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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, November 20, 1996 - Vol. 35 N° 47

Étude détaillée du projet de loi n° 130 - Loi sur la justice administrative


Audition du Commissaire à la déontologie policière conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics


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Table des matières

Étude détaillée du projet de loi n° 130 – Loi sur la justice administrative

Décision du président sur une demande de directive concernant l'étude simultanée des textes français et anglais de projets de loi

Audition du Commissaire à la déontologie policière conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics


Autres intervenants
M. Roger Paquin, président
M. Marcel Landry, président suppléant
M. Paul Bégin
M. Russell Copeman
M. Thomas J. Mulcair
M. John Ciaccia
Mme Monique Simard
Mme Hélène Robert
M. Guy Lelièvre
M. Jean-Guy Paré
M. Jean-Claude St-André
M. Normand Jutras
Mme Céline Signori
M. Roger Lefebvre
M. Geoffrey Kelley
M. André Boulerice
Mme Fatima Houda-Pepin

Journal des débats


(Dix heures quatorze minutes)


Étude détaillée du projet de loi n° 130

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, et cette séance est donc ouverte.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fournier (Châteauguay) est remplacé par M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).


Le Tribunal administratif du Québec


Institution (suite)

Le Président (M. Paquin): Alors, nous en sommes à la discussion sur le deuxième alinéa de l'article 13, et il y a un amendement du député de Châteauguay qui est sur la table et qui se lit ainsi:

Le projet de loi n° 130 est modifié par le remplacement, dans la version française de l'article 13, deuxième et troisième alinéas, des mots «de la» par le terme «d'une» et le remplacement, dans la version anglaise de l'article 13, deuxième et troisième alinéas, du mot «law» par le mot «statute».

Alors, aucun temps de parole n'a été généré encore depuis la proposition. Oui, M. le ministre.

M. Bégin: Je signalais qu'au moment où on a terminé nos travaux j'avais la parole sur cet amendement-là, mais le député de Chomedey a demandé un ajournement.

Le Président (M. Paquin): C'est vrai. Alors, un instant.

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): D'accord. Alors, en conséquence, la parole est au ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. D'une part, je suis très content que le député de Mont-Royal soit présent parce que je voudrais lui montrer que tous les travaux que l'on fait ici ne sont pas nécessairement dans le sens qu'il souhaiterait, et je vais m'exprimer par la suite.

La semaine dernière, j'ai été interrompu dans mon élan oratoire sur cet amendement proposé par le député de Châteauguay et je suis aussi déçu qu'il ne soit pas là, puisque j'étais en train de lui dire qu'il faisait ce que le député de Chomedey avait fait lors de l'étude du projet de loi 41, lorsqu'il avait proposé d'introduire un trait d'union entre «land» et «surveyor», ce qui constituait une faute d'anglais – je ne sais pas si ça se dit comme ça – une faute dans le texte anglais. Et on a dû revenir sur nos pas pour corriger cette erreur qui avait été introduite par le député de Chomedey afin de gagner du temps.

M. Copeman: Question de règlement, M. le Président. Pardon!

Le Président (M. Paquin): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui, M. le Président. Je pense qu'en parlementaire assez habitué comme il est M. le ministre de la Justice sait qu'on ne peut pas faire référence à l'absence d'un député, soit à l'Assemblée nationale ou ici, en commission parlementaire. C'est une faute, j'imagine, de passage que le ministre ait dit que malheureusement le député de Châteauguay n'était pas là. Alors...

Une voix: Ce n'est pas sa première faute.

M. Bégin: Je dois attendre pour ce que j'avais à dire, mais...

M. Copeman: Non, non, mais il faut s'en tenir au règlement, il me semble, M. le Président.

Une voix: Il en a fait d'autres pires que ça.

Le Président (M. Paquin): D'accord. Alors, on s'en tiendra au règlement. S'il vous plaît, M. le ministre, si vous voulez poursuivre.

M. Bégin: Alors, il sera en mesure de lire les galées. Mais là n'était pas mon propos; c'était tout à fait accessoire. Le propos principal que je voulais tenir, c'est qu'à nouveau on tente, par un amendement, d'introduire ce qui est absolument inutile, puisqu'on veut introduire les mots «une loi», et «statute» à la place de «loi» – je n'ai pas le texte anglais – alors c'est «law». Il faut savoir... et le député de Châteauguay connaissait cette disposition, j'imagine, de la Loi d'interprétation des statuts, qui stipule à l'article 61: «Dans toute loi, à moins qu'il n'existe des dispositions particulières à ce contraires [...] – paragraphe 10° – les mots "actes fédéraux" ou "statuts fédéraux" signifient les lois passées par le Parlement du Canada; les mots "acte", "statut" ou "loi", partout où ils sont employés sans qualificatif, s'entendent des actes, statuts et lois du Parlement...» Ce qui veut dire en clair que, lorsque l'on dit dans un texte de loi, comme c'est prévu à l'article 13 effectivement, «dans les cas prévus par la loi», ça veut dire «dans les cas prévus par toute loi», et c'est une règle d'interprétation.

Donc, en introduisant le mot «une», on évite l'application de cette règle qui est prévue dans les statuts. Donc, vous comprendrez, M. le Président, que je ne pourrai pas voter en faveur d'un amendement qui vise à défaire ce qui avait été bien fait. Et là on n'est pas au niveau de l'idéologie; on est au niveau du phrasé même du texte de loi. Et je pense qu'il s'agirait là d'une erreur à nouveau d'introduire l'amendement proposé par le député de Châteauguay. Alors, voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire sur ce texte.

Le Président (M. Paquin): Quelqu'un désire prendre la parole sur l'amendement? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, avant de prendre la parole sur l'amendement, M. le Président, j'aimerais vous poser une question de directive. Je voudrais vous poser une question de directive, avec votre permission.

Le Président (M. Paquin): Oui, oui.

M. Mulcair: Vous remarquerez que l'amendement dont on est en train de parler, dans sa deuxième partie, modifie la version anglaise de l'article 13 du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative. Or, comme vous le savez également, M. le Président, l'article 13, la version anglaise, comme tous les autres articles en anglais, n'a pas encore été adopté. Alors, c'est nécessaire pour nous de proposer cet amendement pour une simple et bonne raison: la version anglaise qui a été présentée, pour nous, est défaillante. Et on va expliquer pourquoi et on souhaite aussi apporter, par la même occasion, une modification à la version française, mais on se trouve avec un problème logique.

Comment, en effet, modifier quelque chose qui n'est pas encore adopté? Et c'est la question que je vous soumets, parce que, si, dans un premier temps, on adopte la modification, ce qui nous rendrait heureux, on est quand même juste en train de modifier un texte administratif. Parce que, la version française de l'article 13 ayant déjà été adoptée, on peut la modifier, comme commission parlementaire. Mais, avant de dire que le mot «law» va devenir le mot «statute» dans la modification qui est proposée, il faut encore que le mot «law» soit adopté, il faut qu'il soit là. Et, si ce n'est pas encore le cas, on est en train de présumer que ce sont des traducteurs et des administrateurs d'État qui déterminent, au lieu et à la place des parlementaires, le texte et le libellé des lois.

Vous le savez comme moi que votre collègue, que j'avais vu ce matin et que je m'attendais de voir dans votre chaise... Ce n'est pas que je n'aime pas vous voir là, mais j'ai vu notre collègue, qui est le président de cette commission parlementaire, qui était là – le président au sens large...

M. Bégin: Question de règlement. Il me semble qu'on n'a pas le droit de mentionner qu'un député est absent de cette commission. C'est l'intervention que j'ai entendue il y a quelques minutes, alors je comprends que la même règle s'applique pour le député de Chomedey. Est-ce que c'est correct?

Le Président (M. Paquin): Mutatis mutandis.

M. Bégin: Merci, M. le Président.

M. Mulcair: M. le Président, je vois que le ministre vient d'enfreindre la règle deux fois, parce que j'ai dit que le président de cette commission n'était pas assis dans votre chaise, mais je n'ai jamais dit qu'il n'était pas assis en face, ce qu'il lui arrive de faire des fois quand il se fait remplacer par vous et qu'il veut prendre la parole. Alors, plutôt deux fois qu'une, le ministre a enfreint les règles de cette commission et de l'Assemblée nationale.

(10 h 20)

Mais revenons à la question qui est devant nous, question importante. Nous voulons donc, comme législateurs, faire notre travail; nous voulons qu'il y ait une version anglaise de l'article 13 qui soit conforme à notre intention, comme législateurs. Alors, je vous demande – c'est ça, la question de directive: Comment on procède? Est-ce qu'on présume que la version administrative qui est devant nous, qui n'a jamais fait l'objet d'une adoption par cette commission, existe législativement et on procède à sa discussion? Est-ce que, une fois cette modification adoptée, on procède à l'adoption de la version anglaise telle que modifiée? Je vous demande tout simplement de nous éclaircir là-dessus.

Le Président (M. Paquin): Oui. Dans un premier temps, lorsqu'on porte des amendements à un texte, le texte n'est toujours pas adopté. On l'améliore et éventuellement on l'adopte tel qu'amendé. Donc, il n'est pas inconsidéré de porter des amendements à un texte qui n'est pas encore adopté, d'une part.

Deuxièmement, sur la question de l'étude de la version anglaise de cette loi, le président de la commission a pris la question en délibéré et s'apprête à rendre une directive à ce sujet-là.

M. Mulcair: D'accord. Alors, je suis mieux d'attendre sa décision, puis, nous, on va continuer sur la proposition telle qu'elle est devant vous?

Le Président (M. Paquin): C'est ça... J'ai mal compris votre question.

M. Mulcair: Donc, votre directive, si je comprends bien, c'est d'attendre la décision de celui qui est le président de cette commission.

Le Président (M. Paquin): Exactement...

M. Mulcair: D'accord. Très bien.

Le Président (M. Paquin): ...sur la question de la version anglaise. Mais, sur la question de la possibilité de faire des amendements à un texte qui n'est pas encore adopté, c'est de procéder comme c'est l'usage.

M. Mulcair: D'accord. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Je vous en prie.

M. Mulcair: Alors, pour situer les propositions dans leur contexte – et là je commence, M. le Président, à parler sur l'amendement – il est intéressant de noter qu'au début de la loi on a maintenant une version de l'article 1 qui dispose, à son deuxième alinéa: «This Act establishes the general rules of procedure applicable to individual decisions made in respect of a citizen. Such rules of procedure differ according to whether a decision is made in the exercise of an administrative or adjudicative function and are, if necessary, supplemented by special rules established by law or under its authority.»

Now, I listened with great interest while the Minister made his representations earlier with regard to the Interpretation Act, but unfortunately his argument falls flat, as is often the case, because his reference is quite wrong. When one looks at the other amendments that have been brought to the statute in the French version, one realizes – we have agreed with the Minister in this regard – that we have brought any number of amendments to the statute to refer from now on to any «règle de droit». And, when we're doing that, Mr. Speaker, what we're doing is we're making sure that the rules of the common law are not being excluded by the changes that the Minister has brought to this statute.

You will recall, Mr. Speaker, because you were there, that, when we looked at section 1, it was one of the first things – and I believe, if I'm not mistaken, that it is indeed this section 1 that your colleague, the chairman of this commission, has taken under advisement – we asked for and obtained from the Minister the draft version of an English text that has been prepared by the civil servants – and I might remark in passing again not by the legislators who are sitting around this table on either side – and we were quite content to see the words «established by law». We were concerned that the choice of the term in English might have been «by statute,» and we were therefore relieved to see the use of the term «law», because what we wanted to ascertain, Mr. Chairman, was whether or not there was any possibility of interpreting that section 1 as once again excluding the common law.

Now, as we turn our attention to section 13 which is before us now, we realize that, in the administrative version of section 13, which has been prepared by the civil service, the second and third paragraphs – and you'll forgive me, Mr. Speaker, for not necessarily sharing your angst with regard to whether or not the second and third paragraphs are indeed a second paragraph, I'll refer to them as such – in the English version, provide as follows: «The function of the Tribunal, in the cases provided for by law, is to make determinations in respect of proceedings brought against an administrative authority or a decentralized authority. Except where otherwise provided by law, the Tribunal shall exercise its jurisdiction to the exclusion of any other tribunal or adjudicative body.»

Now, referring back to the English version, the administrative English version of section 1 that we referred to earlier, that we had confirmed had comforted us in our preoccupation with regard to the eventual removal of certain rights and recourses as provided under the common law, you can understand our concern with our reading of the second and third paragraphs of section 13. Because the same terminology is being used: «The function of the Tribunal, in the cases provided for by law...»

What we are attempting to achieve by the substitution of the word «statute» for the word «law» – we just heard you use the term «mutatis mutandis», pardon us if we use another latin expression, expressio unius est exclusio alterius – what we're attempting to do is to make quite clear in the second and third paragraphs of section 13 that what we're saying is that it is only when Parliament, when the provincial Legislature, by way of statute, enacts that the function of the Tribunal is to make certain determinations, what we are saying is that there will be no interpretation as to whether or not any of the functions of that Tribunal include the activities provided otherwise. Let me give you an example, Mr. Chairman.

When we spoke the last time with the Minister about this subject, we had an interesting discussion, and we even had certain proposals that were indeed, in modified form, accepted, concerning the desirability of publishing a list of all the agencies and bodies to which Bill 130 would apply. The Minister agreed with us. He had a concern: he was concerned that, if we were to make it by way of order in council or by regulation, somehow, if something were left off that list, it would stop jurisdiction from being conferred upon the Tribunal with respect to a new body; he was worried about delays. We respected that. So what we've opted for is sort of a middle solution. What we've come up with is a decision that's been adopted by both sides, that we'll see the annual publication, by order, of a list of things, you know, by schedule or otherwise, will become the reference point for people who want to know what is covered by this new Administrative Tribunal. Fair enough.

What we're proposing here in the second and third paragraphs is to make that abundantly clear, to make clear what the Minister has already said to us. And, without belaboring the point, let us just say that, as parliamentarians, we've had more than ample reason in recent days to want to make sure that we get everything from this particular Minister of Justice and attorney general in writing. Unfortunately, for reasons that we're all too familiar with, that prudence is now dictated in all our relations with him.

(10 h 30)

So, despite the fact that the Minister has assured us, for I believe that this is the case, we want to make sure that the wording of section 13 cannot be used in the way that the Minister was in fact suggesting. We don't want the result that the Minister was proposing before, when he referred us to the Interpretation Act, to apply. We want to make sure that section 1, second paragraph, when we talk about «rules established by law or under its authority», remains a possible reference not only to statute law, but also to the rules of law as established by the courts, the common law.

Now, the same interpretative provision that I refer to might open up other avenues of investigation with regard to different terminology that's been used in the statute so far, but we put it to you and to the other members of this Committee, Mr. Chairman, that it is in the best interest of the administration of justice to make that clarification. For, if indeed it is our purpose here to ensure that no right under the common law is lost by way of interpretation or otherwise, we cannot attain that result by using the same terminology in section 13 as that which is used in the second paragraph of section 1. We cannot say «established by law» in section 1 and «provided for by law» in section 13 without it being possible for a court reasonably to construe the statute as meaning the same thing in both places. If again it is reasonable to read section 13, paragraphs 2 and 3, as providing that these things are to be done by a statute, ergo our concern that, in section 1, paragraph 2, the same interpretation might prevail.

That interpretation we consider inappropriate, we consider it restrictive, we consider it going against what both sides of this Committee have said all along that we are trying to do, which is to provide a new avenue for obtaining justice in administrative matters without removing rights from the citizen. We've had occasion to explain in great detail to the Minister what our main preoccupations are in this dossier, what remains our main concern. We've had occasion to express to him that there are two elements of this bill that cannot be maintained at the same time. It is our considered opinion, for example, that it is indeed possible to have recourse to such an overriding administrative tribunal without further appeals on one condition: that he remove the other impediment which is the fact that he's not naming real judges.

On the other hand, if he wishes to remain with persons who are not real judges, he must provide an appeal to someone who is a real judge. And I always take the precaution, Mr. Chairman, every time we have occasion to discuss this subject, to say that I am not in any way disparaging the quality and the competence of the people who render administrative decisions. What I am saying is that the rules set down by the courts in this country, most notably by the Supreme Court of Canada in the Valente case, but in other cases involving municipal judges, involving liquor permits, what the courts have said is they're willing to acquiesce and acknowledge the difference between a real judge, a judge who requires the full gamut of protection laid down in Valente and an administrative judge, because there is a substantive difference between the two.

In the administrative case, you're trying to deal with administrative problems, you've set up a different process, it's law that's sui generis, that exists on its own, it's got its own rules, and, of course, at the end of the day you can always have recourse to an appeal in almost all cases. In the case that there is no appeal and there has been an excess of jurisdiction, of course you still have the superintending and reforming power of the Superior Court under the British North America Act, the constitutional act of 1867.

In the absence of the guarantee of autonomy and independence for those judges, of course you have to provide an appeal. That's the main substantive position that remains our preoccupation. But, as a backdrop to those two concrete substantive preoccupations, which are shared by most experts who have looked at the statute and of course by the Bar Association, we're also looking at a constant overarching preoccupation with regard to equity, with regard to the preservation of existing rights and recourses.

That's where we come to today, Mr. Chairman. We're saying, if indeed the Minister is in agreement with us that the statute should not intend to remove other rights and recourses, as a result it must necessarily not be in a position by way of interpretation or construction to produce the same result. And that's why we think it appropriate and we consider it helpful to propose to the Minister, as my colleague from Châteauguay did, to change both the English and the French versions of section 13 in such a way as to remove any doubt as to its possible effect.

I think that the Minister is quite right, and I think that a fair reading of all the provisions of the statute in their context leads one to the conclusion, at section 13, paragraphs 2 and 3, that what is intended is to say that it's only in cases where Parliament, the Provincial Legislature, this Assembly, by way of statute so provides that the Tribunal will have jurisdiction. Fair enough. But what that also implies, as we're saying, is that, when one reads section 1 in the light of the similar drafting to be found in sections 2 and 3 of section 13, that it is quite possible that a reasonable construction of section 1 would be that section 1, second paragraph, means that the Act establishes the general rules of procedure applicable to individual decisions made in respect of a citizen, that such rules of procedure differ according to whether a decision is made in the exercise of an administrative or adjudicative function and are if necessary supplemented by special rules established by statute or under its authority.

Now, if the Minister and his close advisors were to take cognizance of the transcripts of the Parliamentary Committee hearing during which the bulk of the amendments that have already been adopted by both sides were indeed looked at – and it was the same day, Mr. Chairman, unless I am mistaken, that your colleague took under advisement the question of whether or not the English version of a statute had to be adopted simultaneously as the French version, that bilingualism was the rule under section 133 of the Constitution Act at every step of the enactment process, which is our argument based on the Supreme Court ruling in the Manitoba reference decision, let's recall, that was rendered in June 1985 – well, if that's the case then, if he recalls that discussion, if he looks at the transcripts of that discussion, he will recall that our position today is in all points consistent with our position then. We don't believe, Mr. Chairman, that the Minister can find succor in the Interpretation Act.

Nous ne croyons pas, M. le Président, que le ministre peut se secourir par sa référence à la Loi d'interprétation, loin de là. Nous croyons en effet que la Loi d'interprétation, comme toute autre loi, les définitions qui s'y trouvent s'appliquent toujours à moins que le contexte n'indique un sens différent, en l'occurrence par l'adoption d'une version légèrement différente à l'article 13. Obligatoirement, celle ou celui qui serait appelé à interpréter la loi serait forcé de constater qu'on a utilisé une terminologie à un endroit, une terminologie plus restrictive, le mot «statute» qui ne peut signifier qu'une loi adoptée par un Parlement – du droit statutaire, on en entend parfois parler – et, donc, à l'article 13, on serait plus précis dans notre terminologie et, à l'article 1, par interprétation, notre crainte, qui, rappelons-le, a été diminuée lorsqu'on a vu le mot «established by law», que l'article 1 puisse être interprété comme enlevant ou restreignant des droits va être soulagée.

Alors, le ministre a réagi très vite lorsque mon collègue le député de Châteauguay a présenté sa modification. Effectivement, il avait tenté de commencer à donner ses explications, mais le temps était écoulé, sinon ça nous aurait fait plaisir de l'entendre. Mais le ministre se trompe, à notre point de vue, M. le Président, et c'est très important dans le contexte d'un projet de loi qui va affecter les droits et recours des citoyens, un projet de loi qui a soulevé l'ire de très importants acteurs dans le domaine du droit administratif et de l'application des lois au Québec. Il est crucial, donc, à notre point de vue, que le ministre fasse tout, au processus d'adoption de la loi, pour s'assurer que ces ambiguïtés, ces possibilités d'interprétation pouvant mener à la perte de droits et de recours soient enlevées de son projet.

Alors, on lui offre l'occasion de le faire par une simple modification. Si jamais le ministre était absolument persuadé de son argument concernant la Loi d'interprétation, je céderais devant ça, et je pourrais revenir... De la loi ou d'une loi, ça ne changerait pas grand-chose dans les faits, parce que, comme vous le savez, M. le Président, les deux versions de la loi sont également authentiques; il n'y a pas une version qui a préséance sur l'autre, et, en cas d'ambiguïté, il y a un très bon livre là-dessus qui s'appelle «Unconstruing bilingual legislation in Canada», par Michel Beaupré. Bon, la règle est très simple, c'est la version qui est plus en lien avec l'intention du législateur, et les autres règles d'interprétation vont commencer à jouer. Notamment, on ne doit jamais interpréter une loi de manière à considérer que c'était voulu qu'on restreigne les droits, lorsqu'on peut l'interpréter d'une autre manière.

(10 h 40)

Alors, c'est ça qu'un tribunal ferait avec ça, c'est ça qu'un tribunal ferait avec le deuxième alinéa de l'article 1: le tribunal conclurait, à juste titre, que ce qui a été visé à l'article 1, c'est «the law» au sens large, la loi au sens large, pouvant inclure les droits reconnus aux citoyens aux termes de la jurisprudence des tribunaux, ce qu'on appelle la «common law», qui, rappelons-le, s'applique ici, au Québec, en matière de droit administratif.

Lors du forum sur le projet de loi n° 130, un forum assez exceptionnel et extraordinaire qui a été tenu à l'Université de Montréal voilà quelques semaines maintenant, il a été très clairement indiqué par la vaste majorité des experts présents que c'était une préoccupation qu'ils partageaient. Ils craignaient que, par loi, on soit en train non seulement de codifier et de mettre par écrit certaines règles de «common law», pratique contre laquelle les gens n'en avaient pas sur le plan des principes, mais qu'on soit en train de se restreindre à ces seules choses là.

Je vois qu'il ne me reste qu'une minute, M. le Président, et je vais la garder au cas où il faudrait intervenir sur la modification.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que quelqu'un d'autre demande la parole sur cet amendement? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. On est arrivé, peut-être, à un moment un peu plus technique dans le débat. Comme non-avocat, je dois vous avouer que la subtile mais importante distinction en anglais entre «law» et «statute» n'est pas évidente pour quelqu'un qui n'est pas un avocat. Je pense qu'on peut s'entendre là-dessus, M. le Président; vous-même, vous ne faites pas partie de cette profession honorable d'avocat. Mais quand même je dois vous signaler que c'est une différence subtile, mais elle peut être très importante.

Et je dois avouer que l'argumentation, la plaidoirie de mon collègue le député de Chomedey – ça ne vous surprendra pas – m'a convaincu. Il m'a convaincu pour plusieurs raisons, entre autres je comprends qu'on peut avoir des échanges assez vifs, comme parlementaires. On peut même développer chez certains parlementaires une attitude à cause d'autres circonstances, ce qui fait en sorte qu'on a tendance à ne pas nécessairement donner la pleine portée aux commentaires de fond qu'un parlementaire fait, à cause d'autres circonstances.

Il ne faut pas oublier, quant à moi, que, malgré tout, malgré certaines difficultés qu'on peut avoir de l'autre côté de la table, surtout avec les interventions du député de Chomedey, il faut lui donner ce qui lui est dû. Le député de Chomedey a une longue expérience en termes de traduction des lois. Il est – moi, j'oserais dire, pour mon humble contribution à ce débat – un des experts dans la question de traduction des lois. Tout à fait. Il a déjà occupé des fonctions importantes ici, au gouvernement du Québec, pour le gouvernement du Manitoba, où il était responsable, si ma mémoire est fidèle, de la traduction des lois de la province du Manitoba suite à une décision de la Cour suprême qui donnait une portée à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1982. Alors, je vous dis, toute partisanerie mise de côté – je sais qu'ici, à la commission des institutions, ce n'est pas une de nos commissions où la partisanerie déborde vos débats – moi, je suis très porté à l'écouter de façon attentive, surtout quand il parle de la traduction des lois.

And on that, Mr. Chairman, even a neophyte, such as myself, in terms of the law, can appreciate a difference between the term «statute» and the term «law». And I certainly haven't heard a particularly effective rebuttal from the Minister to the arguments made by my colleague the MNA for Chomedey in this regard. The Minister was content to deal with, as is his want, the amendments to – at least in this intervention – the French version of the legislation and did not, to my knowledge, if my memory serves, particularly respond to the arguments made by the MNA for Chomedey with regard to the English version.

It has happened before in this commission unfortunately, Mr. Chairman, that that has been the case. I can myself recall an instance when I was sitting in as a member of this commission where the Minister refused to provide a translation of an amendment that was before this Committee. I personally find that deplorable. It may even be illegal. I know that the MNA for Chomedey was sort of investigating that question.

Mais je pense que, fondamentalement, moi, j'attends avec empressement les explications ou une défense, potentiellement le rejet de cet amendement du ministre. On sait que lui aussi est un avocat, un juriste assez renommé. Il avait une bonne carrière comme avocat quand il est devenu ministre. À un moment donné, dans la vie de n'importe quel homme ou femme politique, on va faire le bilan des carrières; peut-être que le bilan de la carrière du ministre de la Justice quand il était avocat serait plus favorable que celui comme ministre de la Justice. Mais on verra, ce sera à l'histoire de juger. Mais, moi, j'attends avec empressement des commentaires du ministre au sujet de la nature de la différence entre, en anglais, «law» et «statute».

And I would hope that the Minister would take a few moments to clarify that issue for my own benefit and for the benefit of the other members of the commission so that we can adopt the most exact term, the most appropriate term in our legislation.

Vous savez, M. le Président, comme moi – et ça n'enlève absolument rien à l'excellent travail que font normalement les traducteurs et traductrices des légistes à l'Assemblée nationale – que de temps en temps il y a des failles assez importantes, quant à moi, dans la traduction des lois. Et, en autant qu'on est, nous, régis par la Loi constitutionnelle de 1982, je pense que ça importe au ministre responsable de faire un travail sérieux, une étude détaillée des deux versions des projets de loi. Puis là on ne parle pas de n'importe quel projet de loi.

On peut avoir une différence d'opinions dans un projet de loi quant à la portée d'une phrase en anglais, un mot en anglais. Je suis déjà intervenu auprès d'autres ministres membres d'autres commissions pour chercher une clarification des mots; puis, normalement, on ne n'obstine pas longtemps. On a eu un échange lors de l'étude détaillée de la Loi sur l'équité salariale avec des légistes du ministère et, à un moment donné, la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité a dit: On va prendre ça en considération, on va voir. Puis, deux jours plus tard, j'ai reçu une explication très cohérente, très probante sur l'utilisation d'un terme en anglais, que je ne connaissais pas d'ailleurs, qui était, semble-t-il, tout à fait approprié. Mais une recherche a été faite. La ministre en question a pris au sérieux nos commentaires et a répondu à des commentaires qu'on lui faisait. Elle, cette ministre-là, a agi d'une façon très responsable, quant à moi, face à des commentaires tout à fait légitimes d'un législateur qui s'interrogeait sur la portée des termes en anglais ou en français.

D'autant plus, M. le Président – puis je reviens précisément à notre amendement – que, quant à moi, il s'agit d'une différence potentiellement très importante qui peut avoir un effet sur toute l'économie générale, j'oserais dire, du projet de loi n° 130.

Alors, j'espère que le ministre va prendre les quelques minutes nécessaires pour nous rassurer, pour nous convaincre, pour défendre son point de vue et celui de ses légistes, que, effectivement, dans sa version anglaise, le terme «law» dans, semble-t-il, son sens large est plus approprié en anglais que le terme «statute». Et, si le ministre peut nous convaincre du bien-fondé de ce terme-là, bien, là, on procéderait peut-être potentiellement à l'étude d'autres aspects de la loi. Merci, M. le Président.

(10 h 50)

Le Président (M. Paquin): Merci. Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Alors, M. le Président, il arrive parfois que certains amendements peuvent être qualifiés d'amendements dilatoires, pour retarder un peu les travaux. Ce n'est pas la première fois que ce serait arrivé; ça arrive assez souvent dans l'examen de projets de loi. Mais, dans le cas qui fait l'objet du présent examen à cet amendement-là, ce n'est pas un amendement dilatoire, c'est un amendement, je crois, qui va sur le fond du projet de loi. Ça peut paraître anodin de dire bien: Quelle est la différence entre le cas prévu par «la loi» ou le cas prévu par «une loi»? Il y a une grande différence.

Si c'est l'intention du ministre que cette loi-ci crée les recours, statue sur tous les recours, et qu'on puisse se fier seulement sur cette loi pour le Tribunal administratif, bien, là, il devra maintenir le libellé tel qu'il est. Mais, si c'est l'intention du législateur, si c'est l'intention du ministre que les recours se trouvent dans une loi pour avoir recours au Tribunal administratif qui est créé ici, bien, alors, à ce moment-là, je crois que le ministre doit changer les mots «par la loi», à l'amendement qui est proposé, pour «d'une loi». Parce qu'il faut que la fonction de statuer sur le recours formé contre une autorité administrative ou une autorité décentralisée se trouve dans une loi.

Si on dit dans «la loi», ça veut dire qu'on va trouver dans la loi commune, «common law», comme on dit, dans le droit coutumier – et je ne pense pas que c'est l'intention du ministre... Je pense que l'intention du ministre, c'est qu'avant de statuer sur des recours il faut que ça se trouve dans une loi particulière; je pense que c'est ça, une des protections qu'on peut avoir aussi pour ceux qui vont faire les demandes et ceux qui seront assujettis à ces recours. Alors, c'est une question d'intention et aussi une question d'enlever l'ambiguïté.

Si le ministre nous dit présentement non, que, lui, son intention, ce n'est pas de limiter les recours et d'exercer la compétence qui se trouvera dans une loi particulière, là on va faire un débat différent, mais je pense qu'on devrait connaître l'intention du ministre. Telle qu'elle est libellée présentement, je crois que mes collègues – je ne veux pas répéter tous leurs arguments – ont raison de porter à votre attention et de porter à l'attention du ministre l'interprétation de cette loi. Il faut être précis. C'est pour ça que le législateur a une obligation d'être précis dans le libellé de sa législation pour que l'intention et le libellé soient clairs pour celui qui est assujetti à la loi.

Alors, j'aimerais savoir du ministre vraiment quel est le but de la loi. Est-ce que c'est d'assujettir, d'exercer sa compétence et d'avoir ses recours par toute loi ou bien seulement par une loi spécifique? Si le ministre pouvait nous clarifier là-dessus, je pense bien que, nous, on pourrait réagir en conséquence. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député désire prendre la parole sur l'amendement? Alors, puisque personne ne demande la parole sur l'amendement, est-ce que l'amendement est adopté?

M. Mulcair: Adopté.

M. Bégin: Non.

Le Président (M. Paquin): Alors, rejeté.

M. Mulcair: Alors, vote nominal, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Vote nominal. Alors, M. le secrétaire, si vous voulez faire le vote nominal.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Secrétaire: M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Copeman: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: Mme Simard (La Prairie)?

Mme Simard: Contre.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Contre.

Le Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre: Contre.

Le Secrétaire: M. Paré (Lotbinière)?

M. Paré: Contre.

Le Secrétaire: M. St-André (L'Assomption)?

M. St-André: Contre.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Contre. Alors, l'amendement est donc rejeté.

Nous sommes donc de retour à l'alinéa 2 tel que nous étions au point de départ et tel qu'il est modifié. Est-ce que quelqu'un désire prendre la parole à ce moment-ci sur le deuxième alinéa? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui, M. le Président, j'ai un amendement à proposer que je suis en train de pourvoir: Que le projet de loi n° 130 soit modifié dans sa version française par l'insertion, après le premier alinéa de l'article 13, du suivant: «Ses membres sont indépendants, impartiaux et ne peuvent avoir fait l'objet de condamnation criminelle par le passé.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): Est-ce que je peux avoir le libellé, s'il vous plaît?

M. Copeman: Oui, oui, ça s'en vient, là.

Le Président (M. Paquin): Alors, je vous donne quelques secondes pour l'écrire.

(11 heures)

M. Copeman: Merci.

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): Bon. L'amendement porte sur un sujet sur lequel nous n'avons pas encore statué et qui vient plus loin dans le projet de loi, à savoir la composition, la nature des membres du tribunal, leur nomination, leur indépendance, et tout ça. Et il m'apparaît que l'article 13, tel qu'il est amendé à ce moment-ci, porte sur la nature du tribunal et non pas de ses membres, en effet le Tribunal administratif du Québec, qui a des fonctions et dont certaines dispositions sont prévues.

Alors, l'article 197 de notre règlement précise que le contenu d'un amendement doit concerner le sujet de la motion et ne peut aller à l'encontre de son principe. Il ne vise qu'à retrancher, ajouter ou remplacer des mots. Donc, il m'apparaît à ce moment-ci qu'il s'agit d'un amendement qui aurait comme effet, de façon prématurée, de porter sur une question dont nous aurons à disposer. C'est pourquoi je ne le recevrai pas à ce moment-ci, mais il serait recevable autour des articles... après 39 en tout cas, dans cette section qui est là, peut-être même après l'article 43, dans ce coin-là. Donc, je ne recevrai pas l'amendement à ce moment-ci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mulcair: M. le Président, sur la recevabilité, s'il vous plaît.

Le Président (M. Paquin): Je vous en prie.

M. Mulcair: Alors, j'ai écouté attentivement votre explication et j'apprécie aussi votre nuance habituelle, parce que vous avez pris la peine de dire que ça ne vous apparaissait pas pour l'instant recevable. Et je suis sûr qu'une fois que vous aurez entendu les raisons de notre proposition vous allez conclure que, malgré les apparences, la modification telle que proposée est tout à fait recevable.

Vous avez, avec raison, référé à l'article 197 et dit que ça doit porter sur le sujet de la motion. Cependant, vous constaterez avec nous que, jusqu'à date, sur l'article 13, on est en train, tout le monde en convient, de parler du principe du projet de loi, du principe de la création du tribunal et des grands principes qui doivent régir ce tribunal.

Juste pour illustrer notre propos, M. le Président, permettez-moi de lire un très bref extrait du programme du Parti québécois. On prévoit, et je cite: «En matière administrative, une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires sera adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme impartial et indépendant.» Ça, c'est le principe et c'est là où nous sommes à l'article 13. «Cette loi prévoira des règles de procédure permettant un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la chambre administrative de la Cour du Québec et de la Cour supérieure.»

Donc, la première chose que je me permets de vous faire remarquer, M. le Président, c'est que ça a déjà été décidé par cette commission, dans le cadre de l'article 13, qu'il était pertinent de parler de l'appel. On a déjà discuté de l'appel. On a essayé de prévoir; ça a été battu démocratiquement dans cette commission. Mais, vu qu'on était en train de discuter des principes, nonobstant le fait que les nuances et les détails pouvaient venir plus tard, le principe devait être adopté et pouvait être discuté valablement ici, c'est ce qui a été décidé devant cette commission.

Le programme du Parti québécois continue en disant – et je finis là-dessus, c'est une phrase: «L'indépendance et l'impartialité des organismes et personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires passent, notamment, par un processus transparent de nomination, de maintien et de renouvellement des mandats.» Alors, ce processus, c'est le détail. Le détail viendra plus tard, mais le principe... Et d'ailleurs, si ça peut vous aider, M. le Président, je vous donnerai une copie du programme du Parti québécois, parce que vous remarquerez que les principes sont contenus à 1.4 et le détail, à 1.4.1. C'est des sous-paragraphes. Alors, vous voyez que les gens qui ont rédigé le programme du Parti québécois semblent avoir compris ce que nous sommes en train de dire là et ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce a très bien compris: c'est que c'est au début qu'on établit les principes et, par la suite, tout à fait conformément à l'article 197, on va discuter du détail. Mais, si on n'établit pas le principe là où il doit être établi, à l'article 13, comment en effet pouvons-nous commencer, aux articles plus loin...

Vous allez nous dire, à très juste titre, à ce moment-là: Bien, écoutez, ça va à l'encontre du principe du projet de loi. Bien, c'est là où on est; on est dans les principes. On dit qu'il faut que ces gens-là soient tout à fait nommés d'une manière correcte vis-à-vis du programme du Parti québécois: «impartial», «indépendant». Et, vu les événements récents, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce prend bien la peine de dire ce qui aurait dû être évident, que ça ne peut pas être des gens qui ont commis des crimes qui sont nommés là-dessus.

Alors, c'est des principes, M. le Président; le détail pour après, articles 39 et suivants, comme vous le dites... Mais c'est tout à fait normal. On a le droit de discuter des principes à l'article qui parle des principes. Et, nous, on veut élaborer ces principes-là, quitte à avoir des discussions ou à être d'accord ou pas d'accord lorsque viendra le temps de discuter des détails de l'application de ça. Mais, si on ne peut pas mettre la question des principes là où on établit le Tribunal administratif, je vois difficilement comment les parlementaires peuvent faire leur travail.

Puis je vous avoue que, malgré tout le respect... Et c'est très sincère, ce que je vous dis là. J'ai un énorme respect pour votre connaissance, et votre compréhension, et votre capacité de lire et d'appliquer le règlement. En l'occurrence, sauf tout le respect qu'on vous doit – puis on vous doit beaucoup parce que vous êtes un de ceux qui connaissent mieux le règlement – votre interprétation est vraiment erronée et vole dans la face des autres décisions qui ont déjà été prises sur ce même article 13, parce qu'on nous a permis correctement de discuter de la question des appels. Il faut quand même se rendre à l'évidence que c'est un des principes, que c'est à l'article 13 qu'on a le droit d'en discuter, M. le Président.

Alors, vous voyez – je termine là-dessus – M. le Président, ce qui vous apparaissait peut-être un problème, je suis persuadé que notre intervention vient de vous aider à clarifier votre position et que vous allez vous rendre à nos arguments, qui sont tout à fait conformes aux autres décisions prises ici même, sur le même article, et par ailleurs, comme je viens de le souligner, tout à fait conformes au programme du parti ministériel.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que quelqu'un d'autre a une opinion à émettre sur ce sujet avant que je ne tranche?

M. Bégin: M. le Président, vous avez déjà énoncé tout à l'heure que la nomination se retrouvait au chapitre III, section I: Nomination des membres, section II: Recrutement et sélection des membres. Et j'attire l'attention sur le paragraphe 5°: «Les membres sont choisis parmi les personnes déclarées aptes suivant la procédure de recrutement et de sélection établie par règlement du gouvernement. Un tel règlement peut notamment [...] déterminer les critères de sélection dont le comité tient compte...» Je pense, M. le Président, qu'il serait intéressant, si le député veut faire sa modification ou sa proposition de modification à cet endroit-là, d'en discuter, ça nous fera plaisir.

Le Président (M. Paquin): Alors, je suis suffisamment éclairé. Le principe d'ensemble de la législation dont on parle à ce moment-ci est d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité aux citoyens. Chaque élément de la loi est structuré par d'abord un descriptif puis le principe correspondant à cette portion-là. Nous sommes ici en train de parler de l'institution et de ses fonctions. L'article 13 porte sur les fonctions et inclut l'ensemble de ces fonctions-là. Voilà, par exemple, pourquoi la question d'un appel ou de l'absence d'appel était opportune à cet article.

(11 h 10)

D'autre part, une section ultérieure porte sur la composition de la Commission, et un principe que pourrait rechercher la Commission est contenu dans le libellé de l'amendement du député de Notre-Dame-de-Grâce. Et c'est pourquoi, après la désignation de l'article 39, quelque part dans les articles qui suivent, on pourrait trouver le principe inhérent à ces nominations et à la composition comme telle. Puisque nous en sommes à ce moment-ci à décrire l'institution et ses fonctions, je maintiens mon point de vue et je décide donc de ne pas recevoir l'amendement du député de Notre-Dame-de-Grâce, qui sera recevable en d'autres lieux.

M. Copeman: Très bien. Je vous remercie, M. le Président. Je comprends et accepte votre décision, et ça me fera plaisir, je l'espère, d'avoir l'occasion de proposer un tel amendement au moment propice dans les travaux de la commission. Et je suis très content d'entendre le ministre dire que ça lui fera plaisir de discuter de cet amendement à ce moment-là, dans vos travaux. Alors, je vous remercie.

M. Mulcair: M. le Président, question de directive.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Auriez-vous, pour nous faciliter la suite des travaux, l'obligeance de nous indiquer quelle est votre interprétation sur le statut de l'article 13, au moment où on se parle, et des temps de parole? Parce que je me souviens que la...

Le Président (M. Paquin): Je n'ai pas compris votre question.

M. Mulcair: Est-ce que vous auriez l'amabilité de nous aider en nous explicitant votre compréhension de là où on est rendu avec l'article 13? Parce que je me souviens que, la semaine dernière, vous avez opiné que, étant donné que l'article 13 comportait deux paragraphes dans sa version originale, dans le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, vous avez dit que, vu que ce deuxième alinéa a été remplacé par deux alinéas, pour les fins des temps de parole, ces deux alinéas n'en constituaient qu'un. Ça, c'était votre lecture.

Le Président (M. Paquin): Bon. Alors, là-dessus, le troisième alinéa qui est introduit par l'amendement qui est adopté n'a pas pour effet de générer du temps sur le projet de loi lui-même. En conséquence, les temps qui restent à ce moment-ci, au niveau du deuxième alinéa – le premier est adopté – de l'article 13, sont les suivants: M. le député de l'Acadie, 9 min 40 s; M. le député de Mont-Royal, 8 min 30 s; M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, 7 min 20 s – qui d'autre est là? – M. le député de Chomedey, aucune minute. Alors, vous avez la réponse, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui désire prendre la parole à ce moment-ci? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, le but que j'avais recherché dans mon amendement était d'assurer trois choses. On avait pu constater, je pense que les membres du parti ministériel voyaient l'intention de l'amendement: c'était d'assurer, parmi les membres du tribunal, une indépendance, une impartialité, une absence de passé criminel. Vous avez, je pense, très correctement statué sur la recevabilité, parce que l'amendement portait sur les membres du tribunal.

En conséquence et en acceptant vos sages conseils, j'ai un autre amendement à proposer, qui, je pense, est plus conforme à votre décision et au but que je recherchais aussi. Ça va atteindre en grande partie les buts que je recherchais et ça peut être complémenté un peu plus tard, à l'article 39.

Alors, je fais motion, M. le Président, d'apporter une modification au projet de loi n° 130 et de le modifier par l'insertion, au deuxième alinéa de l'article 13, après le mot «fonction», des mots «de façon indépendante et impartiale». Alors, là, si vous me permettez de plaider la recevabilité, dans un premier temps...

Le Président (M. Paquin): Une seconde, si je pouvais recevoir le texte.

M. Copeman: Oui. Et vous allez tout de suite constater, M. le Président, que l'amendement, un peu difficile à lire, j'en conviens – il a été vite fait – ne porte plus sur les membres du tribunal, mais porte sur les fonctions du tribunal.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui.

Le Président (M. Paquin): Je considère, à moins que quelqu'un conteste la recevabilité, que l'amendement est recevable.

M. Copeman: Très bien. Alors, je peux commencer mon intervention là-dessus, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Oui. On va le lire lentement pour que chacun le prenne en note. Il n'y a pas beaucoup de choses, donc il s'agit d'ajouter des mots. Alors, l'insertion, au deuxième alinéa de l'article 13, après le mot «fonction», des mots «il a pour fonction, de façon indépendante et impartiale,». M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Alors, vous voyez tout de suite la portée de cet amendement. J'ai cherché, dans un premier temps, à ajouter trois éléments que, nous, on considère essentiels, de ce côté de la table, sur les fonctions de ces tribunaux. Il faut qu'ils soient, quant à nous, impartiaux, indépendants. On avait ajouté un troisième élément qui posait des problèmes en termes techniques, parce qu'il s'agissait des membres qui n'ont pas un passé criminel. Je pense que le parti ministériel peut deviner le pourquoi de cet amendement, avec la situation malheureuse qu'on a eue récemment. Mais ça, on va en discuter un peu plus tard, j'en suis convaincu, du projet de loi. Mais là, vu que l'amendement porte sur les fonctions des tribunaux, vous avez très sagement statué sur sa recevabilité.

M. le Président, il s'agit – on le sait fort bien, mais on ne peut pas le répéter assez souvent, je pense – d'une importante réforme dans les tribunaux administratifs québécois, une réforme qui, quant à moi, devrait être entreprise avec beaucoup de prudence, beaucoup d'étude et avec un sérieux approprié dans les circonstances. On ne joue pas, quant à moi, avec la justice, même la justice administrative, de façon cavalière. On sait de plus en plus, dans notre société, l'importance de la justice administrative. Les tribunaux administratifs du Québec ont un impact majeur sur la vie quotidienne des citoyens et citoyennes, résidents et résidentes de la province de Québec.

De plus en plus, pour toutes sortes de décisions gouvernementales, on ne s'adresse plus aux cours dans le sens strict de la loi, soit la Cour des petites créances, soit la Cour du Québec, soit la Cour supérieure, soit la Cour d'appel, soit la Cour suprême. Dans une première instance, on s'adresse, dans une myriade de situations, à des tribunaux administratifs. Et on peut énumérer la portée de ces tribunaux. Ça peut être des tribunaux qui statuent sur des questions en matière de logement, en matière de bénéfices payables en vertu des lois, de diverses lois québécoises, que ce soit l'aide sociale, que ce soit d'autres lois en vertu desquelles un Québécois ou une Québécoise reçoit des sommes, un remplacement de revenu ou d'autres sortes de revenus. Ça peut être des tribunaux qui statuent sur des décisions très importantes qui ont... des cours du ministère du Revenu, de la Régie des rentes du Québec.

(11 h 20)

Et, en conséquence, M. le Président, il faut, quant à moi, assurer au plus haut point l'indépendance et l'impartialité de ces tribunaux. Je pense que le ministre est d'accord avec moi. Il va peut-être argumenter que ça va de soi que nos tribunaux administratifs... Moi, je suis convaincu que le ministre va admettre que nos tribunaux administratifs, il faut qu'ils soient indépendants et impartiaux. Je ne peux pas concevoir que le ministre va dire: Non, nous ne croyons pas à ça; comme ministre de la Justice, je ne crois pas à ça. Alors, si je me fie à la façon de travailler du ministre, il va probablement tenter de dire: Oui, on est d'accord sur le fond, mais ce n'est peut-être pas le moment propice de le faire, il est sousentendu en quelque part. Il va nous sortir peut-être les grands arguments éloquents et grandiloquents de juriste pour nous dire que c'est redondant, que ce n'est pas nécessaire de préciser.

Mais, moi, je pense, M. le Président, pour le bénéfice de tout le monde, de M. et Mme Tout-le-Monde en fait, qui n'est pas avocat comme vous et moi... Moi, j'ai toujours défendu, depuis mon arrivée en cette enceinte il y a deux ans, la notion que toutes nos lois devraient être accessibles, dans le sens que M. et Mme Tout-le-Monde devraient être capables de comprendre ce qui est écrit dans nos lois. Et j'ai un collègue qui défend le même point de vue très souvent, à l'occasion, le député de Verdun, qui croit énormément en l'importance pour M. et Mme Tout-le-Monde d'avoir la capacité de comprendre nos lois. Parce que, si nos lois sont compréhensibles juste pour des avocats, pour des spécialistes, on a un mosus de problème! Dans ce cas-là, je pense qu'il est important de préciser en noir et blanc, de façon très claire, que ces tribunaux, il faut qu'ils soient indépendants et impartiaux.

M. le Président, on peut peut-être suggérer, pas nécessairement et uniquement à cause des situations récentes – ça peut peut-être jouer – mais on peut peut-être penser que M. et Mme Tout-le-Monde, leur confiance dans le système judiciaire québécois est peut-être remise en question en quelque part. Moi, je me souviens d'une petite émission – je ne me rappelle pas sur quel poste – où un journaliste faisait un «vox pop». Il recevait des commentaires «at large» dans les rues de Montréal et de Québec concernant la malheureuse nomination de Me Richard Therrien comme juge, que tout le monde aujourd'hui reconnaît comme malheureuse. Et on faisait un petit «vox pop»: 88 % des gens qu'ils ont interrogés pensaient que M. Therrien ne devrait plus siéger, et une bonne partie de ces commentaires-là portaient sur la confiance que les gens ont envers leurs institutions. Je me souviens d'une madame d'un certain âge qui avait dit: Comment est-ce qu'on peut avoir confiance dans nos institutions judiciaires quand un gouvernement nomme une personne avec un passé criminel sur le banc? C'était l'opinion exprimée par cette madame. Ça m'a beaucoup frappé.

Et même hier, en Chambre, M. le Président, vous avez pu constater avec moi que le premier ministre du Québec lui-même a dit que, si le gouvernement avait su ce qu'il sait aujourd'hui à l'endroit de cette nomination, il ne l'aurait pas faite. Moi, je l'ai entendu. Je ne l'ai jamais entendu de la bouche du ministre de la Justice. Mais, Dieu merci, je l'ai entendu de la bouche du premier ministre du Québec. Et ça va directement dans le lien de confiance qu'un citoyen peut avoir pour ses institutions.

Ça me fait penser, M. le Président, si ma mémoire est bonne et fidèle, M. Parizeau, quand il a été assermenté premier ministre du Québec, dans son premier discours, inaugural ou d'ouverture, ou un deuxième, a misé énormément sur le lien de confiance qui devrait exister entre les citoyens et le gouvernement. C'était un de ses thèmes fondamentaux. Je comprends qu'il n'est plus là, mais les membres de son parti ministériel sont encore là. Et, s'ils ont adhéré à cette importante notion fondamentale qu'est le lien de confiance entre le citoyen et son gouvernement, s'ils ont adhéré à ça au moment où M. Parizeau occupait les fonctions de premier ministre, ils devraient continuer à y adhérer.

Alors, M. le Président, une façon très simple, avec l'ajout de deux petits mots dans un projet de loi d'une telle envergure, de démontrer, de rétablir, je dirais, de tenter de rétablir la confiance, le lien de confiance que les citoyens peuvent avoir avec leurs institutions judiciaires, leur gouvernement, ce serait de dire noir sur blanc que le Tribunal administratif du Québec est impartial et indépendant.

L'indépendance, M. le Président, le ministre de la Justice en a parlé hier un peu de sa version de l'indépendance, là. Lui, il ne veut pas mêler les choses; il ne veut pas se mêler des nominations. Il l'a dit. Son directeur de cabinet peut-être il peut s'en mêler, mais lui... Parce qu'il l'a dit en Chambre. Il a dit: Écoutez, moi, je n'étais pas au courant. C'est mon directeur de cabinet; il faut parler avec mon directeur de cabinet. Ça, c'est sa version de la responsabilité ministérielle. Ça, c'est sa version de la responsabilité ministérielle qui laisse beaucoup...

Bien, la pertinence, M. le député de Lotbinière, je vais vous le dire, c'est très simple: si le ministre croit en l'indépendance de ces tribunaux, il va le dire, il va accepter l'amendement. Parce que, s'il croit, comme il a prétendu hier, en l'indépendance de la nomination des juges à la Cour du Québec, à la Cour supérieure au point qu'il ne s'en mêle pas, bien, pour être cohérent avec lui-même, il va accepter que ces tribunaux soient indépendants. Ça va de soi. Plus j'y pense, M. le Président, plus je suis convaincu...

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 30)

M. Copeman: ...que le ministre, pour être cohérent avec lui-même, il n'a aucun choix que d'accepter cet amendement. Le ministre peut mettre fin à une partie de cette étape en disant simplement: Oui, accepté, adopté, et puis on fera autre chose. Mais, M. le Président, ce n'est pas pour imputer des motifs ou quoi que ce soit ou pour anticiper la réaction du ministre, mais, je le vois déjà, il se prépare à faire des contorsions légales pour dire essentiellement: Oui, je suis d'accord, mais ce n'est pas nécessaire. Des contorsions légales, il va nous sortir ça, mais convaincu. Si j'induis la commission en erreur, je vais retirer ces paroles. Tout ce que le ministre a besoin de dire, c'est: Oui, adopté, puis c'est fini, là. Mais je vois déjà certaines contorsions qu'il va tenter de nous sortir en disant: Oui, on est d'accord, il faut que les tribunaux soient indépendants, il faut qu'ils soient impartiaux, mais on n'a pas besoin de le dire.

Moi, je prétends, M. le Président, qu'on a besoin de le dire, plus que jamais on a besoin de le dire, avec les actions récentes, les gestes récents de ce ministre de la Justice. Plus que jamais on a besoin de le dire, on a besoin de le clamer haut et fort que ces tribunaux sont indépendants et impartiaux. Si le ministre de la Justice ne veut pas le clamer haut et fort, on est capable de le clamer haut et fort. Et on attend juste ça.

Une voix: Plus fort, plus fort.

M. Copeman: Même plus fort.

And so, Mr. Chairman, I think it's important at this juncture in our current political situation to try and reestablish this link of confidence... «Link» is perhaps not the best word. You know, it's an amazing thing, after only two years in this House, I find sometimes that French terms come more easily than English terms. «Link» is not exactly the right word but this «relationship» of confidence would be the more appropriate word. You see how quickly we English-speaking Quebeckers can fall into a form of francization in the way in which we express ourselves if we're not careful...

M. Mulcair: A gallicization.

M. Copeman: A gallicization would be the more... I just did it, you see, Mr. Chairman, in saying francization, but the MNA for Chomedey points out that the proper English term would be «gallicization», as opposed to «galganovization» which is not the same.

M. Bégin: C'est une mauvaise traduction, le gallicisme est une expression, une forme d'expression, mais ce n'est pas la langue en soi.

M. Copeman: Ah! bien, déjà, voyez-vous, un éclaircissement de la part du ministre de la Justice: ça s'annonce bien.

Une voix: Ça s'en vient.

M. Copeman: Ça s'en vient.

And so, you know, we've had these creeping gallicizations in our language even here, you know. The English language in Québec has become very different than it was a hundred years ago. You know, just as an example, the term «dépanneur» has become common in English, which is a peculiarity in Québec. If you try to explain to an American or an Ontarian that you're going to the «dépanneur», you'd...

M. Ciaccia: It's not the same as a «depainer».

M. Copeman: No it would not be the same as a «depainer». It could be that, when the MNA for Vachon leaves the commission, it's a «depainer», that's possible.

At any rate, Mr. Chairman, I think it would be important at this time in our political juncture to try and reestablish that relationship of trust that the former Premier of Québec spoke about. He too had his difficulties with that relationship of trust, particularly among money people and ethnic people, but, nonetheless, I mean, he made certain efforts to at least make it a slogan of his Government, this relationship of trust.

The Minister of Justice was somewhat incredibly also the Minister of Justice under Mr. Parizeau and is maintained in that portfolio by the current Premier. So, he too, I'm sure, would agree on the importance of re-establishing this relationship of confidence. And what better way, Mr. Chairman, than to indicate in a law of this importance that the administrative tribunals of Québec have to, by their very nature, as early as article 13 in the legislation, be independent and impartial. I'm sure the Minister is in agreement with that broad principle. You know, he could not possibly not be in agreement with it as Minister of Justice. But I think it would be appropriate for the benefit of Quebeckers everywhere to indicate in black and white, as we say, right in the law, to specify – it's important to specify, as far as I'm concerned – that these tribunals have to enjoy a certain amount of independence and impartiality by their very nature, because of the impact that they have on the daily lives of Quebeckers.

So, with that, Mr. Chairman, I thank you for your usual attention and look forward to the comments of the Minister of Justice. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, dans une décision précédente, vous avez, je pense, très bien fait les distinctions qui s'imposaient, et je vous avoue honnêtement que votre perspicacité et votre sagesse sont impressionnantes à l'égard de cette fonction de décider si, oui ou non, quelque chose est pertinent ou pas, ou encore les règles de procédures que l'on doit suivre.

M. le Président, l'indépendance et l'impartialité sont des qualités qui peuvent s'appliquer à l'individu, comme elles peuvent s'appliquer au tribunal. Lorsqu'on parle d'une personne qui est impartiale, on veut évidemment qu'elle ne soit pas partie prenante, par un autre biais, impliquée dans une décision, et c'est une qualité qui lui est propre. L'indépendance également est un concept qui se réfère à la personne. Cependant, lorsque l'on parle de l'institution elle-même, je pense qu'on ne peut pas, pour reprendre l'expression du député de... Mont-Royal?

M. Copeman: Notre-Dame-de-Grâce.

M. Bégin: ...Notre-Dame-de-Grâce... Elle est plus intéressante que celle de la Charte des droits et libertés du Québec, où on lit à l'article 23: «Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.» Donc, cette proclamation, haute et claire, elle est faite déjà dans la Charte, donc il n'est pas nécessaire de la reprendre.

Cependant, on doit se poser la question: De quelle manière un tribunal pourrait-il être impartial et indépendant? Et là on dit: À quoi tiennent cette indépendance et cette impartialité? Et là on doit rechercher si, dans le projet de loi, on a les éléments nécessaires pour le faire. Alors, on va dire: Est-ce qu'il y a une distance suffisante entre le tribunal lui-même et les parties? Alors, ça, c'est important de savoir qu'il y a cette distance-là. Mais ça n'est pas dans la fonction du tribunal, c'est dans d'autres modalités. On doit se demander aussi comment fonctionne le tribunal. Est-ce qu'il fonctionne de manière indépendante? Alors, la formation... Comment va siéger, par exemple, le tribunal? De quelle manière les personnes appelées à trancher vont-elles être choisies, être désignées? Alors, il faut que cet organisme-là, le juge en chef ou la personne qu'il avait nommée pour agir comme président, ait cette capacité de faire les formations, pour justement s'assurer que l'indépendance est assurée entre l'individu qui rend une décision et la partie qui est devant elle. On doit se dire qu'un tribunal est impartial et indépendant quand le financement de cet organisme est assuré et qu'on ne puisse pas intervenir. En fait, M. le Président, ce que je dis là n'est pas, en fait, de mon cru, mais c'est, je pense, les leçons qu'on doit retenir des décisions rendues précédemment, et on connaît l'arrêt Valente, entre autres.

Donc, je crois que ce n'est pas au niveau de la fonction qu'on doit rechercher ça, mais plutôt au niveau du chapitre V, les articles 78 et suivants, où on a le fonctionnement du tribunal, direction et administration du tribunal. Et c'est là qu'on voit, je pense, les éléments importants. Je reviens un peu au début de mon intervention, l'indépendance et l'impartialité des membres sont prévues, elles, aux chapitres III et IV, c'est-à-dire les articles 39 à 70 et 71 à 77. Et, comme je viens de le mentionner, l'indépendance de l'organisme lui-même se retrouve aux articles 78 à 101, soit le chapitre V.

Donc, M. le Président, nous avons, je pense, tous les motifs de croire qu'il n'est pas opportun, aucunement, au niveau de la pertinence, d'inclure, au niveau des fonctions du tribunal, le TAQ, des concepts qui se rattachent à autre chose et qui doivent s'assurer ou être obtenus de manière différente de celle de l'introduction à ce niveau-là. On est au niveau de la fonction du tribunal, on est au niveau du pouvoir, à l'article 14, et au niveau de l'endroit où il siège, mais on n'est pas au niveau de sa qualité en soi, et ça, on va le voir beaucoup plus loin. Et je reviens donc à votre décision antérieure, qui la rend extrêmement pertinente pour celle-ci.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Alors, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention du ministre, qui est maître de la circonlocution. C'est incroyable de l'entendre dire: Nous avons tous les motifs de croire qu'il n'est pas opportun. Il faut le dire.

(11 h 40)

M. le Président, ce qui est proposé ici, c'est tout simplement de prévoir dans la loi, au bon endroit, un principe. Le principe en question est l'indépendance et l'impartialité des décideurs. Pour le bénéfice de ceux d'en face qui n'ont jamais eu l'occasion de lire le programme politique de leur parti, je vais le faire pour eux autres. Dans un document intitulé «Des idées pour mon pays, programme du Parti québécois», on trouve, aux pages 13 et 14, les choses suivantes. À la page 13, sous la rubrique «Moderniser nos structures judiciaires en favorisant leur intégration et leur autonomie», on trouve le paragraphe liminaire suivant: «Tous les juges en fonction seront reconduits aux mêmes conditions. Ils continueront de jouir de la même indépendance.» Intéressant, ça. Parce que ce n'est pas ça que le ministre promet pour les gens qui sont des juges administratifs. Il y en a une cinquantaine qui sont en attente. Comme on a vu avec le ministre de la Justice qu'on a... Lui, là, du moment que c'est proposé par un de ses chums, il n'y a rien qui l'empêche de nommer, très littéralement, n'importe qui, peu importe son «background».

Hier, on a vu, M. le Président, que, même quand c'est connu et su officiellement au sein de son ministère, ça ne le gêne pas de se lever et dire: C'est la faute du Barreau, c'est la faute de la Sûreté. C'est correct si le ministère le savait; le ministre, lui, ne le savait pas. Donc, ça, c'est correct. Ça, c'est une excellente manière de prouver notre incompréhension du principe fondamental, en système parlementaire britannique, de la responsabilité ministérielle, de l'imputabilité.

À la page 13, donc, du programme du Parti québécois, on lit: «En matière administrative, une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires serait adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme – entendez-vous bien, M. le Président? – impartial et indépendant. Cette loi prévoirait des règles de procédure permettant un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la chambre administrative de la Cour du Québec ou de la Cour supérieure.»

Malheureusement, pour les gens qui ont voté pour le Parti québécois – il y a beaucoup plus de malheurs pour eux que ça, mais aussi malheureusement pour eux – cette deuxième phrase du point 1.4 que l'on retrouve à la page 13 du programme du Parti québécois ne se réalisera vraisemblablement jamais, parce que, nous, on a proposé, ici, l'article 13, et le ministre et ses acolytes, à une exception près, une exception importante près, ont voté contre. On se souvient du courage du député de Marguerite-D'Youville, quand il a voté, avec raison, avec sa tête et avec le programme de son parti, contre son parti ici. Parce que son parti, une fois rendu au pouvoir, voulait faire le contraire de ce qu'il avait promis à la population lors de l'élection de 1994. Ça fait toujours plaisir de voir qu'il y a des gens, comme le député de Marguerite-D'Youville, qui n'ont pas peur de dire: Écoutez, là, il y a une limite à l'indécence. Je ne suis pas pour voter pour un truc qui va contre notre propre programme électoral. La proposition de l'opposition a été claire: on va prévoir un appel. Lui, dans son comté, il a beaucoup d'entreprises qui élaborent des produits vinicoles, et elles pourraient perdre leur droit de continuer à travailler si jamais on adoptait l'article 13 tel quel, sans prévoir un droit d'appel. Ça l'inquiétait, avec raison. Il en a parlé et il a voté avec l'opposition. Mais, malheureusement, cette partie-là de la promesse du Parti québécois ne verra jamais le jour.

Donc, il nous reste le devoir de tenter de maintenir ce qui était des mots sur un bout de papier, dans le programme du Parti québécois, et d'essayer d'insuffler une vie dans ces mots-là en les intégrant à l'article 13 du projet de loi, là où il se doit. Alors, la proposition vise tout simplement à insérer dans l'article la mention «...du fait que cette fonction serait faite d'une manière indépendante et impartiale». Alors, le deuxième alinéa – vous me permettrez d'appeler le deuxième alinéa, même si, pour vous, c'est le début du deuxième alinéa qui compte deux alinéas: «Il a pour fonction, dans les cas prévus par la loi, de statuer sur les recours formés contre une autorité administrative ou une autorité décentralisée» deviendrait: «Il a pour fonction, de façon indépendante et impartiale...» Voilà des mots simples, mais ô combien imprégnés de signification dans notre système, M. le Président. L'impartialité et l'indépendance sont effectivement deux notions différentes. L'impartialité veut dire, par exemple – il y a des livres savants là-dessus, puis on va sans doute avoir l'occasion d'en lire plusieurs au ministre, d'ici les fêtes – que la personne qui est en train de rendre une décision n'a pas de parti pris là-dedans, n'est pas une partie, là-dedans: nemo judex in sua causa. L'impartialité est donc considérée comme un des fondements mêmes d'un système de justice digne de ce nom.

Par ailleurs, le décideur, le juge doit être indépendant. Le ministre a compris ça à sa manière: il fallait qu'il soit indépendantiste depuis une trentaine d'années, mais ce n'est pas ça que ça veut dire, parler d'un juge indépendant. Un juge indépendant est une personne qui est à l'abri de toute influence extérieure dans le processus décisionnel. L'influence extérieure dans le processus décisionnel, lorsqu'il s'agit de justice administrative, révèle souvent une forme assez occulte, voire sournoise. C'est l'imposition de directives, ce sont des décisions ministérielles, c'est l'ingérence d'un cabinet politique, autant de choses qui peuvent venir influer directement un décideur.

Mais, M. le Président, la pire contrainte concernant l'indépendance est le fait de laisser en plan des gens qui sont en attente d'une reconduction, car ça affecte et ça atteint directement la capacité de décider d'une manière indépendante de l'État. On est en matière de droit administratif; comme on l'a vu au début, le projet de loi traite des décisions qui affectent les relations entre le citoyen et l'administration publique, l'État. Si le décideur est à la merci du gouvernement pour sa vie professionnelle, pour son gagne-pain, pour sa capacité de continuer, il est évident que le décideur n'est pas indépendant, dans la mesure déjà exigée par les tribunaux pour les juges des tribunaux de droit commun.

Le ministre a tenté en vain de se réfugier derrière une jurisprudence constante des tribunaux qui dit: Attention, il y a une distinction à faire entre les décideurs administratifs et les juges des tribunaux de droit commun. Cette jurisprudence constante, le ministre a raison de l'invoquer quand on parle d'un tribunal administratif, un des nombreux tribunaux administratifs individuels qui vont être englobés par le projet de loi n° 130. Mais il a tort – et l'ensemble des experts sont d'accord avec nous là-dessus – de dire que cette exception aux règles strictes et étanches exigeant l'impartialité et l'indépendance complètes peut s'appliquer à son Tribunal administratif. C'est une chose que de dire: Un tribunal administratif qui fait une détermination sur tel permis ou tel recours, on peut avoir les gens que l'on nomme tous les cinq ans, ou qu'on renouvelle, ou qu'on ne renouvelle pas; c'est une chose, ça fait partie de notre compréhension du droit administratif dans le monde de la «common law», que ce soit aux États-Unis, en Angleterre ou ici, au Québec, lorsqu'il s'agit de droit administratif, on fait partie de la «common law».

Mais, M. Le Président, c'est autre chose lorsqu'on est en train de créer le Tribunal administratif du Québec. Depuis le début, on parle du TAQ, du Tribunal administratif du Québec. C'est un organisme qui émule la structure des tribunaux de droit commun, qui va, en créant cette masse critique, créer une gravité suffisante pour attirer, c'est inévitable, l'application des règles édictées par la Cour suprême dans la cause Valente.

(11 h 50)

On ne peut donc pas laisser passer la proposition de mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce. À défaut d'accepter qu'il va y avoir un appel – et le ministre a déjà indiqué qu'il n'acceptait pas qu'il y ait un appel – il faut commencer à travailler l'autre possibilité qu'il nous reste pour sauver le projet de loi n° 130, et c'est d'assurer l'impartialité et l'indépendance des décideurs et, donc, du tribunal. Après la démonstration sans faille de mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, je m'attendais à ce que spontanément le ministre se ravise, mais ça n'a pas été le cas. Le ministre ne comprend pas. Ça, il n'y a rien de nouveau là-dedans. Mais je me suis dis que, peut-être quand j'aurais fini de lui lire le programme du Parti québécois, ça allait commencer à travailler un peu dans son esprit. Eh bien, non! ça n'a pas l'air, M. le Président.

Donc, non seulement il n'y aura pas d'appel, contrairement à ce qui est promis à la population dans le programme de son parti, il refuse même d'admettre que ça va être des décisions rendues par des gens impartiaux et indépendants. Et, sachez, M. le Président, qu'avec une loi aussi importante tout ce que le ministre est en train de dire et de faire va être remarqué par l'ensemble des décideurs et des intervenants dans le dossier judiciaire et juridique au Québec. Technologie moderne oblige, les travaux de cette commission, aussitôt qu'elles sont retranscrites, se retrouvent sur l'Internet et – je peux vous garantir, parce qu'on reçoit de très nombreux appels – ça va être remarqué par un très grand nombre d'intervenants, le fait que le ministre, pour l'instant du moins, continue à dire qu'on n'a pas besoin d'avoir des décideurs impartiaux et indépendants et qu'il refuse de voter pour une modification qui va le prévoir. Mais, qui sait, M. le Président, peut-être qu'avec l'ensemble de nos arguments le gouvernement va commencer à modifier son attitude à cet égard.

Moi, je me souviens l'année dernière quand le ministre avait été convaincu de la nécessité de faire quelque chose avec les pensions alimentaires qui avaient été imposées aux grands-parents, il s'est laissé convaincre par les officiers de son ministère qu'il était opportun de prévoir néanmoins des balises. Ça, c'était en vertu de l'article 585, si je ne m'abuse, du Code civil. Depuis lors, j'ai entendu à plusieurs reprises le ministre se vanter du fait que l'article 585 avait été abrogé. Ce qui était intéressant entre le projet du ministre, qu'il avait déjà annoncé et qui avait été harmonisé, disons, avec le Barreau, où il avait l'intention de garder des balises, et le retrait pur et simple de l'article 585, qui a été exigé par nous, dans l'opposition, ce qui est arrivé entre les deux, c'est l'intervention des membres du caucus du parti ministériel, une intervention pour laquelle je les félicite parce qu'ils avaient raison.

Alors, le mot exact pour ça est resté antiparlementaire, et je ne l'utiliserai pas, mais disons que quelqu'un qui avait une autre intention, qui s'est fait tordre le bras par son caucus et après se vante d'avoir eu la maudite bonne idée de l'abroger, disons que ce n'est pas d'une clarté et d'une limpidité totales, M. le Président.

Et on s'attendait aujourd'hui à ce que les délibérations récentes des membres de cette commission du côté ministériel fassent l'objet d'une intervention spontanée et immédiate de la part du ministre, car les bonnes nouvelles voyageant toujours aussi bien à l'intérieur des corridors de l'Assemblée, on a appris, et on les félicite, que les membres de la commission ont assis le ministre pendant plusieurs heures la semaine dernière pour exiger des comptes, pour qu'il explique pourquoi il n'y aurait plus de recours, il n'y aurait pas de droit d'appel, pour éviter justement que des situations comme celle qui s'est produite où le député de Marguerite-D'Youville, courageux homme qu'il est, a été obligé d'intervenir à nouveau contre son ministre et en faveur des propositions de l'opposition.

Mais ça a l'air que le ministre a gagné sur toute la ligne encore une fois, parce que: pas un mot sur l'appel ce matin, pas un mot de la part du ministre là-dessus. Au contraire, on a déjà des indications fort inquiétantes voulant qu'il s'apprête à voter contre le principe même de l'impartialité et l'indépendance. Très inquiétant, M. le Président, très préoccupant.

Quel exemple on peut donner pour que les gens comprennent l'importance de ça? Je vais me permettre d'en donner un. Dans la revue La Terre de chez nous , pour la semaine du 12 au 18 septembre 1996, on a la citation suivante: «Le ministre responsable du Développement des régions a voulu dissiper toute ambiguïté quant à l'ingérence politique dans la décision de la Régie: "Je n'ai pas dit un mot à partir du moment où le dossier a été transmis à la Cour supérieure ou à la Régie, a dit M. Chevrette. Je suis très respectueux des procédures devant les tribunaux. Je ne connais pas les régisseurs et on ne téléphone pas à un tribunal administratif."» Mais – as we'd say in English, Mr. Chairman, you have to wait for the other shoe to drop – «"si la Régie – et ça, c'est toujours une citation directe dans le texte du ministre responsable du Développement des régions – avait rendu un autre jugement, aurait-on parlé d'ingérence politique?", a demandé le ministre, applaudi par les participants». Et ça, le clou de l'affaire: «"Si la Régie a un comportement politique, dites-le-nous, et on va changer les régisseurs", a-t-il affirmé.»

Ça, c'est la raison pour laquelle le ministre ne veut pas ajouter la mention «impartial et indépendant» dans son projet de loi, parce qu'il veut, dans un premier temps, mettre ses gars en place, c'est ça qu'il nous a déjà dit: Coudon, il faut que je puisse mettre mes gars en place. Il n'a jamais mentionné autre chose que ses gars et, en plus, c'est pour pouvoir avoir un contrôle direct sur le Tribunal administratif du Québec. C'est leur vision de la vie, M. le Président, et c'est leur manière de faire.

Premier discours, programme du parti: Appel à un tribunal supérieur ou la Cour du Québec, et impartialité et indépendance. Réalité: Pas d'appel, on vote contre l'appel et on s'apprête à voter contre l'impartialité et l'indépendance. Il me reste seulement une couple de minutes sur l'amendement, M. le Président, et je préfère les garder au cas où le ministre réussirait à saisir toutes les nuances de notre propos et commencerait à comprendre l'importance d'adopter notre modification.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député demande la parole?

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Mont-Royal.

(12 heures)

M. Ciaccia: Je crois que le ministre, dans sa réponse au député de Notre-Dame-de-Grâce, si je me souviens bien, a dit que cet amendement était redondant, la question d'exiger que le tribunal soit impartial et indépendant. S'il s'agissait d'un tribunal comme la Cour du Québec ou un tribunal de droit commun, je pense que le ministre aurait raison. Si on apportait une loi pour faire un amendement ou changer la fonction ou les juridictions, ou autres amendements techniques sur les tribunaux de droit commun, il est clair que, dans l'esprit de tout le monde, de la population, des juristes, des législateurs, un tribunal, une cour doit être, et elle l'est, impartiale et indépendante.

Mais, ici, M. le Président, il ne s'agit pas d'un tribunal de droit commun. Il s'agit d'un tribunal administratif, et c'est pour ça qu'il est essentiel d'exiger que ça soit impartial et indépendant. Ce n'est pas redondant de dire ça, pas du tout. Si on ne le dit pas, même, ça pourrait causer des problèmes, parce que, si vous regardez juste les cinq sections du tribunal: les Affaires sociales, les Affaires immobilières, la section du Territoire et de l'Environnement, la section des Affaires économiques, ça porte à des jugements d'un tribunal qui peut avoir d'autres objectifs, d'autres raisons de donner une décision. Ce n'est pas clair, à regarder ça, comment ça va être indépendant, une décision, dans les Affaires sociales, ça risque d'être très subjectif.

Et ce qui ajoute à ça, c'est le mandat de celui qui est nommé au tribunal. On dit que les tribunaux, c'est indépendant, impartial: bien oui, ils sont nommés à vie, alors ça garantit leur impartialité, leur indépendance. Ils enlèvent toute pression du pouvoir politique. On est seulement humain, on ne peut pas s'attendre à des surhumains qui vont être nommés là, sur ces tribunaux administratifs. Quand ils sont nommés pour cinq ans, bien, il va y avoir des pressions puis la tendance de dire: Quand je vais rendre mon jugement, est-ce que je dois plaire au pouvoir politique qui m'a nommé? Dans cinq ans, je dois être renommé, si je rends vraiment des décisions complètement impartiales puis indépendantes, qu'est-ce qui va arriver à mon avenir, à ma carrière? Je crois qu'il faut être réaliste. Alors, ce n'est pas du tout redondant de dire, d'inclure dans la loi qu'il doit être indépendant et impartial. Même, c'est nécessaire de le dire, pour les raisons que j'ai données: les sujets que le tribunal doit décider et la durée des nominations des administrateurs ou des juges sur ces tribunaux.

Des fois, quand on dit: Trop dur ne casse pas, tu sais, c'est vraiment... Si le ministre est convaincu – et je sais qu'il l'est, convaincu, que le tribunal doit être impartial et indépendant – de le dire dans le projet de loi, ça renforcerait seulement ce à quoi tout le monde s'attend et ça imposerait une condition assez claire à ceux qui doivent rendre les décisions, spécialement quand on enlève le droit d'appel, on enlève déjà un recours important, on laisse une discrétion au tribunal, qui n'a pas cette pression, il n'a pas cette idée de dire: Bien, peut-être que je peux être révisé en appel. Parce que, quand ça existe, si, à la Cour supérieure, un juge donne un jugement, il dit: Bien, il faut que je fasse attention parce que le Cour d'appel va pouvoir décider autrement, et aucun juge n'aime avoir un de ses jugements renversé, alors ça crée une certaine pression. Ici, il n'y en a pas. Alors, le moins qu'on doive faire, c'est de dire clairement: Oui, le tribunal, la fonction doit être remplie d'une façon indépendante et impartiale. Au moins, ça va donner vraiment les règles du jeu pour ce tribunal, tenant compte des décisions qu'un tribunal administratif...

Ce n'est pas si clair, dans l'esprit du monde, qu'un tribunal administratif est indépendant. Dans l'esprit du monde, des fois, un tribunal administratif, c'est pour protéger le gouvernement, c'est pour donner suite à la politique du gouvernement. Je pense que, même du point de vue de l'image, du point de vue de message au public, ça devrait être important pour le ministre de pouvoir dire: Le Tribunal administratif, ce n'est pas un bras du gouvernement pour faire appliquer sa politique, c'est basé sur les lois, c'est basé sur les règlements, c'est basé sur des décisions d'autres organismes, et toute décision doit être rendue d'une façon indépendante et impartiale. Je pense que les raisons pour inclure et pour adopter cet amendement sont beaucoup plus fortes que les raisons de juste les laisser, à la guise... de dire, de croire que, oui, un tribunal, c'est nécessairement indépendant. Et je pense que ça enverrait un message non seulement important à la population, mais ça enverrait un message à ceux qui doivent siéger sur le tribunal. Que même s'ils ont un mandat seulement pour cinq ans ou même s'il y a des politiques gouvernementales, celui qui siège sur le tribunal doit rendre sa décision et doit se comporter d'une façon indépendante et impartiale. Et je crois que, pour ces raisons, M. le Président, il serait tout à fait normal, non seulement normal, mais, je crois, nécessaire d'exiger d'adopter l'amendement du député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Paquin): Un autre député demande-t-il la parole sur le même sujet?

M. Mulcair: M. le Président, juste pour...

Le Président (M. Paquin): Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: ...juste pour compléter parce que je ne vois toujours pas de réaction du côté ministériel, du moins pas de réaction du côté du ministre, bien que j'aie noté avec beaucoup d'intérêt par le non-verbal, le hochement de la tête, qu'ils avaient effectivement comme nous essayé de travailler pour convaincre le ministre, mais que ça avait donné les mêmes résultats que pour nous.

Mais, juste en terminant là-dessus, j'ai peine à croire, j'ai vraiment de la difficulté à croire que le ministre de la Justice va voter contre un amendement qui prévoit tout simplement que le Tribunal administratif du Québec a pour fonction, de façon indépendante et impartiale, de statuer sur les recours.

Une voix: ...

M. Mulcair: Non, parfois, le refus du ministre... Bon, on l'a déjà vu... On l'a déjà vu même proposer des modifications, trouver que l'opposition en parlait trop et retirer et voter contre ses propres modifications. C'est du déjà vu avec ce ministre de la Justice là, M. le Président. Ça se voit que ce n'est pas fait dans l'intérêt de la population, c'est fait pour des motifs personnels, et sa hargne dans le développement de ce dossier-là...

Le Président (M. Paquin): En 10 secondes, s'il vous plaît.

M. Mulcair: ...est notoire et légendaire. Donc, M. le Président, on attend avec impatience de voir si le ministre a réussi à comprendre qu'il est nécessaire de prévoir que le nouveau Tribunal administratif du Québec va exercer ses fonctions d'une manière indépendante et impartiale.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre... Oui? C'est un point d'ordre?

M. St-André: Non, non. Je voudrais intervenir sur l'amendement.

Le Président (M. Paquin): D'accord. Alors, M. le ministre d'abord. Il l'avait demandé avant.

M. Bégin: Très, très, très brièvement. Je rappelle ce que j'ai dit au moment de parler pour la première fois: il y a l'indépendance et l'impartialité des membres et il y a l'indépendance et l'impartialité de l'organisme. Dans le projet de loi, on retrouve les critères pour l'indépendance des membres aux articles 39 à 70 et 71 à 77, soit les chapitres III et IV. Et, quant à l'indépendance de l'organisme, on la retrouve au chapitre V, c'est-à-dire les articles 78 à 101.

M. le Président, je soumets que c'est à ces endroits-là qu'on doit mettre ces dispositions-là et atteindre l'objectif fixé à l'article 23 de la Charte. Je rappelle que les articles dont je viens de parler, c'est-à-dire 71 à 77 et 78 à 101, ont été votés et l'opposition a voté favorablement à ces articles-là. Donc, ils se déclarent d'accord avec ces articles-là. Je pense que, effectivement, par leur adoption, nous aurons un organisme, un tribunal qui se comportera de manière indépendante par les membres et qui sera en lui-même indépendant et impartial dans son organisation, sa structure, son fonctionnement.

Le Président (M. Paquin): M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Oui, M. le Président, j'aimerais tout de suite rassurer mon collègue le député de Chomedey, je vais effectivement voter contre l'amendement qui est présenté par le député de Notre-Dame-de-Grâce. Ce n'est pas parce que je suis défavorable à l'indépendance et à l'impartialité du Tribunal administratif du Québec. Au contraire, je pense que c'est un principe fondamental, et un principe, ça doit s'articuler dans l'expression globale du projet de loi. Et, quand on lit le projet de loi d'un bout à l'autre, bien, je pense qu'on a ces garanties-là qu'effectivement le Tribunal administratif du Québec va être une instance indépendante et impartiale.

Parlons simplement du processus de nomination des juges au Tribunal administratif du Québec. Contrairement à la situation actuelle où il n'y a que l'exécutif qui nomme, bien, on va avoir un processus similaire à la nomination des juges à la Cour du Québec, un processus qui a fait ses preuves, un processus qui est bon. Il va y avoir les comités de sélection qui vont...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-André: Je ne comprends pas pourquoi le député de Chomedey s'esclaffe de rire.

(12 h 10)

M. Mulcair: Il s'appelle Richard Therrien, si tu veux le savoir. Ha, ha, ha!

M. St-André: M. le député de Chomedey, je suis content que vous parliez de ça, on va en parler tout de suite. Il y a un comité de sélection qui s'est penché sur cette question-là, il a regardé ça et il a présenté une liste de recommandations au ministre, et le ministre n'a pas été informé qu'effectivement M. Therrien avait un casier judiciaire. Alors, le ministre de la Justice, en toute bonne foi, a procédé à une nomination et à une recommandation au Conseil exécutif.

Mais je soulèverai, par exemple, M. le Président, à mon collègue le député de Chomedey qu'il y a un certain nombre d'années, en 1994, le ministre de la Justice de l'époque, son collègue le député de Frontenac, avait avoué publiquement qu'un de ses prédécesseurs, le ministre de la Justice, M. Marx, avait intercédé dans un processus de nomination d'un juge à la Cour du Québec en nommant, notamment, la juge Verreault à la Cour du Québec. Délibérément, le chef de cabinet du ministre avait contacté le président du comité de sélection pour lui dire que la liste ne faisait pas son affaire puis: S'il vous plaît, faites-nous-en parvenir une nouvelle.

Alors, je soulignerai aux députés de l'opposition que ça me fait bien rire de les voir se pavaner en disant que, eux, les grands garants des droits et libertés, de l'impartialité et de l'indépendance du judiciaire vis-à-vis de l'Exécutif, ne sont même pas capables eux-mêmes de respecter ce processus-là. Ils ont intercédé de façon délibérée dans un processus de nomination à la Cour du Québec.

Et, moi, quand je regarde la façon dont le projet de loi est rédigé, la façon dont il est conçu, on a toutes les garanties que le Tribunal administratif du Québec va être impartial, qu'il va être indépendant de l'Exécutif et qu'évidemment ça dépend de la façon dont les membres du gouvernement vont se comporter. S'ils le font comme M. Marx l'a fait à l'époque, bien, évidemment, on peut se poser des questions, mais, de ce côté-ci de la Chambre, je peux vous assurer que, nous, on va respecter les listes de recommandation qui seront remises au ministre de la Justice. Merci, M. le Président.

M. Mulcair: J'ai une question de règlement.

Le Président (M. Paquin): Je vous en prie.

M. Mulcair: M. le Président, par votre entremise, j'aimerais savoir si le député de L'Assomption accepterait qu'en vertu de l'article 212 de notre règlement je lui pose une question.

Le Président (M. Paquin): C'est 213.

M. Mulcair: Article 213, pardon.

Le Président (M. Paquin): Alors, en vertu de 213, est-ce que vous accepteriez de répondre à une question?

M. St-André: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, la question est?

M. Mulcair: Est-ce que le député de L'Assomption peut nous dire s'il est d'avis qu'une personne qui est en attente d'être reconduite par le gouvernement est tout à fait indépendante à l'égard de ce gouvernement, lorsque sa capacité de gagner sa vie dépend du bon vouloir de ceux à propos desquels il est censé être en train de décider?

M. St-André: M. le Président, j'ai pris connaissance avec beaucoup d'attention du règlement quant à la nomination et au processus de renouvellement des juges au Tribunal administratif du Québec, et, quand on le lit comme il faut, c'est un processus qui me satisfait pleinement. On y stipule, entre autres, à l'article 25: «Renouvellement des mandats. Dans les quatre mois précédant la date d'échéance du mandat d'un membre, le secrétaire général associé aux emplois supérieurs au ministère du Conseil exécutif forme un comité, suivant les règles établies aux articles 5 à 10, pour en examiner le renouvellement. Le comité vérifie alors si le membre satisfait toujours aux critères établis à l'article 16 – c'est-à-dire, s'il est compétent – tient compte des besoins du Tribunal et de l'opportunité de favoriser la présence de nouveaux membres et peut, sur tout élément du dossier, effectuer les consultations prévues à l'article 15.» C'est donc un comité qui va regarder ça, tout comme ça s'est fait dans le cadre du processus de nomination du juge, et, moi, en toute objectivité, c'est un processus qui me satisfait pleinement et qui garantit, à mon avis, que le juge, en renouvellement de mandat, va pouvoir rendre des décisions en toute connaissance de cause et de façon indépendante et de façon impartiale par rapport à l'Exécutif. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Je voudrais juste souligner, M. le Président, que le rire – que je ne qualifierai pas – du député de Chomedey masque comment il est impressionné, au point de ne pas être capable de parler, par la réponse claire, précise et l'intervention très correcte du député de L'Assomption.

M. Copeman: M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Je pense qu'il me reste un peu de temps sur l'amendement, et, quand on ouvre... Oui?

Le Président (M. Paquin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce: 1 min 10 s.

M. Copeman: Bon, quand on ouvre une porte grand de même, il faut rentrer dedans, M. le Président. De critiquer Herbert Marx de ne pas avoir suivi un processus de nomination du juge, de le critiquer et de venir à la rescousse du ministre de la Justice qui a suivi des processus dont le résultat, dans son cas à lui, c'est d'avoir nommé l'épouse d'un ministre, à un moment donné, à la Cour du Québec puis un ex-terroriste, il faut le faire.

M. Paré: Jean-Pierre St-Onge.

M. Copeman: Il est ex-terroriste, lui? O.K., c'est beau. Il faut le faire, M. le Président, de venir à la rescousse d'un ministre qui nomme des épouses de ministres puis des ex-terroristes, puis de faire le lien avec le ministre de la Justice, qui est peut-être intervenu dans un processus – je ne pense pas que M. Marx avait nommé un ex-terroriste à la Cour du Québec. Merci, M. le Président.

M. St-André: M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Votre temps est écoulé. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Je peux intervenir, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Oui, oui, il vous reste 17 minutes.

M. St-André: Si je peux, j'aimerais faire remarquer au député de Notre-Dame-de-Grâce, quand il parle de l'épouse d'un ministre, que la personne dont il parle, dans un premier temps, s'est parfaitement qualifiée pour ce poste-là: elle a suivi le processus normal, elle a été recommandée par un comité de sélection indépendant et impartial, ce qui est la même chose, d'ailleurs, pour le juge Therrien.

Je pense que, dans le cas du juge Therrien, il y a peut-être des questions à se poser, mais il y a une chose qui est claire dans mon esprit: le ministre de la Justice a eu une recommandation, on ne l'a pas informé que cette personne-là avait un casier judiciaire et il a fait la nomination en toute bonne foi. Je me contente de ces explications-là. Je comprends que les députés de l'opposition sont là pour faire de l'opposition, ils vont faire leurs beaux jours et peut-être même leur cauchemar de cette histoire-là; c'est leur droit. Il faut admettre cependant, quand on regarde ce que le ministre Marx a fait, que c'est drôlement plus grave. Il a intercédé directement, délibérément dans un processus de sélection. Son chef de cabinet a appelé le président du comité de sélection pour lui dire: Ta liste ne fait pas mon affaire. C'est ça qu'il a dit, et ça, c'est grave! Puis ça, les libéraux devraient l'assumer, d'ailleurs.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député demande la parole sur l'amendement, qui se lit comme suit: d'ajouter les mots «de façon indépendante et impartiale,» après le mot «fonction,». L'amendement est-il adopté?

M. Mulcair: Vote nominal, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Vote nominal, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Copeman: Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: Mme Simard (La Prairie)?

Mme Simard: Contre.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Contre.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Contre.

Le Secrétaire: Mme Signori (Blainville)?

Mme Signori: Contre.

Le Secrétaire: M. Paré (Lotbinière)?

M. Paré: Contre.

Le Secrétaire: M. St-André (L'Assomption)?

M. St-André: Contre.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

M. Landry (Bonaventure): Contre.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Contre. L'amendement est donc rejeté, et nous revenons au deuxième alinéa. Est-ce que quelqu'un désire prendre la parole sur le deuxième alinéa? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, c'est une... on dirait, en anglais, «a vagary of our» système de fonctionnement. Le ministre... Le député de Chomedey – bientôt ministre, dans quelques années – n'a malheureusement pas de temps pour l'article 13, alors, un peu en son nom, je dépose la motion suivante: Que le projet de loi n° 130 soit modifié:

1° par le retrait, au troisième alinéa de l'article 13, des mots «sauf disposition contraire de la loi».

Le Président (M. Paquin): Est-ce que vous voulez le répéter, s'il vous plaît?

M. Copeman: L'objet, M. le Président, c'est d'enlever les mots «sauf disposition contraire de la loi».

(12 h 20)

Le Président (M. Paquin): O.K., pour que le paragraphe se lise: «Il exerce sa compétence...»

M. Copeman: C'est exact, «...à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel».

Le Président (M. Paquin): Ça va. Est-ce que quelqu'un veut parler sur la recevabilité?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Paquin): Donc, c'est recevable.

M. Copeman: En toute honnêteté, M. le Président, j'ai eu des explications de la part du député de Chomedey quant à l'opportunité de présenter un tel amendement, mais je préfère, en toute honnêteté, que M. le député de Chomedey plaide et commence le plaidoyer dans ce sens. Ça va être, je pense, plus clair pour les membres de la commission si on laisse un avocat chevronné, avec tellement d'années d'expérience, commencer le plaidoyer, et puis je reviendrai, le cas échéant, par la suite. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que quelqu'un demande la parole, effectivement?

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Alors, mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce vient de commencer à expliquer, justement, le but de notre modification, et ça me fait plaisir d'enchaîner.

Vous remarquerez, M. le Président, que la modification proposée ferait en sorte que le troisième alinéa – soit la fin du deuxième alinéa, qui, selon vous, comporte deux alinéas... Ça ferait en sorte que l'article, qui se lit à l'heure actuelle comme suit: «Sauf disposition contraire de la loi, il – le «il» en question étant le Tribunal administratif du Québec – exerce sa compétente à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel»... La modification ferait en sorte que cette phrase se lirait tout simplement: Il exerce sa compétence à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel.

M. le Président, pour comprendre la genèse de cette modification proposée par mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce, il est à nouveau opportun de référer au programme électoral du Parti québécois. À la page 13, on prévoit qu'en matière administrative une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes, des personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires serait adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme impartial et indépendant. Bon, voilà. Alors, on voit que ça ne souffre aucune exception, parce que, lorsque l'on dit «l'ensemble», c'est l'ensemble, c'est un absolu, et ce qu'on avait tenté de nous faire passer ici, dans le troisième alinéa de l'article 13, c'est une petite vite qui viendrait contredire ça. Ce n'est pas l'ensemble qui est visé, c'est «sauf disposition contraire de la loi». Alors, on pourrait, en autant de lois qu'on veut, autant d'exceptions qu'on veut, venir ainsi miner le fondement même de ce nouveau Tribunal administratif du Québec. C'est pour ça qu'il nous semble opportun de tenter à nouveau de sauver le projet de loi n° 130, cette fois-ci en prévoyant que le Tribunal administratif du Québec exerce sa compétence à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel.

Au cours des derniers jours et des dernières heures en commission parlementaire sur le projet de loi n° 130, M. le Président, on a, comme vous le savez, tenté à plusieurs reprises de modifier la loi pour que les promesses faites auprès de la population, et qui sont contenues dans le programme que je viens de citer, soient respectées. Le programme disait qu'il allait y avoir, et je le cite dans le texte: «Cette loi prévoirait des règles de procédure permettant un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la Chambre administrative de la Cour du Québec et de la Cour supérieure.»

On a fait des propositions dans ce sens-là; on a proposé des amendements. Les membres du gouvernement issus de ce programme électoral ont voté contre leur propre programme politique. Il n'y a jamais eu la moindre raison fournie pour cette volte-face. Mais on a tous l'habitude de ce double langage, de ce double discours, de la part de ce gouvernement. Une fois que ça a été battu en ce qui concerne l'appel, on a tenté, on vient de le voir, au moins, d'inscrire en toutes lettres dans l'article 13, comme principe de fonctionnement, l'impartialité et l'indépendance. Nouvelle surprise, à nouveau, contrairement à ce qui est contenu dans le programme électoral du Parti québécois, même ça, ça a été battu.

Troisième mention: au point 1.4, à la page 13 du programme électoral du Parti québécois, en matière administrative, c'est à nouveau une citation, M. le Président: «Une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires.» Il nous semble qu'il est opportun de faire disparaître les six premiers mots du troisième alinéa, car ça va mettre beaucoup plus clairement, devant tout le monde, ce qui est en cause ici. On n'est pas en train, donc, de jouer avec la commission d'appel de telle affaire, on n'est pas en train de traiter avec les régies des permis en telle ou telle matière, on est en train de traiter avec le Tribunal administratif du Québec.

Contrairement à ce que le député de L'Assomption a dit tantôt, l'article 25 du règlement ne garantit rien du tout, d'abord, M. le Président, pour la bonne et simple raison qu'il s'agit justement d'un règlement. Un règlement peut être changé au bon vouloir de tout gouvernement. Par ailleurs, le député de L'Assomption, en citant l'article 25, a juste parlé des parties, des bouts qui l'intéressaient, lui. Il a omis de mentionner que le même article 25 du règlement permet, pour des raisons aussi floues, imprécises et vagues que l'opportunité de pourvoir à la nomination de nouveaux membres, ça permet d'évacuer une personne dont la compétence – et c'est cette partie-là qu'il s'est plu à nous citer... «Une personne dont la compétence est hors de tout doute peut être remplacée parce qu'il est opportun de prévoir la nomination de nouveaux membres».

C'est l'institutionnalisation de ce que lui-même blâme et critique ici, en commission parlementaire: l'ingérence politique dans ces nominations-là. Alors, il a beau tenter de se cacher derrière une référence au processus de nomination à la Cour du Québec, la barre vient d'être mise tellement basse par son gouvernement, dans l'affaire de la nomination de Richard Therrien comme juge à la Cour du Québec, qu'il n'y a plus aucune probité nécessaire pour occuper cette fonction qui exige justement la confiance du public dans cette importante institution qu'est l'institution judiciaire. La barre a été mise si basse, non pas par Herbert Marx, qui, soit dit en passant, a été un très grand ministre de la Justice et qui est aujourd'hui un membre du judiciaire qui est hors pair, éminemment respecté partout à Montréal... Non, ce n'est pas en blâmant des gens qui ne sont pas là pour des faits et gestes qui ont été posés dans un autre contexte... Et je tiens à rappeler amicalement à mon collègue le député de L'Assomption que la juge Verreault en question n'a jamais été condamnée pour avoir été complice, après le fait, dans une affaire d'enlèvement et de meurtre d'un membre de l'Assemblée nationale, contrairement au cas du juge Therrien, qui a été condamné de complicité dans une affaire d'enlèvement et de meurtre d'un membre de cette Assemblée nationale.

(12 h 30)

J'ai écouté, avec toute la patience qui était possible, l'intervention de la ministre de l'Éducation hier quand elle a dit, en donnant la version péquiste des événements d'octobre 1970, que ça, c'était la vraie vie, ça. J'aimerais bien entendre la ministre de l'Éducation dire à la veuve de Pierre Laporte c'est quoi, la vraie vie pour cette famille. J'aimerais bien l'entendre dire aux enfants de Pierre Laporte c'est quoi, la vraie vie. J'aimerais bien l'entendre dire aux petits-enfants qui ne connaîtront jamais leur grand-père c'est quoi, la vraie vie. La vraie vie, en l'occurrence, c'est la mort d'une personne, membre de cette Assemblée nationale. Et maintenant que le ministre de la Justice, par son incurie et son incompétence, a permis que cette personne-là soit nommée juge, il l'aide à se masquer derrière une procédure bureaucratique qui...

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît, M. le député de Gaspé, quel règlement?

M. Lelièvre: Oui, M. le Président, j'aimerais savoir, en regard de l'amendement qui est proposé, quelle est la pertinence des propos du député de Chomedey en ce qui a trait à l'exercice de la compétence d'un juge du Tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre tribunal, en regard de ces propos qu'il vient de prononcer. Je considère que ces propos ne sont pas pertinents, d'une part, et je vous le soumets, concernant la disposition qui fait l'objet de l'étude.

M. Mulcair: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Paquin): Oui, si vous voulez.

M. Mulcair: Je veux juste qu'on s'entende sur le fait que je suis en train de parler sur la question de règlement et pas sur l'amendement.

Le Président (M. Paquin): Oui, oui, il n'y a pas de problème.

M. Mulcair: Je suis content d'avoir réussi à provoquer l'intérêt de mon collègue avocat le député de Gaspé et je tiens, très brièvement, M. le Président, à resituer la conversation dans son contexte pour qu'il puisse comprendre toute la pertinence de notre intervention à l'égard de la nomination du juge Richard Therrien, ex-felquiste, condamné pour complicité dans l'enlèvement et le meurtre de Pierre Laporte, comme juge à la Cour du Québec, par ce ministre de la Justice.

On a proposé, M. le Président, de retrancher les six premiers mots du troisième alinéa de l'article 13 du projet de loi n° 130. Ceci aurait pour effet, selon nous, M. le Président, de faire en sorte qu'on soit obligé de consacrer, dans les articles à venir, une réelle autonomie et une réelle indépendance, à défaut, par le ministre, de reconnaître d'ores et déjà, parce qu'il vient de voter contre, ce principe, ici, à l'article 13. Le député de L'Assomption nous a donné une explication tantôt à l'égard de l'autonomie et de l'indépendance, qui demeure pertinente ici parce que les deux sont reliées.

Le Président (M. Paquin): Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Mulcair: Oui, pardon, M. le Président, mais c'est important de situer mon collègue dans le contexte, parce qu'on n'interprète pas une loi sans avoir le contexte, on n'interprète pas une intervention sans avoir le contexte, et le contexte de mon intervention était toujours dans la foulée de l'intervention de mon collègue le député de L'Assomption, où il a dit que l'article 25 offrait ces garanties-là. Et il a aussi eu la témérité d'invoquer le processus de nomination à la Cour du Québec. On est en train, par un exemple concret, récent, de lui montrer non seulement des défaillances dans ce système-là, mais aussi le fait que l'article 25 ne lui est d'aucun secours parce que ça laisse la porte tellement ouverte.

Alors, un exemple concret pour illustrer notre propos, l'exemple de la nomination de Richard Therrien...

Le Président (M. Paquin): J'ai suffisamment d'information pour rendre ma décision, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Vous comprendrez qu'en vertu, je pense, des articles 38 et 40, dans le cadre d'un rappel au règlement, les remarques doivent être brèves et s'en tenir à la demande. D'autre part, sur l'article 211, sur la question de la pertinence, on parle ici du fonctionnement du tribunal, et je pense que le fait qu'on a simplement l'intention de retirer les mots «Sauf disposition contraire de la loi» et qu'on parle de la «compétence à l'exclusion de tout autre tribunal ou tout autre organisme juridictionnel» de la question, les propos qui étaient tenus par le député de Chomedey étaient tout à fait dans le cadre de la discussion qui doit se faire à ce moment-ci, et je statue donc que les propos étaient pertinents.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

M. Lelièvre: Je vais me soumettre à votre décision, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci.

M. Mulcair: Merci, M. le Président, et, par votre entremise, merci à mon collègue le député de Gaspé. Vous voyez que la pédagogie sert toujours à cette fin: à force de répéter, parfois, ça finit par rentrer.

Le Président (M. Paquin): Vous aviez, au moment de reprendre la parole, 10 min 55 s à votre disposition.

M. Mulcair: Il me reste 10 min 55 s, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Oui, sur cette question.

M. Mulcair: D'accord, j'essaierai de garder un petit coussin pour la fin, parce que je ne sais jamais s'il faut intervenir ou non, avec le ministre.

Alors, M. le Président, pour resituer, donc, les choses, nous sommes en train de dire ici, à l'article 13, que c'est le moment de tenter, un peu in extremis – c'est notre troisième tentative – de faire en sorte que le projet de loi respecte ce que ce gouvernement a promis à la population. C'étaient des grands principes, c'était sous la rubrique de la justice et de la sécurité des personnes. C'étaient des belles paroles comme, et je cite: «Le système judiciaire est une composante fondamentale de notre société démocratique, et la confiance qu'ont les citoyennes et citoyens en ses institutions est à la base même de son bon fonctionnement.» Donc, on comprend encore une fois pourquoi c'est important de mettre des gens dignes de cette confiance-là en place. «Pour que cette confiance perdure et s'accroisse, il est indispensable d'atténuer la complexité du système...»

Ah! vous pensez que c'est peut-être le quorum. Oui? D'accord. Non, je croyais que c'était pour un vote. C'est une affaire de quorum. D'accord. Merci.

Alors: «Pour que cette confiance perdure et s'accroisse, il est indispensable d'atténuer la complexité du système judiciaire, qui tend à s'éloigner des simples citoyennes et citoyens, et de s'assurer que la législation tant civile que criminelle soit mieux connue de la population et qu'elle reste en constant accord avec l'évolution de notre société.» C'est important ça, et bien dit. «Il est également indispensable que le Québec consacre l'indépendance des pouvoirs judiciaires et quasi judiciaires – les deux, M. le Président, les pouvoirs judiciaires et quasi judiciaires – tant dans le mode de nomination des juges que dans l'autonomie financière et administrative des cours de justice. Pour ce faire, un gouvernement du Parti québécois proposera les mesures suivantes – je saute de 1 à 1.3.2, parce que ce n'est pas pertinent pour les fins de notre discussion, mais le 1.4 l'est: On prévoit qu'«en matière administrative une loi-cadre couvrant – et ça, c'est le mot le plus important pour les fins de notre discussion sur cet amendement – l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires sera adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme impartial et indépendant.» Donc, ils en font une condition dans leur programme, et l'analyse était telle qu'ils ont décidé d'utiliser un terme global et absolu comme «l'ensemble».

On dit, par ailleurs, M. le Président que «cette loi prévoira des règles de procédure permettant un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la chambre administrative de la Cour du Québec et de la Cour supérieure». On l'a vu, la tentative de faire respecter ça en insérant la notion d'appel à l'article 13 n'a pas produit les résultats.

On l'a vu, la tentative de la part de l'opposition de faire respecter la partie qui parlait de l'impartialité et de l'indépendance a échoué. Malgré le respect qu'on doit à l'opinion contraire maintenue notamment par notre collègue le député de L'Assomption, il est loin d'être clair, à notre point de vue, que l'article 25 du règlement rencontre cette notion d'impartialité et d'indépendance. Qui plus est, comme on a eu l'occasion de le signaler, il s'agit, comme la référence l'indique, d'un simple règlement qui peut être modifié au gré de tout gouvernement sans même revenir devant cette commission parlementaire ou, à plus forte raison, devant l'Assemblée nationale.

C'est pour ça que nous nous permettons de diverger d'opinions avec notre collègue, le député de L'Assomption, et de dire que, si on n'établit pas clairement maintenant à l'article 13 qu'on est en train de parler de l'ensemble des organismes ou personnes exerçant ces fonctions-là, on est en train de faire fausse route parce que ça va donner au ministre toutes sortes de portes de sortie pour ne pas respecter les deux autres engagements du programme du Parti québécois, à savoir un droit d'appel... Rappelons que le député de Marguerite-D'Youville a eu, avec raison, à voter contre son gouvernement là-dessus parce qu'il ne voulait pas que les gens dans son comté perdent le droit de gagner leur vie pour des raisons qui pouvaient être correctes, mais, par ailleurs, qui pouvaient être empreintes de préjudices de toutes sortes. Alors, lui, il a voté contre son gouvernement et en faveur du programme électoral qui a fait élire son gouvernement.

Mais, comme on le sait tous, M. le Président, ça a eu un résultat heureux: les membres de la commission des institutions du côté ministériel ont eu le droit de s'asseoir avec leur ministre, jeudi dernier, si je ne m'abuse – c'était mercredi ou jeudi dernier – ils ont eu l'occasion de s'asseoir avec lui, de discuter dans les détails et de lui demander des comptes. C'est intéressant, parce que, dans le cas de l'article 585 du Code civil, l'année dernière, c'est le caucus du côté ministériel qui a réussi à avoir raison du ministre, mais je crois qu'on n'est pas encore rendu là avec le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative; on n'a pas encore réussi à le convaincre de respecter le programe électoral de son parti politique, pour des raisons obscures. Bien, c'est ce que, nous, on tente de faire, parce que les principes qui sont énoncés malgré le fait que ça s'avère n'être que des voeux pieux, les principes énoncés, les théories annoncées dans le programme du Parti québécois sont intéressants, valent la peine d'être regardés correctement.

(12 h 40)

C'est dans ce sens-là qu'on propose la modification dont on est saisi en ce moment, M. le Président. On essaie, par cette modification, de faire en sorte que le Tribunal administratif du Québec soit le seul endroit où on exercerait cette compétence, et ce serait à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel, et on éviterait cette énorme porte de sortie qui est «sauf disposition contraire de la loi», ce qui va provoquer toutes sortes de chicanes dans des gouvernements futurs ou autour de la table du Conseil des ministres. Un ministre plus influent qu'un autre va dire: Ça, c'est mon tribunal d'appel; ça, c'est ma Commission; ça, c'est ma régie; ça va relever de mon ministère.

Alors, nous, on est en train de dire: On va créer le Tribunal administratif du Québec. Mais notre raisonnement ne s'arrête pas là, et je le dis très clairement, on veut aussi, en proposant cette modification, forcer une réflexion sérieuse et des ajustements et des amendements concomitants plus loin dans la loi, car en disant qu'«il exerce cette compétence à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel», nous croyons que ça va projeter une lumière très forte sur les failles du projet de loi, notamment lorsque le projet de loi fait défaut d'assurer l'autonomie et l'indépendance des décideurs et de prévoir un droit d'appel. Et on le redit, à notre point de vue, il est possible de garder l'une ou l'autre. Il est possible de créer le Tribunal administratif du Québec sans avoir des juges qui ont l'autonomie et l'indépendance requises par l'arrêt Valente pour les juges des tribunaux de droit commun si, seulement si, on prévoit un appel à un juge qui possède cette autonomie et cette indépendance.

L'autre côté de la médaille, c'est: on peut ne pas avoir d'appel si et seulement si on a des décideurs qui ont les garanties d'indépendance et d'impartialité. Alors, que ce soit les membres du tribunal qui l'ont ou qu'on prévoit un appel vers quelqu'un qui l'a, il n'y a pas de problème, le résultat est le même: cette obligation de prévoir un décideur impartial et indépendant, le devoir est rencontré, si on le fait comme ça. Mais on ne peut pas avoir les deux, on ne peut pas et avoir des décideurs qui n'ont pas l'autonomie et l'indépendance nécessaires et ne pas prévoir un droit d'appel pour les gens. Ce n'est pas possible d'avoir les deux, tout le monde s'entend là-dessus. Alors, nous, on essaie, par cette modification, de s'assurer qu'on va avoir cette possibilité-là.

Je vois qu'il me reste peu de temps, je vais le conserver, M. le Président, au cas où il faudrait réintervenir là-dessus.

Le Président (M. Paquin): Je porte à l'attention des membres de cette commission que le président de la commission rendra tantôt une décision sur une question de directive qui lui a été posée par le député de Chomedey. Donc, on va garder du temps pour ça tantôt. Et est-ce que quelqu'un d'autre demande la parole sur cette question-ci? M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, je suis content que le député de Chomedey se soit gardé un peu de temps pour parler parce qu'il pourra enfin parler du sujet de l'amendement qu'il a proposé, parce que j'ai rarement vu quelqu'un parler 15 minutes de temps sans jamais toucher, même de près, à la préoccupation qui est devant nous, c'est-à-dire un amendement qui dit: «Sauf disposition contraire de la loi». Ce texte s'ajoute à «il exerce sa compétence à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel». Donc, le Tribunal administratif du Québec exerce sa compétence à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel, c'est le principe. Mais on dit: «Sauf disposition contraire à la loi». Alors, qu'est-ce que ça veut dire qu'on ait mis ce membre de phrase, ce membre de paragraphe à ce niveau-là? Il doit bien y avoir une raison. Est-ce qu'on s'en préoccupe? Pas du tout, mais je pense que c'est important de le dire.

Il existe des dispositions dans différentes lois qui prévoient des situations et il faut ou bien les faire disparaître ou bien les respecter. Nous avons choisi de dire que ce qui existait déjà et qui prévoyait des mécanismes multiples pour se plaindre d'une situation quand un administré n'est pas satisfait, on les garde, donc, ces mécanismes-là. Je réfère à la Loi sur les services de garde à l'enfance, qui prévoit à l'article 44 que «le titulaire de l'autorité parentale à qui le titulaire d'un permis de services de garde, [...] une personne responsable d'un service de garde en milieu familial ou une commission scolaire qui fournit un service de garde en milieu scolaire refuse de donner accès à la fiche d'inscription et d'assiduité de son enfant ou refuse de donner la communication écrite ou verbale de cette fiche peut, par requête sommaire, s'adresser à la Commission des affaires sociales – la CAS qui sera éventuellement devant le TAQ – pour obtenir l'accès à cette fiche ou pour en obtenir communication, selon le cas». Donc, appel devant le TAQ.

Cependant, le paragraphe 2 de l'article 44 dit: «Toutefois, le titulaire de l'autorité parentale peut également s'adresser à la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 135...» Ce qui veut dire que, si nous ne mettons pas la périphrase «sauf disposition contraire de la loi», nous faisons disparaître le deuxième paragraphe de l'article 44 de la Loi sur les services de garde à l'enfance et nous enlevons donc un moyen qu'ils avaient de s'adresser soit à la Commission des affaires sociales soit à la Commission d'accès à l'information.

On retrouve, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, à l'article 27, une option semblable mais multiple, encore plus grande. On dit: «L'usager à qui l'établissement refuse l'accès à son dossier ou à un renseignement qui y est contenu peut, par requête, s'adresser à un juge de la Cour supérieure, de la Cour du Québec ou à la Commission d'accès à l'information pour que soit révisée la décision de cet établissement. Il peut également s'adresser à la Commission des affaires sociales.» M. le Président, si nous ne mettons pas «sauf disposition contraire de la loi», nous venons de faire sauter les trois premières hypothèses. Dans la loi concernant les services de santé et services sociaux, à l'article 7, on retrouve le même phénomène.

Ce qui veut dire, M. le Président, que cette disposition, ce membre de phrase est essentiel pour ne pas faire disparaître les droits de s'adresser à d'autres instances, que ce soit la Cour supérieure, la Cour du Québec, la Commission d'accès à l'information, sur des choses pertinentes, et le TAQ. Donc, je pense que, comme le propose l'opposition, vouloir supprimer des droits qui sont dans d'autres lois m'apparaît être tout à fait contraire à l'objectif que nous visons par l'adoption du projet de loi sous étude.

Alors, M. le Président, nous n'avons pas entendu un seul mot sur la pertinence de ces mots; on ne s'est même pas interrogé pour savoir à quoi ça peut servir. On a parlé de toutes sortes de choses, sauf de la pertinence de savoir si, oui ou non, on était en droit ou c'était correct de supprimer des droits existant dans d'autres lois. Je pense qu'avant de proposer un amendement on doit au moins se poser cette question, plutôt que de dire n'importe quoi sur le sujet.

Le Président (M. Paquin): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je n'étais pas pour intervenir sur cet amendement-là, mais les propos du ministre m'ont inspiré d'intervenir pour lui dire que, les reproches qu'il fait, je crois, au député de Chomedey, de ne pas avoir mentionné – mais il prenait pour acquis que c'est clair – que, si on enlève «sauf disposition contraire à la loi», toutes les autres commissions ou tous les organismes où une personne doit aller ou peut aller pour avoir un recours sont abolis, c'était ça, je crois, le but. Ça, ça serait vraiment une réforme fondamentale pour vraiment clairer, si je comprends bien, l'amendement du député de Chomedey de vouloir créer un vrai tribunal administratif, pas seulement dans certains cas, ou de maintenir les autres commissions ou les autres organismes. Je présume que le ministre n'a pas mentionné dans la liste de toutes les commissions les droits qui existent présentement.

Il a mentionné la section des affaires sociales, il aurait pu mentionner la Régie du logement. Présentement, une personne peut aller devant la Régie du logement. Alors, je présume peut-être que le ministre pourrait me répondre, ou le député de Chomedey pourrait me répondre qu'avec l'amendement proposé par le député de Chomedey le dernier recours n'est plus à la Régie du logement, ça va être au tribunal. Alors, ça serait vraiment impartial et indépendant, parce que la Régie du logement, ce n'est pas tout à fait impartial et indépendant, parce qu'il y a des politiques, il y a des normes, il y a toutes sortes de règlements. Alors, en enlevant, je présume, le recours final à la Régie du logement et en le donnant au Tribunal administratif, vraiment, ce serait un changement fondamental; ce n'est pas juste un changement technique qu'on fait.

(12 h 50)

C'est vrai, comme le ministre l'a mentionné, qu'on enlèverait le service de garde, la Commission d'accès à l'information, la Commission des affaires sociales. Je pense que le but de cet amendement-là, c'est une différente philosophie, c'est clair, c'est de vraiment créer, d'avoir une réforme fondamentale, un changement total, pas juste ajouter. Des fois, les gouvernements pensent qu'en ajoutant une commission, en ajoutant un tribunal, en ajoutant une autre structure, on règle le problème. Ce n'est pas de même que je présume... que je comprends l'amendement du député de Chomedey; c'est de faire vraiment une refonte, une refonte en profondeur. Est-ce qu'on veut vraiment créer un tribunal administratif? Est-ce qu'on veut lui donner les pouvoirs d'un vrai tribunal administratif et enlever tous les autres recours de toutes sortes de commissions? Peut-être que ça pourrait être plus efficace, ça pourrait réduire les dépenses, ça pourrait avoir une série de conséquences.

Alors, on peut faire toutes sortes de reproches au député de Chomedey, mais je ne pense pas que le reproche de dire qu'il ne savait ce qu'il disait ou qu'il ne savait pas que c'était pour enlever ou abolir les autres... je pense... oui, c'est le but. Moi, j'ai présumé...

M. Bégin: C'est de perdre notre temps en n'en parlant pas.

M. Ciaccia: ...même en n'étant pas un expert dans le droit administratif ou en n'étant même pas le ministre de la Justice, j'avais présumé qu'il abolissait tous les autres recours, toutes les autres commissions, régies, etc., auxquels un citoyen pourrait avoir recours et qu'il concentrait ça, il remettait ça strictement dans les mains du Tribunal administratif. Ce serait une refonte beaucoup plus fondamentale, je crois, que cette loi-ci. Parce que, dans cette loi-ci, il y a beaucoup de failles à beaucoup d'articles, mais, en enlevant le recours et toutes les autres commissions, on ferait vraiment une refonte des droits des citoyens vis-à-vis le Tribunal administratif du Québec. C'est de cette façon que j'ai interprété l'amendement. Et je n'étais pas trop convaincu, mais là, après que le ministre a parlé, je pense que je vois un peu plus le vrai objectif du député de Chomedey. Peut-être que ça aurait du bon sens de faire une vraie refonte et pas juste un petit palliatif. Je pense que je vais appuyer ton amendement, mon cher collègue.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de Chomedey, en 1 min 35 s.

M. Mulcair: Qu'est-ce qu'on peut dire en 1 min 35 s?

Une voix: Des choses intelligentes.

M. Mulcair: Parce qu'il y a tellement de choses à répondre à l'intervention du ministre que je préfère justement garder mon temps. Et je sais que vous avez une question que vous voulez régler avec le président de la commission, alors je suis aussi bien de garder mon temps plutôt que de commencer.

Le Président (M. Paquin): C'est que la question reste ouverte, on a besoin d'un cinq minutes et, à ce moment-ci, si vous désirez, on pourrait disposer de l'amendement.

M. Mulcair: Non, non, je préfère qu'on dispose de l'amendement quand on reviendra en commission, M. le Président. C'est vous qui avez demandé qu'on garde du temps pour votre collègue, alors on attend avec impatience.

Le Président (M. Paquin): Mais il nous en reste encore un peu quand même.

M. Mulcair: Non, il est 12 h 55.

Le Président (M. Paquin): Alors, ça va. Alors, je vais céder, donc, ma place au député de Bonaventure et président de la commission, qui va rendre une décision sur une question de directive posée par le député de Chomedey.


Décision du président sur une demande de directive concernant l'étude simultanée des textes français et anglais de projets de loi

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, je vais rendre maintenant ma décision à la suite de la demande de directive soulevée par le député de Chomedey lors de la séance du 30 octobre dernier. La question posée par le député peut se résumer ainsi: Une commission doit-elle examiner et adopter simultanément les textes français et anglais d'un projet de loi et les amendements proposés à ce projet?

La procédure gouvernant l'étude détaillée des projets de loi a été établie par l'Assemblée nationale conformément à l'article 9 de la Loi sur l'Assemblée nationale ainsi que par les usages. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler la décision du 14 juin 1995 de la présidente de la commission de l'éducation rapportée en ces termes: «Selon la tradition de l'Assemblée nationale, les travaux d'une commission parlementaire qui procède à l'étude détaillée d'un projet de loi se déroulent en français. Toutefois, il est loisible à tout membre de la commission de présenter dans l'une des deux langues officielles une motion d'amendement soit la version française soit la version anglaise de l'article étudié. Il n'y a aucune obligation de présenter une motion d'amendement dans les deux langues.»

Le processus suivi jusqu'ici par la commission des institutions est en tous points conforme au règlement et aux usages. Aussi, je réitère qu'il n'est pas du ressort d'une commission ou d'un président de commission de remettre en cause la procédure de l'étude détaillée et aussi la pratique suivie en cette matière par toutes les commissions parlementaires et également par la commission plénière.

En vertu du paragraphe 1° de l'article 116, la commission de l'Assemblée nationale «établit le règlement de l'Assemblée et ses règles de fonctionnement ainsi que celles des commissions, et les soumet à l'approbation de l'Assemblée». Je suggère donc au député de Chomedey, s'il souhaite remettre en question la pratique suivie par les commissions relativement à l'étude détaillée des projets de loi, d'adresser une demande écrite à cet effet au président de la commission de l'Assemblée nationale afin que cette question soit inscrite à l'ordre du jour des travaux de cette commission.

M. Mulcair: M. le Président, très brièvement, au niveau des directives suivant votre décision, que je ne mets nullement en doute parce que c'est aussi une règle de la commission, je tenais à dire que la difficulté qui a été soulevée concernait la possibilité pour un parlementaire qui voulait faire adopter – c'était mon cas, je voulais faire adopter la version anglaise pour qu'on puisse y apporter la modification... En l'occurrence, c'était l'article 1 et je voulais que ça se lise «by law» et j'avais peur que ce soit «by statute». Je voulais qu'on l'adopte. Donc, c'est l'objet de votre décision d'aujourd'hui, et vous me donnez même la possibilité d'aller voir sur les procédures des commissions. C'est intéressant.

Cependant, je tiens juste à dire qu'il y a un problème qui dépasse et la Loi sur l'Assemblée nationale et des procédures ou des pratiques: c'est la Constitution. Et ce que je disais et ce que je dis encore au ministre, c'est que, dans la mesure où il est sûr et certain qu'il y a des groupes, des associations, voire peut-être éventuellement des individus qui risquent de contester le projet de loi n° 130 si jamais on fait l'erreur de l'adopter dans sa forme actuelle, eh bien, je suis en train d'ouvrir une porte de plus. Parce que ce n'est pas une procédure qui peut changer la Constitution. Ce n'est pas même une loi qui peut changer la Constitution.

Alors, l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 étant claire, l'admonition de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba de 1985 étant claire, à notre sens, ça ouvre la possibilité à une contestation sur la base de votre décision qui ne réfère qu'à ces deux choses-là, décision, comme je le dis, que je ne mets pas en doute. Je respecte, comme membre de cette commission, votre autorité et je m'y soumets. Mais je soumets par ailleurs respectueusement que la question demeure ouverte pour une contestation de la constitutionnalité de toute loi qui aurait été adoptée sans que le bilinguisme de la loi, sans que les deux versions aient été présentes à toutes les étapes de l'adoption et sans même qu'un parlementaire qui désirait faire adopter une des deux versions ou, éventuellement, comme on l'a vu aujourd'hui avec votre collègue le député de Saint-Jean, sans qu'un amendement puisse, en toute logique, être adopté parce qu'on ne peut pas commencer à modifier quelque chose qui n'est pas encore adopté dans une des deux versions officielles.

Mais, ceci étant dit, je comprends bien votre invitation et je vais en discuter avec les membres de notre formation politique pour voir quelle suite peut être donnée, je dirais plus probablement à l'intersession qu'immédiatement, vu la nature des travaux parlementaires.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, moi, je vous invite, le cas échéant, M. le député de Chomedey, à poser la question à l'instance, dans le fond, qui en a la compétence, en quelque sorte. Brièvement, M. le député de Saint-Jean.

(13 heures)

M. Paquin: Oui. M. le Président, je pense que votre décision et l'interprétation et les commentaires du député de Chomedey sont compatibles, et ils ont pour effet de préciser deux choses. La première, c'est que le recours pour le type de question sur laquelle vous avez rendu votre décision est à la commission de l'Assemblée nationale; et, pour une personne qui contesterait en vertu de ce règlement – la situation dans laquelle nous nous trouvons ici – ce serait les tribunaux. Et je pense que la situation est très claire, maintenant. Merci, M. le Président, pour votre décision.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, mesdames, messieurs, avant d'ajourner, j'aimerais vous rappeler que la commission se réunit après la période des questions afin de discuter de la gestion administrative du Commissaire à la déontologie policière, en cette même salle.

M. Lelièvre: M. le Président, après les affaires courantes ou...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, j'ajourne sine die. Oui?

M. Lelièvre: Après les affaires courantes ou après la période de questions?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Après les affaires courantes, je m'excuse.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Puisque nous avons quorum, je déclare la séance ouverte et je rappelle le mandat de la commission: d'entendre le Commissaire à la déontologie policière conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Alors, je demanderais à M. le secrétaire de nous signifier les remplacements, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fournier (Châteauguay) est remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier).


Audition du Commissaire à la déontologie policière conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci. Alors, je demanderais, si vous êtes d'accord, dans un premier temps, à Me Denis Racicot, Commissaire à la déontologie, d'identifier pour les fins du Journal des débats les gens qui l'accompagnent et ensuite de nous faire une présentation de la gestion administrative de son organisme. Et, si les gens y consentent, nous procéderions ensuite sous forme d'un échange libre, en essayant autant que possible de respecter le principe de l'alternance. Alors, ça va? Alors, Me Racicot.


Exposé du Commissaire à la déontologie policière


M. Denis Racicot

M. Racicot (Denis): Oui, merci beaucoup. Il me fait plaisir de vous présenter Mme Mona Lord, responsable de l'administration chez nous; ainsi que M. Jean-Charles Dumont, secrétaire et, en fait, adjoint exécutif de notre organisation. Alors, quant à moi, je suis Commissaire à la déontologie policière depuis le 1er septembre 1995. Auparavant, j'ai agi comme substitut du procureur général et substitut en chef du procureur général dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et le Grand Nord. J'étais en poste à Rouyn-Noranda. Quant au bureau du Commissaire à la déontologie policière, il existe, lui, depuis le 1er septembre 1990. Il est issu de l'abolition de la Commission de police, tout comme d'ailleurs le Comité de déontologie policière, qui est le tribunal pour entendre les citations que nous déposons.

Pour avoir plus d'information, évidemment, je pourrais vous référer aux articles 35 et suivants de la Loi sur l'organisation policière: ce sont les dispositions légales qui prévoient notre existence et nos obligations, nos devoirs ainsi que nos pouvoirs. Mais vous me permettrez quand même de vous résumer notre mandat, qui consiste à recevoir et à examiner d'une manière exclusive toute plainte formulée, par toute personne, relative à la conduite d'un policier ou d'un constable spécial dans l'exercice de ses fonctions et pouvant constituer un acte dérogatoire au Code de déontologie des policiers du Québec.

Notre juridiction s'étend donc à tous les policiers du Québec, hormis ceux de la GRC. C'est donc dire que nous avons juridiction concernant les policiers de la Sûreté du Québec, de la CUM, des différents corps de police municipaux et de la majorité des policiers oeuvrant en milieu autochtone, ainsi que les constables spéciaux nommés en vertu de la Loi de police et que l'on retrouve dans certains organismes publics ou privés tels que la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, l'Alcan, la Société protectrice des animaux, Hydro-Québec, enfin il y en a toute une série. On peut estimer le nombre de policiers ou de constables spéciaux à environ 14 000.

Vous nous permettrez d'énoncer aussi brièvement le processus de traitement d'une plainte. À sa réception, nous procédons à son analyse, et, sans autre vérification, il nous est alors permis de décréter une enquête ou de refuser de tenir celle-ci. Dans ce dernier cas, nous devons énoncer par écrit les motifs à l'appui de notre décision. Il est alors possible au plaignant de faire réviser celle-ci par le Comité de déontologie policière. Dans le cas d'une enquête, les informations obtenues peuvent, dans un premier temps, nous conduire à mettre fin à celle-ci ou encore à rejeter la plainte du citoyen. Nous devons là aussi énoncer les motifs à l'appui de notre décision, et le plaignant peut également faire réviser celle-ci par le Comité de déontologie policière.

Lorsque la preuve recueillie lors de l'enquête nous semble suffisante pour soutenir les allégations du plaignant, nous citons alors le policier ou la policière à répondre de sa conduite devant le Comité de déontologie policière. Nous assumons la poursuite jusqu'au terme des processus quasi judiciaire et judiciaire qui s'entament. La loi nous autorise aussi à tenter de concilier les parties lorsque nous sommes d'avis que la plainte s'y prête et lorsque les parties y consentent. Il est possible de traiter ainsi une plainte à toute étape du processus énoncé ci-haut.

Les enquêtes ont la particularité d'être effectuées par les enquêteurs faisant partie de nos effectifs réguliers ou encore par des enquêteurs membres de corps de police et aussi membres d'unités administratives dont l'existence est décrétée par le gouvernement. À chaque année, des citoyens nous adressent environ 1 100 plaintes. On constate que trois plaintes sur cinq donnent lieu à une enquête et qu'une plainte sur cinq conduit à une citation devant le Comité de déontologie policière. La conciliation est offerte dans une plainte sur cinq. Lorsque nous refusons de tenir une enquête, lorsque nous y mettons fin ou lorsque nous rejetons une plainte, le citoyen enclenche le processus de révision dans un dossier sur cinq. Et nos décisions sont alors confirmées dans trois cas sur quatre.

L'effectif autorisé s'établit à 34 postes, dont 25 à Sainte-Foy et neuf à Montréal. Notre budget pour l'année 1996-1997 est de l'ordre de 2 299 000 $, alors qu'il était de 2 741 100 $ en 1994-1995, soit une diminution de 16,1 %. Comme vous pouvez le constater à la lecture de la dernière page du document, le coût moyen unitaire d'une plainte devrait passer de 2 583,72 $ en 1992-1993 à moins de 2 000 $ en 1996-1997.

Alors, c'est l'aperçu que je voulais vous soumettre. Et, évidemment, je suis à votre entière disposition pour répondre à vos questions. Je vous remercie.

(16 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Me Racicot. Alors, mesdames, messieurs, nous sommes maintenant rendus à la période des échanges. Alors, M. le député de Frontenac.


Discussion générale

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. Racicot, M. Dumont, Mme Lord, je veux vous saluer en mon nom et au nom de ma formation, l'opposition officielle. Nous vous souhaitons la bienvenue à cet échange avec les membres de la commission des institutions.

M. le Président, tout à l'heure, a très rapidement expliqué que cet échange tient à l'adoption de la loi 198. Et, à chaque fois que j'ai l'occasion de le faire, je le rappelle, rapidement, M. le Président: c'est grâce à la ténacité d'un député de notre formation, M. Henri-François Gautrin, toujours député à l'Assemblée nationale, député de Verdun, qui avait réussi à convaincre tous les parlementaires de l'Assemblée nationale de la nécessité d'obliger la haute fonction publique à venir rendre compte de sa gestion et de son administration. C'est heureux pour les parlementaires, et je suis convaincu que ça l'est également, Me Racicot, pour vous, pour votre équipe et pour d'autres fonctionnaires de l'État comme vous.

Alors, ceci étant dit, je voudrais rapidement vous rappeler que la déontologie, le système de déontologie, le système de vérification, essentiellement, du comportement des policiers au Québec en certaines circonstances, il est, au moment où on se parle, remis en question par, vous le savez... Et soyez assurés que je ne vous demanderai pas, ni à vous, madame, ni à MM. Dumont et Racicot, de nous donner des opinions politiques, mais je vais, avec mes collègues, vous demander d'expliquer au gouvernement, par le biais de cette commission-ci, que – à moins que vous ne soyez d'accord avec M. le ministre Perreault – votre organisme doit être repensé, réévalué et peut-être même carrément disparaître et être intégré dans une autre structure. C'est ce que disait M. le ministre Perreault, sauf que, depuis qu'on le connaît un peu plus, on réalise qu'il dit plein de choses qu'il ne fait pas et qu'il fait plein de choses qu'il ne dit pas.

Alors, même si, en mars dernier, ça a pu vous inquiéter de le voir sortir de façon assez sévère quant à son évaluation du système de déontologie policière au Québec, peut-être que vous dormez un peu plus tranquille, Me Racicot, puisque le ministre avait promis qu'avant la fin de l'année 1996 une législation serait soumise à l'attention des parlementaires de l'Assemblée nationale pour justement repenser votre structure. Cependant, la date d'échéance, elle est passée: c'était le 15 novembre, et, bien, le ministre a passé droit, là. Il est tellement occupé à autre chose évidemment qu'il vous a oubliés.

Ceci étant dit, lorsque le ministre déclarait que le système de déontologie était trop lourd, est trop lourd, délais trop longs, décisions... Beaucoup, beaucoup de décisions sont portées en appel. Les coûts. Le ministre estimait, au moment où il a fait sa déclaration en mars dernier, à 20 000 000 $ les coûts de la déontologie policière, sans tenir compte des budgets, de votre budget à vous, M. le Commissaire, ni non plus du budget du Comité de déontologie.

Alors, moi, je voudrais, très rapidement, si vous êtes capable de le faire en quelques phrases, M. le Commissaire, que vous nous convainquiez que la structure, que le système de déontologie dont vous êtes responsable, quant aux premières étapes à tout le moins... Est-ce que vous considérez que le système de déontologie policière au Québec, tel qu'on le connaît, il est bon, efficace et qu'il doit, sauf quant à certains détails, être maintenu, pour l'essentiel, tel qu'on le connaît présentement?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Racicot.

M. Racicot (Denis): Merci. La question déontologique concernant les policiers est quand même, dans sa forme actuelle, récente. On parle du 1er septembre 1990, alors c'est quand même une formule qui est née parce que certains ont décidé que la Commission de police, dans le rôle qu'elle avait, devait être modifiée. Cette expérience-là, maintenant, d'un peu plus de six ans – pour moi en tout cas, au cours de la dernière année, depuis un an – a démontré que le système pouvait quand même présenter certaines lacunes. Je vous ai décrit sommairement tantôt le processus de traitement d'une plainte, et on peut voir qu'il y a plusieurs possibilités en cours de route. Il y a plusieurs appels incidents par le citoyen. Alors, ce sont des constats qui font qu'effectivement le système souffre d'une certaine lourdeur, donc de certains délais aussi qui s'y joignent.

M. Corbo a été mandaté par M. Perreault pour examiner toute cette question-là. Nous, en ce qui nous concerne, nous avons manifesté à M. Corbo notre grande participation à ses travaux. Nous lui avons fait part de nombreuses suggestions qui devraient être de nature à améliorer encore mieux le système. Et je pense que, bon, ça sera à M. Corbo de faire ses recommandations puis au gouvernement de les retenir ou non, mais nous avons déjà déposé plusieurs suggestions pour améliorer le traitement des plaintes.

Ceci étant dit, le système de déontologie est un peu comme les ordres professionnels en fait, est aussi un système contradictoire dans lequel il y a des prétentions et il y a des gens qui se défendent. Et, comme tout système contradictoire, ça nécessite certains délais de traitement. Ça a certaines conséquences, comme par exemple le droit d'aller en appel. C'est des choses semblables. Et je pense que la déontologie policière est là pour rester; je pense qu'on en a besoin, personnellement. Et, en tant que Commissaire, je pense... je crois à ce que je fais. Et il s'agit de trouver la formule la plus adéquate possible. Et, après six ans maintenant, là, de travaux, autant à notre niveau qu'au niveau du Comité de déontologie où la Cour du Québec siège en appel, il apparaît qu'il y a peut-être certaines choses à améliorer.

Maintenant, quelles seront les recommandations que M. Corbo fera? Je ne le sais pas. Il n'a pas encore terminé ses travaux, alors il n'a pas transmis non plus, là, quelles étaient ses recommandations. Elles seront transmises d'abord au ministre, et on verra à réagir à ce moment-là. Mais, comme j'ai dit aussi à M. Corbo, vous savez, si vous pensez qu'on doit remettre en question certains aspects du traitement des plaintes, bien remettons-les en question. Et, si, en bout de ligne, ça réussit à améliorer le système, tant mieux pour le citoyen, tant mieux pour les policiers. Mais on s'est livré véritablement, au sens propre du terme, à l'exercice avec M. Corbo.

M. Lefebvre: Me Racicot, vous avez, vous, à titre de commissaire en chef, si on veut, là, combien d'adjoints ou d'adjointes qui travaillent avec vous et qui ne sont pas affectés à des tâches administratives, là, qui sont quotidiennement affectés à des tâches d'enquête? Vous avez combien d'adjoints ou adjointes avec vous, Me Racicot?

M. Racicot (Denis): En vertu de la loi, M. Lefebvre, d'abord les décisions dont on parlait, celles d'aller en enquête, de cesser l'enquête ou de citer, relèvent du Commissaire lui-même ou des commissaires adjoints. Et la loi prévoit qu'il y a trois commissaires adjoints. Donc, ces décisions-là sont prises en théorie par moi et par les commissaires. En l'occurrence, c'est trois commissaires adjoints actuellement que nous avons.

M. Lefebvre: Vous êtes quatre.

Une voix: C'est ça. Alors, dans les faits, ce pouvoir-là est presque entièrement délégué aux commissaires adjoints ayant géré l'organisation.

Au niveau des enquêtes maintenant, dans nos effectifs réguliers, nous disposons à l'heure actuelle de sept postes d'enquêteurs, plus un cadre, un chef enquêteur, un directeur des enquêtes. Or, malheureusement, on vit une période un peu plus difficile, puisqu'il y en a deux d'entre eux qui ont pris leur retraite en cours d'année. Mais, ayant épuisé certains avantages qu'ils avaient dans leur dossier, un sera remplacé d'ici une semaine, et l'autre pourrait être remplacé d'ici le 1er avril. Mais ce sont des gens, à l'heure actuelle, dont on assume une certaine responsabilité financière, mais qui ne travaillent pas. Alors, depuis un an, on travaille à cinq enquêteurs.

Et il faut rajouter à cela les membres des unités administratives, comme je vous expliquais tantôt. Les membres des unités administratives, si vous me le permettez, en vertu de la loi, le gouvernement, par décret, peut désigner des corps de police dans lesquels il autorise la création de ce qu'on appelle, de ce que la loi appelle une «unité administrative». Ce sont en fait des ressources régulières des corps de police qui sont prêtées pour faire de nos enquêtes. Alors, à l'heure actuelle – justement demain, je devrai encore en assermenter une quinzaine de policiers si les décrets ont été faits lundi, ou sinon ce sera, j'espère, d'ici peu – il y aurait environ 50 corps de police, à date, là, au Québec qui ont été décrétés comme étant des gens qui étaient autorisés à créer une unité administrative afin de mettre à notre disposition un certain nombre d'enquêteurs. Il va sans dire que les plus actives se retrouvent à la Sûreté du Québec et à la CUM. Et évidemment la création d'unités administratives ne va pas jusqu'à indiquer le nombre d'enquêteurs qu'on doit mettre à notre disposition. Alors, il y a des discussions, à ce moment-là, à avoir avec chacun des directeurs des corps de police concernés. Mais, comme je vous le disais, c'est la Sûreté du Québec et surtout la CUM, les deux corps de police les plus concernés par cet aspect-là.

(16 h 40)

M. Lefebvre: Vous disposez, Me Racicot, sur l'année en cours, du 1er avril 1996 au 31 mars 1997, d'un budget de combien d'argent?

M. Racicot (Denis): Le budget autorisé actuellement est de 2 299 000 $. C'est le budget que nous avons actuellement.

M. Lefebvre: Par rapport à l'an passé? L'an passé, il était de combien?

M. Racicot (Denis): De 2 499 700 $. Si vous me permettez, je peux vous référer à l'avant-dernière page du document que je vous ai remis. Vous avez des années financières, 1993-1994, 1994-1995, 1995-1996 et évidemment des prévisions pour 1996-1997. Et vous avez le budget alloué à la première ligne du haut et vous pouvez voir que ça a évolué au cours des quatre dernières années: de 2 637 000 $, c'est passé à 2 741 000 $, pratiquement 2 500 000 $ l'an passé et pratiquement 2 300 000 $ cette année.

M. Lefebvre: Vous avez tout à l'heure donné des chiffres, des statistiques de façon assez globale. Est-ce que le nombre de plaintes que vous traitez – j'imagine que c'est le cas – est en progression cette année, par rapport, si on veut, très rapidement, aux trois, quatre, cinq dernières années? Je ne sais pas si vous avez, Me Racicot, un point de référence entre cette année par rapport aux années passées. Moi, je ne veux pas reculer plus que quatre, cinq ans, mais est-ce que le nombre de plaintes que vous traitez est en progression?

M. Racicot (Denis): Je peux reculer, si ça vous satisfait – puis je pourrai aller plus loin si vous le désirez – en 1993-1994. Alors, ça paraît aussi, d'une certaine manière, dans le document. Mais c'est pour vous dire que, non, il n'y a pas de progression. Très légère. Ça se maintient. En 1993-1994, nous en avons reçu 1 092; en 1994-1995, 1 096; en 1995-1996, 1 133. Et, actuellement, nous en sommes à 699 pour sept mois d'activités. Alors, si la tendance se maintenait, on arriverait à peu près aux mêmes résultats que les années antérieures.

M. Lefebvre: M. le Président, je vais laisser la parole à d'autres collègues.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci, M. le Président. D'abord, je vous salue au nom des membres de ma formation. J'apprécierais, Me Racicot ou un autre de nos invités, si vous pouviez un petit peu expliquer – il y a un diagramme qui est présent à la page 20 – verbalement le cheminement d'une plainte. Une plainte entre chez vous: comment ça se déroule?

M. Racicot (Denis): D'accord. Alors, vous nous référez à la page 20 du premier document, qui est le rapport annuel 1994-1995. Alors donc, lorsqu'une plainte est adressée... D'abord, elles sont toutes acheminées au bureau de Québec, même si elles peuvent être déposées aussi au bureau de Montréal. Et, de façon très pratique, elles sont d'abord soumises à un premier examen par M. Dumont, qui m'accompagne. Et les cas particuliers, bon, parfois on en discute, et ainsi de suite. Mais chacune des plaintes, après un examen sommaire, j'accuse réception sous ma signature et je lis toutes les plaintes qui sont adressées. Sous ma signature j'accuse réception pour d'abord rassurer le citoyen que, effectivement, on a bel et bien reçu sa plainte et, deuxièmement, qu'elle va être traitée d'ici peu.

Par la suite, elles sont acheminées à l'une des trois commissaires adjointes qui, elle, après un examen plus attentif, décide de l'opportunité de décréter une enquête ou de refuser de faire une enquête. La commissaire adjointe qui a pris cette décision-là est celle qui devrait prendre toutes les autres décisions qu'il y aura à prendre dans le dossier ultérieurement, ce qu'on appelle un traitement vertical, pour éviter que de nombreuses personnes se penchent sur le même dossier et qu'on recommence l'étude à chaque fois.

Donc, en supposant qu'il y a eu un refus d'enquêter, le citoyen est avisé par écrit, le policier également, le directeur du corps de police également. Et tout ça, c'est en vertu de la loi, et le citoyen a l'opportunité de demander au Comité de déontologie de réviser notre décision de refuser d'enquêter.

M. Paquin: Auquel cas ce n'est pas la même personne qui fait la révision.

M. Racicot (Denis): La révision, elle se fait au Comité de déontologie, qui est un autre organisme, qui est le tribunal. Et, nous, nous entretenons des relations de saine gestion avec le Comité de déontologie, mais il s'agit d'un organisme...

M. Paquin: Distinct.

M. Racicot (Denis): ...totalement différent du nôtre. Il y a le Commissaire à la déontologie policière et il y a le Comité de déontologie policière, et je dois vous dire que ça engendre énormément de confusion chez les citoyens, les distances de deux organismes aux noms qui s'apparentent passablement bien.

Donc, le Comité, lui, procède à la révision de notre décision à partir de notre dossier. Nous n'y sommes pas. Le citoyen, lui, peut être entendu, et le Comité a la possibilité soit de confirmer notre décision, auquel cas le dossier prend fin, ou encore peut nous ordonner de procéder à l'enquête qu'on a refusé, dans un premier temps, de faire.

Généralement, les décisions du Comité, lorsqu'il nous oblige à faire l'enquête qu'on avait d'abord refusé de faire... Très souvent, le Comité, en recevant le citoyen, a le privilège d'apprendre des choses qui ne nous avaient pas été dites par écrit par le citoyen. Souvent, c'est l'apparition de faits nouveaux qui conduisent à cette décision-là. Alors, si elle est maintenue, le dossier prend fin, il n'y a pas d'autres instances.

En supposant qu'on ait décidé d'enquêter, on peut en cours de route y mettre fin lorsqu'il nous apparaît de façon évidente que la plainte n'est pas fondée. Et, lorsque l'enquête est complétée, la commissaire adjointe qui a ordonné l'enquête procède, à ce moment-là, à l'examen du rapport d'enquête et, selon les critères établis dans la loi, décide de rejeter totalement la plainte ou de citer le policier devant le Comité de déontologie, qui est toujours le même Comité que celui qui a pu peut-être réviser notre première décision.

Là encore, la décision de mettre fin ou la décision de rejeter est révisable par le Comité, encore une fois à la demande du citoyen. Ça veut dire que le citoyen peut aller, techniquement parlant – et ça c'est déjà produit, ce n'est pas impossible – en révision à deux moments différents de nos décisions qui ne lui conviennent pas. Alors, s'il va en révision, bien là le Comité va nous ordonner de citer carrément, auquel cas nous citerons, ou encore c'est une décision de notre part de citer. Il y aura audition devant le Comité composé de trois membres: il y a un membre avocat qui préside; il y a un membre socioéconomique et un membre représentant le milieu policier.

La décision rendue par le Comité est appelable à la Cour du Québec. Et, une fois que nous saisissons le Comité d'une citation, en plus de la Cour du Québec, il est possible aussi qu'il y ait des incidents qui fassent qu'on fasse appel plutôt à la Cour supérieure, ce qu'on appelle des brefs d'évocation, etc. Alors, la Cour supérieure peut intervenir. Ce n'est pas impossible non plus, techniquement, qu'un dossier aille aussi à la Cour d'appel du Québec. À l'heure actuelle, je pense qu'on en a deux ou trois pendants à la Cour d'appel du Québec, dans des cas vraiment exceptionnels.

M. Paquin: Mais des brefs d'évocation, il ne s'en accorde pas beaucoup.

M. Racicot (Denis): C'est une procédure qui est passablement utilisée, en particulier plus par la partie policière. Lorsqu'on prétend que le Comité excède sa juridiction ou agit sans juridiction, il y a des recours à la Cour supérieure. Je ne pourrais pas vous quantifier le nombre, mais je pourrais vous dire qu'il y en a suffisamment pour relever... Entre autres, si on me donne, s'il vous plaît... Je pourrais vous dire actuellement combien il y en a en suspens en Cour supérieure.

(Consultation)

M. Paquin: À votre connaissance, par rapport à une demande qui est faite, est-ce que... Ou, sur 10 demandes, il y en a combien qui sont adoptées en pourcentage, là, à l'oeil?

(16 h 50)

M. Racicot (Denis): Dans un premier temps, je vous dirai que nous avons à l'heure actuelle cinq dossiers pendants en Cour supérieure, à un dossier près. Je n'ai peut-être pas la dernière statistique précise, mais, au 1er octobre, je peux vous dire qu'on en avait cinq.

Bon. Combien? C'est difficile de vous dire franchement que... C'est très difficile pour moi de vous répondre. Il m'apparaît que, le nombre étant ce qu'il est, ça se répartit à peu près de façon équitable. Il y a beaucoup plus de dossiers en appel qu'il peut y en avoir devant la Cour supérieure, parce que la Cour supérieure, on considère ça sérieusement, mais c'est un incident de parcours dans un dossier. Évidemment, ça a une énorme influence sur les délais compte tenu que, si la Cour supérieure décide que le Comité était dans l'exercice de sa juridiction, le dossier devra retourner devant le Comité pour continuer où il en était rendu.

M. Paquin: Mais, quand vous nous disiez tantôt que, quand il y a des révisions... Il y a à peu près un dossier sur cinq, quand il y a une décision, où il y a une révision qui est demandée, et il y a une confirmation dans trois cas sur quatre, là, je pense que vous avez mentionné ça. Est-ce que c'est toutes les révisions y compris les appels, ça?

M. Racicot (Denis): Il y a une distinction à faire entre les révisions et les appels. Les révisions se situent à un stade intermédiaire entre le début et la fin du dossier. La révision, elle est utilisable en vertu de la loi uniquement. Elle est ouverte uniquement au citoyen qui n'est pas satisfait de nos décisions à nous à l'effet de ne pas donner suite d'une manière quelconque, là, à sa plainte.

Les appels interviennent suite à la décision du Comité, au fond, et le citoyen est moins concerné par l'appel parce que la loi prévoit que, devant le Comité, le citoyen n'est pas partie au litige – c'est nous, le Commissaire et le policier concerné – alors que la révision, c'est le citoyen lui-même qui l'adresse directement au Comité. C'est une procédure plus...

M. Paquin: En fin de compte, quand il y a appel, c'est qu'il y a eu une décision qui, donnant raison au point de vue du plaignant, a comme effet qu'un policier serait devant une sanction possible, et c'est lui ou ses représentants qui en appellent.

M. Racicot (Denis): Ou encore, nous-mêmes, on a le loisir aussi d'en appeler d'une décision si on est d'avis que la décision du Comité comporte des erreurs déterminantes. Le recours à l'appel est ouvert tant...

M. Paquin: Des erreurs de fait ou des erreurs de droit?

M. Racicot (Denis): La jurisprudence – et nous avons émis une directive là-dessus depuis un an – est à l'effet qu'une question de droit est appelable, et l'erreur de fait doit être telle qu'elle constitue un déni de justice pour qu'une cour d'appel intervienne. Ce sont les mêmes critères qu'on retrouve à peu près au niveau de toutes les cours d'appel. En particulier en matière criminelle, par exemple, ce sont les mêmes critères. Ça prend, au niveau des faits, un déni de justice important. Quant au reste, ce sont des questions de droit.

M. Paquin: Puis, au niveau des délais, là, les durées des différentes étapes, ça ressemble à quoi?

M. Racicot (Denis): Nous avons, à notre niveau à nous... Et là, si on prend le dossier qui va jusqu'au bout du système... Parce qu'il y en a dès le départ, certains dossiers, que ça prend une semaine puis c'est classé. Mais prenons le dossier que, nous, nous conduisons jusqu'en citation. Bon. C'est ça. Alors, les délais sont d'environ 13 mois, et, par la suite, il y a les délais d'audition devant le Comité de déontologie qui se rajoutent à cela. Et évidemment, s'il y a appel par une partie ou par l'autre, ça rajoute encore le délai d'appel.

M. Paquin: Ce 13 mois là, c'est une durée stable? Ça a tendance à s'accroître? Ça reste pareil?

M. Racicot (Denis): D'abord, je tiens à vous dire que c'est une moyenne de tous les dossiers qui ont été cités à date. On a fait l'exercice tout récemment, ça se maintient. Nous avons mis certains processus administratifs pour tenter de les améliorer. On fait face à des problèmes évidemment ponctuels. On parlait du nombre d'enquêteurs tantôt. Parmi les effectifs qu'on a, il y en a deux, entre autres, qui depuis un an ne travaillent pas comme tel et ne sont pas remplacés. J'ai trois commissaires adjoints qui peuvent prendre des décisions. Depuis un an, j'en ai une qui est pratiquement toujours en congé de maladie, alors il m'en reste deux. Alors, ça occasionne des délais. Mais ça se maintient, et je dois vous dire que ça se maintient depuis le début de l'existence du système, le 1er septembre 1990.

M. Paquin: Vous mentionniez tantôt qu'un fait, par exemple, doit constituer un déni de justice important. On a coutume de dire aussi qu'un délai trop long, ça peut constituer un inconvénient. Une fois que la plainte a été faite par le citoyen, c'est certain qu'il reste intéressé à savoir l'issue du processus, mais, pour le policier qui est en cause, 13 mois, c'est long.

Est-ce que, de votre avis, c'est une durée raisonnable? Est-ce qu'il y a lieu, sur une base... de dire, là, pour améliorer la qualité de la justice – en ce sens qu'un délai trop long, c'est un peu dénier la justice... Est-ce que, selon vous, 13 mois, c'est quelque chose de normal, d'acceptable? Dans des organismes comparables, c'est le délai que ça prend, ou est-ce qu'il y aurait lieu de resserrer ces échéances-là?

M. Racicot (Denis): Je vous dirai que, si on pouvait avoir les délais les plus courts possible, je serais plus content, je pourrais partager ma joie avec beaucoup de monde. Est-ce que ça constitue un déni de justice? Écoutez, à date, il n'y a pas de décisions qui nous disent que ça constitue un déni de justice. Mais, vous savez, le système fait place actuellement, donne beaucoup de place au citoyen. Quand, dans un système comme le nôtre, par exemple – et je ne m'en plains pas, je constate – le citoyen peut faire réviser à une ou deux reprises nos décisions, il y a des délais inhérents à cela. Si la révision, exemple, pour le Comité, c'est un délai de deux mois ou de trois mois avant qu'on puisse rencontrer la personne pour que ça se fasse, je suis retardé d'autant si, en bout de ligne, le Comité m'ordonne de continuer ce que j'avais décidé de cesser. Bon.

Il y a la conciliation aussi qui intervient. À toute étape des procédures, lorsque le dossier s'y prête et que les parties y consentent, nous incitons les gens à se concilier. Nous avons un conciliateur qui se déplace partout au Québec et qui rencontre le plaignant ou la plaignante et le policier concerné autour d'une table, un peu comme on fait ici aujourd'hui, pour voir si on ne pourrait pas régler le problème sans qu'il soit nécessaire d'aller plus loin. Il y a un délai à ce qu'on puisse réunir les gens pour faire la conciliation. Parfois, c'est le plaignant qui a des disponibilités restreintes; les policiers ont aussi des disponibilités restreintes, compte tenu qu'autant que possible on essaie de les rencontrer lorsqu'ils sont sur leur quart de travail pour empêcher ou éviter qu'il y ait du surtemps de payé. Alors, si, en bout de ligne, la conciliation échoue, on doit continuer où on était rendu.

Évidemment, ce n'est pas dans tous les dossiers; il y a d'autres choses qui interviennent aussi. Dans certains dossiers, on retarde volontairement la décision finale parce que le dossier est lié, qu'on le veuille ou non, à d'autres procédures qui cheminent. Si on peut faire des illustrations – je pense que je ne trahirai pas de secrets et qu'ils sont très bien connus – pensons, par exemple, à l'affaire Barnabé. Il y avait une plainte chez nous; il y avait aussi des poursuites criminelles qui cheminaient concernant ces policiers. Alors, volontairement, nous nous sommes retirés temporairement, pour deux raisons: un, pour pouvoir bénéficier d'abord de l'enquête judiciaire que constitue une poursuite criminelle où il y a des témoins qui sont entendus sous serment; et, d'autre part, pour éviter des conflits, des conflits entre enquêteurs et des conflits aussi de procédures.

(17 heures)

Vous imaginez facilement qu'un plaignant dont l'événement a donné lieu à plusieurs poursuites de nature différente, qui rencontre le lundi matin un enquêteur en déontologie, qui, le mardi après-midi, rencontre un enquêteur policier en matière criminelle, quand, une journée après, ce n'est pas l'enquêteur qu'un accusé a retenu, ça engendre de la confusion. Et il nous apparaît que le droit criminel est d'ordre public et qu'il doit avoir préséance. Ça intervient dans certains dossiers. Nous nous retirons temporairement et, par la suite, nous agissons. C'est ce qui est arrivé dans Barnabé: une fois le verdict connu en première instance par la cour criminelle, nous avons repris le dossier, nous nous sommes accaparés de l'information qui a été divulguée lors de ce procès, pour finalement citer des policiers en déontologie, et il devra y avoir procès. Alors, c'est sûr que, dans un dossier comme celui-là, il faut s'attendre à des délais très importants. Ce ne sont pas tous des dossiers de ce genre-là, j'en conviens; et, dans certains dossiers, il y a des délais qui, de par le système, sont indus, j'en conviens.

Et je pense que M. Perreault, lorsqu'il a donné mandat à M. Corbo d'examiner la question, c'était pour lui une préoccupation, et c'en est une pour nous. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec lui pour lui faire part qu'il y avait des difficultés au niveau des délais, et M. Corbo aura à faire des représentations à cet égard. Et, effectivement, on doit se poser la question: Est-ce que c'est nécessaire de sortir l'artillerie lourde à chaque fois? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de faire autrement pour permettre de sauvegarder les intérêts du plaignant et du policier? Ce sont des questions qui se posent, et c'est l'exercice qui est entrepris actuellement et auquel nous avons participé activement. Et, moi, en ce qui me concerne, je n'ai pas de problème à remettre en question certains aspects du traitement actuel prévu par la loi; c'est possible de faire mieux. C'est ce qu'on va voir.

M. Paquin: Et peut-être selon la nature des plaintes, là. On voyait tantôt les différents types d'articles qui ont pu être enfreints. Donc, dans certains cas, ça pourrait se prêter facilement à une conciliation plus rapprochée du début du processus; dans d'autres cas, la conciliation peut peut-être même ne pas être envisagée parce qu'il s'agit de fautes trop graves.

Par rapport au nombre de dossiers qui sont amenés en conciliation, vous évaluez le succès de cette démarche-là comme étant élevé, moyen, faible?

M. Racicot (Denis): Si vous me permettez quelques instants, je vais être en mesure de vous donner le chiffre précis, en tout cas le pourcentage précis depuis l'existence du bureau du Commissaire.

M. Paquin: Et, au-delà des chiffres, j'aimerais savoir si vous trouvez que c'est satisfaisant, si ça donne du rendement, si ça vaut la peine de faire ça ou pas.

M. Racicot (Denis): Depuis l'existence du bureau du Commissaire, si on se place environ au 1er septembre, là, une plainte sur cinq a donné lieu à des offres de conciliation. Et, en bout de ligne, une plainte sur 12 a été résolue grâce à la conciliation. Alors, on peut établir en gros que, lorsque nous offrons la conciliation aux parties, nous avons un taux de succès d'environ 50 %. Je tiens à préciser, pour bien se comprendre, qu'il n'y a pas nécessairement de séance de conciliation. On l'offre aux parties, et les parties, souvent, nous manifestent leur refus.

Parce que vous parliez de catégories de plaintes tantôt, de catégories d'infractions. Lorsqu'on regarde de l'extérieur ces plaintes-là, on peut, si on porte un jugement rapide, là, se dire: Bien, coudon, c'est banal, c'est plus ou moins important. Je vous dirai que, à ma grande surprise, lorsque j'ai entamé ce travail, ce que nous, ou quelqu'un, un observateur pourrait considérer comme étant un incident banal, il est étonnant de voir comment, pour le plaignant, ce n'est pas banal. Par exemple, on va parler de politesse ou des choses semblables. Pour le citoyen, c'est peut-être à peu près son seul contact, au cours d'un certain nombre d'années, avec un policier. C'est un citoyen, par ailleurs, à peu près sans reproches, c'est le payeur de taxes, c'est celui qui paie le salaire du policier, le contribuable, il a droit au respect. Et, pour lui, sa plainte est très importante même si, comparé à d'autres, on peut voir là un incident objectivement, en théorie, qui apparaît moins important.

On voit que les citoyens, dans le fond, aussi se plaignent chez nous pour participer à un exercice de contrôle de qualité de sa police. C'est étonnant, et ça a été pour moi une révélation de voir jusqu'à quel point, pour certaines personnes, c'est très important. Alors, oui, on peut traiter des plaintes différentes de manière différente, mais il demeure qu'il faut apporter une attention particulière à chacune des plaintes. Pour le citoyen qui prend le temps de nous écrire pour se plaindre, c'est important.

Maintenant, on voit que chez les plaignants, ils sont tout aussi étonnés de voir que ça engendre un processus parfois lourd compte tenu des reproches qu'ils adressent au policer. Ça aussi, on constate ça. Des fois, certains plaignants vont nous dire: Écoutez, là, on voulait juste vous le dire, ce qui s'était passé, on voulait juste vous informer, on voulait juste que le policier se fasse dire par son boss de faire attention, on ne voulait aller devant le Comité de déontologie, commencer à témoigner, etc. Ce sont des choses que les gens nous disent et auxquelles on est sensibles. Actuellement, on a le système de conciliation qu'on peut leur offrir, qui peut permettre, là, au policier puis au citoyen d'échanger sur l'incident dans l'espoir d'y mettre fin. Même pour certains citoyens, le processus de conciliation est aussi difficile à accepter que d'autre chose; souvent, ils veulent simplement nous en informer.

Notre rôle aussi, à certains égards, est plus ou moins bien compris. On a quand même un rôle passablement restreint en vertu du Code de déontologie. Il y a des citoyens qui s'adressent à nous parce qu'ils veulent faire annuler leur constat d'infraction. Il y a des citoyens qui s'adressent à nous parce qu'ils veulent être indemnisés parce qu'il y a eu une perquisition puis que leur porte a été brisée. Alors, on est obligé de leur dire: Bien, écoutez, là, à cet égard-là, vous ne pouvez pas vous adresser à nous. Mais on voit que notre rôle de surveillance de la conduite d'un policier à l'égard d'un citoyen, pour de nombreux citoyens, est beaucoup plus large. Et, souvent, on nous parle: Dites à votre policier telle chose. Ce ne sont pas nos policiers. On n'est pas directeurs d'un corps de police. Il y a toute cette dynamique-là aussi qui s'instaure et qui engendre chez les citoyens, je vais vous dire, certaines frustrations lorsqu'on leur dit: Bien, écoutez, on n'a peut-être pas la juridiction pour traiter votre plainte.

Mais, pour revenir à ce qu'on disait, la conciliation... Lorsqu'on réussit à asseoir les personnes, on réussit à avoir de bons résultats. La différence de succès entre l'offre de conciliation et, finalement, la fermeture du dossier par une conciliation repose beaucoup plus sur le fait qu'une partie ou l'autre refuse de se livrer à ce processus-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue. Dans vos remarques préliminaires, vous avez mentionné les policiers qui vont en milieu autochtone. Et je sais qu'il y a plusieurs modèles de corps de police autochtone à travers le Québec. Il y a la police amérindienne, il y a les ententes avec plusieurs conseils de bande pour se doter d'un corps de police par communauté, il y a une police régionale chez les Inuit, et tout ça. Vous avez dit: Il y a une majorité. C'est qui, les policiers qui ne sont pas couverts par notre système de déontologie?

M. Racicot (Denis): De façon précise, il est difficile pour moi de vous répondre aujourd'hui, puis je pourrais vous donner une réponse plus précise si vous me permettez. Mais le statut de constable spécial – parce que les policiers qui oeuvrent en milieu autochtone, ce sont des constables spéciaux – est prévu par la Loi de police. Je pourrais vous répondre: Ce sont ceux qui sont désignés constables spéciaux en vertu des dispositions de la Loi de police. Bien, là, je comprends que ça ne répond pas à votre question. Mais je peux vous dire que ce qu'on appelle «la police amérindienne», celle de Pointe-Bleue, on se comprend bien, ce sont des constables spéciaux. Ceux qui oeuvrent... la police régionale de Kativik, ce sont des constables spéciaux. Il y a une entente particulière concernant Kanesatake...

M. Kelley: Kahnawake.

M. Racicot (Denis): ...il y a une entente particulière à cet égard-là, qui est reconduite de six mois en six mois, où on dit qu'on a juridiction pour agir chez ces policiers. Disons que c'est à la mesure des ententes qui interviennent entre les communautés et le ministère de la Sécurité publique sur la reconnaissance d'un corps policier. Donc, ils deviennent sous notre juridiction à ce moment-là. On est à la remorque de ces reconnaissances-là, et il y en a eu passablement au cours de la dernière année. Et je pourrais vous dire que tout ce qu'on peut appeler, entre guillemets, policiers autochtones et constables spéciaux, ils sont de notre juridiction, mais je pense que maintenant on en a une bonne majorité.

(17 h 10)

M. Kelley: Oui. Plus spécifiquement dans l'entente à Kahnawake. Parce que, quand j'ai travaillé au cabinet du ministre de la Sécurité publique dans le gouvernement précédent... La question de déontologie est très compliquée, parce qu'on a à la fois la question des non-autochtones qui travaillent sur la réserve à Kahnawake, qui sont policés par les Peacekeepers, et tout ça. Alors, est-ce qu'on a des exemples concrets de personnes qui avaient porté plainte contre les membres des Peacekeepers? Et est-ce que vous avez réussi à mener les enquêtes sur ces personnes?

Et, deuxièmement, est-ce que vous avez reçu des plaintes des membres de la communauté mohawk de Kahnawake, de l'intérieur de la réserve, contre la police? Et est-ce que vous avez réussi à donner suite aux plaintes qui sont formulées?

M. Racicot (Denis): Avant l'entente qui est intervenue, je vous dirais – écoutez, là, je parle de mémoire – peut-être il y a un an ou moins d'un an, environ, là, nous n'avions pas juridiction. Et les plaintes qu'on pouvait recevoir, peu importe leur provenance, étaient référées au conseil de bande de cet endroit. Depuis que l'entente est intervenue puis que nous avons juridiction sur ces policiers, ou ces constables spéciaux, de mémoire, nous avons reçu une plainte. Puis je ne pourrais pas vous dire... De mémoire, elle ne présente pas de caractère particulier, et, bon, elle est traitée. Je ne pourrais pas vous dire où elle en est rendue exactement, là, mais elle est traitée. Donc, en fait, on a juridiction depuis peu. Et, depuis qu'on a juridiction, on a eu très peu de plaintes: on en a eu une.

M. Kelley: Mais avez-vous une liaison soit avec ce conseil de bande ou les Peacekeepers? Comment ça fonctionne? Parce que je pense que, dans l'entente, c'était prévu d'établir une certaine liaison entre le bureau du Commissaire et la communauté. Est-ce que nous avons réussi à mettre ça en place ou est-ce que c'est à venir? Parce que je sais que c'est toujours une entente controversée. Je pense que le gouvernement a refusé de payer le dernier montant qui est dû à la communauté. Alors, j'aimerais savoir si on a réussi à établir une liaison ou est-ce qu'il y a des représentants mohawks chez vous? Comment ça fonctionne?

M. Racicot (Denis): En ce qui nous concerne, nous, le bureau du Commissaire, la seule obligation que nous avions en fonction de cette entente-là était de mettre en place une unité administrative dans la communauté afin de pouvoir faire les enquêtes qui pourraient nous être demandées par les citoyens, comme tout autre corps de police. Il n'y a aucune particularité concernant cette entente-là et notre bureau.

Nous avons, dans le mois suivant l'entente, effectivement procédé à la création et à la formation d'une unité administrative. Le gouvernement a adopté un décret en conséquence. Et, nous, si demain matin, on avait une plainte, ou deux, ou trois plaintes à confier à l'enquêteur à cet endroit, on est fonctionnel. Il y a – et peut-être de là la méprise – de mémoire toujours, je ne l'ai pas avec moi, dans cette entente-là une disposition à l'effet que le Comité de déontologie policière, lui, devra, lorsqu'il entendra des citations en provenance de cette communauté, s'adjoindre des membres de la communauté. Mais cette obligation-là relève du Comité de déontologie policière, qui n'est pas notre organisation. Je sais qu'elle est existante, et c'est peut-être le sens de votre question, si vous me permettez, mais, nous, on n'avait pas d'obligation particulière hormis celle de pouvoir répondre aux demandes d'enquêtes qui seraient recevables et que nous pourrions recevoir de la part des citoyens soit membres de la communauté ou soit des gens hors communauté qui ont circulé à l'intérieur de la communauté puis qui ont eu affaire avec les policiers de l'endroit.

Mais on n'avait pas d'autre obligation, en ce qui nous concerne. Elle est remplie. Nous sommes capables de fonctionner demain matin sans aucune difficulté.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. M. Racicot, à la page 31, lorsqu'on fait le résumé des interventionseffectuées par le Commissaire, vous faites des recommandations et des observations à la suite de plaintes qui ont pu être rejetées par le Commissaire. Moi, je suis un peu troublé de voir qu'une plainte puisse être rejetée.

Et, d'autre part, vous énumérez une série de faits, ou de comportements plutôt, qui, à mon avis, peuvent constituer, si on les prend, là, au sens commun, dans la vie de tous les jours... Si un citoyen, par exemple, tenait des propos menaçants à l'égard de qui que ce soit, il serait sujet à une poursuite criminelle. Et on observe à la page 31 que des propos menaçants... une plainte peut être rejetée, mais on va lui faire des remarques à ce sujet-là. Je parle des propos menaçants, on parle de la maîtrise de soi, en tout cas toute la série qui est là, que vous expliquez dans les pages plus loin. Moi, je me pose des questions et j'aimerais ça que vous nous donniez des explications, parce que j'ai de la difficulté à comprendre qu'il y ait des recommandations sur un comportement, à la suite du rejet d'une plainte, et qu'on puisse faire une énumération de types de comportements.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Racicot.

M. Racicot (Denis): D'abord, le fondement est à l'article 82 de notre loi, qui dit que, lorsqu'on rejette une plainte, le Commissaire peut communiquer, etc. Et je ne pourrai pas aujourd'hui vous répondre à chacun des items énoncés là.

Prenons les écarts de langage à bannir de leur vocabulaire, par exemple le tutoiement. Le tutoiement peut être offusquant pour certaines personnes, et le ton avec lequel on l'utilise peut également offusquer le citoyen. Toutefois, il a été déterminé que ça ne constituait pas une dérogation au Code de déontologie que de tutoyer. En soi, ce n'est pas dérogatoire, ça dépend si on accompagne ça d'autres propos puis, bon, d'un paquet de contextes, etc.

Je peux profiter de l'occasion pour rappeler aux policiers que le tutoiement – et mon prédécesseur avait fait plusieurs remarques à cet égard – était non souhaitable et qu'il pouvait conduire à des écarts de langage plus prononcés parce qu'on établissait une relation un peu particulière en tutoyant. C'est une illustration que je peux vous donner. Pour chacun des propos, il faudrait que j'aille regarder chacun des avis qui ont été donnés pour vous répondre adéquatement.

M. Lelièvre: Lorsque vous parlez de propos menaçants, un petit peu plus bas dans ce rapport-là...

M. Racicot (Denis): Oui.

M. Lelièvre: ...le manque de maîtrise de soi, bon, moi, j'ai des... Je vais vous dire, répondre à des menaces par des menaces également... J'ai de la difficulté à comprendre comment une plainte puisse être rejetée, mais en même temps qu'on lui dise: Bien, écoute, la prochaine fois, retiens-toi sur tes menaces, maîtrise-toi puis, en plus de ça, ne réponds pas par des menaces si on te menace. Alors, vous savez aussi bien que moi, je pense, que, quand quelqu'un est frappé, il est justifié de frapper son agresseur.

M. Racicot (Denis): Il faut voir dans «propos menaçants»... Il faut se placer dans la perspective du citoyen. Ce ne sont pas nécessairement des menaces prohibées au sens du Code de déontologie. L'illustration: le policier qui dirait par exemple à un citoyen – excusez-moi, là, je vais utiliser l'expression qu'ils utilisent: «Watch»-toi, on t'a à l'oeil! Le citoyen se plaint à nous, il dit: J'ai été menacé par des policiers. Qu'il perçoive ça comme étant des propos menaçants, j'en conviens, mais, lorsqu'on regarde le Code de déontologie, je ne peux pas dire nécessairement qu'il y a de la preuve ou que ça constitue un manquement déontologique au sens du Code de déontologie.

Alors, il y a des situations où on est sur la ligne, là, quelque part et, par contre, on n'est pas satisfait de tout simplement rejeter, parce que ça pourrait laisser croire au policier que sa conduite est irréprochable au sens général du terme, pas nécessairement au sens déontologique du terme. Et on profite de l'occasion pour lui rappeler que ce n'est peut-être pas des propos à tenir. C'est une illustration.

Mais, pour être plus précis, comme je vous dis, il faudrait que j'aille voir chacun des avis pour illustrer de façon précise ce que vous me demandez. Mais l'article 82, qui permet de faire ce genre de remarques là, ne se substitue pas à une citation devant le Comité de déontologie, en aucun temps. Pour rejeter, on vous réfère à l'article 74, qui énonce les motifs pour lesquels on peut rejeter une plainte, et on se doit d'abord d'examiner si on rejette ou si on cite. Si notre conclusion est à l'effet qu'on se doive de rejeter pour les raisons énumérées à l'article 74 et que, néanmoins, on comprend que le citoyen, lui, ait perçu, de la façon dont il nous le décrit, l'attitude ou les propos du policier... on ne se contente pas de rejeter, on se permet de dire au policier: Bien, écoute, on a rejeté, mais ça ne veut pas dire qu'on est nécessairement d'accord avec l'attitude que vous avez eue, dans ce dossier-là, à l'égard de ce citoyen-là.

(17 h 20)

Mais ce ne sont pas toutes les attitudes qui relèvent du Code de déontologie non plus. Alors, ça ne remplace pas le rejet. Et la façon dont c'est énoncé dans le rapport annuel d'il y a deux ans, 1994-1995, ça peut laisser croire ce que vous y avez perçu, mais – et d'ailleurs notre décision de rejet... Même si on a informé le policier, on avait quand même des commentaires à faire sur sa conduite. Je vous rappelle que cette décision-là peut être révisée par le Comité, à l'effet qu'on a rejeté, et, si on a fait erreur ou que le Comité pense qu'on a fait erreur, il va nous ordonner de citer. Alors, on est surveillé à cet égard-là, et le citoyen dispose d'un recours. Mais ça ne remplace pas la citation, il ne faudrait pas y voir ça.

Mais vous savez, parfois, la réalité dépasse ce qu'on peut penser qu'il peut se produire, et on ne veut pas laisser aller, nous, des comportements qui nous apparaissent, néanmoins, incorrects, même s'ils ne sont pas dérogatoires au Code de déontologie. Et c'est le pouvoir qu'on nous donne en vertu de l'article 82.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Au niveau de l'article 74, le Commissaire peut, pour cause, réviser une décision. Maintenant, est-ce que c'est arrivé que vous avez eu des demandes à cet effet-là? Je ne sais pas si mon collègue de Saint-Jean avait abordé ce sujet-là, mais la révision pour cause, est-ce que ça a été beaucoup utilisé au niveau du commissaire?

M. Racicot (Denis): C'est très peu utilisé parce que le citoyen, lui, dès qu'on rejette une plainte, en vertu de la loi, on l'informe que, s'il n'est pas satisfait – c'est la loi qui nous oblige à le faire – il peut s'adresser au Comité pour aller en révision de notre décision. Alors, en fait, de par la loi, même si nous avons cette mention-là à l'article 74, on dirige immédiatement le plaignant vers le Comité, qui, lui, révise notre décision. Alors, c'est pour ça que c'est très peu utilisé. Ça pourrait être utilisé dans certains cas où le citoyen nous demanderait de réviser notre décision alors que les délais pour aller en révision, par exemple, devant le Comité, sont expirés, mais c'est très peu, très peu utilisé, à cause du recours dont il dispose vis-à-vis du Comité de déontologie policière, qui est chargé de réviser cette décision-là.

M. Lelièvre: On indique dans l'article «pour cause»: ça peut être une erreur manifestement apparente, une erreur de date, une erreur de... Mais avez-vous d'autres exemples... Est-ce que le Commissaire a déjà utilisé ce pouvoir-là, lui, de sa propre initiative, pour réviser des décisions?

M. Racicot (Denis): Moi, personnellement, étant en fonction depuis le 1er septembre 1995, je ne me rappelle pas d'avoir révisé de décision au sens de l'article 74, non. Ça pourrait être l'apparition de faits nouveaux, par exemple vous parliez d'hypothèses, ça pourrait être ça, des fois, des faits nouveaux qui surgissent.

M. Lelièvre: Vous m'excuserez si ça m'échappe, vos décisions sont-elles publiées et publiques?

M. Racicot (Denis): Pas les nôtres. Celles du Comité, oui. Le Comité étant le tribunal, les auditions, les audiences sont publiques, mais nous, non, elles ne sont pas publiées. Et c'est avec discrétion que les dossiers sont traités, car il y apparaît qu'on doive motiver les décisions, y apparaissent des renseignements concernant des personnes, etc. Parce qu'on doit résumer notre enquête, ce qu'elle nous a révélé, et ça nous oblige à mentionner spécifiquement certaines choses. Et je ne suis pas convaincu que les citoyens, par exemple, qui se sont prêtés à l'exercice de nous révéler ce qu'ils avaient constaté seraient d'accord pour voir publier ainsi nos décisions. Mais la loi ne prévoit pas ça; nous sommes soumis à la loi d'accès à l'information, comme tout autre organisme.

M. Lelièvre: Donc, en enlevant les renseignements nominatifs, théoriquement, elles seraient accessibles?

M. Racicot (Denis): On a des demandes d'obtention de certains rapports, et elles sont traitées, évidemment, au mérite, en vertu de la loi; et la Commission d'accès, évidemment, siège en révision, là aussi, de nos décisions.

M. Lelièvre: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Gaspé. M. le député de Frontenac. J'ai aussi, par la suite, une demande d'intervention de Mme la députée de La Pinière.

M. Lefebvre: Me Racicot, vous avez tout à l'heure indiqué qu'il y a deux de vos enquêteurs qui sont encore sur la liste de paie, mais qui ne sont plus au travail. De qui on parle, Me Racicot?

M. Racicot (Denis): Les noms?

M. Lefebvre: Oui, s'il vous plaît.

M. Racicot (Denis): Il y a M. Vanier et M. Truchon.

M. Lefebvre: C'est quoi, la situation de ces deux messieurs, Vanier et Truchon?

M. Racicot (Denis): Ce sont des gens qui abordent leur retraite et qui ont des vacances, par exemple, qui n'ont pas été prises dans le passé ou des congés de maladie qui ont été accumulés. Ce sont tout simplement les dispositions normales qu'on retrouve à l'égard des fonctionnaires qui abordent leur retraite après de nombreuses années au service du gouvernement, de l'État. Alors, il n'y a pas de particularités concernant ces deux personnes là, hormis celles dont bénéficient tous les fonctionnaires.

M. Lefebvre: Est-ce que le cas de l'enquêteur M. Pierre Dugal est réglé?

M. Racicot (Denis): Non. Le cas de M. Dugal n'est pas réglé. M. Dugal a déposé plusieurs griefs, mais le principal, celui qui concerne le fait que je l'ai suspendu de ses fonctions pendant 30 jours l'an passé, l'audition du grief doit se faire le 3 décembre, dans 15 jours, le 3 décembre prochain. Maintenant, M. Dugal, à l'heure actuelle, entre-temps, est localisé aux Services correctionnels.

M. Lefebvre: Il est payé par la déontologie?

M. Racicot (Denis): Il est sur mon budget, oui.

M. Lefebvre: Sur votre budget à vous?

M. Racicot (Denis): Oui.

M. Lefebvre: Plus ou moins 60 000 $ par année, pour se situer?

M. Racicot (Denis): Environ, c'est exact.

M. Lefebvre: Et il est suspendu depuis novembre 1995.

M. Racicot (Denis): M. Dugal a été suspendu pour un mois, de mémoire, le 20 ou 21 décembre 1995. Et, à ce moment-là, lorsque je l'ai rencontré, il avait été convenu, de part et d'autre, qu'on tenterait de le localiser dans un autre organisme et qu'entre-temps M. Dugal ne se présenterait pas au travail. Alors, de nombreux autres efforts ont été faits pour transférer M. Dugal, poste et crédits, et il n'a pas eu les résultats escomptés. Finalement, il a été prêté aux Services correctionnels du Québec.

M. Lefebvre: Depuis quand travaille-t-il aux Services correctionnels?

M. Racicot (Denis): Je vous dirais environ un mois. Je n'ai pas la date précise avec moi, M. Lefebvre, je m'excuse, mais environ un mois.

M. Lefebvre: Ce qui veut dire que, pendant une période de plus ou moins 10 mois, M. Dugal a été sur votre masse salariale, assis chez lui?

M. Racicot (Denis): C'est exact.

M. Lefebvre: Et vous me dites également, Me Racicot, que M. Dugal a déposé un grief pour... j'imagine que l'objectif de son grief, c'est d'être réinstallé dans ses fonctions chez vous.

M. Racicot (Denis): Il y a plusieurs griefs. Le premier concerne la mesure de suspension de 30 jours, qui était la première mesure que nous avions prise. Et le fait qu'il a été localisé aux Services correctionnels, il a également déposé un grief à cet égard-là. Entre ces deux griefs là, qui sont les deux principaux, il y en a une série d'autres concernant des choses comme des frais de déplacement, parce qu'il avait été assigné à se présenter devant différents tribunaux par des tiers, des choses semblables.

M. Lefebvre: Est-ce que l'affaire Barnabé, tel que prévu, sera entendue à partir de janvier qui vient?

M. Racicot (Denis): Je n'ai pas la date précise à laquelle elle doit avoir lieu. Dans l'affaire Barnabé, à l'heure actuelle, il y a eu plusieurs conférences préparatoires afin de déblayer le terrain pour voir exactement ce qui était contesté, ce qui ne l'était pas et comment on pourrait fonctionner le plus rapidement possible.

M. Lefebvre: C'est énorme pour votre Comité, ça, là.

M. Racicot (Denis): Pour nous aussi, là...

M. Lefebvre: L'affaire Barnabé, pour votre équipe, votre structure, c'est énorme. On parle de 10 policiers qui doivent comparaître devant le Comité de déontologie. Ça doit vouloir dire pas mal de monde chez vous qui sont à préparer cette enquête-là, Me Racicot, et c'est la question que je vous pose: Vous avez combien de personnes qui sont là-dessus, l'affaire Barnabé? Quelles sont les échéances? Combien ça va coûter, tout ça?

(17 h 30)

M. Racicot (Denis): Chez nous, nous avons actuellement une avocate à qui a été confié le dossier, et j'ai affecté également une deuxième avocate à titre d'aide, à titre de support, compte tenu non seulement de l'importance, mais du travail que cela va nécessiter. Actuellement, le comité a été saisi de certaines requêtes des représentants des policiers; il doit rendre sa décision.

M. Lefebvre: Me Racicot, pour bien se situer, là, si vous permettez, quand, à titre d'exemple, un dossier comme celui de l'affaire Barnabé se retrouve devant le Comité de déontologie, quel est, à partir de ce moment-là, votre rôle à vous, de façon très spécifique, avant que le Comité de déontologie commence à tenir ses auditions? Et, à partir du moment où les auditions sont en marche, quel est votre rôle, comme Commissaire, vous qui avez travaillé sur le dossier avec votre équipe, avant que le Comité de déontologie soit saisi de l'affaire?

M. Racicot (Denis): Alors, nous avons d'abord fait l'enquête. Une fois que l'enquête a été faite, une commissaire adjointe a déterminé les citations qui devaient être déposées devant le comité; ça, ça a été fait. À ce moment-là, notre rôle c'est surtout au niveau des avocats que le travail se fait, c'est donc de faire un listing des témoins, préparer l'audition des témoins qui auront à témoigner dans cette affaire...

M. Lefebvre: Vous avez à supporter l'appréciation des faits que vous avez faite; autrement dit, vous avez à démontrer, devant le Comité de déontologie, s'il y a eu citation à la déontologie, que vous ne vous êtes pas trompés, de sorte que... Vous n'êtes pas le procureur, mais tout comme.

M. Racicot (Denis): Si vous faites un parallèle pour une chose que je connais très bien pour l'avoir faite pendant pratiquement 17, 18 ans, la comparaison avec le procureur de la couronne, substitut du Procureur général, elle est très précise. Pour qu'on se comprenne bien là, c'est exactement le même rôle: l'avocat bénéficie d'une enquête, il a maintenant à gérer les témoins, les faits qu'il présentera au soutien de nos citations, à répliquer aux demandes que les avocats des policiers vont soumettre au comité et puis peut-être devant d'autres instances judiciaires, et jusqu'à ce que le dossier ait été entièrement plaidé.

Dans un dossier comme ça – j'ignore, je ne peux pas faire de prévisions, je ne le sais pas – on peut s'attendre à ce que ça dure quelques mois, sinon plus; c'est un dossier qui est quand même assez lourd. Par exemple, on a aussi le dossier concernant l'affaire de Chambly, bon, qui devra aussi être passablement lourd à supporter.

M. Lefebvre: Il y a...

M. Racicot (Denis): Si vous permettez, ce serait en partie au détriment de certains autres dossiers, puis, nous, comme le comité, bien, à un moment donné, si on accorde plus de temps au traitement d'un dossier, bien, d'autres dossiers devront peut-être tarder un peu plus avant d'être traités. Ayant quatre avocats chez nous, je ne peux pas en envoyer plus que quatre à la fois dans les salles d'audience.

M. Lefebvre: Me Racicot, il y a, sauf erreur, quatre policiers qui ont porté le verdict en appel devant la Cour d'appel. C'est un appel sur le fond et pas seulement sur sentence, hein?

M. Racicot (Denis): Exact.

M. Lefebvre: Alors donc, il y a eu appel sur le fond, un appel sur le verdict. Est-ce que la règle ne veut pas que, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas disposé de l'appel, la déontologie attende?

M. Racicot (Denis): Nous, ce n'est pas notre attitude...

M. Lefebvre: Non?

M. Racicot (Denis): ...compte tenu des délais que ça implique. Nous avons pour attitude d'abord de laisser passer le procès en première instance.

M. Lefebvre: En première instance.

M. Racicot (Denis): En première instance. Il faut comprendre qu'un acquittement, par exemple, en matière criminelle, si on parle de façon générale, ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de citation en matière de la déontologie. Alors, en matière criminelle, le poursuivant doit faire une preuve hors de tout doute raisonnable. Quant à nous, nous devons faire une preuve par prépondérance.

M. Lefebvre: Prépondérance.

M. Racicot (Denis): Alors, on n'a pas le même niveau de preuve, ce qui peut conduire, soit le tribunal ou le comité, à des conclusions différentes sur quelque chose d'à peu près similaire.

Bon. Il y a un autre principe en droit criminel qui veut qu'il y ait perte de présomption d'innocence lorsque quelqu'un a été trouvé coupable en première instance. La Cour d'appel pourra rétablir son innocence si elle le désire, mais il n'y a plus de présomption d'innocence une fois qu'un premier verdict est rendu. Alors, nous appuyant sur ces principes-là, nous jugeons qu'il y a lieu maintenant, pour nous, d'entreprendre, là, devant le comité, notre processus. Il va de soi que les policiers ou les avocats des policiers peuvent, dans un cas particulier, voir un intérêt à attendre le verdict de la Cour d'appel. Ça sera au comité, si c'est plaidé au comité, à en disposer.

M. Lefebvre: Oui. Autrement dit, le Comité de déontologie peut se voir soumettre par les avocats des policiers que la Cour d'appel devrait se prononcer sur l'appel avant que la déontologie procède.

M. Racicot (Denis): C'est exact.

M. Lefebvre: On peut s'attendre à ce que ça soit plaidé devant la déontologie. On ne veut pas...

M. Racicot (Denis): Disons qu'on ne nous annonce pas tout, là, mais...

M. Lefebvre: Oui, oui. Je vous comprends.

M. Racicot (Denis): ...disons que, soit dans ce dossier-là ou dans d'autres dossiers, dans une situation semblable, ce sont des choses qu'on peut, nous, plaider. Ça a déjà été plaidé dans certains dossiers. Bon. Là, ça dépend de chacun des cas. Il peut y avoir des situations particulières qui font qu'une requête comme ça soit reçue, alors que dans un autre cas elle ne sera pas reçue.

M. Lefebvre: Est-ce que vous êtes capable de gérer l'affaire Barnabé à même vos budgets réguliers, Me Racicot? Et il devrait y avoir une question préliminaire: Ça va coûter combien pour le Comité de déontologie, là, grosso modo, l'affaire Barnabé?

M. Racicot (Denis): Au niveau des coûts, c'est très difficile pour moi d'évaluer ça parce qu'il y a des coûts qui ne relèvent pas de moi. Le coût de défense des policiers impliqués et peut-être de policiers témoins – qui, en vertu de leur convention collective, ont droit à être défendus par des avocats, ce sont leurs conditions de travail – je ne peux pas vous dire combien ça peut coûter pour eux.

M. Lefebvre: Non, mais pour votre équipe à vous, là?

M. Racicot (Denis): Pour moi, là, à ce stade-ci, tout dépendant du rythme auquel les auditions vont se dérouler, s'il n'y a pas trop d'embûches de parcours, s'il n'y a pas trop de recours en Cour supérieure, etc., écoutez, je vais peut-être occuper l'équivalent d'un avocat ou d'une avocate, quoi, la moitié d'une année, peut-être quelque chose de ce genre-là, ce qui peut représenter la moitié d'un salaire avec un peu de support technique.

M. Lefebvre: Plus les frais de location de salles et ainsi de suite qui sont...

M. Racicot (Denis): Bon. Là, si vous ajoutez à cela des coûts qui relèvent du Comité de déontologie...

M. Lefebvre: Oui, oui, oui.

M. Racicot (Denis): Là, nous, en ce qui nous concerne, nous plaidons nos causes dans les locaux qui appartiennent au Comité de déontologie. Exceptionnellement, lorsqu'une salle n'est pas suffisamment grande, il peut arriver qu'on utilise des salles qu'on retrouve dans les palais de justice, qui sont des salles plus grandes que celles dont le comité dispose. Mais je ne pourrais pas vous répondre pour le comité. C'est sûr que ce sont des coûts très importants, j'en conviens très facilement. On espère être capables d'assumer nos responsabilités à l'intérieur même de l'enveloppe qui nous est octroyée. C'est le défi qu'on a.

M. Lefebvre: Dans le même ordre d'idées, Me Racicot, dans l'affaire Matticks, on le sait, là, on ne reviendra pas là-dessus, on en a tellement parlé et on aura l'occasion d'y revenir évidemment, là, on est dans une période d'attente du ministre, comme dans bien d'autres dossiers d'ailleurs. Dans l'affaire Matticks, quatre policiers ont été acquittés, sauf erreur, mais ils ont cependant été cités à comparaître devant le Comité de déontologie. Compte tenu de la décision du premier ministre, et non pas du ministre, de décréter une enquête publique à la Sûreté du Québec, est-ce que... Ça, c'est de l'«inside», ça, Me Racicot. Ha, ha, ha! C'est entre nous, ça.

Une voix: Abstenez-vous.

M. Lefebvre: Qu'est-ce qui va arriver, là? Ils sont cités à la déontologie, chez vous, et en même temps l'enquête publique va probablement se pencher sur l'enquête interne dans l'affaire Matticks, et peut-être plus que ça. Alors, vous, là, vous allez faire quoi avec tout ça? Vous allez attendre? L'affaire Matticks, c'est très différent de l'affaire Barnabé, sauf que ça se ressemble sur certains points.

M. Racicot (Denis): Dans l'affaire Matticks, actuellement, nous sommes toujours à l'enquête. Nous n'avons pas encore cité de policiers. Alors, nous sommes toujours à la recherche et à la vérification de certains faits pour pouvoir nous permettre de prendre des décisions. Compte tenu de la complexité de l'affaire, je ne peux pas vous dire quand nous serons en mesure de le faire. La question au sujet de l'enquête publique se pose pour savoir quel sera l'impact sur les décisions que, nous, nous avons à prendre. Je n'ai pas de réponse à vous donner aujourd'hui parce qu'on n'a pas été, comme tel, encore confronté, là, par exemple aux travaux qui pourraient commencer concernant cette commission-là, et ainsi de suite.

(17 h 40)

Je peux vous dire tout de suite que nos décisions de citer, par exemple, peuvent être modifiées en cours de route lorsqu'il apparaît des faits nouveaux, et ce n'est pas non plus tout le mandat de l'enquête publique qui est pertinent eu égard à la plainte en matière déontologique concernant l'affaire Matticks. Alors, il y a des choses qui ne sont pas d'intérêt pour notre enquête que, nous, nous avons à faire. Alors, nous avons l'intention de la conduire, mais c'est sûr que notre enquête rencontre évidemment certaines difficultés inhérentes à l'importance du dossier, et nous devrions être en mesure de prendre nos décisions, je pense, sans attendre le sort ou le résultat de cette enquête publique, là, qui va concerner évidemment des sujets qui ne sont pas concernés par notre enquête.

Évidemment, ça fait beaucoup de choses qui cheminent en même temps pour la même affaire. Mais, comme je me plais à le dire souvent: Vous savez, les policiers ont des responsabilités bien particulières, disposent de pouvoirs exceptionnels que la société leur confie pour combattre le crime. Comme tout autre professionnel, ils ont à répondre à différents niveaux de leurs actes, comme n'importe qui d'autre, par exemple si je suis membre du Barreau. Comme un avocat, par exemple, qui pourrait commettre une fraude dans l'exercice de ses fonctions, pourrait faire face à la justice criminelle, faire face aussi au syndic du Barreau et également être sujet à être poursuivi au civil. Alors, nous, on s'inscrit, pour les policiers, dans une comparaison semblable; on s'inscrit dans ces procédures-là. Et, nous, nous avons une plainte et nous devons, en vertu de la loi, traiter cette plainte-là. On tient compte de l'environnement. Comme, par exemple, lorsqu'on parle des plaintes criminelles à cette enquête publique là, quel impact aura-t-elle? C'est difficile pour moi de vous répondre aujourd'hui, ne sachant pas ce qui se dira là et ce qui se révélera là. Mais c'est sûr que ça fait deux choses à être menées de front.

M. Lefebvre: C'est parce qu'il y a vous, il y a le Comité de déontologie; c'est deux instances, entre guillemets, différentes, hein. Vous, vous faites votre enquête, mais, après, le Comité de déontologie pourrait décider de ne pas entendre votre plainte, compte tenu de l'enquête publique, de la garder en suspens. Autrement dit, ça ne relève plus de vous, Me Racicot, si je comprends bien la situation que vous décrivez. Éventuellement, ça pourrait ne plus relever de votre pouvoir. Autrement dit, vous pourriez arriver à la conclusion qu'il y a, oui, matière à citation à comparaître devant le comité de la déontologie, mais, subséquemment, c'est le comité qui aura à statuer.

M. Racicot (Denis): Vous avez raison. Une fois que nous avons saisi le comité, par citation des dossiers, il est le seul compétent pour entendre les représentations des parties et prendre les dispositions qu'il juge utile de prendre à l'égard de la conduite de la citation, décisions qui peuvent être révisées, évidemment, par la Cour supérieure à certains égards, on en parlait tantôt, par différents brefs. Mais c'est comme dans toute autre procédure quasi judiciaire ou judiciaire: une fois que les citations sont déposées, les décisions relèvent du Comité de déontologie. On est néanmoins partie, puisqu'on a l'occasion de faire valoir notre point de vue.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, je vous remercie, M. le Président. M. Racicot, il m'a été donné, dans les courtes années que j'ai vécues à venir jusqu'à date, de visiter plusieurs pays, et je pense qu'il y a bien des citoyens à travers le monde qui rêveraient d'avoir dans leur propre pays un code de déontologie policière comme celui que nous avons et également d'avoir un commissariat comme celui que nous avons. Je pense que ces choses-là doivent être dites. Je pourrais aller à bien des exemples et vous raconter les horreurs policières que j'ai pu vivre dans certains pays; je ne vais même pas identifier ces pays ni les continents où cela s'est produit. Mais, par contre, je me sens rassuré. Oui, c'est un fait qu'on n'est pas exempt de bavures; une, en particulier, a été citée par mon collègue de l'opposition. Mais, somme toute, ce n'est pas une raison pour arrêter, vous allez comprendre avec moi. Nous vivons une situation à maints égards nettement supérieure à d'autres pays.

Dans le Code de déontologie des policiers du Québec, je voyais la section II, les devoirs énormes de conduite du policier, et je lisais notamment: «Le policier ne doit pas faire usage d'un langage obscène, blasphématoire ou injurieux, omettre ou refuser de s'identifier par un document officiel alors qu'une personne lui en fait la demande.» Vous avez un troisième point, vous en avez un quatrième, qui, celui-là, m'importe énormément, qui est «poser des actes ou tenir des propos injurieux fondés sur la race, la couleur, le sexe, l'orientation sexuelle, la religion, les convictions politiques, la langue, l'âge, la condition sociale, l'état civil, la grossesse, l'origine ethnique ou nationale, le handicap d'une personne ou l'utilisation de moyens pour pallier cet handicap». Je pense qu'une clause comme celle-là était tout à fait normale. Ma collègue la députée de La Pinière partage sans aucun doute mon point de vue à ce niveau-là.

Maintenant, périphrase allez-vous dire, périphrase pour en arriver à vous raconter quelque chose, si vous ne le savez pas. Si vous le savez, tant mieux; si vous ne le savez pas, à ce moment-là, je vous poserai d'autres questions, parce que j'estime qu'il y aurait peut-être un rôle à jouer de la part de votre commissariat.

Il y a déjà plusieurs mois, la Table de concertation des gais et lesbiennes du Grand Montréal et le Centre communautaire des gais et lesbiennes de Montréal, deux organismes, vous le savez, qui sont situés dans la circonscription que je représente – je représente des hommes et des femmes qui sont tous égaux devant la loi – ont réussi à établir, et ça, je m'en félicite, une concertation on ne peut plus bénéfique avec la police de la Communauté urbaine de Montréal et notamment le représentant des postes 33 et 34, qui, géographiquement, gèrent le district appelé, dans le langage commun, «le village». Et cela m'est apparu tout à fait exceptionnel, puisque cela a permis, d'une part, de modifier des perceptions, de part et d'autre, entre soi, et de surcroît aussi de changer énormément de comportements. Et cette petite graine là qui a été mise en terre a fait pousser, en quelque sorte, je ne dirais pas que c'est devenu un arbre, puisque dans le temps c'est trop court, mais un arbuste qui déjà donne quand même de petites baies, si ce n'est pas des gros fruits, ce qui fait que ça sert d'école au niveau du territoire de la Communauté urbaine de Montréal.

Est-ce que vous étiez au courant de... Parce que, bon, vous vous rendez compte que je vous dis cela parce que, durant très longtemps, il y a eu absence de plaintes par peur de représailles et beaucoup de plaintes, aussi, au sujet du comportement des policiers lorsqu'il s'agissait de membres de cette communauté qui... Je ne vous ferai pas le panégyrique des injures utilisées – vous les connaissez comme moi – elles sont tout aussi disgracieuses les unes que les autres. Mais ce comportement-là a été modifié. Je ne sais pas si vous êtes au courant de cette expérience, Me Racicot.

M. Racicot (Denis): Oui.

M. Boulerice: Oui? Alors vous me dites que vous êtes au courant, j'en suis heureux. La Commission des droits de la personne du Québec, d'ailleurs, est au courant aussi et regarde la chose avec beaucoup d'intérêt. Vous êtes au courant, mais est-ce que votre commissariat, compte tenu de l'importance qu'il a dans notre système, s'est impliqué ou souhaiterait s'impliquer?

M. Racicot (Denis): Il faut d'abord vous dire que notre mandat est strictement de recevoir les plaintes des citoyens à l'égard du comportement de policiers. Nous n'avons pas, en vertu de la loi, de mandat soit d'éducation ou d'autre chose. Vous comprendrez, ce n'est pas que ça ne nous intéresserait pas. Compte tenu, évidemment, des ressources dont nous disposons, nous devons d'abord et avant tout les consacrer au mandat qui nous est confié par la loi.

(17 h 50)

Maintenant, à Montréal, j'ai une commissaire adjointe, qui s'appelle Me Marlene Jennings, qui est très près de ces communautés-là. Elle a, dans un dossier, récemment, entre autres, suite à – on peut appeller ça une descente – une intervention de la part des policiers de la CUM dans un bar de la périphérie dont vous me parliez, bon, réussi à asseoir ensemble des représentants de 30, 35, 40 plaignants et des représentants du corps de police de la CUM pour discuter de l'intervention. Et c'est une approche qui était au-delà de ce que la loi pouvait prévoir. Mais on a jugé que, dans ce cas-là, si on pouvait jouer un rôle pour concilier les gens de part et d'autre face à l'intervention qui a eu lieu puis qui a laissé des séquelles, semble-t-il, chez ces gens-là, on remplirait au-delà de notre mandat. Et c'est ce qu'on a fait et ça a donné les résultats escomptés dans ce cas particulier.

Nous sommes sensibles aussi à cela, parce que j'ai émis une directive à l'égard de la conciliation – on a parlé de la conciliation tantôt. On ne peut pas tout évacuer par la conciliation, hein, on en convient. Il y a des cas, je veux dire, qui doivent être traités autrement. Et la ligne directrice de cette directive-là, c'est que: hormis des circonstances exceptionnelles – et le bar dont je parlais, je pense, c'en était une – des reproches de ce genre-là ne peuvent pas être traités en conciliation. Il nous apparaît que ça représente un caractère particulier au point où la règle veut que ça aboutisse en citation. On n'est pas totalement réfractaire à ce qu'il y ait une conciliation, mais ça suppose une analyse qui nous permette de conclure que, oui, exceptionnellement, on peut concilier un dossier semblable.

Évidemment, il y va aussi du désir du plaignant: que désire-t-il comme intervention de notre part? Alors, notre volonté est souvent à la remorque de la volonté même du plaignant d'assumer l'entière responsabilité qui lui incombe jusqu'à la fin du processus. Mais disons qu'à cause des caractéristiques dont vous nous parlez, de façon générale, on est très, très prudent et même on n'est pas tellement enclin à concilier ces cas-là parce qu'on est d'avis que ce sont des paroles, des actes posés. Ce n'est pas sous le coup de l'émotion comme d'autres cas qu'on peut avoir; c'est un comportement, comme le sexisme peut en être un, et d'autres choses. Il ne nous apparaît pas qu'on puisse, dans notre société, là, accepter qu'un policier se comporte comme ça. C'est notre attitude face à ça. Mais on doit d'abord recevoir des plaintes pour traiter des cas.

M. Boulerice: Si vous me permettez une brève additionnelle, pour employer le langage parlementaire, M. Racicot. Sans pour autant participer pleinement dans le sens qu'on entend, n'estimez-vous pas que votre présence – quand je dis votre présence, je ne parle de votre personne, mais d'un représentant du commissariat, ne serait-ce qu'à titre d'observateur de la discussion – pourrait être un signal très fort, qui est l'importance du respect, ou ce que j'ai lu précédemment et auquel, forcément, vous souscrivez, il va de soi, puisque vous avez à l'appliquer, et, deuxièmement, un signal double en quelque sorte qui est: bien, on s'y intéresse, on aimerait mieux que les comportements soient changés, donc faire un peu de prévention plutôt que d'être obligé de faire de la sanction, c'est-à-dire attendre que les plaintes arrivent, ce que vous trouvez désagréable? Je suis persuadé que vous souhaitez recevoir le moins de plaintes possible.

M. Racicot (Denis): Alors, moi, je vous dirais qu'à cet égard, si on n'en recevait pas du tout, ça serait parfait. J'aurais autre chose à me trouver comme travail, mais...

Une voix: Les réparateurs de Maytag.

M. Racicot (Denis): ...je n'en veux pas. Mais le monde étant ce qu'il est...

M. Boulerice: Oui, oui, j'en conviens bien.

M. Racicot (Denis): ...je ne me nourris pas d'utopie non plus, là, là-dessus. Mais même Jennings, qui est à Montréal et dont je vous parlais tantôt, là, elle est près de ces gens-là. Je ne suis pas au courant personnellement de toutes les interventions qu'elle fait, mais ça fait partie des mandats qui nous sont confiés. Et on discute souvent de discussions qu'elle a eues avec des groupes ou des gens qui évoluent dans ce milieu-là, tant au niveau policier qu'au niveau des citoyens. Alors, elle a une implication.

Mais, compte tenu que notre rôle est la sauvegarde du Code de déontologie et de traiter les plaintes, elle ne peut pas assumer trop d'interventions en cette matière parce que ce n'est pas le mandat que la loi nous a donné, vous comprendrez. Mais elle s'y intéresse. Mme Jennings fait elle-même partie d'une minorité, et ce sont des questions qui l'intéressent énormément. Alors, elle est très près; elle est très près aussi des communautés noires. Et maintenant elle peut intervenir et elle peut jouer ce rôle-là ou utiliser son ascendant, en autant que, évidemment, les personnes concernées font appel à elle puis acceptent bien d'en discuter avec elle.

Mais je pense, entre autres, dans le dossier dont je vous parlais, qu'elle a été nettement au-delà de ses fonctions, ce qui a permis de rapprocher, de part et d'autre, les parties. Mais on est à l'affût, et, dans la mesure de nos moyens, je pense que j'ai la personne idéale pour faire ce travail, et elle le fait.

M. Boulerice: Est-ce que vous permettez, juste une petite seconde, avec votre permission, est-ce que je vous lis bien... Oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, j'ai déjà une autre demande d'intervention qui dure depuis fort longtemps.

M. Boulerice: Mme la députée est gentille de me permettre de terminer, comme toujours. Alors, si je vous lis bien...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, je vous proposerais quelques minutes de plus, pour nous permettre de...

M. Boulerice: Je reconnais cette délicatesse coutumière de la part de ma collègue. Si je vous...

Mme Houda-Pepin: De La Pinière.

M. Boulerice: J'ai dit: De ma collègue de La Pinière, effectivement, il était bon de préciser, Mme la députée, vous m'en voyez désolé.

Si je vous comprends bien, Me Racicot, vous êtes, en fin de compte, en train de nous dire: Il y a Mme Jennings, en qui nous avons toute confiance, qui déjà agit et, mon Dieu! elle peut être un lien effectif, compte tenu qu'elle sait baliser son action entre notre commissariat et la communauté gaie et lesbienne de Montréal, si le besoin s'en fait sentir?

M. Racicot (Denis): Oui, c'est exact. Nous sommes tous, vous comprendrez, en attente de la manifestation de besoins très proactifs, compte tenu qu'il ne s'agit pas de notre mandat. Et on parlait de délai, tantôt, Me Jennings, elle a des dossiers aussi à traiter puis elle se doit de les traiter dans des délais les plus acceptables possible. Mais je pense que, par le geste dont on parlait, entre autres de la conciliation, on est sensibles à ce genre de chose là, nous sommes sensibles à cette problématique-là et, en autant que la déontologie puisse être concernée, nous sommes effectivement disponibles. Et, si la disponibilité devient trop exigeante, on devra y mettre un frein, vous comprendrez également.

M. Boulerice: L'abus est toujours à réprimander. Merci, M. Racicot.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, on pourrait se permettre de filer au moins jusqu'à 18 h 5 pour permettre à Mme la députée La Pinière de poser ses questions.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Un des problèmes majeurs impliquant la relation des policiers avec les citoyens touche précisément les minorités, leur rapport avec les minorités, et c'est une problématique assez aiguë dans la grande région de Montréal, et à Montréal en particulier. On se rappellera que les services de police ont eu maille à partir avec plusieurs citoyens d'origine noire, entre autres, et il y a eu mort d'homme par le passé. Dernièrement, il y a eu aussi un problème dans l'affaire Martin Suazo. En lisant votre rapport, il n'y a pas de ventilation qui me permet de savoir c'est quoi, la nature de ces problèmes. Alors, est-ce que vous pourriez nous expliquer, un petit peu, que fait le Comité de déontologie policière dans ce dossier? Quels sont les dossiers sur lesquels vous avez eu à vous pencher? Et quelle en est la nature?

(18 heures)

M. Racicot (Denis): Évidemment, vous nous parlez, vous faites allusion au dossier de Suazo, le décès de Suazo. À ce dossier, nous sommes en enquête d'information et nous sommes en attente de la fin de l'enquête du coroner pour pouvoir prendre nos propres décisions. Mais, de façon générale, les plaintes que nous recevons à cet égard concernent l'utilisation d'un langage, évidemment, incorrect. Il y a aussi de la violence physique. Il y a aussi des arrestations dont des gens se plaignent: beaucoup de plaintes au sujet d'arrestations où il y a beaucoup d'erreurs, où les policiers procèdent rapidement – pas nécessairement, je dois vous dire, de bonne foi ou de mauvaise foi, il s'agit, dans chaque cas, de déterminer, mais ce qu'on reçoit, comme plaintes, c'est cela – beaucoup d'arrestations rapides des policiers, où on dit: Bien, écoutez, ce n'était pas moi, c'est parce que je suis noir, par exemple; on m'a arrêté, parce qu'ils cherchaient un Noir. Souvent, ce sont beaucoup de plaintes de ce genre-là qu'on reçoit. Alors, c'est, dans l'ensemble, les plaintes que nous recevons. Elles ne sont pas, à certains égards, tellement différentes de celles des autres citoyens.

Mme Houda-Pepin: Oui, mais, compte tenu...

M. Racicot (Denis): Mais...

Mme Houda-Pepin: ...quand même, de la nature du problème, ce sont des questions qui roulent dans les médias de façon assez intensive quand ça arrive; c'est très difficile, à partir de votre rapport, d'en mesurer la portée – la portée de ce phénomène-là – pour pouvoir peut-être y apporter des correctifs. Est-ce qu'il vous serait possible, à l'avenir, de pouvoir, dans votre rapport, développer un petit peu davantage sur cette problématique à laquelle se trouvent confrontées aussi bien les administrations municipales, la Communauté urbaine de Montréal et plusieurs autres institutions?

Donc, le fait d'avoir un portrait réel de cette situation-là peut, d'une certaine manière, même nuancer puis apporter une vision que, par ailleurs, on ne peut pas lire dans les médias, qui, souvent, rapportent ça de façon très sensationnaliste et parfois un peu exagérée.

M. Racicot (Denis): Je prends bonne note de votre suggestion et je vais voir à prendre les dispositions qu'il faut. Vous comprendrez que, pour l'année 1995-1996 – j'ai déjà déposé notre rapport auprès de M. Perreault, qui verra à le déposer à l'Assemblée nationale d'ici peu, là, il est à l'imprimerie – vous n'aurez pas cette mention-là.

Mme Houda-Pepin: D'accord.

M. Racicot (Denis): Et, à l'heure actuelle, nous n'avons pas ces données-là. Compte tenu du personnel dont nous disposons et compte tenu de la charge de travail, nous avons volontairement réduit au minimum la tenue de statistiques, qui sont intéressantes et même, dans certains cas, qui pourraient peut-être apparaître essentielles.

Mme Houda-Pepin: Oui.

M. Racicot (Denis): Je prends note de votre remarque, puis on va mettre en place des processus qui devraient nous permettre de répondre précisément à ce que vous nous demandez.

Mme Houda-Pepin: C'est une information, je crois, qui serait très pertinente et appréciée aussi du public.

Sur un autre point – c'est ma dernière question – à la page 30, vous parlez du plan de communication avec les communautés culturelles et les communautés autochtones et vous avez décidé de reconduire ce plan de communication. Auriez-vous l'obligeance de nous expliquer en quoi consiste ce plan de communication?

M. Racicot (Denis): Le plan de communication était sous la responsabilité de Me Jennings, qui est la seule commissaire adjointe à Montréal. Alors, moi et deux autres commissaires adjointes, nous sommes en poste ici, à Québec.

Alors, c'était de répondre, à demande, à des interventions qui pourraient être requises, des demandes d'information, de faire connaître notre organisme auprès de ces communautés-là. Il y avait même un volet autochtone que Me Jennings a traité. Et je dois vous dire – ça, c'est l'année 1994-1995 – qu'au cours de l'année il semble s'être manifesté moins de besoins à cet égard, puisque Me Jennings a fait un certain travail. Et elle entretient, entre autres avec la Ligue des Noirs, des relations régulières. Et c'est donc de tenter de répondre aux demandes qui nous sont adressées pour mieux connaître notre organisme, pour mieux savoir comment traiter un comportement inacceptable de la part d'un policier du point de vue du plaignant.

Mme Houda-Pepin: Donc, essentiellement, c'est des sessions d'information dans les organismes pour leur expliquer c'est quoi, le commissariat à la déontologie policière, son mandat, etc. Mais est-ce qu'il existe, par exemple, du matériel écrit, imprimé, dans différentes langues – puisqu'il y a peut-être des gens qui ne lisent pas le français – ou des choses comme ça, pour aller dans les organismes et être diffusé aussi au public?

M. Racicot (Denis): Non, il n'existe pas... Il existe une documentation qu'on vous a transmise; le rapport est en langue française. Il n'en existe pas d'autre que celle-là. Il y a eu – je ne pourrais pas vous dire, je me demande si ce n'est pas en espagnol – des démarches, qui n'ont pas abouti toutefois, où on était prêt à se livrer à l'exercice de participer à la rédaction de quelque chose qui pourrait correspondre aux besoins d'une communauté particulière, mais je ne dispose pas de budgets pour rédiger des choses dans des langues que nous ne connaissons pas personnellement. Vous voyez le budget dont nous disposons: je ne l'ai pas.

Maintenant, dans un cas, je me rappelle très bien qu'on était prêt à participer, à collaborer, à approuver finalement le contenu de fond de ce qui pourrait être fait par une communauté qui semblait désirer voir circuler un tel document. Malheureusement, ça n'a pas abouti au résultat escompté.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Alors, merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Me Racicot, Mme Lord, M. Dumont, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous remercie de cette séance d'information et d'examen du Comité de déontologie policière. Notre mandat étant rempli, j'ajourne la séance sine die. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 6)


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