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Version finale

35th Legislature, 1st Session
(November 29, 1994 au March 13, 1996)

Friday, December 8, 1995 - Vol. 34 N° 59

Vérification des engagements financiers


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Table des matières

Journal des débats


(Onze heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Simard): Je constate que le quorum existe. La séance est ouverte, et je rappelle le mandat de cette commission. L'objet de cette séance est de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de la Sécurité publique contenus dans les listes des mois de janvier 1994 à octobre 1995 inclusivement. Je rappelle à ce sujet que cela n'inclut pas la Sûreté du Québec, qui relève du mandat du même ministre.

M. le secrétaire, pouvez-vous annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee); et Mme Delisle (Jean-Talon) par M. Kelly (Jacques-Cartier).

(11 h 40)

Le Président (M. Simard): Merci, M. le secrétaire. Je rappelle certains points de l'entente intervenue. Une période de quatre heures est prévue pour l'étude de ces engagements, soit à partir de maintenant jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, si nécessaire. J'ajouterai que, à la suite d'ententes avec le vice-président de la commission, une heure et demie serait consacrée, si c'est utilisé, à l'étude des engagements entre le 1er janvier et le 12 septembre, c'est-à-dire des engagements couvrant la période où l'opposition de maintenant était au gouvernement, et que deux heures et demie seront consacrées à l'étude de la période du 12 septembre 1994 à octobre 1995.

Vous avez un ordre du jour qui est annexé à vos documents. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.


Réponses déposées

Le Président (M. Simard): Je vais accepter, à ce moment-ci, le dépôt des réponses obtenues; c'est l'article 2 de notre ordre du jour. Ce sont des réponses à des questions laissées en suspens lors de la séance de vérification du 4 mars 1993. Ces réponses ont été expédiées aux membres le 15 mars 1994. J'en accepte donc le dépôt.

Est-ce qu'il y a des demandes de renseignements ou de documents sur les engagements financiers déjà vérifiés?

M. Lefebvre: Quelle période, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Sur la période vérifiée, c'est-à-dire se terminant en décembre 1993.

M. Lefebvre: Pas de question, quant à moi.

Le Président (M. Simard): Alors, j'appelle l'étude des engagements contenus dans la liste... Nous allons fonctionner de façon chronologique, c'est l'entente entre le gouvernement et l'opposition. Nous allons fonctionner de façon chronologique et mensuelle. C'est donc dire que, pour bien suivre nos travaux, vous avez sans doute ces listes d'engagements que vous avez reçues, mensuellement, et nous passons donc maintenant à l'étude des engagements pour la période de janvier 1994. Est-ce que quelqu'un veut prendre la parole? Je vais laisser un petit peu de temps aux gens pour se situer. Pour janvier 1994, est-ce que les engagements sont adoptés?

M. Ménard: Est-ce que j'ai une déclaration préliminaire?

Le Président (M. Simard): Vous avez parfaitement le droit à cette déclaration. Ce n'est pas la coutume, M. le ministre, m'informe-t-on...

M. Ménard: Ah! Bien, moi, on m'avait informé...

Le Président (M. Simard): ...mais, s'il y a consentement de l'opposition, il n'y a aucun problème.

M. Lefebvre: Consentement.

Le Président (M. Simard): Il y a donc consentement, et je vous invite à faire ces remarques préliminaires.

M. Ménard: On m'avait informé d'une coutume différente, puisqu'on n'en avait préparé une sur laquelle j'ai travaillé quand même un peu moi aussi.


Remarques préliminaires


M. Serge Ménard

Alors, M. le Président et MM. les membres de la commission, nous abordons aujourd'hui l'étude des engagements financiers du ministère de la Sécurité publique et des organismes qui y sont rattachés, pour la période allant de janvier 1994 à octobre 1995 inclusivement. Comme convenu, les engagements financiers de la Sûreté du Québec feront l'objet d'une autre séance de cette commission. La rencontre d'aujourd'hui nous amènera à passer en revue plus de 500 engagements, dont un certain nombre ont été contractés avant que l'actuel gouvernement ne soit assermenté. J'invite les membres de la commission à poser toutes les questions qu'ils souhaitent. Même pour la période où le ministre de la Sécurité publique émanait de la formation politique qui compose maintenant l'opposition officielle, je me ferai un devoir de répondre de mon mieux à vos interrogations avec l'aide occasionnelle des collaborateurs qui m'accompagnent.

À ce sujet, M. le Président, je voudrais vous présenter les personnes qui se retrouvent à mes côtés pour l'exercice d'aujourd'hui. Je dois dire qu'ils constituent une équipe dont je suis extrêmement fier. J'en ai choisi quelques-uns parmi cette équipe, mais, même pour ceux que je n'ai jamais choisis, j'ai été – et je dois le dire, comme jeune ministre – personnellement impressionné par la qualité et le dévouement de la haute fonction publique que j'ai trouvée à mon ministère et par la collaboration qu'ils m'offrent à tout moment, mais particulièrement dans les moments difficiles qu'un ministre de la Sécurité publique a à vivre dans l'actualité. Et je suis très fier de vous les présenter.

D'abord, M. Florent Gagné, qui est sous-ministre, qui est à mes côtés. De l'autre côté, M. Pierre Audet, qui est directeur de mon cabinet. Il y a également M. Charles Côté, qui est sous-ministre associé à la Direction générale de la sécurité et de la prévention. Vous pouvez peut-être vous lever pour qu'on vous reconnaisse. Ensuite, Me Normand Carrier, qui est sous-ministre associé à la Direction générale des services correctionnels. Il y a M. Jean-Louis Lapointe, sous-ministre associé à la direction générale des services à la gestion; Mme Louise Gagnon-Gaudreau, directrice générale à l'Institut de police du Québec; Me Pierre Morin, coroner en chef; Me Denis Racicot, Commissaire à la déontologie policière; Me Claude Brazeau, président du comité de déontologie policière; Mme Renée Collette, présidente de la Commission québécoise des libérations conditionnelles; Me Ghislain K.-Laflamme, président de la Régie des alcools, des courses et des jeux, ainsi que plusieurs autres collaborateurs et collaboratrices oeuvrant au sein du ministère et des organismes sous ma responsabilité et quelques collaborateurs de mon cabinet qui sont également présents.

L'étude des engagements financiers offre également l'occasion d'aborder, si les membres de la commission le souhaitent, des questions d'orientation plus générale en matière de sécurité publique. Encore là, je serai heureux d'apporter à cette commission tout l'éclairage nécessaire à une bonne compréhension des problématiques et des enjeux qui caractérisent cet important secteur d'activité gouvernementale de même que des contraintes nombreuses avec lesquelles doit composer notre action.

La Loi sur le ministère de la Sécurité publique confie au ministre un mandat très large en matière de police, de sécurité civile, de détention et de probation des délinquants, de prévention de la criminalité également. Le ministre a également des fonctions reliées à la recherche des causes et circonstances de décès, à la surveillance des activités liées à la consommation et à la fabrication d'alcool de même qu'aux activités reliées aux jeux et aux courses. En bref, le ministère de la Sécurité publique est chargé d'assurer la protection de la population contre le crime et les menaces à sa sécurité.

Il exerce sa mission dans les secteurs suivants. D'abord dans les services correctionnels: détention, 23 centres; probation et libérations conditionnelles; assistance à la cour; travaux communautaires et réinsertion sociale.

Dans le domaine de la police et de la surveillance du territoire: Sûreté du Québec; police municipale, par l'encadrement légal et réglementaire des effectifs, des directives, des inspections et de l'assistance; services policiers dans les communautés autochtones; prévention de la criminalité; expertises judiciaires; laboratoires de police scientifique et secteur médico-légal; agences de sécurité, par le biais des permis; jeux et alcools; formation policière; déontologie policière; coroners.

Dans le domaine de la sécurité civile: protection civile; désastres et sinistres; sécurité-incendie.

Au plan organisationnel, le ministère s'appuie maintenant, pour réaliser sa mission, sur quatre directions générales: services correctionnels, sécurité et prévention, services à la gestion et Sûreté du Québec. Vous voyez que c'est un de moins qu'avant. C'est dans le cadre d'une cure d'amaigrissement de l'administration et d'une meilleure concentration de nos compétences. De plus, six organismes qui contribuent à différents titres à la mission du ministère relèvent du ministre. Il s'agit du Bureau du coroner, de la Régie des alcools, des courses et des jeux, de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, du Commissaire à la déontologie policière, du Comité de déontologie policière et, finalement, de l'Institut de police du Québec. Sur le plan budgétaire, je vous rappelle que le ministère et les organismes affiliés disposent, pour l'année 1995-1996, d'une enveloppe qui, si on exclut la Sûreté du Québec, est de 336 500 000 $, alors que le niveau d'effectif se situe à 4 313 équivalents à temps complet.

Depuis mon arrivée au ministère, il y a plus d'un an maintenant, je ne cesse de découvrir toute l'importance, mais en même temps toute la complexité qui caractérisent le secteur de la sécurité publique, même si, en tant qu'avocat criminaliste, j'avais déjà été sensibilisé à certaines dimensions majeures. Voilà pourquoi, M. le Président, j'aimerais prendre quelques minutes pour informer les membres de cette commission des principaux enjeux que j'ai identifiés depuis mon assermentation comme ministre de la Sécurité publique, et qui ont animé l'action du ministère depuis lors, action qui, sans aucun doute, va se poursuivre avec vigueur au cours de la prochaine année.

D'abord, je vais vous parler de ce qu'on a appelé «le virage en matière correctionnelle», qui, comme l'expression l'indique, porte sur une orientation fondamentale du ministère dans ce secteur majeur de son action. Le ministère administre présentement 23 établissements de détention. Il s'agit, en fait, du bout de ligne du système de justice pénale, qui amène la détention d'individus que les tribunaux ont reconnus coupables et ont condamnés à des peines de moins de deux ans d'emprisonnement. Or, le système correctionnel a de plus en plus de difficulté à répondre à la demande. Au cours des 10 dernières années, la demande en détention, c'est-à-dire le total des jours à purger, s'est accrue de 42 %. De plus, la loi a été modifiée pour permettre, entre autres, les sorties en absence temporaire dès le premier sixième de la peine purgée plutôt que le premier tiers. Malgré tout, le phénomène de surpopulation s'est maintenu et s'est même aggravé, et cette aggravation est d'autant plus inquiétante que le contexte budgétaire ne permet plus d'augmenter les moyens, tout au contraire.

(11 h 50)

Que faire face à ce constat? Les Américains, poussés par des courants conservatistes face à la montée de la criminalité, et particulièrement des crimes violents, ont pris l'approche: plus de crimes, plus de sentences lourdes, plus de prisons. Cette philosophie tourne maintenant au cauchemar. La criminalité explose tout autant que les coûts engloutis dans la répression, alors que chez nous elle diminue. D'autres juridictions, dont le Québec, mettent plutôt l'accent sur la réinsertion sociale, en gardant la prison soit comme dernière alternative, soit encore pour les délinquants dangereux. Du point de vue de la prévention de la criminalité et de la protection du public, cette approche a fait ses preuves dans plusieurs pays européens.

Par ailleurs, les compressions budgétaires sévères que doit effectuer le ministère ne laissent d'autre choix qu'un virage majeur qui empruntera les chemins suivants: accent sur la prévention de la criminalité, décriminalisation et non-judiciarisation de certains comportements mineurs, l'incarcération comme moyen de dernier recours, développement de mesures administratives punitives de nature civile plutôt que pénale, développement de mesures d'encadrement en milieu ouvert et de meilleurs programmes de réinsertion des délinquants. De façon plus concrète, le plan stratégique du ministère prévoit la fermeture de certains centres de détention, en plus de celui de Laval fermé en juillet dernier. Nous sommes présentement à étudier différentes hypothèses, et les décisions seront prises en temps opportun. Cette évolution suppose une concertation étroite avec l'ensemble des intervenants du système judiciaire. Elle suppose aussi un partenariat étroit avec les organismes communautaires qui devront accueillir et offrir un encadrement aux délinquants et contribuer à la réinsertion dans la communauté sur une échelle plus grande que ce qui s'est fait jusqu'à maintenant.

Sur le plan législatif, le ministère est partenaire du ministère de la Justice dans la formulation d'amendements, au Code de procédure pénale, qui permettront de moins recourir à l'emprisonnement dans les cas des personnes qui n'ont pas payé des amendes ou qui ont refusé de faire des travaux compensatoires à la suite d'infractions au Code de la sécurité routière. Un projet de loi à cet effet a été déposé à l'Assemblée nationale et devrait être étudié prochainement.

Le second enjeu dont je veux vous parler brièvement porte sur l'organisation policière. L'organisation policière au Québec constitue un grand chantier du ministère de la Sécurité publique depuis plusieurs années. Les difficultés rencontrées jusqu'ici n'ont pas vraiment permis de procéder aux réformes qui s'imposent dans ce secteur. Dès mon arrivée au ministère, j'ai indiqué ma ferme volonté de travailler à doter le Québec de forces policières qui répondent adéquatement aux besoins de la collectivité, qui soient efficaces, modernes et qui tiennent compte de l'équilibre qu'il faut assurer entre les responsabilités du gouvernement et celles des municipalités. J'ai déjà eu l'occasion de faire connaître publiquement un plan d'action dont les éléments principaux sont les suivants.

D'abord l'adoption d'un règlement sur les services policiers de base que doit offrir une municipalité; ensuite, l'application par la Sûreté du Québec des règlements municipaux de paix et de bon ordre dans les territoires qu'elle dessert; troisièmement, l'établissement de catégories de municipalités, en fonction de leur taille, quant au type d'enquêtes criminelles à mener sous le sceau du Règlement sur les services policiers de base; quatrièmement, le maintien de services spécialisés et ultraspécialisés dans certains grands corps policiers seulement; cinquièmement, la patrouille des autoroutes en exclusivité à la Sûreté du Québec, sauf exception; sixièmement, coopération intermunicipale et redécoupage territorial; septièmement, flexibilité accrue dans l'application du seuil de 5 000 habitants au-delà duquel une municipalité doit avoir son propre service de police; huitièmement, possibilité pour la Sûreté du Québec de conclure des contrats de services avec des municipalités ou des regroupements de municipalités.

En vue de faire avancer le dossier, nous avons lancé dès le printemps dernier une discussion publique sur ces sujets. La réflexion se poursuit au ministère de même qu'au sein des organisations policières et des municipalités. J'ai également rencontré la Table Québec-municipalités en mai et en novembre 1995, et j'ai encore rencontré ce matin, avant la période des questions, la table des préfets des régions, et je pourrais les rencontrer à nouveau au cours des prochains mois, si nécessaire.

Un projet de Règlement sur les services policiers de base a été publié il y a quelques jours dans la Gazette officielle du Québec . Ce Règlement constitue la pierre angulaire de toute la réforme; à mon avis, il aurait dû être adopté bien avant. De son côté, la Sûreté du Québec expérimente avec certaines municipalités qu'elle dessert l'application de règlements municipaux. Il s'agit d'un créneau d'actions souhaitées depuis longtemps par le milieu municipal. Par ailleurs, les travaux se poursuivent en vue d'autoriser prochainement la Sûreté du Québec à offrir ses services aux municipalités sur la base des coûts réels, comme cela se fait déjà ailleurs au Canada, par la GRC ou encore par la Police provinciale de l'Ontario. Certains amendements à la Loi de police sont nécessaires en vue de permettre à cette réforme de se concrétiser. À cet effet, j'envisage le dépôt d'un projet de loi dans les meilleurs délais.

En troisième lieu, je veux vous dire quelques mots d'un sujet qui a été largement médiatisé dernièrement, soit celui de certaines pratiques policières en matière d'enquêtes criminelles. Au cours des derniers mois, des allégations ont été formulées à l'effet que des policiers utiliseraient certaines méthodes condamnables, notamment pour obtenir des aveux et confessions de témoins. Ces méthodes comprendraient la violence physique de même que la fabrication de preuves et des parjures devant le tribunal. En juin dernier, le juge Micheline Corbeil-Laramée mettait fin à un procès majeur et ordonnait l'arrêt des procédures contre sept personnes accusées d'avoir importé 26 tonnes de haschich, au motif que des agents de la Sûreté du Québec auraient falsifié des preuves, ce qui est connu comme l'affaire Matticks. Devant cette situation, j'ai mis sur pied un groupe de travail formé de juristes, de policiers et d'autres personnalités chargé d'examiner les techniques d'enquête, les processus de cueillette de la preuve, les techniques d'arrestation et les procédures de détention relatives à la cueillette de la preuve, le déroulement des interrogatoires, les méthodes d'enregistrement des interrogatoires, le contrôle et l'encadrement des enquêteurs, les méthodes de sélection et de formation des enquêteurs. Le rapport du groupe est attendu au printemps 1996. On peut penser que les conclusions du rapport et ses recommandations amèneront des changements, lorsque nécessaire, dans l'exercice des fonctions policières en matière d'enquêtes criminelles.

Quatrièmement, j'ai mis l'accent sur la mise en oeuvre de certaines opérations spéciales de lutte à la criminalité. Le secteur des alcools et des jeux constitue un terrain fertile où prend aisément racine la criminalité si la vigilance nécessaire n'y est pas. En plus des problèmes liés à la criminalité, ce secteur peut donner lieu à une évasion fiscale massive très préjudiciable au trésor public. Pour ces raisons, le ministère de la Sécurité publique, de concert avec la Régie des alcools, des courses et des jeux et les corps policiers, mène une lutte acharnée à la contrebande d'alcool et aux appareils de jeux illégaux. Des crédits additionnels ont été consacrés à ces opérations au cours de la dernière année. D'autres opérations du même genre sont en préparation en vue de maintenir une pression sur les contrevenants et briser les réseaux illégaux. Sur un autre front, des opérations policières particulières ont été enclenchées envers les bandes de motards criminels. Encore là, des crédits additionnels ont été accordés en vue de favoriser l'atteinte des objectifs fixés. J'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet avec plus de détails lorsque nous discuterons des engagements financiers de la Sûreté du Québec.

La police en milieu autochtone constitue un cinquième enjeu de notre action. Les milieux autochtones présentent, sur le plan de la sécurité publique, une complexité bien particulière. Le ministère poursuit l'objectif de doter chaque communauté de corps policiers reconnus par le biais d'ententes tripartites à frais partagés. À ce jour, 11 ententes de ce genre ont été conclues pour desservir 32 communautés. Le ministère poursuit présentement les négociations avec les communautés de Wendake, Restigouche, Pikogan et les 14 communautés regroupées dans le Conseil de la police amérindienne.

J'en arrive maintenant à un dossier qui me tient beaucoup à coeur, la sécurité-incendie. Les différentes lois portant sur la sécurité-incendie sont vieillottes et ne répondent plus aux problèmes d'aujourd'hui. On observe une disparité importante dans l'organisation et les performances des services municipaux de sécurité-incendie. La formation offerte aux pompiers présente de grandes déficiences, et les critères d'embauche sont laissés à chacun. L'encadrement offert aux services d'incendie est timide. Les mécanismes d'enquête sur les incendies se révèlent souvent inadéquats. La formation en matière de sécurité-incendie constitue un problème criant pour lequel des solutions sont requises à brève échéance. Rappelons que la très grande majorité des services d'incendie embauchent des pompiers à temps partiel, lesquels sont peu ou pas formés en sécurité-incendie. Quant à la formation actuellement disponible, elle est disparate et peu accessible à plusieurs régions. La solution à ce problème passe par la mise sur pied d'un centre intégré de formation en sécurité-incendie. Des démarches sont en cours avec le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires municipales en vue de faire progresser ce dossier. Ces constatations, de même que des revendications croissantes en provenance du milieu de la sécurité-incendie, m'amèneront à présenter un projet de loi-cadre en sécurité-incendie. Le dépôt d'un tel projet de loi sera cependant précédé d'une vaste consultation sur la base d'un document qui sera rendu public bientôt.

(12 heures)

Voilà, M. le Président, trop rapidement brossés, les quelques grands axes d'action qui marquent présentement la vie du ministère de la Sécurité publique et des organismes sous ma responsabilité. Les questions des membres de la commission me permettront sans doute de développer certains points qui les intéressent davantage. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie, M. le ministre. Je n'ai pas souligné la présence des collaborateurs qui vous entourent et que vous nous avez présentés. Évidemment, si, à certains moments, puisqu'il s'agit souvent de questions très techniques, il est fait appel à l'un ou l'autre d'entre vous pour aider ou pour manifester une réponse, je vous prierais à nouveau de bien vous identifier. Les preneurs de son ne reconnaîtront pas nécessairement vos voix.

J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition en matière de Sécurité publique, le député de Frontenac, M. Lefebvre, à prendre la parole.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, nous abordons ce qu'on appelle dans le jargon de l'administration publique l'étude et la vérification des engagements financiers du ministère de la Sécurité publique. C'est un exercice qui, en principe, doit se faire annuellement au niveau de chacun des ministères du gouvernement du Québec, mais on sait que la coutume veut, pour toutes sortes de raisons, que le principe ne soit pas suivi comme il devrait l'être. Si, M. le Président, on s'adressait à nos populations respectives, on leur expliquerait que les engagements financiers sont un exercice qui, techniquement, est là pour vérifier si celui qui l'a précédé... à savoir les crédits financiers du gouvernement du Québec ont été respectés. Autrement dit, est-ce que les crédits, lors des discussions que le gouvernement et l'opposition avaient eues l'année précédente pour l'adoption des crédits du ministère en question, ont été respectés? C'est ce qu'on vérifie par l'exercice des engagements financiers.

M. le Président, le ministre de la Sécurité publique, tout à l'heure, a fait référence à des contraintes de temps en élaborant ou en faisant le bilan, et on aura l'occasion d'y revenir tout à l'heure, le bilan de ses activités et des activités qu'a connues son ministère. J'indique tout de suite, M. le Président, au ministre de la Sécurité publique que je comprends son problème. Lui comme tous ses collègues ont été, au cours de la dernière année, occupés à faire beaucoup d'autres choses, beaucoup d'autres choses que ce pour quoi ils ont été assermentés en septembre 1994. Le ministre de la Sécurité publique, pour peut-être à peu près la moitié de son agenda hebdomadaire, a fait du référendum. Il n'est pas le seul, sauf de très, très, très rares exceptions, M. le Président. Ça a été l'essentiel des activités de ce gouvernement, faire du référendum, et ça continue parce que c'est maintenant de l'activité postréférendaire, M. le Président, à laquelle la population du Québec est confrontée depuis le 30 octobre dernier.

Une voix: Ils sont de mauvais gagnants.

Une voix: Oui, mais on a gagné dans Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, en avril 1995, au moment où le ministre de la Sécurité publique, à l'occasion de l'adoption des crédits de son ministère, nous faisait part de ses... Et, d'ailleurs, quand je dis qu'il a fait du référendum, je me base, évidemment, sur ce qu'il disait tout à l'heure, contraintes de temps quant à ses activités à titre de ministre de la Sécurité publique et également sur l'ambitieux programme qu'il avait dégagé à l'occasion de l'adoption de ses crédits financiers, M. le Président. Je remarque que, ce matin, il y a déjà des indications très claires que le ministre constate que son programme était beaucoup trop ambitieux et qu'il doit se raviser.

Il a parlé tout à l'heure de la réforme des pompiers volontaires, qui n'est pas du tout orientée comme ça l'était en avril dernier. Et je dis tout de suite, M. le Président, au ministre que j'aurai, au fur et à mesure du déroulement de nos travaux, à le questionner sur les échéanciers fixés en regard de son intention de modifier la loi du coroner ou des coroners. En août 1995, le ministre nous avait indiqué avoir l'intention de donner des suites concrètes au rapport Gilbert et aux recommandations du rapport Gilbert. Où est-ce qu'on en est, M. le Président? En avril 1995, M. le Président, le ministre avait pris un engagement très clair de tenir une commission parlementaire sur le dossier des bingos. On attend toujours, M. le Président. Au printemps 1995, je me souviens très bien que M. le ministre avait un programme précis, et vous, M. le Président, vous êtes évidemment très concerné par ce dossier-là, puisque ça vous touche de près et ça touche votre population, le dossier des fermetures de prisons. On attend toujours, M. le Président. J'ai eu l'impression d'entendre, ce matin, le ministre répéter globalement à peu près ce qu'il avait dit à l'occasion de l'adoption de ses crédits.

Je comprends que je fais référence et je soulève des dossiers qui sont complexes. Je reconnais que le ministre ne peut pas livrer tous ces engagements-là dans une période aussi courte que ce qu'il avait évalué lui-même, M. le Président, et je me souviens également d'avoir fait la mise en garde à peu près dans ce sens-là à M. le ministre d'être prudent, que, quant à moi, il en mettait un peu trop sur la table en même temps et qu'il s'exposait à devoir réaligner son tir et qu'il s'exposait également, M. le Président, à décevoir plein de gens.

Au printemps 1995, M. le ministre nous avait indiqué également devoir agir très rapidement en regard du dossier de l'inspectorat. Ça a été la même chose pour la carte policière. C'est un dossier extrêmement important pour l'ensemble de la population du Québec, important pour, évidemment, dans un premier temps, les corps policiers que sont la Sûreté du Québec, les sûretés municipales, un dossier également, M. le Président, fort important pour les élus municipaux et leurs populations respectives. J'espère que M. le ministre nous donnera des indications des évolutions à date, au cours des derniers mois, ou de l'évolution de ce dossier-là, M. le Président.

Dernier commentaire que je voulais faire en regard de dossiers spécifiques. J'ai, tout à l'heure, glissé un mot rapidement là-dessus, la formation des pompiers volontaires. C'est un dossier extrêmement important. Le ministre de l'Éducation est également concerné, impliqué dans ce dossier-là. Je ne sais pas où en sont les discussions entre les deux ministres.

J'ajoute également immédiatement que le dossier, M. le Président, qui fait référence à l'avenir de l'Institut de Nicolet, le réalignement de la formation des jeunes policiers, est un autre dossier qui touche et le ministre de l'Éducation et le ministre de la Sécurité publique. On sait qu'il y a des jeunes étudiants un petit peu partout dans les cégeps au Québec qui sont en attente de décisions à être prises par les autorités gouvernementales dans ce dossier-là, et ce dossier-là, évidemment, touche plus spécifiquement le ministre de l'Éducation et le ministre de la Sécurité publique. Et, à la première occasion, j'inviterais le ministre de la Sécurité publique à nous dire où en est ce dossier-là. On sait qu'il y a des procédures pendantes qui nous indiquent à quel point le dialogue avec le gouvernement de M. Parizeau est difficile. On parle de jeunes, on parle de jeunes étudiants un petit peu partout au Québec, M. le Président, qui doivent intervenir, par voie de procédures, pour pouvoir se faire entendre par le gouvernement du Québec.

(12 h 10)

M. le Président, le ministre m'a également laissé songeur sur des commentaires qu'il aurait faits relativement aux prévisions budgétaires pour son propre ministère pour l'année qui commencera le 1er avril 1996. On sait que la Sécurité publique, sauf erreur, disposait d'un montant global de 336 000 000 $. Au cours du dernier exercice financier, M. le ministre a indiqué qu'il était, lui – et, ça, je peux le comprendre – comme d'autres ministres, victime des virages, des nouvelles orientations qu'on doit prendre autant au Québec qu'ailleurs. Je me souviens l'avoir invité à l'époque, l'an dernier, à faire l'impossible – l'impossible, M. le Président – pour protéger les argents dont il a besoin pour pouvoir donner à la population de tout le Québec la protection à laquelle elle a légitimement droit par les services qu'administre le ministre de la Sécurité publique. Je pense, évidemment, à la protection policière et à toute autre intervention de l'État par le biais de son ministère.

Alors, je lui répète qu'il y a des priorités que doit protéger ce gouvernement en matière de santé, en matière d'éducation et, quant à moi, et la justice et la sécurité publique sont des secteurs d'activité névralgiques, et le ministre de la Sécurité publique, pour ce qui a trait à ses propres responsabilités, doit faire, M. le Président, l'impossible pour protéger, à tout le moins, les enveloppes budgétaires dont il dispose sur l'année en cours qui se terminera le 31 mars prochain. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, monsieur.

M. Ménard: Est-ce que je peux réagir, M. le Président? Est-ce que c'est dans l'ordre ou non?

Le Président (M. Simard): Je pense que...

M. Ménard: Très courte... Ce sera très court.

Le Président (M. Simard): Si l'opposition y consent, j'octroierai quelques minutes de réplique, mais...

M. Lefebvre: Je n'ai pas d'objection...

Le Président (M. Simard): Vous n'avez pas d'objection.

M. Lefebvre: ...M. le Président, en autant que c'est...

M. Ménard: Très court, sur deux sujets.

Une voix: Il va vous répondre par la bouche de ses...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Vous avez eu une remarque, je ne sais pas si je dois la prendre comme une insulte ou un grand compliment, qui est celle que j'aurais consacré la moitié de mon temps au référendum. D'abord, je dois vous informer, surtout si c'est un compliment que vous vouliez me faire, que c'est absolument faux, que j'ai, au contraire, consacré l'immense majorité de mon temps à mon ministère, convaincu que j'étais que la meilleure façon de bien servir la cause qui m'a amené en politique, c'est d'établir notre compétence comme gestionnaire, la compétence du gouvernement du Québec comme gestionnaire, pour prouver aux Québécois qu'ils étaient capables de s'assumer totalement. Mais je le prends comme un compliment parce que, quand on regarde le bilan qui a été fait, je pense qu'il n'aurait pas été possible de le faire en n'y passant que la moitié de mon temps.

Quant à la commission parlementaire sur les bingos, j'ai l'intention de la tenir, mais j'ai des pressions du milieu actuellement pour la retarder, du milieu qui s'est organisé en groupes. Et puis ça rejoint d'autres critiques que vous m'aviez faites, que je ne vais pas aussi vite que je l'aurais voulu, mais vous avez parfaitement raison, je ne vais pas aussi vite que je le voudrais. Je m'aperçois que le gouvernement, c'est lourd, plus lourd que je ne le croyais encore. Par contre, il y a des lourdeurs que je comprends, que je comprends puis que j'accepte. Dans une société démocratique, quand on a toujours travaillé à l'extérieur du gouvernement, on prend beaucoup de soin à déterminer quelle est la meilleure solution que l'on doit accepter, puis, une fois qu'on l'a trouvée, on l'applique. Au gouvernement, il faut faire plus que ça. Quand on est convaincus d'avoir trouvé la bonne mesure, il faut ensuite convaincre les gens de la bonne mesure et continuer à consulter. Cela retarde, mais, par contre, je suis convaincu que cela fait que les mesures sont mieux acceptées et probablement ont plus d'effets à long terme. Mais c'est à peu près les seules choses... Je suis plutôt dans le genre impatient que dans le genre qui se traîne les pieds. Je pense que ça a déjà paru. Merci.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Réplique à cette réplique, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, j'ai indiqué au ministre de la Sécurité publique qu'il avait, comme d'autres membres de ce gouvernement, pris beaucoup plus de son temps à faire du référendum qu'autre chose. J'ai indiqué que ça pouvait aller pour lui comme pour d'autres de ses collègues, à certaines périodes de l'année, pour près de la moitié de l'agenda.

Si le ministre considère ça comme une insulte, ça, ce n'est pas mon problème. Moi, je ne veux pas l'insulter, M. le Président, je veux tout simplement lui rappeler la dernière année qu'il a passée, et c'est un reproche, évidemment, que je lui fais, mais un reproche et une insulte, M. le Président, c'est complètement différent. Ça n'a jamais été mon habitude puis je ne commencerai pas aujourd'hui à insulter un adversaire politique, qu'il soit député ou ministre, M. le Président, ce n'est pas dans ma façon de procéder. Je lui en fais, cependant, reproche. Il y a une nuance extrêmement importante, M. le Président.

Le Président (M. Simard): J'espère qu'il ne faut pas voir dans les propos du député de Frontenac quelque amertume que ce soit à l'égard des résultats référendaires dans son propre comté. Et je donnerai la parole au député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

M. Lefebvre: ...j'aimerais mieux que vous me parliez plutôt des résultats dans mon comté du 12 septembre 1994...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite...

M. Lefebvre: ...où j'ai battu, pour la troisième fois, un de vos candidats avec une majorité de 2 300 votes, c'est-à-dire la plus...

Une voix: Juste ça!

M. Lefebvre: ...grosse majorité dans l'Est du Québec.

Une voix: Juste ça! Ça fait trois fois que je les bats avec 6 000...

M. Lefebvre: Et, M. le Président...

Une voix: Question de privilège, M. le Président.

M. Lefebvre: ...quant aux résultats du référendum dans Frontenac, en 1980, votre option...

Le Président (M. Simard): M. le député, je pense que j'ai entrouvert une porte.

M. Lefebvre: Oui, votre option s'était rendue à 49 %, alors que, cette année, elle a progressé d'à peine 4 %, c'est-à-dire le même résultat qu'ici dans la grande capitale, où vous êtes considérés comme étant les grands perdants du dernier référendum, particulièrement dans le comté de Louis-Hébert...

Le Président (M. Simard): Bon! À l'ordre!

M. Lefebvre: ...dans le comté de Charlesbourg, M. le Président...

Le Président (M. Simard): À l'ordre, M. le député de Frontenac!

M. Lefebvre: ...où vous avez atteint à peine 51 %, 52 %. Le référendum, vous l'avez perdu ici dans la veille capitale et dans l'Est du Québec. Alors, bravo, M. le Président! Pour l'essentiel, ma population a compris.

Une voix: Mauvais gagnant...

Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville, les engagements...

M. Lefebvre: Septembre 1994.

Le Président (M. Simard): J'appelle à l'étude les engagements de janvier 1994 et j'écouterai le député de Marguerite-D'Youville pour ce mois de janvier 1994.

M. Beaulne: M. le Président, j'aimerais, dans un premier temps, apporter certains commentaires et témoigner du travail exceptionnel du ministre de la Justice...

Le Président (M. Simard): Non, je dois vous rappeler à l'ordre, M. le député.

Une voix: Ministre de la Sécurité publique.

Le Président (M. Simard): Je sais que nous pourrions, de part et d'autre...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): ...rendre hommage au ministre actuel ou, au contraire, le critiquer, mais nous n'entrerons pas dans cette...

M. Beaulne: Bon.


Engagements financiers


Janvier à septembre 1994

Le Président (M. Simard): Nous allons procéder, comme c'est la façon de procéder en cette commission pour l'étude des engagements financiers...

Une voix: Mais ça aurait été bien mérité.

Le Président (M. Simard): ...à l'étude détaillée des engagements, d'abord, pour le mois de janvier. Est-ce que quelqu'un veut prendre la parole sur les engagements de janvier 1994? M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: M. le Président, avant, je demanderais qu'on prenne la page 1 de 12 de janvier 1994.

Le Président (M. Simard): Je vous souligne que les engagements sont numérotés à gauche, donc nous donner l'indication de la numérotation.

M. Pinard: Page 1 de 12, l'engagement 30-434602-01. Mais permettez-moi quand même...

Le Président (M. Simard): Alors, c'est l'engagement 1.

M. Pinard: Permettez-moi quand même de souligner que, dans Saint-Maurice, nous sommes très fiers également de notre victoire sur le premier ministre du Canada avec une majorité de 56 %.

M. le ministre, il y a un dépassement de contrat concernant Me Richard Masson, qui a été engagé pour assister le coroner Guy Gilbert. L'engagement de mars 1993 était de l'ordre de 80 000 $ et il y a eu un dépassement d'honoraires de l'ordre de 220 000 $. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer comment il se fait qu'on passe d'un contrat de 80 000 $ et qu'on y ajoute 220 000 $? Est-ce dû à une prolongation annuelle? Est-ce dû à des heures travaillées en surcroît? J'aimerais connaître, là, parce que 220 000 $ sur 300 000 $, ça m'apparaît vraiment monstrueux, à la face même.

Une voix: On a vu pire que ça ce matin.

M. Pinard: Hein?

Une voix: On a vu pire que ça ce matin, au salon bleu.

M. Ménard: Alors, d'entrée de jeu, je voudrais dire...

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Ménard: D'entrée de jeu, je voudrais dire tout de suite que c'est vrai que ça apparaît énorme, mais je suis convaincu que c'était justifié. Mais cela illustre justement que, chaque fois qu'on déclenche un processus exceptionnel d'enquête publique, c'est bien rare que ça coûte moins cher que ce qui était prévu et qu'il faut être prudent et savoir résister aux tentations, à la tentation trop fréquente de gens qui nous demandent toujours devant une situation de déclencher une enquête publique ou de déclencher toute forme d'enquête.

(12 h 20)

Dans le cas de l'enquête menée par le coroner Gilbert sur la mort du caporal Lemay dans les circonstances tragiques que l'on sait à Kanesatake, l'enquête a rencontré des difficultés énormes à la fois d'ordre légal – toutes les procédures légales qui ont été prises par plusieurs témoins – et d'un ordre de difficultés inhérentes à cette enquête, de sorte que ce dépassement est devenu nécessaire. Mais je n'hésite pas à dire à cette occasion que la facture totale qui, finalement, se chiffre à 1 183 121,37 $... Je suis quand même convaincu que ce rapport est d'une excellente qualité et que, malheureusement, il n'aurait pas reçu la diffusion qu'il mérite. Il est éclairant non seulement sur... Je rappelle aussi qu'il a conclu au fait qu'à un moment donné le Québec a manqué de gouvernement, et je vous assure qu'il est inspirant pour un ministre de la Sécurité publique pour le contrôle qu'il doit avoir sur l'ensemble de ces organismes et sur les circonstances dans lesquelles il doit avoir un contrôle. Notamment, il y a des passages extrêmement éclairants dans le rapport du coroner Gilbert sur la nécessité de concilier l'indépendance, la nécessaire indépendance des corps policiers avec la nécessité que les autorités politiques dûment élues sachent prendre leurs responsabilités lorsque, dans une affaire particulière, il risque d'y avoir une crise sociale ou une crise qui dépasse des événements particuliers.

Mais, pour répondre directement à la question qu'a posée le député de Saint-Maurice, je crois, oui, effectivement, il y a eu un dépassement énorme et je suis convaincu que c'est dû aux difficultés que l'enquête a rencontrées et au travail qu'a dû faire ce procureur et qui n'avait pas été prévu au moment où le mandat lui a été accordé.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Trudel: M. le ministre de la Sécurité publique, l'engagement à la page 7 de 12, du mois de janvier...

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse d'interrompre le député de Rouyn-Noranda.

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Est-ce que je peux réagir immédiatement sur le coroner Gilbert ou si...

Une voix: ...

M. Lefebvre: Oui? D'accord.

Une voix: ...

M. Lefebvre: C'est à moi, je crois, hein?

Le Président (M. Simard): Réagissez rapidement.

M. Lefebvre: Je suis assez large là-dessus, là, moi, les questions de procédure. J'aimerais savoir de M. le ministre s'il est toujours d'accord avec ce qu'il disait dans une entrevue du 17 août 1995 alors qu'il réagissait sur certains éléments du rapport du coroner Gilbert. Il avait pointé, à l'époque, certains éléments qui auraient pu expliquer le résultat plus ou moins probant de l'opération d'Oka. J'avais, moi aussi, réagi en indiquant qu'en ma qualité de critique en matière de sécurité publique pour l'opposition officielle je serais prêt à collaborer avec lui s'il voulait modifier rapidement les législations ou la législation, en particulier la Loi de police, pour pouvoir arrimer de façon plus efficace le pouvoir policier et le pouvoir politique en regard de situations comme celle-là, et M. le ministre avait dit qu'il s'engageait à modifier la Loi de police. Je le cite textuellement: «...pour faire en sorte que la Sûreté du Québec soit obligée de solliciter l'approbation du ministre avant d'intervenir en cas de conflits communautaires au sein d'une communauté». Et j'avais, et je me répète, indiqué au ministre que j'étais à peu près d'accord, là, à tout le moins sur le principe.

Quelles sont les intentions du ministre à court terme – à court terme, là, je ne veux pas savoir ce qu'il a l'intention de faire en 1996... Où est-ce qu'il en est, M. le Président, en regard de cet engagement, entre guillemets, qu'il avait pris en août 1995 sur ce dossier-là?

Le Président (M. Simard): À ce moment-ci, je me dois d'intervenir. Le ministre pourra répondre s'il le désire, mais je souligne que nous sommes à l'étude des engagements financiers, qu'une réplique aux propos du ministre était tout à fait dans l'ordre des choses, mais, là, nous nous engageons dans une prospective législative qui dépasse largement notre mandat aujourd'hui. Je vous prierais de conserver, peut-être, votre question pour un autre moment plus approprié et nous pourrions passer à l'étude des engagements financiers. Cela vous convient-il, M. le député?

M. Lefebvre: Bien, M. le Président, on est à discuter du rapport du coroner Gilbert. Et je comprends qu'au niveau des engagements financiers la pertinence est plus serrée qu'au niveau des crédits, mais ça m'apparaît dans l'ordre que je puisse questionner le ministre au-delà – et je considère que c'est pertinent, M. le Président, en vertu de la règle 211 qui tient également en commission parlementaire – au-delà des pures, et ce qui est évidemment très important, questions financières. Je pense qu'on doit profiter de cette occasion-là pour discuter les principes également, tout en ayant à l'esprit qu'on doit parler d'argent et de fonds publics, je suis bien conscient de ça, M. le Président.

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président...

Le Président (M. Simard): Là-dessus, sur la question...

M. Charbonneau (Borduas): ...je comprends que le député de Frontenac veuille interpréter ça de cette façon-là, mais, pour avoir été président longtemps, pour être vice-président d'une commission, je dois lui rappeler qu'on n'est pas à l'étude des crédits et que – et c'est très clair dans l'esprit du règlement – les engagements financiers, c'est beaucoup plus restreint. C'est-à-dire, on étudie les engagements financiers, les dépenses en fonction de... Les crédits, ça vous donne toute la latitude, à partir du budget, de regarder en arrière, en avant, à côté, le présent, le passé, le futur. Et je crois que le président a raison dans son interprétation du règlement. Et ce n'est pas une question d'empêcher le député Frontenac, mais le problème, c'est que si on crée, à cette commission aujourd'hui, une espèce de jurisprudence, là, après ça, dans toutes les autres commissions, on va se retrouver, lors des engagements financiers, à faire des pseudo-études de crédits puis, là, on va avoir des problèmes.

Le Président (M. Simard): M. le député de Borduas, je vais vous citer une jurisprudence existante qui est celle établie par le député Jean-Guy Lemieux le 1er octobre 1986: Lors de la vérification des engagements financiers, la règle de la pertinence doit être interprétée largement au profit du député. En conséquence, la question du député de l'opposition officielle est recevable lorsqu'il existe un lien, si petit soit-il, avec l'engagement financier vérifié par la commission. Et, ceci, je ne le remettais pas en question tout à l'heure, je mettais simplement en garde le député de Frontenac sur des questions prospectives plutôt que rétrospectives qui pourraient nous entraîner, finalement, très loin, mais je sais qu'il n'en abusera pas.

M. Lefebvre: ...député de Borduas, la même chose sur la jurisprudence.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Borduas): Le député de Frontenac est ...

M. Lefebvre: Non, je n'ai pas l'intention d'en abuser, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci. Alors, j'inviterais maintenant le député de Rouyn-Noranda à poser sa question sur le premier mois des engagements financiers.

M. Trudel: Sur le mois de janvier, M. le Président...

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Lefebvre: M. le Président, vous m'avez donné raison. Je m'excuse, mais je n'ai pas eu ma réponse.

Le Président (M. Simard): Ah! je pensais que vous aviez...

M. Lefebvre: Je pense que le ministre a le goût de me répondre.

M. Ménard: Ça va.

Le Président (M. Simard): Nous l'écouterons brièvement.

M. Ménard: Bien, voilà. Alors, dans l'esprit du règlement, d'autant plus que je suis conscient que j'ai peut-être un peu ouvert la porte moi-même... Mais, dans l'esprit du règlement, je peux vous dire que la règle à laquelle vous référez, nous l'appliquons, même si elle n'est pas loi actuellement. Nous envisageons, effectivement, toutes les modifications actuellement qu'il faut apporter, soit sur le plan réglementaire, soit sur le plan de la rédaction de protocoles, soit sur les amendements législatifs, pour mettre en vigueur, pour longtemps, les suggestions du rapport Gilbert. Mais, comme je vous dis, cette règle-là en particulier, nous l'appliquons, et je peux dire que nous l'appliquions même avant de lire le rapport Gilbert et de la connaître. Dans des moments importants comme celui-là, la Sûreté du Québec consulte le ministère, sachant maintenant qu'elle a une oreille compétente et ouverte à ses consultations.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Et, cette fois-ci, je crois que ce sera la bonne, M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Trudel: J'ai le bon ticket, là, j'ai la bonne place.

Le Président (M. Simard): Quel engagement, M. le député?

M. Trudel: Alors, à la page 7 de 12 du mois de janvier, au niveau des politiques correctionnelles, les services correctionnels...

Le Président (M. Simard): L'engagement numéro?

M. Trudel: L'engagement 09-041880-F4.

Le Président (M. Simard): L'engagement 12. Je répète que la numérotation apparaît en colonne de gauche.

M. Trudel: Bon, enfin, ce n'est pas directement sur ce contrat, pour le prétexte, là, parce qu'on se trouve dans la situation assez particulière où l'actuel ministre est obligé de défendre les engagements financiers pris par le critique de l'opposition d'aujourd'hui. C'est assez paradoxal que ce soit le ministre actuel qui soit à défendre et à justifier les engagements et les dépenses faites par le critique de l'opposition.

Une voix: ...on n'avait pas ce problème-là.

(12 h 30)

M. Trudel: Non. Alors, comment on peut expliquer d'abord, qu'il y a une augmentation de 100 %? Ce n'est pas un contrat énorme, là; je fais juste noter que c'est dans le comté de Maskinongé, mais il y a une augmentation de 100 % de la somme de 47 000 $ du contrat original avec un organisme communautaire spécialisé en santé mentale pour hausser sa capacité. D'abord, la question 1: Pourquoi il y a une augmentation de 100 %? C'est quand même énorme. Et, deuxièmement, comment se fait-il que ce soit la Sécurité publique, les services correctionnels qui soient à effectuer cette dépense-là? Est-ce, que des détenus que vous envoyez à l'hôpital, vous payez pour l'hôpital? Comment ça se fait que ce n'est pas la Santé et les Services sociaux qui assument ces dépenses-là?

M. Ménard: Bon. Le ministère de la Sécurité publique assume ces dépenses-là lorsqu'il y a des contrevenants, donc des personnes condamnées qui lui sont envoyées et qui ont des problèmes de santé mentale. Dans le cas précis qui nous concerne, là, cet organisme héberge des contrevenants aux prises avec des problèmes de santé mentale et leur offre un programme visant à favoriser leur réinsertion sociale. En début d'année, le contrat avec cet organisme avait été établi à cinq places, soit la moitié du contrat de l'année précédente. Cette décision avait été prise en tenant compte de l'achalandage observé en 1992-1993. Or, en 1993-1994, la demande de services a été supérieure aux prévisions. Nous avons donc décidé d'augmenter le contrat au même niveau que celui de 1992-1993, soit 10 places. Alors, c'est pour ça que c'est une augmentation de 100 % de la clientèle. Je pense que, généralement, ces choses-là – vous me corrigerez si j'ai tort – ces contrats-là, c'est un per diem par individu, par contrevenant hébergé, qui est fixé. C'est exact?

Une voix: Oui.

M. Ménard: Merci.

M. Trudel: Et en l'espèce, là, comment se fait-il qu'en pareille matière ce soit la Sécurité publique qui paie et que ce n'est pas la Santé et les Services sociaux puisque c'est cette responsabilité qui est assumée par ce ministère?

M. Ménard: Parce qu'ils sont condamnés à une sentence d'emprisonnement et que nous avons l'obligation de les garder. Alors, plutôt que de les garder en prison, quand ils ne sont pas dangereux, on préfère les garder dans une institution où ils seront quand même privés de leur liberté mais où ils pourront recevoir des soins adéquats. Mais c'est quelque chose que je discute actuellement avec le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Trudel: Ah bon!

M. Ménard: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Parce que je fais juste faire une affirmation, M. le Président, en disant...

M. Ménard: Il y a 7 % de notre clientèle, si je me souviens bien, selon des enquêtes qu'on a faites, qui ont des problèmes psychiatriques. Il y a en 30 %, encore là, qui ont déjà fait des tentatives de suicide. Alors, vous savez, les médias parlent souvent de la grande criminalité, mais ce que nous recevons, nous, c'est vraiment la petite misère, hein. C'est pour ça que je me sens tellement convaincu du virage qui doit être donné pour que ces gens-là soient gardés dans les conditions qui, à la fois, sont moins coûteuses pour la société et plus propices à réaliser leur réinsertion sociale qu'une prison, là, parfaitement chromée avec un système de sécurité périphérique absolu. Mais, de toute façon, c'était un engagement du gouvernement antérieur, et je dois dire, là, je ne veux pas faire de mesquinerie, que c'est le genre de politique que je désire poursuivre.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Toujours dans ce même mois, l'engagement 14, M. le ministre, fait référence à des renouvellements de contrats dans le cadre des programmes des travaux compensatoires avec des organismes sans but lucratif. Donc, lorsqu'on parle de travaux compensatoires, c'est à défaut de payer des amendes, des choses du genre. Comme alternative à l'incarcération, est-ce que votre ministère est en mesure de nous dire quels sont les avantages financiers qu'on peut observer? Exemple, étant donné qu'on fait des travaux compensatoires, qu'on évite l'incarcération, est-ce que le ministère a déjà évalué ces coûts-là? Parce qu'on voit, quand même, à l'engagement 14, qu'il y a des dépassements de coûts, là, dans toutes les demandes qui ont été présentées, et ça totalise quand même des sommes importantes. Alors, j'aimerais savoir si, au ministère, on a évalué les avantages et les inconvénients financiers.

M. Ménard: D'abord, pour les dépassements, nous sommes dans un domaine où nous ne déterminons pas la clientèle. Nous budgétons en fonction de la clientèle que nous supposons qu'on va nous envoyer, mais ce n'est pas nous qui décidons quelle clientèle on va recevoir, parce que ça dépend du nombre de contrevenants, du nombre de condamnations, du nombre de gens qui ne seront pas capables de payer leurs amendes. Et, ça, c'est des facteurs sur lesquels nous n'avons aucune espèce de contrôle. Il est peut-être préférable de budgéter, bien, il est certainement préférable de budgéter pour être capables de respecter notre budget à la fin de l'année, mais je pense qu'il faut toujours se garder une réserve pour les travaux. Je ne voudrais pas encourager les programmes de travaux compensatoires par un budget trop vaste qui, un moment donné, découvrant qu'il n'a pas été dépensé, ils feraient des efforts pour qu'il le soit, là. Alors, c'est des choses sur lesquelles on n'a aucune espèce de contrôle, on est obligé de répondre à la demande.

Maintenant, votre question était, peut-être, un peu plus large, puis, au fond, je pense qu'elle mérite une réponse. Les avantages que donnent les travaux communautaires: je pense que la première motivation d'un programme de travaux communautaires, à défaut d'être capable de payer son amende, est d'ordre philosophique, c'est-à-dire que ça n'a pas de sens d'incarcérer des gens parce qu'ils ne sont pas capables de payer leurs amendes. Cependant, il faut être réaliste aussi. Ce dont on s'aperçoit actuellement, c'est qu'il y a des gens qui seraient peut-être capables de payer leurs amendes parce qu'ils encourent des frais, un certain nombre de frais, quand même assez considérables, pour entretenir l'objet de leur délinquance, qui est généralement l'automobile. Je veux dire, ils paient un certain montant d'assurance, d'essence, bon. Ce sont les infractions au Code de la sécurité routière qui ont inondé un excellent programme, celui des travaux communautaires, à défaut d'être capable de payer l'amende, mais qui l'ont inondé à tel point qu'on se dit: Mais, Mon Dieu!, il y a peut-être là un abus. Pas de tous. Alors, on pense à des changements. C'est pour ça qu'on pense à des punitions de nature civile: Si, coudon, vous n'êtes pas capables de payer vos contraventions, vous ne devriez peut-être pas conduire, et, en attendant, bien, vous n'aurez pas de permis. Des mesures comme celle-là. Cependant, je sais, surtout dans les centres – Dieu sait qu'il y en a au Québec – qui ne bénéficient pas d'un système de transport en commun adéquat, cela peut pénaliser indûment les gens. C'est pour ça que, alors que je trouvais que j'avais une solution facile, nous allons lui apporter certaines nuances. Et, très intelligemment, les gens qui ont travaillé pour préparer le projet pensent plutôt à un système où on va regarder encore l'emprisonnement pour des gens qui ne veulent pas payer leurs amendes et qui ne veulent pas se soumettre au programme de travaux communautaires. Mais, si jamais l'incarcération est donnée, ça va être sur le concept de refus de se soumettre à une sanction pénale, plutôt que d'incarcérer quelqu'un à cause de son incapacité financière.

Maintenant, le troisième aspect de votre question c'était quant aux avantages financiers que retire le gouvernement. Là-dessus, ils sont évidents; il n'y a pas de doute là-dessus. Le taux que l'on donne à l'organisme communautaire pour évaluer la personne qui n'est pas capable de payer et lui trouver une ressource – je pense qu'on paie autour de 90 $ par dossier, c'est à peu près ça, oui, mais peu importe – ce taux-là est inférieur généralement au coût d'une journée d'emprisonnement par un individu. Alors, c'est évident que nous y trouvons un avantage considérable sur le plan financier.

Le Président (M. Simard): Avant de passer à la question suivante, juste pour rappeler le partage de l'enveloppe, sur toute la période de janvier 1994 à septembre 1994, il nous reste environ une demi-heure. Alors, il ne faudrait peut-être pas passer cette demi-heure sur le mois de janvier. C'est votre entière liberté, évidemment. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

(12 h 40)

M. Boulerice: Oui. M. le Président, nous remarquons, quand on regarde les engagements financiers, la notion de dépassement. J'avoue qu'il y a des impondérables, j'en conviens bien, j'ai travaillé précédemment dans un domaine où il y avait effectivement des impondérables, mais on finit par développer des modes de gestion prévisionnels. Il existe des techniques de pondération. Je sais, M. le ministre, que vous héritez d'un lourd passé qui vous vient de votre prédécesseur, dont je ne peux pas vous tenir rigueur, mais est-ce que vous avez l'intention, maintenant que vous êtes à la barre de ce ministère, de faire en sorte que la notion de dépassement puisse faire l'objet, disons, d'un éclairage particulier? Parce que, comprenez mon étonnement, dans tous ces engagements financiers qui sont là, j'ai vérifié tous ceux qui avaient fait l'objet d'un contrat initié par l'administration précédente, et nous sommes à 30 dépassements, dont un en particulier, M. le Président, où le montant du dépassement est égal au contrat initial. Je vous avoue, M. le Président, être très inquiet. Et j'ose espérer qu'on ne va pas poursuivre, au ministère de la Sécurité publique, le même style de gestion qu'on avait sous l'administration précédente, et que le ministre sera là et présent. Je sais que vous y êtes, mais vous y êtes de façon différente de votre prédécesseur.

M. Ménard: Je vous remercie de vos propos flatteurs, mais c'est évident que je n'ai pas l'intention d'administrer ce ministère comme il a déjà été administré. Quoique je répéterai toujours, cependant, qu'il y a des orientations de base qui ont été prises par l'ancien gouvernement avec lesquelles je suis entièrement d'accord, notamment les mesures visant à ce que l'incarcération soit un recours ultime et ne soit réservée, dans la mesure du possible, qu'aux délinquants dangereux ou encore vraiment aux cas qui ont besoin d'une dissuasion subjective importante.

Le Président (M. Simard): M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

M. Trudel: M. le Président, l'engagement 16, à la page 11 de 12, à l'égard de l'Institut de police de Nicolet... Et je vous avoue, M. le Président, que je saisis la perche pour toucher deux questions. D'abord, la question à l'égard de l'engagement financier, la subvention additionnelle de 2 300 000 $ à l'Institut de police, si je comprends bien, sur un engagement total de 8 000 000 $, de l'ordre de 25 %, au niveau de la subvention additionnelle. Qu'est-ce qui s'est passé d'exceptionnel à l'Institut de police pour qu'on arrive à des dépassements et/ou une difficulté de prévision de cet ordre de grandeur là? Et à l'égard de l'Institut de police, M. le Président, ça va nous permettre de poser la question, également, de ce qui se passe au Comité de déontologie policière actuellement à l'oeuvre puisqu'on apprend des choses, puisqu'on est dans la formation des policiers. Alors, je vais vous laisser répondre à l'égard de la première question, si vous le permettez, M. le Président, et j'aimerais revenir, comme on dirait, à peu près en complémentaire.

Le Président (M. Simard): Avec plaisir, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. M. le ministre.

M. Ménard: Sur ce point particulier, il y a une explication précise, c'est que le projet de loi 86 a ajouté certains mandats spécifiques, dont la recherche appliquée, dans les domaines pouvant toucher le travail du policier et de conseiller en matière policière ainsi que les différents intervenants du milieu policier. Alors, si je comprends bien les explications qu'on me donne, c'est qu'il y a eu une augmentation de la mission qui a été donnée à l'Institut de police du Québec, qui a eu besoin d'une subvention pour y correspondre. Mais je vais revérifier, d'abord, avec Mme Gagnon-Gaudreau, qui elle non plus n'était pas là, remarquez, à ce moment-là, si elle est au courant de façon plus précise.

M. Trudel: Ça a l'air qu'on est sur la méthode de prévision Bourbeau, de l'ex-ministre, c'est-à-dire qu'on se trompait à peu près de 25 % dans les déficits. C'était répandu largement, ça.

(Consultation)

M. Ménard: Il y a une autre explication du système. C'est que le Conseil du trésor n'accepte pas les demandes du ministère ou, enfin, les réduit en disant: Non, vous êtes capables de vous débrouiller avec ça. Puis, à la fin de l'année, quand on arrive avec les cohortes qu'on a prévues puis le nombre de personnes que ça a pris pour former ces cohortes, bien, on arrive à démontrer que le montant que nous avions budgété est bien celui dont on avait besoin, et il semble que ce soit arrivé assez souvent dans le passé.

Le Président (M. Simard): Deuxième partie de votre...

M. Ménard: Mais c'est toujours fait après avoir convaincu le Conseil du trésor, par la suite, qu'on a besoin des montants qu'on avait déjà budgétés et qu'on a l'autorisation voulue pour les dépenser.

Le Président (M. Simard): Deuxième volet à votre question.

M. Trudel: Tout en m'étonnant du contenu de la réponse donnée, qui est juste quant aux faits, je n'ai aucun doute là-dessus, le besoin démontré étant adéquat auprès du Conseil du trésor, si la réponse c'est moins, est-ce que ça veut dire aussi qu'on n'ajuste pas la dépense à ce que le Conseil du trésor a autorisé? Mais je le laisse comme point d'interrogation. Ce n'est pas à vous, M. le ministre, que je pose cette question-là à l'égard du mandat passé, mais c'est inquiétant d'entendre cette explication-là à l'égard de la prévision. C'est en termes de méthode et d'approbation au Conseil du trésor et, d'autre part, d'utilisation du résultat.

M. Ménard: Mais, là-dessus, je vais vous dire franchement que je pense que les méthodes instaurées par notre gouvernement devraient, dans l'avenir, empêcher ou du moins diminuer considérablement ce genre de situation par le principe des enveloppes fermées qui sont données aux ministères. D'ailleurs, je vais vous dire une anecdote qui m'a bien frappé. Je vérifie avec tout le monde aujourd'hui, puis je leur dis: Quand vous lisez à quelque part – parce que moi je suis arrivé en 1993, là – des crédits périmés, vous pensez à quoi? Ça veut dire quoi un crédit périmé dans votre esprit? C'est drôle, tout le monde avait la même opinion que moi: un crédit périmé c'est un crédit qu'on t'a voté puis que tu n'as pas dépensé, donc il devient périmé. Mais ce n'est pas ça! Non! Ah, vous ne le saviez pas vous non plus! Un crédit périmé, c'est un crédit qu'on t'a voté puis qu'on t'ordonne de périmer.

Une voix: Quoi?

M. Ménard: Oui. Ça, c'était la façon que l'ancien gouvernement avait de brasser la cage, comme ils disent.

Une voix: Voulez-vous recommencer ça tranquillement?

M. Ménard: Oui, oui. Un crédit périmé c'est un crédit qu'on t'a voté mais, à un moment donné, on t'ordonne de le périmer, c'est-à-dire de ne pas le dépenser.

M. Trudel: Vous voulez dire dans l'ancien dictionnaire, ça là?

M. Ménard: Non. Dans le dictionnaire de l'ancien gouvernement.

M. Boulerice: «Le Petit Robert».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: C'est quoi la différence entre ça puis la dérogation qui devient une règle plutôt que l'exception?

M. Ménard: Bien, là, vous posez des questions pour lesquelles la réponse est évidente. Je ne perdrai pas mon temps à donner une réponse que tout le monde connaît. Mais je veux dire...

M. Lefebvre: Ah!

M. Ménard: Mais, je veux dire...

M. Trudel: L'allocation qui est...

M. Ménard: Alors, j'ai été bien surpris de cette méthode. Puis, bon, bien là, j'ai l'impression que ça va un petit peu dans le même sens. C'est que, au fond, pour réduire les dépenses, on avait l'habitude de dire: Bien, c'est bien de valeur, mais vous nous dites que vous avez besoin de tant mais, nous autres, on pense que si on vous en autorise moins vous allez trouver le moyen de dépenser moins. Ça marche à des places, mais il y a des endroits où ça ne peut pas marcher. Puis je pense que l'Institut de police a été systématiquement l'un de ceux-là. Qu'est-ce que vous voulez, il reçoit... Surtout à cette époque-là, parce que, là, les nouvelles règles que nous avons vont changer cette donnée. C'est-à-dire que maintenant... Bon, expliquons. Avant pour obtenir son Diplôme d'études collégiales en techniques policières, il fallait passer par l'Institut de police de Nicolet. Donc, l'Institut de police de Nicolet devait recevoir nécessairement tous les étudiants qui avaient terminé les études au cégep pour recevoir leur diplôme. Alors, on n'avait pas le choix, on était obligé de les recevoir, ces gens-là; on était obligé de leur donner la formation. On ne pouvait pas couper là-dedans. Là, c'est changé. Le Diplôme d'études collégiales en techniques policières sera donné à la fin des études au cégep, de sorte que tous les étudiants qui sont entrés dans les techniques policières et qui ne désirent pas, ou qui ne veulent plus, ou qui ne peuvent pas devenir policiers soit parce qu'il n'y a pas de disponibilité, soit parce que, en cours de techniques policières, ils se sont aperçus que dans le domaine de la sécurité privée il y a de la place pour eux à cause du diplôme qu'ils ont obtenu et qu'avec le diplôme qu'ils ont obtenu ils pourront trouver une place utile, un emploi dans le domaine de la sécurité privée qui est, soit dit en passant, un des domaines d'activités qui est vraiment en expansion; c'est vraiment un des domaines, actuellement, où il y a encore de la demande de services, qui est en expansion... Alors, ces gens-là n'auront plus à passer par l'Institut de police du Québec, de sorte que nous devrions être capables de mieux planifier aussi les dépenses que nous allons faire.

(12 h 50)

Alors, donc, je résume la réponse à votre question: il y avait une augmentation de mission qui était donnée à l'Institut de police; il y avait aussi cette habitude du Conseil du trésor de forcer l'organisme à accepter un budget qui était inférieur à ce qui était prévu et à revenir, en cours d'année, redémontrer au Conseil du trésor que les besoins étaient bien tels qu'il l'avait prévu au début, hein. Ce sont les deux explications, je pense, qui expliquent ceci.

M. Trudel: Merci de l'information et surtout de la manifestation de votre intention de changer cette approche, parce que ça n'a pas de bon sens à l'égard des citoyens. Les citoyens peuvent bien se décourager de la gestion de la chose publique. Et c'est absolument ce que vous donnez comme méthode, qui a prévalu pendant neuf ans, c'est-à-dire qu'on gonflait les crédits artificiellement pour ensuite ordonner de les périmer, c'est-à-dire que les fonds qui étaient prévus, ce n'étaient pas de véritables fonds. On connaissait bien l'expression, M. le ministre, nous appelions ça, à l'époque, l'industrie des périmés. Ça fonctionnait assez largement et ça ne correspondait pas à la réalité de la dépense prévue par les planificateurs ou par les responsables d'unités, que ce soit à la Sécurité publique, à la Justice ou ailleurs.

M. le ministre, est-ce qu'on...

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac, à ce moment-ci.

M. Lefebvre: Je veux intervenir là-dessus, là.

Le Président (M. Simard): Vous voulez intervenir en réplique à la réponse.

M. Lefebvre: Si le député de Rouyn-Noranda a terminé.

M. Trudel: Non, je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Simard): Alors, dès que le député de Rouyn-Noranda aura terminé, je vous donnerai la parole.

M. Lefebvre: D'accord.

M. Trudel: Puisque nous sommes dans la fonction policière, il est d'usage, M. le Président, et je le soumets à votre attention, que nous puissions aussi poser d'autres questions en relation avec les engagements qui touchent de plus ou moins loin la fonction que nous analysons au niveau des engagements financiers.

M. le ministre, il y a de l'information qui est diffusée actuellement à l'égard du travail policier au Québec – vous l'avez mentionné dans vos notes d'ouverture – qui est assez grave à l'égard des méthodes d'enquête.

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse. On est à discuter d'engagements financiers concernant l'Institut de Nicolet. Vous nous avez rappelé tout à l'heure une jurisprudence...

M. Trudel: J'y arrive, j'y arrive, M. le Président.

M. Lefebvre: ...que je respecte, et, moi, je voudrais intervenir sur l'Institut de Nicolet.

Le Président (M. Simard): Je vous la rappelle à nouveau, si vous en avez besoin. On parle d'interprétation large au profit du député. Ce que j'ai fait avec vous tout à l'heure et ce que je fais à nouveau avec le député de Rouyn-Noranda.

M. Lefebvre: On «est-u» sur l'Institut de Nicolet, là?

M. Trudel: Bien, surtout que, M. le Président, le ministre vient de nous répondre que l'augmentation de budget est due, entre autres, à l'allocation de nouveaux budgets pour la recherche, et j'imagine que, à cet égard-là, compte tenu de ce que nous vivons comme situation au niveau de la déontologie policière, de la conduite et de l'éthique, hein, on a le droit d'extensionner et de poser des questions à l'égard de cette nouvelle mission et de ce qui se passe actuellement au niveau de la déontologie policière.

M. Lefebvre: Je m'excuse, M. le Président. On aura amplement le temps, cet après-midi, d'aborder...

Le Président (M. Simard): D'abord, M. le député...

M. Lefebvre: ...le thème de la déontologie policière.

Le Président (M. Simard): M. le député...

M. Lefebvre: On est sur l'Institut de Nicolet, et je veux intervenir sur les propos de M. le ministre et du député de Rouyn-Noranda.

M. Trudel: C'est là qu'on les forme, M. le Président.

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, et ça va pour tout le monde. Mais pour ordonner nos travaux, lorsque vous intervenez, vous attendez qu'on vous donne la parole et, ensuite, vous prenez la parole. Vous ne la prenez pas d'office.

M. Lefebvre: Bien, il y a des fois que je n'ai pas le choix, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Vous devrez avoir le choix tout le temps. Alors, il y a actuellement une question de règlement qui est sur la table. J'invite le député de Frontenac à la poser.

M. Lefebvre: Alors, ma question de règlement, M. le Président, je vous rappelle à une décision à laquelle vous avez fait référence tout à l'heure qui, évidemment, interprète nos règles en matière d'évaluation d'engagement. La pertinence est beaucoup plus serrée, on doit s'en tenir, M. le Président, à des propos qui touchent l'engagement qui est à l'étude, et on est présentement à discuter d'engagements concernant l'Institut de police de Nicolet, ce n'est pas la déontologie policière, M. le Président, c'est de beaucoup trop éloigné.

Le Président (M. Simard): Alors, très rapidement, je répète les termes de la jurisprudence là-dessus: un lien, si petit soit-il. Et, il me semble que le député de Rouyn-Noranda a établi ce lien, si petit soit-il, et qu'il peut continuer.

M. Trudel: Merci, M. le Président. En répétant que tout cela fait partie de l'interprétation large du règlement qui a été largement utilisée au cours des dernières années, j'en suis convaincu.

Alors, M. le ministre, la question est assez simple. On nous indique que, ce matin, en particulier, un commissaire du bureau du Commissaire à la déontologie policière, Me Denis Racicot, vous a transmis directement une dizaine de plaintes, là, qui dépasseraient, à l'égard des méthodes d'enquête des policiers, la compétence du bureau du Commissaire à la déontologie policière. Ça me semble assez grave, lorsque, chez l'organisme que nous avons créé pour examiner ces questions, c'est déjà jugé suffisamment grave au point de vous transmettre directement des plaintes, ou des allégations, ou des faits à l'égard du comportement soit de policiers, soit d'enquêteurs, soit d'enquêteurs au Bureau du commissaire à la déontologie policière. Alors, M. le Président...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement, question de directive...

M. Trudel: ...ce que je veux vous demander, M. le ministre, est-ce que...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Simard): Un instant, s'il vous plaît!

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président.

M. Ménard: Il y a un micro, on s'entend.

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: En quoi, M. le Président, la question soulevée par M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, qui fait référence à des plaintes...

M. Trudel: Je n'ai pas posé ma question.

M. Lefebvre: ...qui touchent la déontologie policière – et M. le député soulève des plaintes qui auraient été transmises à M. le ministre – cela a à voir avec la formation des jeunes policiers à Nicolet? C'est ça, ma question, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Tout en rappelant au député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, dans la formulation de sa question, que, règle générale, il doit y avoir un lien entre la question posée et l'objet du débat, je l'inviterais à terminer sa question en gardant ce lien, si petit soit-il, mais en s'assurant qu'il existe.

M. Trudel: J'y arrivais, M. le Président, et le député de Frontenac peut difficilement juger sur une question qui n'a pas encore été posée.

Est-ce que le ministre a l'intention d'intervenir à l'égard de la formation des policiers à l'Institut de police de Nicolet, à l'égard de cette fonction particulière chez les policiers? Et j'extensionne ma question en disant: Est-ce qu'il a l'intention d'intervenir suite à ces plaintes qui lui ont été directement transmises, de façon – et je le dis avec toute la méconnaissance du secteur qu'on peut avoir, c'est très spécialisé, j'en conviens – à restaurer la confiance large que nous devons avoir dans nos corps policiers, dans les méthodes d'enquêtes? Voilà la question.

M. Ménard: Bon. Alors, deux aspects... Vous me permettriez de consulter Mme Gagnon-Gaudreau.

Le Président (M. Simard): Oui, prenez tout le temps nécessaire.

(Consultation)

Le Président (M. Simard): Ça va être difficile de ramener à la pertinence, cet après-midi.

(Consultation)

M. Ménard: Je veux simplement m'assurer que j'ai...

Le Président (M. Simard): M. le ministre, à cause de l'heure tardive, en fait, il est 12 h 58 ou 12 h 59, je vous inviterais à faire votre réponse après l'ajournement.

M. Ménard: C'est parfait.

Le Président (M. Simard): Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Simard): Alors, je vous rappelle notre mandat. Nous poursuivons la vérification des engagements financiers du ministère de la Sécurité publique contenus dans les listes des mois de janvier 1994 à octobre 1995. Il y a eu les remarques préliminaires ce matin. Nous allons accorder encore 10 minutes au parti ministériel pour interroger – ou à tous les députés, en fait – pour la période de janvier 1994 à septembre 1994. Ensuite, nous passerons automatiquement à la période du gouvernement actuel. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Est-ce que, durant la...

M. Trudel: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Je m'excuse, il y avait... On a suspendu au moment où une réponse se préparait. Vous faites bien de me le rappeler, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Nous écoutons donc le ministre, pour une brève réponse.

M. Lelièvre: Je vais pouvoir vous poser ma question après, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Immédiatement après.

M. Lelièvre: Merci.

M. Ménard: Bon. Alors, la question soulevée par le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, je crois, soulève deux aspects: la formation des enquêteurs et, le deuxième, les plaintes qui ont été portées récemment.

(15 h 10)

Alors, d'abord quant à la formation. L'Institut de police du Québec s'intéresse effectivement à la formation des enquêteurs dans le cadre de ses programmes de formation continue et spécialisée, qui sont distincts de la formation de base donnée à l'ensemble des policiers du Québec, à la formation qu'ils doivent recevoir s'ils veulent être, déjà, simples policiers. Donc, en plus, il y a des cours de formation continue sur lesquels l'aspect formation des enquêteurs est très important. Alors, d'abord, la formation donnée à l'Institut de police du Québec est en continuelle adaptation. Non seulement lisent-ils systématiquement et cherchent-ils à améliorer la formation en regard des recommandations faites par les coroners, ça peut être par les commissaires aux incendies, par les décisions des tribunaux, mais aussi, justement, par les critiques et la jurisprudence qui évolue, sur la façon dont doivent être menées les enquêtes.

C'est un aspect extrêmement important du travail à venir de l'Institut de police du Québec, et je suis confiant que la nouvelle directrice, récemment nommée à l'Institut de police du Québec, a toutes les capacités pour, justement, améliorer. Je veux dire que c'était une des préoccupations que j'avais quand je cherchais le candidat idéal pour diriger l'Institut de police du Québec: capacité d'établir des programmes de formation en fonction de situations changeantes comme celles-là.

De plus, la directrice m'informe qu'elle a communiqué tout son programme de formation des enquêteurs au comité Bellemare, que j'ai créé justement pour étudier divers aspects de la conduite des enquêtes criminelles sur des crimes importants, et qui ont été, effectivement, soulevés par plusieurs médias dans les mois qui ont précédé. Donc, tout le programme est connu de ce comité, et je suis convaincu que l'Institut de police pourra faire bénéficier ce comité de son expertise. J'attends évidemment beaucoup du comité Bellemare pour que le processus des enquêtes criminelles importantes soit le plus transparent possible et le plus crédible possible.

Je vous rappellerais ce que j'ai déjà dit dans d'autres domaines: les policiers doivent comprendre... Enfin, pour moi, je n'ai pas, évidemment, suivi, parce que je n'en avais pas le temps, le procès O.J. Simpson à tous les jours, et puis même tout ce qui a été écrit dessus. Mais, quand j'ai regardé le verdict qui a été rendu, les interviews qui ont été faites des membres du jury et puis les commentaires récapitulatifs du procès, je demeure encore convaincu que c'est beaucoup plus une condamnation des méthodes d'enquête de la police de Los Angeles qui a fait l'objet du verdict que la culpabilité d'O.J. Simpson. Ça, je rappelle ça aux policiers: il ne faut pas qu'un corps de police perde sa crédibilité parce que, à ce moment-là, il ne sera plus capable d'agir. Et je pense qu'ils comprennent, et le climat est excellent, maintenant. Je ne dis pas qu'on n'a pas rencontré des difficultés au début, hein, parce qu'il y a toujours une vieille mentalité qui a tendance à revenir – partout, où que ce soit, pas juste au Québec – un peu partout dans le monde que, oui, oui, ça irait mieux si on nous faisait plus confiance, on résoudrait plus facilement les crimes que vous voulez que la police règle. Bon. Je pense que les policiers comprennent, à la suite d'événements comme ceux-là, combien il est important que leurs méthodes d'enquête restent quand même transparentes, même si une partie du travail policier sur le terrain doit être faite de façon secrète, hein, pour ne pas, justement, que les bandits soient avertis et puis pour les prendre par surprise une fois de temps en temps, hein, quand on veut les attraper. Alors, tout cet aspect-là est une préoccupation majeure du ministère actuellement, et la création du comité Bellemare en est un exemple.

Maintenant, les remarques que je vais faire passent bien au deuxième aspect que vous avez soulevé, et avec raison, qui est celui des plaintes qui sont portées. J'ai évidemment, comme tout le monde, été inondé de déclarations sur les méthodes d'enquête qui ont été utilisées dans les divers corps policiers. Bon, pour Gaétan Rivest, c'est la Sûreté du Québec, pour M. Belleval, c'est la SPCUM – ces deux corps policiers, c'est les deux tiers des policiers du Québec, n'est-ce pas – et puis, bien, ça s'est passé il y a cinq ans, il y a 10 ans, il y a 15 ans, il y a 20 ans, et ainsi de suite. Bon. J'ai pratiqué le droit criminel, moi aussi, j'ai entendu beaucoup de ces allégations faites devant les cours de justice, parce que c'est pour ça, c'est parce qu'on est conscient de cette tentation inhérente dans un corps de police que les tribunaux ont établi tant de garanties, pour un accusé, avant d'admettre des aveux. Donc, continuellement, pour quelqu'un qui a pratiqué le droit criminel, on entend des allégations que les aveux ont été obtenus d'une façon qui n'est pas légale, et, couramment, les juges rendent des décisions, parfois acceptant les aveux, parfois les rejetant. Et mes observations, comme criminaliste, c'est que, plus ça va, plus ils en rejettent, les juges. Par contre, avant que je fasse de la politique, mon expérience, c'est que, plus ça va, moins on entend parler d'allégations aussi graves que ce qu'on entendait au début de ma pratique, il y a plus de 25 ans. Alors, je crois que, d'une part, les méthodes policières s'améliorent mais que les exigences légales grandissent.

Quand on est en présence de gens qui, systématiquement, font des plaintes, et sans beaucoup de précisions sur le thème... je pense qu'il faut résister à la tentation de créer des commissions d'enquête. D'abord, vous avez illustré par vos questions, déjà, que, quand on crée une commission d'enquête, ça finit toujours par coûter beaucoup plus cher que ce qui est prévu. Deuxièmement, je peux vous dire que les exigences des commissions d'enquête, qui, avant, permettaient de faire des parties de pêche, c'est-à-dire, sans trop connaître les faits, on disait: il y a peut-être quelque chose d'illégal là-bas; faisons une commission d'enquête puis on va le découvrir, hein. Une partie de pêche: on va le découvrir. Ou encore, on n'est pas capable d'accumuler notre preuve parce qu'on est bloqué par le droit au silence ou par d'autres droits judiciaires reconnus à tout le monde, alors, faisons une commission d'enquête pour contourner ces difficultés légales. Bien, la jurisprudence des tribunaux est beaucoup plus stricte, et quand arrive une commission d'enquête où le but apparent est justement de contourner des protections qui sont données aux individus qui risquent d'être accusés, bien, les commissions d'enquête sont bloquées. C'est exactement ce qui est arrivé à l'enquête du coroner Gilbert, qui, bien que ce soit une enquête du coroner, ressemble par beaucoup d'aspects à une commission d'enquête, qui a été bloquée pendant deux ans à cause des procès qui avaient été intentés contre les gens. Je pense que c'est aussi ce qui est arrivé en Nouvelle-Écosse à la suite du désastre à la mine...

Le Président (M. Simard): Puis-je vous demander d'abréger...

M. Ménard: ...Westray.

Le Président (M. Simard): ...M. le ministre?

M. Ménard: Alors, je pense que, dans une saine administration des dépenses publiques, avant d'accepter... Je ne dis pas qu'une commission d'enquête sera toujours injustifiable, mais, avant d'accepter des moyens aussi radicaux que des commissions d'enquête, il faut être prudent et savoir dans quoi on s'embarque puis combien ça va nous coûter. Par contre, la bonne attitude, je pense, pour le ministre et le ministère, c'est d'être préoccupés de l'avenir et de s'assurer que, si des pratiques illégales ont été faites par des corps policiers dans le passé – comme ailleurs, comme en France, comme aux États-Unis, comme en Angleterre – eh bien, le système que nous allons établir pour l'avenir les rende de plus en plus difficiles et, si possible, les éliminer. Et cela comprend non seulement la façon dont devraient être enregistrés, par exemple, les interrogatoires et les mises en garde, et ainsi de suite, mais cela comprend la formation des enquêteurs, l'encadrement des enquêteurs, et ainsi de suite. Et c'est pour ça que je pense que le comité Bellemare est si important, beaucoup plus utile et beaucoup moins coûteux que tout ce qu'on m'a proposé d'autre à date pour traiter des plaintes nombreuses que nous avons reçues.

Le Président (M. Simard): Merci. Rapidement, une petite question de la part du député de Gaspé, une courte réponse, et ensuite nous devrons déclarer vérifiés les engagements des cinq premiers mois.

M. Lelièvre: Alors, ma question s'adressait, d'ailleurs, à la présidence, M. le Président, pour savoir si le temps utilisé par l'opposition sur notre partie du temps a été déduite ou elle se comptabilisait.

Le Président (M. Simard): Je vous rassure tout de suite, elle était escomptée sur leur propre temps.

M. Lelièvre: Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Simard): C'est fait de façon rigoureuse, ici. Alors, si c'est tout, nous allons maintenant passer... Puisque, effectivement, il nous restait 10 minutes, et ces 10 minutes sont maintenant écoulées, il faut maintenant demander...

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse. J'aurais aimé pouvoir commenter sur cet engagement-là parce que, vous vous souviendrez, tout à l'heure, j'ai eu un échange...

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Lefebvre: ...avec M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Sur Nicolet, j'ai des commentaires à faire, si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Simard): À partir de maintenant, vous avez tout le temps.

(15 h 20)

M. Lefebvre: M. le Président, M. le ministre, dans un premier temps, à une question de M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue sur la maison Sacré-Coeur... Je ne me souviens pas de quelle façon le message est tombé lorsque M. le ministre a décidé de nous expliquer ce qu'étaient les crédits périmés et les réajustements que le nouveau gouvernement a apportés quant à cette habitude, cette technique qui, jusqu'à un certain point – je suis d'accord avec M. le ministre – méritait d'être révisée. Mais, à titre de conseil pour conseil ou suggestion pour suggestion, j'ai envie de dire à M. le ministre et à ses collègues de peut-être évaluer la politique de la dérogation, de sorte qu'on puisse éviter que la dérogation devienne la règle alors qu'elle doit être l'exception. Et on en parle beaucoup de ce temps-ci, vous auriez, M. le ministre, avec d'autres de vos collègues, intérêt à vous pencher sur... quitte à ce que, un peu plus tard, on parle de bien d'autres choses à l'intérieur de ce débat-là. Quant à moi, c'est beaucoup plus dangereux de jouer avec la mécanique de la dérogation que de vivre les problèmes qu'on a eus sous l'ancien gouvernement avec la politique des crédits périmés.

Ceci étant dit, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue a fait allusion à une situation qui était inquiétante, tout à l'heure. Encore là, M. le Président, je retourne à M. le ministre et à mes collègues d'en face le même commentaire de situation inquiétante en parlant de l'Institut de police de Nicolet, et je dis: Comment, M. le Président, peut-on qualifier cette attitude du gouvernement qui, depuis des mois et en campagne électorale, à l'automne 1994, nous parlait de sa vision de l'ouverture de l'emploi aux jeunes, de sa vision moderne de la place que doivent prendre les jeunes hommes comme les jeunes filles dans la structure économique du Québec, peu importe à quel niveau, peu importe dans quel secteur d'activité? C'était et c'est encore aujourd'hui le discours de la formation dont vous êtes membre, M. le Président, qui forme le gouvernement. Le discours et la réalité des choses, on le sait maintenant, plein de Québécois et Québécoises le savent, c'est presque toujours différent.

Alors qu'on parle d'ouverture aux jeunes, M. le Président, voici que 3 000 étudiants que l'on retrouve à l'intérieur de l'Association des étudiants en technique policière du Québec doivent, pour pouvoir discuter avec ce gouvernement, procéder par voie de procédure judiciaire, M. le Président. C'est assez incroyable, c'est du jamais vu. C'est du jamais vu, comme double langage, M. le Président. Voici que des jeunes étudiants tentant de discuter avec les ministres que sont M. le ministre de la Sécurité publique et le ministre de l'Éducation, après des efforts incroyables, n'ont jamais réussi à leur parler et ont dû recourir à des procédures devant les tribunaux pour se faire entendre. Et on nous parle d'ouverture aux jeunes. Comme double langage, M. le Président, c'est assez difficile à battre.

M. le Président, ces jeunes-là, moi, je les ai rencontrés. Et avant, justement, d'arriver à ce moyen aussi drastique que la procédure, on m'a demandé, comme critique de l'opposition, de sensibiliser les deux ministres dont je viens de parler. J'ai communiqué par écrit, le 17 mai 1995, et avec M. le ministre de la Sécurité publique et avec M. le ministre de l'Éducation. J'ai ici sous les yeux copie des lettres en question, même texte dans les deux cas: Je vous transmets, M. le ministre, une copie de la lettre que l'Association des étudiants en technique policière m'a adressée le 15 mai dernier. Le contenu de cet envoi est fort explicite. Je saute les détails, M. le Président. Je faisais référence, évidemment, aux problèmes que vivent et que vivent encore ces jeunes-là. J'ai reçu, M. le Président, une réponse de M. le ministre. Je lui ai écrit le 17 mai; M. le ministre de la Sécurité publique m'a répondu le 28 juin. On était en référendum, ça peut se comprendre, M. le Président. J'ai apprécié que ce soit le ministre qui signe la lettre. M. le ministre de la Sécurité publique a signé sa lettre. J'ai reçu de M. le ministre de l'Éducation, par la secrétaire du ministre, Mme Lecours, en date du 6 juillet 1995, un spectaculaire accusé de réception, accusé de réception qui me dit: Soyez assuré que votre lettre a été portée à l'attention de M. Garon, qui verra à lui donner la suite appropriée. J'imagine que Jean Garon s'est penché là-dessus dans les jours qui ont suivi.

Alors, M. le Président, voici de quelle façon on traite les dossiers qui touchent notre jeunesse. Accusé de réception le 6 juillet. Je n'ai jamais, d'aucune façon, réentendu parler, M. le Président, du ministre de l'Éducation dans ce dossier-là. Et je dois saluer, à tout le moins, l'ouverture du ministre de la Sécurité publique, qui a eu un peu plus d'égards en me faisant parvenir le communiqué de presse émis en date du 19 juillet 1995, dans lequel on retrouve essentiellement la proposition gouvernementale faite aux jeunes... Le 19 juin, je m'excuse.

Le Président (M. Simard): Je voudrais prévenir le public – je sais que les membres de cette commission le savent – de bien vouloir fermer leur cellulaire ou d'aller à l'extérieur, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: Je vais maintenant, M. le Président, aborder le problème que vivent ces jeunes-là. J'aimerais savoir, et tout de suite je pose la question à M. le ministre. Cette injonction, à ce qu'on me dit, a été suspendue en date du 6 décembre. Ce sont les étudiants eux-mêmes qui ont décidé, j'imagine, parce qu'il y a une discussion entre l'association des jeunes étudiants et le gouvernement. J'aimerais savoir où en est M. le ministre dans ces discussions avec nos jeunes garçons ou nos jeunes filles qui font face à ce problème d'incapacité de compléter ce qui est leur rêve, M. le Président, pouvoir éventuellement être membre d'une force policière au Québec. Est-ce que la discussion, au moment où on se parle, a cours entre l'Association et le ministre de la Sécurité publique, accompagné ou non du ministre de l'Éducation? Où en sont les négociations, et quelle est, selon le ministre, la possibilité d'arriver à une entente à court ou moyen terme avec ces jeunes étudiants et étudiantes, M. le Président?

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Ménard: Bon. J'ai ici un excellent état de situation qu'on m'a soumis et dont j'avais pris connaissance, d'ailleurs, avant aujourd'hui... ou, enfin, d'un semblable, parce que je remarque que celui-ci semble avoir été mis à jour, déjà, hier. Mais, avant d'en communiquer l'essentiel, c'est un problème assez complexe que vous nous avez laissé sur les bras. Et je pense bien qu'il y a des évidences, c'est qu'on n'est pas, parce que l'on veut encourager les jeunes, pour engager plus de policiers qu'on en a besoin. Et il y a un problème, c'est que sortaient des institutions, des cégeps, plus de diplômés que l'on peut engager de policiers actuellement au Québec. Je vous rappelle que le taux d'encadrement policier du Québec est le plus élevé au Canada. Par 1 000 de population, c'est ici qu'on a le plus haut taux d'encadrement policier. Alors, ils sont excellents, puis je pense qu'on n'en manque pas.

Alors, le problème qui nous avait été laissé sur les bras, on l'a compris, c'est qu'il y a bien des gens qui, après avoir suivi le cours de cégep en techniques policières, voudraient diriger leur carrière sur la sécurité privée, un domaine qui, comme je l'ai signalé ce matin, est en expansion, mais qui ne peuvent obtenir de diplôme sans passer par l'Institut de police du Québec. Alors, ça, il fallait le régler. On était convaincus qu'en réglant ça, c'est-à-dire qu'en leur donnant le diplôme à la fin des études collégiales ils seraient satisfaits. Mais, contrairement à ce que vous dites, ils n'ont pas pris une injonction pour nous parler, hein. Ils ont pris une injection pour annuler cette entente du 1er juin 1995 intervenue entre le ministre de l'Éducation et le ministre de la Sécurité publique.

(15 h 30)

M. Lefebvre: Je ne vois pas la différence, M. le ministre.

M. Ménard: Comment, vous ne voyez pas la différence?

Le Président (M. Simard): Je m'excuse...

M. Ménard: Le but de l'injonction...

Le Président (M. Simard): ...on pourrait peut-être éviter les dialogues pour...

M. Ménard: Bien, vous faites bien de faire votre intervention. Si vous ne comprenez pas tout de suite, vous êtes aussi bien de me le dire tout de suite, je vais vous l'expliquer encore mieux.

M. Lefebvre: Non, non, non, non.

M. Ménard: Mais le but de l'injonction...

M. Lefebvre: Non, non, non, j'ai compris.

M. Ménard: ...les conclusions...

M. Lefebvre: J'ai compris.

M. Ménard: Bon! C'est ça.

M. Lefebvre: J'ai dit que j'étais en désaccord avec vous. Je n'ai pas dit que je n'avais pas compris.

M. Ménard: Ah!

M. Lefebvre: Ça vous arrive, j'imagine, de ne pas comprendre, vous aussi!

M. Ménard: Ah! Ça m'arrive, certainement...

M. Lefebvre: Hein!

M. Ménard: ...puis je demande.

M. Lefebvre: Peut-être d'entendre, mais de ne pas comprendre.

Une voix: Rarement.

M. Lefebvre: Ça peut se faire dans les deux sens, ça, vous savez.

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac, on ne va pas jouer...

M. Lefebvre: J'ai entendu...

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac...

M. Lefebvre: ...j'ai compris, je suis en désaccord avec vous. Ces jeunes-là ont pris une injonction, parce qu'ils ne sont pas capables de vous parler...

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lefebvre: ...parce que vous leur avez fait une proposition avec laquelle ils ne sont pas d'accord. La seule écoute que vous avez eue, ça a été de dire: C'est à prendre ou à laisser.

M. Ménard: Bon!

Le Président (M. Simard): Là, avant de répliquer, M. le ministre, on va s'entendre sur des façons de procéder...

M. Lefebvre: Ça m'arrive de saisir, moi aussi, M. le ministre.

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac!

M. Lefebvre: Vous n'avez pas le monopole de la vérité et de la compréhension...

M. Ménard: Non, mais je trouve que vous faites...

M. Lefebvre: ...du jugement et de l'intelligence.

M. Ménard: Vous faites semblant de ne pas comprendre, quand vous comprenez.

Le Président (M. Simard): On suspend la séance, s'il vous plaît!

(Suspension de la séance à 15 h 32)

(Reprise à 15 h 33)

Le Président (M. Simard): Nous reprenons nos travaux. D'ici la fin des débats – de part et d'autre, c'est valable... Je souhaite que vous m'écoutiez, M. le député de Frontenac, je pense que ça s'adresse spécifiquement à vous...

M. Lefebvre: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Simard): ...n'auront la parole que ceux à qui je l'aurai accordée, pendant la période pendant laquelle je l'ai accordée. Sinon, nos débats, qui peuvent être extrêmement constructifs, qui cherchent ici à vérifier des engagements financiers, vont tourner à des foires d'empoigne qui n'ont pas leur place dans cette Assemblée. Alors, je redonne la parole au ministre en réponse à votre question, mais ça a été la dernière fois qu'un tel incident se produisait dans notre commission aujourd'hui. M. le ministre.

M. Ménard: Bon. Alors, revenons au noeud de la question. Le noeud de la question, c'est qu'on a trop d'étudiants qui sortent de l'Institut de police du Québec pour occuper les emplois policiers. D'autre part, il y a des étudiants qui ont fait le cours de techniques policières qui seraient heureux d'avoir un diplôme en techniques policières, ce qui leur permettrait d'obtenir de bons emplois dans la sécurité privée. C'est à la suite des rencontres que nous avons eues avec ces étudiants, les autorités... enfin, des gens de mon ministère, de mon cabinet et du ministère, avec les représentants des étudiants, que nous avons bien compris cette problématique, qui est d'ailleurs beaucoup plus compliquée à comprendre que ce que je vous explique présentement. En tout cas, moi, ça m'a pris pas mal de temps à comprendre la complexité de ce dossier puis je ne suis pas sûr de le comprendre entièrement non plus. C'est un dossier quand même complexe.

Mais, essentiellement, les buts que nous poursuivions, c'étaient des buts qui favorisaient ces étudiants, leur donner un diplôme même s'il n'y avait pas d'emplois pour tous ceux qui auraient un diplôme en techniques policières, et, pour ça, il fallait convaincre... il fallait, évidemment, entrer en communication avec le ministère de l'Éducation, qui est un ministère à vocation très large et pour lequel la formation policière est vraiment un élément très petit de sa mission générale, puis on a obtenu une entente du ministère de l'Éducation que nous croyons vraiment à l'avantage des étudiants et capable de résoudre leurs problèmes. On a imaginé une formule. Par contre, comme il fallait bien donner un diplôme à ceux qui avaient terminé leurs études collégiales et qui n'en avaient pas encore parce qu'ils n'avaient pas passé à l'Institut de police du Québec, on a établi une procédure qui, à l'essai, s'est avérée pas très bonne. Puis, encore là... Mais peut-être que je serais mieux de lire, au fond, parce que je ne suis pas sûr d'exposer le problème à sa perfection.

Mais cette entente avait pour effet de retirer le stage à l'Institut de police du programme de techniques policières. Les étudiants obtiennent donc leur diplôme d'études collégiales, D.E.C., avant d'entrer à l'IPQ, plutôt qu'après. L'entente prévoyait également que l'IPQ puisse accueillir d'ici la fin de 1996 1 025 étudiants qui étaient en attente d'admission à l'IPQ. Pour ce faire, l'IPQ a réduit la durée du stage de 13 à 10 semaines en retirant le cours de techniques de patrouille pratique qui doit être offert à un maximum de 56 stagiaires par promotion. Ces derniers devaient détenir une promesse d'embauche d'un corps de police. L'entente prévoyait également que les étudiants pourraient ultérieurement avoir accès à l'IPQ pour compléter leur cours à la condition de détenir une promesse d'embauche d'un corps de police, et ce, jusqu'au 1er décembre 1998.

Ça, je sais, on pensait que... Quand je vous le lis comme ça, ça a l'air d'une bonne solution, ce que je croyais, moi aussi, être une bonne solution, sauf que ce qui est arrivé en pratique, c'est qu'il s'est mis à y avoir un marchandage, auprès des municipalités, éhonté de promesses d'embauche avec engagement d'écrire une contre-lettre comme quoi on s'engageait à ne pas exercer la promesse d'embauche qu'on avait, de sorte que certains étudiants pouvaient avoir l'avantage du diplôme et de l'Institut de police sans qu'on ait véritablement voulu les embaucher et alors qu'eux-mêmes ne voulaient pas être embauchés par cette municipalité. Bon. Là, on s'est aperçus qu'on encourageait un système qui frôlait la malhonnêteté et qui encourageait des pratiques qu'on ne veut pas encourager, et surtout chez des gens qui vont s'occuper de sécurité le restant de leur vie, hein. Alors, il a fallu se réajuster. Et c'est peut-être dans l'impatience que les étudiants ont décidé, à ce moment-là, de s'attaquer à l'entente que nous avions entre le ministre de l'Éducation et le ministre de la Sécurité publique, mais ce qui reportait le problème dans son entièreté auparavant, alors que ce à quoi il fallait trouver une solution, c'était à la promesse d'embauche.

Alors, la requête, elle devait être entendue par le Cour supérieure le 3 décembre 1995. À la veille de l'audition, les représentants des collèges, de l'Institut de police du Québec, du Procureur général, du ministère de l'Éducation et du ministère de la Sécurité publique ont rencontré les représentants de l'Association des étudiants en technique policière afin de trouver un terrain d'entente qui permettrait d'éviter de judiciariser ce dossier, d'autant plus important, comme vous l'avez compris, que ça les reportait en arrière.

Alors, l'Association des étudiants en technique policière ayant déjà manifesté une ouverture quant à l'imposition de frais de scolarité pour permettre aux étudiants de compléter leur cours à l'IPQ, les représentants gouvernementaux ont proposé aux étudiants, moyennant des frais de scolarité de 700 $, un calendrier de stages qui ferait en sorte que les 1 025 étudiants en attente d'admission à l'IPQ auraient complété l'ensemble de leur cours à l'IPQ, incluant le cours de techniques de patrouille pratique, à la fin du mois de juin 1997. Considérant cette proposition, l'Association des étudiants en technique policière du Québec a accepté de reporter sine die la demande d'injonction et s'est engagée à soumettre dans les prochaines semaines cette proposition à ses membres. Il est à noter que cette proposition ne touche que les 1 025 étudiants en attente d'admission à l'IPQ. L'Association des étudiants en technique policière du Québec a également demandé que tous les étudiants présentement inscrits au cégep en deuxième et troisième années aient une assurance d'avoir un accès automatique à l'IPQ.

Compte tenu des contraintes budgétaires ainsi que des prévisions d'embauche qui ne sont pas très élevées pour les prochaines années, aucune ouverture de la part des représentants gouvernementaux ne s'est faite à cette demande. Ça, je comprends parfaitement. Puis, à part ça, moi, il me semble avoir vécu des problèmes semblables au Barreau. Je n'ai jamais compris que quand le Barreau augmente ses exigences... que, si le Barreau devait augmenter ses exigences à l'égard des diplômés qui ont leur licence en droit pour exercer la profession d'avocat, il est obligé de considérer que tous ceux qui sont entrés trois ans auparavant dans le cours universitaire ont des droits acquis en l'ancien système que le Barreau a trouvé inadéquat pour assurer la protection du public dans la formation. Je trouve que c'est à peu près les mêmes principes qui doivent s'appliquer dans le cas des étudiants. Ceux qui étaient en attente, ceux qui avaient terminé leurs études au cégep étaient dans une situation injuste si on ne leur donnait pas leur diplôme d'études collégiales, s'ils ne partaient pas de leurs études avec un diplôme. C'est ça qu'on a cherché à régler.

(15 h 40)

Et, là-dessus, je suis convaincu que les meilleures discussions, c'est avec les gens de mon ministère qui connaissent bien le fond du dossier. C'est un dossier tellement pointu que je ne suis pas sûr moi-même de... Puis, là-dessus, je m'excuse, M. Lefebvre, si j'ai pu avoir des remarques que vous avez estimées blessantes, comme moi, tout à l'heure. Ce n'est pas ça que je voulais dire. Je voulais vous rappeler que, quand vous me dites que le but de l'injonction c'était de me parler, bien, le but de l'injonction, ce n'était pas ça, là. O.K.? Mais, si vous le comprenez mieux que moi, tant mieux, vous avez peut-être eu plus de temps à passer dessus. Mais ça reste un dossier compliqué où on cherche à avoir la solution la plus équitable possible, d'abord pour les étudiants qui ont terminé leurs études collégiales, puis, pour les autres, bien, coudon, ils vont en avoir, un diplôme d'études collégiales à la sortie du cégep. Alors, je pense qu'on ne devrait pas dépenser les fonds publics à l'Institut de police du Québec pour former plus de policiers que ce dont on a besoin. Puis il me semble que c'est la bonne place pour le dire, quand on est en train de vérifier les engagements financiers du gouvernement dans le contexte de déficit qu'on a.

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, ce que j'ai dit au ministre tout à l'heure, c'est que l'injonction que ces jeunes étudiants et étudiantes ont dû utiliser dans le cadre de leurs discussions et négociations avec le gouvernement du Québec, et particulièrement avec et M. le ministre de la Sécurité publique et M. le ministre de l'Éducation, la conclusion que je tire de tout ça, c'est qu'on ne se parle pas ou, si on se parle, on ne se comprend pas, de deux choses l'une, puis, finalement, ça se rejoint, ça, M. le Président. Et je trouve ça absolument incroyable que des moyens aussi exceptionnels que la procédure judiciaire doivent être utilisés par des jeunes pour arriver à se comprendre avec leurs dirigeants. C'est ça que je dis, et ça contredit, quant à moi, pour l'essentiel, le discours, M. le ministre, de votre formation politique. Vous n'êtes pas le seul à blâmer, il y a le ministre de l'Éducation, tout à l'heure, j'en ai parlé. Je ne comprends pas que des jeunes étudiants et étudiantes doivent, pour pouvoir faire cheminer leur dossier, arriver à des moyens aussi catégoriques. Que vous l'interprétiez, ou vous pouvez l'interpréter autrement, en disant: Ce n'est pas parce qu'on ne se parle pas, peu importe... je ne comprends pas qu'on doive en arriver à des moyens semblables.

M. le ministre, M. le Président, a parlé tout à l'heure de commission d'enquête suite à une question de M. le député de Rouyn-Noranda sur la déontologie, les révélations qui ont été faites par différentes sources – appelons-les pas policiers – au cours des derniers mois, d'une méthode utilisée par nos corps policiers, que ce soit la Sûreté du Québec ou d'autres corps policiers, policiers municipaux, peu importe, des révélations extrêmement troublantes, qui n'ont pas été commentées beaucoup par le ministre sur la place publique, et, je pense, avec raison, sur l'essentiel. J'aimerais cependant savoir du ministre comment il a interprété ce qu'il a entendu, puis je ne ferai pas référence à des déclarations particulières, tout le monde a à l'esprit, évidemment, ce qui s'est dit à l'émission Le Point il y a quelques semaines, il y a eu d'autres révélations d'informateurs anonymes. Comment le ministre – en ne lui demandant pas, évidemment, de me révéler ce qu'il ne peut pas me révéler – traite-t-il ce genre de dossier? Qu'est-ce qu'il prend? Qu'est-ce qu'il laisse? Et comment agit-il? Quelles sont les instructions qu'il donne aux responsables dont il a, lui, la responsabilité, c'est-à-dire les responsables au niveau de la Sûreté du Québec dont il est le patron? Comment le ministre, de façon globale et générale, traite-t-il ces situations-là, M. le Président, pour, évidemment, améliorer? Parce qu'il y a beaucoup de choses, j'imagine, qu'il faut prendre avec beaucoup de prudence, mais il y a un peu de vrai dans tout ça. Et, sans avoir l'expérience que le ministre peut avoir comme criminaliste, j'ai fait tout juste assez de droit criminel pour savoir, oui, qu'effectivement ça peut se produire. C'est évident, la nature humaine étant ce qu'elle est, c'est vrai aujourd'hui, c'était vrai il y a 25 ans, puis c'était vrai il y a 100 ans, puis ce sera encore vrai dans 50 ans. Mais ceci étant dit, comment le ministre traite-t-il, M. le Président, ces dossiers-là et quel est son objectif en partant des révélations qu'on a entendues? Les vérifier, les ignorer totalement, partiellement, essayer d'évaluer ce qu'il peut y avoir de vrai? Cherche-t-on à identifier les responsables de ces déclarations? Alors, le ministre comprend très bien de façon globale, M. le Président, ma question, et je m'arrête pour l'écouter.

Le Président (M. Simard): Avant de laisser la réponse au ministre, quelques considérations. Je sais que la porte a été entrouverte et que le député de Rouyn-Noranda s'est engouffré plutôt dans cette direction, et je ne vous fais pas le reproche de faire la même chose. Mais, après cet échange sur ce sujet, j'aimerais bien qu'on revienne malgré tout à raccrocher les questions aux engagements financiers.


Engagements vérifiés

Alors, je prends pour acquis, puisque la première heure et demie avait été consacrée à l'étude des cinq premiers mois, que les engagements financiers de janvier à septembre sont déclarés vérifiés et que nous pourrons poursuivre dans quelques minutes les engagements financiers de la période subséquente. M. le ministre, votre réponse.

M. Ménard: Bon. D'abord, j'ai quelqu'un à mon cabinet qui s'occupe de toutes ces choses-là et je dirais que la première fonction qu'il a c'est d'abord celle d'aiguilleur, parce que ces plaintes-là sont souvent portées par des gens... D'abord, il y a des plaintes qui sont portées de bonne foi par des gens ordinaires puis il y a des plaintes qui sont portées par certaines personnes de façon systématique sans que nous soyons toujours absolument convaincus de leur bonne foi. Mais nous les traitons de la même façon.

La première façon, c'est d'abord de l'aiguiller à la bonne place, parce que, très souvent, elle s'adresse au cabinet alors que la plainte relèverait plutôt du ministère de la Justice ou, dans un autre cas, du Commissaire à la déontologie policière ou, dans un autre cas, d'un corps policier particulier, etc. Et s'il s'agit d'une affaire, évidemment, qui doit être enquêtée sur un corps de police, bien, évidemment, de la faire enquêter par un corps de police qui est distinct de celui qui est l'objet de l'enquête.

Il y a certains de ces individus qui entretiennent avec nous des correspondances volumineuses et qui entretiennent aussi avec d'autres des correspondances qui portent sur des faits qui remontent aussi loin que le quart de siècle, et même plus. Il y en a qui nous donnent... Ce sont des déclarations très vagues de comportement sans que personne ne soit identifié, sans que l'on puisse... souvent, aussi, où ils prétendent avoir été partie, mais avouant par le fait même avoir été eux-mêmes parjure et, donc, on sait bien qu'à ce moment-là leur crédibilité sera nécessairement évaluée en fonction des parjures qu'ils admettent et, donc, de la nécessité d'obtenir des preuves supplémentaires si tant est que ces plaintes sont fondées. Enfin, ce sont des dossiers difficiles, pénibles et qui consument beaucoup d'énergie, beaucoup d'énergie à mon cabinet, beaucoup d'énergie à la direction de M. Côté, M. Charles Côté, de la sécurité et de la prévention, beaucoup d'énergie aussi au Commissaire à la déontologie.

Mais enfin, même si c'est répétitif, même si c'est vague, nous présumons la bonne foi et nous cherchons à voir s'il y a assez d'informations pour que ça puisse être enquêté, et la réponse revient souvent, à cause aussi des longs délais, que ça ne peut pas être enquêté ou que tout ce que l'on a pour soutenir telle allégation, bien, c'est l'allégation de celui qui l'a faite et qui admet lui-même avoir une crédibilité très peu grande, enfin ne pas jouir de beaucoup de crédibilité. Alors, à ce moment-là, c'est évident qu'on ne peut pas faire autre chose.

(15 h 50)

Nous cherchons aussi à traiter toutes ces affaires avec discrétion. Ce n'est pas dans le plus grand secret, comme l'a titré Le Soleil ce matin, mais avec la discrétion qui convient à des accusations qui impliquent des gens qui sont probablement innocents. Mais, même s'ils étaient probablement coupables, ils ont toujours bien le droit, eux aussi, à la présomption d'innocence et, tant qu'on n'a pas prouvé, qu'on n'a pas des preuves sérieuses de leur implication dans un acte criminel ou dans un acte répréhensible, je pense que nous avons l'obligation de s'assurer que leurs noms ne soient pas diffusés en public.

Alors, le personnel qui traite de ça, et particulièrement mon cabinet, l'officier au cabinet, qui est un avocat, qui a cette expérience, s'assure, comme le Commissaire à la déontologie, comme les gens du personnel, à voir à ce que ces dossiers soient traités en toute discrétion afin de ne pas éclabousser inutilement des réputations.


Octobre 1994 à octobre 1995

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Alors, nous passons plus spécifiquement, puisque nous avons décidé de fonctionner de façon chronologique, à partir, donc, du mois d'octobre 1994, et j'inviterais les membres de la commission à interroger le ministre.

(Consultation)

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac.


Organisation des travaux

M. Lefebvre: M. le Président, j'aimerais aborder avec le ministre le dossier du désengorgement des prisons, en faisant un parallèle avec deux autres sujets qui sont...

Le Président (M. Simard): À partir de quel engagement, M. le député?

M. Lefebvre: 8, d'octobre 1994...

Le Président (M. Simard): Octobre 1994, engagement 8.

M. Lefebvre: M. le Président, moi, ce que je propose à mes collègues et à M. le ministre, M. le Président, d'ici la fin de nos travaux, il y a quelques sujets très précis que je veux aborder avec le ministre: fermeture des prisons, désengorgement, réinsertion, puis ce que j'allais, si j'avais pu compléter au moment où, bien délicatement, vous m'avez interrompu... Ce sont, quant à moi, trois sujets que je voudrais traiter en même temps parce que interreliés: fermeture, désengorgement, réinsertion ou réhabilitation.

Je veux également, M. le Président, aborder avec le ministre, à la première occasion, le dossier de la carte policière. Également, M. le Président, je trace dans ses grandes lignes le programme que je suggère d'ici la fin de l'après-midi: le dossier des bingos, le dossier des pompiers volontaires. Ce sont les dossiers, M. le Président, que je veux traiter avec le ministre et mes collègues. Je suis convaincu qu'on peut faire consensus là-dessus. Il m'apparaît que ce sont les dossiers les plus... pas nécessairement les plus importants, ceux qu'il y a lieu de discuter avec le ministre cet après-midi, et, dans ce sens-là...

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac, je n'ai aucune objection. Je vous rappelle cependant que nous avons fonctionné depuis le début, ou tenté de fonctionner depuis le début, sur une base chronologique après entente avec votre parti. Mais, s'il n'y a pas d'objection à ma droite, nous pourrons très bien fonctionner de façon thématique d'ici la fin de l'après-midi.

M. Trudel: S'il m'était permis, M. le Président, d'y ajouter également de notre côté quelques thèmes extrêmement intéressants. Comme, par exemple, nous pourrions largement parler de tout le rapport Coutu à l'égard de l'implantation des comités de justice dans le Nord du Québec et dans les communautés autochtones, de la position du ministère de la Sécurité publique, et, à l'égard du rapport Coutu, de ses conclusions, des suites. Et certainement que ça intéressera mon collègue, le député de Frontenac, parce que j'ai l'intention de suggérer à la commission des institutions un mandat d'initiative, pas aujourd'hui, mais le temps venu, pour que nous puissions procéder ici, à la commission des institutions, à un examen extrêmement attentif du contenu du rapport Coutu sur l'avenir de l'administration et du développement de la justice dans le Nord du Québec et, également, que nous puissions analyser des conclusions et éventuellement, avec les ministères concernés, ça va de soi, présenter un certain nombre de recommandations qui m'apparaissent extrêmement importantes compte tenu du contexte dans lequel s'est réalisé ce rapport, ce que nous avons vécu au Québec au cours des dernières années et ce que nous pourrions faire.

Le Président (M. Simard): M. le député de Rouyn-Noranda, vous avez voulu manifester votre intérêt, je ne voudrais pas que vous épuisiez tout de suite le sujet. Je passe donc...

M. Pinard: M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Saint-Maurice, une remarque.

M. Pinard: M. le Président, je voudrais ajouter que, moi personnellement, j'apprécierais beaucoup qu'on parle des vidéopokers. Nous avons eu des représentations, la plupart d'entre nous. La plupart des députés ont eu beaucoup de représentations qui leur ont été faites. Je voudrais connaître les résultats de la part du ministre concernant les fameux vidéopokers.

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons donc procéder dans l'ordre, et je vais inviter maintenant le critique de l'opposition à aborder le premier thème qu'il souhaite aborder, et nous pourrons ensuite, avec l'accord de tout le monde, permettre à tous nos membres de s'exprimer.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Une petite, rapidement, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Oui, bien, si mon collègue de Frontenac est d'accord, il y a d'autres sujets qu'on pourrait peut-être aborder également, comme le service d'inspection générale, si le temps nous le permet. Je pense que ce serait important. Et regarder aussi, peut-être, ce qui s'est passé ailleurs, dans d'autres domaines, au fur et à mesure que le temps avance.

Le Président (M. Simard): Très bien.

M. Lelièvre: Il ne faudrait pas que la liste soit limitative, autrement dit.

Le Président (M. Simard): Alors, pour que ce soit possible, j'invite, rapidement...

M. Lefebvre: D'accord.

Le Président (M. Simard): ...et le critique de l'opposition et le ministre à raccourcir, si possible...

M. Lefebvre: D'accord.

Le Président (M. Simard): ...leurs interventions pour permettre d'aborder le plus grand nombre de sujets possible. M. le député de Frontenac.


Discussion générale


Fermeture de prisons

M. Lefebvre: Je vais, M. le Président, poser des questions plutôt que, moi, faire du blabla, pour que le ministre puisse s'exprimer. Où en est le ministre, M. le Président, quant... Et, d'ailleurs, je suis convaincu que vous allez être, vous, content que je pose cette question-là, comme M. le député de Joliette. Où en est le ministre, et le gouvernement, quant à son plan de fermeture de prisons, M. le Président? Depuis plus ou moins 14, 15, 16 mois, on parle d'une possibilité de fermeture de huit prisons. Ça concerne beaucoup de monde, ça concerne des populations, ça concerne des populations carcérales évidemment, ça concerne également, M. le Président, des employés de l'État, ça concerne des députés. Alors, M. le Président, j'aimerais savoir où en est le ministre. C'est quoi, les échéances? On va arriver à quoi dans tout ça, là?

Le Président (M. Simard): Auparavant, je veux assurer le ministre que je n'ai pas soufflé la question dans l'oreille du député de Frontenac.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Moi, je parle de huit. Ça peut être plus que huit, ça peut être moins, je ne le sais pas.

M. Ménard: Pour pouvoir réduire le nombre de prisons, il faut que je puisse avoir une certaine influence sur la demande. Or, en principe, le ministère de la Sécurité publique est toujours, en bout de ligne... puis il doit répondre à ce que les tribunaux lui envoient. Cependant, quand on regarde comment ça s'est passé ailleurs dans d'autres pays qui ont eu à faire face au même problème, notamment l'Allemagne et la Finlande plus particulièrement – ce que j'ai exposé, d'ailleurs, dans des discours majeurs beaucoup plus détaillés qui sont disponibles, que je pourrai vous envoyer – il fallait... Ça s'est fait quand il y a eu une concertation de tous les intervenants en matière de traitement du crime, à partir de sa prévention jusqu'à sa réhabilitation. Alors, j'ai commencé à chercher à jouer sur la demande.

(16 heures)

Maintenant, ce qui nous aide... Il y a une chose qui nous aide puis une autre qui ne nous aide pas. La première chose qui nous aide, c'est que la criminalité diminue. Ce qui ne nous aide pas, c'est que personne ne le sait, ou à peu près. Tout le monde pense le contraire, que la criminalité augmente. Même la criminalité violente diminue. Elle diminue en chiffres absolus, mais elle diminue, j'en suis convaincu, plus qu'en chiffres absolus à cause de la façon dont on compile les statistiques. Par exemple, une agression sexuelle est classée comme un crime violent alors que, correctement, en français, beaucoup de choses qui sont considérées comme des agressions sexuelles en vertu du Code criminel sont, en bon français, des inconduites sexuelles, des choses inadmissibles, mais qui n'ont pas de caractère de violence, comme les relations entre un professeur et une de ses élèves, un médecin et une de ses patientes, les cas d'inceste, et ainsi de suite. Bon. Alors, la criminalité, même la criminalité violente, diminue, alors que je suis convaincu que tout le monde pense le contraire ou à peu près dans notre société, parce que la publicité sur les crimes et la publicité sur les crimes violents augmentent continuellement.

D'abord, donc, il faut au moins diffuser, le mieux possible, aux gens qui sont dans le système, ces réalités. Donc, j'ai eu des discours majeurs avec les procureurs de la couronne, qu'on a réunis, pour la première fois depuis plusieurs années, ensemble – et je pense que ça valait la peine – pour que je puisse leur parler au cours d'un congrès exceptionnel où ils ont traité du traitement de la sentence. J'ai profité de la même journée pour aller faire à peu près le même discours devant tous les juges, dans le respect de l'indépendance judiciaire, en espérant des résultats. Je ne suis pas sûr de les avoir.

L'autre aspect, c'est de continuer à travailler, évidemment, sur la diminution de la criminalité par des meilleurs systèmes de prévention, et notamment, là-dessus, et là je passe très rapidement, je compte sur la diffusion et l'application du concept de police communautaire pour agir avant que la délinquance ne devienne violente et avant qu'elle ne se manifeste et assurer une meilleure prévention. Mais, ceci étant dit, bon, l'autre aspect. Si on réussit à m'envoyer moins de clients, c'est qu'il faut quand même que je traite ceux qu'on m'envoie, alors, pour ça, je cherche quand même des moyens de les traiter d'une façon moins coûteuse pour l'État, pour les gens qui n'ont pas besoin d'une sécurité périphérique maximum. Alors, vous avez relevé, ce matin, des engagements financiers qui vous ont étonnés, qui ont étonné certains députés, à l'égard d'institutions de santé mentale pour des contrevenants. Mais oui, je vous le disais, on a 7 % de nos contrevenants qui ont des problèmes de santé mentale. Alors, ils peuvent être très bien gardés dans les institutions appropriées. On n'a pas besoin de les garder à Bordeaux, quoique, encore là, à Bordeaux, c'est très souvent les gens les plus tranquilles et qui nous causent le moins de problème, mais, enfin, ils coûtent moins cher dans une institution appropriée.

Je sens aussi le besoin de créer des centres d'hébergement, encore là, moins coûteux que des prisons traditionnelles. Mais, encore là, comme ça n'a pas été une politique qui avait été commencée, cet aspect-là, avant moi, l'encadrement qu'on veut fournir pour assurer une véritable réinsertion sociale sans risque pour la communauté, je n'ai pas encore mesuré le niveau d'économie qu'on va faire en fermant des places en prison pour en ouvrir dans les centres d'hébergement. Mais disons que, là-dessus, on est plus au stade de la réflexion et de la planification qu'au stade des décisions qu'on doit prendre. Plus précisément, on n'a strictement pas le choix. Si on veut rencontrer le 17 000 000 $ de compressions que l'on doit rencontrer, en supposant que la situation des finances du Québec sera celle qu'on avait prévue, même si on restait dans le système constitutionnel actuel, là, que l'on avait prévue l'an dernier, c'est-à-dire dans notre plan stratégique sur trois ans...

M. Lefebvre: Heureusement qu'on n'a pas dit oui, parce que...

M. Ménard: Pardon?

M. Lefebvre: Heureusement qu'on n'a pas dit oui en octobre.

M. Ménard: Oui, bien, là-dessus...

M. Lefebvre: Vous avez eu 300 000 000 $ et quelques de paiements de transfert inespérés. Mme la ministre des Finances nous a annoncé ça hier.

Une voix: C'est quoi le rapport?

M. Ménard: Je ne sais pas.

M. Lefebvre: C'est quoi le rapport?

Le Président (M. Simard): Je pense que ce genre d'interruption...

M. Lefebvre: C'est quoi le rapport? C'est les budgets de prisons.

Le Président (M. Simard): ...correspond parfaitement aux indications que je donnais tout à l'heure, là.

M. Boulerice: J'aurais préféré la liberté...

Le Président (M. Simard): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, ça s'applique pour vous aussi. M. le ministre, veuillez conclure votre...

M. Ménard: O.K. Je donnais cette explication pour bien comprendre que le plan stratégique, il était fait, quand je dis 17 000 000 $ de réduction, il était prévu en supposant qu'on restait dans le système constitutionnel actuel. Si on en sortait, c'est évident qu'on aurait hérité des installations fédérales, lesquelles sont, à cause de l'argent fédéral, beaucoup mieux outillées que les nôtres. Mais je comprends aussi qu'ils ont eu à s'occuper de délinquants plus dangereux puisque, eux, ils ont les sentences de plus de deux ans.

Alors, pour rencontrer ces compressions de 17 000 000 $, ça veut dire qu'il va falloir couper assez dans les institutions carcérales classiques pour aller chercher le 17 000 000 $. Comme je veux – et c'est ce que j'ai demandé au ministère de préparer, et je suis censé, justement, examiner ça mardi prochain avec eux – comme je voudrais débloquer des argents pour ouvrir des centres d'hébergement moins coûteux pour les délinquants non dangereux, mais qui méritent une punition et qui méritent une sentence et qui doivent servir une sentence, j'ai demandé de m'en débloquer plus que 17 000 000 $.

Maintenant, où je vais fermer? Je n'ai pas encore décidé. Nous sommes en train d'établir un certain nombre de critères. Je crois bien que la vétusté sera l'un de ces critères, même si, et ça, c'est un des problèmes que j'ai, parfois les prisons les plus vétustes sont aussi les moins chères à entretenir. Mais, enfin, ce n'est pas parce que je ferais des économies au ministère de la Sécurité publique si je fermais les prisons neuves... Et je vais vous dire franchement que j'ai le goût d'en fermer, des fois, des prisons neuves qui ont été construites à grands coûts et qui nous coûtent énormément cher à gérer par détenu. Sauf que, coudon, si ce n'est pas le ministère de la Sécurité publique qui les a payées, parce que, c'est en fait la SIQ qui les a payées, et à supposer que de les fermer, je ne paierais pas la SIQ – ça, je ne suis pas encore sûr – le loyer qu'ils me réclament actuellement, je sais bien que quelqu'un paierait au Québec, et je n'aiderais pas le déficit, j'aiderais peut-être mon petit problème, dans mon ministère, de rencontrer mes budgets, mais je n'aiderais pas le grand problème auquel on veut tous s'attaquer. Donc, je pense bien que la vétusté sera un des critères. Il est probable aussi qu'on va tenir compte du coût per diem, enfin, il y a un nombre considérable... On avait commencé à les mettre par écrit.

Alors, parmi les choses que nous devons considérer, il y a l'achalandage observé sur un plan régional ou territorial et l'infrastructure existante ou à maintenir pour répondre aux besoins projetés; il y a le per diem ou le coût d'un jour d'un séjour dans l'établissement; il y a les caractéristiques physiques du bâtiment, aussi, parce qu'elles ont une importance sur la conduite de programmes de réhabilitation; il y a aussi la proximité géographique d'un autre établissement. Je sais que ça va être bien dur à arbitrer, et je sais qu'il y a probablement des députés ici qui seront déçus, mais, qu'est-ce que vous voulez, on ne peut pas faire de réductions sans couper quelque part. Je dois examiner un nouveau plan, qui doit m'être présenté mardi, et j'ai demandé d'avoir des plans alternatifs, donc j'aurai plusieurs plans alternatifs. C'est là où j'en suis, puis ça devrait...

Le Président (M. Simard): ...ces critères, M. le ministre, si vous me permettez une petite question, est-ce que la spécialisation d'une prison peut être considérée? C'est une question théorique.

M. Ménard: Oui. Je ne suis pas sûr que ça va favoriser ce que vous pensez, mais j'y ai pensé. Il me faut à la fois une protection périphérique idéale et une prison nouvelle, accueillante pour un certain type de prisonniers qui collaborent avec la justice, et qui, par conséquent, soit attirante pour ce type de collaboration, chose qui doit être faite en toute transparence, en application du rapport Guérin, en passant. Mais oui, c'est une des considérations qu'on peut avoir.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre.

M. Ménard: Mais c'est une considération exceptionnelle, parce qu'il y a quand même peu de gens qui sont dans cette situation dans nos prisons. Pour nous donner une idée, la capacité actuelle est autour de 3 600, et, quand on ajoute les cellules d'isolement, l'infirmerie, ouvrir des dortoirs, on peut monter ça jusqu'à 3 900. Il y a des jours où on est en haut... Le plus haut jour, c'est 3 800?

Une voix: 3 824.

M. Ménard: Ç'a été 3 824, pour une capacité maximale de 3 600, pas pire, hein?

M. Lefebvre: Mon collègue de D'Arcy-McGee, et après ça, moi, je vais...

(16 h 10)

Le Président (M. Simard): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Je voulais demander... J'ai commencé une visite moi-même, en ma capacité de député de D'Arcy-McGee, pour visiter les prisons et pour essayer de rencontrer des détenus qui sont de mon comté. Il me semble qu'un des grands problèmes auxquels nous faisons face dans les prisons, c'est le problème des drogues.

M. Ménard: Un problème de?

M. Bergman: Drogues, «drugs».

M. Ménard: Ah! drogues. Oui, oui.

M. Bergman: Il semble que, parmi les détenus avec lesquels j'ai eu la chance de parler, la question des drogues dans les prisons, c'est un problème qui est majeur. Je me demande quels programmes vous envisagez pour le futur pour essayer de régler ce problème qui est à la clé de la vie dans les prisons et de la réhabilitation des prisonniers.

M. Ménard: J'oserais vous demander une sous-question: Quelle est la prison que vous avez visitée?

M. Bergman: Excusez.

M. Ménard: Je jurerais que c'est Bordeaux que vous avez pris en... Est-ce que je me trompe?

M. Bergman: Non, j'ai visité l'institut Leclerc et l'institut Saint-François à côté.

M. Ménard: Ah oui! Ce sont des institutions fédérales, ça. Mais nous avons des problèmes semblables, je ne vous le cacherai pas. C'est parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): M. le député de D'Arcy-McGee ne fait pas toujours la distinction, mais...

M. Ménard: Non, mais ça va.

M. Bergman: Je suis en train de visiter toutes les prisons dans un programme que je suis. Il semble même qu'il y a des cas où – ça m'a été confirmé – les gardiens dans les prisons encouragent les détenus à prendre de la drogue en disant que c'est plus facile de les contrôler s'ils prennent de la drogue.

M. Ménard: Bon. Là vous parlez des prisons fédérales, je vois. Ha, ha, ha! Non, je ne veux pas faire...

M. Bergman: Je peux revenir ici dans quelques mois après avoir visité les prisons provinciales. Vous rencontrez, je pense, les mêmes problèmes, je pense que nous sommes d'accord.

M. Ménard: Oui. Il y a des problèmes de drogue dans toutes les prisons du monde, je vais vous dire franchement, probablement. À Bordeaux, nous avons pris une série de mesures pour améliorer la sécurité périphérique, en accord avec le syndicat, d'ailleurs, des agents correctionnels. Et, moi, je ne propose pas... En tout cas, il y a beaucoup de mesures d'électronique, de moyens sophistiqués pour améliorer la... Mais le grand problème de la drogue, c'est deux choses. D'abord, la drogue pourrit tous les problèmes de délinquance. À une certaine époque, il y avait une étroite relation entre la délinquance et l'alcool. Aujourd'hui, il y a une étroite relation entre, une bonne partie, je dirais même une majeure partie, la délinquance et la drogue. Donc, la demande est très forte.

Les drogues sont des objets faciles à dissimuler. À moins d'avoir des systèmes périphériques de sécurité... Et puis encore, les prisons fédérales que vous avez visitées sont des prisons qui ont des systèmes de sécurité périphériques considérables, hein, vraiment considérables, et, même là, je veux dire, on a des problèmes de drogue. En plus, elles sont dans des endroits relativement isolés, elles ne sont pas dans des grandes villes comme l'est Bordeaux, et, même là, vous voyez, il y a des problèmes. Ça rentre de toutes les façons. Ça rentre dans le linge, ça rentre par les gardiens, des fois, on en a attrapé. Ça rentre par les détenus qui ont des sorties. Bon. J'ai remarqué qu'on a moins de problèmes de drogue dans les centres d'hébergement correctionnels, les petits centres d'hébergement correctionnels qui n'ont pas de clôtures. Mais c'est vrai qu'on choisit nos détenus qu'on envoie là-dedans, qui ne sont pas dangereux, qui ne sont pas des gens dangereux puis qu'on espère réhabiliter.

C'est pourquoi je pense que la lutte à la drogue est une lutte qui est beaucoup plus efficace si elle se fait par des intervenants auprès des gens qui sont détenus qui sont attentifs à ces problèmes, attentifs aux comportements, et qui peuvent déceler les gens qui consomment de la drogue ou qui n'en consomment pas, beaucoup plus que d'essayer la méthode traditionnelle de faire une ceinture, n'est-ce pas, infranchissable autour d'un établissement pénitentiaire qui est à peu près impossible. Mais je peux vous dire quand même qu'il ne faut pas négliger ça. À Bordeaux, on améliore le circuit périphérique puis, en plus, il y a des prisonniers... Parce que vous ignorez peut-être que nos prisonniers travaillent, qu'une bonne partie de nos prisonniers travaillent. Ils ont des contrats et il y en a qui travaillent en dehors des prisons. Ils logent à la prison, ils partent le matin puis ils vont travailler à l'extérieur. On en a à Bordeaux qui font ça. Alors, on cherche actuellement à bâtir des ateliers à l'intérieur de l'enceinte périphérique, justement pour que les programmes de travail... Je trouve extrêmement important qu'il y ait des programmes de réhabilitation par le travail à l'intérieur de la prison. Là-dessus, je poursuis une politique qui a été commencée avant moi, mais en laquelle, moi, je crois absolument fermement.

Alors, oui, c'est un gros problème dans toutes les prisons, toutes les prisons du monde. Je pense que l'approche personnelle est celle qui doit être privilégiée. Je peux vous dire qu'on a beaucoup de programmes de toxicomanes anonymes ou d'alcooliques anonymes dans les prisons, parce que c'est probablement la chose qui rend la réhabilitation de nos détenus la plus difficile.

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai posé la question au ministre, puis je dois avoir la réponse en quelque part, mais c'est encore plus simple de lui redemander que de fouiller: Quel est le budget des prisons sur l'année en cours?

M. Ménard: Je suis content de voir qu'il y en a qui ne le savent pas par coeur, mais mieux vaut vérifier ses chiffres avant de les dire.

M. Lefebvre: C'est un test pour ceux et celles qui vous accompagnent, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Je m'aperçois qu'ils ne sont pas plus vites que nous autres, à l'occasion, pour répondre.

M. Ménard: 180 000 000 $.

M. Lefebvre: 180 000 000 $.

M. Ménard: C'est pas pire, 12 secondes. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: C'est dit sans méchanceté, monsieur qui est à la droite de M. le ministre. Je comprends que vous n'ayez pas tous ces chiffres-là à l'esprit. 180 000 000 $...

M. Ménard: 180 000 000 $. Là-dessus, il y a combien de loyer qu'on paie, M. Carrier?

M. Carrier (Normand): 50 000 000 $.

M. Ménard: 50 000 000 $ en loyer.

M. Lefebvre: Moi, j'ai une note, ici, puis il me semble que vous m'avez donné ces informations-là ou quelqu'un qui vous accompagnait à l'occasion de l'étude des crédits en avril, que l'objectif du ministère était de compresser ou de diminuer le budget consacré à l'administration des prisons de 216 000 000 $ qu'il était l'an passé, j'imagine, à 193 000 000 $ avant 1998. Est-ce que c'est exact ou si je me trompe? Ça m'arrive de me tromper.

(Consultation)

M. Ménard: Quand on donne des chiffres, c'est pour ça que c'est si difficile de les retenir, remarquez, c'est parce que ça dépend de ce que l'on rentre dedans. Les chiffres dont vous vous souvenez ont probablement trait, plutôt, à l'ensemble des services correctionnels, pas juste les prisons. Il faut comprendre que la probation est un service correctionnel...

M. Lefebvre: Ça serait inclus dans le 216 000 000 $ dont je parle, c'est ça?

M. Ménard: Non, parce qu'on part de 229 000 000 $ puis, d'ici 1998-1999, on veut se rendre à 205 000 000 $ pour l'ensemble des services correctionnels. Bon, ça ne comprend pas juste les établissements de détention, mais ça comprend aussi tous les centres d'hébergement correctionnels puis les CRC, qui sont les centres résidentiels communautaires, puis ça comprend la probation puis les programmes de travaux communautaires, enfin, tout ce qui concerne le correctionnel, c'est-à-dire les mesures que nous appliquons suite aux jugements rendus par les cours.

M. Lefebvre: Vous avez fait, M. le ministre, depuis plus d'un an, en avril, en mars 1995, tout récemment, vous et ceux et celles qui vous entourent, attachés de presse, plusieurs déclarations, commentaires publics qui, essentiellement, ne se contredisent pas, je pense. Je ne sais pas si vous m'écoutez, M. le ministre?

(16 h 20)

M. Ménard: Oui. C'est parce que je viens de trouver votre 216 000 000 $ quelque part. 215 755 000 $, on n'est pas loin, je le vois, là, en 1994-1995.

M. Lefebvre: Moi, je n'ai pas de mérite, c'est la jeune dame qui m'accompagne qui avait ces chiffres-là. Elle gardait ça précieusement à la maison...

M. Ménard: Le 229 000 000 $, c'est pour 1995-1996.

M. Lefebvre: ...pour que je puisse, en temps et lieu, vous vérifier comme il faut.

M. Ménard: Non, mais c'est correct. Le 216 000 000 $, vous l'avez bien. Le 216 000 000 $, c'est pour cette année. Pourquoi on augmente l'an prochain? C'est parce qu'on nous a livré des nouvelles prisons.

M. Lefebvre: Pardon?

M. Ménard: Pourquoi ça augmente d'ici l'an prochain? C'est parce qu'on nous a livré les nouvelles prisons. Votre recherchiste est très bonne.

M. Lefebvre: Pardon?

M. Ménard: Votre recherchiste est bonne, elle a trouvé les bons cas.

Le Président (M. Simard): Nous le savions.

M. Ménard: Elle est bien informée, aussi.

M. Lefebvre: Vous avez, M. le ministre, évoqué, et, sinon vous, ça n'a pas été contredit lorsqu'on vous a indiqué avoir des informations que, dans le collimateur du ministère, il y avait la fermeture des huit prisons suivantes: Waterloo, Valleyfield, Laval, Joliette, Sorel, Cowansville, Saint-Hyacinthe et Sept-Îles. Est-ce que c'est toujours le cas? Quels sont les échéanciers, et dans quel ordre? Où en êtes-vous? C'est la même question que l'an passé.

M. Ménard: Oui.

M. Lefebvre: Vous avez pris, à l'époque, l'engagement de consulter avant de vous fixer. Vous avez également – je le sais parce que je l'ai vu – fait des visites. Vous avez rencontré plein de gens. Je répète mon intro de tout à l'heure, il y a plein de gens qui sont en attente de votre décision. Où en êtes-vous? Très rapidement, M. le ministre, parce qu'on a encore plein de choses à traiter avec vous, parce que je veux aussi vous entendre sur la réinsertion, la réhabilitation. Mais la fermeture, dans un premier temps.

M. Ménard: Très rapidement, très rapidement. Je suis convaincu que vous allez comprendre très rapidement avec juste ceci. J'ai confirmé peut-être que c'était un des plans qu'on m'avait présentés l'an dernier. Il y avait ces fermetures-là. Si j'ai demandé un autre plan, c'est parce que je n'étais pas d'accord avec. Alors, je l'attends. Je vais avoir d'autres solutions qui vont m'être offertes mardi, mais ce n'est pas mardi que je vais prendre ma décision. Là, je vais examiner, à partir des critères qu'on a voulu établir ensemble, s'ils s'appliquent, parce que ça se peut qu'on en ajoute d'autres à ce qui est ici. Et, après ça, je pense que je ferai une autre forme de consultation. Alors, je peux vous dire que ce qui était envisagé, j'ai demandé à ce que ça soit changé. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas qui vont rester là-dedans.

M. Lefebvre: Votre attaché de presse a parlé en votre nom, le 23 novembre – c'est tout récent, ça – lui, il a pris l'engagement de fermer des prisons en 1996.

M. Ménard: Je suis sûr qu'il n'a pas fait ça.

M. Lefebvre: Oui, oui, oui.

M. Ménard: Je suis sûr qu'il n'a pas pris l'engagement. Je suis sûr qu'il a dit...

M. Lefebvre: «Il y a des prisons qui vont fermer en 1996.» C'est assez catégorique, ça.

M. Ménard: Probablement, oui.

M. Lefebvre: Il n'est pas politicien, lui, il est près des politiciens. Il s'est compromis pas mal, il a parlé en votre nom, M. le ministre. Déclaration, attaché de presse, La Presse , 23 novembre 1995.

M. Ménard: Je suis obligé...

M. Lefebvre: Il est ici, là...

M. Ménard: Oui, je le sais.

M. Lefebvre: ...on va l'assermenter.

M. Ménard: Mais je suis sûr qu'il n'a pas dit qu'il les fermerait lui-même, mais qu'il a dit qu'il y en a qui fermeraient. Il avait raison.

M. Lefebvre: Alors, d'accord.

M. Ménard: Lesquelles? Je ne le sais pas encore.

M. Lefebvre: Vous êtes un bon patron, vous supportez votre attaché de presse.

M. Ménard: Certainement. Il me le rend bien, d'ailleurs.

M. Lefebvre: M. le ministre, vous avez comme projet de fermer éventuellement la prison de Joliette, et, cependant, en même temps, en février 1995, à l'engagement 7 de février 1995, j'ai sous les yeux ici un aménagement de locaux à l'Établissement de détention de Joliette, le beau comté de Joliette, le comté du ministre des Affaires municipales, ministre de l'Habitation, ministre du développement régional...

Une voix: ...du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Lefebvre: ...membre du Comité des priorités, leader du gouvernement, président du Comité de législation. Vous n'avez pas pu résister, M. le ministre, ça vous a coûté 42 570 $. Je veux savoir, là, en quoi ça consiste, l'aménagement de locaux à l'Établissement de détention de Joliette.

M. Ménard: Bien, d'abord, je n'ai pas pris la décision de fermer l'Établissement de Joliette, et je peux vous dire que tout ce que vous avez dit...

M. Lefebvre: Non, elle fait partie de la liste, elle fait partie de la liste.

M. Ménard: ...n'est pas parmi les critères que je vais considérer pour ouvrir, pour... Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Vous me permettrez, là, de...

M. Ménard: Bon. Mais, sérieusement, là...

(Consultation)

M. Ménard: Il n'y a personne qui s'en souvient, quoique j'aie une feuille, ici, sur laquelle c'est bien écrit, là. Je ne le sais pas, honnêtement, je vais le prendre en...

M. Lefebvre: Vous prenez avis.

M. Ménard: C'est ça, je vais prendre avis.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que, M. le ministre, vous avez des intentions précises quant à la prison de Sorel, dans le beau comté de Richelieu, dont le député est l'honorable président de la commission des institutions?

M. Ménard: Quand il n'est pas président de la commission des institutions, c'est un député qui est très convaincant sur les qualités de tout ce qui se trouve dans son comté. Ha, ha, ha! Je peux vous dire ça.

M. Lefebvre: Est-ce que je dois comprendre que... Oui?

M. Ménard: M. le député, je ne peux pas dire aujourd'hui ce que j'envisage, je n'ai pas encore reçu le plan.

M. Lefebvre: Parce qu'au-delà du badinage...

M. Ménard: Je vais le recevoir mardi.

M. Lefebvre: ...c'est des régions...

M. Ménard: Et, deuxièmement, je ne veux pas l'annoncer à la pièce, je veux l'annoncer d'une façon correcte, et je n'aurai pas fini mes consultations mardi. Je pense qu'on n'est pas obligés de fermer les choses assez vite pour que je ne puisse pas tenir des consultations encore au mois de janvier.

M. Lefebvre: M. le ministre, lorsqu'on parle de fermetures de prisons et de désengorgement, il n'y a pas une contradiction? Parce qu'en même temps vous parlez de réinsertion des prisonniers, vous parlez également d'une politique globale, en collaboration avec votre collègue de la Justice, de non-judiciarisation de certains crimes mineurs. Tout ça, c'est interrelié, ça, et c'est extrêmement complexe. Ce n'est pas facile de voir à travers tout ça, j'en conviens. Ce sont des problèmes qui touchent la sécurité et qui touchent la finance publique, qui touchent également tout ce qu'il y a de plus pointu en termes de problèmes, globalement, là, sous le grand chapeau des problèmes sociaux.

Moi, M. le ministre, j'aimerais savoir qui vous aide à voir clair en tout ça. Est-ce que vous avez un comité d'experts? Est-ce qu'il y a des gens autour de vous... Là, je ne parle pas de votre cabinet, je ne parle pas... Peut-être qu'il peut y avoir, à l'intérieur de votre ministère, des gens, évidemment, qui vous conseillent, mais quelles sont les expertises qui sont en voie de réalisation pour vous permettre de prendre les bonnes décisions? Les décisions que vous prendrez auront des conséquences. Si vous fermez des prisons, ça a des conséquences sur la réinsertion. Dans quel ordre allez-vous procéder? Comment procédez-vous? Qui vous aide à voir clair dans tout ça, et vous et les gens qui vous entourent au ministère de la Sécurité publique, à la Justice, au ministère des Affaires sociales, en un mot, au gouvernement? Comment procédez-vous, M. le ministre?

(16 h 30)

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: Oui. Là-dessus, M. le député, je dois dire que j'ai trouvé un niveau d'expertise extrêmement élevé quand je suis entré au ministère de la Sécurité publique, à mon ministère même. J'y ai trouvé aussi des gens qui partageaient la même philosophie que j'avais partagée dans ma pratique et qui semblaient très heureux d'avoir un ministre qui avait l'expérience, puis remarquez que c'est exceptionnel. Puis, là, je ne veux pas le dire en dénigrant les autres, mais, quand même, j'ai consacré ma vie à une chose, ma vie professionnelle à une chose, c'est la pratique du droit criminel. Donc, la police, la prison, je connais bien, puis, évidemment, j'ai réfléchi beaucoup sur ces questions indépendamment. Et j'avais...

M. Lefebvre: C'est justement ce qui fait... Je vous interromps. Est-ce que ça ne peut pas être pour vous, entre guillemets, un handicap, ça, quant à votre capacité de bien évaluer, compte tenu du fait que vous êtes...

M. Ménard: Ah!

M. Lefebvre: ...comme vous venez de l'indiquer...

M. Ménard: Moi, je suis ouvert...

M. Lefebvre: Ça peut être dangereux, ça, M. le ministre.

Le Président (M. Simard): Je m'excuse, j'interromps un petit peu... C'est très aimable, votre conversation, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): ...j'ai l'impression qu'on s'éloigne, qu'on est très, très loin...

M. Lefebvre: Non, non.

Le Président (M. Simard): ...de l'objet de cette rencontre.

M. Lefebvre: Non, non. Fermeture et réinsertion, M. le Président...

Le Président (M. Simard): Ah! si vous revenez à l'insertion...

M. Lefebvre: Je veux savoir qui conseille le ministre. C'est ça que je veux savoir.

M. Ménard: Mais je vais ramener un sujet même d'actualité brûlante, je n'ai pas cru bon de négocier des contrats et de demander des dérogations au Conseil du trésor pour en engager les experts rapidement. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Pour me conseiller rapidement...

M. Lefebvre: Vous auriez dû, à ce moment-là, vous consulter vous-même. Ce n'est pas facile, ça.

M. Ménard: Oui, mais je ne sais pas si j'aurais pu me payer. Ha, ha, ha! Non, je veux dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: C'est par rapport au tarif que je chargeais quand je travaillais pour un grand bureau d'avocats. Non, je fais des farces, là.

Mais j'ai trouvé, au ministère, que l'expertise était là et, au fond, c'est normal qu'elle soit là. Je dois dire aussi que nous bénéficions quand même de beaucoup d'expertises volontaires, d'universitaires, de gens d'organismes communautaires qui sont consacrés à la réhabilitation des délinquants et que nous consultons régulièrement. J'ai accentué, justement, mes lectures de ce que ces gens-là produisent et j'ai remarqué qu'ils sont assez enthousiastes par rapport, je ne dirais pas à un virage, parce qu'à mon avis c'est simplement une accélération de ce qui s'est déjà fait au Québec... Ils nous aident beaucoup, en tout cas, à nous alimenter en réflexions. Mais, comme ça doit se traduire par des décisions budgétaires précises puis qu'il faut que les bonnes intentions que nous avons et la bonne attitude philosophique que nous avons se traduisent en dollars, là-dessus, je compte sur l'expertise que j'ai au ministère, et je n'ai pas été déçu, puis je trouve qu'elle est parfaitement satisfaisante.


Prévention du crime

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre parle ou a déjà parlé de la... Je pense, tout à l'heure, qu'on a abordé rapidement la prévention du crime, de façon générale, et, dans cet ordre d'idées, M. le Président, le ministre de la Justice... Je suis dans le chapitre ou dans le volet du recyclage des sommes d'argent saisies à l'occasion de crimes réglés, élucidés, peu importe, là. Vous comprenez ce que je veux dire. Le ministre de la Justice a annoncé, en date du 16 octobre, répété le 22 novembre, que l'argent et les valeurs saisis par les policiers dans le cadre de leurs enquêtes criminelles seront alloués directement aux corps de police plutôt que d'être versés au fonds consolidé. Est-ce que vous pouvez me dire de combien d'argent on parle au moment où on se parle, au moment où on discute de tout ça aujourd'hui? «Ç'a-tu» été vérifié récemment, ça? Parce que c'est sous votre responsabilité, ça?

M. Ménard: Non, on ne le sait pas. Ce que je peux vous dire, c'est que je pense que ces conditions-là sont les conditions qui ont été établies par le fédéral pour nous donner...

M. Lefebvre: Oui, effectivement.

M. Ménard: ...pour ne pas nous contester.

M. Lefebvre: Oui.

M. Ménard: Alors, il faut que ce soit consacré à certains programmes policiers.

M. Lefebvre: On parle de combien...

M. Ménard: Mais je sais que nous...

M. Lefebvre: On parle de combien d'argent, M. le ministre, là?

M. Ménard: Je ne le sais pas.

M. Lefebvre: Vous ne le savez pas. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui vous accompagne qui pourrait nous donner un ordre de grandeur?

(Consultation)

M. Ménard: C'est parce que, si on donne des chiffres, ils sont très approximatifs. Mais, disons, ce n'est pas des millions de dollars. Ça, je peux vous dire ça. Éliminez ça. Il n'y en a pas tant que ça. Peut-être jusqu'à 1 000 000 $ qui a été accumulé et qui attend d'être versé et, encore là, on ne sait pas comment il va être séparé. Peut-être qu'il y en aurait de l'ordre de quelque 100 000 $ qui nous reviendraient, mais on ne sait pas dans quelle quantité. Mais je ne peux pas être plus précis que ça.

M. Lefebvre: Ça comprend...

M. Ménard: Mais, pour vous donner un ordre de grandeur, c'est en bas de plusieurs millions.

M. Lefebvre: Ça ne comprend que les sommes contrôlées par les juridictions québécoises. Ça ne comprend pas la GRC, ça, là.

M. Ménard: Si j'ai bien compris votre question, les sommes au Québec?

M. Lefebvre: Oui.

M. Ménard: Bien, à peu près... Saisies par le Québec, ce serait autour de 1 000 000 $, puis GRC, 300 000 $.

M. Lefebvre: Est-ce que...

M. Ménard: Maintenant, tout le monde cherche à aller se servir là-dedans, hein.

M. Lefebvre: Oui, je sais.

M. Ménard: Puis j'avais pensé aussi que ce serait bon de l'utiliser pour la prévention du crime, quant à moi.

M. Lefebvre: C'est exactement la question que j'allais vous poser. Qu'est-ce que vous avez fait à date pour... Quelle est la discussion que vous avez avec vos collègues? Où en êtes-vous? Et est-ce que vous avez posé des gestes concrets pour faire valoir votre point de vue, à savoir utiliser ces sommes-là pour la prévention, et j'imagine que vous avez à l'esprit particulièrement chez les jeunes?

M. Ménard: C'est à l'ordre du jour des prochaines rencontres que je dois avoir avec le ministre de la Justice, puis j'ai des gens de mon ministère qui discutent avec le ministère de la Justice d'Ottawa.

M. Lefebvre: Est-ce que vous avez déjà évalué ou est-ce que vous ne pourriez pas évaluer la possibilité de permettre aux groupes communautaires qu'on retrouve un peu partout au Québec, qui s'impliquent dans la prévention du crime et, je me répète, particulièrement chez les jeunes, peu importe de quel crime on parle chez les jeunes, la violence pure et simple, la consommation et le trafic de la drogue, la prostitution juvénile, tout ça, ce genre de crime qui frappe nos jeunes au Québec... Est-ce que vous avez évalué et, sinon, est-ce que vous trouvez que la suggestion est valable de permettre aux groupes communautaires de pouvoir recevoir une partie de ces sommes d'argent là, compte tenu de la mission qu'ils se donnent un petit peu partout au Québec?

M. Ménard: Oui. Quand on pense à la prévention, vous savez, ça se fait à l'aide de groupes communautaires. Maintenant, quand on parle aussi du développement du concept de police communautaire, c'est un concept où on va utiliser les groupes communautaires. Mais vous savez, dans un contexte géré avec des enveloppes fermées, cette allocation de fonds spécifique perd de son importance en ce sens que... Moi, je suis d'accord avec vous qu'il faut utiliser et donc encourager l'existence de groupes communautaires qui s'occupent de la délinquance. J'ai été moi-même pendant plusieurs années sur le conseil d'administration du Bureau de consultation jeunesse, à Montréal, qui s'occupait de tout ce qu'il y avait... franchement, de tout ce qui échappait au réseau d'aide publique, et je vous assure que ce n'était pas gai. C'est là que j'ai entendu pour la première fois parler de travailleur de rue, qui est une job, je pense, que je n'aurais jamais le courage de faire moi-même puis que je ne voudrais pas voir mes enfants faire, mais qui est extrêmement utile. C'est sûr qu'on peut encourager ces gens-là, puis je pense qu'avec le développement de la police communautaire ils vont avoir leur place dans la prévention du crime.

(16 h 40)

Mais, comme je vous dis, dans un contexte de budget fermé, d'enveloppes fermées, si on peut bénéficier d'un fonds particulier... Ça pourrait même être une fondation, hein. Il y a peut-être des fondations privées qui pourraient nous aider à encourager ces choses-là. Bien, ça fait des sommes qu'on n'est pas obligés de mettre pour appliquer notre politique puis qu'on peut mettre un petit peu plus, je ne sais pas, sur les policiers qui font de la police communautaire, et ainsi de suite. Mais on parle de chiffres tellement infimes par rapport aux besoins que je ne sais pas si ça vaut la peine de... Puis surtout que c'est imprécis. Je ne sais pas si ça vaut la peine d'étudier ça à fond.

M. Lefebvre: Je ne sais pas si mes collègues veulent, avant que j'aborde, M. le Président, avec...

M. le Président, j'aimerais discuter avec le ministre du dossier de la carte policière au Québec. On sait que le gouvernement, par son ministre des Affaires municipales, a, de façon très agressive, il y a une quinzaine de jours, sans aucune consultation ou à peu près, indiqué aux municipalités du Québec qu'elles disposeraient de 46 000 000 $ de moins. Le ministre des Affaires municipales, dans sa démarche, a renié des engagements répétés un nombre considérable de fois, de toutes sortes de façons et partout que votre gouvernement allait être différent, supposément reprochant au Parti libéral d'avoir agressé les municipalités au cours des dernières années, à tort. À tort, parce que le Parti libéral du Québec formant le gouvernement, M. le Président, a toujours pris la peine de discuter avec les municipalités, que ce soit au niveau du transfert du réseau routier, au niveau des réaménagements des coûts de la police, de la Sûreté du Québec quant aux services rendus aux municipalités et dans différents autres dossiers. Les discussions ont souvent été difficiles, mais il y a eu discussion. Voici qu'il y a 15 jours le ministre des Affaires municipales décide, je me répète, sans avis ou à peu près, de compresser de 46 000 000 $.


Offre de la SQ de fournir les services policiers de base de certaines municipalités

Vous, M. le ministre, projetez présentement toutes sortes de réaménagements. Si j'ai tort, vous me le direz. La Sûreté du Québec pourrait offrir ou offrirait des services nouveaux, des nouveaux services à des municipalités du Québec qui, présentement, voient leur sécurité protégée par des corps de police municipaux. C'est dans l'air, on en discute plus ou moins. Mais, ça s'en vient ou ça ne s'en vient pas, je veux le savoir. Les réactions des corps policiers municipaux ont été très vives, les élus municipaux sont un peu plus discrets au moment où on se parle. Je veux savoir, M. le ministre, en deux, trois phrases: Où vous en êtes? Qu'est-ce que vous voulez faire? Et prenez-vous l'engagement de le faire d'une façon correcte, délicate, civilisée? Et comment allez-vous procéder, justement, pour que les élus municipaux, pour que les corps de police municipaux ne se sentent pas bousculés par cette démarche qui va modifier plein de choses si jamais elle se réalise? Alors, je veux vous entendre là-dessus, M. le ministre.

M. Ménard: Bon. Je pense introduire, effectivement, dans le système policier, dans le système de négociations des conventions collectives avec les policiers, la première mesure qui aurait une influence à la baisse sur les coûts policiers. C'est la possibilité pour la Sûreté du Québec de négocier des contrats avec des municipalités pour assurer le service de base lorsque ces municipalités sont tenues de l'assurer. Mais je peux peut-être résumer – parce que je l'ai fait juste ce matin, justement devant l'assemblée des préfets, puis ce n'est pas très long – la série de mesures que j'entends prendre pour rencontrer les objectifs que vous avez soulevés.

D'abord, l'adoption d'un règlement sur les services policiers de base, puis je pourrai vous expliquer pourquoi c'est important, celui-là; l'application des règlements municipaux de paix et de bon ordre par la Sûreté du Québec dans les municipalités de moins de 5 000 habitants; la reconnaissance d'une juridiction exclusive à la Sûreté du Québec pour la patrouille des autoroutes; le partage des responsabilités en matière d'enquêtes criminelles; l'appui du ministère aux grands corps policiers pour le développement des services spécialisés et ultraspécialisés; le redécoupage de la carte policière par la régionalisation et l'intégration de certains services; le redéploiement des postes de la Sûreté du Québec; le développement d'une police professionnelle de type communautaire; la révision du processus de déontologie policière.

J'ai exposé chacun de ces items à la Table Québec-municipalités puis à la table des préfets, puis, généralement, j'ai cru comprendre que c'est accueilli avec joie et avec attente. C'est vrai que j'ai rencontré aussi les représentants de la Fédération des policiers du Québec, qui regroupe les policiers municipaux du Québec – non, non, pas la Sûreté du Québec, mais ça s'appelle comme ça, la Fédération des policiers du Québec – qui étaient très inquiets de ce qu'ils avaient lu dans les journaux à partir des fuites. Je pense les avoir rassurés, dans la mesure où... Puis, de toute façon, nous aurons l'occasion de discuter de ça ici, en Chambre, parce qu'il faut amender la loi. Alors, vous aurez l'occasion de prendre position, vous serez informés bien avant les autres...

M. Lefebvre: En commission parlementaire, M. le ministre?

M. Ménard: Oui, bien, si... Oui, je pense bien. Il y a un projet de loi, donc ça va aller en commission parlementaire.

M. Lefebvre: Oui, mais est-ce que...

M. Ménard: On discutera des balises que l'on doit donner aux contrats que la Sûreté du Québec pourrait passer avec des municipalités. Mais je vous signale que ça se fait ailleurs au Canada: la GRC le fait, la Police provinciale de l'Ontario le fait, et c'est la seule place où les policiers sont en compétition les uns avec les autres pour obtenir des emplois. Partout ailleurs, ils sont toujours ensemble pour faire augmenter le coût des policiers, ce qui a donné des résultats incroyables, que je signalais encore ce matin: en 10 ans, le coût de la vie a augmenté de quatre fois, mais le coût des services policiers a augmenté de 8,5 en 10 ans. Alors, il faut trouver une mesure qui va empêcher cette spirale inflationniste.

(Consultation)

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au ministre de... La commission parlementaire à laquelle il a fait référence, est-ce qu'il peut prendre l'engagement... Il a indiqué tout à l'heure que les policiers municipaux étaient très inquiets au moment où la nouvelle a sorti à la fin novembre. Il croit les avoir rassurés, mais, ça, il a maintenant assez d'expérience pour savoir qu'il peut avoir raté son coup. Les policiers municipaux peuvent être encore, au moment où on se parle, très, très inquiets. Est-ce que le ministre peut prendre l'engagement de leur permettre, lorsque, éventuellement, cette commission parlementaire siégera, de s'exprimer? Alors, on parle de consultation générale. Parce qu'une commission parlementaire, M. le ministre, si on se limite aux commissions parlementaires classiques, ça, c'est l'étude du projet de loi article par article. Ça, vous savez très bien que ce n'est pas ce qui va satisfaire les policiers municipaux dont on parle.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: Oui. D'abord, je vous signalerais que je les ai déjà rencontrés. Mon ministère les rencontre encore mardi prochain pour préciser leurs inquiétudes, mais aussi pour qu'on précise notre projet, parce que, évidemment, tout ce qu'ils savaient de notre projet, c'est la fuite dont les journaux avaient bénéficié, et il y avait quand même des inexactitudes, comme dans toute fuite, là. Pas juste des inexactitudes, il y avait carrément des choses qui n'étaient pas vraies, et puis il y avait des choses qui étaient très nuancées dans ce qui était sorti par rapport à des mesures, notamment l'assurance que les contrats seraient à coûts réels pour la Sûreté du Québec, et puis, en plus, qu'il y ait des balises à ces contrats, que ce soit dans certaines circonstances seulement qu'ils soient permis, et puis, en plus, mon engagement à établir l'équilibre entre les trois grands acteurs de la carte policière du Québec: le SPCUM, les autres policiers municipaux et la Sûreté du Québec. Alors...

M. Lefebvre: Très bien.

M. Ménard: Oui, mais je pense que c'est une bonne idée que la fédération des policiers municipaux soit entendue, et on verra, là. Puisque je dois présenter un projet de loi, ça va nécessairement aller en commission parlementaire. Ce n'est pas obligatoire, mais je pense que vous pourrez le suggérer à cette époque-là. Puis, quant à entendre publiquement la fédération des policiers municipaux, je suis prêt à l'entendre au moins.

M. Lefebvre: Vous dites oui?

M. Ménard: Oui.

M. Lefebvre: Est-ce que le ministre peut produire, M. le Président, son espèce de... les services de base? Vous avez, j'imagine, au moment où on se parle, déjà arrêté les services de base, les services minimaux...

Une voix: Oui.

M. Lefebvre: ...qui seraient le minimum...

M. Ménard: Oui.

M. Lefebvre: ...aux municipalités qui pourraient éventuellement devenir de nouvelles clientes pour la Sûreté du Québec. Quels seraient les services de base? Quels seraient les services auxquels les municipalités auraient minimalement droit, M. le Président?

M. Ménard: Bon.

(16 h 50)

Une voix: ...

M. Lefebvre: Oui, c'est ça.

M. Ménard: Le Règlement sur les services policiers de base vient d'être prépublié. C'est un règlement fort simple, mais...

M. Lefebvre: Mais c'est justement parce qu'il est simple. On ne peut pas tirer de la lecture de ce règlement-là, M. le Président, les renseignements que ceux et celles dont on parle souhaiteraient obtenir.

M. Ménard: Je m'excuse, j'ai mal compris.

M. Lefebvre: Vous ne pouvez pas, M. le Président, en partant du Règlement que j'ai sous les yeux ici, bien comprendre quels sont les services. Ou est-ce qu'il y a autre chose? Est-ce que ça se limite à ça? Est-ce que ça pourrait être moins que ça? Il y a quand même pas mal de détails, là, mais est-ce que, selon vous, ça donne suffisamment de renseignements aux policiers concernés, aux municipalités concernées, pour qu'on puisse se comprendre?

M. Ménard: Oui, puis je peux vous dire que tous les intervenants en cette matière semblent comprendre de quoi il s'agit, et les critiques qu'ils portent démontrent qu'ils comprennent très bien. Essentiellement, c'est trois choses, le service de base. La première, c'est celle qui est la plus contestée mais la plus essentielle aussi, la patrouille 24 heures sur 24. La deuxième, c'est la conduite des enquêtes de premier niveau: alors, le flagrant délit, l'arrivée sur la scène du crime, la conservation de la preuve; dans les crimes majeurs, la remise, après ça, à des enquêteurs spécialisés, etc. C'est ça, les enquêtes de premier niveau. Et puis la troisième, c'est d'avoir un programme de prévention de la criminalité.

Maintenant, les services de base augmentent selon les strates de population. Alors, à 15 000, on ajoute au service de base l'enquête relative à une agression sexuelle ou à un vol qualifié. À 50 000, on en rajoute un peu plus, c'est l'enquête relative à un homicide ou à une mort suspecte, à une tentative de meurtre, à un abus sexuel sur un mineur survenu en milieu scolaire ou institutionnel, à un enlèvement, à une agression sexuelle grave ou armée, à un incendie criminel ayant provoqué le décès d'une personne ou des lésions corporelles graves, ou à un crime impliquant l'usage d'explosifs. Alors, à 50 000, on ajoute ça. Ensuite, pour la CUM...

M. Lefebvre: Pourriez-vous...

M. Ménard: ...on en ajoute un peu plus. Alors, vous voyez bien que plus la municipalité est grosse, plus ses obligations sont grandes, plus ils enquêtent des crimes graves.

M. Lefebvre: Par rapport aux exigences actuelles...

M. Ménard: Oui.

M. Lefebvre: Il y a pas mal, il y a quelque chose de gros, là, dans ce que vous proposez, M. le ministre, par rapport aux exigences actuelles, et vous savez très bien où je veux en venir: les coûts engendrés par ces nouvelles exigences du législateur québécois sur le dos des municipalités. Et j'aimerais qu'en me répondant vous ayez à l'esprit les engagements que votre gouvernement a pris, particulièrement votre collègue des Affaires municipales, de ne plus transférer aucune responsabilité aux municipalités, de ne plus imposer de nouvelles exigences aux municipalités sans que le gouvernement du Québec accompagne ses politiques des enveloppes ou des budgets nécessaires. Alors, M. le ministre, je suis convaincu que vous réalisez que ce seront, pour les municipalités à qui vous allez imposer ces nouvelles exigences, des coûts, dans certains cas, extrêmement importants. Alors, comment allez-vous concilier votre position à vous avec celle de votre gouvernement et de votre collègue aux Affaires municipales?

M. Ménard: Je n'ai aucune difficulté à le faire puis je pense que je vais pouvoir vous en convaincre très rapidement. D'abord, prenons les plus grosses parce qu'elles sont les plus simples. On n'impose rien au SPCUM qu'il n'assume déjà. C'est à peu près la même chose pour les villes en haut de 50 000 habitants. C'est à peu près la même chose pour les villes en haut de 15 000 habitants. Les seules municipalités à qui on impose quelque chose de plus, c'est celles qui sont situées entre 5 000 et 15 000 habitants. Et je dirais que celles-là...

M. Lefebvre: Ce sont les plus fragiles.

M. Ménard: ...ce qu'on leur impose, on aurait dû le leur imposer depuis longtemps. La seule chose qui est en discussion là-dessus... parce que les enquêtes de premier niveau, ils sont d'accord avec ça; le programme de prévention, ils sont d'accord avec ça. La seule chose qui accroche, c'est la patrouille 24 heures sur 24. Écoutez, si vous ne pouvez pas avoir, dans des endroits du Québec, une police de nuit puis une police de jour, quand, à mon avis c'était clair, quand la loi 145 a été passée par le gouvernement antérieur, que l'un des fondements, l'un des piliers de cette loi, ça devait être l'adoption d'un service policier de base pour que l'on puisse savoir quand une municipalité se déchargeait de l'obligation que lui faisait la loi 145 de créer un corps de police. Il fallait que quelqu'un définisse quelque part ce que c'est qu'un corps de police minimal, parce qu'à partir du moment où la municipalité créait un corps de police on ne la tarifait plus pour les services rendus par la Sûreté du Québec. Alors, il y en a quelques-unes, d'abord une, puis, ensuite, deux qui ont trouvé le truc de se créer un corps de police d'un policier, de deux policiers ou de trois policiers, ce qui faisait que, bon, elles ne recevaient plus la facture qui était la tarification, mais, en fait, c'est la Sûreté du Québec qui assurait le maximum des services policiers de base qui devaient être couverts dans ces municipalités.

M. Lefebvre: Qui assurait...

M. Ménard: C'est ceux-là...

M. Lefebvre: Je m'excuse, c'est pour qu'on puisse se comprendre, qui assure et qui assurait, selon vous, ce que la municipalité ne pouvait pas couvrir avec son seul policier. C'est ça que vous dites.

M. Ménard: Oui, ou ses deux ou ses trois. Voilà.

M. Lefebvre: Ses deux ou ses trois.

M. Ménard: Bien oui.

M. Lefebvre: Mais, M. le ministre...

M. Ménard: Bien oui, mais c'est inéquitable pour ceux qui remplissent l'obligation honnêtement puis qui ont un vrai corps de police...

M. Lefebvre: Mais, M. le ministre, vous, vous êtes le ministre de la Sécurité publique...

M. Ménard: Oui.

M. Lefebvre: ...et les suggestions que vous faites peuvent avoir un certain bon sens. Ma question: Comment allez-vous concilier ces exigences venant de vous avec l'engagement de votre collègue? Vous savez, si, au moment où on se parle, une municipalité comme Baie-Saint-Paul dans Charlevoix fonctionne avec un policier – c'est le cas, là...

M. Ménard: Elle va se fusionner.

M. Lefebvre: ...vous venez de décider, M. le ministre, si votre règlement s'appliquait demain matin, que cette municipalité-là devra respecter la protection ininterrompue, 24 heures par jour; ça coûte pas mal d'argent. Comment conciliez-vous vos exigences avec l'engagement de votre collègue? C'est vous, comme membre du gouvernement, qui forcez la municipalité à respecter cette protection ininterrompue, 24 heures par jour. Est-ce que votre collègue des Affaires municipales, autrement dit, va payer la note ou si ce sont les citoyens de Baie-Saint-Paul qui devront acquitter la facture...

M. Ménard: Non...

M. Lefebvre: ...de cette protection additionnelle? C'est aussi simple que ça, la question.

M. Ménard: Certainement. Je ne transfère rien aux municipalités qu'elles n'auraient pas dû assumer en vertu de la loi 145 et qu'elles n'ont pas assumé en vertu de la loi 145 à cause de l'inexistence d'un règlement sur les services de police de base. Et je ne fais que rétablir l'équité et la justice pour les municipalités qui, elles, ont créé un service de police adéquat et où, par conséquent, ce n'est pas l'ensemble des contribuables du Québec qui assure ce service que la municipalité aurait dû assumer. Ce n'est pas un transfert, ça, c'est le rétablissement...

M. Lefebvre: Absolument.

M. Ménard: Si le règlement sur les services de base était arrivé peu de temps après la mise en vigueur de la loi 145, la municipalité de Baie-Saint-Paul, elle ne l'aurait pas créé, son corps de police. D'ailleurs, je peux vous dire, dans le cas de Baie-Saint-Paul, que Mme Simard, que j'ai rencontrée, qui a compris et qui est bien responsable, surtout qu'elle a maintenant des responsabilités sur le plan national, donc ça rend plus responsable... elle va se fusionner, je pense, avec une autre puis elle va régler son problème de...

M. Lefebvre: Vous parlez pour elle et son conseil, là.

M. Ménard: Pardon? Non, mais on sait qu'effectivement...

M. Lefebvre: Et son député, votre collègue de Charlevoix.

M. Ménard: Elle le dit que... Je pense qu'elle va se fusionner avec une autre municipalité et, à ce moment-là, elle va être couverte par un corps de police qui sera commun aux municipalités qui se seront fusionnées...

M. Lefebvre: M. le Président...

M. Ménard: ...et qui va respecter les services de base.

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre comprend très bien ce que je veux dire, mais il me répond à peu près comme son collègue des Affaires municipales qui tente de leurrer, entre guillemets, les municipalités en disant: On ne transfère pas des nouvelles responsabilités. Ce que vous faites, vous, comme législateur, comme gouvernement du Québec, vous imposez aux municipalités des exigences nouvelles qui vont provoquer nécessairement des coûts additionnels. C'est l'équivalent d'un transfert de responsabilités.

(17 heures)

D'ailleurs, vous l'avez dit tout à l'heure, M. le ministre, cette protection que la Sûreté du Québec, qui est votre police, donne présentement, il faut qu'elle cesse pour que les municipalités – et vous l'exigez, et vous l'exigez, M. le ministre – continuent à donner les mêmes services à leurs citoyens aujourd'hui, par leur police municipale et la Sûreté du Québec. Mais, à partir de demain matin, la Sûreté du Québec n'étant plus là, les mêmes exigences continuent d'exister, donc, nécessairement, vous imposez à la municipalité des coûts additionnels. Et j'ai compris de votre réponse qu'il n'y aura pas, de la part de votre gouvernement – si c'est ça, c'est ça, vous me le dites, alors, moi, j'en prends acte – de subvention, de versement d'argent, d'aucune façon, et c'est la municipalité qui devra assumer l'exigence que vous aurez imposée, vous, au nom du gouvernement du Québec, la protection, à titre d'exemple, 24 heures par jour.

M. Ménard: Non, M. le député, je n'impose pas de responsabilités nouvelles. Les responsabilités dont vous parlez étaient imposées aux municipalités par la loi 145. Certaines rusées ont trouvé le moyen de se décharger formellement de cette obligation sans s'en décharger réellement, laissant l'obligation que créait la loi 145 de créer un service de police. En créant un service de police inadéquat, elles obligeaient l'ensemble des contribuables, d'ailleurs, de financer chez eux un service de police qu'elles auraient dû financer si elles avaient créé un véritable service de police. C'est ça, un règlement sur les services policiers de base. C'est la base, c'est le minimum. Alors, on pense que... Vous voyez, des fois, il faut écrire les lois encore plus détaillées qu'on le pensait. Mais il me semble que ça va de soi, et la majorité, la très grande majorité des municipalités du Québec l'avait compris, que, quand tu crées un service de police...

M. Lefebvre: Oui.

M. Ménard: ...mais le service de police qui assure la base...

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Ménard: ...ce qui fait que tout le monde la donnait, sauf quelques-uns. Là, le Règlement va forcer tout le monde à la donner.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Ménard: Alors, on ne crée pas des obligations nouvelles, on rétablit la justice et l'équité entre les municipalités, celles qui étaient responsables...

M. Lefebvre: On aura l'occasion...

M. Ménard: ...et celles qui ne l'étaient pas.

M. Lefebvre: ...d'en reparler à plusieurs reprises au cours des prochains mois...

Le Président (M. Pinard): Si vous le permettez...

M. Lefebvre: ...vous et moi, puis vous avec d'autres, là, le monde municipal.

Le Président (M. Pinard): ...nous pourrions peut-être aborder d'autres sujets...

M. Lefebvre: Oui.

Le Président (M. Pinard): ...parce que le temps file. Il y avait le député de Rouyn, Rouyn-Noranda, c'est ça?

Une voix: Témiscamingue.

M. Trudel: Bien, là, c'est parce que ça commence à diminuer. Le critique de l'opposition m'appelle le député de Rouyn-Noranda quand c'est Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Vous ramenez ça à Rouyn.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi!

M. Trudel: J'en perds. J'en perds. J'en perds des morceaux, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député du Témiscamingue.

M. Trudel: Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

Une voix: Le Ruanda, M. le ministre.

M. Trudel: M. le porte-parole de l'opposition et ex-ministre...

Le Président (M. Pinard): Ha, ha, ha!


Administration de la justice dans le Nord du Québec

M. Trudel: Écoutez, M. le ministre de la Sécurité publique, j'aimerais bien connaître, un peu sur le mode de question du député de Frontenac, toute la question du rapport Coutu et du suivi. Je comprends, M. le ministre, que c'est d'abord une préoccupation et un objet qui intéressent d'abord le ministère de la Justice. Cependant, vous êtes interpellé, en quelque sorte, dans ce rapport, lorsqu'il s'agit, bien sûr, du suivi des enquêtes, du travail – moi, je vais prendre le langage que je peux utiliser – parajudiciaire dans les communautés autochtones et, en particulier, dans le Nord du Québec.

Le rapport vous a été soumis, ça ne fait pas très longtemps, il y a quelques semaines maintenant. Est-ce que vous avez, M. le ministre, l'intention de susciter ce que je vais appeler des mouvements pour donner suite à cela? Vous disiez tantôt: Pas trop de commissions d'enquête, là; ça finit par coûter cher et il y a toujours des grands trucs. Bien là, on l'a fait, et je pense que ça s'imposait. Les recommandations du juge Coutu me semblent particulièrement importantes à l'égard des questions qui nous sont soumises, comme société, depuis une dizaine d'années, à l'égard des questions autochtones.

Alors, votre réaction? Est-ce qu'il y a des intentions? Le suivi à donner? Je vous l'indique tout de suite, pour ma part, en tout cas, j'ai l'intention de demander, avant l'ajournement de la période des fêtes, à la commission des institutions d'adopter un mandat d'initiative, en gros, là, pour convoquer le juge Coutu, qu'on examine ce rapport et ses conclusions et qu'on examine aussi l'ensemble des éléments l'entourant pour en arriver à dégager une perspective, parce que ça me semble bien important au niveau du législateur.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: Bien, franchement, le rapport Coutu me semble traiter surtout de sujets qui relèvent plutôt du ministère de la Justice que du ministère de la Sécurité publique. Dans la mesure de nos moyens, de nos responsabilités, nous continuons à avoir à négocier des ententes pour établir des polices autochtones dans le Grand Nord. Je sais qu'il faudra bien, un de ces jours, dans un contexte de restrictions budgétaires, remplir les obligations que nous avons contractées dans la Convention de la Baie James pour le système correctionnel. Mais j'avoue que, là-dessus, je veux une réorientation qui serait plutôt du type de centres résidentiels communautaires ou, enfin, de centres d'hébergement communautaires que de prisons, beaucoup plus adaptés, d'ailleurs, aux traditions autochtones et leur évitant des déplacements qui sont pour nous fort coûteux et pour eux traumatisant, sans doute, mais déracinant. C'est une situation que je trouve difficile à vivre dans un contexte où il faut que je trouve cet argent en coupant ailleurs, parce que, tout ce qu'on a à faire dans le Grand Nord, ça coûte terriblement cher. En tout cas, il y a des gens de mon ministère qui travaillent avec le ministre de la Justice, mais, essentiellement, le rapport Coutu concerne des problèmes qui relèvent du ministère de la Justice et non du ministère de la Sécurité publique.

M. Trudel: En tout cas, je fais juste aviser le ministre que, justement, l'approche que vous semblez vouloir adopter va exactement dans le sens du rapport Coutu. Vous parlez de maisons communautaires, de centres résidentiels communautaires, ça nous permettrait d'alléger de beaucoup et de faire réaliser dans les communautés ce qui est l'après-sentence. Par ailleurs, peut-être allons-nous trouver dans cette nouvelle façon de faire, en ce qui vous concerne, les sous nécessaires – c'est extrêmement dispendieux – lorsqu'on emprisonnera moins à l'extérieur, avec les déplacements que cela comporte, avec les traumatismes, avec le déracinement que cela implique souvent.

M. Ménard: Oui, et il faut être réalistes, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, il faut éviter de bâtir des centres d'hébergement qui seraient plus confortables, aussi, que...

M. Trudel: Tout à fait.

M. Ménard: ...les conditions dans lesquelles ils vivent, ces délinquants. Et j'ai peur, des fois... En tout cas, c'est vraiment des problèmes difficiles, parce qu'il ne faut pas que ça soit des lieux trop attrayants. Par contre, on a de la difficulté à les construire sans se dire: Est-ce qu'on vivrait là-dedans, nous? Est-ce qu'on accepterait de vivre là-dedans, nous? C'est pour ça que j'aimerais la collaboration des communautés autochtones là-dessus. J'ai commencé à leur en parler. Je peux vous dire que, quand je les rencontre et qu'ils me rappellent les obligations en vertu de la Baie James, je leur rappelle: Écoutez, ne cherchez pas à imiter notre système correctionnel avec tous ses coûts, vous avez, dans vos traditions de traitement de la délinquance, des principes que nous sommes en train d'adopter nous-mêmes pour nos délinquants, alors, pourrait-on trouver un moyen de réaliser nos obligations dans votre esprit traditionnel? Mais ils pensent plus souvent, quand je discute avec eux, que toute dépense que nous faisons dans leur territoire est bienvenue, parce que créatrice d'emplois, un peu comme bien des municipalités, quand on décide de fermer une prison qui est chez eux, ils pensent surtout aux emplois qu'ils perdent.

Le Président (M. Pinard): Merci. Est-ce que vous avez un additionnel?

M. Trudel: En tout cas, je vous invite, moi, à continuer cette approche-là de moins prioriser le béton, la brique et le matériel, utiliser cette approche-là. Si la Convention de la Baie James nous amène à avoir des obligations, il y a plein d'autres conventions au Québec que nous sommes en train de réviser à tous égards. Là aussi, il va falloir se réviser, sur cet aspect-là. Merci.

M. Ménard: C'est à cause de ça qu'ils ont réglé la question des droits territoriaux qui est si importante pour nous.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Est-ce qu'on aborde immédiatement la question des pompiers ou... M. Lelièvre a également...

M. Lefebvre: Pour moi, oui, M. le Président. Je ne sais pas si mes collègues...

(17 h 10)

Le Président (M. Pinard): Bon, allons-y avec les pompiers et, à la suite de ça, on vous reviendra, M. le député de Gaspé. M. le député de Frontenac.


Projet de centre intégré de formation des pompiers

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, je ne suis pas le seul député, à l'Assemblée nationale, qui veut qu'on parle de la formation des pompiers, c'est un dossier qui touche à peu près tous les députés du Québec et, particulièrement, les députés en région. Il y a eu toutes sortes de choses qui ont été dites au cours des derniers mois. Malheureusement, dans certains cas, à l'occasion de drames, toutes sortes de choses ont été dites, toutes sortes d'analyses ont été faites quant à la compétence, à la formation de nos pompiers volontaires. On me dit qu'il y a 938 services d'incendie au Québec dont 771 sont formés de pompiers volontaires seulement. Alors, c'est dire à quel point, M. le Président, on parle de quelque chose d'extrêmement important.

Plein de groupes se sont exprimés sur la question, la formation des pompiers volontaires. La FTQ, l'Association des chefs de service d'incendie du Québec, l'Association générale des étudiants de l'Institut de protection contre les incendies du Québec et d'autres ont indiqué pour eux l'importance de réglementer de façon plus serrée la sélection, la formation des pompiers. Plusieurs suggèrent de mettre en place une école nationale de formation des pompiers. On sait qu'il n'y a pas de loi, pas de législation, au Québec, forçant les municipalités à se conformer aux normes de sécurité-incendie.

Alors, j'aimerais, M. le Président, qu'on arrête là-dessus, savoir du ministre où son gouvernement en est rendu dans ce dossier-là. Est-ce qu'il est en contact avec son collègue de la Santé et des Services sociaux? Est-ce qu'il est en contact... Loi sur la santé et la sécurité du travail est concernée? C'est le ministre de la Santé et des Services sociaux, sauf erreur, qui a la responsabilité de cette loi-là en relation ou parallèlement avec le ministre de l'Éducation.

M. Ménard: Le ministre de l'Emploi.

M. Lefebvre: Le ministre de l'Emploi, oui? Oui, vous avez raison, vous avez raison. Le ministre de l'Emploi.

M. Ménard: C'est parce que j'ai été critique de l'opposition – ha, ha, ha! – pour le ministère de l'Emploi que je le sais.

M. Lefebvre: Le ministre de l'Éducation est-il concerné par toute cette question-là? Je le crois.

M. Ménard: Oui. Ça, oui.

M. Lefebvre: Alors, M. le ministre, je vous écoute là-dessus. Où est-ce qu'on en est puis quelles sont vos... On est en décembre 1995, est-ce que, dans un an, le dossier sera réglé?

M. Ménard: Ça, je l'espère.

M. Lefebvre: Ou avant, ou avant?

M. Ménard: Je l'espère. J'ai en préparation un projet de loi-cadre sur la sécurité-incendie qui devrait apporter des solutions à tous les problèmes que vous avez soulevés, sauf peut-être la formation, c'est un problème distinct dont je vous parlerai. J'aurais aimé l'avoir à l'automne, très honnêtement. Mais on s'est aperçu, en le préparant, que c'est peut-être plus complexe qu'on l'avait prévu. Comme je l'ai dit dans mes remarques d'ouverture, il y a un tas de lois disparates sur la sécurité-incendie au Québec. Il y avait non seulement le besoin de faire le ménage dans toutes ces lois, mais, dans ce domaine-là, je pense ça vaut la peine de prendre un peu plus de temps pour être certain que cette loi-cadre, on la fait peut-être pour cinq ans, mais c'est sûr que, si on la fait pour cinq ans, elle va durer 25 ans. C'est à peu près comme la Loi sur l'organisation policière, ça s'est fait dans les années soixante-dix, puis on vit encore dessus.

Alors, le projet est presque prêt. Ce qu'on a l'intention de faire, c'est d'abord de faire circuler le projet un peu plus librement. Vous l'aurez. Je l'ai envoyé à tous les gens qui, je sais, sont intéressés au milieu de la sécurité-incendie. Il y a l'aspect syndical, il y a les associations professionnelles, aussi. En espérant qu'on pourra le présenter à la prochaine session en revenant et, là, tenir une commission parlementaire ouverte pour recevoir... On aura déjà reçu les premières suggestions des gens qui auront reçu le projet. On pourra présenter un projet amendé en fonction de ces suggestions et tenir une commission parlementaire. Alors, ce qui va être envoyé, c'est un document de consultation.

Le Président (M. Pinard): En complémentaire, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Compte tenu, M. le Président, du peu d'écart qui séparait, donc une forte probabilité bientôt, est-ce que vous regardez le sujet des pompiers dans le terme de sapeurs-pompiers qui seraient intégrés au corps d'armée comme cela existe dans les pays européens?

M. Ménard: Non. On va garder la formule, je pense, américaine. Nous avons des problèmes. Ce qui nous distingue de l'Europe, c'est l'immensité du territoire puis le peu de densité de la population. C'est pourquoi c'est évident que nous allons devoir garder le système des pompiers volontaires. Mais nous pensons à une formule dans laquelle ces pompiers volontaires seraient encadrés par un noyau de pompiers permanents sur le plan régional qui consacrerait l'essentiel de ses activités à la prévention, comme ça se fait dans les grandes villes. Vous savez, c'est fini le temps des pompiers qui jouent aux cartes, là, en attendant l'appel au feu. Ils passent 85 % de leur temps à faire de la prévention, à faire des visites. Et on obtient, effectivement, dans les grands centres... Dans les grands centres, il y a une diminution dramatique, vraiment très impressionnante, des incendies qui s'est produite. Mais, malheureusement, en dehors des grands centres, c'est le contraire. Alors, on pense à des noyaux, justement, de pompiers permanents, bien formés, qui vont se trouver à encadrer ce qui aurait besoin d'intervention ou qui vont encadrer les pompiers volontaires dont nous aurons toujours besoin et qui seront, aussi, mieux formés qu'ils ne le sont actuellement. Je peux vous dire, si ça vous intéresse aussi, que le Commissaire à la déontologie policière, actuellement, a été lui-même, je pense, un officier d'un organisme de pompiers volontaires pendant plusieurs années.

Une voix: C'est vrai.

M. Ménard: Il y a beaucoup de fierté dans ce milieu. C'est un milieu extrêmement dynamique que je ne connaissais pas avant et qui est vraiment impressionnant. À part d'aimer les «push-ups», là, et puis...Le président sait de quoi je parle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): En complémentaire, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Ménard: Il aime les pompes. Oui, c'est ça. Les «push-ups» et, après ça, c'est les pompes. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Ah! oui, oui.

M. Beaulne: Oui. M. le Président, depuis un certain temps on parle beaucoup de la formation des pompiers. Il y a au moins trois propositions qui sont sur la table concernant des écoles de formation de pompiers. Mais il y a une question à laquelle vous avez touché et qui me préoccupe, c'est le fait d'avoir des débouchés pour les gens qui seraient formés. Il me semble que, avant de discuter de l'emplacement d'une école, il faudrait que les gens qui en sortent aient des emplois. Et je soulève cette question parce que j'ai reçu une lettre, que je n'ai pas avec moi, mais que je pourrai déposer à la commission, une lettre du président des étudiants des pompiers de Laval qui regrettait que les diplômés qui sortent de l'école de Laval n'aient pas d'emploi. Je pense qu'il mentionnait qu'il y en avait un sur 19, seulement, qui trouvait de l'emploi.

Jusqu'ici on a parlé beaucoup de formation, mais on a peu parlé des débouchés. J'aimerais savoir, puisqu'il y a quand même un élément de sécurité publique important là-dedans, si vous pensez qu'il serait souhaitable qu'on oblige les municipalités à engager un certain nombre, un nombre minimum, de pompiers professionnels, que ce soit 5 %, 10 %, pour former, pour encadrer ce qu'on appelle communément les pompiers volontaires, de manière à s'assurer qu'il y a au moins un débouché sur le marché du travail pour ceux qui seraient formés.

(17 h 20)

M. Ménard: C'est exactement le modèle auquel on pense, là, puis j'espère qu'il va paraître dans le document de consultation. Je suis très conscient de ça, il y a quelque chose de ridicule au Québec. On forme très bien les pompiers, puis je peux vous dire que l'IPIQ, à Laval, qui est... Moi, j'ai assisté à leur graduation, j'ai vu leur curriculum, j'ai vu ce qu'ils apprennent, etc., et je suis convaincu que nous formons d'excellents pompiers. D'ailleurs, je peux vous dire que les grands centres, Montréal, Laval, Québec – Québec, je suis moins sûr, certainement Montréal et Laval, en tout cas – s'alimentent entièrement de diplômés de l'IPIQ de Laval. En plus, à l'École polytechnique, il y a des cours de formation pour les officiers qui dirigeraient les corps de pompiers, en plus.

Mais ça reste disparate, il y a un besoin criant pour un centre intégré de formation des pompiers au Québec. Je suis convaincu, quant à moi, que le Québec est trop petit pour qu'il y ait deux centres comme celui-là. Un centre intégré de formation, c'est un centre où on peut donner des cours pratiques, où on peut faire des exercices, où on doit, donc, allumer des feux et les éteindre avec de l'équipement, et en toutes circonstances. Ça demande un équipement assez important et qui ne serait pas utilisé, même, à pleine capacité pour nos besoins. Donc, il n'y a pas lieu d'en avoir deux au Québec, mais, pour ça, je suis en négociations, toujours, avec le ministère de l'Éducation, dont ça relève nécessairement des budgets, puisqu'il s'agit de formation. J'ai déjà présenté un projet, je vais en présenter un deuxième. Je sais que je le rencontre encore mardi pour en discuter, et j'espère bien aboutir au centre intégré de formation des pompiers, là où il avait été prévu.

Le Président (M. Pinard): Je me permets...

M. Beaulne: Oui, mais, au-delà de cet aspect-là, la question, au fond, c'est la suivante: De la même façon qu'on exige des municipalités, au-delà d'un certain seuil, qu'elles aient un corps de police, est-ce qu'il y aurait lieu d'exiger des municipalités, de la même façon, qu'elles aient un encadrement minimal en termes de pourcentage de pompiers formés professionnellement? Parce que, à ce moment-ci, il n'y a pas d'obligation de la part des municipalités.

M. Ménard: C'est exactement ce qui est prévu dans le document de consultation. C'est dans leur intérêt, aussi, parce que c'est ça que je suis en train de leur signaler. Évidemment, ils ont peur que ça leur coûte aussi cher que la police. Je les comprends. Mais, par contre, ils devraient comprendre une chose, c'est que ça risque de leur coûter plus cher en paiements, en responsabilité civile, s'ils n'ont pas des corps de pompiers compétents. Il y a, actuellement, une trentaine de poursuites au Québec contre des municipalités parce qu'elles ne sont pas intervenues assez adéquatement. Donc, je pense qu'elles ont compris que c'est dans leur meilleur intérêt.

Le Président (M. Pinard): En complémentaire, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, M. le député de Marguerite-D'Youville a fait référence à une lettre. Il m'a dit ne pas l'avoir en sa possession. Je comprends qu'il ne veuille pas la déposer. Je l'ai sous les yeux, ici, moi, adressée à M. le premier ministre avec copie, j'imagine, à mon collègue, où on dit ceci – et c'est le président de l'Association générale des étudiants de l'Institut de protection contre les incendies du Québec qui écrit, là: « M. le premier ministre, c'est avec stupéfaction que nous apprenions récemment les intentions à peine voilées de votre gouvernement de créer, selon toute vraisemblance, un deuxième centre de formation intégrée en matière de prévention et de protection contre les incendies du Québec – c'est du 6 avril 1995 – Serait-ce là l'autre façon de gouverner? nous sommes-nous interrogés. Nous osons espérer que NON.» Je ne sais pas si c'est à cette lettre-là que vous faites référence. Ces gens-là s'inscrivent contre l'idée de créer un deuxième centre de formation. M. le ministre a indiqué, tout à l'heure, que ça ne serait pas le cas. Est-ce que l'Association générale des étudiants de l'Institut de protection contre les incendies a été prévenue? Est-ce que vous avez discuté avec eux, M. le ministre, soit directement ou par l'entremise de M. le député de Marguerite-D'Youville? Je ne sais pas si c'est à cette lettre-là que vous faisiez référence. Est-ce que ces étudiants-là, M. le ministre, ont été informés de vos intentions, à toutes fins pratiques, de leur donner raison?

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: Certainement, mais j'ai... À moins que ma mémoire me trompe, je pense qu'ils font état de l'appui qu'ils ont du ministère de la Sécurité publique. Mais je les ai rencontrés à plusieurs reprises, puis je crois savoir que la position du ministère de la Sécurité publique est appréciée de cette Association comme des autres intervenants en matière d'incendie au Québec.

M. Lefebvre: Non, ils ne parlent pas du ministère de la Sécurité publique, sauf erreur.

M. Ménard: Je les ai peut-être rencontrés, en tout cas... Ce n'est peut-être pas la lettre à laquelle je pense.

Le Président (M. Pinard): M. le député.


Transport des détenus

M. Lefebvre: M. le Président, j'ai un autre sujet à aborder, moi, si mes collègues ont fini sur les pompiers. Ça va? Le transport des prisonniers. M. le Président, où en est le ministère en regard de cette décision, semble-t-il, pas mal arrêtée, mais pas encore annoncée ou publiée, de modifier la politique du transport des prisonniers d'une ville à peu importe où, à un centre de détention, à un tribunal, qui, présentement, M. le Président, est effectué par la Sûreté du Québec? Il y a plusieurs municipalités qui sont très inquiètes, il y a même des municipalités qui se sont manifestées à mon niveau. C'est dans l'air depuis plus ou moins un an, ça, M. le ministre. Où en êtes-vous en regard de ce dossier-là? Est-ce que la décision est prise? Où est-ce que vous en êtes? Le transport des détenus.

M. Ménard: Bien, le transport des détenus, en principe, nous l'assurons, sauf quand il s'agit de cas où ce sont des corps policiers qui ont arrêté une personne qui en sont responsables.

M. Lefebvre: Il y a comme pratique, actuellement...

M. Ménard: C'est parce qu'il y a... Oui.

M. Lefebvre: Excusez, M. le ministre. Il y a comme pratique, actuellement, dans certaines municipalités au Québec, la pratique suivante, même s'il y a un corps de police municipal: la Sûreté du Québec peut transporter le prisonnier d'Orsainville, par exemple, pour fins de comparution; à l'inverse, le ramener devant le tribunal, même si c'est un policier qui aurait été... ça pourrait être dans une prison municipale, et le transport se fait par la Sûreté du Québec.

M. Ménard: Bien, je ne suis pas sûr.

M. Lefebvre: Si je me trompe sur les détails, vous me corrigez, là. Je veux savoir si...

M. Ménard: Mais, ce n'est pas une question de détails, c'est que je pense que les seules circonstances dans lesquelles la Sûreté du Québec transporte un détenu, c'est quand la Sûreté du Québec est responsable de ce détenu. Mais, jamais, la Sûreté du Québec – en tout cas, je ne veux pas me tromper, là – ne transporte un détenu dont les services correctionnels sont responsables.

Une voix: Il faut au moins qu'il y ait danger.

M. Ménard: Oui, oui. Ça, ça se peut. À moins d'un cas exceptionnel, là, ou vraiment un détenu qui représente des dangers. Mais, même là, je pense qu'on les transporte nous-mêmes et qu'on va plutôt demander une escorte.

M. Lefebvre: Alors, ce que vous me dites, là, c'est que vous transportez vos propres prisonniers et que les corps de police municipaux...

M. Ménard: Oui, mais il y a plus que ça. On transporte...

M. Lefebvre: ...transportent les leurs.

M. Ménard: ...aussi des prisonniers qu'on ne devrait pas transporter. Je pensais que c'était ce problème-là que vous vouliez toucher.

M. Lefebvre: Que?

M. Ménard: Qu'on transporte des prisonniers qu'on ne devrait pas transporter, c'est-à-dire que ce n'est pas de notre responsabilité de transporter.

M. Lefebvre: M. le ministre, il y a des municipalités et des corps de police...

M. Ménard: Oui.

M. Lefebvre: ...qui, à tort ou à raison, prétendent que, présentement, vous transportez de leurs prisonniers et que vous évaluez la possibilité d'arrêter ce service, entre guillemets...

M. Ménard: Ah! O.K.

M. Lefebvre: ...avec, évidemment, comme conséquence pour ces municipalités – corps de police municipal, c'est évidemment la municipalité qui va écoper – de devoir à l'avenir prendre cette responsabilité, offrir ces services, entre guillemets. Est-ce que c'est le cas?

M. Ménard: Je pense que je sais de quoi vous parlez et à quoi vous faites référence. C'est un programme qu'on a appelé assistance à l'administrateur – épouvantablement mal nommé, là, comme n'importe quoi – qui est, en fait, un programme où l'administrateur d'un centre pénitencier offre son assistance, je dirais donc l'assistance à un corps policier municipal ou même, parfois, à la Sûreté du Québec pour détenir un prisonnier qu'ils viennent d'arrêter jusqu'à sa comparution et, par conséquent, en assume le transport jusqu'au lieu de sa comparution. Bon. Ça, on a commencé à faire ça dans le temps où on avait bien de l'argent, apparemment, c'était avant qu'on arrive au gouvernement. Au fond, ça ne nous coûtait pas très cher, si on avait des places de libres en prison, d'accommoder les corps municipaux qui arrêtaient des individus et qui n'avaient pas de cellules ou dont les cellules étaient pleines, au début, et, finalement, ils n'en ont plus construit, parce qu'ils comptaient toujours sur nous.

(17 h 30)

Alors, quand ils arrêtaient quelqu'un, plutôt que de le garder, bien, ils nous l'emmenaient en prison et, si on avait une cellule, on le gardait. Ensuite, le lendemain matin, bien, on le prenait et on le mettait dans le même autobus que les autres prisonniers et on l'amenait à la cour pour comparaître. Remarquez que, tant qu'il prend une place dans l'autobus qui n'est pas prise par un autre, ça va, et, tant qu'il prend une cellule qui n'est pas prise par un autre, ça va toujours, sauf que, ce qui est arrivé, c'est qu'alors que les corps municipaux de police ont la responsabilité légale d'assurer la comparution de leurs détenus devant les tribunaux ils se sont mis à ne plus exercer cette... ils se sont même mis à fermer leurs cellules. Même quand il y avait des cellules dans les postes de police, ils se sont mis à les fermer, comptant toujours sur l'aide gratuite que nous leur fournissions. Bien, ce qu'on pense, c'est que, coudon, ce service-là devrait... Bon, il paraît que ce service-là, il est rendu qu'il nous coûte... Il a été évalué, chez nous, à 4 800 000 $, à force de faire des petites concessions comme ça aux municipalités. Alors, on va leur rappeler, c'est évident, leurs obligations légales, que c'est à eux de les exercer.

D'autant plus qu'on s'aperçoit aussi que les corps policiers ont tendance à arrêter beaucoup plus que nécessaire et qu'une proportion vraiment très importante des détenus que nous amenons au palais de justice sont libérés de consentement des parties, au moment de leur première comparution, tous des gens qui auraient certainement pu être libérés une fois arrêtés et conduits au poste de police. Mais comme ça ne leur coûtait rien, bien, la façon d'exercer leur responsabilité la plus facile, c'était de nous les confier et de laisser le juge décider.

Alors, on pense que, s'ils assument leurs obligations, si on leur facture le service que nous leur rendions gratuitement, ils deviendront plus responsables, ils informeront mieux les agents de la paix et l'agent en charge du poste des pouvoirs légaux qu'il a de libérer le prisonnier sous certaines conditions. D'autant plus que, maintenant, le Code criminel a été amendé pour permettre au responsable du poste d'imposer des conditions, à la libération, auxquelles le prisonnier doit souscrire s'il veut être libéré, et puis, ensuite, il peut se présenter au tribunal pour être libéré de ces conditions s'il estime qu'elles sont abusives.

Alors, on a remarqué... enfin, on pense que, si on continue à fournir gratuitement ce service, les policiers n'auront pas tendance à utiliser leur pouvoir de libérer moyennant des conditions, quand ils le peuvent. Et on est d'accord pour que, si l'intérêt public le justifie, de l'avis du policier, que la personne doit être détenue jusqu'à sa comparution, qu'il nous l'amène, mais, à ce moment-là, on lui chargera le service, et puis on n'aura plus cette facture d'à peu près 4 800 000 $ qui s'est accumulée au cours des années.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Frontenac, en complémentaire?

M. Lefebvre: Non, ça va, M. le Président, sur ce dossier-là.

Le Président (M. Pinard): Oui? M. le député de Gaspé.


Appareils de vidéo loterie

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. L'année dernière, lorsque le gouvernement a été formé, nous avons été confrontés quand même avec un problème qui perdurait, M. le ministre, en ce qui a trait à la contrebande des boissons alcooliques et des appareils de jeux, les vidéopokers. Alors, le ministre a pris certaines mesures et j'aimerais connaître les résultats, M. le ministre, si vous les avez ici, si vous pouvez informer cette commission de ce qui a été obtenu à la suite des différentes mesures mises en place.

M. Ménard: Je suis bien content de vous donner les résultats parce que, là-dessus, Dieu sait que j'y ai mis du travail, au début, quand je suis rentré au ministère et que ça semblait un dossier chaud. D'ailleurs, c'est la première manifestation que j'ai eue devant l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Pinard): Ainsi que pour tous les députés, M. le ministre.

M. Ménard: Oui. Et vous voyez, aujourd'hui, on n'en entend plus parler. Parce que, finalement, nous avons appliqué une loi que l'ancien gouvernement avait votée et pour laquelle il avait reçu, d'ailleurs, l'accord de l'opposition, parce que ça avait été voté à l'unanimité, mais qu'il n'appliquait pas, de sorte que tout le monde... C'était effrayant le nombre d'appareils de jeux illégaux qu'il y avait au Québec.

Alors, on a ajouté des ressources, on a fait des saisies. On a saisi 7 330 appareils de loterie vidéo illégaux; 4 134 appareils de jeux, enfin, d'amusement non immatriculés; 200 000 litres de boissons alcooliques, en même temps. On a analysé 5 177 de ces appareils et... En tout cas. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est les résultats que ça a donnés. Alors qu'en 1994-1995 Loto-Québec n'avait obtenu que 8 400 000 $ avec ces appareils de vidéo loterie, d'avril à octobre 1995, c'est-à-dire mai, juin, juillet août, septembre, octobre, c'est-à-dire pendant six mois, on a obtenu 65 700 000 $, avec ces appareils de vidéo loterie, et puis nos prévisions, pour d'ici à la fin de l'année, seraient de 24 800 000 $ de plus, ce qui voudrait dire qu'en 1995-1996 ces appareils rapporteraient au gouvernement 90 500 000 $, par rapport à 8 400 000 $ l'année précédente.

Laissez-moi vous dire que, là, ça valait la peine de travailler de longues heures et que ces résultats-là, on est heureux de les signaler. Maintenant, ma seule déception, c'est que c'est loin de ce que le ministère des Finances espérait à l'époque, parce que je me souviens, moi, qu'il parlait qu'on perdait 5 000 000 $ par semaine, de ces appareils-là, ce qui aurait donné, donc, 260 000 000 $ par année, pour 52 semaines.

Mais j'espère, là, qu'ils vont distribuer leurs appareils plus rapidement qu'ils l'avaient prévu. De toute façon, on est passé de 8 400 000 $ à 90 500 000 $. Là, je n'ai pas les chiffres, mais je peux vous dire que ça nous a coûté à peu près 9 000 000 $, l'ensemble des opérations de police, de location de camions, d'analyses aussi, d'entreposage, d'expertise sur les appareils en question. Je suis heureux d'avoir convaincu... Bien, d'abord, ça n'a pas été long de convaincre le premier ministre – ça a été peut-être plus long de convaincre le reste de la machine gouvernementale – que, si nous faisions une dépense comme ça de 9 000 000 $ pour que ça rapporte de l'argent au gouvernement, ce serait normal que ça me soit donné en plus de mon enveloppe fermée, hein?

Et, effectivement, le Conseil du trésor, après moult, moult, moult – ha, ha, ha! – poussées dessus, nous a finalement concédé et payé les frais supplémentaires que cette opération nous a... Donc, le gouvernement y gagne encore un bon 80 000 000 $.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Frontenac, un autre sujet?

M. Lefebvre: M. le Président, non.

Le Président (M. Pinard): En complémentaire?

M. Lefebvre: Une question seulement à: Vidéopokers. Comment votre collègue des Finances va réajuster les prévisions beaucoup trop optimistes de l'ex-ministre Campeau, là? M. le ministre, vous lui avez fait rapport, j'imagine, à votre collègue des Finances avant, peut-être, au ministre, à l'ex-ministre des Finances. Mais lui, probablement, il ne vous a pas cru. Il a dit: Continuez à être optimiste, d'ici deux, trois semaines, ça va se replacer.

Mais là, là, on arrive quelque part à la fin de l'exercice en cours. Comment votre collègue des Finances a-t-elle réagi en réalisant qu'il manquerait 160 000 000 $, plus le 40 000 000 $ au Casino de Montréal? Ça fait 200 000 000 $. Plus les 75 000 000 $ pour l'exercice référendaire. Ça, c'était prévu, ça, évidemment.

M. Ménard: Là, vous mêlez pas mal d'affaires!

M. Lefebvre: Il y a à peu près juste là où vous ne vous êtes pas trompés.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Des choux et des carottes!

M. Lefebvre: Non, non, je ne mêle rien. On est dans le jeu: vidéopokers, casino, référendum. On est dans le jeu!

Le Président (M. Pinard): Alors, monsieur...

M. Lefebvre: On joue avec l'avenir des Québécois, puis...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac...

M. Lefebvre: Alors...

Une voix: M. le Président, l'article 211!

Le Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac, restons à l'alcool et aux vidéopokers. Alors, M. le ministre.

M. Lefebvre: Comment, M. le ministre...

M. Ménard: On est des gros joueurs. Il y en a 96 % qui ont joué, là. 96 % de la population a joué. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Oui, puis pour...

M. Ménard: Si c'est un jeu.

M. Lefebvre: Comment Mme la ministre des Finances, à qui vous avez fait rapport, j'imagine, ou à qui vous faites rapport mensuellement, j'imagine, va-t-elle, à votre connaissance à vous, se réajuster quant à ses prévisions budgétaires au niveau des revenus?

M. Ménard: D'abord, il faudrait lui demander et...

M. Lefebvre: Non, non, ça, je sais que c'est à elle qu'il faudrait que je le demande, mais je prends une chance...

M. Ménard: D'autant plus que...

M. Lefebvre: ...tout à coup que vous le sauriez.

M. Ménard: ...moi, j'ai obtenu ces chiffres du ministère des Finances.

M. Lefebvre: Oui.

M. Ménard: Parce que c'est le ministère des Finances qui sait combien ça lui rapporte, les appareils de vidéo loterie. Maintenant, je ne crois pas... C'est peut-être pour me mettre de la pression sur le dos qu'ils m'ont dit: Écoute, ça peut rapporter 5 000 000 $ par semaine, ça, à l'époque. D'ailleurs, ça a porté effet, parce que j'ai mis mes priorités là-dessus pendant un bon bout de temps. Mais...

M. Lefebvre: D'encourager le monde à jouer!

M. Ménard: ...je ne crois pas qu'ils aient mis ça dans les prévisions de revenus. Il faudrait vérifier, là, je ne peux pas vous le dire, là, mais je ne crois pas qu'ils aient escompté des résultats...

M. Lefebvre: Ça a été le cas.

M. Ménard: ...aussi élevés que 5 000 000 $ par semaine...

M. Lefebvre: Oui.

M. Ménard: ...et qu'ils les aient mis dans les prévisions.

M. Lefebvre: Oui, j'ai compris, M. le ministre. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Gaspé.


Inspection des corps policiers

M. Lelièvre: M. le Président, j'aurais une dernière question à l'analyse des engagements financiers. M. le ministre, au printemps 1995, vous avez annoncé la création d'un service général d'inspection. Pourriez-vous nous dire c'est quoi le mandat de ce service général d'inspection?

(17 h 40)

M. Ménard: Bon. Alors, le service général d'inspection, c'est une obligation qui existait dans la loi depuis près de 10 ans, depuis bientôt 10 ans, et rien n'avait été fait. Or, l'inspection des corps policiers était auparavant assurée par la Commission de police du Québec. Quand la loi a été changée pour que ces fonctions soient séparées entre le Commissaire à la déontologie policière et le Comité de déontologie policière, la fonction d'inspection devait être assumée par le ministère de la Sécurité publique. Pendant plus de huit ans, il n'y a pas eu d'inspection des corps policiers au Québec. J'étais absolument scandalisé, quand je suis arrivé au ministère, de constater que le ministère n'avait pas rempli cette obligation légale, d'autant plus que je réalisais que ça, c'était l'autre pilier sur lequel reposait l'application de la loi 145, qui créait une obligation aux municipalités de créer leur propre corps de police.

Alors, d'une part, il fallait définir ce qu'était un corps de police par les services de base, ce qui n'avait pas été fait, et, d'autre part, il fallait les inspecter pour savoir si, effectivement, ils remplissaient les obligations du service de base. Alors, ce service a été créé. J'ai nommé M. Marc Lizotte, ancien directeur général associé de la Sûreté du Québec et, essentiellement, son objectif... Et là il faut bien comprendre que le service d'inspection, ce n'est pas, comme certains le croient, la police des polices, il s'agit de l'inspection administrative que l'on va faire, qui peut aider, évidemment, un corps de police à maintenir des standards élevés de services, mais ce n'est pas la déontologie.

Essentiellement, ces objectifs sont d'informer le ministre, les autorités municipales, sur l'état des pratiques administratives et de leur conformité aux règles auxquelles elles sont subordonnées; de la qualité des opérations policières et de leur conformité aux lois, règlements et directives qui les régissent; sur les efforts qui sont déployés en matière d'économie, d'efficacité et d'efficience pour atteindre les objectifs visés dans chacun des corps policiers qu'ils vont inspecter. Deux autres inspecteurs ont été engagés. Je pense que M. Lizotte veut fonctionner avec l'aide d'officiers qui lui seront prêtés par certains corps policiers pour faire les inspections d'autres.

Dans l'optique où il s'agit d'inspections administratives, de tels prêts atteignent plusieurs objectifs. D'abord, c'est moins coûteux – et ça, c'est à considérer – mais, ensuite, c'est bon pour les deux: c'est bon pour le corps qui est inspecté puis c'est bon pour le corps dont vient celui qui inspecte. Parce que, normalement, s'ils sont assez intelligents, s'ils voient une bonne idée ailleurs, qui est appliquée, bien ils vont probablement la ramener chez eux. Mais, par contre aussi, s'ils voient que, dans le corps de police qu'ils doivent inspecter, il y a des lacunes, ils vont les signaler au ministère, puis on verra à ce que ces lacunes soient comblées. En tout cas, les premières inspections sont prévues... Ça, j'avais ça dans le topo, je ne sais pas où il est... C'est ça, juste après les Fêtes, les premières inspections doivent commencer.

M. Lefebvre: Il y a combien d'effectifs à l'inspectorat, M. le ministre?

M. Ménard: C'est une structure très légère, parce que nous voulons justement... D'abord, parce qu'il fallait la créer et que c'est difficile de créer de nouveaux programmes dans une optique d'enveloppe fermée. Il y a cinq ETC.

M. Lefebvre: Combien ça coûte, le budget?

M. Ménard: C'est 556 000 $. C'est ça, de mémoire?

M. Lefebvre: Pardon?

M. Ménard: C'est 550 000 $ qui a été consacré.

Une voix: Ce n'est pas cher.

M. Lefebvre: Est-ce que les cinq effectifs sont à temps plein, strictement pour l'inspectorat, où s'ils font autre chose aussi?

M. Ménard: Oui. Il y a le directeur, deux inspecteurs, puis deux secrétaires. Je pense qu'il y a le soutien: une secrétaire puis une téléphoniste.

M. Lefebvre: Et cette structure-là, relativement légère, est en place depuis quand?

M. Ménard: Bien, M. Lizotte a été nommé en mai 1995. Les inspecteurs sont rentrés – je sais que c'est récemment, mais c'est quoi, c'est octobre ou novembre? – pour faire des projets-pilotes, là, et puis...

M. Lefebvre: M. Lizotte a été... Vous avez requis les services... C'est un contrat de services à titre de consultant, j'imagine, pour une période de combien de temps?

M. Ménard: Trois ans.

M. Lefebvre: Quel est le montant du contrat, et ça court de quand à quand?

M. Ménard: C'est 66 000 $ pour les trois années, donc de 1995-1996 jusqu'à 1997-1998. Par année. 66 000 $ par année.

M. Lefebvre: 66 000 $ par année?

M. Ménard: Oui, pour les trois ans. Je voudrais aussi que vous compreniez que nous avons tenu compte, dans la fixation de son traitement, de ce qu'il reçoit comme pension de la Sûreté du Québec, de sorte que nous nous trouvons à bénéficier... Normalement, on le paierait plus cher que ça, mais nous avons déduit du montant que nous étions prêts à lui payer le montant de la pension qu'il reçoit.

M. Lefebvre: Je vous avouerai que ce n'est pas exorbitant comme salaire, mais c'est encore plus que le salaire d'un député.

M. Ménard: Vous savez que le directeur de la Sûreté du Québec reçoit aussi plus que le ministre?

M. Lefebvre: Oui, je le sais, et c'est important...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Lui, il était directeur général associé, il n'était pas loin.

M. Lefebvre: C'est important de rappeler, à chaque fois que c'est possible, que les députés qui, pour la plupart, travaillent entre 70 et 85 heures par semaine, gagnent à peu près 65 000 $ par année.

Le Président (M. Pinard): C'est ça, on gagnait beaucoup plus dans la pratique privée.

M. Lefebvre: Et, pour certaines personnes dans le Québec, c'est encore trop. Il faudrait payer pour être député.

M. Ménard: Et à ce moment-là on aurait le patronage, comme on l'a eu dans les années où ils n'étaient pas payés. Ça, je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Lelièvre: Une dernière question?

Le Président (M. Pinard): Alors, oui, il nous reste une minute. Je vais prendre la dernière question. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: À moins que M. le ministre... Je peux toujours la lui poser en d'autre temps. À moins que le ministre ait d'autre chose à rajouter en conclusion. Je suis prêt à lui laisser la dernière minute qui reste, M. le Président.

M. Ménard: Bon. Je voudrais simplement peut-être, avant de terminer, vous remercier de vos questions pertinentes. Les quelques affrontements que nous avons failli avoir démontrent plutôt l'intérêt. Je pense que tout s'est bien déroulé. Pour moi, c'était mon premier examen du type. Je l'ai apprécié. Merci.

M. Lefebvre: Je vous remercie, M. le ministre. Je remercie évidemment mes collègues, je les salue, et ceux et celles qui vous accompagnaient, M. le ministre.


Engagements vérifiés

Le Président (M. Pinard): Alors, au terme du temps prévu, je déclare que les listes d'engagements financiers pour les mois d'octobre 1994 à octobre 1995 sont vérifiées. En conséquence, la commission a complété son mandat.

Alors, je tiens à remercier tous les intervenants, tous les députés, M. le ministre, ainsi que vos fonctionnaires qui se sont déplacés pour venir assister à la liste des engagements. Maintenant, j'ajourne tout simplement les travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 49)


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