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Version finale

35th Legislature, 1st Session
(November 29, 1994 au March 13, 1996)

Tuesday, April 11, 1995 - Vol. 34 N° 27

Étude des crédits du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles


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Table des matières

Volet affaires internationales

Adoption des crédits


Autres intervenants
M. Sylvain Simard, président
M. André Boulerice
M. David Payne
M. Thomas J. Mulcair
M. Rémy Trudel
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. François Beaulne
*M. Robert Normand, ministère des Affaires internationales,
de l'Immigration et des Communautés culturelles
*M. Daniel Audet, idem
*M. Jean Clavet, idem
*M. Carl Grenier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
    Note de l'éditeur: La commission a aussi siégé en soirée pour l'étude des crédits de la ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Comme nous fonctionnons à l'intérieur d'une enveloppe de temps assez précise, je nous demanderais de bien vouloir nous mettre immédiatement au travail. Je rappelle le mandat de la commission qui est aujourd'hui de poursuivre l'étude du programme 1 des crédits budgétaires du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles pour l'année financière 1995-1996. M. le secrétaire, veuillez annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: Il n'y a pas de remplacements, M. le Président.


Volet affaires internationales

Le Président (M. Simard): Merci. Je rappelle l'entente, ce sur quoi nous nous sommes entendus en début de travaux, hier, de travailler par grands ensembles pour nous mener à un vote sur l'ensemble des crédits du ministère vers 17 h 30. Il y a déjà eu des remarques préliminaires, de part et d'autre, en début. Cependant, évidemment, puisque nous changeons d'élément du programme aujourd'hui, peut-être certains voudront-ils en faire, des remarques préliminaires. J'offre, dans un premier temps, au ministre... Je lui demande s'il veut en faire, et nous l'écouterons si c'est son désir. Je demanderai la même chose au représentant de l'opposition par la suite. M. le ministre.


Remarques préliminaires


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Bon, j'ai pris presque 30 minutes hier soir pour faire des remarques préliminaires et, comme cet exercice vise à donner la chance aux parlementaires de poser des questions à l'Exécutif sur la façon dont les sommes que nous vous demandons seront dépensées ou l'ont été dans le passé immédiat, je crois que je vais me limiter à la portion vraiment congrue dans mes remarques introductives de ce matin. C'est aux parlementaires à poser des questions sur les crédits. D'autant plus qu'autour de cette table, pour représenter l'opposition officielle, il y en a un qui doit bien connaître les crédits autant que moi, puisque c'est lui qui les a dépensés pour la majorité de l'année écoulée et un certain nombre d'années antérieures. Alors, je vais me borner à répondre aux questions et aux objections.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Moi, j'aurais quelques remarques préliminaires, si vous me le permettez. Vous me permettrez, dans un premier temps, de saluer chaleureusement l'équipe du ministère des Affaires internationales qui accompagne le ministre et avec laquelle j'ai eu grand plaisir à travailler pendant de nombreuses années. J'en garde d'excellents souvenirs.

Je voudrais partager avec vous, ce matin, ma perception, ma vision des affaires internationales et l'importance qui devrait être accordée à un tel ministère par le présent gouvernement. Durant près de cinq ans, nous n'avons ménagé aucun effort pour assurer la présence du Québec à l'étranger. Nous avons réussi à développer une approche globale des affaires internationales. Quand je dis «globale», c'est qu'il s'agissait d'une approche qui combinait tant le côté affaires que le côté culturel, institutionnel et relations avec d'autres pays. La société québécoise a beaucoup à apporter comme contribution au reste du monde. Elle a des valeurs, des traditions, une culture bien à elle. Nous en avons toujours été persuadés. C'est cette spécificité que nous nous sommes attachés à faire connaître à l'étranger.

(10 h 10)

De plus, au niveau commercial, derrière chaque entreprise, il y a des hommes et des femmes dynamiques, fonceurs, prêts à relever le défi de la mondialisation des échanges et anxieux de se mesurer à la concurrence internationale. Le ministère des Affaires internationales a été sans contredit le point de rencontre des forces vives des entreprises exportatrices du Québec. Par ailleurs, son rôle de coordination entre les différents ministères, son expertise et son savoir-faire à l'international en ont fait le partenaire de nos entreprises, le tremplin pour passer d'un marché, somme toute, assez restreint à l'ouverture sur le monde.

À l'étranger, nous avons voulu faire connaître le Québec par tout ce qu'il ajoute, ce qui fait sa particularité au sein du Canada qui profite déjà d'une réputation enviable dans le monde entier. Nous avons profité de cette réputation comme partenaires majeurs de la Fédération canadienne et nous y avons ajouté une dimension québécoise. Nous avons établi des liens avec d'autres pays. Nous les avons intéressés en leur parlant de nos acquis, de nos caractéristiques et de notre évolution comme société. Nous avons effectué des missions dans 40 différents pays, et l'appui des représentants du Canada a beaucoup facilité notre tâche.

Le progrès et la performance exceptionnels des entreprises du Québec à l'international les cinq dernières années en témoignent. De 1978 à 1983, le Québec n'a enregistré que deux surplus commerciaux avec ses partenaires internationaux. Le surplus enregistré par le gouvernement en 1982 n'a pas eu de suite, pour la bonne raison qu'il était motivé par une baisse de 21 % des importations durant la récession de 1981 à 1982. La reprise qui a suivi s'est de nouveau soldée par un déficit commercial qui s'est ensuite amplifié en 1984. Le surplus enregistré par le gouvernement libéral en 1993 résulte, au contraire, de cinq années consécutives de baisse du déficit commercial culminant avec le surplus de 3 400 000 000 $ enregistré l'an dernier. En outre, le surplus en question résulte d'une hausse de 24 % des exportations québécoises par rapport à 1992 et non d'une baisse des importations, comme ce fut le cas en 1982. De tels résultats ont été atteints grâce à une approche systématique et soutenue sur la scène internationale. Je pense que le ministère, en plus du travail direct qui a été fait, a permis de susciter un intérêt marqué des entreprises pour l'exportation. Et nous avons commencé avec...

M. Boulerice: Je m'excuse, cher collègue. M. le Président, est-ce que vous pourriez prévenir notre aimable clientèle de laisser les cellulaires au vestiaire?

Le Président (M. Simard): Oui, je pense que c'est une règle maintenant qui est communément admise. Il n'y a pas de messages téléphoniques qui doivent arriver dans cette salle. Alors, s'il vous plaît, ceux qui en ont, vous les mettez vraiment à la position arrêt complet. Considérons ce petit incident comme un accident. Et nous vous écoutons, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je remercie le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, parce que c'est distrayant d'entendre toutes les sonneries.

M. Boulerice: Vous savez que je suis suspendu à vos propos.

M. Ciaccia: Et je suis persuadé que vous avez fait cette intervention parce que vous voulez écouter attentivement mes paroles.

Alors, je parlais des approches systématiques sur la scène internationale. Je parlais du déficit, en 1989, qui s'est traduit par un surplus de 3 400 000 000 $ en 1993, et ça a été soutenu année après année. Et, pour arriver à connaître de tels résultats en si peu de temps et dans un contexte aussi nouveau que celui de la mondialisation des marchés, il fallait savoir s'adapter, se faire confiance et développer une expertise valable et exportable. C'est ce que le Québec a fait, et ce, sans besoin de chambarder nos institutions politiques.

En maintes occasions, nous avons fait montre d'un sens aiguisé et avisé pour reconnaître de nouveaux marchés. Cela a été le cas pour l'Europe centrale, l'Europe de l'Est, le Viêt-nam, entre autres. À d'autres occasions, nous avons pris le leadership pour conquérir des marchés d'avenir comme la Chine et les pays de l'Amérique latine, avec des résultats que l'on reconnaît aujourd'hui et qui se répandent dans toutes les régions du Québec par des travaux de sous-traitance.

Également, nous avons su réunir les conditions susceptibles d'intéresser, d'attirer des investisseurs étrangers au Québec. Nous avons fondé le Bureau des investissements étrangers pour faciliter cette coordination entre partenaires si essentielle à la réalisation de tout projet. C'est, d'ailleurs, dans cet esprit que la première tâche importante du BIE a été entreprise, celle d'inviter l'ensemble des hauts dirigeants des firmes étrangères établies au Québec à rencontrer l'équipe du BIE. J'ai aussi participé à ces rencontres durant lesquelles on a examiné les moyens, les outils à mettre en place pour convaincre les sièges sociaux de choisir le Québec dans leurs projets d'investissement. Au cours de huit rencontres, on a pu échanger avec 60 % des firmes étrangères présentes chez nous. En avril 1994, seulement les entreprises américaines n'avaient pas moins de 27 projets à l'étude.

Maintenant, il y a une rumeur. Et quelle est la rumeur qui circule actuellement? Les mêmes compagnies seraient bientôt convoquées par le ministre non pour discuter de leurs projets au Québec et de la manière de les mener à terme, ce qui serait normal et souhaitable; la rumeur veut que le ministre leur explique ses projets pour le Québec et sa manière à lui de les mener à terme. Et, si cette rumeur n'est pas fondée, je voudrais bien que le ministre nous le dise, parce que je crois que c'est très important de ne pas créer d'incertitude, de problèmes en ce qui concerne les entreprises que nous voulons non seulement attirer ici, mais que nous voulons garder et nous voulons qu'elles prennent de l'expansion au Québec. Si la rumeur est bien fondée, on voit qu'il y a un revirement. Nous, on invitait les entreprises à venir nous parler; vous, vous les invitez pour expliquer vos projets politiques pour l'avenir. Je ne crois pas que c'est la façon vraiment d'attirer et de maintenir les entreprises ici, au Québec.

Alors, ce regard en arrière dans le mandat et le rôle du ministère des Affaires internationales, que je vous ai contraints à faire ce matin, a un but bien précis. Nous avons eu beaucoup de succès. Le MAI a joué un rôle remarquable pour appuyer nos entreprises et faire connaître nos institutions publiques et culturelles. Je ne sais pas vraiment et je voudrais savoir comment le ministre actuel voit la mission du ministère. Vers où le mène-t-il? Quel rôle entend-il donner aux délégations du Québec à l'étranger?

Sur ce dernier point, ce que j'ai vu dernièrement n'a rien de bien rassurant. On a vu certains délégués généraux devoir publiquement faire une profession de foi séparatiste pour garder leur emploi. On en a vu d'autres être écartés du revers de la main parce qu'ils ne partageaient pas la même idéologie que le ministre. À d'autres, encore, on a collé des surveillants spéciaux pour être bien certain qu'ils ne dévieraient pas de la pensée politique du nouveau gouvernement. On peut se poser la question: Est-ce bien le rôle des délégués à l'étranger d'expliquer une hypothétique indépendance du Québec? Est-ce qu'ils précisent, dans leurs explications auprès de leurs interlocuteurs, que le mouvement indépendantiste ne fait pas l'unanimité au Québec, qu'il n'est pas représentatif de toute la société québécoise? Leur disent-ils que ce gouvernement n'a pas encore reçu le mandat de la population du Québec de faire l'indépendance?

De surcroît, avec cette nouvelle tâche confiée aux délégués, comment sont-ils en mesure de remplir leur devoir auprès des entrepreneurs québécois qui veulent percer sur de nouveaux marchés? La culture québécoise, que les délégations sont chargées de promouvoir à l'étranger, ne se limite pourtant pas à sa seule situation politique. Comment les intérêts des Québécois et des Québécoises peuvent-ils être bien servis dans un tel contexte?

Par le passé, le ministère a toujours travaillé en étroite collaboration avec les ambassades canadiennes. Cela ne semble plus être le cas aujourd'hui, évidemment. Qu'en est-il exactement? Est-ce que les excellentes relations que nous avions développées avec les ambassades canadiennes sont entretenues? Le Québec n'a pas le droit d'agir comme s'il était déjà indépendant et de ne pas utiliser toutes les ressources que ces ambassades contiennent, qu'elles ont mises à la disposition du Québec pour aider non seulement les entreprises... Mais la connaissance des institutions et l'ouverture qu'elles ont pu nous donner, je crois que c'est un actif important pour le Québec.

(10 h 20)

Les grands accords internationaux, comme l'ALENA par exemple, apportent des bénéfices considérables au Québec et ils ont été négociés avec la participation des provinces, la participation du Québec avec le gouvernement fédéral. On connaît la ferveur que met le ministre à faire croire à la population québécoise qu'un Québec indépendant, par droit de succession d'États, fera partie automatiquement de tous les grands accords commerciaux internationaux. Alors, dans La Presse du 11 février dernier, j'ai démontré que les arguments du ministre, en ce qui concerne cet accord de Vienne, ne tiennent pas. La Convention de Vienne, dont il nous a abreuvés jusqu'à dernièrement, n'est pas en vigueur. Elle requiert 15 ratifications, et seulement 13 pays se sont manifestés, dont cinq qui sont des nouveaux pays eux-mêmes issus d'une sécession, soit la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Slovénie, l'Estonie et l'Ukraine. Dix-sept pays sur 20 qui étaient représentés à la conférence de 1978 n'ont pas ratifié cette Convention. Les trois adhérents sont l'Éthiopie, l'Irak et la Yougoslavie, et, encore, tous ont inscrit des conditions. Alors, peut-être que le ministre pourrait nous donner son point de vue maintenant sur la Convention de Vienne. Pourquoi n'en parle-t-il pas? Peut-être que les arguments que nous avons portés à son attention l'auraient convaincu.

Dans un autre ordre d'idées, je ne comprends pas pourquoi le ministre semble vouloir à tout prix remettre en cause les avantages dont le Québec bénéficie dans l'ALENA, par exemple, à cause de son statut de province. Par l'exclusion de mesures spécifiques et de secteurs d'activité en faveur des États et des provinces, exclusion non consentie aux signataires de l'Accord, c'est-à-dire aux gouvernements fédéraux des États-Unis, du Canada et du Mexique, l'ALENA, en fait, reconnaît et admet le rôle particulier des provinces dans le développement régional.

Les politiques de développement régional sont des outils importants aux mains des gouvernements pour des raisons sociales et économiques. Elles encouragent la mobilité des travailleurs et favorisent l'émergence de nouvelles opportunités économiques. De nos jours, les citoyens attendent de leur gouvernement provincial qu'il intervienne avec efficacité en vue de renforcer toutes les régions dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, des sciences et de la technologie, des soins de santé et des services administratifs.

Les gouvernements fédéraux ont, bien évidemment, la possibilité de promouvoir, eux aussi, le développement régional, mais avec des instruments différents et, en ce qui concerne l'ALENA, au contraire des provinces, des instruments sujets à la contestation des autres gouvernements. L'ALENA donne aux provinces certaines prérogatives dont les gouvernements fédéraux ne bénéficient pas. Ces bénéfices, pour les provinces, sont partie de l'Accord. Ils sont aussi partie de l'entente qui a mené à la création de l'Organisation mondiale du commerce, l'organisation successeure du GATT. Les politiques d'achats gouvernementaux, par exemple, sont au centre du mandat des provinces de favoriser le développement régional. En permettant de ne pas soumettre les contrats publics, 13 700 000 000 $ en 1993, dont 4 100 000 000 $ accordés uniquement par Hydro-Québec, à la concurrence internationale, l'ALENA autorise notre gouvernement et ses agences à maximiser les activités économiques découlant de leurs achats. Ces dépenses, le ministre le sait, sont exclues de l'Accord.

Bien sûr, celui-ci prévoit que des négociations devront être entreprises pour confirmer ou réduire des exclusions. Mais il serait illusoire et irréaliste de penser, compte tenu des conditions actuelles, qu'une province ou qu'un État américain accepterait d'abandonner ses exclusions sur la foi bien hypothétique que ses entreprises auront accès à un marché élargi. Comme le dit si bien l'adage, «un tiens vaut mieux que deux tu l'auras». Et on peut être libre-échangiste, certes, mais on n'a pas le droit de ne pas maintenir ce que nous avons déjà négocié et gagné pour les entreprises et les travailleurs du Québec.

À l'aube de l'an 2000, on peut dire que la diplomatie internationale a changé. Elle s'est transformée. Elle n'est plus confinée au seul domaine de la politique étrangère, comme elle l'était au XIXe siècle et jusqu'à la moitié du présent siècle. Et qui sait ce que réserve la fin de la guerre froide dans l'évolution des rapports entre les pays? Tous les pays sont confrontés à la nouvelle réalité de la mondialisation des échanges, de la globalisation des marchés. Cette nouvelle réalité force les pays à réorienter leur politique étrangère pour aider leurs entreprises.

Le commerce est dorénavant à la base de toute relation internationale. Même la France reconnaît cette nouvelle réalité et mise dorénavant sur les entreprises, crée les conditions pour les aider à performer à l'étranger. J'invite le ministre à en tenir compte dans la direction de son ministère pour les intérêts du Québec à l'étranger et pour les entreprises québécoises qui doivent pouvoir compter sur lui. Je crois que là est sa véritable mission. Je vous remercie, M. le Président.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): ...comme le député de Mont-Royal a fait des remarques initiales qui ne tiennent pas compte de celles que j'ai faites hier soir, que visiblement soit la députée de Marguerite-Bourgeoys ne l'a pas tenu au courant ou il ne s'est pas donné la peine, comme j'aurais cru qu'il le ferait, de lire le Journal des débats ou les premiers textes à ce sujet, je vais devoir répondre – je crois qu'il le comprendra de bonne grâce – aux remarques qu'il a faites et à certaines des questions qu'il a posées dans ses remarques.

Premièrement, je peux certifier au député de Mont-Royal que ce n'est pas une rumeur que le ministre des relations internationales est souverainiste. C'est vrai, c'est même de notoriété publique et cela transpire de ses conversations privées, publiques et de ses exposés où il conjugue la volonté démocratique du peuple québécois qui a élu un gouvernement souverainiste. Je sais que ça n'a pas été parfaitement à votre convenance et je le comprends, mais c'est la réalité. Autant les électeurs de ma circonscription de Verchères que les électeurs de la majorité très large des circonscriptions québécoises ont élu des souverainistes. Le député de Mont-Royal peut lever les yeux, il y en a un bel assortiment en face de lui qui sont rentrés dans cette Assemblée parce qu'ils avaient dit aux hommes et aux femmes qui les ont élus qu'ils étaient souverainistes et qu'ils voulaient travailler dans cette optique au mieux-être économique du Québec.

Alors, c'est bien sûr que, comme je l'ai dit publiquement à plusieurs reprises, quand je rencontre un investisseur américain, comme je l'ai fait à Chicago cette semaine – dans une atmosphère de sympathie extrême, d'ailleurs, je n'ai entendu que des projets d'investissement – je ne cache pas une réalité fondamentale dont j'ai parlé dans mes remarques d'hier. Et je veux que le député de Mont-Royal y médite et qu'il médite surtout sur son passé en cette matière. Les Québécois et les Québécoises forment une nation, un peuple. Le député de Mont-Royal fait partie de cette nation et de ce peuple, d'ailleurs, comme mon ami, le regretté Jean Martucci et comme les hommes et les femmes de tous les coins du monde qui, n'ayant pas eu d'ancêtres qui ont cultivé des terres à l'île d'Orléans, sont quand même venus vivre parmi nous. Ça crée des obligations, ça.

Si je l'affirme aussi carrément, ce n'est pas tellement aux bibliothèques économiques que je fais référence; c'est aux grands ouvrages de politique et de sociologie. Et je crois que, avant d'enregistrer son vote de 1982 où, en dissidence de notre Assemblée nationale, le député de Mont-Royal a approuvé la plus grande infamie de l'histoire du Canada, il aurait dû lire Max Weber et Ernest Renan, et un certain nombre d'autres auteurs fondamentaux qui démontrent hors de tout doute que, si cette Assemblée nationale s'appelle nationale et si le député de Mont-Royal en fait partie, c'est parce que c'est l'Assemblée d'une nation et d'un peuple, et qu'il est dans la nature des choses que cela doit être dit aux étrangers, cela doit être dit aux étrangers.

Et j'aurais aimé que le député de Mont-Royal, lui, le dise aux Québécois et aux Québécoises. Il pourrait se corriger, aujourd'hui, je lui en donne l'occasion. En 1982, le député de Mont-Royal, contre René Lévesque et contre son chef, Claude Ryan, a approuvé la rupture brutale et unilatérale d'un pacte que nos ancêtres, hommes et femmes, avaient conclu en 1867. Je donne au député de Mont-Royal, aujourd'hui, à cette séance des crédits, pour établir sur des bases intellectuelles solides nos travaux matériels et mathématiques qui suivront, je lui donne l'occasion de renier son vote de 1982 et de dire qu'il dénonce ce qu'il a fait, et qu'il aurait dû voter avec René Lévesque et Claude Ryan.

(10 h 30)

Ces bases solides étant établies, nous allons maintenant parler d'économie, qui est un sujet qu'il aime et que j'aime aussi, et de commerce extérieur – parce qu'il sait qu'il a géré le ministère qui inclut cette activité et que, moi, j'ai eu l'honneur de le fonder et de le gérer – pour dire que les surplus commerciaux dont il a fait état, et qui sont véridiques, sont l'apanage de l'économie du Québec. Historiquement, l'économie du Québec dégage un surplus commercial. J'ai eu à examiner, avec l'aide d'un professeur de l'Université du Québec à Trois-Rvières, le dernier quart de siècle et au-delà. Les chiffres ont été publiés, d'ailleurs, et rendus publics. C'est Pierre-André Julien. L'économie du Québec, depuis un quart de siècle, sauf années exceptionnelles, dégage un surplus commercial.

Quelles sont les années exceptionnelles? Il y a quelques années où, effectivement, on a dû acheter plus à l'étranger, en valeur et en volume, que nous avons vendu. Ce sont les années de flambée des prix pétroliers, évidemment. Quand le pétrole est à 40 $ le baril, comme le Québec n'en produit pas un seul baril et qu'il l'importe du Moyen-Orient essentiellement et du Venezuela, ça déséquilibre ses comptes. Mais, même ce facteur est en train de changer structurellement, parce que le député de Mont-Royal, qui a été aussi ministre de l'Énergie, sait que le pétrole a reculé dans le bilan énergétique du Québec et que l'électricité, suivant des politiques établies depuis nombre d'années, qui ont fini par porter fruit, a chassé les hydrocarbures fossiles. C'est pour ça que les succès dont il se targue sont vrais. Ils étaient vrais dans notre temps, ils ont été vrais de tout temps. Jean Lesage aurait pu dire à peu près la même chose.

Qu'est-ce qu'il y a de changé depuis? C'est que la structure de nos ventes à l'étranger est beaucoup plus intéressante qu'elle ne l'était. Nous avons été comblés d'une dotation en richesses naturelles à nulle autre pareille. Et c'est elle qui a fait notre richesse pendant des décennies. Le Québec est le premier exportateur per capita de pâtes et papiers, de papier journal, tout le monde sait ça, mais aussi de concentré de fer, de concentré de cuivre. On n'est pas toujours le premier, mais, quand on n'est pas le premier, on est le troisième ou quatrième. C'est vrai pour l'or, c'est vrai pour le zinc, c'est vrai pour le cuivre.

Et, jusqu'à naguère, les professeurs ont enseigné dans les facultés que le premier poste exporté du Québec, c'était le papier journal. Ce n'est plus vrai. L'économie du Québec a pris le virage technologique et, peu à peu mais solidement, est allée vers l'exportation de produits à haute valeur ajoutée. Le premier poste exporté aujourd'hui, c'est le matériel de télécommunications. Pâtes et papiers est encore dans les tout premiers, mais, avec pâtes et papiers, il y a avions complets, pièces d'avions, moteurs et turbines.

Alors, la révolution de valeur ajoutée de l'économie du Québec, elle est faite. Elle est faite, mais, en volumes globaux, l'Ontario donne une image apparemment plus intéressante. Pourquoi? Parce que le ministre du Commerce extérieur de l'Ontario... Et le député de Mont-Royal a dû réfléchir à ça quand il occupait ce poste. Et, moi, tous les 1er janvier, j'y pensais. Je ne sais pas si le député de Mont-Royal faisait la même chose. Le 1er janvier, je me disais: Moi, cette année, il faut que je fasse x missions à l'étranger, il faut que j'amène des hommes d'affaires à l'extérieur, il faut que j'invente de nouveaux programmes, il faut que je me décarcasse pour... Il devait faire la même chose. En tout cas, je le souhaite vivement. Ça n'apparaît pas toujours dans les chiffres, mais... Il faut que je me décarcasse pour vendre.

Et mon collègue de l'Ontario, lui, qu'est-ce qu'il fait? Il regarde se développer le compte à compte GM-Chrysler-Ford. Ça fait une sacrée différence, ça. Le coeur de l'économie canadienne, c'est l'Ontario; le coeur de l'économie ontarienne, c'est Ford-GM-Chrysler. Au Québec, on a une approche différente qui nous a été imposée par l'histoire, par les réalités sociologiques, par le fait que nous sommes une nation, peut-être. Mais, quelles que soient les raisons, les succès québécois, ils sont largement dus à l'«entrepreneurship» québécois, aux capitaux québécois, à la présence équilibrée, évidemment, des multinationales et des transnationales. Une partie de notre économie est le fait de grandes entreprises étrangères.

Mais, contrairement à l'Ontario, les centres de décision ultimes de ces succès dont a parlé le député de Mont-Royal sont ici. C'est Bombardier, Laurent Beaudoin, premier exécutif et dirigeant, boulevard René-Lévesque, Montréal, siège social; c'est là, la décision ultime. C'est Quebecor, Pierre Péladeau, deuxième ou troisième imprimeur de la planète. C'est Caisse de dépôt et placement, 80 000 000 000 $ d'actifs. C'est Mouvement Desjardins, dans les mêmes eaux en termes d'actifs.

Alors, il est sûr que cette économie, hors de tout doute, qui est la vingtième économie du monde, est une économie solide, qu'elle est une des plus exportatrices. Et elle le serait davantage si, contrairement à ce que soutient le député de Mont-Royal de façon absurde, elle n'était pas privée du statut national. Si j'ai bien compris ce qu'a dit le député de Mont-Royal, c'est qu'une province est mieux qu'un État souverain. Ah! voilà une chose carrément comique, carrément comique. Nommez-moi un peuple au monde qui, ayant eu un État souverain, a déclenché une bataille pendant des années ou des siècles pour devenir une province. Si une province est mieux qu'un État souverain, pourquoi 40 nouveaux pays aux Nations unies, au cours des 40 derniers mois, ont abandonné ce paradis provincial pour accéder à la souveraineté nationale? Ça, je pense que le député de Mont-Royal devra s'expliquer là-dessus aujourd'hui ou un jour, parce que ce sont des propos, en tout respect pour lui, qui m'apparaissent tenir de la plus haute fantaisie, sinon de l'absurdité.

Mais allons-y un peu pointu, là. Je fais une critique globale de ce qu'il a dit. On va y aller un peu plus pointu, parce qu'il a fondé son argumentation sur la capacité pour les États souverains d'avoir des régions qui, elles, ont un statut plus facile que l'État national. Est-ce que ça veut dire que l'Abitibi n'existera plus en cas de souveraineté du Québec? Est-ce que ça veut dire que le Lac-Saint-Jean n'existera plus? Est-ce que ça veut dire que la Gaspésie, M. le député de Gaspé, est menacée dans son existence même si le Québec accède au concert des nations? Il y aura des régions à l'intérieur du Québec, et le droit international s'appliquera au Québec souverain et il s'appliquera à chacune de ses régions.

Est-ce que le député de Mont-Royal pourrait... On a tout entendu sur la souveraineté, là, et puis, moi, je respecte beaucoup ceux qui sont pour le Canada, hein, et qui défendent ces formules. Je ne les partage pas, je les combats politiquement et démocratiquement, mais il ne faut quand même pas, au soutien des causes les plus nobles, prendre les arguments les plus risibles. Si c'est si bon que ça, le statut provincial, et si c'est si néfaste, le statut national, que ne militez-vous pas pour que le Canada devienne un État américain? Il aurait toutes les prérogatives du Wyoming ou de l'Idaho. Il faut que vous vous expliquiez là-dessus. Il faut vous expliquer là-dessus.

Quant à la succession d'États, je vais vous redire ce que j'ai déjà dit et qui ne souffre pas le langage carré et absolu, parce que le droit international, le droit des gens, le fameux jus gentium qu'on enseigne dans les facultés, il a évolué d'un précédent à l'autre, d'une situation historique à l'autre et de conventions internationales plus ou moins codifiées par les efforts des Nations unies et autres organisations. Or, un certain nombre de règles vieilles comme le jus gentium lui-même ont fini par aboutir dans des textes. Que ces textes soient ratifiés ou non, ça ne change rien. C'est plus commode d'avoir un code. Les pays anglo-saxons n'ont pas de code. Est-ce que ça veut dire qu'ils n'ont pas de droit? On peut faire une codification, et c'est ce qui se fait peu à peu au niveau international.

Les règles, c'est ceci. C'est que la façon pour les nouveaux États d'accéder au concert des nations, c'est à travers la succession des États. C'est la règle globale. Est-ce qu'il y a des exceptions? Oui. Il y a l'exception où le pays veut utiliser son droit de table rase et dire: Je n'accède pas... Je deviens indépendant, mais je dénonce tous les traités auxquels l'État antérieur était partie. Ça n'arrive jamais. Donc, la règle, c'est la succession d'États. La deuxième règle, qui est pratiquée en particulier par un grand pays qui est la première puissance du monde et qui aime la paix, les États-Unis d'Amérique, c'est la stabilité, donc, la règle du statu quo ante. Lorsqu'un nouveau pays naît, ou la succession d'États s'applique totalement, ou elle s'applique en grande partie, et le résiduel est réglé par le statu quo ante, c'est-à-dire le temps d'y penser, le temps d'en discuter, afin de ne pas perturber les circuits commerciaux.

(10 h 40)

Et une chose que je n'ai jamais entendu dire au député de Mont-Royal – et je présume que ce n'est pas parce qu'il n'a pas lu le texte – c'est que l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, le bilatéral, de même que l'accord trilatéral sont fondés explicitement sur les principes du GATT. Et quels sont les principes de base du GATT? C'est la non-discrimination, la clause de la nation la plus favorisée, la recherche de la fluidité des échanges, indépendamment de tout contexte politique.

Je vais même prendre un exemple assez odieux, d'une certaine manière, bien que la situation soit réglée aujourd'hui, c'est la situation, maintenant revenue à la normale, de l'Afrique du Sud. Pendant les heures les plus odieuses de l'apartheid, le GATT continuait à s'appliquer. L'Afrique du Sud était membre du GATT. Si on voulait faire des sanctions contre l'Afrique du Sud – et là, on parle d'un cas extrême; c'est un des cas les plus odieux de l'histoire humaine contemporaine, c'était l'apartheid, la discrimination raciale – bien, même durant cette période-là, les pays membres du GATT, pays démocratiques et respectueux des droits fondamentaux, pour appliquer des sanctions à l'Afrique du Sud, n'ont pas formellement violé le GATT; ils ont plutôt fait le tour pour sauvegarder ce principe sacré que l'Accord général, qui, aujourd'hui, après Marrakech, sera plutôt désigné comme la loi fondamentale de l'Organisation mondiale du commerce, est là pour favoriser les échanges. Et ça, ça va s'appliquer au Québec comme ça s'est appliqué à tous les pays à économie de marché qui ont demandé leur adhésion au GATT, et ça va teinter toute l'attitude que peuvent avoir les membres de l'ALENA par rapport au nouvel État du Québec souverain. Et ça, c'est des principes solides, là.

Le député de Mont-Royal peut essayer de nous perdre dans des détails et la marginalité, puis aller prétendre que les quotas des vêtements ne seront pas répartis; ils le seront, répartis. Et aborder ça par le petit côté, c'est ramener le Québec à ce qu'il n'est pas. Le Québec, c'est la vingtième puissance économique du monde, c'est le huitième partenaire commercial des États-Unis d'Amérique, c'est le partenaire no 1 du Canada, bien entendu; il a, d'ailleurs, un surplus commercial avec nous. Il faut tenir compte de ces réalités avant de s'embarquer dans des critiques, qui ne sont pas injustes pour la cause de la souveraineté du Québec, qui sont injustes pour le Québec lui-même, qui sont même injustes pour le Canada lui-même.

Le Canada, qui est une grande démocratie, deviendrait-il protectionniste du jour au lendemain? Est-ce que le Canada quitterait le GATT? Est-ce que le Canada quitterait l'ALENA pour faire un pied de nez au Québec? Ça ne se tient pas debout. Je sais que peut-être M. Bob Rae qui, lui, est un protectionniste – c'est vrai que l'Ontario a un gouvernement protectionniste – Bob Rae qui a dénoncé l'Accord de libre-échange bilatéral, qui a dénoncé l'ALENA, pourrait peut-être le faire à titre personnel. C'est une démocratie; il y a toujours des gens qui disent des choses divergentes dans une démocratie. C'est le jeu, mais je ne pense pas que le Canada le fasse.

Alors, je ne voulais pas en faire, de remarques préliminaires, mais, malheureusement ou heureusement, le député de Mont-Royal nous a donné l'occasion d'aller un peu plus au fond des choses.

Le Président (M. Simard): Alors, voilà pour ce qui ne devait pas être des remarques préliminaires mais qui l'a été. Je pense que nous pouvons aller maintenant à l'étude. M. le député de Mont-Royal.


Discussion générale

M. Ciaccia: Est-ce qu'on pourrait, en respect de nos traditions, parler de sujets généraux, puis, après ça, procéder à l'étude? Normalement, c'est ça qu'on fait.

Le Président (M. Simard): Là, je pense que nous serons... Il est de tradition, comme vous le dites, d'être extrêmement tolérant dans la façon de procéder. Alors, si vous voulez y aller par blocs et faire des commentaires généraux, le ministre pourra, à chaque fois, répliquer.

M. Ciaccia: Certainement. C'est tellement intéressant d'entendre le ministre. Il nous dit qu'il est souverainiste, mais il ne nous a pas dit de quel bord il penchait. Et, quand il me demande, sur la déclaration, le vote de 1982... Est-ce que vous cherchez une autre expiation publique du genre délégation au Mexique? On se croirait dans la Révolution culturelle de la Chine. Là, vous me demandez de reprendre mon vote, puis de faire une expiation sur le vote de 1982. Vous m'avez fait...

M. Landry (Verchères): Une explication...

M. Ciaccia: Un instant, un instant.

M. Landry (Verchères): ...suffirait. Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: M. le Président, s'il vous plaît! Bon, on peut faire des échanges, je ne ferai pas de procédure. Vous m'avez suggéré de lire vos remarques préliminaires d'hier. Moi, je vous suggérerais de lire le discours que j'ai fait quand j'ai voté en 1982, et vous allez voir dans ce discours les raisons qui m'ont motivé à voter non. Et, dans ce discours, j'ai dit que, si la motion qui était devant nous avait été présentée par Daniel Johnson senior – père – ou Claude Ryan, ou Robert Bourassa, j'aurais voté volontiers en faveur. Mais je n'avais pas confiance au gouvernement du Parti québécois pour négocier de bonne foi les intérêts canadiens et québécois, nous garder à l'intérieur du Canada. C'est pour cette raison-là que j'ai démontré que je n'avais pas confiance à ce gouvernement.

M. Landry (Verchères): Bien.

M. Ciaccia: Mais, pour votre information, ils ont eu des cérémonies à Ottawa après pour signer l'accord et la reine d'Angleterre y est allée, puis tout le reste, et je n'ai pas assisté aux fêtes à Ottawa. Je trouvais que c'était triste qu'il n'y ait pas eu d'unanimité sur un sujet aussi important. Alors, je vous inviterais à le relire. Le discours n'est pas trop long, ça va prendre trois minutes à le lire.


Avantages de l'ALENA pour le Québec

Vous avez parlé des surplus commerciaux. Avant 1979, c'est vrai, il y en avait plusieurs, surplus commerciaux. Mais, depuis 1979, avant que le gouvernement libéral vienne au pouvoir, il y en avait eu seulement deux, de 1979 à 1985, et je vous ai expliqué les conditions dans lesquelles ils ont eu lieu. Et, avec l'explication que vous avez donnée, que le pétrole ne comptait plus, on aurait dû avoir plus de surplus commerciaux, mais on ne les a pas eus.

Vous faites un point sur l'ALENA. Tu sais, on peut faire de l'humour sur la question: Est-ce que c'est mieux d'être une province dans le monde ou d'être un pays? Ce n'est pas ça, la question. Ce n'est pas ça du tout, la question. Moi, je vous parle de l'ALENA, des conditions qui existent dans l'ALENA. De faire référence à tous les autres pays qui sont devenus indépendants, je ne pense pas que c'est l'endroit, ici, où nous pouvons faire ce débat, parce que les conditions de tous les autres pays, vous ne pouvez pas les comparer au Québec. Quand vous avez mentionné, je crois, devant les consuls: Est-ce qu'Haïti accepterait, pour des raisons économiques, de faire partie du Canada? je ne pense pas que de faire de telles comparaisons entre le Québec et Haïti ou de parler de l'appauvrissement d'Haïti au cours des années, ça ajoute grand-chose au débat.

Moi, je vous parle de l'ALENA, je vous parle des conditions favorables que nous avons dans l'ALENA. Je vous dis que la succession d'États, vous le savez, elle s'applique seulement si un État le veut. Et je vous dis que, si nous avons un surplus commercial de 13 000 000 000 $, les risques que vous prenez, c'est que les conditions peuvent changer. Vous vous l'êtes fait dire par l'ambassadeur des États-Unis au Canada, M. Blanchard; il vous a dit: Ce n'est pas automatique.

Et, en n'étant pas automatique, le libre-échange... Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de règles. Ce n'est pas un «free-for-all», comme on dit. Il y a des règles, il y a des conditions; elles ont été négociées. C'est ça que je vous soumets et ce qui n'a pas encore été contredit, c'est que les conditions que nous avons présentement nous favorisent et que vous risquez que ces conditions changent au détriment de l'économie québécoise. Il n'y a rien d'automatique, et les conditions peuvent changer sans enfreindre les règles du GATT. Il peut y avoir différentes conditions qui seraient imposées et, quand on a un surplus commercial de 13 000 000 000 $, les risques que les conditions puissent changer sont assez énormes.

(10 h 50)

Vous avez toute la question du reste du Canada; on vend plus au reste du Canada qu'au reste du monde entier. Je le sais que je ne vous convaincrai pas, que je ne vous ferai pas changer vos convictions souverainistes, mais la seule question que j'ai soulevée dans la question de l'ALENA, c'est que nous en tirons des avantages considérables que vous semblez ignorer, et vous semblez prendre pour acquis que tout va se continuer dans les mêmes conditions qui existent présentement. Vous vous faites dire que ça ne sera pas ça, mais je crois que c'est important de porter à l'attention de la population... Et même votre sous-ministre lui-même, dans un discours au Mexique, a dit: Oui, il va y avoir – et je peux vous sortir la citation où il l'a dit – des négociations. Il a dit: «We accept that.» Nous l'acceptons, qu'il va y avoir des négociations dans l'ALENA si nous devenons un pays indépendant.

M. le Président, je voudrais passer à un sujet...

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal, puisque vous avez reposé un certain nombre de questions, je pense qu'il serait normal de permettre au ministre, s'il le souhaite, de répliquer à cette dernière question.

M. Landry (Verchères): Je le souhaite, parce que j'aimerais que le député de Mont-Royal, qui est un juriste, puisse aller voir les textes et regarder ça, et ne plus nous reparler au moins des éléments qui sont contraires à l'évidence et qui jouxtent l'absurdité dans ce qu'il dit. Et je reviens à l'un d'entre eux. Si je vous comprends bien, vous dites que le Québec est mieux protégé comme province dans l'ALENA parce que, comme province, il peut être l'objet de politiques de développement régional d'un État central qui sont admises par l'ALENA. J'admets ça, c'est la réalité.

M. Ciaccia: Non, excusez. Pas les politiques de développement régional du gouvernement central, les politiques, les nôtres qui sont protégées dans l'ALENA.

M. Landry (Verchères): Merveilleux, ça va me faciliter encore plus la chose!

M. Ciaccia: Celles du gouvernement central ne le sont pas.

M. Landry (Verchères): Superbe! Le gouvernement du Québec souverain devient un gouvernement central. Donc, ses politiques de développement régional ne sont pas compromises et chaque...

M. Ciaccia: Oui.

M. Landry (Verchères): Bien non!

M. Ciaccia: Bien oui, mais c'est l'inverse.

M. Landry (Verchères): Le Québec souverain devient ce qu'est le Canada dans l'ALENA. C'est une évidence. Disons que vous êtes contre, là, le fait qu'il soit souverain, mais, si, par hypothèse, il le devient, il a bien les mêmes droits et prérogatives que le gouvernement du Canada dans l'ALENA. Si vous dites le contraire, vous niez l'évidence. Alors, si le gouvernement du Canada a le droit d'avoir des politiques régionales, le gouvernement du Québec souverain a le droit d'avoir des politiques régionales.

Le Président (M. Simard): Débat très intéressant, mais qui nous éloigne peut-être de l'étude des crédits du ministère. Alors...

M. Landry (Verchères): Moi, ça ne me dérange pas, M. le Président. Moi, j'avais offert de ne pas faire de remarques introductives. Je voulais qu'on aille ligne par ligne.

M. Ciaccia: Je vais à un autre sujet, mais juste...

M. Landry (Verchères): Parce qu'on m'avait dit: Le député de Mont-Royal, qui a été le ministre, est un bon technicien, il connaît le budget ligne par ligne, on va faire du ligne par ligne. Pas du tout, il s'est lancé dans une attaque dont il aurait dû mieux calculer les conséquences.

M. Ciaccia: Savez-vous, sur ce problème, au lieu qu'on se dispute: Oui ou non, est-ce que les conditions seront les mêmes? il y a une solution très simple, très simple. Je vais vous la faire, la suggestion, et on peut même vous appuyer dans la démarche. Pourquoi ne demandez-vous pas au gouvernement américain... Vous avez des bonnes relations avec l'ambassadeur et tous...

M. Landry (Verchères): Elles sont bonnes et s'améliorent.

M. Ciaccia: ...les gens d'en face. Elle s'améliorent, bon. Pourquoi ne demandez-vous pas au gouvernement américain: Si le Québec devient indépendant, est-ce que vous allez accepter le Québec dans l'ALENA automatiquement, avec les mêmes termes et conditions qui existent maintenant? Demandez-leur donc et obtenez une réponse. Alors, on n'aura plus besoin d'argumenter, vous allez avoir la réponse. Et, si le gouvernement américain dit oui, tant mieux. Puis on va vous appuyer dans cette démarche.

M. Landry (Verchères): Je vous ai entendu poser cette question absurde dans les médias et j'étais gêné pour vous. Allez-vous soutenir sérieusement que la première puissance du monde, qui est une puissance respectueuse des souverainetés nationales de ses voisins... Et je cite les paroles de l'ambassadeur Blanchard dont vous avez parlé: «I am not interested in interfering in what is a domestic issue. It is a matter for you to decide, not us, and we do not have a right to do it. We are not qualified to do it, we have no right to do it.» L'ambassadeur des États-Unis d'Amérique, première puissance du monde, vous a déjà répondu, M. le député de Mont-Royal. Pourquoi continuez-vous dans cette direction absurde?

M. Ciaccia: C'est parce que vous...

M. Landry (Verchères): Jamais un pays ne va aller se prononcer d'avance sur l'hypothèse de fragmentation d'un pays ami et dont il respecte la démocratie. Voyons donc!

M. Ciaccia: Vous avez oublié une des citations de M. Blanchard, peut-être que ça fait votre affaire. Il vous a dit aussi que l'adhésion à l'ALENA «will not be automatic».

M. Landry (Verchères): Attendez un peu, là.

M. Ciaccia: Bien, il vous l'a dit, ça.

M. Landry (Verchères): Il a été plus...

M. Ciaccia: Ce n'est pas une question d'ingérence.

M. Landry (Verchères): C'est un juriste, M. Blanchard.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une question d'ingérence. Vous trouvez cette excuse pour ne pas poser la question, parce que je pense que vous savez la réponse d'avance.

M. Landry (Verchères): Il m'a dit d'avance qu'il ne voulait pas répondre, et je suis lié par sa parole. Il a même dit que «he was not qualified to do it». Mais, un instant! Allez-vous soutenir devant la commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec que l'ambassadeur des États-Unis d'Amérique n'a pas dit la vérité?

Le Président (M. Simard): M. le ministre, M. le député de Mont-Royal, je voudrais simplement vous faire une petite citation à ce moment-ci de nos débats et vous rappeler le mandat de la commission, qui est de poursuivre l'étude du programme 1 des crédits budgétaires du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles pour l'année financière 1995-1996. Je pense que la commission, à ce moment-ci, serait intéressée...

M. Landry (Verchères): M. le Président, votre citation manque un peu de poésie...

Le Président (M. Simard): Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): ...mais je suis tout à fait d'accord.

Le Président (M. Simard): Je vous...

M. Landry (Verchères): C'est ce que je voulais faire ici ce matin, moi.

Le Président (M. Simard): Je vous invite à manquer un peu de poésie, tout le monde, ce matin...

M. Ciaccia: Très bien.

Le Président (M. Simard): ...et, M. le député de Mont-Royal, à poser vos questions.

M. Ciaccia: Je vais poser des questions. Ce n'est pas la citation de l'ambassadeur que je mets en question; c'est l'interprétation douteuse du ministre.


Publications du ministère

Alors, procédons à un autre sujet, M. le Président. Il y a quelques semaines, j'ai reçu à mon bureau le pamphlet indépendantiste du ministère. Bien qu'il porte le même nom que l'ancienne revue d'information du MAI sur le Québec à l'étranger, Québec international , son contenu ne ressemble en rien à ce qui se passe réellement au Québec. On y parle de l'indépendance comme d'une chose tout à fait évidente et éminemment imminente. Son titre également me laisse bien songeur: «Québec 1760-1995».

Comment le ministre peut-il utiliser les fonds publics et demander à des fonctionnaires de l'État de se prêter à la rédaction d'un tel pamphlet politique séparatiste? Cela n'a rien à faire avec la promotion du Québec à l'étranger. En le lisant, on s'aperçoit qu'il manque, à toutes fins pratiques – je pense à la page 9 – les derniers neuf ans de l'histoire du Québec, comme s'il n'y avait pas eu de gouvernement entre les deux mandats péquistes. On dit, là: En 1985, le gouvernement du Parti québécois perd le pouvoir, et c'est tout. Est-ce à dire que le ministre, non content de l'histoire, a décidé de créer sa propre version, que, pour ce faire, il n'a eu aucun scrupule à se servir du personnel de l'État comme s'il faisait partie de son personnel politique?

M. Landry (Verchères): Premièrement, ce que vous dites est faux, à l'évidence même, je regrette de le dire, un peu comme un certain nombre de vos affirmations larges du début, et je vais vous dire pourquoi dans un instant. Quant aux fonctionnaires dont vous parlez, ce sont des pigistes, comme vous le faisiez avant. Nous avons recours à des intellectuels, des contractuels, des gens qui vivent de leur plume, et ils ont la liberté de leurs textes, dans le cadre, évidemment, de la vérité.

(11 heures)

Et, quand vous dites qu'on a parlé uniquement du mandat du Parti québécois, là, mais, bon sang de bonsoir! à la page 8, là, et à la page 9, quand on parle de l'échec de l'accord du lac Meech, c'est arrivé en quelle année, ça? En 1990. Tentative pour remanier la Constitution canadienne. Qui est-ce qui a négocié Meech? Est-ce que c'est René Lévesque? Est-ce que ce n'est pas couvrir la période de 10 ans durant laquelle vous n'avez parlé que de constitution; la période de 10 ans durant laquelle, à tous les soirs, on a vu votre collègue, M. Rémillard, venir à la télévision dire qu'il allait changer la Constitution du Canada; la période de 10 ans pendant laquelle votre ancien chef, M. Bourassa, a sué sang et eau pour essayer de réparer l'erreur dont vous avez été complice en 1982 et qui est également mentionnée aussi? Alors, je ne vois pas ce que vous insinuez. «La morosité des années 1980». «Les années 1990: le pays incertain». Charlottetown, est-ce que c'est nous qui avons proposé ça ou si c'est vous?

M. le Président, je trouve le député de Mont-Royal injuste pour les auteurs et non pas pour le ministère. Ce sont des intellectuels qui écrivent la vérité.

M. Ciaccia: Quand vous dites que ce sont des pigistes, quand je lis la page 3 de la revue Québec international , je vois: directeur des communications, M. Duthel; rédactrice en chef, Céline Coulombe – je pense qu'elle est fonctionnaire – collaborateurs, Josée Béland, Janet Coulombe, Claude Girard. Je crois que ce sont tous des fonctionnaires; ce ne sont pas des pigistes.

M. Landry (Verchères): Bien oui, mais vous n'allez pas soutenir que Yolande Cohen, mon ancienne collègue de l'Université du Québec, candidate à la mairie de Montréal, est fonctionnaire du ministère. J'aimerais ça qu'elle le soit, d'ailleurs, c'est une personne d'excellente qualité.

M. Ciaccia: Écoutez...

M. Landry (Verchères): Michèle Sarrazin, est-ce que c'est une fonctionnaire de notre ministère? Est-ce qu'il y a des gens du personnel, ici? On fait des signes que non généralisés.

M. Ciaccia: L'image que vous voulez projeter du Québec...

M. Landry (Verchères): Pardon?

M. Ciaccia: Est-ce que c'est l'image vraiment qu'on veut projeter du Québec? Comment vous expliquez... Vous mettez l'année 1760 à 1995. J'aurais pu comprendre peut-être 1642, 1608, même 1534. Mais 1760, quelle est l'image? Vous ne trouvez pas qu'il y a assez de conflits dans le monde aujourd'hui sans que l'image du Québec perpétue encore les conflits? C'est ça, l'image que vous voulez donner? Et, M. le ministre, est-ce que vous allez envoyer une autre revue pour mentionner que vous avez reporté le référendum? Vous donnez l'impression que c'est l'opinion unanime. Ça, c'est l'image que vous projetez du Québec. Je vous dis que ce n'est pas l'image du Québec de projeter ceci à l'international. Ça peut être la position du Parti québécois, la position de votre option, mais, là, vous parlez du Québec à l'international. Je pense qu'un peu de réalisme et de respect pour le personnel de l'État... Le gouvernement n'est pas le PQ élargi.

M. Landry (Verchères): Est-ce que le député de Mont-Royal soutient qu'il est répréhensible, au Québec, de faire allusion à l'histoire du Québec? Est-ce que le député de Mont-Royal ne sait pas qu'un peuple qui ne sait pas d'où il vient ne saura jamais où il va? Est-ce que le député de Mont-Royal ne sait pas que toutes les dates mentionnées dans le rappel historique sont des dates importantes: 1759, 1760, 1763, le traité de Paris, qu'il aurait dû méditer avant de voter pour le rapatriement unilatéral, 1774, l'Acte de Québec? Est-ce qu'on ne pourra plus parler, dans les publications du Québec, de l'Acte de Québec? Vraiment!

Mais passez donc aux autres pages, Invest-Québec , à partir de la page 12, qui ne parlent que d'économie, que de main-d'oeuvre, que de développement économique, les nouvelles raisons d'investir, avec un certain nombre de «success stories»: GEC Alsthom, Groupe CIDER et ainsi de suite. Et, en plus, cette brochure s'autofinance à 40 %, c'est-à-dire qu'on obtient de la publicité et cette partie-là, au moins, n'est pas en demande dans les crédits d'aujourd'hui, parce qu'on l'autofinance à 40 %.

M. Ciaccia: Vous avez, M. le ministre, envoyé des publications. Dans vos crédits, vous montrez: nom de la publication, «La question du Québec», tirage 48 000 exemplaires, il y a quatre titres...

M. Landry (Verchères): C'est quatre fois 12.

M. Ciaccia: ...la distribution à l'étranger de 48 000 exemplaires, Délégation générale du Québec à Paris. Dans une de ces publications, «La question du Québec – Le peuple québécois», je vais vous citer un paragraphe et je voudrais avoir votre réaction, vos commentaires sur ce paragraphe. Le pamphlet, c'est «La question du Québec – Le peuple québécois», page 4, dernier paragraphe, et je cite: «Environ 17 % de la population québécoise sont d'origine britannique ou multiraciale. Ces Québécois se regroupent volontiers sous l'égide du gouvernement canadien en "communautés multiculturelles". Jusqu'à présent, ils sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire du Québec et ont signifié massivement, par des votes significatifs, leur volonté de vivre à l'écart de cette histoire et de rester attachés au Canada, leur terre constitutionnelle d'accueil.»

M. Landry (Verchères): Vos réactions aux références historiques que nous avons dans le magazine accréditeraient cette thèse, mais on va regarder ça en détail. 17 %, est-ce que c'est à peu près ça? Le Québec est multiethnique, il l'est depuis longtemps, c'est une de ses plus belles caractéristiques.

M. Ciaccia: C'est d'origine britannique ou multiraciale; alors, moi, je suis multiracial.

M. Landry (Verchères): Moi aussi.

M. Ciaccia: Oui.

M. Landry (Verchères): Bien oui. Moi, je fais partie du million de Québécois qui sont d'origine acadienne; il y en a un million, ici.

M. Ciaccia: Oui, mais ce n'est pas ça...

M. Landry (Verchères): Comme l'était notre collègue Marcel Léger.

M. Ciaccia: ...que vous dites dans votre pamphlet.

M. Landry (Verchères): J'ai dit, dans ce pamphlet que je n'ai pas rédigé moi-même, bien entendu... Mais j'ai dit moi-même, à plusieurs reprises, que le Québec était multiethnique.

M. Ciaccia: Mais vous êtes responsable...

M. Landry (Verchères): C'est une de ses plus belles caractéristiques.

M. Ciaccia: ...parce que c'est le ministère des Affaires internationales, c'est votre responsabilité.

M. Landry (Verchères): D'accord, et j'ai dit moi-même publiquement, à plusieurs reprises, que le Québec était multiethnique et multiracial. C'est une de ses plus belles caractéristiques, je le réitère, qui se retrouve dans ma propre famille et non pas uniquement par la branche acadienne. C'est ça, la réalité. La réalité seconde...

M. Payne: Moi aussi.

M. Landry (Verchères): Bien oui, le député de Vachon en est aussi, comme le député de Mont-Royal; de très beaux exemples et de très beaux fleurons, quoique d'opinions diverses, et j'aime mieux celle du député de Vachon.

Mais je reviens au texte qui a été souligné. La Constitution que vous avez laissé passer en 1982 – vous avez été bien brave, vous n'êtes pas allé au cocktail pour fêter la rupture unilatérale du contrat moral qui unissait le Québec au reste du Canada – elle dit en toutes lettres que le Canada est un pays multiculturel, multiculturel. C'est une thèse qui, je dois dire, par ailleurs, est maintenant battue en brèche par plusieurs intellectuels du Canada anglais et plusieurs intellectuels québécois, dont deux des plus connus, et je les cite: M. Neil Bissoondath, Québécois vivant à Notre-Dame-de-Grâce, qui a écrit «Selling illusions» – c'est de ça qu'il parle, là, des communautés multiculturelles, «Selling illusions» – et un autre, qui est le recteur de mon ancienne université, Claude Corbo, dans un petit ouvrage, que je recommande au député de Mont-Royal et qui s'appelle «Mon appartenance au Québec», où il dit – Corbo, b-o, d'ailleurs, C-o-r-b-o – que le multiculturalisme au mieux peut conduire aux ghettos. Et le gouvernement du Québec n'est pas en faveur du multiculturalisme, et nous avons voté unanimement – le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques me corrigera – nous avons appuyé unanimement la politique du gouvernement précédent en cette matière.

(11 h 10)

«Jusqu'à présent, ils sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire du Québec et ont signifié massivement, par des votes significatifs...» Ça, je crois que c'est vrai et c'est un des malheurs de ma vie et un des malheurs de notre formation politique. Nous avons réussi à attirer chez nous un certain nombre de membres des communautés culturelles en qualité, bien sûr, mais pas en quantité suffisante. On en voudrait beaucoup plus. On a des exceptions notables. Il y a, par exemple, M. Osvaldo Nunez, souverainiste, député du Bloc québécois. Et, d'ailleurs, le député de Mont-Royal devrait faire une chose, là. Ça nous rendrait un grand service. M. Denis Coderre, un permanent du Parti libéral fédéral, a dit que M. Nunez, comme réfugié politique, n'avait pas le droit de se mêler de questions québécoises et n'avait pas le droit d'appuyer la souveraineté du Québec, et il a fait allusion à la remise en vigueur d'une loi de la déportation. M'entendez-vous bien, M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Je ne fais pas le procès, ici, écoutez...

M. Landry (Verchères): Il y a cinq jours. Non, c'est relativement grave. Vous en conviendrez, là, hein? Un candidat, à l'élection fédérale, du Parti libéral fédéral...

M. Boulerice: Et provinciale aussi.

M. Landry (Verchères): Et provinciale aussi?

M. Boulerice: Il a été candidat dans Joliette – quelle témérité! – contre M. Chevrette.

M. Landry (Verchères): ...qui dit d'un député du Parlement du Canada qu'il n'a pas le droit de défendre, comme réfugié politique – là, il viole la convention de Genève, premièrement – les thèses qu'il défend et fait allusion à une loi de la déportation.

Vous savez qu'il nous est arrivé, M. le député de Mont-Royal, que certains de nos partisans ont eu des dérapages en ces matières. Nous les avons dénoncés immédiatement. Est-ce que ce ne serait pas une bonne occasion, pour vous, là, en me rappelant ces chapitres, de dénoncer M. Denis Coderre qui a fait une preuve d'intolérance grossière à l'égard d'un député québécois, élu par les Québécois et les Québécoises à la Chambre des communes?

M. Ciaccia: L'intolérance d'un ne justifie pas l'intolérance d'un autre. Et monsieur...

M. Landry (Verchères): Vous avez parfaitement raison. Nous dénonçons l'intolérance de notre côté; que ne le faites-vous de votre bord?

M. Ciaccia: Bien, dénoncez donc l'intolérance de ce paragraphe.

M. Landry (Verchères): Ce paragraphe.

M. Ciaccia: Vous dites qu'ils sont...

M. Landry (Verchères): Je vous soumets...

M. Ciaccia: Vous ne dites pas: Ils sont restés étrangers au Parti québécois. Vous dites: «Ils sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire...» N'essayez pas de couvrir ces paroles par des réponses qui ne sont pas tout à fait exactes. Et vous essayez, là, d'écarter le discours et l'argument, ici.

M. Landry (Verchères): Non, je vous dis, M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Oui, vous avez dit: Malheureusement, on n'a pas pu les attirer, une bonne partie, au Parti québécois. Ce n'est pas ça que ce paragraphe dit.

M. Landry (Verchères): Allons plus loin. Allons plus loin.

M. Ciaccia: Il dit qu'ils sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire et qu'ils vivent à l'écart de cette histoire.

M. Landry (Verchères): Allons plus loin.

M. Ciaccia: Nous vivons, là, les communautés culturelles... Vous êtes ministre des Communautés culturelles et vous faites l'accusation, aux communautés culturelles, qu'elles sont restées complètement étrangères à quatre siècles d'histoire du Québec.

M. Landry (Verchères): Non, non.

M. Ciaccia: Vous n'êtes pas là pendant quatre siècles, le Parti québécois, premièrement. Et, à l'écart de l'histoire du Québec, c'est ça que vous dites, c'est ça qui est écrit ici.

M. Landry (Verchères): Non, écoutez...

M. Ciaccia: N'essayez pas de l'expliquer, là, par des accusations au niveau fédéral.

M. Landry (Verchères): Non, un instant, là! Un instant! Un instant!

M. Ciaccia: Expliquez-nous comment vous justifiez ce pamphlet qui a été envoyé à Paris, seulement à la Délégation générale du Québec à Paris. Il n'a pas été distribué, évidemment, dans d'autres parties du monde. Comment expliquez-vous ça?

M. Landry (Verchères): Premièrement, M. le député, il y a 40 000 exemplaires. C'est ça que vous dites? 48 000?

M. Ciaccia: 48 000 copies.

M. Landry (Verchères): C'est un pays de 60 000 000 d'habitants. Alors, je pense que, sur les chiffres, là, il n'y a pas de querelle possible. Sur le fond des choses, vous pensez bien, ayant été ministre de ce ministère, que je n'ai pas trempé moi-même ma plume dans l'encre pour écrire chaque ligne de ce document et qu'on peut l'interpréter de diverses manières. Moi, le chef de ce ministère, je l'interprète d'une manière tolérante, ce qui est cohérent avec le discours de mon parti et mon propre discours. Et, si vous voulez qu'on aille plus loin avec les communautés culturelles, encore une fois, je vous ai dit que c'est une des grandes tristesses de la vie publique québécoise qu'on soit encore en face d'un vote massif d'un côté. Je n'en ai aucun ressentiment. Je l'ai dit à plusieurs reprises: Chaque citoyen et citoyenne vote comme il et comme elle veut, en toute liberté, et ce vote doit être respecté. On ne peut même pas l'identifier individuellement à cause des protections qui sont incluses dans nos lois électorales. Et le vote est secret au Québec depuis très longtemps.

Cela dit, je crois qu'il n'est pas bon pour le Parti libéral, il n'est pas bon pour le Parti québécois, il n'est pas bon pour notre société dans son ensemble que le vote suive des lignes ethniques aussi marquées. Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le redis, et j'espère que le député de Mont-Royal m'appuiera, et sa formation politique, dans ce constat. Je comprends que vous voulez avoir le plus de votes possible. Nous aussi, on veut avoir le plus de votes possible. Sauf que, dans un village québécois moyen, généralement, les votes se déplacent d'un côté ou de l'autre à 10 %, 20 % de la ligne médiane. Dans les communautés culturelles, nous n'en sommes malheureusement pas encore là, sauf – ce qui est intéressant – pour les communautés les plus récemment implantées, exemple, les communautés hispanophones dont est issu Osvaldo Nunez. On pense qu'à peu près 50 % des gens venant de pays qui ont l'espagnol comme langue nationale ont tendance à appuyer notre formation politique. Bien, je trouve que c'est un comportement, ma foi, très intéressant. Et, si c'était 40 %, ce serait très intéressant aussi.

Ce qu'on appelle le fameux «block vote» n'est bon ni pour les francophones ni pour les allophones. Pour les anglophones, qui ont les droits stricts de la minorité anglophone du Québec, c'est plus facile à comprendre, parce que, quand on fait partie de la majorité canadienne, pourquoi voudrait-on souhaiter faire partie de la minorité québécoise dans un Québec souverain? Ça, je comprends ça relativement facilement. Je comprends aussi que, pour les communautés culturelles d'autres origines, le fait d'arriver au Canada et d'établir une loyauté visible, par un serment à ce pays, peut, par la suite, les induire à juger plus sommairement la cause de la souveraineté du Québec. Je comprends ça aussi, mais je trouve qu'on doit tous se mettre ensemble pour faire évoluer cette situation. Et, quand un cadre du Parti libéral du Canada évoque la déportation parce qu'un membre des communautés culturelles est député souverainiste, bien, je trouve qu'ils ne vont pas dans le bon sens.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal, suivi du député de Vachon qui voudrait intervenir.

M. Ciaccia: ...les propos que... Je ne crois pas que vous avez vraiment expliqué... Vous pouvez parler du vote massif d'une communauté à l'autre, et peut-être qu'il y a des raisons historiques pour ça et peut-être qu'il y a des raisons en termes d'option politique, mais ceci n'explique pas et n'a aucune référence aux propos que je viens de vous citer. Ce sont des propos «divisifs». Ça donne une très fausse impression du Québec à une personne de l'étranger. Et je crois que c'est assez sérieux, c'est assez grave de dire que toutes ces communautés sont restées étrangères aux quelque quatre siècles d'histoire. Ce sont des propos très, très graves et sérieux. Et ce n'est pas une question de dire: Ils votent pour le Parti québécois ou ils ne votent pas ou ils votent libéral. Ce n'est pas ça que ça dit ici. Ça dit que nous sommes à la marge de l'histoire, nous sommes à l'écart, nous sommes complètement non conformes à votre idée à vous, à l'écart de cette histoire du Québec. Et ces communautés-là ne sont pas ici depuis les années cinquante; elles sont ici depuis, même, la fondation du Québec. Depuis 1642, il y avait des personnes d'autres pays qui étaient ici. Moi, je trouve...

M. Landry (Verchères): Vous faites l'analyse stricte, là.

M. Ciaccia: Et je ne pense pas...

M. Landry (Verchères): On parle de ceux, entre guillemets, en communautés multiculturelles...

M. Ciaccia: Vous parlez des 17 % d'origine multiraciale qui ne sont pas britanniques. Et même...

M. Landry (Verchères): ...qui «se regroupent volontiers sous l'égide du gouvernement canadien en "communautés multiculturelles".»

M. Ciaccia: Oui. Ces 17 % se regroupent et, même ça, c'est contestable. Mais oublions...

M. Landry (Verchères): Il y a un point après «multiraciale». «Environ 17 % de la population québécoise sont d'origine britannique ou multiraciale.» Point.

M. Ciaccia: Point. «Ces Québécois», qui réfère... On n'ira pas dans les virgules. «Ces Québécois...»

M. Landry (Verchères): «...se regroupent volontiers – alors, le «volontiers», déjà, est une relativisation – sous l'égide du gouvernement canadien en "communautés multiculturelles".» Alors, on n'est déjà pas en 1760. Le multiculturalisme, ça a été quand vous avez voté pour, en 1982.

M. Ciaccia: Écoutez, un Irlandais, puis le type qui est à côté de moi, ce n'est pas un Britannique. Puis, moi, je ne suis pas un multiracial et je ne crois pas que je suis resté étranger aux quatre siècles d'histoire du Québec. Et je ne crois pas, non plus, que tous ces gens-là ont vécu à l'écart de l'histoire. Et c'est une affirmation très grave que vous faites ici.

(11 h 20)

M. Landry (Verchères): Alors, ça veut dire que, vous, et ça vous honore, vous n'êtes pas regroupé en «communautés multiculturelles».

Le Président (M. Simard): On pourrait passer, à ce moment-ci, puisqu'il a beaucoup insisté pour prendre la parole, au député de Vachon, qui sera suivi du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Payne: Mais non, ce n'est pas du tout une insistance, M. le Président. C'est un peu de la frustration en écoutant les propos du député de Mont-Royal qui voudrait toujours projeter sur le parti ministériel un sens de culpabilité et un effort qu'il a toujours de vouloir indiquer que le parti ministériel a quelque chose de foncièrement négatif sous forme d'attitude à l'égard des communautés culturelles, ce qui n'est pas du tout mon expérience.


Rôle du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration

Je voudrais amener la discussion à un niveau un peu plus élevé, M. le Président, parce que ce n'est pas sérieux, au Parlement, d'entretenir des propos comme ceux du député de Mont-Royal. La commission de la culture s'est donné un mandat d'initiative de regarder, justement, d'un peu plus près la définition du concept de l'intégration et de la culture publique commune. Et un des mandats du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, c'est justement d'explorer, sous forme d'études, d'analyses et de mandats, les façons de pouvoir explorer davantage la façon dont les communautés culturelles peuvent s'intégrer.

D'ailleurs, ce qui est remarquable, c'est qu'il y a eu un consensus important entre les collègues. Malheureusement, le député de Mont-Royal n'est pas membre, mais, la députée de Marguerite-Bourgeoys et moi-même, nous avons piloté un important mandat d'initiative adopté par les deux partis, le parti ministériel et le parti de l'opposition, il y a quelques semaines, qui va commencer, d'ici quelques mois, ses études. Je voudrais m'assurer que, de la part de l'Exécutif et du ministre responsable, notamment, on puisse avoir une collaboration telle que nous avons, par exemple, avec le ministre de la Culture à l'égard de notre mandat d'initiative sur l'autoroute de l'information. Et j'aurais une petite dernière question après ça. Donc, la collaboration, la façon dont le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration peut contribuer à l'effort de la commission de la culture dans la poursuite de son mandat.

M. Landry (Verchères): J'ai l'impression que c'est tout à fait possible, sous réserve, quand même, d'examiner les lois. Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration a été un conseil aviseur au ministre. Il est en voie de renouvellement, les mandats sont en train d'être renouvelés. J'ai mené une ronde de consultations avec les gens des communautés culturelles. J'imagine qu'il y a vraiment une coopération féconde qui est possible, mais sous réserve d'examen et de consultation de ce Conseil qui n'est pas formé de fonctionnaires ou de gens qui obéissent aux directives, mais de gens qui sont là pour conseiller le ministre. Mais je pense que je peux très bien explorer cette voie.

M. Payne: Oui, tout à fait. D'ailleurs, il ne s'agit pas que la commission de la culture mandate ou demande une contribution directe pour ses propres fins, mais précisément qu'il puisse conseiller le ministre pour que lui, d'une façon positive, puisse participer au débat à l'Assemblée nationale qui se fait à ce moment-ci. Et c'est une discussion qui se fait de temps à autre. Ça fait partie de notre histoire québécoise. Et je peux vous dire que, en ce qui concerne le ministère de la Culture, ça va très, très bien pour le mandat d'initiative sur l'autoroute de l'information. Ce serait d'une façon parallèle, tout en respectant la distinction exécutif et législatif, ça va de soi. Mais c'est très important, puis je voudrais l'enregistrer, ce matin, surtout dans un contexte où je pense qu'on a abaissé le niveau de la discussion.

M. Landry (Verchères): La suggestion est enregistrée. Surtout dans un contexte où, par exemple, le député de Laurier-Dorion, M. Sirros, a affirmé, à l'occasion du processus des commissions sur l'avenir du Québec... J'espère que le député de Mont-Royal m'écoute pour demander à son collègue de faire les mises au point qui s'imposent, et j'espère que le député de Chomedey écoute aussi.

M. Mulcair: Je ne manque pas un mot. On vous entend, mais je ne sais pas si on va vous écouter.

M. Landry (Verchères): M. Sirros a affirmé que M. John Caminis, membre de la commission de Laval sur l'avenir du Québec, ne devrait pas pouvoir siéger à cette commission parce qu'il n'est revenu au Canada qu'en 1991, après huit ans passés en Grèce. Un député du Parti libéral du Québec, qui se drape dans les voiles de la tolérance, laisse dire à un de ses élus en cette Assemblée qu'un Québécois, citoyen du Canada, qui a passé plusieurs années ici et qui s'est absenté quelque temps, mais qui est revenu en 1991, ne peut pas, quatre ans plus tard, participer à une commission sur l'avenir du Québec. Je pense que je donne au député de Mont-Royal et au député de Chomedey une belle occasion, ce matin, de faire la preuve que la tolérance dont ils font étalage volontiers est autre chose qu'une arme politique.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey.


Publications du ministère (suite)

M. Mulcair: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Lorsque le ministre nous aidait, tout à l'heure, à tenter d'élucider le thème et le sens exact de son texte, il nous rappelait le mot à mot, chose sur laquelle je vais avoir l'occasion de revenir. Mais je pense qu'avant de procéder à l'interprétation d'un texte quelconque il est toujours important de le situer dans son contexte. Il nous semble, justement, M. le Président, que, dans le contexte d'une publication du ministère des Affaires internationales et jusqu'à nouvel ordre, ce sont les ministres qui sont responsables pour les textes que signe leur ministère. Je pense que c'est un rappel utile et même important.

Voici ce que dit le texte: «Environ 17 % de la population québécoise sont d'origine britannique ou multiraciale.» Alors, il y a deux possibilités: les gens qui forment ce 17 % seraient donc d'origine soit britannique, soit multiraciale. Il n'y a pas d'autres possibilités, selon le texte dont le ministre est responsable. «Ces Québécois se regroupent volontiers sous l'égide du gouvernement canadien en "communautés multiculturelles". Jusqu'à présent, ils – le «ils» doit référer à quelque chose, ça réfère à ces Québécois qui formeraient, selon le document, 17 % de la population québécoise et qui seraient, par ailleurs, d'origine ou britannique ou multiraciale – sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire du Québec.»

Alors, j'ai écouté avec beaucoup d'attention la tentative d'explication venant de la part du ministre tantôt, mais je vous avoue, M. le Président, que je suis toujours devant le même texte qui dit que ces personnes, au Québec, les 17 % de la population, selon le texte, qui seraient d'origine britannique ou multiraciale, «sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire du Québec et ont signifié massivement, par des votes significatifs, leur volonté de vivre à l'écart de cette histoire et de rester attachés au Canada, leur terre constitutionnelle d'accueil».

Alors, voici plusieurs problèmes avec le texte, M. le Président; d'où notre questionnement pour le ministre. Est-ce que le ministre pourrait donc nous expliquer comment il peut dire, à l'étranger, que les Québécois, qui ne sont pas de souche, pour reprendre un de ses autres termes, et qui seraient 17 % de la population, sont d'origine ou britannique ou multiraciale, laissant de côté, évidemment, des gens qui ne sont pas d'origine multiraciale, mais qui sont d'origines diverses, de partout dans le monde? Comment peut-il aussi dire que ce sont des gens qui sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire du Québec, alors qu'ils y ont participé étroitement, qu'ils font partie de l'histoire du Québec, justement, depuis leur arrivée et encore aujourd'hui?

Est-ce que le ministre ne comprend pas, M. le Président, que le fait de ne pas être d'accord avec la rupture avec ce qui est, selon toute mesure objective, un des meilleurs pays du monde ne constitue pas nécessairement le fait de se tenir à l'écart de l'histoire, mais est bien un signe d'une autre possibilité, d'une autre manière de faire et qu'il faut arrêter de dénigrer les gens parce qu'ils font partie des communautés culturelles et qu'ils ne sont pas d'accord avec la rupture avec le Canada, avec la destruction de ce qui est l'un des meilleurs pays du monde?

M. Landry (Verchères): Si le ministre est responsable des textes que publie son ministère, il est également responsable de leur exégèse et de leur interprétation, et je vais vous aider dans la vôtre. J'aimerais que vous m'aidiez dans ma lutte contre l'intolérance aussi, par ailleurs, en dénonçant Denis Coderre, puis en dénonçant le député de Laurier, puis en dénonçant le chef de cabinet du premier ministre du Canada, M. Jean Pelletier, qui a dit à un Noir de la région de Québec que la population du Québec n'était pas prête à élire un Noir, alors que mon parti politique, à moi, il a fait élire Jean Alfred dans notre Assemblée nationale. Je veux vous aider dans votre exégèse, M. le député de Chomedey, mais vous allez m'aider dans une chose plus fondamentale que l'exégèse et les virgules, qui est la lutte contre l'intolérance. J'espère que je peux compter sur vous pour cette question plus importante.

(11 h 30)

Revenons à l'exégèse: «se regroupent volontiers», c'est une relativisation de la phrase. Se regroupent volontiers, se regroupent généralement, ça veut dire qu'ils ne se regroupent pas tous. Et il y en a qui se regroupent sous l'égide du gouvernement canadien, et qui le disent et qui l'ont dit régulièrement, en communautés multiculturelles. Ils entendent, malheureusement, le signal faussé par la Constitution de 1982. Le Québec refuse le multiculturalisme. Le Québec a choisi, sous les libéraux, d'ailleurs, de soumettre ses immigrants et ses immigrantes à un contrat moral qui est l'acceptation d'un tronc culturel commun, d'une langue publique et d'une culture publique commune, qui est la culture du Québec et non pas le multiculturalisme.

Si on veut aller plus loin dans l'exégèse... J'ai donné mon propre exemple. Moi-même, je ne pourrais pas réclamer que mes ancêtres ont vécu quatre siècles d'histoire commune du Québec. Pourquoi? Parce que, je l'ai dit, je suis d'origine acadienne. Mes ancêtres, moi, s'étaient établis dans les territoires qui sont aujourd'hui la Nouvelle-Écosse et la côte atlantique, jusqu'à un jour de 1755 où les troupes sont débarquées, les ont réunis dans une église et dans leurs églises, ont embarqué les hommes et les femmes sur des navires différents, ont incendié les maisons, les granges, les récoltes et les églises. Cela s'appelle aujourd'hui, dans le vocabulaire post-Nuremberg, un crime contre l'humanité. Ces pauvres gens ont été déportés vers le sud; ils sont revenus à pied en mendiant leur subsistance le long du parcours et ils sont redevenus, 1 000 000 d'entre eux dont je fais partie, québécois. On a manqué quelques-uns des quatre siècles, je l'avoue, M. le Président. On n'était pas là, mais ce n'était pas de notre faute.

Le Président (M. Simard): La parole est au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


Programme APEX

M. Boulerice: Oui. M. le ministre, vous êtes devant la commission et vous êtes, à cet égard, bien malgré vous, porteur de six mois de l'administration précédente. Il y aurait sans doute avantage, peut-être pour certains, à passer ce moment sous silence. Mais, ceci étant dit, vous avez fait, dans vos remarques suite aux remarques du porte-parole, allusion au commerce extérieur qui est un élément très important de notre politique internationale. La question que j'aimerais vous poser est quant au programme APEX de l'ancien ministère et à celui des missions commerciales. Est-ce que vous avez pris, M. le ministre, connaissance des remarques très sévères que le Vérificateur général du Québec adressait quant aux agissements de ce ministère dans ces dossiers, remarques, d'ailleurs, que mon collègue, le député de Marguerite-D'Youville, et moi avions présentées au ministre, lequel nous avait promis de faire les changements nécessaires? Alors, est-ce que vous avez pris connaissance de ces remarques on ne peut plus sévères et porteuses, quand même, puisque le Vérificateur de l'État est un personnage important dans notre système? Et où en êtes-vous dans le réalignement de ces programmes suite à cette gestion chaotique des choses?

M. Landry (Verchères): Bon. M. le Président, vous savez que j'ai toujours suivi avec beaucoup d'intérêt le travail du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et de celui de Marguerite-D'Youville, quand ils étaient dans l'opposition, sur les questions brûlantes du commerce extérieur, puisque c'était la spécialité que j'avais l'honneur d'enseigner à l'extérieur de cette Chambre. Alors, tout ce qui était dit par le député de Mont-Royal ou par ses critiques était l'objet d'une attention constante et, en particulier, les critiques qui ont été adressées à la dérive qui avait frappé le programme APEX dans les dernières années de son application, avant les réformes que j'ai faites.

J'ai dit, hier soir, que j'avais eu le plaisir de mettre sur pied ce programme quand le ministère du Commerce extérieur a été fondé, et je crois que l'idée était bonne parce que 10 ans de régime libéral ont conservé le programme, sauf qu'ils lui ont donné une allure qui n'était plus défendable. Et cette allure, c'est que, d'abord, toutes les sociétés, indépendamment de leur taille, pouvaient y avoir accès. Ça veut dire que, théoriquement, Alcan peut y avoir accès, SNC-Lavalin peut y avoir accès, toutes les grandes sociétés qui, au fond, n'ont pas vraiment besoin de ce genre d'aide.

Et, deuxièmement, on s'était rendu compte que, comme dans l'usage de certaines substances, il y avait une accoutumance et qu'on retrouvait dans une même année plusieurs entreprises qui, de façon répétitive, recouraient systématiquement à APEX, privant ainsi de fonds forcément limités certaines entreprises qui auraient pu en faire un usage aussi bon ou meilleur. Alors, on a agi en conséquence et les nouvelles normes du programme APEX sont: premièrement, que seules les entreprises ayant un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 10 000 000 $ peuvent utiliser ce programme pour un travail sur le continent nord-américain; seules les entreprises ayant un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 15 000 000 $ peuvent l'utiliser pour le reste du monde; les interventions annuelles sont limitées; et, en plus, une partie des fonds est utilisée pour créer une régionalisation de l'action du ministère à travers les délégués et commissaires régionaux à l'exportation; et une certaine partie de nos ressources va à la formation en commerce extérieur.

Alors, effectivement, nous avons écouté vos remarques et nous avons agi très rapidement, dans les premiers mois de notre administration, pour ramener le programme APEX à ses visées originales et mettre fin aux dérives.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Dans nos travaux parlementaires, en Chambre et en commission, on s'habitue à différents styles. Le style du ministre et une de ses stratégies préférées lorsqu'il fait face à une question qu'il trouve difficile, c'est de nous amener dans des longs voyages. Là, il vient de nous amener un petit peu en Acadie à travers l'histoire, en passant par le chef du cabinet du premier ministre à Ottawa. Il me fait penser un peu, M. le Président, à quelqu'un qui cherche désespérément quelque chose dans ses tiroirs. Il envoie des bouts en l'air en espérant qu'il va trouver de quoi, mais ce qu'il n'a toujours pas trouvé, M. le Président, c'est une réponse à notre question. Alors, on va le ramener dans le texte dont il est responsable et on va lui reposer les questions auxquelles il n'a toujours pas donné de réponse.

M. Trudel: Et vous à la sienne.


Publications du ministère (suite)

M. Mulcair: Dans le texte de son ministère et qui a été payé avec les fonds du public, M. le Président, et non pas avec des fonds d'un parti politique, on lit ceci: «Environ 17 % de la population québécoise sont d'origine britannique ou multiraciale. Ces Québécois – c'est-à-dire ces 17 % qui seraient d'origine britannique ou multiraciale – se regroupent volontiers...» Et ça, M. le Président, le ministre l'appelle une première temporisation ou une première tentative de diminuer la portée du début, mais nul n'en est besoin parce qu'il continue en disant: «Ces Québécois – donc, il réfère aux 17 % – se regroupent volontiers sous l'égide du gouvernement canadien en "communautés multiculturelles".»

Maintenant, j'imagine que ce qu'il a tenté de faire tout à l'heure, c'était de nous dire que, vu qu'on dit «se regroupent volontiers», ce n'était pas tous les 17 % et ça serait les communautés culturelles. Mais ça serait faux, M. le Président, parce que c'est non seulement une question d'exégèse, mais une question de français. «Jusqu'à présent, ils sont restés étrangers...» Il ne s'agit donc pas des communautés qui se regroupent volontiers; c'est «ils», c'est ces Québécois, c'est les 17 %. «Jusqu'à présent, ils sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire du Québec et ont signifié massivement, par des votes significatifs, leur volonté de vivre à l'écart de cette histoire et de rester attachés au Canada, leur terre constitutionnelle d'accueil.»

Ma question pour le ministre, M. le Président, c'est la suivante. Est-ce qu'il peut nous expliquer s'il est d'accord avec ce texte, oui ou non?

M. Landry (Verchères): Le député veut continuer l'exégèse, on va continuer l'exégèse. Ça me rappelle de très beaux souvenirs, à l'époque où nos maîtres nous les imposaient. «Ces Québécois se regroupent volontiers...» Voilà un élément de relativisation. Quand on dit «volontiers», c'est-à-dire qu'ils doivent poser un geste volontaire, un geste purement potestatif et volontaire. Et c'est «ces Québécois qui se regroupent volontiers» – il faut prendre l'ensemble de la phrase; on ne peut pas prendre juste ce qui fait son affaire – c'est ces «ils» dont il s'agit à la phrase suivante. C'est ceux qui se regroupent volontiers en communautés multiculturelles.

(11 h 40)

Et, cela est vrai, le gouvernement du Canada induit les Québécois et les Québécoises à se fractionner en communautés multiculturelles; c'est sa politique officielle. Je sais qu'elle partait, disent certains, d'un bon naturel. D'autres disent, et des auteurs extrêmement sérieux... Je vous dirais d'aller voir, par exemple, des textes définitifs sur cette question par Marcel Adam, du journal La Presse . Certains auteurs disent donc qu'il s'agissait de relativiser l'importance de la culture québécoise, de noyer la culture québécoise dans un grand tout multiculturel.

C'est ça qu'on a écrit dans la Constitution de 1982. Et plusieurs Québécois d'origine plus récente, et Québécoises, ont été victimes de cette politique. Ils ont cru que le Canada, d'après sa Constitution, comme il est dit, était multiculturel. Donc, Montréal, qui est une ville du Canada, était une ville multiculturelle. Et on a fait, de cette manière, un tort incalculable aux immigrants et aux immigrantes qui se sont engagés dans cette voie sans issue que le recteur Corbo, je le rappelle encore une fois, qualifie dans son hypothèse haute de confination aux ghettos. C'est ça, le multiculturalisme.

Si l'opposition officielle veut revenir sur les politiques que la députée de Saint-François avait mises de l'avant dans cette Assemblée et qui ont été appuyées unanimement par l'opposition officielle du temps, l'opposition officielle d'aujourd'hui peut le faire. Est-ce que le député de Mont-Royal et le député de Chomedey sont d'accord, oui ou non, avec la politique de multiculturalisme qui fait partie de la Constitution du Canada?

Vous nous demandez beaucoup de nous expliquer. M. le Président, M. le député de Chomedey me demande beaucoup de m'expliquer, c'est son droit. C'est l'opposition officielle et, moi, j'ai le devoir de répondre parce que je fais partie de la majorité. Ça ne l'empêche pas, lui, d'avoir des obligations de franchise et des obligations pédagogiques vis-à-vis de la population du Québec. Est-ce que, dans quelque discours que vous avez fait durant la campagne électorale, ou après, ou avant, vous avez dénoncé quelque part le multiculturalisme? Est-ce que vous êtes prêt à dire aux électeurs de Chomedey ou aux électrices, que je connais bien, d'ailleurs, qui ont été d'excellents voisins pour moi pendant nombre d'années et où j'ai gardé de nombreux amis, à leur dire, à travers le Journal des débats aujourd'hui, que vous, le député de Chomedey, vous n'êtes pas d'accord avec le multiculturalisme et que vous partagez les craintes de Neil Bissoondath quand il dit que c'est «Selling Illusions», et que vous partagez aussi les craintes du recteur Corbo quand il dit que cela mène aux ghettos? Quand vous nous aurez dit ça, je pense que l'exégèse de nos publications et de vos discours aura rendu service à la population québécoise qui nous paie.

Le Président (M. Simard): M. le député de... Pour terminer, oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Non, je n'avais pas terminé, j'avais une dernière question pour lui là-dessus. Alors, comme vous, M. le Président, je constate qu'à une simple question, à savoir si, oui ou non, il était d'accord avec la phrase, le ministre refuse de répondre. Mais voici la dernière question que j'ai à propos du texte qui paraît en bas de la page 4 du document intitulé «Le peuple québécois» et qui a été effectivement payé avec l'argent des contribuables. J'aimerais demander au ministre de nous expliquer, face à la phrase contenue dans le document dont il est responsable, qui dit ceci: «Jusqu'à présent, ils – les Québécois, les 17 % de Québécois – sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire du Québec et ont signifié massivement, par des votes significatifs, leur volonté de vivre à l'écart de cette histoire et de rester attachés au Canada»... J'aimerais demander, tout simplement, au ministre si la majorité des Québécois – pour reprendre un de ses termes – de souche qui votent aussi majoritairement contre la séparation d'avec le Canada, selon le ministre, eux aussi sont restés étrangers aux quelque quatre siècles d'histoire. Est-ce qu'eux aussi sont à l'écart de cette histoire?

M. Landry (Verchères): D'abord, votre interprétation, je vous le redis, est fausse. Il ne s'agit pas des 17 %; il s'agit du segment de 17 % qui se regroupent volontiers sous l'égide du gouvernement canadien en communautés multiculturelles. Voulez-vous soutenir que le député de Vachon, qui vient de nous quitter, se regroupe volontiers sous l'égide du gouvernement du Canada en communautés multiculturelles?

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, juste pour terminer là-dessus, M. le Président, le ministre a tenté vainement à plusieurs reprises de faire une distinction qui n'existe pas dans le texte. Je comprends son embarras devant ce texte, mais c'est un embarras qui va le suivre pendant longtemps. Mais il suffit de relire: «Environ 17 % de la population québécoise sont d'origine britannique ou multiraciale. Ces Québécois – ces Québécois – se regroupent volontiers [...] ils sont restés étrangers». Le texte est clair, les réponses du ministre ne le sont pas. On comprend pourquoi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


Organismes subventionnés grâce au budget discrétionnaire

M. Boulerice: M. le Président, ma question s'adresse au ministre. M. le ministre, ne trouvez-vous pas paradoxal qu'il y ait un mauvais procès sur les mots alors que les gestes comptent et que, si on regarde la fiche synthèse quant au budget discrétionnaire, dans le cas de votre prédécesseur, on jugeait important de donner à la Traversée du lac Memphrémagog – personne n'a peur de se mouiller – et, «oh discreet charm of the bourgeoisie!», au Mount Royal Country Club, alors que, si l'on regarde la partie que vous avez distribuée, on y voit une intention tout à fait contraire au sens des mots qu'on voudrait vous imputer. On voit: Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, l'on voit Forum international Oxfam-Québec, Femmes haïtiennes, Congrès juif canadien, région du Québec, qui chemine depuis deux siècles avec nous, et nous en sommes des témoins privilégiés, M. le ministre. Alors, je voudrais que vous m'expliquiez comment il se fait que vos gestes ne sont pas en conformité avec l'interprétation qu'on veut donner à des mots qui auraient été écrits.

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je pense que le député a raison. Je regarde les plus gros montants de budget discrétionnaire que j'ai alloués depuis que j'ai l'honneur de diriger ce ministère. Femmes haïtiennes, parole de négresses, 10 000 $. C'est une des plus grosses subventions; Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, 1 000 $; Congrès juif canadien, région du Québec, 2 500 $; et ainsi de suite. Et je vais dire pourquoi je le fais: parce que ces organismes s'occupent d'intégration. Ils luttent contre les effets pervers du multiculturalisme dont ne veut pas se dissocier le député de Chomedey et dont ne veut pas se dissocier le député de Mont-Royal. Pourtant, c'est leur parti qui a voté cette politique, et nous l'avons appuyée. Je ne veux pas leur prêter d'intentions, mais est-ce que ça serait parce que vos électeurs pourraient ne pas être contents et que certains de vos électeurs auraient tendance à se regrouper en communautés multiculturelles, suivant la Constitution du Canada de 1982? Peut-être. Je respecte ça, mais vous pourriez nous le dire.

Mais je pense que le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques a raison: les actes sont là et le discours est là, et il est clair. Et il y a des passages dont l'exégèse peut être contestée et contestable. Le député de Chomedey a son opinion, j'ai la mienne. Je suis moins mal à l'aise avec ça que je ne le serais si un député du Parti québécois avait dit qu'un citoyen du Canada vivant au Québec, qui n'est ici que depuis 1991, n'a pas le droit de participer aux commissions sur l'avenir du Québec. Ça, je ne pourrais pas vivre avec ça. Je ne pourrais pas vivre avec ça. Et, apparemment, le député de Chomedey peut vivre.

Écoutez, là, quand certains des nôtres ont eu certains dérapages en cette matière, nous les avons dénoncés immédiatement. Et c'est difficile pour un député d'être dénoncé par sa propre formation politique et par ses propres leaders. Mais vous vous souvenez qu'il y a eu des dérapages récents, que je ne répète pas. Alors, je voudrais bien que M. John Caminis, citoyen du Canada, habitant le Québec, soit réhabilité par M. Sirros et que M. Sirros, député libéral, lui dise qu'il a le droit de participer pleinement à la vie démocratique du Québec dans toutes les commissions où il voudra siéger. Je pense que, au-delà de ses exégèses, le député de Chomedey rendrait service. Et, dans la même foulée, dénoncer M. Denis Coderre, du Parti libéral du Canada, et M. Jean Pelletier, aujourd'hui chef de cabinet du premier ministre. C'est trois devoirs à apporter à la maison qu'on pourrait leur donner à la suite de notre commission, s'ils ne veulent pas le faire ici. J'aimerais mieux que vous le fassiez ici, parce que ça serait dans le Journal des débats . Mais, si vous le faites pour la presse en général, je vous en serai reconnaissant aussi, le Québec vous en sera reconnaissant, de dénoncer l'intolérance.

Le Président (M. Simard): M. le député de Vachon avait demandé la parole.

M. Payne: Bien, je pense que c'est très évident qu'on dénonce tous l'intolérance, mais ce qu'on déplore ce matin, c'est la façon tordue du député de Mont-Royal d'essayer, comme je dis, d'incriminer le parti ministériel. À travers tous les exemples, à chaque jour, dans les journaux, le député n'est pas capable de faire la part des choses.

(11 h 50)

Si on voulait être tatillon – le vrai mot est tatillon – on lui demanderait, lui, comment il se fait qu'effectivement il a décidé, à un moment donné, comme ministre des Affaires internationales, responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles, d'octroyer une subvention – on l'a remarqué hier soir – de 2 500 $ au Mount Royal Country Club, comme on dit. Ou comment se fait-il qu'un de ses chefs de poste à Vancouver avait jugé bon de devenir membre d'un club – I think it was Vancouver Badminton & Tennis Club – 3 500 $ par année? On passe à travers toutes sortes d'anomalies qui sont vraiment bizarres. Ce n'est pas le racisme, mais je pense qu'on peut aussi regarder les lacunes dans l'administration de l'ancien ministre.


Cabinet politique du ministre

Quelque chose qui touche aussi la gestion de nos affaires ou des affaires du ministre. Je remarque, M. le ministre, que vous avez un cabinet politique, maintenant, qui... En tout cas, vous allez me préciser le nombre. Ça doit être...

M. Landry (Verchères): Le cabinet...

M. Payne: En cherchant ça, je vais vous donner un exemple de ce que c'était...

M. Landry (Verchères): Oui, d'accord.

M. Payne: ...parce que je remarque, dans les crédits, qu'il y avait 22 membres dans un cabinet politique du ministre qui vous a précédé. Est-ce que c'est le cas? Selon les crédits, ici: 22 membres dans un cabinet politique, ayant quitté en 1994-1995. Liste du personnel du cabinet du ministre, M. Ciaccia. Pourquoi vous avez modifié cette façon de fonctionner, M. le ministre?

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): On a attribué une masse salariale au cabinet du ministre de 744 000 $. Mon prédécesseur – et je peux dire mes prédécesseurs, parce qu'il y en avait deux; il y avait aussi M. Rivard – avait une masse de 820 000 $, mon prédécesseur principal, M. Ciaccia, député de Mont-Royal. Et M. Rivard, député de Rosemont, qui était responsable de la Francophonie, avait une masse de 400 000 $. Ça veut dire, donc, grosso modo, 1 200 000 $ contre 744 000 $ de dépenses.

Pourquoi est-ce qu'on a fait ça? Bien, parce que le gouvernement doit rationaliser ses dépenses. Le gouvernement, pour la première fois en 25 ans, travaille avec des enveloppes fermées, c'est-à-dire que, pour la première fois en 25 ans, les dépenses n'augmenteront pas cette année. Ça veut dire qu'en dollars constants elles vont diminuer. Et, pour ce faire, il faut couper en un certain nombre d'endroits, et on a coupé au niveau du cabinet du ministre, de 1 200 000 $ à 744 000 $.

Ce n'est pas du simple au double, mais presque.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Bon. Savez-vous, ça ne sert à rien d'essayer de noyer le poisson en parlant de toutes sortes d'autres choses au lieu de répondre directement à des...

M. Payne: On est là pour défendre les crédits.

M. Ciaccia: On est dans les crédits. Et, pour l'information du député de Vachon, le chef de poste à Vancouver ne fait pas partie du ministère des Affaires internationales; c'est les Affaires intergouvernementales. On fait l'étude des crédits. L'accusation que vous avez faite, c'était contre le ministre lui-même. Et, deuxièmement, c'est vrai que j'avais, peut-être, 22 membres avec la fusion des Communautés culturelles, mais je remarque ici que le présent ministre en a 20. Alors, je ne vois pas vraiment de grande différence.


Programme APEX (suite)

Je voudrais aller à un autre sujet, M. le Président, le soutien à l'exportation qui a été soulevé par le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Dans le domaine des transferts, j'ai noté une baisse assez, je pourrais dire, stupéfiante, une baisse de la moitié des crédits alloués aux programmes de soutien aux exportations et aux investissements. Vous êtes allés de 18 600 000 $ à 9 400 000 $. Je peux comprendre que vous avez voulu apporter des réformes au programme APEX, mais réformer des programmes, c'est une chose, couper les budgets en deux, je pense que c'est tout à fait une autre chose.

Et, même, j'inviterais le ministre à consulter les quatre derniers rapports annuels du ministère pour constater la portée dramatiquement négative d'une telle décision. Les dépenses encourues par le gouvernement dans les subventions APEX ont des retombées énormes pour l'économie québécoise non seulement en termes de contrats, mais aussi en termes de dépenses du secteur privé effectuées pour participer à ces missions. Elles encouragent aussi les entreprises à faire de l'international sans que le ministère ait à intervenir à nouveau. Et, en diminuant son effort de moitié, je pense que le ministre et le ministère n'envoient pas le bon message aux compagnies.

Le ministre, tantôt, a dit que toute société, avant, pouvait avoir accès au programme APEX. C'est vrai que ce n'était pas limité, mais, dans les faits, il y avait très peu de grandes sociétés qui faisaient «application», à moins que ce soit sur des missions à l'étranger. Et ça nous permettait d'amener les fleurons de l'industrie québécoise à travers le monde pour non seulement encourager leur participation, mais aussi avoir un effet d'entraînement sur les autres industries.

Vous avez coupé les budgets, une chose, et vous avez annulé toute une série de missions, particulièrement aux États-Unis: Dallas, Chicago, au Texas, Atlanta, Minneapolis. Je pense qu'il y en a une vingtaine, de missions, en plus des trois missions en Chine qui ont été annulées, mission sur le réseau électrique, mission d'équipement, de pâtes et papiers; une mission à Singapour, en Malaisie aussi, mission sur les technologies de l'information.

Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer, premièrement, pourquoi couper de moitié le programme APEX, qui était une aide importante aux entreprises? Et pourquoi annuler les missions, une vingtaine de missions, une bonne partie aux États-Unis et quelques-unes en Asie?

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je vais commencer par les missions. La réponse, elle est très simple, par oral, des fonctionnaires qui m'accompagnent, et par écrit: Coupures budget Bourbeau. Ça vous dit quelque chose: coupures budget Bourbeau?

M. Ciaccia: Voulez-vous que je vous réponde, à ça?

M. Landry (Verchères): Alors... Bien, là, si vous m'avez posé la question, je vous réponds. Et, sur le programme APEX, ce que vous dites de la diminution est vrai, mais les chiffres que vous dites ne sont pas exacts. Ce que vous dites de la diminution est vrai parce que, pour nous conformer aux observations du Vérificateur général, nous avons mis fin à cette espèce de bar ouvert qui vous a permis de dépenser au-delà de 70 % du budget rendu au 12 septembre – une date qui vous dit quelque chose aussi – de cette année. Alors, on a rationalisé. On a exclu les très grandes entreprises qui n'en ont pas besoin, je vous l'ai dit, et nous sommes moralement certains, avec des sommes moindres, de faire plus – pas autant, plus – c'est-à-dire de toucher plus d'entreprises et d'avoir un impact supérieur sur l'économie du Québec.

(12 heures)

Mais je dois aussi corriger vos chiffres par rapport au réel. Les dépenses réalisées au programme APEX en 1994-1995, 12 000 000 $, 12 000 000 $; les prévisions 1995-1996, 8 400 000 $. On est loin d'être du simple au double. Alors, la différence, elle s'explique de trois manières: premièrement, la rationalisation des programmes APEX; deuxièmement, la rationalisation globale des dépenses du gouvernement; et, troisièmement, par un poste qui, à lui seul, représentait 3 000 000 $; c'était peut-être une bonne idée, mais elle n'a pas marché. C'était 3 000 000 $ réservés pour les exportations en matière de technologies de l'environnement. Je ne sais pas si c'est vous qui avez eu l'idée; l'idée était bonne. Quand on est arrivés là, il n'y avait pas eu une ou peut-être une application. Alors, un programme qui ne marche pas, même si son intention était bonne, mon devoir était de l'annuler, ce que j'ai fait.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le député.

M. Ciaccia: ...en ce qui concerne la raison qui est écrite ici, «coupures Bourbeau», j'ai lu ça, effectivement. C'est écrit que l'annulation des missions est due aux coupures Bourbeau. Prétendre que les coupures des missions dépendent du budget Bourbeau, je pense que ça frise la désinformation. Je ne sais pas qui vous a écrit ça, là. En effet, j'avais rempli les objectifs de coupures fixés par le Conseil du trésor avant les élections en utilisant 1 500 000 $ du budget réservé aux avocats américains et j'ai sauvé une trentaine d'emplois dans le ministère de cette façon. Aucune autre coupure n'était nécessaire dans le programme Affaires internationales. On avait besoin de coupures de 6 000 000 $ dans Communautés culturelles, et je pense qu'elles ont été trouvées. Alors, il n'y avait aucune coupure nécessaire dans le programme Affaires internationales jusqu'à la semaine dernière.

Alors, si ce n'est pas le budget de M. Bourbeau qui est en cause, pourquoi ces missions ont-elles été annulées? Parce que les coupures avaient été effectuées, on avait trouvé l'argent, on avait rempli les conditions du Conseil du trésor et les conditions du budget de M. Bourbeau. Et, pour 1995-1996, pourquoi réduire de moitié le soutien à l'exportation? Là, là, en 1995-1996, on ne peut plus utiliser M. Bourbeau comme bouc émissaire, il n'est plus là.

M. Landry (Verchères): Bien, je vous ai donné...

M. Ciaccia: Je regarde les crédits, l'Addenda. En 1994-1995, il y avait 18 600 000 $, programmes de soutien aux exportations et aux investissements, et, pour 1995-1996, c'est 9 400 000 $. Tu sais, c'est facile de dire: On va faire plus avec moins, mais les programmes APEX étaient gérés d'une façon... C'était des dépenses de voyage, c'était des dépenses... Tu sais, ça ne coûtera pas moins cher au nouveau gouvernement pour aller à Dallas que ça coûtait au gouvernement précédent. J'aimerais que, peut-être, le ministre revoie un peu ses chiffres, essaie de nous donner une explication en ce qui concerne, premièrement, le budget lui-même et, deuxièmement, l'annulation des missions.

En ce qui concerne le programme environnement, oui, on avait alloué 3 000 000 $, mais on venait juste de le commencer. Alors, on n'a pas eu vraiment la chance, c'était tout à fait un nouveau programme. On connaît les besoins dans d'autres pays dans le secteur de l'amélioration de l'environnement, spécialement pour les expertises qui ont été développées ici, au Québec. Plusieurs de ces sociétés étaient allées en mission économique dans plusieurs pays et on avait identifié ce secteur comme un secteur d'avenir dans plusieurs pays. C'est pour ça qu'on avait alloué 3 000 000 $, mais, quand vous dites qu'on n'a pas tout utilisé, ou très peu, le montant, c'est parce qu'il venait juste de débuter. Et on l'avait fait en collaboration avec le ministère de l'Environnement; ce n'est pas quelque chose qu'on a inventé nous-mêmes. On a identifié les besoins, les possibilités avec le ministère de l'Environnement.

M. Landry (Verchères): Je ne dis pas que l'idée n'était pas bonne. Au contraire, il me semble avoir dit que ça pouvait se tenir comme vue de l'esprit, comme conception, même avec un autre ministère, mais, dans la pratique, il n'y a pas eu de demande. Même si vous me dites: Mon magasin est extraordinaire, j'ai eu les meilleures idées et je l'ai fait avec mon associé, s'il n'y a pas de clients, il n'y a pas de clients, je ne peux pas dépenser. Ça, il y en a pour 3 000 000 $, là. À la culture, c'était peut-être aussi une bonne idée, mais il y a eu 700 000 $ de périmés; aux alliances stratégiques, il y a eu 1 000 000 $ de périmés; à la promotion des exportations, il y a eu 400 000 $. Alors, c'est pour ça que, quand vous parlez du simple au double, il me semble que, mathématiquement, là, il y a une réconciliation à faire; 12,3 n'est pas le double de 9,9, hein? Ça m'apparaît assez évident.

M. Ciaccia: Est-ce que je peux attirer votre attention à la page 7 du budget, des crédits, de l'Addenda, Sommaire des crédits de transfert? Vous voyez 1994-1995, 18,6. Puis, je vois 1995-1996, 9,4. Je ne vois pas 12, je vois 9,4. Alors, c'est du simple au double. Et, quand vous parlez, là, du 3...

M. Landry (Verchères): C'est du simple au double de vos rêves, mais ce n'est pas du simple au double de la réalité.

M. Ciaccia: Ce n'est pas du rêve, c'est ce que vous m'avez écrit, que vous m'avez donné. Je n'ai pas rêvé ça, je lis 9,4.

M. Landry (Verchères): Ça, c'était ce dont vous rêviez. Je ne vous blâme pas de rêver, mais vous vous êtes trompé. Votre programme d'environnement, il n'a pas marché.

M. Ciaccia: Le programme d'environnement...

M. Landry (Verchères): Un certain nombre d'autres de vos programmes, ils n'ont pas marché. Les crédits ont été périmés. Est-ce qu'on va s'amuser, simplement par fidélité à vos rêves, à mettre de l'argent dans des crédits qui ne sont l'objet d'aucune demande?

M. Ciaccia: Non. Les 18,6, c'est les dépenses réelles, ça n'inclut pas les 3 000 000 $ de l'environnement. Si vous dites que ça...

M. Landry (Verchères): Ce sont les crédits. Les 18,6, c'est les crédits. Les réalisés, c'est 12,3. Puis, en 1995-1996, les crédits qu'on vous demande, c'est 9,9. C'est ça, la réalité.

M. Ciaccia: Et, si vous dites que vous n'avez pas de demandes en environnement, essayez donc de mettre une annonce dans les journaux d'affaires et dites que vous avez 3 000 000 $ à dépenser pour aider les entreprises pour aller chercher des contrats dans l'environnement à l'étranger, et, vous allez voir, vous allez en avoir, des demandes.

M. Landry (Verchères): Si c'est si simple que ça, que ne l'avez-vous fait vous-même? Je serais arrivé au ministère et les 3 000 000 $ auraient été dépensés, et j'aurais rendu hommage au ministre qui m'a précédé.

M. Ciaccia: On n'a pas eu le temps, on a eu des élections au mois de septembre. On venait juste de commencer ce programme-là. C'est une explication très simple.

M. Landry (Verchères): Vous avez réussi à dépenser 75 % et plus du programme APEX avant le 12 septembre. Alors, vous en aviez, du temps, pour ça.

M. Ciaccia: Parce qu'il y avait beaucoup d'arrérage de demandes. Oui, c'était un programme en cours, c'était un programme connu. Tout le monde connaissait ce programme-là. Il y avait plus de demandes que d'argent. Le programme environnement était complètement nouveau. Les entreprises ne savaient pas qu'il existait; alors, il fallait susciter une demande, voyons.

M. Landry (Verchères): Oui, mais le Vérificateur général, lui, il savait qu'il existait. Le Vérificateur général, il nous a dit que vous n'aviez pas défini précisément votre clientèle, vous ne la consultiez pas toujours de façon structurée, vous n'avez pas déterminé la nature et l'étendue des services qu'on compte lui offrir. Dans ces conditions-là, c'est sûr qu'à bar ouvert l'argent va couler. Ça, c'est simple. N'importe qui peut faire ça, mais un bon gestionnaire ne peut pas continuer sur cette lancée.

M. Ciaccia: Oui, mais, regardez les exportations aussi. En tout cas...

M. Landry (Verchères): Et je n'essaie pas de dire que tout ce que vous avez fait est mauvais, là, bien au contraire. Je vais même chercher beaucoup dans les crédits pour vous rendre hommage si vous voulez, mais, au moins, admettez les erreurs.

Le Président (M. Simard): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


Missions économiques dans les pays membres de la francophonie

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Tout en m'adressant au ministre, à partir de la page 12.1, dans le programme 1, Développement et promotion des affaires internationales, je regarde avec contentement – je pense que je peux me permettre le mot – une mission d'observation en Haïti; je vois, après novembre 1994, une mission d'accompagnement, puisque le premier ministre du Canada y était, au Viêt-nam; je remarque une troisième en Bulgarie, trois pays membres de la francophonie. Et je regarde un peu plus loin, très exactement 13, et le chiffre est chanceux, 13 missions économiques très importantes en France. Est-ce qu'on peut en conclure que les relations bilatérales France-Québec, les relations multilatérales Québec-francophonie redeviennent une priorité de votre ministère?

M. Landry (Verchères): Oui, M. le Président. Voici ce que nous avons fait en termes de promotion et de prospection des investissements étrangers, donc après le 12 septembre. D'abord, nous avons pris la décision de nommer à Paris un conseiller travaillant exclusivement en prospection d'investissements étrangers, à plein temps. À la même époque l'an dernier, le Bureau des investissements étrangers travaillait sur 33 projets. Vous avez bien compris: 33 projets d'investissement étrangers qui en étaient à divers stades de développement. À la fin de mars de cette année, la liste comptait près de 70 projets. Alors, là, M. le député de Mont-Royal, c'est plus que du simple au double, de 33 à 70 projets.

(12 h 10)

Par ailleurs, le gouvernement, au cours des derniers mois, a engagé des efforts importants pour la relance des activités d'assemblage d'automobiles, comme vous le savez. Le gouvernement a conclu, depuis l'automne dernier, des dizaines d'ententes d'assistance financière avec des dirigeants de filiales de sociétés étrangères qui cherchent à obtenir un nouveau mandat de leur société mère. Le ministre des Affaires internationales a entrepris une série de rencontres privées avec les chefs de file du milieu des affaires américain. C'est sans doute ça, l'origine de la rumeur dont parlait le député de Mont-Royal. Oui, je rencontre des chefs de file des milieux d'affaires américains. C'est mon travail de le faire, et je le fais avec joie et je leur présente le Québec tel qu'il est, dans tous ses aspects.

J'ai profité de mon passage dans plusieurs pays étrangers. Je suis allé à la conférence de Davos en particulier, au cours des derniers mois, pour faire valoir tant publiquement que privément le climat d'affaires positif qui existe au Québec, ce qui a suscité l'amorce de discussions précises avec quelques investisseurs. Tiens, une chose qui peut intéresser le député de Mont-Royal: le ministre des Affaires internationales s'est associé l'expertise de M. Reed Scowen pour la concrétisation de certains dossiers majeurs.

Et, enfin, on a collaboré avec le ministère de la Culture et des Communications et avec le secteur privé pour la concrétisation d'une démarche promotionnelle précise en matière d'attraction de centres d'appel et afin de concrétiser le leadership historique du Québec dans ce secteur. Alors, vous voyez, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, que nous nous sommes activés dans la bonne direction, et qu'hier la députée de Marguerite-Bourgeoys, évidemment, était très satisfaite de ces diverses actions du gouvernement.


Programme APEX (suite)

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ...juste revenir un instant pour comprendre vraiment et, si on se trompe, bien, on veut avoir les vrais chiffres. Dans le livre des crédits, Addenda, page 7, on voit 1994-1995, 18 600 000 $. Alors, le ministre nous dit, si on compare les crédits de 1994-1995...

Le Président (M. Simard): Voulez-vous nous identifier le document très clairement?

M. Ciaccia: Crédits, Addenda.

Le Président (M. Simard): Crédits, Addenda.

M. Ciaccia: O.K.? Page 7.

Le Président (M. Simard): Quelle année, s'il vous plaît?

M. Ciaccia: Pour 1995-1996.

Le Président (M. Simard): Merci.

M. Ciaccia: On voit le chiffre de 18 600 000 $ pour 1994-1995 et on voit 9 400 000 $ pour 1995-1996. Alors, le ministre nous dit que les 18 600 000 $ étaient les crédits de 1994-1995. Dans un autre document...

M. Landry (Verchères): Le réel étant de 12 300 000 $, d'après mes documents.

M. Ciaccia: Bon. Mais, dans un autre document, Renseignements supplémentaires des crédits de 1995-1996, à la page 81, au troisième paragraphe, je cite: «Il importe de noter que pour les fins de ce tableau, les crédits 1995-1996 sont comparés à la dépense probable 1994-1995 et non pas aux crédits 1994-1995.» Alors, autrement dit, ce n'est pas des crédits à crédits; c'est des dépenses probables aux dépenses de crédits. Et on continue: «Cette façon de procéder permet d'établir des comparaisons plus appropriées puisque l'on élimine ainsi les distorsions importantes provoquées en 1994-1995 par un niveau élevé de crédits périmés.» Alors, on dit: Voici les dépenses de 1994-1995, puis voici les crédits de 1994-1995 et aussi les crédits de 1995-1996.

Le Président (M. Simard): La question est posée. M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le député, on va essayer d'aller le plus loin possible dans la réponse à votre question, et je demanderai au technicien qui m'accompagne, comme j'ai le droit de le faire, de prendre la parole si nécessaire. Mais je vous réitère que les crédits 1994-1995 au montant de 18 600 000 $, ce n'est pas la réalité; c'est le livre. La réalité, c'est 12 300 000 $. Alors, vous avez déjà là une différence d'au-delà de 6 000 000 $, n'est-ce pas?

M. Ciaccia: Où pouvons-nous trouver les 12,3, M. le ministre?

M. Landry (Verchères): Dans un document que vous auriez par-devers vous?

M. Ciaccia: Oui, dans les documents que vous nous avez fournis.

M. Landry (Verchères): Où trouver 12,3?

Une voix: Dans un document qu'ils auraient?

M. Ciaccia: Dans les documents que vous nous avez...

Une voix: C'est le réalisé, 1994-1995.

M. Ciaccia: ...fournis.

M. Landry (Verchères): On me dit que vous ne l'avez pas en main. Alors, vous êtes obligé...

M. Ciaccia: On ne s'est jamais fait dire qu'il y en avait seulement 12. On ne l'a pas demandé sur des aspects hypothétiques.

M. Landry (Verchères): Ces informations deviennent disponibles un jour ou l'autre quand les opérations financières sont finies. Alors, vous avez là une bonne excuse, vous ne l'avez pas en main. Et, nous, on a une bonne excuse pour que vous ne l'ayez pas en main, parce que le réalisé vient quand tous ces chiffres ont été vérifiés et que le gouvernement publie ce qui s'est passé vraiment. Voyez-vous ce que je veux dire?

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Est-ce que le député de Mont-Royal...

Le Président (M. Simard): Un complément à la réponse, oui.

M. Landry (Verchères): Est-ce que le député de Mont-Royal veut des explications plus pointues encore par les techniciens ou si ce que je lui ai dit le satisfait? Parce que vous m'avez cité un document, le paragraphe 3, et on a l'explication ici, pourquoi ça vous laisse sur cette impression qui n'est pas conforme au réel dépensé. Voulez-vous que les techniciens prennent la parole là-dessus? C'est comme vous voulez. Je ne veux pas manger votre temps.

M. Ciaccia: Si ce n'est pas trop long.

M. Landry (Verchères): O.K. Alors...

Le Président (M. Simard): Alors, la commission accepte d'entendre les experts qui pourront répondre à la question du député de Mont-Royal.

M. Landry (Verchères): Alors, le sous-ministre en titre.

Le Président (M. Simard): M. Normand, sous-ministre.

M. Normand (Robert): Dans les renseignements supplémentaires, vous avez cité, à la page 81, le troisième paragraphe où on dit: «Il importe de noter que pour les fins de ce tableau...» Ce tableau réfère à ce qui est décrit au paragraphe précédent. Et ce qui est décrit au paragraphe précédent se retrouve dans les pages suivantes. Si on va à la page 86, on voit que, pour les Affaires internationales, ce que l'on compare dans ce document-ci, ce sont non pas les crédits votés en début d'année, mais les crédits 1995-1996 par rapport à la dépense réelle 1994-1995, telle que connue à ce moment-là. Alors que, dans l'autre document dont nous sommes partis antérieurement, c'est-à-dire les crédits eux-mêmes, à la page 7, on se trouve à comparer, dans le programme 1, Programme de soutien aux exportations et aux investissements, on se trouve à comparer les crédits accordés en 1994-1995 par rapport aux crédits accordés en 1995-1996. Et c'est là qu'on retrouve les 18,6 par rapport aux 9,4 comme crédits autorisés par l'Assemblée nationale. Dans l'autre document, c'est un aggloméré où on ne retrouve pas les dépenses de chacun des items. Nous les avons par-devant nous, et c'est ce qui a fait que le ministre vous a cité tout à l'heure le chiffre de 12 300 000 $, je pense, comme correspondant à la dépense réelle en 1994-1995, ce qui serait en concordance avec le troisième paragraphe de la page 81 que vous avez cité.

M. Ciaccia: Je vous remercie et mon recherchiste s'excuse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Normand (Robert): C'est très complexe.

M. Landry (Verchères): Puisque vous en êtes là, moi, j'essaierai de dire ça moi-même à la prochaine séance des crédits.


Coupure des missions économiques aux États-Unis et en Chine

M. Ciaccia: Mais vous n'avez pas expliqué encore pourquoi la coupure des missions aux États-Unis et en Chine. Il doit y avoir une autre raison que les coupures du ministre des Finances.

M. Landry (Verchères): Bien, je vous dis, la raison spontanée qui m'est venue des fonctionnaires, dont vous avez vanté l'efficacité en début de séance, c'est le budget Bourbeau. Alors, comme je partage pour eux la même admiration que vous, je prends ça pour l'instant, mais on peut creuser davantage. Si vous voulez, je peux le demander.

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Alors, page 13. Là, ce coup-là, vous l'avez, le document.

M. Ciaccia: Pardon?

M. Landry (Verchères): Cette fois-là, vous l'avez, le document.

Le Président (M. Simard): Vous pouvez identifier le document, M. le ministre, s'il vous plaît?

M. Landry (Verchères): Fiche synthèse 03 – programme 1, évidemment – page 13.1, sous l'item 13 dans votre cahier, Renseignements particuliers.

M. Ciaccia: Oui, oui. Ça, c'est la liste des missions, et je l'ai, ce document-là.

M. Landry (Verchères): Regardez, là, le motif de l'annulation, dans la colonne de droite.

M. Ciaccia: Oui, je comprends. Oui.

M. Landry (Verchères): Coupures budget, coupures budget, coupures budget, coupures budget.

(12 h 20)

M. Ciaccia: Oui, mais ça n'explique pas...

M. Landry (Verchères): Ça ne pouvait pas être notre budget, on n'en avait pas fait.

M. Ciaccia: Oui, mais ça n'explique pas, parce que les coupures avaient été faites – je vous expliqué comment elles ont été faites – et ça ne touchait aucunement les missions. Les coupures touchaient les frais légaux, touchaient certains postes vacants qui ont été abolis.

M. Landry (Verchères): On a des dates, ici, M. le député de Mont-Royal, qui prouvent hors de tout doute que c'est plutôt une question qui relève de vous que de moi, à cause des dates. Les missions, c'est, disons: Chicago, octobre 1994; Chicago, septembre 1994; New York, juin 1994; Atlanta, octobre 1994; New York, septembre 1994. Je ne pouvais toujours pas gérer des missions à New York pendant que j'étais en train de faire la campagne électorale. San Francisco, 1er au 4 mai 1994; Seattle, juin 1994. Il me semble que, avec un peu de bonne volonté, on pourrait se rendre compte que les missions dont vous parlez, c'est vous qui les avez coupées; ce n'est pas moi. Et je ne dis pas que vous n'aviez pas de bonnes raisons pour le faire, là.

M. Ciaccia: C'est correct pour le mois d'octobre, mais on a février, mars...

M. Landry (Verchères): Non, mais une mission, ça prend quelque temps pour préparer ça, vous le savez d'expérience. Alors, vous ne pouvez pas arrêter votre date au 12 septembre, là.

M. Ciaccia: Non, mais je présume qu'il y a une certaine continuité au gouvernement et au ministère aussi.

M. Landry (Verchères): Non, non, il y a continuité du gouvernement et du ministère, mais, si vous avez coupé une mission au mois d'août, qui devait avoir lieu...

M. Ciaccia: Bien oui...

M. Landry (Verchères): ...au mois d'octobre, bien, ce n'est pas moi, c'est vous.

M. Ciaccia: Il ne faut pas pénaliser les gens d'affaires parce qu'il y a un changement de gouvernement. Il y a toujours les programmes, la programmation.

M. Landry (Verchères): Ça, vous auriez dû penser ça avant de couper les budgets.

M. Ciaccia: On ne les a pas coupés, les budgets. Je regrette, je ne les ai pas coupés. Je n'aurais jamais coupé les budgets pour des missions, parce que les missions économiques, je considérais que c'était une des raisons d'être du ministère. Je les ai et je peux vous montrer la correspondance.

M. Landry (Verchères): Bien, écoutez, là, entendons-nous...

M. Ciaccia: Il y a quelque chose qui ne va pas, là.

M. Landry (Verchères): O.K. Non, on peut creuser davantage.

M. Ciaccia: On peut creuser, parce que ce n'est pas ça du tout.

M. Landry (Verchères): Moi, j'ai pris le tableau que les techniciens me fournissent, et il est écrit dans la colonne de droite: coupures budget. Ça ne peut pas être un autre budget que le budget Bourbeau, parce qu'il n'y en a pas eu d'autre depuis ce temps-là.

Le Président (M. Simard): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Landry (Verchères): On peut essayer d'aller plus loin. Est-ce que quelqu'un veut...

Le Président (M. Simard): Nous allons attendre des précisions en réponse à la question. M. le député de Mont-Royal, M. le ministre est en train de chercher des précisions de façon à compléter sa réponse. On peut peut-être attendre. Il vous reste sept minutes, M. le député.

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Bon, alors, M. le député de Mont-Royal, certaines précisions. Mon responsable des missions, qui était le vôtre aussi, d'ailleurs – oui, en Asie – il avait un budget initial de 1 100 000 $, au départ. Et, après le budget de juin, il avait 750 000 $. Alors, pas une coupure du simple au double, mais une grosse, grosse coupure. Qu'est-ce qu'il pouvait faire d'autre que couper? Il a coupé.

M. Ciaccia: Je ne sais pas qui l'a coupé, mais ce n'est pas l'ex-ministre des Affaires internationales qui a coupé dans 1,1, parce que tous les fonctionnaires ont reçu une lettre de ma part, qui expliquait les coupures, qu'on...

M. Landry (Verchères): Oui, mais, écoutez, là...

M. Ciaccia: ...préservait et qu'il n'y avait aucune...

M. Landry (Verchères): ...si le député de Chomedey me rend responsable de chaque adverbe dans une publication du ministère, vous n'êtes pas en train de me dire que, vous, vous n'étiez pas le responsable des coupures que vos fonctionnaires faisaient. Il faut être cohérent. Vous dites: Ce n'est pas moi; c'est les fonctionnaires.

M. Ciaccia: Ils n'ont pas fait cette coupure-là avant le 12 septembre, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Bien, écoutez, là, il y avait un budget initial de 1 100 000 $ et, avec le budget de juin, le budget Bourbeau, ils sont tombés à 750 000 $. Alors, ils ont été obligés de déprogrammer des missions déjà prévues. Il me semble que ça va de soi. C'est bien ça qui est arrivé.

(Consultation)

Le Président (M. Simard): Si vous le souhaitez, M. le député de Mont-Royal, on pourrait... Alors, nous allons, à ce moment-ci... Peut-être une dernière question, si personne n'y voit d'inconvénient, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, mais vraiment très rapidement parce que...

M. Boulerice: Oui, très rapidement. Ma question s'adresse forcément au ministre. Certains peuvent regretter l'envoi de missions ponctuelles en Asie. Est-ce que le ministre estime que cela était porteur de couper une mission permanente, c'est-à-dire notre délégation à Singapour?

M. Landry (Verchères): Ça, encore une fois, mon prédécesseur serait mieux placé que moi pour y répondre. C'est vrai que nous avions une mission à Singapour, dont j'avais pu apprécier l'efficacité comme professeur, où je suis allé avec des missions d'étudiants constater, là, vraiment de visu l'action extraordinaire qui se menait à Singapour. Mais, quand nous sommes arrivés aux affaires, il n'y en avait plus, de mission à Singapour.

Une voix: Comme à Stockholm.

M. Landry (Verchères): Et comme à Stockholm, d'ailleurs. Et j'imagine que ce sont des raisons analogues qui ont fait couper le budget des missions auxquelles fait allusion le député de Mont-Royal. Puis, encore une fois, là, je ne veux pas dire qu'il n'a pas fait ce qu'il fallait faire, mais il ne peut pas me reprocher à moi de l'avoir fait. Si c'était bon pour lui, c'est bon pour moi.

Le Président (M. Simard): Alors, nous sommes rendus...

M. Landry (Verchères): Quand on n'aura plus d'argent, ce ne sera bon ni pour lui ni pour moi.

Le Président (M. Simard): Nous sommes rendus à 12 h 30, pratiquement. Nous suspendons nos travaux jusqu'à la fin de la période des affaires courantes à l'Assemblée, vers 15 heures. Évidemment, je vous donne ce rendez-vous sous réserve de l'avis donné par le leader du gouvernement. Je vous avise également d'un changement de salle. Nous nous retrouverons vers 15 heures, donc, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. Bon appétit.

Une voix: Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Simard): Nous allons poursuivre, cette fois-ci, l'étude du programme 1 des crédits budgétaires du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles pour l'année financière 1995-1996. Nous avions un certain nombre d'heures pour discuter de ces questions, qui se termineront rigoureusement, parce que je crois que le ministre doit nous quitter, à 17 h 30.

M. Landry (Verchères): C'est ça.

Le Président (M. Simard): C'est ce qui était prévu. Donc, nous allons commencer dès maintenant. Je pense qu'il n'y a pas de remplacements à annoncer. Donc, nous pouvons poursuivre le processus de questions et réponses qui a été celui de la commission jusqu'à maintenant. M. le député de Mont-Royal.


Affaires françaises

M. Ciaccia: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais poursuivre l'étude des crédits avec le soutien à l'exportation. Le gouvernement du Parti québécois, présentement, puis même dans l'opposition, faisait toujours des affirmations sur le fait que le gouvernement du Parti libéral avait négligé ses relations avec la France. Je ne sais pas si c'est pour les fins de justifier ces affirmations-là qu'ils ont augmenté les budgets consacrés aux affaires françaises.

Juste quelques chiffres à l'appui des activités du gouvernement libéral. Il est clair que cette critique n'était pas justifiée et ne l'est pas encore puisque nos relations commerciales avec la France se sont constamment accrues depuis neuf ans. Nos exportations, ayant plus que doublé, sont allées de 222 000 000 $ à 571 000 000 $ et nos importations ont augmenté du tiers, c'est-à-dire de 724 000 000 $ à 1 000 000 000 $.

Alors, les relations, les activités, les entreprises du Québec, les institutions du Québec, tous les organismes pour faire la promotion des relations franco-québécoises étaient présents, étaient là, et les chiffres sont à l'appui que les activités entre le Québec et la France ont constamment augmenté. Même, à un moment donné, pas le présent consul général, mais son prédécesseur avait cru nécessaire de rectifier certaines accusations qui avaient été faites par l'opposition de l'époque, le Parti québécois, pour dire: Non, effectivement, les relations entre le Québec et la France sont excellentes. Il avait dit: Le ciel des relations France-Canada-Québec est presque tout bleu. Alors, je voulais juste faire le point.

C'est clair que la différence entre notre approche, à Paris, et la vôtre était une question d'idéologie. On n'allait pas en France pour faire la promotion d'une certaine option politique. Ça, on l'admet. Mais, dans toutes les autres sphères d'activité, on était très présents. Moi-même, j'ai rencontré le premier ministre de France, non seulement les ministres économiques, mais – le premier ministre, c'est clair, ce n'est pas seulement économique – le ministre des Affaires étrangères aussi pour discuter des relations privilégiées que le Québec avait et continue d'avoir avec la France.

Alors, pour revenir au budget, il y a un budget de 2 400 000 $ consacré aux affaires françaises. Il était de 1 300 000 $. Je voudrais juste porter à l'attention du ministre que la part des affaires françaises représente désormais plus du quart de celui consacré aux exportations. Vous avez un budget de 9 400 000 $ et vous avez 2 400 000 $ qui sont consacrés pour la France. Alors, le ministre peut-il nous indiquer les détails de ces prévisions de dépenses de 2 400 000 $?

M. Landry (Verchères): On va s'entendre d'abord sur le chiffre, là. Moi, j'ai ici 1 700 000 $ pour les relations France-Québec. Quand on parle de France-Québec, on ne parle pas de francophonie multilatérale, évidemment. Alors, France-Québec, moi, j'ai 1 700 000 $. Est-ce que quelqu'un peut me ventiler ce chiffre?

M. Ciaccia: Encore une fois, peut-être qu'on peut regarder l'OFQJ.

M. Landry (Verchères): L'OFQJ, ça, c'est franco-québécois par définition.

M. Ciaccia: Ça, c'est un autre chiffre.

M. Landry (Verchères): Un autre chiffre.

M. Ciaccia: Celui-ci, quand je regarde Affaires internationales, programme 1, Promotion et développement des affaires internationales, Affaires françaises, 2 400 000 $ pour 1995-1996; 1994-1995, c'était 1 300 000 $.

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, pendant que la réponse chiffrée me vient sans doute, je vais répondre à votre brève introduction. Brièvement, je vais vous dire pourquoi on vous a reproché que les affaires françaises ont été laissées en déshérence par votre gouvernement. Votre collègue de Marguerite-Bourgeoys, hier soir, par exemple, dans sa déclaration d'ouverture, a dit, pour prouver ce que vous dites: Sous notre gouvernement, on a eu des investissements comme Pechiney. Tout était réglé, décidé et signé en conserve avant que nous quittions le pouvoir. Elle a cité les nombreux accords découlant de la coopération gazière: Gaz Métropolitain, Gaz de France. C'était signé avant qu'on quitte le pouvoir et ainsi de suite. Le sommet francophone, c'est des ententes Pierre Marc Johnson-Mulroney qui l'ont déclenché.

(15 h 10)

Tout ça pour vous dire que l'économie internationale et la politique internationale que vous avez pratiquée, vous comme moi, sont deux facteurs très interreliés. Penser qu'on va faire des relations économiques sans faire de relations politiques et sans cultiver l'amitié entre les pays et entre les individus de ces pays, c'est totalement illusoire.

La coopération franco-québécoise, si vous avez suivi l'histoire du Québec comme moi – et je ne doute pas que vous l'ayez fait – à partir de 1960, ça a commencé dans l'amitié entre les peuples, dans les échanges culturels, dans les accords de gouvernement à gouvernement, dans les initiatives multilatérales. Et ça a fini par déboucher sur une des plus fructueuses coopérations économiques qui existent entre deux États de taille inégale, dont l'un d'entre eux n'est pas souverain. C'est une grande, grande affaire, la coopération franco-québécoise.

Et je crois que vous l'avez laissée en déshérence. Je vous dis pourquoi. D'abord, à la Délégation, avez-vous vu les mois et les mois de vacances du poste? Vous êtes un spécialiste de ces questions. Vous le savez comme moi, ce que ça veut dire de laisser un poste vacant pendant des mois et des mois dans un pays étranger. Ça veut dire qu'on méprise le pays étranger, au plus fort, qu'on est au bord de la rupture des relations diplomatiques ou qu'on ne s'en préoccupe guère. Alors, c'est pour ça que je vous fais un reproche sérieux et majeur. Écoutez, des relations diplomatiques étroites, là, au niveau vraiment diplomatique, là, de quasi-ambassades, est-ce qu'on en a avec plusieurs pays? Le seul avec lequel on en avait, vous vous êtes arrangés pour lui faire comprendre que vous vouliez que ça se refroidisse. Alors, c'est ça qu'on vous a reproché, un.

On vous a reproché, deux, d'avoir laissé tomber en désuétude un formidable instrument de coopération, qui est la visite des premiers ministres. Le Québec est la vingtième puissance économique du monde. La France est la quatrième. On a une relation privilégiée, au niveau des premiers ministres, par voyages croisés, avec quatre. Vous, vous représentez 20. Vous ne vous occupez pas de ça. Pendant des années, il n'y a pas de visites de premiers ministres. Bien, c'est pour ça qu'on vous a reproché d'avoir laissé s'affadir... Parce qu'une visite de premier ministre, ça, c'est symbolique, c'est spectaculaire: les motards de la garde républicaine ou ceux de la Sûreté du Québec.

Mais ce n'est pas ça, le fond des choses. C'est les centaines de fonctionnaires qui, à l'occasion de la visite des premiers ministres, mettent la table, comme on dit, préparent des dossiers pour des mois et des années à venir. Et c'est comme ça qu'on fait naître un courant de coopération. Et c'est comme ça, à mon avis, que vous avez récolté les fruits chiffrés, en termes de commerce, cela est vrai, d'investissements, dans une certaine mesure, des grandes relations politiques entre la France et le Québec depuis 1960. C'est votre parti qui les a instaurées. Vous auriez, tout simplement, dû continuer ce qu'ont fait Jean Lesage, Georges-Émile Lapalme, Paul Gérin-Lajoie et René Lévesque, et ceux qui ont continué l'affaire, Daniel Johnson. Mais non!

Un petit détail que je vous reproche aussi – enfin, que je vous reproche; on ne parle pas personnellement, ni dans votre cas, ni dans le mien – c'est que le premier ministre du Québec, comme cela est coutume, devait recevoir la Légion d'honneur. Il l'a refusée. C'est joli, ça! Tu as un pays qui te donne un traitement vraiment diplomatique. Il veut décorer ton premier ministre, comme il l'a fait du premier ministre Lévesque et d'un certain nombre d'autres Québécois – vous le savez, il y en a – et vous avez refusé. Est-ce que c'est la façon de mener des relations avec un pays ami?

Tout ça a permis que je vous réponde maintenant de façon plus pointue sur les chiffres.

(Consultation)

M. Landry (Verchères): O.K. Alors, ça a l'air assez clair, là. L'évolution globale de la Direction générale France. Au début de l'année financière 1994-1995, c'était 1 818 000 $. Après les coupures Bourbeau, textuel là, c'était 1 400 000 $. À la suite de la mission que j'ai menée en France pour préparer celle du premier ministre Parizeau, nous sommes repassés à 1 700 000 $. On a remis 300 000 $. Ça veut dire que la Direction générale France dispose de 1 772 000 $. Et, pour 1995-1996, en début d'année financière, ce sera 3 100 000 $. Qu'est-ce qu'il y a là-dedans? Il y a 15 000 $ au bureau du directeur général, pour l'exercice 1995-1996. Il y a la Direction des affaires économiques, 185 000 $ et la Direction des affaires culturelles, politiques et sociales, 1 200 000 $. On pourrait peut-être avoir du détail plus pointu sur ce 1 200 000 $, parce que c'est un gros chiffre.

(Consultation)

M. Landry (Verchères): O.K. J'ai le détail. Ventilation des deux hausses de crédits obtenues. Alors, fin de l'exercice, plus 75 000 $, on a eu un salon, qui s'appelait Horial international, et Bio-Expo, 50 000 $; mission industrielle, 25 000 $. Nouvel exercice 1995-1996, 185 000 $ au total. Dossier des autoroutes et technologies de l'information, dont nous a parlé hier soir la députée de Marguerite-Bourgeoys qui avait l'air très intéressée, 60 000 $. Et les salons, maintenant, toujours dans le domaine de l'économie: énergie, 55 000 $; informatique, 25 000 $; industrie pharmaceutique, 25 000 $; mission en biotechnologies 20 000 $.

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Dans ce que j'ai mentionné là, au chapitre de la culture, on a inclus science et technologie et autoroute de l'information. C'est là que sont les gros blocs.

M. Ciaccia: Ça, c'est des informations qui pourraient peut-être être présentées un peu différemment...

M. Landry (Verchères): Bien, je n'en disconviens pas. Je ne vois pas ce que vous avez entre les mains, mais...

M. Ciaccia: ...dans les crédits comme ça, parce que, dans le document qu'on a, on n'a pas tous ces détails-là. On a le total de 2,4.

Une voix: C'est la même affaire que ce matin, sauf que, là, c'est dans le sens contraire.

M. Landry (Verchères): Je présume, M. le Président, qu'on les traite comme ils nous traitaient. On pourrait les traiter mieux, peut-être, en termes de documents. Nous, on n'a pas d'objection sur la politique, c'est la transparence.

M. Ciaccia: On n'ira pas dans les détails de qui traitait quoi, mais je pense qu'on vous donnait des informations beaucoup plus détaillées.

M. Landry (Verchères): O.K. Alors, dites-nous exactement ce que vous voulez, et on va vous le donner avec joie.

M. Ciaccia: Je veux revenir à certaines affirmations que vous avez faites en ce qui concerne les relations France-Québec. Vous répétez le fait que les relations sont refroidies et vous faites référence au fait qu'on n'a pas comblé le poste de délégué à Paris. Le fait demeure que celui qui représentait le Québec à Paris quand on était au gouvernement, c'était M. Roquet. C'est un des fonctionnaires les plus distingués au Québec. Je ne pense pas que vous pouvez avoir des reproches en ce qui concerne la capacité de M. Roquet de bien représenter les intérêts du Québec.

(15 h 20)

Vous avez parlé aussi des visites des premiers ministres. Je voudrais vous citer la réaction, l'explication de M. Alfred Gaillardin, qui est ambassadeur de France à Ottawa, pour expliquer pourquoi les premiers ministres ne se sont pas rencontrés pendant quelques années. Et je le cite ici: «En ce qui concerne l'alternance des visites annuelles des premiers ministres, Paris et Québec sont formels: il ne s'agit que d'un problème de circonstances. Les événements d'Oka avaient conduit le Québec à demander un report de la visite prévue de M. Rocard. Mme Cresson n'est pas restée assez longtemps en poste pour mettre à exécution son projet de visite au Québec et M. Bérégovoy, pris entre un référendum sur Maastricht et la prochaine échéance électorale, n'a pas encore trouvé le temps. Mais je peux vous affirmer que les visites n'ont pas eu lieu pour des raisons uniquement et strictement conjoncturelles.»

Et je crois que, si vous vous souvenez de tous les événements de ces années, soit il y avait un problème constitutionnel ici ou un problème politique ou électoral en Europe. Alors, ce n'est pas parce que les gouvernements ou les premiers ministres, le premier ministre de l'époque, ne voulaient pas continuer ces visites, cette alternance, mais les circonstances ont été telles qu'ils n'ont pas pu le faire pour des raisons bien explicables.

Je suis d'accord que les Affaires internationales ne se limitent pas strictement aux affaires, à faire seulement le commerce. Pour faire le commerce, il faut avoir des relations personnelles, il faut expliquer... C'est une approche globale, ce n'est pas seulement l'aspect économique. C'est l'aspect culturel, les institutions, ce qu'une société peut apporter à l'autre, et aussi l'aspect direct des ministres qui peuvent se parler et créer un lien d'amitié.

Et je n'essaie pas d'expliquer les investissements qui ont été faits, qui ont été signés par le gouvernement du Parti québécois avant 1985. Mais, sur le plan économique, pour l'année 1993 jusqu'à date, parce qu'on parle d'un nombre d'années d'administration du gouvernement libéral, il y a eu 260 entreprises françaises qui ont été implantées au Québec, dont 23 durant l'année 1993, et 80 entreprises québécoises sont allées en France; 42 % des exportations canadiennes vers la France proviennent du Québec et la part du Québec dans les importations canadiennes en provenance de la France est de 37 %. Il y a eu tout le bilan de la coopération industrielle: un projet sur trois soumis dans le cadre du programme ACTIM-MAIICC a donné lieu à un accord industriel et, pour chaque dollar investi par les gouvernements, il y avait 15 $ de retombées au Québec.

Je pourrais faire toute la liste d'autres projets, d'autres activités. Il y avait les nouveaux projets franco-québécois. Télécable provincial ltée s'associe au Syndicat départemental d'électrification et d'équipement collectif du Calvados pour un projet de câblodistribution dans ce département; alors, c'était 60 000 000 FF, qui a été annoncé en février 1993. MDI, une société oeuvrant dans le logiciel, s'allie à des partenaires français dans un projet de gestion des stocks, 20 000 000 FF, qui a été annoncé en décembre. Le tourisme, le nombre de touristes français au Québec a triplé depuis 1985: 275 000 par rapport à 1985. Et je pourrais faire tout le bilan d'autres activités: les congrès, les associations Québec-France, France-Québec.

Je pense qu'on n'a pas réduit nos activités, on n'a pas considéré que les relations avec la France devaient être réduites. Au contraire, je pense qu'on y a porté une attention particulière.

Une voix: Mais les budgets...

M. Ciaccia: Oui, mais ce n'est pas seulement avec des budgets; c'est les résultats qu'il faut regarder. Parce que, des fois, il y a de l'argent qui est dépensé...

M. Landry (Verchères): C'est ce que je vous disais pour APEX ce matin.

M. Ciaccia: Oui, mais, à APEX, les conditions sont un peu différentes, parce que APEX, essentiellement, à un moment donné, payait les frais de voyage. Les frais de voyage ne peuvent pas être réduits parce qu'un gouvernement change. On peut réduire le nombre d'«applications» à APEX. Si vous réduisez le nombre, vous réduisez le nombre de personnes. Ce n'est pas comme une entreprise qui, au lieu de faire quelque chose avec 10 000 $, va faire la même avec 5 000 $. Si vous avez 50 entreprises au lieu de 150, bien, là, vous réduisez les effets d'APEX.

Mais je pense que le point est que, si vous regardez les activités, exception faite des visites des premiers ministres, dont même l'ambassadeur a donné lui-même l'explication pourquoi... Vu la conjoncture, ça ne pouvait pas se faire. Ce n'est pas que l'un ou l'autre avait abandonné l'alternance; c'est juste que ça ne pouvait pas se faire à ce moment-là. Alors, je crois que le point qu'on voulait faire, c'est qu'on n'a pas réduit nos activités. Les relations n'ont pas changé, ont été en augmentant, d'ailleurs, comme on a augmenté nos relations, nos activités avec tous les autres pays, non seulement avec la France.

M. Landry (Verchères): Vous n'avez peut-être pas très bien compris ce que je vous ai dit à ce sujet. Le volume de la coopération franco-québécoise est élevé. Il est le fruit de 20 ans d'efforts et, plus que ça, d'efforts politiques, de rencontres de premiers ministres et de toutes sortes, et vous avez diminué ces efforts. Ça veut dire que vous avez compromis l'avenir. Vous avez mangé votre blé en herbe, mais vous avez négligé de semer, et c'est ça qu'il faut faire.

Vous me parlez de M. Siefer-Gaillardin, ancien directeur d' Amérique au Quai et aujourd'hui ambassadeur à Ottawa. Mais il manie presque aussi bien que Talleyrand-Périgord le langage diplomatique du Quai. Quand il vous dit que c'est une affaire de circonstances sans préciser lesquelles, vous êtes sûr que vous avez affaire à une litote. Et, le résultat, c'est qu'il n'y a pas eu de rencontres de premiers ministres, et ça, je trouve ça... Comment peut-on expliquer pour des raisons de circonstances que, pendant sept ans, un des plus beaux fleurons de la coopération franco-québécoise, les visites croisées des premiers ministres, n'aient pas lieu? Quand M. Siefer-Gaillardin vous dit «les circonstances», c'est un habile homme. Il vous dit ça parce qu'il ne veut pas vous heurter de front. Il présume que vous irez scruter ces circonstances.

M. Ciaccia: Je ne suis pas d'accord. On peut argumenter tout l'après-midi, on ne le fera pas.

M. Landry (Verchères): C'est vrai. Alors, revenons à des chiffres. Posez-nous des questions sur les chiffres.

M. Ciaccia: Si vous regardez les chiffres, les chiffres parlent par eux-mêmes, les activités parlent par elles-mêmes.


Nominations dans les délégations du Québec à l'étranger

Alors, allons sur un autre sujet, les nominations. Bien, s'il y a un domaine où le gouvernement a agi rapidement – votre gouvernement – c'est bien celui, on pourrait dire, de la purge qu'il a effectuée dans les délégations du Québec à l'étranger. Vous vous souvenez, les délégués en poste ont été appelés au lendemain de l'élection pour subir un interrogatoire serré, se faire sonder le coeur par le ministre à savoir s'ils allaient se sentir capables de vendre la séparation du Québec auprès de leurs interlocuteurs à l'étranger et, s'ils n'étaient pas capables, bien, alors, les résultats étaient ce qu'ils étaient.

On a vu le ministre orchestrer, dans le cas du délégué général à Bruxelles, M. Gérard Latulippe, ce qu'on pourrait vraiment qualifier comme une dégradante séance d'expiation idéologique publique. Je n'avais jamais vu ça, moi, dans 22 ans de politique. Mais le ministre, là, n'a pas laissé passer une telle occasion de démontrer l'ouverture de son gouvernement en accueillant dans ses rangs un ancien ministre libéral. Je crois que nous avons plutôt assisté à une scène assez pathétique qui n'a en rien redoré le blason du Parti québécois à l'étranger, au contraire.

(15 h 30)

Et, à d'autres délégués, on a mis des surveillants qui ont pour mission d'assurer que le délégué général ne fera pas de déclarations qui iraient à l'encontre de la pensée du ministre. Je pense que c'était le cas avec M. Reed Scowen, à New York. Je me demande si c'est le cas aussi avec M. Michaud, à Paris. Et, sans compter les dépenses pour le personnel spécial, qui se font à même les budgets du ministère, comme le nouveau directeur des communications. Il y a eu beaucoup d'émoluments, beaucoup de... Tu sais, quand on donne les chiffres du cabinet du ministre... Par exemple, à la Direction des communications, on a passé par-dessus la tête de tous les fonctionnaires qui auraient bien pu occuper le poste et on semble avoir engagé à contrat. Alors, pour ces contrats, M. le ministre, à combien s'élèvent les émoluments? Les personnes qui ont été engagées par contrat, quels sont leurs rôles, exactement? J'ai référé au directeur des communications, j'ai référé au poste à Paris.

M. Landry (Verchères): J'en ai deux, directeurs des communications. J'en ai un à Montréal, puis j'en ai un à Québec. Vous vous référez à Québec?

M. Ciaccia: À celui qui a été engagé par contrat, oui. Écoutez, est-ce que, en demandant ces informations, vous pourriez nous faire la nomenclature des changements de personnel survenus dans les délégations et dans les différentes directions du ministère? Vous aviez des contrats spéciaux. À combien s'élèvent ces contrats spéciaux?

M. Landry (Verchères): On me signale qu'on vous a communiqué ça, mais on peut vous le préciser. On dirait que, pendant que je suis en train de réapprendre le pouvoir, vous êtes en train de réapprendre l'opposition, hein? On les a déjà donnés.

M. Ciaccia: On les a eus... On m'informe qu'on les a eus vendredi soir, et je n'étais pas ici. J'étais au Connecticut, vendredi, pour donner un discours sur le NAFTA à l'Université du Connecticut.

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, je voudrais d'abord parler de façon générale, comme vous l'avez fait vous-même, des nominations, pour vous dire que les mouvements de personnel qui pourraient avoir une connotation politique ont été très limités et incommensurablement plus bas que ce que vous aviez fait avec notre diplomatie. Je dis que, pour le plus clair du temps où vous avez été au pouvoir, vous avez mis des politiques en place en nombre insurpassé dans toute l'histoire de la diplomatie québécoise. Vous avez nommé de vos députés ou d'anciens députés, ou d'anciens membres de cabinet comme numéros un des délégations dans tous les horizons. C'était votre façon de faire les choses. Nous, nous avons plutôt nommé des professionnels ou gardé ceux que vous aviez déjà nommés et qui étaient des professionnels.

Je vous en énumère une série. Londres, un professionnel que vous avez désigné vous-mêmes; il y est encore. Reed Scowen a démissionné avant même que le Conseil des ministres ne soit assermenté. Il a décidé qu'un ancien député libéral coloré et aux convictions qu'il a ne pouvait pas représenter le Québec à New York. Pour vous montrer jusqu'à quel point nous ne l'avons pas éjecté, je vous ai dit ce matin qu'on l'a réengagé comme consultant pour s'occuper des questions d'investissements pour lesquelles il a un talent certain. Alors, là, on n'est pas encore devant l'intransigeance politique.

Vous me parlez de M. Latulippe; je vous remercie de me donner l'occasion d'en parler. D'abord, c'est vous qui l'avez nommé à Mexico. Alors, j'imagine que vous croyiez que c'était un bon diplomate. Vous n'auriez pas nommé un chef de poste si vous aviez douté de ses talents. Vous avez pu en faire l'expérience pendant de nombreuses années à Mexico, et vous avez conclu, à l'étude de son dossier, qu'il était assez professionnel et assez bon pour passer à Bruxelles. Et je l'ai laissé à Bruxelles. Un ancien député libéral, Gérard Latulippe, a été délégué, nommé par vous deux fois et par moi aucune fois, parce que j'ai simplement continué votre mandat. Mais ce que je veux surtout vous dire, c'est que c'est un diplomate remarquable. Tous les échos que j'en ai de la Communauté économique européenne, de la communauté française de Belgique, de la communauté flamande me disent que le Québec est magnifiquement représenté à Bruxelles par M. Gérard Latulippe. Oui, Roger Dehaybe lui-même me l'a dit.

Bien sûr, il y a eu des remous quand il a dit, bien candidement, ce que d'autres ont dit plus tôt et, j'espère, ce que d'autres diront plus tard: Il y avait 30 souverainistes il y a 30 ans et il y en a 3 000 000 aujourd'hui. Et il nous en manque à peu près encore 300 000 pour avoir une vraie majorité. Il faut qu'il y en ait qui changent de bord et Gérard Latulippe l'a fait, à son corps défendant. Je trouve qu'il a été l'objet de remarques des fois sarcastiques, injustes de la part de ceux qui ont siégé au Conseil des ministres avec lui autrefois. Mais, enfin, ces gens-là vivront avec leur conscience.

Quant à M. Roquet, le poste numéro un, Paris, il a été nommé par vous; il y est encore. C'est un grand professionnel, c'est un grand diplomate. Et, quand vous avez dit, tout à l'heure, que M. Roquet avait été nommé par vous, c'est vrai, mais c'est le retard que je vous ai reproché. Vous avez laissé la délégation en déshérence pendant des mois, des mois et des mois avec un chargé d'affaires ou à peine. C'est ça que ça veut dire, en langage diplomatique. Si je ne remplace pas mon ambassadeur, si je ne remplace pas mon délégué, ça veut dire que le poste n'a pas d'importance. C'est ça que vous avez fait et ça fait partie de votre refroidissement.

M. Laguë a quitté Mexico, vous le savez. M. Laguë, je crois qu'il provenait de votre cabinet politique. Alors, lui, c'était vraiment un politique. Je n'ai rien à dire contre lui, pas plus que je n'ai à dire contre votre ancien collègue, M. Dauphin, ancien député libéral et qui était délégué à Boston. Il est vrai que, dans l'intérêt du gouvernement, nous avons jugé qu'ils n'étaient pas en mesure de présenter convenablement la réalité du Québec contemporain. On ne voulait pas leur demander des choses impossibles. On ne peut pas avoir été candidat dans une élection libérale et avoir dit pis que pendre sur le projet de souveraineté du Québec, et ensuite aller le présenter de façon neutre aux Américains, ou sortir d'un cabinet de ministre... J'ai ici mon directeur de cabinet, à ma gauche. Si vous pensez qu'il va aller parler pour le rapatriement unilatéral de 1982, au Québec ou ailleurs, vous vous trompez grandement, hein! Ils se trompent, Daniel, hein?

M. Audet (Daniel): Tout à fait. On ne peut plus.

M. Landry (Verchères): Il va vous la raconter après. Alors, vous avez fait ça avec M. Laguë. Il sortait de votre cabinet, vous l'avez nommé à la Délégation du Québec à Mexico. Est-ce que ça vous a vraiment surpris si, quand même, dans des échanges très polis avec lui, nous avons conclu qu'il était mieux qu'il aille ailleurs? Et on a offert quelque chose d'intéressant, qui était...

Une voix: À M. Laguë, le Conseil des arts et, à M. Dauphin, une commission gouvernementale.

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, à M. Laguë, on a offert le Conseil des arts et, à M. Dauphin, on a offert une commission gouvernementale. Et l'un et l'autre ont refusé, et c'est leur droit le plus strict, et on ne leur en veut pas pour ça. Mais je vous assure qu'ils n'ont pas été maltraités par nous, ni rudoyés, ni bousculés de quelque façon que ce soit. À Mexico, nous avons nommé Mme Bussières, une professionnelle avec laquelle vous avez travaillé, qui est parfaitement hispanophone, avec une grosse expérience de terrain, ancienne déléguée à Bogota.

Alors, quand je regarde ceux que j'ai laissés en place et que j'ai nommés, j'ai plus d'anciens députés libéraux que de péquistes. Parce que j'ai Latulippe, parce que j'ai Kevin Drummond, délégué à New York et ancien député libéral, j'ai Gilles Houde, ancien député libéral, et j'ai Yves Michaud, ancien député libéral. Ça commence à faire beaucoup d'anciens libéraux. Je vais finir par me faire accuser dans mon propre parti de ne considérer les mérites que de ceux qui ont été dans le vôtre. Louis Duclos, ancien député libéral fédéral, ancien consul du Canada.

(15 h 40)

M. Ciaccia: Quel est le mandat de M. Michaud, à Paris?

M. Landry (Verchères): Ah oui, excellente question! Réparer les méfaits des refroidissements que vous avez causés, ni plus ni moins. Nous en étions, à Paris, à devoir pratiquement faire concurrence aux délégations acadiennes qui étaient plus près du gouvernement français, à toutes fins pratiques, que celle du Québec. Alors, nous avons fait appel à Yves Michaud, dont vous admettrez, j'espère, indépendamment de ses allégeances politiques, que c'est un des plus grands diplomates de l'histoire du Québec, qui a travaillé sous tous les régimes. Il y a un peu de Talleyrand en lui, en beaucoup plus noble, si je puis dire, par ailleurs, je crois.

Parce que Michaud, ancien député libéral, a été conseiller diplomatique de Robert Bourassa, a été délégué par Robert Bourassa, par le gouvernement du Québec, donc, a tenu brillamment notre Délégation générale pendant plusieurs années. Et il a été nommé textuellement pour ceci, et je cite: «contribuer activement à la revalorisation des échanges franco-québécois, particulièrement auprès des milieux politiques français, et faire de même à l'endroit d'autres pays pour lesquels des interventions pourraient être nécessaires occasionnellement.» Alors, voilà son mandat.

Je dois dire qu'il a renoncé à une grande partie de sa pension de député pour agir de façon parfaitement éthique, parce que c'est un pensionné de notre Assemblée nationale, et qu'en plus, comme il possède un appartement à Paris, qui lui appartient, ça nous a évité de louer un appartement de fonction; il a des compensations pour ça. Et, dans une certaine frugalité, si je puis dire, pour un homme de son rang – c'est le diplomate québécois le plus gradé sur le plan historique – il nous rend de grands services, et c'est sur une base temporaire.

Pourquoi c'est une base temporaire? Parce qu'on a eu des succès diplomatiques extraordinaires à Paris, vous le savez. J'ai eu l'honneur d'aller préparer la visite du premier ministre. La visite du premier ministre s'est déroulée comme du papier à musique. Les relations politiques ont été excellentes avec le premier ministre Balladur, avec le maire de Paris, M. Chirac. Et, sans faire de prévision aucune, voilà une position assez sécure quand on est bien reçu par les deux, avec, évidemment, le président de l'Assemblée nationale, M. Séguin. Et on a eu les déclarations qu'on a eues. Et on a eu la mise en marche d'un grand nombre de dossiers économiques et technologiques. Bref, M. Michaud peut dire, avec nos autres diplomates présents sur les lieux: Mission accomplie.

Et je serais ingrat si je taisais le rôle éminemment favorable pour nous de M. l'ambassadeur du Canada, Benoît Bouchard, qui, par ses balourdises et ses erreurs sans précédent dans l'histoire diplomatique canadienne, a grandement aidé aussi au succès de la visite et au réchauffement de nos relations avec la France.

M. Ciaccia: Pour revenir aux dépenses à Washington...

M. Landry (Verchères): Aux dépenses à Washington?

M. Ciaccia: Oui. Il paraît aussi – je ne sais pas si c'est le développement d'une sorte de paranoïa, mais corrigez-moi si vous avez d'autres informations – qu'il y a jusqu'à des agents de la Sûreté du Québec qui ont dû se rendre à Washington, dans les bureaux qui ont été loués par le gouvernement, pour changer les serrures et poser des téléphones «antibugging». Et, parmi leurs recommandations de contre-espionnage, je suppose, ils ont fait rehausser les murs du bureau de Washington, ils ont fait cimenter la partie du faux plafond pour éviter qu'on pénètre dans les bureaux par le système de ventilation. Vous ne trouvez pas, M. le ministre, que c'est un peu exagéré, ce genre d'activité, de dépense? À quoi ça sert? De quoi on a peur, au juste?

M. Landry (Verchères): Alors, la réponse que j'ai de l'administration, c'est qu'on fait ça partout. Vous le faisiez dans votre temps. Il faut qu'il y ait un minimum de sécurité entourant les opérations étrangères du gouvernement du Québec.

M. Ciaccia: Je ne pensais pas qu'on avait cimenté des murs. Mais combien a pu coûter cette opération?

M. Landry (Verchères): Je comprends que vous ne vous souveniez pas de tous les détails. Puis, ce qu'on a fait à Washington, il n'est pas question de cimenter le mur, d'après l'administrateur qui est ici; il est question d'installer un téléphone, puis de changer les serrures. Je pense que c'est minimal, ça, quand un gouvernement loue des locaux.

M. Ciaccia: Je ne parle pas de changer les serrures, puis de changer les téléphones, voyons! Ce n'est pas de ça que je parle.

M. Landry (Verchères): M. l'administrateur, est-ce que vous avez du béton dans vos factures?

M. Ciaccia: S'il n'y a pas eu autre chose que ça de fait, je retire mes remarques. Aviez-vous seulement ça?

Le Président (M. Simard): Veuillez vous identifier, s'il vous plaît, pour les fins de l'enregistrement.

M. Clavet (Jean): Jean Clavet. Je suis directeur de service à la gestion. Alors, on a installé un fax, un téléphone et on a changé des serrures, résidences et bureaux, tout simplement. Il n'y a pas eu d'autres travaux lourds ou d'autres travaux.

M. Ciaccia: C'est des rumeurs qui nous viennent de Washington.

M. Landry (Verchères): Alors, il n'y a pas de Watergate.

M. Ciaccia: Il faudrait que vous les dénonciez, ces rumeurs-là.

M. Landry (Verchères): Bien, c'est la première fois que je les entends.

M. Ciaccia: Ça fait paraître... Bien, je vous en fais part.

M. Landry (Verchères): Si vous me donnez votre source, on pourra la purifier.

M. Ciaccia: «Deep throat».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Est-ce qu'on pourrait revenir à un autre sujet avec le député de Chomedey, M. le Président?

Le Président (M. Simard): En attendant...

M. Landry (Verchères): Mon directeur des communications, dont je suis tellement fier, vous m'avez demandé une question là-dessus.

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Landry (Verchères): Bon. Mon directeur des communications, c'est M. Jean-Yves Duthel – il est parmi nous – qui est un ancien vice-président de la Société de transport de Montréal. C'est aussi un ancien vice-président de BioChem Pharma, qui a été embauché par nous et qui gagne 77 000 $, là, environ, et des poussières par année. Et, je ne sais pas si c'est d'intérêt public de le dire, mais il a accepté, pour ce faire, une réduction de salaire considérable. C'est un homme qui a le sens du service public, qui a le sens de l'État. Il a vu le jour en Alsace et, donc, on ne peut pas dire que ses ancêtres ont cultivé des terres à l'île d'Orléans. On ne peut pas dire s'il a manqué 400 ans d'histoire du Québec ou non, mais on peut dire qu'il est profondément québécois, comme le député de Mont-Royal et comme moi-même. Il l'est de manière exemplaire.

Le Président (M. Simard): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques avait demandé la parole.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Moi, d'une part, j'ai trouvé un peu blessantes les remarques au sujet de M. Latulippe, ancien ministre. C'est un fait que nous avons déjà accueilli d'autres ministres libéraux. Un exemple: M. L'Allier, ancien ministre des Communications, M. Drummond, ancien ministre de l'Agriculture, qui a été mon député, d'ailleurs, un excellent député. J'avais beaucoup de fierté.

La question que j'aimerais vous poser, c'est qu'il existe également M. McKenna et il existe M. Jean-François Normand. Est-ce que ce sont des gens qui sont entrés en fonction à l'époque de notre administration, oui ou non, et ces personnes-là sont-elles encore en place? Puisqu'on semble nous accuser de purge, en tant que tel, je regarde les nombreux fonctionnaires qui vous accompagnent et, je ne sais pas, il y a peu de fauteuils de vides. Alors, il semble que la purge n'a pas été aussi stalinienne que l'opposition officielle veut nous le faire croire.

M. Landry (Verchères): Dans le cas de M. Normand, c'est un ancien du cabinet de M. Marc-Yvan Côté. Alors, lui aussi, c'est un homme de cabinet. Il était en poste à Paris, il y est encore. Alors, ça confirme, là, je crois, les preuves surabondantes que je vous ai données qu'on ne peut pas parler de purge au ministère des Affaires internationales. Les mouvements de personnel ont été très limités, n'ont pas été teintés de politique d'une manière outrancière. Ils l'ont été beaucoup moins que les mouvements de personnel du gouvernement qui nous a précédés. Il me semble vous l'avoir bien démontré. Quant à M. McKenna, où est-il? Il est toujours à New York. Non?

Une voix: Il était à New York et il nous a quittés, je crois.

M. Landry (Verchères): Il nous aurait quittés.

M. Boulerice: Et combien y avait-il de vacances, puisque je me souviens qu'à la dernière étude des crédits de l'ancien gouvernement, à titre de porte-parole, je m'étais élevé contre certaines vacances qui, supposément, étaient temporaires, mais devenaient définitivement temporaires. Exemple: Rome, pour ne prendre que celle-ci. Combien y avait-il de vacances à votre arrivée et ont-elles été comblées?

M. Landry (Verchères): Bien, pour Rome, c'est fait par un professionnel, Jacques Vallée, un homme du ministère, un ancien chef du protocole. Il était chef du protocole quand je suis arrivé à l'Assemblée nationale en 1976. Il s'était illustré dans l'organisation de la visite pontificale également et c'était l'homme tout désigné pour aller là. On a comblé cette vacance. Est-ce qu'il y en avait beaucoup d'autres? Il y avait Tokyo qui était en déshérence, la capitale de la deuxième puissance économique du monde. Ce n'était pas très édifiant, ça non plus. On a comblé la vacance; on a choisi parmi les innombrables Québécois qui parlent le japonais et on a envoyé M. Jean Dorion. Séoul était vacant. On a comblé Séoul par un professionnel aussi, qui s'appelle Gougeon, un ancien du réseau des chefs mailleurs du Québec, et enfin Caracas.

(15 h 50)

M. Boulerice: Est-ce qu'on a comblé, M. le ministre, notre seule présence en Afrique subsaharienne, à Abidjan? C'est quand même une capitale importante. La Banque africaine de développement s'y trouve aussi.

M. Landry (Verchères): Vous avez raison. Notre fonctionnaire d'Abidjan nous a quittés, il y a quelque temps, et le processus de remplacement est en cours et devrait aboutir incessamment. Et c'était M. Veilleux, un ancien député libéral, si cette information peut intéresser le député de Mont-Royal. À Abidjan – je l'avais oublié, celui-là – vous aviez mis M. Veilleux, ancien député libéral, comme vous aviez mis M. Laurin à Bruxelles. Mais, là, M. Veilleux, il nous quitte, et c'est un remplaçant en voie d'être désigné qui ira à Abidjan occuper le poste.

M. Boulerice: Est-ce que, dans le cas de M. Veilleux, à Abidjan, son contrat se terminait sous notre mandat ou sous le mandat précédent?

M. Landry (Verchères): Son mandat se terminait sous le gouvernement précédent.

M. Boulerice: Et on ne l'a pas renouvelé.

M. Landry (Verchères): On ne l'a pas renouvelé. Je ne sais pas...

M. Boulerice: Le précédent gouvernement n'a fait aucune indication quant à son renouvellement.

M. Landry (Verchères): Ah! Bien non. Là, je suis mal placé pour répondre, mais le député de Mont-Royal sait peut-être pourquoi le mandat de M. Veilleux n'a pas été renouvelé.

M. Boulerice: Alors qu'il était d'un dévouement exemplaire.

M. Landry (Verchères): Quelqu'un le sait, ici?

M. Boulerice: Il était peut-être tenté par l'option souverainiste.

M. Ciaccia: Une autre carrière.

Le Président (M. Simard): De toute façon, on ne va pas renverser les rôles et interroger l'ancien ministre. Vos remarques sont terminées, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques? La parole est au député de Chomedey.


Accord de libre-échange nord-américain

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Ma question concerne l'Accord de libre-échange nord-américain et les voyages effectués par les fonctionnaires du ministère, dans un premier temps. J'aimerais savoir si le ministre peut nous expliquer d'abord qui est le titulaire, à l'heure actuelle, du dossier de l'ALENA au sein de son ministère.

M. Landry (Verchères): Bien, il y a plusieurs fonctionnaires qui touchent à ça des services juridiques, économiques. Mais, à mon avis, on peut dire sans ambages que c'est le sous-ministre adjoint, Carl Grenier, qui est un des meilleurs experts de commerce extérieur que je connaisse et qui est un ancien membre de la délégation canadienne au GATT, à Genève, et que j'avais eu moi-même l'honneur de recruter, d'ailleurs, quand je suis devenu ministre du Commerce extérieur. Il s'est illustré aussi sous mon prédécesseur et il est revenu aux Affaires. Et c'est lui, je crois, sans risque de me tromper – il n'a pas le monopole de la vérité, même s'il est très savant – avec, évidemment, Gérald Audet qui est ici présent aussi. Et nos services juridiques s'en mêlent aussi régulièrement.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre, si c'est cette personne qui est le porte-parole, peut nous indiquer à l'heure actuelle, à l'aide de cette personne ou de ses autres proches collaborateurs, quelles sont les professions pour lesquelles ils sont en train de négocier pour le Québec des ententes sectorielles aux termes de l'Accord de libre-échange nord-américain?

M. Landry (Verchères): J'imagine, là, que ce sont les ingénieurs d'abord, c'est là que ça va plus vite.

M. Mulcair: Non, c'est les architectes d'abord.

M. Landry (Verchères): Les architectes. Alors, architectes, ingénieurs, comptables agréés qui étaient sur les rangs. Et on progresse assez péniblement dans ces dossiers. Il y a des difficultés.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre peut nous dire si les sommes – est-ce qu'il peut nous donner une indication des sommes – qui ont été consacrées pour la traduction de l'examen NCARB vont continuer d'être versées par le gouvernement fédéral?

M. Landry (Verchères): C'est de l'ordre de 50 000 $, de mémoire.

M. Mulcair: Maintenant, je remarque, dans les documents qui nous ont été fournis, que M. Jean-Pierre Furlong, parfois accompagné d'autres, à plusieurs reprises, notamment en 1994, il a voyagé le 6 avril; par la suite, il a revoyagé à Ottawa le 18 mai, toujours en 1994; par la suite il a voyagé, toujours à Ottawa, dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain, au mois d'octobre, mais, depuis lors, il semble avoir très peu d'activités. Est-ce que c'est parce que les réunions ont cessé d'avoir lieu ou parce qu'on a cessé d'envoyer des représentants?

M. Landry (Verchères): Les réunions sont moins fréquentes maintenant.

M. Mulcair: M. le Président, comme vous le savez, les sommes impliquées en matière d'échanges internationaux sont beaucoup plus importantes dans le domaine des services, souvent, que dans le domaine des biens, et c'est pourtant un domaine qu'on a tendance à négliger. J'aimerais savoir, de la part du ministre, pourquoi, par exemple, personne de son ministère ne participe aux travaux du Council on Licensure, Enforcement and Regulation.

M. Landry (Verchères): Bien, une des raisons, M. le député, c'est que votre prémisse est fausse, parce que tous ceux qui connaissent un tant soit peu le commerce international savent que les échanges de services ne font pas 20 % du total des biens.

M. Mulcair: Mais est-ce que le ministre peut nous dire...

M. Landry (Verchères): Alors, nos efforts sont en proportion du volume et de la valeur.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre peut nous indiquer pourquoi personne de son ministère ne participe aux travaux du Council on Licensure, Enforcement and Regulation qui, comme tout le monde le sait, est là pour...

M. Landry (Verchères): Même les experts pointus ne connaissent pas l'organisme. Alors, vous allez devoir mettre votre érudition à notre service pour nous donner quelques précisions, et on pourra vous répondre par écrit dans la semaine qui vient.

M. Mulcair: M. le ministre, afin de vous aider dans votre propre érudition, ça me fait plaisir de vous expliquer que le Council on Licensure, Enforcement and Regulation, CLEAR par son acronyme, est une émanation du Council of State Governments et il l'était pendant ses 10 années d'existence jusqu'à l'année dernière quand il a pris son existence propre. Il continue à rassembler des experts en matière de réglementation professionnelle de partout en Amérique du Nord, donc du Canada et des États-Unis, et, depuis trois ou quatre ans, il tient des réunions régulières sur des sujets dont, notamment, l'Accord de libre-échange nord-américain. Et il a joué un rôle de chef de file en matière de promotion et de compréhension de l'Accord de libre-échange nord-américain, notamment à l'égard des services professionnels.

Or, ma question est de savoir... Je ne trouve nulle part, ni dans les documents du ministère ni dans les documents des autres ministères impliqués, une indication que quelqu'un aurait voyagé récemment pour CLEAR pour participer à ces travaux importants.

M. Landry (Verchères): Je vous remercie d'avoir mis votre érudition à notre service.

M. Mulcair: Ça me fait toujours plaisir, M. le ministre. Vous en avez rudement besoin.

M. Landry (Verchères): Se pourrait-il que, dans ce Conseil, seuls les États souverains soient admis et que la province de Québec n'ait pas été convoquée à cause de l'inadéquation de son statut par rapport à ses activités? C'est une hypothèse. En tout cas, nous allons la creuser très sérieusement, et vous aurez les explications circonstanciées qui conviennent, dans les meilleurs délais.

M. Mulcair: Ça me fait toujours plaisir, donc, de vous aider encore...

Une voix: On a souvent besoin d'un plus petit que soi.

M. Mulcair: ...M. le ministre, et de vous expliquer que, du temps que j'étais à l'Office des professions du Québec, j'étais le premier Canadien élu au conseil d'administration du Council of Licensure, Enforcement and Regulation et que j'y demeure. Non, le Québec n'est pas admis en tant qu'État, parce qu'il s'agit effectivement d'un rassemblement de l'ensemble des juridictions qui réglementent les professions et, comme vous le savez, aux États-Unis, en vertu du «policing power» des États, ce sont les États qui réglementent les professions, tout comme au Canada ce sont les provinces qui réglementent les professions. Et, pour une fois, ce sont ces juridictions-là qui se réunissent, et l'absence du Québec est remarquée par les gens du milieu. Et c'est très difficile à expliquer si vous tenez tellement non seulement à cet Accord de libre-échange nord-américain, mais aussi à une plus grande mobilité de nos professionnels et des services qu'ils fournissent.

Par ailleurs, pour revenir à une de vos remarques antérieures, si j'ai donné l'impression que je pensais que c'était plus important que les biens, je me suis très mal exprimé. Ce que je tentais de dire, c'est que, contrairement aux accords négociés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, notamment le General Agreement on Tariffs and Trade où on a toujours mis l'accent sur l'échange en matière de produits, depuis 20 ans on se rend compte que, si on ne réglemente pas aussi les barrières qui existent en matière de services, on est en train de n'accomplir qu'une partie du travail. D'où mon étonnement devant votre ignorance du dossier et de la non-participation du Québec dans ces importantes discussions et délibérations.

M. Landry (Verchères): Ce que je n'ignore pas, par exemple, et tous ceux qui connaissent le commerce international le savent, c'est que l'Accord général sur les tarifs n'a abordé qu'à sa dernière ronde de négociations, c'est-à-dire l'«Uruguay Round», la question des services, et l'Accord de Marrakech a été signé en janvier de la présente année. Alors, on va regarder ça de plus près. Mais ça me donne l'idée aussi que, si c'est vous qui y alliez pour l'Office des professions, est-ce que la question ne devrait pas être dirigée aux crédits du ministre de la Justice, qui est responsable de l'Office des professions? Peut-être que votre successeur y va. Vous me demandez ça, moi, au ministère des Affaires internationales, alors que l'Office des professions n'a jamais relevé du ministère des Affaires internationales. Est-ce qu'il n'y aurait pas une erreur de routage de votre question, M. le député?

(16 heures)

M. Mulcair: Bien, peut-être, M. le ministre, mais vous pouvez peut-être, à ce moment-là, m'aider à retrouver la participation de l'Office des professions du Québec à ces récentes délibérations.

M. Landry (Verchères): Pas dans mes crédits, mais je peux vous aider à ça aussi.

M. Mulcair: Mais vos crédits indiquent les voyages et les missions des autres ministères et organismes, vous en avez un cahier plein.

M. Landry (Verchères): Parfois, et parfois non.

M. Mulcair: Parce que ça doit toujours être approuvé par votre ministère.

M. Landry (Verchères): Vos voyages à vous...

M. Mulcair: Oui, toujours oui.

M. Landry (Verchères): Vos voyages à vous étaient payés par nous?

M. Mulcair: Oui, approuvés. Même si on est en train de les payer à même notre budget, il faut que ce soit approuvé par votre ministère.

M. Landry (Verchères): Approuvé, mais ça ne se retrouve pas dans les crédits. Ça ne peut pas être dans les crédits si je ne paye pas. Il me semble que les crédits, c'est pour l'argent, n'est-ce pas? En tout cas, on va tout faire pour vous éclaircir ça, M. le député.


Voyages à l'étranger

M. Mulcair: Une autre, une dernière question en ce qui concerne les voyages, M. le Président, qui s'adresse encore au ministre. Dans le document qui concerne, justement, le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles, les voyages hors Québec effectués par les fonctionnaires des autres ministères, on note, avec intérêt, qu'au mois de février 1995 – donc, il est revenu le 10 mars 1995 – une personne, avec le titre inscrutable de responsable, du nom de Gilles Boudreault, aurait effectué, aux îles Britanniques, un voyage pour, selon le document, participer au comité de sélection de 40 postes de monitrices et moniteurs d'anglais langue seconde provenant de Grande-Bretagne et d'Irlande, et devant travailler dans les commissions scolaires du Québec. Est-ce que le ministre peut nous fournir d'autres informations – c'est à la page 21 du document – concernant cette mission?

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Alors, c'est une coopération entre le Québec et le British Council. Un Britannique vient ici sélectionner les moniteurs recrutés ici destinés à son pays, et nous faisons l'inverse.

M. Mulcair: Donc nous allons, si je comprends bien, M. le ministre... M. le Président, le ministre pourrait peut-être nous dire si, effectivement, donc, il va y avoir 40 profs de français langue seconde, à ce moment-là, qui vont aller en Angleterre et en Irlande, ou d'anglais.

M. Landry (Verchères): Je présume, à moins qu'on recrute parmi notre minorité anglophone des professeurs qualifiés pour aller là-bas, qu'il faut être professeur de français langue seconde.

M. Mulcair: D'accord.

M. Landry (Verchères): Et d'anglais langue seconde. Voilà une excellente opération dont j'ignorais l'existence, mais c'est bien, ça. Plutôt que de se faire enseigner l'anglais par des gens qui ne parlent pas l'anglais, on est aussi bien de faire venir des Britanniques; ils pourront parler aussi bien que le député de Vachon, avec le «King's English».

M. Mulcair: Est-ce que le ministre peut nous expliquer comment il se fait que M. Boudreault a dû dépenser 1 450 $ de l'argent des contribuables pour un voyage qui, comme tout le monde le sait, coûte beaucoup moins, surtout lorsque c'est prévu longtemps d'avance comme ça? Je comprends bien que, lorsqu'il y a urgence et qu'on doit voyager sans préavis, c'est facile de comprendre, mais, pour un...

Une voix: Mais ça dépend de la durée du voyage.

M. Mulcair: Non, non, non. Ça, c'est juste son avion qui est indiqué là, 1 450 $, et c'était, de toute évidence, prévisible longtemps d'avance. C'est quoi, l'excuse pour avoir dépensé si cher pour un billet en Angleterre, alors que ça peut être moins que la moitié de ça?

M. Landry (Verchères): D'accord. Bien, les îles Britanniques, c'est quand même assez grand. Ce n'est pas aussi grand que le Québec. Et on me dit qu'il a dû transiter de Londres à Dublin, à Glasgow.

M. Mulcair: Je l'ai fait, moi; ce n'est pas 1 450 $ si on prend un billet d'avance.

M. Landry (Verchères): Avez-vous vos diapositives? Peut-être que ce serait intéressant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Non, non, non, vous n'en sortirez pas aussi facilement que ça. C'est une indication du fait que, plutôt que de réserver d'avance, comme on pourrait le faire 45 ou 60 jours d'avance, et d'avoir des billets moins chers... Moi, je voudrais avoir des précisions sur ce billet d'avion.

M. Landry (Verchères): On va vous en donner.

M. Mulcair: Combien de temps à l'avance ça a été réservé et comment se fait-il qu'on a payé 1 450 $ pour un tel billet d'avion?

M. Landry (Verchères): On va vous en donner, des précisions, dans les meilleurs délais. Encore une fois, vous comprenez que...

(Consultation)

M. Landry (Verchères): On achète, me dit notre administrateur, les deux tiers de nos billets d'avion en consolidé, c'est-à-dire en bas du Super APEX.

M. Mulcair: Du Super APEX. C'est celui-ci qui m'intéresse, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Bien, on va vous donner celui-là, mais, moi, j'ai l'impression qu'il a dû se déplacer intra-îles Britanniques. Là, j'ai donné trois villes, il y en avait peut-être huit. En tout cas, vous aurez ce que vous voulez, c'est sûr, parce que, avec l'argent du contribuable, il n'y a pas de petits montants. Quand c'est l'argent du contribuable, il faut faire attention.

(Consultation)

M. Landry (Verchères): On vous donnerait une meilleure satisfaction si, pour ce genre de question pointue, on avait les questions d'avance. Parce que le sous-ministre me dit, à bon droit, qu'il faudrait qu'on apporte dans cette salle des tonnes de documents pour vous répondre au fur et à mesure.

M. Mulcair: On a apporté des tonnes de fonctionnaires, et je présumais que ce n'était pas si difficile que ça.

M. Landry (Verchères): Oui, mais, M. le député, la matière grise ne se compte pas au poids. On a ici beaucoup d'intelligence dans cette salle. Presque autant que quand Maurice Duplessis s'y tenait seul.

Le Président (M. Simard): D'autres questions? Est-ce que le député de Mont-Royal désire poursuivre ses questions?


Contrats à des lobbyistes américains

M. Ciaccia: Oui. Je voudrais soulever un sujet sur lequel je sais d'avance la réaction du ministre, les arguments qu'il va invoquer, mais je veux tout de même enregistrer ma dissidence. C'est toute la question du lobbying à Washington. Je pense qu'il y a des contrats d'une valeur de près de 500 000 $ à trois firmes de lobbyistes américains. Je pense que vous avez évoqué pour cette décision que, si le Québec sent le besoin – je vous cite un article de journal – de sous-traiter sa diplomatie, c'est, entre autres, à cause de l'ambassadeur Chrétien à Washington. Là, je le sais que j'ouvre la porte à toutes les raisons pour lesquelles vous êtes contre l'ambassadeur Chrétien à Washington.

Mais, moi, ce que je trouve, c'est que c'est prématuré, à ce stade-ci, de prendre 500 000 $, dans une ville comme Washington. Vous savez d'avance la réaction de Washington. Vous savez ce que les Américains pensent présentement. Même, depuis des années, eux, ils voient l'indépendance plutôt... Ils font le parallèle plutôt avec leurs années 1860, et le président Clinton arrive ici et dit: «Vive le Canada!» L'ambassadeur Blanchard, je crois, a été assez catégorique dans ses opinions, tout en disant que le gouvernement américain ne veut pas s'ingérer. Mais, ça, c'est du langage diplomatique, ils ne veulent pas s'ingérer. Vous savez bien que, quand vous allez à Washington, le langage, c'est: «We believe in a strong and united Canada.» Vous allez entendre ça...

M. Landry (Verchères): Allez jusqu'au bout de la phrase: «And it is up to Canadians to decide.»

M. Ciaccia: Mais, même ça, vous savez, on n'a pas encore fait le référendum. On dépense 500 000 $ pour faire du lobbying à Washington pour faire la promotion de votre option politique. Je le sais; comme vous l'avez dit ce matin, tout le monde sait que votre option politique, c'est l'indépendance. Mais je trouve que c'est un peu prématuré, que c'est dépenser des sommes...

Tu sais, quand je vois des coupures dans certains programmes pour les exportations pour certains pays, quand je vois certaines missions en Asie qui ont été coupées supposément parce qu'il y a eu des coupures de budget, quand je vois la demande énorme ici, au Québec, de fonds pour aider les exportateurs et les institutions québécoises à être présents à l'international, voir ces sommes d'argent là être dépensées présentement... Je ne dis pas, si vous réussissiez dans le référendum, ça pourrait peut-être, à ce moment-là, être un peu plus justifiable parce que la population aurait exprimé sa volonté. Mais, aujourd'hui, quand on a des coupures budgétaires, quand il y a des besoins énormes, quand vous avez toute la compétition de la globalisation des marchés...

(16 h 10)

Et les 500 000 $ ne comprennent pas toutes les traductions. Les lobbyistes sont chargés de la distribution des traductions à Washington d'un argumentaire politique. Ce ne sont pas des activités de gouvernement; ce sont plutôt des activités du parti qui prône cette option politique.

Si on avait des surplus, un énorme surplus, même là je pourrais questionner. Et je ne pense pas qu'on puisse dire: Bien, écoutez, ça coûte moins cher qu'une délégation. Je sais vos arguments, je les ai entendus. Une délégation n'a pas seulement un rôle politique. Une délégation fait beaucoup d'autres choses. L'aspect politique d'une délégation, comparativement, ça ne représente pas toute l'activité d'une délégation. Il y a des rôles de coordination des affaires publiques, il y a les exportations, des investissements et tout le reste. Alors, je ne pense pas que l'argument puisse être: Bien, écoutez, c'est moins cher que d'avoir une délégation. L'un a un rôle complètement différent de l'autre. Puis, je ne pense pas qu'une délégation, son rôle, c'est vraiment de faire du lobbying pour une option politique. C'est d'expliquer, oui, mais pas de faire du lobbying pour une option politique.

Alors, il y a d'autres dépenses et, comme on le porte à mon attention, les argumentaires pour l'option politique ne viennent pas du Parti québécois; ils viennent du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles, c'est-à-dire, encore une fois, des fonds publics. Alors, je veux enregistrer ma dissidence avec cet aspect de vos activités. Je crois que ces fonds pourraient être beaucoup mieux utilisés dans d'autres activités du ministère. Et Dieu sait que les budgets sont très restreints présentement! Mais, aussi, je voudrais savoir la nature et la durée de ces contrats. Et, si le référendum est reporté à l'automne de 1995, comme le premier ministre semble l'indiquer, est-ce que ces firmes de lobby bénéficieront de sommes additionnelles? Et, si oui, combien?

M. Landry (Verchères): D'accord, je vais vous répondre en citant une tierce personne, qui est Lise Bissonnette, directrice du journal Le Devoir , dont le texte éditorial porte à croire que c'est largement pour réparer ce que vous n'avez pas fait vous-mêmes et que vous auriez dû faire. Et je vous cite quelques phrases, là: «Les Québécois ont payé bien plus cher, au cours des dernières années, la volonté du gouvernement de M. Bourassa de dépolitiser les délégations du Québec à l'étranger. Transformés en voyageurs de commerce, les délégués ont passé aux pertes des services de communication, des activités de relations publiques, des antennes dans les milieux législatifs de tout niveau et se sont retrouvés dépourvus quand la bise fut venue.»

Et ça, c'est cohérent avec ce que vous avez dit plus tôt. Vous étiez d'accord avec moi que l'activité internationale n'est pas basée que sur les affaires – je vous ai bien compris, bon – et qu'elle doit avoir un substrat politique. Or, notre principal client, ce sont les États-Unis d'Amérique: 80 % de nos exportations vont aux États-Unis d'Amérique. Comment réconciliez-vous votre dissidence avec le fait que notre principal commerce est là? Si le politique, le culturel et l'amitié entre les peuples portent les affaires, comment est-ce que ce ne serait plus vrai? Ce serait vrai à Paris, puis ce ne serait pas vrai à Washington. Je ne comprends pas.

Et laissez-moi poursuivre. Il y a aussi un gros dommage que vous avez laissé faire. Je comprends que Mme Bacon s'est fâchée quelques fois, mais ce n'était pas suffisant. Le gros dommage, Mme Bissonnette le voit bien aussi, c'est lorsque les Cris du Québec, moins naïfs que leurs adversaires, ont fait alliance avec les mouvements écologistes américains pour diffamer avec efficacité les projets québécois de développement énergétique et que le gouvernement – ça, c'était vous – a mis des semaines et des mois à retrouver les bons contacts au sein des grands journaux et magazines, des Législatures, des universités ou des experts qui pouvaient contrer les erreurs et les mensonges.

C'est une charge contre vous-même que vous faites en inscrivant votre dissidence. Vous auriez dû faire ça, vous qui avez été, en plus, ministre de l'Énergie, vous qui avez été, en plus, ministre responsable des Affaires indiennes et des Relations internationales. Je ne veux pas vous surcharger, là, mais il me semble qu'à plus d'un titre vous ne devriez pas être dissident cet après-midi, mais vous devriez concourir avec la décision sage du gouvernement de consacrer 500 000 $ à nos relations d'ordre général avec la première puissance de la terre et le premier client pour nos produits en biens et services. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?

Autre question aussi. Vous dites qu'ils ne font pas tout ce que fait une délégation. Je veux bien. Pourquoi n'avez-vous pas ouvert une délégation à Washington? Vous avez des amis puissants à Ottawa, vous êtes un des seuls à avoir supporté leur constitution de 1982. Ils vous devaient bien ça de vous laisser ouvrir un bureau à Washington, et ils vous traitent avec une ingratitude qui nous surprend même si nous n'avons pas les mêmes orientations d'idées.

Pourquoi avant le référendum? Bien, parce que après on va avoir une ambassade. Mais cette ambassade n'aura pas 300 fonctionnaires, comme celle du Canada aujourd'hui dont nous payons le quart. Notre délégation, notre ambassade à Washington, après l'indépendance, sera à la mesure de nos moyens et non pas à la mesure des moyens d'un pays boursouflé qui a 600 000 000 000 $ de dette accumulée, mais sera bien gérée.

Enfin, pour compléter ma réponse, je vous suggère une lecture. Ce sont les articles de M. Vastel commencés dans Le Soleil , ce matin – vous avez peut-être vu le premier – qui, sur le plan factuel, parlent de ces choses en des termes, en tout cas, moi, qui m'ont beaucoup intéressé ce matin. Puis il y a une suite demain, paraît-il, et après-demain.

M. Ciaccia: Je vais répondre à quelques affirmations que vous avez faites. Vous avez référé à un éditorial du Devoir , et c'est l'opinion de l'éditorialiste qui n'est pas basée sur les faits factuels, et je vais vous l'expliquer. Quand vous dites que – je suis d'accord avec vous – ce sont des relations personnelles, oui, pas des relations par l'entremise de 500 000 $ de lobbyistes qui sont à Washington; personnelles, c'est une chose et je suis d'accord avec ça. Vous n'avez pas engagé de lobbyistes à Paris.

M. Landry (Verchères): On a une délégation.

M. Ciaccia: Alors, bon. Vous n'avez pas engagé de lobbyistes. Et, moi, je pars d'un différent point de départ de vous. Quand j'avais des problèmes avec Washington – parce qu'on en a toujours et on a besoin de faire des représentations – je passais par l'entremise de l'ambassadeur. Mais j'ai une différente optique, option politique que vous et l'ambassadeur nous appuyait dans nos démarches.

Quand je suis allé, par exemple, à Washington pour les GLOBE «legislators», c'était une réunion de tous les législateurs du monde entier qui étaient réunis à Washington pour préparer l'agenda pour le sommet sur l'environnement et il y avait, sur l'agenda, une résolution contre le Québec. Ça avait été préparé en Europe par les verts. Alors, je me suis rendu à Washington. J'ai présenté et j'ai rencontré – il n'était pas vice-président à ce moment-là – le sénateur Gore, j'ai rencontré tout le comité, et on les a persuadés de changer cette résolution parce que, effectivement, elle n'était pas exacte et elle allait à l'encontre de la vérité de ce qui se passait au Québec en ce qui concernait le développement de nos ressources. Alors, ça, c'est une activité pour représenter le Québec à l'international en termes qui n'avaient rien à faire avec l'économique.

Quand j'avais d'autres représentations à faire, j'allais rencontrer le «chairman» of the Senate Foreign Relations Committee – à ce moment-là, c'était un démocrate, le «chairman» Pell – j'allais rencontrer des sénateurs qui étaient influents dans différents milieux pour leur donner le point de vue, la position du Québec, les aspects particuliers que le Québec représentait.

(16 h 20)

Alors, tout ceci, ça se faisait. Je n'avais pas besoin d'engager des lobbyistes à 500 000 $ pour faire la promotion d'une option politique. Parce que, là, on parle de deux différentes choses ici. Vous parlez des intérêts du Québec en termes de tout ce qui peut représenter les intérêts commerciaux, les intérêts institutionnels, les intérêts de l'image du Québec, aussi, en termes de ce que les Indiens faisaient.

En ce qui concerne les Cris, il y avait une firme, qui avait été engagée par Hydro-Québec, qui faisait ses représentations, qui essayait de faire le contrepoids. Mais vous allez comprendre que c'est beaucoup plus populaire, dans certains journaux, de voir quelqu'un qui descend en canot de la baie James et arrive à New York que quelqu'un qui se présente au bureau ou chez le législateur. Et j'ai fait des représentations non seulement à Washington, mais à toutes les différentes Législatures, que ça soit à New York, avec le gouverneur Cuomo, que ça soit dans le Maine, que ça soit dans d'autres États du Nord-Est américain.

Alors, il est inexact de dire, comme le prétendent certains pour des raisons politiques, parce qu'on ne partage pas la même option politique, que ce genre de représentations ne se faisaient pas; elles se faisaient. Elles se faisaient par les délégués, celui à New York, celui à Boston; elles se faisaient par le ministre; elles se faisaient par des représentations de firmes qui avaient été engagées particulièrement sur un sujet, sur l'aspect d'Hydro-Québec; elles se faisaient par des représentations non seulement à Washington, mais dans les Législatures, parce que, dans plusieurs de ces Législatures, ils avaient introduit des résolutions pour ne plus acheter ou canceller les achats des obligations d'Hydro-Québec dans les différents États du Nord-Est américain. Alors, nous avons fait les représentations et nous avons pu persuader ces Législatures de ne pas aller de l'avant avec ces résolutions dont la promotion avait été faite par des représentations des Cris. Et on est allés au Harvard Club, on est allés aux différentes universités.

Mais peut-être que ça ne faisait pas beaucoup d'éclat, que ça ne pouvait pas faire tant d'éclat dans les pages éditoriales du Devoir parce qu'on n'allait pas là pour dire: Le Québec va se séparer et nous voulons l'indépendance du Québec. Ce n'est pas ça qu'on allait dire, mais on représentait, au plus haut niveau possible, les intérêts et l'image, et la présence du Québec. Et ceci, on le faisait sans engager les fonds, à des moments qui étaient très, très difficiles, pour faire du soi-disant lobbying. Parce que, soyons honnêtes, ce lobbying-là de ces gens-là, ce n'est pas pour contrecarrer ce que les Cris ont dit, ce n'est pas pour faire des représentations pour les obligations d'Hydro-Québec; c'est pour faire la promotion de ce que vous envisagez comme option politique du Québec de l'avenir.

Mais il y a toute une série d'autres représentations qui doivent se faire et qui se font mieux par la présence du ministre avec les législateurs, avec les «congressmen», avec les sénateurs, avec les sous-secrétaires, dans les différents ministères, que ça soit au Secrétariat d'État, que ça soit au «Department of Commerce». Ça, là, ça a beaucoup plus d'impact que d'envoyer un avocat parler à un sous-secrétaire; il dit: Bien, voici... Parce que eux savent que des lobbyistes, c'est des «hired guns» et qu'ils sont là pour faire la promotion de ce que vous les payez pour faire. L'impact est beaucoup plus grand quand, vous-même, vous êtes capable d'y aller et de faire vos représentations, que ce soit à Washington, que ce soit dans toutes les Législatures des États nord-américains ou, même, que ce soit à Los Angeles, que ça soit à Chicago. Parce que ce n'est pas limité seulement à Washington, les intérêts du Québec. Il y a toutes les régions; on a cinq bureaux, au Québec. Quand, dans le Los Angeles Times , sur la page 1 de leur journal, ils écrivent un article qui n'est pas flatteur pour le Québec, ça prend une réponse, ça prend quelqu'un qui va voir l'«editorial board» du Los Angeles Times et qui va leur parler.

M. Landry (Verchères): Quand c'est le Washington Post , ce n'est pas vrai?

M. Ciaccia: Et, quand c'est le Washington Post ou le New York Times , c'est la même chose, mais ce n'est pas un...

M. Landry (Verchères): Non, mais vous dites qu'on ne doit pas être là.

M. Ciaccia: ...un lobbyiste qui va le faire. Ce n'est pas un lobbyiste qui est allé voir le Los Angeles Times ; c'est le ministre qui est allé les voir. Puis il a rencontré l' «editorial board» du Los Angeles Times , puis il a dit: Écoutez, ce n'est pas de même que ça se passe. Et ça, ça a beaucoup...

M. Landry (Verchères): Du folklore.

M. Ciaccia: ...plus d'impact, puis c'est plus sincère et ça a beaucoup plus d'effet que d'envoyer un avocat dire: Écoute, ton article en page 1... L'«editorial board» du Los Angeles Times ne l'aurait même pas reçu. Il ne l'aurait même pas reçu, l'avocat, parce que ce n'est pas de même qu'ils opèrent. Puis, si vous voulez parler au New York Times , puis à l'«editorial board» du New York Times , c'est important de leur parler parce que ce sont les «opinion makers». Eux autres ne recevront pas un avocat pour aller leur parler du Québec, voyons! Ils vont recevoir, par exemple, le ministre. Ils vont recevoir le délégué. Ils vont recevoir des représentants élus du Québec et ceux qui représentent vraiment le Québec, pas des «hired guns».

Alors, malgré les articles que vous pouvez lire, le vrai impact que le Québec peut avoir, que ce soit dans les grands journaux, puis les grands quotidiens américains de Los Angeles, de Chicago, de Washington, de Boston – le Boston Globe , il ne faut pas le négliger non plus, c'est un des grands journaux américains – c'est par le ministre. Combien de fois le ministre a été obligé d'y aller pour aller faire le point et, souvent, obtenir, susciter des éditoriaux favorables au Québec! Ça, ça ne se fait pas par des avocats. Alors, M. le Président, je voulais juste rectifier certaines des affirmations que le ministre avait faites ou donner un peu les démarches et la façon dont nous défendions le Québec.

C'est clair que, si Matthew Coon Come veut y retourner, comme il le fait maintenant – il a commencé à aller dans les secteurs anglophones – ça ne l'empêchera pas de dire ce qu'il veut dire. Ça n'empêchera pas le reportage parce que ça a un impact, c'est populaire; c'est une minorité, les premiers habitants du pays. Alors, quand il va y aller, ça va être rapporté, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres mesures pour contrecarrer, pour donner l'autre côté de l'histoire, qui doivent être faites, qui ont été faites avec des résultats, je pourrais dire, très concrets en termes de décisions que les Législatures n'ont pas prises, en termes de décisions que les GLOBE «legislators» n'ont pas prises. Quand je suis allé au sommet de l'environnement à Rio de Janeiro, c'est la nouvelle résolution que nous avions amendée à Washington qui a été présentée, qui a été acceptée.

M. Landry (Verchères): Plus vous parlez, plus vous me réconfortez dans la décision que j'ai prise, parce que plus ce que vous décrivez comme étant votre politique américaine m'apparaît dangereux, m'apparaît relever de l'amateurisme, sinon du folklore. Si vous me dites que c'est le ministre qui doit y aller lui-même à chaque coup, voulez-vous me dire pourquoi on a 300 diplomates canadiens à Washington? Le ministre d'Ottawa pourrait y aller autant que vous. Pourquoi les pays ont des diplomaties dans le monde si le ministre prend l'avion, puis y va?

M. Ciaccia: Je n'ai pas dit à chaque coup.

M. Landry (Verchères): Puis, si la journée où vous devez être à Washington, il y a une urgence à Boston; puis, si la journée où vous devez être à Boston, vous devez être au Conseil des ministres? Vous venez de me décrire une attitude purement folklorique, en tout respect. J'en ai froid dans le dos de savoir qu'on était si mal défendus pendant 10 ans et que, par exemple, le Canada, qui a les 300 fonctionnaires que j'ai dits, dépense, en plus, 700 000 $ de lobbying. Vous avez dit que vous vous entendiez bien avec les ambassades; on a vu le résultat. Matthew Coon Come, dont vous parlez, il est allé. Son texte a été visé par l'ambassadeur. Il a traité le gouvernement du Québec d'avoir des politiques racistes. Ça «a-tu» changé la moindre des choses, alors que vous payez l'ambassadeur comme moi? Si vous aviez d'aussi bonnes relations avec l'ambassade, comment se fait-il qu'il ait laissé faire ces choses-là, qu'il ne soit pas allé vigoureusement prendre la défense du Québec? Si l'ambassade est si parfaite que ça, pourquoi est-ce qu'ils ne couvrent pas, eux autres, le Washington Post et le Boston Globe et le Los Angeles Times ?

Je ne vous dis pas que tout était mauvais dans votre affaire, pour la simple raison que je le fais moi-même. Que le ministre puisse aller de temps en temps... J'ai rencontré, au cours des dernières semaines, le Boston Globe qui a fait un article, d'ailleurs, éminemment bien fait sur la question québécoise. J'ai pu rencontrer, la semaine dernière, les gens du Chicago Tribune . C'est des bonnes choses, il faut les faire. Mais depuis quand les déplacements ministériels remplacent une politique cohérente et une information? Car c'est bien de cela qu'il s'agit pour la première puissance du monde, qui est aussi notre premier client.

(16 h 30)

Je veux aussi ajouter que ce que j'ai donné comme mandat à ceux que vous appelez des lobbyistes et qui sont officiellement... Aux yeux de la loi américaine, il faut s'enregistrer. Dans votre temps, vous vous étiez fait prendre pas enregistré, une fois. Nous autres, ça ne nous est pas arrivé. Ce n'est pas vous, c'est Hydro-Québec; vous étiez le ministre responsable d'Hydro-Québec. Qu'est-ce qu'on leur a dit? On a dit: Présentez la question du Québec comme ceci... Et je vais vous répéter très exactement mes instructions, puis – j'avais quelques fonctionnaires avec moi – si vous avez à redire, dites-le, vous êtes l'opposition officielle.

J'ai dit à ceux qui nous représentent aux États-Unis: Les Québécois et les Québécoises forment une nation, un peuple, par dérivé de l'histoire et des définitions que j'ai déjà données. Je ne reviendrai pas à Weber et Renan, ça fait assez de fois que j'en parle. Je pourrais rajouter Braudel et Fernand Dumont aussi, mais ça ne changerait pas ma démonstration. Ce peuple, pour un très grand nombre de ses électeurs et électrices, a décidé d'accéder au concert des nations. Ce n'est pas majoritaire encore, mais il y en avait 30 il y a 30 ans, puis il y en a 3 000 000 aujourd'hui. C'est une tendance. Alors, il est bon que notre grand voisin soit averti clairement de cette tendance.

Quatrième mandat: rappeler à nos interlocuteurs américains que, sans le Québec, il n'y aurait pas eu d'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Parce que c'est par le vote massif du Québec, grâce à vos interventions et aux miennes – aux miennes surtout, d'ailleurs, puisque j'ai écrit un livre sur la question et fait des milliers de conférences – que le Canada a voté pour. Il faut que ça se sache à Washington, ça, quand quelqu'un veut, pour des raisons, je veux bien, dans la plupart des cas, nobles, mais, des fois, qui le sont moins, torpiller nos efforts ou torpiller notre commerce. J'ai demandé à nos représentants aux États-Unis d'aller dire ça, que le Québec est une terre qui favorise le libre-échange, qui favorise l'accord bilatéral, qui favorise l'accord trilatéral, que c'est une terre d'économie de marché, que c'est une terre de haute technologie aussi bien que de matières premières et que c'est une terre démocratique, et que le Québec compte sur les vertus américaines qui sont le désir de savoir – les Américains, ils veulent connaître ce qui se passe aussi bien en France qu'en Belgique et qu'au Québec – la tradition démocratique, l'équité.

J'ai dit aussi – et ça, ça va vous intéresser, justement en regard avec 1982 – que l'aventure canadienne conçue en 1867 était un pacte entre deux peuples, qu'elle était donc, en idéalisme, supérieure à l'aventure américaine elle-même. Les Pères de la Confédération étaient plus idéalistes que Thomas Jefferson, John Quincy Adams et les autres Virginiens qui ont conçu les États-Unis d'Amérique, parce que, aux États-Unis, il s'agissait d'un «one nation building process», de construire une grande nation. Ils ont réussi. Ici, ce n'était pas ça; c'était de construire un pays fédéral avec deux nations. Et j'ai bien dit à nos représentants aux États-Unis, quand ils présentent la question québécoise, de bien se démarquer. États-Unis d'Amérique: «one nation building process»; Canada: «two nations».

Et, malheureusement, un des interlocuteurs, après l'avoir fait pas à pas et peu à peu pendant des décennies, décide, en 1982, de rompre brutalement le pacte d'une façon illégitime et d'une façon immorale, alors que l'Assemblée nationale, à la quasi-unanimité de ses voix – vous étiez six à avoir voté contre, je pense, neuf – chef de l'opposition et chef du gouvernement réunis, dit non. Et on passe au pas de charge sur notre passé et sur notre avenir. C'est ça que j'ai dit à mes représentants d'aller dire à Washington, ni plus, ni moins. Et ce n'est pas Washington qui va décider quand le Québec deviendra souverain ou pas; c'est les Québécois et les Québécoises. Et je sais qu'il y en a des difficiles à convertir, comme vous, mais il nous en manque juste 200 000 ou 300 000. Et comptez sur nos efforts pour qu'on y arrive, ni plus, ni moins. Ça, je pense que c'est bon pour notre commerce. La vérité, c'est toujours bon pour le commerce.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais juste corriger les propos, ceux que vous avez déformés, sur mes interventions aux États-Unis. Je n'ai pas dit que c'était la seule façon, parce que, en plus de la présence du ministre, il y aussi la présence des délégués qui sont...

M. Landry (Verchères): Vous me parlez de Washington...

M. Ciaccia: Attendez, je vais vous parler de Washington. Je vous ai parlé d'à travers les États-Unis. Vous avez dit – vous avez interprété mes propos – que, dans tous les États-Unis, qui est notre premier partenaire, la présence seulement d'un ministre n'est pas assez. C'est clair. On n'a pas besoin de dire ça, de faire cet...

M. Landry (Verchères): Mais à Washington.

M. Ciaccia: À Washington, on avait une différente approche.

M. Landry (Verchères): Mais vous n'aviez pas de délégation.

M. Ciaccia: Non, non. Vous êtes parti en guerre non seulement contre l'ambassade canadienne à Washington, mais contre toutes les ambassades canadiennes. Alors, ne vous surprenez pas...

M. Landry (Verchères): À Paris, c'est lui qui est parti en guerre contre nous.

M. Ciaccia: Peut-être. Il a vu ce que vous aviez fait à Washington et il a dit: Moi, je vais prendre l'initiative. Je ne sais pas. Pour le représentant du Québec à Washington, durant le temps que nous étions là, nous utilisions l'ambassade canadienne et on n'avait pas le genre de problèmes que vous semblez avoir maintenant. Durant mon temps, on n'a jamais eu de ces incidents avec Matthew Coon Come, malgré que Matthew Coon Come a déjà été à Washington durant le temps que nous étions là. Pour expliquer pourquoi c'est arrivé de même, il peut y avoir beaucoup de raisons; une de celles-là pourrait être votre attitude à vous avec l'ambassade canadienne à Washington. Ça peut avoir beaucoup à dire.

Mais je pense que vous donnez aussi différents messages. Vous n'avez pas juste un message. Vous demandez aux Français d'aider au lendemain du référendum et vous dites aux Américains de rester tranquilles, que c'est notre décision intérieure.

M. Landry (Verchères): On dit la même chose aux Français.

M. Ciaccia: Vous n'avez pas tout à fait les mêmes messages.

M. Landry (Verchères): Voyons! Les Français ne votent pas ici.

M. Ciaccia: De toute façon, je voulais faire le point sur la façon dont le gouvernement libéral transigeait avec les Américains, faisait les représentations. Ce n'était pas seulement le ministre. Quand j'allais à Los Angeles – on a une délégation à Los Angeles – alors, il y avait un travail énorme qui était fait par la Délégation, que ce soit à Chicago, à Los Angeles, Atlanta, Boston, et à Washington on travaillait avec l'ambassadeur américain. Alors, je voulais faire ce point-là et je voudrais seulement...

M. Landry (Verchères): Non, mais, si l'ambassade du Canada suffit à Washington, pouvez-nous nous expliquer pourquoi le consulat canadien ne suffit pas à Boston et à New York?

M. Ciaccia: Pardon?

M. Landry (Verchères): Je repose ma question.

M. Ciaccia: Je n'ai pas entendu.

M. Landry (Verchères): Vous êtes en train de me dire que l'ambassade du Canada nous sert bien à Washington et qu'on n'a pas besoin de présence diplomatique québécoise à Washington. C'est ça que vous nous dites: Le ministre y va de temps en temps, ça suffit. Mais, si c'est vrai...

M. Ciaccia: Ce n'est pas seulement le ministre qui y va de temps en temps, parce que le délégué de New York travaillait avec l'ambassade canadienne aussi. Ce n'est pas seulement le ministre.

M. Landry (Verchères): Oui, une présence épisodique, d'accord. Mais vous venez juste de mentionner le délégué.

M. Ciaccia: C'est une différente philosophie.

M. Landry (Verchères): Vous venez juste de le mentionner. Vous avez fait toute la description de vos nombreux efforts et vous n'avez parlé que de vous. Et, si je peux faire aussi bien que vous, personnellement... D'ailleurs, j'ai déjà fait ça, moi aussi. Le circuit, je l'ai fait quand j'occupais ces fonctions. Dans la dispute du bois d'oeuvre, la première, je suis allé souvent à Washington pour régler la question du bois d'oeuvre, et avec succès. Vous vous souvenez qu'il avait fait sauter la taxe, M. Malcolm Baldrige, qui était à l'époque secrétaire du commerce des États-Unis. Je ne dis pas que ce que vous avez fait est mauvais, mais je dis que, si votre logique est bonne et si l'ambassade du Canada et les diplomates canadiens font l'affaire, bien, pourquoi vous n'avez pas le même raisonnement pour New York et Boston, pour San Francisco? Il faut un peu de logique, il faut un peu de cohérence.

M. Ciaccia: On travaille avec. Oui, mais, on travaille avec. Écoutez, n'essayez pas...

M. Landry (Verchères): Bien oui, mais pourquoi vous n'en avez pas à Washington?

M. Ciaccia: Bien, n'essayez pas de nous dire que votre approche et notre approche... On commence à deux différentes bases. Nous, on commence à la base qu'on fait partie du Canada, qu'on va continuer à faire partie du Canada, qu'on va travailler avec les ambassades et qu'on va mettre des délégations comme, dans certains cas, ils mettent des consuls.

M. Landry (Verchères): Sauf à l'endroit le plus important. Quelle négligence!

M. Ciaccia: À Washington, ce n'est pas une question... On travaille avec l'ambassadeur, on a été très bien servis par l'ambassadeur. On a gagné la plupart, je dirais, des représentations que nous avons faites. Et, quand c'est nécessaire, soit le délégué à New York, soit le ministre, soit d'autres représentants vont à Washington. Alors, je ne vois pas le gros problème.

M. Landry (Verchères): Pourquoi vous ne faites pas la même chose à Boston?

M. Ciaccia: On l'a faite, la même chose, à Boston.

M. Landry (Verchères): Bien non, à Boston, vous avez un délégué.

M. Ciaccia: Oui, mais, écoutez, là, vous essayez de faire des arguments vraiment un peu ridicules.

M. Landry (Verchères): Bien, il me semble qu'il y a une certaine logique dans ce que je dis.

M. Ciaccia: Il n'y a pas de logique du tout, parce qu'on reconnaît, nous, qu'on fait partie du Canada et, à Washington, il y a une ambassade. On n'est pas un pays indépendant, on n'a pas d'ambassade.

M. Landry (Verchères): Bien, justement!

M. Ciaccia: On n'a pas d'ambassade à Washington.

(16 h 40)

M. Landry (Verchères): Moi aussi, là, j'admets qu'on fait partie du Canada. Vous ne m'apprenez rien, là.

M. Ciaccia: Oui, oui, mais vous ne voulez pas le faire pour longtemps.

M. Landry (Verchères): Vous avez raison.

M. Ciaccia: Ça, c'est votre...

M. Landry (Verchères): Puis, même qu'institutionnellement, à cause de votre geste de 1982, ils nous ont mis dehors.

M. Ciaccia: Et vous avez différents objectifs. Alors, ayant différents objectifs, on a différentes méthodes de travail. C'est tout.

M. Landry (Verchères): L'ambassadeur du Canada, celui de Washington et celui de partout dans le monde, nous les payons avec nos taxes. Ils devraient nous rendre les services qui sont dus à des citoyens du Canada tant qu'on est dans le Canada. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait quand Matthew Coon Come est allé dire que le gouvernement du Québec avait des politiques racistes?

M. Ciaccia: Ça, je pense que ce sujet-là dépasse le sujet de nos crédits, parce qu'on pourrait faire toute une polémique là-dessus.

M. Landry (Verchères): Ah bon! Écoutez, je vous l'ait dit, vous êtes le maître des questions. Allez-y.

M. Ciaccia: Alors...

M. Landry (Verchères): On est ici pour parler d'argent, on va en parler. Ne vous gênez pas.

Le Président (M. Simard): J'ai une demande du député de Rivière-du-Loup pour intervenir à ce moment-ci.


Nominations dans les délégations du Québec à l'étranger (suite)

M. Dumont: Alors, merci, M. le Président. Étant donné que je n'aurai pas l'occasion de prendre plusieurs fois la parole, je vais peut-être couvrir quelques sujets qui risquent d'être variés. D'abord, je vais revenir sur un des sujets, qu'on a abordé d'entrée de jeu, qui est la question des nominations. On a soulevé des scandales sur les nominations qui ont été faites par le présent gouvernement comparé avec l'ancien. Seulement pour savoir si le ministre, dans ses réflexions – et je sais qu'on a eu, via l'intermédiaire d'une motion à l'Assemblée nationale, l'occasion de réfléchir ensemble là-dessus – ne croit pas que, si les modes de nomination étaient révisés, s'ils étaient rendus un peu plus transparents, si la participation était un peu plus large, si les qualifications étaient plus étalées – c'est de ça que je parle, là, quand je parle de transparence – ce ne serait pas susceptible de créer un climat de confiance plus grand d'abord dans la population, deuxièmement, d'éviter le genre de discussion qu'on avait tout à l'heure afin de chercher qui est le pire, qui fait les nominations les plus partisanes, avec, chacun, des bilans qui sont, ma foi, respectables à ce chapitre-là.

Je ne peux pas m'empêcher de faire ce commentaire: Vous avez dit de M. Gérard Latulippe qu'il était un diplomate remarquable. Si on en juge par la rapidité avec laquelle il a exprimé des positions nouvelles après l'élection, il a fait preuve effectivement d'une très grande diplomatie. Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Souplesse, flexibilité

M. Dumont: Et qui... Pardon?

M. Boulerice: Il a été aussi vite qu'André Néron. Ha, ha, ha!

M. Dumont: Et, justement à cause des processus en place, on ne fait que prêter flanc à toutes les critiques, avec les pertes de confiance que ça entraîne dans la population.

M. Landry (Verchères): Bien, on a déjà eu une discussion à l'Assemblée nationale, qui n'a pas été assez longue, mais qui commençait à être féconde, sur ces questions. Et, je n'en disconviens pas, pour l'ensemble de la fonction publique, que les mécanismes soient les plus transparents possible et qu'on ait des concours, qu'on ait des jurys, je suis parfaitement d'accord avec ça, bien qu'il y ait des gens qui sont d'une telle mauvaise foi qu'ils vont remettre en cause les concours et les jurys. Même s'il y en a eu cinq d'affilée pour une même personne et qu'elle a gagné les cinq fois, il y a des gens méchants et mesquins qui vont quand même mettre en cause la décision. Mais, d'une façon générale, le député de Rivière-du-Loup a raison, la bonne foi se présume et nos mécanismes de sélection, qui datent de la Révolution tranquille, auraient intérêt à être revus.

Mais je lui soumets quand même que, dans le cas des diplomates, c'est un peu différent. C'est un cas spécial. Vous avez vu que j'ai nommé surtout des professionnels à tous les postes, y compris M. Latulippe, qui n'a pas été nommé par moi; il était déjà nommé et il venait de Mexico. Mais la tradition diplomatique internationale, c'est que les gouvernements se réservent un certain nombre de postes politiques. Les États-Unis le font, le Canada le fait, la France le fait. C'est très frustrant pour les gens qui sont assis derrière moi, ici, qui sont des vrais professionnels de la diplomatie. Et, à chaque fois qu'on nomme un politique, c'est l'un d'entre eux, là, qui pourrait être chef de poste – ou d'entre elles – qui ne le sera pas. C'est pénible et il faut y aller avec pondération. Mais je pense que, jusqu'à plus ample informé, on serait mieux, pour la diplomatie, de faire attention d'avoir un équilibre entre les politiques et les professionnels.

Quant à la révision des façons d'embauche dans la fonction publique, oui, le député a raison d'insister sur cette question. On ne rebâtira pas le monde en un jour, mais il est temps, là, qu'on fasse quelque chose. Ça implique, par ailleurs, une fois qu'ils sont en poste, qu'une certaine sécurité d'emploi aille avec parce que, si le gouvernement qui suit, parce que le concours n'a pas donné ce qu'il voulait, abolit le poste ou les met dehors, on retombe, là, un peu dans l'atmosphère pré-Révolution tranquille.

M. Dumont: Oui. Autre question qui est un peu plus sur les orientations du ministère. Je pense qu'il ne fait pas de doute – j'ai lu le même éditorial que vous et je partageais une partie de ce qui était là-dedans – d'une façon plus large, qu'au niveau de la visibilité du Québec, au niveau de la reprise de la place de ce que le Québec était en train de devenir à un certain moment au niveau international, il y a du chemin qui était en train d'être fait et qu'il y a eu, de ce point de vue là, je pense, une espèce de reprise du ministère.


Programme APEX (suite)

Par contre, la question qui me préoccupe, c'est aussi celle du développement de l'exportation. Et, là-dessus, je ne suis pas convaincu que le ministère a des orientations aussi fermes et aussi énergiques quant à la recherche, l'analyse de marchés étrangers, le travail d'aller chercher, pour des entreprises d'ici, des informations étayées, détaillées, utiles, pour éventuellement aller s'attaquer à ces marchés étrangers là. Je voudrais savoir, un, ce qui se fait de très précis dans ce domaine-là pour répondre à cette mission-là et, deux, s'il y a des projets nouveaux, parce que je pense que le Québec, dans l'ensemble du monde, c'est un très petit marché et, si on a une chance de créer chez nous une certaine richesse, ça va devoir se fonder sur l'exportation. Je pense qu'on partage cette conviction-là, probablement, tout le monde ici, et je voudrais savoir ce que le ministère fait de ce côté-là.

M. Landry (Verchères): Je pense que le député a raison de poser cette question, parce qu'il m'arrive de dire aux hommes et aux femmes qui travaillent avec moi que nous sommes un des ministères les plus responsables de la création d'emplois, parce que l'élargissement de la base industrielle par la vente à l'étranger est une des façons et, dans certaines périodes économiques, la seule d'augmenter le nombre d'emplois. Alors, je pense que ceux et celles qui m'accompagnent ici en sont conscients.

Vous savez que le ministère a été l'objet d'assez vives critiques de la part du Vérificateur général dans le sens de ce que vous dites. Pas sur des malversations ou des choses de ce genre-là, mais sur des orientations générales où le Vérificateur général disait, un peu comme vous le laissez entendre: Malgré ce contexte, le ministère n'a pas défini précisément sa clientèle, ne la consulte pas toujours de façon structurée, n'a pas délimité la nature et l'étendue des services qu'il compte lui offrir. Bon. Ce n'est pas absolu, mais déjà des efforts ont été faits.

On en a parlé ce matin. Vous connaissez peut-être le programme APEX. C'est un des programmes les plus performants...

M. Dumont: J'y venais, de toute façon.

M. Landry (Verchères): Pardon?

M. Dumont: J'y venais, de toute façon. C'était ma question suivante.

M. Landry (Verchères): C'est un des programmes les plus performants qui aient jamais été inventés, sans y consacrer des centaines de millions. Ce n'est pas un programme très coûteux, mais c'est un programme apprécié et efficace. Sauf qu'il avait été transformé en bar ouvert. Les grandes compagnies, qui n'ont absolument pas besoin de ça, y avaient accès; certains spécialistes y avaient accès 10 fois et 20 fois par année, laissant moins de place pour les autres. Alors, on a reciblé APEX, 15 000 000 $ de chiffre d'affaires maximum pour l'accès à l'aide aux marchés en dehors du continent, 10 000 000 $ s'il s'agit du marché américain, plus l'introduction d'une limitation pour que ça ne soit pas le bar ouvert et qu'une accoutumance ne s'installe pas. Et, enfin, APEX régional. Je ne sais pas si c'est déjà rendu dans votre région, mais nous avons maintenant le moyen d'aider à la création d'un poste de commissaire spécialisé aux exportations dans toutes les régions du Québec. On va le faire dans 10 régions. J'espère que c'est en gestation chez vous.

M. Dumont: Il y en aura sûrement un à Rimouski.

M. Landry (Verchères): Si on peut vous aider... Ah! Je ne veux pas entrer dans les problèmes de répartition géographique, mais je pense que, là, il y a une avenue tout à fait intéressante.

M. Ciaccia: L'APEX régional a déjà été créé l'année dernière.

M. Landry (Verchères): On l'a appliqué.

M. Ciaccia: Mais on l'avait commencé l'année dernière.

M. Landry (Verchères): L'idée est venue à quel moment? On va rendre à César ce qui est à César. Pardon? Ah, c'est dans le plan de relance. Alors, vous avez raison. Mais ça ne s'était pas mis en marche et on l'a mis en marche. Bon.

(16 h 50)

Il paraît aussi que, dans le bulletin de notre ministère, qui va peut-être vous donner plus satisfaction que les publications dont on a parlé ce matin, il y a des descriptions assez serrées de ce qu'on fait et des APEX en bref. Je pourrais peut-être le déposer à la commission, si vous ne l'avez déjà ou, au moins, en faire envoyer des exemplaires aux membres de la commission.

Le Président (M. Simard): Je pense que c'est une meilleure formule.

M. Landry (Verchères): Vous vouliez me parler d'APEX, je pense, de toute façon.

Le Président (M. Simard): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, j'arrivais sur APEX. Vous avez parlé des modifications que vous y apportez. Si vous me le permettez, j'émettrai des réserves. Il y a même des gens, qui sont probablement familiers avec le programme, qui constatent ou qui ont l'impression, en tout cas, s'ils n'en sont pas certains, que ce programme-là est parfois utilisé pour changer la classe dans l'avion; on va passer en classe affaires quand on obtient APEX.

M. Landry (Verchères): Oui, surclasser.

M. Dumont: Et, finalement, ce n'est pas vraiment de nouvelles initiatives d'exportation qu'on réussit à générer sur la base de ce programme-là. Et je reconnais un pas dans la bonne direction – on ne discutera pas là-dessus – avec les modifications que vous avez apportées. Je me permets de questionner, à savoir est-ce qu'il n'y aurait pas encore... Et, moi, je pense que c'est le genre de programme dont ce ministère-là a besoin, c'est le genre de programme sur lequel le Québec doit miser pour, justement, générer, via l'exportation, une création de richesse chez nous. Je ne suis pas convaincu, cependant, que le réflexion n'est pas à poursuivre pour que, vraiment, APEX devienne un programme générateur de nouvelles initiatives en matière d'exportations et qu'on ne puisse pas...

Je ne sais pas si on ne peut pas conjuguer ça davantage avec, justement, le fait d'aller chercher des informations sur les marchés étrangers, sur les secteurs en développement au Mexique. Bon, là, le Mexique, avec l'ALENA ça vient vite. Je lisais, je pense que c'est dans The Economist , qu'un Péruvien disait – et il ne parlait pas du Québec; il parlait du Canada, mais je suis convaincu que ça s'applique aussi au Québec – qu'eux étaient relativement avancés à étudier les perspectives du marché canadien, et il ne comprenait pas que, chez eux, il n'y avait pas d'équivalent qui était un spécialiste du commerce extérieur du Pérou. J'ai l'impression que toute l'Amérique du Sud, on peut s'entendre que, d'ici une dizaine d'années, il y a des grosses chances que ça déboule et que, à partir du Chili et de quelques autres pays, on puisse avoir un libre-échange qui soit, finalement, américain avec un grand A. Moi, il me semble qu'il faudrait qu'on ait, au Québec, des outils très pratico-pratiques pour des entreprises exportatrices, où elles peuvent connaître ces marchés-là, connaître les secteurs où il est possible de pénétrer rapidement là-bas.

M. Landry (Verchères): Vous avez raison, et je pense que vos remarques sont prises en note par les gens qui m'accompagnent et par moi-même. Pour APEX, on m'assure qu'on a suffisamment resserré les choses pour que ce que vous avez évoqué se produise le moins souvent possible. Et, en tout cas, on va regarder ça de près.

Mais, beaucoup plus important, je crois, est ce que vous avez dit de l'ouverture des marchés de l'Amérique latine. Et là, je soumets ça à votre réflexion; je sais que vous cheminez. Il y a 300 fonctionnaires du gouvernement du Canada dans la seule ville de Washington. Ils en ont plus là que nous en avons, nous, pour la terre entière. Il y a trois ambassades du Canada dans la seule ville de Bruxelles.

M. Dumont: Se sont-ils tous concertés avant de commenter sur la façon dont Lucien Bouchard et Clinton se rencontraient ou si c'était une décision personnelle de M. Chrétien, cette déclaration-là?

M. Landry (Verchères): Ils auraient dû se concerter là-dessus, d'un. Mais on a trois ambassadeurs à Bruxelles et on en a un dans chacun des pays membres de la Communauté économique européenne, et notre garde côtière est quand même obligée d'ouvrir le feu sur le franc-bord des navires étrangers pour régler un conflit de pêche. Alors, je me demande ce qu'ils font.

Ce que je voulais vous dire, c'est que les Québécois et les Québécoises paient pour tout ça, déjà, un lourd tribut, sans être représentés à Lima, au Pérou, ou dans un pays comme le Brésil, 135 000 000 d'habitants; on n'a pas de diplomatie au Brésil, en Argentine, dans tout le Mercosur.

Alors, il y a une relation entre la promotion économique du Québec et les problèmes constitutionnels, et je pense qu'il faut y réfléchir. Le peuple et la nation du Québec ont le droit politique d'être représentés dans les capitales, mais surtout le besoin économique de l'être, le besoin économique de l'être. J'en ai côtoyé, moi aussi, comme le député de Mont-Royal, des ambassadeurs du Canada. J'en ai vu de très attentifs à toutes les parties du Canada et j'en ai vu un paquet qui ne savaient pas la différence entre Rimouski et Chicoutimi, encore moins Rivière-du-Loup, parce qu'ils couvrent de Halifax à Vancouver et qu'ils n'ont pas de préoccupations québécoises particulières. Alors, ça aussi, ça doit être pris en compte avant qu'on fasse les efforts qu'on doit faire vers l'Amérique latine et d'autres continents.


Contrats de moins de 25 000 $

M. Dumont: Une dernière série de questions. Je pars de la liste de contrats de moins de 25 000 $ octroyés par le ministère au cours de l'année. Les dates ne sont même pas indiquées. Ça s'est fait sous quel gouvernement? Il y en a quand même d'assez spectaculaires; si tous nos concitoyens qui sont en train de faire leur rapport d'impôt les voyaient, ils s'inquiéteraient: une annonce de vente de voiture qui coûte 1 200 $...

Une voix: Vous êtes bien placé pour en parler.

M. Dumont: Ha, ha, ha! ...c'est dispendieux. On voit certains déménagements de meubles et de matériel, on en vient à essayer de se convaincre qu'il faut que les articles eux-mêmes soient passablement dispendieux pour qu'on paie un tel montant pour les déménager. Particulièrement, j'attire votre attention sur l'entreprise Roberts & Perkins qui, pour le déplacement d'un porte-drapeau à Londres, a bénéficié d'un contrat d'environ 1 000 $. Je ne sais pas ce que c'est, il faut que le porte-drapeau soit drôlement lourd. Je ne sais pas quels sont les mécanismes de contrôle.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît, laissons terminer le député de Rivière-du-Loup dans sa question.

M. Dumont: Ma question est finalement complète. Quels sont les mécanismes de contrôle? J'en ai passé plein: lavage de moquettes, à Rome, 2 000 $ pour laver les tapis.

M. Landry (Verchères): Je ne peux pas donner de réponse particulière, je pense bien, sauf celle d'assurer le député que toute question précise qui nous serait soumise par la voie normale de l'Assemblée ou directement au ministère recevra sa réponse. On veut administrer dans la plus grande transparence. Il est bien que nous ayons la pression sur nous. Et, quand je dis «nous», je veux dire l'équipe qui est assise derrière moi et moi-même, et le sous-ministre en titre; 1 $ du contribuable, c'est 1 $ du contribuable. Et on essaie de pourchasser tout ce qui peut ressembler à des horreurs, et il faut continuer à le faire.

M. Dumont: J'espère que les entreprises de nettoyage de tapis ont mis autant de pression sur leurs laveuses pour 3 500 $.

M. Landry (Verchères): Oh là là! Une chose intéressante qu'il faut savoir, nous allons en soumissions sur invitation au-dessus de 500 $ dans chaque cas.

M. Dumont: Donc, ce sont tous des plus bas soumissionnaires.

Une voix: C'est cher, monsieur, l'Europe.

M. Dumont: Oui, hein!

M. Landry (Verchères): Le dollar n'est pas fort, là.

Une voix: Les piastres à Lévesque étaient plus intéressantes.

M. Landry (Verchères): Ce qui coûtait 500 $ dans un pays étranger naguère nous en coûte 1 000 $ aujourd'hui, simplement parce que notre monnaie s'est dévaluée.

M. Dumont: Dernière question. Je raccroche avec ça, parce qu'il n'y a pas d'histoire à faire avec ça. Est-ce que le Vérificateur général, dans les dernières années, a eu un mandat précis sur les dépenses ou les façons de gérer du MAI?

M. Landry (Verchères): Il a eu un mandat précis...

Une voix: Il y a deux ans.

M. Dumont: Il y a deux ans?

M. Landry (Verchères): Il y a deux ans, il a passé six mois parmi nous. Et, évidemment, il est toujours le bienvenu.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. J'ai une demande du député de Borduas pour une intervention.


Aide humanitaire internationale

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, je voudrais aborder le dossier de l'aide humanitaire internationale...

Le Président (M. Simard): Voulez-vous parler plus fort, s'il vous plaît?

M. Charbonneau (Borduas): Oui. Alors, je voudrais aborder, M. le Président, le dossier de l'aide humanitaire internationale, mais, juste avant, je voudrais confirmer les propos du ministre, parce que j'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de passer presque une semaine à Bruxelles dans le cadre de la Commission de la coopération et du développement de l'Association internationale des parlementaires de langue française. J'ai eu l'occasion de voir le travail que notre délégué, M. Latulippe, effectue là-bas et je pense que le ministre avait raison de dire qu'il fait un travail assez remarquable.

Et, pour l'intérêt du député de Rivière-du-Loup, compte tenu de l'actualité des derniers jours, je lui signale que le délégué du Québec en Belgique était ici, à Montréal, la semaine dernière, pour notamment livrer une conférence sur l'Union européenne à la Chambre de commerce belge et luxembourgeoise au Canada, à Montréal. Alors, le texte est fort intéressant. Si jamais ça l'intéresse, on pourra lui en faire parvenir une copie. Je pense qu'il trouverait des enseignements.

Par ailleurs, si je reviens au dossier sur lequel je voulais intervenir au niveau, en fait, de l'assistance humanitaire internationale, je voudrais que le ministre nous précise un petit peu, parce qu'il y a un petit peu d'ambiguïté, je pense, à l'égard du mandat qui a été confié au Dr Thomas. Est-ce qu'actuellement le Dr Thomas dirige un service ou est-ce que c'est l'intention du ministre et du ministère d'éventuellement créer un véritable service de l'aide internationale humanitaire? Parce que, actuellement, le Dr Thomas ne semble pas diriger un service quelconque et, au niveau du mandat, je pense que les membres de la commission et peut-être le public aussi pourraient apprécier des précisions sur le mandat que le ministre a confié au Dr Thomas. Et je reviendrai par la suite sur les fonds qui sont affectés à la mission particulière du Dr Thomas.

(17 heures)

M. Landry (Verchères): Bien, d'abord, le député nous donne l'occasion de rappeler que le gouvernement du Québec a renoué avec sa tradition d'aide humanitaire. Le député de Borduas lui-même a été mêlé à nos premières actions structurées sous le gouvernement de M. Lévesque. Et nous avons cru qu'il était nécessaire que le Québec, de nouveau, se penche, dans la mesure de ses moyens... Parce que les Québécois et les Québécoises, à travers l'ACDI et d'autres fonds d'aide humanitaire du Canada, donnent déjà d'une façon soutenue. Et, quand on fait appel au secours privé – comme le député était président d'OXFAM, il sait très bien de quoi il s'agit – c'est généralement au Québec que la réponse est la plus généreuse. Et toute notre stratégie en matière d'aide humanitaire, c'est de joindre les moyens publics et les moyens privés.

Alors, le Dr Thomas, qui est lui-même un humaniste reconnu – et ce sont ses qualités qui nous l'ont fait choisir – dirige un service extrêmement mince. Et il se dirige lui-même avec une personne, puis une secrétaire, sauf qu'il est en complicité et en collaboration constante avec les organisations non gouvernementales de secours. Ça veut dire qu'il peut nous arriver de dépenser 50 000 $ et faire qu'il va se produire, sur le terrain, 2 000 000 $ d'aide. Quelques exemples, mais très concrets. Quand le Dr Thomas s'est occupé de la question haïtienne, on a payé la conteneurisation et l'expédition de matériel médical. Mais ce matériel avait été recueilli par une ONG spécialisée dans le recyclage des fournitures médicales à destination du tiers-monde. Alors, c'est vrai que nos moyens sont modestes.

Je sais que le député a donné une partie de sa vie à cette cause quand il était à OXFAM. Mais le député a aussi fait du terrain en Afrique subsaharienne dans une des capitales les plus difficiles – la suite l'a bien prouvé – à Kigali. Et je sais que le député – le mot n'est pas faible – nous harcèle pour que nous fassions davantage. Mais, là, on a déjà six mois d'expérimentation avec le Dr Thomas. Ça va bien. Il y a un concert d'éloges qui a entouré son travail en Haïti, et on va essayer de continuer et de faire mieux.

M. Charbonneau (Borduas): Est-ce que le ministre peut nous préciser, pour l'aide financière 1995-1996, quel est le budget qui va être affecté à l'aide humanitaire internationale?

M. Landry (Verchères): Bon. Je dirais, minimum, 500 000 $. Mais j'assure le député que, si une tragédie où le Québec doit intervenir particulièrement venait à survenir, nous ferons les batailles qu'il faut. On a des enveloppes fermées maintenant. Alors, ça veut dire qu'on peut couper à certains endroits pour en mettre ailleurs, et, si des problèmes humanitaires d'envergure surviennent, bien, on fera notre devoir. Puis, en plus, on essaiera d'aller voir les autres ministères, comme le ministère de la Santé, le ministère de l'Éducation, qui ont des gros budgets, pour leur demander de se joindre à nous dans l'effort humanitaire du Québec.

M. Charbonneau (Borduas): Oui, je sais que le Dr Thomas et les fonctionnaires du ministère ont fait ça pour l'opération haïtienne, mais je crois que ce serait fort utile que les ministères sectoriels se sentent plus concernés que certains l'ont été jusqu'à maintenant pour qu'effectivement toute la charge ou le poids financier des opérations d'aide humanitaire ne repose pas uniquement sur le ministère des Affaires internationales. Parce que, effectivement, à cause des nouvelles conjonctures budgétaires... Sauf que, si on fait de la collaboration dans le domaine de la santé et dans le domaine de l'éducation, ces deux gros ministères en particulier sont capables d'absorber, plus que le ministère des Affaires internationales avec son budget, des ponctions qui pourraient faire en sorte qu'on ait une participation plus significative.

Est-ce que c'est l'intention? Parce que je sais qu'à l'époque du gouvernement Lévesque il y avait deux fonds qui avaient été créés, qui étaient, je pense, sous l'autorité du ministre de l'Immigration, le père Couture, à l'époque. Il y avait un fonds d'aide humanitaire; je ne sais pas si c'est comme ça qu'on l'appelait. Il y avait un fonds d'aide aux réfugiés. Le gouvernement libéral a aboli un des deux, puis il a rendu inopérant l'autre, bien que – je dois le reconnaître, puis M. le député de Mont-Royal en a été témoin – le gouvernement précédent ait donné un coup de main sur une base ponctuelle. Mais il n'y avait plus à sa disposition un fonds particulier dans lequel on retrouvait des moyens d'intervention rapide, là.

Est-ce que le 500 000 $ dont on parlait tantôt va être un montant qui va être affecté au fonds qui existe déjà afin, donc, de le renflouer et de le reconnaître ou de le faire renaître, d'une certaine façon?

M. Landry (Verchères): C'est ça qui est notre fonds qui n'est pas géré comme un fonds. C'est le budget de fonctionnement du Dr Thomas.

M. Charbonneau (Borduas): O.K. Donc, ce n'est pas nécessairement le fonds qui était inactif qu'on a réanimé en injectant le 500 000 $ dans ce...

M. Landry (Verchères): Pas du tout. C'est une création sui generis. Et, encore une fois, avec la coopération de tous les ministères, si on a besoin de plus dans un temps spécifique, bien, on fera comme vous faisiez quand vous étiez à OXFAM, on fera le tour des généreux donateurs.

M. Charbonneau (Borduas): Si vous avez des problèmes, vous me le direz. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Il est passé 17 heures, nous allons maintenant passer la parole au député de Chomedey qui me l'a demandée et, vers 17 h 20, 17 h 25, on fera peut-être des commentaires de clôture avant de passer au vote. M. le député.


Accord de libre-échange nord-américain (suite)

M. Mulcair: Pour revenir sur la question de l'Accord de libre-échange nord-américain et son applicabilité dans le domaine des services, j'aimerais demander au ministre de nous donner une indication des exclusions qui ont été prévues, dans le temps voulu, des dispositions qui pourraient être jugées non conformes aux règles générales prévues aux termes de cet Accord. Rappelons que l'Accord de libre-échange nord-américain opère un changement, un virage, oserais-je dire, important en matière de réglementation des services professionnels en Amérique du Nord, alors qu'on a vu, au cours des dernières années, le nombre des différentes occupations et professions réglementées au Canada et aux États-Unis passer au-dessus de 1 000. C'est assez incroyable comme chiffre, mais, dans une des plus récentes publications de CLEAR , vous trouverez l'énumération complète.

On s'est rendu compte que, très souvent, la réglementation venait en quelque sorte comme prime ou récompense à du bon lobbying et n'avait strictement rien à voir avec son seul but ordinaire qui était le besoin d'assurer la protection du public. Alors, l'Accord de libre-échange nord-américain, prospectivement, assure que, dorénavant, des règles qui seraient normalement claires pour toute personne qui regarde la question vont pouvoir s'appliquer.

Au Québec, on est un peu choyés parce que, depuis plus de 20 ans, on a le Code des professions qui, aux articles 25 et 26, prévoit des règles concernant la reconnaissance d'une profession, tantôt à titre réservé et, plus tard, en mettant la barre un peu plus haute, à exercice exclusif. Mais l'Accord de libre-échange nord-américain vient dire que, pour l'avenir, avant de réglementer un domaine d'activité, par l'État aux États-Unis ou par les provinces au Canada, il faut que la règle soit transparente, d'abord. Il faut qu'elle soit surtout basée sur la compétence des gens et il faut que ça vise une fin reliée à la protection des consommateurs. Et, par ailleurs, pour ne pas changer les règles en place, on dit: Vous aurez un temps limité après l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain pour, si on peut le dire ainsi, abriter, protéger les dispositions qui seraient non conformes à ces principes généraux.

Alors, ma question, donc, pour le ministre, est de savoir si celui-ci peut nous donner une indication des dispositions qu'il a choisies ou que le gouvernement du Québec a choisies d'abriter ainsi. Et quels sont les critères qu'il a utilisés pour arriver à cette détermination?

M. Landry (Verchères): M. le Président, comme le député de Chomedey est un spécialiste pointu de ces questions, parce qu'il a été à l'Office des professions, je vais lui faire répondre par un autre spécialiste, s'il permet. La réponse devrait être plus satisfaisante et plus circonstanciée que celle que je donnerais. Carl Grenier, sous-ministre adjoint, qui est un spécialiste, au moins de niveau égal, sinon supérieur, donnera la réponse.

M. Grenier (Carl): Merci, M. le Président. Je crois que le député fait référence, notamment, aux annexes 1 à 6, en fait, qui s'intitulent «Réserves et exceptions aux chapitres sur l'investissement, le commerce transfrontières des services et les services financiers». Nous sommes actuellement en train de finaliser la liste des exceptions en question. Cette liste-là, évidemment, elle a été élaborée sur une période de plusieurs mois; elle doit être finalisée d'ici la fin de l'année, selon les dispositions de l'Accord. Évidement, je n'ai pas la liste ici. La liste a été, en fait, confectionnée, si on peut dire, d'abord, au moment des négociations, selon les principes qui sont contenus dans l'Accord, et, évidemment, à la suite aussi des représentations qu'on a eues du milieu. Et je crois qu'on a travaillé avec l'Office des professions pour la confection de cette liste-là. Alors, je pense qu'il n'y aurait pas d'objection éventuellement à ce qu'on vous communique cette liste-là, puisqu'elle sera évidemment publique.

M. Mulcair: Oui, bien sûr. Est-ce que vous pouvez nous donner une indication des critères que vous utilisez pour effectuer les choix?

M. Grenier (Carl): Les critères, en fait, sont basés sur l'équilibre général des négociations tel qu'il a été atteint au moment des négociations. Alors, essentiellement, en fait, ce sont les pays participants et, dans le cas du Canada et dans le cas des autres pays qui sont des pays fédéraux également, mais avec des structures un peu différentes des nôtres, effectivement, vous l'avez souligné vous-même, ce sont les États fédérés qui réglementent très largement les professions. Donc, c'est au niveau des États fédérés qui ont exposé, en fait, leur désir là-dessus et on a atteint un équilibre. Cet équilibre-là, il est reflété dans chaque liste et les listes sont très semblables.

M. Mulcair: Avec?

M. Grenier (Carl): Les listes sont très semblables entre elles.

M. Mulcair: O.K.

M. Grenier (Carl): Maintenant, il y a des juridictions, en fait, qui réglementent plus que d'autres et, par conséquent, il peut y avoir des différences dans les listes. Ceci dit, les listes en question sont tout à fait disponibles. Je sais que j'ai vu, sur mon bureau, il y a à peu près trois semaines, la dernière version, en fait, qui n'est pas encore la version finale.

M. Mulcair: La dernière version qui n'est pas encore...

M. Grenier (Carl): La dernière version que j'ai vue il y a trois semaines...

M. Mulcair: Oui, d'accord.

M. Grenier (Carl): ...n'était pas celle qui sera finale.

M. Mulcair: Et vous espérez avoir terminé ce travail quand, M. Grenier?

(17 h 10)

M. Grenier (Carl): Écoutez, c'est une question de semaines, je pense, pas plus.

M. Mulcair: Et vous dites que ce serait disponible publiquement, de quelle manière? On s'adresse à vous?

M. Grenier (Carl): Je ne pense pas qu'on ait déjà décidé la façon dont ces choses-là seraient rendues publiques; je pense que c'est encore à déterminer. Mais ces listes-là sont publiques, évidemment.

M. Mulcair: Est-ce qu'il y a eu de la collaboration avec les autres provinces dans l'élaboration de cette liste?

M. Grenier (Carl): Tout à fait. En fait, le mécanisme qu'on avait choisi, c'est que le gouvernement fédéral agissait comme...

M. Mulcair: Coordonnateur.

M. Grenier (Carl): ...plaque tournante, en fait, et on partageait avec les autres provinces les listes qu'on confectionnait dans chaque province.

M. Mulcair: Est-ce qu'il y a eu des difficultés particulières dont vous pourriez nous faire part?

M. Grenier (Carl): Écoutez, c'est un peu délicat de commenter la position d'autres gouvernements. Je pense qu'on peut dire que l'exercice s'est relativement bien déroulé.

M. Mulcair: Sans les nommer, est-ce que vous pourriez nous donner des exemples?

M. Grenier (Carl): Je préférerais pas. En fait, c'est un peu délicat; vous comprendrez que je ne peux pas...

M. Mulcair: Je connaissais la réponse, c'est pour ça.

M. Grenier (Carl): ...faire de commentaires sur les positions des autres gouvernements.

M. Mulcair: D'accord. J'aurais souhaité pouvoir adresser ma prochaine question au ministre, mais, en son absence, avec votre indulgence, M. le Président, je l'adresse au sous-ministre en titre, qui accompagne le ministre, si ça va pour les autres membres.

Le Président (M. Simard): Sinon, nous suspendrons en attendant qu'il ait...

M. Mulcair: Vu qu'il s'agit...

Le Président (M. Simard): On peut suspendre.

Une voix: Ce ne sera pas long.

Le Président (M. Simard): Ce n'est peut-être pas nécessaire.

M. Mulcair: C'est une question relativement technique qui serait peut-être appropriée pour...

Le Président (M. Simard): Oui, si le sous-ministre peut répondre, il le fera.

M. Mulcair: No, it is about Conrad Black. No, I am just joking!

Des voix: Ha, ha, ha!


Mobilité de la main-d'oeuvre professionnelle

M. Mulcair: J'aurais voulu savoir si le sous-ministre en titre du ministère pouvait nous donner une indication de l'existence de documents qui sont préparés à l'intention d'investisseurs étrangers, notamment des Américains, qui voudraient venir s'installer au Québec et qui, à l'occasion même, pourraient venir avec leur famille. Et, plus particulièrement, M. Normand, je souhaiterais savoir si ces documents parlent de l'admissibilité de leurs enfants à l'école anglaise et, si oui, si vous pourriez nous en faire tenir copie.

(Consultation)

Une voix: Avez-vous eu une réponse satisfaisante?

Le Président (M. Simard): Elle s'en vient, elle s'en vient.

M. Mulcair: On est rendus à la prochaine.

Le Président (M. Simard): On est rendus à la deuxième.

(Consultation)

Une voix: Mais pourquoi juste les Américains?

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Ça, c'est la mobilité des personnes dont vous parlez?

M. Mulcair: Oui. Ma question était...

M. Landry (Verchères): La mobilité des personnes à travers le traité?

M. Mulcair: Non, on est rendus en dehors du traité de l'ALENA spécifiquement, mais ma question concernait justement les investisseurs étrangers. Je voulais savoir, notamment, si, à l'intention des Américains, il y avait des documents qui ont été préparés au sein du ministère, qui indiquent les règles du jeu concernant l'admissibilité des enfants d'un investisseur américain qui déménage à Montréal en permanence et qui souhaite envoyer ses enfants à l'école ici, des documents expliquant les règles applicables en matière d'admissibilité des enfants de cet Américain à l'école anglaise au Québec.

M. Landry (Verchères): Ça ne m'étonnerait pas qu'on en ait. On n'a pas fait les crédits de Communautés culturelles et Immigration encore. Si vous reposez votre question à ce moment-là, si de tels documents existent, je les aurai par-devers moi et je les produirai. Mon sentiment, c'est qu'on les a.

M. Mulcair: D'accord.

M. Landry (Verchères): Parce que j'ai été très impressionné par notre service d'accueil aux immigrants. Vraiment, les choses se font bien.

M. Mulcair: D'accord, je les attends avec impatience. Merci beaucoup pour cette précision.

Le Président (M. Simard): C'est le député de Marguerite-D'Youville qui a demandé à prendre la parole.

M. Landry (Verchères): Je reviendrais peut-être, moi, une seconde, sur la question du député de Chomedey quant à la mobilité des personnes dans l'optique de leur travail professionnel. Je crois que l'Amérique du Nord a un quart de siècle de retard sur la mobilité des professionnels et que l'Europe de l'Ouest nous a donné un exemple extraordinaire, surtout après Maastricht. Mais l'Acte unique européen, déjà, trois ans avant Maastricht, avait établi une mobilité exemplaire d'un professionnel italien qui voulait aller travailler en France ou qui voulait aller travailler en Allemagne. Évidemment, il faut qu'il connaisse la langue, mais on donnait des équivalences de diplôme automatiques, on présumait que la compétence était de niveau égal.

À tel point que, ça peut apparaître un peu absurde, mais la mobilité des professionnels est plus grande entre Rome et Paris, qui sont dans deux pays différents, qu'entre Montréal et Toronto qui sont dans le même, et, à plus forte raison, entre Montréal et Boston qui sont dans deux pays différents, mais à plus forte raison entre Washington et Boston qui sont dans le même. Je pense que l'Amérique du Nord est en retard et puis que les chercheurs devraient se mettre à l'oeuvre, et les gouvernants aussi, pour enfin créer une véritable mobilité des cerveaux.

Le Président (M. Simard): Une très courte...

M. Mulcair: C'est le sens exact de mon propos, tout à l'heure, lorsque j'interrogeais le ministre, M. le Président, en ce qui concerne le Council on Licensure, Enforcement and Regulation, qui travaille exactement dans ce sens-là depuis plusieurs années. Et je suis d'accord avec le ministre lorsqu'il dit qu'on est en retard, en Amérique du Nord, là-dessus. Mais il y a aussi une réalité qui est la réglementation de ces professions sur une base État par État aux États-Unis et province par province au Canada.

J'irais plus loin et je suis content des remarques du ministre, parce que ça nous donne espoir pour régler certains problèmes à l'intérieur du Canada. En matière de planification de la main-d'oeuvre et de l'effectif médical, par exemple, on a non seulement plus de mobilité vers les États-Unis pour quelqu'un qui a réussi ses examens ici et qui veut aller travailler aux États-Unis, mais on a d'énormes problèmes de mobilité entre les provinces et même pour un Américain qui souhaite venir ici. Pour la bonne et simple raison que, chaque fois que, nous, on ajoute un effectif médical ici, on est en train de lui donner la carte Chargex ouverte, illimitée, et ça vient complètement jouer dans les chiffres et les crédits du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Mais, plus récemment, on a eu un exemple plus radical et plus choquant encore, alors que la ministre de l'Ontario de la Santé et des Services sociaux a écrit à son homologue du Québec – et ce n'est pas celui qui est là à l'heure actuelle; c'est son prédécesseur – lui demandant d'interdire aux étudiants de l'Ontario d'étudier en médecine à l'Université McGill, et cette permission lui fut accordée. C'est scandaleux parce que, si on parle en termes de matière grise, M. le Président, si on parle en termes de profiter des connaissances des uns et des autres, la Faculté de médecine de l'Université McGill, qui, selon des analyses objectives, serait la meilleure au Canada et une des trois ou quatre meilleures en Amérique du Nord, est en train de littéralement se faire étrangler par ces règles bêtes. Et là, on parle d'international, là, on parle d'interprovincial, mais, même intraprovincial, on a d'énormes difficultés, que ce soit en Colombie ou au Québec, à assurer une répartition juste de l'effectif médical.

Alors, on voit que ces problèmes de la mobilité de la main-d'oeuvre professionnelle sont extrêmement complexes et méritent une attention particulière. C'est pour ça que je convie le ministre et ses experts, justement, à participer activement aux travaux des diverses instances qui peuvent être là où ces échanges ont lieu, depuis des années maintenant, et où, effectivement, le Québec, qui a énormément de ressources en matière de professions d'affaires, comme les comptables agréés, nos avocats, nos notaires, ou, en termes techniques, nos architectes, nos ingénieurs, nos techniciens, qui font des prodiges... Bien, dans un monde, justement, où on tend vers plus d'ouverture, il ne faut pas faire partie de ceux qui érigent plus de barrières, et ce, peu importe le niveau, M. le Président.

M. Landry (Verchères): Bien, c'est réconfortant de voir que, pour une des premières fois de la journée, le député et moi sommes d'accord.

M. Mulcair: C'est inquiétant.

Le Président (M. Simard): Vous allez devoir l'inviter pour votre party de Noël.

M. Landry (Verchères): Oui. Vous ne trouverez pas, de ce côté-ci de l'Assemblée, de courant protectionniste. Nous sommes pour l'ouverture des frontières et la fluidité.

(17 h 20)

Le Président (M. Simard): Avant les remarques de conclusion, une courte question du député de Marguerite-D'Youville.


Réduction de l'aide fédérale à l'étranger

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Le dernier budget fédéral nous annonçait des coupures substantielles en matière d'aide étrangère et de programmes de l'ACDI, je pense, de l'ordre de 600 000 000 $. Connaissant les propensions qu'ont eues les différents gouvernements fédéraux à favoriser, en matière d'aide, principalement les pays du Commonwealth anglophone par rapport aux pays francophones et à d'autres pays d'Amérique latine avec lesquels le Québec se reconnaît des intérêts et des liens particuliers et privilégiés, est-ce que le ministre peut nous indiquer si le gouvernement du Québec a l'intention de suivre, possiblement avec l'aide de nos collègues souverainistes à Ottawa, l'évolution de ce dossier pour faire en sorte que ces coupures ne soient pas ressenties de façon démesurée par les pays francophones et les pays latins avec lesquels le Québec se reconnaît des affinités?

M. Landry (Verchères): Je pense que c'est là une excellente suggestion. Je ne peux pas dire que nous l'avons fait de façon systématique jusqu'à ce jour. Je crois que nous aurions dû le faire. Ceux qui connaissent un peu l'histoire de l'aide étrangère du Canada, en Afrique en particulier – et le député est dans ce cas-là et il connaît bien le développement de ces programmes – se souviennent que, sans les énormes pressions du Québec, l'aide du Canada allait à une catégorie de pays africains qui étaient de langue anglaise et non pas aux autres. Cette situation, je le reconnais, fut largement corrigée par la suite. Mais la vigilance s'impose pour empêcher qu'elle ne se développe de nouveau, et c'est une question d'information. Ça, c'est une question d'intelligence au sens informationnel du terme. Nous allons suivre cette question et prendre les moyens appropriés pour qu'aucun problème ne se développe.

Le Président (M. Simard): Alors, à ce moment-ci, puisque le temps passe, je vais demander au critique de l'opposition de bien vouloir faire ses remarques de conclusion. Peut-être un mot rajouté ensuite par le député de Rivière-du-Loup, et au ministre de conclure. Et nous passerons au vote.


Remarques finales


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Alors, nous avons eu l'occasion d'examiner plusieurs sujets, de discuter de plusieurs sujets durant l'étude des crédits. Premièrement, on croit que la documentation qui est distribuée ou qui devait être distribuée – c'est notre position – est très prématurée. Il n'y a pas eu de décision qui a été prise par l'électorat, au Québec, sur l'avenir politique du Québec. Même toutes les indications sont que la majorité n'appuie pas cette option. Et on questionne le fait que des fonds publics sont utilisés pour strictement des fins partisanes.

En ce qui concerne les nominations, ça va au-delà d'une nomination partisane. Ça, ça se fait toujours, des nominations partisanes. Chaque gouvernement, quand il prend le pouvoir, ne le fait pas peut-être aussi brutalement que ça a été fait cette fois-ci, mais ça se fait. Ce qu'on questionne, c'est que ça va au-delà d'une nomination partisane. Les mandats des délégués sont très différents. Ils sont appelés à vraiment défendre une option politique particulière.

Alors, en ce qui concerne l'ALENA, je pense qu'on n'a rien appris sur le processus qui doit se faire ou sur les conditions d'adhésion du Québec à l'ALENA. En ce qui concerne le soutien à l'exportation, j'ai remarqué que le ministre était très surpris quand on lui a montré certains documents du bureau des exportations, documentation qui a été présentée durant nos discussions. Et peut-être que, si le ministre avait eu l'occasion de voir ces documents avant, il n'aurait pas effectué ses coupures. Des modifications ou réformes, ça, c'est toujours possible. Mais on croit, nous, qu'on ne doit pas couper dans le programme APEX qui a été un des programmes les plus utiles, les plus bénéfiques, et, compte tenu des besoins des entreprises, je crois qu'il faut mettre autant d'aide qu'il est possible d'en mettre à leur disposition avec ces ressources d'APEX.

Quant au lobbying à Washington, je pense que ce n'est pas normal d'avoir un tel lobbying avec les mandats qui ont été donnés. Je crois que ça peut seulement nuire à l'image du Québec et aux entreprises, par conséquent, au Québec. Pouvez-vous vous imaginer si les États-Unis eux toléreraient qu'un de leurs États puisse faire des représentations pour aller contre l'ambassade américaine à Washington? Et ça donne une drôle de perception. La question qu'on se pose: De quoi on a l'air en faisant ça? Il y a d'autres façons de faire des représentations du Québec à Washington sur les entreprises, les institutions, l'image que de donner de tels mandats à une firme de lobbyistes.

Et, en conclusion, M. le Président, je prends bonne note de la «cancellation» de la distribution des pamphlets préparés par le ministère pour distribution à Paris. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député. M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je dirais que je suis heureux d'entendre le ministre nous dire qu'il n'y aura pas de protectionnisme de son côté de la Chambre et je l'invite, au cours de la prochaine année, à en parler. Parce que je peux dire que certains de ses partenaires, qui étaient d'ailleurs réunis hier, sont même venus nous dire, au cours de l'hiver, lors des commissions de consultation, que leur adhésion au projet dont le vice-premier ministre est partie était dans le but premier de sortir le Québec de ce libre-échange odieux dans lequel Ottawa nous a forcés. Ha, ha, ha!

Je suis certainement, comme partisan d'une place plus grande du Québec à l'étranger, heureux de la reprise de vigueur qu'il me semble y avoir eu à cet égard et de l'élan que le ministre s'est soucié de donner. Je pense que le Québec a pris une place de plus en plus grande depuis la Révolution tranquille. Il y a peut-être eu un plateau – si vous me passez l'expression polie – et la reprise de vigueur me plaît. En revenant, évidemment, sur cette priorité que j'ai identifiée tout à l'heure, qui est l'exportation, ce rôle qui m'apparaît primordial au ministère, l'exportation, le développement d'outils, je serais tenté...

Et je lance l'idée: Est-ce qu'on ne devrait pas parler d'une politique québécoise d'exportation qui puisse intégrer – on a le programme APEX, c'est un programme qui est là – à un programme comme celui-là, ou à plus qu'un, une mission un peu plus commune à toutes les délégations du Québec à l'étranger, donc des outils plus précis qui puissent être produits à partir de là? J'ai comme l'impression que, présentement, c'est peut-être un peu inégal – comme il n'y a pas de mission directement donnée à l'ensemble des délégations du Québec – la façon dont la question économique et la question de l'exportation sont traitées d'un endroit à l'autre. On devrait avoir une politique qui puisse ramasser tout ça autour d'actions précises concertées en faveur de l'exportation des produits québécois.

Et je conclurai en disant, autant au ministre qu'à tous ses collaborateurs, que je les invite à continuer à faire les choses d'une façon honorable, à ne pas lancer de quolibets aux dirigeants étrangers ou à ceux qui sont en course pour devenir les plus grands dirigeants politiques de ce monde, parce que – je soulevais les dépenses tout à l'heure que je trouvais onéreuses – s'il fallait jamais payer pour avoir honte, comme c'est le cas d'autres, ça ne serait pas drôle.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. M. le ministre, en quelques secondes, je dirais, quelques remarques.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui. D'abord, pour souligner une autre belle convergence entre notre pensée et celle du député de Rivière-du-Loup. Il est bien établi que nous ne sommes pas protectionnistes. Et un des dangers qui ont pesé sur le Canada, c'est que le coeur industriel du Canada était dirigé et l'est encore par un protectionniste qui est contre l'ALENA et qui est contre l'Accord de libre-échange bilatéral, M. Bob Rae, qui s'est fourvoyé. Normalement, les gens dits progressistes, dits de gauche favorisent le libre-échange. On a cette incongruité qu'au Canada les socialistes sont contre. Mais, au Québec, fort heureusement, c'est un courant marginal. Le Québec a voté massivement en faveur de l'Accord, et les derniers sondages démontrent qu'il n'y a qu'au Québec qu'une large majorité soutient l'ALENA. Même après quelques années de pratique de l'Accord, il n'y a qu'au Québec qu'il y a une large majorité. Ça, de tous les horizons politiques québécois, nous pouvons en être fiers. Le Québec n'est pas un pays de fermeture.

Je reviens très brièvement sur une remarque du député de Mont-Royal, parce qu'il a insisté lourdement sur l'affaire de Washington. Vous dites que ça ne serait pas convenable qu'un État américain vienne dire au Québec le contraire de ce que dit le gouvernement fédéral.

M. Ciaccia: J'ai dit que les Américains, eux, pour leur pays, ne le toléreraient pas.

M. Landry (Verchères): C'est ça. Ils ne toléreraient pas qu'un État américain vienne dire ici le contraire de l'ambassadeur du Canada.

M. Ciaccia: Le contraire de l'ambassadeur américain...

M. Landry (Verchères): De l'ambassadeur américain au Canada.

M. Ciaccia: ...qui viendrait se présenter...

M. Landry (Verchères): Bon. C'est ça. Bien, justement, il y a deux choses, là, qui me semblent incohérentes dans ce que vous dites. Premièrement, vous savez – vous êtes juriste – que les États-Unis d'Amérique ont une clause fédérale quant à la diplomatie. Seul Washington a le droit de parler. Ici, j'ai bien expliqué, hier soir, qu'en vertu de la doctrine Gérin-Lajoie et de l'arrêt du Conseil privé de Londres entres les deux guerres, ce n'est pas exact.

(17 h 30)

Sa Majesté du chef du Québec signe des ententes et des traités, et le gouvernement du Canada ne peut pas l'engager dans sa juridiction, tandis que Washington peut engager l'État de New York dans sa juridiction. Ça fait toute une différence que vous auriez dû mentionner. Et la deuxième: Qu'arriverait-il si l'ambassadeur Blanchard allait contredire rudement, disons, le gouverneur du Texas, comme l'ambassadeur Chrétien a contredit rudement le premier ministre du Québec? Jamais un ambassadeur n'irait contredire un élu démocratique d'une juridiction importante de son propre pays. M. Raymond Chrétien a fait ça. Je crois que ce n'était pas un geste d'un grand professionnalisme et que le manuel diplomatique canadien devrait être amendé pour empêcher que des gens comme Benoît Bouchard soient si peu à la hauteur de leurs fonctions et certains autres.

M. le Président, je vous remercie. Dans mes remarques initiales, j'avais dit qu'il était intéressant que des gens qui connaissent la question soient autour de cette table. On s'est rendu compte qu'il y avait des gens qui connaissaient la question. Et je remercie tous et toutes pour leur participation et particulièrement vous, M. le Président, pour avoir si habilement dirigé nos travaux.


Adoption des crédits

Le Président (M. Simard): Je vous remercie et, à ce moment-ci, je demande: Est-ce que le programme 1, Promotion et développement des affaires internationales du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles pour l'année 1995-1996, est adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Oui.

Une voix: Adopté à l'unanimité.

Le Président (M. Simard): Alors, suspension jusqu'à 20 heures. Nous nous retrouverons à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine pour les crédits des Affaires intergouvernementales canadiennes.

(Fin de la séance à 17 h 32)


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