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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, March 9, 2000 - Vol. 36 N° 51

Consultation générale sur le projet de loi n° 86 - Loi sur la police


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Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Remarques finales


Autres intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Henri-François Gautrin
M. Roger Paquin
*M. Gaston Gourde, FQM
*M. Claude Peachy, idem
*M. Yves Manseau, MAJ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux dans le cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: J'arrive, j'arrive, j'arrive.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

(9 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. À l'ordre du jour, nous avons tout d'abord une rencontre avec la Fédération québécoise des municipalités, représentée notamment par M. Gaston Gourde, préfet de la MRC de La Nouvelle-Beauce, je crois. C'est bien ça, M. Gourde? Suivront les représentants du Mouvement action justice; ainsi que, par la suite, M. Claude Corbo; ensuite, les remarques finales à compter de midi pour ajourner vers 12 h 30. Est-ce que ce projet d'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Nous en venons donc à la première partie de nos travaux. J'ai donc le plaisir, au nom des membres de la commission, de recevoir et de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération québécoise des municipalités, et notamment à son porte-parole, M. Gaston Gourde.

M. Gourde, nous avons donc une heure de réservée, dont une vingtaine de minutes pour la présentation et par la suite les échanges. Alors, vous avez donc la parole, en vous invitant bien sûr à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.


Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Gourde (Gaston): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés. Alors donc, à pied levé, j'ai pris la relève de notre président, M. Saint-Onge, pour vous faire valoir le point de vue de la Fédération québécoise des municipalités concernant le projet de loi n° 86. M'accompagnent Mme Colette Fortier, qui est avec nous, mais également, à la table, ici, M. Claude Peachy, qui est avocat et professionnel permanent à la Fédération québécoise des municipalités et évidemment intéressé de façon particulière au projet de loi n° 86.

Alors donc, M. le Président, on tient à vous remercier de l'opportunité que vous nous faites de présenter les commentaires de notre organisme relativement au projet de loi n° 86, Loi sur la police. Alors, ce projet de loi fut évidemment présenté par le ministre de la Sécurité publique, le 16 décembre dernier, à l'Assemblée nationale. C'est une pièce législative importante, puisqu'elle apporte des modifications en profondeur de certains domaines de l'action policière, notamment la formation, et elle procède à une refonte de deux lois majeures, soit la Loi sur la police et la Loi sur l'organisation policière.

Nos commentaires porteront principalement sur deux aspects particuliers de cette réforme, soit la formation et la desserte des services policiers au Québec. Nous discuterons brièvement des propositions déontologiques, qui sont pourtant d'une importance vitale dans une société démocratique comme la nôtre.

Or donc, le ministre de la Sécurité publique accorde une grande importance à la formation, et le projet de loi n° 86 traduit cette priorité. On le voit d'ailleurs par l'importance dans le format, parce qu'on commence d'entrée de jeu avec la formation. De nombreux rapports ont traité de cette question depuis quelques années, dont le plus récent – et je crois que M. Corbo va nous suivre au cours de cet avant-midi – Vers un système intégré de formation policière , présidé par le même M. Corbo.

En cette matière, essentiellement, le projet de loi introduit trois programmes de formation professionnelle, prévoit l'obligation pour tout directeur d'un corps policier d'établir un plan de formation professionnelle et transforme l'Institut de police du Québec en une école nationale de police du Québec. L'objectif poursuivi par le législateur est l'amélioration de la formation professionnelle, et la Fédération québécoise des municipalités y souscrit.

Les trois programmes de formation identifiés – patrouille-gendarmerie, enquête policière et gestion policière – sont représentatifs de la pratique policière. L'article 3 du projet de loi impose au directeur du corps de police d'établir un plan de formation professionnelle, l'article 4 précise le contenu du plan. Les municipalités, comme de nombreux employeurs, investissent dans la formation de leurs employés et elles le faisaient bien avant l'adoption des obligations légales découlant de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre.

Ainsi, bien que la production du plan de formation dans le projet de loi n° 86 représente une nouvelle obligation légale, les gestionnaires préparaient déjà ce type de planification, et, en ce sens, cette exigence nous apparaît comme un contrôle superflu à l'endroit des municipalités, ce qui va à l'encontre des allégements souhaités par tous les intervenants au Québec et traduits dans les lois municipales d'autres législatures au pays.

Autre mesure, le projet de loi sur la police crée l'École nationale de police du Québec qui succède à l'Institut de police du Québec. L'École a pour mission d'assurer la formation professionnelle permettant d'acquérir les habiletés et les compétences de base dans le domaine de la patrouille-gendarmerie, de l'enquête et de la gestion policière. Si, tel que le prétend le ministre de la Sécurité publique, l'École a pour but de mieux intégrer et d'obtenir une meilleure concertation entre les différentes composantes des réseaux d'éducation, la Fédération québécoise des municipalités est favorable à cette initiative, mais pas à n'importe quel prix.

En premier lieu, nous insistons sur l'importance pour l'École de consulter les établissements collégiaux et universitaires dans le cadre de l'élaboration de ses programmes de formation. En fait, ce qu'on veut, c'est d'éviter de travailler en vase clos. Elle doit donc recourir le plus souvent possible à des ententes, comme prévu à l'article 11 du projet de loi n° 86, pour concevoir ou offrir ses cours de formation et certaines portions de ses programmes d'études. En fait, ce que nous lui demandons, c'est de recourir à l'impartition, une méthode de gestion souple et efficace.

En second lieu, la Fédération québécoise des municipalités s'oppose à ce que les municipalités supportent financièrement les coûts de l'École nationale de police du Québec. Le projet de loi n° 77 nous obligeait à contribuer au financement de l'Institut de police du Québec en versant jusqu'à 1 % de la masse salariale des corps policiers au Québec. Par une telle mesure, le gouvernement venait imposer une taxe sur la masse salariale des corps policiers pour des services de formation professionnelle, taxe qu'il n'impose pas aux autres employeurs du Québec qui bénéficient pourtant de la formation de la main-d'oeuvre québécoise dans nos collèges et universités. Ce fut une très mauvaise décision gouvernementale de nous imposer ce financement en 1996. Elle n'était guidée que par des impératifs budgétaires et sans autre fondement. Nous demandons donc au ministre de la Sécurité publique de retirer cette mesure.

En troisième lieu, nous suggérons au législateur d'apporter une modification à l'article 18 du projet de loi, qui détermine la composition du conseil d'administration de l'École, afin d'accroître la participation des élus municipaux. Ainsi, nous proposons de modifier le paragraphe 2° du troisième alinéa de l'article 18 en remplaçant le nombre «trois» élus municipaux par «quatre» et de substituer le nombre «trois» personnes provenant de groupes socioéconomiques, au troisième paragraphe du troisième alinéa, par «deux». En procédant ainsi, nous maintenons l'équilibre voulu par le législateur pour des représentants de la population au sein du conseil d'administration de l'École.

L'article 28 du projet de loi n° 86 crée au sein de l'École nationale de police du Québec une commission de formation et de recherche. Elle a principalement pour mandat de donner avis au conseil d'administration de l'École sur tout ce qui concerne la formation policière et de tenir celui-ci informé de l'évolution de la recherche dans ce domaine.

Nous partageons la vision qu'avait M. Corbo à l'effet que cette Commission va permettre à l'École de jouer pleinement son rôle en matière de formation policière et qu'elle pourra constituer un lieu de réflexion fondamental.

La Fédération québécoise des municipalités est déçue de constater que la composition de la Commission prévue à l'article 33 ne prévoit pas la présence de représentants municipaux, qui sont pourtant les employeurs et qui doivent avoir la possibilité de commenter ou d'orienter la recherche fondamentale et la formation policière. Nous suggérons au législateur de revoir la composition de la Commission afin d'obtenir deux sièges pour les élus municipaux, après consultation des deux associations représentatives des municipalités, soit l'UMQ et, évidemment, la Fédération québécoise des municipalités.

La Fédération québécoise des municipalités est consciente que les mesures contenues au projet de loi sur la police concernant la formation pourront avoir une incidence sur la rémunération des policiers. En effet, il est plausible de croire que l'amélioration et l'augmentation des exigences pour la formation de base, combinées avec l'amélioration du perfectionnement, pourront avoir une influence à la hausse sur la rémunération. Toutefois, il importe d'adapter la formation de base aux réalités actuelles, qui ne sont pas les mêmes sur tout le territoire québécois, et de permettre une plus grande efficience dans les services offerts à la population.

Parlons un peu de desserte des services policiers au Québec, un débat qui a soulevé des passions au cours des dernières années, surtout dans des municipalités comme les nôtres, celles que je représente, les MRC. Donc, le projet de loi n° 86 reprend substantiellement les dispositions relatives à l'organisation et au fonctionnement des corps de police. Il intègre les dispositions actuelles de la Loi sur l'organisation policière relatives à la déontologie. Ces dispositions sont d'une grande importance. Et cette refonte est l'occasion, pour la Fédération québécoise des municipalités, de représenter certaines demandes traditionnelles du monde municipal.

(9 h 20)

La desserte des services policiers au Québec a été influencée principalement par deux lois adoptées par le gouvernement du Québec. La première est la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances municipales qui fut adoptée en juin 1991. Elle incitait les municipalités de plus de 5 000 habitants à se doter d'un corps de police municipal, tel que stipulé à la loi, et introduisait une tarification pour les services de la Sûreté du Québec. Cette tarification est calculée à partir de deux critères, soit: la richesse foncière uniformisée et un facteur multiplicateur variable selon la population de la municipalité.

La deuxième est la Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives adoptée en décembre 1996. Elle comportait trois mesures. Premièrement, elle assujettissait à la Sûreté du Québec le territoire des municipalités de moins de 5 000 habitants, sauf celles obtenant une dispense du ministre ou celles déjà desservies par un corps de police municipal. L'expérience vécue, du moins au niveau de la MRC que je représente et dans d'autres MRC au Québec, nous a permis d'apprendre qu'une dispense du ministre dans ce domaine n'est pas facile à obtenir. Parce que nous avions déjà préparé tout un plan et la dispense n'est jamais venue, alors on a dû, donc, se plier aux exigences qui nous avaient été soumises à ce moment-là par le ministre d'alors.

Deuxièmement, elle introduisait le règlement sur les services de base afin de prévoir, notamment, la nature et l'étendue des services offerts et le nombre de policiers affectés à la desserte du territoire.

Enfin, le gouvernement haussait la tarification pour les services de la Sûreté du Québec afin que les municipalités desservies par elle assument en moyenne 50 % du coût des services policiers de base qu'elle dispense.

Depuis cette dernière modification législative de 1996, les municipalités de moins de 5 000 habitants ne peuvent se soumettre à la juridiction d'un corps de police municipal. Elles doivent utiliser les services de la Sûreté du Québec et payer souvent un montant plus élevé que ne leur en coûterait un corps municipal calculé selon un taux fixé par une grille tarifaire en fonction de leur richesse foncière uniformisée. Ce sont maintenant les MRC qui négocient des ententes de mise en oeuvre des services de la Sûreté pour et au nom des municipalités desservies.

Bon. Écoutez, c'est le texte qu'on vous a remis. Personnellement, je vous indiquerai que ce furent de drôles d'ententes, puisque le texte a été bâti par une des parties, et la seule participation que nous avions ou la seule contribution à ce texte-là, c'était de changer le nom du préfet, puis de changer le nom de la MRC, puis de changer le site, à quel endroit serait situé le local ou enfin à quel endroit seraient basés les policiers de la Sûreté du Québec.

Quant au reste, ce n'était même pas un contrat d'adhésion parce que, quand tu as un contrat d'adhésion, tu as le choix d'y adhérer ou pas. Quant à nous, nous n'avions pas le choix d'y adhérer ou pas parce que, si, à ce moment-là, le fameux contrat, on ne le signait pas, on nous indiquait qu'on ne nous garantissait plus que les sommes d'argent à être versées ne pourraient éventuellement augmenter. Alors donc, c'était: Si tu ne signes pas ce document-là, peut-être que ça va augmenter chez toi ta contribution à la police; disant, bien: Écoute, tu paies seulement 50 % de la facture.

Alors, M. le ministre, plusieurs municipalités de moins de 5 000 habitants aimeraient récupérer leur liberté de choisir entre un corps de police municipal et la Sûreté du Québec. Vous ne pouvez continuer d'obliger les municipalités à payer la facture de la Sûreté du Québec sans leur laisser le choix de leur desserte policière. Cette mesure est discriminatoire par rapport aux municipalités qui ont déjà leur corps de police.

Mieux que quiconque, vous savez que les quelque 80 ententes de services entre la Sûreté et les MRC sont d'une durée de cinq ans et qu'elles ont été signées pour la plupart en 1997. Ne croyez-vous pas qu'il serait approprié d'entreprendre des discussions avec les représentants municipaux afin d'étudier les moyens de concilier vos préoccupations dans l'organisation policière et l'autonomie des municipalités et leur liberté à se doter d'un corps de police régional?

Le modèle actuel pose de nombreuses difficultés, notamment au niveau du contrôle des coûts, de la perception des amendes et de la grille tarifaire pour les municipalités de 5 000 habitants et plus. En ce qui concerne le contrôle des coûts, comment peut-on accepter que les municipalités paient 50 % des coûts de la Sûreté du Québec et qu'elles n'aient pas un mot à dire dans les négociations avec les policiers? Cette situation est contraire au principe élémentaire d'imputabilité.

Pour moi, une municipalité, chez nous, de 2 700 habitants, on paie 180 000 $ de contribution à la Sûreté du Québec, et, quel que soit le sort des négociations – qui sont d'ailleurs enclenchées, on l'a bien vu – il n'y a pas un mot à dire; finalement, on paiera la facture. Puis, comme on part du principe que c'est 50 % puis qu'il pourrait y avoir des augmentations, bien là on vous indiquera quel sera le montant à la fin, sans que nous ayons un mot à dire.

Nous apprenions également, le 4 novembre dernier, dans un quotidien, que la Sûreté du Québec, en raison d'une crise financière, devait retirer 95 véhicules servant à la surveillance du territoire. Nous l'avons appris effectivement dans un quotidien. Vous conviendrez que nous aurions pu, en toute déférence, être informés par l'entremise des membres du comité, au moins, de la sécurité publique, formé de représentants municipaux et de la Sûreté du Québec. Ce comité est responsable de l'échange d'informations entre la Sûreté et les municipalités. Nous avons demandé aux autorités de la Sûreté du Québec de nous informer de la répartition des coupures de véhicules, ce qui a été refusé. Nous avons adressé une requête au ministre afin d'obtenir cette information et, malheureusement, encore à ce jour, nous ignorons la répartition des coupures en question.

Par ailleurs, il y a des municipalités desservies par la Sûreté du Québec qui sont satisfaites des services reçus mais qui souhaiteraient percevoir les amendes provenant des constats d'infractions commises sur leur territoire. Actuellement, une faible partie des amendes est remise lorsqu'il y a entente entre le ministère et les municipalités. Comme les municipalités paient entre 0,18 $ et 0,35 $ du 100 $ de richesse foncière uniformisée, il serait normal qu'elles puissent également toucher aux revenus découlant des activités policières. La Fédération québécoise des municipalités demande que leur soit remise la totalité des amendes tirées de constats d'infractions, à l'exception de ceux émis sur les autoroutes.

La desserte de services policiers a connu de nombreux changements au cours des dernières années, et c'est un sujet qui a marqué les relations tendues entre le gouvernement et les municipalités. La Fédération québécoise des municipalités demande au ministre de la Sécurité publique d'entreprendre des discussions avec les représentants municipaux afin de trouver des solutions au problème de la liberté des municipalités de se doter de corps de police régionaux. Ces discussions doivent s'amorcer dans les meilleurs délais pendant que ce projet de loi est débattu devant l'Assemblée nationale et avant l'échéance des ententes de services avec la Sûreté du Québec.

Le ministre pourrait être tenté de retarder ces discussions afin d'attendre le dénouement des négociations concernant le pacte fiscal à conclure avec les municipalités. Nous lui recommandons de ne pas attendre. Les négociations sur le pacte fiscal n'ont porté jusqu'à maintenant que sur la facture du 356 000 000 $, et elles ont achoppé le 9 décembre dernier. Dans ce contexte, nous doutons que nous puissions d'ailleurs attendre du gouvernement un véritable pacte fiscal.

Nous avons indiqué plus tôt – et je parle du Conseil de surveillance – que nous ferions quelques commentaires relativement à certains aspects déontologiques. Nous croyons que la déontologie policière est primordiale dans une société démocratique comme la nôtre. Compte tenu du temps limité à notre disposition, nos commentaires porteront uniquement sur le Conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec.

Donc, la Fédération considère que la Sûreté du Québec est un corps policier professionnel efficace et dévoué aux meilleurs intérêts des Québécois. Certes, certains agissements seront considérés inacceptables par la population. Toutefois, ils résultent de certains comportements individuels en période de négociation. Enfin, nous ne retrouvons pas de comportements systématisés portant atteinte à l'intégrité de tout le corps policier. Il était approprié que le gouvernement intervienne afin que la situation ne se désagrège.

Dans la poursuite de notre objectif d'accroître le contrôle sur les coûts des services policiers, la Fédération québécoise des municipalités demande au législateur d'amender l'article 297 afin d'y préciser que, dans la composition du Conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec, il y ait un siège pour un élu municipal représentant la Fédération québécoise des municipalités.

Donc, en conclusion, et malgré tous les commentaires que nous avons faits, la Fédération québécoise des municipalités est satisfaite des mesures présentées dans le projet de loi n° 86 au niveau de la formation. Elle s'oppose à ce que le financement de l'École nationale de police du Québec relève des municipalités. Au niveau de la desserte des services policiers au Québec, la Fédération québécoise des municipalités souhaite que le ministre de la Sécurité publique entreprenne des discussions avec les représentants municipaux afin de trouver des solutions aux problèmes d'imputabilité des élus et d'autonomie des municipalités à se doter de corps de police régionaux.

Alors, je vous remercie de votre attention et, évidemment, je demeure disponible, avec M. Peachy, pour les questions.

(9 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, merci, M. Gourde, pour cette présentation au nom de la Fédération québécoise des municipalités. Nous passons donc à la période d'échange. M. le ministre.

M. Ménard: Je vous remercie beaucoup, M. Gourde et M. Peachy, de votre mémoire. C'est sûr que la Fédération québécoise des municipalités est pour nous un partenaire important. Donc, nous attendions votre rapport avec une certaine anxiété, je dirais, mais, enfin, nous attendions votre rapport.

Je suis heureux de constater qu'au fond, pour tout ce qui concerne, je dirais, la professionnalisation de la police, vous êtes d'accord. Là où on a des difficultés, c'est lorsqu'on parle de financement. Bon. C'est compréhensible. Je comprends que vous êtes heureux de ne payer que la moitié de la facture, mais vous voudriez la totalité des revenus des amendes. Il y a des objectifs comme ça sur lesquels on peut partir d'un point de négociation puis en arriver à un autre à un moment donné, parce que, au fond, c'est le même contribuable, hein. S'il ne le paie pas par sa contribution foncière, il va le payer par son impôt sur le revenu ou par la taxe de vente. On verra pour ces discussions-là.

Mais j'ai remarqué que la partie sur laquelle vous êtes le plus prêts à discuter avec nous, c'est sur la desserte obligatoire par la Sûreté du Québec et puis la régionalisation des corps de police. Et je peux vous dire que, de toute façon, les remarques que vous faites pour éviter les frais inutiles, tout en atteignant le but que l'on se propose d'atteindre, sont bien reçues et seront certainement prises en considération lorsqu'il s'agira de demander des informations aux représentants des municipalités.

Mais, moi, j'avais l'impression – c'est drôle, ce n'est pas moi qui l'ai établi comme ministre de la Sécurité publique – que généralement on était très satisfait, dans les municipalités régionales de comté qui étaient desservies par la Sûreté du Québec. On me dit que, d'ailleurs, les élus locaux avaient demandé des sondages, que les sondages soient tenus. Et ces sondages démontrent un taux de satisfaction à l'égard du service de la Sûreté du Québec qui est autour de 85 %, ce qui est à rêver pour tout homme politique, et que, au fond, la formule de comité de sécurité publique qui permet aux élus locaux d'être en contact direct avec celui qui fait office de commandant dans la municipalité – son grade, évidemment, varie selon l'importance de la municipalité régionale – permettait d'adapter les services au désir de la population et certainement des élus puis, en plus, le fait qu'il y a toujours un constable qui est assigné à une municipalité pour rencontrer son maire... Vous me donnez une impression différente dans le... parce que vraiment... Quels sont vos motifs de non-satisfaction vis-à-vis de cette entente?

M. Gourde (Gaston): Alors, je ne sais pas si j'ai été mal compris ou mal interprété. Je ne crois pas avoir indiqué qu'il y avait de l'insatisfaction sur la livraison du produit par les officiers de la Sûreté du Québec. Effectivement, depuis que nous avons régionalisé, entre guillemets, moi, je n'ai pas personnellement, dans une municipalité comme chez moi, de problème, ni dans la MRC, quant au travail des policiers. Effectivement, il y a eu des plus à certains endroits.

Ce que nous avions dit à ce moment-là, c'est qu'on voulait être des vrais partenaires. On voulait, avec le gouvernement, être capables de faire des deals, alors que, finalement, en fait, on nous a régionalisé une convention collective. C'est ça qui a été, au départ, l'un des effets, en tout cas, qu'on a sentis sur le terrain. On a dit: Écoutez, là, dans votre coin, même si vous voulez vous bâtir une sûreté... Puis on avait déjà avancé dans certaines régions, aussi, on était déjà rendu très loin. On nous a dit: Non, non, non. Ça, ça ne marche pas. Le format qu'on vous propose, c'est celui de la Sûreté du Québec chez vous puis, pour ça, à la Sûreté du Québec, on va indiquer le nom de la MRC de La Nouvelle-Beauce sur vos véhicules. C'est sûr qu'en termes de... C'est un baume qui n'était quand même pas si important que ça pour panser nos plaies.

Alors, je répète, sur la question de la livraison des services, effectivement on n'a pas à se plaindre en tant que tel de ce que fait la Sûreté du Québec. Cependant, on peut se plaindre de ne pas avoir grand-chose à dire, puisqu'une bonne journée on apprend que, bon, il y a quatre véhicules chez vous puis, à partir de maintenant, il y en a trois. Du jour au lendemain, si vous me permettez...

M. Ménard: Oui, mais, M. Gourde, on m'a bien dit, moi, que les véhicules qui ont été bloqués temporairement et qui étaient toujours disponibles en cas de besoin, si le besoin se présentait, étaient des véhicules qui avaient été donnés au-delà des exigences du contrat qui avait été signé. Et puis, aussi, on me signale que, dans beaucoup de municipalités régionales de comté, les besoins d'un corps policier varient selon les saisons, selon les événements aussi, et que la Sûreté du Québec n'a jamais hésité à envoyer un supplément de patrouilleurs ou de policiers lorsque le besoin se faisait sentir, quand c'était au-delà de ce qui était. Alors, c'est normal un peu qu'il y ait... Et c'est un des avantages d'avoir recours à un corps national que de pouvoir avoir une banque de patrouilleurs au-delà de ce que vous auriez si vous aviez un corps régional.

M. Gourde (Gaston): Vérification faite sur le terrain, et avec respect pour ce que vous nous indiquez, les gens dans les postes de la Sûreté ont été eux aussi pris par surprise et, s'ils avaient eu le choix, ils n'auraient pas fait disparaître le véhicule en question dont vous parlez. Parce que, je l'ai vérifié moi-même, de dire: Bien, écoute, du jour au lendemain... Puis il faut comprendre, ce n'est pas des postes, là, on n'a pas 42 véhicules puis on en enlève un, là. On a quatre ou trois véhicules puis on en enlève un. Donc, la marge de manoeuvre à ce moment-là n'existait plus.

Je ne veux pas passer ma présentation ici à parler d'un véhicule à un endroit particulier, mais c'est tout simplement pour expliquer que, finalement, cette décision-là aurait pu être au moins, par respect, soumise au fameux comité ou être soumise à ceux qui ont signé un document qui s'appelait, semble-t-il, L'entente sur la desserte des services policiers . Alors, moi, je signe une entente comme préfet puis, du jour au lendemain, je dis: Je t'enlève 25 %. Mettons, il y a quatre véhicules, on en enlève un, bon, il y en a 25 % de parti. À raison ou pas à raison, je t'annonce par le biais du journal que tu en as un de moins demain matin. Il me semble que ce n'est pas de cette manière-là qu'on a des relations correctes entre des partenaires. C'est tout simplement ça.

M. Ménard: Vous savez, si on ne fait pas preuve de rigueur dans l'administration, la facture totale va être plus chère. Alors, il faut qu'on fasse preuve de rigueur même en administration. Les budgets ne doivent pas être dépassés, on doit prendre des mesures. Et puis, moi, on m'a toujours dit qu'on avait coupé dans l'excédent de ce qui était accordé. On s'est réservé une marge de manoeuvre, mais il faut pouvoir gérer.

C'est comme vous nous suggérez de vouloir être à la table de négociations des salaires. D'abord, j'imagine que vous êtes content de notre attitude de ne pas vouloir donner à nos policiers une augmentation plus grande que celle que nous avons donnée aux autres agents. Je vous ferais remarquer qu'eux, par contre, veulent se comparer à des municipalités, n'est-ce pas, pour obtenir de plus gros salaires. Mais je ne vois pas comment on aurait une table de négociations où on aurait d'un côté 90 employeurs et puis de l'autre côté un seul syndicat. J'ai l'impression que cela ferait un rapport de force qui serait favorable au syndicat.

M. Gourde (Gaston): Mais c'est toujours dans la suite de ce qu'on s'est dit. On nous dit: On vous envoie 50 % de la facture. Puis là on pourra faire un long débat parce qu'il a eu lieu aussi dans le temps. C'est évident que, si on parle des temps d'intervention dans une municipalité puis des temps d'intervention de la Sûreté du Québec qui ne sont pas toujours les mêmes... En tout cas, on ne veut pas refaire ce débat-là, il a déjà été fait puis finalement...

Mais, quant à nous, on pense qu'on doit être là parce qu'on nous dit: Vous avez maintenant des responsabilités par contrat. Il y a des responsabilités, qu'elles soient importantes ou pas, il y a des responsabilités. Puis à la fin il y a une facture, 50 % des coûts définis de la Sûreté du Québec. Alors, s'il y a 50 % des coûts définis, à un moment donné, quelque part, il serait peut-être normal que nous ayons un mot à dire, ne serait-ce qu'il ne soit pas important, mais que nous ayons un mot à dire sur la finalité lorsqu'on va signer.

(9 h 40)

Vous m'avez posé la question à savoir si on est d'accord quant à l'attitude du gouvernement, à savoir de maintenir une position ferme quant aux offres faites à la Sûreté du Québec. Je parle en mon nom personnel. Je suis tout à fait d'accord avec ça et je n'ai pas de reproches à vous faire sur les efforts de rationalisation. Quand vous nous dites: On veut budgéter serré, puis c'est pour ça qu'on avait besoin d'argent, puis c'est pour ça qu'on a fait des coupes dans les postes, la question ne se pose pas de cette manière-là du tout pour nous. Ce n'est pas de remettre en question la façon de gérer les budgets par le gouvernement du Québec, du moins dans ce cadre-ci, c'est plutôt de dire: On est-u des partenaires ou on n'en est pas? Et, si on en est, de temps en temps, il serait peut-être bon d'informer son partenaire qu'une décision est en train de se prendre, ou qu'elle sera prise, ou enfin de lui donner la possibilité de pouvoir au moins être capable d'annoncer à ses concitoyens: Bien, voici, le gouvernement nous a annoncé qu'il n'avait pas le choix, etc., ce qui n'a pas été le cas la dernière fois.

M. Ménard: O.K., j'ai compris. Mais je connais la réponse d'avance et vous la connaissez aussi. Puis essayez de gérer avec le genre de réponse qu'on aurait puis vous allez trouver ça difficile. Mais il y a quelque chose qui m'étonne dans votre rapport. C'est que vous dites qu'il y a des municipalités qui, bien qu'elles ne paient que la moitié des coûts, estimeraient préférable d'avoir un corps régional. Je ne comprends pas. À mon avis, il n'y a qu'une explication à un pareil désir, c'est qu'elles désirent un corps régional qui offrirait moins de services que la Sûreté du Québec n'en offre.

M. Gourde (Gaston): Écoutez, nous...

M. Ménard: Écoutez, on leur propose de payer la moitié d'une facture. Elles nous disent: On aimerait mieux avoir notre propre corps de police, il nous coûterait moins cher. Bien, s'il vous coûtait moins cher, dans quoi vous couperiez?

M. Gourde (Gaston): Nous avions fait l'exercice chez nous. Nous étions quand même relativement avancés. Nos services, nous les achetions de la ville de Sainte-Marie-de-Beauce qui a déjà un bon corps policier actuellement. Nous avions commencé à faire des calculs. Nous avions à ce moment-là évidemment une police qui avait un temps de réponse quand même assez appréciable et nous en arrivions à peu près, à ce moment-là, à ce qui correspond au 50 % dont nous parle la Sûreté du Québec aujourd'hui.

Alors, je ne sais pas de quelle manière les calculs ont été faits à la Sûreté du Québec, mais je peux vous dire que nos calculs, à nous autres, faisaient en sorte qu'on se rapprochait du 50 % qui était notre 100 %, pour nous, la facture. Dans la MRC que je représente, il y a la ville de Sainte-Marie puis il y a neuf petites municipalités qui représentent au total environ 15 000 de population. Actuellement, on paie plus ou à peu près 1 000 000 $ pour la Sûreté du Québec, ce qui voudrait dire, donc, que les coûts devraient normalement être de 2 000 000 $. Et nous...

Une voix: ...

M. Gourde (Gaston): Bien, si on paie 50 %.

M. Ménard: Oui, mais vous ne payez pas 50 % nécessairement dans votre municipalité.

M. Gourde (Gaston): Non, non, je comprends, là.

M. Ménard: C'est 50 % sur la moyenne. Ça, c'est un problème que je veux discuter avec vous.

M. Gourde (Gaston): O.K. Je ne veux pas faire de mathématiques, là, mais, en tout cas, de toute façon, nous, on paie... Une chose qui est sûre, c'est qu'on paie une facture d'à peu près 1 000 000 $.

M. Ménard: La rigueur, ça passe par les mathématiques.

M. Gourde (Gaston): Mais, quand même, nous, on paie environ 1 000 000 $ et, dans le temps, en tenant compte des deux budgets – parce qu'il y avait aussi ceux de la ville de Sainte-Marie que je n'ai pas, là – on faisait le total des deux et on arrivait à une police qui correspondait aux normes qui nous étaient édictées, à ce moment-là, des services de base dans la municipalité. Or donc, quant à nous, on pense que c'était possible de le faire et on... Écoutez, on ne courait pas après le trouble, là, on n'envoie pas une solution, nous, au gouvernement du Québec leur disant: On veut absolument payer le double. Bien au contraire, on pense que, nous, en gérant, on était capables de s'organiser pour avoir une police aux coûts actuels qui correspondraient, semble-t-il, à 50 % de la Sûreté du Québec.

M. Ménard: Bon. Vous savez que l'entente avec la Fédération, je crois, c'était que les municipalités que nous allions couvrir... l'ensemble des coûts pour couvrir l'ensemble des municipalités seraient de 50 %. Et, à 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ près, selon les années, là, ça a été respecté. Parfois en faveur d'une partie, parfois en faveur de l'autre. Donc, dans cette entente, il y a cependant qu'il y a des municipalités qui ne sont pas capables de payer le 50 % compensé par des municipalités qui sont capables de payer plus que le 50 %. Il y a donc, dans une entente comme celle-là, une forme de péréquation de la richesse. Êtes-vous contre ce principe-là?

M. Gourde (Gaston): C'est-à-dire... De toute façon, la façon dont on paie actuellement, c'est basé sur la richesse foncière.

M. Ménard: Foncière, c'est ça.

M. Gourde (Gaston): Moi, je n'ai pas d'idée particulière là-dessus. Écoutez, moi, personnellement... En tout cas, chez nous, on ne voit pas de problème avec ça, là, sur la question basée sur la richesse foncière, pas de problème particulier. Ce qui nous fait sursauter à chaque fois, c'est la facture, mais, quant au reste, là, sur la façon de faire, effectivement, on n'a pas de problématique particulière de ce côté-là.

M. Ménard: O.K. Quand votre facture augmente, c'est que c'est le mauvais côté d'une bonne nouvelle, c'est que votre richesse foncière augmente. Donc, vos autres revenus fonciers devraient augmenter.

M. Gourde (Gaston): Oui, mais vous savez que, même si la richesse foncière de la municipalité, chez nous, se multipliait par deux demain matin parce que les maisons prennent de la valeur, moi, je ne vais pas taxer plus les citoyens. Si ça me coûte 2 000 000 $ pour faire virer la municipalité, elle va toujours coûter 2 000 000 $. Alors, la richesse foncière est quelque chose qui est relatif par rapport à d'autres municipalités, évidemment, mais pas par rapport à chez nous. Alors, moi, ce que je dis, que la maison vaille 100 000 $ ou qu'elle vaille 200 000 $, si j'ai besoin de 1 000 $ de ce citoyen-là, il va me payer pareil 1 000 $.

M. Ménard: L'autre question fondamentale que je voudrais vous poser, c'est... Je n'ai pas pu annoncer la réforme policière que j'envisage, quant à la carte policière, parce qu'il y a des implications avec le ministère des Affaires municipales puis j'attendais, au fond, qu'il s'enligne. Mais je peux vous dire très clairement qu'est-ce que j'envisage, puis il paraît que je ne suis pas le premier à envisager ça, j'ai appris ça hier avec l'autre association des municipalités. Ce que j'envisage, c'est un tiers-un tiers-un tiers: un tiers la Sûreté du Québec, un tiers le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, puis un tiers les autres.

Pourquoi la Sûreté du Québec? Parce que je trouve important – à moins de décider de créer une garde nationale ou d'autres méthodes européennes avec lesquelles je ne suis pas d'accord – que le gouvernement du Québec puisse avoir recours, dans les moments de crise, à une force policière bien organisée, disciplinée, d'un seul corps, qu'il peut déplacer rapidement à travers le Québec pour des crises qui peuvent se soulever chez vous comme ailleurs, n'est-ce pas. C'est une espèce de police d'assurance pour tout le monde. J'aimerais avoir vos suggestions. D'abord, êtes-vous d'accord avec ce principe-là? Et comment peut-on l'atteindre tout en respectant l'autonomie des municipalités?

Ah oui! l'autre principe, c'est que je suis pour la régionalisation des corps de police, parce que je trouve un peu anormal que des policiers traversent des territoires qu'ils ne patrouillent pas pour se rendre à une autre partie d'un territoire qu'ils patrouillent. Et je pense que tout le monde trouverait des économies à ce que les corps soient régionalisés, à centraliser les quartiers de détention, l'ivressomètre, les enquêteurs aussi, etc. Et je pense que la base naturelle pour régionaliser, ce serait les municipalités régionales de comté, par MRC ou par groupe de MRC. Est-ce qu'on peut s'entendre sur ces principes-là, croyez-vous?

M. Gourde (Gaston): Écoutez, sur la question du un tiers-un tiers-un tiers, là, on pourra refaire les fractions et puis voir quant au budget affecté, parce que ça aboutit toujours en dollars, ça. On est d'accord qu'il y ait une police nationale, nous, on pense que, même les municipalités bien nanties, on le voit d'ailleurs à chaque fois qu'il arrive des événements majeurs, on en a eu dans notre coin aussi, on a toujours besoin d'une police nationale, on a besoin des unités spécialisées, puis on ne pense pas que les municipalités, c'est actuellement dans leur mandat d'y procéder. On est toujours d'accord avec une police nationale.

Mais il y a une chose qui est sûre, quant à nous: ce qui nous importe, c'est une vraie régionalisation. Parce que régionalisation, ce n'est pas décentralisation. Régionalisation, c'est de dire, bien... c'est un peu ce qu'on a actuellement. La régionalisation, c'est qu'on a régionalisé en y mettant des étiquettes. La Sûreté du Québec, je ne sais pas si vous voulez parler d'une vraie régionalisation où ce sont les régions qui prennent en main directement l'organisation, je ne sais pas si c'est dans ce sens-là que vous le dites.

M. Ménard: C'est plutôt dans le sens que, dans une MRC, ça va être le même corps de police qui va couvrir toute la MRC, y compris la ville-centre.

M. Gourde (Gaston): O.K., comme l'exemple chez nous, là: Sainte-Marie qui est dans le centre, et il y a neuf municipalités autour qui font affaire... D'ailleurs, nous, on a le système du trou de beigne, là: dans le centre, c'est la municipalité avec son corps de police. Nous, on avait dit: Bien, il serait peut-être normal qu'on ait un système de rayonnement. Il aurait été simple, à ce moment-là, d'organiser sur le terrain en disant: Bien, pourquoi ne pas desservir Scott, pourquoi ne pas desservir Sainte-Hénédine, Saint-Isidore, etc.? Mais ce n'est pas de même que ça a fonctionné. On se retrouve donc avec une Sûreté du Québec qui fait toujours le tour de Sainte-Marie mais qui n'y pénètre vraiment jamais parce que ce n'est pas sur son territoire.

(9 h 50)

M. Ménard: Bien, voilà. Je suis convaincu que c'est coûteux pour le contribuable. Alors, la vraie régionalisation, on voudrait que ce soit sur la MRC, mais il faudrait concilier l'objectif un tiers-un tiers-un tiers.

M. Gourde (Gaston): Bien, écoutez, là, je ne pourrais pas, à brûle-pourpoint comme ça, vous dire que je suis d'accord avec un tiers-un tiers-un tiers. Je suis d'accord avec le principe d'une police nationale, oui. Je vous l'avais dit d'entrée de jeu tout à l'heure.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous allons passer, donc, à la période réservée à l'opposition officielle. M. le porte-parole.

M. Dupuis: Merci, M. le Président. M. Gourde, je n'avais pas prévu commencer comme ça après la lecture de votre mémoire, mais votre crise d'urticaire – que je comprends parfaitement bien – au souvenir du 4 novembre dernier, quand vous avez appris par les journaux que le gouvernement, pour des questions strictement budgétaires – comprenons-nous bien – de problèmes de dépassement de budget à la Sûreté du Québec, avait décidé de retirer des véhicules qui patrouillaient les secteurs... Vous l'avez appris par les journaux. Nous l'avons appris par les journaux. À l'époque, je me souviens que nous nous sommes insurgés contre cette façon de faire du gouvernement. Je comprends qu'il peut avoir des raisons pour le faire. Moi, je ne peux pas accepter qu'on décide unilatéralement, sans avertir personne, de retirer des véhicules de la circulation.

D'autant plus que ce sont des véhicules de la Sûreté du Québec qu'on a retirés et d'autant plus que la Sûreté du Québec avait déjà des problèmes, certains malaises avec la population, à ce moment-là, suite à la publication du rapport Poitras. Il y avait des problèmes avec certaines municipalités quant à la couverture qui est offerte à la population, le service qui est offert à la population. Et, unilatéralement, le gouvernement décide de retirer des véhicules, affectant en cela, sans aucun doute, le service qui était donné à la population puis, en plus, en négligeant... Et vous l'avez dit. Il faut le redire aujourd'hui parce qu'il ne faut pas que ça se reproduise. Des problèmes budgétaires, il va y en avoir encore. Malgré le fait que le ministre des Finances garde, sans en parler à la population, dans un compte en banque, 840 000 000 $, ils vont continuer d'avoir des problèmes budgétaires.

Alors donc, pour des impératifs budgétaires, prendre des décisions sans aviser ses partenaires, les élus municipaux, qui eux autres aussi sont des élus, qui eux autres aussi ont été élus démocratiquement par la population et qui, dans plusieurs cas – comme c'est votre cas – avaient été élus par la majorité des gens, ce qui n'est pas le cas de ce gouvernement-là qui n'a pas eu la pluralité des votes...

Alors, je me permets ma petite crise d'urticaire, moi aussi, mais surtout pour prévenir le gouvernement que nous ne pouvons pas accepter, surtout quand les services vous sont offerts, à vous autres, quand vous payez une partie des coûts, que vous fassiez les frais d'une décision semblable. Parce que ce qu'ils ne réalisent pas, eux autres, c'est que le téléphone des citoyens, ce n'est pas là qu'il va, c'est chez vous qu'il est allé, n'est-ce pas? Quand cette nouvelle-là a été apprise, c'est vous autres qui avez eu le téléphone, les maires: Qu'est-ce qui se passe? C'est exact?

M. Gourde (Gaston): Effectivement, c'est la réaction que nous avons eue. D'abord, c'est autour de la table. On a quand même des réunions de MRC puis... Qu'est-ce que vous avez fait? Vous avez dit oui à une chose comme celle-là? Écoutez, les crises d'urticaire, c'est comme d'autres choses, ça se guérit.

M. Dupuis: Dans notre cas, ça va se guérir aux prochaines élections.

M. Gourde (Gaston): J'espère que ça ne se reproduira pas. C'est une expérience que nous avons vécue là-dedans. Pour dire que les municipalités ou les MRC, à contrecoeur, ont finalement embarqué dans le système, mais on veut être considérés comme des partenaires, on veut continuer à être considérés comme des partenaires. Et on se dit: Finalement, dans ce cas-ci, ce qu'on ne veut pas, c'est ça. Puis ce qu'on voudrait, bien, c'est justement un petit peu partout être des partenaires et tenir compte du fait que, oui, on comprend les objectifs de rationalisation, mais pourquoi ne pas nous les expliquer. Parce que, finalement, on a posé des questions qui sont encore sans réponses. Comment ça s'est fait, cette coupure?

Puis, chez nous, s'il y avait quatre véhicules – puis je pense que c'était le cas, sauf erreur – que tu réduis à trois, bien, sur un territoire comme le nôtre, quatre réduits à trois, tu n'as pas les mêmes marges de manoeuvre. Si t'as le malheur... Comme me disait un des policiers, un des matins, de temps en temps, aussi, ça va dans les ateliers de mécanique, puis il y en a un autre qui est rendu à la Cour. Il ne reste pas grand-chose, il ne reste pas grand monde pour couvrir le territoire à ce moment-là. On comprend qu'on n'est pas des très grands territoires, mais, quand même, quand tu réduis comme ça le nombre de tes véhicules, ça peut avoir de l'impact. Mais on n'est pas en désaccord avec le gouvernement à savoir s'il devait le faire ou pas. Je veux juste qu'on comprenne. C'était ça, notre propos finalement: Expliquez-nous! Puis on a généralement l'habitude d'être des gens qui comprennent.

M. Dupuis: Mais d'autant plus, M. Gourde, que, dans le fond, le ministre... Et, moi, je peux probablement concourir à cette opinion-là, sur le fait qu'il veut maintenir un équilibre d'un tiers-un tiers-un tiers, dont on a parlé tantôt, mais sans compter que, lorsque le gouvernement agit comme ça à l'égard de la Sûreté du Québec, qu'est-ce qu'il fait? Il ne fait que soulever, chez les maires ou dans les MRC qui subissent la coupure sans qu'elle leur ait été annoncée, sans qu'elle leur ait été expliquée, sans qu'on leur ait donné un rationnel...

Puis il n'y en avait pas, entre vous puis moi, un rationnel. C'est parce qu'ils avaient des problèmes financiers, à la Sûreté du Québec, et il fallait couper à quelque part. Ils n'ont pas coupé les véhicules des directeurs généraux adjoints, ils ont décidé de couper les services à la population. Ça aussi, vous auriez peut-être pu en discuter s'ils vous avaient averti avant.

Mais, peu importe, quand on fait ça, qu'est-ce qu'on fait? On provoque votre ire sur les services qui sont donnés par la Sûreté du Québec. Et il se tire dans le pied quand il fait ça, le gouvernement, il se tire dans le pied parce que c'est son corps de police. Alors, quand le gouvernement fait ça, il se tire dans le pied, il provoque votre ire, et là vous venez puis vous dites: Bien, peut-être que, si on avait notre corps de police à nous autres puis que ce n'était pas la Sûreté du Québec, bien, c'est nous autres qui le contrôlerions. C'est un peu ça que vous dites. Ça fait partie de l'ire qui est provoquée par les services de la Sûreté, n'est-ce pas?

M. Gourde (Gaston): En tout cas, en région, on a démontré, au cours des dernières années, qu'on gérait serré et puis qu'on avait des manières de faire qui... Puis je ne porte pas de jugement sur la façon de faire du gouvernement. Je dis tout simplement que, nous, on a toujours budgété serré, on a toujours et souvent pris des décisions qui étaient dans le meilleur intérêt de nos communautés locales et on pense sérieusement qu'on serait capable de faire probablement plus avec moins.

M. Dupuis: Comme vous, je ne veux pas passer tout le temps de l'intervention là-dessus, d'autant plus que mon collègue de Verdun veut également intervenir. J'ai compris de votre mémoire, particulièrement à la page 8, que vous ne voyez pas beaucoup de lumière au bout du tunnel relativement à une entente avec le gouvernement sur la conclusion de ce qu'il est convenu d'appeler un «pacte fiscal». N'est-ce pas? C'est ce que je comprends.

M. Gourde (Gaston): C'est ce que j'ai dit.

M. Dupuis: O.K. Maintenant, je comprends aussi – je veux juste savoir si on a compris la même chose, vous et moi – qu'il y aurait certaines négociations actuellement concernant la facture de 356 000 000 $ avec le gouvernement. Vous n'avez pas d'idée là-dessus?

M. Gourde (Gaston): Écoutez, moi, ce que je peux vous dire... Bon. L'une des raisons pour lesquelles je pense que ça a de très fortes chances d'achopper, c'est qu'on négocie à trois. J'ai comme l'impression que, si le gouvernement avait été placé avec une des unions, seul à seul, il y aurait probablement eu une entente. Mais, chaque fois qu'on dit oui à l'un, c'est non pour l'autre, et, chaque fois qu'on dit non à l'un, c'est oui pour l'autre. Or donc, c'est évident, à ce moment-là – et ça, probablement que ça sera au monde municipal à s'autodiscipliner de ce côté-là – que c'est un problème majeur au moment où on se parle.

Ce qui est malheureux, dans la négociation du pacte fiscal, c'est qu'il y a eu des municipalités ou des MRC qui se sont confrontées les unes contre les autres, alors que, finalement, ce qu'on devait vouloir faire, c'est avec le gouvernement qu'on devait le régler. Le gouvernement connaît les positions de chacune des parties – quant à moi, ça ne portera pas le nom de «pacte», parce que «pacte», ça aussi, ça semble vouloir dire qu'il y a une espèce de consensus – le gouvernement, à mon avis, va devoir arriver à dire: Je connais les positions de chacune des parties, je ne suis pas capable d'arriver à une entente, voici ce que ce sera finalement le diktat fiscal, si on peut dire, pour les prochaines années.

(10 heures)

M. Dupuis: O.K. Maintenant, j'ai bien compris de votre mémoire que vous dites: N'attendez pas la conclusion du pacte fiscal pour vous intéresser de façon importante aux problèmes de l'organisation policière, faites-le avant que ça arrive. Mais est-ce qu'on peut s'entendre sur le fait, vous et moi, que, dans le meilleur des mondes et dans la meilleure des hypothèses, il devrait y avoir une entente fiscale avec les municipalités – moi aussi, j'enlève de mon vocabulaire le mot «pacte» – ou enfin on devrait régler ce problème-là des ententes fiscales avec les municipalités, d'une part; deuxièmement, on devrait régler la question de la restructuration du territoire relativement aux différentes municipalités; et, ensuite – ensuite – on s'occupera d'un regroupement ou non de services d'incendie, regroupement ou non de services de police, regroupement ou non de services de sécurité civile. Ça, c'est dans la meilleure des hypothèses, vous êtes d'accord avec moi?

C'est à défaut ou c'est à la suite de votre constatation que peut-être on n'arrivera pas à une entente fiscale que vous dites: Bien là il faudrait marcher, mais ce n'est pas la meilleure des hypothèses, n'est-ce pas?

M. Gourde (Gaston): La question du pacte fiscal, quant à moi, là, même si elle est liée – il y a des gens qui disent qu'elle est intimement liée – bon, il y a quelque chose qu'il faut régler à court terme, en tout cas, qui s'appelle 356 000 000 $ puis, à mon avis, ce n'est pas limitatif à 356 000 000 $. Ce n'est pas une facture, finalement, le pacte fiscal, là. C'est beaucoup plus que ça, à mon avis.

Réglons-la, la question du 356 000 000 $. Mettons ça tout de suite sur la table puis, après ça, on va être capables évidemment, de façon plus agréable, de se parler, de discuter ensemble, de mettre tout le monde autour de la table puis, de là, arriver à la question de la réorganisation des territoires – réorganisation, regroupement, appelons ça comme on voudra. Ce qui est malheureux dans tout ça, c'est que finalement on limite le pacte fiscal à cette fameuse facture-là, puis ça va beaucoup plus loin que ça parce que, dans un pacte fiscal, on parle évidemment, peut-être, de taxe de vente, je ne sais trop.

M. Dupuis: Bien oui, c'est le transfert de responsabilités ou non. C'est d'abord la décision du gouvernement de transférer ou non des responsabilités; puis, deuxièmement, de donner aux municipalités, s'il y a un transfert de responsabilités, le pouvoir de se financer. Comment autrement que par la taxe foncière? Dans le fond, c'est un peu ça. Ça va?

M. Gourde (Gaston): Oui.

M. Dupuis: On s'entend là-dessus? Bon. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il reste neuf minutes.

M. Dupuis: O.K. Je ne veux surtout pas empêcher M. le député de Verdun de poser ses questions en matière de formation. Je lui laisse cette plage-là.

Une dernière pour vous, pour l'instant, sur le Conseil de surveillance. Vous dites: «Certains agissements des policiers seront considérés inacceptables par la population. Toutefois, ils résultent de certains comportements individuels en période de négociation.» Est-ce que je dois comprendre de votre mémoire que votre jugement des actes répréhensibles qui pourraient être commis par des policiers – mais faisons référence à l'actualité des dernières deux années, mettons, là, ou peut-être même des dernières cinq années – que certains actes répréhensibles n'auraient été commis que dans le cadre des négociations syndicales? Honnêtement, entre vous et moi, je pense que ce n'est pas le cas, mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Parce que le Conseil de surveillance, il n'a pas été créé pour ça.

M. Gourde (Gaston): Non, je comprends. C'est tout simplement que le texte aurait pu vouloir dire... Effectivement, c'est que, à cause du climat, là, à très court terme, il y a des comportements répréhensibles actuellement. Écoutez, je traverse le pont Pierre-Laporte assez souvent pour savoir que ce n'est pas facile.

M. Dupuis: Puis, moi, le pont Jacques-Cartier.

M. Gourde (Gaston): Bon. Alors donc, ce n'est pas facile de circuler quand les policiers commencent à vérifier les ceintures de façon systématique. Mais ça va au-delà de ça évidemment. Il y a des comportements répréhensibles, dans la police, qui vont au-delà des négociations. On ne veut pas imputer simplement au fait des négociations certains comportements, là.

M. Dupuis: O.K. Correct.

M. Gourde (Gaston): Si j'ai été lu ainsi, ce n'est pas de cette manière-là qu'on voulait l'indiquer.

M. Dupuis: D'accord. Moi, je suis content que vous ayez pu clarifier votre point de vue là-dessus parce que le mémoire était peut-être ambigu sur ce sujet-là. Tout en s'entendant probablement, vous et moi, que des comportements répréhensibles, ce n'est pas la règle, c'est l'exception, on s'entend là-dessus?

M. Gourde (Gaston): Bien, en tout cas, si c'était la règle, ce serait un grave problème. J'écoutais le ministre – j'étais content de l'entendre hier, à la télévision, je crois – dire: S'il est possible de demeurer dans un corps policier après avoir commis un acte criminel, il faudra changer la loi nécessairement. Et là-dessus je l'endosse à 200 %.

M. Dupuis: D'accord. Je vous remercie. Je vais laisser le député de Verdun, avec la permission de M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je vais limiter mes interventions sur l'École de police. Vous intervenez à trois niveaux. Le premier niveau, je prends acte à l'heure actuelle que vous êtes d'accord avec les représentations qui ont été faites, et par les universités et par la Fédération des collèges, au fait qu'il y ait une meilleure interaction et une prise en compte des cours qui se donnent actuellement à l'intérieur des collèges et à l'intérieur des universités.

Je remarque aussi, en troisième point, que vous dites, puisque vous êtes directement impliqués dans l'engagement des policiers, que la participation de votre Fédération devrait être plus importante dans l'administration de l'École de police, tant au niveau de la définition des programmes qu'au niveau du conseil d'administration. Donc, je ne vous poserai pas des questions là-dessus parce que je l'ai compris, puis je pense que je suis d'accord avec vous.

Il y a le deuxième point. Vous dites que, actuellement, il y a une taxe sur la masse salariale des policiers de 1 % qui va être utilisée en quelque sorte pour financer cette École de police et vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec ça parce que c'est quelque chose qui vous a été imposé par la loi n° 77 avec quoi vous n'étiez pas d'accord – et vous continuez à ne pas être d'accord – de financer l'École de police de cette manière-là. Et votre argument est le suivant, vous dites: Si, dans d'autres disciplines, par exemple pour former un avocat, c'est la société qui finance les facultés de droit ou les facultés de médecine, il n'y a pas de raison que, nous, nous ayons à financer l'École de police.

Mais il y a un point sur lequel je voudrais avoir une clarification de votre part sur cette question du 1 %. Vous savez que l'ensemble des grandes corporations du Québec doivent contribuer au maintien de la qualification de leurs employés parce qu'on part, maintenant, en consacrant 1 % de la masse salariale pour le maintien de la qualification et le maintien de la formation professionnelle. Alors, est-ce que ce 1 %, qui vous est en quelque sorte imposé sur la masse salariale, vient en plus d'un autre 1 % qui viendrait pour la formation professionnelle de vos policiers ou bien la manière de veiller à la qualification et au maintien de la qualification de vos policiers, c'est par cette contribution à l'École de police?

M. Gourde (Gaston): Je comprends votre question. En fait, finalement, vous voulez savoir si c'est 1 % plus 1 % ou seulement 1 %.

M. Gautrin: C'est 1 % plus 1 % ou c'est 1 %?

M. Gourde (Gaston): Bon. Bien, en tout cas, ma compréhension des choses... Et je vais vous répondre tout de suite en vous disant que, moi, je ne suis pas d'accord avec le deuxième 1 %, là.

M. Gautrin: Oui, oui, là, je comprends. Il est général pour tout le monde, hein?

M. Gourde (Gaston): Oui. Pour ce qui est du 1 %, je ne saurais vous répondre, peut-être que M. Peachy est plus en mesure de le faire.

M. Peachy (Claude): C'est 1 % sur la masse salariale, M. le député, de l'ensemble des corps policiers du Québec, qui représente 6 000 000 $ par année, auquel s'ajoute aussi les obligations de la formation de la main-d'oeuvre. Mais, si vous me permettez, je vous dirais, il y a certains...

M. Gautrin: Autrement dit... Attendez, il faut bien comprendre, Me Peachy. À l'heure actuelle, pour un corps de police, il y a un 1 % qui va à l'École, plus vous devez consacrer un autre 1 % pour le maintien de la formation et de la qualification de vos policiers. Est-ce que c'est ça?

M. Peachy (Claude): Je dois faire attention à la réponse, parce que la municipalité qui paie pour le corps policier paie 1 % à l'IPQ, l'Institut de police du Québec, mais elle est aussi tenue de payer le 1 % de la loi sur la formation de la main-d'oeuvre. Et vous allez me dire: C'est le même budget, par exemple, puis c'est le même argent qui est perçu des contribuables aussi, là. Alors, ça s'ajoute.

M. Gautrin: Ça, j'ai compris, mais est-ce que c'est 2 % ou 1 %? C'est 1 % plus 1 %, ça fait 2 %, chez moi.

M. Peachy (Claude): C'est parce que les unités sont différentes, M. le député.

M. Gautrin: Non, non, je comprends, mais dans la masse salariale que vous consacrez... Écoutez, pour votre contribuable, il y a une masse salariale qui est consacrée aux corps policiers et, à l'heure actuelle, est-ce que, comme tout employeur, vous consacrez 1 % de cette masse salariale à la formation et ça serait utilisé pour financer l'École de police, ou, parce que vous êtes un cas particulier, c'est 2 % chez vous fractionné en 1 % pour l'École de police et 1 % pour le maintien de la qualification? Mais, si c'est 2 %, je comprends que vous ne soyez pas d'accord.

M. Gourde (Gaston): On pourrait résumer en disant que, quant au reste, sur l'amélioration, la formation, la main-d'oeuvre, là, le 1 % que tout le monde paie, ça, on est astreint à ça, tout ça. C'est que, dans ce cas-ci, on a, de façon tout à fait particulière, dit: Pour financer l'Institut, on va aller chercher 1 % supplémentaire. Appelons-le comme on voudra, là, c'est ce que à quoi on s'oppose. Et j'ai compris aussi que l'Union des municipalités du Québec, l'UMQ, va dans le même sens d'ailleurs. C'est un peu particulier, finalement.

M. Gautrin: Autrement dit, votre argument est de dire: Il n'y a pas de raison que nous qui sommes les employeurs nous financions cette École, alors que, dans les autres secteurs, c'est l'État qui finance les universités ou les collèges à même le fonds consolidé.

M. Gourde (Gaston): Vous savez, comme citoyen – et rien ne se perd, rien ne se crée – là, c'est sûr que, si c'est payé ailleurs, ça ne sera pas payé chez nous. Cependant, on se pose juste la question, dire: Pourquoi, dans ce cas-ci particulier, agir de telle manière? Et, comme on est assez jaloux des résultats financiers dans nos municipalités, bien, alors, à ce moment-là, nous, on dit: Bien, écoute, si c'est imputable au gouvernement comme ça devrait l'être, bien, qu'il l'assume.

M. Gautrin: Merci.

M. Peachy (Claude): M. le député, si vous me le permettez, j'ajouterais à cette réponse qu'il faut considérer aussi que l'argent qui est perçu par les élus municipaux, il est perçu après imposition. Alors, si vous calculez un taux général d'imposition de 25 %...

M. Gautrin: Ça, je connais tout ça.

M. Peachy (Claude): Mais il faut faire des choix des fois.

M. Dupuis: Si je peux me permettre?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Si je peux me permettre, M. Gourde et M. Peachy, ce que j'entends, moi, c'est que, loin de vouloir vous enlever cette facture-là, le gouvernement songerait même à augmenter de quelques dizièmes de 1 % la facture de 1 % suite à la création de l'École de police. Et, je l'ai dit hier, je le redis ce matin, j'attends toujours que le ministre nie mon information, mais il ne l'a pas fait encore. Alors, plus je le dis, moins il le nie, plus je pense que vous pouvez le prendre pour acquis.

M. Gourde (Gaston): Écoutez, vous me l'apprenez.

M. Ménard: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste donc à remercier les représentants de la Fédération québécoise des municipalités, notamment M. Gourde, préfet de la MRC de La Nouvelle-Beauce, qui représentait donc la Fédération. Merci pour votre contribution à nos travaux.

(10 h 10)

Je rappelle que la commission des institutions est réunie afin de procéder à une consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Nous rencontrerons maintenant les représentants du Mouvement action justice représenté par M. Yves Manseau, coordonnateur, et M. Jean-Noël Mathieu, membre du conseil. J'aimerais inviter ces deux personnes à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous avons également réservé une période d'une heure pour cette rencontre, selon la formule habituelle, c'est-à-dire que les 20 premières minutes seront consacrées à la présentation de votre mémoire ou de votre position et nous passerons ensuite aux échanges. Alors, vous avez la parole.


Mouvement action justice (MAJ)

M. Manseau (Yves): Merci. Bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Premièrement, peut-être un mot sur Mouvement action justice, très rapidement. Nous sommes connus...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Excusez-moi, monsieur. Est-ce que vous pourriez vous présenter? Parce que j'ai deux noms, j'ai M. Manseau et M. Mathieu.

M. Manseau (Yves): Oui, je m'excuse. Yves Manseau, coordonnateur.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. Manseau (Yves): Malheureusement, je vais être seul. Vu l'affaire Barnabé qui est sortie soudainement cette semaine, toutes nos ressources sont retenues à Montréal. Alors, je suis venu seul. Je m'en excuse.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): D'ici à ce que votre siège social déménage dans la capitale nationale, non?

M. Manseau (Yves): Non, non, aucune prétention de notre part. Peut-être des groupes qui pourraient s'organiser ici. C'est en train de s'organiser ailleurs présentement.

Justement, peut-être, un mot. On est connu comme un groupe de pression, mais je pense que notre présence ici... Ce qui est moins connu, c'est que nous sommes aussi un groupe qui donne des services à la population, bien que nous ne soyons que des bénévoles. Présentement, nous accompagnons 76 personnes en déontologie policière dans le cadre d'un service d'accompagnement. Nous nous occupons de plusieurs dossiers, et je vous donne un exemple très récent. Ceux qui sont au courant, par exemple, de l'intervention policière à l'école Jeanne-Mance; alors, les parents nous ont contactés.

Ce qui est arrivé, c'est que notre groupe, initialement, est connu comme un groupe de défense des droits de la personne avec un préjugé reconnu pour les personnes les plus démunies. Seulement, à travers les années, ce qui se passe, c'est que, nous, notre membership – excusez l'expression – les gens qui nous appellent, les gens à qui on va rendre service, tend à s'étendre même aux gens qu'on pourrait appeler de la classe moyenne, qui souvent, eux aussi, se sentent démunis face au pouvoir policier ou face à la justice tout simplement. Par contre, en même temps, nous accompagnons bien sûr – ça, c'est plus connu – plusieurs familles qui ont eu la malchance de perdre des membres de leurs familles aux mains des corps policiers, comme par exemple la famille Barnabé, Suazo, Romanelli, François et d'autres.

Finalement, aujourd'hui, notre présentation, ce que je prévois faire dans mon 20 minutes, c'est peut-être, pour faire une introduction, d'abord, ce que nous pensons qu'il est pertinent de notre part – vu que nous sommes un groupe représentant des citoyens et des citoyennes – vous dire qu'on ne représente pas la population, bien sûr, mais on se sent un peu une responsabilité d'apporter l'approche des citoyens quand même face à la police, à l'organisation policière, et tout et tout. Un élément très négligé depuis plusieurs, plusieurs années au Québec, je trouve, il n'y a pas beaucoup de participation de groupes de citoyens ou de citoyens sur les débats sur la police. Ce qui me permet de dire – je dirais même – que, sauf la Commission de sécurité publique à Montréal, il n'y a pas d'endroit où les citoyens peuvent se faire entendre.

Je pense que c'est une première pour notre groupe ici, à l'Assemblée nationale. Ce qui me permet de dire que, vu que nous sommes très sensibles à tout ce qui facilite justement que les citoyens se fassent entendre, tout ça, j'ai beaucoup apprécié le contact avec M. Comeau et ses employés ici. On peut dire qu'ils ont une communication facile, ils ont vraiment facilité notre présence ici, au niveau des communications, au niveau de l'information. Déjà ça, c'est une bonne note, c'est la première chose dont on a besoin quand on veut que les citoyens s'impliquent: il faut faciliter ces processus-là.

Je vais vous lire un petit extrait... Parce que, après tout, cette réforme-là, la réforme de M. Ménard, le projet de loi n° 86, a été annoncée comme un suivi à la commission Poitras. Alors, je vais commencer par un petit extrait de la commission Poitras, des pages 10 à 15, qui est pertinent, bien sûr, à ce que je viens vous dire. Les commissaires ont dit: «La Commission a, ces deux dernières années, été aux premières loges pour apprécier à quel point les citoyens et les citoyennes sont, en temps normal, dépourvus de mécanismes leur permettant de faire valoir leurs besoins, leurs préoccupations, leurs observations, leurs critiques relativement à leur police quant aux questions qui les regardent et qui ne visent pas nécessairement à se plaindre dans un objectif d'imposition de sanction.

«La Commission a aussi pu constater combien les citoyens et citoyennes et groupes de citoyens peuvent constituer un apport important à une réflexion constructive sur les actions actuelles et sur les orientations de la Sûreté du Québec.» Et j'ajouterais, entre parenthèses: et tous les autres corps policiers du Québec.

Et – intéressant – nous-même, moi-même sous l'égide du groupe COBP que j'avais fondé il y a à peu près six ans, on a dû se battre pour être entendus, recevoir le statut d'intervenant à la commission Poitras. On avait annoncé un recours en Cour supérieure pour se faire entendre, et là on nous a entendus. Alors, c'est pour vous dire que ce dont vous êtes témoins ici aujourd'hui, c'est un cheminement d'un groupe de citoyens pour, avant tout, s'organiser en tant que groupe de citoyens pour se faire entendre et pour développer bien sûr aussi un discours, certaines compétences dans le domaine.

Pour ce qui est d'aujourd'hui, de notre mémoire, ce que j'ai l'intention de faire dans mon 20 minutes, je vais reprendre section par section et apporter certains points. Parce que notre approche ici aujourd'hui n'est pas d'essayer de faire tout, mais c'est bien d'apporter au moins certains points qu'on trouverait constructifs du point de vue des groupes de citoyens qui sont aux prises avec les problématiques de relations avec la police sur le terrain.

Alors, je vais passer l'introduction, je vais aller directement aux observations d'ordre général où, grosso modo, j'avais dit qu'on appuyait toutes les recommandations de la commission Poitras en regard de la création d'un conseil de contrôle permanent, et on disait que le Conseil de surveillance temporaire proposé par le ministre n'était pas du tout dans l'esprit du conseil permanent. Je ne veux pas m'étendre là-dessus aujourd'hui. On ne bâtit pas Rome en 24 heures, on est à l'écoute, on est pragmatique, on voit bien la tendance. Je ne crois pas... Comme M. le ministre disait hier à la télévision: Il a choisi le bistouri, il appelle peut-être cet aspect-là de la commission Poitras «la hache»; nous, on ne croit pas ça. Sauf... Je vais vous mentionner une seule recommandation.

Soit dit en passant, il y avait 20 articles dans le rapport de la commission Poitras, plusieurs articles multiples très importants, c'était le coeur du rapport de la commission Poitras. On les a à peu près tous mis de côté. Je vais juste vous en mentionner un qui, d'un point de vue de citoyen, est extrêmement important, c'est l'article 1.3 des recommandations, c'est: «...le Conseil de contrôle permanent tienne au moins quatre séances au cours d'une année civile, les audiences seront publiques, sauf lorsqu'il ordonnera une séance à huis clos.» Et je pourrais continuer, mais voici le point qu'on fait.

Le projet, présentement, ne laisse aucun espace, justement, pour que les citoyens se fassent entendre. Si ça pouvait être corrigé, si on pouvait considérer le Conseil de surveillance temporaire comme un projet-pilote, pourrait-on, s'il vous plaît, ajouter un espace où les groupes de citoyens et de citoyennes pourront se faire entendre dans la structure proposée?

(10 h 20)

Sur nos observations d'ordre général, le deuxième point qu'on avait soulevé, c'est le manque... On a manqué à notre avis l'opportunité, dans ce projet de loi là, de faire suite à des recommandations, encore là, de la commission Poitras en relation au régime syndical. Encore là, étant réalistes comme nous sommes, on ne s'étendra pas sur le sujet. À ce niveau-là, je vais aussi juste porter attention à une des recommandations dont, nous, nous penserions qu'il serait bien si elle pouvait être incluse dans le projet de loi qui se présente, c'est la recommandation 2.4.

Elle se lit ainsi: «...un membre qui occupe une fonction syndicale remette son arme, ses menottes, ses documents d'autorité...» et, pas nécessaire de continuer, le principe est simple ici, c'est que des agents de police délégués syndicaux qui travaillent à temps plein au milieu syndical devraient faire ça. Nous, sur le terrain, nous avons constaté, parce que nous-mêmes nous avons étudié plusieurs cas de mort d'homme, par exemple aux mains du SPCUM, mais les enquêtes et toutes les tractations qui se font en arrière, dans l'arrière scène, de la part des différents intervenants, nous avons remarqué que certains employés syndicaux à temps plein se servent de leurs outils de policier pour aller parfois influencer, interroger, chercher de l'information sur des témoins possibles et des choses comme ça. On trouve ça quelque chose de très, très important.

Alors, je pense que cet article-là de la commission Poitras réglerait ça. Nous pensons que c'est urgent. Alors, c'est tout ce que j'ai à dire pour ce qui était après tout des deux dimensions très importantes à nos yeux du rapport Poitras qui sont très faiblement présentes dans le projet de loi n° 86. J'ai oublié, mais il y avait plusieurs recommandations quant au régime syndical ou des relations employeur-employés dans le rapport de la commission Poitras.

Alors, je passe tout de suite à la partie de notre appui au projet de loi parce que, bien sûr, il y a des choses très intéressantes dans le projet de loi, surtout ce qui est sur la formation. Nous, nous trouvons ça très bien, bien sûr. Par contre, encore là, sur le terrain, ce qu'on remarque souvent – que, moi, je regrette souvent – c'est que, par contre, on semble dire que c'est une panacée ou on semble vouloir s'en servir, même, parfois pour excuser les bavures policières. À différentes étapes, par exemple, de certaines procédures judiciaires où des policiers sont mal pris, on trouve souvent, on va emmener comme témoins des professeurs de l'école de police, on nous a emmené les techniques. Et parfois je trouve que c'est utilisé d'une façon pas mal en contre-information, c'est-à-dire très hors contexte souvent et toujours, encore là, pour servir certains intérêts policiers.

Alors, l'autre aspect aussi à propos de la formation, c'est que, comme on le dit, on est d'accord que ça se fasse en milieu spécialisé interne, mais une des grandes problématiques des milieux policiers, c'est de se sentir un peu en dehors de la population, parfois au-dessus, mais certainement souvent en dehors et un peu séparé. Et c'est très important qu'on ait de plus en plus de gens formés dans nos corps policiers, dans ce qu'on appelle des milieux ouverts, c'est des milieux où ils peuvent être en contact avec tout le reste de la population. Et ce milieu de l'École elle-même, de l'École de police, souvent qui reflète plus le caractère fermé des institutions policières, elle-même, cette École-là, devrait s'ouvrir beaucoup plus aux influences extérieures. Et c'est pour ça que nous recommandons, nous, pour ce qui est de l'article 18 – puis l'article 33, c'est essentiellement la même chose – que... L'idée, c'est d'amener des personnes de groupes de pression ou de groupes de défense des droits de la personne à être impliquées dans la formation des policiers.

D'ailleurs, aussi, moi, j'ai proposé – ça n'a pas encore été accepté, mais je me dis que, avec les années, ça va venir – que des gens de chez nous et d'autres groupes de défense des droits de la personne, qui sont souvent critiques de la police, aillent dans l'École de police, qu'ils aillent dans les milieux de formation des policiers pour familiariser d'abord les policiers à ces gens-là qui les critiquent, qu'ils comprennent que les gens qui les critiquent ne font que jouer un rôle dans la société, comme eux en jouent un. Et essayer de diffuser un peu la dichotomie ou le blanc et le noir tout le temps et les types de pensée, que c'est une dualité, c'est un dualisme, ça, mais non, c'est quelque chose de tertiaire. On travaille tous pour les citoyens, on travaille tous pour la communauté. Alors, c'est certainement une plus grande ouverture dans les milieux de formation pour les policiers, toutes les tendances dans la société, et tout ça. Ce serait important.

Je passe maintenant au chapitre que nous avons intitulé Les incompatibilités . C'est un peu de l'heure justement, avec l'affaire Barnabé qui vient de ressortir. Là, nous avons fait un commentaire à propos de l'article 117. Je vais y aller brièvement. Ça, c'est l'article qui présuppose pour les policiers certains travaux qu'ils ne peuvent pas faire à temps partiel ou que ça serait contraire à leurs fonctions de policier. Nous, en plus «d'agent de sécurité incluant portier ou videur de bar», on précise des choses comme «les services d'escorte et de danseurs». Ça, c'est parce que notre expérience sur le terrain, on remarque que... Vous savez, le milieu policier...

Souvent, on part avec des bonnes valeurs, comme policier, tout ça, mais il ne faut pas oublier que ces gens-là travaillent constamment dans un milieu où on méprise souvent les valeurs de la société. On n'est pas nécessairement dans le meilleur milieu de la société pour ce qui est des valeurs fondamentales de la société. Et ce qu'on voit comme dérive souvent chez les policiers, la déviance policière va amener dans certains secteurs...

Comme, nous autres, à Montréal, quand on observe – parce qu'on suit les carrières des policiers, on suit tout ce qui se passe autour du milieu policier – on remarque que beaucoup d'entre eux vont faire du temps partiel dans ces milieux-là, qui sont quand même des milieux très proches du milieu criminalisé. Alors, on allume une lumière ici, on veut dire: Là, il faudrait regarder ça, peut-être préciser.

Après ça, quand on ajoute «toute récidive entraînera une destitution», c'est parce que, de la façon dont c'est formulé – je ne veux pas trop entrer dedans, je n'ai pas la prétention d'être un juriste, je vais laisser ça au législateur – on envoie l'idée... Ce que je dis, c'est que «toute récidive entraînera une destitution». Pourquoi? Parce que, comme on lit le projet de loi, c'est un peu comme: à chaque année, ils font des rapports d'activité puis c'est un peu comme... Ils pourraient le faire une année, le rapporter, ne pas le faire une autre année, le faire encore. Tandis que, si on voyait qu'il y a récidive, c'est-à-dire des gens, plus qu'après une fois qu'il est obligé de rapporter qu'il a une activité contraire à ce qui est permis pour un policier, s'il le fait deux, trois fois de suite, il faut voir que ça remet en question sa capacité d'être policier. C'est à peu près ça.

Par contre, l'autre élément au niveau des incompatibilités, c'est sur la question de l'article 119 bien sûr, dont on parle beaucoup ces jours-ci, et qu'on est bien content que le ministre ait placé dans son projet de loi. Il est central en effet pour amener un certain contrôle sur les activités policières. Et, encore là, tout ce que l'on suggère, c'est que, pour ce qui est d'actes criminels, c'est complètement incompatible avec le métier de policier.

Par contre, la deuxième partie de l'article 119 soulève que, pour ce qui est des policiers ou des constables spéciaux qui auraient été reconnus coupables, en quelque lieu que ce soit, d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, là, on ne mettait que des mesures disciplinaires à ça. Là, on trouvait que ça ouvrait la porte à une échappatoire, un «loophole» dans la loi, comme on dit en anglais, aux policiers qu'on sait trop bien qu'ils sauraient utiliser très bien. Parce que ça pourrait se faire de deux façons.

D'abord, vous savez... J'ai cinq minutes? Eh, mon Dieu! J'espère que ça pourra revenir au niveau des questions, c'est un point important. Mais c'est clair que, au niveau des policiers, ils pourraient décider, leurs confrères pourraient décider, ou des procureurs qui sont proches des milieux policiers, de... Vous savez, c'est un choix discrétionnaire, ça. Alors, ça pourrait tourner à l'avantage des policiers. Il faudrait fermer ce «loophole» là et s'assurer que, même pour ce qui est de condamnations par procédures sommaires, on mette que, où il y a violence, on ne puisse pas être policier.

Les dispositions pénales, assez important. Vite. À propos des dispositions pénales, on disait: C'est-à-dire, là, vraiment avoir de la dent dans un projet de loi; on avait trouvé qu'il y avait un trou là aussi. Les dispositions 260, 261, 262, c'est des dispositions comme le devoir de dénoncer leurs confrères, pour prévenir le harcèlement et l'intimidation de leurs confrères l'obligation de collaborer à des enquêtes, l'interdiction d'entraver des enquêtes – dans le fond, c'est dans le Code criminel, ça, mais, de toute façon, ça serait mis dans la Loi de police – et interdiction d'entraver le travail du Conseil de surveillance. Là on dit que des amendes monétaires, c'est farfelu. Ça, c'est des choses qui mériteraient la destitution. C'est ce qu'on dit, on laisse ça à M. le ministre.

Sur l'assistance judiciaire, on en aurait beaucoup à dire. Il y a une disproportion incroyable entre les pouvoirs policiers puis les citoyens. On le voit encore dans les cas de déontologie. Parce que ce n'est pas juste les citoyens, c'est même une institution comme la déontologie qu'on trouve quasiment... très pauvre en tout cas comparée aux pouvoirs policiers au niveau juridique.

On en voit encore l'exemple dans l'affaire Barnabé où, si vous me permettez de le dire, O.K., il y a une clause privative par exemple dans la question d'un appel sur une décision du Comité de déontologie. Ça se fait au niveau de la Cour du Québec. Il y a une clause privative, il n'y a pas d'appel. Ce n'est pas tout à fait vrai. Si on a vraiment une volonté de faire quelque chose, s'il y a des motifs, ce n'est pas absolu, une clause privative. On pourrait faire un appel, mais ça demanderait une certaine volonté et des moyens juridiques et des gens qui se mettraient à la tâche qui pencheraient du côté des citoyens puis qui régleraient ça de cette façon-là. Alors, ça, c'est pour ça.

(10 h 30)

Pour la partie surveillance civile de la police qui est très importante, ce dont je voulais parler – mais il me reste probablement deux minutes – c'est que ça, c'est le rôle des groupes comme le nôtre. Mais je tiens à dire que la surveillance civile, l'implication des citoyens pour les questions policières, ce n'est pas juste des groupes spécialisés comme nous, au contraire. Mais, vu que je n'ai pas beaucoup de temps, ce que je veux souligner, c'est le rôle des organismes souvent qui aident les plus démunis dans la société.

Si je prends, mettons, un groupe comme Action autonomie à Montréal, qui est dans la défense des droits en santé mentale, on sait qu'il y a un problème de société à cause de la désinstitutionnalisation et du manque de ressources pour des personnes avec des problèmes de santé mentale qui sont souvent dans les rues, qui va amener des problèmes avec la police. Et souvent ces groupes-là qui aident ces gens-là vont être impliqués dans le débat ou même pour ce qui est de quelle sorte de police et comment la police devrait se conduire, mettons, vis-à-vis de ces citoyens et citoyennes-là. Alors, c'est à peu près ça. Alors, je suis disponible pour vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Manseau, pour votre présentation au nom du Mouvement action justice. M. le ministre.

M. Ménard: Je vous remercie de vous être donné la peine, M. Manseau, de nous écrire un mémoire, que j'ai lu avec attention et que j'ai abondamment annoté. Je vous remercie d'être venu ici. Personnellement, j'estime important d'avoir un éventail d'opinions le plus large possible. Je comprends que votre Mouvement se livre parfois à certains excès de langage que je n'approuve pas, mais ce n'est pas parce que j'ai des différences d'opinions sur la façon dont vous défendez parfois vos points de vue ni sur certaines des actions que vous avez prises que je ne vais pas considérer votre opinion comme celle des autres partenaires qui sont venus ici.

Personnellement, j'estime important d'avoir l'opinion de gens qui fréquentent bénévolement les plus démunis de la société, ceux qui, très souvent... Parce que je sais que, les préjugés étant ce qu'ils sont, n'est-ce pas... C'est André Gide, paraît-il, qui disait: Le plus grand préjugé, c'est de penser qu'on n'en a pas. Généralement, les gens ne cultivent pas leurs préjugés. Les préjugés sont inconscients.

Je sais qu'il y a des préjugés vis-à-vis des gens les plus pauvres, parfois, les plus démunis, qui sont sans défense, et je comprends qu'il y ait des mouvements qui utilisent une certaine exagération de langage, qui sont finalement les seules antennes que l'on puisse avoir chez ces gens qui méritent le même respect que des gens plus riches et plus instruits. C'est pourquoi je suis heureux que vous soyez venu ici, et j'ai lu votre rapport en essayant de ne pas avoir de préjugés, même inconscients. Et la meilleure façon, c'est de reconnaître les différences que nous avons au départ pour que, ensuite, ça ne nous affecte pas.

Je pense qu'une des choses que vous appréciez le plus dans la suggestion d'avoir un comité permanent tel que la commission Poitras le recommandait, c'est la possibilité pour les citoyens de se faire entendre. Bon. Je comprends aussi de vos remarques préliminaires que vous avez été heureux de la façon dont vous avez été reçu ici par le personnel.

Si, effectivement, la commission des institutions de l'Assemblée nationale jouait ce rôle comme la Commission de la sécurité publique de la CUM, est-ce que vous trouvez que ce serait valable et que ça compenserait pour ce que vous attendiez du Conseil de contrôle décrit par le rapport Poitras?

M. Manseau (Yves): Bien sûr, ce serait un plus. Ce serait très apprécié, d'autant plus que ça ouvrirait la porte à ce que la réforme se continue avec plus d'apports des citoyens.

M. Ménard: Ça va. Je vous pose une question courte: D'après vous, qui contrôle la police dans une dictature?

M. Manseau (Yves): Dans une dictature?

M. Ménard: Oui.

M. Manseau (Yves): Bien, j'ai travaillé deux ans sous une dictature.

M. Ménard: Oui? Où?

M. Manseau (Yves): Je vous dirais que c'est le dictateur, bien sûr, mais le dictateur est toujours au service d'une classe de la société qui est, en général, les plus fortunés.

M. Ménard: C'est ça. Puis, dans un régime totalitaire, qui contrôle la police?

M. Manseau (Yves): Bien, écoutez, M. le ministre, ce n'est pas que je ne veux pas vous répondre, mais je peux-tu vous répondre aux deux premières remarques que vous avez faites? Je ne veux pas trop m'étendre sur les régimes dictatoriaux.

M. Ménard: Juste finir ce point-là. Je pense que vous...

M. Manseau (Yves): Bien, écoutez, je vais vous répondre ainsi, dans ce cas-là: Moi, j'ai travaillé sous une dictature. Maintenant, je suis au Québec. O.K.? Si je combattais la police sous Duvalier – c'est là que je suis allé – je le ferais d'une façon et, ici, je le fais d'une autre façon. Mais ce n'est pas parce qu'on n'est pas une dictature qu'on ne doit pas aspirer aux plus hauts standards de respect des droits fondamentaux de nos citoyens. Et je vous dirais aussi que, même quand on est dans une société riche, ça reste que nos plus démunis, de la façon dont on les traite, c'est encore là qu'on peut juger de nos standards quant à la qualité de notre société.

M. Ménard: O.K.

M. Manseau (Yves): Bon. Alors, c'est comme ça que je répondrais là-dessus. Mais est-ce que je peux vous répondre sur les deux points que vous avez soulevés à propos de notre groupe?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y, M. Manseau.

M. Manseau (Yves): À quelque part, vous m'avez défendu un peu tout de suite en partant. Vous avez raison. C'est qu'il y a un principe, en groupe de pression, très simple: quand vous commencez, vous n'avez aucun pouvoir. Et, si, en plus, vous représentez des gens qui n'ont pas de pouvoir, parfois le seul pouvoir que vous avez, c'est de crier. Et, si vous suivez l'évolution des groupes que j'ai fondés – parce que j'en ai fondé deux – vous allez remarquer qu'à mesure qu'on nous en donne un peu, de pouvoir, alors on joue notre rôle, comme tout membre responsable de la société, du mieux qu'on peut.

L'autre point aussi qu'il faut dire au niveau de la crédibilité: Ça, c'était un choix très clair. Moi, c'était facile. Avant, j'étais directeur général d'un organisme des droits de la défense reconnu dans le monde entier et j'avais remarqué que ça, ça cause un problème, parce qu'on est un peu au-dessus et très distant des gens, et je me suis sérieusement posé des questions sur jusqu'à quel point on était efficace. Et je me suis dit: On pourrait peut-être faire le même travail mais en allant plus près des gens. Et, quand j'avais lancé ces idées-là, c'est exactement ce que les gens m'avaient dit. Ils ont dit: Oui, mais vous allez perdre de la crédibilité. Mais j'ai dit: C'est tellement important que peut-être qu'il faut prendre le risque. Et on a fait ce risque-là, et finalement je pense que ce sera à vous de juger à mesure de l'évolution du travail qu'on fait.

Alors, ça, c'est la réponse à la question sur la crédibilité, et ci, et ça. Ce n'est pas qu'on s'en fout, au contraire. La preuve, c'est qu'on y porte très attention, mais pas au détriment de certains principes, objectifs et modes de fonctionnement qu'on s'est donnés en partant et en tant que groupe, parce qu'on représente... Et, moi, je suis un porte-parole et un leader, mais, quand même, nous travaillons sur les principes communautaires, sur les principes démocratiques, et je dois répondre à des gens, moi aussi, et on travaille du mieux qu'on peut, de la façon la plus démocratique possible. Mais on reste près des gens. Si c'est les prostitués, M. le ministre, qui sont le plus souvent victimes de brutalité policière à Montréal, nous, on va se tenir avec les prostitués, on va faire partie de leur association, on va leur donner de l'information, on va aller en cour avec eux autres, on va aller dans la rue avec eux autres, et c'est ce que nous faisons.

M. Ménard: Alors, je termine le raisonnement que j'avais entrepris avant de devoir l'interrompre pour vous permettre de répondre à ce que j'avais dit en préliminaire. Alors, qui doit contrôler la police dans une société démocratique?

M. Manseau (Yves): Bon. Je n'ai pas toutes les réponses à ça. Moi, je me penche beaucoup... J'ai découvert que les citoyens, on pouvait faire quelque chose. C'est certain que je vois que c'est en travaillant ensemble, toutes les institutions et les groupes de citoyens, pour contrôler la police. Ce que je vais vous dire, c'est que c'est difficile à faire au Québec présentement parce qu'il y a eu un laxisme de ce côté-là, il y a eu des erreurs.

Pour ne pas trop retourner dans le passé, le plus gros que, moi, j'ai trouvé, c'est dans les dernières 15 années, quand j'ai étudié tous les rapports d'enquêtes et la façon dont les rapports d'enquêtes étaient commandés. Parce que ça, c'est très important, quand on donne un mandat à une commission d'enquête ou à un juge-enquêteur, ça donne le ton un peu sur les... Ça met les paramètres, ça met les limites. Bon.

Vous-même, M. Ménard, vous en avez commandé quelques-unes dans cet esprit-là. On ne cherchera pas les coupables. Non, on va solutionner ça, on va connaître les problèmes, mais on ne cherchera pas les coupables. Alors, il s'est fait très peu de chose au niveau de l'imputabilité. Ça, c'est une problématique. Et je me rappelle, moi, avoir parlé avec M. Bellemare père, dans le cadre d'une conversation téléphonique d'une heure avec lui, il y a quelques années. Il m'avait mis au défi, il avait dit: M. Manseau, c'est bien beau, ce que vous voulez dire, puis je suis d'accord avec vous. Parce qu'on s'était entendu sur une chose: Toute cette déviance-là, déjà il y a cinq ans, quand je parlais à M. Bellemare, qui était une autorité en la matière, on s'entendait très bien puis on savait très bien que toute cette déviance-là existait et que c'était grave.

Mais il disait: M. Manseau, on ne peut pas le prouver, on n'a pas la capacité de faire condamner des policiers, c'est difficile, vous le savez très bien. Et c'est un autre aspect sur lequel on s'est beaucoup penché. Alors, la réponse, c'est: On continue, et tous les systèmes sont en place, mais on manque beaucoup de capacité d'enquête pour ce qui est des questions policières au Québec. Peut-être que j'ai trop divulgué, M. le ministre, puis je n'ai plus votre antenne, mais...

En tout cas, pour répondre à votre question, c'est la société civile, avec toutes ses institutions, qui va contrôler la police. Mais qu'est-ce que ça donne d'avoir des juges, des ministres et des Parlements si la vérité n'est jamais faite, s'il n'y a pas de capacité d'enquête, si on n'est pas capable d'aller au fond des choses, si on n'est pas capable de rentrer dans ce milieu très fermé là d'une façon bien équipée pour vraiment dire qu'est-ce qui se passe là puis vraiment porter des accusations quand il faut porter des accusations? Parce que des études, ce n'est pas suffisant.

M. Ménard: Bon. Vous nous avez laissé entendre, dans votre présentation, que vous aviez déjà entendu parler de policiers officiers syndicaux qui utilisaient leur statut pour faire des enquêtes. Bon. Moi, je n'en ai jamais entendu parler. Est-ce que vous pourriez nous signaler ces cas?

M. Manseau (Yves): Bien, vous avez eu beaucoup de demandes d'enquêtes... Je m'excuse, M. le ministre.

M. Ménard: C'est la première fois, personnellement, que j'entends parler de ça. Est-ce que vous pourriez éventuellement préciser pour qu'on puisse effectivement faire enquête là-dessus?

M. Manseau (Yves): Oui. Bien, si vous n'avez pas entendu parler de ça avant, c'est parce qu'on n'écoute pas souvent les citoyens. Par contre, vous avez une demande d'enquête devant vous, dans votre bureau, d'enquête publique, dans des questions de trois cas de mort d'homme, et ce que je viens de soulever, ça serait un des détails qu'un juge-enquêteur recevrait de nous. Et je peux vous dire que, si vous lisez ma demande d'enquête publique, qui est dans votre bureau, dans les cas de mort d'homme de MM. Suazo, Yvon Lafrance et Lizotte, vous allez voir que c'est exactement ce genre d'informations là qu'on veut donner. Je ne veux pas le donner aujourd'hui...

(10 h 40)

M. Ménard: On ne parle pas de la même chose.

M. Manseau (Yves): Bien oui, parce que je vous dis que ça, le détail que vous m'avez demandé, des précisions, j'assume, c'est un exemple. Moi, je me suis servi de celui-là, je pourrais en sortir beaucoup d'autres. Et c'est ça qu'on veut apporter à une commission d'enquête. Bien, je n'ai pas compris votre question.

M. Ménard: Non, vous n'avez certainement pas compris ma question. Vous souleviez... D'abord, situons-le dans le contexte. Vous parliez de la recommandation du rapport Poitras d'enlever à tout officier syndical son arme et ses documents d'autorité, ses menottes. Et vous disiez qu'il y avait des cas où des officiers syndicaux avaient utilisé leurs documents d'autorité pour faire eux-mêmes des enquêtes pour aider. Êtes-vous capable de nous nommer un cas, de nous indiquer un cas, qu'on puisse l'enquêter? Là, vous me parlez de Lizotte. Je n'ai jamais entendu parler que les syndicats avaient fait ça dans Lizotte.

M. Manseau (Yves): Bien, M. le ministre, dans la lettre que je vous ai écrite, je vous demande de nous rencontrer, on pourrait vous en parler, de ça. Maintenant, je suis un peu mal à l'aise, dans une audience publique, de commencer à pointer des individus et à citer des enquêtes criminelles. Mais je peux vous dire que, dans le cas Barnabé, c'est arrivé. Et ce que je soulève a été soulevé...

M. Dupuis: ...Barnabé, c'est arrivé.

M. Manseau (Yves): Oui, et c'est arrivé, et c'est soulevé dans la commission Poitras, cette possibilité-là, et c'est soulevé dans d'autres rapports d'enquêtes.

M. Ménard: Cette possibilité. Mais, à ma connaissance, ça ne s'est jamais réalisé.

M. Manseau (Yves): Bien, à votre connaissance...

M. Ménard: Je n'ai jamais entendu parler qu'un officier syndical ait utilisé ses documents d'autorité pour faire une enquête hors de ses fonctions. Je n'ai jamais entendu parler de ça.

M. Manseau (Yves): Ah! c'est très facile. À chaque fois qu'un officier syndical se présente, dans le cadre de son travail, chez un citoyen puis qu'il dit: Je suis un policier du SPCUM et je veux vous parler de tel cas, et, si c'est un cas qui est, à ce moment-là, sous enquête, ce délégué syndical là sort beaucoup de ses limites. Et c'est arrivé plus qu'une fois, M. le ministre. Mais rencontrez-moi, commandez une enquête publique dans l'affaire Yvon Lafrance et Suazo et vous allez en découvrir, des choses comme ça.

M. Ménard: Bien, je ne commande pas des enquêtes publiques pour clarifier des rumeurs.

M. Manseau (Yves): Bien, rencontrez-nous!

M. Ménard: Mais je n'ai jamais entendu parler d'un incident comme ça. Si vous êtes prêt à m'indiquer des cas concrets où un officier syndical avouait, je vous dis tout de suite que je suis convaincu que c'est considéré comme inadmissible par les directeurs de quelque corps policier qui serait intervenu. Mais, en l'absence de vérification que ces cas-là se sont produits, qu'il y a un problème, je ne vois pas quel problème cette disposition réglait.

M. Manseau (Yves): Alors, M. le ministre, lisez la lettre...

M. Ménard: Et je la considérerais comme purement vexatoire.

M. Manseau (Yves): Lisez ma demande d'enquête publique et puis...

M. Dupuis: Ça va. Bon. Je vois que j'avais sept questions à vous poser. Je comprends que vous ne voulez pas les écouter. Alors, je vais laisser mes collègues poser leurs questions.

M. Manseau (Yves): C'est bien.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté des ministériels?

M. Paquin: Peut-être une.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Oui. Vous vous intéressez beaucoup à la situation des policiers en milieu urbain. Est-ce que vous avez un point de vue sur le statut des agents de conservation de la faune et des contrôleurs routiers?

M. Manseau (Yves): Non. Vous savez, on est un organisme qui y va par pragmatisme, d'après les appels qu'on reçoit. C'est vrai que c'est en milieu urbain. Là, maintenant, nous commençons à avoir des dossiers. Nous en avons un à Saint-Jean-sur-Richelieu. Nous commençons à en avoir en milieu moins urbanisé. Et c'est autre chose, en effet. Et les agents de la faune, ça, je dois vous avouer, c'est très loin de nous encore. On n'a jamais eu d'appel.

M. Paquin: Au niveau de la formation des policiers, est-ce que vous avez des remarques à faire sur la formation de base du patrouilleur actuellement?

M. Manseau (Yves): Un peu comme le ministre dit, on travaille, on est des gens, des citoyens. On n'est pas des experts. On va par ce qu'on vit dans la rue. Sur la formation des policiers – là, je vais vous le dire pour prévenir, ça, c'est une rumeur – on a des cas. On les étudie. Je vais vous en donner – là, je vais vous la qualifier de rumeur tout de suite, on va l'approfondir – il y aurait même possiblement des professeurs actuellement à l'Institut de police qui n'ont pas un si bon record eux-mêmes et qui enseignent peut-être des choses plus ou moins recommandables. Comme, probablement, la majorité, par contre, doit être très bien.

Parce que, je dois avouer, ce que j'ai rencontré... Vous savez, c'est comme n'importe quoi, il faudrait, là, regarder. Maintenant, la formation, ce que j'ai remarqué dans l'affaire Suazo... C'est-u dans l'affaire Suazo? Oui. Il y avait eu, quand on regardait... J'ai suivi l'enquête du coroner et ce que j'ai remarqué, parce qu'on a amené des gens de l'Institut de police puis ce qui m'avait frappé... Et les commissaires ont dit: On devrait être plus sévères pour les plus jeunes policiers qui sortent de l'école parce que, apparemment, ils viennent juste d'apprendre des techniques de restreinte, mettons, puis on avait constaté dans un certain dossier qu'ils ne les avaient pas utilisées. Bien là c'était une technique d'utilisation de l'arme.

Alors, si c'est un policier que ça fait 15 ans qu'il est sorti de l'école puis il utilise mal une arme, on dit: Bon, il n'a pas appris les dernières techniques. Mais là on avait un policier qui était frais émoulu puis il n'avait pas utilisé les techniques telles qu'on les enseignait. Je peux être plus précis. Pendant qu'il pointait la tête d'un suspect, il l'avait manipulé du gilet. Ça, même pas besoin d'être un grand spécialiste pour savoir qu'on ne fait pas ça puis, en plus, il y avait d'autres policiers qui pointaient le suspect. Puis, quand on a demandé au policier pourquoi il n'avait pas suivi les règles, il dit, il répond: Les règles, ça, ils nous enseignent ça là-bas, à l'école, mais, nous autres, dans la rue, là, c'est autre chose, puis tout ça.

Soit dit en passant, ce policier-là n'a eu aucune sanction disciplinaire encore pour toutes les mauvaises utilisations de l'arme à feu qui ont amené comme conséquence une mort d'homme. Mais c'est particulièrement grave dans un cas où, on l'avait appris durant l'enquête du coroner, il venait d'étudier toutes les bonnes techniques. Alors, ce n'est pas tout, d'étudier les bonnes techniques, il y a beaucoup d'autres problématiques.

C'est le problème des valeurs, et c'est ça qu'on soulève au niveau de la formation quand je disais que ça doit être plus ouvert. On devrait beaucoup travailler à non seulement s'assurer que les policiers ont des bonnes valeurs, à les développer, mais il faut aller en formation continue et s'assurer qu'on donne tous les services et tous les moyens aux policiers de préserver leurs bonnes valeurs fondamentales à travers leur carrière. Parce que, comme je disais tantôt – je l'ai mentionné – une des difficultés d'être policier, c'est d'être constamment dans un milieu de la société où nos valeurs fondamentales sont souvent très négligées, et ça, ça a une influence.

Alors, il faut continuellement former le policier ou aussi le rencontrer ou, en tout cas, lui donner des moyens de se protéger de ça, parce que ça, c'en est une, des grandes causes de déviance policière ou de brutalité policière, la préservation. Parce que, en général, en Amérique, mais encore plus au Québec, au niveau de l'embauche, on embauche les gens sur d'assez bonnes valeurs, on fait une assez bonne sélection. Ça, c'est positif. Puis, dans les écoles – ça, je l'ai vu – on fait appel... On le voit quand on parle aux jeunes, ils ont des belles valeurs en partant. Alors, il faut se préoccuper aussi qu'ils les préservent à travers leur carrière.

M. Paquin: Dans les dispositions que le ministre préconise, c'est qu'il y ait un certain nombre de citoyens, en fait trois personnes, au conseil d'administration de l'École et aussi qu'il y ait quatre personnes nommées par lui à la Commission de formation et de recherche. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est une garantie opportune et adéquate d'une représentation du point de vue des citoyens dans cette institution qui est une institution-clé?

M. Manseau (Yves): O.K. On risque encore là de ne pas être appréciés. Je dois dire: Oui, c'est beau sur papier, on va nommer des gens, mais c'est qui qu'on va nommer? Alors, nous, on pensait qu'en étant plus spécifiques en parlant de groupes de défense des droits de la personne ou de groupes de pression dans ce domaine, j'ai déjà un petit peu plus de certitude qu'on va avoir des nouveaux sons de cloche.

Parce qu'il y a une autre chose qu'on a analysée du contrôle ou qui contrôle la police. Si on étudie, si, même, on regarde les dossiers depuis 15 ans, 20 ans, soit à l'ancienne Commission de police, par exemple, à la déontologie policière actuellement et au ministère de la Sécurité publique, vous voyez les mêmes joueurs, tout ça. Puis, dans les milieux universitaires, partout dans les milieux, vous voyez des gens nommés sur différents postes. Ça, on voit que c'est un milieu un peu fermé aussi. On dirait que le milieu des personnes nommées à différentes instances dans le domaine du contrôle civil de la police, ça reflète un peu la police où je dis que c'est un milieu fermé un peu, et parfois le monde autour qu'on nomme, c'est fermé.

Alors, on voudrait l'ouvrir, amener de l'air frais. Mais c'est une façon de dire... On n'est pas législateur, nous autres, c'est une idée qu'on lance. Vous savez, on le met, c'est la forme, parce qu'on l'a, c'est un projet de loi, mais on veut surtout débattre des idées; au législateur, aux experts, au ministère de la Sécurité publique de formuler ça. Mais je pense que l'idée est bonne, c'est notre position en tout cas.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: Merci, M. le Président. M. Manseau, c'est sûr que, lorsqu'on est un groupe comme le vôtre qui vous êtes donné une mission de protection des droits de la personne, particulièrement celles qui viennent en relation avec les policiers, c'est sûr qu'on voit la réalité sous un aspect particulier qui est l'aspect plutôt dramatique, toujours, des relations entre les policiers et les citoyens. Moi, j'aime toujours ça, quand je m'adresse à un groupe comme le vôtre, essayer de voir un petit peu, là, au-dessus de la forêt, parce qu'on peut avoir l'impression en vous écoutant que tout va mal et que tout est dramatique et qu'on fait face à une situation qui est presque catastrophique. J'aimerais ça qu'on en discute, vous et moi, pendant quelques minutes, de ça. J'en ai discuté d'ailleurs avec La Ligue des Noirs, qui a une mission semblable à la vôtre, et finalement on a réussi à déterminer ensemble un certain portrait, pour s'attacher ensuite vraiment aux situations qui sont carrément dramatiques.

Est-ce que vous reconnaissez que, sur le nombre... Bien, vous, évidemment, votre point de vue, votre analyse de la situation entre la population et des policiers est une analyse qui est faite surtout dans le milieu du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. Est-ce que je me trompe?

(10 h 50)

M. Manseau (Yves): Oui, ça a commencé comme ça. Ça s'étend un peu présentement.

M. Dupuis: Oui. Mais, dans le fond, votre expertise – si je peux me permettre d'employer cette expression-là – est plus Montréal. O.K. Alors, sur le nombre d'interventions qui se font à Montréal, de toutes sortes, à l'égard des citoyens de ce territoire-là, par les policiers – de toutes sortes – est-ce qu'on peut s'entendre, vous et moi, sur le fait que des situations où des actes répréhensibles, selon vous, seraient commis par des policiers sont quand même des situations minoritaires sur le nombre d'interventions total? Est-ce qu'on s'entend là-dessus, vous et moi?

M. Manseau (Yves): Oui et non, si vous me permettez. Pour le côté qu'on a une perception qu'on dramatise, malheureusement, pour certaines couches de la société avec lesquelles je travaille, c'est dramatique. Pour les plus démunis, c'est dramatique. Je m'excuse, c'est ce que je dois vous répondre.

J'ai été le premier à dire que c'est certain qu'il y a certains milieux – je n'aime pas ça, les nommer, parce qu'on peut se faire... ça peut nous rebondir – plus favorisés. Il y en a plein autour du centre-ville. On travaille en plus beaucoup plus dans le centre-ville, nous. C'est là qu'ils sont, les problèmes. Alors, c'est certain que, avec vos fameuses 800 000 interventions de M. Prud'Homme, tout va bien. Oui, mais, moi, je me préoccupe beaucoup des 200, des 300, des 500, des 600 interventions qui ne vont pas bien ou des attitudes systémiques, dans les rues de Montréal, de policiers vis-à-vis des plus démunis. Ça ne va pas bien.

M. Dupuis: M. Manseau, on ne s'est pas compris, je pense. On va y venir, à ça, si vous voulez, là, les situations dramatiques. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de situations qui méritent qu'on s'y attache plus particulièrement. Je veux juste essayer de dégager un portrait avant d'aller plus loin avec vous sur le nombre. Même dans les milieux que vous fréquentez professionnellement plus que les autres – je comprends que vous êtes moins dans certains quartiers de Montréal que dans d'autres – même dans les milieux où les policiers font le plus d'interventions, pour toutes sortes de raisons, là, même dans ces milieux-là, des situations où on peut reprocher à des policiers des actes répréhensibles quels qu'ils soient, sur le nombre total d'interventions qu'ils font, les policiers, il reste que c'est des situations minoritaires. Ce n'est pas dans toutes les interventions que vous avez des actes répréhensibles à reprocher aux policiers. C'est ça que je veux essayer de dégager avec vous.

M. Manseau (Yves): Oui, permettez-moi...

M. Dupuis: Si vous me dites qu'ils sont toujours répréhensibles...

M. Manseau (Yves): O.K. Vous allez peut-être comprendre. Si je construis une maison en brique puis je pose 10 000 briques puis – je ne sais pas, moi – 9 600 briques sont bien posées, bien, j'ai tout un coin, en bas là, que j'ai mal posé, ça va mal. Excusez-moi, c'est parce que...

M. Dupuis: C'est beau. Il n'y a pas de problème.

M. Manseau (Yves): Je pense que c'est important, vous soulevez un bon point. Parce qu'un groupe comme nous autres doit faire face à un pouvoir policier qui a d'immenses moyens, des services de relations publiques et une population, en général, incluant moi-même, qui aime la police. Je vais vous répondre mieux aussi. Bien sûr, la police, on en a tous besoin, et c'est un élément très respectable de notre société. Mais, pour notre organisme et à ce stade-ci, il y a une situation de crise dans le travail de la police au Québec. C'est certain, là. Je pense qu'il faut être déconnecté pour ne pas le voir. Il faut écouter la population un peu. On n'est pas très satisfait, dans la population, de la situation policière au Québec, première des choses.

Mais imaginez-vous dans les plus démunis. Et, comme je vous dis, les standards de civilisation, c'est comment on traite nos plus démunis. Parce que, quand on est riche puis tout va bien, oui, la loi et l'ordre, pas de problème. Mais qu'est-ce que vous voulez? Si on veut évoluer comme société... Alors, que vous me disiez des 800 000 interventions... Oui, mais je ne veux pas rentrer dans le discours qui cherche à toujours camoufler. Parce que c'est ça que j'appelle du camouflage, si on veut se fermer les yeux, être dans le déni.

Vous savez, les policiers, un de leurs problèmes dans leur culture, c'est qu'ils sont dans le déni. Regardez dans l'affaire Barnabé, ils sont dans le déni. Ils ne reconnaissent jamais leur erreur. Ils ont été reconnus coupables au criminel, tout ça, et on n'a jamais d'excuses, de reconnaissance d'erreur. C'est pertinent à votre question, voyez-vous. Mais pourquoi je m'élève contre votre question? Parce que plus on va chercher à éviter le problème en regardant juste les côtés positifs, plus on va nourrir ce sentiment de déni là comme on va nourrir ailleurs le sentiment d'impunité, et on se ramasse avec des gens qui meurent puis avec des gens qui sont victimes de brutalité policière.

Puis, oui, ça se passe plus au centre-ville, ça se passe plus dans certains milieux. Mais je vous dis aussi – et ça, je suis surpris: Plus je travaille, plus les gens nous appellent. Ça se passe dans les milieux de classe moyenne. Là, les parents de l'école Jeanne-Mance qui nous appellent, c'est tous des gens du Plateau Mont-Royal à Montréal, des gens éduqués, tout ça. Je suis surpris. On reçoit des professionnels, on aide un ingénieur sur la rive sud présentement. C'est ça, là, il commence à y avoir des dérapages. Malheureusement, je regrette, mais ça ne va pas si bien que ça.

M. Dupuis: M. Manseau, la seule chose que je voulais établir avec vous, c'est que, si on veut apporter des vraies solutions à des vrais problèmes, encore faut-il être capable d'identifier quels sont les vrais problèmes. C'est la seule chose que je voulais établir avec vous. Et donc je pense qu'il serait faux de prétendre que tous les gestes qui sont posés par les policiers sont des gestes répréhensibles, comme il est faux de prétendre qu'il n'y a pas de gestes répréhensibles qui sont causés par les policiers. C'est la seule chose que j'essaie d'établir avec vous.

M. Manseau (Yves): Bien ça, je suis d'accord.

M. Dupuis: Autrement dit, je ne suis pas votre ennemi, j'essaie juste qu'on établisse... Si on veut apporter des vraies solutions à des vrais problèmes, encore faut-il être capable d'identifier les vrais problèmes. C'est la seule chose. O.K.? Ça va?

M. Manseau (Yves): Je suis d'accord avec vous. Il y a beaucoup de bons policiers, j'ai un frère policier, ma fille sort avec... Elle est allée avec... j'ai des amis policiers, on a des membres policiers dans notre organisation. Écoutez...

M. Dupuis: D'accord.

M. Manseau (Yves): C'est que ce n'est pas mon rôle, parce que mon rôle est justement de contrer une sorte... Parce qu'une grande partie du problème, c'est que des choses que vous soulevez, comme ça, moi, je réagis – j'avoue – en simple citoyen mais qui regarde les choses d'un autre angle. Et puis ça le dit tout le temps, mais c'est des discours qu'on me sert tout le temps pour éviter les vrais problèmes.

La vraie réponse à votre question, si on veut s'attaquer – et c'est ce que M. Bellemare me disait, tantôt, quand je faisais ma remarque sur M. Bellemare, le vrai problème que vous soulevez, il est au coeur du problème – si on veut solutionner les problèmes il faut bien les connaître. Dans le cas des institutions policières, il est là, le problème: on n'arrive pas à bien connaître la situation, tout ça, parce que c'est un monde fermé, on n'a pas de capacité d'enquête, on n'a pas d'institutions qui peuvent aller vraiment dans les corps policiers puis vraiment nous dire qu'est-ce qui se passe là-dedans. On est au coeur du problème, bien sûr.

Mais je ne veux pas trop m'attarder à tout ce qui va bien, et ce n'est pas mon travail. Mais je le reconnais, quand je rencontre des policiers sur la rue, quand je rencontre des institutions policières officiellement puis qu'ils font des choses comme il faut, je le dis, parce que, bien sûr, c'est bien de le dire, personne n'est contre la vertu. Mais ce n'est pas mon travail. Mon travail, c'est justement ce que vous soulevez: il faut bien connaître la situation et il faut aller là où sont les problèmes.

M. Dupuis: Un des problèmes, je pense – je ne sais pas si vous allez être d'accord avec moi – en fait, l'une des attitudes qui font en sorte que la population soupçonne souvent les policiers de se renfermer et d'appliquer la loi du silence, celle qu'il a été convenu d'appeler la loi du silence, c'est, lorsque arrive un événement – là je ne veux pas nécessairement qu'on discute d'événements précis – des événement comme l'affaire Barnabé à l'époque, l'affaire Lizotte récemment, etc., dès qu'un événement comme celui-là arrive, tout le monde se tait, tout le monde dit: Bien là on protège les droits de tous les gens qui sont impliqués dans l'événement, et tout le monde refuse de répondre à toute espèce de question qui pourrait leur être posée.

Alors, évidemment, quand arrive un événement semblable, qui est rendu public, et que la population constate que tous les acteurs se taisent pour des raisons – qui peuvent être valables – de protection des droits, etc., je pense que vous êtes d'accord avec ça, mais, quand la population constate que tout le monde se tait, la population, elle se dit: Ah! ils veulent nous cacher quelque chose, il doit y avoir quelque chose de pas correct là-dedans. Et là, ensuite, ça part.

Ça, je pense que c'est un des facteurs pour lesquels la population, de temps en temps, a l'impression qu'on lui cache quelque chose, c'est que tout le monde se tait, pour des raisons que, vous, vous comprenez probablement, intellectuellement, le silence: c'est que tout le monde cherche à protéger ses droits parce qu'une enquête est en train de se faire. Mais il reste que l'impression qui reste, pour la population, c'est qu'on essaie de lui cacher quelque chose. Êtes-vous d'accord avec moi sur ce que je viens de dire, pour l'instant?

M. Manseau (Yves): ...clarification?

M. Dupuis: Pardon?

M. Manseau (Yves): Je peux-tu vous demander une clarification à votre question?

M. Dupuis: Oui, oui, allez-y.

M. Manseau (Yves): Êtes-vous en train de me dire qu'une des raisons pourquoi il y aurait ce silence-là, ce n'est pas qu'on pourrait par contre cacher ou ne pas vouloir dénoncer des comportements déviants de nos confrères?

M. Dupuis: Non, je ne porte pas de jugement là-dessus, M. Manseau. Je dis simplement que le fait que, dès qu'un événement arrive, tout le monde se tait, ça contribue à ce que la population se dise: Ils doivent essayer de nous cacher quelque chose, ils ne veulent pas parler, personne. C'est un peu ça.

M. Manseau (Yves): Oui. Mais vous savez...

(11 heures)

M. Dupuis: Bon. Vous, avez-vous des solutions à ça, avez-vous réfléchi à cette question-là? Et est-ce qu'il y aurait des solutions, tout en protégeant les droits de toutes les parties qui sont impliquées? Est-ce que vous voyez une façon dont les services de police ou les autorités, peu importe, pourraient se comporter, quand arrive un événement semblable, qui ferait en sorte qu'il n'y aurait pas cette impression créée dans l'esprit de la population?

Autrement dit, est-ce qu'on est obligé de vivre avec ce danger-là tout le temps, c'est-à-dire que, parce que les gens veulent protéger leurs droits face à un enquête possible, ils se taisent? Le prix à payer pour ça, c'est que la population pense qu'on cache quelque chose puis que cette impression-là reste dans son esprit. Ou est-ce qu'il y a des façons dont on pourrait agir qui pourraient minimiser cette impression-là que la population peut avoir lorsqu'il se produit un événement?

M. Manseau (Yves): Il y en a dans le projet de loi, d'obliger les policiers à faire des rapports, s'ils ne sont pas concernés, sous accusation criminelle, à collaborer aux enquêtes. Parce que, à date, quand on dit: Se taire, bien, c'est une chose qu'on faisait. Regardez dans l'affaire... Bien, quand la Fraternité des policiers envoie une directive qui dit: Ne collaborez pas aux enquêtes, c'est des choses qu'on est en train de changer. Ça ne serait plus acceptable. Alors, je réponds à votre question comme ça, bien sûr. Maintenant, je pourrais vous en donner tout une autre liste, mais vous me dites que vous ne voulez pas que je parle par cas. Moi, je ne suis pas un intellectuel, là, on est des citoyens puis on est sur le terrain.

Mais, si on prend l'affaire Lizotte qui est un peu à notre mémoire, O.K., dans l'affaire Lizotte, il y avait des témoins connus de la population, j'en connaissais moi-même personnellement, et puis la SQ a pris pratiquement un mois avant de retracer ces témoins. Et, quand une fois, moi, j'étais avec une journaliste puis je parlais avec... la journaliste était là, puis j'écoutais le responsable de la SQ qui disait: Bien, madame, on n'a pas une boule de cristal, vous savez. Alors là ce que je soulève là, ce que ça soulevait, cette affaire-là, dans l'affaire Lizotte, c'est qu'il ne semble pas y avoir un grand zèle. Je ne veux pas qu'il y ait plus de zèle contre les policiers que contre les citoyens, mais là il y avait moins de zèle. Et c'est quelque chose qui a été souvent soulevé dans toutes les enquêtes.

Alors, le silence que vous faites, il s'exprime de toute façon, pas juste les gens ne parlent pas, parfois c'est que les gens n'agissent pas. Et voilà! Alors, si j'en ai, des solutions? Bien sûr, c'est juste en homme pragmatique. Moi, je ne suis pas venu aujourd'hui en pensant toutes vous les énumérer, je vais me faire peut-être même accuser d'être opportuniste parce que, voyez-vous, c'est notre première fois. S'il y en a d'autres, commissions parlementaires, on pourra devenir plus professionnel que la première fois.

Je vous donne un autre exemple. On était invités – je ne sais pas, M. Corbo est là justement – il y a quelques années, à votre comité d'études, M. Corbo. Nous, on a refusé. On a dit: On ne peut pas y aller, parce qu'on n'était pas prêt, on était encore au stade du «créage» comme M. Ménard l'a soulevé. Mais on ne faisait pas que créer, on étudiait.

Pour ce qui est de la déontologie policière, à l'automne prochain, on aura une réponse, on va avoir une étude, puis là ce ne sera pas juste qu'est-ce qui s'est fait au niveau de la réforme, qu'on n'était déjà pas d'accord mais on n'était pas capable de l'exprimer à ce moment-là. Mais là on vit avec l'après-réforme. On l'avait dit, par exemple, que c'était juste une réforme sous prétexte des coupures gouvernementales, puis il y aurait moins de services, puis la situation...

Quand on va vous sortir notre rapport, cet automne, vous allez bien voir que ça fait dur, la déontologie policière. Là, on va me demander des faits et des faits. Attendez jusqu'à l'automne. On étudie. On va les présenter. Il y en a, des choses, qui ne vont pas à la déontologie policière, on en a une dans l'affaire Barnabé encore: la disproportion entre le pouvoir judiciaire et les moyens que la Fraternité des policiers peut mettre, souvent à nos propres frais – ce n'est pas le cas dans l'affaire Barnabé parce que c'est un cas de crime grave, mais, en général – et puis les procureurs du Commissaire qui ont plus ou moins de moyens, plus ou moins d'enquêteurs, etc. Là, je vous en donne un exemple, il y en a plein.

Mais finalement le silence de la police, ce n'est pas juste le silence de la police, c'est le silence aussi des institutions chargées jusqu'à date de la surveillance de la police, c'est le silence parfois des politiciens, c'est le silence parfois des gens en déontologie policière, c'est le silence parfois des gens au ministère de la Sécurité publique, des gens qui savent...

Moi, je me dis: Il doit y avoir un paquet de monde, dans toutes ces places-là, qui savent encore mieux que moi les choses que je dis. Moi, je les ai apprises sur le terrain. Quand on regarde toute la somme des études qui ont été faites sur la police depuis des années, des enquêtes publiques, puis, nous, on étudie ça aussi, puis là j'en apprends, je me dis: Mon Dieu! Il y en a, du monde. Puis ces gens-là ont une responsabilité aussi de peut-être mettre leurs culottes face aux pouvoirs policiers et puis de commencer à légiférer sérieusement puis de commencer à faire ce qu'ils ont à faire.

M. Dupuis: Vous êtes sûrement d'accord avec le fait que la formation est un outil privilégié pour former des gens qui non seulement vont avoir les valeurs en eux qui sont nécessaires pour faire des policiers, comme on s'attend à ce qu'ils exercent leurs pouvoirs, mais qu'ils conservent ces valeurs-là tout au long de leur carrière. Vous êtes d'accord avec le fait que la formation est l'outil privilégié. Vous avez même mentionné que vous étiez prêt et que vous pensiez que ce serait une bonne idée que de temps en temps, à l'École de police, on invite quelqu'un comme vous pour aller s'entretenir avec les policiers, ce qui n'est pas une mauvaise idée, je dois le dire.

Est-ce que vous auriez des suggestions à faire sur la façon... Connaissez-vous un peu la façon dont on sélectionne les candidats au Diplôme d'études collégiales ou autrement? Est-ce que vous connaissez les critères de sélection?

M. Manseau (Yves): Pas trop, trop, parce que j'ai fait des demandes au SPCUM parce qu'on voulait ça, nous autres, les critères, les tests psychologiques, et tout ça. On n'a pas encore obtenu ça, mais on sait qu'il se fait des choses. C'est ça, là. Je ne peux pas juger des choses que je ne sais pas.

M. Dupuis: Donc, vous n'avez pas de suggestion à faire à personne à cet égard-là.

M. Manseau (Yves): Au niveau de la sélection?

M. Dupuis: Oui, au niveau de la sélection des candidats, à la fois des candidats qui commencent un Diplôme d'études collégiales en techniques policières et/ou des candidats qui appliquent dans les différents services de police. Avez-vous réfléchi à ces questions-là? Avez-vous des...

M. Manseau (Yves): Un peu. Peut-être qu'on pourra revenir plus tard avec ça, mais je sais qu'il y a des tests de valeur qui peuvent se faire, des tests psychologiques, des tests d'orientation. Je vais vous passer une remarque, parce que je suis un homme de terrain. J'ai ma nièce qui enseigne au collège Ahuntsic, où est-ce qu'il y a une formation, là, pour les policiers. Elle enseigne parfois à ces policiers puis elle me dit – et elle est très sérieuse, c'est une scientifique, elle enseigne la biologie, voyez-vous – que, quand c'est les classes de police, ça jure un peu avec les autres étudiants qui viennent d'autres secteurs. Alors, déjà, il se fait une sélection à quelque part: qui veut être policier, tout ça.

Ça rejoint ce qu'on essaie de faire dans le domaine où on veut attirer des gens des milieux ethniques à venir dans la police, vous savez. Ce n'est pas juste une question d'avoir une sélection, tout ça, mais il faut arriver à rendre ça assez attrayant, avec des milieux assez attrayants au niveau de la culture, au niveau des valeurs, pour qu'on puisse amener des gens là-dedans qui normalement n'y iraient pas.

Il y a une affaire intéressante qui est un indicateur, pour vous, des choses que vous soulevez. Quand la SQ a ouvert pour les postes en entrée latérale, là, ça a été intéressant de voir toutes les différentes gens de la communauté qui auraient été peut-être travailler à la SQ, et ça, ça serait un apport très intéressant à cette institution-là. Alors, ce que j'essaie de vous dire aussi, c'est que...

M. Dupuis: Est-ce que le fait que le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal ait mis l'accent – sans qualifier de quelle qualité – sur l'engagement de gens qui sont issus des différentes communautés culturelles a aidé au climat qui existe entre les policiers et la population? Est-ce que ça a aidé?

M. Manseau (Yves): Absolument. Ça, oui, et la même chose pour l'emploi des femmes.

M. Dupuis: Donc, les relations se sont améliorées suite à ces engagements-là?

M. Manseau (Yves): Oui, sauf qu'il y a une difficulté, il n'en rentre pas autant qu'on voudrait, et puis...

M. Dupuis: Pas dans la proportion que vous souhaiteriez.

M. Manseau (Yves): Non, il y a du travail à faire encore.

M. Dupuis: C'est beau. Merci.

M. Manseau (Yves): C'est bien.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste donc à vous remercier, M. Manseau, pour votre présence ici aujourd'hui.

Nous allons donc passer à la prochaine étape de nos travaux. Nous aurons, toujours dans le cadre de cette consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police, l'occasion de rencontrer M. Claude Corbo, qui est professeur au Département de sciences politiques à l'Université du Québec à Montréal et qui, tel qu'il l'explique dans son mémoire, s'exprime au nom de lui-même, en son propre nom.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors donc, bienvenue, M. Corbo. Nous avons une heure à notre disposition, une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire. Alors, je vous cède la parole.


M. Claude Corbo

M. Corbo (Claude): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je vous remercie du privilège que vous m'accordez de pouvoir contribuer à votre réflexion, au moins sur la partie I du projet de loi n° 86 qui traite de la formation. Je vous ai envoyé un mémoire dans lequel j'ai signifié mon accord personnel avec cette première partie du projet de loi. Elle pose les bases nécessaires de ce que j'appelle un système intégré de formation policière.

Il appert toutefois que certains des témoignages que vous avez entendus sont moins d'accord avec certaines dispositions de ce projet de loi. Je parle toujours des articles 1 à 47. Alors, aujourd'hui, si vous me le permettez, au lieu de simplement reprendre le mémoire que je vous ai envoyé, je voudrais examiner avec vous certains aspects problématiques tels qu'ils ont été dégagés par des témoignages antérieurs que vous avez entendus.

Il y a, à mon avis, deux grands enjeux sur lesquels il nous faut avoir des idées peut-être plus claires. D'une part, il y a la question du modèle de formation du personnel policier et, d'autre part, il y a la question du statut et du rôle de l'École nationale de police du Québec. Alors, je vais aborder ces deux questions.

(11 h 10)

Commençons par le modèle de formation policière. Le projet de loi n° 86 propose les grandes lignes d'un modèle de formation policière qui m'apparaît clair, cohérent et réaliste. L'article 1 identifie trois domaines de pratique policière. Le même article établit le principe que la réussite d'une formation professionnelle qualifiante conditionne l'exercice de chacun des trois domaines de pratique policière.

L'article 2 distingue divers types d'activités de formation et établit une séquence de formation et de pratique. On commence par être patrouilleur avant de devenir soit enquêteur, soit gestionnaire, ou éventuellement les deux. Alors, ce modèle a été mis en cause, d'une part, par certains propos des associations policières, d'autre part, par certains propos venus du milieu auquel j'appartiens, c'est-à-dire le milieu universitaire.

Commençons par les associations policières. Elles ont exprimé une très vive réticence à l'idée que l'accès aux fonctions d'enquête soit nécessairement précédé par la réussite d'une formation professionnelle qualifiante. Elles ont signifié que peut-être on pourrait allonger la formation initiale de 13 semaines dispensée par l'Institut de police et que, en tout état de cause, s'il devait y avoir une formation explicitement préalable à l'affectation des travaux d'enquête, ce serait réservé pour les enquêtes spécialisées.

Je dois vous dire que je ne suis pas outre mesure surpris de ces positions des associations policières. J'ai même eu l'occasion d'avoir des débats, comment dirais-je, vigoureux avec les présidents des associations, virils, dirait-on. Et, vous savez, M. le Président, quand on est petit et chétif comme moi, ça laisse un souvenir absolument inoubliable. Cela dit, la position des associations policières m'apparaît difficile à accepter.

Ainsi, les associations policières nous disent – en tout cas, elles me l'ont dit à moi – qu'une expérience significative de patrouille est un préalable nécessaire et incontournable à la nomination comme enquêteur. On sait la réticence que les associations expriment à ce que l'on fasse des entrées latérales directement dans les fonctions d'enquêteur. Mais, si l'on suit ce raisonnement selon lequel la pratique de patrouille est une école de formation et qu'elle procure une expérience qui est en quelque sorte préalable à l'action comme enquêteur, je vois mal qu'on puisse placer une formation d'enquête avant même que l'on ait une expérience de patrouille policière, ce qui est la suggestion que font les trois associations en allongeant un peu la formation initiale de 13 semaines. Donc, ça m'apparaît bien difficile de réconcilier l'idée que l'expérience de patrouille est indispensable pour faire un bon enquêteur, mais qu'on va faire apprendre le métier d'enquêteur avant toute expérience de patrouille.

Deuxièmement, à l'heure actuelle, avant de devenir enquêteur, d'après les règles en vigueur, souvent des règles de conventions collectives, il faut avoir accumulé plusieurs années d'expérience comme patrouilleur avant d'être éligible à devenir enquêteur. Par exemple, c'est cinq ans dans divers corps policiers, ça peut être un petit peu moins, mais il y a plusieurs années d'expérience qui sont préalables à l'affectation comme enquêteur.

Alors, je pose la question suivante: Si on forme à l'enquête avant même que l'on commence la patrouille et qu'il faut faire plusieurs années de patrouille avant d'être éligible à la nomination comme enquêteur, est-ce qu'il n'y a pas un risque que la formation initiale devienne désuète et obsolète? Le droit évolue, la criminalité évolue, les pratiques policières évoluent, les technologies évoluent, et c'est le sens d'une formation à l'enquête qui précède immédiatement l'affectation aux fonctions d'enquête et non pas une formation qui est suivie avant qu'on ait l'expérience de patrouilleur et donc une formation qui risque de vieillir.

Alors donc, sur cet aspect du problème de la formation des futurs enquêteurs en particulier, à mon avis, le législateur doit se poser un certain nombre de questions.

Premièrement, peut-on, comme c'est la pratique depuis maintenant plusieurs années, exiger que, pour devenir patrouilleur ou directeur de corps de police, on doive préalablement réussir une formation et ne pas l'exiger pour devenir enquêteur?

Deuxièmement, après le rapport Bellemare, après le rapport Poitras, qui vont, dans certains cas, jusqu'à envisager une formation universitaire pour les enquêteurs, peut-on soutenir qu'on puisse devenir enquêteur sans aucune espèce de formation, si ce n'est quelques semaines rallongeant la formation initiale de l'Institut de police?

Troisièmement, peut-on sérieusement penser, face à l'évolution du droit, de la technologie, de la criminalité et des pratiques policières, que tout patrouilleur qui a cinq ans d'expérience peut devenir enquêteur sans une forme préalable de formation? À mon avis, le législateur doit répondre non à chacune de ces trois questions.

Le modèle de formation est aussi mis en cause par certaines interventions qui viennent du milieu universitaire. Je cite, par exemple, le mémoire de l'Université de Montréal. Rassurez-vous, c'est mon alma mater, après tout, même si j'ai eu l'occasion de travailler pour un établissement concurrent, c'est encore mon alma mater, mais, parfois, on n'est pas toujours d'accord avec sa propre mère.

Alors donc, le mémoire de l'Université de Montréal écrit ce qui suit: «Ce sont ces constats sur un métier de plus en plus exigeant qui militent en faveur d'une formation de haut niveau, certes, mais aussi d'avenues variées pour accéder au métier de policier. Le projet de loi ne semble toutefois pas tenir compte de cette réalité, puisque le législateur accorde l'exclusivité de la formation à une institution, la future École nationale de police, et inscrit en préalable à toute autre formation la formation en patrouille-gendarmerie.

«Une approche favorisant les formations différentes et complémentaires aurait aussi l'avantage de favoriser l'ouverture aux influences extérieures dans les organisations policières, de contrer l'"inbreeding" néfaste à toute institution et de développer l'esprit critique à l'intérieur des organisations.» Fin de la citation.

Donc, le mémoire de l'Université de Montréal et, je pense, plusieurs voix du milieu universitaire questionnent le modèle de formation qui est inscrit dans le projet de loi. Alors, je vais essayer d'examiner avec vous, essayer de comprendre avec vous ce qui peut bien préoccuper le milieu universitaire, afin de voir si le modèle de formation mis de l'avant par le projet de loi va à l'encontre de ces préoccupations.

Si, premièrement, le milieu universitaire veut maintenir la possibilité que l'on puisse devenir policier sur la base d'un baccalauréat ou d'un autre diplôme universitaire au lieu du D.E.C. en techniques policières, je réponds que cette possibilité existe déjà. L'ajout à un diplôme universitaire d'une Attestation d'études collégiales en techniques policières et les 13 semaines de l'IPQ donnent accès au métier de policier.

Deuxièmement, si le milieu universitaire veut que tous les futurs policiers aient une formation universitaire à la place ou en plus du D.E.C. en techniques policières, eh bien, nous aurons, je pense, à ce moment-là, un problème d'articulation important avec ce qui se fait depuis 30 ans dans les cégeps.

Si le milieu universitaire veut que tous les futurs enquêteurs aient préalablement complété une formation universitaire, je réponds, pour ma part, qu'il s'agit là d'une ambition louable mais hors d'atteinte dans l'état actuel des choses.

Il faut maintenant se demander: Est-ce que le milieu universitaire voudrait que certains corps de police puissent recruter certains de leurs enquêteurs par voie d'entrée latérale parmi les diplômés universitaires? Il s'agit là d'une conception qui, personnellement, m'apparaît raisonnable. Cependant, si l'on parle de certains enquêteurs dans certains corps de police engagés sur la base d'une formation universitaire, je signale qu'il s'agit de cas particuliers dont on ne peut pas facilement tirer une règle générale.

(11 h 20)

Alors, sur les inquiétudes du milieu universitaire à l'endroit du modèle de formation proposé par le projet de loi, je réponds par les observations suivantes. D'une part, les universités peuvent déjà et pourront encore demain jouer un rôle en matière de formation policière. D'autre part, le développement de la contribution des universités à la formation du personnel policier doit se faire aussi en cohérence avec le reste du système de formation québécois, dont le rôle des cégeps et de l'Institut de police. Et, finalement, les besoins particuliers de certains corps de police doivent trouver des accommodements sans pour autant constituer une règle générale pour l'ensemble de la formation policière.

Deuxième thème qui a préoccupé certains intervenants que vous avez entendus, c'est la question du statut et du rôle de l'École nationale de police du Québec en regard des collèges et des universités. Il est vrai que l'article 10 du projet de loi donne à l'école future, je cite, «l'exclusivité de la formation professionnelle qualifiante initiale du personnel policier permettant d'accéder aux pratiques de patrouille-gendarmerie, d'enquête et de gestion policière, exception faite – signale le projet de loi – de la formation qui peut être acquise dans le cadre d'un programme conduisant à un D.E.C. ou à une A.E.C. en techniques policières».

La question est de savoir si l'existence d'une telle école est menaçante pour d'autres établissements de formation. Ma réponse à cela est non. L'article 10 ne modifie en rien les compétences des collèges. Les collèges sont impliqués depuis 30 ans dans la formation du personnel policier. L'article 10 ne modifie en rien les compétences des collèges. L'article 10 n'interdit aucunement aux universités de concevoir et d'offrir des programmes qui puissent, comme le D.E.C., préparer à une carrière policière. Il existe d'ailleurs un tel programme à l'Université de Montréal, un Baccalauréat en sécurité. Il existe, et on ne l'a pas empêché de naître. Donc, ça illustre que l'existence comme telle de l'École nationale de police du Québec ne brime pas les domaines de compétence ni des collèges ni des universités.

Il est exact que l'École nationale de police du Québec aurait seule la compétence de concevoir et de dispenser ou – si on lit bien l'article 11 de la loi – de faire dispenser des programmes de formation professionnelle qualifiante initiale donnant ouverture aux trois domaines de pratique, mais c'est le seul domaine où il y a une exclusivité pour l'École. Et, à ceux que ce monopole, entre guillemets, inquiète, je vais devoir poser la question suivante: Quelle est donc l'alternative souhaitable à un rôle exclusif de l'École nationale de police du Québec dans la formation spécifiquement qualifiante pour accéder aux diverses fonctions, aux diverses pratiques policières?

Si ce n'est pas par l'École que les gens passent, est-ce qu'on doit permettre à tout collège, à toute université de concevoir et de dispenser les formations qui qualifient pour les différentes pratiques policières? Si oui, comment peut-on assurer à la population sur l'ensemble du territoire que les policiers aient une formation adéquate et comparable? Comment assurerait-on la compatibilité de ces formations qui, à la place de l'École de police, seraient assumées par différents établissements? Comment assurerait-on la compatibilité de ces formations avec les diverses exigences et contraintes du travail policier, notamment – parce que ça existe – les conventions collectives et les lois publiques en matière de police? Comment assurerait-on l'approbation des programmes de formation ainsi librement conçus et offerts par collèges et universités? Faudrait-il créer un ordre professionnel des policiers? Et pourquoi finalement le ministre de la Sécurité publique et le gouvernement auraient-ils moins de pouvoir en matière de formation policière que n'en a le ministère de l'Éducation en matière, par exemple, de formation des enseignants?

Alors donc, la question qui se pose, c'est: Ou on confie à un établissement le soin de dispenser la formation qui constitue, en fait, le titre d'entrée dans la pratique policière ou bien donc on ouvre à toutes sortes de pratiques et à toutes sortes de dédales de toutes natures. Et je trouve qu'il y a là des questions importantes auxquelles n'ont pas répondu ceux qui s'inquiètent des fonctions qui seraient attribuées à l'École.

Sur cette question du monopole ou de l'exclusivité de l'École, encore faut-il bien lire tous les articles du projet de loi. L'article 11 mandate l'École de concevoir ou de donner ses cours de formation et certaines portions de ses programmes d'étude et de faire en sorte que d'autres puissent intervenir. L'article 11 donne aussi à l'École un pouvoir d'homologation qui permet de reconnaître, d'abord pour la satisfaction des futurs étudiants, des formations qui sont données à l'extérieur de ses murs.

Je vous réfère rapidement – je ne le commenterai pas à ce stade-ci – à l'annexe, il y a un tableau annexé à mon mémoire original et ce tableau indique très bien qui peut intervenir en matière de formation policière. Vous me direz: Ce n'est pas le projet de loi, c'est votre rapport. Oui, c'est exact, c'est mon rapport, mais ça donne quand même une bonne idée et ça limite singulièrement les inquiétudes que l'on peut avoir concernant le monopole de l'École.

Le présumé impérialisme potentiel de l'École se trouve en fait soumis à de nombreux contrôles externes. Par exemple, à l'article 10, on prévoit la possibilité de consultation des universités. À l'article 14, il est prévu que le ministre peut donner des mandats et des directives approuvés par le gouvernement à l'École. À l'article 15, il y a clairement un double veto et du ministre de la Sécurité publique et du ministre de l'Éducation sur les activités de niveau collégial et universitaire de l'École.

Ce n'est pas un développement sauvage qu'on permet à l'École, puisqu'il y a ce double veto. Et, si, ma foi, le ministre de la Sécurité publique était par trop complaisant envers son établissement de formation policière, on soupçonne que le ministre de l'Éducation sera bien vigilant de ne pas permettre des développements qui désarticuleraient la formation et l'organisation institutionnelle de l'enseignement. Il y a...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vous inviterais à conclure, M. Corbo.

M. Corbo (Claude): Alors donc, pour ces raisons, M. le Président, je pense que, si on regarde attentivement le projet de loi, il donne à l'École le statut et les fonctions dont elle a besoin pour remplir son rôle d'établissement, qualifiant immédiatement pour les diverses pratiques policières les futurs responsables de ces fonctions. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Corbo. M. le ministre.

M. Ménard: Je suis vraiment extrêmement heureux de vous entendre, M. Corbo. Je ne l'ai caché à personne, j'ai été très impressionné par les deux rapports que vous avez écrits sur la formation policière et je m'en suis largement inspiré dans la rédaction du projet de loi.

J'ai été extrêmement surpris des inquiétudes manifestées par certaines parties du milieu universitaire quant au projet de loi que nous avions. D'abord, parce que c'est vrai qu'au fond je suis plus un homme d'action qu'un intellectuel, quoique j'aie beaucoup de respect pour les intellectuels – et j'aimerais bien qu'on reconnaisse qu'au moins partiellement j'en suis un – donc beaucoup de respect pour la liberté académique, pour les universités comme institutions de savoir, c'est-à-dire de développement du savoir, de conservation du savoir, de diffusion du savoir, et sachant aussi que c'est là que la liberté prend le plus son sens dans une société, c'est là aussi qu'elle est la plus importante, c'est là que l'on voit les fruits de la liberté dans une société, c'est justement pour le développement du savoir qui, finalement, imprègne une société et fait que les sociétés démocratiques qui cultivent la liberté sont les plus riches.

On parle souvent de la liberté en matière de droit vis-à-vis de la justice, mais on oublie que, par exemple, chez nos voisins du Sud, cette liberté a quand même amené l'une des sociétés les plus riches, la plus développée dans le domaine de la psychiatrie, de la recherche spatiale, de l'informatique, de toutes les sciences, et c'est cette liberté qui est à la base de ce développement.

(11 h 30)

Mais, comme ministre, je dois répondre à des problèmes. Et je crois que vous avez très bien répondu aux inquiétudes qui ont pu être soulevées par les universités, de sorte que je n'ai pas à vous questionner tellement là-dessus.

Je voudrais simplement savoir de vous si j'ai une bonne conception du rôle de l'École. Je comprends d'abord que la Commission va percevoir les besoins de formation policière et va percevoir déjà certaines solutions qui peuvent être apportées et, au fond, identifier certaines ressources et certaines façons de combler ces besoins. Mais je vois l'École, quant à moi, comme le grand responsable de s'assurer que les besoins de formation – pour que la police atteigne le niveau qu'on veut qu'elle atteigne – soient atteints et que l'École, pour ses fins, puisse soit disposer elle-même, remplir elle-même ses besoins ou aille chercher, pour moi, ce qu'il y a de meilleur dans le système d'éducation pour élaborer des solutions de formation et ensuite pour les diffuser, mais en s'assurant justement que ces programmes vont remplir les besoins.

Je ne vois pas en quoi ceux qui sont au sommet, je dirais, de la pyramide... Quoique c'est difficile de parler de sommet en matière d'éducation. Ce n'est pas moins important de former les enfants à la prématernelle que de former les grands. Puis, à part de ça, cette merveilleuse période de l'adolescence pleine de troubles mais où se forme l'esprit, les enseignants qui sont là, à mon avis, ont une fonction aussi grande que ceux de l'université même. Disons que je ne vois pas comment un grand universitaire ne serait pas heureux que, pour former la police, on ait recours à des universitaires.

Mais qu'ils comprennent que ce que nous cherchons quand nous allons à l'université, ce n'est pas la culture de la liberté, c'est ses résultats. C'est de nous donner réponse à un besoin que nous avons identifié et de nous assurer, dans une organisation policière qui doit rendre des comptes, qui a une mission à remplir, qu'on est capable sur le plan de fonctionner puis qu'on est capable de reconnaître ceux qui ont reçu la formation, de façon à avoir recours à leurs services et en sachant ce qu'on peut attendre d'eux puis le résultat qu'on peut obtenir. C'est comme ça que je vois l'École. Et je la vois donc, c'est sûr, comme un lieu de concertation et comme un lieu de partenariat, mais je la vois comme un responsable qui doit atteindre un résultat dont j'ai besoin.

M. Corbo (Claude): M. le ministre, il nous faut vitalement un établissement dont la raison d'être soit de se préoccuper de la formation policière dans l'immédiat mais de réfléchir aux besoins changeants de la formation policière, de réfléchir à la façon d'impliquer les différents intervenants et les ressources disponibles au Québec.

L'un des éléments les plus importants, à mon avis, des 47 premiers articles de ce projet de loi, c'est certainement la Commission de la formation et de la recherche, qui doit être, dans le fond, un lieu de réflexion, de réflexion critique, de réflexion prospective, d'ouverture de la formation policière. Et j'ai entendu plusieurs groupes réclamer d'avoir leur représentant à la Commission de la formation et de la recherche de l'École. M. le Président, mon expérience en milieu universitaire me laisse entendre qu'il faut aussi qu'il y ait dans ces lieux des gens que l'on choisit, pas parce qu'ils sont les représentants du groupe X ou du groupe Y, mais parce qu'ils ont une capacité de lire de façon critique la réalité et d'envisager des changements nécessaires à nos pratiques.

Alors donc, le rôle de l'École, ça n'est pas de supplanter les collèges et les universités. Le rôle de l'École, c'est d'être un lieu privilégié de réflexion, d'intégration, de réseautage, un carrefour où se rencontrent tous ceux et toutes celles qui s'intéressent à la formation policière, qui font de la formation policière, qui font de la recherche sur les questions de formation policière.

Pour ma part, je pense que, dans le projet de loi, on établit des principes qui donnent des mandats clairs à l'École, notamment le mandat d'aller voir ce qui se fait ailleurs et de se servir de ce qui se fait ailleurs de manière à pouvoir apporter à la formation du personnel policier les meilleures ressources disponibles sur l'ensemble du territoire. Alors donc, ce n'est pas un renfermement sur soi, c'est une ouverture. Et je vous répète, M. le Président, à l'intention du ministre, la très grande importance de cette Commission de la formation et d'y placer des gens qui pourront justement réfléchir avec la liberté des intellectuels, puisque le ministre a fait référence à cette catégorie. Les intellectuels sont parfois des gens tourmentés et malheureux, M. le ministre, ne soyez pas trop envieux à leur endroit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Corbo (Claude): Mais je pense qu'il nous faut cette institution, cette École, et la Commission, de manière aussi à ce qu'il y ait un lieu qui puisse échapper aux querelles d'écoles, car il y a, dans le milieu universitaire, des querelles d'écoles. Elles sont saines, elles sont normales, mais il ne faut pas en être prisonnier. Alors donc, je résumerais rapidement en disant: Comment peut-on penser à améliorer la formation policière si on n'a pas un lieu institutionnel qui en fait sa passion?

M. Ménard: O.K. Mais enfin, je reviens juste plus précisément à ma question, plus courtement... Je ne me trompe pas en voyant à l'École un rôle utilitaire. Alors, voyez-vous, peut-être juste une chose. L'une des choses qui m'ont frappé, moi, quand j'ai vu juste votre suggestion de changer le nom d'Institut pour École, je pensais que c'était strictement cosmétique. Et puis, quand j'ai lu votre rapport, je me suis aperçu que, non, ce n'était pas cosmétique, que c'était l'École dans la conception européenne des grandes écoles, et c'est comme ça que je l'ai compris. Je me demande, puis je vous demande si je me suis trompé, c'est-à-dire c'est une mission précise à accomplir, de ramasser les ressources puis de livrer un résultat.

M. Corbo (Claude): Vous avez très bien compris, M. le ministre, la conception que je m'en faisais. Il y a des choses qui seraient faites par l'École elle-même, mais beaucoup de choses ne seraient réalisées que parce que l'École peut agir comme courtier, en quelque sorte, comme lieu de rencontre.

C'est plus facile pour des universitaires d'établissements opposés d'aller s'asseoir à la même table à l'École, sous l'égide de l'École, à l'invitation de l'École, que de savoir s'ils vont aller dans l'université du premier ou dans l'université du deuxième. Je caricature un peu, mais oui. Il n'est pas question de créer une université de la police fermée sur elle-même à Nicolet; il est question de créer un lieu qui va au contraire être le générateur de convergences d'actions, de réflexions et de travaux de formation.

M. Ménard: O.K. Deux questions plus courtes. Dans vos études – vous avez quand même étudié certaines expériences étrangères – est-ce que vous pourriez nous faire peut-être un petit résumé des expériences que vous avez examinées et de comment elles ont inspiré le présent projet?

M. Corbo (Claude): Il faut composer avec la différence foncière d'organisation des corps policiers entre le Québec et les juridictions étrangères. Vous savez, la situation en France, il y a deux grandes familles policières et on peut développer des systèmes de formation différents. D'autres juridictions ont en effet des exigences très poussées pour accéder par exemple à des fonctions d'enquête. Ça peut être une formation universitaire, mais on parle de corps policiers voués spécialement à l'enquête, exclusivement à l'enquête.

Alors donc, il m'est apparu, dans la préparation des rapports auxquels vous faites allusion, nécessaire d'essayer de tirer le meilleur parti possible de ce qui existe au Québec. Or, au Québec il existe quand même des éléments très positifs de formation policière, c'est-à-dire le cégep. Le cégep, c'est quand même un établissement postsecondaire qui consacre trois ans à la formation de futurs policiers – ce n'est pas peu – après les études secondaires. Il y a des juridictions étrangères où on n'en est pas rendu là encore. Et l'Institut de police a acquis une expertise qu'il s'agit de développer, précisément pour essayer de mettre en place ici un établissement qui pourra faire penser à des modèles étrangers américains ou européens, mais qu'on ne peut pas transposer directement comme tels compte tenu de nos structures d'organisation policière.

M. Ménard: Maintenant, pourriez-vous peut-être élaborer sur la distinction entre les entrées latérales et les civils à l'intérieur d'un corps policier?

(11 h 40)

M. Corbo (Claude): Si j'ai bien compris, une entrée latérale est la possibilité pour quelqu'un d'être engagé, d'être affecté à des fonctions policières sans suivre le cursus habituel. On a parlé particulièrement d'entrées latérales aux fonctions d'enquêteur et, ma foi, personnellement, quand on me dit: Est-ce une bonne idée que certains corps de police puissent, dans certains postes d'enquêteurs, engager des personnes qui n'ont pas nécessairement fait les cinq années de patrouille? Je dis oui. Évidemment, là ça me vaut des troubles avec les présidents des associations policières. Mais je dis oui quand même parce que, pour certaines fonctions spécifiques d'enquête, oui, il y a intérêt à élargir le recrutement. Mais l'entrée latérale n'est pas une règle universelle. La SQ fait des expériences, on va voir ce que ça va donner.

La présence des civils dans la police, c'est, à mon avis, une autre chose pour laquelle pourraient mieux vous parler sans doute les gestionnaires des corps policiers, mais je conçois facilement que, sans avoir le statut d'enquêteur, sans avoir le statut d'agent de la paix – qui est le propre des policiers – des spécialistes en droit, en criminologie, en informatique, en chimie, en biologie ou en quelque autre discipline pertinente au travail d'enquête puissent effectivement être affectés à ces fonctions.

Il y a une grande crainte – en tout cas, moi, j'ai vu ça dans mes débats avec les présidents de syndicats policiers – que la fonction d'enquête, qui a son prestige à juste titre dans le milieu policier, échappe à ceux qui auront fait le cursus honorum traditionnel, simple patrouilleur. Moi, j'ai toujours répondu à cela: La meilleure façon, pour les associations policières, de protéger l'accès éventuel de leurs membres aux fonctions d'enquête, c'est d'accepter qu'on les fasse passer par une formation spécifique à l'enquête avant de les nommer comme enquêteurs. S'opposer à ce genre de formation, c'est donner des arguments à ceux qui disent: Il faut rentrer, au niveau des enquêtes, des gens qui ne sont pas des patrouilleurs, qui ont une formation spécialisée et multiplier les entrées latérales.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À ce moment-ci, il y a deux collègues qui souhaitaient intervenir, M. le ministre. Il nous reste cinq minutes. C'est possible? M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Bien, je vais continuer exactement dans la foulée de ce qui vient de se débattre. Il y a plusieurs sujets qu'on pourrait aborder – en tout cas en terminant cette série d'auditions – comme le déséquilibre et l'organisation territoriale, il y a la fonction conseil et la fonction contrôle. Mais, compte tenu du temps que j'ai, je vais enchaîner sur ce qui est là-dessus.

Quand je décante ce que j'ai entendu ici, je pense qu'on est en train d'organiser le moyen terme sur une vision du travail policier qui est une vision du policier dans sa fonction, jusqu'ici. On ne prend selon moi pas assez en compte la diversité de ce qu'il devient et ce qu'il faudra qu'il soit, le policier, à partir de prochainement, et même déjà maintenant. Ça nous amène à des situations, par exemple, où les agents de conservation de la faune, les contrôleurs routiers, qui font des fonctions de patrouille mais spécialisées, qui font des fonctions de protection du citoyen, de ses biens et du patrimoine, qui sont souvent confrontés exactement aux mêmes clientèles et même, dans certains cas, plus fréquemment à certains types de clientèles, n'ont pas les mêmes pouvoirs que d'autres escouades spécialisées comme la moralité, les stupéfiants, la gendarmerie et d'autres aspects. Ça nous conduit à ce genre de situations là. On ne prend pas acte qu'il y a désormais des spécialités et qu'il faudrait, selon moi, en tenir compte.

D'autre part, on est confronté avec le fait qu'il est correct que des gens qui ont accédé à la fonction de patrouilleur, et qui ont travaillé, et qui connaissent le milieu, et qui ont de l'ambition, et qui ont de l'intérêt, et qui sont des gens brillants puissent vouloir se spécialiser par la suite. Et c'est comme ça que ça s'est fait jusqu'ici.

Sauf qu'il m'apparaît que, en plus des spécialités, il y a les expertises qui sont désormais de plus en plus importantes, et il y a des gens qui pourraient être intéressés spécifiquement à ces dimensions-là, et il n'y a pas de formation intégrée, dans un curriculum, qui permette à des gens de se spécialiser à la dactyloscopie, en balistique, en biochimie, en informatique criminelle, en comptabilité, blanchiment, des choses comme ça, alors que ça m'apparaîtrait opportun. Ce qui fait que je pense qu'on est en train... Et là je prends beaucoup de temps pour mon préambule, alors je formule ma question brièvement: Est-ce qu'on n'est pas en train de préparer le moyen et le long terme sur une vision périmée du rôle du policier?

M. Corbo (Claude): M. le Président, je pense que les policiers et les policières sont appelés à se qualifier davantage que ce ne fut le cas dans le passé. Cependant, il ne faut pas perdre de vue un certain nombre de choses essentielles. Il y a une fonction de patrouille qui suppose une formation. Elle est actuellement donnée; elle peut être améliorée. Mais, si la question que vous me posez, c'est de savoir si on doit changer ça fondamentalement, transférer ça du cégep à un autre ordre d'enseignement, je n'en suis pas convaincu.

En cours de pratique, les policiers peuvent être appelés à acquérir des spécialisations ou des perfectionnements beaucoup plus pointus. Et, là-dessus, j'ai répondu, en ce qui me concerne, dans le rapport que j'ai préparé il y a trois ans, en disant: Oui. Et, pour le perfectionnement professionnel, c'est-à-dire la tenue à jour des compétences des policiers ou l'acquisition de nouvelles compétences, il faut faire en sorte que toutes les ressources éducatives québécoises soient mises à la disposition des personnels policiers. Là encore, l'École nationale de police n'a pas à donner tous ces enseignements mais à faire en sorte qu'on les encourage et qu'on fasse appel à l'expertise de différents établissements.

Il y a des perspectives d'avenir qui pourront être mieux dégagées dans la mesure où on aura au moins clarifié ce qu'il faut faire pour le présent. Parce que, moi, je veux bien qu'on parle de l'avenir, mais aujourd'hui je constate que, dans l'ensemble des corps policiers du Québec, on peut devenir enquêteur sans avoir suivi aucune espèce de formation. Construisons à ce niveau-là. Ce n'est déjà pas facile parce que les associations policières m'ont dit que ce n'était pas nécessaire. Construisons là et, à partir de là, on pourra élargir.

Mais le système, tel qu'il est proposé dans le projet de loi, ouvre la possibilité à ce que différents établissements rendent disponibles des formations spécialisées pour tenir à jour ou élargir la palette des compétences du personnel policier.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: M. Corbo, c'est à mon tour de vous féliciter, au nom de ma formation politique, pour le travail remarquable que vous avez accompli dans ce domaine-là. Et je pense que votre contribution restera très certainement en grande partie confirmée dans la loi qui sera adoptée éventuellement, sur le chapitre de la formation, et je vous lève mon chapeau pour l'intelligence et le réalisme avec lesquels vous avez abordé ces problèmes-là. Il ne faut pas négliger non plus le fait que vous vous êtes beaucoup intéressé aux questions de déontologie. Peut-être qu'on aura l'occasion d'en parler un petit peu plus tard dans la présentation, mais je veux vous remercier publiquement de votre contribution et de votre remarquable travail.

Je le fais d'autant plus librement au nom de ma formation politique que, si mon souvenir est exact, vous auriez très bien pu la rejoindre, notre formation politique, il y a quelques années, et nous en aurions été fort heureux. Je ne vous vois aucune réaction, alors j'imagine que cette remarque-là, vous ne voulez pas la relever.

M. Corbo, l'une des...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Ah non! j'en vois une maintenant. M. Corbo, l'une des choses qui, je pense, ont été mal comprises dans cette commission-ci, c'est l'expression, dans la loi, «diplôme patrouille-gendarmerie», ensuite «diplôme enquête» puis ensuite «diplôme gestion policière», ce qui a fait penser – en tout cas, c'est mon interprétation à moi – aux associations de policiers notamment, que le diplôme de patrouille ne contiendrait, dans le cadre de son enseignement, aucune notion nécessaire à un travail de base en enquête.

Pourquoi ont-ils réagi de cette façon-là? Ils ont réagi de cette façon-là – et ça serait ma première question – parce qu'ils disent puis ils prétendent – et je crois qu'ils ont raison de le faire jusqu'à un certain point – qu'un patrouilleur intervient le premier dans une situation qu'il ne peut pas prévoir d'avance et qui, en certaines occasions, est effectivement le début de ce qui sera une enquête criminelle.

Les policiers qui sont venus témoigner, les associations qui sont venues témoigner, nous disent: Écoutez, c'est important qu'une enquête criminelle soit bien amorcée, soit bien commencée, parce que les premières constatations sont importantes pour la suite des choses, et il faut que les patrouilleurs aient nécessairement des compétences à cet égard-là parce que, sans ça, on risque de faire un faux pas dans la suite de l'enquête. Est-ce que ça vous apparaît comme étant, ça, une vue réaliste du travail des policiers, le fait que, même quand on est patrouilleur, on doive avoir des connaissances de base en enquête? Ça, est-ce que ça vous apparaît comme étant réaliste?

(11 h 50)

M. Corbo (Claude): M. le Président, je répondrai au député en lisant la recommandation 9 de mon rapport sur la formation policière: «Que l'Institut de police du Québec s'assure, dans les meilleurs délais, que la formation professionnelle qualifiante de base préparant les recrues policières aux fonctions de patrouille et gendarmerie, dans le cadre de l'internat de 13 semaines, réponde bien aux exigences suivantes:

«1° rendre les recrues policières aptes, à titre de patrouilleur-gendarme, à accomplir les tâches d'enquête policière de base requises par le Règlement sur les services policiers de base;

«2° approfondir la compréhension des exigences interpellant tout le personnel policier en matière de déontologie policière.»

Donc, oui, la formation initiale peut comporter des éléments préparant à l'enquête. Cependant, la fonction d'enquêteur dans un corps policier, pour le profane que je suis, apparaît quand même bien différente de celle du patrouilleur-gendarme. Ils ne sont pas habillés de la même façon, ils ne travaillent pas exactement de la même façon, ils n'ont pas les mêmes avantages.

La fonction d'enquête est une fonction distincte, et, avec le modèle de la police communautaire, on peut aussi penser que la fonction de patrouilleur-gendarme va se caractériser avec ses propres traits. Or, dans ces conditions-là, je pense que, oui, effectivement, au début, on peut donner des éléments de formation à l'enquête, mais, M. le Président, je demeure convaincu que, pour le passage définitif à la fonction d'enquêteur à temps plein, il faut une formation appropriée à ce moment-là.

Quant à la première partie de votre commentaire, M. le député, je pourrais vous dire que je ne nie pas mon passé, mais, que voulez-vous, l'eau coule sous les ponts, on ne sait pas ce qui se produit.

M. Dupuis: Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Corbo. Mais, dans le fond, j'ai l'impression que – il faudra le demander aux associations de policiers, on aura le temps, dans les semaines qui viennent, puisqu'on aura des débats à l'Assemblée nationale et ensuite on reviendra en commission pour l'étude article par article – vous avez, vous, voulu dire la même chose que ce que eux réclament.

Il y a peut-être une nuance dans le terme «peut» par rapport à «doit». Moi, je comprends que ce que eux réclament, c'est que le diplôme de patrouille, si on doit l'appeler diplôme de patrouille, il contienne nécessairement, devrait nécessairement contenir un enseignement qui permettrait à tous les policiers qui accèdent à la patrouille d'avoir des notions de base importantes en enquête pour être capables d'effectuer bien le travail de début d'enquête, si vous voulez, mais je n'ai pas compris...

Évidemment, eux autres, ils résument ça en disant: Non, non, non, faisons un diplôme patrouille-gendarmerie-enquête; mais, au fond, moi, j'ai l'impression que ce qu'ils veulent dire, c'est: Il faut des bases d'enquête. Et je n'ai pas l'impression qu'ils nient le fait que, quand on veut devenir un enquêteur complet, ça prenne un diplôme de base, qualifiant de base également. Puis on peut parler des enquêtes spécialisées dans un troisième temps, là. Oui, allez-y, M. Corbo.

M. Corbo (Claude): M. le Président, à la mi-décembre 1998, je me suis férocement bagarré, «conceptuellement» s'entend, entre autres avec M. Prud'Homme. Je lui ai dit: M. Prud'Homme, votre position consiste à dire que, une fois qu'on est devenu patrouilleur, qu'on a acquis l'expérience, on peut devenir enquêteur sans avoir de nouvelles qualifications à obtenir. Je lui ai dit: Moi, ma position, c'est qu'il faut obtenir une nouvelle qualification pour devenir enquêteur et qu'on ne deviendrait plus enquêteur seulement sur la base de l'expérience, de l'ancienneté, des tests internes des corps policiers.

Cela n'empêche pas que la formation de base doive contenir des éléments d'enquête. Mais il me semble, M. le député, que, comme on ne devient pas enquêteur après moins de plusieurs années de patrouille, la formation initiale risque de vieillir, que tout change autour, et c'est la raison pour laquelle je soumets la nécessité de repasser par une formation.

Dans le rapport supplémentaire que j'ai déposé suite à mes consultations en décembre 1998, j'ai expliqué au ministre qu'il fallait distinguer les gens en place puis les gens à venir puis qu'on pouvait faire toutes sortes d'accommodements pour que cette nouvelle obligation ne soit pas préjudiciable aux gens en place. Mais là il y a un choix, on est à la croisée des chemins.

M. Dupuis: Ça, c'est la première chose que je voulais peut-être essayer d'éclaircir avec vous parce qu'on va avoir des représentations, hein, les gens vont continuer à nous faire des représentations après cette commission parlementaire, et je veux avoir les moyens de répondre, sinon de vous téléphoner pour obtenir des éclaircissements supplémentaires.

Les universités, la position des universitaires qui sont venus devant nous – vous en avez parlé abondamment – je pense que, à la fois, aujourd'hui, la façon dont le ministre a expliqué ce qu'il voyait – c'est important, c'est sa loi et elle va être adoptée manifestement – la façon dont il voyait le rôle, la mission et le statut de l'École, pour la première fois j'ai l'impression que c'est bien éclairci. C'est probablement votre contribution ce matin qui a contribué à ce qu'on en parle de façon très claire.

Il reste juste pour moi un petit élément que je voudrais éclaircir avec vous, c'est le suivant. Moi, j'ai compris que finalement, dans ce qui a été expliqué par le ministre aujourd'hui, j'ai l'impression que cette façon d'expliquer le rôle, la mission et le statut de l'École va convenir à tout le monde avec peut-être encore une petite zone grise qui est la suivante.

J'ai compris que – et corrigez-moi si je me trompe, je sais que vous avez écouté tous les témoignages, ça paraît dans votre présentation – à travers tout ce que les universitaires ou les universités sont venus nous dire, maintenant il pourrait rester cette seule zone grise suivante: Est-ce qu'on va perdre notre faculté – sans faire de mauvais jeu de mots – de faire la diplomation, de diplômer? Et j'ai l'impression qu'ils pourraient craindre que l'École s'arroge le pouvoir d'émettre, de diplômer, si vous voulez, la diplomation. C'est l'impression que j'en ai. Est-ce que j'ai raison d'avoir cette impression-là? Non pas que les universités aient ou non raison, mais est-ce que j'ai raison de penser que ça pourrait rester une zone grise dans l'esprit des universités?

M. Corbo (Claude): C'est peut-être une zone grise dans l'esprit des universités, mais on peut essayer de projeter un peu d'éclairage. Dans l'état actuel des choses, la patrouille-gendarmerie est une formation donnée par l'Institut de police. C'est lui qui diplôme. Les universités ne cherchent pas ça. Dans l'hypothèse que la loi permettrait que la formation en enquête serait le propre de l'Institut, ça serait l'Institut qui diplômerait. Et, même pour le modèle que j'ai proposé pour les gestionnaires, il y a un diplôme de l'Institut.

Cependant, rien n'empêche les universités de former des gens et de leur donner les diplômes ou les grades universitaires qu'elles veulent bien leur donner. Dans le modèle des gestionnaires, par exemple, pour les directeurs de corps de police, on m'a demandé d'essayer de trouver un modèle meilleur que le modèle actuel. J'ai proposé que, pour devenir directeur de corps de police municipal, on ait au moins complété deux certificats universitaires. C'est l'université qui diplôme dans ce temps-là.

Mais est-ce que ça empêche l'École nationale de police du Québec d'avoir des éléments de formation qui lui sont propres et, sur la base des diplômes universitaires et de la réussite de ses propres contenus de formation, qu'elle décerne un grade professionnel? Ma foi, les avocats ont des papiers qui leur sont donnés par le Barreau, qui s'ajoutent à leur diplôme universitaire. Et, dans d'autres pratiques professionnelles, on distingue très bien le grade universitaire et le titre professionnel ou le diplôme professionnel.

M. Dupuis: Dans le fond, M. Corbo, il y avait, je pense, une expression dans le projet de loi, dans le deuxième paragraphe de l'article 11 – il y a trois paragraphes – qui est le mot «homologuer»: «L'École peut également homologuer des activités de formation professionnelle...» Alors, j'ai l'impression que c'est ça qui causait un problème, l'université disant: On va venir chercher chez nous des cours, on va nous demander de donner des cours, mais l'école va les rapatrier, va les homologuer, puis on va perdre la faculté de diplomation. C'est ça que j'ai compris de ce qu'elles croyaient.

M. Corbo (Claude): La notion d'homologation a été introduite de manière à répondre à un des mandats que j'avais reçus qui était de déconcentrer, sur l'ensemble du territoire québécois, la formation accessible aux policiers. Ce que ça veut dire, ça, homologuer, ça veut dire que l'École dit: Tiens, à l'Université de Montréal, ils ont développé tel programme, tel cours, allez le suivre. Puis, nous, on va dire: C'est parfait pour nos programmes. C'est ça que ça veut dire. Ça veut dire que, si vous avez, au Service de formation du SPCUM, une formation pointue, de haute qualité, pour le SWAT par exemple, bien, on ne va pas le dédoubler tout partout sur le territoire.

On va dire: Prenez-le au Service de formation du SPCUM. Nous, l'École, on va l'accepter. Alors donc, l'homologation, c'est le concept par lequel l'École peut faire suivre ailleurs que dans ses murs, sous d'autres responsabilités que sa responsabilité, des activités de formation qui sont développées ailleurs. Ce qui n'empêche pas l'établissement universitaire où on suit un, deux, trois, quatre cours de l'université, d'émettre une forme de reconnaissance, qui est la sienne propre, à l'étudiant.

(12 heures)

M. Dupuis: Je vais vous poser une question qui me vient d'une conversation que j'ai eue avec M. Prud'Homme récemment et qui est la suivante: Est-ce que vous verriez la possibilité pour l'École – j'allais dire de formation professionnelle, mais je pensais Barreau – de police d'émettre un permis d'exercice? Pas un diplôme, ce n'est pas un diplôme, mais un permis d'exercice.

M. Corbo (Claude): Je pense, M. le Président, que, si l'École développe des activités de formation en patrouille-gendarmerie et qu'elle en développe du côté de l'enquête, elle pourrait décerner effectivement un diplôme, un diplôme professionnel, un diplôme d'une école qui n'enlève rien aux universités, les universités décernent d'autres types de grades.

M. Dupuis: O.K. Un diplôme évidemment qui serait sujet, compte tenu du milieu policier québécois, à un droit d'exercice par une personne du métier de policier, à la condition bien sûr d'avoir un emploi dans un corps de police. Parce que, évidemment, on ne peut pas mettre un diplôme de policier sur le mur puis décider qu'on devient policier. Il faut être engagé par un...

M. Corbo (Claude): Non, non, écoutez, il y a des façons de concevoir un règlement pour que l'admission aux différents programmes d'une éventuelle école soit réservée à des clientèles particulières, donc des policiers en exercice.

M. Dupuis: Il me reste cinq minutes, M. Corbo. Avez-vous objection à ce qu'on parle un petit peu de déontologie? Je sais que vous êtes ici surtout pour la formation. Mais je ne veux pas non plus vous mettre sur la sellette puis je ne veux pas vous forcer à répondre à des questions pour lesquelles vous n'êtes pas préparé. Mais je sais que vous avez une connaissance très, très importante de ces questions-là. Avez-vous objection à ce qu'on en parle ensemble?

M. Corbo (Claude): Si je peux vous aider, M. le député, je suis prêt. Maintenant, je ne me suis pas occupé de ces questions-là récemment.

M. Dupuis: O.K. Je vais vous en poser une, puis soyez bien à l'aise. L'article 260 du projet de loi, qui parle de l'obligation de dénoncer: «Tout policier doit – vous le suivez avec moi – informer son directeur du comportement d'un autre policier susceptible de constituer – et là j'attire votre attention – une faute disciplinaire ou déontologique touchant la protection des droits ou la sécurité du public ou susceptible de remettre en question le lien de confiance entre l'employeur et le policier en cause, notamment lorsque ce comportement peut constituer une infraction criminelle.»

Alors, à l'instar du ministre, je ne prétends pas être un intellectuel, je suis plus un homme d'action, quoique j'aime bien qu'on me reconnaisse la capacité de réfléchir sur des concepts de temps en temps. Mais là voici deux policiers qui travaillent ensemble – une hypothèse – ils sont appelés en situation d'intervention qu'ils n'ont pas prévue, bien sûr, comme c'est la plupart des cas quand les policiers interviennent, on ne sait pas exactement où on s'en va et ce qui va se passer à mesure qu'on fait l'intervention. Quand vous lisez cet article – et je sais que vous n'avez pas eu le temps de réfléchir à ça – sous toutes réserves, bien sûr, est-ce que vous avez...

Moi, la question que je me pose, c'est: Est-ce qu'il n'y a pas des dangers que les policiers, en plus d'être obligés de faire l'intervention, en plus d'être obligés d'agir sur le terrain devant des événements qu'ils n'ont pas prévus, on va les obliger en plus à porter des jugements sur l'action de leurs collègues dans le cas des interventions? Moi, j'ai de la difficulté à voir que ça ne puisse pas causer de problème pratique dans les relations entre les gens qui travaillent ensemble. Avez-vous eu l'occasion de réfléchir à ça?

M. Corbo (Claude): Non, je n'ai pas eu l'occasion de réfléchir à ça spécifiquement, M. le député, parce que je me suis préparé pour vous parler des articles sur les questions que je connaissais ou j'estimais connaître. Je vous répondrai par une question: Comment la loi peut-elle faire droit à des préoccupations, des cris légitimes qui viennent de gens comme M. Manseau, vous l'avez entendu avant moi, que l'on peut ne pas aimer, que l'on peut trouver excessifs, mais comment être sûr... Comment vous, les législateurs, et vous, M. le ministre, pouvez-vous être sûrs, en tant que nos élus, que vous avez un contrôle réel, ultime sur ce qui se passe dans les corps policiers, dans des situations qui sont, par leur nature même, problématiques? Alors, si ce n'est pas un bon article de loi, je suis sûr qu'il y a des législateurs qui pourront concevoir mieux. Mais, dans le fond, comment peut-on être sûr de bien garder nos gardiens? Je vous renvoie la question.

M. Dupuis: Alors, dans le fond, ce que vous dites, c'est: Peut-être ne faudrait-il pas songer à atteindre la perfection nécessairement, mais c'est un pas dans la bonne direction. Ça serait un peu ça que vous diriez?

M. Corbo (Claude): On ne peut pas atteindre la perfection, mais il faut courir après désespérément.

M. Dupuis: D'accord. Je vous remercie.

M. Corbo (Claude): Quant au métier d'intellectuel, M. le député, ne l'enviez pas. Ça ne veut pas dire que vous n'êtes pas en mesure d'avoir des interventions intellectuellement très vigoureuses, mais ne l'enviez pas nécessairement.

M. Dupuis: Ha, ha, ha! Merci, M. Corbo, vous êtes bien gentil.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur ce, M. Corbo, j'aimerais, au nom des membres de la commission, vous remercier pour votre contribution à nos travaux.

Avant de poursuivre, nous allons suspendre nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 12 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): La commission poursuit ses travaux dans le cadre de cette consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Nous en sommes rendus à l'étape des remarques de conclusion des auditions.


Mémoires déposés

Mais auparavant, ayant complété la liste des personnes qui ont été entendues, j'aimerais déposer les mémoires de deux personnes qui n'auront pas été entendues. Il s'agit de MM. James Lauzon et Robert Provost.


Remarques finales

Donc, à l'étape des remarques finales, je rappelle que 30 minutes ont été consacrées à cette période, 15 minutes de chaque côté. Alors, à ce moment-ci, M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Saint-Laurent, vous avez la parole.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Ah oui? Ah bon! D'accord. Je pensais que c'était le ministre qui avait la parole le premier. Ça va.

Alors, M. le Président, nous avons entendu des groupes, pendant cette semaine et la semaine précédente, qui ont exprimé des intérêts divers, quelquefois diamétralement opposés, des opinions diamétralement opposées. Ils sont venus les exprimer de façon articulée, tous, et je pense qu'il faut les remercier.

De ces représentations, bien sûr, maintenant le ministre a le devoir de faire la synthèse, la part des choses aussi, et de dégager finalement ce qui va constituer sa représentation de ce qu'est l'intérêt public, l'intérêt de la population. Quel est-il, l'intérêt de la population? Bien, l'intérêt de la population, dans le cas de ce projet de loi là, c'est que la population soit convaincue d'avoir des policiers qui sont compétents, qui sont efficaces, dont les membres sont au-dessus de tout soupçon, et la population doit être convaincue aussi que ces policiers-là observent eux-mêmes les lois qu'ils ont à faire observer. Il y va de l'intérêt des policiers aussi, bien sûr, que la population soit convaincue que leur comportement est encadré par des règles strictes et claires et qu'ils observent. Le respect mutuel de la population et des policiers est, en cette matière, à notre avis, essentiel.

D'autre part, il faut réaliser bien sûr que les policiers sont des humains et qu'ils commettent des erreurs. Ils font souvent face à des situations qu'ils n'ont pas prévues. Ils sont toujours appelés dans des situations qui risquent de dégénérer. Donc, les policiers eux-mêmes et leurs organisations syndicales devraient réaliser, me semble-t-il, qu'admettre le fait que les policiers peuvent commettre des erreurs ne peut que leur profiter à long terme, surtout dans l'opinion publique. D'autant plus, M. le Président, que nous sommes tous conscients du fait que, en général, dans la très grande majorité des cas, les policiers observent les lois, les font bien respecter, accomplissent leur travail selon les règles de l'art et sont tout à fait sérieux dans l'accomplissement de leur mandat.

Bien sûr, il arrive des événements malheureux, mais, dans la majorité des cas, les policiers accomplissent bien leur travail. Quelquefois cependant il ne s'agit pas d'erreurs, mais d'actes répréhensibles. Dans ces cas, les policiers qui les accomplissent doivent être sanctionnés et, sans aucun doute, de la sanction la plus grave, soit la destitution, lorsque des actes criminels sont commis et que les policiers qui les ont commis en sont reconnus coupables.

D'un autre côté, il ne faut pas croire que les modifications qui pourraient être apportées suite aux consultations qui ont eu lieu doivent être faites en vase clos. Je pense que ça a été extrêmement utile, M. le Président, que nous entendions les différents points de vue. Moi, j'aurais souhaité que le ministre puisse consulter plus largement avant de déposer le projet de loi. Mais je reconnais que la consultation que nous venons d'avoir va probablement avoir le même effet en définitive lorsqu'on fera l'étude article par article du projet de loi. Et, quant à nous, M. le Président, bien sûr nous avons l'intention, si le ministre ne le fait pas, de déposer un certain nombre d'amendements après que nous aurons fait nous-mêmes notre propre synthèse de ce qu'on a entendu.

Le ministre va devoir également non seulement s'écouter lui-même quand il va réfléchir à certains amendements – s'il souhaite apporter certains amendements – mais il devra aussi tenir compte de l'opinion que les élus municipaux sont venus déposer devant lui à l'occasion de cette commission. Malheureusement, trop souvent ce gouvernement-là choisit de ne pas écouter. Il entend, mais il n'écoute pas les élus municipaux.

J'en ai une preuve récente, M. le Président, sur le regroupement des services policiers dans la région de Québec. La semaine dernière, Mme Harel annonçait un certain nombre de comités dont un comité aviseur qui va réunir un certain nombre de maires. Déjà, d'ailleurs, on entend de la part des maires des commentaires assez défavorables sur la composition de ce comité aviseur là qui devrait normalement, selon nous, permettre à tous les maires de la région de Québec, par exemple, de s'asseoir pour discuter, mais un comité aviseur qui aura le mandat de faire, d'ici la fin du mois de juin 2000, des recommandations à la ministre sur l'identification et le financement de certaines activités, services et équipements à portée supramunicipale.

Il devra aussi faire à la ministre, d'ici la fin du mois d'octobre 2000, des recommandations sur les regroupements de services, notamment les services policiers. D'ici octobre 2000, comité aviseur. La ministre annonce que ce n'est pas tous les maires qui vont faire partie du comité aviseur, un comité aviseur qui va lui faire rapport d'ici octobre 2000.

Or, ce matin, dans Le Soleil : Une seule police, Harel présentera deux scénarios d'ici avril . Alors, d'un côté, la semaine dernière, la ministre annonçait qu'elle voulait former un comité aviseur où elle choisissait un certain nombre de maires qui devaient s'asseoir et discuter de ces questions-là pour lui faire rapport en octobre 2000, et, ce matin, on apprend, par le biais de M. Salvet du Soleil , que la ministre présentera deux scénarios en avril, les deux scénarios étant un regroupement des services de police pour la région de Québec, rive nord, ou un regroupement des services de police pour Québec, région rive nord et rive sud.

Alors, voyez-vous, là? Comment croyez-vous que les maires puissent réagir, ce matin, quand ils prennent connaissance de la nouvelle, si cette nouvelle-là est confirmée? Un comité aviseur qui ferait quoi, s'il devait s'asseoir? Strictement rien, les orientations sont déjà prises.

Alors, moi, j'enjoins le ministre de revoir les présentations qui ont été faites par les unions municipales qui sont venues, qui ont fait certaines recommandations. Et, de grâce – de grâce – plutôt que de faire semblant de les entendre et de ne jamais les écouter, prenez donc leur opinion et réfléchissez donc, et, surtout, communiquez donc avec les élus municipaux. Et arrêtez donc d'avoir cette attitude vis-à-vis des élus municipaux, qui fait en sorte que ces gens-là ont l'impression de n'avoir aucune voix au chapitre mais de se faire imposer régulièrement des responsabilités sans qu'ils aient leur mot à dire.

Essentiellement, donc, M. le Président, tout de même, l'opposition considère avoir fait, lors de ces présentations, un travail constructif, avoir cherché à éclairer le ministre, d'une part, et, d'autre part, à éclairer les différentes parties qui sont venues témoigner en commission. Nous attendrons la suite des choses, mais, naturellement, bien sûr, l'opposition s'attend à ce qu'il y ait un certain nombre d'amendements qui soient apportés au projet de loi.

Je termine en disant, M. le Président, que, particulièrement en ce qui concerne le Conseil de surveillance, la déception qui était la nôtre au moment où le projet de loi a été déposé reste la même. Le ministre semble vouloir continuer à aller dans ce sens. Il nous parle souvent de contrôle aux élus, conseil aux experts. Mais, dans le projet de loi, malheureusement, le contrôle aux élus, il est plus que timide, il est à peu près inexistant. Il nous promet un certain nombre de choses relativement à un comité interministériel, à des mandats que la commission des institutions pourrait recevoir, mais on n'a rien vu. Donc, en l'absence d'avoir vu quoi que ce soit et, compte tenu de l'expérience qu'on a avec ce gouvernement-là, au lieu de prendre sa parole, on va attendre de voir les écrits. Je vous remercie.

(12 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci. Alors, nous en venons donc aux remarques du côté ministériel. Le député de Dubuc avait mentionné l'intention d'intervenir pour un bref deux minutes. Allez-y.


M. Jacques Côté

M. Côté (Dubuc): Merci, M. le Président. À mon tour, au nom de mes collègues qui forment le gouvernement, j'aimerais faire quelques remarques finales qui vont être quand même assez brèves.

D'abord, je pense qu'au cours de cette consultation générale nous avons tous pu constater l'importance que les organismes qui se sont présentés devant nous attachent à ce projet de loi.

Ce que je constate, c'est que les mémoires qui nous ont été présentés l'ont tous été de façon positive et constructive. Aucun organisme n'est venu nous dire qu'il était contre le projet de loi. Par contre, tous nous ont parlé de modifications à y être apportées.

Nous avons pris bonne note des réflexions et surtout des propositions d'amendements à certains articles. Je suis convaincu que le ministre apportera les ajustements nécessaires. Il le fera sans doute dans un esprit d'ouverture mais surtout dans le seul objectif de bonifier la loi.

S'il est des points essentiels dont la majorité des mémoires présentés ont parlé, ce sont la formation de même que les propositions déontologiques. Cela prouve qu'ils sont la clé de voûte de ce projet de loi et s'inscrivent dans la réforme de deux lois importantes, soit la Loi de la police et la Loi sur l'organisation policière.

Par le projet de loi, le législateur assurera aux citoyens un meilleur service, service qu'ils sont en droit de s'attendre de la part de leurs policiers.

En terminant, je voudrais, au nom de mes collègues, remercier tous les groupes et toutes les associations qui ont présenté des mémoires et les féliciter tant pour la qualité de leur contenu que pour la justesse de leur présentation. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Quand j'ai décidé d'entreprendre la réforme de la Loi sur la police, je m'attendais à ce que ce soit un travail assez considérable. Au ministère, on m'avait dit que c'était gigantesque et qu'il n'y aurait pas moyen d'y arriver dans les délais que j'avais imposés. Je commence à penser qu'ils avaient raison, mais je pense que, justement, si considérable que fût ce travail, il était important qu'il soit commencé.

Une chose est certaine: au cours de cette commission parlementaire, nous avons fait des progrès, et cette commission parlementaire va nous permettre d'en faire encore beaucoup plus. C'est donc vous dire tout de suite qu'il y aura probablement beaucoup d'amendements, mais j'estime que, justement, il fallait mettre un projet sur la table pour qu'effectivement l'on puisse prendre les décisions et surtout les traduire dans un langage législatif qui atteigne véritablement les objectifs que nous poursuivions et sans cependant blesser d'autres valeurs aussi importantes et sans avoir une portée trop grande.

Je l'ai dit souvent et je le crois fermement, je crois que la qualité des services policiers d'une société est une des mesures les plus sûres du degré de civilisation qu'elle a atteint. Et je crois que la société québécoise aujourd'hui veut des corps policiers qui démontrent cette qualité.

J'ai été impressionné par la qualité des mémoires qui nous ont été transmis, par la qualité des débats que nous avons eus aussi. J'ai apprécié que – sauf pour quelques pointes d'humour généralement assez bonnes, d'ailleurs – l'opposition se soit pratiquement abstenue complètement de remarques purement partisanes; ce n'est pas un jeu auquel j'aime me livrer souvent, quant à moi. C'est aussi parce que je pense que, quand on se met à le jouer, la population a l'impression qu'on vit dans une bulle close et elle ne nous suit pas.

Mais, en tout cas, certainement, j'ai remarqué aussi... C'est sûr que certains groupes ont des intérêts légitimes à défendre et que cela a nécessairement eu une certaine importance dans les représentations qui nous ont été faites. Mais que ce soient les organismes syndicaux, que ce soient les organismes des élus municipaux, que ce soient aussi les universités et, au premier chef, les associations des directeurs de police du Québec, tous, je pense, ont montré un sens de l'intérêt public remarquable et il est certain que cela va nous aider à parfaire cette oeuvre que nous savions perfectible au départ.

On m'a préparé un long aide-mémoire sur lequel, moi-même, j'ai travaillé assez longtemps, mais je pense que je vais devoir aller à l'essentiel seulement.

Je remarque que la principale suggestion du rapport Poitras, la création d'un conseil de contrôle, a fait l'objet de très peu de remarques. Je comprends que la majorité des gens finalement adoptent la philosophie que nous avons adoptée. Dans une société démocratique, le contrôle de la police doit appartenir aux élus et non pas à des gens non élus, même si les élus doivent garder une certaine distance pour respecter l'indépendance que doivent avoir les agents de la paix dans la conduite des enquêtes qu'ils mènent. On semble avoir compris que ce qui était proposé était une véritable tutelle et que cette tutelle aurait déresponsabilisé la direction générale de la Sûreté du Québec. Je crois que la meilleure façon d'agir, c'était celle que le gouvernement a prise: changer la direction générale de la Sûreté du Québec, la rendre imputable, et ce qu'elle accepte volontiers.

Il faut comprendre aussi que le projet de loi ne peut contenir toutes les réponses au rapport Poitras. Je signale, entre autres, que les principales mesures de contrôle des élus n'apparaissent pas dans la loi parce qu'il suffisait de créer un comité ministériel. On n'avait pas besoin de changer la loi pour ça. Il existera et c'est à lui que répondra la Sûreté du Québec d'abord, parce que la police relève de l'exécutif.

Mais c'est aussi la commission des institutions qui, comme on le verra dans les articles – j'oublie le numéro – convoquera au moins, dit la loi, une fois par année la direction de la Sûreté du Québec. Cela implique donc qu'on pourra les convoquer plusieurs fois. Et nous serons mieux éclairés pour exercer notre rôle de contrôle des élus que nous aurons les travaux d'un conseil de surveillance, qui, lui, peut faire enquête.

Tout le monde a remarqué que l'élément le plus important de cette réforme est basé sur la formation. Encore là, je crois que nous répondons là à des exigences de la société québécoise d'aujourd'hui: aux exigences jurisprudentielles que la qualité de nos tribunaux nous impose, aux exigences aussi de la population quant à la façon dont les enquêtes sont faites, aux défis aussi que les nouvelles formes de criminalité imposent aux actions policières.

Le rôle de l'École est important. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit au cours des audiences – il me semble que mes propos ont été clairs là-dessus – mais je pense que c'est à tort que les universités, et les cégeps dans une bien moins grande proportion, s'inquiètent du rôle de l'École. Au contraire, on devrait être fier que nous désirions avoir recours à des niveaux d'enseignement, à des niveaux d'institution pour remplir les besoins de formation des services policiers.

J'ai remarqué que tous ceux qui ont eu des contacts avec l'Institut de police du Québec ont une opinion très favorable du projet de loi. La collaboration étroite qui s'est dessinée au cours des années avec l'Institut leur fait indiquer qu'ils n'ont aucune espèce d'inquiétude d'un supposé rôle d'hégémonie qu'aurait l'École sur les institutions d'enseignement. L'École sera, comme l'Institut, un véritable lieu de concertation, de partenariat. Et c'est simplement que l'École sera, elle, le grand responsable d'assurer la formation la plus adéquate possible à tous les niveaux qui donnent accès aux diverses fonctions policières.

Nous avons discuté aussi beaucoup des conditions d'exercice et nous sommes tombés dans l'actualité où justement la population nous renvoie une fois de plus des messages qu'elle veut des corps policiers d'une grande transparence et d'une très haute moralité. Je suis convaincu moi-même que le projet de loi exprime aussi les désirs de la majorité des membres des forces policières, qui se perçoivent et qui veulent être entourés de gens d'une très haute moralité et qui sont profondément blessés par le fait que l'action de quelques-uns, parfois, ou la maladresse ou la malhonnêteté de quelques-uns détruise cette bonne réputation que patiemment ils bâtissent à travers leurs contacts quotidiens et qui, de toute façon, correspond à l'idéal qu'ils avaient quand ils sont entrés dans les forces policières et qu'ils ont encore aujourd'hui.

(12 h 30)

C'est pourquoi je reste et demeure convaincu de certaines choses de base quant aux exigences que nous devons avoir au moment où les gens entrent dans la fonction policière. Nous devons nous assurer qu'ils ont une moralité, un équilibre qui feront qu'ils respecteront toujours non seulement l'honnêteté, mais aussi l'utilisation progressive seulement et uniquement raisonnable de la force et que toute infraction, dans le cours de la carrière, qui mettrait un doute sérieux sur leurs capacités devrait amener l'exclusion.

Il est évident cependant que je devrai tenir compte des avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Une loi qui ne respecterait pas notre Charte serait inutile, puisqu'elle serait contestée. Il faudra donc apporter les amendements nécessaires pour s'assurer que les objectifs que nous avons, et qui expriment les désirs de la population, soient réalisés.

Dans le cas des enquêtes internes, il semble que l'on comprenne aussi la sagesse du processus que nous avons élaboré et qui a, je le rappelle, été élaboré par des gens de pratique, des gens qui ont pratiqué le droit criminel, qui ont été en contact avec les policiers pendant l'ensemble de leur carrière. Je parle des gens qui étaient dans mon ministère, ce qui complète aussi, et j'avais quand même mon expérience personnelle de 30 ans.

Alors, je crois que l'on comprend qu'entre la police des polices, contre laquelle les policiers risquent de se braquer et de bâtir une solidarité malsaine – sans compter qu'elle serait appelée pour la plupart du temps à enquêter des infractions mineures – et les corps de police désignés d'avance pour enquêter sur les crimes de l'autre, nous avons choisi une formule originale qui pourrait être, peut-être, difficile à suivre pour les non-initiés, pour les initiés est une garantie que nous atteindrons les résultats obtenus.

Je ne voudrais pas terminer sans parler des élus municipaux et de leurs représentations. Il est vrai qu'une partie de leurs représentations montre qu'ils sont très soucieux des coûts qui sont attachés. Quoiqu'une remarquable exception, celle du maire de Québec... À mon avis, il exprime aussi une caractéristique québécoise: les Québécois aiment la qualité. Et on sait que, dans les magasins, généralement, ils sont prêts à aller chercher la qualité, mais, quand ils paient, ils veulent avoir cette qualité. Et notre projet de loi évidemment visait la qualité.

Je ne dis pas cependant que ces préoccupations de coûts, exprimées par le milieu municipal, ne sont pas respectables. Je pense qu'elles sont très effectivement respectables, que nous allons en tenir compte. J'ai remarqué certaines ouvertures du milieu municipal à une régionalisation, donc à un moins grand nombre de corps policiers plus grands, plus efficaces et qui seront aussi plus économiques. Je pense que nous pourrons bâtir là-dessus pour l'avenir.

Vous remarquerez quand même qu'il y a deux sujets qui n'ont pas été touchés. J'espère que nous pourrons les additionner à cette loi. Nous verrons. Il s'agit de la carte policière et du renseignement. Le renseignement, j'attendais le rapport Boudreau, je l'ai eu et je vais le rendre public prochainement. Mais la carte policière, bien, on verra. C'est nécessairement une entreprise dans laquelle nous devons probablement être accompagnés des projets du ministère des Affaires municipales, mais on verra. Quant à moi, j'ai perçu, même chez les élus municipaux, qu'il commence à être nécessaire de revoir comment les corps policiers sont organisés dans le Québec.

Enfin, je vous remercie finalement, M. le Président, pour la façon dont vous avez présidé ceci. Je pense encore que ces commissions sont probablement le travail... Je pense que, si les gens pouvaient nous voir dans ces commissions, parfois, plutôt que dans des combats de partisanerie, ils verraient que leurs élus travaillent sérieusement à améliorer les projets de loi. Quand se développe une bonne synergie, comme ici, entre l'opposition et le gouvernement au pouvoir, et vice-versa, votre tâche est rendue plus facile. Mais j'ai remarqué, pour le peu d'écarts que nous avons eus, que vous étiez prêt à intervenir rapidement pour nous ramener dans les limites de l'acceptable. Je vous remercie. Bonjour.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le ministre. J'aimerais à mon tour remercier les membres de la commission, et bien sûr notamment le ministre de la Sécurité publique et le porte-parole de l'opposition officielle, pour la qualité de leur participation – ça a effectivement facilité le travail de la présidence – et, au nom des membres de la commission, remercier aussi l'ensemble des personnes qui ont contribué, par leur mémoire ou par leur présence, à nos travaux, remercier aussi celles et ceux qui appuient notre travail au niveau, disons, davantage logistique, par exemple les personnes appartenant au secrétariat de la commission ou les personnes affectées à la transcription et à la diffusion de nos délibérations, et bien d'autres personnes également qui, dans l'ombre, travaillent mais font en sorte que justement on puisse assumer nos mandats dans les meilleures conditions possibles.

Ceci étant dit, le mandat de la commission sur la consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police, étant complété, j'ajourne les travaux sine die et je vous remercie.

(Fin de la séance à 12 h 36)


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