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Version finale

35th Legislature, 1st Session
(November 29, 1994 au March 13, 1996)

Tuesday, May 23, 1995 - Vol. 34 N° 43

Audition du Directeur général des élections


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Table des matières

Précisions sur le mandat de la commission

Déclarations d'ouverture

Discussion générale

Remarques finales


Autres intervenants
M. Sylvain Simard, président
Mme Céline Signori
M. Roger Lefebvre
M. David Payne
M. Thomas J. Mulcair
M. Jean-Marc Fournier
M. Rémy Trudel
Mme Margaret F. Delisle
    Note de l'éditeur: La commission a aussi siégé en après-midi et en soirée pour l'étude détaillée du projet de loi 79. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats


(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Simard): Je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat de cette commission. La commission est réunie afin d'entendre le Directeur général des élections, afin que ce dernier explique la teneur des propos tenus à la conférence de presse du 15 mai dernier.

M. le secrétaire, voulez-vous annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Malavoy (Sherbrooke) est remplacée par M. Pinard (Saint-Maurice), M. Ciaccia (Mont-Royal) par M. Paradis (Brome-Missisquoi).


Précisions sur le mandat de la commission

Le Président (M. Simard): Merci. Avant de passer la parole, dans un premier temps, au Directeur général des élections, je vais essayer d'expliquer le fonctionnement de notre commission aujourd'hui. D'abord, rappeler que, si le ministre a confié cette audition à la commission, c'est que les parlementaires qui sont membres de cette commission ont à coeur, au premier chef, la défense des institutions parlementaires, et tout ce qui touche les parlementaires eux-mêmes a une incidence très grande sur la défense des institutions. On ne peut pas distinguer une abstraction que seraient l'Assemblée nationale et les institutions parlementaires de la réputation et de la considération que le public peut avoir à l'égard des parlementaires.

Alors, c'est pour ça que, ce matin, nous sommes, nous, conviés à discuter ensemble et à écouter le Directeur général des élections à propos des propos qu'il a tenus lors d'une conférence de presse, le 15 mai dernier. Cependant, il est bien clair qu'il ne s'agit pas ici de quelque forme de procès que ce soit. Il s'agit d'un échange entre personnes de bonne volonté qui veulent expliquer leur point de vue, entendre celui du Directeur général des élections, et faire savoir ce qu'ils en pensent. Alors, je compte sur la collaboration de tous les membres de cette commission pour que le débat soit le plus serein et le plus correct possible.

(10 h 10)

Alors, dans un premier temps, si vous le voulez bien, je vais donner la parole à M. Côté, Directeur général des élections, qui va, selon la motion même de notre rencontre d'aujourd'hui, nous expliquer le contenu de sa conférence de presse du 15 mai. Est-ce que tout le monde a le texte de cette conférence de presse?

Une voix: On l'a eu.

Le Président (M. Simard): Je pense qu'on l'a. Oui. Bon. Alors, M. Côté, vous avez besoin de combien de temps à peu près? Une dizaine de minutes?

M. Côté (Pierre-F.): Au plus, M. le Président...

Le Président (M. Simard): Bon.

M. Côté (Pierre-F.): ...d'autant plus que le texte que je vais lire est en train d'être distribué.

Le Président (M. Simard): Bon.

M. Côté (Pierre-F.): Un exemplaire est distribué à chacun des membres de la commission.

Le Président (M. Simard): Alors, à vous la parole.


Déclarations d'ouverture


M. Pierre-F. Côté, Directeur général des élections

M. Côté (Pierre-F.): Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, j'ai constaté, la semaine dernière, que le fait d'exprimer des réflexions sans l'appui d'un texte écrit peut jouer de vilains tours. Je m'empresse d'en tirer une leçon immédiate. Je préciserai aujourd'hui ma pensée en m'appuyant sur un texte écrit, que vous avez d'ailleurs en main présentement.

En premier lieu, je désire présenter mes excuses les plus sincères à tous les membres de l'Assemblée nationale qui se sont sentis offensés, à juste titre, par les termes utilisés lorsque j'ai soutenu certains propos lors de ma conférence de presse du lundi 15 mai 1995. Je réitère ce que j'ai affirmé alors, en le soulignant davantage maintenant, qu'aucune infraction n'a été commise à ce chapitre pendant la dernière période électorale et que chacun d'eux a respecté la directive que j'avais émise. Cette précision s'impose, car c'est un des points sur lesquels j'ai été bien clair dans ma prise de position. J'ajoute n'avoir aucun doute sur la probité et l'honnêteté de tous les députés.

Vous savez que j'agis à titre de personne désignée par l'Assemblée nationale. À ce sujet, il m'apparaît nécessaire de rappeler certains faits de l'histoire. La Chambre des communes, c'est-à-dire l'assemblée des représentants dans le système démocratique de la Grande-Bretagne, dont le nôtre s'inspire, a longtemps conservé pour elle toutes les décisions en matière électorale. Mais, graduellement, elle a délégué la majorité de ses pouvoirs en ce domaine à une personne qu'elle a désignée afin d'éviter, en particulier, toute apparence de conflit d'intérêts ou toute intervention de nature partisane, par exemple dans l'administration des scrutins et dans la délimitation des territoires des circonscriptions électorales.

La Loi électorale actuelle confie au Directeur général des élections de nombreuses responsabilités à l'égard des candidats et des élus; elle est également orientée vers la protection des électeurs. Lorsque, dans l'exercice de mes fonctions, je crois que certaines lois, directives ou certains règlements soulèvent des interrogations, j'aurais nettement l'impression de manquer à mon devoir si je ne vous le signalais pas de même qu'au public en général et en particulier aux électeurs, envers qui le Directeur général des élections est également imputable. Tout ce que j'ai voulu faire, lors de ma conférence de presse annuelle sur les états financiers des partis politiques, c'était de provoquer une réflexion sur les avantages financiers dont disposent les principaux partis politiques et sur une certaine inégalité qui m'apparaît exister entre les grands partis et les tiers partis qui voudraient émerger. J'ai créé la confusion par manque de précision, je le regrette.

C'est dans cette partie-ci que je soumets une amorce de réflexion. Il faudrait la continuer. Il faudrait songer à des perfectionnements, à des améliorations, à l'établissement de paramètres pour constamment bonifier notre système démocratique. C'est un travail qui ne sera jamais terminé. Même si notre système actuel en est un haut de gamme, qu'il est même exportable, il faut être vigilant non seulement pour maintenir sa qualité, mais aussi pour l'améliorer dans toute la mesure du possible.

La question de fond qui me préoccupe, celle-là même sur laquelle s'impose une réflexion commune, réside dans l'équité du système de financement politique tel que nous le connaissons en 1995. Qu'est devenu ce système au fil des ans et des différents amendements législatifs? Je crois que le système électoral, que les législateurs québécois ont adopté et qu'ils ont toujours eu la constante préoccupation d'améliorer, habituellement sur une base consensuelle, est devenu suffisamment mûr et suffisamment solide pour que nous puissions nous permettre d'examiner avec un relatif détachement les problèmes potentiels que recèlent certaines dispositions touchant le financement politique. En ce qui concerne les deux programmes qui ont servi d'exemple en conférence de presse, je répète qu'il n'y a pas eu infraction, comme je l'ai mentionné précédemment. En effet, la requête que j'ai faite auprès des députés sortants de ne pas utiliser les fonds de différents programmes lors de la dernière élection générale a été suivie correctement. Par ailleurs, il n'y a pas de doute dans mon esprit que les deux programmes auxquels j'ai fait allusion se réalisent conformément aux règles établies, selon les propos tenus par les leaders parlementaires à l'Assemblée nationale. Le terme «patronage» n'est pas applicable en l'occurrence. Je me rends compte, M. le Président, qu'il n'est pas parlementaire et, avec votre permission, je désire le retirer, puis je m'en excuse à nouveau.

Une vigilance constante s'impose et je considère qu'il est du devoir de tous de l'exercer. Il est aussi de mon devoir de veiller à ce que les principes d'équité qui sous-tendent toute législation sur le financement soient respectés. S'il m'est relativement facile d'appliquer les dispositions touchant le scrutin parce que plus simples, il n'en est pas de même des dispositions touchant le financement parce qu'elles sont plus complexes. Pourquoi soulever ces questions maintenant? Parce que, comme je l'ai souligné, la participation de l'État québécois à l'aide financière globale dont bénéficient les partis politiques et les députés est de plus en plus importante.

Cette aide financière se présente sous deux aspects. Le premier comporte les éléments suivants: une allocation annuelle aux partis politiques, le remboursement partiel des dépenses électorales des candidats et des partis politiques, le remboursement aux électeurs d'une partie de leur contribution sous forme de crédits d'impôt, le non-assujettissement aux dépenses électorales du personnel d'un député ou d'un cabinet du ministre.

Le deuxième aspect, qui relève du Parlement mais qui est relié au premier, se traduit par le paiement des services de recherche des députés et des partis politiques par l'Assemblée nationale. Ces deux facettes de l'aide financière méritent réflexion. De plus, je considère, à tort ou à raison, que d'autres programmes sont d'une nature telle qu'ils peuvent être assimilés à une forme d'aide aux députés. Il s'agit, par exemple, des deux programmes dont j'ai traité, soit le programme Support à l'action bénévole, puisque entièrement contrôlé par les députés, et, dans une moindre mesure, puisque ces derniers sont impliqués mais sans avoir le contrôle, le programme d'aide à l'amélioration du réseau routier.

Pourquoi faut-il, à mon avis, s'interroger et réfléchir à l'égard de l'ensemble de la situation? Je me suis déjà interrogé là-dessus en mai 1991. Je disais alors, en parlant plus particulièrement des programmes d'aide à l'action bénévole, que la question n'est pas de savoir si ces fonds sont distribués légalement, mais si ce pouvoir ne constitue pas un avantage exagéré pour un député en place sur les autres candidats lors d'élections générales.

Je m'interrogeais sur l'équité de cette façon de procéder en regard de la Charte des droits et libertés. Aujourd'hui, je constate que l'ensemble de l'aide financière, y compris les programmes, semble favoriser les grands partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Il faut sérieusement se demander quel impact cela produit chez les tiers partis et sur la possibilité de chances égales pour tout électeur qui veut briguer les suffrages de façon comparable à tout autre. Par exemple, est-ce équitable? La démocratie pourrait-elle être mieux servie si les règles permettant la mise sur pied d'un nouveau parti politique étaient revues? La répartition des fonds publics pourrait-elle éventuellement leur venir en aide? Ne devrait-il pas y avoir des exigences minimales au remboursement des dépenses électorales des partis politiques? Il y a là matière à interrogation et à réflexion. Pour ma part, je considère qu'il est de ma responsabilité de soulever tous ces aspects. Ce n'est pas facile à résoudre, d'autant plus que cela place les législateurs dans une position à tout le moins délicate.

Je me réjouis de l'intention qu'a manifestée le ministre responsable de la Réforme électorale de tenir une vaste consultation sur l'ensemble de la Loi électorale. Je me ferai un devoir d'y apporter toute ma collaboration et d'essayer, en particulier, de suggérer des éléments de solution aux diverses questions que je viens à nouveau de formuler. J'espère, M. le Président, avoir répondu aux attentes des membres de cette commission, soit d'expliquer les propos que j'ai tenus lors de la conférence de presse du 15 mai dernier.

(10 h 20)

Je termine en citant un éditorialiste: «La seule façon de maintenir la démocratie en santé, c'est de ne jamais perdre de vue à quel point elle demeure toujours fragile.» Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. Côté. Nous allons donc procéder maintenant de la façon suivante. Je vais d'abord laisser la parole, du côté gouvernemental, au ministre responsable de la Réforme électorale et leader en Chambre, M. Chevrette, pour laisser ensuite la possibilité de remarques préliminaires aussi au porte-parole de l'opposition, vice-président de la commission, M. Sirros, et ensuite donner la parole alternativement, selon les demandes qui me seront faites. Il est évident que, puisque M. Côté est ici pour expliquer le contenu de ses déclarations, il est loisible à tous les membres, par mon intermédiaire, d'amorcer un dialogue, de poser des questions, de tenter d'obtenir de M. Côté, par exemple, des précisions sur des questions qu'ils auraient. Donc, je serai extrêmement souple dans l'application de nos règles de fonctionnement. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui. M. le Président, je crois que le texte écrit présenté par le Directeur général des élections est assez clair, assez précis. De mon côté, je voudrais, dans un premier temps, expliquer ma réaction parce que je considère que les hommes et les femmes politiques ont énormément de problèmes avec la question de crédibilité dans l'opinion publique et ce n'est pas... En tout cas, je crois qu'on doit être fortement majoritaires, ceux et celles qui trouvent inconcevable qu'on puisse, avec le travail qui est fourni de plusieurs dizaines d'heures, pour ne pas dire une centaine d'heures par semaine, en quelques instants, de la part d'une autorité de haut niveau... Ça ne vient pas d'un journaliste qui interprète, ça ne vient pas d'une personne qui se permet de dire n'importe quoi sur les ondes parce qu'il est animateur – puis je ne le nommerai pas, ça va lui faire plaisir – ça vient de quelqu'un en autorité, puis quelqu'un en autorité qui a de la crédibilité, d'autant plus qu'il a été élu par l'Assemblée nationale. Donc, moi, je voudrais vous expliquer très clairement que ma réaction fut d'autant plus vive qu'elle venait de quelqu'un qui a la confiance de l'Assemblée nationale, qui est élu par les deux tiers de l'Assemblée nationale, donc... et en particulier face à ces deux programmes qui existent depuis des décennies; avant même qu'on ne crée la Direction générale des élections au Québec, ça existait.

Je ne veux pas dire non plus qu'il n'y a pas, de temps à autre, des accrochages au niveau de ces programmes-là. Mais, personnellement, lorsque j'ai présenté les crédits, et certains s'en rappelleront des deux côtés de cette table... C'est la responsabilité de l'élu, et, personnellement, M. Côté, je considère que, même s'il y avait une gaffe de temps à autre, même s'il y en avait une, il ne faut surtout pas faire une règle générale et dire que ça peut être interprété de façon que ce n'est pas acceptable par les parlementaires. Même votre analyse, au niveau des questions posées, elles se posent, ces questions, mais elles se posent d'abord par l'organe qu'on s'est donné, qui est le Comité consultatif, où tous les partis politiques sont représentés: l'ADQ est là; le Parti libéral est là; le Parti québécois est là. Je pense que c'est ce qui a fait la richesse de la réforme électorale. C'est qu'on est allé par consensus sur les grands principes, en tout cas, de base, au niveau de ce Comité-là, au cours des ans. Il y a eu quelques législations; il y en aura probablement d'autres qui seront adoptées sans qu'il y ait un consensus global. Mais, dans la population du Québec, il y a des idées qui ont franchi des pas de géant parce qu'on a su la sensibiliser à partir de situations concrètes.

Donc, je pense qu'en temps et lieu on va permettre une expression d'opinion sur des points précis, effectivement, que vous soulevez, pour les tiers partis, et tout ça. Mais, moi, personnellement, quand on responsabilise le député face à un programme quelconque, il ne faudrait pas qu'on en arrive à des situations où le député ne peut plus exercer aucun jugement, en aucun temps, et par rapport, surtout, aux sommes impliquées. Je vais l'expliquer, les deux, parce que c'est charrié dans l'opinion publique, ça.

La voirie. Prenons la voirie pour commencer. Sur 50 000 000 $, il y en a à peu près 10 000 000 $ de discrétionnaires, mais, encore là, c'est à la suite d'une consultation du député. Le député ne fait que recommander. Il n'y a aucune manipulation, ni de chèques ni de quoi que ce soit. Il reçoit sa feuille et, des fois, il ne la reconnaît pas. Il ne reconnaît pas ses recommandations. Je peux vous le dire, moi. Ça fait 18 ans que je... et je peux vous dire que je ne reconnais pas toujours les priorités que j'ai données dans mon comté. Donc, au niveau de la voirie, tout jugement qui pourrait être porté, à mon point de vue, est erroné par rapport au fonctionnement de ce budget.

Quant à l'action bénévole, Support à l'action bénévole, c'est la deuxième fois que j'ai à le gérer. Je l'ai géré comme ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de 1981 à 1984, puis je le gère présentement. Je vous avoue très honnêtement et très sincèrement que, si on croit que ça peut influencer l'électorat... j'en connais de ce bord-là puis vous en connaîtriez de ce bord-ci. Parce que, moi aussi, j'ai été au pouvoir puis je suis retombé dans l'opposition. Donc, 100 $ pour soutenir l'effort bénévole d'un milieu, 200 $, 300 $. Les grosses sommes vont sur les immobilisations dans un comté. Quand on donne 5 000 $ ou 10 000 $, c'est pour la réfection d'un centre communautaire, d'un centre de loisirs ou bien pour bâtir un terrain de tennis ou bien... mais c'est pour des immobilisations quand il y a des sommes assez importantes. Le reste, ce n'est, entre vous et moi, que dérisoire.

S'il y a quelque chose... Moi, personnellement, je vous avoue que je n'ai jamais compris que ça avait une incidence politique. Pourquoi? Tu as deux fois plus de demandes que tu es capable d'en donner. Donc, tu indisposes plus de monde pour une valeur de 100 $, 200 $ ou 300 $. Il faut le vivre concrètement sur le terrain, et, ça, je veux le clarifier, ce point-là. Puis on donne des 100 $ à du monde qui travaille des 600 heures de bénévolat pour organiser une ligue de balle dans une municipalité, pour permettre à un club de l'âge d'or de tenir telle activité, pour permettre à une société de généalogie de se payer quelques feuilles de papier. Il faut regarder cela.

Et je suis heureux que vous retiriez du vocabulaire que vous avez utilisé le mot «patronage». Je considère, personnellement, que c'était nettement incorrect. Je reconnais que vous le reconnaissez, donc je vous en félicite, mais je dois vous dire que c'est quasiment faire injure à l'intelligence que de penser que quelqu'un peut faire du patronage avec du support à l'action bénévole. Celui qui sera assez bête parmi nous, de quelque côté de la Chambre que ce soit, pour faire ça, bien, il aura la sanction. Il aura la sanction politique parce que c'est vrai qu'un ministre... Je ne peux pas le contrôler, moi, personnellement, et je l'avoue très candidement. Comment voulez-vous que je contrôle une enveloppe qui est donnée à coups de 100 $, 200 $ puis 300 $ par député? Pensez-y 30 secondes. C'est impossible. C'est impossible à faire. Je ne me mettrai pas à vérifier à chaque fois.

Je pense que l'élu dans son comté doit exiger des preuves minimales. Il exige de voir, par exemple, s'ils ont une petite charte, quel est l'objectif; il y en a qui exigent même des rapports. Bien, ça, c'est... Chacun est maître de ses propres décisions de contrôle et tout, et c'est, dans ce sens, la responsabilisation de l'élu. Donc, il faut voir... Puis, si vous en voulez, des exemples, je suis prêt à en donner à la tonne, des choses qui se sont faites avec ces petits programmes là. Et c'est beaucoup plus l'encouragement par rapport aux millions d'heures de bénévolat qui se font dans le domaine du loisir sous toutes ses formes, dans le domaine du loisir associatif, dans le domaine du loisir sportif, dans le domaine du loisir culturel, dans le domaine du bénévolat qui se fait même dans des hôpitaux. Il y a des comités de bénévoles qui viennent nous demander 200 $ pour... Ils achètent du lait ou des petits biscuits pour les parents qui sont en soins palliatifs avec quelqu'un qui est touché. Je l'ai vécu. Donc, je sais ce que je dis. Puis, quand je donne 200 $ pour ça, je considère que je ne fais que reconnaître l'action bénévole, que je ne fais pas de patronage de quelque manière que ce soit.

(10 h 30)

Donc, je vous avoue que, moi, ça m'a fait mal, comme politicien qui a 18 ans en cette Chambre. Ça m'a fait très mal, au point que, comme leader, même si j'étais responsable politique, entre guillemets, de ce secteur d'activité parlementaire, je n'ai pas hésité à prendre position parce que c'est trop facile, dans l'espace de 30 secondes, d'amplifier la non-crédibilité des hommes et des femmes politiques. Ça prend assez de temps à bâtir, ça prend assez de temps à essayer de convaincre les citoyens – c'est important d'avoir la confiance en nos institutions puis en nos hommes et nos femmes politiques – qu'on ne peut pas tolérer de quelque côté de la table que ce soit... Et là je remarque que, sur ces points-là, M. le Directeur général des élections, il n'y a jamais... j'ai toujours observé ça dans mes 18 ans de vie politique, il y a toujours une solidarité face à la crédibilité. Et, ça, je pense qu'on doit reconnaître que le Parlement a cette sagesse-là de ne pas sombrer dans la partisanerie politique quand il s'agit de la crédibilité des institutions. Et je suis très heureux de le constater une fois de plus. Ça confirme que, sur cela, il y a une sensibilité extrême de la part de tous les parlementaires. Mais je dois vous dire que ceci ne nous empêche pas, bien sûr, et ne nous empêchera pas de continuer à travailler dans des comités consultatifs qui sont voués à cette fin-là pour améliorer notre système électoral, le rendre le plus correct possible, de prendre des moyens modernes pour y arriver, des moyens de contrôle corrects. Puis je crois qu'on va maintenir les systèmes de directives qui émanent du DGE parce que c'est important qu'il y ait des mises en garde. Celui ou celle qui ne s'y conformerait pas, bien, elle en paiera la facture d'abord politique puis, si c'est pire, elle en paiera la facture juridique, un point c'est tout.

D'ailleurs, vous vous rappellerez qu'en décembre on a donné le mandat précisément de préparer un document qui puisse servir de base à une discussion sur l'ensemble des points qui avaient été soulevés par M. le député de Rivière-du-Loup, par des députés libéraux siégeant sur la commission et même des députés de notre côté. Donc, n'eût été, je pense, le fait qu'on n'en soit pas encore rendu à adopter la loi 40... j'avais pris, effectivement, l'engagement de tenir une commission parlementaire assez élargie sur des points nouveaux, par exemple les élections à date fixe. Je ne me souviens pas lequel, je pense que c'est Mario Dumont, de Rivière-du-Loup, qui l'avait proposé, avec certaines mesures à regarder pour les tiers partis éventuellement. Là-dessus, il y a une ouverture totale de notre part. Puis je dois considérer, en tout cas, que ce qui peut avoir été, comment dirais-je, pas un excès de langage, mais... Je n'ose pas le qualifier. Je pense que vous l'avez corrigé. Donc, je ne veux pas ressombrer non plus dans... je ne veux pas retourner le fer dans la plaie pendant 40 ans. Quand un gars s'excuse, il s'excuse. De ceci, je prends acte. Mais je dois vous avouer que j'espère que ça servira de base dans notre façon de fonctionner, où on peut échanger de ces choses-là, mais ne jamais asseoir ça sur quelque chose qui, dans les faits, n'est pas réel.

J'avais pris la peine de vérifier, soit dit en passant, et je le dis devant tous les parlementaires, à quelle date M. Ryan avait arrêté de faire l'émission des chèques. C'est avant les élections, c'est clair. Il n'y a pas eu un chèque qui est sorti de mon ministère avant. Je l'ai dit en pleine Chambre. Donc, je le dis aussi aujourd'hui: Il n'y en a pas eu. Est-ce que quelques-uns l'auraient reçu avant puis ne l'auraient pas émis le jour des élections? C'est possible, mais, moi, je ne peux pas contrôler ça. Mais, de mon ministère, je suis obligé de vous dire qu'il n'y en a pas eu d'émis après l'émission des brefs. Donc, ça, ça a été tenu en compte. Il y en a peut-être qui avaient un chèque qui traînait depuis une semaine avant, je ne le sais pas, là. Mais, ça, à mon point de vue, encore là, l'incidence sur le vote... Je dois vous dire que, bien souvent, il y a le président et le secrétaire qui savent qu'ils ont reçu 100 $.

Une voix: Ils trouvent que ce n'est pas assez.

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Il n'y a pas d'assemblée...

Donc, moi, M. le Président, je prends acte que le président-directeur général des élections retire les mots utilisés, qu'il s'en excuse sincèrement et que nous pourrons continuer à discuter de grands projets pour la réforme électorale, et ce, sans doute, dans une consultation beaucoup plus large, beaucoup plus élargie que le Parlement. Parce que, oui, j'ai dit que je le ferais, puis j'ai hâte de voir ce que les citoyens ont à dire, moi, sur des points très précis comme j'en donnais un tantôt, par exemple des élections à date fixe. C'est des sujets qui peuvent franchir des pas de géant en autant qu'on sensibilise la population et qu'on lui permet même de venir dire ce qu'elle pense. Donc, sur des thèmes du genre, là, j'ai l'intention d'ouvrir un large débat et, au besoin, de progresser, peut-être moins rapidement qu'on voudrait progresser, mais, au moins, à partir d'un consensus qui serait généralisé au Québec.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Il est assez rare qu'on ait cette belle unanimité en commission parlementaire, surtout ces jours-ci, avec le ministre qui est ici, que je pense que ça mérite d'être souligné. Si une telle unanimité peut exister, effectivement, M. le Président, c'est parce que, semble-t-il, le DGE a touché quelque chose sur lequel, des deux côtés de la Chambre, on est d'une très grande sensibilité.

Je partage entièrement l'ensemble des propos qui ont été dits par le ministre en ce qui concerne toute la notion de la crédibilité du travail et du rôle de député. C'est assez ingrat, souvent, comme métier, comme travail, que de se faire traiter de patroneux par quelqu'un, effectivement, avec la stature du DGE, au-delà de la surprise que ça peut causer au tout début, parce que, effectivement, le DGE n'est pas n'importe qui. Je crois toujours qu'il pèse très bien ses mots. Je ne suis pas de ceux qui croient qu'il y a des gestes qui sont posés de façon très spontanée, surtout quand je constate que ce n'est pas d'hier qu'il songe à cette question. Il nous dit lui-même qu'il pense depuis 1991 à cette affaire-là. Il s'excuse aujourd'hui, effectivement, puis on doit accepter ses excuses, puis on les accepte volontiers quant aux termes utilisés.

Mais je constate que, sur le fond, le DGE persiste en disant que, pour lui, il s'agit de programmes qui sont, et je dois le citer, «une forme d'aide aux députés», une forme d'aide aux députés qui... En tout cas, ça, ça indique pour moi qu'il persiste beaucoup de matière qui alimente ce que le DGE a dit, en choisissant peut-être des mots qui n'étaient pas les plus heureux et pour lesquels il s'en excuse aujourd'hui. Mais il est évident qu'il y a pour lui quelque chose de fondamental quant à l'existence de ces deux programmes-là, qu'il assimile à une forme d'aide non pas aux organismes bénévoles, non pas aux bénévoles, non pas, en ce qui concerne l'autre programme, au niveau des routes dans les milieux plus ruraux, non pas de l'aide aux municipalités, etc., mais une forme d'aide aux députés. Et le questionnement qu'il fait est relié à toute la notion de l'équité, si on peut parler ainsi, vis-à-vis de l'impact de ces programmes sur les tiers partis.

Ce qui m'a surpris beaucoup, c'est que l'impact de tels programmes, quand, comme le ministre le disait si bien, on les connaît de près, est tellement... Si, théoriquement, il pouvait exister un genre de corrélation ou de lien entre la visibilité que le député peut bien se donner et le résultat électoral, je pense... En tout cas, il faut tirer ça par les cheveux pour vraiment trouver une corrélation immédiate. Et, quand on pose cette question-là par rapport à l'impact que ça peut avoir sur les tiers partis en particulier, sans penser à des choses qui ont un impact beaucoup plus grand sur les tiers partis – je ne pense qu'à la proportionnelle, M. le Président – c'est plutôt à cause du fait que nous avons un système, comme on le connaît, à majorité simple, par circonscription, que les partis politiques existants, les deux grands partis politiques, sont favorisés. Et, ça, ça doit compter pour – je ne sais pas si on doit le quantifier – 99 % de l'effet que ça peut avoir au niveau de l'émergence ou de l'existence de deux grands partis politiques plutôt que trois, ou quatre, ou cinq. C'est beaucoup plus lié au système électoral qu'on a, beaucoup plus, beaucoup plus, énormément plus que par rapport aux 100 $, 200 $ ou 300 $ qu'on peut donner à un organisme quelconque.

(10 h 40)

Je disais que le DGE songe à cette question depuis 1991. Donc, je ne peux pas concevoir que ça a été tout simplement spontanément qu'il a ramené sur le tapis l'existence de ces programmes-là. Qu'il ait spontanément mal choisi ses mots, j'en conviens, et on accepte les excuses qu'il nous présente aujourd'hui, tout en lui soulignant que ça a causé quand même un tort important. Parce que le DGE est une personne désignée par l'Assemblée nationale, avec un rôle primordial par rapport à la protection, si vous voulez, de l'apparence de la démocratie et de la démocratie elle-même. Et, quand on sait, comme le disait si bien aussi le ministre, le peu de crédibilité dont peuvent jouir les députés et les élus face à la population, on se trouve toujours en bas de l'échelle, en quelque sorte, par rapport à l'estime que nos concitoyens peuvent avoir par rapport à nous, bien, c'est un tort énorme que le DGE a causé, avec les mots mal choisis qu'il a utilisés, mais se basant sur des perceptions qu'il doit avoir. Et c'est sur ça qu'on aimerait en savoir un peu plus long, nous, de notre côté tout au moins.

Comment est-ce qu'il voit ça? Est-ce que véritablement il a fait le lien entre, je ne sais pas moi, les élections puis les octrois qui auraient été donnés durant les diverses élections? Depuis 1991 qu'il songe à ça, est-ce qu'il a fait des études, est-ce qu'il a examiné de plus près cette situation-là pour qu'il revienne, quatre ans ou cinq ans plus tard, remettre la question sur le tapis? Sur quoi il s'est basé pour faire ce genre de déclaration? Même en faisant abstraction du mot «patronage», le fond doit demeurer que, pour lui, il y a un lien entre l'octroi des sommes et l'avantage que peut retirer un député par rapport à sa performance électorale éventuelle. On aimerait en savoir plus long. Moi, en tout cas, je trouve que le DG étant le personnage qu'il est et occupant le statut particulier qu'il occupe devant la société, étant nommé par l'Assemblée nationale sans fin de mandat, finalement, c'est quand même extrêmement préoccupant de voir, au moins à deux reprises, en 1991 et encore aujourd'hui, revenir sur le tapis ce genre de questionnement par rapport à des programmes qui, dans la réalité, moi, depuis 14 ans que je les vis, effectivement, sont plus souvent un paquet de troubles, si je peux parler ainsi, parce qu'il n'y a effectivement toujours pas assez d'argent pour donner à tout le monde, en tout cas pas assez pour couvrir les dépenses – de toute façon, vous savez à quoi je me réfère – en essayant de faire honnêtement et sincèrement le travail qu'on a à faire en tant que députés, qui doivent quand même jouir d'une certaine capacité d'évaluation quelconque des besoins que nous avons dans nos comtés, sinon on devrait devenir tout simplement des automates qui seraient là pour voter en Chambre sans aucun lien. Et là, souvent, selon la ligne de parti, sans aucun lien avec notre électorat, sans âme, sans jugement, sans...

Qu'il y ait des députés qui en abusent, de choses qui sont dans leur domaine de fonction, comme dans toute autre profession, il y en a toujours qui font bien leur travail, il y en a d'autres qui le font moins bien. L'avantage que la société a par rapport aux députés, c'est que nous sommes scrutés à la loupe. Regardez autour, ici aujourd'hui, chaque mot qu'on dit est pesé, chaque mot qu'on dit est rapporté, chaque geste qu'on pose est examiné. Les ministres doivent, devant l'Assemblée nationale, devant les commissions, rendre compte de la gestion qu'ils font des fonds, y inclus des fonds dont on parle actuellement. Les députés ne sont pas exempts pour autant de l'examen par les médias de chaque geste qu'ils posent. Puis on a vu dans le passé des situations rapportées qui ont ramené à l'ordre, si vous voulez, des gens qui auraient pu, des fois, s'écarter.

En général, moi, je crois que les députés sont le reflet à peu près très exact de la société en général. On n'est pas plus sains, on n'est pas plus méchants, mauvais, mieux que quiconque d'autre ailleurs. Mais, en plus de ça, et c'est pour ça que nous oeuvrons à la lumière de tout le monde, ouvertement, on doit donc, beaucoup plus que d'autres, assumer les conséquences de nos gestes parce que les conséquences de nos gestes sont constamment scrutées.

Alors, c'est pour ça que je pense que ce serait important, dans le temps que nous avons aujourd'hui, qu'on ait davantage d'information de la part du DGE sur le pourquoi de ses déclarations. Comment est-ce qu'il voit ces programmes-là comme étant assimilables à de l'aide aux députés? Pourquoi il en a parlé à l'intérieur de ce que l'État fait par rapport aux partis politiques? Quel est le lien qu'il peut y avoir entre l'impact sur les tiers partis, de ce genre de programmes, par rapport à d'autres facteurs beaucoup plus lourds, comme la proportionnelle, par exemple? Est-ce que, sérieusement, il croit que ce genre de programmes peut véritablement favoriser l'élection ou la réélection de députés à l'Assemblée nationale? Et est-ce qu'il peut, à ce moment-là, nous indiquer, depuis l'élection, tout au moins où je suis concerné, de 1981, 1985, 1989, 1994, où sommes-nous aujourd'hui? Comment ça se fait, à ce moment-là, que la majorité des députés libéraux qui étaient ici en 1989 ne se retrouvent pas ici aujourd'hui? Comment il se fait qu'il y a quand même un représentant d'un tiers parti qui a réussi, à cause des circonstances qu'on connaît, à passer à travers? Comment il se fait qu'ici, à Québec, il y a eu un indépendant qui n'a jamais utilisé...

Une voix: Il va t'expliquer.

M. Sirros: Oui, je suis sûr qu'il va m'expliquer ça, le représentant d'un tiers parti.

En tout cas, il y a une série de questions qui, véritablement, font en sorte que les déclarations faites par le DGE... On a énormément de difficultés – moi, en tout cas, j'en ai – à les prendre au sérieux. Et, si je suis rendu au point où je ne peux pas les prendre au sérieux, au-delà du fait que, peut-être, pour l'instant, le DGE s'est écarté, en termes de langage, j'aimerais ça au moins comprendre, de la part du DGE, c'est quoi qui l'a animé pour qu'il – délibérément, peut-être en choisissant mal ses mots, mais délibérément pareil – décide de mettre sur le tapis l'existence de ces deux programmes comme étant de l'aide aux députés. Il nous annonce aussi, il nous a annoncé en conférence de presse qu'il prépare une vaste étude sur ces deux programmes en particulier, peut-être dans le cadre d'une étude plus grande. Mais, moi, j'aimerais en savoir plus. Sur quoi il s'aligne? Quels sont les critères puis les paramètres qu'il examine? Comment est-ce qu'il le voit?

Alors, M. le Président, peut-être que j'arrêterai là pour qu'on puisse avoir l'occasion d'échanger sur l'ensemble de ces...

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député. Je vais, en terminant ces propos liminaires, laisser au député de Rivière-du-Loup quelques minutes pour prendre la parole. Ensuite, je demanderai au Directeur général des élections, puisqu'il y a eu un certain nombre de questions incluses dans les remarques préliminaires, qui appellent peut-être de sa part un commentaire ou une réponse, de pouvoir y répondre tout de suite. Et, ensuite, je passerai à la période d'échanges et de commentaires venant de l'ensemble des membres de la commission. J'ai déjà un certain nombre de gens qui m'ont demandé la parole, et je suivrai l'ordre de demande d'intervention, en respectant l'alternance. M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je tiens à souhaiter la bienvenue au Directeur général des élections aux travaux de notre commission. Je dois dire que je lisais la déclaration écrite que vous avez présentée et dans laquelle vous nous dites que vous précisez votre pensée. C'est plus ou moins de cette façon-là, je dois vous dire, que, d'entrée de jeu, j'avais compris vos propos. J'avais personnellement senti que l'utilisation d'un certain terme débordait peut-être le cadre de votre intervention, que le centre de l'intervention n'était pas ça, mais bien la nécessité de se poser des questions puis la nécessité de revoir de quelle façon on peut s'assurer que l'ensemble du financement de l'État et des règles qui entourent le travail du Directeur général des élections, des règles de financement de l'État aux différents partis, peuvent être administrées.

(10 h 50)

Je pense qu'il n'y a personne qui a vu, à travers les questions que vous avez posées, que vous étiez contre l'action bénévole en elle-même ou que vous vouliez disqualifier le jugement des députés sur leur capacité d'aider des groupes. Ma compréhension, c'est que la véritable question à laquelle, je pense, il faut tous se ramener le plus vite possible – parce que c'est ça, finalement, l'essentiel de ce qui doit nous animer comme députés, et c'est sûrement ce que la population, qui a vu les déclarations, qui peut les juger parmi d'autres, attendrait de ses élus à ce stade-ci devant des déclarations comme celles-là – c'est de voir quelles actions les gens sont prêts à entreprendre.

Quant à la nécessité d'une réforme électorale, moi, j'ai eu l'occasion de m'exprimer assez souvent là-dessus, sur les règles de financement des partis politiques. Les questions que vous avez soulevées, il y en a certainement d'autres qu'on pourrait soulever: Est-ce que les représentants à la table, le jour du vote, doivent être rémunérés par l'État, alors qu'ils représentent un candidat? Si oui, est-ce qu'il est sain que ce soit seulement les représentants de ceux qui ont fini premier et deuxième lors de la dernière élection qui soient représentés? Alors, de quel droit l'État... Si le représentant a une fonction dans notre système démocratique de s'assurer que l'élection se déroule normalement, de protéger que le vote de chaque candidat soit bien compté – moi, je l'ai toujours compris comme ça – bien, à ce moment-là, est-ce qu'il est normal que, par exemple, dans le comté de Rivière-du-Loup, à la dernière élection, il y avait 140 sections de vote environ, mais il y avait 140 représentants libéraux qui repartaient le soir avec un chèque, 140 représentants péquistes qui repartaient le soir avec un chèque et 140 représentants de l'ADQ – qui récoltait, au moment même où cette journée-là se tenait, 55 % du suffrage populaire – qui repartaient avec zéro, qui le faisaient bénévolement?

C'est des questions qui méritent d'être posées au même titre que: Est-ce que, dans des comtés où notre parti n'a pas remporté l'élection, où d'autres partis n'ont pas remporté l'élection, qui représentent donc 10 %, 15 %, 20 % de la population, qui repartent à l'élection suivante à zéro dans un comté, au niveau des représentants, si tant est que les représentants doivent être rémunérés, ce qui, dans mon esprit, reste encore à démontrer... C'est des questions qui se posent. Les avances de fonds? Encore là, ceux qui ont fini premier et deuxième à la dernière élection, qui, nommément, dans une réunion du comité consultatif, disaient: Bien, ce n'est pas aux partis politiques de supporter les frais d'intérêts s'ils doivent emprunter pour financer leur campagne électorale... Encore là, dans mon esprit, c'est loin d'être clair que les partis n'ont pas à supporter les frais d'intérêts. Je veux dire que, dans notre cas, dans le comté de Rivière-du-Loup, parce que la campagne de financement avait, à un certain moment, du retard sur les dépenses, il y a eu marge de crédit, et on a supporté nos frais d'intérêts parce qu'on n'avait pas droit à ces avances de fonds.

Un peu partout dans la Loi électorale, donc la présence de ces termes-là, de ceux qui ont fini premier et deuxième à la dernière élection, ça revient. Il y a une formulation – je ne l'ai pas très précisément – dans plusieurs articles de la loi; la même formulation revient. Est-ce que ce n'est pas insérer dans la loi électorale, très précisément, la notion de bipartisme? Ce qui n'était visiblement pas du tout dans l'esprit du législateur – c'était la loi 2, je pense, qui créait le poste de DGE et qui instaurait toutes les règles qu'on connaît aujourd'hui – ce qui n'était certainement pas dans l'esprit de René Lévesque au moment de faire adopter la loi 2.

Alors, c'est des questions qui se posent, encore plus compte tenu de l'aide de l'État en quantité sous les différentes formes sur lesquelles on la connaît et sur lesquelles, je pense, il n'y a pas un parti politique plus qu'un autre qui est interpellé. Je pense que votre intervention ne visait pas plus le gouvernement actuel que le gouvernement précédent; votre intervention se faisait dans une perspective un peu plus générale pour raviver l'idée de réforme électorale.

Je veux dire que, même sur la question du programme Support à l'action bénévole, là, pour prendre un exemple, bien, que je partage... Parce que, moi-même, je le vis puis je peux vous dire que ce n'est pas toujours une occasion de se rendre populaire, parce que, quand les gens viennent vous dire: On aurait besoin de 2 000 $ parce que tous nos équipements sont à terre, puis qu'on n'a même pas la moitié de ça à leur donner, tu te mets relativement populaire dans des circonstances comme ça.

Mais les questions méritent quand même d'être posées sur ce sujet-là. Parce que vous avez simplement entrouvert la porte à des questions, mais est-ce qu'il ne serait pas justifié, exemple, qu'à la veille du déclenchement d'une campagne électorale – bien que la règle actuelle est qu'en temps de campagne on dépense plus de cet argent-là – bien, qu'on dise à ce moment-là... qu'on rende publics les pourcentages dépensés? Donc, que, dans certains comtés, il ait été dit clairement que – bien, le 24 juillet que l'élection a été déclenchée? 22, 24, là, ça m'échappe – à ce moment-là, dans le comté X, le député avait dépensé 97 % des sommes engagées pour l'année électorale en cours – alors, transparence – que le député explique qu'il les a dépensées à bon escient. Que ça ait été 97 % parce qu'il a voulu le faire en début d'année, les gens jugeront. Mais le simple fait, comme ça, la transparence, aura voulu que la proportion dépensée à ce moment-là de l'année ait été exprimée, ce qui va forcer – on ne se fera pas de cachette – les gens à faire un peu plus attention et, s'il y a 40 % de l'année de passé, il y aura peut-être 42 % des sommes de dépensés, mais pas 100 % et pas 95 %.

Alors, j'ai senti que ce genre de réflexion là que vous vouliez soulever – peut-être pris un peu dans ce qu'on appelle parfois l'aspirateur des médias, qui en tirent un peu plus que ce qui était prévu – ça s'est retourné de la façon qu'on le voit aujourd'hui. Je dois vous dire, cependant, que, pour ce qui est de raviver la réforme électorale, on dit toujours: Pour vaincre l'inertie, c'est là que ça prend le plus gros coup d'énergie. Peut-être que vos déclarations, qui ont finalement secoué un peu toute la baraque et dont les éclaircissements d'aujourd'hui ne sont pas inutiles – au contraire, ils sont tout à fait utiles, et les précisions du leader et du critique de l'opposition sont certainement utiles pour remettre les choses en perspective – ça aura au moins eu l'effet positif... parce qu'il faut retenir, en toute chose, ce qu'il y a de fort positif et, dans ce cas-ci, ça a remis à l'ordre du jour la nécessité de la réforme électorale, sur laquelle... On devait, dès l'automne passé, s'engager dans une réforme complète, si je me fie au discours inaugural du premier ministre. C'est devenu rapidement une simple liste électorale permanente. Même ça, pour des raisons qu'il serait trop long d'expliciter, on n'est pas très avancé là-dessus. On devait faire ça cet automne, reprendre des auditions publiques et une réforme plus large ce printemps. Or, on sent qu'il y a une certaine lenteur là-dedans. Si vos interventions ont pu au moins raviver ça, elles n'auront pas été inutiles dans l'histoire politique du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Alors, tel que je l'avais indiqué tout à l'heure, je demanderais maintenant au Directeur général des élections, à ce moment-ci, s'il veut intervenir, de faire ses remarques, et nous passerons ensuite à la période d'échange.


M. Pierre-F. Côté (réplique)

M. Côté (Pierre-F.): De façon très générale, M. le Président, je veux remercier les représentants des partis politiques qui viennent de s'exprimer...

Le Président (M. Simard): Je demanderais à tout le monde d'être attentif. On ne s'entend plus.

M. Côté (Pierre-F.): J'ai l'impression, vraiment, qu'on est sur une même longueur d'onde, je dirais. Quant à la demande du représentant de l'opposition de préciser ma pensée sur les programmes en question, je vais vous avouer, au risque de ne pas répondre en commission parlementaire... de faire la suggestion suivante: D'abord, je ne me considère pas en possession tranquille de la vérité; ce serait un peu sot d'avoir cette réaction-là. Et j'ai déjà fait part, je pense que ce serait la meilleure façon, que je soumettrais des commentaires. Mais je pense que la meilleure façon de les soumettre... Vous savez, j'ai réalisé, avec ce qui s'est passé la semaine dernière, qu'une des meilleures façons c'est de le faire par écrit. Ce texte-là, par exemple, ne semble rien, mais c'est quand même la quinzième version depuis mercredi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Pierre-F.): Il n'y a pas un mot qui n'a pas été pesé. Je pense que ce serait préférable, si les députés de l'opposition étaient d'accord avec moi, que je soumette, dans ce domaine-là, une réflexion écrite, plus approfondie, sur laquelle on pourrait être d'accord ou ne pas être d'accord. Je pense que les explications, en partie, qui ont été fournies ce matin apportent définitivement un éclairage beaucoup plus précis sur l'application de ces programmes et que, moi-même, si je fais encore des réflexions ou des commentaires là-dessus, je les ferai certainement, à partir d'aujourd'hui, avec beaucoup plus de nuances, parce qu'il y a des précisions fort importantes qui ont été exprimées.

Le Président (M. Simard): Alors, la première intervenante, Mme la députée de Blainville, Mme Signori.


Discussion générale


Fonctions et pouvoirs du Directeur général des élections et rôle du député

Mme Signori: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureuse de cette occasion qui m'est donnée de clarifier ici, devant mes collègues et devant M. Côté, les objectifs du programme Support à l'action bénévole, parce que c'est vraiment de ça qu'il s'agit, pas vraiment d'un programme d'aide aux députés en vue d'une réélection.

(11 heures)

Pour avoir été de l'autre côté de la barricade dans mon autre vie, c'est-à-dire que, moi, j'ai fondé une association à but non lucratif, et pour avoir profité de ces programmes-là, je peux vous garantir, en partant, que ce n'est pas ça qui m'a fait voter pour le député qui m'avait accordé ça, parce que les sommes sont vraiment minimes. Et chacun de mes collègues, je crois, a sa forme... C'est un programme qui est discrétionnaire, donc on le distribue comme on veut.

Moi, je voudrais clarifier, parce que j'ai des comptes à rendre à mes électeurs. Ils ont un formulaire à remplir pour pouvoir recevoir ça. Ils doivent spécifier dans ça quel est le but de leur demande et à quel programme ils affecteront ces sommes-là. J'ai une préférence marquée pour tous les organismes qui aident spécifiquement les gens les plus démunis, c'est-à-dire les personnes âgées, les jeunes, les familles qui vivent dans la pauvreté. J'ai moins de préférence pour les organismes qui s'occupent de sport parce qu'il y a d'autres organismes qui s'occupent de ça.

Alors, je suis contente de clarifier ça puis que vous l'ayez clarifié aussi, M. Côté, parce que, moi-même ayant déjà été victime de chantage par rapport à une subvention, ce que j'avais d'ailleurs dénoncé publiquement, je ne pense pas que j'embarquerais dans des programmes où on pourrait utiliser ça. J'ai confiance que tous les collègues députés font la même chose aussi. On a des sommes à donner. Ce n'est pas avec des 100 $, 200 $... Comme mes collègues l'ont mentionné, c'est très rare qu'on va jusqu'à un montant de 1 000 $. On ne peut pas acheter des organismes communautaires pour des montants aussi minimes.

Alors, j'espère qu'on va rétablir la crédibilité, à tout le moins des députés, aux yeux du public en regard de ces programmes-là. Ce n'est vraiment pas un programme d'aide aux députés. Je le répète encore, c'est un support à l'action bénévole et, pour nous, c'est une reconnaissance de l'action bénévole de nos groupes communautaires, qui, comme mes collègues l'ont mentionné, travaillent pour des salaires parfois ridicules, merci beaucoup. Alors, Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): J'indique simplement à M. Côté qu'à la suite des différentes interventions, s'il désire faire des commentaires, il n'a qu'à me faire signe et nous lui donnerons la parole. La parole est maintenant au député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, je ne veux pas répéter ce qui a été dit par M. le leader du gouvernement et mon collègue, M. le député Christos Sirros, mais je veux, à mon tour, indiquer à M. le Directeur général des élections que les propos qu'il a tenus lors de cette conférence de presse, il y a quelques semaines, n'étaient pas, quant à moi... J'ai ici, sous les yeux, le texte précis. Lorsqu'on dit ceci: «...la petite caisse dont disposent les députés auprès des associations de comtés. On a légalisé ce qu'autrefois on traitait de patronage», il ne s'agit pas là d'un lapsus. C'est une réflexion sur laquelle M. le Directeur général – et j'apprécie qu'il le dise clairement – se penche depuis plusieurs années, à tout le moins depuis 1991. Tout comme ça a été mentionné par mon collègue tout à l'heure, cette réflexion continue. À l'intérieur même d'un texte sur lequel vous avez réfléchi depuis une dizaine de jours, on retrouve, quant à moi, encore là, des éléments qui me permettent de conclure que, même vous, M. le Directeur général des élections, vous ne savez pas exactement et vraiment ce que fait un député.

Le travail du député, M. le Directeur général des élections, en est un de très haute responsabilité, quotidiennement, des deux côtés de l'Assemblée, y compris, évidemment, M. le député de Rivière-du-Loup, qui ne fait pas partie d'une équipe ou d'un groupe parlementaire, mais ça ne change en rien, de façon générale et globale, l'agenda du député de Rivière-du-Loup. Le travail du député, malheureusement, est mal connu, et les députés souffrent de préjugés défavorables de l'ensemble de la population du Québec, comme partout ailleurs au Canada et partout où il y a des systèmes parlementaires semblables au nôtre.

Vous dites, M. le Directeur général des élections, être encore en réflexion et vous semblez indiquer avoir des réserves sur ce pouvoir qui ne constitue pas... Est-ce que ce pouvoir ne constitue pas un avantage exagéré pour un député en place sur les autres candidats lors des élections générales? Moi, je vous dis, M. le Directeur général des élections, que la perfection est l'ennemi du bien. Les députés ont à administrer deux programmes auxquels vous avez fait référence. Je vous rappelle, et vous le savez, que les députés sont imputables. Ils sont imputables d'abord et avant tout devant leurs propres électeurs. Le député doit rendre compte, à tous les quatre ou cinq ans, du travail qu'il a fait au cours des quatre ou cinq dernières années. Il n'y a pas de juge plus sévère que la collectivité, M. le Directeur. Nous avons à administrer des programmes qui sont normés, balisés. Nous n'avons comme seul pouvoir que celui de faire des recommandations au ministre. Le programme de soutien à l'action bénévole est administré par M. le ministre des Affaires municipales; le programme de soutien à l'amélioration et à la construction du réseau routier local est administré et décidé par le ministre des Transports. Alors, le député n'a qu'un pouvoir de recommandation. Ultimement, il y a, au-dessus du député, le ministre qui décide. Nous n'avons donc pas de pouvoir discrétionnaire absolu.

Ceci étant dit, M. le Directeur, est-ce que vous savez le travail énorme auquel doit s'astreindre le député pour administrer une enveloppe de plus ou moins 800 000 $ à 1 000 000 $ pour 25, 30, 35 municipalités? Chaque municipalité – et je parle particulièrement des comtés ruraux – fait des demandes d'améliorations pour son réseau routier. En règle générale, la demande, M. le Directeur, dépasse de trois à quatre fois les sommes mises à la disposition du député. Le député doit utiliser son pouvoir discrétionnaire relatif pour décider de quelle façon le population doit être protégée collectivement, globalement, face à l'ensemble des demandes qui lui sont présentées.

(11 h 10)

M. le Président, j'ai une suggestion à faire à M. Directeur général, dont j'apprécie ce matin le témoignage et aussi, de façon générale, le texte qu'il nous a soumis. Je pense que, finalement, on pourra probablement se rejoindre. Cependant, j'ai une suggestion à faire à M. le Directeur général. Basé sur les pouvoirs qu'il a et les devoirs qu'il a également, que l'on retrouve dans la Loi électorale, aux articles 485... L'article 485, c'est l'article général où on retrouve, de façon assez précise, les fonctions et pouvoirs que vous avez, M. le Directeur, et, à l'article 488, des pouvoirs plus spécifiques. Je vous suggère, M. le Directeur, et vous êtes le personnage au Québec le mieux placé pour expliquer à la population du Québec quelle est la responsabilité des députés de l'Assemblée nationale, quelles sont les charges de travail auxquelles ces députés sont contraints à chaque semaine, quels sont les pouvoirs qu'ils ont, quels sont les pouvoirs qu'ils n'ont pas... Vous avez non seulement, M. le Directeur général, le pouvoir, mais vous avez le devoir... Et je vais faire référence à l'article 488, sous-paragraphe 4°, où on dit: «En ce qui a trait à l'information du public, il doit – non «il peut» – notamment tenir régulièrement des séances d'information et des colloques à l'intention des partis politiques et du public.» Je ne me souviens pas, M. le Directeur, que vous ayez utilisé... pas ce pouvoir, que vous vous soyez plié à ce devoir que vous impose la Loi électorale d'informer le public. Sauf erreur, vous disposez des budgets nécessaires et vous disposez également des équipes de communication qui vous permettraient, à vous, de nous aider, tous les parlementaires de l'Assemblée nationale, à faire connaître au public les responsabilités que l'on a.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'il ne serait pas à propos, en même temps que vous continuez à réfléchir sur certaines améliorations au régime, certaines améliorations que vous avez l'intention de nous soumettre, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, M. le Directeur, que vous procédiez à une scéance d'information comme celle que la loi, et je me répète, non seulement vous autorise, mais vous demande de faire, ce qu'on retrouve aux articles 485 et 488 de la Loi électorale?

Le Président (M. Simard): M. le Directeur.

M. Côté (Pierre-F.): Juste au sujet de la dernière intervention de M. le député de Frontenac, M. le Président.

Le Président (M. Simard): C'est une déclaration-choc.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Pierre-F.): Non. Je veux simplement lui dire que je suis 100 % d'accord avec la suggestion qu'il vient de soumettre. Mais c'est vrai que je n'en ai pas tenu un très grand nombre. Je pense que je n'en ai pratiquement pas tenu. Vous avez tout à fait raison. J'hésitais beaucoup: quelle ampleur on pouvait donner, comment l'organiser. Puis on pourrait peut-être procéder de la façon suivante. J'ai eu des demandes ou des suggestions, mais ça n'a pas été des demandes formelles, de la part, par exemple, d'universitaires, d'organiser ce genre de colloque là. Je suis 100 % d'accord avec ce que vous venez de suggérer.

En particulier, l'élément qui est peut-être le plus nouveau dans cette perspective, ce que je trouve tout à fait approprié, c'est d'expliquer, avec modèle à l'appui, je dirais, ou modèle type, quelle est la charge de travail et quelles sont les fonctions des députés. Moi, je trouve que ce serait très, très bénéfique de pouvoir le faire aussitôt que les circonstances me le permettraient. Je devrais suivre votre suggestion, d'autant plus ce que vous dites, qui est une obligation... Je m'empresserais de la mettre...

M. Lefebvre: Selon le texte.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, oui, mais je m'empresserais de la mettre en application assez rapidement. Si cela agrée à tout le monde, moi, je pense que ce serait une excellente suggestion.

Le Président (M. Simard): Là-dessus, je pense que je me ferai l'interprète de tout le monde en disant que vous auriez la collaboration entière de la commission des institutions de l'Assemblée nationale, dont c'est aussi un des rôles. La prochaine intervention, la prochaine demande d'intervention, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui. Moi, M. le Président, je voudrais en revenir au texte intégral qui est déposé. Je comprends que, si le Directeur général des élections observait qu'il y a des programmes gouvernementaux qui, carrément, vont à l'encontre de l'esprit, de la lettre, et avec preuve à l'appui, son premier devoir serait de saisir le Comité consultatif, puis de dire: Écoutez, j'ai des preuves flagrantes; la preuve, c'est que j'ai poursuivi en dérogation de l'application de la Loi électorale dont je suis chargé.

En d'autres mots, M. Côté, dans votre texte d'excuse, il y a maintien des interrogations ou du doute quant à l'utilisation de programmes. Moi, c'est la perception que j'ai à la lecture de cela. Je me demande, et je veux avoir votre opinion très claire, très nette, si votre rôle n'est pas d'appliquer une loi électorale votée par les membres de l'Assemblée nationale et non pas celui de juger les actions gouvernementales. Et, ça, ça m'apparaît être très précis, comme question que je vous pose. Est-ce que vous concevez votre rôle comme allant jusqu'à porter des jugements sur les actions gouvernementales, en dehors même de la Loi électorale, ou si vous percevez votre rôle comme étant le devoir ou le pouvoir de porter des jugements d'opportunité politique de programmes? Et, ça, ça m'apparaît fondamental, et ça ne transpire pas au niveau de votre texte. Au contraire, vous revenez avec la série de questions... Vous revenez avec: J'y pense depuis 1991. Bien, si c'est tout ça, c'est une question de perception de rôle, ça. Et, à mon point de vue, en tout cas, quitte à diverger profondément d'opinion avec vous, je considère que le Directeur général des élections est là pour alerter les formations politiques face à des situations précises; il n'est pas là pour porter un jugement sur l'action gouvernementale, mais plutôt sur l'application des lois électorales votées par cette même Assemblée nationale.

Le Président (M. Simard): M. Côté.

M. Côté (Pierre-F.): La première partie de ma réponse est évidemment à l'effet que je ne suis pas au-dessus de la... je n'ai pas à porter des jugements sur des actions de l'ensemble de l'Assemblée nationale ou du gouvernement, ça va de soi. Cependant, je pense qu'il faudrait aussi revoir le texte que j'ai soumis ce matin dans toute sa perspective. C'est normal qu'on s'arrête un petit peu plus aux deux programmes auxquels je fais référence, mais je rappelle que c'est peut-être, dans la même page, la question plus large que j'ai posée: La participation de l'État québécois à l'aide financière globale dont bénéficient les partis politiques et les députés est de plus en plus importante. Je dirais même que, si j'arrivais à la conclusion que la participation des députés, l'implication des députés dans certains programmes n'a pas du tout sa raison d'être dans mes réflexions, il faudrait quand même continuer à s'interroger sur les autres questions et l'aide financière globale qui est fournie, et c'est ça qui me semble important, pour moi. C'est la...

M. Chevrette: M. Côté, me permettez-vous de vous arrêter 30 secondes?

M. Côté (Pierre-F.): Je vous en prie.

M. Chevrette: Je ne vous dis pas que c'est votre volonté, mais il y a quelque chose de quasi pernicieux quand vous associez la gestion par un député d'un programme à l'aide financière d'un individu. Je vous avoue que, moi, personnellement je ne le prends pas, ça. Ce n'est pas une aide financière à un député, un programme de soutien à l'action bénévole, c'est une responsabilité d'un député qui est imputable vis-à-vis des groupes communautaires. Dans votre texte, vous semblez associer que c'est une aide financière. En tout cas, c'est ce qui se dégage à la lecture. Il faut dire que je viens de l'avoir, mais, moi, c'est ce qui se dégage de la lecture, et je n'aime pas ça. Je ne considère pas qu'ils me font un cadeau, moi, et qu'ils me soutiennent financièrement. Le fait de gérer le programme d'action communautaire, je «peux-tu» vous dire ça, ça demande des dizaines d'heures à séparer un gâteau qui n'est pas épais et qui ne lève pas. Donc, associer ça à l'aide financière d'un député... Si vous parlez du remboursement de dettes électorales, ça, c'est une aide financière qui est dévolue à un candidat qui a obtenu un montant de votes. Ça, c'est une aide financière, aide financière à une formation politique, et vous dites: Elle est forte. Elle est forte, ça a été le prix qu'on a donné unanimement, qu'on a désiré et qu'on a décidé de payer pour le système démocratique. Mais, associer la gestion d'un programme ou l'exercice de la discrétion d'un député à l'aide financière pour un député, moi, je ne le prends pas. C'est correct?

Une voix: Moi, je veux juste...

Le Président (M. Simard): Oui. Question de fonctionnement, je vais permettre, peut-être, à M. Côté de réagir et, ensuite, M. Sirros, juste... M. le député de Vachon.

M. Payne: ...échanger, parce qu'il y avait plusieurs échanges de la part des ministériel et de l'opposition. Il y a d'autres députés qui veulent intervenir, dont moi-même.

Le Président (M. Simard): Oui. On va respecter, je pense, l'ordre d'intervention de tout le monde. M. Côté, vous êtes interpellé directement. Alors, je vous laisse continuer votre réponse.

M. Côté (Pierre-F.): Je vous avoue, M. le Président, que j'hésite à continuer ma réflexion. Pour la raison que j'ai donnée tout à l'heure, je pense qu'il est un peu hasardeux, à tout le moins, d'essayer de fournir, de tenter une explication verbale à ce que j'ai déjà écrit, parce que je répète qu'à mon avis ça doit être vu dans un ensemble de facteurs. J'ai posé la question et je me repose la question encore: Si ça ne fournit aucun avantage à un député de fournir de l'aide par l'intermédiaire de programmes, il faut donc louanger son grand dévouement et son sens civique. Je pense que ce serait la conclusion qu'il faudrait tirer, et qu'il faudrait retirer cette réflexion sur les aides et les programmes qui sont fournis, si ça ne lui fournit aucun avantage, d'aucune façon. Mais ce sont toujours des interrogations.

Alors, je pense qu'il serait préférable que je les fasse d'une façon plus approfondie et par écrit. C'est possible que je me trompe, c'est possible que je sois dans l'erreur. Je suis prêt à concéder que je pourrais être dans l'erreur à cet égard. Je pense que les remarques, d'ailleurs, qui sont faites par des députés actuellement ont le mérite, et je tiens à le souligner, d'être plus précises, d'expliciter la façon dont ça fonctionne. Moi, j'ai déclaré qu'à mon avis c'était administré de façon très correcte. Je n'ai aucune observation à faire sur la façon dont c'est administré. Ça a été bien administré pendant la dernière campagne électorale. C'est la raison pour laquelle je suis intervenu à ce moment-là, parce qu'il restait des sommes à distribuer. Si ça ne donnait aucun avantage, je dirais simplement: Bien, on s'est quand même conformé à la directive pour qu'il n'y ait pas d'avantage apparent, à tout le moins, à ce moment-là.

Le Président (M. Simard): Avant de passer la parole au député de Chomedey, une petite remarque en passant. Je suis convaincu que tous mes confrères et consoeurs autour de cette table sont d'accord pour dire que 90 % de notre temps est occupé à des fonctions qui ne sont pas à notre avantage.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 20)

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Je pense que vous venez peut-être de dire ce qui est une évidence pour nous, députés, puis même, comme vous et moi, pour les nouveaux députés. Je pense qu'effectivement c'était un des points qui se devaient d'être soulevés ce matin. C'est que le travail de député justement compte d'innombrables heures ici qui sont peut-être vues et entendues par les journalistes qui nous suivent et les gens qui sont nos proches collaborateurs de part et d'autre, mais qui, pour la large majorité des gens dans nos comtés, ne sont strictement pas vues.

J'ai beaucoup apprécié un terme qui a été employé par la députée de Blainville tantôt. Elle a expliqué qu'elle avait une préférence marquée pour un certain type d'oeuvre. N'est-il pas là, justement, une manière pour un député de montrer, par la gestion d'un fonds et son implication dans son milieu, ce à quoi il s'attache? Je vais vous donner, M. le Président, une brève anecdote pour illustrer le point où j'ai été personnellement outré par les propos tenus par le Directeur général des élections la semaine dernière. Puis, comme mon collègue, le député de Frontenac, l'a si justement dit, on a beau essayer d'enrober la pilule maintenant avec une longue explication écrite, ce qu'il a dit la semaine dernière est ce qu'il a dit. Il a dit: On a légalisé ce qu'autrefois on traitait de patronage.

M. le Président, lundi dernier, j'étais dans le sous-sol de l'église Saint-Maxime, dans le comté de Chomedey, pour, justement, discrètement – parfois c'est plus public que ça – en arrière, remettre à des bénévoles qui travaillent, justement des dizaines d'heures chacun par semaine, dans une soupe populaire... M. le Président, je n'ai absolument pas de votes à aller chercher dans cette soupe populaire. En bon gestionnaire de ce programme de soutien à l'action bénévole, j'ai choisi de proposer l'octroi de 4 000 $ à cette soupe populaire. On en parle trop souvent, des plus démunis, comme si c'était quelque chose qu'on pouvait invoquer comme ça. J'inviterais le Directeur général des élections à venir voir dans le sous-sol de l'église Saint-Maxime avec moi comment je fais du patronage.

M. le Président, les propos tenus par le Directeur général des élections témoignent d'une profonde méconnaissance du travail du député non seulement dans son comté, mais ici, à l'Assemblée nationale. Il ne comprend pas qu'on est justement, de part et d'autre, responsables de la gestion de dizaines de milliards de dollars à l'échelle de la province, mais que plutôt que de mettre des bureaucrates à contribution pour soupeser et mesurer si, oui ou non, on donne 4 000 $ à la soupe populaire Saint-Maxime, un député, qui est là, sur place, pour entendre et rencontrer son monde sans dépenser un cent de l'argent du public dans des services de bureaucrates, est capable de dire: Ça, ce serait bien dépensé à cet endroit-là.

Je le prends personnellement, M. le Président, puis je ne le prends pas. Lorsque j'étais président de l'Office des professions du Québec, j'avais aussi à surveiller les puissances publiques importantes que sont les corporations professionnelles, mais, malgré le fait qu'on avait parfois des gens qui avaient besoin de se faire ramener à l'ordre, on n'oubliait jamais qu'on appliquait une loi adoptée par l'Assemblée nationale, qui nous mandatait, qui exigeait qu'on veille à ce que les corporations professionnelles fassent leur travail de protection du public. Puis, lorsqu'on avait des interventions à faire, on prenait toujours la peine de ne pas éclabousser tout le monde au passage, de s'assurer justement que ceux qui étaient corrects – et la majorité l'était – ne se fassent pas jeter un discrédit non mérité. C'est ça que je reproche à l'intervention du Directeur général des élections du Québec, d'autant plus que sa fonction et sa crédibilité donnent un poids énorme à ses interventions.

Dernier point, M. le Président. Si ce que j'ai dit pour ce qui est de sa méconnaissance du travail de député vaut, à mon sens, vis-à-vis de ses interventions de la semaine dernière, ça vaut autant pour ses déclarations d'aujourd'hui et ses déclarations écrites, parce que, dire qu'il s'interroge sur l'équité de cette façon de procéder en regard de la Charte des droits et libertés, ça, c'est vraiment invoquer quelque chose sans aucune explication quelconque. Dire qu'il y a un problème de charte... Ça me rappelle une anecdote devant le tribunal, un jour. Un avocat que je connais essayait d'inventer n'importe quoi comme argument, parce qu'il n'en avait pas beaucoup, puis le juge s'est penché devant lui en disant: «When does the charter argument start?» Comme quoi c'était le dernier refuge, il n'y avait plus rien.

Mais mon dernier point, M. le Président, c'était de vous dire que la compréhension qu'a le Directeur général des élections à propos du programme routier, c'est complètement faux, ce qu'il dit, et dans ses déclarations de la semaine dernière et dans ses explications d'aujourd'hui. Complètement faux, M. le Président. Les députés n'ont pas 50 000 000 $ à distribuer comme des patroneux. Ce n'est pas vrai, ça. Puis, il témoigne encore une fois du fait qu'il ne comprend pas.

Dans sa déclaration de la semaine dernière, en réponse aux questions des journalistes, il a dit: Vous voulez savoir comment ça se passe? Lisez une brochure du ministère. Hé! ce n'est pas fort, ça! Si sa compréhension vient de la lecture d'une brochure d'un ministère, ce n'est pas fort, M. le Président, et c'est désolant. Après une longue carrière d'officier d'État, en gérant un des dossiers les plus importants de notre gouvernement, être rendu à invoquer la Charte sans avoir la moindre raison de le faire, être rendu à dire que c'est du patronage, alors que, justement, comme la députée de Blainville l'a si justement dit, c'est une manière, justement, de gérer, de montrer où on met nos propres priorités... Puis, si, de là, les gens de notre comté peuvent tirer des conclusions sur qui on est puis comment on voit les choses, bien, tant mieux. Mais pas plus que les ministres, qui ont des fonds discrétionnaires, ont un avantage qui brime la Charte, pas plus que le fait même d'être dans cette Assemblée brime la Charte... Je vois difficilement comment le Directeur général des élections du Québec a réussi à nous sortir celle-là aujourd'hui. Pour ma part, tout en comprenant ses excuses, je dois continuer à dénoncer les propos qu'il a tenus la semaine dernière. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Est-ce que vous désirez commenter? Non. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Dans les propos du Directeur général des élections, on accueille puis on reconnaît ses excuses les plus sincères à tous les membres de l'Assemblée nationale. Par contre, ce qu'on remarque également, M. le Président, c'est qu'il n'y a pas d'explication sur ce qui apparaît comme une allégation extrêmement grave: qu'on ait légalisé ce qu'autrefois on traitait de patronage.

Ma question au Directeur général des élections est assez simple: Tout en accueillant ses excuses, est-ce qu'il reconnaît devant l'Assemblée que ses propos étaient faux ou est-ce qu'il les maintient? Les deux choses peuvent vivre ensemble parce que je ne vois pas de rétractation des propos. Si, effectivement, les propos sont rétractés, c'est parce que, présumément, ils étaient faux.

Je reviendrais aussi au rôle du député. Ma deuxième question pour le Directeur général des élections: Est-ce que – en l'absence de recommandations écrites ce matin, parce qu'on aurait pu croire, effectivement, qu'il arriverait avec des recommandations au moins générales, mais on ne trouve strictement rien – il considère, par exemple, que le privilège – peut-être est-ce un euphémisme – de recommandation d'un député, consacré dans les deux programmes en question, devrait être révoqué? Parce que, dans les faits, un député – je vais vous expliquer, c'est beaucoup moins dramatique que ça en a l'air – a des centaines de demandes chaque année. La discrétion, c'est un drôle de pouvoir de la part d'un député s'il doit arbitrer entre deux équipes de hockey. En réalité, il n'y a pas de discrétion parce que les deux associations se surveillent et elles surveillent aussi le député.

(11 h 30)

Je vais vous donner un exemple dans mon comté parce que j'ai été réélu aux dernières élections et j'ai quitté l'Assemblée nationale en 1985. Donc, on peut regarder un peu le profil de deux partis politiques qui, d'une façon alternative, ont accordé des subventions dans le cadre du programme Support à l'action bénévole. Je peux vous indiquer que la députée qui m'a succédé en 1985 a changé peut-être 15 % des demandes qui étaient traditionnellement faites à moi-même, comme député, jusqu'à cette année-là. En contrepartie, cette année, je reconduis à peu près 85 % des demandes qui étaient posées à la députée. Donc, ma discrétion était drôlement limitée. Et, comme je vous dis, ce sont les associations qui font les demandes et elles surveillent, elles savent exactement ce qui était reçu par les autres associations, ce que c'est, l'augmentation ou la réduction, année par année, et ce n'est pas évident qu'il y a du patronage là.

Deuxièmement, tout en demandant formellement au Directeur général des élections: À défaut de ses propres recommandations, est-ce qu'il propose que le privilège de recommandation soit révoqué? je voudrais faire un point. Je regarde sans succès les indications dans les articles de la loi, 485 jusqu'à 494, visant les fonctions et pouvoirs du Directeur général des élections, et, à l'exception de l'article 488, où il parle des avis dont a la responsabilité le Directeur général des élections, je ne vois aucune référence aux directives. Ma question, c'est une question d'information: Quelles sont les obligations, de la part du Directeur général des élections, en ce qui concerne ces directives qui prennent l'allure de plus en plus de diktats? Que le Directeur général ait des avis – et, là, la loi est très précise, c'est marqué que, sur demande de la part d'un tiers, il puisse donner des avis... Mais je voudrais demander d'où vient la responsabilité ou le devoir, de la part du DGE, en ce qui concerne les directives qui semblent devenir de plus en plus prépondérantes?

Moi, je sens, dans la tradition britannique, qu'il faut distinguer entre le mandat ministériel d'un gouvernement, qui doit administrer les intérêts de l'État pendant un mandat, et la période électorale. Et j'ai l'impression que, depuis quelques années, le Directeur général des élections, et la loi, et les habitudes font en sorte que ça offusque quasiment le mandat ministériel et que, eux, les ministres, peuvent difficilement exercer leur mandat. À la limite, n'importe quel ministre qui distribue des subventions en fonction de programmes peut être accusé de patronage. Moi, je me demande dans quelle époque on vit à ce moment-ci. Il me semble qu'il y a une certaine sophistication, un respect pour l'esprit démocratique qui existe aujourd'hui et je pense que les propos du Directeur général des élections font en sorte qu'il n'y a pas la confiance qu'on devrait avoir dans le Directeur général des élections.

Le Président (M. Simard): M. Côté, est-ce que vous avez des commentaires ou une réponse précise à donner au député?

M. Côté (Pierre-F.): Oui, mais je vais commencer par la fin, si vous permettez, à l'égard des directives. Alors, c'est 486, 3°, et l'article 523; il y a d'autres dispositions aussi, concernant le personnel électoral, à l'article 136. Au sujet des deux autres questions, sur l'utilisation des mots que j'ai employés la semaine dernière, les ayant retirés et ayant exprimé mes regrets, je ne vois pas quoi ajouter de plus. J'ai précisé également dans mon texte qu'aucune infraction n'avait été commise puis que je n'avais aucun doute sur la probité, l'honnêteté des députés. Ça me semble assez clair.

Sur la deuxième question, cette façon de procéder ou ces pouvoirs – je ne saurais trop comment dire – dont disposent les députés à l'égard de certains programmes, moi, je pense – c'est ce que je dis dans mon texte également – qu'il faut s'interroger là-dessus d'une façon globale. Merci.

M. Payne: Ça veut dire quoi?

M. Côté (Pierre-F.): Ça veut dire que la question ou les questions, pour moi, sont posées, et, sans porter de jugement de valeur, ce que je n'ai pas fait, c'est de s'interroger sur la... Je pense que les réponses vont venir des députés; c'est à vous que ça appartient de déterminer si vous continuerez ou pas à procéder de la même façon.

Le Président (M. Simard): Merci. M. le député de Châteauguay, maintenant.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je tiendrais à dire, d'entrée de jeu, au Directeur général des élections qu'alors qu'il disait tantôt qu'il sentait des échanges, que tout le monde était sur la même longueur d'onde, l'échange de propos et la lecture de la quinzième version de votre texte m'amènent à vous dire que j'ai l'impression que – pas simplement moi, mais, en tout cas, je peux au moins m'engager – je ne crois pas que nous soyons sur la même longueur d'onde, ne serait-ce que pour les propos que vous venez de tenir, ne serait-ce que pour ce texte, sur lequel vous avez réfléchi 15 fois et dans lequel on retrouve des excuses, certes, des excuses pour les mots. Je ne suis pas persuadé qu'on retrouve des excuses pour l'esprit, ou, tout au moins, une explication du cheminement qui vous a amené à cet esprit ou à cette réflexion que vous avez sur les députés, sur l'institution.

Et il y a cette phrase que l'on retrouve à la page 4: «De plus, je considère, à tort ou à raison, que d'autres programmes sont d'une nature telle qu'ils peuvent être assimilés à une forme d'aide aux députés.» Je pense que, à moins que vous nous l'expliquiez un peu mieux tantôt, ou dans une seizième version, cette phrase-là démontre que vous n'assimilez pas ces programmes-là à des services à la communauté, à des services aux contribuables, à ceux qui paient des impôts et des taxes, mais plutôt à une diversion des fonds, pour servir un corps: les élus.

Je dois vous avouer que, autant par les déclarations de la semaine dernière que par le document que vous amenez devant nous, où vous essayez, là, à la page 5, de nous expliquer que, depuis 1991, vous réfléchissez là-dessus, on cherche – et ce sera la question que je vous poserai – les rapports, les études. Comment avez-vous procédé pour cette réflexion-là? Parce qu'on croit comprendre, de la conférence de presse et de votre texte, que vous avez tiré des conclusions de votre réflexion, débutée en mai 1991. Jusqu'où êtes-vous allé dans votre étude systématique? Quels comtés, quelles années ont été visés pour savoir à quel usage étaient consacrés ces fonds-là? Quel avantage était effectivement donné? Et la corrélation. Il y a sûrement, depuis mai 1991, une étude qui a pu être faite sur les rapports... On a parlé tantôt des élections, les élections de 1985. On a parlé des dernières élections. On pourrait parler des référendums, 1980, 1992. Où sont les avantages? J'imagine qu'il y a des études qui ont été faites là-dessus.

Je suis nouveau député et je dois vous avouer que, lorsque j'ai pris connaissance de la nouvelle, je me suis demandé, M. le Directeur général des élections, si le fait que je travaille pour mes électeurs, le fait que l'on pousse des dossiers, le fait que l'on communique avec l'administration, ne nous amènerait pas un jour à se faire dire que ça nous procure un avantage, parce que les électeurs pour qui on travaille vont se dire: Ah! il a travaillé pour moi; je vais voter pour lui. Je pousse peut-être un peu l'exemple, mais est-ce que ça ne va pas jusque-là, la réflexion que vous avez entreprise?

Moi, je vous dis: Je regarde le texte – qui est la quinzième version – et, lorsque vous me dites que vous vous interrogez là-dessus depuis mai 1991, et particulièrement sur les programmes d'aide dont on parle – parce que c'est de ça qu'il est question aujourd'hui, c'est sur ça qu'il y a eu conférence de presse et qui a valu le qualificatif que vous avez donné à la classe politique...

Pour ce qui est des autres questions dont le député de Rivière-du-Loup a parlé, il n'a pas abordé ces questions-là, certainement que la réflexion peut se continuer, et il faut réfléchir à l'ensemble des autres mesures que l'on peut retrouver dans le paragraphe qui suit, de votre texte. Assez étonnamment, on passe des deux programmes visés par votre conférence de presse et, tout à coup, sans charnière, sans rapport, on est rendu au bipartisme, à la difficulté pour les tiers partis, à la représentation lors des jours de scrutin. Je trouve qu'on saute, là; il y a un gros fossé entre les deux paragraphes, parce qu'on cherche toujours la justification.

(11 h 40)

Dans son texte, M. le Président, le Directeur général conclut: «La seule façon – et il cite un éditorialiste – de maintenir la démocratie en santé, c'est de ne jamais perdre de vue à quel point elle demeure toujours fragile.» J'ai l'impression – le DGE pourra peut-être me corriger – lorsqu'il écrit cela, qu'il cherche à motiver la réflexion qui l'anime. Je réfléchis, je pose des questions et, voici, lorsque j'en fais part publiquement, c'est parce que je ne perds pas de vue que la démocratie est fragile. Je voudrais dire au DGE que la façon dont on rend public le fruit de sa réflexion me semble quelque chose aussi avec lequel il faut faire attention, et les déclarations qui sont faites, d'abord sous forme de constat, aujourd'hui sous forme d'interrogation, toujours en gardant à l'esprit... Le DGE pourra me corriger, M. le Président, peut-être que je lis mal le texte, mais je comprends que, malgré que le terme «patronage» ait été retiré, que des excuses nous aient été données, il persiste, sous forme interrogative, mais avec des phrases comme celle où ces programmes-là seraient des programmes d'aide aux députés.

M. le Président, mes deux questions tournent autour de ce que je viens de dire. J'aimerais que le DGE m'explique d'abord ce qu'il veut dire, ce qu'il voulait dire, dans cette version dont il nous a dit qu'elle a été pesée, soupesée, pensée, chaque mot avait été pesé. À la page 4, il nous dit que ce sont des programmes qui sont une forme d'aide aux députés. J'aimerais savoir ce qu'il signifie par là. Et, à la page 5, lorsqu'il nous dit que son interrogation, depuis mai 1991, il l'a faite sur les deux programmes, j'aimerais savoir comment cette réflexion-là, depuis mai 1991 jusqu'à sa conférence de presse de la semaine dernière, a cheminé. Quelles sont les études qui ont été faites? Quelles sont les corrélations qu'il a pu établir avec les élections, les référendums qui se sont tenus? Comment peut-il arriver à cette évidence, selon lui, qui semble jusqu'ici, s'il n'y a pas d'étude, être un jugement de valeur porté par une personne qui a – et je conclus avec ces deux questions – non seulement à veiller à la règle de droit sur le processus électoral, et c'est bien, c'est bien qu'on ait un organisme comme le DGE pour ça... Mais, au-delà des règles, il y a l'esprit, M. le Président, et l'esprit qui anime cette loi, c'est la légitimité du gouvernement, la légitimité des élus, et, ça, c'est fragile. Alors, je pense que les déclarations de la semaine dernière portaient atteintes à ces fondements-là, à la légitimité. Alors, mes deux questions sont lancées au DGE, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Est-ce que vous désirez répondre, M. le Directeur général des élections?

M. Côté (Pierre-F.): Je vais soumettre quelques réflexions à la suite, particulièrement, de ce qui vient d'être dit. Je veux répéter que les programmes, comme j'ai dit dans mon texte, sont bien administrés. Je constate qu'on me dit, et je le crois, qu'ils ne constituent pas une forme d'aide. On me demande que je fasse part du cheminement de ma pensée depuis 1991. J'ai répondu à cela tout à l'heure en disant que j'hésiterais à le faire verbalement; je préfère le faire par écrit, ce que je ferai de façon plus élaborée.

Je ferais juste une dernière réflexion, mais j'espère que ça ne soulevera pas encore des étincelles. Quand on prend seulement... on s'arrête à certains mots qui sont utilisés, il faut peut-être les voir dans la perspective globale dans laquelle ils sont exprimés, sans ça, on serait tenté de citer Voltaire, qui disait toujours: Donnez-moi deux lignes d'une personne et je me charge de vous la faire pendre.

Le Président (M. Simard): Il n'y aura pas de pendaison aujourd'hui, je ne pense pas; la sanction sera plus douce, je l'espère. M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Alors, le temps file rapidement, on n'en ajoutera pas tellement. Mme la députée de Jean-Talon veut parler aussi. D'autant plus qu'on peut dire de façon assez claire et assez nette: la bourrée est assez forte, là, c'est assez clair. Je pense qu'il faut bien employer les mots, mais j'en ajouterai cependant quand même un peu pour décrire la situation, M. le Directeur général des élections, et pour, évidemment, poser une question à la fin.

Vous citez un éditorialiste, à la fin de votre texte, pour dire, donc, que la démocratie est toujours fragile et qu'il faut prendre soin de poser les questions et les interrogations et de la mettre continuellement en interrogation pour en maintenir la vitalité. Il ne faudrait pas oublier aussi, M. le Président, que le visage actif de la démocratie sur le terrain, c'est les députés. L'incarnation de la démocratie, c'est les députés sur le terrain. Et, à cet égard-là, sans vouloir trop en remettre, M. le Directeur général, oui, vos déclarations ont fragilisé davantage le rôle du député auprès de nos populations.

Moi, M. le Directeur général, dans une vie antérieure j'ai été recteur d'université. Et, quand on accepte de devenir député et de servir, je peux vous décrire la différence de la crédibilité qui nous est accolée et de la difficulté que nous avons à jouer ce rôle de représentant, parce qu'il est de bon ton de remettre en cause le travail du député, qui doit continuellement, au moins à 30 ou 40 occasions par jour, choisir. Il doit prendre des décisions de défendre tel individu, de défendre tel autre. On reçoit dans nos comtés 30, 40, 50, 75, 100 appels par jour. On n'a pas toujours le temps non plus de faire enquête sur l'individu qui vous demande de défendre, évidemment, ce qui est extrêmement important et vital pour lui. Et, à cet égard-là, lorsque le niveau de crédibilité est réduit à celui que les sondages nous indique depuis un bon nombre d'années, moi, M. le Directeur général, je dirais, encore une fois avec tout le respect qu'on vous doit: De la prudence au niveau de la réflexion et avec une suggestion, tantôt, sur comment le faire, à mon avis. Parce que, au niveau des programmes que nous administrons, je ne pense pas qu'il faille décrire ces deux programmes comme mettant en cause ou donnant un avantage particulier aux députés qui sont en place.

Moi, je me référerai, comme exemple, à ce qui s'est passé jusqu'à récemment, où les Conservateurs ont été au pouvoir. Je pense qu'on ne se privera pas entre nous. Si l'exercice du pouvoir et du terme qui a été employé dans la conférence de presse a eu libre cours et a été largement exercé par nos amis au niveau du gouvernement fédéral, vous voyez que le jugement de la population à cet égard-là n'a pas été de donner un avantage indu à ceux et celles qui étaient là: le balayage a été assez systématique. Et Dieu sait qu'ils l'avaient utilisé. Et même que, dans mon livre à moi, ce qui a fait le plus de dommages à la démocratie canadienne et québécoise au cours des 10 dernières années – et ce n'est pas le vieux truc de remettre ça entre les mains du fédéral – c'est tout ce qui s'est passé en particulier au niveau du gouvernement fédéral, par l'utilisation qu'on a faite de la politique et surtout du truc qu'on a réussi en 1988, après moult scandales – il n'y avait pas deux jours qui se passaient sans qu'il y ait un scandale majeur – et on a réussi, par tous les trucs de publicité, d'information et de manipulation, je dirais, à masquer l'ensemble de ces faits qui se sont passés. Et ça a contribué de façon extrêmement large à désabuser le public et à abaisser le niveau de crédibilité de ceux et celles qui font de la politique, parce qu'on a utilisé des techniques qui se rapprochaient de la manipulation.

(11 h 50)

À cet égard-là, je pense qu'il faut bien davantage s'interroger sur les nouvelles pratiques de financement des partis politiques, des façons dont les individus ou les organisations s'adaptent à ce qui s'est passé comme législation. Ça nous fait penser à ce qui se passe au plan fiscal, souvent. Aussitôt que l'État adopte de nouvelles mesures fiscales, on se dépêche de mettre 50 spécialistes au travail pour voir comment on pourrait les utiliser. Et, vous savez, dans le jugement populaire, dans la sagesse populaire, si on assimile le fait d'administrer un programme par un député à un avantage, il y a aussi un bon système de balancier qui fait en sorte que le député est obligé de défendre aussi toutes les décisions de son administration et de son gouvernement ou des prises de position globales de sa formation politique. Et je vous dirai qu'à cet égard-là, moi, j'échangerais bien souvent le fait de distribuer les miettes du gâteau de 75 000 $ dans un comté contre le fait d'avoir la liberté tous azimuts de critiquer n'importe quelle politique et de ne pas avoir à prendre position, jamais.

Vous voyez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...dans les faits, là, la responsabilité du député, et le rôle des partis, et cette facilité qu'on a aussi à dénoncer la ligne de parti, lorsqu'on arrive en élection il faut aussi défendre le mandat de son gouvernement ou de sa formation politique; c'est ça, la solidarité. C'est bien joli d'employer ces expressions, c'est bien joli, sur la place publique, de dire: Il ne devrait pas y avoir de ligne de parti. Comme s'il ne devait pas y avoir de politique fondamentale pour permettre aux électeurs et aux électrices de juger, aux citoyens et citoyennes. J'échangerais bien ce privilège-là contre la responsabilité que nous avons de distribuer, comme disait le leader parlementaire, un gâteau qui n'est pas très, très, très, très élevé.

M. le Directeur général des élections, je ne veux pas rajouter à la bourrée, je le disais moi-même. Tout en respectant votre carrière et ce que vous nous avez donné comme réputation au Québec au niveau de la gestion de nos instruments démocratiques, et en reconnaissant, M. le Directeur général, tout ce travail énorme que vous avez fait au cours des dernières années, je dirais: Le DGE fait un travail métaparlementaire, au-dessus de tous les éléments de la vie du parlementarisme. Est-ce que vous ne jugeriez pas bon, M. le Directeur général, de faire en sorte que votre rapport soit d'abord divulgué en commission parlementaire – c'est aussi public – et que les interrogations que vous auriez ou les interrogations que vous avez, vous ne pourriez pas d'abord les soumettre en commission parlementaire, à la commission des institutions, de façon à ce que nous puissions en débattre immédiatement et contribuer à l'effort, à la recherche que vous poursuivez de perfectionner davantage les instruments de la démocratie?

M. Côté (Pierre-F.): Ma réponse, c'est oui, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci. Mme la députée de Jean-Talon... Avant de donner la parole, rapidement, en termes d'organisation, là, nous avons commencé à 10 h 10. On se permettra de dépasser de quelques minutes, après l'intervention de la députée de Jean-Talon. Je sais que tout le monde aurait voulu intervenir, y compris moi, qui m'étais placé sur la liste, mais nous ne pourrons pas le faire. C'est donc le député de Laurier-Dorion qui, au nom de l'opposition, fera quelques minutes de remarques ensuite suivies des remarques finales du ministre. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Je vous remercie, M. le Président. Ce sera très court. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de mes collègues et de M. Côté, ce matin. Je ne reviendrai pas sur l'enveloppe discrétionnaire qui nous est attribuée, comme députés. Je pense, j'espère que vous aurez compris qu'à bien des égards elle peut nous causer davantage de maux de tête parce que le sens de l'équité doit évidemment toujours primer. Et je suis obligée de vous dire, malheureusement, avec tout le respect que je vous dois pour votre fonction et pour le personnage que vous êtes, parce que je vous connais fort bien depuis longtemps, que je ne suis pas convaincue que je vous amènerais dans mon comté expliquer aux gens ce qu'est le support à l'action bénévole.

Je suis nouvelle députée, avec des nouvelles fonctions. Je pense que les gens de la région de Québec me connaissent bien. Je suis issue du milieu communautaire; j'ai le plus grand respect pour les organismes à but non lucratif. On connaît la difficulté que ces gens-là ont à survivre, à rendre des services énormes à la société. Et, si les gouvernements, de quelque palier que ce soit, devaient investir pour payer ces gens-là, on serait plus en faillite qu'on ne l'est actuellement.

Et, ce qui m'a beaucoup frappée dans vos propos de la semaine dernière et dans ceux que vous avez tenu à nous soumettre par écrit aujourd'hui, c'est que vous liez encore la responsabilité de la gestion de ces enveloppes-là, que ce soit le support à l'action bénévole ou l'enveloppe pour le réseau routier – que, moi, je n'ai pas puisque je suis dans un comté très urbanisé – avec d'autres responsabilités qui vous sont imputées, évidemment, de par vos fonctions. Et je pense qu'il n'y a personne ici, aucun député de quelque formation politique que ce soit, qui voit dans la gestion de cette enveloppe-là le moyen de se faire louanger ou de faire reconnaître son grand sens civique. Tu l'as ou tu ne l'as pas. Tu arrives avec ça ou tu n'arrives pas avec ça; ça dépend. On arrive tous de milieux différents, avec une expertise et une expérience de vie fort différentes. Moi, pour une, lorsque j'ai appris qu'on avait une enveloppe discrétionnaire à gérer, j'ai été très surprise sur le coup et j'ai compris qu'une des raisons majeures pour lesquelles on avait ça, c'était justement de rapprocher le député et le gouvernement, parce que c'est au nom du gouvernement qu'on remet cet argent-là, on ne le remet pas au nom de Margaret Delisle, députée de Jean-Talon, ou de Mme Signori, qui est députée de Blainville. Au contraire, on le remet au nom du gouvernement. Et la responsabilité qu'on a de décider si on priorise tel organisme ou pas, souvent, ce n'est pas facile. On a à trancher; c'est plus que la tarte du ministre Garon, là, c'est 24 pointes au lieu de 12 dans une tarte.

Moi, je dois vous dire que ce qui m'inquiète après vous avoir entendu – et je terminerai là-dessus, ce ne sera pas long, M. le Président – c'est deux choses: la première, c'est que vous vous sentiez l'obligation, ce matin, de ne pas répondre aux interrogations et aux questions qui vous ont été posées, pour vous permettre de nuancer vos propos en les écrivant. Et je trouve fort dommage qu'on en soit rendu aujourd'hui, dans une démocratie... Même nous, à l'occasion, on se sent l'obligation de nuancer, et c'est peut-être pour ça que les gens, à un moment donné, disent: Bien, est-ce qu'on dit totalement ce qu'on pense? Est-ce que les députés... On perd, à l'occasion, une certaine part de notre crédibilité, et je ne souhaiterais nullement que vous perdiez la vôtre dans cet exercice-là. Je pense que le poste que vous occupez est au-dessus, comme l'a dit mon collègue de Rouyn-Noranda tout à l'heure, de toute formation politique et du parlementarisme, et le fait que vous sentiez l'obligation de nuancer, de devoir nuancer vos propos ou vos réponses par écrit m'inquiète énormément, parce que ça me démontre que vous n'avez pas encore fait la distinction, à mon point de vue, entre ce qui est dans cette loi-là et ce qu'est le support à l'action bénévole.

Et mon collègue de Frontenac, tout à l'heure – ça, c'était ma deuxième interrogation – vous a souligné que vous aviez un devoir, de par certains articles de la Loi électorale, de bien informer les citoyens. Je me demandais comment vous alliez, finalement, faire en sorte que cette connaissance ou cette information que vous devez transmettre aux citoyens et aux citoyennes du Québec, de par vos fonctions... Comment vous pensez pouvoir le faire? Parce que, là, je réalise que ce n'est pas juste une question de rétablir... On a à la rétablir quotidiennement, notre crédibilité, dans nos comtés, quotidiennement. Il n'y a personne qui pense qu'un député est crédible actuellement, là. Ça n'a pas de sens, mais c'est vrai. Alors, on peut quitter un poste hautement crédible, être élu comme député à l'Assemblée nationale et avoir à rebâtir quotidiennement, heure par heure, notre propre crédibilité: ce n'est pas évident et ce n'est pas facile.

Alors, ce que je déplore le plus dans ce qui a été dit la semaine dernière et dans ce que vous ne dites pas aujourd'hui, c'est qu'on a laissé planer, et on laisse encore planer, dans la population qu'il y a du patronage qui se fait. J'accepte vos excuses, je suis persuadée qu'elles sont de bonne foi. Elles sont écrites, elles ont été lues par vous, mais, quant à moi, il reste de l'inconnu, c'est des réponses qui n'ont pas été données et je trouve ça fort dommage. Merci, M. le Président.

M. Côté (Pierre-F.): Juste un bref commentaire, M. le Président, si vous me permettez. Moi, je pense que l'intervention de la députée de Jean-Talon est importante et, juste pour répondre à une partie de l'interrogation que vous avez formulée, au sujet de la suggestion qui a été faite par le député de Frontenac, je crois que la seule façon de réaliser cette information exacte et juste à donner aux citoyens va être de le faire – et, ça, j'en suis certain au départ – en étroite collaboration avec les députés, de tous les députés de l'Assemblée nationale. Ça va être un travail considérable, ça va être un travail long, mais je pense qu'il vaut la peine de le faire pour que cela contribue à cette revalorisation, dont tout le monde parle, de la fonction de député.

(12 heures)

Le Président (M. Simard): Merci, M. le Directeur général des élections. Alors, comme prévu, je vais demander aux représentants de l'opposition officielle et du gouvernement de faire des remarques de clôture. M. le député de Laurier-Dorion.


Remarques finales


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. En guise de conclusion, M. le Président, je me dois de dire que je suis extrêmement déçu, aujourd'hui, des deux heures qu'on a passées ensemble. J'ai l'impression que le Directeur général des élections s'est dit en entrant ici: Je vais fermer les écoutilles, je vais passer à travers la tempête, puis ça va passer. La discussion que nous avons eue ne nous a pas permis de vider quoi que ce soit par rapport à ce qui nous a touchés profondément sur cette question-là. Le Directeur général des élections nous a dit, dans un premier temps, qu'il ne parlerait pas parce qu'il a peur des mots qu'il pourrait utiliser, mais qu'il va nous donner par écrit des choses.

Moi, M. le Président, sur ces deux programmes dont on parle, je pense qu'il faut revenir à l'essentiel. L'essentiel, c'est le rôle du Directeur général des élections et sa perception quant à ce rôle-là. Son rôle, c'est d'appliquer une loi qui gère l'ensemble du processus démocratique. S'il y a des situations, des programmes ou des comportements qui nuisent à l'application de la loi, le Directeur général des élections a le devoir de nous les rapporter pour qu'on puisse les corriger. Mais il ne faut pas que ce soit du domaine des jugements de valeur. Et, à moins que le Directeur général des élections, avant qu'il nous présente des écrits, n'ait procédé à des études qui analysent avec une certaines objectivité, avec rigueur certainement, l'impact des deux programmes dont il parle sur l'application de la loi, son écrit futur, indépendamment du fait qu'il dise qu'il ne veut pas porter de jugement de valeur, ne serait qu'un jugement de valeur.

Alors, si le Directeur général des élections travaille depuis 1991, dans sa tête, sur la question de ces deux programmes-là, où il dit qu'il s'interrogeait sur l'équité de cette façon de procéder en regard de la Charte des droits et libertés, moi, je veux voir, avant qu'il nous soumette quelque écrit que ce soit, publiquement encore une fois, quatre ans plus tard, des études qui démontreraient qu'il a raison de soulever la question de l'impact du programme de soutien à l'action bénévole sur l'application de la Loi électorale. Parce que, son mandat, c'est d'appliquer la loi sur les élections, M. le Président.

Aujourd'hui, nous n'avons pas pu avoir non plus d'indication sur le sens réel de l'intervention du Directeur général des élections. On peut bien mettre de côté les mots malheureux qui ont été utilisés et les comparaisons à une époque révolue, mais il demeure que le Directeur général des élections revient avec la notion que les programmes dont on discute sont une forme d'aide aux députés, qui remettent en cause toute... en tout cas, on en a amplement parlé ici. Je trouve malheureux qu'on n'ait pas pu aller plus loin aujourd'hui, mais je mets en garde le Directeur général des élections, avant qu'il nous soumette quelque écrit que ce soit, qui ne voudrait pas que ce soit un jugement de valeur – parce qu'il me semble qu'à un moment donné il a dit qu'il ne portait pas de jugement de valeur. Mais, moi, je lui soumets qu'à moins qu'il nous prouve, qu'il nous démontre autre chose ce n'est que des jugements de valeur qu'il a portés jusqu'à maintenant. C'est pour ça, d'ailleurs, que, des deux côtés de la Chambre, on a été aussi touchés par les propos qu'il a tenus. Ce n'est pas le fait qu'on affirme qu'on ne veut pas porter de jugement de valeur tout en le faisant qui va nous conduire à garantir non seulement la crédibilité du rôle des députés, mais également celle du Directeur général des élections. Ce n'est pas un poste qui doit être pris à la légère. Ce n'est pas le fait qu'on soit nommé par l'Assemblée nationale qu'on est infaillible et ce n'est pas le fait non plus qu'on ait une obligation, nous, comme députés, d'aborder toujours nos relations avec le Directeur général des élections avec beaucoup de, comment je dirais, sensibilité, si vous voulez, par rapport à l'importance de sa fonction que ça doit nous empêcher de poser des questions tel qu'on voudrait les voir poser ici.

Alors, après deux heures de discussions, je quitte avec le net sentiment qu'on a assisté à un exercice où on a dit: On va passer deux heures ensemble en commission parlementaire, où on n'a pas répondu aux questions comme il faut, on n'a pas vidé la question, mais que le dossier tout entier reste en attendant ce que le Directeur général des élections va, à un moment donné, nous déposer par écrit, comme il a dit qu'il va faire.

Alors, moi, j'aimerais, en tant que parlementaire, réserver également, à ce moment-là, mon droit et le loisir que nous aurons de revenir pour qu'on puisse examiner, peut-être reposer le genre de questions qu'on se doit de poser parce que, moi non plus, comme le ministre, je n'ai pas pris le genre d'affirmations qui ont été faites. Tout en remerciant le Directeur général des élections de s'être excusé du choix des termes, je demeure fort inquiet par rapport au fait qu'il maintient quand même ses allégations, parce qu'il y a un vieil adage grec qui dit: Depuis qu'on a inventé les mots «je m'excuse», on a des fois perdu le respect pour des personnes.

Le Président (M. Simard): M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, moi, je voudrais prendre acte de deux choses: tout d'abord, que le Directeur général des élections retire sa notion de patronage; je prends acte également qu'il considère que tous les députés se sont conformés à ses directives lors des dernières élections.

J'observe, d'autre part, une profonde divergence au niveau de la perception du rôle du député gestionnaire par rapport à une aide financière. Je vous avoue que, moi non plus, je n'ai pas de réponse à ça, mais je considère que c'est une observation qu'il va falloir faire au niveau de la direction générale des élections et des membres de l'Assemblée nationale. Gérer des programmes qui peuvent apporter certains avantages, à mon point de vue, ça fait l'objet d'un jugement de valeur que porte un directeur général des élections, et il doit, à ce moment-là, non pas par conférence de presse, alerter les partis s'il y a des preuves concrètes que ça puisse apporter des avantages. Ça, je pense que... Je suis obligé de faire l'observation parce que je n'ai pas de réponse. Même après l'avoir posée, je ne crois pas qu'on m'ait répondu.

J'observe également, M. le Président, qu'il y a ou bien une profonde méconnaissance des programmes ou bien on évalue mal la portée ou l'absence d'évaluation concrète de ce que c'est que la gestion de ce programme-là. Par le fait qu'il maintienne le questionnement dans son texte, ça m'apparaît être la confirmation que la perception est là et qu'elle est maintenue. On a beau me répondre que c'est un questionnement... pas anodin, mais un questionnement à se faire, je pense que, s'il y a un questionnement à se faire, moi, pour changer des choses, il faut que j'aie des raisons de changer des choses. Je crois, actuellement, qu'on n'a sur la table aucune allégation ou aucun début de preuve qui nous permette de dire que ça constitue un avantage.

Écoutez, on n'est toujours bien pas pour faire des députés des robots mécaniques: On enlève ça, il a apporté un jugement. Moi, au contraire, je pense que l'évolution des régimes politiques va faire en sorte que les députés vont de plus en plus participer au processus de décision dans leur région parce que ce sont des gens imputables. Si on veut régionaliser puis décentraliser, il va falloir que les députés jouent de plus en plus un rôle et exercent leur jugement, précisément, et ça n'a rien à voir, à mon point de vue, avec l'application d'une législation, d'une loi électorale. Ce sera à l'usage qu'on verra si certains points d'une loi électorale ou d'un programme avantagent de façon disproportionnée les individus. Bien, on est élus, on est passés avec des engagements électoraux, on est passés avec des programmes électoraux puis on est là pour le réaliser, le programme électoral. Je ne vois pas, moi... Puis ça n'a pas empêché, depuis 1960, à tous les deux mandats, de changer de bord de la Chambre. C'est ça, dans les faits. Ça, là-dessus, il y a une incompréhension quant au rôle, j'en suis convaincu. Si Voltaire a dit, comme le disait si bien le Directeur général des élections: Donnez-moi deux lignes d'un homme puis je le pendrai, moi, je lui dirai que l'homme ne doit jamais oublier, avant d'écrire deux lignes, le poste qu'il occupe puis l'influence et l'incidence que ça peut avoir. Ça, c'est clair. Sans doute que Voltaire, en filigrane, a écrit ça quelque part.

(12 h 10)

Donc, moi, je voudrais vous dire personnellement, M. le Président, que je suis au moins satisfait du retrait d'une accusation, en filigrane en tout cas. Deuxièmement, je suis également satisfait en ce qui regarde le fait que c'est officialisé qu'aucun député n'a dérogé aux règles lors de la dernière... Mais il y aura une bonne discussion de fond à faire sur l'exercice du rôle de gestionnaire versus une aide financière. Ça, moi, je ne le prends pas. Je ne considère pas que c'est une aide financière. Puis on aura beau écrire les textes qu'on voudra, il faut l'avoir appliqué – depuis 18 ans, moi, dans mon cas – pour savoir que ce n'est pas une aide financière à un député.

Je vous dirai que, dans certains cas, même, et je vais le dire très candidement ici, moi, j'étais tanné de ce programme-là. «C'est-u» correct? Il apporte plus de mécontentement, souvent, sur le terrain, que de contentement. Je ne suis pas certain que, si on a à revoir ce programme-là, on ne devrait pas le régionaliser et le décentraliser, à part ça. Mais l'objectif fondamental, c'est que l'action communautaire doit être soutenue au Québec, surtout dans des périodes difficiles de compressions budgétaires. Avoir du monde qui, avec 400 $, 500 $, accompagnent des personnes chez les médecins, visitent les malades dans les hôpitaux, encadrent des jeunes pour faire du loisir, réparent une petite porte ou bien une fenêtre d'un centre d'accueil, ou d'un centre communautaire, ou d'un centre de loisirs que tu vois le jour au travers, je ne crois pas que ce soit un avantage financier pour un député. Je crois plutôt que c'est la reconnaissance de celui qui a obtenu la confiance d'une population, c'est de la reconnaissance de l'action bénévole de son milieu. Et l'expérience passée, je le répète, ça existe bien avant que naisse la direction générale des élections, les deux programmes en cause.

D'autre part, je vous dirai, M. le Président, que je ne voudrais pas non plus terminer sans dire que notre Loi électorale, au Québec, c'est quand même une des belles législations, qui est copiée par beaucoup d'autres gens d'autres pays, et qu'on a réussi, je pense, au cours des 16 ou 17 dernières années, à faire en sorte que notre système démocratique se perfectionne. Il est sans doute perfectible. Il est sans doute perfectible, mais je ne voudrais pas que ce genre d'incident ternisse le travail de 17 ou 18 ans sur la Loi électorale elle-même. Au contraire, on a une loi qu'on modifie, qu'on modifie depuis des années et qu'on va continuer à modifier pour rendre notre système... Il est rendu exportable, notre système. Donc, c'est tout à notre fierté.

Président (M. Simard): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, je dois constater, à ce moment-ci, que nous avons rempli le mandat que la Chambre nous avait confié. J'ajourne donc nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 13)


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