu'à des notions rattachées à la cession de privilèges accordés ou reconnus. La liberté d'un peuple passe d'abord par des convictions qui émanent du désir de rendre ce droit universel. On se doit de s'assurer que de la démarche en cours en résultera un traité viable et durable pour tout un chacun. Il faut éviter que le seul honneur d'un parti politique compromette l'avenir des générations futures. Pour plusieurs, l'Approche commune prend l'allure d'un cadeau de Grec. À la lecture du document en question, il est difficile d'en croire autrement.
À savoir s'il faut un traité avec les autochtones, la réponse est oui, et le plus tôt sera le mieux. De part et d'autre, il faut redéfinir son rôle pour que chacun y trouve sa place. Il ne faut pas pour autant brimer les uns pour favoriser les autres, encore moins en guise d'excuse pour des erreurs passées, sachant pertinemment, M. le Président, que personne n'est parfait.
Notre plus grand désir, c'est de développer un partenariat d'affaires avec les autochtones. Nous souhaitons des relations sincères et bénéfiques pour le plus grand bien de notre région. Nous voulons mettre en commun nos forces pour améliorer le sort des communautés blanches et autochtones. Nous ne voulons pas d'un traité qui isolerait davantage Blancs et autochtones, mais plutôt un traité historique qui montrerait jusqu'à quel point il est possible de travailler pour le même objectif tout en préservant ses distinctions ou spécificités culturelles.
Nous sommes conscients des problèmes sociaux que vivent certaines communautés autochtones. Nous demeurons sensibles à ce fait et nous trouvons inadmissible que si peu d'efforts soient faits pour pallier à ce phénomène malheureux dans une société qui se veut avant-gardiste en matière de traitement de ces communautés autochtones. Si on se reporte aux récentes ententes avec les Cris du Nord-du-Québec, il semble que bon traitement soit associé plus souvent à rentabilité économique qu'à devoir social et moral. Quant à savoir si Québec doit céder en pleine propriété les territoires en réserve afin que les autochtones obtiennent un droit foncier, la question ne se pose pas. Que peut-on espérer léguer à nos enfants sinon? Il va sans dire qu'il faut harmoniser les politiques municipales, que les autochtones deviennent des propriétaires en droit et en fait.
À la fin, M. le président de l'Association chasse et pêche va vous faire un petit bilan des statistiques de fréquentation de notre organisme.
M. Lévesque (Jacques): Alors, nous avons les statistiques de fréquentation du territoire et de services offerts. Membres: 800. Utilisateurs: 6 000 individus annuels. Fréquentation moyenne de 54 000 journées-activités pratiquées par année. Activités offertes: chasse gros gibier: ours et orignal; chasse petit gibier: gélinotte, tétras et lièvre; chasse sauvagine: bécasse et canard; pêche sportive été et hiver: omble de fontaine, aussi truite de mer, touladi, grand brochet, perchaude, saumon atlantique et éperlan arc-en-ciel; camping semi-aménagé et sauvage, descente de rivière et randonnée pédestre. Hébergement en chalet: capacité d'accueil de 56 personnes. Centre d'interprétation des sciences naturelles, emplois en moyenne: 12 emplois en moyenne; 19, en 2002, emplois créés. Autres activités non structurées par l'Association de chasse et pêche Forestville mais pratiquées de façon importante: la motoneige, l'escalade de glace, le piégeage et la villégiature en chalet privé. Et voilà, c'est ça qui complète notre statistique, notre énoncé. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Lévesque et M. Desbiens, pour votre présentation, et j'invite immédiatement M. le ministre à débuter cette période d'échange. M. le ministre.
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(14 h 20)
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M. Trudel: M. le président et M. le directeur de l'Association de chasse et pêche de Forestville, bienvenue. C'est difficile de commencer l'interrogation avec le mémoire que vous venez de nous présenter parce qu'on est en constant déséquilibre. On écoute attentivement après avoir lu attentivement votre mémoire et des bouts on se dit: Ah! voilà des gens qui sont porte-parole d'un groupe d'intérêts et qui sont résolument tournés vers l'avenir, avec une volonté ferme, assez clairement manifestée, d'entente. Puis, par ailleurs, pour d'autres bouts, on dit: Mais non, ce ne sera pas possible d'y arriver en disant: Tout cela doit se faire mais à l'intérieur des règles actuelles.
Et je vous reconnais... Je vous reconnais, je pense, d'assez bien refléter un sentiment général qui est véhiculé dans nos milieux. J'écoutais votre présentation et, je vais vous dire, j'écoutais vos mots puis je pensais à ma propre situation. J'aurais envie de dire: Bien, moi, mon territoire de chasse est au lac Rogers dans la zone 12, en Abitibi-Témiscamingue. Mais, quand j'y pense un petit peu plus, ce n'est pas mon territoire. Ce n'est pas à moi, ce territoire-là. J'y ai établi un abri sommaire avec les autorisations du ministère, et tout et tout et, quand j'ai vu arriver quelqu'un à côté de moi, j'ai eu le réflexe de dire: C'est mon territoire. Mais ce n'était pas mon territoire. Il fallait que je m'entende avec lui pour le partager, ce territoire-là.
Par ailleurs, vous décrivez ? si je me trompe, vous me le direz, là ? que, d'une façon assez claire, les pratiques en matière de chasse, pêche, c'est ce qui nous interpelle ? comme dirait le député de Saguenay: Vous parlez de ce que vous connaissez ? vous semblent, pour la nation autochtone, pour les nations autochtones, pour les Innus, complètement désordonnées. On ne sait trop sur quoi s'appuyer pour reconnaître un encadrement au niveau des activités ancestrales des autochtones. Est-ce que vous ne trouvez pas que ce serait l'heure, et d'une façon particulièrement urgente, justement de s'entendre sur des règles qui feraient en sorte que la communauté innue soit également redevable à travers des règles qui seraient établies, convenues, signées et qui pourraient se faire respecter, ces règles-là, par les autochtones eux-mêmes?
M. Desbiens (Éric): Je reconnais un tout petit peu, disons, le fait qu'on peut être désarçonnés, disons, à la lecture ou à l'écoute de ce document. Je comprends très bien ce sentiment. C'est un sentiment qu'on avait, nous, sur la Côte-Nord, quand on nous a présenté la première fois la fameuse entente de principe, et désarçonnés pas à peu près. C'est évident que quelle que soit l'entente et quelle que soit l'allure qu'elle devra prendre, quelles que soient les modalités qu'on voudra avec les meilleures vertus du monde vouloir faire appliquer, il faut d'abord et avant tout que l'entente et le traité qui ensuivra soient praticables sur le terrain. Parce que ce n'est pas ici qu'on va vivre qu'est-ce qui va se passer sur le terrain, c'est nous qui allons vivre avec. Et, connaissant déjà ce qui se passe sur nos territoires...
Parce que toute la question de la chasse et de la pêche, c'est une question qui interpelle tous les habitants, et, je dirais, pratiquement tous les habitants de la Côte-Nord parce que, moi, tous les gens que je connais ont un chalet, vont à la pêche, vont à la chasse. Puis, on le disait tout à l'heure, il y a 55 000 journées- activités, toutes activités confondues, pratiquées sur le seul territoire de la zec de Forestville. C'est un petit territoire de 1 200 km². Alors, quand on regarde l'entente en question, on se dit: De quelle façon on va pouvoir rendre ça applicable sur le terrain sachant pertinemment que, déjà, juste entre Blancs, on a parfois de la difficulté. Peut-être justement à cause du fait que, oui, on s'est peut-être appropriés des territoires par la force des choses, mais peut-être que, justement, en vivant sur le terrain on s'est aperçus que c'était une façon de faire peut-être illégitime mais nécessaire pour qu'on réussisse à s'entendre. On fait souvent référence aux ententes de bon voisinage, là, sur l'entente de principe, dans l'Approche commune, alors c'est un tout petit peu ça qu'on fait bien inconsciemment. Et, quand on s'approprie d'un territoire de chasse ou de pêche, parce que le territoire, on le fréquente régulièrement, on a l'impression qu'il est à nous, on développe cette espèce de sentiment là, aussi, de... pas d'agressivité, mais de dire: Bon, bien, il n'y a personne qui va venir me déranger, je suis chez moi.
Je disais tout à l'heure que, déjà, entre Blancs... Vous savez, sur le terrain, on vit des événements malheureux, hein? À chaque année, il y a des gens qui viennent au bureau puis qui disent: Lui, il m'a tiré dessus, là, il a tiré dans mon chalet. On retrouve, là... puis c'est arrivé, là, il y a des faits, les gens retrouvent des projectiles dans leur camp, dans leur roulotte, il y a de la machinerie qui est brisée, il y a des camps qui sont mis en feu. Sur le terrain, c'est ça qui se passe, là. Puis cette dimension humaine là, il faut en tenir compte. Alors, c'est certain qu'on va être désarçonnés en lisant peut-être un document comme ça, parce que nous-mêmes, on est désarçonnés en regardant et en se posant la question à savoir: De quelle façon qu'on va pouvoir appliquer ça? De quelle façon sur le terrain? Comment ça va se vivre, ça? Bien, on aimerait, on voudrait qu'il y ait des choses qui se passent. On l'a dit, on veut vivre en partenariat, on veut développer des choses ensemble, mais il faut d'abord partir sur des bases égales, partir du bon pied. On ne partira pas du bon pied, M. le ministre, si déjà il y a déséquilibre au départ.
M. Trudel: Je pense que vous avez raison, c'est désarçonnant lorsque, au premier abord, on fait la description de la situation. Jusqu'aux jugements des cours, des différentes cours de droit commun, on pensait que la propriété privée était totalement et exclusivement réservée à notre usage personnel, et ce qu'on s'est fait dire par les cours, c'est que, malheureusement, ce n'était pas vrai. Ce n'était pas vrai. Je vais vous dire une chose, c'est quelque chose dont il faut être conscients et se rendre conscients de ça. Je pense que vous avez le bon mot, M. le directeur, c'est désarçonnant, et d'où l'importance d'établir ces règles quant à l'exercice de ces droits ancestraux.
Parce que, vous et moi, on partage cette nécessité d'établir des règles. Quand vous dites, par exemple: On a vu des vitres brisées puis des balles dans le camp, on est tous les deux dans les pratiquants de cette religion de la chasse et de la pêche, ce n'est pas toujours les autochtones, hein? Non, O.K., correct, on s'entend. Parce que tant qu'on n'a pas de règles établies, tant qu'on n'a pas de règles établies avec le voisin, tant qu'on n'a pas de traité et qu'on puisse le faire respecter, c'est des choses comme ça qui se produisent.
Est-ce que vous êtes au moins un peu rassuré sur la gageure puis sur l'avenir quand je lis l'article 5.6.1 du projet d'entente? «En ce qui concerne les activités de chasse, de pêche et de piégeage dans Nitassinan en dehors de Innu Assi, les ententes complémentaires porteront sur des sujets comme les périodes de chasse ou de pêche et les limites de capture suivant les espèces et les territoires, les méthodes de capture et les pratiques prohibées, l'enregistrement des prises et autres matières semblables.» Est-ce que, vous, non seulement ça vous rassure, mais est-ce que vous avez... Quant à vous, là, du point de vue pratique, parce que c'est le cas de le dire, vous êtes sur le terrain et pratiquant de plein air, est-ce que ça vous rassure, ça, qu'on ait l'obligation de s'entendre sur ces règles avant le traité?
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(14 h 30)
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M. Desbiens (Éric): Ça me rassure, d'une certaine façon, entre autres, au moins on va en parler, on va en discuter. Mais, de la façon que cet article-là est énoncé, c'est quand même assez large, O.K., ça laisse place à beaucoup d'imagination, disons. Alors, quand on fait référence, en exemple, quand on fait référence aux dates ou à la période de chasse, est-ce qu'on parle des mêmes chose? Est-ce que ça ne laisse pas la place à dire: Bon, bien, il y aura une date pour les Blancs, il y aura une date pour les autochtones. Est-ce qu'il aura un quota pour les Blancs, il y aura un quota pour les autochtones? Est-ce qu'une infraction pour un Blanc ne le sera pas pour un autochtone et vice et versa? Je me sens moins rassuré quand je me dis: C'est tellement large. De quelle façon et combien de temps ça va prendre aussi pour convenir, puis quelle sera la volonté de ceux qui seront assis aux tables pour négocier de ces choses-là? Puis je voudrais juste mentionner, M. le ministre, que, tout à l'heure, quand je faisais référence aux projectiles retrouvés dans les abris, je ne faisais pas du tout, du tout référence aux autochtones.
M. Trudel: Très bien. Et devant les... Quel sera le résultat dans l'établissement de ces règles? Bien, c'est bien sûr que, si nous les connaissions aujourd'hui, on serait en train d'en discuter. Mais, oui, il se peut, il se peut que les règles soient différentes parce que, là encore, les tribunaux et les gouvernements nous ont dit, les tribunaux surtout ont dit: Allez négocier l'application. On ne donne pas de droits, les gouvernements ne donnent pas de droits. Les cours ont dit: Ces droits existent, vous devez maintenant vous entendre sur leur exercice. Et vous faites une très, très, très belle démonstration de la nécessité de s'entendre sur des règles parce que c'est le «free-for-all» actuellement. C'est le «free-for-all» quand vous, de votre côté, hein, après avoir déclubé, aboli les clubs privés, vous avez pris, par exemple, des responsabilités, plusieurs de vos membres ont pris des responsabilités, en zone d'exploitation contrôlée, de gérer eux-mêmes, telle une coopérative, l'utilisation du territoire basée sur la protection de la ressource. Il y a donc urgence de s'entendre sur des règles.
Il me semble, à vous entendre encore une fois, que vous reflétez très certainement un courant dominant chez les chasseurs et les pêcheurs non autochtones. Qu'est-ce qu'on devrait faire, M. le président, M. le directeur général, puisque nous avons l'obligation d'en arriver à une entente pour bénéficier du territoire d'une façon harmonieuse, les deux nations, qu'est-ce qu'on devrait développer comme activités chez vos membres en particulier d'une façon bien spécifique pour atteindre un seuil qui n'a pas été atteint actuellement pour se diriger vers une entente?
M. Desbiens (Éric): Je pense, M. le ministre, que, d'abord et avant tout, il ne faudrait pas que les gens se sentent ou les utilisateurs se sentent mis à l'écart de cette négociation-là qui devrait déboucher sur un traité. Je pense qu'il y aurait lieu d'organiser ou d'élaborer une espèce de processus qui permettrait aux gens du milieu ? ce sont eux les utilisateurs, autant les autochtones que les Blancs ? les gens du milieu se parlent. Et là il est tard un tout petit peu parce que, là, le ton a monté. Il y a un certain niveau d'agressivité, là. Si, dès le départ, on avait pu établir des tables pour que les gens du milieu s'assoient et se parlent, qu'ils disent les vraies choses. Moi, je trappe, moi, je chasse, moi, je pêche, je l'utilise de telle façon, mes besoins, c'est ça. Établir les règles du jeu au départ. Là, il n'y a aucun dialogue qui a été établi avant... peut-être les gens vont dire: Oui, il y a eu des dialogues, ça fait 20 ans qu'on parle de la question. Mais, dans la vraie vie puis sur le terrain, ce n'est pas ça qu'on vit. C'est qu'on a l'impression aussi que tout le travail qui a été fait, parce qu'il y a déjà des ententes, on a déjà des contacts, on se parle, on est du monde, on est tous du monde pareil, on est tous égaux, on se rend compte, on convient nous-mêmes, sans que personne ne nous le dise, on convient nous-mêmes de certaines modalités d'utilisation du territoire, de certaines portions du territoire en question. On sait, on a fait la preuve que c'est possible de s'entendre. Et maintenant, avec tout ça, on a peur, qu'il y a un fossé qui est creusé. De quelle façon, où on va se rejoindre, là, qu'est-ce qui va se passer, si ça arrive, de quelle façon ça va se dérouler s'il y a des rencontres effectivement entre Blancs et autochtones? Ça, c'est une grosse crainte puis c'est quelque chose qui nous interpelle dans le sens que je pense qu'on n'aura pas le choix d'en arriver là à un moment donné. Si ce n'est pas avant d'aller sur le terrain, ça va être sur le terrain. Mais je préférerais, M. le ministre, que ce soit avant de retourner sur le terrain ensemble.
M. Trudel: Voyez, c'est intéressant, enthousiasmant de vous entendre dire: On est capable de s'entendre parce qu'on est arrivé à certaines ententes particulières dans certains secteurs particuliers et on est capable d'en arriver à une entente, ça nous ouvre la porte à davantage de travail. Et, par ailleurs, tout ce qu'on a mis en place pour en arriver à ce que ce soit partagé comme information dans le milieu, qu'on ait davantage de consultations, de prises en considération, on s'est beaucoup appuyé sur les gouvernements locaux et régionaux, les municipalités et les MRC. Mais c'est clair comme de l'eau de roche maintenant, pour faire une image, qu'il va falloir impliquer les gouvernements sectoriels, par exemple, chasse et pêche. C'est clair. Parce que les utilisateurs... je veux dire, le remous, il est particulièrement venu de ces milieux-là, hein, et le calme que vous affichez aujourd'hui, le ton avec lequel vous présentez votre mémoire et votre vision des choses, je vais vous dire, c'est une belle invitation.
Si on vous implique et qu'on met à la disposition du milieu des moyens pour davantage de connaissances et d'information au niveau du progrès vers un traité, est-ce que vous pensez que, d'une façon certaine, vos membres vont, comme on dit communément, finir par embarquer et qu'on va en convenir de règles sur lesquelles on pourra s'appuyer sur qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui n'est pas permis?
M. Desbiens (Éric): Je suis convaincu. Je suis convaincu que c'est possible, M. le ministre, mais on a un travail à faire avant qui est d'apaiser un petit peu les tensions qui existent maintenant. C'est pour ça d'ailleurs qu'on a mentionné dans le mémoire de la Fédération des zecs qu'on souhaitait qu'il y ait un moratoire sur la pratique d'Innu Aitun sur le territoire des zecs tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un traité final de signé. Pendant cette période-là, ça nous permettrait, j'imagine, d'abaisser les tensions, d'essayer de bien expliquer aux gens, à nos utilisateurs, c'est quoi, le processus puis c'est quoi, le nouveau processus dans lequel on s'engage aussi et c'est quoi, le résultat escompté. Parce qu'il n'y a personne qui le sait exactement. Même si, bon, l'Approche commune, c'est... O.K. Il y a beaucoup de documents, il y a beaucoup d'annexes. On a... O.K. Les gens qui arrivent disent: Bon, le gouvernement désire en arriver à ça. Mais, est-ce que c'est vraiment ça? Il y a beaucoup de gens dans le milieu qui se posent des questions puis, les questions que ces gens-là se posent, ça va jusqu'à dire: On en met tellement dans le document que, ce qu'on veut dans le fond, c'est de semer la pagaille. Il y a des gens qui pensent ça, M. le ministre. Parce qu'on se pose des questions. Vraiment, c'est quoi on veut exactement? Où on veut amener les populations locales? Où on veut en arriver? Donc, au départ, le mandat, il doit être clair là-dessus. On veut en arriver à ça. Il faut que ce soit vraiment ça aussi.
Donc, je pense que la question du moratoire est extrêmement importante. Mais je crois que, oui, c'est possible d'en arriver, c'est possible de convaincre aussi nos utilisateurs. On peut réaliser des ententes harmonieuses.
M. Trudel: On a trop peu de temps. Merci pour votre contribution. On va compter sur vous pour la poursuite parce qu'on a l'obligation de résultat et je suis heureux d'utiliser votre phrase, à savoir: «S'il faut un traité avec les autochtones, la réponse est oui, et le plus tôt sera le mieux.» Je vais m'accrocher à ça. Votre ton, votre volonté, je suis sûr qu'on peut atteindre les objectifs escomptés.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier.
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(14 h 40)
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M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais dire merci beaucoup pour le mémoire que vous avez présenté au nom de l'Association de chasse et pêche de Forestville. Et je pense que c'est une contribution qui est très importante parce que, comme vous avez bien dit, c'est l'aspect pratique des ententes qui est très important. On peut, sur papier, mettre des beaux mots, on peut, sur papier, faire les ententes, mais c'est au moment qu'on va essayer de les mettre en application que c'est là que ça se joue, c'est là où c'est très important qu'on ait une très bonne connaissance. Et, si j'ai bien compris, votre Association a le devoir de gérer deux sites distincts. Alors, peut-être je vais commencer parce que j'ai... Dans le mémoire, vous avez parlé du site de Nisula. Je trouve dans l'entente... si j'ai bien compris, dans la proposition on va identifier certains sites patrimoniaux de la communauté innue de Betsiamites autour du lac. Aussi, vous pouvez en deux temps, premièrement, juste décrire davantage, c'est quoi, la situation aujourd'hui à Nisula, le nombre de personnes un petit peu par année qui va passer par là, c'est quoi, les problèmes qui existent maintenant et c'est quoi, les inquiétudes ou les menaces contre la proposition pour ce site précis. Et, ma deuxième question, vous pouvez l'imaginer, je vais poser la même question sur la rivière Laval mais, pratico-pratique, ça comprend maintenant quoi, pour l'entretien, la gestion de ce site? C'est quoi, les problèmes existants, les relations avec les Innus et c'est quoi, les inquiétudes quant aux propositions de l'entente?
M. Desbiens (Éric): Bon, d'abord, le site Nisula, ce sont des peintures rupestres qui datent de 2 à 3 000 ans avant Jésus-Christ qui ont été identifiées sur le site en question. On ne veut pas nécessairement identifier l'endroit précis, mais n'empêche que, pour les autochtones, c'est un site qui revêt un caractère spirituel. Et ça, on respecte ça. Même, moi, quand je vais sur le site, je ressens une espèce de force, donc j'imagine, eux, qu'est-ce qu'ils doivent ressentir. Ça, c'est important. Ça, c'est des choses qu'on doit respecter. Bon. Le site est visité, disons, deux, trois, quatre fois par année que, nous, on a connaissance. Donc, il y a des autochtones qui passent sur le territoire, bien, je dis le territoire de la zec, mais qui utilisent le réseau routier qui est entretenu par les membres de l'Association.
Alors, quand ça se faisait plus ou moins pas en cachette, mais disons, que c'était moins évident, O.K., ça allait bien, on savait qu'il se passait des choses, mais on ne voulait pas trop intervenir. On se disait: C'est bien, c'est bon, puis ils ont le droit aussi de le faire. À partir du moment où est-ce qu'il y a eu des Blancs ou moitié Blancs ou moitié autochtones ou des Métis qui ont manifesté de l'intérêt à l'égard de ce site-là pas parce que, eux, n'avaient pas le droit non plus, mais il y avait déjà au niveau local qui, eux aussi, revendiquaient peut-être ce droit-là d'aller fréquenter un site. Alors, c'est ce genre... On est de petits milieux. Donc, on a su que le territoire était utilisé, le réseau routier était utilisé par des personnes qui ne payaient pas le droit de passage et qui ne voulaient pas le payer non plus. Bon. Déjà là ça fait monter le niveau de tension. Et, étant donné que, moi-même, je fais partie d'un groupe chargé du monitoring du site en question où, à chaque année, on fait des relevés pour s'assurer de l'évolution, que le site se garde, se maintient quand même à un niveau acceptable dans le temps, j'ai quand même des préoccupations à l'égard de la conservation du site en question. Alors, notre intérêt, c'était de trouver une entente. Et là c'est une preuve que c'est possible de s'entendre parce que les gens sont venus nous rencontrer au bureau. On n'a pas eu à se déplacer, ils sont venus nous voir à nos bureaux, les représentants autochtones de Betsiamites, et on a réussi à convenir d'une entente au niveau du paiement de ces fameux droits de passage là. Et je pense qu'il y a eu des portes ouvertes parce que, de part et d'autre, on s'est rendu compte que c'était possible de parler, puis que c'était possible que, eux, nous apportent quelque chose, et que c'était possible que, nous, on leur apporte quelque chose aussi au niveau des facilités, des équipements, ces choses-là, puis on est prêts à participer. On trouve ça intéressant. Je trouve que même c'est extraordinaire comme richesse patrimoniale. Donc, ça, c'est quelque chose qui s'est réglé, mais c'était un irritant, la question de la fréquentation, du droit de passage. Mais c'est un élément qui peut éventuellement créer de nouvelles tensions si on ne convient pas de modalités, là, parce que c'est très ponctuel. Ce n'est pas une entente pour 50 ans, c'est très ponctuel comme entente.
M. Kelley: Non, non. Mais, même à cette ampleur, on voit l'importance de l'implication locale, que l'expertise ou vos connaissances du coin jumelées avec un intérêt chez les autochtones d'avoir une protection ou une préservation pour un site qui est important pour eux, il y a une capacité de mettre les deux ensemble pour arriver avec une entente qui est fonctionnelle, qui va respecter la question des droits de passage, qui va défendre leurs intérêts, leurs droits aussi. Alors, les choses sont possibles, si j'ai bien compris, avec l'importance de la participation locale.
M. Desbiens (Éric): Oui. Maintenant, lorsqu'on prend la notion d'Innu Assi, puisque le site est décrit comme un site devant faire partie en propriété propre au niveau des autochtones, on trouve que, dans l'entente, c'est assez large, la question Innu Assi où ils pourront appliquer certaines politiques et certaines modalités en gestion du territoire.
Au niveau des réserves, ça ne nous inquiète pas, ils ont le droit, puis j'espère qu'ils vont réussir à débloquer beaucoup de choses de ce côté-là. Mais, dans Innu Assi hors réserve, dans un territoire structuré comme une zec, c'est propriété propre. Ça, ça nous inquiète. Qu'est-ce qu'on va faire sur ce territoire-là quand il y a des droits au niveau d'établissements, d'infrastructures, des camps, des chalets, si on peut chasser, si on peut pêcher et si on peut exploiter un minerai quelconque? Ça, ça nous inquiète. C'est pour ça qu'on dit qu'il faut limiter quand même la pratique d'Innu Aitun en territoire Innu Assi lorsqu'il y a des portions de ce type de territoire là déterminées ou identifiées en dehors des réserves en question.
M. Kelley: Donc, ces sites patrimoniaux qui sont considérés et qui sont assujettis aux mêmes règles du jeu d'Innu Assi, qu'est-ce qu'on cherche, c'est un autre statut, un autre qui peut-être va être plus flexible pour comprendre les besoins des deux côtés, si j'ai bien compris. Parce que vous avez... Quand je regarde la carte, je ne suis pas familier avec Nisula mais, si j'ai bien compris, c'est de s'assurer qu'on peut avoir un partage plutôt qu'une exclusivité tout en respectant le fait que ce serait un site qui est très important pour les Innus, mais également qu'on cherche d'harmoniser les pratiques là avec les droits et les intérêts de la zec de Nisula, si j'ai bien compris.
M. Desbiens (Éric): Le site Nisula, oui.
M. Kelley: O.K. Alors, sur la deuxième question, la rivière à saumon Laval, c'est quoi, les enjeux, c'est quoi, les questions quant au défi de la gestion de la rivière?
M. Desbiens (Éric): Bon, c'est certain que, sur la rivière, c'est une rivière dont la situation n'est pas souhaitable pour quiconque voudrait développer une pêche au saumon lucrative sur cette rivière-là, parce qu'elle a ses problèmes comme plusieurs rivières au Québec. Donc, ça fait une dizaine d'années, même, je dirais, 12 ans où on travaille à essayer de développer, de mettre en valeur et de faire en sorte que le niveau de montaison puisse s'améliorer pour éventuellement en arriver à une pratique de pêche sportive rentable. Alors, ça fait 10 ans qu'on travaille, ça fait 10 ans que l'organisme met des sous, on a eu des aides financières extérieures, évidemment, mais ça fait 10 ans que les gens entendent parler de la rivière où, à l'assemblée générale, on dit: Bon, on est rendu là, on a une barrière de comptage, on a dépensé ça, ça nous a coûté ça, puis on arrive toujours avec un déficit depuis les deux dernières années. Donc, quand les gens regardent que la rivière Laval peut être éventuellement revendiquée, puis 1 km de part et d'autre, ça, ça dit: Oh! ça fait 10 ans qu'on travaille là-dessus puis on met des efforts, puis que là on risque de la perdre. C'est comme ça que c'est interprété dans le milieu, c'est comme ça.
Donc, est-ce que ça va devenir acceptable de donner le mandat de gestion à quelqu'un d'autre qui va peut-être disposer de ressources autres ou, même si on garde le mandat de gestion, il pourrait y avoir des modalités comme dans d'autres rivières? Les autochtones, sur certaines rivières, ont des quotas, ils peuvent pêcher avec des filets, ces choses-là. Ça, ça fait mal, c'est des choses qu'on ne voudrait pas qui arrivent. En regard de ce qu'on peut voir ailleurs, on ne voudrait pas que ce phénomène-là puisse se produire, sachant très bien que la rivière n'est pas en bonne position et, j'imagine, pas capable de subir une telle pression de pêche avec ces engins-là, et tous les efforts qu'on a mis au cours des 10 dernières années...
M. Kelley: Alors, si j'ai bien compris, avant tout, c'est une problématique de la conservation.
M. Desbiens (Éric): Absolument.
M. Kelley: Et je vois aussi... Comme je dis, je suis un député de banlieue, alors on parle des choses qui sont un petit peu éloignées de mon expérience, mais vous avez évoqué aussi la question de la chasse à l'orignal en hiver. Quand on parle aux représentants innus, ils disent qu'ils sont fortement préoccupés par la conservation aussi. Alors, dans ces genres de dossiers soit le saumon dans la rivière soit dans l'orignal, est-ce qu'il y a des discussions, est-ce qu'il y a un dialogue, est-ce qu'on a mis sur la table... parce qu'il y a la position que les leaders innus ont prise devant la commission. C'est une préoccupation pour eux autres aussi. Ils comprennent que, si on prend tous les poissons aujourd'hui, il n'y aura pas de poisson demain, si on veut qu'il y ait l'orignal dans la forêt pour les générations à venir aussi...
Alors, est-ce qu'il y a une possibilité de terrain d'entente ou est-ce que c'est toujours... on n'est pas arrivé encore à mettre ces genres de questions sur la table?
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(14 h 50)
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M. Desbiens (Éric): Si vous faites référence... S'il y a une possibilité d'entente sur permettre la chasse d'hiver dans les aires de confinement de l'animal, ça, ce ne sera jamais acceptable.
M. Kelley: Non, non, non, ce n'est pas ça que je dis, mais de le bannir. Parce que votre recommandation pour les fins de la conservation, si j'ai bien compris, il faut bannir ça. Mais c'est quoi, la réaction des Innus qu'on propose ça? Parce qu'ils ont démontré, eux autres, un intérêt à la conservation aussi. Si, ça, c'est un élément essentiel à la conservation de l'orignal, c'est quoi, leur réaction à ces propositions?
M. Desbiens (Éric): Je voudrais d'abord dire que je ne pourrais pas prouver hors de tout doute que les autochtones chassent l'orignal en hiver, puis je parle sur le territoire de la zec de Forestville. Bon, on sait ce qui se passe ailleurs, mais, sur le territoire de la zec de Forestville, on sait que le territoire est fréquenté en période d'hiver par des groupes autochtones pour la trappe. Et on a une très bonne relation. Je pense qu'on peut le dire, on a une très bonne relation.
Mais le fait de savoir qu'ils pourraient avoir le droit de le faire, déjà là ça suppose dans le milieu qu'ils le font. Et, moi, je reste positif. Je pense qu'ils ne le font pas. J'en suis pratiquement convaincu. Je ne suis pas convaincu qu'ils ne l'ont jamais fait, par exemple, mais je suis convaincu qu'ils ne pratiquent pas ce type de chasse sur le territoire de la zec de Forestville. Ailleurs, je ne parlerai pas pour d'autres territoires, mais je parle pour la zec de Forestville.
C'est certain qu'à partir du moment où, dans l'entente, ce type de pratique là va être banni, bien je pense qu'on aura déjà franchi quelque chose d'assez... une marche assez haute, et de le dire puis de le décrire. Et il faudra bien entendu que ce soit assorti de modalités d'intervention pour réprimander les gens qui feraient outre la loi ou quelle que soit la modalité qui aurait été décidée.
M. Kelley: C'est bien l'esprit de ma question et c'est pour tout le monde. On ne veut pas que cette pratique efface... et l'origine de la personne qui le fait, ce n'est pas la question. Il faut avoir les règles du jeu qui sont respectées et, également, il faut avoir la possibilité de faire l'inspection ou faire une certaine police pour s'assurer que ce ne serait pas, s'il y a une entente qui dise que, ça, c'est le genre de pratique au nom de la conservation qu'on veut introduire. Et il faut avoir ça au clair, il faut avoir les méthodes qui sont efficaces pour assurer que ce règlement est respecté.
Peut-être une dernière question. Le rapport de M. Chevrette fait les recommandations 7 et 8 qui touchent les zecs, est-ce qu'elles sont satisfaisantes? Est-ce qu'il ne va pas assez loin? Est-ce qu'il y a d'autres choses qu'il faut inclure dans les préoccupations des zecs pour l'avenir, la suite des choses?
M. Desbiens (Éric): C'est bon. Satisfaisant, je dirais non. Mais, disons, c'est un bon pas d'avance parce que, bon, cette fameuse recommandation-là fait référence au rapport Adams-Côté qui disait que, étant donné que ce droit-là d'utilisation du réseau routier, c'était un droit qui permettait l'utilisation du réseau routier et non... Ça ne permettait pas récolter. Ce n'est pas les droits de pêche et de chasse sur le territoire.
C'est certain qu'on a beau payer le réseau routier 5,50 $, mais c'est très petit considérant que, pour la chasse à l'orignal, c'est beaucoup plus et c'est cinq fois plus et pour la pêche aussi. Puis, même si on dit que ce montant-là, ce n'est pas une façon d'aller chercher des revenus pour l'organisme, bien c'est une façon de contribuer pour avoir un réseau routier acceptable pour les utilisateurs. C'est une mise en commun d'énergies et de ressources.
Mais n'empêche que les utilisateurs mettent d'autres énergies aussi pour développer, mettre en valeur des plans d'eau, l'habitat de la petite faune, ces choses-là. Donc, ce n'est pas acceptable non plus qu'on puisse permettre à des gens ou à des groupes de gens de faire des prélèvements dans des endroits où d'autres personnes ont travaillé ensemble dans un commun accord, ont travaillé pour développer et mettre en valeur ces sites-là.
M. Kelley: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Desbiens et Lévesque, pour votre présentation ici, en commission parlementaire, cet après-midi. Merci beaucoup.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite les représentants du comité des citoyens des Escoumins à prendre place.
Alors, bienvenue, mesdames, monsieur. J'invite le ou la porte-parole à bien vouloir s'identifier et nous présenter les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez aussi droit à une présentation de 20 minutes.
Comité de citoyens des Escoumins
Mme Savard (Thérèse): Merci. Bonjour, M. le Président. Mesdames, messieurs, sans plus tarder, j'aimerais vous présenter Mme Marie-Lise Deschênes, secrétaire du Comité; M. André Desrosiers, vice-président; ainsi que moi-même, Thérèse Savard, présidente.
Nous voulons vous remercier de nous avoir permis de venir ici aujourd'hui afin de défendre notre mémoire. Nous voulons aussi vous remercier d'avoir pris le temps de le lire.
Nous sommes ici aujourd'hui pour la défense des droits de notre municipalité et de ses citoyens. De plus, nous voulons vous démontrer les impacts possibles à court, moyen et long terme pour les Escoumins. Présentement, nos commerçants ont à se défendre contre la concurrence déloyale de la réserve Essipit qui s'est créée au cours des 10 dernières années. Essipit est devenue une réserve très prospère. Nous ne pouvons la comparer en aucune façon à d'autres réserves déjà existantes. Cette situation s'est créée envers notre municipalité et nos commerçants avec l'aide de généreuses subventions gouvernementales.
Vu le degré d'évolution très avancé d'Essipit par rapport aux autres réserves, elle est dotée d'une autonomie très évidente. Elle a acquis des biens au cours des dernières années à un rythme tel qu'aucune entreprise privée ne peut se le permettre. Exemple, pourvoiries, immeubles, et nous pourrions vous en nommer bien d'autres. Nos commerçants ont déjà de la difficulté en ce moment avec cette concurrence déloyale, car Essipit n'a pas les mêmes obligations fiscales qu'eux. Dans un avenir rapproché, si Essipit continue à ce rythme à développer d'autres infrastructures déjà existantes dans notre municipalité, nous pensons qu'elle devra payer des taxes et des impôts et être sur le même pied d'égalité que les Escoumins. De plus, nous souhaitons que les droits soient les mêmes pour les deux communautés. Nous pourrions voir les chances s'équilibrer pour un avenir économique, harmonieux et durable. Nous croyons, et nous en sommes certains, que les demandes monétaires de l'entente de principe pour la réserve Essipit va leur donner les moyens d'augmenter encore plus cette concurrence.
En voyant le territoire morcelé de notre municipalité de la façon dont il l'est présentement, c'est un irritant de plus pour notre municipalité. Si les infrastructures qui s'établiront dans l'avenir sur cette partie de leur Innu Assi qui touche le site industriel des Escoumins et qui est pour notre municipalité un développement important pour son avenir sont de nature déjà existantes aux Escoumins, il y aura une concurrence que les commerçants ne seront plus en mesure de supporter.
Pourquoi faut-il que cette bande de terre qui traverse la route 138 et qui enclave notre municipalité doit-elle toucher obligatoirement leur réserve? Dans ce domaine, nous laissons à notre municipalité ces négociations, car nous croyons qu'elle est la mieux placée pour trouver la meilleure solution à ce problème.
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(15 heures)
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En ce qui concerne les terres privées et qui sont dans le découpage du Innu Assi, nous demandons que celles-ci soient contournées ou exclues, puisque nous savons qu'ils possèdent présentement un territoire assez grand pour construire encore pendant plusieurs années. Nous trouvons que l'agrandissement du Innu Assi demandé est très exagéré. Essipit a-t-elle besoin d'un si grand Innu Assi et de cet immense territoire dit Nitassinan pour 182 personnes résidant dans cette réserve? Notre municipalité devra être compensée équitablement pour le manque à gagner du revenu présent et futur qu'elle va perdre. La création d'un fonds pour les municipalités est très importante mais nécessaire et primordiale pour la survie de notre village.
Pour ce qui est de la culture, de la tradition culturelle et de subsistance, quand nous écoutons les autres nations nous en voyons une très évidente de chasse, de pêche, de cueillette et de langue. Mais, pour Essipit, ces traditions ne sont pas réelles. Pour nous, elles sont inexistantes. Ils ont toujours vécu de la même manière que nous, les citoyens des Escoumins. Ils vivent au même rythme que nous. Ils se sont mêlés à nous au point où nous ne pouvons faire la différence entre les deux populations.
Nous vous demandons d'exclure du Nitassinan le 12,5 km qui se rend au milieu de notre si beau fleuve Saint-Laurent. Nous, nous pensons que, lui, il ne l'ont pas occupé. De plus, d'enlever notre chère municipalité du Nitassinan. L'établissement de tables d'information et de travail est fortement nécessaire car nous souhaitons que, dans l'avenir, les renseignements circulent mieux que par le passé et qu'elles soient transparentes.
En conclusion, l'entente telle quelle crée dans notre municipalité deux catégories de citoyens, nous ne le voulons pas: nous voulons l'harmonisation et le respect entre nous. Si cette entente est bien négociée, en tenant compte des exigences des deux parties, nous sommes sûrs que tout va bien se passer. Nous tenons à remercier et à féliciter le travail de M. Chevrette et espérons que vous allez tenir compte de ces recommandations. Merci beaucoup de nous avoir écoutés.
Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Savard. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation, Mme la présidente, et bienvenue aussi aux gens qui vous accompagnent, du comité de citoyens des Escoumins. Donc, des citoyens qui décident de se réunir en association pour faire valoir leur point de vue, c'est toujours, dans une société démocratique, louable, et il faut reconnaître et louer ce travail que vous faites de, certainement, être le porte-parole, le reflet des citoyens qui sont membres du comité de citoyens des Escoumins.
Prenons une dizaine de minutes pour examiner certains éléments qui, à prime abord ? un peu comme nous venons de voir avec l'Association de chasse et pêche de Forestville ? c'est vrai, vont être difficilement conciliables dans l'Approche qu'on nous a demandée au niveau des cours, des décisions des tribunaux, de concilier au niveau des pratiques.
Mais on va commencer un petit peu plus loin que cela en disant... Dans votre mémoire, vous dites: «Le comité de citoyens des Escoumins, créé en mars 2002, s'est fixé comme mission de défendre et protéger les droits de ceux et celles qui ne sont pas des citoyens autochtones, sur le territoire revendiqué par les Innus de Essipit.» Quels droits sont menacés?
Mme Savard (Thérèse): Je vais laisser la parole à M. André Desrosiers.
M. Desrosiers (André): Bien, c'est plus des craintes, parce que présentement il y a un phénomène là ? vous en avez entendu parler ce matin ? c'est la concurrence. Parce que c'est dur, pour les commerçants, d'accoter la concurrence qui vient d'Essipit. Puis c'est dur aussi, quelqu'un qui veut se partir en affaires, mettons que... On va prendre, par exemple, que je veux me partir un commerce, bien, je vais avoir de la misère à trouver du financement parce qu'il n'y a pas grand monde qui croit à ça. Parce que si mon projet peut être rentable, bien, il n'y a rien qui dit que demain matin ce ne sera pas les Innus d'Essipit qui vont venir me concurrencer, et puis, eux autres, ils ont le moyen de me faire fermer. On a vu ça encore tout récemment, là: il y a un nouveau bar qui s'est ouvert après plusieurs années qu'il n'y en avait pas, bon, puis Essipit commence déjà avec leur bar, à avoir des spectacles qui coûtent les yeux de la tête ? excusez-moi l'expression ? pour essayer de faire fermer ça. Ils veulent éliminer la concurrence.
Ça fait que c'est pour ça: nous autres, en tant que comité des citoyens, on veut s'assurer là qu'on soit capables de se faire entendre là-dessus pour protéger ces droits-là, le droit d'être capables de se développer, nous autres aussi, au même rythme qu'eux.
M. Trudel: On peut probablement s'entendre sur les mots, autant de capacité de développement que des droits. Parce que c'est ça que je cherchais à savoir: est-ce qu'il y a des droits fondamentaux des citoyens et citoyennes, qui vous apparaissent menacés? La capacité de développement et la volonté de développement, ça appartient à toute personne, oui, qui habite le territoire national, peu importe sa nation.
Cependant, je pense qu'il faut faire une différence entre les droits fondamentaux, la libre circulation des biens et des personnes, la non-discrimination sur le sexe et ces catégories-là, c'est extrêmement important, la Charte des droits et libertés du Québec, la Charte des droits et libertés qui est enchâssée dans la constitution rapatriée de 1982.
Alors, je pense que je saisis que capacité égale développement. Ce que je saisis aussi, et c'est une... ça se présente constamment dans les réflexions, ce serait la différence de moyens que vous auriez pour développer industries et commerces par rapport à ce que Essipit aurait réussi à faire avec les moyens qui sont les leurs. Est-ce qu'on saisit bien que c'est ça, la grande difficulté, là? La grande, grande, grande difficulté, c'est le fait de ne pas avoir, semble-t-il, les mêmes moyens ou le même niveau de moyens pour faire le développement?
M. Desrosiers (André): C'est sûr que ça, c'est le principal irritant. Il y a aussi les terres privées, là, hein, à l'intérieur du Innu Assi. Bon. C'est des terres qui sont sur le territoire municipal qui appartient, là, à des résidents depuis plusieurs années. C'est des terres qui leur ont été cédées par leurs ancêtres à eux. Puis, aujourd'hui, ils se font dire qu'ils vont les perdre au détriment des Indiens. Ça fait que, moi, je présume qu'ils ont des droits aussi. C'est ces droits-là qu'il faut protéger aussi, s'assurer que, si les Innus prennent possession de ces terres-là, ils aient les compensations nécessaires aussi.
M. Trudel: Là, vous avez raison, je pense qu'on a raison d'utiliser le mot «les droits». On est en propriété privée et il n'y a personne qui va prendre possession de la terre d'un autre. On va être clairs là. Il n'y a personne qui va prendre, contre son gré, la terre de quelqu'un d'autre. Oui, il y a un nombre limité de propriétés privées et il y a des dispositions qui sont prévues pour en arriver, de gré à gré, à ce qu'il y ait aussi des ententes. Mais vous avez raison de poser la question. Elle se pose à vos compatriotes et vos compatriotes vous les posent, ces questions-là. Il n'y a personne qui va déposséder l'autre. Ce n'est pas ça, la base des principes et les principes de base dans le projet d'entente, pour en arriver aux ententes complémentaires.
C'est un peu étonnant aussi ? mais ce n'est pas étonnant de vous l'entendre dire parce qu'on l'a entendu véhiculer ? Mme la présidente disait tantôt: Il y a des parties de territoires, qui seraient en Nitassinan, qui seraient cédées aux autochtones. Comment se fait-il qu'on en arrive à cette perception-là? Parce qu'il n'y a aucune terre qui, de quelque façon que ce soit, est cédée en Nitassinan. Je ne vous reproche pas de me dire ça, madame. Je veux chercher à comprendre, parce qu'on l'a entendu ailleurs aussi. Vous reflétez un sentiment commun qui est véhiculé.
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(15 h 10)
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Le territoire Nitassinan étant celui où les autochtones vont pratiquer des activités qui sont des droits ancestraux, des activités ancestrales, et les tribunaux nous ont dit, à vous et à moi, hein: Entendez-vous pour reconnaître et établir les règles de ces pratiques. Comment se fait-il qu'on en soit arrivés à cette perception qu'il y aurait cession de territoire et que le Nitassinan, le territoire où on va faire de la chasse, de la pêche, du piégeage particulièrement, avec des règles, que ce soit perçu comme étant un territoire cédé aux autres?
Mme Savard (Thérèse): Quand je dis le mot «cédé», je pense au Innu Assi pour l'agrandissement des réserves, ça va leur appartenir, le dessus, le fond de la terre, là, je vais m'exprimer dans mes mots que je comprends, à moi. Ça, ça va leur appartenir en propre. Mais il y a beaucoup de monde qui pensent que tout le territoire du Nitassinan va leur être cédé. L'information a tellement mal circulé, on n'a jamais compris. Quand vous avez envoyé vos représentants nous informer, quand on est sortis de là, là, on était deux fois plus mêlés que quand on avait lu l'entente. On était deux fois plus mêlés parce qu'on disait: Est-ce qu'ils ont le droit de ça? Ils disaient: Oui, ils ont le droit de faire ça. Ils vont l'avoir, le droit. Ils ne le disaient pas: Ils ont le droit. Ils disaient: Ils vont l'avoir. Il y a une mautadite de différence, monsieur ? excusez l'expression, là ? c'est assez pour mettre le monde tout à l'envers.
Puis moi, quand je parlais tout à l'heure de concurrence déloyale, je parle au point de vue argent, que le citoyen des Escoumins quand il a un commerce, lui, a des taxes à payer, des impôts. Avant de faire fructifier sa petite business, lui, là, il a besoin d'en faire, de l'argent. Mais il est obligé de donner de l'argent pour... Il faut qu'il paie pour avoir le permis d'exploiter un hôtel, un bar, une table de billard. Ce que nous voulons vous dire, c'est que les Innus n'ont pas à payer ça, eux. C'est là qu'elle est, la concurrence déloyale. À partir de ce principe-là, ils peuvent les baisser, leurs prix, eux; nous, on ne peut pas se le permettre, de faire ça. On va crever, monsieur. C'est comme ça que je l'entends, moi, la concurrence déloyale.
M. Trudel: Vous avez raison, votre... le précédent intervenant a employé le mot «désarçonné», c'est désarçonnant de se rendre compte, un jour, que ce qu'on pensait établi, en termes de droits, être finalement pour l'éternité et, tout à coup, ayant exercé ces droits, on se fait dire dans notre société de droit, hein, où on ne se garroche pas des... on ne se donne pas des taloches, on fait trancher par les tribunaux, les tribunaux nous ont dit: Oui. Ce que vous pensiez être une certitude éternelle n'en est pas une, il y a des droits pour d'autres personnes, d'autres nations qui existent sur ce territoire-là, puis vous avez l'obligation de vous entendre. C'est vrai que ça provoque un choc, un choc important qui n'enlève pas l'obligation de résultat.
Est-ce que, Mme Savard, vous, là, vous estimez que la condition des Innus est meilleure que la nôtre, en général?
Mme Savard (Thérèse): Je ne dis pas que la condition de l'Innu qui reste dans sa petite maison puis qui fait son petit travail comme n'importe quel non-autochtone est mieux que moi, monsieur. Non, ça, je ne le dis pas. Je dis que les conseils de bande sont beaucoup plus importants pour ma réserve ? pas pour ma réserve, excusez, je ne dois pas prendre cette expression-là ? pour la réserve qui côtoie notre municipalité. Parce que ce qu'on voit, c'est des entreprises, ça fructifie, ça fructifie, mais moi, je ne vois pas, dans les résidents de la réserve, je ne vois pas une grosse évolution pour eux autres. Je les considère mes égaux comme, moi, je me considère leur égale. J'ai été à l'école avec eux autres, j'ai été élevée avec eux autres, j'ai la même pensée, j'ai la même... c'est les mêmes affaires. J'ai 60 ans puis je n'ai jamais vu personne, moi, partir puis aller passer des mois dans le bois pour la subsistance qu'on parlait tout à l'heure, la chasse, la pêche. Mais quand j'entends Bersimis, Mashteuiatsh, Natashquan... Parlez d'eux, je la vois, moi, la langue, la chasse, la pêche, leur culture. Mais je vous dis que, de moi, je ne la vois pas, la culture d'Essipit; je les considère comme nous. Est-ce que je me suis fait bien comprendre?
M. Trudel: O.K. Moi, je trouve personnellement votre... Ce n'est pas un lapsus: ma réserve, c'est que j'y vois là un sentiment de partage sur votre territoire, qui vous honore, madame, et vos compatriotes des Escoumins parce que plus on va tendre vers notre patrimoine, nos activités harmonisées sur un territoire et qu'il y en ait davantage pour les membres des deux nations concernées, bien, on va être plus heureux. Mais vous les avez vues évoluer, ces personnes de cette nation, pendant de longues années, et vous avez probablement constaté en général qu'il y a davantage de détresse qu'il y en a peut-être dans la nôtre lorsqu'on voit des taux de chômage ou d'inoccupation, disons, de 60 %.
En tout cas, ce que vous énoncez aussi, c'est cette espèce de ressource financière et d'autres natures qu'on a versée ou qu'on donne ? ou qu'on donne, en tout cas, disons, dans la perception ? c'est que ça n'a pas généré suffisamment de développement dans la nation autochtone parce qu'on n'a pas favorisé la prise en charge de leur propre développement.
Est-ce que la volonté écrite dans l'entente de principe, d'établir un régime fiscal pour les communautés ? les taxes, les impôts ? ça vous laisse un sentiment porteur d'espoir?
Mme Savard (Thérèse): La question que je me pose, à partir de cette chose de taxes là ? toi, tu répondras après quand j'aurai fini ? moi, je me dis: leurs taxes, leurs impôts, elle va être à eux autres en propre, elle va leur appartenir. Nous, nous payons taxes et impôts à nos municipalités et à nos gouvernements. Eux, est-ce qu'ils vont rester sur le même régime de ne pas payer de taxes et d'impôts aux autres gouvernements ou si eux vont être à part, complètement à part: c'est eux, seulement eux?
M. Trudel: J'aimerais vous dire ceci, c'est que, dans le cas de la «Paix des Braves», hein, les sommes d'argent affectées servent à prendre en charge des activités que nous assumions à la nation québécoise auparavant. Il faut s'en aller dans cette direction.
On aurait bien des choses à se dire. Merci de votre contribution, parce que mon collègue a des questions également, de la Côte-Nord. Merci, Mme Savard, et messieurs.
M. Desrosiers (André): J'aurais une petite question, moi: Est-ce que c'est possible de définir le statut de l'Alliance autochtone? Parce que présentement aux Escoumins, là, il y a une grosse partie de la population blanche qui font la demande pour les cartes de l'Alliance autochtone. Ça fait qu'on ne sait pas les droits qui sont attachés à ça. Je sais que ce n'est pas reconnu par le fédéral, ça vient du provincial. Est-ce que c'est possible d'avoir un peu d'éclaircissements là-dessus, là?
M. Trudel: Bien, rapidement, ce qu'on peut vous dire, c'est qu'il n'y a pas de nation métisse reconnue au Québec. Ce sont des nations autochtones et celles reconnues par l'Assemblée nationale, les 11. Alors...
M. Desrosiers (André): Parce qu'il y a des cartes qui sont délivrées par le Québec.
M. Trudel: Il n'y a pas de statut individuel, ça n'existe pas au Québec ni au gouvernement fédéral.
M. Desrosiers (André): Parce que, nous autres, c'est drôle, on perçoit ça, là, comme un outil pour faire mieux passer l'entente et pour dire: Bon, bien, ceux-là qui ont leur carte de l'Alliance autochtone, ils vont être pour l'entente parce qu'ils espèrent de devenir autochtones un jour, ou bien si c'était une question, oui, pour mieux faire passer la souveraineté? Je ne sais pas.
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(15 h 20)
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M. Trudel: Écoutez, chacun son credo, là, mais le fondement de l'entente, c'est d'établir des règles pour l'exercice de droits qui ont été reconnus par les tribunaux. Alors, il y a des règles pour être reconnu membre de cette nation comme il y en a d'autres pour les autres nations. Et, pour y arriver, il faut faire des démonstrations. Actuellement, c'est en vertu de la loi fédérale que c'est géré ? puis je ne pars pas d'histoires sur le fédéral-Québec, là ? ces règles-là ne seront pas changées. Il faut s'entendre, c'est l'exercice des droits spécifiques. Les tribunaux nous ont dit: Entendez-vous pour leur exercice, parce qu'on se rend compte, au fur et à mesure que le temps passe, que sans règles, eh bien, c'est le résultat que nous avons: c'est désordonné. Et ça ne conduit pas au développement, quand on n'est pas ordonnés.
M. Desrosiers (André): Mais présentement, là, ceux qui ont les cartes de l'Alliance, là, ils seront considérés comme des Indiens hors réserve. Ça veut dire qu'ils remontent le bassin de population sur la réserve Essipit aux Escoumins.
M. Trudel: Les gens qui sont membres d'une association, Alliance autochtone, par exemple, c'est une association qui est bona fide: c'est une organisation entre eux autres et chacun a la liberté, le droit d'association au Québec, mais ça n'a rien à voir avec le statut d'autochtone.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis, en vous indiquant qu'il reste 1 min 30 s.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Duguay: Très généreux, M. le Président. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup à Mme Savard, M. Desrosiers, Mme Deschênes. Alors, c'est sûr que vos observations nous aident et nous éclairent. Cependant, quand on regarde votre mémoire, à la page 9 et 10 où vous faites référence aux reconnaissances des droits ancestraux, une toute petite question: À la page 11. Vous terminez par une observation: «Pourquoi ne pas tout simplement abolir les réserves?» Pouvez-vous nous expliquer comment on pourrait faire?
Mme Deschênes (Marie-Lise): Oui. C'est que chacun fait partie d'un même village. Alors, pourquoi que la rivière Essipit... Il n'y en aurait tout simplement plus, de réserve: tout le monde dans le même village des Escoumins, et puis on n'aurait plus de barrières. Ils disent qu'ils veulent enlever les barrières. Alors qu'ils enlèvent les barrières de la réserve puis qu'ils mettent tout le monde égal sur la même municipalité, tout simplement. C'est ce qu'on veut dire par ça.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais un mot de bienvenue au comité des citoyens des Escoumins et merci pour le mémoire que je comprends comme un cri du coeur des personnes qui ont été oubliées. Et si à travers le mémoire il y a des endroits où je suis d'accord, il y a d'autres points d'interrogation que j'ai mis, mais je comprends, dans son ensemble, que c'est un mémoire qui a été préparé parce que vous vous sentez exclus, qu'il y a des problèmes très réels qui existent sur le terrain et vous voulez être participants aux solutions. J'ai écouté la réponse à la question de mon collègue de Duplessis qu'abolir les réserves, avec tout le respect, je pense, malheureusement, que c'est beaucoup plus complexe que ça parce qu'on tombe dans notre passé, on tombe dans notre histoire, on tombe dans l'héritage de la Loi sur les Indiens qui, il faut rappeler, était imposée aux Indiens. Alors, ce n'étaient pas eux autres qui sont allés à Ottawa en 1876 pour réclamer une Loi sur les Indiens, c'était la sagesse, entre guillemets, de nos ancêtres qui ont décidé d'adopter cette loi, confiner les personnes sur les réserves et, aujourd'hui, il faut vivre avec les conséquences.
Alors, quand je vois dans le mémoire, à la page 6, de parler de deux catégories de citoyens, au niveau de la logique, je l'achète à 100 %, d'avoir deux catégories de citoyens. On est tous égaux et tout le reste, je peux comprendre la logique d'un sentiment comme ça, mais, dans les vrais faits, notre histoire est tout autre. Et, moi, comme politicien, comme élu, il faut composer avec le passé, il faut composer avec l'héritage de la Loi sur les Indiens. Les Indiens n'avaient pas le droit d'être propriétaires de leurs terrains; jusqu'à tout récemment, ils n'avaient pas le droit de vote. Alors, l'héritage est mixte. Alors on essaie d'en sortir et, d'une certaine façon, il y a des éléments dans l'Approche commune qui ? pas carrément abolir les réserves ? qui vont dire que, oui, sur la fiscalité, la taxation que, si on veut vraiment parler d'une autonomie gouvernementale, il faut un autofinancement. Ce n'est pas juste les subventions, sans cesse, du gouvernement qui vont établir une autonomie gouvernementale, mais il faut mettre en place un régime de taxes. Est-ce qu'on va être capables de faire ça dans quelques semaines? Je ne pense pas, mais c'est quelque chose qu'il faut aller dans cette direction. Alors, je vois le chapitre qui traite de la notion d'autofinancement, qu'on va cesser de vivre sur les subventions et peut-être un jour, avec un développement de richesses, avoir l'argent pour faire payer les écoles et les autres établissements de Essipit. On n'est pas rendus là encore, mais je pense que c'est l'entente qui nous amène dans cette direction.
Peut-être une nuance parce que, ce matin, la municipalité des Escoumins est venue et, dans les chiffres qu'ils ont déposés, on parlait d'un taux de chômage à Essipit de 40 %. Je vois, sur la page 6: on parle d'une communauté qui est déjà très riche. J'ai une certaine... Entre les deux impressions, le maire, ce matin, dans le document, a dit: 40 % de chômage. Les chiffres qui ont été déposés à la fois pour votre municipalité, pour l'ensemble de la Côte-Nord étaient troublants de 20 à 27, mais, même dans tous ces chiffres, les chiffres pour Essipit étaient les plus importants. Alors, c'est quoi, entre ces deux impressions ? on parle d'une communauté riche, on parle d'une communauté à 40 % de chômage ? c'est quoi la vérité entre les deux?
Mme Savard (Thérèse): Je ne pense pas qu'il y ait 40 % de chômage sur Essipit quand ils emploient 120 Blancs, je pense ? excusez l'expression ? 120 non-autochtones. Je ne vois pas le 40 % de chômage là, moi.
M. Kelley: Je ne sais pas, ce n'est pas mon chiffre à moi. C'est le chiffre qui était...
Mme Savard (Thérèse): Non. Mais là, là, de moi, qu'est-ce que je pense, je ne vois pas 40 %. Si tu as besoin des citoyens extérieurs de ta réserve pour combler les postes à manquer pour travailler, tu ne dois pas avoir un gros taux de chômage. Parce qu'ils sont 182, 187 dans la réserve, puis ils en embauchent 120.
M. Kelley: Non, non. Je pose la question. Moi, c'est juste les documents que j'ai lus aujourd'hui.
Mme Savard (Thérèse): Puis, moi, je vous en repose une autre.
M. Kelley: Non, non, mais pour ces personnes qui travaillent sur la réserve, c'est bon, j'imagine.
Mme Savard (Thérèse): Bien oui, c'est bon.
M. Kelley: C'est 120 emplois de plus, et on parle d'un problème de rétention de la population dans nos régions, alors, si, à travers ces activités économiques, on a réussi à créer 120 emplois ? et je partage avec vous le problème de lexique: «non autochtones», «Blancs», toutes ces expressions laissent à désirer ? alors, pour la population des Escoumins, si c'est 120 emplois de plus, en soi, ce n'est pas mauvais. Le maire de Sept-Îles était ici, ce matin, qui a parlé des retombées pour Sept-Îles de l'ordre de 50 millions de dollars par année de la présence de Uashat-Maliotenam dans le coin de Sept-Îles. Alors, j'essaie de voir, dans les mêmes données, comment est-ce qu'on peut arriver à quelque chose qui est gagnant-gagnant pour les deux populations? Parce que c'est vraiment notre intention ici: ce n'est pas de vous mettre à dos mais c'est de créer des conditions qu'on peut composer avec notre passé, composer avec l'histoire mais, en même temps, générer l'activité économique qui serait intéressante pour les deux côtés de Escoumins et Essipit?
M. Desrosiers (André): Bien, nous autres, on trouve qu'il y en a qui essaient de cacher de l'information. On a eu la visite de plusieurs journalistes aux Escoumins. Quand ils repartent, c'est toujours la même chose: on a la photo du chef d'Essipit, M. Ross, puis on a des images de qu'est-ce qui se passe à Bersimis. La réalité, il n'y a pas personne qui en parle. Il y a M. Chevrette qui l'a abordée puis qui a réussi à cerner le problème, M. Corriveau aussi, qu'on a rencontré à plusieurs reprises, il a cerné le problème aussi. Mais le restant, là, tout ce qui a été véhiculé au niveau des journalistes, c'est pour donner l'image d'une réserve qui est démunie, qui ont des problèmes d'alcool, des problèmes de drogue. Ce n'est pas ça. Je vous lance un défi de venir voir qu'est-ce qui se passe en réalité aux Escoumins. Puis je ne vous dirai pas où est située la réserve, on va enlever les pancartes, vous essayerez de la trouver. C'est tout un défi que je vous lance là.
M. Kelley: J'ai déjà visité. Alors, je suis familier avec les lieux physiques et tout le reste. Mais je relance la question quand même: Comment trouver un moyen que, plutôt qu'un menace l'autre, on peut...
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(15 h 30)
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M. Desrosiers (André): C'est de s'entendre. C'est de s'asseoir à une table puis commencer à négocier à la place de se bouder puis se regarder de travers quand on se rencontre sur le chemin. Il faut s'asseoir puis négocier. C'est la seule possibilité qu'on va avoir une entente qui va être harmonieuse. Il faut commencer, là, à délimiter les secteurs d'activité pour ne pas qu'on se concurrence un et l'autre dans les mêmes domaines. À partir de là, on va être en business tous les deux. Puis rétablir le niveau économique, parce que, là, il y a eu, hein... Depuis plusieurs années, avec les subventions, là, qui ont été données d'un bord puis de l'autre, ce n'est plus évident de rattraper. Mais, si, au niveau économique, on remet ça égal puis qu'on s'assit à une table pour s'entendre, ça va être bénéfique pour la population escouminoise, puis ça va être bénéfique aussi pour la population d'Essipit, puis on va partir toute la gang dans le même sens.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Bienvenue et bonjour. Et peut-être dans la suite des choses, étant donné que le temps est limité, il y a peut-être deux façons de retrouver cet équilibre, hein. Là, vous dites, et je comprends bien le cri que vous lancez, on l'a entendu ce matin: Il y a de la concurrence déloyale. Et je le comprends parfaitement et, j'imagine, à votre place, je sentirais la même chose. Si j'ouvre un commerce puis, à côté de moi, quelqu'un a des coûts moindres et peut faire des prix moindres à cause de sa situation, bon, je comprends ça. Mais là, effectivement, on est dans une situation un peu particulière, il y a une question qu'on essaie de régler par rapport à une nation autochtone qui a des droits ancestraux, etc., reconnus et tout le kit. Là, vous arrivez et vous dites: Ils ont des avantages et on veut se défendre parce qu'on sent comme si on va perdre des droits. L'autre façon de voir la situation, c'est de dire: Nous sommes en situation particulière et nous réclamons des leviers pour que, nous aussi, on puisse... Tu sais, si eux autres sont là, il faut que, nous aussi, on puisse monter plutôt que de faire descendre l'autre. Est-ce que c'est une piste que vous pourriez envisager, peut-être même en collaboration avec le groupe autochtone qui, il me semble, dans un esprit de participation et de partenariat et de partage d'un même territoire vis-à-vis les gouvernements ? et même celui qui viendra ? ...
M. Desrosiers (André): C'est sûr que c'est une piste de solution.
M. Sirros: ...de dire: Effectivement, une compensation particulière pour une situation particulière plutôt que de viser, tu sais, une attitude de défense contre l'autre, plutôt un partenariat avec l'autre, en utilisant même la situation particulière de l'autre, pour que vous montiez aussi?
Mme Deschênes (Marie-Lise): À ce moment-là, est-ce que le gouvernement du Québec est prêt à nous verser le même montant qu'il verse à Essipit à la municipalité des Escoumins pour aider les commerces?
M. Sirros: En avez-vous fait la demande?
Mme Deschênes (Marie-Lise): Je peux vous dire qu'il y a beaucoup de commerces qui sont refusés.
M. Sirros: Mais ce que je vous dis, là, c'est que peut-être c'est une piste qu'il faudrait explorer au niveau d'une stratégie d'intervention par rapport à cette question-là ? et je vous le dis comme quelqu'un qui aspire être de l'autre côté à un moment donné. Je la trouverais raisonnable, comme position, dans un esprit aussi de règlement d'un ensemble, d'une question plus large que strictement la question d'Essipit. Vous comprenez ce que je veux dire, là? On essaie d'arriver à un traité avec une nation. Alors, c'est sûr que, sur le terrain, il va falloir ménager aussi des situations particulières. Il va falloir que, nous aussi, on prenne nos responsabilités comme société, comme collectivité, comme gouvernement par rapport aux gens qui vivent des situations particulières. Alors, je pense que c'est une piste que vous devriez explorer.
Une voix: Comme je le disais tantôt, ça...
M. Desrosiers (André): C'est une piste, mais, au départ, il n'y a personne qui nous informait du traité. On a été obligés de se débattre nous autres mêmes. Puis, même aujourd'hui, on a présenté un mémoire avec les moyens qu'on a en se cotisant 10 $ d'un bord, 10 $ de l'autre pour essayer de monter de quoi, mais on n'a jamais eu l'aide du gouvernement, là, pour... Puis les spécialistes de la question autochtone, ils travaillent tous pour les Indiens présentement, ça fait que c'est dur de se démêler là-dedans. On a l'impression d'être écrasés puis on a des raisons de le croire aussi.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Oui. Sur le même air, ce que mon collègue voudrait vous faire dire ou vous faire voir, entrevoir ? et, moi, je suis une fille de région ? c'est: Pourquoi, au lieu d'être sur la défensive... Votre région comme la mienne, on réclame... et, nous autres, on le réclame à grands cris depuis longtemps... avoir un pont régional qui permettrait effectivement à nos entrepreneurs de pouvoir diversifier notre économie régionale. Et j'imagine que mon collègue, c'est dans ce sens-là qu'il voudrait vous orienter, dire: Pourquoi, au lieu d'être sur la défensive, nous aussi on ne réclamerait pas, pour nos régions qui se meurent, des fonds régionaux qui permettraient à notre économie de se relancer?
M. Sirros: Pour ajouter: Sans oublier que le processus de traité vise aussi à introduire la notion de fiscalité. Donc, eux aussi vont commencer à payer des impôts et des taxes à un autre gouvernement, à leur gouvernement. Puis on verra à quel moment. Puis, ça ne se fait pas dans une semaine ou deux. Mais, dans le temps, l'idée, effectivement, c'est d'éliminer ce sentiment de défense. En tout cas...
Mme Savard (Thérèse): ...comptes, puis de compenser équitablement nos municipalités pour le manque à gagner et pour les taxes qu'elle va perdre, toutes ces affaires là, c'est quelque chose à prendre en considération, puis c'est très important. Je comprends ce que vous me dites là, puis je suis bien d'accord avec vous. Tu sais, là, je ne sauterai pas de l'autre bord de la track du train, là, mais je suis assez honnête pour admettre que vous avez raison. Puis, si ça prend des moyens, ces moyens-là, moi, je les laisse à ma municipalité. Elle, elle est mieux placée que moi pour les trouver.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Oui. Je voudrais juste une question de précision. À la page 20 de votre mémoire, vous écrivez à la dernière ligne du troisième paragraphe: «Nous espérons que cela ne sera pas comme dans le cas du traité avec Nisga'a». Qu'est-ce que vous voulez dire? Vous parlez des terres privées qui seront touchées, là, qui feront partie du Innu Assi.
Mme Savard (Thérèse): Oui. Bien, chez nous, il y a... tu as plusieurs personnes...
Mme Deschênes (Marie-Lise): Tu as plusieurs terrains qui vont être touchés aux Escoumins, dont des maisons privées qui se retrouvent sur le Innu Assi. On retrouve 81 personnes qui vont être touchées, puis c'est là-dessus, nous autres, qu'on parlait. Puis, il y en a qui sont d'accord de vendre. Je suis d'accord avec eux autres. Mais, ceux qui ne sont pas en accord de vendre, qu'est-ce qui va leur arriver? Est-ce qu'ils vont pouvoir donner à leurs enfants, leurs petits-enfants l'héritage qu'ils ont bâti de leurs mains depuis x années?
Mme Gauthier: D'où ces craintes-là vous viennent-elles?
Mme Deschênes (Marie-Lise): Pardon?
Mme Gauthier: D'où est-ce que ça vient, ces craintes-là, qu'ils ne seront pas en mesure de céder leur propriété à leurs enfants et à leurs petits-enfants?
Mme Deschênes (Marie-Lise): Mme la présidente vous a dit tantôt que, lors des réunions d'information, il y a beaucoup de choses qui se sont dites. Et il nous a été dit, dans ces réunions-là, qu'ils ne pourront jamais léguer à leurs petits-enfants ou à leurs enfants parce que le terrain appartiendrai aux Innus.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Bien, d'abord, bienvenue dans ce salon rouge.
Peut-être pour continuer dans la même veine, c'est qu'effectivement le mémoire que vous avez confectionné, qui, d'ailleurs, est impressionnant compte tenu des moyens que je connais que vous aviez pour le faire, c'est vraiment, je pense, le reflet de toutes les inquiétudes de la population de la municipalité des Escoumins.
Et je pense que ces inquiétudes-là, en fait, sont nées du fait que vous avez tous étés un peu victimes de l'insuccès des tables de négociations auxquelles, entre autres, Mme Deschênes, vous avez participé. Et c'est là où qu'il y avait des informations qui se donnaient qui créaient justement, là, ces inquiétudes-là. On disait: Mon Dieu! vers où est-ce qu'on s'en va si c'est comme ça? Puis, là, il y avait le... il n'y avait pas le juste retour des choses. Ou, si vous faisiez, par exemple, des modifications ou des demandes d'information, ça ne revenait pas ou on vous ne vous disait pas: Oui, effectivement, on a tenu compte de votre demande puis le traité va être changé en conséquence.
Donc, moi, ce que je trouve qui est important au niveau de toute la démarche jusqu'à maintenant, c'est votre rôle actif pour réussir à faire s'élever cette voix-là de la population. On a entendu, ce matin, la municipalité, avant ce midi, là, des Escoumins. Pouvez-vous me dire... Parce qu'au fond vous êtes un comité de citoyens, mais le comité de citoyens démocratiquement élu, c'est le conseil municipal. Pouvez-vous me dire si, ce que vous avez entendu ? vous étiez présente ce matin ? ça se rejoint, là, pas mal les deux ensemble pour dire: Vous parlez pas mal tous d'une même voix?
Mme Deschênes (Marie-Lise): La municipalité et le Comité des citoyens se rejoignent uniquement dans le même sens.
M. Corriveau: D'accord. Puis, Fondation Équité Territoriale qui a eu aussi, là, des propos qui ont été tenus récemment ici, était, lui, davantage au niveau de dire: On doit faire de la négociation, mais sur la base de l'abolition du titre «aborigène». Est-ce que là-dedans vous vous êtes plutôt dissociés de ce courant-là qui a eu, à un moment donné, un certain degré de popularité dans la municipalité? Est-ce que vous vous en distancez pour dire: Non, effectivement, il faut négocier sur la base du fait que les autochtones, ils étaient là puis il faut respecter ça?
Mme Savard (Thérèse): On ne peut pas nier qu'ils ont des droits, là. Ça leur a été accordé. On ne peut pas nier qu'il faut avoir une entente. Il faut qu'elle soit ratifiée. Mais je vais dire comme mon maire disait tantôt: Ce n'est pas en déshabillant Jacques qu'on va habiller Pierre. Il faut qu'elle soit bien structurée, puis on le sait qu'on s'en va vers un traité puis on en a besoin d'un, mais...
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(15 h 40)
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M. Desrosiers (André): Parce que le statu quo, ce n'est pas bon pour nous autres. C'est néfaste.
M. Corriveau: C'est une question de souci d'équité, je pense pour toute la population des Escoumins. Je veux dire, on veut avoir les moyens de se développer au même titre que la communauté d'Essipit.
M. Desrosiers (André): Bien, c'est ça. On n'est pas contre de faire une entente avec... Contrairement à ce que c'est que la Fondation Équité peut laisser sous-entendre, nous, on est pour une entente avec les Innus. Parce que, présentement, là, pas d'entente, nous autres, c'est... Le statu quo, là, c'est néfaste pour nous autres, puis la concurrence, là, elle grossit encore plus. Ça fait que le rattrapage, hein, il va être encore plus gros si ça prend plus de temps à régler la question autochtone.
M. Corriveau: On est mieux de travailler ensemble à se tirer vers le haut qu'à tirer l'autre vers le bas.
M. Desrosiers (André): Bien, c'est ça.
Mme Deschênes (Marie-Lise): Puis on est mieux de travailler ensemble parce que le Québécois, quand il vient au monde, on a une dette sur l'épaule, tandis que l'Innu, je ne sais pas s'il a la même dette que nous. Alors, il faudrait regarder pour qu'on ait tous les deux la même dette sur l'épaule.
M. Corriveau: Oui, mais ça va être difficile à négocier ça, Ha, ha, ha! Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci pour votre participation, Mme Savard, Mme Deschênes et M. Desrosiers. Merci pour votre présence ici, cet après-midi.
Et, là-dessus, je suspends les travaux de la commission pour une période de cinq minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 41)
(Reprise à 15 h 47)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions va reprendre ses travaux.
Alors, j'invite les représentants de l'Association des chasseurs et des pêcheurs de Manic-Outardes à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît.
Mme Hickey (Anne-Marie): ...on peut commencer?
Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, messieurs. J'invite le porte-parole ou la porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne, en vous indiquant que vous avez un temps de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires.
Association des chasseurs et des pêcheurs
de Manic-Outardes (ACPMO)
Mme Hickey (Anne-Marie): Moi, je vais présenter d'abord le mémoire, et je suis accompagnée...
M. Sirros: ...et on est un peu en avance.
Le Président (M. Lachance): Je n'ai pas de problème. Alors, nous allons... Excusez-nous, madame, vous allez attendre quelques instants. J'avais suspendu les travaux pour cinq minutes et ça fait sept minutes, donc, j'en déduisais qu'on pouvait débuter. Allez-y, madame.
Mme Hickey (Anne-Marie): M. le Président, Mme, MM. les élus, M. le ministre. Eh bien, je suis Anne-Marie Hickey, je représente M. André Dick, c'est le président de notre Association parce qu'il est retenu par son travail. Je suis accompagnée du porte-parole M. Gaston Lessard, et il y a un monsieur qui va se joindre à nous tout à l'heure qui fait partie d'un comité d'étude qui s'appelle Jean-Guy Lavoie.
Comme organisme à but non lucratif, nous devons venir à nos propres frais bénévolement réclamer devant cette commission l'application de la démocratie locale et le respect des populations nord-côtières dans ce sujet fondamental que vous appelez «négociations territoriales avec les Innus».
Il aurait mieux valu que les populations blanches et innues soient associées au tout début en mettant en relation nos élus et leurs élus, voire même sur les territoires directement visés. Cela aurait été une façon de faire progresser des relations harmonieuses plutôt que de nous livrer le message que l'on vit dans une société de droit et que l'on doit se plier. Ça, ce n'est pas dans le mémoire, c'est un message de notre président qui est absent.
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(15 h 50)
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Le 19 janvier 2000, M. André Maltais, négociateur pour le Canada, M. Louis Bernard, négociateur pour le Québec et M. Rémy Kurtness, négociateur en chef signaient l'Approche commune et réitéraient, selon un mandat reçu des premières nations, qu'il était fondamental d'en venir à une entente de principe. L'Association des chasseurs et pêcheurs de Manic-Outardes inc., comme la population d'ailleurs, n'avait pas entendu parler de cette négociation qui se tramait à l'insu des Blancs.
C'est le 31 janvier 2000, au réseau TVA, que M. Jack Picard dévoilait les offres faites par le gouvernement du Québec. Et je suis celle qui a appris, justement par ce même réseau, cette nouvelle. Et tout de suite j'ai communiqué avec notre député du temps, qui était M. Gabriel-Yvan Gagnon, pour lui demander qu'est-ce qui se passait. Lui-même apprenait la nouvelle en même temps que nous. Alors, je dois vous dire que, pour les deux gouvernements, la confiance de nos membres a commencé à être ébranlée. À la suite de cette divulgation, vers mars 2000, M. Guy Chevrette, ministre délégué aux Affaires autochtones, est venu nous rencontrer dans la région pour nous brosser un tableau avec quelques idées principales, mais rien sur le découpage du territoire Nitassinan qui définit la limite externe des domaines innus auxquels l'ACPMO est interpellée.
En avril 2000, pour essayer de baisser la tension qui régnait, le gouvernement du Québec a mandaté le ministère des Régions pour constituer une table d'échange et d'information sur la négociation avec différents représentants et représentantes d'organismes du milieu. Depuis, deux ans et demi se sont écoulés et les rencontres d'échange et d'information au ministère des Régions avec les représentants et les représentantes des gouvernements du Québec et d'Ottawa n'ont pas répondu à nos préoccupations. Et justement, on se demandait: Si je n'avais pas divulgué ces informations que j'avais entendues par réseau TVA, on se demande si on serait ici aujourd'hui. Selon le porte-parole de l'ACPMO à la table d'échange et d'information qui m'accompagne, il a trouvé que les échanges ont tourné en rond. Tout semble décidé d'avance et figé dans le ciment. Pas de chair sur l'os.
En mai 2000 de la même année, l'assemblée générale annuelle de l'ACPMO rejetait le découpage du territoire Nitassinan dans l'Approche commune, puisque rien n'avait évolué sur la définition des droits ancestraux et les objets de négociations dans les limites du territoire. Pour nous, je dois vous dire que le Nitassinan, c'est un territoire pour les Blancs qui a toujours été un territoire libre, c'est-à-dire qu'on va à la chasse, on va à la pêche, on fait la cueillette des fruits sauvages. Et moi-même, étant native de la Côte-Nord, eh bien, ces fruits sauvages là m'ont permis justement de m'acheter des livres et des cahiers pour aller à l'école. Présentement, sur le territoire, les Innus bloquent les Blancs qui, par tradition, allaient pêcher les clams à la mer. Nous n'avons plus la liberté d'accéder à la mer en toute égalité.
Ouverture au changement. Notre Association est ouverte au changement, mais pas d'une façon unilatérale, sans respect de la démocratie locale, comme c'est le cas dans l'Approche commune et maintenant dans l'entente de principe de mai 2002. Plus de la moitié de la population Manicouagan sont des gens qui fréquentent la forêt nord-côtière en chasse et pêche, et des centaines de millions de dollars sont dépensés dans ce domaine. Dans la région Manicouagan seulement, on compte 3 000 camps de chasse et de pêche. Les fins de semaine, ne cherchez pas les gens, ils sont à leur camp. Chez nous, c'est une tradition qui a été transmise aussi par nos ancêtres, puisque la survie de nos ancêtres dépendait de la chasse, de la pêche, de la cueillette aussi des fruits. Parce que, moi, mon arrière-grand-père, quand il est arrivé sur la Côte-Nord, eh bien, on lui a donné des lots, et c'était le ministère de la Colonisation à ce moment-là qui offrait des lots pour défricher le sol.
Aujourd'hui, nous sommes en 2003, les activités de chasse, de pêche et de cueillette, c'est devenu pour nous une activité maintenant de loisir. Alors, nous allons acheter... vous savez tous comme moi que nous allons acheter le poisson maintenant chez IGA, chez Maxi, etc., et on y voit tous les jours aussi des Innus qui font la même chose que nous.
Normalement, une négociation ça se fait entre deux parties concernées. On fait des demandes, il y a des offres, il y a des compromis et puis, après ça, on finit par s'entendre.
Présentement, tel n'est pas le cas. Les objets identifiés relèvent de pratiques ? quand on parle de pratiques, de chasse, de pêche là ? supposément par les Blancs et les autochtones, mais développées uniquement par les Blancs durant les dernières décennies. On sait que beaucoup de Blancs se sont battus pour les rivières à saumon, pour la conservation des rivières à saumon. Ces objets font partie de l'intérieur du découpage du territoire identifié par le Nitassinan.
Où est la participation des Blancs dans cette négociation de ce même territoire? L'ACPMO croit que ce pourtour est exagéré. Il y a une portée juridique ? qu'on a posé la question d'ailleurs, qu'on n'a jamais obtenu de réponse ? qui aura des conséquences à tous égards, en plus de la chasse, de la pêche et du piégeage.
Les négociateurs se sont engagés à tout mettre en oeuvre pour que l'entente de principe réponde aux préoccupations fondamentales exprimées par le Conseil tribal Mamuitun. Ces mêmes négociateurs ont-ils pris les mêmes engagements vis-à-vis les Blancs pour trouver une solution mutuellement acceptable? Cette entente de principe ne respecte pas les bases d'une négociation équitable de l'offre et de la demande. Tout est à revoir, selon l'ACPMO. Alors, pourquoi les gouvernements en même temps ? je pose cette question ? ont-ils confié un mandat en blanc à des négociateurs non élus, non redevables vis-à-vis les populations, qu'elle soit blanche ou innue.
L'ACPMO est en faveur d'une négociation pour trouver, comme vous le dites, un terrain d'entente satisfaisant pour toutes les parties. A priori, l'entente négociée se fait entre les parties concernées sur un même territoire, je le répète. Il faut trouver des modalités pour que les Blancs et les Innus se retrouvent à la même table. Et, quand on regarde les sous que ces négociations ont coûté à venir jusqu'à date... En tout cas, je faisais un calcul très rapide et nous sommes rendus à environ à 70 millions pendant les 23 années. Et ça, il m'en manque là.
L'ACPMO est en faveur d'une négociation... Aussi, les peuples vivant dans un même territoire doivent être consultés et doivent se prononcer sur les objets de cette négociation pour favoriser la bonne entente. On ne fait pas ça là pendant 23 ans, sans que les personnes cheminent. Vous nous offrez le choix de rencontrer les groupes pour vous donner nos doléances. Quels seront les résultats de ces rencontres et allez-vous en assurer le suivi? Je m'adresse au gouvernement, aux deux gouvernements.
L'autonomie de chaque peuple est indissociable du territoire. Les gouvernements peuvent-ils changer unilatéralement l'histoire de quatre siècles qui nous sont communs? À qui faut-il penser dans cette négociation? Que faites-vous des enfants ou des jeunes de la future génération, d'un côté comme de l'autre, qui seront aux prises avec les décisions qui vont se prendre éventuellement? Est-ce que vous tenez compte de cette réalité? Est-ce que c'est l'héritage qu'on veut transmettre à notre génération future?
Vous venez de franchir la deuxième étape qui est l'entente de principe. Où sont les changements que l'ACPMO a demandés concernant le Nitassinan, la définition des droits ancestraux, y compris le titre «aborigène» que l'on retrouve dans l'entente de principe à l'article 3.3.1. Quand on regarde attentivement cet article, il y a des questions à se poser.
La gestion des lacs, des rivières, des parcs, des sites patrimoniaux de chasse et de pêche pour les fins de subsistance et commerciales, les coupes forestières, les redevances, un peu tout ce qui bouge, la gestion de l'air, de l'eau, la terre, la mer, etc., quelles en sont les modalités d'application?
L'arrivée d'un troisième gouvernement? La partition du Québec? Quelle est la portée juridique de toute cette entente de principe dont on n'a jamais reçu de réponse.
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(16 heures)
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De plus, au chapitre 17, il est question des modifications d'un réexamen du traité sur certains chapitres. Ici, je dois vous dire que, nous autres, on est rendu à l'entente de principe là. Le traité, on n'est pas encore rendu là. Et justement, dans l'entente de principe, au préambule, à un moment donné, on a le préambule de l'entente de principe et, un petit peu plus loin, on a le préambule du traité. Là, on est comme en train de travailler l'entente de principe puis le traité en même temps. Et, en plus, dans les recommandations de M. Chevrette, le mandataire, dans son rapport, il parle aussi de 19 ententes complémentaires. On dirait que c'est tout à l'avance là, c'est tout prêt à l'avance là, ça fait assez bizarre, pour nous en tout cas, parce que nous n'en sommes pas là.
Se peut-il que ce contrat restera ouvert ad vitam aeternam? Quand on lit attentivement l'entente de principe, eh bien, vous savez, on n'en finira jamais. Il y a toujours lieu d'ouvrir puis de continuer devant les tribunaux. Qu'allez-vous faire si les 11 nations sont absentes de cette entente et réclament chacune leur Nitassinan? Allez-vous recommencer les négociations? L'ACPMO veut travailler comme partenaire d'égal à égal. Alors, c'est sûr que, quand on regarde l'article 3 ? on y reviendra peut-être tout à l'heure, là ? quand on parle des droits ancestraux, quand on parle du titre aborigène, ce n'est pas si clair que ça, ni dans l'arrêt Delgamuukw et ni non plus à la Cour suprême du Canada. On nous demande de négocier, mais pas de tout donner.
Voici les recommandations que l'ACPMO, l'Association des chasseurs et pêcheurs de Manic-Outardes exige. Et là je dois vous dire que notre dossier a aussi évolué parce que, quand on vous a expédié... si vous remarquez, c'était au mois de novembre, on vous a expédié ce mémoire, eh bien, nous avons fait des rencontres aussi, les gens du milieu. Alors, nous avons rencontré les présidences d'une trentaine d'organismes qui utilisent justement la forêt, dont le Conseil régional de la FTQ avec ses 25 unités, qui a déjà 2 800 membres. Nous avons les VTT, les motoneigistes. Alors, présentement, nous avons un appui d'environ 4 000 membres.
Alors, l'ACPMO exige que les objets de négociation et les modalités Innu Assi et Nitassinan soient clairement définis, revus et corrigés dans l'Approche commune et dans l'entente de principe afin de trouver une solution mutuellement acceptable, car le Nitassinan, tel que présenté, ne peut être accepté.
L'ACPMO exige que le gouvernement du Québec doit prendre expressément toutes les dispositions nécessaires pour faire connaître les modalités de cette négociation à la population non autochtone. On ne peut pas ignorer 98 % des gens qui sont non autochtones, qu'ils ne soient pas au courant de ce qui se passe dans leur vie, dont la qualité de vie aussi va en dépendre.
L'ACPMO exige, au même titre que les Innus, l'approbation de la population non autochtone concernée par l'entente de principe et l'entente finale.
L'ACPMO recommande de former un comité composé de quatre personnes qui seront à la table de négociations pour transmettre des propositions pratiques, concrètes et objectives favorisant une entente harmonisée avec les autochtones et s'assurer que le gouvernement du Québec tienne compte des règles conventionnelles de négociation.
L'ACPMO demande au gouvernement du Québec le financement nécessaire, à tout le moins, soit par le biais du ministère des Régions et de la municipalité régionale de comté de Manicouagan, des frais de déplacement, de séjour et de travaux du professionnel ou de la professionnelle.
Et aussi, on avait quelques questions. Parmi ces questions, je dois vous dire que, en lisant le rapport du mandataire, on a eu quand même des bribes de réponse. Mais est-ce que ça veut dire que la commission parlementaire va accepter ces recommandations-là?
Est-ce que les Innus recevraient 3 % de tous les projets? Est-ce que le 3 % sur les ressources naturelles s'applique à toutes les ressources de la terre et de la mer à l'intérieur du Nitassinan? Tout projet, quel qu'il soit, qu'il soit fait en bénévolat ou à but lucratif par un organisme quelconque, exemple les moules, etc., est-ce qu'il aura un prélèvement de 3 %, et même la cueillette? Avons-nous la garantie que les permis, les baux de villégiature ne seront pas augmentés du fait que l'on prélève 3 % sur les permis?
Pourquoi le Nitassinan? Est-ce que le découpage devient la reconnaissance des droits ancestraux et l'obligation de payer toute redevance à l'égard de tout développement des ressources terrestres et marines en deuxième et troisième transformation?
En regard de la libre circulation, toutes règles se doivent d'être établies, notamment au niveau de la chasse au gros gibier.
Avez-vous tenu compte de l'impact des retombées économiques pour nos entreprises et commerces régionaux?
Peut-il y avoir deux réglementations différentes pendant les périodes de chasse? Ça, c'est une question fondamentale. Imaginez que l'on permette de chasser une semaine ou deux avant l'ouverture pour les Blancs. Aujourd'hui, ça ne pose pas de problème, mais demain? Le fait de reconnaître des droits supplémentaires par le Nitassinan créera, à notre avis, une impulsion qui pourrait changer les comportements. L'application pourrait être différente pour la chasse de d'autres espèces et également de la pêche.
Peut-on penser de rendre les principales rivières du littoral en sites patrimoniaux? Soustraire les principales rivières du littoral pour les rendre sites patrimoniaux et donner l'exclusivité aux Innus de la gestion constituent un affront à la communauté blanche qui a investi des énergies et de l'argent pour la protection de la régénération. Si l'on décrète les rivières patrimoniales, nous devons établir des règles importantes de gestion ou bien déterminer des choix conjoints.
Les droits de passage des motoneiges et des quatre-roues seront-ils taxés? Ne pourrait-on pas prévoir immédiatement les tracés et les exclure d'une revendication dans le traité? Présentement, il n'y a rien de signé, et pourtant nous avons des motoneigistes qui se sont déjà fait arrêter en passant sur le territoire Innu Assi.
Les réserves à castors seront-elles maintenues? Les droits d'accès, les loisirs, la chasse, la pêche sportive, le prélèvement des myes seront-ils maintenus sur tout le littoral?
L'eau potable. Est-ce que l'on a prévu dans l'entente de principe les biens fonciers, particulièrement les rivières? Est-ce que l'eau potable des rivières sur le Innu Assi et des rivières dites patrimoniales sur le Nitassinan deviendrait la propriété des Innus?
Est-ce que la nouvelle annonce faite par le premier ministre sur le harnachement des petites rivières s'applique également aux Innus?
Les Innus font présentement un travail d'identification de tous les sites antérieurs que quelques anciens ont fréquentés sur le territoire, c'est-à-dire... nous autres, on appelle ça des trails là, ces petits chemins qu'on a faits, les abris, les anciens campements, les cimetières et toutes les aires occupées dans le passé. Est-ce que la désignation d'un portage va le rendre inutilisable à l'avenir? Est-ce que les Blancs pourront interdire à quiconque de passer dans les portages coloniaux? On nous révèle, par la bouche de M. St-Onge, que déjà 300 sites anciens ont été répertoriés et que ça continue.
Est-ce que les populations pourront continuer librement, sans payer quoi que ce soit, de cueillir les fruits sauvages partout en forêt? Est-ce que les Innus pourront exiger des quotas sur les fruits sauvages? Quand on la lit, en tout cas, l'entente de principe, là... Est-ce que les redevances s'appliqueront aux productions agricoles et artisanales?
Est-ce que les autochtones auront besoin d'un permis de construction sur le Nitassinan pour les camps de villégiature, au même titre que les Blancs?
Est-ce que les redevances s'appliqueront sur toutes les ressources marines première, deuxième et troisième transformation?
Alors voilà ce que l'ACPMO pense et questionne dans ce mémoire.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Hickey, pour votre présentation. Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez beaucoup de questions. J'espère que vous trouverez éventuellement beaucoup de réponses. M. le ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Mme Hickey, au nom de l'Association des chasseurs et pêcheurs de Manic-Outardes, bienvenue, avec aussi les gens qui vous accompagnent, M. Lavoie et M. Lessard qui est arrivé... M. Lessard qui est avec vous. Merci de cette présentation. Je suis heureux de vous retrouver aussi. Nous partageâmes d'autres voies, autour de 1995, qui étaient aussi agréables, et je vois que... Vous êtes enseignante, je pense, de carrière, hein?
Mme Hickey (Anne-Marie): Je suis enseignante...
M. Trudel: Vous n'avez rien perdu de votre vivacité d'esprit et de votre... d'une curiosité qui, le moins que l'on puisse dire, touche des objets très concrets.
Mme Hickey, que signifie dans le concret, même si on s'en doute un petit peu par le ton du mémoire, quand vous nous dites: Tout est à revoir? Est-ce qu'on fait comme à l'école: on efface le tableau puis on recommence? C'est important là, ce n'est pas juste une coquille là, tout est à revoir, parce que nous sommes... c'est des relations de nation à nation. Nous avons la responsabilité, vous et moi, et les membres de l'Assemblée nationale, de donner suite aux décisions des tribunaux et de faire en sorte qu'on trouve les façons d'occuper harmonieusement notre territoire québécois. Et que veut dire pour l'Association chasse et pêche de Baie-Comeau: Tout est à revoir?
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(16 h 10)
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Mme Hickey (Anne-Marie): Je vais passer la parole à M. Lessard.
M. Lessard (Gaston): Bonjour, madame, messieurs, M. le ministre. Comme vous le savez peut-être, depuis 14 ans, je suis attentivement le dossier de négociation avec les autochtones. En 1991, nous avons eu un gouvernement qui est venu nous consulter, le Parti libéral. En 1994, le Parti québécois est venu devant la population, et puis je pense qu'il en est sorti vivant. C'était M. David Cliche. Et aujourd'hui, après une commission régionale justement de 1995 où toutes les populations nord-côtières furent consultées et le rapport fut consigné au gouvernement, où on disait clairement comment pouvait s'opérationnaliser justement cette harmonisation sur le territoire, on l'a laissé de côté.
En 1996, et je dois m'identifier comme étant un péquiste, en 1996, j'ai piloté moi-même les résolutions, avec plusieurs comtés, la Côte-Nord au complet, où on a promu l'autonomie gouvernementale avec les autochtones, tout ce que vous retrouvez un peu dans l'entente de principe, sauf une chose qui a été négligée fortement, c'était que tout ce beau tralala-là devait se faire en consultation avec les populations locales, régionales et décidé avec elles. Et c'est justement dans cet esprit-là qu'on vient aujourd'hui vous dire... de tout revoir, ça veut dire tout simplement revoir votre façon de travailler, c'est-à-dire qu'on n'est pas contre les revendications territoriales, mais la façon d'y parvenir, ça, c'est une autre histoire. Et, quand on dit «revoir», eh bien, quand on regarde l'entente de principe, il y a des choses qui pourraient être ajustées, il y a des choses qui sont floues. Il y a à peu près une vingtaine d'années dans les négociations, on sait fort bien, et j'ai une petite expérience là-dedans, que, lorsqu'on émet une entente de principe, on la signe et on respecte notre parole. Et cette entente de principe là, eh bien, elle est très congruente avec les résultats et les modalités que l'on retrouve dans le traité.
Alors là on nous projette l'obligation et l'imposition de nous voir simplement discuter au niveau du traité. J'ai rencontré M. Chevrette. Je le connais depuis 42 ans, ça vous donne une petite idée que je connais sa façon de travailler. Alors, on a eu des vives discussions, et je pense que, dans son rapport final, il y a beaucoup de nos recommandations qui furent incluses à l'intérieur de son document. Ça, on le remercie là-dessus, mais ça ne veut pas dire que c'est accepté encore. Cependant, au niveau de l'entente de principe, j'ai toujours dit et je le répète: on est capable d'aller vendre la marchandise en autant qu'il y ait une possibilité de changement au niveau des attitudes.
Moi, j'ai travaillé au ministère de l'Éducation pendant une vingtaine d'années et j'ai créé des tables de concertation, et il y avait des Innus sur cette table-là, et c'est moi-même qui les avais invités. Je n'ai jamais eu d'écueil avec qui que ce soit. Et dans la région de Manicouagan, au niveau de la chasse et pêche, pendant 25 ans, je peux vous dire que les plaintes concernant les accrocs avec les Innus étaient très peu existantes. Même, j'en connais très peu de ce côté-là. Depuis deux ans, par exemple, là, ça sonne, les téléphones sonnent, parce qu'on a des espèces d'attitudes qui font en sorte que ça devient de l'arrogance, des ci puis des ça, puis: Quand on va avoir signé, je vais prendre ta place. Alors, présentement, on demande des permis d'occupation, de baux en face d'un autre, etc. Ça, c'est de la provocation. Et, devant cette provocation-là, ça veut dire que, quand on arrive à reconnaître un Nitassinan, pour moi, après tout le passage de tous les jugements de cour... je m'aperçois que ça a une ampleur incommensurable.
Les droits, quels sont ces droits-là? Je voudrais même qu'on en cite un. On reconnaît les droits traditionnels de chasse et pêche, et j'aimerais qu'ils chassent et j'aimerais qu'ils pêchent autant que les Blancs. Parce que, jusqu'à date, les réserves à castors, c'est débordé. On n'en voit pas, d'autochtones, dans notre territoire. Ce n'est pas compliqué, on n'en voit pas. Et je serais menteur de vous dire qu'il y a beaucoup d'autochtones qui chassent dans notre territoire, à moins que... Il y a déjà un autochtone qui m'a dit... il pêchait avec moi, puis je lui ai dit: Pourquoi tu ne viens pas pêcher souvent? Ah! il dit, c'est pollué de Blancs. Alors, c'est sûr et certain qu'il s'est développé depuis une dizaine d'années, grâce aux compagnies forestières, une multitude de chemins, ce qui a fait en sorte que le territoire de la région Manicouagan a été occupé passablement par des baux de villégiature. Je relevais les 7 000 quatre-roues, les 5, 6 000 skidoos; 80 % de nos commerces vivent de façon indirecte avec des retombées économiques de la faune. J'ai créé une maison de la faune régionale pour essayer de faire la relève et je voudrais voir également les Innus faire la même chose, parce qu'on remarque que nos jeunes, au niveau de la population, eh bien, il n'y a plus de relève de chasse et pêche, ça diminue constamment. Quand on dit qu'il y a 35 % des Innus de moins de 15 ans, bien, ils sont dans la même attitude que les nôtres; ils sont dans le «rave», ils sont dans la danse, ils sont dans la modernité.
Alors, ce que je veux vous transmettre ici, pour harmoniser les relations... On vit en 2003. Quelqu'un qui me dirait: Il faut revenir aux temps immémoriaux, bien là, je pense qu'on recule un peu trop loin, 5, 6 000 ans en arrière, parce que j'ai comme l'impression que ceux qui sont devant moi, ce n'est pas les mêmes genres d'autochtones qu'il y a 7, 8 000 ans. Alors, il y en a parmi eux qui ont le même nombre que moi. Alors, il faudrait quand même s'ajuster à la modernité d'aujourd'hui. Les Innus ont des quatre-roues, ils ont des skidoos, ils ont des fusils de chasse, ils on ci, ils ont ça. Alors, revenir en arrière constamment pour réclamer des droits partout...
Moi, j'aurais une proposition à vous faire qui n'est pas à l'intérieur de ça, mais qui pourrait concilier rapidement une négociation et s'engager même à aller la projeter dans le public et l'expliquer, parce qu'on l'a passée de fond en comble et ça fait des années qu'on suit ça. Si, en dehors de l'Innu Assi, il pouvait y avoir une harmonisation des mêmes règles de chasse et de pêche, des mêmes devoirs et obligations, on pourrait harmoniser au niveau financier, au niveau taxes, au niveau impôt. Et, lorsqu'on dit, par exemple, qu'on veut sortir les Innus de leurs réserves, j'ai comme l'impression qu'en reconnaissant une multitude de droits non définis on tente encore de les conserver à l'intérieur d'une réserve qui s'appellera Innu Assi agrandie.
Si la proportion dans les rapports de développement économique était faite de sorte... avec un quantum ou encore ? appelez ça comme vous voudrez ? une règle attribuée à tout développement économique, comme on l'a fait à la Toulnustouc ? on a siégé, il y avait les autochtones, et on s'est entendus très bien pour les retombées économiques qui ont été partagées entre les Innus et les Blancs ? pourquoi ne pourrions-nous pas le faire au niveau de tous les contrats qu'il pourrait y avoir sur les territoires par une règle de péréquation où l'obligation serait créée de donner aux Innus des contrats pour qu'ils puissent engager les leurs en autant qu'on puisse développer une formation adéquate pour ces gens-là? Parce que, après 35 ans de mis dans l'éducation, je m'aperçois que la règle de l'art... quand on dit à nos enfants: Va à l'école, va à l'école, va à l'école, va à l'école, ça, la base, ça part du début de la famille, ça se transmet par la formation. On ne devient pas grutier international demain matin en se disant: Je vais prendre la crinque puis je vais faire ci, je vais faire ça. Il faut absolument qu'il y ait une énergie de mise en place pour faire en sorte que, pour sortir du guêpier, il puisse y avoir une formation et une employabilité qui est transmise, pas dans 25 ans là... si vous attendez 25 ans que toute l'industrie soit développée par les Innus eux-mêmes, ils risquent, ces mêmes enfants là, de demeurer dans la même situation qu'ils sont présentement.
Alors, ma réponse est très longue, mais tout ça pour vous dire qu'on est prêt à revoir l'entente de principe, pas dans sa totalité, il y a des choses de très bonnes ? ça, on ne peut pas mentir là-dessus... On reconnaît qu'ils ont des revendications, mais il y a des choses qu'on doit préciser, particulièrement le droit aborigène. Je ne sais pas s'il y en a qui savent ce que ça veut dire, là. Il n'y en a pas beaucoup qui sont capables de donner la définition. La seule qu'on connaît, ça veut dire: Un droit d'aller partout, sur toutes les terres: privées, ancestrales, de n'importe quel Blanc, d'y chasser, d'y pêcher, puis de couper du bois, de se tenter tant qu'il voudra, pour sa subsistance, et même sur ta pelouse en avant de la maison. Alors, c'est ça que ça veut dire, la définition d'un droit aborigène.
Alors, rendu là, je pense qu'on est rendu dans la modernité et je pense que, si on s'appuie toujours sur une communion de droits, on n'arrivera jamais à favoriser une harmonieuse entente avec les Innus; même si on l'impose, ça va rester sur papier. On va donner d'argent davantage, puis la situation, d'après moi, ne sera pas terriblement améliorée.
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(16 h 20)
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Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Trudel: Oui, votre réponse était longue, mais elle est éclairante. Non, elle est éclairante, ça nous aide beaucoup.
M. Lessard (Gaston): Je pourrais vous en faire une autre. Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ça nous aide beaucoup parce que vous avez 14 ans d'expérience, Mme Hickey aussi, et votre compatriote qui est avec vous aujourd'hui. Et constamment, vous avez travaillé, vous êtes intervenus avec les personnes de la nation innue, alors c'est pourquoi on tient et l'exercice et l'écoute pour être capable d'y voir davantage clair. Parce que, à vous écouter, on se dit: Mais mon Dieu! qu'est-ce qui n'a pas fonctionné? Parce que ça me semble assez clair qu'on a le même objectif: établir des règles pour quelque chose, pour un élément qui est reconnu dans notre société par les tribunaux et qui s'exerce actuellement sans règles, qui s'exerce sans règles actuellement. C'est ce que les tribunaux nous ont dit: Entendez-vous sur l'exercice des droits, et on n'a pas à reconnaître, puis l'exemple que vous donniez qui prend le pourtour un peu de caricature, mais qui est réel, qui est réel. C'est vrai que ça donne tout un choc lorsque l'on reçoit cette décision d'un tribunal supérieur. Puis, je dirais, on est habitué... on n'est pas habitué, mais on en a déjà eu des chocs comme cela, nous, les Québécois, en pareille matière. La même chose au niveau de cette suggestion porteuse d'avenir que vous faites de partager au niveau du développement pour que chacun ait davantage de capacités de se réaliser. Dans la proposition de principe, ça s'appelle la participation réelle ? ça s'appelle la participation réelle ? qui va impliquer qu'à chaque fois on va se consulter au niveau du développement.
Revenons, si vous voulez, sur un autre aspect, celui des redevances ? Mme Hickey en a parlé dans l'intervention ? sur ce au moins 3 % au niveau des redevances. Est-ce qu'il vous a été donné de saisir l'information que ça ne va concerner que l'actuel régime de redevances sans modification sur les ressources minières, les ressources hydrauliques et les ressources forestières? De mémoire là, de mémoire, actuellement, le régime des redevances au Québec, c'est 300 ou 480 millions? 380.
Une voix: 200 millions.
M. Trudel: Non, plus que ça. 300 plus 180, c'est 380 millions, et c'est uniquement de cela. Ce n'est pas une redevance sur la mise en valeur des ressources par une entreprise ou par une organisation en Côte-Nord. Mais ce que vous nous soulevez par ailleurs, c'est que vous avez peur, vous avez crainte que ce soit autre chose que cela?
M. Lessard (Gaston): J'ai dit que... Peur, j'en suis certain parce que, même après avoir enregistré les trois juristes et écouté le constitutionnaliste, il n'est pas indiqué à nulle part, et je vous mets au défi de le trouver, que c'était uniquement ces items-là qui sont mentionnés dans l'entente de principe. C'est tout simplement que, quand vous reconnaissez le Nitassinan, vous reconnaissez un ensemble de droits non définis, et ces droits-là... Comme je vous disais tout à l'heure, une entente de principe, ça commande ce qu'il va y avoir au bout. Moi, arriver avec le traité déjà, comme le rapport de M. Chevrette, sans préalablement être d'accord sur l'entente de principe, c'est mettre la charrue devant les boeufs. On sait bien qu'en négociation les objets de négociation, il faut les définir au moins entre deux parties. Alors, quand vous arrivez sur un territoire: Moi, je veux ça, je veux ça, je veux ça, je veux ça, puis, après ça, tu dis: Tout simplement, acceptez ça... Ça ne marche pas de même. Alors, quand on me parlait des rivières ? j'écoutais tantôt ? toutes les rivières ? ça a été lancé de même... Les sites patrimoniaux, que ce soit cimetière, il n'y a pas d'objection, mais, quand tu arrives le long des rivières de même là, qui va avoir la gestion, de quelle façon on a déterminé ça, qui a dit que cette rivière-là allait appartenir à qui, etc., personne n'était là pour le définir. C'est ça, la grosse question. Moi, je pense que la négociation, elle a des petites buttes de temps en temps, là, tu sais. On a fait ça de façon unilatérale, puis on nous l'impose, puis on dit: On ne veut pas que vous touchiez au Nitassinan. Pendant deux ans et demi, à la table d'échange d'informations, à la première journée du mois d'avril 2000... Est-ce que vous allez enlever le Nitassinan dans les rivières qui passent à l'intérieur des villes? Non, c'est un droit. Alors, quand on marche de même en négociation, on ne va pas loin. Alors, c'est pour ça que... aucune modification, c'est du mur-à-mur. Alors, si c'est du mur-à-mur, on va se retirer de là puis on va faire ce qu'on à faire. C'est aussi simple que ça. Alors, c'est pour ça que, dans cet esprit-là, on ne peut rien apporter de changements de tout ce qui s'est dit dans l'entente de principe puis dans l'Approche commune. Je ne vois pas comment, M. Trudel, un gouvernement pourrait dire: Bien, on a fait une belle entente, puis tout le monde a été consulté, puis là vous allez vous harmoniser, puis il n'y aura pas d'accrocs éventuellement entre les deux peuples. C'est bien difficile à avaler. Mais donnez-nous des résultats concrets, puis on est capables d'aller vendre la marchandise aussi puis être capables... Je n'ai pas peur d'aller vendre la marchandise puis d'arriver avec un résultat positif, s'il doit être fait de façon correcte et exacte. Alors, voici les résultats, puis on peut aller vendre ça devant 500 personnes, puis je n'ai aucun problème avec ça. Mais le fait de passer outre puis de dire: On signe ça, puis vous vous arrangerez avec vos troubles éventuellement... Ils auraient souhaité rencontrer les Innus sur le territoire, puis vous auriez eu votre batterie d'avocats, puis les Blancs auraient eu leur batterie d'avocats, puis ils se seraient entendus, ils se seraient parlé pendant deux ans, trois ans, quatre ans. Ce n'est pas ça qui se passe. Depuis 23 ans... si, en 23 ans, on n'a pas réussi à en arriver avec des résultats, c'est parce que, justement, il y a une façon de travailler qui a été très mal élaborée au départ, parce que, après 23 ans, ça devient... Puis là on voudrait signer ça vite, vite, vite, là, en quelques mois, puis il faut faire ça, puis ils nous dépêchent: Dépêchez-vous de préparer votre mémoire, c'est le 10 janvier. On a des consultations à faire, on a une démocratisation à exercer, puis on a également pas de recours financier. Quand on a demandé des juristes au gouvernement du Québec, il a dit: On en a, puis ça ne vous regarde pas. Alors, qu'est-ce que vous voulez avec ça? On retourne, nous autres, puis qu'est-ce qu'on dit à notre monde? Ils ne veulent pas nous voir là. C'est aussi simple que ça.
Mme Hickey (Anne-Marie): Moi, je voudrais juste ajouter ceci, parce que le premier commentaire que vous avez dit tout à l'heure ne semble pas tout à fait... En tout cas, vous n'avez peut-être pas compris les exemples que j'ai apportés concernant la chasse et la pêche. Par exemple, quand on arrête les Blancs officiellement alors qu'on n'a rien de signé... On dit: Bien là, écoute, les myes, c'est à nous autres, là... Bien là, il y a un problème là, parce que, quand on regarde les jugements, la Colombie-Britannique ? je ne parle pas de jugements de la Cour suprême ? quand on parle de droits ancestraux, quand on parle justement du titre aborigène... si on reconnaît ça, nous autres, là, dans l'entente, tel quel ? on dit: «Reconnaissance des droits ancestraux et certitude» ? ça, c'est une entente de principe. Si j'accepte ça, écoutez bien... si je regarde, si ça n'a pas été défini clairement, si on prend cette définition-là, on dit: «Ce titre est défini comme un droit foncier collectif qui confère un droit d'utilisation et d'occupation exclusif du territoire», il me semble que c'est clair, ça. Moi, là, si c'est exclusif chez moi, c'est bien de valeur, je suis chez moi, ôtez-vous de là, tu sais, si je veux les envoyer, ces gens-là qui n'ont pas d'affaire. Bien, c'est ça, là. Moi, ces définitions-là, si vous n'êtes pas capables de les définir dans l'entente de principe, attendez-vous pas qu'on est avec vous autres, là; ça, là, pensez-y pas. Si on n'est pas capable de définir c'est quoi, des droits ancestraux, c'est quoi qu'on entend par titre aborigène, bien là... En tout cas, il y a un problème là.
Le Président (M. Lachance): Désolé, mais le temps du côté ministériel est épuisé.
M. Trudel: Ah! c'était tellement intéressant.
Le Président (M. Lachance): Alors, ça va se poursuivre, j'imagine, du côté de l'opposition.
M. Trudel: Ça va se poursuivre. Merci, merci, merci, merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue à l'Association des chasseurs et pêcheurs de Manic-Outardes. Peut-être ma première question: Quand vous n'êtes pas en commission parlementaire à Québec, c'est quoi, les activités de l'Association? Vous avez parlé de 4 000 membres. Mais juste pour nous donner une idée de vos activités, vos responsabilités quand vous n'avez pas les pèlerinages à faire, de venir ici, à Québec.
M. Lessard (Gaston): Monsieur, les activités de chasse et pêche dans la région Manicouagan, c'est tout un challenge. Alors, on vous l'a dit tout à l'heure, les gens travaillent dans des industries, puis la généralité de ces gens-là, au lieu d'aller à la salle de spectacles, ils filent dans le bois. Alors, les activités, bien entendu, c'est beaucoup de camp, c'est beaucoup de quatre-roues, c'est beaucoup de skidoo, c'est beaucoup de pêche l'été, particulièrement la chasse à l'orignal, où on a des activités, des journées de la chasseuse et du chasseur. Également, on participe à la Journée de la fête de la pêche, etc.
Et maintenant, cette même Association a été le promoteur de la création de la Maison de la faune de la Côte-Nord. Dans cette activité-là, on a créé une maison de la faune, on est rendu à près de 850 000 $. Je travaille comme bénévole à plein temps depuis quatre ans là-dedans pour tenter de faire de la relève au niveau des jeunes. Alors donc, il y a trois principes qui guident ça: la promotion de la faune; la relève, c'est-à-dire l'éducation et la formation; et puis le développement économique par le prélèvement de cette faune-là. Et dans la Maison de la faune, eh bien, on y retrouve, sous forme interactive, toute la faune nord-côtière, et aussi on y introduit sous forme informatique, sous forme multimédia et aussi des jeux pour enfants, afin de les rapprocher davantage de la faune. Et présentement, je suis sur un autre projet où je mets en relation la faune avec la forêt boréale.
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(16 h 30)
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Alors, l'Association siège depuis une douzaine d'années. Je pense qu'on est les instigateurs de ça, de toutes les tables sectorielles: CRD, Table forêt, Abitibi, Kruger, etc. Et comme je disais tout à l'heure, ça nous a pris peut-être 15 ans à travailler en partenariat; maintenant, lorsqu'on siège dans ces tables-là, eh bien, on développe un sentiment qui est unique d'intervention, de sorte qu'on tient compte de ceux qui sont dans les mines, on tient compte de l'environnement, on tient compte des habitats fauniques, on tient compte des forestières. Et c'est pour ça que revenir avec des tables sectorielles cloisonnées, comme on a connu dans les négociations de 1991 à 1994, fait en sorte que ça divise le monde encore, parce qu'on a tellement eu de misère à les rassembler que là on veut travailler justement dans cet esprit-là, c'est-à-dire la réunification des forces, pour faire un développement... Et j'ai oublié aussi la MRC, bien entendu, et le schéma d'aménagement. On est peut-être une vingtaine autour de ça. Et tout ça dans l'esprit de voir, par exemple, qu'il doit se couper du bois, il doit y avoir la protection des habitats fauniques puis on doit intervenir et porter des jugements sur la faune qui subit le plus de stress par rapport aux genres de coupes.
Donc, jusqu'à présent, l'écoute est très forte, de la part des forestières. Je vous dirais même que l'Abitibi vient de devenir le parrain de la Maison de la faune de la Côte-Nord. C'est très important. Et l'autre jour, je parlais justement avec ces gens-là pour qu'ils puissent engager des gens ou investir de l'argent pour qu'il puisse y avoir des personnes indépendantes pour porter des jugements indépendants par rapport aux coupes forestières. Je disais dans un discours, dernièrement: Si vous ne voulez pas avoir une Erreur boréale 2, vous êtes mieux de vous rapprocher justement des gens et définir de façon claire et précise les opérations forestières en regard de l'environnement, en regard de la faune et non pas attendre cinq ans au plan quinquennal pour déposer vos plans où personne ne comprend rien de ça.
Et c'est un peu ce qu'on ressent, présentement, dans la population. Parce que même tous les organismes qui vont se présenter devant vous ne représentent même pas 10 % de la population nord-côtière. Alors, vous avez un 90 %, là, qui sont à la maison, qui portent des jugements sans avoir d'information vulgarisée, que ce soit dans un domaine de l'industrie ou dans le domaine des négociations territoriales. C'est pour ça qu'il nous fait absolument, absolument se rapprocher des populations, parce que c'est eux autres qui peuvent intervenir et nous dire: Bien, écoutez, le gouvernement, c'est ci puis c'est ça. Alors, on est capable de contrer lorsqu'on a la bonne information puis on a été consulté à bon escient.
M. Kelley: Je vous remercie beaucoup. Et je pense que c'est un rappel important de la jonction de plusieurs domaines, parce qu'on a parlé des tables sectorielles, mais c'est difficile de parler de la chasse et de la pêche sans parler de l'environnement, c'est difficile de parler de la chasse et de la pêche sans parler des forêts. Alors, il y a ces liens qui sont également importants. Alors, de travailler en silo, de juste regarder chasse et pêche en exclusion de tous ces autres facteurs, ce n'est pas la meilleure façon de procéder. Mais vous n'êtes pas les premiers témoins à souligner ça, mais je pense c'est important que... Il y a des limites à l'approche sectorielle, parce qu'on parle d'un atout, on parle d'une gestion de territoire et les pratiques, les coutumes variables qu'on peut trouver à l'intérieur du territoire.
Le statut des questions que vous avez ? et j'ai trouvé ça génial d'avoir autant...
M. Lessard (Gaston): On en a beaucoup d'autres.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Kelley: Oui... Non, non, je pense c'est juste la pointe de l'iceberg, mais ça peut refléter vos discussions avec vos membres, les assemblées et tout le reste. C'est un échantillon au moins des questions principales qui ont été soulevées. Est-ce que vous avez eu des réponses?
M. Lessard (Gaston): On a eu des réponses, oui, parce que j'ai reçu le document vendredi soir, là, le rapport du mandataire; il y a beaucoup de réponses, présentement, par les recommandations, on a été surpris. D'abord, on pensait qu'il y avait seulement cette quiétude de notre part, mais je pense qu'en faisant le tour de toute la Côte-Nord, sans se parler, on peut retrouver quasiment les mêmes choses. Il y a beaucoup de choses, sauf qu'elles sont au niveau du traité. Et, justement, au niveau du traité, ces gens-là... il pourrait y avoir des comités conjoints autochtones-blancs qui pourraient faire du travail justement de définition au niveau du traité. Ça, c'est des choses possibles.
Il y a vraiment des moyens. Sauf que c'est au niveau des principes de départ, qu'il faut s'ajuster, parce que vous allez avoir une répulsion. Parce que, quand on fait de la chimie, on fait de l'équilibre, hein; alors il faut faire l'équilibre dans les réactions. Et à mon avis, les gens, je pense que, quand des populations demeurent dans l'ignorance, ça devient dangereux à un moment donné, parce que de plus en plus on dirait qu'il naît des préjugés qu'on ne connaissait pas, dans les 25 dernières années, suite à ces négociations-là.
Alors, c'est pour ça que le véhicule... Je pense qu'il aurait dû y avoir un bon réseau d'information, de communication dès le départ. Je pense qu'on aurait peut-être arrivé au même résultat, mais en suivant... On l'a dit tantôt, quand vous arrivez... une surprise de même... Je vous relaterais la «Paix des Braves», on a été surpris, aussi, dans la «Paix des Braves» là, tu sais? On ne sait pas qui a été consulté là-dedans là, tu sais?
Alors, quand des régions veulent partir des millions, puis des ci, puis des ça, bien, là tu as toute l'interrogation qui se passe, là: Nous autres, on crève, icitte, tatata, puis, là il y a le million là... Alors, ce sont les questions qu'on retrouve lorsqu'on côtoie les gens sur le terrain. Alors, moi, pour avoir parcouru la Côte-Nord pendant 35 ans, je peux vous parler de Blanc-Sablon aussi bien que de Baie-Comeau là. Alors, on peut voir réellement ce que pensent les gens vis-à-vis nos gouvernements.
M. Kelley: Et, je pense, de là découle l'importance d'avoir un mécanisme qu'on peut rapidement trouver les réponses à ces genres de question, plutôt que d'attendre. On a des questions qui sont très pointues, il y a d'autres questions d'ordre plus général. Et le CRD de Côte-Nord est arrivé ce matin, a lancé l'idée de soit un agent de liaison. Mais je pense qu'il faut un mécanisme que, si, à la suite d'une de vos rencontres, les membres sont inquiets sur la question des redevances ou un autre élément, qu'il y aura une mécanique très rapide, qu'on peut prendre un téléphone, on peut appeler quelqu'un qui dise: Hier soir, nous avons discuté de ça et on cherche un moyen très efficace d'avoir... au moins que les bons renseignements circulent. Si on aime les réponses ou non, ça, c'est une autre opération.
Et ça m'amène peut-être à ma troisième question: juste si vous pouvez m'expliquer davantage votre quatrième recommandation sur «un comité composé de quatre personnes qui seront à la table de négociation pour transmettre des propositions pratiques». Comment ça peut fonctionner? Est-ce que c'est une table...
M. Lessard (Gaston): Si on établit un bon réseau de communication, alors à partir du réseau, on recueille les attentes et les besoins, on peut les acheminer. On ne veut pas le négociateur, là tu sais, loin de là, d'ailleurs on n'aura pas le temps de faire ça... et pour qu'il tienne compte de la réalité du terrain. Comprenez-vous là? Si c'est altéré, changé, là, diffusé, comme j'ai connu déjà, là, ça arrive au bout, ça n'a plus la même signification, là. Il ne faut pas fonctionnariser l'information, là. Quand on parle, on dit: C'est un chien, c'est un chien; c'est un ours, c'est un ours. Alors, il faut que ce soit clair comme ça quand ça arrive là-bas.
Alors, ça ne veut pas dire que ça va passer comme du beurre dans le poêlon, mais au moins ça va être rendu, ça va être transmis de façon efficiente, efficace. C'est aussi simple que ça. Et plus tu vas associer de gens, moins la tension va être là. Parce que la tension, elle demeure, c'est l'expectative: on ne sait pas où on va là, tu sais? C'est parce que ça n'a pas été orchestré dès le départ, je le dis tout de suite. Le plan de communication, on est arrivé puis: une découverte d'une négociation, tu sais? Tu fais le saut. Alors, il se dit n'importe quoi.
Puis, deuxièmement, quand on nous dit par exemple, à la négociation: L'imposition de droits, puis de droits, puis de droits, puis de droits, bien là, là, on a vérifié les droits aussi, nous autres, là, tu sais, et on s'aperçoit que ce n'est pas si vrai que ça partout, là. Il y a des jugements que c'est vrai. Ils disent de négocier. Oui, négocier, oui, tu négocies Innu Assi, tu agrandis Innu Assi, mais ça ne veut pas dire que tu fais n'importe quoi, là, comprends-tu? Est-ce que tu dois négocier ça, ça? Il y a des limites aussi, là. Et puis, deuxièmement, il ne faut pas tomber aussi dans l'exagération. Autant ils n'avaient pas de droits, là on passe de l'autre côté puis on en donne qui nous semblent davantage par rapport à ce qu'ils avaient antérieurement. Je pense qu'il y a un juste milieu.
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(16 h 40)
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Puis il faut aussi prendre le temps de faire absorber tout ça, là, par les gens, là. Gérer tout ça par une communauté, si tu n'as jamais eu l'expertise là-dedans, bien, ça prend un certain temps. Comme je disais tantôt, nos jeunes sont dans la drogue, les blancs, les autres aussi, et c'est difficile de tout contrer ça du jour au lendemain en se disant: Bien, on va créer une industrie puis on va tout régler les problèmes des autochtones puis des blancs en même temps. Moi, je ne crois pas à ça, d'abord. Je crois plutôt à l'éducation de base, puis je crois à la formation principale. Parce que, sans formation, il est inutile de se lancer dans des marchés de toutes sortes, là, aveuglément.
Si c'est rien que de l'argent, bien, on va arrêter de discuter, là. Si c'est vraiment ressortir de la misère, prendre en charge, etc., je pense qu'il n'y a personne qui s'oppose à ça au départ. Mais la façon de procéder en disant: Ça, c'est un droit, puis ça c'est un ci, puis ça c'est un ça, là, j'ai comme l'impression que vous allez avoir une riposte puis assez raide.
M. Kelley: Juste en conclusion, avant de passer la parole à ma collègue. Je pense, les questions sont importantes et, comme député de l'opposition, je pouvais juste faire les suggestions, là. Mais peut-être quelqu'un peut prendre la peine de répondre à ces questions, quelqu'un dans votre cabinet, M. le ministre, M. Cardinal, qui n'a pas grand-chose à faire ces jours-ci, peut-être, permettre de donner une réponse, collé au bureau les fins de semaine ici, à Québec, ce ne serait pas mauvais. Mais je pense quand même c'est un exemple des genres de choses qu'il faut faire, parce que ce sont des questions qui sont légitimes, c'est le reflet d'un manque de renseignements. Alors, je pense... et de trouver une mécanique plus permanente, blague à part, que... des questions fort légitimes qui circulent. Parce que, quand il n'y a pas de réponse concrète, quand il n'y a pas de bons renseignements qui circulent, ça laisse les mauvaises interprétations ou les faussetés des autres choses prendre la place. Alors, je pense, on a tout intérêt de... ça, c'est un exemple des listes des questions qui étaient soulevées par les citoyens qui sont préoccupés par ces questions, mais de trouver un moyen qu'on peut fournir des réponses solides aux questions qui ont été soulevées par l'Association.
M. Lessard (Gaston): M. Lavoie, aussi... Je voulais vous présenter M. Lavoie, qui représente une étude qu'il fait pour l'Association, à travers les propos qu'il recueille un peu partout dans le milieu. Alors, il a été chargé par l'Association, alors il n'a pas le même langage que nous autres parce qu'il reçoit directement, de front, ce que les gens lui disent. Alors, je demanderais à M. Lavoie de... si ça ne vous dérange pas trop, là.
M. Lavoie (Jean-Guy): Mesdames, messieurs, M. le ministre. Moi, j'ai été mandaté par l'Association des chasseurs et pêcheurs pour former une table d'étude au niveau de M. Tout-le-monde, c'est-à-dire les gens qui sont plus ou moins informés. Je suis allé chercher des gens modérés pour ne pas avoir de propos extrémistes, pour essayer d'avoir une idée assez réaliste et objective. Nous, on en est venu à une conclusion, par contre, à un volet beaucoup plus général. C'est sûr que je ne commencerai pas à vous relire le comité d'étude, mais j'aimerais, si vous avez le temps, de relire ce qu'on a présenté à M. Chevrette: Comité d'étude ? Projet de négociation avec nations autochtones, ce qui va représenter probablement notre philosophie à nous.
On a présenté, bon, ce mémoire à M. Guy Chevrette. O.K. On est d'accord pour dire que le jugement Delgamuukw nous oblige à négocier. D'accord. Négocier, mais pas à n'importe quel prix. Ce que M. Lessard a dit tout à l'heure concernant des négociations, on ne peut négocier s'il manque des parties à la négociation. On va vous donner un exemple de recette de négociation. Si vous prenez trois hauts fonctionnaires, plus deux grands chefs cris, dont Ted Moses, plus consultation uniquement avec les Cris, plus six mois, ça donne 900 millions de dollars associés à un traité de 50 ans: la «Paix des Braves».
Ce n'est pas tellement à savoir si c'est bon ou ce n'est pas bon; ça, ce n'est pas un problème, l'avenir va nous le dire; c'est la façon dont cela s'est fait. La proposition de négociation actuelle qui s'en venait, si ça n'avait pas été découvert par hasard, c'était la deuxième «Paix des Braves» qui s'en venait. Je pense que, nous, on est des Québécois, je pense qu'on a le droit, en toute honnêteté... C'est nous qui a élu les gouvernements, c'est nous qui a travaillé, nos grands-pères, nos arrière-grands-pères, on a formé, on a travaillé le Québec: on n'est même pas consultés dans des négociations aussi importantes que ça.
On considère en plus, monsieur... Ah! Il est parti. Je ne sais pas son nom, le ministre qui était là tout à l'heure, le monsieur à côté de la madame.
Une voix: ...
M. Lavoie (Jean-Guy): O.K., c'est ça.
Une voix: Il n'est pas ministre.
M. Lavoie (Jean-Guy): On a parlé de levier, tout à l'heure. Nous, nous considérons que toute redevance, argent, levier, c'est égal à un compte de banque ouvert en perpétuité. Ça ne finit plus. Si vous lisez ça, nous, on favorise... Vous n'êtes pas tannés de négocier? Vous n'êtes pas tannés de vous asseoir, de faire barrer les routes, de discuter? Là, il y a une virgule, là; on la met-u là ou on la met là? Ça coûtera 20 millions s'il faut, mais on va la mettre là pour satisfaire tout le monde. Pourquoi pas s'asseoir pour arriver à une entente finale et globale concernant les peuples autochtones, Indiens ou aborigènes ? vous savez ce que je veux dire, les gens de qui on parle? Et globalement, si on commence à traiter Pierre d'une façon, si on commence à traiter Jacques d'une façon, vous êtes conscients que ça ne finit plus.
On parlait de Nitassinan. Nous, nous sommes complètement contre le Nitassinan. Nous sommes en train de faire... On a déjà deux régies ici, on a la régie fédérale et provinciale; là, on s'en va vers une régie autochtone. Ça ne marche pas, là. On ne peut pas parler d'unité, on ne peut pas parler de bonne entente, on ne peut pas parler d'égalité; on parle encore de division et de négociation. Moi et mon groupe, M. Tout-le-monde, M. Boîte-à-lunch, monsieur qui gagne entre 30 000 et 50 000 $ par année, qui sont les plus imposés, tout le monde le sait, on va en faire les frais, d'une façon ou d'une autre, on va encore en faire les frais et on va avoir encore... On parlait des confrontations entre les nations autochtones. Il n'y en a pas eu. Il y a eu des sièges. Un siège, c'est: on barre la route. On va y penser, c'est dommage, bon, il se dit bien des choses. Ce n'est pas des confrontations. Ça, c'est des sièges. Une confrontation, c'est quand on se tape dessus. Il ne faudrait pas en arriver à venir, à un moment donné, à des confrontations. Je vais essayer d'être bref...
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, M. Lavoie. C'est bien intéressant, mais M. le député de Saguenay avait demandé d'intervenir, et puis le temps s'écoule très rapidement, il reste à peine deux minutes.
M. Corriveau: Je vais vous donner mes deux minutes puis concluez là-dedans.
M. Lavoie (Jean-Guy): Ah, vous me les donnez?
M. Corriveau: Oui, oui. Bien...
M. Lavoie (Jean-Guy): Merci beaucoup. Ha, ha, ha!
M. Corriveau: ...j'aurais posé quelques questions ou des commentaires, là, mais je pense que c'est pertinent, ce que vous dites.
M. Lavoie (Jean-Guy): Bon. Je vous remercie. Parce que nous, ce qu'on préconise... La Loi des Indiens procure des irritants aux autochtones, actuellement. Est-ce que la loi du Québec procure des irritants aux autochtones? Je ne suis pas en mesure de vous le dire. En tout cas, je reconnais que je ne peux pas... Bon. Pourquoi nos amis les autochtones n'essayeraient pas de faire enlever les irritants qui les empêchent de devenir des personnes à part entière, d'égal à égal à n'importe quel Québécois, Canadien ou peu importe, d'égal à égal, et les lois québécoises, et, comme M. Gaston Lessard disait tout à l'heure, de les intégrer, de s'intégrer une fois pour toutes à ce qu'on vit aujourd'hui, en 2003?
On se sert de droits ancestraux pour venir prendre des applications en 2003. Vous le savez très bien, vous comme moi, que la subsistance au niveau chasse, pêche, cueillette, c'est passé de mode, ça. On va à la chasse, nous, pour le plaisir, le loisir, on ne va pas pour remplir un congélateur ni vendre du saumon, de l'orignal ou du caribou. On va là pour le plaisir; on injecte de l'argent dans l'économie. Puis je ne pense pas que les autochtones aujourd'hui sont encore... peuvent dire là: J'ai besoin d'aller... d'avoir du saumon, de l'orignal, etc. C'est une raison pour donner une application, en 2003, sur les redevances, sur les mines, les terres, les forêts, etc., que nous trouvons d'ailleurs... Si, nous, nous ne l'avons pas, je ne vois pas pourquoi d'autres l'auraient.
En terminant, nous, nous disons que, si vous avez l'intention de piloter un Boeing 747, ce n'est pas en essayant d'avoir une carte en dessous de la table ou en disant, là: Donnez-moi la qualification ? je parle en tant qu'autochtone, quelqu'un... ? donnez-moi la carte pour que j'aille piloter un Boeing 747. Vous savez très bien que, pour piloter un Boeing 747, vous devez avoir de la formation; vous devez aller à l'école, apprendre; vous allez acheter vos permis; vous allez avoir votre carte; vous allez avoir les qualifications; vous allez gagner un salaire; vous allez payer des impôts. Tout est beau. Nous autres, on vise à ce que ça devienne de même: d'égal à égal, pas de Nitassinan. Merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci beaucoup, Mme Hickey, M. Lavoie, M. Lessard, pour votre présentation ici, aujourd'hui... M. le ministre.
M. Trudel: Tantôt, on a indiqué que, oui, il faudrait se donner les réponses à toutes les questions. J'indique déjà qu'il y en a une trentaine de ces questions et les réponses qui sont sur Internet au site du Secrétariat aux affaires autochtones, avec l'adresse innue. Je vais vous le donner, le document. Il y a déjà une trentaine de questions pour lesquelles il y a des réponses, les plus communes que l'on entend. Et les autres, on va apporter des réponses pour vous les donner parce que c'est important de le faire.
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(16 h 50)
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M. Lessard (Gaston): J'en ai vu dans le rapport, là, dans les recommandations, des réponses. Mais, là, c'est au niveau des recommandations. Alors, il y en a plusieurs, là, il y a plusieurs réponses, qui vont satisfaire justement, ces questions-là. Mais, là, c'est au niveau des recommandations, ce sera justement à...
Mme Hickey (Anne-Marie): Juste une dernière. Ces questions qui sont sur Internet, est-ce que la commission parlementaire va les intégrer à l'entente de principe... ou des réponses, là? Je ne sais pas, là. Si vous dites qu'il y a beaucoup de réponses...
M. Trudel: Bien, elles sont déjà intégrées, là, c'est les réponses de ce que signifient les éléments dans le projet d'entente de principe. Parce qu'on a bien compris le processus, là: l'Approche commune fixait des éléments sur lesquels on devait négocier, comme disait M. Lessard tantôt; le projet d'entente de principe, c'est le rapport qu'on reçoit, gouvernement du Québec, gouvernement à Ottawa, les communautés innues. Et, là, maintenant, il nous faut procéder à l'étude: Est-ce que cela correspond aux principes de juin 2000 de l'Approche commune? Et, les réponses sur ce que ça signifie, il y en a un certain nombre, pas au complet, là, il y en a un certain nombre qui se trouvent là-dedans. Puis on va apporter les réponses, en particulier celles que vous avez soulevées dans votre mémoire, parce que c'est important de le faire. Mais, tout cela nous rappelle donc la nécessité de l'information vulgarisée à la population.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Alors, merci, madame, messieurs, pour votre participation.
Alors, j'invite les représentants du Regroupement des trappeurs de la Côte-Nord à se présenter à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, rebienvenue, Mme Deschênes. Tantôt, vous étiez secrétaire, là, maintenant, vous êtes présidente. Vous avez eu une promotion.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Deschênes (Marie-Lise): ...montée de grade.
Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha! Alors, écoutez, je pense que vous saviez que votre présentation doit être de 10 minutes;, maintenant, c'est 30 minutes au total, pour l'audition de votre regroupement, 10 minutes de présentation et 10 minutes de chaque coté pour les remarques avec les parlementaires. Alors, je vous cède la parole, madame.
Regroupement des trappeurs de la Côte-Nord
Mme Deschênes (Marie-Lise): Alors, bonjour, M. le Président. Bonjour, messieurs, bonjour, madame. Tout d'abord, nous voulons vous remercier de nous avoir permis de venir ici aujourd'hui afin de défendre notre mémoire. Nous voulons aussi vous remercier d'avoir pris le temps de le lire. Nous sommes conscients de la lourde tâche que tout ceci vous incombe.
Sans plus tarder, j'aimerais vous présenter Mme Pascale Martel, agent de développement, ainsi que moi-même, présidente du Regroupement des trappeurs de la Côte-Nord et piégeurs, chasseuses.
Sur l'historique de la Côte-Nord, nous retrouvons 10 % de la communauté montagnaise, 5 % anglophone et 85 % de francophones.
Le Regroupement des trappeurs Côte-Nord est un organisme à but non lucratif regroupant les trappeurs de la région 09, pour un territoire de 299 368 km². Notre organisme sert à promouvoir le bien-être des trappeurs et à les représenter auprès des instances gouvernementales, et le développement économique de l'industrie de la fourrure du Québec.
Depuis que les cours PGAF sont en cours, il y a eu 2 408 trappeurs qui ont suivi ces cours et 102 autochtones sur la Côte-Nord.
Nous avions comme mandat, pour les trappeurs nord-côtiers, de prendre connaissance et d'étudier l'entente de principe. Cette entente paraphée par les deux négociateurs des deux paliers de gouvernement ainsi que du négociateur innu est épineuse pour les Nord-Côtiers.
Nous comprenons que les Montagnais, appelés récemment Innus, ont des us et coutumes, en plus d'innombrables jugements, et dont jurisprudence leur reconnaît. Le piégeage chez les Nord-Côtiers est un art, est une coutume, transmis de père en fils, exactement comme les Montagnais. Il est un revenu d'appoint pour certains d'entre nous et un loisir pour d'autres. Quand nous nous retrouvons en forêt, c'est la liberté, c'est un droit que nous ne voulons pas perdre. Comme M. Bernard disait: Les autochtones ont des droits que les blancs n'ont pas. Alors, ces droits ancestraux de chasse, de pêche, de piégeage devront être dans l'entente bien définis et égaux aux Nord-Côtiers, et dans le respect, pour ne pas avoir deux poids, deux mesures.
La forêt occupe 198 930 km² sur la Côte-Nord. Nous retrouvons 405 territoires de piégeage qui représentent une superficie d'environ 30 000 km², soit 9 % de la Côte-Nord. Parmi ces territoires, 18 appartiennent exclusivement aux autochtones. De plus, il y a 30 000 km² de zone libre, répartis comme suit: 17 000 km² en Basse-Côte-Nord, 7 800 km² sur l'île d'Anticosti et 5 200 km² entre Tadoussac et Havre-Saint-Pierre.
En regardant le Nitassinan de chacun. De Nutashkuan, il est de 51 910 km². Le Nitassinan de Bersimis est un territoire de 137 829 km². Dans ce Nitassinan, nous retrouvons la réserve à castors de Bersimis, qui fait 82 685 km², et elle est exclusive à Bersimis, aux autochtones. Celui de Nutashkuan, où ils trappent sur la réserve du Saguenay, n'est pas exclusif aux autochtones. Le Nitassinan de Essipit s'étend de la moitié du Saguenay jusqu'à Saint-Fulgence et de la moitié de la rivière Portneuf jusqu'au lac Laflamme: un Nitassinan de 8 403 km². En plus, il possède six pourvoiries et demie à droit exclusif pour le trappage, 325 km², et ils ont le droit de 10 terrains de trappe en propre, de 500 km², et ils veulent un agrandissement des pourvoiries de 38,3 km², qui toucherait ainsi nos territoires de trappe des Nord-Côtiers. De plus, dans le cadre du Innu Assi d'Essipit, quatre terrains de piégeage à droit exclusif seront touchés. Dans ces Nitassinan, nous retrouvons les réserves fauniques de 6 423 km² et des pourvoiries. Enfin, il y a les aires protégées.
La Côte-Nord représente un territoire de 2 999 368 km². En ce qui a trait au piégeage, présentement, 40 040 km² est accessible à tous, zone libre, pourvoiries, etc., et 28 650 km² sont pour les blancs, c'est-à-dire les Nord-Côtiers, mais qui pourraient devenir, par le tirage au sort, aux autochtones. Enfin, 82 685 km² est réservé exclusivement aux autochtones, qui est la réserve de Bersimis. Avec ce traité, ces derniers auraient une priorité de prélèvement sur le Nitassinan de 198 182 km², qui englobe la majorité des terrains pour tous et les terrains des Nord-Côtiers, et garderaient quand même l'exclusivité des réserves à castors. En regardant la population, nous ne trouvons pas cela équitable. Nous sommes 102 357 personnes sur la Côte-Nord et eux, ils sont 8 350. Leurs demandes sont, d'après nous, un peu excessives.
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(17 heures)
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Nous pensons que, dans ces grands Nitassinan, afin que tous les Nord-Côtiers et les autochtones se sentent à l'aise, nous ne devrions plus voir de réserves à castors et de pourvoiries à droit exclusif sur le piégeage. Quand nous parlons de partenariat, et comme nous savons que les Innus veulent la gestion du piégeage, nous, nous voulons être partenaires à parts égales. Nous devrions trouver des moyens de s'entendre harmonieusement et d'être deux bons gestionnaires pour les utilisateurs de ce territoire, tant Innus que de Nord-Côtiers. Il en va pour la survie de notre environnement et de notre faune. Pour l'avenir, nous recommandons que les tables de négociation soient à l'écoute des intervenants des milieux concernés et qu'ils prennent en considération tout ce qui s'y dise, qu'elles soient transparentes, claires, nettes et précises. De plus, nous tenons à remercier M. Chevrette dans sa présentation, car il a su nous écouter et comprendre nos inquiétudes. Nous espérons que vous allez prendre en considération ses recommandations.
Pour terminer, nous voulons souligner fortement que le Regroupement des trappeurs Côte-Nord n'est pas en accord avec tout ce qui s'est dit par la Fédération gestionnaire du Québec dans leur présentation à la commission parlementaire et dans leur mémoire. Maintenant, je cède la parole à Mme Martel afin d'ajouter notre conclusion.
Le Président (M. Lachance): Mme Martel.
Mme Martel (Pascale): Bonjour. Nous aimerions prendre le temps de réitérer notre position face aux autochtones. Comme mentionné dans notre mémoire, nous ne sommes pas en guerre ou contre eux, nous comprenons leurs revendications même si nous les trouvons un peu exagérées. Nous saisissons aussi le fait des lois et des arrêts en leur faveur, mais nous trouvons déplorable, dans un pays libre et démocratique, que ces démarches aient été faites en catimini. Vous, notre gouvernement, devriez être à l'écoute de votre population, nous. De plus, nous trouvons que cette entente est très mal gérée. Il nous semble qu'elle porte d'innombrables lacunes tant au niveau de la forme, de la façon que de la structure. Par contre, par cette commission, nous voyons les efforts que vous y mettez. Donc, nous voyons, par ce geste, une compréhension de votre part à notre égard et nous vous en remercions énormément.
Dans le mémoire, nous avons essayé d'y inclure le plus de détails possible, mais, comme mentionné, la tâche est complexe et lourde. M. Chevrette a apporté une contribution incalculable autant pour les autochtones que pour les Nord-Côtiers. Ses recommandations sont logiques et simples. Elles veulent seulement veiller au bien-être des deux parties dans le respect et l'harmonie. Comme l'a mentionné la présidente, il a su nous écouter et nous le remercions. Notre mémoire a été composé dans cette même envergure. Nous avons essayé d'y aller le plus clairement possible avec les moyens dont nous disposions. Les commentaires qui y sont décrits tiennent du gros bon sens. De plus, nos recommandations ont été faites d'après l'opinion de nos membres et de la population.
Nous espérons grandement avoir pu vous aider du moins dans le piégeage. Comme dit, par la présidente, nous sommes conscients de la lourde tâche qui vous incombe, mais nous voulons juste défendre le droit de nos membres. Notre document est volumineux, mais il contient ce dont nous croyons juste et équitable ainsi que des craintes de la part de la population nord-côtière. Nous vous remercions encore une fois de l'écoute que vous nous avez accordée et nous espérons avoir contribué à ce processus. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Martel, merci Mme Deschênes, et la parole est maintenant à M. le ministre. Mais je vous rappelle, M. le ministre, que 10 minutes, c'est court et un de vos collègues a déjà manifesté l'intérêt pour poser une question.
M. Trudel: Merci, bonjour. Bien, non, M. le Président. Merci de votre présentation aussi mesdames, les trappeurs de la Côte-Nord. Vous avez peur de perdre des droits, n'est-ce pas?
Mme Deschênes (Marie-Lise): ...inquiets.
M. Trudel: Lesquels? Je ne vous demande pas de me les décrire.
Mme Deschênes (Marie-Lise): Non.
M. Trudel: Vous avez peur de perdre quels droits.
Mme Deschênes (Marie-Lise): Mais premièrement... comme présentement, ça nous est déjà arrivé, il y a beaucoup... La trappe se fait 90 % par les blancs et 10 à 12 % par les autochtones. Alors, la majorité du piégeage se fait par les blancs et, présentement, il y a déjà des places, où on retrouve sur des territoires, marquées «Innu»; c'est à nous. Les blancs ne veulent pas perdre leurs droits de trappe, parce qu'il y a beaucoup de gens qui trappent depuis plusieurs années, et c'est de père en fils.
Mme Martel (Pascale): J'aimerais rajouter... Je ne trappe pas depuis longtemps, parce que je suis en train de suivre le cours PGAF, mais je crois que j'ai quand même bien saisi beaucoup de choses en suivant le cours. Ils ont une priorité de prélèvements sur tout ce qui est l'ensemble du Nitassinan. Après qu'ils aient pris leur priorité, nous, qu'est-ce qu'il nous reste? Présentement, dans l'entente de principe, il n'y a aucune gestion de faite au point de vue quotas, au point de vue prélèvements. On veut quand même préserver une faune qui est à nous tous, autant autochtones que Nord-Côtiers. Ce serait bien de la garder simplement comme elle est présentement, bien gérée par le gouvernement. Ce serait bien que les quotas soient établis. M. Chevrette a mentionné qu'il faudrait connaître les lois, les codes Innu Aitun, puis je pense que ce serait bien qu'il y ait une réciprocité, puis je le vois juste dans ce qu'il dit. C'est ce que je veux ajouter.
Mme Deschênes (Marie-Lise): Il y a une autre chose aussi, c'est que la personne qui a un terrain de trappe à droits exclusifs est le meilleur gestionnaire pour gérer son territoire parce que, s'il le détruit, il est sûr et certain qu'il n'y aura plus d'animaux, il n'y aura plus rien.
M. Trudel: Je pense que vous nous rappelez, Mme Martel en particulier, la nécessité d'établir des règles. Il n'y en a pas actuellement, c'est ce que vous nous rappelez. On s'en est donné dans ce sur quoi nous avons juridiction mais, en particulier, à l'égard de l'exercice de droits reconnus par les tribunaux, par les nations autochtones, nous n'avons pas défini de règles et c'est ce qu'il est souhaitable d'établir pour que vous sachiez, pour que nous sachions, qu'ils sachent, quelles sont les règles que nous devrons respecter, tout le monde, suivant ce qui nous est reconnu par les tribunaux.
M. Chevrette vous a écoutés, il nous a ramené, ici, une trentaine de recommandations. La dernière recommandation de M. Chevrette, c'est: le projet d'entente qu'il y a sur la table, c'est les principes que nous devrions, nous, reconnaître et, maintenant, aller négocier 19 ententes complémentaires pour définir ces règles. Devrions-nous continuer? Et vous semble-t-il qu'il est possible de s'entendre ou s'il est préférable de continuer dans le désordre actuel que l'on vient de décrire?
Mme Martel (Pascale): Présentement, comme vous le mentionnez ? je n'irai pas dans les droits nécessairement ? la Constitution a reconnu un droit ancestral, la Constitution de 1982, et elle a dit: Vous avez le droit de chasser, piéger et pêcher où bon vous semble. Elle n'a pas mis de limites avec la négociation. On dit: O.K. on veut établir une bonne gestion. Nous, en tout cas, c'est ce qu'on demande, ce qu'on exige même parce que je pense que ça va du gros bon sens, et puis je pense que la plupart des gens l'ont compris. Donc on serait ? excusez-moi, l'expression ? stupide de dire: Non, on ne négocie pas. Je peux m'exprimer ainsi?
M. Trudel: C'est assez clair. Mais au-delà de cela, puisque nous ne sommes pas stupides, j'en suis convaincu, de part et d'autre, est-ce qu'il vous apparaît, et quelles conditions supplémentaires devraient apparaître pour que nous arrivions à une entente? Ou, je vais peut-être le formuler aussi autrement: Est-ce qu'une période de deux ans, telle que nous l'évoquons actuellement pour en arriver à déterminer ces règles, pour avoir la certitude juridique recherchée que l'exercice de ces droits, ils vont commencer dans telles, telles dimensions, puis ils vont se réaliser dans telles, telles conditions, est-ce que, vous, ça vous apparaît réaliste de penser qu'on pourrait s'engager dans cette voie et que, en une période de deux ans, on pourrait en arriver à la détermination de règles pour la pratique d'un certain nombre d'activités, par exemple, chasse, pêche, piégeage en ce qui vous concerne particulièrement?
Mme Deschênes (Marie-Lise): Pour réaliser, en deux ans, des règles, il faudrait qu'il y ait de la bonne volonté des deux côtés, que l'on s'assoie et que tout ce qui va se dire et se négocier alentour de la table soit clair, net et précis. Il ne faudra pas qu'il y ait des choses cachées en dessous de la couverte.
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(17 h 10)
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Mme Martel (Pascale): Je me permets de rajouter: Je pense que la base de toute négociation, c'est de s'asseoir et de communiquer. Ma présidente a raison, il faut s'asseoir puis il faut discuter de tout ça. Puis je ne me mettrai pas des balises en me disant: Dans deux ans, si on n'a pas fini... On se dépêche. Écoutez, quand on y va avec une bonne communication, ça prendra le temps que ça prendra mais on arrivera à un bon résultat qui va être juste et équitable pour les deux parties. Et, comme je l'ai mentionné dans notre mémoire, il y a une solution toujours gagnant-gagnant que, moi, j'ai toujours appréciée: dans une négociation, il ne faut pas avoir un perdant, un gagnant; il faut avoir gagnant-gagnant. Donc, les deux font des compromis puis les deux parlent.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bien sûr, je désire vous remercier, Mme Deschênes et Mme Martel, de votre participation. Et moi également, vivant sur le territoire de la Côte-Nord, je vis exactement tous les problèmes depuis des décennies, les problèmes que nous vivons sur le territoire. Et là-dessus je rencontre un peu le ministre qui dit que ça prend absolument un traité ou, en tout cas, quelque chose pour qu'on puisse remédier à la situation.
Cependant, il y a juste un petit thème, moi, qui me fatigue un peu dans votre mémoire, et dans le résumé on le retrouve à la page 2. Vous dites, Mme Martel ? vous l'avez lu tout à l'heure: «Nous comprenons leurs revendications, même si nous les trouvons exagérées.» Si vous partez du principe que la cour a reconnu que le territoire, ils avaient des droits mais ils ne l'ont pas encadré, c'est donc dire qu'ils ne sont pas nécessairement en revendication, c'est que c'est nous qui sommes en revendication dans ce cadre-là. Alors, si la cour leur a reconnu des droits sur tout le territoire, donc ils ont droit de faire ce qu'ils veulent tant et aussi longtemps qu'on ne les a pas encadrés. Alors, la situation dans laquelle on se trouve, c'est un peu celle-là. Alors, moi, c'est pour ça que j'ai un peu de difficulté à suivre votre raisonnement. Alors, comment vous êtes capables d'en arriver à un raisonnement comme celui-là alors qu'on a tout avantage à s'asseoir, les deux parties, pour dire: Bien, comment on va utiliser dorénavant le territoire?
Mme Martel (Pascale): Moi, je comprends très bien, quand vous m'expliquez votre point de vue, que présentement il n'y a pas de limite et là on doit s'asseoir et leur en mettre, ou plutôt en établir de bonne foi, que ce serait un mot comme de trop. Mais si vous regardez l'ensemble du mémoire, on ne parle pas que de piégeage, on parle d'un ensemble de choses. Donc, nous trouvons exagéré, peut-être pas limitant sur la chasse, piège et pêche, mais sur d'autres domaines comme la grandeur des territoires où ça va aller dans d'autres revendications que nous trouvons que c'est exagérées, pas nécessairement dans ce domaine-là.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue au Regroupement des trappeurs de la Côte-Nord, pour un mémoire qui a beaucoup d'information. Vraiment vous avez fait une grande réflexion. Mais peut-être la question principale: C'est quoi, la prochaine étape? Et le ministre a posé la question, mais vous avez dit dans votre conclusion, à la page 34: «Pour terminer, nous réitérons notre intention de dénoncer cette entente qui, selon nous, brime nos droits, et nous n'hésiterons pas à recourir aux tribunaux pour se faire entendre.» alors ouvre la porte d'aller devant les juges pour décider, plutôt que les négociations. Je suggère poliment que les juges parfois sont capables de faire des choses qui sont encore plus en catimini que les élus et peut-être sont moins réalistes. Alors, j'essaie de voir.
Vous avez dit: On a besoin d'entente, ce n'est pas cette entente. Elle vous oppose à la nation de Nitassinan mais, quand je lis attentivement la décision des cours, ça nous amène... J'ai visité Radisson la semaine passée et il y a les terres de catégorie 1 où c'est plus ou moins comme les Innu Assi où c'est vraiment chez eux. Il y a d'autres terres de catégorie 3, où c'est vraiment partagé et on peut aller à la chasse, on peut aller à la pêche. Il y a les permis à obtenir, et tout le reste, mais ce n'est pas vraiment restriction. Alors, quand je vois l'expérience, 28 ans après, chez les Cris, d'avoir les terres de différentes catégories, qui ont des droits différents dépendant de la catégorie, et je transpose ça sur l'Approche commune, ce n'est pas si loin, et je pense que ça reflète qu'est-ce que les tribunaux ont déjà décidé. Alors, quand je vois votre détermination de retourner devant les tribunaux, vous attendez quoi, comme réponse?
Mme Deschênes (Marie-Lise): Ça, je dois vous dire, monsieur, que si M. Chevrette aurait eu passé avant qu'on fasse notre mémoire, notre conclusion n'aurait peut-être pas été la même. Parce que, avec tout ce qui s'est véhiculé en faussetés, on était rendu là. Maintenant... Et il y a juste les fous qui ne changent pas d'idée, alors on a changé d'idée puis on n'irait pas en cour. Nous, tout ce qu'on veut, c'est de négocier d'égal à égal, qu'on ait des ententes sur le Innu Assi; je me vois mal partir trapper dans un village. Alors, c'est pour ça, nous, qu'on ne parle pas du Innu Assi parce que je n'ai jamais été trapper dans le milieu du village des Escoumins, ça fait que je n'irai pas trapper dans le village d'Essipit non plus: où on trappe, c'est sur le Nitassinan. Alors, nous, c'est sur le Nitassinan qu'on passe pour le piégeage et le trappage.
M. Kelley: Et on peut dire qu'on a tout intérêt d'avoir les règles du jeu claires pour tout le monde sur le Nitassinan...
Mme Deschênes (Marie-Lise): Oui.
M. Kelley: ...et tout en respectant les pratiques et les choses que vous avez faites dans le passé.
Mme Deschênes (Marie-Lise): Il faudra avoir tous les mêmes règles parce qu'il y a des animaux qui dépérissent, il faut avoir une bonne gestion. Si on n'a plus d'animaux, comme... Si je prends l'exemple du lynx, il y a quelques années, on n'avait pas le droit de le prendre, mais eux autres avaient le droit de le prendre, tu sais. Ça fait qu'il faudrait que, si le lynx est interdit à un Nord-Côtier, il faudra qu'il soit interdit aussi aux autochtones. Il faut que les deux soient ensemble, c'est égal à égal.
Mme Martel (Pascale): Mais, dans le fond, la seule chose qu'on veut, c'est ne pas être oublié. On croit être le meilleur organisme pour le trappage ? on est le seul d'une manière ou d'une autre sur la Côte-Nord ? pour représenter et négocier cette partie-là. On sait ce que les membres veulent, on donne le cours PGAF en plus et on croit pouvoir s'asseoir avec eux et dire: Écoutez, nous, on ne veut pas être oubliés, c'est tout.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Écoutez, ma question, vous avez un petit peu répondu, c'était concernant la deuxième conclusion de votre rapport, qui venait, à mon avis, nuancer la première conclusion que, de toute façon, vous venez de retirer. Mais je comprends de la deuxième conclusion que, pour vous: «Le plus important dans tout ce que nous avons écrit, expliqué, c'est qu'il serait vraiment important que les négociations soient différentes pour chaque nation. De plus, chaque partie devrait être négociée avec un représentant blanc concerné. Les organismes sont là pour ces raisons, représenter leurs membres.» Expliquez-moi, dans la pratique, vous voyez ça comment? Dans la vraie vie, là, comment ça pourrait se concrétiser qu'on ait un représentant de chacun des organismes qui sont concernés qui pourraient être à la table de négociation.
Mme Deschênes (Marie-Lise): Bien, premièrement, tout le monde est parlable. On est capable de communiquer ensemble. Chacun a ses règles et ses règlements en gestion d'animaux à fourrure.
Mme Gauthier: Je vais recommencer ma question.
Mme Deschênes (Marie-Lise): Non?
Mme Gauthier: Je veux savoir: Est-ce que vous rejoignez un peu ce que M. Chevrette dit d'avoir des tables sectorielles, c'est ça, qui...
Mme Deschênes (Marie-Lise): Oui. Ça, on le dit, que les tables, c'est important qu'il y en ait.
Mme Martel (Pascale): On comprend qu'on ne veut pas nécessairement encombrer le processus ou plutôt alourdir le processus ? je crois que c'est plus dans le sens de votre question. Il existe déjà ? bien, ça a été mis en place dernièrement ? des tables sectorielles qui nous demandent notre opinion. Je pense qu'il peut y avoir des tables sectorielles, comme M. Chevrette l'a expliqué, pour la faune où est-ce que, nous, on va aller siéger parce qu'on va représenter les trappeurs. Et, après ça, c'est M. Trudel... ou un représentant de M. Trudel va sûrement siéger à cette table-là pour aller rapporter à M. Trudel: Bien, écoutez, la population, eux, ils sont plus en faveur vers cette voie-là ou autrement. Donc, je pense que ça peut être un processus sans alourdir le processus en marche présentement, là, et quand même garder l'opinion des Nord-Côtiers qui sont touchés.
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(17 h 20)
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Mme Gauthier: Je ne sais pas si vous étiez ici ce matin ? si vous permettez, M. le Président ? on a parlé, il y avait un organisme qui parlait de mettre sur place un agent de liaison, qui ferait en sorte que l'information soit donnée de la même façon à tous et à toutes sur le territoire de la Côte-Nord, sur le territoire du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Je voudrais avoir votre opinion par rapport à cette proposition-là, si vous en avez une.
Mme Martel (Pascale): Moi, je trouve que c'est quand même... ce n'est pas quand même... c'est nécessaire parce que l'information, comme tous les organismes ont expliqué aujourd'hui, elle a été mal divulguée au début. Présentement, on essaie de changer tout ce qui avait été empreint. Je crois que c'est nécessaire qu'il y ait un agent de liaison. Qu'il soit le même pour Saguenay et la Côte-Nord, je me questionne, parce que la Côte-Nord ne vit pas les mêmes difficultés que le Saguenay, et, même sur la Côte-Nord, on a des différences avec chaque nation, et c'est ce que vous avez pu voir aujourd'hui.
Mme Deschênes (Marie-Lise): Parce que, en plus, si on prend juste un exemple, on a deux sortes de réserves à castors sur la Côte-Nord, une à droits exclusifs aux autochtones tandis que l'autre, elle n'est pas à droits exclusifs. Ça fait qu'on a différentes choses qui nous mettent en différence avec le Saguenay?Lac-Saint-Jean.
Mme Gauthier: Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Je suis content de vous entendre aujourd'hui, parce que ? d'abord, bonjour; rebonjour dans le cas de Mme Deschênes ? c'est qu'on voit que votre organisme a été un de ceux qui étaient un peu victimes de la machine à rumeurs au cours de la dernière année puis de ce téléphone arabe, disons, qui fait qu'en bout de ligne on se ramasse avec des affaires qui sont vraiment inquiétantes sur le terrain, puis que, aujourd'hui, votre discours, il a évolué, il s'est adapté, puis, comme vous dites, il n'y a rien que les fous qui ne changent pas d'idée. Alors, ça, là-dessus, je suis très content, mais je tiens...
En fait, je n'ai pas de questions à vous poser, mais je tiens à vous féliciter aussi du fait que vous venez vous présenter ici aujourd'hui, contrairement peut-être à la Fédération des trappeurs. Vous vous prononcez dans votre champ d'expertise, et la page 19, la page 20, ça parle de ce que vous connaissez vraiment, c'est de la trappe puis du piégeage. Puis ce que vous nous dites, c'est: En dehors de ça, il y a effectivement des choses que peut-être que vous ne seriez pas d'accord, mais, dans votre domaine d'expertise, c'est vivable dans la mesure où on vous tient dans le coup, dans la mesure où on vous tient informés puis que vous pouvez partager votre expérience du vécu qu'il y a sur le terrain pour que ça se concrétise dans les ententes qu'il va y avoir à être faites, puis, en même temps, il faut respecter votre présence. Je pense que ça, c'est simple, puis, pour les membres de la commission aussi, je pense que c'est quelque chose qui est entièrement réalisable. En tout cas, je salue votre ouverture d'esprit dans ce domaine-là. Merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, pour votre présence ici cet après-midi à l'Assemblée nationale, merci.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite M. Louis Caron, pour le Fonds régional d'exploration minière de la Côte-Nord.
Bonjour, M. Caron.
M. Caron (Louis): Bonjour.
Le Président (M. Lachance): Bienvenue.
M. Caron (Louis): Merci.
Le Président (M. Lachance): Vous avez vu comment ça fonctionne, les règles du jeu. Vous avez 10 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et ensuite, on aborde la période d'échanges avec les parlementaires.
Fonds régional d'exploration
minière de la Côte-Nord
M. Caron (Louis): Alors, d'accord. Je remercie la commission de me donner l'occasion de présenter le mémoire suivant. J'avais écrit le mémoire avant d'avoir vu l'ensemble des documents. Il y a certains termes qui ne correspondent pas tout à fait, mais, en gros, le mémoire présente les principales préoccupations des prospecteurs de la Côte-Nord et de certaines compagnies minières qui travaillent dans la région.
Alors, dans le mémoire que j'ai écrit, je parle premièrement des dividendes. Tel que mentionné lors de la visite de M. Guy Chevrette à Baie-Comeau en novembre dernier, nos préoccupations visaient principalement les dividendes qui seraient versés aux Innus. Le mot «dividendes» n'a pas été défini dans le document de présentation de l'entente, il faudrait qu'il le soit. Le mot «dividendes» peut être confondu avec le terme minier «royautés», qui s'exprime par un pourcentage de la valeur nette du métal sortant de la raffinerie. En anglais, on dit: «net smelter return», «NSR». Pour votre information, les compagnies minières offrent rarement plus de 2 % NSR à un prospecteur lorsqu'il se porte acquéreur des droits miniers d'un prospecteur.
Alors, il est écrit dans l'entente qu'un pourcentage minimum de 3 % des redevances est prévu. Il faudrait identifier de quelles redevances il s'agit, s'il s'agit des taxes, des frais d'enregistrement, de renouvellement de claims, de redevances sur des sables, des graviers, la pierre concassée, ou simplement sur un volume de pierres sorties. Alors, il y a toute une différence entre 3 % de 3 millions et 3 % de 1 milliard. C'était ma préoccupation en ce qui concerne le terme «dividendes» ou «redevances».
Maintenant, au niveau des terres du Nitassinan, au niveau du libre accès, ces terres ne poseront pas de problème aux prospecteurs en autant qu'ils puissent y avoir un accès libre pour ceux-ci ainsi que pour les géologues des compagnies d'exploration minière ou du ministère qui y circuleront, et qu'il n'y ait pas de restrictions à l'acquisition de type minier dans ces territoires. Là, je retire cette phrase-là parce que j'ai lu dans le document que les terres du Nitassinan sont vraiment... les Innus veulent garder le droit d'acquérir les claims, ce qui peut être légitime de leur part. Alors, je retire ce dernier bout de phrase là. Alors, c'est important qu'il y ait un libre accès de ce côté-là.
Sur les terres Innu Assi, la question du libre accès est importante. À titre d'exemple, moi, je vous cite le cas de Restigouche, un coin de Restigouche en Gaspésie, où c'était très difficile d'accéder aux terrains, à des terrains qui étaient en arrière de la réserve. Alors, ces terrains-là, on n'a jamais pu explorer. Même du temps que j'étais pour la compagnie Noranda, c'était très difficile. Alors, ça nous empêchait de développer comme il faut le territoire à cet endroit-là. Il y avait un indice minier important, on n'a jamais pu le visiter et on n'a jamais pu développer de nouveaux indices dans ce secteur-là. Alors, ce serait important à considérer lorsqu'il y aura des problèmes de cet ordre-là.
Au niveau des terres du patrimoine, la désignation seule de territoire patrimonial est une bonne chose en soi, puisqu'elle permet de connaître d'avance où ils seront situés. Cela évitera de faire des travaux d'exploration sur des terrains déjà grevés de servitudes ancestrales. Encore une fois, il faut qu'il y ait une note sur le libre passage de routes futures. Cela n'est pas toujours évident à prévoir. Toutefois, le cas actuel de la rivière Hart Jaune mérite d'être souligné. Dans le document, on voit qu'il y a un patrimoine qui est demandé par les Innus le long de la rivière Hart Jaune. Cette rivière-là, il y a la voie ferrée de la compagnie Québec Cartier Mining qui passe au travers de cette zone-là. Éventuellement aussi, il y aura peut-être besoin de chemins pour rejoindre la 389 à la voie ferrée et au terrain minier qui s'ouvre en arrière des monts Groulx. Alors, c'est en gros ce que je dis dans le paragraphe qui est suivant. La création d'une zone patrimoniale de protection, attenante au rivage du petit lac Manicouagan et de la rivière Hart Jaune, pourrait priver notre région d'un passage important vers le nord, comme en témoigne la carte ci-annexée. J'avais joint une carte annexée au document. Cet endroit est déjà un lieu de passage de la voie ferrée de la compagnie Québec Cartier et pourrait, d'ici un avenir rapproché, être le lieu de passage d'une route secondaire importante reliant la route 389 au chemin SM3. Alors, je mentionne à titre d'information: le secteur des monts Groulx est un secteur géologique qui recèle des roches semblables à celles de Mine Raglan au Nord-du-Québec; ce sont des roches propices à la découverte de gisement de cuivre, de nickel et des éléments du groupe du platine. Des compagnies minières explorent présentement la partie à l'est des monts Groulx.
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(17 h 30)
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En conclusion, l'entente. Nous offrons notre collaboration aux Innus pour leur donner une formation et un encadrement sur la prospection minière. Nous avons déjà des très bons... nous sommes déjà en très bons termes avec les Innus de la Côte-Nord et nous sommes ouverts à toute participation. Je pense que l'industrie minière peut apporter beaucoup encore aux Innus au point de vue travail, au point de vue développement collectif. Et j'ai vu aussi dans le document que la création de comités de liaison sectorielle ou d'assistance de coordination à la participation réelle pourra permettre une meilleure coordination entre les compagnies minières et les attentes des Innus. Alors, c'étaient mes principaux commentaires sur l'entente. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci M. Caron. M. le ministre.
M. Trudel: M. Caron, merci beaucoup. S'appeler Louis Caron et être de Sept-Îles et avoir une plume comme celle-là, ça nous rappelle l'autre Louis Caron, écrivain de son état, de Nicolet.
M. Caron, le Fonds régional d'exploration minière de la Côte-Nord est donc préoccupé par, en particulier, cette question de la redevance de 3 % ou 3 % de la redevance. Est-ce que vous aviez l'impression que cela allait apparaître comme une augmentation des redevances actuelles, en particulier dans votre secteur?
M. Caron (Louis): Oui, c'était notre crainte. On sait que, dès qu'une compagnie minière voit des frais supplémentaires dans une exploitation, ça peut mettre des freins à l'exploitation minière. Alors, c'est une crainte. On a peur qu'il y ait des frais supplémentaires pour les compagnies minières qui devront payer ces frais-là.
M. Trudel: En tout cas, on peut se dire aujourd'hui: Ce n'est pas ce dont il est question dans le projet d'entente de principe. Il s'agit plutôt de partager autrement le résultat de ce que sont les redevances sur les ressources naturelles, qui sont définies d'ailleurs. Ça nous permet par le biais de répondre à une des questions qui a été soulevée par un groupe précédent, la liste des redevances et sur quelles matières ces redevances-là seront partagées, c'est à l'article 7.3 du projet d'entente de principe qui nous a été présenté, qui indique bien lesquelles redevances sont concernées, là: les redevances forestières nettes; la location des terres du domaine public; les forces hydrauliques, la redevance statutaire; les mines, il s'agit des redevances volumétriques, ça donne une définition assez précise sur les substances minérales de surface, le gaz et le pétrole; les locations des droits exclusifs en termes de pourvoiries chasse et pêche; et les permis de chasse, piégeage et de chasse, pêche et piégeage. Bon. C'est assez défini.
M. Caron, je pense que vous nous illustrez bien, d'abord par votre présentation, la nécessité d'avoir des règles pour que vous puissiez exercer et qu'on puisse exercer davantage nos activités de prospection ou les activités de prospection et de mise en valeur éventuellement. On prospecte pour découvrir puis mettre en valeur des gisements. Est-ce que vous croyez qu'il est raisonnable de penser que, sur la base des principes qui sont sur la table et qui ont été discutés, précisés depuis 23 ans, on peut en arriver à établir un traité et que ce serait souhaitable? Compte tenu que vous, vous êtes un Nord-Côtier aussi, vous vivez du secteur, et avec ceux et celles qui font le développement minier, est-ce que c'est possible d'y arriver? Est-ce que c'est souhaitable d'arriver à l'entente?
M. Caron (Louis): Oui, c'est ce que je dis, en ayant... en connaissant des règles précises puis en connaissant les territoires qui sont déjà réservés au patrimoine, ça va éviter certaines frictions, certaines dépenses inutiles. Ça va être important par contre d'avoir des comités de coordination ou comités sectoriels, comme vous l'appelez, là, l'instance de participation. Ce serait important que ce soit fonctionnel, ces choses-là. Et j'ai vu qu'il y avait des tests-pilotes à faire avec ça. À ce sujet-là, il y a dans le coin de Kuujjuaq où ils ont ce genre de comité là, et ça fonctionne très bien. Il y a au Yukon aussi où il y a des très bonnes ententes entre les compagnies minières et les groupes autochtones. Alors, on peut utiliser ces modèles-là pour peaufiner, si vous voulez, la bonne concertation entre tout ce monde-là.
M. Trudel: Quel est la... Je saisis mal, même si c'est très particulier, le cas de la rivière Hart Jaune. La question des droits de passage, là, quel est le problème qui se soulève avec le cas de la rivière Hart Jaune, qui mérite d'être souligné? Vous le rappelez avec graphique à l'appui. Quelle est... si ça s'explique en quelques minutes, quelle est la situation problématique qui se soulève?
M. Caron (Louis): Bien, c'est déjà un passage stratégique pour le minerai de fer et, éventuellement, c'est un secteur aussi à potentiel minier très élevé. Alors, on sait déjà que cette région-là va être développée dans le futur. Ça va prendre des nouveaux chemins forestiers, et, suite à mon document, moi, j'ai vu qu'il y aurait éventuellement... pas comme des droits de passage, mais qu'il devrait y avoir une entente avec les Innus si jamais il y avait des nouveaux chemins forestiers ou des nouveaux chemins de développement. Alors, là-dessus, bien, tu sais, je ne veux pas qu'on se ramasse avec des droits de passage, là, éventuellement. Mais c'est sûr que, s'il y a des dommages ou si les Innus veulent des compensations, bien, à ce moment-là, c'est plus... dans les nouveaux territoires... Dans les territoires déjà établis, bien, c'est moins problématique. Mais, dans les nouveaux territoires, c'est là que ça peut amener des frictions. Ça a été demandé dans l'entente. Maintenant, jusqu'à quel point c'est réalisable, là? Comment ça va être évalué, les coûts d'un nouveau passage?
Je prends le cas de Voisey's Bay, à Terre-Neuve. Si c'est pour retarder des mises en chantier de projets importants, qui amènent le développement économique puis le bien-être autant des Innus que de la collectivité québécoise, moi, je pense qu'il faut éviter de mettre des embûches à ce niveau-là. Il faudrait quasiment qu'avant de... ce n'est peut-être pas faisable, là, mais essayer de prévoir une façon de faire pour quantifier qu'est-ce que ça va occasionner comme coûts ou comme compensations, ces chemins-là.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.
M. Trudel: Si vous me permettez, c'est de la musique, c'est de la musique à mes oreilles, ce que vous venez de dire. C'est de la pure musique. Avec l'exemple que vous donnez de Voisey's Bay, quand il n'y a pas d'entente, c'est bien pire, bien davantage désastreux, on le voit bien avec Terre-Neuve, Labrador, Voisey's Bay, pour empêcher le développement évidemment que d'avoir des règles. Établir les règles, vous venez de donner la définition opérationnelle, en termes géologiques, je dirais, de la certitude juridique et de la nécessité d'avoir des règles, sans ça, ça bloque le développement.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.
M. Duguay: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Caron, moi également, je tiens à vous remercier de votre participation et je n'en attendais pas beaucoup moins de votre part, compte tenu du bon travail que fait le FREM au niveau de la Côte-Nord dans le développement minier. Et vous êtes constamment en recherche, et ça va sûrement être profitable pour la génération future.
Par contre, je vais peut-être investiguer un petit peu plus sur la question que le ministre vous posait tout à l'heure: Est-ce que, si cette entente-là était signée, ça vous permettrait d'aller de l'avant avec l'orientation que vous avez tracée tout à l'heure, à l'effet d'offrir une collaboration plus intense avec les Innus, compte tenu que, du côté de Uashat-Maliotenam, ils ne sont pas à la table encore? Alors est-ce que ça pourrait nous être peut-être plus profitable pour aller de l'avant avec votre idée?
M. Caron (Louis): Ça pourrait être certainement plus profitable, d'autant plus que les Innus auraient les moyens avec les redevances qu'ils auraient. Ils auraient peut-être sinon plus que nous d'avantages de développer leurs projets miniers et de les amener à terme. Ça les inciterait aussi... Sachant qu'ils ont les ressources pour le faire, ça les inciterait à prospecter davantage. On a beaucoup de misère à intéresser les autochtones à faire de la prospection minière. À Natashquan, il y avait seulement quatre personnes. À Schefferville, on a formé du monde en 1998, je crois, et très peu des gens ont continué à faire de la prospection minière. C'est très difficile de les motiver à faire de la prospection minière.
M. Duguay: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: À mon tour, bienvenue, M. Caron, pour un mémoire qui est très technique mais très intéressant. Peut-être, avant de poser une question, pouvez-vous juste expliquer vos activités? Le Fonds régional d'exploration minière, on dit qu'on représente les prospecteurs actifs. Ils sont combien? Juste pour me donner un petit peu l'ampleur des activités du Fonds régional.
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(17 h 40)
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M. Caron (Louis): Alors, nous, nous avons 60 prospecteurs actifs partout sur la Côte-Nord, entre Tadoussac, Schefferville et Blanc-Sablon. À chaque année, on réalise 32 à 38 projets de prospection minière dans tous les coins. Ces projets-là sont choisis selon la valeur. Et, nous, on a aussi des... On donne de l'argent aux prospecteurs pour réaliser ces travaux-là. C'est des compensations journalières ou des frais, des coûts pour... des argents pour payer des frais d'analyses, des frais de décapages et des frais de géologues. En plus, on donne un encadrement géologique à ces prospecteurs-là pour faire un travail qui est vraiment bien concentré et pour cibler davantage les endroits à explorer. Quand on trouve quelque chose, on approche les compagnies minières pour réaliser des travaux de plus grande ampleur et, à ce moment-là, on fait le lien entre les prospecteurs. Alors, c'est un de nos principaux mandats. Et on fait la formation des prospecteurs dans différentes localités pour avoir une bonne répartition régionale des prospecteurs.
M. Kelley: Alors, ça, c'est comme des travailleurs autonomes, si j'ai bien compris, qui sont formés chez vous. Et, si on trouve quelque chose d'intéressant, à ce moment, c'est les Inco ou les grandes compagnies qui vont commencer à s'intéresser aux activités.
Juste... Des choses que je trouve intéressantes, on revient à la même question d'information, parce qu'il y a des choses très précises, vous avez des questions sur les redevances, je ne sais pas si le 7.3 de l'entente a répondu à vos questionnements sur les dividendes ou les redevances, si c'est assez clair ou s'il reste des questions. Les questions de l'accès pour vos prospecteurs, que vous avez soulevées, sur les terres de Nitassinan, mais je pense que ça soulève, encore une fois, qu'il faut une mécanique assez rapide pour que vous puissiez poser ces questions. On ne peut pas avoir une commission parlementaire à toutes les semaines pour écouter ce genre de questions, mais je pense qu'il faut un moyen ou un mécanisme pour vous consulter d'une façon plus formelle plutôt que d'être obligés de venir ici, à Québec, au salon rouge pour nous poser des questions très, très précises.
Alors, avez-vous des commentaires ou des suggestion à nous formuler? Comment... Pour les questions très techniques mais très précises, dans l'éventualité d'une deuxième ronde de négociations qui peut nous amener vers un traité formel, comment impliquer le Fonds régional, votre expertise, davantage dans nos démarches?
M. Caron (Louis): En fait, notre expertise peut être... ça peut se faire en invitant les différents conseils de bande, en leur montrant qu'est-ce qu'on fait et en les aidant à former les gens avec le matériel qu'on a et avec aussi les cours qu'on a. Alors, de cette manière-là, on peut les aider beaucoup. Mais on peut aussi les encadrer au début, parce qu'on voit qu'il y a une lacune de ce côté-là.
Moi, le fonds Natashquan m'a appelé à Sept-Îles pour les aider à monter des projets communs au départ, pour les aider à démarrer. Quand le prospecteur laisse la salle de cours puis il se ramasse dans le bois tout seul, ce n'est pas tout le temps évident. Alors, on doit assister les prospecteurs dans leur travail et aussi les organisations. Parce que, aussi, les organisations ont besoin de rodage pour partir. Alors, on peut... pas acheter du matériel qu'ils n'ont vraiment pas besoin, des choses comme ça. Alors, on est disponible pour le faire. Et puis, même, certains prospecteurs, aussi, autochtones peuvent venir chez nous aussi faire des demandes de projets. Alors, on est ouvert à toutes ces solutions-là.
M. Kelley: Et, finalement, vous avez soulevé la question du secteur des monts Groulx. Est-ce que ça pose des problématiques avec l'entente de principe? Est-ce qu'il y un problème précis ou est-ce que c'est juste à titre indicatif, que ça, c'est un secteur qui est intéressant pour l'avenir?
M. Caron (Louis): C'était principalement par rapport à la zone patrimoniale le long de la rivière Hart Jaune. On sait qu'il n'y a pas un gros espace entre la rivière et le front nord des monts Groulx. Alors, si on devait éventuellement être obligé de passer sur le plateau qui est dans le bas des monts Groulx, ça va être dans la limite de l'aire patrimoniale. C'est pour ça que je l'ai souligné dans mon texte.
M. Kelley: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui, bien, merci d'être ici. Première question, peut-être, c'est au niveau des prospecteurs, vous avez mentionné tantôt «prospecteurs autochtones», Betsiamites, Essipit, est-ce qu'il y en a?
M. Caron (Louis): Pardon?
M. Corriveau: Des prospecteurs, disons, qui ont suivi le cours, là, autochtones à Betsiamites ou à Essipit?
M. Caron (Louis): S'il y en a?
M. Corriveau: Oui, s'il y a des autochtones, à Betsiamites, prospecteurs?
M. Caron (Louis): Je n'en connais pas. Je n'en connais pas, non.
M. Corriveau: Vous n'en avez pas. O.K. L'autre question, au niveau de l'exploitation d'un gisement, présentement, est-ce qu'il y a des incertitudes en raison de la situation actuelle qui font vraiment hésiter des compagnies à aller de l'avant dans des projets que vous savez être «standby» ou si c'est plutôt dans une projection future que ça faciliterait les choses que de faire l'entente?
M. Caron (Louis): Actuellement, non.
M. Corriveau: O.K. Dans les gisements sur toute la Côte-Nord, là, je sors un petit peu de l'entente, mais on en a-t-u, des gisements, présentement, qui sont sur le point d'aboutir à quelque chose ou si on est encore dans l'exploitation de ce qu'on connaît au niveau du fer puis qu'au niveau du carbone, du nickel, tout ça, il n'y a rien qui se développe?
M. Caron (Louis): C'est encore au stade d'exploration. J'ai parlé des monts Groulx parce que j'ai le feeling que c'est là que ça va aboutir le plus rapidement possible, mais on est encore au stade d'exploration.
M. Corriveau: O.K. Puis les perspectives de développement de ces gisements-là en exploitation concrète, c'est sur combien d'années, vous pensez?
M. Caron (Louis): Habituellement, ça prend tout le temps une dizaine d'années avant de développer un projet minier. Les chances sont excellentes dans ce coin-là, dans le coin de Manic 5 aussi. On sent vraiment un intérêt aussi des compagnies minières canadiennes tant pour toute la Côte-Nord. Pour le coin de Schefferville, c'est très, très intense actuellement comme activité, là.
M. Corriveau: Mais ce n'est pas dans le fer, là, j'imagine, ce serait d'autres métaux.
M. Caron (Louis): Non, c'est dans tous les métaux en dehors du fer. C'est dans le cuivre, nickel, platine, dans l'or, dans le cuivre, plomb, zinc, argent. C'est des types de gisements qu'on peut avoir dans le coin de Schefferville et qui pourraient se développer d'ici une dizaine d'années.
M. Corriveau: O.K. Mais ça veut dire que les impacts positifs sur des communautés autochtones qui les exploiteraient, ces minerais-là, de toute façon, on ne peut pas avant 10 ou 20 ans s'imaginer que ça va avoir un impact significatif sur les communautés.
M. Caron (Louis): Mettons pas avant une dizaine d'années, là. Si on est... Quatre ans, quatre, cinq ans, si on est chanceux, il y aura peut-être du côté de l'exploration du diamant où ça peut se développer beaucoup plus rapidement dans le coin de Caniapiscau. Ça, ce serait la cerise sur le sundae, là. Ces types de gisements là se développent assez rapidement dans une période de quatre, cinq ans, et ça amène énormément de travail tant pour les autochtones, tant dans l'exploitation que dans la taille des diamants, ou des choses comme ça. Au Yukon, c'est très lucratif. La mine Diadik va rapporter 3 milliards d'ici 20 ans à la région. Puis ils engagent aussi 40 % des autochtones. Les mines sont très ouvertes à avoir des autochtones, à les former, à les entraîner pour travailler, alors il y a une grande ouverture de la part des opérations minières canadiennes et étrangères.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Louis Caron, pour votre présence ici aujourd'hui. Ceci met fin à nos travaux pour la journée et j'ajourne les travaux à demain jeudi 6 février, à 9 h 30, et notez bien, à la salle Louis-Joseph-Papineau.
(Fin de la séance à 17 h 49)