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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, April 30, 1996 - Vol. 35 N° 11

Étude des crédits du ministère du Conseil exécutif


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Table des matières

Journal des débats


(Quinze heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, mesdames, messieurs, nous allons étudier les crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif, les programmes 1 et 2, pour l'année financière 1996-1997.

Avant de passer à l'étape des remarques préliminaires, j'aimerais qu'on détermine le mode de procédure pour l'étude des crédits. Si je comprends bien, M. le chef de l'opposition officielle, M. le premier ministre, M. le chef de l'ADQ, nous procéderions par une discussion générale avec adoption des crédits à la fin.

M. Johnson: Oui, M. le Président, d'expérience, c'est ce qui est attendu lorsque le premier ministre est ici, évidemment, dans la mesure où il est responsable d'un peu tout et non pas seulement de petites dépenses de certains postes de son ministère. C'est la tradition qui dicterait ça. Vous avez parfaitement raison.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, ça va? Maintenant, comme il est prévu quatre heures, est-ce que l'on convient de poursuivre jusqu'à 19 h 30 ou est-ce qu'il y a des empêchements?

M. Bouchard: Je pense qu'on devrait finir aujourd'hui. Alors, je pense qu'on devrait faire les quatre heures.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, très bien. Alors, sur ce...

M. Jutras: Alors, très bien, ça veut dire quoi? On continue jusqu'à...

M. Bouchard: Jusqu'à épuisement...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On continuera jusqu'à 19 h 30.

M. Bouchard: ...du temps. D'accord.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On prend les quatre heures de façon consécutive. Alors, j'invite maintenant M. le premier ministre à faire une déclaration d'ouverture. M. le premier ministre.


Déclarations d'ouverture


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, M. le chef de l'opposition, M. le chef de l'ADQ, Mmes et MM. les députés. Je voudrais d'abord dire quelques mots en ce qui concerne de façon plus immédiate le Conseil exécutif pour ensuite aborder plus largement les priorités qu'entend poursuivre le gouvernement.

Je voudrais me limiter à une période de temps. J'apprécierais qu'on m'informe. Je ne voudrais pas prendre tout le temps. On me dit que la tradition veut que ce soit un quart d'heure, 20 minutes, à peu près?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Effectivement, M. le premier ministre.

M. Bouchard: Alors, je vais essayer de m'en tenir à la tradition et j'apprécierais, M. le Président, que vous m'informiez un peu vers la fin pour que je puisse atterrir à temps.

D'abord, de façon un peu plus immédiate en ce qui concerne le Conseil exécutif, nous avons procédé, comme vous l'aurez constaté, à une restructuration de façon telle que le Conseil exécutif et le premier ministre ne s'occupent qu'au minimum de questions sectorielles, de façon directe. Nous avons centré surtout... Je tiens à ce que les activités du Conseil exécutif et du rôle du premier ministre soient centrées autour de quelques instances qui doivent jouer un rôle de support central stratégique pour le gouvernement. J'écarte le Conseil des ministres, qui est l'élément fondamental, mais, autour du Conseil des ministres, il y a le Comité des priorités qui a subi quelques transformations dans sa conception, puisque le Comité des priorités ne connaît pas de dossiers très particuliers, très conjoncturels. Une décision ad hoc à prendre sur un sujet un peu quotidien, ça ne vient pas aux Priorités, ça s'en va là où il se doit, au Conseil des ministres. On aurait pu concevoir une attitude différente, mais, moi, je tenais à ce que ça se passe comme ça.

Les Priorités regardent de très grands dossiers. Ce qu'on essaie de faire, c'est de céduler à l'avance - c'est déjà fait - des dossiers larges qui ont des répercussions à moyen terme et à long terme sur la vie québécoise, qui sont préparés de longue main par une équipe qui a été constituée à l'Exécutif. On regarde, par exemple, la question des régimes de pensions, on regarde la question de l'aide sociale, la question de la main-d'oeuvre, secteur par secteur, en faisant des comparaisons avec les pays étrangers. Donc, c'est comme une sorte de mini-colloque, si je peux dire, puisque nous avons, en général, des exposés des gens du Conseil exécutif, des fonctionnaires du Conseil exécutif qui ont travaillé sur le dossier. À l'occasion, même, nous faisons appel à des ressources dans les ministères pour constituer les équipes ad hoc, et, ensuite, il y a un débat de fond sur les questions comme celles-ci qui sont abordées.

À cela s'ajoutent quelques comités ministériels. Il y en a quatre: économie et emploi, développement social, éducation et culture, et affaires territoriales et régionales, ce dernier étant un comité que je préside. Autrement dit, le Conseil exécutif se retrouve, un peu et essentiellement, dans son rôle de pivot stratégique du gouvernement.

Un mot sur les budgets, très rapidement. Évidemment, les décisions de délester le Conseil exécutif des responsabilités sectorielles vont changer la configuration du budget. Par exemple, actuellement, nous présentons un budget de 115 000 000 $, qui était de 137 000 000 $ l'année d'avant, c'est une diminution de 21 000 000 $. Mais, pour bien comparer les oranges avec les oranges et les pommes avec les pommes, il faut savoir que nous avons envoyé neuf secrétariats et deux conseils dans des ministères sectoriels. Ce qui veut dire que, même dans le montant de 115 000 000 $, il y a encore le 75 000 000 $ du ministre d'État à la Métropole, qui va nous quitter quand le ministère sera créé; nous avons encore auprès de nous, au Conseil exécutif, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, mais c'est la loi qui le veut, on ne peut pas le faire par geste administratif.

Au fond, si on regarde le budget véritablement qui est consacré à l'administration du Conseil exécutif et au service de soutien du premier ministre, c'est 29 500 000 $ par rapport, l'an dernier, à 32 000 000 $, donc une baisse de 8,4 %. Nous avons réduit de façon significative pour faire notre effort de réduction budgétaire. Et s'ajoute à cela une autre diminution de 1 500 000 $, c'est au titre de notre participation à la compression additionnelle de 150 000 000 $ pour améliorer le fonctionnement de la fonction publique. Ce qui veut dire qu'essentiellement c'est un tout petit ministère en termes de budget.

Je passe rapidement sur le cabinet du premier ministre, peut-être qu'on voudra y revenir de façon plus précise. Le livre des crédits fait mention d'un budget de 4 840 000 $, 4 800 000 $. Ce chiffre a été établi à partir des projections mécaniques que le ministère a faites lorsqu'il a envoyé ses documents d'estimés de crédits au Trésor, avant qu'on prenne des décisions pour fixer le genre de cabinet qu'on aurait. La réalité, c'est que le cabinet disposera d'un budget maximal de 2 880 000 $ pour la masse salariale des employés; il y a environ un 500 000 $ de budget de fonctionnement; et les 100 000 $ et quelques habituels de budget discrétionnaire. Donc, c'est de l'ordre de 3 800 000 $ tout compris, dont 2 880 000 $ pour la masse salariale.

Si on jette un coup d'oeil sur l'ensemble des cabinets ministériels, on verra qu'il compose un budget de 16 500 000 $, ce qui est inférieur, par exemple, de 2 000 000 $ à l'ensemble des budgets des cabinets ministériels, lors de la dernière année, du gouvernement que vous avez formé; c'est 2 000 000 $ de moins. Évidemment, on a un cabinet de plus puisque... Oui, c'est ça. Il y avait un cabinet de plus du temps du gouvernement libéral. Non, non, je vais être précis, nous avons 22 cabinets ministériels, vous en aviez 21, si je me rappelle bien.

(15 h 40)

Alors, le recentrage qui a été fait a fait en sorte que, par exemple, au Secrétariat à la concertation, à celui de la famille, à celui de la jeunesse, de l'action communautaire, que les Conseils de la famille et de la jeunesse sont maintenant sous l'autorité de la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité; le Secrétariat au développement des régions, celui à la réforme électorale et celui qui traite des affaires autochtones sont maintenant de la responsabilité du ministre d'État des Ressources naturelles et le Secrétariat à la déréglementation est transféré sous l'autorité du ministre d'État de l'Économie et des Finances, tandis que le Secrétariat de l'autoroute de l'information relève dorénavant de la ministre de la Culture et des Communications. Donc, il reste très peu de chose de sectoriel au centre.

Vous avez vu également que la redistribution de ces organismes a délesté de 171 000 000 $ le budget antérieur du ministère. Et il atteindra sa véritable dimension quand le ministère de la Métropole aura été constitué.

Par comparaison, pour terminer là-dessus, pour voir l'évolution, comme c'est assez intéressant de voir l'évolution du Conseil exécutif, de ses dimensions, de ses responsabilités au fil des années, en 1994-1995, qui était, je crois, la dernière année de M. Bourassa, si je ne m'abuse, la configuration de l'époque donnait un effectif de 635 personnes et un budget de 617 000 000 $, au Conseil exécutif. Ce n'est pas parce qu'on dépensait plus forcément, c'est parce qu'il y avait plus de responsabilités qui avaient été concentrées là, alors que, quand on aura fini ce qu'on fait présentement, ça va être de l'ordre de 29 500 000 $, avec 300 employés, à peu près.

Alors, pour en arriver à l'essentiel: les priorités du gouvernement. Je pense qu'on va tous convenir - et ça explique, à mon avis, en grande partie, la réussite du consensus que nous avons obtenu à la conférence de Québec, il y a quelques semaines - que l'état des finances publiques est inacceptable. Il ne faut pas être grand clerc pour jeter un coup d'oeil sur la situation comparative de nos finances publiques avec les autres provinces canadiennes, avec les autres pays, les comparaisons de niveaux de dépense par secteur, pour voir qu'on ne peut pas accepter la situation actuelle et qu'il faut reposer sur ce consensus pour apporter les changements qui s'imposent; des changements qui doivent s'orienter dans deux directions. D'abord, évidemment, l'emploi. L'emploi, c'est la solution, parce que l'emploi va générer des rentrées fiscales supérieures; l'emploi va diminuer la pression qui s'exerce sur les budgets d'aide sociale; et l'emploi, surtout, va mettre les gens au travail, va rétablir la dignité fondamentale des travailleurs. Il est évident que les efforts de l'État doivent s'orienter du côté de l'emploi. Mais comment le faire? Traditionnellement, quand les gouvernements pensaient qu'il fallait prendre des mesures pour promouvoir l'emploi, on créait des programmes de dépenses, de subventions et ainsi de suite. Je crois qu'on s'est à peu près tous rendu compte que ce n'est pas la solution. Bien sûr, l'État a un rôle à jouer, un rôle incitatif à l'occasion, ça ne veut pas dire que l'État doive s'exclure de programmes ponctuels, quand c'est possible, je pense à l'exportation, en particulier. Mais, de façon générale, les investissements publics de l'État sont, en général, très peu rentables en ce qui concerne la création d'emplois, et ils le sont de moins en moins, compte tenu de l'évolution de l'économie actuelle. Donc, créer de l'emploi, ça veut dire libérer des possibilités d'investissement pour le privé. Je ne dis pas qu'il faut assigner l'obligation morale au secteur privé de créer de l'emploi, mais il est certain qu'un secteur privé qui est en santé et qui le montre par son signe habituel, c'est-à-dire l'investissement, crée de l'emploi.

Ce que nous pensons, c'est qu'il faut également supprimer les obstacles à l'emploi. Et l'obstacle fondamental à la création d'emplois et à l'investissement, c'est le déficit, le niveau de la dette, la ponction qu'il prélève sur les revenus, de l'ordre de 6 000 000 000 $ au Québec, c'est 6 000 000 000 $ par année qu'on investit uniquement à payer les intérêts. Alors, il faut donc, pour créer de l'emploi, agir sur le déficit. Parce que, en plus, si vous avez trop de déficit, ce qui est le cas du Québec en particulier, les gouvernements sont contraints de poser des gestes extrémistes, de hausser les taxes. Est-ce qu'on peut encore hausser les taxes au Québec? Est-ce qu'on peut encore hausser les impôts au Québec? Je pense que, quand on pose la question, on trouve difficile de répondre oui. On touche au seuil de la saturation fiscale. On voit bien, par exemple, que l'économie noire qui est en train de se créer est un reflet d'une sorte de fatigue, d'une sorte d'attitude excédée que bien des citoyens éprouvent vis-à-vis du niveau du fardeau fiscal. Donc, la solution n'est pas du côté de la hausse du fardeau fiscal.

De plus, si on fait en sorte qu'on diminue les dépenses de l'État, on va libérer des capitaux qui seront davantage disponibles pour l'investissement. Quand l'État emprunte à répétition, par exemple 5 700 000 000 $ de déficit lors du dernier budget que les libéraux ont annoncé avant de quitter le pouvoir, bien, évidemment, ces milliards-là, il faut les prendre à quelque part, il faut lever une ponction dans les capitaux qui sont disponibles.

Et rendons-nous compte aussi qu'il y a une obligation morale vis-à-vis des générations qui montent. Comment peut-on prétendre, tout en pensant qu'on fait notre devoir, faire payer par les jeunes qui même aujourd'hui n'ont pas d'emploi encore, ou par les autres qui sont aux études, ou ceux qui vont naître, des dépenses courantes! Il y a quelque chose de fondamentalement malsain et d'inacceptable. On est arrivé, là aussi, au point de saturation. Donc, il faut couper les dépenses, on n'en sort pas, il faut réduire les dépenses.

Alors, nous le faisons. Nous avons, dans le budget, dans les crédits de cette année, opéré une coupure de plus de 2 200 000 000 $ dans les dépenses, ce qui fait que, pour la première fois en 25 ans - je suis fier de le dire mais, en même temps, je me rends compte qu'il y a des impacts négatifs à cela - le gouvernement québécois a réduit réellement ses dépenses. Cette année, c'est la première année, depuis 25 ans, où un gouvernement va dépenser moins que l'année d'avant. Donc, ça ne se fait pas facilement. Couper 2 200 000 000 $, on voit les conséquences. On a essayé de le faire de façon correcte, on s'est donné des contraintes. On sait bien que les grands secteurs de dépenses, c'est l'éducation, la santé et l'aide sociale, on le sait bien, mais on s'est dit qu'il fallait ménager l'aide sociale, qu'il fallait tout faire pour ne pas y toucher - on ne réussit pas toujours - pour ne pas que les personnes qui seraient pénalisées par les compressions budgétaires soient celles qui étaient moins en mesure de le supporter, même au niveau de l'éducation et de la santé.

Dans la santé, on a été capable de le faire en mettant en place une réforme, donc il y a des aspects rationnels dans la mise en place des compressions. Dans l'éducation, on s'est donné la contrainte de travailler surtout dans les dépenses de type administratif. Donc, il est évident qu'on ne contrôle pas totalement l'opération puisque, quand on renvoie cela aux commissions scolaires, qui gèrent une bonne partie des budgets de l'éducation, on n'est pas toujours maître des choix qui sont faits au niveau des commissions scolaires. Mais tout a été conçu en fonction de demander aux commissions scolaires de faire comme le gouvernement et de faire un grand travail de délestage, de dégraissage et de rigueur dans la gestion des dépenses administratives.

(15 h 50)

Si nous réussissons à faire cela - et je pense que nous réussirons - c'est parce que nous aurons un consensus. Alors, le consensus qui a été établi à la conférence de Québec, c'est que, cette année, en 1996-1997, on va ramener le déficit à 3 200 000 000 $. Il est présentement à 3 900 000 000 $, ce qui est le niveau qui a été annoncé dans le budget de mai dernier. L'année prochaine, on va devoir le réduire à 2 200 000 000 $, ensuite, 1 200 000 000 $, et, 1999-2000, zéro. Et ça, ces cibles-là ont été fixées par consensus avec les partenaires communautaires, les partenaires sociaux, les partenaires du monde des affaires, les partenaires du monde syndical. On ne s'est pas entendus sur les moyens, bien entendu, on n'a pas essayé, d'ailleurs, de s'entendre sur les moyens, mais, à partir du moment où on s'entend sur les buts à atteindre, il y a une partie du chemin qui est fait. Il faudra aller plus loin. On n'a pas fini de parler avec tout le monde, il va falloir qu'on s'assoie, puis qu'on discute de tout ça ensemble, de la réforme qu'il y a à faire. L'année prochaine sera une année dure, le budget de l'année prochaine ne sera pas facile, on en est bien conscient. C'est pour ça que, je dirais, nous concentrons nos énergies pour une gestion responsable et une gestion, dans toute la mesure du possible, créatrice d'espoir. L'espoir, ce n'est pas facile à créer quand on coupe dans les dépenses d'un gouvernement. C'est toujours plus agréable pour un gouvernement d'annoncer de grands programmes, d'annoncer des choses nouvelles. On n'est pas beaucoup en mesure d'en annoncer, mais on s'est dit quand même, et c'est ce qu'on fait, qu'il fallait, du côté social, maintenir le cap, le cap du progrès social.

C'est pour cela, par exemple, que nous allons déposer une loi sur l'équité salariale - il reste combien de temps - c'est pour cela que nous allons déposer une loi sur l'assurance-médicaments, c'est pour cela que nous allons faire la réforme de l'aide sociale et que nous pensons à une pension familiale unifiée. Nous sommes également en train de travailler dans d'autres secteurs que les secteurs de la coupure. Mais, en même temps, il faut le faire avec rationalité, il faut le faire avec le désir de contrôler les coûts, il faut le faire avec le désir d'arriver tous ensemble au même résultat. Et, en même temps, on va faire la réforme de l'éducation. Il est très important, il est essentiel, il est fondamental qu'on puisse, à l'automne, accoucher de mesures concrètes en termes de réforme de l'éducation.

Et je termine sur le sommet de Montréal, puisque ce sera à Montréal que ça se passera. C'est, encore une fois, un rendez-vous critique qui n'est pas assuré d'être couronné de succès. Quand on entre dans une grande salle pour deux, trois jours avec des dizaines et des dizaines de partenaires qui ont des intérêts souvent très opposés, on n'est jamais sûr d'arriver à un résultat de convergence. Mais je pense que ça vaut la peine de prendre le risque, puisque c'est là qu'on saura si - comme je pense qu'on y arrivera - nous pourrons, au sortir de cette réunion, proposer une réforme de l'éducation, une réforme de la fiscalité, une réforme de l'aide sociale, proposer une réforme de la réglementation. Donc, de très grands secteurs d'activité gouvernementale qui vont être affectés de façon vigoureuse par les résultats escomptés de cette opération de consensus à laquelle, bien sûr, les députés de tous les partis seront invités à participer.

Et je termine sur le rôle du secteur privé. Le secteur privé va jouer un rôle important là-dedans. J'ai rencontré, la semaine dernière, il y a 10 jours, ce qu'on appelle les chefs de chantier: M. Bérard de la Banque Nationale, M. Béland du Mouvement Desjardins, M. Jean Coutu et Mme Neamtan. Ils sont tous en lien avec des gens du secteur privé et du secteur syndical et des autres secteurs. Mais je sais qu'en particulier MM. Coutu et Béland travaillent très fort avec leurs collègues des autres entreprises montréalaises. Ils ont des offres multiples de concours. Ce qui est très important, c'est d'arrimer cela pour qu'il y ait une synergie qui nous permette d'arriver aux résultats concrets que nous escomptons, parce que, à mon avis, le critère, ça va être des mesures concrètes; le critère, ça va être d'être capables de sortir de là avec un programme d'action pour tout le monde.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. Alors, M. le chef de l'opposition officielle, si vous voulez bien formuler vos remarques d'ouverture.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. Je souhaite la bienvenue au premier ministre pour sa première apparition ici. Je ferai quelques rappels; rappels de calendrier. Ça fait six mois aujourd'hui que le référendum a eu lieu, évidemment, en octobre dernier; il y a trois mois hier, je crois, le premier ministre était assermenté comme premier ministre du Québec; et, déjà, je dirais, quand on regarde le calendrier, dans deux mois, ça va être la fin de la session et le gouvernement, à ce moment-là, devrait avoir quand même un bilan, qu'on pourra discuter d'ici ce temps-là mais surtout dès après, sur les priorités que le premier ministre s'est fixées, dont il nous a parlé à deux égards. C'est pour ça que je rappelais le référendum et l'assermentation du premier ministre.

Quant à la question nationale, il faudrait en parler quand même ici. Moi, je veux bien qu'on discute des transferts, des masses salariales des anciens délégués régionaux chez les ministres régionaux, il n'y a pas d'économie là, sauf erreur, sauf que le cabinet du premier ministre paraît un petit peu mieux dans ce temps-là. On peut bien parler de ces choses-là, on peut bien émettre des communiqués de presse là-dessus, de part et d'autre, mais je suis surtout préoccupé, moi, de savoir quelles sont les priorités du gouvernement et, donc, du premier ministre quant à ce qu'il a mentionné depuis, par exemple, son discours à Laval en décembre dernier; quant à ce qu'il a mentionné, de même, lors de son assermentation; lors du discours inaugural où on a parlé, tant et plus, d'économie, de la relève de l'emploi chez les jeunes, on a même convoqué une conférence socioéconomique à ce sujet-là. Ça, c'est des vraies priorités. Et j'ai trouvé que le premier ministre avait été assez discret dans son introduction. Ça ne signifie pas qu'il va l'être, j'en suis sûr, d'ici 19 h 30, mais j'aimerais évidemment qu'on puisse lui parler de toutes ces choses-là et, surtout, qu'il puisse nous répondre. Les gens attendent des réponses. Ils n'attendent pas des discours, ils n'attendent pas des questions, ils attendent des réponses.

Ce qui me frappe dans la façon dont le premier ministre inscrit son action au gouvernement, c'est... On jurerait, d'une part, que le premier ministre nous parle d'un Québec virtuel. Il y a un Québec réel pourtant, qui a des vrais problèmes tous les jours, dont on doit s'occuper, qui appelle des solutions extrêmement concrètes. Mais il y a, au niveau du discours, un autre niveau, un Québec virtuel dont le premier ministre nous parle. On va peut-être s'attarder un petit peu là-dessus.

Deuxièmement, j'ai fait le rappel sur le référendum. Ça existe, une conviction profonde chez le premier ministre, j'en suis sûr, à tout le moins, je l'espère, quant à ce qu'il envisage, quant à la place du Québec en Amérique du Nord, si on le laisse faire et s'il pousse sa conviction jusqu'à sa réalisation complète. Il n'en parle pas toujours. Ça dépend à qui il parle. On sait tous que, lorsque le premier ministre s'adresse à des gens d'affaires, ceux-ci, souvent, jurent dur comme fer que le premier ministre est une espèce de fédéraliste qui s'ignore. On entend ça, ce sont des témoignages qu'on entend. Le premier ministre peut bien s'amuser, mais est-ce qu'il s'amuse d'avoir réussi cette opération de faire passer une partie de ses discours pour ce qu'ils ne sont pas, où, alors, alternativement, évidemment, il parle de l'ancien militant d'une façon extrêmement carrée, de l'atteinte du Québec à son statut d'État, donc de pays indépendant? Et il essaie de ne pas manquer de chances de, évidemment, beurrer tous ceux qui ne pensent pas comme lui en mettant en cause leur identité québécoise. Ça, le premier ministre a, depuis de nombreuses années, choisi de mener la bataille sur, je dirais, les convictions personnelles des gens et sur la division qu'il cultive entre ceux qui pensent comme lui et ceux qui ne pensent pas comme lui.

Et, finalement, beaucoup plus concret et immédiat, je dirais, les gestes gouvernementaux en matière d'économie et d'emploi se font attendre; ils se font attendre. Il y a quand même un petit moment que le gouvernement est élu. Ça va faire deux ans à l'automne prochain. On pourra regarder dans les détails lorsqu'on va se réunir, si je comprends bien, fin octobre, début novembre, pour prendre connaissance des travaux de certains comités qui ont été mis sur pied en mars dernier. Là, il va se prendre des décisions, mais, évidemment, elles ne seront pas en vigueur le lendemain, le 2 novembre, je présume. Alors, il va y avoir d'autres gestes gouvernementaux pour donner effet à des décisions, ou ce que le premier ministre appelle des consensus. Donc, on est à Noël ou au Nouvel An, en 1997, lorsqu'il se passe quelque chose pour vrai, qu'on peut mesurer. Le gouvernement a été élu en septembre 1994. C'est long longtemps ça, deux ans et trois mois, avant de s'attaquer à ces choses-là.

Alors, quant au premier point, ce qui frappe, dans l'action du premier ministre, c'est qu'on dirait que c'est la politique à quatre dimensions: il y a le programme politique du Parti québécois; il y a les programmes électoraux, la plateforme électorale, comme on l'appelle; il y a évidemment les discours du premier ministre et député de Jonquière; et, finalement, il y a les gestes que le gouvernement pose, ce qui sont quatre concepts assez distincts les uns des autres, je dois le dire.

Je trouve que le premier ministre cultive constamment cette image d'un Québec virtuel, donc qui n'a que les éléments de sa réalisation éventuelle, dirions-nous, et qu'à partir de ce moment-là ce n'est que la souveraineté qui permettrait au Québec virtuel de se réaliser. Comme s'il n'y avait pas 7 000 000 de gens qui sont aujourd'hui déjà des Québécois, qui le seront, ni plus ni moins, dans quatre mois, dans quatre ans, dans dix ans. Nous sommes ce que nous sommes, c'est l'histoire qui nous a forgés. On peut nourrir, comme le premier ministre le fait, une ambition quant au statut politique du Québec. Ça, c'est une chose. Mais les 7 000 000 de Québécois sont ce qu'ils sont, ils vivent ensemble depuis fort longtemps et on en a des projets communs, des projets communs autour des priorités sur lesquelles on doit revenir, notamment en matière d'emploi, de développement économique, de la qualité des soins qu'on peut souhaiter, de la qualité des services publics en éducation ou dans d'autres domaines.

Alors, le Québec existe aujourd'hui et maintenant, et le premier ministre peut bien nous parler de ce qui serait possible, ce qui solutionnerait tous les problèmes qu'il se plaît à identifier, par l'accès à la souveraineté, le fait est qu'il y a des problèmes dans le Québec réel d'aujourd'hui dont le premier ministre devrait s'occuper et auxquels il devrait s'attarder. Moi, je réitère ici, au nom de ce qui m'apparaît être une grosse majorité de Québécois, que les priorités du Québec, les vraies priorités du Québec, qui touchent les gens, n'appellent absolument pas un bouleversement radical du système politique dans lequel nous vivons. Je l'ai déjà dit, je vais le répéter, à mon sens, le premier ministre devrait, dans l'action du gouvernement, se soucier du Québec réel plutôt que de nous entretenir constamment d'un Québec virtuel.

(16 heures)

Deuxièmement, et je l'ai invoqué tout à l'heure, le premier ministre navigue à l'égard de la question nationale, au point de vue de la rhétorique qu'il emploie et, je dirais, selon les publics qu'il côtoie ou devant lesquels il se trouve. Je suis presque tenté de dire que, si le premier ministre est l'homme de plusieurs partis, il s'est aperçu, en fin de semaine, que le PQ n'est pas le parti d'un seul homme. Il est évident que ce qu'il présente comme une gigantesque démonstration de démocratie exemplaire, ce n'était pas vraiment ça, là. C'était, à mon sens, une façon pour le gouvernement de faire oublier qu'il y a des priorités de tous les jours dont on doit s'occuper. De remettre le débat sur la question nationale comme ça, au coeur de nos préoccupations, pendant des heures, de façon extrêmement spectaculaire, ça n'a servi qu'à détourner l'attention des vrais problèmes.

Le premier ministre s'amène dans un parti dont on avait dénoncé, nous, l'astuce au point de vue constitutionnel, au point de vue des tactiques référendaires, l'astuce d'inclure des notions de partenariat, faire croire aux gens, par exemple, qu'on peut avoir 7 000 000 de passeports canadiens tout en étant citoyens d'un pays qui serait le Québec, donc qui ne serait pas le Canada, qui ne ferait pas partie du Canada, bien évidemment. On a tenté d'amener les gens, avec l'aide, évidemment, du député de Rivière-du-Loup, à envisager davantage des dimensions qui prétendraient s'éloigner du programme du Parti québécois. Mais, dans le fond, quand on regarde la proposition principale qui a été apportée par l'exécutif du parti, dont le premier ministre est le président, on s'aperçoit que c'est une espèce de constitutionnalisation de l'astuce dans le programme politique du Parti québécois, là, qui est en train de se réaliser pour donner, soit disant, encore plus de crédibilité à quelque chose qui n'en a pas, dans le fond, qui était un outil de campagne qui a fait certains ravages. On pourrait en reparler. Et là d'essayer d'inclure carrément cet outil de campagne dans un programme politique qui ne devrait pas pécher par, je dirais, manque de transparence... Ça devrait être transparent, le programme d'un parti politique, et non laisser croire aux gens qu'il y a des options qui sont ouvertes, alors que, dans la réalité, elles ne le sont pas, notamment la perspective d'un partenariat avec 23 000 000 de Canadiens, dont les Québécois, majoritairement, pourraient décider de briser le pays.

En s'appuyant sur ces notions qui nous sont un peu plus familières depuis le 12 juin dernier, le premier ministre peut tenir un double discours selon les moments. On l'a entendu nous parler de la souveraineté, rien que la souveraineté, toute la souveraineté, que la souveraineté est la voile du Parti québécois. J'aurais aimé ça qu'on parle un peu plus de gouvernail, là. Ça aurait été un peu plus pratique et concret. On ne peut pas continuellement avoir deux discours comme le premier ministre en a, comme il l'a longtemps illustré. Je vais lui citer Sénèque - il connaît Sénèque, je pense qu'il l'a cité à quelques reprises - Sénèque qui dit que «personne ne peut longtemps porter un masque». Il dit ça aussi Sénèque, à part des choses intéressantes que le premier ministre a citées de cet auteur.

Qu'est-ce que le premier ministre est en train de préparer, en réalité, là, sinon une réédition d'un référendum? C'est de ça qu'il nous parle, c'est comme ça qu'il tient son parti intéressé, y compris ses députés, là. J'ai entendu, en fin de semaine, le premier ministre nous dire qu'il y avait eu un caucus de trois heures sur la stratégie référendaire. Ce serait bien plus le fun, le moins qu'on puisse dire, si le premier ministre nous annonçait qu'ils ont eu un caucus de trois heures sur la relance économique. Ça aurait été un peu plus pratique. C'est à ça que les Québécois s'attendent et non pas à des caucus de leurs élus pour préparer une hypothèse, alors que le premier ministre dit: Non, non, on va faire la trêve autour de ça, là. Ça a eu lieu, il y a eu un référendum il y a six mois, les gens veulent qu'on pense à autre chose. Le premier ministre a dit, puis je l'ai applaudi: Il faut que le gouvernement gouverne enfin, ça ne s'est pas fait depuis octobre 1994. Je l'ai rejoint sur ce terrain-là facilement, je l'appuie.

Mais, en attendant, depuis le 30 octobre aussi, il y a un autre aspect de mandat qui semble échapper au premier ministre, c'est celui qui ne permet pas très clairement au gouvernement de se réunir des heures de temps pour préparer un autre référendum. Ça n'a pas été ça, le résultat du 30 octobre. Ça a été de dire: Les Québécois veulent demeurer Canadiens. Il y avait dans le portrait, pour une vaste majorité de Québécois, comme le disent certains de ses collègues d'ailleurs, un désir profond de changement. Une vaste majorité de Québécois avait un désir profond de changement. Et là on s'attend à ce que le gouvernement s'attaque à ce changement-là, à ces perspectives de changement.

Moi, j'ai hâte de voir comment le premier ministre interprète le mandat que les Québécois donnent au gouvernement depuis le 30 octobre, parce qu'il y en a un, mandat. On aura beau dire comme le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes et des Transports - le premier ministre m'expliquera comment c'est complémentaire, ces deux choses-là - on peut toujours dire comme le député de Lac-Saint-Jean: Le seul mandat que le gouvernement avait, c'est celui de faire l'indépendance, puis on ne le lui a pas donné, donc il n'a plus de mandat. Si c'est vrai, arrêtez de faire des réunions de trois heures pour penser à ça et planifier ça. Puis, si ce n'est pas vrai, justement, il doit y avoir un autre mandat, un contenu que les Québécois s'attendent de leur gouvernement.

Donc, Québec virtuel. Deuxièmement, la question nationale est toujours là. Troisièmement, l'habitude, une mauvaise habitude déjà que le premier ministre semble avoir contractée, de reporter les décisions. Je faisais remarquer tout à l'heure que ce n'est pas vraiment avant janvier 1997 qu'un gouvernement élu en septembre 1994 pourrait prendre des décisions concrètes, significatives en matière d'emploi, il y a un comité qui travaille là-dessus, là; sur Montréal, un comité de travail là-dessus aussi, deux ans et trois mois plus tard, il y aurait peut-être des résultats; sur l'économie sociale, réforme de la sécurité du revenu; le premier ministre parle de réforme de l'éducation. C'est long, deux ans et trois mois, dans n'importe quelle circonstance, et dans les circonstances où il s'agissait de parler surtout et de s'adresser aux problèmes du sous-emploi, de constater ce qui se passe dans notre société. Les diagnostics que les partis politiques posaient à la campagne électorale se rejoignaient finalement sur la situation économique et sociale du Québec, ils se rejoignaient et il s'agissait d'apporter des solutions.

Nous, on avait des solutions pour les jeunes, sur la mise sur pied de 50 000 stages d'intégration en emploi. C'est des choses concrètes. On avait un programme de dire de cinq façons différentes: Voilà comment on va s'attaquer au chômage par l'utilisation des leviers qu'on a, que ce soit fiscal, que ce soit l'intervention du gouvernement, que ce soit l'encouragement ou l'incitation au secteur privé de faire certaines choses, que ce soit de récompenser des investissements en particulier, que ce soit de cultiver toujours et davantage les avantages fiscaux qu'on a déjà octroyés en matière de recherche et développement, dans des secteurs qui ont des taux de croissance de l'emploi de 15 %, 20 %, 25 %, 30 %, dans certains cas, notamment dans la grande région de Montréal. Ça, ça aurait été des choses concrètes, mais, malheureusement...

Le député de Jonquière et premier ministre actuel ne peut pas être blâmé du fait que, pendant 14 mois, on a été en campagne référendaire. Comme tel, il ne peut pas être blâmé. Il a participé, etc., ce n'est pas lui qui, vraiment, avait fixé le calendrier. À l'occasion de l'élection, c'était assez clair, mais on a vu que ça a coûté extrêmement cher non seulement en dépenses inutiles, mais en report de décisions et en retards à parler de ces vrais problèmes là dans un contexte référendaire dans lequel le gouvernement nous a tous plongés.

(16 h 10)

Mais, là, depuis quand même plusieurs semaines, le premier ministre, dès décembre dernier, a annoncé ses priorités. Le discours de Laval est encore présent dans l'esprit de tout le monde, le discours de Laval en matière de finances publiques, le discours de Laval en matière d'emplois, en matière de déréglementation, etc. Je dirais que les fleurs n'ont pas produit les fruits encore, là, et, pour les deux ou trois sujets importants d'économie sociale de Montréal et de développement économique, de façon générale de l'emploi, il n'y a rien et on n'aura rien avant janvier de l'an prochain.

Le premier ministre fonctionne beaucoup... Je le vois lorsqu'on retarde certaines choses, lorsqu'il y a des reports, lorsqu'il y a des changements de cap, y compris les 180 degrés, on le voit dans ces différents dossiers gouvernementaux où les ministres s'avancent et se font taper sur les doigts. Il y a des manifestations, autrement. Le premier ministre corrige le tir. C'est son privilège. Il n'y a pas de problème. Il recourt beaucoup à l'excuse et au mea culpa, j'ai trouvé. C'est peut-être une tactique, je ne sais pas, une technique de communication aussi que les gens peuvent apprécier. Mais il ne faut pas passer son temps à s'excuser, là, il faut passer beaucoup plus de temps à décider. Et, lorsque les priorités sont claires, lorsque vraiment le dossier qu'on veut faire avancer, c'est celui de l'emploi, ça devrait se retrouver dans toutes les décisions du gouvernement et ça devrait couler de source. Les interventions, les gestes du gouvernement, ça devrait couler de cette source-là. Ça devrait s'imposer à l'esprit, lorsqu'on regarde le geste du ministre de la Santé ou de la ministre de l'Éducation ou de qui que ce soit, que c'est l'emploi qui les préoccupe, par exemple.

Mais je confesse au premier ministre que ça ne paraît pas qu'il y a une priorité pour le gouvernement au titre de l'emploi. Ce qui paraît, c'est que c'est une priorité au titre de la question nationale comme telle, et ça, ça va à l'encontre d'abord de ce que le premier ministre a lui-même dit sur la trêve à laquelle on l'a appelé, qu'il a consentie à la société québécoise au début de mars dernier, mais qu'il ne pratique pas, et Montréal en pâtit. On va en parler tout à l'heure, de Montréal. On va parler de la division qui s'est instaurée chez les Québécois à cause de la nature des débats qui se sont élevés au Parti québécois, que ce soit la langue, que ce soient d'autres tensions sociales, que ce soient les luttes intergénérationnelles, entre les générations, entre les jeunes et moins jeunes, notamment que son ministre délégué aux Relations aux citoyens a lancées dans le portrait, a commencé à initier.

Ce n'est pas une priorité prioritaire, ça, l'emploi, si le premier ministre a le temps, je dirais, d'endurer - disons que ce n'est pas de sa faute, pour les fins de la discussion - ce qui se passe autour de lui et, donc, de ne pas, de façon extrêmement claire, dire ce qui le préoccupe, lui. Si c'est l'emploi qui préoccupe le premier ministre, que ça paraisse donc à chaque fois, que ça paraisse dans chaque décision, que ça paraisse dans chaque discours et que ses discours ne soient pas des successions de sincérité toutes plus différentes et distinctes les unes des autres selon qu'il est au Centaur ou selon qu'il est au Palais des congrès devant ses militants. Si le premier ministre veut donner le signal à 7 000 000 de Québécois que l'emploi, c'est important pour lui, bien, qu'il le fasse. Il va avoir notre appui en tout temps. Ça fait partie, ça, de la marque de commerce du parti que je dirige, et les Québécois s'attendent à ce que, comme opposition officielle, on appuie les gestes du gouvernement en matière de création d'emplois puis de développement économique. Mais, pour ça, il faut que ça passe par les trêves dont lui-même a parlé et qu'il fasse preuve davantage de constance dans sa défense des intérêts économiques des Québécois.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Est-ce que vous voulez réagir dès maintenant?

M. Bouchard: Si je le peux, oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je voudrais remercier le chef de l'opposition de son offre d'appui au gouvernement, nous nous en prévaudrons aussi souvent qu'il sera possible. Mais je voudrais quand même relever un propos qu'il a tenu. Il a insisté beaucoup. Il a assimilé la conception que le gouvernement et moi-même avons de l'avenir du Québec et de sa place en Amérique du Nord à une conception de virtualité, un Québec virtuel, un Québec purement imaginaire, un Québec fictif, un Québec qui n'existerait pas dans la réalité. S'il y a une chose qui est bien réelle, M. le Président - il faut quand même revenir aux faits, là, fondamentaux - c'est qu'on hérite d'une situation qui s'est propagée pendant plusieurs années. L'un des événements les plus marquants et qui aient déterminé la fin du gouvernement que présidait le chef de l'opposition à l'époque, ç'a été un déficit de 5 700 000 000 $. Ça, ce n'était pas virtuel, ça, c'était réel, avec un dépassement de l'ordre de 1 000 000 000 $. La dette du Québec, ce n'est pas virtuel. La nécessité d'intervenir pour redresser nos finances publiques, pour mettre la maison du Québec en ordre, ce n'est pas virtuel.

M. le Président, je soumets que, si on regarde ce que le gouvernement a fait quand M. Parizeau a pris le pouvoir, c'est vrai qu'il y a eu un référendum, mais M. Parizeau n'a pas pour autant délaissé ses préoccupations gouvernementales. C'est M. Parizeau qui a amorcé le processus de réforme des finances publiques. C'est lui qui, le premier, a pris cet engagement qui apparaît dans le budget du mois de mai 1995, c'est lui qui a pris l'engagement, au nom du gouvernement qu'il présidait alors, et que nous allons respecter dans la suite des choses, de redresser les finances publiques, d'abaisser graduellement, jusqu'à un compte à zéro du solde des opérations courantes, le déficit du Québec. C'est lui, donc, qui a pris le premier engagement, en particulier pour le budget de 1995-1996. C'est la première fois, la première fois de l'histoire récente du Québec, qu'un engagement financier pris par un gouvernement est respecté, respecté à la lettre et aux chiffres près. Ce n'est pas de la virtualité, ça, c'est de la réalité.

Alors, c'est sûr qu'on a des opinions différentes par rapport au régime politique qu'on souhaite pour le Québec, mais nous faisons acte de réalisme et de responsabilité quand nous reconnaissons que la première chose à faire, dans l'état actuel des choses, c'est d'assumer des responsabilités qui sont difficiles à assumer, mais qui nous obligent à colmater cette brèche terrible qu'on a ouverte entre les générations et à faire en sorte qu'on remette de l'ordre dans les finances publiques du Québec.

Les crédits qui ont été déposés, ce n'est pas virtuel non plus. La coupure de 2 200 000 000 $ qu'on a faite, ce n'est pas virtuel. L'assurance-médicaments qu'on va mettre en vigueur, ce n'est pas virtuel. La Loi sur l'équité salariale qui va enfin garantir aux femmes au Québec, à la moitié du Québec, un droit qui est leur depuis très longtemps, ce n'est pas virtuel. Et puis le consensus qu'on a dégagé il y a quelques semaines, au sommet, à la conférence de Québec, ce n'est pas virtuel. Le chef de l'opposition était là, il y avait des collègues de son parti qui étaient avec lui. C'est la réalité. Au lendemain d'un référendum qui a été extrêmement vigoureux, qui s'est déroulé dans des conditions admirables de démocratie et de paix sociale, on a quand même vu des tensions qui se sont raidies entre différentes composantes de notre société. Et on a pu voir, quelques mois après, à cette conférence de Québec, des gens qui étaient des deux côtés de la question, qui se sont affrontés avec un sens de civilisation et du respect, mais avec beaucoup de vigueur, et qui se sont retrouvés en train de jaser ensemble de l'avenir du Québec, de la nécessité de rétablir les finances publiques, de créer de l'emploi et de mettre sur pied des mécanismes pour dégager des mesures concrètes pour remettre les jeunes au travail. On a vu ça. On a vu M. Laurent Beaudoin en grande conversation avec Gérald Larose; ce n'est pas rien dans une société, ça. Je comprends que ç'a pu inquiéter le chef de l'opposition, mais, dans le fond, je ne pense pas que ça l'a inquiété, parce que je lui fais honneur de penser qu'il croit que c'est important pour le Québec d'avoir le consensus puis d'avoir la paix sociale.

Je voudrais lui dire une chose, c'est que le conseil national de la fin de semaine, ce n'était pas une diversion. Ça n'a pas été conçu pour attirer l'attention des gens sur autre chose que des problèmes fondamentaux comme l'emploi et les finances publiques, pas du tout. Je pense que le chef de l'opposition sait très bien que son gouvernement, en 1993, a adopté une loi extrêmement controversée dans le dossier linguistique, qu'il a rompu une sorte d'équilibre qui avait été créé dans l'application de la loi 101, qu'il a dilué la loi 101 et que, surtout, en continuation d'une politique de laisser-faire vis-à-vis de l'application de la loi, il a adopté la loi 86, qui a suscité, comme nous le savons, des controverses extrêmement importantes au Québec.

(16 h 20)

S'il y a une chose que nous ne souhaitons pas, M. le Président - et je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de monde au Québec qui souhaite ça - c'est que nous revivions une crise linguistique. Nous n'avons pas besoin, au Québec, de vivre une crise linguistique. On n'a pas besoin de rouvrir des lignes de fractures. Au contraire, ce qu'il faut faire, c'est de pratiquer une politique de réconciliation, une politique d'ouverture. Il faut qu'on puisse se rappeler que nos avons des patrimoines communs. Qu'on soit fédéraliste, souverainiste, qu'on soit d'une communauté ou de l'autre, qu'on parle une langue ou l'autre, il faut que nous nous rappelions tous que nous sommes d'abord une démocratie, que nous chérissons nos valeurs démocratiques et que le Québec a été grand, le Québec a avancé chaque fois qu'il s'est montré tolérant en conformité avec sa caractéristique fondamentale qui est d'être justement tolérant. C'est la politique du gouvernement, c'est ma politique.

Pourquoi il y a eu une discussion, en fin de semaine, sur le dossier de la langue à un conseil national du Parti québécois? Pas parce que, moi, je l'ai voulue, pas parce que le parti lui-même l'a voulue, c'est parce qu'il a été nécessaire, lorsque le gouvernement a pris le pouvoir en 1994, de faire le bilan de la situation de la langue. Après tout ce qui était arrivé, la loi 86, le laxisme du gouvernement libéral vis-à-vis l'application de la loi, il fallait faire quelque chose. Le chef de l'opposition affiche un air dubitatif par rapport à ce que je dis, mais, enfin, il va reconnaître que, lui-même, en campagne électorale, il n'a pas été très ému de voir les violations constatées et visibles à la loi 101. Ça démontrait une attitude pour le moins étrange de la part d'un premier ministre vis-à-vis du respect d'une loi, quelle que soit la loi.

Un gouvernement n'a pas l'obligation d'appliquer une loi plus durement qu'une autre. L'obligation du gouvernement d'appliquer les lois est uniforme. Il est de l'essence d'une loi d'être appliquée. Autrement, pourquoi on passe des lois? Pourquoi on s'impose des débats comme ceux que nous avons à l'Assemblée nationale si, à l'issue des débats, une fois la loi adoptée et sanctionnée par les autorités concernées, on ne l'applique pas ou alors on considère que c'est le genre de loi que, si on voit une infraction, ce n'est pas grave, enfin, cette loi-là, non, moi, cette loi, je ne trouve pas tellement qu'on doit... Non, il fallait donc qu'un bilan se fasse. Le bilan a été fait.

Rappelons-nous quand même les choses. C'est que ce bilan est tombé sur nos bureaux au mois de mars, un bilan extrêmement élaboré qui montrait que, oui, on est en train de réussir des choses du côté de la promotion de la langue française et que, globalement, on est en train de progresser, mais que, par contre, il y a matière à inquiétude sous plusieurs aspects. Quand on parle de la langue française au Québec, même pour les gens qui ne sont pas à Montréal, là - à Montréal, c'est sûr que c'est encore plus vivant parce qu'ils sont sur la ligne de contact - pour tous ceux qui sont des francophones québécois et, je suis convaincu, pour beaucoup d'anglophones aussi, le respect de la langue française, c'est une grande valeur de civilisation et c'est aussi un élément d'identité fondamental de la société québécoise. On peut donc comprendre que les gens s'inquiètent, qu'ils s'inquiètent et s'émeuvent quand ils lisent, dans un rapport très étoffé, très élaboré, que, sous certains angles, il y a matière à intervenir et qu'en effet le manque de volonté dans l'application des lois linguistiques a causé des dommages.

Alors, le Parti québécois se devait d'examiner la question, d'autant plus que le gouvernement avait annoncé les mesures qu'on connaît pour intervenir dans le sens d'une promotion plus efficace de la loi linguistique. Grand débat: Est-ce qu'il faut revenir à l'unilinguisme? Est-ce qu'il faut, et pour cela, invoquer une dérogation à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec? Est-ce qu'il faut obliger les gens, les allophones, à fréquenter les cégeps uniquement francophones? Des questions importantes, des questions fondamentales, d'autant plus que, dans le programme du Parti québécois, il y avait cet engagement-là. Le Parti québécois est un parti qui est très conscient de ses engagements et qui s'est posé la question en fin de semaine, et qui s'est demandé: Est-ce que le gouvernement a raison de ne pas appliquer l'engagement du programme de revenir à l'affichage unilingue ou s'il doit pratiquer une politique de resserrement des lois existantes et continuer de tendre la main à la communauté anglophone pour créer au Québec l'atmosphère de réconciliation qui est importante pour faire ce que nous avons à faire ensemble?

C'est le débat que nous avons eu. Qu'on ne se surprenne pas que le débat ait été intense, qu'on ne se surprenne pas qu'il y ait eu des interventions passionnées. Mais, ce qui est important, c'est qu'à la fin de la journée une décision a été prise, décision démocratique à l'effet d'appuyer le gouvernement dans la politique qu'il poursuit. Je suis très fier de la décision. Je trouve ça difficile, c'est évident, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile de participer à des débats aussi vigoureux, mais je peux dire au chef de l'opposition que les décisions se sont prises dans la salle, elles ne se sont pas prises dans les chambres d'hôtel, dans les corridors. Les décisions se sont prises dans la salle, comme tout le monde a pu le voir.

Donc, non, ce n'est pas une diversion. Non, c'est un geste nécessaire qui a été posé. Et puis, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, le dossier de la langue, comme celui de la souveraineté d'ailleurs, sera toujours profondément inscrit dans le paysage politique québécois. On ne pourra pas se débarrasser de ça. Pourquoi? Ce n'est pas parce qu'un homme ou une femme politique ne voudront pas le faire, c'est parce qu'il y a, dans le peuple du Québec, un pouvoir très fort. Quand 49,4 % des gens viennent de voter pour faire du Québec un pays souverain dans un référendum qu'on connaît, on ne va pas s'imaginer que, tout à coup, par une opération du Saint-Esprit, l'idée d'un pays souverain, pleinement responsable de son destin et nanti de tous ses moyens, va être extirpée du jour au lendemain.

Et la langue, c'est la même chose, sinon plus. La langue, c'est ce qu'on est, c'est notre âme. Donc, il fallait en traiter, mais il fallait avoir une décision. Le gouvernement ne voulait pas mener une politique qui n'était pas conforme au programme de son parti sans en parler à son parti - on connaît d'autres partis qui ne font pas la même chose - parce que le Parti québécois, le gouvernement du Parti québécois se soucie du programme, se soucie de ce que les militants ont décidé, et, donc, veut en discuter avec eux et veut les convaincre - c'est ce que nous avons fait en fin de semaine - de l'opportunité de pratiquer la politique que nous menons.

Et je terminerai, M. le Président... Si vous me permettez, je vais prendre encore un petit peu de temps. Le chef de l'opposition a été un peu nostalgique en évoquant des dates d'anniversaire: l'anniversaire du référendum, une date qui va lui tenir à coeur, l'anniversaire de mon assermentation, mais c'est également l'anniversaire de la signature de l'accord du lac Meech, ça fait neuf ans, aujourd'hui. Il y a neuf ans, aujourd'hui, un premier ministre du gouvernement fédéral, entouré de 10 premiers ministres provinciaux, signait un accord sans précédent, qui s'est appelé l'accord du lac Meech, qui était un geste d'espoir dans un avenir, un premier pas qui aurait pu ouvrir d'autres portes, peut-être, pour les gens qui le pensaient à l'époque, un premier pas qui était un geste symbolique de reconnaître que le Québec est une société distincte et tout ce qu'on sait, mais qui devait s'ouvrir sur une négociation en profondeur de partage nouveau des pouvoirs, où le Québec, comme société distincte, donc comme peuple, se verrait attribuer les pouvoirs qui sont afférents à un peuple.

Il y avait beaucoup d'espoir en arrière de ça. On sait que beaucoup de Québécois ont investi de l'espoir là-dedans, dont moi, parce que c'est la raison pour laquelle je suis entré en politique, au niveau fédéral, pour contribuer, à ma modeste mesure, à convaincre les gens du Canada anglais de ratifier cet accord. C'était la démarche de la dernière chance. On sait à quel point les Québécois ont été déçus, à quel point le refus d'entériner cet accord qui était signé en toute bonne foi il y a neuf ans, qui a été ratifié le premier par l'Assemblée nationale du Québec... On sait à quel point l'échec de cet accord, son rejet, le fait qu'il soit relégué aux oubliettes, a changé toute la situation, toute la dynamique, puisque c'était véritablement la dernière fois qu'il apparaissait possible de faire quoi que ce soit, dans un avenir, qui respecterait, par les structures politiques du Canada, la nature du peuple du Québec.

Alors, où en sommes-nous maintenant? En ce qui me concerne, en ce qui concerne le Parti québécois, tout a été épuisé. Tout a été fait. On n'a plus le droit de continuer à consacrer des activités et des conférences fédérales-provinciales stériles à poursuivre le bout de la queue du chat. Et le chef de l'opposition nous parlait de ma conception virtuelle du Québec, je dois dire que son programme constitutionnel à lui est éminemment virtuel, puisqu'il n'en existe pas, de même que le programme de son allié, le chef du gouvernement fédéral, qui, lui aussi, est totalement virtuel, puisqu'il n'y a plus rien. Il s'accrochait encore à l'idée fugace d'une reconnaissance du caractère distinctif du Québec tellement diluée qu'on ne la reconnaissait pas. Il l'a retirée précipitamment pour lui substituer cette idée du foyer principal, que le chef de l'opposition a immédiatement dénoncée. Je pense que c'est lui qui l'a abattue en flammes tout de suite. Il s'est prononcé avant moi. Et puis je pense qu'il avait raison. De sorte que, maintenant, il n'y a plus rien. Il n'y a plus rien sur la table constitutionnelle du Parti libéral du Québec, il n'y a plus rien, non plus, sur la table du gouvernement fédéral.

(16 h 30)

Mais, nous, nous avons quelque chose sur la table. Nous pensons que, après tout ce qui a été essayé, il n'y a plus qu'une seule possibilité, c'est de nous faire confiance, à nous, comme peuple, d'assumer tous nos pouvoirs, toutes nos responsabilités, tous nos moyens, mais, évidemment, de le faire avec l'idée que, quoi qu'il arrive, il y aura des rapports avec le monde. Le programme souverainiste, ce n'est pas un programme de ghetto, c'est un programme de libre-échange, c'est un programme qui veut situer le Québec dans les grands courants mondiaux de l'économie, et qui va se traduire, en particulier avec le reste du Canada, avec, de facto ou formellement conclu, un partenariat imposé par la géographie, l'histoire, les agences économiques. C'est inévitable qu'il y en ait un, partenariat. Sera-t-il écrit, sera-t-il négocié, sera-t-il encadré dans des institutions formelles? C'est ça qu'on verra.

Mais, nous, ce qu'on dit, et là, là-dessus, il faudrait qu'on soit clairs, parce qu'on l'a toujours été, puis j'aimerais que le chef de l'opposition fasse un dernier effort pour comprendre la position constitutionnelle du Parti québécois, c'est qu'il y aura un référendum, il y aura un référendum, on ne sait pas quand. Il est évident qu'actuellement les priorités sont ce qu'elles sont: l'emploi, les finances publiques, les programmes sociaux à préserver, et ainsi de suite, et que, faute de quelqu'un qui jetterait une clef anglaise dans la mécanique, ce n'est pas pour demain, le référendum, parce que ça prend des élections avant, et ainsi de suite. Il faudrait donc que le fédéral s'énerve et précipite les choses. Je fais confiance à M. Chrétien pour avoir le bon sens de ne pas précipiter les choses par un raidissement indu.

Ceci étant dit, quand il y aura un référendum, nous allons poser une question sur la souveraineté du Québec, en prenant à nouveau l'engagement d'offrir au reste du Canada, au lendemain d'un oui, un partenariat formel qui va porter sur l'économie et sur les institutions qui vont régler les rapports économiques. Alors, de deux choses l'une: ou le Canada anglais dit: Oui, on va négocier, on va essayer de négocier un partenariat formel, ou il dit: Non, on ne veut pas négocier. Actuellement, il dit non. Pourquoi il dirait oui? Il est incapable de changer une virgule dans la Constitution, il ne va pas nous dire oui là-dessus. Mais le jour où le Canada anglais sera mis en face d'une décision prise par le peuple du Québec, d'une décision qui est positive: Oui, on veut être souverain, et en même temps on vous donne la chance de faire un partenariat, si vous voulez, formel, avec des institutions à l'européenne, à ce moment-là, pour la première fois, le Canada anglais va être obligé de considérer la question. Il ne la considère pas maintenant, il ne peut pas la considérer, mais le jour où on aura dit oui, où on se sera affiché comme peuple, qu'on aura pris une décision de peuple, il devra nous traiter comme un peuple et lui-même se définir par rapport à nous, dire: Oui, je vais essayer de négocier un partenariat, ou non. Vous pensez qu'il va dire non? Moi, je vous dis qu'il y a déjà des voix éminentes, objectives et crédibles qui se sont fait entendre dans le monde des affaires, à Toronto en particulier, qui ont dit: Si le Québec dit oui, il faudra négocier. La voix du bon sens, la voix de l'intérêt, la voix de l'économie, la voix de l'histoire, la voix de la géographie va se faire entendre avec force, et je pense qu'on va négocier un partenariat.

Vous me dites: Oui, mais, si on ne négocie pas, qu'est-ce qui arrive? Bien, qu'est-ce qui arrive, c'est qu'on proclamera la souveraineté. On se donne un délai pour faire une opération crédible; on a parlé d'un an la dernière fois, j'imagine qu'on parle encore d'un an. Si jamais on se rendait compte, cependant, que le Canada anglais ne veut pas négocier, que le fédéral ne négocie pas et use de procédés dilatoires puis qu'on perd notre temps, puis qu'il essaie de saborder le consensus référendaire qui concluait à un oui pour la souveraineté, alors, on proclamera. L'Assemblée nationale sera saisie d'un rapport sur l'état de la négociation espérée avec le reste du Canada et, si le rapport est en ce sens, elle votera sur une proposition de proclamation. Ou alors, entendant des rapports positifs sur l'évolution des négociations, elle va attendre le moment où on lui déposera le projet de partenariat pour le sanctionner en même temps qu'elle proclamera la souveraineté. Je ne vois pas ce qu'il y a d'astuce là-dedans. C'est parfaitement clair. C'est, à mon avis, tout à fait crédible quand on connaît la dynamique politique et économique. Et, à ce moment-là, moi, je pense que vous ne pouvez pas nous accuser de ne pas être clairs, surtout avec le programme inexistant que vous avez, étant dit en tout respect.

Et je termine, M. le Président, sur les intentions du gouvernement par rapport au gouvernement fédéral dans l'entre-temps. Dans l'entre-temps, nous allons nous montrer positifs avec le gouvernement fédéral. Je compte bien rencontrer M. Chrétien au cours des prochaines semaines. Il y a déjà des contacts qui ont été établis. On va essayer de dresser une liste des sujets qui seront abordés, qui sont des sujets économiques, des sujets ponctuels. Et j'espère qu'on sortira de cette rencontre, si elle a lieu, et elle devrait avoir lieu pour cela, avec des réponses positives. On paie des dizaines de milliards d'impôts à Ottawa, 30 000 000 000 $, on est toujours dans la fédération canadienne, comme vous l'avez justement noté, et, tant qu'on sera là puis qu'on donnera de l'argent à Ottawa, on va aller chercher le maximum de ce qu'on a investi dans une fédération qu'on veut changer.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je prenais connaissance, la semaine passée, d'un communiqué où, à la veille du Conseil national, on énonçait les priorités du Parti québécois. Je comprenais que ce n'était pas nécessairement les priorités du gouvernement, c'était celles du Parti québécois, essentiellement les trois premières, qui étaient bien marquées: c'était la Constitution, la langue et la social-démocratie.

J'allais poser la question au premier ministre, à savoir si c'était aussi ces trois priorités-là, la Constitution, la langue, la social-démocratie, les trois priorités du gouvernement, mais je dois dire que, dans plusieurs des interventions qu'il a faites, je pense qu'il nous a confirmé que c'était un petit peu le cas. Je dois dire que ces priorités-là, j'aurais souhaité qu'elles ne soient pas celles du gouvernement, pour plusieurs raisons. D'abord, priorité sur la Constitution. J'avais compris, au lendemain du 30 octobre, que le peuple s'était démocratiquement prononcé et que, quand on parlait d'une trêve nécessaire, on parlait d'une trêve en années, et en années avec un «s», sur la question de la Constitution. Et, sur ce point-là, le chef de l'opposition en a parlé tout à l'heure longuement, et j'invite le premier ministre à résister à la pression constante, qui va lui venir du chef de l'opposition, à parler de Constitution. Je suis au Parlement depuis septembre 1994. Période de questions après période de questions, constamment, après une introduction où il nous disait qu'il ne fallait pas trop parler de Constitution, le chef de l'opposition nous offrait une période de questions entièrement axée sur la Constitution. Et j'invite le premier ministre à résister encore à cette invitation d'aller réentreprendre des négociations avec le gouvernement fédéral.

Mon invitation au premier ministre: au contraire, il y a des gens qui nous ont promis du changement, mais qu'on attende qu'ils mettent des choses sur la table, et que le gouvernement du Québec n'aille pas brûler ses énergies à aller essayer de négocier ou de renégocier ou de rafistoler. S'il y a des changements à être mis sur la table, ils seront mis sur la table, ils pourront être évalués en temps et lieu par tout le monde dans l'Assemblée puis dans les commissions appropriées. Mais, en attendant, je pense que le chef du gouvernement, et là contrairement aux priorités qui ont été invoquées comme étant les principales du Parti québécois, doit se remettre sur les premiers discours, les premiers, premiers discours, avant même que sa candidature soit officialisée comme chef du Parti québécois, où le premier ministre actuel nous parlait de l'économie, de l'endettement public, et, lorsqu'il a pris les fonctions, ça s'est transformé en un sommet où on allait en discuter. Et est sorti d'un sommet, comme une des conclusions, un autre sommet. Et, dès la clôture, j'avais manifesté, pas mon opposition au fait qu'on poursuive les discussions - au contraire, là, c'est bien de faire un suivi - mais mon inquiétude sur le fait que, dans l'entre-sommets, puisqu'il faut l'appeler comme ça, on doive passer à l'action, on doive déjà faire des choses. J'avais des inquiétudes.

Le président de Quebecor, bien connu, M. Pierre Péladeau, lui, avait l'impression qu'on avait fait du placotage, qu'il n'est plus sûr qu'il va être encore du processus. Le président de la CSN, celui qui avait finalement imposé le nouvel échéancier au gouvernement en matière de réduction du déficit, le président de la CSN, M. Gérald Larose, là, ça n'a plus l'air d'être sûr, il ne faut plus couper. Alors, moi, je ne sais pas. Je lis ça ce matin, qu'il ne faut plus couper. Il me semble qu'il y a juste un poil de plus puis que, là, les objectifs qui ont été fixés, déjà les objectifs rallongés d'élimination du déficit, ils ne seront plus bons. Parce que, s'il ne faut plus couper, il va falloir augmenter les taxes d'une façon tellement radicale que l'économie du Québec va s'écrouler. Alors, ça, c'est la nouvelle position que prend le président de la CSN.

(16 h 40)

Et je veux revenir sur le sommet puis sur les objectifs. La priorité est l'endettement public. Après coup, on réfléchit à toutes ces affaires-là, puis le gouvernement du Parti québécois veut des engagements, des engagements pris par l'ancien premier ministre avant qu'il quitte la vie politique, des engagements précis: élimination, sur une période de deux ans... d'ailleurs, tous les parlementaires de l'Assemblée avaient, par voix de motion, appuyé le premier ministre là-dedans. C'était assez extraordinaire comme consensus: sur une période de deux ans, on procédait à l'élimination du déficit des opérations courantes.

Ce qui est extraordinaire, c'est que le premier ministre, qui nous dit qu'on va avoir une priorité accentuée sur l'endettement public, pour concrétiser qu'on va accentuer cette priorité à l'endettement public, on va en faire un sommet, et on sort du sommet en question avec un délai plus long, avec moins de priorité à l'endettement public. Alors, moi, ça m'avait étonné, je l'avais souligné à ce moment-là, puis là je manifeste d'autres inquiétudes quand je vois qu'un de ceux qui avaient imposé le nouveau délai, bien, il n'est même plus sûr, il pense qu'il ne faut plus couper dans rien. Alors, j'ai hâte de voir ce que ça va donner, mais, en tout cas, pour moi, ça requestionne la pertinence de s'être soumis, tout le monde, à ce nouvel agenda, l'agenda Larose, en matière d'élimination du déficit. Évidemment, à moins que le gouvernement ne s'en aille, comme le propose le président de la CSN, du côté des hausses de taxes, parce que, là, je dois dire que le premier ministre avait sûrement raison sur des points, tout à l'heure, où il disait que le déficit qui avait été laissé n'était pas virtuel. Il y a plusieurs des choses qu'il a nommées qui n'étaient pas virtuelles.

Mais, puisqu'il faut parler de virtualité, le gel des taxes et des impôts auquel il s'est engagé, lui, je pense, s'annonce virtuel. Quand on pense à la hausse des tarifs d'Hydro-Québec après que le ministre responsable a largement fait état des gaspillages à Hydro-Québec, bien, quand on demande aux gens de les financer pour pouvoir ensuite retransférer cet argent-là dans les coffres du gouvernement, à mon avis, c'est une hausse indirecte, très indirecte, mais une hausse, ultimement, de taxes; l'assurance-médicaments, je me permets de m'inquiéter, là, quand on regarde les principes défendus par le gouvernement devant les tribunaux sur ce que c'est qu'un régime d'assurance; les transferts qui vont se faire, nécessairement, aux municipalités, les taxes scolaires. Alors, j'ai l'impression que le fait qu'on dise à la classe moyenne, pour M. et Mme Tout-le-Monde, qu'il n'y aura pas d'augmentation des taxes et des impôts, ça s'en vient passablement virtuel, et, ça, c'est une autre de mes inquiétudes.

Et je vais conclure, M. le Président, en revenant à cette question-là des deux grandes priorités qu'avait identifiées dans ses discours le premier ministre: économie, endettement public, parce que, au-delà des sommets, quand quelque chose est pointé du doigt par le premier ministre ou par celui qui veut le devenir comme étant une priorité, la première chose à laquelle les gens s'attendent, c'est des actions immédiates. Souvent, les engagements électoraux, d'ailleurs, pour symboliser ça, les partis politiques prennent des engagements électoraux en disant: Six mois après notre élection, ce sera fait, ou tant de jours, pour symboliser que la priorité, là, va se faire tout de suite.

Et ce qui se passe, c'est que, dans le cas de l'économie, où la priorité est immédiate, les actions, au contraire, sont reportées, sont remises à un sommet à l'automne et sont remises à plus tard, puis peu d'actions concrètes semblent... les résultats vont tomber déjà sur la table au printemps, alors que sur la langue qui, à cette époque-là, il y a à peine quelques mois, n'a jamais été identifiée par le premier ministre comme étant une de ses priorités, mais sur la question de la langue, là, les actions sont immédiates: 5 000 000 $ nouveaux en surveillance. J'ai lu - peut-être que le premier ministre me le confirmera - que l'Office de la protection du consommateur pourrait avoir une espèce de nouveau mandat, devenir un nouvel office de protection de la langue française. Donc, on va déployer des ressources qui vont changer de place, on va protéger moins les consommateurs pour faire plaisir à une aile du Parti québécois sur la question linguistique. Mais tout ça pour dire que les actions vont être plus immédiates sur la question de la langue que sur les questions économiques, alors que la priorité avait été mise sur l'économie.

Alors, c'est là que, moi, j'ai une question, d'autant plus qu'à mon avis la question linguistique - et je l'ai dit en fin de semaine, je le répète - c'est un petit peu un problème interne, partisan, qui se trouve transféré à l'ensemble de la société, et ça me paraît malheureux. J'entendais le premier ministre qui nous disait, finalement: La décision qui a été prise par le parti... Je ne suis pas sûr que lui est heureux de tout ça, là, mais il est chef d'un parti, il est premier ministre, il est responsable de ce qui se passe. Si c'était seulement pour faire appliquer la loi, faire appliquer une loi qui existe déjà, bien, il me paraît que le chef du gouvernement, avec ses ministres, qui sont en position d'autorité pour faire appliquer les lois, ont brassé un peu de vent, peut-être un peu trop de vent, peut-être déplacé un peu trop d'air pour simplement faire appliquer la loi et que ça a généré autour de ça un débat qui est susceptible de générer, malheureusement - et je comprends que le premier ministre peut le regretter, mais - des tensions sociales. Et, si c'était seulement pour faire appliquer une loi qui existe déjà, il me semble qu'un chef de gouvernement a des moyens de faire appliquer la loi, qui ne nécessitent pas de générer dans toute la société un débat qui peut susciter des tensions comme celles-là.

Les erreurs - je les qualifie comme ça - sont faites, puis ce qui est fait est fait, on ne réécrira pas l'histoire. Ceux qui me connaissent savent que j'aime mieux parler de l'avenir. Et, s'il y a une chose sur laquelle j'aimerais entendre les commentaires puis avoir un engagement ferme du premier ministre, pour ne pas que les gens se mettent à faire la surenchère des manifestations pour essayer de convaincre le gouvernement, c'est que le premier ministre s'engage à ce que ce débat-là, sur la langue, soit fermé d'ici la fin du mandat, qu'il va faire un certain nombre de choses dans l'immédiat, qu'il a promises en fin de semaine, pour essayer de réparer les affaires, mais que le débat linguistique soit fermé jusqu'à la fin du mandat. Il n'y aura plus aucune tension qui va être générée par ça, on n'en entendra plus parler, ça va être clos.

Et la deuxième chose sur laquelle j'aimerais l'entendre, et je l'ai dit tout à l'heure: si la priorité est à l'économie et non à la langue, bien, est-ce qu'il pourrait s'engager... Je comprends qu'il ne peut pas annoncer des mesures budgétaires, mais que dans le prochain budget on ait, en matière de redressement économique, des mesures immédiates, au moins aussi immédiates que celles sur la langue, et encore plus vigoureuses que celles qu'il a pu identifier au niveau linguistique. Merci, M. le Président.

M. Bouchard: M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: D'abord, je voudrais donner l'assurance au député de Rivière-du-Loup que je vais m'armer de toute la détermination qu'il faut pour résister aux tentations que susciteront devant moi le chef de l'opposition, de même que M. Chrétien, de parler Constitution, parce que, étrangement, ça semble un peu contagieux: le chef de l'opposition nous en parle, il y a M. Chrétien, maintenant, qui veut faire des conférences fédérales-provinciales pour parler de Constitution. Vous savez que nous avons entendu parler de cette possibilité qu'il y ait la convocation d'une conférence fédérale-provinciale au mois de juin. On nous dit qu'il y aura, entre autres, deux sujets: les aspects des programmes sociaux, du filet de protection sociale, et le développement économique et la création d'emplois. Dans cette mesure-là, bien sûr, nous serons heureux de participer activement à la conférence fédérale-provinciale. Mais on laisse entendre qu'on pourrait parler de Constitution aussi. Alors, là, ça nous inquiète, parce qu'on pense également que ce serait une perte de temps, que c'est une discussion un peu stérile. On verra ce qui en sera.

Mais je peux rassurer, cependant, le député de Rivière-du-Loup en lui disant que le premier Conseil national du Parti québécois auquel j'ai assisté, en février, avait comme thèmes les finances publiques et la création d'emplois et que, s'il est vrai que nous avons fait un caucus de quelques heures sur la stratégie référendaire et souverainiste, bien, on a consacré également un caucus de deux jours à l'économie et à la création d'emplois. Et puis on fait tellement de caucus qu'on peut bien en consacrer un de temps en temps à la souveraineté, M. le Président.

Ce qu'il faut conclure par rapport à tout cela, c'est qu'il faut aussi créer de l'espoir. Et je pense que, de redresser les finances publiques, c'est la meilleure façon de créer l'espoir qu'on va en sortir. Les gens savent que c'est temporaire, les gens savent que c'est un gros effort à faire pour nous-mêmes, pour nos enfants, pour donner à l'État sa liberté d'action. Et, moi, je suis convaincu que, si on réussit à maintenir cette perception, que le public me paraît avoir déjà, que les coupures sont faites dans cette intention-là, on va réussir. Et je pense que le député de Rivière-du-Loup conviendra qu'il y a peu de gouvernements qui ont réalisé des coupures aussi considérables que celles que nous avons faites dans les crédits qui ont été déposés. Je n'ai pas entendu de compliments, je m'attendais un peu à en recevoir.

Et je conclus sur la question de la langue. On s'est plaint de ce que l'Office de la protection du consommateur puisse aborder la question. C'est la question de l'informatique, M. le Président. Là où le français, et toutes les langues, d'ailleurs, sont les plus menacées, c'est dans le domaine de l'informatique. On est en train de refaire les fonctionnements de nos sociétés, de nos activités gouvernementales, économiques, sociales à partir de l'entrée en vigueur de la révolution informatique. Ça se passe en anglais, le français est présent à un niveau de 3 % dans l'autoroute de l'information, il y a matière à s'inquiéter, là. Ça, c'est là que le vrai débat devra se livrer. Il faut que ça se fasse par la vitalité, il faut que ça se fasse par le rappel qu'il faut que le français soit aussi présent dans les logiciels grand public, par exemple, qui sont vendus au Québec.

Il est entendu que, si Microsoft avait su à l'avance qu'elle ne pourrait écouler la version anglaise de Windows 95 qu'en même temps que la version française, elle aurait facilement pu prendre les moyens pour le faire puisque la version française était déjà prête. C'était en vertu d'accords qui avaient été conclus avec les Français pour des questions de prix qu'ils n'ont pas pu la distribuer en même temps au Québec. Donc, il faut que l'État du Québec affirme clairement sa politique dans ce domaine. C'est ce qui sera fait.

(16 h 50)

Le débat sur la langue, il y aura toujours un débat sur la langue, dans le sens qu'il y aura toujours une préoccupation pour la langue. Et le gouvernement veut s'assurer que les priorités économiques, les priorités sociales, les priorités de finances publiques auxquelles il s'intéresse maintenant ne vont pas faire craindre aux gens qu'on ait oublié que la langue française est toujours menacée, qu'il faut être vigilants. Mais, par contre, il faut le faire avec tolérance, il faut éviter de le faire par la coercition, il faut le faire par des mesures progressives, mais des mesures constantes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Fabre, vous aviez des remarques d'ouverture à faire.


M. Joseph Facal

M. Facal: M. le Président, le parti ministériel va faire de très, très brèves remarques préliminaires dans la mesure où, bien que certains puissent en douter, les députés ministériels ont une existence indépendante du pouvoir exécutif. Nous savons d'ailleurs pertinemment que la tradition veut que l'étude des crédits soit une sorte de période de questions prolongée où le gros du temps est alloué à un échange direct entre le chef de l'opposition et le premier ministre, et cela est très bien ainsi. Mais je voudrais simplement vous dire que, dans un souci, notamment, de revaloriser un peu l'institution parlementaire, les députés ministériels entendent participer de façon constructive à ces échanges, d'autant plus que nous en avons pour quatre heures.

Je vais rappeler brièvement, simplement, que le chef de l'opposition développait tout à l'heure un peu la même ligne argumentative que la dernière fois qu'il est venu devant cette commission, la semaine dernière, pour parler des crédits du Secrétariat à la jeunesse. Il nous disait essentiellement que le gouvernement ne gouverne pas comme, lui, il le souhaiterait et qu'il faut prendre le Québec réel tel qu'il est. Et j'avais dit, cette fois-là, je le redis encore, M. le Président, qu'il est fascinant, fascinant de voir à quel point un parti politique qui retourne sur les banquettes de l'opposition, comme par enchantement, redécouvre une capacité d'écoute des plus démunis, une compassion pour les infortunés, une sensibilité vraiment touchante à l'endroit des plus mal pris. Et j'avais appelé ça «les vertus curatrices et rédemptives de l'opposition».

Et ce discours, louable par ailleurs, ne doit pas occulter le fait que l'actuel chef de l'opposition, ancien premier ministre, ancien président du Conseil du trésor, ancien responsable de la région de Montréal, a eu neuf ans, de 1985 à 1994, pour agir lui-même et auprès de ses collègues dans le sens des intentions vertueuses qu'il nous communique aujourd'hui. Mais, dans ses propos de tout à l'heure, on a bien vu qu'il oubliait commodément les pages les plus embarrassantes du régime libéral. Il était, avec feu l'ancien ministre des Finances, cosignataire, rappelez-vous, d'un document intitulé «Vivre selon nos moyens», qui était un appel à la rigueur budgétaire. Et vous vous rappelez aussi bien que moi les dépassements continus des prévisions budgétaires: en 1989, le déficit prévu, 1 500 000 000 $, le résultat réel, 1 600 000 000 $; en 1990-1991, la prévision, 1 700 000 000 $, le résultat réel, 2 800 000 000 $; en 1991-1992, la prévision, 3 400 000 000 $, le résultat, 4 100 000 000 $; en 1992-1993, la prévision, 3 700 000 000 $, le résultat réel, 4 900 000 000 $, et ainsi de suite jusqu'au record de 5 700 000 000 $ lors de leur dernière année. Alors, on voit qu'il y a là un fossé abyssal entre le discours d'aujourd'hui et la pratique du temps du gouvernement.

Quant au député de Rivière-du-Loup, lui fait, mais sur un mode mineur par rapport au chef de l'opposition, un peu preuve de ce que j'appellerais de la dyslexie politique, parce qu'il nous presse d'aller vite dans les compressions mais déplore que l'on ait fermé le pénitencier de Rivière-du-Loup. Or, le déficit qui nous force à agir, il n'est pas virtuel, il est réel, et les coûts générés par ce pénitencier n'étaient pas du tout virtuels et bien trop réels.

Pour revenir maintenant à l'opposition, nous concluons, en guise simplement de remarques préliminaires de ce côté-ci, que, quand on a un aussi sombre bilan dans la gestion des deniers publics et quand on a un projet politique d'avenir aussi inexistant qu'indéfinissable - remarquez, M. le Président, que son inexistence en garantit la transparence - on est assez mal placés pour venir aujourd'hui faire des remontrances à un gouvernement qui fait tout ce qu'il est possible de faire dans les circonstances. Nous en déduisons, nous, que c'est à l'opposition de se ressaisir rapidement. Et, en guise de remarques introductives, M. le Président, nous nous en tiendrons vraiment à cela. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Et je reviendrai aux propos du député de Fabre tout à l'heure, très brièvement, parce que je pense qu'il vient de mettre la table exactement sur les priorités dont on doit s'entretenir ici, que j'ai soulevées avec le premier ministre, et qui n'en a pas parlé. Qui n'en a pas parlé, et je vais en faire la démonstration.

Le premier ministre n'en est pas à une contradiction près, une incohérence près. Par exemple, sur la loi 101 et la langue, il a trouvé le moyen de dire dans la même minute - dans la même minute - que le Parti libéral du Québec avait fait preuve de laxisme et qu'on avait dilué la loi 101, pour constater que le bilan qui a été commandé par son prédécesseur immédiat et qui l'inspire maintenant dans ses discours, c'est que le français a fait des progrès, même à Montréal. Ça, c'est à peu près dans la même phrase qu'il a trouvé le moyen de dire ça. Puis imaginez-vous les prédécesseurs, vraiment, là, ils ont laissé les choses aller, puis, quand ils ont commandé un bilan, ils se sont aperçus, sur la foi du bilan, que le programme du PQ n'a aucun maudit bon sens - on va appeler les choses par leur nom - et là que l'espèce de happening de la fin de semaine dernière visait justement à retourner aux dispositions de la loi 86, de signaler... Et, ça, c'est inévitable pour un premier ministre souverainiste de signaler à presque la moitié de son Conseil national qu'ils n'ont pas compris ce qui se passe au Québec pour vrai. Moi, je ne voudrais pas être à la place du chef de parti dont la moitié des gens ne semblent pas avoir compris ce qui s'est passé depuis une dizaine d'années. C'est ça qu'on a vu, enfin, la moitié, 103 à 85. C'est assez chaud, ça. C'est neuf personnes qui changent d'idée pendant la soirée, ou je ne sais pas quand. Et là le premier ministre se ramasse avec un problème majeur sur les bras, et le Québec est véritablement et activement divisé par le parti ministériel en matière linguistique. Ça, on n'avait pas besoin de ça.

Je peux reconnaître les mérites de ceux qui, regardant un bilan, constatent que l'action des nombreuses dernières années est essentiellement une consolidation, et un épanouissement, même, du fait français au Québec, même assaillis que nous sommes par, je dirais, la force économique de 300 000 000 de personnes qui parlent anglais et qui nous entourent. Alors, ça, c'est tout à l'honneur de tous les Québécois, tels qu'ils sont aujourd'hui. On a prouvé, en matière linguistique, qu'on n'est pas obligé d'être souverain, séparé et indépendant pour assurer l'épanouissement de notre langue. Absolument extraordinaire. Et, malgré tout, malgré tout, le premier ministre remet à l'avant-scène, pour calmer ceux qui n'ont pas compris ce qui s'est passé depuis quelques années, depuis que le Parti libéral du Québec a posé le geste qui se conformait à la Charte des droits du Québec, notamment, et à celle de l'ONU et à celle du Canada, etc., toutes les chartes qu'on veut bien imaginer, là, universelles... On a posé ces gestes-là et, à l'intérieur de ce cadre-là, le français a progressé. Alors, on ne peut pas blâmer les prédécesseurs et, en même temps, constater les succès que leur action a pu réserver.

Deuxièmement, sur les finances publiques, je retourne le premier ministre aux déclarations de son prédécesseur. Dès l'élection de 1994, M. Campeau, ministre des Finances, a dit qu'il avait trouvé, quelques jours après son assermentation... Je sais comment ça se passe, je suis déjà passé par là. Le premier ministre le sait aussi, il a déjà été ministre au fédéral. Il a été briefé par ses gens. Et M. Campeau a dit tout candidement qu'il avait trouvé les affaires, au sens générique, en très bon état: pas de surprises, etc., alors que, essentiellement, ce qu'on pouvait anticiper était en train de se réaliser. Problème majeur pour M. Parizeau, hein, qui a envahi la petite salle de conférence de presse dans l'édifice B quelques jours plus tard, convoqué tout le monde - pas le ministre des Finances, pas de sous-ministres, personne, monsieur lui-même - pour venir annoncer que c'était le désastre le plus complet, les finances publiques. Ah! lui, il avait trouvé ça, quelque part au «bunker», comprends-tu, alors que le ministère des Finances et le ministre des Finances trouvaient que, ma foi, tout se portait bien.

(17 heures)

Alors, ce sera intéressant lorsqu'on pourra voir plus attentivement comment, par exemple, la fin d'année financière a été gérée, hein, au 31 mars 1995 pour l'année 1994-1995. On pourra regarder, du côté des revenus non perçus, ce qui a détérioré la condition comptable de l'année 1994-1995, pour se donner un bon tremplin, évidemment. Et ça, là, le premier ministre n'a peut-être pas eu l'occasion de voir ça, au moins une fois dans sa vie, de détériorer l'année des prédécesseurs pour que la première année, 1995-1996, n'ait pas l'air trop mal, puis qu'on engrange un petit peu pour l'année 1996-1997. Ça, c'est des choses qui existent.

Alors, j'ai demandé au premier ministre de regarder attentivement ce qui s'est passé en matière de finances publiques pendant qu'il n'était pas là et il trouvera de quoi s'inspirer et peut-être de changer un petit peu son discours sur les comparaisons d'un régime à l'autre. On n'est pas ici pour parler du passé, mais pour parler de l'avenir, pour parler de l'avenir.

Sur le lac Meech, ce qui m'a frappé, c'est que ça s'est inséré, et c'est ça l'objet principal de mon propos, dans une longue réponse du premier ministre, à qui j'ai demandé, littéralement: Voulez-vous nous dire quelles sont vos priorités pour l'emploi? La relève de l'emploi chez les jeunes, qu'est-ce que vous comptez faire compte tenu des phénomènes que nous connaissons au Québec au point de vue des tensions sociales, au point de vue de la difficulté d'insertion sociale de dizaine de milliers de Québécois et de Québécoises? Il m'a répondu, pendant 20 minutes, sur le projet de la souveraineté. Moi, je veux bien, là, que le premier ministre résiste à mes questions si j'aborde le sujet, mais il devrait résister, lui, au plaisir évident qu'il a à en parler pendant 20 minutes et à ne pas répondre aux questions réelles qu'on lui pose sur des problèmes réels. Alors, je lui ai demandé quelle était la priorité du gouvernement en matière d'emploi, on l'a évoqué en matière de services d'éducation - je l'ai fait dans mon introduction - ce à quoi on pouvait s'attendre... Oui, oui, il y a des états généraux, je comprends, là, mais des actions, tout de suite, sur le décrochage scolaire, c'est possible ou, alors, est-ce qu'il faut s'en remettre, là aussi, au programme du Parti québécois qui dit que c'est seulement si on est souverain qu'on va avoir comme priorité l'éducation et la lutte au décrochage scolaire?


Discussion générale


Instabilité politique et développement économique

Je réfère le premier ministre à un document qu'il ne lit pas ou dont il n'a peut-être pas pris connaissance, qui est le programme politique du Parti québécois, «Des idées pour mon pays», je ne sais trop quel est le titre sous lequel ça se promène de ce temps-ci, mais c'est un programme politique où toutes les solutions à des problèmes pratiques qu'on connaît aujourd'hui, y compris en matière d'éducation où on a la souveraineté absolue, doivent attendre que les Québécois votent majoritairement pour l'indépendance, partenariat ou pas, ça n'a pas d'importance, etc., le premier ministre a été assez clair là-dessus, et là on va pouvoir finalement parler de ça.

Le problème que je vois avec ça, c'est que le premier ministre, dans le fond, il refuse de dire ce qu'il va faire demain matin pour l'emploi. Il n'y en a pas, de plan. Le seul plan du premier ministre, c'est de faire de la «consensualite» lors d'une conférence socioéconomique, de dire que tout va bien au Québec parce que M. Untel et M. Untel ont l'air de se parler dans un coin. On ne sait pas ce qu'ils se sont dit incidemment, et ce qu'ils se sont dit ne semble pas avoir requis leur unanimité à eux parce qu'il y en a un qui se promène et qui dit d'arrêter de monter les impôts et l'autre, effectivement, prétend qu'il faut absolument monter les impôts. Bon.

Alors, les gens d'affaires, les chambres de commerce, tout le monde le dit, il y a un effet réel. Et M. Beaudoin aussi l'avait d'ailleurs dit, à la conférence socioéconomique, ce n'était pas psychologique, son affaire, ce n'est pas dans la tête que ça se promène, ça, de dire: L'incertitude économique associée à l'obsession référendaire du gouvernement, ça a des effets réels sur l'emploi, partout au Québec, notamment à Montréal, et je vais y revenir, mais partout au Québec. Le lien existe.

Il y a un projet sur quatre d'investissement au Québec, selon la chambre de commerce et ses membres, qui est sur la glace en raison de l'incertitude politique, que la politique, je dirais, les principes, les convictions apparentes du premier ministre et de ceux qui l'entourent et du programme politique de son parti amènent, ça amène, je dirais - on va le dire comme je le pense - une perte de temps, dans le fond. Lorsque des élus s'enferment pendant trois heures pour se demander comment ils vont gagner un référendum, après la prochaine élection - je présume qu'à travers tout ça il doit y avoir une stratégie électorale pour se rendre, évidemment, à un référendum - alors, là, on est dans le virtuel pas à peu près, on est presque dans l'irréel; c'est dans le fictif, à tout le moins.

On est ici, aujourd'hui, tout le monde, nous sommes et nous existons et les Québécois sont et existent avec les problèmes d'aujourd'hui. Ils s'attendent à ce que leur gouvernement se serve des outils qu'il a, lui-même, exclusivement, je dirais, souverainement, d'une part, dans tellement de domaines, et, également, s'entende, avec ses voisins, sur des choses concrètes, pour régler des problèmes concrets pour les Québécois. C'est ça, le mandat explicite de l'élection, d'abord, et le mandat implicite du résultat référendaire, c'est de se pencher sur ces choses-là. Ce n'est pas d'avoir un premier ministre qui continue à confondre allègrement - à distinguer, je devrais dire - les frais, les tarifs, les péages, les impôts, les taxes. Il a une juste poche, le contribuable; il n'a pas une poche péages, une poche tarifs, une poche frais modérateurs, une poche impôts et une poche taxes. C'est toujours le même contribuable avec tout ça. Ça a été dit avant moi, le premier ministre a des qualités d'enfirouapeur dans ces choses-là; moi, je dirais hâbleur, ratoureur, par ailleurs, pour ne pas faire trop, trop de rimettes. Mais c'est une réalité, ça, les gens le voient. Les gens voient que les investissements ne sont pas là. Les gens voient, et le premier ministre se le fait dire quotidiennement, j'en suis convaincu, qu'il ne peut pas parler de trêve, qu'il ne peut pas souhaiter le développement économique du Québec et se tirer en l'air avec les discours comme ceux auxquels il nous a donné droit en fin de semaine dernière sur son objectif, sa priorité qui est le statut politique du Québec.

Et, moi, je suis convaincu, et je l'ai déjà dit en Chambre, que le premier ministre, à la fin de la journée ou au début d'une autre journée, se demande comment il a fait avancer la cause, qui est l'article 1 du programme du Parti québécois; je suis convaincu de ça, moi. Je suis convaincu que si le premier ministre, à la fin de la journée, avait fait reculer un peu plus l'échéance d'indépendance, de souveraineté, de division des Québécois, comme vient de le dire l'ex... enfin, l'ex-député péquiste d'Iberville, de cultiver cette fracture dans la société québécoise, le premier ministre... Non, je ne suis pas sûr qu'à la fin de la journée il se dit: Ah! j'ai fait reculer le projet un petit peu plus. Ça a bien été aujourd'hui, ils ne s'en sont pas aperçus. Ce n'est pas ça. Le minimum, je dirais, de transparence et d'intégrité qu'on doit accorder au premier ministre, c'est qu'à tous les jours il tente de rapprocher le programme du Parti québécois de sa réalisation, il tente de combler le fossé entre les deux. Et ce qui est virtuel, l'accès du Québec à un statut d'État indépendant, ça va devenir un jour réel, à force des gestes que le premier ministre veut poser.

Et ça, ça a une influence sur l'économie. Tout le monde lui dit ça au premier ministre. Tout le monde lui dit ça. Et il écoute avec son écoute active qu'on lui connaît. C'est une grande qualité. Mais, combien de temps ça dure? Ça n'a l'air qu'être en surface, tout ça. Comme je disais tout à l'heure, les gens disent: Je pense qu'il a compris. Il a compris que ce n'est pas bon pour Montréal de parler toujours d'indépendance et de souveraineté, de poursuivre ce projet-là constamment et de cultiver non seulement la division à l'intérieur du Québec, mais par rapport aux autres Canadiens. Ce n'est pas bon pour la création d'emplois, ce n'est pas bon pour les investissements. Il se le fait dire, ça. Je ne peux pas croire qu'il ne sait pas ça. Et ça a des effets réels chez les gens, et on va le voir, malheureusement, j'en suis convaincu. J'espère que ça n'arrivera pas, mais je pense, je suis presque sûr que ça va arriver, que, lorsque les classes vont être finies, à Montréal, on va quasiment le sentir dans la rue, que les gens, par centaines de familles, vont prendre la décision de s'en aller, comme d'autres l'ont déjà fait.

On n'a pas les moyens de ça. On n'a pas les moyens de ça. Et je demande au premier ministre de ne pas écouter son ministre des Finances qui lui dit que lorsque le prix des maisons baisse à Montréal, lorsqu'il y a 30 vendeurs pour un acheteur, c'est un signe de vitalité économique. J'ai entendu le député de Verchères et ministre de l'Économie et des Finances dire une chose semblable. D'où est-ce qu'il sort? Où a-t-il pris que la perte du plus gros investissement qu'un citoyen peut faire dans sa vie en général qui est la maison qu'il habite avec sa famille, que cette perte-là, réelle - elle est réelle et mesurable, ça se calcule - c'est un signe de vitalité de l'économie montréalaise? On a un ministre des Finances qui raisonne comme ça. J'exhorte le premier ministre à ne pas écouter le député de Verchères lorsqu'il lui donne des cours d'économie 101 aussi peu ancrés dans la réalité. Ce n'est pas ça qui se passe, ni à Montréal ni à Québec. On continue à payer le prix, pas de vitalité économique, à Montréal, on continue à payer le prix de l'incertitude que le premier ministre cultive, pour des fins stratégiques, à l'intérieur de son propre parti, on l'a vu tout à l'heure; on l'a vu tout à l'heure, on l'a vu depuis plusieurs jours.

(17 h 10)

Alors, si j'ai quelque chose à demander au premier ministre, c'est qu'il nous réponde, s'il vous plaît, ce sur quoi il est disposé à travailler et à s'attarder, dès aujourd'hui, pour faire en sorte qu'il va y avoir des emplois additionnels de créés, au Québec, dans toutes les régions du Québec, que les investissements ne seront pas à 25 % sur la glace, dans l'attente qu'on règle la question de l'article 1 du Parti québécois, qu'on respecte le mandat que les Québécois souhaitent voir leur gouvernement exercer. Oui, de gouverner, c'est entendu, mais, aussi en ayant à l'esprit qu'il y a eu un référendum, le 30 octobre dernier, qu'une majorité de Québécois disent: Voulez-vous, s'il vous plaît, regarder, comme gouvernement, ce que vous êtes susceptible de faire pour contribuer à régler le problème canadien - on va l'appeler comme ça - des relations avec le Québec, la place du Québec dans l'ensemble canadien, auquel le premier ministre a déjà souscrit.

Le premier ministre s'est dit déçu du résultat de la dernière chance, comme il le dit. Il parle de dernière chance; pas moi, les fédéralistes ne parlent pas de dernière chance. On peut bien rire, mais quand l'avenir de dizaines de milliers de Québécois qui n'ont pas encore d'emploi ou qui ont des emplois précaires ou fragilisés par l'incertitude politique est en jeu, moi, je ne peux pas décider que je ferme la porte à l'espoir, à ces gens-là, qui espèrent que leurs gouvernants et leurs chefs politiques, partout au Canada, incidemment, et au Québec aussi, d'abord, vont se pencher activement pour voir comment on assure la place du Québec dans l'ensemble canadien, comment on renoue avec un partenariat qu'on a déjà, pas un éventuel partenariat théorique, un partenariat qu'on a déjà, dont les bases sont connues, qu'on a essayé d'actualiser lors de négociations qui ont mené à l'accord du lac Meech, accord contre lequel le parti que dirige aujourd'hui le premier ministre s'est monté, objecté, voté contre, ce qui, pour le premier ministre, dans sa propre bouche, était probablement une excellente occasion de dernière chance, selon lui, là. Alors, imaginez-vous, il disait que c'était une bonne chance, c'était formidable, ça aurait réglé le problème, c'était notre dernière chance. Pendant ce temps-là, il est chef d'un parti qui était contre. Je ne comprends pas, là, je ne comprends pas.

L'espoir existe, chez les Québécois, encore, que leur gouvernement va comprendre quelle est la volonté de la majorité des Québécois: faire en sorte que tolérance et ouverture ne soient pas seulement des mots. Aller expliquer dans le reste du Canada - c'est également quelque chose qu'on doit faire quand on est premier ministre du Québec - aller expliquer quelle est la situation du Québec et ce que ça signifie, les résultats du référendum. On peut décider de faire comme le premier ministre et ses collègues et dire: Ah bon! nous autres, on cherchait le mandat pour faire la séparation, on ne l'a pas eu, on va faire autre chose, on va attendre la prochaine fois. Ce n'est pas ça que les Québécois ont signalé le 30 octobre dernier. Moi, j'en suis profondément convaincu, et j'aimerais ça que le premier ministre s'en rende compte. Ce serait formidable pour l'économie du Québec s'il se rendait compte de ça. Il y a un effet immédiat, il y a une relation directe entre la certitude politique, la stabilité politique et le développement économique. Ça, le premier ministre se le fait dire quotidiennement. Pas par le ministre des Finances, je l'ai dit tout à l'heure, mais par des gens qui pratiquent ça tous les jours, qui pratiquent ça, le développement économique, l'investissement, la création d'emplois, la recherche de nouveaux marchés, la mobilité de leur main-d'oeuvre, de leurs professionnels, partout au Canada, la mobilité des capitaux, réputation qu'on a acquise, oui, comme Québécois, mais comme Canadiens aussi, sur la scène internationale. Je ne vois pas pourquoi on tournerait le dos à ça; je ne vois pas l'intérêt économique, pour des centaines de milliers de chômeurs, de tourner le dos à ça.

Alors, ça explique, ça, je pense, plus que n'importe quoi, le fossé qui existe évidemment entre le parti que je dirige et celui que dirige le premier ministre. Ce n'est pas du tout la même vision d'ouverture, d'horizon sans frontières qu'on doit cultiver pour assurer les meilleures chances à ceux qui nous suivent. C'est ça, la différence, et c'est ça le lien le plus solide, c'est un lien extrêmement solide entre l'économie et la politique.

Ce qu'on demande au premier ministre, c'est de se rendre compte qu'il a un mandat d'agir dans l'intérêt des Québécois en matière d'emploi et d'économie. Mais il nous répond: Il va y avoir un partenariat, il n'y en aura pas, c'était la dernière chance en 1990, des choses comme ça. Je ne vois vraiment pas comment ça fait progresser l'économie du Québec que de nous rappeler quel est l'article 1 du programme de son parti, au contraire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Décidément, c'est plus fort que lui. Le chef de l'opposition éprouve beaucoup de difficulté à s'en tenir à des sujets économiques et aux questions d'emploi, aux questions de finances publiques. Il revient tout le temps à nous parler de Constitution. Il nous demande même de cesser de parler de souveraineté pour que lui puisse continuer de parler du fédéralisme. Drôle de débat, qui est fondamental au Québec, qui s'inscrit au coeur même des préoccupations politiques à long terme des Québécoises et des Québécois, qui est au centre de notre vie politique. Un débat qui tourne autour de la question de savoir s'il faut demeurer dans la fédération en continuant d'espérer indéfiniment des changements fondamentaux, qui ne viennent pas, qui ne viendront jamais, qui nous font perdre tout le temps qu'on a perdu depuis 30 ans, puis qui nous occultent dans tous les grands secteurs, ou, alors, s'il faut prendre nos décisions et assumer des responsabilités collectives. Bon. C'est un débat qui est parfaitement légitime.

Mais c'est étrange que, en plein coeur de ce débat, au lendemain d'un référendum où on a à peu près tous gagné ou perdu en même temps, des deux côtés, le chef de l'opposition nous demande de cesser de parler de notre option, de notre cause. Lui, par exemple, il va continuer d'en parler, c'est évident. Lui, il s'est promené au Canada anglais pour essayer d'aller chercher, recueillir des bribes d'espoir qui ne sont pas venues. Il a été constater, lui aussi, la stérilité de ce qui se préparait au Canada anglais par rapport à des réformes qui devraient être en profondeur et qui sont inexistantes, même dans les esprits de ceux qui pourraient normalement les concevoir.

Au fond, quand on parle de la sécurité des investissements - parlons-en directement - le chef de l'opposition dit que je me fais dire par des gens d'affaires, qu'on me véhicule des inquiétudes par rapport à l'incertitude que fait naître le maintien du discours souverainiste dans le Parti québécois et à la tête du gouvernement. C'est vrai qu'il y a des gens d'affaires qui pensent ça, et c'est vrai qu'ils le disent.


État des finances publiques

Mais, en même temps, je ne sais pas si le chef de l'opposition a constaté à quel point les gens sont inquiets des finances publiques. D'ailleurs, le gouverneur de la Banque du Canada, en 1994, a fait une déclaration où il pointe du doigt l'état des finances publiques comme étant un facteur extrêmement important d'incertitude par rapport au désir d'investir. Les gens regardent nos finances publiques et trouvent ça épouvantable. Or, quelle est la méthode du chef de l'opposition? Je l'ai écouté attentivement, je le vois fonctionner, j'ai entendu son discours, sa méthode, c'est qu'il ne faut pas couper les dépenses; il ne faut pas monter les impôts ni les taxes. Qu'est-ce que ça veut dire, ça? Deux plus deux, ça fait quatre. Si vous n'augmentez pas les impôts ni les taxes et si vous ne diminuez pas les dépenses, ça veut dire déficit.

Sa méthode à lui, c'est celle du déficit. Il l'a presque exaltée, dans un discours émotif, même lyrique, je dirais, à la conférence de Québec, avant un déjeuner, le midi, en disant: L'important, ce n'est pas tellement de couper le déficit; l'important, c'est ceci et cela. Je voyais les gens d'affaires qui sautaient sur leur chaise en l'écoutant parler, parce qu'on sait très bien que la combinaison de ne pas couper les dépenses et de ne pas hausser les impôts, c'est déficit. Puis il ne s'en est pas privé, parce que, quand il dirigeait les affaires, il a été président du Conseil du trésor pendant six ans et premier ministre, il a augmenté régulièrement de 5,3 % par année les dépenses de programmes. Un record jamais égalé, et qui ne sera jamais dépassé. Alors, quand on vient nous faire la leçon, à nous, de trop couper, M. le Président, par quelqu'un qui non seulement ne coupait pas, mais n'arrivait même pas aux résultats qu'il escomptait dans les déficits qu'il prévoyait, j'ai des doutes. Et je dis que ce n'est pas la méthode du gouvernement de dire: Il ne faut pas monter les impôts, on le sait qu'il ne faut pas les augmenter, les impôts, puis les taxes non plus. Mais, ne coupez pas! bien, évidemment, à ce moment-là, on va répéter les records, on va battre les records passés. Puis quand on nous dit que M. Campeau, en arrivant, a trouvé que les affaires allaient bien, bien, voyons, comment M. Campeau a-t-il pu trouver bien un déficit de 5 700 000 000... Oui, il était en route pour le déficit de 6...

Une voix: Il n'était pas là.

(17 h 20)

M. Bouchard: Moi, justement, j'avais demandé: Allez voir dans les documents, allez voir ce qui s'est passé. J'ai jeté un coup d'oeil, je me suis fait briefer, comme vous dites, et je me suis rendu compte que, si rien n'avait été fait dans la gestion du budget que nous avait laissé en héritage celui qui nous fait des reproches de vertu aujourd'hui, le déficit n'aurait pas été de 5 700 000 000 $, mais il aurait été de 6 100 000 000 $. Alors, écoutez, quand même, il y a la politique, il y a le discours, il y a la joute oratoire, mais il y a la réalité. La réalité, c'est que le Québec est dans une situation dramatique et que le chef de l'opposition aujourd'hui a contribué puissamment à créer cette situation. Et quand il nous dit: Ne regardez pas le passé, regardez l'avenir, bien, qu'est-ce qu'il y a de plus présent qu'une dette? Qu'est-ce qui a des répercussions dramatiques dans l'avenir comme celles d'une dette? Or, qu'est-ce que c'est qu'une dette? La dette, c'est la somme des irresponsabilités passées. Oui, on parlera du passé. Oui, parce qu'on en hérite aujourd'hui, parce que le passé va hanter l'avenir de nos jeunes, parce que le passé va hypothéquer l'avenir des jeunes du Québec, et ça, on ne le permettra pas. On ne le permettra pas, même si ce n'est pas populaire de faire cela. Et je pense même que ça peut l'être, et je pense même que les Québécoises et les Québécois ont assez de bon sens, ont assez le sens des responsabilités pour savoir que c'est assez, qu'il faut mettre un frein à cette irresponsabilité des gouvernements qui nous ont précédés et qu'il faut maintenant prendre le problème à bras-le-corps et qu'il faut le régler, le problème, avec courage, avec détermination, avec l'appui du public et avec la réconciliation des composantes du Québec, pas la division, pas les discours pour diviser les Québécois, pas les discours pour décourager les gens d'affaires, par exemple, d'appuyer le gouvernement qui fait des choses correctes pour le Québec de demain.

Si on se fie à la démocratie, qu'est-ce qu'on se dit? On se dit: On est ensemble, les Québécois. On a un problème sur la table, il nous est commun. S'il y a une chose qui nous est commune, malgré le fossé dont vous avez parlé qui nous divisait, s'il y a une chose qui nous rapproche et qui nous unit dans une sorte de couple infernal, vous et nous, l'opposition et le gouvernement, c'est la dette, c'est le déficit, c'est l'obligation de redresser les finances publiques, c'est de rétablir l'intégrité des assises de l'État, c'est de reforger l'instrument collectif qu'est l'État, une obligation sacrée que nous avons, vous et nous. Si on fait ça, on travaille pour tout le monde. Vous direz: Oui, mais la souveraineté? Bien, la souveraineté, ça viendra à son heure. Le fédéralisme renouvelé à son heure? Jamais, je pense. Mais vous pensez, vous, que ça peut venir et vous pensez que les Québécois vous donnent raison. On verra, on verra. Pour le moment, travaillons donc pour notre avenir à tous. Il y a un bout qu'on peut faire ensemble, là, qu'on peut faire très fortement et très correctement ensemble avec les gens d'affaires, les syndicats, les communautaires, les sociaux, le Parti libéral, le Parti québécois, les fédéralistes, les souverainistes, les anglophones, les francophones, les allophones. On peut tout faire ça ensemble, parce que bâtir pour demain les assises d'un État robuste, d'un instrument qui va assumer les missions essentielles de l'État, qui va rétablir les capacités de faire des choix, ça, c'est un devoir que nous avons, il nous est commun, faisons-le.

Vous me direz: Qu'est-ce qui va arriver après? Après, sur ces assises qu'on aura constituées, on bâtira soit un pays souverain, soit une province; les gens décideront. Fiez-vous donc à la démocratie. Il y aura des élections, les gens décideront même s'il y aura ou pas un référendum. Non seulement ils vont décider si on aura la souveraineté ou pas, mais ils auront la capacité, la population du Québec a la capacité et le privilège de décider si, oui ou non, il y aura un référendum, et ça va se faire par des élections. Est-ce qu'on peut être plus clair que cela?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, je vois que le premier ministre s'enflamme un petit peu, là, il s'enflamme davantage pour compenser par les décibels la réalité de ce qu'il dit et la vérité, surtout, de ce qu'il dit. Par exemple, lorsqu'on continue à berner les Québécois, finalement, avec la situation financière de l'an dernier, parce que c'est ça que le premier ministre vient de faire, là, on berne tous les Québécois et on s'imagine qu'on va berner tous les Québécois tout le temps et qu'on va jeter les bases pour des réalisations absolument extraordinairement formidables, parce qu'en comparaison avec ce que le gouvernement a inventé pour 1994-1995 tout va paraître beau. C'est inévitable, ça.

Mais, moi, je n'ai pas inventé ça, que M. Jean Campeau s'est pointé au ministère des Finances et a dit, quelques jours plus tard, que tout était beau, hein, que c'était correct, et je n'ai pas inventé ça non plus. Le premier ministre, il ne suivait pas ça dans ce temps-là. Je ne le blâme pas, mais je lui rappelle ce qui s'est passé, que c'est M. Parizeau qui a pris les choses en main, qui est allé tout seul expliquer que le déficit serait épouvantable; il avait décidé que le déficit serait épouvantable et il a pris les moyens, bien évidemment, pour le faire, et il a commencé à aller dire que les augmentations de dépenses budgétaires, de 1986 à 1994 ou à peu près, étaient épouvantables comparativement aux années précédentes. Je fais juste retourner le premier ministre à un petit tableau, là, qui a été fait pour la circonstance sur la croissance des dépenses réelles pendant le règne de M. Parizeau aux Finances, 1976-1985 ou à peu près, et la croissance réelle des dépenses dans les années qui ont suivi, les huit années qui ont suivi, juste à voir, on voit bien qu'évidemment il n'y a aucune commune mesure en toutes ces choses-là et ce qu'on a réussi à faire, et ce que je l'exhorte à continuer à faire, parce que c'est nous qui avons suggéré une loi antidéficit, ce n'est certainement pas son prédécesseur, il était contre ça, il a dit: Ça ne marche pas, on ne peut pas se discipliner à le faire.

À l'évidence, on doit regarder comment on peut, tous ensemble, à l'Assemblée nationale, se discipliner, respecter une loi qu'on passerait. Ça, ça va nous unir autour de ça. Mais, ça, ce n'est pas le porteur d'espoir comme tel, ce n'est pas un message encourageant pour les jeunes d'entendre dire que le gouvernement s'acharne à réduire son déficit. Ce que les jeunes veulent entendre, c'est qu'également on s'acharne, tous les jours, à trouver des conditions qui vont favoriser la création d'emplois le plus rapidement possible. C'est ce que j'ai dit, et le premier ministre le sait, à la conférence socioéconomique.

Le discours, maintenant obligatoire du premier ministre et de ceux qui l'entourent, est de ne parler que de déficit. Tout le monde sait qu'il faut réduire l'endettement. Tout le monde le sait, à tel point qu'on devrait avoir une loi pour le faire, qu'on devrait continuer. J'exhorte le premier ministre à continuer dans la voie qu'on a tracée, que lui-même - je vais lui rappeler un bon souvenir - lorsqu'il était ministre conservateur, a suivie, c'est-à-dire de faire en sorte que le gouvernement est en surplus budgétaire - quand on exclut les paiements d'intérêts, lesquels se nourrissent d'eux-mêmes. Ça, ça se nourrit, ça se nourrit, ça se nourrit, l'intérêt sur l'intérêt, etc. Et même en voulant reprendre le dessus... Si on peut réduire le déficit à un niveau, par rapport à notre richesse collective, qui permet d'envisager qu'on va peut-être le diminuer, en termes réels, à un moment donné, ça, ça passe par une seule recette mathématique, essayer de faire en sorte qu'on est en solde positif, en surplus budgétaire avant le paiement des intérêts.

Et ça, le gouvernement conservateur l'a réussi, à partir de 1985-1986 de mémoire, et le gouvernement libéral, en 1986-1987, également a réussi à faire ça à partir de cette année-là, un surplus budgétaire avant paiement des intérêts. Alors ça, déjà, c'est une bonne mesure. Le premier ministre a déjà été membre d'un gouvernement qui a fait ça, moi aussi, je l'ai été, continuons dans cette voie-là. Mais arrêtons d'assommer les jeunes, non, mais, littéralement, arrêtons d'assommer les jeunes avec ce projet comme étant un projet qui leur réserve un merveilleux avenir. Agissons, pendant qu'on est obligés de faire ça au point de vue arithmétique, je dirais, sur les conditions qui vont favoriser l'emploi chez les jeunes.


Mesures pour créer de l'emploi

Et c'est là que j'en arrive à ce qui m'apparaît être une incohérence, moi, du point de vue du gouvernement actuel, dans son action. On dirait qu'il n'y a pas de priorité à l'emploi. Je regrette là, mais, quand on traite la santé, l'éducation, l'asphalte, les prisons, l'aide juridique, la sécurité du revenu de la même façon, ce que le premier ministre se trouve à avoir affirmé, c'est que, dans le fond, il n'y a pas de priorité autre que la priorité obligatoire qui nous unit tous de réduire le déficit, et là il le fait - et c'est ça son défaut - du côté des dépenses seulement.

Avant qu'il m'interprète mal ou avant que, surtout, le ministre des Finances se mêle de m'interpréter dans les oreilles du premier ministre, ce que je signale ici - et le premier ministre le sait, un déficit, c'est la résultante entre les revenus et les dépenses. C'est d'une grosse évidence, là. Mais, les revenus, on peut regarder ça quand on cherche à hausser les revenus pour réduire le déficit. On peut dire qu'on va augmenter les impôts, puis les taxes, puis les tarifs, puis tout ça. On peut décider de faire ça, mais on peut également dire: Comment allons-nous favoriser le développement de l'emploi? Comment allons-nous créer des contribuables, pour s'exprimer comme ça? Comment créer des contribuables, des payeurs de taxes? Pas monter les impôts pour ceux qui travaillent déjà, pas se demander comment on va faire en sorte que ceux qui travaillent déjà vont travailler moins pour faire de la place à d'autres. On n'a pas... On a juste divisé la même tarte, on n'a pas grossi la tarte.

(17 h 30)

Ce que j'attends du premier ministre, c'est qu'il nous dise ce qu'il envisage. Je ne lui ferai pas l'injustice de lui dire: Qu'est-ce qu'il fait depuis trois mois? Disons, 90 jours, ce n'est peut-être pas tant que ça pour pointer du doigt des réalisations, des gestes qui, déjà, ont produit des effets, mais il n'en reste pas moins qu'il faudrait quand même qu'il envisage quelque chose avant le 1er novembre. Avant le 1er novembre. Attendre que les groupes de travail qui ont été mis sur pied au début de mars fassent rapport, je le répète, avec ce que ça signifie de mise en place éventuelle, peut-être de législations, je n'en sais rien, ou de programmes gouvernementaux ou quoi que ce soit, ça, ça veut dire qu'on n'aura pas d'effets mesurables sur l'emploi avant le mois de janvier. Et là ça va faire un an que le premier ministre est premier ministre. On va célébrer son premier anniversaire comme premier ministre en janvier 1997 et on va commencer peut-être à mettre en place quelque chose pour l'emploi. C'est long, ça. C'est beaucoup trop long. Je lui dis ça. Peut-être que trois mois, c'est trop court, je ne lui demande pas de s'excuser d'être là depuis trois mois, mais un an, ça va être long.

Et là ce qu'on ne voit pas... On ne le voit pas dans les crédits. Ce n'est peut-être pas dans les crédits qu'on doit le voir non plus, ça, je vais accorder ça tout de suite, qu'il y a des choses qui se font pour l'emploi, parce que, dans les crédits par exemple, ce sont des décisions qui vont à l'encontre de la création d'emplois, qui vont alourdir indirectement le fardeau des contribuables de centaines de millions de dollars. Mais ça, ce n'est pas bon pour l'emploi. Ça, je pense bien que... Probablement que M. Larose est content de ça, comme on le soulignait tout à l'heure. Ça, ça fait partie des gestes qu'on pose lorsqu'on décide d'alourdir le fardeau des contribuables: 77 000 000 $ au scolaire, puis ensuite, au municipal, 115 000 000 $. Bien, Hydro, on n'en parle pas. Du côté de l'assurance-médicaments, c'est une autre façon d'augmenter les dépenses des gens pour des services qui, entre guillemets, ne coûtaient rien, qui étaient payés autrement.

Mais, si le gouvernement changeait quatre trente-sous pour une piastre, s'il disait: Ça va être plus efficace de faire payer les gens de cette façon-là, mais on va réduire leurs impôts du même montant, bien, là, je ne dis pas, on a peut-être un gain d'efficacité qui est réel, puisque les gens voient ce qu'ils paient puis comment. Ce n'est pas ça qui se passe, là, à moins que dans le budget on nous annonce toutes sortes de choses absolument grandioses du côté des baisses des impôts. Ce n'est pas évident. Pas évident. Ce n'est pas évident. Mais ce qu'on cherche certainement, ce sont des initiatives, avec les ressources qu'on a, qui vont augmenter la grosseur de la tarte; pas trouver une autre façon de la diviser puis d'appeler les choses par d'autres noms, de voir quels sont les gestes que le gouvernement envisage.

Qu'est-ce que le premier ministre envisage avant le 1er novembre, autrement dit, de sa propre initiative pour s'assurer que les gens au Québec, les hommes et les femmes, vont sentir qu'ils ont raison d'espérer que l'emploi va s'améliorer pour eux, les perspectives d'emploi, parce que le gouvernement s'en occupe, il a fait autre chose que de décider de sabrer davantage dans la sécurité du revenu, dans les programmes d'intégration en emploi? Je veux dire, c'est vraiment contre-productif, ça, là.

Si on veut donner un message d'espoir - et le premier ministre dit ça souvent, puis je le rejoins, on le rejoint tous, on se fait élire pour ça, pour assurer l'amélioration du sort de nos concitoyens - la meilleure façon de hausser le niveau d'activité, d'implication, de maintien de cette présence de tous les instants que 7 000 000 de personnes doivent avoir au Québec, c'est de dire: Il y a quelque chose que je vais pouvoir aller chercher. Ça va s'améliorer, ma situation, ma qualité de vie va s'améliorer. Je vais contribuer également. Ça, les gens sont prêts à le faire, je suis convaincu de ça. Mais il y a quoi, là? Qu'est-ce qu'il y a dans le portrait depuis trois mois ou qu'est-ce qu'on envisage à brève échéance, avant le 1er novembre, pour restaurer cet espoir dont le premier ministre dit qu'il faut absolument alimenter les Québécois, surtout les jeunes? Je suis entièrement d'accord avec lui, mais je ne vois rien. On ne voit rien, du tout, du tout, du tout. On ne voit pas comment les revenus, donc la richesse, vont augmenter au Québec. Là ça va permettre au gouvernement d'aller se servir, d'aller chercher sa part, il n'y a pas de problème.

Qu'est-ce que le premier ministre attend? On a droit à toutes sortes de discours. Vous avez vu, on n'a pas parlé de souveraineté, d'indépendance ou de quoi que ce soit, de constitution. C'est le premier ministre qui en a parlé davantage quand je lui ai posé les questions sur l'emploi. Qu'est-ce qu'il va faire pour les jeunes? Qu'est-ce qu'il va faire pour intégrer les gens sur le marché du travail? Il y a un lien, hein, on le sait - il le sait autant que moi - entre la situation politique et la situation économique. Mais, ceci étant, qu'est-ce qu'il va faire de précis? Quelles sont les réalisations dont il va être le plus fier la semaine prochaine?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: D'abord, juste un mot sur la loi antidéficit. Le chef de l'opposition s'apprête à s'attribuer le crédit de cette mesure que le gouvernement va proposer à l'Assemblée nationale au moment où le budget sera présenté, ou le lendemain. Mais une chose m'intrigue considérablement: si cette mesure est si importante dans l'esprit du chef de l'opposition, pourquoi est-ce qu'il ne l'a pas adoptée quand il était premier ministre puis quand il faisait partie d'un gouvernement qui avait tout le loisir de déposer des projets de loi? Ça, j'ai de la misère à comprendre ça. Honnêtement, j'aimerais avoir une explication, parce que j'avoue que ça me rend perplexe.

De toute façon, nous autres, on n'a pas réfléchi longtemps. On a analysé ça, puis on a pensé que c'était important de le faire, et puis on va le faire. Il y aura un projet de loi qui va être déposé.

Quant à l'emploi, c'est entendu que nous convenons tous - et c'est comme ça que j'ai ouvert, d'ailleurs, mon exposé initial dans les priorités que j'ai identifiées - que, une fois qu'on a maîtrisé le déficit, et même avant et même pendant l'effort pour y arriver, et en même temps qu'on n'accroît pas le fardeau fiscal des contribuables, si on crée, si la société québécoise crée des emplois, il y aura moins de gens sur l'aide sociale, il y aura moins de gens sur l'assurance-chômage, il y aura plus de revenus, plus de rentrées fiscales. C'est la solution, c'est le but. Alors, tout ce que nous faisons, M. le Président, c'est dans ce but-là. Pourquoi? Parce que la première obligation d'un gouvernement en matière de création d'emplois, c'est de créer un climat qui va faire en sorte que l'économie ait un climat propice à l'éclosion de l'économie.

Quelle est la première chose qu'il faut faire? C'est d'assainir les finances publiques, parce que c'est ça, le boulet principal. C'est ça, les menottes qui sont mises à l'économie québécoise. C'est ça qui, dans une très large mesure, empêche les investisseurs de s'établir ici quand ils regardent le contexte des finances publiques. Ils ont peur d'avoir des taxes de plus, ils ont peur de se trouver mal pris avec un gouvernement qui est empêtré dans ses finances publiques.

Alors, qu'est-ce qu'il faut faire? C'est créer un climat de confiance. D'abord, assainir les finances publiques, ensuite créer un climat qui est propre à l'investissement. La déréglementation, une chose fondamentale; on travaille là-dessus. Il faut que le Québec soit compétitif comme terre d'accueil à l'investissement par rapport à ses compétiteurs naturels que sont l'Ontario, les États-Unis. Et maintenant, d'ailleurs, dans l'économie actuelle, avec les nouvelles règles, tout le monde est compétiteur de tout le monde avec une économie qui est globalisée. Il faut donc que le gouvernement agisse; c'est ce que nous faisons, nous travaillons là-dessus activement.

En plus, on sait qu'il y a des mesures concrètes qu'on peut adopter pour inciter à la création d'emplois. C'est limité. Si quelqu'un sait à quel point le rôle du gouvernement dans la création directe d'emplois est limité, c'est bien le chef du Parti libéral dont toute la philosophie économique et politique est à l'effet de miser essentiellement sur le secteur privé pour créer de l'emploi. Et, dans l'économie qui est la nôtre, dans les structures que nous avons, c'est surtout du côté du secteur privé. Donc, il faut que le secteur privé puisse reprendre confiance dans l'économie pour qu'il puisse se mouvoir à l'aise, il faut qu'il puisse travailler en concertation avec le gouvernement, il faut qu'il y ait des liens étroits, des liens de cohésion avec le secteur privé.

Et c'est là que naissent des initiatives concrètes, comme par exemple à Alcan. On l'a vu, Alcan a conçu un programme de premier emploi. C'est un programme qui permet à des jeunes d'entrer à Alcan pour une période d'un an, je crois, une première année d'emploi. C'est le premier emploi du jeune ou de la jeune qui sort de l'université ou du collège, et puis elle bénéficie de conditions spéciales qui lui sont aménagées. C'est une idée qui est au coeur des efforts qui se font présentement dans le chantier de l'emploi.

En même temps, le gouvernement ne va pas attendre forcément les rapports qui vont venir du sommet de l'automne. Dès qu'une idée intéressante sera élaborée, elle sera mise en vigueur immédiatement, en particulier le régime d'apprentissage. Déjà, là, on est en mesure, presque, de mettre au point et d'annoncer la mise en place d'un régime d'apprentissage qui va faire en sorte que la grande entreprise et la moyenne aussi reçoivent des apprentis. On va établir des liens entre l'école, même au niveau secondaire, professionnel, et l'entreprise. Il y a des choses extrêmement positives qui sont en train de se faire. Je pense que le chef de l'opposition ne devrait pas décourager les gens. Au contraire, voici un gouvernement qui travaille activement, qui va d'ailleurs adopter un budget... Le chef de l'opposition a reconnu que ce n'est pas forcément dans les crédits qu'on voit ces mesures-là. Il y a un budget qui sera adopté bientôt et qui va comporter certaines incitations de ce genre.

Nous savons que l'exportation, ça a joué pour 15 %, par son augmentation, dans la relève et le maintien de l'économie québécoise depuis quelques années. L'exportation est un domaine qu'il faut privilégier. On verra dans le budget ce qu'il en est. Moi, je suis convaincu que, si on maintient le consensus qui s'est formé autour du projet gouvernemental, on va être capables de répondre au voeu de la population, peut-être pas autant qu'on le souhaiterait, mais de faire relancer l'économie.

(17 h 40)

Il faut dire que les perspectives de croissance économique ne sont pas particulièrement affriolantes. Par exemple, la Banque de Montréal prévoit un PIB réel de 1,5 % en 1996. Évidemment, ce n'est pas... On a eu 1,8 % dans l'année écoulée. On avait prédit 3,2 %, faut dire. En 1996, d'après le Mouvement Desjardins, le PIB réel serait de l'ordre de 1,6 %. C'est la croissance du PIB réel. Il est évident qu'on n'est pas dans des situations économiques où on peut penser que l'emploi va se créer facilement, c'est évident, puis ça, c'est une situation assez générale. Par contre, ce qu'on nous dit, c'est: Du côté américain, les choses ne se présentent pas trop mal, mieux qu'on l'aurait pensé. Donc, avec le décalage chronologique de ce qui se passe aux États-Unis par rapport à chez nous, on peut espérer qu'on n'aura pas de récession puis que même une relance qui ne sera pas considérable va nous permettre de sortir de ces taux de croissance anémiques que sont 1,5 %, 1,6 %, 1,8 % l'an dernier.

C'est pour cela que la nécessité d'assainir les finances publiques devient si impérative. C'est parce que, au moins, le gouvernement va faire ce qu'il peut faire. Puis ce qu'il peut faire, c'est de montrer aux jeunes, parce que vous avez parlé des jeunes avec raison, qu'il y a une lumière au bout du tunnel. Dire aux jeunes: Il y a une dette, il y a un déficit qui va continuer, ils savent bien ce que ça veut dire. Ça veut dire que, si jamais ils obtiennent un travail, parce qu'il y en a plusieurs qui n'en auront pas, bien, ils vont avoir l'hypothèque de payer notre manque de courage et de rigueur budgétaire.

Attendez le budget, vous allez voir, et puis nous allons graduellement mettre en oeuvre les mesures que nous avons à l'esprit. Et je crois que, si on réussit à créer ce climat de confiance que nous voulons constituer, on va faire quelque chose de très, très correct dans le domaine de l'économie puis de l'emploi. On va permettre que ça puisse redécoller.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. ...d'avoir des échanges, des questions assez vives avec le premier ministre sur des sujets précis. Je vais avoir trois sujets. D'abord, premier sujet, la place des jeunes dans la fonction publique. Le premier ministre avait tenu, au sommet socioéconomique, des propos, ma foi, encourageants, rapides. Le sujet avait été soulevé, puis immédiatement il est arrivé avec une espèce de mandat qu'il a donné implicitement au président du Conseil du trésor. Quand j'en ai reparlé, quand je suis revenu sur la question avec le président du Conseil du trésor, il n'avait pas l'air d'être si certain que les engagements étaient clairs. C'était un peu comme si ça tombait d'une autre planète.

Lors de l'étude des crédits, j'ai eu l'occasion d'en parler avec le ministre responsable des Relations avec les citoyens, qui est arrivé avec une réponse plus ou moins floue dans l'objet et dans le temps. Il nous a parlé du modèle belge pour lequel, je pense, la plupart des parlementaires ont reçu un avis de l'Observatoire de l'ENAP, un avis qui est intéressant, mais je n'ai pas senti que c'était trop précis dans ses affaires, dans ses cahiers. Il semblait y avoir deux options. Je n'ai pas réussi à faire donner une date à partir de laquelle un plan d'action précis va être mis en oeuvre. Pas d'objectif non plus en termes de nombres, de chiffres. On ne sait pas si le premier ministre, lui, quand il en a parlé au sommet, avait en tête des objectifs précis. Est-ce qu'il a soumis des objectifs au ministre responsable des Relations avec les citoyens? Évidemment au président du Conseil du trésor, parce que c'est lui qui ultimement va avoir à prendre ces décisions-là. Est-ce qu'il y a des chiffres, des moments, un mois où on peut penser que quelque chose va être déposé, puis que ça va se mettre en branle puis qu'on va voir les résultats? Ça, c'était la question numéro un.

Question numéro deux, on a parlé beaucoup d'emplois, on en a parlé au sommet, le premier ministre disait souvent que c'était un objectif. On parlait des prévisions des banques. Hier, il y avait les prévisions, entre autres, du Mouvement Desjardins qui donnaient des indications sur le chômage, qui nous disaient: Bon, le chômage va demeurer assez élevé. Selon leurs prévisions à eux, dans l'ordre actuel des choses, le chômage diminuerait à 11 %, peut-être vers 10,8 % pour l'année suivante.

Ma question, c'est: Quelle cible est-ce que le gouvernement se fixe? Je comprends que le Mouvement Desjardins, lui, prévoit une tendance à partir des données actuelles, mais, si le gouvernement fixe la priorité à l'économie et à l'emploi, on peut s'attendre à ce que la tendance actuelle ne se maintienne pas, que les choses aillent mieux que la tendance actuelle semble présenter. Alors, l'objectif du gouvernement, c'est quoi? C'est le chômage en bas de 10 % en 1998? C'est le chômage en bas de 9 %? Il me semble qu'il serait intéressant que le gouvernement, au moment où il va mettre en place un ensemble de politiques, identifie des cibles en matière de chômage, puis on va espérer que les cibles soient différentes de ce à quoi les prédictions en fonction de toutes les tendances mondiales, actuellement - les économistes du Mouvement Desjardins ou d'autres - arrivent. Alors, j'aimerais savoir, si au sommet on en avait parlé, si ça a été remis à plus tard. Mais, à ce moment-ci puis à quelques jours du budget, est-ce qu'il y a un objectif de ce côté-là? Question numéro 2.

La troisième question, et je reviens au sujet que j'ai abordé tout à l'heure parce que j'ai trouvé la réponse un peu imprécise, le premier ministre a parlé lui-même, tout à l'heure, que son objectif, c'était la réconciliation et non la division. Son prédécesseur l'avait laissé avec un discours qui, évidemment, n'était pas de nature à l'aider là-dessus ou à aider son parti ou l'image de son parti là-dessus. Je n'ai pas senti non plus, de la part du ministre responsable des Relations avec les citoyens, qu'il avait reçu un mandat précis du côté de la réconciliation ou des mesures ou un plan d'action précis là-dessus. Sur l'autre front qui est la langue, où on parle de réconciliation, on rouvre le débat.

Je reviens avec ma question de tout à l'heure, et la question est très précise. Si des groupes particulièrement intéressés par les questions linguistiques viennent poser la question au premier ministre ou à d'autres: Est-ce qu'on a intérêt à faire des manifestations pour vous influencer, êtes-vous en attente de manifestation, est-ce que le débat est encore ouvert dans votre parti?, s'il y a eu des rumeurs, ça va être repris au congrès, repris dans six mois, repris dans un mois. On attend. Est-ce que le débat sur la langue, d'ici à la prochaine élection, est fermé?

Je comprends que le premier ministre nous dit: Ça va toujours être dans l'actualité. C'est sûr, je veux dire, on veut que le Québec ait une pérennité en français. Ça va toujours être réfléchi, ça va toujours être dans le coeur des gens. Mais, lui, son gouvernement, a des actions sur différents domaines. Est-ce qu'on peut considérer qu'au niveau de la législation, en matière de langue, le débat pour le gouvernement qu'il dirige d'ici la prochaine élection est fermé? Est-ce que le débat est clos sur la langue en ce qui concerne le gouvernement du Parti québécois?

C'est les trois questions: place des jeunes dans la fonction publique, des échéanciers, des objectifs précis; chômage, réduction du chômage, des objectifs précis; si le débat sur la langue est clos.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.


Place des jeunes dans la fonction publique

M. Bouchard: Oui. Pour les jeunes, d'abord, du côté de l'éducation, la situation va être un peu moins dramatique, même pas mal meilleure, puisqu'il y a des milliers de jeunes qui vont entrer dans l'éducation du fait du renouvellement des effectifs d'enseignants. Mais, chez les fonctionnaires, c'est véritablement inacceptable. J'avais un document, tout à l'heure, il y a 3 % des jeunes seulement dans la fonction publique qui occupent un emploi régulier. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, depuis pas mal d'années, on a fermé les portes aux jeunes et on a une fonction publique qui risque bientôt d'être coupée des réalités nouvelles que vit la jeune génération. Il y a même tout un éventail de disciplines nouvelles, de technologies, de techniques dont le gouvernement risque d'être privé, parce que les jeunes ont une formation différente de ceux qui les ont précédés. C'est normal, on ne forme pas les jeunes avocats d'aujourd'hui comme on formait les avocats de ma génération. Donc, qu'il y ait un renouvellement dans le cycle des générations est essentiel dans toute institution et en particulier au gouvernement.

Alors, on est en train de se priver de ce renouvellement. Il y a des gestes à poser. Je pense qu'il faut absolument déterminer des quotas d'embauche de jeunes. Mais vous allez me dire: On n'embauche pas; donc, fixer un quota, ça ne veut rien dire. En effet.

Le gouvernement est en train de mettre au point et a commencé à négocier, d'ailleurs, des programmes de départ assisté des fonctionnaires, et même des gens des réseaux, qui arrivent à l'âge de la retraite et qui surtout ont acquis les avantages de la retraite ou qui sont sur le point de les avoir, ce qui veut dire qu'il y aura certainement des milliers d'emplois qui vont disparaître. Il y a des gens qui vont sortir du système, qui vont sortir volontairement par des départs assistés. Ça va faire, bien sûr, des économies dans les coûts de la main-d'oeuvre. Il faut en réaliser, puis des considérables, mais je suis convaincu, puis on travaille là-dessus présentement, qu'on va devoir réinjecter une partie des économies ainsi réalisées dans l'embauche des jeunes par des programmes contingentés d'embauche de jeunes, d'autant plus que, les jeunes ayant progressé moins rapidement dans les échelles - enfin, ils sont moins hauts dans les échelons - ils coûtent moins cher quand ils remplacent un fonctionnaire qui est arrivé au maximum de l'échelon.

Ça ne veut pas dire qu'il faut remplacer tous les fonctionnaires qui vont sortir, parce qu'on n'aura pas les économies escomptées, et puis c'est un fait que les effectifs, on ne peut pas dire qu'il en manque. Mais qu'il y ait une partie des économies réalisées qui se traduise par des embauches de jeunes, c'est un projet que le gouvernement envisage très sérieusement, présentement, puis il y a des gens qui travaillent là-dessus. Et, quand on sera en mesure d'annoncer des choses, on pourra le faire.

(17 h 50)


Débat sur la langue

L'autre question que vous avez soulevée a trait au débat sur la langue. Je ne sais pas comment on peut appeler ça. Un débat... Si vous voulez dire par débat que la société québécoise va s'activer exclusivement à débattre des questions linguistiques au cours des prochaines années, ce n'est pas l'intention du gouvernement. C'est encore moins l'intention du gouvernement de poser quelque geste que ce soit qui puisse ouvrir une crise linguistique et dresser les unes contre les autres des communautés linguistiques. Par contre, ne demandez pas au gouvernement de se montrer aussi laxiste vis-à-vis de l'application des lois linguistiques que le gouvernement antérieur. Le gouvernement a été saisi d'un bilan, un bilan qui comporte des plus et des moins, et je pense que les gens reconnaissent que c'est à la loi 101 originale, la loi 101 qu'on doit au Dr Laurin et à M. Lévesque, que sont dus les progrès qui ont été enregistrés. Ce n'est pas à la loi 86. Ce n'est pas l'apport des libéraux. Il ne faudrait pas que le chef de l'opposition nous fasse croire que c'est grâce à sa contribution par la loi 86 que le français a avancé à Montréal et ailleurs. Au contraire, c'est là que ça a commencé à inquiéter le monde, alors qu'on avait atteint une sorte de point d'équilibre. Mais, maintenant qu'on a un bilan qui nous montre qu'il y a des plus et des moins, il faut bien sûr consolider les plus, mais, quant aux moins, il faut s'en inquiéter.

Dans les plus, il y a des choses dont il faut se réjouir, c'est évident, puis on les doit à la loi 101. Au plan scolaire, on sait que 80 % des élèves allophones fréquentent maintenant l'école française, alors que c'étaient les pourcentages inversés dans les années soixante-dix, avant qu'on mette en vigueur la loi 101. Oui, il y a eu des résultats positifs d'acquis, puis, oui, il faut s'en féliciter et, oui, il faut les consolider et les maintenir. Par contre, il y a des choses qui nous inquiètent. Par exemple, on apprend du bilan que les francophones montréalais qui travaillent dans les deux langues s'adressent encore en anglais à leur supérieur anglophone dans 57 % des cas et à leurs subordonnés dans 50 % des cas. Donc, c'est des choses qu'il faut réexaminer. La langue au travail, l'intégration des immigrants, des nouveaux arrivés au Québec, ce n'est pas une chose qui fonctionne très bien. Il faut améliorer l'enseignement du français dans les COFI, c'est évident. On nous dit que, dans une semaine donnée, ça peut changer quelques dizaines de fois de professeurs. Ça, c'est un non-sens absolu.

Il y a des choses qu'il faut améliorer. Il faut améliorer l'enseignement du français quand les anglophones décident d'apprendre le français. Alors, oui, le gouvernement va se préoccuper de cela, mais il n'en fera pas un débat linguistique; on ne le souhaite pas. On ne souhaite pas qu'il y ait des émotions, de l'irrationalité dans la façon de considérer ces choses qui sont tellement importantes qu'elles requièrent que nous les abordions de façon rationnelle, responsable et dans le respect des uns et des autres.

La Présidente (Mme Signori): M. le député de Rivière-du-Loup.


Lutte au chômage

M. Dumont: Oui. C'est qu'il y avait aussi une question sur les objectifs précis en matière de réduction du chômage, et j'en profite pour faire juste un commentaire sur la question des jeunes dans la fonction publique, pour rappeler au premier ministre qu'on a au Québec une école nationale d'administration publique, l'ENAP, et que, à part peut-être les partis politiques où il y a une certaine mouvance et qui recrutent des gens, par exemple, qui sortent de là avec une maîtrise en administration publique, c'est le gouvernement fédéral qui embauche les jeunes qui sortent de l'ENAP du Québec, très largement, très peu le gouvernement du Québec lui-même.

M. Bouchard: Pour ce qui est des objectifs en termes quantifiés, on verra si c'est possible d'en déterminer. Moi, je souhaite qu'il y en ait. On en a discuté, d'ailleurs, dans les rencontres qui préparent le sommet et les travaux des chantiers avec le secteur privé. Nous pensons qu'en effet on devrait concevoir des mesures suffisamment concrètes qui nous permettent de s'assigner des objectifs, mais réalistes, réalistes en termes de création d'emplois. On travaille là-dessus. Mais ça ne peut pas se faire par le gouvernement tout seul, ça, il faut absolument que ses partenaires indispensables que sont les gens du secteur privé soient associés à ces travaux. C'est pour ça que ce consensus de la conférence de Québec est si précieux, puisque c'est la seule chance que nous ayons d'arriver à définir conjointement avec les employeurs des objectifs qui vont sinon les lier juridiquement, du moins leur imposer l'obligation de travailler pour les atteindre avec nous.

La Présidente (Mme Signori): M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui. Merci, madame. J'ai apprécié certaines des réponses du premier ministre, surtout sur le déficit. Je réitère que c'est extrêmement important de s'en occuper. Je ne réclame pas quelque paternité que ce soit, sinon que c'était dans notre programme électoral, nous. On s'est engagés à le faire, contrairement à l'autre parti. Pourquoi on ne l'a pas fait? Le premier ministre dit: Pourquoi on ne l'a pas fait en 1987, en 1988, en 1974, en 1962? Bon. Alors, tu sais, peu importent les années et les gouvernements, si l'attente que signale le premier ministre, c'est qu'un parti, une fois au pouvoir, adopte toute la législation pour jusqu'à la fin des temps puis, après ça, l'administre et fait je ne sais pas quoi, fait autre chose et ne s'adapte pas, on n'ira nulle part avec ça. C'est comme si je reprochais au gouvernement, à chaque projet de loi qu'il fait: Pourquoi il ne l'a pas déposé une semaine avant ou il y a un an? S'il veut m'entendre dire ça jusqu'aux prochaines élections, ça ne me dérange pas, mais on n'avance pas à dire: Pourquoi vous l'avez pas fait avant? On s'est engagés à le faire à un moment donné, puis on l'aurait fait, puis, bon, je suis heureux de voir que, dans le budget ou peu après, il va y avoir une proposition concrète de ce côté-là.


Stratégie gouvernementale en matière de création d'emplois

Le problème avec ça, c'est que ça demeure, selon moi, selon toute apparence, le seul geste concret, le seul élément de programme qui tient lieu de politique économique ou de création d'emplois du gouvernement. Je reviens à mon propos initial. Quels sont les gestes, demandais-je au premier ministre, qu'il entend poser très bientôt, avant le 1er novembre, avant que des gens dont on attend le résultat des travaux nous le disent, puis que, là, on considère puis qu'on décide, etc.? Avec les moyens qu'il a aujourd'hui dans différents ministères ou à la lumière de sa conviction à lui de la direction que doit emprunter le développement économique du Québec, quels sont les outils que lui, le député de Jonquière, veut manipuler pour créer des emplois à court terme? Comment a-t-il réfléchi à ça? Ça s'inscrit où dans le plan d'ensemble du gouvernement, telle ou telle mesure précise pour créer des emplois pour les jeunes?

Oui, on peut dire: Bon, bien, Alcan a créé un programme de premier emploi. Oui. Ils l'avaient annoncé peu de temps avant la conférence socioéconomique, d'ailleurs. On espère que d'autres vont le faire. C'est une contribution intéressante, presque obligatoire par les temps qui courent, que des entreprises, dans leur propre intérêt, envisagent d'améliorer les perspectives d'emploi des communautés dans lesquelles elles sont inscrites.

Mais d'ailleurs, en aparté, je dirais qu'il y a des entreprises américaines, aux États-Unis, installées dans certaines villes, installées dans des quartiers extrêmement difficiles, appauvris de certaines villes américaines, qui vont jusqu'à mettre sur pied des écoles, je dirais, des centres de formation à l'intérieur de l'entreprise, jusqu'à prendre en charge, même, les frais et les activités de gardiennage, de garderie pour les enfants des gens qu'ils attirent dans ces quartiers-là afin de leur donner une formation, et ça, c'est dans l'intérêt de tout le monde de s'impliquer à ce niveau-là, que ce soit une entreprise... Mais une entreprise, ce n'est pas désincarné, hein? Ce sont des gens qui sont là, il y a des actionnaires, des cadres, des employés et, lorsqu'on est un peu sensible à tout ça puis qu'il y a une politique ou une mission d'entreprise qui se voit bien inscrite dans son milieu, ce sont des choses qui se déroulent, et elles n'ont même pas besoin du gouvernement, la plupart du temps.

Mais le gouvernement aussi doit faire sa part. Ça doit l'animer, ça doit paraître dans ses gestes que c'est un souci, et je dois confesser que, pour le moment, comme le discours inaugural et comme d'autres gestes, comme les crédits, ça a l'air d'un catalogue qui n'est même pas par ordre alphabétique, je dirais. Il n'y a même pas de sens de l'organisation dans le catalogue du gouvernement, dans toutes ses actions puis ses décisions qu'il nous annonce, parce qu'on ne voit pas comment ça s'inscrit dans une stratégie de création d'emplois, que ce soit pour les jeunes ou les moins jeunes ou quoi que ce soit, que ce soit pour tenir compte du fait qu'il y a des gens qui cherchent leur premier emploi. Il y en a d'autres qui ne sont pas bien formés ou suffisamment ou adéquatement formés pour occuper un premier emploi, il y a des gens qui vont passer d'un emploi à l'autre, à un moment donné, pour toutes sortes de raisons à l'intérieur de leur propre entreprise, dans une autre entreprise, dans une autre ville, pour quelque raison personnelle, familiale que ce soit.

(18 heures)

Être préparé pour occuper un emploi, ça touche bien du monde, y compris ceux qui ont déjà un emploi, et c'est ça qui manque dans les actions gouvernementales. Enfin, moi, je ne vois pas comment la stratégie gouvernementale en matière de création d'emplois pour les jeunes et les moins jeunes est articulée. Je ne vois vraiment pas. Là, on est vraiment en attente. Ça a été reporté comme tout le reste. Le gouvernement réfléchit. Le gouvernement a vu soumettre à sa considération telle, telle chose, le gouvernement attend qu'on lui soumette autre chose. Alors, on n'est pas encore dans les décisions. On est dans l'attente vraiment, et, moi, je n'ai pas vu depuis trois mois, ou six mois, ou peu importe, je ne vois pas dans les crédits, je ne vois pas dans les discours du ministre des Finances, des ministres à mission économique qu'il y a un plan d'ensemble qui est écrit quelque part. Il faut que ce soit écrit quelque part. Ça ne peut pas être juste: Je suis au courant que les gens travaillent là-dessus.

On entend parler le premier ministre à propos de l'emploi chez les jeunes et comment le gouvernement, comme employeur, pourrait s'en mêler. Le premier ministre nous a dit - je ne suis pas sûr que ça ait satisfait le député de Rivière-du-Loup: Il y a des gens qui s'occupent de ça. Alors, ça, c'est les réponses qu'on a eues du député de Gouin essentiellement. Le premier ministre dit: On devrait avoir des quotas, embaucher les jeunes. Je lui annonce, pour en avoir fait l'expérience, que la Commission des droits de la personne va s'en mêler pas à peu près s'ils décident qu'on fait de la discrimination en raison de l'âge pour embaucher des jeunes. Il va falloir définir le terme «jeunes»: moins de 30 ans, moins de 25 ans ou quoi que ce soit.

Je peux faire une suggestion très, très publique au premier ministre. Nous, on a envisagé un programme d'embauche de jeunes diplômés ou de nouveaux diplômés ou de diplômés récents, quel que soit leur âge. C'est des choses qui ont déjà été essayées, mises sur pied, avec des succès très relatifs, alors qu'on réduit la taille de la fonction publique mais qui, elle aussi, vieillissant, a besoin d'un certain renouvellement même si, au total, les gens vont être moins nombreux. Et, d'ailleurs, j'amène le premier ministre, ou enfin son entourage, à tenir compte du rapport que M. Boudreau, l'ancien sous-ministre à l'Éducation, qui était en poste, à un moment donné, à Los Angeles, je crois, avait remis lorsqu'il faisait partie d'une mission de l'École nationale d'administration publique au gouvernement d'alors, il y a deux, trois ans, sur le rajeunissement, le renouvellement de la fonction publique québécoise. Il y a des pistes intéressantes là-dedans qu'il faut cultiver, et ce serait quelque chose à regarder. Par ailleurs, le député de Rivière-du-Loup a soulevé d'autres cas. De toute façon, le sort des jeunes, que ce soit comme employés du secteur public ou ailleurs, n'a pas l'air, concrètement, de mobiliser les énergies du gouvernement.


Discours d'ouverture à l'endroit des non-francophones

Un autre sujet qui a été soulevé tout à l'heure - on pourra passer à certains programmes gouvernementaux - c'est le discours de réconciliation, de tolérance, d'ouverture à l'endroit des non-francophones - on va appeler ça de façon large, comme ça - dont le député de Rivière-du-Loup nous parlait tout à l'heure. Moi, je dirais que le premier ministre, avec tous les signaux qu'il tente de donner, en a malheureusement annulé certains par certains des débats qu'il a endurés, auxquels il a assisté ou dont il a été témoin, là, en fin de semaine dernière. Ça tient à pas grand-chose, souvent. Il faut expliquer aux gens qu'ils se trompent. Il faut le dire. Quelqu'un au Québec, un francophone, qui dit: Ça parle anglais dans le métro à Montréal... Oui, on parle anglais dans le métro à Paris. On parle indi dans le métro à Londres, j'en suis convaincu. C'est ça, des villes internationales. Inévitablement, ça, c'est une réalité d'une ville cosmopolite, et il faut que tous les Québécois se rendent compte que c'est un enrichissement. Ça ne signifie pas que ça a un effet sur l'affichage, sur la langue de l'éducation, sur la consolidation et l'épanouissement du français, la protection dont ça doit bénéficier, etc. Mais il ne faut pas en faire une maladie quand on voit des manifestations du fait qu'on est à un carrefour de commerce international, notamment dans la grande région de Montréal.

Un autre commentaire que j'avais vu et qui m'a laissé un peu songeur, c'est cette jeune femme qui a dit: L'île de Montréal se vide parce que les jeunes ménages ne se sentent plus à l'aise chez eux. Ils ne se sentent plus chez eux, donc ils vont en banlieue. Je vais vous dire une affaire, quand les taxes vont baisser dans le centre-ville de Montréal, les gens vont se sentir à l'aise puis chez eux pas mal. Il y a ça aussi qui joue, et il ne faut pas chercher, toujours, des raisons, je dirais, à caractère ethnolinguistique pour des décisions qui sont parfaitement normales dans une grande ville qui a les caractéristiques enviables de Montréal et de sa région.

Il y a évidemment l'exemple qu'on doit donner, que les élus doivent donner, et, moi, ce qui m'a éminemment déçu, c'est de constater par exemple, sur les copies de correspondance que certains députés envoient à des citoyens... Moi, quand je vois une réponse comme celle d'un député, du côté ministériel, à l'endroit d'une jeune femme d'origine anglo-canadienne qui parle bien français mais qui s'exprime par écrit avec quelques erreurs, quelques fautes, qui disait, après le référendum - elle avait écrit à plusieurs députés, il y en a qui ont répondu - Voulez-vous, s'il vous plaît, regardons du côté de l'économie, regardons ce qu'on peut faire ensemble, on a tourné la page, etc. Et recevoir des réponses dans le genre: Votre position, madame, reflète bien le résultat du vote lors du référendum. Une majorité de francophones se souviennent de leur histoire et votent oui pendant que la majorité des Québécois provenant de diverses ethnies ont voté non. Par son geste, cette minorité importante prive encore une fois la majorité, etc.

C'est déplorable, ça, ces choses-là. C'est déplorable que ça ait encore cours chez des élus au Québec, des sentiments comme ceux-là qui s'expriment. Le premier ministre devrait vraiment faire un effort particulier, à mon sens, à l'intérieur de son parti, un effort pédagogique. Il n'y a rien comme la répétition, l'exemple, puis les explications pour empêcher la réédition évidemment des commentaires que son prédécesseur a eus le soir du référendum. Alors, je me demandais comment le premier ministre, qui est toujours bien, bien soucieux d'être correct, au sens le plus noble du terme, à cet égard-là, pour l'ensemble de ses concitoyens, envisage de donner un signal sans équivoque de son engagement à lui, de sa conviction, qui ne s'est vraiment jamais démentie, qu'il est possible que les gens travaillent ensemble. On doit comprendre que, dans la région de Montréal, on ne sera jamais homogène au point de vue linguistique, et, donc, il y a des gestes qu'il doit poser comme chef de son parti, notamment, qui doivent signaler sans aucune espèce de nuance quelles sont ses convictions en ces matières-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Alors, M. le premier ministre.

M. Bouchard: Oui. D'abord, sur l'emploi, M. le Président, je vais répondre au chef de l'opposition. Je répète que le gouvernement est en train de créer les conditions qui vont permettre au principal créateur d'emplois de créer de l'emploi - le secteur privé - et rapidement. Ceci étant dit, le gouvernement n'est pas inactif de ce côté-là. Il y a des programmes qui existent, qui vont être maintenus, d'autres qui vont être créés, on verra, par le budget. Mais je rappelle au chef de l'opposition que le programme d'aide au démarrage d'entreprises, qu'on appelle plus communément le plan Paillé, va créer bientôt sa 10 000e entreprise, sa 10 000e PME, pour créer 50 000 emplois - la moitié, c'est des jeunes de moins de 30 ans - qu'un programme comme le programme Jeunes Promoteurs, il va continuer. Il a déjà contribué, lui, à la création de 636 nouvelles entreprises; 1 500 emplois, investissements de 30 000 000 $. Les crédits du Service d'aide aux jeunes entrepreneurs de même que les 22 000 000 $ attribués au soutien à l'emploi stratégique pour les jeunes sont maintenus.

Pour les jeunes, on a maintenu le gel des frais de scolarité. On est en train de travailler sur une réforme de l'éducation et de la main-d'oeuvre. On sait bien que c'est du côté d'une transformation des programmes de formation de la main-d'oeuvre qu'on va faciliter l'entrée des jeunes dans le domaine de l'emploi, et je pense que le gouvernement ne peut pas se faire reprocher de ne pas être ponctuellement à l'heure du côté de ce qu'il peut faire du côté de la création d'emplois.

Quant au discours vis-à-vis des non-francophones, d'abord, évidemment, je n'ai pas vu toute la lettre qu'on vient de citer, mais j'imagine qu'on a cité un passage très particulier, que j'ai entendu. Ce n'est pas le genre de propos que j'approuve. Au contraire, moi, je ne tiens pas ce genre de propos et je connais peu de députés qui tiennent ces propos. Ce n'est pas l'esprit du Parti québécois, ce n'est pas comme ça que les souverainistes voient les choses. Nous professons que le nationalisme québécois moderne en est un de nature territoriale et culturelle et que ça n'a rien à voir avec les ethnies, que les Québécois et les Québécoises, dès lors qu'ils sont Québécois et Québécoises, c'est-à-dire qu'ils habitent au Québec, sont des citoyens à part entière sans aucune distinction à faire entre eux, et que, si on est fédéraliste, on a le droit de l'être; c'est tout à fait légitime d'avoir une opinion puis de promouvoir la cause fédéraliste, comme ça l'est de promouvoir la cause souverainiste, et je m'attends au même respect, par exemple, du côté de ceux qui sont souverainistes.

J'ai l'intention de multiplier mes rencontres avec les non-francophones. Je dois rencontrer la communauté italo-québécoise dans quelques semaines tout au plus. Je comprends que, par les paroles, c'est difficile de convaincre les gens, je le comprends très bien, donc, il y a des gestes qu'il faudra poser.

(18 h 10)

Dans le bouquet des mesures, par exemple, il y a un assouplissement du côté de la limite des séjours temporaires imposée à des étrangers qui viennent ici pour travailler, par exemple, à des projets de recherche ou alors à des projets particuliers dans le domaine d'une entreprise, parce que leur expertise est requise. On sait que, présentement, la limite est de cinq à six ans. Il y en a environ 200 par année qui en profitent, et d'autres ne viennent pas parce qu'ils trouvent que la limite de cinq à six ans, ce n'est pas assez, ils voudraient avoir une latitude pour que leurs enfants puissent aller à l'école anglaise. Alors, ça, c'est dans la résolution qui a été adoptée par la majorité du Conseil national de la fin de semaine, qu'il y ait un assouplissement, qu'on regarde les cas puis qu'on s'assure qu'on puisse permettre à des gens, qui, autrement, ne pourraient pas le faire, d'être ici plus longtemps que les cinq et six ans, et peut-être même sans limite.

Oui, il y a des choses qu'on fait. On a créé le poste... on va créer un poste d'ombudsman pour les gens qui pensent qu'ils éprouvent une discrimination par rapport à l'usage de leur langue, qu'ils soient francophones ou anglophones. Et puis il y a des gestes peut-être plus formels qu'on devra envisager de poser. Par exemple, il y a un groupe d'anglophones, dont fait partie en particulier le philosophe Charles Taylor, qui proposent qu'on puisse définir à l'avance certaines parties de la future constitution d'un Québec souverain où se trouverait consacrée la formulation des garanties fondamentales des minorités. Moi, personnellement, je pense qu'on devrait le faire. Je pense que, si on trouve des vis-à-vis qui veulent s'asseoir avec nous pour travailler ces choses-là, il faut s'y engager. On a des idées puis on a les projets puis on va aller au bout de nos projets.

Le Québec est une société tolérante et, quoi qu'il arrive, que ce soit du côté du fédéralisme ou de la souveraineté, il faudra que cette valeur fondamentale soit respectée. Puis la souveraineté sera généreuse ou ne le sera pas; moi, j'en suis bien conscient. Les Québécois ne veulent pas d'un pays, qu'il soit fédéraliste, qu'il soit provincial ou qu'il soit souverain, qui soit intolérant. Et je suis convaincu qu'il est possible de convaincre toutes les composantes québécoises de la sincérité et de l'authenticité des souverainistes quand ils annoncent vouloir prendre ces engagements et les concrétiser.

Alors, je voudrais rassurer ceux qui ont encore des inquiétudes, je sais qu'il y en a, j'en rencontre, moi aussi, à Montréal, puis qui viennent nous le dire spontanément. Je voudrais les rassurer, pas rien que par des paroles; je sais que les paroles, ce n'est pas assez, souvent. Mais il faut continuer. Puis ce n'est pas un discours, puis ce n'est pas une rencontre de fin de semaine, c'est un engagement constant, quotidien, continuellement réitéré qui va nous faire atteindre cet objectif fondamental dans notre société, de pouvoir travailler ensemble et de se sentir, tous ensemble, chez nous ici, quoi qu'il arrive. Il faut que les anglophones, il faut que les non-francophones sachent que, si la démocratie québécoise dont ils font partie décide que le Québec sera souverain, il y a une place à part entière pour eux, que ça deviendra leur projet à eux aussi, puis qu'ils seront, eux aussi, conviés à travailler pour sa réussite et qu'ils seront traités avec tous les égards qui sont dus aux égards et aux droits que doivent recevoir des citoyens par le seul fait qu'ils sont des citoyens.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Vachon.


Mesures pour créer de l'emploi (suite)

M. Payne: Oui, c'est un débat intéressant, comment créer les emplois, et surtout comment créer les conditions pour l'emploi. J'ai une image et un souvenir, je pense que c'était au mois de septembre 1994, juste avant les élections. J'ai remis au premier ministre... je m'excuse, au chef de l'opposition, M. Parizeau, une copie d'une lettre qui était envoyée par Bombardier, le vice-président de Bombardier, au premier ministre Johnson, déplorant le fait qu'il fallait recruter à l'extérieur du Québec la main-d'oeuvre qualifiée pour le secteur de l'aéronautique. J'ai un intérêt particulier, parce qu'on sait que l'aéronautique représente à peu près 60 % de l'activité canadienne au Québec. Depuis ce moment-là, ça m'intéressait particulièrement aussi, parce que ça concernait l'école nationale d'aérotechnique dans le comté de Vachon, qui est la plus grande école de son genre en Amérique du Nord. Depuis ce moment-là, le gouvernement du Québec a investi beaucoup et d'une façon systématique, après beaucoup d'analyses, dans une série, je n'entrerai pas dans tous les détails, une série de programmes de formation pour les jeunes, qui s'appelle le programme CATIA, qui représente les systèmes d'informatique les plus sophistiqués qui existent à ce moment-ci en matière de conception, de fabrication, de soutien et de maintenance des aéronefs, de sorte que, maintenant, on a réduit la nécessité d'embaucher les jeunes à l'extérieur du Québec d'à peu près 50 %. L'entente est maintenant en marche avec IBM, Bombardier et le gouvernement du Québec. C'est une façon, à mon avis, de vraiment créer les conditions de créer des emplois.

J'ai rencontré aussi - un autre témoignage - les dirigeants d'une compagnie britannique qui s'appelle Messier-Dowty, Messier étant l'ancienne composante française achetée maintenant par Dowty, une entreprise britannique qui fabrique au Québec, fait le montage des trains d'atterrissage pour les avions, comme l'Airbus en Europe. Elle fabrique ça à l'extérieur de Montréal. J'ai discuté longuement avec ces Britanniques, il y a quelques semaines, sur la question de la langue, la question du climat de confiance, et tout, et ce qui m'impressionnait, c'était leur conviction qu'au Québec ce qui comptait, c'était le climat de travail, c'était la qualité de la main-d'oeuvre, le coût compétitif qu'on pourrait offrir, le taux d'endettement et surtout la capacité de formation au Québec. La question de la langue telle quelle était assez, je ne dirais pas insignifiante mais très relative, dans le sens qu'ils s'intéressaient pour la période de temps qu'ils peuvent venir... c'était la question d'exemption pour les enfants pour aller à l'école anglaise, des cadres qui venaient ici, donc les questions concrètes.

Mais ceci, c'est un exemple. Il y en a d'autres exemples qui existent en ce qui concerne les investissements. On peut dire, en passant, d'ailleurs, qu'en ce qui concerne maintenant les échanges commerciaux entre le Québec et l'Angleterre, le Québec a le plus grand volume d'affaires, dans les deux sens, de toutes les provinces...

L'an passé, au mois d'octobre, Price Waterhouse a conclu une analyse assez technique de 23 villes métropolitaines de l'Amérique du Nord dépassant 2 000 000 d'habitants, pour analyser les conditions d'emploi. Ils ont trouvé, par exemple, des choses fascinantes, que Montréal se trouve au premier rang, au premier rang, comprenez-vous, en densité d'emplois technologiques en Amérique du Nord. Ils regardaient les entreprises, il faut dire, qui ont plus de 100 emplois, donc pas les toutes petites entreprises, mais les grandes. En ce qui concerne le secteur que j'ai soulevé tout à l'heure, Montréal se trouvait, de toutes les villes qui étaient analysées, en cinquième place; les autres villes comparées étaient, bien sûr, Toronto, Vancouver, Boston, Philadelphie, Seattle, Houston, New York, une vingtaine d'autres, donc. Et, en biopharmaceutique, un autre secteur extraordinairement développé au Québec grâce à un programme de recherche et développement le plus sophistiqué en Amérique du Nord, on se trouve en sixième place de toutes ces villes-là.

(18 h 20)

Moi, je pense que, comme parlementaire, ça devrait être évoqué, cette situation-là, parce que, moi, j'ai l'impression que la confiance revient; tranquillement, mais ça revient. Lorsqu'on regarde les groupes comme CAE Electronics, qui est une firme qui compte ici, au Québec, 4 500 emplois et qui est en train de considérer l'option de créer encore 500 emplois en formation ici, à Montréal, moi, je pense que les conditions changent, elles changent beaucoup. Mais je pense que, de notre côté, ici, comme parlementaires, cet après-midi, ce qu'on apprend, c'est que le discours de l'opposition est changé, dans le sens qu'elle voudrait que le gouvernement crée par décret les emplois. Tandis que mon expérience comme député, pas seulement par le programme Paillé... dans mon comté, c'était 73 nouvelles entreprises créées, 73 entreprises. Ce n'est pas tout le monde qui va réussir, mais une bonne proportion, oui. Dans l'ensemble, à travers le Québec, moi, j'ai l'impression que l'exagération vient de l'opposition. Je vis avec un milieu anglophone et plusieurs de mes amis anglophones soulèvent souvent la préoccupation, l'observation que l'opposition semble obsédée par deux questions: la question de la langue et la question constitutionnelle. Ils regardent la période des questions, ils regardent nos débats en Chambre et puis ils reviennent constamment avec l'observation. Je pense que le premier ministre fait les mêmes observations aujourd'hui que tout le monde, comme le député de Rivière-du-Loup, comme quoi on ne devrait pas être provoqués par l'invitation d'intervenir trop souvent dans la question constitutionnelle.

Et l'autre remarque que je voudrais dire, c'est que les dépassements, lorsqu'on parle du virtuel et du réel, le dépassement des prévisions budgétaires de l'opposition, on le sait, était aux alentours de 900 000 000 $ par année, dans les derniers cinq ans. Et, dans l'année 1994-1995, c'était un dépassement de 29 %. Lorsqu'on parle de confiance, que ce soit pour les investisseurs financiers ou les investisseurs industriels, la confiance vient de... c'est quelque chose qui est accordé à un gouvernement. Mais je pense que, en ce qui concerne l'opposition, on ne peut pas dire que les conditions de confiance étaient là depuis neuf ans, et certainement pas une confiance dans les prévisions budgétaires.

Ce que, moi, j'ai, comme député, c'est une confiance qu'on va atteindre les objectifs du budget, tel que souhaité par, par exemple, le député de Rivière-du-Loup, et surtout au niveau des conditions de travail, les conditions de créer des emplois. C'est ça qu'on veut. Moi, je pense que c'est une discussion fort intéressante aujourd'hui. Puis on apprend aussi qu'on ne peut pas créer par décret des emplois, mais on peut créer les conditions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Vachon. M. le premier ministre.

M. Bouchard: C'est à moi à répondre à la question?

Une voix: Il n'y a pas de question.

M. Bouchard: Il n'y a pas de question.

M. Johnson: ...une question à l'endroit de l'opposition, de la part du député de Vachon, sur...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, M. le chef de l'opposition officielle.

Une voix: ...

M. Johnson: Bien oui. Apparemment, il y a des électeurs dans le comté de Vachon qui sont anglophones et qui trouvent que les libéraux parlent de la langue trop, et de la constitution. Absolument extraordinaire! Je n'ai jamais entendu ça, et je ne les ai jamais rencontrés. Évidemment, je ne suis pas le député de Vachon, non plus.

M. Payne: Je pourrais vous indiquer que, dans mon comté, c'est le profil parfait du Québec, où il y a 19 % de non-francophones à qui je parle et j'écris régulièrement en anglais, des fois en italien. Mais mon contexte ne faisait pas référence à Vachon, ça parlait de mes amis du milieu anglophone qui sont inquiets par l'obsession de l'opposition dans la question linguistique.

M. Johnson: Ah bon! d'accord. Alors...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Bien, si je m'en réfère à ce que le député de Vachon dit, ces gens-là ne doivent pas être tellement nombreux. Alors, je ne pense pas que ce soit un phénomène très répandu. Je n'en ai jamais eu connaissance, ni personne ici.

Mais la réalité, par ailleurs, c'est que, comme chef de parti, c'est vrai pour mes prédécesseurs, on n'a jamais été obligés, nous, contrairement au premier ministre actuel, et peut-être pas à son prédécesseur immédiat, mais d'autres avant eux, je n'ai jamais été obligé d'intervenir pour dire qu'un député ou un président de comté ou une association de comté a tenu des propos, oralement ou par écrit, particulièrement blessants à l'endroit d'un groupe linguistique ou ethnique au Québec. Alors, ça, je n'envie pas le premier ministre d'être pris à... c'est toujours un petit peu une source de tension, je présume, dans sa journée, de se demander quel genre de déclaration à caractère divisif il va être obligé de «goaler», comme on dit. Mais, chose certaine...

M. Bouchard: ...là-dessus, vous allez sûrement trouver des choses, je suis convaincu.

M. Johnson: ...chose certaine, ce n'est pas le genre d'atmosphère qu'il faut continuer à cultiver.


Plan de compressions budgétaires

Quant au reste, quant aux autres sujets, il reste encore un petit peu de temps. Le premier ministre, dans ses exercices, je dirais, de coupures de dépenses, ou alors dans la façon dont il envisage le développement économique, ou alors lorsqu'il présente sa vision du développement régional - on va faire le tour - ne semble pas être allé inscrire ces énoncés dans un cadre qu'on peut déduire de ce qu'il dit. Ce n'est pas évident quelle est la stratégie, par exemple, surtout dans l'emploi. Surtout dans l'emploi, je disais tout à l'heure, ce n'est pas clair où est le document de base, où est la politique de base qui alimente les interventions des différents ministres qui sont chargés de ces choses-là.

La même chose est vraie dans les dépenses publiques. Par exemple, le premier ministre s'est félicité, à l'avance, de prendre éventuellement des décisions dans les crédits qui ne toucheraient pas aux clientèles. Les gens ne seraient pas touchés, dit-il. Les Québécois et les Québécoises ne seraient pas touchés. Ce serait l'administration gouvernementale et du secteur public qui serait davantage touchée. C'est l'administratif, c'est la machine. Ce n'est pas les gens, ce n'est pas les bénéficiaires, etc. Mais, ça, c'est difficile à réconcilier avec ce qu'on voit, que ce soit dans la santé, que ce soit dans l'éducation. Lorsqu'on est rendu dans des centaines de millions de dollars dans l'Éducation et que 89 % ou 90 % à peu près des dépenses sont conventionnées, essentiellement c'est des salaires... aller chercher des centaines de millions dans l'administratif, ça ne saute pas aux yeux. La preuve, on est obligé de toucher aux services éducatifs. La preuve, on touche aux clientèles différemment en disant: Bien, vous monterez les impôts scolaires, vous monterez les taxes scolaires de 77 000 000 $. Les gens sont touchés, effectivement. On ne peut pas, encore une fois, tenir le double discours. C'est toujours le double discours. Les gens ne seront pas touchés; on les touche. Les gens ne seront pas taxés; on les taxe. Les services ne seront pas affectés, mais ils le sont. On va faciliter l'intégration sur le marché du travail, mais on coupe dans le Fonds décentralisé de création d'emplois, ou dans le Fonds d'aide aux entreprises, ou on coupe massivement, surtout à la sécurité du revenu, dans les programmes d'intégration en emploi qui, quand même, avaient des résultats, de donner de l'expérience de travail à des gens, à des jeunes surtout, et c'est là-dedans qu'on décide de couper.

(18 h 30)

Alors, ce que j'essaie de voir, moi, c'est d'où procèdent ces décisions lorsqu'on dit: On va faciliter la remise en emploi des gens, on va protéger les clientèles les plus démunies contre les affres de la lutte au déficit, on ne touchera pas les clientèles, on n'augmentera pas le fardeau fiscal et, lorsque les gestes tombent, on fait tout ça, ce n'est pas l'administratif qui est touché. On fait tout ça. Le cas le plus évident, c'est du côté de l'aide sociale et de la sécurité du revenu. On se souvient, et le premier ministre aime beaucoup parler de la conférence socioéconomique du mois de mars, on se souvient des interventions de Mme David sur les coupures qui touchaient les gens de l'aide sociale. Et là, si on prend l'exercice, depuis que le premier ministre a dit qu'il ne referait pas les mêmes erreurs, puis c'est fini, on ne fera plus jamais ça, mais obligation oblige, je ne sais trop, je ne me souviens plus comment le premier ministre s'est exprimé à ce moment-là, il a été obligé de faire ça. Mais il a promis, la main sur le coeur, qu'il ne referait plus jamais ça, certain, certain. Là, on a le budget 1996-1997, évidemment, à la sécurité du revenu qui, nominalement, est de 47 500 000 $ de moins, mais qui représente une demande de réduction de 224 000 000 $. Ça, c'était le communiqué de presse original, 224 000 000 $; 47 500 000 $ qui est une réduction nominale. Bon, alors, il y avait un autre problème, il y avait un problème de 176 000 000 $, évidemment, qui n'était pas réglé. Le projet de loi n° 115, la ministre Mme Harel, députée de Hochelaga-Maisonneuve, a déposé, qui est en vigueur, là, ça, ça permet d'aller chercher 145 000 000 $. Alors, il en reste 31 000 000 $ dans la commande, sauf que, ça, c'est apparent plus que réel. La réalité, c'est qu'on oblige le ministère à rencontrer lui-même, de la façon qu'il pourra, les coûts des clientèles additionnelles. Alors, là, il y a un autre 100 000 000 $, un peu plus, si on pense qu'il va y avoir 13 000 nouveaux ménages sur l'aide sociale. Ça, c'est plus que 100 000 000 $. Ensuite, il y a toujours ce qu'on appelait autrefois les périmés non ventilés. Mais, là, apparemment, on ne peut plus parler de ça, là, les périmés. Là, ça s'appelle les compressions additionnelles non étiquetées ou je ne sais trop, mais on parle toujours de la même chose. Dans le fond, c'est le Trésor qui dit: Ça me prend un autre 275 000 000 $, 10 000 000 $ là, 25 000 000 $ là, arrangez-vous avec vos troubles. Quand on additionne tout ça, il reste encore un autre 145 000 000 $, à peu près, à trouver, là, à la Sécurité du revenu.

Alors, inévitablement, on se trouve à toucher, de plusieurs dizaines de millions, le financement des augmentations de clientèles, plus les commandes additionnelles du Trésor pour atteindre, évidemment, l'équilibre budgétaire. C'est tout bon, ça, mais là le principe de ne pas toucher à la clientèle, de ne pas toucher à la clientèle la plus démunie, de ne pas toucher aux programmes d'insertion, d'intégration d'emplois, je dirais que les trois engagements assez solennels du premier ministre, dans toutes sortes de discours à droite et à gauche, ne sont pas respectés. Ils ne sont pas respectés.

Je demande au premier ministre de voir... Est-ce qu'il pourrait nous décrire le cadre dans lequel ses décisions s'inscrivent, alors qu'il nous dit que l'emploi, ça l'intéresse, et c'est là-dedans qu'il coupe, alors qu'il nous dit qu'il ne touchera pas à la clientèle, mais il y touche, alors qu'il nous dit que le fardeau des contribuables n'augmentera pas, or il l'augmente? Alors, je cherche, moi, ce que ça a l'air, un cadre qui permet de dire une chose et son contraire, peut-être pas dans la même journée, mais souvent dans la même semaine.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Dans le budget qui a été présenté l'an dernier, le gouvernement a pris des engagements budgétaires pour atteindre des cibles de déficit. La première année, c'est l'année qui vient de se terminer, on a vu qu'il a respecté son engagement. Mais le gouvernement avait annoncé également des cibles pour l'année qui va faire l'objet du budget qu'on va présenter bientôt, de même que pour une troisième année, et on en a ajouté une quatrième, nous autres, à la suite du consensus de la conférence de Québec.

Pour l'année qui fait l'objet du budget qui est en train d'être préparé et qui sera bientôt annoncé, le gouvernement avait prévu imposer une augmentation de taxe sur la taxe de vente qui rapporterait 500 000 000 $ de revenus additionnels. Le gouvernement que je dirige a pris l'engagement de ne pas utiliser une hausse de taxe de vente pour aller chercher un revenu additionnel de 500 000 000 $. De plus, les rentrées fiscales n'ont pas été ce qui a été escompté. Et, finalement, à part du montant du gel, qui coûte environ 1 000 000 000 $, il a fallu couper quelque chose comme un autre 1 000 000 000 $ de plus, ce qui fait 2 200 000 000 $. Ça, c'est fait dans l'effort de rationalisation des dépenses publiques pour ne pas transmettre aux jeunes le coût de nos épiceries annuelles et pour libérer l'économie de la ponction indue que prélèvent les emprunts qu'on doit faire pour financer les déficits. Je pense que le chef de l'opposition est bien au courant de tout cela.

Alors, le gouvernement s'est donné comme objectif de créer de l'espoir en nettoyant les finances publiques. Premier objectif, donc: réduire les dépenses. Deuxièmement, les réduire où et comment? Alors, ce que nous avons fait, c'est d'éviter, dans toute la mesure du possible, de faire ce qu'on appelle des coupures paramétriques, des coupures aveugles partout sans tenir compte des bénéficiaires qui pourraient souffrir de ces coupures-là.

Il y a eu un effort extraordinaire qui a été fait au gouvernement pour configurer les coupures, par exemple dans l'éducation, pour éviter, dans toute la mesure du possible, qu'on aille toucher la qualité de l'enseignement, par exemple, d'autant plus que nous nous sommes résolus à respecter les ententes collectives qui prévalaient. Ce qui fait en sorte que, par exemple, la tâche de l'enseignant, le nombre d'enseignants, le nombre d'élèves et les conditions essentielles d'un enseignement de qualité ne sont affectés en aucune façon par les coupures dans l'éducation. Alors, qu'il y ait des services parallèles, des services d'encadrement qui puissent, à la marge, être affectés à des rationalisations, cela peut se faire. Ce sont toujours des décisions qui sont prises par les commissions scolaires dans l'ensemble, puisqu'elles ont le choix, soit, par exemple, d'acheter moins d'ordinateurs ou de dépenser moins pour leur niveau administratif ou alors de faire les coupures plutôt ailleurs dans des zones qui se rapprochent de l'élève. Mais le gouvernement a donné l'indication très nette qu'il souhaite que ce soit surtout du côté de l'assainissement de l'administration des commissions scolaires que soit prise la réduction du gras, parce qu'il y en a toujours, il y en a toujours dans ces réseaux.

Du côté de la santé, les compressions se font à la faveur d'une grande réforme qui a été amorcée l'an dernier, qui se poursuit cette année et qui, d'ailleurs, avait été imaginée essentiellement par les travaux préparatoires de M. Marc-Yvan Côté, qui a félicité, d'ailleurs, son successeur, le Dr Rochon, du travail remarquable qu'il accomplit dans la mise en oeuvre de cette réforme. Ce n'est pas parce qu'il n'est plus dans un cabinet libéral qu'il ne faut pas écouter ce qu'il dit. Il y a peut-être même des garanties d'objectivité nouvelles qui lui viennent du fait qu'il est maintenant libre de laisser aller, de donner libre cours à son admiration. Alors, dans le domaine de la santé, les réformes ont été faites dans le cadre d'une vision plus articulée, puisque nous sommes en train de faire ce qui aurait dû être fait depuis bien longtemps, d'ajuster les services hospitaliers, les services de santé sur les grands standards qui ont cours, entre autres, chez les Américains, en particulier.

On sait bien, par exemple, que, du côté de la période de séjour dans les hôpitaux, tous ces concepts de chirurgie, de médecine d'un jour, de raccourcissement des séjours à l'hôpital sont maintenant en train de nous faire réaliser des économies considérables, d'autant plus nécessaires qu'on assiste à un phénomène du vieillissement de la population où il y a un accroissement des services qui sont dus. Là-dessus, il faut dire que le Dr Rochon fait un travail absolument admirable, qui n'est pas facile. Le jour où, par exemple, moi, j'ai appris - j'étais à l'époque chef de l'opposition à Ottawa, je sortais d'un hôpital où j'avais été traité magnifiquement - qu'on allait fermer sept hôpitaux à Montréal, je me suis étonné, et je pense l'avoir fait publiquement. Une prise de contact avec Jean Rochon m'a permis de m'asseoir avec lui et lui demander: Mais qu'est-ce que vous faites là? Quand même, fermer des hôpitaux, c'est rare qu'on fait ça. J'ai discuté avec lui, puis on l'a invité à Ottawa. Les députés du Bloc aussi se posaient des questions. Il est venu expliquer au caucus du Bloc ce qu'il faisait et puis, finalement, il est apparu... Quand on prend la peine - puis c'est ce que la population a fait maintenant - d'écouter pourquoi on le fait et dans quel but, que c'est pour améliorer la médecine, pour améliorer les soins de santé, pour améliorer les soins hospitaliers, pour contrôler les coûts, faire en sorte qu'on puisse mener les programmes sociaux, on le comprend. Et c'est ce que la population comprend maintenant. Donc, c'est extraordinaire.

Je crois qu'il va falloir faire un peu la même chose du côté de l'éducation. C'est pour cela que la grande démarche des états généraux qui a été lancée par M. Garon est si importante. On ne fera pas la réforme de l'éducation comme ça, sur un dix-sous. Il faut regarder ce qu'on fait. Ça fait 30 ans que ça existe, ce système-là, ce régime-là. Il a été changé de différentes façons à la marge, mais, s'agissant maintenant de faire une réforme fondamentale, il faut le regarder attentivement. Et puis il faut dire, reconnaissons-le, que, dans le cas des réformes de la santé, il y avait déjà eu des travaux qui avaient été faits au gouvernement, justement par M. Marc-Yvan Côté, qui ont permis d'embrayer les réformes plus vite. Dans l'éducation, il a fallu un peu inventer la formule des états généraux. Mme Marois, à la suite de la conférence de Québec, a changé l'échéancier de la réforme de l'éducation. Dorénavant, c'est par des mesures concrètes et des recommandations qu'on devra avoir le rapport des états généraux, au lieu d'avoir des considérations générales, et, deuxièmement, ça devra tomber sur le bureau de la ministre à l'automne, avant le sommet de Montréal, pour qu'on puisse enclencher la mise en oeuvre des mesures concrètes de réforme immédiatement après le sommet de Montréal.

(18 h 40)

Donc, le gouvernement a un plan, le gouvernement a une vision et veut la clarifier dans les cas où elle doit s'améliorer, notamment du côté de l'éducation. Je pense que l'opposition est certainement d'accord avec nous que l'éducation est un domaine où une réforme est requise, qu'il ne faut pas la faire en arrachant les racines de tout; au contraire, il y a de très grands succès, il y a de très grands progrès qui ont été réalisés dans le domaine de l'éducation, qu'il faut maintenir. Il faut le faire progresser, mais en même temps il faut l'adapter à tous les changements qui sont survenus dans le domaine de l'économie, dans le domaine sociologique, dans le domaine de la pédagogie. Il faut adapter le système pour que ce soit un système qui soit adéquat et qui soit moderne. Puis, en même temps, il va y avoir une question de coûts dans tout cela aussi, parce qu'il faut qu'on trouve moyen de rationaliser l'affectation des fonds pour mettre de l'argent là où on n'en met pas, pas suffisamment. Il y a des endroits, dans l'éducation, où il y a des choses qu'il faut faire et qu'on ne fait pas présentement; il y en a qu'on fait et qu'on devrait peut-être ne plus faire ou faire différemment, à des coûts mieux contrôlés et mieux agencés.

Une opération, donc, fondamentale qui prend, à tout le moins, les quelques mois qui nous manquent pour arriver à l'automne. Et puis le chef de l'opposition disait: On ne peut pas blâmer le chef du gouvernement, ça fait trois mois qu'il est là. Trois mois, là, ça va débouler vite, là. La réforme, là, on aura les résultats des études qui ont été faites en termes concrets dans quelques mois. Et on se retrouvera à l'automne à pied d'oeuvre.

Je pense que la population doit être rassurée, puis doit savoir qu'il y a un gouvernement qui est en train de préparer des choses pour intervenir sur la nature même des programmes de l'éducation, pour arriver à avoir des jeunes qui seront davantage prêts au travail quand ils sortent des écoles, qui restent à l'école pour acquérir une formation qui en vaut la peine, parce qu'il y aura des emplois à l'autre bout et parce que c'est une formation qui répond à des besoins immédiats, qui établit des liens étroits et fonctionnels avec l'entreprise et vice-versa. Je crois que c'est très encourageant, tout cela.

Et je terminerai sur un sujet, M. le Président. Le chef de l'opposition est revenu sur son accusation d'un gouvernement qui dit qu'il n'y aura pas de hausse de fardeau fiscal et qui, selon lui, par la bande, en provoquerait. Il revient encore sur la confusion qu'il fait entre la tarification et la fiscalité.

Une voix: Enfirouâpage.

M. Bouchard: M. le Président, il y a des notions concrètes et réelles qui portent des noms et qu'il faut identifier: il y a le contribuable, il y a le consommateur. Il se trouve que le consommateur québécois, par exemple, fait appel à des services rendus par des compagnies privées, par exemple avec le téléphone. Si j'ai le téléphone chez moi, je vais recevoir une facture, un compte de téléphone à tous les mois. Il risque d'augmenter à la faveur de l'inflation, c'est évident. Il augmente, d'ailleurs. Et puis, là, on paie un compte de téléphone. Ce n'est pas une taxe que je paie, c'est un compte de téléphone, puisque j'ai reçu un service. Il se trouve que l'électricité, par exemple, au Québec, a été nationalisée et que c'est une société de l'État qui, à distance et pour l'État, opère et rend ce service. En d'autres temps, ça aurait pu être une compagnie de téléphone. Alors, quand on reçoit un compte d'Hydro, ce n'est pas une taxe qu'on reçoit, c'est un compte d'électricité. On a reçu un service, on a reçu un bien qui s'appelle l'énergie électrique, puis on paie pour, et c'est le prix du marché.

Une voix: Montréal Light, Heat...

M. Bouchard: Autrefois, c'était le cas. Alors, il faut distinguer les choses. Il est vrai que - et on verra dans le budget comment on règle la question - il y a un montant de 618 000 000 $ qu'il faut aller chercher pour arriver à l'équilibre financier en fonction des objectifs de niveau de déficit qui ont été assignés pour l'exercice qui va faire l'objet du budget qu'on fait présentement. Comment on va le faire? C'est vrai qu'il va y avoir un élément de tarification dedans, mais vous allez voir que ce n'est pas si considérable que ça. Vous verrez, attendez le budget! Vous aurez le temps, ça vous fera d'autre chose à critiquer ou à louanger, on verra!

Mais il y a d'abord l'amélioration des rendements des sociétés d'État, parce qu'il y a des exigences très rigoureuses qui seront assignées à ces sociétés d'État par le gouvernement pour améliorer leur rendement. Donc, on pourra recevoir une partie de la solution au problème de 600 000 000 $ de là. Il y a la perception de nos impôts. On sait qu'il y a un marché noir qui se développe. Il a les moyens. On sait que, quand on investit un dollar dans l'ajout des ressources données au ministère du Revenu, le rendement est un facteur de 10: pour un dollar que vous investissez, vous allez percevoir 10 fois plus d'impôts, d'impôts durs, pas des impôts nouveaux, des gens qui, autrement, s'exonéreraient de leur obligation légale de payer l'impôt. Donc, en resserrant les contrôles, en raffinant et en améliorant les ressources, on va aller chercher des montants, là aussi, qui vont venir soulager le problème de 618 000 000 $ que nous avons. Et puis il y a les dépenses fiscales, ce qu'on appelle les dépenses fiscales, qui sont des abris fiscaux. Là, il y a un nettoyage à faire. On a dit qu'on en ferait un au nom de l'équité, au nom aussi d'un sain équilibre financier. Ça ne veut pas dire que tous les abris fiscaux sont mauvais. Il y en a qui sont de nature à créer de l'emploi, et ceux-là qui sont une contribution à la dynamique économique, bien sûr, ne seront pas réellement affectés, mais d'autres vont être abolis. En tout cas, on verra. Je pense qu'il y a un exercice intéressant qui se fait, ça s'appelle le budget. Il faudra voir que le gouvernement n'a pas cessé de travailler et va appliquer la même rigueur et la même imagination dans son budget que dans ses crédits.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Marquette m'avait demandé...

M. Bouchard: Je voudrais ajouter une autre garantie que je voudrais donner au chef de l'opposition. Il n'y aura pas de hausse d'impôts rétroactive non plus.

M. Johnson: Il n'y aura pas de diminution rétroactive non plus comme en 1994, si je comprends bien.

M. Bouchard: Certainement pas de hausse d'impôts rétroactive.

M. Johnson: En tout cas, c'est toujours ça de pris.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que c'est sur la même question, M. le chef de l'opposition?

M. Johnson: Oui, absolument, justement. Là, je viens de faire une découverte. Le premier ministre va nous transformer de citoyens que nous sommes en consommateurs. Là, on va consommer des services policiers, des services routiers, des services de santé, des services de justice, et là il va pouvoir nous tarifer. Alors, on va payer des taxes comme contribuables et comme citoyens, mais, quand on va vouloir des services, on va être des consommateurs. C'est absolument extraordinaire ce que le premier ministre nous dit, de changer ainsi le vocabulaire pour nous faire croire que, lorsqu'on paie un tarif ou un frais additionnel, ce n'est pas comme si on payait des taxes. C'est juste de changer les étiquettes autour de tout cela, dans la mesure où, peut-être, peut-être - je donnais l'exemple tout à l'heure - il y aurait un gain d'efficacité, peut-être, parce que les gens se procurant un service public vont être obligés de payer pour. Ça va paraître davantage. Et c'est pour ça qu'on avait instauré le 2 $ sur les médicaments, d'ailleurs, pour les personnes âgées. Il y a des choses qu'on peut faire, ça, c'est évident. Mais j'essaie de voir, là, comment, tout d'un coup, on doit oublier que c'est notre fardeau fiscal qui est en train d'augmenter.

Le premier ministre me fait penser à un propriétaire qui annonce à son locataire, qui est à 400 $ par mois tout compris, y compris l'électricité, le nettoyage de la neige, couper le gazon, sortir les vidanges, etc., que, là, tout d'un coup, au mois de juillet, le loyer, c'est toujours 400 $, mais là ça va coûter 10 $ par mois pour les services du concierge pour sortir les poubelles. Mais là le locataire va dire: Mais, non, c'est à 410 $ par mois que vous êtes rendu. C'était compris, autrefois. Non, non, le loyer ne change pas, ne vous inquiétez pas, c'est 400 $ par mois encore le loyer, mais il y a un 10 $ par mois pour un service qui était déjà compris, puis un autre 15 $ pour autre chose, puis un autre 8,50 $ par semaine pour autre chose. C'est d'inventer... C'est de prendre les gens pour des nonos, là, vraiment, de nous dire qu'on n'est plus des contribuables, qu'on n'est plus touchés comme contribuables, mais que, comme consommateurs, tout d'un coup... Le même citoyen, là, qui est un contribuable et un consommateur, là il va être touché comme consommateur, mais pas comme contribuable. C'est absolument extraordinaire! C'est toujours dans le même ménage, dans la même maison, dans le même contexte où le premier ministre prétend que, ça, ça ne touche pas les citoyens.

Alors, il trouve le moyen, non pas d'élargir l'assiette des revenus, la création de richesse, l'emploi par une stratégie qui va remettre les gens au travail au lieu de couper dans l'intégration en emploi, au lieu de couper dans le Fonds décentralisé de création d'emplois... C'est là-dedans qu'il y a eu des coupures aussi. Alors, comment dire que l'emploi est une priorité lorsque c'est là-dedans qu'on fait des compressions? Maintenant, si le premier ministre nous disait: C'est l'emploi qui me préoccupe, je ne couperai pas là-dedans, dans le Fonds décentralisé de création d'emplois, mais, en raison du fait que l'emploi est ma priorité, évidemment, je vais comprimer ailleurs, puis je vais vivre avec cette conséquence-là. Là, le premier ministre veut nous faire croire qu'il n'a pas une approche dite paramétrique, comptable, bête et méchante. Bien, c'est exactement ce qu'il y a, exactement ce qu'il y a.

(18 h 50)

Il est évident que, lorsqu'on s'acharne autant sur la mission éducative que sociale, que de sécurité du revenu, qu'économique, que d'infrastructure, que de subvention à l'agriculture ou quoi que ce soit, tout le monde est touché. Mais, moi, je regrette, là, ça, c'est un catalogue de paramètres qu'on vient de me présenter. Ce n'est pas un geste ou une politique gouvernementale qui permet de déduire qu'il y a un souci pour l'emploi, par exemple, ou pour l'éducation ou quoi que ce soit, mais qu'on nous le dise. Là, le premier ministre nous a dit, dans tous ses discours depuis qu'il est ici au Québec, à l'Assemblée... Lorsqu'il sollicitait, évidemment, l'investiture comme chef du Parti québécois, là il nous a donné toutes ses priorités, fort nombreuses, fort nombreuses, un catalogue de priorités. Mais, évidemment, je pourrais dire, en toute logique: Si les priorités du premier ministre, c'est un catalogue, bien, évidemment, lorsqu'il fait des compressions, ça va être un catalogue de compressions aussi. Mais ça ne répond pas aux Québécois et aux Québécoises. Ça ne répond pas au désir de voir de l'espoir que le premier ministre décrivait et que les Québécois sentent, notamment les jeunes. On ne peut pas sentir, à travers tout ça, qu'on se soucie des jeunes, lorsqu'on fait des compressions à la grandeur. Il n'y a rien qui est épargné. Ah! Mais c'est peut-être un bien, ça. Le premier ministre disait, tout à l'heure: Vous allez voir si c'est populaire de faire ça! Bien, moi, je veux bien que ce soit populaire de dire ça et de faire ça, mais les effets et les conséquences pratiques, lorsque les gens se demandent: Quelle est la priorité gouvernementale? bien, ils vont se faire attendre. Ils vont se faire attendre. Les gens vont peut-être accepter, là, qu'il faut faire des sacrifices, mais, quand ça fait longtemps que c'est les mêmes, que ce sont les gens qui n'ont pas d'emploi et que la situation se détériore au lieu de s'améliorer, il y a de plus en plus de gens qui, vraiment, ne comprennent pas, là.

Mais s'il y avait au moins une stratégie de création d'emplois! On s'est annoncé, quant à nous, comme parti politique, avec une stratégie de création d'emplois. Les gens ont voté pour le Parti québécois en plus grand nombre que pour le Parti libéral du Québec, donc ce n'est pas nos engagements électoraux qui sont évidemment devenus des politiques gouvernementales. Là, je demande au premier ministre: En matière d'emplois, quels sont les éléments de sa stratégie qu'il nous réserve, et à quoi on peut s'attendre rapidement avant le 1er novembre prochain? Avant le 1er novembre prochain, parce qu'encore une fois il y a des retards qui coûtent très cher à tous les Québécois. Ça, c'est du côté de l'emploi.

Du côté de l'emploi, si on pouvait, de cette façon-là, assurer plus de richesse, créer davantage de richesse, là on pourrait avoir les moyens, évidemment, de protéger certaines missions. C'est le monde à l'envers, un petit peu, là. Le premier ministre revient toujours avec la lutte au déficit. Je suis d'accord! «C'est-u» clair, là? On l'a assez dit. Les chiffres auxquels le gouvernement tente de nous habituer devraient même faire partie d'une loi qui obligerait au respect des équilibres financiers. Alors, ce n'est pas là qu'est le débat. Le débat est au niveau de savoir. Lorsqu'on regarde le budget, lorsqu'on regarde les crédits, lorsqu'on écoute le premier ministre, on se demande où est sa priorité et quels sont les moyens qu'il veut mettre en oeuvre pour l'emploi afin d'assurer, par cette façon-là, que d'autres priorités de services, non pas une priorité de création d'emplois, là, priorités de services, vont pouvoir être rencontrées et qu'on va pouvoir lutter, là, contre le déficit en même temps.

Dans les clientèles qui sont touchées, encore une fois, cette fois-ci, il y a évidemment les personnes âgées, personnes âgées pour une raison que le premier ministre devrait expliquer avec un peu plus de détails. Probablement que son ministre délégué aux Relations avec les citoyens, qui a vraiment fait parler de lui, c'est le moins qu'on puisse dire, depuis quelques jours, par le pouvoir gris au Québec, essaie de voir comment le gouvernement entend traiter les personnes âgées. Les personnes âgées, on pourrait dire - ça, on peut presque l'affirmer, là, sur la foi des statistiques et de la mise sur pied de programmes gouvernementaux depuis 15 ou 20 ans - sont, comme catégorie... Comme catégorie, évidemment, ce n'est pas comme personnes. Quelqu'un qui a 47 ans, 20 ans après, il a 67 ans, il n'était pas âgé il y a 20 ans, mais c'est cette personne-là qui, d'un coup, 20 ans plus tard, bénéficie des avantages consentis ou des avantages qui ont été retirés à une catégorie de personnes, en l'occurrence pour raison d'âge. Les personnes âgées, comme catégorie, ont probablement bénéficié beaucoup de programmes gouvernementaux qu'on a mis sur pied depuis 15 ou 20 ans: aide au logement, médicaments, hébergement, soins à domicile. La liste est longue. Si on regarde la situation d'une personne âgée dans un régime de retraite, qui commence à, je veux dire, produire, assurer du revenu à des gens qui, lorsqu'ils avaient cet âge-là, lorsqu'on regarde cette catégorie d'âge là, il y a 25-30 ans, n'avaient pas de régime de retraite public, etc., de prestations...

Ça, c'est une chose. Mais, quand on met les personnes âgées qui, aujourd'hui, bénéficient de certains avantages en concurrence, pour l'action, le soutien de l'État et les dollars de l'État, avec des jeunes qui n'ont pas d'emploi, c'est un peu court. C'est presque odieux, en réalité, de dire - c'est un peu court, là, je caricature, tout le monde comprend: Quelqu'un qui est à la retraite, qui a 68 ans, ça doit être de sa faute si un jeune de 22 ans n'a pas de job. Ça n'a pas de bon sens. Il faut se remettre à la place des gens partout, chacun dans leur milieu. Ça néglige aussi le fait que la catégorie des gens âgés, lorsqu'ils étaient plus jeunes, devaient pourvoir à tous leurs besoins. S'ils étaient malades, la famille payait pour aller à l'hôpital. Il fallait payer pour absolument tout. Si on voulait aller au-delà du secondaire V ou l'équivalent au collège classique, ce n'était gratuit pour personne. Ça, on sait ça. Il n'y avait pas d'accessibilité à l'enseignement supérieur à l'époque.

Bon, bien, alors, il y a une espèce de justice immanente, quand même, de voir que, pendant 40 ans, les citoyens du Québec qui ont trimé plus dur que ceux qui sont jeunes aujourd'hui, alors qu'eux étaient jeunes, bien, peut-être bénéficient, là, de certains programmes, de certains soutiens du gouvernement. Tenter de remettre en cause la légitimité de ces programmes en invoquant le sort des jeunes comme tel aujourd'hui, il y a quelque chose de profondément injuste à l'endroit de beaucoup de Québécois et Québécoises qui sont soit retraités ou âgés ou qui voient venir leur retraite. Ils se demandent comment on va les traiter. Alors, tout est dans la présentation aussi. La présentation, c'est important, mais tout est dans le souci extrêmement concret, très concret de dire: Quelle est la stratégie qui va faire en sorte que, au lieu de blâmer les gens âgés parce que les jeunes n'ont pas d'emploi, on va créer des emplois pour les jeunes? Ce n'est évidemment pas en s'en prenant à certains des avantages des personnes âgées qu'automatiquement on crée de l'emploi. Oui, on peut réduire le déficit. J'aimerais que le premier ministre nous explique pourquoi, quant à lui, les personnes âgées devraient faire un effort particulier ou supplémentaire comme certains de ses collègues semblent devoir l'annoncer.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci. Bon, pour l'emploi - je veux y revenir encore, parce que le chef de l'opposition y est revenu - le gouvernement prend les vrais moyens pour relancer l'emploi. Il n'y a pas de moyens faciles pour relancer l'emploi. Il n'y a pas de moyens cosmétiques. Il y a un moyen inévitable, incontournable, c'est le premier, c'est un préalable, il faut assainir les finances publiques. Il faut que les gens comprennent ça. C'est comme ça qu'on va sortir du tunnel et qu'on va mettre en place une véritable politique de l'emploi. Deuxièmement, il y a des moyens concrets, immédiats que le gouvernement peut mettre en oeuvre lui-même. J'ai annoncé, j'ai déjà réitéré ceux qui sont déjà en vigueur présentement. J'ai dit qu'il y en aurait d'autres dans le budget, que nous sommes en train d'en élaborer certains en conjugaison avec le secteur privé. Je veux que le chef de l'opposition reconnaisse que ce gouvernement sait où il va en matière d'emploi, parce qu'il prend les vrais moyens pour y arriver.


Taxes et tarifs

Deuxièmement, le débat sur la tarification. Il est revenu là-dessus en disant qu'on essaie de mêler les gens. Je devrais faire attention, parce que, là-dessus, je suis convaincu que le chef de l'opposition est un adversaire redoutable. C'est un orfèvre en matière de taxes et de tarification. Je n'oublie pas qu'il a triplé les frais de scolarité en cinq ans, il faut le faire, taxer l'éducation, taxer directement ça entre les mains des jeunes. Je n'oublie pas non plus qu'il a augmenté les impôts, en 1993, de 885 000 000 $, faut le faire, presque 1 000 000 000 $ d'impôts de plus sur le revenu pour les particuliers, donc ça touche directement les gens dans leur poche, les individus. C'est lui, aussi, qui est allé piger 645 000 000 $ dans la caisse de la Société de l'assurance automobile du Québec, une compagnie d'assurances qu'on s'est donnée, à toutes fins pratiques, pour indemniser les gens qui ont des accidents. Lui, il est allé chercher 645 000 000 $ dans la caisse, et on ne l'a jamais revu.

(19 heures)

Alors, c'est un peu surprenant qu'on nous fasse aujourd'hui ce grand débat sur la tarification puis sur les impôts, alors que ce gouvernement travaille comme ce n'est pas possible pour éviter d'augmenter les impôts. Autant on travaille pour créer de l'emploi en ayant des finances publiques plus saines, on essaie, puis j'espère qu'on va réussir, et je pense qu'on va réussir, de ne pas augmenter les impôts et les taxes. La tarification, le débat, c'est sur l'Hydro fondamentalement. On verra, M. le Président, le budget viendra, ce n'est pas une vraie question, c'est très hypothétique, c'est une discussion un peu philosophique, la discussion sémantique entre les tarifs et les taxes. En réalité, le débat s'est noué autour de l'ajustement que le gouvernement a fait du niveau de tarifs de l'électricité d'Hydro-Québec. C'est là que le débat a eu lieu. Et c'est là que l'ancien premier ministre et l'actuel chef de l'opposition sortait son dictionnaire et nous lisait des définitions de termes. Mais la réalité, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, c'est qu'Hydro-Québec rend des services d'électricité. C'est un bien, et il faut le payer. Et puis le gouvernement a fait un effort inouï parce que, pour 1 $ d'augmentation du tarif d'électricité, on va aller chercher 4 $ de compressions budgétaires dans la gestion d'Hydro. Et on va reconnaître qu'Hydro en avait bien besoin. Les nouvelles qui nous tombent chaque jour sur le bureau concernant ce qui se passe à Hydro, ça presse qu'on ait un plan de compressions, un plan de rigueur de gestion. Il y a un comité de contrôle qui va être annoncé bientôt et qui va nous déposer un rapport pour le début de juin quant à la façon dont les objectifs budgétaires vont être remplis à Hydro. Je crois que, de ce côté-là, on est dans la bonne direction.


Situation des personnes âgées

Pour les personnes âgées, le chef de l'opposition... C'est un sujet très délicat, parce que les personnes âgées - pour les gens de mon âge, nos pères et nos mères, pour d'autres, c'est les grands-pères et les grands-mères - on sait très bien qu'elles ont construit le Québec. On sait bien que c'est la génération qui a porté le grand effort de payer les impôts et les taxes pour créer un État moderne, pour doter le Québec de programmes sociaux, de leviers économiques, qui ont fait éduquer des familles, qui ont bâti le Québec moderne, on le sait. Il n'est pas question de cibler les personnes âgées, comme groupe, pour aller chercher là des gains budgétaires qu'on n'irait pas chercher ailleurs. Ce n'est pas du tout... Ce n'est pas comme groupe. C'est que les personnes âgées, il faut reconnaître une autre chose, le chef de l'opposition a fort justement énuméré une série d'avantages et de bénéfices qui leur ont été conférés, et les crédits d'impôt également et ainsi de suite. Mais reconnaissons que, aujourd'hui, les personnes âgées ont des meilleurs revenus de retraite qu'il y a 20 ans et qu'il y a fort à parier, d'ailleurs, que les niveaux de revenus de retraite des personnes âgées actuelles seront supérieurs à ceux que les générations qui poussent pourront obtenir.

Il ne s'agit pas du tout de cibler, comme groupe, les personnes âgées, sauf qu'on va se poser la question pour ce groupe, comme pour tous les citoyens du Québec et les citoyennes, la question de l'équité, la question de participer au niveau de ses moyens aux efforts collectifs qu'on se donne. Au fond, ça pose la question de la solidarité. La solidarité requiert qu'on regarde quelles sont les capacités de chacun de contribuer aux services. C'est pour ça, par exemple, que le régime d'assurance-médicaments est un régime qui repose sur la solidarité puis l'équité, parce que les personnes âgées qui sont en mesure d'assumer ce genre d'obligation vont se trouver à payer un peu plus; celles qui ne peuvent pas n'auront pas à payer. Il en est des personnes âgées comme de tout groupe social, il y en a qui sont capables de payer, puis d'autres qui sont moins capables, puis d'autres pas capables du tout. Alors, le gouvernement doit moduler ses politiques en fonction des capacités de payer, c'est-à-dire en fonction d'une solidarité nécessaire qui doit se montrer agissante au niveau des moyens, au niveau des capacités.

Au fond, une question d'équité, c'est un débat important, j'en conviens, mais c'est un débat qui repose sur des valeurs profondes. S'il y a des gens qui savent à quel point l'équité c'est important dans une société, c'est bien les personnes âgées qui ont vécu au Québec toute leur vie, qui ont eux-mêmes mis à contribution ces valeurs pour construire le Québec dont nous héritons et qui veulent certainement que les générations qui poussent, qu'ils ont mis au monde, qu'ils aiment parce que c'est leurs enfants puis leurs petits-enfants, puissent bénéficier des mêmes chances qu'eux face aux défis de la vie. C'est un débat important qu'il faut tenir. Il faut le tenir.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Marquette.


Dossier des commissions scolaires linguistiques

M. Ouimet: Merci, M. le Président. J'aimerais intervenir sur le dossier des commissions scolaires linguistiques. C'est bien sûr un dossier sur lequel le gouvernement a indiqué que c'était sa priorité, et je pense que le premier ministre souhaite y arriver assez rapidement. Il s'adonne que l'opposition a manifesté son entière collaboration à la ministre de l'Éducation. Le plus bel exemple de cela, c'est que nous lui avons fourni un outil qui va ouvrir un passage intéressant pour atteindre l'objectif des commissions scolaires linguistiques. Et, vous l'avez sûrement remarqué, c'est également un outil qui semble emporter l'adhésion de plus en plus d'experts, y compris de plusieurs éditorialistes. On a rarement vu l'unanimité par rapport à une solution qui pointe à l'horizon.

Je manifeste beaucoup d'inquiétude par rapport au cheminement du dossier, actuellement. La ministre de l'Éducation a changé d'avis au moins trois fois depuis les deux derniers mois. Dans un premier temps, elle privilégiait les recommandations du comité Kenniff pour, par la suite, prendre ses distances. Le problème de Kenniff, c'est que la CECM ne va plus dans le sens qu'elle allait au mois de septembre 1994. Kenniff créerait de la superposition et de la multiplication de réseaux d'écoles à l'intérieur d'une même structure. Dans un deuxième temps, elle privilégiait, semble-t-il, l'abrogation de l'article 93. Mais, récemment, en commission parlementaire, elle indiquait que c'était probablement la solution non seulement la plus difficile, mais, également, la plus difficilement réalisable. Lorsque vous avez annoncé le bouquet des différentes mesures en matière linguistique, on se rappelle également qu'elle avait indiqué qu'elle ne privilégiait pas la voie constitutionnelle.

D'autres inquiétudes, en fin de semaine, suite à l'article paru dans Le Devoir . La ministre de l'Éducation, cette fois-ci, est en train de négocier un compromis avec la CECM, compromis qui, je suis convaincu, va faire l'affaire de la CECM parce que c'est ce qu'elle a réclamé à trois reprises par voie de résolution officielle, c'est-à-dire: Laissez-nous, comme commission scolaire confessionnelle, sur le territoire de la ville de Montréal et implantez des commissions scolaires linguistiques sur le même territoire, et on ne règle aucunement le problème à ce niveau-là. Je pense que, ça aussi, ça fait l'unanimité, c'est la pire des solutions. C'est la pire des solutions. La pire étant celle évoquée par la ministre de l'Éducation, en fin de semaine, où elle envisage une nouvelle hypothèse qui n'est même pas sur la table et qui ne fait même pas l'objet de consultation. Elle a annoncé trois scénarios de consultation. C'est un quatrième scénario, c'est, enfin, le scénario de la loi 107. C'est la pire des solutions parce qu'on ne réglerait aucunement le problème, à Montréal, de la multiplication et de la superposition de structures scolaires dans un contexte de rareté de ressources financières. Alors, il reste la solution Proulx-Woehrling, et, je ne sais pas pour quel motif, elle hésite beaucoup à aller dans le sens de la solution Proulx-Woehrling. Et, comme je le disais tantôt, ça emporte l'adhésion de plus en plus d'experts, également, que j'ai pu consulter à titre privé.

Alors, j'aimerais connaître un petit peu la réflexion du premier ministre à l'égard du dossier des commissions scolaires linguistiques, parce que c'est sa priorité, la priorité du gouvernement, il voulait faire rapidement dans ce dossier. À regarder la ministre aller, à regarder les nombreuses fois où elle a changé d'orientation en peu de temps, j'ai beaucoup d'inquiétudes et je pense, j'ai l'impression qu'elle va se casser les dents, comme beaucoup d'autres gouvernements l'ont fait par le passé, avec ce dossier. Alors, j'aimerais entendre la réflexion du premier ministre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci de la question. En effet, c'est un dossier difficile. C'est vrai que tout le monde s'est cassé les dents ou à peu près jusqu'à maintenant. C'est peut-être parce que ce n'était pas mûr, mais j'imagine aussi que les efforts antérieurs vont nous permettre de dégager des leçons pour identifier des pistes qui pourraient nous permettre d'arriver aux résultats. Mais ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il ne faut pas essayer. Parce que, comme vous l'avez fort à propos mentionné, il se trouve qu'il y a une sorte de consensus, là, qui fait en sorte qu'il y a beaucoup de gens qui sont d'accord, beaucoup plus qu'avant, en tout cas, sinon tous, du moins presque tous. La CECM en moins d'accord, on en conviendra. Il faut profiter de cela pour faire tout ce qu'on peut pour mettre en place la solution qui va nous permettre d'avoir de véritables commissions scolaires linguistiques.

Vous dites: La ministre est passée par toutes sortes d'hypothèses, elle a changé d'idée. Je ferais des nuances, enfin, la ministre peut très bien se défendre elle-même, mais je ferais des nuances parce que, moi, je ne l'ai jamais entendue défendre le plan Kenniff. Je ne l'ai jamais entendue, au contraire. Quand elle en a parlé devant moi, elle a toujours mentionné le problème que vous avez vous-même évoqué, les superpositions compliquées, une multiplicité d'intervenants et l'incohérence fonctionnelle au bout du compte. Par contre, il y a les solutions de nature constitutionnelle, c'est-à-dire soit l'abrogation, soit l'amendement de 93. Et là vous conviendrez avec moi que ça dépend de l'analyse fine qui en est faite par des spécialistes en droit constitutionnel. Ce n'est pas simple si, par exemple, abroger 93, ça suppose qu'il faut s'entendre avec trois, quatre, cinq provinces en même temps, vaste programme dont nous avons appris qu'il risque fort de ne pas se réaliser. Si, par contre, ça passe par des amendements bilatéraux avec le gouvernement fédéral, il y a peut-être moyen de réussir, en tout cas, c'est plus facile de l'envisager, comme Terre-Neuve est en train de travailler avec le fédéral.

(19 h 10)

Quant à cette hypothèse que vous avez évoquée en dernier lieu, d'un statut spécial qui serait conféré à la CECM, sous réserve et en toute déférence pour quiconque, je ne crois pas que la ministre ait donné son aval à cela. Je crois qu'au sortir d'une réunion avec la CECM elle a rapporté que la CECM plaidait pour un statut spécial. Je ne pense pas que la ministre ait fait un acte de foi et d'adhésion à cette proposition.

Nous sommes en consultation, on regarde toutes les hypothèses, et, pour nous, toutes les hypothèses qui nous permettent d'arriver au résultat escompté, c'est-à-dire avec les commissions scolaires linguistiques fonctionnelles, seront de bonnes hypothèses. Si ça passe par un amendement constitutionnel, pourquoi pas, bilatéral. Et je vous dirai qu'on va se concerter avec Mme Marois, on en reparlera sûrement au Conseil des ministres. Mais, moi, je n'écarte pas du tout que, au nombre des sujets qui seront abordés avec le premier ministre du gouvernement canadien d'ici quelques semaines, on aborde cette question-là, on explore les possibilités d'un amendement constitutionnel bilatéral, si c'est une solution qui est acceptable à la ministre. L'important, c'est d'arriver à atteindre l'objectif, c'est ça qui est important.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. Oui, M. le député de Marquette, rapidement.

M. Ouimet: Oui, deux commentaires par rapport aux propos du premier ministre. La ministre de l'Éducation, à la sortie d'une réunion du Conseil des ministres, avait bel et bien dit qu'elle privilégiait les recommandations du rapport Kenniff. Ça, c'est clair, c'était au tout début, je pense que c'était vers la mi-février ou la fin février, quelque part dans ce temps-là. Mais c'est clair, ça, c'est clair, c'est documenté.

Dans un deuxième temps, par rapport au statut spécial pour la CECM, le statut spécial pour la CECM, c'est la ministre elle-même qui l'a évoqué dans le cadre de l'étude des crédits et dépenses du gouvernement. C'est elle qui a dit: Je songe actuellement à une hypothèse qui permettrait à la CECM... Je veux dire que ça ne vient pas... Ça vient de la bouche de la ministre.

Donc, mes inquiétudes... Et, dernier commentaire là-dessus, c'est que, de l'avis d'à peu près tous les experts, des trois ou quatre solutions mises de l'avant par le gouvernement, il semble y en avoir une intéressante qui permettrait d'atteindre l'objectif une fois pour toutes. Les échos que nous avons, il semblerait que l'accueil serait favorable du côté du gouvernement fédéral. Je pense que le gouvernement devrait aller vérifier, à tout le moins, quelles hypothèses de solution sont faisables, sont réalisables et lesquelles ne le sont pas.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je confirme que ce sera vérifié, ce sera vérifié du côté du gouvernement fédéral. Je pense que j'ai déjà dit... J'ai rencontré M. Chrétien à l'inauguration du Centre Molson, on avait mangé côte à côte, et je lui ai dit que, parmi les sujets que je voulais aborder avec lui, il y avait celui-là, les commissions scolaires linguistiques. Bon, je lui laisse exprimer sa propre réaction, ce n'est pas à moi à parler pour lui, mais certainement que, s'il y a une rencontre, on va examiner cette question-là à la lumière des recommandations puis de la réflexion que poursuit présentement la ministre de l'Éducation.

Quand vous référez à ce que dit - je vous crois, puisque vous le dites - Mme Marois en commission parlementaire, quand elle aurait dit: Je songe à une hypothèse, ça veut dire: J'envisage une hypothèse parmi d'autres. J'envisage, ça veut dire qu'elle regarde toutes les hypothèses, puis c'est la meilleure qui va être utilisée. Quand toutes les hypothèses auront été épuisées, ça va se traduire par une qui va être retenue, donc par une solution, c'est celle-là qui sera mise en oeuvre. Et vous pouvez être certain que, aussitôt qu'on se sera fait une tête là-dessus, puis qu'on aura conclu à la lumière des informations qu'il nous manque, notamment du côté du gouvernement fédéral, puis j'imagine dans la poursuite des rencontres que Mme Marois tient présentement avec beaucoup d'intervenants dans le monde scolaire et autres, on sera en mesure d'annoncer ce qu'on fera. On va choisir le meilleur chemin pour y arriver, parce qu'on veut y arriver. On n'a pas intérêt à choisir un chemin tordu pour arriver à un résultat qu'on veut atteindre. D'abord, le résultat, il est clair, on le connaît, puis on s'entend tous pour y arriver. Dès lors qu'on aura identifié la solution qui nous y conduit le plus efficacement, le plus rapidement et le plus en harmonie avec les intérêts de tous, ce sera celle-là qu'on choisira.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. Là, malheureusement, j'avais des demandes d'intervention. Mme la députée de Saint-François, M. le député de Saint-Jean, M. le député de Rivière-du-Loup, j'aurais aimé vous faire plaisir, mais il y a normalement des remarques, il nous reste quelques minutes pour les remarques de clôture, quatre minutes chacun: M. le chef de l'opposition officielle, M. le député de Rivière-du-Loup et M. le premier ministre. Et, ensuite, nous procéderons au vote.

M. Paquin: M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Paquin: ...je pense que nous avons aussi, comme aile parlementaire, droit à des remarques finales. Alors, j'apprécierais que vous répartissiez le temps en conséquence.

M. Dumont: Moi, j'aimerais prendre deux minutes pour les remarques de conclusion. Ça libère six minutes. Donc, si les deux députés qui ont des questions sont brefs, on s'en sort.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est beau.

M. Dumont: On s'en sort.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si vous êtes tous d'accord, on va comme ça. Alors, madame...


Application de l'équité salariale au secteur public

Mme Gagnon-Tremblay: J'aurais une question, M. le Président, au premier ministre. Dans ses remarques préliminaires, il a encore réitéré son engagement de déposer d'ici peu un projet de loi sur l'équité salariale. On se souviendra, quant à nous, du Parti libéral, on avait créé les programmes d'accès à l'égalité, l'obligation contractuelle pour les entreprises qui faisaient affaire avec le gouvernement, de 100 employés et plus, pour 100 000 000 $ de chiffre d'affaires, on se souviendra qu'on avait aussi été à l'intérieur... c'est-à-dire qu'on avait donné aussi les relativités salariales et, aussi, on avait déposé une loi sur l'équité en emploi. Le gouvernement du Parti québécois s'est engagé à une loi sur l'équité salariale. On sait que l'avant-projet de loi a créé beaucoup de mésentente de la part de tous les groupes pour une chose, entre autres, c'est que le gouvernement avait l'intention de se retirer de ce projet de loi, ça n'affecterait pas comme tel les fonctionnaires du gouvernement. Et, dans son discours du trône, le premier ministre, par ses propos, laissait croire que, comme le gouvernement avait donné près de 375 000 000 $ en relativité salariale, il n'avait pas besoin d'aller dans le sens de l'équité salariale. Il confondait, finalement, équité salariale et relativité salariale.

Alors, je voudrais savoir de la part du premier ministre: Est-ce qu'il a toujours l'intention, lors du dépôt du projet de loi, de faire en sorte que le gouvernement ne soit pas partie prenante, puisse se désengager de l'équité salariale?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci, madame. Vous avez dit que l'avant-projet de loi qui avait été présenté et étudié en commission parlementaire avait suscité beaucoup de mésentente. Peut-être que j'emploierais un mot moins péjoratif. Je dirais que ça a permis d'en savoir plus sur les positions de chacun. Je crois que, d'après ce que je peux voir d'ailleurs, ça nous aide beaucoup dans la confection du projet de loi qu'on déposera bientôt. Donc, je pense que cette étape-là a été très créatrice, elle a été positive, puisqu'elle va nous permettre d'avancer plus sûrement sur le chemin d'une véritable loi sur l'équité salariale. Je ne veux pas dire que ça va être facile non plus. Il est évident... On a vu les appréhensions du côté du monde des affaires, on connaît les exigences et les remarques qui ont été formulées par plusieurs groupes, on va essayer d'en tenir compte. Il y aura une pondération de cela qui va être faite.

Je ne prétends pas qu'on va satisfaire tout le monde, mais ce sera une véritable loi, un véritable mécanisme d'équité salariale dont le gouvernement ne s'exclura pas. Et vous avez raison de le mentionner, ce serait pour le moins étrange que le gouvernement fasse la leçon à l'entreprise privée et s'exempte de ses propres mécanismes. Dans quel délai cela sera-t-il fait? Il faudra voir, parce qu'il y a une période, évidemment, de mise en application qui devra être définie. On est conscient que, pour le gouvernement, ça va être un fardeau de plus, mais il faudra regarder quelle sorte d'étalement est nécessaire, aussi bien dans le secteur public que privé. Mais je vous réponds: Oui, le gouvernement sera affecté par les dispositions qui seront édictées.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. Alors, j'inviterais maintenant M. le député de Rivière-du-Loup à présenter ses remarques.

M. Dumont: Il n'y avait pas le député de Saint-Jean, aussi, qui avait...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, mais on va aller en alternance, si vous le voulez bien.


Conclusions


M. Mario Dumont

M. Dumont: Bien, d'abord, je vais y aller tout de suite de mes remarques de conclusion, en même temps que je vais poser au premier ministre une question. Je vais commencer par la question. C'est un sujet qui est important, c'est la question des aéroports de Montréal. Il y a eu toutes sortes de positions de prises par les intervenants concernés, il y a eu des demandes de débats publics. Le gouvernement du Québec a été plutôt lent à réagir, le premier ministre plutôt discret. Finalement, le ministre des Transports a demandé un délai, qui a été accordé. C'est beaucoup d'argent. Je comprends que ce n'est pas une décision qui découle directement des responsabilités du gouvernement du Québec, mais c'est beaucoup d'argent et c'est des enjeux importants pour la position économique de Montréal. Les infrastructures de transport aéroportuaires, on sait comment c'est fondamental pour une ville internationale comme Montréal. Alors, je serais curieux de connaître, avec passablement de précision, la vision du premier ministre dans le dossier des aéroports de Montréal et comment l'argent devrait être investi pour une politique à long terme là-dedans.

(19 h 20)

Mes remarques de conclusion, par ailleurs, bien, je suis heureux, très heureux de l'engagement qu'il y aura un quota quant à l'entrée des jeunes dans la fonction publique, en voyant comment on pourra appliquer ça pour ne pas que ce soit contesté devant les commissions, on va surveiller ça de près; déçu, cependant, qu'il n'y ait pas d'objectif précis au niveau de la réduction du chômage, qui est différente de la création d'emplois parce qu'il se perd des emplois chaque année. S'il y a une création d'emplois équivalente aux pertes d'emplois, les objectifs qu'il faut se fixer, c'est au niveau de la réduction du chômage pour qu'ils soient réels. Déçu de voir que le débat linguistique n'est pas fermé au Parti québécois et que ça va revenir dans quelques mois ou peut-être un an. Et je constate, à la fin de cette commission, qu'il faut faire des efforts de tous les instants pour se sortir tous ensemble de l'ornière du débat constitutionnel.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Bouchard: Oui. Bien, il y avait une question sur l'aéroport de Montréal. Est-ce que...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Bouchard: Rapidement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, M. le premier ministre.

M. Bouchard: Parce que je pense que, sur le débat linguistique, je me suis exprimé assez clairement. On n'a pas l'intention de plonger le Québec dans un débat. Je ne vois pas qu'on s'inquiète de nos intentions.

M. le Président, concernant les aéroports à Montréal, nous, au ministère des Transports, on est en train de procéder à une étude approfondie de cette question. Il y a des analyses qui devaient nous être transmises, qui l'ont été, finalement, mais plus tard qu'on l'aurait espéré, ce qui a retardé la capacité pour le gouvernement de conclure, de tirer ses conclusions par rapport à cette affaire, ce qui a motivé le ministre des Transports à se faire autoriser par le gouvernement - parce qu'il ne l'a pas fait proprio motu, il l'a fait revêtu de l'autorité du gouvernement - à requérir un report de cette comparution devant SOPRAM. Aujourd'hui même, c'est déjà fait, il rencontrait, à 16 heures, son homologue fédéral. Bon, report de 30 jours, ce serait donc le 30 mai que la séance aurait lieu. Donc, d'ici là, le gouvernement devra définir les conclusions qu'il entend tirer de cette question, et vous me permettrez de ne pas préjuger de ces conclusions puisqu'elles n'ont pas encore été dégagées, compte tenu du fait que nous sommes en train de dépouiller les documents puis analyses qu'il nous faut, qui sont maintenant rentrés, pour conclure.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Saint-Jean.


M. Roger Paquin

M. Paquin: M. le Président, par déférence pour le chef de l'opposition et aussi le chef de l'ADQ, on a choisi, de notre côté, d'intervenir peu, mais, par contre, on est, je pense, tous gagnants parce qu'on a eu un débat qui était quand même riche. Évidemment, deux sujets qu'on aurait aimé aborder ne l'ont pas été. Ils pourront l'être à d'autres occasions, peut-être dans les remarques finales. Il y avait toute la question de l'équité salariale sur laquelle on aurait aimé développer et, aussi, toutes les questions de développement régional.

Mais je dégage de l'ensemble des propos qui ont été tenus aujourd'hui une réponse à la question du chef de l'opposition qui disait: Bon, où on en sera dans un an? C'est évident que c'est difficile de faire une marque en 90 jours, pour un premier ministre en poste depuis très peu de temps, c'est difficile de se faire connaître et de faire sa marque. Je porte à votre attention, M. le Président, que cette marque est faite. Notre ministre du Conseil exécutif, notre premier ministre est un rassembleur. D'abord, il a engagé le chantier de redresser les finances publiques, réorganiser les pratiques de l'État, sortir de l'ornière des mauvaises habitudes contractées dans le passé, cesser de vivre au-dessus de nos moyens, de faire cela en faisant en sorte que chacun ait selon ses besoins, mais qu'on aille chercher les ressources de chacun selon ses moyens et en prenant en compte la richesse qui est disponible, de redéployer correctement les ressources que nous avons. En fait, ce rassembleur est un homme de rigueur et de compassion.

D'autre part, tantôt, le député de Rivière-du-Loup disait: Qu'est-ce qu'on va faire entre les deux sommets? Entre les deux sommets, il y a une vallée dans laquelle on va travailler fort, une vallée fertile où les éléments sont en place. Et, dans cette période entre les sommets, ce qu'on a fait jusqu'ici, c'est de prendre acte de l'état de la situation des besoins de la société, dégager des consensus et faire appel à ce qu'on a de meilleur et à la solidarité de chacun. On a suscité l'adhésion à l'action. Une autre des qualités de ce rassembleur, c'est son ouverture et sa détermination, et c'est ça qui fait qu'on se rassemble actuellement autour des chantiers qui sont ouverts: les chantiers de Montréal, l'emploi, l'économie sociale, les opérations de la réforme du revenu, la réforme de la fiscalité, des états généraux de l'éducation, la réforme de la santé et tout ça.

En fait, en redéployant nos ressources publiques avec rigueur et compassion et en réunissant nos ressources, les partenaires, pour définir des objectifs et se conjuguer dans l'action, le ministre du Conseil exécutif, notre premier ministre, redonne l'espoir, nous met à l'action et ouvre l'avenir. C'est ça qu'il a fait en 90 jours.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui, à moins que le premier ministre veuille remercier le député de Saint-Jean pour son intervention.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: J'espère que tout le monde a compris aussi bien que lui.

M. Johnson: Ça, ça devait s'adresser à son côté de la table. M. le Président, à l'occasion de l'étude de ces premiers crédits du Conseil exécutif, on en a profité pour faire le tour, faire le tour de grands dossiers qui sont de la responsabilité ultime du premier ministre plutôt que de nous attarder, là, aux différents petits et gros postes de dépenses qui peuvent émerger à son ministère. On l'a fait pour une bonne raison, de notre côté, on cherchait vraiment à voir ce que le premier ministre a dans le ventre, si je peux dire, du point de vue de la stratégie politique pour créer de l'emploi au Québec. C'est essentiel.

Quelle est sa vision du marché de l'emploi les prochaines années? Quelle est sa vision, les gestes qu'on doit poser concrètement pour que, de façon immédiate, il y ait des gestes, pas entre les deux sommets, tout le temps? Entre les deux sommets, on a la vallée, mais, entre les deux sommets, on peut être dans le trou, aussi, c'est ça qui peut arriver si le gouvernement ne bouge pas immédiatement et attend au 1er novembre, que dis-je, au mois de janvier pour faire quelque chose de cohérent en matière d'emploi. Quels sont les axes que le premier ministre envisage pour faciliter l'emploi, la création d'emplois au Québec? Quels sont les moyens qui découlent de sa vision du marché de l'emploi, les axes qu'il veut retenir et, donc, je le répète, les moyens qui doivent être mis en oeuvre?

Le premier ministre a choisi, d'une façon extrêmement réductrice, de dire: C'est la lutte au déficit qui assure la création d'emplois, parce que ça assure l'investissement. C'est trop court. C'est trop court, puis, par ailleurs, ça ne fait pas objet de débat. C'est une condition sine qua non à laquelle tous les gouvernements sont en train de s'astreindre, celle de réduire le déficit. Le gouvernement est en train de le faire, notamment, je dirais surtout pour ne pas dire carrément exclusivement, par des réductions de dépenses. Il en faut, c'est évident, mais on ne peut pas tout faire porter du côté des revenus, de la croissance des revenus du Québec, de notre richesse qui, éventuellement, va être taxée et va augmenter les revenus autonomes du gouvernement, parce que les revenus du Québec et les revenus autonomes du gouvernement sont deux choses.

Une stratégie de création d'emplois fait en sorte qu'on contribue à la lutte au déficit, au-delà de couper les dépenses, en permettant à des gens de devenir des contribuables, des payeurs de taxes qui ont, à ce moment-là, l'obligation et qui contribuent au service public et acceptent qu'une partie de leurs contributions va aller à l'extinction éventuelle de la dette par l'entremise d'une réduction graduelle du déficit. Et, ça, le premier ministre ne nous a pas dit comment il ferait ça, comment il augmenterait les revenus pour réduire le déficit. Pas par des impôts, là. Je ne parle pas du 618 000 000 $ qui, inévitablement, va frapper les contribuables québécois lors du budget. On appelait ça des tarifs, on appellera ça des frais, on appellera ça ce qu'on voudra, on est devenu des consommateurs au lieu des citoyens dans l'esprit du premier ministre puis de son ministre des Finances. Il n'en reste pas moins que ça va coûter plus que 600 000 000 $, le premier ministre l'a encore confirmé aujourd'hui, avant le budget, c'est la facture qui nous attend.

Une façon de réduire cette facture-là, c'est d'augmenter l'emploi, de réduire le chômage et de faire en sorte que les Québécois deviennent non pas des consommateurs, non pas des prestataires, mais qu'ils deviennent des citoyens qui sont employés, qui travaillent et qui peuvent ainsi continuer à bâtir le Québec. La vision du premier ministre est réductrice, trop petite, trop courte, trop simple, simpliste même, parce qu'elle fait fi complètement du désespoir dans lequel vivent des centaines de milliers de Québécois de ne jamais trouver un emploi. Leur dire qu'on va un jour voir la lumière au bout du tunnel parce qu'on réduit le déficit, ça ne règle pas le problème des Québécois qui n'ont pas d'emploi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. M. le premier ministre, en conclusion.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: J'avais espéré un peu vaguement que je pourrais convaincre le chef de l'opposition que le gouvernement est en train de procéder avec le sens des responsabilités, avec solidarité puis avec espoir. Je suis satisfait de voir que le chef de l'opposition reconnaît que la compression des dépenses publiques et la réduction du déficit, son élimination, c'est une chose préalable, c'est un moyen incontournable pour créer l'emploi. Je pense que je ne lui ai pas vraiment encore jamais entendu dire. Alors, si on avait réussi ça aujourd'hui, ça serait déjà pas mal, qu'il reconnaisse que tout programme de création d'emplois, ça passe par l'assainissement des finances publiques.

(19 h 30)

Cependant, le discours du gouvernement ne s'arrête pas là, l'action du gouvernement ne s'arrête pas là. Nous savons bien qu'il faut aller plus loin que ça, nous savons bien qu'il faut créer de l'espoir, qu'il faut stimuler, motiver les gens, et qu'il faut le faire à partir de données très concrètes. Par exemple, nous voulons agir sur les facteurs qui constituent la texture même du Québec: nous voulons agir sur l'éducation, nous voulons agir sur la fiscalité, nous voulons agir sur la réforme de l'aide sociale, nous voulons agir sur la déréglementation, nous voulons agir sur la formation de la main-d'oeuvre, M. le Président, des choses qui sont fondamentales.

Alors, le chef de l'opposition trouve que ça ne va pas assez vite, lui qui a été au gouvernement pendant six ans comme président du Conseil du trésor et presque un an premier ministre. Mais, quand même, président du Conseil du trésor, ce n'est pas rien. J'entends le chef de l'opposition banaliser cette fonction qu'il avait, si minime, si peu importante, si peu influente que celle de président du Conseil du trésor. Je ne connaissais pas son gouvernement, mais, dans le nôtre, c'est drôlement important, le président du Conseil du trésor, à en juger par la mine que font les autres quand ils s'expriment, M. le Président.

Non, en réalité, ce gouvernement est décidé à agir, c'est de l'action qu'on veut, et on va le faire avec l'appui des gens. On ne peut pas rien faire dans ce domaine-là si on n'a pas l'appui de la population. C'est pour ça qu'on explique ce qu'on fait, qu'on va chercher des consensus, qu'on rencontre les partenaires, qu'on les met en présence, qu'on se met au bâton, parce que, quand on se plante en plein milieu de tous les partenaires du Québec qui ont des intérêts souvent opposés, on prend des gros risques. On le fait parce que c'est comme ça qu'il faut le faire. En sortant de là, on aura les programmes qu'il nous faut. Et déjà, M. le Président, avant même qu'on puisse sortir du sommet, il y a des gestes concrets. Le budget s'en vient. Je trouve que le chef de l'opposition est très pessimiste; notre budget, qu'il attende de le voir, il pourra le commenter à ce moment-là. Il préjuge que notre budget ressemblera au sien, j'imagine. Ça va être un budget imaginatif, on ne fera pas de miracles, ça ne sera pas un budget facile, mais je crois qu'il y a, là encore, un effort de gouvernement.

Le Québec, il faut en faire un chantier. Les jeunes, il faut qu'ils sachent qu'il y a une place pour eux, non pas seulement aujourd'hui, mais demain. Et il faut que les jeunes sachent qu'ils seront en mesure, eux-mêmes, d'assumer leurs obligations vis-à-vis des générations qui les suivront. Il faut qu'ils sachent qu'il y a une génération, actuellement, qui a décidé de mettre un frein à certains comportements d'irresponsabilité par rapport à l'avenir. Il faut qu'ils sachent qu'on travaille pour eux. Tout ce qu'on fait, actuellement, c'est pour eux qu'on le fait. On ne les a pas oubliés, au contraire.


Adoption de l'ensemble des crédits

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. Alors, mesdames, messieurs, est-ce que le programme 1, Bureau du lieutenant-gouverneur, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que le programme 2, Services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que l'ensemble des crédits du ministère du Conseil exécutif pour l'année 1996-1997 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre excellente participation. La commission ayant rempli son mandat ajourne ses travaux sine die. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 19 h 33)


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