(Neuf heures quarante minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Et je demande aux personnes qui ont des téléphones cellulaires de bien vouloir les fermer, s'il vous plaît, pendant la séance.
Le mandat de la commission est de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 50, Loi modifiant le Code civil.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dupuis (Saint-Laurent) est remplacé par M. Whissell (Argenteuil) et M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, bienvenue à tous les participants à cette commission. Cet avant-midi, nous allons tour à tour entendre les représentants de l'Union des municipalités du Québec, de l'Association de la construction du Québec, de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec et du Mouvement laïque québécois. Et, sans plus tarder, j'invite les représentants de l'Union des municipalités du Québec à bien vouloir prendre place.
Auditions (suite)
Alors, madame, monsieur, bienvenue à cette commission. M. Bernard Gagnon, je vois que vous êtes un familier de l'Assemblée nationale depuis quelque temps. Ça nous fait plaisir de vous voir régulièrement pour nous exprimer l'opinion de l'Union. Je vois que vous êtes accompagné par Me Diane Simard. Et je vous demande maintenant de nous faire part de vos commentaires sur le projet de loi n° 50, en vous indiquant, comme vous le savez sans doute, que vous avez une période de 15 minutes.
Union des municipalités du Québec (UMQ)
M. Gagnon (Bernard): Merci. Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je tiens à vous mentionner que je ne prendrai pas la totalité du temps qui m'est alloué comme tel. M. le ministre, MM. les députés, Mme la députée, ça me fait plaisir d'être présent ici aujourd'hui au nom de l'Union des municipalités du Québec, vous le savez, qui regroupe plus de 200 membres, 90 % des budgets municipaux, 80 % de la population du Québec.
D'entrée de jeu, deux articles d'un projet de loi, deux paragraphes, donc, et on a vu toute la puissance à l'intérieur de ces deux paragraphes-là, puisqu'on a été capables d'en rédiger 14 pages dans notre mémoire. Alors, je comprends que le mémoire a été déposé au niveau de la commission comme telle.
Globalement, l'Union des municipalités du Québec est d'accord avec les deux articles du projet de loi pour autant bien sûr ? et ce sont les quelques points sur lesquels je vais devoir insister ? qu'en principe l'encadrement légal présente une certaine flexibilité et reconnaisse la réalité municipale. À cet égard-là, bien sûr, je pense que le mémoire est assez explicite, il touche une série de points. J'aimerais tout simplement vous les rappeler globalement, acceptant bien sûr les questions par la suite.
Cette dévolution-là, cette nouvelle compétence est agréable au niveau du monde municipal, de l'Union des municipalités du Québec, en autant que les municipalités puissent y voir là une nouvelle compétence facultative et discrétionnaire d'application sur leur propre territoire.
À cet égard-là, aussi, on s'est permis de placer quelques commentaires au niveau de la souplesse que l'on voudrait voir retrouvée à l'intérieur de l'exercice de cette nouvelle compétence quant aux lieux et aux périodes permises pour la tenue des cérémonies, en principe donner le pouvoir réglementaire à la municipalité à ces égards-là.
Même commentaire au niveau des règles de décorum pour reconnaître la spécificité locale. Commentaire au niveau du tarif exigible comme tel. Globalement, on comprend que, dans la présentation, ce tarif, d'une façon réglementaire, sera décidé par le gouvernement par règlement.
Les commentaires qu'on voulait vous faire aujourd'hui dans le contexte où les municipalités sont déjà, depuis de nombreuses années, autorisées à tarifer l'ensemble des services sur leur territoire, il serait opportun, nous croyons, de maintenir cette règle ou cette dévolution-là au niveau de la tarification concernant, entre autres, l'ensemble des cérémonies qui entourent le mariage civil, l'ensemble des débours qui sont constatés par cette manifestation, et donc de reconnaître de plein droit également à la municipalité ce pouvoir réglementaire là d'en fixer les tarifs à tous les niveaux.
Aussi, commentaires au niveau des tarifs comme tels. Il y a une délégation qui se fait au niveau du maire, une délégation qui peut se faire sur désignation et de la municipalité et du ministre, au niveau des conseillers municipaux, et délégation au niveau des fonctionnaires municipaux. Il y aurait lieu de prévoir à l'intérieur du tarif ou, en tout cas, de permettre aux municipalités, lorsqu'elles adopteront leur règlement établissant le tarif, la possibilité d'une rémunération pour le fonctionnaire qui aura à remplir ces tâches-là sur demande. Il s'agit d'une tâche additionnelle, il s'agit d'une tâche pour laquelle bien sûr, maintenant, aucune rémunération n'est fixée et, à cet égard-là, il y aurait lieu, je crois, de prévoir la possibilité pour les municipalités d'inclure, à l'intérieur du tarif, une section «rémunération de l'officiant», l'officiant étant, dans ce cas-là, plus précisément le fonctionnaire.
Bien sûr, quant au maire et au conseiller municipal, le cas échéant, cette fonction ferait partie globalement de sa rémunération, telle qu'elle est déjà décidée en fonction de la loi, c'est ce que nous en avons compris, mais au niveau de la rémunération du fonctionnaire, il y aurait lieu de faire une distinction à cet égard-là.
Aussi, quant à la désignation du ministre devant accompagner le choix de la municipalité au niveau de l'autorisation d'officier, d'un conseiller ou d'un fonctionnaire, on s'est posé la question: Pourquoi obtenir une étape additionnelle, qui est la désignation du ministre, pour permettre à un conseiller municipal d'agir conformément, si la compétence est dévolue au niveau du maire, des conseillers municipaux et des fonctionnaires qu'il nomme? Cette compétence peut être exercée et, s'il y avait une délégation à faire, elle serait par résolution du conseil; donc, globalement, on pourrait en informer tous et chacun, les personnes qui auraient à connaître ces nominations-là comme telles.
Et finalement, nous donner la possibilité aussi, le cas échéant, de réglementer le mariage lui-même dans une de ces conditions de forme, il s'agit du domicile d'un des futurs époux, au moins sur le territoire de la municipalité. Sinon, on pourrait se retrouver dans une situation où, pour toutes sortes de raisons, on pourrait être un cadre, une municipalité, en particulier, plus particulièrement visée par de tels types de demandes, gonflant ainsi de façon importante ces fonctions-là au niveau de certaines municipalités. Donc, nous donner cette possibilité-là de rendre le service à partir du moment où, effectivement, un des deux conjoints, un des deux futurs époux a un domicile sur le territoire de la municipalité où il demande effectivement, là, la possibilité d'un mariage civil.
Alors, globalement, il s'agit des commentaires que l'on avait à faire relativement à ces deux articles comme tels. Le détail, bien sûr, se retrouve à l'intérieur du mémoire qui vous a été déposé, je pense, depuis quelques semaines maintenant. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Gagnon. M. le ministre.
M. Bégin: Merci, M. Gagnon, Mme Simard. Évidemment, c'est des questions très pragmatiques que vous soulevez, pratiques, qui vont un petit peu au-delà de ce que la loi vise à faire, puisqu'il s'agit, dans un premier temps, au niveau légal, de la législation, d'accorder le pouvoir de faire quelque chose; ensuite, c'est la gestion qui, elle, est beaucoup plus de nature réglementaire et qui aura à être rédigée, ce qui n'est pas chose faite au moment où on se parle.
Cependant, vous avez parlé du choix du ministre, et on voit, là, qu'il y a peut-être le joint entre les deux, la législation et l'autre. Initialement, le premier réflexe a été de dire «le maire et les conseillers» ou encore «le maire et certains officiers de la municipalité», par exemple, le greffier ou... Bon. Alors, plus on creusait la question, plus on se rendait compte qu'il pourrait y avoir des variations considérables d'une municipalité à l'autre, dans un premier temps, tout au moins, que la volonté de respecter un certain décorum, un certain standing... La célébration a quand même une solennité qui est importante de conserver. Il ne s'agit pas de dire que les gens vont faire n'importe quoi, mais il faut s'assurer que n'importe quoi ne se fera pas non plus.
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(9 h 50)
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Alors, c'est l'idée qu'au niveau de célébrants, pour que les municipalités comme, par exemple, les plus grosses en particulier... le maire de Montréal ne pourra pas célébrer tous les mariages, le samedi, que les gens de la ville de Montréal vont vouloir faire, ou l'union civile, parce qu'on va ajouter l'union civile. Vous comprenez bien que ça n'a aucun sens. Il faut donc étendre. À qui étend-on? Bon. On a pensé que les présidents d'arrondissements qui sont l'équivalent, si on regarde il y a un an, des maires de ces arrondissements-là, de ces municipalités-là... Bon, ça va. Mais après, là, qui ça va être? Alors, l'idée, pour donner ce caractère de solennité, de prestige, est de faire en sorte que la décision du Conseil de nommer, mettons, cinq personnes pour faire des mariages soit entérinée par le ministre. L'idée... Et peut-être que dans cinq ans ou dans 10 ans on dira que c'est complètement farfelu, inutile. Peut-être. Mais en commençant, afin de donner toute la dignité qu'il faut, je pense que c'est important qu'on le fasse. Et c'est pourquoi on l'a mis. Là-dedans, là, c'est une question d'évaluation, ce n'est pas une vérité absolue, c'est une opinion, on croit que c'est comme ça que ce serait préférable. Alors, c'est pour ça. Je réponds à votre question. Ordinairement, c'est l'inverse, mais, dans ce cas-ci, je pense que ça s'y prête bien, on n'est pas dans l'absolu d'avoir raison ou d'avoir tort.
Alors, vous demandez également ? et ça va dans le même ordre ? que les municipalités puissent fixer les tarifs. J'avoue que j'ai un peu peur, peur d'assister à une guerre des tarifs parce qu'on va avoir toutes les données nécessaires pour y arriver: grande ville versus petite ville, voisines l'une de l'autre, greffiers de la cour, les curés, les pasteurs. Ça fait beaucoup de monde en concurrence, et là j'ai peur de créer une espèce de concurrence pour dire: Bien, nous, ça coûte moins cher, on offre une salle plus grosse, on fait ci, on fait ça. C'est un peu comme votre volonté qu'une des parties soit de la municipalité, ça rejoint un peu ce concept-là. Je ne crois pas que ce soit sage d'entreprendre une guerre des tarifs pour attirer chez soi des gens. C'est peut-être faux, ce que je dis là ? je ne le crois pas ? mais ça peut être questionné. Mais c'est l'idée qui a prévalu d'avoir un tarif qui soit semblable.
Vous me posez la question qui est reliée à ça: Est-ce que le tarif sera suffisant? D'abord, qui empochera? Qui pourra payer ou devra payer l'officier qui est là? Parce que je suis d'accord avec vous que le maire qui officie, comme ça, bien, c'est un peu une partie de sa charge de maire comme telle. Ici, c'est moins connu mais, en France, c'est certainement l'aspect le plus connu du maire, qu'on a ici, de ce qu'est un maire en France. On les voit toujours au moment d'officier un mariage et ça semble être bien apprécié. Donc, je crois que ça fait partie du travail du maire, mais on ne peut pas dire autant d'un employé qui est obligé d'être présent le samedi, peut-être pendant plusieurs heures, je ne crois pas que ça fasse partie de sa description de tâche, au moins au moment où il a été engagé. Alors, il va falloir penser à quelque chose qui va le compenser pour ça. Est-ce que ce sera le produit du tarif? Premier réflexe, il me semble que oui, puisque, par hypothèse, si on ne veut pas avoir de guerre entre les différents intervenants, il est évident que c'est localement que les choses vont se passer et c'est là où les déboursés se feront. Donc, le tarif devrait, à mon point de vue, premier réflexe, servir à payer ça.
Alors, voilà ce que j'ai à vous dire sur votre intervention. Vous pourriez ne pas partager mon point de vue, puis je ne m'en ferais pas pour autant, mais je suis bien content d'entendre ce que vous avez à y dire pour voir si on doit changer notre réflexion.
M. Gagnon (Bernard): Oui. Écoutez, globalement, sans vouloir donner l'impression d'argumenter, ce n'est pas l'objet, mais tout simplement de bien expliquer une position comme telle. Avec respect, pour tout ce qui touche la question de la guerre des tarifs, je ne crois pas que le type de situation...
M. Bégin: Excusez, M. Gagnon, pourriez-vous parler un petit peu plus fort?
M. Gagnon (Bernard): Oui, oui, oui. Avec toute la question que vous soulignez de la guerre possible des tarifs, je ne croirais pas qu'on se retrouve dans une situation comme celle-là. Il faut bien comprendre que, depuis 1988, les municipalités sont autorisées à tarifer l'ensemble ou une partie importante des services qu'elles rendent déjà comme telles, et il y a eu une pratique tout à fait saine qui s'est établie au Québec dans un tel contexte, ce qui donnait toute la flexibilité nécessaire à l'ensemble des municipalités pour arriver à une tarification qui était à hauteur des services rendus, tarifer la personne qui bénéficiait des services comme tels, bien sûr, et le faisait sur la base du coût de la production effectivement de tels services. Et il y aura autant de situations différentes qu'il y a de municipalités, bien sûr, puisque aucune des municipalités ne se retrouve exactement dans la même situation quant aux endroits qui pourront être utilisés, quant aux coûts qui devront être facturés pour opérer le nettoyage régulièrement, etc. Il y aura une série de pondérations tout à fait différentes les unes des autres. Je pense que les municipalités sont tout à fait habituées. Elles ont été habilitées et sont tout à fait habituées, elles le font de façon tout à fait responsable, à pratiquer la tarification. Et on n'a pas assisté, à ma connaissance, à tout le moins, depuis le moment où on a spécifiquement cette possibilité-là, à des guerres effectivement auxquelles vous faites référence comme étant une crainte. Je pense que, au contraire, les municipalités vont se faire et se font toujours un devoir, en matière de tarification, de rapprocher le tarif du coût effectivement de production du service comme tel. C'est un réflexe municipal à cet égard-là et qui tient compte des spécificités locales. Et je me permets de vous le mentionner, tout simplement, parce que c'est une pratique qui est déjà très largement faite par les municipalités, sans qu'on se soit retrouvé dans une situation problématique.
Quant à la désignation, je me permets juste d'ajouter que les élus locaux, par définition, effectivement, sont des élus. Et, si on est pour leur confier des responsabilités parce qu'ils sont des élus comme tels, il m'apparaîtrait, dans les circonstances, superfétatoire d'avoir une désignation additionnelle du ministre si le maire et les élus locaux sont choisis parce qu'ils sont des élus. Il n'y a quand même pas beaucoup de personnes élues dans les municipalités et il y a des mécanismes qui peuvent être pratiqués par les municipalités pour informer les autorités compétentes, au niveau du gouvernement, de ceux qui ont cette possibilité-là d'officier comme telle, ceux à qui la délégation est faite, et ça pourrait se faire par communication, par résolution du conseil municipal. Et, si l'objectif était d'obtenir l'information, je pense qu'elle pourrait provenir directement des municipalités à cet égard-là sans nécessairement demander la désignation du ministre. C'est des commentaires additionnels à ceux que vous aviez déjà.
M. Bégin: Merci.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Simard. Bonjour, M. Gagnon. Bienvenue. Merci de venir nous rencontrer. Alors, globalement, vos commentaires portent sur les amendements qui sont apportés à l'article 366 du Code civil, modifications qui ont trait au lieu de la célébration et aux officiers compétents.
Un premier commentaire. Dans le texte tel que modifié, on prévoit donc: «les maires et, s'ils sont désignés par le ministre de la Justice et la municipalité, les autres membres des conseils municipaux ou des conseils d'arrondissement et les fonctionnaires municipaux». Le Barreau du Québec a fait un commentaire en ce qui a trait à la désignation des fonctionnaires municipaux, et j'aimerais avoir votre opinion sur celui-ci. Le Barreau demande: Ce ne sont pas tous les fonctionnaires municipaux qui devraient pouvoir être désignés, mais uniquement ceux qui occupent une fonction élevée dans la hiérarchie municipale, tels les secrétaires-trésoriers, les directeurs généraux et les greffiers. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous pensez que ce sont tous les fonctionnaires ou certains des fonctionnaires dont ceux qui occupent une fonction élevée dans la hiérarchie municipale?
M. Gagnon (Bernard): Alors, écoutez, pour répondre à cette question-là, je reprendrais un peu ce que M. le ministre a mentionné puis peut-être en ajoutant toute la question de l'autonomie d'une municipalité. Je pense que c'est important, cette nouvelle compétence, et il y a un décorum minimum qui doit se tenir. Alors ça, je suis tout à fait d'accord avec le ministre. Il y a une responsabilité, donc, je crois, de ceux à qui cette nouvelle compétence-là est dévolue de s'assurer qu'elle soit rendue de la meilleure façon possible, d'une façon exemplaire, d'une façon sereine aussi, et à cet égard-là je dois vous indiquer que l'ensemble des municipalités au Québec sont conscientes de ça et parfaitement capables de voir à déléguer les personnes requises pour l'exercice de ces responsabilités.
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(10 heures)
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Tantôt, dans certaines municipalités, ça pourrait être le greffier, dans d'autres ça pourrait être le trésorier. Il y a là, c'est certain... et dans d'autres cas, d'autres fonctionnaires. Il y a là une flexibilité qui se doit d'être accordée aux municipalités, sachant cependant que c'est une fonction de haut niveau que d'avoir à officier un mariage civil. Et, à cet égard-là, je suis persuadé que l'ensemble des municipalités du Québec verront le cas échéant à déléguer là des personnes qui sont parfaitement capables, par leur statut, par leur présence, par leur prestance, par leur sérieux, par leur sérénité à assumer la responsabilité de cette tâche.
L'important, c'est de bien faire comprendre que les municipalités sont des corps publics tout à fait responsables, capables d'assumer leurs responsabilités. Et, à ces égards-là, la discrétion devrait leur être laissée, non pas nécessairement tout à fait encadrée.
Mme Lamquin-Éthier: Soyez bien assuré que je comprends bien ce que vous me dites. Et je suis persuadée que les municipalités sont responsables et sont bien à même de s'acquitter, sauf que, vous le dites vous-même que le décorum exige que vous fassiez les choses d'une façon un petit peu différente, de sorte qu'a priori on peut penser sans porter de jugement sur la compétence évidemment des fonctionnaires municipaux que, vu le caractère, vu la célébration, vu le décorum, il y aurait peut-être lieu de songer à désigner plus spécifiquement des fonctionnaires qui occupent une fonction plus élevée dans la hiérarchie municipale. C'est un premier commentaire que je voulais vous soumettre.
Dans votre mémoire, à la page 13, d'abord à la page qui précède, vous prenez la peine de rapporter l'actuel tarif de 177 $, auquel sont ajoutés les frais de déplacement et de séjour que le célébrant peut réclamer de l'État pour la célébration du mariage. À la page 13, vous dites: «Il serait à contre-courant ? et je sais que l'échange précédent vous a permis d'en parler, mais je veux revenir ? qu'on confie aux municipalités le pouvoir de célébrer des mariages sans leur permettre de charger les véritables coûts de la célébration, comme elles peuvent le faire pour les autres services municipaux.» Et tout à l'heure, vous avez parlé de l'expérience des municipalités et vous avez même parlé des coûts entraînés par la production d'un tel service. En ce qui a trait à la célébration, est-ce que vous avez fait des estimés? Quels seraient les coûts?
M. Gagnon (Bernard): Écoutez, c'était assez difficile dans le délai d'avoir de ces estimés globalement. Mais on peut se rendre dompte rapidement que, d'une place à l'autre, d'une municipalité à l'autre, les conventions collectives ne sont pas nécessairement les mêmes. Certains font faire les travaux, par exemple, liés au nettoyage par des gens syndiqués, d'autres pas. Les conventions ne sont pas équivalentes d'une place à l'autre, les coûts ne sont pas nécessairement les mêmes non plus d'une place à l'autre. Alors, à ce seul niveau-là, on peut se rendre compte effectivement qu'il va y avoir des disparités. Ici, en principe, on établit un tarif comme tel, c'est clair qu'on va se retrouver dans une situation où on va, à certaines occasions, permettre de charger plus qu'il en coûte et, à d'autres occasions, moins qu'il en coûte.
Alors, à cet égard-là, j'aurais cru qu'il était plus pertinent d'obtenir une tarification qui se base sur les coûts, effectivement, qui sont encourus. Et c'est toute la question du tarif lui-même. Le tarif, finalement, c'est un coût de production dévolu au bénéficiaire d'un service. Alors, ce coût-là, par définition peut être identique d'une municipalité à une autre, mais, en principe, ne l'est certainement pas globalement, au niveau de l'ensemble du Québec. Et c'est dans ce contexte-là qu'on dit: Écoutez, il y a une nécessité de véritablement permettre l'exercice sain de la tarification à cet égard-là, sinon on se retrouverait dans des situations bonifiées sans raison pour certains et inférieures à la production du service dans d'autres, ce qui serait manifestement injuste. C'est un bien grand mot, mais c'est...
Mme Lamquin-Éthier: Vous savez, la personne actuellement qui désire se marier fait face à un coût qui est de 177 $, auquel peuvent s'ajouter des frais de déplacement et de séjour. Donc, c'est quand même, d'une certaine façon, limité. Je comprends bien ce que vous me dites. Si on se place du côté du citoyen, du payeur de taxes, c'est l'atteinte d'une escalade au niveau des coûts ou encore une trop grande disparité.
Est-ce que ça pourrait faire en sorte qu'un citoyen veuille aller se marier à l'extérieur de votre municipalité ou d'une municipalité et qu'il en vienne finalement à faire un magasinage?
M. Gagnon (Bernard): Bien, écoutez, encore là, il faudrait avoir des exemples. Moi, je n'en ai pas d'exemples d'exercice d'un pouvoir de tarification qui ait conduit à ce à quoi vous faites allusion, et pourtant ça fait plusieurs années que les municipalités pratiquent cette tarification-là. Donc, je peux difficilement dans les faits retenir la partie de l'argumentation que vous soumettez, d'autant plus que, aussi, je suis persuadé que les citoyens ne voudraient pas payer davantage que le coût de production du service, le cas échéant, si ça arrivait.
Alors, dans ce contexte-là aussi, il y a des situations différentes qu'il faut reconnaître. Je pense qu'il faut donner la possibilité d'établissement du tarif à sa juste valeur, dans un contexte où, depuis que les municipalités tarifent, il n'y a pas eu ces écarts-là majeurs constatés d'aucune façon.
Mme Lamquin-Éthier: Maintenant, est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir des règles, je ne sais pas si ça existe à l'heure actuelle, là, quant au lieu pour la célébration, pour avoir l'assurance je ne dirais pas d'une certaine uniformité, mais à tout le moins du respect du décorum, pour éviter, je ne sais pas, que de telles célébrations se tiennent dans des lieux qui ne seraient pas... Ça, c'est dans quoi... Excusez-moi.
M. Gagnon (Bernard): Oui.
M. Bégin: Pour l'information des membres de la commission, là, il y a des règles sur la célébration du mariage civil, c'est au Code civil et c'est un règlement qui a été pris en vertu de la loi. On me dit que c'est un arrêté ministériel qui date de 1994.
Mme Lamquin-Éthier: Ça, ça veut dire qu'il faudrait que ce soit modifié pour que ça puisse tenir compte...
M. Bégin: Dépendamment des choix qu'on fera.
Mme Lamquin-Éthier: O.K. Maintenant, pardonnez-moi, je ne sais pas si ça existe, si cet arrêté, ou ce règlement, ou ces règles devraient être modifiées. Selon vous, j'imagine qu'il va de soi que ce seraient des citoyens de la municipalité ou ce serait un des conjoints qui devrait être... Est-ce qu'il devrait y avoir une règle fixe partout quant au domicile des ou du, un des...
M. Gagnon (Bernard): En fait, ce sont des choix qui peuvent appartenir, ça, aux municipalités dans la réglementation. Mais permettre qu'on puisse avoir une réglementation qui établisse que, pour se marier civilement dans une municipalité, il faut qu'un des deux conjoints ait son domicile dans la municipalité, ce ne serait pas une obligation, mais ça pourrait être une possibilité offerte à la municipalité, lui permettant de gérer. Même chose pour les sites où les mariages civils peuvent être faits comme tels. On est conscient du fait qu'il y a des règles déjà existantes. Maintenant, on réclame, par le biais du mémoire qu'on dépose aujourd'hui, cette possibilité-là pour les municipalités de recourir à des sites qui sont différents d'une municipalité à l'autre, donc de nous permettre de réglementer à cet égard-là.
Les municipalités, comme vous le savez, ont toutes sortes d'endroits où, d'une façon tout à fait noble, ces manifestations-là peuvent se faire. Ce n'est pas nécessairement dans des endroits où les réunions du conseil municipal se tiennent. Ça peut être dans des salles communautaires, dans des centres culturels, des centres communautaires, des endroits qui s'y prêtent plus particulièrement aussi, donc de laisser cette discrétion-là aux municipalités tout en étant conscient, là, de...
Mme Lamquin-Éthier: Quant au choix de l'union.
M. Gagnon (Bernard): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: Je pense que... je vous remercie des réponses. Je n'ai pas d'autres questions, M. Bouchard.
Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la députée de Bourassa. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. le Président et Mme Simard. J'ai une question. Je veux vous poser une question qui n'est pas en rapport avec votre mémoire, mais plutôt en rapport avec un mémoire qui a été présenté hier et qui est celui de la Chambre des notaires. Et les notaires exposaient un souhait dans leur rapport en expliquant qu'ils étaient, par leur fonction même, des officiers de l'État chargés d'authentifier les actes civils, donc ils demandaient d'être, de faire partie de ces gens qui pourraient officier à l'occasion, officier un mariage. Donc, qu'est-ce que vous pensez de ça, de ce souhait-là exprimé par la Chambre des notaires?
M. Gagnon (Bernard): Écoutez, c'est à brûle-pourpoint, effectivement, les notaires sont des officiers publics, je pense, en vertu de la loi constitutive comme telle et ils sont certainement placés dans une situation où ils comprennent bien cette situation-là. Ils ont cependant des travaux à faire ou la possibilité de certains travaux au niveau des contrats de mariage. Et il peut y avoir là toutes sortes de situations conflictuelles qui peuvent ressortir d'une pratique qui ferait en sorte de reconnaître un officier instrumentant et un officier officiant, étant la même personne.
n(10 h 10)n Alors, je n'ai pas fait de réflexion à cet égard-là, mais ça pourrait représenter effectivement une source probablement potentiellement conflictuelle. Il faudrait voir comme tel, à cet égard-là. Mais, hormis cette question-là, je ne verrais pas de situation qui empêcherait ça, mais il faudrait pousser davantage à ce niveau-là, au niveau du rôle autant d'un officier instrumentant d'un acte notarié et d'un officier officiant une cérémonie civile de mariage.
M. Dion: O.K. Je vous remercie beaucoup. D'ailleurs, j'ai trouvé l'ensemble de votre représentation très éclairante.
Le Président (M. Lachance): J'indique que, du côté ministériel, il reste trois minutes.
M. Bégin: Parfait. Merci. Alors, je vais vous mettre trois éléments ensemble et j'aimerais ça voir votre réaction. Tout à l'heure, on parlait du tarif. Actuellement, dans la directive, il y a quatre projets-pilotes, c'est quatre endroits particuliers au Québec considérés comme étant, entre guillemets, prestigieux pour la tenue de célébrations de mariages, comme le Jardin botanique à Montréal, le Domaine Cataraqui ici, à Québec, il y a le Manoir Richelieu, il me manque le quatrième, parce qu'on est parti avec mon code, etc.
M. Gagnon (Bernard): ...
M. Bégin: Ha, ha, ha! Je ne pense pas, M. le maire. Premier élément donc, endroit magnifique.
Deuxième question, le choix des mariés. Quand on a des beaux endroits... à un endroit... Imaginons qu'à Saint-Basile ce soit un endroit extraordinaire, une hypothèse, et que les gens de tous les environs soient désireux d'aller à cet endroit magnifique, qui est dans Saint-Basile, pour se marier. Votre question de tout à l'heure, que les citoyens soient de la place, là, ça pose un problème, hein. On veut aller se marier pas nécessairement dans son patelin mais le patelin d'à côté, où il y a un endroit magnifique. Belle question. Nous avions ça ici, à Québec ? c'est un peu résolu par les fusions ? mais Cataraqui était dans Sillery, mais il y avait 13 municipalités autour qui pouvaient être intéressées à aller là. Si Sillery disait, dans son règlement, «seuls les citoyens de Sillery peuvent y aller», on a un problème.
Troisième élément, et celui-là, j'avoue que c'est discutant avec vous que ça m'est venu et je n'ai pas moi-même de réponse, puis c'est une question importante: Est-ce qu'un maire pourrait refuser... et prenons une municipalité où il n'y a que le maire, parce que la municipalité est relativement petite: Est-ce que le maire pourrait refuser de célébrer le mariage pour des considérations, mettons, adversaires politiques, chicane entre voisins... Et là, je le mets comme ça ? et ma collègue m'a précédé ? mais je voulais ajouter que si nous adoptons le projet de loi sur l'union civile et que nous permettons l'union civile, qui serait célébrée devant les mêmes célébrants, est-ce que, par exemple, le maire qui dirait: «Écoutez, moi, je suis contre ça», est-ce qu'il pourrait refuser de tenir le mariage? Alors, je vous mets trois éléments qui vont avoir une interrelation entre eux et j'aimerais bien ça avoir votre opinion là-dessus. Excusez...
Le quatrième endroit. Je vous demande, pour les fins... Jardin botanique... Ce n'est pas loin de chez vous, mais ce n'est pas là. C'est à l'hôtel de ville de Boucherville. M. Gagnon, c'est voisin de chez vous, c'est Boucherville.
M. Gagnon (Bernard): Oui, oui, les Îles-de-Boucherville.
M. Bégin: Parce que l'hôtel de ville de Boucherville a probablement un côté patrimonial extraordinaire, un parc, je ne sais pas trop quoi.
M. Gagnon (Bernard): Près du fleuve Saint-Laurent, probablement.
M. Bégin: Bon. Alors, ce n'est pas à Saint-Basile.
M. Gagnon (Bernard): Comme à Saint-Basile-le-Grand, à côté de la magnifique rivière Richelieu.
Le Président (M. Lachance): Je vous signale, messieurs, que le temps file rapidement et que...
M. Bégin: Est-ce qu'il en restait à l'opposition pour la réponse?
Le Président (M. Lachance): Oui, il restait trois minutes du côté de l'opposition.
M. Bégin: Est-ce qu'ils nous permettent de prendre la réponse sur votre temps?
Une voix: ...
Le Président (M. Lachance): Alors, M. Gagnon.
M. Gagnon (Bernard): Écoutez. Globalement, il y a tout un contexte, là, d'opposition possible. Il y a des gens qui peuvent s'opposer à un mariage parce qu'il y a des règles qui s'appliquent à cet égard-là comme tel, et je comprends la question qui est adressée relativement à un potentiel refus d'officier dans un tel cas. Mais, à partir du moment où les règles sont respectées, les formalités sont rendues, il n'y a pas eu d'opposition, il y a deux personnes qui se présentent pour être mariées, elles le choisissent en conformité du règlement de le faire dans une municipalité comme telle. Il n'y a aucune raison pour laquelle un officiant devrait avoir la possibilité de refuser, mais c'est quelque chose qui... Je pense que les règles entourant tout ça se doivent d'être respectées. Mais, une fois qu'elles auront été respectées, il y aura obligation de performer, de faire la cérémonie comme telle à cet égard-là.
Il faut bien voir aussi que c'est un choix qu'on laisse aux municipalités. Il y a des municipalités qui, d'emblée, même avec des sites importants, vont accepter de recevoir l'ensemble des demandes qu'elles peuvent avoir, mais c'est une possibilité. D'autres vont réglementer en disant: Non, moi, je vais le faire mais pour les gens chez nous, c'est un service de proximité. C'est ça qui est important de reconnaître aussi. On a vu et on le voit, nous, comme étant un service de proximité, les gens n'ont pas à faire 60, 70 km pour, ou des fois plus, pour aller au palais de justice, des endroits assez drab pour se marier aujourd'hui, donc de donner cette possibilité-là de maintenir sur une façon réglementaire le service de proximité nous apparaît être sain et aller dans le sens des propositions qui sont faites. Si on est pour accepter le fait que les mariages peuvent être concentrés à certains endroits touristiquement intéressants, si on permet ça, à ce moment-là, on va atteindre l'objectif contraire, on va là peut-être même augmenter les distances par choix, vous allez me dire, des personnes, mais on va augmenter les distances à parcourir pour aller se marier civilement.
Donc, globalement, à ces niveaux-là, c'est une discrétion qu'on demande au niveau des municipalités.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Évidemment, il y a une énumération à l'article... le maire, les autres membres des conseils ou des conseillers, les conseils d'arrondissement et les fonctionnaires... Est-ce qu'il y aurait un libre choix pour la personne? Et, deux, tout à l'heure, lorsque vous avez parlé des fonctionnaires, vous avez parlé évidemment d'une rémunération additionnelle parce qu'il ne s'agit pas pour eux d'une tâche, ça sort de leur tâche habituelle... Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur de ce que ça pourrait impliquer comme additionnelle, là?
M. Gagnon (Bernard): Il faudrait voir...
Mme Lamquin-Éthier: Juste à peu près, un ordre d'idées.
M. Gagnon (Bernard): En fait, ce qui se devra d'être considéré, c'est le temps requis pour faire le travail de préparation bien sûr, le temps requis pour officier aussi. Donc, on parle de ces deux questions-là, des déboursés aussi. Et cette rémunération-là devrait apparaître, à notre point de vue, à l'intérieur même du tarif qui pourrait être décidé. Je ne sais pas si, en termes d'estimé, Me Simard, on aurait des chiffres plus précis?
Mme Simard (Diane): Mme la députée, comme on le disait tout à l'heure, c'est tellement variable d'une municipalité à l'autre que c'est très difficile de nous avancer. Comme vous savez, les salaires varient énormément aussi dans les petites municipalités par rapport aux grandes, et je crois que, de toute façon, dans la loi, ce qui est prévu, c'est que le tarif doit être lié aux bénéfices reçus. Alors, lorsque la municipalité établit un tarif, la loi l'oblige à ce que ce tarif-là soit lié aux bénéfices reçus. Alors, effectivement, ce qui sera pris en compte, c'est les coûts réels de chacune des municipalités.
M. Gagnon (Bernard): Et à cet égard-là...
Mme Lamquin-Éthier: Parce que vous savez... Excusez-moi de vous interrompre, est-ce qu'on peut penser que certains sont plus rapides que d'autres? Vous savez...
M. Gagnon (Bernard): À cet égard-là, je pense qu'il y a un minimum de temps de travail qu'on peut plus facilement estimer comme tel.
Mme Lamquin-Éthier: Ça demande quoi en termes d'un minimum?
M. Gagnon (Bernard): On parlait de quelques heures avant la cérémonie et quelques heures pour la cérémonie, la préparation.
n(10 h 20)nMme Simard (Diane): En fait, Mme la députée, j'ai obtenu du palais de justice la série de formulaires que les officiants ont à remplir lorsqu'ils célèbrent un mariage. Donc, la question a été étudiée par l'UMQ, c'est certain, et on en est tous venus finalement à la conclusion que, bon, ça peut peut-être prendre deux heures et demie, en tout et pour tout, sauf que, pour chaque mariage, là, on parle bien... Parce qu'il faut comprendre que ces formulaires-là doivent être remplis soit par le secrétariat de la municipalité, il y a l'officiant également, là, qui joue un rôle, la réceptionniste, pour traiter l'envoi du courrier, donc il y a plusieurs personnes, là, qui interviennent à l'intérieur du processus, et donc le tarif inclura le temps, le temps qu'il faut, là. Et ça, quand je vous parle de deux heures et demie, là, on exclut même le temps de nettoyage de la salle, là. Parce que, bon, s'il y a un mariage qui a lieu dans la salle du conseil et qu'il y a une séance du conseil qui est tenue peu de temps après, bien, le nettoyage devra être fait et à ce moment-là le nettoyage est directement relié à la célébration du mariage, là, et c'est des coûts directs.
Mme Lamquin-Éthier: Quand vous dites, avec beaucoup d'intérêt, Mme Simard, qu'il y a plusieurs personnes qui peuvent intervenir dans la chaîne, là, bon, vous avez parlé de la secrétaire-réceptionniste, vous parlez du nettoyage, il y a le célébrant, est-ce qu'il y en aurait d'autres, là? Peut-être un traiteur ou je ne sais pas.
M. Gagnon (Bernard): Le fonctionnaire lui-même, l'officiant, dans le fond, sauf s'il est un élu.
Mme Lamquin-Éthier: Sauf s'il?
M. Gagnon (Bernard): S'il est un élu.
Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui, oui, O.K.
M. Gagnon (Bernard): Sauf si l'officiant est un élu.
Mme Lamquin-Éthier: Bien, ce sont là des informations extrêmement intéressantes, je vous en remercie.
Le Président (M. Lachance): Oui. Alors, merci, Me Simard et M. Gagnon, pour votre participation aux travaux de cette commission.
M. Gagnon (Bernard): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement les représentants de l'Association de la construction du Québec à prendre place à la table, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. J'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les deux personnes qui l'accompagnent. Et je vous indique que vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.
Association de la construction
du Québec (ACQ)
M. Demers (Théo): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs. Nous voulons remercier la commission de bien vouloir nous accorder la présente audience. L'ACQ est représentée ce matin par M. Claude Riendeau, qui a dû s'absenter momentanément ? j'espère qu'il va être de retour assez rapidement ? qui est vice-président ICI de l'ACQ; M. Pierre Hamel, qui est directeur des Affaires juridiques et gouvernementales; M. Dominic Robert, qui est avocat; moi-même, Théo Demers, qui est le président de l'Association de la construction. Avant de laisser la parole à M. Hamel, qui vous livrera l'essentiel de notre message aujourd'hui, j'aimerais présenter brièvement notre organisme à la commission.
L'Association de la construction du Québec représente plus de 11 000 entreprises dans les secteurs institutionnel, commercial et industriel, lesquelles effectuent 80 % des heures travaillées dans l'industrie. De plus, par sa filiale Qualité Habitation, elle représente plus de 1 000 entreprises du secteur résidentiel.
Sans plus tarder, je laisse la parole à M. Pierre Hamel.
M. Hamel (Pierre): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, on vous remercie encore une fois de l'opportunité que vous nous donnez ce matin de nous faire entendre. Notre intervention va porter uniquement, enfin comme le fait le mémoire, là, sur les modifications apportées aux articles 2667 et 2762 du Code civil du Québec. On s'adresse à une situation bien particulière et à une situation extrêmement pragmatique, c'est-à-dire l'incidence des frais judiciaires, des frais extrajudiciaires sur le recours de l'hypothèque légale que possède l'entrepreneur en construction. L'entrepreneur en construction n'est pas un banquier. L'entrepreneur en construction n'est pas un prêteur, n'est pas un prêteur hypothécaire. Son travail consiste à construire un immeuble. Pour ce faire, il doit se faire dans un cadre contractuel généralement complexe, et on parle ici surtout du secteur commercial, institutionnel et industriel.
Donc, il y a des montants extrêmement importants en jeu et également il y a des clauses contractuelles qui sont nécessaires pour l'exécution des travaux, faisant en sorte que l'entrepreneur général et l'entrepreneur spécialisé se voient, dans le cadre de l'exécution de leurs travaux, obligés de payer des sous-traitants, de payer de la main-d'oeuvre et de payer des matériaux, et par la suite d'être payés soit par le propriétaire ou l'entrepreneur général. Donc, ils sont dans l'obligation de supporter des argents alors que ce n'est pas leur commerce que de faire de tels prêts, ou de telles avances, ou de tels financements comme tels. Donc, l'hypothèque légale n'a de l'hypothèque que la façon de réaliser la garantie, hein. Il faut bien comprendre, c'est l'ancien privilège, ce n'est pas une hypothèque et ça a été regroupé en 1994, lors du nouveau Code civil, dans la notion d'hypothèque, parce que ça s'attaque à un immeuble et que, pour réaliser sa garantie, on peut bénéficier de l'une des quatre façons, des quatre recours hypothécaires qui sont disponibles comme tels.
Cependant, pour faire réaliser une telle garantie qui est reliée au travail qui a été exécuté, il faut procéder par un recours hypothécaire pour tout simplement être payé des travaux exécutés. Ça apparaît simple comme ça, sauf que, au fil des années, les défenses qui sont opposées aux entreprises de construction soit par les propriétaires face aux entrepreneurs généraux, soit par les entrepreneurs généraux face aux entrepreneurs spécialisés, sont de plus en plus raffinées, de plus en plus complexes. Et les projets eux-mêmes sont aussi de plus en plus complexes, faisant en sorte que, pour être payé pour les travaux qu'on a exécutés, on doit de plus en plus s'adjoindre non pas seulement des procureurs spécialisés, mais également des experts, des ingénieurs, des architectes qui devront déterminer certains aspects qui sont nécessaires, dont la preuve est nécessaire pour être payé.
À la page 4 de notre mémoire, on vous donne un exemple du type de fardeau de preuve que doit faire face un entrepreneur tout simplement pour être payé des travaux qu'il a réalisés. On dit, et là on cite carrément le juge, le juge Wells, qui dit: «Plusieurs questions sont débattues devant le tribunal dans le cas de ce litige: 1) Lemay & Beloin ? on parle de l'entreprise ? se sont-ils acquittés de leurs obligations contractuelles à l'égard des délais d'exécution?» Or, les délais d'exécution, il y a une preuve particulière pour procéder à ça. Dans la négative, ces retards ont-ils causé des dommages à l'intimée? Les extras réclamés par Lemay & Beloin ont-ils été autorisés par l'intimée? Ces extras étaient-ils justifiés? L'intimée a-t-elle dû reprendre des déficiences dans les travaux de Lemay Beloin? Dans l'affirmative, à combien s'évalue le montant de ces travaux? L'avis d'hypothèque légale a-t-il été enregistré dans les délais de 30 jours de la fin des travaux? Et finalement, à combien Lemay et Beloin ont-ils droit à titre de frais engagés, le cas échéant? Alors donc, il faut faire une preuve au niveau du respect des délais, il faut faire une preuve au niveau de la créance elle-même, et ça, il faut faire une preuve sur la valeur des montants réclamés, la valeur des montants exécutés, les dommages qui peuvent avoir été effectués au cocontractant, les déductions qui en sont faites, et ça, ça appelle malheureusement des frais extrêmement importants pour les entreprises, pour faire valoir leurs droits qui, au niveau contractuel, sont clairs.
Donc, en 1994, il y a eu un premier pas important qui a été fait par le législateur en disant: Maintenant, l'hypothèque légale, le privilège va passer avant l'hypothèque conventionnelle de la banque. Ça a été reconnu en 1994. Là, il y a eu une modification importante à ce niveau-là. Maintenant, 1994 est encore excellent, est encore mieux parce que la jurisprudence s'est développée en disant: Tel que rédigé, ça permet de réclamer évidemment votre créance et les frais engagés qui sont soit des frais d'expertise particulière ou soit des frais d'avocat qui sont nécessairement importants de par la nature de la preuve, de par la longueur des enquêtes devant les tribunaux et de par l'ensemble des gens qu'on doit engager pour être en mesure, tout simplement, de se faire payer.
n(10 h 30)n Et là, donc, ces montants-là... Et on sait très bien, dans la pratique ? et là on va parler de façon pragmatique de l'incidence économique que peuvent avoir les dispositions du Code civil ? lorsque vous êtes dans une situation où vous voulez être payé et que dans le délai spécifique au contrat... Et on parle de projets de plusieurs milliers, de plusieurs dizaines de milliers, de plusieurs millions et de plusieurs dizaines de millions. À l'Alcan, le projet dépassait les 2 milliards. La Société immobilière du Québec fait des travaux de plus de 200 millions au Palais des congrès de Montréal. Les travaux du ministère des Transports sont souvent de plusieurs millions. Donc, quand on parle d'argent, on parle d'argent et on parle d'enquêtes et de recours qui sont susceptibles de mettre en péril même l'existence de l'entreprise de construction, et souvent le délai pour payer constitue une espèce de jeu ou de négociation pour faire faiblir le cocontractant qui n'a pas les moyens de financer les montants qui lui sont réclamés. Donc, on n'est pas des financiers. Les entreprises en construction ne sont pas là pour prêter de l'argent ou pour financer des projets même si, de par la nature des contrats, ils sont appelés à le faire lorsqu'ils n'ont pas leur paiement en temps.
En permettant d'inclure l'ensemble des frais qui sont nécessaires pour faire valoir les droits d'un entrepreneur soit face à un propriétaire ou soit face à un entrepreneur général, on évite ce marchandage ou cette façon de procéder en disant: Si tu t'en vas en cour, ça va te coûter des frais épouvantables, on va te faire un procès, et là, à ce niveau-là, tu vas manger tes bas. Essentiellement, lorsqu'un entrepreneur regardait la possibilité de poursuivre en cour un débiteur, il devait déterminer: Bon, il faut que je m'engage un expert, il faut que je m'engage un avocat, il va me rester combien? Je laisse tomber, les frais sont trop importants. Maintenant, avec le courant jurisprudentiel qui s'est développé, il nous est permis d'espérer d'avoir notre argent en bout de piste, d'être payés pour nos travaux pour la valeur qu'on a payée. Si on paie notre main-d'oeuvre à 100 %, si on paie nos matériaux à 100 %, mais que, nous, on ne reçoit que ces montants-là déduction faite de nos avocats et de nos experts, il y a quand même une injustice qui se crée au niveau économique.
Les tribunaux, avec l'ouverture qu'ils ont faite, nous permettent maintenant de pallier à cette injustice-là et nous permettent de recevoir l'argent qui a déjà été versé et qui est le montant réellement gagné, réellement dû. On est d'accord avec tout le monde que les frais des procureurs peuvent varier d'un procureur à l'autre, etc., mais la jurisprudence qui s'est développée permet de déterminer des frais raisonnables. Donc, ce n'est pas tous les frais, ce n'est pas n'importe quelle facture d'avocat qui va être acceptée, c'est des frais raisonnables. Le tribunal peut vérifier ces frais-là et il peut considérer s'ils ont été engagés dans le cadre de l'exercice du recours hypothécaire.
Alors, c'est pour ça, Mmes, MM. de la commission, qu'on vous a présenté un mémoire, afin de vous dire: Écoutez, il y a eu certaines injustices par le passé. Pendant 100 ans, on a passé après les banques. Maintenant, non seulement ça a été rétabli, mais ça a été rétabli pour donner une vraie valeur économique et réelle, et l'objectif de l'hypothèque légale peut être atteint de par la façon dont les tribunaux ont développé son interprétation, l'interprétation de la législation pertinente, et ça nous permet d'avoir une pleine mesure de l'intérêt économique qui est en jeu. Alors, on vous dit: Si vous modifiez ces articles-là sans tenir compte du fait qu'il y a des hypothèques conventionnelles et qu'il y a des hypothèques légales et sans tenir compte du fait qu'il y a des hypothèques légales de constructeurs, parce qu'on parle seulement au nom de l'hypothèque légale du constructeur, bien vous aller jeter le bébé avec l'eau du bain. Soyez prudents, parce que, si vous faites ces modifications-là, vous portez un très dur coup à l'hypothèque légale, et à l'utilisation qu'on peut en faire, et à sa portée véridique. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. M. le ministre.
M. Bégin: Merci, messieurs. Vous êtes le troisième groupe, je pense, au moins qui a traité de cette question sinon plus. Je dirais, il y en a eu plus, parce que le Barreau et la Chambre des notaires en ont parlé, je dirais, plus de façon générale, mais des associations de constructeurs, les banquiers en ont parlé de manière beaucoup plus précise, comme vous venez de le faire, parce que c'est directement eux qui sont touchés, les créanciers. Les avocats les défendent, les notaires les regardent, mais vous êtes directement impliqués.
Ce qui s'est dégagé de nos échanges jusqu'à ce moment-ci, c'est que tout le système judiciaire est basé sur le fait que normalement chaque partie paie ses frais, et il y a des déboursés qui sont prévus par un tarif judiciaire. Et c'est là, si jamais on est condamné aux dépens, ce que doit payer le défendeur qui a perdu sa cause comme telle ou le gagnant qui a perdu et qui doit payer pour.
Je mentionnais hier qu'il y avait, à ma connaissance, jusqu'à ce jour une seule exception à cette règle, c'est celle de l'expropriation où une personne a droit, devant le tribunal d'expropriation, non seulement à ce que la valeur déterminée pour sa propriété lui soit payée à 100 %, mais en plus le tribunal condamne l'expropriant à payer les frais légaux ? et je dis bien, là, les frais légaux entiers, complets du procès ? plus les frais d'experts, généralement un expert en évaluation qui vient contredire l'évaluation faite par l'expropriant.
Par ailleurs, il y avait, dans le journal de cette semaine, un petit article dans Le Journal de Québec: Le petit guide juridique, réclamation des frais d'avocat. Je vous lis ça très rapidement, ça prend deux secondes. Le lead, c'est: «On hésite souvent à entamer des procédures judiciaires en raison des frais d'avocat parfois élevés qui peuvent en découler. Cette hésitation est sûrement due en grande partie à la règle voulant que chaque partie, même celle qui gagne sa cause, doive supporter ses propres frais d'avocat. Heureusement, cette règle a ses exceptions.» Et les exceptions dont on parle, c'est l'abus de droit, le plaideur téméraire et conduite malicieuse, donc des cas exceptionnels où le tribunal sanctionne un comportement et non pas appliquer une règle générale.
Vous nous dites ? et je pense que c'est vrai également ? que la loi n'était pas celle qu'elle est aujourd'hui avant 1994 et l'interprétation donnée par les tribunaux n'était pas la même que celle qui s'est développée depuis 1994. J'ai également mentionné hier que, d'après le législateur, ce qu'il voulait être fait en 1994, ce n'était pas de changer l'état du droit, mais c'était de corriger une expression malheureuse ou fautive dans son expression française. Et on a voulu avoir une expression plus appropriée, et les tribunaux ont eu à l'interpréter, et certains tribunaux ont dit que c'était un changement de volonté, d'autres ont dit le contraire. Plusieurs ont dit que ce n'était certainement pas une volonté de changer l'état du droit. Alors, devant ça, on est vraiment un peu perplexe, puisque, dans tout notre système judiciaire, ce que vous demandez n'existe pas et que toute personne qui réclame son bien, son dû doit assumer les frais et dans toutes les circonstances.
Puis, si on compare vos deux situations, le banquier au constructeur, vous êtes deux créanciers, mais vous n'êtes pas dans la même situation. Dans votre cas, vous me dites: Nous avons à rencontrer certaines difficultés. Et j'oublie celles qui pourraient être considérées comme étant malicieuses, là, pour vous forcer la main, mais certaines situations où on peut plaider contre vous certains arguments. Mais le banquier comme tel n'a pas ces arguments-là contre lui, il a: Tu n'as pas payé la créance, donc tu me dois l'argent. Pourtant, il réclame la même chose que vous.
n(10 h 40)n Le fait que vous ayez des problèmes jusqu'à aujourd'hui... Je n'ai jamais été un spécialiste de ces questions-là, mais j'étais toujours en marge. Celui qui avait un privilège, constructeur, fournisseur de matériaux, sous-traitant, ouvrier, avec toutes les difficultés qu'il y avait pour savoir si certains étaient automatiques, d'autres devaient être enregistrés avec une lettre préalable, etc., bon, toutes ces complications-là, ça existait, et j'ai eu à regarder à quelques reprises comme beaucoup d'avocats ? et je pense que la chicane n'est pas encore finie ? que veut dire le mot «fin des travaux», hein? Vous le savez, ça, parce que, tant que la fin des travaux n'est pas arrivée, on ne peut pas enregistrer son privilège, on ne peut pas, maintenant, faire son hypothèque légale. Et vous ne le mentionnez pas dans la liste longue de vos arguments, sauf qu'au point 7 on dit: «L'avis d'hypothèque légale a-t-il été enregistré dans les 30 jours de la fin des travaux?» C'est là le nid à chicanes depuis à peu près 50 ans minimalement, et jamais personne n'a trouvé la façon de le régler une fois pour toutes.
Alors, ces débats-là sont un peu, je dirais, inhérents à votre situation. Vous ne la choisissez pas, mais c'est un peu inhérent. Comme le banquier est un peu inhérent, mais dans une situation beaucoup plus intéressante. Alors, j'aimerais vraiment comprendre que, au-delà de ce qui s'est créé par les décisions récentes des tribunaux... pourquoi il faudrait déroger à ce qui existe pour toutes les autres réclamations dans notre système de droit comme tel, parce que, comme ministre de la Justice, là, je n'ai pas eu encore le mandat de changer tout notre système. Alors, je me demande pourquoi on devrait y déroger.
M. Hamel (Pierre): Alors, d'abord, effectivement, l'hypothèque légale est effectivement un privilège, et il ne s'agit pas d'une créance, je dirais, habituelle ou semblable aux autres types de créances. Et c'est ce qui a appelé le législateur depuis le jour un... Et c'est ce qui a appelé, que ce soit en «common law» ou que ce soit aux États-Unis, de toujours créer des règles particulières, extrêmement importantes à l'égard de ce type de créance là justement à cause du contexte dans lequel elle est contractée, cette créance-là. Alors, premier élément de réponse à votre interrogation, M. le ministre, qui est tout à fait légitime par ailleurs, c'est que ce n'est pas une créance semblable à toutes les autres créances. Oui, c'est des produits et services, mais ils ne sont pas contractés dans un même contexte que bien d'autres produits et services comme tels.
Deuxième élément, c'est que la créance économique ? comment je dirais donc? ? la règle de droit ou le système est au service du créancier et en ce sens que, en 1867, la créance de l'entrepreneur général et de l'ouvrier était bien différente qu'elle ne l'est en l'an 2002.
M. Bégin: Est-ce que je me trompe, que c'est vers les années 1920 que le privilège est apparu? Il n'existait pas en 1867.
M. Hamel (Pierre): C'est possible. C'est possible, je ne peux pas vous mettre en doute là-dessus ni vous confirmer, malheureusement.
M. Bégin: Non, non, je ne suis pas sûr. Il me semble que c'est un vieux souvenir, là.
M. Hamel (Pierre): Mais la fin des travaux, on a de la jurisprudence depuis l'existence... Et, on peut dire que la règle est bien simple, c'est un cas d'espèce dans chacun des cas essentiellement. Mais la Cour d'appel s'est penchée à plusieurs reprises. Enfin, on a une jurisprudence qui commence à être solide au niveau de la nature des différents éléments, mais les éléments demeurent et se multiplient et les façons de contester une action se multiplient, faisant en sorte qu'on est obligé, pour dire que l'outil que le législateur a considéré important d'inclure pour en faire une créance exceptionnelle... Cet outil-là, là, pour qu'il soit viable, pour qu'il atteigne les objectifs pour lequel il a été créé, nécessite maintenant encore plus de muscle.
Et, quand vous dites qu'il n'existe pas, il existe. On ne vous demande pas de faire une modification législative, M. le ministre, on vous demande de ne pas faire de modification législative parce que l'état du droit s'est développé dans ce contexte-là. Alors, il existe. On parle d'accessibilité à la justice, on parle d'une série d'éléments et on parle d'une créance exceptionnelle qui est créée par le législateur pour s'adresser à une situation exceptionnelle. C'est de cette façon-là, M. le ministre, que je peux répondre à votre question.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous êtes donc en désaccord avec les modifications qui sont proposées pour les articles 10 et 11 du projet de loi, et ce que vous venez nous dire finalement, c'est que ces modifications-là vont mettre en péril les recours que vous avez en vous retirant l'utilisation à des moyens essentiels pour exercer vos recours si je comprends bien.
M. Hamel (Pierre): Bien, c'est-à-dire qu'à des fins économiques... Ça a des incidences économiques, et ces incidences économiques dans un secteur qu'est l'industrie de la construction, qui est un levier économique, on vous dit: Maintenant, on n'est plus face à un chantage à l'égard de l'exercice d'un recours judiciaire parce que le législateur, en 1994, a ouvert la porte et que les tribunaux sont eux-mêmes ? comment je dirais? ? les chiens de garde du caractère raisonnable de ces frais-là, faisant en sorte que le système assume ces éléments-là. Et, si on les enlève, bien là on recule, on devient encore dans une position névralgique où il va avoir du marchandage puis du négociage qui ne devrait pas avoir lieu, parce que, lorsque les travaux sont exécutés, il sont exécutés. C'est un peu ça.
Alors, ce que je dis: Oui, les banquiers ont une position, oui, il y a un type de créance, mais nous, on a un autre type de créance. Puis, on n'est pas une hypothèque conventionnelle, on ne peut pas pallier au Code civil de façon conventionnelle. Les banquiers peuvent le faire, pas nous. C'est une hypothèque légale, elle naît de plein droit, on n'a pas besoin d'être enregistré initialement, et on veut la conserver. On veut en conserver la portée, la pertinence et l'efficacité de ce pourquoi elle a été créée. Essentiellement, c'est ça.
Alors, il y a peut-être des modifications à faire aux articles 10 et 11. Prenez en considération l'importance qu'a cet instrument-là et pourquoi il a été créé, et pourquoi il est créé dans toutes les législations en Amérique du Nord. Je ne parlerai pas des autres, je ne les connais pas, mais souvent il y a des traitements de faveur bien plus importants que le paiement des frais judiciaires qui sont apportés au paiement des travaux d'un contrat de construction, que ce soit dans des États limitrophes au Canada ou peut-être même dans les provinces canadiennes, et c'est normal. Vous avez quelqu'un qui va créer un immeuble pour un tiers propriétaire qui pourra l'utiliser, qui, à toutes fins pratiques, va être utile à quelqu'un, sauf qu'il va peut-être avoir des difficultés de paiement, il va peut-être avoir des faillites, il va peut-être... Mais, chose certaine, il y a un ouvrier qui a travaillé, il y a un entrepreneur qui a pris un risque pour le construire, et, même si lui fait faillite et si toutes les entreprises font faillite, il y a quelqu'un qui va l'occuper puis qui va en bénéficier de cet immeuble-là. Et, c'est ça, c'est cette injustice-là qu'on veut éviter par l'hypothèque légale. Et ce que je vous dis: Permettez-nous au moins d'avoir la possibilité de l'exercer et de ne pas avoir du chantage parce qu'il y a trop de frais d'expert, d'architecte, d'ingénieur et d'avocat pour exercer un recours aussi important.
Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup. Je sais que vous avez pris la peine de dire que vous avez examiné les articles 10 et 11, mais est-ce que l'occasion s'est présentée pour vous de regarder l'article 8, la garantie contre les vices cachés?
M. Hamel (Pierre): Oui. Oui, on l'a regardé. On l'a regardé. Écoutez, c'est une question délicate. J'écoutais par Internet, hier, rapidement ce que disait l'Association des consommateurs, bon, ils parlaient de 30 ans. Écoutez, essentiellement, si je me rappelle bien, il y a deux problèmes là-dedans. Moi, je vous dirais que, pour l'Association de la construction du Québec, on est favorable à cinq ans. Ça permet une... Ça favorise les relations contractuelles ou, je dirais, ça favorise les transactions commerciales, hein? Et, à ce niveau-là, il y a une certaine sécurité. Cette sécurité-là est valable pour le consommateur, est valable pour l'entrepreneur. Est-ce que c'est cinq ans, sept ans, 10 ans? Je sais que 30 ans, c'est... Il n'y a plus rien à 30 ans, là, actuellement. On ne vit plus... On n'est plus au mode 30 ans. On a fait des choix, et ça, c'est exclu comme tel. Est-ce que cinq ans est un bon élément? Ce qu'on peut dire, c'est que le véritable test là-dedans, c'est vraiment... c'est dans un délai raisonnable de la connaissance du vice. Ça, ça doit demeurer, ce qui est considéré comme... un an et demi, à propos, par les tribunaux, je pense, environ un an, un an et demi, la connaissance du vice, mais cinq ans, sept ans, 10 ans...
n(10 h 50)n Écoutez, il y a des avantages puis il y a des inconvénients. Les avantages, c'est la sécurité au niveau du commerce. L'inconvénient, c'est que l'acheteur va avoir moins de vendeurs pour pouvoir payer les frais qui vont être réclamés, parce que, généralement, dans la cascade des litiges, ce qui arrive, c'est qu'on va poursuivre le premier vendeur, le premier vendeur va poursuivre de façon subséquente les vendeurs, ils vont se retrouver à quatre ou cinq avocats devant les tribunaux, et le juge va dire: Écoutez, prenez donc 30 minutes, allez donc vous parler dans le corridor. Et les gens vont se dire: Bien, moi, ça va me coûter 5000 $ d'avocat pour ce procès-là, je vais le mettre pour un règlement. Et, de 5000 en 5000, on va avoir un montant qui va permettre de couvrir la réclamation de l'acheteur principal. Alors, il y a plus de débiteurs possibles pour l'acheteur principal pour régler son litige.
Mais, par ailleurs, ça a plus ou moins d'intérêt après 10 ans, 15 ans, 20 ans. On est d'accord que ça vient vraiment importuner des gens qui sont de bonne foi, des vendeurs qui sont de bonne foi, qui, eux, ont fait d'autres transactions commerciales ou qui ont racheté d'autres immeubles et qui se retrouvent après 15 ans dans la situation où là, justement, ils devraient être en paix et ils reçoivent une réclamation qui arrive de nulle part parce qu'il y a un vice qui s'est développé pendant 25 ou 30 ans. Alors, effectivement, je pense qu'il doit avoir un délai raisonnable et je ne pense pas qu'il doit être 30 ans, il doit être plus près du cinq ans qui est proposé par le projet de loi actuellement.
Mme Lamquin-Éthier: Donc, vous êtes favorables à cette modification.
M. Hamel (Pierre): Oui. Oui, on est favorable, oui.
Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup.
M. Hamel (Pierre): Merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, MM. de l'Association de la construction du Québec... Oui, M. le ministre.
M. Bégin: Juste une question qui est vraiment en dehors de nos débats, mais vous avez dit avez dit quelque chose qui m'a....
M. Hamel (Pierre): Internet.
M. Bégin: Oui. C'est que vous avez écouté par Internet.
M. Hamel (Pierre): C'est vrai, oui.
M. Bégin: Vous êtes la première personne qui me dit qu'elle a écouté une commission parlementaire par Internet. Est-ce que ça fonctionne bien ou...
M. Hamel (Pierre): Tout à fait. Que ça soit en audio ou en vidéo, ça fonctionne parfaitement bien, et c'est un service très apprécié. Je peux vous dire ça.
M. Bégin: Eh bien, merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. de l'Association de la construction du Québec, pour votre présence ici ce matin.
Nous allons suspendre durant quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 53)
(Reprise à 10 h 59)
Le Président (M. Boulianne): Alors, s'il vous plaît. S'il vous plaît. La commission, donc, des institutions reprend ses travaux. Alors, la commission souhaite bienvenue à l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. Alors, bienvenue à la commission. J'aimerais que le responsable nous présente son équipe.
Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. (APCHQ)
M. Rousseau (Omer B.): Oui. M. le Président...
Le Président (M. Boulianne): Monsieur Rousseau.
M. Rousseau (Omer B.): ... ? bonjour ? et membres de cette Assemblée, mon nom est Omer Rousseau, je suis vice-président exécutif de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, et mes confrères, évidemment, qui sont avec moi sont Me Crochetière, et je m'excuse pour Mme Martine Brodeur que... mais qui est complètement à ma droite.
n(11 heures)n Alors, tout simplement dire un petit mot sur l'organisation. Je pense qu'elle n'a pas besoin d'une présentation, dans le fond, à tous azimuts. Je voudrais simplement vous faire remarquer que c'est un organisme qui existe depuis 40 ans, qui représente, pour l'essentiel évidemment, simplement et uniquement des entrepreneurs qui oeuvrent dans le secteur résidentiel et aussi commercial, mais on transige chez nous, c'est-à-dire avec au-delà de 11 000 entreprises de construction, ce qui est évidemment à peu près 40 à 50 % de toutes les entreprises qui ont une licence au Québec.
Par ailleurs, avec le programme de garantie des maisons neuves de l'APCHQ qui répond à des critères, c'est-à-dire, dans le fond, de réglementation gouvernementale, nous occupons 80 % de tout le marché de l'habitation au Québec. Et, en plus évidemment, pour terminer, c'est que nous sommes la seule organisation qui avons la responsabilité, en vertu de la loi des relations de travail, pour négocier la convention collective qui est propre au secteur résidentiel.
Alors, sur ce, je vais demander aux experts évidemment de se faire valoir.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. Rousseau. Alors, vous avez donc encore... en tout, on a 15 minutes. Alors, allez-y, Mme Brodeur. C'est ça?
Mme Brodeur (Martine): Oui. Bonjour. D'abord, je tiens à vous souligner ? vous l'avez sûrement remarqué dans le mémoire ? que, compte tenu du rôle de l'Association, on s'est prononcé uniquement sur l'article 17, les modifications apportées à 1726 qui traite du vice caché.
Présentement, vous le savez, le Code prévoit un délai, accorde en fait un délai de trois ans à l'acheteur pour poursuivre le vendeur dans le cas d'un vice caché. Par contre, le Code ne prévoit pas de délai pour la manifestation du vice caché, et la modification vient régler ce problème-là en prévoyant une limite de manifestation du vice caché, un délai de cinq ans. Comme conséquence, en fait, c'est une responsabilité, ça représente une responsabilité illimitée pour le vendeur d'une maison ou d'une propriété.
D'une façon générale, ce qu'on vous expose, c'est que ça amène, cette situation-là, des recours en chaîne. L'acheteur poursuit son vendeur, qui poursuit à son tour son vendeur, et on se retrouve ? et la jurisprudence est à cet effet-là... il y a des recours pour vices cachés après 15 ans, 20 ans, 25 ans, 30 ans même, où on poursuit des recours à la chaîne comme ça, où il y a plusieurs intervenants, tous représentés par avocats souvent, et également représentés par experts, ce qui a pour conséquence d'avoir des procès qui sont longs et qui sont coûteux et qui ne sont pas souhaitables.
Pour les entrepreneurs, ce qu'on vous expose, c'est que cette situation-là, où on a une responsabilité illimitée pour le vendeur, fait en sorte que les entrepreneurs ne veulent pas capitaliser dans leur entreprise. Ça amène... Ce qu'on vous dit aussi, c'est que ça amène probablement le travail au noir aussi, et que ça encourage, d'une certaine façon... ça a créé un système parallèle qui est le gestionnaire de projets. Pour le gestionnaire de projets, pas besoin d'avoir de licence, pas besoin d'offrir de garantie obligatoire aux consommateurs, et il évite toutes ces responsabilités-là qui sont le vice caché et vice majeur.
Finalement, ce qu'on vous dit, c'est que, en voulant protéger le consommateur, on crée un autre système qui fait en sorte que les consommateurs optent pour le gestionnaire de projets, et, en fait, n'ont plus aucune garantie.
Dans le Code civil présentement, le fait de limiter le délai de manifestation d'un vice ou d'un problème, c'est déjà présent au niveau de l'article 2118 qui touche le vice majeur. Également dans le règlement sur le plan de garantie, vous avez également des limites qui sont prévues pour les vices cachés et vices majeurs. Alors, ce qu'on vous dit, c'est que l'Association est en faveur qu'il y ait une limitation dans le temps pour les manifestations des vices cachés, ce qui serait quelque chose de positif pour l'industrie de la construction, et également, au bout de la ligne, pour les consommateurs.
Alors, je ne sais pas si Me Crochetière, vous aviez d'autres choses à ajouter.
M. Crochetière (Serge): Ça va.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Brodeur. M. Crochetière, est-ce que vous voulez ajouter?
M. Crochetière (Serge): Non, non, ça va. Tantôt, s'il y a des questions plus particulières, peut-être que j'interviendrai. Mais ce que Me Brodeur vous a dit correspond substantiellement à ce qu'il y a dans le mémoire.
Le Président (M. Boulianne): Alors, ça complète donc, M. Rousseau, votre exposé. Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder donc à la période d'échange. M. le ministre.
(Consultation)
M. Bégin: Excusez-moi.
Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.
M. Bégin: Merci, mais je pense qu'après avoir entendu plusieurs personnes, on commence à avoir fait le tour, sans nécessairement avoir fait le choix final, si vous me permettez l'expression. Parce qu'hier ce qu'on a entendu, c'est: Oui, il y a des recours en cascade, c'est ce qui n'est pas souhaitable, un.
Par contre, il y a quelqu'un quelque part qui subit un préjudice, celui qui est détenteur de la propriété au moment où, enfin ? mauvaise expression ? mais enfin, le vice se manifeste. Mais l'origine du vice peut remonter à 10 ans, à 15 ans, à 20 ans ou à 30 ans, et la tentation est toujours forte de vouloir trouver le responsable. Et celui qui est détenteur de l'immeuble et qui découvre un vice dans son immeuble cherche désespérément à trouver quelqu'un qui va l'indemniser. Parce que, pour lui comme pour tous les autres qui l'ont précédé, souvent, ce vice était inconnu; inconnu, il était caché. Alors, c'est l'hypothèse de départ.
Donc, certains ont tenté de trouver des solutions qui consistent à dire: Créons soit une assurance soit un cautionnement ou une banque ? appelons-le comme on voudra ? qui permettrait à toute personne qui découvre un vice qui était caché de ne pas partir à la recherche du responsable et de dire: J'ai droit ? moyennant, évidemment, je présume, des règles à être établies et fixées ? j'ai le droit, en prouvant le vice caché, à être indemnisé à même un fonds ou une assurance ? appelons-le comme on voudra ? et en conséquence, de pouvoir accepter ce vice-là. Qu'est-ce que vous avez comme réaction face à cela?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre.
M. Crochetière (Serge): Si vous me permettez, là? Bon.
Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Crochetière, allez-y.
M. Crochetière (Serge): Il y a des systèmes semblables qui existent. Vous avez en France une garantie décennale ou des choses du genre, là, qui ne sont pas des cautionnements mais des assurances. Il y a un coût...
M. Bégin: Pardon?
M. Crochetière (Serge): ...il y a un coût important à ça, et c'est reporté sur tous, d'une part. D'autre part, si vous ne limitiez pas de toute façon dans le temps, comment allez-vous établir vos primes et vos réserves pour faire face à ces problèmes-là? Par expérience, avec les plans de garantie, là ? ça fait des années qu'on est là-dedans ? le plan du gouvernement, c'est-à-dire celui qui est en vigueur depuis le 1er janvier 1999, nous oblige à avoir des rapports actuariels, d'établir, dans la fixation des primes, l'évaluation d'un nouveau risque, mais on est limité à cinq ans. Dans la mesure où vous auriez un système comme ça qui serait à période indéterminée, comment vous allez charger aux gens, aujourd'hui, pour faire face à une réclamation dans 25 ou dans 30 ans? Ça me paraît ? là, je ne suis pas un actuaire, mais, encore une fois, ça fait 25 ans qu'on patauge là-dedans ? ça me paraît quelque chose d'impensable. D'accord?
Donc, votre problème, celui que vous soulevez, c'est une question de délai et non pas de principe. Sur le principe, quelle que soit l'approche que vous auriez, vous auriez à fixer un délai. Nous, on dit qu'on est favorable au délai de cinq ans, bon, mais cette démarche-là, vous aurez quand même à la faire. Si vous imaginiez un tel système, à mon avis, vous allez devoir quand même établir une période limite. Donc, le problème, vous allez peut-être le déplacer mais vous allez avoir à y faire face de la même façon.
Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le ministre.
M. Bégin: Admettons que ce soit exact, est-ce qu'un délai de 10 ans serait préférable à celui de cinq ans? Et vous avez une expérience dans ces garanties-là, et j'aimerais ça peut-être que vous nous fassiez part de ce que vous avez vécu, même si l'expérience est relativement courte. C'est trois ans, que vous avez...
M. Crochetière (Serge): Non, notre premier plan de garantie, c'est depuis le mois de mai 1976.
M. Bégin: Oh!
M. Crochetière (Serge): Alors, on a... il était sur une base volontaire depuis ce temps-là...
M. Bégin: C'est ça, là.
M. Crochetière (Serge): ...mais on a quand même des calculs de réserves et de primes, des négociations avec les assureurs depuis ce temps-là.
M. Bégin: Donc, je retire «le manque d'expérience», en disant: Avec votre expérience ? ha, ha, ha!...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bégin: ...voulez-vous nous dire ce qui en est? Ha, ha, ha!
M. Crochetière (Serge): Ça fait 26 ans qu'Omer et moi on travaille là-dessus. Me Brodeur, ça fait déjà quelques années aussi, là, qu'elle est avec nous.
M. Bégin: Oui. D'accord.
M. Crochetière (Serge): D'accord. Alors, non, non, ça fait plusieurs années qu'on...
M. Bégin: Non, mais ma question reste entière, c'est que: Entre le cinq ans et le 10 ans, quels seraient les avantages, les inconvénients à prendre l'une ou l'autre des deux solutions? Vous êtes d'avis qu'il faut fixer un délai, mais encore faut-il trouver le délai. Certains trouvent que cinq ans, c'est trop court; d'autres trouvent ça juste raisonnable. Mais quand ce n'est pas trop court, ça veut dire quoi? Si c'est trop court, est-ce que c'est 10 ans, sept ans? Alors, c'est ça que je veux entendre de votre part.
M. Crochetière (Serge): O.K. Ce délai-là aussi partirait-il à chaque vente ? parce qu'ici on parle de cinq ans d'un vendeur ? ou si ce serait cinq ans à compter de la construction du bâtiment? Si on parle des entrepreneurs, évidemment pour nous, on va toujours le mesurer par rapport au moment du départ de la construction. Par rapport à l'ensemble des ventes et de la responsabilité des vendeurs, ça ne fait pas renaître ce qui est écoulé pour le premier vendeur, qu'en est-il du dernier vendeur? Et, dans ce contexte-là, un tel plan ne servirait pas de toute façon à couvrir la responsabilité d'une vente qui aurait lieu dans 12 ans entre le possesseur de cette époque-là et son acheteur de telle période. Alors, c'est pour ça, quand vous me parlez de cinq ans ou de 10 ans, évidemment, c'est très difficile de vous dire ça. Dans 10 ans, dans 20 ans, ça commence à être pas mal de temps, ça.
n(11 h 10)nM. Bégin: Le texte est... en tout cas, sans interprétation, serait cinq ans. Puisqu'on parle du vendeur, c'est cinq ans de la vente; donc, c'est pour cinq ans.
M. Crochetière (Serge): C'est ça.
M. Bégin: Bon. Alors, on peut se demander, 10 ans de la vente: autrement dit, la période pendant laquelle un vendeur est dans une période d'insécurité ou d'incertitude plutôt, serait de cinq ans ou de 10 ans. Après cinq ans ou 10 ans, quoi qu'il arrive vis-à-vis de son acheteur, s'il arrive quoi que ce soit dans l'immeuble, il est à l'abri. Et c'est pour ça que de déterminer la période qui fait l'équilibre entre l'intérêt de l'acheteur qui découvre tout à coup un vice, d'avoir quelqu'un à poursuivre, et, inversement, le vendeur qui, après un certain temps, a vendu, a droit à la quiétude parce que ses opérations ordinairement ne s'arrêtent pas le jour où il vend sa maison. Le plus souvent aujourd'hui, les gens en achètent une deuxième puis une troisième. Et voilà que, si l'épée de Damoclès est suspendue au-dessus de leur tête pendant 15 ans, 20 ans, 30 ans, bien là, sur le plan du fonctionnement d'une activité économique, ce n'est pas ce qu'il y a de plus souhaitable.
Alors, c'est pour ça qu'il faut s'arrêter à dire: Est-ce que cinq ans ou 10 ans serait le bon... Lequel des deux qui serait le bon délai, selon vous, évidemment?
Le Président (M. Boulianne): Merci.
M. Crochetière (Serge): Écoutez. Ha, ha, ha! C'est une question qui... je ne dirais pas qu'elle est difficile à répondre dans le sens de dire... C'est parce que le 10 ans peut être approprié au début puis être très inapproprié dans 20 ans, parce que la nouvelle vente a lieu dans 20 ans. Et il ne faut pas oublier aussi que l'acheteur, dans la mesure où il saurait que les garanties sont limitées, transigerait sur cette base-là et les prix d'achat seraient établis comme ça. Et, aussi, là, on parle de tous les immeubles à vocation résidentielle. Il ne faut pas oublier aussi tout le parc locatif. Déjà on est en carence, là. Si on met des exigences trop grandes...
On est incapable, même avec les programmes actuels, de convaincre les entrepreneurs de construire du locatif. Et là, ce n'est pas un énoncé de principe que je veux faire mais c'est juste un constat. Alors, si on met la situation trop difficile, ils vont continuer à construire des condos qui est plus payant que de se ramasser avec du locatif qui est moins payant puis qui leur amène des ennuis trop grands. Tantôt, on parlait du problème aussi de la capitalisation. C'est tout lié ensemble, ça. On ne peut pas, on ne peut pas faire fi des comportements économiques des entreprises.
M. Bégin: J'avais compris parce que ces mots que j'avais pris en note d'ailleurs «ne pas vouloir capitaliser», j'avais compris que c'est une manière délicate de dire que les entrepreneurs, dans certaines circonstances, apparaissent et disparaissent après un certain temps pour... Et c'est ça que vous vouliez dire, hein?
M. Crochetière (Serge): On n'en fait pas un secret. Je pense que les statistiques de la Régie du bâtiment sont là, d'une part; et, d'autre part, au plan des garanties, on a vu, on a vécu cette expérience-là. Ça accroît notre risque, à nous aussi. Mais pourquoi ils capitaliseraient dans une entreprise où ils risquent d'être poursuivis dans 18 ans?
On l'a vu récemment. Je ne veux pas parler juste des cas de pyrite, mais avec les cas de pyrite, il y a eu des centaines de poursuites contre des entreprises. Et celles qui sont les plus pénalisées sont celles qui étaient les plus responsables, celles qui étaient là encore après 18 ans puis qui ont capitalisé. Celles qui ont changé à tous les cinq ans, eux autres, peuvent s'en laver les mains. Je veux dire, ça crée... ça ne crée pas beaucoup, beaucoup d'intérêt pour les entreprises de rester là pendant 18 ans puis de capitaliser dans leur entreprise s'ils sont à la merci d'un huitième acheteur, 18 ans plus tard.
Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le ministre.
M. Bégin: Non. Ça va. Merci.
Le Président (M. Boulianne): Ça va? Alors, Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, madame... maître. Bonjour, messieurs. Je crois que c'est la page 8 de votre mémoire, je ne suis pas certaine, je vais faire lecture du troisième paragraphe qui survient après b, commentaires.
Vous dites: «Cette réalité ? j'imagine qu'il s'agit de la menace de poursuites qui peut survenir de nombreuses années après la vente, donc ? cette réalité a comme conséquence directe d'inciter les entreprises oeuvrant dans la construction à maintenir une sous-capitalisation de leur entreprise qui mènera éventuellement à leur fermeture, en plus d'encourager le travail au noir.» Vous venez de parler de sous-capitalisation.
En ce qui a trait au travail au noir, est-ce que vous considérez que la garantie contre les vices cachés de l'article 1726 du Code civil serait inapplicable à un constructeur qui travaille au noir?
Mme Brodeur (Martine): Non. Ce qu'on prétend, c'est que ce n'est pas intéressant... Ce que Me Crochetière expliquait, c'est que ce n'est pas intéressant pour l'entrepreneur de faire des réserves dans son entreprise, de capitaliser, compte tenu de la responsabilité qui est très grande, qui est illimitée dans le temps.
Alors, ce qu'on dit, c'est qu'indirectement ça amène l'entrepreneur... si on ne veut pas que les... si on ne veut pas capitaliser dans l'entreprise, c'est que ça favorise le travail au noir. Mais les vices cachés sont applicables ? la garantie pour les vices cachés.
M. Crochetière (Serge): Sauf qu'il y a tout le problème que vous avez soulevé des gestionnaires qui, eux, évitent tout ça.
Mme Brodeur (Martine): C'est ça. Il y a deux choses. Après ça, il y a le travail au noir qu'on prétendait. Il y a également le gestionnaire des projets qui... c'est les deux problèmes que ça amène. Comme on ne peut pas capitaliser dans l'entreprise, bien, à ce moment-là, on est porté à faire le travail au noir, et, également, ça encourage la création des gestionnaires de projets qui, eux, évitent toutes ces responsabilités-là de vices cachés et vices majeurs, en plus qu'au niveau des coûts... parce que les coûts pour l'entrepreneur, il n'y a pas de frais de licence et pas de garantie obligatoire à offrir. Alors, il est beaucoup plus compétitif sur le marché. Alors, évidemment, les consommateurs sont portés à faire affaire avec ces gens-là jusqu'à temps qu'il y ait des problèmes, et là, ils réalisent tout à coup qu'ils n'ont plus de garantie.
M. Crochetière (Serge): Souvent, les gens qui ne peuvent pas avoir de licence ou qui ne veulent pas avoir de licence s'improvisent gestionnaires de projets. Il n'y a aucun contrôle là-dessus. Je pourrais demain m'improviser gestionnaire de projets, me faire une banque de sous-traitants pour faire signer les contrats directement entre le consommateur et ces gens-là. Il y a beaucoup d'argent aussi au noir qui se transige dans ces cas-là, et, moi, je n'ai aucune responsabilité, je viens d'échapper à tout ça. Alors, même si vous me mettez une responsabilité de 25 ans, moi, je ne suis pas touché par ça. Et ça favorise ça, il y a une grande partie du marché qui, de plus en plus, s'en va vers ça chaque année. Les chiffres sont là: on est rendu à peu près à 30 % du marché qui échappent aux entrepreneurs. Si on s'en va en région, c'est encore plus fort dans les régions éloignées. Alors, ça échappe aux entreprises puis c'est des gestionnaires de projets ou des autoconstructeurs déguisés. Ils se construisent une maison, ils l'habitent un an et demi, ils sauvent de l'impôt, ils la revendent, puis ils font ça à répétition. C'est ça qui arrive.
Mme Brodeur (Martine): Sans garantie.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Oui. Merci, M. le Président. Je crois que vous étiez dans la salle lorsque le groupe précédent s'est fait entendre en ce qui avait trait aux articles 10 et 11. Les frais extrajudiciaires qui sont liés à la réalisation d'une hypothèque légale, donc liés aux recours qui sont pris pour la réaliser, et quelle est votre opinion à ce sujet?
M. Crochetière (Serge): ...ha, ha, ha! Vous me demandez... On m'envoie la balle; moi, je suis en pratique privée. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Crochetière (Serge): Non, non, je l'ai dit, là ? ha, ha, ha! ? mais je peux parler.
Une voix: Non, mais écoutez...
Une voix: Je le paie pareil. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y...
M. Crochetière (Serge): Vraiment, sans blague, on s'est battu pour le maintien des hypothèques légales, en soi. La grande protection des entrepreneurs, c'est évidemment le maintien de l'hypothèque légale qui est une institution qui relève du droit romain. Et ce n'est pas sans raison que ce soit là.
Maintenant, pour ce qui est des frais engagés, écoutez, c'est certain que pour les entrepreneurs, surtout les entrepreneurs spécialisés, c'est un gros avantage. Parce que souvent sur les chantiers, ils se font tasser. D'accord? Tasser pour des petits montants.
Mme Lamquin-Éthier: Ah! O.K.
M. Crochetière (Serge): Pour 3 000 ou 4 000 $ ou 5 000 $, ils ne paient pas ou ils transigent avec des sommes moins importantes, et puis là, bien, quand ils sont sûrs de pouvoir avoir leurs frais engagés, ils peuvent aller collecter tout leur argent. Sinon, ce qui risque d'arriver souvent, c'est qu'ils soient obligés à ce moment-là de compromettre sur leurs réclamations, donc ils perdent de leur argent. Je pense que la vérité, c'est là où elle se situe. C'est que ça empêche des recours pour des entrepreneurs, souvent des petits entrepreneurs spécialisés qui, à ce moment-là, risquent que ça leur coûte trop cher pour aller récupérer des sommes qui sont de moins grande importance.
Le Président (M. Boulianne): Merci.
M. Crochetière (Serge): Mais c'est une opinion tout à fait personnelle, là; je tiens à le dire. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Boulianne): Mme la députée.
Mme Lamquin-Éthier: Ça va, M. le Président, merci.
Le Président (M. Boulianne): M. le ministre.
M. Bégin: Oui. Une question intéressante. Est-ce que ce n'est pas une pratique régulière que l'entrepreneur général fait renoncer aux privilèges ses sous-traitants?
M. Crochetière (Serge): Bon, dans le secteur résidentiel, non. Vraiment pas.
M. Bégin: Non?
M. Crochetière (Serge): Je vous assure, là, que... C'est ça. Parce qu'il n'y a pas un donneur d'ouvrage comme... Si vous allez dans le commercial et l'institutionnel avec un tiers, il va le mettre dans son document d'appel d'offres.
Dans le secteur résidentiel, l'entrepreneur est à la fois promoteur, développeur, constructeur, souvent le général. Alors... et ces équipes avec qui il travaille... surtout de ce temps-là, il n'y en a pas, de main-d'oeuvre. S'il demandait ça aux entrepreneurs spécialisés, il n'aurait pas personne pour faire ses travaux. D'accord? Et le créancier hypothécaire parfois va demander une subordination de l'hypothèque à sa créance de premier rang mais il ne demande même pas de renonciation. Ce n'est pas la pratique dans le secteur résidentiel.
M. Bégin: Je posais la question parce que dans ma pratique, moi, j'ai travaillé surtout... pas dans le domaine résidentiel mais vraiment dans le secteur commercial et c'était une pratique courante, la renonciation aux privilèges.
M. Crochetière (Serge): Oui. Mais pour la raison que je viens de vous donner, ce n'est plus le même donneur d'ouvrage, là; c'est pour ça qu'on ne le retrouve pas dans le secteur résidentiel.
M. Bégin: Oui, exact.
Le Président (M. Boulianne): Moi, j'en aurais une question, des précisions sur un gestionnaire de projets, est-ce que c'est un ouvrier lui-même? Est-ce qu'il engage du monde? Comment est-ce qu'il fonctionne?
M. Crochetière (Serge): C'est n'importe qui, c'est ça qu'on dit. Ça peut être quelqu'un qui a travaillé comme charpentier-menuisier mais ça peut être quelqu'un qui a été technicien en bâtiment, ça peut être quelqu'un qui était vendeur chez un entrepreneur pendant 10 ans.
n(11 h 20)nLe Président (M. Boulianne): Comment est-ce qu'on fait pour le savoir, là?
M. Crochetière (Serge): Bien, on ne le sait pas, justement; c'est ça qu'on vous dit. Il n'y en a pas, de contrôle. Demain matin, n'importe qui... moi, je ne sais pas planter un clou, vraiment; je pourrais m'improviser gestionnaire de projet. Tout ce que j'ai à faire, c'est de me trouver une bonne banque de sous-traitants, des fournisseurs, aller négocier des escomptes, parfois des «kickbacks» si vous me passez l'expression, puis dire au client: Écoute, si tu achètes un de mes terrains, moi, je vais t'amener toute l'équipe qui va monter ta maison puis si tu as un peu de cash, tu va pouvoir sauver 10 000 $ sur la construction de ta maison. Mais moi, je n'ai aucune responsabilité; plus, je lui vends mon terrain puis je lui charge tant de la porte. Puis il n'y a personne qui a du contrôle sur moi, puis j'évite toute responsabilité. Même le ministère du Revenu risque de ne pas avoir un plein contrôle sur mes revenus.
Le Président (M. Boulianne): Puis celui qui fait faire la maison, s'il y a des erreurs, n'a pas de contrôle non plus?
Mme Brodeur (Martine): Non.
M. Crochetière (Serge): Bien, il n'y a pas de garantie.
Le Président (M. Boulianne): Il n'y a pas de garantie.
M. Crochetière (Serge): Moi, je n'ai pas signé aucun contrat avec cette personne-là.
Le Président (M. Boulianne): O.K.
M. Crochetière (Serge): Je me suis arrangé pour que les contrats se fassent directement entre le consommateur et les entrepreneurs spécialisés ou le fournisseur. Moi, je me tire de là blanc comme neige.
Le Président (M. Boulianne): Quel conseil que vous donnez d'abord à quelqu'un qui veut faire une construction puis il veut engager quelqu'un?
M. Crochetière (Serge): Bien, écoutez, je veux dire, on ne dit pas que tous ceux qui agissent en gestion de projets sont des incompétents ou des gens malhonnêtes. Ils peuvent appeler un architecte qui va faire la gestion de votre projet.
Là, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une concurrence déloyale envers les entrepreneurs généraux qui, eux, sont obligés d'avoir pignon sur rue, de présenter leurs états financiers chaque année, de transiger suivant la convention collective du secteur, d'avoir des plans de garantie, d'avoir des assurances. Puis, à côté, vous permettez un système parallèle qui échappe à tout.
Le Président (M. Boulianne): Mais est-ce qu'il y a des moyens? Est-ce qu'il y a un moyen de régler ça? Quel moyen on pourrait prendre pour...
M. Crochetière (Serge): On a déjà discuté. On discute déjà de leur assujettissement par exemple à la Loi sur le bâtiment, au moins qu'il y ait une dénonciation ou qu'ils soient assujettis à des contraintes, qu'ils doivent aussi montrer des états financiers, qu'il y ait des choses qui pourraient permettre d'avoir une certaine forme de protection pour tout le monde. Mais c'est dans un autre cadre qu'on a eu ces discussions-là, au niveau de la Loi sur le bâtiment, notamment.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, Mme Brodeur, M. Rousseau et M. Crochetière.
Alors, je demande maintenant au Mouvement laïc québécois de s'approcher, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Boulianne): M. Henri Laberge, bienvenue à la commission. Alors, vous avez donc 15 minutes pour nous présenter votre collègue et présenter votre mémoire, et nous aurons par la suite un échange avec vous.
Mouvement laïque québécois (MLQ)
M. Laberge (Henri): Bon. Je suis accompagné de Mme Marie Royal, qui est une enseignante en classe maternelle et militante du Mouvement laïque. On vient vous parler d'un aspect qui est assez différent de celui dont on vous a entretenus jusqu'ici, ce matin.
Alors, c'est qu'au moment où on est venus présenter un mémoire sur l'union civile le ministre nous avait indiqué qu'il y avait des modifications au projet de loi, c'est-à-dire au Code civil, et puis on avait manifesté notre désir d'être entendus.
Fondé en 1974, le Mouvement laïque québécois se consacre essentiellement depuis plus d'un quart de siècle à la défense et à la promotion au sein de la société québécoise des plus fondamentales de toutes les libertés: la liberté de penser, la liberté d'opinion, la liberté de croire ou de ne pas croire. Il fait aussi la promotion de l'égalité des personnes entre elles, indépendamment de ce qu'elles croient ou refusent de croire. Dans cette perspective, il lutte pour la séparation des Églises et de l'État, c'est-à-dire pour le triomphe de la laïcité de tous les services publics.
La laïcité, contrairement à ce que laissent entendre parfois les adversaires de la laïcité, ce n'est pas l'antireligion et encore moins une religion nouvelle s'ajoutant aux autres. Comme le dit le philosophe André Comte-Sponville, que vous connaissez, qui a écrit le dictionnaire philosophique, à l'item «laïcité», vous allez trouver la définition suivante: «La laïcité ne porte pas sur Dieu mais sur la société. Ce n'est pas une conception du monde, c'est une organisation de la cité. La laïcité nous permet de vivre ensemble malgré nos différences d'opinion ou de croyance; c'est pourquoi elle est bonne, c'est pourquoi elle est nécessaire. Ce n'est pas le contraire de la religion, c'est le contraire indissociablement du cléricalisme qui voudrait soumettre l'État à l'Église et du totalitarisme qui voudrait soumettre les Églises à l'État.
Il y a quelques semaines, on vous présentait notre mémoire sur l'union civile. Alors, je résume en gros ce qu'on y disait parce que ça a encore un intérêt pour la commission dans laquelle nous sommes.
Notre première recommandation, c'était que l'union civile soit accessible aussi bien aux couples hétérosexuels qu'aux couples homosexuels. Nous n'avons pas changé d'idée là-dessus. La ségrégation, c'est l'antichambre de la discrimination.
Deuxièmement, que les règles de la formation de l'union civile soient assouplies, de telle sorte que, à la convenance du couple concerné, elle puisse se conclure soit devant notaire soit devant un officier public autorisé par la loi à en faire la célébration publique.
Et, troisièmement, que les officiers publics désignés pour la célébration de l'union civile ou du mariage civil soient vraiment distincts des ministres du culte affectés par leur Église à la cérémonie religieuse du mariage.
Et, quatrièmement, que le nombre des officiers civils habilités à célébrer civilement les mariages et les unions civiles soit augmenté de façon très importante en autorisant notamment les municipalités à en désigner.
Et, cinquièmement, que les règles sur la célébration civile du mariage permettent à quiconque d'y avoir accès dans les conditions identiques, indépendamment du fait qu'on appartienne ou non à une religion reconnue.
Alors, nous allons parler de deux éléments ce matin: le mariage, institution civile, puis nous allons aborder la question de la sépulture civile.
À l'occasion de l'étude en commission parlementaire d'un projet de loi modifiant le Code civil, le Mouvement laïque québécois, tout en réitérant les positions déjà exprimées, veut insister spécialement aujourd'hui sur la nécessité de traiter enfin le mariage comme une véritable institution civile.
Loin de nous l'idée de vouloir contester le droit pour quiconque d'attribuer au mariage une signification religieuse. Chaque religion, chaque communauté confessionnelle développe légitimement une signification du mariage conforme à la façon dont elle interprète les rapports de l'homme avec le divin. La célébration religieuse du mariage appartient aux Églises. L'État n'a pas à contrôler cette célébration religieuse et puis celle-ci n'a pas besoin d'une sanction de l'état civil et de la loi. Elle a les effets religieux que le croyant veut lui reconnaître mais elle n'a pas d'effets civils. La liberté religieuse implique l'indépendance des Églises quant à la célébration du mariage religieux mais aussi la possibilité pour quiconque de se libérer d'une religion à laquelle il n'adhère plus.
Mais le mariage est aussi une institution civile. C'est en tant qu'institution civile qu'il a des effets civils et qu'il est régi par la loi. C'est du mariage en tant qu'institution civile et non de sa signification religieuse que traite le Code civil. Or, la loi, dans une société qui se veut démocratique, doit traiter tous ses citoyens et citoyennes comme titulaires de droits égaux à l'égard des institutions qu'elle crée. Présentement, l'État reconnaît expressément comme célébrants du mariage quelque 10 000 ministres du culte représentant près de 200 confessions religieuses différentes ? je n'ai pas les derniers chiffres, mais c'est à peu près dans ces nombres-là ? et à peine environ 600 officiers civils, essentiellement des greffiers et des greffiers adjoints de la Cour supérieure. Globalement, on peut donc dire que la célébration du mariage, même en tant qu'institution civile, demeure largement sous le contrôle des religions. Cette situation n'est pas de nature à favoriser l'égalité d'accès au mariage civil et à la pleine liberté des citoyens à l'égard des religions établies.
Bien sûr que le mariage demeure une institution civile même quand il est célébré dans un lieu de culte, mais la loi accorde présentement des avantages discriminatoires aux couples qui choisissent une célébration devant un ministre du culte par rapport à ceux qui veulent s'en tenir à une célébration purement civile. Ceux-ci, par exemple, doivent normalement se présenter au palais de justice. Ça fait un petit peu comme s'ils étaient coupables de quelque chose. Exceptionnellement, la célébration peut se faire à l'hôtel de ville ou dans quelques rares autres lieux bien déterminés ? Jardin botanique, par exemple ? mais moyennant des frais additionnels très importants ? on m'a dit que c'était 500 $ de plus dans des circonstances comme celles-là. La loi précise par ailleurs les jours de la semaine et les heures où un mariage purement civil pourrait être célébré. Les célébrants religieux ne sont pas soumis à de telles contraintes; en fait, ils ne sont limités que par les règles de leur religion. La loi leur permet de célébrer n'importe où, n'importe quel jour de la semaine ou à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Elle fait donc une différence de traitement inacceptable entre deux catégories de requérants du mariage.
n(11 h 30)n La célébration du mariage civil par des ministres du culte, dans une société qui, à d'autres égards, est devenue une société laïque, est un anachronisme. Elle est un rappel de l'époque où il y avait dans chaque pays une religion officielle et une Église établie de même qu'une survivance plus directe de l'époque intermédiaire où, pour se montrer tolérants, les États confessionnels ont autorisé les groupes religieux minoritaires à poser des gestes auparavant réservés à l'Église officielle. Cette pratique est une de fragmentation sociale et ne correspond pas à l'idéal moderne de laïcité de l'État et des institutions publiques. Elle permet d'ailleurs des situations paradoxales où des ministres religieux acceptent, moyennant rémunération, de présider une célébration purement civile du mariage sans référence à la religion, mais dans un cadre et selon les modalités qui ne sont pas permis aux officiers civils.
Et cette pratique-là, ça se répand de plus en plus. Certains vont même jusqu'à se créer des religions bidon pour échapper à la fois à la célébration religieuse, dont ils ne veulent pas, et aux aspects rébarbatifs de la célébration civile selon les règles strictes imposées aux officiers civils, dans un palais de justice, selon un horaire de fonctionnaire et devant un officier qui doit avoir une allure obligatoirement austère. La loi précise même, là, la sorte de cravate qu'il doit porter puis, bon... alors que le ministre du culte, lui, la loi ne lui impose rien.
Rappelons le cas de l'église du Nouveau Penser ? je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler ? dont le fondateur ne se cache pas pour dire que son église n'est rien d'autre qu'une entreprise de célébration du mariage. Alors, il est reconnu par le directeur de l'état civil. Lui et d'autres célèbrent des mariages toutes les fins de semaine selon la convenance et les fantaisies de leurs clients. Ça peut être un bal costumé, pique-nique en montagne, rituel médiéval, n'importe quoi. Pourquoi les officiers civils désignés comme tels n'auraient-ils pas aussi la latitude de célébrer des mariages civils les jours de congé et dans un cadre plus joyeux que celui d'un palais de justice?
Le Mouvement laïque, parce qu'on a vu des textes d'amendement que le ministre se propose de présenter à ce compte-là... Le Mouvement laïque va approuver des modifications qui auront pour effet d'augmenter le nombre de fichiers civils du mariage. Ça, là-dessus, on va se réjouir de cette modification-là, mais cette mesure ne suffira pas à faire de l'institution civile du mariage une institution égalitaire et à établir la nette distinction nécessaire entre le mariage civil et sa célébration religieuse. Nous demandons au législateur d'établir la règle voulant que le mariage civil, le mariage reconnu par la loi et comportant des effets civils, doit être célébré devant un officier civil, ce qui, évidemment, n'exclut absolument pas qu'une célébration religieuse s'ajoute à la célébration civile si les conjoints le désirent.
Un des grands avantages, non négligeable, de la fréquentation des mêmes institutions publiques par des Québécois de toutes origines et de toutes croyances, c'est le développement du sentiment d'appartenance à une même société. La célébration du mariage civil par des officiers civils représentant la société québécoise globale est certes de nature à mieux favoriser l'intégration à cette société que la pratique actuelle de renvoyer chacun à sa communauté confessionnelle particulière pour avoir accès à une institution civile aussi importante que le mariage.
Pour compléter nos observations sur la question, bien on vous renvoie aux deux mémoires qu'on avait présentés: l'un, en septembre 1998, au ministre de la Justice et notre mémoire de février 2002 sur l'union civile.
Maintenant, je voudrais aborder un autre aspect qui n'est pas traité dans le projet de loi actuel, mais qui porte sur le Code civil, c'est la question des funérailles nationales et des funérailles civiques.
M. Bégin: Excusez-moi, je n'ai pas compris.
M. Laberge (Henri): Les funérailles nationales et les funérailles civiques. Alors, on veut profiter de la discussion du projet de loi n° 50 pour soulever la question du caractère laïque qui devrait être conféré aux funérailles que l'État, une municipalité ou une autre institution publique veut tenir pour rendre hommage public à un illustre disparu. Tous les humains, croyants ou non, sont sujets à la mort. Les douleurs provoquées par la mort d'un être cher ne se laissent pas facilement circonscrire par des frontières confessionnelles. Des personnalités comme celles de René Lévesque, de Félix Leclerc, Robert Bourassa, Judith Jasmin, Hubert Aquin, Jeanne Sauvé, Jean Martucci, Claire Bonenfant, Alice Poznanska, Jean-Paul Riopelle, et on pourrait en mentionner d'autres qui sont les uns, croyants, d'autres ne le sont pas... Mais tous ces gens-là, au moment de leur mort, suscitent un sentiment général de regret qui ne se limite pas à ceux qui pensent comme eux au point de vue religieux ou non. Alors, ce sentiment-là est partagé aussi bien par les croyants de toutes allégeances que par les incroyants, et ces gens-là voudraient, en cette circonstance, pouvoir s'associer pour leur rendre un dernier hommage. En plus des funérailles privées organisées par leur famille et leur communauté confessionnelle à laquelle ils se rattachent, il est alors tout indiqué de leur offrir des funérailles nationales ou civiques.
Nous estimons que de telles funérailles doivent alors être telles qu'aucun de ceux qui s'y associent ne puisse avoir l'impression d'être annexé malgré lui à un système de croyances qu'il ne partage pas. Des funérailles nationales ou civiques doivent être des funérailles laïques, indépendamment de la religion à laquelle aura adhéré celui ou celle dont nous pleurons la perte. À plus forte raison, ne devrait-on jamais réaliser des funérailles nationales ou civiques à saveur religieuse quand il s'agit de rendre hommage à une personne qui n'adhérait à aucune religion. Il n'est certes pas nécessaire, à l'occasion d'une cérémonie funéraire, de célébrer toutes les convictions philosophiques ou religieuses du disparu, surtout si lesdites convictions ne sont pas partagées par ceux qui le pleurent, mais il serait indiqué, du moins dans une cérémonie patronnée par les autorités politiques nationales ou municipales, de ne pas célébrer des croyances qui n'étaient pas les siennes. Il n'y a guère plus aujourd'hui de familles ou de groupes d'amis absolument homogènes en ce qui a trait aux croyances ou aux pratiques religieuses.
Le Président (M. Boulianne): Alors, il vous reste deux minutes. Une conclusion, M. Laberge, s'il vous plaît. Merci.
M. Laberge (Henri): Oui. Alors, il y a des croyants ou des incroyants dans toutes les familles, et ceci ne les empêche nullement de s'aimer et de s'entraider. Presque toujours, une personne qui décède compte chez les amis qui la pleurent à la fois des croyants et des incroyants, d'où l'importance de développer le concept de funérailles laïques, qui n'exclut absolument pas des funérailles religieuses si les personnes ou les familles le veulent. Mais le Code civil ne pourrait-il pas prévoir explicitement parmi les attributions des municipalités celle d'organiser des funérailles civiques laïques pour leurs citoyens décédés?
Si on adopte cette approche, il sera nécessaire de prévoir des lieux de célébration convenables. Alors, nous suggérons que l'État et les municipalités pourraient faire l'acquisition de temples religieux désaffectés et les transformer minimalement pour en faire des lieux adaptés à des célébrations laïques. Ces édifices pourraient également être utilisés pour des manifestations culturelles. Les hôtels de ville des municipalités fusionnées ainsi que les édifices préalablement affectés à un service public pourraient aussi remplir cet office. Rappelons que les anciennes églises sont souvent considérées par le ministère de la Culture comme faisant partie du patrimoine national et ont été largement subventionnées pour leur réfection par les fonds publics. Il serait donc tout à fait normal, au moment où elles ne servent plus à ce pour quoi elles avaient d'abord été affectées, qu'elles soient mises à la disposition de la société toute entière sous une forme laïque.
Alors, la sécularisation des institutions de l'État québécois et des pratiques qui y sont rattachées est un processus de longue haleine, mais c'est un processus nécessaire qui n'a rien à voir avec une entreprise de démolition des valeurs religieuses auxquelles plusieurs de nos concitoyens demeurent légitimement attachés. Il ne s'agit que de reconnaître la société québécoise pour ce qu'elle est devenue, une société pluraliste, et de développer des conditions qui permettent à tous d'y vivre libres et en paix, dans le respect des opinions et croyances de chacun.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Laberge. Merci, Mme Royal. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Bégin: Alors, merci infiniment pour votre présentation. Je pense qu'un bon résumé serait de dire que vous êtes la manifestation du passage d'une société religieuse à une société civile, puisque nous sommes passés d'une société où on naissait par le baptême, qui était l'acte civil par excellence bien avant qu'on ait le registre de l'état civil, à un mariage religieux et à un décès également religieux... Donc, les actes de l'état civil, les éléments les plus importants de la vie en société étaient religieux. Maintenant, il y a l'acte de l'état civil pour la naissance, il n'y a pas nécessairement le baptême. Il y a le mariage, qui était généralement religieux, qui est devenu également civil. Et vous abordez la question des funérailles qui est le dernier en lice de l'évolution. Je ne m'attarderai pas, si vous me permettez, ce matin, sur la question des funérailles qui est quelque chose de... évidemment, un sujet intéressant qui va certainement se développer dans l'avenir. On le voit à chaque fois qu'il y a des funérailles, comme celles de Riopelle, où la question, la problématique se soulève, mais je ne crois pas que ce soit devenu la priorité, là, actuellement dans notre société par rapport à des modifications au Code civil.
J'aimerais cibler sur le mariage et/ou l'union civile, parce que, comme je vous l'avais dit lors de votre mémoire... présentation de votre mémoire sur l'union civile, c'est qu'il y avait des amendements qui s'en venaient qui étaient sur la célébration de l'union civile et les lieux aussi de célébration de l'union civile et du mariage. Alors...
Mme Lamquin-Éthier: ...
M. Bégin: Pardon?
Mme Lamquin-Éthier: Les célébrants.
M. Bégin: Les célébrants, oui, effectivement. Je l'ai peut-être mal exprimé, là, mais les célébrants.
n(11 h 40)n Alors, on en est aujourd'hui à ce moment. Même si ce n'est pas mentionné dans le projet de loi, l'union civile, on ne peut pas le faire, puisqu'elle est en gestation, mais éventuellement ça s'appliquera. Mais, pour le mariage, on dit, d'une part, que le mariage pourra être célébré par d'autres personnes que le greffier au palais de justice, et ça comprend donc les élus municipaux, maires et personnes désignées. Ça comprend aussi, par le fait même, une sortie du palais de justice, puisque le maire n'ira pas officier au palais de justice. A priori, il ira sans doute à la mairie, mais ça donne la possibilité aussi de sortir de la mairie elle-même pour avoir d'autres lieux qui peuvent présenter un cachet, un caractère particulier. On pense à des places comme Cataraqui qui ont été l'objet de projets-pilotes. Mais, au Québec, il y en a bien des endroits, des lieux qui sont propices en termes de climat, d'atmosphère, qui plaisent à des futurs mariés ou unis. Donc, je pense qu'à ce niveau-là on règle une bonne partie. Cependant, il y en a un volet qui va devoir être réglementaire, parce que, par exemple, à quel endroit dans les municipalités cela se fera-t-il, bien c'est impossible de mettre ça dans notre législation. Il va falloir mettre ça dans une réglementation.
Le décorum. On a, je pense, à tenir compte du décorum. Vous me dites: Bon, c'est rigide, celui de la toge dans un palais de justice. Mais ce que vous avez décrit comme ces mariages qui ressemblent peut-être à autre chose que ce que tous les citoyens, qu'ils soient croyants ou non croyants, ont d'une fête quelconque, est-ce que c'est ce que l'on veut rattacher à un acte quand même majeur dans une société? Naître, s'unir et mourir sont des actes très importants qui sont entourés généralement d'une certaine solennité, sans tomber dans la rigidité. Alors, il est possible que vous y voyiez des lacunes actuellement, mais je vous dis que ça devra être précisé dans une réglementation qui découlera de ce que nous faisons aujourd'hui.
Je ne sais pas s'il y a des volets que je n'ai pas touchés par rapport à ce que vous envisagez. Je pense que j'ai couvert l'ensemble, et ça m'apparaît répondre vraiment aux besoins de tous les principes que vous avez énoncés. Il ne s'agit pas d'être non croyant pour les partager, c'est une... La France est laïque depuis quoi, la Révolution, et ça ne l'empêche d'avoir une population qui est religieuse à une hauteur qui dépasse nettement 50 %. Que ce soient les catholiques, il y a aussi les musulmans, il y a plein de religions en France, et c'est donc très majoritairement religieux.
Alors, voilà, je pense... Je ne sais pas si vous avez des commentaires additionnels, mais il me semble qu'on a une réponse adéquate à vos préoccupations. À moins que vous ayez autre chose.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Laberge.
M. Laberge (Henri): Alors, bien sûr, on a dit dans notre texte qu'on était d'accord avec les modifications que vous voulez suggérer, surtout par le fait de donner aux municipalités le pouvoir de désigner des célébrants.
Pour ce qui est de la réglementation, il y a l'aspect que les ministres du culte, actuellement, qui sont autorisés par la loi à célébrer civilement le mariage... Parce qu'ils font à la fois la célébration civile et religieuse dans certains cas, mais ils peuvent aussi faire une célébration purement civile, et puis, à ce moment-là ils ne sont soumis à aucune règle particulière. Alors, nous, on voudrait bien qu'on trouve un milieu entre ce qu'on vous a évoqué tantôt, là, la pratique de l'église du Nouveau Penser, et puis les règles rigides qui sont actuellement...
M. Bégin: ...votre idée en disant qu'on devrait prévoir que, lorsqu'un pasteur ou, en tout cas, quelqu'un qui est à la tête d'une Église procède à une célébration, il le fait dans les lieux du culte, et là, bien, évidemment, chaque lieu de culte est ce qu'il est, mais que, s'ils le font à l'extérieur, ils devraient respecter les mêmes règles que pour le mariage civil, par exemple?
M. Laberge (Henri): Ce sera un premier minimum. Mais, évidemment, ce que nous, nous souhaitons, c'est que le mariage civil soit toujours célébré devant des officiers civils. Je comprends que toutes les modifications ne se font pas en même temps et il est peut-être sage de procéder par étapes dans certains cas, mais nous pensons que la solution à long terme, la seule valable à long terme, c'est que le mariage civil soit célébré par des officiers civils. Ça empêche nullement ceux qui veulent avoir une célébration religieuse de recourir à une célébration religieuse, c'est la seule façon à long terme d'éviter tous les équivoques et puis où on a des demi-mesures, où il y a une façon de procéder selon qu'on se marie religieusement puis une autre façon de procéder si on se marie civilement.
M. Bégin: Si on prend pour hypothèse deux secondes que les gens qui s'unissent devant un pasteur, mais qui veulent en faire une cérémonie non religieuse, en fait ce qu'ils recherchent, c'est un endroit, un accommodement pour le tenir à l'extérieur, donc, du palais de justice...
M. Laberge (Henri): Ça pourrait être dans un hôtel.
M. Bégin: ...s'ils ont maintenant la possibilité de le faire dans des lieux autres que le palais de justice, à la mairie, dans des décors plus avantageux, est-ce que vous ne pensez pas que la réponse va venir d'elle-même, c'est que les gens vont aller à la mairie puis ils vont se faire célébrer leur mariage là?
M. Laberge (Henri): Sauf si les frais ne sont pas de même nature. Et, pour le faire dans un décor enchanteur...
M. Bégin: Justement, parlez-nous donc, les frais, là... Les décors enchanteurs, ils ont une exclusivité actuellement, là, mais ils ne l'auraient plus, là.
M. Laberge (Henri): D'accord. Mais il ne faudrait pas qu'il y ait des frais supplémentaires comme ceux qui sont chargés actuellement. Il faudrait que la municipalité, quand elle autorise de le faire dans des lieux différents, bien, quel que soit le lieu, que ce soit le même coût et le même coût que si on le fait à l'église aussi. Parce que l'État ne charge pas de frais pour le mariage célébré par les ministre religieux, de sorte que, pour un mariage religieux, ça coûte moins cher que pour un mariage civil.
M. Bégin: Vous croyez que le montant qui est chargé actuellement est chargé par l'État ou par la municipalité pour les déboursés qu'elle encourt?
M. Laberge (Henri): Actuellement, au palais de justice, je pense, c'est 180...
M. Bégin: 177.
M. Laberge (Henri): 177?
M. Bégin: 177.
M. Laberge (Henri): Bon. Alors, plus d'autres frais, parce qu'on m'a dit 186. Mais peut-être que...
M. Bégin: L'inflation. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Boulianne): Alors, M. le ministre, ça va?
M. Bégin: Ça va.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Laberge. Mme la députée de Bourassa, vous avez la parole.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, M. Laberge.
Quant aux 500 $ dont vous avez parlé tout à l'heure pour le Jardin botanique, qui charge ça, là? Je n'ai pas bien compris.
M. Laberge (Henri): Je crois que c'est l'État qui le charge. À moins que ce soit le Jardin botanique qui soit celui à qui aboutit le 500 $ pour son financement, mais, en tout cas, c'est chargé à celui qui veut se marier là.
Mme Lamquin-Éthier: Puis ça, ça comprend seulement le décor extérieur, là?
M. Laberge (Henri): Oui, parce que c'est en plus du 186, là, ou 177 dont on a parlé.
Mme Lamquin-Éthier: C'est un engagement, là.
M. Laberge (Henri): Oui. Bien oui. Alors, ça, il faut vouloir avoir des...
Mme Lamquin-Éthier: Ha, ha, ha! Vous avez bien raison.
Le Président (M. Boulianne): Mme la députée, vous avez la parole.
Mme Lamquin-Éthier: M. le ministre nous expliquait tout à l'heure, là, bon, évidemment que les maires et d'autres personnes, si elles sont désignées, vont être appelées à pouvoir célébrer, dont les fonctionnaires municipaux. J'aimerais porter à votre attention un commentaire ou une observation qui est faite par le Barreau du Québec et voir comment vous réagissez à celle-ci. Le Barreau du Québec est d'avis que ce ne sont pas tous les fonctionnaires municipaux qui devraient être désignés, mais seulement ceux qui occupent une fonction plus élevée dans la hiérarchie municipale, tels les secrétaires-trésoriers, les directeurs généraux ou encore les greffiers. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que ça devrait être tous les fonctionnaires indistinctement ou seulement ceux qui occupent...
M. Laberge (Henri): Moi, je serais porté à me placer dans une situation intermédiaire, peut-être pas tous les fonctionnaires municipaux, mais un nombre de fonctionnaires municipaux suffisant pour pouvoir répondre à toutes les demandes et pouvoir avoir la souplesse voulue pour répondre de façon au moins aussi souple que les ministres religieux, par exemple les fins de semaine, ou etc.
Mais, si on limite ça uniquement à un certain nombre de fonctionnaires municipaux comme le secrétaire-trésorier puis quelques autres, je craindrais que ça soit nettement insuffisant, surtout dans les grandes villes. Dans un petit village de... c'est peut-être suffisant, mais, dans une grande ville, il faudrait qu'il y ait un très grand nombre de fonctionnaires municipaux qui soient autorisés. Qu'ils soient autorisés spécifiquement et nommément plutôt que de dire: Tout fonctionnaire municipal, ça, je serait plutôt d'accord avec ça.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée.
Mme Lamquin-Éthier: Je pense que le souci, c'était compte tenu du décorum, hein, de l'importance de la célébration. C'est de s'assurer que la personne puisse justement démontrer l'importance de la célébration. Donc, en choisissant des fonctionnaires qui sont dans un cadre de fonction élevé ou plus élevé, ça donne justement l'importance.
n(11 h 50)n L'Union des municipalités du Québec est venue ce matin, ils ont soumis un mémoire. Et, évidemment, les municipalités sont bien responsables et elles ont demandé qu'il leur soit permis de régir... donc de leur donner la possibilité à elles, par voie de règlement, de régir certains aspects de la célébration du mariage. Parmi ceux-ci, ils veulent que les municipalités puissent régir les lieux et les périodes permises pour la tenue des cérémonies, les règles de décorum, le tarif exigible, à condition de respecter le tarif minimum, et le domicile des futurs époux. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mmme la députée. Alors, M. Laberge.
M. Laberge (Henri): Je vais commencer par le tarif. À condition de respecter le tarif minimum, moi, je dirais le contraire: À condition de ne pas dépasser le tarif maximum, parce qu'il faut absolument éviter une surenchère, là, où les municipalités y verraient un moyen de revenus supplémentaires pour arrondir leurs fins de mois et puis se mettraient à charger des frais beaucoup élevés. Ou encore parce qu'un conseil municipal est favorable au mariage religieux puis il ne veut pas favoriser le mariage civil, alors il met des frais plus élevés. C'est des choses qu'il faut éviter, il ne faut pas que les municipalités aient le droit de mettre n'importe quel tarif.
Maintenant, pour ce qui est du décorum, je n'ai pas trop d'opinion précise là-dessus, est-ce que ça doit être régi par la loi ou par les municipalités. Ma préoccupation, c'est le résultat. C'est qu'il faut qu'il y ait un certain décorum, mais, en même temps, que ça ne soit pas des règles tellement rigides que les gens ne se reconnaissent pas dans ça, qu'ils aient l'impression, là, d'assister à quelque chose de très austère et puis avec un décorum tellement élaboré que finalement ce n'est pas joyeux du tout, alors qu'un mariage, c'est censé être une cérémonie heureuse et joyeuse.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Laberge. Mme la députée, vous avez encore du temps.
Mme Lamquin-Éthier: Le domicile, trouvez-vous ça important aussi qu'il y ait une règle voulant qu'un des époux ou les deux époux soient du lieu, enfin de la municipalité?
M. Laberge (Henri): Je pense que c'est une règle qui serait normale, mais peut-être faudrait-il prévoir certaines exceptions parce qu'il y a des circonstances...
Mme Lamquin-Éthier: Comme actuellement les dispenses.
M. Laberge (Henri): Oui. Mais vous avez parlé aussi des fonctionnaires tantôt, je voudrais revenir un petit peu là-dessus. Les fonctionnaires ayant un rang élevé, il n'est pas nécessaire qu'ils aient déjà un rang élevé pour être... parce que ça serait leur donner un rang que de les désigner nommément pour pouvoir célébrer le mariage. Dans la ville de Montréal, ils pourraient en désigner, par exemple, 1 000 fonctionnaires, mais ça ne serait pas nécessairement tous les fonctionnaires, mais sûrement pas uniquement les fonctionnaires haut placés déjà. Il faudrait que la ville de Montréal établisse des critères pour le choix des personnes parmi ses fonctionnaires qui seront habilités à célébrer le mariage. Oui, il pourrait y avoir un examen, bon, etc.
Mme Lamquin-Éthier: Maintenant, quand on parle de fonctionnaires, évidemment ne rentrerait pas dans leurs tâches habituelles normales de célébrer des mariages. Ça deviendrait donc une fonction additionnelle avec possibilité d'une rémunération additionnelle ou encore d'une compensation. Quelle est votre réaction face à cette...
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Laberge.
M. Laberge (Henri): Moi, je pense que ça devrait se faire à peu près de la même façon que ça se fait avec les ministres du culte qui acceptent de faire une célébration civile actuellement, il ne faudrait pas qu'il y ait des règles préalables qui empêchent un fonctionnaire qui voudrait le faire de pouvoir aller faire une célébration en fin de semaine, par exemple. Il pourrait être rémunéré en conséquence, mais il faudrait qu'il y ait des rémunérations raisonnables, qui ne soient pas... qu'on ne dise pas, parce que c'était un fonctionnaire municipal, il va être payé à des tarifs absolument exorbitants. Il faudrait que ça soit une rémunération raisonnable.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Laberge. Mme la députée.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. Laberge.
Le Président (M. Boulianne): Alors, le ministre veut compléter. Vous avez encore du temps, M. le ministre.
M. Bégin: Oui. J'aimerais revenir un petit peu sur le décorum parce que c'est un concept qui n'est pas nécessairement facile. Juste pour bien comprendre, le règlement relatif au Code civil sur le mariage dit, à l'article 7 ? attachez votre tuque: «Le célébrant doit être vêtu d'une toge noire avec complet foncé, chemise [...] et cravate foncée ou d'une toge noire fermée devant, à l'encolure relevée et manches longues. Si le célébrant est une femme, elle doit porter une toge noire avec une jupe foncée et chemisier blanc à manches longues ou vêtements foncés.» Point.
Cette semaine, dans Le Journal de Québec, je crois, à deux reprises, on a vu, en Ontario, une jeune avocate qui est présentée comme étant particulièrement jolie. Effectivement, elle a un beau regard. Elle a un veston croisé à peu près comme ceci, cintré à la taille et elle porte un petit chandail à col en V, mais très peu ouvert...
Le Président (M. Boulianne): De couleur... blanc.
M. Bégin: De couleur blanche. Alors, l'histoire est à l'effet que la juge ? c'est une juge ? sur le banc a refusé d'entendre sa cause parce qu'elle était mal vêtue. Donc, la cause n'a pas procédé. On voit, là, que ce n'est pas évident. Il y a même eu comme incident dans la journée qu'il y a eu un compromis qui a été proposé, c'est qu'elle virait son chandail de côté, donc le dos était en avant et le V était... Bon, personne ne le voyait, mais ce qu'on en a vu, c'est que finalement ça n'a pas marché pareil, le juge a dit: Non, on n'y va pas.
Alors, juste en termes d'anecdote, c'est quand même assez intéressant, parce que ce qu'on veut, c'est qu'il y ait du décorum. Une fois qu'on a dit ça, c'est quoi, le décorum? Par exemple, si le greffier est en espadrilles de course, en short avec une toge qui ouvre un petit peu, comme on a vu ? je peux vous le dire ? des avocats à Québec, le samedi, arriver ainsi habillés, prêts à aller jouer au golf, mais à une comparution le samedi matin, avec la toge par-dessus, T-shirt en dessous, alors là il y a des gens qui vont s'offusquer, qui vont dire: Quand même, ça n'a pas de bon sens, ce n'est pas ça qu'on veut. Alors, la tentation est de passer à une réglementation trop rigide pour s'assurer du minimum. Puis, en même temps, si on met ça trop large, bien on arrive avec des situations que les gens vont déplorer. Avez-vous une solution? Ha, ha, ha!
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Laberge.
M. Laberge (Henri): Non. On n'a pas de solution, mais on partage vos préoccupations. L'histoire de la toge, je pense que c'est de trop, parce que c'est trop associé aux actes de justice.
M. Bégin: On ne pourra pas le dire aux maires, par exemple.
M. Laberge (Henri): Non, c'est ça, là, aux maires de porter une toge, alors... Mais il y a quand même un certain décorum qu'il faut maintenir, ça, on est bien d'accord, là. Mais je pense qu'il faut poursuivre la réflexion là-dessus, mais il y a des extrêmes à éviter. Mais, entre les deux, je pense qu'une certaine souplesse, ça serait quand même quelque chose d'intéressant.
Le Président (M. Boulianne): Bien. Merci, M. Laberge. Merci, M. le ministre. Alors donc, la commission va suspendre ses travaux pour les reprendre après les affaires courantes, cet après-midi, en cette même salle. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 58)
(Reprise à 16 h 39)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre. Alors, la commission des institutions reprend ses travaux avec beaucoup de retard. C'est ça, les règles du parlementarisme dans lequel nous vivons. Il y a des contraintes. Alors, M. le ministre.
Organisation des travaux
M. Bégin: Oui, M. le Président. Évidemment, il y a eu une malencontreuse perte de temps et il y a des gens qui ont été avisés d'être ici. Ce sont des gens qui, pour la plupart, même, viennent de l'extérieur et d'assez loin, là, que ce soit de Rivière-du-Loup, Sherbrooke, Montréal, pour ceux et celles à qui j'ai parlé. Je vous proposerais qu'on essaie de trouver un accommodement, y compris différentes alternatives: d'être moins longtemps, entendu moins longtemps pour permettre aux gens d'être entendus aujourd'hui ou encore de prolonger nos travaux après 6 heures, si ça peut nous convenir ? ça devrait être 20 ou 30 minutes, le temps de permettre aux gens d'être entendus ? parce que la seule alternative qu'il pourrait nous rester, c'est de les déplacer à une date qui serait la semaine prochaine, et ce n'est pas nécessairement évident que les gens soient... Ce n'est pas le mardi qui vient mais l'autre, ce n'est pas nécessairement évident.
n(16 h 40)n Alors, il me semble qu'on devrait, comme parlementaires, être le plus accommodants possible pour permettre aux gens d'être là. Je crois que mes collègues sont également disposés à prendre quelque temps. On pourrait leur demander, aux groupes, parce qu'on connaît quand même assez bien ce qu'ils ont à dire. On peut restreindre les sujets, certains ont déjà été traités abondamment, par exemple, celui des copropriétés qui sont ici. Je pense que vous allez être le cinquième ou sixième groupe qui va parler de la même chose. Je ne veux pas vous priver de quoi que ce soit, mais on connaît bien la problématique.
Alors, est-ce qu'on pourrait, M. le Président, essayer de trouver des accommodements comme ceux-là?
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, nous avons trois options. La première option, c'est d'entendre les groupes ici cet après-midi avec un temps très limité, d'entendre tout le monde avec un temps très limité, à l'intérieur du temps qui nous est imparti jusqu'à 18 heures. Et entre-temps je vous rappelle que nous risquons d'être dérangés d'ici 18 heures pour d'autres votes au salon bleu.
La deuxième option, c'est d'entendre les groupes comme c'est prévu, là, aux environs de 45 minutes pour chacun des groupes, et à ce moment-là ça signifie qu'on pourrait déplacer après 18 heures.
La troisième option, c'est de revenir non pas la semaine prochaine, mais dans la semaine du 9 avril. Et là on a un problème, c'est que c'est le 9, ça ne peut pas être un peu plus tard, la semaine suivante ou dans la même semaine, étant donné qu'à partir du 10, c'est l'étude des crédits dans chacune des commissions et que c'est quelque chose de prioritaire dans les travaux, selon notre règlement.
Donc, si on utilisait l'option, la troisième option, ça nous reporterait possiblement en mai.
Une voix: 30 avril.
Le Président (M. Lachance): Au 30 avril.
M. Bégin: C'est pas mal proche de mai.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lachance): Alors, peut-être qu'on aurait besoin d'une indication. Je ne sais pas comment vous réagissez à ça. Si on peut... J'aimerais que vous puissiez nous indiquer quelle est l'option que vous privilégiez.
M. Gagnon (Jacques): M. le Président, je pense que l'option qui est la plus souhaitable, à notre point de vue en tout cas, c'est de passer aujourd'hui mais pour une période limitée, si on peut dire, prendre moins de temps pour chacun des témoignages.
Le Président (M. Lachance): J'aimerais que le Regroupement des gestionnaires de copropriété puisse donner son opinion aussi.
Une voix: On partage tout à fait le même... Si on peut condenser, là...
Le Président (M. Lachance): Très bien. La Fédération des sociétés d'histoire, s'il vous plaît.
Une voix: On est tout à fait d'accord aussi.
Auditions (suite)
Le Président (M. Lachance): Ça va? Bon. Alors, nous allons amorcer nos travaux immédiatement. Et j'invite le représentant de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie à nous faire part de ses commentaires en nous présentant les personnes qui l'accompagnent et en se présentant lui-même. Bienvenue, madame, messieurs.
Fédération québécoise des sociétés
de généalogie (FQSG)
M. Gagnon (Jacques): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, permettez-moi de vous présenter notre délégation: Mme Esther Taillon, ex-présidente; Me Denis Racine, avocat; et moi-même, Jacques Gagnon, président actuel de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie. Alors, c'est Me Racine qui éventuellement pourra répondre plus facilement à vos questions d'ordre juridique.
Alors, la Fédération a été fondée en 1984 ? je ne vous referai pas son histoire évidemment. Elle regroupe aujourd'hui 36 sociétés membres et chacun des membres de ses sociétés est invité à signer un code de déontologie des généalogistes. Alors, depuis longtemps, la Fédération intervient dans le dossier de la protection de la vie privée et des renseignements personnels. Je mentionne rapidement novembre 1995, un mémoire au ministre Paul Bégin; septembre 1997, mémoire à la commission de la culture; août 1998, mémoire encore à la commission de la culture; et juin 2001, toujours à la commission de la culture, dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 122. C'est donc notre dernière présentation.
Alors, aujourd'hui, on est à nouveau là, mais cette fois c'est au sujet du Code civil, et on juge importantes les modifications qui auront un impact certain sur le travail de recherche de plusieurs milliers de généalogistes qui sont soucieux de préserver la mémoire collective des Québécois.
Donc, vous avez en main le texte de notre mémoire. Je me contenterai de mettre en lumière certains points, trois points, à savoir la nouvelle formulation de l'article 35 du Code civil mais aussi l'accès aux données du registre de l'état civil et, finalement, la publication des informations généalogiques, avant de rappeler les recommandations de notre Fédération.
Alors, la Fédération, dans un premier temps, est satisfaite de l'ouverture manifestée par le ministre de la Justice, par l'amendement proposé à l'article 35 qui stipule que nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise. Ce qui exclut la référence précédente aux héritiers dans le libellé actuel de l'article 35.
Mais cet amendement s'attaque-t-il au fond du problème? Le législateur règle-t-il vraiment une situation indésirable? Pour nous, généalogistes, le problème est le suivant: Qu'en est-il du droit après le décès d'un individu? Par exemple, imaginez le casse-tête d'un généalogiste ou d'un historien qui désire rédiger la biographie d'un individu ayant vécu entre 1800 et 1875, n'ayant pas joué de rôle public, et qui doit éventuellement obtenir le consentement de tous les héritiers ou d'une majorité d'entre eux; c'est impensable. Seulement dresser la liste de ceux-ci, quand on pense que tous les testaments n'ont pas été enregistrés ou publiés, est déjà une oeuvre colossale.
Si nous passons au deuxième point, à savoir la question de l'accès aux données de l'état civil, disons que les généalogistes et les sociétés de généalogie ont comme source première d'information le registre de l'état civil, et, comme production principale, des répertoires, imprimés ou informatisés, de naissances, baptêmes, sépultures, essentiellement. Alors, je n'apprendrai pas à des législateurs que l'état civil québécois origine des registres de catholicité instaurés dès les débuts de la colonie. Il reste tout de même qu'il faut peut-être rappeler le motif invoqué par le roi de France de l'époque, et c'est pour éviter les preuves par témoin, que l'on est souvent contraint de faire en justice, touchant les naissances, mariages, morts et enterrements de personnes. On constate donc qu'à son origine l'état civil a un caractère public: on veut pouvoir confirmer l'identité de chaque personne devant la justice. Ce motif est d'ailleurs repris dans le dernier grand texte officiel de l'Ancien Régime sur la matière, et je cite: «Dans chaque paroisse de notre royaume, il y aura deux registres qui seront réputés tous deux authentiques et feront également foi en justice...» Alors, ces rappels historiques ne sont pas inutiles pour comprendre la définition actuelle de l'état civil retenue par la Commission internationale de l'état civil ? à laquelle le Canada ne participe pas, incidemment: Mode de constatation des principaux faits relatifs à l'état des personnes et de la famille (naissance, mariage, nom, nationalité, etc.). Et dans le rapport explicatif de sa Recommandation relative à la publicité des registres et des actes de l'état civil, cette commission internationale mentionne que dans les pays de droit napoléonien ? et nous en sommes ? la publicité des registres et actes de l'état civil est la règle. Des restrictions à cette publicité ne sont intervenues qu'ultérieurement et toujours à titre d'exception. Et elle ajoute: «Il est admis qu'en ce qui concerne les indications contenues dans les actes de l'état civil et relatives aux noms, prénoms, dates des événements d'état civil (naissance, mariage et décès) des intéressés, celles-ci ne doivent, en règle générale, pas être protégées. Elles sont pour ainsi dire dans le domaine public et leur diffusion ne saurait en conséquence être soumise à des restrictions.» Alors, depuis les années 1960, les sociétés de généalogie ont entrepris de publier des répertoires de mariages pour l'ensemble de la province. Et il faut mentionner qu'elles ont ainsi diminué l'utilisation des registres originaux et donc les possibilités de leur détérioration.
Alors, on a apporté quelques exemplaires de ces répertoires de mariages que nous vous invitons à consulter, si vous en avez le temps. Vous noterez immédiatement que la filiation est indiquée; il est facile pour un généalogiste d'en comprendre l'importance. Mais il nous importe peu, par exemple, de savoir que tel joueur de hockey célèbre est l'enfant du fils naturel d'un ancien politicien très connu, lui-même généalogiste distingué, car les généalogistes sont concernés par la parenté juridique plutôt que par la parenté biologique.
Nous nous intéressons donc à cette parenté sociale, c'est-à-dire à celle qui est reconnue par l'état civil. Le registre de l'état civil, avec d'autres documents officiels tels le passeport et la carte d'identité, manifeste ainsi notre identité civique, éventuellement notre nationalité et le droit de circuler et de travailler dans notre pays d'appartenance. C'est donc dire que la parenté relève autant du domaine public que du domaine privé et que son affirmation est le fait de l'État autant que des individus. Dans ce contexte, qu'en est-il de la protection de la vie privée et du droit à la confidentialité? Nous posons comme principe général que la parenté biologique relève de la vie privée et la parenté juridique de la vie sociale des individus.
Il est vrai que l'État n'a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation, comme on l'a déjà entendu. Par contre, l'État a le devoir de vérifier s'il n'y a pas usurpation d'identité de la part de certains de ses administrés. Et les citoyens dans leur ensemble ont le droit de consulter le registre de la population de leur société d'appartenance.
Alors, l'état civil était public avant 1993; au nom des généalogistes, la Fédération souhaite le voir redevenir public. De toute façon, beaucoup d'atteintes à la confidentialité sont tolérées par l'État qui s'en fait parfois le complice ? et, à ce moment-là, je vous réfère à la page 11 de notre mémoire.
Troisième point. Après avoir parlé de l'accès aux renseignements, passons maintenant à la communication de ces renseignements, c'est-à-dire à la publication des travaux de généalogie. Nous demandions, lors des audiences de la commission sur la culture concernant le projet de loi n° 122, que le paragraphe 5° de l'article 36 du Code civil ? alors, on est toujours dans le Code civil ? soit modifié pour indiquer que la recherche généalogique et historique constitue une exception au même titre que l'intérêt journalistique.
n(16 h 50)n Ledit article prévoit une exception relative à l'information légitime du public. Cette exception a été interprétée par le législateur, dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, de la façon suivante, et je cite: «La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique à une fin d'information du public.» L'inclusion de ce paragraphe semble indiquer que l'intention du législateur énoncée dans le paragraphe 5° de l'article 36 du Code civil limite les mots «information légitime du public» aux journalistes, laissant dans l'ombre toutes les autres professions. Les historiens et les généalogistes font de la recherche et ils sont confrontés aux règles de la protection de la vie privée.
Évidemment, nous pourrions demander aux tribunaux d'interpréter cet article. Toutefois, nous considérons...
Le Président (M. Boulianne): Alors, il vous reste deux minutes, M. Gagnon.
M. Gagnon (Jacques): ...que le législateur doit jouer son rôle et clarifier cette situation. Donc, nous formulons les recommandations suivantes ? et c'est la finale:
1. Que l'article 35 soit modifié pour indiquer que la protection de la vie privée se limite à une période de 30 ans après le décès ou, si le législateur ne désire pas se rendre jusque-là, que la publication d'un renseignement personnel public ou devenu public ne constitue pas une atteinte à la vie privée;
2. Que l'article 150 soit reformulé comme suit: «Le registre de l'état civil est public. Toutefois, le directeur de l'état civil détermine les conditions nécessaires à la confidentialité des actes relatifs à une adoption ou à un changement de sexe.»;
3. Que l'article 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé soit modifié pour ajouter le matériel généalogique et historique en plus du matériel journalistique; et
4. Que le législateur précise, dans les lois applicables, que les généalogistes, les sociétés de généalogie et les historiens ont un intérêt sérieux et légitime pour constituer un dossier sur une autre personne, sous réserve de l'article 35.
En conclusion, nous voulons exprimer à cette commission de l'Assemblée nationale nos remerciements pour l'écoute attentive de nos remarques, réaffirmer notre grand respect pour le monument juridique que constitue le Code civil, pierre angulaire du droit privé québécois, et assurer cette commission de notre collaboration empressée.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, ça termine. Donc, collaboration empressée. Alors, je vais donner la parole à M. le ministre.
M. Bégin: Et pour tout de suite, M. le Président, laisser la parole à deux distingués collègues qui sont particulièrement intéressés, le député de Bellechasse, qui est généalogiste amateur à l'occasion, et vous-même, M. le Président, qui êtes historien et préoccupé par ces questions.
Le Président (M. Boulianne): Bien. Alors, je vais donner la parole à mon collègue le député de Bellechasse.
M. Lachance: Merci, M. le Président. Comme vient de l'indiquer M. le ministre, je suis généalogiste quand il me reste quelques minutes, ce qui est peu fréquent par les temps qui courent, mais ce qui a été le cas entre 1985 et 1994. Alors, d'abord, je veux vous dire jusqu'à quel point je suis heureux de vous voir ici aujourd'hui, Mme Taillon, M. Gagnon et Me Racine, et vous féliciter aussi pour la qualité de votre mémoire. Vous allez faire plaisir à beaucoup de généalogistes. On sait qu'il y en a de plus en plus, étant donné que plusieurs baby-boomers prennent leur retraite et qu'ils ont du temps pour faire des recherches. Et c'est peut-être aussi en lien avec le développement de l'informatique, qui permet d'aller chercher les informations, et aussi peut-être parce que les familles sont de moins en moins nombreuses. Alors, il y a un regain d'intérêt pour ce secteur d'activité.
J'ai moi-même publié, en 1988, un répertoire des mariages, baptêmes et sépultures à Saint-Nazaire, où je suis né, où je réside et où j'ai réservé mon lot dans le cimetière ? alors, vous voyez que j'ai le sentiment d'appartenance développé ? et également, en 1990, j'ai supervisé des recherches avec des étudiants, avec des projets d'été, à Saint-Malachie et à Saint-Léon-de-Standon, toujours à proximité, dans Bellechasse. À cette époque-là, on n'avait pas les restrictions qui semblent exister depuis l'adoption du nouveau Code civil, le 1er janvier 1994, et la question que je peux vous poser, c'est: Avec ce que vous recommandez, est-ce que vous pensez que le législateur devrait permettre la publication d'informations, tel que j'ai pu le faire avant 1994?
Le Président (M. Boulianne): Alors, oui, allez-y, M. Racine.
M. Racine (Denis): Merci. Alors, M. le député, on a élaboré dans notre mémoire, vous l'avez peut-être lu, les différents problèmes auxquels les généalogistes sont confrontés. Le premier, dans le cas du... si on parle des répertoires de mariages, c'est peut-être plus large mais, si on parle de ce cas précis, d'abord, c'est les interdits sur l'état civil actuel. Donc, avant 1993, l'état civil était public, puis, depuis 1993, il ne l'est plus. Sauf qu'à quelque part ? et on donne des exceptions à la page 11, pas 11 mais enfin ? dans notre mémoire, on donne quelques exceptions où on se demande si notre état civil était aussi confidentiel qu'on le pense.
Sauf que depuis les années soixante les sociétés de généalogie ont publié des répertoires, comme vous l'avez fait, couvrant à peu près tout le Québec, et même depuis 1994 les sociétés ont continué de publier ces répertoires-là en se disant que c'étaient des informations publiques. Or, le problème auquel on est confronté aujourd'hui, c'est que ces informations qui étaient publiques aujourd'hui ne sont plus publiques, l'état civil n'est plus quelque chose de public, et la publication... Même si c'était public, est-ce qu'on... Et c'est ce qu'on demande dans notre mémoire. Même si l'information était aujourd'hui publique, est-ce qu'on pourrait la publier? Et c'est précisément une des questions auxquelles on est confronté ? on en parle dans notre mémoire. Il y a la Société de généalogie de Lanaudière qui est sous enquête par la Commission d'accès à l'information parce qu'elle a publié un répertoire, comme vous avez, et il y a quelqu'un qui a trouvé son nom inscrit là-dedans et il a porté plainte sous prétexte qu'on attentait à sa vie privée. Alors, évidemment, on est...
Donc, vous comprenez que les généalogistes qui, bon... Par définition, on s'intéresse à des gens qui n'ont pas nécessairement des carrières publiques. Ça peut être des gens qui ont des carrières publiques, mais pas nécessairement. L'historien va davantage s'intéresser à quelqu'un qui a marqué l'histoire dans son secteur d'activité, mais le généalogiste va s'intéresser à un de ses ancêtres qui a comme seul mérite d'avoir eu une grosse famille, d'avoir laissé de nombreux descendants ou... C'est à peu près tout ça. Alors, si on s'en va aux critères retenus de l'arrêt Aubry de la Cour suprême, bien, le droit à l'anonymat de cette personne-là prime à peu près tout. Alors donc, on a un problème. On est sur la corde raide tout le temps et on peut être poursuivi n'importe quand pour avoir publié des répertoires comme vous avez vus puis comme vous avez faits vous-même, M. le député. Alors, c'est un problème majeur auquel les généalogistes sont confrontés.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Racine. M. le député.
M. Lachance: Oui. J'ai ici, entre les mains, quelque chose qui n'est pas original, là, c'est le feuillet paroissial, comme il y en a dans la plupart des paroisses, où je réside, puis maintenant il y a un regroupement de quelques paroisses religieuses. Et la question est la suivante: Quand on voit, par exemple ? et je vous donne l'exemple: «A été fait enfant de Dieu le 16 février 2002, Charles Laflamme, né le 27 août 2001, fils d'Éric Laflamme et de Nadia Larivière. Le parrain a été Vincent Laflamme et la marraine Sophie Larivière.» Est-ce que ce n'est pas une information publique, ça? Puis un peu plus loin, on parle d'un décès où on donne les informations extrêmement précises aussi sur le nom de l'individu, avec son âge et aussi avec le nom de sa conjointe. Est-ce que c'est...
Alors moi, je réfléchis tout haut, là: Est-ce qu'il n'y a pas de l'hypocrisie dans ce qui se passe à l'heure actuelle, alors que ces informations-là sont accessibles à tout le monde et qu'elles peuvent servir justement pour faire des répertoires?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Est-ce que vous avez un commentaire, monsieur?
M. Racine (Denis): Oui, ça va même plus loin, là. On le voit, là, c'est des initiatives privées, ça, les fabriques qui publient ces informations-là. Mais les contrats de mariage, si vous vous mariez, votre contrat de mariage est publié au Bureau de la publicité. Dans les contrats de mariage, on mentionne la filiation. Or, ce qui fait problème dans l'état civil, d'après ce qu'on nous en dit, ce n'est pas que vous soyez né à telle place ou à telle date, on est tous né quelque part forcément, mais c'est votre filiation. Or, vous allez tout simplement consulter les contrats de mariage qui sont publiés, bien, c'est indiqué, c'est public. Tout ce qui est publié au Bureau de la publicité, c'est public. Et dans chaque acte de vente immobilier, pour une propriété immobilière, on indique le régime matrimonial et on fait référence au contrat de mariage qui est publié. Alors, est-ce que c'est vraiment une information très, très publique? Dans les dossiers de divorce, on va publier aussi... Les dossiers de divorce au palais de justice sont publics. Les actes d'état civil sont déposés dans les dossiers de divorce. Vous pouvez les consulter, puis c'est indiqué dans les procédures en plus.
M. Lachance: En terminant, M. le Président.
Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y, M. le député.
M. Lachance: Dans le Progrès-Dimanche du 24 mars 2002, c'est très récent, imaginez-vous que j'ai retrouvé ici, là: «73 individus soupçonnés d'être reliés aux motards.» Vous vous demandez peut-être c'est quoi, le lien, mais le lien, c'est le suivant: On a toute une série de noms avec les dates de naissance, et puis ça, c'est dans un journal public accessible à tout le monde. Ou bien ils n'ont pas le droit de le faire ou bien ils ont le droit de le faire. Alors, en tout cas, moi, je trouve que, effectivement, c'est une belle occasion de corriger les choses pour donner une chance aux généalogistes qui n'ont pas l'esprit mal tourné. Voilà.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Il reste deux minutes aux ministériels. M. le ministre, si vous permettez, je vais les prendre.
M. Bégin: Absolument.
Le Président (M. Boulianne): Alors, voici, je tiens à vous féliciter. Je pense que... j'ai lu le mémoire, c'est extrêmement important. Moi aussi, comme enseignant, j'en ai fait de la généalogie. J'ai appris plus tard, en siégeant sur la commission, que j'étais illégal pendant des années, puis que les élèves aussi et tout le monde était illégal, mais c'était intéressant. C'est ça qui est important.
n(17 heures)n À ce moment-là, j'aimerais savoir... Votre quatrième recommandation, je pense que c'est important. Mais comment qu'on pourrait faire, dans un projet de loi, pour dire que les généalogistes, les historiens, c'est du monde sérieux puis qu'ils peuvent légitimement constituer des dossiers? Comment qu'on pourrait faire un projet de loi pour retrouver ça?
M. Racine (Denis): C'est que... Vous permettez?
Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.
M. Racine (Denis): Alors, le Code civil évidemment, c'est une loi générale et c'est complété par des lois particulières, la loi d'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Peut-être que dans le Code civil, évidemment on ne veut pas se rendre ? là, on parle de l'article 37, là ? on ne veut pas se rendre à ce niveau de détail là pour dire que les généalogistes ou les historiens, on a intérêt légitime, parce que le Code civil nous dit que ça prend un intérêt légitime pour le faire. Sauf que, dans les lois particulières, c'est là qu'on pourrait intervenir. Et on vous donne l'exemple du matériel journalistique, à l'article 3... l'article 1 de la loi sur la protection, à la page 13 de notre mémoire.
Le Président (M. Boulianne): Recommandation 3, O.K.
M. Racine (Denis): Oui. Alors, on pourrait y aller de cette façon-là. Évidemment, on laisse au législateur le soin de voir comment il peut agencer tout ça. Il ne faut pas, je pense aussi, dans le Code civil, aller dans le détail pour faire un tas d'exceptions. Mais c'est parce que, quand on intervient... la dernière fois, à la Commission des services au citoyen sur le projet de loi n° 122, bien, on nous dit: Oui, mais il y a le Code civil, parlez-en donc au ministre de la Justice. Et là on est devant le ministre de la Justice, et tout ça, ces lois-là sont imbriquées les unes dans les autres, parce qu'il y a la Charte, le Code civil puis il y a les lois particulières avec ça.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Bourassa, vous avez la parole.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je ne suis pas un baby-boomer à la retraite. Malheureusement, je n'ai pas pu encore me consacrer à la généalogie. C'est un domaine tout à fait nouveau pour moi. Une première question me vient, et je suis en train de lire l'article 150 du Code civil, où on dit que: «Le registre de l'état civil ne peut être consulté sans l'autorisation du directeur.» Quand vous faites une recherche, ça marche comment? Vous allez voir le directeur, vous lui demandez l'autorisation. Est-ce qu'il vous émet, je ne sais pas, moi, un certificat?
Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.
M. Racine (Denis): C'est un... Si vous voulez avoir une recherche, vous vous rendez au bureau de l'état civil et vous dites: Voici... Évidemment, c'est un peu différent si vous êtes de la famille ou si vous êtes un étranger. Si vous êtes de la famille, vous avez le droit d'avoir une copie de l'acte, c'est-à-dire tout ce qui est marqué dans l'acte. Si vous êtes un étranger, un tiers, vous pouvez avoir ce qu'on appelle un certificat où on dit: M. Untel a marié Mme Unetelle à tel endroit, à telle date, point. Il n'y a pas de parent ou autre chose.
Il y a une exception pour les généalogistes. Il y a un protocole d'entente qui existe avec le directeur. Le problème est le suivant: c'est, quand vous êtes généalogiste, vous ramassez tous les gens d'une même famille. Or, si vous ne savez pas où la personne est décédée, bien, vous ne pouvez pas rien faire. Vous ne pouvez pas arriver au bureau de l'état civil en disant: Bien, voici, donnez-moi... Je veux avoir accès à tous les actes concernant ? bien, ma famille Racine ? bon, tous les actes concernant la famille Racine. Ça, ça ne marche pas.
Et le problème, un des problèmes, c'est que même les index sont confidentiels, alors que la loi de 100 ans, qu'on applique ici, est copiée sur celle de France. On va en France, l'étape décennale, les index qui existent à tous les 10 ans, eux, sont publics. Alors, à tout le moins, dans l'état civil, nous autres, on dit: Qu'ils soient publics à l'état civil, puis, si on ne se rend pas jusque-là, bien, au moins que les index le soient pour savoir où chercher, sinon vous ne pouvez pas rien... vous ne pouvez pas rien faire, vous êtes... Si vous savez que vous êtes né à... que vous cherchez l'acte d'une telle personne née à telle place, bien, vous allez le savoir, mais, si vous ne le savez pas, il n'y a rien à faire.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée.
Mme Lamquin-Éthier: Non. Ça va, M. le Président. On est...
Le Président (M. Boulianne): Ça va? Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, c'est bien. Merci beaucoup, M. Gagnon, Mme Taillon et M. Racine, pour cet exposé.
M. Bégin: Peut-être, M. Racine, et... juste une dernière question.
Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Gagnon, il y aurait une question de la part de M. le ministre.
M. Bégin: Je comprends qu'on parle ici de l'article 35, mais je pense que tout le monde vous a montré son intérêt à solutionner l'ensemble du problème, pas simplement un volet qui est un irritant.
M. Racine (Denis): Exact.
M. Bégin: Quelle sorte de suggestion que vous nous feriez? Vous avez parlé du projet de loi n° 122, là. Quelles sont les suggestions que vous nous feriez pour corriger l'ensemble de la problématique? Je pense que mes collègues ont manifesté beaucoup d'intérêt à le faire et j'aimerais ça l'entendre de votre part pour qu'on fasse oeuvre utile.
M. Racine (Denis): Au niveau des principes, M. le ministre, vous avez, dans nos quatre recommandations, je pense, les lignes directrices qui devraient vous guider. Et, comme je l'ai dit tout à l'heure, ces lignes directrices peuvent impliquer des amendements aux deux lois, loi sur l'accès et Loi sur la protection des renseignements privés, puis évidemment au Code civil. Sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, sur l'article 35, bien évidemment on pose des questions sur la pertinence ou la portée de l'amendement parce que, pour nous, ça ne règle pas vraiment le problème, je pense que vous pouvez lire ce qu'on dit dans notre mémoire à ce sujet-là, là.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors donc, je demanderais au Regroupement des gestionnaires de copropriété du Québec de s'avancer, s'il vous plaît, pour être entendu.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, bienvenue donc à la commission parlementaire des institutions. Alors, je demanderais à M. Raymond Ouimet de nous présenter son équipe et le mémoire. Alors, vous avez 10 minutes.
Regroupement des gestionnaires
de copropriété du Québec (RGCQ)
M. Ouimet (Raymond): Alors, voici, nous avons ici Me Yves Joli-Coeur, du bureau DCL, nous avons également Me Pierre Champagne et nous avons aussi, au bout, Me Luce Bergeron.
Le Président (M. Boulianne): Merci.
M. Ouimet (Raymond): Alors, notre intention est de vous présenter un projet que vous avez tous reçu, et je vais laisser maintenant Me Joli-Coeur faire le développement.
M. Joli-Coeur (Yves): Compte tenu du temps serré, je vais vous présenter essentiellement l'objectif du regroupement, le pourquoi de ce mémoire, et mon collègue, Me Pierre Champagne, complétera sur le projet que nous vous soumettons dans l'objectif surtout de prioriser les charges communes.
Le Président (M. Boulianne): C'est bien.
M. Joli-Coeur (Yves): Alors, le Regroupement des gestionnaires de copropriété du Québec existe depuis 1999. Il a pour mission de faire reconnaître la charge des gestionnaires de copropriété, un peu comme il existe en France avec la charge de syndic d'immeubles, et il vise somme toute à assurer une plus saine gestion dans les copropriétés qui est un marché immobilier de plus en plus important au Québec. Alors, M. Bégin nous mentionnait somme toute que, présentement, on n'est pas le premier groupe qui intervient sur ce sujet, et je présume que la raison est la suivante: c'est que c'est un secteur qui est en plein développement, c'est un secteur où justement les baby-boomers se retrouvent de plus en plus et c'est un mode de vie qui, de plus en plus, est objet à critique et à litige. Alors, nous en sommes, somme toute, témoins comme avocats praticiens du droit dans ce domaine et, dans ce contexte, nous désirons vous soumettre une proposition.
Nous avons adressé au chef de cabinet de M. Bégin, le 22 novembre 2001 ? c'est à l'onglet n° 2 de notre projet ? nos commentaires sur l'article 6 de votre projet de loi et nous avons salué, somme toute, l'initiative que nous considérons des plus heureuses de, somme toute, viser à prioriser les charges communes de copropriété. Et, dans ce sens-là, nous avons dans cette lettre-là soumis nos interrogations en ce qui a trait aux conséquences de certains cas. Entre autres, les ventes sous contrôle de justice, qu'advient-il? Suite à cette lettre que nous avons déposée, nous avons apporté une réflexion à savoir comment nous pourrions vous proposer, somme toute, un article en fonction évidemment de notre expérience devant les tribunaux et évidemment dans une optique où ce que nous comprenons du législateur, c'est de prioriser les charges communes. Il faut comprendre que les syndicats de copropriété, c'est une expression qui vient, somme toute, du droit français, sont à nos yeux un minigouvernement qui a essentiellement comme charge aux termes de l'article 1039 d'assurer la conservation de l'immeuble. Ce n'est pas une charge où on fait autre chose que celle-ci, et, dans ce sens-là, ils ont un pouvoir de taxation qui sont les charges communes de copropriété.
Les articles 1064 et 1072 du Code civil nous précisent justement le pourquoi des charges communes. Ce sont, ce que nous appellerons dans un jargon peut-être plus populaire, des taxes qui visent somme toute à assurer l'exploitation de l'immeuble et sa conservation. Et évidemment, si le syndicat connaît un déséquilibre financier en raison de copropriétaires qui en série ne paient pas leurs charges communes, c'est somme toute toute la collectivité des copropriétaires qui en souffre, d'où l'importance de prioriser cette charge.
n(17 h 10)n Mon collègue Pierre Champagne, à qui je donne la parole, va vous exposer, somme toute, ce que nous vous proposons.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, M. Champagne, on vous écoute.
M. Champagne (Pierre-G.): Merci bien. Pierre Champagne, avocat pour le Regroupement. M. le Président, M. le ministre, messieurs, mesdames, le but de notre intervention est d'abord purement technique quant à la phraséologie utilisée pour l'article 1069, tel que proposé par l'article 6 qui est contenu au projet de loi.
Dans notre mémoire, on en parle à la page 3 de notre court mémoire de trois pages et demie finalement, qui n'est pas très long. J'aimerais m'attarder quelques instants sur ce que l'on a proposé. Je pense qu'on a présumé, en 1991, lors de l'adoption du nouveau Code civil, et avec la proposition que le ministre fait maintenant avec l'adoption de l'article 6, l'article 6 du projet de loi n° 50, on a présumé que celui qui demande un état des charges sera évidemment tenu de les payer par la suite lorsqu'il acquerra l'immeuble; on parle des charges communes antérieures à son acquisition. Rien n'est plus certain parce qu'il y a encore certaines ambiguïtés. On en parle dans des articles de doctrine, Me Gagnon en parle dans son volume sur la copropriété. À l'article 1069, on s'exprime jusqu'à maintenant de façon négative en disant, à la dernière phrase de l'article 1069, qu'il ne sera pas tenu au paiement des charges s'il n'a pas obtenu l'état des charges qu'il a demandé.
Alors, nous, ce que l'on propose, c'est finalement d'affirmer sans aucune ambiguïté ce qui, selon nous, était l'intention du législateur dès le départ. Au lieu, autrement dit, d'utiliser la forme négative à 1069, d'utiliser la forme affirmative, d'où l'article 6 que l'on propose et qui stipulerait que l'article 1069 de ce Code serait modifié par le remplacement du premier alinéa par le suivant: «Celui qui désire acquérir, soit de gré à gré, par prise en paiement, vente en justice ou sous contrôle de justice ou autrement ? je reviendrai tantôt sur ce point-là ? une fraction de copropriété divise, peut demander au syndicat des copropriétaires un état des charges communes dues par le copropriétaire vendeur.» Et là c'est là qu'on propose une modification qui, d'après nous, vise à confirmer l'intention du législateur: «Il sera tenu au paiement de ces charges, à moins qu'il n'ait pas obtenu l'état dans les 10 jours de la demande.» Je pense qu'ainsi on résout peut-être un problème d'ambiguïté et on va, je pense, dans le même sens que ce que le législateur, croyons-nous, avait déjà prévu parce que, au lieu de procéder par interprétation jurisprudentielle, on l'aurait directement dans le Code, et c'est le moment venu pour le faire, pourquoi pas.
Maintenant, on propose également, et nous croyons également aller dans le sens du législateur en faisant cette proposition: «Prévoir non seulement la prise en paiement ? ce qui est prévu par l'article 6 du projet de loi n° 50 actuellement ? mais également la vente en justice ? c'est-à-dire la vente par n'importe quel créancier, chirographaire ou autre ? et la vente sous contrôle de justice» voire même ou... quand nous avons proposé la vente en justice et la vente sous contrôle de justice ou autrement, parce que ça peut être une vente par le syndic, ça peut être une vente par le créancier, de gré à gré, il peut y avoir d'autres formes de vente forcées ? ventes pour taxes, par exemple ? et, croyons-nous, il serait dans l'intérêt de tous que tous ces gens-là, tous ces intervenants finalement et ces acquéreurs de copropriété soient tenus à payer les charges antérieures.
Je pense que, si le législateur a l'intention actuellement de faire en sorte à ce que celui qui procède par prise en paiement... Il ne faut pas se leurrer, je pense que ce que l'on vise, ce sont les créanciers institutionnels, compagnies d'assurances et banques, d'abord et avant tout, bien, pourquoi pas viser tous les intervenants, incluant non seulement les créanciers institutionnels, mais également tous les créanciers hypothécaires qui pourraient procéder par un autre mode, peut-être dans le but d'éviter justement de payer les charges antérieures aux ventes en justice ou aux prises en paiement, en le prévoyant de façon spécifique? C'est pour ça que nous prévoyons que nous avons proposé une modification à l'article 6. C'est sur le plan technique, le but de mon intervention.
Maintenant, quant aux modifications qui sont proposées dans le projet de loi n° 50, concernant évidemment ce que nous avons cru comprendre comme étant une confirmation de l'intention véritable du législateur en 1991, à savoir de ne pas inclure les honoraires extrajudiciaires lorsqu'il y a des requêtes en délaissement forcé ou qu'on exerce des droits hypothécaires, eh bien, croyons-nous, il devrait y avoir une exception pour les syndicats de copropriétés. Quant aux autres, on ne peut parler pour les autres, on parle simplement pour les syndicats de copropriétaires. Et voici les raisons pour lesquelles, croyons-nous, il devrait y avoir au moins une exception pour les syndicats de copropriétés.
Le syndicat de copropriétaires a pour fonction unique, pour droit unique la conservation et la préservation de l'immeuble, et il agit au nom de la collectivité des copropriétaires. Le syndicat de copropriétaires n'est propriétaire d'aucune partie commune, puisque lesdites parties communes sont toujours et constamment la propriété des copropriétaires eux-mêmes, c'est-à-dire que l'assiette fiscale, si je peux m'exprimer ainsi ? parce que, dans le fond, une copropriété, ça ressemble un peu à un gros village, et le syndicat en serait le gouvernement ? bien, l'assiette fiscale est uniquement les charges communes et le fonds de prévoyance. Les moyens pour...
Le Président (M. Boulianne): Alors, en conclusion, M. Champagne, je m'excuse... s'il vous plaît.
M. Champagne (Pierre-G.): Oui, en conclusion. Alors, pour le syndicat de copropriétés donc, il n'a aucun autre moyen de se prémunir que celui d'imposer des charges communes et de voir à leur recouvrement. Dans ce cadre-là, s'il y a une hypothèque légale qui est prévue, il me semble normal que les honoraires extrajudiciaires devraient être inclus pour le syndicat de copropriétés. Et je terminerai là-dessus. Le syndicat ne peut pas se prémunir, le syndicat, bien qu'il a le droit en principe d'emprunter des sommes, ne peut offrir aucune garantie, alors que, dans les autres domaines, par exemple comme la construction et pour les créanciers institutionnels, eux peuvent obtenir d'autres garanties.
Le syndicat de copropriétés n'a pas le choix, il ne peut pas faire d'enquête de crédits sur ses copropriétaires. Alors, pour toutes ces raisons, étant donné en plus que, en vertu du droit actuel, en vertu de la situation actuelle des copropriétés, c'est souvent pour des sommes inférieures à 10 000 $, des fois 3 ou 5 000 $ que l'on poursuit, il y aurait lieu de faire en sorte que les honoraires extrajudiciaires seraient inclus, d'où notre amendement que nous avons proposé en page 4 par un amendement à 2729 du Code civil. C'est dans notre mémoire.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Champagne. Alors donc, nous procédons à une période de questions. M. le ministre.
M. Bégin: Merci, M. le Président, merci, messieurs, madame. Hier, nous avons eu deux groupes qui ont exposé l'un derrière l'autre une position tout à fait opposée concernant 1069. Les banques ou les institutions financières ont dit: On ne veut pas de 1069, et les syndicats de copropriétés ont dit: Nous voulons 1069. J'ai fait remarquer, si les deux avaient une position contraire, ils avaient le même intérêt, c'est que les deux voulaient toucher l'argent des charges communes: le syndicat bien sûr, puisque c'est pour ça que vous les réclamez, elles vous sont dues; et la banque elle voulait qu'elles soient payées parce que, sinon, si elles n'étaient pas remboursables au moment de la prise de possession, bien, ils se trouvaient à perdre de l'argent.
Donc, ce qu'on a développé, c'est à peu près ce que vous avez dans votre mémoire, l'idée qu'il faudrait que le créancier hypothécaire puisse être informé. Certains nous disaient qu'il ne pouvait pas l'être parce que les syndicats de copropriétés refusaient, d'autres disaient qu'il n'avait pas le droit de communiquer ces renseignements-là. Il ne s'agit pas de savoir qui a raison, qui a tort. Ils expliquaient qu'ils ne voulaient pas et qu'en conséquence ils ne voulaient pas être tenus de payer. Et on a parlé que, s'ils y avaient accès, pourquoi ne pas à ce moment-là avoir la même règle qu'il y a actuellement dans 1069 pour l'acheteur? Et finalement les deux ont dit: Oui, si on avait ça ? je ne peux pas dire que c'était dans l'enthousiasme, mais ont dit: On serait d'accord.
Alors, vous nous proposez une formulation qui, à l'oeil, là, à première vue, rencontre cet objectif. Et, lorsque vous dites: Celui qui désire acquérir ? c'est la formulation actuelle ? soit de gré à gré ? et là on rencontre les créanciers hypothécaires ? par prise en paiement, vente en justice ? on n'en avait pas parlé ? ou sous contrôle de justice ou autrement, une fraction de copropriétés peut demander au syndicat un état des charges communes. Évidemment, quand il la demande, il doit la payer, mais, s'il ne la demande pas, tant pis pour lui et il va perdre le montant d'argent en conséquence. En ce faisant, je pense que ça aide les deux, vous et le créancier hypothécaire, parce que le créancier hypothécaire va s'enquérir régulièrement de l'état de paiement de vos charges et, si ce n'est pas payé, il va s'inquiéter pour sa créance, va communiquer avec son débiteur, vous aussi, votre débiteur, et l'inciter à vous payer pour ne pas que lui ait à subir la perte en bout de piste. Donc, c'est votre intérêt pour vous autres.
Alors, là-dessus, je pense que... je ne sais pas si ce sera ce texte que vous proposez, mais en tout cas, moi, j'ai bien l'intention d'amender mon texte pour le rendre plus complet et s'assurer que tout le monde puisse y avoir accès. Nous devons répondre à la question: Avez-vous le droit de transmettre cette information-là? Je ne veux pas faire de débat là-dessus, on va y répondre par la loi sur l'accès à l'information et on l'inclura selon les besoins ou pas.
n(17 h 20)n Je reviendrais sur votre deuxième point, qui est celui... pas des charges communes, mais des honoraires extrajudiciaires. Là encore, nous avons eu l'occasion d'entendre cinq groupes au moins là-dessus, et le débat est allé de la manière suivante, je vous dirais même du côté de l'opposition: Notre régime est bâti ainsi, que toutes les parties qui vont en cour paient leurs honoraires, leurs frais, leurs dépens, et il n'y a qu'un cas ? et personne à date ne l'a contredit ? où un créancier peut obtenir paiement de son entier capital en plus des honoraires que sont, par exemple, les frais légaux complets, en plus des frais d'experts, c'est en matière d'expropriation, où le propriétaire exproprié reçoit 100 % de la valeur de la propriété évaluée et, en plus, a le droit ? et le tribunal l'ordonne, le paiement ? à tous les frais légaux, y compris les frais d'experts.
Alors, la règle étant comme ceci, vous nous demandez de faire exception pour vous, basée sur la jurisprudence qui s'est développée depuis 1994 à la Cour d'appel à cet égard. Le législateur... en tout cas, ce que nous en avons vu, c'est que le changement de terminologie n'était pas une intention de changer la règle de droit, mais plutôt de corriger une inexactitude linguistique en français parce que c'était un anglicisme qui était utilisé, et le législateur n'a pas eu l'intention de changer la loi. Alors, ce que nous avons l'intention de faire, c'est revenir à l'état du droit en 1994 et dire que les honoraires extrajudiciaires ne sont pas inclus. C'est ce que nous avons dit aux gens jusqu'à ce jour.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Champagne ou M. Joli-Coeur, si vous voulez répondre.
M. Joli-Coeur (Yves): Alors, écoutez, je comprends que, dans un cadre d'une institution, d'une banque qui prête de l'argent, qui est en affaires pour prêter de l'argent, il y a des réserves, quand on va en affaires, de prendre des avocats et de faire valoir ses droits. Il faut comprendre que, dans une copropriété ? et c'est peut-être l'élément qui n'est peut-être pas très juridique, mais sur lequel j'essaie d'amener une certaine sensibilité auprès du législateur ? c'est que c'est une collectivité. Ce sont des gens qui, dans le fond, se donnent des services en commun, et ces services sont d'assurer la conservation de l'immeuble. Alors, il faut comprendre que, lorsqu'un syndicat vient nous rencontrer à notre cabinet pour demander de percevoir des charges communes, souvent les charges communes qui sont en cause sont des montants très, très petits de 3, 4 ou 500 $, et, si ce n'était pas la question des frais engagés, certainement que les syndicats n'exerceraient pas leurs droits au niveau de l'hypothèque légale. Il faut bien s'entendre au niveau de l'avis d'hypothèque légale, parce que justement préparer un avis d'hypothèque légale, tous les frais qui sont connexes sont souvent aussi importants que la créance qui est en cause.
Alors, à notre humble avis, on pense que les syndicats ne se serviront plus de l'avis d'hypothèque légale, puisqu'il va y avoir une disproportion entre le bénéfice des honoraires extrajudiciaires à être engagés versus le bénéfice de l'exercice de ce droit-là.
M. Bégin: Est-ce que vous n'avez pas le droit aux Petites créances, si c'est des créances? Oui?
M. Joli-Coeur (Yves): Oui, on a le droit effectivement d'aller à la Cour des petites créances lorsqu'on a ? évidemment, tout dépendant de ce que l'autre projet de loi qui s'en vient, je pense que c'est moins de trois employés, mais...
M. Bégin: Cinq.
M. Joli-Coeur (Yves): Cinq?
M. Bégin: Cinq employés et moins.
M. Joli-Coeur (Yves): Cinq employés et moins. Maintenant, le problème, c'est que le législateur a donné le bénéfice au syndicat d'avoir une hypothèque légale, de faire publier des avis d'hypothèque légale. À notre humble avis, à partir du moment où le syndicat n'aura plus le droit aux frais engagés, cette disposition-là du Code civil pour les syndicats ne sera plus utilisée, elle va devenir de facto caduque, parce que les frais à être engagés pour faire préparer l'avis d'hypothèque légale, pour faire le recours pour une vente sous contrôle de justice vont être tellement onéreux versus le bénéfice que ça va rapporter. Évidemment, il faut comprendre que, lorsque les syndicats vont sur l'avis d'hypothèque légale, c'est des cas où, justement, le copropriétaire commence à être en difficulté financière. Si c'est un cas où un copropriétaire s'entête à ne pas payer les frais de condo, les charges communes, ils vont aller à la Cour des petites créances.
M. Bégin: Est-ce que vous avez une idée de ce que c'est en moyenne ? c'est très variable, j'en suis persuadé ? les charges communes pour les copropriétés sur une base individuelle? Est-ce que c'est de l'ordre de 200 $ par année, 500, 1 000, 3 000? Je ne sais pas.
M. Joli-Coeur (Yves): Évidemment, tout dépendant de l'ampleur du complexe, ça peut aller de 200 $ à au-delà de 1 000 $, tout dépendant du caractère luxueux d'une unité d'habitation, mais, grosso modo, c'est aux alentours d'environ 200 $. Évidemment, les plus petites copropriétés, on a des charges communes d'environ 100 $, mais, d'une façon générale... Alors, il faut comprendre que, sur une année, ça peut correspondre à 1 500 $ de charges communes, et c'est là que... Le commentaire est le suivant: Est-ce que les syndicats vont vouloir utiliser l'avis d'hypothèque légale à partir du moment où ils n'ont aucune chance de pouvoir récupérer les frais qu'ils vont engager sur l'avis d'hypothèque légale? Moi, je pense qu'économiquement... enfin, je ne recommanderais pas à mes clients d'aller dans cette direction-là, compte tenu que ça va leur coûter plus cher.
M. Bégin: Pour se rendre jusqu'au bout de l'hypothèque légale, la faire vendre pour paiement de ça, ça représente aussi beaucoup de coûts en toutes circonstances.
M. Joli-Coeur (Yves): Absolument, oui. Écoutez, il faut calculer...
M. Bégin: En fait, est-ce que ce n'est pas un moyen qui en soi est trop lourd pour l'objectif à atteindre?
M. Joli-Coeur (Yves): C'est-à-dire que, lorsqu'on est dans une situation d'un copropriétaire qui est en difficulté financière, obtenir un jugement de la Cour des petites créances devient inutile, on ne peut pas l'exécuter. C'est inexécutable lorsqu'on a un copropriétaire qui est en difficulté, tandis que, si on peut exécuter sur le bien réel avec l'avis d'hypothèque légale, d'où l'intérêt d'aller dans une situation dans ce sens-là à ce moment-là.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le ministre, merci, M. Joli-Coeur. Alors, Mme la députée de Bourassa, vous avez la parole.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. La commission a permis d'aborder plusieurs situations, mais il en est une qu'on n'a pas abordée, soit la situation où un condo est loué et qu'il y a une clause de transport de loyer.
Est-ce que vous croyez, à ce moment-là, qu'il devrait y avoir un mécanisme pour que le créancier paie les frais communs?
Une voix: Je laisse ça à mon confrère Me Champagne.
M. Champagne (Pierre-G.): Oui, effectivement.
Le Président (M. Boulianne): M. Champagne, vous voulez répondre, s'il vous plaît?
M. Champagne (Pierre-G.): Oui. Il y a ici une iniquité dans le sens où justement, si les loyers sont donnés aux créanciers hypothécaires, ça va dans le sens de ce que je disais tantôt, c'est que le syndicat de copropriété n'a pas de moyens de se prémunir de l'insolvabilité du copropriétaire, alors que le banquier, l'institution financière, elle, a des moyens comme, par exemple, le transport des loyers, l'hypothèque sur les loyers.
On parlait tantôt effectivement de l'hypothèque légale qui serait peut-être un processus trop lourd. Je pense que, dans certains cas, ça peut être justement le seul processus disponible pour que le syndicat soit proactif. Et, s'il peut recouvrer les frais engagés, les frais de son procureur, c'est ainsi qu'il va pouvoir forcer les choses et peut-être même forcer le créancier hypothécaire à payer les frais de condo. Parce que d'abord il y a des syndicats, certains syndicats qui comportent plus que cinq employés, ils ont des gardiens de sécurité et des concierges, ça peut arriver. Ils ne peuvent peut-être pas aller à la Cour des petites créances, et le processus d'hypothèque légale, requête en délaissement forcé, préavis de 10 jours, permet aux syndicats de jouer un rôle actif pour ne pas être à la remorque des créanciers institutionnels ou autres créanciers chirographaires, voire même du syndic du copropriétaire insolvable, d'où l'avantage, à mon humble avis, de l'hypothèque légale de copropriété, oui, il y a un avantage sur le plan procédural. Ça rend le syndicat proactif. Ça lui permet d'avoir des recours.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Champagne. Oui, M. Joli-Coeur, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Joli-Coeur (Yves): Non, ça va.
Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme la députée, vous avez la parole.
Mme Lamquin-Éthier: Non, ça va. Merci.
Le Président (M. Boulianne): Ça va? Alors, c'est très bien. Il n'y a pas d'autres observations? Merci beaucoup à Mme Bergeron, M. Joli-Coeur, M. Champagne et M. Ouimet.
M. Joli-Coeur (Yves): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boulianne): ...s'il vous plaît, à la Fédération des sociétés d'histoire du Québec de s'approcher.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): Alors, madame, monsieur de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec, bienvenue.
Vous avez participé à l'établissement des nouvelles règles du jeu, alors je vous laisse une présentation d'une dizaine de minutes en voulant, s'il vous plaît, bien vous identifier ainsi que la personne qui vous accompagne.
Fédération des sociétés d'histoire
du Québec (FSHQ)
M. Beaudoin (Marc): Merci, M. le Président, M. le ministre. Alors, je me présente, Marc Beaudoin, je suis le président de la Fédération des sociétés d'histoire et je suis accompagné par Mme Jeannine Ouellet, qui est vice-présidente de notre Fédération et qui est aussi généalogiste, maître généalogiste agréé. Alors donc, on a une spécialiste dans ce domaine avec nous.
M. Bégin: Le titre de maître est réservé aux avocats, hein.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beaudoin (Marc): En ce qui concerne ce... il y a des distinctions, n'est-ce pas, que certains milieux ne s'attribuent pas nécessairement avec tout le côté légal... O.K. Alors, disons que très rapidement notre mémoire, que j'ai remis tantôt au secrétaire de la commission parlementaire, se résume ainsi.
n(17 h 30)n D'abord, dans un premier temps, nous sommes très heureux de voir que le gouvernement nous invite à donner notre opinion sur des modifications au Code civil qui affectent grandement l'ensemble de la population et particulièrement les chercheurs en histoire et en généalogie. Et vous comprendrez que l'essentiel de notre mémoire va être axé sur les impacts de la modification que vous voulez apporter à l'article 35 et aussi à quelques autres éléments du Code civil qui, pour nous, comme chercheurs en généalogie et en histoire, nous affectent.
La Fédération des sociétés d'histoire a été fondée en 1965. Elle regroupe actuellement 150 sociétés membres. Ce sont des sociétés qui oeuvrent principalement dans les domaines de l'histoire, de la généalogie, du patrimoine bâti, de l'archivistique, de l'ethnologie, du patrimoine mobilier, immobilier... toutes les branches. Et ça regroupe 29 000 chercheurs à travers le Québec. Ces chercheurs-là sont particulièrement heureux d'apprendre qu'on va... Votre proposition d'amendement à l'article 35 à l'effet d'enlever la clause relative aux héritiers libère, lève véritablement une entrave pour les chercheurs à l'effet qu'on n'aura plus à recourir à l'autorisation des héritiers pour pouvoir effectuer des recherches sur une personne disparue. De ce côté-là, nous sommes tout à fait heureux de l'initiative.
Toutefois, le fait qu'on libère ainsi de cette entrave cause quand même problème en ce qui concerne le fait que... Qui va véritablement donner l'autorisation? À quel moment aurons-nous véritablement, toutefois, autorisation de consulter les documents, compte tenu que l'héritier est toujours propriétaire des documents du défunt, dans la mesure où ils sont avec lui, et donc que l'héritier a encore un mot à dire dans la consultation de ces documents-là? Et ça, il n'en est pas question nulle part. Ce qui nous fait dire que, pour nous, on devrait appliquer la Loi des archives dans ce sens-là, dans le sens que 30 ans après le décès ou 75 ans après la production du document, on pourrait rendre accessibles ces documents-là. Au moins, ça donnerait une balise, particulièrement dans le cas où ces documents-là ont été déposés sans qu'il y ait eu au préalable un accord du vivant de la personne. Parce que ça se produit souvent que la personne... surtout quand c'est des personnages publics, qu'ils ont d'énormes archives. C'est ceux-là, habituellement, qui sont intéressants à aller chercher, à aller consulter, à voir ce qu'ils ont fait, pour quelles raisons ils ont posé des gestes. Et on est conscients que, dans ce contexte-là, il faut quand même se donner des balises. Et ça, je pense que, au moins avec ça, ça protégerait à la fois les héritiers et en même temps la mémoire du défunt.
Ce qui nous préoccupe aussi, au niveau des historiens et des généalogistes, c'est d'autres dispositions du Code civil, particulièrement les articles 37 et 36 du Code civil, en ce qui concerne le bien-fondé de la recherche. Actuellement, c'est presque laissé à la discrétion des tribunaux à savoir si le chercheur fait du travail sérieux ou pas, de la façon qu'on le lit, et ça, c'est véritablement une entrave. Et, dans ce contexte-là, nous le réitérons parce que, lors des audiences auxquelles la Fédération a participé pour les amendements en ce qui concerne la loi d'accès à l'information, ou que ce soit pour la Loi des archives, ou l'accès aux archives, aux documents privés, on l'a répété à chaque fois. C'est au niveau du Code civil, on en profite, on est en train de travailler sur le Code civil. Alors donc, il nous apparaît important qu'aux alinéas 5 et 6 de l'article 36 on ajoute quelque chose relatif au fait que l'historien a une notion d'information légitime au public en ce qui concerne la recherche historique et généalogique. Ça fait partie des choses qu'il faudrait ajouter pour au moins libérer cette épée de Damoclès au-dessus de la tête des chercheurs, qu'on vit présentement à cause de cet article-là.
L'article 37, l'article suivant, aussi nous crée des problèmes parce que c'est là où vient jouer tout l'exercice normal de la pratique en archivistique, en généalogie et en histoire. On faisait référence tantôt, avec nos confrères de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, aux répertoires de mariages. Ça fait partie du b.a.-ba du généalogiste que de compiler, que de monter des banques de données, et là, encore là, l'article 37 vient nous bloquer littéralement dans ce type d'activité là. On met au même niveau la nature même, je pense, la volonté du législateur d'embrigader, d'encadrer la gestion des banques de données par les entreprises bancaires, les entreprises de crédit, etc., où là, comme citoyens, on est tout à fait d'accord qu'il faut les encadrer, mais il ne faut quand même pas mettre sur le même pied d'égalité la constitution de fichiers sur le crédit des personnes et la constitution de fichiers sur l'histoire des familles.
Alors, je pense que, de ce côté-là, on aurait avantage là aussi à prévoir une mécanique qui préciserait que les recherches en histoire et en généalogie sont exclues de cette contrainte soulevée par l'article 37, d'autant plus que l'autre irritant de l'article 37, c'est le côté de la publication: on ne peut pas communiquer à un tiers des renseignements qu'on a recueillis. Donc, encore là, ça devient un problème parce que qui dit généalogie, qui dit histoire de famille dit nécessairement publication. On ne fait pas ça pour mettre ça sous le boisseau, on fait ça pour la mémoire collective, on fait ça pour permettre à nos descendants d'avoir une page de l'histoire de notre collectivité, de notre milieu, de notre famille. Et comment voulez-vous le faire si c'est interdit par la loi et par le Code civil?
Donc, dans ce contexte-là, encore une fois, il faudrait vraiment libéraliser l'accès à cette fonctionnalité-là. Sinon, bien, on risque de se retrouver avec un peuple complètement amnésique, et de façon institutionnelle, et là il faudra peut-être changer la devise du Québec. Ça ne sera pas Je me souviens, mais Je veux oublier. Merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Beaudoin et Mme Ouellet, pour votre présentation. Vous allez avoir une écoute d'autant plus attentive qu'au moins deux des membres de la commission parlementaire sont des gens qui ont une formation universitaire en histoire: le député de Frontenac et moi-même.
Vous avez touché un point extrêmement important...
M. Bégin: M. le Président, est-ce que vous avez le droit de parole? Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lachance): Tout à fait. Tout à fait. Il y a de la jurisprudence là-dessus, M. le ministre.
M. Bégin: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lachance): Vous avez touché un point extrêmement intéressant qui comporte les informations qui sont recueillies. Juste, rapidement, à titre d'information ? et c'est le cas dans plusieurs municipalités ? il y a des anniversaires de paroisse: 125, 150 ans. Et chez moi, à la paroisse où je demeure, à Saint-Nazaire de Dorchester, dans Bellechasse, c'est le 100e anniversaire. C'est jeune comme paroisse. Et savez-vous que les familles très volontiers paient des pages familles pour être dans la monographie paroissiale? C'est bourré d'informations qui, normalement, seraient interdites de publication. Alors, nos débats sont publics, avis à ceux qui veulent nous poursuivre. Mais je pense que c'est tout à fait dans l'ordre des choses parce que les gens sont conscients que ça va rester très longtemps et c'est une contribution finalement à l'histoire non seulement des familles, mais à l'histoire tout court.
Et vous avez cité Jacques Lacoursière dans votre mémoire, on peut parler de Pierre Godin et de tous les autres qui écrivent des biographies, et vous avez posé une saprée bonne question, à la page 8 de votre mémoire, quand vous dites: «Afin de se soustraire aux poursuites possibles des lois trop contraignantes, faudra-t-il que les généalogistes québécois publient le fruit de leurs recherches ailleurs qu'au Québec, là où les lois en permettent l'édition?» Surtout aujourd'hui...
M. Beaudoin (Marc): Il ne faudrait pas revenir sous l'Ancien Régime, sous le régime monarchique, dans ce sens-là.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre... Oui, M. le député de Frontenac.
M. Boulianne: Je veux faire suite à mon collègue. D'abord, je vous souhaite la bienvenue. Je vous félicite aussi parce que ça fait longtemps que vous faites un travail important au niveau de la généalogie, au niveau de l'histoire, c'est essentiel.
Je veux reprendre où a laissé mon collègue. Vous dites que, donc, les communications, c'est interdit, puis vous pensez à aller publier ailleurs. Mais comment ça se passe ailleurs qu'au Québec qui vous permettrait de publier, puis ici vous ne l'avez pas, puis qu'on pourrait importer, puis qu'on pourrait mettre dans la loi, qui pourrait nous aider?
n(17 h 40)nM. Beaudoin (Marc): Je pense que c'est tout simplement que les lois sont différentes. De ce côté-là, on ferait exactement la même chose qu'on faisait du temps de la Nouvelle France où les philosophes qui ne pouvaient pas publier hors France, parce que qu'ils n'avaient pas l'imprimatur royal, allaient imprimer en Hollande et tous les livres circulaient en France quand même. Ça serait tout simplement le même exercice. Ça serait simplement qu'on éviterait d'une certaine manière les contraintes en allant à l'extérieur, ce qui est aberrant, là.
Je pense que l'objectif des chercheurs en histoire, ce n'est pas de nuire aux familles, ce n'est pas de nuire aux personnes, c'est, à l'inverse, de simplement présenter l'histoire de ces familles-là, de ces communautés-là. Parce que, quand on parle de l'histoire d'une famille, on parle aussi de l'histoire d'une municipalité, d'un village, on parle aussi de l'histoire, à la limite, de l'ensemble des Québécois. Et si on se prive de publications tout simplement parce que, pour des raisons de «politically correct»? excusez-moi l'expression, mais c'est ça, de «politically correct» ? on s'est mis sous le boisseau des pans entiers de notre vie collective pour protéger certaines précisions, certains éléments de la vie privée qui, en pratique, n'en sont pas.
On naît tous quelque part, avec une date, on se marie, on se divorce peut-être, puis on meurt tous. Puis ça, ça fait partie des lois naturelles de la vie, et on les publie à pleine page dans les journaux, ces événements-là. Et même dans une époque pas si lointaine encore, on annonçait dans les journaux tous ceux qui se mariaient, tout ceux qui se promenaient à travers la province. Donc, il y avait une vie sociale. Et là, simplement parce qu'on arrive dans une société où on veut s'isoler dans notre milieu, dans notre cocon, bien, là, maintenant, il faudrait que toute la vie soit complètement détachée et simplement faire une recherche... Les associations de familles... Comment les associations de familles pourraient-elles simplement faire leurs fameuses grandes rencontres annuelles si elles ne sont pas capables de faire des recensements des membres nés après 1994?
On est en train de se couper littéralement de nos racines simplement en voulant protéger des droits à des éléments de notre vie. On ne veut pas aller voir l'orientation sexuelle des personnes. Ça n'a rien à voir. Notre mandat, ce n'est pas ça. On ne veut pas aller voir quelle est la religion de telle ou telle personne. Ce n'est pas ça, notre mandat. Notre mandat, c'est de connaître d'où vient telle personne; qui est son père, sa mère; qu'est-ce qu'il a fait; s'il a eu des enfants; puis quand il est mort, pour continuer ainsi la filiation. C'est ça qui nous importe.
Le Président (M. Lachance): Vous en parlez avec beaucoup de passion mais, si on veut accélérer... Oui, M. le député de Frontenac.
M. Boulianne: Ça, j'en suis convaincu, vous avez toujours la préoccupation de protéger la vie privée. Ça, je pense que c'est établi puis ça a toujours été comme ça. Mais, à un moment donné, là, vous dites qu'il ne faudrait pas, par exemple, à ce moment-là que ça vienne entraver les aspirations légitimes. Il y a une ligne de démarcation, là. Je ne sais pas où est-ce que vous pouvez situer ça ou si vous avez des...
M. Beaudoin (Marc): C'est que, entre la vie privée, on a eu... Dernièrement, il n'y a pas si longtemps encore, on a eu le cas d'une vedette qui nous a étalé littéralement sa vie privée, tout à fait personnelle, en nous racontant en long et en large et en détail les détails de son accouchement. O.K. Et ça, bien, c'était son choix à elle, remarquez. Mais ça, c'est de la vie privée.
M. Boulianne: Oui.
M. Beaudoin (Marc): Ce qu'on a besoin, nous autres, et là il y a une différence: Quelle est la date de naissance de la personne? C'est tout. Quelle est la date du mariage? Quelle est la date du décès? Et ça, c'est des choses publiques et qui devraient l'être et continuer à l'être.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre de la Justice.
M. Bégin: Une simple question. À la page 6 de votre mémoire, vous dites: «La Fédération des sociétés [...] demande encore une fois que la notion d'information légitime du public intègre la recherche historique et généalogique. De la même manière, la Fédération [...] demande que le législateur exclue l'utilisation des archives personnelles pour les fins de recherche historique et généalogique des motifs d'atteinte à la vie privée d'une personne.» Une recherche généalogique par un amateur, est-ce que c'est couvert ou pas? Ha, ha, ha! C'est pour M. le président. Est-ce que ça couvre les généalogistes amateurs?
M. Beaudoin (Marc): Ça devrait les couvrir, les généalogistes amateurs, parce que la majorité sont des amateurs. On a avec nous une généalogiste agréée, mais c'est...
M. Bégin: Est-ce que vous avez un code de déontologie concernant les généalogistes amateurs?
M. Beaudoin (Marc): Les généalogistes se sont donné un code de déontologie. Mme Ouellet pourrait...
M. Bégin: Est-ce que vous devez être accrédités quelque part? Est-ce que vous êtes accrédités quelque part par quelqu'un ou par un organisme ou bien si quelqu'un se décrète...
Mme Ouellet (Jeannine): Oui, par la Fédération québécoise des sociétés de généalogie qui reconnaît trois titres, entre autres maître généalogiste agréé, généalogiste-recherchiste agréé et généalogiste de filiation agréé. Évidemment, il y a une différence entre chacun.
M. Bégin: Je présume que vous répondez à ceux qui s'objectent au fait que peut-être l'information à laquelle vous auriez accès serait utilisée de manière abusive, qu'il y a un recours qui pourrait exister comme dans n'importe quoi dans notre société.
Je vous donne des détails. 36 et 37 ne font pas l'objet des modifications législatives. Malheureusement, nous n'avons pas pris connaissance de votre documentation avant aujourd'hui, mais nous avons la chance d'avoir une petite période de réflexion entre maintenant et le moment où nous étudierons le projet de loi article par article. Peut-être, si l'opposition est d'accord et si, après vérification, ça ne pose pas de problème... Parce qu'on peut voir le côté positif d'une chose, mais, quand on n'a pas fait le tour, peut-être y aurait-il des objections que nous ne connaissons pas et que d'autres pourraient nous offrir.
Donc, après une vérification faite, bien sûr que, si nous voulons régler le problème... Et je pense que nos deux collègues qui travaillent dans le domaine nous servent un peu de guides. Si c'est pour solutionner le problème, il faut aller plus loin que 35 et toucher à 36 et 37 et qu'on ne déborde pas trop loin par rapport à ce que d'autres pourraient dire. Peut-être pourrons-nous, lors de nos travaux du mois de mai ? c'est avril? mai, je pense ? aller plus loin et à ce moment-là envisager de modifier 36 et 37. Je ne vous promets rien, je fais juste penser tout haut.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre, pour cette belle ouverture. Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Le temps file et c'est bien regrettable. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Bienvenue. Pardonnez-nous d'être aussi expéditifs.
Vous vous réjouissez dans votre mémoire que le législateur lève enfin l'entrave majeure que constitue le consentement, l'obligation du consentement des héritiers tel que prévu à l'article 35. Est-ce que vous seriez pour le maintien du consentement, mais avec une période de temps? Le groupe qui vous précédait suggérait que l'article 35 soit modifié pour indiquer que la protection de la vie privée se limite à une période de 30 ans. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Beaudoin (Marc): Le Barreau a proposé sept ans.
Mme Lamquin-Éthier: Le Barreau était pour le maintien du consentement d'héritiers.
M. Beaudoin (Marc): Oui, mais à sept ans.
Mme Lamquin-Éthier: Sept ou 30. Ça pouvait, selon les consultations qui ont été menées ? c'est la page 4 ? pour éviter que les héritiers refusent indûment leur consentement... Attendez que je vous lise ça. Oui, c'est bien ça. Il y avait effectivement: «Certains membres consultés préféraient s'aligner davantage sur le délai de 30 ans prévu à la Loi sur les archives en matière de protection des renseignements nominatifs...» Ils parlaient donc de sept ou 30, c'est ça, et ils étaient pour le maintien du consentement.
M. Beaudoin (Marc): Oui. Techniquement, l'utilisation d'une période... Nous autres, on a parlé tout simplement de... On était là, on disait: Retirons le consentement des héritiers, mais donnons quand même une balise trentenaire pour l'accès, quand même, de façon à ce que toutefois il y ait quand même une période tampon. Et ça, c'est normal.
Je ne voudrais pas qu'on tombe non plus dans le voyeurisme. Immédiatement après le décès, on se précipite sur les archives du défunt sous prétexte que maintenant c'est accessible. Il ne faudrait pas non plus tomber dans ce piège-là.
Donc, on est un peu sur la même longueur d'onde de ce côté-là, que ce soit 30 ans... Avec le consentement des héritiers, encore là faudra-t-il définir c'est qui, les héritiers, et jusqu'où on va. C'est un peu pour ça qu'on était heureux qu'on enlève carrément la notion d'héritier, parce que ça au moins libérait tout l'inconfort qu'on avait avec ça. Parce que j'ai vu des textes où on nous parle des héritiers de Marie de l'Incarnation. Alors, il ne faudrait peut-être pas aller jusque-là, mais... Alors, c'est pour ça qu'en éliminant la notion d'héritier, à l'article 35, ça libérerait au moins cette contrainte-là. Mais il faudrait quand même mettre effectivement une contrainte de temps de façon à éviter que les héritiers soient éclaboussés ? parce que, malgré tout, il y en a ? par une divulgation trop rapide d'informations.
n(17 h 50)nMme Lamquin-Éthier: C'est parce que, quand on lit votre mémoire, j'avais plutôt l'impression que le problème ? et je peux mal vous interpréter ou comprendre ? ...vous dites: Le problème étant qu'il n'y a pas de limites de temps. Alors, ça semblait être principalement...
M. Beaudoin (Marc): Oui. Bien, c'est ça, c'est qu'actuellement il n'y en aurait pas, il n'y en a pas présentement.
Mme Lamquin-Éthier: Donc, on pourrait maintenir le consentement, mais en l'assortissant d'une période de temps?
M. Beaudoin (Marc): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: O.K. Vous parlez des héritiers, c'est une question qui a été soulevée, puis Me Ciotola... D'ailleurs, dans le mémoire du groupe de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, ils évoquent une expérience... En tout cas, la jurisprudence française, semble-t-il, a apporté une solution originale en limitant le droit aux héritiers du premier degré. Et ça, ça pose... votre opinion là-dessus semble différer de celle...
M. Beaudoin (Marc): Non, elle ne diffère pas non plus...
Mme Lamquin-Éthier: Me Ciotola disait... il ne voyait pas pourquoi on limiterait au premier degré, là.
M. Beaudoin (Marc): Bien, c'est-à-dire que le problème, c'est que ça n'aura plus de fin, et c'est exponentiel. On est bien placés pour en parler, on est en généalogie. Ha, ha, ha!
Mme Lamquin-Éthier: Les racines vont loin.
M. Beaudoin (Marc): Puis d'autant plus que... Où commence l'héritage et où commence... Tu sais, est-ce qu'on remonte aux défunts de 1759 ou on se contente des défunts de 2002? Toute la question est ouverte. C'est pour ça que, à ce compte-là, ça serait intéressant au moins que, si on maintient la notion d'héritier dans 35, dans l'article 35, on vienne le préciser, de qui on parle, dans le cas des héritiers, parce que ça peut aller loin. Si, l'héritier, c'est une communauté religieuse, à qui devons-nous demander le consentement? À l'ensemble de la communauté, donc chacun des acteurs? Seulement à la supérieure? Ce n'est pas clair. Donc, si le texte maintient les héritiers, il faut absolument clarifier la notion de façon à éviter que n'importe qui se déclare héritier de tel ou tel personnage pour finalement aller chercher des dividendes sur des informations. Et là, bien là on vient de parler peut-être d'une autre forme d'héritage. L'information va être monnayable, on s'embarque dans une autre galère.
Le Président (M. Lachance): Ça va?
Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup, monsieur et madame.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Ouellet et M. Beaudoin, pour votre participation aux travaux de cette commission. Ça va passer à l'histoire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite immédiatement les représentants de l'Union des artistes.
Une voix: ...
Le Président (M. Lachance): Oui, oui. Alors, le temps de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 54)
(Reprise à 17 h 56)
Le Président (M. Lachance): Alors, très bien, nous allons poursuivre nos travaux. Alors, bienvenue, messieurs de l'Union des artistes. J'invite le porte-parole et la personne qui l'accompagne à bien vouloir s'identifier. Étant donné la période assez restreinte dont nous disposons...
Union des artistes (UDA)
M. Payette (Daniel): Je vous remercie, M. le Président, MM. et Mmes les députés, membres de la commission. Je suis Me Daniel Payette, je suis conseiller juridique externe de l'Union des artistes en matière de droits d'auteur et de droits de la personnalité, et je suis accompagné de Me Jean-François Séguin du service juridique et des relations de travail de l'Union des artistes.
L'Union des artistes a demandé à intervenir devant cette commission parce que ses 6 000 membres et 4 000 stagiaires s'opposent vigoureusement à la modification projetée à l'article 35 du Code civil, au second alinéa, pour supprimer l'expression «et ses héritiers y consentent». Le droit à l'image, qui est inclus aux articles 35 et 36, est une partie essentielle du droit à la vie privée. C'est un droit fondamental qui a été reconnu par les tribunaux depuis 1858 et qui fait partie du droit civil du Québec depuis l'origine. C'est un droit fondamental qui est tout aussi important et il est garanti par la Charte... que le droit à la liberté d'expression.
Et, en 1994, le législateur québécois a choisi fort intelligemment, sur la base de l'expérience d'autres juridictions, de prévoir que ce droit est transmissible aux héritiers. Les membres de l'Union des artistes vivent du droit à l'image. Les artistes, quand ils travaillent, utilisent leur droit à l'image, la protection de leur nom, de leur voix, de leur image, ils bâtissent une carrière entière sur leur image. C'est un droit, nous a dit la Cour suprême dans l'affaire Aubry, qui présente des caractéristiques patrimoniales, c'est un droit économique, et les artistes peuvent légitimement exploiter leur image.
La première raison pour laquelle nous nous objectons à cette modification projetée à l'article 35, c'est qu'il est extrêmement important pour les artistes de pouvoir transmettre à leurs héritiers ce droit patrimonial. Le Code civil reconnaît le droit à tous de pouvoir transmettre leurs biens à leurs héritiers. Pourquoi Pierre-Karl Péladeau pourrait-il hériter des actions de Quebecor et les héritiers de Céline Dion ne pourraient pas hériter de son droit à l'image? C'est un droit fondamental que de pouvoir transmettre à des héritiers le résultat de son labeur. Et pour un artiste, la construction de son image, de sa personnalité, de sa voix, c'est le résultat de toute une carrière. Le Capitaine Bonhomme, par exemple, aujourd'hui, dont le créateur est décédé, il peut, au-delà de son décès, contribuer à faire vivre sa conjointe et sa famille par l'utilisation du personnage qu'il avait créé. La seule protection qui existe pour les artistes ? c'est la seconde partie de l'article 35 ? c'est la possibilité de transmettre aux héritiers les autorisations requises pour utiliser le droit à l'image. Et, en ce qui nous concerne, nous pensons donc qu'il est essentiel que cette disposition-là soit maintenue, que c'est légitime.
Nous pensons également qu'on essaie de nous faire des peurs, avec le deuxième paragraphe, fondées sur toutes sortes d'interprétations, qui n'ont aucun fondement juridique, de l'article 35. Aucune décision des tribunaux n'est venue dire qu'on n'avait pas le droit de faire de l'histoire, des archives ou des biographies au Québec. Le droit à la vie privée existe depuis 1858. Aujourd'hui, on fait des biographies sur les personnes vivantes, on publie des articles sur les personnes vivantes, on rédige des livres. Les artistes, au premier chef, savent très bien qu'une bonne partie de leur vie privée, ils doivent également la partager avec le public. Mais c'est essentiel pour nous de pouvoir transmettre et protéger le droit à l'image au-delà du décès de l'artiste-interprète.
n(18 heures)n Le deuxième élément de préoccupation, c'est que nous voulons protéger l'utilisation posthume de l'image de l'artiste interprète. Nous avons entendu le ministre de la Justice dire que le Québec était la seule législation en Amérique du Nord à avoir une disposition qui prévoyait la transmission du droit à l'image aux héritiers. C'est inexact, la Californie, par exemple, a adopté une loi, qui est la Fred Astaire Protection Act, qui... La veuve de Fred Astaire avait entrepris des procédures parce qu'on avait utilisé l'image de son mari défunt dans un vidéo pour faire la promotion de cours de danse. Et elle s'était adressée aux tribunaux de Californie, qui lui ont dit: Malheureusement, madame, vous n'avez pas de droit, parce que, aux États-Unis, le Publicity Right, l'équivalent de notre droit à l'image, meurt au moment du décès de la personne. Et la Californie, suite à ça, a décidé d'adopter cette législation qui fait désormais qu'on doit demander la permission aux héritiers d'un comédien décédé pour pouvoir utiliser son image.
Le Texas examine actuellement une loi similaire. La tendance de tous les pays contemporains consiste précisément à reconnaître ce droit. Et le Québec, à ce niveau-là, était dans le peloton de tête, et là on voudrait le faire reculer loin en arrière. Nous sommes inquiets, parce que, de plus en plus, cette image des comédiens posthume est utilisée. Dans les films de Crowe ou Gladiateur, par exemple, vous avez pu voir qu'on a utilisé l'image d'un comédien décédé en cours de tournage pour finir le tournage avec une image synthétique.
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, mais je dois, à titre de président, solliciter le consentement des membres de cette commission pour poursuivre au-delà de 18 heures.
M. Bégin: D'accord.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée?
Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui, oui. Très intéressant.
Le Président (M. Lachance): Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
M. Payette (Daniel): Très bien. Vous avez également vu, maintenant, dans de nombreux films l'utilisation d'un personnage vivant dans des films d'archives. Alors, les nouvelles technologies vont permettre l'utilisation de l'image et même de la voix des comédiens décédés. On pourrait maintenant faire un message publicitaire en utilisant la voix de Jean Gabin ou la voix de n'importe quel comédien membre de l'UDA décédé. Si nous n'avions pas la protection du second alinéa de l'article 35, ce serait permis. Au moment du décès de Céline Dion, l'image de Céline Dion tomberait dans le domaine public, alors...
Et le droit à l'image, c'est un droit qui est assez proche des droits d'auteur, qui est assez proche des... La Cour suprême, aujourd'hui même, dans l'affaire du peintre Claude Théberge, bien connue, contre Galerie Yves Laroche, a rappelé que même le droit moral de l'auteur, qui est le droit à la paternité de l'oeuvre ou faire respecter l'intégrité de l'oeuvre, a un aspect économique. Et, en matière de droits d'auteur, on a toujours reconnu que la protection qu'on devait accorder à une oeuvre après le décès de l'auteur... C'était, à l'époque, 50 ans, c'est-à-dire la durée de vie d'une génération après l'auteur et, de plus en plus, dans toutes les juridictions, sauf le Canada, parce que c'est fait maintenant aux États-Unis, c'est fait en Europe avec la directive européenne, on a porté à 70 ans la protection des droits d'auteur. On considérait dorénavant que la durée de vie d'une personne humaine était 70 ans et que l'équivalent d'une génération, c'était 70 ans. Et c'est pour cette raison que nous nous objectons fermement à des propositions qui viseraient à limiter dans le temps à sept ans ou à 30 ans quelque chose qui, légitiment, revient à une génération.
Et je terminerai en disant que le législateur, quand il a choisi «aux héritiers», il ne parlait pas des successibles. Quand il dit, le législateur, «ses héritiers», à l'article 35, c'est nécessairement la première génération qui hérite directement et non pas les héritiers des héritiers. Alors, les inquiétudes qu'on se fait à l'égard de la transmission à 10 générations, et ainsi de suite, ça ne tient pas debout. Le texte de l'article 35, second alinéa, est clair, «à ses héritiers», ça veut dire la première génération, et nous pensons donc que cet article-là ne doit pas être modifié dans le contexte économique actuel.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre de la Justice.
M. Bégin: Merci. Alors, merci. Je pense que c'est un éclairage que personne n'avait donné jusqu'à présent. On avait entendu l'autre volet, vous avez pu même assister à la chose. Mais il y a peut-être une question de perception, là, de compréhension des choses. L'article 35 nous dit, au deuxième alinéa: «Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée.» Je suis étonné que personne n'ait discuté, à ce jour, du sens du mot «atteinte». L'atteinte, veut-il dire que mentionner un nom est une atteinte ou bien c'est une atteinte qui serait, disons, préjudiciable, par exemple ternir le nom ou la réputation ou modifier les informations sur une personne qui est décédée ou ce qu'elle a fait? Je vous pose la question parce que je voudrais entendre votre commentaire.
L'article 625 du Code civil dit ceci: «Les héritiers sont, par le décès du défunt ou par l'événement qui donne effet à un legs, saisis du patrimoine du défunt, sous réserve des dispositions relatives à la liquidation successorale.» Théoriquement, si j'écoutais votre propos de tout à l'heure ? vous disiez: L'image du défunt fait partie du patrimoine ? jusqu'à présent, il n'y a pas de problème, ça passe.
Deuxième alinéa: «Ils ne sont pas, sauf les exceptions prévues au présent titre, tenus des obligations du défunt au-delà de la valeur des biens qu'ils recueillent et ils conservent le droit...» Bon, c'est plutôt un aspect technique.
Mais, troisième paragraphe: «Ils sont saisis des droits d'action du défunt contre l'auteur de toute violation d'un droit de la personnalité ou contre ses représentants.» Est-ce que dans les faits, par le biais de 625, ce qui serait l'équivalent de n'importe quel recours qui existerait en dommages et intérêts contre un vivant, de dire que, lorsque vous portez atteinte... Moi, en tout cas, ma compréhension de l'atteinte, c'est quelque chose qui est préjudiciable, ce n'est pas un fait vrai. Si je montre la photo de Jean Gabin, comme vous disiez tantôt, ce n'est pas une atteinte à la vie de Jean Gabin, c'est Jean Gabin tel qu'il est. Si je le transforme puis que je lui fais avoir l'air d'un bandit, alors que c'est un honnête homme, là il me semble qu'il y a une atteinte à sa vie. J'essaie de saisir, là, quel est l'enjeu véritable. Parce que je vous comprends dans ce que vous dites, que, par exemple, il ne faudrait pas que ce qui a été la vie d'un homme ou d'une femme qui est devenu célèbre et que des enfants, ne serait-ce qu'à titre d'enfants, ne voudraient pas... en aucune circonstance, au-delà du fait qu'elle était une vedette. C'est un peu comme un homme politique ou une femme politique. On bâtit, par exemple, une image, toute notre carrière, d'honnêteté, etc., de service au public, mes enfants, au-delà du caractère de l'article 35, ne seraient pas intéressés à ce qu'on me présente, après mon décès, comme autre chose que ce que j'ai été, donc qu'on porte atteinte à ma vie. J'essaie de bien voir ce que vous nous dites.
M. Payette (Daniel): Il faut distinguer, M. le ministre, et ce que la Cour suprême a fait dans l'affaire Aubry c. Vice-versa, parce que, dans Aubry c. Vice-versa, on plaidait précisément qu'il fallait qu'il y ait atteinte à la réputation pour qu'il y ait atteinte à l'image.
M. Bégin: Excusez-moi, l'idée, c'est la personne qui avait été photographiée...
M. Payette (Daniel): Photographiée...
M. Bégin: ...là, à son insu et utilisée, hein...
M. Payette (Daniel): Non, elle savait qu'elle était photographiée. Elle a été photographiée dans une revue d'art et dans un lieu public...
M. Bégin: Ah, oui, oui, mais on en a fait un autre usage.
M. Payette (Daniel): ...mais elle ne savait pas que ce serait publié dans une revue, et on s'interrogeait sur l'acte de publication. Et, la Cour suprême a bien fait la différence, le droit à l'image, c'est un droit fondamental de la personne qui est relié intrinsèquement à sa vie privée. Vous avez le droit de protéger votre image et vous avez le droit que votre image ne soit pas révélée, diffusée dans le public, vous avez un droit à l'anonymat. Et le droit à l'image est violé dès que vous faites une utilisation non permise de l'image d'une personne, et il n'y a pas nécessité que l'atteinte que vous faites soit préjudiciable au même titre que ce soit une atteinte à sa réputation. C'est un droit fondamental à l'image. Au même titre qu'un auteur a un droit sur son oeuvre littéraire, une personne a un droit sur son image.
Et, par exemple, si on utilise Jean Gabin dans n'importe quelle oeuvre, on porte atteinte au droit de ses héritiers sur l'image de Jean Gabin, sur la partie patrimoniale du droit qui est vraiment un droit économique de protéger d'utiliser son image. Et c'est un droit qui est né dans les juridictions françaises et que les juridictions de «common law» ont reconnu sous la forme limitée du Publicity Right, mais tous les pays industrialisés reconnaissent aujourd'hui qu'un artiste, un acteur, un comédien, un sportif a un droit à son image et à l'utilisation commerciale de son image. Alors, ça n'a pas besoin d'être préjudiciable, ce n'est pas... Quand on utilise l'image d'une sportive pour faire une publicité de gomme sur les autobus, on n'a pas besoin de démontrer que c'était préjudiciable ou qu'on a modifié son image pour qu'il y ait atteinte à son droit, la simple utilisation à des fins commerciales de l'image d'une personne pour faire de la publicité est une violation de son droit à l'image.
n(18 h 10)n Alors, je pense qu'on ne doit pas se limiter aux atteintes préjudiciables, mais toute atteinte... Alors, dès qu'on utilise l'image d'une personne, on doit obtenir son autorisation. Et lorsqu'une personne a décidé de dévoiler en public des faits privés... Lorsque quelqu'un ? j'entendais tout à l'heure l'historien ? lorsque quelqu'un dit: Voici comment j'ai accouché, la personne a révélé au public quelque chose, ça ne fait plus partie de la vie privée. Les artistes le savent bien, ils ne peuvent plus interdire après qu'on communique ce fait-là s'ils l'ont eux-mêmes dévoilé au public. Alors, à ce niveau-là, je n'ai pas les inquiétudes que manifestent les historiens. Je pense qu'à ce niveau-là on fait dire au texte de loi ce qu'il ne dit pas.
M. Bégin: Peut-être pourriez-vous nous informer... En vertu de la loi fédérale sur les droits d'auteur, qui couvre, je crois... Je ne suis pas un expert dans le domaine, corrigez-moi si je me trompe, qui protège cette image également, est-ce que... Voyons! J'ai perdu mon idée, excusez-moi.
Une voix: On parle des droits d'auteur.
Une voix: Protège l'image...
M. Bégin: C'est ça. Bien, c'est ça, c'est parce qu'on a un problème. Je vous comprenais très bien dans votre distinction, là, mais est-ce que l'image posthume fait partie du patrimoine et quelqu'un peut réclamer le droit à l'image de son auteur?
M. Payette (Daniel): En vertu du second paragraphe de l'article 35...
M. Bégin: Non, non, excusez, je parlais en vertu de la loi fédérale.
M. Payette (Daniel): En vertu de la loi fédérale, pour les auteurs, oui, les droits d'auteur sont transmissibles aux héritiers. Ils sont, au Canada, pour une durée de 50 ans du décès de l'auteur, et toutes les juridictions sont en train de porter cette durée-là à 70 ans maintenant. Alors, c'est vrai pour les droits patrimoniaux d'auteur et c'est vrai pour le droit moral de l'auteur selon l'article 14.1. Les deux droits sont pour 50 ans de la mort de l'auteur.
Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous représentez l'Union des artistes, donc des artistes, des gens qui sont très préoccupés par leur image. Comment est-il possible de concilier vos préoccupations avec les besoins des groupes que vous avez entendus précédemment qui sont plus portés sur la généalogie, l'histoire? Est-ce que c'est possible de concilier...
M. Payette (Daniel): Je pense que oui. Je veux dire que, d'une part, ces groupes-là donnent une interprétation à «information légitime du public» qui est limitative. Or, je ne crois pas qu'aucun tribunal n'ait, jusqu'à présent, donné une portée restrictive à ces termes-là. Ça veut dire que des personnes qui font un travail de biographie, un travail d'histoire travaillent à l'information légitime du public, ça ne se limite pas aux journalistes. Donc, c'est une exception dont ils profitent déjà à l'égard des personnes vivantes, ils profitent de la même exception à l'égard des personnes décédées. Et il y a, d'autre part, des interventions qui sont possibles au niveau des lois particulières, parce que ce que j'ai entendu, ce sont des remarques à l'égard de dispositions, par exemple, sur le caractère public d'actes qui devraient rester publics. L'Union des artistes ne s'objecte pas à ce que les actes de l'état civil soient des documents publics. Ils sont publics par nature, ils devraient rester publics, mais le moyen pour faire ça, ce n'est pas de priver les artistes du droit à l'image.
Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Lachance): Ça va? Oui, M. le ministre.
M. Bégin: C'est parce que cette problématique est plus complexe, peut-être, qu'elle ne paraît à première vue. Est-ce que vous pouvez ajouter quelque chose comme commentaire, là? Parce que vous avez eu un temps relativement court, je ne voudrais pas nous priver de l'information que vous pourriez nous fournir, pourriez-vous, s'il vous plaît, compléter s'il y a lieu ou bien si vous pensez avoir couvert là? Ça va?
M. Payette (Daniel): Non. Je vais peut-être laisser la parole à Me Séguin qui a peut-être des remarques particulières.
M. Séguin (Jean-François): Le seul commentaire que, moi, j'aurais à formuler, c'est que je pourrais attirer l'attention des membres de la commission sur le jugement Malo contre Laoun, donc Linda Malo contre l'opticien Antoine Laoun, qui est une cause à laquelle l'Union des artistes est intervenue, qui sera entendue par la Cour d'appel en décembre prochain. Et un des chefs de dommage qui est reconnu par la Cour supérieure, c'est l'usurpation de la vie artistique, c'est-à-dire lorsque quelqu'un s'approprie l'image d'un artiste et l'utilise à des fins commerciales et donc, par le fait même, vient usurper le choix de l'artiste sur son image, sur la gestion intrinsèque de sa vie artistique, donc de sa carrière. Donc, par le fait même, pour les héritiers, si on utilise l'image posthume à des fins commerciales autres, c'est problématique pour nos membres. Et c'est d'ailleurs ce sur quoi le législateur californien s'était penché. Et on a avec nous la législation californienne, qui s'appelle le Fred Astaire Celebrity Image Protection Act, et, comme l'a dit mon confrère, avec le consentement requis des héritiers, le Québec est en peloton de tête, et là, avec cet amendement proposé là, on se trouve à faire un pas de géant, mais vers l'arrière.
Et c'est une préoccupation de tous les instants pour les artistes, puisque le jugement de Linda Malo fait jurisprudence. Et, comme je l'ai dit, la Cour d'appel l'entendra en décembre prochain, et c'est une audition qui va durer une demi-journée. Pour les plaideurs, une demi-journée en Cour d'appel, c'est énorme et c'est une question d'importance. Et là on sent que, par la bande, l'amendement qui est proposé à l'article 35 vient saboter des années et des années d'efforts, et des années et des années d'efforts d'artistes qui, bon an, mal an, se sont créé et se sont dotés d'une image qui devient leur fonds de commerce finalement, et c'est ce qu'on vient attaquer par...
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Bégin: Est-ce que... Peut-être l'avez-vous dit, mais j'ai été momentanément distrait et je m'en excuse, est-ce que vous voyez une différence entre le journaliste, le généalogiste, l'historien et les autres, nous, par exemple, quant à l'utilisation ou l'accès, y compris à la vie personnelle, là? Est-ce que vous voyez une distinction? Vous dites: Tout le monde dans le même sac ou bien il n'y a pas de différence à avoir?
M. Payette (Daniel): Ce que le texte de loi dit, c'est «l'information légitime du public». Il ne dit pas «les journalistes, les historiens et les archivistes», il dit «l'information légitime du public». Tout citoyen qui se livre à une activité qui est dans le but de l'information légitime du public peut éventuellement déroger à une certaine protection de la vie privée. Et je pense que c'est le sain équilibre entre la protection de la vie privée et du droit à l'image et la liberté d'expression dans le but légitime de l'information du public, et je pense qu'on aurait tort de remettre en question cet équilibre qui fonctionne bien.
M. Bégin: Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci. Oui, Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Le Barreau du Québec disait ? c'est en lien avec l'information légitime ? que, pour éviter que les héritiers refusent indûment de donner leur consentement à une atteinte licite à la vie privée de leur auteur, ce consentement pourra obéir à un critère, soit celui qui est exprimé au paragraphe 5° de l'article 36, l'information légitime au public. Donc...
M. Payette (Daniel): Ça, c'est dans le cas... Dans le but de l'information légitime du public, on n'a pas besoin de l'autorisation.
Mme Lamquin-Éthier: O.K. Donc, c'est tout à fait... O.K.
Le Président (M. Lachance): Alors, Me Payette, Me Séguin, merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Et à tous et à toutes je souhaite un bon congé pascal même si on n'a pas terminé nos travaux. Et j'ajourne les travaux de la commission au mardi, le 9 avril 2002, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 18)