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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, February 11, 1998 - Vol. 35 N° 105

Consultations particulières sur le projet de loi n° 181 - Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Roger Paquin, président suppléant
M. Lawrence S. Bergman
M. Roger Lefebvre
Mme Lucie Papineau
Mme Fatima Houda-Pepin
*M. Frédéric Morin, CCAQ
*M. Marc Savoie, idem
*M. Yves Lacroix, idem
*M. Jacques Fournier, Barreau du Québec
*Mme Suzanne Vadboncoeur, idem
*M. Martin Claude Lepage, idem
*M. Louis Payette, idem
*M. Denis Marsolais, CNQ
*M. Stéphane Brunelle, idem
*M. Pierre Ciotola, idem
*M. François Forget, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quatorze heures neuf minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons débuter notre séance. Alors, une remarque préliminaire au niveau du déroulement de notre séance, les caméras sont strictement pour des fins internes, aujourd'hui. Ce sont des tests que la diffusion de l'Assemblée nationale fait, alors ce n'est pas une diffusion au grand public.

Alors, je rappelle le mandat de la commission: tenir des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession.

M. le secrétaire, est-ce que vous pourriez nous annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

(14 h 10)

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, à l'ordre du jour, cet après-midi, nous avons, à compter de 14 heures, à compter de maintenant, en fait, les remarques préliminaires; ensuite, à 14 h 30, la présentation du mémoire de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec; nous aurons, à 15 h 30, la présentation du Barreau du Québec; à 16 h 30, la présentation du mémoire de la Chambre des notaires du Québec; et nous ajournerons nos travaux à 17 h 30.

Alors, j'invite maintenant M. le ministre de la Justice à nous faire part de ses remarques préliminaires. M. le ministre.


Remarques préliminaires


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: alors, à ma gauche, Mme Véronique Hivon, de mon cabinet; derrière, en commençant par la plus loin de moi, Me Lise Cadoret, qui est du registre des droits personnels et réels mobiliers; Me Suzanne Potvin-Plamondon, qui est directrice de ce registre; et Me Pierre Charbonneau, légiste.

M. le Président, en novembre dernier, je présentais devant l'Assemblée nationale le projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession.

Ce projet de loi, dont le principe a par la suite été adopté au mois de décembre et, soulignons-le, à l'unanimité, propose essentiellement de compléter la réforme commencée, au Code civil du Québec, dans le domaine de la publicité des droits mobiliers et dans le domaine des sûretés mobilières.

Les mesures que comporte le projet de loi n° 181, même si elles demeurent relativement peu nombreuses, sont très importantes puisqu'elles visent à donner plein effet à l'objectif que l'on s'était fixé avec la réforme, soit d'assurer la sécurité des transactions en mettant en place un système de publicité complet dans le domaine des sûretés. C'est d'ailleurs en raison de l'importance des mesures proposées par ce projet de loi et aussi, il faut bien le dire, du caractère assez technique et spécialisé de certaines de ces mesures que le gouvernement, de concert avec l'opposition officielle, a décidé de procéder aux présentes consultations afin que les principaux intervenants ou groupes intéressés en ces matières puissent nous faire part de leurs commentaires et suggestions quant aux propositions formulées.

Alors qu'on s'apprête, aujourd'hui, à entreprendre ces consultations, il me paraît utile de rappeler d'abord brièvement les principales mesures introduites par le projet de loi n° 181 de même que les objectifs généraux qui sont à la base de ce projet. Le Code civil du Québec a introduit l'obligation d'inscrire au registre mobilier les réserves de propriété, les facultés de rachat et les autres droits grevant les biens meubles acquis dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise. Toutefois, la loi sur l'application de la réforme prévoyait la suspension de cette obligation afin de permettre aux registres de devenir pleinement opérationnels quant aux droits visés. Le projet de loi n° 181 propose comme première mesure de lever cette suspension. En effet, cette suspension n'a plus sa raison d'être aujourd'hui puisque le registre est sur le point d'être opérationnel quant à ces droits. En levant cette suspension, le projet de loi permettra donc aux intéressés de connaître en tout temps, par la simple consultation du registre, l'existence des charges mobilières grevant les biens des entreprises avec lesquelles ils font affaire, et non pas uniquement les charges foncières qui affectent les biens de ces entreprises, comme c'est le cas présentement.

Le projet de loi n° 181 propose également une nouvelle mesure d'importance, soit celle d'assujettir à la publicité sur le registre mobilier toutes les réserves de propriété ou facultés de rachat qui sont consenties par des particuliers. Lorsque ces droits portent sur des véhicules routiers ou d'autres biens meubles d'une certaine valeur, ils seront déterminés par règlement. Le projet de loi propose d'ailleurs de soumettre à la même exigence de publicité tous les baux de plus d'un an, qu'ils concernent des particuliers ou des entreprises, dès lors que ces baux porteront eux aussi sur des véhicules routiers ou sur ces mêmes biens meubles de valeur qui seront déterminés par règlement.

M. le Président, je ne pourrais pas, à ce moment-ci, trop insister sur l'importance que revêtent ces deux dernières mesures pour la protection des droits de tous ceux et celles qui, en tant que gens d'affaires ou consommateurs, comme vous et moi, sont appelés à faire des transactions de prêt, d'achat ou de location en rapport avec des biens de la nature que vise le projet de loi, particulièrement dans le domaine de l'automobile.

Nous aurons l'occasion, aujourd'hui et demain, de recevoir, au sujet de ces deux mesures, de nombreux commentaires de la part des milieux intéressés, notamment des personnes ou groupes parties à ce type de transaction qui sont quotidiennement confrontés aux problèmes découlant de l'absence, au Québec, d'un système qui permette d'assurer la sauvegarde des droits de chacun en matière mobilière.

Ces mesures, qui tiennent compte, entre autres, du développement fulgurant au cours des dernières années du bail à long terme comme mode de financement dans le domaine de l'automobile, paraissent aujourd'hui essentielles afin d'établir un système de publicité des droits mobiliers qui soit complet et fiable et qui soit de nature à permettre aux citoyens et entreprises du Québec de transiger en toute sécurité quant aux biens meubles qu'ils se proposent d'acquérir ou à l'égard desquels ils ont des droits à faire valoir.

Le projet de loi n° 181 met de l'avant une autre mesure importante en permettant désormais aux particuliers de consentir des hypothèques sans dépossession sur des véhicules routiers ou d'autres biens meubles de valeur. Cette mesure, qui d'ailleurs, à la lecture des mémoires reçus, semble saluée par tous et destinée à offrir aux particuliers un mode de financement de biens meubles – et on pense surtout au financement d'automobiles – qui puisse favoriser chez les consommateurs l'exercice d'un plus grand pouvoir de négociation, tout en assurant une protection adéquate de leurs biens...

Toutefois, afin d'éviter les risques de surendettement, nous avons pris la décision de limiter l'hypothèque aux véhicules routiers et à certains biens de grande valeur qui seront précisés par règlement. Nous pouvons penser ici, par exemple, aux aéronefs et aux bateaux. Il nous apparaissait important d'oser, en quelque sorte, l'avenue de ce nouveau mode de financement afin d'établir un juste équilibre entre le principe de la libre disposition des biens et la protection adéquate des consommateurs.

M. le Président, ces principales mesures que je voulais rappeler ici cet après-midi témoignent à elles seules, on le constate, de l'importance du projet de loi que j'ai présenté. Nous le soumettons aujourd'hui à la consultation publique afin de bien nous assurer que les solutions qu'il contient correspondent aux besoins réels des entreprises et des particuliers.

D'autres mesures significatives sont proposées par ce projet de loi. Je pense, par exemple, à certains ajustements relatifs à l'exercice du droit de reprise d'un bien meuble, aux précisions apportées en matière de fiducie constituée pour garantir l'exécution d'obligations, à celles concernant l'inscription des avis de conservation d'hypothèques mobilières ou encore à celles relatives à la publication des ventes forcées ou consécutives à l'exercice de droits hypothécaires.

Sur ces autres mesures, dont certaines ont d'ailleurs un caractère hautement technique, il importe aussi que l'on puisse recevoir l'éclairage de tous ceux et celles qui auront à appliquer quotidiennement les solutions proposées. Encore une fois, cela nous semble primordial si l'on veut que tant les particuliers que les entreprises puissent, dans un avenir prochain et conformément aux orientations marquées lors de la réforme du Code civil, bénéficier d'un régime juridique complet et adapté à leurs besoins dans le domaine de la publicité des droits mobiliers et des sûretés mobilières.

En terminant, M. le Président, je tiens à remercier tous les groupes que nous allons entendre à compter de cet après-midi d'avoir répondu à l'invitation qui leur a été faite et d'avoir bien voulu, dans des délais assez courts, nous faire part de leurs commentaires et suggestions sur le projet de loi n° 181. Ces commentaires et suggestions serviront, j'en suis sûr, à bonifier ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant le porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de formuler ces quelques brèves remarques préliminaires concernant le projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession, Bill 181, An Act to amend the Civil Code and other legislative provisions as regards the publication of personal and movable real rights and the constitution of movable hypothecs without delivery.

M. le Président, mon collègue le ministre de la Justice vient de faire un exposé de l'aspect technique du projet de loi et il a aussi mentionné qu'on est unanimes pour son adoption. Il soulève le point crucial dans tout débat de cette nature, c'est de savoir que, chaque fois que c'est dans l'intérêt du public, on peut compter sur la collaboration de tous les côtés de la Chambre, surtout quand c'est un domaine aussi crucial de notre droit que le Code civil.

(14 h 20)

Il va sans dire qu'on va lire avec lui attentivement toutes les dispositions et écouter attentivement les remarques et les observations des gens qui vont participer avec nous à cette commission parlementaire. C'est toujours, comme élu, M. le Président, un très grand plaisir de voir qu'il y a des groupes aussi divers que l'Association des concessionnaires d'automobiles ou encore la Chambre des notaires ou le Barreau qui viennent nous aider. On partage le travail, comme parlementaires, en créant ces commissions parlementaires. Ce n'est pas vrai qu'à 125 on peut étudier sereinement et intelligemment tous les articles de tous les projets de loi qui doivent passer. Donc, déjà ce travail est réparti dans les commissions parlementaires dont celle-ci, la commission des institutions. Et c'est à cette étape-ci que la démocratie prend vraiment son sens le plus élémentaire. On invite les gens qui travaillent dans toutes sortes de domaines et exercent toutes sortes d'activités à venir partager leur expertise ou leur expérience avec nous. C'est comme ça qu'on peut s'assurer que les lois qu'on adopte et que tout le monde doit suivre après seront le mieux construites possible.

L'aspect de la sécurité du droit est extrêmement important. Depuis l'adoption du nouveau Code civil, voilà quelques années à peine, on a eu à vivre l'adoption d'une importante loi pour appliquer ce nouveau Code civil. Ses dispositions devaient entrer en vigueur. C'était extrêmement complet. Il a fallu revenir une deuxième fois avec, à toutes fins pratiques, une loi d'application de la loi d'application. Et nous voilà ici aujourd'hui en train de faire quelque chose de légèrement différent. Avec les experts du ministère et la collaboration du milieu, on est en train de pousser de l'avant l'application concrète de certaines dispositions qui étaient prévues auparavant.

Techniquement, ce qu'on est en train de faire, c'est de s'assurer que les gens vont savoir si le véhicule automobile qu'ils achètent, par exemple, est grevé d'une hypothèque. On va s'assurer que les règles soient plus claires pour tout le monde. La manière de faire cela existe, en common law, depuis longtemps: c'est le chattel mortgage. C'est un instrument qui existe dans le droit commercial partout en Amérique du Nord, sauf au Québec, en attendant qu'on puisse mettre ça complètement en vigueur. Donc, c'est une excellente chose qu'on est en train de faire. Avec la libéralisation des marchés, c'est important de se retrouver avec des façons de faire qui soient analogues, même si c'est dans deux systèmes de droit différents, et que les gens qui y travaillent puissent justement avoir recours à des outils et des façons de faire similaires.

Là-dessus, M. le Président, je m'en voudrais de ne pas faire une brève remarque, et je sais que le ministre est sensible à cette question, concernant la version anglaise du Code civil. Comme vous le savez, en Amérique du Nord, on a 49 États sur 50 qui ont le droit «common law» d'Angleterre, et neuf provinces sur 10, les deux exceptions étant la Louisiane, aux États-Unis, et le Québec, au Canada. On est très fiers de notre droit civil. Et, d'ailleurs, chaque fois que les gens parlent de ce qui est distinct ou unique, ou peu importe le terme employé, c'est le droit civil qui est souvent mentionné. Sachez-le, M. le Président, pour les avocats anglophones, d'expression anglaise, c'est aussi une fierté de pouvoir travailler dans deux systèmes de droit et dans les deux langues. Et ça nous aide énormément d'avoir une version anglaise de nos lois, tout comme le reste du Canada a maintenant créé un vocabulaire de common law en français. Ça a commencé avec Gérard Snow, à l'Université de Moncton, et c'est utilisé maintenant en Ontario et au Manitoba pour la rédaction de leurs lois en langue française.

Ici, au Québec, nos projets de loi, d'une manière générale, sont traduits d'une manière compétente. Le résultat est très correct. Il y a parfois des petites choses et on fait preuve de part et d'autre de beaucoup de flexibilité à chaque fois qu'on analyse ces questions de terminologie, pour ne pas s'embourber là-dedans.

Le Code civil est un problème particulier. Ça a soulevé l'ire de la communauté juridique anglophone à Montréal lorsque le présent Code civil, le nouveau, a été adopté, car la terminologie de la version anglaise est presque impénétrable. Je ne parle pas seulement du fait qu'on utilise des termes qu'on ne voit pas souvent en anglais, comme «hypothec». Ça, c'est correct. Ça fait partie de l'unicité de notre droit de parler de «hypothec» en langue anglaise, parce qu'on est un système civiliste. Ce n'est pas un «mortgage»; c'est bel et bien une «hypothec», en langue anglaise. Ça, c'est correct. Mais c'est la manière de formuler les phrases.

Dernièrement, je travaillais – et j'en parlais récemment avec le ministre – avec une collègue aux États-Unis. Je vais me faire un plaisir d'envoyer une copie de cette transcription à Me McNeil, justement. L'avocate, de l'autre côté, demandait une copie des dispositions pertinentes du Code civil concernant les hypothèques pour comprendre justement comment ça marchait. J'ai dit: Ça me fait plaisir de vous les envoyer, puis si vous voulez amuser vos amis lors des soirées, mettez-vous à lire ça en anglais, parce qu'il n'y a personne qui va comprendre un mot!

C'est malheureusement le cas avec de très grands chapitres de notre Code civil, langue anglaise. Ça ne nous avantage pas. Je ne suis pas en train de dire au ministre qu'on s'attend de lui aujourd'hui qu'il règle ce problème-là. C'est un problème à long terme. Ça a pris longtemps pour adopter le Code civil; ça va prendre longtemps avant de trouver les ressources et l'énergie nécessaires pour corriger la version anglaise.

Mais je voulais marquer le pouls aujourd'hui. On parle du Code civil. Ce sont des changements importants. C'est la première fois qu'on rentre dans l'application quotidienne de ces nouvelles dispositions là, et je m'en serais voulu de ne pas avoir profité de l'occasion pour le mentionner publiquement et dire que le ministre peut, encore une fois, compter sur toute notre collaboration à chaque fois que ça y va des questions importantes de notre droit civil, comme ce qu'on a devant nous aujourd'hui. Mais j'espère qu'avec sa sensibilité à ces questions il va pouvoir, de son côté, peut-être pouvoir trouver les ressources ou le temps de collaborer avec le Barreau et la Chambre des notaires pour refaire cette version anglaise. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, M. le député de Chomedey. Y a-t-il d'autres remarques préliminaires à cette étape-ci? Ces remarques étant faites, j'inviterais maintenant les représentants de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec, Me Frédéric Morin, Me Yves Lacroix et Me Marc Savoie. Bienvenue, messieurs, et, pour les fins d'enregistrement de nos échanges, je vous inviterai, en début de présentation, Me Morin, à présenter vos collègues. Vous disposez d'une période d'environ 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle présentation sera suivie d'échanges avec les membres du parti ministériel et du parti de l'opposition. Alors, bienvenue, et la parole est à vous.


Auditions


Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec inc. (CCAQ)

M. Morin (Frédéric): Merci. Bonjour. Mon nom est Frédéric Morin. Moi, je suis directeur des affaires juridiques à la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Marc Savoie, de la firme d'avocats Lebrun, Savoie, Joubert, et de Me Yves Lacroix, de la firme Flynn, Rivard, avocats.

Ça nous fait extrêmement plaisir d'être ici aujourd'hui puisque, nous, c'est un projet qu'on caresse depuis de très nombreuses années. On tient à remercier les membres de la commission des institutions de nous permettre de soumettre nos commentaires, et on compte évidemment que vous allez porter un intérêt particulier au mémoire de la Corporation des concessionnaires d'automobiles.

Juste quelques mots pour vous situer au niveau de la Corporation des concessionnaires. Nous, on représente 860 concessionnaires d'automobiles détenteurs d'une franchise auprès de manufacturiers sur tout le territoire de la province de Québec. On est une association à but non lucratif qui existe depuis plus de 50 ans et on a comme souci de faire en sorte que nos concessionnaires respectent les lois et, également, la protection du consommateur.

On fournit et on imprime des contrats à coûts de millions pour les concessionnaires d'automobiles, contrats qui respectent en tous points les lois et les législations. On organise également différents séminaires, des conférences et autres et on fait également beaucoup de représentations gouvernementales auprès des différents paliers de gouvernement.

Ceci étant dit, on va rester à la disposition de la commission. On sait qu'on est les premiers à passer devant vous aujourd'hui. Si jamais vous avez des questions, ça va nous faire plaisir d'y répondre, et on va écouter, évidemment, ce que nos successeurs vont vous mentionner.

Juste quelques mots puis je vais laisser la parole à Me Marc Savoie. La Corporation des concessionnaires d'automobiles, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, caresse ce projet de loi là depuis de multiples années. Nous, les concessionnaires d'automobiles, notre préoccupation, c'est de s'assurer que lorsqu'on va reprendre un véhicule, qu'on va pouvoir aisément vérifier s'il y a un lien – on parle de charges; chez nous, on parle de bureau des liens, dans le jargon commun – et, évidemment, ce n'est pas nous qui allons inscrire les liens au niveau du registre.

(14 h 30)

C'est pourquoi, il y a quelques années, on a formé un comité de l'industrie automobile, et les remarques qui vont suivre sont celles du comité de l'industrie automobile, qui a travaillé en étroite collaboration avec les représentants du ministère de la Justice et avec, plus particulièrement, la direction du registre.

Permettez-moi de lire un passage du ministre, à l'époque, M. Gil Rémillard, lorsqu'il parlait du but de la réforme du Code civil. Et je pense qu'aujourd'hui on va aller au-delà de ces commentaires-là. On va, comme le ministre Ménard l'a dit, on va compléter la réforme, et je pense que c'est pertinent de lire les quelques lignes qui vont suivre.

Le ministre: Les règles prescrites par le Code civil se veulent adaptées aux exigences d'une société moderne, particulièrement celles qui découlent de l'apparition de nouvelles technologies et de l'utilisation de banques de données informatisées par les entreprises. Dans cette perspective, l'information du registre de l'état civil et du registre des droits personnels et réels mobiliers a été retenue, de même qu'ont été introduites plusieurs règles pour rendre plus efficaces et efficients les systèmes d'information tels ceux de la publicité des droits, notamment celui du registre foncier.

En outre, principalement en matière de propriété, d'administration du bien d'autrui, de la sûreté de prescription, le nouveau Code civil renouvelle plusieurs institutions. Il vise à tenir compte des modes de détention des biens dans une société urbanisée, complexe, de même que des incidences économiques des échanges économiques et de la rapidité avec laquelle circule l'information.

Sur ces quelques notes, je vais laisser la parole à Me Marc Savoie.

M. Savoie (Marc): Merci, Frédéric. À l'instar de Me Morin, j'aimerais remercier la commission d'avoir l'occasion de vous faire part de la position du comité de l'industrie automobile sur le projet de loi n° 181.

Le comité comme tel a été formé de façon informelle en février 1986 pour, justement, se pencher sur la question de l'implantation des phases 2 et 3 du registre. Dans le mémoire qui vous a été remis, à l'annexe C, vous allez voir une liste des principaux membres du comité. Il y a des institutions financières, il y a la Corporation des concessionnaires d'automobiles, il y a le CAA, qui regroupe 650 000 membres, il y a l'Association des marchands de véhicules d'occasion. De toute façon, si vous consultez le mémoire, vous allez voir la liste comme telle. J'ai participé, avec Frédéric, à la rédaction du mémoire. Puis, comme on l'a souligné, il a dû être rédigé en vitesse. Alors, je m'excuse des coquilles que vous allez pouvoir voir. On a essayé de toutes les sortir, mais j'en ai vu une ce matin en le relisant, alors, je m'excuse de ces impairs.

Le projet de loi n° 181 comme tel traite d'un sujet qu'on a qualifié d'aride, c'est-à-dire l'inscription des droits. Ce n'est pas un sujet passionnant comme tel. Par contre, c'est un sujet important qui vient, comme on l'a dit précédemment, compléter ou, en tout cas, participer à la réforme du droit qui a été instaurée en 1994.

Présentement, le Québec fait figure de cavalier seul ou d'exception en n'ayant pas de système d'enregistrement des droits qui existent sur les biens meubles et les effets mobiliers. Dans les autres juridictions, à l'exception de Terre-Neuve, je crois, des Territoires du Nord-Ouest puis Île-du-Prince-Édouard, qui doivent mettre un régime en place au printemps 1998, toutes les autres juridictions possèdent ce genre de système d'enregistrement des droits.

En prenant connaissance du mémoire, vous allez voir que le comité se déclare en accord, pour la plus grande partie, avec le projet, et pour cause, parce que le projet reprend les recommandations qui ont été formulées au ministère de la Justice au mois de mai 1996, les trois principales recommandations, puis on les retrouve dans le texte comme tel. En fait, le but souhaité par tout le monde qui participe, c'est de faire en sorte qu'on ait un système d'enregistrement qui soit sûr, qui soit rapide et qui permette aux personnes honnêtes – je fais le lien sur les personnes honnêtes parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de fraude dans ce domaine-là – de continuer à faire leurs affaires comme elles l'ont toujours fait, c'est-à-dire de ne pas créer des embûches pour ces gens-là. Alors, ce qu'on veut, c'est un système qui ne soit pas trop lourd mais qui assure à la fois la protection de tous les participants, y compris, évidemment et principalement, le public. Et, à notre avis, c'est ce que fait le projet de loi n° 181.

Je ne vais pas reprendre, évidemment, le mémoire comme tel, je vais passer sur les grandes lignes. Quand on est d'accord avec quelque chose, évidemment, on a moins à dire que si on le critique. Mais, quand même, je vais commencer par l'obligation d'inscrire tous les contrats de vente à tempérament. Comme le ministre l'a déjà souligné auparavant, ça existe depuis la réforme. Il y a une obligation de publier les contrats de vente à tempérament qui seraient pour l'exploitation d'une entreprise. En fait, les réserves de propriété, si on veut être technique. Par contre, la mise en application de cette disposition avait été suspendue parce que le registre n'était pas prêt. Il est, semble-t-il, prêt.

Il n'était pas question d'enregistrer les contrats de vente à tempérament au détail ou de consommation. Maintenant, le projet de loi rend obligatoire la publication de ces contrats, et pour cause. Il n'y a personne – en tout cas, dans les discussions qu'on a eues – qui est contre ça et, finalement, c'est la base même, au Québec. Il y a énormément de transactions frauduleuses qui interviennent au niveau des contrats de vente à tempérament. C'est très facile: Une personne est inscrite sur le certificat d'immatriculation comme propriétaire; elle transfère le droit de propriété du véhicule, en théorie, à un acheteur, puis si l'acheteur, même le plus prudent, veut faire une vérification, il n'y a aucun endroit pour le vérifier. Et même sans le projet n° 181, si on avait mis en vigueur l'article 1745 sous l'ancien régime, les transactions entre individus, ce n'était pas enregistré, alors il n'y avait aucune façon de le vérifier. Et c'est là que le projet de loi vient remédier à ce défaut-là, c'est-à-dire oblige tout le monde à enregistrer les contrats de vente à tempérament, y compris les contrats de consommation.

Ça, ça répond directement à une des recommandations qui avaient été faites par le comité. Je vous réfère à la page 5 de l'annexe B, c'est là que vous allez voir – je ne veux pas les reprendre – les trois recommandations qui avaient été faites par le comité, à l'époque. D'ailleurs, je pratique dans le domaine puis je peux vous dire que ces cas-là sont pénibles, c'est-à-dire qu'il y a souvent, dans le domaine automobile, des personnes qui ont acheté à tempérament un véhicule et qui le revendent. Alors, il arrive très fréquemment qu'il y a un individu, une personne honnête, qui se trouve à perdre son véhicule puis qui n'a pas de compensation parce que la personne frauduleuse est disparue ou est insolvable. Alors, c'est des situations pénibles qu'il y aurait lieu de corriger, puis je pense que le projet de loi vise à corriger cette situation. Présentement, on voit une personne qui a une voiture et qui dit: C'est à moi. Si l'enregistrement est à son nom, il n'y a aucune façon de savoir que ce n'est pas à elle.

Il y a un deuxième élément, qui est peut-être un peu technique, c'est l'inscription globale. Dans le domaine automobile en particulier, il y a énormément de transactions avec les concessionnaires qui interviennent, et la façon dont le Code civil, même sans le projet n° 181, était structuré, il aurait fallu procéder à une inscription individuelle de chaque contrat de vente à tempérament, qui vise chaque véhicule qui est livré à chaque concessionnaire, ce qui est très lourd, et, par la suite, la radier, cette charge-là, parce que ces véhicules-là, il y a un roulement qui se fait en 60 jours, 90 jours. Alors, ça aurait été une tâche très ardue, très lourde, très coûteuse également. On avait proposé de permettre ce qui se fait dans les autres juridictions, une inscription globale qui protège les droits des créanciers puis, en même temps, qui protège les droits des particuliers, parce que le projet de loi le prévoit. Personne qui finance un véhicule: on parle de financement de l'inventaire des concessionnaires. Les véhicules neufs qu'on voit chez les concessionnaires sont, la plupart du temps, financés; c'est rarement acheté. Alors, la personne qui va aller acheter une voiture et sortir, le projet de loi prévoit que cette personne-là va l'acheter libre de l'inscription globale, ce qui fait l'affaire du comité et du consommateur également.

Alors, c'est encore une disposition qui répond à une des recommandations qui avaient été faites à l'époque par le comité. Ça permet aux gens de faire affaire autrement. Dans le domaine automobile, ce n'est pas 25 ou 30 ans, tout le monde procède de la même façon; tous les financements de concessionnaires automobiles, que ce soit au Québec ou dans les autres provinces, on procède de la même façon, c'est-à-dire qu'on vend les véhicules avec une réserve de propriété. Tous ces véhicules que vous voyez, c'est de la façon dont les gens procèdent; ce n'est pas des hypothèques, c'est des contrats de vente à tempérament. Alors, cette disposition, qui a l'air anodine en soi, permet à tous ces gens-là de continuer à faire des affaires comme ils l'entendent et de la façon dont ils le font depuis plusieurs années, et c'est pour ça qu'on avait fait une recommandation.

(14 h 40)

Il y a également l'élargissement des recours, c'est-à-dire que le projet de loi permet – encore là, on rentre dans le domaine technique des avocats... Auparavant, il était prévu que, quand on exerçait un recours pour reprendre un véhicule financé par vente à tempérament, en matière que ce soit de consommation, pour la Loi de la protection du consommateur, ou en matière commerciale, le seul recours qui était ouvert était le recours de la prise en paiement qui, à toutes fins pratiques, éteignait la dette et faisait en sorte que, si jamais il y avait une perte qui était subie lors de cette reprise, le créancier devait l'absorber. Ça rendait les choses difficiles et ça donnait une préséance, si vous voulez, au recours hypothécaire versus le recours basé sur la vente à tempérament.

Le recours hypothécaire existe. Quand un créancier hypothécaire n'est pas payé, il peut exercer quatre recours différents. Et, dans trois des cas, il conserve son droit pour poursuivre son débiteur, s'il y a d'autres garanties en cas de déficit, seulement s'il exerce une prise en paiement, qu'on en arrive à une extinction de la dette. Alors que, dans le cas de la vente à tempérament, on ne donnait pas ouverture à ces trois autres recours. Le projet de loi vient corriger cette lacune et, finalement, rend les créanciers détenteurs de réserve de propriété sous vente à tempérament, les met au même niveau que les créanciers hypothécaires. Auparavant, ils étaient, en tout cas, à nos yeux, des créanciers de deuxième ordre. Et ça n'avait pas sa raison d'être. Étant donné que le Code civil contient des dispositions de vente à tempérament, elles sont là pour quelque chose, alors, les recours devraient être les mêmes que ceux accordés à d'autres créanciers. On est en accord avec cette disposition.

Je passe vite sur des choses qui n'ont pas fait, en tout cas dans nos discussions, l'objet de controverse. Je vais vous parler plus longuement maintenant de la publication des contrats de location qui est également prévue. Tous les contrats de location à long terme, c'est-à-dire les contrats d'une durée de plus d'un an, devront – je parle toujours de véhicules automobiles – être inscrits. Encore une fois, c'est une recommandation qui avait été faite par le comité. Je sais – dans ce cas-ci, je n'appellerai pas ça une controverse – qu'il y a certaines personnes qui ne sont pas du même avis.

Notamment, dans le cadre des discussions, il y avait la Confédération des caisses populaires. Je n'ai pas eu l'occasion de voir leur mémoire, mais à l'époque j'avais vu de la correspondance. On a eu des discussions. Je sais qu'ils n'étaient pas en faveur de cette disposition. Ça m'étonnerait que leur opinion ait changé. Alors, je présume qu'ils sont toujours du même avis. Pour notre part, nous sommes d'avis que l'inscription des contrats de location est essentielle. Ce n'est pas juste quelque chose... Elle devrait être essentielle pour que le régime fonctionne. Présentement au Québec, plus de 50 % des voitures neuves qui sortent – je ne parle pas de quelqu'un qui achète sa voiture et qui paie comptant – les voitures financées, que ce soit par vente à tempérament ou par contrat de location, il y en a plus que 50 % en location. Alors, il est impensable, à nos yeux, de créer un système de publicité...

M. Morin (Frédéric): Un demi-registre

M. Savoie (Marc): Pardon?

M. Morin (Frédéric): Excusez-moi. Un demi-registre.

M. Savoie (Marc): C'est ça. Qui crée un système de publicité qui va faire abstraction de 50 % des véhicules qui ont des liens, effectivement. Alors, c'est impensable d'avoir un système qui ne soit pas complet. Alors, c'est pour ça. Alors, c'est une question de volume. Si on veut qu'on ait un système qui, d'abord, se compare aux autres juridictions mais en soi soit complet en lui-même, il faut inclure les contrats de location. C'est la logique même.

Il y en qui prétendent que la SAAQ, la Société de l'assurance automobile du Québec, pourrait jouer le rôle de surveillant, parce que, effectivement, il faut savoir que, lorsqu'on achète une voiture... ou on la loue, plutôt, à long terme – je ne sais pas si les gens ici sont au courant – le nom du locateur à long terme apparaît sur le certificat d'immatriculation. Il y a deux noms. Quand on achète à tempérament, il n'y a rien qui le laisse voir. On est indiqué comme propriétaire. On peut l'avoir payé ou pas, ça ne paraît pas. En location, il y a deux noms: il y a un nom de locataire désigné puis un locateur à long terme. Mais ça ne veut pas dire que les fraudes n'interviennent pas!

De toute façon, ce qu'on veut, c'est un système d'information, d'abord, un système de publicité. Le mot le dit: publicité des droits. Alors, on veut que les gens puissent avoir accès à l'information. Si on voit une voiture, on veut savoir s'il existe un lien ou une charge dessus. Faire affaire avec la SAAQ, d'abord, ce n'est pas orienté. Moi, je fais régulièrement affaire avec la SAAQ. Ça prend un mois, première des choses. Tandis que le registre qui est en fonction donnera l'information le lendemain.

Alors, on a dit, au début: la rapidité est essentielle si on veut que les transactions se fassent. Deuxièmement, ce n'est pas tout le monde qui a accès à l'information de la SAAQ. En pratique, il y a des lois qui protègent les renseignements personnels et, en pratique, quand on fait une demande – moi, j'en fais assez régulièrement – il faut établir pourquoi. Souvent, je le fais au nom d'un client, j'écris: Le client est propriétaire, je dois annexer mon contrat de vente à tempérament. J'aimerais bien voir, moi, l'individu qui va appeler en disant: Je pense acheter telle auto, j'aimerais obtenir l'information là-dessus. Et je ne pense pas que ça soit possible dans la législation actuelle. Puis, troisièmement, de toute façon, ça serait de la duplication, parce que la personne qui a besoin de cette information-là va devoir vérifier avec le registre. Alors, il faudrait faire une première démarche auprès de la SAAQ, une deuxième démarche auprès du registre. Ça alourdit le système pour rien. Le registre est là, il est fonctionnel et, à mon avis, c'est de cette façon qu'on devrait procéder, c'est là que le lien ou la charge devrait être inscrite. D'ailleurs, comme je l'ai dit auparavant, les autres juridictions du Canada procèdent de la même façon.

M. Morin (Frédéric): Si tu me permets un commentaire. Autre chose importante, c'est que les règles du Code de la sécurité routière n'ont rien à voir avec le titre de propriété d'un bien. C'est des règles qui sont propres au Code de la sécurité routière, et les tribunaux ont déjà rendu des jugements à l'effet que le titre de propriété, ce n'est pas l'immatriculation. Donc, créer deux systèmes, ça serait une folie, dans les circonstances.

M. Savoie (Marc): Je vais continuer sur le même sujet. Il y a l'article 592 du Code de procédure civile, les huissiers. Il y a un amendement, le projet de loi n° 181 parle d'un amendement à cet article. Présentement, les huissiers, lorsqu'ils saisissent les biens d'une entreprise, sont obligés de par la loi, si les biens sont d'une valeur de plus de 6 000 $, de faire une vérification au registre avant de les vendre, parce que, justement, ils doivent vérifier s'il existe des charges. Présentement, le projet de loi tel qu'il est là ajoute, dans le cas d'individus et dans le cas d'automobiles qui ont une valeur de plus de 1 000 $ – je vois que le temps passe – l'obligation de faire cette vérification pour les véhicules automobiles.

En pratique, on peut dire qu'à la SAAQ le certificat d'immatriculation a les deux noms. Alors, le huissier, en voyant le certificat d'immatriculation, va savoir que le véhicule est loué. Sauf que les huissiers ne les voient pas, ces documents-là. Peut-être que la Chambre des huissiers va en parler tantôt, mais, en pratique, il va falloir faire encore deux vérifications pour qu'ils s'assurent de la mise en application. L'utilisation de huissiers, encore une fois, ça rend ça trop lourd et inutile, à mes yeux.

Le dernier point que je voulais traiter, ce sont les mesures transitoires. Comme je l'ai dit, le comité est en accord avec la grande majorité sinon l'ensemble du texte de loi comme tel. La seule réserve a trait aux mesures transitoires. En pratique, il y avait eu, lors des discussions qu'on avait eues avec les représentants du registre, la possibilité de donner une période de grâce de trois ans. Je vous dis ça parce que les contrats de location, en général, sont pour des durées de 24, 36 et 48 mois, en général. Les ventes à tempérament, ça va de 24 à 60 mois. Alors, s'il fallait mettre en vigueur le registre tel qu'il est présentement, avec la disposition du projet de loi n° 181, il faudrait procéder à l'inscription de tous les contrats qui ont une durée de plus que 12 mois à courir pour respecter la loi, sinon on tombe dans les exceptions ou les sanctions qui sont prévues à l'article 749.1 puis on risque de perdre nos droits.

Moi, j'ai fait une vérification. J'ai pris trois clients au hasard qui, eux, au moment où on se parle, ont plus de 230 000 contrats, locations et ventes à tempérament au détail confondus. C'est sûr qu'ils n'auront pas besoin de les publier tous, mais il y en aura au moins les trois quarts qui devront être publiés. Alors, le coût en argent, les frais et les démarches pour le faire, va être exorbitant. Alors, il avait été question de donner la période de grâce de trois mois. Je comprends que, d'une part, on a hâte d'avoir un registre qui soit complet et qui fasse abstraction de toutes les sûretés occultes, des choses qui ne sont enregistrées nulle part. Alors, ça, c'est un objectif très louable. D'autre part, il faut tenir compte des inconvénients que la mise en vigueur rapide et soudaine du registre peut avoir pour les gens qui s'en servent. Alors, c'est pour ça qu'une mesure de compromis qui serait acceptable pour tout le monde, je pense, ça serait de revenir à la discussion ou la proposition initiale pour les mesures transitoires, c'est-à-dire donner une période de grâce de trois ans de façon à ce que les contrats qui auront plus de trois ans à courir soient inscrits.

(14 h 50)

On pourrait dire: Bien, écoutez, lorsque le Code civil est entré en vigueur, en 1994, on avait accordé un an ou 12 mois, de la même façon, aux gens pour renouveler leurs droits. Mais ce qui est arrivé, d'une part, c'était gratuit; deuxièmement, c'était juste au niveau commercial, parce que le volume n'est pas le même. Là, on parle d'un volume extraordinaire, et je pense qu'il y aurait lieu peut-être de mettre de l'eau dans son vin puis d'arriver à un compromis.

En résumé, en grand résumé, je fais le tour des questions qui ont été traitées dans le mémoire et, comme Frédéric l'a dit, on demeure à la disposition pour répondre aux questions. Ensemble, on est très encouragés par le projet de loi n° 181.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. Alors, est-ce que vous avez des questions?

M. Ménard: Je peux laisser les députés puis terminer.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a des membres de la commission qui auraient des questions particulières?

M. Mulcair: Mon collègue le député de D'Arcy-McGee aurait une question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): O.K., M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Sur une vente à tempérament d'automobile, pour protéger le consommateur, est-ce qu'on donnerait au consommateur un certificat du bureau d'enregistrement pour indiquer les vérifications, qu'il n'y ait pas de liens contre le bien en question?

M. Savoie (Marc): De la façon que ça procède présentement, c'est qu'on peut obtenir un document rapidement.

M. Bergman: Non, mais vous pouvez obtenir, mais le consommateur n'a pas la sophistication pour demander un certificat, il n'est pas au courant des problèmes ou des possibilités d'un problème. Alors, est-ce que vous pensez que le concessionnaire doit avoir l'obligation d'obtenir un certificat indiquant l'absence de liens contre le bien en question?

M. Savoie (Marc): Comme ça existe en Ontario, je crois.

M. Bergman: Sans quoi l'auto ne peut pas être livrée au consommateur. Sans livraison au consommateur d'un tel certificat, on ne protège pas le consommateur contre les liens non aperçus par lui.

M. Savoie (Marc): En fait, ce que je comprends, parce qu'on parle de véhicules neufs, donc, il y a des mesures que, si vous achetez un véhicule neuf, ça, c'est réglé, mais, si on parle de véhicules d'occasion, il y a deux hypothèses possibles: Vous achetez un véhicule d'un commerçant de véhicules d'occasion ou d'un concessionnaire, ou encore vous achetez un véhicule d'un autre particulier.

M. Bergman: Moi, je veux faire référence à tout véhicule. Le consommateur n'a pas la certification pour savoir d'où vient ce véhicule. Si ce véhicule a des financements, même si le véhicule est acheté d'un concessionnaire, le concessionnaire pouvait, le jour avant, obtenir du financement sur l'auto en question, «short term financing», et moi, comme consommateur, je n'ai aucune protection, s'il n'y a pas obligation de la part du concessionnaire de lui remettre un certificat, daté de la même journée, qu'il n'y a pas de liens sur l'auto en question.

M. Lacroix (Yves): Avec votre permission, M. le Président, je pense qu'effectivement c'est un bon point, parce que le règlement n'est pas encore en vigueur. Il va y avoir une réglementation, nécessairement, qui va découler du projet de loi n° 181 lorsqu'il sera adopté, mais, pratico-pratique, si on est à ce qu'on appelle, nous, la première vente, lorsque vous allez chez un concessionnaire automobile et que vous achetez un véhicule neuf, la loi règle le problème puisqu'elle dit que la personne est censée acheter le véhicule libre de tout lien. C'est ce que prévoit la loi.

Par contre, lorsque, par la suite, le véhicule devient un véhicule que j'appellerais usagé, c'est-à-dire qui va faire l'objet de transaction soit entre des particuliers ou entre un concessionnaire qui l'a acheté d'un particulier pour le revendre à un autre particulier, il devrait y avoir, à mon avis, effectivement, un certificat d'attaché à la vente pour certifier que le véhicule est libre de tout lien. J'ajouterais même que lorsqu'il y a une vente entre particuliers, naturellement, le véhicule doit être immatriculé. Et, lorsqu'on va à la Société de l'assurance automobile, je présume qu'à un moment donné le registre sera assez fonctionnel pour que également à cet endroit-là, lorsque le transfert d'immatriculation va se faire, que le particulier puisse faire une vérification moyennant l'informatique pour obtenir, justement, une certification que le véhicule n'a pas de liens antérieurs qui n'auraient pas été radiés, pour protéger la transaction.

Je pense qu'il va falloir, à quelque part, qu'il y ait un mécanisme, au niveau du règlement, qui prévoie que la consultation soit faite et qu'il y ait un document d'attaché, dépendamment des transactions.

M. Bergman: Avec respect, vous avez indiqué qu'avec une voiture neuve la voiture est censée être libre de liens, mais, pour être certain, on ne doit pas prendre de chance. À mon avis, chaque véhicule qui est vendu doit être accompagné d'un certificat daté du même jour attestant que l'auto est libre de tout lien. Même un véhicule neuf peut avoir des liens. Le concessionnaire peut mettre des liens contre un véhicule sans la connaissance du consommateur. Alors, on ne peut pas dire qu'on est sensé avoir un véhicule qui est sans lien, si on veut protéger le consommateur.

M. Ménard: ...1749, tel que proposé, la dernière phrase dit: «La cession d'une telle réserve n'est également opposable aux tiers que si elle est publiée». C'est donc à celui qui a prêté et en faveur de qui le lien est créé de voir à ce que son droit soit enregistré, s'il veut être protégé à l'égard d'un acquéreur de bonne foi qui ignorerait, lui.

C'est parce que l'exemple que vous donniez, M. le député, c'était, si je comprends bien, le «short-term financing», c'est: la personne emprunte, donne sa voiture en garantie et, le lendemain, elle vend sa voiture. Alors, le nouveau consommateur n'a aucun moyen de savoir qu'il a... mais, justement, celui qui l'a achetée n'a aucune obligation à l'égard d'une créance qui n'a pas été publiée. C'est ce que dit le dernier article, 1749.

Alors, l'acheteur est protégé. Donc, c'est celui qui prête sur garantie qui doit inscrire et donc qui doit se dépêcher à faire inscrire, s'il veut que son droit soit protégé.

M. Bergman: Moi, je prends l'hypothèse où l'hypothèque a été inscrite, et l'acheteur, le consommateur, n'a aucune connaissance de cette inscription et, lui, il transige avec le vendeur de l'auto en bonne foi, sans savoir qu'il y a lien contre l'auto. Alors, comment est-ce que le consommateur serait protégé d'un lien sur lequel il n'a aucune connaissance?

M. Ménard: Mais c'est justement pour ça qu'on crée un registre, pour que le consommateur puisse consulter le registre lorsqu'il achète une voiture d'occasion.

M. Bergman: Oui, mais...

M. Ménard: Si la voiture est neuve, il n'y a pas de problème.

M. Bergman: Je sais que toute personne est censée de connaître la loi, mais le consommateur...

M. Ménard: Ça, ça n'est pas vrai. Nous ne connaissons pas toutes les lois.

M. Bergman: Alors, c'est la raison...

M. Ménard: Le principe, c'est que l'ignorance de la loi n'est pas une excuse. Ce n'est pas la même chose.

M. Bergman: C'est la raison que j'essaie d'ajouter.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Monsieur, j'aimerais que vous laissiez... La question de M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Ménard: Mais le problème que vous soulevez m'a inquiété aussi. Je préparais ça, et la réponse, je la trouvais au dernier article de l'article 1749, tel que nous le proposons. Et la réponse à votre préoccupation, nous allons chercher à la résoudre soit par une bonne forme de publicité dans les bureaux d'enregistrement, soit peut-être par une trousse consommateur, comme dans certaines provinces canadiennes où, avant de... soit même en créant une obligation à l'égard du fonctionnaire qui va enregistrer le transfert d'informer la personne, de lui dire: Êtes-vous conscient qu'il y a un lien sur cette voiture? Si oui, bien, ça va, et puis si non... Mais c'est une préoccupation que je partage, M. le député.

M. Bergman: La seule chose que j'essaie de faire, c'est enlever le fardeau de l'obligation pour le consommateur de faire la vérification. Comme vous le savez, chacun de nous, comme consommateur, n'a pas les connaissances de faire... Peut-être que c'est moi, comme notaire, qui, le notaire en moi qui sort, qui dit que ce n'est pas le consommateur qui va faire la vérification, il va essayer d'oublier, il va essayer de passer ça, et je suis certain qu'il sera pris quelques fois avec une voiture qui a des liens, sur laquelle il n'avait pas de connaissance.

M. Ménard: En tout cas, nous partageons la même préoccupation.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Me Morin.

M. Morin (Frédéric): Juste avec votre permission. En fait, je pense que la problématique, s'il y a problématique, c'est plus au niveau de la vente de véhicules entre particuliers. Mais, si vous achetez un véhicule de votre voisin, vous prenez actuellement le soin de l'inspecter ou de le faire inspecter. Vous essayez de savoir s'il a déjà auparavant été accidenté, si le kilométrage est réel, et autres, et, oui, à ce moment-là, va s'ajouter à ça, ça se fait déjà actuellement, à savoir s'il y a un lien financier dessus. Sauf que là vous allez avoir un mécanisme qui va vous permettre de vérifier par le biais du registre, peut-être également en collaboration avec la Société de l'assurance automobile du Québec.

(15 heures)

Parce que, moi, je me souviens, lorsqu'il y a eu les consultations au niveau du projet de loi n° 12, il avait été question de lien financier et il n'était aucunement question, à ce moment-là, que la SAAQ crée un système de lien au Québec, puisque le ministère de la Justice en a déjà un depuis le 1er janvier 1994.

Et, ce qu'on fait aujourd'hui, on vient tout simplement compléter ce registre-là. D'après moi, pour les particuliers qui vont vendre leur véhicule à un autre particulier, il y a un phénomène d'éducation, mais on va pouvoir vérifier avec le registre. Et possiblement, également, que le ministère de la Justice pourra travailler de concert avec la Société de l'assurance automobile du Québec pour ces cas-là particuliers de vente, justement, entre deux particuliers.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Vous commentez, à votre mémoire, à la page 2, la notion d'inscription globale, qui est introduite par 2961.1, et vous suggérez que vous l'aviez déjà recommandée. J'ai votre mémoire, à l'époque, là, sous les yeux, comme vous le dites, à la page 5 de l'annexe V. Est-ce que, le texte de 2961.1, vous ne considérez pas qu'il est un peu pas mal large et que ça pourrait ouvrir des débats assez préoccupants, quant à moi, particulièrement lorsqu'on dit ceci – et je vous invite à prendre bonne note de ce qui apparaît au milieu du texte, je saute les cinq premières lignes: «...mais aussi conserve au vendeur ou au cessionnaire tous ses droits non seulement sur ses biens, mais aussi sur tous les biens de même nature.»

Alors, je voudrais avoir votre commentaire là-dessus. Il peut y avoir tout un débat sur: Est-ce que c'est un bien de même nature ou pas? Est-ce que ça vous... J'imagine que non. Vous en avez pris connaissance. Vous indiquez au ministre et aux membres de la commission être en accord avec le principe. Puis vous n'avez pas commenté, non plus, le verbatim, le texte comme tel.

Est-ce que, dans le quotidien, là, ça ne peut pas ouvrir tout un débat entre le concessionnaire et l'autre partie – les banques, peu importe qui finance – compte tenu du fait que le texte, quant à moi, est très large? Et, lorsqu'on parle de biens de même nature, ce n'est pas évident, quant à moi, là. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus. Je ne sais pas lequel des trois peut répondre.

M. Lacroix (Yves): Bien, je peux commencer. Mes collègues compléteront, le cas échéant. Les termes qui sont employés dans l'article 2961.1 sont des termes que l'on retrouve au niveau des hypothèques également, notamment au niveau de l'hypothèque universelle.

L'article 2961 est un article qui ressemble beaucoup à celui de l'hypothèque universelle. Vous savez que le nouveau Code civil instaure maintenant la possibilité d'enregistrer une hypothèque universelle sur des biens de même nature, les universalités pouvant être des universalités de biens meubles. Et, dans les biens meubles, on peut avoir différentes universalités. Bon.

Ce que vise l'article 2961, pratico-pratique, pour vous donner un exemple bien concret – tout à l'heure, Marc vous en parlait un petit peu dans la présentation – c'est, par exemple, au niveau des concessionnaires d'automobiles au Québec, qui ont des inventaires assez importants de 200 à 300 véhicules dans leur cour, qui représentent 5 000 000 $, à 6 000 000 $, à 7 000 000 $ de financement.

Comment ça fonctionne? Juste pour ouvrir une petite parenthèse pour vous faire bien comprendre ce que ça vise.

M. Lefebvre: Oui, s'il vous plaît.

M. Lacroix (Yves): C'est que vous avez un concessionnaire d'automobiles qui a des véhicules dans sa cour. D'où ils viennent, ces véhicules-là? Ils viennent d'un manufacturier. Le manufacturier, lui, il vend ces véhicules-là. Pour prendre un exemple, General Motors vend à un concessionnaire GM des Pontiac Firebird. Bon. À ce véhicule-là est attaché un contrat, un contrat de vente à tempérament avec une réserve de propriété.

Qu'est-ce qui se passe dans les faits? C'est que la compagnie de finance, qui est General Motors Acceptance Corporation, elle, paie le manufacturier. D'accord? Et là le véhicule s'en va sur ce qu'on appelle la ligne de crédit, le «wholesale du dealer», pour se comprendre, si on veut. D'accord? Et, à ce moment-là, ce véhicule-là qui est dans la cour appartient, par une cession, à GMAC.

Mais imaginez-vous le nombre de transactions qui se font dans une journée à travers le Québec, chez tous les concessionnaires, que ce soit Mazda, que ce soit Toyota, que ce soit Chrysler. Moi, je représente aussi des institutions financières. Je pratique dans le milieu depuis 18 ans. J'en fais une spécialité dans le domaine de l'automobile, le financement automobile, tant pour les concessionnaires que pour les institutions financières, alors, imaginez-vous le nombre de transactions que ça peut faire!

L'idée, c'est, comme il y a des réserves de propriété pour chacun de ces 230 véhicules-là chez De La Capitale Dodge Chrysler, ici, pas loin, mais, à côté, il y en a un autre, là – ça en fait du monde, ça, pensez, dans la province – incluant pour des flottes de location, incluant pour certains concessionnaires de véhicules usagés, ça commence à faire du stock, et de même nature. C'est des véhicules automobiles qui font partie de l'inventaire. Un peu comme pour une hypothèque universelle; on pourrait prendre une hypothèque universelle sur tous les véhicules automobiles.

Ce qui arrive, c'est qu'il faut définir, nous, ce qu'est la nature du bien, et lorsqu'on va faire l'inscription globale, nécessairement, le formulaire – qu'il s'appelle RH, RG, ou je ne sais pas trop comment ils seront instaurés au niveau de la réglementation – nous exigera de décrire notre universalité et la nature de nos biens pour que ça soit bien décrit que l'objectif de l'inscription, ça vise telle sorte de biens de même nature. Et ça, c'est au titulaire.

M. Lefebvre: Autrement dit, c'est l'inscription qui va permettre d'éviter l'inquiétude que je vous ai manifestée.

M. Lacroix (Yves): Oui, parce qu'on va faire comme une banque qui a une hypothèque universelle sur, par exemple, tous les stocks et équipements. Souvent, on va voir dans la description – peut-être que c'est plus technique pour certains d'entre vous ici – mais, quand on enregistre l'hypothèque au RDPRM – excusez-moi le raccourci, au lieu de dire registre des droits personnels réels mobiliers – à ce moment-là, on décrit la nature des biens qui font l'objet de notre hypothèque. Alors, dans l'inscription globale, il y aura aussi la description de la nature des biens, et les termes «de même nature» sont des termes qui sont employés dans les articles 2700 et suivants du Code civil relatifs à l'hypothèque.

Alors, le libellé de l'article 2961, quant à moi, je trouve qu'il respecte, si vous voulez, tout l'esprit qu'a voulu avoir le législateur, au début, de créer une super priorité, l'hypothèque, et, avec les conventions de vente à tempérament, de créer une uniformité dans la terminologie, dans les mécanismes d'inscription, qui sont pareils, et dans la réalisation, au niveau, notamment, des quatre recours hypothécaires. Alors, il y a une uniformité là-dedans, et je pense que c'est un objectif qui est recherché par le législateur, qui a été recherché lorsque l'instauration du Code civil a été faite, et qu'on voyait implicitement qu'il s'en venait dans l'implantation des phases 2 et 3 du registre.

M. Lefebvre: Ça va.

M. Morin (Frédéric): Peut-être juste pour rajouter. L'hypothèque ouverte, on pourrait dire: tous les véhicules de couleur bleue, et tous les véhicules de couleur bleue feraient l'objet d'une hypothèque ouverte, mais de même nature. Dans ce cas-là, on pourrait dire: Tous les véhicules en inventaire de marque Toyota.

M. Lefebvre: C'est parce qu'il peut y avoir gris bleu, hein.

M. Morin (Frédéric): Oui.

M. Lefebvre: On peut plaider que c'est gris et que ce n'est pas bleu.

M. Mulcair: Non, mais on est très hypothéqué quand c'est bleu aussi. Alors, c'est...

M. Morin (Frédéric): C'est juste pour dire que l'hypothèque universelle...

M. Lefebvre: Si vous êtes satisfaits de la rédaction du texte, moi, je m'arrête là, vous êtes des experts.

M. Morin (Frédéric): Oui. Chez nous, tous les marques sont bonnes, à la Corporation des concessionnaires, et, dans ce cas-ci, on pourrait dire: Tous les véhicules en inventaire d'une marque spécifique, et, à ce moment-là, l'hypothèque universelle vaudrait sur ces produits-là.

M. Savoie (Marc): Je peux peut-être juste ajouter que c'est une chicane qui peut avoir lieu entre des créanciers. Ce qui est important, c'est que le particulier va toujours être protégé...

M. Lefebvre: C'est une nuance importante, ça.

M. Savoie (Marc): ...l'article 2961.1 est toujours protégé. Il est possible, quoique ce ne soit pas une chose fréquente, que quelqu'un dise: Bon, moi, j'ai des réserves de propriété sur tous les véhicules automobiles et les autres objets de même nature, puis il y en a un autre qui dirait: J'ai des réserves de propriété générales ou globales sur tous les camions et autres objets de même nature, puis on aurait une chicane pour savoir si un Jeep Cherokee, c'est un camion ou si c'est un... Il peut y avoir de la chicane, en théorie, entre créanciers, mais nous, on est satisfaits du texte comme tel.

M. Lefebvre: Ça va.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: Vous dites que vous préfériez inscrire tous les contrats qui ont trois ans à courir. Mais cette période de trois ans, vous ne la trouvez pas trop longue un peu pour le risque que ça peut encourir pour, justement, l'industrie du financement auto, ou même pour les acquéreurs de véhicules d'occasion, qui ne bénéficieront pas, en fait, de cette protection-là? Moi, ce que ça me dit, c'est que le système ou le registre ne sera pas fiable pour les trois prochaines années.

(15 h 10)

M. Savoie (Marc): Ça va être imparfait... Mme la députée, ce qu'on veut faire, c'est balancer deux priorités, deux droits. D'une part, effectivement, si on met en vigueur demain puis on dit: Tout le monde, vous enregistrez tout, le système va être fiable à partir de demain, ou, dans ce cas-ci, on donne un an. C'est un fait que ce que je propose, trois ans, ça veut dire que ce qu'on appelle les sûretés occultes vont subsister pour trois ans. Remarquez qu'on vit avec ce régime-là depuis des années. Alors, j'essaie de balancer l'inconvénient, parce que les gens qui signent les contrats, qui ont signé les contrats de vente à tempérament aujourd'hui, on ne peut pas les enregistrer. Il n'y a aucun endroit. Alors, il n'y a personne qui fait défaut. Tout le monde fait sa job, comme on dit. Après ça, quand le registre va être en vigueur, il va falloir aller les inscrire. Alors, c'est un lourd fardeau financier et administratif. Alors, notre recommandation est de faire un équilibre entre les deux, entre l'obligation de rendre le plus vite possible le registre...

Mme Papineau: Fiable.

M. Savoie (Marc): ...étanche. Étanche et fiable et, d'autre part, respecter les gens qui ont fait l'affaire de bonne foi et selon les normes données et les obliger, après ça, de reculer et d'aller sortir tout ça et d'aller dépenser des millions pour inscrire. Vous comprenez? C'est ça...

Mme Papineau: Mais vous admettez quand même que, pour les trois prochaines années...

M. Savoie (Marc): Tout à fait.

Mme Papineau: ...si on y va avec trois ans, il y a encore des gens qui vont être pénalisés.

M. Savoie (Marc): Je ne peux pas vous dire le contraire, qu'effectivement si on dit qu'il y a trois ans, ça va être des sûretés occultes pendant trois ans. Mais, comme je vous dis, on en avait discuté à l'époque...

M. Morin (Frédéric): C'était une préoccupation.

M. Savoie (Marc): C'était une solution qui avait été envisagée, effectivement, parce que c'est très coûteux de le faire. Passer 230 000, je ne sais pas combien, il y a peut-être 800 000 contrats qui devront être enregistrés, ou 500 000. Ça commence à être de l'argent! Ça commence à être de l'ouvrage, ça! Alors, c'est pour ça, c'est pour, comme je vous le dis, balancer les priorités, essayer de ménager un petit peu la chèvre et le chou. C'est pour ça qu'on proposait trois ans, ce qui semblait raisonnable, parce que, en réalité, si on disait: Écoutez, laissez écouler les contrats qui sont en vigueur présentement, ça irait jusqu'à cinq ans. Alors, on propose quelque chose de...

Mme Papineau: Parfait.

M. Savoie (Marc): Mais je ne prétends pas le contraire. Mais je pense qu'il serait plus juste et équitable de le faire sur trois ans.

M. Morin (Frédéric): C'est parce qu'on joue avec des chiffres très, très importants. Si on parle juste de vente de véhicules neufs, il se vend en moyenne 300 000 véhicules neufs par année au Québec. Si on parle de véhicules usagés, il s'en vend approximativement 700 000. Donc, il faut récupérer dans un temps record tous ces contrats-là. Vous allez me dire: une bonne proportion, c'est du financement, mais c'est la très grande proportion. Donc, il faut récupérer presque d'un seul coup tous ces contrats-là écoulés et inscrire les nouveaux. Nous, on n'a pas nécessairement de très grandes objections, sauf que c'est le registre qui va être débordé. On ne voudrait pas que le registre soit comme celui en matière foncière et qu'on soit obligé de le mettre de côté temporairement parce que...

M. Lacroix (Yves): Juste pour ajouter justement dans la même veine, imaginez-vous, là, qu'il va rentrer dans une année pas loin de 500 000 contrats enregistrés. Alors, ça fait beaucoup de contrats. Le registre va être embourbé. Il va probablement y avoir des erreurs. Bon, le système n'est pas encore tout à fait rodé. Et je dois vous dire qu'on s'est aussi, dans notre préoccupation, inspiré de la Loi sur l'application de la réforme du Code civil qui s'est faite en deux étapes aussi, où il y avait des charges occultes qui devaient être enregistrées dans la première année, à partir du premier janvier 1994, et il y en a d'autres, par la venue de l'article 157.2, d'autres genres de charges occultes qu'on avait peut-être laissé en plan un peu, qui, elles, on pouvait les enregistrer d'ici le 31 août 1996. Il y a eu comme deux étapes. Alors, en s'inspirant un peu de ces mécanismes-là, on a voulu justement faire, pas une demi-mesure, mais essayer de couper un peu pour que ça soit raisonnable pour ceux qui vont enregistrer, parce que, là, ça implique les banques, ça implique toutes les institutions financières, et pour le registre.

Mme Papineau: J'imagine que vous avez dû évaluer les risques pour vous.

M. Lacroix (Yves): Oui, oui.

Mme Papineau: Quand vous dites «trois», vous avez dû évaluer vos risques.

M. Lacroix (Yves): Bien, on les évalue un peu.

M. Savoie (Marc): Madame, je m'excuse parce que j'ai interrompu la parole à mon collègue. Ce n'est pas vraiment l'évaluation. J'ai oublié de le souligner tantôt. Trois ans, c'est une norme qui existe déjà dans tous les autres registres. L'implantation du registre, le dernier qui a été mis en vigueur, en anglais, ils appellent ça «PPSA», «Personal Property Security Act», celui de la Nouvelle-Écosse qui vient en vigueur en novembre 1997, c'est trois ans. Celui auparavant, celui du Nouveau-Brunswick, c'est trois ans. Celui de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, ils ont accordé une période de trois ans, semblable. Alors, c'est une norme. On ne l'a pas évalué de même. On l'a pris. On a dit: Écoutez, ils ont été capables de vivre avec ça dans les autres juridictions. On va être capables de vivre, même si on va perdre ou on va devoir...

Mme Papineau: O.K.

M. Savoie (Marc): Alors, ce n'est pas arbitraire.

M. Morin (Frédéric): Ça fait 25 ans qu'on est occulte dans l'automobile.

Mme Papineau: D'accord. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Jean. Ça va? O.K. M. le ministre.

M. Ménard: Je suis heureux d'avoir votre collaboration aujourd'hui. D'ailleurs, c'est bon que vous passiez les premiers parce que vous connaissez bien le domaine et que vous faites ces transactions continuellement.

J'ai quelques questions courtes à vous poser. Vous avez parlé qu'il y a beaucoup de transactions frauduleuses; déjà, je comprends que vous êtes en mesure de les évaluer. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée comment on peut évaluer le nombre de transactions frauduleuses qu'il peut y avoir à cause du fait qu'on n'a pas de registre où sont, justement, diffusés ces droits sur les véhicules automobiles?

M. Morin (Frédéric): Juste, peut-être, une parenthèse, M. le ministre. Moi, je pense qu'il y a deux choses. On parle de protection du public puis, oui, on parle de situations de fraude. Le prix des automobiles étant... la moyenne d'une automobile, aujourd'hui, en termes de prix, c'est 25 000 $. On s'achète une maison, et le second bien en importance après l'acquisition d'une maison, c'est l'automobile. Donc, je pense que, oui, il y a un phénomène de fraude, il y en a toujours eu dans l'automobile, et il faut protéger les consommateurs en ce sens-là, mais, en même temps, le registre va apporter une sécurité d'esprit au consommateur, et ça, c'est d'autant plus important que les fraudes qui pourraient être générées dans l'automobile.

La Banque royale disait dernièrement que le consommateur prenait 39 ou 40 semaines de salaire net pour payer son automobile; et si, effectivement, moi, j'acquiers un véhicule d'un particulier ou d'un commerçant, que je le paie 10 000 $, 15 000 $, 25 000 $, je ne suis sûrement pas intéressé à perdre même le comptant que j'ai donné, ou toute la valeur du véhicule, et je pense que c'est plus large que la seule notion de fraude.

M. Ménard: Je comprends de votre réponse que vous n'êtes pas en mesure de nous donner une évaluation du nombre de transactions frauduleuses par année en matière automobile.

M. Morin (Frédéric): C'est-à-dire qu'il y en a, mais je voulais juste faire une parenthèse, c'est très important, je crois.

M. Lacroix (Yves): M. le ministre, je sais que vous aimeriez avoir des chiffres. Il est difficile de donner des chiffres, parce qu'on représente tous des institutions financières séparément, on aurait chacun nos propres statistiques. Moi, ce que je peux vous dire, c'est vous parler de ma propre expérience. Ça fait 18 ans que je suis dans le domaine, que je suis avocat qui représente une institution financière et quelques autres qui font du financement automobile et, régulièrement – je dis bien régulièrement, et mon terme n'est pas exagéré – j'ai des dossiers de litiges où je suis pris avec ce qu'on appelle une vente de la chose d'autrui.

Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, bon, la compagnie de finance avait une réserve de propriété, ou encore elle était propriétaire du véhicule en vertu d'un bail. À un moment donné, le consommateur payait, payait, puis il faut comprendre que, quand vous avez 50 000, 60 000 comptes, vous ne les surveillez pas tous. Au bout d'un certain temps, le consommateur, il ne paie pas. On l'appelle, on se demande ce qui se passe, puis là il dit: Bon, bien, j'ai de la difficulté. On lui laisse un mois et on le rappelle le deuxième mois, il n'a pas plus payé, puis, tout à coup, on s'aperçoit que, six mois avant, il a vendu le véhicule à quelqu'un d'autre qui lui, l'a vendu à quelqu'un d'autre. Bon, vous connaissez l'histoire.

Alors, ça, moi, j'en ai régulièrement. Je dois vous dire que j'en ai toujours un ou deux en marche, mais ça, c'est des procédures. Ce que je veux dire, c'est qu'il y en a aussi qui se règlent directement entre les institutions financière et les consommateurs.

M. Ménard: C'est correct, je voulais savoir. Vous, là, vous avez une pratique, vous en avez toujours un ou deux par mois, ou un ou deux par année?

M. Lacroix (Yves): Ah non! plus que ça. Je vous dirais que c'est une dizaine par année.

M. Ménard: Une dizaine par année?

M. Lacroix (Yves): Ouais.

M. Ménard: Sur combien de dossiers, à peu près?

M. Lacroix (Yves): Sur combien de dossiers de litiges ou de dossiers de financement?

M. Ménard: Ah oui! C'est difficile à comparer.

M. Lacroix (Yves): C'est difficile. C'est ça que je vous dis, c'est...

M. Ménard: O.K., mais vous en avez une dizaine par année.

M. Lacroix (Yves): Oui, mais des fois il y en a des gros, des fois, c'est cinq, six.

M. Savoie (Marc): Moi, je dirais la même chose, sur 200 quelque dossiers, je dirais qu'il y en aurait peut-être 10 % qui ont une connotation. Ce n'est pas nécessairement de la fraude, il y a les ventes de shérif, des oppositions. Cette semaine, on m'a appelé à 10 h 15 pour une vente à 10 h 30 d'une voiture, puis le huissier ne le savait pas puis il dit: J'ai pourtant vérifié au registre puis je n'ai pas vu.

M. Ménard: O.K., donc, c'est un problème réel et important.

M. Savoie (Marc): Tout à fait.

M. Morin (Frédéric): M. le ministre, juste peut-être un commentaire additionnel, si vous me permettez. Moi, je suis avocat à la Corporation des concessionnaires, puis mon rôle, principalement, c'est de répondre au téléphone, parce que j'ai régulièrement des questions d'ordre juridique. J'ai aussi des appels de consommateurs, et si on veut parler de ma journée d'hier, bien, dans ma journée d'hier, j'ai eu deux cas de liens, juste dans ma journée d'hier. Et, oui, effectivement, moi, j'ai des consommateurs qui m'appellent, mais la grande proportion, c'est des concessionnaires, et des liens, moi, j'en ai à chaque semaine. Évidemment, ce n'est pas tout rapporté au plumitif, parce que souvent les problèmes se règlent, mais des liens, j'en ai à chaque semaine, ça, je peux vous l'assurer, c'est régulier.

M. Ménard: O.K., c'est ça que je voulais, une évaluation, pas du nombre total, mais je voulais voir... Donc, c'est courant dans votre pratique.

M. Lacroix (Yves): Ouais.

(15 h 20)

M. Ménard: Une autre chose que je voulais savoir: Allez vous avoir un terminal chez chaque concessionnaire?

M. Morin (Frédéric): Oui.

M. Lacroix (Yves): On va le laisser parler.

M. Morin (Frédéric): Au niveau des concessionnaires, d'abord, on est très, très informatisés. Au niveau de la Corporation des concessionnaires, on est à l'heure d'Internet. C'est quelque chose, là, qui va se faire en 1998, et, oui, tous les concessionnaires sont très, très informatisés, alors ils paient des systèmes à un coût de 400 000 $, 500 000 $. Et ça, ce n'est pas un problème.

Ça, pour moi, c'est des modalités, dans le sens suivant: c'est que, dans la mesure où la réglementation verra à choisir les modes de communication, au niveau des concessionnaires, ce n'est pas un problème. Si le ministère de la Justice désire également travailler avec la Société de l'assurance automobile du Québec, par exemple pour les transactions entre particuliers, je ne pense pas que ce soit un problème entre ministères. Et, moi, je ne vois pas de problème particulier à ce niveau-là.

De toute façon, à l'heure actuelle, le registre, il est là depuis le 1er janvier 1994. Et, aujourd'hui, on peut vérifier, voir s'il n'y a pas une hypothèque mobilière sur un bien acquis pour l'exploitation d'une entreprise. Et vous avez toujours les numéros 1-800; on peut vérifier à tous les jours. Mais, évidemment, le système, il est loin d'être complet, parce que ça ne concerne que les entreprises. Mais ce n'est pas un problème, l'informatique. Je tiens à vous rassurer.

M. Ménard: Bon, je rejoins maintenant les préoccupations de la députée de Prévost, et je dois vous dire que je suis certain qu'elles sont partagées par l'ensemble des députés ici. Je comprends que le délai d'incertitude pour trois ans, il vous affecte relativement peu, vous. Ceux qu'il risque d'affecter, ce sont les consommateurs qui vont acheter des véhicules.

Alors, nous cherchons à concilier des intérêts légitimes. On comprend que... Mais n'est-il pas vrai que la création de ce registre, quand même, vous l'attendez depuis un certain temps? Et vos concessionnaires devraient être préparés à pouvoir enregistrer les transactions importantes...

M. Savoie (Marc): Il n'y a pas de danger qu'on...

M. Ménard: ...qu'ils ont déjà faites. Parce que, actuellement, écoutez, là, votre droit est protégé même s'il n'est pas enregistré, puisqu'il n'y a pas d'endroit pour l'enregistrer. Alors, il est protégé. À l'avenir, il ne sera protégé que si vous l'enregistrez.

M. Morin (Frédéric): Voilà! On est d'accord là-dessus.

M. Ménard: Maintenant, pour concilier ces intérêts que j'estime légitimes de part et d'autre, si on faisait un effort du côté des tarifs pour, justement, l'enregistrement en bloc d'une certaine transaction, ça aiderait à diminuer le... et puis, en fait...

M. Lacroix (Yves): Ça serait un atermoiement intéressant.

M. Morin (Frédéric): Il y a toujours le facteur humain, mais...

M. Ménard: Mais il y a le facteur, évidemment, de travail, d'aller chercher. Maintenant, vous nous dites aussi, pour nous convaincre de cela, qu'il y a 50 % à peu près des ventes d'automobiles, actuellement, qui se font sur des baux à long terme.

M. Lacroix (Yves): C'est plus que ça maintenant.

M. Savoie (Marc): Il y en a 50 % au Québec.

M. Ménard: Mais, dans tous ces cas-là, il ne s'agit pas de ventes à tempérament.

M. Lacroix (Yves): Non.

M. Ménard: Il s'agit de baux à long terme.

M. Lacroix (Yves): Oui.

M. Ménard: Dans tous ces cas-là, actuellement, un système de protection qui existe, c'est que l'enregistrement est au nom du locateur comme du locataire.

M. Savoie (Marc): C'est exact.

M. Ménard: Donc, on n'a pas une protection contre les fraudeurs, mais on a une protection contre des gens honnêtes qui, de bonne foi, se trouveraient à piler sur les droits de quelqu'un, d'un créancier. Alors, ça vous élimine... Bon, dans ce cas-là, vous ne devez vous protéger, au fond, que contre vos clients qui auraient une tendance à vous frauder, ceux qui auraient...

M. Lacroix (Yves): Bien, c'est plus que ça. Je vous répondrais que c'est vis-à-vis aussi de toutes les autres institutions, qui pourraient obtenir, par exemple, sur ce bien-là qui va fort probablement être un bien visé par la nouvelle hypothèque, de pouvoir vérifier effectivement s'il y a des liens sur ces véhicules-là qui pourraient faire l'objet d'une hypothèque, par exemple, en faveur d'une banque pour un prêt quelconque.

À ce moment-là, quelque part, si on ne peut pas aller vérifier, par exemple, pour 50 % des transactions, au registre ce qui se passe, ce n'est certainement pas la banque qui va appeler, ou l'institution financière, à la SAAQ pour vérifier le nom du propriétaire sur le certificat d'immatriculation. Alors, ça peut être difficile au niveau... de vérifier ça.

M. Ménard: L'argument va dans le sens de rendre le registre opérationnel le plus rapidement possible, et le plus sûr.

M. Lacroix (Yves): Oui.

M. Ménard: Donc, de diminuer le délai de trois ans.

M. Morin (Frédéric): O.K. C'est parce que, si je comprends bien votre préoccupation, c'est de vous dire que, étant donné que, sur le certificat d'immatriculation à la SAAQ, les deux noms y figurent, est-ce que, de notre côté – puis vous me corrigerez si tel n'est pas le cas – on pourrait, justement, travailler de concert avec le ministère de la Justice pour accélérer le tempo relativement à l'inscription des contrats de vente à tempérament? Est-ce que c'est...

M. Ménard: Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce que je veux dire, c'est que l'acheteur éventuel, de bonne foi, avec un vendeur de bonne foi, un vendeur qui voudrait se départir d'une automobile qu'il a louée, l'acheteur va nécessairement avoir une indication qu'il doit assumer les paiements, probablement, au locateur. Alors, il est automatiquement informé par le système actuel, à moins, évidemment, qu'on...

M. Morin (Frédéric): Oui, mais là...

M. Lacroix (Yves): Comme le contrat de vente à tempérament, M. le ministre, avec respect.

M. Ménard: Oui, mais la vente à tempérament, c'est beaucoup moins. Vous m'avez dit qu'il y avait plus de 50 % qui était le bail.

M. Savoie (Marc): C'est moins de 50 %. C'est quand même significatif.

M. Morin (Frédéric): Mais le certificat d'immatriculation, ce n'est pas un titre de propriété, ça. Ça, c'est très important. Ce sont les règles au niveau du Code de la sécurité routière. On ne pourrait pas...

M. Ménard: Oui, mais c'est l'instrument qui va... Dans une vente entre deux particuliers de bonne foi, l'acheteur va voir le certificat d'enregistrement du vendeur.

M. Savoie (Marc): Vous avez raison. Effectivement, quand on parle de gens de bonne foi, il n'y a pas de fraude, il n'y a pas de problème qui se pose. Si la personne de bonne foi sait que son auto est louée, elle n'essaie pas de la vendre, de toute façon. Alors, quand on parle de vente de location, on parle rarement de personnes de bonne foi. Il sait que son auto n'est pas à lui, puis il le sait sur l'immatriculation. Le maquillage existe, puis d'autant plus... En tout cas, mon impression présentement: il y a plus de fraude en matière de vente à tempérament parce que c'est beaucoup plus facile. Tout ce qu'il a à faire, il n'a même pas besoin de falsifier quoi que ce soit, il a tout simplement à signer l'immatriculation, donner ça au consommateur. C'est à son nom, ils ne peuvent rien vérifier. Alors, c'est facile de faire cette fraude.

Mais, à la location, il y en a, on en croise. Il y a des gens qui réussissent, malgré les deux noms, à faire les transferts. Ça existe. Et le jour où on va fermer la porte de la vente à tempérament, moi, je crois que la location va prendre de l'essor, parce que, finalement, quand on ferme une porte, bien, il y a quelqu'un d'autre qui va se tourner ailleurs.

M. Ménard: O.K. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Messieurs, nous vous remercions de votre présentation et des réponses aux questions. Avant qu'on passe à une autre audition, M. le député de Chomedey, au niveau du fonctionnement, vous aviez une intervention à faire?

M. Mulcair: Tout simplement, ça a été indiqué au début qu'on voulait faire un test pour la période des remarques préliminaires et pour plus d'une heure avec ce groupe, qu'ils ont pu faire leur test. Mais je peux d'ores et déjà leur dire que, s'ils consultent les députés sur les résultats de ce test, ce n'est pas concluant, au niveau des lumières. On ne peut même pas, effectivement, regarder nos invités. Alors, s'ils pouvaient conclure leur test maintenant, avant l'approche du prochain groupe, pour qu'on puisse au moins regarder nos interlocuteurs, ça serait intéressant.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je pense, M. le député de Chomedey, que c'est une préoccupation unanime de la...

M. Mulcair: Ha, ha, ha! La députée de Blainville dit que c'est la première fois qu'elle est en accord avec moi. Vous voyez?

M. Ménard: Moi, j'ai l'habitude des réflecteurs, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Voilà. Alors, messieurs les représentants de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec inc., merci.

Des voix: Merci.

M. Morin (Frédéric): Merci. On reste à votre disposition.

(15 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais maintenant les membres du Barreau du Québec à venir prendre place.

Alors, pendant que ces personnes prennent place, j'indique que la période d'une heure sera divisée comme suit. Les vingt premières minutes, ou à peu près, c'est pour la présentation par les membres du Barreau. Par la suite, 20 minutes aux membres de l'équipe formant le gouvernement et 20 minutes aux membres de l'équipe formant l'opposition officielle. Alors, si vous voulez, pour les fins d'identification et d'enregistrement, identifier chacune des personnes. Est-ce que c'est M. Fournier qui présente la délégation?

M. Fournier (Jacques): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Paquin): Alors, Me Fournier, si vous voulez bien, pour les fins d'identification, identifier chacune des personnes qui est avec vous.


Barreau du Québec

M. Fournier (Jacques): Alors, à ma gauche, Me Suzanne Vadboncoeur, qui est directrice du Service de recherche du Barreau du Québec et qui est secrétaire du comité sur la question qui nous intéresse aujourd'hui; à sa gauche à elle, Me Louis Payette, qui est avocat et spécialisé dans les questions de sûretés; et, à ma droite, Me Martin Claude Lepage, qui est également avocat et spécialisé dans les questions de sûretés.

Le Président (M. Paquin): Alors, la parole est à vous.

M. Fournier (Jacques): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, ma présence ici et, je pense, le mémoire qui vous a été soumis témoignent de l'importance que le Barreau accorde à tout ce qui touche au Code civil, et plus particulièrement, ici, au domaine des sûretés. Nous avons constitué un comité hautement spécialisé, dont deux des plus éminents membres sont ici et ont accepté de présenter le mémoire dans ses aspects techniques. Leur réflexion porte non seulement sur le projet sous étude, mais également, aussi, comporte une invitation, peut-être, à considérer une révision plus large des mécanismes de sûretés en général. Et, sans plus tarder, je vais demander à Me Vadboncoeur de vous présenter les grandes lignes du mémoire et de la réflexion du Barreau sur la question.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, Me Fournier. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, en fait, contrairement à mon habitude, je serai brève et je laisserai plutôt mes collègues faire la présentation technique. Laissez-moi, cependant, vous indiquer ceci. Pour ceux et celles qui ont vécu toute la réforme du Code civil dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, je pense qu'ils sont tous d'accord pour dire que le droit des sûretés a été probablement celui qui a été le plus touché par la réforme. Il y a des concepts nouveaux, il y a des pratiques nouvelles, il y a un vocabulaire nouveau, enfin, il y a vraiment beaucoup beaucoup de changements, et donc beaucoup d'incertitudes. Ce n'est pas pour rien qu'on appelle le droit des sûretés le droit des sûretés, il faut qu'il soit sûr et il faut que tant les créanciers que les débiteurs sachent exactement à quoi s'en tenir à ce niveau. Et c'est la raison pour laquelle, au Barreau, depuis environ un an et demi, deux ans, on a procédé à une réflexion sur tout le droit des sûretés et la publicité des droits.

Et on a même préparé un document de travail, que voici, que je déposerai volontiers à la commission si elle le désire et qui fera l'objet, sinon une étude aujourd'hui... en tout cas, certainement l'objet de rencontres ultérieures avec le ministère de la Justice, parce que le projet de loi n° 181 qui est devant vous aujourd'hui répond peut-être à un certain besoin. Il va peut-être régler certaines questions, mais c'est loin de répondre à toutes les exigences d'un système cohérent du droit des sûretés.

Donc, je vous invite, ceux que la question intéresse, à vous procurer une copie de ce document de travail qui servira de base à des discussions futures, et...


Document déposé

Le Président (M. Paquin): Je vais accepter le dépôt du document. Alors, si vous voulez le déposer.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): D'accord.

Le Président (M. Paquin): Vous pouvez continuer, madame.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Donc, sur cette question de cohérence du système et le début de présentation du mémoire sur le projet de loi n° 181 proprement dit, qui, comme je le répète, ne couvre qu'une très petite partie du droit des sûretés – il le couvre bien quant au principe, mais un peu moins bien quant à son application – je vais laisser la parole à Me Lepage.

M. Lepage (Martin Claude): Bon, écoutez, moi, je suis un peu, avec Me Louis Payette et l'autre membre du comité, l'auteur du document qu'on vous présente. On a, question de stratégie, procédé à deux volets. On a d'abord – et vous en avez eu une copie d'avance – préparé un petit mémoire très étroit et très pointu sur le projet de loi n° 181 comme tel.

Mais il faut que vous compreniez – et on profite un peu de l'occasion pour mettre notre agenda, dans un certain sens, sur la table... Depuis 1994, et surtout depuis fin 1994, les membres de ce qu'on appelle le comité permanent des sûretés du Barreau – on l'appelle «permanent» parce que c'est un comité qui se réunit et qui réfléchit à intervalles réguliers sur les problèmes qui sont causés au niveau du droit des sûretés dans la pratique actuelle...

Ces membres-là se sont réunis et on eu une longue réflexion continue sur la façon dont on pouvait améliorer le droit des sûretés. Parce qu'il est évident, comme le faisait remarquer Suzanne, que ce droit a été fondamentalement chambardé lors de la réforme du Code civil. Et il fallait s'attendre à ce qu'il y ait des ratés, à ce qu'il y ait des imprécisions, à ce qu'il y ait des endroits où il faille rajuster le tir de façon à ce qu'on puisse accomplir ou réaliser l'intention du législateur et non pas dévier dans une autre interprétation qui souvent... ou dans laquelle verse la jurisprudence sans le vouloir, ou même la pratique, sans le vouloir, dévie de l'intention du législateur.

Alors, ça a donné lieu à cette réflexion. Et ce qu'on a fait lors de la réception du projet de loi n° 181, c'est qu'on a pris ce mémoire qu'on avait déjà préparé en 1994. On l'avait remanié en 1995. On avait tenté à diverses reprises d'intéresser l'ex-ministre de la Justice à ce document-là, mais il avait d'autres préoccupations.

Finalement, ce qu'on a fait lorsque le projet de loi n° 181 est arrivé sur la table, c'est qu'on a incorporé... on a travaillé à deux volets, si vous voulez. On a d'abord développé le mémoire que vous avez ici, qui porte uniquement sur le projet de loi n° 181. Je parle du petit document. Et on a, dans un second temps, tenté d'incorporer et de rendre plus cohérents – que vous allez trouver, d'ailleurs, dans le document de travail – et les objectifs du projet de loi n° 181 et les autres problèmes qu'on avait rencontrés dans la pratique du droit des sûretés au cours des trois dernières années.

Je ne sais pas si je devrais rentrer dans tous les détails, mais, nous, on pense que l'objectif du projet de loi n° 181 est louable. On pense toutefois que, avec un tout petit peu plus d'efforts, on pourrait atteindre un but hautement plus louable que d'avoir une approche trop pointue et qui, éventuellement, va nécessiter encore des remaniements, encore des réajustements – et peut-être même des ratés – dont on va avoir de la difficulté à se sortir.

(15 h 40)

Certainement que l'approche du document de travail, tout en n'étant pas, disons, cristallisée ou coulée dans le béton, va certainement faire réfléchir ceux qui vont le lire ou qui vont prendre la peine de le lire. C'est développé article par article, on est allé de façon très pointue en proposant des amendements très précis à certains articles du Code, en utilisant la formule utilisée par le législateur habituellement, c'est-à-dire: le Code ou tel article du Code est modifié par, en enlevant tel mot ou en remplaçant tel mot, et le nouvel article, une fois modifié, se lira comme suit. Et ça, c'est suivi de commentaires assez détaillés sur l'objectif poursuivi, souvent en citant des causes qui ont fait que nous, on pense que la jurisprudence sera peut-être déviée de l'intention du législateur, et on veut ramener la barre à ce qu'elle était, le tout suivi d'une conclusion.

Vous allez trouver là-dedans une approche rafraîchissante. Rafraîchissante? On pense aux problèmes causés par ce qu'on a appelé les quasi-sûretés, c'est-à-dire, les quasi-sûretés, on parle de mécanismes qui sont dans le Code civil, comme la réserve de la propriété, comme la faculté de rachat, comme les crédits-bail qui sont utilisés, dans le fond, comme s'ils étaient des hypothèques. On les utilise comme mécanismes de sûreté, il en va de même de la fiducie, et on a pensé qu'il serait préférable de grouper ensemble dans une nouvelle section du Code tous les mécanismes qui règlent ou qui régissent les quasi-sûretés plutôt que de les avoir éparpillés un peu partout comme c'est présentement le cas tant dans le Code civil actuel que dans le projet de loi n° 181.

C'est ce qu'on vous soumet comme étant, on pense, l'approche élégante, l'approche la plus, je dirais, qui va porter des fruits à long terme. Et vous allez voir, là-dedans, qu'on n'oublie pas les objectifs du projet de loi n° 181, ils ont été incorporés. Si vous voulez juste jeter un... je ne sais pas si... combien d'entre vous ont le document, le nouveau document? Peut-être pas... en tout cas, vous allez voir, notamment à la page – prenez juste une note, là, vous allez voir – le nouvel article, c'est 28, c'est ça. On a toute une série de nouveaux articles, dans un titre quatrième du chapitre des sûretés, qui s'appellent maintenant des quasi sûretés, les articles 28.02 et suivants, il y a 28.02.1 à 28.02.8, et là on a vraiment tenté de concentrer le droit des quasi-sûretés. Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres choses à ajouter à cette petite présentation.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): M. le Président, merci, Me Lepage. M. le Président, j'aimerais maintenant, si vous permettez, passer la parole à Me Payette, qui va se concentrer davantage sur le travail qui a été effectué au niveau du projet de loi n° 181 proprement dit.

M. Payette (Louis): Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, le court mémoire, ou le mémoire en rapport direct avec le projet de loi n° 181 a été présenté d'une façon assez traditionnelle. Vous avez sur chaque page, en regard de la version du projet de loi, celle, le cas échéant, que le Barreau suggérerait et, dans la troisième colonne, à droite, bien, il y a des commentaires explicatifs qui essaient d'indiquer pourquoi on a cru que peut-être une version ou des modifications étaient souhaitables.

Les commentaires que j'aimerais vous présenter, je pense que je vais les regrouper autour de trois sujets. Le premier traite plus techniquement, regroupe des sujets qui ont trait à l'inscription, à l'enregistrement, en somme. Le second, j'aimerais passer en revue certaines recommandations particulières qu'on fait en rapport avec le projet de loi n° 181; et, dans mon troisième volet, bien, je parlerai de recommandations qui sont à l'extérieur du projet de loi n° 181 mais qu'on a cru quand même utile de présenter à l'occasion de modifications qui sont souhaitables.

Alors, au niveau de l'inscription ou au niveau de la publicité de l'inscription, nous avons cru bon de suggérer que le crédit-bail soit traité de la même manière que les ventes à tempérament et les ventes avec faculté de rachat avec la fiducie, puisque le crédit-bail est utilisé commercialement, un peu de la même manière, au fond, que dans bien des cas l'est la vente à tempérament. Il y a des opérations dites de «sale and lease back» qui vont ressembler à des ventes avec faculté de rachat et, au niveau concept et au niveau commercial, le crédit-bail est une opération qui est un peu dans la même foulée que les autres opérations, et nous avons donc cru qu'il serait logique que les dispositions relatives à l'inscription s'étendent au crédit-bail.

Dans un autre ordre d'idées, vous verrez, dans notre mémoire, que nous suggérons que l'inscription des différents types de contrats dont le projet de loi n° 181 traite puisse se faire même hors délai, mais en assurant, dans ces cas-là, une protection moins grande à celui qui est le titulaire du droit en question. On a cru que cette souplesse pouvait peut-être permettre à ceux qui ne pouvaient pas rencontrer les délais prévus – de 15 jours, je crois – de quand même rendre publics leurs droits et de faire en sorte que l'opposabilité soit traitée d'une manière un peu différente. L'opposabilité, elle est traitée d'une manière un peu différente dans le rapport que nous suggérons à l'égard des inscriptions hors délai. C'est surtout ça, le point que je veux faire valoir.

À l'égard de l'article 2961.1, ce que nous avons cru bon de faire, c'est de reprendre, compte tenu de la difficulté de rédaction de l'article, à l'intérieur de chacune des dispositions – les unes relatives à la vente à tempérament, les autres relatives à la vente avec faculté de rachat, les autres relatives au bail – le concept de 2961 qui, au fond, en est un de contrat-cadre, qu'on n'a qu'à inscrire une fois pour valoir à l'égard de toutes les opérations qui sont faites à l'intérieur du contrat-cadre. Il nous a semblé que c'était peut-être plus clair ou plus facile à comprendre en le rédigeant de cette manière-là.

Et, enfin, au niveau des inscriptions, nous proposons d'étendre à l'hypothèque cette notion du concept-cadre. Alors, il existe présentement un article 2954 qui prévoit que, lorsqu'un bâilleur de fonds a inscrit une hypothèque – une banque, par exemple – sur l'ensemble des biens présents et futurs de son client et que, subséquemment, l'entreprise débitrice de la banque achète un bien ou finance un bien et que le vendeur prend une hypothèque pour garantir le remboursement du bien ou le prêt fait pour l'achat du bien, cette hypothèque subséquente passe avant l'hypothèque préalablement inscrite de la banque. Ce que nous suggérons, c'est d'introduire, à ce niveau-là également, au niveau de 2954, le concept de contrat-cadre en sorte que, si une relation de commerce s'établit entre un vendeur et un acheteur qui suppose plusieurs livraisons successives, qu'un seule inscription soit suffisante pour protéger toutes les livraisons, pour protéger l'hypothèque du vendeur qui finance les objets successivement livrés. Au fond, on suggère, à l'égard de l'hypothèque, de faire ce que le projet de loi fait pour la vente avec faculté de rachat ou la vente à tempérament, en ajustant l'article 2954.

Si je passe maintenant à mon deuxième sujet, des recommandations un peu plus particulières, il y a celle dont je viens de parler à propos de 2954. Il y a également la préoccupation suivante, c'est qu'il ne nous a pas semblé que les règles actuelles du Code en matière de droit international privé se marieraient très bien avec les dispositions d'inscription qui sont prévues dans le projet de loi. On parle très souvent de véhicules routiers. Les véhicules routiers sont les biens qui se déplacent. Il se peut très bien qu'une vente à tempérament survienne dans une province voisine et que le véhicule soit déplacé au Québec. Si une situation comme celle-là, comme ce que je viens de décrire, se produisait en matière d'hypothèque, bien, il y a des règles, actuellement – 3102 à 3105 du Code – qui prévoient quelles dispositions s'appliquent, et est-ce qu'une réinscription est requise, etc. Alors, il faudrait probablement ajuster les règles de droit international privé pour les dispositions relatives à l'inscription des ventes à tempérament, des ventes avec faculté de rachat et des baux, pour assurer la même cohésion en cas de déplacement de biens.

(15 h 50)

Vous noterez aussi que nous proposons, un petit peu comme dans le cas de l'hypothèque, la possibilité d'une requête pour reprise du bien d'une manière accélérée lorsqu'il y a péril et lorsqu'il y a menace que le véhicule ou que le bien qui fait l'objet de la vente à tempérament disparaisse. Et nous proposons enfin que la remise du bien, dans le cas d'une vente à tempérament, éteigne la dette, mais à concurrence seulement de la valeur marchande du bien. Je pense que c'était une des options qui avaient déjà prévalu dans des discussions préalables au projet de loi, mais c'est celle que le Barreau favoriserait.

Enfin, si je passe à mon dernier volet, ce sont des recommandations particulières qui ont trait à des sujets qui débordent un peu le cadre du projet de loi n° 181. La première sur laquelle j'aimerais attirer votre attention a trait à l'article 1642 du Code civil, que nous proposons de remanier pour accommoder des opérations auxquelles les entreprises commerciales ont de plus en plus recours et qui sont des opérations de cession de comptes à recevoir, de financement par voie d'escomptes de comptes à recevoir, opérations qu'on appelle souvent, sur le marché, des opérations de titrisation. Dans les règles de l'inscription et de description, les universalités sont telles que, dans plusieurs cas, malheureusement, il faut ou bien avoir recours à une loi étrangère ou bien ne pas procéder, ou bien procéder d'une manière qui est moins avantageuse pour les parties. Alors, ça, c'est un élément.

Un autre élément que vous pourrez voir dans notre mémoire, à l'article 2683, c'est que nous proposons que la restriction de l'hypothèque mobilière sans dépossession soit restreinte et réduite aux meubles corporels. Il se pose présentement toutes sortes de difficultés en pratique lorsqu'un individu, un particulier, une personne physique veut transporter en garantie des éléments d'actifs ou des intangibles, des valeurs mobilières, des unités de fonds mutuels; la loi exige qu'il y ait une dépossession, et, suivant plusieurs, une dépossession suppose la remise d'un morceau de papier, d'un objet, et nous recommandons donc que, pour remédier à cette situation qui crée beaucoup de difficultés, 2683 soit restreint aux meubles corporels, dans l'interdiction qu'il fait de l'hypothèque sans dépossession.

Et, enfin, vous noterez que certaines suggestions sont faites relativement à l'article 2684 qui traite de ceux qui peuvent consentir certaines formes particulières d'hypothèques, des hypothèques universelles, des hypothèques, que ce soit des ensembles de biens ou des biens futurs et où le législateur a employé le mot «personne». La jurisprudence actuelle, qui évolue, en matière de sociétés et de sociétés en commandite, nie à la société en commandite la qualité de personne, et plusieurs croient que ce type de financement et que ce type d'hypothèque n'est malheureusement pas disponible ou possible pour les sociétés en commandite ou les sociétés, même, en nom collectif, ce qui fait que nous suggérons certains ajustements au niveau des textes.

Alors, voilà, dans leur ensemble, les suggestions que nous formulons.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, nous allons maintenant entreprendre la période d'échange avec les membres de la commission. M. le ministre.

M. Ménard: Un point particulier, d'abord. Je croyais, Me Payette, quand vous parlez d'inscription tardive, je croyais que ce sujet était équitablement couvert par le troisième paragraphe de l'article 1749.1 qui est proposé.

M. Payette (Louis): Je crois, M. le ministre, que je me suis incorrectement exprimé. J'ai peut-être laissé entendre que le sujet n'était pas couvert, il l'est. Ce que je vous indique, c'est qu'on le traite un peu différemment. Au fond, le principe qu'on voudrait voir à l'égard de la vente à tempérament, à l'égard de la vente avec faculté de rachat, à l'égard de tout ce qui doit être inscrit en vertu du projet de loi n° 181, soit que, si l'inscription est faite dans les délais, l'opposabilité date du moment du contrat, et que si elle est faite hors délais, bien, elle vaut...

M. Ménard: Pour l'avenir.

M. Payette (Louis): ...pour l'avenir, sauf à l'égard de ceux qui ont pu acquérir des droits, évidemment, avant l'inscription en question, sur le bien.

M. Ménard: Bien, c'est ça. Ceux qui ne pouvaient être informés de ces droits.

M. Payette (Louis): C'est le sens de notre proposition.

M. Ménard: Remarquez que c'est certainement ça qu'on voulait. Je crois que c'est ça qu'on a prévu.

(Consultation)

M. Payette (Louis): Mais, vous voyez, par exemple, si je prends 1749.1, je regarde le second alinéa, si la réserve de propriété devait être publiée mais ne l'a pas été, le vendeur ou le cessionnaire ne peut reprendre le bien vendu qu'entre les mains de l'acheteur immédiat du bien.

M. Ménard: Ça, ça va de soi, parce que, évidemment, les deux parties, à ce moment-là, savaient quel lien elles créaient. Maintenant, si elle ne l'a été que tardivement...

Une voix: D'accord.

M. Ménard: ...je pense que ça exprime correctement le principe que vous vouliez avoir.

M. Payette (Louis): Au fond, ce qu'on souhaite, nous, c'est que ce même principe là se retrouve au niveau de chacun des autres contrats qui traitent de la vente soit avec faculté de rachat ou du bail.

M. Ménard: Vous dites qu'il ne l'est pas?

M. Payette (Louis): Bien, écoutez...

M. Ménard: Il ne l'est pas?

(Consultation)

M. Ménard: O.K. Alors, on va examiner cette question, qui est quand même assez technique. Vous faites bien de l'avoir soulevée, parce qu'il me semble que ça n'avait pas été prévu.

M. Payette (Louis): Enfin, je note à titre d'exemple qu'on s'exprime d'une manière différente dans le projet de loi, à l'article 1750, à l'article 1749.1 et possiblement au niveau du bail. Encore une fois, je pense que ce n'est pas un concept nouveau qu'on propose, c'est simplement le réaménagement, peut-être, de la formulation des textes.

M. Ménard: Bien, c'est peut-être exprimé de façon différente, mais c'est la même règle. Parce qu'on dit bien: n'est opposable au tiers que si elle est publiée. On dit: cette opposabilité est acquise à compter de la vente si la faculté est publiée dans les 15 jours – donc, c'est le délai – mais la cession d'une telle faculté n'est également opposable au tiers que si elle est publiée. C'est le délai de 15 jours, vous le trouvez trop long?

M. Payette (Louis): Non, je pense que c'est une question de cohésion dans la formulation d'un article à l'autre, et il nous a semblé que l'intention était que, si la publication...

M. Ménard: Ah bon. Ça va.

M. Payette (Louis): ...on lui donnait 15 jours, que l'opposabilité date du moment du contrat et que, si elle a lieu après ces 15 jours-là, qu'elle date à compter du moment où elle est faite, sauf à l'égard des droits intermédiaires qui ont pu être acquis sur ce bien-là.

M. Bergman: C'est cette phrase qui manque, la dernière phrase qui manque à l'article. Si la publication a lieu après les 15 jours, ce n'est pas clair, ici, que le lien...

(Consultation)

Mme Vadboncoeur (Suzanne): ...M. le Président, M. le ministre, que...

M. Ménard: On va l'examiner, cette question. C'est certain qu'on vous reviendra...

Mme Vadboncoeur (Suzanne): ...ce qu'on a voulu, c'est étendre cette règle-là, parce que...

M. Ménard: Vous comprenez qu'on a reçu votre mémoire seulement qu'hier, hein?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Oui. Malheureusement, on l'a envoyé un peu tard. On s'en excuse. Je pense qu'on est d'accord avec la règle...

M. Ménard: Mais ça ne diminue en rien sa valeur. Ha, ha, ha!

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Je pense qu'on est tous d'accord avec la règle, sauf qu'elle nous paraissait peut-être absente... des autres articles que l'article 1749.1, quant à l'inscription tardive, et on a voulu formuler ça différemment. Mais, ça, là-dessus, sur le plan technique, on pourra toujours se reparler, effectivement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Oui. Dans la question de publication des baux, vous semblez laisser le choix aux parties si elles veulent publier les baux ou non, et j'aimerais avoir une explication des problématiques qui peuvent arriver sur les baux qui ne sont pas publiés. Vos commentaires sur l'article 1852 et sur la page 14, il semble que vous voulez laisser la liberté de publier ou non aux parties, et j'aimerais avoir vos commentaires des problématiques négatives qui peuvent arriver si les baux ne sont pas publiés.

(16 heures)

M. Lepage (Martin Claude): Oui. Bien, écoutez, on a eu de longues discussions, je n'ai pas besoin de vous dire, sur cette question-là. Plusieurs heures ont été passées à discuter de la philosophie sous-jacente à l'inscription des baux, les baux à long terme, enfin, de plus d'un an et de moins d'un an, où on arrêtait, où on commençait, etc. Et, finalement, on en est venus à la conclusion que le système actuel n'est pas si déficient que ça, en ce sens que, si on laisse la liberté aux parties, si on rend les baux, comme ils le sont d'ailleurs présentement, non pas soumis mais admis à publicité – j'entends les baux mobiliers, les baux de biens mobiliers – les parties peuvent donc les inscrire.

Elles pourront donc inscrire le bail sur un objet qui a beaucoup de valeur mais qui est de moins d'un an. Elles pourront également inscrire un bail sur un objet qui n'a pas tant de valeur, mais pour une période de plus d'un an si elles le désirent, ce qui aura pour effet évidemment d'aviser les tiers de l'existence du droit d'autrui sur le bail. Parce que je prends pour acquis que dans le cas de bail il y a dépossession en faveur du locataire et que ça peut porter à confusion, c'est-à-dire que ça peut tromper les tiers qui penseront que le véritable détenteur d'un bien en est le véritable propriétaire, alors qu'il ne l'est pas.

L'inscription, donc, du locateur aura pour effet d'aviser les tiers qu'il est le véritable propriétaire du bien. Il y a certains locateurs qui voudront inscrire tous leurs baux, d'autres qui voudront inscrire seulement ceux qui ont des objets de valeur, d'autres qui voudront peut-être se protéger différemment en prenant un cautionnement du débiteur et non pas inscrire leurs baux.

De sorte que, en laissant ça à la liberté des parties, on s'est dit – puis là je vous cite un peu, à la page 17 du document de travail et non pas du mémoire officiel: «Si cette faculté est laissée à la discrétion des parties, celles-ci trouveront bien la solution qui leur convient dans chaque cas, compte tenu de leur degré de tolérance au risque que la non-publication comporte, selon les circonstances de chaque cas particulier.»

Ce sur quoi a porté notre réflexion également, c'est que, en rendant certaines catégories de baux obligatoires, enfin en rendant l'inscription obligatoire, en les soumettant à la publicité, on vient un peu, de façon indirecte, sanctionner la vente de la chose d'autrui. On vient dire, finalement, au contribuable: Écoutez, si le bail est inscrit, votre droit de propriété est protégé, mais si votre bail n'est pas inscrit, M. le locateur, votre droit de propriété n'est plus inscrit. Et c'est le «free for all». N'importe qui peut le vendre et l'acheter, etc.

Et donc, le législateur vient, de façon indirecte, sanctionner la vente de la chose d'autrui. Et, nous, on a pensé que c'était là un terrain fort dangereux où s'aventurer, car ce principe est contraire à toute l'économie de notre droit civil, pour lequel toute opération légale prétendument faite par une personne sur la chose d'autrui est, sauf très rares exceptions, nulle.

Alors, là, on ouvrait un champ où, finalement, on venait faire un accroc fondamental à l'économie du Code civil en permettant la vente de la chose d'autrui dans tous les cas de bail non publié. C'est la raison pour laquelle on n'a pas voulu traverser le Rubicon. On n'a pas voulu traverser cette frontière, tout en rendant le bail admis à publicité.

M. Bergman: Mais il semble que vous laissez le choix aux parties de publier ou non.

M. Lepage (Martin Claude): Oui, il peut publier s'il le veut, de façon à protéger son droit, de façon à mieux, si vous voulez, faire valoir son droit, et de sorte que, une fois le bail publié, évidemment, le locateur pourra à ce moment-là s'objecter à la vente de la chose d'autrui, s'objecter à une vente prétendument faite par un locataire.

Toutefois, le fait que le bail ne soit pas publié ne veut pas nécessairement dire qu'il va perdre son droit contre le locataire ni contre, par exemple, le syndic de faillite du locataire. Il ne faut pas oublier non plus que, si je suis locateur d'un objet, enfin, d'un système de son ou d'un objet qui a une grande valeur et que le locataire fait faillite et que je n'ai pas inscrit mon bail, je voudrais encore avoir la faculté d'aller dire au syndic de la faillite: Ce bien-là est à moi. Voici mon bail, M. le syndic. Je reprends mon bien. Et ça ne fait pas partie du patrimoine du locataire.

Et en obligeant l'inscription de tous ces baux-là, on viendrait d'une certaine façon bonifier le droit, ou on viendrait créer un droit de propriété pour le syndic au détriment du locateur.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Ménard: Mais vous réalisez que le système de publicité qu'on veut établir par le registre est autant pour la protection des tiers qui voudraient acheter l'objet mobilier hypothéqué que pour la protection des droits d'un créancier qui a une sûreté, ou du véritable propriétaire.

Alors, en matière d'automobile, si effectivement quelqu'un vend une automobile qu'il a louée, quant à moi, comme criminaliste, c'est une fraude, là, au départ, c'est une manoeuvre frauduleuse. Mais peu importe. C'est parce que là le locateur, lui, il sait bien qu'il a loué puis qu'il n'est pas propriétaire puis qu'il n'a pas droit de vendre ça. Mais celui qui l'achète, s'il n'a pas moyen de le savoir, que celui qui, justement, par la détention... Vous voulez dire, à ce moment-là, vous avez deux personnes de bonne foi: vous avez celui qui a loué et qui se dit: puisque j'ai loué, l'autre n'avait pas le droit de vendre, mais il vend, et puis j'ai décidé de ne pas enregistrer, et puis vous avez, d'un autre côté, quelqu'un qui achète de bonne foi en croyant que la personne était propriétaire parce qu'elle était détentrice. Alors, pour arbitrer entre ces deux intérêts légitimes, vous ne croyez pas que la meilleure solution, c'est d'obliger l'enregistrement, en matière d'automobile en tout cas?

Parce que, en matière immobilière, ça, ce n'est pas possible, parce que, nécessairement, l'immeuble, il est enregistré et n'importe qui peut vérifier qui est le véritable propriétaire. Mais là on a décidé d'étendre le crédit à la compagnie de sûreté à l'avantage du consommateur, à l'avantage de tout le monde, à l'avantage du commerce en général. Mais il faut songer à protéger également tous les intérêts légitimes. Notre pensée, à moins que vous nous fassiez changer d'idée, c'est qu'il est important de protéger l'acquéreur de bonne foi, d'autant plus que ce que l'on demande au véritable propriétaire en matière d'automobile, c'est quand même simplement d'enregistrer son droit. Oui?

M. Lepage (Martin Claude): Je répondais à la première question, mais maintenant je vais répondre à la vôtre. Toujours à la même page 17 du document de travail, j'ai ajouté un paragraphe, je n'ai pas voulu préparer de texte législatif, après avoir exposé la raison pour laquelle on n'a pas voulu obliger l'enregistrement des baux. J'ai ajouté: À la limite, pourrait-on envisager de répondre aux voeux des intervenants de l'industrie automobile – puis là je parle uniquement des véhicules routiers – en prévoyant que les baux de plus d'un an portant sur les véhicules routiers soient inscrits au RDPRM pour être opposables aux tiers? Donc, on n'a pas complètement écarté votre intervention là-dessus, mais on a dit: Toutefois, ces inscriptions n'auraient pas d'utilité pratique, à notre avis, et n'amélioreraient la sécurité des transactions que si les véhicules faisant l'objet de telles inscriptions faisaient l'objet de fiches descriptives, par opposition à simplement des fiches nominatives au nom du locataire ou du constituant de la sûreté, etc.

Il faudrait que, pour le système que vous proposez – et on est d'accord qu'en matière de véhicules routiers il va falloir une exception additionnelle au principe de la vente de la chose d'autrui, en obligeant l'inscription des baux, mais à la condition que ces fiches-là soient l'objet de fiches descriptives de façon à ce qu'on puisse faire une recherche sur tel ou tel ou tel ou tel véhicule plutôt qu'une recherche «at large» sur tous les véhicules dont Claude Lepage ou un autre serait propriétaire, ce qui, à cause des difficultés de description, serait probablement difficile

à administrer.

Donc, on reconnaît la validité du point que vous faisiez, M. le ministre, et probablement qu'à ce niveau-là on serait d'accord à ce qu'il y ait de la législation prévue pour obliger l'inscription des baux de véhicules routiers de plus d'un an, mais il faudrait aller un petit peu plus loin et obliger que l'inscription se fasse par fiche descriptive. Là, ça aurait vraiment une utilité concrète, on pourrait vérifier qui est le propriétaire du véhicule.

M. Ménard: C'est vraiment comme ça qu'on conçoit le registre. Puis, pour vous dire, c'est en visant d'autres buts qu'on atteint celui-là également. Là, je vous parle, maintenant que je connais mieux le point de vue du législateur, ses préoccupations... Quand vous pensez à ça, c'est non seulement de rendre les transactions commerciales les plus sûres possible – c'est pour ça qu'il y a des sûretés – mais il y a autre chose qui me préoccupe – et j'ai senti ça constamment – dont vous devez être conscients quand vous préparez vos choses, c'est de ne pas encourager le surendettement.

(16 h 10)

Et, d'un autre côté, lorsque nous créons des registres, les gens sont de plus en plus extrêmement sensibles à la protection de leur vie personnelle; et il y a beaucoup de groupes qui sont inquiets du fait qu'un registre public donnerait beaucoup d'informations sur la vie personnelle des gens. Et c'est pour ça que nous avons commencé par les véhicules automobiles, parce que là nous pouvons faire un registre qui est le registre de la chose, n'est-ce pas, qui est le registre de l'automobile; et puis éventuellement, on en aura un pour les aéronefs, et puis éventuellement on en aura un pour les bateaux. Mais les gens consulteront un registre qui leur donnera le nom de l'objet, ils n'auront pas un registre dans lequel ils vont pouvoir connaître la situation financière de quelqu'un. Ça, c'est une préoccupation, dans l'ère de l'informatique, qui est constante et que vous voudrez certainement prendre en considération lorsque vous compléterez des suggestions, qui seront très bien reçues, pour l'ensemble des sûretés.

M. Lepage (Martin Claude): Je remarquais que dans le projet de loi 1852 allait plus loin que les véhicules routiers, il allait également sur tous les biens faisant l'objet...

M. Ménard: Par règlement.

M. Lepage (Martin Claude): L'exploitation d'une entreprise, nous, on pense que ça, ça va trop loin.

M. Ménard: Ah oui! Mais là on est dans le domaine commercial, par contre.

M. Lepage (Martin Claude): Oui, mais, même là...

M. Ménard: Alors, dans le domaine commercial, c'est différent, parce qu'il ne s'agit pas de la vie privée des gens...

M. Lepage (Martin Claude): Non.

M. Ménard: ...et là il faut simplifier les procédures au maximum pour les rendre plus faciles et pour faciliter le commerce et lui poser le moins d'obstacles réglementaires, que les obstacles réglementaires absolument nécessaires au maintien du système, mais...

M. Lepage (Martin Claude): En résumé, nous, on est d'accord pour soumettre les baux faisant l'objet de véhicules routiers à l'obligation d'inscription pour les baux de plus d'un an...

M. Ménard: Ça va, O.K.

M. Lepage (Martin Claude): ...mais, pour les autres biens, même ceux qui font l'objet d'une entreprise, nous, on pense que ça va trop loin. Oui, les téléphones, enfin, tout ce qui est loué normalement: les téléphones cellulaires, etc., il n'y a pas...

M. Ménard: Bien non!

M. Lepage (Martin Claude): Il y a une multitude de biens qui font l'objet de locations et, à notre avis, ce seraient des biens qui ne pourraient pas faire l'objet de fiches descriptives, où la recherche serait extrêmement difficile et où l'encombrement du registre, finalement, aurait des résultats pratiques fort limités.

M. Ménard: O.K., je comprends.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Je tiens à saluer et à souhaiter la bienvenue aux représentants du Barreau. Ma question concerne non pas le premier document, auquel le ministre vient de faire référence, qui est votre mémoire qui a été présenté et qu'on a reçu effectivement hier, mais le document qu'on a reçu aujourd'hui et qui est daté d'aujourd'hui: Les modifications législatives proposées dans le droit des sûretés .

Je pense que l'introduction à ce document mérite d'être lue et absorbée par toute personne qui s'intéresse au projet de loi n° 181 et à la réforme du Code civil et à ses suites logiques. Vous n'étiez pas là pour le début de nos travaux. Il y a eu des remarques préliminaires avant le groupe qui vous a précédés, et une des choses qu'on disait de part et d'autre, c'est que c'était d'abord un domaine important pour la protection du public, pour la protection du consommateur. Vous l'abordez sous un autre angle dans votre introduction. Vous expliquez toute l'importance des sûretés, vous dites que c'est une lapalissade, mais, finalement, c'est évident que si on veut parler de sûretés il faut que ce soit...

M. Lepage (Martin Claude): C'est évident.

M. Mulcair: ...valable; et un des intérêts principaux là-dedans, c'est de veiller à ce que les taux d'intérêt soient le plus bas possible, profitant ainsi aux consommateurs, parce que, plus une sûreté est valable et sûre d'exécution, le cas échéant, moins va être élevé le coût du crédit. C'est extrêmement bien dit et bien présenté.

Mais, pour avoir, comme vous tous – dans mon cas, c'est depuis le milieu des années soixante-dix – vécu depuis les dernières décennies toutes les péripéties de l'adoption et de l'entrée en vigueur du nouveau Code civil, j'essaie de comprendre où se situe la démarche du Barreau dans le travail du projet de loi n° 181, et je veux commencer en vous posant une question fort simple. Vous réagissez au projet de loi n° 181 par votre mémoire, vous nous faites beaucoup d'autres suggestions. Mais est-ce que le Barreau n'a pas été associé à la démarche qui a donné lieu au dépôt du projet de loi n° 181, à l'automne 1997? Je vois que...

M. Lepage (Martin Claude): Pas à ma connaissance. Ce projet de loi m'a un peu pris par surprise. Peut-être que Suzanne était au courant, mais, moi, je n'ai pas été... Même, je le demandais à des contacts que j'ai auprès du RDPRM qui me disaient qu'un projet de loi s'en venait, mais c'était secret, ils ne voulaient pas me le donner, ils ne voulaient pas me le dire et je n'en ai jamais entendu parler. La journée où je l'ai eu, c'était le 17 novembre, lorsqu'il y a eu le premier...

M. Mulcair: Dépôt.

M. Lepage (Martin Claude): C'est ça.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Si vous permettez, le Barreau a été saisi d'un document de travail daté du 7 novembre 1997 et reçu, d'après l'estampille que je vois ici, le 14 novembre. Il s'agissait d'un document de travail où il y avait des notes explicatives assez élaborées, une présentation de diverses solutions, de diverses hypothèses de solutions, et c'est à partir de ça que le comité a commencé à travailler. On a tenu là-dessus quelques réunions, mais c'était essentiellement la même chose que le projet de loi n° 181. Il n'y a pas eu d'autres démarches préalables à la réception de ce document de travail qui, à toutes fins utiles, était l'ancêtre du projet de loi n° 181.

M. Mulcair: En tout cas, il va sans dire que je n'ai pas eu le temps de lire en détail l'important document qu'on vient de recevoir, mais, d'ores et déjà, je peux constater que ça contient une foule de constatations basées sur l'expérience des praticiens. Ce n'est pas de la théorie. Et ce n'est pas pour diminuer l'importance ou le rôle de qui que ce soit. Pour avoir déjà travaillé aux affaires législatives de la Justice avec certaines personnes qui sont ici présentes, je ne veux strictement pas diminuer l'importance de leur rôle. Mais je pense que, si on veut travailler correctement et intelligemment dans l'intérêt du public, il faut qu'on associe les gens qui sont sur le terrain en train d'essayer d'appliquer à nos démarches ce qui est déjà là, tous les jours.

Je prends l'exemple d'une discussion qu'on a eue hier, lorsqu'on était en train de regarder des questions budgétaires avec le ministre. Il y a eu toute la question des ordinateurs pour les registres fonciers. Des questions fort complexes, très intéressantes. Et on nous expliquait les efforts consentis au sein du ministère. Il me semble que ça devrait aller de soi qu'avant de brancher, avant de décider d'effectuer les choix de systèmes, il faut associer les notaires, il faut regarder les praticiens sur le terrain, il faut parler avec les arpenteurs-géomètres, il faut voir dans le quotidien comment ça va s'appliquer. Et je suis fort surpris d'apprendre cet après-midi que vous n'aviez pas été associés plus tôt, parce que, juste en le parcourant, on constate toute la jurisprudence, des différends qui peuvent exister, telle décision arrive et c'est une surprise pour tous les praticiens dans le domaine. On pense que c'est atténué par une autre décision et, finalement, oups!, on vit un gros problème. Il me semble que c'est le genre de choses que, nous, comme législateurs, on se doit de connaître rapidement si on veut pouvoir s'ajuster à la réalité sur le terrain. Il y va, justement, de l'intérêt du public.

Je prendrai le temps, avec mes collègues, de prendre connaissance adéquatement de votre document. Je vous remercie énormément pour le travail que cela représente et d'avoir fait ce travail dans l'intérêt du public et de la sécurité du droit, mais j'exprime quand même un certain regret: Que le projet de loi n° 181 n'ait pas été informé de votre expérience. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre.

M. Ménard: Par contre, vous reconnaîtrez volontiers que, si le Barreau n'a pas été consulté pendant la genèse du projet de loi n° 181, le registre avait des comités de clientèles sur lesquels siégeaient des avocats qu'on retrouve ici. En fait, on envoie au Barreau le projet de loi une fois qu'il est présenté à l'Assemblée nationale. La commission parlementaire sur le projet de loi lui-même ne peut venir et la consultation sur le projet de loi ne peut venir que quand la loi est présentée d'abord à l'Assemblée nationale. Il y a eu du travail qui a été fait avant.

(16 h 20)

M. Lepage (Martin Claude): Il y a eu évidemment beaucoup de travail. Je dois dire que, personnellement, j'ai été sur plusieurs comité, qui datent même de 1994, des comités ad hoc sur les problèmes vécus au niveau du droit foncier, en 1994, j'ai participé un peu à l'élaboration du projet de loi n° 61, le 31 août 1995, etc., et vous vous souvenez qu'à l'époque, dans l'agenda des notaires, c'était vraiment la grande priorité. Il fallait régler les problèmes du registre foncier. Il n'y avait pas tellement de problèmes au niveau du registre mobilier, et donc on a tenté, alors que j'étais un peu l'auteur, avec mes collègues, du document de travail, qui a évolué au cours de ces années-là, on a tenté à cette époque-là d'essayer d'infiltrer ou d'entrer certaines des idées ou des notions du document de travail, avec plus ou moins de succès.

Je l'ai fait circuler, ce document-là, à titre de projet au sein du comité Auger, si vous vous souvenez, le comité Auger qui avait été nommé pour aviser le ministre de la Justice Bégin en 1995, lorsqu'il y a un rapport qui a été soumis sur l'évolution éventuelle du registre foncier, du droit foncier, l'information, etc., à cause des ratés de la réforme de 1994. J'ai fait circuler des copies de ce projet-là à l'état d'ébauche. Je n'ai jamais eu de feed-back, si vous voulez, de sorte que, lorsqu'est arrivée l'occasion du projet n° 181, on s'est dit: Bien là on va au moins arriver avec quelque chose puis on va avoir l'attention de certaines gens qui vont nous écouter, ne serait-ce qu'une demi-heure, pour un peu mettre notre agenda sur la table. C'est dans cet esprit-là. On ne prétend pas avoir le monopole de la vérité. On vous remercie du temps que vous nous consacrez, et s'il y a des éléments là-dedans qui intéressent le législateur, tant mieux, ça a été fait de bonne foi et c'est notre contribution à l'avancement du droit, si je puis dire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je voulais juste poser une brève question. À la page 3 du document déposé aujourd'hui, les modifications législatives proposées dans le droit des sûretés – on est dans l'introduction – le premier paragraphe complet, la dernière phrase: «Il convient encore une fois de souligner que rien de ce qui suit ne veut remettre en question les principes mêmes de la refonte.» Laquelle? Quelle refonte?

M. Lepage (Martin Claude): La grande refonte des sûretés, au Code civil, qui a été introduite le 1er janvier 1994.

M. Mulcair: D'accord.

M. Lepage (Martin Claude): On ne veut pas retourner en arrière, tout ce qu'on veut, c'est rajuster notre tir, faire certains rajustements où il y a eu des ratés.

M. Mulcair: Basé sur quatre ans d'expérience.

M. Lepage (Martin Claude): C'est ça.

M. Mulcair: O.K. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre.

M. Ménard: Une question précise. Au sujet de l'article 592.2 du Code de procédure civile qui est visé à l'article 17 du projet de loi que vous avez, vous suggérez de hausser de 1 000 $ à 6 000 $ la valeur des biens saisis à partir de laquelle l'officier saisissant devrait obtenir un état certifié des droits publiés sur ces biens. Bon, vous réalisez que 6 000 $, c'est pour les entreprises, 1 000 $, c'est pour les particuliers. Comment justifiez-vous ça?

M. Fournier (Jacques): Je vais passer la parole à mes collègues parce que, honnêtement, je n'étais peut-être pas présent à la réunion et je ne me souviens pas de la raison pour laquelle on a passé de 1 000 $ à 6 000 $. Il y avait une question de concordance qui a été soulevée par un des membres du comité, on est 15; peut-être que Me François Bousquet a apporté quelque chose au niveau du Code de procédure civile. Je sais que mon collègue... Tu en as discuté avec lui, d'après tes notes, tu pourrais peut-être dire...

M. Ménard: Je comprends que, là, maintenant, il y aurait concordance sur le 6 000 $ pour les deux, mais justement...

M. Lepage (Martin Claude): Oui, c'est ça, c'est un peu ça.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Oui.

M. Ménard: Je pense que l'idée était que, pour les particuliers, ce serait nécessairement une valeur moindre, parce que, si un particulier fait faillite, on ne prend pas les mêmes précautions.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Bien, l'idée, aussi, M. le ministre, c'était, si mon souvenir est bon... Mais je dois d'abord, comme remarques préliminaires, vous dire que les cinq ou six réunions que le comité a tenues, pendant des journées complètes, ont porté beaucoup plus sur le Code civil lui-même que sur le reste. Alors, là-dessus, il y a peut-être encore une réflexion à pousser en matière de Code de procédure et autres. Mais, si je me souviens bien, on parlait de la controverse actuelle qui existe autour de la notion d'entreprise, qu'est-ce qu'une entreprise et qu'est-ce qui ne l'est pas. Un petit peu par rapport au contrat de consommation, par exemple; c'est quoi, un contrat de consommation, la notion du Code civil puis la notion de la Loi sur la protection du consommateur? Ce n'est pas tout à fait pareil, parce que le commerçant de la Loi sur la protection du consommateur, c'est une entreprise au sens du Code civil, mais l'inverse n'est pas nécessairement vrai, l'entreprise n'est pas nécessairement un commerçant.

Alors, pour éviter qu'il y ait énormément de confusion et de débats et de retards injustifiés, à savoir s'il s'agit de biens d'une entreprise ou pas, on a dit: Bien, pour éviter ces problèmes-là, c'est peut-être aussi bien d'uniformiser les montants. Comme ça, il va y avoir au moins ce débat sur: est-ce que c'est bien une entreprise ou est-ce que ça ne l'est pas? ce débat-là sera éliminé. Je me souviens de cette préoccupation-là qui nous avait frappés. Je ne sais pas si ça répond à votre question, M. le ministre.

M. Ménard: O.K. Il y en a une autre qui me préoccupe. Lorsque vous nous parlez de modifier les articles 2684, 2685 et 2686 du Code civil afin de rendre clair que les sociétés non régies par le Code civil peuvent consentir des hypothèques visées à ces articles, vous nous dites: Vu le refus du législateur de reconnaître à la société du Code civil la qualité de personne à part entière... Alors, je n'étais pas là, mais on me dit que c'est à la suggestion du Barreau que l'on n'a pas reconnu à la société la qualité de personne à part entière, parce que vous vouliez qu'on en fasse, dans le Code civil, une distinction semblable à ce qu'on a en anglais entre les «partnerships» puis les «corporations». Les «corporations» seraient justement les compagnies, et les sociétés seraient les «partnerships». Est-ce que vous avez changé d'idée?

Une voix: Non. Sur ce point-là...

M. Lepage (Martin Claude): Le refus...

Une voix: Excuse-moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lepage (Martin Claude): On n'utilise pas le mot «refus» – excuse-moi – comme étant péjoratif ou comme voulant dire que le législateur aurait refusé, là... Ce qu'on veut dire, c'est que le législateur n'a pas reconnu à la société, la qualité de personne. Fort bien!

M. Ménard: Ah bon!

M. Lepage (Martin Claude): Fort bien! On ne veut pas remettre ça en question. Toutefois, il y a certains articles du Code qui, de la façon dont ils sont rédigés, laissent entendre que parce qu'on dit: «Seule la personne ou seule la fiducie peut consentir une hypothèque», comme une société n'est ni une fiducie, ni une personne, donc, une fiducie ne pourrait pas consentir. Et ce qu'on veut utiliser, c'est un terme générique en voulant dire: «Celui qui», plutôt que catégoriser.

M. Ménard: O.K. Mais ça ne s'applique pas actuellement au projet de loi n° 181.

M. Lepage (Martin Claude): Non, mais on s'infiltre.

M. Ménard: O.K., ça va, mais j'ai bien fait de poser la question. Je pense que votre réponse est excellente et je comprends bien votre point de vue. Il faut être conscient, quand on va écrire ces dispositions, de couvrir la société si on veut la couvrir.

M. Lepage (Martin Claude): C'est ça.

M. Ménard: Parce que, si on utilise le mot «personne», on ne la couvrira pas.

M. Lepage (Martin Claude): Voilà.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui, M. le Président. Alors, Me Vadboncoeur et messieurs du Barreau, j'ai été très, très contente de vous entendre, d'autant plus que c'est un projet de loi qui me semblait assez complexe pour la compréhension générale. Je joins ma voix à celle de mon collègue député de Chomedey pour exprimer le regret du fait que vous n'ayez pas été associés dès le départ, peut-être, dans l'élaboration de ce projet de loi. Et, comme on n'a reçu les documents qu'aujourd'hui, on va certainement les lire attentivement puis partager entre nous pour voir comment on peut bénéficier de toute cette réflexion.

Vous avez pris cinq jours entiers pour réfléchir puis analyser ce projet de loi n° 181. La moindre des choses de notre part, c'est de lire attentivement ce que vous avez écrit puis s'en inspirer. Alors, je voulais vous remercier.

À ce stade-ci, on ne peut pas commenter tellement sur le document puisqu'on vient à peine de l'avoir, il est tout chaud, mais on va certainement le lire.

M. Lepage (Martin Claude): Il est aussi extrêmement technique. Et, également, vous verrez qu'on a repris dans la conclusion du petit mémoire... La conclusion du petit mémoire est en fait l'introduction de l'autre document, de sorte que ce qu'on veut, notre but insidieux, si vous voulez, c'est de vous amener à considérer les éléments qui sont là-dedans comme étant importants et méritant votre attention.

Mme Houda-Pepin: C'est un fait que c'est un projet qui présente des dispositions très techniques. Par ailleurs, les implications sur les citoyens sont majeures. C'est pour ça qu'on va prêter toute l'attention nécessaire. Et je sais que la vigilance de mes collègues, les députés qui sont avec moi et qui sont aussi des avocats, leur vigilance ne résistera pas à la technicalité de ces dispositions.

M. Lepage (Martin Claude): Bien, ça tombe bien, parce que vous faites affaire... Ceux du comité qui se sont penchés sur ces problèmes sont en fait des ingénieurs ou des techniciens du droit. Évidemment, on essaie de garder à l'esprit l'intention du législateur, le but de la législation, mais on est des techniciens. On est des gens qui ont à appliquer tous les jours le mot-à-mot des articles du Code.

Mme Houda-Pepin: Tout en gardant à l'esprit l'impact sur les citoyens. Celui-là, il n'est pas que technique, là.

M. Lepage (Martin Claude): Non, non, non, non. D'ailleurs, je l'ai souligné.

M. Ménard: J'avoue que j'ai été – en terminant – impressionné moi-même, à lire la liste des avocats qui participaient à ce comité, et ça démontre – c'est ce que les gens ignorent beaucoup, souvent – combien les membres du Barreau sont prêts à dépenser gratuitement de leur temps pour l'avancement du droit. Et les autres... C'est toujours les meilleurs éléments de la profession qui le font. Malheureusement, nos moins bons éléments reçoivent beaucoup plus de publicité que les meilleurs éléments, mais au tarif horaire de tout ce monde-là, là, je pense que...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Alors, madame, messieurs, nous vous remercions de votre présentation et de vos éclairages aussi. Alors, on va évidemment lire attentivement l'ensemble des réflexions que nous venons de recevoir

(16 h 30)

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Il va sans dire, M. le Président et M. le ministre, que le Barreau est évidemment disponible pour toutes rencontres qui, j'en suis certaine, se tiendront dans un proche avenir, parce qu'il y a des choses excessivement complexes et techniques là-dedans qui nécessitent peut-être un peu plus d'explications que celles qui figurent dans les commentaires. Alors, nous sommes à votre disposition n'importe quand.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, nous apprécions.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous allons reprendre nos travaux. J'inviterais maintenant les membres de la Chambre des notaires du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors messieurs, nous allons maintenant entendre la présentation de votre mémoire. M. le président, je vous inviterais en même temps à vous identifier et à identifier les membres représentant la Chambre des notaires, pour les fins d'enregistrement.

Alors, nous avons donc une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, comme à l'habitude, une période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.


Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Marsolais (Denis): Alors, Merci, M. le Président, M. le ministre, chers membres de la commission.

Alors, mon nom est Denis Marsolais, je suis président de la Chambre des notaires du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de trois collègues experts, notaires. D'abord, Me Pierre Ciotola, je pense, connu de tous. Me Ciotola est docteur en droit, professeur depuis – je ne veux pas exagérer, Me Ciotola – au moins 25 ans à l'Université de Montréal en droit des sûretés; je suis également accompagné de Me Stéphane Brunelle. Me Brunelle est notaire praticien à Montréal et également professeur à l'Université de Montréal; et, finalement, Me François Forget. Me François Forget est notaire praticien et Me Forget est un grand utilisateur du registre.

Alors, à titre de président de la Chambre des notaires du Québec, il me fait plaisir de m'adresser à vous dans le cadre des audiences du projet de loi n° 181. Cette opportunité qui nous est offerte témoigne, pour nous, de la reconnaissance de l'expertise du notaire en tant que juriste et officier public, et nous vous en remercions.

C'est donc avec beaucoup d'intérêt que la Chambre a pris connaissance du projet de loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession.

Le projet de loi n° 181 propose notamment la publication obligatoire de certains droits au registre des droits personnels et réels mobiliers. Ce projet de loi traite en effet de fiducie garantissant l'exécution d'une obligation, de réserve de propriété, de faculté de rachat et de bail de plus d'un an portant sur certains biens meubles. Le projet traite aussi de la possibilité pour un particulier de consentir une hypothèque mobilière sans dépossession sur certains biens meubles déterminés par règlement.

Globalement, les modifications proposées nous semblent souhaitables. En effet, elles visent à permettre, d'une part, l'inscription de droits réels consentis sur certains biens meubles. Cette inscription, on le sait, avait été jusqu'alors suspendue en raison de la non-opérationnalité du registre des droits personnels mobiliers quant à ces droits. D'autre part, le projet permet l'élargissement des modes de financement pour les particuliers.

La Chambre des notaires ne peut que louer l'intention du législateur quant à ces deux objectifs. Cependant, la lecture des dispositions de ce projet de loi nous laisse perplexes à certains égards. Nous nous limiterons aujourd'hui, faute de temps, à émettre nos commentaires sur trois points particuliers: Me Brunelle interviendra particulièrement sur la fiducie garantissant une obligation; Me Ciotola émettra des commentaires concernant la philosophie générale du projet de loi, et particulièrement la rédaction des articles 1749 à 1752; et, finalement, Me Forget, quant à lui, émettra des commentaires relativement aux dispositions transitoires et aux autres lois modifiées par ledit projet de loi.

Alors, je m'empresse de céder la parole à Me Stéphane Brunelle.

M. Brunelle (Stéphane): Merci, mon président. Alors, mes commentaires relativement à l'article 1263, principalement, pourront également s'appliquer d'une façon plus générale aux fiducies entre vifs, que l'on rencontre dans le Code civil, surtout depuis la refonte – si l'on veut parler ainsi des fiducies – depuis le 1er janvier 1994, avec le Code civil du Québec.

Tout d'abord, première préoccupation, on constate, évidemment, que 1263 tel que modifié viendra finalement, si on le veut, consacrer l'utilisation du véhicule de la fiducie comme un moyen de garantir l'exécution d'obligation par un débiteur. Toutefois, on peut, dans un premier temps, s'interroger sur une préoccupation majeure: lorsqu'on transfère nos biens à quelqu'un – donc, dans le cas d'une fiducie, on aura un constituant qui se désaisit de ses biens en faveur d'un tiers, qui sera le fiduciaire pour le bénéfice du patrimoine fiduciaire – qu'est-ce qui arrive des créances que ce constituant-là a au jour du désaisissement? Par exemple, les créances assujetties ou auxquelles sont attachées des sûretés occultes, les priorités, si ces créances-là ne sont pas elles-mêmes assumées par le patrimoine fiduciaire, est-ce qu'on ne vient pas porter préjudice à des créanciers?

(16 h 40)

Donc, première interrogation: est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de prévoir que le transfert des biens devra se faire non seulement en actifs mais également en passifs? Parce que les dettes du constituant devraient, en principe, suivre l'actif qui sera transféré en garantie, sinon on causerait un préjudice aux créanciers existants au moment du transfert. Il faut bien s'entendre.

Ça nous amène aussi à nous interroger sur les effets de la vente d'entreprise quant au transfert des biens au patrimoine fiduciaire. Est-ce que les règles de la vente d'entreprise seront applicables? Parce que, si on regarde 1778, on ne voit pas d'exception à l'application des règles de la vente d'entreprise, au transfert des biens à un patrimoine fiduciaire.

Donc, c'est la première constatation. On pense qu'il serait peut-être opportun de clarifier les effets du transfert des biens, du dessaisissement par le constituant de ces biens au profit du patrimoine fiduciaire.

Deuxième constatation ou, même, interrogation: on nous dit, à l'article 1263 proposé, que «le fiduciaire est, en cas de défaut du constituant, assujetti aux règles relatives à l'exercice des droits hypothécaires énoncés au livre des priorités et des hypothèques.»

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, encore là, de circonscrire les droits hypothécaires qui pourront être exercés par le fiduciaire, le fiduciaire qui détient les biens, finalement, pour le patrimoine? Il ne faut pas oublier qu'on ne lui doit rien en tant que constituant de la fiducie. On devra principalement une dette à un créancier, et le patrimoine fiduciaire sera le véhicule où on aura transféré les biens en garantie. Le fiduciaire ne pourra pas prendre en paiement les biens. C'est impossible, il ne lui est rien dû.

Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas penser que les recours hypothécaires qui seront possibles, ou les recours en réalisation qui seront possibles, seraient limités à la vente sous contrôle de justice ou encore à la vente par le fiduciaire ou à la vente par le créancier telle qu'on la connaît dans le Code? Donc, il y aurait peut-être lieu ici d'apporter des précisions afin d'éviter, évidemment, de l'abus au niveau des gestes qui pourront être posés par les fiduciaires pour le bénéfice du patrimoine.

Troisième interrogation, et celle-ci a plus trait au niveau technique, donc au niveau du règlement modifiant le règlement sur le registre des droits personnels et réels mobiliers. À l'heure actuelle, les biens sont inscrits au nom du fiduciaire. Donc, si l'on fait une recherche, par exemple au registre foncier, on verra que le fiduciaire détient les titres inscrits, sur un immeuble, par exemple. Le parallèle sera vrai aussi au mobilier.

Alors, qu'est-ce qui arrive si on veut changer de fiduciaire en cours de route? On pense souvent aux sociétés de fiducie qui vont agir comme fiduciaires. Mais qu'est-ce qui va arriver si on veut changer de fiduciaire? Faudra-t-il faire un nouvel acte de transfert entre fiduciaires pour publier le changement de fiduciaire?

Alors, on pense qu'il serait peut-être opportun de modifier ces dispositions-là afin de plutôt reconnaître le patrimoine d'affectation qu'est la fiducie, donc l'entité ou le véhicule qu'est la fiducie, de sorte qu'on immatricule ou qu'on publie la fiducie et que les fiduciaires n'en seront finalement que des administrateurs du bien d'autrui.

Et on pourra changer de fiduciaire comme on change d'administrateur dans une entreprise ou d'associé dans une société.

Donc, assujettir peut-être la fiducie à l'immatriculation, de sorte qu'on ne sera pas rattaché à un acte de transfert de propriété ou de droit fiduciaire à chaque fois qu'il y aura un changement au sein du patrimoine fiduciaire ou au sein des administrateurs de la fiducie.

Alors, évidemment, c'est, rapidement dressé, le résumé de notre analyse. J'inviterais maintenant mon président à faire les recommandations officielles.

M. Marsolais (Denis): Alors, concernant les commentaires de Me Brunelle, la Chambre des notaires recommande:

Premièrement, que le libellé du second alinéa de l'article 1263 projeté soit revu de façon à apporter des précisions relativement à son application et relativement à sa portée;

Que les articles 13, 17 et 46 du projet de règlement modifiant le règlement sur le registre des droits personnels réels mobiliers soient modifiés afin qu'il soit prévu que la fiche nominative relative à une fiducie soit établie non seulement au nom du fiduciaire de la fiducie, et de la fiducie le cas échéant, mais également au nom du constituant, et que la désignation et la recherche au registre se fassent en fonction de ces mêmes éléments;

Finalement, que le législateur apporte une modification au second alinéa de l'article 1778 du Code civil du Québec afin d'exclure expressément l'application des règles de la vente d'entreprise au transfert de biens fait à une fiducie créée pour garantir l'exécution d'une obligation.

Alors, c'est un peu en résumé les commentaires et les recommandations en ce qui concerne les fiducies créées en vertu d'une obligation. Maintenant, Me Ciotola émettra des commentaires concernant la philosophie générale du projet de loi. Et, comme je vous le disais tantôt, plus particulièrement concernant la rédaction des articles 1749 à 1752 du projet. Alors, Me Ciotola.

M. Ciotola (Pierre): Je vous remercie. D'abord, quelques commentaires sur la philosophie générale du projet de loi; ensuite, je ferais quelques commentaires également sur les ambivalences du régime de l'hypothèque mobilière consentie par un consommateur; et le troisième point portera sur le sens ambigu de l'expression «aliéner dans le cours des activités de l'entreprise», qui est utilisée à l'article 2700.

D'abord, quelques commentaires sur l'ensemble du projet de loi. On dénote une double tendance: les dispositions descriptives et le renvoi aux dispositions de règlement. On retrace ces dispositions descriptives notamment aux articles 1749 et 1749.1, tel que proposé au Code civil du Québec, et à propos également de la cession de réserve de propriété et des effets du défaut de cession. On pourrait aussi se demander si le renvoi aux dispositions de règlement est conforme aux objectifs poursuivis lors de la réforme du Code civil du Québec: simplifier le droit et rapatrier dans le Code les dispositions à vocation générale. Les commissaires du Code civil envisageaient de limiter aux législations statutaires particulières les régimes exceptionnels et administratifs. Il faut mettre un frein à la prolifération de règlements et de lois qui ont tendance à complexifier le droit et à s'élaborer en dehors du Code civil.

Le deuxième point au point de vue remarques, c'est concernant le contrat de consommation de l'hypothèque mobilière consentie par un consommateur. Il y a quelques ambivalences. Le second alinéa proposé de l'article 2683 du Code civil du Québec s'en remet à des règles de forme et de contenu prévues par règlement pour un contrat de consommation. Cette même expression est également employée pour la modification de l'article 2758. On peut donc se demander quelle est l'interprétation juste de l'expression «contrat de consommation». On peut retracer au moins trois notions de consommation dans le droit privé québécois. L'une qui est prévue à l'article 1384 du Code civil se rapportant à la fois aux lois relatives à la protection du consommateur et à la notion de l'entreprise du droit commun; l'autre prévue par interprétation a contrario au titre des sûretés qui veut qu'un consommateur est la personne physique qui n'exploite pas une entreprise, donc ce n'est pas du tout la même notion; et la troisième, la plus ancienne et la plus connue, celle de la Loi sur la protection du consommateur qui définit le consommateur comme «celui qui acquiert un bien ou un service pour ses fins personnelles d'un commerçant», l'article 1e de la Loi sur la protection du consommateur.

Trois notions, trois réalités différentes, trois situations qui se contredisent. À titre d'exemple, un professionnel ou un agriculteur qui acquiert une pièce d'équipement pour son bureau ou pour sa ferme familiale pourrait être un consommateur au sens de la Loi sur la protection du consommateur, mais ce professionnel ou cet agriculteur pourrait être une personne qui exploite une entreprise au sens du Code civil du Québec et ainsi consentir, et cela présentement, une hypothèque mobilière sur le bien acquis.

Comme seconde ambivalence, je dénote les biens visés par la nouvelle hypothèque mobilière, les véhicules routiers et autres biens meubles déterminés par le règlement. Le consommateur, par opposition à la personne qui exploite une entreprise, peut avoir d'autres biens de valeur, tels les valeurs mobilières et les créances, un solde de prix de vente qui résulte de la vente de sa résidence. Dans le contexte actuel, ce consommateur ne peut pas hypothéquer ce solde de prix de vente en garantie d'un prix d'un emprunt qu'il fait auprès d'une institution financière. Voilà une situation qui mériterait d'être corrigée.

Comme troisième ambivalence, le contrat d'hypothèque mobilière consenti par un consommateur serait soumis à des conditions additionnelles de validité. Or, l'hypothèque est déjà un contrat soumis à un certain formalisme quant à sa validité. Il faudrait prendre garde que les nouvelles conditions ne viennent imposer un formalisme outrancier, mais seulement des conditions d'information pertinente. Et qu'en est-il de l'article 6c de la Loi sur la protection du consommateur, qui n'est pas en vigueur, je le sais, mais qui exclut le crédit garanti par hypothèque? Devrait-il toujours demeurer, être modifié ou être abrogé, ou s'en rapporter à une loi sur la protection du consommateur?

(16 h 50)

Comme quatrième ambivalence: Quel sera le régime applicable pour l'exercice des droits hypothécaires: celui prévu exclusivement au Code civil du Québec ou un régime particulier? Il ne faut pas oublier que le régime du Code civil est d'ordre public, pour ce qui est de l'exercice des droits hypothécaires. Et, parmi l'un des pouvoirs des tribunaux prévus à l'article 798 du Code de procédure civile, le juge peut ordonner immédiatement et sans attendre l'expiration du délai de 20 jours en matière mobilière, sans attendre l'expiration de ce délai, il peut ordonner la prise en paiement. Est-ce que cette tactique-là serait applicable en matière de contrat de consommation d'une hypothèque mobilière consentie par un consommateur? Ce droit accordé au juge devrait-il subsister pour une hypothèque mobilière consentie par un consommateur? Ce droit est en contradiction avec l'article 140 de la Loi sur la protection du consommateur, qui interdit le droit de reprise avant l'expiration de 30 jours. Alors, qu'en sera-t-il pour le contrat proposé?

Comme cinquième ambivalence, je dénote la diversité des délais dans le régime hypothécaire: 15, 20, 30 et 60 jours. Ne serait-il pas opportun de mieux uniformiser ces divers délais?

Et le troisième point, pour conclure, c'est le sens ambigu de l'expression «aliéné dans le cours des activités de l'entreprise», qui est utilisée à l'article 2700 du Code civil. Je voudrais ici simplement souligner que cette expression soulève de vives controverses doctrinales et jurisprudentielles sur sa portée exacte. Cette expression concerne-t-elle seulement les stocks ou l'inventaire ou peut-elle comprendre le renouvellement de l'outillage et de l'équipement? C'est une question qui mériterait attention, car l'hypothèque subsiste s'il ne s'agit pas d'une aliénation dans le cours des activités de l'entreprise. Alors, ce sont là les quelques commentaires que je souhaitais apporter au nom de la Chambre.

M. Marsolais (Denis): Alors, merci, M. Ciotola. Alors, suite aux commentaires de Me Ciotola, la Chambre des notaires recommande que la rédaction des articles 1749 à 1752 projetée soit revue afin qu'en soient facilitées leur lecture et leur compréhension et afin d'écarter tout doute relativement à leur interprétation. La Chambre recommande également que le législateur renonce à son idée d'adopter de nouveaux règlements pour compléter les articles 1749, 1750, 1852 et 2683 projetés. Afin de ne pas multiplier inutilement les législations et d'éviter d'alourdir indûment le processus, nous suggérons au législateur d'utiliser plutôt le Code civil du Québec ou d'autres textes de loi déjà existants pour parvenir à ses fins. Nous recommandons que le législateur prévoie des dispositions semblables à la vente à tempérament pour la vente sous condition suspensive afin qu'il y ait une certaine cohérence entre les diverses dispositions du Code civil en matière de vente.

Nous recommandons que le législateur prévoie le même mécanisme de publicité pour la clause résolutoire affectant un bien meuble que celui qu'il a prévu pour la vente avec faculté de rachat, afin de rendre plus cohérentes les diverses dispositions du Code civil du Québec; que le législateur uniformise les délais et que ceux-ci soient de 30 jours en matière mobilière et de 60 jours en matière immobilière, évidemment exception faite du recours de prise en possession à des fins d'administration, qui doit être maintenu à 10 jours; que le législateur reprenne le libellé de l'article 1852 projeté afin de simplifier sa lecture et sa compréhension et, surtout, afin de l'arrimer avec les autres lois provinciales; que le législateur clarifie l'interprétation à donner aux termes «dans le cours des activités de l'entreprise» utilisés au premier alinéa de l'article 2700 projeté et qui, jusqu'à présent, ont fait l'objet de trois interprétations différentes par les tribunaux; et, finalement, que le législateur apporte les modifications législatives nécessaires afin d'éliminer les ambivalences du régime de l'hypothèque mobilière consentie par un consommateur.

Et, finalement, j'inviterais Me Forget à nous entretenir des commentaires concernant les autres dispositions, notamment les dispositions transitoires et les lois modifiées par le projet de loi. Me Forget.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Forget.

M. Forget (François): Oui, nous sommes d'avis que les articles 98, 107, 137 et 162 de la Loi sur l'application de la réforme du Code civil ne devraient pas être abrogés. Le fait de les abroger, ça laisserait un trou dans le temps. Il y a quand même beaucoup de choses qui sont encore régies par ces articles-là.

De plus, si on regarde de plus près le deuxième alinéa de l'article 20, il semble y avoir un traitement différent pour le crédit-bail et le bail d'une durée de plus d'un an par rapport aux autres. On devrait certes l'harmoniser avec les articles 19 et 20a. En fait, on ne fait aucune mention à l'intérieur de la période où le droit devrait être publié ou si on permet au crédit-bailleur de conserver son opposabilité initiale ou si, simplement, il deviendra opposable seulement au moment de la publication. Il y a une mésentente là-dessus. Nulle part dans le projet de loi ou dans cet article-là on ne parle des conditions résolutoires et des ventes sous condition suspensive. Est-ce qu'elles seraient affectées par le projet de loi n° 181 ou si elles seraient oubliées, ou on les inclurait quelque part, ou s'il faudrait les dénoncer obligatoirement?

Les stipulations d'incessibilité. On va être obligé de publier toute incessibilité, sans égard. Toutes les successions qui ont été ouvertes depuis 1800, ou je ne sais pas, qui vont devoir être publiées. Il faudrait peut-être y mettre une date butoir. Tous ceux qui ont eu une succession, qui ont hérité et qui n'ont pas publié leur incessibilité sur le bien meuble pourraient être lésés. Je pense qu'il faudrait absolument, et c'est le public qui pourrait le sentir... une loi comme ça semble facile d'application pour les institutions financières, mais, pour le public, je ne suis pas sûr que ça serait applicable.

Les modifications du Code de procédure. On semble donner beaucoup de pouvoirs à l'officier saisissant. A-t-il la formation nécessaire pour évaluer les biens suivant son évaluation? Ça semble bien arbitraire. Le fait de créer une hypothèque pour les biens de moins de 6 000 $ sans sortir de certificats d'enregistrement, est-ce qu'on crée deux types d'hypothèques, une qu'il vaut la peine de faire et l'autre qu'il ne vaut pas la peine de faire? Est-ce qu'il faudrait publier des hypothèques en haut de 6 000 $, et non pas en bas de 6 000 $, ou en bas de 1 000 $? On laisse beaucoup de pouvoirs à l'officier, des pouvoirs discrétionnaires qui sembleraient abusifs. Et je voudrais passer la parole à mon président.

M. Marsolais (Denis): Finalement, concernant les dispositions transitoires et les lois modifiées par le présent projet de loi, nous recommandons que le législateur maintienne en place les articles 98, 107, 137 et 162 de la Loi sur l'application du Code civil; que le législateur modifie le libellé des articles 19 et 20 des dispositions transitoires et finales afin d'en faciliter la lecture et la compréhension et aussi d'en préciser davantage le sens et les modalités d'application.

Nous recommandons que le législateur prévoie, afin d'uniformiser la publicité de tous les droits portant sur des biens meubles, des dispositions similaires en matière de droit transitoire pour la condition résolutoire et la vente sous condition suspensive que celles qu'il a prévues pour la fiducie garantissant l'obligation, la vente à tempérament, la vente avec faculté de rachat, le crédit-bail et le bail; finalement, nous recommandons que le législateur retire du premier alinéa de l'article 592.2 du Code de procédure civile les mots «dont l'officier saisissant estime la valeur marchande à 6 000 $ ou plus, suivant son évaluation» et retire, au second alinéa du même article, les mots «dont l'officier estime la valeur marchande à 1 000 $ ou plus, selon son évaluation».

Finalement, pour conclure l'intervention de la Chambre des notaires, j'aimerais émettre un commentaire d'ordre général concernant la registre des droits personnels et réels mobiliers. En effet, les recherches effectuées sous le nom du constituant créent des problèmes importants sur le plan pratique et cela affecte grandement la fiabilité du système ou du registre. C'est pourquoi nous croyons qu'il serait souhaitable que l'inscription qui se fait sous le nom du constituant, lorsqu'il s'agit d'une personne morale, s'arrime avec l'inscription du nom que l'on retrouve au registre des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales.

En terminant, je réitère nos remerciements aux membres de la commission pour nous avoir permis d'émettre nos commentaires concernant le projet de loi n° 181. Nous espérons vivement que nos commentaires seront pris en considération lors de l'élaboration de la version finale du projet de loi. Je vous invite à nous poser des questions peut-être concernant les autres commentaires que vous retrouvez au mémoire qui a été déposé, et je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Me Marsolais. Alors, questions? M. le député de Chomedey.

(17 heures)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens à saluer les membres de la Chambre des notaires et les autres membres qui ont aidé à la rédaction du rapport. On apprécie aussi beaucoup, tantôt, la présence de «academics», comme on dirait en anglais, d'universitaires et de praticiens. C'est un excellent équilibre, ça nous permet de voir des aspects tantôt un peu plus pointus et qui relèvent d'une analyse approfondie de la jurisprudence, et vivre aussi ce qui est touché tous les jours sur le terrain. Ça aide énormément à notre réflexion.

Je vais vous poser la même question que j'ai posée en premier lieu au Barreau: Est-ce que vous avez été associés à l'élaboration du projet de loi n° 181 avant son dépôt en Chambre?

M. Marsolais (Denis): Ça dépend de ce qu'on entend. On a pris connaissance, en novembre, le comité de travail, d'un document de travail très élaboré où on faisait référence notamment aux préoccupations des concessionnaires automobiles, avec des projets d'articles, et on avait commenté, dans une lettre adressée au ministre, ce document-là. Par la suite, on a été appelé à commenter le projet de loi dans sa forme actuelle, mais pas à l'élaboration à l'origine, donc à la genèse, comme on a parlé tout à l'heure, lors de la présentation du Barreau.

M. Mulcair: Le Barreau nous a déposé aujourd'hui un document très intéressant à première vue – parce que ça a été déposé effectivement aujourd'hui – concernant les sûretés, et je vous invite à en prendre connaissance. Peut-être que le fait de jumeler vos expériences respectives pourrait produire des résultats concluants, parce que, effectivement, on est toujours en phase de mise en marche du nouveau Code Civil. Alors, c'est pour ça qu'on en parle encore aujourd'hui, de ce projet de loi et d'autres aspects qui sont allés relativement bien. Certains, y compris les sûretés, ont représenté des difficultés plus importantes, mais je suis sûr qu'on va être en mesure d'adapter et de moderniser, actualiser nos façons de faire.

Une question pour Me Ciotola. Vous avez évoqué l'article 2700 du Code civil et les difficultés jurisprudentielles qui existent. Il y a trois façons de concevoir la notion de ce qui est vendu dans le cours ordinaire de l'entreprise – le terme exact, je l'ai ici – dans le cours des activités de l'entreprise. Je voudrais vous demander s'il n'était pas un peu le propre d'un système civiliste que les articles d'un Code civil soient rédigés dans des termes plutôt généraux, larges, et que justement, l'on laissait aux tribunaux le soin de venir commenter, élaborer, apprécier ce que le législateur disait, contrairement au système de la «common law», où, justement, une législation comme «Personal Property Securities Act», ou un truc comme ça, va être vraiment très très détaillé. On va tenter de tout énumérer, de tout prévoir les cas.

N'y a-t-il pas là, quand même, une distinction importante de forme, mais qui affecte finalement le fond, dans nos systèmes de droit respectifs, le système de droit civil et le système de la «common law»?

M. Ciotola (Pierre): Je pense que votre question est tout à fait juste et je pense que, effectivement, dans un droit civil, il faut laisser une marge aux tribunaux pour fins d'interprétation, et on ne peut pas tout prévoir en détail. Ça, je pense que je vous appuie à 200 %. La question, cependant, sur l'expression «aliéné dans le cours des activités d'entreprise», le problème, c'est que cette expression-là, qui est utilisée un peu partout dans le Code, de façon générale, ne semble pas recevoir exactement, ou ne peut pas recevoir – là, je vais nuancer – exactement la même interprétation si on est dans le droit des sûretés ou si on est ailleurs dans le reste du Code, et c'est là qu'est la difficulté. La difficulté provient aussi que, dans la version 2700, le texte qui précédait 2700 – donc dans le projet de loi n° 125, première lecture – on prévoyait, au point de vue phraséologie, que c'était destiné aux biens destinés à la vente, ce qui semblait limiter l'application à ce qui est de l'inventaire. Mais l'expression «destinés à la vente», on ne la retrouve plus dans le Code actuel, et ce lien entre la première version du projet de loi n° 125 et le texte actuel, on ne trouve pas la raison de la disparition de ce bout de texte qui a sauté. On ne sait pas pourquoi.

Or, la difficulté, c'est ça. Personnellement, je peux fort bien vivre avec le 2700 qui est là si on en donne une interprétation plutôt large, mais, comme il y a des interprétations assez restrictives qui sont consenties, cela crée un problème. Exemple, une compagnie qui remplace son outillage, qui remplace, disons, sa flotte de camions. Le camion, c'est de l'outillage. Ce n'est pas de l'inventaire, dans ce sens-là. Alors, elle la remplace, elle remplace sa flotte. À mon avis, elle a fait un geste dans le cours des activités de l'entreprise, et les nouveaux camions sont affectés d'hypothèques et les anciens ne le sont pas. Mais, si on prend l'interprétation très restrictive, les camions qui sont vendus sont encore affectés du droit hypothécaire. Alors, vous voyez la difficulté du droit de suite.

M. Mulcair: O.K.

M. Ciotola (Pierre): Mais je vous suis pleinement sur le fait que nous sommes dans un Code, et ce que vous soulevez dans la question, c'est effectivement ce que je déplore dans d'autres articles. On est très détaillés dans les conséquences de la faculté de rachat, etc.

M. Mulcair: C'est un excellent point. Donc, c'est un de ces cas où les différences dans les tendances jurisprudentielles font en sorte que la barre revient dans le camp du législateur. Vous êtes en train de dire: Écoutez, là, choisissez la colonne a, la colonne b ou la colonne c, mais ça ne peut pas être les trois en même temps.

M. Ciotola (Pierre): Si vous voulez, à moins d'attendre qu'il y ait une décision majeure en Cour d'appel ou en Cour suprême.

M. Mulcair: Oui, mais qui crée de l'insécurité pendant les années nécessaires.

M. Ciotola (Pierre): De l'insécurité. Et, au bout de la ligne, je pense que ce sont les praticiens qui sont visés sur le champ et qui ne peuvent pas interpréter cela de façon définitive.

M. Mulcair: Ouais, très bon point. Bien, alors, je vous remercie énormément pour cette précision.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci. Merci pour le mémoire. Et je me demande, en relation à l'article 2700, le fardeau pour renouveler l'enregistrement est sur le créancier. Si le fardeau doit être... Et vous demandez une extension de délai pour renouveler l'enregistrement de 15 jours à 30 jours, mais est-ce que le fardeau d'enregistrement doit être sur le débiteur et pas sur le créancier? Et pourquoi est-ce qu'il y a peut-être cette... Ce serait plus égal aux deux parties si le débiteur... le vendeur du bien doit être sous l'obligation de renouveler l'enregistrement, au lieu de mettre le fardeau sur le créancier.

M. Marsolais (Denis): J'inviterais Me Brunelle à répondre à la question de Me Bergman, que je salue, en passant.

M. Brunelle (Stéphane): La rédaction actuelle de l'article 2700, si je m'y réfère, impose finalement un double fardeau, si on le comprend, là. Au premier alinéa, on dit évidemment que l'hypothèque subsistera dans un espèce de vase, disons, sur les biens, tant que le créancier n'aura pas été informé par écrit de l'aliénation du bien. Donc, il y a déjà un premier fardeau ici qui appartient, je pense, au débiteur ou à l'acheteur, en tout cas, de vérifier si le bien acheté est libre d'hypothèque et, s'il ne l'est pas, d'informer le créancier qu'il y a une hypothèque.

À compter du moment où le créancier est informé par écrit, au deuxième alinéa de 2700, on nous dit qu'il a 15 jours à compter du moment où il a été informé par écrit ou à compter du moment où il aura consenti à la vente pour poser le geste nécessaire à conserver ses droits sur le bien.

Alors, vous avez soulevé à juste titre qu'on demande que le délai soit porté à 30 jours pour publier finalement l'avis de conservation. C'est que dans les mois qui ont suivi, depuis le 1er janvier 1994, on s'est peut-être rendu compte qu'à certains moments le délai de 15 jours était difficilement atteignable pour le créancier qui doit poser un geste. Donc, c'était le but recherché en demandant de peut-être allonger le délai.

Mais le deuxième but était aussi de peut-être harmoniser les délais au niveau des droits mobiliers. Dans le Code civil, à l'heure actuelle, on a un délai de 15 jours pour le droit de suite sur le bien aliéné en dehors du cours des activités de l'entreprise, à l'article 2700, on a un délai de 20 jours en matière de recours hypothécaire, on a un délai de 10 jours pour la prise de possession pour fins d'administration, et on revient à certains délais de 15 ou 30 jours en matière de droit international privé quand les biens transitent d'une province ou d'un État autre que le Québec et qui s'en viennent vers ici.

Donc, le créancier qui détient une sûreté dans cet État-là pourra reporter sa sûreté au Québec selon certaines dates qui sont prévues aux articles 31.05, 31.06 et suite. Donc, c'était le but finalement. Qu'il soit porté à 30 jours ou qu'on les uniformise à 15 jours, mais qu'on ait une certaine uniformité dans nos délais, au niveau des droits mobiliers.

(17 h 10)

M. Bergman: Mais je me demande si l'avis de conservation d'hypothèque ne doit pas être dans l'obligation du débiteur, et sans un avis l'aliénation du bien ne serait pas complétée, sans l'avis enregistré en bonne forme au bureau.

M. Brunelle (Stéphane): Je conçois quand même difficilement que le débiteur se porte volontaire à publier un avis de conservation d'hypothèque en faveur de son créancier quand il vend un bien. J'ai de la difficulté ici à faire reposer le fardeau de conservation d'un droit d'un créancier, donc le faire reposer sur les épaules d'un débiteur.

M. Bergman: Mais il me semble que c'est dans l'intérêt de l'acquéreur que l'aliénation soit complétée. Alors, s'il veut que l'aliénation soit complétée, il doit enregistrer l'avis de conservation d'hypothèque.

M. Brunelle (Stéphane): Écoutez, j'ai de la difficulté à vous répondre à ce niveau-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Autre question? M. le ministre.

M. Ménard: Alors, je vous remercie de votre mémoire très savant et qui est animé des meilleures intentions à l'égard de la loi civile, qu'elle soit cohérente. Alors, on l'étudie à fond.

Mais je voudrais avoir votre position sur certains points particuliers. Vous demandez de ne pas abroger les articles 98, 107, 137 et 162 de la Loi sur l'application de la réforme du Code civil. Il s'agit d'articles qui avaient justement pour effet de suspendre l'exigence de publication des droits consentis par des entreprises. Alors, maintenant que cette suspension n'est plus requise parce que le registre est aujourd'hui opérationnel quant à ces droits et que le projet entend, au contraire, assujettir désormais ces droits à la publicité, ne croyez-vous pas qu'il y ait lieu d'abolir ces articles?

M. Marsolais (Denis): François.

M. Forget (François): Suite à une discussion avec mes savants collègues – moi, je suis un praticien pure laine – on s'est demandé si ça ne laissait pas... Il y a quand même des hypothèques et des droits qui ont été créés pendant cette période-là, et on s'est demandé si, pendant cette période-là, le fait d'abolir, on n'aurait pas un trou dans le temps, d'abroger. C'est sûr qu'on va le rattraper dans l'année qui va suivre, mais le fait de les abroger, qu'est-ce qu'on va faire de 1994 à 1998, pendant ce temps-là? On avait un doute quant à les abroger.

M. Ménard: N'est-ce pas ce qui est prévu à l'article 20, une disposition transitoire?

M. Forget (François): Oui, mais je pense que c'est plus facile pour nous et pour... Dans le temps, disons que les transactions qui ont été faites à ce moment-là, on croyait que ça devrait être continué, ces articles-là; de toute façon, ils vont tomber. Non, mais pour au moins cette période de temps là, les transactions qui auraient été faites auraient été gouvernées par cette loi d'application là. Qu'est-ce qui va arriver pour les transactions qui ont été faites entre 1994 et l'autre si on les abroge?

M. Ménard: Enfin, moi, je croyais que pendant un an elles seraient conservées et, au bout d'un an, il aurait fallu les avoir enregistrées.

M. Brunelle (Stéphane): Je pense, M. le ministre, peut-être pour...

M. Ménard: Mais, si ce n'est pas comme ça que vous avez compris, il va falloir corriger quelque chose.

M. Brunelle (Stéphane): Peut-être, pour compléter l'intervention de mon confrère – que j'appellerai «savant» aussi – je pense qu'il y aurait lieu peut-être de préciser notre intervention à ce niveau-ci. Je vous donnerai l'exemple... On a parlé tout à l'heure des stipulations d'insaisissabilité. On en a parlé entre autres dans les testaments, où il est d'usage d'avoir une stipulation d'insaisissabilité depuis déjà fort longtemps dans les actes notariés; on peut parler aussi des donations, où il y avait des clauses d'insaisissabilité.

Il faudrait peut-être penser à garder certaines dispositions transitoires pour les actes qui ont été consentis antérieurement ou encore pour les successions ouvertes ou dont les clauses d'insaisissabilité ont pris effet antérieurement au 1er janvier 1994, parce que, imaginez, les successions ouvertes en 1970 ou qui ne sont pas encore réglées – et il y en a, malheureusement – il faudrait donc aviser les gens qui administrent ces successions-là de leur obligation, à cause des nouvelles dispositions transitoires qu'on a dans le projet de loi n° 181, de publier les clauses d'insaisissabilité de ces successions ouvertes avant le 1er janvier 1994, donc de publier pour conserver l'effet de ces clauses-là. Donc, je pense qu'il y aurait lieu de nuancer notre intervention à ce niveau-là ou de dire que, oui, on va accepter l'obligation, on va imposer l'obligation de publier ces fameuses clauses là pour les rendre opposables aux tiers, à l'exception peut-être pour ce qui a été ouvert ou ces clauses qui ont pris effet avant l'entrée en vigueur du Code civil du Québec, parce que, là, il s'agit d'un travail, je dirais, de moine que de recenser toutes ces successions qui pourraient encore être ouvertes et pour lesquelles des stipulations d'insaisissabilité pourraient toujours avoir effet.

M. Ménard: Bon. Un autre point, c'est... J'ai remarqué que, pour l'enregistrement des biens mobiliers, nous nous limitons pour le moment à l'automobile et d'autres par règlement. Vous semblez déduire de cela que nous ferons plusieurs règlements. Ce n'est pas le cas. Ça va être le même règlement qui sera amendé au fur et à mesure, parce que notre préoccupation est double. D'abord, si on crée des hypothèques mobilières, il faut que les acquéreurs éventuels puissent connaître l'existence, les acquéreurs ou n'importe qui d'autre, au fond, pour ne pas que le bien puisse être même hypothéqué deux fois sans que le deuxième créancier ne le sache, comme pour un immeuble.

Mais aussi, nous avons des préoccupations vis-à-vis le surendettement des consommateurs. Puis, il y a des préoccupations qui sont continues dans les présentations qui nous ont été faites, sur l'inquiétude que soulèverait un registre nominatif qui permettrait à tous et chacun de consulter l'état de tous les prêts d'un individu. Donc, nous voulons les limiter pour le moment, en tout cas, à des objets qui font l'objet déjà d'un... qui peuvent être identifiés et classés par description plutôt que de façon nominative.

Pour le moment, on pense le faire par règlement. Je pense que la protection est meilleure pour l'avenir. Un règlement prévoit une prépublication de 45 jours, donc l'occasion pour les organismes de défense des consommateurs ou qui se consacrent à la protection de la vie privée de se manifester, ce qui n'est pas toujours, pour les lois, appliqué, passé en fin de session. Je ne sais pas, comprenant ces objectifs, est-ce que vous acceptez que ces biens soient effectivement prévus par règlement?

M. Ciotola (Pierre): M. le ministre, personnellement, je préférerais que ce soit prévu dans le cadre du Code, étant donné que c'est une disposition de droit substantif, vu qu'on définit clairement les biens qui sont susceptibles d'être hypothéqués par un consommateur, afin que le Code puisse être un tout relativement complet.

Par règlement, ce serait préférable plutôt d'y retrouver des aspects techniques, comme les modalités qu'on retrouve au point de vue de la protection du consommateur, déclaration d'informations concernant le taux d'intérêt, etc. Mais, concernant le bien susceptible lui-même d'être hypothéqué, si vous me demandez mon opinion personnelle, je préférerais de beaucoup que ce soit dans le cadre du Code civil qui est une législation, disons, de droit commun, qui s'impose à tous les citoyens. Pour ce qui est des détails techniques, ce sera peut-être dans les règlements, ce n'est pas énervant. Mais des dispositions majeures devraient être dans le Code.

M. Brunelle (Stéphane): Peut-être pour compléter, la position de la Chambre, quand même, on n'est pas contre l'idée de l'adoption d'un règlement. On veut juste pas qu'on en arrive à multiplier les règlements. Et on le dit dans notre mémoire, on ne peut malheureusement pas se prononcer sur le règlement parce qu'on ne l'a pas vu. Donc, si vous me dites, bien, que ce sera le même règlement qui sera amendé de mois en mois ou d'année en année, je pense qu'à ce moment-là on pourra bien l'identifier. Il faudrait juste ne pas en arriver à une législation réglementaire où on a de la misère à s'y retrouver.

(17 h 20)

En ce qui concerne, maintenant, le registre comme tel, on est bien contents du fonctionnement du registre par rapport aux anciens livres qu'on avait dans les bureaux de publicité, où on publiait les sûretés mobilières. C'était un fouillis incroyable. Maintenant, nous, on n'a pas voulu faire de commentaires quant aux fiches descriptives parce que, après avoir vu le règlement, il me semble qu'il va de soi que le but visé n'est pas, justement, de permettre une recherche sous le nom d'une personne pour avoir l'état de son endettement, et ça, on est tout à fait d'accord avec ça. Au contraire, on est contents de dire qu'on va pouvoir faire une recherche, par exemple, sous une description visée, un numéro de série, un numéro d'identification d'un véhicule, justement, pour permettre au consommateur qui acquerra le bien subséquemment de protéger ses droits et d'éviter des situations comme on connaît à l'heure actuelle. Dans ce sens-là, notre intervention veut quand même bonifier la position que le législateur a prise.

M. Ménard: D'accord. Bon. Je suis heureux que nous ayons une convergence de points de vue sur ces questions. Maintenant, il y a un autre aspect particulier qui m'intrigue dans votre représentation, c'est dans l'état certifié des droits publiés sur les biens saisis. Vous suggérez, à propos de l'article 17 du projet de loi, d'exiger dans tous les cas de saisie mobilière l'obtention d'un état certifié des droits publiés sur les biens saisis. Or, il y a un nombre important de saisies mobilières qui ont lieu au Québec annuellement et plusieurs saisies sont effectuées pour des montants qui sont relativement peu élevés. Alors, ne croyez-vous pas que l'obtention d'un état certifié, dans tous les cas, risquerait bien souvent d'alourdir indûment le fardeau du débiteur saisi?

M. Forget (François): L'état certifié, pour nous, face aux créanciers, je pense que c'est une bonne protection. Deuxièmement, l'évaluation, c'est laissé, suivant son évaluation, à l'officier public. Puis ça vaut quoi, un bien? Pour quelqu'un, ça vaut cher, pour l'autre, ça ne vaut pas cher. C'est surtout ça qu'est l'inconvénient. Pour nous, c'est laissé à l'évaluation de l'officier public. C'est bien arbitraire comme décision.

M. Ménard: Puis c'est ce qui se fait actuellement.

M. Forget (François): Oui. Ça se fait peut-être sûrement présentement, mais ça reste quand même que c'est très arbitraire. Deuxièmement, notre registre...

M. Ménard: Mais, par l'individu qui est saisi, c'est aussi arbitraire. Comme vous le dites, pour certaines personnes, c'est très important.

M. Forget (François): Mais on a un registre.

M. Ménard: Je sais bien qu'on ne fait pas ça, mais, par exemple, un album photo, ça n'a pas la même valeur pour le créancier que pour le débiteur. Ha, ha, ha!

M. Forget (François): C'est sûr. Peut-être que les deux veulent l'encadrer, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Mais parlons de choses plus sérieuses et qui sont courantes: les bijoux. Ha, ha, ha!

M. Forget (François): O.K. Mais on a un registre parce qu'un créancier pourrait... pour une valeur, le créancier voudrait avoir la dénonciation. On a un registre. Pourquoi ne pas s'en servir? Moi, je trouve que ça devient arbitraire, parce que, pour 6 000 $, peut-être que ça ne vaut pas grand-chose pour quelqu'un, mais, pour d'autres, ça vaut peut-être plus que 6 000 $, aussi. Il faut quand même dire que notre registre, même s'il a des lacunes, il est quand même là et on aimerait ça s'en servir.

M. Brunelle (Stéphane): On peut peut-être préciser tout simplement en disant tout d'abord que les profondeurs de notre ignorance sont insondables en procédures civiles. Les notaires, on n'est pas très forts dans le domaine. Il s'agit toutefois de noter que...

M. Ménard: Ça, ça ressemble à de la fausse humilité, qui est une autre forme de l'orgueil.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brunelle (Stéphane): Les biens mobiliers...

Une voix: On apprend avec le temps.

M. Brunelle (Stéphane): Oui. Les biens mobiliers, ça se déprécie rapidement. On en convient. Par exemple, si ultérieurement le législateur décide dans son règlement que les ordinateurs personnels, par exemple, pourront être financés sur hypothèque mobilière, bien, on sait très bien à l'heure actuelle qu'un ordinateur, dans le marché, de 2 000 $ ou de 5 000 $, six mois plus tard, ça vaut quoi, ça vaut 1 000 $. Alors, quel sera l'attrait pour un créancier de financer sur hypothèque avec taux d'intérêt inférieur? Il n'y en aura plus parce qu'il n'y aura plus de protection par le biais de l'article 592.2.

M. Ménard: Bon. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Autres questions? Alors, messieurs de la Chambre des notaires, nous vous remercions de vos éclairages et, sur ce, nous allons donc ajourner nos travaux à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 24)


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