To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

35th Legislature, 1st Session
(November 29, 1994 au March 13, 1996)

Thursday, February 15, 1996 - Vol. 34 N° 69

Consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 130 - Loi sur la justice administrative


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Remarques finales


Autres intervenants
M. Christos Sirros, président
M. Claude Pinard, président suppléant
M. Guy Lelièvre
M. Normand Jutras
M. Roger Lefebvre
M. Lawrence S. Bergman
*M. Paul Côté, FATA
*M. Denis Mailloux, idem
*Mme Monique Richard, CEQ
*M. Jean-Marcel Lapierre, idem
*M. Gilles Cadieux, Conférence des juges du Québec
*M. Léon Nichols, idem
*M. Michel St-Hilaire, idem
*M. Michel Simard, idem
*M. Jean-Georges Wurtele, groupe de membres et d'assesseurs de la Commission des affaires sociales
*M. Jean Hérard, idem
*Mme Julie Masson, idem
*M. Robert Cloutier, idem
*M. Gilles Robichaud, ACLPQ
*Mme Anne Leydet, idem
*M. René Ouellet, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Sirros): Je pourrais peut-être avoir l'attention des membres de la commission. C'est juste pour vous aviser qu'il y a eu une erreur technique dans la convocation. Les gens qu'on pensait avoir convoqués pour 10 heures ont été convoqués pour 11 heures. Alors, je suggérerais qu'on reprenne nos travaux à 11 heures avec le premier groupe, qui était la Fondation pour l'aide aux travailleuses et travailleurs accidenté-e-s du Québec, plutôt que 10 heures. Alors, si, de part et d'autre, vous pouvez aviser vos whips respectifs de cette situation, ça nous permettrait de commencer nos travaux à 11 heures. Et on suspend nos travaux jusqu'à 11 heures.

(Suspension de la séance à 10 h 10)

(Reprise à 11 h 7)

Le Président (M. Sirros): Si je peux avoir votre attention, je pourrais déclarer la séance ouverte. Et je vous rappelle brièvement le mandat de la commission, c'est de procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee) et M. Fournier (Châteauguay) par Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne).

Le Président (M. Sirros): Merci. Peut-être avant de commencer, j'aimerais vous faire part d'une entente qui a été conclue entre les deux formations politiques afin d'effectuer les remarques finales à 18 heures plutôt que 20 heures et qu'on puisse terminer nos travaux de façon définitive pour 18 h 30. Bon, effectivement.

Alors, je vous rappelle également que l'ordre du jour que vous avez devant vous fait en sorte qu'on va suspendre nos travaux à midi pour reprendre à 14 heures afin de continuer, par la suite, jusqu'à 18 heures, comme je viens de l'énoncer.

Nous allons commencer, ce matin, avec la Fondation pour l'aide aux travailleuses et travailleurs accidenté-e-s du Québec, que j'inviterais à s'identifier pour les fins du Journal des débats et à passer à votre présentation en vous rappelant que vous avez 20 minutes de présentation, 40 minutes d'échange par la suite avec les deux formations politiques, de façon égale.


Auditions


Fondation pour l'aide aux travailleuses et travailleurs accidenté-e-s du Québec (FATA)

M. Côté (Paul): Merci.

Le Président (M. Sirros): Alors, on vous écoute, et bienvenue.

M. Côté (Paul): Bonjour tout le monde. Alors, moi, je suis Paul Côté, je suis le coordonnateur de la FATA, et je suis accompagné de Me Denis Mailloux, qui est avocat de l'aide juridique et qui travaille aussi à la FATA.

Alors, je vais procéder à la lecture de mon note-mémoire.

Le Président (M. Sirros): Je vais vous aviser cinq minutes avant la fin pour vous donner le temps de vous ramasser si jamais vous avez beaucoup de choses à dire.

M. Côté (Paul): C'est bien. Merci. Alors, nous avons donc pris connaissance du projet de loi n° 130 intitulé Loi sur la justice administrative. Il importe de préciser, dans un premier temps, que la FATA a déjà soumis, en date du 10 mars 1995, un mémoire à la commission des institutions de l'Assemblée nationale. Nous réitérons notre position déjà énoncée dans ce mémoire. Il y a lieu, toutefois, de préciser que notre mémoire englobait aussi une éventuelle réforme de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous allons donc soumettre un complément de mémoire touchant strictement le projet de loi n° 130 proposé. Nous tenons à souligner le travail qui a été fait pour son élaboration et, surtout, l'intention législative en son objet, à l'article 1, celle «d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité aux citoyens.

(11 h 10)

Dans son ensemble, le projet apporte des précisions et répond à certains questionnements soulevés par l'ensemble des mémoires dont la FATA a eu l'occasion de prendre connaissance avant la tenue des audiences publiques de l'hiver dernier. La FATA note un cheminement positif depuis la présentation du rapport Garant et de son équipe de travail.

Cependant, la FATA s'interroge sur le libellé de certains articles et sur leur application éventuelle en relation avec le respect de l'objet du projet et de l'accessibilité des citoyens.

Après analyse du contenu, la FATA recommande d'apporter les modifications qui suivent en regard des articles cités. Alors, l'article 32, où l'on indiquait: «Ces recours sont instruits et décidés par un membre seul [...] Le vice-président responsable de cette section peut adjoindre, au membre ou à la formation, un ou plusieurs assesseurs ayant pour fonction de siéger auprès d'eux et de les conseiller sur toute question de nature médicale, professionnelle ou technique.»

La FATA a déjà indiqué dans son mémoire qu'il ne doit pas y avoir de paritarisme au sein de la division des lésions professionnelles. La lecture de l'article 32 semble ouvrir la possibilité qu'il y ait présence d'assesseurs à titre de conseil sur les questions de nature médicale, professionnelle ou technique. Nous n'avons pas d'objection à ce qu'il y ait des assesseurs non décisionnels experts pour les questions médicales. Cependant, il est impératif que le Tribunal administratif du Québec ne compte ni assesseurs patronaux ni assesseurs syndicaux. Nous favorisons plutôt que le gouvernement, dans son souci de qualité et d'accessibilité pour le citoyen, déploie les énergies et les ressources nécessaires pour la représentation des citoyens travailleurs et travailleuses, et cela, sans frais afin d'assurer une accessibilité pour toutes les classes de citoyens. Beaucoup trop de travailleurs, par manque de moyens financiers, se retrouvent seuls devant le tribunal et se voient ainsi privés d'un droit fondamental de justice naturelle.

Le questionnement que la FATA soulève à l'article 32, c'est surtout au niveau de la mention à l'effet de questions de nature professionnelle. Alors, ce qu'on se demande, c'est lorsqu'on parle de questions de nature professionnelle, on fait référence, au niveau de la division des lésions professionnelles, à des milieux de travail. Alors, lorsqu'on se rapporte au milieu de travail, eh bien, il peut, quant à nous, ce qu'on voit là-dedans, y avoir une ouverture à la présence d'assesseurs patronaux ou syndicaux pour donner leur opinion sur le milieu professionnel, soit les milieux de travail.

Article 80: «Pour la bonne expédition des affaires du Tribunal, le président peut, après consultation des vice-présidents responsables des sections concernées, affecter temporairement un membre auprès d'une autre section.» La FATA comprend bien que cette disposition ne peut être utilisée qu'occasionnellement et dans des circonstances particulières qui pourraient nuire à la bonne expédition des affaires du Tribunal.

Cependant, nous réitérons que la division des lésions professionnelles est une division spécialisée, très spécifique et dont les cas doivent être traités par des gens qualifiés en la matière et à la fine pointe du courant jurisprudentiel. Nous respectons votre souci de la bonne expédition des affaires. Cependant, des affaires traitées de façon expéditive n'entraînent pas nécessairement de bons résultats et la qualité risque d'y être entachée, ce qui irait à l'encontre de l'objet du projet. La FATA recommande donc le retrait de cet article.

À l'article 103: «Le Tribunal ne peut statuer sur une affaire sans que les parties n'aient été entendues ou appelées.» La FATA s'oppose à la mention «ou appelées». Il est de justice naturelle qu'une partie ait le droit de se faire entendre. Or, récemment, la CALP actuelle a mis sur pied une procédure qui invite les parties à signer un formulaire qui permettrait au Tribunal de rendre une décision sur dossier. Considérant que cette procédure risque de léser les droits de certaines parties dont plusieurs citoyens qui ne sont pas familiers avec ce genre de procédures et dont les droits pourraient en être éteints sans qu'ils aient eu l'occasion de se faire entendre et considérant qu'ils se retrouvent devant un tribunal de dernière instance, on ne doit pas inciter les citoyens à renoncer à ce droit fondamental. Or, la disposition «ou appelées» ouvre la porte à une procédure telle que précitée et qui est actuellement en vigueur à la Commission d'appel, où on me répondait, la semaine dernière, qu'il s'agissait d'un projet-pilote qui était en vigueur au moins jusqu'au mois de mars prochain et où il y aurait une réévaluation. La FATA recommande donc de biffer «ou appelées».

L'article 109: «Le Tribunal peut relever une partie du défaut de respecter un délai prescrit par la loi si celle-ci lui démontre qu'elle a été dans l'impossibilité d'agir plus tôt et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.»

La FATA s'oppose formellement à la disposition qui fait référence à l'impossibilité d'agir. Cette disposition, que l'on retrouvait sous l'égide de la loi 17 et qui a été remplacée par «un motif raisonnable» lors de l'entrée en vigueur de la loi 42, est beaucoup trop restrictive. Une analyse approfondie de la jurisprudence nous indique la rigidité des tribunaux interprétant cette disposition, alors que le fait de démontrer un motif raisonnable est beaucoup plus réaliste et plus conforme à l'objet du projet de loi. Si le législateur veut rendre la justice administrative plus accessible pour les citoyens, eh bien, il ne faut pas barricader la porte d'entrée. La FATA recommande la modification «impossibilité d'agir» pour «motif raisonnable».

Article 113: «Le recours au Tribunal est formé par requête déposée au secrétariat du Tribunal dans les 45 jours qui suivent la notification au requérant de la décision contestée».

Article 114: «La requête indique la décision qui fait l'objet du recours, ou les faits qui y donnent ouverture, expose sommairement les motifs invoqués au soutien du recours et mentionne les conclusions recherchées.»

La FATA considère que le recours doit être formulé avec un simple avis écrit indiquant son désaccord. Les articles 113 et 114 font référence à une requête. Considérant les dispositions dictées au Code de procédure civile à l'égard de la requête, cette procédure est beaucoup trop formaliste pour le simple citoyen. De plus, nous considérons que le délai de 45 jours est beaucoup trop court. Nous favorisons un délai de 60 jours, tel qu'en vigueur actuellement dans la LATMP.

La FATA recommande les modifications «requête» pour «un simple avis écrit» et «45 jours» pour «60 jours».

Article 149: «Le Tribunal peut, d'office ou sur demande, réviser ou révoquer toute décision qu'il a rendue.» Troisième alinéa. «Lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.»

Article 150: «Le Tribunal procède sur dossier; il peut cependant, s'il le juge approprié ou si l'une des parties le demande, les entendre.»

La disposition des articles 149 et 150 soulèvent un questionnement. Est-ce que les parties auront la possibilité de se faire entendre en révision ou révocation, et ce, pour cause sur des questions mixtes de fait et de droit, tel que la jurisprudence l'a développé?

Le texte des articles 149 et 150 semble démontrer le contraire. Devant une telle ambiguïté, nous considérons que ces dispositions devraient être reformulées afin qu'il y soit clairement indiqué le droit des parties d'attaquer une décision sur une erreur tant de fait que de droit, et cela, dans le but d'avoir une justice administrative vraiment pour le citoyen. Nous considérons aussi que le Tribunal doit entendre les parties sur leur requête en leur donnant la possibilité de se faire entendre pour les mêmes motifs que ceux mentionnés plus tôt pour l'article 103.

La FATA recommande que ces articles soient reformulés afin de tenir compte de l'interrogation précitée.

La FATA note aussi qu'il n'y a aucune disposition en regard de la conciliation. Bien que la FATA désapprouve les modalités actuelles de conciliation au sein de la CALP, il n'en demeure pas moins qu'un processus de conciliation peut s'avérer avantageux pour l'ensemble des parties. En ce sens, nous considérons que le législateur devrait prévoir une procédure de conciliation dont toutes les parties seraient satisfaites. Cependant, il est primordial que les dispositions législatives à cet effet prévoient qu'aucune procédure de conciliation ne soit considérée valide si le travailleur citoyen n'est pas représenté. Les enjeux sont bien souvent trop importants et la législature trop compliquée pour un travailleur citoyen qui s'apprête à signer une entente dont il ne comprend pas les retombées.

Et c'est signé du comité de travail de la FATA.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Côté. Connaissant l'attention que vous portez à tous ces dossiers des travailleurs accidentés, je suis certain que votre mémoire suscitera des questions de part et d'autre. Et on commencera avec M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Merci infiniment pour votre mémoire. Vous avez ciblé quelques points qui sont très importants, et j'aimerais revenir un peu là-dessus.

(11 h 20)

Je passe sur le fait que vous n'êtes pas favorable au paritarisme à l'intérieur de la Commission des lésions professionnels, ou la division plutôt. Par contre, j'aimerais plus insister sur ce que vous avez soulevé à l'égard de l'article 32, les assesseurs. Vous dites, en fait, que vous ne voulez pas d'assesseurs patronaux ou syndicaux, ce qui est cohérent avec le paragraphe précédent à l'effet que vous dites que vous ne voulez pas avoir de paritarisme. Mais les assesseurs à la CALP, actuellement, vous en conviendrez, n'ont pas cette caractéristique d'assesseurs patronaux ou syndicaux.

M. Côté (Paul): Actuellement, j'en conviens.

M. Bégin: Et, dans ce mode-là, vous êtes d'accord pour qu'on continue, par exemple à la CALP, à avoir certains assesseurs spécialisés qui ne participent à la décision mais qui aident le décideur à prendre sa décision.

M. Côté (Paul): Exactement. C'est ce qu'on précise en indiquant «de nature médicale»...

M. Bégin: Alors, l'article 32, en tout cas dans notre esprit, a ce sens-là et non pas celui d'élargir à des assesseurs patronaux ou syndicaux. Ça va?

M. Côté (Paul): C'est bien. On est d'accord avec ça. C'est comme on vous indiquait tantôt, c'est surtout au niveau du caractère professionnel qu'on se posait des questions à savoir si on pouvait aller chercher des gens des milieux de travail pour...

M. Bégin: À l'égard de l'article 80, la mobilité, en fait, vous avez une position assez ferme, vous opposant en quelque sorte à des mobilités. Par contre, d'autres vont dans l'extrême inverse, c'est-à-dire trouvent qu'il n'a pas assez de mobilité. Est-ce qu'il n'y a pas moyen de faire en sorte qu'on ait un peu à la fois la spécialisation, que la personne reste là à 95 % de son temps, mais que, à un moment donné dans le temps, si une personne veut peut-être changer un peu d'orientation, elle puisse passer d'une division à une autre? Non pas d'un seul coup, dans une seule journée, sans formation additionnelle, mais qu'elle puisse, comme ça, varier sans qu'on dise une journée: On va avoir quelqu'un qui est en agriculture, demain, quelqu'un qui est en lésions professionnelles, et le surlendemain... quelque chose de ce genre-là. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a possibilité d'avoir un peu plus de mobilité que ce que vous dites, de retirer le 80?

M. Mailloux (Denis): La mobilité, par exemple, en Commission des affaires sociales, la section des accidents d'auto, les commissaires qui siègent en division d'accidents d'auto ont une connaissance des secteurs médicaux qui est similaire à celle des accidents de travail. C'est souvent les mêmes données médicales qui sont en cause. À ce niveau-là...

M. Bégin: Pas de problème.

M. Mailloux (Denis): ...ce que vous dites nous apparaît tout à fait plausible. Par contre, un commissaire qui siège en territoire agricole ou dans un autre secteur... C'est sûr qu'avec de la formation n'importe quel individu – ça, on en convient – peut être à même de changer de section. La compréhension d'une loi, la compréhension d'un secteur est toujours possible. Ce qu'on veut éviter à tout prix, c'est que, parce qu'il y a un débordement dans une section, on prenne des commissaires et qu'à partir d'un délai très court on les assigne à des rôles pour dégager un débordement.

M. Bégin: Non, non.

M. Mailloux (Denis): Alors, des gens, même de bonne foi...

M. Bégin: Avec ça, je serais d'accord avec vous aussi. Il n'est pas question de faire ce système-là. Parce que ce que l'on veut, c'est une justice spécialisée, et là, à ce moment-là, on va à l'encontre de ce principe fondamental.

M. Mailloux (Denis): Si vous pouvez peut-être... Parce que dans cette modalité-là, il n'y a pas de précisions. Ce que vous dites n'apparaît pas dans le projet de loi, de dire qu'il y aurait des périodes transitoires, et tout ça.

M. Bégin: Oui, je conviens qu'il peut y avoir une amélioration de la formulation à ce niveau-là.

Enfin, je veux... Puis je sais que mes collègues veulent poser plusieurs questions. Les articles 113, 114, l'avis écrit, il n'y a pas de problème. Soixante jours, vous êtes les quatrième ou cinquième à vouloir proposer un allongement de délai. Personne n'a tenu mordicus à 45 jours. Alors, peut-être qu'on devrait regarder, effectivement, de l'allonger. Beaucoup l'ont demandé.

Une dernière question, et c'est celle-là la plus importante, à mon point de vue. Vous avez insisté sur les articles 149, 150. D'autres ont parlé d'un appel devant la Cour d'appel; d'autres ont parlé d'un appel devant la Cour du Québec. Le projet de loi prévoit que les décisions sont finales et sans appel. Et vous insistez, par 149, sur la reconsidération qui existe déjà à la CAS – vous le savez, dans la formulation que l'on retrouve à 149, on l'a à la CAS, à l'article 24. Qu'est-ce que vous penseriez – et c'est la première fois que je l'énonce dans les termes où je vais le faire – si, dans certaines circonstances particulières sur des questions importantes, là où il pourrait y avoir, par exemple, une question de cohérence entre différentes décisions, qu'un banc – je donne un exemple de cinq membres – siège pour entendre une ou des causes avec des points de vue opposés de manière à faire trancher les questions importantes qui se soulèvent devant le tribunal plutôt que de faire un appel spécifique pour chaque cause en particulier?

M. Côté (Paul): Ce que vous avancez là, est-ce que c'est par rapport à une question de principe qui pourrait changer un courant jurisprudentiel?

M. Bégin: Par exemple, entre autres, mais aussi une décision qui soulève une question, je ne sais pas, moi, extrêmement importante, même s'il n'y a pas eu de contradiction avec une autre décision antérieure, mais qui soulève vraiment quelque chose de fondamental et où on dirait: Bon, je pense qu'il est important que ça soit, je ne dirais pas reconsidéré, mais vu par un plus grand nombre de personnes, donc. Je donne l'exemple de cinq, ça pourrait être sept, ça pourrait être quatre. Il s'agit d'avoir plus d'une personne qui est normalement assignée. Qu'est-ce que vous penseriez de ça?

M. Côté (Paul): On n'a pas analysé cette situation-là. Cependant, ça peut être avantageux pour débattre des questions de principe ou une question importante au niveau d'un courant jurisprudentiel. D'ailleurs, présentement, la Commission d'appel, il arrive qu'ils vont avoir des bancs de trois commissaires. Ça pourrait être éventuellement avantageux pour établir un principe et un courant jurisprudentiel. Cependant, à votre question, vous faites référence aux articles 149, 150. Ce n'est pas la compréhension qu'on en fait...

M. Bégin: Non, ce n'est pas ça qui est prévu à 149, on en convient. Ce n'est pas ça. Mais je reliais, vu que vous parliez de 149, qui est la reconsidération d'une décision, selon les termes qui sont mentionnés là, mais je dis en parallèle ou à côté de ça, est-ce que la mécanique dont je vous parle pourrait être une amélioration par rapport à l'ensemble du système?

M. Côté (Paul): Oui, je n'en vois pas, de problème là. On ne s'est jamais opposé, actuellement, à des bancs de trois. Alors...

M. Bégin: Le banc de cinq ne vous fait pas peur?

M. Côté (Paul): ...le banc de cinq, si ce sont tous des commissaires compétents en la matière, je ne verrais pas c'est quoi le problème.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Alors, dans votre mémoire, le ministre en a parlé, vous faites référence aux articles 149 et 150 pour remplacer «motif raisonnable» par «impossibilité d'agir»... Excusez-moi...

M. Côté (Paul): Ce n'est pas 149, 150, c'est 109.

M. Lelièvre: C'est 109, oui. Mais «impossibilité d'agir plus tôt», à votre avis, n'englobe pas les «motifs raisonnables», à ce moment-là, ça veut dire quoi dans votre esprit?

M. Côté (Paul): Bien, par expérience, on doit vous dire, comme on l'indique dans notre mémoire, antérieurement, dans la loi 42 ou dans la loi 17, on retrouvait «l'impossibilité d'agir». Par expérience de plaider souvent devant la CAS, à ce moment-là, ou les BRLAT, lorsqu'on se retrouvait devant des questions de hors délai avec l'impossibilité d'agir, l'analyse, la jurisprudence était très restrictive, alors que «motif raisonnable», à l'appréciation du tribunal, donne une porte plus large qui va plus en conformité avec l'objet de la loi, qui doit être interprétée de façon large et libérale, alors que ce n'est pas le cas, lorsqu'on regarde la jurisprudence, au moment où on retrouvait «l'impossibilité d'agir».

M. Lelièvre: Avec votre permission, M. le Président, vous suggérez également que, au niveau de l'aide qui serait apportée aux victimes d'accidents du travail, il y ait un régime d'aide gratuite...

M. Côté (Paul): Oui.

M. Lelièvre: On sait, en tout cas, je sais par expérience que, parfois, devant la CSST, on va chercher des sommes très importantes, et vous suggérez, à l'intérieur de votre mémoire, des exemples comme l'aide juridique, etc. Est-ce que, à partir du moment où on sait qu'on peut représenter quelqu'un qui est sur l'aide sociale, qui s'en va à l'aide sociale, qui doit attendre un an ou deux ans avant qu'on statue par exemple sur sa demande d'appel ou de révision dans les cas à savoir s'il y a une relation de cause à effet – à ce moment-là, il n'y a pas de paiement – est-ce que vous seriez d'accord qu'à un moment donné l'aide juridique, qui supporte la cause pendant x mois, par exemple, ou x années, les frais d'experts, les frais d'avocats, qu'il y ait une contribution? Parce que vous parlez d'un régime gratuit.

M. Mailloux (Denis): C'est une question qui est effectivement pertinente, qui fait aussi l'objet d'un projet de loi sur l'aide juridique. C'est sûr que, ces temps-ci, il y a plusieurs législations qui proposent la contribution des individus quand il y a un retour d'argent. C'est un principe intéressant si cesdites contributions sont proportionnelles aux gains recherchés.

M. Lelièvre: Par exemple, quelqu'un qui...

M. Mailloux (Denis): Par exemple, si un individu... Vous savez, des fois, il y a des individus qui sont au salaire minimum. Si vous attendez deux ans pour passer devant les instances pour avoir votre décision, c'est sûr que vous gagnez rétroactivement des sommes importantes. Cependant, vous devez rembourser une part à l'aide sociale, parce que vous avez été sur l'aide sociale, vous devez rembourser différentes dettes. À la fin, l'individu ne se retrouve pas souvent avec un résidu important d'argent. Dans certains cas, il est vrai que certains individus, avec des masses salariales importantes... Dans le secteur de la construction, par exemple, quelqu'un qui gagne 35 000 $, 40 000 $ par année, peut se retrouver en fin de compte avec un résidu important après avoir payé toutes ses dettes.

(11 h 30)

Mais les gens au salaire minimum qui ont attendu ou qui ont dû emprunter de l'argent... Des fois, les gens ne sont pas admissibles à l'aide sociale, doivent emprunter de l'argent auprès de leur conjoint. En fait, ce n'est pas un véritable emprunt, mais c'est le conjoint qui contribue auprès de la famille. Quand il gagne puis qu'il a remboursé, il ne reste pas un résidu, souvent, important d'argent, parce que c'est des indemnités de remplacement de revenu. Les sommes, les montants forfaitaires pour les pertes de capacité physique ne sont pas très élevés, que ce soit à la SAAQ ou à la CSST. Est-ce que, dans ces cas-là, il est juste de leur réclamer une proportion des sommes qu'ils ont gagnées alors qu'il en reste très peu? C'est à ce niveau là. La question est intéressante, mais je trouve que l'application est difficile dans des dossiers où, souvent, l'individu doit rembourser des sommes importantes.

M. Lelièvre: Mais lorsqu'on parle des frais d'expertise, par exemple? On sait que ça coûte cher, hein.

M. Mailloux (Denis): Oui.

M. Lelièvre: Donc, s'il n'y a pas de frais d'expertise à payer, il n'y a pas de cause, règle générale.

M. Mailloux (Denis): Oui, effectivement.

M. Lelièvre: C'est très rare que...

M. Mailloux (Denis): Oui, ça prend des expertises médicales dans tous les cas.

M. Lelièvre: ...l'employeur va déposer une expertise qui le désavantage. C'est très rare.

M. Mailloux (Denis): Absolument.

M. Lelièvre: Je ne l'ai pas vu encore.

M. Mailloux (Denis): Moi non plus! Ha, ha, ha!

M. Lelièvre: Mais, à ce moment-là, sans... Je comprends que, toutes proportions gardées, les gens à faibles revenus, on peut le comprendre également, là... De toute façon, on fait des transferts de fonds lorsqu'on soutient quelqu'un à l'aide sociale pendant deux ans, mais on sait aussi, par expérience, qu'on va chercher des sommes très importantes. Je vous ai donné l'exemple de la personne qui est au salaire minimum, mais, si on regarde l'ensemble des dossiers, on va se rendre compte qu'il y a une forte majorité dont les revenus sont quand même moyens ou élevés. Et c'est basé sur 90 % du salaire net. Donc, à ce moment-là, il n'y a pas d'impôt qui est repayé au moment du versement des prestations.

M. Mailloux (Denis): C'est...

M. Lelièvre: Alors, est-ce que c'est plus légitime, à tout le moins, que les frais d'experts soient toujours assumés?

M. Mailloux (Denis): Oui, votre question est intéressante, mais notre clientèle, nous, n'est pas ces individus-là qui font 40 000 $ ou 30 000 $. On en a très peu. Nous, notre clientèle est au salaire minimum, souvent.

M. Lelièvre: C'est pour ça? O.K.

M. Côté (Paul): Un élément que j'aimerais peut-être rajouter là-dessus, c'est qu'il faut bien comprendre que... Je comprends quand vous soulevez qu'un travailleur peut se retrouver, au bout de deux, trois ans, avec une décision qui va lui donner 50 000 $, 100 000 $, 150 000 $. Il ne faut pas penser que le travailleur vient de remporter la loterie non plus, là. Pour nous, ce n'est pas des gains qu'il gagne, un montant comme, moi, je pourrais gagner à la loterie. Bien, ces montants-là qui lui sont versés après quelques années sont des montants qui lui sont dus et pour lesquels, durant quelques années, il a peut-être souffert, que ça a entraîné des complications au niveau social ou au niveau de la vie conjugale, et tout. Et les frais d'expertise qui pourraient peut-être être remboursés, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est l'exigence des tribunaux qui nous demandent de soumettre des frais d'expertise pour «complémenter» notre preuve. Si on n'avait pas d'expertise, dans bien des cas, on n'aurait pas gain de cause, et ça ne veut pas nécessairement dire que le travailleur n'a pas raison pour autant.

M. Lelièvre: Je suis entièrement d'accord, sauf que, est-ce qu'il n'y a pas une inégalité entre celui qui bénéficie d'un régime d'aide juridique parce qu'il se qualifie et celui dont le conjoint va avoir des revenus supérieurs aux barèmes, hein, ou la conjointe va avoir des revenus supérieurs aux barèmes, qui va être inadmissible à l'aide juridique, qui va devoir assumer tout ça personnellement?

M. Mailloux (Denis): C'est dans ce sens-là qu'on revendique qu'il devrait y avoir un service d'aide gratuit, dans le sens que, quant à nous, il n'y a pas un travailleur qui devrait avoir à débourser des frais d'expertise médicale. Parce que, lorsque Denis, tantôt, il disait qu'on n'a pas, bien souvent... La majeure partie, et je pourrais vous dire la totalité de notre clientèle, ce n'est pas des gens qui gagnent 50 000 $ en montant, c'est des gens qui sont au salaire minimum ou qui vont gagner un revenu moyen entre 15 000 $ et 25 000 $ par année. C'est très rare qu'on ait des gens qui viennent nous voir qui gagnent 50 000 $, 60 000 $ par année. On va avoir certains travailleurs de la construction à 40 000 $, 45 000 $, mais qui se retrouvent dépourvus parce que les accidents sont plus graves et qui se retrouvent avec des séquelles, qui sont aussi dépourvus par la suite qu'un travailleur qui est au salaire minimum et qui, quant à nous, ne devrait pas assumer ces coûts-là parce qu'ils ont été victimes d'un accident.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Dans vos commentaires sur les articles 149 et 150, ce que vous proposez, là, finalement, somme toute, c'est un appel des décisions qui sont rendues. Mais, tu sais, vous dites: Bon, bien, modifiez les articles 149 et 150 pour permettre d'attaquer une décision tant sur une erreur de fait que sur une erreur de droit, mais, là, finalement, 149 et 150, on reste devant le même forum. Je comprends que, finalement, ce que vous voulez, c'est une forme d'appel, mais, quant à avoir une forme d'appel, est-ce que vous ne préférez pas que ce soit davantage, là, devant un autre tribunal?

M. Côté (Paul): Écoutez, ce qu'on comprend des articles 149 et 150, c'est les questions de révision pour cause. Et le questionnement qu'on soulevait, c'est que... Et, compte tenu de la jurisprudence qui est établie, que, de plus en plus, la Cour supérieure ou la Cour d'appel donnent le caractère final des décisions à la Commission d'appel et interviennent de moins en moins, il y a actuellement une procédure de révision pour cause où on peut intervenir en révision pour cause sur des questions mixtes de fait et de droit. Lorsqu'on lit 149 et 150... Et, dans la loi actuelle de la CAMLP, on dit qu'on peut réviser pour cause. Il n'est pas spécifié pour des questions mixtes de fait et de droit. C'est la jurisprudence qui l'a développé, ce principe-là. Les articles 149 et 150 parlent de vice de fond ou de procédure. Alors, notre inquiétude – d'autant plus qu'on indique que le Tribunal peut procéder sur dossiers – découle du fait: est-ce que les dispositions de 149, 150 nous empêcheraient de revenir sur une décision de la Commission d'appel ou du Tribunal administratif du Québec, qui viendrait rendre une décision finale, et qu'on n'aurait aucune possibilité de revenir sur des questions de fait ou de droit à l'intérieur de la décision?

Le Président (M. Sirros): M. le député.

M. Jutras: Plutôt que d'avoir un appel de plein droit, vous préférez une révision devant le même tribunal. C'est ça?

M. Mailloux (Denis): Je pense que ce que le ministre Bégin a, au début, proposé dans sa première question, à savoir de permettre qu'il y ait un quorum, au Tribunal administratif, plus élargi pour trancher certains points importants, nous apparaît une solution intéressante. Parce que, les révisions pour cause, souvent, permettent de corriger des erreurs qui sont ou bien des erreurs qui attaquent la justice naturelle – la personne n'a pas été entendue, des choses comme ça...

M. Jutras: C'est limité.

M. Mailloux (Denis): Oui. Mais aussi des erreurs, des fois: le commissaire a entendu une cause, on n'a pas soulevé un problème d'irrégularité d'arbitrage médical, tout ça, et la Commission d'appel se corrige, dans ces cas-là. Ou de mauvaises applications de principes: il est arrivé que la Commission d'appel, en appliquant la disposition de l'article 406 telle que rédigée actuellement, s'est corrigée. Les appels, de plein droit ou sur autorisation, à un autre palier d'appel, que ce soit la Cour du Québec ou...

M. Jutras: La Cour d'appel.

M. Mailloux (Denis): ...la Cour d'appel, pour des individus, des citoyens, nous apparaissent une procédure coûteuse qui va à l'encontre des principes généraux des tribunaux administratifs qui sont de rendre accessible la justice, de permettre que ça soit peu coûteux, accessible et rapide. Un appel à la Cour d'appel ou à la Cour du Québec entraîne nécessairement des frais plus élevés que d'aller devant un tribunal administratif. Et c'est une solution qui, au niveau économique, nous apparaît moins intéressante, à cet aspect-là.

M. Jutras: C'est fini?

Le Président (M. Sirros): Oui. Je dois mettre fin, effectivement, à vos questions. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, M. Côté, M. Mailloux, je tiens à vous remercier beaucoup pour votre présentation. Votre mémoire était très ciblé, très court, mais les points que vous avez soulevés vont être d'un très grand intérêt pour les membres de la commission en vue de bonifier le projet de loi.

(11 h 40)

Au début de votre mémoire, vous mentionnez que vous vous inquiétez surtout sur le libellé de certains articles en regard de l'objet du projet et de l'accessibilité des citoyens. Et je pense que vous soulevez quelques cas très importants. Et ce qui est intéressant lorsqu'on regarde ce genre de réforme, c'est que, effectivement, et c'est normal, les fonctionnaires, les personnes de l'appareil, les bureaucrates qui regardent et refont les structures ont effectivement – il ne faut pas leur en vouloir – une vision bureaucratique des choses. Ils ont tendance à vouloir harmoniser, uniformiser, centraliser, et, parfois, justement – on dirait en anglais: «We only pay lip service» – c'est du bout des lèvres qu'on parle de l'accessibilité. Jusqu'à date, par exemple, nous, on l'a demandé au début puis on n'a pas eu la moindre indication que ça allait augmenter l'accessibilité dans les faits, ni que ça allait diminuer les coûts, ni quoi que ce soit. Est-ce que, selon vous, un des aspects de l'accessibilité à une meilleure justice comprend un recours en appel? Est-ce que c'est une chose qui devrait aussi être étudiée, à votre point de vue?

M. Côté (Paul): Je ne comprends pas votre question.

M. Mulcair: Il y a plusieurs intervenants qui sont venus devant cette commission et qui ont dit: Il n'est pas normal que les décisions du TAQ soient finales et sans appel. Il faut au moins prévoir un appel, par exemple, à la Cour du Québec, parce que, à l'heure actuelle, de la manière que c'est fait, le seul recours, ça va être un recours en évocation devant la Cour supérieure, et vous êtes assez expérimenté là-dedans pour savoir qu'un recours en évocation ne réussit pas souvent, c'est très compliqué et c'est surtout très cher, et c'est très long. Ce n'est pas efficace comme recours, alors que, quand il y a un mécanisme d'appel, il y a plusieurs gens qui sont venus dire: Écoutez, prévoyons un appel à la Cour du Québec. Est-ce que vous seriez d'accord avec cette possibilité-là? Vous ne l'abordez pas dans votre mémoire, mais je veux profiter de votre présence pour vous poser carrément la question.

M. Côté (Paul): D'avoir un processus d'appel à la Cour du Québec?

M. Mulcair: À la Cour du Québec ou à une autre instance. Mais il n'y a pas de processus d'appel maintenant...

M. Côté (Paul): Non, c'est ça.

M. Mulcair: ...dans ce qui est prévu dans le 130. Est-ce que vous êtes pour ou contre un appel de ces décisions-là, d'une manière générale?

M. Côté (Paul): Moi, je suis pour un appel de ces décisions-là. Si on recule un peu en arrière, actuellement, ce qu'on a, on a une commission d'appel dont les décisions sont finales, sauf pour révision pour cause ou évocation à la Cour supérieure, qui s'en va jusqu'à la Cour d'appel, et les gros employeurs qui ont les moyens de payer peuvent y aller, mais les petits travailleurs ne peuvent pas y aller et doivent être obligatoirement représentés par avocat. C'est un peu ce que Me Mailloux mentionnait tantôt. C'est dispendieux, c'est coûteux, puis, au bout de la ligne, on se retrouve avec une décision de la Cour d'appel ou de la Cour suprême qui vient dire la même chose que la CALP puis qui n'a rien changé dans le principe du droit comme tel.

M. Mulcair: Exact.

M. Côté (Paul): Et le recours actuellement, bien, pour le travailleur qui peut se permettre d'aller en appel d'une décision finale de la Commission d'appel, c'est la révision pour cause, où, là, un non-avocat peut représenter le travailleur. Cependant, c'est quand même très limité, et les gains qu'on a en révision pour cause, c'est très minime aussi; je pense que c'est moins que 5 % de décisions. Et il faut bien comprendre qu'un commissaire qui révise la décision d'un autre commissaire, ce n'est pas toujours évident. Alors, c'est...

M. Mulcair: Et qui joue au squash avec le midi.

M. Côté (Paul): C'est ça. Alors, c'est un peu dans ce contexte-là que, lorsqu'on se retrouve devant une CALP qui est finale ou bien un TAQ qui est final, on maintient, nous, le fait qu'il devrait y avoir deux instances d'appel, et c'est pour ça qu'on maintient qu'il devrait y avoir le bureau de révision qui est actuellement en place et la Commission d'appel, pour permettre aux travailleurs de pouvoir faire ces...

Le Président (M. Sirros): Consultations entre collègues.

M. Mulcair: Oui. Et, justement dans le but... J'étais en train de consulter avec mon collègue, le ministre de la Justice, et on veut s'assurer tous les deux de bien comprendre. Est-ce que vous voulez que ça reste dans le processus administratif, cet appel-là, ou est-ce que vous irez en appel au niveau judiciaire, c'est-à-dire devant des juges de la Cour du Québec?

M. Mailloux (Denis): Je reprends un peu ce que j'ai dit tout à l'heure: on n'est pas pour un appel des décisions du Tribunal administratif en Cour du Québec ou en Cour d'appel. On préfère que le Tribunal administratif puisse – c'est des tribunaux spécialisés, ils ont l'expérience – dégager son propre concept, sa propre analyse de la situation. Cependant, pour certaines questions importantes, que ce soit les conflits jurisprudentiels... On a eu des exemples, à la Commission d'appel, de conflits jurisprudentiels où les évocations n'ont été que de peu d'utilité pour dégager le droit. Alors, l'idée qu'il y ait un quorum formé d'un nombre de commissaires plus élevé pour trancher des litiges et des conflits jurisprudentiels nous apparaît intéressante pour régler les questions qui sont plus graves ou plus importantes ou qui sont resoumises régulièrement, au niveau, par exemple, de l'interprétation d'un article de la loi. C'est accessible pour les individus, les citoyens, et ça peut être un mode utile plutôt que d'aller en Cour d'appel du Québec, parce qu'il ne nous apparaît pas, non plus, que la Cour d'appel du Québec, et avec respect pour la Cour d'appel, les juges de la Cour d'appel, qui n'entendent plus de dossiers, ni en accidents d'auto, ni en accidents de travail... Les juges en droit commun entendent rarement maintenant des dossiers de cette nature-là. Est-ce qu'ils sont à même de dégager des principes qui seront plus adéquats que ceux dégagés par la Commission d'appel ou la Commission des affaires sociales? On ne le croit pas, nous, et ceci dit avec beaucoup de respect pour...

M. Mulcair: C'est effectivement dit avec beaucoup de respect. Je le vois dans votre attitude, et on le prend très bien, mais ce sont des questions fondamentales qu'il va falloir regarder dans la version finale du projet de loi. On a entendu toutes sortes de versions différentes, et je pense que, votre apport, comme je l'ai dit au départ, c'est vraiment précieux pour notre réflexion sur le sujet.

À la page 5 de votre mémoire, vous mentionnez que vous recommandez les modifications, de remplacer «requête» par «un simple avis écrit», bon, et le changement de temps de 45 jours pour 60 jours. Est-ce qu'il ne faudrait pas aller une étape plus loin? C'est implicite dans ce que vous dites à la fin de votre mémoire, quand vous parlez de la conciliation. Vous êtes en train de préconiser... Si je peux l'interpréter ainsi, vous préconisez une approche client. Vous dites: Écoutez, si, tout ça, c'est censé être là pour aider le public, que ce soit par le biais d'une conciliation – et vous le notez d'une manière très claire à la fin de votre mémoire, à la page 6, vous notez le manque de conciliation – bien, ici, là, ne commençons pas à parler de requête, qui est un formulaire juridique qui n'est pas toujours facile à comprendre pour le monde, et mentionnons un simple avis écrit. Est-ce qu'on ne pourrait pas être encore plus proactif vis-à-vis du client, justement, et arriver avec un formulaire simple, vraiment facile à comprendre pour tout le monde, et ils cochent à deux ou trois endroits, puis ils envoient ça, puis on s'assure que c'est envoyé, systématiquement? Est-ce que ça pourrait être le genre de chose qui aiderait dans un cas comme celui-ci?

M. Côté (Paul): Tout à fait d'accord. Écoutez, je pense que plus on simplifie les procédures à suivre pour un travailleur, on ne peut qu'être d'accord avec ces situations-là. Et c'est justement pourquoi on soulève la question de la requête qui, selon les dispositions du Code de procédure civile, est beaucoup plus formaliste que présentement. Le travailleur va tout simplement écrire «Je conteste la décision», et il va être entendu. Il n'y a pas de problème.

M. Mulcair: Bien, c'est ça. Est-ce qu'on a vraiment besoin de plus que ça? Et on peut même aller le chercher, le prendre par la main et dire: Écoute, si tu veux contester la décision, coche ici, puis signe là, puis envoie.

M. Côté (Paul): Entièrement d'accord.

M. Mulcair: Quand j'étais à l'Office des professions du Québec, on s'est rendu compte que c'était souvent très, très difficile pour le public de contester ou même de porter plainte. On exigeait des références précises à l'article pertinent du code de déontologie de la profession, des choses comme ça. Si on veut vraiment que ces recours-là existent pour le public et pas juste sur papier, bien, ça ne prend pas grand-chose de préparer des formulaires et de s'assurer que c'est disponible pour le public. Mais si le but, du côté des ordres, dans le cas de certains ordres professionnels – pas tous, bien entendu – ou dans le cas de certains appareils dans l'administration, si leur but est de restreindre au maximum le nombre de recours, bien, ils ne vont rien faire pour aider le public à moins qu'ils ne soient contraints de le faire.

M. Côté (Paul): Je suis entièrement d'accord à préparer des formulaires où c'est tout inscrit d'avance et où on n'a simplement qu'à cocher et où est-ce que... Encore faut-il que ce soient des formulaires qui sont faciles à comprendre pour le travailleur et qui n'incitent pas à lui enlever des droits. Je donne l'exemple à l'autre article, là, sur la question où on envoie des formulaires tout préparés d'avance. Au niveau du bureau de révision actuellement, on envoie des formulaires tout préparés d'avance: «Est-ce que vous voulez vous désister?». Ha, ha, ha! Mais c'est ça qu'on retrouve là, et est-ce que...

M. Mulcair: Bien oui, et c'est l'ultime exemple de comment on peut berner le...

M. Côté (Paul): C'est ça, oui. Puis est-ce qu'on peut vous rendre une décision rapide sur dossier sans vous entendre? Et on reçoit les décisions, puis le travailleur perd. La Commission d'appel, ce que je soulève dans notre mémoire actuel, c'est la même chose. On vient nous dire: On va vous rendre une décision sur dossier. C'est un projet-pilote, mais le projet-pilote, si on envoie ça à 500, ou à 1 000, ou à 2 000 individus qui, eux, n'auront pas l'occasion de se faire entendre, et ils n'auront pas de possibilité d'appel parce qu'ils vont avoir signé le formulaire qui dit: «Je ne serai pas présent. On peut rendre une décision sur dossier»... Soit pour une question de coûts, le travailleur n'a pas les moyens de se faire représenter pour y aller, ou bien il pense, bien, il dit: Moi, je suis tanné. Je n'irai plus, ça fait trois ans que j'attends puis je n'ai pas une cenne. Et, de toute façon, même si je vais me battre seul avec eux autres, je ne gagnerai pas. On voit ça, ces situations-là, par ignorance de la situation puis de savoir où aller pour se faire aider.

(11 h 50)

M. Mulcair: Bien, je vous avoue que, quand j'ai lu votre mention, j'ignorais complètement l'existence du formulaire dont vous avez parlé à la page 3 de votre mémoire, mais quand j'ai lu ça, j'étais vraiment surpris. Parce qu'on a vécu une situation semblable au ministère de la Justice au cours des huit derniers mois, où on avait concocté un formulaire où le procureur de la couronne signait à l'effet qu'il n'allait pas demander une peine d'emprisonnement. Puis, ça, ça jouait dans le droit des présumés innocents. Les tribunaux ont déjà dit que c'était illégal, bien qu'on apprend que c'est encore en circulation là-bas. Sur le droit, au plan juridique, moi, je m'étonne de l'utilisation d'un tel formulaire. Est-ce que c'est contesté à l'heure actuelle? Est-ce qu'il y a quelque chose devant les tribunaux? Parce que, moi, là, si quelqu'un avait perdu ses droits là-dessus, comme avocat, moi-même, je vous avoue que j'irais tellement vite – «I would blow this thing out of the water» – ça ne tofferait pas cinq minutes. Est-ce que vous avez des cas à l'heure actuelle? Est-ce que vous êtes à l'étudier, la possibilité?

M. Côté (Paul): C'est nouveau, le formulaire, mais on vient de le recevoir, le formulaire de la Commission d'appel. Moi, j'ai immédiatement répliqué à la Commission d'appel. On me fait la réponse, que j'ai eue avant-hier, à l'effet que c'est un projet-pilote, puis ça va être évalué, alors, je dois répliquer. Mais, nous, on n'a pas publicisé ça, là, «at large». Il faut bien comprendre que notre organisme n'a pas non plus les moyens pour faire de grandes revendications publicitaires contre des procédures qui, quant à nous, vont à l'encontre de certains droits fondamentaux comme celui d'être entendu.

M. Mulcair: Projet-pilote ou pas projet-pilote, si c'est illégal, c'est illégal. Et je me permets de vous suggérer fortement, même avec vos moyens réduits, de porter ce cas à l'attention du Protecteur du citoyen, parce que c'est exactement le genre de magouillage par la machine administrative pour frustrer les droits des citoyens qu'elle est là pour dénoncer.

M. Côté (Paul): J'en prends bonne note et je me permets de vous suggérer aussi et, entre autres, au ministre Bégin, de faire les recommandations nécessaires auprès de la Commission d'appel pour qu'ils abolissent ce formulaire-là.

M. Mulcair: Oui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. Côté, et M. Mailloux, peut-être particulièrement, à la page 2 de votre mémoire, vous indiquez être en désaccord avec le maintien du paritarisme, mais, en même temps, dans cette même page et à l'intérieur du même paragraphe, et avec raison, vous indiquez que jamais le travailleur ne devrait se retrouver seul devant le Tribunal. Et vous insistez pour qu'il y ait de la représentation, de l'assistance au travailleur en toutes circonstances. Est-ce que le paritarisme n'est pas un minimum de garantie de protection du travailleur en ce que le paritarisme permet aux travailleurs, à tout le moins, de voir sur le banc une philosophie qui protège le travailleur? Il y a la vision du travailleur, la vision du patronat, syndicale. Est-ce que le paritarisme n'est pas une garantie minimale? Et, dans ce sens-là, moi, je suis un peu surpris, là, que vous indiquiez que vous souhaiteriez voir le paritarisme disparaître.

M. Mailloux (Denis): C'est qu'il faut...

M. Lefebvre: Il me semble que la structure du paritarisme...

M. Mailloux (Denis): C'est évident que les bureaux de révision...

M. Lefebvre: ...apporte un minimum de protection pour le travailleur.

M. Mailloux (Denis): Oui, c'est évident que les bureaux de révision paritaires dans leur forme actuelle, par exemple à la CSST, ont su développer depuis 1985 une expertise et une bonne réputation. Cependant, dans des questions, par exemple, médicales, s'il n'y a pas d'expertise médicale, ces travailleurs se présentent sans expertise médicale, qu'est-ce qu'un représentant syndical peut faire pour aider le travailleur puisque la question est médicale? Même s'il avait la meilleure attitude, quelle est l'action qu'il peut faire?

M. Lefebvre: Mais, qu'il y ait ou non une expertise, M. Mailloux, ça n'a rien à voir avec la structure décisionnelle...

M. Mailloux (Denis): C'est ça. Mais ce que je veux dire...

M. Lefebvre: ...administrative, juridictionnelle, judiciaire, quasi judiciaire.

M. Mailloux (Denis): C'est que, nous, on n'a pas senti, dans les décisions du bureau de révision, qu'il y avait des interventions. Il y a des représentants syndicaux, comme il y a des représentants des employeurs, qui siègent au bureau de révision, qui font des interventions actives, c'est vrai, mais ce n'est pas généralisé et on ne sent pas de différence dans le traitement des dossiers. Il y a des cas individuels, des représentants syndicaux ou des représentants d'employeurs, on le sent quand on plaide devant ces bureaux de révision là, qui ont une attitude active, mais plusieurs n'ont pas l'attitude active. Et on se demande: Est-ce que ça ferait une différence si l'individu siégeait seul au bureau de révision? On n'est pas sûr que ça entraîne une meilleure qualité dans les décisions, puisque les critères, que ça soit sur la notion d'accident de travail, que ça soit... Comme les présidents des bureaux de révision qui siègent depuis plusieurs années, qui sont...

Ce qui est important, nous, ce qu'on trouve, c'est l'attitude des individus, la capacité des commissaires ou des présidents, quels qu'ils soient, à s'adapter à des gens qui s'expriment de façon difficile, qui sont peu scolarisés et qui racontent leur histoire tout croche. C'est cette capacité-là qu'il faut plus rechercher dans la qualité des commissaires et des présidents. Même si vous êtes un représentant syndical, si vous avez des préjugés contre l'aide sociale et puis que vous avez l'impression que votre travailleur est sur l'aide sociale ou sur la CSST et qu'il revient tout le temps, vous avez beau être un représentant syndical, si vous avez ce préjugé-là en tête, vous n'êtes pas plus adéquat que le représentant qui siège à côté des employeurs, qui, lui, n'a peut-être pas ces préjugés-là. Alors, c'est à ce niveau-là qu'on trouve que le paritarisme au niveau des bureaux de révision paritaires n'a pas entraîné, à notre avis, des courants jurisprudentiels qui ont favorisé, par exemple, les travailleurs aux bureaux de révision. On n'a pas senti cette action-là. Ça ne veut pas dire qu'ils ne font pas du travail de qualité, mais on n'a pas senti ça.

M. Côté (Paul): Si je peux me permettre de rajouter aussi. Il faut bien comprendre que, lorsqu'on arrive devant le bureau de révision paritaire, le tribunal qui est ainsi composé, le membre syndical – parce que c'est plus de ce monde-là que je viens que du monde patronal – il n'est pas là en tant que représentant des travailleurs, il est là en tant que membre du tribunal. Et, bien souvent, c'est mal perçu aussi par les travailleurs qui arrivent là, puis on les annonce comme membres représentant les travailleurs, membres représentant les employeurs, et le travailleur, qui est tout seul, il dit: Bien, ça, c'est mon représentant.

M. Lefebvre: Mais l'objectif du paritarisme est de créer une espèce de dynamique la plus objective possible, de sorte qu'il peut y avoir deux analyses, pas nécessairement contraires mais qui se complètent: l'assesseur patronal, l'assesseur syndical. Et, de façon générale, c'est reconnu comme ayant donné des bons résultats. Et vous avez raison, ce n'est pas... L'objectivité est quand même la ligne, l'impartialité est quand même la ligne qui doit guider autant l'assesseur patronal que syndical, mais les visions, jusqu'à un certain point, étant non pas opposées mais différentes ont donné un résultat globalement satisfaisant et pour la partie patronale et la partie syndicale. C'est le témoignage qu'on a entendu du Conseil du patronat, de la FTQ, de la CSD.

M. Côté (Paul): Mais je ne serais pas d'accord avec cette position-là, moi...

M. Lefebvre: Je ne vous dis pas que votre point de vue n'a pas de sens, là.

M. Côté (Paul): ...parce que, pour avoir déjà été moi-même membre représentant les travailleurs sur les bureaux de révision, je vais vous dire que ce n'est pas parce qu'il y a les deux parties qui sont représentées que ça apporte plus au niveau du travailleur. Et au niveau de l'apparence de justice, bien, on arrive là... Et la grosse critique des bureaux de révision, c'est ça. On dit: un membre, lui, il représente les travailleurs, il va pencher sur leur bord sans regarder l'éthique du tribunal, et le membre représentant les employeurs va faire la même chose. Ce qui se produit dans les délibérés, c'est juste que les délibérés durent plus longtemps. Le membre représentant les travailleurs est censé faire sa job en fonction de la preuve qu'il a entendue, il va y aller de son appréciation de la preuve, le membre représentant les employeurs la même chose et, au bout de la ligne, c'est la personne dans le centre qui va trancher. S'il y en a un des deux qui n'est pas d'accord, il va être dissident. Et ce que ça apporte le plus, quant à nous, c'est des coûts de plus, une perte d'énergie. Les gens qui sont là devraient être ailleurs, quant à moi. Le travailleur qui arrive tout seul et qui dit: Lui, c'est mon représentant, il devrait le prendre et le mettre à côté de lui puis se dire: C'est mon représentant qui me représente sur le tribunal. Quant à nous, il n'apporte pas un éclaircissement au niveau de la preuve, il n'apporte pas un support de plus au niveau des personnes qui se présentent devant le tribunal. Évidemment, nous, lorsqu'on va plaider, on sait qui sont ces personnes-là. Le travailleur qui arrive tout seul, lui, c'est les membres du tribunal.

M. Lefebvre: Et à plusieurs reprises vous insistez sur, en tout temps, l'assistance donnée aux travailleurs, la représentation aux travailleurs. Ça, vous insistez beaucoup là-dessus.

M. Côté (Paul): Oui, exactement. C'est inconcevable, quant à nous... Vous savez, le fameux principe qui dit...

M. Lefebvre: Y compris... Excusez. Oui, y compris...

Le Président (M. Sirros): Un dernier commentaire.

M. Lefebvre: Non, non. C'est parce que je veux juste qu'il complète également, parce qu'il me reste 30 secondes.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Frontenac, une dernière question.

M. Lefebvre: Vous avez parlé de médiation ou de conciliation, vous souhaitez qu'il y ait de l'assistance également au niveau de la conciliation.

M. Côté (Paul): Évidemment. Par expérience, je vais vous dire que, surtout lorsque... Dans la dernière page, on mentionne les niveaux de la conciliation qui se fait à la CALP, où le travailleur seul arrive là, et vous avez toute la batterie, la machine de la CSST qui est sur place avec tous les ordinateurs, tout le service de conciliation qui se promène dans la salle de la CSST. Et le travailleur, lui, est là, puis il est tout seul et se dit: Bien, coudon, le conciliateur est avec la CSST, puis la CSST est avec les commissaires, puis... Il va se faire proposer une entente qui... peut-être qu'au bout de la ligne il n'en comprend pas même pas le sens, puis...

M. Lefebvre: Et que ça soit des services admissibles à l'aide juridique?

M. Côté (Paul): Pardon?

(12 heures)

M. Lefebvre: Et que ça soit des services admissibles à l'aide juridique?

M. Mailloux (Denis): Il peut y avoir différentes modalités...

Le Président (M. Sirros): Le temps est écoulé, M. le député.

M. Mailloux (Denis): ...d'intervention. Mais quand les gens sont admissibles, que ça soit des gens admissibles. Mais ce qu'on ne veut surtout pas, ce qu'on trouve des fois dommage, c'est qu'il y a des gens qui se présentent seuls, leur dossier est incomplet et on procède quand même, alors que c'est évident que le dossier ainsi monté ne peut qu'arriver à une décision défavorable. Et c'est ça qu'on veut éviter. Si la personne est représentée, elle n'ira pas toute seule avec un dossier incomplet. Parce que, souvent, il y a des gens qui nous arrivent après la décision de la Commission d'appel ou après la décision de la Commission des affaires sociales, ils ont perdu. Mais c'est sûr qu'ils ont perdu; c'est évident qu'ils auraient perdu, parce que le dossier, de toute façon, manquait des éléments importants.

M. Lefebvre: Ils n'avaient aucune chance de gagner.

M. Mailloux (Denis): Oui.

Le Président (M. Sirros)): Merci. Alors, M. Côté et Me Mailloux, on vous remercie pour votre présentation. La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 14 h 16)

Le Président (M. Sirros): On peut reprendre nos travaux. La commission va poursuivre la consultation générale en invitant à la table la Centrale de l'enseignement du Québec, dont je demanderais aux représentants de s'identifier, en nous excusant de ce petit délai. Je vous demanderais de vous identifier pour les fins du Journal des débats . Vous avez 20 minutes pour votre présentation, et je pense bien que vous connaissez les règles. Vous n'en êtes pas, je pense, à votre première commission parlementaire. Alors, on vous écoute.


Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Richard (Monique): Bonjour. Je suis Monique Richard, vice-présidente de la CEQ, et c'est M. Jean-Marcel Lapierre qui m'accompagne, il est conseiller juridique à la Centrale. Alors, on vous remercie de nous recevoir. C'est un débat important.

La CEQ, le printemps dernier, a présenté un mémoire à la commission des institutions dans le cadre d'une consultation sur la justice administrative, et on ne juge pas nécessaire de reprendre cette présentation-là. On pense qu'on va y aller plus sur un certain nombre d'éléments spécifiques qu'on veut resituer ou requestionner. On veut, dès le départ, saluer la volonté du ministre de la Justice de faire adopter une loi qui réforme la justice administrative. C'est un projet qui, dans la plupart de ses choix, correspond à nos attentes. On va concentrer, donc, nos interventions sur les modifications qu'on souhaiterait voir adopter au projet de loi, dans certains cas, par des précisions ou des ajustements, par exemple en matière de représentation par avocat, ou, dans d'autres cas, par des modifications plus substantielles, comme en ce qui a trait à l'indépendance du Tribunal. Nous soulignerons également certaines politiques retenues qui, malgré les oppositions qui s'annoncent, doivent, à notre avis, être conservées. Donc, pour le texte, de façon plus systématique, je cède la parole à Jean-Marcel.

M. Lapierre (Jean-Marcel): D'abord, au sujet de l'objet de la loi. Vous savez que l'objet des lois, c'est très important pour leur application et pour leur interprétation. L'article 1 du projet de loi dit que la loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité aux citoyens. Nous ne sommes pas favorables à ce que la célérité apparaisse dans une énumération des objectifs sur le même pied que la qualité et l'accessibilité. Nous avons eu une expérience en matière d'arbitrage des griefs où ce qu'on a appelé la vertu cardinale de célérité a établi une approche formaliste en matière de délais. On pense qu'avec sagesse le rapport Ouellette n'a retenu dans son introduction comme objectifs que la qualité et l'accessibilité. Nous ne voulons pas minimiser la célérité. On souhaite que la justice administrative soit la plus rapide possible dans le cadre d'un régime qui assure sa qualité et son accessibilité. On pense que c'est une caractéristique de la justice administrative de faire preuve de célérité. Cependant, ce qu'on souhaite, c'est que ce ne soit pas sur le même pied dans les objets. Alors, on est d'avis que la célérité devrait être placée, dans l'énoncé de l'objet, en juste perspective par rapport aux objectifs de qualité et d'accessibilité.

Plus loin, nous allons intervenir sur la question des délais, et on peut se demander s'il n'y a pas un rapport entre cette approche et l'article 109, où on restreint les pouvoirs du Tribunal, en tout cas, quant à la section des lésions professionnelles, en matière de prolongation de délais.

(14 h 20)

Alors, j'aborde maintenant la fonction administrative et juridictionnelle. Nous nous sommes dit d'accord, dans le mémoire qu'on a présenté en mars dernier, avec la distinction qui était faite entre la fonction administrative et la fonction juridictionnelle. Ça nous semble toutefois devoir être précisé sous certains aspects.

Tel que formulé à l'article 3, nous nous demandons si la disposition ne couvrirait pas la décision du ministre de révoquer un brevet d'enseignement. Ça pourrait avoir pour effet de réduire au simple devoir d'équité procédurale cette décision-là sans qu'il y ait d'appel. Ça pourrait provoquer des débats judiciaires inutiles. Il y a eu un comité de travail paritaire CEQ-ministère de l'Éducation sur la procédure de révocation de brevets, qui est considérée comme désuète, et on a convenu unanimement de modifications substantielles. Alors, on exprime notre inquiétude, comme la CSN l'a fait, je pense, au sujet de certaines décisions qui pourraient être qualifiées de décisions administratives sur lesquelles il n'y aurait pas d'appel et en particulier sur la question de la révocation des brevets.

Maintenant, j'aborde la question de l'indépendance du Tribunal et de la compétence de ses membres, et c'est probablement l'aspect le plus important de notre mémoire, celui auquel on tient le plus. Dans notre mémoire en mars dernier, on proposait que la désignation à des fonctions juridictionnelles s'appuie sur des mécanismes de sélection bien établis où les candidates et candidats seront évalués suivant leur compétence professionnelle et leur aptitude à exercer ces fonctions. C'est une position qu'on avait soutenue devant le Groupe de travail sur les tribunaux administratifs il y a 10 ans.

Maintenant, afin d'assurer cette fin-là en toute indépendance, nous proposions que la fonction de sélection soit sous la juridiction, sous la responsabilité d'un organisme indépendant du gouvernement, à l'image du Council on Tribunals du Royaume-Uni ou de l'Administrative Review Council australien. Comme on le sait, le rapport Ouellette a retenu cette idée et il a proposé un conseil des tribunaux administratifs qui est responsable... qui, dans ses propositions, dans le régime qu'il proposait, était responsable de la sélection. Non seulement nous sommes toujours d'accord avec cette position, mais nous croyons que l'absence de cette mesure-là compromet gravement l'objectif de mettre en place un tribunal indépendant et crédible. Nous sommes d'accord avec ce que disait le rapport Ouellette, que la qualité des personnes est plus importante que les structures et les textes législatifs. Mais la crédibilité repose avant tout sur la conviction du public que les personnes qui travaillent pour ces organismes ont les qualités requises – sur la conviction du public, elles ont les qualités requises – et sont indépendantes et objectives.

Le gouvernement, à notre avis, doit non seulement s'assurer de l'indépendance des membres du Tribunal, mais il doit également s'assurer que les usagers de la justice administrative croient à cette indépendance. Évidemment, la fonction du Tribunal, les membres du Tribunal ont pour mission de statuer sur les recours formés par les citoyens contre les décisions de l'administration, c'est-à-dire des ministères et du gouvernement. Il y a beaucoup de membres, sans doute beaucoup de nos membres et beaucoup d'autres citoyennes et citoyens qui ne croiront pas à l'indépendance des membres du Tribunal nommés par le gouvernement si ce dernier ne choisit pas ses membres parmi des personnes sélectionnées sous l'autorité d'un organisme indépendant. Ce n'est pas à nous de faire une proposition de mesure opérationnelle. Le Conseil de la justice administrative, tel qu'il est composé, ne nous semble pas pouvoir remplir cette fonction-là; on dira plus loin pourquoi, mais j'insiste sur le fait que c'est tel qu'il est composé. Alors, comme je le disais, nous reviendrons, quand on parlera du Conseil de la justice administrative, sur la composition et la fonction de sélection.

Au sujet, maintenant, des comités de sélection, on envisage, compte tenu de ce que dit la loi, que, le cas échéant, la représentation des milieux intéressés sera assurée. On envisage que, pour la section des lésions professionnelles, les milieux intéressés seront représentés. Ce qu'on souhaite, c'est que la situation aberrante qui existe au conseil d'administration de la CSST soit évitée, la situation où des organismes très représentatifs ne sont pas présents, et on envoie le message qu'on espère, évidemment, participer activement à ce processus de sélection.

Nous voulons aborder maintenant le régime transitoire. Le projet de loi ne parle pas de régime transitoire, mais ça nous apparaît important de dire ce qu'on en pense. On croit que le régime transitoire devrait s'inspirer de la réflexion du rapport Ouellette, du Groupe de travail sur les tribunaux administratifs. Le rapport Ouellette proposait un régime transitoire équitable en faveur des membres actuels des tribunaux administratifs et qu'à cette fin soient créés des comités d'intégration composés de personnes compétentes, crédibles et connaissant bien les tribunaux administratifs.

Alors, notre recommandation s'inspire de ces recommandations-là. Nous demandons donc un processus de sélection des membres du Tribunal placé sous l'égide d'un organisme indépendant du gouvernement, qui pourrait être le Conseil de la justice administrative si sa composition était révisée, et on recommande l'adoption et la mise en place d'un régime de transition équitable en faveur des membres actuels des tribunaux administratifs et, à cette fin, la création de comités d'intégration composés de personnes compétentes, crédibles et connaissant bien le Tribunal administratif en question, et que ce comité opère sous l'égide d'un organisme indépendant qui pourrait être le Conseil de la justice administrative à condition que sa composition soit révisée. Alors, voilà pour l'indépendance du Tribunal.

Au sujet de la composition du Tribunal, maintenant. Ce que nous voulons dire, c'est que la composition du Tribunal nous satisfait et nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de prévoir, à la section des lésions professionnelles, des dispositions qui introduisent des représentants patronaux et syndicaux, que ce soit à titre de membres du Tribunal ou d'assesseurs. Si les membres du Tribunal sont des personnes d'expérience, dont la sélection s'est opérée en vertu d'une procédure rigoureuse et publique, s'il est possible de leur adjoindre des assesseurs experts, nous croyons que la présence d'intervenants syndicaux et patronaux, en particulier à l'étape du délibéré, ne pourra qu'alourdir la démarche et augmenter les coûts sans assurer une qualité plus grande de la décision. Alors, nous donnons notre appui au projet de loi tel que formulé, à ce sujet-là, c'est-à-dire une section des lésions professionnelles sans représentants patronaux et syndicaux.

(14 h 30)

Au sujet de la compétence d'attribution de la section des lésions professionnelles. Là-dessus, on veut proposer qu'une juridiction qui serait conférée au Tribunal soit transférée au commissaire du travail. C'est la juridiction en matière de congédiement, de suspension ou de représailles pour une personne qui a été victime d'une lésion professionnelle ou qui a subi une sanction à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Alors, nous pensons d'abord que ce n'est pas une juridiction... qu'il ne s'agit pas de justice administrative. Il ne s'agit pas d'un acte posé par l'administration qui est contesté, dans ce cas-là. Et on est d'accord avec la position de la CSN pour le transfert au commissaire du travail de cette juridiction-là. En réalité, ce qu'on souhaiterait, c'est que ce soit transféré à une commission des relations de travail, mais, la commission des relations de travail n'existant malheureusement pas, nous sommes obligés de demander que ce soit transféré au commissaire du travail.

Au sujet de la représentation, maintenant. La représentation par avocat, notre demande est une demande assez pointue, comme vous avez pu le constater. On est satisfaits, en général, de ce que le projet de loi met de l'avant, sauf qu'il nous apparaît qu'un recours qui est prévu en matière de demande de destitution d'un médecin d'établissement, un recours qui peut être exercé par l'association accréditée comme par les membres syndicaux du comité de santé et de sécurité, il nous apparaît que ce recours-là ne devrait pas requérir de représentation par avocat. Il nous semble que c'est un recours qui est très proche des autres recours qui sont exemptés de la représentation par avocat.

Dans le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs, le rapport Ouellette, à la page 274, on mentionne que la raison pour laquelle il n'y a pas de représentation d'avocat, pour beaucoup de recours, c'est dû au fait qu'il y a des syndicats présents qui peuvent représenter les membres. Ça nous semble être le cas aussi et, en conséquence, on recommande d'amender le projet de loi n° 130 pour que ce recours-là soit exclu de l'obligation de la représentation par avocat, et probablement qu'il faudra modifier la loi du Barreau en conséquence.

Au sujet de la décision, maintenant. La décision du Tribunal est protégée par une disposition privative classique et elle n'est pas sujette à appel, et le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait. Nous sommes d'avis que les décisions d'un tribunal administratif spécialisé et indépendant dont les membres sont compétents doivent être à l'abri de renversement par un tribunal de droit commun qui ne bénéficie pas de la même spécialisation, sauf en cas d'excès de compétence. Et je pense qu'on peut se référer à ce qu'en a dit la juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Domtar, qui, comme vous le savez, était un arrêt au sujet de la cohérence. Alors, la juge L'Heureux-Dubé disait, au nom de la cour, que substituer son opinion à celle d'un tribunal administratif afin de dégager sa propre interprétation d'une disposition législative, c'était réduire à néant l'autonomie et l'expertise qui sont propres au tribunal. On pense que cette réserve des tribunaux supérieurs est d'une grande importance pour la justice administrative et on est très satisfaits que, malgré le rapport qui lui a été acheminé à ce sujet, le rapport Ouellette, le ministre de la Justice ait choisi d'écarter l'appel des décisions du Tribunal et de les protéger par une solide disposition privative.

Le Président (M. Sirros): M. Lapierre, si vous pouviez conclure dans les deux ou trois minutes qui viennent, ça laisserait le temps pour l'échange qui était prévu.

M. Lapierre (Jean-Marcel): D'accord. Au sujet de la révision de la décision, le projet reprend ce qu'il y avait dans le projet de loi 105, qui a été approuvé par le rapport Garant. On est satisfaits et on espère que ça va régler des problèmes que nous avions eus avec la révision pour cause. Alors, on est satisfaits que les motifs de révision soient réduits, soient restreints.

Maintenant, au sujet du Conseil de la justice administrative, je voudrais que vous compreniez bien notre position. Nous pensons que la sélection pourrait se faire sous la responsabilité du Conseil de la justice administrative, mais nous sommes insatisfaits de la composition qui est proposée. D'abord, l'absence du Protecteur du citoyen ne nous semble pas une bonne chose. On pense que le Protecteur du citoyen devrait être là d'office. On pense qu'il y a trop d'avocats et de notaires, qu'il n'y a pas assez de représentants du public. Et, également, dans le régime qu'on propose, évidemment, si la sélection de départ est faite sous la responsabilité du Conseil de la justice administrative, il est évident qu'à ce moment-là il ne peut pas y avoir de membres du Tribunal sur le Conseil. Alors, il y a un problème, là, qui devrait nécessairement être réglé.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Lapierre. Vous semblez soulever des points qui... en tout cas, amener des points qui soulèvent de l'intérêt. Alors, on commencerait avec M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Merci infiniment. Effectivement, vous soulevez des points très, très intéressants qui ont fait l'objet de plusieurs discussions ici. Alors, ça va nous permettre de compléter notre information.

Je commencerai par la fin: le Conseil de la justice administrative. Je comprends que vous voudriez qu'il y ait moins d'avocats, mais vous voudriez plus de représentants du public ou encore de gens provenant d'origines spécialisées ou spécifiques, là, que vous n'avez peut-être pas énoncées, mais je fais état que certaines personnes ont dit que le président ne devrait pas être le président du Tribunal. Par contre, je réfère au Conseil de la magistrature, où, effectivement, la même remarque a été faite, que peut-être le président de la Cour du Québec, ou le juge en chef de la Cour du Québec, ne soit pas nécessairement le président du Tribunal. Donc, là-dessus, il semble y avoir une similitude de perception. Par contre, au Conseil de la magistrature, il y a beaucoup de représentants des juges, mais il y a les représentants du public. Là, il semble y avoir vraiment une conception différente dans votre esprit et ce que l'on retrouve dans la Loi sur les tribunaux judiciaires et dans la perception générale à cet égard-là. Qu'est-ce qui fait que vous ne voudriez pas qu'il y ait autant soit d'avocats ou de membres du Tribunal sur le Conseil de la justice administrative?

M. Lapierre (Jean-Marcel): En fait, c'est en partie lié au fait qu'on recommande que la sélection soit exercée par le Conseil de la justice administrative. À ce moment-là, on pense qu'il doit y avoir une représentation des membres du Tribunal, mais nous trouvons que quatre sur neuf, c'est vraiment beaucoup. Par ailleurs, ça limite sensiblement les représentants du public, d'autant plus qu'on exige la présence d'avocats et de notaires pour plusieurs de ces postes-là. Alors, comme je vous disais, nous autres, on souhaite que – sans faire de proposition très précise – il y ait plus de représentants du public, qu'on s'assure davantage peut-être que c'est des vrais représentants du public. On est conscients, par exemple, qu'il faut balancer la représentation du public et la compétence, l'expérience et l'expertise des membres de ce Conseil-là. Maintenant, quant à la présidence, je pense que c'est – sans qu'on ait de mandat à ce sujet-là – je pense qu'effectivement ça semble problématique que le président du Tribunal et le président du Conseil soient la même personne; encore davantage, si le Conseil de la justice administrative a des responsabilités de sélection, si la sélection est sous son contrôle, ce que proposait le rapport Ouellette et ce que proposait le rapport Franks, au Royaume-Uni, que la sélection soit sous la juridiction du Conseil.

M. Bégin: Cependant, ce n'est pas la solution qui a été retenue par le ministre de la Justice. Dans l'avant-projet de règlement qui a été distribué – je ne sais pas si vous avez eu le temps d'en prendre connaissance – mais, à date, sur la sélection, je ne crois pas trahir personne en disant qu'on a considéré que la proposition était satisfaisante pour rencontrer les critères d'impartialité, d'indépendance, de compétence et de transparence du processus en prévoyant qu'une personne émane du Tribunal, qu'une personne provienne des emplois supérieurs et qu'une autre personne soit une personne présentant une connaissance dans le domaine particulier, mais qui soit un représentant du public, et que, dans certains cas, il y en ait deux plutôt qu'une venant du public. Et ça, là-dessus, à date, il ne veut pas sembler y avoir de contestation. Là où il y a eu plus de questionnement, c'est lors du renouvellement après cinq ans en passant par, à nouveau, le comité. Là, là-dessus il y a eu double représentation: d'une part, qu'il ne devrait pas y avoir de plafonnement au nombre de renouvellements – ça, ça a semblé, sauf pour une exception, être unanime – l'autre, c'est plutôt de dire: Le comité qui réévaluerait devrait plutôt... Oui, il marcherait, mais en autant qu'il énonce les critères qui feraient qu'une personne ne serait pas renouvelée, par exemple. C'est plutôt dans cette tendance-là. Comment réagissez-vous face à cette perception? En tout cas, je ne pense pas trahir personne en disant ce que je viens de mentionner là.

(14 h 40)

M. Lapierre (Jean-Marcel): Nous, on est très satisfaits des éléments qui sont mis en place pour assurer la transparence du processus, de procéder par règlement et d'avoir, d'inclure dans le règlement les éléments qui sont mentionnés dans le projet de loi. Par rapport à ces éléments-là, on peut dire qu'il y a une grande satisfaction. Par ailleurs, nous ne sommes pas d'accord avec l'approche de ne pas mettre ce processus de sélection sous la responsabilité d'un organisme indépendant. Maintenant, est-ce que je dois comprendre que vous me demandiez de commenter également le renouvellement des mandats?

M. Bégin: Oui.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Oui? Au sujet du renouvellement des mandats, effectivement, là-dessus non plus, on n'a pas de mandat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Bien, écoutez, je ne peux pas vous forcer à dire des choses... Ha, ha, ha! qui entraîneraient des sanctions. Si on passait à un autre sujet. Peut-être qu'on pourra revenir plus tard, mais je voulais parler avec vous...

M. Lapierre (Jean-Marcel): Mais je peux vous faire rapidement un commentaire pour vous dire que, effectivement, cette limite-là qui est introduite dans le projet de loi risque de faire écarter des ressources qui sont des ressources précieuses.

M. Bégin: Vous ne vous éloignez pas de la règle générale. J'aimerais, par contre, revenir sur un point – et ce sera ma dernière question; mes collègues, je sens qu'ils veulent poser plusieurs questions – c'est sur le non-appel. J'ai vu rentrer des membres de la Conférence des juges, là, de la Cour du Québec, qui sont concernés et qui vont venir faire des représentations après vous, là. Vous avez mentionné que vous vouliez absolument que les décisions soient finales et sans appel et que la clause privative qui est là reste dans sa forme. Cependant, vous avez évoqué l'article 149, qui est une possibilité de révision que l'on connaît. Ce matin, j'ai évoqué la possibilité qu'il y ait possibilité, dans des questions de droit – vous étiez, je pense, présent quand j'en ai parlé...

M. Lapierre (Jean-Marcel): Oui.

M. Bégin: ...où on pourrait former des bancs plus élargis pour entendre des questions où il y a des problèmes de cohérence qui se soulèvent ou, encore, là, s'il y a des questions de droit très importantes et qu'on pense que ce serait opportun de les trancher dans les faits pour les dossiers en cours, mais peut-être donner une ligne directrice pour l'ensemble des membres. Qu'est-ce que vous pensez de cette possibilité? Il y a des gens qui vont vous écouter en avant puis en arrière.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Encore là, il faut que je dise que nous n'avons pas de mandat là-dessus...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lapierre (Jean-Marcel): ...mais ça apparaît une solution très intéressante parce que ça permet, au niveau du Tribunal, de régler les problèmes de cohérence et de les régler sur une base solide. Avec un banc de cinq membres, je pense que ça permet, effectivement, de trancher les questions puis de les trancher une fois pour toutes.

Le Président (M. Sirros): O.K. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Faisant référence à la page 3 de votre mémoire, là, où vous parlez de la fonction administrative et juridictionnelle et où vous dites que... Vous exposez le problème des permis d'enseignement et vous dites qu'il y aurait lieu d'exclure ça de la fonction administrative, que ça ne relève plus du ministre. Somme toute, vous dites: «de manière à exclure de la portée de la fonction administrative les décisions du ministre». Effectivement, ça, ce sont des décisions importantes qui sont prises, là, parce que, comme vous dites, c'est même pire qu'un congédiement. Si un permis est révoqué, la personne ne peut plus enseigner nulle part. Mais vous suggérez quoi, à ce moment-là, relativement à ce genre de problème là?

M. Lapierre (Jean-Marcel): En fait, ce qu'on veut éviter au niveau du projet de loi, c'est qu'après on puisse soutenir que le ministre exerce une fonction administrative, donc qu'il n'est astreint qu'au devoir d'équité procédurale et que sa décision n'a pas d'appel, parce qu'on ne sait pas quand la Loi sur l'instruction publique va être modifiée de manière à réformer le régime. Mais c'est certain que – et, si je ne me trompe pas, l'entente entre la Centrale et le ministère est à cet effet-là – il y aura à un moment donné un appel de la décision du ministre. On ne souhaite pas que ce ne soit plus le ministre qui prenne la décision, mais ce que prévoit l'entente, c'est qu'il y ait un appel. Sauf qu'actuellement ce n'est pas fait et il ne faudrait pas que le projet de loi nous mette dans une situation juridique qui entraînerait des débats judiciaires inutiles.

M. Jutras: Ça veut dire que si, par exemple, il y avait appel devant le Tribunal administratif que l'on va créer, ça, ça vous satisferait.

M. Lapierre (Jean-Marcel): C'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement le meilleur tribunal, parce que c'est plus une question de déontologie, dans le fond. Peut-être que je dis ça comme ça, j'analyse plus en profondeur, mais peut-être que le Tribunal des professions pourrait être un meilleur tribunal.

M. Jutras: Mais, à tout événement, ce que vous voulez préserver, c'est le droit d'appel.

Mme Richard (Monique): Le droit d'appel.

M. Jutras: C'est ça que je trouve un peu spécial dans votre mémoire. Vous dites: Regardez comme ça, c'est une décision importante, et il faut un appel pour ça. Par contre, plus loin dans votre mémoire, vous dites: Pas d'appel. Pourtant, Dieu sait que, devant le Tribunal administratif, il va s'en prendre, des décisions importantes, comme il s'en prend d'ailleurs à la CALP et à la CAS. Alors, j'essaie de comprendre.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Dans ce débat-là, j'ai remarqué qu'il y a à peu près constamment une certaine confusion entre l'appel au niveau administratif et l'appel judiciaire. Nous, ce qu'on dit – et c'est pour ça qu'on est favorables au Tribunal administratif – c'est que ça en prend, des appels au niveau administratif. Ça prend un tribunal administratif pour entendre l'appel des décisions administratives. Mais cet appel-là se fait devant un tribunal spécialisé qui a une expertise propre. C'est cette expertise-là et cette autonomie-là qu'on veut protéger en faisant en sorte qu'il n'y ait pas d'appel au niveau judiciaire, pas d'appel devant la Cour d'appel ou pas d'appel devant la Cour du Québec. Alors, c'est ça, notre position: préserver l'autonomie et l'expertise du Tribunal administratif. On est conscients que l'évocation sera possible, mais, l'évocation, il reste que ce sera sur des questions de compétence ou l'intervention ne sera possible que si la décision a vraiment un caractère déraisonnable.

M. Jutras: En pratique...

Le Président (M. Sirros): M. le député de Saint-Maurice aussi voudrait poser une question. Si vous voulez aborder votre dernière.

M. Jutras: Mais, en pratique, vous savez que l'évocation, surtout avec la clause privative, telle qu'on l'a dans le projet de loi, c'est une porte qui est à peine ouverte d'un centimètre, ça.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Ce n'est pas une porte ouverte pour réviser la décision d'un tribunal qui a tout ce qu'il faut pour prendre une bonne décision qui est finale.

Le Président (M. Sirros): Avec ça, M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Lorsqu'on connaît les avocats, ça prend un centimètre pour l'ouvrir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pinard: C'est déjà trop, quoi? À la lecture de votre mémoire, ce qui m'apparaît, c'est qu'effectivement vous ne désirez en aucun cas qu'on franchisse le Tribunal administratif. Maintenant, nous avons eu certains groupes qui sont venus déposer devant la commission et qui recommandaient, eux aussi, qu'on maintienne le non-appel aux tribunaux supérieurs, soit la Cour du Québec ou la Cour d'appel, ou la Cour supérieure, mais eux arrivaient avec une recommandation. C'est que la première décision, elle se fait au niveau administratif, elle se fait au niveau de la fonction publique et c'est de cette décision qu'on va aller au Tribunal administratif. Alors, certains groupes nous ont mentionné: Pourquoi ne pas créer l'obligation, entre la prise de décision du fonctionnaire, si vous voulez, ou du premier ordre décisionnel et le tribunal d'appel qui est le Tribunal administratif, pourquoi ne créerions-nous pas une chambre de médiation ou de conciliation qui serait obligatoire et qui forcerait les parties qui ne sont pas satisfaites de la première décision à s'asseoir et à y aller, en conciliation ou en médiation? J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous avez sûrement dû lire les autres mémoires.

(14 h 50)

M. Lapierre (Jean-Marcel): Mais est-ce qu'il faut considérer que les fonctions de conciliation et de médiation du Tribunal sont insuffisantes? Ça, je pense qu'il faut assurer toutes les chances possibles à la conciliation et à la médiation. Il nous est apparu, ou, en tout cas, personnellement, il m'est apparu que le projet de loi comprenait ce qu'il fallait pour que, au niveau du Tribunal administratif, il y ait de la médiation et de la conciliation.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, je tiens à remercier également la CEQ pour sa présentation. Mais je voulais retourner sur une question que vous avez déjà touchée avec un des membres du côté gouvernemental, c'est la révocation des brevets. Vous avez remarqué sans doute que le projet de loi prévoit que ce qui existe à l'heure actuelle pour la révocation du permis d'une personne dans le domaine, par exemple, de la planification financière, cette question-là va relever du Tribunal. Par contre, les révocations de permis de pratique dans le domaine des ordres professionnels vont demeurer le propre des bureaux des ordres professionnels avec appel possible au Tribunal des professions, un banc formé de trois juges de la Cour du Québec. Plusieurs intervenants ont exprimé leurs préoccupations face à cette situation craignant qu'il ne se développe deux tendances jurisprudentielles dans le domaine disciplinaire, parce que, effectivement, c'est un droit sui generis, droit qui s'applique évidemment à la révocation de brevets. Est-ce que, à votre sens, cela devrait aussi faire partie des préoccupations du ministre?

M. Lapierre (Jean-Marcel): Oui, effectivement. C'est ce qu'on disait lorsqu'on mentionnait d'autres cas identiques. On disait: Il y a le cas de la révocation des brevets, mais il y en a peut-être d'autres. Peut-être que celui que vous soulevez en est un. Il me semble que le Tribunal administratif du Québec n'est pas un tribunal de déontologie et que, par conséquent, les questions de déontologie ne devraient pas lui être confiées. Par conséquent, ça devrait être de la compétence d'un autre tribunal.

M. Mulcair: J'ai plutôt tendance à être d'accord avec vous. Peut-être qu'il y aura moyen d'imaginer quelque chose de plus flexible comme décision initiale avec appel possible au Tribunal des professions, qui a quand même une énorme expertise dans ces questions disciplinaires. Je veux retourner aussi sur une question qui a été touchée à plusieurs reprises, mais j'aimerais bien essayer de comprendre. Quand vous disiez tantôt, en réponse à une question du ministre, que l'idée de former peut-être des bancs plus larges, de peut-être cinq personnes, au TAQ, ce n'était pas en appel d'une autre décision du Tribunal administratif lui-même ou ça l'était? Parce que je vois difficilement comment on décide qu'un cas est important et que c'est là qu'il faut mettre les ressources à cinq, et que c'est ça qui va faire jurisprudence. Si les problèmes sont là dans la structure... En tout cas, je trouve ça théoriquement intéressant, mais pratiquement très difficile.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Effectivement, il faudrait que ce soit bien balisé. Comme la suggestion est relativement nouvelle, là, on n'a pas beaucoup réfléchi aux balises qu'il serait possible d'établir. Mais il me semble que s'il y a une jurisprudence contradictoire du Tribunal sur une question qui est persistante et qu'à un moment donné il se présente un cas sur la même question, à première vue, je suis porté à penser qu'il pourrait être souhaitable de créer un banc de cinq membres du Tribunal pour décider de ce cas-là.

M. Mulcair: Mais on n'est pas en train de proposer un appel des décisions du Tribunal administratif du Québec. Il y a plusieurs intervenants qui sont venus – et je vous ai entendu là-dessus tout à l'heure – dire qu'il devrait y avoir appel, par exemple, à la Cour du Québec. Vous êtes contre ça pour les raisons que vous avez données tantôt.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Effectivement.

M. Mulcair: Mais ce que vous disiez... Le député de Drummond et vous sembliez être d'accord que, sur l'évocation, à moins que ce ne soit une question de compétence ou une décision à caractère déraisonnable, l'évocation n'allait pas s'appliquer. Une partie de notre travail, qui consiste toujours à essayer de voir qu'est-ce qu'on peut faire de mieux dans le projet ou l'avant-projet qu'on est en train de regarder, parfois aussi, lorsqu'on regarde ces choses-là, on tente d'utiliser notre boule de cristal et dire ce qu'il va en être. Moi, je me permets de sortir la mienne et de vous dire que, malgré le fait que la porte ne soit ouverte que d'un centimètre pour l'évocation, normalement, avec une structure tellement large, calquée néanmoins sur le processus des tribunaux... La manière de faire: on centralise tout, ça va être avec des sections, ça va être tout regroupé. Le fait de mettre ça noir sur blanc, que la décision est finale et sans appel, à mon sens, a presque appelé une intervention accrue de la part de la Cour supérieure, et par le biais de l'évocation – qui demeure le seul recours, la seule révision possible – et, à mon sens, c'est inhérent à la structure qu'on est en train de mettre en place. Il y a une sorte d'ironie là-dedans, parce qu'on est en train de renvoyer, donc, en révision – la seule possible – ces décisions de cette nouvelle institution québécoise aux juges nommés par le gouvernement fédéral à la Cour supérieure plutôt que de préconiser un appel possible – ce que veut le Barreau, ce que veulent beaucoup d'autres intervenants – à d'autres juges nommés par le Québec et qui peuvent au moins, peut-être, apprécier la spécificité que vous évoquez vous-même dans votre intervention.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Mais, malgré certaines ambiguïtés qui demeurent, la jurisprudence au sujet du contrôle judiciaire est relativement bien établie lorsqu'il y a une clause privative comme celle qu'on trouve dans le projet de loi. Moi, je ne pense pas qu'il y ait... Il n'y aura peut-être pas plus d'interventions au niveau de la Cour supérieure, mais je pense que, maintenant, la Cour d'appel a beaucoup de réserves dans des cas d'évocations de tribunaux spécialisés.

M. Mulcair: Je connais la même jurisprudence que vous là-dessus, notamment dans le domaine des relations de travail également, et je sais que, effectivement, les réserves sont énormes de la part de la Cour d'appel. Mais il y a aussi des paramètres d'ordre purement pratique là-dedans, en ce sens qu'une question de temps et de manque d'icelui de la part de la Cour d'appel qui entre en jeu... Mais ça va être intéressant de voir si ma prédiction s'avérera fondée ou pas. Je vous remercie beaucoup pour vos remarques et vos réponses très nuancées et, de toute évidence, empreintes de beaucoup d'expérience.

Le Président (M. Sirros): Alors, avec ça, Mme Richard et M... Ah oui, il y a une autre question. Excusez, je n'ai pas vu. Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Dans votre rapport, que j'ai lu avec intérêt, à la page 3, sous la section «L'objet de la loi», vous dites que vous n'êtes pas favorables à ce que la célérité apparaisse dans une énumération des objectifs sur le même pied que la qualité et l'accessibilité. Il me semble que «célérité», «qualité» et «accessibilité» sont des mots qui vont ensemble et qu'on ne peut pas avoir l'un sans l'autre, et que la qualité et l'accessibilité dépendent si le dossier est fait avec célérité.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Vous dites que la qualité et l'accessibilité vont ensemble...

M. Bergman: Oui, ça dépend de la célérité du dossier.

(15 heures)

M. Lapierre (Jean-Marcel): C'est-à-dire qu'on peut, pour des questions de célérité, sacrifier l'accessibilité. Ça me donne l'occasion de revenir sur une proposition que la FATA vous a faite ce matin au sujet de l'article 109. Je pense que ce qu'on a retenu, à l'article 109, lorsqu'on dit qu'il faudra démontrer... pour que le Tribunal puisse relever une partie du défaut de respecter un délai, il faudra qu'elle démontre qu'elle a été dans l'impossibilité d'agir, je pense que, là, on risque, pour des raisons de célérité, de restreindre l'acccessibilité.

Et je pense que l'expression qu'on avait avant: «pour un motif raisonnable» était plus large et permettait plus d'accessibilité. D'ailleurs, il y a une décision de la CALP qui a dit que l'impossibilité d'agir est un motif raisonnable, mais qu'il y a d'autres éléments dans le motif raisonnable; alors, que le motif raisonnable est plus large. Alors, c'est ce qu'on veut dire, c'est que la célérité doit être au service de la qualité et de l'accessibilité, mais elle ne doit pas être le maître, en fait.

Et c'est arrivé. Notre expérience, c'est qu'en matière d'arbitrage de griefs la célérité l'a emporté, à un moment donné, sur l'accessibilité. Et même dans la situation présente, la rigidité en matière de délai des tribunaux d'arbitrage fait que la célérité a beaucoup trop d'importance. On a établi cette rigidité au nom de la célérité, et ça a beaucoup trop d'importance par rapport à l'accessibilité.

Le Président (M. Sirros): Ça va? Alors, on tient à vous remercier pour votre présentation, Mme Richard et M. Lapierre.

J'inviterais les prochains présentateurs, la Conférence des juges du Québec, à se présenter à la table afin de procéder avec la présentation de leur mémoire.

Alors, M. le juge, si vous pouviez, pour les fins du Journal des débats , identifier la délégation qui est à la table et procéder par la suite à la présentation de votre mémoire. On dispose d'une vingtaine de minutes pour votre présentation, d'une quarantaine de minutes pour les échanges par la suite. Je vous aviserai, cinq minutes avant la fin de votre vingt minutes, afin de vous permettre de synthétiser pour la conclusion.


Conférence des juges du Québec

M. Cadieux (Gilles): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre de la Justice, MM. les membres de la commission et de l'Assemblée nationale, je me présente, tout d'abord. Mon nom est Gilles Cadieux, je suis juge à la Cour du Québec, à la Chambre criminelle, et je suis président de la Conférence des juges du Québec.

À ma gauche, vous avez le juge Léon Nichols, qui est président de la Chambre de l'expropriation de la Cour du Québec et, à l'extrême gauche, le juge Michel St-Hilaire, juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, ici, à Québec. À ma droite, vous avez le juge Michel Simard, qui est aussi juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, ici même, à Québec.

La Conférence des juges du Québec, que je voudrais vous présenter en quelques mots, est une association qui a été formée en 1962 et qui représente les juges de nomination provinciale, soit les 290 juges de la Cour du Québec et les 21 juges des cours municipales de Laval, Montréal et Québec. Nous ne représentons pas les juges municipaux à temps partiel.

Les objets de la Conférence sont, entre autres, de sauvegarder la dignité, le respect, l'autorité et l'autonomie des tribunaux et du pouvoir judiciaire et de préserver l'intégrité et défendre l'indépendance de la magistrature dans l'intérêt supérieur de la justice et de la société. En poursuivant ces objets, la Conférence permet aux juges, collectivement, de respecter et de se conformer à l'obligation qui leur est faite individuellement par l'article 10 de leur code de déontologie, qui dit que le juge doit préserver l'intégrité et défendre l'indépendance de la magistrature dans l'intérêt supérieur de la justice et de la société. Et c'est pour ces raisons que la Conférence des juges du Québec a considéré qu'elle avait le devoir de répondre à votre invitation et de vous faire part de ses commentaires et des inquiétudes que soulève le projet de loi n° 130 sur la réforme de la justice administrative.

Je voudrais dire quelques mots aussi de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. L'article 23 garantit que toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle. Comme le stipule le préambule de la Charte, le respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix. Et c'est le ministre de la Justice qui est chargé de l'application de la Charte.

Les notions d'indépendance et d'impartialité. On a cru bon d'inclure quelques énoncés dans le mémoire, puisque je ne crois pas que vous soyez tous des juristes. Ça permet de situer ce que ça veut dire exactement. La Cour suprême du Canada s'est penchée sur ces notions d'indépendance et d'impartialité que l'on retrouve à l'article 11d de la Charte canadienne des droits et libertés, notions que l'on retrouve également à l'article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. On dit: Même s'il existe un rapport étroit entre l'indépendance et l'impartialité, ce sont des valeurs ou des exigences séparées et distinctes. Ce sont deux choses différentes.

L'impartialité désigne un état d'esprit ou une attitude du tribunal à l'égard des points en litige ou des parties dans un litige, alors que l'indépendance est un état d'esprit ou une attitude dans l'exercice de ses fonctions judiciaires. L'indépendance, c'est un statut, c'est une relation avec les autres pouvoirs, c'est-à-dire le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, qui repose ou qui doit reposer sur des conditions garanties objectives, essentielles, qui doivent exister indépendamment de la manière que le juge peut agir, en fait, ou de la perception que le public peut en avoir.

C'est le statut objectif inscrit dans la loi et cette relation d'indépendance judiciaire qui doivent fournir au public et au justiciable l'assurance que le tribunal peut agir d'une manière indépendante et qu'il agira effectivement de cette manière. La garantie d'indépendance judiciaire vise, dans l'ensemble, à assurer une perception raisonnable d'impartialité. L'impartialité judiciaire n'est qu'un moyen pour atteindre cette fin. Si les juges pouvaient être perçus comme impartiaux sans l'indépendance judiciaire, l'exigence d'indépendance serait inutile. Cependant, l'indépendance judiciaire – et c'est la Cour suprême qui le dit expressément – est essentielle à la perception d'impartialité qu'a le public. L'indépendance est la pierre angulaire, une condition préalable nécessaire de l'impartialité judiciaire.

Par ailleurs, tant l'indépendance que l'impartialité judiciaires, les deux comportent à la fois un aspect individuel et un aspect institutionnel. Le statut objectif d'un tribunal peut s'appliquer autant à l'exigence d'impartialité qu'à celle d'indépendance, les garanties inscrites dans la loi. Par conséquent, qu'un juge particulier ait ou non entretenu des idées préconçues ou des préjugés, si le système est structuré de façon à susciter une crainte raisonnable de partialité sur le plan institutionnel, on ne satisfait pas à l'exigence d'impartialité.

Enfin, l'indépendance et l'impartialité sont fondamentales pour assurer la confiance des justiciables et du public dans l'administration de la justice. Sans cette confiance, le système judiciaire ne peut commander le respect et l'acceptation qui sont essentiels à son fonctionnement efficace. Les conditions essentielles de l'indépendance, c'est dans l'arrêt Valente qu'on les a énoncées et définies. Sans relire, là, j'ai indiqué la substance dans le mémoire, c'est: l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle.

Le projet de loi n° 130 a pour objet, dans son article 1, d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité aux citoyens. Nous aimerions aussi y retrouver la garantie de donner aux justiciables, c'est-à-dire aux citoyens qui intentent un recours contre une décision de l'administration, l'accès à un tribunal indépendant et impartial que les citoyens pourraient raisonnablement percevoir comme tel.

La justice administrative, lorsqu'on parle de spécificité, elle a ceci de spécifique: que l'administration, soit le pouvoir exécutif, est toujours partie au litige. Cette omniprésence de l'exécutif doit inciter à redoubler de prudence et à maintenir un niveau élevé des garanties objectives afin d'assurer l'impartialité du Tribunal sur l'aspect institutionnel. Autrement, le système de justice administrative y perdra sa crédibilité et ne pourra pas commander le respect, la confiance et l'acceptation du public essentiels à son fonctionnement efficace.

On s'est attachés, sur cette question, à deux aspects concernant le statut des membres et des membres administratifs. D'abord, le statut d'un membre, le mandat d'un membre et son renouvellement. La procédure de sélection et de nomination des membres constitue une nette amélioration au chapitre de la transparence. Toutefois, la durée limitée du mandat et surtout la procédure de renouvellement laissent planer la possibilité d'une intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif, qui nomme les membres chargés d'examiner le renouvellement et détermine les critères dont on doit tenir compte.

Quels pourraient être les critères de renouvellement applicables si, d'une part, les manquements déontologiques sont du ressort du Conseil de la justice administrative et si, d'autre part, il n'y a pas d'appel qui permette de vérifier la qualité des décisions rendues par ce membre? Sur quoi va-t-on se baser pour renouveler ou ne pas renouveler son mandat?

(15 h 10)

La même interrogation se soulève quant aux membres qui sont nommés en surnombre, à la seule discrétion du gouvernement, pour la durée et aux conditions qu'il détermine. Le texte de loi ne dit rien là-dessus. Comment une personne raisonnable ne pourrait-elle pas craindre que le membre nommé en surnombre ou celui dont le mandat a été renouvelé ait été choisi parce qu'il avait satisfait aux intérêts de l'exécutif ou, du moins, parce qu'il n'avait pas sérieusement déçu les attentes de l'exécutif lors de procédures antérieures? Ces mots-là, évidemment, sont assez percutants, mais c'est le mot à mot que l'on retrouve dans l'arrêt Généreux, qui portait sur la justice militaire, où c'étaient des gens qui étaient nommés ad hoc pour entendre des choses, des mandats qui étaient renouvelables. Et, à ce moment-là, c'est la question qu'on s'est posée. La Cour suprême a décidé que le système ne respectait pas les exigences d'indépendance et d'impartialité.

Ensuite, quant au mandat des membres administratifs, il est laissé – celui du président et des vice-présidents – à la discrétion du gouvernement quant à sa durée et à son renouvellement. La précarité du statut du président et des vice-présidents comme membres administratifs, qui s'ajoute aux lacunes déjà mentionnées quant à leur statut comme simples membres du Tribunal, nous semble compromettre non seulement leur inamovibilité individuelle, mais aussi l'indépendance institutionnelle, puisque ce sont eux qui sont chargés de la direction du Tribunal et de l'assignation de ses membres pour l'audition des causes.

On a aussi fait certains commentaires additionnels sur d'autres dispositions de la loi où on s'est attachés aux choses qui nous ont paru les plus importantes. À l'article 1, on note, évidemment, qu'il n'y a pas de définition de la justice administrative, de la spécificité de la justice administrative. À l'article 2, on note qu'on a confié à un tiers, donc à un tiers-arbitre, les décisions là-dedans. Sauf que l'on remarque que, dans le reste de la loi, on ne fait rien pour sauvegarder l'indépendance et l'impartialité.

L'article 78 parle que le président établit des orientations générales en vue de maintenir la cohérence des décisions. Ceci nous semble dangereux parce que ça va à l'encontre de l'indépendance qu'on appelle intrajudiciaire. Un juge peut fort bien consulter des collègues sur une décision sur une base volontaire, mais il n'a pas à avoir d'obligation de se soumettre à une directive générale dans la façon de décider. C'est excessivement dangereux. Le juge doit décider suivant la preuve qui lui est faite, en appliquant la loi en son âme et conscience.

L'article 136 élargit la notion de connaissance judiciaire. Un juge a une connaissance judiciaire de ce que l'ensemble des citoyens ont. Mais, dans ce cas-ci et pour les tribunaux spécialisés, on élargit cette connaissance judiciaire et on y inclut des choses, évidemment, que le justiciable qui comparaît devant la cour n'aura aucun moyen de connaître à l'avance et de contrôler, contrairement à la preuve d'expertise qui se fait devant les tribunaux.

L'article 149 parle de l'autorévision des jugements. Quant à l'article 149, qui soulève pour le moins une interrogation, il nous semble que le texte du paragraphe 3°, qui permet au Tribunal, d'office ou sur demande, de réviser ou de révoquer sa décision pour vice de fond ou de procédure, vient réintroduire un processus d'autorévision des jugements. La Conférence est d'opinion qu'il s'agit d'un grave danger pour la sauvegarde du principe d'impartialité.

En effet, il y a plusieurs décennies, quand la Cour supérieure agissait comme cour de révision, il y avait, sauf exception, un droit d'appel, à la Cour d'appel, de telles décisions. Mais, avec cette garantie que l'appel des jugements en révision donnée au justiciable, même avec cette garantie, le législateur a décidé d'abolir le système en 1920. Or, dans le présent projet de loi, non seulement on remet en vigueur ce moyen archaïque, mais on fait disparaître en même temps le droit d'appel qui existait en certaines matières.

De plus, la mise en place du processus de l'autorévision met en danger le respect du principe de l'irrévocabilité des jugements, surtout quand on permet des modifications de jugement proprio motu, d'office, et sur des vices de fond. C'est ça qui fait obstacle.

Le projet de loi et l'appel. Les décisions des organismes compétents à rendre jugement sur les recours qui seront entendus en vertu du projet de loi par la section des affaires sociales ou des lésions professionnelles ne sont pas sujettes à l'appel. Le législateur a décidé que, dorénavant, ces décisions pourraient faire l'objet d'autorévision, tel que défini à l'article 149. Or, la révision est l'une des missions du processus d'appel, comme l'explique le professeur Glenn, de l'Université McGill, et l'autorévision prévue à l'article 149, paragraphe 3° n'est pas un appel; pas plus que l'évocation ou l'action en nullité. L'appel doit s'exercer devant un tribunal externe offrant toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité, comme le soulignait d'ailleurs le Protecteur du citoyen dans son rapport de 1992-1993.

Si, dans les matières qui deviendraient de la compétence de la section des affaires sociales, le législateur désire instaurer un véritable processus de révision, c'est par un appel devant un tribunal externe qu'il doit l'instituer. Nous comprenons, toutefois, que ce droit d'appel doit être simple et facile à exercer pour le citoyen. Maintes fois, l'argument des frais, des délais et de la judiciarisation a été posé à l'institution d'un appel en ces matières. Toutefois, le législateur pourrait répondre à ces objections par l'instauration d'une procédure d'appel simple qui pourrait être portée devant un tribunal facile d'accès. La Cour du Québec est le tribunal tout désigné pour exercer telle compétence de façon simple et rapide, avec des moyens fort raisonnables. À cet effet, nous n'avons qu'à penser aux expériences actuellement existantes en matière de petites créances et d'appel des décisions de la Régie du logement, ainsi que le Tribunal des professions, alors que le justiciable qui s'y présente parfois seul et personnellement bénéficie généreusement de l'assistance du juge.

En matière d'évaluation foncière, les décisions sur les recours énumérés à l'Annexe III, qui seraient désormais entendus par la section de l'évaluation foncière, sont actuellement sujettes à l'appel. Il faut noter, d'abord, que des discussions ont déjà eu lieu lors de la présentation du projet de loi 26, de 1994, au sujet de l'abolition du droit d'appel des décisions du BREF. À ce moment-là, il y a eu des gens qui étaient, à l'époque, dans l'opposition et qui ont pris position contre l'abolition de ce droit.

Le député François Gendron, d'Abitibi-Ouest, disait: Est-ce que le mécanisme prévu au projet de loi 26 assurera comme il se devrait l'impartialité de la décision? Je ne suis pas sûr, parce que c'est la même instance qui aura le droit de se réviser. Et il poursuivait, un peu plus loin.

Le député Pierre Bélanger, d'Anjou, sur le même sujet, disait qu'il fallait s'assurer que tout ne soit fait sur le dos du justiciable, qui a droit à la justice et qui veut que ses droits soient respectés. Quand on parle d'accessibilité à la justice, je pense qu'on se doit d'être vigilant quand on abolit des droits d'appel qui sont de plein droit pour les remplacer par des droits d'appel qui sont, finalement, avec permission. Suite à ces arguments-là et à d'autres, le législateur a cru bon de maintenir le droit d'appel des décisions du BREF.

Nous croyons que les mêmes arguments devraient aujourd'hui inciter le législateur à conserver le droit d'appel existant en cette matière. Il faut se rappeler en ces matières l'importance des sommes en jeu et l'effet récurrent des jugements rendus; et, de ce fait, abolir le processus d'appel actuellement existant nous apparaît dangereux, puisque le justiciable serait alors à la merci d'une seule décision finale et sans appel après un seul et unique débat contradictoire. La seule possibilité d'une erreur devrait motiver le législateur à la prudence et le convaincre de conserver le droit d'appel ici suggéré et, par ailleurs, déjà existant. Cet argument de l'importance des sommes en jeu s'applique également en matière d'expropriation.

En matière d'expropriation, je vais laisser quelques minutes à mon collège, tantôt, pour s'exprimer à vous sur ce sujet. On en a parlé dans notre mémoire.

La compétence dans les affaires économiques. La Conférence croit aussi que la seule présence de l'État comme partie ne peut servir de seule justification à la réunification des tribunaux administratifs. C'est l'analogie des compétences exercées qui devrait présider au regroupement d'instances. Ainsi, la Conférence a peine à voir un lien entre les activités relatives à la redistribution des deniers publics et celles relatives à la sauvegarde de l'intérêt public en matière d'émission, de retrait ou de refus de permis, tel que décrit à l'article 37 du projet de loi.

L'État, en ces matières, agit comme le comité de discipline d'un ordre professionnel: il examine si les conditions requises par la loi sont remplies par le requérant ou le détenteur du permis; il examine si des infractions ont été commises; il impose des sanctions. Or, 30 des 32 articles de loi énumérés à l'Annexe V ont trait à l'appel des décisions rendues sur ces sujets. Actuellement, la Cour du Québec est le forum qui entend les appels sur les décisions rendues en matière disciplinaire. Sa compétence dans le domaine n'est pas mise en cause mais est, au contraire, bien reconnue. Les appels prévus à l'Annexe V sont effectivement analogues à ceux que la Cour du Québec entend en cette matière de déontologie. Il serait logique, à notre avis, que ces recours en appel demeurent devant la Cour du Québec.

Dans 22 des 32 cas énumérés à l'Annexe V, les lois actuelles permettent aux citoyens d'en appeler devant la Cour du Québec. L'expérience de la Cour dans l'administration de ces dossiers fait voir qu'un très petit nombre d'appels est inscrit chaque année. La création d'une section du Tribunal administratif qui se consacrerait exclusivement aux appels de l'Annexe V serait difficilement justifiable.

Je dirais ceci quant à l'appel. C'est une chose, évidemment, que de ne pas donner à un citoyen un droit d'appel qu'il n'a pas déjà, mais c'est une autre chose que de lui enlever, dans plusieurs cas, un droit d'appel qui existe déjà, alors que le Tribunal administratif ne présente pas toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité.

Le Président (M. Sirros): Il reste à peine quelques minutes. Peut-être qu'on peut entendre le juge Nichols, également.

M. Cadieux (Gilles): Alors, je vais laisser la parole au juge.

Le Président (M. Sirros): Et passer à la période des questions après.

M. Nichols (Léon): Je vais être très bref. M. le ministre, MM. les commissaires, membres de la commission, le gouvernement nomme ses juges et les assigne là où il le veut bien. Ainsi, vous m'avez nommé juge en 1980, et puis assigné en expropriation, où j'oeuvre depuis sans interruption aucune. Vice-président du tribunal depuis 1984, je suis le président de la Chambre depuis 1991.

(15 h 20)

Le rapport Garant, sur la réforme administrative, prône l'abolition de la Chambre de l'expropriation, et l'avant-projet déposé par le ministre de la Justice accepte cette proposition.

Dans l'entreprise privée, avant de procéder à un changement, on fait enquête et l'on modifie la structure lorsque l'étude conclut que le geste à poser produira à tout le moins une amélioration de l'entreprise. Je doute fort que le tribunal que vous entendez maintenant créer en matière d'expropriation puisse livrer la marchandise comme le fait actuellement la Chambre de l'expropriation.

Aucune enquête sérieuse n'a, à ma connaissance, été menée sur le comportement de la Chambre. Avec un personnel global de 15 personnes, dont quatre juges et trois assesseurs, la Chambre réussit à entendre et à juger toutes les causes d'expropriation dans l'année de leur inscription au rôle, et ce, à la satisfaction des intervenants et moyennant des coûts minimes d'opération. Quarante-deux années d'expérience pour les juges en poste, 80 ans, si l'on inclut le temps à la Chambre des assesseurs, c'est ce qu'on veut si aisément mettre de côté.

Ils sont malheureusement trop peu nombreux, ceux qui connaissent vraiment la Chambre de l'expropriation, avec ses visites des lieux, ses conférences préparatoires, ses suspensions d'enquête pour permettre aux parties de refaire leurs devoirs, ses nombreuses causes de dommages dirigées contre l'État, ses recours en dommages après désistement ou suite à l'imposition de réserve pour fins publiques, son président qui, en sus de l'administration, procède aux appels de rôle à travers la province, distribue le travail, siège plus souvent même que chacun de ses juges et s'implique, dans la grande majorité, dans les dossiers de grande importance.

Je partage d'emblée l'opinion de mon prédécesseur, l'honorable juge Guy Dorion, qui est présent d'ailleurs, qui, la semaine dernière, vous soumettait son mémoire, lorsqu'il s'interrogeait sur le sort désormais réservé aux expropriés. Les dossiers d'expropriation actuellement en progrès ou en délibéré révèlent des réclamations de quelque 100 000 000 $ et pas moins de 12 d'entre eux veulent signifier une réclamation supérieure à 1 000 000 $. À moins que l'on se ravise d'ici peu, le nouveau tribunal que vous entendez créer aura donc fort à faire. Merci de m'avoir entendu.

Le Président (M. Sirros): C'est moi qui vous remercie. Et, avec ça, on va passer, je pense, à une période d'échanges qui peut être fort intéressante. M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Je voudrais vous remercier, messieurs les juges, de votre mémoire; vous soulevez plusieurs questions intéressantes. Je voudrais d'abord vous dire que, à l'égard de certains, par exemple, l'article 40, concernant le surnombre, je pense que vous mettez le doigt sur un problème, effectivement. Il a été soulevé à quelques reprises, mais il va falloir au moins, sinon l'encadrer, peut-être l'enlever, mais il y a définitivement un problème dans la forme actuelle.

Également, à l'article 67, lorsque vous parlez de l'absence de durée pour les postes de présidence et de vice-présidence, je pense qu'il y a quelque chose là qui devrait être bonifié dans le sens que vous le mentionnez.

De la même manière, à l'égard de l'article 149, sans tomber dans le fond de la question, mais sur un mot en particulier, l'aspect «d'office» que vous avez soulevé et qui a été d'ailleurs soulevé par d'autres personnes, j'avais déjà mentionné qu'il m'apparaissait nécessaire de l'enlever, fort probablement, puisqu'il pose beaucoup plus de problèmes qu'il n'en solutionne.

Par contre, j'aimerais revenir sur l'article 78, relié à l'article 149, quand vous parlez de la cohérence décisionnelle. Bien sûr que les deux articles ont un peu en commun ce même concept de la cohérence. Ça m'amène à toucher en même temps un autre volet que vous avez soulevé. Quand je lis l'arrêt Domtar, en 1993, et que je lis – si vous me permettez – deux passages, il me semble que ça a moins de pertinence qu'il n'apparaît à première vue.

Je lis, à la page 796: «À mes yeux, s'interroger sur l'opportunité de trancher un conflit jurisprudentiel, c'est se détourner, de même, de la question première, soit celle de savoir qui est le mieux placé pour se prononcer sur la décision contestée. Substituer son opinion à celle d'un tribunal administratif afin de dégager sa propre interprétation d'une disposition législative, c'est réduire à néant son autonomie décisionnelle et l'expertise qui lui est propre. Puisqu'une telle intervention surgit dans un contexte où le législateur a déterminé que le tribunal administratif est celui qui est le mieux placé pour se prononcer sur la décision contestée, elle risque de contrecarrer, par la même occasion, son intention première. Toute enquête sur l'incohérence décisionnelle en l'absence d'erreur manifestement déraisonnable détourne donc les cours de justice de l'interrogation fondamentale à laquelle le législateur a, au surplus, déjà répondu.»

Dernier passage: «D'autre part, le fait de limiter cette forme de contrôle aux cas de conflits jurisprudentiels graves et incontestables n'évacuerait pas, en soi, les difficultés. Il existe, certes, des cas d'incohérence clairs où les impératifs d'égalité et de cohérence dans l'application de la loi prennent tout leur sens. Cependant, je suis loin d'être certaine que seuls ces cas seront portés à l'attention des cours de justice.»

Il me semble qu'à l'intérieur de cette décision – puis il y a d'autres passages que je pourrai donner à la fin – la Cour suprême nous dit à peu près ceci: D'une part, les tribunaux administratifs sont habiles à trancher les litiges et ils sont beaucoup mieux placés que les tribunaux judiciaires pour le faire: d'une part, quant à la cohérence puis, par ailleurs, aussi quant à la possibilité d'appel, le bref d'évocation étant la manière d'intervenir dans les cas où on excède.

Est-ce que, par rapport à ce passage-là concernant et le droit d'appel et sur la question de la cohérence des décisions, vous ne pensez pas que la Cour suprême nous donne une bonne indication?

M. Cadieux (Gilles): Si vous permettez, je vais demander au juge St-Hilaire de répondre à votre question.

M. St-Hilaire (Michel): Évidemment, il faut voir dans la décision Domtar un cas particulier. Si je me souviens...

M. Bégin: Excusez, on ne vous entend pas.

M. St-Hilaire (Michel): Il faut voir dans la décision Domtar un cas particulier où il y avait eu, si je me souviens bien, une réunion de tous les membres d'un tribunal administratif pour discuter d'un point de droit. Ce n'est pas le cas où le président est intervenu – et je vais pousser le cas à l'extrême, si je prends le projet de loi... Ou supposons qu'une décision est rendue par un banc de trois membres d'un tribunal et que le président ne l'aime pas; il va d'office réviser le dossier en vertu de l'article 149, paragraphe 3°, il va reformer un banc et il va faire rendre la décision comme lui l'entend. Et ça, c'est manifestement déraisonnable. Parce qu'il y a toujours le critère de «raisonnabilité». Puis je ne pense pas que ça passerait à travers le système ni la jurisprudence qu'on connaît aujourd'hui.

Ce qu'on reprochait dans Domtar et ce qui peut se produire avec l'article 149 puis l'article 78 n'a aucune commune mesure. Je ne crois pas que ça soit quelque chose qui permette au législateur d'accorder à certains membres un pouvoir de décision par-dessus la décision d'autres membres qui ont entendu la cause et de forcer la «réaudition» des causes, comme on s'expose à le faire ici.

M. Bégin: Puis j'évoquais que, sur le mot «d'office», j'étais assez d'accord avec vos représentations. Donc, je considère, pour les fins de la discussion, qu'il n'est plus présent dans le texte.

M. St-Hilaire (Michel): Même à la demande d'une partie qui n'est pas satisfaite de la décision qu'elle a eue, en vertu de telle position de tel membre, de demander de reformer un banc, étant certaine, cette partie-là, qu'elle n'aura pas le même banc, en vertu du dernier paragraphe de l'article 149.

M. Bégin: Mais, à ce compte-là, si c'est à la demande d'une partie et que l'autre partie peut être entendue, on peut trouver des faiblesses à la formule. Mais ça ressemble à la même chose qu'une personne qui n'est pas satisfaite d'un jugement et qui va en appel. Elle se représente devant une autre instance...

M. St-Hilaire (Michel): Non, je veux dire, vous n'avez pas... Excusez.

M. Bégin: Si vous permettez, qui se représente devant une autre instance, que ce soit la Cour d'appel, dans notre système, ou la Cour suprême, pour dire: Bien, voici, il y a un jugement, mais je ne suis pas d'accord avec lui.

M. St-Hilaire (Michel): Ah, bien, là, vous êtes à un palier horizontal où les membres sont censés avoir une juridiction et une compétence égales. Lorsque vous parlez de la Cour d'appel par rapport à la Cour supérieure ou à la Cour du Québec, c'est un tribunal supérieur. Mais, là, vous voulez créer une instance, un palier d'appel à l'intérieur du même tribunal. Et vous serez chanceux ou malchanceux selon que le banc que vous aurez réussi à faire former sera le dernier à rendre la décision.

M. Bégin: J'évoquais, ce matin, la possibilité – je pense que vous étiez présent lorsque je l'ai dit – pour le président, par exemple, ou la présidente, devant une situation qui se présente, un dossier, avant que la cause ne soit entendue, qu'il y ait, par exemple, un banc de cinq personnes membres du Tribunal qui siègent pour entendre cette cause parce que, par exemple, on peut penser que c'est un problème complexe en droit qui risque de se présenter ou encore que, dans le passé, il a créé des courants jurisprudentiels qui, sans s'affronter carrément, en tout cas, sont un peu de cette nature-là. Qu'est-ce que vous pensez de cette hypothèse?

(15 h 30)

M. St-Hilaire (Michel): Je pense, M. le ministre, que l'augmentation du nombre de membres sur un banc d'un tribunal donné n'en fait pas un tribunal d'appel. La Cour d'appel du Québec peut siéger à trois ou à cinq, elle n'est pas plus en appel lorsqu'elle est à cinq que lorsqu'elle est à trois.

M. Bégin: Est-ce qu'il n'est pas de la nature d'un appel que, ordinairement, quand on regarde nos tribunaux, en première instance, on siège à un, en Cour d'appel, on siège à trois et, en Cour suprême, on siège à cinq; puis, des fois, on augmente à cinq à la Cour d'appel, puis à sept ou neuf à la Cour suprême.

M. St-Hilaire (Michel): Mais la juridiction, elle est palliée... Le fait que le tribunal soit un tribunal externe et indépendant de l'autre est la base de la juridiction d'appel. Je ne crois pas que, en jouant avec des blocs à l'intérieur de la même boîte, on puisse dire: Voilà, votre appel, c'est d'aller devant d'autres membres; vous courez votre chance.

Le premier mode de cohérence jurisprudentielle, c'est le législateur qui l'a en main. Prenez, par exemple, le cas d'effet sur droit, où on a eu des courants jurisprudentiels qui ont abouti à la Cour d'appel; à un moment donné, le législateur a tranché, il a amendé la loi. Il en a été de même, par exemple, en matière de définition d'immeubles: quand on est arrivé avec des problèmes, le législateur a amendé la loi. Alors, à ce moment-là, je crois que le premier mode de cohérence, c'est le législateur. Le second, ce sont les tribunaux supérieurs. Évidemment, il ne faut pas blâmer la volonté ou le désir d'avoir de la cohérence au sein du même tribunal, mais il reste que l'indépendance et l'impartialité des tribunaux exigent que ce soit un tribunal externe ou le législateur qui l'instaure.

M. Bégin: Mais je relis à nouveau la juge L'Heureux, simplement pour compléter: «Notre Cour a également reconnu que la recherche de la cohérence n'avait pas un caractère absolu. Ainsi, dans l'arrêt cité, on a décidé que les membres du tribunal administratif n'étaient liés par aucune règle du stare decisis.» Et, à la fin, la juge dit: «Cela m'apparaît d'autant plus vrai que les tribunaux administratifs, tout comme le législateur – c'est ce que vous venez de mentionner – ont le pouvoir de régler eux-mêmes ces conflits. La solution qu'appellent les conflits jurisprudentiels au sein des tribunaux administratifs demeure donc un choix politique qui ne saurait, en dernière analyse, être l'apanage des cours de justice.»

M. St-Hilaire (Michel): M. le ministre, on peut parler de Domtar puis on peut parler de Noémie Tremblay. Je veux dire, on a cherché une cohérence dans Noémie Tremblay, et la Cour d'appel a dit: Non, ce n'est pas de même que ça va se passer. L'impartialité puis l'indépendance du tribunal qui entend la justiciable priment, et le justiciable a droit à ça. C'est ça qu'on veut établir.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Moi, je veux revenir sur la question du droit d'appel. Vous invoquez plusieurs bons arguments, effectivement, sur la nécessité d'un droit d'appel, à savoir l'importance des sommes en jeu, le fait qu'on aurait un seul et unique débat contradictoire, etc. Mais qu'est-ce que vous dites de l'argument qui nous est servi maintes et maintes fois ici sur le fait que... Et je prends la CEQ, qui était entendue tantôt, juste avant vous, et qui disait, et c'est un argument qu'on entend de plusieurs organismes – remarquez, ce n'est pas nécessairement un argument qui est mien – Bien, les tribunaux administratifs sont des tribunaux qui sont spécialisés; à ce moment-là, ne soumettons pas en appel devant des tribunaux de droit commun des décisions qui relèvent d'un tribunal administratif, qui est un tribunal spécialisé. Tantôt, il y a quelques minutes, la CEQ invoquait le même jugement auquel on vient de faire référence, disant: Ce sont des questions spécialisées, et n'allons pas devant les tribunaux de droit commun pour faire réviser ça.

Alors, je me suis fait souvent dire par les juges: J'aimerais vous entendre sur cette question. C'est à mon tour de vous le dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On vous attend.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Hilaire (Michel): Ce que j'ai à dire là-dessus, c'est que, évidemment, vous avez un obiter dictum de l'honorable juge Claire L'Heureux-Dubé qui dit: Voici, ils sont spécialisés, laissons-les décider. Mais cet obiter dictum là découle d'une constante en matière de juridiction d'appel. Les tribunaux d'appel, lorsqu'ils ont un droit d'appel prévu à la loi... On parle d'une loi, ici, où il n'y a aucun droit d'appel. Mais si vous avez un appel de plano ou si vous avez un appel prévu par une loi et que vous allez devant un tribunal d'appel, une instance supérieure, évidemment, il va regarder s'il y a une erreur en droit, il va regarder si l'analyse des faits récités dans le jugement est conforme à la preuve, il va regarder s'il y a une injustice flagrante qui en découle et il va juger là-dessus sans avoir le critère de «déraisonnabilité» grave que l'on retrouve en vertu du bref d'évocation.

Lorsqu'on juge sur un bref d'évocation, évidemment, on restreint la juridiction d'appel, on la met très serrée. Et, lorsqu'il y a un appel, on la restreint encore. On dit: Vous n'avez pas à vous substituer à l'appréciation de la preuve que le tribunal de première instance a faite. Lorsque la Cour suprême dit: Vous n'avez pas à vous substituer à l'appréciation d'une opinion d'un expert ou à l'appréciation de déterminer si l'expert a donné une opinion fondée sur des faits, alors que le tribunal spécialisé le fait, évidemment, encore là, on va appliquer les mêmes critères: est-ce qu'il y a eu une erreur en droit, est-ce que l'opinion rendue par l'expert dont on s'est servi pour rendre la décision est tellement éloignée des faits de la preuve que ça ne tient pas? Mais ces mêmes critères là vont continuer à s'appliquer, et c'est dans le cadre de cette restriction-là de l'exercice du pouvoir d'appel que la Cour suprême dit: Les tribunaux spécialisés, n'allez pas prendre leur place pour apprécier la preuve; ils l'ont déjà appréciée. C'est une preuve spécialisée, mais ils l'ont appréciée. Et, à moins de trouver des choses flagrantes, n'intervenez pas. Et ça ne va pas plus loin que ça. C'est de même que je vois ces remarques de l'honorable juge Dubé.

Le Président (M. Sirros): Oui, M. le juge Simard.

M. Simard (Michel): J'aimerais ajouter, en complémentaire sur ce point-là, que l'obiter de la juge Dubé est dans le cadre d'un appel – donc, il y avait déjà un appel – alors qu'ici il n'y a pas d'appel. Donc, c'est un paramètre restreignant à l'intérieur d'un appel, mais ce n'est pas une négation de l'appel. Il faut faire attention. Il ne faut pas se servir de cet obiter-là, qui n'est qu'un obiter, d'ailleurs, pour dire: Ah! bien, on peut enlever le droit d'appel dans les tribunaux administratifs. C'est un paramètre additionnel, comme il existe dans les tribunaux de droit commun, lorsque la Cour d'appel nous dit: N'allez pas reprendre la preuve de fait, n'allez pas revoir telle chose. C'est un paramètre additionnel qui concerne les tribunaux administratifs, mais jamais, en rien, une négation du droit d'appel. C'est ça qui est important, alors qu'ici le projet de loi exclut l'appel.

Le Président (M. Sirros): Ça va? O.K. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir d'accueillir et de remercier les éminents juristes qui sont devant nous. Les juges membres de cette Conférence viennent de faire une démonstration on ne saurait plus claire de l'impérieuse nécessité de revoir le projet de loi sous l'aspect des appels. Je pense que la démonstration est étanche, elle est convaincante, en ce qui nous concerne, et je pense que le ministre doit vraiment revoir son projet de loi à cet égard.

J'écoutais l'exemple que donnait le ministre lorsqu'il disait: Le premier juge tout seul, parfois un banc de trois à la Cour d'appel, cinq à sept ou neuf à la Cour suprême. J'ai bien entendu la réplique à savoir que ce n'était pas ça, un appel. Si on était à l'intérieur, ce n'était pas un appel, par définition. Ça, c'est vrai, parce que ce n'est pas externe et que ce n'est pas indépendant de l'autre. Mais n'y a-t-il pas de surcroît un problème possible de l'application de la règle nemo judex in sua causa? Lorsqu'on a eu «a two-tier decision making» à l'intérieur d'une même instance, est-ce qu'on ne soulève pas, par ailleurs, toute cette problématique-là?

M. St-Hilaire (Michel): Évidemment que l'apparence d'impartialité et d'indépendance, si vous avez deux décisions à l'intérieur du même corpus, elle n'est pas là; je crois qu'elle n'est pas là. En tout cas, le public en général, le justiciable qui voit ça de loin, il va certainement dire: Ah bon! ce sont des juges de la même instance qui... Surtout s'il reçoit la même décision deux fois, il va dire... Évidemment, si c'est devant un autre corps, il ne pourra pas maintenir ce langage-là, parce qu'il aura eu sa chance en appel devant un tribunal externe, indépendant.

M. Mulcair: Maintenant, vous avez beaucoup de remarques et de nuances que vous apportez en ce qui concerne la nomination, la reconduction, et les discussions ont été très ouvertes là-dessus. Il y a de nombreux intervenants qui sont venus dire: Écoutez, il y a des gros problèmes avec ce que vous proposez là. Mais, à la fin de la journée, est-ce que vous croyez qu'il faut viser la permanence de ces juges-là, en respectant les critères qui sont énumérés par la Cour suprême dans l'arrêt Valente, surtout si on tend à vouloir calquer le modèle des tribunaux administratifs au point où on le fait dans ce projet de loi?

M. Cadieux (Gilles): Idéalement, oui. L'inamovibilité, c'est qu'un juge soit nommé durant bonne conduite, qu'il ne puisse pas être destitué sauf pour cause après un examen, évidemment, devant un organisme où il pourra être entendu et qu'il soit nommé pour un terme qui peut être déterminé, mais qui ne soit pas renouvelable.

M. Mulcair: Voilà! Je suis tout à fait d'accord.

M. Cadieux (Gilles): Alors, si le projet de loi disait: Ces gens-là sont nommés pour 15 ans...

M. Mulcair: Puis ça finit là.

M. Cadieux (Gilles): ...sans renouvellement, je pense que, à ce moment-là, au point de vue de l'inamovibilité, on n'aurait plus rien à dire. Mais c'est le facteur de renouvellement qui pose problème.

M. Mulcair: C'est ça.

M. Cadieux (Gilles): Quand le membre va rendre une décision dans la troisième ou dans la quatrième année de mandat, même si le membre est de bonne foi, parfaitement sincère, le justiciable devant lui, est-ce qu'il ne pourra pas penser que la décision de ce membre-là est influencée par le fait que son renouvellement vient à échéance dans un an, dans deux ans? C'est ça qui fait problème.

(15 h 40)

M. Mulcair: Exactement. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. J'ai d'autres collègues qui ont des questions.

Le Président (M. Sirros): D'accord. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. MM. les juges, je voudrais, moi, essayer de résumer votre mémoire, qui nous oblige à une réflexion extrêmement sérieuse et pertinente. J'arrive à la conclusion suivante: c'est que vous semblez nous dire assez clairement que la justice administrative, il faut composer avec; elle est là, puis on n'a pas le choix, il faut vivre avec. Jamais, d'aucune façon, compte tenu de la structure du système judiciaire administratif, on ne pourra atteindre les critères fondamentaux en matière de justice que sont l'impartialité et l'indépendance, et ce, à cause, entre autres, du processus de nomination, de la durée des mandats des juges administratifs, de leur compétence. Alors, peu importent les ajustements qu'on y apportera, les améliorations qu'on apportera à ce système-là, on n'atteindra jamais des critères d'impartialité et d'indépendance.

Ceci étant dit, vous arrivez à la conclusion, avec laquelle, moi, j'ai le goût d'être d'accord, que ces critères d'impartialité et d'indépendance, qu'on ne peut atteindre à l'intérieur du système de justice administrative, on pourra les corriger, s'il y a lieu, par le système judiciaire conventionnel, de là la suggestion – et suggestion très forte que vous faites – qu'il puisse y avoir appel devant des tribunaux de droit commun, la Cour du Québec. Est-ce que je résume bien l'essentiel de votre mémoire?

M. Cadieux (Gilles): Oui. C'est le deuxième aspect, évidemment, pour le maintien du droit d'appel. Évidemment, les garanties d'impartialité et d'indépendance, elles doivent être présentes quel que soit le tribunal. Ça va? La Cour suprême dit qu'il faut pouvoir ajuster ces exigences-là à la diversité des tribunaux. Mais les trois garanties qui sont mentionnées dans notre rapport, l'inamovibilité... Et on a défini ce que ça veut dire. C'est que...

M. Lefebvre: L'arrêt Valente.

M. Cadieux (Gilles): C'est ça. Valente. C'est l'essence, c'est le minimum. Ça peut être plus que ça. La Cour supérieure, elle est garantie dans la Loi constitutionnelle du Canada, alors que, par exemple, la Cour du Québec ne l'est pas. Mais, ça, c'est le minimum qui doit exister. Il faut que le juge sache que sa fonction n'est pas en cause, qu'il soit assuré de son inamovibilité pour être indépendant, et ça, que ce soit un tribunal administratif, un tribunal militaire ou un tribunal judiciaire, l'exigence minimale est la même.

Ce que l'on dit quant à l'appel, c'est que, d'une part, il nous semble que c'est un droit fondamental d'un citoyen de pouvoir faire réviser une décision qui pourrait être erronée en droit ou en fait. Mais on dit: Si, par ailleurs, le projet de loi n'est pas, disons, parfait, dans le sens qu'on ne peut pas donner toutes les garanties d'indépendance, au moins, le justiciable, qui saura que la décision est appelable, ça lui donne, à lui, une garantie que la décision sera impartiale; une garantie additionnelle. Ça vient bonifier, si c'est possible de le faire, à ce moment-là, un système qui n'est peut-être pas parfait au départ. Or, nous, on dit: Il y a des problèmes d'indépendance et d'impartialité dans le projet de loi, dans le statut des membres. Si vous ne voulez pas aller jusqu'à leur donner l'inamovibilité, au moins, avec le droit d'appel, c'est une garantie additionnelle qui pourra être considérée et que le citoyen...

Le critère, évidemment, pour apprécier ça, c'est la personne raisonnable et bien informée. Elle pourra apprécier, entre autres, le fait que la décision est révisable, donc qu'il est fort probable que la personne rende une meilleure décision impartiale.

M. Lefebvre: Si, M. le juge, le ministre se rendait à la suggestion qui est faite par vous et par d'autres que les juges du TAQ soient nommés à vie, tout comme vous l'êtes à la Cour du Québec, est-ce que votre insistance pour qu'il y ait une possibilité d'appel serait amoindrie?

M. Cadieux (Gilles): Non, non. Non, parce que je pense que c'est un droit fondamental d'un citoyen, que le juge soit...

M. Lefebvre: Mais il n'y a pas d'appel à la Cour des petites créances.

M. Cadieux (Gilles): Les montants sont limités, alors qu'ici vous avez des montants en jeu qui sont énormes. Si vous parlez de la Chambre de l'expropriation, mon collègue me disait: Il y a combien de dossiers où la valeur en jeu est supérieure à 1 000 000 $? Je pense qu'il y en a une dizaine actuellement. C'est des valeurs énormes qui sont là. Au BREF, c'est des valeurs énormes. Écoutez, c'est l'assiette fiscale sur laquelle l'administration va percevoir ses taxes. L'évaluation, que ce soit de la Place Ville-Marie, de n'importe quel immeuble, c'est important. Alors, ce n'est pas toujours des... Écoutez, les petites créances, c'est moins de 5 000 $, si mes... 3 000 $?

Une voix: 3 000 $.

M. Cadieux (Gilles): Je m'excuse, c'est parce que je suis à la Chambre criminelle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cadieux (Gilles): Mais il y a une différence entre une réclamation de 3 000 $ et une réclamation de 30 000 $.

M. Lefebvre: Oui, oui. Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): D'accord.

M. Lefebvre: L'article 149, à tout le moins, il faudrait... Vous avez à juste titre indiqué au ministre que l'autorévision d'office, ça, c'est encore plus gros que sur demande. À tout le moins, qu'on élimine l'autorévision d'office.

M. Cadieux (Gilles): C'est ça. Oui. Il faut faire attention. À l'article 149, je pense, les deux premiers paragraphes – et mes collègues du civil pourront le confirmer – ne posent pas de problème. Corriger une erreur matérielle, là...

M. Lefebvre: C'est la rétractation qu'on a chez vous, hein?

M. Cadieux (Gilles): C'est ça. Corriger une erreur matérielle d'office, ça, il n'y a pas de problème; ou, pour la rétractation de jugement, il n'y a pas de problème. C'est la correction pour un vice de fond. Ça, ça pose problème.

M. Lefebvre: C'est-à-dire, M. le juge Cadieux, à 149, paragraphe 1°, c'est plus qu'une correction. On parle de «lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile...»

M. Cadieux (Gilles): Oui.

M. Lefebvre: Ça, c'est la requête pour réouverture d'enquête. C'est gros, ça.

M. Cadieux (Gilles): C'est ça. C'est la rétractation.

M. Lefebvre: Merci.

M. St-Hilaire (Michel): Je voudrais rajouter.

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. St-Hilaire (Michel): C'est que la demande du droit d'appel sur ces décisions-là n'est pas une chose nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est l'abolition du droit d'appel. Qu'on commence avec le livre blanc sur la justice, qu'on s'en aille ensuite au rapport Atkinson, qu'on s'en aille au rapport Gobeil, qu'on s'en aille au rapport Pépin-Ouellette, qu'on s'en aille au rapport Garant, jamais, jamais le droit d'appel n'a été aboli, dans aucun de ces rapports-là, et c'est tout à fait nouveau que l'appel soit complètement éliminé. Là, il y a une évacuation complète du pouvoir judiciaire, sauf par bref d'évocation. C'est assez singulier, au point de départ.

Il y a une autre chose. Si on dit un droit d'appel devant la Cour du Québec, l'objectif de la loi étant de procurer une justice qui est rapide, où il y a de la célérité, une justice accessible, on croit que, devant la Cour du Québec, ça, c'est possible, alors que, devant les autres cours, c'est peut-être plus coûteux et moins possible.

M. Lefebvre: C'est beaucoup plus simple que l'évocation et moins dispendieux.

Le Président (M. Sirros): Merci. Il y avait également M. le député de Gaspé qui avait une dernière question.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Je dois comprendre que, si l'article 149 était scindé et qu'on ajoutait un nouvel article avec le paragraphe 3°, mais sur demande, tout en maintenant un droit d'appel à la Cour du Québec, ça pourrait rencontrer, en fin de compte, une certaine satisfaction.

M. St-Hilaire (Michel): Ça ferait une instance de plus.

M. Lelièvre: Par contre...

M. St-Hilaire (Michel): Est-ce qu'elle serait obligatoire ou pas? Ça dépend.

M. Lelièvre: Voilà!

M. St-Hilaire (Michel): Dans l'ancienne révision, sous l'ancien Code de procédure – je parle du Code de procédure de 1864 – c'était un choix: ils pouvaient éliminer la révision ou ils pouvaient le faire. Puis les codificateurs de l'époque disent: Bien, si on permet la révision devant la Cour supérieure – puis c'est les mêmes dispositions que ça – c'est pour éviter des frais, parce que, à l'époque, se déplacer à Québec ou à Montréal, c'était un gros voyage, puis on voulait rapprocher la justice ou une instance d'appel du justiciable.

M. Lelièvre: Mais, au niveau où nous en sommes, c'est de permettre au plus grand nombre de citoyens de se représenter seuls aussi, dans la mesure du possible.

M. St-Hilaire (Michel): On le fait déjà. On le fait en matière de petites créances, on le fait...

M. Lelièvre: Oui.

M. St-Hilaire (Michel): Bien souvent, vous avez des appels de la régie des logements où les deux parties viennent sans avocat. On le fait en matière de révision d'évaluation immobilière. Bien souvent, pour un simple domicile, le contribuable vient seul. En expropriation, vous avez des gens expropriés qui arrivent seuls devant le tribunal aussi. On est habitués à ça.

M. Lelièvre: Mais si nous options, comme législateurs, pour un mode d'appel sur permission une fois que le stade de la révision – par exemple, le banc de cinq ou de trois qui a été proposé pour un tribunal administratif qui procéderait à une révision – la Cour du Québec deviendrait le tribunal non achalandé, en fin de compte, de révisions éventuelles des décisions du Tribunal administratif.

(15 h 50)

M. St-Hilaire (Michel): Oui. Ça, c'est une décision de législateur.

M. Lelièvre: Oui, je comprends, mais est-ce que ça serait...

M. St-Hilaire (Michel): Ça fonctionnerait. Je peux vous dire que ça fonctionnerait.

M. Lelièvre: Ça fonctionnerait?

M. St-Hilaire (Michel): Oui.

Le Président (M. Sirros): Si vous permettez, je veux me permettre une question, avec le consentement des membres. Je suis un de ceux qui ne sont pas juristes. Vous avez évoqué, au tout début de votre présentation, la Charte des droits et libertés. Vous avez par la suite insisté beaucoup sur l'abolition, finalement, du droit d'appel dans ce Tribunal administratif qui sera créé. Selon vous, est-ce qu'il y a... Selon la Charte, est-ce que c'est contestable, ces décisions?

M. St-Hilaire (Michel): De l'abolition du droit d'appel?

Le Président (M. Sirros): D'abolition du droit d'appel.

M. St-Hilaire (Michel): Non, c'est une décision du législateur.

Le Président (M. Sirros): Ce n'est pas contestable, mais...

M. St-Hilaire (Michel): C'est une question de transparence de la justice, mais c'est une décision du législateur.

Le Président (M. Sirros): D'accord.

M. Cadieux (Gilles): Sauf qu'il faut réaliser que le justiciable insatisfait va essayer de trouver une voie, évidemment, pour faire réviser le jugement, et la voie qu'il va emprunter, c'est celle que vous lui indiquez à l'article, je pense, 149, lorsqu'on parle de la Cour supérieure. Alors, les appels vont être déguisés en des brefs d'évocation, et au lieu, évidemment, d'aller devant la Cour du Québec avec une procédure simple qui correspondrait au principe, aux objectifs de la loi, on va avoir une procédure coûteuse, et les jugements de la Cour supérieure en matière d'évocation sont appelables de plano à la Cour d'appel. Donc, vous créez nécessairement un enchaînement. Vous dirigez le justiciable dans cette direction-là, qui est une voie détournée, parce qu'on attaque la compétence de la Cour, alors que le justiciable, lui, c'est le fond même de la décision qu'il voudrait attaquer. Je pense que, dans une saine administration de la justice, il faut lui donner un véritable droit d'appel, viser exactement l'objet recherché par le citoyen, finalement.

M. St-Hilaire (Michel): On est en droit commun; n'importe quel litige dont la valeur dépasse 20 000 $ est appelable de plano en Cour d'appel, alors qu'en droit administratif il va avoir, si on suit le projet de loi, un litige de 1 000 000 $.

Le Président (M. Sirros): Je résume...

M. St-Hilaire (Michel): C'est: vous avez une chance, et c'est fini.

M. Bégin: Et vous êtes conscients que, même si on donnait un droit d'appel devant la Cour du Québec et que cette décision était finale et sans appel, l'évocation existerait toujours.

M. St-Hilaire (Michel): Oui, c'est vrai.

Le Président (M. Sirros): J'étais pour résumer votre pensée. Est-ce que je la résume bien en disant que ce n'est pas contestable, comme décision, mais que ça vous semble assez radical comme décision politique?

M. St-Hilaire (Michel): Pardon?

Le Président (M. Sirros): La décision d'abolir le droit d'appel, vous dites, n'est pas contestable, mais elle vous semble clairement très radicale.

M. St-Hilaire (Michel): Je dis: L'État, qui est souvent ou presque toujours partie, crée un système juridique différent de la justice ordinaire. C'est ça qui en ressort et c'est ça qu'il faut éviter.

M. Simard (Michel): En complémentaire, si vous permettez, il faut savoir aussi qu'il y a un autre danger. C'est que l'État est partie au litige. Alors, dans un système qu'il crée, un système particulier où il est partie, il enlève un droit fondamental qui existe dans les tribunaux de droit commun pour des causes de plano de 20 000 $ et plus. Lui, alors qu'il est partie pour des causes où les montants sont de beaucoup supérieurs en matière d'expropriation et de BREF, il s'enlève le droit d'appel. Alors, ça m'apparaît être deux justices, pour le moins, à ce niveau-là.

Et, surplus... Vous me permettrez, M. le ministre. C'est que, dans le projet de loi, on semble vouloir... On ne semble pas vouloir, on enlève le droit d'appel, mais on semble vouloir se réserver, à l'intérieur du même tribunal, un droit d'autorévision qui est pour le moins contestable, à l'article 149, paragraphe 3°, et on répond: Mais vous semblez oublier qu'il y a également le droit à la Cour supérieure. Mais n'oubliez pas que ni le droit d'autorévision ni l'évocation à la Cour supérieure ne sont des droits d'appel. Ce ne sont des appels ni un ni l'autre. Alors, on ne peut pas dire: On a comblé cette lacune-là de l'appel dont on a voulu soustraire le justiciable administratif où l'État est partie. Ça, ça m'apparaît fort important. Alors, il se sent souvent en déséquilibre, et on l'a privé d'un droit fondamental qui est l'appel, qui existe. C'est ça qui est important aussi.

M. Bégin: Mais vous n'êtes pas sans savoir qu'à la Commission des affaires sociales il entend un volume d'affaires qui n'est peut-être pas, en termes de montant, aussi élevé, mais qui, pour les gens, est certainement aussi important; 25 000 $, pour quelqu'un qui fait 100 000 $ par année, c'est important, mais, pour quelqu'un qui a pour gain uniquement l'aide... ou pas d'aide sociale, c'est assez important aussi. Dans la Commission des affaires sociales, il n'y a pas d'appel, il n'y en a pas non plus à la CALP, et les tribunaux supérieurs, qui sont la Cour d'appel et la Cour suprême, ont reconnu et le fait qu'il n'y ait pas d'appel et des processus semblables à celui de l'article 149, que l'on retrouve actuellement à l'article 24 de la Loi sur la Commission des affaires sociales et qui ne créent pas de problème.

Je comprends, il faut soulever que le droit d'appel, c'est un droit que le législateur peut donner; il n'est pas obligé de le donner. D'ailleurs, à la Cour du Québec, il n'existe pas, pour les montants inférieurs... C'est 30 000 $, la dernière fois qu'on l'a remonté, à l'automne de l'an passé, et c'était à 15 000 $ auparavant, et il n'y a pas de droit d'appel, et ce n'est pas, en soi, une injustice. On peut penser qu'on devrait peut-être en avoir un, mais d'autres disent non. Il n'y en a pas actuellement. Alors, il faut, je pense, pondérer l'action de dire qu'on peut avoir un droit d'appel, qu'on souhaite qu'il n'y en ait pas un, et de ne pas, à mon point de vue, aller au point de dire qu'il s'agit d'une injustice que de ne pas en avoir.

M. St-Hilaire (Michel): Alors, on dit qu'il s'agit d'une disparité entre ce qui existe devant la justice ordinaire et celle-ci. On a eu l'impression, M. le ministre, qu'en créant cette autorévision d'office le législateur avait l'intention d'accorder un remède au justiciable.

M. Bégin: Si j'ai compris, il y a deux solutions: l'appel puis l'autorévision, comme vous l'appelez.

M. St-Hilaire (Michel): Non, mais, je veux dire, je parle de mode de correction de jugement.

M. Bégin: Oui. Mais il faut comprendre que, pour tout le monde, y compris pour les tribunaux supérieurs, jusqu'à aujourd'hui, on a reconnu que la justice administrative avait un caractère particulier, que ce n'était pas une justice judiciaire, si vous me permettez cette expression-là, et le choix du législateur – pas aujourd'hui, là, depuis toujours – a été de faire une justice différente de celle qui existe devant les tribunaux judiciaires. C'est un choix qui remonte à longtemps et qui s'exprime dans je ne sais pas combien de lois. Donc, c'est un choix volontaire, ce n'est pas une erreur de parcours, et ça s'est retrouvé dans tous les organismes créés au cours du temps. Et si on veut recréer, dans le système administratif, le système judiciaire, bien, là, je pense que je serais de ceux qui diraient: Plutôt que d'avoir deux systèmes parallèles mais qui sont pareils, c'est mieux d'en avoir un seul. Mais ce n'est pas le choix que nos législateurs antérieurs ont fait et ce n'est pas non plus ce que le projet de loi n° 130 prend.

Le Président (M. Sirros): Un autre commentaire avant de passer à une autre question du député de Chomedey?

M. Mulcair: Je voulais juste résumer brièvement. Je pense que les membres de la Conférence ont très bien résumé leurs propos. Ils ont dit, par exemple, qu'il n'y a aucune des études ou aucun des rapports ou aucune des recommandations qui ont été faits d'une manière globale sur la justice administrative qui ont abouti à cette conclusion que l'on voit dans le projet de loi n° 130, ceux qui ont évacué le droit d'appel. Par ailleurs, on est en train d'ériger en système ce manque d'appel, même si le ministre peut nous citer des cas où, à l'heure actuelle, le seul recours, c'est un recours en évocation. Je ne sais pas si vous étiez là tout à l'heure, mais on a dit, lors de la discussion avec l'avocat de la Centrale de l'enseignement, que c'est sûr que, si on dit que, d'une manière générale, la règle, c'est qu'il n'y a pas d'appel, c'est final, les juges de la Cour supérieure vont regarder ça avec une autre optique. Ils vont être plus ouverts. C'est sûr! C'est la nature humaine. Oublions les questions des Chartes. Il y a des facteurs objectifs, mesurables, comme ça, mais il y a aussi des facteurs subjectifs qui entrent en jeu dans un cas comme celui-là, et je pense qu'on est tous capables de l'apprécier.

Le ministre vient de dire que la justice administrative n'est pas une justice judiciaire. J'en conviens. Ça serait nier, justement, la spécificité de la justice administrative. Mais, dans la mesure où on est en train d'imiter le judiciaire avec le système que l'on propose avec le 130, il faut réaliser que ça prend des recours. Les recours vont s'exercer, et ils vont s'exercer où? Devant la Cour supérieure. Je persiste à dire que c'est une ironie que le ministre de la Justice du Parti québécois, qui est en train d'instaurer une nouvelle institution québécoise, se rabatte sur les juges de la Cour supérieure nommés par le fédéral pour décider quelle forme donner à cette nouvelle institution là. Il eût fallu, à notre sens, avoir la sagesse démontrée par les membres de la Conférence des juges aujourd'hui et dire: Écoutez, vous devez avoir appel, révision, recours; beaucoup plus logique que ce soit devant les juges de la Cour du Québec.

M. Bégin: Alors, merci infiniment.

Une voix: M. le ministre...

M. Bégin: Et je vais dire qu'on aurait fait ça s'il y avait eu 50 000 votes de plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): En tout cas, M. le ministre, j'étais pour vous dire que votre temps était écoulé; j'aurais dû réussir avant! Avez-vous une réplique ou un commentaire pour clôturer?

(16 heures)

M. Cadieux (Gilles): Mais, 30 secondes, je voudrais juste laisser la commission avec deux questions que je lui pose, et ça concerne le tribunal d'expropriation, parce qu'on en a très peu parlé dans les échanges. La compétence de la Chambre de l'expropriation de la Cour du Québec a été reconnue par tous les gens qui y ont été, que ce soient les justiciables, les praticiens qui y plaident et le public en général, et son expertise et son efficacité ont pu être revérifiées depuis la réforme de 1973; ils ont atteint un niveau élevé qu'il sera difficile de retrouver dans les nouvelles structures du Tribunal administratif.

Je vous pose deux questions que je pose aux gens en général. Pourquoi faut-il écarter un système qui a fait ses preuves, qui fonctionne avec efficacité et qui bénéficie de l'expertise et de l'expérience acquises, en somme, un système qui fonctionne bien, pour y substituer une organisation dont on ignore si elle sera en mesure de disposer des réclamations des citoyens en matière d'expropriation avec un même niveau de qualité pour le citoyen, le public? Il nous semble évident que les citoyens ont peu à y gagner mais beaucoup à y perdre.

Deuxième question. Pourquoi faut-il écarter, en matière d'expropriation, des juges qui présentent de solides garanties d'indépendance et, partant, d'impartialité pour les remplacer par des membres d'un tribunal administratif dont l'indépendance est gravement compromise en raison de leur statut précaire? Sous cet aspect, nous avons déjà... Ce n'est pas une question qu'on se pose, on a déjà la certitude que les citoyens n'y gagneront rien mais y perdront la garantie d'indépendance et d'impartialité que leur assure la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Alors, je vous demande de réfléchir à ces deux questions-là avant de...

Le Président (M. Sirros): Sur ces paroles, on vous remercie, au nom de tous les membres de la commission, pour votre présentation et les échanges intéressants que nous avons eus. La commission va suspendre ses travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Pinard): Alors, j'inviterais maintenant les parlementaires à bien vouloir prendre place. Nous allons poursuivre nos travaux. La commission reçoit maintenant le groupe de membres et d'assesseurs de la Commission des affaires sociales. Alors, je vous demanderais de vous identifier pour les fins du Journal des débats . Et, immédiatement, nous allons fixer les règles du jeu: alors, 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, qui sera discuté par l'opposition pendant 20 minutes et par le parti ministériel également pendant 20 minutes. M. le président.


Groupe de membres et d'assesseurs de la Commission des affaires sociales

M. Wurtele (Jean-Georges): Alors, mon nom est Georges Wurtele. J'aimerais vous présenter la délégation de la Commission des affaires sociales. Il s'agit, à ma droite, de Me Robert Cloutier; à ma gauche, de Me Jean Hérard; à mon extrême gauche, de Me Elaine Joly-Ryan; et, aux premières banquettes, du Dr Jean-Yves Larochelle et de Mme Julie Masson.

Alors, la Commission des affaires sociales est le plus ancien des tribunaux visés par la réforme. Elle compte 20 ans d'expérience. Les trois membres ici... trois des membres mâles ici, assis, comptent plus de 15 ans chacun. Alors, nous voulons...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Wurtele (Jean-Georges): Alors, vous savez comment ça nous intéresse, hein.

M. Bégin: ...vous êtes périmés.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Wurtele (Jean-Georges): On s'est demandé si on devait rembourser les cinq ans de trop qu'on avait faits.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Wurtele (Jean-Georges): Nous voulons, compte tenu de notre expérience, apporter notre humble collaboration pour l'évolution de la justice administrative.

Alors, je cède la parole à Me Jean Hérard, qui vous fera un bref exposé surtout sur la question des nominations et des renouvellements de mandat, ce qui nous touche de plus près. Merci.

M. Hérard (Jean): Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, merci d'abord pour votre invitation. Nous sommes ici au nom de la presque totalité des membres et assesseurs de la Commission des affaires sociales, premier tribunal administratif d'appel du Québec, constituée, comme le disait mon collègue, en 1975. Nous avons déjà, au sein de cette Commission, accumulé une solide expérience de la pratique de la justice administrative de dernier ressort et nous croyons être en mesure d'apporter une contribution constructive aux travaux de cette commission parlementaire.

L'opportunité d'une réforme de la justice administrative est affirmée depuis plus de 20 ans et d'innombrables rapports furent déposés à ce sujet. Le dépôt du projet de loi n° 130 sur la justice administrative témoigne d'une volonté de procéder enfin à cette réforme attendue depuis deux décennies, et nous tenons, d'abord et avant tout, à saluer cette volonté. De plus, nous souscrivons pleinement aux grands principes retenus par le projet de loi, soit le désir d'affirmer la spécificité de la justice administrative et la volonté d'en assurer la qualité. En fait, au risque de désobliger les intervenants antérieurs, nous interprétons le projet de loi comme constituant un tribunal administratif d'appel général, lequel s'imposera comme tribunal général de l'ordre administratif québécois, comme le fait la Cour du Québec pour ce qui est de l'ordre judiciaire.

Nous voyons, non sans une certaine fierté, dans le choix de constituer ce nouveau tribunal un témoignage de satisfaction à l'égard de la qualité du travail accompli par les organismes administratifs qui le constitueront et dont il prendra la relève.

Pour pouvoir répondre aux attentes que justifient les énoncés de principe du projet de loi, le Tribunal administratif du Québec devra être en mesure de livrer une justice de haute qualité, comparable à celle que l'on est en droit d'attendre des tribunaux judiciaires.

De plus, le TAQ devra être en mesure de pouvoir recruter et conserver à son service des adjudicateurs de calibre qui y sont recrutés. La qualité de la justice que peut livrer un tribunal, c'est une donnée qui peut être mesurée. Elle se mesure à partir des garanties fondamentales conférées aux justiciables québécois par l'article 23 de la Charte québécoise des droits. Cet article donne aux citoyennes et aux citoyens du Québec et à tout justiciable le droit à une justice indépendante et impartiale. La capacité du Tribunal de recruter et de garder à son service des adjudicateurs compétents, ça aussi, ça peut se mesurer, particulièrement en examinant l'effet pratique des modalités de renouvellement des personnes en question.

Cette double démarche de mesures est au centre de notre réflexion. Nous étudierons ici les modalités de renouvellement énoncées aux articles 51 et 52 du projet de loi en tentant de déterminer si ces modalités sont bien à la hauteur des principes énoncés. Permettent-elles d'en arriver à une justice indépendante et impartiale? Permettent-elles au Tribunal de recruter et de conserver ses adjudicateurs dont la compétence s'est confirmée? La réponse à ces questions se trouve aux articles 51 et 52 du projet de loi. Nous soumettons avec respect que cette étude permet de constater que, dans leur libellé actuel, l'une comme l'autre de ces dispositions ne parviennent malheureusement pas à répondre à cette demande, et ce, tant en ce qui concerne le droit des citoyennes et citoyens du Québec à une justice indépendante et impartiale que la capacité du Tribunal de conserver de bons adjudicateurs. Et voici maintenant pourquoi.

Le régime choisi pour encadrer la carrière des membres du Tribunal administratif du Québec diffère de celui retenu pour les tribunaux judiciaires, soit l'inamovibilité. Il diffère également de celui généralement applicable aux fonctionnaires appelés à rendre des décisions qui, par la suite, seront portées en appel devant le TAQ, ces fonctionnaires bénéficiant généralement de la sécurité d'emploi prévue par la Loi sur la fonction publique.

Pour les membres du TAQ, le régime retenu repose d'abord sur un recrutement sévère qui est, en fait, il faut le noter, au moins aussi exigeant que celui requis pour les juges de la Cour du Québec. Ce régime repose ensuite sur l'octroi de mandats renouvelables aux cinq ans jusqu'à concurrence d'un maximum de 15 ans. Concernant cette limite du 15 ans, nous nous en tiendrons à indiquer que nous partageons les réserves et les critiques déjà formulées par des intervenants antérieurs.

Celui qui devient membre du Tribunal administratif du Québec et qui, pour ce faire, abandonne sa carrière antérieure s'attend et a le droit de s'attendre à ce que, s'il fait preuve de compétence et d'efficacité, il puisse faire carrière au Tribunal. Il se soumet, par contre, à la règle du jeu établie par le projet de loi, à savoir qu'aux cinq ans sa prestation professionnelle sera revue pour décider soit de l'écarter, soit de le maintenir en fonction.

La procédure de renouvellement est prévue à l'article 52 du projet de loi et aux articles 25 et 16 de l'avant-projet de règlement. L'article 16 énonce des critères qu'il y aurait lieu de préciser et de restreindre mais qui, grosso modo, sont liés à la compétence du membre du Tribunal, ce qui est conforme à la logique du système. L'article 25 du projet de règlement, lui, ne l'est malheureusement pas. En fait, il vient déroger à cette logique. En fait, il vient préciser que la décision de renouveler ou non est prise non seulement en fonction de la compétence du membre en cause mais aussi en fonction de, et je cite, «l'opportunité de favoriser la présence de nouveaux membres». C'est le critère du sang nouveau qui devient ainsi une cause de mise à pied.

Ceci, à notre avis, est de nature à discréditer l'ensemble du processus de renouvellement. On peut rechercher d'un membre du Tribunal en fin de mandat qu'il soit compétent, qualifié, intègre et efficace et on peut décider de son sort en fonction de sa compétence. Mais l'on ne peut requérir de lui, pour le maintenir dans ses fonctions, qu'il soit quelqu'un d'autre. Personne ne peut être quelqu'un d'autre.

(16 h 20)

Intégrer comme facteur de décision sur le sort du membre du Tribunal un facteur totalement étranger à son travail et auquel il est impossible pour lui de satisfaire a pour effet de remettre en cause tant le processus de sélection que de renouvellement des membres du Tribunal et soulève de lourdes questions. Par exemple, en quoi une telle situation se distingue-t-elle de l'arbitraire? Pourquoi recruter si strictement les membres du Tribunal dans un tel contexte? Pourquoi le Tribunal investirait-il dans leur formation? Pourquoi y aurait-il des critères d'évaluation de compétence si, en fin de mandat, la question qui se pose n'est pas celle de savoir si le membre en renouvellement est compétent mais celle de savoir si on peut mettre un terme à son emploi au seul motif qu'il serait approprié de le remplacer par quelqu'un d'autre? Pourquoi écarter aussi légèrement, enfin, le travail et l'expérience accumulés par le membre en question?

S'il n'y avait qu'une chose à retenir de notre intervention d'aujourd'hui, ça devrait être celle-ci: un système de renouvellement aux cinq ans, qui, notons-le, est déjà fort exceptionnel dans le cadre de l'exercice de fonction de membre d'un tribunal, ne peut être crédible et garantir l'atteinte des principes de base du projet de loi que dans la mesure où la décision de renouveler ou non n'est prise qu'eu égard à la compétence et à l'efficacité professionnelles de ce membre à l'exclusion de tout autre élément. Tout facteur étranger à celui de la compétence, et notamment celui évoqué à l'article 25 du projet de règlement, tend à discréditer le système. C'étaient nos réflexions sur l'article 52 du projet. Voyons maintenant l'article 51, qui, lui aussi, appelle certains commentaires.

Cet article indique ce qui se passe une fois que le comité de renouvellement a terminé son étude et soumis son rapport. L'article 51 nous informe alors qu'au cas de non-renouvellement un agent habilité doit notifier le membre du Tribunal dudit non-renouvellement. Mais l'on doit constater qu'aucun lien nécessaire n'est établi entre l'examen du renouvellement, d'une part, et l'annonce du non-renouvellement, d'autre part. Ainsi, l'on ne peut affirmer, compte tenu du libellé actuel du projet, qu'un rapport recommandant un renouvellement liera l'agent habilité, à l'article 51. L'on doit aussi constater que le membre évincé du Tribunal après cinq ou 10 ans de service ne se voit pas reconnaître le droit de savoir pourquoi il n'est pas renouvelé, le rapport du comité n'ayant pas à être joint à sa notice de mise à pied, d'où atteinte manifeste à la transparence attendue du processus, selon nous. Ces éléments additionnels viennent approfondir notre conviction relativement à l'incapacité de ce mécanisme de satisfaire aux deux objectifs énoncés précédemment.

Si la formule des mandats renouvelables est retenue, contrairement à ce que préconisent plusieurs intervenants qui se sont déjà adressés à cette commission, il faut noter que, même dans le cadre de cette formule, il apparaît concevable d'en arriver à un mécanisme acceptable, et ce, sans bouleverser pour autant le projet de loi. Ce mécanisme devrait nécessairement tenir compte de l'importance du Tribunal, des obligations liées à son devoir de rendre une justice indépendante et impartiale, du sérieux du mécanisme de sélection en cause et de la possibilité pour le Tribunal de conserver ses éléments valables et compétents. Un non-renouvellement ne devrait être décidé par le comité de l'article 52 que pour cause prévue à la loi et liée à l'incompétence du membre qui se trouve en fin de mandat. D'autres clauses comportent déjà d'autres mesures, soit l'inconduite, qui est source de destitution, et le fait pour un membre de perdre sa qualification, qui peut l'amener à être démis.

Le rapport et la décision du comité de l'article 52 devraient lier l'agent habilité et, au cas de non-renouvellement, ce rapport et cette décision motivée devraient accompagner la notice de son non-renouvellement. Enfin, un membre ainsi notifié de son non-renouvellement pour cause devrait pouvoir en appeler de cette décision devant un forum impartial. De telles modifications au mécanisme de renouvellement apparaîtraient susceptibles de restaurer la crédibilité du système et de permettre au Tribunal administratif du Québec de jouer son rôle de tribunal de dernier ressort de l'ordre administratif à l'abri de tout questionnement ou de contestation judiciaire. Le projet de loi n° 130 ainsi bonifié pourrait alors, à cet égard comme aux autres, être considéré comme un important pas en avant tant pour les justiciables que pour la justice administrative québécoise elle-même. Merci.

Le Président (M. Pinard): Oui, M. le président. En complémentaire?

M. Wurtele (Jean-Georges): Oui, s'il me reste un peu de temps, je pense, sur les 20 minutes. Je voudrais faire des commentaires sur la discussion que j'ai entendue tantôt sur le droit d'appel. Je voulais juste relever qu'il y a certaines inexactitudes qui ont été dites tantôt. En fait, le droit d'appel, sur la section économique, continue à exister; il est simplement transféré de la Cour du Québec au TAQ; le droit d'appel ne part pas. Et, en ce qui concerne la Commission des affaires sociales, il n'y a jamais eu de droit d'appel. En ce qui concerne la CALP, comme vous l'aviez soulevé, M. le ministre, il n'y a jamais eu de droit d'appel. En ce qui concerne le territoire agricole, il continue à exister. En ce qui concerne, également, la CAS et la CALP, il faut dire que ce sont des tribunaux d'appel, déjà. Il y a déjà eu deux instances qui se sont prononcées et c'est la première fois que les gens se prononcent d'une façon que je qualifie, moi, de judiciaire. Mais il n'y a jamais eu de droit d'appel de ces décisions-là et jamais personne ne s'est plaint de ça.

Le Président (M. Pinard): Quelquefois, on peut considérer que c'est malheureux que la Conférence des juges ne soit pas présente.

M. Wurtele (Jean-Georges): Et j'ajouterais qu'il n'y a pas beaucoup de différence sur la compétence entre un avocat de 10 ans qui est nommé au TAQ et un avocat qui est nommé à la Cour du Québec. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): De par vos propos, on sent que vous êtes en train de vous préparer pour le futur concours qui va être sûrement...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Wurtele (Jean-Georges): Mais, après 15 ans, il paraît qu'on n'est plus éligible. On est trop vieux. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Alors M. le ministre.

M. Bégin: Alors, je voudrais vous remercier, Mmes et MM. les membres de la Commission, pour votre mémoire. Je pense que vous soulevez la question qui est peut-être la plus directe, qui vous concerne le plus, et je voudrais vous dire une chose d'entrée de jeu: on ne sait pas ce qui arrivera dans le futur, mais, en ce qui concerne les choses de transition, il est bien évident que, si le projet de loi était adopté dans sa facture actuelle, les personnes qui sont là partiraient avec un compteur à zéro et non pas un compteur à 18 ans ou à 19 ans ou à 20 ans.

Ceci étant dit, je me sens un petit peu mal à l'aise quand j'entends l'argumentaire qui tourne autour de cette question du 15 ans, du renouvellement, du non-renouvellement. Si vous me permettez, je vais donner quand même quelques données de départ pour comprendre.

On entend souvent: Oui, c'est correct que les gens soient nommés pour cinq ans; oui, c'est correct que le mode de sélection qui est prévu par le règlement fonctionne bien, devrait permettre de recruter des gens compétents, rencontrant les critères que l'on exige d'un décideur aussi important, le processus étant considéré comme étant transparent. Et je parle au niveau du mode de sélection. On dit donc: Ça va bien, généralement, je parle.

Lorsque arrive le renouvellement, là, il y a un problème qui se pose. On dit: Écoutez, d'une part, il y a l'insécurité, il y a aussi la possibilité qu'on ne soit pas réengagé et, en plus, on a un terme de 15 ans. Je vous avoue que, quand j'entends les arguments, je les divise en deux parties. D'une part, c'est le droit des personnes qui sont là de continuer à avoir l'emploi. Pas l'indépendance judiciaire, pas le fait – parce que la personne pourrait être renouvelée ou non renouvelée, comme on a entendu de la part de certains – à la fin de son mandat, de se sentir insécure face à l'administration et dire: Je ne connais pas l'issue, donc je vais commencer à faire changer un peu mes décisions. Mais il y a deux notions qui sont là: c'est la notion de l'indépendance, d'une part, et la notion du droit de la personne qui a un emploi d'être renouvelée dans cet emploi-là, et c'est ce volet-là qui me pose un problème.

Quand une personne est engagée dans un processus et qu'elle a accepté la règle au départ, à moins qu'on la traite tout à fait cavalièrement, mais, si elle accepte que son mandat est renouvelable et qu'elle pose sa candidature et qu'elle se fait sélectionner dans ce terme-là, j'ai un peu de misère à dire que c'est injuste qu'au bout du processus la personne ne puisse pas voir son emploi se terminer. Parce que c'est comme si je disais: Je vous engage pour 15 ans... personne ne va dire: Ce n'est pas normal... c'est anormal qu'on mette un terme au contrat et qu'on ne renouvelle pas pour 15 ans. Le contrat, il est pour 15 ans. Le contrat, dans ce cas-ci, c'est cinq ans, renouvelable, possiblement, selon certaines règles. Il me semble que, quand on pose cette donnée-là, c'est, à mon point de vue, le droit à l'emploi ou pas.

(16 h 30)

Mais c'est bien différent, cette question-là, de savoir si une personne qui n'est pas renouvelée ou qui sent qu'elle est à la veille du renouvellement va être questionnée dans son impartialité ou son indépendance. Je vous avoue que, en vous entendant, je ne savais pas lequel des deux primait. Est-ce que c'était le droit à l'emploi ou le droit à l'indépendance? Parce qu'on peut facilement dire: Pourquoi, si c'est bon de le renouveler indéfiniment et qu'il n'y a plus de problème, alors qu'il y a un problème si on arrête le processus? Puis pourquoi les gens... Si on lançait une mise en candidature aujourd'hui pour 20 postes à la CAS ou 20 postes à la CALP et qu'on faisait une annonce publique avec des critères comme ceux qu'on a, je pense qu'on aurait quelque chose comme 2 000 ou 3 000 applications, et certainement que les personnes qui seraient nommées accepteraient les règles qui sont là. Pourtant, je sais que, dans 10 ans, elles me diraient – et c'est un peu ce que j'entends de vous et d'autres aujourd'hui – Bien là, écoutez, on devrait être renouvelés parce que nous sommes compétents. On ne dit pas «parce que le justiciable ne voit pas des décisions indépendantes». Voyez-vous, vous plaidez pour vous, personnellement – ce qui est absolument légitime, on se comprend, là – et non pas sur... et c'est ça que je trouve un peu questionnant. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Pinard): M. Hérard.

M. Hérard (Jean): Oui. Vous avez raison de faire cette distinction, M. le ministre, mais, dans les faits et dans la pratique, la distinction devient beaucoup plus difficile à faire. Le choix qui a été fait dans le cas des tribunaux judiciaires est celui de l'inamovibilité. Quelqu'un qui est nommé devient intouchable jusqu'à sa retraite. Le choix qui est fait ici est de prévoir des mandats d'une durée déterminée avec un mécanisme de renouvellement. Lorsqu'on parle d'indépendance et d'impartialité, on parle également de crédibilité du système et de pressions qui peuvent être exercées sur les gens au moment du renouvellement. Ce que nous vous avons soumis, c'est que... Évidemment, le système idéal est celui qui existe actuellement dans l'ordre judiciaire, et notre prétention n'est pas de requérir ce système pour ce qui est des tribunaux administratifs. Cependant, la crédibilité du système, vue de l'oeil du justiciable raisonnablement bien informé qui a à s'interroger sur l'impartialité de la justice qui sera rendue, selon le test prévu à l'article 23 de la Charte des droits et libertés, cette impartialité se mesure, selon nous, à la transparence des modalités applicables au niveau des renouvellements.

Si l'on a un système qui prévoit au départ la nomination de personnes de haute compétence, qui s'assure de leur compétence périodiquement et qui lie la décision prise concernant ces individus à ladite compétence, on pourrait penser qu'un citoyen généralement bien informé estime que ceci se situe dans les limites permettant d'atteindre une justice impartiale. Si, par contre, à la fois pour le citoyen en question ainsi que pour ceux qui ont à administrer le système de justice qui va être créé, des éléments autres que ceux liés à cette compétence et totalement hors du contrôle des membres du tribunal ou de l'institution elle-même interviennent, les craintes liées à cet élément arbitraire vont être présentes à la fois chez celui qui rend la décision et chez celui qui aura à évaluer sa possibilité de recevoir une justice impartiale dans la période critique où le renouvellement d'un mandat approche. Ainsi, il nous semble que ces deux éléments-là sont loin d'être dissociables.

Le Président (M. Pinard): M. le président, peut-être en complément de réponse.

M. Wurtele (Jean-Georges): Oui.

Le Président (M. Pinard): Brièvement, pour essayer...

M. Wurtele (Jean-Georges): Oui, très brièvement. M. le ministre, personnellement, je me place à la place du citoyen. Je n'ai pas l'intention de continuer 15 ans après 20 ans. Je vais vivre sûrement un autre mandat, peut-être, mais mon travail en droit administratif achève. Je me mets simplement à la place du citoyen qui se présente devant ce tribunal et qui conteste une loi du ministre qui va le renouveler dans un mois ou dans deux mois ou dans six mois, et qui demande de rendre un article inopérant. En tant que citoyen, croiriez-vous à une justice impartiale? C'est rien que ça.

M. Bégin: À supposer que j'accepte votre raisonnement...

M. Wurtele (Jean-Georges): Oui.

M. Bégin: ...depuis 20 ans, ça s'est produit.

M. Wurtele (Jean-Georges): Mais il y avait des règles non écrites, M. le ministre, depuis 20 ans, qu'à chaque renouvellement nous étions renouvelés. Nous n'avons jamais eu de problème à la Commission des affaires sociales. Tout le monde était renouvelé sur recommandation du président. Deux personnes n'ont pas été renouvelées, et c'était sur recommandation du président également.

M. Bégin: Je n'ai pas le contenu de chacune des décisions qui ont pu être prises depuis tout ce temps-là, mais il reste qu'il y a eu quand même ce même mécanisme. Que, dans les faits, il y en ait eu ou pas, quant à la perception des choses, ça ne dépend pas de ça, parce que le citoyen ne le sait pas. Le mécanisme que l'on connaît du renouvellement est, lui, connu depuis toujours et, pourtant, personne n'a dit, à ce que je sache, qu'il y avait là un problème.

Par ailleurs, je soulevais la différence en ce qui concernait le droit à l'emploi et le droit à l'indépendance. En quoi le fait, par exemple, de dire que si une personne n'est pas renouvelée et qu'elle a un droit d'appel, en quoi ça donnerait plus confiance dans l'impartialité ou l'indépendance et en quoi, si, par exemple, on dit qu'on accepte que, dans un système que l'on prévoit ne pas être celui de l'ordre judiciaire, donc à vie, il faut avoir des modalités... On ne peut pas être à la fois à vie et ne pas l'être. Il faut donc des modalités. Si on le prévoit, qu'on dise également – je donne un critère qui pourrait être fixé de manière très objective – par exemple, que, sur cinq ans, au moins 20 % des membres qui arrivent à renouvellement ne le seront pas, pour une raison qui ne dépend d'aucune façon de la compétence, mais purement et simplement du fait qu'on veuille, comme responsables de l'administration, changer, avoir des personnes qui sont compétentes mais qui sont plus jeunes. Et là je mets un critère qui m'apparaîtrait – c'est pour les fins de la discussion que je fais l'exemple, vous comprenez bien... C'est pour dire: Vous voulez renouveler les groupes pour éviter qu'après un certain nombre d'années on se retrouve avec des gens qui sont là depuis 20 ans, 25 ans, compétents, mais on n'a peut-être pas le renouvellement qu'on peut espérer dans tout organisme et dans tout fonctionnement, parce que ça existe. Vous êtes là depuis 20 ans, depuis le début, puisque la CAS a le même âge que vous ou à peu près. Donc, on ne peut pas avoir des gens qui ont plus d'expérience, mais continuons l'expérience sur la règle que vous venez de mentionner. Dans 15 ans, il y aura encore une très grande majorité des gens qui vont être là. Donc, en principe, on a un groupe qui vieillit. On pourrait dire: On souhaite changer ça et avoir, mettons, 20 % de sang neuf. Sur cette base-là, quel est l'argumentaire que vous pouvez faire?

Le Président (M. Pinard): On vous écoute, M. le président.

M. Hérard (Jean): Vous savez, M. le ministre, ce besoin de ressourcement ou de sang neuf s'exerce déjà et peut s'exercer par le simple fait du vieillissement des gens. À la Commission des affaires sociales, dans les deux ou trois prochaines années, plus d'une dizaine de personnes atteindront l'âge de la retraite et laisseront sans problème la place à du sang nouveau. L'imposition d'un quota additionnel à ce phénomène naturel ne nous semble pas d'un...

M. Bégin: Je ne suggère pas...

M. Hérard (Jean): ...intérêt manifeste.

M. Bégin: Je disais, pour les fins d'une discussion, qu'on n'a pas un renouvellement automatique formel et qu'on pourrait avoir comme considération quelque chose qui est celui-là – ou un autre qui ne me vient pas à l'esprit du tout – c'est simplement pour les fins de la discussion, pour dire que si on dit que la personne n'est pas... selon bonne conduite et que là on a un système de renouvellement, est-ce qu'on peut prévoir qu'il y a des considérations autres que simplement de dire que la personne est là, elle devra être là si elle est compétente? Est-ce que quelqu'un peut dire: Nous croyons qu'il y a d'autres éléments qui doivent être mis dans la balance et, en conséquence, ne pas renouveler une personne même si elle est reconnue comme étant compétente?

Le Président (M. Pinard): Mme Masson aimerait peut-être intervenir?

Mme Masson (Julie): Oui. Écoutez, on entre dans un terrain qui est très, très délicat, celui de l'intérêt pour quelqu'un pour un travail et de l'intérêt de l'employeur d'engager quelqu'un. Je suis tout à fait d'accord avec vous présentement, où, si on ouvre un poste d'adjudicateur administratif, on va immédiatement avoir au moins 2 000 à 3 000 personnes qui vont faire application, poser leur candidature pour ce poste-là. Mais ça ne veut pas nécessairement dire que vous allez obtenir les services et la compétence que vous désirez obtenir de chacune de ces personnes-là. Et peut-être même que, si vous faites l'exercice, vous allez considérer qu'il n'y a peut-être pas tant de gens qui peuvent exercer le poste à votre satisfaction.

M. Bégin: Et qui rencontreraient les critères, là.

(16 h 40)

Mme Masson (Julie): Il y a beaucoup de gens au Québec qui sont avocats mais qui n'ont pas travaillé dans le domaine.

M. Bégin: Non. Je parlais de rencontrer les critères, pas 2 000, 3 000 personnes qui seraient incompétentes. Je parle de personnes...

Mme Masson (Julie): Oui, mais si, déjà, au Québec, présentement, on limite à des gens qui auront l'expérience et puis les 10 ans de... Déjà, je ne pense plus qu'on atteindrait le 2 000, mais...

M. Bégin: Je penserais.

Mme Masson (Julie): ...si on possède une perspective de qualité... Parce que j'imagine que vous voulez... On veut créer un nouvel organisme, on veut donc le valoriser, on veut lui donner une crédibilité, on ne veut pas que ce soit un «kangaroo court»... Alors, les gens qui vont être nommés, c'est eux qui vont porter l'organisme. Et puis si vous voulez que ces gens-là soient de qualité puis s'intéressent au travail, les années qu'ils vont pouvoir y travailler, c'est d'une importance primordiale. Parce que, là, entre l'État qui remplit le décret concernant une personne, ce qu'il y a, c'est un «gentlemen's agreement». Il faut bien traiter, d'une certaine façon, ces gens-là, parce qu'ils sont extrêmement autonomes. Ils doivent travailler avec leur jugement, essentiellement, voir toutes les... Vous parliez tout à l'heure de problèmes d'aide sociale. C'est vrai qu'un seul problème d'aide sociale pour un assisté social, le montant peut être limité dans le temps, mais si on transporte le principe qui est établi dans un cas à tous les assistés sociaux, bien, le montant qui est en jeu est considérablement différent. Alors, le nombre d'années où les gens peuvent exercer comme adjudicateurs est important justement dans cette conception de «gentlemen's agreement» entre l'employeur et l'employé à cause de l'autonomie que requiert l'emploi.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme Masson. Une dernière question du côté ministériel. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Alors, ce sera une question à deux volets...

Le Président (M. Pinard): Il reste 1 min 30 s.

M. Jutras: Ma première question, c'est de... C'est parce qu'on a entendu beaucoup de choses. Je voudrais savoir qu'est-ce qu'il en est des délais présentement, les délais d'audition devant la Commission des affaires sociales?

Le Président (M. Pinard): M. Cloutier.

M. Cloutier (Robert): Oui, ça va me permettre de prendre la parole. Ça me fait plaisir. Écoutez, je ne suis pas un spécialiste des statistiques, mais, ayant prévu un peu votre question, M. le député, j'ai quelques données ici.

M. Lefebvre: Une question plantée.

M. Cloutier (Robert): Pardon?

M. Lefebvre: On appelle ça une question plantée, à l'Assemblée nationale.

M. Cloutier (Robert): Oui. Alors, je peux vous en livrer les grandes lignes. Vous savez qu'au niveau de notre Commission, qui existe depuis fort longtemps – pour un tribunal administratif, c'est quelque chose – on a un inventaire qui se calcule à tous les 30 juin de chaque année. Ce que je peux vous dire au niveau des délais, entre le moment où le dossier est inscrit, à notre niveau, au tribunal et celui où il est entendu, au cours des années 1992 et 1993, le délai était de 8,3 mois en moyenne et il est passé à 6,9 mois jusqu'à l'exercice financier 1994-1995. Maintenant, je suis honnête avec vous, vous savez que, la conjoncture économique étant ce qu'elle est en matière de sécurité du revenu, il y a une augmentation considérable du volume des appels, des dossiers, et que nous nous apprêtons à prendre des mesures particulières pour faire face à ce défi nouveau. Je crois que c'est irréaliste de penser qu'on va accroître le nombre de personnes qui composent notre Commission, mais il reste qu'on a des mesures concrètes à proposer pour faire face à cette croissance du volume. Quand on parle d'une projection, pour 1995-1996, de 13 495 dossiers en inventaire au 30 juin et qu'on peut parler de 8 000 dossiers qui rentrent au cours de l'année... Mais...

Le Président (M. Pinard): En accélérant.

M. Cloutier (Robert): Pardon?

Le Président (M. Pinard): En accélérant.

M. Cloutier (Robert): Oui. Bien, c'est ça. En accélérant, c'est ça. Alors, globalement, retenons que, six mois ou presque sept mois pour entendre un dossier d'appel, c'est actuellement la règle, là.

M. Jutras: O.K.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup.

M. Jutras: Est-ce que j'ai droit à mon deuxième volet?

Le Président (M. Pinard): Non. Je passe la parole immédiatement au député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Ah! c'est efficace, les présidents notaires. Je tiens à remercier les membres et assesseurs de la Commission des affaires sociales de nous avoir fait part de leur expérience et de leurs préoccupations, évidemment, face au projet de loi n° 130. Vous avez soulevé – et vous l'avez dit même dans vos remarques – bon nombre de points qui ont été touchés par plusieurs autres intervenants. Notamment sur la question de la reconduction des mandats, vous avez vraiment, à notre sens, bien résumé toute la problématique. Il est à notre sens inconcevable – si on va vers ce système vraiment centralisé, assez unifié d'une nouvelle institution de Tribunal administratif du Québec – comme vous le dites si bien, que les justiciables qui arrivent face à l'État, inévitablement, posent la question à savoir si ces gens-là ne subissent pas une influence quelconque. Je pense que si vous avez entendu certaines remarques formulées par les juges qui se sont présentés ici juste avant vous, ils expliquent par ailleurs que, dans tout le processus d'autorévision, qu'ils appelaient, il y a aussi des problèmes énormes qui se poseront. Alors, je crois que, dans un premier temps, je partage entièrement votre préoccupation concernant la reconduction et je pense, par ailleurs, que le ministre, par ses indications, commence à voir les difficultés que cela va poser.

Quant à l'appel, j'ai bien apprécié vos remarques, mais je ne les partage pas nécessairement, en ce sens que, oui, il est vrai qu'un juge qui serait nommé au Tribunal administratif du Québec n'aurait comme prérequis que d'avoir 10 ans d'expérience pertinente, et c'est vrai que c'est aussi ça pour un juge à la Cour du Québec. Toutefois, il me semble que, sur les questions de droit proprement dit, si on regarde la jurisprudence, il est correct de prévoir un droit d'appel à une instance qui ne soit pas partie du même ressort, de la même juridiction, de la même maison, de la même boîte, si on veut. Je crois que l'idée de former des bancs plus larges peut être intéressante dans la mesure où, et c'est assez difficile d'entrevoir physiquement comment ça peut s'organiser, mais de dire: Oui, on pourrait avoir un banc un peu élargi lorsqu'on aurait décidé d'avance que c'est un cas important. J'imagine que s'il y a une tendance jurisprudentielle qui se confronte à une autre, éventuellement, on pourra organiser un banc plus large pour entendre ces cas-là. Mais ce n'est pas un appel et ça ne règle rien. Je pense que les citoyens sont en droit de savoir que les gens qui sont là pour exercer une juridiction, une compétence en matière du droit judiciaire des tribunaux ordinaires peuvent être là pour réviser, et j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises.

Mais c'est vrai, le TAQ serait vraiment un tribunal, c'est une institution qu'on est en train de créer. Ça répond dans une large mesure... Il y a une génération de juristes, au Québec, qui disent: Mais, écoutez, il faut aller vers ça. Il y a eu étude après étude, rapport après rapport, et, comme la Conférence des juges l'a si bien dit avant vous, il n'y a personne qui a dit qu'il faut éliminer les appels. Je comprends ce que vous dites. À l'heure actuelle, il y a certaines instances où il n'y a pas d'appel. Il y a juste, comme seul recours, une évocation qui est possible. Dans d'autres instances, il y a un appel, à l'heure actuelle, à la Cour du Québec qui va se transformer en appel au TAQ. Mais il demeure quand même que ce qu'on est en train d'instaurer, c'est quelque chose qui imite largement la structure des tribunaux administratifs. Il est hermétique. Il se ferme avec ses propres règles, etc.

Et, pour l'application des règles du droit, je crois qu'on s'en va vers un problème, parce que, tout en partageant l'analyse à l'effet que c'est une décision législative et, donc, que la Charte ne joue pas là-dedans, je crois néanmoins qu'il est prévisible que la Cour supérieure va être beaucoup plus interventionniste. Elle n'a qu'à donner une interprétation plus élastique de la notion de compétence. Elle n'a qu'à donner une interprétation un petit peu plus élastique de la notion de «déraisonnabilité» pour arriver à intervenir, car ça répugne à nos principes de dire: C'est ce groupe-là, c'est cette structure-là qui va tout décider, et c'est final et sans appel, surtout quand c'est le citoyen face à l'État. A fortiori si les gens qui sont les décideurs là-dedans ne présentent pas les garanties d'impartialité et d'indépendance, car votre argumentation est solide là-dessus, la structure de reconduction évacue toute possibilité d'arguer qu'il s'agit là d'un tribunal qui possède ces attributs.

Ceci étant dit, j'aurais voulu savoir, justement sur le principe même de reconduction, si vous partagez l'analyse qui a été faite par le groupe qui était ici avant vous. Vous vous souviendrez sans doute qu'un des représentants de la Conférence des juges a fait remarquer: Nommer pour 15 ans sans possibilité de reconduction, au moins les règles sont claires au départ et cette possibilité que ça joue une influence indue serait évacuée. Est-ce que vous partagez cette partie de son analyse?

(16 h 50)

M. Wurtele (Jean-Georges): Écoutez, c'est certain que, s'il y a un mandat qui est plus long, 15 ans ou 20 ans, non renouvelable, on ne peut plus questionner, je pense, l'indépendance ou l'impartialité, parce que la personne qui adhérera au TAQ le sera. Sauf qu'une période de 15 ans, ça me paraît court dans une carrière, surtout si vous demandez aux gens d'avoir 10 ans d'expérience, vous les prenez à 35 ans et, à 50 ans, la personne s'en va dans la rue. Alors, c'est donc dire que les dernières années de son mandat, il cherchera à se reclasser quelque part devant les parties qui viennent devant lui. Ça m'apparaît clair, ça.

M. Mulcair: Ou encore une crainte que nous...

M. Wurtele (Jean-Georges): Je partage...

M. Mulcair: Oui.

M. Wurtele (Jean-Georges): ...votre... Je veux faire des commentaires sur vos commentaires.

Le Président (M. Pinard): C'est le préambule de la question.

M. Wurtele (Jean-Georges): Le TAQ... Si la section économique... Si vous souhaitez un appel à la Cour du Québec, ne créons pas la section économique, c'est déjà la Cour du Québec. Alors, ne mettons pas un palier de plus, ça ne donne absolument rien. Moi, je pense que le principal problème dans tout ça, c'est l'indépendance et l'impartialité des gens qui décident. Si, compte tenu de l'importance des décisions qui sont prises devant ce tribunal-là, vous garantissez l'indépendance et l'impartialité, vous n'avez pas besoin d'un appel, mais si l'indépendance et l'impartialité ne sont pas plus garanties que ça – et, M. le ministre, je pense que les renouvellements aux cinq ans, suivant les règles que vous avez mises, c'est complètement arbitraire – bien, si l'indépendance et l'impartialité ne sont pas plus garanties, à ce moment-là, ça prend évidemment un appel. Écoutez, c'est des décisions de 100 000 $, de 200 000 $, de 1 000 000 $. Je peux vous lire une lettre de la SAAQ qui a écrit à ses médecins: La CAS vient de refuser un appel d'un paraplégique. Nous venons de sauver 100 000 $ de rétroactivité et 1 000 000 $ pour les années à venir, à long terme. Ça, c'est pour un cas. Nous en rendons des centaines comme ça par année, des cas qui impliquent des milliers, des milliers et des dizaines et des centaines de milliers de dollars. Alors, pour le citoyen, comprenez l'importance de se présenter devant un juge impartial. Il me semble que ça saute aux yeux. Que ce soit également devant la CALP, que ce soit pour la section économique ou que ce soit pour le BREF, il me semble que, compte tenu de l'importance des enjeux, il est primordial d'assurer, M. le ministre, une indépendance aux gens qui vont siéger sur ce tribunal-là. Nous ne voulons pas que ce soit mur à mur comme les juges. Nous comprenons qu'à l'occasion...

Le Président (M. Pinard): Est-ce que je peux vous demander d'abréger quelque peu?

M. Wurtele (Jean-Georges): Oui. Nous ne voulons pas...

Le Président (M. Pinard): Là, vous êtes en train d'enlever le droit...

M. Wurtele (Jean-Georges): Excusez.

Le Président (M. Pinard): ...de parole à l'opposition.

M. Wurtele (Jean-Georges): J'arrête tout de suite.

Le Président (M. Pinard): Et on sait que vous partez dans un élan...

M. Wurtele (Jean-Georges): Merci.

Le Président (M. Pinard): ...extraordinairement bien structuré.

M. Cloutier (Robert): M. le Président...

Le Président (M. Pinard): Alors...

M. Cloutier (Robert): Avec votre permission, M. le Président...

Le Président (M. Pinard): M. Cloutier.

M. Cloutier (Robert): Oui, juste en complément de l'intervention du député Mulcair. Si on accepte le principe du 15 ans, on dit: Les règles sont claires. Mais je me suis interrogé personnellement sur la portée et l'intérêt d'attirer un candidat sérieux et compétent dans ces conditions-là. Si on lit, par exemple, l'article 62 du projet de loi, qui parle du régime de retraite applicable, je ne sais si vous le savez, mais, à 15 ans de service, une personne va avoir de la difficulté à avoir une retraite en vertu du RREGOP, Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. Ça m'apparaît être un cul-de-sac comme situation, parce que vous avez quelqu'un que vous attirez, qui va donner 15 ans, mais si, après ces 15 ans, il n'est pas admissible à la retraite parce qu'il n'a pas tout à fait l'âge requis pour être admissible au RREGOP, il se retrouve sans emploi, coupé depuis 15 ans des liens qu'il avait avec les bureaux d'avocats, les clients, etc., – dans la rue, presque – et sans même penser bénéficier d'une retraite, peut-être méritée, après 15 ans de service. Dans l'hypothèse où on dit: 15 ans, c'est clair comme règle du jeu, ça maintient les principes de l'indépendance, je pense qu'il faudrait à tout le moins songer à la portée de l'article 62 du projet de loi pour la possibilité de retraite.

Le Président (M. Pinard): Une complémentaire pour le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Je voulais juste dire, en rapport avec la dernière intervention de M. Wurtele, qu'une des craintes que nous avons à l'égard du 15 ans – oui, il décrit très bien le phénomène, puis c'est un test tout à fait non scientifique – j'ai parlé à plusieurs confrères de mon âge, puis tous disaient: Ça ne va pas, non? Quinze ans, à cette époque-ci de ma carrière, ça rime à quoi? Mais, plus important encore, je crois, les seules personnes qui vont vraiment trouver ça facile comme option – 15 ans, pas de possibilité après – c'est quelqu'un qui est déjà dans la machine. Il sort, il fait un cinq ans, 10 ans, 15 ans, peu importe, il peut réintégrer la machine. Deux problèmes: d'abord, on ne sait pas si c'est le seul bassin qu'on devrait avoir; l'autre problème, évidemment, c'est que, cette personne-là, je ne suis pas convaincu qu'elle va offrir toutes les garanties d'indépendance, parce que, même si ce n'est pas la faveur de la reconduction qui est en cause, c'est la faveur d'où on va atterrir lorsqu'on réintégrera la machine. Ça affecte aussi l'indépendance.

M. Wurtele (Jean-Georges): M. Mulcair, là-dessus, je partage complètement votre opinion et, à mon avis, un fonctionnaire qui est nommé sur ce tribunal-là devrait démissionner de la fonction publique.

M. Mulcair: Je partage votre point de vue.

M. Wurtele (Jean-Georges): Je ne vois pas pourquoi il y aurait deux genres de membres sur ce tribunal-là: ceux qui ont des garanties d'emploi et ceux qui n'en ont pas.

M. Mulcair: Je suis complètement d'accord avec vous là-dessus.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, madame et messieurs, moi, je suis extrêmement troublé par le témoignage que vous rendez cet après-midi, dans le sens suivant: c'est que vous parlez au nom des 47 assesseurs. J'ai calculé très rapidement, là...

M. Wurtele (Jean-Georges): Membres et assesseurs.

M. Lefebvre: Quarante-sept membres et assesseurs qui appuient le mémoire. Et vous dites de façon très claire que si, par hypothèse, M. le juge ne modifie pas... M. le ministre... Alors, je suis deux ans trop vite.

Le Président (M. Pinard): Postérieurement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre, je tiens à vous mentionner que c'est maintenant enregistré dans le Journal des débats .

M. Bégin: Si je ne fais pas un deuxième mandat, je n'aurai pas de retraite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Si, par hypothèse, le gouvernement et M. le ministre ne modifiaient pas le processus de nomination, que vous attaquez avec beaucoup d'agressivité, entre guillemets, dans le bon sens, vous dites très clairement au ministre que vous serez placés dans la situation où la justice au TAQ ne pourrait plus être rendue de façon impartiale et indépendante. C'est très grave, ce que vous dites. C'est très grave! Moi, c'est, j'oserais dire depuis quatre ou cinq jours, peut-être le témoignage le plus inquiétant que j'ai entendu, de sorte que si M. le ministre ne se rend pas au voeu exprimé par vous et par d'autres groupes, comment – et c'est ça, ma question – allez-vous... Autrement dit, s'il modifie 130 au niveau du processus... cinq ans, la durée de nomination... deux fois cinq ans, maximum 15 ans... S'il ne le modifiait que de façon accessoire, non satisfaisante pour vous, comment les membres et assesseurs vont-ils pouvoir, compte tenu du témoignage qu'on a entendu aujourd'hui, rendre, à partir de l'adoption de 130, une justice impartiale et indépendante, compte tenu de ce que vous avez dit? C'est très grave, ce que vous avez dit. Et, moi, dans un sens, je suis content de l'entendre. J'apprécie la franchise avec laquelle vous témoignez devant la commission des institutions, mais vous placez le ministre dans une situation telle qu'il n'a pas le choix de vous écouter, ou, vous et les membres que vous représenterez, vous devrez poser un geste. Vous êtes placés et vous serez placés dans une situation où vous ne pouvez pas, selon votre témoignage – je conclus là-dessus – rendre une justice impartiale et indépendante.

M. Wurtele (Jean-Georges): Je pense...

M. Lefebvre: Je ne sais pas comment on va se sortir de tout ça.

M. Wurtele (Jean-Georges): Je voudrais seulement faire un dernier commentaire. Je pense que le nombre d'appels accueillis, avec le projet de loi du ministre, va descendre considérablement. C'est mon opinion personnelle. Parce que les gens sont notés suivant... Il y a toutes sortes de choses qui se passent. Il faut connaître...

M. Lefebvre: ...allez-vous...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi. Pourriez-vous élaborer davantage, là, parce que...

M. Wurtele (Jean-Georges): Bien, parce que les gens vont avoir peur. Qu'est-ce que vous voulez! Nous rendons des décisions qui coûtent cher au gouvernement et on est renommés par le gouvernement. Alors, qu'est-ce que vous pensez que les gens pensent dans leur tête? Il faut revenir sur terre, il ne faut pas être déconnectés de la réalité. Qu'est-ce que vous pensez que les gens pensent? Quand on est notés quand on rend une décision qui coûte tant... On sait fort bien qu'il y a des listes noires dans les organismes qui notent les gens qui rendent des décisions qui coûtent cher et que ces gens-là ont des accès directs au ministre; quand arrive le moment du renouvellement et que, là, c'est complètement... L'arbitraire est institué dans un règlement ou dans la loi. Le ministre peut... Pour du sang nouveau, ça veut dire qu'il peut faire ce qu'il veut. Qu'est-ce que vous pensez que les gens qui sont là, qui rendent des décisions, vont penser? Je vous le demande.

M. Bégin: Bien, M. Wurtele, je voudrais... Ah! Excusez. Allez-y.

(17 heures)

M. Lefebvre: M. Wurtele, si, par hypothèse, un citoyen devant se présenter devant vous vous avait entendu aujourd'hui... et, encore une fois, j'apprécie que vous l'ayez dit de façon aussi claire... avait le verbatim de votre témoignage, témoigne devant vous, demande justice devant vous et que le ministre n'a pas donné suite aux recommandations extrêmement serrées que vous faites au nom de vos collègues, comment allez-vous lui expliquer qu'il n'a pas à craindre, qu'il aura droit à une justice, malgré tout, correcte, impartiale et indépendante?

M. Wurtele (Jean-Georges): Bien, je le lui expliquerai en faisant référence à mes qualités personnelles et en lui disant que, malgré tout ça, je tente d'être impartial et d'être indépendant. C'est la seule façon que j'aurai.

Le Président (M. Pinard): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Bégin: M. Wurtele, je vous avoue que j'ai bien compris ce que vous m'avez dit, mais je me demande: Êtes-vous en train de dire que vous n'êtes pas capable, actuellement, de rendre une justice impartiale?

M. Wurtele (Jean-Georges): Parce que les règles...

M. Bégin: Non, permettez-moi. Êtes-vous en train de me dire qu'actuellement – je ne parle pas avec le projet de loi – il est impossible de rendre une justice impartiale? Parce que c'est ça que vous avez dit, là. Vous avez dit qu'on n'était pas capable de le faire. Parce que le système actuel prévoit les mêmes modalités, à la différence suivante: que les nominations ne sont pas encadrées et que les renouvellements ne sont pas encadrés avec des comités de sélection composés selon... Alors, ce que vous dites, c'est que, actuellement... De deux choses l'une: ou, actuellement, les décisions qui sont rendues sont impartiales et qu'avec le règlement elles ne le seront pas; ou bien qu'elles sont impartiales actuellement et qu'elles ne seront pas différentes plus tard.

M. Wurtele (Jean-Georges): Nous pensons, M. le ministre, que les règles sont changées présentement. Je vous ai dit tantôt que, lorsque j'ai été nommé à la Commission des affaires sociales, bien, premièrement, c'était un mandat de 10 ans et on nous garantissait le renouvellement si on faisait un bon travail. Et je pense qu'il y a une règle écrite. Et tous les gens qui sont à la Commission des affaires sociales et ailleurs pensent qu'il y a une règle non écrite qui veut qu'une personne qui fait un travail comme il faut, sur recommandation du président, est renommée. C'est ce qui s'est toujours passé. Maintenant, c'est institutionnalisé dans la loi que des personnes ne peuvent pas être nommées au bon plaisir du prince, et ça, ça n'a jamais été dans aucune loi.

Le Président (M. Pinard): Me Hérard, en complément.

M. Wurtele (Jean-Georges): Je continue. Je pense que je peux rendre des décisions impartiales présentement, parce que je pense que j'ai cette règle-là. Et, à part de ça, l'impartialité, il y a l'impartialité institutionnelle et, aussi, il y a l'impartialité qui est dans l'esprit des gens.

M. Bégin: Je vous avoue, là, que ça ne correspond pas à ce que j'ai entendu jusqu'à aujourd'hui. En tout ce qui concerne la justice administrative, on a dit que les modes de nomination ne permettaient pas d'avoir une justice impartiale parce qu'il y avait des renouvellements, et les gens ont plaidé en faveur de nominations continues, style semblable aux juges, parce que, actuellement, il n'y avait pas ça. J'avoue honnêtement que j'ai eu des téléphones de personnes voulant être renouvelées. Et parce qu'il devait y avoir une autre règle que celle que vous venez de mentionner, il y a des gens qui m'ont téléphoné, qui ont fait téléphoner d'autres personnes – officiellement, là, je vous le dis comme ça – parce qu'elles pensent différemment de ce que vous venez de nous dire. Ça m'étonne un peu, ce que vous venez de dire là.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Merci, messieurs dames. Le temps est maintenant écoulé. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer et d'avoir déposé devant les membres de cette commission.

J'appellerais maintenant l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles.

À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais de nouveau l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles à bien vouloir prendre place, et je remercie de nouveau les assesseurs de la Commission des affaires sociales.

Bonjour monsieur, bonjour madame. Bonjour. J'apprécierais que vous vous présentiez pour les fins du Journal des débats . Et je vous rappelle les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, chacun des groupes a 20 minutes pour en discuter avec vous, vous interroger et recevoir vos commentaires. Monsieur?


Association des commissaires en matière de lésions professionnelles du Québec (ACLPQ)

M. Robichaud (Gilles): Merci. Commissaire Robichaud, Gilles, président de l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles du Québec. Alors, je tiens, avant de présenter mes collègues à droite et à gauche, à vous remercier, M. le Président, de même que M. le ministre – ah! M. Mulcair a quitté – les députés de l'opposition, les membres présents à la commission parlementaire, de nous avoir permis de déposer devant vous aujourd'hui.

Ceci étant dit, à ma droite, qui est membre de l'exécutif de l'Association des commissaires, Me Anne Leydet; à ma gauche, Me René Ouellet.

L'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles du Québec représente la cinquantaine de commissaires qui sont à l'emploi de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Nous avons, à notre article 3, comme dans toute constitution d'association, les buts de l'association, et ces buts-là, on les mentionne dans notre mémoire. Je les répète parce que nous les trouvons pertinents à notre présence ici. Il s'agit de la défense et de la promotion des intérêts socioéconomiques des membres, notamment, cependant, en favorisant des conditions de travail qui cherchent à s'assurer que nos fonctions vont être exercées en toute impartialité et en toute indépendance.

Ceci étant dit, vous avez entre vos mains notre mémoire et notre résumé. Nous n'entendons faire la lecture ni de l'un ni de l'autre. Nous passons immédiatement après nos collègues de la Commission des affaires sociales et, évidemment, il y a des choses qui vont se recouper. Ce qu'on voulait faire essentiellement avec vous cet après-midi, c'était peut-être un témoignage davantage qu'une plaidoirie, un témoignage sur notre travail; notre vision, finalement, d'un travail qui peut se faire comme commissaire dans un tribunal administratif, avec une garantie qui est celle que la Charte prévoit à son article 23, une garantie d'indépendance et d'impartialité non seulement parce que c'est écrit dans la Charte, parce que c'est un droit que le citoyen qui est face à l'État, devant un tribunal administratif, soit assuré non seulement de conditions qui garantissent ou qui permettent, mais aussi une apparence que ces conditions-là existent.

En ce sens, nous sommes très heureux de voir que le présent projet de loi, finalement, est peut-être l'aboutissement d'une démarche d'une vingtaine d'années. Un aboutissement qui va plus loin que les autres. Mais, comme il va plus loin que les autres, nous ne sommes pas certains qu'il remplisse encore les conditions qui permettent aux citoyens qui se présentent devant le Tribunal administratif du Québec, les conditions nécessaires à assurer que le citoyen, en toute quiétude, se retrouve devant un organisme qui est indépendant et impartial par rapport à l'État... indépendant et impartial vis-à-vis des parties qui se présentent devant le Tribunal.

Le citoyen dont on parle, à la Commission d'appel – pour ne parler que de ce qu'on fait comme travail – c'est soit un travailleur ou une travailleuse accidenté, malade du travail, avec toutes les conséquences qui s'ensuivent. C'est aussi un employeur qui n'est pas nécessairement en conflit avec le travailleur, qui n'est pas d'accord avec une décision qui est rendue par un organisme du gouvernement qui, en l'occurrence, est la CSST. C'est aussi la CSST elle-même, comme organisme qui a le droit d'appel, qui intervient devant nous pour défendre l'interprétation qu'elle fait de la loi, sur laquelle nous devons décider.

(17 h 10)

Dans un tel contexte, nous soumettons que le quotidien de notre vie exige encore plus, finalement, de notre part et de la part de la loi, exige qu'on garantisse l'indépendance et l'impartialité du Tribunal. Et, tout de suite, je voudrais dire que, quand on parle d'indépendance, nous – écoutez, c'est peut-être une déformation de juriste – on se raccroche à ce qu'en dit le juge Lamer, dans l'arrêt Valente, qu'il clarifie encore dans l'arrêt Généreux, et finalement dans l'arrêt Lippé, ces arrêts-là qui sont connus.

Je ne vous citerai que cet extrait où on dit que ce n'est pas juste l'état d'esprit, l'indépendance, c'est aussi le statut. Si on parle d'un état d'esprit, c'est l'aspect subjectif de la question de l'indépendance; et, quand on parle du statut, c'est une question objective. «Un état d'esprit ou une attitude dans l'exercice concret des fonctions judiciaires – c'est ça, l'indépendance – mais aussi un statut, une relation avec autrui, particulièrement avec l'organe exécutif du gouvernement, qui repose sur des conditions ou des garanties objectives.»

Et il y a deux autres citations qui sont aussi dans le mémoire: «L'impartialité suppose l'examen de l'état d'esprit du décideur. La question de l'indépendance, par contre, va au-delà de l'attitude subjective du décideur. L'indépendance est une question de statut.» C'est encore le juge Lamer.

Alors, si nous avions à nous faire poser la question – et puis là, je vais écourter parce qu'on va y revenir – sur l'état d'esprit qu'on peut avoir, moi, il me semble moins important, l'état d'esprit qu'un décideur peut avoir à la fin ou à la veille de son renouvellement, que la crainte des parties qui se présentent devant nous. Ça, c'est beaucoup plus important.

Je ne dirai pas et je ne crois pas que je pourrais dire que je me sentirais partial parce que je serais en fin de mandat, mais ce dont je suis certain, c'est que les gens qui se présentent quotidiennement devant moi... Et là j'entends les organismes, autant les organismes d'employeurs, autant les organismes gouvernementaux, parce que, quand la CSST intervient par ses procureurs, c'est le gouvernement qui intervient. Eux pourraient être en mesure de craindre et de dire: Bon, bien, il «est-u» en train de vouloir retourner à son ancien travail, avant, ou de s'en trouver un nouveau? Avec quelle association? Avec les hôpitaux, avec les écoles ou encore avec la FATA, avec la CSN, avec GM? Faites votre choix.

Les gens peuvent craindre. Et c'est cette dimension subjective de la crainte qui est liée au statut. C'est le renouvellement. La quinzième année, c'est une autre chose. Si on dit: C'est 15 ans, c'est d'autres problèmes qui se posent. Et, là-dessus, le ministre a raison. Que ce soit 15 ou 20 ans, le problème, c'est les renouvellements à tous les cinq ans, où une personne est susceptible d'être déplacée même si elle fait bien son travail. Ça, c'est le problème fondamental. Le problème des 15 ans, c'en est un autre. Le problème des 15 ans ou des 20 ans, moi, il me semble que c'est un problème de gestion. C'est un problème de saine gestion.

Quand on dit – et c'est ce qu'on dit – qu'une personne fait bien son travail, respecte les dispositions de la loi qui sont prévues et qui vont l'être, les dispositions de son code de déontologie, pourquoi on la mettrait dehors? Pourquoi? Et ça, c'est une question de simple saine gestion. Et l'autre question qui se pose, qui est corollaire à ça: Contrairement à la Loi sur les normes du travail, à l'article 124, qui dit qu'après trois ans une personne est présumée capable de faire son travail, à moins que, pour juste cause, on la congédie, toutes les conventions collectives, qui existent là où il y a des conventions collectives, disent que c'est pour juste cause qu'on met quelqu'un à la porte. Est-ce que la juste cause, en l'occurrence, à la fin d'un mandat de 15 ans ou 20 ans, c'est du sang nouveau?

Ça repose encore la question de la saine gestion. Pourquoi avoir du sang nouveau pour avoir du sang nouveau si, toujours, les personnes sont compétentes, elles respectent la loi qui les nomme, elles respectent le travail qu'elles ont à faire et leur code de déontologie? On ne voit nulle part ailleurs... Même quand des professeurs d'université viennent en parler. Après 30 ans comme prof d'université, on pourrait aussi penser qu'on pourrait laisser la place à d'autres, mais pourquoi laisser la place à d'autres? C'est un principe de relations de travail qu'on ne retrouve pas, à tout le moins au Québec – je ne veux pas faire le tour du monde – un principe qui veut que si on fait notre travail adéquatement, à moins de raisons justes... Et il y en a: la crise économique, des mises à pied parce qu'on n'a plus d'argent, des mises à pied tout simplement parce qu'il n'y a plus de cause. Au lieu de 15 000 causes ou 10 000 appels par année, on en a 2 000. Forcément, on va réduire le nombre. C'est des justes causes. On n'est pas inamovibles et on ne parle pas d'inamovibilité.

Ceci étant dit, c'était pour vous amener sur le premier sujet que Anne va traiter, c'est-à-dire la sélection, la question de la sélection, et je reviendrai par après sur le reste.

Mme Leydet (Anne): Je vais d'abord vous entretenir... En passant, si ma voix est bizarre, ce n'est pas qu'elle est étranglée d'émotion et ce n'est pas non plus parce que j'ai l'habitude de siéger plutôt que de témoigner, c'est tout simplement parce que je fais une laryngite, et vous m'en voyez absolument désolée. C'est vraiment la mauvaise journée pour en avoir une. Alors, ceci étant dit, j'ai une voix beaucoup plus agréable d'habitude.

Alors, je vais vous parler, quant à moi, de la procédure de recrutement et de la sélection des membres au moment de la nomination. Mon confrère vous a parlé un petit peu de renouvellement, il va vous en reparler tout à l'heure.

Quand les chartes, les tribunaux et les juristes parlent d'indépendance, c'est notamment la liberté que doit détenir le juge administratif par rapport au pouvoir exécutif du gouvernement. Cette liberté ou indépendance doit reposer sur des garanties objectives, lesquelles, donc, doivent être présentes dès l'enclenchement du processus de sélection.

Alors, nous soutenons l'idée de la création des comités de sélection pour parler de la procédure de recrutement et de nomination. Là-dessus, je dois vous dire que si, la semaine dernière, plusieurs des interventions ont été faites sans avoir le bénéfice d'une étude plus approfondie de l'avant-projet de règlement sur la procédure, nous avons été en mesure de le faire et nous sommes heureux de constater, d'une part, que les comités de sélection sont bel et bien là. Nous tenons à souligner, ce que nous avons fait dans le mémoire, que ces comités de sélection devraient être obligatoires. Dans la loi, on parle que ces comités de sélection peuvent être nommés; je pense qu'ils doivent être formés à chaque coup.

Alors, bravo pour ces comités de sélection, dont la formation nous apparaît intéressante puisqu'un des prérequis... et nous allons toujours retourner à la question d'indépendance et d'impartialité, d'indépendance du pouvoir exécutif, le plus possible. Il est intéressant de noter que ces comités de sélection sont, en tout cas, indépendants du ministre de la Justice qui administre la loi; donc, ça, c'est intéressant.

Également intéressante, au niveau de la nomination, la participation de représentants des milieux en ce qui a trait à la section des lésions professionnelles, donc des représentants du milieu du travail et des représentants du milieu patronal, ce qui aura peut-être l'heur de plaire à certains intervenants qui sont venus devant vous et qui ont prôné l'idée d'un paritarisme. Je pense que cette idée-là, finalement, se retrouve au niveau de la formation des comités de sélection qui, en passant, créeront un problème au niveau du renouvellement, mais nous y reviendrons.

Un autre commentaire sur l'avant-projet de règlement sur la procédure de sélection: il faudrait peut-être spécifier le nombre exact des membres des comités de sélection. On parle d'au moins trois membres. Nous pensons qu'il serait utile, en fait, de spécifier le nombre exact de ces membres-là.

En parlant de la représentation des milieux intéressés, ce n'est pas un concept nouveau. Il faut se dire qu'en ce moment, au niveau de la nomination des membres des tribunaux administratifs, évidemment, ces gens-là sont consultés de façon informelle. C'est du moins ce qui se sait et ce qui se dit.

La procédure de sélection doit être absolument transparente. On en fait une, il faut s'assurer de sa transparence de A à Z, et ce, pour prévenir tout soupçon, fondé ou non, de patronage mal avisé.

Ce qui m'amène à commenter l'article 1 de l'avant-projet de règlement, et je pense qu'il mérite d'être cité. On y dit ce qui suit: «Lorsqu'un ou des postes sont à combler et ne peuvent l'être à partir de la liste des personnes déjà déclarées aptes à être nommées membres...» À ce moment-là, le secrétaire général associé aux emplois supérieurs peut annoncer publiquement un nouvel avis, un nouveau concours pour des nominations. Le problème à ce niveau-là: nous pensons sérieusement qu'il faut absolument limiter la situation d'un nouveau concours lorsqu'on a déjà une liste de personnes déclarées aptes. Et la situation à laquelle cette deuxième publication devrait être limitée, c'est celle où la liste de personnes déclarées aptes sont des personnes déclarées aptes à être nommées à une section du TAQ alors que les postes à être comblés sont des postes à être comblés dans une autre section. Alors, là, il est évident qu'il faut faire un nouvel avis de postes à combler. Mais on se demande pourquoi on pourrait permettre, lorsqu'on a une liste de personnes déclarées aptes, donc de personnes qui sont là pendant une période de x temps – on reviendra à la période obligatoire de 18 mois – on doit se demander pourquoi on pourrait faire un deuxième ou un troisième avis de postes à combler.

L'article 12 de l'avant-projet de règlement parle de conditions d'admissibilité, de mesures d'évaluation des membres du Tribunal administratif, alors que l'article 16 parle des critères de sélection. Alors, là-dedans, nous voyons certaines imprécisions. Il faudrait peut-être resserrer le texte. On sait ce dont on parle quand on parle des critères de sélection, ils sont énumérés à l'article 16. Tout comme la Commission des affaires sociales, nous estimons qu'ils sont, grosso modo, très intéressants, puisqu'ils vont à la compétence, et c'est ça dont le citoyen a besoin. Par ailleurs, on ne comprend pas très bien ce que sont les conditions d'admissibilité et les mesures d'évaluation.

(17 h 20)

L'Association constate aussi, à la lecture du règlement et de son article 18, que c'est bien le comité de sélection et non le ou les ministres qui déclare les personnes aptes. Ça, c'est un commentaire que l'on avait fait dans le mémoire, et on est content de constater qu'effectivement c'est le comité de sélection qui déclare les personnes aptes.

Cela semble satisfaire, au premier abord, à l'idée ou au principe d'indépendance, mais l'article 24 de ce même avant-projet de règlement met toute la validité de l'entier processus en péril, et ce, pourquoi? Eh bien, parce que cet article 24 précise que si les ministres estiment qu'ils ne peuvent recommander une nomination parmi les personnes dans la liste des personnes déclarées aptes, ils peuvent, à ce moment-là, demander qu'un nouvel avis de poste à combler soit publié. Et on retourne, à ce moment-là, le tout au comité de sélection pour qu'il refasse ses devoirs.

Quels pourraient bien être, encore une fois, les motifs justifiant que les ministres ne fassent pas une recommandation? Serait-ce parce que le candidat que l'un ou l'autre privilégie ne se trouve pas sur cette liste, et qu'à ce moment-là ça prend une autre liste en espérant que le candidat privilégié par l'un ou l'autre des ministres va se retrouver sur cette liste-là? Alors, quand on parle de procédure transparente, il faut être transparent jusqu'au bout. Si on a une liste de personnes déclarées aptes, on a une liste de personnes déclarées aptes et on nomme sur la base de cette liste-là. Et ça, c'est le commentaire, je pense, le plus important que cette association peut faire à propos de l'avant-projet de règlement, surtout lorsqu'on a un comité de sélection à qui on a donné, via l'article 16, les critères et les outils nécessaires pour faire une liste bonne et valable. Alors, il n'y a pas raison que les ministres soient insatisfaits de ça.

Contrairement à l'avant-projet – je vais terminer avec cela – nous croyons que les rapports des comités de sélection et la liste ne devraient pas être confidentiels, et ce, dans le sens suivant: la liste des personnes déclarées aptes devrait être consignée dans un registre public. On aura peut-être des questions là-dessus. Et, quant à nous, nous estimons qu'il serait peut-être plus efficace que seul le ministre de la Justice fasse des recommandations de nominations plutôt que les divers ministres chargés des diverses lois. Alors, je vais maintenant retourner la parole à mon confrère.

M. Robichaud (Gilles): Bon. Merci, Anne. J'aimerais peut-être, en terminant, revenir sur la question de la durée maximale des trois mandats. Et vous, vous laissez savoir que le gouvernement, dans son projet de loi n° 131, n'est pas sans sentir la même crainte qu'on vous soumet.

Dans le projet de loi n° 131, sur la question de la déontologie – en fait, il s'appelle «Projet de règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics» – ce projet de loi soulève certaines craintes de la part du gouvernement, de ses administrateurs, par rapport à d'éventuelles possibilités d'emploi qu'il irait chercher ailleurs. À l'article 14, le projet de loi souligne qu'il faut éviter de se laisser influencer par des perspectives ou des offres d'emploi. Alors, ce projet de règlement sur l'éthique n'est pas fait pour rien. Il doit vouloir correspondre à quelque chose. Et quand le législateur va se prononcer sur le projet de loi, il n'aura pas parlé pour rien dire.

Alors, il y a une crainte, et même auprès du gouvernement, par rapport à ses propres administrateurs relativement à ce qu'il peut advenir d'eux par la suite. Alors, quand on arrive aux 15 ans, ces questions-là pourraient se poser chez nous aussi.

Deuxième question qui est posée par le gouvernement dans son projet de loi, c'est à l'article 16. On nous dit que celui qui aura réussi à se trouver un emploi par la suite devra éviter de donner à ses clients des conseils fondés sur des renseignements non disponibles au public. Quand ça fera 15 ans que je travaille à la Commission d'appel ou à la Commission des affaires sociales, je ne vois pas comment je n'utiliserais pas, en redevenant plaideur devant le même tribunal où j'ai siégé pendant 15 ans, les connaissances que j'ai acquises.

Et je ne vois pas non plus comment des gens qui vont me voir après 15 ans... Et ça va devenir systématique, puisque le bouchon se referme; on ferme le bouchon après 15 ans. Ça va devenir systématique qu'on va retourner plaider devant nos anciens organismes, c'est tout ce qu'on va être capables de faire, finalement. Et c'est ce que la Cour suprême trouvait bien, et c'est ce que le législateur trouvait bien, qu'on soit spécialisés. Et c'est notre propre spécialisation qui va finir par nous condamner. Pourtant, c'est ce qu'on voulait.

Il me semble que, ça, ça fait un cercle vicieux qu'il faudrait briser, toujours pour garantir le respect de ce qu'on appelle le citoyen, lui garantir qu'il se sentira, face à un débat devant les organismes d'État et les tribunaux qui viennent essayer d'arbitrer le litige, qu'il soit en paix, à tout le moins, quant à une garantie d'indépendance et d'impartialité.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci infiniment. Je pense que vous soulevez des questions très, très pertinentes et intéressantes. Je reviendrai sur le dernier point, parce que c'est un point assez particulier, nouveau, et étant le rédacteur – bien, le rédacteur, légalement parlant, là – des deux projets de loi, vous nous mettez devant une situation qui est absolument intéressante, et je vais revenir.

Avant ça, j'aimerais revenir aux questions soulevées, peut-être, par madame... Excusez, votre nom m'échappe, là.

Mme Leydet (Anne): Leydet.

M. Bégin: ...Leydet, concernant le règlement lui-même, parce que vous êtes les premiers qui le commentent de manière un peu structurée, les autres n'ayant pas eu l'opportunité que vous avez eue de le faire. Donc, vous êtes les premiers à vraiment toucher à la question.

Tout d'abord, vous parlez d'au moins trois membres. C'est simplement que, si vous regardez, pour la CALP, il y en a quatre.

Mme Leydet (Anne): Quatre. Oui.

M. Bégin: Le sens est de dire que, des fois, il y en a trois. C'est généralement trois, mais il y en a quatre. Alors, c'est... Peut-être que...

Mme Leydet (Anne): C'est-à-dire que, c'est ça, c'est pour éviter, finalement, qu'il puisse y en avoir six, ou sept, ou huit.

M. Bégin: Oui, le texte peut être ambigu, mais, vous voyez, c'est parce qu'à une place c'est quatre. Bon. Alors, on le rédigera pour être certains que c'est trois puis, à l'autre place, quatre.

L'article 1, oui. Ah! Je pense que votre argument était: Est-ce qu'on ne devrait pas épuiser ou avoir toujours la liste qui est là? Bon. Il y a des postes qui peuvent être disponibles. Mettons qu'on a, dans la banque, trois personnes qui étaient aptes à être dans la section Expropriations ou Affaires immobilières, mais qu'on a besoin de quelqu'un qui irait dans la section Autres, c'est bien sûr que la banque qui est là n'est pas satisfaisante et, en conséquence, on doit ouvrir le concours. L'idée est dans ce sens-là.

Je sais bien que, quand on critique, on cherche la bibite, mais l'idée positive du texte, c'est de dire que, quand il n'y a pas de personne disponible, apte à l'être... Je vais revenir avec l'autre commentaire après. C'est dans ce sens-là que le texte est rédigé. Maintenant, si on arrive à lui faire dire autre chose, bien là il faudrait peut-être le resserrer. Mais l'idée, c'est ça. On se comprend bien?

Mme Leydet (Anne): Oui. Et, d'ailleurs, c'est le seul motif que nous pouvions possiblement entrevoir. C'est d'ailleurs celui que j'ai évoqué tout à l'heure.

M. Bégin: Oui, et c'est pour ça que je tenais à le dire.

Mme Leydet (Anne): Mais, alors, évidemment, si on sait tous que c'est ça que ça veut dire, pourquoi ne pas l'écrire tout simplement bien clairement?

M. Bégin: C'est un texte général, global et initial. Vous allez arriver à l'autre, et qui est votre dernier commentaire, je pense, sur l'article 24, que vous trouvez comme étant un peu dangereux. Mais me permettez-vous de vous dire que, dans le système de nomination des juges, actuellement, il y a des procédés très clairs où le ministre de la Justice, disons, fait des nominations après la sélection? Si je vous disais qu'il y a des motifs, des fois, disciplinaires. Il y a des problèmes, aussi, autres – et que je n'ai pas besoin de mentionner ici – qui sont souvent vérifiés et qui nous empêchent, je vous dis bien, qui nous empêchent de nommer.

Par exemple, si quelqu'un a été condamné à des mesures disciplinaires, il peut très bien être apte à agir sur le plan d'un critère, d'un comité de sélection, mais si on ne peut pas poser la question formellement et que la personne a eu des problèmes sérieux, disciplinairement, il faut que quelqu'un quelque part puisse s'assurer de ça. Et je peux vous dire que ça fait partie... Ce n'est pas moi qui l'ai initié, mais, de tout temps, la justice vérifie avant qu'il y ait une nomination pour s'assurer que la personne qui sera nommée ne sera pas, le lendemain matin, l'objet d'une critique très sévère et fondée à partir de ça. Alors, c'est là où il y a le critère important de vérification. Et ça se dit de manière élégante. On peut le voir dangereux, mais ça ne recouvre que ça.

Mme Leydet (Anne): Mais on apprécie l'élégance de la part du législateur, c'est malheureusement quelque chose qui est en voie de disparition. Si ce n'est que de l'élégance, tant mieux, M. le ministre.

M. Bégin: Non, ce n'est pas de l'élégance, c'est un contrôle des choses.

Mme Leydet (Anne): Cependant, encore une fois, si ce sont là les motifs, à ce moment-là, je pense, pour s'assurer... Il est dommage, au fond, peut-être, que certaines de ces choses-là se trouvent dans un règlement. Je pense que plusieurs intervenants vous ont déjà dit qu'il ne serait peut-être pas une mauvaise chose que tout le concept de la procédure de sélection se retrouve dans la loi. Encore une fois, parce que, tout ça, on le fait pour qui? Pas pour nous. Pas pour vous. On le fait pour le citoyen.

M. Bégin: D'accord. Mais ce que je voulais dire, c'est que...

Mme Leydet (Anne): Bon. Et, pour toujours répondre à votre question, puisque, dans votre commentaire, j'ai cru...

M. Bégin: C'était une affirmation. Ha, ha, ha!

Mme Leydet (Anne): Vous savez, dans les affirmations, souvent, il y a des questions. En tout cas, j'aimerais vous rassurer sur l'absence de bibites possibles. Mais je crois, à ce moment-là, que si c'est ça, il faut le dire, et il faut le dire clairement.

Il est intéressant et nous prenons bonne note du fait que les motifs que vous évoquez, qui pourraient empêcher, donc, que l'on fasse appel à des personnes déclarées aptes, sont des motifs qui, finalement, touchent encore une fois la compétence de ces personnes-là.

M. Bégin: Pas la compétence.

Mme Leydet (Anne): Bon, de façon...

M. Bégin: Non, non, pas la compétence.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre...

M. Bégin: Non, non. Je dis que ce n'est pas ça, parce que...

Le Président (M. Pinard): ...vous êtes en train d'instituer un dialogue, là.

M. Bégin: D'accord, mais je dis que ce n'est pas la compétence. Ce que j'ai dit, ce n'est pas ça.

Mme Leydet (Anne): Je retire ce que je viens de dire, vous avez raison.

M. Bégin: Je dis que c'est des questions disciplinaires, d'éthique, et je dirais même, à la limite, policières.

Mme Leydet (Anne): Alors, à ce moment-là, il faudrait se poser des questions sur la façon dont le comité de sélection doit faire son travail, parce qu'il serait étonnant que le comité de sélection déclare aptes des personnes qui ont des problèmes de cet ordre-là, et que les ministres soient en mesure de voir, et que le comité de sélection qui aura rencontré ces gens-là et fait l'enquête n'ait pas vu ces problèmes-là.

(17 h 30)

M. Bégin: Madame, c'est pour ça que le ministère de la Justice intervient, parce qu'il y a des possibilités de contrôle qui ne sont pas à la portée d'un comité de sélection et qu'on doit rendre indépendant... Et je suis certain que mon collègue qui a occupé la fonction de ministre de la Justice va partager mon point de vue là-dessus, ce n'est pas une question – on se comprend bien – politique ou de patronage ou de choses semblables, c'est vraiment des raisons semblables à celles-là. Des fois, on dit: Il y a des raisons d'État, mais là il y a des raisons de ce style-là.

Mme Leydet (Anne): Alors, nous en prenons acte. Nous en sommes, à ce moment-là, tout à fait réconfortés.

M. Bégin: Dernier point concernant la fonction publique, le retour. M. Robichaud soulevait la problématique du projet de loi n° 131 sur l'éthique qui, à l'égard des administrateurs publics, impose certaines obligations qui, je le conçois bien, pourraient, dans un cas comme celui-là, poser des problèmes. Ça m'a fait penser à une proposition qui a été énoncée ici je ne me rappelle plus par qui, mais qui faisait référence au rapport Ouellette. Je parle de ce que j'ai entendu. Peut-être que je ne serai pas parfaitement conforme, mais il disait que, dans le rapport Ouellette, on proposait qu'une personne qui n'était pas renouvelée – il avait deux hypothèses – si elle était déjà à la fonction publique, puisse retourner à la fonction publique et, bien sûr, avec probablement une distance par rapport au poste qu'elle occupait pendant un certain temps, pour ne pas être en conflit d'intérêts; et, d'autre part, que la personne qui ne venait pas de la fonction publique puisse aussi ou bien être intégrée à la fonction publique à la fin de son mandat ou encore recevoir une prime d'un an qui crée la distance, en tout cas. Dans tous les cas, on a entendu qu'une personne doit être éloignée du milieu dans lequel elle était pour faire perdre cette partialité qu'elle pourrait avoir, puisqu'elle était, quelques jours auparavant, dans un endroit puis, le lendemain, de l'autre côté. Autrement dit, l'avocat qui était membre d'un tribunal et qui, le lendemain matin, plaide – le lendemain matin, je dis bien, là, trois jours plus tard – plaiderait devant ce tribunal-là pourrait poser un problème d'éthique, et je pense que c'est ça que le projet de loi n° 131 dit. Alors, il répondait d'avance en disant: Un an, par exemple, de prime pour être capable de se recycler, de prendre la distance requise, etc.

Qu'est-ce que vous pensez de ces formules-là?

M. Robichaud (Gilles): Ça veut dire que ce sont des formules qui ne s'attaquent pas au problème de fond; c'est des palliatifs. Que ce soit un an ou deux ans qu'on donne, la question fondamentale, c'est: Pourquoi la personne qui demeure compétente, qui fait bien son travail, contrairement à tout ce qui se fait en relations de travail au Québec ou dans les emplois, sauf pour les précaires, ne garderait pas son emploi si on n'a pas une juste cause pour ne pas la garder? La prime d'un an, de toute façon, ce serait juste un sursis. C'est une forme de préretraite avant... Ce qu'on a soulevé, c'est: qu'on commence à 35 ans puis qu'on finisse à 50 ou qu'on commence à 40 et qu'on finisse à 55 ans, on finit, puis c'est presque comme si on était fini.

Je vous donnerai comme exemple que, si on travaille comme permanent syndical, comme j'ai pu l'être pendant une quinzaine d'années avant d'entrer à la Commission d'appel, j'ai été obligé, pour l'impartialité, pour l'apparence d'impartialité et pour que les gens aient l'air en sécurité quand ils passent devant moi, de donner ma démission. Les gens du gouvernement n'ont pas à le faire; moi, j'ai été obligé de le faire, et on avait une convention collective de salariés. Si je retourne, moi, à la CSN par la suite, bien, je vais rentrer, quoi, à 50 et quelques années; là, je suis dans ma quarante-neuvième. Alors, je vais rentrer à la CSN à la fin de mon dernier mandat. J'en suis à mon deuxième. Je vais avoir 55 ans si on me prend; je recommence comme à zéro. L'avoir su avant, quand j'ai quitté, je n'aurais pas donné ma démission, j'aurais gardé ma permanence et j'aurais continué de travailler là. Je n'étais pas sur le bord d'être mis à pied, je finissais ma maîtrise en droit du travail.

Mais c'est cette question-là qui est importante: Qui vous allez recruter?

M. Bégin: Ça nous ramène...

M. Robichaud (Gilles): Vous avez parlé de 2 000, possiblement. Bien sûr, avec toutes les mises à pied qu'il y a partout, sur les 2 000, vous allez avoir...

M. Bégin: Mais ça nous ramène...

M. Robichaud (Gilles): Oui.

M. Bégin: ...à ce que je mentionnais, à savoir que c'est le mode du renouvellement, le cinq ans ou le 10 ans. Je comprends ce que vous dites, très bien. Ça pose d'abord le premier problème que, quand quelqu'un est sélectionné selon un processus qu'on vient de décrire et qui semble, en tout cas, rencontrer, au moins pour la sélection, vos exigences, il sait qu'il y a, à un moment donné – mettons qu'on met 15 ans ou 20 ans, peu importe – un terme; il le sait au point de départ, avant de partir. Là, ce que vous me dites, c'est le droit à l'emploi. Je peux comprendre ça, c'est une préoccupation parfaitement légitime. Mais c'est le droit à l'emploi par opposition au droit de l'employeur – prenons cette expression-là pour se comprendre – de dire: L'emploi sera de telle durée, plutôt qu'un problème d'impartialité.

Le Président (M. Pinard): Mme Leydet.

Mme Leydet (Anne): Oui. Alors, il y a deux volets à cette question-là. En passant, j'aimerais vous signaler que, si mon collègue, mon président d'association, est un ancien permanent syndical, moi, j'ai oeuvré pour un grand bureau de droit du travail, sur le plan patronal, pendant quelques années. Je peux vous dire que si j'avais su, au bout de neuf ans de pratique dans ce bureau-là, que je n'aurais que 15 ans à faire à la Commission d'appel, je serais restée chez Ogilvy, Renault, qui est un des plus grands bureaux de Montréal en matière de droit du travail, et je ne serais pas allée faire carrière à la Commission d'appel. Ceci étant dit, je suis très heureuse d'être où je suis en ce moment et j'ai toute confiance que, si je démontre la compétence qu'on attend de moi, je serai capable de continuer dans le domaine où j'opère.

Par ailleurs, il y a une question d'emploi et, on l'a dit tout à l'heure, une question de saine gestion. J'espère que le gouvernement n'est pas en train de nous dire que, contrairement à l'entreprise privée, contrairement à tous les organismes auxquels on peut possiblement penser, il va mettre un terme... enfin, faire des termes de 15 ans. C'est du jamais vu, c'est du jamais entendu, c'est absolument inconcevable et à l'encontre de toute saine gestion, qu'elle soit dans le domaine privé ou dans le domaine du public, et je crois que, si on impose un terme de 15 ans, il n'y aura pas 2 000 ou 3 000 personnes qui vont venir appliquer, il y en aura très peu parce qu'il n'y a personne qui est intéressé à se faire dire: Tu as une job, mais, dans 15 ans, tu es définitivement dehors. En plus, on attirera des gens, enfin, simplement d'une certaine catégorie. Je ne veux pas m'étendre plus longtemps là-dessus, je pense qu'on en a parlé longuement dans notre mémoire.

Alors, effectivement, il y a une question d'emploi, et ça, ce n'est pas le droit à l'emploi, c'est le droit du gouvernement d'aller contre tout bon sens de bonne gestion. Alors, si c'est le voeu du gouvernement, il est étonnant parce qu'il va à l'encontre de tout ce qui se fait dans le privé ou ailleurs.

Le Président (M. Pinard): Merci.

Mme Leydet (Anne): Ça, c'est le premier. Et, au niveau de la question d'impartialité ou d'indépendance, je m'excuse, encore une fois, il va falloir le répéter et bien le faire comprendre à tous les intervenants, ça met en danger la question d'indépendance. Vous savez, la barre de Valente, on a passé la barre du test de Valente pendant bien des années, pour diverses raisons; mais, dans un contexte où on a une énorme structure comme le Tribunal administratif du Québec qui va être, finalement, la visée et à vue de tout le monde et où la cour, que ce soit la Cour d'appel ou la Cour suprême, devra refaire passer le test, c'est le genre de situation où le concept, la question du statut, la question d'indépendance et d'impartialité va être soulevée justement à cause de l'existence d'un terme de 15 ans.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Drummond.

M. Jutras: C'est seulement une question qui n'a pas rapport à ça; je laisserai les autres intervenir. C'est quoi, les délais devant la CALP présentement, les délais d'audition?

M. Robichaud (Gilles): D'audition?

M. Jutras: D'audition.

M. Robichaud (Gilles): Dix mois. Environ 10 mois, actuellement.

M. Jutras: Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Gaspé, est-ce que vous avez des questions?

M. Lelièvre: Ça va aller, M. le Président, je laisserai...

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: Juste une... Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. C'est le délai entre la personne...

M. Robichaud (Gilles): Entre le moment où on reçoit l'appel et le moment où la personne est entendue.

M. Bégin: O.K. Et le...

M. Robichaud (Gilles): Et, plus on baisse, actuellement, plus il y a de demandes de remise, à cause des questions de spécialistes médicaux; les personnes doivent...

M. Bégin: Les reports.

M. Robichaud (Gilles): ...se faire examiner, contre-expertise... Plus on va baisser le délai dans le cas des lésions professionnelles, plus ça va être risqué. Quand on sera rendu à sept mois, ça sera extrêmement dangereux. Les bureaux de révision sont plus courts que nous et ils éprouvent actuellement un problème de remises encore plus fort que ce qu'ils avaient dans les années antérieures, parce que c'est le lot de ce sur quoi on a décidé... C'est les questions de lésions professionnelles, c'est évolutif, un accident; après ça, les traitements; après ça, peut-être l'atteinte permanente, l'emploi convenable. Plus que ça, on est tout près de créer un danger, finalement, pour le citoyen, pour sa propre défense.

Le Président (M. Pinard): Vous parlez d'une moyenne de 10 mois.

M. Robichaud (Gilles): Dix mois, oui.

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que vous pouvez nous dire le plus court délai et le plus long?

Mme Leydet (Anne): Oui. Alors, le plus court délai peut être de quelques... Nous avons ce qu'on a appelé les projets spéciaux, on les a appelés des blitz, on les appelle maintenant des rôles régionaux récurrents, où il peut arriver qu'un appel est logé, par exemple, en mai 1995; l'appel, la déclaration d'appel est logée en mai 1995 et la décision rendue en septembre 1995, alors, un délai qui est excessivement court, qui surprend d'ailleurs les parties, et on a effectivement, dans certains cas, des délais plus longs, qui peuvent, encore dans certains cas, aller à deux ans, et je pense notamment aux problèmes reliés à des dossiers où on a un premier appel, un second appel, un troisième appel impliquant les mêmes parties, où l'appel original date, mettons, de 1993...

Le Président (M. Pinard): Mais vous confirmez à la commission qu'il n'y a pas de dossiers qui dépassent deux ans.

M. Robichaud (Gilles): Non, non. Parlez-vous de délibéré ou d'attente? Il peut y en avoir.

(17 h 40)

Mme Leydet (Anne): Le traitement...

M. Robichaud (Gilles): Écoutez, quand on attend une décision de la Cour d'appel, par exemple, il peut y avoir 85 dossiers ou 200 qui sont en attente de la décision de la Cour d'appel. Si la Cour d'appel prend deux ans avant qu'on l'entende, on n'a aucun contrôle sur cette question-là, alors je ne veux pas vous dire des choses qui ne sont pas exactes, il peut y en avoir, mais les délais d'attente, pour la majorité des gens, ne sont pas plus que d'une dizaine de mois actuellement, et il y a des cas d'exception où ça va plus rapidement. Ça peut être trois mois pour des questions de congédiement, par exemple.

Le Président (M. Pinard): O.K.

Mme Leydet (Anne): Et ça peut être deux ans dans d'autres cas.

M. Robichaud (Gilles): Oui.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Gaspé, vous aviez une question à poser?

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. On a entendu, durant les derniers jours, des gens qui suggéraient un appel à la Cour du Québec des décisions qui seraient rendues par le Tribunal administratif. Est-ce que vous avez réfléchi sur cet aspect-là, à savoir, bon, que... On sait que les décisions vont être finales, au niveau du Tribunal administratif. Par contre, il y a des gens qui nous disent, pour un souci peut-être de prudence, pour prendre un terme modéré: Il serait préférable de prévoir un droit d'appel à la Cour du Québec.

M. Robichaud (Gilles): Écoutez, dans l'état actuel...

Le Président (M. Pinard): Alors, monsieur...

M. Robichaud (Gilles): ...oui, des choses, puisqu'il y a déjà un bureau de révision, on a déjà parlé... Le projet de loi actuel vise à améliorer les décisions de première instance, c'est-à-dire que, concernant la première décision de l'organisme, la CSST, avec le projet de loi – et ça, c'est très bien – avec la loi qui serait mise en vigueur, on améliore le système de la première décision. Il y a un bureau de révision qui rend une deuxième décision, et il y a le tribunal d'appel, finalement, la Commission d'appel qui rend une troisième décision. Deux fois en audition, il me semble que ça devrait suffire; et, s'il devait y avoir des craintes, il y a le mécanisme, déjà prévu dans la loi, qu'on appelle la révision pour cause. S'il devait y avoir des craintes énormes sur des questions très précises, peut-être élargir la question de la révision pour cause, mais on n'a pas besoin d'une autre juridiction d'appel.

Il ne faut pas oublier que, si le but de l'exercice, finalement, c'est d'éviter de judiciariser et d'éviter des coûts, pour le pauvre travailleur accidenté qui doit aller en Cour d'appel, d'une part, c'est encore plus long avec tout le processus d'un autre appel et, d'autre part, c'est peut-être pour lui un empêchement même de s'y rendre, pour des raisons d'ordre économique. Alors, on ne voit pas pourquoi, nous...

Le Président (M. Pinard): Complémentaire? Allez.

M. Lelièvre: Il y a des organismes qui nous ont suggéré de faire en sorte que les bureaux de révision paritaire disparaissent, que le paritarisme, en fin de compte, n'est pas une façon de rendre la justice. D'autre part, si les bureaux de révision disparaissent, il va rester quoi? Il va rester le fonctionnaire, l'administration qui va rendre une décision et, par ailleurs, la Commission d'appel, le tribunal d'appel.

Le Président (M. Pinard): Mme Leydet.

Mme Leydet (Anne): Oui. Alors, là-dessus, sur la question du paritarisme, ce qu'il nous importe de vous dire, dans le contexte du projet de réforme sur la justice administrative, c'est que le paritarisme, il faudrait réfléchir très sérieusement et se questionner très sérieusement sur la présence du paritarisme à l'intérieur du TAQ, pour des raisons ayant trait à la constitutionnalité même du Tribunal. Je pense que d'autres intervenants vous en ont fait part. On a parlé du grand axe Conseil du patronat-FTQ-CSD, et de l'autre grand axe Barreau-CSN qui a eu l'heur de plaire à plusieurs, donc je ne passerai pas là-dessus.

Quant à la subsistance des bureaux de révision tels qu'ils existent maintenant, je ne pense pas qu'il est de notre ressort de vous faire des commentaires dans le cadre de cette commission, si ce n'est de remarquer ce qui a été dit, d'ailleurs, par d'autres intervenants, à savoir que les bureaux de révision sont excessivement productifs, pour utiliser un terme qui n'est pas toujours heureux dans le contexte de la justice administrative et que, donc, ils abattent énormément de travail en matière de santé et sécurité au travail. Ça, il n'y a pas de doute. Maintenant, pour ce qui est du TAQ, c'est une autre paire de manches.

Le Président (M. Pinard): M. Dubois, en complément.

M. Ouellet (René): Ouellet. Je m'excuse. Voici, ce qui fait que la CALP est actuellement un tribunal d'appel, c'est à cause de l'existence des bureaux de révision. Alors, évidemment, la personne qui arrive devant nous, que ce soit CSST, employeur ou travailleur, quand elle arrive devant nous, c'est un tribunal d'appel, parce qu'elle a déjà été entendue par trois personnes au bureau de révision. Alors, si on fait disparaître le bureau de révision, la Commission d'appel devient un tribunal de première ligne et, évidemment, il faut, à ce moment-là, envisager d'autres solutions si on veut conserver un droit d'appel.

Par contre, la difficulté avec la Cour du Québec, qui est venue vous dire, à ma grande surprise, tout à l'heure, qu'effectivement ils jugeaient déjà, eux autres, qu'on n'était pas indépendants et impartiaux, la grande difficulté avec le tribunal du Québec, c'est que, là, vous tombez avec un tribunal spécialisé qui est la CALP, et spécialisé, comme on dit, c'est sans prétention, parce que, en fait, on fait toujours la même chose, mais là vous tombez avec quelqu'un qui va venir décider d'un problème pointu dans une spécialisation alors qu'il est complètement en dehors du domaine. Alors, là, il va falloir faire d'une division de la Cour du Québec, à ce moment-là, un autre tribunal spécialisé, parce qu'on a déjà ce problème-là dans des décisions, par exemple, qui vont en évocation devant la Cour supérieure où la Cour dit: C'est manifestement déraisonnable. Et là ils vont rendre une décision. C'est un juge seul qui va rendre une décision et qui, souvent, vient mettre la hache, si on peut dire, dans une série de décisions qui sont interreliées entre elles et où le juge n'a pas vu vraiment le problème.

Moi-même, j'ai pratiqué le droit pendant 25 ans et je ne croyais pas que la loi sur la santé et sécurité et les maladies professionnelles était si vaste, et, effectivement, je n'en ai pas encore, après plusieurs années, fait le tour. Alors, j'imagine mal, moi, qu'un juge de la Cour du Québec arrive et décide, comme ça, à froid. Il faut, à ce moment-là, que la Cour du Québec devienne spécialisée à son tour.

Le Président (M. Pinard): Merci, Me Ouellet. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, venant tout de suite après le groupe de membres et d'assesseurs de la Commission des affaires sociales, le témoignage de l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles, je pense, donne tellement de matière claire à réfléchir au ministre que je crois qu'il serait très difficile pour lui de ne pas donner suite à vos recommandations. Bien que l'ayant déjà vu presque se plaire dans son rôle dans le dossier de l'aide juridique, qui, un an plus tard, a toujours quitté les rails, alors que le moteur continue à tourner mais que ça ne progresse pas, peut-être qu'il va rester avec son idée et qu'il va arriver la même chose à son projet de réforme du droit administratif, car, effectivement, c'est incontournable. Ou on donne les garanties d'impartialité et d'indépendance et on va avoir une structure qui va se tenir, ou, comme une de vos représentantes vient de le dire, c'est inévitable.

Je partage entièrement votre analyse, les tribunaux de juridiction supérieure vont dire que ça ne rencontre pas les règles édictées par la Cour suprême dans l'affaire Valente, et le tout va sauter. On ne peut pas jouer aux deux. C'est ce que nous prétendons depuis le début de ces audiences. On dit que, si on va, à ce point-là, calquer le modèle des tribunaux judiciaires pour le domaine administratif, il faut finir le travail. Il ne faut pas arriver, avec ce qu'on a vu au mois de septembre de cette année, avec des titres dans les journaux: «Bégin prêt à sacrifier des juges compétents». C'est inconcevable. Si on restait avec le modèle du bon vieux temps... Les tribunaux administratifs, c'est vraiment une bibite créée par l'État. On peut nommer pour une période x des gens, puis... Comme vous l'avez si bien dit, ça a toujours réussi à échapper à l'application de Valente, parce que c'était le modèle. C'était ce à quoi on... C'était, en soi, acceptable.

Mais, comme vous l'avez dit, Mme Leydet, c'est effectivement un problème non seulement juridique, comme on vient de le dire et de le voir avec votre intervention, mais c'est aussi un problème social, et je partage, encore là, votre position. Comme vous avez expliqué, monsieur, que vous avez dû démissionner – éthique oblige – de votre fonction de permanent à la CSN, vous avez complètement raison, et M. Wurtele, de la CAS, a eu le même propos tantôt: «What's sauce for the goose is sauce for the gander». Si vous avez démissionné pour ces motifs-là, à plus forte raison, la personne qui est dans l'administration publique doit démissionner car elle a une optique proprement administrative, une optique de la machine. Et, si jamais on veut aller chercher quelqu'un dans cette situation-là, libre à elle, cette personne, donc, de faire application et d'être acceptée le cas échéant, mais qu'on s'assure aussi que cette personne-là sache à quoi s'attendre.

On est tous d'accord que c'est possible de nommer les gens pour une période x et que le bobo, c'est vraiment la reconduction au gré du gouvernement, parce que, malgré toutes les structures qu'on peut mettre en place – et vous venez de faire une démonstration éloquente qu'il y a déjà des problèmes dans le règlement qui est proposé – peu importe la structure qu'on va mettre en place, il faut être lucide: c'est toujours au gré du gouvernement, ces reconductions-là. Que ce soit pour un motif aussi noble que de mettre plus de femmes et de minorités sur les tribunaux administratifs ou pour des motifs moins nobles, ce qui est discrétionnaire est discrétionnaire; et, du moment que vous avez ce genre de discrétion, vous posez toute la question de l'impartialité et de l'indépendance.

Je dois vous dire qu'au début ce n'était pas trop sûr si on allait avoir le plaisir d'entendre les deux groupes qu'on vient d'entendre, vous le savez très bien. Maintenant que je vous ai entendus, je comprends bien pourquoi il avait des réticences, parce que, effectivement, ce que vous venez de dire cet après-midi...

M. Bégin: Des procès d'intention.

(17 h 50)

M. Mulcair: ...était très très important pour nous, très compromettant pour certains pans importants du projet de loi du gouvernement là-dessus, et j'espère juste que votre démonstration claire, lucide et convaincante n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd et que le ministre va vous écouter là-dessus, parce que c'est vraiment mettre en péril toute la réforme qu'on est en train de faire si on ne s'attaque pas à cette question fondamentale dès le départ.

Évidemment, comme tous les autres qui sont venus, vous êtes dans une situation difficile, parce que personne ne connaît exactement le sujet du débat, parce qu'il manque toute la partie de la loi d'application. Alors, on va peut-être se rendre à une troisième consultation. On en a eu une le printemps dernier; là, on le fait maintenant. Combien de groupes vont venir ou vont pouvoir revenir une fois qu'on aura la loi d'application? Puis j'espère que ce n'est pas une perte de temps totale et que le ministre aura au moins écouté certaines parties et que le projet de loi va pouvoir le refléter. Mais c'est sûr qu'il va falloir qu'on poursuive cette consultation-là si on ne veut pas, justement, que le tout tombe à l'eau.

Vraiment, M. le Président, je vais passer la parole à mon collègue qui, lui, avait une question à poser. Mais je tenais juste à réagir aux propos tenus par le groupe, parce que c'est pour nous crucial que vous ayez pu avoir l'indépendance d'esprit et le courage – je le dis ouvertement – de venir ici aujourd'hui. Vous avez énormément aidé les membres de cette commission. Si ce projet de loi là ne reflète pas vos préoccupations, malheureusement, je suis convaincu que c'est voué à l'échec et que ça sera déclaré invalide par les tribunaux. Je vous remercie beaucoup, personnellement, d'avoir pris le temps, l'énergie et d'avoir fait preuve de cette indépendance d'esprit en venant ici aujourd'hui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Je demanderais maintenant au député de Frontenac...

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, je voudrais, dans un premier temps, donner raison au ministre. Ça nous arrive assez souvent de lui donner raison. Ça lui fait plaisir lorsqu'on lui donne raison. Ha, ha, ha! Effectivement, le comité de recommandation des nominations des juges au ministre ne peut pas vérifier, pour des questions d'ordre technique – la confidentialité – certains motifs de rejet de candidatures, qui ne peuvent être vérifiés que par le ministre lui-même. Là-dessus, dans ce sens-là, et très sérieusement, je veux donner raison au ministre.

À la page 24 de votre mémoire, vous insistez, à juste titre, sur la spécialisation des commissaires de l'Association en matière de lésions professionnelles, spécialisation qui est fondamentale, essentielle; mais, en même temps vous indiquez qu'il peut y avoir déplacement, mobilité. Alors, moi, je vois une contradiction là-dedans, hein. Vous ne pouvez pas être spécialistes dans tous les secteurs, tous les volets. Comment concilier le fait que la spécialisation est fondamentale et qu'en même temps vous considériez qu'il peut y avoir déplacement, qu'il peut y avoir, tel que l'indique l'article 80, des affectations à d'autres sections que celle pour laquelle un juge du TAQ aurait été nommé? Comment vous conciliez ça?

M. Robichaud (Gilles): Bon. Écoutez, de façon...

Le Président (M. Pinard): M. Robichaud.

M. Robichaud (Gilles): ...éducative, on le concilie de la façon suivante: ça s'inscrit dans le cadre de la formation permanente. On a appelé ça, nous...

M. Lefebvre: J'avais compris.

M. Robichaud (Gilles): ...si vous le lisez, la formation continue des membres.

M. Lefebvre: J'avais compris que vous me répondriez ça. Ha, ha, ha!

M. Robichaud (Gilles): Bien, écoutez, c'est parce que c'est dans...

M. Lefebvre: Alors, enchaînez là-dessus. Oui. O.K.

M. Robichaud (Gilles): Non, mais c'est vraiment... L'idée qu'on avait, nous, c'était de dire: Ce tribunal-là exige des personnes spécialisées, oui, mais, par exemple, la Commission des affaires sociales traite aussi des accidents d'automobile. C'est une question d'indemnisation. Il y a la sécurité du revenu où c'est une question d'indemnisation. Il y a des choses qui se ressemblent. Que ce soit pour une question de dos brisé par accident d'auto ou de dos brisé au travail, lorsqu'on parle d'indemnisation, on parle de choses qui se ressemblent, d'une part.

D'autre part, c'était pour peut-être permettre que, justement, si on doit rester plus que 15 ans, on ne soit pas nécessairement rivé à notre propre chaise si on veut pouvoir bouger et faire valoir notre compétence au sein du Tribunal ailleurs que dans notre section. Cette volonté-là, par contre, était limitée par la nécessité de suivre des cours de formation. D'ailleurs, dans le projet de loi, il est prévu que le Conseil de la justice administrative puisse faire du perfectionnement. Nous, quand on a vu ça, on a dit: Pourquoi pas? Qu'on puisse prendre des personnes qui sont compétentes à la CALP et penser qu'avec une formation qui serait continue, à l'intérieur de cinq, 10, 15 ans, les personnes aient le temps de se familiariser avec la juridiction, par exemple, de la Commission des affaires sociales, la juridiction...

Peut-être qu'à l'évaluation foncière c'est un peu différent, mais, la section économique, les émissions de permis ou la section territoire agricole, protection de l'environnement, respect de législation existante, ça ne nous semblait pas être du chinois à ce point, pour un juge administratif, d'être capable, avec une formation, de pouvoir... Mais on parle d'une personne qui est déjà juge administratif.

M. Lefebvre: Mais, lorsqu'on parle de formation continue, vous êtes bien conscients de ce que vous suggérez. C'est gros, ça, la formation continue.

M. Robichaud (Gilles): Ah bien oui! On peut parler de trois semaines par année. On parle sur cinq, 10 ans, là, on ne parle pas à chaque... Trois semaines par année, une personne, comme d'autres, professionnellement, suivent des...

M. Lefebvre: Alors, la seule réserve que vous émettez, c'est l'évaluation foncière. Quant au reste, tous les membres du Tribunal pourraient être, pas interchangeables – je cherche le bon mot...

Le Président (M. Pinard): Polyvalents.

Une voix: Amovibles.

M. Lefebvre: ...amovibles...

M. Robichaud (Gilles): Oui, mais dans des...

M. Lefebvre: ...d'une section à l'autre.

Mme Leydet (Anne): Dans des domaines connexes.

M. Robichaud (Gilles): Dans des domaines connexes. Mais, écoutez... Oui.

M. Lefebvre: Des domaines connexes. Oui. Alors, le seul domaine qui n'est pas connexe, quant aux sections prévues dans le projet de loi n° 130, c'est l'exclusion à laquelle vous avez fait référence tout à l'heure, l'évaluation foncière, ce qui voudrait dire que tous les membres du Tribunal administratif du Québec pourraient se déplacer d'une section à l'autre conditionnellement à ce qu'ils aient une formation continue. C'est ça que vous suggérez.

Mme Leydet (Anne): Vous savez, une formation continue de cette nature-là – donc, on parle d'un certain nombre de semaines par année, par exemple, sur une période de plusieurs années – est probablement encore, si on veut parler de gestion efficace, beaucoup plus efficace, finalement, que la nomination et l'entraînement...

Vous savez, par exemple, que les commissaires de la CALP qui sont nommés passent par une période intensive de trois à six mois de formation et ne deviennent véritablement, si vous voulez, efficaces, sur le plan de la productivité, qui est encore un concept qui est difficile à appliquer dans le domaine de la justice administrative, mais, néanmoins, au bout d'un an et demi, deux ans. Lorsqu'on a déjà des membres à l'intérieur d'un tribunal qui connaissent déjà comment se comporter en tant que membres d'un tribunal, qui ont déjà des connaissances en matière d'indemnisation – parce que les accidents de travail, que ce soient à la CAS ou à la CALP, la sécurité, etc., ce sont toutes des questions d'indemnisation – on fait déjà valoir, donc, ces qualités-là et, à l'aide d'une formation additionnelle, on permet l'intermobilité là où nécessaire, évidemment, encore une fois, dans un but de saine gestion.

M. Lefebvre: Mais, madame, l'intermobilité, qui pourrait être un objectif louable, si on s'en tient à votre mémoire, ne pourrait jamais tasser la spécialisation.

Mme Leydet (Anne): Tout à fait. Alors, encore une fois, la spécialisation est le premier mot, je pense, utilisé dans ce paragraphe-là de notre mémoire. C'est sûr que c'est la spécialisation d'abord.

M. Lefebvre: L'intermobilité serait l'exception, si on veut...

Mme Leydet (Anne): Ah! c'est sûr qu'on ne va pas passer d'un côté à l'autre du tribunal.

M. Lefebvre: Oui. Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Non, ça va.

Le Président (M. Pinard): Ça va aller?

M. Mulcair: Ça va. Merci.

M. Bégin: N'ayant...

Le Président (M. Pinard): M. le ministre...

M. Bégin: Oui, juste une...

Le Président (M. Pinard): ...pour compléter?

M. Bégin: ...dernière chose. N'ayant pas traité de manière tangible, en dehors – et je le comprends – la question du mode de nomination, à l'égard duquel vous avez des sérieuses réserves, surtout sur le renouvellement et la durée, est-ce que c'est trahir votre pensée que, dans l'ensemble, sur le fonctionnement, la preuve, les sections et la constitution du TAQ... Je comprends que vous êtes sensiblement d'accord avec les principes qui sont énoncés dans le projet; c'est pour ça que je fais la distinction, pour ne pas trahir votre pensée, mais c'est parce que vous n'en avez pas parlé.

Mme Leydet (Anne): Oui.

M. Bégin: Dans votre mémoire, vous le dites un peu, mais je voulais quand même savoir si, sur le projet comme tel...

Mme Leydet (Anne): Tout à fait.

M. Bégin: ...de la réforme, vous êtes d'accord.

Mme Leydet (Anne): Tout à fait. Là-dessus, je pense que l'Association l'a souligné dans son mémoire, et nous tenions à le souligner ici – c'est peut-être le dernier mot – que ce projet nous apparaît excessivement intéressant. Nous sommes d'accord avec les grands principes. Nous regrettons que le mot «indépendance» ne soit nulle part lu dans ce projet.

M. Bégin: Mais vous avez dit: Pas d'«impartialité». Pourtant, il y est. Il y est. Ha, ha, ha!

Mme Leydet (Anne): Et l'«impartialité» y est à certains égards. Vous avez raison.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

Mme Leydet (Anne): C'est pour ça que je n'ai pas utilisé ce mot-là.

M. Bégin: Non. Je le sais, mais j'attendais que vous le disiez.

Mme Leydet (Anne): Mais je n'ai pas fait l'erreur, M. le ministre.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

Mme Leydet (Anne): Mais le mot...

M. Lefebvre: «Indépendance» dans le sens le plus noble du terme.

M. Bégin: Il est écrit, par exemple.

Mme Leydet (Anne): Vous savez...

M. Bégin: Le mot «impartial» est là.

Mme Leydet (Anne): Vous savez, il faut parler de noblesse.

M. Bégin: Mais M. Lefebvre avait des problèmes avec le mot «impartial».

Mme Leydet (Anne): Mais nous supportons ce projet de loi, M. le ministre, il n'y a pas de doute. Il est grand temps. Il y a eu beaucoup de travail fait là-dessus, nous le reconnaissons, mais nous pensons que, quitte à le faire, il faut le faire jusqu'au bout.

M. Bégin: Merci, madame.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme Leydet.

M. Lefebvre: M. le Président, je veux rappeler au ministre que ce n'est pas moi qui ai des problèmes avec l'impartialité puis l'indépendance, ce sont les assesseurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Bien oui!

M. Lefebvre: Les assesseurs.

M. Bégin: Non, je comprends, mais c'est que, dans le projet... je pense que c'est à l'article 6 ou 7 que le mot...

M. Lefebvre: Oui, oui, oui, oui!

M. Bégin: ...«impartial» revient...

Le Président (M. Pinard): Alors, messieurs...

M. Bégin: ...est énoncé.

Le Président (M. Pinard): ...si vous le...

Une voix: Non, mais il a changé d'idée là-dessus.

Mme Leydet (Anne): La seule autre chose...

M. Bégin: Il a changé d'idée? Ah! O.K.

Mme Leydet (Anne): Je voulais juste...

M. Lefebvre: Non, non, non, non. Ha, ha, ha! Non, non.

Mme Leydet (Anne): M. le Président, je voulais juste finir là-dessus...

(18 heures)

M. Lefebvre: C'est que la réponse du ministre a tout le temps été la référence à la Charte des droits. Pour moi, ce n'est pas une réponse satisfaisante.

M. Bégin: Je n'ai jamais répondu à ça.

Mme Leydet (Anne): M. le Président, je voulais seulement finir là-dessus. C'est que notre seule inquiétude...

Le Président (M. Pinard): Si vous me permettez, madame...

Mme Leydet (Anne): Ah!

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que vous avez un dernier commentaire, Mme Leydet?

Mme Leydet (Anne): Merci, M. le Président. Et je m'excuse, le seul commentaire... Pour finir le commentaire que je voulais faire au ministre... Et l'Association tient à noter que sa plus grande inquiétude à l'heure actuelle, finalement, à part ce qui vous a déjà été dit, se situe au niveau des mesures transitoires, que nous ne connaissons pas. Nous avons su, des débats et des interventions, que nous allons en savoir un peu plus d'ici le 30 mars.

Le Président (M. Pinard): Une réponse brève de la part du ministre.

M. Bégin: Là-dessus...

Mme Leydet (Anne): Et, là-dessus, j'aimerais juste mettre entre parenthèses que, d'ici le mois de juin – parce qu'on a parlé peut-être d'une commission parlementaire en mai, juin – il y aura plus de 20 commissaires qui seront en renouvellement, à ce moment-là, à la Commission d'appel. Et je peux vous dire que l'inquiétude double, triple et quadruple au fur et à mesure que les mois s'écoulent.

M. Bégin: Pour les mesures transitoires et la loi d'application, vous connaissez l'article 188... J'ai déclaré ici, pour tout le monde, que la loi d'application serait déposée vers la fin du mois de mars de manière à permettre aux gens de la bien comprendre, de la bien posséder avant qu'on ne fasse la commission parlementaire qui étudiera article par article le projet de loi dont on vient de parler. Alors, il y aura, je pense, suffisamment de temps pour que l'exercice soit fait. Mais vous comprenez que la loi transitoire ne vise pas... Si je pense aux personnes, il ne s'agit pas de bouleverser et chambouler tout ça sous prétexte qu'on change quelque chose. Je pense qu'on doit prévoir une continuité des choses. Cependant, bien sûr qu'il y aura des changements. Par exemple, il y a des personnes qui n'exerceront plus des fonctions juridictionnelles. Bien, c'est bien sûr que, pour ces personnes-là, il y aura des changements de statut, mais ce n'est pas parce qu'il n'y aura pas continuité dans le temps.


Mémoires déposés

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, Mme Leydet, M. Robichaud et Me Ouellet, merci infiniment d'avoir déposé votre mémoire devant les commissaires. Maintenant, je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus par la commission qui a siégé depuis six jours, soit celui de Mme Rita Désilets, celui des accidentés de la route, région des Laurentides, celui de M. Michel Leblanc, celui de la Corporation du loisir automatique du Québec, celui d'Air Canada, celui de l'Association des manufacturiers du Québec, celui de M. Alain Tremblay, celui de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, celui de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes inc., celui de la Régie des rentes du Québec, celui de Mme Helen Owers et de l'Association de la construction du Québec.

Alors, puisque nous terminons ce soir les six jours d'audiences, nous allons terminer avec les remarques finales. Alors, je suspends les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise à 18 h 4)

Le Président (M. Pinard): Alors, comme je le mentionnais, nous terminons six jours d'audiences publiques sur la justice administrative, et c'est tout à fait normal de terminer nos travaux en écoutant les remarques finales de la part du député de Chomedey et critique officiel, M. Thomas Mulcair.


Remarques finales


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, mes remarques vont être relativement brèves, malgré la longueur des audiences de la commission, pour la bonne et simple raison qu'au cours des différents échanges qu'on a eus aujourd'hui et pendant les autres journées on a quand même réussi à exprimer un peu nos craintes et à dire les parties qu'on trouvait valables dans le processus.

Disons tout de suite qu'on tient à dire encore, comme on l'avait dit au début, qu'on félicite le ministre pour sa décision de tenir des consultations générales, fait malheureusement rare pour ce gouvernement et malheureusement aussi pour le ministre de la Justice, parce que, la plupart du temps, on a tenu à avoir juste des consultations à caractère restreint avec des gens invités. Je pense que l'idée d'une consultation générale ne saurait se justifier plus qu'avec les exemples qu'on a eus cet après-midi. On a vu des groupes que, normalement, on n'a pas l'habitude de voir en commission parlementaire venir avec des exemples, avec des cas vécus et avec leur expérience nous expliquer pourquoi il fallait changer certains éléments du projet de loi et ce fut, pour moi, très enrichissant. Je suis convaincu que, pour le ministre aussi, ça a été un apport important.

Il y a des aspects du projet de loi qui ont été questionnés, voire même critiqués. On ne peut que constater à quel point il peut donc être périlleux comme exercice que de tenter de codifier la «common law». Je parle surtout des premiers articles de la loi, où plusieurs personnes sont venues nous expliquer qu'elles voyaient difficilement comment certaines manières de rédiger les choses au début de la loi pouvaient être conciliées avec des exigences déjà existantes dans la Charte. Je pense notamment au Protecteur du citoyen, qui a tenu des propos importants à cet égard-là, et au professeur Pierre Lemieux.

Il y a deux parties du projet de loi qui ont surtout retenu notre attention, c'est la question du paritarisme et la question de la nomination et de la reconduction. Évidemment, il y a un troisième élément qui a préoccupé beaucoup de gens mais qui ne se retrouve pas dans le projet de loi – et c'est la raison de leurs préoccupations – et c'est toute la question des appels.

Regardons d'abord la question du paritarisme. On a eu l'occasion de voir que, même à l'intérieur d'un même secteur dans notre société, c'est-à-dire le secteur des syndicats de travail, il y a des divergences profondes. On a vu la CSN, importante centrale syndicale, venir dire, ni plus ni moins, la même chose que le Barreau du Québec. On a vu, d'un autre côté, la FTQ, également une centrale syndicale très importante dans notre société, venir dire la même chose que le Conseil du patronat. Alors, entre ces deux, ça va demeurer intéressant de voir comment le ministre va se ranger. C'est peut-être hasardeux comme exercice de ma part, mais j'ai cru déceler une certaine flexibilité dans les questions et l'approche du ministre concernant le paritarisme. Il ne rejette plus du revers de la main l'idée que, dans certains domaines, certains secteurs et à certains niveaux, ça puisse être un modèle qui a fait ses preuves et qui vaille la peine d'être retenu. C'est notre position, M. le Président, et nous demeurons convaincus, forts de la démonstration de plusieurs intervenants, mais, je tiens à le souligner, particulièrement la démonstration de la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ... Son président, M. Godbout, a vraiment fait une démonstration claire et il a infirmé beaucoup de préjugés que les gens entretenaient à l'égard du paritarisme. Je pense que, effectivement, il faut faire preuve de plus de flexibilité dans notre approche concernant cet aspect-là.

Pour ce qui est, bien entendu, de l'appel, alors, évidemment, nous demeurons persuadés que si on ferme toute cette nouvelle structure à toute possibilité d'un appel, c'est évident que le seul recours qui va rester, ça va être une évocation à la Cour supérieure et que... La nature humaine, la nature des juges regardant... face à l'administration, la tendance va être d'ouvrir le recours à l'évocation. Il ne faut pas laisser les gens sans recours, sans appel, surtout sur des questions importantes de droit qui vont se transformer dans l'analyse. Règle de jurisprudence oblige, ça va être dit une question de compétence, ça va être dit une question de «déraisonnabilité», mais ça va être une autre manière de s'assurer que les choses ne restent pas là. J'espère que, sur la question des appels, le ministre va aussi trouver le moyen d'être flexible dans son approche, parce qu'on a... Et c'est surtout cet après-midi qu'on a eu beaucoup d'analyses fouillées, intéressantes, très enrichissantes pour le travail de la commission. Je pense que, là-dessus, encore une fois, on est en droit de s'attendre à ce que le ministre donne suite.

(18 h 10)

S'il y a un domaine où on ne peut plus échapper à l'évidence, c'est celui de la nomination et de la reconduction des membres, l'évidence étant que le système prévu dans le projet de loi, malgré l'avant-projet de règlement, est inacceptable tel que prévu. Il y a quelque chose qui cloche. On ne peut pas rester avec l'idée qu'on est avec un tribunal administratif lorsqu'on est rendu à en faire, dans sa structure, dans sa forme et dans son caractère centralisant, quelque chose qui ressemble à ce point-là aux tribunaux judiciaires. On ne peut plus dire: Bien non, ça échappe à Valente, ça échappe aux règles édictées par la Cour suprême parce que c'est de l'administratif.

C'est peut-être une faille fondamentale dans l'approche que d'avoir voulu à ce point-là dire: Bien non, on va tout regrouper ça. Je pense que ce débat est terminé. Il y a certains intervenants, au cours du printemps dernier, qui sont venus dire: Est-ce que vous avez vraiment testé votre hypothèse de base, l'idée même d'aller vers ce genre de structure centralisée? Mais ce débat est terminé. Je crois vraiment qu'il faut accepter de tourner la page là-dessus. On s'en va vers ce genre de structure, mais, si on s'en va vers ce genre de structure, il faut faire les accommodements qui s'imposent vis-à-vis les décisions du plus haut tribunal du pays, car, sinon, ne pas tenir compte de ça, ça va mettre en péril la pérennité du tribunal, et ce, depuis les premiers jours. Si c'est votre capacité de gagner votre vie par un permis de travail, si c'est votre capacité de garder votre usine de fabrication de vin en opération par une décision de la SAQ, peu importe la décision qu'on va trouver, dès que ça va affecter fondamentalement un tel droit et que les gens ont les moyens de le faire, ça va être attaqué devant les tribunaux supérieurs et, à notre sens, ça risque très fortement d'être déclaré illégal, la manière dont on procède ici.

Je pense surtout, M. le Président, qu'il y a une sorte de problème d'avoir procédé à l'exercice auquel on vient de prendre part sans avoir eu en main la loi d'application. Tout le monde est venu le dire. Même si, comme je viens de le dire, c'est enrichissant, c'est très bon pour la commission d'avoir pu prendre connaissance des interventions qui ont été faites, il n'en demeure pas moins que c'est toujours avec une patte en l'air qu'on est en train de faire ça. Le Barreau a appelé ça un exercice hasardeux, et c'est le cas. On ne sait pas ce qu'il va y avoir là-dedans. D'une manière ou d'une autre, il y a une série de consultations de trop, parce que c'est sûr qu'il va falloir revenir avec la loi d'application en main, ce qui va peut-être avoir une influence sur ce que les gens vont avoir à dire sur le projet de loi n° 130. Ça devient une sorte de cercle vicieux. On va être rendu à la troisième, minimum, et peut-être une quatrième. J'ai l'impression que, le testament de M. Parizeau obligeant, on a déposé à la hâte le projet de loi n° 130 juste avant Noël parce qu'il voulait dire que c'était une autre de ses réalisations. Mais ce n'était à ce point pas mûr quand ça a été déposé – on a eu toutes sortes d'exemples dans les groupes qui sont venus – que les légistes ont changé des choses par rapport à ce qui a été déposé à l'Assemblée nationale. C'est inquiétant, ça, sur le plan de la démocratie, M. le Président.

Je suis allé vérifier, au plan de la rédaction, certaines coquilles que j'avais relevées dans ce qui a été déposé en Chambre, et ce qui a été déposé en Chambre n'est pas la même chose que ce qui a été publié. Ça ne changeait pas, sur le fond, d'une manière très importante, mais ce genre de changement, à mon sens... S'il y a une erreur là-dedans lorsqu'il a été déposé, c'est ça qui a été déposé. Nous, on peut le changer en commission par après. Le ministre peut déposer une correction, mais ce n'est pas au niveau administratif que ces changements se font. Ça, ça appartient à l'Assemblée nationale, ça appartient à la Chambre. Ça, c'est légèrement différent à plusieurs égards. On n'a pas eu le temps de tout vérifier, mais on a déjà relevé, nous autres, quelques changements. C'est inacceptable. Parce que si on commence à le faire sur des coquilles ou sur des problèmes de forme, qui va faire la détermination de ce qu'est une coquille ou un problème de forme? Ça, c'est un glissement, à mon sens, tout à fait inacceptable. Je tiens à le souligner et à le dénoncer dès aujourd'hui et à dire que je ne veux, pour ma part, comme élu, plus voir ça se répéter.

En terminant, M. le Président, évidemment, comme tous les autres intervenants, on va attendre avec impatience de voir ce qui va sortir en termes de loi d'application. On offre, comme on l'a fait depuis le début, notre collaboration au gouvernement pour essayer d'accélérer le processus, mais je crains qu'encore une fois on soit vraiment devant une situation où on a peut-être une consultation de trop, parce qu'il aurait fallu vraiment faire les deux en même temps, lire le projet de loi sur la réforme de la justice administrative et sa loi d'application. On a vécu, malheureusement – vous êtes notaire, vous le savez fort bien – le problème avec le Code civil, un énorme Code civil, une énorme réforme, un important projet de loi d'application. Il y a eu tellement de problèmes par après, on a offert notre collaboration. Il le fallait; il y avait tellement de problèmes d'application qu'on ne pouvait pas avancer. J'espère que, cette fois-ci, on va s'y prendre d'une manière un peu plus structurée. Je sais très bien ce que je suis en train de dire quand je mentionne ça. Je sais très bien qui a sorti le Code civil à ce moment-là avec la loi d'application. C'était la formation parlementaire dont je fais partie. Mais je pense que si on veut être honnête dans ces choses-là, il faut avouer quand il y a eu des problèmes par le passé. On les a tous vus et on a vu que le ministre a été obligé d'intervenir pour tout corriger ça. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je voudrais d'abord remercier tous ceux et celles, les groupes, les personnes qui sont venus ici, en commission, présenter. Ils ont préparé un mémoire qu'ils sont venus défendre ici, devant nous, pendant une heure ou une demi-heure et répondre à nos questions. C'est un geste, c'est... Je pense que le moment où on apprécie le plus le système démocratique, c'est d'entendre pendant deux semaines des personnes, des groupes venir défendre un point, l'ensemble des points ou quelque chose qui n'est pas évident et de venir dire que, pour telle et telle raison, on devrait le changer, ou encore féliciter pour tel et tel point que l'on retrouve là, qu'on espérait trouver, surtout après 25 ans, comme c'est le cas dans le dossier de la justice administrative.

Je voudrais aussi remercier l'opposition pour sa bonne collaboration. Je pense que, dans l'ensemble, ils ont bien collaboré. J'avoue, cependant – et ça n'enlève rien à ce que je vais dire – que j'aurais apprécié que ce qu'on vient de me dire concernant les coquilles m'ait été signalé au préalable et qu'on puisse me dire en quoi il y a eu des corrections. J'avoue honnêtement que je n'apprécie pas beaucoup entendre ça, d'autant plus que ça ne semble pas être des choses importantes, mais des vétilles. Je ne crois pas que soit en péril un projet de loi parce qu'il a été déposé sous une forme non finale, comme ça a été le cas parce que, à la fin de la session, il y avait une impression qui ne pouvait pas suffire.

Ceci étant dit, je suis heureux de constater que les quatre grands principes qui animent le projet de loi, à savoir la déjudiciarisation de la décision initiale, qui est extrêmement importante, le premier geste qui est posé par l'administration, le regroupement des tribunaux administratifs au sein du TAQ et des règles de preuve et de procédure qu'on va y retrouver, la transparence dans le mode de sélection, de nomination et de renouvellement – et je reviendrai tout à l'heure là-dessus, le principe de la transparence – et l'institution du Conseil de la justice administrative ont fait l'objet, de façon presque unanime, d'une réception fort positive de la part des gens qui sont venus ici et qui ont témoigné devant la commission.

Certainement que le projet peut être amélioré, comme l'ont noté plusieurs intervenants, mais je pense que tous considèrent que le cap qui a été proposé par le projet de loi doit être maintenu. La plupart m'ont référé au temps que ça avait pris, aux nombreux rapports qui avaient été déposés, et qu'enfin, finalement, on avait un projet de loi qui, dans l'ensemble, rencontrait les exigences qu'on a faites. Je pense, en particulier, au Protecteur du citoyen, qui a dit que, je pense, il y a 34 de ses recommandations qui se retrouvaient dans le projet de loi et qu'il en était très fier.

Tout au long de ce temps, de ces auditions, j'ai perçu qu'il y avait des choses qui devaient être corrigées, qui devaient être revues. Des fois, c'était relativement superficiellement, mais, dans d'autres cas, plus profondément. Entre autres, les articles 2 et 3, qui sont relatifs au champ d'application du projet de loi, et aussi quant aux définitions qui étaient utilisées, et là je réfère aux mots «organismes gouvernementaux», «organismes administratifs» ou «organismes», le premier étant défini et les deux autres ne l'étant pas; ils devaient être précisés. On devait attacher de l'importance à un remaniement de ces textes-là.

J'ai entendu également beaucoup de réactions à l'égard de la petite expression toute simple, mais si significative et si désagréable, «dans la mesure du possible», et je pense que tous ou à peu près ont réagi, et personne ne s'était donné le mot. Donc, il doit y avoir quelque chose là, certain, certain, certain.

(18 h 20)

Il y a aussi la place qu'occupent les articles 8 à 12 dans le projet de loi. Peu l'ont signalé, mais c'était très clair, et moi-même, ayant eu la même réaction à la lecture du projet de loi, je pense qu'on doit déceler qu'il y a quelque chose à corriger. On devrait faire en sorte que les articles 8 à 12 soient très clairement rattachés à la notion de tribunal pour qu'il n'y ait pas d'équivoque à cet égard. Donc, ce sera changé.

L'article 11.4°, relié aussi à l'article 105, concernant les notions d'assister ou de représenter – et là je fais référence à ce que le Jeune Barreau a proposé – a été à de nombreuses reprises soulevé. Je ne dis pas que le concept est tout à fait attaché, mais beaucoup ont tenté de nous dire qu'il fallait faire la distinction entre l'assistance et la représentation. L'opposition a mentionné que ce n'était pas clair tout à fait, mais ce n'est pas parce que ce n'est pas encore clair qu'on ne doive pas y réfléchir et essayer de trouver une solution plus complète que celle qu'on a actuellement dans le projet de loi.

Je pense aussi qu'on doit apporter une clarification quant au concept ou au... qu'on dit le «recours de pleine juridiction» de l'article 13, plusieurs se sont accroché les pieds dans cette expression. On devra donc, je pense, repenser à cette formulation.

Plusieurs aussi ont abordé la question des quorums devant les différentes divisions ou sous-sections des divisions. Je pense qu'il y aura peut-être un effort à faire pour harmoniser et, peut-être, je ne sais pas si c'est nécessaire, d'uniformisation. Je pense qu'actuellement il y a une trop grande disparité entre les compositions des différents quorums dans les différentes divisions. On n'a pas voulu bousculer tout à fait, au départ, les choses qui étaient dans chacune des lois, mais je pense qu'avec ce qu'on a entendu on peut aller un petit peu plus loin et penser à refaire un peu, sans penser avoir une solution tout à fait finale. La loi d'application nous permettra aussi d'aborder cette question-là.

En ce qui regarde la nomination, la sélection, le recrutement, je pense qu'on peut dire que, sur la sélection – et je fais référence particulièrement au dernier témoignage qu'on a entendu, de ceux et celles qui ont regardé l'avant-projet de règlement – quant au mode de sélection, j'ai cru comprendre – et c'était ce que la plupart avaient dit – qu'un comité de sélection indépendant, composé de telle façon, permettait d'obtenir un processus transparent auquel on pouvait se fier, sujet à peut-être quelques petits ajustements, mais, dans l'ensemble, je crois que les gens reconnaissent ce qu'il en est. Quant au mode de nomination qui en découle, c'est le mode de nomination, je pense que, là aussi, il n'y a pas de problème. Les remarques qui ont été faites tout à l'heure permettent, je pense, d'éclaircir les ambiguïtés qui pouvaient exister. Par contre, il est sûr que le renouvellement, le fait du 15 ans, la question des avis de non-renouvellement et du court avis de non-renouvellement ont fait définitivement l'objet d'un questionnement systématique et régulier de la part des gens. Alors, je pense qu'il y aura une réflexion à faire à cet égard. Je ne crois pas qu'il soit opportun d'énoncer des règles présentement, mais il devra être regardé de très, très, très près.

L'article 40, qui est relatif au surnombre de personnes, a posé problème: personne n'a dit qu'il était favorable. Est-il possible, pour rencontrer les objectifs qui sous-tendaient sa présence, de le formuler de manière différente? Non, on verra, mais une attention particulière devra être accordée à cette question-là. Personne n'a encouragé qu'on puisse faire de telles nominations.

Plusieurs ont dit que – et c'était relativement positif, en ce sens que c'était plutôt d'ajouter quelque chose qui n'était pas évident pour tout le monde – à l'égard de l'article 121, certains recours devraient être placés comme étant des recours d'urgence. Je pense que, là-dessus, on s'était entendus, l'opposition et le gouvernement, pour agréer aux demandes qui étaient faites. Il y a deux ou trois demandes, et je pense qu'on devra y donner suite.

De manière tout à fait étonnante, nous avons entendu le témoignage du journaliste Morissette, du Journal de Québec ... Le Journal de Montréal , pardon, qui est venu nous parler de la justice publique. Je crois qu'il nous a apporté un éclairage tout à fait important et intéressant concernant le huis clos, concernant l'accès aux documents, et je crois – je l'ai dit et je le répète maintenant – qu'on va devoir regarder ça de plus près et tenir compte de l'évolution jurisprudentielle. Nous avions plutôt, pour le moment, choisi de reprendre ce qui existait déjà sans le questionner, parce qu'il faut se rappeler qu'une des difficultés considérables, c'est que personne n'a réussi à date à rendre un texte de loi complet sur cette question. Parfois, le prix à payer, c'est justement de ne pas... dans certains cas où ce n'est pas absolument essentiel, de changer fondamentalement les choses. Tout à l'heure, je parlais pour les quorums, je parle maintenant pour le huis clos et l'accès aux documents, c'était de ne pas trop changer, à première vue, les éléments. Mais, maintenant qu'on sait qu'on peut aller de l'avant, qu'on est dans la bonne direction, je pense qu'on doit apporter des modifications, et soyez assurés qu'on en tiendra compte dans le texte à venir.

Plusieurs se sont attardés à la révision prévue à l'article 149. Entre autres, la possibilité de révision d'office a fait l'objet de critiques sévères. Je pense que, dans les faits, nous devrions faire disparaître la présence de ce mot-là. D'autres ont fait des commentaires concernant cette disposition, mais il faudra peut-être y repenser. Vers la fin des audiences, j'ai fait état d'une possibilité de banc différent sans... Je regrette une seule chose, c'est de ne pas l'avoir souligné plus tôt dans les commissions, mais je fais simplement l'aveu de ne pas y avoir pensé avant. Mais je pense qu'on doit peut-être regarder un peu de ce côté-là. Ça pourrait permettre de régler certains problèmes de cohérence ou de manière de régler des problèmes de cohérence de certaines décisions, que ce soit à la CAS ou à la CALP, puisque les tribunaux supérieurs ont retourné à ces organismes le soin de le faire. Alors, on peut prétendre que ça va se faire comme ça se fait présentement ou, encore, d'une autre manière. Et je pense que le banc élargi à cinq pourrait être une solution. Maintenant, ce n'est pas une décision, c'est simplement une avenue de réflexion.

La composition du Conseil de la justice administrative a fait l'objet de commentaires, je pense, judicieux; ils ne sont pas négatifs, au contraire, et on devra, je pense, repenser à sa composition. En particulier, plusieurs nous ont mentionné ou fait état que la présidence du TAQ et la présidence du Conseil de la magistrature n'étaient peut-être pas une bonne chose. Je pense que ça mérite réflexion de ce côté-là. D'autres ont fait état du trop grand nombre de membres du Tribunal. Est-ce qu'on doit élargir un peu plus au public et, si oui, est-ce que les personnes du public doivent rencontrer certaines caractéristiques pour être là? Je pense que ça mérite réflexion. Mais ça va dans le sens que, oui, le Conseil de la justice administrative est bon, mais il faudrait le retravailler un petit peu.

Une remarque qui est revenue constamment, c'est l'absence entre la décision initiale et la CALP, ou la CAS, la possibilité d'avoir un mécanisme de conciliation ou de médiation inscrit dans la loi. Je sais qu'il existe déjà à la CALP un processus semblable ou analogue, mais les intervenants ont demandé qu'on le balise, qu'on l'exprime de manière précise dans la loi. Je crois que c'est quelque chose qu'on doit regarder. Il y a des critiques qui ont été faites à l'égard du mécanisme actuel. Alors, on pourra tenir compte de l'expérience vécue et des commentaires, et je réfère surtout à ce qui était dans le mémoire de la CSN, que j'ai testé auprès de plusieurs et qui a semblé faire consensus, sauf certains aspects très mineurs. Alors, on verra si c'est possible de faire ça.

Enfin, d'autres points, comme le paritarisme, qui ont été soulevés, je pense, de manière très, très, très claire, en deux lignes très claires aussi. Alors, du côté droit de l'arène se trouvent la FTQ, le Conseil du patronat et l'opposition; de l'autre côté se trouvent le Barreau, la CSN, la CEQ, l'ATTAQ et la FATA. Alors, on a deux équipes qui sont là, en présence...

Une voix: Du gouvernement.

M. Bégin: Hein?

Une voix: Il y a le gouvernement.

M. Bégin: Bon, le gouvernement, on verra. Le gouvernement a déjà fait un certain choix: le paritarisme n'existe pas au niveau du Tribunal. Je pense que ce qu'on a pu peut-être dégager, je ne voudrais pas m'avancer trop, mais... On tient vraiment au paritarisme au niveau du Bureau de révision paritaire, mais, au niveau du Tribunal comme tel, ce n'est pas aussi évident. Alors, c'est une question qui mérite réflexion, mais je crois qu'on est capable de régler de façon très positive cette question-là.

(18 h 30)

Enfin, l'appel. Nous avons entendu, surtout en fin d'auditions, des gens, des tenants de l'appel, mais nous avons entendu beaucoup d'intervenants être en total désaccord avec la possibilité qu'il y ait un appel soit à la Cour du Québec ou à la Cour d'appel directement. Peu de gens ont défendu cette position, allant beaucoup plus du côté du non-appel. Alors, c'est quand même des points de vue intéressants qui ont été soulevés. On ne peut pas les écarter du revers de la main, et ça mérite une réflexion avant de conclure.

Alors, M. le Président, voilà donc l'ensemble des réflexions que je dégage de ce que nous avons entendu ici. Je suis peut-être injuste à l'égard de remarques ou de suggestions qui ont été faites par certains intervenants qui n'ont pas été retenues dans mes notes, mais ce n'est pas parce que je les oublie, c'est simplement pour essayer de mettre ce qui était le plus en évidence. On sera toujours en mesure d'entendre des commentaires – je le dis parce que ça a pu être reflété – si des personnes, suite à ce qu'elles ont entendu ici – parce que plusieurs ont été présentes longtemps – s'il leur vient d'autres idées, ça nous fera plaisir, même si ce n'est pas dans le cadre d'auditions formelles, de les entendre ou encore de les lire si elles nous transmettent leurs observations. Et je crois que ce serait intéressant que ce soit fait. Finalement, le projet de justice administrative, c'est pour le citoyen, c'est pour ceux qui vont la rendre, c'est pour l'ensemble de toute la population. Je crois que nous sommes en voie, ensemble – et, là-dessus, la collaboration de l'opposition est substantielle, même s'il y a des critiques qui sont faites – on a le sentiment qu'on peut réussir à faire enfin ce que plusieurs auraient voulu faire dans le passé.

Je vois Jean-François Gosselin qui est venu nous dire que ça fait 15 ans qu'il travaillait là-dessus et qu'il avait accroché ses patins parce qu'il pensait que ça ne pourrait plus se réaliser. Mais, finalement, il a vu la lueur et il est revenu témoigner ici. Je pense que c'est un bon signal. Si on réussit ça, tout le monde ensemble – pas simplement le gouvernement – je pense qu'on aura fait oeuvre utile. Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, pour ma part, je tiens à remercier tous les membres de la commission pour leur assiduité et également les gens qui ont assisté à ces six jours d'audiences. Merci, M. le secrétaire. Alors, la commission ayant complété son mandat, j'ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 32)


Document(s) related to the sitting