(Neuf heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Leduc (Mille-Îles) est remplacée par M. Lelièvre (Gaspé); M. Gautrin (Verdun) est remplacé par Mme Houda-Pépin (La Pinière); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par Mme Delisle (Jean-Talon); et, finalement, M. Pelletier (Chapleau) par M. Laporte (Outremont).
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je demande aux personnes qui auraient des appareils de communication avec sonnerie de bien vouloir les fermer pendant la séance, s'il vous plaît. Je souhaite la bienvenue à tous les participants à cette commission parlementaire en indiquant que, cet avant-midi, nous aurons tour à tour les groupes suivants: la Confédération des syndicats nationaux, d'abord, pour qui je demande aux représentants de s'approcher à la table, l'Institut de recherche en économie contemporaine, par la suite la Chambre de commerce du Québec et, finalement, avant la suspension de nos travaux, l'Union des producteurs agricoles.
Je dois indiquer également que les règles du jeu sont contraignantes en termes de temps. C'est un peu ingrat, mais c'est 45 minutes au total. Donc, une présentation de 15 minutes et, par la suite, des échanges avec les parlementaires pour un autre 15 minutes par formation politique.
Auditions (suite)
Alors, sans plus tarder ? je vois que les représentants de la CSN sont présents ? alors, bienvenue, madame, monsieur, et vous avez la parole pour les 15 prochaines minutes.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Alors, la CSN est une organisation qui regroupe 270 000 travailleuses et travailleurs au Québec dans l'ensemble des secteurs de l'activité économique. Et notre implication sur les questions internationales ne fait pas de doute: pratiquement depuis sa création, la CSN a toujours valorisé les affiliations internationales, que ce soit à travers la CISL dont nous sommes membres, que ce soit à travers les forums tels le comité consultatif auprès de l'OCDE ou encore l'Organisation internationale du travail auxquels nous participons studieusement à chacune des années.
C'est clair que l'enjeu de la mondialisation nous a amenés aussi à nous impliquer au sein du Réseau québécois sur l'intégration continentale, plus largement à l'échelle des Amériques, l'Alliance sociale continentale. Nous avons été de toutes les activités, notamment l'organisation du Sommet de Québec 2001 et, d'autre part, aussi une présence très active à l'occasion des forums tenus à Pôrto Alegre ces deux dernières années.
Je dirais que la CSN est fort préoccupée par la question de la mondialisation, et j'en veux pour démonstration que nous en avons fait un thème majeur de notre dernier congrès qui s'est tenu au mois de mai dernier. Je résumerai succinctement la lecture que nous faisons de ce phénomène en ramenant la question autour de trois constats. Le premier, c'est que, pour nous, la mondialisation n'est certainement pas une question qui se résumerait bêtement à être pour ou contre une libéralisation du commerce. Je pense que, dans l'histoire de l'humanité, on a vu continuellement s'accroître les échanges en termes de commerce extérieur. Par ailleurs, les volumes et la forme que ça prend maintenant amènent malgré tout à constater que le monde entier devient en quelque sorte une grande chaîne de montage, largement dominée par les mouvements financiers.
Mais je dirais qu'au coeur de nos préoccupations il y a deux éléments qui ressortent et qui sont absolument fondamentaux. D'une part, c'est la conviction que cette mondialisation consacre d'abord la prééminence du droit commercial, et même du profit, sur l'ensemble des droits humains et sociaux, et les processus qui l'entourent sont secrets, opaques, étrangers au débat public. Cette mondialisation met finalement en cause l'expression démocratique de la volonté des peuples. Bref, ce qu'on redoute le plus, ce sont les conséquences sociales, les conséquences au plan des droits humains. Et, d'autre part, nous dénonçons le viol démocratique qui entoure ces pourparlers. Et je pense qu'on ne peut pas non plus isoler ces deux phénomènes-là: quand on conjugue absence de démocratie et, en plus, des projets qui nous amènent à renoncer aux droits humains, aux droits sociaux, je pense qu'on a là un mélange particulièrement dangereux et explosif.
Alors, à cet égard-là, à cette mondialisation nous opposons une mondialisation fondée sur le respect et la promotion de la démocratie et de la souveraineté des peuples, les droits du travail, les droits sociaux, les chartes, les droits des femmes, l'application intégrale de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'abolition des dettes des pays les plus pauvres et la recherche de la paix dans le monde.
Dans ce contexte, je dirais que la création de l'Observatoire est une idée que, dès le départ, nous avons saluée, que nous considérons toujours porteuse, et ça prend tout son sens dans cette problématique de transparence et de la nécessité d'organiser un véritable débat public autour des enjeux de la mondialisation. Il est absolument impérieux d'éclairer les enjeux, de développer les connaissances, de suivre les négociations en cours et l'application des traités, de favoriser les échanges et les discussions. Voilà une mission tout indiquée pour cet Observatoire. Et on souhaite qu'en toute indépendance, comme acteur important de la pratique démocratique, l'Observatoire contribue à ces objectifs.
Le champ d'études privilégié de l'Observatoire devrait, de notre point de vue, viser d'abord et avant tout les aspects sociaux de la mondialisation, aspects sociaux compris au sens large: les impacts sur les conditions de travail, sur l'environnement, sur la culture, sur les services publics, et c'est dans ce cadre que la CSN est heureuse de vous présenter des commentaires, je dirais, plus pointus concernant le projet de loi n° 109.
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(9 h 40)
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Alors, si vous me permettez, je vais référer à la page 9 de notre mémoire où on y va de commentaires qui visent davantage soit à apporter des précisions ou à spécifier un peu dans quel sens nous souhaitons que les travaux soient initiés, comme CSN.
Alors d'abord, à l'article 3, nous faisons la remarque suivante: il existe de nombreuses données, je dirais, quantitatives sur le commerce international. Nous ne souhaitons pas, à cet égard, que l'Observatoire s'emploie à réinventer la roue. Par ailleurs, nous constatons que les conséquences sociales de la mondialisation comprise au sens large sont beaucoup moins documentées, et nous croyons que l'Observatoire devrait, sans exclure là de rendre disponibles des données déjà existantes, de les regrouper, qui concernent davantage les activités commerciales, nous croyons important que la majorité des travaux de l'Observatoire se centrent sur ce qui est moins bien documenté, à savoir les aspects sociaux de la mondialisation.
À l'article 4.01, nous notons la chose suivante: il y aurait lieu d'inclure explicitement les droits humains, économiques et sociaux, les chartes et les conventions internationales, bref, préciser, par ces ajouts-là, la pensée qui est visée par le projet de loi.
À l'article 4.3: de nombreuses organisations, tant universitaires que issues de la société civile, travaillent sur ces aspects de recherche, de collecte d'information, de diffusion, de sensibilisation et d'éducation. Alors, nous souhaitons un partenariat, une ouverture de l'Observatoire à travailler avec ces groupes, et nous souhaitons aussi que les ressources publiques qui permettent ou soutiennent les activités d'autres composantes de la société civile soient toujours disponibles. Je considère que, autour de la question de la mondialisation, on manque dramatiquement d'information pour alimenter et soutenir le débat public. Alors, il ne s'agirait pas de concentrer l'ensemble des ressources uniquement sur l'Observatoire mais de continuer à soutenir ce qui est déjà en cours comme activité de recherche, de discussion et d'organisation, de débat dans la société civile.
À l'article 4.4, nous faisions la remarque suivante: l'Observatoire devrait rendre publics non seulement un état annuel de la situation, mais aussi l'ensemble des résultats de ses travaux. Encore là, on l'inscrit dans la logique des critiques fondamentales que nous faisons et de l'identification d'un besoin d'organiser et de soutenir le débat démocratique. Alors, en ce sens-là, la transparence, en rendant publics l'ensemble des documents et des études, ça nous apparaîtrait être une contribution fort importante.
À l'article 6, je dirais, c'est ce qui traite davantage de la composition de l'Observatoire. Nous apportons la remarque suivante: on parle de quatre personnes issues des domaines particulièrement concernés par la mondialisation. À cet égard, nous soulignons un intérêt marqué pour la question des femmes, les questions environnementales et les questions des droits des autochtones. Et j'introduis tout de suite une remarque: quand je parle des femmes, je ne parle pas d'un groupe minoritaire dans la société; je parle de la moitié du monde; et, quand je parle de la question autochtone, je pense qu'il est important, y compris au Québec, que nous ayons un éclairage, notamment sur les effets dans le Sud des traités de mondialisation; et, quand je cible en particulier la question autochtone, c'est en ayant en tête qu'il s'agit là d'une nation plus que d'un groupe catégoriel de la société.
D'autre part, l'intention d'assurer une présence minimale des jeunes au conseil d'administration est louable. Je dirais non seulement louable, nous l'encourageons fortement, comme CSN. Je rappelle leur implication active dans les questions relatives à la mondialisation. Par ailleurs, nous questionnons la pertinence d'inscrire cette modalité dans le projet de loi. Il me semble qu'on ouvre là une conception de la démocratie qui sectorialise, si on veut, l'ensemble des citoyennes et des citoyens. Alors, de ce côté-là, là, nous avons certainement un questionnement. Nous souhaitons que, spontanément, le gouvernement désigne un grand nombre de personnes jeunes. Nous croyons à leur contribution dans les débats de l'Observatoire. Cependant, nous avons des réserves à inscrire un groupe plutôt qu'un autre de la société dans le projet de loi.
Article 7: Il devrait être clair que les orientations stratégiques, les objectifs généraux, les politiques et les plans d'action concourent à la réalisation de la mission de l'Observatoire telle que nous la souhaitons, c'est-à-dire que nous souhaitons que cette mission inclue spécifiquement la nécessité de bien documenter les aspects sociaux et la démocratie comme étant des impacts majeurs de la mondialisation.
Article 13: Comme nous comptons bien être présents au conseil d'administration, on y fera valoir nos vues sur le souhait de la direction générale. On précise cependant que son profil devrait comporter un certain nombre de compétences dans le domaine, évidemment, de la mondialisation mais aussi des objets scientifiques et des objets sociaux.
Article 23: Nous tenons à marquer notre satisfaction de voir que le projet de loi prévoit justement la création d'un comité scientifique. On croit que ces avis devraient être rendus publics, et il doit être clair que ce comité scientifique s'en tienne à son rôle sans se transformer en comité d'évaluation générale des recherches.
Enfin, une dernière remarque concernant les articles 29 et 30: Est-il suffisant pour garantir que l'Observatoire, dans toutes ses activités, est bien redevable devant l'Assemblée nationale? Bref, on pense que, au-delà du dépôt d'un rapport de l'Observatoire à l'Assemblée nationale, il serait intéressant d'y inviter la présidence pour provoquer un échange qui aille au-delà d'une présentation documentaire, avec la personne qui assumera la présidence de l'Observatoire.
Alors, je m'arrête là. Je considère toujours que les périodes d'échange avec les parlementaires sont l'élément le plus intéressant des commissions parlementaires.
Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Carbonneau. Alors, pour amorcer cette période d'échange, j'invite Mme la ministre d'État aux Relations internationales.
Mme Beaudoin: Bonjour, Mme Carbonneau, M. Dagenais. On est heureux de vous entendre ce matin, et il est vrai que ce projet de loi... En fait, je suis heureuse de constater ce matin en quelque sorte sa concrétisation par ces audiences publiques. Depuis, donc ? ça fait quoi? ? une journée et demie, deux jours déjà, puis il y aura encore une journée, donc, la semaine prochaine, il y a une trentaine de groupes qui ont décidé de présenter des mémoires. On est très contents que la CSN l'ai fait, parce que ça démontre l'intérêt, en effet sur... ça démontre l'intérêt à propos de la mondialisation, sur ce sujet de la mondialisation, de tous ces groupes de la société civile. Et ce projet qui était à l'état très virtuel il y a six mois, bien, maintenant ? il a été déposé au mois de juin ? on est en commission parlementaire, et on va l'étudier article par article. Espérons qu'on l'adoptera donc pendant la session qui va s'ouvrir vers la mi-octobre.
Alors, j'aimerais faire, peut-être, quelques commentaires justement sur vos recommandations, les commentaires que ça m'inspire et peut-être un certain nombre de questions. Quand vous dites que, à l'article 4.3, «l'Observatoire ne doit pas accaparer toutes les ressources financières destinées à étudier la mondialisation. Il devrait donc s'associer avec ces partenaires pour les activités de sensibilisation et d'éducation». Alors, oui, nous le disons, d'ailleurs, à l'article 4, paragraphe 5°: «collabore, au Québec et à l'extérieur, avec des organismes intéressés par la mondialisation, notamment avec les institutions universitaires et les centres de recherche». Mais, vous, vous dites aussi pour les activités de sensibilisation et d'animation.
Alors, ça me semble évident que l'Observatoire est complémentaire et qu'il va y avoir comme un réseau, en effet, qu'il va s'inscrire dans un réseau, et il pourra éventuellement se concevoir ou se retrouver comme à la tête d'un réseau, comme tête de réseau mais aussi avec l'étranger, hein, on y tient beaucoup. On ne veut pas que ce soit un organisme que Québéco-Québécois. Ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, qu'il y a deux personnes au conseil d'administration qui doivent venir de l'extérieur du Québec. On l'a bien dit: On veut que cette interaction, à la fois avec les pays du Sud, d'ailleurs, parce qu'il n'est pas exclu qu'une de ces deux personnes venant de l'extérieur du Québec soient d'un pays du Sud ? pourquoi pas? ? pour que cette dimension soit présente au conseil d'administration de l'Observatoire. Donc, moi, je le vois comme très complémentaire, l'Observatoire, par rapport à tout ce qui se fait et qu'il devrait agir, donc, en réseau.
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(9 h 50)
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Et j'ajoute que, déjà, le ministère des Relations internationales ? ça me semble une précision importante ? subventionne, donne annuellement ? c'est assez récent ? une subvention à l'UQAM, une autre à l'Université de Montréal et une troisième à l'Université Laval via l'École des hautes études internationales ici, à Laval, pour s'occuper d'un angle ou l'autre de la mondialisation. Par exemple, ici, à Laval, l'Institut des hautes études internationales s'occupe principalement des suivis des sommets, puisque c'était le troisième et qu'il y en aura donc un quatrième. Voilà.
Alors, donc, je pense que, ça, il faut que ce soit en effet très clair dans notre esprit: c'est une valeur ajoutée que l'Observatoire, par rapport à tout ce qui se fait, soit dans la société civile et par des organismes de la société civile ou soit dans des centres de recherche par des universitaires. Donc, voilà.
Quand vous parlez, en effet, à l'article 4.4: «L'Observatoire devrait rendre publics non seulement un état annuel de la situation mais aussi des résultats de tous ses travaux.» Eh bien, c'est dans la nature même de la bête, si je peux dire, en effet, oui.
L'article 6: Là, vous me parlez effectivement du conseil d'administration: «Nous nous permettons une suggestion: les quatre personnes issues de domaines particulièrement concernés ? les femmes, environnement, droits et autochtones». J'écoute ce que tous les groupes qui viennent devant nous me disent, nous disent à ce sujet, et je pense que, quand on arrivera à l'étude article par article, on verra ce que la sagesse populaire représentée autour de cette table ici, par les parlementaires de l'opposition officielle et du Parti québécois, en décide, mais j'en prends bonne note.
Là où, effectivement ? puis je vous en fais une question, Mme Carbonneau puis M. Dagenais ? quand vous dites: Les jeunes, oui, il faut tendre à ce qu'il y ait... mais on ne voudrait pas l'inscrire. Bien, je vais vous dire pourquoi on l'inscrit. En tout cas, moi, dans mon esprit, là ? moi, je vais parler pour moi ? c'est que les jeunes... C'est sûr, là on entre dans le XXIe siècle, ça devient l'enjeu, je pense, primordial de nos sociétés, même si on ne s'en rend pas tous compte à l'heure qu'il est, je pense que la population, depuis le Sommet des Amériques et le Sommet des peuples, a été très sensibilisée, a commencé à se poser beaucoup de questions, je trouve que le silence est revenu un peu trop vite peut-être sur ces questions-là, puis il est clair que l'Observatoire, c'est pour augmenter le volume aussi de ces discussions-là et de cette réflexion-là sur la mondialisation. Et moi, je ne sais pas, je me suis dit: Il me semble que trois jeunes de moins de 35 ans, ça marque notre volonté ou ça marque le coup pour bien montrer qu'en effet les jeunes de moins de 35 ans sont ceux qui, au premier chef, d'abord s'y intéressent ? on les voit dans la rue et ailleurs, à propos de ces questions-là ? et je ne sais pas, c'était dans cet esprit-là. Vous, vous nous dites, si je vous comprends bien, mais j'aimerais vous entendre encore un peu plus: Il ne faut pas sectorialiser. Est-ce que sectorialiser, donc, à cet égard vous n'imposez pas la parité, vous ne demandez pas la parité hommes-femmes, par ailleurs? Je vous pose la question.
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, deux choses par rapport à vos premières remarques: je suis très contente quand vous définissez l'Observatoire comme étant un organisme complémentaire: je pense que ça dissipe toute ambiguïté. Alors, on ne peut pas parler d'une organisation-parapluie. Et j'ai trouvé particulièrement intéressante votre préoccupation quand vous évoquiez que la perspective même que quelqu'un du Sud y siège... dans le sens où je pense qu'une population bien informée sur l'ensemble des aspects doit aussi prendre en compte les effets de cette mondialisation non seulement sur la société immédiate où elle vit, mais particulièrement chez les peuples qui rencontrent parfois de plus grandes difficultés au chapitre du développement, et de ce côté-là je trouve particulièrement intéressante votre remarque.
Sur la question des jeunes, je veux être claire: Je suis la première à reconnaître et à souhaiter leur implication et leur visibilité à l'intérieur de ce débat-là. Bref, ce que je vous dis: Faites-le, c'est une bonne idée. Par ailleurs, ce que je questionne, c'est la pertinence d'inscrire cela dans ces termes-là dans le projet de loi, dans le sens où on a très souvent dans des projets de loi à s'assurer d'une représentation, si on veut, équitable de la société, et, à ma connaissance, on ne l'a jamais fait ? à ce jour ? en ciblant des groupes particuliers. Et là, je trouve qu'on ferait un débat totalement improductif si on se mettait à dire: Des jeunes, oui, mais pourquoi pas des femmes, pourquoi pas les gais et les lesbiennes, pourquoi pas ceci, pourquoi pas cela? Et ce n'est pas ma conception fondamentale de la démocratie.
Je rappelle, quand on soulève la question des femmes ? ce n'est pas rien que tantôt je faisais la remarque ? on parle très souvent, bon, des effets discriminatoires sur des groupes, ce sont généralement des groupes minoritaires. Et, quand je soulève ça, ce n'est certainement pas pour justifier, même si ça devait s'adresser à une seule personne, de voir perdurer la discrimination. Mais je rappelle que, quand on parle des femmes dans une société, on parle de 50 % de la population. Or, en ce sens-là, je disais tantôt que, dans les quatre personnes, je verrais très mal un observatoire qui n'aurait aucune femme. Là, il y aurait un problème absolument visible et majeur. Alors, c'est en ce sens-là. Je crois que la mondialisation a des effets particuliers aussi sur les femmes, sur leurs conditions de travail, sur le niveau de ressources dont elles disposent, et en ce sens-là je souhaite que, en fouillant les conséquences sociales de la mondialisation, on fouille bien sûr les effets sur les femmes. Alors, c'est les nuances que j'ai à apporter par rapport à mes premières remarques.
Mme Beaudoin: Alors, de mon côté, un dernier commentaire puis une dernière question. Le commentaire à propos des articles 29, 30: «Nous croyons opportun que la présidence de l'Observatoire soit entendue en commission parlementaire au moins une fois par année pour répondre de la réalisation de la mission.» Moi, je trouve que c'est une bonne idée et je serais plutôt favorable. On en discutera, bien sûr, tous ensemble, comme je l'ai dit, au moment de l'étude article par article. Mais, a priori, parce que plus, justement, les parlementaires vont être impliqués... Vous savez qu'on a aussi adopté à l'unanimité, je dois dire, une loi qui s'appelle la loi n° 52, qui va faire en sorte que tous les traités ? on va commencer par Kyoto, j'espère, rapidement ? que tous les traités d'importance, qui touchent les compétences du Québec, doivent dorénavant venir devant notre Assemblée nationale qui pourra, bon, provoquer des audiences publiques, et, en tout cas, il y aura au moins un débat, un vrai débat, à l'Assemblée nationale sur ces accords qui touchent les compétences du Québec.
Alors, vous avez vu aussi ? puis vous n'avez pas fait de commentaire, j'imagine donc que vous êtes d'accord ? qu'il y a trois députés parlementaires membres de l'Assemblée nationale qui seront, comme observateurs, qui se retrouveront au conseil d'administration, comme observateurs, sans droit de vote, à l'Observatoire. Donc, il faut qu'il y ait ces passerelles. Autant on veut des passerelles entre tous les acteurs de la société civile puis que le dialogue s'instaure, il faut que ça ait une répercussion, un effet sur les parlementaires qui se réapproprient eux aussi, comme les citoyens doivent le faire, tout cet enjeu de la mondialisation. Alors donc, a priori, je trouve que c'est une recommandation intéressante.
Et, en terminant, moi, j'aimerais tout simplement vous entendre quelques minutes me parler des droits des travailleurs. Comment vous voyez leur inscription dans ces accords de commerce internationaux, que ce soit la Zone de libre-échange des Amériques ou encore l'Organisation mondiale du commerce? Comment vous voyez ça, sachant que les pays du Nord, quand ils veulent ou quand ils parlent des huit conventions, par exemple, fondamentales de l'OIT, ont l'air d'imposer des ? disons ? restrictions aux pays du Sud qui souvent, eux-mêmes, en tout cas via leurs dirigeants sinon via leurs travailleurs, se rebiffent en disant: bien, voilà des barrières au commerce, et donc vous faites ça par protectionnisme et non pas pour aider les travailleurs des pays du Sud? Alors, j'aimerais vous entendre sur cet argument-là.
M. Dagenais (Vincent): Sur cette question-là précisément, d'abord une remarque: la plupart sinon la totalité des pays du Sud qui manifestent une certaine réserve à l'inscription des droits des travailleurs, des normes fondamentales du travail dans les traités commerciaux, ont d'autre part adhéré à ces conventions de l'OIT. Donc, ce ne sont pas des contraintes, si on veut, ou des traités qui leur seraient imposés de l'extérieur; ce sont des traités auxquels ils ont adhéré. Je ne veux pas me tromper en disant 100 %, mais, mettons, la grande majorité, la vaste majorité, près de 100 % des pays qui, d'autre part, s'objectent à l'inclusion de ces normes dans les traités les ont signés. Bon.
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(10 heures)
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Alors, la question, ce n'est pas de savoir s'ils sont d'accord ou non avec les traités, puisqu'ils les ont signés. La question, c'est: Quels sont les mécanismes contraignants, si on veut, qui seraient les plus favorables à leur application? Et c'est dans ce sens-là qu'à la CSN, dans le cadre d'ailleurs d'échanges à l'intérieur de la Confédération internationale des syndicats libres, on arrive à la conclusion que ce serait une bonne chose de pouvoir les inscrire comme une contrainte à l'intérieur des traités commerciaux, comme il y a un certain nombre de contraintes qui visent à faire en sorte que si les pays signataires du traité ne respectent pas la contrainte a ou la contrainte b, par exemple, concernant les mouvements de capitaux, mais il pourrait y avoir la contrainte c qui concerne le respect des normes fondamentales du travail, elle est, disons, soustraite au bénéfice du traité. On n'est pas dogmatique là-dessus.
Ce qu'on recherche, c'est une méthode d'application la plus contraignante possible des normes fondamentales du travail. Le cas du Myanmar est un cas flagrant où tout le monde constate que les normes ne sont pas respectées mais que la communauté internationale constate son impuissance à voir l'application. Je précise qu'il ne s'agit pas de conférer à l'OMC, par exemple, ou à un tribunal commercial, la juridiction qui appartient ou les juridictions qui appartiennent à l'OIT et son expertise. D'ailleurs, elle a l'expertise pour voir au respect des normes fondamentales du travail. Et d'ailleurs, le processus de l'OIT est un bon processus qui permet l'envoi de commissions, d'experts de surveillance des travaux, d'aide aux pays ou de supports aux pays pour les aider à remplir leurs obligations.
Donc, ce qu'on recherche, c'est une méthode dans la mesure où, en bout de ligne... d'ailleurs c'est ça qui fait la force de l'OMC. Ce qui fait la force de l'OMC, c'est que les pays adhèrent volontairement à un mécanisme obligatoire de mise en application. Alors, encore une fois, on n'est pas dogmatique soit d'une façon ou d'une autre. Ce qu'on recherche, c'est qu'un mécanisme obligatoire de mise en application puisse exister pour les normes fondamentales du travail.
Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Jean-Talon et porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, madame, messieurs bonjour. Moi, je vais vous amener davantage sur le volet Mise en place de la structure que l'on regarde aujourd'hui, c'est-à-dire celle de l'Observatoire québécois de la mondialisation.
Vous faites référence, dans votre document, qui est bien documenté d'ailleurs, sur les nombreuses données quantitatives qu'on retrouve sur les effets finalement de la mondialisation ou de l'organisation du commerce en général. On sait qu'il y a évidemment de nombreuses recherches aussi qui sont faites par des universitaires sur les effets de la mondialisation. Et il est certain que, depuis deux ans, certainement à Québec, on a certainement éveillé toutes les consciences ? espère-t-on ? aux effets pervers finalement qu'on ignorait sur évidemment toute la question de la mondialisation. Toutefois, étant donné qu'il y a cette multiplicité de données et de recherches qui sont faites par divers organismes, est-ce que vous pensez que la structure comme telle qu'on s'apprête à mettre en place est le véhicule, est le meilleur véhicule pour pouvoir diffuser cette information? La ministre nous disait lors de ses notes d'ouverture qu'elle ne souhaitait pas que ce soit évidemment un lieu de concertation, que c'était davantage pour vulgariser pour le citoyen qui a un peu de difficulté à se retrouver au travers de tout ça, qu'elle souhaitait donc que ce soit davantage un lieu où il y avait vulgarisation des documents et de ce qui se passait.
Il y a des gens qui vous ont précédés, des intervenants qui sont venus nous dire qu'ils souhaitaient que ce soit davantage un organisme-conseil auprès du gouvernement. Il y a un peu de tout dans ce qu'on a entendu. Tout le monde s'entend pour qu'il se fasse quelque chose. Pour vous, est-ce que c'est la structure, dans un monde idéal, là... Demain matin, on informe les gens, on les sensibilise sur toute cette question de la mondialisation et de ses effets par rapport aux travailleurs et travailleuses, qu'ils soient du Québec ou qu'ils soient d'ailleurs parce que je pense qu'on ne peut pas exclure ? puis je suis d'accord avec la ministre là-dessus ? on ne peut pas exclure les effets de la mondialisation sur les gens finalement des pays du Sud, si ce qu'on fait ici au Québec et au Canada a des impacts négatifs, entre guillemets, là-dessus. Si on fait la réflexion, il faut qu'elle soit faite, je pense, avec les avantages et les inconvénients et pour eux et pour nous. Alors, moi, je partage cette opinion-là. Mais, pour vous, est-ce que c'est une structure qui va rencontrer, finalement, vos objectifs, puisque vous militez depuis longtemps dans ce domaine-là? Est-ce que c'est ce que ça prend absolument?
M. Carbonneau (Claudette): Je vais y aller d'un tout premier commentaire par rapport à ça. Vous évoquez vous-même dans votre question l'existence de différentes recherches, différents regroupements. Bref, ce n'est pas le désert autour de cette question-là. Cependant, l'Observatoire, à mon sens, c'est la structure qui nous manque, et, à partir de ça, c'est la raison pour laquelle nous la saluons et nous la trouvons intéressante dans le contexte actuel. Je pense qu'elle a le mérite d'offrir un conseil d'administration qui regrouperait des personnes un peu de tout horizon, et nous insistons beaucoup sur la crédibilité et l'indépendance de cette organisation-là. Alors, dans un flot d'informations, avoir des personnes crédibles de tout horizon qui, sans être une structure de concertation, rendent disponible ou mettent un peu d'ordre dans un fouillis d'informations existant et se donnent aussi comme mission peut-être de documenter les aspects les moins documentés, moi, ça me permet de dire: C'est ce qui nous manque. Et je ne ferais pas le choix de l'Observatoire comme étant la structure unique qui devrait exister pour favoriser les objectifs qu'on poursuit à l'égard d'un débat, par exemple, plus transparent autour de la mondialisation, mais je suis obligée de constater que c'est précisément ce qui est manquant actuellement, et voilà pourquoi on salue cette initiative.
Mme Delisle: Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Mme Carbonneau, j'aimerais vous poser une question sur le comité scientifique. Je suis très content, très heureux que vous en ayez parlé, parce que, jusqu'à maintenant, c'est un aspect du projet qui a été à peu près complètement négligé. Il me semble que vous avez du rôle de ce comité scientifique une conception un peu différente de la ministre ou du projet. Vous dites que les avis devraient être rendus publics: «Il doit être clair que ce comité scientifique s'en tienne à son rôle sans se transformer en comité d'évaluation générale des recherches.» En fait, dans le projet de loi, le comité scientifique, c'est un comité d'évaluation, comme on dit, de la pertinence et de la qualité scientifique des projets. Votre conception est un peu différente. Est-ce que vous pourriez la préciser?
M. Dagenais (Vincent): Si on veut, là, la précision qu'on veut noter, c'est que le comité scientifique, en termes de séquence, devrait être appelé à se prononcer sur la pertinence de la méthodologie ou du sujet, la pertinence scientifique, mais ne devrait pas être appelé ensuite à se prononcer sur les résultats de la recherche, apporter un jugement de valeur, par exemple, sur les constatations ou les résultats de la recherche et se transformer, mettons, en comité de lecture ou d'évaluation de la thèse, si on veut. Alors, c'est ça, la précision qu'on donne. Je pense que le projet de loi ne le disait pas clairement. Si on l'a mal lu, peut-être que c'est de notre faute, mais, en pratique, ce qu'on veut dire clairement, c'est: Le comité scientifique est essentiel pour porter un jugement sur le projet de recherche, si on veut: la méthodologie, les objets, etc., comme il existe un comité scientifique à la CSST pour juger de la valeur des projets de recherche, mais on ne veut surtout pas ensuite qu'il se transforme en comité d'évaluation, en disant: Ça, on aime cette recherche-là, on l'apprécie ou on apprécie ou non les résultats. Je ne sais pas si ça éclaire la question, là, mais enfin.
M. Laporte: Oui, mais ça pose un problème, ça, parce que ? enfin, si on se comprend bien, là ? si vous prenez, par exemple, une question qui est centrale dans le débat sur la mondialisation, qui est celle de la croissance des inégalités de revenu, économiques en général, en particulier dans le Tiers-Monde ? c'est très bien mis en évidence dans le livre de Joseph Stiglitz ? il y a des gens qui sont d'avis que les inégalités augmentent. Stiglitz est plutôt de cet avis-là, lui. Mais il y a un de ses collègues de Columbia ? qui s'appelle Martin... je ne sais pas, c'est un économiste latino-américain qui enseigne à Columbia ? qui a fait aussi des calculs sur cette diffusion des inégalités pour montrer que ce n'est pas vrai généralement et qu'il y a des pays où il y a plus d'inégalités, il y a des pays où il y en a moins. Ça dépend un peu des façons dont on fait les calculs.
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(10 h 10)
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Donc, finalement, le comité scientifique pourrait, lui aussi, avoir à se prononcer non seulement sur la méthodologie, mais aussi sur, disons, l'interprétation qu'on peut faire des résultats des recherches. Je pense que son rôle va être à la fois un rôle au niveau... va jouer un rôle dans les intrants des projets, mais il pourrait jouer un rôle aussi dans les extrants des projets. Ça, vous avez l'air à vous... Pourquoi est-ce que vous êtes, comment dirais-je, réticent, sinon méfiant, à l'égard de ce rôle dans les extrants des projets de recherche?
M. Dagenais (Vincent): On est très content de pouvoir lire à la fois Stiglitz et son collègue. Effectivement, là, ce que vous suggérez, vous semblez suggérer, transformerait le rôle de l'Observatoire, puisqu'il donnerait à un comité de l'Observatoire un pouvoir de jugement sur la valeur des informations qui sont en circulation. Et, on l'a dit: L'Observatoire ne devrait pas être un organisme de conseil au gouvernement, ne devrait pas être un organisme qui recherche le consensus, mais qui met en lumière, qui éclaire le débat. Et, dans ce sens-là, Stiglitz peut publier et puis quelqu'un d'autre peut publier l'avis contraire. Je ne crois pas qu'on puisse... a priori, que quelqu'un aurait dit que la méthodologie ou les objets d'étude de Stiglitz étaient non scientifiques et non pertinents; de même que personne n'aurait fait ça pour son collègue. Et on veut s'assurer qu'effectivement les deux sont disponibles et qu'il n'y ait pas, avant que ce soit disponible, un nihil obstat qui soit demandé et surtout pas d'imprimatur accordé.
M. Laporte: Bien, merci pour cette clarification.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Carbonneau, M. Dagenais. Mme Carbonneau, vous êtes une habituée de nos travaux parlementaires, mais je pense que c'est la première fois que vous vous présentez à titre de présidente de la CSN. Alors, je vous souhaite la bienvenue puis je vous souhaite aussi bonne chance dans votre mandat.
Très brièvement, parce que je sais que le temps file, à la page 11 de votre mémoire, vous soulevez la question du rapport de l'Observatoire avec l'Assemblée nationale. Et vous avez aussi, dans vos commentaires, parlé d'indépendance et de crédibilité. Est-ce que je dois comprendre par là que, si cet Observatoire de la mondialisation voit le jour, vous auriez souhaité qu'il relève directement de l'Assemblée nationale pour lui assurer, justement, cette indépendance et cette crédibilité? Ou ça ne vous dérange pas qu'il relève du gouvernement, qui, d'une certaine manière, va lui donner une connotation beaucoup plus politique et, d'une certaine manière, orienté sur la politique du gouvernement?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, je vous dirais qu'a priori, quand vous soulevez la question à partir de ce qu'on a déposé dans notre mémoire, disons que notre remarque était de portée, je dirais, plus pointue. On croyait, oui, utile de valoriser le rôle de l'Assemblée nationale dans l'organisation de ce débat public, dans la réflexion, et on trouvait souhaitable d'aller au-delà d'un dépôt de rapport d'activité mais permettre une interaction réelle entre le président de l'Observatoire et l'ensemble des parlementaires.
Mme Houda-Pepin: Là n'est pas ma question. Ma question, c'est sur le plan structurel. Est-ce que vous trouvez que, pour assurer l'indépendance de cet Observatoire québécois de la mondialisation, il faille qu'il relève directement de l'Assemblée nationale pour lui assurer l'indépendance et la crédibilité dont vous avez parlé à juste titre? Ou si ça ne vous dérange pas que cet Observatoire relève... soit un organisme finalement gouvernemental et que, accessoirement, il puisse venir se présenter devant l'Assemblée nationale?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, moi, je vous dirais que la chose qu'on valorise le plus, c'est précisément la crédibilité et l'indépendance de l'Observatoire. Alors, en ce sens-là, si on devait être confronté à une pratique qui en fasse un objet d'un gouvernement, on serait les premiers à critiquer ce genre d'approche là. Et on n'avait pas fait de réflexion particulière en termes structurels, comme vous le suggérez, mais c'est une hypothèse que je n'écarte pas là d'entrée de jeu que l'Observatoire relève directement de l'Assemblée nationale. Pour nous, on s'est davantage centré sur le résultat recherché. Nous pensons qu'un observatoire est utile dans la mesure où il est perçu dans l'ensemble de la société comme étant un organisme parfaitement indépendant et parfaitement crédible.
Mme Houda-Pepin: Bien. Des organismes avant vous, notamment la COFI qui font partie du réseau intercontinental dont vous faites partie également, sont venus nous sensibiliser à la dimension... aux impacts sociaux de la mondialisation et c'est un point que vous avez soulevé aussi dans votre présentation et vous avez dit qu'il faut s'intéresser aux aspects globaux de la mondialisation, aux aspects sociaux j'entends.
À l'article 4 du projet de loi, le volet social est indiqué. La COFI nous a dit que, tel que présenté dans le libellé, le social apparaît comme un secteur au même titre que les finances, l'environnement, l'éducation, et ils auraient souhaité que le libellé de l'article 4 soit modifié pour que le social soit englobant pour tout le reste. Est-ce que vous abondez dans le même sens ou est-ce que vous êtes satisfaits du libellé tel qu'il est là?
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, on n'a pas fait de recommandation particulière sur ce libellé. Mais cependant, au plan des objectifs que l'on recherche, j'ai évoqué souvent, dans la présentation, que, pour moi, le social devait être entendu avec une définition extrêmement large et sûrement pas comme étant un secteur d'activité. Pour moi, le social, c'est autant les questions concernant l'emploi, le niveau de vie, la culture, les services publics, les relations de travail, la législation sociale. Or, en ce sens-là, tout amendement qui viserait à rendre tout à fait transparente cette volonté serait certainement salué par la CSN.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): Alors, Mme Carbonneau, M. Dagenais, merci pour votre participation aux travaux de cette commission.
Et j'invite les représentants de l'Institut de recherche en économie contemporaine à bien vouloir prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs, à cette commission parlementaire, et j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier. Même si vous êtes des personnages relativement bien connus, ce sont les règles qui nous régissent.
Institut de recherche en économie
contemporaine (IREC)
M. Labrecque (Jean): Je m'excuse de l'incident technique, là. Ah oui! Ça, ça fonctionne. Merci.
M. le Président, Mme la ministre, les membres de la commission, nous vous remercions de nous recevoir pour présenter notre mémoire. Je voudrais d'abord vous présenter les gens de l'IREC. M. Parizeau, je pense que ce n'est pas très nécessaire de dire qu'est-ce qu'il a comme passé. Il est président du comité de recherche de l'IREC et M. Robert Laplante est directeur général de l'IREC. Mon nom est Jean Labrecque. Je suis président de l'organisme.
L'IREC est un organisme de recherche, comme son nom l'indique, en économie contemporaine et en sujets reliés. C'est un organisme indépendant sans but lucratif, composé de bénévoles à peu près à parts égales entre le monde des affaires et le monde universitaire. Du côté des universités, nous avons des gens de l'Université de Montréal, des HEC, l'Université de Sherbrooke et l'Université du Québec.
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(10 h 20)
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L'IREC s'intéresse ? brièvement parce qu'on n'est vraiment pas de même notoriété que la CSN, c'est évident ? à trois secteurs particuliers: l'éducation, la finance et évidemment la mondialisation. Dans le secteur de l'éducation, nous avons été les premiers à mettre en ligne, directement accessibles, plus de 150 mémoires et thèses dans le secteur économique, ce qui représente 30 000 pages de texte en ligne directe sur un site Internet. Encore une fois, c'est une première au Québec.
Dans le secteur financier, ceux qui lisent les journaux financiers vont retrouver, soit dans les quotidiens, soit à la radio, soit à la télévision, un indice qui est publié conjointement avec le département de finance de l'Université de Sherbrooke tous les jours, qui est le reflet de ce que la valeur québécoise des entreprises cotées en bourse représente. Ça s'appelle l'indice Québec-30 et l'indice Québec-150, pour ceux que ça intéresse.
Et il est bien évident que ce qui nous intéresse aussi, c'est la mondialisation. Et, pour ce cas particulier, je vais laisser la parole à M. Laplante qui va vous présenter le mémoire.
M. Laplante (Robert): Bonjour. L'Institut de recherche en économie contemporaine s'intéresse aux questions reliées à la mondialisation de façon littéralement organique, puisque ces préoccupations sont inscrites même dans la mission de notre Institut, et c'est en faisant écho à de nombreuses discussions et à des travaux que nous poursuivons au comité de recherche et à l'extérieur que nous avons pu produire le mémoire que nous avons soumis.
L'Institut accueille très favorablement et même avec enthousiasme la création d'un Observatoire québécois de la mondialisation, y voyant une innovation qui contribuera très certainement à rendre visible et à démarquer non seulement la contribution québécoise à ce débat, mais également aussi la manière de faire cette contribution. Nous considérons que la mise en place d'un instrument qui permettra un accès élargi à une information triée, ordonnée, mise en forme, constitue un gage démocratique qui sera essentiel pour permettre au Québec de faire face aux défis dans lesquels il est d'ores et déjà aspiré.
Nous l'avons vu à l'occasion du Sommet de Québec, nous l'avons vu à de nombreuses autres occasions dans les journaux, dans les médias, dans les réactions qu'a suscité Pôrto Alegre, il y a une sensibilité aiguë dans l'opinion publique québécoise à l'égard des questions reliées à la mondialisation. Si on fait un peu d'histoire économique récente, il est établi que cette sensibilité et cet enthousiasme qu'ont eus les Québécois à l'égard du pari de l'ouverture des marchés a fait la différence lors de l'adoption du traité de libre-échange avec les États-Unis, et a fourni par la suite un enclenchement institutionnel qui a toujours été tenu sous la loupe par les différents groupes et composantes de notre société, et c'est un atout.
Il est important que ces questions soient débattues, et nous croyons que la mise en place d'un Observatoire va contribuer à donner plus de rigueur à ce débat qui en exigera beaucoup, puisque ces questions sont complexes. Il importe en effet, pour avoir des idées claires, d'avoir des outils appropriés, et il nous semble que le travail de l'Observatoire sera d'abord et avant tout de permettre de prendre en compte et de regarder le Québec comme une totalité, de saisir son économie avec ses particularités propres et de la situer dans les courants mondiaux et dans les réseaux d'échanges dans lesquels soit qu'il est d'ores et déjà engagé, soit qu'il souhaiterait y participer.
Pour que cet Observatoire puisse nous permettre de mieux outiller le débat public, il est important qu'il puisse servir à fournir des points de repère communs, qu'il puisse donner un cadre de référence qui structurera le débat, qui contribuera à lui donner des formes sur lesquelles l'ensemble des protagonistes s'entendront.
Et il est évidemment périlleux pour une petite économie de s'activer dans les grands marchés. Elle peut s'y dissoudre comme elle peut y trouver des occasions fabuleuses de développement. Selon qu'on le regarde par le contenu ou qu'on le regarde par le processus, le résultat de ce pari qu'ont fait les Québécois de se projeter dans l'espace en mutation, l'espace ouvert des marchés, selon qu'on le regarde par ses résultats, donc on peut y trouver un certain nombre d'acquis remarquables. Plusieurs indicateurs économiques nous montrent que le Québec a bien profité de certaines des dimensions importantes du libre-échange: l'augmentation, par exemple, des exportations en volume, en nombre d'entreprises témoigne bien que les entreprises et les entrepreneurs québécois sont à même de jouer la partie.
Mais, bien sûr, le processus introduit de façon structurelle un risque éminemment sérieux qui est celui de contraindre en quelque sorte les acteurs économiques à un minimum de cohésion et à une approche cohérente de leur stratégie, puisque, bien entendu, le Québec ne sera jamais, même en y étant le plus performant possible, qu'un petit joueur sur ce vaste océan. Cette recherche de cohésion, personne ne peut la décréter, personne ne peut prédire et établir quel devrait être le niveau et degré de cohérence optimal d'une économie et des institutions qui la soutiennent et l'accompagnent. Mais il est un fait que le partage d'un certain nombre de consensus, eu égard aux paramètres avec lesquels on lit la réalité, avec lesquels on décode notre position dans le monde, est essentiel. Et nous croyons que l'Observatoire à cet égard aura une contribution qui actuellement n'a pas d'équivalent, non seulement dans le paysage québécois, mais à toutes fins utiles dans le monde organisé. Il y a d'autres réponses institutionnelles pour favoriser et accroître la démocratisation des processus, mais de ce type-là, à ma connaissance et à notre connaissance, sauf erreur, le Québec innove.
Nous adhérons donc volontiers à l'énoncé de mission de l'article 4 du projet de loi. Nous aurions cependant la proposition suivante à émettre: il nous semble qu'il faudrait être plus explicite dans cet énoncé de mission et distinguer de façon formelle la composante «veille institutionnelle et monitoring» et la composante «recherche et analyse». Elles sont évoquées dans l'énoncé de mission mais il faudrait aller au-delà et préciser. Et l'IREC, à cet égard, choisit un angle qui est rigoureusement institutionnel.
Il faut, nous semble-t-il, mettre en garde et préserver l'Institut, non pas l'Institut mais l'Observatoire, de la tentation encyclopédique. La mondialisation est un phénomène multiforme qui provoque des mutations sur un nombre incalculable d'aspects de la vie sociale, culturelle, économique, démographique des peuples. Et nous pensons qu'il faut veiller à l'établir clairement, que la veille institutionnelle doit permettre d'identifier les acteurs, d'identifier les activités, doit produire un tableau de bord pour que les citoyens sachent qu'est-ce qui se passe, quoi relève de qui. L'OMC, le FMI, l'ALENA, la ZLEA, il faut démêler ça, il faut établir un véritable tableau qui permet aux gens de suivre les choses.
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(10 h 30)
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Il faut, d'autre part, modifier, nous semble-t-il aussi, l'article 6, puisque la composition du conseil d'administration avec des membres issus du monde des affaires et issus du monde syndical, nous semble-t-il, prive l'Observatoire de la possibilité, en nommant des représentants du monde patronal et des représentants du monde syndical, du noyautage, du réseautage avec les autres institutions et organisations internationales. Il y a un risque effectivement que s'affrontent des positions et que ce soit les positions officielles qui soient tenues. Nous pensons par ailleurs que les avantages obtenus par un meilleur maillage avec les organisations patronales et syndicales internationales mériteraient qu'on coure ce risque.
Dernière recommandation. Eu égard au fonctionnement du comité scientifique, à l'article 21, l'Institut estime que le comité scientifique ne devrait pas seulement juger de la qualité des projets, mais il devrait épauler le conseil d'administration pour l'adoption d'un programme de recherche. Il est très facile de se dissoudre et de s'éparpiller dans une multitude de sujets, tous aussi intéressants les uns que les autres, qui pourraient tous être rigoureusement scientifiques et être du plus haut intérêt mais qui ne serviraient pas une approche d'aide à la décision, qui ne serviraient pas une approche de soutien au débat public. Et, en conséquence, il serait souhaitable que le conseil d'administration ? et c'est la modification corrélative à l'article 7 ? ait la responsabilité d'adopter un programme de recherche annuel et que ce programme fasse partie des sujets sur lesquels il a des comptes à rendre, de façon à s'assurer que chaque année nous puissions mesurer les progrès accomplis sur l'ensemble du programme, de manière à évaluer plus précisément de quelle façon l'Observatoire remplit sa mission.
Nous pensons qu'avec ces modifications l'Observatoire constituerait une façon extraordinaire de permettre que non seulement la vitalité démocratique, mais que l'expertise québécoise soit mise en valeur et que le point de vue du Québec se fasse connaître et reconnaître. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui. Bonjour, M. Laplante, M. Labrecque, M. Parizeau. Avant de poser une question, en effet, très précise à M. Laplante sur une des recommandations que vous nous faites concernant le conseil d'administration, j'aimerais, M. Parizeau, si vous acceptiez, vous poser une question beaucoup plus générale, dans le sens suivant. Page 7, donc, de votre mémoire, vous dites ? et je vous cite: «On peut être libre-échangiste tout en rejetant les projets actuels au sujet des règles d'investissement. On peut soutenir la libéralisation des échanges sans prôner la dissolution du rôle des États. Des formes nouvelles d'encadrement du commerce international peuvent être envisagées et conçues pour élargir le potentiel global de prospérité des sociétés et non pour renforcer l'emprise des empires financiers et des conglomérats industriels.» Vous dites: «On doit déplorer que la déclaration finale du Sommet des peuples ait en quelque sorte cherché à figer dans une condamnation sans nuance les discussions qui avaient pourtant fait la richesse de ces débats.» Et vous dites en terminant ? et ça me semble très intéressant: «Le mouvement d'appropriation citoyenne de la mondialisation est en marche et il carbure aux idées et non pas au simple refus et à la condamnation.» Dans le fond, quand, en présentant, donc, votre mémoire, M. Laplante disait: Il faut des paramètres, il faut donc un peu cadrer, si vous voulez, cette perspective concernant la mondialisation, par rapport à l'Observatoire, ce regard critique ? c'est ce que j'appelle, ce que je viens de lire, une vision critique ou un regard critique ? sur la mondialisation, est-ce que vous pensez justement que c'est à partir de ces paramètres-là que l'Observatoire, quand on dit, nous, dans le projet de loi: Ce que l'on veut, c'est favoriser une mondialisation via cet Observatoire-là, que cet Observatoire devrait servir à favoriser une mondialisation maîtrisée, équilibrée et respectueuse des droits humains? Alors, je voudrais voir si vous trouvez que ça se recoupe ou que ça se rejoint en quelque part ce que vous dites, vous, dans votre mémoire et ce qui se retrouve à l'article 3 du projet de loi.
M. Parizeau (Jacques): Ça se complète. Il est clair comme beaucoup des débats qu'on a vu apparaître dans la société, chez nous comme ailleurs, restent marqués par une très grande imprécision quant à l'objet du débat lui-même. Ce qui fait que le plus bel exemple qu'on puisse trouver à cet égard ? et j'entendais tout à l'heure que vous discutiez du livre de Stiglitz, je m'y ai référé aussi dans ce cas-là ? c'est le débat qui court encore, qui continue de se manifester, qu'on voit réapparaître, on l'a vu apparaître avec le projet de ZLEA, du contrôle ou de l'absence de contrôle sur l'investissement étranger. Alors, on se range en deux camps, ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, ceux qui trouvent que l'investissement étranger devrait être débarrassé de toute contrainte et ceux qui trouvent qu'au contraire il faudrait contrôler tout ça.
Ce n'est pas vraiment comme ça que ça se présente. Il est clair que... Tenez, il faut quand même établir une distinction, y compris dans les négociations internationales, entre un investissement destiné à établir, dans un pays, une usine, un appareil de production puis, d'autre part, l'investissement qui consiste à déplacer à travers une frontière 2 milliards de dollars pendant 48 heures pour une opération spéculation. Ce n'est pas pareil. Beaucoup des textes de négociation à l'heure actuelle ? je pense en particulier au projet de l'AMI, l'Accord multilatéral d'investissement, d'il y a quelques années ? confondent les deux, incluent tout ça. Et, dans ce sens-là, il ne faut pas s'étonner que le débat devient extrêmement dogmatique, il devient quasiment religieux. Et, à mon sens, on ne s'en sortira que dans la mesure où on établit les distinctions nécessaires.
Le rôle de l'Observatoire, dans le sens de ce que disait M. Laplante tout à l'heure, savoir où on en est, savoir comment ça évolue, établir toutes les distinctions qu'il faut pour comprendre... Les jugements, ça viendra après; les analyses, ça viendra après. Il y a une fonction de recherche indiscutable dans l'Observatoire, mais je pense qu'il faut garder la démarche recherche et la démarche veille, observation tout à fait distinctes.
Si vous me permettez, je voudrais développer ça un peu. Est-ce que vous m'en donnez le... Je sais que je vais toujours me plier dans la commission parlementaire, je l'ai déjà demandé. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lachance): Cinq minutes... Vous avez un bon 10 minutes, M. Parizeau.
M. Parizeau (Jacques): Comment?
Le Président (M. Lachance): Vous avez un bon 10 minutes.
n(10 h 40)nM. Parizeau (Jacques): Ah! je n'utiliserai pas ça. Il n'y a rien qui fait plus mal au débat sur la mondialisation, à l'heure actuelle, que le dogme, que les simplifications outrancières. Et puis ça masque des choses. Le débat entre le néolibéralisme et puis ceux qui croient encore à la présence, à l'intervention de l'État, après tant d'années, je m'excuse, mais ça fait un peu bebête. On n'en est plus là.
Dans ce sens, l'observation des négociations entre les pays, parce que c'est entre des pays, au sein d'organismes internationaux est en train de faire apparaître des choses infiniment plus spécifiques: des luttes de pouvoir qui s'appliquent à nous, à certains moments, sans même qu'on le sache. Je vais vous en donner un exemple, un exemple, à mon sens, le plus remarquable qu'on puisse trouver.
Nous avons au Québec un intérêt économique majeur dans les brevets pharmaceutiques. La production, la recherche dans le domaine pharmaceutique au Québec est basée essentiellement sur le brevetage alors que, par exemple, l'industrie pharmaceutique en Ontario, elle, dépend beaucoup plus de la fabrication des médicaments génériques. C'est remarquable comme distinction. Nous, au Québec, on sait ça depuis longtemps.
On ne sait pas toujours que l'Organisation mondiale du commerce a, dans ses règles, qui devraient être des règles de libéralisation, imposé, à tous ses membres, donc à tous les pays du Sud, le respect des brevets dans ce domaine. Alors, à peu près tous les brevets viennent de six pays. Les membres de l'Organisation mondiale du commerce auxquels on impose ces monopoles doivent faire respecter les brevets dans leurs pays et, quand on arrive, par exemple, aux brevets sur le sida, il est évident que les pays les plus pauvres ne peuvent pas se les payer. C'est l'origine du grand débat entre l'Afrique du Sud et les 34 premières compagnies pharmaceutiques du monde, dont un bon nombre travaillent au Québec.
Ça a abouti, à la conférence de Doha l'année dernière, à une alliance des Indes et du Brésil qui, pour la première fois, a fait reculer l'OMC sur les brevets. On est en complète mutation sur ce plan. Ceux qui auraient été tout à fait surpris de constater que ceux qui connaissent le mieux ça, qui se sont, en un certain sens, qui ont fait presque une spécialité de cette question, c'est les gens d'Oxfam. Ce n'est pas les gouvernements. Il y a une certain nombre d'avocats qui travaillent pour Oxfam qui ont développé une expertise absolument remarquable. Bien, voyez, l'Observatoire, c'est des choses comme ça qu'il va aller chercher. Puis, quand il y a des soubresauts, on est vitalement intéressés comme Québécois. Je ne vous dis pas que, dans l'état actuel des choses, on peut influencer sur cette base-là, mais au moins on peut voir venir, que ça ne nous tombe pas sur la tête à un moment donné sans qu'on sache exactement ce qui s'est passé. Il y a des domaines où on peut intervenir.
Il y a une tentative majeure à l'heure actuelle, importante, de faire sortir de l'OMC un certain nombre de questions. Le cas le plus spectaculaire est évidemment les tentatives de sortir tous les produits et services culturels de la juridiction de l'OMC. Nous avons, dans cette commission, une personne qui, à l'heure actuelle, au niveau international, participe à cette opération et en est même un des pivots, c'est la ministre des Affaires internationales. L'entente qui s'est faite entre la France et le Québec à cet égard commence à faire des vagues. L'idée serait de faire en sorte que tout ce qui concerne le culturel soit déclaré dorénavant ne plus relever de l'OMC. Vous dire que les Américains sont contents serait exagéré.
Il y en a d'autres tentatives du même genre qui nous intéressent vitalement. On a mis un embargo au Québec sur les exportations d'eau en vrac. On a bien fait parce que si jamais l'eau était reconnue comme bien commercial par un certain nombre de pays du monde, il passe sous la juridiction de l'OMC. Et, dans ces conditions, des projets d'investissement comme il y en a déjà eus un bon nombre, par exemple, transformer la Baie-James en lac d'eau douce et faire en sorte que toutes les rivières qui se jettent dans la Baie-James soient renversées dans un canal qui va alimenter le Middle West américain, ça fait un bon bout de temps que ça existe. Et si l'eau est un objet de commerce, on n'empêchera pas des choses comme celle-là. Il n'y a qu'un petit problème, c'est qu'on ne sait pas exactement quel effet ça aurait sur le climat, mais enfin, pour certains, ça n'a pas d'importance. L'eau sera-t-elle un objet de commerce ou pas?
À l'heure actuelle, on est forcé, simplement pour refléter nos propres intérêts, à fractionner les questions, pas s'éparpiller, comme le disait M. Laplante tout à l'heure, on ne peut pas tout faire en même temps, mais on peut suivre en tout cas tout ce qui immédiatement nous concerne et, je veux dire, comme c'est le cas dans le dossier des affaires culturelles, manifester non seulement une présence mais une action. Et c'est dans ce sens-là, vous voyez, où... Je termine avec ça, j'ai été trop long, je le sais, Mme la ministre, mais c'est toujours la même chose, plus les idées sont claires quand on lance une chose comme celle-là, plus c'est susceptible d'avoir des répercussions. Quant à la recherche et à l'analyse, c'est très important, c'est fondamental même, mais gardons ça distinct, et, quant au comité de recherche, là j'abonde dans le sens de la recommandation qu'on vient de vous faire, c'est: Je pense qu'il est important que le comité de la recherche prépare, sujet à son acceptation par le conseil d'administration, le programme de recherche annuel. Parce que, dans le domaine de la recherche, vous comprenez, les pressions vont être extraordinaires pour ouvrir tout grand et dans toutes les directions.
Le Président (M. Lachance): Je vous signale, Mme la ministre, qu'il reste deux minutes et demie.
Mme Beaudoin: Oui. Moi, je ne veux faire qu'un commentaire, pour laisser la possibilité à un de mes collègues de poser une question. M. Parizeau, je veux juste ajouter que ? et vous l'avez lu, le projet de loi ? la sensibilisation, l'éducation, l'animation... Vous m'avez beaucoup parlé de recherche, d'analyse, de veille et de bien distinguer, je prends ça en bonne note, là, mais la fonction, justement, éducation, sensibilisation, animation, pour que ça se rende aux citoyens dans toutes les régions du Québec, je voulais juste vous le signaler, que c'était fondamental, dans mon esprit en tout cas, dans ce projet de loi.
M. Parizeau (Jacques): Dans ce sens-là, si je peux me permettre... Vous avez tout à fait raison. Et, dans ce sens-là ? comment dire? ? il va falloir qu'à un moment donné l'Observatoire dispose de suffisamment de renseignements pour être capable de fournir à tous les gens dans la société qui veulent avoir des renseignements sur ce qui se passe dans un secteur... puissent l'obtenir dans les cas qu'il faudra, moyennant argent bien sûr. Mais, vous voyez, je verrais très bien qu'à un moment donné, à l'occasion d'un grand débat ou d'une grande discussion internationale, la Fédération des femmes du Québec ou bien l'Organisation des producteurs de bois d'oeuvre s'adresse à l'Observatoire en disant: Qu'est-ce que vous avez sur tel sujet, puis qu'on puisse le leur fournir. Il n'y a personne dans notre société qui fait ça à l'heure actuelle.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Gaspé, brève question, courte réponse, une minute.
M. Lelièvre: Très rapidement, M. le Président. Ma question portait justement sur l'accès à l'information. On sait que ces négociations se passent en vase clos, se préparent en secret. Alors, comment un observatoire pourra avoir accès à cette information-là de façon détaillée et pouvoir la transmettre aux populations, d'une part? D'autre part, si c'était possible, est-ce que l'Observatoire pourrait jouer un rôle plus agressif, je pourrais dire? Parce que quelqu'un est venu ici nous dire: On devrait soulever des polémiques, mobiliser les gens et forcer le dépôt de ces projets d'entente.
M. Parizeau (Jacques): Vous avez tout à fait raison. Le secret est très embêtant, d'autant plus embêtant que, qu'est-ce que vous voulez, de grandes associations patronales sont aux tables de négociation. Le Forum for la ZLEA, le projet de ZLEA, le Business Forum for the Americas est membre des commissions. Peu savent, il n'y a personne d'autre qui sait. Cela étant dit, le gouvernement du Québec ? comment dire? ? a ramassé pas mal de choses, a développé, depuis quelque temps, un certain nombre de postes d'observation, qui sont assez bien renseignés, mais ce n'est pas égal. Dans certains domaines, c'est zéro; dans d'autres, c'est surprenant comme ils ont réussi à ramasser des choses. Beaucoup d'organisations, d'ONG, dans leur secteur, ont beaucoup, beaucoup de renseignements, et, quand on commence à faire le croisement de tout ça, on finit par avoir un portrait assez remarquable.
Ce qu'il y a probablement de plus embêtant, c'est le fait que, officiellement, nous n'avons qu'un seul contact avec ces négociations, c'est le gouvernement fédéral, qui nous dit ce qu'il veut bien nous dire. Dans ce sens-là, ce serait utile, par exemple par le truchement de la Francophonie, puisque nous sommes représentés là, comme gouvernement, que nous puissions avoir un certain nombre de renseignements.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Alors, MM. Laplante et Labrecque, j'espère que vous vous attendiez à ce que M. Parizeau soit, étant donné qu'il n'est pas un citoyen ordinaire... qu'on puisse pouvoir peut-être discuter davantage avec lui.
n(10 h 50)n Sur le projet de l'Observatoire québécois de la mondialisation, je voudrais vous amener M. Parizeau sur la réalité suivante. En faisant ma recherche ou, en tout cas, en me préparant pour ces audiences publiques, j'ai évidemment fouillé un petit peu d'ailleurs puis je suis, entre autres, tombée sur les commentaires que vous avez faits, je crois que c'est en mai 2001, concernant justement votre vision des choses maintenant par rapport à ce que vous pensiez du libre-échange. Vous étiez un bon partisan, un grand partisan, tout le monde s'en rappellera, du libre-échange. Et, en 2001 vous vous êtes ravisé, soulevant finalement le fait que les répercussions qu'auraient maintenant ou qu'auront plus tard... entre autres, vous faisiez référence au chapitre 11 de l'ALENA, puis que vous-même, qui étiez premier ministre à l'époque, lorsque vous aviez appuyé le libre-échange, ça vous avait échappé. Puis là ce n'est pas une critique, c'est un constat.
Alors, ma question c'est: Comment l'Observatoire, s'il avait existé à l'époque, aurait pu vous empêcher, comme premier ministre, de ne pas voir finalement ou de ne pas réaliser qu'il y avait ces embûches-là? Parce que toute la discussion qu'on a... Et j'ai eu l'occasion d'en parler avec la ministre avant même qu'elle dépose son projet de loi. Ce que j'ai compris, c'était évidemment qu'il fallait non seulement élargir le débat, mais il fallait sensibiliser le plus de citoyens possible à ces débats, à ce qui a cours, aux conséquences et aux répercussions finalement de la mondialisation sur les populations, qu'elles soient du Québec ou ailleurs, parce que, évidemment, il y a des conséquences des deux côtés.
Alors, ma question est peut-être un peu naïve, mais on a un rôle à jouer, comme parlementaire, là, de façon non partisane: Comment ça aurait pu vous influencer, à savoir comment est-ce que vous auriez pu ne pas appuyer le libre-échange avec un observatoire qui vous aurait conseillé, qui vous aurait donné de l'information? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Parizeau (Jacques): Seulement une petite, si vous me permettez, une petite correction historique. Quand on commence les négociations, quand Québec commence les négociations sur le traité de libre-échange avec les États-Unis, je ne suis même pas de retour en politique et je viens devant cette commission parlementaire présenter mes opinions sur le projet traité ? je suis encore professeur d'université à ce moment-là: le traité de libre-échange avec les États-Unis de 1989, et le traité, l'ALENA de 1993. Alors, moi, je deviens premier ministre en 1994. Vous voyez? Alors, je veux juste indiquer ça.
Cela étant dit, votre question demeure parfaitement valable. C'est vrai que, sur le plan du libre-échange avec les États-Unis, le Canada disposait de toute une série de garanties ? ça, on oublie ça, par exemple ? et que toutes les questions culturelles étaient exclues de l'entente de libre-échange avec les États-Unis. Il y avait toute une série de domaines qui étaient exclus, du côté américain comme du côté canadien, qui étaient exclus du traité. Et, dans ce sens-là, à ce moment-là, l'Ontario était très contre le traité de libre-échange, en se disant: Qu'est-ce qui va arriver à mes succursales de sociétés américaines?
On a réussi à faire en sorte, par une alliance à toutes fins pratiques... Ça a été tout à fait non partisan. M. Bourassa et moi, on s'est entendus pour littéralement faire du traité de libre-échange avec les États-Unis quelque chose de non partisan au Québec. Les deux partis l'ont appuyé. Et on est montés sur les mêmes tribunes, devant les mêmes chambres de commerce. En fait, c'est vrai que, si ça n'avait pas été de ça, probablement que M. Mulroney, à cause de l'opposition de l'Ontario, n'aurait pas pu faire passer le... n'aurait pas pu signer. C'est des beaux coups, puis, de temps à autre il faut être capable de se le dire.
L'ALENA, on n'a pas compris. Puis là je ne blâme personne, personne n'a compris. On a pensé, en particulier, que ? là, je reviens au chapitre 11 ? toutes ces clauses qui, comment dire, protégeaient les investissements étrangers d'un pays à un autre, ça, c'était l'expression de la méfiance des Américains à l'égard du gouvernement mexicain, qui en avait fait des vertes et des pas mûres avec les investissements américains jusque-là. On s'est dit: Ça, c'est pour les Mexicains.
Ça n'a pas pris de temps qu'à partir du même libellé du chapitre 11 on s'est retrouvés, et le gouvernement canadien et le gouvernement américain, devant les tribunaux et que, là, tout à coup, à cause de politiques d'environnement, par exemple, les pertes de profits étaient interprétées, par une entreprise, comme une tentative de nationalisation et sujette à des dommages importants. On n'avait jamais voulu ça. Et il faut le dire, que, oui, si l'Observatoire avait été là, il aurait sonné les cloches. Personne n'est un surhomme là-dedans; il ne faut quand même pas se faire d'illusion. On n'était pas équipés, au Québec, pour suivre ces choses-là régulièrement. On était bien fiers de notre coup sur l'entente de libre-échange; l'ALENA, on l'a un peu laissé de côté en disant: Ça, c'est pour les Mexicains. On ne l'a pas vu venir.
Alors, à votre question, oui ? tu sais, je peux répondre parce que j'ai vécu tous ces événements-là ? si on avait eu l'Observatoire, ils auraient sonné les cloches à temps. Puis le chapitre 11 n'aurait pas été écrit de la même façon non seulement par les Canadiens, mais probablement par les Américains aussi. Parce qu'il y a autant de causes contre eux que contre le Canada.
Mme Delisle: Juste un dernier commentaire, pour donner la chance à mes collègues de poser des questions. Je comprends de votre mémoire puis de l'intervention que vous avez faite tout à l'heure ? là, je parle à l'IREC ? que vous mettez aussi une emphase sur toute la question du réseautage ? j'ai compris ça lorsque vous avez fait votre présentation, puis on le retrouve d'ailleurs à la page 21 de votre mémoire ? quitte à revoir, comme je pense que c'est la ministre tout à l'heure qui l'a soulevé, à revoir, finalement, la composition du conseil d'administration qui faisait en sorte de ne pas tenir compte des... en fait, que siégeraient au conseil d'administration des représentants que ce soit du patronat ou du milieu syndical ou, tant qu'à ça, des groupes communautaires, sans que ce soient nécessairement les dirigeants. Vous dites que ce serait important que ce soient les dirigeants ou, enfin, ceux qui sont dans les hautes instances de ces organisations-là, puisque ce serait plus facile de créer des alliances puis de créer... en fait, que le réseautage se fasse sur une base internationale.
Est-ce que vous ne craignez pas, justement, qu'on perde l'essentiel de la mission de l'Observatoire? Parce qu'il va avoir comme une double mission: la mission d'informer, la mission de colliger, d'informer, mais les gens qui siégeront là auront toujours en tête tout ce volet de réseautage, qui n'est pas à négliger, là. On s'entend, je suis parfaitement d'accord qu'il doit y avoir un... qu'on ne peut pas faire ça en vase clos puis qu'on ne peut pas faire ça tout seuls au Québec. Est-ce qu'il n'y a pas un peu une contradiction là-dedans? Rapidement, pour que je puisse laisser un peu de temps.
M. Laplante (Robert): Il y a un risque. Mais, comme le soulignaient les intervenants précédents de la CSN, si l'Observatoire n'est pas une structure de concertation sur laquelle ils sont, comme représentants du monde patronal ou du monde syndical, tenus à développer des positions communes, cohérentes avec les positions de leurs organisations respectives, ce risque-là est minimisé.
D'autre part, il reste un problème de fond et qui est incontournable: Le Québec n'est pas aux tables de négociation. C'est un univers où l'information est déjà extrêmement difficile à recueillir. Alors, il est, nous semble-t-il, impératif de multiplier les voies d'accès pour qu'on puisse grappiller le plus largement possible les informations disponibles.
n(11 heures)n La participation du gouvernement du Québec dans la francophonie est une voie d'accès privilégiée sur laquelle il faut, effectivement, insister, mais il faut également considérer que ce que l'on appelle, grosso modo, comme la nébuleuse de la société civile, regroupe une très, très vaste diversité d'organismes qui constituent un potentiel d'information important. Mais, parmi ces organismes-là, les structures qui sont déjà internationalisées, auxquelles appartiennent les groupes organisés comme les syndicats ou les groupes patronaux, sont des sources importantes, et, de ce point de vue, ça devient un risque calculé. Effectivement, on peut perdre un peu en souplesse ce qu'on va gagner en information.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Je vous remercie, M. le Président. M. Jean Labrecque, j'ai trouvé pas mal intéressant ce que vous avez appelé «la tentation encyclopédique», parce que, évidemment, quand on regarde la définition de la mission et des fonctions de cet organisme, je suis bien d'accord avec vous qu'il y a une tentation d'encyclopédisme qui est là, latente, hein. Mais ça m'a l'air que vous êtes d'avis que par, disons, une modification de la mission du comité scientifique, une définition de son rôle, on créerait des balises ou des garde-fous ou on donnerait des priorités qui nous permettraient d'éviter le risque de cette tentation-là. C'est ce que j'ai compris.
M. Laplante (Robert): Oui, et par la modification que nous proposons à l'article 4 en distinguant dans la mission la fonction veille de la fonction analyse, la fonction veille permettant véritablement d'établir des paramètres et un ensemble d'indicateurs qui donneraient au grand public comme aux spécialistes un portrait d'ensemble rigoureusement clair de ce qui se passe, étant donné que, dans ces questions, il est assez fréquent de retrouver non seulement une multitude de pays, mais une multitude d'organismes qui sont partie aux discussions, et le commun des mortels, et souvent même les spécialistes, finissent par ne plus s'y retrouver. Donc, une fonction veille informationnelle qui permettrait de bien dégager le rôle des organismes, qui permettrait de suivre leurs activités ? quels sont les groupes de travail, quels sont les ordres du jour de ces groupes de travail là, quels sont les résultats attendus? ? nous permettrait de doter le Québec d'un instrument formidable de suivi.
Maintenant, bien entendu, la fonction recherche, elle, devrait être concentrée, nous semble-t-il, sur d'abord et avant tout les enjeux qu'on peut identifier dans le tableau indicateur, qu'on peut identifier, donc, dans les ordres du jour de l'OMC, dans les ordres du jour de la mise en place de la ZLEA, etc., plutôt que de se lancer sur toutes sortes d'autres questions qui peuvent être fort importantes et intéressantes par ailleurs, mais il est important que la fonction recherche reste en résonnance avec les enjeux qu'on peut faire sortir en suivant les processus institutionnels.
M. Laporte: Mais il y a une question que vous n'avez pas abordée dans votre mémoire et qui concerne ce qu'il convient d'appeler l'autonomie de cet organisme. De ce point de vue là ? j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, je vais vous poser la question brutalement: Pourquoi, plutôt que de créer un organisme gouvernemental, la ministre n'a-t-elle pas décidé de créer un organisme public qui soit doté d'un fonds de financement, un fonds de dotation dont les membres pourraient être, disons, nommés par le gouvernement, mais qui ait, par rapport au gouvernement, une autonomie beaucoup plus grande que ce qu'un organisme gouvernemental pourrait avoir? Parce que cet organisme pourrait être appelé à se prononcer contre des décisions, à l'encontre de décisions qui seraient prises par le gouvernement du Québec, indépendamment du parti qui serait au pouvoir. Je pense, par exemple, à un organisme comme l'Institut de recherche sur les politiques publiques, là, à Montréal. Ça, ça a un fonds de dotation de plusieurs millions de dollars, je pense que c'est une cinquantaine de millions de dollars du gouvernement fédéral, et ça a une vocation d'évaluation des politiques, et ça peut se prononcer avec une grande autonomie. Donc, sur l'autonomie de l'organisme, est-ce que vous vous ralliez complètement au projet ou si vous avez des nuances à faire?
M. Parizeau (Jacques): Bien, moi, je me rallie complètement au projet pour la raison suivante: c'est que ? c'est singulièrement vrai pour ce qui a trait aux activités de veille ? même quand un gouvernement n'est pas assis à la table des négociations, il a quand même, il dispose tout de même d'une foule de renseignements. Il a la possibilité d'aller en chercher d'autres. Comme je le disais tout à l'heure, bien sûr, il y a d'autres organismes. Par exemple, les syndicats disposent aussi ? on en a parlé tout à l'heure à l'occasion du maillage ? les syndicats disposent, par leurs associations avec d'autres syndicats à travers le monde, de sources de renseignements. Les ONG aussi, c'est clair. Et puis le patronat, n'en parlons pas, ça va de soi. Mais il reste que l'ancrage, sur le plan du renseignement, l'ancrage à un gouvernement est important, parce que, indépendamment des efforts qui vont être faits pour faire circuler le renseignement que cette mission d'éducation qui est très importante et que la ministre soulevait tout à l'heure, indépendamment de ça, normalement, l'Observation doit être un canal privilégié pour le renseignement qui vient du gouvernement et puis un canal privilégié pour fournir au gouvernement des renseignements nécessaires à son action. Ce n'est pas le seul canal. On l'a dit. On l'a souligné longtemps.
Mais dans ce sens-là, entre une indépendance complète avec une dotation puis, au fond, une orientation qu'il pourrait prendre ou changer ou modifier ou définir à sa guise, je pense qu'un arrimage avec le gouvernement, avec un conseil d'administration cependant constitué comme il l'est, ça donne une certaine assurance d'indépendance sur le plan des idées et un arrimage fonctionnel sur le plan des mécanismes à mettre en place avec le gouvernement.
Le Président (M. Lachance): Merci. Bon. Mme la députée de La Pinière me signale qu'elle aurait une brève question et, moi, je vous indique que, déjà, nous avons dépassé le temps. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on puisse le faire rapidement?
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Parizeau, je ne voulais pas vous laisser partir sans vous poser cette question-là ? vous l'avez d'ailleurs abordée quand vous avez parlé des aspects culturels et des brevets et de lots en vrac, l'embargo qui a été tenu là-dessus: Dans un horizon de mondialisation sur 10 ans, par exemple, quels sont les secteurs qui, au Québec, présentent une vulnérabilité, dans le cadre de la mondialisation qui s'en va à vive allure, sachant que les autres aspects, que ce soient les aspects sociaux, la démocratie, les droits humains, ce n'est pas quelque chose qui est propre à nous, c'est-à-dire les sociétés du Sud, les pays du Sud, réclament aussi ces choses-là face à la mondialisation, mais, pour le Québec, c'est quoi, les véritables enjeux, et c'est quoi, les secteurs vulnérables pour nous?
M. Parizeau (Jacques): Au point où nous en sommes, madame, à mon sens, le secteur où nous sommes le plus vulnérable, c'est l'éducation. Je suis étonné, depuis déjà quelques mois à regarder cette situation-là, de voir à quel point la privatisation de l'enseignement avance à grands pas au Québec et pas dans le sens de la multiplication des écoles privées, là. Ce n'est pas de ça dont je parle: c'est la privatisation de la recherche dans les universités; c'est l'obtention de diplômes par le truchement de cours télévisés donnés par des universités américaines à travers le monde; c'est la dépendance des budgets d'organismes publics, comme les commissions scolaires, à des sources privées de fonds.
Alors, il y a des aspects qui sont assez spectaculaires et, comment dire, relativement... enfin, qui ne touchent pas le fond de la question comme, par exemple, donner le monopole dans les salles d'une école ou d'une université, donner le monopole à Pepsi plutôt qu'à Coke, hein. Ça aussi, c'est de la privatisation, mais ce n'est pas de ça dont je parle. Là, je parle vraiment de la transformation graduelle d'une partie de l'enseignement dans un secteur qui fonctionne de façon privée. Là, à un moment donné, va se poser la question de voir si, à partir des règles existantes de l'OMC, on commence à déborder du côté de l'enseignement. Je n'aime pas ça, ce qui se passe, je veux dire, je ne vous cacherai pas qu'il y a... Là, il faut clarifier les règles. Il faut clarifier les règles qu'on va faire prendre.
Un deuxième secteur où on est vulnérables... Ce que je viens de vous dire sur la privatisation de l'enseignement, évidemment il y a plusieurs pays qui partagent la même préoccupation à l'heure actuelle, plusieurs pays ? d'Europe, en particulier ? partagent le même genre de préoccupation.
n(11 h 10)n Pour en arriver à des choses plus spécifiquement québécoises, disons, à défaut d'un meilleur terme, le «modèle québécois» est, dans une bonne mesure, basé sur la réduction des risques financiers d'entreprises par des organismes gouvernementaux, par le secteur public. Et là, vous comprenez, c'est très embêtant. Si l'AMI, là, l'Accord multilatéral sur l'investissement, était passé, une bonne partie de ce qu'on appelle le modèle québécois devenait illégal. Or, dans les organismes qui, de plus en plus, punissent l'illégalité par des représailles de type commercial ou de type financier, ça peut coûter cher d'être dans l'illégalité. Avec l'AMI, on l'a échappé belle, d'abord parce qu'on ne savait pas ce qui se passait. On a appris à quel point notre modèle était menacé par une fuite venant d'une association de consommateurs aux États-Unis, qui a mis la main sur le projet puis qui l'a lancé sur Internet. C'est comme ça qu'on l'a eu, hein. Vous comprenez mon insistance sur l'Observatoire. On a été sauvés par la cloche, et la cloche s'appelait Lionel Jospin. Parce que, au fond, il a dit à l'Assemblée nationale une phrase très simple ? écoutez, les dernières négociations commençaient à Paris trois jours plus tard, c'étaient les dernières; si ça passait, ça passait ? Lionel Jospin a dit simplement à l'Assemblée nationale: Écoutez, dans notre époque, c'est parfaitement normal que les États délèguent à d'autres États ou à des organisations d'État une partie de leur souveraineté, mais on ne peut pas déléguer une partie de la souveraineté à des intérêts privés et, dans ces conditions, je demande à la délégation française de se retirer. Puis tout s'est écroulé.
Mais on voit réapparaître ça dans la ZLEA, ces clauses-là. On vient de les voir réapparaître ? parce qu'ils sont tenaces, ceux qui tiennent à ces clauses ? on vient de les voir réapparaître dans un traité commercial entre le Canada et Costa Rica. On sent que tout le monde cherche à créer des précédents. Alors, vous me posiez une question: les secteurs que je trouve les plus vulnérables. L'éducation et cette partie du modèle québécois qui consiste pour l'État à réduire le risque d'entreprise.
Mme Houda-Pepin: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Labrecque, Laplante et Parizeau, pour votre présence ici, à cette commission de l'Assemblée nationale, aujourd'hui.
Et là-dessus, je vais suspendre nos travaux pour une période de cinq minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 13)
(Reprise à 11 h 22)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux de la commission. Et je souhaite la bienvenue aux représentants de la Chambre de commerce du Québec. Alors, bienvenue, madame, monsieur. Je vous prie de bien vouloir vous identifier, en vous indiquant que vous avez une période maximum de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.
Chambre de commerce du Québec (CCQ)
M. Audet (Michel): Merci, M. le Président. Je me présente: Michel Audet, je suis président de la Chambre de commerce du Québec, et m'accompagne Louise Marchand qui est vice-présidente aux politiques de la Chambre.
Alors, écoutez, vous avez... on a transmis notre mémoire il y a déjà un certain temps. Je vais tenter de le résumer très brièvement pour peut-être laisser plus de place à la discussion, justement, puisqu'il s'agit d'un sujet sur lequel je ne voudrais pas faire de répétitions dans ma présentation. Il y a déjà eu des présentations semblables, d'après ce que j'ai lu, actuellement, dans les comptes rendus de vos délibérations.
Donc, les manifestations qui étaient organisées lors des rencontres tenues sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce, du G8, du Sommet des Amériques ? que ce soit à Seattle, Québec, Gênes, Doha, Kananaskis ? ont démontré que la question de la mondialisation suscite des inquiétudes. Des groupes d'horizon très divers, aux idées parfois même contradictoires, ont profité de ces événements pour faire part de leur opposition, non pas tant au phénomène lui-même mais à ses effets appréhendés et souvent, d'ailleurs, plus ou moins justifiés. On évoque notamment le spectre de la perte de souveraineté des États face aux structures économiques traditionnelles, délocalisation de certains emplois. Ce discours occulte par ailleurs des retombées bénéfiques de la fluidité des échanges commerciaux, soit parce que celles-ci sont encore méconnues, soit parce que ses données plus techniques ne sont pas suffisamment comprises.
Pourtant, ce n'est pas d'hier qu'on discute de libre-échange et de lever des barrières tarifaires. C'est notre premier message, ce n'est pas un discours puis ce n'est pas un phénomène nouveau, c'est un phénomène qui est très, très ancien, et vous trouverez dans notre texte beaucoup d'éléments à l'appui de ce facteur, de cet aspect. Les discussions, donc, entourant l'Accord de libre-échange, notamment en 1988 entre le Canada et les États-Unis, et l'Accord étendu au Mexique en 1993-1994, avaient suscité de nombreux débats politiques au Québec et au Canada. Les négociations devant mener à la création de la ZLEA, donc, font couler beaucoup d'encre, même si les enjeux demeurent sensiblement les mêmes, parce qu'en dépit des nombreuses informations disponibles le niveau d'incompréhension du phénomène de la mondialisation demeure élevé et qu'il engendre de ce fait plusieurs appréhensions.
Donc, c'est vraisemblablement dans une approche pédagogique que le gouvernement du Québec a résolu de créer son Observatoire québécois de la mondialisation afin d'expliquer les tenants et aboutissants de ce grand mouvement de société. Pour la Chambre, donc, l'intérêt d'un tel forum sur ce sujet tient essentiellement à sa mission de diffusion d'informations justes, fiables et objectives qui permettent d'engendrer une réflexion éclairée et de démystifier les principaux aspects d'une réalité désormais incontournable de l'évolution de nos sociétés démocratiques, donc. Et j'ai eu l'occasion d'assister à la discussion précédente qui a fait clairement ressortir cet aspect.
Donc, dans cet objectif, la Chambre partage les objectifs énoncés par le ministre des Relations internationales, sous réserve de certaines modalités, donc, quant aux objectifs de la loi. Il est certainement très sain que le Québec se donne un lieu ou qu'il devienne une sorte de creuset de réflexion globale sur les différents aspects économiques, politiques et sociaux de la mondialisation.
Donc, nous n'insisterons pas trop sur les objectifs, on va plutôt décrire un petit peu le phénomène et le fait qu'il soit incontournable et pour, peut-être, poser un certain nombre de questions, quant à nous ? et je pense que c'est l'aspect qui semble préoccuper plus les gens ? sur le réceptacle en quelque sorte, sur l'institut lui-même qu'on veut créer et sa pertinence.
Pour ce qui a trait aux données brutes, je ne voudrais pas, moi aussi, m'appesantir sur des chiffres. Il y en a beaucoup, mais il est important, quand même, de rappeler que le Québec et le Canada vivent beaucoup du commerce international. Donc, c'est déjà, je pense, une première donnée qu'on oublie souvent et que des emplois... et les gens parfois qui font les manifestations ne se rendent pas compte souvent que leur propre emploi dépend du commerce international.
Sur la simple donnée... Je pense qu'il y a des données qui ont certainement déjà été citées, mais c'est important de noter jusqu'à quel point l'évolution de certaines statistiques depuis 20 ans montre jusqu'à quel point le Québec et le Canada ont augmenté leurs exportations, et particulièrement avec les États-Unis. C'est un facteur, je pense, qu'il faut souligner et répéter. On l'a évoqué la semaine dernière lors de la rencontre avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et également lors du Sommet Québec-New York auquel j'ai eu l'occasion de participer. C'est quelque chose de fondamental: nos exportations avec nos voisins du Sud ont triplé entre 1988 et 1999. C'est assez extraordinaire, comme chiffre. C'est une donnée qui répond, d'ailleurs, à mon avis, de façon éloquente à ceux qui doutent des effets positifs du libre-échange. Il y en a encore qui se posent des questions. Je pense que, quand on pense que ça a triplé, alors que la production a augmenté même pas de 30, 40 % pendant cette période et que les exportations ont triplé, on voit le poids, l'augmentation du poids des exportations dans la croissance économique du Canada et du Québec. Et 85 % de nos exportations, donc, ça, on dirige maintenant plus de 85 % aux États-Unis. Et, phénomène intéressant, dans la composition de ces exportations, de plus en plus important, le secteur des produits de haute technologie. On n'est plus un exportateur de ressources naturelles. Ça aussi, c'est un point important qu'il faut souligner. Les chiffres sont éloquents à cet égard. Et, grosso modo, une étude du ministère de l'Industrie et du Commerce nous révèle que, pour 1997, les exportations québécoises ont généré plus de 800 000 emplois au Québec. Donc, je pense que, là aussi, ces quelques données-chocs, je pense, là, permettent de répondre assez facilement à ceux qui se posent des questions sur la mondialisation.
Dans ce contexte, pourquoi, justement, on continue à s'interroger sur, justement, les impacts de la mondialisation? Bien sûr, parce que, chaque fois qu'on exporte ou on fait des ententes internationales, on réduit la souveraineté des États. Ça, je pense qu'il n'y a aucun doute là-dessus. C'est une entente agréée, mutuellement agréée. Mais je pense que, là-dessus, il faut se rendre compte que c'est inévitable, puisque ça fait partie de la réciprocité des États.
Et tout à l'heure on aura l'occasion d'en parler, c'est un sujet qui a été longuement débattu dans le passé. Et je sais que, pour un, j'ai eu l'occasion de travailler assez étroitement à la discussion, la négociation de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, et je suis à même de témoigner que l'objectif principal, c'était précisément de réduire la souveraineté du Congrès américain sur, justement, la capacité qu'il s'était gardée, qu'il se gardait toujours, d'imposer des droits ou dépendamment évidemment des pressions qui venaient de différents lobbys aux États-Unis.
Alors, la création du Tribunal international qui a été arrachée, je dois dire, de haute lutte aux États-Unis, c'est à mon avis un gain important pour le Canada, puisque, pour la première fois, les États-Unis réduisaient leur souveraineté. Donc, il n'y a pas que le Canada ou les plus petits pays qui ont des pertes de souveraineté là-dedans; les grands pays également en font également, doivent également collaborer à ça.
n(11 h 30)n Donc, si on est d'accord globalement sur les objectifs, sur la nécessité de donner plus d'informations, que les gens comprennent ces phénomènes et les expliquent un peu mieux, on se pose cependant des questions, Mme la ministre, sur le second volet. C'est: Pourquoi il faut se donner une structure comme celle-là? Alors, on a déjà eu l'occasion d'en parler, de discuter.
Nos craintes viennent de deux ordres, et puis je pense qu'il n'y a pas de réponse absolue. Comme je le mentionne dans notre texte, il y a peut-être un argumentaire qui nous échappe un peu. On a surtout cherché sur quel modèle... C'est toujours, évidemment, là-dessus: Est-ce qu'il y a quelque chose qui existe actuellement de comparable qui permette à des pays ou à des organisations ou des États de confier une mission semblable à un institut tout en gardant ? puis on l'a évoquée tantôt ? cette nécessité d'un certain lien, quand même, avec le gouvernement pour que le gouvernement ne soit pas de plein front, en quelque sorte, en opposition avec cet institut, qui va être un organisme public dont on comprend qu'il va dépendre du gouvernement? Donc se pose la question: Est-ce que cet organisme-là va atteindre son objectif? Est-ce que le paritarisme auquel on avait pensé... Et j'avoue, Mme la ministre, avoir lu des notes là-dessus pour lesquelles vous avez manifesté justement que les gens seraient là non pas comme représentants... mais le risque que j'y vois personnellement, pour vivre dans certains conseils où il y a du paritarisme, les gens viennent là avec des idées préconçues. Comme le mentionnait M. Parizeau tantôt, il y a des donnes dans ce domaine-là. Et, si les gens s'amènent à un comité semblable avec une position préétablie, qu'elle soit syndicale ou patronale, on va se retrouver rapidement dans une sorte de neutralisation qui à mon avis n'apportera pas beaucoup de choses de plus à la connaissance du dossier, puisqu'il va plutôt s'agir d'opposition de groupes d'intérêt.
Alors donc, ça nous amène à poser des questions plus qu'à apporter des réponses là-dessus. On se dit: Est-ce qu'il y a eu, déjà, dans le passé, des mécanismes de coordination? Il y aurait moyen de structurer ça davantage. Est-ce que c'est une hypothèse ? comme j'imagine ? qui a été regardée? Pourquoi on l'a écartée? On se pose la question.
Deuxième possibilité: ? et je l'évoque maintenant, en tout état de cause ? je sais qu'il y a beaucoup d'universités, de centres de recherche qui ont des spécialités là-dedans. Est-ce qu'on a évoqué la possibilité, par exemple, de faire une sorte d'appel d'offres à ces gens-là pour un groupe interuniversitaire, si on veut créer un organisme externe indépendant du gouvernement, avec un devis très précis, et les faire soumissionner, comme on le fait dans les soumissions publiques, avec un budget, une échéance, une structure donnée pour qu'ils présentent un projet conjoint? Je sais que faire travailler des universitaires ensemble, d'organisations différentes, c'est un grand défi, mais j'imagine que cette hypothèse-là...
Au fond, on a plus de questions posées là-dedans que de réponses, et c'est un peu ce qui nous rendait un petit peu mal à l'aise. C'est qu'on nous campe, dans le projet de loi, un Institut avec une structure qui, à notre avis, va graduellement justifier une certaine permanence à long terme. Bien sûr, il y a l'article 32, je crois, où on a une forme de «sunset clause», sauf qu'on nous dit là-dedans que, au bout de cinq ans, il y aura un mémoire pour évaluer si l'Institut doit continuer. Moi, je vais vous dire: D'expérience, je n'ai pas vu beaucoup d'instituts disparaître dans ma vie. J'en ai vu regroupés de temps en temps, difficilement d'ailleurs, dans d'autres organismes. Si on choisit ce biais-là... J'en fais une proposition que ce soit très ferme et qu'au bout de cinq il disparaît, à moins d'avis contraire et non pas la situation qu'on propose là, puisque c'est un sujet qui est là pour peut-être un certain nombre d'années. Et je pense que là, actuellement, puisqu'il est lié à une négociation, à un phénomène en cours actuellement, qu'est-ce qui arrivera dans cinq ans, c'est à voir maintenant.
Enfin, ce sont des suggestions qu'on fait et des hypothèses qu'on met sur la table sans nécessairement, encore une fois, y avoir les réponses absolues, et c'est pourquoi on vient ici aujourd'hui dans un cadre d'un dialogue ouvert pour, justement, aborder et discuter avec vous de ces questions. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Un certain nombre de commentaires, puis, peut-être justement pour que vous m'éclairiez davantage sur votre position; vous êtes le troisième groupe patronal. Vous représentez, je pense, chacun, le Conseil du patronat, la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, section Québec ? qui représente davantage les PME, comme M. Fahey nous l'a bien expliqué ? maintenant la Chambre de commerce... Alors, les deux premières organisations patronales appuient la création de cet organisme-là. Je veux tout simplement vous faire remarquer que la plupart des mémoires, quand ils se posent des questions ou quand l'opposition, d'ailleurs, aussi a posé des questions qui vont dans ce sens-là: Est-ce que cet organisme sera suffisamment indépendant du gouvernement? Vous, vous, nous dites: Bien, ce serait mieux que ce soit à l'intérieur du MRI puis du MIC. C'est peut-être parce que ? en partie ? vous connaissez bien le MIC, vous en avez été le sous-ministre, et que vous ne doutez pas un instant que le gouvernement est l'organisme, au-dessus de la mêlée, le plus impartial que l'on puisse connaître, et que les fonctionnaires qui ont leur permanence et qui méritent de la conserver, donc, sont en mesure de faire tout ce qu'on se dit.
Alors, écoutez, je fais un peu une boutade, M. Audet, vous avez bien compris, mais quand même, ça se pose comme question et on l'a évidemment regardé. Et ce qu'on s'est dit, c'est que le gouvernement devait, lui, s'organiser: MIC-MRI. Puis, d'ailleurs, il y a eu une décision du Conseil des ministres qui dit: MIC-MRI, il faut qu'on suive ensemble au nom du gouvernement, le mieux possible, avec des petites unités ? vous savez, vous connaissez le budget donc de ces deux ministères etc. ? mais qu'on puisse se faire une idée des intérêts du gouvernement comme tels. Mais que la structure, et avec raison, vous dites: Je n'ai pas trouvé d'autres exemples. C'est vrai, puis c'est là que j'en suis assez fière parce que... Et la plupart de ceux qui sont venus nous ont dit: Il y a une plus-value, il y a une valeur ajoutée ? c'est un langage que vous comprenez ? à créer un organisme de ce genre-là. Parce que, au-delà des universitaires, au-delà du patronat, du syndicat puis des organismes paritaires dont vous parlez qui, très souvent ? vous êtes habitués à fonctionner ensemble patrons-syndicats et tout ? au-delà de ça, il y a des gens issus ? nos amis de l'UPA qui sont derrière justement ? donc du milieu agricole, du milieu de la culture, du milieu environnemental, donc de tout ce qui constitue ? et là j'y viens ? la société civile parce que vous avez écrit un petit paragraphe qui m'a fait sursauter. puis vous le savez. Alors donc, je vais vous dire ce que j'en pense.
Quand vous dites que c'est une notion issue d'Europe, bien là, je ne comprends pas parce que j'avais cru saisir ? puis je me suis informée à ma voisine de droite qui vient de vivre quatre ans aux États-Unis, que les lobbys aux États-Unis, il y en a des milliers d'enregistrés et qui font pression jour après jour sur des «congressmen» ou sur, enfin, la Chambre des représentants ou des sénateurs et que, donc, cette société civile superorganisée, ça nous vient beaucoup des États-Unis. Et d'ailleurs nous, on a fait, vous le savez, une loi pour encadrer le lobbying comme il y en a une, donc, etc. Et que, d'autre part, la Chambre de commerce faisait elle-même partie de cette société civile. Alors, «accorder une telle importance, vous dites, à ce terme de société civile, c'est conférer beaucoup de poids aux divers groupes de pression et fragiliser le système démocratique lui-même, qui est loin d'être parfait et demeure encore le moins imparfait des systèmes». Ça se discute.
Je suis d'accord pour dire: Est-ce que tout ce monde-là est très, très représentatif? Qui est-ce qu'il représente? Mais écoutez, je pense que ça aussi ça fait partie de la mondialisation et de la réalité de la mondialisation. Parce que, quand M. Parizeau disait tout à l'heure que l'AMI, donc, ceux qui ont alerté le monde entier via Internet... Parce que Internet, ça, il n'y a rien de plus, comme on sait, mondialisé, c'est une association de consommateurs américains. Ça s'est retrouvé en France puis, là, les Français se sont mis à s'inquiéter, puis, là, finalement le gouvernement français a dit: On se retire, etc., des négociations. Et que vous avez dit à Johannesbourg: On peut dire: C'est une grand-messe, c'est un grand cirque, etc. Je l'ai vu à Pôrto Alegre. Il y a du pire et du meilleur dans ces événements-là, mais jamais on va pouvoir remettre, si vous voulez, ça dans la bouteille puis fermer le couvercle, puis dire: Bien là, c'est fini.
Alors, je crois, au contraire, qu'il faut essayer justement de faire en sorte que ça s'exprime le plus démocratiquement possible et le plus ouvertement possible dans un dialogue et dans un débat, je veux dire, dont toute la société est le témoin en quelque sorte parce que vous le savez, mon objectif au bout de la ligne, c'est qu'on soit, comme citoyens... qu'il y a une espèce d'appropriation ? il y a quelqu'un qui a écrit ça d'ailleurs, un des groupes qui s'est présenté devant nous ? l'appropriation citoyenne de la mondialisation. Je trouve ça très beau, très, très beau, et je pense que ça vaut la peine d'essayer. Alors donc, c'est notre tentative et c'est notre pari. Alors, je vous laisse la parole.
n(11 h 40)nM. Audet (Michel): Mme la ministre, écoutez, il y a deux questions effectivement que vous soulevez qui sont très pertinentes. Effectivement, on s'est posé la question sur la nature de cet Institut. Vous avez raison, c'est sûr que mon expérience antérieure y est pour quelque chose. J'ai essayé de m'imaginer comment on aurait pu faire la négociation de libre-échange avec un institut complètement externe, qui, tous les jours, aurait peut-être fait état, par toutes sortes de groupes, de positionnements, d'études soi-disant contredisant ce que propose le gouvernement. Je me plaçais un peu dans votre peau au fond pour me dire: Est-ce que, quand on doit prendre une orientation, une décision, c'est le rôle... Est-ce que c'est... entre faire des études et un groupe externe? De deux choses l'une, ou bien donc qu'on veut avoir... on veut donner une indépendance totale. Et là j'en suis. Si vous faites ça, je dis: Sortons-le du gouvernement et faisons un organisme externe, carrément, qui aura sa propre gouverne. Si vous le placez à l'intérieur du gouvernement, vous n'avez pas le choix: cet institut-là va dépendre d'un ministre et va dépendre de l'Assemblée nationale, donc va donner un avis qui va avoir autant de crédibilité que celle que vous allez, vous, apporter ou que votre collègue va apporter au Conseil des ministres quant à une décision du gouvernement.
Moi, je dis tout simplement: Soyons prudents avant de créer un organisme qui va, peut-être, lui-même, devenir une sorte d'épine dans le pied du gouvernement ? je le mentionne comme je le pense. Je ne vous dis pas que ce n'est pas souhaitable qu'il y ait ? au contraire ? une meilleure connaissance. Mais je vous dis tout simplement que, lorsque vous décidez que vous négociez, vous ne pouvez pas donner tous les termes de la négociation. Si, par définition, vous en connaissez des bouts, si vous le dites publiquement, vos collègues, de l'autre côté, avec qui vous négociez, ils vont dire: Écoute, tu ne négocies pas; tu en es train de faire de la politique publiquement. Donc, ça fait partie d'un cadre de négociations qui, par définition, ne peut pas être sur la place publique. Ça a été évoqué tout à l'heure. Il y a une partie privée là-dedans qui est nécessaire, qui va continuer de l'être.
Alors, moi, je dis: C'est une chose que d'avoir une meilleure connaissance interne, d'avoir une meilleure coordination interne, d'avoir un groupe externe-interne, que vous pouvez utiliser; c'est un scénario. L'autre scénario, c'est vraiment de mettre carrément à l'externe, carrément, à ce moment-là. Et là, le gouvernement pourra dire: Oui, il y a des avis, mais le gouvernement, lui, a tranché; il a décidé. Il est élu pour ça, quel que soit le gouvernement, quel que soit le parti, et il prendra sa décision. C'est plus une approche très pratique, pratico-pratique, au fond, que j'essayais de me mettre dans votre peau pour imaginer les scénarios dans lesquels vous pourriez vous trouver. Ceci dit, il n'y a pas de dogme là-dedans encore une fois.
Le deuxième volet, pour la société civile, vous avez raison, c'est un sujet qu'on a discuté ensemble. Ce qui, là-dedans, disons... C'est un petit paragraphe dans le texte là, et il ne faut pas y accorder plus d'importance qu'il faut, mais il reste quand même que, tout ça, ça tient au fait que les groupes en question, dont nous sommes... En passant, vous avez raison, on a des organismes, on a des mécanismes dont celui-ci pour se faire entendre, en fait, les commissions parlementaires, les processus. Le gouvernement fait de la consultation; il en fait. Puis on veut... C'est parfait qu'il en soit ainsi.
Ce qu'on dit, c'est que, si vous donnez un forum externe, vous risquez de déresponsabiliser des groupes comme celui-ci. C'est à vous, les élus, auxquels on pense en disant ça. Vous représentez justement nous, les gens d'affaires, comme les autres représentants. C'est le propre des élus de faire ce travail-là. Alors, si vous dites: Il y a nous, les élus, puis il y a, d'autre part, des gens qui sont dans la société civile qui sont autre chose, moi, j'ai des problèmes avec ça. Parce que je dis: Finalement, ces gens-là, ils doivent se retrouver dans cet ensemble qui s'appelle la société. Ils sont consultés. Puis, quand une décision est prise, bien, ils doivent vivre avec, comme on a appris à le vivre. C'est plus cette préoccupation-là d'une espèce de deux mondes, un monde qui serait le monde politique, d'une part, puis, d'autre part, le monde de la société civile qui serait autre chose. Moi, je dis: Ils font de la politique, ils font partie du processus, ils doivent s'inscrire dans ce processus-là, comme on le fait aujourd'hui, comme on doit le faire dans l'avenir. C'est cet aspect-là que je dis que, si on n'y prend garde, on risque d'éroder le processus lui-même, que vous vivez, dont vous avez la responsabilité.
Mme Beaudoin: Très bien. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Outremont.
M. Laporte: M. le Président. Donc, M. Audet, je pense que vous avez mis le doigt sur ce que j'appellerais l'ambiguïté identitaire de cet organisme-là. Parce que vous dites: D'une part, ça pourrait être un organisme qui serait un organisme gouvernemental, c'est-à-dire ce serait un regroupement. Vous parlez d'un comité ministériel. Ça pourrait être ce que Töffler appelle de l'«ad hocratie» là, hein, ad hoc. D'autre part, ça pourrait être un organisme... Et, ça, ce serait un organisme qui aurait pour mission d'aviser le gouvernement. D'autre part, ça pourrait être un organisme public, non gouvernemental, comme il y a des grands instituts de réflexion ? je pense à... je mentionnais tantôt l'Institut de recherche en politiques publiques ? et qui ne lierait pas le gouvernement en aucune façon, et ainsi de suite.
Et là, vous, vous ne dites pas... Vous n'êtes pas favorable à l'une ou l'autre des options; vous faites seulement réfléchir là. Moi, j'aurais aimé ça que vous nous disiez plus carrément ce que vous, vous aviez comme préférence. Mais là, c'est une décision que vous avez prise, parce que c'est... Puis donc, il y a toute la question... c'est toujours la question de rapport fonction puis structure, dire: C'est-u opportun? C'est-u efficace?
L'autre commentaire que vous faites sur la société civile, au sens où l'entend la ministre, là, et de sa représentation, je trouve que c'est très pertinent ça aussi, ce commentaire-là, là. Parce que c'est vrai que, comme vous dites, il pourrait y avoir un organisme qui serait gouvernemental et qui aurait comme... ou qui serait public et qui aurait comme mission de déposer devant l'Assemblée nationale des mémoires, des avis, des études. Et nous pourrions, nous, en tant que parlementaires, compte tenu du processus démocratique, énoncer des avis, et le gouvernement pourrait réagir à ça, mais c'est... Je trouve que... Enfin, je souhaite ? peut-être que vous aurez un commentaire ? je souhaite vivement que vos propos soient tenus en haute considération, mais je pense que vous auriez plus de chance d'obtenir le succès si vous étiez prononcés carrément en faveur d'une option.
Là, vous nous dites: Bien, il y a deux options puis... mais on n'a pas de... en lisant votre rapport, on n'en arrive pas à la conclusion que, vous, vous jugez qu'une option est préférable à l'autre pour un certain nombre de raisons. Ce que vous dites, c'est qu'au nom de la prudence ? vous l'avez dit tantôt ? vous mettez en garde la ministre contre certains dérapages qui pourraient découler du projet, mais vous n'avez pas une opinion. Vous l'avez dit tantôt d'ailleurs: Sans avoir des réponses absolues... Je ne veux pas d'une réponse absolue, mais je voudrais avoir une opinion plus motivée sur pourquoi vous vous rangez dans un côté puis dans un autre.
M. Audet (Michel): Bien, vous allez... Oui, il y en a une dans le mémoire, M. le député. C'est effectivement... À partir du fait qu'il y a déjà beaucoup d'organismes qui font des travaux externes et qui pourraient être mandatés pour compléter, l'exercice qui est celui de l'analyse et de l'information pourrait être fait à partir d'un groupe ? et on le mentionne, il y a un paragraphe qui est écrit là-dessus ? d'un groupe consultatif de sages qui serait externe. Tu fais à peu près le même type d'organisme, mais tu le fais dépendre, je le dis, d'un comité ministériel comme tel et qui va... et ça s'intègre dans le processus décisionnel du gouvernement. C'est une proposition, comme vous dites, qui paraît un peu bizarre parce que, effectivement, peut-être qu'on ne se situe pas, nous, dans le même penchant que d'autres membres de la société civile sur ce plan-là, mais moi, je crois que, un gouvernement, c'est fait pour décider. Et il faut que les organismes qu'il met en place l'aident à prendre ses décisions. C'est dans cette perspective-là que le choix qu'on propose, M. le député, c'est celui-là qui est proposé.
Mais je dis, par contre, que si on veut effectivement faire véritablement un organisme qui vraiment soit complètement neutre du gouvernement, à ce moment-là, faisons un organisme externe. Et j'ai même proposé, moi, qu'on aille même en appel d'offres auprès d'organismes interuniversitaires pour y aller chercher cette partie-là, si on me dit que c'est ça, l'objectif.
Ce qu'on disait au début, c'est qu'on voyait un peu... c'était un peu le fait qu'on n'avait pas tous les éléments d'information quant à ce qu'on cherchait un peu avec l'organisme comme le gouvernement. Est-ce que le gouvernement veut avoir un organisme qui va l'aider à prendre sa décision ou s'il veut avoir quelqu'un qui va écouter la société civile puis qui va lui revenir avec quelque chose. C'est ça qui n'est pas très clair. Parce que le mandat actuellement. compte tenu... Moi, en tout cas, je perçois que c'est un organisme public, il dépend du gouvernement, je dis: Il doit contribuer à la prise de décision du gouvernement. Donc, il ne peut pas se situer complètement en marge. Donc, c'est pour ça qu'on propose la façon de le faire. On dit: Si on veut le faire comme ça, attachons-le au processus, faisons un comité externe, un groupe de sages ? et on le décrit très bien dans le paragraphe.
Maintenant, si on me dit que ce n'est pas ça qu'on veut faire, on veut vraiment avoir un groupe où vont... bien là, à ce moment-là, changeons de scénario puis allons complètement à l'extérieur du gouvernement. Mais ne demandons pas à un organisme qui va dépendre du gouvernement de faire comme s'il était complètement indépendant du gouvernement. C'est ça qui est notre proposition là.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Viger.
Mme Mancuso: Merci, M. le Président. J'aimerais vous amener sur une de vos propositions que vous faites à la fin de votre mémoire. Je pense que c'est le seul groupe qui le dit, et, jusqu'à date, on n'a pas entendu parler du gouvernement fédéral à l'Observatoire, c'est quoi, le rôle qu'aurait le gouvernement fédéral dans les débats qu'on fait à l'intérieur de l'Observatoire. Et vous suggérez, à la fin de votre mémoire, qu'on invite le gouvernement fédéral à déléguer un représentant ou un observateur jouissant d'une expertise en matière de commerce international.
n(11 h 50)n J'ai trouvé votre recommandation fort intéressante parce que je crois que, si on accuse d'un bord, on accuse le fédéral, des fois, de négocier au secret ? on a utilisé le terme secret ? qu'on aurait intérêt d'avoir un représentant fédéral à l'Observatoire pour qu'il y ait une information et pour qu'il y ait une transmission d'information de part et d'autre.
Donc, j'aimerais vous entendre un peu plus sur cet aspect-là qu'on n'a pas entendu parler du tout jusqu'à date.
M. Audet (Michel): Écoutez, effectivement, le projet de loi prévoit qu'il y aurait, je pense, des représentants ? on a mentionné ça ? de groupes externes, hein, d'un gouvernement externe ou je ne sais pas, enfin, comment c'est formulé exactement. Alors, nous, ce qu'on avait en tête, c'est que pourquoi pas des représentants du gouvernement fédéral, puisque c'est eux qui sont à la table de négociations dans la plupart des cas. Donc, ça permettrait, à la fois, de savoir ce qui se dit à l'Observatoire ou à l'organisme en question et, en même temps, d'obtenir également peut-être plus d'information sur ce qui se passe également aux tables de négociations.
Donc, c'était dans cette perspective-là qu'on l'a amené. Je pense qu'on peut difficilement couper tout ça en morceaux. Je ne sais pas ce que le gouvernement fédéral ferait, s'il désignerait quelqu'un ou pas. Mais, je pense que, compte tenu que ? j'ai la formulation du projet de loi ? qu'il y avait des représentants externes de prévus. On disait ici: «Deux personnes de l'extérieur[...], dont au moins une de l'extérieur des Amériques, nommées par le gouvernement, sur recommandation...» Alors, je me disais finalement, il pourrait y avoir au moins un représentant ou deux du gouvernement fédéral sur l'organisme, puisque c'est à l'avantage même des deux parties de le faire, puisque, encore une fois, dans notre contexte actuel, c'est le gouvernement fédéral qui négocie.
Mme Mancuso: O.K. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Outremont. Non, ça va.
M. Laporte: Bien, c'est-à-dire qu'il faut lire le projet de loi, hein. Ça s'adresse à la nation québécoise. Vous souhaiteriez que le gouvernement fédéral... Oui?
Mme Beaudoin: Sans doute, vous, sans doute.
M. Laporte: Ah! moi, je... Mais, lui, il appelle ça «la population québécoise». Moi, j'aurais appelé ça «la société québécoise», mais enfin. La nation québécoise, le gouvernement fédéral, la nation québécoise, c'est dans l'esprit de la ministre, à mon avis, ça se fréquente moins que dans votre esprit. Je veux juste faire ce genre de commentaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Audet (Michel): Deux personnes de l'extérieur du Québec, M. le député. Ha, ha, ha!
M. Laporte: ...nation québécoise.
M. Audet (Michel): Donc, ça peut être quelqu'un qui vient d'Ottawa. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Très brièvement, M. le Président. Je trouve votre suggestion justement de confier le volet recherche, études, etc. aux structures existantes... On a déjà, en tout cas, questionné les groupes avant vous là-dessus, parce que, bien qu'on soit d'accord avec l'objectif de faire le monitoring en bon français de la mondialisation, on s'interroge sur la pertinence d'ajouter encore une autre structure et le débat n'est pas terminé là-dessus. On continue à recevoir les commentaires. Mais c'est vrai que le volet recherche et études, il y a déjà des universités, des groupes de recherche qui sont constitués spécifiquement sur les différents aspects de la mondialisation, d'autant plus que les universités sont plus crédibles en termes d'indépendance de recherche, en termes de résultats. Il y a des équipes de recherche aussi. On peut associer les étudiants qui s'intéressent à ces questions-là avec les équipes seniors et ça pourrait coûter moins cher.
Alors, je voulais juste vous dire qu'on est très... En tout cas, en ce qui me concerne, on est très réceptif à votre idée de peut-être regarder les aspects recherche et les laisser au milieu qui connaît mieux ça d'autant plus que la ministre nous a dit tantôt qu'il y a déjà des mandats qui sont confiés à des universités dans le domaine de la recherche sur la mondialisation.
Alors, je vous remercie sur le mémoire, qui est déjà très, très bien fait et les commentaires que vous nous avez faits.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, madame, monsieur de la Chambre de commerce du Québec pour être venus nous faire part de vos commentaires sur ce projet de loi n° 109. Merci.
Et j'invite tout de suite les représentants de l'Union des producteurs agricoles, l'UPA, à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue messieurs de l'UPA. Bienvenue, M. Pellerin, figure très connue du monde agricole au Québec. Je vous demande de nous présenter la personne qui vous accompagne, et je rappelle les règles. Vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.
Union des producteurs agricoles (UPA)
M. Pellerin (Laurent): Merci. Bonjour. Laurent Pellerin, l'Union des producteurs agricoles. La personne qui m'accompagne est Serge Lebeau, qui est directeur adjoint au département de recherche et politique agricole, à l'UPA. Il est agroéconomiste de formation. Il présentera une partie du document que vous avez devant vous. Je vais faire l'introduction.
Vous connaissez l'UPA, vous connaissez tous l'UPA, c'est sûr. Mais, des fois, il y a des gens qui ne savent pas exactement c'est quoi, l'UPA. Il y a quelques préjugés qui se promènent.
Une voix: ...
M. Pellerin (Laurent): Hum?
Une voix: Pas nous autres.
M. Pellerin (Laurent): Pas vous autres. Alors, l'UPA, de temps en temps, il y a des gens qui la présentent comme un syndicat, c'est bien, et il y a d'autres gens qui nous demandent, quand on rencontre des gens du Conseil du patronat, ils nous demandent souvent si on veut s'affilier au Conseil du patronat, parce qu'on est probablement à cheval entre les deux. On est sûrement la plus grande association de PME au Québec: 35 000 fermes, 35 000 PME regroupés dans l'Union des producteurs agricoles, avec 45 000 producteurs et productrices propriétaires de ces entreprises-là. Soixante-dix mille personnes travaillent à temps plein sur les fermes du Québec. C'est bon de savoir ça.
L'UPA, c'est... Moi, je suis président de l'UPA, je suis président de fait de 41 fédérations affiliées à l'UPA, qui représentent l'ensemble de ces producteurs agricoles là. On est très fier que, dans les deux dernières années, quatre nouveaux groupes se sont affiliés à l'UPA. Et je suis encore plus fier de mentionner que, même si l'UPA est la seule association accréditée pour représenter les producteurs agricoles du Québec, nous avons, cette année... ? on n'a pas tout à fait terminé, nous avons un préliminaire de 92 % où les producteurs ont signé leur carte de membre, 92 % de membership.
On vous parlera des chiffres un petit peu loin, mais je veux vous signaler que le monde agroalimentaire québécois est en position de balance commerciale positive depuis 1997. Quelques plus anciens se rappelleront l'époque de M. Garon, 1976, 1981, où M. Garon parlait avec une certaine conviction de l'autosuffisance alimentaire du Québec. Quelques malins lui reprochaient de vouloir produire des oranges, des bananes. Il avait toujours à se défendre de cette partie de son énoncé. Mais 20 ans après, le Québec est devenu plus qu'autosuffisant, il est maintenant un exportateur, et, dans les trois dernières années, ses exportations du secteur agroalimentaire ont augmenté substantiellement. Je vous dis ça parce que, dans le contexte d'un observatoire sur la mondialisation, c'est un élément extrêmement important de voir que l'agriculture de fonction traditionnelle est encore là, mais l'agriculture, développement de marché, se heurtant à barrières tarifaires, contingentement d'exportations, d'importations, toutes ces notions-là sont maintenant du domaine du quotidien pour les producteurs agricoles.
Donc, on va vous présenter nos commentaires en trois blocs sur ce projet de loi. Dans un premier temps, nous verrons de quelle manière le secteur agricole est interpellé par le phénomène de la mondialisation. Nous verrons l'ensemble des organismes et réseaux auxquels l'UPA participe sur le sujet, parce que déjà le secteur agricole, l'agroalimentaire est relativement bien organisé sur les questions commerciales. Le deuxième bloc de notre présentation parlera du fonctionnement de l'Observatoire et le troisième bloc, quelques commentaires de portée plus générale. M. Lebeau va vous faire cette partie de la présentation.
n(12 heures)nM. Lebeau (Serge): Bonjour à tous. Alors, je ne reviendrai pas sur l'aperçu du secteur agricole, M. Pellerin vous en a fait part. Peut-être revenir un peu sur la question des échanges commerciaux. Alors, depuis 1994, les échanges commerciaux de produits agricoles et agroalimentaires ont augmenté, comme on le soulignait précédemment, passant de 1,4 à 2,9 milliards de dollars en 2000, soit 4,3 % des exportations totales des marchandises au Québec. Depuis 1994, année où son déficit commercial se chiffrait à 720 millions de dollars, la balance commerciale agroalimentaire n'a cessé d'augmenter. La hausse importante de ses exportations et aussi la stagnation des importations ont permis au Québec, pour la première fois de son histoire moderne, d'afficher un surplus de 95,2 millions de dollars en 1997, et en 2000 ce surplus s'élevait à 281 millions de dollars.
De l'économique au social. La fonction première de l'agriculture est de nourrir la population. Il y a donc au sein des politiques agricoles de la majorité des pays beaucoup d'emphase qui est donnée à celle-ci pour assurer la sécurité et l'autosuffisance alimentaires. Même dans les pays où le potentiel est restreint, on tend à protéger les marchés intérieurs, et ce, pour diverses raisons, par exemple à cause de conflits politiques et commerciaux, menant même au chantage alimentaire.
L'agriculture remplit aussi des rôles politiques et sociaux reconnus par l'ensemble des pays du monde, tels que l'occupation et l'entretien de l'espace, l'emploi rural, la préservation de l'environnement et le développement rural. C'est ce qui rend le débat autour du phénomène de la mondialisation dans le domaine agricole aussi sensible et unique car l'ensemble des pays doivent faire face, de façon plus ou moins aiguë, aux différents enjeux soulevés par une globalisation de l'économie et du commerce.
On disait que le secteur agricole était interpellé par la mondialisation, on va essayer de vous en témoigner ici. Au Québec, la hausse des exportations agricoles et agroalimentaires au cours des dernières années, jumelée à la mise en place des tarifs et de contingents tarifaires dans les productions contingentées, rend notre secteur plus vulnérable, plus impliqué, donc possiblement plus touché par les décisions qui seront prises, notamment à l'OMC, en 2003 et plus tard en 2005. À titre d'exemple, on peut citer le cas du secteur laitier canadien au coeur d'une bataille judiciaire concernant la légalité de ces exportations de produits transformés. Il y a mésentente sur l'interprétation et l'application des règles appliquées par les pays membres, mais c'est également le système de mise en marché collective qui est remis en question par ces discordes commerciales.
La mondialisation et la libéralisation des échanges tendent à engendrer une harmonisation des politiques agricoles de l'ensemble des pays. Le danger premier est donc d'y perdre la capacité et la souveraineté d'un gouvernement à décider de l'orientation de sa politique agricole et du contrôle de ses frontières. Cette réalité menace et remet en question les termes du contrat social entre les producteurs agricoles et le gouvernement. L'UPA est donc de plus en plus concernée et interpellée par le phénomène de la mondialisation.
Alors, deuxième bloc: Organismes et réseaux sur le commerce international. Alors, l'UPA participe activement à plusieurs comités, réseaux et tables de travail où elle a acquis au fil des années une grande expérience de discussion, de recherche, de concertation et d'échange. Au niveau international, la représentation de l'UPA s'est accentuée par le biais principalement de sa corporation affiliée, UPA Développement international. L'UPA fait également partie de la Fédération internationale des producteurs agricoles, la FIPA. L'Union est également membre actif d'un réseau nommé AgriCord, réunissant une dizaine d'agriagences relevant d'organisations agricoles dans leur pays respectif et qui réalise des projets de coopération dans les pays du Sud.
L'UPA participe aussi au Forum Afrique-Canada qui réunit autour d'une même table les ONG canadiennes ayant des liens en Afrique. L'UPA est membre de la Fédération canadienne de l'agriculture et siège au comité de cette même organisation qui se charge plus particulièrement du commerce. L'UPA fait également partie du Groupe de consultation sectoriel sur le commerce extérieur ? qu'on appelle SAGIT, en anglais ? un comité aviseur ayant le mandat de conseiller le ministre du Commerce international sur la position que le Canada a à défendre dans les négociations à l'ONC. L'UPA participe également à la Chaire Philippe-Pariseault en mondialisation des marchés de l'Université du Québec à Montréal. Elle possède également sa propre Direction en recherches et politiques agricoles et, depuis 1999, une ressource dont la totalité de la tâche est dédiée au commerce international.
L'Union a grandement participé à la création d'un réseau d'information sur le commerce international à deux paliers: le premier, qui agit à l'interne de la structure de l'UPA; le second, à l'externe, qui regroupe divers partenaires du milieu agroalimentaire québécois, afin d'identifier le suivi des négociations commerciales. Ce réseau fait rapport et conseille d'ailleurs la filière agroalimentaire du Québec à laquelle participent l'ensemble des intervenants du monde agricole et agroalimentaire au Québec. Celle-ci est présidée par le ministre de l'Agriculture du Québec.
Alors, Fonctionnement de l'Observatoire, qui est le dernier bloc, avant de conclure. Comme présentés dans le document de consultation, les volets de veille, de monitoring, de recherche, d'analyse ainsi que la diffusion des résultats semblent très cohérents, ils pourraient se réaliser somme toute assez facilement, selon nous.
Le principal défi sera d'abord de réunir des intervenants qui sauront efficacement définir des cadres d'analyse précis, car le sujet de la mondialisation, comme vous le savez, est très vaste. Quant à la deuxième fonction de l'Observatoire, l'animation, elle pose beaucoup plus de questions quant à son articulation avec la première. En effet, on y retrouve plus de risques de duplication, particulièrement les mandats de recherche de l'Observatoire et ceux que possèdent déjà plusieurs comités sectoriels existants, pour ne pas citer également les groupes universitaires. Il faudrait en effet éviter que les travaux de l'Observatoire se substituent aux leurs.
La mise en commun des expertises particulières de chacun des participants à l'Observatoire doit se faire dans une optique de complémentarité, d'efficacité et d'optimisation des ressources qui se penchent déjà sur la question du commerce international et de la mondialisation, en évitant le plus possible des dédoublements entre les organisations.
L'Observatoire pourrait également posséder une troisième fonction, soit celle d'informer la population sur des sujets moins bien connus et dont les enjeux sont difficiles à vulgariser. Le monde agricole serait heureux de participer à cette ouverture, de mieux faire connaître son secteur et les problématiques qu'il vit.
Par l'entremise de ses recherches, l'Observatoire pourrait également inspirer le gouvernement sur l'éclairage et l'orientation de sa politique et de sa position commerciale à l'OMC. En tant que confédération, l'UPA est bien placée pour savoir que c'est la diversité d'horizons et d'intérêts qui permet d'élargir un débat et de se positionner de façon plus rigoureuse et nuancée, surtout sur un sujet aussi important et large que le commerce international.
En ce qui concerne la structure, la structure de base de l'Observatoire pourrait être un conseil d'administration dont la fonction serait de délimiter les champs de recherche et d'analyse, de coordonner les différents travaux et d'assurer la cohérence de l'ensemble des actions qu'il posera. Il serait composé de représentants des secteurs les plus sensibles aux règles du commerce international directement visés par la mondialisation et qui possèdent une expertise pertinente à partager. Selon nous, il va sans dire qu'il y a nécessité pour le gouvernement de dégager les sommes d'argent nécessaires pour en assurer le bon fonctionnement et la participation des principaux acteurs.
Les liens avec l'Assemblée nationale. Nous estimons que c'est à la ministre d'État aux Relations internationales que revient la responsabilité de voir à l'exécution des mandats confiés à l'Observatoire.
Alors, en conclusion, l'agriculture, en tant que secteur stratégique de l'économie québécoise mais également en tant que partie prenante du monde et du territoire rural québécois, est touchée de façon quotidienne par les effets de la mondialisation et par l'évolution des négociations sur le commerce international. L'UPA est donc très active au sein de plusieurs groupes et tables de travail afin de participer au débat et de veiller au maintien des acquis fondamentaux contribuant au développement de son agriculture. La mise en opération de l'Observatoire doit se faire en connaissance des structures et réseaux déjà en place afin d'en assurer la complémentarité. L'UPA croit en la démarche proposée par la ministre ainsi qu'aux débats de société qui pourrait en découler.
L'UPA réitère donc son appui à la création de l'Observatoire sur la mondialisation, souhaite pouvoir y participer activement et salue la proposition du gouvernement d'intensifier les recherches dans ce domaine où il reste encore beaucoup à faire. Merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Lebeau, merci, M. Pellerin pour votre présentation. Et pour amorcer cette période d'échange, Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui. M. Pellerin, M. Lebeau, bonjour. Alors, merci d'être venus présenter, donc, votre opinion dans ce mémoire. Quelques commentaires et peut-être une question.
Alors, un premier commentaire. Quand vous dites justement: Il faut que les choses se fassent en complémentarité, qu'il n'y ait pas de dédoublement, que... Bon, vous avez quand même remarqué qu'à l'article 4, au cinquième alinéa, il est bien dit que l'Observatoire collabore au Québec et à l'extérieur avec des organismes intéressés par la mondialisation, notamment avec les institutions universitaires et les centres de recherche. Il est clair, clair, clair que ? je le disais tout à l'heure ? le ministère des Relations internationales déjà subventionne un certain nombre de chercheurs et de centres de recherche, que ce soit à l'Université de Montréal, à l'Université Laval, à l'UQAM. Alors donc, il est clair que tout ça sera bien arrimé dans notre esprit, que ça doit se faire comme cela.
n(12 h 10)n Et quand vous dites: Moi, ça me plaît beaucoup, la mondialisation, dans le fond ? et c'est là un peu la raison d'être de l'Observatoire, dans ma perspective, et de la manière dont le conseil d'administration sera composé ? vous le dites vous-même: La mondialisation, avec ses facettes économiques, sociales, politiques, culturelles pose beaucoup de questions. C'est ça qui est l'intérêt: c'est d'avoir une vision globale des effets et des conséquences sur le Québec, des impacts sur le Québec, de ces accords commerciaux internationaux déjà signés ou en cours de négociation, comme la ZLEA et l'OMC. Parce que ? vous me l'aviez dit puis vous le confirmez là d'une façon éclatante ici ce matin ? en ce qui concerne l'agriculture, vous suivez ça très sérieusement et avec beaucoup de rigueur, mais vous dites quand même: il y a tellement d'enjeux, même en agriculture, étant donné la fragilité justement que le secteur dans lequel se retrouve le secteur agricole québécois, étant donné ces négociations-là, qu'il n'est pas de trop que, tous ensemble, on en regarde les impacts et que tous en soient saisis, justement, que les citoyens du Québec le sachent, le comprennent, étant donné ce que représente le secteur agricole québécois.
Alors, moi, justement, je voudrais vous poser une question plus générale sur ces négociations. Quand on voit que l'Union européenne... Et M. Chrétien a interpellé à Johannesburg les Européens et les Américains en disant: Avec le Farm Bill américain puis avec les subventions que l'on connaît de l'Union européenne à leur propre secteur agricole, eh bien, il est impossible pour les pays du Sud de penser se développer parce que le premier développement pour les pays du Sud c'est via l'agriculture. Leur propre agriculture, il ne faut pas la détruire parce que c'est là qu'il y a des famines, etc. et puis il faut leur permettre probablement ? puis même des grands pays, comme le Brésil, le disent ? leur permettre d'exporter leur propre production agricole. Alors, maintenant que le Québec est un exportateur de produits agricoles, comment vous réagissez par rapport à toute cette dynamique-là?
M. Pellerin (Laurent): D'abord, probablement que M. Chrétien est un grand visionnaire. Malheureusement, il nous a annoncé qu'il ne serait pas là dans 25 ans pour voir qu'est-ce que ça donnera. Mais les pays du Sud... Et l'UPA est présente dans une quinzaine de pays à travers le monde, surtout des pays en voie de développement où on aide des organisations de producteurs à organiser la mise en marché des produits agricoles pour que les producteurs puissent ultimement vivre de leur production. Donc, on connaît assez bien le terrain de ces pays-là, on connaît assez bien les objectifs de ces pays-là, de ces agriculteurs-là. Ils en sont beaucoup plus à l'alimentation de leurs concitoyens qu'à l'exportation. Mais il y a certaines personnes qui voient l'exportation de produits agricoles comme un développement pour certains de ces pays-là. Et, nous, ce qu'on constate sur le terrain, c'est que, si on continue à exporter des ananas, des arachides, des anacardes que nous appelons cachous, on va plutôt exploiter ces gens-là ? bananes et autres. On travaille avec ces gens. Si on veut que l'agriculture se développe puis que ces pays-là se distancent de la famine, pour un très grand nombre de ces pays-là, il faut au contraire arrêter de les faire exporter ? contrôlés bien souvent par des multinationales, bananes, café et arachides ? et les mettre sur des productions qui vont faire vivre leur monde, qui vont nourrir leur monde. Alors, ces notions-là, elles s'affrontent. Alors, de penser que le Farm Bill ou les subventions européennes viennent détruire le développement de l'agriculture dans les pays du Sud, c'est un peu court comme explication. On n'est pas là. Dans 25 ans ? c'est pour ça que je parlais de 25 ans ? peut-être, quand ils auront réussi à alimenter leurs confrères, consoeurs de leur pays, peut-être qu'ils seront sur des marchés d'exportation. Nous, le Québec, on exporte, le Canada, on exporte beaucoup de produits agricoles partout dans le monde. Le Québec est présent avec le sirop d'érable, avec le porc dans au-delà de 100 pays à travers le monde, et des pays qui sont capables, dans le fond, de payer ces produits-là. On ne fait pas de l'aide alimentaire avec nos produits, là, particulièrement le Québec. Le Canada, à l'occasion, fait de l'aide alimentaire avec les céréales de l'Ouest canadien. C'est un autre débat, ça, l'aide alimentaire.
Les subventions. Il n'y a pas de pays qui maintient son agriculture ou l'alimentation de son monde sans supporter l'agriculture. Les États-Unis sont probablement les champions du support financier. Combien de fois plus que le Canada?
Une voix: Trois fois.
M. Pellerin (Laurent): Trois fois plus que le Canada. Le Japon, c'est faramineux, les chiffres qu'il consacre à la protection de la production de riz et la production de l'alimentation locale, mais il faut savoir qu'ils s'approvisionnent, sont obligés de s'approvisionner à 55 % de leurs besoins sur le marché international. Ils ne fournissent que 45 % de leur alimentation. Donc, celle qu'ils font, ils veulent la protéger, puis ce n'est pas l'OMC qui va les convaincre d'abandonner cette protection-là. Les pays scandinaves qui sont, je pense, avant-gardistes dans toutes sortes de secteurs de notre société, supportent leur agriculture à des niveaux drôlement plus élevés que le Québec, le Canada, les États-Unis, et ce n'est pas demain qu'on va les convaincre d'arrêter. Le Québec... Par une chance ? je ne sais pas d'où elle vient ? on est un pays nordique comme les pays scandinaves et on ne supporte à peu près pas notre agriculture, si on compare aux chiffres américains ou aux chiffres scandinaves ou aux chiffres japonais, qui sont dans des situations géographiques ou climatiques semblables aux nôtres, et on réussit malgré tout à avoir une balance commerciale positive, ce qui est un méchant tour de force.
Le débat avec les pays du Sud, poursuivons-le, éclairons-le, puis peut-être que l'Observatoire pourrait fouiller ça un peu pour voir vraiment si les subventions agricoles des pays riches entrent en contradiction avec le développement agricole des pays dits en voie de développement ou des pays pauvres, et, je dirais, j'irais encore plus loin, des pays qui devraient le plus développer leur agriculture, les pays où la famine sévit.
Mme Beaudoin: Oui, c'est très intéressant ce que vous venez de dire parce que, en effet, vous dites: Dans le fond, ce n'est pas tellement les subventions que les pays riches accordent à leurs agriculteurs qui sont en cause que l'économie vivrière, si je puis dire, ou l'agriculture vivrière. Il ne faut pas la détruire. Il ne faut pas faire en sorte, via les multinationales ou via d'autres mécanismes, de détruire leur propre agriculture parce que, à ce moment-là, en effet, ils ne produisent que pour exporter, puis ils ne réussissent pas à vivre de leurs propres productions agricoles. C'est un vrai débat en effet.
Une question plus précise: Quand vous dites que le conseil d'administration... Donc, vous autres, vivre autour d'une table au conseil d'administration de l'Observatoire avec toutes sortes de monde qui pensent toutes sortes de choses, vous êtes habitués, j'imagine, et ça ne vous choque pas. Et donc, comment vous réagissez par rapport à cette idée-là de dire: Est-ce que ça doit être des gens issus du milieu agricole, du milieu, donc, disons, des petites et moyennes entreprises, du milieu syndical, du milieu des ONG, plutôt que Laurent Pellerin, président de l'UPA, qui serait autour de la table avec Henri Massé, président de la FTQ, etc.? Vous savez que ? je vous l'avais dit, je pense, M. Pellerin ? mon sentiment premier, c'est que, même si on a entendu d'autres arguments, je demeure relativement convaincue pour l'instant que la dynamique autour d'une table comme celle que l'on veut créer va être plus facile et plus souple et plus efficace si ce ne sont pas des représentants officiels ou les présidents des organismes en question, que, là, ça va spontanément tomber dans le sillon normal, je veux dire, des discours puis des représentations habituelles et convenues et connues à l'avance.
M. Pellerin (Laurent): Bien, regardez, d'abord on n'a aucune crainte de siéger autour de tables de ce type-là. On n'a pas de crainte à la contamination. S'il y a des gens qui sont capables de nous convaincre de leur point de vue, on n'a pas de crainte de ça, mais on veut aussi saisir ces opportunités-là pour contaminer les autres de nos points de vue. L'agriculture, ce n'est pas un sujet qui est débattu dans de grands forums trop souvent, c'est débattu dans de rares occasions. Donc, si on a des forums pour faire valoir les points de vue agricoles, c'est sûr qu'on va y participer. On n'a aucune crainte à participer à des tables paritaires de ce type-là. On n'en a tellement pas, de crainte, qu'on n'a pas de problème non plus à ce que ce soient des organismes qui siègent autour de ces tables-là puis on est capables de vivre avec l'idée que ce soient des individus. Mais si vous choisissez l'individu Laurent Pellerin pour siéger à une table comme celle-là, bien, les gens qui vont m'alimenter, c'est Serge, c'est mon équipe de permanents; ça ne changera pas beaucoup le point de vue. Laurent Pellerin, producteur agricole de Saint-Grégoire, Nicolet, a quelques vues sur le commerce international, mais ma réflexion, mon alimentation est surtout faite de l'organisation dans laquelle je travaille. Quand on m'a nommé au SAGIT, parce que je suis un des membres du Québec qui siège au SAGIT sur boissons et produits agroalimentaires, c'est sûr qu'on a nommé l'individu, mais je pense qu'on m'a nommé parce que j'étais en contact avec le milieu agricole puis qu'on avait des points de vue à partager. L'affrontement, l'avoir dans les rues ou l'avoir autour d'une table de façon civilisée, je suis preneur de l'option de l'avoir autour d'une table où on peut faire les débats, musclés à l'occasion s'il le faut, puis on se retire avec une conclusion ou non. Quand même on ne s'entend pas sur tout, ce n'est pas bien grave. Assurons-nous que les débats se font. Qu'il y ait quelques affrontements, ce n'est pas dangereux, ça là. J'aime mieux qu'on les ait autour de tables comme ça, moi, les vraies discussions, au lieu d'avoir des gens dans la rue qui parlent de mondialisation puis qui très souvent ne connaissent à peu près pas le sujet sur lequel ils débattent ou ils discutent. On est parti sur une impression, sur une intuition. Bon.
n(12 h 20)n Les points qu'on a soulevés en agriculture, qui nous font mal, on les a étudiés, on les a mesurés; c'est des phénomènes sur lesquels on ne réagit pas par intuition. On les a testés, même, avec des partenaires producteurs d'autres pays, à travers le monde, à travers le Canada, puis on est capables après ça d'avoir une position. Mais on n'a pas peur de ce genre de débat-là.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon et porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, messieurs. Lorsqu'on lit, dans votre mémoire, le chapitre qui touche le fonctionnement de l'Observatoire, vous avez quelques remarques, et j'ai cru déceler, en tout cas retenir de ces remarques-là, que vous souhaitiez une grande souplesse, finalement, à l'intérieur de cet organisme-là. Vous touchez la structure en disant... Vous ne faites pas d'autre proposition, vous faites juste suggérer, finalement. Vous ne faites pas de propositions formelles ? c'est plutôt ça que je veux dire ? vous suggérez, et je vous cite: «Il sera composé de représentants des secteurs les plus sensibles aux règles du commerce international, directement visés par la mondialisation et qui possèdent une expertise pertinente à partager.» Est-ce que je lis bien, je comprends bien que ne siégeraient, à ce conseil d'administration, que les groupes, uniquement, touchés par les répercussions de la mondialisation? Et est-ce que vous iriez jusqu'à dire que ? si je comprends bien ? on exclurait peut-être des groupes qui ne sont pas directement touchés? Là, évidemment, il y a une certaine sensibilité à nommer des groupes, là, mais je pense, entre autres, à des groupes communautaires qui réfléchissent beaucoup, évidemment, sur la question de la mondialisation. Par ricochet, les gens qui en font partie sont affectés aussi par ça, mais peut-être moins que le monde patronal ou le monde syndical. Je vous pose la question; je voudrais juste que vous me corrigiez pour voir si je comprends bien ce qui est là.
Et l'autre élément que je voulais soulever, c'était, à la page... Dans ce même chapitre là, au tout début, dans le troisième paragraphe, vous dites que l'Observatoire pourrait également posséder une troisième fonction, soit celle d'informer la population sur des sujets moins bien connus, etc. La population, à mon avis, si on définit «population» actuellement par rapport à ce qu'on discute, elle n'est pas si bien informée que ça. Il y a des groupes qui sont bien informés ou qui semblent mieux informés que le citoyen ordinaire, que la plupart des gens sont, et je crois comprendre que l'Observatoire a, dans sa mission ? peut-être que ce n'est pas dit aussi clairement là ? a quand même un volet de vulgariser pour la population que nous sommes les répercussions de la mondialisation. Donc, question aussi: Est-ce que vous iriez jusqu'à proposer d'ajouter un alinéa ou un article qui définirait davantage, à l'intérieur de la mission de l'Observatoire, un mandat d'informer la population? Parce que, quand on lit des articles 1 à l'article 4, on définit ce qu'est la mission de l'Observatoire, on présume que ça va informer le citoyen, mais peut-être que ce n'est peut-être pas assez explicite. Alors, voilà les deux questions.
M. Pellerin (Laurent): Bon. Dans la lecture qu'on a faite du projet de loi, on ne voit pas d'endroit où ça dit qu'ils ne peuvent pas le faire, que l'Observatoire ne pourrait pas le faire, mais on pense, nous, que ...on voudrait le pointer de façon assez précise pour, même si ce n'est pas dit que ça ne peut pas le faire, l'inscrire que ça pourrait être une fonction de l'Observatoire. Parce que l'opinion publique, de façon générale ? les intervenants avant nous l'ont mentionné aussi ? ne mesure pas toujours les impacts de ce que ça veut dire «mondialisation», les impacts sur leurs jobs. Il y a bien du monde qui ne savent pas que leurs jobs dépendent des marchés d'exportation. Ils ne savent pas non plus que telle ou telle décision de l'OMC ou tel panel qui s'en vient peut avoir ou non des impacts sur... En somme, je pense, de tenir les gens informer.
Et que ce soit... que cette information-là soit véhiculée par un organisme tel que l'Observatoire plutôt que par la ministre ou le premier ministre qui feraient une déclaration sur: Ça, c'est bon pour nous autres ou pour vous autres en commerce international. Il nous semble qu'il y a une piste plus intéressante pour augmenter le niveau de compréhension des gens mais de réception des gens aussi. Tout ce qui est dit par les politiciens n'est pas nécessairement pris comme du cash par les citoyens.
Mme Delisle: Non.
M. Pellerin (Laurent): Vous savez ça?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pellerin (Laurent): Alors, que ça vienne de l'Observatoire, je pense qu'on pourrait avoir un outil qui est un petit peu plus vu comme un peu plus ? on est toujours dans le domaine des perceptions, là ? ...
Mme Delisle: Oui, oui, oui!
M. Pellerin (Laurent): ...un peu plus crédible par les gens. Alors, je pense qu'on pourrait exploiter l'Observatoire dans ce sens-là. C'est ce qu'on pense, c'est la recommandation, quitte à y ajouter un picot en quelque part qui le dit de façon claire. Et, comme je le dis, ce n'est pas défendu de le faire tel que c'est écrit là. Nous, on le souhaiterait.
Sur la question... D'abord, on se prononce sur le principe à la fin, nous, dans le... Je veux dire: En principe, l'Observatoire tel qu'il est proposé, oui. Il faut faire attention, puis, même si Mme Beaudoin me répète que c'est dit dans le projet qu'il n'y aura pas de duplication, on alerte quand même là-dessus parce que, quand ça s'organise, ces choses-là, les gens qui sont impliqués là-dedans viennent tellement enthousiastes qu'ils veulent le faire, puis, des fois, ça déborde sur ce qui se fait déjà. Nous autres, il y a déjà un réseau, dans le domaine agricole et agroalimentaire, très bien structuré. Les premières fois qu'on a parlé de ces questions d'observatoire là, que le réseau agroalimentaire soit un apport pour l'Observatoire, c'est excellent, et que l'Observatoire des autres secteurs soit aussi une occasion d'alimenter le réseau agroalimentaire, on trouve que c'est un forum fort intéressant pour ces échanges-là puis qui peut amener une plus-value ou une information supplémentaire, une compréhension meilleure pour l'ensemble des partenaires. Juste de voir, par exemple, que, dans le domaine culturel, les points que ces gens-là soulèvent sont exactement les mêmes points que nous soulevons dans le domaine agricole, c'est fort intéressant.
D'augmenter le niveau d'alerte du gouvernement sur ces questions de commerce international là, c'est aussi un bon prétexte. Les membres qui vont composer, les groupes, qui on doit inclure, qui on doit exclure, nous autres, on ne pense pas que ça doit être une société ou un nouveau corps qui va faire des discussions philosophiques.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Outremont.
M. Pellerin (Laurent): On pense qu'il devrait y avoir un petit peu de pratique, donc un peu de technique dans cet observatoire-là. Alors, ceux qui ont du matériel technique à amener, ceux qui en ont un peu moins, ceux qui n'en ont pas du tout, comment ça doit être pondéré à l'intérieur de la structure de l'organisme. Puis on ne dit pas qu'on devrait exclure tel genre de groupe ou tel type de groupe, mais on doit quand même être capable de pondérer leur représentation autour d'un observatoire. Si c'était juste du monde qui se réunit là pour palabrer puis qui n'ont pas vraiment de matériel technique, d'expérience de commerce, qui ne sont pas touchés directement par ces questions-là, je ne sais pas de quel support ils vont être au gouvernement, parce que, ultimement, il y a des avis, des conseils. Au SAGIT, on voit tous les textes des propositions canadiennes; on les approuve ou on les refuse.
Mme Delisle: Merci.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député d'Outremont. Mais j'aurais besoin du consentement si on dépasse 12 h 30. Ça va M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Sur ce que vous venez de dire, M. Pellerin, il y a des implications directes, logiques. Je veux dire que je suis bien d'accord avec vous pour dire qu'il ne s'agit pas de créer un observatoire qui philosophe sur l'essence de la mondialisation, mais, plus vous créez un observatoire qui doit regrouper du monde pointu puis technique, moins il va y avoir de gens de la société civile dedans, à moins que vous ayez une immense tarte qui soit capable de les alimenter.
Mais ce n'est pas ça, mon commentaire. Mon commentaire: J'ai trouvé que vous aviez un mémoire très intéressant à la fois du point de vue des opinions et des statistiques. Je regarde votre annexe. Je ne savais pas ça, c'est une découverte, mais l'agriculture québécoise, c'est un bel exemple de ce que... je ne citerai pas l'auteur, mais qu'il appelait le «mode de production des petits entrepreneurs, des petits propriétaires». C'est Marx qui disait ça, n'est-ce pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
n(12 h 30)nM. Laporte: Et donc, la question, c'est: Si on compare la concentration de l'agriculture au Québec et aux États-Unis, on se retrouve devant deux modes de production qui sont tout de même assez différents. Et ma question, c'est: La mondialisation ou l'internationalisation de la production agricole ou de la vente des produits agricoles, d'une part, est-ce que ça a augmenté le niveau de concentration de la production agricole? Là, vous dites qu'il est à 36 %. Est-ce que ça a augmenté avec le temps? Et est-ce que, ça, ce ne serait pas, d'après vous, là, un enjeu sur lequel cet Observatoire devrait se pencher en priorité, là? Parce que si on s'en va vers une agriculture de plus en plus concentrée, il y a des conséquences à la fois écologiques mais aussi sociologiques. Par exemple, aux États-Unis, c'est l'apparition des villes fantômes là qui disparaissent à peu près complètement parce que l'agriculture est devenue tellement concentrée que vous vous retrouvez avec des villes où il n'y a plus, à toutes fins pratiques, il n'y a plus d'habitants. Donc, ça, ça pourrait être...
Et pour revenir à ce que je faisais tantôt comme commentaire, pour débattre de cet enjeu-là, vous pourriez être une personne techniquement équipée ou vous pourriez être une personne de la société civile, comme on les appelle, là, mais avec un staff d'experts qui auraient comme mission de faire votre éducation pour ensuite que, vous, vous puissiez faire l'éducation des autres personnes de la nation québécoise. Mais il y a un enjeu formidable là-dedans, là, vous êtes d'accord.
M. Pellerin (Laurent): D'abord, nous sommes de la société civile. Une organisation comme l'UPA, on se considère comme étant une partie importante de la société civile du Québec là, des citoyens du Québec, là. Nos producteurs, je vous disais qu'on a un membership de 92 %. Il n'y a pas un gouvernement qui runne un pays avec un taux de support comme celui-là, là. Et, malgré ce qu'on entend dans les médias depuis les quelques derniers mois, je n'ai eu aucune lettre de démission d'aucun producteur, moi, à l'UPA. Donc, on est une société... une partie de la société civile très active et très serrée aussi.
J'avais oublié Marx que j'ai connu dans mes études classiques, un jour, mais c'est un bon lien que vous faites. Mais, à quelque part, entre ce morcellement de la production agricole telle qu'on la connaît au Québec et cette concentration indue qui n'est malheureusement ? malheureusement ? n'est pas, même si on la voit aux États-Unis, cette forte concentration-là, mais la plus grande expression de la concentration de la production agricole, elle est dans certains pays en voie de développement en Amérique du Sud.
M. Laporte: Elle est quoi?
M. Pellerin (Laurent): En Amérique du Sud...
M. Laporte: Ah oui! Oui, évidemment.
M. Pellerin (Laurent): ...où les propriétaires terriens puis les multinationales sont beaucoup plus présents encore qu'aux États-Unis. Donc, le Québec, on a comme un rempart à cause de notre... On est de combinaison pas mal au Québec, on combine les choses: morcellement, très petites fermes, mais une mise en marché collective très regroupée, ce que les lois du Québec nous ont permis de faire au fil des ans: la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Donc, le producteur ou le transformateur de lait, par exemple, au Québec qui veut avoir une grosse, grosse usine puis que ça lui prend un tuyau gros de même pour l'approvisionner, nous autres, on dit: Ce n'est pas nécessaire de concentrer toutes les vaches sur la même ferme. Dis-nous le volume que tu veux et on te le livre, et c'est comme si on était un producteur de lait. Donc, on a suppléé un peu à ces phénomènes de gigantisme au niveau de la transformation par notre mise en marché collective. Nous souhaitons que la propriété des fermes demeure familiale, demeure morcelée le plus possible, et le rythme de croissance des entreprises au Québec est beaucoup plus lent que ce qu'il est au États-Unis. Il est plus rapide que ce qu'il y a en Europe. En Europe, l'Europe va connaître, quand ils vont réviser leur politique agricole commune, quand les sept pays nouveaux vont entrer dans la Communauté, ils vont connaître ce qu'on a connu il y a 30 ans ici dans la disparition des petites, petites, petites fermes. Ils n'ont pas connu encore cette phase-là.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Pellerin et Lebeau de l'UPA, pour votre contribution aux travaux de cette commission. Merci.
Et là-dessus, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures, et je compte sur votre collaboration pour que nous débutions pile à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 heures)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre. La commission des institutions reprend ses travaux cet après-midi avec le mandat de tenir une consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation.
Alors, cet après-midi, nous entendrons, tout à tour: M. Marc-André Carle; des représentants d'OXFAM-QUÉBEC; par la suite, le Regroupement des associations francophones du Québec; des représentants de la Centrale des syndicats démocratiques; pour terminer, aujourd'hui, avec l'Alliance pour les droits des créateurs.
Bienvenue, M. Carle, je vous rappelle que vous avez une enveloppe de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires et, par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires.
M. Marc-André Carle
M. Carle (Marc-André): Bien. Merci. D'abord, je voudrais remercier la commission d'avoir accepté de m'entendre. Bon, c'est sûr que mon mémoire n'est pas très volumineux, mais, quand même, ça demande du temps, ça demande de la réflexion, puis c'est toujours très intéressant, ensuite, quand on est convoqué puis qu'on voit que les élus sont intéressés à ce qu'on fait. Disons que ça nous donne le goût de participer à nouveau.
Pour ce qui est de mes commentaires là-dessus, j'ai essayé de regrouper ça, je dirais, en trois petits points dont je vais vous parler à l'instant, parce que, je pense, que, en soi, l'idée de créer L'Observatoire de la mondialisation, c'est une bonne chose. Donc, je pense que la plupart des gens qui viennent ici doivent être d'accord avec ça. Mais, maintenant, l'idée, c'est, vu que l'intention est excellente, comment est-ce qu'on peut faire... En fait, qu'est-ce qu'on peut faire pour que ce soit quelque chose d'utile, quelque chose d'efficace, bref que ça remplisse sa mission? C'est vraiment là-dessus que je voudrais me concentrer.
Premier point, je dirais, c'est beaucoup une question de priorité. Où est-ce qu'on va mettre les priorités quand on va créer ça, quand on va donner le mandat et, éventuellement, dans l'élection des gens qui vont diriger cette organisation-là? D'abord, sur quoi mettre l'accent parce que la mondialisation, c'est un sujet qui est extrêmement vaste? J'étais venu, il y a deux ans, à la consultation sur le mandat d'initiative au sujet de la ZLEA puis, bon, des chefs d'entreprises sont venus, des citoyens, des groupes. On peut parler de la mondialisation extrêmement longtemps et dans divers sujets puis s'étendre là-dessus. Moi, je pense qu'il faudrait peut-être se centrer sur un certain nombre de priorités. Je voyais un peu, à la lumière... Quand on parle beaucoup de ce qui est sur particulièrement les négociations multilatérales, donc, je voyais, là, une petite tendance vers les aspects, disons, plus économiques, juridiques au niveau du commerce international de la mondialisation. Corrigez-moi si je me trompe là-dessus. Moi, j'ai des petites réserves là-dessus, parce que, entre autres, je trouve que c'est un sujet dont on parle déjà beaucoup. On en entend parler. Bien moi, je suis à l'université, on en entend parler de façon très régulière. On en entend parler dans les journaux. Les cahiers économiques en parlent régulièrement de ces nouvelles-là et donc je pense que l'information circule assez bien de ce côté-là. Du côté, en tout cas, des accords multilatéraux, du moins, depuis, ici, le Sommet des Amériques, bien, j'ose croire qu'on en entend de plus en plus parler puis qu'il y a un certain intérêt, je dirais, des citoyens là-dessus. Donc, c'est des choses qu'on entend beaucoup parler.
Mon opinion là-dessus, ce serait, en fait, de mettre l'accent aussi sur des sujets qui sont peut-être un peu moins, je dirais, évidents, un peu moins faciles, donc, entre autres, toute la question des cultures. Forcément, la mondialisation, ça entraîne une espèce de bouillon de culture qui est, je dirais, quand même des changements culturels qui sont extrêmement importants, qui sont assez variés, et c'est des choses dont on n'entend pas énormément parler. Donc, oui, on voit beaucoup de manifestations à ce niveau-là, mais pas énormément sur les changements culturels qui s'opèrent que ce soit ici, au Québec, ou ailleurs dans le monde. Quand tu parles de culture, bon, je parle tant au niveau des valeurs qu'au niveau des coutumes, les mythes. En fait, bref, toutes les composantes, je dirais, de ce que peut être une culture, là, la culture québécoise ou que ce soit la culture canadienne, peu importe. C'est un sujet dont, en tout cas, personnellement, j'entends beaucoup moins parler puis je pense que c'est un sujet qui est fondamental.
Pourquoi est-ce que c'est fondamental? Bien, entre autres, parce que les changements qui s'opèrent au niveau de la culture, ils ne sont à peu près pas réversibles. Donc, c'est un peu difficile de revenir en arrière. Un accord, par exemple, qui est multilatéral, bien, si, un moment donné, on se rend compte qu'il y a des erreurs, on peut le corriger. C'est la même chose pour la législation. Par contre, quand il y a des changements culturels qui s'opèrent, généralement, ça se fait sur le long terme puis quand les valeurs changent, c'est extrêmement difficile, pas nécessairement, de revenir mais même de modifier ça. Donc, je pense que c'est quelque chose, du moins sur le long terme, qu'on doit suivre de très près, la culture.
Je dirais aussi que c'est des changements qui sont moins apparents, donc il y a moins d'information qui circule au niveau, disons, des changements culturels, de ces choses-là, peut-être, en tout cas, beaucoup moins qu'au niveau économique, au niveau juridique, même au niveau politique. Ces temps-ci, même encore, on entend beaucoup parler des institutions multilatérales, des choses comme ça mais, pour tout ce qui est plus, je dirais, abstrait, on entend beaucoup moins de choses, on en entend beaucoup moins parler.
Autre chose aussi, c'est que, de mon point de vue, les élus, vous êtes... je dirais, vous avez une position privilégiée à la fois pour observer ça puis aussi pour agir au niveau de la culture. Vous êtes, je dirais, en relation avec à peu près toutes les composantes de la société que ce soit les grandes villes, les régions, les citoyens, les entreprises, les organismes. Vous êtes comme au centre de tout ça puis, selon moi, même à la limite, un organisme gouvernemental est très bien placé pour suivre ça. Il y a déjà beaucoup de gens qui s'intéressent à l'économie. à ces choses-là. Je ne dis pas qu'il ne faut pas en parler, c'est super important aussi. mais il y a des aspects, selon moi, qui sont. disons. plus occultés par les temps qui courent.
Aussi, je dirais mettre l'accent... Bon, forcément, la question de la langue, ici, est toujours importante, je dirais, d'autant plus avec la mondialisation, avec tous les changements qui s'opèrent tranquillement, pas vite. Je ne sais pas si vous vous promenez autant que moi sur Internet, mais c'est le fun. Il y a des sites gouvernementaux. Ces choses-là, c'est en français, mais il y a beaucoup de contenus qui sont seulement accessibles en anglais. Donc, ce sont des éléments qui ne modifient peut-être pas des choses à très, très court terme mais, à long terme, c'est des éléments qu'il faut suivre et il n'y a pas beaucoup de sources d'informations facilement accessibles là-dessus pour M. et Mme Tout-le-monde. Donc, je pense qu'il y a un travail qui est important à faire là-dessus.
Aussi, la question de la diversité que je considère qui est très importante, pas seulement au Québec, mais je dirais à grande échelle, à l'échelle du monde, pas seulement la diversité écologique, biologique, mais aussi au niveau des langues, au niveau des cultures, des sous-cultures, des différentes, je dirais, façons de vivre qui risquent, en tout cas, d'être, sinon, ? je ne dirais peut-être pas effacées mais ? modifiées de façon profonde par la mondialisation. C'est quelque chose aussi que je crois qu'il faut suivre.
Autre élément, je dirais, au niveau... pas seulement au niveau des priorités, ce serait aussi assurer la crédibilité de l'organisme pour que cet aspect-là, quand on va parler de l'Observatoire de la mondialisation, ça ne sonne pas: bon, un autre organisme, mais que les gens voient aussi qu'il y a une utilité à ça et qu'il y ait une nécessité d'avoir quelque chose comme ça. Donc, des éléments qui sont incontournables, entre autres, d'assurer la transparence de l'organisme, l'indépendance face aux pouvoirs politiques, j'en parle un peu dans mon mémoire. L'idée, ce n'est pas de dire qu'un gouvernement ou un autre va être tenté, par exemple, de nommer des gens pour influer sur le processus ou sur le fonctionnement de l'Observatoire. Je ne dis pas que des gens qui sont présentement là le font mais, sur le long terme, c'est possible que ça arrive et je pense qu'il y a des moyens qu'on peut prendre pour essayer de limiter ça le plus possible et je pense qu'on doit les prendre maintenant avant que la loi entre en vigueur.
Je dirais aussi, au niveau de la crédibilité, que je pense que ça va être important pour l'Observatoire de travailler avec les gens et non pas en marge des gens qui travaillent déjà dans ces sujets-là au niveau de la mondialisation mais bien avec eux, de concert avec eux que ce soient les universités, les groupes qui s'intéressent à ça. Je pense que c'est important d'aller les chercher puis de travailler avec eux autres, pas nécessairement en parallèle, pas à côté, pas contre eux autres, pas avec un groupe plus qu'un autre, mais vraiment d'aller chercher les points de vue puis de les faire ressortir. Je pense que c'est un élément important. C'est aussi quelque chose qui est, j'en suis conscient, très difficile à faire. Il y a des points de vue, je dirais, très tranchés et d'un côté et de l'autre, des gens qui embrassent la mondialisation à bras ouverts, d'autres qui la rejettent avec, je dirais même, un brin de férocité, mais, disons, qu'il y a un travail aussi, là, important à faire, au moins pour que les gens se parlent et que les gens en parlent surtout, ce qui est important.
n(14 h 10)n Autre point que je jugerais important aussi, c'est au niveau des orientations que l'Observatoire va se donner: évidemment, travailler au niveau de la sensibilisation. Il y a encore malheureusement beaucoup de gens qui ne sont pas sensibilisés, je dirais, à la force de la mondialisation telle qu'elle est vécue aujourd'hui, à la profondeur aussi des changements qui sont vécus. Donc, c'est quelque chose qui serait important. Je le disais encore tantôt: Travaillez avec les gens, et non pas faire du sponsoring, c'est-à-dire s'associer à des choses mais de façon, je dirais, de ne pas aller chercher, justement, des choses puis simplement s'associer à quelque chose de façon discrète ou abstraite, mais vraiment d'aller contribuer à faire, je dirais, lever l'intérêt. La façon dont ça peut prendre, ça peut être très, très varié. Mais, à ce niveau-là, je pense que c'est important de ne pas faire, si vous voulez, du «branding» observatoire de la mondialisation, mais vraiment d'aller chercher les gens et de travailler avec eux. Je pense que c'est très, très important.
Puis, bon, autre élément important, c'est justement de... Je pense que le rôle d'un organisme comme ça, c'est, oui, de favoriser la diffusion d'informations mais aussi de favoriser l'émergence des débats, bon, C'est un sujet qui est assez controversé mais, justement, en allant chercher de l'information qui est un peu plus, je dirais... j'ai de la misère avec le terme véridique, mais qui est plus juste.
J'ai donné quelques formations sur la mondialisation et j'ai eu énormément de difficultés à trouver des sources d'informations ou à savoir quelles sources d'informations prendre. On peut se ramasser... Dépendamment des sites qu'on visite, des documents qu'on consulte, des fois, on a deux chiffres qui sont complètement contradictoires puis on ne sait pas trop lequel prendre. Souvent, c'est une question de définition. Si on parle de taux de pauvreté ou des choses comme ça. Dépendamment des intérêts, des fois, les chiffres sont contradictoires, dépendamment de qui est-ce qui les publie ou qui les utilise. Donc, il y a toute une espèce de débroussaillage à faire à ce niveau-là, et ça prend quelqu'un, je dirais, en terrain un peu plus neutre pour avoir une crédibilité à faire des choses comme ça.
Aussi, je dirais: Orientez la mission vers les gens qui en ont le plus besoin. Il y a beaucoup d'organismes ou de fédérations qui ont déjà des services de recherche complets à analyser ça, à regarder ça. Oui, travailler avec eux autres, mais, je dirais: Orientez les résultats vers les gens qui n'ont pas nécessairement les moyens de s'offrir ces choses-là, vers les citoyens, vers les plus petits groupes, je dirais, à la limite, vers les PME qui... ? je le constate, j'ai étudié en administration. Il y a beaucoup, encore, de chefs d'entreprise, de gens qui étudient en administration qui vont devenir chefs d'entreprise qui ont besoin de comprendre. Ils ont une espèce de grosse question, qui est grosse comme ça, et c'est quelque chose du genre: Qu'est-ce qu'il se passe présentement? Je vois plein de choses dans les journaux mais je ne vois pas... je ne comprends pas de façon globale qu'est-ce qu'il se passe. Je pense qu'il faut répondre à cette question-là. Et les gens qui ont beaucoup besoin de réponse, c'est qu'ils n'ont peut-être pas nécessairement ce qu'il faut pour aller les chercher au niveau des études poussées ou des choses comme ça, soit parce qu'ils travaillent déjà, ou soit parce qu'ils n'ont pas de gens pour les backer en arrière. C'est, oui, les citoyens, les groupes communautaires, les PME, les étudiants. Donc, je pense que c'est un aspect qui est extrêmement important.
En conclusion, je dirais, bon, que c'est vraiment les trois éléments qui sont importants: donc, mettre les priorités au bon endroit, assurer la crédibilité de l'organisation puis enligner les orientations pour que ça remplisse parfaitement sa mission.
Au sujet d'aider peut-être les plus petits, je dirais, je pourrais paraphraser un peu Claude Cossette qui avait une réflexion très intéressante; il dit: On a souvent aidé, je dirais, les géants à progresser au Québec; maintenant, ce serait peut-être le temps aussi d'aider les nains à gruger un peu les géants.
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, Mme la ministre, pour amorcer cette période d'échanges.
Mme Beaudoin: Oui. M. Carle, bonjour. Alors, félicitations pour votre mémoire. Et je vais vous citer, parce que je trouve que, en introduction, vous expliquez bien la raison de votre présence ici et puis, je dirais même, la nécessité de votre présence ici. Vous dites: «Beaucoup de citoyens se plaignent que le gouvernement ou que les élus ne les écoutent pas et n'en font qu'à leur tête. Pourtant, bien peu d'entre eux se donnent la peine de répondre lorsque vous nous consultez de cette façon. Je n'ai pas l'intention de faire de même et c'est pourquoi j'ai répondu à votre consultation.» Alors, je pense que c'est, en effet, qu'un citoyen... Parce qu'il y a beaucoup de groupes qui viennent, peu de citoyens, alors que c'est un appel à tous en quelque sorte quand on annonce ces consultations. Alors, bravo pour votre présence et pour votre mémoire!
Moi, je pense que vous avez... Enfin, c'est bien intéressant ce que vous dites à propos de l'Observatoire et puis un observatoire utile pour tous les Québécois. Quand vous nous dites: «La mission première de l'Observatoire ? et elle est ambitieuse ? sera de permettre aux gens de comprendre ce qui se passe.» Bien, c'est bien ça qui est visé en effet. Et vous dites aussi que «l'Observatoire devrait agir non seulement à titre de diffuseur d'informations, mais également à titre de carrefour des points de vue» de telle sorte que chacun puisse s'exprimer puis chacun en tire ses propres conclusions, puisqu'on ne veut pas forcer, d'aucune manière, les consensus.
Alors, en effet, en autant que les diverses expressions, les divers points de vue se retrouvent autour de la table, je pense qu'il y a là... les conditions sont réunies pour qu'un débat intelligent, informé ait lieu entre ces différents points de vue.
En conclusion, quand vous nous dites: «bon nombre de ces débats ont été occultés, à la fois par un discours de langue de bois provenant de certains politiciens et groupes d'intérêt et par le discours démagogique de plusieurs pro et antimondialisation. L'Observatoire de la mondialisation peut et doit agir à titre de remède.» En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'on souhaite que, en informant le mieux possible, les gens comprennent le mieux possible et que ce soit en effet la réalité. On ne pourra jamais éviter, vous le savez bien, les perceptions et puis les interprétations parce que, même avec des chiffres ? vous donnez un exemple à un moment donné ? même les statistiques, vous le savez très bien, sont interprétées selon... viennent souvent étayer nos convictions et non pas l'inverse. Bon. Donc, on les interprète chacun à notre façon, et c'est très humain.
Mais là où, vous vous imaginez bien, je veux vous poser une question, c'est quand vous nous dites que... Vous dites: C'est très important en effet que, dans le projet de loi, on retrouve que «les membres soient nommés par le gouvernement du Québec plutôt que par l'Assemblée nationale». Et vous dites, bon: «Une réflexion me vient rapidement: encore une autre instance qui échappe au contrôle des députés de l'Assemblée nationale. Les Québécois ne sont pas dupes. La durée des mandats des administrateurs[...] ? bon, etc., ? les nominations partisanes...» bon. Alors, vous dites: «Selon moi, l'option la plus souhaitable...» Vous prêtez beaucoup de mauvaises intentions au gouvernement, mais je dis au gouvernement en général, parce que j'imagine que, ce serait un autre gouvernement et un autre ministre que moi, vous diriez la même chose. Mais enfin, je vais vous laisser votre opinion à ce sujet-là, vous nous la donnerez. Donc, prenons pour acquis que ça s'adresse aux gouvernements en général ? au pluriel ? et vous dites: «Selon moi, l'option la plus souhaitable est que les membres soient nommés par l'Assemblée nationale. ? vous dites ? Ceci ne supprime pas complètement la possibilité de nominations partisanes, toutefois ceci donne à l'opposition la possibilité de s'exprimer sur la nomination des administrateurs et rend le processus beaucoup plus visible.» Je vous pose une question parce que, à ce que je sache ? je ne suis pas du tout une spécialiste de ça ? c'est que les quelques nominations ? il n'y en a pas beaucoup ? qui se font par l'Assemblée nationale ? je connais, en tout cas, comme ça, d'entrée de jeu, le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen, le Directeur général des élections...
Une voix: ...
Mme Beaudoin: Le quoi?
Une voix: ...
Mme Beaudoin: Ah, le Commissaire... C'est vrai, le nouveau Commissaire...
Une voix: ...
Mme Beaudoin: ...au lobbying. C'est ça. Bon, alors donc, mettons qu'il y en a cinq. En tout cas, c'est pas mal sur les doigts d'une main qu'on peut... Et vous savez... Autant que je me souvienne là aussi, parce que je suis députée depuis quelques années, mais, bon, je n'ai pas été particulièrement attentive à cette procédure parlementaire, il me semble que ça prend ? quoi? ? les deux tiers de l'Assemblée nationale. Ça prend les deux tiers, en tout cas, pour l'instant. Alors, j'aimerais ça... Donc, vous voyez le genre de personnalité, il n'y a jamais de groupes comme tels en tout cas, d'organismes comme tels dont la nomination dépend de l'Assemblée nationale. Il n'est pas interdit d'innover, là. Je ne dis pas que, parce que ça ne s'est jamais fait, ça ne peut pas se faire, mais disons qu'il y en a cinq pour l'instant, cinq, six, qui sont nommés aux deux tiers, donc, des voix de l'Assemblée nationale. Alors, j'aimerais juste que vous élaboriez un peu.
Bon, les nominations par le gouvernement, vous dites: Est-ce que c'est le gouvernement en place ou les gouvernements en général? Et puis, ce que vous dites: l'Assemblée nationale donc, on devrait changer les lois de l'Assemblée nationale et faire en sorte que de plus en plus... parce que j'imagine que ce n'est pas le seul organisme dont vous voudriez voir les membres nommés par l'Assemblée nationale. Donc, c'est une nouvelle tendance que vous voudriez voir prendre à nos institutions. Je vous pose la question.
M. Carle (Marc-André): Oui, bien, justement, là-dessus, je ne vise pas un gouvernement en particulier, pas celui-là, pas les autres non plus, je dis que, quand il y a la possibilité, tu sais, juste le fait que la possibilité est là, ça se peut qu'à un moment donné quelqu'un s'en serve. Je ne suis pas non plus les nominations de façon très, très assidue, là, mais c'est vraiment pour une question de visibilité du processus. Je sais, bon, par exemple, en général, quand il y a des nominations faites à l'Assemblée nationale, on en entend un peu parler. Si les députés d'opposition ne sont pas d'accord, ils ont le droit de le dire. De toute façon, ils ont le droit de le dire de toute manière, mais, bon, j'avais regardé un peu... On peut voir, je pense, si je ne me trompe pas, sur le site du ministère du Conseil exécutif, les nominations, mais c'est... il faut vraiment chercher quelque chose en particulier, puis... C'est une liste, des fois, il y a des biographies. Donc, il faut vraiment que ça te tente pour aller chercher puis aller voir qui est-ce qui est nommé. Oui, d'une certaine manière, ce n'est pas... Je dirais, ce n'est pas une motion de non-confiance à l'égard des élus en général, c'est juste une question de ne pas laisser la possibilité sur la table si, à un moment donné, quelqu'un voudrait s'en servir.
n(14 h 20)n Je pense que la mondialisation, bon, on peut l'apprécier, la décrier de la façon dont elle se fait, ce n'est pas une tendance qui va s'inverser. Donc, c'est probablement là pour rester, et j'ose espérer que l'Observatoire de la mondialisation va être encore là pour rester peut-être dans 10, 20, 30, 50 ans. Je me dis: Dans 10 ans, je ne sais pas qui va être au pouvoir, mais si la possibilité est là, il y a toujours la possibilité que quelqu'un s'en serve. Donc, c'était vraiment d'une manière, je dirais, présenté.
Je comprends aussi, disons, que ça impose des formalités administratives, là, beaucoup plus lourdes, surtout si c'était une tendance qui devait, je dirais, s'étendre à beaucoup d'autres organismes, mais c'est vraiment juste pour une question de principe que j'amène ça sur la table. Je dirais que c'est quelque chose à laquelle il faut penser.
Mme Beaudoin: Très bien. En tout cas, moi, c'était mes commentaires. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon et porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Delisle: Merci. Alors, bienvenue, M. Carle. Pour faire suite à l'échange que vous venez d'avoir avec la ministre des Relations internationales, si on part du principe que les lois ne seraient pas changées aussi facilement que ça, disons, par rapport aux nominations, est-ce que vous considéreriez tout aussi importante la reddition de comptes finalement ? je m'explique ? devant l'Assemblée nationale? Et le mécanisme qui pourrait être utilisé évidemment est celui de faire en sorte que l'Observatoire québécois de la mondialisation pourrait, une fois par année, ou devrait ? je devrais utiliser le mot «devrait» ? une fois par année, se présenter en commission parlementaire et faire part finalement des travaux ou du bilan, peut-être plutôt davantage du bilan. Alors ça, c'est une réflexion, là. C'est une question que je vous pose.
Puis je voudrais aussi vous entendre sur... Vous avez évoqué, au début de votre présentation, une certaine inquiétude par rapport au très grand nombre de recherches et de documents qui existent, qui commencent à proliférer finalement et qui existent déjà sur la mondialisation, sur ses répercussions, etc., et qu'il est déjà assez difficile d'établir les priorités. Alors, au sein de l'Observatoire ? c'est ce que j'ai cru décoder de ce que vous disiez ? c'est comment on va faire finalement pour établir ces priorités-là? Qui va les déterminer?
Et je voulais vous demander si vous aviez réfléchi sur les choix qui seraient difficiles à faire, mais lesquels de ces choix-là vous verriez, là, lorsque l'Observatoire serait mis en place, là?
M. Carle (Marc-André): Bien d'abord, je dirais, pour la première partie de votre question, je pense que ce que je considère, je dirais, essentiel, c'est d'assurer justement une certaine transparence à l'organisme, puis je dirais qu'il y ait une certaine forme de reddition de comptes là, peu importe, qui soit faite au niveau, oui, du gouvernement, mais aussi de l'Assemblée nationale. Donc, que les élus soient... Disons que ce soit tous les élus de l'Assemblée nationale qui élisent les membres du conseil d'administration de l'Observatoire, ça peut être un peu lourd. Une autre façon, ça pourrait être ce que vous proposez, oui. Je n'aurais pas de problème avec ça. Mais ce que je considère vraiment important, ce n'est pas tant qu'ils soient élus par l'Assemblée nationale mais qu'il y ait une certaine forme de reddition de comptes, oui, qui soit faite, pas seulement au niveau du Conseil exécutif, mais aussi au niveau, je dirais, de l'ensemble des élus.
Donc, la forme que ça peut prendre, probablement que vous vous y connaissez pas mal mieux que moi. Je veux dire, vous voyez, de par votre travail de parlementaires, là, plusieurs façons. Vous êtes probablement aptes à juger... en fait, tout à fait même aptes à juger de la façon qui va être, je dirais, la plus faisable puis en étant efficace, là. Ça, je n'ai pas de problème là-dessus.
Je pense que ce qui est important c'est vraiment que vous puissiez savoir de façon régulière ? est-ce que c'est six mois, un an, deux ans, je ne connais pas les coutumes à ce niveau-là ? mais que vous soyez capables de savoir où est-ce que l'organisme est rendu, qu'est-ce qu'il fait puis c'est quoi les difficultés rencontrées, bon. Donc, si de l'entendre en commission parlementaire une fois par année ça vous semble suffisant, bien, je n'ai pas de problème avec ça, tant que ce n'est pas quelque chose qui reste, je dirais, clos à ce gouvernement. Ça, je dirais, c'est un aspect.
Mme Delisle: Rapidement, sur les priorités là: Est-ce que, pour vous, il y a des éléments qu'il faut davantage répertorier, discuter, inventorier?
M. Carle (Marc-André): Oui, bien, c'est un peu ce que je disais dans ma présentation au début, c'est pas mal toute la notion, je dirais, de culture, des éléments de la culture. Il y a toutes sortes de choses qui peuvent rentrer là-dedans ? la langue, ça en est un mais c'est un élément parmi les autres ? mais tout ce qui peut toucher à la culture. Toutes les modifications qui sont faites à ce niveau-là sont extrêmement profondes et donc... Souvent, quand on s'en rend compte, si on ne suit pas ça de façon très proche, quand on s'en rend compte, il est trop tard, la modification est faite. Donc, c'est vraiment l'élément important, que je dirais, sur quoi se concentrer parce que, pour les éléments juridiques, économiques, il y a beaucoup plus d'informations qui circulent à ce niveau-là. Donc ce serait vraiment la priorité, selon moi.
Mme Delisle: Vous dites à un autre endroit ? je le cherche, je m'excuse, mais vous allez certainement vous reconnaître ? vous faites référence, dans votre mémoire, à la possibilité que l'Observatoire puisse être un lieu, évidemment, d'informations, mais, aussi, un lieu où on pourrait aider les citoyens à faire des choix de société. J'ai retrouvé ça dans votre mémoire. Ma réflexion un peu naïve serait de vous dire que des choix de société, c'est sûr qu'on les fait avec les citoyens, ça, je n'en disconviens pas.
Mais si on donne à l'Observatoire la possibilité d'aider les citoyens à faire des choix de société, est-ce qu'on ne s'immisce pas un peu dans... je ne veux pas parler de la politique partisane, ce n'est pas ça que je veux dire, mais est-ce qu'on ne lui accorde pas une mission qui n'est pas la sienne finalement? Parce que la mission première, celle que l'on retrouve dans le projet de loi n° 109, c'est d'abord d'informer, c'est d'abord de colliger, c'est d'abord de... Il y aura des discussions, c'est sûr, mais ce n'est pas un lieu de concertation, la ministre a été très claire là-dessus, on ne s'attend pas à ce qu'il y ait des consensus. C'est sûr qu'on s'attend à ce que le citoyen puisse aller chercher ce dont il a besoin par différents moyens de communication.
Toutefois, quand on parle de faire des choix de société, qu'on pense à l'exportation ? le Québec vit beaucoup de l'exportation ? pour expliquer ça aux gens là, pour qu'ils fassent un choix éclairé qui a des conséquences perverses à certaines façons de faire puis faire ces choix de société là, je trouve que c'est lui en mettre très gros sur les bras, à cet Observatoire-là. Est-ce que vous le voyez vraiment... vous voyez vraiment la possibilité de faire ces choix de société là comme une conséquence ou un objectif à réaliser pour l'Observatoire?
M. Carle (Marc-André): Bien, non, je dirais plutôt que c'est une certaine forme... Je dirais, c'est une voie de conséquence du fait qu'on donne l'information, oui, mais, je dirais que ça fait plus suite à ce que je disais un peu tantôt: c'est de s'orienter vers, dans le fond, l'information qui est utile aux gens à la base. Comme je disais tantôt, il y a beaucoup, beaucoup de documentation qui se fait sur la mondialisation et, forcément, l'Observatoire ne doit pas être une espèce d'usine à consensus. Ça, je pense que c'était clair pour tout le monde. Mais ce ne doit pas non plus être une usine à rapports; il ne faut pas que ça fasse des documents extrêmement volumineux, des études encore plus épaisses que tout ce qui a été fait. Et puis que quelqu'un a de l'information à aller chercher, il faut que ce soit quand même, je dirais, accessible pour ce qui est des citoyens.
Donc, je dirais, en regard des choix de société qu'on a à faire, ce n'est pas tant d'orienter les gens ou de leur dire: C'est ça ou c'est ça. Je comprends qu'on ne peut pas demander à un organisme de conscientiser, de politiser et de faire tout ça auprès des gens, c'est beaucoup trop lourd ? il n'y a personne qui est capable de faire ça ? mais de vraiment s'assurer que, l'information, ce ne sera pas juste justement une nouvelle source d'informations semblable aux autres, qui va produire des rapports extrêmement épais qui vont être peu accessibles en langage... Je dirais, c'est plus une préoccupation de donner l'heure juste dans le fond. Prenez-le comme ça, comme mission, disons, le plus possible de donner l'heure juste aux Québécois par rapport à ce qui se passe, vraiment de répondre à la question: Qu'est-ce qui se passe présentement? Peut-être que ce serait vraiment l'essence du message.
n(14 h 30)nMme Delisle: Une autre question, M. le Président. Sur la question de l'information aux citoyens, vous êtes définitivement un citoyen intéressant et intéressé, puisque vous avez pris la peine de vous présenter devant cette commission. Puis, moi aussi, j'en profite pour vous féliciter de votre initiative, parce qu'il y a trop peu de citoyens, qui ne se retrouvent pas nécessairement dans des groupes organisés, qui prennent la peine de venir nous faire connaître leur opinion, puis ça, je pense que c'est tout à votre honneur. Toutefois, ils ne sont pas tous aussi intéressés, les citoyens, comme individus. Comment on fait pour les rejoindre? D'après vous, quels sont les moyens que l'Observatoire devra prendre pour justement rejoindre les citoyens immédiatement concernés?
Là, je ne parle pas des groupes d'intérêt, ni du côté patronal ni du côté syndical, ni nécessairement les groupes qui gravitent autour des groupes sociocommunautaires, mais je parle des gens qui ont à s'exprimer, des gens qui vont vouloir s'informer davantage puis probablement influencer, à quelque part, comme vous allez sûrement le faire un jour, les choix de société. Alors, vous voyez ça comment? De quelle manière l'Observatoire peut aussi jouer ce rôle-là de façon proactive puis de façon concrète?
M. Carle (Marc-André): Oui. Je dirais que c'est la question difficile, parce que là-dedans, justement, il y a déjà beaucoup, je dirais, de gens, sur beaucoup de sujets, qui veulent rejoindre les... Je n'ai pas de recette magique pour faire ça, mais je pense que ce qui est important, si on veut aller voir les gens, c'est d'être le plus proche possible d'eux autres. Bon. Peut-être que je dirais, comme je disais tantôt, d'aller s'associer, oui, d'une certaine manière, avec des acteurs plus proches qu'eux autres. Pas juste de rester et de donner l'information «at large», mais aussi, je dirais, d'aller voir un peu plus proche au niveau des activités possibles puis des façons de conscientiser. Ce serait, à ce moment-là...
Je ne sais pas. Il y a plusieurs façons, que ce soit, je dirais, de faire carrément soit une tournée de l'Observatoire, c'est-à-dire d'aller faire des activités dans chacune des régions, d'aller voir les gens, mais j'ai l'impression, en tout cas, que plus les gens vont sentir que les activités sont près d'eux, plus ça va les inciter à participer, parce qu'il y a des gens qui sont très intéressés et d'autres qui sont très peu intéressés. Je pense que la façon d'aller les chercher, il n'y a pas de recette magique, mais c'est vraiment de se rapprocher d'eux autres.
Mme Delisle: Je suis curieuse. Une dernière intervention très rapide. Vous avez appris comment qu'il y avait des auditions aujourd'hui et des audiences publiques? Vous l'avez vu sur Internet? Vous l'avez vu comment? On a sollicité votre présence ou quoi?
M. Carle (Marc-André): Je suis un peu tout ce qui est proche de la mondialisation. Je suis ça avec, disons, beaucoup d'intérêt, à la base, puis, bon, disons que je suis un internaute assez assidu qui travaille dans le domaine des technologies de l'information. Donc, je me promène pas mal sur Internet, et je l'ai vu tout simplement sur le site Internet.
Mme Delisle: Ce n'est pas un procès, là, je voulais juste savoir comment les jeunes...
M. Carle (Marc-André): Non, non, je vérifie... Je dirais, je vais sur le site de l'Assemblée nationale de façon régulière puis je regarde qu'est-ce qui se passe. C'est une façon comme une autre de se tenir informé.
Mme Delisle: Alors, merci.
M. Carle (Marc-André): Ça me fait plaisir.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Carle, d'avoir pris la peine et le temps, surtout, de venir nous exprimer votre point de vue sur ce projet de loi en commission parlementaire. Merci.
M. Carle (Marc-André): Ça fait plaisir.
Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les représentants d'Oxfam-Québec. Nous entendrons tour à tour les représentants d'Oxfam-Québec et le Regroupement des associations francophones du Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, et pour terminer, cet après-midi, avec l'Alliance pour les droits des créateurs.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. J'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant à vous aussi que vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.
Oxfam-Québec
M. Véronneau (Pierre): M. le Président de la commission, mon nom est Pierre Véronneau; je suis directeur général d'Oxfam-Québec. Je suis accompagné de M. Ghislain Croft qui est membre du conseil d'administration d'Oxfam-Québec et par M. Mohammed Chikhaoui qui est le directeur ressources humaines et plaidoyer chez Oxfam-Québec.
Mesdames, messieurs, je voudrais tout d'abord vous remercier de l'invitation qui nous a été faite de venir devant vous donner l'avis d'Oxfam-Québec sur ce projet de création de l'Observatoire québécois de la mondialisation.
Je voudrais également vous demander d'excuser l'absence de notre présidente du conseil d'administration, Mme Saint-Martin, qui est retenue par des obligations de professeur à l'Université de Sherbrooke.
J'aimerais d'abord vous dire quelques mots sur Oxfam-Québec pour situer un peu le... éclairer un peu nos propos par la suite, et le réseau Oxfam International, ainsi que sur notre positionnement par rapport à la mondialisation, qui aidera peut-être à comprendre mieux le sens de nos propos.
Fondée en 1973, Oxfam-Québec est vouée à la coopération internationale, au développement et à la lutte contre les causes de la pauvreté et de l'injustice. Oxfam-Québec est une organisation non gouvernementale à but non lucratif, non partisane et non confessionnelle. Elle est actuellement présente dans une trentaine de pays en développement d'Afrique subsaharienne, d'Amérique latine, d'Asie du Sud-Est, des Caraïbes, du Maghreb et du Moyen-Orient.
Pour mieux répondre aux défis de la mondialisation, les 12 Oxfam à travers le monde se sont regroupées dans un vaste réseau, soit le réseau Oxfam International qui intervient dans près de 120 pays. Les Oxfam travaillent sur deux plans complémentaires indissociables, selon nous: le premier plan, celui de l'appui aux populations et à la société civile des pays du Sud, et, le deuxième plan, celui du plaidoyer pour l'établissement et la mise en oeuvre de politiques et de règles internationales plus équitables envers les populations des pays du Sud.
Selon nous, notre monde devient de plus en plus interdépendant. Cependant, la mondialisation qui l'accompagne n'est pas au service de tous. Tandis qu'on assiste à d'énormes progrès scientifiques et techniques, le fossé entre le Nord et le Sud continue de se creuser. Dans ces circonstances, lutter pour l'éradication de la pauvreté revient à faire de la justice sociale et économique une priorité mondiale. C'est le défi posé à des organisations qui, comme Oxfam-Québec oeuvre pour le développement durable.
Il faut dire que la mondialisation actuelle, si nous entendons par là une prédominance croissante des relations économiques mondiales, n'a rien de mondial. Nous voulons être clairs, nous croyons que la mondialisation ne peut éliminer la pauvreté sans considérer l'équité au même titre que la croissance économique. L'économique doit être au service de la société et non pas l'inverse. La mondialisation célébrée généralement par les chefs de file des entreprises multinationales et des gouvernements n'est pas globale. Cette mondialisation est sélective et exclusive, autant dans sa portée que du point de vue de ses bénéficiaires.
Nous croyons que la mondialisation crée des opportunités pour ceux et celles qui disposent des actifs, des compétences et surtout de l'éducation nécessaires pour intervenir sur des marchés de plus en plus compétitifs. Les démunis, ceux qui n'ont pas de terre, les pauvres des villes, les analphabètes sont des laissés-pour-compte et ils se comptent par centaines de millions. Nous voulons changer le sens d'une mondialisation qui conduit à l'élargissement du fossé entre pays riches et pays pauvres et à l'intérieur des nations. Le grand échec du XXe siècle est qu'aucun des objectifs de réduction de la pauvreté auquel avait souscrit la communauté internationale dans les années quatre-vingt-dix ne sera vraisemblablement atteint dans les délais fixés.
Oxfam croit qu'il faut sortir de l'approche, vous m'excuserez l'expression, «business as usual» dans le domaine des stratégies de développement. Depuis avril 2002, les Oxfam sont engagées dans une campagne mondiale afin que les pays du Sud prennent toute la place qui est la leur dans les échanges commerciaux internationaux. Cette campagne vise à changer les règles qui régissent le commerce international afin d'utiliser le potentiel de ce dernier pour réduire la pauvreté. À l'origine de cette campagne, une conviction, à savoir qu'il est temps d'instaurer les règles d'un commerce équitable. C'est ce que nous disons dans ce rapport intitulé Deux Poids Deux Mesures ? s'il y a des gens intéressés, on peut laisser le document.
n(14 h 40)n Outre les campagnes de vaste envergure, nous intervenons également auprès des institutions multilatérales et auprès de leurs dirigeants, tels le FMI, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce, en avançant des propositions concrètes qui nous paraissent en mesure de réduire les écarts, d'établir un rapport de force équilibré et de contribuer réellement au développement humain. Dans le monde globalisé d'aujourd'hui, nos vies sont plus étroitement liées que jamais. En tant que communauté mondiale, nous pouvons choisir soit de nager ensemble ou soit de sombrer corps et biens.
Vous comprendrez que, dans ce contexte, Oxfam-Québec accueille très favorablement l'initiative du gouvernement du Québec de créer un observatoire québécois de la mondialisation. Un tel organisme constitue une chance inestimable d'alimenter la réflexion sur la mondialisation, son potentiel et ses risques inhérents. Les travaux de cet Observatoire devraient permettre au gouvernement du Québec et à la société civile québécoise d'être plus proactifs et plus habilités à intervenir fermement en faveur d'une plus grande équité dans le monde, dans le respect des droits humains et de l'environnement, condition essentielle à un développement durable.
C'est pour cela que nous sommes en faveur de la mission dévolue à l'Observatoire qui doit permettre au Québec, et je cite le projet de loi «de favoriser une mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains». Le Québec est une société riche économiquement et culturellement, qui possède une longue tradition de solidarité et d'ouverture face aux peuples du monde. Le gouvernement du Québec a donc une responsabilité morale envers les plus démunis. Dans le contexte de la mondialisation, les intérêts des plus pauvres deviennent les intérêts du Québec également. C'est pour cela que nous voyons l'Observatoire comme un carrefour ? le mot a été utilisé précédemment ? comme un carrefour important d'échanges sur la mondialisation, ses enjeux, ses pièges et les risques qu'elle comporte pour le développement humain.
Nous suggérons donc que l'état de la situation à établir, tel que prévu au projet de loi, donc que l'état de la situation à établir chaque année par l'Observatoire tienne compte aussi de l'impact de la mondialisation sur l'ensemble des populations. C'est pourquoi nous suggérons que, à l'alinéa 4 de l'article 4 qui se lit: «rend public annuellement un état de la situation sur la mondialisation au regard des intérêts du Québec», on y ajouterait «et dans la perspective d'une contribution au développement humain dans sa globalité». Par ailleurs, compte tenu de sa nature, l'Observatoire ne devrait-il pas pouvoir émettre des recommandations destinées au ministre des Relations internationales, voire à l'Assemblée? Nous posons la question, parce que ça nous semblait être un point non suffisamment éclairci dans le projet de loi.
La composition proposée pour le conseil d'administration de l'Observatoire nous paraît équilibrée. Nous nous réjouissons de la volonté déclarée de composer ce conseil d'administration après consultation d'organismes représentatifs. Toutefois, en relation avec l'article 6.1 où on prévoit quatre représentants provenant des domaines particulièrement concernés par la mondialisation, nous pensons qu'il faudrait préciser un peu cette affirmation, là, ou ce point. Oxfam-Québec est tout à fait intéressée et disposée à collaborer avec l'Observatoire québécois de la mondialisation dont nous favorisons la création. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la ministre d'État aux Relations internationales.
Mme Beaudoin: Oui. Messieurs, bonjour. Alors, hier on a eu le plaisir de recevoir un organisme dont un des représentants était Jacques Gélinas. C'était ATTAC-Québec, je crois, dont Jacques Gélinas était un des représentants, et c'était un ancien fonctionnaire du ministère pendant plusieurs années. Alors, je dois dire que, Ghislain Croft aussi, c'est formidable de voir ces fonctionnaires, jeunes retraités ? jeunes retraités ? s'impliquer comme ils le font, Ghislain à Oxfam, Jacques Gélinas avec ATTAC-Québec, etc., donc dans la foulée de ce qu'ils ont fait pendant toutes ces années bien sûr au ministère.
Alors donc, on vous remercie d'être là. Oxfam-Québec est pour nous, vous le savez, un partenaire ? je parle du ministère des Relations internationales bien sûr ? un partenaire exemplaire à bien des égards. On fait beaucoup de choses ensemble, dans la mesure de nos maigres moyens, mais, quand même, au Secrétariat à l'aide humanitaire, vous êtes souvent présents avec nous et nous essayons de vous accompagner dans un certain nombre de vos démarches. Et puis, avec Québec sans frontières aussi, vous accueillez certains de nos jeunes stagiaires.
Alors, je trouve, bon, ce que vous dites, par rapport à la mondialisation et par rapport au projet de loi, fort intéressant et fort pertinent. Bien sûr, quand on s'est rencontrés à la fin du mois de juin, on avait discuté de toute cette question du commerce équitable, qui est fondamentale, des entreprises socialement responsables. Vous savez qu'il y aura une commission parlementaire spécifique, celle des finances et de l'économie, qui va se tenir au mois d'octobre et qui va, pendant trois jours, étudier... C'est un mandat d'initiative de cette commission, qui est présidée par notre collègue Jean-Guy Paré, exactement, député de Lotbinière. Et donc, pendant trois jours, à la mi-septembre ? c'est mi-septembre ? il va y avoir discussion sur ces questions donc d'entreprises socialement responsables.
Alors, votre document, sur le plan international, a fait quand même beaucoup de vagues et a été amplement médiatisé. Et je crois bien que c'est la bonne direction. Ce que vous indiquez dans ce rapport-là, qui s'intitule donc Deux Poids Deux Mesures, pour un commerce équitable, est très en ligne avec ce qui, à mon avis, devrait se faire dans les années à venir. Je pense que vous êtes très réaliste et très pragmatique en même temps. C'est ça qui est intéressant. C'est faisable. C'est pensable et c'est faisable. Alors, ce n'est pas un truc complètement déconnecté, si je peux dire, de la réalité. On sent ça très accroché à votre expérience terrain depuis longtemps.
Alors, justement, pour vous citer, vous dites: «Le grand échec du Xxe siècle est qu'aucun des objectifs de réduction de la pauvreté auxquels avait souscrit la communauté internationale dans les années quatre-vingt-dix ne sera vraisemblablement atteint dans les délais fixés.» Je pense que ça se confirme en effet. Alors, vous dites: Il faut changer d'approche, Oxfam International. Donc, quand vous avez publié ce rapport-là, vous le démontrez bien. Et vous avancez des propositions pour un commerce plus équitable.
Et j'aimerais ça que vous partagiez avez nous justement ? on va déborder un peu du projet de loi, mais on l'a fait avec d'autres intervenants ce matin puis je pense que c'est intéressant de le faire, d'élargir le débat et la perspective ? vos impressions sur les conclusions, je dirais, des récentes rencontres internationales, que ce soit à Monterrey, le G8 donc, le NEPAD, comment vous vous situez par rapport à ça, étant donné ce que vous dites dans votre propre document, que j'ai cité, et le dernier en date, Johannesburg, qui vient tout juste de se conclure. Alors, j'aimerais ça que vous me disiez: Est-ce que, à votre avis, ça progresse ou est-ce que vous constatez les mêmes difficultés puis les mêmes obstacles?
M. Véronneau (Pierre): Merci. On peut... Merci de l'introduction également, Mme Beaudoin. Effectivement, on collabore de façon, je pense, efficace avec le ministère et différentes institutions du gouvernement. Et je pense que c'est dans l'intérêt des partenaires du Sud, la façon que nous le faisons, et on espère que ça va se poursuivre.
Effectivement, durant la dernière année, il y a eu plusieurs rencontres importantes internationales. Et je pense qu'on sent certainement une volonté de chercher des solutions à la fois réalistes, à la fois stimulantes et qui régleraient plusieurs des problèmes identifiés de façon durable.
Notre analyse, tout de même, est assez... pas pessimiste, mais on est déçus, d'une certaine façon, par le peu d'engagements concrets qui suivent les déclarations de principe. Je pense que souvent les déclarations sont tout à fait valables. On identifie des objectifs, mais souvent le geste ne suit pas la parole. Est-ce un problème de conviction? Est-ce un problème de ressources? Est-ce un problème... Je pense qu'il y a plusieurs variables.
Mais, effectivement, dans les dernières rencontres, on est craintifs que les engagements ne suivent pas. Donc, le travail d'Oxfam est beaucoup d'essayer d'amener à la fois les gouvernements à prendre des mesures concrètes pour réaliser leurs options ou leurs solutions, mais également aider à la recherche de solutions concrètes. Et, je pense, dans ce sens-là aussi, il faut donner une voix au Sud de façon très importante. Et il y a une évolution qui se fait. De plus en plus, les pays du Sud deviennent des joueurs réels de leur propre développement. De plus en plus, les gouvernements des pays du Nord reconnaissent que le leadership du développement doit reposer dans les mains des gouvernements et des institutions du Sud.
n(14 h 50)n Par contre, on assiste toujours à une aide excessivement liée, qui compromet parfois certains des objectifs. Et surtout les priorités changent parfois en cours de route, suite à des événements aussi importants que ceux de septembre dernier qui parfois servent de raison, là, à dire: Bon, bien, certains projets doivent retarder, ou: Il y a beaucoup d'argent qui doit aller sur la sécurité plutôt que sur des solutions durables, etc. Mais Oxfam est assez, je n'aime pas le mot «sceptique», mais est assez réservée par rapport à la volonté réelle des... à la fois à la volonté et à la capacité réelle de régler les problèmes identifiés.
Bien sûr, il y a des chiffres qui frappent beaucoup. Quand on dit que les 300 personnes, identifiées par les Nations unies, que les 300 personnes les plus riches du monde possèdent autant que les 2,5 milliards les plus pauvres, quand on voit la richesse telle qu'elle est distribuée, on se dit: Oui, les solutions sont possibles. La pauvreté sur la planète n'est pas quelque chose qu'on ne peut pas changer. On peut modifier les choses. Pourquoi ça ne se modifie pas plus rapidement? Pourquoi on n'arrive pas à améliorer les conditions de vie de milliards de citoyens autour de la planète plus rapidement ? on rentre dans beaucoup d'éléments d'analyse? Mais je pense qu'il y a des signes prometteurs, il y a eu des réunions prometteuses, je pense particulièrement à Pôrto Alegre, réunion à laquelle vous avez assistée, mais, en même temps, il y a un défi pour les gouvernements de se compromettre de façon plus efficace. Et on a vu d'un très bon oeil l'importance accordée lors du dernier G8 sur l'Afrique. Mais on voit de plus en plus que les gouvernements des pays africains considèrent que les engagements ne suivent pas nécessairement aussi rapidement. Il y a des doutes et particulièrement dans des organisations de ces pays-là.
Je ne sais pas si, M. le Président, on peut intervenir ou si c'est un seul intervenant ou à l'occasion...
Le Président (M. Beaumier): Non, pas du tout. À votre guise, allez-y.
M. Véronneau (Pierre): Bon. Si jamais Mohammed... pourra répondre.
Le Président (M. Beaumier): Oui, M. Chikhaoui.
M. Chikhaoui (Mohammed): C'est correct pour l'instant.
Le Président (M. Beaumier): Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui. Alors donc, je pense que votre appui à l'Observatoire, c'est un appui important, je veux dire, pour nous, à cause de tout ce que je vous ai dit, votre expérience terrestre et votre engagement très concret dans cette dynamique du commerce équitable, des entreprises socialement responsables. Je crois que, même, vous parliez de Pôrto Alegre, l'expérience québécoise d'économie sociale et solidaire, ça aussi, pour les pays du Sud, je pense qu'il y a là une avenue, à côté de l'économie plus traditionnelle, parce qu'il y a une implication là beaucoup plus grande des acteurs, et puis, d'autre part, le profit n'est pas le seul moteur de cette économie, puis ici, au Québec, pour toutes sortes de raisons historiques, en effet, les coopératives, entre autres, ont eu beaucoup d'importance. Et je voyais bien à Pôrto Alegre qu'il y avait comme un appel de la part de certains pays, du Sud comme du Nord d'ailleurs, à développer conjointement ensemble, en partenariat, cette approche économique. Alors donc, vous dites qu'il faut absolument, dans le conseil d'administration, que le milieu québécois des organismes de coopération et de développement international y soit représenté. Je veux terminer là-dessus: C'est bien évident.
Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Évidemment, monsieur, la réputation de Oxfam n'est plus à faire. Vous êtes connus depuis longtemps pour votre implication dans tout ce qui a trait aux relations entre les pays en développement et les pays qu'on dit développés ? ça dépend à quel point de vue, mais enfin.
On a eu des discussions antérieurement. Certains sont venus nous parler de l'article 3 de la loi et dans lequel est mentionnée la mission et, entre autres, mentionné que des recherches devraient se faire, et des études, de façon à favoriser une mondialisation maîtrisée, équilibrée, respectueuse des droits humains, ainsi de suite. Évidemment, la question qui se pose est la suivante: Cette phrase-là pourrait ne pas y être et qu'on dise tout simplement: Fournir à la nation québécoise des informations sur la mondialisation. Ou elle pourrait être plus explicite, mentionner des valeurs plus précises, par exemple, relatives à la démocratie ou à d'autres éléments, d'autres valeurs. Vous, comment vous situez-vous par rapport à l'article 3? Souhaiteriez-vous que les valeurs qui servent de postulat au travail de l'Observatoire soient plus précises ou que ce soit plus ouvert, ou simplement comme c'est là?
M. Véronneau (Pierre): Je pense que la mission, telle qu'elle est décrite ici, elle est fort intéressante et stimulante. Je pense qu'enlever cette fin de phrase, si on veut, qui est pour nous, dans le fond, l'orientation principale, c'est-à-dire qui rend toute son originalité et tout son potentiel de leadership, puis tout son potentiel d'influence à la société civile et à tous ceux qui pourront avoir recours à cet Observatoire...
Bien sûr, en préciser les valeurs pourrait être utile dans les prochaines étapes, et des valeurs qui sont proches, j'imagine, des valeurs portées par la population québécoise. On faisait référence dans notre présentation à cette reconnaissance chez la population québécoise d'une ouverture, d'une capacité d'accueil. Je pense aussi que les Québécois sont très aptes à comprendre l'ensemble des phénomènes qui se passent sur le plan... et en même temps une ouverture de façon à corriger une grande partie de ces injustices. Corriger les injustices autour de la planète, ça a beaucoup d'implication. Lorsqu'on parle de commerce équitable, ça a beaucoup d'implication.
Donc, il faut accepter, d'abord, de bien comprendre ce qui se passe, parce qu'il n'y a rien de pire que de ne pas comprendre. Et je suis convaincu qu'il y a beaucoup de gens qui disent: Mon Dieu! la mondialisation, ça a un impact, tout ça. Une fois qu'on sort des principaux clichés, quelle est l'influence de la mondialisation sur chacune de nos vies? On voit le phénomène de la sécurité. Tout le monde est touché dans le phénomène de la sécurité. L'injustice mène à des perturbations. Donc, le Québec, les Québécois sont impliqués dans cette mondialisation liée à la sécurité, liée... Bon. Mais je pense que la population au Québec a fait preuve, dans l'histoire, de cette capacité à la fois d'une plus grande justice autour de la planète. On pense à l'implication, le rôle important qu'ont joué les Québécois en termes de développement, en termes de relations avec les pays du Sud, avec les populations du Sud, on peut remonter au temps des missionnaires, et tout ça. Mais il y a eu cette ouverture, cette capacité d'accueil à des moments importants dans l'histoire, dans les années soixante-dix, de gens d'Amérique du Sud qui vivaient des choses très difficiles, très dramatiques. Il y en a eu d'autres au cours des décennies.
Donc, où est basée la mission sur les valeurs du Québec? Selon nous, ce serait une approche gagnante, si on peut se permettre l'expression. Mais, si ce travail-là de l'Observatoire ne se faisait pas avec cette volonté de favoriser une mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains, je pense qu'à quelque part on manquerait le bateau, en termes d'expression.
Et je pense que le Québec est en train de se doter d'un outil pour influencer sa propre société à comprendre et à participer à cette mondialisation, mais, en même temps, à jouer un rôle de leadership à aider les États à mieux communiquer, à mieux travailler ensemble. Et le Québec a plusieurs lieux internationaux pour faire la promotion de cette approche plus équitable d'un développement maîtrisé et équilibré, respectueux des droits humains. Et je pense que le Québec peut apporter beaucoup sur la scène internationale avec une approche de cet ordre-là. Et, pour nous, enlever cette phrase-là, ça dénature, selon nous, l'approche qui est visée par cet Observatoire.
n(15 heures)n On se posait la question encore récemment en disant: Pourquoi cet Observatoire dans le fond? Pourquoi? Le pourquoi est là, dans la mission. Et on se disait ensuite: Pourquoi un observatoire? Pourquoi? Pourquoi pas un centre de recherche, un institut, hein? On ne connaît pas bien le concept d'observatoire, puis on se disait: Ce qui nous frappe dans le projet de loi, en tout cas, c'est cette approche carrefour ? vous avez utilisé le mot tantôt ? cette approche carrefour qui permet à tous les intervenants de différents horizons, que ce soient les organismes, l'entreprise privée, tous ceux qui sont intéressés, des individus comme celui qui précédait, d'avoir un endroit. Et ce n'est pas toujours le cas à travers des structures universitaires ou d'autres structures, pour différentes raisons. Et là, c'est là que ça nous apparaissait une approche originale, intéressante, stimulante. Et Oxfam a l'impression qu'il va pouvoir contribuer mais aussi apprendre, parce qu'il faut partager les choses pour mieux les influencer et pour tout ça. Mais nous, notre moteur, c'est l'équité: plus grande justice, plus grande équité. Et on pense que le Québec peut porter ces valeurs-là, et on le voit à tous les jours, dans le fond, à travers multiples Québécois.
Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Véronneau. Alors, nous allons à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, messieurs. J'ai le goût d'ajouter ma petite note personnelle, moi aussi. Si la ministre a salué un ex-collègue du ministère des Relations internationales, vous me permettrez de saluer, en cette même personne un professeur, un ex-professeur de collège, M. Croft. Donc, mes relations remontent à beaucoup plus loin que celles de la ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Delisle: Bienvenue. Je voudrais continuer dans la même veine, là, que celle que vous avez laissée puis qui est toute cette question-là de l'approche beaucoup plus globale. Vous dites dans votre mémoire... Attendez, je vais reprendre le fil. Dans le projet de loi, à l'article 4, le quatrième alinéa, on y lit que l'Observatoire, là ? et je cite le reste ? «rend public annuellement un état de la situation sur la mondialisation en regard des intérêts du Québec».
Vous nous faites une proposition, à la page 3 de votre mémoire, d'ajouter à l'article 4, alinéa 4°, un bout de phrase, là ? passez-moi l'expression là ? et je cite: «dans la perspective d'une contribution au développement humain en général».
Moi, j'aimerais savoir de votre part comment vous conciliez cette vision peut-être un petit peu trop réductrice que l'on retrouve dans le projet de loi, un petit peu plus... je vais l'appeler «réductrice» parce que, à mon avis, de le concentrer davantage sur les intérêts du Québec, ça nous fait oublier qu'il y a d'autres répercussions, finalement, dans le Sud par rapport à ce qui nous arrive ici, au Québec. Donc, comment vous conciliez cet article 4 tel que libellé et votre vision à vous, qui est celle finalement d'y aller dans une perspective beaucoup plus large? Puis j'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'il y en a quelques-uns qui ont soulevé le fait qu'il faille peut-être ouvrir cet article-là et permettre finalement de mettre sur la table des études ou des recherches qui vont alimenter le citoyen par rapport aux répercussions, finalement, autant pour lui ou pour elle et aux citoyens qui vivent ailleurs, là. Puis je pense qu'il faut l'aborder, cette question-là.
Le Président (M. Beaumier): M. Véronneau.
M. Véronneau (Pierre): Oui, merci. Effectivement, c'est peut-être l'article qui nous posait le plus de préoccupations, puis on essayait de comprendre ce qu'on voulait dire par «au regard des intérêts du Québec», qui peut être pris dans un sens étroit ou dans un sens large. C'est-à-dire, réalistement, l'Observatoire s'adresse aux citoyens québécois, à la société civile, aux intervenants québécois, pour aider cette société, ces participants, ces intervenants, à être de meilleurs intervenants. Donc, on n'a pas de problème avec l'approche en regard des intérêts du Québec, dans la mesure où la volonté, c'est de s'adresser à des institutions ou à des groupes québécois pour en faire peut-être des meilleurs intervenants: une meilleure compréhension, une plus grande ouverture.
Mais ce qu'on dit, c'est que ça peut être pris dans un sens très étroit et enlever cette espèce de stimulation ou de vision qui dirait: Oui, mais si on commence à regarder simplement les intérêts, si on se met à analyser la mondialisation uniquement en regard de nos intérêts ? c'est souvent ce qu'on reproche, par exemple, à nos voisins du Sud, les États-Unis, d'avoir une politique extérieure qu'en fonction de leurs propres intérêts ? et souvent, on définit... Donc, cette notion, «en regard des intérêts», pourrait être prise ici, mais également ailleurs, comme étant très restrictive et allant dans le sens contraire même de la mission qui est exprimée.
Donc, nous, on dit, prudemment, on suggère de dire: Au regard des intérêts du Québec et dans une perspective de développement humain global, c'est-à-dire ? monsieur parlait de valeur ? de faire cette affirmation, que le Québec reconnaît: Les intérêts du Québec passent à travers ce qu'on dit dans la mission. C'est pour ça que la phrase de la mission est très importante: «favoriser une mondialisation maîtrisée, équilibrée et respectueuse des droits humains», mais pas juste pour le Québec, pour l'ensemble de la population. Et on est convaincus que c'est là. Mais on se dit: De la façon que c'est écrit, ça peut être perçu et interprété de façon très négative, contraire.
Comment on concilie? Nous, on est persuadés, par le sens même de la mondialisation, qu'on ne peut pas... Les intérêts d'un État sont... d'un État, du Québec ? là je ne veux pas faire de jeu de nation ou de... vous comprendrez, on est non partisans, et c'est clair ? mais les intérêts d'une province, d'une population, d'une communauté, aujourd'hui c'est interdépendant, c'est interrelié, tout le monde le sait. Donc, on se dit: c'est important que, quand on regardera la question des intérêts du Québec, on le fasse dans une perspective de développement humain global, vrai pour tous les citoyens. Ce qui est bon pour le Québec, pour les Québécois, les Québécoises, c'est bon pour tout le monde: l'éducation, c'est bon pour tout le monde; la santé, c'est bon pour tout le monde; le progrès, c'est bon pour tout le monde. Et donc, de faire attention de ne pas percevoir uniquement une approche qui serait nombriliste, là, dans un sens. Mais on se doute beaucoup que ce n'est pas ce qu'on vise ici, mais la façon que c'est écrit et c'est dit pourrait être interprétée, et on avait une préoccupation sérieuse là-dedans. Mais, en même temps, on trouve que la mission, l'article 3, le dernier bout de phrase, donne très bien la vision de l'approche. Et donc, on voit une certaine contradiction ici dans la façon que c'est écrit.
Mme Delisle: Je vous remercie.
M. Véronneau (Pierre): J'espère que je réponds directement.
Mme Delisle: Oui, oui. Ça rejoint, en fait, la préoccupation que plusieurs intervenants, là ? je ne dis pas que c'est l'ensemble des intervenants ? il y en a quelques-uns qui l'ont soulevé puis qui trouvaient ça très exclusif par rapport à être inclusif, là.
M. Véronneau (Pierre): C'est ça. Si c'est un problème de fond, je pense que ça mérite d'être discuté beaucoup; si c'est un problème de forme, ça peut se corriger facilement, s'il y a un certain consensus.
Mme Delisle: Dans un ordre d'idées ou pour faire suite, finalement, à nos discussions, vous dites ? et je vous cite, c'est à la page 3 du mémoire: «Les travaux de cet Observatoire permettront au gouvernement du Québec et à la société civile québécoise d'être plus proactifs et plus habilités à intervenir fermement en faveur d'une plus grande équité dans le monde dans le respect des droits humains et de l'environnement», bon, etc.
Moi, j'aimerais que vous élaboriez un peu sur le terme «proactifs». Quel genre, quel type d'action vous pensez que l'Observatoire peut prendre, finalement, pour, bon, j'imagine, sensibiliser? Mais aussi, il y a toute la question du choix, du type de recherche qui peut être fait ou des mandats qui peuvent être donnés à des universitaires. Et ça revient à une question que j'ai posée tout à l'heure à l'intervenant précédent: Comment on fait ces choix puis quelles sont les priorités que va devoir se donner, finalement, l'Observatoire? Parce que, lorsque l'Observatoire sera mis sur pied, à un moment donné il va falloir que ça fonctionne, cette affaire-là. Alors j'imagine qu'il faut penser aussi au comment, et, vous, vous dites: Il faut être davantage proactifs. Alors, il y a ce volet-là sur lequel je voudrais vous entendre. Et puis il y en a un autre où... c'est une question assez rapide, vous pouvez y répondre rapidement: Est-ce que vous pensez que l'Observatoire va pouvoir influencer le gouvernement sur des choix à faire, quand on pense aux engagements qui peuvent être pris dans le cadre de certaines négociations ? bon, on sait qu'on n'est pas partie prenante de la plupart des négociations, mais on sait aussi que l'Assemblée nationale aura quand même à voter à l'occasion sur certaines de ces ententes qui seront signées ? mais comment vous voyez le rôle de cet Observatoire-là de façon plus proactive, là ? pour rejoindre vos termes ? dans le choix de ces priorités-là? Puis comment vous allez faire pour sensibiliser, finalement, l'Observatoire?
M. Véronneau (Pierre): J'identifie comme trois dimensions pour le moment et je demanderais peut-être à Ghislain ou Mohammed tantôt s'il y a des choses à ajouter.
n(15 h 10)n Quant on dit «proactifs», on pense qu'un des effets de l'Observatoire, en permettant une approche plus partagée, plus carrefour de ce qui se vit, des expertises, des expériences, des idées, des orientations de plusieurs intervenants, va favoriser, va augmenter la capacité de plusieurs des intervenants dans leurs propres actions. Il y a beaucoup de choses sur la mondialisation, il y a beaucoup d'intervenants au Québec déjà, impliqués directement ou pas; que ce soient l'entreprise privée, les organismes de coopération, les syndicats, il y a énormément de choses qui se font dans le cadre de la mondialisation. Le fait de pouvoir échanger ensemble, le fait de pouvoir partager certaines analyses, le fait de pousser peut-être certains points ensemble qui ne se feraient pas autrement, on pense que ça va avoir un effet, je dirais, à la fois proactif, rendre plus actif, plus... faciliter l'action, mais aussi peut-être plus pertinentes les interventions de tous et chacun. Il y a peut-être des fois de l'incohérence dans les approches, il y a peut-être des fois un manque de connaissances dans certains cas, par exemple le lien entre le droit du travail et les droits humains, la question du commerce. Tout ça est interrelié; quand on touche commerce, on touche emploi. Par exemple, les propositions d'Oxfam, bien sûr, dépendant d'où vous êtes assis, deux poids, deux mesures, ça a des impacts, et le fait de pouvoir s'asseoir peut-être plus dans ce type de carrefour sur quels sont les impacts d'un commerce plus équitable, tout ça va rendre... le mot «proactifs» dans le sens plus pertinent aussi, plus dynamique.
Le deuxième point, je vais revenir. Quant à l'Observatoire, influencer le gouvernement, on souhaite que l'Observatoire puisse influencer le gouvernement, pas remplacer le gouvernement ? je pense que les choses sont claires ? mais que le gouvernement soit ouvert, que l'Assemblée soit ouverte à dire: Mon Dieu, les gens... Ce qui sort de l'Observatoire doit être, je dirais, lu, réfléchi et, s'il y a des consensus, ça doit influencer. Souvent, lors des conférences internationales, le gouvernement sent le besoin, soit des fois directement ou rapidement, de consulter, de voir avant les prises de position. Par exemple, dans le cadre des sommets de la francophonie, je me souviens que les ONG, à un moment donné, avaient été consultées, il y avait eu déjà un comité consultatif sous le ministre, M. Simard, lorsqu'il était au MRI, et, lors de grandes conférences, il consultait quelques personnes. Donc, là on se donne un outil beaucoup plus profond, beaucoup plus scientifique, beaucoup plus rigoureux qui permettra, on l'espère, au gouvernement du Québec de préciser ses opinions puis ses orientations puis ses points de vue lors des conférences internationales, entre autres.
Les choix à faire sur la recherche, je pense, c'est une très bonne question, dans le sens où tout ne pourra pas se faire au début, et, selon d'où vous provenez, le choix des priorités va être influencé. Bien sûr, nous, on vous dirait: Toute la question du commerce, tout la question de la justice économique, toute la question des femmes, etc., sont des sujets premiers. J'imagine que d'autres secteurs vont identifier la santé, l'éducation, avec lesquels on est d'accord.
Je pense qu'il faudrait certainement, dans le cadre de cet Observatoire, déjà avoir un premier débat en disant où sont les priorités actuellement. Par rapport à tout ce qui se passe en termes de conférences mondiales, quels sont les secteurs prioritaires auxquels il faut s'adresser? Moi, je n'ai pas de réponse par rapport... Mais j'ai des réponses, vu d'Oxfam, et, vu d'Oxfam, je vous dirais: On est persuadés, nous, que l'aide publique est un débat important, mais le commerce est un débat. La vraie solution, selon nous, aux inéquités actuelles, dans le sens de la fierté, dans le sens de l'équité, de l'égalité, ça passe par le commerce. Aider, c'est une chose, mais permettre un commerce équitable, c'est-à-dire payer un juste prix aux producteurs... On me disait récemment: Écoutez, les producteurs de café, actuellement... C'est quoi, Mohammed, la statistique?
M. Chikhaoui (Mohammed): Les producteurs de café reçoivent aujourd'hui 25 % de ce qu'ils recevaient dans les années soixante pour leur production.
M. Véronneau (Pierre): Le prix.
M. Chikhaoui (Mohammed): Donc, l'appauvrissement.
M. Véronneau (Pierre): Et, par exemple, je vous donne l'exemple du commerce équitable en café: le prix n'a jamais été aussi bas depuis des années; on parlait la semaine dernière, je pense, de 0.42 $ la livre de café, aux petits producteurs, alors que, il y a quelques années, on était dans 0,70, 0,80 $US.
Nous, par exemple, dans notre activité commerce équitable et la vente de café équitable, on garantit aux petits producteurs 1,26 $US la livre, alors que, actuellement, on leur paie 0,42 $. Quand vous n'êtes pas dans une approche de commerce équitable, l'impact est énorme, hein? L'impact est énorme. Et donc, on est persuadés que le commerce est une des dimensions majeures d'une plus grande justice internationale.
Mais est-ce que ça doit être la priorité de l'Observatoire? Quelles sont les priorités de l'Observatoire? De rassembler l'information ou peut-être de rassembler les intervenants au départ, de voir comment travailler, même, dans l'élaboration des priorités, peut-être faire appel justement à l'ensemble de la communauté pour définir. Mais je n'ai pas de réponse simple, à savoir quelles sont les priorités.
Mme Delisle: Ça n'a jamais été simple non plus.
M. Véronneau (Pierre): Non.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs d'Oxfam-Québec, pour être venus ici, en commission parlementaire, nous faire part de vos commentaires. Merci.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, madame, monsieur, bienvenue à cette commission. Je vous invite à bien vouloir vous identifier puis nous faire part des commentaires que vous avez sur le projet de loi n° 109, en vous indiquant que vous avez une période de 15 minutes.
Regroupement des associations
francophones du Québec (RAFQ)
M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. Je suis Jacques Tremblay. Je suis président du Regroupement des associations francophones du Québec. Je suis accompagné cet après-midi par Mme Lucie Parent, vice-présidente et également sociologue de formation. Et mon collègue qui est normalement à ma droite, M. Dean Louder, a dû s'absenter quelques instants; il va se joindre à moi tout prochainement. Il est également secrétaire du Regroupement des associations francophones du Québec et il est professeur à l'Université Laval et un spécialiste de la question de la francophonie nord-américaine.
Le Regroupement des associations francophones du Québec, c'est une association qu'on a formée il y a quelque temps pour donner vie, gérer, animer la Maison de la francophonie qui, grâce au ministère des Relations internationales, a pignon sur rue à Québec depuis quelques années. Et nous avons comme mandat bien sûr de gérer la Maison de la francophonie, de l'animer, de faire en sorte que les organismes qu'on accueille sur place soient bien desservis, mais on a aussi, depuis maintenant 13 ans... on s'est donné comme tâche ou comme mandat d'organiser, de coordonner ces différentes associations là, dans le cadre de la Semaine internationale de la francophonie, pour que chacune des associations organise son propre événement, qu'ils célèbrent la francophonie à leur façon. Mais nous les réunissons, nous les coordonnons, nous les publicisons. Donc, c'est un peu le rôle du RAFQ. Donc, autour de la Maison de la francophonie où on abrite une quinzaine d'associations différentes, nous avons un noyau d'une trentaine d'associations qui font la promotion de la francophonie de façon quotidienne et de façon très différente les unes des autres.
En fait, l'origine de tout ça remonte à 12, 13 ans, comme je vous le disais tantôt, d'une table de concertation qui permet à chacun des intervenants, représentant, représentante de ces associations, de venir se concerter, se compléter et faire des actions communes tout au moins pour la Semaine internationale de la francophonie.
n(15 h 20)n Donc, on a une multitude d'organismes. Et c'est ce qui est frappant lorsqu'on s'investit dans ce monde des associations bénévoles communautaires qui s'intéressent à la francophonie, c'est de constater la grande diversité de ce monde: je pense bien sûr à la langue, à sa maîtrise comme telle, comme qualité; il y a aussi tout le phénomène de l'alphabétisation qui est un dossier intéressant ou important pour le Québec mais qui l'est aussi bien sûr pour d'autres pays; toute la question de l'expression, le chant, la lecture, le théâtre, etc., le conte, c'est un autre phénomène, un autre champ d'intérêt qui est très près de la francophonie ou de sa promotion. L'histoire, bien sûr, tant la nôtre que celle des autres; la généalogie, les liens entre les générations. Par exemple, il y a eu un symposium organisé par une de nos associations très récemment sur les liens intergénérationnels, parce que, en fait, la transmission des savoirs, de la langue, de la culture, c'est, bien sûr, très fondé sur cette perspective ou cet intérêt entre les générations, entre les contacts entre les générations. Bien sûr, il y a les réalisations francophones de nos chercheurs, de nos hommes d'affaires ou femmes d'affaires un peu partout dans le monde. Les organisations internationales qui sont d'origine ou qui sont fondées sur le concept de la francophonie ou sur cette association de pays et de personnes qui parlent français et qui oeuvrent déjà tant dans le domaine environnemental, universitaire, etc. Donc, c'est encore là, pour ceux qui s'intéressent d'une façon même très, je dirais, artisanale à la francophonie, c'est tout un monde d'expertises, de réalités qui nous frappe assez rapidement. La science. La science n'est pas seulement d'autres langages, elle est aussi française. Le patrimoine. Donc, c'est toutes les facettes qui font partie, à notre point de vue, de ce qu'on appelle, nous, la francophonie et qu'on cherche à promouvoir de différentes façons en la faisant mieux connaître, mieux apprécier nous-mêmes en la connaissant mieux par les réalisations qui se passent un peu partout dans le monde à ce sujet.
Bien, nos valeurs qu'on défend et qu'on souhaite que la mondialisation tienne compte, c'est bien sûr le respect de la diversité, parce que c'est un constat qu'on doit faire dès le départ, lorsque nous sommes des locuteurs francophones, que nous ouvrons un petit peu nos portes, de voir que cette langue française habite de nombreux pays, bien sûr, de nombreuses régions. Les gens qui la parlent sont très différents les uns des autres, vivent quotidiennement avec des préoccupations qui sont fort différentes. Je pense à l'expérience très récente que nous avons vécue au sein de la Maison de la francophonie en juillet dernier où nous avons eu le privilège et le plaisir d'accueillir une cinquantaine de professeurs de français qui oeuvraient majoritairement, je vous dirais, dans les Amériques, tant l'Amérique du Sud que l'Amérique du Nord, mais aussi dans quelques autres pays, je pense à la Russie même.
Donc, on a pris contact avec ces gens-là qui étaient à Québec pour se perfectionner. Et là, on a vu... Puis moi, personnellement en tout cas, ce qui m'a frappé le plus, c'est cette présence francophone très existante, très vivace, très déterminée qu'on retrouve en Amérique du Sud, par exemple, et dans plusieurs des pays, le Mexique, etc. Donc, même si nos moyens sont relativement mineurs, nous réussissons à prendre contact avec ces gens-là qui nous illustrent, qui nous démontrent qu'on n'est pas seulement au Québec à parler français mais partout ailleurs en Amérique et, bien sûr, en Amérique du Sud aussi.
Donc, ça, c'est un autre phénomène: l'engagement bénévole, bien sûr, l'ouverture au monde, l'enracinement dans une culture, c'est ce qui fonde un peu... L'une de nos recommandations, c'est que c'est à partir de ce que nous sommes, en se connaissant mieux et en n'ayant pas honte, mais plutôt en étant fiers de ce qu'on est, qu'on va pouvoir s'intégrer et contrôler, maîtriser ce phénomène incontournable de la mondialisation. On en est convaincus, quant à nous, que l'enracinement dans ce qu'on est, dans notre culture, doit être l'élément moteur de notre présence face aux autres nations, aux autres pays.
Et, bien sûr, la collaboration entre les associations communautaires. On est convaincus ? puis on le voit dans la Semaine internationale de la francophonie ? que nous sommes très importants, très complémentaires avec les actions que les gouvernements peuvent mener, que les associations beaucoup plus structurées que les nôtres, avec beaucoup plus de moyens financiers, peuvent le faire. Mais nous pensons que l'engagement bénévole, l'aspect communautaire, l'aspect aussi je ne dirais pas populaire mais quand même plus normal, de vie quotidienne, de nos préoccupations... En fait, la préoccupation qu'on a face à la francophonie est très souvent un à-côté, un hobby ou une préoccupation personnelle. Donc, cet aspect-là, je pense qu'il donne une sensibilité différente aux associations ou aux gouvernements ou aux regroupements d'un autre stade, et on est complémentaires à ce niveau-là, et on souhaite et on veut prendre notre place à ce niveau-là.
Notre positionnement avec la mondialisation, bien, c'est une réalité qui, bien sûr, découle d'une réalité de fait à l'effet que les informations sont véhiculées beaucoup plus facilement. On sait beaucoup plus ce qui se passe ailleurs qu'avant et, en conséquence, on réalise aussi ? Johannesburg en est un bel exemple ? qu'il y a une solidarité environnementale incroyable, c'est-à-dire ce qui se fait ici a des répercussions environnementales mais aussi économiques, etc., sur ce qui se passe ailleurs. Quand on réalise ça, on s'aperçoit effectivement qu'on devrait ou on doit beaucoup plus se parler sur ces aspects-là, avec toutes les difficultés que ça peut comporter. Mais c'est effectivement une réalité incontournable pour nous.
Ce n'est pas un phénomène qu'on perçoit de façon négative malgré toutes les manifestations qui ont pu jusqu'à maintenant être bien médiatisées par ? on a vu le Sommet de Québec ? le Sommet des Amériques à Québec. Le mot mondialisation peut soulever beaucoup plus de craintes, de réactions négatives que de positif. Pour nous, les associations, notre engagement à l'ouverture et à la meilleure connaissance à des échanges entre les gens de différentes contrées, nous amènent beaucoup plus à considérer que la mondialisation est un défi intéressant, permanent d'autant plus pour nos jeunes qui, bien sûr, ont déjà beaucoup plus, avec l'Internet, cette vision, disons, globale, planétaire des problèmes qu'ils ont à faire face.
Donc ? et je pense que c'est là qu'on doit saluer l'initiative que vous avez, Mme la ministre, de nous amener à réfléchir de façon plus concrète, à partir d'un projet de loi, sur cette réalité de la mondialisation ? c'est qu'il faut évidemment ne pas se laisser emporter par le mouvement, réagir, avoir du recul, de la perspective, voir nos intérêts aussi, ce qu'on est capables d'apporter à l'ensemble de ce phénomène-là. Je pense que le Québec a d'excellentes ressources et a une place à prendre au niveau international, et c'est bien sûr que l'Observatoire pourrait nous être très utile pour ça.
Et, comme je le signalais tantôt, pour nous, c'est fondamental que notre contribution à la mondialisation vienne de ce que nous sommes, notre identité, notre identité culturelle. Et c'est pour ça que nous souhaitons que la francophonie, la langue française, soit inscrite comme préoccupation à l'intérieur de ce projet. Déjà, le projet de loi fait état des dynamiques des langues. Nous considérons que ça devrait être complété par l'impact sur le développement de la francophonie comme tel, parce que, là, le Québec est présent et déjà bien outillé pour faire face à une nouvelle réalité et ce n'est pas... je pense que la mondialisation n'a pas seulement un impact sur la dynamique des langues, compris, en tout cas, de notre point de vue comme étant un peu le nombre ou la dynamique, l'influence de l'une sur l'autre ou la présence importante de l'anglais sur toutes les langues au monde, mais c'est un peu de physique, c'est un peu trop technique, un peu trop calculateur, comme démarche. On pense que la francophonie et l'intérêt des gens pour parler français et communiquer en français viennent de toutes les autres réalités, en fait, de l'économie, de la culture, etc. par le contact humain également. C'est ça qui fait en sorte qu'on est fiers de notre langue, on participe à l'histoire, on avance. Donc, c'est pour ça qu'il ne faut pas seulement compter les personnes qui le parlent, mais aussi pourquoi ces gens-là le parlent de façon quotidienne ou régulière.
Et je pense qu'un des aspects importants aussi, pour le Québec, d'inscrire cette préoccupation de la mondialisation de la langue française ou de la francophonie, c'est aussi que nous avons une position importante et stratégique et historique même en Amérique du Nord et qu'en conséquence le Québec, comme communauté où la majorité est d'expression française, doit et peut jouer un rôle encore accru face aux autres communautés francophones qui sont au Canada, aux États-Unis et, comme je vous le signalais tantôt, même en Amérique du Sud.
En conséquence, je pense que notre intérêt et notre place dans la mondialisation ou face au phénomène de la mondialisation devraient donc prendre tout d'abord cette préoccupation en compte, c'est-à-dire notre présence stratégique en Amérique du Nord particulièrement, pour justement amener notre contribution à ce phénomène de la mondialisation que nous ne cherchons pas seulement à comprendre mais, je pense, aussi à influencer et à être proactifs et, bien sûr, à faire valoir ? ce qu'on fait déjà très bien, mais encore mieux ? nos expertises économiques, culturelles, professionnelles, dans l'ensemble de la francophonie, dans l'ensemble du monde sur ça.
Et, pour prévenir peut-être les coups ? puis j'espère que le propos que je vous tiens depuis le début vous permet de croire que c'est tout le contraire d'un propos qui propose l'unilinguisme ou la défense unique de la langue française ? on pense que notre intérêt à l'égard de la francophonie, à l'égard de la langue, nous ouvre également à cette compréhension sur toutes les autres langues au monde. Bien sûr, la langue anglaise est privilégiée, elle a un élan particulier, mais son lien avec la vie quotidienne, la langue d'une personne, c'est bien évidemment important et on doit tabler sur cet aspect-là tout d'abord.
n(15 h 30)n La francophonie aussi a l'avantage d'être présente dans beaucoup de pays, ce qui n'est pas le cas de certaines langues qui sont parfois parlées par plus de locuteurs que nous. Mais on est dans plus de 50 pays, comme vous le savez probablement, et 180 millions de personnes la possèdent. Donc, déjà là, cette avenue de la francophonie, de l'intérêt vers la langue française, des nombreuses cultures qu'elle véhicule nous permet de nous intégrer très facilement à l'ensemble des préoccupations ou des enjeux de la mondialisation. Et c'est pour ça que nous souhaitons également pour ajouter à...
Déjà le projet de loi propose que trois représentants du monde associatif soient, disons, désignés comme faisant partie du conseil d'administration. Nous vous suggérons de faire en sorte que l'un de ces trois représentants du monde associatif proviennent d'associations ou de regroupements qui ont cette préoccupation prédominante sur la francophonie et les cultures qu'elles véhiculent. Et vous voyez, avec la liste, quelques membres de la trentaine de membres, qui est annexée à notre mémoire, vous voyez déjà la diversité des associations, et nous n'avons pas la prétention de représenter toutes celles qui s'intéressent à ce phénomène de la francophonie à leur façon.
Donc, sans plus tarder, je vous remercie beaucoup de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions et interventions.
Le Président (M. Lachance): Merci. J'invite maintenant Mme la ministre d'État aux Relations internationales pour amorcer la période d'échanges avec les parlementaires.
Mme Beaudoin: Bonjour, M. Tremblay, Mme Parent. M. Louder, bonjour. Alors, merci pour votre présence. C'est intéressant de constater... Quand on a dit, nous... en effet, on a cru que c'était une bonne idée ? on va certainement en rediscuter en commission parlementaire, c'est-à-dire quand on va faire l'étude article par article probablement, je ne sais pas, moi, au mois d'octobre ou au moins de novembre ? de porter une attention particulière aux effets de la mondialisation sur la dynamique des langues. Déjà, on trouvait ça assez original parce que ce n'était pas évident. D'ailleurs il y a un groupe ou deux qui sont venus nous dire que ce n'était pas une bonne idée. Alors, mais bon, en tout cas, moi, je le maintiens pour l'instant là; il n'y a rien qui me fait croire là que ce n'est pas une bonne idée.
Et vous ajoutez, vous, que «l'Observatoire doit également se préoccuper des impacts sur le développement de la francophonie[...] ? donc de la mondialisation ? des impacts de la mondialisation sur le développement de la francophonie dans toutes ses dimensions». Ce n'est pas inintéressant. Disons qu'a priori moi aussi je suis un peu sensible quand même au fait de ne pas trop élargir le mandat de l'Observatoire au fur et à mesure où il y a des groupes qui viennent nous rencontrer parce que chacun bien évidemment a son intérêt particulier, sa préoccupation première et tout. Mais il est certain que les impacts de la mondialisation sur la langue française, d'une part, puis sur la francophonie, d'autre part, c'est un sujet d'intérêt.
Ce qu'on peut en appréhender, c'est que la langue française est de moins en moins présente dans les organisations internationales. Il est clair que ça doit être une langue de travail aux Nations unies, une langue de travail pas seulement une langue officielle, langue de travail, et que c'est de moins en moins le cas. C'est évident, on en a des preuves régulièrement et que, peut-être, oserais-je dire, l'avenir justement de la langue française comme grande langue internationale se joue à l'Union européenne, parce que il est visible aussi que, à l'Union européenne, le français subit une énorme pression et que l'anglais donc prend de plus en plus de place. Et là, heureusement, peut-être qu'on peut compter justement sur la dynamique des langues, c'est-à-dire que les Allemands ont même refusé à un moment donné... enfin, ont dit, ont menacé de ne pas assister à une réunion de l'Union européenne, donc des 15 pays actuellement membres de l'Union européenne, si l'allemand n'était plus considéré comme une des langues importantes, en tout cas, donc officielle de l'Union européenne, ce qui a ramené tout le monde à la raison. Mais il y a des tendances lourdes à l'Union européenne. Et là, ça, je trouve ça assez inquiétant. Avec l'ouverture d'ailleurs de l'Europe à, quoi? 10, 12 nouveaux pays en 2004, c'est évident qu'ils ne veulent pas que ça devienne la tour de Babel et la cacophonie totale et, donc il y aura là, encore une fois, un enjeu en ce qui concerne l'avenir du français. Ça, dans les organisations internationales, il y a certainement une grande préoccupation.
Par ailleurs, on peut dire, bon, que TV5 est quand même un instrument important de la francophonie. Quand on va un peu partout à travers le monde, dans des pays aussi divers que le Costa Rica et que l'Allemagne, justement, et qu'on allume la télé puis qu'on tombe sur TV5, c'est merveilleux. Parce qu'il y a toujours CNN là... ou je ne sais pas, même... Je ne suis jamais allée au Qatar, mais j'imagine que, si je débarque au Qatar, il y aura non seulement Al-Jazira mais il va y avoir CNN. Comme je ne comprends pas l'arabe, je vais écouter CNN. Alors donc, il y a quand même... La voix de la francophonie se fait quand même entendre non seulement dans les pays francophones, grâce à TV5, mais dans beaucoup de pays hispanophones, germanophones, etc.
Mais il est certain, en tout cas, que les impacts sur le développement de la francophonie dans toutes ses dimensions, c'est une question que... En tout cas, je vais vous dire ce que j'en pense sincèrement, je pense que ce serait beaucoup à la francophonie à s'en occuper, hein? la francophonie institutionnelle, j'entends. Bon. La francophonie institutionnelle a des moyens. Vous savez que c'est notre troisième poste, enfin, budgétaire, au ministère et qu'on est aussi, ce qui est assez étonnant, le troisième comme Québec là. Parce que nos taxes, elles vont à Ottawa, comme vous savez; 50 % de nos taxes. Alors, ce qui veut dire qu'il y a probablement 25 % de la subvention canadienne à la francophonie qui vient des contribuables québécois visiblement, plus ce qu'on met, ce qu'on y met, nous, qui est autour de 7 à 10 millions de dollars, tout dépendant ce qu'on compte là-dedans. Sur un budget de 100 quelques millions au ministère des Relations internationales, c'est beaucoup d'argent.
En d'autres termes, la responsabilité première d'étudier ce que vous dites, c'est à la francophonie elle-même ? je me tue à leur dire à chaque fois d'ailleurs qu'il y a une réunion ministérielle ou une réunion... Là on va en avoir une, j'espère, cette année, à Beyrouth. Je me croise les doigts. Je me croise les doigts parce que j'avais dit qu'on aurait dû la tenir l'année dernière; la situation, cette année, ne s'est pas vraiment améliorée. Alors, je souhaite instamment qu'on puisse y aller comme prévu, donc, au mois d'octobre. Donc, c'est à la francophonie à nous renseigner là-dessus, institutionnelle, l'Agence de la francophonie, le Sommet de la francophonie puisqu'on a, autour de la table, tous, ce même intérêt pour la langue française et puis pour... On le sait que les pays les plus pauvres, parmi les pays les plus pauvres de la planète, il y a des pays de la francophonie et que l'avenir de la langue française, démographiquement, se joue en Afrique.
Alors donc, tout ceci pour dire que la francophonie, son intérêt... Et vous le faisiez, je pense, remarquer à un moment donné, c'est une grande langue internationale, le français, parce que ça se parle encore sur les cinq continents, puis que le combat québécois en faveur de la langue française y trouve une résonnance particulière étant donné, justement, le fait que le français se parle sur les cinq continents. Et, la francophonie, c'est cette rencontre extraordinaire entre pays riches et pays en développement, entre pays de l'Orient et pays de l'Occident, entre pays arabophones et francophones. Et donc toutes ces langues nationales ou maternelles, avec le français en partage, c'est ça qui fait l'originalité puis ce qui fait que la francophonie est un instrument extraordinaire dont, évidemment, nous, on ne pourrait pas, absolument pas se priver.
Mais je vous fais cette remarque-là, ce commentaire-là, et je vous demanderais votre réaction. Pourquoi la francophonie ne fait pas ça? C'est à elle à faire ça.
M. Tremblay (Jacques): Écoutez, comme nous ne sommes pas des représentants de ces organismes-là, c'est difficile pour nous de les justifier dans leurs décisions. Il reste que la francophonie institutionnelle est quand même une institution récente dans son développement. Le mot même «francophonie» ou le concept est relativement récent. Donc, on n'a peut-être pas encore tout sorti le potentiel de cette collaboration entre les pays.
n(15 h 40)n Mais, nous, pour avoir eu l'opportunité d'entendre parler de ce qu'est l'Agence universitaire de la francophonie ? dont Mme Lucie Parent connaît très bien le fonctionnement ? de toutes ces ressources entre les universités, une mise en commun... On a l'Institut de l'énergie des pays ayant en commun la langue française ? je pense que ce n'est pas tout à fait l'appellation exacte actuellement ? mais qui s'intéresse à la fois à l'environnement et aux économies en énergie, et qu'on a le privilège et le plaisir et le bonheur d'avoir à Québec avec pignon sur rue; nous avons eu l'honneur d'avoir M. Bensahraoui qui est venu nous entretenir de tous les enjeux de Johannesburg d'une façon un peu plus conviviale que ce qu'on peut lire dans les journaux ou les rapports gouvernementaux et tout ça.
Bien, écoutez, tout ce que je puis vous dire, moi, c'est que l'expérience qu'on vit quotidiennement au sein de nos associations fait en sorte que vous êtes appuyés par un grand nombre de personnes qui, dans leur vie quotidienne, se réunissent pour faire en sorte que la langue française soit au centre de quelques-unes de leurs préoccupations. Je pense aux sociologues de langue française, je pense à la revue Autrement dit, par exemple, qui s'intéresse beaucoup à l'alphabétisation, Québec-France avec tous ses échanges, etc.
Donc, moi, ça me frappe que, au-delà des instances gouvernementales et au-delà des instances de la francophonie, vous avez tout un bassin de population, de personnes ordinaires, si on veut, qui s'y intéressent. Je ne sais pas si mes collègues ont...
Mme Beaudoin: Non, je pense que ce que vous dites là est assez extraordinaire. J'en connais bien... je connais très bien certaines de vos associations, ne serait-ce que France-Québec ou Québec-France, auxquelles je suis très, très attachée. Ça relaie justement dans la société civile tout ce à quoi on croit, et ça s'incarne au-delà des gouvernements, et vous avez 100 fois raison.
La seule chose, la seule question que je me pose, c'est que nous, on se dit ? puis il y a beaucoup de groupes qui sont venus nous le dire aussi ? que l'Observatoire doit en quelque sorte de faire ce que d'autres ne peuvent pas faire. Alors, dans le fond, ma seule réaction, c'est de dire ? et l'article 5, enfin, l'article 4, alinéa 5 le dit: «collabore, au Québec et à l'extérieur, avec des organismes intéressés par la mondialisation», etc. Donc, il est clair que, pour nous, on sera dans un grand réseau dont la francophonie fera partie, institutionnelle. Et que, dans le fond, est-ce que la francophonie n'est pas mieux placée, étant donné ses ressources et justement toutes ses ramifications, que l'Observatoire québécois de la mondialisation, pour faire ce que vous dites? Mais c'était un commentaire incident. C'est parce que des fois, avec la francophonie, je m'enflamme. Comme vous le savez, c'est ma deuxième passion, bon, dans la vie et...
Mais je voudrais peut-être terminer... Il nous reste quelques minutes, M. le Président?
Le Président (M. Lachance): Il vous reste quatre minutes, madame.
Mme Beaudoin: Quatre minutes. Pour vous demander, vous avez parlé de la francophonie nord-américaine. J'aimerais que ? je pense que vous avez un spécialiste là, à votre droite, qui connaît ça assez bien quelle est, je dirais, justement la situation de la francophonie, quel est l'état de santé, si je peux dire, de la francophonie nord-américaine. Comment vous l'évaluez? Parce qu'on entend beaucoup de choses. On lit les statistiques de Statistique Canada en ce qui concerne le recensement pour les francophones hors Québec, mais, disons, de la francophonie nord-américaine en général, qu'est-ce que vous en diriez, vous autres, actuellement?
M. Louder (Dean): Bien, son état de santé est très variable je dirais. Je suis allé à Moncton il y a 15 jours pour un colloque où mon collègue Castonguay d'Ottawa était présent pour nous donner des bonnes nouvelles. Il était très fier de cela, hein. Il nous a dit: Bien, je suis arrivé pour vous donner des bonnes nouvelles: en Acadie, le taux d'anglicisation a diminué de tant. Alors, il a fait un très beau cadeau aux Acadiens lors de ce colloque-là, il a fait les manchettes d'Acadie NOUVELLE. Partout ailleurs, quand il fait ses calculs, c'est le contraire évidemment. Alors, sa vision à lui est plutôt pessimiste la plupart du temps, mais vous allez parler à d'autres comme Langlois, Gilbert et Dubé, etc., qui croient qu'aujourd'hui, ils acceptent volontiers, ils reconnaissent volontiers que les taux d'assimilation, calculés comme ça, c'est vrai... mais qu'il y a un nouvel élan en francophonie nord-américaine du point de vue création, créativité, culture, etc.
Quand on va en Louisiane, on ne peut pas nier la puissance de la culture cadjine, de plus en plus sans la langue française par exemple, mais la culture est de plus en plus forte. Il se passe des choses fort intéressantes en franco-américanie, ici, à notre porte, et qu'est-ce qu'on en sait? Souvent, j'évoque la notion de Québec mère patrie auprès de mes amis franco-américains, mes amis aux États-Unis; c'est un concept qui marche parce que la reconnaissance est là. On reconnaît le Québec comme mère patrie quand on est aux États-Unis. Quand on est au Canada, c'est une autre paire de manches, bien sûr, comme vous le savez: les conditions politiques au Canada ne le permettent pas. Mais, aux États-Unis, c'est un concept qui marche. Alors, est-ce qu'il y a beaucoup de mères patrie en Amérique du Nord? Moi, je n'en connais pas, le Québec en est. Alors, on est peut-être le seul avec le Mexique pour les Chicanos aux États-Unis. Alors, c'est un statut que nous avons au Québec qu'aucune région d'Amérique du Nord n'a. Alors, je ne sais pas si je réponds à votre question, mais...
Mme Beaudoin: Je trouve que votre réponse est très intéressante. Merci.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: M. le Président, je vais laisser mon collègue, le député d'Outremont, commencer et, s'il reste du temps, non pas parce que je ne suis pas intéressée par la présentation ou vos réponses, mais mon collègue va commencer, ensuite je terminerai, s'il reste du temps.
Le Président (M. Lachance): Bien. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. M. Tremblay, vous avez mentionné, dans votre exposé oral, que la fonction de l'Observatoire devrait être non seulement de comprendre ou de faire comprendre, comme on dit dans le texte de la loi, mais aussi d'influencer. Est-ce qu'on pourrait avoir des précisions sur ce que vous entendez par influencer, et sur les modalités d'exercice de cette influence? Parce que ça, ce n'est pas une fonction éducative au sens où le projet de loi l'entend, mais une fonction plus politique, je ne veux pas dire partisane, politique. Comment voyez-vous l'exercice de cette fonction à l'Observatoire?
M. Tremblay (Jacques): Écoutez, effectivement, on doit noter que, de l'expression surtout de l'article 4 du projet de loi, l'Observatoire pourrait avoir une fonction quand même assez livresque ou assez théorique comme point de vue. C'est certain qu'on a un certain nombre d'informations ou compréhensions efficaces et puis transmission de l'information à l'ensemble des décideurs tout d'abord et aussi, par la suite, à l'ensemble de la population.
Mais je pense que c'est comme tout autre organisme, il faut que le moteur soit présent et il faut chercher à influencer, peut-être parce que ? on le disait tantôt ? on aura des choix à faire dès le départ. On ne pourra pas tout faire dans cet Observatoire-là, les budgets seront certainement limités. De toute façon, la réalité est tellement immense qu'il faut faire des choix pour être pointu, pour être efficace, pour atteindre des résultats concrets rapidement. Donc nécessairement, il va falloir faire des choix. Donc, dans ces choix-là, il y a déjà un aspect de politique, il y a un aspect d'influence, parce que, quand le Québec, comme réalité ? parce que mon collègue le signalait tantôt ? le Québec est pour beaucoup à l'extérieur un phare, une image ou, en tout cas, une réalité exacte qui a une contribution importante mondialement. Donc, dans ce sens-là, on va influencer.
À partir du moment où notre Observatoire va être bien outillé, bien orienté, qu'il va faire des contributions originales, notamment sur la question de notre identité particulière, si on peut faire une contribution tout à fait originale dans la francophonie, je pense que notre apport à la mondialisation sera à ce moment-là reconnu. Puis je pense qu'il n'y a pas beaucoup de contrées comme le Québec qui peuvent se permettre ou se vanter d'avoir ces atouts actuellement pour s'intégrer et influencer la mondialisation, la contrôler, la maîtriser. Dans ce sens-là, je pense que les intervenants, sans vouloir bien sûr... puis ils n'auront certainement pas le mandat de prendre la place du Parlement, de l'Assemblée nationale, mais ils peuvent certainement faire ce que nous faisons et tous les autres groupes qui nous ont précédés, c'est-à-dire influencer, informer.
M. Laporte: Vous voulez dire influencer au sens où faire état des choix qui sont à faire, examiner des préférences, des priorités et ainsi de suite. Vous ne voulez pas dire une influence directe sur le gouvernement. Donc...
M. Tremblay (Jacques): Non, je ne crois pas. En tout cas, pas dans mon esprit.
M. Laporte: ...ce n'est pas nécessairement le gouvernement qui est l'objet, là.
n(15 h 50)nM. Tremblay (Jacques): Remarquez qu'on n'a pas, à notre groupement, discuté de cette dimension-là, mais je parle pour moi-même surtout, là: je ne pense pas qu'on... Je pense que la vulgarisation des enjeux de la mondialisation est déjà une façon d'influencer beaucoup. Parce que je regardais les articles de journaux qu'on a eus sur le Sommet de Johannesburg, dans plusieurs cas, là, je pense qu'il aurait fallu un niveau encore... peut-être que c'est trop vite, on est trop sur l'événement, mais il faut encore un niveau de vulgarisation, d'explication pour que les gens comprennent bien déjà l'événement comme tel puis en quoi les décisions, les enjeux climatiques, l'économie d'énergie vont nous toucher quotidiennement. Vous allez me dire: Je suis loin de la francophonie, mais tout juste, puisqu'on a au moins une association ou un institut à Québec qui s'en préoccupe, et que c'est un des outils prédominants dans la francophonie, puis que l'Afrique est un des continents les plus visés par ces problèmes climatiques ou ces changements climatiques. Donc, tout ça... Quand je dis que la francophonie, ce n'est pas juste une question de langue, c'est une question d'une foule de dimensions de ces peuples ou de ces personnes qui le parlent, c'est ça.
M. Laporte: Et, sur l'impact de la mondialisation sur la francophonie, la ministre disait tantôt que, évidemment, les organismes de la francophonie comme tels devraient, disons, s'y intéresser prioritairement. Mais j'aimerais vous entendre encore là-dessus. C'est-à-dire, vous dites dans votre texte... Je vous cite, là, vous énumérez tout un ensemble de sujets sur lesquels on pourrait examiner les impacts: «la transmission des savoirs et des cultures, au développement durable, à la préservation et à la mise en valeur des identités ainsi qu'à l'importance toujours plus grande des villes dans le monde». Oui, ça, c'était... Mais, évidemment, la ministre disait aussi que l'Observatoire devrait avoir comme mission de faire ce que d'autres ne peuvent pas faire ou peut-être ne veulent pas faire. J'aimerais peut-être entendre votre collègue, M. Louder, sur cette question-là. Vous qui êtes un grand spécialiste des questions de francophonie, en tout cas à l'échelle nord-américaine, qu'est-ce que vous verriez comme sujets ou comme enjeux que l'Observatoire pourrait se donner d'analyser en matière d'impacts de la mondialisation sur la francophonie?
M. Louder (Dean): Je crois que le continent nord-américain ou les Amériques sont en train de se configurer avec les ententes économiques qui ont été signées, l'ALENA, la zone de libre-échange, etc. Et puis, dans un observatoire, qu'est-ce que l'on fait? On observe, nécessairement. Alors, je pense que nous allons observer beaucoup de choses dans les années à venir, et il me semble que les Amériques ne seront pas à la langue anglaise nécessairement, parce qu'il y a combien de Mexicains, il y a combien de Latino-Américains, etc.? Alors, sur ce qu'on est en train de configurer, il pourrait y avoir trois langues: l'anglais, le français et l'espagnol. Mais le français pourrait manquer de légitimité, parce que, d'abord, il n'est parlé que par 2 % de la population du continent; malgré son statut de co-officiel au Canada, il est souvent réduit au symbolique; et, troisièmement, sa base politique, économique et culturelle est limitée à une seule province, le Québec. Alors, on a cette impression-là. Pourtant, la langue française est le porte-étendard d'une culture et la voie d'une panoplie de communautés qui ont été au coeur même de la construction de ce continent. C'est aussi la langue de populations encore présentes aux quatre coins du continent, et elle sert d'important instrument de dialogue interculturel à l'intérieur de l'Amérique du Nord et de vitrine sur le monde externe.
Alors, je crois que l'Observatoire devrait observer ce qui va arriver. Est-ce qu'on va observer une présence augmentante ou diminuante de la langue française dans l'affichage, dans les produits, etc.? Ça ne devrait pas. Cette langue-là n'est pas étrangère, elle a les droits de cité en Amérique. On ne peut pas nier l'existence autrefois d'une Amérique française. On n'en parle plus. Mais moi, je commence, et mes collègues commencent à parler non plus d'une Amérique française, mais d'une Franco-Amérique. Je crois que la mondialisation pourrait nous aider à créer cette Franco-Amérique-là. Nous serons de plus en plus sensibles, j'espère, aux besoins d'une présence de la langue française en Amérique, dans les Amériques, et puis j'espère que ça va nous amener à réfléchir tous ensemble, Québécois, Franco-Ontariens, Franco-Américains, tout le monde, sur la meilleure façon de mettre en évidence cette langue-là.
Je cite quelqu'un que vous connaissez très bien. Bien, vous ne le connaissez peut-être pas, mais vous en avez entendu parler, on aime bien l'entendre chanter à la radio et à la télévision: Zachary Richard, qui a dit: Notre isolement est plus fort que notre fraternité. Il parlait des Francos d'Amérique. Alors, je crois que, si on s'inquiète un peu de la position de notre langue dans cette nouvelle reconfiguration, on pourrait peut-être donner suite à ce que Zachary a dit, peut-être on pourrait dire: Dans une Franco-Amérique... on pourrait poser la question: Est-ce que la Franco-Amérique pourrait exister? Et moi, je dirais: Si la fraternité était plus forte que l'isolement, mais tous les espoirs seraient permis. Alors, je pense que, dans l'Observatoire, on doit être sensible à cette question, observer ce qui va se passer au niveau de l'affichage, au niveau de la présence visible des trois langues en Amérique du Nord.
M. Laporte: Bien, évidemment, il y a un problème qui me chicote toujours, c'est que les effets de la mondialisation sur la dynamique des langues, je pensais que c'était le Conseil de la langue française qui s'était donné comme mission d'examiner ça, mais... Mais c'est intéressant parce que le problème que vous venez de mentionner, ce n'est pas un problème qui sera étudié par les organismes officiels de la francophonie là, il faut vraiment que ce soit étudié par un organisme qui soit un organisme québécois, puisqu'on parle d'un enjeu qui est proprement québécois ou nord-américain, quoi. Donc, ça, ça pourrait être un des objets à l'étude de l'Observatoire.
M. Louder (Dean): C'est une bonne observation.
M. Laporte: Oui, ça va, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon, il reste quatre minutes et demi.
Mme Delisle: Bon, parfait. Ce sera court. Une réflexion surtout, puis, si on a du temps, bien, peut-être que vous pourrez réagir. Depuis le début de ces audiences-là, on a eu évidemment des dépôts de mémoires et l'Observatoire représente différentes choses pour les différents groupes. Si tout le monde s'entend pour accepter que la mission est de colliger l'information, donner les mandats, faire de la recherche, etc., chacun y voit aussi ? et c'est la nature humaine qui est faite comme ça ? un intérêt beaucoup plus particulier pour son organisme ou pour le groupe qu'il représente.
Je dois vous avouer franchement que j'ai lu votre mémoire, j'ai écouté l'échange que vous avez eu avec la ministre et avec mon collègue, je tentais de comprendre où devait se situer votre intervention par rapport à la mise sur pied de cet observatoire-là. Je comprends en fait que, s'il y avait un représentant des groupes francophones ? parce qu'en fait c'est l'unique demande, à peu de chose près, que vous avez faite ? s'il devait donc y avoir un représentant, vous le voyez davantage comme une influence au sein de cet organisme-là pour vous assurer finalement non seulement du rayonnement de la langue française mais du développement aussi de la francophonie.
Cependant, je pense, je serais un petit peu, moi aussi, sur une certaine réserve. De toute façon, on n'en est pas rendu à déterminer le nombre de personnes qui vont siéger au conseil d'administration, ce n'est certainement pas l'opposition qui va les choisir. Mais vous ne m'avez pas encore convaincue du pourquoi, pourquoi c'est si important pour vous autres d'être à l'intérieur de cet organisme-là avec les gens qui vont décider des priorités par rapport aux conséquences, aux répercussions de la mondialisation, que ce soit dans le domaine de la santé, de l'éducation, de la culture, etc., je comprends que c'est connexe un peu.
Mais j'ai comme l'impression que, je ne sais... je vais me servir d'une image qui n'a peut-être pas de bon sens, mais c'est comme si vous vouliez être invités à la table puis on ne sait pas trop où vous asseoir, alors que ce dont vous nous parlez, ça fait plein de bon sens. Puis je pense que c'est important aussi qu'on ne perde pas de vue la réalité que vous nous décrivez et qu'on peut perpétuer finalement à la fois vos inquiétudes et votre point de vue par le biais finalement des recherches, ou des conseils qui pourraient être donnés. En tout cas, peu importe. Est-ce que je vous comprends bien? Est-ce que c'est un commentaire qui vous agace ou...
n(16 heures)nM. Tremblay (Jacques): Non, pas vraiment, il ne nous agace pas. Il y a peut-être l'élément de dire: Vous travaillez d'une façon assez corporative, dans le sens que vous cherchez à avoir un poste au sein d'un groupe décisionnel. Remarquez que ce n'est vraiment pas la perspective parce que, premièrement, je l'ai dit tantôt, le Regroupement n'a pas la prétention de représenter toutes les associations et même de les représenter elles-mêmes. Elles sont capables de le faire elles-mêmes. Nous, nous sommes un organisme qui les coordonne, qui ferait en sorte qu'elles peuvent faire des choses ensemble de temps à autre. Et cette présence-ci, cet après-midi, en est un de ces actes communs là.
Donc, mais ce qui nous apparaît bien intéressant ou bien important, c'est que le vécu associatif communautaire qui est déjà reconnu dans le projet de loi soit, disons, présent à l'intérieur d'une telle préoccupation de mondialisation, ce qui est déjà connu, mais que ce que nous sommes comme peuple, comme groupe, le Québec, soit aussi le moteur prédominant de notre contribution à la mondialisation. Et c'est là que notre identité culturelle, notre langue fait en sorte que nous pensons, que nous croyons qu'il y a là une matière à ouverture, à contribution originale, un peu comme mon collègue Dean l'a fait valoir il y a quelques instants. Puis on est déjà présent au sein de tous les organismes de la francophonie institutionnelle.
Donc, pour nous, c'est que l'association ou un des trois représentants soit déjà un peu plus alerté, parce que des associations communautaires du monde associatif, il y en a de nombreuses qui aussi ne s'intéressent pas du tout aux questions culturelles puis aux questions de langue française.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci. Peut-être en complément.
M. Tremblay (Jacques): Oui, si vous voulez compléter.
Mme Parent (Lucie): En fait, bien moi, je parle au nom du Regroupement en tant que vice-présidente. Bien, en fait, la mondialisation, ça amène une réduction des langues. On le voit à tous les jours: il y a des langues qui meurent je ne sais pas combien par année. C'est sûr que ce sont les grandes organisations qui doivent s'en occuper, on le sait. Et, pour faire face à ça, ça prend beaucoup d'argent et ce n'est pas sûrement pas l'Observatoire qui va pouvoir faire face à ce problème.
Cependant, on peut diriger, orienter en fonction de notre continent, de ce qu'on vit ici. Et, nous, comme le disaient mes collègues, ici, en Amérique du Nord, notre langue, on est très, très peu de notre identité, notre culture. Alors, c'est beaucoup plus à ce niveau-là que, nous, on fait cette recommandation-là.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci mesdames, messieurs du Regroupement des associations francophones du Québec pour votre participation aux travaux. Oui, vous vouliez ajouter quelque chose? Le temps est...
M. Tremblay (Jacques): Tout simplement vous remercier de votre bonne attention puis du privilège qu'on a eu d'être entendus.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Merci beaucoup. Alors, je suspends les travaux de la commission pour une vingtaine de minutes jusqu'à 16 h 20.
(Suspension de la séance à 16 h 3)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre. La commission des institutions reprend ses travaux. Alors, nous allons maintenant entendre les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques et, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au président, M. François Vaudreuil, pour nous faire part des commentaires qu'il a par rapport au projet de loi n° 109, en vous indiquant que vous une période de 15 minutes. Bienvenue.
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M. Vaudreuil (François): C'est bien. M. le Président, merci. Alors, Mme la ministre, Mmes les députées, je voudrais vous remercier de l'invitation et nous excuser pour le léger retard que nous avons eu.
Je n'ai pas l'intention cet après-midi de vous lire le mémoire, mais plutôt de revenir sur certains éléments du projet de loi que nous aimerions voir modifiés, voir bonifiés. Mais avant de parler comme tel du projet de loi, je voudrais vous indiquer qu'à la CSD qui représente près de 60 000 travailleuses et travailleurs à travers le Québec et dont les membres sont majoritairement regroupés à l'intérieur de syndicats qui représentent des gens du secteur privé avec une très forte concentration dans les petites et moyennes entreprises, nos membres sont très préoccupés par la mondialisation. Pour eux, c'est une chose qu'ils vivent au quotidien. Il y a énormément de pressions qui s'exercent dans leur entourage en raison justement de la mondialisation. Et quand ces pressions sont exercées dans un contexte où les rapports économiques et les rapports sociaux se complexifient, bien, il est évident que lorsqu'on se retrouve avec un projet de loi concernant l'Observatoire de la mondialisation, on ne peut faire autrement qu'être heureux, qu'être satisfait de l'initiative du gouvernement de mettre sur pied un tel observatoire.
Et ce qu'on comprend, c'est que ça s'inscrit aussi en complément ou dans la même ligne que l'adoption du projet de loi n° 52 qui avait pour objectif de vouloir confier aux parlementaires de l'Assemblée nationale la possibilité de se prononcer sur des accords commerciaux quand ce serait dans la juridiction du Québec. Alors évidemment, on salue l'idée de la mise sur pied d'un Observatoire de la mondialisation. Et ce qu'on trouve intéressant aussi, c'est que cet Observation de la mondialisation va nous sortir du discours prédominant où tout est à l'économie, de l'économiste. Alors, l'Observation de la mondialisation, par ses recherches, par ses analyses, par sa veille va regarder plus large, parce que, un des problèmes qu'on a concernant la mondialisation, c'est que plusieurs partisans des accords commerciaux que nous avons actuellement tentent de nous faire croire qu'il n'y a rien d'autre à faire que d'accepter ce qui se passe, parce que c'est le générateur de la richesse. C'est peut-être vrai que c'est le générateur de la richesse, sauf que ce qu'on sait, c'est que ça ne partage pas bien la richesse et que ça développe de plus en plus d'iniquités. Alors évidemment, sortir de cette perspective économiciste et, pour donner un contrepoids au discours essentiellement économique, dépendamment de ce que l'Observatoire fera, évidemment, pour nous, c'est de l'air frais. Alors, on est très, très heureux de cette initiative. Bon.
Un des problèmes qu'on a, quand on parle de mondialisation, le premier problème qu'on a, c'est peut-être au niveau de la terminologie. Mondialisation, c'est un terme... puis, là, je ne veux pas engager de débat terminologique, mais c'est évident qu'on définit la mondialisation de toutes façons, de différentes façons et, à cet égard-là, ça, c'est le premier piège qu'on a concernant l'Observatoire de la mondialisation.
Le deuxième élément qu'on a concernant l'Observatoire de la mondialisation, deuxième difficulté, c'est que tout ce qui se fait au niveau des accords commerciaux, il y a une opacité, il y a un secret qui entoure toutes ces négociations-là qui fait en sorte qu'on ne sait pas exactement comment évoluent les différents accords commerciaux et, à cet égard-là, si l'Observatoire était capable d'aller chercher les informations pour briser ce secret, bien, ce serait déjà une réussite et ce serait un pas vers une plus grande démocratisation, une plus grande appropriation. Et les gens pourraient, les citoyens pourraient donc se prononcer au sujet de la mondialisation, ce qui les préoccupe, avec beaucoup plus d'informations. Ça fait que, à cet égard-là, on voit beaucoup de points positifs pour la mise sur pied d'un Observatoire de la mondialisation.
Bon. Concernant maintenant le projet de loi, bien, si on prend le projet de loi, il y a certains éléments dans l'article 3, dans un premier temps, quand on parle de fournir à la nation québécoise, nous, on aurait préféré qu'on mette «société». Dans notre mémoire, vous avez «et gouvernement», là, mais ce n'est pas ça, c'est «société et Assemblée nationale» qu'on vise plutôt que de parler de nation québécoise, parce qu'au Québec il n'y a pas uniquement la nation québécoise, il y a aussi, entre autres, les nations autochtones. Mais, je dois dire, à ce moment-ci, que je ne veux pas qu'on entreprenne de débat, là-dessus, terminologique, mais ce que je voudrais, ce qu'on vise, ce qu'on veut s'assurer, c'est que, peu importe le terme qu'on utilisera, qu'on utilise un terme qui sera inclusif et qui ne mettra personne de côté, qu'il n'y aura pas d'exclusion. Mais, tant qu'à nous, on préférait utiliser le mot «société et Assemblée nationale» plutôt que nation québécoise.
Après ça, dans le paragraphe 4°, le premier alinéa, il y a, à notre avis, quand on dit, entre autres, et, là, on fait un ensemble d'énumérations. Bon. On parle du culturel, de l'économique, de l'éducatif, de l'environnemental, nous, on prétend qu'on a oublié un sujet qui est très important. On comprend que ce n'est pas limitatif. On dit «entre autres», là, on aurait pu dire «notamment». Ce n'est pas limitatif mais, même à ça, on pense que, devraient être cités, les mots «droits et libertés». On devrait inclure, dans l'énumération, les droits et libertés. C'est-à-dire qu'on ferait... dans la veille qu'on ferait, de façon systématique, on analyserait tout le volet des droits et libertés.
n(16 h 30)n Après ça, dans le deuxième alinéa, quand on parle, on dit que, dans la réalisation de sa mission, l'Observatoire suit principalement les négociations multilatérales, qu'elles soient mondiales ou régionales, qui sont d'intérêt pour le Québec, on est d'accord avec ça. On partage mais on aimerait voir un ajout. Et l'ajout qu'on aimerait voir, c'est les négociations bilatérales, qui n'incluent pas nécessairement le Québec. Et, dans notre mémoire, on vous donnait l'exemple de négociations qui ont eu lieu entre le Chili et les États-Unis et où le gouvernement du Québec est intervenu pour sensibiliser le Chili à la nécessité de l'exception culturelle. C'est parce que le problème, c'est que, comme il y a un joueur, un gros joueur sur la patinoire, qui s'appelle les États-Unis d'Amérique, bien, quand les États-Unis seront capables, dans le cadre d'accord bilatéral avec un autre pays, d'inclure des principes nouveaux, bien, après ça, ça va être bien difficile de ne pas exporter, de refuser ces principes-là dans les autres accords.
Alors, pour nous, l'Observatoire ne peut pas limiter son champ d'action uniquement aux négociations multilatérales, qu'elles soient mondiales ou régionales, qui sont d'intérêt pour le Québec. Mais il faut regarder aussi la négociation bilatérale avec les autres pays, parce que ça peut avoir trop de conséquences sur les accords qui vont nous concerner par la suite.
Et on vous propose d'ajouter un sixième point, qui, à notre avis, est aussi important, très important et qui devrait faire l'objet de recherches, d'études, de veille de la part de l'Observatoire, c'est-à-dire de comparer les différents régionalismes qui se développent sur la planète et leur évolution. On fait référence, entre autres, au Mercosur, hein? Je pense qu'on ne peut pas ignorer ça, même si ça ne nous affecte pas immédiatement. On pense au Pacte andin. On pense... Donc, il faut que, dans le cadre de la veille de l'Observatoire, il y ait un suivi. Et c'est la raison pour laquelle on aimerait voir le projet de loi bonifié de manière à ce qu'on puisse comparer les différents modèles régionaux.
L'autre élément qu'on aimerait voir modifier dans le projet de loi, c'est pour renforcer, si on veut, pour s'assurer d'une plus grande autonomie et d'un meilleur pluraliste concernant la composition de l'Observatoire. Bon. À cet égard, ce qu'on préférerait comme modèle, plutôt que ce qui est proposé dans le projet de loi, c'est un peu calqué sur le modèle du Comité économique et social européen, où on retrouve les représentants d'employeurs, les associations patronales, les organisations syndicales et les autres groupes de la société civile.
Donc, c'est réparti en trois groupes plutôt qu'en quatre, comme on a dans le projet. Et ce qu'on propose, c'est que cette répartition-là soit faite de cinq personnes qui proviennent des organisations syndicales, de cinq des organisations patronales et de cinq des autres groupes. Alors, pourquoi cinq? Bien, c'est parce qu'on prétend que, à partir des propositions qui sont faites, si on allait en trois groupes, 5-5-5, ça rencontrait les objectifs qui sont fixés par le projet de loi, même si, à ce moment-là, il y avait deux personnes de plus au conseil d'administration, et ça assurait aussi, en en mettant cinq, la présence des quatre centrales syndicales du Québec.
Parce qu'un des problèmes qu'on a, c'est qu'il y a trois représentants syndicaux, donc de trois centrales syndicales. Laquelle va être éliminée? Et chacun a une expertise, chacun a une complémentarité. Et, à cet égard-là, on prétend que, si on pouvait avoir cinq personnes, on pourrait être capable d'avoir une représentativité qui serait excellente. Et, d'ailleurs, on a déjà, au Québec, à la Commission des partenaires du marché du travail, une formule semblable et qui fonctionne très bien, très bien. Donc, dans ce cadre-là, c'est la modification qu'on voudrait faire pour assurer l'autonomie de l'Observatoire et sa transparence. Alors ça, ça termine les commentaires généraux qu'on avait à vous adresser concernant l'Observatoire.
Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la ministre d'État aux Relations internationales.
Mme Beaudoin: Oui. M. Vaudreuil, M. Pépin, bonjour. Merci d'être venus malgré, en effet, votre très léger retard. Ça nous a permis de prendre une pause santé, de toute façon. Ça nous a un peu réveillés, parce que c'est toujours, en effet, assez long quand on est là du matin au soir. Alors, honnêtement, ça a été une pause non prévue mais qui nous a fait du bien, et donc on revient en pleine forme pour vous écouter, ce qu'on a fait attentivement.
Et je voudrais seulement vous faire deux, trois remarques. Vous avez dit avec justesse tout à l'heure que, bon, la loi n° 52 existait aussi. Donc, tout ça est complémentaire dans le fond, est complémentaire. La loi n° 52, qui va faire en sorte que tous les traités importants signés par le Canada ou par le Québec, dans ses juridictions, dans ses compétences, l'Assemblée nationale en sera saisie. Il pourra y avoir des commissions parlementaires, mais, en tout cas, au minimum, il va y avoir un débat, je pense que c'est de deux heures, c'est le minimum qu'on a prévu, à l'Assemblée nationale.
Donc, l'Observatoire est complémentaire dans le sens que c'est la société civile, à distance du gouvernement qui en quelque sorte s'appropriera cet outil en espérant que ? et c'est là l'objectif ultime ? les citoyens du Québec seront le mieux informés possible, participeront dans toutes les régions du Québec aux activités de sensibilisation, d'éducation puis que chacun en ressortira donc mieux éclairé sur cette question très complexe, en effet, de la mondialisation.
Et il y a bien sûr aussi toutes les prises de position gouvernementales, le gouvernement étant organisé, à l'interne, surtout MIC-MRI, je veux dire, pour suivre à son niveau ces négociations. Alors donc, il y a comme toute une architecture, si je peux dire, un début, en tout cas, d'architecture.
C'est pour ça que je veux revenir sur l'approche, ou le modèle c'est-à-dire, que vous proposez du Comité économique et social. Vous m'en aviez parlé. On a regardé ça attentivement. Vous en reveniez, je crois, d'ailleurs. Vous aviez été faire une mission là-bas. Il s'est avéré, en tout cas, et je vous le soumets comme on l'a compris, que ce Comité économique et social, c'est une approche très différente. D'abord, c'est un organisme consultatif. Vous avez bien vu qu'on l'a appelé observatoire, on ne l'a pas appelé conseil ou comité, etc. C'est voulu, c'est conscient, parce que, s'il y a des consensus, tant mieux, et que, si ces consensus-là se reflètent dans l'ensemble de la société, on va applaudir. Mais on sait très bien qu'il ne faut pas que ça devienne le très, très commun dénominateur puis que, finalement, ce soit complètement dilué parce qu'il a fallu s'entendre tous ensemble.
Il est certain que le gouvernement va tenir compte bien évidemment de ce qui va se dire et des conclusions ou des recherches et des activités, des événements qui vont se tenir dans le cadre de l'Observatoire. Mais le Comité économique et social, il est même intégré dans les institutions européennes, hein? C'est fort. C'est vraiment autre chose. Peut-être qu'il en faudra un dans les Amériques. Vous savez que, dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques, on souhaiterait, nous, ultimement que ça ressemble plus à la construction européenne qu'à une simple zone de libre-échange. Et c'est peut-être à ce niveau-là qu'éventuellement il faudra un comité économique et social.
Alors donc, je veux quand même vous expliquer pourquoi on n'a pas tout à fait retenu... Bon. Ceci étant, j'écoute ce que vous me dites quant à la composition du conseil d'administration. Je suis attentive à ce que vous dites. Et il y a une chose, en tout cas, qui est très vraie: ce que vous dites sur les relations, les négociations bilatérales. Très, très consciente de ça. Et là aussi j'en prends très, très bonne note, parce que l'exemple que vous donnez, Chili?États-Unis, les négociations qui ont lieu entre le Chili et les États-Unis peuvent donner enfin le signal de ce qui s'en vient puis ce que les Américains demanderont aux autres pays dans un cadre plus multilatéral. Parce qu'une avancée dans une négociation bilatérale va nécessairement se retrouver dans un cadre plus multilatéral.
Et l'exemple que vous avez donné est très pertinent. En effet, j'avais rencontré l'ambassadeur du Chili au Canada, qui était venu à mon bureau, je lui avais vraiment expliqué notre point de vue sur la diversité culturelle pour lui demander de réclamer, comme le Canada l'avait fait à l'époque, un genre d'exception culturelle. Et, la même chose, la Coalition sur la diversité culturelle avait été au Chili rencontrer leurs homologues chiliens du cinéma, du livre, etc., de la chanson pour leur dire: Attention! Attention!n(16 h 40)n Alors, vous avez raison, tout ça est interrelié, interdépendant, puis on ne peut dire qu'il y a une étanchéité entre les négociations multilatérales puis bilatérales, Il y a vraiment une influence de l'une sur l'autre. Alors, je pense que c'est un excellent point que vous nous avez fait valoir.
Alors donc, moi, c'est un peu ce que je voulais vous dire. On va essayer de prendre en compte le mieux possible, là, mais pour en faire un organisme quand même qui fonctionne, qui fonctionne et qui est souple, qui est efficace et puis qui fait ce qu'il doit faire. Et vous avez ajouté donc: Il ne faut pas que ce soit le tout à l'économie. Ça aussi, vous savez bien, quand vous lisez d'ailleurs l'article 3, quand on indique noir sur blanc dans un projet de loi que l'Observatoire doit favoriser donc une mondialisation maîtrisée, équilibrée, respectueuse des droits humains, et puis avec l'énumération qu'on fait dans l'article 4, le point 1, on essaie de prendre ça en compte mais je vois bien là que vous insistez, je veux dire, à nouveau pour que ce ne soit pas que le discours dominant mais bien l'ensemble justement des points de vue concernant la mondialisation qui soient pris en cause, puisque vous nous dites que vos membres, comme beaucoup d'autres citoyens du Québec, sont inquiets, ont des inquiétudes. Il faut être capable de répondre à ces questions-là. Vous le faites sûrement le mieux possible, mais qu'en fait tous ensemble on espère mieux y répondre.
M. Vaudreuil (François): J'aurais peut-être un commentaire sur l'intervention de Mme la ministre, c'est concernant la structure de l'Observatoire. Je suis d'accord avec les remarques, les nuances que vous avez apportées. Cependant, et ce point-là, je terminerais là-dessus, c'est que, en termes d'efficacité, le modèle fonctionne ? je parle du Comité économique et social européen ? et on a eu dernièrement, au mois de juin dernier, une rencontre. Ils sont venus à Montréal, on a tenu un séminaire, et puis ce qu'on peut constater, parce que la présidente des autres groupes, Mme Sigmund, était présente, c'est qu'il y a un équilibre, il y a un équilibre qui est atteint au niveau du fonctionnement de la société civile. Et c'est évident que... aussi bien qu'on a réussi, par exemple, à la Commission des partenaires du marché du travail. Bon.
Alors, dans ce cadre-là, nous, on apporte beaucoup d'attention à la structure puis on prétend que, si on calquait la structure à cet égard-là, c'est-à-dire un tiers-un tiers-un tiers, on mettrait le plus de chances... les chances de notre côté, dans le fond, pour avoir un modèle efficace tout en ayant un modèle souple, en ayant un modèle qui est capable de réagir rapidement.
Mme Beaudoin: Dans le fond, ce que vous me dites, M. Vaudreuil, c'est que ? M. le Président, je peux intervenir? ? ...
Le Président (M. Lachance): Oui, très bien.
Mme Beaudoin: ...c'est que, même si ce n'est pas un organisme consultatif, que l'Observatoire, même si ce n'est surtout pas intégré dans les institutions, et, je dirais, dans la constitution québécoise, le un tiers-un tiers-un tiers, dans votre esprit, vaut toujours?
M. Vaudreuil (François): Ça fonctionne. Excusez, M. le Président. Ça fonctionne très bien et, du séminaire que nous avons eu avec les Européens, ce qu'on s'aperçoit, c'est que c'est une recette gagnante. Alors, on vous le soumet bien respectueusement et on prétend que ce serait préférable au modèle qu'on a, compte tenu des résultats, de l'efficacité qui est rencontrée par le fonctionnement du Comité économique et social européen.
Mme Beaudoin: Très bien. Une dernière question. Il me reste quelques instants. Une dernière question très brève et puis qui va peut-être vous surprendre un peu, mais vous avez dû remarquer, et j'attire l'attention de la députée de Jean-Talon sur ce point-là, vous avez dû remarquer que, l'Observatoire, son siège social est situé à Québec. Alors, aucun groupe nous a fait de commentaire là-dessus, mais c'est une décision donc gouvernementale, je présume appuyée par l'opposition, que le siège social se retrouve à Québec.
Et donc je vais vous demander: Est-ce que ça vous pose un problème, là? Tu sais, est-ce que vous vous dites, parce que vous êtes arrivés en retard, c'est pour ça que ça m'inspire cette question: Est-ce que ces allers-retours entre Québec et Montréal, ou enfin... Ou est-ce que vous dites: Ce serait plus simple si c'était à Montréal, puisque la société civile... Je pose la question... Parce qu'on a pris une décision puis c'est dans le projet de loi, mais je veux quand même avoir l'opinion justement de quelqu'un de la société civile. Est-ce que ça serait plus simple si c'était à Montréal ou est-ce que, justement, vous dites: Bien, c'est à Québec, bon, le gouvernement l'a inscrit dans la loi. Puis il n'y a personne jusqu'à maintenant qui nous a fait de commentaires. Alors, c'est pour ça que je vous pose la question. Ou est-ce que vous ne l'aviez pas remarqué que c'était à Québec?
Le Président (M. Lachance): M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François): Non, non, on l'avait remarqué, Mme Beaudoin. Mais je vous dirais tout simplement que le siège social de la Centrale des syndicats démocratiques, la CSD est à Québec.
Mme Beaudoin: Ah! Bon. Alors, c'est la bonne personne à qui je devais poser cette question-là. La bonne place.
M. Vaudreuil (François): Bien oui. Même si son président demeure sur la rive sud de Montréal, près de Chambly, le siège social de la CSD est à Québec.
Mme Beaudoin: Très bien. Merci.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Il y a beaucoup de choses dans votre mémoire. Même si vous avez choisi de nous le résumer, là, vous faites quand même référence à plusieurs aspects du projet de loi. Moi, je voudrais vous entendre sur la composition du conseil d'administration. Je veux revenir là-dessus. Vous nous dites que vous souhaitez voir les représentants des groupes syndicaux et patronaux passer de trois chacun à cinq. Vous jumelez ? passez-moi l'expression, là ? le communautaire et les experts, entre guillemets, de la mondialisation ensemble, ils sont donc sept mais, par contre, vous les faites passer à cinq. Et les autres, je pense, ça reste pareil. Non. Vous diminuez le nombre de parlementaires. Non? Ah bon! Excusez. Alors, mon chiffre est inexact, mais quand même.
Moi, je voulais vous demander... J'ai compris dans votre argumentaire, là, en lisant votre mémoire, que vous souhaitiez avoir la représentation la plus large possible et une ventilation, finalement, de l'ensemble des préoccupations auxquelles vous faites face quotidiennement. Puis ça, moi, je comprends ça. Par contre, on a des intervenants, qui vous ont précédé depuis trois jours, qui voient la chose différemment et qui évidemment souhaiteraient un siège au conseil d'administration, alors que leur groupe n'y serait pas représenté au moment où on se parle.
Je vais réfléchir à voix haute, là, je vous le dis bien franchement. Je me dis: Si le conseil d'administration restait tel quel mais qu'il y avait une porte d'ouverte donnant une marge de manoeuvre au conseil d'administration d'aller chercher, de façon ponctuelle, une expertise au sein du milieu patronal, ou du milieu syndical, ou même du milieu associatif communautaire, est-ce que c'est quelque chose qui est plausible dans la vie pratique, là, dans le quotidien, là, ou bien est-ce que ça n'a pas de bon sens, là?
Parce que, vous savez, je pense bien qu'on n'a pas le choix d'encadrer, d'une certaine manière, le fonctionnement. Je pense que... Quand je dis «on», évidemment je m'exclus, parce que ce n'est pas mon projet de loi. Par contre, on aura, nous, à faire l'exercice d'étudier ça article par article puis de voir si on est d'accord ou pas avec le fonctionnement, puis on passera cette étape-là quand on sera rendus là. Mais je voudrais aussi être représentative de l'expression la plus large possible aussi de ce qui nous aura été présenté ici. Ça n'a peut-être pas de bon sens, ce que je présente là, vous pouvez me le dire, ça ne me dérange pas.
n(16 h 50)nM. Vaudreuil (François): Non, je vais plutôt tenter de vous expliquer les principes qui sous-tendent notre position, bon. Premier élément, premier principe, c'est que ? et ça c'est une richesse de la société québécoise ? il existe dans la société québécoise un pluralisme au niveau syndical et au niveau patronal. Et puis ça, je pense qu'il faut tenter de préserver ça pour permettre à chaque courant de pouvoir s'exprimer et de tenter d'influencer. Et ça, c'est une force d'une société par rapport au monopole.
Donc, quand on met sur pied un observatoire comme celui de la mondialisation, il existe au Québec quatre centrales syndicales: la CSD, la CSN, la CSQ et la FTQ. Bon. Et, si on dit cinq, c'est parce que, à la Commission des partenaires du marché du travail, on a aussi ouvert, aux groupes syndicaux, un siège à l'UPA, l'Union des producteurs agricoles. Donc, vous avez une représentation très large de tous les courants syndicaux. Et, au niveau des affiliations internationales, il y a deux grandes confédérations internationales syndicales. Il y a la Confédération mondiale du travail et la Confédération internationale des syndicats libres. La CSD, on est affiliée à la CMT, et la FTQ et la CSN à la CISL. Donc, il y a des points de vue, il y a des perspectives différentes et, si ces choix-là sont faits, ils sont faits pour des raisons, pour des fondements, bon.
Alors, chacun a un courant différent et, à cet égard-là, il faut travailler ensemble pour définir la plus grande plate-forme, la plus grande concertation. Et on le réussit très bien au sein du Réseau québécois d'intégration continentale, et on est habitués de travailler ensemble depuis plusieurs années au sein du Réseau québécois d'intégration continentale.
Alors, si vous désignez trois centrales syndicales, c'est que vous vous privez, à ce moment-là, de deux courants importants qui ont des expertises différentes aussi en raison de la composition de leur membership. Le même principe, en termes de pluralisme, s'applique pour les associations patronales, qu'on parle du Conseil du patronat, qu'on parle de l'Association des manufacturiers exportateurs du Québec, la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, bon. Alors, le même principe. Bon.
Et maintenant pour les autres groupes, c'est évident que beaucoup de groupes vont vouloir y être, mais c'est parce qu'il y a une éternelle question. Quand on tente de définir l'organisation de la société civile, parce qu'on est aussi en démocratie représentative... Et ça, c'est le deuxième principe. Donc, premier, pluralisme; le deuxième, la démocratie représentative. Quand on est en démocratie représentative, quels sont les critères, les éléments qui vont faire en sorte qu'on va donner des sièges? Il y a toutes sortes de débats qui se font. Et, quand on a eu l'occasion d'échanger avec les Européens... Par exemple, il y a des ONG qui font un boulot extraordinaire sur le terrain, qui accomplissent un travail merveilleux, mais, quand on leur pose la question: Qui représentez-vous? il n'y a personne, il n'y a personne ou très peu, mais on ne peut pas tenir notre raisonnement uniquement sur le quantitatif.
Donc, ce que les Européens ont fait, ce que les Européens ont fait pour être capables d'avoir un équilibre... Et ce modèle-là est efficace. Puis en apportant toutes les nuances, là, que Mme la ministre a dit tantôt... En Europe, c'est un comité consultatif, ce n'est pas un observatoire, mais sur le modèle, ça fonctionne, c'est efficace, c'est souple, et les autres groupes se sont organisés, entre eux, leurs délégations. Tout comme à la Commission des partenaires du marché du travail au Québec, les organisations communautaires qui interviennent en emploi, il y en a une multitude, mais pourtant le nombre de représentants au conseil d'administration de la Commission est limité. Donc, il y en a eu des ententes entre ces personnes-là pour se déléguer des représentants.
Alors, je pense qu'en en ayant cinq, en élargissant à cinq au niveau des autres groupes, au niveau des organisations syndicales et du côté patronal, on peut retrouver là une excellente représentativité de la société québécoise, l'expression de toutes les tendances, qui est nécessaire, qui est absolument nécessaire dans le fonctionnement. Ça fait que c'est pour ça, dans le fond: en termes d'équilibre puis compte tenu du succès en Europe de dire un tiers-un tiers-un tiers et de les élargir à cinq pour être capable que ça réponde mieux, dans le fond, à l'échiquier syndical, patronal et des autres groupes au Québec. C'est dans ce cadre-là, madame.
Mme Delisle: Merci. Lorsque vous avez fait votre exposé tout à l'heure, vous avez soulevé le commentaire suivant. Je ne vous citerai pas au texte, là, parce que je risquerais peut-être de me tromper, là, mais vous avez mentionné le fait que vous souhaitiez ou que vous voyiez l'Observatoire comme permettant aux membres ? donc les membres du conseil d'administration, là, aux débats qui vont se faire là ? de pouvoir briser le secret. Ça, je m'en souviens, vous avez parlé de briser le secret des négociations. Moi, j'ai le goût de vous demander comment vous pensez qu'on peut briser ce secret-là au sein de ce conseil d'administration là ? donc, on fait référence au secret entourant les négociations commerciales ? alors que le gouvernement ne peut pas le faire, puisque tout se fait déjà quand même à portes closes. Alors, est-ce que vous êtes trop idéaliste? Je vous pose la question. Ça m'a frappée tantôt.
M. Vaudreuil (François): Bon. J'espère que je suis idéaliste, parce que, quand on n'a pas d'idéal dans la vie... Tu sais, j'ai passé ma vie, moi, à défendre la démocratie puis à tenter d'améliorer les conditions de vie des gens qu'on représente. Ça fait que j'espère qu'on est idéalistes.
C'est une excellente que vous posez là. Puis, d'ailleurs, c'est une excellente question, parce qu'il n'y a pas de réponse miracle. Mais ce qui est sûr, c'est que, dans tout le débat de la mondialisation, les petits gestes qui ont été posés par les gouvernements... Puis regardons, par exemple, le résultat du Sommet des Amériques en avril 2001, parce qu'on a participé activement à sa préparation. Du Sommet des peuples, pas du Sommet des Amériques, mais du Sommet des peuples. Bon. La charte qui a été annoncée au cours du Sommet des Amériques, moi, je suis convaincu que ce sont les pressions sociales qui ont fait en sorte que les gouvernements ont réagi, que les participants au Sommet ont réagi de la sorte.
Alors, c'est donc dire que l'Observatoire de la mondialisation va être là aussi pour critiquer le modèle. Pas dans le sens de dénigrer, mais apporter une critique du modèle, et ça va exercer des pressions additionnelles, parce qu'un des objectifs qu'on a tous au niveau syndical au Québec, c'est qu'on voudrait voir une plus grande démocratisation du processus de négociation des accords commerciaux. Donc, l'Observatoire va sûrement jouer un rôle important à cet égard, mais je n'ai pas de solution miracle à votre question.
Mais ça va sûrement exercer des pressions additionnelles qui vont faire en sorte qu'on espère que la négociation va sortir des négociateurs patentés. Tu sais, avant d'être élu à l'exécutif de la Centrale, j'étais un négociateur, je négociais, dans le secteur privé, des conventions collectives puis je négociais ce que les membres, à la base, nous avaient mandaté, alors que, là, ce n'est pas ça. Non seulement ce n'est pas ça, mais les parlementaires ne sont même pas au courant. C'est les exécutifs, le pouvoir exécutif qui décide de. Donc, il y a un déficit démocratique qui est très grand. Et, dans ce cadre-là, on espère et on est à peu près assurés que l'Observatoire va s'ajouter dans le concert des organisations qui revendiquent plus de démocratie puis de briser ce secret-là, cette opacité des négociations, des négociateurs patentés.
Mme Mancuso: Qu'est-ce qu'il reste comme temps?
Le Président (M. Lachance): Il reste trois minutes. Mme la députée de Viger.
Mme Mancuso: O.K. Oui, j'ai une petite question. Vous n'en avez pas parlé pendant votre présentation, mais, à la page 10, vous soulevez la question: Combien d'observatoires? Vous dites que vous avez l'impression qu'on est en train de créer deux observatoires et que, dans la Loi visant à lutter contre la pauvreté, on crée un autre observatoire aussi. Donc, j'aimerais vous entendre un peu sur votre pensée autour de cette question.
M. Vaudreuil (François): D'une part, c'est parce que, dans votre intervention, il y a deux niveaux, là...
Mme Mancuso: Deux parties, oui. Oui.
M. Vaudreuil (François): Deux niveaux. Bon. Le premier, concernant l'Observatoire de la pauvreté, on va se prononcer en commission parlementaire, parce que, en plus, dans le projet de loi, il y a un comité consultatif. Donc, c'est une démarche différente. Mais le deuxième, on était inquiets. Avant qu'il y ait le dépôt du projet de loi, il y avait eu des documents qui avaient circulé et, de la façon dont ça pouvait être lu ? puis, quand on a rédigé le mémoire, c'est ce qu'on avait comme information à l'époque ? où on n'était pas certains de l'autonomie et de l'indépendance de la société civile. Cependant, à la lecture du projet de loi tel qu'on l'a actuellement, à moins qu'il y ait des éléments nouveaux, à ce moment-là, les craintes qu'on avait sont diminuées.
Mme Mancuso: Donc, est-ce que vous référez à l'OSBL que la ministre a l'intention de mettre en place avant que...
M. Vaudreuil (François): Non. Sur l'OSBL, ça, on n'a aucun problème d'accord. Là-dessus, on est d'accord avec la démarche pour faire en sorte que ça accélère le processus, si nécessaire. Non, ça, il n'y a pas de problème sur la création d'un OSBL.
n(17 heures)nMme Mancuso: Mais est-ce que vous croyez qu'il y a d'autres façons de...
M. Vaudreuil (François): Ce qu'il faut assurer, pour nous... Ce qui est prédominant, c'est qu'il faut que l'Observatoire soit la propriété de la société civile et qu'il puisse bénéficier de toute l'autonomie qui lui est nécessaire. Ça, pour nous, c'est fondamental.
Mme Mancuso: O.K. Donc, la création de l'OSBL, comme telle, ne crée pas de problème. Vous ne voyez pas d'autres façons de le faire, par exemple en créant un conseil d'administration intérimaire au lieu de créer un OSBL?
M. Vaudreuil (François): On n'a aucun problème sur cette voie-là. Aucun, aucun.
Mme Mancuso: Merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de la CSD, d'avoir participer aux travaux de cette commission.
M. Vaudreuil (François): Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): J'invite les représentants du groupe suivant, ce sera le dernier groupe que nous entendrons cet après-midi. Il s'agit de l'Alliance pour les droits des créateurs. Les porte-parole, les représentants sont invités à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, mesdames, monsieur, bienvenue à cette commission, et j'invite la ou le représentant à nous faire part de... d'abord, de s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez un maximum de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires avant d'aborder par la suite les échanges avec les parlementaires.
Alliance pour les droits des créateurs (ADC)
M. Beauchemin (Michel): Bonjour. Michel Beauchemin, coprésident de l'Alliance pour les droits des créateurs et également secrétaire exécutif de l'Association québécoise des auteurs dramatiques et coordonnateur de la Table des créateurs sur le droit d'auteur.
Mme Crean (Susan): Moi, je suis Susan Crean. Je suis l'ancienne présidente de Writers' Union of Canada et maintenant la «cochair», avec M. Beauchemin, de l'Alliance pour les droits des créateurs.
Mme Des Roches (Anne-Marie): Je suis Anne-Marie Des Roches, directrice des Affaires publiques à l'Union des artistes et membre du comité exécutif de la Table... de l'Alliance des créateurs.
Le Président (M. Lachance): Très bien.
M. Beauchemin (Michel): Et une quatrième personne va se joindre à nous dans quelques minutes. Elle est allée garer la voiture, parce qu'on a eu des problèmes de circulation sur le pont Pierre-Laporte. Ça va être Mme Francine Bertrand-Venne, qui est aussi membre du conseil d'administration de l'Alliance et qui est également directrice générale de la Société professionnelle des auteurs-compositeurs du Québec, donc chanson québécoise.
Notre présentation va être relativement brève et nous allons nous répartir le travail. Je vais commencer. Comme vous l'avez constaté en lisant notre mémoire, en fait, les créateurs se sentent fortement interpellés par soit ce qu'on appelle le processus de mondialisation ou ce que d'autres préfèrent appeler l'accélération, en fait, du processus de mondialisation, qui est rendu possible par le développement des nouvelles technologies de l'information: technologies de l'information qui multiplient les moyens de diffusion, moyens de diffusion qui, eux-mêmes, permettent d'atteindre des publics ? nous, nous disons «des publics», mais certains diront «des marchés» surtout ? des marchés jusqu'à maintenant inaccessibles pour les créateurs et pour bien des entreprises culturelles.
Cette nouvelle donne interpelle les artistes et les créateurs de deux façons. Dans notre mémoire, on a fait référence à ce qu'on appelle le côté lumière des choses, c'est-à-dire qu'effectivement l'Internet ou les nouvelles technologies de l'information offrent des possibilités à l'artiste individuel de diffuser lui-même son oeuvre à travers des réseaux de plus en plus larges. Comme, par exemple, on peut imaginer qu'un producteur de théâtre québécois pourrait mettre sa pièce sur Internet et celle-ci pourrait être reçue dans n'importe quelle partie du monde où quelqu'un s'intéresserait au théâtre francophone. C'est le côté lumineux des choses.
Et le côté ombre, c'est qu'on constate de plus en plus, avec l'émergence de grandes compagnies qui prétendent constituer des bases de données en utilisant les matériaux existants, de plus en plus des compagnies qui s'approprient des oeuvres des créateurs, les insèrent dans des bases de données sans prévoir de justes rémunérations des artistes, souvent en déformant les oeuvres et en les brisant.
On assiste aussi, à un deuxième niveau, à ce qu'on appelle un «pillage des savoirs traditionnels», c'est-à-dire tous les savoirs qui ont été développés par diverses communautés autochtones ou indigènes ? on peut penser, par exemple, à des plantes, à des motifs traditionnels en tissage ? et qui sont exploités souvent par de grandes entreprises qui se les approprient en disant que ça fait partie du domaine public, et on les utilise sans prendre en considération les droits des créateurs ou des collectivités qui ont développé, souvent pendant des millénaires, ces savoirs et ces connaissances.
Donc, ce à quoi aussi on assiste, c'est beaucoup à une prise de possession par de grandes entreprises, sous le couvert de concept de propriété intellectuelle, de nouveaux traités internationaux, traités qui ont été connus sous le nom de ADPIC en français ou de TRIPS. Je renonce à donner la signification de ces lettres-là, mais disons qu'on voit de plus en plus de grandes entreprises qui, sous couvert de traités internationaux, ont introduit le droit d'auteur dans les grands traités, qui font que, maintenant, le droit d'auteur, il n'est plus régi par les conventions internationales, comme la convention de Berne, mais est régi par des traités gérés par l'OMC, où la culture ou les produits culturels sont considérés souvent comme des produits comme d'autres.
Et ce qui nous a amené à venir ici aujourd'hui, dans le fond, c'est de dire que les créateurs, de plus en plus, ne s'adressent plus au ministère de la Culture ou au Conseil des arts quand ils veulent développer, défendre leurs droits, mais doivent de plus en plus s'intéresser ou intéresser le ministère de l'Industrie, le ministère des Affaires étrangères ou le ministère du Commerce international à leurs préoccupations s'ils veulent défendre leurs droits à l'échelle internationale.
Donc, les artistes, traditionnellement, ne s'intéressaient pas à ce qui se passait dans les grandes institutions internationales, mais ils doivent désormais le faire, car c'est là que leur avenir va se déterminer, dans les négociations. Comme, par exemple, si on pense au cycle de Doha au Qatar, l'année dernière, où on parlait d'un nouveau cycle de négociations qui viendrait sur les TRIPS, donc sur les droits de propriété intellectuelle, il est tout à fait important que les artistes soient en mesure de suivre, de défendre leurs intérêts.
Comme on le mentionne dans notre mémoire, les créateurs individuels et les associations d'artistes manquent dramatiquement de moyens pour suivre les développements à l'échelle internationale. C'est donc en ce sens-là que l'Alliance a accueilli avec plaisir la création d'un observatoire qui pourrait développer, les aider à développer soit une vigie sur ce qui se passe à l'échelle internationale, qui pourrait les informer des contenus des traités en cours, et donc qui leur fournirait des moyens qu'ils n'ont pas pour défendre leurs intérêts.
Par ailleurs, ce qu'on disait, que, si on se réjouit de la création d'un observatoire, on pensait qu'il fallait travailler deux recommandations particulières. Il y avait toute la question, par exemple, du champ de la recherche qui devrait être couvert par un observatoire. Ce que, nous, nous disions, c'est que, s'il est important qu'on informe, qu'on aide les créateurs et leurs associations à s'informer des mésaventures ou, en tout cas, des choses qui pourraient violer leurs droits potentiellement dans les traités internationaux, il est aussi important que cette vigie se fasse sur l'aspect positif, de voir, dans le marché mondial, quelles initiatives sont développées par des groupes de créateurs et qui permettent aux créateurs de s'emparer de ces nouveaux réseaux. Parce qu'il n'y pas seulement un aspect négatif, il y a un aspect positif aux choses.
Et la deuxième représentation que nous faisions, c'est que les artistes, actuellement, en vertu des lois québécoises, ont un statut spécial qui les distingue par un régime de travail spécial, qu'ils sont régis par les deux lois sur le statut de l'artiste donc qui créent un régime de travail spécial qui les distingue des centrales syndicales, qui les distingue du travailleur autonome comme tel. Donc, d'où l'importance que, dans les éventuelles personnes qui seront appelées à siéger au conseil d'administration de l'Observatoire, il serait tout à fait important que des représentants des créateurs, pas nécessairement des présidents d'association, mais que des créateurs soient présents sur le conseil d'administration de l'Observatoire pour donner le point de vue des créateurs et des artistes.
Une chose dont nous n'avons pas parlé dans notre mémoire, parce que ça nous semblait prématuré compte tenu que nos contacts sont encore embryonnaires avec les communautés autochtones, mais, compte tenu que la question des savoirs traditionnels va être une question fort importante dans la prochaine décennie pour toutes les questions de traités de propriété intellectuelle, on pense aussi qu'au niveau de la composition de l'Observatoire il serait intéressant ou important, en tout cas, qu'on se pose au moins la question: Est-ce qu'il ne serait pas pertinent d'avoir un ou des représentants des communautés autochtones qui pourraient défendre ce nouveau champ de la propriété intellectuelle? Comme je dis, on ne l'a pas écrit, parce qu'on ne voulait pas se placer en décideurs pour les communautés autochtones, mais on pense, en tout cas, que ce serait une piste à évaluer.
Donc, je ne sais pas s'il nous reste encore beaucoup de temps ou si j'ai parlé... En tout cas, Mme Des Roches pourrait vous expliquer davantage, en tout cas, au niveau des traités internationaux, parce que Mme Des Roches a participé aux négociations de l'OMPI sur le droit voisin, et voir comment tous les traités internationaux à être négociés ont un impact sur les créateurs.
n(17 h 10)nMme Des Roches (Anne-Marie): Oui. En fait, je vais vraiment raccourcir. C'est que, quand je suis allée au Sommet diplomatique, il y a deux ans, c'était à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, qui est une filiale un peu de l'ONU. Mais finalement c'est une filiale de l'OMC. Ce que je suis venue vous dire, c'est que, quand je suis allée à l'OMPI pendant deux semaines à essayer de négocier les droits des interprètes dans l'audiovisuel, je me suis rendue compte qu'on négociait le droit des interprétations et des grandes entreprises, des majors américaines dans l'audiovisuel particulièrement, et je me suis dit: La culture, elle est déjà négociée au commerce.
Et je pense qu'on a occulté un peu, on a oublié la propriété intellectuelle comme étant un élément-clé de nos politiques culturelles, de notre politique, point. Le droit d'auteur est un droit humain, est un droit de la personne reconnu par l'ONU et on le négocie à qui mieux mieux à l'OMPI. J'ai trouvé ça vraiment dommage. Et l'enjeu, ça a achoppé, les interprètes n'ont jamais eu leurs droits dans l'audiovisuel, à ce moment-là, parce que, en fait. il y avait les deux grosses batailles entre l'Union européenne et les Américains. Mais l'enjeu majeur là-dedans, c'est la doctrine du «work for hire» des Américains qui fait que tu es un employé de la compagnie et on te déleste de tous tes droits.
L'autre enjeu, que j'ai trouvé très triste, est que la question du droit moral est complètement absente de ces négociations-là, il n'y a pas de droit moral dans le commerce et chez les Américains. Donc, on allait se battre pour un droit moral, un droit à l'image qui est reconnu ici, au Québec, beaucoup plus que même dans le Canada anglais, parce qu'on a ce droit civil qui est prêché ici, mais, en même temps, c'est que la notion est tellement peu appliquée aux États-Unis qu'on n'a pas été capables, là... On a eu une version très diluée du droit moral. Et c'était qu'on ne pouvait pas l'obtenir, c'était incessible. Un droit moral est incessible, donc on ne peut pas payer pour ça; si on ne peut pas payer, ça ne vaut pas cher; si ça ne vaut pas cher, c'est inutile. Et on était un peu là-dedans tout le temps et j'ai été... Ma naïveté en a pris un coup, mais c'est là que je me suis rendue compte... j'ai commencé à être inquiète, parce que je me suis dit: La culture est sur la table puis on essaie de ? le gouvernement le fait très bien ? on essaie de le bloquer, de trouver un instrument à part, mais on en parle tous les jours.
Et je pense que c'est de là l'importance d'avoir un créateur, de parler un peu du droit d'auteur comme politique primordiale pour une société. Il faut la défendre, comme la culture.
Mme Bertrand-Venne (Francine): Je représente les auteurs, compositeurs de chansons et d'oeuvres audiovisuelles, toutes les compositions de musique qui se destinent soit au théâtre, soit à la chanson, soit à l'audiovisuel ou au multimédia. Donc, je suis l'association professionnelle qui parle au nom de ces gens-là.
Je voudrais vous dire que le législateur québécois nous a offert une législation tout à fait particulière. La Loi sur le statut de l'artiste nous permet, au-delà d'une loi du droit d'auteur qui est malheureusement transférable par voie contractuelle, nous a permis de négocier collectivement un contrat. La difficulté, dans toutes ces questions, qu'elles soient de droit d'auteur à l'OMPI, qui est intégrée à l'OMC, ou en matière de droit syndical, pourrait-on dire, ou droit de travail... Vous aurez compris que, pour un créateur, le droit d'auteur, c'est une condition de travail. C'est la condition de travail la plus essentielle pour lui, puisqu'il veut participer à la vie économique de son oeuvre. C'est aussi élémentaire que ça. Mais, dans les négociations à l'américaine, c'est que ces droits sont transférés à la corporation, à la personne morale. Et, quand vous entendez dans La Presse hier: Un tribunal américain dit non au rachat de Napster par Bertelsmann, on conclut au dernier paragraphe que ce sont les multinationales compagnies de disques qui ont empêché Napster.
Et je veux que vous sachiez qu'à la CISA, qui est la Conférence internationale des sociétés d'auteurs à Santiago du Chili, il y a un an et demi, un créateur s'est levé pour dire: Quand vous entendez dire que Polygram achète EMI ou Sony achète EMI, demandez-vous si un seul créateur reçoit un sou de la transaction. Et le créateur qui a demandé ça à ces sociétés de gestion cognitive, il y a eu un silence de mort dans la salle. Vous aurez compris que la réponse à ça, c'est: Va regarder ton contrat puis demande-nous-le puis embauche-toi un comptable puis fais faire les audits. Alors, c'est là la difficulté pour les créateurs, c'est que maintenant sa négociation est souvent obligatoirement transférée. Et je ne peux pas passer sous silence toute la difficulté qu'on peut avoir dans notre propre milieu, dans notre propre province avec ces questions. Et ça, n'oubliez pas ça. Ce n'est pas une question seulement mondiale, elle commence chez nous. Surtout ça, le message.
Une voix: ...
Mme Crean (Susan): Merci. Moi, je parle un tout petit peu des deux choses que nous présente cette ère de l'Internet, c'est-à-dire la menace contre les droits des artistes et aussi l'opportunité pour nous comme artistes. Dans l'ère d'Internet, le futur appartient à ceux qui possèdent le contenu culturel. Et ceux-ci ne sont pas nécessairement les créateurs ou les artistes. Au contraire, même si les créateurs gardent leurs droits en plein, leur revenu ne contient qu'un pourcentage minuscule du profit constitué. Ça, c'est la situation normale dans les industries culturelles.
Mais, chose frappante, c'est: Il n'est pas normal, comme mes collègues ont expliqué, que le contrôle des créateurs dans le domaine de l'exploitation de ces droits d'auteur diminue d'un jour à l'autre. Pendant que les artistes-individus peuvent maintenant se publier eux-mêmes, c'est-à-dire que nous avons la capacité technique ou technologique de présenter notre travail, soit les livres, les oeuvres d'art, les films, les programmations multiculturelles de musique, etc., nous pouvons les présenter directement au public à travers le «worldwide net», la vie créative est dominée néanmoins par les grandes entreprises commerciales.
De même, les relations entre le public et les créateurs sont dominées par ces entreprises. Nous participons dans un marché où les règles du jeu sont décidées ailleurs par les raisons souvent antithétiques au but non lucratif ou artistique ou culturel ou spirituel.
Pour nous, les artistes, les créateurs, la mondialisation est une merveille qui a déjà transformé notre métier en changeant complètement les technologies de production et de distribution. Enfin, le travail quotidien de nos professions est complètement bouleversé et transformé. Mais, de temps en temps ça nous donne des... Excusez-moi.
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, mais le temps est pas mal écoulé. Alors, si vous voulez conclure, s'il vous plaît.
Mme Crean (Susan): Alors, je dis tout simplement que, dans les années récentes, les artistes canadiens et québécois ont gagné une expérience mondiale dans les marchés internationaux, c'est-à-dire que nous avons fait un triomphe, je crois, assez impressionnant et nous avons gagné même une connaissance du monde, comme sa diversité culturelle, et c'est ça que nous gagnons de cette question. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, mesdames et monsieur. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui. Bonjour, M. Beauchemin, Mme Bertrand, Mme Des Roches, Mme Crean. Ça me fait plaisir de vous accueillir, d'autant que vous terminez notre journée en nous donnant un peu, en tout cas quant à moi, un choc, là. Parce que je ne connais pas très bien, malgré le fait que j'aie été ministre de la Culture pendant trois ans... parce que ce n'est pas des questions qu'on traitait ou qu'on traite tous les jours au ministère de la Culture, vraiment pas, là. Et ce qu'on peut vous dire aujourd'hui là-dessus, c'est qu'on est conscients de tous les problèmes que vous posez aujourd'hui. Vous l'avez dit, je pense que c'est M. Beauchemin: Ça ne peut plus être justement qu'une responsabilité.
D'ailleurs, à ce que je sache, le droit d'auteur, c'est de compétence fédérale, là, mais, peu importe, il est clair que le Québec s'y est toujours intéressé, pour toutes sortes de bonnes raisons, et que ça déborde donc strictement le ministère de la Culture et que le MIC et le MRI donc s'y intéressent, conjointement avec le ministère de la Culture, et qu'on s'y attaque, à ces problèmes-là, pour bien les comprendre. Parce que puis-je vous dire que c'est tout un monde, là, que vous nous apportez.
n(12 h 20)n Et vous nous parlez de tous ces acronymes, l'ADPIC, l'OMPI ? bon, l'OMC, là, disons qu'on est habitués ? mais la simple relation entre l'ADPIC, l'OMPI et l'OMC justement, comment est-ce que tout ça... quelle est cette dynamique finalement? Ce n'est pas évident. Vous avez donné une illustration, Mme Venne, bon, que, à partir du moment où les multinationales s'échangent des catalogues ou s'échangent des produits, que les auteurs, en effet, il faut qu'ils aillent voir très, très loin dans leur contrat si ça va leur être utile ou non parce qu'ils sont traités un peu comme des marchandises.
D'autre part, on connaît, comme ça, un peu la doctrine américaine versus la doctrine européenne des droits d'auteur, bon, mais on n'a pas une connaissance très, très pointue et très, très fine de tout ça. Il est clair dans mon esprit... Vous dites: Les droits humains, ça inclut les droits d'auteur. Mais enfin il est clair dans notre esprit que l'Observatoire va s'intéresser à la culture sous tous ses angles et tous ses aspects. C'est un dossier qui est fondamental, primordial.
Et là ma crainte, en vous écoutant... Je voudrais avoir vos commentaires peut-être là-dessus. Bon, vous avez fait allusion à cet instrument concernant la diversité culturelle. Bon. Vous savez très bien que, avec le Canada d'ailleurs, la France et pas tant d'autres pays que ça... Il ne faut pas se faire d'illusion, parce que, quand je suis allée en Italie, quand je suis allée en Angleterre, il fallu que j'aille jusqu'au Vatican pour trouver quelqu'un qui comprenait à peu près ce dont je parlais. Quand on va aux États-Unis, alors là franchement ils sont complètement ignorants, et ceux qui savent, bien, ils sont contre, hein? En effet, ils veulent que la culture, et sous toutes ses formes, ne soit considérée que comme une marchandise. Il n'y a que le marché qui compte, que le marché. Bon. C'est décourageant, tu sais. Alors, par conséquent, il faut que le milieu... et vous l'êtes, je le sais, très mobilisé, la Coalition sur la diversité culturelle aussi.
On avance, on espère avancer, faire un grand pas en avant, si le Sommet de la francophonie se tient comme prévu, ce qui, espérons, sera le cas au mois d'octobre. Et il y a quand même 50 pays qui sont là, des pays plus démunis, en voie de développement, des pays riches, des pays du Nord, des pays du Sud, mais là qu'il y ait une première décision sur cette éventuelle convention, ce traité dont le président Chirac a parlé très précisément à Johannesburg. Alors là ? à Johannesburg ? il s'est parlé de tout visiblement à Johannesburg, mais de ça aussi, et donc qu'il y aurait une convention, un traité spécifique.
Mais, dans le fond, je me dis: Quelle serait la relation justement entre un traité ? vous savez qu'il y a des avocats, des juristes, en fait, des professeurs de droit dont Yvan Bernier de l'Université Laval qui a travaillé avec nous, pour nous sur cette question-là ? mais entre toute cette question des droits d'auteur et puis cette question d'un traité donc sur la diversité culturelle et qui sortirait de l'OMC ? c'est ça l'idée, hein ? et qui serait contraignant? Si c'est un traité qui n'a pas de sanction au bout de la ligne, on le sait très bien, ce sera... Comme plusieurs intervenants nous ont dit ce matin, les conventions d'organisation internationale du travail, comme elles ne sont pas contraignantes et qu'il n'y a pas de sanction au bout, tout le monde les signe puis personne n'est... J'exagère. Beaucoup de pays, certains pays les signent et ne les respectent pas, c'est ce qu'on s'est fait dire ce matin. Ce n'est pas chez nous, là, bon, mais ailleurs.
Donc, je me dis: Comment tout ça peut-il s'articuler, les droits d'auteur avec, bon, cette préoccupation concernant le cinéma, enfin, de sortir la culture, le livre, la chanson, etc., de l'OMC? Est-ce que ça ne sera pas une coquille vide, ce traité, si justement les droits d'auteur restent là où ils sont, c'est-à-dire gérés par l'ADPIC et puis qui, elle, je comprends bien, là, maintenant, est régie par les règles de l'OMC, si ça vous pose tous les problèmes, là, que vous énumérez? Alors, moi, je vous pose la question: Qu'est-ce qu'on fait?
M. Beauchemin (Michel): Je pense qu'il faut, pour répondre à la question... Je vais préciser pour commencer que je suis aussi vice-président de la Coalition de la diversité culturelle et membre du comité chargé d'élaborer le projet de nouvel instrument qu'on va mettre de l'avant à la Coalition.
Mme Beaudoin: Formidable, voilà. On est en bonne compagnie, là, très bien.
M. Beauchemin (Michel): Et nous avons d'ailleurs une conférence à Toronto... Nous avons eu une conférence à Toronto là-dessus la semaine dernière. Comment pouvons-nous faire la distinction? Je pense que vous avez touché parfaitement le problème. En 1995, en catimini, les gouvernements, dont l'État canadien, ont décidé d'adopter un traité qui s'appelle ADPIC, donc c'est l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle reliés au commerce. Pourquoi on dit «sur les aspects de propriété intellectuelle»? C'est que les Américains ? puis, quand on parle des Américains, en fait, c'est des grandes industries pharmaceutiques et des grandes industries de semences ? ont exigé d'avoir un traité régi par l'OMC qui gérerait les droits de propriété intellectuelle pour combattre la piraterie et la contrefaçon et forcer, en fait, les pays qui achetaient des semences à être obligés d'acheter des semences brevetées. Enfin, bref, il y a toute la question de la biodiversité.
Donc, ils ont obtenu ce traité et ils ont intégré, dans le cadre d'un traité, sans consultation, un peu comme si l'AMI avait réussi, là, à se faire en catimini, ils ont réussi à amalgamer dans le cadre d'un traité, si on fait le continuum, le droit d'auteur, les brevets, les marques de commerce et une clause qu'on appelle sui generis qui englobe toutes, en fait, les bases de données, les logiciels et les bases de données qu'on critiquait tout à l'heure en disant: ou dans lesquelles on intègre des oeuvres protégées supposément par le droit d'auteur mais dont des gens s'approprient indûment et chargent des frais pour l'utilisation de la base de données.
Donc, ils ont intégré un ensemble de choses. Et pourquoi ils ont dit: traité sur des aspects de droit de propriété intellectuelle? Parce que les Américains ont exigé que ne soient intégrées dans le Traité que les parties qui portaient sur les droits économiques, donc que toute la question du droit moral de l'auteur sur sa création, donc ce qui rattache une oeuvre à un individu, soit exclue. Donc, on a dit: À l'ADPIC, on ne va parler que des droits commerciaux. Donc là, on voit qu'on se plaçait dans une logique d'expropriation du créateur en tant qu'individu pour voir le droit d'auteur uniquement comme une donnée qui est un bien achetable.
Et actuellement, qu'est-ce qu'on voit, par exemple, là, si on prend le domaine des arts visuels qui est peut-être le plus maltraité à ce niveau-là? D'un côté, Bill Gates se constituer un troc qui achète le plus possible de banques de photos, de banques d'oeuvres d'art. Il a même... il a proposé d'acheter des droits de reproduction du Louvres, il s'est assuré de ceux du ROM à Toronto, pour ceux qui connaissent le ROM. Donc, ils ont essayé d'acheter Bibliothèque vaticane. Enfin, bref, ils essaient de s'approprier les... Et la deuxième fortune qui est en train de constituer une banque comme ça, c'est l'héritier des Getty ? vous connaissez le musée Getty de Californie. Donc, il est un des petits-fils Getty. Il est en train de construire une immense banque de photos où on achète les droits d'exploitation. Donc, on veut de plus en plus distinguer le droit du créateur du droit d'exploitation des oeuvres.
Et pour arriver à votre traité sur la... au nouvel instrument, je participe à la définition du nouvel instrument. Et là je ne veux pas m'embarquer sur le terrain de la Coalition, vous allez rencontrer M. Pilon la semaine prochaine et Mme Vachon, et possiblement M. Curzi, le président de la Coalition, mais ce qu'il faut voir, c'est que la Coalition, comme telle, est un organisme qui regroupe à la fois des associations de producteurs et des associations d'artistes. Et le but du nouvel instrument, c'est de protéger le droit des États nationaux à développer des politiques culturelles en dehors du cadre de l'OMC alors que le droit d'auteur y est déjà.
Soyons optimistes, demain matin, 150 pays signent un nouvel instrument international qui protège le droit des pays de faire des politiques nationales, cela ne protégera jamais les membres de la FAC du fait que les producteurs de disques québécois veulent exproprier les créateurs québécois des droits d'exploitation de leurs oeuvres. Donc, on pourrait avoir une superbe politique culturelle québécoise ou canadienne à l'intérieur de laquelle les créateurs pourraient, selon les traités de l'OMPI, si on ne fait pas attention, ou les traités de l'OMC, instrument à l'intérieur duquel... qui n'empêcherait pas les producteurs d'exproprier les créateurs.
Donc, quand vous demandez le lien entre les deux, donc il est extrêmement de dire: Le nouvel instrument doit être là parce qu'on a besoin des politiques culturelles, et, si nous y sommes, les artistes, c'est parce qu'on croit à ça, mais nous ne sommes pas naïfs au point de penser qu'on peut mettre notre avenir dans les mains des producteurs. On dit qu'il faut s'en occuper et aller voir à l'OMC ce qui se passe. Et ce serait rêver en couleur de penser qu'on va convaincre les États-Unis de sortir les droits de propriété intellectuelle des traités de l'OMC alors qu'ils y sont déjà, mais il s'agit de voir comment, à l'intérieur de ça, on va avoir des moyens de savoir, un, ce qui s'y passe et d'intervenir auprès du ministère du Commerce international à Ottawa pour dire: Là, on voudrait que, dans les renégociations, par exemple, la question du droit moral soit intégrée dans les traités ADPIC, donc que le droit du créateur soit reconnu et ne puisse pas être exproprié. On voudrait que les droits des savoirs traditionnels soient reconnus. Donc, que le droit des brevets, on ne puisse plus, par exemple, breveter le vivant, breveter les plantes et exproprier des nations autochtones; donc, que les traités de l'OMPI et que le traité de l'ADPIC soient redéfinis de façon à tenir compte des peuples et des créateurs individuels. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Mme Beaudoin: Ça répond très bien, c'est très clair. Je vous en remercie. Je voudrais seulement ajouter: Donc, vous demandez carrément... Allez-vous demander carrément des amendements, par exemple, une renégociation de l'ADPIC?
n(17 h 30)nMme Bertrand-Venne (Francine): Peut-être. Justement, on est en devenir. Et la réflexion qu'on fait, c'est justement pourquoi on a créé la Coalition pour la diversité culturelle. C'est qu'on est à débattre actuellement qu'est-ce qui serait écrit dans ce traité, mais assurément qu'il faut regarder ces questions-là.
Pourquoi est-ce qu'on a créé l'Alliance des créateurs? C'est parce qu'on était très conscients que, avec nos collègues producteurs, bien qu'on veut bien avoir des politiques culturelles qui nous soutiennent, il y avait des questions qui concernaient les créateurs qui étaient au plus haut point inquiétantes pour nous. Et c'est pour ça que j'ai évoqué que, même dans notre milieu très proche de nous ? ce matin j'étais à la Commission de reconnaissance du statut de l'artiste avec mes amis, les producteurs audiovisuels ? bien, vous auriez compris qu'il y a toutes sortes de questions qui peuvent nous amener à dire qu'il arrive souvent que la façon... Vous avez à juste titre dit, Mme Beaudoin, que la Loi du droit d'auteur est de compétence fédérale. Mais le contrat est de compétence provinciale. Et c'est pour ça que la Loi sur le statut de l'artiste nous permettait de regarder, dans les contrats, les conditions de travail. Et c'est pour ça que c'est à deux niveaux.
Et ces choses-là, la raison laquelle j'ai appuyé l'IDEAS dans ses revendications internationales où les producteurs américains disaient: Oui, vous allez reconnaître un droit exclusif aux comédiens en audiovisuel, mais dans le même traité et au paragraphe suivant, ça va être transféré dans les mains du producteur. Ce à quoi j'ai dit à mes fonctionnaires fédéraux: C'est ce qui arrive en musique tous les jours à un créateur. Il est forcément obligé de négocier son droit d'auteur qu'il transfère ou à un éditeur ou à un producteur de disques ou à un producteur audiovisuel ou à un producteur multimédia. Je veux dire: C'est là qu'est l'enjeu. Et c'est pour ça que, à l'heure actuelle, je dirais, quand vous m'avez posé la question sur l'ADPIC, moi, je vous dirais que ça irait jusque là, mais il faut convaincre nos partenaires internationaux. Et c'est la démarche qu'on fait pour rentrer en contact avec nos associations-soeurs des autres pays et, moi, dans mon cas, avec les Français, puis j'espère, un jour, avec d'autres.
Mais bref, on a les moyens qu'on a comme association aussi. On fait ce qu'on peut avec la grosseur qu'on a mais c'est sûr que c'est tout à fait dans la ligne de tir: ces questions-là sont fondamentales. Parce que vous avez raison, les Américains n'ont même pas de ministre de la Culture. Je veux dire, c'est du show business. Alors, il faut se mettre dans le contexte américain.
Mme Des Roches (Anne-Marie): Vous demandiez tout à l'heure des questions pratico-pratiques avec l'instrument, etc. Et effectivement, je pense, une des raisons principales pour laquelle on a créé l'Alliance, c'est justement pour ne pas jouer dans les pattes de la Coalition. Parce que, alors que la Coalition dont nous sommes tous membres demande d'être exclue de l'OMC, que la culture soit exclue, en même temps, on a à traiter de sujets dans lesquels la culture y est déjà. Alors, dans ce cadre-là il faut qu'on s'arrange. Quand on regarde de façon globale, on peut, dans un instrument, évidemment, parler des droits d'auteur et de droits des créateurs. Je pense que c'est primordial de l'avoir dans un traité international. Mais, dans le pratico-pratique, effectivement, peut-être que ça va prendre d'autres négociations ou d'autres façons de faire pour en arriver à quelque chose de pratique. Alors, on est très conscients de ça, mais je pense que la vigie dans cette matière-là, de s'assurer que, en matière de culture, on ait le portrait au complet. Il est important de parler de l'OMPI, de l'ADPIC, etc., mais pas de les inclure parce que sinon on se joue dans les pattes effectivement.
Mme Beaudoin: Je voudrais juste terminer en vous disant qu'on pourra se revoir, en tout cas, MIC, MRI, MCC, avec l'Alliance sur la question spécifique justement de l'ADPIC, de l'OMPI, et tout ça. Il faudrait le faire relativement rapidement, les trois ministères avec vous autres. Alors là, le cabinet est à ma gauche et les fonctionnaires à droite, donc je pense que tout le monde va le prendre en bonne note.
Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Jean-Talon et porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Delisle: Merci. Alors, bienvenue mesdames, monsieur. Moi, je vous avoue que vous m'avez fascinée. Vous nous avez certainement fait part non seulement de vos préoccupations mais aussi des réalités quotidiennes que vous vivez. Je laisse le soin à la ministre de vous organiser ces rencontres avec les divers ministères pour davantage les sensibiliser finalement à ces réalités.
Moi, je voudrais, si vous le permettez, vous ramener un petit peu au projet de loi. Parce qu'on a évidemment, comme parlementaires, des devoirs à faire et un des objectifs évidemment poursuivis par ces audiences publiques, c'est d'essayer de s'alimenter le plus possible et de s'assurer que se traduiront dans le projet de loi les... en tout cas, si ce n'est pas l'ensemble des préoccupations, le plus grand échantillonnage tout au moins.
Vous nous sensibilisez, à la page ? je pense que ce n'est pas paginé ? à la page 3 de votre mémoire, ça concerne l'article 4. Vous allez me permettre de vous citer, c'est quelques lignes, vous dites: «Le processus en cours de mondialisation comporte, tel le dieu Janus, deux faces. Côté lumière, il offre aux artistes de nouveaux outils pour créer leurs oeuvres et, surtout, les proposer aux divers publics épris d'art. Côté ombre, il recèle de nombreux périls dont les moindres ne sont pas la possibilité pour bien des utilisateurs de s'approprier des oeuvres protégées par le droit d'auteur sans acquitter les redevances dues et la volonté de bien des entreprises, publiques et privées, grandes et petites, de déposséder les créateurs individuels du droit d'exploitation de leurs oeuvres pour les utiliser à leur profit.» Fin de la citation.
Vous nous suggérez, suite à ces commentaires, ce qui suit: «L'Observatoire devra s'assurer dans son travail de fournir aux artistes les informations pertinentes pour leur permettre de faire face à ces deux défis. Installer des clôtures et diverses barrières...» Je ne veux pas prendre trop de temps en vous citant. Moi, j'ai le goût de vous demander: Comment vous pensez pouvoir influencer cet observatoire-là? De quel type de barrières on parle? Là, évidemment, j'ai quand même compris ce dont vous parliez tout à l'heure, mais de quel genre de barrières parle-t-on? Et les outils dont vous avez besoin, est-ce que vous vous attendez que ce soit l'Observatoire qui vous les fournisse, et quels seraient ces outils-là? Parce que ce dont vous nous avez parlé, je veux dire, c'est gros là. On ne peut pas ne pas être sensibilisés après vous avoir entendus aujourd'hui.
Alors, moi, je me charge de parler avec notre porte-parole, à Mme Beauchamp, mais il n'en demeure pas moins que, puisque vous avez senti le besoin de vous présenter devant la commission, c'est parce que, pour vous, il y a quelque chose que vous pouvez aller soit chercher au sein de l'Observatoire ou contribuer à sensibiliser les gens. Mais au-delà de ça, je réalise... parce qu'il y a d'autres endroits dans le mémoire où vous parlez de la composition du conseil d'administration. Alors, vous vous retrouvez comment au sein de tout ça, vous autres, là?
M. Beauchemin (Michel): Ce que je peux dire, c'est que, moi, la conception que j'ai d'un observatoire, pour avoir collaboré un peu avec l'Observatoire sur la culture et les communications qui a été mis pour faire avancer... pour des fins statistiques, la vision que nous avons de l'Observatoire, c'est un organisme finalement qui va être un lieu de recherche, comme c'est bien précisé, un lieu de recherche neutre, pas un lieu qui va déterminer la politique des organismes ou des gens qui vont faire appel à ses services mais qui va offrir des services que, moi, je dirais de vigie, premièrement, comme dire: Qu'est-ce qui se passe actuellement à l'OMC, qu'est-ce qui se passe à l'OMPI? Parce qu'il faut voir que les petites organisations qui disposent de peu de moyens, on ne peut pas dire... passer trois jours par semaine devant tous les ordinateurs pour surveiller, faire une vigie. Donc, on dit: Il y aurait toute une question de vigie: Qu'est-ce qui se passe à l'OMC? Qu'est-ce qui se passe à l'OMPI? Qu'est-ce qui se passe... donc, d'avoir de l'aide concrète à ce niveau-là, d'une part.
D'autre part, à partir du moment où on va savoir ce qui se passe, il va falloir développer... Mme Beaudoin posait la question, à juste titre: Est-ce que vous avez demandé que les droits moraux soient intégrés dans le cadre du traité ADPIC? Est-ce que vous avez demandé une recomposition des panels économiques qui jugent, éventuellement, une recomposition de ces panels pour faire place aux créateurs? Oui. Ceci dit, donc on va avoir besoin d'une aide juridique en droit international. Donc, on va avoir besoin, à mon avis, d'informations concrètes sur ce qui se passe et sur le moyens de contrer. Donc, ça, c'est un premier niveau. C'est ça que j'appelle des clôtures, c'est-à-dire, donc, savoir: Aidez-nous à nous défendre, à voir ce qui nous attend.
Deuxième niveau de questionnement, comme je vous disais, c'est qu'il y a des initiatives qui ont été prises dans divers pays par des créateurs, comme, par exemple, l'Association, que je représente d'auteurs dramatiques. Actuellement, on a un projet de numérisation du corpus théâtral québécois qui est à 80 % non publié, qui dort dans deux bibliothèques au Québec, qui sont extrêmement difficiles d'accès, difficilement accessibles et qui n'intéressent pas les éditeurs parce que c'est un marché de l'édition de niche, comme on dit. Donc, il y a peut-être 300 personnes qui sont intéressées à avoir un texte de Michel Beauchemin, mettons, puis là, je suis très optimiste. Ce n'est pas que je n'en ai jamais écrit un, remarquez, je suis le seul... Mais là, je travaillais pour l'auteur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beauchemin (Michel): Mais cela étant dit, donc, le but, c'est de rendre accessible ce corpus théâtral à travers le monde, à travers le Net. Donc, on dit: Il y a des possibilités donc d'utiliser le Net pour des créateurs pour dépasser les limites des systèmes de production actuels et de rendre accessibles des corpus, parce que, une fois qu'il est entreposé, il peut être consulté au Japon, en Éthiopie, il peut être consulté partout et il peut être téléchargé à peu de frais, 3 $ américains, puis ... puis l'argent arrive dans le compte en banque. Donc, il y a des choses comme ça.
n(17 h 40)n Donc, ce qu'on aimerait aussi, c'est ce que... ce qu'on appelle le côté soleil des choses, le bon côté c'est que l'Observatoire se penche aussi, nous aide à trouver à travers le monde ce que les associations d'artistes ou les artistes se sont donné comme moyens créatifs d'utiliser des nouvelles technologies pour qu'on puisse les faire nôtres et éventuellement les appliquer. Donc, c'étaient les deux aspects comme tels. Et, quand je parlais barrières, je pensais beaucoup au nouvel instrument international qui va être de dire: On garde le droit de faire des choses, mais il faut définir après ça ce qu'on fait puis il faut qu'on les développe. Donc, c'est là qu'il y avait l'aspect barrières, puis il y avait l'aspect, après ça, dont on dit donc: un organisme de recherche neutre qui va répondre à des commandes, d'où ce qui nous amenait à dire: Ce serait important qu'on ait quand même une personne dans le conseil d'administration qui pourrait se faire le porte-voix ou, en tout cas, l'écho de ces préoccupations-là à l'intérieur du conseil, ce qui nous amenait donc à questionner ces deux aspects-là.
Mme Delisle: ...personne. Un organisme neutre qui répond à des commandes. Les commandes doivent venir de quelqu'un. On s'entend pour dire que les commandes ne viennent pas du gouvernement, mais qu'elles viennent de l'Observatoire lui-même, des gens qui sont autour du conseil d'administration. Je veux juste bien vous comprendre, là, parce qu'on a souhaité une étanchéité... En fait, le projet de loi souhaite qu'il y ait une ligne, une «étéchéanté»...
M. Beauchemin (Michel): Étanche.
Mme Delisle: Étanchéité. Pardon, excusez-moi. Il est 17 h 45, ça fait une couple d'heures qu'on est ici. Étanchéité, pardon. Donc, à mon avis, les commandes, à votre point de vue, vont venir, j'imagine, de l'Observatoire lui-même, des membres du conseil d'administration.
Est-ce que vous...
M. Beauchemin (Michel): Permettez-moi de diverger avec vous...
Mme Delisle: Pardon?
M. Beauchemin (Michel): ...parce que moi, ce que je... Je diverge avec vous là-dessus...
Mme Delisle: Bon, bien alors...
M. Beauchemin (Michel): ...dans le sens où, si je regarde ce qui s'est fait dans le cadre de l'Observatoire sur la culture et les communications, il y a la structure, il y a le conseil d'administration, il y a la direction générale, et autour de ça s'est mis en place un ensemble de collèges à l'intérieur desquels nous véhiculons... Moi, je fais partie du collège de littérature, qui est présidé par Mme Bissonnette.
Mme Delisle: Mais ce n'est pas ça qui est proposé ici, là.
M. Beauchemin (Michel): Hein?
Mme Delisle: Ce n'est pas ça qui est proposé ici, là, c'est une structure qui est... Bien, écoutez, ce n'est pas moi que le propose, là!
M. Beauchemin (Michel): Non, non, mais la structure de consultation, pour moi, ce que je vois, c'est que, au-delà d'un conseil d'administration, l'Observatoire va se donner, à mon avis, une structure de consultation: sur quoi? les besoins... Si on dit qu'on veut aider la population québécoise à se donner des moyens, peut-être que j'ai lu naïvement le projet de loi, mais j'ai considéré que la direction générale éventuelle va mettre sur plan un projet de consultation pour consulter et voir les besoins des divers milieux. À l'intérieur de ça, je m'attends de l'Observatoire... Et, si ce n'est pas prévu dans le projet de loi, bien, il faudrait que vous l'amendiez de façon à ce qu'il y ait une obligation de consulter les milieux pour savoir quels sont leurs besoins et non pas de se plaquer au-dessus de leurs têtes pour décréter à leur place quels sont leurs besoins.
Mme Bertrand-Venne (Francine): Dans ce sens-là, je vais vous dire que ce que j'en comprends, moi. C'est que le but de ça, c'est de recueillir de l'information dans divers milieux. Ce qu'on est venu vous dire, c'est que la culture peut vous offrir des solutions puis peut vous permettre des réflexions. Il n'y a pas que l'industrie traditionnelle, il n'y a pas que les syndicats traditionnels, il y a la culture. Ça fait plus de 100 ans que le droit d'auteur est international, bien avant que les hommes d'affaires créent le concept de mondialisation. Les créateurs y ont pensé il y a très longtemps. Quand une oeuvre est jouée mondialement, ils devaient surveiller sa rémunération mondiale.
C'est ça qu'on est venu vous dire. La culture ne doit pas être traitée à part, dans un créneau qui est strictement culturel. On a des choses qui nous concernent, et c'est ça qu'on est venu vous dire: on est aussi important que l'industrie des pâtes et papiers, finalement, et on a même des solutions à vous apporter et de vous nourrir dans votre réflexion. C'est surtout ça. Et, quand on dit qu'à l'article 2 l'Observatoire doit suivre «principalement les négociations multilatérales, qu'elles soient mondiales ou régionales», voilà ce qu'on viendra vous dire: ce qui se passe chez nous sur le terrain, on doit vous dire, comme État, de ne pas vous engager dans des obligations internationales qui nous coinceraient et qui emporteraient les considérations culturelles.
Je peux vous dire que, dans le moment, j'ai fait une démarche officielle, par exemple, à la SODEC, moi, pour introduire des quotas de musique francophone sur les disques francophones du Québec financés par le gouvernement du Québec. Pourquoi? Parce que les 15 oeuvres des différents artistes sont écrites par nos collègues de France. Il est assurément intéressant d'avoir des collaborations avec nos créateurs français, mais, de là à occuper entièrement la place sur les disques québécois, je conteste ça. Donc, je viendrai vous dire ça. Alors, je viendrai vous informer de ce qui se passe sur le terrain et je viendrai vous expliquer que la langue française, si on y tient, elle doit véhiculer notre vision du monde, et, si on veut véhiculer notre vision du monde, elle doit véhiculer les créateurs d'ici, elle doit utiliser les créateurs d'ici. Sinon, on va tous parler français, mais ce ne sera pas nos valeurs qu'on va véhiculer. Donc, c'est ça que je viens vous dire, parce qu'il y a une dimension culturelle importante, puisqu'on parle aussi de la langue française dans ce projet, et moi, j'en ai long à dire là-dessus, beaucoup, beaucoup.
Mme Delisle: Merci. Il reste du temps? Fini? O.K.
Le Président (M. Lachance): Non, il vous reste trois minutes, madame.
Mme Delisle: Bon. Je voulais revenir... Je reviens sur la question du conseil d'administration et je reçois très bien ce que vous dites.
Mme Bertrand-Venne (Francine): ...on trouve pertinent pour siéger sur le conseil d'administration.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bertrand-Venne (Francine): Mme Beaudoin sait que, habituellement, je suis bonne là-dessus. Je me trouve très pertinente.
Mme Delisle: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que vous pourriez, à la limite, recevoir justement une subvention pour faire une recherche, ou comme contribution, finalement, au développement de cette connaissance que devra avoir l'Observatoire sur ce qui vous concerne au premier choix?
M. Beauchemin (Michel): Subventionnée?
Mme Delisle: Oui. Au premier chef. Je parle de l'Alliance là.
M. Beauchemin (Michel): Ah! bien, tout à fait. Écoutez...
Mme Delisle: Et vous attendez-vous aussi à siéger au conseil d'administration? C'est peut-être la question autour de laquelle je tourne depuis tantôt. Mais vous attendez-vous à siéger au conseil d'administration?
M. Beauchemin (Michel): C'est-à-dire, si vous nous demandez... Si le président de l'Alliance en tant que président de l'Alliance, s'attend à siéger, la réponse est non. Parce que ce qui était très clair dans le projet de loi, c'était que le conseil ? je ne sais pas si c'est le Conseil des ministres...
Mme Delisle: Non, non, quelqu'un de chez vous là.
M. Beauchemin (Michel): ...va nommer des gens représentatifs. Puis, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il devrait y avoir, dans les préoccupations, en tout cas, quelqu'un qui est représentatif du milieu des créateurs, pas nécessairement un président en titre d'une association.
Et j'ajoutais aussi, dans le cas des nations autochtones, si on se préoccupe de la question des savoirs traditionnels qui est de plus en plus débattue à l'OMPI, il serait important de se poser la question: Est-ce qu'il n'y aurait pas un représentant des... en tout cas, un autochtone qui est versé dans les questions de droits d'auteur et des questions de savoir traditionnel, de culture amérindienne, qui pourrait être là pour pouvoir voir à ce que ce segment de la population soit pris en compte?
À savoir... Écoutez, moi, en lisant le projet de loi, peut-être que j'ai une déformation, je ne trouve pas la... la connaissance que j'ai de l'Observatoire de la culture et des communications, j'ai plus l'impression que c'est l'Observatoire qui fait des recherches à la demande des gens. Mais, s'il est possible de déposer un projet, c'est tout à fait évident que nous avons un projet actuellement de faire étudier les traités de l'OMPI par l'avocat de l'Université de Montréal et un avocat de l'Université d'Ottawa, qui va nous sortir de l'information, qui va nous guider dans les traités internationaux. Est-ce qu'il est possible de venir cogner à la porte pour dire: Est-ce que vous pourriez financer cette recherche faite par des universitaires reconnus dans le domaine? C'est certain que vous allez nous voir arriver. Mais, dans mon esprit à moi, c'était plutôt le contraire; c'est vous qui nous donneriez des services en fonction d'un programme de recherche qui serait élaboré par l'Observatoire. Et les deux cas de figure sont possibles.
Mme Des Roches (Anne-Marie): Et un n'empêche pas l'autre en fait, parce que je le voyais, moi, en termes de vigie, mais je le voyais également... Vraiment, pour moi, un observatoire, c'est également un échange où... parce qu'on fait faire des études par Mme Crean, etc, nous, on va venir, on va vous sensibiliser. On a des recherches, on a déjà du travail de fait. Le fruit de notre travail pancanadien et à l'international va être remis à l'Observatoire. Et je pense que c'est... Moi, c'est comme ça que je le voyais.
Pour le monde de l'administration, ça n'empêche pas que l'Observatoire peut donner de l'argent à l'Alliance pour effectuer ces recherches-là et qu'on nourrisse le débat au sein de l'Observatoire. Mais, quand je regarde le conseil d'administration, pour moi, c'était clair qu'il y avait... Bon, on est tous des syndicats dans un sens mais régis par la loi; on est tous régis par la Loi sur le statut de l'artiste, le droit d'auteur. On fait tous partie de la Coalition de la diversité culturelle. Je trouvais que c'était une bonne idée d'avoir des associations d'artistes qui étaient à part des syndicats professionnels. Mais un n'empêche pas l'autre. Je pense que c'est vraiment un débat multilatéral.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, ceci était le mot de la fin. Mesdames, monsieur de l'Alliance pour les droits des créateurs, merci pour votre très intéressante contribution aux travaux de cette commission.
Et, là-dessus, j'ajourne les travaux de la commission au jeudi, 12 septembre 2002, ici même, dans cette salle, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 17 h 49)