(Quinze heures vingt-huit minutes)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous avons quorum, nous allons débuter. La commission des institutions est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif. Il s'agit des programmes 1 et 2 pour l'année financière 2001-2002. Et je rappelle que, selon l'entente intervenue entre les leaders en vertu de l'article 285 du règlement, une enveloppe de trois heures a été allouée pour l'étude de ces programmes.
Avant de procéder plus avant, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulianne (Frontenac) est remplacé par M. Paré (Lotbinière); M. Jutras (Drummond) par M. Payne (Vachon); Mme Signori (Blainville) par M. Létourneau (Ungava); et M. Dupuis (Saint-Laurent) par M. Charest (Sherbrooke).
Organisation des travaux
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Quant à l'organisation des travaux, si je me fie aux exercices précédents, je crois comprendre que nous procéderons selon une discussion d'ordre général plutôt que programme par programme. Et, à la fin de la période, je réserverai quelques minutes pour procéder à la mise aux voix des programmes. C'est bien ça? Discussion d'ordre générale et non pas programme par programme, j'imagine?
M. Landry: Oui.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous en venons donc... Oui, M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Compte tenu qu'on n'a pas adopté le programme sur la jeunesse, est-ce qu'on peut aussi revenir sur ces questions-là aujourd'hui ou est-ce que c'est considéré clos, comme débat?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Normalement, le temps consacré à ce programme a été déjà consenti.
M. Paquin: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, il faudrait, à ce moment-là, si on voulait y procéder, avoir bien sûr le consentement des membres. C'est tout.
M. Charest: M. le Président, d'emblée, je dirai au député de Saint-Jean que, s'il veut soulever des questions qui touchent la jeunesse dans le temps évidemment qui leur est alloué, on n'aura aucune objection à ce qu'il le fasse.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.
M. Paquin: L'objectif que je poursuivais était simplement de mettre ce sujet-là clair, de façon à ce que, puisque le chef de l'opposition est aussi porte-parole de cette question-là et que je sais que le premier ministre y accorde beaucoup d'importance, ce soit clair que c'est possible de le faire s'ils entendent le faire.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur consentement, c'est certainement possible. D'accord?
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(15 h 30)
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M. Paquin: D'accord.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le secrétaire, vous m'indiquez qu'il y a un autre remplacement?
Le Secrétaire: Il y aurait un autre remplacement, M. le Président. M. Beaulne (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Kieffer (Groulx).
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Nous en venons donc aux déclarations d'ouverture. M. le premier ministre, vous avez la parole.
Remarques préliminaires
M. Bernard Landry
M. Landry: M. le Président, je voudrais commencer par une remarque très préliminaire, mais qui a son importance historique. Pourquoi est-ce que je suis assis à votre droite plutôt que dans la banquette réservée généralement aux comparants? Tout simplement parce que deux grands Gaspésiens se sont entendus pour établir cette tradition. Gérard D. Levesque, chef de l'opposition officielle, voyant René Lévesque aller prendre place à la banquette des comparants, a dit: Je souhaiterais avoir plutôt le premier ministre devant moi. Et, depuis ce temps, aux crédits du Conseil exécutif, on procède ainsi, ce qui veut dire que, s'agissant de l'amitié qui unissait René Lévesque et Gérard D. Levesque, on peut faire de longues carrières politiques, car ils ont été l'un en face de l'autre pendant des décennies, tout en gardant un niveau d'estime élevé. D'ailleurs, ce n'est pas pour ça, mais c'est parce que je partageais cette estime que, comme je suis devenu ministre des Finances, j'ai demandé que l'on donne au nom de l'édifice du ministère des Finances actuel le nom de Gérard D. Levesque.
C'est avec plaisir que je présente aujourd'hui les crédits du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 2001-2002. C'est bien évidemment la première fois que je me livre à cet exercice. J'ai défendu les crédits de très nombreux ministères mais jamais celui-là. Je vous ferai aussi part de quelques éléments du bilan du gouvernement et des principales orientations qui vont guider nos actions pendant les prochains mois.
Parlons d'abord des questions budgétaires du Conseil exécutif; c'est ça qui nous réunit ici. Pour l'année 2001-2002, les crédits à voter sont de 69,7 millions, en hausse de 8,5 par rapport à l'année précédente. Pourquoi cette hausse? Pour deux raisons, les deux extrêmement valables. C'est la croissance des crédits affectés au Fonds de développement pour les autochtones, 6,2 millions, pour promouvoir le développement économique et culturel des communautés autochtones du Québec. Alors, voilà une décision d'argent bien dépensé. La deuxième raison, bien dépensés également, les crédits dédiés au Forum jeunesse, 1,6 million, qui font suite aux engagements pris lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, en février 2000. Alors, voilà les deux principales causes. Si on additionne 1,6 à 6,2, on voit que ça nous donne notre augmentation de crédits.
Les crédits de ce ministère sont répartis entre les cinq programmes suivants: le cabinet du lieutenant-gouverneur, faisant état du fait que nous vivons toujours sous un système de monarchie constitutionnelle; les services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif; les affaires intergouvernementales canadiennes; les affaires autochtones; et la jeunesse.
Alors, les deux premiers postes, qui sont vraiment très, très centraux, n'attirent aucun commentaire particulier, mais les autres, bien c'est plutôt des questions de tradition, qui ne sont pas immuables. Il faudrait que les affaires intergouvernementales canadiennes, les affaires autochtones et la jeunesse soient au Conseil exécutif? On a décidé jusqu'à ce jour que oui, mais c'est pas des activités spécifiquement centrales de l'État. Comme les trois premiers programmes sont défendus par des ministres responsables, je m'attarderai donc aux deux programmes centraux du gouvernement, ce qui répond en partie à la question et à la remarque de notre collègue de Saint-Jean.
Ainsi, pour le cabinet du lieutenant-gouverneur, les services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif, nous présentons un budget de dépenses et d'investissements qui totalise 28,5 millions pour l'année, soit une augmentation de 2,5 par rapport à l'an dernier. Cette augmentation est due en totalité à l'indexation de la rémunération du personnel, donc pas vraiment de moyens nouveaux. Quant aux effectifs, ils demeurent stables, c'est 382 personnes. Les crédits dévolus à mon cabinet sont de 4,2 millions, comparativement à 4,1 l'an dernier. L'indexation de la rémunération du personnel est également la seule cause de cette augmentation.
Le ministère du Conseil exécutif exerce des fonctions particulières et uniques au regard de l'administration publique. Il doit soutenir la prise de décision gouvernementale, en appui au premier ministre, au Conseil des ministres et aux différentes instances qui constituent le centre décisionnel du gouvernement; exemple, les comités permanents. Alors, en conséquence, le ministère compte des besoins d'analyse, de conseil et de coordination, entre autres, pour les dossiers prioritaires tels que l'allégement administratif et réglementaire, l'économie sociale, le suivi du Sommet de Québec et de la jeunesse. La cohérence des actions gouvernementales s'en trouve ainsi renforcée, évidemment.
Voyons maintenant quelques éléments de bilan de l'action gouvernementale. Avant d'aborder, donc, les grandes priorités gouvernementales, je voudrais rappeler quelques éléments de bilan.
D'abord l'économie. Je pense bien que personne ne se surprendra ni ne se formalisera qu'on commence par l'économie, c'est la base de la création de la richesse et donc de sa distribution éventuelle. Au cours des quatre dernières années, la croissance économique a été particulièrement vigoureuse au Québec, dépassant de 2 % en moyenne le taux de croissance annuel des 20 dernières années. Pour l'année 2000, la croissance du PIB a atteint 4,5, ce qui, on s'en souvient, surpassait les prévisions du budget. L'amélioration des conditions du marché du travail ainsi que les baisses d'impôts sur le revenu ont contribué à maintenir à un niveau élevé la confiance des consommateurs. Les exportations internationales de marchandises ont aussi servi de locomotive à la croissance économique du Québec en l'an 2000. Elles ont en effet connu une augmentation de 14 %. Nous avons réalisé des progrès remarquables sur le plan des investissements. En 2000, les investissements non résidentiels, c'est-à-dire ceux de l'appareil de production du secteur privé ont connu une augmentation de près de 16 %, soit la hausse la plus élevée des 15 dernières années.
Nous disposons maintenant de ressources scientifiques et technologiques de premier plan. Nos entreprises sont bien établies dans les industries à la fine pointe de la technologie, à Montréal, oui, mais partout, dans l'Outaouais, à Rimouski, dans toutes les régions. Il y a 50 carrefours de la nouvelle économie sur l'ensemble du territoire du Québec, et il y a des CDTI dans les villes de Montréal, Hull, Sherbrooke, Laval, plus le Centre des technologies de Québec, plus l'Institut national d'optique et autres éléments de notre politique scientifique.
Le marché du travail a retrouvé son dynamisme: plus de 80 000 emplois ont été créés l'année dernière et, au cours des trois dernières années, c'est 250 000 emplois au total qui ont été créés. Nous avons atteint, l'année dernière, le taux de chômage le plus bas depuis 25 ans, soit 8,4 %. On est même allés plus bas, mais je parle de l'année.
Même si le nombre de sans-emploi demeure encore trop élevé ? comme je l'ai dit à plusieurs reprises, nous sommes contents mais non satisfaits ? l'amélioration de l'économie a permis d'offrir de meilleures perspectives d'avenir à un très grand nombre de Québécois et de Québécoises, comme en témoigne la baisse spectaculaire de la clientèle de la sécurité du revenu. De mars 1996 à mars 2000, le nombre de ménages prestataires de la sécurité du revenu est passé de 483 000 à 373 000, soit une baisse de près de 19 %. On estime que 140 000 adultes et 100 000 enfants ont quitté les rangs de l'aide sociale depuis 1996, ce qui témoigne bien que la première arme, et non la seule, pour lutter contre la pauvreté, c'est la création d'emplois, la création de la richesse, qui permet non seulement d'atteindre un niveau matériel acceptable, mais qui permet d'atteindre un niveau de dignité beaucoup plus élevé par le fait de pouvoir travailler et de gagner son indépendance financière.
La lutte au déficit a continué. C'est une préoccupation constante qui a fini par porter des fruits extrêmement intéressants pour les finances publiques et l'ensemble de l'économie. Les succès de notre gouvernement en cette matière parlent par eux-mêmes. Au début de notre premier mandat, en 1994-1995, le déficit annuel atteignait près de 6 milliards de dollars, un déficit record, inutile de le dire. Nous n'avions aucune marge de manoeuvre pour faire face aux besoins pressants qui se manifestaient dans différents secteurs, notamment celui de la santé. Il était alors exclus d'ajouter au fardeau fiscal des contribuables, il était déjà trop lourd, il était déjà le plus élevé de notre continent, quand nous sommes arrivés au pouvoir. Et nous ne pouvions pas, ce qui se faisait auparavant, continuer à transmettre nos dépenses en héritage aux générations futures. S'il y a une chose injuste et antisociale, c'est bien de faire payer par nos enfants et nos petits-enfants les excès de notre mauvaise gestion ou de notre surconsommation par rapport à nos revenus. Nous nous sommes donc attaqués sans relâche à éliminer le déficit et nous y sommes parvenus grâce à la rigueur de notre gestion et à l'effort concerté de tous les secteurs d'activité. Que se passe-t-il?
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(15 h 40)
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Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Excusez-moi, M. le premier ministre.
M. MacMillan: ...c'est l'autre bord, c'est la place de M. Poupart, qui est assis là. Ce n'est pas la place du chef de l'ADQ de s'asseoir là. Je m'excuse, là, mais qu'il aille s'asseoir au bout, là-bas.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bon, sur cette question de règlement ? je ne voudrais pas en faire une très longue histoire ? je pense qu'autour de la table les parlementaires et les élus ont priorité sur le personnel. À ce moment-ci, ce que je souhaiterais, c'est qu'un des ministériels vienne s'asseoir ici et que, selon la tradition, M. le député puisse s'installer à la place qu'occupe actuellement Mme Lamquin-Éthier, notre collègue de Bourassa. De cette façon, je pense que...
Des voix: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Mme Lamquin-Éthier, voulez-vous vous... Pardon. Mme la députée de Bourassa, voulez-vous vous installer ici?
Mme Lamquin-Éthier: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, mais c'est moi qui vous l'accorde, c'est pas votre chef, alors je ne suis pas sûr que ça va vous aider beaucoup. Ha, ha, ha!
M. MacMillan: ... juste à côté du député d'Ungava, pour M. Dumont, là, sur ce côté-là. S'il veut aller joindre...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, du côté des ministériels. Je pense qu'on est plus dans l'ordre des choses à ce moment-ci. Cette question étant réglée, M. le premier ministre, vous avez la parole.
M. Landry: Ces mouvements de chaises me posent un cruel dilemme, mais, sur le plan esthétique, je suis satisfait du résultat.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: J'étais donc en train de dire qu'on n'avait aucune marge de manoeuvre. Les contribuables étaient déjà les plus taxés d'Amérique du Nord, et nous continuions chaque année à transférer aux générations futures les fruits de notre mauvaise gestion. Nous nous sommes donc attaqués sans relâche à éliminer le déficit et nous y sommes parvenus grâce à la rigueur de gestion et à l'effort concerté de tous les secteurs d'activité.
En 1998-1999, le gouvernement du Québec réussissait à équilibrer son budget une année en avance sur le calendrier prévu et pour la première fois depuis 40 ans ? la fois précédente que c'était arrivé, c'était un député de Sherbrooke qui était ministre des Finances, il s'appelait Johnny Bourque. Nous avons même réussi à dégager la marge de manoeuvre suffisante pour réduire de façon substantielle le fardeau fiscal des particuliers et pour investir dans la santé, l'éducation, la jeunesse et le développement économique. Nous avons aussi réduit la dette.
La dernière année financière a marqué une nouvelle étape dans le redressement des finances publiques. Et, de ce point de vue là, le député de Rivière-du-Loup a gardé ça comme obsession constante, et il n'a pas tort, surtout eu égard à la génération à laquelle il appartient. C'était ça, la catastrophe de la dette et du déficit récurrent, c'était de repousser sur les générations futures et les générations montantes les fruits d'une surconsommation.
Donc, pour la première fois en 40 ans aussi, le gouvernement du Québec a réalisé un surplus budgétaire qui lui a permis de commencer à réduire la dette, et le ratio de la dette sur le PIB a diminué de façon importante. De 43,9 qu'il était en 1997-1998, il devait se situer à 34,6. Évidemment, il y a deux facteurs qui jouent, là. Il y a aussi l'augmentation du PNB. Si on cesse d'augmenter la dette puis on continue à augmenter le PNB ? ce qui est arrivé dans des proportions intéressantes, comme je vous l'ai dit ? bien évidemment, le ratio se modifie et le paysage est moins décourageant. Le ratio de la dette sur le PIB aura donc été réduit de 1/5 en cinq ans, ce qui n'est pas négligeable.
C'est grâce à cet excellent bilan, que l'opposition officielle n'admettra pas, j'en suis sûr, c'est leur métier... Mais il y a des gens dont c'est le métier de donner des cotes, comme Moody's, par exemple, qui a placé la cote de crédit du Québec sous révision pour une possible augmentation, après avoir connu, on le sait, des années de pénibles décotes à répétition, c'est-à-dire que nous avions perdu, comme société, notre réputation sur les marchés financiers. Cette annonce de Moody's marque la seconde étape menant à une augmentation de la cote de crédit du gouvernement, après la révision de la perspective associée à la cote, qui a été augmentée à «positive» en avril 1999. Alors, on voit qu'on peut perdre sa réputation assez vite, mais ça prend du temps puis il y a beaucoup d'étapes pour la regagner. Moody's devrait annoncer d'ici un à trois mois sa décision: soit la cote du Québec sera confirmée à son niveau de A-2 ou elle sera augmentée à A-1. Alors, évidemment on espère la deuxième hypothèse.
En matière de développement social, maintenant. Je suis particulièrement fier des réalisations de ce gouvernement dans le domaine social. Mentionnons notamment un régime de perceptions alimentaires qui, maintenant qu'il est rodé... D'abord, ça prenait une certaine audace pour enfin venir à une chose aussi élémentaire dans l'univers contemporain. Les familles, hélas, n'ont plus la stabilité qu'elles avaient autrefois, et la perceptions des pensions alimentaires, qui pouvait, il y a 45 ou 50 ans, être un phénomène isolé et marginal, est devenue, hélas, une nécessité très répandue. Nous avons la fierté d'avoir, j'oserais dire ? il y a peut-être des experts qui pourraient qualifier ça ? le meilleur système de perception des pensions alimentaires de notre continent.
Nous avons continué à soutenir de façon intense les entreprises de l'économie sociale. Ces entreprises, qui n'ont pas une motivation purement capitaliste ? ce n'est pas uniquement le profit qui les attire, ce qui n'est pas exclu qu'elles finissent par en faire ? sont une nouvelle forme, d'abord, de secourir les détresses sociales, mais aussi de permettre à des citoyens et des citoyennes de travailler tout en rencontrant des aspirations de solidarité.
On a une loi sur l'équité salariale qui n'a pas d'équivalent au monde. On a une clause d'appauvrissement zéro pour les quelque 120 000 Québécois et Québécoises qui ne peuvent, pour des raisons physiques ou psychologiques, accéder au marché du travail. Alors, ceux qu'on appelle ? assez improprement, d'ailleurs ? les inaptes ont été préservés de tous les avatars des efforts budgétaires ou de la conjoncture. Nous avons un fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, un nouveau régime d'allocation familiale.
Nous avons implanté des services de garde éducatifs à contribution réduite, on le sait, ils sont cités en exemple dans tout notre continent, encore une fois, tellement que la demande dépasse l'offre, et on va faire tout ce qu'on peut pour que ça finisse par s'équivaloir; un nouveau régime d'assurance médicaments qui assure une couverture de base aux plus démunis; des programmes de soutien en matière de santé et de services sociaux, éducatifs aux jeunes parents en situation de pauvreté; puis un fonds jeunesse dédié au soutien d'initiatives visant l'insertion sociale, communautaire, culturelle et professionnelle des jeunes de 15 à 29 ans.
Alors, c'est un bilan social dont nous pouvons être très fiers, d'autant plus que, s'il avait été fait en temps normal, bien on aurait dit qu'on a simplement fait suivant la tradition de notre parti, qui est un parti progressiste, on pourrait dire un parti légèrement à gauche du centre. Mais ça n'a pas été fait en situation normale, ça a été fait en situation de lutte au déficit et de rééquilibrage des finances publiques.
Tony Blair, qui a un parti aux horizons socioéconomiques semblables aux nôtres, il n'a pas eu à mettre de l'ordre dans les finances publiques, quand il est arrivé, parce que Mme Thatcher avait fait ça. La droite britannique avait fait son travail, avait fait ce qu'elle avait à faire. Notre droite, nous, ne l'avait pas fait. Alors, on a été dans la pénible obligation d'être à la fois Thatcher et Tony Blair. C'est quand même un défi considérable, dont, je le dis, nous nous sommes acquittés d'une façon plus qu'honorable.
Le gouvernement s'est aussi attaché à promouvoir l'accès des femmes à la haute fonction publique. Nous avions déjà donné l'exemple dans nos députées à l'Assemblée et dans les femmes membres du Conseil des ministres, où on a atteint des sommets jamais vus dans l'histoire politique du Québec. Depuis le 12 septembre 1994, la proportion des femmes parmi les titulaires d'emplois supérieurs nommés par le gouvernement ? là, on sort de la politique ? est passée de 21 %, soit une femme sur cinq, à 35 %, une femme sur trois, et nous avons bien l'intention de poursuivre cette politique volontariste. Et, si ça dépasse 50 %, ça sera à cause de la compétence que ça dépassera 50 %.
Les grandes priorités gouvernementales, j'aimerais y revenir. J'en ai parlé lors du discours inaugural. Évidemment, croissance de l'économie. Depuis plusieurs années, le gouvernement du Québec s'est appliqué à instaurer un climat propice à la croissance économique, la création d'emplois. Montréal, qui était dans un état de presque abandon... Vous vous souvenez, l'image de Montréal, il y a cinq ans, c'était une montagne de poussière grise. Et certains en remettaient un peu chaque jour, comme dans les anciennes mines d'amiante. Aujourd'hui, Montréal est un joyau qui étincelle à l'horizon des nouvelles technologies. C'est la sixième technopole d'Amérique du Nord, c'est à peu près la douzième du monde. On est loin de la poussière puis on est loin de la grisaille, et c'est largement dû à des politiques volontaristes, interventionnistes de notre gouvernement.
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(15 h 50)
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En même temps, nous avons voulu que Montréal ne soit pas le seul lieu de l'économie du savoir et de la technologie. C'est la raison pour laquelle, dans chaque région du Québec, des avantages comparables à ceux de la Cité du multimédia sont disponibles et, dans certaines régions, plus encore. La Gaspésie, pour ses spécialités ? mariculture, aquaculture ? a non seulement le statut de la Cité du multimédia en termes fiscal, mais a un statut plus avantageux encore, parce qu'il y a pas de limitation. Et je l'ai dit à Hull comme à Rimouski. Je suis allé à Rimouski, dans un carrefour de la nouvelle économie, annoncer une fois ? je ne pensais pas qu'une telle chose m'arriverait dans ma vie ? 500 emplois en haute technologie, sur les bords du Saint-Laurent, à Rimouski. Et il y a 50 carrefours de la nouvelle économie en opération ou en voie de l'être sur l'ensemble du territoire.
Tout ça, c'est pas de la génération spontanée. C'est des efforts longs et patients de la société québécoise qui remontent à Bâtir le Québec et Le virage technologique publiés du temps du gouvernement Lévesque et à des efforts qui ont été poursuivis, je dois dire, par un homme en particulier, dans nos successeurs, Gérald Tremblay, qui a tout à fait assumé l'esprit du virage technologique. Et il l'a continué comme nous l'avions commencé et comme nous le poursuivons.
Alors, développement économique, développement social, développement culturel. Parce que je dois faire remarquer que, dans tous ces efforts de compression, et il y en a eu et ils sont essentiellement derrière nous... Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des compressions à faire dans certains secteurs. Dans certaines sociétés en pleine expansion ? je parle de sociétés du secteur privé ? on peut très bien décider de fermer la machine n° 4 parce qu'elle n'est plus productive ou qu'elle n'est plus efficace, ça ne veut pas dire que l'expansion est arrêtée. Alors, on est de nouveau en expansion, nous avons les moyens de le faire. Et on essaie de resserrer la rigueur de la gestion tout en tenant compte des contraintes budgétaires qui sont les nôtres.
La dernière que je vais mentionner ? et je la crois consensuelle parce que j'ai entendu des remarques extrêmement pertinentes du chef de l'opposition à ce sujet ? ça touche le fameux déséquilibre fiscal entre le gouvernement national du Québec et le gouvernement central d'Ottawa. Et c'est facile à comprendre. Les besoins vitaux servis par les gouvernements que l'on dit provinciaux sont en expansion à cause de phénomènes de la société contemporaine. Vieillissement de la population, par exemple, amélioration des technologies médicales, oui, mais augmentation de leur coût, et ainsi de suite, font que les besoins augmentent rapidement dans ce qu'on appelle les provinces et les moyens augmentent rapidement au gouvernement central.
C'est sûr qu'avoir la responsabilité de la défense nationale pendant la guerre, ça coûte très, très cher, mais, quand il n'y a pas de guerre ? et il y en a pas, là, fort heureusement ? bien, ça ne fait pas des grosses augmentations comme dans le système de la santé et le fait qu'on ait à s'occuper des soins hospitaliers de longue durée, et ainsi de suite. Également, quand on est en pleine prospérité et qu'on a comprimé, comme le gouvernement central l'a fait, les prestations d'assurance chômage, ça développe des surplus énormes qui se confondent en surplus du gouvernement central. C'est la raison pour laquelle on a confié à une commission dirigée par un ancien membre du Conseil exécutif, M. Séguin, la tâche d'examiner à fond cette problématique majeure qui, encore une fois, est une problématique majeure pour le Québec mais aussi pour les autres provinces.
Et, à ce sujet, j'ai dit à M. Romanow que tous nos travaux en matière de santé, toutes nos études techniques, toute notre expertise étaient mis à sa disposition. Cependant, suivant notre tradition, à laquelle aucun gouvernement du Québec n'a jamais dévié, nous n'allons pas aller comparaître devant un commissaire, fut-il royal. Quand le gouvernement du Québec a comparu à Ottawa, c'est au niveau parlementaire. Et, à quelques reprises... On est allé dernièrement, avec l'appui de l'opposition, pour changer la Constitution sur les écoles confessionnelles. Bien. On est allé à quelques autres reprises. Mais, autrement, Robert Bourassa n'aurait pas accepté cela, Daniel Johnson, le père, non plus, pas plus que le fils.
En tout respect pour M. Romanow, pour qui, entre lui et nous ? on a eu une longue conversation ? on en a convenu, des différences majeures existent sur la conception du Canada, nous n'allons pas comparaître devant lui parce qu'il s'agit d'une juridiction, comme le chef de l'opposition l'a écrit à M. le premier ministre du Canada, une juridiction strictement québécoise et nous ne voulons pas être complices au moindre degré d'une intervention fédérale en cette matière. Sauf que ça serait mesquin de pas mettre leur expertise à notre disposition. Si l'État du Massachusetts nous demandait la même chose, on le ferait. Alors, c'est notre façon de contribuer.
Et, s'il peut conclure lui aussi au déséquilibre fiscal ? et j'espère qu'il va faire ça, sauf que c'est juste dans deux ans; on a besoin de l'argent cette année puis l'an prochain ? tant mieux, ça consolidera ce qu'a dit la commission Séguin. Et, si les deux vont de pair, là, j'espère que les deux formations politiques de l'Assemblée nationale vont se concentrer sur un but de court terme et de moyen terme sans présumer du destin du Québec pour l'avenir: le retour des points d'impôt aux endroits où l'argent est nécessaire. C'est ça, la façon de faire. Ce n'est pas de faire des cadeaux discrétionnaires ou de nous faire négocier à tous les ans pour avoir un peu plus d'argent dans la santé. Qu'ils nous donnent nos points d'impôt puis on s'occupera de nos problèmes.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le premier ministre. Toujours à l'étape des déclarations d'ouverture, M. le chef de l'opposition officielle. Et je vous indique que je vous accorderai le même temps que celui accordé au premier ministre.
M. Jean J. Charest
M. Charest: Donc, quoi, une vingtaine de minutes, M. le Président?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Au-delà de 25.
M. Charest: Bon. Alors, merci, M. le Président. C'est pour moi une première occasion de souhaiter la bienvenue au premier ministre autour de la table des crédits, dans le fauteuil qu'il occupe, et aux gens qui l'accompagnent également, le secrétaire du Conseil exécutif, le chef de cabinet du premier ministre.
Et, M. le Président, je vous dirai d'emblée que j'espère aujourd'hui avoir un échange avec le premier ministre qui nous permettra de discuter certains dossiers, de le faire de façon conviviale aussi parce que, au-delà des débats partisans, il y a des sujets sur lesquels on s'entend et des choses, des enjeux sur lesquels, sans doute, on aura même l'occasion de faire cause commune.
Je pense, entre autres, à la grande question du libre-échange, où le premier ministre, on le sait, est un très grand défenseur de l'ouverture des marchés. J'ai eu l'occasion de partager une tribune avec lui lors du Sommet des Amériques, où il a parlé avec beaucoup de conviction de son appui à la ZLEA, entre autres, et de l'appui de son parti et de son gouvernement. Alors, sur une question comme celle-là, c'est important aussi que la population du Québec sache que les élus font cause commune. Et je suis convaincu qu'il va continuer à pousser très fort pour que cette ouverture des marchés se fasse.
Et, sur d'autres dossiers aussi, de temps en temps, évidemment il y aura pour nous des occasions aussi de dire et de défendre les mêmes idées, les mêmes intérêts; après tout, on représente la même population. Sauf que, le premier ministre le disait tantôt, évidemment on a d'autres points de vue. On est l'opposition officielle, oui, mais notre rôle consiste à poser des questions puis à interroger le gouvernement, et à le faire en l'obligeant à rendre des comptes. Et c'est une partie très importante de notre travail, d'autant plus qu'il y a beaucoup de questions à poser, surtout lorsqu'on fait un peu l'analyse d'où se trouve le Québec aujourd'hui. Et, lorsqu'on se compare à d'autres juridictions en Amérique du Nord, quand on fait un peu le bilan sur le plan social, que ce soient nos jeunes, les hôpitaux, la santé, les personnes âgées, dont on a beaucoup parlé à l'Assemblée nationale du Québec, il y a évidemment des choses à dire.
Puis surtout que ce gouvernement est aux affaires maintenant depuis sept ans ? sept ans ? c'est donc à peu près impossible... On sait bien que le gouvernement aime bien blâmer le gouvernement précédent, mais avouons qu'après sept ans, là, quand on finit par évoquer cet argument-là, de toute évidence, c'est parce qu'ils sont à court d'arguments ou de réponses.
Aujourd'hui, M. le Président, moi, je veux qu'on parle d'un certain nombre de sujets, mais la première chose que je voudrais dire aux membres de la commission, c'est que la première occasion qu'a eue le premier ministre de se prononcer sur les enjeux et sur l'agenda de son gouvernement, c'était le discours inaugural, qui, je vous l'avoue, nous a laissés sur notre appétit parce qu'on n'a pas senti là-dedans qu'il y avait des priorités claires. Ça a été une occasion ratée, je pense, de parler des vrais problèmes économiques et des vraies préoccupations.
Je pense à la santé, l'éducation, la pauvreté, les questions des régions qui étaient extrêmement importantes. Ça, c'est un enjeu majeur actuellement pour le Québec. Le premier ministre parle, et je m'attends à ce qu'il le fasse, il est très partisan, il a son point de vue, évidemment il va chercher à tirer les meilleurs arguments. Mais, quand je me déplace, moi, dans les régions du Québec, ce que j'entends, puis c'est à peu près unanime, c'est que Montréal va mieux, ce qui est normal, après toutes ces années de croissance économique extraordinaire en Amérique du Nord, mais, dans les régions du Québec, il y a des endroits où ça va pas très bien, même mal.
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(16 heures)
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Malheureusement, on a appris hier la fermeture de l'usine Fruit of the Loom, dans la région de la Mauricie; plusieurs centaines d'emplois, je pense que c'est à la hauteur de 600 emplois de perdus, surtout des femmes, en très grande majorité des femmes. J'écoutais hier un conseiller municipal de la région qui parlait de la situation de femmes monoparentales, entre autres. C'est difficile de... Je comprends que le premier ministre va vouloir présenter les meilleurs chiffres puis des statistiques, mais les femmes qui travaillaient dans cette entreprise-là, ce matin, je suis convaincu qu'elles auraient aimé entendre autre chose que des statistiques sur l'emploi.
Mais on va en reparler. On va même parler des statistiques. Parce qu'il y a une chose qu'il faut relever: tout est relatif. On a connu cette très forte croissance économique en Amérique du Nord, dont on aurait dû bénéficier beaucoup plus. Mais ce qu'on apprend, suite à une étude publiée récemment ? je pense que c'est environ il y a un an ? une étude à laquelle avait participé l'économiste Pierre Fortin, qui est déjà bien connu, c'est que Québec se classe 57e sur 61 provinces et États en Amérique du Nord au chapitre du revenu disponible médian. Et c'est donc dire qu'on tire de la patte.
Et la vraie question qu'on doit se poser, c'est la suivante: A-t-on aujourd'hui les bénéfices de cette croissance-là qu'on aurait dû avoir normalement? Est-ce que, relativement aux autres, on a pu en bénéficier autant? La réponse est non. Les analystes sont à peu près unanimes là-dessus; la réponse, clairement, c'est non. On a plutôt l'impression que le gouvernement se replie sur des politiques très interventionnistes. D'ailleurs, le premier ministre s'en vante beaucoup, il le dit, ça, je lui accorde, il est interventionniste, il croit en ça, il pense que l'État devrait être partout et intervenir partout puis qu'on devrait dépenser l'argent des contribuables dans des programmes de subvention, quitte à créer des emplois ou à subventionner des emplois qui existent déjà. Ça coûte très cher. Et ça nous ramène toujours au grand principe de ce que c'est, gouverner. Gouverner, c'est choisir. Puis, quand on est placé devant des priorités, M. le Président, des situations qui, des fois, sont déchirantes dans le système de soins de santé chez nos aînés, bien, on juge les gouvernements sur justement ses choix.
On l'a jugé en partie dans le discours inaugural parce qu'on a eu droit à 10 pages du discours sur la souveraineté puis on a eu droit à quatre paragraphes sur la santé et quatre paragraphes sur l'éducation. Alors, en soi, c'est symbolique, c'est significatif, M. le Président. C'était le premier geste que posait le premier ministre à titre de chef de gouvernement, et il avait l'occasion là de dire le fond de sa pensée et ses orientations, et ça s'est résumé à ça: 10 pages sur la souveraineté, quatre pages sur l'éducation... quatre paragraphes, pardon, sur l'éducation et la santé.
Et là, bien, on apprenait en même temps, dans le discours inaugural, qu'on allait engager des fonds publics... Le premier ministre dit qu'on n'en a déjà pas trop, les marges de manoeuvre sont pas importantes ou l'étaient pas, mais là on va dépenser encore de l'argent à faire des études sur la souveraineté, alors qu'on a connu les études Le Hir qui ont coûté des millions de dollars, qui ont créé des scandales, qui ont été à toutes fins pratiques mises à la poubelle par son prédécesseur pendant le référendum de 1995. Les Québécois se sont prononcés dans un référendum en 1995, puis là, bien, on recommence, la roue recommence à tourner.
Il y a une chose qui nous préoccupe beaucoup, du côté de l'opposition et chez les citoyens du Québec, c'est la question de transparence. Et j'invite le premier ministre à réfléchir beaucoup là-dessus parce qu'il y va de la crédibilité de son gouvernement sur la question de la transparence. Et là ça vient affecter tout ce que le gouvernement va entreprendre parce que, là, après ça, il aura beau citer des chiffres, dire des choses, mais, si la population ? et c'est le cas, je pense ? en vient à la conclusion que ce gouvernement-là nous dit pas tout ou du moins vient maquiller les faits, bien là ça crée un problème très, très sérieux pour la crédibilité de l'institution et du gouvernement. Et, dans le cas du budget, il y a des problèmes de transparence à la fois sur la forme et sur le fond.
Je reviendrai pas longtemps sur la forme, mais je tiens quand même à vous le rappeler aujourd'hui, que jamais on n'avait été témoins d'un exercice où, le même jour, on déposait le budget, on déposait les crédits, on déposait les crédits supplémentaires. C'est le gouvernement qui, en passant, décide quand est-ce que l'Assemblée revient. Et ils auraient pu convoquer l'Assemblée avant. On a fait tout ça à la vapeur: le discours inaugural a eu lieu le 22 mars, l'Assemblée devait être ramenée pour le 13 mars, M. le premier ministre a choisi de repousser ça, puis là, le 29 mars, on dépose le même jour tout ça en bloc, sachant très bien... sachant très bien que ni les parlementaires ni les citoyens du Québec auraient le temps raisonnable de pouvoir analyser à tête froide ce que le gouvernement du Québec décidait et ce qu'il proposait. Et ça, c'est choquant, parce qu'on peut pas faire autrement qu'être méfiant, dans ce temps-là, puis se demander: Qu'ont-ils à cacher quand ils font une opération de cette envergure-là? Puis la conséquence, on la connaît: on a adopté le quart des crédits ? c'est à peu près 10 milliards de dollars ? en pleine nuit parce qu'il fallait faire ça pour la date butoir du 30 mars. Et tout ça dans une atmosphère qui se prête pas beaucoup à ce qu'on puisse avoir des débats de fond sur les choix que fait le gouvernement.
Sur le fond. Sur le fond aussi, là, il y a des problèmes importants. Je veux pas rappeler au premier ministre, quoique je me sent obligé de le faire, qu'il nous annonçait que les surplus du gouvernement allaient être de l'ordre d'à peu près 35 millions de dollars; ça a fini par être 2,6 milliards de dollars. Et déjà, en soi, c'est pas une tactique qu'il faut... en tout cas, qu'il faut passer sous silence parce que ça veut dire que les citoyens du Québec ? c'est leur argent à eux; on ne parle pas de notre argent à nous, c'est de l'argent des contribuables ? se font raconter des histoires par leur propre gouvernement sur la situation des finances publiques. Et ça vient fausser tous les débats que nous avons le devoir de faire ici, nous, sur les enjeux, sur les priorités de l'avenir du gouvernement du Québec. Alors, encore là, sur la forme, ça n'a pas été, je pense, un geste qui a été apprécié. Et je présume que le premier ministre ne répétera pas à l'avenir ce genre de tactique parce que c'est ni à son avantage, surtout pas à l'avantage des citoyens du Québec qui méritent d'avoir l'heure juste lorsqu'on parle de leur argent à eux.
M. le Président, sur le fond, je veux simplement vous rappeler que, dans le même ordre d'idées, dans les documents budgétaires du gouvernement, il y a beaucoup, beaucoup de brume aussi. Je vous rappelle que l'an dernier le premier ministre, qui était le ministre des Finances, a créé un organisme à but non lucratif, un OSBL. Le Vérificateur général du Québec, de son propre aveu ? je l'ai entendu ? a eu de la difficulté à trouver dans les documents budgétaires l'astuce du premier ministre, qui cachait 730 millions de dollars qu'il avait et qu'il ne voulait pas appliquer ni à la dette ou en réductions d'impôts parce qu'il voulait prendre cet argent-là à d'autres fins. Et même que les députés ministériels étaient tellement offusqués de la tactique du premier ministre que le député de Bellechasse disait ? et ça me fera pas plaisir de le citer mais comme il le dit ? que c'était une «patente à gosses». Alors, en soi, c'est une illustration. C'est pas l'opposition qui l'a dit, je tiens à vous le répéter, M. le Président, c'est pas nous qui avons utilisé cette expression-là, c'est un député du Parti québécois, qui, choqué de la tactique de son propre ministre des Finances, aujourd'hui premier ministre, dénonçait le fait qu'on cachait l'argent à d'autres fins.
Deux ans après la création de l'organisme sans but lucratif, on a essayé de savoir où l'argent était allé. Parce que le premier ministre avait dit, au moment de leur création ou au moment que c'était découvert, que les crédits seraient dépensés rapidement, dans le courant de la prochaine année. Il avait même dit que l'argent va être dépensé très, très vite. Sauf qu'on apprend qu'il y a seulement 10 millions de dollars qui ont été dépensés. Dans certains cas, pour les organismes à but non lucratif, on crée une boîte postale. Ça ne fait pas une image très élogieuse de l'administration publique quand on crée des boîtes postales pour un organisme à but non lucratif parce qu'on essaie de cacher aux contribuables québécois qu'on va enfouir un petit peu d'argent ici puis un petit peu d'argent là pour faire des projets à même les fonds publics.
Alors, ça, M. le Président, ça a continué, avec le budget actuel. On a appris qu'il y avait seulement 10 millions sur les 730 millions qui avaient été dépensés. Cette année, on répète encore ce type d'astuce. Cette fois-là, ayant été pris par le Vérificateur général, le premier ministre n'a pas eu le choix, il a été obligé de le dire dans les documents budgétaires, il se crée une réserve de 950 millions de dollars. Qui va servir à quoi? On a passé la mi-mandat du gouvernement actuel. Ça ressemble beaucoup à un fonds discrétionnaire qui est mis de côté pour des fins préélectorales; c'est à ça que ça ressemble.
Ça veut dire que les contribuables québécois vont encore faire les frais d'une campagne préélectorale. Et ça, encore une fois, sur le fond, c'est une décision qu'il faut dénoncer parce qu'on mérite pas, avec le montant d'impôts qu'on paie au Québec, de se faire manipuler de cette façon-là, on est déjà ? le premier ministre le sait ? les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord. On peut facilement imaginer que les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord auraient peut-être mieux compris puis auraient davantage souhaité que cet argent-là aille en réductions d'impôts. Encore là, gouverner, c'est choisir. Il y en avait un choix. Le premier ministre a choisi, à la place, de faire un fonds spécial.
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(16 h 10)
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Mais, quand on examine l'ensemble des documents budgétaires, ce qu'on constate, c'est que c'est vrai non seulement pour ces passes-là, mais, après ça, on fait une sous-estimation de la péréquation d'environ 500 millions de dollars; il y a la réserve en fiducie à Toronto dont on a déjà beaucoup entendu parler, il y a un montant de 251 millions de dollars qui reste là-dedans; les revenus autonomes du gouvernement sont sous-estimés d'à peu près l'ordre de 1 milliard de dollars; les OSBL, il restait 120 millions ? j'en ai parlé tantôt ? pour la prochaine année. Quand on fait le calcul, ça fait une réserve d'à peu près 3,4 milliards de dollars que le gouvernement se met de côté dans la prochaine année sur le dos de contribuables, qui sont déjà surtaxés.
Alors, sur le fond, M. le Président, difficile de ne pas être inquiet sur la façon dont ce gouvernement administre les fonds publics. Puis on n'est pas les seuls à le penser, la Fédération canadienne d'entreprises indépendantes évaluait, de leur côté à eux, à 5 milliard la marge de manoeuvre dont dispose le gouvernement. Ça commence à être de l'argent là, 5 milliards de dollars. Il y a, en plus, dans le processus, sur le fond, des crédits qui sont déjà périmés. On est le 3 mai, le budget a été déposé le 29 mars, l'année fiscale commence le 1er avril, puis, dans certains cas, les crédits sont déjà périmés, c'est-à-dire que...
Et prenons des exemples. Les crédits totaux du MAPAQ sont majorés de 145 millions de dollars deux semaines après le dépôt des crédits, soit le 12 avril: 122 millions sont allés pour La Financière agricole; 23,8 millions de dollars pour l'aide aux entreprises agroalimentaires. L'augmentation est plutôt surprenante, car elle dépasse de 124 % le fonds de suppléance du Conseil du trésor, qui est de 117 millions de dollars. Ça, c'est une provision qui sert à augmenter tout crédit aux programmes des ministères et organismes.
Un autre exemple de ça, de refaire le budget après coup, c'est le budget du CALQ, le Conseil des arts et des lettres du Québec, qui a aussi été majoré. Mme Marois avait annoncé 33 millions de dollars sur quatre ans au CALQ, puis, une semaine plus tard, la ministre de la Culture, suite aux questions que posait la députée de Sauvé, Mme Beauchamp, annonce que c'est plus 33 millions, ce sera 54 millions de dollars. La ministre des Finances reconnaissait, à la période de questions du 10 avril, qu'elle avait effectivement changé de cap. Donc, des crédits sont modifiés quelque jours à peine après le dépôt de ces crédits du budget. Alors, là-dessus, M. le Président, sur le fond, on peut pas dire que c'est très rassurant.
Quand on parle de performance économique au Québec, je le mentionnais il y a une minute, on est 57e sur 61 États et provinces en Amérique du Nord, selon le revenu disponible médian, mais ce qu'il y a d'inquiétant, c'est que notre croissance économique est plus faible et continue d'être plus faible que la moyenne canadienne. Le taux de création d'emplois est plus faible que la moyenne canadienne. D'ailleurs, là-dessus, difficile pour le premier ministre de s'échapper, d'esquiver ses responsabilités et son engagement. Au Sommet du Québec, en 1996, ils ont choisi... il a choisi de fixer un objectif à atteindre dans l'espace de trois ans, d'atteindre le même niveau de croissance d'emploi au Québec que la moyenne canadienne; il a raté la cible. Alors, il faut croire qu'en 1996 il devait savoir de quoi il parlait. Il a dû se passer... Pourtant, la croissance économique a continué puis la croissance d'emploi a continué ailleurs. Mais, au Québec, et selon leur test à eux, ils ont raté la cible.
Alors, là-dessus, oui, le taux de chômage est plus bas. Puis, si c'était le contraire, ce serait un scandale. Il faudrait bien s'interroger, si le taux de chômage ne baissait pas au Québec, avec ce qui se passe en Amérique du Nord. Mais le problème, c'est que notre position relative, elle, recule. Notre taux de chômage demeure nettement plus élevé que celui de l'ensemble du Canada. Et il y a, derrière ça, des raisons, entre autres la question des investissements privés, précurseurs de l'emploi, qui atteignent seulement 18 % des investissements privés totaux au Canada. Donc, la stratégie économique du gouvernement, de toute évidence, ne fonctionne pas.
Il y a, derrière ça, évidemment une question de fiscalité aussi, fiscalité qui n'est pas propice aux investissements privés, elle est trop lourde, elle freine les investissements et la création d'emplois. Puis il faut réduire le fardeau fiscal de l'ensemble des contribuables si on veut avoir une fiscalité concurrentielle. Mais, là-dessus, on ne sent pas qu'il y a de stratégie. Même chose du côté de la main-d'oeuvre, on attend toujours de voir s'il va y avoir une politique d'ensemble pour la main-d'oeuvre, pour répondre aux exigences de l'économie du savoir; on n'en voit pas. Côté de l'emploi, depuis le début de l'année 2000, il s'est créé 44 000 emplois au Québec contre 282 000 dans le reste du Canada, M. le Président. Alors, on a créé moins de 14 % de tous les emplois qui ont été créés.
M. le Président, je vais avoir beaucoup de questions à poser au premier ministre, mais, sur la question de la ruralité, on attend toujours la politique du gouvernement. Là, ça a été promis par M. Jolivet, au mois de mars, qui malheureusement n'est plus à l'Assemblée nationale, M. Bouchard, lors du discours inaugural 2000, et dans le budget Landry pour l'an 2000. Mais là on attend toujours. Du côté des régions, on s'inquiète de cela, d'autant plus qu'on a eu droit à une politique de fusions forcées qui implicitement est une politique d'urbanité et qui implicitement envoie un message ? je dis implicitement... c'est assez direct ? aux régions rurales du Québec que la priorité, c'est pas dans les régions rurales, c'est, en fait, la question de l'urbanisme.
M. le Président, je veux parler brièvement aussi de la question du poids élevé de l'impôt des particuliers qui réduit la croissance de l'économie et freine la création d'emplois. Le ministère l'a déjà dit puis, je le souligne à nouveau, ça réduit l'incitation à travailler, ça incite le travail au noir, ça augmente les coûts de main-d'oeuvre des entreprises, ça augmente le coût de financement du capital productif, ça déplace des entreprises et des travailleurs vers d'autres juridictions. Ce que je viens de dire là, c'est exactement ce que le budget de mars 1999 disait, le document du budget sur la question de la fiscalité qui est trop lourde au Québec. Pourtant, nous voilà en 2001, ça a pas changé, on est toujours les plus taxés en Amérique du Nord.
M. le Président, on aurait pu donner un vrai coup de barre, dans les prochaines années, pour tenter de réduire les impôts des particuliers et de nous ramener à un niveau qui est plus raisonnable. Puis je rappelle au premier ministre que l'écart entre le Québec et l'Ontario était de 1,9 milliard en 1994; c'est 5,8 milliards aujourd'hui. Il y a une constante: sous un gouvernement du Parti québécois, les écarts s'élargissent. Sous les gouvernements libéraux, on a réussi à les rétrécir.
D'ailleurs, il faut mettre les pendules à l'heure lorsque le premier ministre parle de déficit et de dette. Je lui rappelle que les déficits les plus importants par rapport au PIB ? puis il faut les calculer comme ça ? c'est trois gouvernements du Parti québécois qui les ont livrés, deux fois Jacques Parizeau puis une fois Yves Duhaime, M. le Président, alors la médaille d'or, d'argent puis de bronze, elle va au Parti québécois, et que le gouvernement du Parti québécois, lorsqu'il était au pouvoir, entre 1976 et 1985, a multiplié par cinq la dette du Québec. Le gouvernement libéral qui a suivi et qui a gouverné pendant une période de récession a multiplié les efforts pour tenter de contenir les dépenses. Et, oui, la dette a augmenté, mais de moitié moins, de 2,5 % environ. Alors, là-dessus, je pense qu'on n'a pas de leçon à prendre du gouvernement, au contraire.
Le premier ministre parle de la révision de la cote du Québec. Je veux bien, mais, encore là, c'est relatif. Plaçons les choses dans leur contexte. Moody's nous disent qu'ils vont réviser la cote du crédit du Québec. Le Québec a une meilleure cote que Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard. Alors, la compétition est forte. En 1999, le Québec avait une meilleure cote par rapport à quatre provinces: Saskatchewan, Terre-Neuve, Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard. Ça veut dire que, depuis ce temps-là, la Saskatchewan nous a dépassés, M. le Président. Mais, en plus de ça, depuis 1999, la cote de crédit de plusieurs provinces a déjà été rehaussée. C'est le cas de l'Alberta, l'Ontario, la Saskatchewan et Terre-Neuve. Alors, je veux bien qu'on augmente la cote de crédit du Québec, il est temps, mais on a du rattrapage à faire parce qu'on a pris du retard par rapport aux autres juridictions sur ces questions-là.
M. le Président, la question des taxes est d'autant plus importante qu'on va être encore victime d'augmentations de taxes scolaires, taxes municipales, où c'est à peu près impossible d'avoir l'heure juste là-dessus comme sur toutes les autres questions sur les fusions forcées parce que le gouvernement n'a pas voulu rendre les études publiques. Mais je rappellerai qu'ils ont eu amplement l'occasion de gouverner puis de les réduire, les impôts. On a eu droit à 17 nouvelles taxes depuis l'arrivée au pouvoir, sans parler de la non-indexation des tables d'impôts qui a un effet insidieux d'augmenter les impôts des contribuables.
Alors, M. le Président, moi, je veux savoir entre autres si le gouvernement va faire preuve de davantage de transparence. J'espère avoir l'occasion d'échanger là-dessus, comme sur la santé, où il manque 560 millions de dollars que le fédéral augmente cette année et qui ne sont pas inclus dans les crédits du gouvernement. Et je souhaite que le gouvernement nous parle aussi de transparence au niveau des crédits d'impôt aux entreprises parce que, dans les livres budgétaires, les livres des crédits, il n'est pas possible de savoir combien ça nous coûte. Il doit bien y avoir une façon de savoir combien ça coûte aux contribuables québécois, toutes ces questions de crédits d'impôt.
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(16 h 20)
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Alors, je conclurai là-dessus en vous disant que le gouvernement a eu sept ans pour faire des choix, que le bilan qu'on en fait, nous, est un bilan d'un gouvernement du Québec qui a malheureusement reculé, lorsqu'on se compare aux autres. Que ce soit sur le plan économique, sur le plan social aussi, sur le plan de la fiscalité, l'écart s'est agrandi. Et je souhaite, dans nos échanges aujourd'hui, qu'on puisse effectivement, M. le Président, obtenir quelques réponses à des questions qui sont importantes, qui touchent l'ensemble des opérations du gouvernement et des décisions qu'ils seront portés à prendre.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Deux autres collègues ont demandé à intervenir, tout d'abord, M. le député de Rivière-du-Loup, ensuite M. le député de Saint-Jean.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Je n'ai pas l'intention d'utiliser la totalité du 20 minutes, je veux me garder davantage de temps pour les échanges tout à l'heure puis obtenir des réponses. Quand même, des remarques préliminaires sur deux volets. Je veux qu'on ait l'occasion, avec le premier ministre, de regarder vers l'avenir, de regarder quel genre de société on prépare, et sur deux fronts, d'abord sur le front des relations avec les communautés au Québec ? on a commencé à aborder la question tout à l'heure, lors de la période de questions, au salon bleu ? je veux continuer à questionner ça, et, deuxièmement, sur toute la question économique parce que je suis préoccupé de l'avenir économique. Les données qu'on voit, la réalité qu'on voit n'est pas du tout rassurante, contrairement à ce que dit souvent le premier ministre.
D'abord, sur la question du genre de société, du genre de relations qu'on veut avoir au Québec entre communautés. Quand, dans une société, se crée un parti marginal qui questionne les relations ethniques, qui les place dans une perspective inquiétante et que ce parti-là ? ça existe à différents endroits dans le monde ? représente 1 % de la population, 3/4 de 1 % de la population, on dit que c'est un phénomène marginal. Évidemment, lorsqu'un parti arrive au pouvoir ? et c'est le cas du gouvernement actuel ? les messages qui en émanent sont les messages de l'ensemble de la société. Ça confère aux dirigeants de ce parti-là une responsabilité toute particulière, une haute responsabilité dans l'équilibre des forces d'une société, dans la préparation de son avenir, dans l'harmonisation des liens futurs entre les différentes communautés. Et, dans le cas du Québec, on est en présence d'une société qui, dans les faits, est multiculturelle.
C'est pas un hasard, là, si, le jour où il a quitté la vie politique, Lucien Bouchard, premier ministre à l'époque, a insisté ? plusieurs longs paragraphes ? sur cette question qu'on appelle maintenant l'affaire Michaud, qui est une affaire fondamentale, qui est une affaire qui, à l'intérieur d'un parti politique, en l'occurrence celui qui est au pouvoir... des mouvements se lèvent, des mouvements s'expriment, des membres s'expriment, recevant des appuis. Le fax, au cabinet du premier ministre, durant les fêtes, a reçu des appuis. Un mouvement se lève disant que le droit démocratique des citoyens, le jugement qu'on portera sur leur façon d'avoir voté au référendum sera différent selon qu'ils sont un Blanc francophone de la Beauce ou qu'ils sont un citoyen non francophone de l'île de Montréal.
Moi, là, c'est pas le genre de Québec que je vois, c'est pas le genre de Québec que je prépare, c'est pas le genre de Québec que notre parti prépare. Dans le verbe, dans les mots, le premier ministre tient un vocabulaire qui est du même ordre, à l'effet que, son parti, ses politiques, c'est le pluralisme. Les documents qu'ils publient, là, quand ils font rédiger, au niveau de la fonction publique, des documents d'orientation, on est dans le nationalisme civique, dans l'inclusion. Mais il n'en demeure pas moins que, dans les faits, là ? on est au mois de mai, là! ? depuis le mois de décembre que, dans le paysage, cette histoire-là traîne, depuis le mois de décembre que... Et là, encore aujourd'hui, une pétition nous revient. Et le premier ministre n'est même pas capable, en mai, sur une affaire ouverte en décembre qui touche les relations entre les communautés dans notre société, le premier ministre n'est pas capable de se lever, de dire: Il n'y aura pas de suite. S'il est pour y avoir une suite, que l'auteur s'excuse, point à la ligne. Il n'y aura pas de suite.
Le premier ministre dit: Bon, on a le droit de pétitionner, refuse de répondre clairement à la question et d'exprimer un cran d'arrêt, cran d'arrêt qui est réclamé d'ailleurs ce matin par un chroniqueur politique, Michel C. Auger, qui vit d'ailleurs dans le Montréal... qui le vit pleinement, le Montréal d'aujourd'hui, le Montréal de diversité, et qui résume, mon Dieu, dans une phrase tellement simple: «Si Yves Michaud veut tourner la page, qu'il s'excuse et qu'on n'en parle plus.» Si on veut clore l'affaire, c'est la façon.
À partir du moment où on entre directement, indirectement dans le champ de la négociation, à partir du moment où on laisse entendre même ? c'est gros! ? qu'on pourrait modifier certaines des règles de fonctionnement de notre Assemblée, des règles de fonctionnement qui existent depuis des décennies... Bien, écoute, si on change ces règles-là pour un individu, on va toujours bien pas nous faire croire que le discours de cet individu-là est pas acceptable puis que l'individu est pas important. On donne à cet individu-là, à ce citoyen-là, une place prépondérante, de ce fait, reconnaissant à son propos une valeur, comme si on regrette puis on s'excuse, on veut pas s'excuser entièrement, on a dénoncé ses propos, mais on n'est pas sûr qu'on aurait dû les dénoncer comme ça, mais, dans le fond, on a un petit tort, là, puis...
Ce genre de zone grise là, et je le reconnais à Lucien Bouchard, qui a été notre vis-à-vis durant quelques années, ce genre de zone grise là n'était pas toléré ni tolérable par lui, il l'a exprimé. Et je m'attends de l'actuel premier ministre à ce qu'il ne laisse pas de zone grise, qu'il n'y ait pas de négociations... Et j'insiste, les négociations sur la forme, sur des règles, sur des commissions, sur tout changement à l'ordre normal des choses dans notre Parlement, les négociations sur la forme vont être interprétées par ceux que ça intéresse comme une ouverture sur le fond, comme une tolérance sur le fond. C'est comme ça que ça va être interprété et c'est comme ça que ça doit être interprété. Parce que, si des propos sont intolérables, bien, on le dit puis ça modifie pas le reste du cours des choses. Et, là-dessus, je m'attends du premier ministre à un propos clair, une fermeté et pas...
Je veux dire, tout le monde a entendu, au Québec, le discours d'ordre général sur l'inclusion, le discours d'ordre général sur le nationalisme civique. Ce que les citoyens attendent, c'est, lorsque des situations se présentent, qu'on ait une ligne claire, qu'on ait une ligne de conduite et que les gens sachent à quoi s'en tenir à l'intérieur de son parti comme ailleurs dans la société. Alors, j'espère qu'on aura l'occasion aujourd'hui de clarifier cette question-là et de ne pas laisser, là, aucune zone ombragée, aucune zone grise autour de ça.
La question économique. Le seul message positif, si on essaie de résumer, hein, le seul message positif que le premier ministre ? et c'était le même lorsqu'il était ministre des Finances ? peut tenir, c'est qu'au Québec ça va moins mal que ça allait. Le Québec a connu, économiquement, un creux de vague, creux de vague assez spectaculaire sous l'ancien gouvernement, l'Amérique du Nord a connu une période de croissance après, et maintenant ça va moins mal. Maintenant, ça va pas bien. On peut pas... le jeune du Québec qui finit son bac ce printemps, dans les prochains jours, là, peut pas être rassuré, peut pas être entièrement confiant par rapport à ce qu'il voit parce que les chiffres sur le chômage, la mesure du nombre de personnes qui n'ont pas d'emploi au Québec, sont toujours hors proportion par rapport à nos voisins. Le chômage au Québec est encore, si on prend toutes les provinces comparables, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta, la Colombie-Britannique, dès qu'on sort des Maritimes, le chômage au Québec est de 2 %, 3 %, des fois 4 % plus élevé que les autres, en hausse d'ailleurs. Le chômage au Québec, les dernières tendances, les derniers mois, le chômage est à tendance haussière.
On est dans le domaine des excuses. J'entends déjà le premier ministre nous dire: Oui, mais le taux de chômage avec l'Ontario, c'est un taux de chômage historique, ça. C'est quoi, ça, un taux de chômage historique, un écart de chômage historique, un taux de chômage historiquement plus élevé? Ça veut dire quoi, «historique»? Ça veut dire que l'écart de chômage entre le Québec et l'Ontario, ça fait partie de histoire, de notre patrimoine, ça? Non, c'est un taux de chômage expliqué, explicable, grave et qui doit être combattu. Et y a pas de défaitisme en ces matières-là. Et, quand on regarde la fiscalité, la réglementation, quand on regarde, hier, ce que nous dit, là, le comité sur les politiques publiques de l'Association des économistes québécois, on trouve des explications dans la fiscalité, dans la réglementation, un choix que le Québec a fait de maintenir des taux de chômage plus élevés. C'est la réalité.
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(16 h 30)
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Parmi les autres défaites, on dit: Oui, mais au Québec, le territoire est grand, puis ce qui tire le chômage vers le haut, bien souvent, c'est les régions. Les régions: la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, les régions éloignées.
Mars 2001, chiffres de chômage des États américains. On va regarder ceux qui sont voisins de chez nous, voisins du comté de Rivière-du-Loup, là, 50 et quelques minutes, le Maine. Ça, ce n'est pas les grands centres-villes, le Maine. Ça, c'est le bois, le tourisme, l'agriculture. Ça ressemble à la Côte-Nord, ça ressemble au Bas-du-Fleuve, ça ressemble à l'Abitibi, ça ressemble... C'est des régions qui vivent des ressources naturelles. Il n'y a pas des grands centres-villes. Maine, chômage: 2,4 %. New Hampshire, à côté: 2,6. Ce n'est pas les grands centres-villes, ça, là. Ça, si ce n'est pas les régions rurales des États-Unis, je ne sais pas c'est quoi. Vermont, ça ressemble à ça aussi, forêt, tourisme, hein, ça ressemble à nos régions, 2,9.
Tout le monde est conscient qu'un gouvernement ne peut pas changer ça du jour au lendemain. Là, il faut qu'on sorte du monde des excuses, du défaitisme, de la déresponsabilisation: C'est la faute à Ottawa, la faute aux autres provinces, la faute à Pierre, Jean, Jacques, c'est la faute à tout le monde, sauf la nôtre. Bien non, on en a des Québécois de l'Association des économistes qui ont fouillé ça, qui ont regardé ça, comme tant d'autres, comme, nous, on l'a fait dans notre parti: fiscalité non compétitive depuis quelques décennies, modèle libéral et péquiste, croissance économique au Québec, 2,1 % depuis 20 ans. Ça a été de 2,8 dans le reste du Canada. Si on fait le cumulatif, c'est 45 % de croissance au Québec pendant qu'il y en avait 64 dans le reste du Canada.
Revenu par personne en Ontario: 30 % plus élevé qu'au Québec. Au rythme actuel, les Ontariens auront un revenu moyen 75 % plus élevé que les Québécois dans 30 ans. Ça, c'est la réalité économique du Québec. Puis on se fait des accroires, on se dit qu'on baisse les impôts. Mais non, les revenus du gouvernement augmentent, la place de l'État dans l'économie est de plus en plus là, la réglementation est de plus en plus là. Hier, j'avais l'occasion de rencontrer des gens de l'industrie de la construction. Qu'est-ce qu'ils ont devant eux? Ce n'est pas l'allégement réglementaire. Ils ont encore trois, quatre menaces que le gouvernement leur prépare des nouveaux alourdissements réglementaires. Ça, c'est la réalité du Québec.
Et je vais conclure en vous faisant la réflexion suivante, M. le Président, quand je vous dis qu'on est dans le domaine des excuses puis qu'on est dans le domaine du défaitisme. Le discours du Parti québécois, il y a une décennie, 10, 15 ans, les écrits puis les discours officiels, c'était la recherche du plein-emploi. C'était le vocabulaire de leur parti, le plein-emploi. J'en vois là qui s'en souviennent, le plein-emploi. Là, aujourd'hui on est rendu dans la lutte à la pauvreté. Ça, c'est l'évolution. On est passé de la recherche du plein-emploi à la lutte à la pauvreté. C'est comme: On n'a pas de résultat, on garde le même modèle. Il n'y a rien qui marche, mais, à force de baisser la barre, à un moment donné, on va toujours bien sauter par-dessus. Je veux dire, si on la met à terre, la barre, un jour on va bien pouvoir dire qu'on la passe. Bien, c'est ça, le genre de modèle qu'on nous sert. On baisse la barre. Là, la lutte à la pauvreté.
Puis même, la lutte à la pauvreté, la pauvreté n'a même pas reculé. Pendant la dernière décennie de croissance, la pauvreté au Québec, je pense qu'on est la deuxième province qui a le plus de pauvreté dans le Canada, le plus haut taux de pauvreté. Là-dessus, par contre, je sais que le gouvernement, dans ce cas-là, non seulement il baisse la barre, mais en plus il s'attaque aux statistiques: C'est les chiffres qui ne sont pas bons puis... On n'est jamais responsable. C'est la faute à tout le monde, mais c'est sûr que ce n'est pas la nôtre. Je pense que, comme premier ministre qui dit être intéressé par les questions économiques, il y a un coup de barre qui est nécessaire. Je veux dire, il faut constater l'absence de résultats satisfaisants.
Ah oui! le plein-emploi. Soit dit en passant, ce que je vous ai nommé tantôt, dans tous les états américains, là, à 2 %, 3 %, à 4 %, en économie, on appelle ça le plein-emploi. Dans d'autres provinces canadiennes, 4, 5 %, ça frise le plein-emploi. Mais, nous, on peut pas chercher ça au Québec parce que c'est pas réaliste. Pourquoi c'est pas réaliste? Qu'est-ce qu'ils ont fait au Manitoba? Qu'est-ce qu'il y a en Saskatchewan? Qu'est-ce qu'il y a au Maine? Du monde plus intelligent que nous autres, plus vaillants, plus talentueux, c'est-u ça, pour qu'il y ait un écart historique? C'est parce que, historiquement, nous autres... J'accepte pas ces excuses-là. Et on s'attend d'un gouvernement qu'il mette les yeux en face des trous, qu'il fasse les constats, qu'il regarde les données, qu'il regarde ce qui se passe sur notre continent puis qu'on se donne une politique économique qui ne suit pas les créneaux qui nous ont amenés dans le marasme où on est présentement. Je vous remercie.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député de Saint-Jean, vous avez la parole.
M. Roger Paquin
M. Paquin: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer, au nom des parlementaires formant notre groupe, l'éminent comparant qui est devant nous aujourd'hui, de même que les professionnels et les conseillers qui l'accompagnent, le chef de l'opposition, les membres de son aile parlementaire, en l'assurant que nous répondons bien sûr positivement à son invitation à la convivialité aujourd'hui, et saluer le député et chef de l'ADQ.
M. le Président, la personne qui est appelée à comparoir aujourd'hui est premier ministre depuis une période très récente. Et je pense que, au moment de l'étude des crédits, il est évident que l'on peut faire une revue de ce qui s'est passé dans un passé récent, mais aussi il faut regarder en avant et voir de quelle façon on se projette dans cette direction. Or, je dois vous signaler que le discours inaugural qui a été prononcé nous permet, d'entrée de jeu et de façon très transparente, de savoir où ce premier ministre, qui prend les guides dans la continuité mais dans le renouveau, veut aller avec l'administration de l'État du Québec.
Alors, d'abord je signale que ce discours inaugural a traduit une vision, une vision complète, multidimensionnelle mais cohérente de l'avenir du Québec et qu'elle comportait une conscience de tous les enjeux et apportait des réponses à chacun d'entre eux. Je sais que l'actuel premier ministre a toujours été de ceux qui croient à une certaine main qui peut guider l'économie, mais qu'en même temps il sait qu'elle est invisible et que, si on n'y prend garde, on peut la recevoir en pleine gueule. Et, dans ce sens-là, je crois qu'il est important qu'il ait été positionné de façon claire que des interventions de l'État dans une perspective sociale-démocrate, des interventions qui suscitent l'initiative, qui accompagnent le cheminement des intervenants et qui soutiennent les succès sont des interventions à dose homéopathique qui sont nécessaires si l'on veut faire en sorte que l'État puisse accompagner convenablement ceux qui sont les promoteurs dans chacune des régions et dans chacun des secteurs de notre économie.
À cet égard, d'ailleurs je voudrais rappeler qu'en toute circonstance le premier ministre déclare son obsession à une lutte au chômage et à l'exclusion, à la pauvreté. En fait, je pense que chacun d'entre nous doit convenir que c'est par l'emploi et par une insertion dans la dignité civique que l'on peut le mieux possible se gagner sa qualité de vie et la fierté qui doit l'accompagner. C'est pour ça que, au moment où on a redressé les finances publiques du Québec, lorsqu'il était ministre des Finances, on a pu percevoir dans toutes les actions non seulement la vision, mais aussi un équilibre judicieux de compression et de compassion et que, maintenant que ces stratégies nous ont permis d'atteindre non seulement un équilibre des finances mais désormais de façon structurelle de commencer à dégager des surplus, ce qui est un phénomène nouveau dans l'histoire récente du Québec, on peut toujours compter sur une réponse qui tienne compte de tous les aspects des personnes qui font le Québec. Et ces personnes, ce qu'elles nous demandent, comme contribuables, c'est de la rigueur, comme citoyens, c'est de l'empathie.
Et c'est cet équilibre qui fait en sorte que, même si aujourd'hui nous avons pu obtenir une situation où nos finances sont dans un état tout à fait montrable, tout à fait remarquable, à un point tel d'ailleurs qu'on songe dans les lieux financiers à rétablir notre cote, on ne se pète pas les bretelles, on regarde en avant, on voit les défis, on voit ce qui reste à faire. Les rattrapages sont faits. Il reste les investissements solides dans les différents secteurs qui ont besoin d'un rattrapage toujours, mais surtout on demeure prudents. Et on sait, à travers les surplus que l'on dégage, mettre de côté un bas de laine qui pourrait permettre, en cas de ralentissement, d'aller de l'avant. Et ça aussi, ça a été dit d'une façon claire. Et je pense que c'est tout à l'avantage d'un gouvernement qui, sous l'égide du premier ministre actuel, dit clairement que les objectifs sont de développer l'économie en même temps que le social, en même temps que la culture, en même temps qu'en préservant la pérennité de l'environnement. Ça, M. le Président, ça s'appelle le développement durable.
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(16 h 40)
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Lorsque, au moment de prendre des décisions, on considère l'âme d'un peuple, son environnement, sa cohésion sociale et qu'on prend des décisions économiques en prenant compte de tous ces paramètres-là, ce que l'on fait, c'est du développement durable. Et la meilleure façon de faire un développement durable à ce moment-ci, c'est de voir si, tout ce dont nous avons besoin pour faire une promotion la plus solide de notre avancement commun comme société, comme peuple, comme nation... est-ce que tout est disponible. Je pense qu'il est reconnu par les parlementaires des deux côtés de cette table qu'il y a actuellement un déséquilibre fiscal. Je parlerais même d'un coût du fédéralisme.
Mais il demeure que, dans la condition actuelle, malgré les prodiges d'imagination et de respect du contrat social que nous avons avec l'ensemble des citoyens du Québec, nous sommes dans une situation qui a été dénoncée tantôt comme une province pauvre. Eh bien, ce qui ressort très clairement non seulement du discours inaugural, mais de toutes les circonstances où ce premier ministre prend la parole, c'est que nous voulons non pas une province pauvre, mais un pays riche et que le moyen pour le faire, c'est de mettre un projet emballant sur la table et de le poser en toute transparence et en toute sérénité.
Ce projet, il est d'un nationalisme réfléchi mais en même temps qui est fondé sur l'amour de la patrie selon un projet inclusif qui prévoit une citoyenneté civique et qui propose simplement que l'on fasse ensemble, au niveau du Québec, pour les Québécois, nos lois, qu'on lève nos impôts et qu'on les dépense dans le meilleur intérêt dans tous les secteurs et surtout que nous choisissions nos partenariats.
M. le Président, nous sommes à un moment où, dans les ensembles internationaux, se décident les paramètres qui vont caractériser le futur prochain. Il est important que nous soyons à la table pour décider. C'est pourquoi je veux, en terminant, M. le Président, souligner qu'il est très important que nous demeurions cet État transparent et ce gouvernement transparent qui dit les choses. Rappelons-nous que, lorsqu'il était ministre des Finances, on a dit que désormais le modèle des finances publiques et la façon dont les comptes sont dressés sont exemplaires. Eh bien, de la même façon, maintenant on a une clarté des enjeux, une vision sociale-démocrate de développement durable avec en tête un projet emballant, celui de l'émancipation nationale. Mais l'important, M. le Président, c'est que l'on puisse aujourd'hui examiner avec le premier ministre, dans le plus de temps possible, chacune des dispositions qui viennent étayer ces aspects-là. Et c'est pourquoi je cesserai immédiatement mon intervention pour permettre le plus de questions possible aux parlementaires.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le député de Saint-Jean. Toujours à l'étape des déclarations d'ouverture, y a-t-il d'autres interventions? Sinon, je passe la parole au chef de l'opposition officielle pour la période de débat.
Discussion générale
Demande de M. Yves Michaud d'être entendu
par la commission de l'Assemblée nationale
M. Charest: Bien, M. le Président, c'est une coïncidence, mais je veux reprendre sur la déclaration que vient de faire le député de Saint-Jean, qui me semblait très juste, sur la question de la citoyenneté, le sens civique, et ça touche directement ce nuage qui plane sur ce gouvernement concernant l'affaire Michaud. On a eu un échange là-dessus aujourd'hui, à la période de questions, le député de Rivière-du-Loup a soulevé la question, et on en a conclu, on ne pouvait pas faire autrement, que la réponse du premier ministre était plutôt ambiguë sur les intentions de son gouvernement dans l'affaire Michaud.
Je peux vous dire, du côté de l'opposition, que nous avons proposé une motion, elle a été adoptée ? on l'a proposée conjointement, le premier ministre a raison, elle a été adoptée ? et que, pour nous, l'affaire est close, que le leader du gouvernement a fait parvenir une lettre à M. Michaud, suite à une communication qui lui avait été faite, où il dit, je pense, avec assez de détails... Il répond à M. Michaud à la fois sur le fond et sur la forme et il lui rappelle que l'Assemblée nationale du Québec, c'est un forum d'opinions, qu'il y a plusieurs façons de s'exprimer, les motions, c'en est une, les débats, c'en est une autre, ce n'est pas un tribunal, et qu'il n'avait pas l'intention de revenir là-dessus, et que son prédécesseur, Lucien Bouchard, ici même ? ici même ? au moment où il annonçait sa démission, évoquait cette affaire-là et était très clair sur les questions de principe.
Ce que je veux savoir du premier ministre, moi, c'est ce qu'il est en train de négocier au juste. Parce qu'on apprend par ailleurs ? et il va pouvoir nous éclairer là-dessus ? que Fernand Daoust et même Josée Legault, de son bureau, seraient en instance de négociation avec M. Michaud. J'aimerais savoir si le premier ministre a rencontré M. Michaud. S'il y a effectivement des négociations, quel est le mandat de négociations qu'il a donné à Fernand Daoust et à Josée Legault?
Il pourrait peut-être commencer par répondre au député de Saint-Jean, qui, le lendemain de l'affaire Michaud, a dit ceci. Il aurait émis un communiqué de presse dans lequel il aurait affirmé: «Mon plus grand regret est de ne pas m'être opposé au dépôt de la motion portant sur l'affaire Michaud», M. le Président. Il est assis à trois fauteuils de lui. Vous allez comprendre pourquoi on pose des questions. Le député de Saint-Jean, qui vient de prendre la parole, aurait affirmé le lendemain qu'il aurait pas... s'il avait su, il se serait opposé au dépôt de la motion. Il y a peut-être une erreur. Il me fait signe que oui.
Mais, quand, nous, on prend connaissance de ces choses-là, M. le Président, vous comprenez pourquoi on sent le besoin de poser des questions au premier ministre, au besoin, au député de Saint-Jean, puisqu'il est assis dans son fauteuil, sur les intentions réelles du gouvernement, d'autant plus ? et je vais terminer là-dessus, je veux permettre au premier ministre de pouvoir donner des réponses qui, je souhaite, sont très claires ? que, lors d'une réunion de caucus, vous aviez évoqué, entre guillemets, des voies prometteuses de solution. Mais c'est quoi, ces voies prometteuses là? Parce que, moi, je ne les vois pas, là. On s'est prononcé... Voies prometteuses. En tout cas, si c'est dans le sens de ce que M. Michaud réclame, il me semble qu'on s'est prononcé, qu'il y a des principes très clairs et que l'affaire est close.
Alors, il se passe quoi? Qui négocie? Avez-vous rencontré M. Michaud? Est-ce que Josée Legault, de votre bureau, négocie avec M. Michaud? Est-ce que M. Daoust négocie avec M. Michaud? Est-ce que le député de Saint-Jean continue de dire, comme on prétend qu'il l'aurait dit, qu'il regrettait de ne pas s'être opposé à la motion? Et est-ce qu'il y a d'autres députés du côté ministériel qui aujourd'hui regrettent de s'être prononcés sur cette motion-là? Parce que, du côté de l'opposition officielle, je peux vous réaffirmer que notre position n'a pas changé, depuis ce jour.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Pointu sur cette question, M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Oui. Simplement l'aspect réglementaire, c'est-à-dire qu'à la fin de l'intervention du député je peux corriger un fait, le cas échéant. Il est exact que, dans un journal aujourd'hui, on rapporte ce fait. C'est le fait qui est rapporté qui est inexact. Il s'agit du député de L'Assomption qui a fait ce communiqué et non pas le député de Saint-Jean.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.
M. Charest: Mais est-ce que ça représente votre point de vue aussi?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bien, ça...
M. Charest: Non, mais...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Jean aura l'occasion de s'exprimer en temps et lieu.
M. Charest: Non, mais tant qu'à y être, M. le Président, vous n'allez pas laisser ça dans le doute. Est-ce que, vous aussi, vous regrettez de vous être...
M. Paquin: Avec le consentement, M. le Président, est-ce que je peux répondre?
M. Charest: Parce que je ne veux pas... Écoutez, je ne veux pas entacher votre réputation. Je l'ai soulevé. C'est une erreur de bonne foi, comme vous le voyez. Vous ne me le reprochez pas, je vous le... pas, mais je veux pas non plus laisser planer de doute sur vos intentions. Alors, dites-nous-le: Est-ce que vous regrettez d'avoir appuyé la motion?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement, M. le député de Saint-Jean, parce que nous sommes ici bien sûr sur les crédits du Conseil exécutif et vous ne représentez d'aucune façon le Conseil exécutif. Alors, brièvement.
M. Paquin: Je suis conscient que c'est un peu une entorse, mais je ne veux pas me défiler, là. Sur cette question-là, j'ai été solidaire du gouvernement en toutes circonstances.
M. Charest: Bon. Puis je ne veux pas... Écoutez, je ne veux pas laisser planer de doute sur vos intentions, M. le député. S'il y a une erreur, il faut que ce soit clair.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: Bon. Ça a l'air à être moins l'économie qui vous intéresse que ce qu'on appelle l'affaire Michaud. Très bien. Je peux parler des deux.
Premièrement, j'ai dit à plusieurs reprises, avant d'être premier ministre et depuis que je le suis, que j'ai voté cette résolution pour des questions de principes sacrés en lesquels je crois, et je la revoterais. J'ai dit également que je l'ai votée avec plus de douleur que les autres membres de l'Assemblée. C'est une question humaine, cette résolution touchait les paroles d'un ami de quatre décennies. Alors, évidemment il y a des choses difficiles à faire dans la vie publique, et j'ai choisi de faire cette chose difficile en pleine solidarité avec mon premier ministre et mon groupe parlementaire.
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(16 h 50)
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Mon groupe parlementaire, précisément, par ailleurs m'a demandé, lors d'un caucus ? et la chose a été connue, ça a été révélé publiquement ? de maintenir ouvertes des lignes de communication avec M. Yves Michaud, dont je redis que ce n'est pas un paria. Et, si quelqu'un dans cette salle ou ailleurs veut le dire, qu'il le dise.
Notre Assemblée a dénoncé certains de ses propos; ni sa vie ni son oeuvre, ni sa réputation de citoyen. J'aimerais vous l'entendre dire, de l'autre coté aussi, si ça ne vous dérange pas, ne serait-ce que pour des raisons d'équité et de justice envers cette personne, comme notre Assemblée doit équité et justice envers tous les citoyens et les citoyennes du Québec.
Yves Michaud, c'était un ami de Robert Bourassa, très proche, un ami de Georges-Émile Lapalme, très proche, de René Lévesque, de votre humble serviteur et d'un certain nombre d'autres personnes, dont Fernand Daoust dont vous avez parlé. Et, moi, je n'ai donné aucun mandat à Fernand Daoust, mais Fernand Daoust, ami d'Yves Michaud, voulant servir d'intermédiaire, s'est offert pour le faire. S'il peut faire des choses, c'est tant mieux.
Donc, qu'on n'essaie pas de faire dévier une motion de l'Assemblée vers une chose plus large qui deviendrait carrément odieuse, de faire d'un de nos citoyens un citoyen de seconde zone ou quelqu'un qui a démérité ou faire une croix sur sa vie. Ça a été un des meilleurs diplomates du Québec sinon le meilleur, un des meilleurs, disons. Il a été élu légitimement député libéral de cette Assemblée. Il s'est illustré dans un combat au service des petits épargnants et des consommateurs, qui a fait de lui une vedette dépassant nos frontières. Il faut penser à tout ça aussi quand on parle de l'affaire Michaud et ne pas penser uniquement aux phrases que notre Assemblée nationale a condamnées, à juste titre.
Maintenant, le député de Rivière-du-Loup dit: L'affaire Michaud est terminée. Terminé. Ah! Terminé. Oui, mais, comme citoyen du Québec, il nous a fait parvenir, ce qui est son droit le plus strict, une motion qui a été déposée par un de nos collègues à l'Assemblée nationale cet après-midi. Vous pouvez dire fini ou pas fini, il a ce droit et il l'a exercé, ce droit. Et ce qu'il demande: «C'est pourquoi le soussigné demande qu'il soit entendu par la commission de l'Assemblée nationale afin qu'il puisse éclairer ses membres relativement à la motion le concernant votée le 14 décembre.» On peut pas rejeter du revers de la main la demande d'aucun citoyen, ni celle de Michaud ni celle d'un autre. Si l'opposition dit: On rejette la demande de ce citoyen du revers de la main, l'opposition vivra avec les conséquences de ses gestes. Nous ne disons pas cela. Si l'opposition dit: Les règles de l'Assemblée nationale sont parfaites et elles ne devront jamais être changées, ni dans ce cas ni dans un autre, si elles sont changées dans ce cas, ça veut dire que, à cause du raisonnement ? je m'excuse de le dire ? tordu du député de Rivière-du-Loup, on dit: En changeant les règlements, on approuve les propos de Michaud, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire-là?
Là, vraiment j'ai une certaine estime pour le député, mais un déraillement logique de cet ordre, un déraillement juridique de cet ordre n'est pas sa marque de commerce. Et j'espère qu'il nous expliquera comment, si jamais l'Assemblée nationale décide de rendre ses règlements plus parfaits dans cette matière ou dans une autre, ça voudrait dire qu'on approuve les propos que nous avons unanimement dénoncés. Là, il y a comme une faille logique dont il doit s'expliquer devant cette Assemblée et devant la population du Québec aussi. Parce que, si on transpose ça à d'autres choses, à chaque fois que l'Assemblée va vouloir perfectionner ses règlements ou les améliorer, il y a un raisonnement tordu de cet ordre qui voudra dire: Oh! ça vise celui-ci ou ça vise celui-là. Les règlements de l'Assemblée nationale sont universels, touchent les citoyens et les citoyennes dans leur ensemble.
D'ailleurs, quand j'écoutais le député de Rivière-du-Loup ? avec une grande déception, je vous le dis, M. le Président ? je songeais à un de mes amis, qui s'appelle Moncef Guitouni. Ça rappelle quelque chose au député, c'est un des fondateurs de son parti, c'en était le vice-président. Il l'a mis dehors sans autre forme de procès, alors que deux ou trois tribunaux, depuis, civils ont démontré que Moncef Guitouni était un parfait honnête homme. Est-ce qu'il ne pourrait pas maintenant, le député de Rivière-du-Loup, revenant sur ces événements, affirmer: Moncef Guitouni, qui était mon vice-président, je l'ai congédié de façon abusive et pour rien du tout et c'est un parfait honnête homme? Ça serait une preuve de bonne foi. Ça serait une preuve de bonne foi dans une affaire qui engage les réputations puis engage les libertés.
Et pour le reste, bien, je crois qu'on doit réfléchir en notre âme et conscience à la suite des choses. C'est ce que j'ai l'intention de faire, et c'est, j'espère, ce que tous les parlementaires feront en réitérant cette ferme conviction que ce qui a été fait par notre Assemblée est fait. Et, si notre Assemblée doit faire autre chose, ça ne sera pas pour nier ce qu'elle a fait; ça sera pour rendre ses règlements plus modernes, éventuellement plus justes, éventuellement plus équitables, s'ils ne l'étaient pas. Mais tout ça est à faire étudier par des juristes et d'une façon sérieuse.
L'opinion publique québécoise, je crois, attend une réflexion sur ces questions. Il y a beaucoup de gens qui ont blâmé Michaud, comme nous l'avons fait, pour ses paroles, qui ont condamné ses paroles et qui par ailleurs ont été étonnés de la procédure ou ont trouvé la procédure inadéquate. Nier ce fait serait nier la réalité. Et ces gens-là n'approuvaient pas Michaud, d'aucune espèce de façon. On a vu et vous avez cité un article de journal, mais il y en a eu plusieurs articles de journaux, plusieurs lettres aux lecteurs. Ceux qui suivent l'Internet ont vu des masses d'opinions émises qui, sans aucunement prendre position pour ou contre Yves Michaud, mettaient en question les règlements et procédures de notre Assemblée nationale. Alors ça, on peut pas l'ignorer, et puis c'est notre devoir de parlementaires d'au moins regarder. Et, pour la suite on verra. Je la connais pas, la suite.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le chef de l'opposition officielle.
M. Charest: Bon. Alors, ce qu'on apprend, c'est que le premier ministre est en négociation avec M. Michaud.
M. Landry: Non. Écoutez, là, faites-moi pas dire... Est-ce que j'ai dit que j'étais en négociation avec M. Michaud?
M. Charest: Eh bien, j'essaie...
M. Landry: J'ai dit que je parlais avec M. Michaud. J'ai pas répondu totalement à votre question, d'ailleurs. Peut-être que l'affaire du député de Rivière-du-Loup m'a tellement déçu, j'ai tellement trouvé lamentable son argumentation que ça m'a nui dans la réponse complète à votre question.
M. Charest: Mais permettez-moi...
M. Landry: J'ai rencontré M. Michaud une fois...
M. Charest: Si vous me permettez, M. le Président, parce que là...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le chef de l'opposition, allez-y, vous avez la parole.
M. Charest: ...ça peut aller... Puis je vais pas prendre beaucoup de votre temps. Vous venez d'avouer que vous avez pas totalement répondu à ma question. On s'entend...
M. Landry: Je m'apprêtais à le faire, là, si vous consentez.
M. Charest: ...là-dessus. On s'entend là-dessus. Parce que, quand vous me parlez, là, de maintenir des lignes de communication, vous confirmez que M. Daoust agit comme intermédiaire entre vous et M. Michaud, difficile de conclure qu'il se passe pas de négociations, là. Il y a une affaire de bon sens quand même là. On a beau habiller ça, maquiller ça puis présenter ça... D'ailleurs, je vous ai demandé si Josée Legault, qui travaille directement dans votre bureau, était également impliquée dans cette négociation-là. Vous n'avez pas répondu. Alors, si on veut...
M. Landry: Laissez-moi le temps, là, puis je vais répondre.
M. Charest: Je serai pas très long, M. le Président, permettez de terminer. Je vais ajouter quelques commentaires. Quand vous dites qu'on a abordé ça ou, en tout cas, vous laissez entendre qu'on aurait attaqué la personne de M. Michaud, je tiens à vous dire que nous avons été prudents et je pense que nous avons abordé, en tout cas du côté de l'aile parlementaire libérale, ce dossier-là de façon très convenable, comme nous devions le faire. Et je vous souligne... Parce que c'est pas nous qui avons traité M. Michaud de crackpot, c'est Sylvain Simard, qui est ministre puis président du Conseil du trésor dans votre gouvernement. Alors, là-dessus, si vous avez des leçons ou des reproches à faire, il faudrait tourner les yeux du côté de votre propre caucus.
Et, en passant, ce qu'on apprend aujourd'hui, c'est que le député de L'Assomption, qui est dans votre caucus, à vous, s'il avait su, comme il dit le lendemain du vote, il aurait voté ou aurait pas permis le dépôt de la motion. Il y en a combien de députés dans votre caucus qui aujourd'hui ont cette position-là, M. le premier ministre? Et placé devant ces faits-là, est-ce que vous pouvez nous blâmer, nous, de s'interroger sur la position réelle de votre gouvernement? Il y a des députés dans votre caucus qui n'appuient pas la position que vous défendez sur la motion aujourd'hui, et de un.
n(17 heures)n Et, de deux, vous êtes en négociation ? votre bureau directement, ou, en tout cas, confirmez-moi-le ? avec M. Michaud. Il se passe quoi, au juste, là? Qu'est-ce qui est en train de se concocter? Parce que sur le principe et la motion, nous, on n'a pas changé d'idée. Mais, dans votre aile parlementaire et dans votre parti, de toute évidence, ça semble pas être le cas. Il y a quelqu'un entre les deux qui essaie de justement négocier quelque chose. C'est quoi? Et qui fait cette négociation?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: M. le Président, je réitère que tous les parlementaires se sont levés à la suite de Lucien Bouchard, tous et toutes, pour voter cette motion, incluant votre humble serviteur. Alors, ça, ça ne peut pas être remis en question, personne n'a l'intention de le remettre en question. Et j'ai réitéré cette chose à plusieurs reprises avant d'être premier ministre et maintenant que je le suis.
Deuxièmement, mon caucus, assez sagement d'ailleurs, au mois de décembre, m'a demandé de maintenir ouvertes des lignes de communication avec M. Michaud et ceux qui l'entourent, et c'est ce que j'ai fait. Et je l'ai rencontré une fois en décembre et je l'ai rencontré de nouveau il y a quelques semaines, m'acquittant de mon mandat. Je l'ai fait d'abord pour des raisons humanitaires et des raisons humaines. Yves Michaud a été profondément heurté, blessé par la motion, et, sur le plan humain, ça se comprend. Alors, qu'on veuille garder des canaux de communication ouverts avec ce citoyen ou n'importe quel autre ? mais, dans le cas qui nous occupe, c'est Yves Michaud ? ça m'apparaissait assez élémentaire.
Il ne s'agit pas de négociations, il s'agit d'évocations de l'avenir. Par exemple: Est-ce qu'un de nos députés présente sa motion? Réponse: Oui. C'est une communication. Et le député de L'Assomption l'a fait devant tout le monde cet après-midi. Il a même dit que ça lui faisait plaisir de le faire, si je me souviens bien. Alors, c'est ce genre de chose qui a été évoquée soit par moi ou par mes assistants.
Évidemment, quand on est premier ministre du Québec, on a droit, comme vous-même, à un cabinet qui s'acquitte en votre nom des tâches dont vous ne pouvez pas vous occuper vous-même directement. Alors, c'est le rôle de Mme Legault également. Avoir une discussion sur la procédure parlementaire avec quelqu'un dont les propos ont été condamnés, ce n'est pas des négociations, c'est des discussions, c'est des évocations, et, encore une fois, je pense que la population souhaite que de tels éclaircissements éventuellement surviennent. Ce n'est pas un marché, on n'est pas en négociation de quelque genre de contrat que ce soit, c'est une discussion à caractère humain, à caractère équitable et qui ne remet pas en cause ce qui a été fait.
M. Charest: Si vous permettez. Est-ce que vous pourriez m'affirmer aujourd'hui que, si la motion était présentée à nouveau, votre aile parlementaire voterait exactement de la même façon qu'ils l'ont fait à ce moment-là? Moi, je peux vous affirmer... je vais répondre à cette question-là en vous affirmant que l'aile parlementaire du Parti libéral du Québec voterait exactement de la même façon.
M. Landry: Écoutez, ce n'était pas mon aile parlementaire, j'en faisais partie, c'était celle de Lucien Bouchard. Et je présume, je ne peux pas parler... Ça serait vraiment leur faire injure, là, il ne faut pas faire injure à un député, là, dire: Je suis sûr d'avance qu'il va voter de tel côté ou de tel autre. Il y a ici des hommes et des femmes libres, et j'espère que c'est comme ça dans votre parti aussi. Mais je présume, je présume, au nom du respect des députés et de leur liberté, que ce serait exactement la même chose.
M. Charest: Et, dans l'exercice de leur liberté, ça leur ferait plaisir de répéter, les uns après les autres, qu'ils voteraient exactement pour la même motion. M. le député de Papineau? Oui?
M. MacMillan: Sûrement.
M. Charest: Bon. Alors, du côté ministériel?
M. Landry: Je présume que les membres de notre caucus feraient la même chose.
M. Charest: Mais je ne les vois pas répondre, M. le Président.
M. Landry: Mais, encore une fois, je ne sais pas si c'est ça, de votre côté, mais, de notre côté, c'est des hommes et des femmes libres.
M. Charest: M. le député de Lotbinière a la tête tellement basse, là, qu'on a de la misère à...
Une voix: Il n'était pas ici.
M. Charest: Est-ce que c'est oui ou c'est non?
Une voix: ...
M. Charest: Bon. Alors, vous voyez, la démonstration? La démonstration est faite, M. le Président, j'en compte un, deux, trois, quatre, cinq, six qui refusent de répondre à la question.
Des voix: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Un instant! Un instant! Un instant!
M. Charest: Alors, M. le Président, il y en a six du côté ministériel qui ne répondent pas à la question.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Non, M. le porte-parole de l'opposition officielle, je ne pense pas qu'on puisse, à ce moment-ci, présumer de l'attitude ou des propos que pourraient avoir les députés ministériels. Et je rappelle que nous sommes ici non pas pour sonder les députés ministériels sur leurs intentions sur quoi que ce soit mais pour interroger les représentants de l'Exécutif sur justement les crédits budgétaires de l'Exécutif. À ce moment-ci, vous avez terminé la période qui était prévue pour votre intervention. M. le député de Rivière-du-Loup, vous avez la parole.
M. Dumont: Merci, M. le président. D'abord, rassurer le premier ministre sur les affaires internes de notre parti. Ça s'est réglé par lettre ? il est en retard sur les nouvelles ? ça s'est réglé par missive il y a quelques années à la satisfaction de tout le monde. Mais là je veux revenir sur ce qui concerne...
Une voix: ...
M. Dumont: Ah oui! c'est public. C'est public, ça a été dans les journaux, M. le premier ministre.
Je veux juste revenir quand même sur ça, pas dans l'angle de faire le procès d'intention des députés, dans l'angle de la société, dans l'angle des messages qui sont passés à la société puis de comment... Puis loin de moi... Dans toutes mes interventions, du début jusqu'à aujourd'hui, on parle toujours des propos, on ne parle pas de l'individu. Je veux dire, on ne nie pas que l'ensemble des bonnes oeuvres ou des bonnes actions qu'il aura faites de son enfance à aujourd'hui viennent de s'effacer. On parle des propos qui se sont tenus à un certain moment, par écrit et verbalement, dans le cadre d'une commission parlementaire... d'une commission, pardon, de consultation à laquelle il a participé.
Il y a deux avenues possibles. Il y a des propos qui sont inacceptables, qui ne correspondent pas à un nationalisme civique, qui ne correspondent pas à une vision inclusive de la société, qui ne correspondent pas à ce que, en théorie du moins, le gouvernement nous dit ce qu'il a comme vision. Là, il y a un Y, ça part à gauche puis ça part à droite. Si ça part d'un côté, les propos sont inacceptables, on s'attend à ce que le résultat soit des excuses de l'auteur. Ça, c'est un résultat possible. L'autre côté du Y, l'autre embranchement, c'est que ça finit par l'Assemblée qui s'excuse. Puis là, quand je dis «l'Assemblée qui s'excuse», bien, une Assemblée qui change ses règles pour le cas d'un individu, elle s'excuse.
Puis on aura beau dire, parfaire nos règles, le premier ministre peut s'inventer un vocabulaire avec son caucus, mais, dans la population, le monde vont comprendre que la conclusion de l'affaire Michaud, de l'affaire des propos d'une personne, la conclusion, c'est que toutes les règles de l'Assemblée, les règles ont été changées pour répondre à ça. On en comprendra que, si les propos étaient vraiment totalement condamnés et inacceptables, il n'en résulterait pas pour l'individu touché une influence impensable, celle de faire modifier les règles de notre Assemblée. Ça étant dit, M. le Président, on a notre réponse. La réponse qu'on n'a pas eue à la période des questions tout à l'heure, on l'a. Il y a une négociation qui est engagée, même si le premier ministre ne l'a pas formulé comme ça.
M. Landry: Je viens de dire le contraire. Pourquoi vous me prêtez des intentions?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous aurez l'occasion de répondre, M. le premier ministre, dans quelques instants.
M. Dumont: M. le Président, je veux être de bonne foi, mais... Je vais relire les propos de Lucien Bouchard ? c'est son prédécesseur, il était premier ministre, il quittait, cette journée-là ? des propos assez solennels: «Certains parlent d'une négociation.» Puis là on parlait justement de la recherche de voies de solution, puis tout ça. On proposait déjà ça à Lucien Bouchard, d'avoir des voies de solution. Il dit ? il répondait à ça: «Certains parlent de négociation. Nous sommes ici bien au-delà de la gestion de ces difficultés épisodiques qu'un chef de parti doit savoir résoudre par la flexibilité et la recherche du moyen terme. Dès lors que les enjeux campent sur le champ des principes, il n'y a pas de place pour la négociation.»«Dès lors ? je dois comprendre là ? que les enjeux campent sur le champ des principes, il n'y a pas de place pour la négociation.» Le premier ministre peut ne pas aimer l'utilisation que je fais du mot «négociation» aujourd'hui, mais, quand ça discute puis ça prépare des amendements pour répondre aux besoins de quelqu'un pour qu'il soit satisfait, il va y avoir du monde dans le public qui va appeler ça de la négociation. Puis c'est... exactement, c'est un virage par rapport à ce que Lucien Bouchard, lui, avait comme tolérance ou comme approche. C'est un virage, et il faut que le premier ministre accepte de le nommer comme ça, sur une question qui est néanmoins fondamentale.
n(17 h 10)n Et pourquoi c'est important? Bien, parce que le gouvernement publie des documents, cet automne, La citoyenneté québécoise: document de consultation pour la citoyenneté et l'intégration, puis là, là-dedans, c'est le nationalisme. Je veux dire, écrire des documents, c'est une chose; il faut savoir, après ça, qu'est-ce qu'ils valent, les documents. Quand le gouvernement, quand le premier ministre... Il y a des tests, il y a des événements. Est-ce qu'on va aller au fond de ces choses-là? Puis on en comprend que c'est pas clair comme ça, qu'il y a du flou, que les propos ont été condamnés, mais peut-être que c'est allé un petit peu loin, on revient là-dessus, on négocie ça.
Ces messages-là vont être entendus dans la population comme une banalisation, comme une forme de tolérance face à un certain type de discours. Et, dans ces matières-là, à chaque fois qu'on intervient en Chambre ? la journée de ci puis les souvenirs de tous les grands événements, de toutes les grandes tragédies de l'histoire ? on dit toujours... entre nous, là, on se fait toujours des appels à ne pas banaliser, à ne pas banaliser le discours restreignant sur le plan ethnique, à ne pas banaliser le discours vindicatif. Mais, quand il s'applique dans notre vie publique au Québec, là, on ne peut pas le banaliser non plus, on ne peut pas faire des discours: Ah! ça s'est passé à l'autre bout du monde, il y a quelques décennies, faire des rappels, on ne peut pas le banaliser. Mais, quand l'ombrage de ça apparaît dans la vie publique, on le banalise. On le banalise lorsqu'on est prêt à changer nos règles, on est prêt à négocier ? je réutilise le mot.
Puis, en bout de ligne, ce que je comprends, là, quand j'additionne les événements ? puis le premier ministre va avoir l'occasion de me répondre ? bien, c'est une mise en scène, c'est arrangé avec le gars des vues. Je veux dire, la pétition fait partie d'un processus de réhabilitation de quelqu'un à la suite de son discours. Puis là, je veux dire, ça, c'était la première étape que le député de L'Assomption a faite aujourd'hui, c'était la première étape. Puis là le metteur en scène, c'est le premier ministre. Mais là il y a une mise en scène. Ça, c'était la première étape. Il va y avoir d'autres étapes. Puis le but de la mise en scène, là, c'est de faire la réhabilitation de quelqu'un, de ses propos, propos qui, pour moi, là, n'ont pas... Le jugement, le poids des votes, je ne suis pas capable d'embarquer là-dedans, pas du tout, pas directement, pas indirectement, pas en regrettant des gestes à moitié ou...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: Je ne vois pas, M. le Président, qu'est-ce que recherche le député de Rivière-du-Loup en introduisant lui-même une confusion sur un point majeur, alors qu'il n'y a aucune espèce de confusion. Cette Assemblée a condamné des propos, et d'aucune manière, ni directement ni indirectement, le gouvernement ou les membres de la majorité ministérielle ne remettent en question cette condamnation.
La différence entre l'examen que nous avons à faire des choses et celui que Lucien Bouchard avait à faire des choses, c'est le fait qu'un citoyen a présenté une pétition à l'Assemblée nationale suivant nos règlements et qu'un de nos députés, comme c'était son devoir... Si on m'avait demandé de le faire, je l'aurais fait. J'espère que, si on avait demandé au député de Rivière-du-Loup de le faire, il l'aurait fait. Il lui est arrivé de présenter des pétitions au nom de citoyens alors qu'il n'était nullement en accord avec le contenu de la pétition. Il faut que les citoyens puissent s'exprimer. Si ça s'applique à 7,5 millions de personnes, ça s'applique aussi au citoyen Yves Michaud. C'est ce qu'il a fait. Ça ne permet pas de revivre le passé, ça ne remet pas l'horloge du temps en marche arrière, ça fait simplement ajouter à l'histoire de notre Assemblée une pétition nouvelle.
Si, maintenant, une série de juristes éminents prétendent, à l'examen de cette affaire, que nos règlements ne sont pas parfaits et que, dans d'autres assemblées nationales et dans d'autres Parlements du monde, devant une affaire semblable, pour arriver éventuellement au même résultat, on suit une procédure différente qui comporte plus d'apparence d'équité, qui comporte plus de rythme et plus de délais, est-ce que le député de Rivière-du-Loup ou aucun autre député de cette Chambre sera assez buté pour ne pas dire: Il y a des Parlements qui, dans certains aspects des choses, sont plus avancés que le nôtre, qui peuvent être en retard sur d'autres aspects? Est-ce que ça remet en question la motion, ça? Est-ce que ça remet en question la condamnation des paroles? Est-ce que ça remet en question la politique de qui que ce soit dans cette Assemblée de considérer que le Québec forme une nation inclusive? Je ne le pense pas. C'est pour ça que j'ai du mal à suivre la pensée du député de Rivière-du-Loup autrement que dans des méandres de politique qui n'est pas de très haut niveau.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Dumont: ...question qui se répond par oui ou non. Est-ce que... Parce que, moi, je lis les propos de Lucien Bouchard le jour de son départ puis je pense qu'il n'y aurait pas eu de suite, avec lui, à la pétition. Est-ce que le premier ministre actuel a obtenu l'opinion de Lucien Bouchard, de l'ancien premier ministre, sur ce qu'il ferait avec ça?
M. Landry: Moi, je connais assez Lucien Bouchard, je sais que c'est un juriste éminent et c'est un homme équitable, il ne se serait pas opposé à ce qu'un de ses députés dépose la pétition d'un citoyen. Ça, j'en suis absolument certain. Je connais assez Lucien Bouchard et je sais quel intérêt il porte à la perfection des institutions et des mécanismes juridiques pour savoir qu'un esprit aussi brillant ne se serait pas fermé à examiner des procédures parlementaires pour l'avenir et les rendre conformes à ce qui se fait de mieux au monde. Et un esprit aussi brillant que Lucien Bouchard n'aurait pas fait les conclusions logiques que fait le député de Rivière-du-Loup en disant que, si notre Assemblée allait améliorer ses procédures pour l'avenir, elle renierait un vote qu'elle a pris plusieurs mois auparavant. Il n'y a aucun lien logique. Il faut avoir les règles les plus parfaites possible. Et, si des juristes éminents, comme on a vus, M. Boies, là, qui s'est prononcé sur la question, émettent des opinions intéressantes, ou d'autres juristes qui émettraient l'opinion contraire, notre devoir le plus strict est d'avoir l'intelligence de les écouter.
M. Charest: M. le Président.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le porte-parole de l'opposition... pardon, M. le chef de l'opposition officielle...
M. Charest: Vous permettez?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...tout en soulignant qu'on est dans la période...
M. Charest: Ah!
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...réservée au député de Rivière-du-Loup.
M. Charest: Je ne veux pas interrompre, M. le Président, dans l'échange. Si vous voulez distribuer le temps également, on va faire... Moi, j'avais juste une question. D'abord, comme anecdote, je suis juriste, moi aussi... Puis vous connaissez la définition d'un juriste éminent? Évidemment, c'est toujours quelqu'un qui est d'accord avec nous. Et vous connaissez bien Lucien Bouchard; je le connais, moi aussi, je le connais assez bien. J'ai parlé depuis sa démission... Et le premier ministre a affirmé qu'il avait reçu un mandat de son caucus au mois de décembre, avant la démission de Lucien Bouchard. M. Bouchard était, à ce moment-là, président du Parti québécois, député dans le caucus, premier ministre du Québec, je présume qu'il était au courant du mandat qui avait été...
M. Landry: Il était présent, bien sûr.
M. Charest: Il était présent. Et le mandat, c'était de maintenir des lignes de communication.
M. Landry: Exactement.
M. Charest: Ça va mener où, tout ça, là, cette négociation-là que vous... Vous vous en allez vers quoi?
M. Landry: Vous employez le mot «négociation», que je n'emploie pas. Le caucus dont Lucien Bouchard était le chef m'avait donné, à l'époque, le mandat de tenir ouvertes les lignes de communication.
Une voix: Ah!
M. Landry: Et c'est ce que j'ai fait, à deux reprises, comme je vous l'ai dit, deux présences physiques, où nous avons échangé des communications. L'un des contenus de cette communication, c'est qu'évidemment l'Assemblée nationale s'est prononcée, et elle ne bougera aucunement, d'un iota de ce qu'elle a fait dans sa motion. C'est une communication, ça, à faire afin de dissiper tout vain espoir. Alors, ne serait-ce que ça, c'était utile d'avoir des lignes. De toute façon, c'est toujours utile d'avoir des lignes de communication ouvertes dans les situations les plus dramatiques. C'est pas nécessaire d'être en guerre au Moyen-Orient pour savoir qu'il faut se parler.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous sommes toujours...
M. Charest: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Si vous permettez, M. le chef de l'opposition, nous sommes toujours dans la période réservée au député de Rivière-du-Loup.
M. Landry: Pas nécessaire d'être en guerre au Moyen-Orient.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vous dis tout de suite que j'aurai une décision à prendre. Normalement... le député de Groulx a demandé à prendre la parole pour 20 minutes, et par la suite vous aurez la parole pour le dernier 20 minutes. Si vous préférez aller là, je peux vous l'accorder.
M. Charest: M. le Président, si je comprends bien l'allocation du temps... Parce qu'on devait aller jusqu'à 18 heures...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est ça.
M. Charest: ...et on a commencé avec un peu de retard. Et les crédits doivent, quoi, durer trois heures, en tout?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Exact.
M. Charest: Alors, est-ce que...
M. Landry: Ça nous mène à plus que 18 heures.
M. Charest: Oui.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Avec consentement, nous pourrions aller plus loin que 18 heures, effectivement.
M. Charest: Avec consentement. Bien, de notre côté à nous, on consent. Il me semble.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre au-delà de 18 heures? Oui? Bon, très bien. Alors, nous poursuivrons. Alors, nous nous rendrons à 18 h 27, pour information. Ça va?
M. Landry: On a commencé avec 20 minutes de retard, c'est ça?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est ça. M. le député de...
M. Landry: Je demanderais peut-être par ailleurs une suspension de quelques minutes, puisqu'on doit aller si loin. Je vais aller faire quelques appels.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Très bien. Alors, je suspends donc pour 10 minutes. Nous reprenons à et 30 juste.
(Suspension de la séance à 17 h 20)
(Reprise à 17 h 29)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'invite les membres à bien vouloir reprendre leur siège, s'il vous plaît, tout en rappelant que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif, les programmes 1 et 2, pour l'année financière 2001-2002.
n(17 h 30)n J'informe les membres que le député de Rivière-du-Loup a encore cinq minutes à sa période et que, normalement, avec le décalage que nous venons de connaître, c'est vers 18 h 37 que se termineraient nos travaux. Donc, M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Dumont: Merci, M. le Président. Je veux revenir sur la question économique. On a tellement de choses à discuter là-dessus. Parce que cette affaire-là a pris un peu plus de place, compte tenu des réponses surprenantes du premier ministre qui sont intervenues. Je la conclus quand même en disant: J'ai eu l'occasion de présenter à plusieurs reprises, comme il l'a dit, des pétitions. On présente des pétitions pour des enfants malades, on présente des pétitions pour un paquet de sujets, puis on n'a jamais vu le premier ministre s'en occuper. Puis celle d'un individu, dans ce cas-ci, c'est le premier ministre qui s'en occupe personnellement, à telle enseigne qu'on parle même de faire changer les règles de l'Assemblée puis de faire comparaître quelqu'un, un citoyen à l'Assemblée. Donc, je pense qu'on voit un peu mieux où se situe le premier ministre sur ces questions-là.
Situation économique du Québec
Question économique. J'ai eu l'occasion, dans le préambule tout à l'heure, de donner quand même un certain nombre d'éléments. Dans le fond, c'est l'histoire récente du Québec: chômage plus élevé, endettement, incapacité d'avoir les mêmes niveaux de croissance économique que les autres. C'est un modèle. Je pense que, là-dessus, le chef de l'opposition tout à l'heure se questionnait beaucoup sur qui a le plus endetté le Québec. À ma connaissance, je pense que le palmarès libéral et péquiste, c'est pas mal moitié-moitié, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de... Ils ont fait chacun leur large part, ils n'ont pas à se faire compétition là-dessus.
Ma question au premier ministre, je vais la résumer comme ça. Je l'ai entendu à plus qu'une reprise dire que, si le chômage au Québec se maintenait plus élevé, si le chômage au Québec était plus élevé que dans les autres provinces canadiennes comparables, c'était la faute des fois du système, des fois d'Ottawa. Ça fait sept ans qu'il est là... Ça fait sept ans, enfin cinq ans et demi qu'il est dans les affaires économiques, ministre de l'Économie et des Finances, maintenant premier ministre. La sous-performance de l'économie du Québec, est-ce que c'est de sa faute ou est-ce que c'est de la faute de quelqu'un d'autre? Je vais résumer ma question en des termes aussi simples que ça. Je pense que le monde se demande ça. Est-ce que lui considère que c'est de sa faute, que c'est sa responsabilité ou est-ce que c'est encore la responsabilité, la faute des autres?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: Bon. Alors, c'est l'âge, ce n'est pas de sa faute. Moi, je regarde l'économie du Québec depuis beaucoup plus longtemps que le député de Rivière-du-Loup. Je suis même, figurez-vous, membre à vie de l'Association des économistes du Québec. On m'a donné cette distinction il y a quelques années, et Robert Bourassa avait eu la même, on est juste quelques-uns à l'avoir eue ? Robert Bourassa que le député de Rivière-du-Loup a bien connu. Évidemment, Bourassa n'est plus membre à vie, puisque c'est à vie. Et je ne le serai plus un jour d'ailleurs.
Donc, le temps a passé pour moi. Et ça fait à peu près 40 ans que je regarde de près l'économie du Québec en diverses qualités, comme homme politique, comme étudiant, comme professeur. Et je ne veux pas faire la leçon, d'aucune manière, au député de Rivière-du-Loup, c'est notre collègue, mais il aurait besoin de leçons, à mon avis. La première est que, quand on veut discuter sérieusement d'économie, il ne faut jamais mépriser les séries historiques. C'est un conseil que je lui donne, comme il l'a fait tout à l'heure.
L'écart historique. Qu'est-ce que c'est ça, un écart historique? Un écart historique, c'est un écart historique et c'est un phare pour savoir si on s'améliore ou si on se détériore. Et celui qui n'est pas capable de suivre un écart historique et de le respecter n'a aucune chance de comprendre quoi que ce soit à l'activité économique ? je ne dis même pas à la science économique. Pas besoin d'être diplômé de Harvard pour savoir ça. Celui ou celle qui, dans son budget personnel, ne peut pas suivre les écarts historiques est en grand péril de mal gérer ses affaires, voire d'aller à la banqueroute et à la faillite.
Donc, il y a des écarts historiques qui, malheureusement, dans le cas du Québec et de l'Ontario, jusqu'à ces tout derniers temps, étaient à peu près constants, c'est-à-dire que la différence, l'écart, que les mathématiciens appellent delta, était égal à k, que les mathématiciens appellent la constante. Ça veut dire que c'est toujours en parallèle. Et le taux de chômage du Québec est toujours plus élevé que celui de l'Ontario.
C'était la même chose pour les investissements. C'est la même chose pour les variations du taux de chômage. Et franchement c'était un écart désolant, qui désolait Robert Bourassa, autre membre à vie de l'Association des économistes, autant que moi, autant que Rodrigue Tremblay, que François-Albert Angers, que Jean Vézina et que Pierre Fortin, si on veut parler de celui qui est le plus en pointe présentement.
Et, fort heureusement, depuis quelques brèves années, delta n'est plus tout à fait égal à k, c'est-à-dire qu'on regagne du terrain. Vous m'entendez dire souvent que nous sommes contents mais non satisfaits. On n'est pas satisfaits parce que delta n'a pas été égal à zéro, mais on est contents parce qu'il peut y tendre. Et je vais vous donner quelques chiffres qui sont assez convaincants.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement, M. le premier ministre. C'est qu'on a terminé la période réservée pour le député de Rivière-du-Loup. Alors, je vous demanderais de conclure dans une minute.
M. Landry: Ça empêche pas les autres de m'écouter, parce que ça peut servir aussi au chef de l'opposition de savoir que, depuis cinq ans, le taux d'investissements, c'est-à-dire ce qui crée l'emploi et qui finit par combler les écarts, le taux de croissance des investissements est supérieur au Québec à ce qu'il est en Ontario et au Canada. Cinquième année consécutive, en fait. En 2000, les investissements privés au Québec ont augmenté quatre fois plus rapidement qu'en Ontario. On a observé une cinquième année de croissance des investissements. Depuis 1994, les investissements des entreprises ont augmenté de 67 %, une hausse supérieure à celle du Canada et de l'Ontario. Est-ce que, M. le Président...
Vous, vous le comprenez sûrement. J'espère que le député de Rivière-du-Loup comprend aussi que c'est de cette manière-là qu'on change un écart historique, quand on établit des taux de croissance supérieurs aux modèles que l'on veut atteindre et qu'on le fait pour un certain nombre d'années consécutives. Là, j'ai donné la croissance des investissements; je peux donner d'autres indicateurs qui sont extrêmement significatifs aussi.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre, malheureusement, je dois vous arrêter ici.
M. Landry: Bien, je le dirai en réponse à une autre question.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous aurez peut-être l'occasion effectivement de revenir sur cette question.
M. Landry: C'est ça. D'accord, d'accord. J'espère qu'ils ont au moins compris sur la question des écarts historiques.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Groulx, vous avez la parole.
Orientations quant à l'aide
au développement
des régions-ressources
M. Kieffer: M. le Président, je serai très court, dans la mesure où ça paraît important pour l'opposition d'interroger le premier ministre sur les crédits du Conseil exécutif. Il me semblait que c'était l'objet de cette rencontre aujourd'hui. On a passé plus d'une heure sur l'affaire Michaud. Quand je pense aux citoyens et aux citoyennes du Québec qui regardent le premier ministre du Québec et le chef de l'opposition échanger sur les crédits, sur les orientations du gouvernement...
Le chef de l'opposition, au début de ses remarques préliminaires, a indiqué que, dans le discours d'ouverture, autrement dit par le premier ministre, il y avait un manque de priorités claires. Et ça m'a frappé, cette phrase-là. Moi, c'est... non, j'ai toujours pensé que les priorités étaient très claires, mais je m'attendrais à ce que le chef de l'opposition pose des questions sur les priorités claires du gouvernement.
Alors, M. le premier ministre, un des éléments importants de votre discours a été le budget d'aide au développement des régions dites de ressources. Alors, j'apprécierais que vous puissiez nous préciser les orientations que vous avez vis-à-vis ce budget spécial qui a été alloué aux régions-ressources. Merci, c'est tout.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: Bon. D'abord, je dois dire que ce budget tout à fait spécial, pour ne pas dire exceptionnel, en faveur des régions-ressources prend le relais d'autres mesures qui étaient favorables aux régions et en particulier une croyance profonde que le gouvernement a que toutes les régions doivent fonder une partie de leur développement sur l'économie du savoir. C'est pourquoi, quand nous avons déployé le grand arsenal au service de l'économie du savoir, nommément Cité du multimédia à Montréal, nous avons fait l'équivalent dans toutes les régions du Québec, en tenant compte des caractéristiques des régions.
n(17 h 40)n Alors, on ne peut pas faire une cité du multimédia à Rimouski parce qu'il n'y a pas une concentration suffisante de l'industrie du multimédia. Alors, qu'est-ce qu'on a fait pour que l'économie du savoir se développe à Rimouski avec le même stimulant qu'à Montréal? On a fait un carrefour de la nouvelle économie mais, là, qui regroupait toutes les tendances de la nouvelle économie et non pas uniquement le multimédia. Alors, si on fait ça, on donne la chance à Rimouski de regrouper un certain nombre d'entreprises sous un même toit, comme dans la Cité du multimédia. Et c'est pourquoi j'ai ? je l'ai dit, je crois, précédemment ? à Rimouski, fait l'annonce une fois au Carrefour de la nouvelle économie de 500 emplois. Si vous comparez la taille de la ville de Rimouski à la ville de Montréal, puis vous faites la proportion, c'était une très, très grosse annonce. Et ça s'est fait à une quarantaine d'autres endroits du Québec avant que notre politique des régions ne s'amorce.
Une autre chose que je veux préciser aussi, c'est que toutes les régions du Québec se sont développées au cours des cinq dernières années, dont plusieurs à un rythme plus rapide que Montréal et avec des taux de création d'emplois plus rapides que Montréal puis des taux de chômage plus bas que Montréal. Alors, où est le problème? Bien, le problème, c'est que certaines régions, elles, ont performé beaucoup moins bien.
La première d'entre elles, la Gaspésie, évidemment. Une sorte de tragédie gaspésienne qui touche largement la fatalité. Ce n'est pas drôle de le dire, mais la mer s'est vidée d'une des ressources principales. C'est pas la faute des Gaspésiens et des Gaspésiennes, la ressource a été mal gérée, ça a produit ce que l'on sait. Et la mine s'est vidée. Ce n'est pas la faute des Gaspésiens et des Gaspésiennes, c'est la fatalité qu'une mine, par définition, ça se vide. Mais, quand ça arrive en même temps que les problèmes avec les pêches, plus une grande fermeture, celle de la Gaspésia, bien, ça produit ce que l'on a vu.
Mais, même là, figurez-vous, l'espoir renaît à cause du programme spécial de relance de la Gaspésie qu'on a mis de l'avant. Et là, d'une visite à l'autre ? je suis allé encore la semaine dernière ? c'est beau de voir que des gens durement éprouvés, d'abord, commencent à percevoir l'amélioration, commencent à voir la création d'emplois, reprennent espoir, et surtout de voir stimulé leur esprit d'entreprise. J'ai rencontré à Gaspé, lundi soir dernier, un groupe d'entrepreneurs d'un dynamisme extrême.
Ce qui m'amène à parler de la nouvelle attaque pour les régions-ressources. On a ciblé les régions. Ça s'applique pas à Drummondville, qui va très bien, ça s'applique pas à Saint-Georges de Beauce, qui va très bien, dans Lotbinière, où les choses se déroulent normalement, ou même au Saguenay?Lac-Saint-Jean, qui, jusqu'à ces tout derniers mois ? je n'ai pas vu le dernier chiffre ? avait le taux de chômage moyen du Québec. Il faut dire qu'il y avait un grand projet, il y avait Alma. Alors, dans les régions-ressources maintenant, on a donné le plus grand coup qu'un gouvernement au Québec ou au Canada ait donné pour seconder des régions. On a aboli l'impôt québécois sur les revenus, sur les charges sociales et sur le capital pour 10 ans pour toutes les PME industrielles. Vous devriez voir le vent d'espoir que ça fait souffler sur les régions.
En Gaspésie, il y a plus que ça, parce que, dans leurs spécialités, il y a en plus crédit d'impôt remboursable de 40 % mais qui n'est pas limité comme il l'est dans la Cité du multimédia à Montréal. En d'autres termes, pour la mariculture, pour l'aquaculture, pour un certain nombre de spécialités de la Gaspésie ou des Îles-de-la-Madeleine ? il ne faut jamais oublier les Îles ? on a le même stimulant qu'on a pour une entreprise «start-up» de la Cité du multimédia à Montréal. Avec ça, je pense que non seulement on fait renaître l'espoir, mais on fait renaître la prospérité et on prépare un avenir solide pour les régions, sous un ciel qui est un peu moins brillant que ce qu'il était il y a, disons, deux ans.
Situation économique du Québec (suite)
On n'a pas encore d'orages trop désolants, trop décevants, mais l'économie ralentit, il faut bien le voir. On exporte 85 % de notre production industrielle vendue à l'étranger aux États-Unis, et les États-Unis n'ont pas aujourd'hui la forme qu'ils avaient il y a deux ans. Mais il ne faut pas dramatiser non plus, surtout qu'il y a certaines évaluations, quand elles sont trop pessimistes, qui aggravent le phénomène. La plupart des observateurs s'entendent pour dire que ralentissement, oui, mais on n'a pas vu d'écrasement sur la piste, d'aucune espèce de façon. On voit un roulement, et la plupart prédisent une reprise d'altitude. Si c'est ça puis que les tendances que j'ai mentionnées se maintiennent...
En 1999, la performance économique du Québec a surpassé celle du Canada: le Québec a eu 4,7 %; le Canada, 4,5. En 2000, le PIB réel au Québec s'est accru de 4,3 et de 4,7 au Canada, un écart inférieur à celui de la croissance démographique, qui est de 0,5. Parce qu'il faut toujours compter le nombre d'habitants. Si on ne compte pas le nombre d'habitants, on va prétendre que les Chinois sont plus riches que les Québécois, ce qui est faux.
La croissance du PIB réel par habitant, maintenant. Depuis 1994, alors qu'on avait l'habitude d'être à la traîne, comme nos collègues l'ont dit en face ? ils ont employé le mot «à la traîne», ils avaient raison ? depuis 1994, nous ne sommes plus à la traîne, c'est le Canada qui est à la traîne, puisque le Canada est à 16,3 et qu'on est à 17,4. En 2000, les investissements des entreprises ont augmenté plus qu'ailleurs au Canada: le Québec a fait 15,7 %, le Canada sans le Québec a fait 13,6. Depuis 1994, les investissements non résidentiels privés ont progressé plus vite au Québec qu'au Canada ou qu'en Ontario, alors: Québec, 67,2; Canada, 52,1; Ontario, 45,8.
Tout ça pour dire que, depuis sept ans maintenant, on voit un resserrement des écarts. C'est pas satisfaisant. Le niveau de vie de l'Ontario est encore de 25 % plus élevé que celui du Québec. Alors, aller chanter victoire serait prématuré. Mais, dans certains domaines, on est en train de les passer, et pas à peu près. Actuellement, l'économie de l'Ontario, vous le savez, c'est celle de plus de 10 millions d'habitants. C'est plus gros que la Suède, l'Ontario. Mais nous, avec 7,5 millions d'habitants, contre l'Ontario et tout le reste du Canada, on réussit à faire 50 % de toutes les exportations de haute technologie.
On a beau vouloir jouer au misérabilisme et dire: Ça va pas, puis ceci et cela, moi, j'en suis très heureux puis je le regrette pour les esprits chagrins, c'est pas vrai. Il se passe des choses dans l'économie du Québec extraordinairement intéressantes, et il s'en passe surtout ? je suis obligé de le dire, les chiffres sont là ? depuis six ou sept ans, parce que nos politiques volontaristes, qui impressionnent beaucoup de monde même à l'extérieur du Québec...
n(17 h 50)n Il ne faut pas penser que les gouvernements occidentaux modernes des sociétés capitalistes ne sont pas des gouvernements interventionnistes. Aux États-Unis d'Amérique, nous, on est souvent en concurrence avec tel ou tel État américain, pour constater que souvent leurs stimulants sont à la hauteur des nôtres. Et il faut se surpasser pour attirer l'entreprise au Québec parce que tel ou tel État, quand ce n'est pas le gouvernement central américain d'une autre façon, a des possibilités lourdes d'intervention dans l'économie. Que ce soit l'État de New York, notre voisin, ou que ce soit des États plus au Sud, quand les grandes entreprises d'automobiles se sont installées, les grandes entreprises européennes, vous le savez ce que les États américains ont fait pour favoriser l'implantation. Alors, c'est pas du capitalisme intégral, c'est pas du capitalisme libéral ou ultralibéral, c'est un capitalisme contemporain basé sur un réalisme parfois à faire peur, et ça réussit.
Regardez ce que l'Irlande a réussi. À cette différence, je l'ai dit souvent, que l'Irlande contrôle 100 % de ses impôts. L'Irlande se sert de stimulants fiscaux comme nous, sauf que, quand le gouvernement irlandais dit: Vous êtes exemptés d'impôts, bien c'est 100 %. Quand le gouvernement québécois dit: Vous êtes exemptés d'impôts, bien ça ne peut jamais être plus que la moitié, puisque le gouvernement fédéral prend l'autre moitié, ce qui, vous le comprenez, est un puissant argument pour l'idéal que nous avons, de ce côté-ci de la table, de régler la question québécoise.
Je vois pas qu'une nation pourrait se développer sans risque en confiant la moitié de ses impôts, la moitié de ses ressources à une autre nation. Est-ce qu'il viendrait à l'esprit des Britanniques d'envoyer la moitié de leurs impôts à Paris pensant que ça va revenir équitablement? Mais non. L'Angleterre a eu barre sur l'Irlande pendant longtemps, mais les Irlandais ont fini par comprendre, et enfin l'Irlande dépasse en prospérité l'Angleterre. Est-ce qu'on verrait ce phénomène si l'Irlande n'était pas un État souverain, s'il n'y avait pas la très brave et très exemplaire petite république d'Irlande qui a quelques millions de moins d'habitants que le Québec, surtout parce qu'elle a fourni au Québec plusieurs de ses éléments les meilleurs et aux États-Unis d'Amérique aussi? Il y a plus d'Irlandais en dehors de l'Irlande qu'en Irlande, ce qui ne serait pas arrivé, à mon avis, si les Irlandais avaient été maîtres de leur destin.
Alors, je dis, pas pour vous, M. le Président, vous comprenez ça parfaitement, mais pour le chef de l'opposition et pour le député de Rivière-du-Loup qu'il y a des causes à ce delta historique, à cet écart historique et que ces causes ne sont pas toutes liées à des questions politiques ou, en tout cas, de politique immédiate. Il y a des questions historiques aussi. Mais nier ces causes et dire: Non, c'est le gouvernement ou ce sont les gouvernements, ou c'est Johnson, ou c'est Parizeau, ou c'est Robert Bourassa... Robert Bourassa, il s'est battu comme un diable dans l'eau bénite pour en sortir de ce système qu'il trouvait inéquitable. Il a essayé par Meech, il a essayé par Charlottetown, il a essayé de diverses façons.
Le député de Rivière-du-Loup propose un système confédéral. C'est pas parce que tout va bien qu'il propose ça. Si tout allait bien puis il proposait ça, je dirais: C'est simplement par mimétisme politique opportuniste parce que, nous, d'ici, on préconise, une union de type confédéral avec le reste du Canada. Si le député de Rivière-du-Loup nous a suivis sur cette voie, c'est parce qu'il y a un problème. Et le problème, il est pas rien que lié aux finances publiques. On l'a vu, le déséquilibre fiscal. J'espère que tout le monde dans cette Chambre sommes d'accord que les moyens de l'action étatique sont disproportionnés à Ottawa par rapport à nos responsabilités et aux besoins qui sont les nôtres. Mais il y a aussi des questions économiques. Et je le dis pas par ressentiment pour nos compatriotes du reste du Canada, c'est un système dont il s'agit et non pas la responsabilité de la nation canadienne. Et le système, il a été surtout mal géré par le Parti libéral du Canada, qui est un grand responsable partisan de plusieurs de nos problèmes. Au moins, le gouvernement conservateur de Brian Mulroney, il a fait un cadeau fabuleux au Canada, le libre-échange. Et les libéraux se sont opposés bec et ongles à une mesure qui pourtant découlait du bon sens. Ils se sont convertis après, faisant semblant d'en être d'ardents défenseurs.
Et une autre chose que Brian Mulroney a essayé de donner au Canada, mais là il a échoué... Wilfrid Laurier, premier ministre libéral, a voulu donner le libre-échange au Canada, il a échoué; Mulroney, conservateur, a réussi. Et Mulroney, conservateur, a voulu réintégrer le Québec dans l'ensemble confédéral et il a échoué. On se souvient dans quelles circonstances. Mais, si le système fonctionnait, Mulroney aurait pas fait ce qu'il a essayé de faire pour le corriger, Bourassa non plus; le député de Rivière-du-Loup prétendrait pas qu'il faut faire un système de type confédéral; puis, nous, on ne prétendrait pas qu'il faut faire aussi, à l'européenne, une union de type confédéral en reconnaissant les pleins pouvoirs de la nation québécoise.
Tout ça fait partie de l'économie, je le regrette, de l'économie et de l'histoire. Si le système était équitable, est-ce que, dans la région de l'Outaouais, sur 50 centres de recherche, il y en aurait 49 du côté ouest de la rivière? Poser la question, c'est y répondre. Si le système était équitable, est-ce qu'on aurait 15 % des subventions aux entreprises au Canada, est-ce qu'on aurait 15 % des dépenses de recherche et de développement? Et, si on avait le 25 %, puisqu'on représente 25 % de la population du Canada, est-ce que le delta dont j'ai parlé au début aurait été constant depuis aussi longtemps? Si le système était équitable, est-ce qu'on recevrait de la péréquation comme une province pauvre depuis 1957?
Ça a commencé en 1957. À tous les ans, il nous envoyait un chèque. On le prend, le chèque, mais on aimerait mieux qu'il nous donne les moyens de gagner notre vie honorablement plutôt que de nous envoyer un chèque de transfert. Si on avait 25 centres de recherche de plus au Québec, si on avait notre juste proportion des subventions aux entreprises, si on avait eu l'effort énergétique qui a été fait pour le nucléaire en Ontario mais appliqué à l'amortissement rapide des barrages d'Hydro-Québec, est-ce qu'il y aurait encore l'écart historique?
Enfin, j'insiste lourdement pour dire que je ne dis pas cela pour accabler nos compatriotes du reste du Canada. Je dis ça pour accabler un système qui a fait son temps et surtout quand il est, comme c'est le cas présentement, géré ? c'est une façon de parler ? par le Parti libéral du Canada qui est affligé d'une obsession centralisatrice qui produit l'inefficacité et la strangulation de nos finances publiques et qui nuit à notre économie. Écoutez, M. Collenette est venu dire une absurdité, là, hier, que ça n'a plus de passe.
Un des grands désastres de la gestion libérale fédérale, c'est l'implantation et la gestion de l'aéroport de Mirabel. Ça a tellement été mal fait qu'il y a un professeur de Harvard, Elliott Feldman, qui a fait sa thèse de doctorat pour dénoncer la catastrophe. Alors, de mal en pis, alors que la seule façon de rentabiliser leur investissement, ça aurait été de faire ce que le bon sens géographique veut. Quand on arrive au Canada de l'Atlantique, on atterrit à Mirabel, qui est une plaque tournante et un «hub», comme on dit en langage aérien. C'est ce que tout le monde avait compris que ça serait. Quand on arrive de Paris, quelle est la logique de passer au-dessus de Montréal pour aller à Toronto? Le «hub» à Montréal, puis ensuite on fait la répartition. Alors, première erreur, première catastrophe.
Deuxième. Pendant des années, ils maintiennent deux aéroports ? mais c'est la façon de tuer le transport aérien! ? avec même pas de lien rapide entre les deux. Puis, même s'il y en avait eu un, ça allonge le temps puis ça fait une rupture de travail puis une rupture de charge s'il s'agit de cargos, d'autant plus que le cargo puis le passager ont tendance à aller ensemble puis à être concentrés sur un même aéroport parce que, dans les vols passagers, il y a du cargo. Alors, un gâchis, Dorval-Mirabel, inimaginable, commencé, je le rappelle, à l'époque où Pierre-Elliott Trudeau était dans ses premières années, ses premières années comme premier ministre du Canada.
Et, en fin de compte, après des années de retard, là, ils transfèrent les vols de Mirabel à Dorval, créant une impasse économique à Mirabel, qu'on est en train de combler avec la Zone spéciale de commerce international de Mirabel, où il y a déjà 2 000 emplois de créés. Et, grâce à une fuite dans les journaux, on sait qu'il y en a d'autres qui s'en viennent. Mais, M. Collenette, devant tout ça, la thèse du professeur de Harvard, le gâchis fédéral de gestion, il dit: C'est la faute de l'instabilité politique au Québec. C'est une des sottises les plus remarquables qu'il nous a été donné d'entendre ces derniers temps après quelques autres qu'on a entendues durant le Sommet des Amériques.
Alors, je le dis comme je le pense, l'histoire, ça conditionne l'économie. Et c'est important, pour ne pas commettre toujours les mêmes erreurs, de connaître l'histoire économique. Et la politique et les systèmes, ça conditionne l'économie. Et le présent système central canadien, il n'est pas à l'avantage de l'économie du Québec, c'est pour moi une évidence absolue.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'opposition officielle.
M. Charest: Merci, M. le Président. J'espère que ça répond à la question du député de Groulx...
M. Kieffer: ...sommes revenus.
M. Charest: ...qui se plaignait du fait qu'on ne parlait pas des crédits du Conseil exécutif et qui a eu droit à un voyage en Irlande, à un retour sur Sir Wilfrid Laurier, tout ça via l'aéroport de Mirabel, évidemment.
Mais je veux quand même prendre une seconde pour juste dire au député de Groulx que, si on a posé des questions sur l'affaire Michaud, c'est parce que, au moment où on a voté, nous, la motion, on pensait que l'affaire était finie. Mais, de toute évidence, elle ne l'est pas pour vous. Et c'est une question très importante pour la société québécoise parce qu'elle a des valeurs fondamentales, tellement importante que votre chef, celui qui a précédé le premier ministre actuel, lorsqu'il a démissionné, il a choisi d'en parler. Ça fait partie des raisons qui l'ont incité à démissionner. Alors, si vous vous demandiez pourquoi on en parle, parlez-en à Lucien Bouchard, peut-être qu'il pourra vous en donner une réponse, qui sera plus convaincante, de toute évidence, que celles que je pourrais vous donner.
M. le Président, le premier ministre a fait une longue envolée sur plusieurs sujets, en parlant de l'Irlande, entre autres. La question de l'Irlande est intéressante. Parce qu'il me semble que ça fait longtemps qu'on parle de réduction d'impôts. Puis, à chaque fois qu'on en parle, il insiste toujours pour dire à quel point lui aussi dit qu'on est les plus taxés en Amérique du Nord. Et je veux le remercier de son compliment pour ce qui est de mes racines irlandaises, ça me flatte. Et j'ai eu l'occasion également de voir ce qui se passait un petit peu en Irlande.
D'ailleurs, il y a un excellent bouquin qui a été écrit par un Canadien sur le parallèle entre l'expérience de l'Irlande et le Canada, entre autres, en prenant le Québec et les provinces de l'Atlantique, un nommé McMahon, que le premier ministre connaît probablement, de l'Atlantic Economic Institute, où, entre autres, il relève un certain nombre de faits qui sont assez importants et dont on aurait raison de s'inspirer.
Les réductions d'impôts, c'est un élément central dans la stratégie de l'Irlande. Alors, le premier ministre puis son gouvernement avaient le choix de réduire les impôts au lieu de faire des réserves; ils ne l'ont pas fait. Puis il y a d'autres juridictions qui vivent au Canada qui l'ont fait, avec des résultats assez probants. En Ontario, ils ont réduit les impôts puis ils ont augmenté les revenus du gouvernement, hein? Ce qu'on nous disait être impossible ou ce qu'on disait être de l'hérésie il y a quelques années, bien, ils ont fait la démonstration qu'effectivement, si on réussit à créer de l'emploi... Parce que le thème commun, le fil commun à travers ça, c'est quoi? Si on baisse les impôts puis on génère davantage de revenus puis on crée de l'emploi, bien, il y a plus de revenus pour le gouvernement.
n(18 heures)n Dans le cas de l'Irlande, un des éléments qui a le plus joué dans le succès, c'est également les transferts de la Communauté économique européenne. Ça aussi, c'est un élément central. L'autre élément ? parce qu'il y a un parallèle intéressant à faire avec la société québécoise; en Irlande, c'est une société qui est également corporative, comme c'est le cas ici, au Québec ? c'est qu'il y a eu une entente entre les syndicats et le gouvernement irlandais. L'entente était la suivante: on va augmenter le revenu disponible des travailleurs.
Parce que le grand défi d'un gouvernement puis d'une société, c'est quoi? C'est de faire en sorte qu'on puisse améliorer le sort de nos citoyens, puis ça se fait en augmentant le revenu disponible. Puis le problème des gouvernements qui surtaxent, comme fait votre gouvernement actuellement, c'est que l'accroissement de la richesse... Parce que vous parlez de PIB, vous, dans des termes que vous définissez à votre façon et selon certaines mesures parce que d'autres vous avantagent pas. On a beau augmenter la richesse, mais, si on augmente la richesse puis que c'est le gouvernement qui en mange de plus en plus, les citoyens s'appauvrissent, pendant ce temps-là. C'est ça qui nous est arrivé au Québec.
C'est tellement vrai que, depuis 1994, le revenu personnel par habitant a augmenté de 14,4 % au Canada, puis au Québec ça a augmenté de 13,5 %. On est encore en deçà. C'est pas vrai qu'on rattrape les autres, il y a encore un retard, M. le Président. Puis au niveau du chômage, c'est vrai. En janvier, lorsque le premier ministre est arrivé comme ministre des Finances, on avait au Canada... nous, notre pourcentage de chômeurs par rapport au Canada, c'était 28,4 %; en mars 2001, c'est 28,5 %. C'est pas vrai qu'on rattrape. Il n'y a pas de rattrapage, c'est un retard. Au niveau de la fiscalité, l'écart entre le Québec et l'Ontario, en 1994, c'était d'environ 1,9 milliard de dollars. C'est rendu, depuis ce temps-là, sous ce gouvernement-là, à 5,8 milliards de dollars. Et, mauvaise nouvelle pour nous, le budget de l'Ontario va être déposé le 9 mai prochain, ils ont déjà annoncé qu'ils allaient réduire davantage les impôts. Donc, l'écart va encore s'agrandir, M. le Président. Alors, ça, c'est la réalité, c'est pas le discours. Puis c'est tellement vrai que c'est exactement ce que les gens nous disent quand on les croise un peu partout au Québec. Je me déplace assez, M. le Président, puis il me semble qu'on est assez à l'écoute pour savoir et pouvoir dire au premier ministre qu'il a beau nous faire des discours, grands discours sur la nation...
En passant, la nation québécoise dont il aime tant parler, ça inclut notre identité canadienne; un n'est pas opposé à l'autre. Je ne veux pas laisser passer la déclaration que vous avez faite il y a une minute. Vous avez laissé croire ou laissé entendre que les deux étaient opposés un à l'autre. Bien, on a eu l'occasion de se prononcer là-dessus, et le premier ministre le reconnaît que la vaste majorité de Québécois, incluant une majorité de francophones, se considèrent également canadiens.
M. Landry: 50-50, au référendum...
M. Charest: 50-50, au référendum, vous me direz?
M. Landry: ...le vote.
M. Charest: Au contraire. Au contraire. Ça a été mesuré de plusieurs façons sur plusieurs années, une vaste majorité de francophones se considèrent également comme étant des Canadiens. Alors, au lieu de poser, là... de jouer sur les mots, tant qu'à ça ? parce qu'il aime bien jouer sur le mot «nation», comme si ça avait une finalité, quelque chose d'inévitable, celle de la création d'un pays ? je serais intéressé de savoir s'il va appliquer le même raisonnement pour les nations autochtones du Québec. Lui-même reconnaissant à deux reprises dans son discours inaugural qu'il y avait des nations autochtones au Québec, si c'est le cas, j'imagine qu'il doit appliquer la même logique pour les nations autochtones, alors qu'on sait très bien, on sait très bien, M. le Président, qu'il n'aurait pas l'intention, lui, de reconnaître les nations autochtones comme étant des pays indépendants à l'intérieur du Québec. Bon.
M. Landry: Comme le Canada, comme les États-Unis.
Une voix: On ne vous a pas dérangé, nous.
M. Charest: On peut très bien dire qu'il y a une nation québécoise qui fait partie du Canada. D'ailleurs, sur la question des finances, le premier ministre doit bien reconnaître aussi qu'on reçoit davantage en impôts... c'est-à-dire en transferts fédéraux, que ce que nous payons en impôts, au Québec. Difficile d'aller dire que c'est difficile dans ces circonstances-là, que c'est le goulag, comme avait déjà dit M. Lévesque, le prédécesseur de son prédécesseur, le fondateur de son parti...
M. Landry: ...
M. Charest: ...alors qu'on reçoit davantage de transferts fédéraux que ce qu'on reçoit...
M. Landry: ...
M. Charest: ...que ce qu'on paie en impôts...
M. Landry: ...que ce n'était pas le goulag.
M. Charest: C'est-u possible pour vous d'arrêter de parler pendant 10 minutes de suite?
M. Landry: Vous venez de dire qu'il a dit que c'était le goulag.
M. Charest: Ça a l'air à être difficile.
M. Landry: C'était le contraire.
M. Charest: Votre prédécesseur avait pas ce problème-là.
M. Landry: C'était le contraire.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous aurez l'occasion, M. le premier ministre, éventuellement de répondre. Allez-y, M. le chef...
M. Charest: Enfin. On va essayer d'en venir à des choses plus concrètes, parce que je ne peux pas rectifier le tir sur tout ce que le ministre disait. Mais enfin. Tiens, il y en a un domaine où vous parlez justement de l'économie québécoise. Du même souffle, vous dites que 50 % des exportations des technologies viennent du Québec. Vous avez dû remarquer que, dans la portion et dans le rapport qu'on faisait, on en attribuait une grande part à l'industrie aéronautique, hein? C'est exact? C'est grâce à qui? C'est grâce à une collaboration fédérale-provinciale qu'il y a une industrie. Bien, voyons! Écoutez, vous allez vous faire mal à force de vous tordre dans votre fauteuil comme ça. Moi...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: J'étais, moi, membre du gouvernement au moment où la privatisation de Canadair s'est faite. Bien, voyons, vous avez un peu le sens de l'humour quand même? Bon. Alors, vous reconnaissez sans doute que la collaboration étroite entre le gouvernement de Robert Bourassa et le gouvernement fédéral de l'époque, dont je faisais partie ? je suis fier de le dire ? a permis de développer au Québec l'industrie aéronautique, comme ça a été le cas pour l'industrie pharmaceutique au Québec. Je le sais, je l'ai fait le débat à deux reprises sur le projet de loi C-22. C'était, quoi, C-91, la deuxième version, M. le Président. Grâce à ces efforts-là, la collaboration très étroite... D'ailleurs, ça remonte... Il y a des motions de l'Assemblée nationale qui ont été votées unanimement sous le gouvernement, je pense, de Pierre Marc Johnson, ensuite le gouvernement de Robert Bourassa. Puis la dernière qui a été votée, c'est Monique Gagnon-Tremblay, députée de Saint-François, qui l'avait proposée. Alors, voilà la démonstration qu'effectivement quand les deux niveaux de gouvernement travaillent ensemble, on y trouve notre compte. Là-dessus, on ne se trompe pas.
Coût des crédits d'impôt aux entreprises
Mais, moi, je suis intéressé, puisque c'est les crédits du Conseil exécutif et que vous avez été intimement lié à la question budgétaire, moi, M. le premier ministre, je veux savoir combien nous coûtent par année deux choses. Combien ça nous coûte par année, les crédits d'impôt que vous donnez aux entreprises? Vous l'avez? Bravo! On va le savoir. Et j'aimerais ça... Je veux avoir les chiffres depuis 1994. Ça, c'est tous les crédits d'impôt qui sont donnés à gauche puis à droite. Parce que le contribuable qui paie pour tout ça, je pense qu'il le mérite bien ? vous êtes bien d'accord avec moi ? il mérite de le savoir combien c'est.
n(18 h 10)n Et vous avez pris acte de notre suggestion de publier annuellement les coûts de tous ces crédits d'impôt pour que nous puissions en avoir le coeur net. Alors, j'aimerais savoir si vous acceptez dorénavant de publier à chaque année, dans les crédits du gouvernement, le coût de l'ensemble des crédits d'impôt qui vont aux entreprises à gauche puis à droite et pour les emplois, pour qu'on puisse savoir combien ça nous coûte, nous, contribuables québécois, ce système-là.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: On a une publication annuelle qui s'appelle Dépenses fiscales ? c'est bien ça, les crédits d'impôt ? pour les personnes comme pour les entreprises, et on a des tableaux. J'espère que vous connaissez cette publication?
(Consultation)
M. Landry: Bon. Évidemment, c'est par année, hein, parce qu'on peut pas savoir... C'est des dépenses fiscales, faut que le rapport d'impôts soit fait pour savoir ce que ça va être pour l'année. Alors, c'est quand le rapport d'impôts rentre. Mais là on l'a, c'est pour l'année 1999. Et une prochaine édition de cette publication est prévue à l'automne 2001 et va indiquer les impacts des modifications apportées lors du budget, lesquelles devraient être de l'ordre de 5 millions supplémentaires; c'est une approximation.
Alors, ça fait quelques fois que je vous entends dire ça: On sait pas combien ça coûte. Vous avez raison, on sait pas combien ça coûte l'année de la dépense parce que le rapport d'impôts vient quand l'année est terminée. Mais, dès qu'on l'a, nous, on en fait une belle publication puis on vous l'envoie, comme on l'envoie à toutes les personnes qui sont intéressées. C'est même sur Internet. C'est même sur Internet.
M. Charest: Êtes-vous capable de nous dire combien... Une fois que tous les programmes vont être en place ? prenons la Cité du commerce électronique comme exemple, là ? et qu'ils auront pris leur vitesse de croisière, là, allez-vous être capable de nous dire, sur une base annuelle, combien ça coûte?
M. Landry: Parfaitement.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: Parfaitement, sauf que, comme je vous dis, il faut que le rapport d'impôts soit rentré. Et on peut pas prévoir si la compagnie aura fait beaucoup de profits ou pas beaucoup de profits, c'est des crédits d'impôt remboursables. Mais c'est sûr qu'on peut. On a même des projections, on pense que ça va être tant, mais on le saura de façon définitive quand toutes les entreprises seront installées. On avait prévu 10 000 emplois là-dedans sur 10 ans; on est à 7 000 après quatre ou cinq ans. Alors, nos prévisions ont été dépassées...
M. Charest: Vous parlez de la Cité du multimédia?
M. Landry: Du multimédia. Et nos prévisions ont été dépassées à la hausse, et puis on espère que ça va continuer comme ça. Puis, à chaque année, bien, dans Dépenses fiscales, vous allez le voir. Une fois, quelqu'un me l'avait demandé pour une entreprise, en Chambre. Je ne sais pas si vous vous souvenez. Mais ça je ne peux pas, parce que, là, on serait dans un tollé monstrueux de divulgations de renseignements fiscaux. Les entreprises ont droit au secret fiscal, comme les particuliers. Mais, nous, nous faisons des sommations, puis on publie ça à chaque année.
Transparence des finances publiques
M. Charest: Dans les suggestions qu'on vous a faites sur l'exercice budgétaire, on vous a suggéré également de faire comparaître le ministre des Finances, ou la ministre des Finances, une fois par année, de faire une tournée des régions, de s'assurer que la consultation soit très large. Est-ce que vous allez donner suite à ces suggestions?
M. Landry: Certainement. Quand vous m'avez fait la suggestion, je vous ai fait remarquer, je crois, que c'était déjà mentionné dans le discours inaugural. Il y avait beaucoup de tâches à faire en termes de transparence des finances publiques québécoises. D'abord, il y avait à modifier les conventions comptables. Ça faisait... ah, depuis que je siège dans ce Parlement que le Vérificateur général, à tous les ans, avait des récriminations quant aux conventions comptables. Quand ce n'était pas une chose qui n'était pas comptabilisée, c'était l'autre, la définition du périmètre comptable était jamais bonne. Alors, on a consacré quelques années à bâtir les conventions comptables, comme l'a dit le Vérificateur lui-même, les plus modernes de notre environnement économique, plus que les autres provinces du Canada, plus que les États américains. Maintenant que c'est complété, oui, il faut ajouter à notre transparence.
On a pris note de vos suggestions. Il y en a qui, à première vue, sont simples et pratiquement acceptables; d'autres, c'est moins évident. Il ne faut pas surcharger le processus. Et, en attendant, bien, on a fait, de façon un peu artisanale, je n'en disconviens pas, certains efforts. Ça s'appelle les consultations prébudgétaires. Le ministre des Finances ? la ministre l'a fait cette année et, moi, je l'ai fait en partie pour elle parce que je croyais que c'est moi qui ferais le budget ? rencontre les divers groupes de la société, soit directement le ministre ou soit, pour des groupes moins pondéreux, moins importants, des sous-ministres ou des adjoints parlementaires, dans une vaste consultation budgétaire. Mais on pourrait faire mieux.
Et on pourrait aussi probablement sacrifier certains pans du secret budgétaire, qui actuellement est une espèce de vache sacrée à Ottawa comme à Québec. Vous vous souvenez, Gérard D. Levesque a été obligé de déposer un budget en catastrophe, une fois, parce qu'il y a eu des fuites. Votre voisin de droite se souvient bien de ça. Marc Lalonde s'était fait prendre, lui, je pense, par des images grossies de télévision sur son budget. Tout ça vient du système parlementaire britannique, qui a une certaine cohérence que je ne nie pas, mais on devrait être capable de moderniser.
C'est quoi, la cohérence? C'est quand le système parlementaire britannique... Le gouvernement, pour rester en place, doit avoir la majorité. Alors, si, dans la préparation budgétaire, comme les représentants américains le font, chaque député se met à dire: Moi, je ne voterai pas si je n'ai pas ça, dans un système parlementaire britannique, ça veut dire que le gouvernement tombe. Aux États-Unis, le président des États-Unis, les représentants, ils peuvent lui faire beaucoup de misère, ils peuvent bloquer les procédés, mais il va être président jusqu'à la fin de son terme. En Angleterre, s'il perd la majorité, ça finit là, puis ici aussi, puis à Ottawa la même chose.
Comment est-ce qu'on fait pour concilier ça avec un système parlementaire qui par ailleurs a beaucoup d'autres vertus, le système parlementaire britannique? Dans un système présidentiel, comme en Irlande ou comme dans un Québec qui aurait modifié profondément ses institutions et ne serait plus une monarchie, ça serait plus simple. Mais on va faire un effort sincère, même dans une monarchie, pour voir ce qu'on pourrait faire pour rendre le procédé plus transparent.
M. Charest: Je suis convaincu que la reine vous en sera reconnaissante.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Il n'a pas compris.
Mise en oeuvre de la politique
de la ruralité
M. Charest: J'ai dit: Je suis convaincu que la reine vous en sera reconnaissante. Votre politique de ruralité sera livrée quand?
M. Landry: Oui. La politique de la ruralité, sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs années et qui d'ailleurs, sur le terrain, est largement animée par des gens qui partagent nos vues du Québec et de la présence sur le territoire, a fait de grands pas en avant. C'est une stratégie de la ruralité. Il y a encore des choses à ajuster, il y a encore des choses à faire. Mais il y a déjà des moyens mis dans le budget cette année. Là, je ne les ai pas en tête, mais ça doit être une vingtaine de millions de dollars. Je ne l'ai pas par coeur, on peut faire quelques petites recherches, mais...
M. Charest: L'important, c'est de nous donner une date. J'essaie de vous aider à la livrer en vous encourageant à fixer une date butoir.
M. Landry: D'ailleurs, une des raisons, moi, qui m'a convaincu, quand j'ai eu à assumer la catastrophe de l'industrie des chevaux... Dans les premiers mois où j'ai été ministre des Finances, une étude démontre que cette industrie doit 55 millions de dollars. Jusque-là, ça va pas trop mal. Mais la ligne suivante de l'étude, c'est que le ministre précédent a endossé l'industrie. Donc, on a été obligé de payer 55 millions de dollars, ce qui faisait déjà très, très mal au coeur. Mais ce qui m'a convaincu ? et ce n'est pas des circonscriptions représentées uniquement par des députés de notre formation politique ? c'est que plusieurs municipalités rurales vivaient essentiellement de ça. Alors, on aurait pu dire: On laisse tomber, on paie le 50 millions, ce qui aurait déjà été... ça aurait fait mal au coeur. Mais ce qui aurait fait plus mal au coeur, c'est de voir des villages et des régions entières affectées par la disparition de milliers et de milliers d'emplois. Alors, on a fait l'arbitrage, dans ce temps-là, d'essayer de consolider notre mise par l'acquisition de l'hippodrome de Montréal. Je ne sais pas si vous vous souvenez de ça. Maintenant, l'hippodrome de Montréal est dans le patrimoine publique, et, si jamais les choses allaient se détériorer, ce que je ne souhaite pas, au moins on ne perdrait pas tout.
Mais c'est un aspect de la politique de la ruralité. Il y a certaines localités rurales qui vivent de monoentreprises, d'entreprises très spécialisées, qui, si elles ne sont pas soutenues au moins momentanément, vont avoir des problèmes. Alors, dans le cas des chevaux, j'ai demandé à M. Denis L'Homme, quand j'étais ministre des Finances, de nous faire une étude de la question et un rapport. Il a déposé son rapport, là, et puis on va en disposer. Je pense bien qu'il n'y a pas de décision ferme de prise. Mais c'est un aspect des choses. Avez-vous trouvé, entre-temps?
(Consultation)
M. Landry: Normalement, il y à peu près 200 millions dans le budget qui touchent d'une manière ou d'une autre le milieu rural. Il y a des choses très pointues, comme l'enveloppe supplémentaire pour les MRC; bon, alors là il y a 2 millions. Crédits supplémentaires: 11,6 millions sur trois ans au ministère des Régions pour étendre le Programme de soutien aux projets économiques aux 20 MRC ciblées. Et, quand on passe toutes les mesures du budget l'une après l'autre, bien, on arrive à plus de 200 millions, qui touchent la forêt, les mines, les pêches, le tourisme, la faune et les collectivités rurales.
M. Charest: Je veux vous reposer la question parce que, dans les crédits du ministère des Régions, on a même trouvé un élément, nous, une révision linguistique du document intégral de la politique de la ruralité. C'est dans les crédits de cette année... pardon, 2000-2001. C'est un contrat, c'est pas un montant important, c'est 384 $ à une dame qui s'appelle Sabine Anctil. Ça fait partie des affaires courantes, sauf qu'on s'interroge sur le moment où elle sera rendue publique. M. Jolivet l'a promis, M. Bouchard l'a promis. Alors, j'essaie de vous aider un petit peu, là.
M. Landry: Oui, oui. Mais la politique de la ruralité ne se retrouve pas uniquement dans le budget du ministère des Régions, bien entendu, elle se retrouve diffuse dans l'ensemble de l'action régionale du gouvernement. Je viens de vous en donner quelques exemples, là. Mais, quant à la politique de la ruralité elle-même, bien, si elle est au stade de la traduction, ça doit être qu'elle chemine beaucoup.
M. Charest: C'est vous qui êtes au gouvernement. Ce n'est pas nous autres qui avons donné le contrat de la traduction.
M. Landry: Ce qu'on me dit, c'est que c'est le projet qui est au stade de la traduction.
M. Charest: Bien, écoutez, la question... Je veux pas prolonger là-dessus. Vous avez beaucoup de monde avec vous. Il doit y avoir quelqu'un dans la salle, l'autre côté, dans l'armée, qui est capable de nous dire à quelle date sera rendue publique la politique sur la ruralité. Ce n'est pas moi qui l'ai promise, personne autour de la table. Votre gouvernement, M. Jolivet a dit, en mars 2000, que ça s'en venait, je pense, dans moins d'un an. M. Bouchard, dans le discours inaugural 2000, dit que la politique...
M. Landry: ...
M. Charest: Dans le discours...
M. Landry: Notre gouvernement, contrairement au précédent...
M. Charest: C'était dans son discours inaugural, après l'élection. C'était 1998, là. Je ne veux pas vous induire...
M. Landry: Oui. Notre gouvernement, contrairement au gouvernement précédent, est sage et prudent, il n'annonce pas de politiques quand elles ne sont pas à point et opérationnelles et efficaces. Vous avez annoncé je ne sais pas combien de fois, dans le temps, la perception automatique des pensions alimentaires. Vous l'avez annoncée, mais vous ne l'avez jamais faite. Il a fallu la reprendre, quand on est arrivés. Puis, quand on l'a annoncée, nous, on l'a faite puis on en a fait un programme exemplaire. Pour la ruralité, ce sera la même chose.
n(18 h 20)nM. Charest: Bon. Alors, de toute évidence, j'aurai pas de réponse.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous me permettrez d'intervenir à ce moment-ci au niveau de la gestion du temps. Il nous reste 15 minutes, grosso modo, et le député de Rivière-du-Loup a manifesté l'intention d'intervenir. Normalement, selon les règles normales de répartition du temps, je devrais le reconnaître. Par ailleurs, les choses étant ce qu'elles sont, je voudrais également que l'opposition officielle puisse bénéficier des dernières minutes. Est-ce qu'on pourrait consentir pour que le député de Rivière-du-Loup intervienne à ce moment-ci pour une période de cinq minutes? Et par la suite on pourrait terminer avec l'échange de 10 minutes avec l'opposition officielle.
M. Charest: D'accord.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va?
M. Landry: D'accord.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Rivière-du-Loup.
Situation économique du Québec (suite)
M. Dumont: Merci, M. le Président. Je reviens sur la question économique, exactement sur les points que faisait le premier ministre. J'ai bien entendu, de sa réponse: Il y a des suites, des séries historiques. J'ai étudié ça, moi aussi, là. Mais, quand il y a des séries historiques qui présentent un écart, comme mathématicien, on peut étudier les tendances des courbes. Comme personne engagée dans l'amélioration des choses qui s'appelle la politique, il faut regarder les causes. Pourquoi il y a plus de chômage? Pourquoi ces écarts-là se maintiennent? Puis on le regarde avec l'Ontario, puis le premier ministre nous a donné des explications sur pourquoi les bénéfices supposément que l'Ontario a, mais le chômage est plus élevé aussi au Québec qu'au Manitoba, qu'en Saskatchewan. Puis là je pourrais continuer.
Quand on veut savoir les causes, pourquoi il y a plus de chômage, j'essaie d'y aller par des logiques simples. On va demander à ceux qui créent les emplois qu'est-ce qui pourrait être la cause de leur création de moins d'emplois. Et puis quand on sait... Au Québec, il y a pas beaucoup de monde qui vont nous dire que c'est la faute du système. Quand on demande aux créateurs d'emplois, ils vont vous dire: Fiscalité, taxes et impôts élevés, c'est un facteur de ralentissement. Ça, ça dépend de nous autres. Ça, c'est nos affaires au Québec.
La taille du gouvernement, hein. Le gouvernement, ça, il y a plusieurs études qui démontrent qu'il y a une adéquation directe: plus on a une présence forte du gouvernement dans l'économie, plus on a une faible croissance économique. Réglementation excessive, le nombre de permis, le nombre de formulaires, un gouvernement ultracentralisé, le contrôle. Ça, c'est ce que ceux qui créent les emplois nous disent, et c'est des causes... Peu vont nous dire que c'est la faute du système.
Ma question est relativement simple. Puis, s'il est membre à vie de l'Association des économistes du Québec, le premier ministre, ça doit donner encore plus de foi, encore plus de prestige à leurs études. Puis hier ce qu'ils nous ont dit dans une étude qu'ils ont publiée, c'est: «Le Québec s'appauvrit. Le modèle d'intervention gouvernementale québécois n'a pas réussi à créer autant de croissance économique et d'emplois que chez nos voisins.» Puis les éléments qu'eux mentionnent, l'Association des économistes, sont semblables à ceux que les créateurs d'emplois nous donnent: mauvaise fiscalité, impôts et taxes élevés, gouvernement extrêmement gros, lourd, centralisé, contrôle, réglementation excessive. Puis qu'est-ce que le gouvernement fait? Il pige de plus en plus dans l'économie puis il réglemente encore plus. Il a encore des projets de réglementation sur la planche à dessin, plus de lourdeur réglementaire, c'est pour ça qu'il attend les créateurs d'emplois.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Puis-je vous inviter à poser votre question?
M. Dumont: Ma question est posée, c'est la même que tantôt: Est-ce que le premier ministre réalise que c'est sa responsabilité largement, la faible création d'emplois, le chômage plus élevé qu'en Ontario? Et c'est pas la faute des autres puis du système puis de toutes sortes de facteurs supposément extérieurs.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre, en deux minutes, si possible.
M. Landry: Bien, le député, dans un autre ordre d'idées, nous a donné des exemples d'une logique déplorable pour le sujet qu'il a abordé au début. Puis là c'est pas une logique déplorable, c'est plus de logique du tout. Puis je m'explique. Vous dites que la fiscalité est trop élevée et que ça a pas rapport avec le système. Êtes-vous le seul en cette Chambre à ne pas voir que le gouvernement central a des surplus énormes et que les gouvernements des provinces, dont le Québec, se battent avec des dépenses énormes de santé et d'éducation qui vont en croissance? C'est pas un effet de système, ça?
Si, comme Gérard D. Levesque l'a dit je ne sais pas combien de fois et Robert Bourassa, dont il fut pourtant un des émules, nous avions eu les points d'impôt qui conviennent à nos responsabilités, est-ce que notre taux de fiscalité serait ce qu'il est? Quand Robert Bourassa a signé les premières ententes de santé ? je m'en souviens, je suivais déjà ça de très près ? le gouvernement fédéral payait 50 % de la facture. Le prédécesseur immédiat de Robert Bourassa, Jean-Jacques Bertrand, avait refusé pour deux raisons. Jean-Jacques Bertrand a refusé, parce qu'il a dit: Si je signe et que vous reculez, je vais être pris avec la dépense ? vision prophétique de cet avocat de Cowansville. Puis la deuxième raison, c'était aussi une extrême prudence, il a dit: Je n'ai même pas d'argent pour payer mon 50 %. Robert Bourassa est venu, plus jeune, plus dynamique, plus audacieux, puis il s'est laissé séduire puis il a signé.
Puis là le fédéral, alors qu'on a encore tous les hôpitaux à gérer, et plus encore parce que les gens sont plus vieux puis le taux de mortalité de l'espèce est toujours de 100 %, malgré les progrès de la médecine, mais sauf que l'événement vient plus tard, ce qui est un bonheur en soi, mais ça consomme des médicaments, puis ça consomme de la chirurgie, et ainsi de suite... Alors, on a gardé toutes les responsabilités, telles que les avaient assumées Robert Bourassa, puis il nous reste 0,14 $ sur 1 $ pour nous débrouiller. Est-ce que le député de Rivière-du-Loup ne pourrait pas convenir que ça peut avoir un effet sur le compte de taxes?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le chef de l'opposition officielle, député de Sherbrooke.
Frais imposés aux personnes âgées en centre
d'hébergement et de soins de longue durée
M. Charest: Il y a quelques questions que j'aimerais, dans les quelques minutes qui nous restent, traiter ? et je vais essayer d'être le plus bref possible, en espérant que ça va inspirer le premier ministre également ? sur les centres d'hébergement et de soins de longue durée. On en a beaucoup parlé, on est revenu là-dessus aujourd'hui à la période de questions. Vous savez ce que nous pensons, que c'est une mauvaise idée d'imposer cette augmentation tarifaire de 4,5 %. Votre ministre, très clairement, mardi, nous a laissé entendre, M. le premier ministre, que le gouvernement pensait reculer là-dessus, ce qui nous semble une chose honorable. On va vous applaudir dès l'instant où vous l'annoncerez.
J'aimerais vous demander, puisqu'il y a eu un Conseil des ministres hier, vous avez eu l'occasion d'entendre les députés de votre caucus, on sait ce qu'ils pensent, vous le savez, ce qu'ils pensent: À quel moment allez-vous annoncer votre décision sur ce règlement tarifaire? On est en période de prépublication.
M. Landry: D'abord, pour aller rapidement, en introduction, même réponse qu'au député de Rivière-du-Loup. Et je ne sais pas exactement, lui, ce qu'il en pense, mais je sais, vous, ce que vous en pensez, vous l'avez dit à plusieurs reprises: les besoins sont ici, l'argent est à Ottawa, puis c'est une injustice. Vous avez même dit: Ce n'est pas Lucien Bouchard qui est responsable, c'est Jean Chrétien. Et on vous a sur record, puis j'espère que vous n'avez pas honte de cette phrase-là parce que c'est une phrase de sagesse et de vérité que vous avec proférée, une des belles des dernières années, tiens. Bon. Ça, c'est mon introduction.
M. Charest: On y reviendra, M. le Président. On y reviendra. Je vous promets qu'on va y revenir.
M. Landry: À chaque fois que vous y reviendrez, j'y répondrai, je vous le promets.
M. Charest: On est fait l'un pour l'autre!
n(18 h 30)nM. Landry: Deuxième élément de réponse, quand le gouvernement du Québec augmente les frais pour certains patients et patientes des centres hospitaliers, c'est généralement parce qu'il en éprouve une nécessité impérieuse pour des raisons de finances publiques ou d'équité. Je vais vous donner un exemple: 1985, on augmente de 4,4; 1986, 4,1; 1987, 4,1; 1988, 4,4; 1989, 4,1; 1990, 4,8; 1990, 10 %; 1992, 9 %. À moins que vous ne condamniez comme déments vos collègues qui sont encore avec vous sur les banquettes de l'opposition officielle et qui gouvernaient le Québec à cette époque... Je pense à la députée de Saint-François en particulier, je pense au député de Laporte et à un certain nombre d'autres qui étaient au Conseil des ministres; je n'en vois pas autour de la table. Il faut que vous conveniez que ces frais, de temps à autre, doivent être augmentés par équité, je vous le redis, pour l'ensemble de la population et des personnes âgées en particulier.
Une personne âgée qui n'est pas malade au point d'aller dans un CHSLD et qui reste à la maison, paie son loyer, son huile à chauffage, l'entretien de la maison, toutes les dépenses, son épicerie, etc. Ce qu'on va lui dire: Monsieur ou madame, vous allez vous débrouiller, vous, au complet, même si vous avez 89 ans ou 92 ans, arrangez-vous avec vos troubles, puis, si vous êtes malade ou si c'est votre soeur qui est malade, elle, va, à moins d'être démunie... Et, pour les démunis, on l'a dit, il n'y a aucun problème. Vous savez que cette augmentation ne touche pas les démunis. Elle touche proportionnellement, à mesure que le revenu augmente, un certain nombre de personnes qui, fort heureusement, ne sont pas la majorité.
Alors, toutes ces considérations sont en cause. Et c'est pour ça que nos règlements... Ça devait être la même chose dans le temps d'ailleurs, les règlements n'étaient pas différents. Quand vous avez augmenté, là ? ah bien! la députée de Mégantic-Compton était là, sur les banquettes, à l'époque ? quand, en 1987, vous avez augmenté de 10 %...
Une voix: ...
M. Landry: Non, elle est pas avec nous, la députée de Mégantic-Compton. Oui, elle est là.
Une voix: ...
M. Landry: Elle est là, elle est perpétuellement là, si je puis dire. Est-ce qu'elle s'est scandalisée, est-ce qu'elle a protesté, est-ce qu'elle a rompu la solidarité ministérielle, est-ce qu'elle a quitté la Chambre? Non. Elle a dit: Il y a une fatalité, là, puis ça va être, cette année-là, 10 %.
Alors, ceci étant dit, on a fait notre prépublication, on a entendu vos réactions, on a écouté précieusement, soigneusement vos conseils, vos précieux conseils, et puis, avec mon collègue et mes collègues du Conseil des ministres, on prendra la décision définitive quand le temps nous semblera venu de le faire.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le chef de l'opposition.
M. Charest: Bien, une précision, M. le Président. Parce que le premier ministre parle des augmentations. Ce n'est pas la première fois que l'argument est évoqué. Puis on est retourné voir. Et on va dire les choses vraies, là, comme elles sont. Entre 1985 et 1994, il y a eu une augmentation de 39,46 %, il est vrai, sous un gouvernement libéral, sauf que l'augmentation de l'indice du prix à la consommation était de 42 %. Les augmentations, sous le gouvernement libéral, entre 1985 et 1994 étaient en deçà de l'augmentation de l'indice du prix de la consommation. C'est des choses qu'il comprend bien. Tandis qu'entre 1994 et 2000 l'augmentation, sous son gouvernement, c'est de 11,90 %, c'est deux fois plus que l'indice du prix à la consommation.
Et, quand une personne âgée va dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée, je rappellerai au premier ministre que ce n'est pas par choix que cette personne-là, qui est en perte d'autonomie, décide... ou quelqu'un décide des fois à leur place de les placer dans un centre d'hébergement de soins de longue durée. Ce sont des gens vulnérables, âgés, qui ont bâti le Québec et qui mériteraient d'être traités avec plus de respect.
Et, si je vous fais cet appel, comme je l'ai fait cette semaine, mardi, aujourd'hui, je me permets de vous le répéter ce soir, c'est pour une raison fort simple, c'est que ces gens-là, qui nous écoutent, sont très inquiets, ils sont anxieux, puis ceux qui les entourent, ça les inquiètent aussi. Puis il me semble qu'en toute compassion, M. le Président, le premier ministre poserait le geste qu'il doit poser en annonçant le plus tôt possible, pas juste techniquement, bureaucratiquement, quand enfin le délai va arriver, mais en tenant compte du fait que ces gens-là, qui souffrent déjà assez, mériteraient qu'on leur enlève ce fardeau, ce poids qu'ils ont, cette inquiétude qu'ils ont et cette augmentation surtout qu'ils ne méritent pas.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: La décision sera sûrement prise en tout respect, en tout respect des uns et des autres, ceux dont j'ai parlé, qui peut-être nous écoutent, qui ont 90, 92 ans, qui sont dans leur maison et qui paient tous leurs frais. Mais, encore une fois, je vous l'ai dit, nous ne sommes pas insensibles aux arguments qui nous proviennent de la population comme de l'opposition officielle.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous avons le temps pour une dernière question, si vous le souhaitez, et une brève réponse également.
Accès des jeunes occasionnels aux emplois
permanents dans la fonction publique
M. Charest: Je vais choisir de poser une question au sujet des jeunes, comme on avait convenu au début qu'on pouvait poser. Votre gouvernement a une performance qui est en deçà de ce qu'elle devrait être et malgré les engagements pris dans les crédits jeunesse pour augmenter le nombre de jeunes dans la fonction publique.
Il y a un cas particulier, M. le premier ministre, dont vous êtes sans doute très bien informé, c'est les jeunes qu'on appelle 15-12, qui ont travaillé... des 12-15, 12 mois dans les 15 premiers mois, de la fonction publique, et qui n'ont pas eu le droit d'avoir accès aux concours réservés de la fonction publique. Il y en a un nombre important.
Il y a une espèce d'artifice qui est devant nous de gens qui sont mis à pied de la fonction publique pendant qu'on engage d'autres personnes. C'est une affaire qui a aucun sens, M. le premier ministre. C'est tellement vrai que les jeunes ont décidé de prendre un recours devant la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. C'est une affaire qui a aucune espèce de logique. Ces jeunes-là, il me semble qu'on devrait reconnaître la contribution qu'ils ont faite. L'État, la société québécoise a investi en eux.
Alors, j'ai fait un appel à votre ministre responsable des affaires de la jeunesse, qui était vice-président au Conseil du trésor dans le temps et qui a lobé ça, lui, au président du Conseil du trésor, qui lobe ça à quelqu'un d'autre. Alors là on est rendu à vous. Vous êtes le premier ministre, vous êtes le chef du gouvernement, vous êtes le dernier répondant et celui qui est responsable ultimement, je vous fais donc l'appel directement.
Accepteriez-vous d'abandonner ce recours, c'est-à-dire d'éviter ce recours devant la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et de permettre à ces jeunes-là d'avoir accès aux concours réservés? Puis je veux juste terminer là-dessus, M. le Président, pour que les gens le sachent. Ces jeunes-là ne demandent pas un emploi automatique, ils demandent juste d'avoir accès aux concours réservés, la chance de pouvoir avoir un emploi.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le premier ministre.
M. Landry: Je pense que la situation s'améliore pour tout le monde et va s'améliorer encore plus parce que, là, on entre enfin dans une phase de recrutement, ce qui est lié à la santé des finances publiques évidemment. Si on était à 6 milliards de déficit, si on n'avait pas fait ce qu'on a fait pour se donner les moyens de remplacer les gens qui partent de la fonction publique, on ne serait pas capable de le faire. Alors là une vague d'emplois, de rajeunissement de la fonction publique s'annonce.
Mais, jusqu'à maintenant ? je donne les chiffres suivants ? en 1999-2000, 5 281 personnes faisaient un stage rémunéré ou avaient un emploi d'été. C'est trois fois plus qu'en 1996-1997. Alors, plus on a des moyens, plus on embauche. En 1999-2000, 59 % des personnes recrutées avaient moins de 35 ans. Alors, on voit qu'il y a un rajeunissement très net. Le portrait de l'effectif de la fonction publique du Québec, au 31 mars 2000, révèle que les jeunes de moins de 35 ans représentent 13 % de l'effectif. Du 31 mars 1996 au 31 mars 2000, le taux de représentation des jeunes de moins de 35 ans, sur l'ensemble, a diminué de 2,2. Depuis 1999, il a diminué de 1 %, les moins de 35 ans représentent seulement 6,9 % de l'effectif régulier.
Alors, comme on s'en va dans une vague d'embauche qui a été annoncée ? je pense que les concours sont déjà lancés puis les candidatures arrivent ? on devrait voir enfin ces chiffres s'améliorer considérablement dans les semaines et les mois qui viennent.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...
M. Charest: M. le Président, très courte. D'ailleurs, c'est dans ce contexte-là...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce qu'il y a un consentement pour une très courte question? Allez-y, M. le chef de l'opposition.
M. Charest: Bien, très rapidement, parce que je sais que les députés du gouvernement sont intéressés à la question. D'ailleurs, c'est ça qu'il y a d'absurde ? vous me permettez de le dire, je le pense comme ça ? dans ce qui se passe pour ces jeunes-là. Il y en a, quoi ? près de 4 000? 5 000? ? 5 000 de ces jeunes-là, et je constate... Vous n'êtes peut-être pas au courant, je ne vous le reproche pas, comme premier ministre...
M. Landry: ...peut-être, ce cas-là particulier, je ne le connais pas. Alors, ce n'est pas «peut-être».
M. Charest: Bon, bravo, d'accord, alors... Et je ne vous le reproche pas. Vous êtes premier ministre, vous ne pouvez pas être au courant, dans les détails, de tous les dossiers. Alors, tout ce que je vous demande... Puis placez-le ? parce que je connais votre intérêt pour l'administration publique ? plaçons ça dans le contexte où, à moins que je ne me trompe, il va y avoir des pénuries de main-d'oeuvre. Il y a des cohortes de gens dans la fonction publique qui vont quitter en grand nombre dans les prochaines années, 2005. Bon, alors, vous avez les pouvoirs à votre portée pour changer cette décision-là du gouvernement. Je ne m'attends pas à ce que vous me répondiez, je vous fais une invitation, je vous invite à vous pencher là-dessus, à corriger le tir puis à permettre à ces jeunes-là d'avoir accès aux concours réservés.
M. Landry: Bon, j'en prends bonne note.
M. Charest: Puis je vous remercie à l'avance de le faire.
M. Landry: Bon, écoutez, quand l'opposition fait des suggestions concrètes, ça serait de la bêtise de la part du gouvernement de ne pas les examiner. Alors, comme on essaie de cultiver la sagesse dans notre gestion, bien, une partie de cette sagesse, c'est de vous écouter quand vous dites des choses positives et intéressantes.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur ce, nous avons épuisé le temps qui nous était consenti. J'informe les membres que l'ensemble des crédits sera adopté ultérieurement, à la fin de la séance du lundi 7 mai 2001.
Je remercie M. le premier ministre, M. le chef de l'opposition, M. le chef, également, de l'ADQ, de même que les collègues. Merci. J'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 40)