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Version finale

35th Legislature, 1st Session
(November 29, 1994 au March 13, 1996)

Tuesday, December 13, 1994 - Vol. 34 N° 3

Étude détaillée du projet de loi n° 41 - Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales


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Table des matières

Code de procédure civile


Intervenants
M. Sylvain Simard, président
M. Christos Sirros, président suppléant
M. Paul Bégin
M. Thomas J. Mulcair
M. Russell Copeman
M. Henri-François Gautrin
M. Jean-Marc Fournier
Mme Margaret F. Delisle
M. André Boulerice
M. Guy Lelièvre
M. Rémy Trudel
M. Mario Dumont
M. Normand Jutras
M. Camille Laurin
Mme Marie Malavoy
M. David Payne
M. Robert Perreault
Mme Céline Signori

Journal des débats


(Onze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Simard): Le quorum est constaté. Je déclare donc la séance ouverte. Je rappelle le mandat de cette commission, qui est de procéder à l'étude du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales.

M. le secrétaire, pouvez-vous nous annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) est remplacé par M. Gautrin (Verdun) et M. Lefebvre (Frontenac) par M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).


Code de procédure civile


Moyens de se pourvoir contre les jugements


De l'appel (suite)

Le Président (M. Simard): Merci, M. le secrétaire. Nous en étions à l'audition du plaidoyer du député de Chomedey qui avait, au moment d'interrompre nos débats sine die hier soir, à minuit, utilisé huit de ses 20 minutes sur le premier paragraphe. Il lui en reste donc 12, et nous allons continuer à l'écouter avec plaisir.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, nous sommes rendus à l'étude du premier paragraphe de l'article 5 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts.

On a vu hier, M. le Président, à quel point il était important de bien se souvenir des principes qui doivent nous guider dans toute intervention devant l'Assemblée. Il a notamment été question de l'importance de bien se préparer et d'avoir des études et recherches sérieuses pour soutenir et étayer les projets de loi. Or, M. le Président, force nous était de constater qu'en réponse à nos nombreuses questions de ce côté de la salle, adressées à l'honorable ministre de la Justice, les réponses en ce qui concerne ces études-là ont sérieusement fait défaut. En effet, nous avons vu que le ministre de la Justice n'était malheureusement pas dans la possibilité de nous informer adéquatement sur les études qui ont pu le conduire à la conclusion que c'était opportun, pour la deuxième fois à l'intérieur d'une même année, de modifier le seuil d'admissibilité des causes à la Cour du Québec.

En effet, M. le Président, ce seuil avait été modifié une première fois de 10 000 $ à 15 000 $, au début de cette année, et nous voilà, moins de 12 mois plus tard, en train d'étudier une proposition qui verrait cette somme augmenter à nouveau de 15 000 $ à 30 000 $, triplant ainsi, à l'intérieur d'une période de 12 mois, le seuil d'admissibilité.

Le Président (M. Simard): Puis-je vous rappeler, M. le député de Chomedey, à l'article qui est présentement à l'étude...

M. Mulcair: Oui, bien sûr.

Le Président (M. Simard): ...et non pas à ceux qui ont déjà été adoptés. Merci.

M. Mulcair: C'est important, M. le Président. À mon sens, et avec tout le respect que je dois à cette commission, il est important, afin de pouvoir interpréter une disposition... les grands auteurs nous disent toujours qu'il faut la comprendre dans son contexte. Or, pour reprendre le débat ce matin, M. le Président, je me permets de rappeler quelques-unes des interventions et les grandes lignes de notre discussion d'hier, qui nous permettraient justement de bien interpréter mon propos, que vous avez vous-même qualifié de plaidoirie, tout à l'heure, de pouvoir, donc, continuer ce débat, cette discussion qui ne vise qu'une chose: bonifier le projet de loi dans le meilleur intérêt de la protection du public.

Le Président (M. Simard): Je vous rappelle de revenir, dans vos remarques, à l'article 5 qui est présentement en discussion.

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Il me fera plaisir, justement, de m'adresser à l'article 5 du projet de loi qui, rappelons-le, prévoit que les articles 503.1, 503.2 et 503.3 de ce Code – le Code en question, M. le Président, étant, bien entendu, le Code de procédure civile – édictés par l'article 13 du chapitre 30 des lois de 1993, sont remplacés par le suivant:

«503.1 Lorsque le mémoire n'est pas signifié et produit dans le délai prévu par l'article 503, l'appel est réputé déserté, à moins que l'appelant, avant l'expiration de ce délai, n'ait signifié et produit au greffe du tribunal une demande de prolongation de délai. Cette demande peut être accordée, sur requête, par l'un des juges de la Cour d'appel pour une période qui, à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause, n'excède pas 30 jours.»

Ça, c'est pour ce qui est du premier paragraphe de 503.1. Évidemment, on aura amplement l'occasion de commenter le deuxième paragraphe tantôt.

Dans sa version anglaise, l'article 503.1, premier paragraphe, se lit comme suit:

«Where the factum is not served and filed within the time prescribed by article 503, the appeal is deemed abandoned unless an application for an extension is served and filed at the office of the court by the appelant before the expiry of the prescribed time. The extension may be granted, on a motion, by a judge of the Court of Appeal for a period which, barring exceptional circumstances owing to the nature of the case, may not exceed 30 days.»

Alors, M. le Président, justement pour faire suite à votre demande, nous voilà plongés à nouveau dans le vif du sujet. Nous sommes devant un projet de loi qui vise, de toute évidence, un but louable qui est de réduire les délais devant les tribunaux et, notamment, à la Cour d'appel. Comme on le sait, à la Cour d'appel, on est très peu souvent en train de débattre des questions de preuves et de témoignages. On est plutôt en train de débattre des questions de droit. La manière de procéder, c'est de préparer un document écrit qu'on appelle, en français, mémoire et, en anglais, qui est en fait en latin, «factum». C'est dans ce document que les avocats, les procureurs de chaque côté, sont censés expliciter leur pensée, leurs arguments, étayer la position de leurs clients, M. le Président.

Une des causes principales, donc, d'après plusieurs analyses, des délais nombreux que l'on a connus à la Cour d'appel était, effectivement, le défaut, de la part des procureurs, de part et d'autre dans de très nombreux cas, de respecter les échéances, et, très souvent, même si c'était l'autre procureur qui faisait une demande pour que la cause soit déclarée caduque, eh bien, elle avait tout simplement redémarré de l'autre côté et les délais étaient repartis. On comprend donc que le premier paragraphe de l'article 503.1, tel que proposé, vise, comme je le mentionnais, une fin louable. Mais, encore une fois, M. le Président, nous voilà devant une situation où, pour pallier à un problème, on nous demande de faire un acte de foi. On nous demande de croire que la seule manière, et l'unique manière, et la meilleure manière de résorber ce problème est en acceptant que l'article 503.1, tel que libellé à son premier paragraphe, doit être accepté. M. le Président, nous ne sommes pas persuadés de ce fait.

(11 h 50)

De ce côté de la salle, M. le Président, nous avons eu l'occasion, hier, de mentionner que le Protecteur du citoyen, en date d'hier, le 12 décembre 1994, avait adressé à l'honorable ministre de la Justice et aux autres membres de cette commission, par leurs chefs respectifs, une lettre de plusieurs pages dans laquelle il indiquait bon nombre de préoccupations avec la justesse de la démarche proposée. Nous avons également entendu hier, M. le Président, l'honorable ministre de la Justice nous expliquer l'absence totale d'études écrites sur la légalité de certaines dispositions, sur l'impact fiscal possible de certains amendements proposés, et donc il est, toujours à notre point de vue, étonnant qu'on prévoie une telle modification sans que l'on puisse sonder les principaux intéressés, tels le Barreau du Québec et le Protecteur du citoyen qui, rappelons-le, a exprimé un avis là-dessus et qui a exprimé, en même temps, sa disponibilité.

À mon sens, M. le Président, il serait tout à fait indiqué, opportun de pouvoir rencontrer les représentants du Barreau sur une telle disposition, car, M. le Président, il va de l'intérêt du public...

Le Président (M. Simard): Je rappelle au député de Chomedey qu'il a déjà déposé deux motions en ce sens qui ont été défaites, et je le prierais maintenant de poursuivre sur l'étude de l'article.

M. Sirros: M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Sirros: Il y a deux motions dans ce sens qui ont été déposées, mais il me semble que, comme ce n'est pas les mêmes motions, le député aurait toujours l'espoir et le loisir d'essayer de convaincre les gens de l'autre côté de la table de la justesse de ce qui est présenté dans ses motions. Il me semble, à moins que ce ne soit la même motion, que le député aurait le droit parlementaire, je crois, de pouvoir présenter la motion.

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion...

M. Sirros: À moins que je ne me trompe.

Le Président (M. Simard): ...l'étape des motions préliminaires étant passée, maintenant il nous faut procéder selon les règles qui s'appliquent aux commissions, à l'étude article par article du projet de loi. Je demanderais donc au député de Chomedey de poursuivre son analyse de l'article 5, tel qu'il est à l'ordre du jour de nos travaux.

M. Sirros: Je m'en remets à vous, M. le Président.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme je le mentionnais, l'article 503.1 propose une démarche. Ce n'est sans doute pas la seule démarche qui aurait pu être entrevue ou discutée. Je soumets respectueusement, M. le Président, qu'on aurait pu, par exemple, si on avait eu l'occasion de parler avec le Barreau, et, maintenant, en leur absence, je me permets de soulever la question – parce qu'ils sont là pour la protection du public et nous sommes là pour veiller à l'intérêt du public également – je me permets de suggérer qu'il aurait peut-être pu être intéressant de discuter avec le Barreau de la possibilité de prévoir un agencement, un lien entre ces dispositions, ces nouvelles dispositions qui viennent encadrer l'obligation du procureur dans une cause en appel de respecter des délais serrés.

Il devient à ce moment-là, à mon sens, tout à fait indiqué de pouvoir discuter avec le Barreau de la possibilité et de l'opportunité de dire que le procureur, l'avocat qui ne respecte pas ces obligations et qui, par le fait même, fait perdre à son client la possibilité de certaines instances, qui fait donc perdre à son client la possibilité d'aller plus loin en appel... Il aurait été, à notre sens, très intéressant de pouvoir entendre le Barreau nous expliquer son point de vue, à savoir si c'est possible de faire un lien avec la responsabilité dudit procureur en vertu de son code de déontologie qui, rappelons-le, est un règlement obligatoire, qui doit être adopté par chaque corporation professionnelle et qui doit prévoir les exemples de cas où on est réputé avoir enfreint l'honneur et la dignité de la profession. Si le procureur qui manque d'une manière flagrante à cette obligation est en train aussi de pratiquer d'une manière non conforme aux règles de l'art d'un avocat, il est tout à fait possible, à mon point de vue, que cette personne puisse être amenée devant le comité de discipline, suite au dépôt d'une demande d'enquête auprès du bureau du syndic du Barreau, comme c'est le cas dans toutes les autres professions.

Je dois dire, M. le Président, qu'il y a eu des cas rapportés. Ils ne sont pas nombreux, mais il y a des cas maintenant, qu'on commence à voir où, effectivement, la manière de faire d'un avocat, d'un procureur est telle qu'il est jugé, par ses pairs, que ça manque non seulement potentiellement en termes de son obligation civile vis-à-vis de son client, c'est-à-dire son obligation éventuelle de payer des dommages et intérêts, mais aussi vis-à-vis de ses autres confrères de sa profession et du public que cette profession a été créée pour protéger. Car, rappelons-le, M. le Président, les professions, les ordres professionnels, comme on les appelle maintenant, n'existent pas pour veiller à la protection des intérêts de leurs membres ni pour veiller non plus aux intérêts socioéconomiques de leurs membres, mais ils sont bien là pour une seule et unique raison, c'est de veiller à la protection du public.

Ceci étant le cas, on aurait pu entendre le Barreau nous dire s'il croit opportun de faire un tel lien avec le code de déontologie, de resserrer les liens possibles qui peuvent exister déjà et, par la même occasion, nous donner certaines indications, j'en suis convaincu, basées sur la vaste expérience de leurs officiers, nous donner certaines indications d'autres démarches qui pourraient être entreprises en vue de raccourcir les délais devant les tribunaux.

Vous savez, M. le Président, depuis environ six ans, il existe un fonds d'assurance-responsabilité, à la corporation professionnelle du Barreau à l'époque et maintenant à l'ordre, et il est prévu, aux termes de cette législation, que c'est une autre personne morale, qui est un fonds d'assurance, qui doit gérer cette assurance-responsabilité obligatoire pour l'ensemble des membres. Cette modification législative, M. le Président, a été édictée en 1988 pour pallier à une difficulté qui existait dans le marché des assurances, où les compagnies canadiennes tendaient de plus en plus à suivre l'expérience actuarielle américaine.

Le Président (M. Simard): Il vous reste 30 secondes. Je vous prierais de conclure, M. le député.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Ayant créé ce fonds d'assurance-responsabilité pour les membres du Barreau du Québec, et vu que c'est aussi administré par les avocats et à l'intérieur de notre législation professionnelle, il aurait été ô combien intéressant aussi de pouvoir entendre le Barreau et d'autres représentants de la profession d'avocat dans cette province, de voir s'il n'y avait pas, donc, des liens qui pouvaient être faits pour mieux assurer la protection du public, car, même si on a une condamnation au disciplinaire, ça ne règle pas nécessairement le problème du justiciable qui pourrait se faire débouter suite au défaut de son procureur de respecter ces nouveaux délais. Alors, avant de proposer des délais aussi courts et des obligations aussi serrées qui visent, rappelons-le, un but louable et légitime, il faut regarder l'ensemble de ces questions-là. Je trouve, encore une fois, M. le président, pour conclure, que le projet de loi...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît.

M. Mulcair: ...qui est devant nous ne tient pas compte de ces autres possibilités, ne regarde pas les autres démarches qui pouvaient être entreprises et que, surtout, le refus obstiné de rencontrer les autres intervenants prouve à quel point le ministre de la Justice considère son projet de loi faible.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chomedey. Je donne maintenant la parole au ministre de la Justice et député de Louis-Hébert.

M. Bégin: M. le Président, le député de Chomedey fait mention, depuis le début de ses interventions, à l'effet qu'il n'y a pas eu de consultation. Je voudrais lui rappeler qu'hier encore, et je vais le faire aujourd'hui pour plusieurs articles, plusieurs amendements qui sont proposés ont été puisés directement dans le rapport de la Cour d'appel du Québec qui s'appelle «Projet de solutions proposé par les membres de la Cour». Je fais remarquer également que ce rapport a été signé par chacun des membres de la Cour d'appel du Québec, en date du 11 mars 1994.

Relativement à l'article dont il est question présentement, on retrouve, à la page 70, la recommandation suivante, et ce document est un document public: «En conséquence, nous recommandons [...] qu'à défaut, par l'appelant, de produire son mémoire dans le délai imparti, l'appel soit réputé déserté, à moins que l'appelant, avant l'expiration du délai – et, là, c'est marqué 90 jours; nous, on a marqué 120 – de 90 jours, ait produit une requête pour obtenir une prorogation de ce délai, telle prorogation ne devant pas excéder 30 jours, à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause.» Donc, je vous fais remarquer qu'il s'agit de donner suite à des recommandations faites par la Cour d'appel elle-même, unanimement, dans un rapport volumineux de mars 1994.

Par ailleurs, au cas où il y aurait un doute quant à la volonté de la Cour d'appel à cet égard, je fais référence à un article du Journal de Montréal , paru le samedi 10 décembre 1994, sous la signature de M. Rodolphe Morrissette, qui parle: «Le nouveau juge en chef du Québec; l'heure des réformes a sonné». Je lis donc dans la première colonne, cinquième alinéa, le passage suivant: «En mars dernier, le corps tout entier de la Cour d'appel, sous la direction de son prédécesseur, le juge Claude Bisson, déposait un rapport aussi explosif que fouillé sur les réformes qui s'imposent. Le juge Michaud dit endosser tout à fait ces orientations.»

(12 heures)

Alors, je souligne donc que les consultations ont été plus que faites. Ce sont des recommandations de la Cour d'appel elle-même que nous soumettons à l'attention de cette commission, et on les reprend presque mot à mot. Nous donnons seulement 30 jours de plus que la Cour d'appel pour permettre aux parties de déposer leur mémoire en temps voulu. Donc, je crois que toutes les recommandations se trouvent là. Il n'est pas nécessaire de demander une longue enquête aux officiers du ministère pour en savoir plus long. Tout a été dit dans ce volumineux rapport de la Cour d'appel. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. D'autres interventions sur le premier paragraphe de l'article 5? M. Copeman.

M. Copeman: Merci, M. le Président...

Une voix: Le député de...

Le Président (M. Simard): Oui, je vais m'y habituer. M. le député de...

M. Copeman: Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Simard): Notre-Dame-de-Grâce. Excusez-moi, M. le député.

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, j'avoue tout de suite... Je ne suis pas avocat, mais je pense qu'il est sain, lors d'une commission, quand une commission regarde un projet de loi article par article, à l'étude détaillée, qu'on amène des points de vue autres que ceux des avocats. C'est souvent le cas que, oui, les avocats se mettent ensemble. Ils se mettent d'accord sur diverses dispositions d'un projet de loi. Mais on est également ici, il me semble, comme parlementaires, M. le Président, pour protéger les individus qui ont besoin de se servir du système de justice pour protéger leurs droits et pour promouvoir leurs causes devant les lois.

M. le Président, si j'ai bien compris la nature de l'amendement de l'article 503.1 actuel, proposé par le ministre de la Justice, il resserre les délais de production de mémoire d'appel de l'appelant. Quand je regarde le libellé du Code de procédure civile actuel, à l'article 503.1, on parle d'un délai de 30 jours, mais on parle également d'une possibilité, qu'un appelant peut produire son mémoire ou s'adresser par requête, dans un délai de 30 jours, à l'un des juges de la Cour d'appel pour justifier son retard et demander une prolongation de délai.

Dans les nouvelles propositions du ministre de la Justice, si je regarde le premier paragraphe, le libellé a changé légèrement. Au lieu de parler d'une justification, de justifier son retard et de demander une prolongation, on exige, il me semble, en tout cas, comme individu, M. le Président, des conditions plus sévères. On parle de «à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause».

M. le Président, la situation qui me préoccupe un peu, c'est: Qu'est-ce qui arrive avec un client dont l'avocat tombe malade, qui ne peut pas respecter les 30 jours? Quelles sont les circonstances visées par le ministre de la Justice pour prolonger la période excédant les 30 jours? Est-ce que le ministre peut nous expliquer quelles sont les circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause qui peuvent provoquer une prolongation de plus de 30 jours? Est-ce que ça peut comporter des choses comme un avocat qui tombe malade ou un individu qui décide de changer d'avocat? Surtout, M. le Président, je pense qu'on ne veut pas qu'en resserrant les délais on laisse la possibilité que les gens qui ont besoin de recourir à notre système judiciaire soient limités dans la possibilité de leurs actions devant la cour.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Mont-Royal. Non, de Notre-Dame-de-Grâce. Je vais y arriver. Je m'excuse. M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Pour répondre à la question de M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je souligne que le paragraphe ou le membre de phrase «à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause» est en relation avec le délai de 30 jours. On n'accordera pas un délai additionnel à 30 jours, à moins qu'on ne prouve qu'on soit dans des circonstances exceptionnelles.

Par exemple, le dossier de la MIUF était un exemple où on savait que, dans un délai de 120 jours, il n'était pas possible de compléter tous les mémoires ou toutes les informations requises pour la préparation du mémoire, de sorte que 30 jours seraient évidemment insuffisants, même, dans un tel cas, après un délai de 120 jours. Alors, c'est le genre de circonstance exceptionnelle.

Par contre, si un procureur ne peut pas parce qu'on lui a substitué un autre procureur, le nouveau procureur demandera à la Cour d'être entendu et d'obtenir un délai, en expliquant pourquoi, et la Cour, ce sera à sa discrétion. Les juges de la Cour d'appel sont habitués, ils sont aptes, je pense, à rendre ce genre de décision. Ils donneront un délai plus long selon les circonstances. Alors, on croit qu'un délai de 120 jours, et les juges de la Cour d'appel croient que 120 jours, normalement, c'est suffisant pour être en mesure de faire un mémoire.

Le Président (M. Simard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez terminé? Est-ce que d'autres veulent intervenir? M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que, comme l'a dit mon collègue de Chomedey et comme on l'a souvent répété, l'objectif recherché par le projet de loi est très louable, c'est-à-dire de raccourcir les délais, et l'article 5, en particulier, nous donne un exemple de cette volonté que semble afficher le ministre de la Justice pour raccourcir les délais.

On conviendrait tous de dire que le système de justice que nous avons doit être toujours abordé, chaque fois qu'on regarde des modifications, avec beaucoup de soin, beaucoup d'attention, beaucoup de délicatesse, étant donné qu'on ne peut pas chambarder tous les jours notre système de justice, que ce soit le Code civil qu'on a pris des années et des années à remodeler ou que ce soit le Code de procédure civile qui vise à faciliter l'exercice du droit à la justice qu'ont les concitoyens. C'est dans ce sens-là que nous nous inquiétons de... On veut s'assurer qu'effectivement chacun des articles soit bien examiné, bien regardé puis bien compris au niveau des intentions du gouvernement, qu'on ne remet pas en cause, d'ailleurs, au niveau de l'objectif de raccourcir les délais.

Mais il est évident que, quand on a des sons de cloche tels qu'on a eu, par exemple, de la part du Protecteur du citoyen qui dit: Dans les faits – parlant d'un autre article, pas de l'article 5, mais c'est vis-à-vis de l'ensemble du projet de loi, M. le Président – ces changements sont donc susceptibles de compromettre davantage l'accessibilité de certains justiciables à la justice, ça doit nous inquiéter et ça doit nous amener à être très prudents. C'est pour ça que je trouve dommage qu'on n'ait pas pu entendre ici des gens comme le Protecteur du citoyen, le Barreau ou d'autres personnes qui auraient pu nous éclairer davantage sur ces questions.

Mais, étant donné, par exemple, qu'on parle de modifier les délais qu'un appelant pourrait avoir pour fournir son appel, puis qu'on passe de façon radicale, je dirais, de 120 jours à 30 jours, j'aimerais savoir, de la part du ministre, s'il y a des études qui ont été faites pour démontrer pourquoi on a choisi 30 jours au lieu, par exemple, de 45 ou 60 ou 90. Est-ce que 30 a été pigé dans un chapeau quelque part? Est-ce que ça correspond à un examen approfondi? On a demandé à ceux qui vivent des situations de nous produire des mémoires ou on a pu les interroger? Est-ce qu'il y a eu une étude quelconque qui a été faite? M. le Président, est-ce que je peux poser la question au ministre?

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, je mentionne que le délai de 30 jours est un délai additionnel qui est accordé par la Cour, de façon générale, si la personne demande d'avoir un délai additionnel pour produire son mémoire, mais elle a déjà, en vertu de la disposition, 120 jours pour préparer son mémoire, ce qui est déjà 30 jours de plus que ce qui existe déjà. On donne la possibilité d'ajouter 30 jours à la Cour d'appel, de façon régulière. Dans des circonstances exceptionnelles, on pourra aller au-delà de ça. Et je fais encore référence à la recommandation faite par la Cour d'appel elle-même, sous la signature de chacun de ses juges, y compris par le juge Michaud, le juge en chef de la Cour d'appel.

M. Sirros: Peut-être que, si je me suis trompé dans la compréhension, je m'excuserai, mais est-ce que je dois comprendre des paroles du ministre qu'en plus des 120 jours qui existent actuellement il ajoute un autre 30 jours?

M. Bégin: C'est exact, mais sur permission de la Cour.

M. Sirros: Ça, c'est un peu à l'encontre, à ce moment-là... Je ne comprends pas parce que, là, on vient de prolonger les délais, M. le Président, et le but de l'exercice, c'était de les raccourcir, si j'ai bien compris. Là, on nous dit qu'on a des délais de 120 jours qui sont actuellement... Est-ce qu'on juge qu'ils ne sont pas suffisants, ces 120 jours, au niveau de l'accessibilité à la justice? Pourquoi on ajoute 30 jours si on veut raccourcir les délais pour que les causes soient entendues un peu plus rapidement?

(12 h 10)

M. Bégin: M. le Président, je voudrais corriger. C'est que, depuis 1993, le délai a été porté à 120 jours. Ce que nous faisons, c'est qu'au lieu de demander que l'intimé dépose une requête devant la Cour d'appel pour obtenir le rejet de l'appel par défaut de production du mémoire dans le délai requis, dorénavant, après 120 jours, à moins que la personne défaillante n'ait présenté une requête à la Cour pour obtenir un délai additionnel qui, généralement, sera de 30 jours, au bout de 120 jours, délai initial, son appel sera considéré comme étant déserté, c'est-à-dire que son appel sera rejeté. Alors, nous maintenons le délai d'appel tel qu'il était, de 120 jours, mais nous considérons qu'après 120 jours, à moins que le procureur n'ait considéré qu'il jugeait essentiel d'obtenir un délai additionnel, et qu'il fasse une requête à la Cour, et qu'il obtienne de la Cour ce délai-là, au bout de 120 jours, son défaut de produire le mémoire entraînera le rejet de son appel.

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je remercie le ministre pour ses explications qui commencent à clarifier un peu le sens de l'article. Mais est-ce qu'il pourrait en même temps m'expliquer un peu qu'est-ce qui pourrait être fait vis-à-vis des contrôles ou des liens vis-à-vis d'un avocat, par exemple, qui aurait été défaillant vis-à-vis de son client? Est-ce qu'on a pris suffisamment le soin de s'assurer que tout ce qu'on change ici protège quand même le droit du justiciable d'être protégé, en quelque sorte, vis-à-vis des défaillances de son propre avocat?

M. Bégin: La preuve sera faite automatiquement par la décision et par le rejet de l'appel que l'avocat n'a pas rempli son mandat, soit en ne produisant pas dans les délais de 120 jours le mémoire ou encore en ne présentant pas, dans les mêmes délais, une requête pour extension de délai. Je pense qu'à ce moment-là le client aura un recours en dommages et intérêts très évident contre son procureur, faute d'avoir agi selon ce que la loi l'exigeait de faire.

M. Sirros: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je n'ai pas d'autre demande de droit de parole à ce moment-ci. Alors, j'appelle au vote le premier paragraphe de l'article 5 du projet de loi. Est-ce qu'il est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Simard): Avant de passer au deuxième paragraphe, je veux simplement rappeler que j'ai laissé – parce qu'il y avait, effectivement, dans les interventions, des considérations d'ordre général qui étaient recevables – discuter sur ce premier paragraphe de choses qui ne sont pas contenues dans ce premier paragraphe qui est un paragraphe technique d'introduction aux deux paragraphes suivants. Je pense qu'il ne faudra pas abuser de cette possibilité, mais, tant que les considérations restaient suffisamment générales, il fallait le faire.

Cependant, je prierais les intervenants, de part et d'autre, dans l'étude du deuxième paragraphe, de ne pas revenir nécessairement sur des questions ou des propos qui ont été permis dans l'étude du premier paragraphe et qui ont déjà été émis ou posés. Merci, messieurs et mesdames, de votre collaboration. Je passe donc à l'étude...

M. Sirros: «Permis», me semble un peu comme lourd. «Jugés recevables» serait peut-être plus d'une consonance parlementaire vis-à-vis de l'application de notre règlement, parce qu'il me semble que la présidence n'est pas là pour permettre ou ne pas permettre, mais bien pour interpréter le règlement.

Le Président (M. Simard): C'est une interprétation du règlement que je fais. Je dis que je l'ai interprété largement sur le premier article. Je demande donc la collaboration des membres de cette commission pour la poursuite dans le bon ordre des travaux, pour éviter des redites qui nous sont inutiles, sans aucun doute, pour la bonne explication et le droit de chacun des membres de cette commission.

Nous passons donc à l'étude du deuxième paragraphe de l'article 5. M. le ministre.

M. Bégin: Très brièvement, M. le Président, le deuxième alinéa explicite la technique par laquelle ce que le premier paragraphe énonce sera réalisé. Donc, c'est simplement que le greffier, constatant le défaut, délivrera un certificat attestant que l'appel est déserté, ce qui constituera le rejet de l'appel en question. Alors, c'est une pure question technique pour mettre en application le premier paragraphe de 503.1.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président de la commission rogatoire...

Le Président (M. Simard): Ambulatoire...

Une voix: C'est mieux.

M. Mulcair: Donc, pour les fins du procès-verbal, M. le Président, je me permets de lire les versions anglaise et française du deuxième alinéa de l'article 5 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales; Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts.

Le deuxième paragraphe, donc, de l'article 503.1, qui est proposé par cet article 5, se lit comme suit: «Lorsque l'appelant, dans les délais impartis, n'a pas signifié et produit son mémoire et qu'aucune demande de prolongation de délai n'est pendante ni, le cas échéant, de requête visée à l'article 505.1, le greffier de la Cour d'appel constate le défaut et délivre un certificat attestant que l'appel est déserté avec dépens.»

«Where the appelant has not, within the allotted time, filed and served his factum and no application for an extension, or a motion under article 505.1, is pending, the clerk of the Court of Appeal shall record the default and issue a certificate stating that the appeal is abandoned with costs.»

Nous voilà encore une fois, M. le Président, devant une disposition qui vise une fin louable. Comme vous l'avez si bien dit vous-même dans votre explication et comme le ministre de la Justice vient de le compléter, ça vient, donc, en quelque sorte, préciser les conséquences techniques d'un défaut à l'égard du premier paragraphe dont nous venons de parler. Il est, à mon sens, important, M. le Président, de se rappeler de la réponse que vient de nous donner le ministre de la Justice en réponse à la question posée par le député de Laurier-Dorion, à l'égard des recours qui peuvent exister pour le client vis-à-vis de son procureur qui aurait fait défaut de rencontrer les obligations nouvellement fixées et qui serait réputé, donc, avoir délaissé l'appel, laissé tomber l'appel, advenant son défaut de rencontrer les exigences des nouveaux délais très serrés que l'on présente.

Force nous est de constater, M. le Président, que le ministre de la Justice considère que la meilleure manière d'alléger les rôles des tribunaux, c'est de créer d'autres causes devant les tribunaux. Car, en réponse à la question posée par le député de Laurier-Dorion, la seule chose qu'il était en mesure de nous dire, c'est que le recours du client en serait un en dommages et intérêts parce que son avocat aurait manqué l'obligation. Nous voilà encore une fois, M. le Président, face à une situation qui démontre clairement à quel point ce projet de loi a été conçu en l'absence d'une consultation réelle, en l'absence d'études sérieuses pouvant mesurer les impacts d'une telle démarche. Pour ma part, M. le Président, j'exprime le vif regret de ne pas pouvoir interroger les représentants du Barreau sur d'autres possibilités qui auraient pu se présenter à cette commission et à l'Assemblée nationale afin d'atteindre le but louable recherché par, effectivement, d'autres moyens que ceux qui sont explicités ici.

Rappelons, M. le Président, que disant que «le greffier de la Cour d'appel constate le défaut et délivre un certificat attestant que l'appel est déserté avec dépens» veut dire que la personne n'a plus, justement, sa cause et, à moins de circonstances extraordinaires, comme le ministre le mentionnait tantôt, c'est le justiciable qui paie au change. C'est vrai qu'on vise à réduire les rôles, mais, encore une fois, à quel prix? Il est intéressant aussi de mentionner que l'appel est déserté avec dépens parce que qui paie les dépens, M. le Président? C'est le justiciable qui a engagé l'avocat qui a fait défaut. C'est sûr qu'il pourrait avoir un recours en dommages et intérêts, mais c'est un argument circulaire.

On est ici pour débattre d'un projet de loi qui vise à réduire les rôles, on prend une intervention, du moins le ministre espérerait qu'on ferait une intervention qui viserait l'adoption d'une disposition qui ferait en sorte que certains appels seraient réputés délestés dans un délai imparti, et voilà que la réponse pour le pauvre justiciable qui perdrait à cause de ce défaut, la réponse, c'est: Allez vous trouver encore un autre avocat, espérant qu'il sera meilleur que le premier, et recommencez le tout devant les tribunaux. Voici ce qu'on est en train de dire. C'est ça que l'honorable ministre de la Justice de la province de Québec est capable de dire aux justiciables de la province de Québec: Recommencez à la case «go»; ne collectez pas 200 $, payez 200 $ de dépenses, M. le Président. N'est-ce pas là un exemple clair d'un manque d'études préalables à la rédaction et à l'élaboration de ce projet de loi, un exemple de plus d'à quel point ce projet de loi manque de réflexion sérieuse dans son élaboration?

Cette notion des dépens, M. le Président, d'impartir les frais à une des parties devrait en même temps – et le deuxième paragraphe le mentionne – faire l'objet d'une attention sérieuse et étayée de la part du ministère de la Justice. Et j'invite le ministre à y songer, à l'égard, justement, du sujet de ce projet de loi et du paragraphe, plus particulièrement, qui est sous étude.

(12 h 20)

En effet, M. le Président, il existe, dans les provinces de «common law», une notion de payer les dépenses sur une base, on dit en anglais, de «solicitor client costs». Ce que cela signifie, M. le Président, c'est que, lorsqu'il y a une cause qui, de toute évidence, a été poussée par les avocats sans avoir un fondement juridique suffisant ou encore qu'il y a «protraction» dans les délais et utilisation indue des différentes modalités prévues au terme des règles de procédure, le tribunal peut ordonner que l'autre partie paie non seulement nos frais, mais aussi nos frais d'avocat. Ça vaudrait la peine, à mon sens, M. le Président, que le ministre de la Justice entreprenne des discussions sérieuses avec les représentants du Barreau sur cette notion des dépens, des frais devant les tribunaux pour voir s'il n'y a pas là, avec l'existence de cette possibilité, une manière créatrice, constructive d'arriver à la même fin que celle qui est discutée dans le deuxième alinéa de l'article 503.1, tel que proposé par l'article 5 du projet de loi 41.

À l'heure actuelle, M. le Président, dans la province de Québec, la seule possibilité qui existe, et elle n'est utilisée que très rarement, c'est de dire que l'avocat qui a procédé à des manoeuvres semblables serait tenu personnellement aux frais de la cause. On a eu un exemple de ça l'année dernière dans une affaire matrimoniale où un juge de la Cour supérieure a condamné une de nos consoeurs, à Montréal, en matière de divorce, personnellement aux frais, mais c'est très rare et c'est effectivement encore une fois très rare que les tribunaux en appel vont maintenir une telle sanction.

Donc, nous sommes face à une disposition qui vise une fin louable, qui dit que le greffier de la cour va délivrer un certificat attestant que l'appel est déserté, mais on laisse le contribuable dans l'incertitude quant à ses recours. La seule chose que le ministre de la Justice du Québec est capable de lui dire, c'est: Allez vous trouver un autre avocat. Nous sommes en train de dire à cette commission qu'étant donné notre rôle, qui est de viser à ce que les lois soient préparées adéquatement, cette commission aurait le droit d'entendre les autres intervenants, comme le Barreau.

Le ministre de la Justice nous indiquait, hier – il a dit ça en Chambre – qu'il y avait eu une certaine consultation, une certaine collaboration avec le Barreau. Je n'ai aucune raison d'en douter, M. le Président. Mais pourquoi, à ce moment-là, il nous rapporte ces ouï-dire? Pourquoi est-ce qu'il ne laisse pas les représentants du Barreau venir discuter ici avec les membres de cette commission de leur prise de position et de ces autres problèmes qu'on est en train de soulever, et des autres possibilités qui auraient pu s'offrir à ses légistes, au ministère de la Justice, si on leur avait laissé le temps de faire une étude sérieuse, de faire de la recherche sérieuse? Mais on ne leur a pas laissé le temps, M. le Président, parce que, comme on le voit depuis hier, il y a un entêtement, derrière ce projet de loi, à faire plaisir à certains intervenants.

Le ministre de la Justice se félicitait hier du fait qu'il avait été applaudi par certains intervenants. On a eu l'occasion de lui rappeler qu'on n'était pas là pour faire monter l'aiguille sur l'«applausomètre»; on est là pour faire des interventions qui visent le meilleur intérêt du public. Et la meilleure manière d'y arriver, c'est de pouvoir en discuter ouvertement ici, où nous n'avons aucun autre intérêt que celui de s'assurer que les lois que l'on adopte au Québec en matière d'administration de la justice soient les plus adaptées que possible et regardent toutes les implications de nos interventions.

Une loi, M. le Président, ne s'interprète pas dans un vide. J'ai eu l'occasion de rappeler, tantôt, un de ces grands principes d'interprétation législative, qui veut que, pour comprendre l'effet d'une disposition dans une loi, il faut lire la loi dans son contexte. Il faut, encore une fois, pour comprendre la nature et le sens d'un alinéa à l'intérieur d'un article comme le 503.1 qui est devant nous, lire cette disposition dans l'ensemble de la loi. Le législateur étant censé ne jamais parler pour ne rien dire, on peut comprendre que l'article vise la fin que le ministre de la Justice nous a explicitée. Mais, encore une fois, M. le Président, pourquoi s'entête-t-il à nous dire qu'il n'est pas possible pour nous, les membres de cette commission, qui devons faire rapport à l'Assemblée nationale des résultats de nos délibérations et de nos travaux, pourquoi est-ce qu'il nous dit qu'il va nous priver du même droit que lui dit qu'il a eu de discuter avec les représentants, les officiers du Barreau du Québec? Pourquoi lui serait apte à nous rapporter les résultats de ces consultations? Rappelons, M. le Président, qu'en Chambre, la semaine dernière, le ministre nous rapportait qu'il avait eu l'occasion d'en discuter avec les membres du Barreau et que c'était seulement à l'égard de l'article 12 que le Barreau n'avait pas tout à fait donné son aval complet sur son projet de loi.

Hier, M. le Président, on a appris qu'à l'égard d'un autre article que l'article 12 il y avait eu des réserves émises par le Barreau du Québec. Résultat: après discussion ici, on n'a pas tenu compte, de l'autre côté, des résultats de cette nouvelle consultation où le Barreau avait exprimé l'avis que le nouveau délai proposé était trop court. Nous en avons débattu, on a fait des contre-propositions et voilà qu'il n'y a rien qui a été retenu. Alors, le ministre a beau nous dire qu'il a consulté le Barreau, le ministre a beau nous rapporter ce qui est contenu dans un rapport public émis par certains membres de la magistrature, ce que le ministre n'est pas capable de nous dire, c'est ce qu'il en fait, de cette nouvelle consultation avec le Barreau. Moi, je peux vous dire, M. le Président, que mon expérience ici m'indique qu'on avait raison d'être très prudents lorsqu'on a lu ce projet de loi, on a raison de se poser des questions parce que ce projet de loi, la rédaction, le processus interne au ministère de la Justice manquent, à mon point de vue, sur la base de mon expérience, justement, dans ces questions-là, de la rigueur que l'on retrouve habituellement dans le bon travail fait par les proches collaborateurs d'un ministre de la Justice du Québec. Ça a été fait à la va-vite. Il y a plein de failles, là-dedans. Il y a plein d'implications sur lesquelles on n'est absolument pas capable de nous renseigner. On n'est pas capable, par exemple, M. le Président, de nous dire combien ça va coûter aux contribuables de hausser le seuil d'admissibilité à la Cour provinciale, combien d'autres juges on va être obligé de nommer pour rencontrer ces nouvelles obligations.

C'est pour ça, M. le Président, que nous insistons sur le fait qu'avant d'aller plus loin avec le deuxième paragraphe de l'article 503.1 du projet de loi 41 il serait nécessaire de pouvoir rencontrer les représentants du Barreau du Québec pour pouvoir les sonder sur les implications possibles de cette nouvelle façon de faire qui consiste à réputer qu'un appel est délesté sans même que l'autre partie soit obligée de le demander. Les implications possibles peuvent être analysées à l'intérieur du ministère sur la base d'une analyse serrée, objective, externe, étayée de ce qui se fait déjà dans le système judiciaire. On serait donc plus en mesure, M. le Président, de faire un rapport qui a de l'allure à l'Assemblée nationale et qui dirait: Voilà, on a regardé tous les côtés. Effectivement, il faut réduire les délais à la Cour d'appel, nous sommes tous d'accord là-dessus, et on vous propose de faire ça de telle manière. M. le Président, on pourrait dire à nos collègues à l'Assemblée qu'on a regardé, soupesé, mesuré les impacts sur les contribuables et sur les justiciables, impacts qui ne sont pas minimes, M. le Président.

Rappelons que le deuxième paragraphe de l'article 503.1 vient consacrer ce qui est mentionné au premier paragraphe, qui est le fait que le justiciable va perdre son droit d'appel par l'opération même de la loi, par le flux des délais qui sont prévus. Ceci étant le cas, M. le Président, on se doit, avant de dire oui à une telle proposition, de bien s'assurer que le contribuable, que le justiciable qui est dans une telle situation aurait d'autres recours que celui que lui indique le ministre de la Justice, qui est de retourner en cour, aller chercher un autre avocat, réembourber les rôles des tribunaux.

(12 h 30)

M. le Président, il n'est, à notre sens, pas sérieux de procéder avec une telle proposition sans avoir eu l'occasion d'entendre le Barreau, ici, devant cette commission. M. le Président, vu l'intérêt et l'expérience du Protecteur du citoyen, et dans ses fonctions actuelles et comme sous-ministre en titre de la Justice, pourquoi est-ce que le ministre de la Justice s'entête à nous dire: Non, on n'a pas besoin d'entendre le Protecteur du citoyen? Pour ma part, j'aurais bien voulu l'entendre aussi, M. le Président, pour les raisons que je viens de donner.

L'article 503.1, tel que proposé, vise une fin que nous visons tous, c'est-à-dire de rendre la justice plus accessible, plus transparente pour les contribuables. Mais, avant de dire qu'il y a des gens qui, à cause de l'incurie, de l'incompétence de leur avocat, vont perdre leurs droits, on a l'obligation, dans cette commission, on a l'obligation morale, avant de cautionner une telle démarche, de s'assurer qu'on a bien vérifié que c'est la seule manière de faire et que c'est la manière la plus efficace de faire. Il n'y a strictement rien, M. le Président, qui nous empêcherait de considérer, par la même occasion, des démarches, des façons de faire qui assureraient que l'avocat qui ferait quelque chose comme ça serait redevable à son client d'une manière plus immédiate.

On pourrait en discuter avec le Barreau, des possibilités, les entendre sur l'opportunité d'entrevoir la possibilité de faire une jonction, un lien entre un défaut de respecter les délais de 503.1 de la part de l'avocat et l'instance disciplinaire qui viendrait dire que l'avocat a pratiqué d'une manière qui est non conforme aux règles de l'art. Aussi, on pourrait discuter d'une autre manière de faire justice aux pauvres clients et de dire: Bon, ils pourraient être remboursés, par exemple, dans des cas que l'on déciderait, ils pourraient être remboursés, dis-je, par l'assurance-responsabilité qui est soutenue et payée par l'ensemble des membres du Barreau.

Ce sont des idées créatrices, M. le Président, ce sont des idées qui auraient été analysées si ce projet de loi avait fait l'objet d'une attention normale de la part des officiers du ministère de la Justice. Malheureusement, à la face même du projet de loi, il est évident que tel n'est pas le cas. Il est évident que ce projet de loi là n'a pas reçu toute l'attention nécessaire. Il est évident que ce projet de loi là vise à créer l'impression de mouvement sans tenir compte des impacts pourtant prévisibles d'une telle intervention intempestive, et hâtive, et mal réfléchie.

M. le Président, on a demandé à plusieurs reprises à l'honorable ministre de la Justice de nous expliquer sur quelles études objectives, externes il s'est fondé pour arriver aux conclusions qui l'ont amené à proposer le projet de loi qu'on a devant nous aujourd'hui. À chaque fois qu'on a posé la question, M. le Président, on a eu la même réponse: Les études n'existent pas. On a parlé du manque de respect pour une règle de justice fondamentale, qui est la règle d'audi alteram partem. Est-ce que le ministre de la Justice était en mesure de nous montrer les études qui ont été commandées pour éclaircir cette question? Pas du tout, M. le Président, l'étude n'existe pas. On a demandé au ministre de la Justice de nous déposer l'étude, il a été obligé d'admettre qu'il n'avait jamais demandé une telle étude.

Ça, c'est ce que j'ai appelé hier, M. le Président, du «guessage». Le projet de loi, c'est du «patchage». On aurait pu mieux faire sur le coin d'une table. Là, à ce moment-là, on aurait eu au moins l'humilité d'arriver devant cette commission et de dire: Vous savez, on veut donner l'impression de bouger, là, c'est un de nos thèmes. On vous propose quelque chose, mais ce n'est pas grave...

Le Président (M. Simard): Veuillez conclure, M. le député.

M. Mulcair: Oui. En conclusion, M. le Président, on aurait pu dire: Ce n'est pas grave, on va donner l'occasion, au moins, à la commission de faire son travail. Mais nous voilà face à un projet de loi où les gens du ministère n'ont pas pu faire leur travail, et, maintenant, on nie à cette commission les moyens de faire son travail. C'est regrettable, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je remercie le député de Chomedey. La parole est au ministre.

M. Bégin: M. le Président, j'ai écouté les commentaires que vient de faire le député de Chomedey. Je dois vous dire que je suis un peu étonné, compte tenu que la recommandation que l'on retrouve à l'article 503.1, deuxième alinéa, vient de la Cour d'appel et des juges de la Cour d'appel. Je comprends que, lorsqu'il utilise des qualificatifs comme «pas sérieux», «incorrect», «irréfléchi», il s'adresse aux commentaires qu'ont faits eux-mêmes les juges de la Cour d'appel.

D'autre part, je voudrais faire remarquer au député de Chomedey que, dans la marge, à la page gauche de son mémoire, à l'égard de l'article 5, vous trouverez une proposition que le gouvernement libéral a adoptée en 1993, qui est exactement semblable à celle dont il est question ici, à la seule différence que l'initiative devait être prise par l'appelant plutôt que l'effet direct de la loi. Et je vous le lis: Et d'obtenir du greffier de la Cour d'appel un certificat attestant que l'appel est déserté avec dépens. Au départ, on mentionnait: Lorsqu'une demande de prolongation de délai a été accordée par l'un des juges de la Cour d'appel, que le délai est expiré sans qu'un autre délai n'ait été accordé et que l'appelant n'a pas produit son mémoire dans le délai fixé par le juge, l'intimé peut faire constater le défaut et obtenir du greffier un certificat attestant que l'appel est déserté avec dépens. Dois-je comprendre que ces commentaires s'adressent aux gens qui ont présenté le projet de loi en 1993?

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Votre temps de parole est épuisé sur cet article.

M. Mulcair: Oui, j'ai une question pour la présidence, à ce moment-là, avant de...

Le Président (M. Simard): Je vous l'accorde.

M. Mulcair: Vu que le ministre de la Justice, M. le Président, vient de mettre en question mes propos et mon attitude vis-à-vis des juges, en tant que membre du Barreau et membre de cette commission, je vous demanderais peut-être, avec votre indulgence, s'il serait possible de répondre très brièvement à ce que vient de...

Le Président (M. Simard): Deux minutes, M. le député.

M. Mulcair: Merci. Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Il est très important à mon sens, M. le Président, de clarifier l'interprétation confuse que vient de faire le ministre de la Justice de mes propos. Je n'ai jamais mis en question l'intérêt des membres de la Cour d'appel ni d'aucun autre membre de la magistrature de vouloir clarifier les règles, mais son intervention prouve à quel point son projet de loi vise à répondre à une demande et n'émane pas d'une étude interne sérieuse visant à savoir si c'est ça la meilleure manière de procéder.

Nous sommes membres de cette commission et nous sommes là, nous, pour décider si c'est la meilleure manière de procéder. Je veux bien que les juges aient demandé ça. Je n'ai aucune raison de leur imputer quelque motif que ce soit, je sais qu'ils visent la même fin que nous autres: une meilleure administration de la justice. Mais, maintenant, c'est notre devoir, comme membres de cette commission, comme membres élus de l'Assemblée nationale, de bien analyser ce projet de loi là, de poser des questions sérieuses et de ne pas se faire imputer des motifs qui visent à dire qu'on est en train de mettre en doute la parole des juges, parce que, à ce moment-là, ça ne sert à rien de discuter de ces questions-là en commission, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député. Nous poursuivons. Est-ce que l'article 5 est adopté?

Une voix: Le deuxième alinéa?

Le Président (M. Simard): L'ensemble.

Une voix: Au complet? O.K.

M. Mulcair: Mes collègues ne sont pas intervenus encore sur le deuxième paragraphe.

M. Sirros: On n'a pas pu, M. le Président, donner notre point de vue...

Le Président (M. Simard): Vous avez parfaitement le droit, M. le député de Laurier-Dorion, d'épuiser votre temps de parole.

M. Sirros: Bien, un peu dans...

Le Président (M. Simard): Un instant, s'il vous plaît. Il vous reste...

M. Sirros: C'est 20 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Simard): C'est votre deuxième intervention.

M. Sirros: C'est 20 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Vous êtes intervenu sur le deuxième 20 minutes. Il reste donc...

M. Sirros: Non, non.

Le Président (M. Simard): Vous n'êtes pas intervenu?

M. Sirros: Non.

Le Président (M. Simard): Je m'en excuse. À vous la parole.

M. Sirros: Je pense qu'il me reste 20 minutes.

Des voix: Il vous reste 20 minutes.

M. Sirros: J'ose espérer que je ne prendrai pas 20 minutes, M. le Président, je dois laisser un peu de temps aussi à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce. J'expliquais tout à l'heure, M. le Président, que quelques-unes des explications du ministre m'avaient permis de mieux saisir le sens des 30 jours, etc. Puis, sur le deuxième alinéa, M. le Président, je reviens à ce que disait mon collègue de Chomedey, c'est-à-dire que, si c'est effectivement vrai que cet article, comme le reste de la loi, semble avoir été préparé sans véritable étude et sans qu'on ait pu profiter, si vous voulez, d'une expertise quelconque de la part du ministère, ça, c'est une chose, mais demander à ce que les membres de la commission l'adoptent avec la même approche, la même attitude, vu le refus du ministre d'entendre des gens aussi importants pour notre système démocratique et parlementaire que le Protecteur du citoyen, que le Barreau, qui pourraient nous éclairer sur ce deuxième alinéa, M. le Président, et quant aux effets que ça pourrait avoir vis-à-vis de l'accès à la justice, des impacts que ça peut avoir au niveau des justiciables, il me semble que ça doit tout au moins être regretté par les membres de la commission.

C'est dans ce sens-là que je trouve tout à fait remarquable le travail que fait mon collègue de Chomedey de pouvoir, aussi minutieusement, examiner tous les aspects de ce projet de loi et tous les articles, et de pouvoir nous prêter en quelque sorte son expertise qui est là pour combler la défaillance évidente au fait que le ministre ne veut pas nous permettre de faire appel à d'autres experts. Alors, moi, personnellement, je trouve que c'est remarquable et je remercie beaucoup mon collègue de Chomedey de pouvoir nous faire profiter de cette connaissance approfondie qu'il a de la législation, étant donné qu'il a pu, pendant des années au préalable, travailler même au sein du ministère de la Justice qui rédigeait justement des articles comme ceux-ci, comme ce deuxième alinéa de l'article 5 qui se lit, si j'ai le bon projet de loi, effectivement: «Lorsque l'appelant, dans les délais impartis, n'a pas signifié et produit son mémoire et qu'aucune demande de prolongation de délai n'est pendante ni, le cas échéant, de requête visée à l'article 505.1, le greffier de la Cour» peut donc décider que le tout, l'appel est déserté avec dépens, M. le Président.

(12 h 40)

Alors, j'aurais bien souhaité, moi aussi, étant donné que je ne suis pas dans le même genre de situation que mon collègue de Chomedey, avocat, et donc d'avoir pu avoir ce genre d'expérience approfondie de la rédaction des lois, j'aurais aimé quand même, en tant que membre de la commission des institutions et député à l'Assemblée nationale, qui est ici pour justement s'assurer que les lois qu'on adopte, comme ce deuxième alinéa de l'article 5, M. le Président, de cette loi, soient les plus correctes possible, que ça n'ait pas d'effet néfaste au niveau des justiciables et des citoyens ordinaires qui ne sont pas ferrés dans tous les détails légalistes – technicolégal, juridicolégal – que peuvent imaginer les divers spécialistes qui travaillent et oeuvrent au sein du ministère de la Justice, en particulier.

Vous savez, le but ultime n'est pas que les experts du ministère de la Justice puissent, entre eux, se dire que les choses vont bien, que tout est correct, mais le but ultime, on en convient, c'est que les citoyens puissent sentir que le système de justice que nous avons est vraiment un système de justice accessible, un système de justice qui est équitable, un système de justice qui donne aussi l'apparence que justice est faite également, M. le Président. Et trop souvent... C'est pour ça d'ailleurs qu'on disait que le but recherché est louable, de raccourcir les délais, parce que, trop souvent, quand les gens sont pris dans des délais trop longs, ils ont nettement l'impression que justice leur est niée, M. le Président.

Alors, étant donné qu'on vise le même but, je comprends, moi aussi, un peu mal l'acharnement du ministre à vouloir refuser de faire profiter les membres de la commission de l'expertise et de l'éclairage que pourraient nous apporter le Protecteur du citoyen, le Barreau, et, dans ce sens-là, nous devons donc nous retourner vers notre collègue de Chomedey pour pouvoir avoir, de sa part, ses éclairages, surtout ceux d'entre nous qui ne sont pas, comme je l'ai déjà dit, avocats.

Alors, M. le Président, vous conviendrez avec moi que, comme j'avais dit tantôt lors de la première intervention que j'ai faite, ce n'est pas tous les jours qu'on modifie notre Code de procédure civile, ce n'est pas tous les jours qu'on remanie le système de justice, et c'est pour ça qu'il faut absolument prendre le temps de le faire correctement. Moi pour un, quand j'ai vu M. Jacoby, avocat, c'est ce qui est dit ici, et Protecteur du citoyen de surcroît... Protecteur du citoyen, ce n'est pas n'importe quoi, vous savez. C'est là, comme le dit le titre, pour protéger le citoyen. Alors, quand le Protecteur du citoyen nous indique qu'il a des réserves sérieuses vis-à-vis – pas de l'objectif, parce que, pour l'objectif, on en convient, on est tous d'accord – des moyens qui sont pris pour voir à ce qu'on puisse modifier ce Code de procédure civile, quand le Protecteur du citoyen nous indique qu'il a des réserves sérieuses, quand, de surcroît, le ministre nous dit, suite aux questions très pertinentes et aux explications et aux analyses percutantes, je dirais même, de la part de mon collègue de Chomedey, quand le ministre nous dit qu'il n'y a pas eu d'études de faites, que, bon, on a choisi un peu d'agir selon les voeux des uns qui auraient suggéré telle ou telle chose au ministre, on veut bien, mais, de façon très pertinente, mon collègue disait que ça serait important que les membres de la commission puissent donc profiter de la même présentation de cette information aux membres de la commission, et non seulement de recevoir, de la part du ministre, des explications quant à ce qui est souhaité par des gens qui sont immédiatement concernés et impliqués par ce projet de loi.

Je ne ferai pas le parallèle, M. le Président, d'indiquer qu'encore une fois il s'agirait d'une tentative de l'exécutif de diriger un peu les travaux de la commission et, donc, du législatif, mais, en tout cas, il y a une certaine ressemblance. Parce que, si c'est bon pour le ministre qui a eu droit à ce genre de représentations, pourquoi ce ne serait pas bon pour les membres de la commission de recevoir les mêmes explications, les mêmes représentations qui pourraient faire en sorte que, nous, nos inquiétudes soient calmées, soient dissipées par les explications qui pourraient être données? Mais ça n'a pas été le cas, M. le Président.

Alors, en ce qui concerne ce deuxième alinéa de l'article 5 du projet de loi, nous avons donc les mêmes réserves que nous avons exprimées tout au long de nos interventions minutieuses, c'est-à-dire que nous ne sommes pas convaincus, pour l'instant, que les choses ont été faites, selon les dires de mon collège de Chomedey, avec toute l'attention aux détails qui aurait dû être portée à un projet de loi de cette nature. Et c'est dans ce sens-là que nous émettons de sérieuses réserves quant à la façon de procéder. Encore une fois, ce n'est jamais trop tard pour se raviser, et le ministre pourrait en tout temps, durant tout le long des travaux de cette commission, décider effectivement de se raviser et de permettre à des gens, qui ont des réserves qui ont été mises sur papier, de venir s'exprimer ou de le permettre même à ceux qui n'ont pas de réserves, qui croient que, effectivement, ça devrait être fait comme ça, il pourrait, à n'importe quel moment, se raviser, dis-je, et leur permettre de venir ici. Et je l'assure que ça pourrait beaucoup calmer nos inquiétudes et peut-être même faire dissiper toute cette anxiété que nous avons, si je peux utiliser le terme, vis-à-vis de la façon de procéder du ministre, M. le Président.

Alors, en dernière question: Est-ce qu'on a bien pris soin de s'assurer que les traductions sont concordantes? Il n'y a pas de problème de ce côté-là? Parce qu'on a déjà vu des lois, M. le Président, qui ont été déclarées non valides soit parce que, d'une part, la traduction n'avait pas été présentée en même temps que le projet de loi. Je sais bien que ce n'est pas le cas ici, on l'a eue. Je dois donc présumer que ça aussi a été regardé. Mais, en me réservant le droit de revenir, M. le Président, je passerais peut-être la parole à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce pour que je puisse avoir le temps de lire les deux versions de la loi et, s'il me reste encore du temps et si le ministre ne s'est pas ravisé, peut-être que je reviendrai, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard): Alors, la règle de l'alternance. Je vais donc laisser au ministre...

M. Bégin: Je voudrais rassurer immédiatement le député à l'effet que son collègue de Chomedey a dit qu'il y avait une traduction exemplaire du texte de loi. Alors, je me fie sur sa qualité de l'anglais pour l'apprécier.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Bien, j'espère que ça va s'avérer exact également pour les amendements qui seront apportés en cours de route en cette commission, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je vous interromps là-dessus. J'ai déjà eu l'occasion, hier soir, de faire valoir quelle était la façon de procéder. Des amendements, je vous le rappelle, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui n'étiez pas là, peuvent être présentés en anglais ou en français. Lorsqu'ils sont déposés en français, il est d'usage, dans cette commission comme dans toutes les autres commissions, d'en disposer.

M. Copeman: Excellent. Merci, M. le Président. M. le Président, je reviens un peu au même thème abordé par mon collègue, le député de Laurier-Dorion. On a quand même, je pense, tous, comme députés à l'Assemblée nationale, l'intérêt des citoyens à coeur, d'abord et avant tout. Ce qui m'a frappé depuis mon arrivée ici, à l'Assemblée nationale, M. le Président, c'est un certain sens des travaux qui sont entrepris à la hâte, et je ne pense pas, M. le Président, que c'est souhaitable, quand on touche des dispositions telles que l'accès des citoyens au processus judiciaire, qu'on travaille à la hâte; ce n'est pas pour ça que les Québécois nous ont élus, ils nous ont élus pour faire un travail sérieux et, là, en commission parlementaire, un travail détaillé et minutieux dans l'examen des projets de loi. Et je félicite mon collègue, le député de Chomedey, pour le magnifique travail qu'il fait ici en commission parlementaire pour s'assurer qu'on procède à une étude détaillée, article par article, d'un projet de loi pour avoir toujours le soin de l'intérêt des citoyens à coeur.

(12 h 50)

M. le Président, les propos du ministre de la Justice, de ma part, m'ont peu étonné. Lui, si ma mémoire est bonne, M. le ministre de la Justice a indiqué qu'il était étonné, de sa part, des paroles du député de Chomedey. Mon collègue n'a pas mis en cause la nécessité de procéder avec un tel amendement, mais il a amené certaines questions là-dessus. Et le ministre de la Justice, si ma mémoire est bonne, a répondu: Mais c'était – je ne sais pas si je reprends exactement ses paroles – soit à la demande ou à la suggestion des juges de la Cour d'appel qu'on procède de cette manière, avec ce type d'amendement.

M. le Président, par souci... Et je ne veux pas prêter d'intention aux juges, les honorables juges de la Cour d'appel, mais, par souci de transparence – et je pense que c'est important, M. le Président, M. le ministre de la Justice affirme que les juges des cours, quelques juges, ou un juge, ou plusieurs juges, ou la Cour d'appel le veut ainsi – par souci de transparence, ce dont son gouvernement est très préoccupé – si j'ai bien compris le discours inaugural de M. le premier ministre, le souci de transparence est très important, la solidarité, etc. – par souci de transparence, moi, j'espère que le ministre de la Justice peut nous déposer formellement, soit les commentaires, ou les suggestions, ou la demande des juges de la Cour d'appel, les raisons pour lesquelles ces amendements sont nécessaires.

Il a affirmé devant cette commission que c'est en partie à la demande des juges, et j'imagine qu'il l'a affirmé pour un peu calmer – pas calmer, le mot m'échappe – pour rassurer le député de Chomedey, que les amendements dans le deuxième alinéa étaient dans le bon sens. Mais, là, je lui demande, je demande au ministre de la Justice de déposer soit les commentaires, les suggestions, les décisions ou n'importe quoi qui touchent la Cour d'appel, que c'est à cause d'eux autres qu'on procède de cette façon-là. Parce que, si on ne le fait pas... Je n'ai aucune raison de douter des paroles du ministre de la Justice, loin de là, mais, quand même, il me semble que, dans une étude détaillée d'un projet de loi et par souci de transparence, moi, j'aimerais voir les opinions de la Cour d'appel, des juges de la Cour d'appel, qui indiquent que cet amendement émane, en partie, d'eux autres. Je ne sais pas si le ministre peut les déposer. Sur quoi il se fie, le ministre, quand il prétend que les juges de la Cour d'appel le veulent ainsi?

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. J'invite maintenant le ministre, s'il le désire, à répondre.

M. Bégin: M. le Président, je vais faire lecture d'un document qui est un extrait du procès-verbal de la huitième séance du comité administratif du Barreau du Québec, pour l'exercice 1994-1995, tenue jeudi, le 1er septembre, par voie de conférence téléphonique et qui s'est poursuivie le 22 septembre 1994 à la Maison du Barreau:

Recommandation 6, paragraphe b: «Le principe du rejet administratif des pouvoirs qui ne respectent pas les délais prescrits est accepté. Le délai actuel de 120 jours de l'inscription accordé à l'appelant pour produire son mémoire est maintenu et celui de 60 jours accordé à l'appelant est augmenté à 90 jours avec possibilité, toutefois, pour les parties qui s'entendent, de s'adresser à un juge pour obtenir un échéancier différent. La règle actuelle voulant qu'une partie puisse, avant l'expiration du délai qui lui est imparti, en demander la prolongation serait elle aussi maintenue. Les autres volets de cette recommandation sont acceptés.»

Il s'agit d'une résolution du Barreau du Québec relativement au texte qui est à l'étude ici. Alors, nous avons donc maintenant devant nous la Cour d'appel qui nous le recommande, le Barreau qui l'accepte. Je crois qu'il y a eu des recommandations suffisantes pour qu'on ait un texte acceptable et par le gouvernement et par l'opposition.

M. Copeman: M. le Président, si vous me permettez, cette résolution est une résolution du Barreau...

M. Bégin: Du Québec.

M. Copeman: ...du Québec, qui ne fait pas référence aux juges de la Cour d'appel, il me semble. Là, M. le ministre a affirmé que c'est les juges de la Cour du Québec, Cour d'appel qui affirment dans un tel sens. Alors, moi, je lui ai demandé de déposer la demande, la suggestion des juges de la Cour d'appel, et non pas du Barreau du Québec.

Le Président (M. Simard): Je comprends que vous ne demandez pas les propos du Barreau du Québec. M. le ministre.

M. Bégin: Le rapport de la Cour d'appel du Québec est un document public, de mars 1994. Il est ici. Si vous voulez en prendre connaissance, il n'y a aucun problème. La recommandation du Barreau est en relation avec ce rapport. Article 155, Comité tripartite sur la Cour d'appel, rapport: «La Cour d'appel du Québec et le problème des délais». Alors, c'est en relation directe avec ce qui était mentionné, M. le Président. Et je pense que nous avons, depuis le début, des gens qui soulignent qu'il n'y a pas eu consultation. Et je le répète, et je le redis depuis le début qu'il y a la Cour d'appel qui a fait un rapport, qui est là; j'ai dit, depuis le début, que le Barreau avait été consulté et qu'il avait donné son aval à ces propositions. Je viens de lire la résolution spécifique du Barreau. Je pense que, si on n'est pas satisfaits des juges de la Cour d'appel, du Barreau du Québec, je m'excuse, je n'ai pas beaucoup d'autres sources pour dire que ça devrait être correct de le présenter. Et, en ce qui me concerne, je considère être très, très bien recommandé, appuyé, étayé, soutenu, quel que soit le mot qu'on veuille choisir.

M. Copeman: M. le Président, peut-être que le ministre de la Justice peut faire circuler ce rapport.

M. Bégin: Ce sont des documents publics, il n'y a pas aucun problème.

Le Président (M. Simard): Alors, est-ce que vous faites la demande que ce document soit déposé devant la commission?

M. Copeman: Oui, je pense que ça serait utile, M. le Président, que ce soit déposé.


Document déposé

Le Président (M. Simard): Alors, puisque le ministre ne le juge pas contraire à l'intérêt public, j'autorise donc le dépôt du document devant la commission.

M. Copeman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je donne maintenant la parole au député de Laurier-Dorion pour poursuivre son intervention, il lui reste 10 minutes. M. le député.

M. Sirros: Je vous assure que je ne prendrai pas 10 minutes, M. le Président. M. le Président, il n'y a personne qui met en doute le fait que le ministre aurait pu être, selon lui, bien conseillé, bien informé, a eu amplement l'occasion de consulter. C'est justement ce qu'on a dit de ce côté-ci, qu'on aimerait avoir le même loisir, M. le Président, pour qu'on puisse faire notre travail de parlementaire de façon responsable et efficace et que ça ne soit pas juste une commission qui sert à entériner les dires du ministre qui, comme on le sait, vient de l'autre côté de la Chambre, de la majorité. Notre rôle, comme opposition, M. le Président, c'est de s'assurer que ce n'est pas simplement de façon béate que la commission adoptera les dires de chaque ministre qui paradera devant nous, mais de bien s'assurer que, nous, en tant que parlementaires, on a reçu l'information suffisante pour qu'on puisse le faire.

Les consultations auxquelles réfère le ministre sont des consultations qui ont été faites entre le ministère ou le ministre et les différents corps. J'ai une... pas une inquiétude encore, mais, tout au moins, une question qui me vient à l'esprit. Étant donné que le ministre est non seulement ministre de la Justice, mais également ministre de l'application des lois professionnelles, j'ose espérer que, si jamais on a besoin de modifier des choses dans le Code des professions ou l'application de la loi sur les professions, le ministre n'agira pas de cette façon-ci, en se référant tout simplement aux corps les plus concernés immédiatement pour amener des modifications qui seraient selon les voeux des différents corps professionnels. Ce serait un peu trop axer les choses sur les intérêts des différents ordres, M. le Président. Évidemment, comme représentant des citoyens, il va falloir, à ce moment-là, si jamais c'est le cas, et j'ose espérer, comme je l'ai dit, que ce ne serait pas le cas, insister beaucoup plus ardemment sur la nécessité de consulter au-delà du simple cercle des initiés.

Alors, M. le Président, on disait tantôt, et le ministre nous a donné raison, que, nous, on n'avait pas été saisis de façon transparente, ouverte de la possibilité d'interroger les gens qui avaient des commentaires à faire sur le projet de loi. Que le ministre l'ait été, on en convient, c'est son rôle, en tant que ministre, de s'assurer, tout au moins, que les personnes les plus concernées reçoivent l'opportunité d'émettre des commentaires sur des projets de loi que le ministre pourrait proposer. Mais c'est également de notre devoir, à ce moment-ci, de voir à demander au ministre de nous accorder la même possibilité, étant donné que la majorité de l'autre côté contrôle le résultat, si vous voulez, de ces demandes.

Ça revient à interpeller un peu les collègues qui sont membres de la commission des institutions pour que peut-être ils puissent souffler dans l'oreille du ministre le désir qu'ils auraient, eux aussi, en tant que parlementaires, d'avoir la possibilité de recevoir des commentaires, de recevoir des expertises, des points de vue qui leur permettraient également, non pas simplement de prendre la parole du ministre et de se lever pour voter strictement sur les orientations ou les ordres du ministre, mais d'exercer véritablement une volonté libre, en tant que parlementaires, formée après avoir eu la possibilité d'écouter les différents intervenants, et plus particulièrement par rapport à l'article 5 et son deuxième alinéa, M. le Président, parce que c'est justement de ça qu'il s'agit.

(13 heures)

Je trouve et j'ai toujours trouvé, d'ailleurs, un peu inquiétant cette façon de faire des différents gouvernements, peu importe de quel parti ils sont issus, de tout simplement prendre pour acquis que les fonctionnaires font bien leur travail – ce qui est généralement le cas en ce qui concerne les responsabilités qu'ils ont – et encore plus inquiétant que les différents ministres qui se succèdent aux différents ministères assument ou présument, dis-je plutôt, que les informations qui leur sont fournies sont complètes et, trop souvent, prennent tout simplement ce qui leur est fourni et exécutent les désirs d'une machine administrative qui est extrêmement efficace.

Oui, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier, je dois vous interrompre et suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

M. Sirros: Oh!

M. Copeman: C'est fini déjà? On va reprendre, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Nous aurons le plaisir de vous réentendre cet après-midi, sans doute.

M. Sirros: Merci, M. le Président.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Simard): À l'ordre! Nous poursuivons l'étude de l'article 5 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. À l'ordre!

Au moment de nous quitter, il restait, sur le troisième paragraphe de l'article 5, au député de Laurier-Dorion cinq minutes. Il n'est pas ici.

M. Mulcair: Mais il reviendra, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Il restait à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce un certain temps également.

M. Gautrin: Il arrive, il arrive, il arrive.

Le Président (M. Simard): Le voilà. Alors, il faut bien comprendre qu'il y a un certain nombre de nouveaux venus...

M. Gautrin: Il y a des lanceurs de relève.

Le Président (M. Simard): ...des lanceurs de relève qui arrivent, qui ont, évidemment tout le monde l'aura compris à droite de cette commission, tous leur droit de parole sur ce troisième paragraphe de l'article. Mon cher Fournier, bonjour. Alors, nous allons donc procéder.

Au moment de nous quitter, c'était le député de Laurier-Dorion qui faisait des remarques. Est-ce que le ministre veut répliquer ou faire des commentaires sur ces remarques qui l'ont sûrement impressionné? Alors, j'entendrai maintenant, je donnerai la parole à un représentant de l'opposition, et seul le député de Chomedey a épuisé son temps, les autres peuvent encore...

M. Mulcair: Sur ce paragraphe, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Sur ce paragraphe, je veux tout de suite vous rassurer.

M. Bégin: Il reste la dernière ligne.

Le Président (M. Simard): Alors, qui veut prendre la parole? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Juste pour terminer peut-être l'intervention avant notre ajournement. Je remercie le ministre pour le dépôt du document de la Cour d'appel, mais je lui demanderais également de déposer les fruits de la réflexion du Comité tripartite, Justice, Barreau et magistrature, ça nous aiderait peut-être un peu dans nos travaux, M. le Président. J'aurais dû le faire au même moment où j'ai demandé le dépôt du document de la Cour d'appel, mais je profite de ce moment et je fais appel à la collaboration du ministre pour déposer le document sur la magistrature et celui du ministère de la Justice également. M. le Président, merci.

Le Président (M. Simard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je passe la parole au ministre. Est-ce qu'il peut déposer...

M. Bégin: J'avais déjà annoncé que je déposerais ce document comme étant un document public et je croyais que c'était fait.

Le Président (M. Simard): Non, nous ne parlons pas du même document. Il s'agit... Voulez-vous répéter...

M. Bégin: De la résolution du Barreau?

Le Président (M. Simard): ...M. le député de Notre-Dame-de-Grâce?

M. Copeman: Oui.

M. Bégin: Oui, c'est ce que j'ai dit. J'avais mentionné ce matin que ce document étant public, comme celui de la Cour d'appel du Québec, je le déposerais.


Document déposé

Le Président (M. Simard): Donc, j'autorise le dépôt de ce document.

M. Copeman: Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Pouvons-nous en avoir copie? Alors, maintenant que le député de Notre-Dame-de-Grâce a fait sa demande et obtenu satisfaction, du côté de l'opposition, quel est le prochain intervenant? M. Sirros, je vous rappelle que vous aviez encore quelques minutes.

Une voix: M. Sirros, est-ce que c'est le député de Laurier-Dorion?

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: On ne vous en tient pas rigueur, M. le Président.

M. le Président, je pense que les quelques minutes qui me restaient... J'ai profité amplement du temps que j'avais avant pour vous donner l'essentiel de tous les arguments...

Le Président (M. Simard): Je vous remercie...

M. Sirros: ...mais pas nécessairement tous les arguments, M. le Président.

Le Président (M. Simard): J'en suis certain.

M. Sirros: Par contre, je vous en réserverai quelques-uns pour après. Alors, je passerai ma parole à peut-être d'autres de mes collègues qui, je vois, sont ici avec le même souci d'aborder ça minutieusement. Je vois, entre autres, le député de Verdun qui est un spécialiste de ces matières.

M. Gautrin: Oui, oui, oui.

Le Président (M. Simard): Nous sommes tous suspendus aux lèvres du député de Verdun qui va maintenant nous éclairer sur ce troisième paragraphe. À vous la parole.

M. Gautrin: Bon. Je vous remercie, M. le Président. J'essaie de comprendre. J'ai un peu de difficultés. Voici. L'objectif que vous avez, M. le ministre, c'est de réduire les délais – c'est bien ça? – et de permettre, lorsque les gens, inutilement, prolongent en appel, en ne déposant pas leur mémoire... vous voulez à ce moment-là forcer les gens à pouvoir se prononcer assez rapidement. C'est bien ça, sur l'article 5?

M. Bégin: J'écoute.

M. Gautrin: Non, mais je vous ai posé une question.

M. Bégin: Oui, l'article 5, oui, il est là. Les commentaires...

M. Gautrin: C'est ça, votre objectif.

M. Bégin: C'est ça.

M. Gautrin: Bon. Alors, moi, j'ai une première question, si vous me le permettez. Les requêtes de prolongation de délai, est-ce qu'on peut n'en faire qu'une ou on pourra en faire plusieurs?

M. Bégin: Une seule.

M. Gautrin: Une seule. C'est marqué où, ça?

M. Bégin: Nulle part.

Le Président (M. Simard): Je prierais les intervenants de s'adresser à la présidence.

M. Gautrin: Alors, M. le Président, est-ce que je pourrais savoir de la part du ministre... Il prétend qu'on ne peut faire qu'une seule requête de prolongation de délai. Pourquoi ce n'est pas marqué dans l'article du projet de loi?

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Bégin: Lorsqu'une demande est faite à la Cour, la Cour autorisera ou n'autorisera pas ce délai. Inversement, s'il n'y a pas eu d'appel, de demande de faite, le temps jouera son rôle et, de manière péremptoire, à l'expiration du délai, il n'y aura plus de possibilité de le demander. Alors, c'est ou bien on a demandé une requête et on a obtenu son délai, et là on a déterminé...

M. Gautrin: Oui, mais à... Excusez-moi.

M. Bégin: ...on a déterminé qu'il y aurait un délai prévu par la Cour, ou bien il n'y aura pas eu de demande et, auquel cas, par le fait de l'expiration du temps, l'article jouera son rôle.

M. Gautrin: Oui, c'est ce que je comprends, mais ma question, c'est au niveau... Lorsque vous vous adressez à la Cour, est-ce qu'on peut... Imaginons que la Cour vous donne un premier délai de 30 jours. Est-ce que vous pouvez faire une deuxième demande de délai?

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Bégin: L'article ne prévoit pas de telle possibilité. Il prévoit cependant que la partie qui ne prévoit pas être en mesure de faire, dans le délai prescrit, le dépôt de son mémoire doit demander soit un délai de 30 jours ou, dans les cas de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause, demander un délai plus long, et c'est la Cour qui décidera...

M. Gautrin: Donc, on peut revenir?

M. Bégin: ...c'est la Cour qui décidera du délai qu'elle accorde, et je dois comprendre qu'à ce moment-là la personne devra déposer, dans le délai prévu par la Cour, son mémoire, et, à l'expiration de ce délai, l'article jouera à nouveau son rôle.

M. Gautrin: Mais si...

(15 h 10)

Le Président (M. Simard): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Si je comprends bien, par contre, donc vous laissez le pouvoir à la Cour complètement. Si la Cour accorde initialement un délai, c'est-à-dire accorde une prolongation, si, pendant cette période de prolongation, l'appelant, pour toutes sortes de raisons exceptionnelles dans lesquelles je ne voudrais pas rentrer ici, n'a pas le temps de déposer son mémoire, à ce moment-là, il sera possible de retourner une deuxième fois devant la Cour pour demander une extension de délai ou pas?

M. Bégin: L'article ne prévoit pas une telle hypothèse.

M. Gautrin: L'article ne le prévoit pas, mais ne l'empêche pas.

M. Bégin: Non, ne le prévoit pas. Donc, comme c'est une autorisation, je crois comprendre que le tribunal n'aurait pas l'habilité pour accorder une seconde requête.

M. Gautrin: Bon. Mais, alors, je vous pose la question. À l'heure actuelle, peut-être – je ne sais pas si vous voulez en débattre ou pas – il peut quand même se poser des questions ou des cas où, soit parce que, dans le mémoire que vous avez déposé dans le délai de 30 jours, vous avez besoin d'informations supplémentaires ou de compléments d'information et que vous n'avez pas eu ces compléments d'information pendant ce délai-là, vous pouvez... On n'a plus la possibilité, à ce moment-là, de s'adresser une fois de plus à la Cour?

M. Bégin: L'article ne prévoit pas d'autre hypothèse que celles qui sont mentionnées dans le texte.

M. Gautrin: Bon. O.K. Alors, moi, je trouve ça un peu restrictif, si vous me permettez, parce qu'il peut se situer une situation où, à ce moment-là, les gens se trouvent dans des situations exceptionnelles. La raison pourquoi vous ne laissez pas votre choix, en termes de logique, d'ailleurs, c'est de dire: On va laisser à la Cour de choisir. C'est ça? Et, là, vous dites: La Cour ne pourra se prononcer qu'une seule fois. C'est ça?

M. Bégin: Le texte prévoit l'hypothèse qu'une personne qui ne peut pas, dans le délai de 120 jours prévus, déposer son mémoire doit demander à la Cour de lui accorder un délai.

M. Gautrin: De 30 jours.

M. Bégin: Deux hypothèses sont possibles. Cas régulier, 30 jours additionnels; au bout du 30 jours, quels que soient les motifs qui ont pu exister, le temps joue son rôle et l'article s'applique. D'autre part, vous avez une circonstance exceptionnelle et vous demandez un délai beaucoup plus long que 30 jours parce que vous avez un cas exceptionnel et, à l'expiration du délai que vous a donné la Cour, dans l'état du texte de loi qui est là, la Cour ne peut pas accorder un second délai. L'effet du temps joue son rôle, le temps joue son rôle.

M. Gautrin: Mais je comprends ce que vous proposez là. La question que je ne comprends pas, c'est: Pourquoi vous ne permettez pas – parce que la possibilité, à l'intérieur de ce délai de 30 jours, le cas exceptionnel pouvant, le cas échéant, arriver à l'intérieur de ce délai de 30 jours – la possibilité à la Cour de réévaluer l'apparition d'un délai exceptionnel dans cette période de 30 jours? C'est la situation que je vous pose.

M. Bégin: Parce qu'on prévoit que, normalement, ce n'est pas dans les derniers 30 jours que l'on fait son mémoire, mais beaucoup avant, et que, si on n'a pas pu, pour des raisons particulières, le faire, s'il arrive une raison, on demande soit le délai de 30 jours ou un délai beaucoup plus long parce qu'on est dans des circonstances spéciales et inhérentes à la cause. On le demande. Là, vous êtes en train de me dire: S'il arrivait deux circonstances exceptionnelles, est-ce qu'on devrait le prévoir? et je vous réponds: Est-ce qu'on ne devrait pas le prévoir s'il y en a une troisième?

M. Gautrin: Non, non. Si vous me permettez, ce que j'ai en tête, c'est la possibilité, pour préparer un mémoire, la nécessité d'avoir, par exemple, des rapports d'experts ou des rapports qui ne sont pas disponibles, qui, normalement, devraient être disponibles dans un délai de 120 jours. Ça s'adonne qu'ils ne sont pas disponibles dans le délai de 120 jours; vous demandez une extension de délai de 30 jours supplémentaires et vous n'avez toujours pas votre rapport d'experts dans les 30 jours qui arrivent. Ça pourrait arriver, un cas comme ça, M. le ministre. Et je me demande: Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de laisser à la Cour la possibilité d'apprécier les situations comme celle-là? Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité, à la Cour, d'apprécier une situation comme celle-là?

Le Président (M. Sirros): M. le ministre.

M. Bégin: Deux petites secondes.

Le Président (M. Sirros): On attend un peu.

M. Gautrin: Je vous laisse... Excusez-moi.

(Consultation)

M. Bégin: M. le Président...

Le Président (M. Sirros): Oui, M. le ministre.

M. Bégin: ...au-delà de l'article qui est là, toute la gymnastique prévue au Code de procédure civile continue de s'appliquer, en ce sens que, par exemple, dans les pouvoirs donnés à la Cour, lorsque aucune circonstance n'est prévue, il y a un pouvoir supplétif qui existe à l'article 20 et à l'article 46. Il y a également l'article 9 qui s'applique, qui dit qu'«un juge peut, aux conditions qu'il estime justes, proroger tout délai qui n'est pas dit de rigueur, ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter». Alors, on a, de façon générale, comme on a à l'article...

M. Gautrin: O.K.

M. Bégin: ...comme on a à l'article 523, à la Cour d'appel, la possibilité, au deuxième alinéa, à l'article 523: Elle a tous les pouvoirs – la Cour, évidemment – nécessaires à l'exercice de ses compétences, et peut rendre toutes ordonnances propres à sauvegarder les droits des parties. Je souligne que ces dispositions...

M. Gautrin: Donc, ceci n'abroge pas ces articles-là.

M. Bégin: ...ces articles-là sont toujours existants, et ils sont présents, ils sont généraux, ils existent dans toute circonstance, et bien sûr qu'il n'est pas de l'intention de ce projet de loi de les abroger. Alors, je soupçonne que mon collègue connaît ces dispositions.

M. Gautrin: Alors, à ce moment-là, ceci répond à mes interrogations...

M. Bégin: Tout à fait.

M. Gautrin: ...c'est-à-dire que, si jamais une situation absolument extraordinaire se passait, n'importe quel appelant pourrait en référer, à ce moment-là, au tribunal pour demander, dans le cadre général de l'article 20, une possibilité d'une extension de délai.

M. Bégin: Plus particulièrement à l'article 9 et à l'article 523.

M. Gautrin: Bon. C'est parce que je n'ai pas avec moi le Code que vous avez avec vous. Donc, M. le Président, ça répond temporairement à mes questions. Peut-être d'autres collègues auraient des questions à poser sur l'article 5.

Le Président (M. Sirros): Très bien, M. le député.

M. Gautrin: J'en aurais... Mais je n'ai pas épuisé mon temps, je pourrais revenir.

Le Président (M. Sirros): Non, non, je pense qu'il vous reste encore du temps, M. le député.

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Sirros): Je ne sais pas s'il y a un prochain intervenant. Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président...

Le Président (M. Sirros): À moins qu'il y ait quelqu'un du côté ministériel qui... Non. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: ...je me méfie lorsque notre président est de l'autre côté; il cherche souvent des contradictions dans nos propos.

Il me fait plaisir d'être encore à la commission cet après-midi pour débattre de ce projet de loi important. Il n'y a, comme on disait hier, peut-être pas de nombreux, nombreux articles, mais il y a des dispositions excessivement importantes qui, comme je le rappelais hier, ont un impact sur la perception que peuvent avoir nos justiciables, nos concitoyens sur la justice, la façon dont elle est rendue, sur l'accessibilité à la justice, sur ce cadre qui fait partie du cadre démocratique dans lequel on vit. Alors, je pense que c'est important d'y apporter une attention toute particulière.

Sur les dispositions qui sont à l'étude présentement devant la commission, j'écoutais et j'ai eu la chance d'écouter mon confrère de Verdun poser des questions des plus pertinentes, me semble-t-il, et, par exemple, à une de ses questions on ne m'a pas semblé apporter une réponse limpide. Ce n'est pas toujours facile d'apporter des réponses limpides lorsqu'on apporte une modification législative, parce que c'est à l'usage de la jurisprudence, c'est à ce moment-là qu'on peut déceler comment la pratique transposera dans le quotidien ce qui est l'intention du législateur.

À cette demande de mon collègue de Verdun, le ministre de la Justice nous a dit que les dispositions du nouvel article ne prévoyaient pas plus qu'une seule demande, et mon collègue de Verdun est revenu à la charge en disant: Mais il ne le prohibe pas non plus. Je me suis mis à faire une lecture attentive de la nouvelle disposition et je n'ai pas vu dans le texte, et je permettrai certainement à quiconque de mes collègues de m'interrompre s'ils ont vu dans le texte lui-même des mots qui prohiberaient que l'on répète une demande ou qu'on en produise plus qu'une. À la limite, je crois comprendre que, lorsqu'on fait une telle demande, il y a un délai maximum qui peut être ajouté, lequel est de 30 jours.

(15 h 20)

Mais il y a aussi des exceptions. Par exemple, et je cite – je ne veux pas citer l'ensemble de l'article, je vais aller droit au but – la dernière phrase du premier paragraphe nous dit: «Cette demande peut être accordée, sur requête, par l'un des juges de la Cour d'appel pour une période qui – et je pense que c'est là les mots qui sont importants – à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause, n'excède pas 30 jours.» Donc, on peut imaginer, et je ne suis pas en train d'entrevoir les cas où il y aurait répétition de plusieurs demandes à des fins dilatoires, je suis en train de référer à des possibilités où une première requête serait faite, basée sur des circonstances qui ne sont pas exceptionnelles ou qui ne sont pas inhérentes à la nature. Remarquez bien qu'il peut y avoir des cas où les circonstances sont exceptionnelles mais ne sont pas inhérentes à la nature de la cause, et j'y reviendrai. Il est possible d'avoir des circonstances qui sont inhérentes à la nature de la cause mais qui ne sont pas exceptionnelles.

Mais imaginons une première demande, donc, qui serait basée sur des circonstances, disons, qui sont inhérentes à la nature de la cause mais qui ne sont pas exceptionnelles. Cette requête, donc, ne chercherait pas à obtenir un délai plus grand que le délai de 30 jours, puisque le procureur, l'avocat au dossier, bien avisé de cette nouvelle disposition, saurait qu'il ne peut avoir plus qu'un maximum de 30 jours et que, conséquemment, il présente sa requête.

Deux cas dans cette démarche peuvent être imaginés. D'abord, avant même qu'il soit statué sur cette requête, il peut se présenter le caractère exceptionnel des circonstances inhérentes à la nature de la cause, donc, qui peut amener, avant même qu'il y ait décision sur la requête, une nouvelle demande, un nouveau dépôt pour, à ce moment-là, puisque les circonstances sont exceptionnelles, demander un délai plus grand que celui de 30 jours. Il est possible aussi, d'autre part, qu'il y ait déjà eu une décision sur une première requête qui n'avait pas le caractère d'être exceptionnelle, quoique étant inhérente à la nature de la cause, et donc décision là-dessus, et, tout à coup, apparaît dans le dossier ce caractère exceptionnel qui motiverait le procureur à présenter une seconde demande. Est-il possible – c'est une question que je soulève parmi tant d'autres qui ont été présentées devant cette commission – à la partie adverse de tenter de repousser cette deuxième requête parce que l'article préciserait qu'il est impossible d'en présenter une seconde?

Ma compréhension à moi, c'est que, dans sa tentative de repousser cette deuxième demande, la partie adverse ne pourra, en aucun temps, s'inspirer du texte que l'on prévoit à 503.1, puisqu'on n'y retrouve pas, à l'intérieur de ce texte, la prohibition dont faisait mention le ministre. Cependant, il est possible, et, ma foi, c'est ce qui me motive à vous entretenir sur ce sujet, M. le Président, il est possible que la partie adverse, pour repousser cette deuxième tentative et bien que n'ayant pas de texte le justifiant dans l'article, de motifs pour argumenter qu'il faut rejeter cette deuxième tentative, il est possible que la partie adverse, confrontée à cet état de situation, à cette situation, à cet état de fait, cherche ailleurs une référence, un fondement sur lequel appuyer sa prétention.

Il est possible que, dans ses recherches, elle aille constater les débats de l'Assemblée ou des commissions découlant de l'Assemblée, M. le Président. Qu'est-ce qu'elle va y découvrir à la lecture fort intéressante de l'ensemble des propos qui ont été tenus à cette commission, à l'occasion de cette commission sur l'étude de ce projet de loi? Et je le dis de façon non partisane, autant par les propos qui ont été tenus par nos collègues d'en face que par les propos que j'ai eu l'occasion d'entendre de la part de mes collègues de ce côté-ci, elle va trouver des choses excessivement intéressantes. Mais, sur le point que je soulève particulièrement, elle va trouver une position identifiée, prise par le ministre de la Justice, qui dit: Non, il y a une seule demande possible. Et je pense qu'il faut être prudent avec cette déclaration du ministre de la Justice.

Pour moi, à ce moment-ci, et sous réserve qu'on me donne avec plus de détails les raisons qui ont poussé le ministre de la Justice à faire cette déclaration, je pense qu'il est dangereux de se retrouver, donc, devant une représentation repoussant une seconde demande pour le motif que le ministre de la Justice, responsable de ce projet de loi, lors de l'étude devant la commission des institutions, ait déclaré à mon collègue de Verdun: Il n'y a qu'une seule demande. Et possiblement qu'il serait utile, plus tard, à l'occasion de la poursuite de nos travaux, que le ministre de la Justice puisse nous éclairer sur les motifs profonds qui l'ont amené à faire cette déclaration.

Je vous le rappelle, M. le Président, à la lecture du texte, non seulement n'y a-t-il pas de prohibition claire, nette et précise à l'effet qu'il est impossible de présenter plus d'une requête, mais il y a même dans ces dispositions des possibilités, je dirais, d'asymétrie dans la mesure où il peut se présenter, en cours d'évolution du dossier, des circonstances. Tantôt, je référais à des circonstances qui sont inhérentes à la nature de la cause mais qui ne sont pas exceptionnelles, qui le deviennent. Je pourrais reprendre la même argumentation à l'égard de circonstances qui sont exceptionnelles mais ne sont pas inhérentes à la nature de la cause, mais le deviennent. Il y a donc une multitude de cas. Et je prends simplement celles qui sont reliées au texte même, M. le Président, de la disposition, je ne vais pas chercher dans l'ensemble des hypothèses que la pratique, évidemment, amène tous les jours sur le bureau des avocats, et je me dis: Il est certainement possible qu'une partie, un justiciable se retrouve dans cette situation.

(15 h 30)

Et pour reprendre les propos que je tenais hier, parce que ce sont des propos qui s'appliquent à l'ensemble du projet de loi qui, comme on le sait, est basé sur des motivations, à la base, pour l'ensemble du projet de loi, importantes et fondées. Tous reconnaissent qu'il y a un ménage, pour reprendre les propos auxquels je référais le ministre hier, à faire. Il faut s'assurer qu'on aménage les dispositions et les outils que le juriste utilise de manière à ce que les délais soient raccourcis. Je pense que c'est quelque chose qui est bien fondé. Mais, et toujours dans cette logique, ce que mon collègue de Chomedey, d'ailleurs, a très bien décrit hier et probablement ce matin, c'est qu'en toute occasion il faut s'assurer que le ménage qui est apporté pour servir cette fin qui est bien fondée, qui vise l'accessibilité à la justice, la diminution des délais d'attente, ne provoque pas d'effets non prévus, d'effets contraires et qu'il n'ait pour conséquence d'entraîner, chez le justiciable, une perception à l'effet qu'on lui retire des recours.

Donc, une interrogation de ma part sur l'argumentation soulevée par mon collègue de Verdun, qui semblait bien fondée et, s'il est possible tantôt, s'il le désire, pour le ministre de la Justice de revenir sur cette question d'une seule demande, c'est ce qu'il nous a déclaré, qu'une seule requête pouvait être présentée pour qu'il nous explique... Il est possible, puisque les articles se lisent les uns avec les autres, qu'il y ait d'autres dispositions qui nous aient échappé, qui prévoient la prohibition à laquelle il s'est référé. Donc, ça pourrait être utile pour nos débats et aussi pour les gens, les avocats, les justiciables qui auront à utiliser les nouvelles dispositions, pour qu'ils puissent le comprendre le plus rapidement possible. Parce que ce qu'on essaie de faire aussi, c'est de clarifier le droit, pour que ce soit plus facile d'approche pour tout le monde. Alors, là, on aura une image juste avec un portrait très clair et très précis.

Il y a une autre dimension que je voudrais amener dans le débat, actuellement. Lorsqu'on parle de délais, il peut arriver... Bon, je pense même que c'est déjà arrivé – je pense que le ministre est bien placé, avec tous les précédents qu'il connaît – que des problèmes au niveau des délais ont été occasionnés non pas par la disposition elle-même sur le délai, mais bien par la façon dont on applique ce délai dans le quotidien, dans les cas qui se présentent à la Cour. Et il peut arriver qu'un avocat représentant une partie à laquelle est soumise, dans une cause, ce délai, soit qu'il omet, soit qu'il ne connaît pas, soit qu'il commet une erreur ou soit qu'il est dans l'incapacité, pour diverses raisons, maladie ou incapacité, pour toutes raisons, M. le Président. Il est possible donc qu'on soit dans des cas ou des circonstances, pour reprendre les propos que l'on retrouve à l'intérieur même de l'article, exceptionnelles, il va sans dire, qui ne seront pas inhérentes à la nature de la cause, où un avocat, représentant une partie, étant dans la situation prévue par la disposition sous étude, ne puisse, dans le délai imparti, présenter cette requête.

On a fait état, tantôt, du fait – c'est le ministre de la Justice, je pense, qui l'a déclaré – que les délais n'étaient pas de rigueur. Si cela est exact, soit. Si ces délais ne sont pas de rigueur, est-ce à dire qu'il sera possible, en tout état de cause, de présenter des requêtes qui ne respecteraient pas le délai? Et, alors, M. le Président, on se retrouve dans la situation ante, si vous me permettez, puisqu'on revient à la situation où les délais ne sont pas de rigueur et, ce faisant, nous sommes encore pris avec des délais d'attente, une accessibilité à la justice qui n'est pas mieux desservie. On revient à l'état que l'on voulait régler. Donc, question d'opportunité sur la disposition – et je sais que c'est une question qui vous chicote aussi, M. le Président – question d'opportunité sur la disposition sous étude. Étant donné – exprimons-la de cette façon pour être le plus clair possible – que ces délais ne sont pas de rigueur, étant donné que nous tentons, par cette modification, de régler un problème de délais, est-il possible que le moyen que nous nous donnons pour régler ce problème de délais, par une disposition où on prévoit des délais qui ne sont pas de rigueur, nous amène à n'avoir rien réglé du tout au niveau des délais? Et, donc, pourquoi le législateur utiliserait l'énergie, les ressources, le temps de cette commission, M. le Président, pour présenter une disposition comme celle-là?

Alors, vous voyez, j'ai deux interrogations concernant cette disposition, M. le Président. Une sur l'opportunité: Est-ce qu'on sert bien le droit? Est-ce qu'on sert bien la cause qui nous amène à faire cette rédaction-là? Et l'autre qui a été amenée – encore une fois, je tiens à le dire parce que je pense que c'était une réflexion très à propos – par mon collègue de Verdun, je pense aux praticiens du droit qui, souvent, utilisent les...

Le Président (M. Sirros): M. le député, je dois vous aviser que votre temps de parole est terminé. Ça a été fort éloquent, mais je sais qu'il y a un député, peut-être ministériel, qui voulait intervenir. Non? Je sais qu'il y a le député de Verdun qui, suite à vos interventions, avait des questions supplémentaires.

M. Fournier: Certes, M. le président.

M. Gautrin: Est-ce que je peux avoir la parole, M. le Président?

Le Président (M. Sirros): M. le député de Verdun, vous avez 14 minutes.

M. Gautrin: Merci. Non, non, ce n'est pas pour parler 14 minutes que je veux la parole, je veux essayer de comprendre. Là, j'ai compris le mécanisme de l'article général, de l'article 20 du Code de procédure qui continue à s'appliquer.

Maintenant, je vais rentrer sur le deuxième paragraphe de l'article 5. Essentiellement, ce que vous proposez, M. le Président, ce que le ministre propose, si vous me permettez...

Le Président (M. Sirros): M. le député de Verdun, deux secondes, s'il vous plaît.

M. Simard: Nous sommes à l'étude du troisième paragraphe. J'espère que nous ne retournerons pas à l'étude du deuxième paragraphe.

Le Président (M. Sirros): Non, non, mais...

M. Gautrin: J'ai l'impression, M. le Président, si vous me permettez, que... Il y a trois paragraphes, formellement, mais, quand je parle de deuxième paragraphe, je le comprends dans le sens de la lecture de l'article 503.1 qui est le nouvel article...

Le Président (M. Sirros): C'est ça.

M. Gautrin: ...c'est ça, et qui s'en vient, ici, modifier, et c'est dans ce sens que, lorsque j'utilisais le terme deuxième paragraphe, M. le Président, je faisais, bien sûr, référence au deuxième paragraphe du nouvel article 503.1 qui est celui qui est à l'étude sur la table. Je pense qu'on s'entend de part et d'autre, ici.

Une voix: Oh yes, yes!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Non, non, mais on s'entend autour de la table sur cette question-là. Merci. Bon!

Le Président (M. Sirros): Je pense que vous avez clarifié le point du député.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On s'en déclare très heureux, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Merci, merci. Je comprends qu'on avance, à l'heure actuelle...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On s'entend sur une chose.

M. Gautrin: On s'entend, là.

Une voix: Lui, il parle du deuxième, le président parle du troisième, mais, en effet, c'est le même.

Le Président (M. Sirros): À l'ordre, à l'ordre! À l'ordre, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Gautrin: Mais le troisième, dans le langage du député de Richelieu, est le deuxième, dans mon point de vue, parce que ça dépend où commence le premier.

M. Mulcair: Ça veut dire que j'ai encore 20 minutes s'il y en a un troisième.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Bon, moi, est-ce que je...

Le Président (M. Sirros): M. le député de Verdun, continuez, s'il vous plaît, la parole vous appartient.

M. Gautrin: ...pourrais sérieusement parler ou bien est-ce qu'on rit simplement ici?

Le Président (M. Sirros): Le ministre brûle d'impatience de vous entendre.

M. Gautrin: Là, ce que vous ajoutez en plus, par rapport à la situation qui existe... La situation qui existe: l'intimé doit faire une démarche pour fonctionner en défaut. Là, ce que vous mettez, c'est un phénomène d'automatisme. Autrement dit, dans la situation actuelle, pour que l'appel soit déserté ou considéré comme déserté, il faut que l'intimé, soit verbalement, soit par une procédure, signifie au greffier que les délais sont dépassés. S'il n'y a pas ça, la chose court, c'est-à-dire l'appel court.

Là, ce que vous proposez, c'est essentiellement un mécanisme automatique. Dès que le délai est expiré, le greffier considère que l'appel tombe de lui-même. C'est bien ce que vous proposez actuellement, M. le ministre?

M. Bégin: C'est bien.

(15 h 40)

M. Gautrin: C'est exactement ça. Est-ce que je peux vous poser la question: La raison derrière cela, c'est pourquoi? C'est pour faciliter? Est-ce que c'est parce que, souvent, les intimés, bon, oublient ou ne sont pas tous familiers avec le droit, n'ont pas nécessairement un avocat avec eux? C'est pour cela ou...

M. Bégin: Il aurait eu avantage d'être présent lorsque j'ai donné des explications, M. le Président.

M. Gautrin: Oui, malheureusement, je n'y étais pas, mais...

M. Bégin: Je les reprends en mentionnant simplement qu'on veut éviter que l'avocat ait à présenter une requête à l'encontre de son collègue pour lui dire: Tu es en retard. On veut que ce soit fait automatiquement par la Cour et, d'autre part, faire en sorte qu'il n'y ait pas de coûts qui soient représentés pour celui qui veut invoquer un défaut de son adversaire, de ne pas devoir présenter une requête à la Cour avec les coûts que ça représente, de sorte que ça s'applique automatiquement, par l'écoulement du temps, ayant accordé un délai nettement suffisant pour que le mémoire soit présenté avec tous les droits du client.

M. Gautrin: Donc, c'est essentiellement ça que vous mettez de l'avant.

M. Bégin: Exact.

M. Gautrin: Ça, j'ai compris. Je m'excuse, M. le Président, moi, je suis un ex-président et je n'ai pas la brillance des autres, j'essaie de comprendre.

Le Président (M. Sirros): C'est votre droit le plus strict.

M. Gautrin: Merci.

M. Bégin: Est-ce qu'on doit commenter ça?

M. Gautrin: Non. Vous avez peut-être débattu ça, mais peut-être que vous me permettrez une question, encore. Vous supprimez l'article 503.3. L'article 503.3 du Code de procédure, c'était un article qui permettait aux parties, lorsqu'elles s'entendaient, d'avoir une extension de délai, 503.3. Lorsque les deux parties considéraient qu'elles n'avaient pas eu le temps de fonctionner, etc., il pouvait y avoir une extension de délai.

Je peux vous lire le 503.3: «Malgré les articles 503.1 et 503.2, le greffier de la Cour d'appel ne peut délivrer un certificat attestant que l'appel est déserté, lorsque les parties ou leurs procureurs ont déposé au greffe du tribunal un consentement signé par eux et fixant un autre délai pour la production du mémoire.»

Je comprends que, comme il y a un mécanisme automatique dans votre point de vue, automatiquement, 503.3 n'avait plus sa raison d'être, puisqu'il n'y avait plus de demande. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de réintroduire quand même une possibilité, quelque part dans le projet de loi, qui dirait: Lorsque les deux parties s'entendent, il peut y avoir une extension de délai?

M. Bégin: Je suis content de vous entendre. Je comprends donc que vous serez d'accord, lorsqu'on sera rendu à l'article 7, au deuxième alinéa, pour dire que vous accordez votre appui sans discussion, puisqu'on le retrouve au dernier alinéa, 505.1.

M. Gautrin: C'est au dernier article de l'article 7. C'est très intéressant. Vous voyez, j'apprends beaucoup de choses avec vous et je suis heureux de voir que j'aurai à parler en faveur de l'article.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Alors, j'espère qu'on n'aura rien à dire sur cet article-là, c'est déjà demandé. C'est un amendement que vous avez, et on vous l'accorde tout de suite. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Au contraire. Non, non, mais je vous remercie beaucoup. Je suis heureux, je pourrai, à ce moment-là, louer le ministre, et louer la qualité du projet de loi, et parler en faveur justement...

M. Bégin: Ha, ha, ha! Pendant 20 minutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...pendant 20 minutes, parler en faveur...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Vous applaudirez aussi. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...et je pourrai en même temps applaudir sur à quel point vous avez été en mesure de soutenir et d'amener un amendement que je...

Le Président (M. Sirros): Devons-nous comprendre que c'est votre souhait qu'on vous louange pendant 20 minutes, rendus à l'article 7?

M. Bégin: Pendant 20 minutes, qu'on louange la présence de cet article-là.

Le Président (M. Sirros): Alors, M. le député de...

M. Gautrin: Alors, j'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): ...vous avez terminé? Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur... Oui, Mme la députée de Jean-Talon, en vérifiant d'abord s'il n'y a pas un ministériel qui veut prendre la parole. Non. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Alors, d'entrée de jeu, M. le Président, j'aimerais m'excuser auprès des membres de la commission de mon absence, hier, puisque j'avais déjà d'autres responsabilités, je devais m'occuper de la réforme sur la fiscalité municipale. Ce qui m'amène à vous dire, évidemment, que j'ai quelques questions, et vous m'excuserez si je n'ai pas le vocabulaire juridique, puisque je ne suis pas une avocate. Je considère avoir été élue pour amener le gros bon sens. Donc, j'espère que, par mes questions, mon questionnement, vous pourrez retrouver, finalement, ce qui va rendre davantage service à la personne qui est visée par l'article 503.1.

Je comprends, à la lecture des notes explicatives et, évidemment, après avoir entendu certains de mes collègues pendant trois quarts d'heure, que le but visé par M. le ministre est évidemment de clarifier la loi, de la simplifier et de donner un meilleur accès ou une meilleure accessibilité de la justice. Alors, je pense qu'on ne peut pas être contre la vertu et je pense que tout le monde devrait se réjouir des motifs qui ont poussé le ministre à nous présenter cette loi.

J'ai cru comprendre également, en parlant avec certains de mes collègues, que des organismes tels que le Barreau et d'autres n'avaient pas obtenu la permission du ministre de venir expliquer à cette commission leur opinion ou, enfin, nous parler de ce que ça pouvait signifier ou de quel impact pouvait avoir sur le système judiciaire ce projet de loi 41 qui modifie le Code de procédure civile.

J'aimerais, si vous le permettez, M. le Président, demander au ministre si, lorsque les délais sont terminés et que la personne se retrouve, pour quelque raison que ce soit, sans possibilité d'appel... Je voudrais essayer de comprendre pour quelle raison on n'a pas prévu un autre mécanisme où on pourrait en appeler de cette décision-là.

M. Bégin: Parce que c'est déjà prévu à l'article 9 du Code de procédure civile ainsi qu'au deuxième alinéa de l'article 523 du Code de procédure civile.

Mme Delisle: Bon, merci, M. le ministre. Alors, si c'est déjà prévu, M. le Président, comment se fait-il qu'on ne puisse pas retrouver référence à cet article-là? On laisse croire, par le libellé de l'article, que l'appel est déserté avec dépens, et quelqu'un qui est aussi peu connaissant de la loi que moi pourrait en fait conclure qu'il n'y a aucune autre façon d'en appeler de cette décision-là. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, puisqu'on veut clarifier, on veut simplifier, de rendre cet article un peu plus clair sur ce sujet-là?

M. Bégin: Mme la députée de Jean-Talon, je ne vous apprendrai rien dans le fait qu'il existe des avocats et que c'est de cette façon qu'ils peuvent aider les contribuables ou les concitoyens à bien être représentés devant les tribunaux pour la protection de leurs droits. Je pense que ça se passe de commentaires additionnels.

Mme Delisle: M. le Président...

Une voix: ...

M. Bégin: Je pense.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Je suis bien contente de voir que j'ai réussi à distraire M. le ministre de sa lecture.

M. Bégin: Ah! je suis très distrait depuis le début. Je lis les articles du Code.

Mme Delisle: Maintenant, à moins d'avoir mal compris la réponse que M. le ministre a donnée à mon collègue de Verdun qui se questionnait justement sur la question des délais, il me semble que j'ai compris que les recours, en fait, ou la demande se faisait automatiquement par la Cour. Est-ce que j'ai bien compris? Et que ce n'était pas par le biais des avocats, finalement, que ces demandes se faisaient.

M. Bégin: Vous avez mal compris, madame.

Mme Delisle: Alors, je m'en excuse. Donc, parfait. Pour le moment, ça répond à ma question, M. le Président, et je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Oui, M. le député de Châteauguay, je pense que, vous, vous avez épuisé votre temps de parole. Par contre, le député de Verdun a neuf minutes, s'il désire intervenir, sinon on procédera à l'adoption de l'article 5.

M. Gautrin: Moi, je n'ai plus rien à dire.

M. Fournier: Question de précision...

Le Président (M. Sirros): Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: ...ou point d'information, M. le Président. Lorsqu'un membre de cette commission a écoulé le temps qui lui est accordé pour traiter d'une disposition et qu'il voudrait réagir à ce qui est dit, est-ce qu'il est dans l'impossibilité, à moins de consentement, cela va de soi, d'intervenir à nouveau ou doit-il attendre à une prochaine disposition pour revenir sur le sujet déjà traité et alors être peut-être dans une situation où on lui dira qu'il est hors d'ordre? Quel est le moyen par lequel un membre peut réagir? Alors qu'il était dans les règles jusque-là, il a utilisé le temps qu'on lui avait accordé, mais il veut réagir à des propos.

(15 h 50)

Le Président (M. Sirros): M. le député, quand le temps de parole est épuisé sur un article donné, ça prendrait le consentement des membres de la commission pour que vous puissiez vous exprimer. Je doute... En tout cas...

M. Fournier: Je peux toujours le demander, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui, vous pouvez demander le consentement. Est-ce qu'il y a consentement à ce que le député de Châteauguay... Non, M. le député, malheureusement, il n'y a pas de consentement. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. Gautrin: Moi, j'ai eu mes questions.

Le Président (M. Sirros): D'accord. Alors, est-ce que le deuxième alinéa de l'article 503.1 est adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Sirros): Sur division. Est-ce que l'article 5 du projet de loi est adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Sirros): Sur division. Alors, je pense qu'on peut procéder à l'article 6 qui se lit comme suit: L'article 504.1 de ce Code est modifié par le remplacement, dans la première ligne, du mot «soixante» par les mots «quatre-vingt-dix».

Alors, je...

Une voix: On en a pour quatre heures.

Une voix: Quatre heures seulement?

Le Président (M. Simard): Merci, M. le vice-président. La parole est au ministre.

M. Bégin: M. le président, étant donné que s'appliqueront dorénavant à l'intimé les mêmes règles que celles qui s'appliquent à l'appelant quand il n'aura pas, dans les délais prévus par la loi, déposé son mémoire, il a été jugé à propos de prolonger le temps pendant lequel il pourrait le faire, mais que ce délai soit un délai qui éteigne la possibilité de prolongation à moins que la mécanique prévue n'ait été suivie, c'est-à-dire qu'on ait, avant l'expiration du délai, présenté une requête pour prolongation de délai, qui est d'un maximum de 30 jours, comme on le verra à l'article suivant, ou bien, dans des circonstances exceptionnelles, pour un délai plus long, et\ou, comme l'anticipait déjà M. Gautrin, tout à l'heure, excusez-moi, le député de Verdun...

M. Gautrin: C'est la même personne.

M. Bégin: ...à l'article 7 qu'on verra plus loin. C'est la même personne, mais semble-t-il qu'on doive respecter certaines règles, et je suis bien consentant à le faire. Donc, voilà l'explication.

Et j'espère, M. le Président, que, après avoir déclaré avec autant d'enthousiasme qu'ils étaient d'accord avec les objectifs, les modalités du projet de loi, on pourra adopter cet article sans qu'il y ait une division et qu'on puisse dire qu'au lieu d'avoir l'engorgement des tribunaux on aura l'engorgement de la commission parlementaire.

M. Gautrin: Un désengorgement.

M. Bégin: Bien non, mais c'est ça qu'on a.

Le Président (M. Simard): Alors, sur cet article 6, je suis prêt maintenant à entendre la commission.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, effectivement, nous sommes à considérer l'article 6 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts.

La disposition en question se lit, dans ses versions française et anglaise, de la manière suivante: L'article 504.1 de ce Code est modifié par le remplacement, dans la première ligne, du mot «soixante» par les mots «quatre-vingt-dix»; Article 504.1 of the said Code is amended by replacing the word «sixty» in the first line by the word «ninety».

Bien sûr, pour comprendre le sens et la portée de cet article, on se doit de référer à l'article 504.1 en question qui se lit comme suit: «Dans les soixante jours – ce serait donc le terme qui serait changé – de la production au greffe du mémoire de l'appelant, l'intimé doit produire au greffe son mémoire, en sept exemplaires, et il doit en signifier deux autres exemplaires à l'appelant»; «Within sixty days of the filing – and this is the provision of course, Mr. Chairman, that would be changed if this section is adopted as proposed – in the office of the court of his factum by the appellant, the respondent must file seven copies of his factum and serve two copies thereof on the appellant».

M. le Président, j'ai écouté attentivement l'explication de mon confrère, l'honorable ministre de la Justice, lorsqu'il nous expliquait que, vu que certaines règles allaient s'appliquer dorénavant de la même manière en ce qui concerne le délai à l'appelant et à l'intimé, il importait, à l'article 6, tel que proposé dans le projet de loi 41, de faire un changement qui porterait le délai de 60 à 90 jours. Je dois avouer, M. le Président, mon étonnement. Nous sommes ici en présence d'un projet de loi qui vise à accélérer la procédure devant la Cour d'appel. Les notes explicatives du projet de loi, M. le Président, disent notamment que le projet de loi «révise de plus la procédure de rejet administratif des pourvois à la Cour d'appel, en modifiant certaines règles relatives au délai de production des mémoires en appel».

On se serait attendu, M. le président, à la lecture même de cette note explicative, de retrouver des délais plus serrés à l'intérieur du projet de loi. Quelle fut donc notre surprise de lire l'article 6, tel que libellé, et de constater qu'au lieu de raccourcir un délai on était en train de l'augmenter; si on utilise la base de 60, on l'augmente de 50 %. J'entends bien le ministre, lorsqu'il nous explique que ça y va d'une certaine question d'équilibre et d'harmonisation du texte, mais, M. le Président, on a déjà eu l'occasion de poser cette question au ministre, puis on n'a toujours pas eu une réponse satisfaisante: Qu'est-ce qu'il y a eu comme études objectives externes pouvant étayer cette modification qui permet de croire que c'est la solution la plus adaptée au problème d'engorgement du tribunal en question, la Cour d'appel du Québec?

M. le Président, la disposition en question, effectivement, fait l'objet d'un certain nombre de recommandations et émane donc de ces recommandations. Dans un document que le ministre nous a déposé tantôt, qui est intitulé «La Cour d'appel du Québec, mars 1994», à la page 70, on peut lire ce qui suit: «Certains intimés se prévaudront sans doute de la procédure de rejet prévue à ces nouvelles dispositions, mais il ne faudrait pas croire que les avocats qui ont l'habitude de se retrouver les uns contre les autres se serviront de ce couperet. Ils craindront que la même médecine leur soit servie à leur tour quand l'occasion se présentera.» Ça, c'est très révélateur et très intéressant, M. le Président.

On retrouve également dans le document émanant du Barreau qui a été envoyé à l'attention du ministre de la Justice en date du 1er décembre 1994, à la page 4, encore une fois à propos...

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: I was just getting going.

Le Président (M. Simard): Vous étiez en forme, vous vous réchauffiez, je le sais bien.

M. Mulcair: Je vais reprendre.

Le Président (M. Simard): Alors, je suspends la séance pour le vote à la Chambre. Reprise immédiatement après le vote.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

(Reprise à 16 h 21)

Le Président (M. Simard): Nous sommes prêts à poursuivre, à reprendre les travaux. Juste pour faire le point, nous sommes donc à l'étude de l'article 6. Au moment où nous nous sommes quittés, le député de Chomedey avait entrepris son exposé. Il lui reste, sur son 20 minutes, 15 min 30 s pour poursuivre son exposé.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, effectivement, nous étions rendus à l'article 6 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales; Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts. L'article 6 précise que le délai prévu à l'article 504.1 du Code de procédure civile sera allongé de 60 à 90 jours. Alors, tel que je le mentionnais avant qu'on soit appelé au vote, M. le Président, les deux documents que l'honorable ministre de la Justice a déposés devant cette commission traitent, d'une manière incidente, de cette question des délais, et le but vraisemblablement recherché serait une certaine harmonisation, puisque le couperet, pour reprendre le terme employé par les juges de la Cour d'appel, serait le même des deux côtés, dorénavant. Alors, à ce moment-là, certains délais pour produire seraient identiques.

M. le Président, je ne peux que constater que, contrairement au but exprimé, à l'objectif exprimé dans les notes explicatives du projet de loi, qui nous apprend que l'orientation du gouvernement, en proposant le projet de loi 41, est de viser à raccourcir le délai, donc, contrairement à ce principe, à cet objectif, l'article 6, tel que proposé, allongerait le délai de 60 jours en un de 90 jours. Si on regarde la documentation fournie par le ministre de la Justice, notamment la lettre en provenance de Me Suzanne Vadboncoeur, secrétaire du Comité tripartite et directrice du service de recherche et de législation du Barreau du Québec, et datée du 1er décembre 1994, l'on constate, à la page 4, à l'item b, à la recommandation 6, à propos du rejet administratif des pouvoirs délinquants, que le Barreau nous dit ceci:

«Le principe du rejet administratif des pourvois qui ne respectent pas les délais prescripts est accepté. Le délai actuel de 120 jours de l'inscription accordé à l'appelant pour produire son mémoire est maintenu et celui de 60 jours accordé à l'appelant est augmenté de 90 jours – l'emploi du présent, là-dedans, est intéressant – avec possibilité, toutefois, pour les parties qui s'entendent, de s'adresser à un juge pour obtenir un échéancier différent. La règle actuelle voulant qu'une partie puisse, avant l'expiration du délai qui lui est imparti, en amender la prolongation serait elle aussi maintenue. Les autres volets de cette recommandation sont acceptés.»

Lorsqu'on regarde cette proposition du Barreau, du moins cette manière de voir du Barreau et la disposition qui est devant nous, on comprend un peu la genèse de la disposition et son origine. Mais ce qui est beaucoup plus difficile à saisir, M. le Président, avec certitude, c'est le pourquoi. Comme le ministre de la Justice nous le mentionnait tantôt, l'article 9 du Code de procédure civile pourrait toujours être invoqué pour faire extensionner un délai. Il nous a rappelé que l'article 9 du Code de procédure civile prévoit qu'«un juge peut, aux conditions qu'il estime justes, proroger tout délai qui n'est pas dit de rigueur ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter». Article 9 provides that «a judge may, upon such conditions as he considers just, extend any delay which is not declared mandatory or relieve a party from the consequences of his failure to respect such delay».

Non, on comprend bien la raison d'être d'une telle disposition générale autorisant les juges à extensionner; c'est normal. Il va y avoir des situations, des circonstances, des cas où ce serait nier la justice, M. le Président, que de dire: Bien, on doit absolument s'astreindre à respecter un délai qu'on appelle de rigueur, obligatoire, qui ne peut pas changer. Les délais de rigueur sont assez rares dans notre législation. En matière de Loi électorale, les délais sont presque toujours de rigueur, les délais pour déposer certains documents. Mais c'est l'exception, ce n'est pas la règle dans notre législation, parce qu'on veut justement, autant que faire se peut, offrir la chance au coureur et tenir compte, dans la mesure du possible, des exceptions et des circonstances «exténuantes».

Mais, M. le Président, quand on sait qu'on est rendu avec un délai à la Cour d'appel, que le ministre de la Justice lui-même nous accorde, qui est de l'ordre de quatre ans, et que ce délai est largement dû au fait que les règles existantes n'ont pas été suivies, n'ont pas été respectées – les délais qui existent déjà n'ont pas été acceptés – et que la Cour d'appel du Québec, dans son document de mars 1994, mentionne que le couperet en question ne sera pas nécessairement toujours utilisé, parce qu'il y a encore des échappatoires, c'est encore une fois une bonne indication, M. le Président, qu'on est devant une situation où cette commission a le droit de se poser la question suivante: Est-ce que c'est la meilleure manière de faire? Est-ce que le fait d'extensionner ce délai est vraiment en train de bien servir l'administration de la justice au Québec? Est-ce qu'il n'y aurait pas eu d'autres manières de faire?

On a eu l'occasion de souligner, M. le Président, le fait que l'honorable ministre de la Justice a été saisi d'une requête en provenance du Protecteur du citoyen qui, comme on a eu aussi l'occasion de le mentionner, est un ancien sous-ministre de la Justice, lui-même. Le Protecteur du citoyen soulève bon nombre de questions par rapport à ce projet de loi.

On a eu l'occasion aussi d'entendre le ministre de la Justice nous dire qu'il ne voyait pas pourquoi on consulterait, nous, le Barreau, parce que, lui, il l'a déjà consulté. Mais, comme on l'a aussi vu, M. le Président, le Barreau a fait certaines suggestions que, maintenant, il est clair, l'honorable ministre de la Justice n'est pas prêt à suivre. On voit également que, malgré une volonté exprimée, et que l'on partage, de réduire les délais, eh bien, nous voilà devant un article 6 du projet de loi 41 qui dit qu'on va extensionner un délai, ajoutant sans doute à ces retards. À moins, encore une fois, M. le Président, qu'on soit en train de nous dire: Le 60, personne ne le respectait. C'était trop facile de venir plaider que c'était trop difficile. On l'augmente et, à ce moment-là, on va tenter de le garder un petit peu plus à l'intérieur des 90. C'est un peu plus réaliste.

Je soumets à vous, M. le Président, et aux autres membres de cette commission que l'avocat qui a du mal à respecter un délai de 60 jours pour produire un mémoire ne risque guère d'être plus impressionné par un délai de 90 jours. Puis, au lieu de formuler ses demandes dilatoires et exceptionnelles pour expliquer comment la cause est ô comment importante et difficile pour avoir son extension, au lieu d'attendre le 59e jour, il va attendre le 89e jour, puis ça va être la même chose encore.

Il est évident qu'on est en train de resserrer, par le truchement de certains autres articles, les délais – on vient de le voir, par exemple, avec 503.1 – mais, comme on l'a aussi mentionné, il y a d'autres préoccupations qu'on doit garder à l'esprit en regard des justiciables. Et, dans le nécessaire travail d'harmonisation de notre approche, l'idée de vouloir joindre le besoin de serrer les règles en matière d'appel à la Cour d'appel du Québec en même temps qu'on astreint les praticiens à des règles plus difficiles, il faut, à notre sens, M. le Président, regarder s'il n'y a pas d'autres moyens d'assurer que le justiciable ne sera pas lésé du fait qu'on veuille un peu ramener à l'ordre, un peu plus, les membres de l'ordre des avocats du Québec.

Et c'est pour ça, M. le Président, que, à plusieurs reprises au cours de nos discussions depuis hier, on a eu l'occasion d'exprimer notre désarroi, notre déception, notre inquiétude devant le fait qu'il n'existe, de toute évidence, pas d'étude objective, aucune analyse avec chiffres à l'appui nous démontrant: Voici, on en a discuté avec les tribunaux, leurs représentants, les magistrats, on en a discuté avec les gens du Barreau, notre service de recherche du ministère de la Justice a été mis à contribution et on est persuadés, pour x, y, z raisons, que c'est vraiment la seule manière de procéder.

(16 h 30)

Ce qu'on a plutôt, M. le Président, c'est un entêtement de la part du ministre de la Justice à nous dire: C'est ça, ma loi, que je vous propose, vous n'avez pas le droit de me poser des questions là-dessus. On n'entendra pas le Protecteur du citoyen là-dessus, malgré sa vaste expérience comme sous-ministre de la Justice, malgré le fait qu'il nous ait dit qu'il avait des préoccupations sérieuses sur ce projet de loi et la manière que ça a été présenté; on ne l'entendra pas lui non plus. Moi, je suis le ministre de la Justice; moi, je vous ai préparé ça, je vous le présente, à vous de faire ce que vous voulez avec.

M. le Président, comme membre d'une commission parlementaire chargée de faire rapport à nos autres collègues à l'Assemblée nationale sur ce projet de loi, j'entends poser des questions, j'entends faire des commentaires, j'entends m'assurer, dans la mesure du possible, qu'il y a un rationnel derrière ces dispositions-là et ces propositions-là avant de dire que je suis d'accord avec ou pas. Je ne vois pas comment, M. le Président, si on veut s'acquitter de notre tâche ici, je pourrais faire un rapport à mes autres collègues en disant: Oui, bien, écoutez, ils sont venus, ils nous ont dit que le Barreau a demandé ça, donc on n'a plus de questions à se poser. Ils nous ont dit que la magistrature a demandé ça, donc on n'a plus de questions à se poser.

M. le Président, ça a été mentionné plus tôt aujourd'hui par le député de Laurier-Dorion, que le ministre de la Justice est en même temps ministre responsable de l'application des lois professionnelles. J'espère, M. le Président, que ce n'est pas l'attitude que l'honorable ministre de la Justice adoptera lorsque viendra le temps de répondre aux nombreuses demandes de modifications législatives qui vont lui provenir de la part des optométristes, des denturologistes, des podiatres, des techniciens de différentes sortes qui veulent toujours que leur législation soit adoptée. Normalement, il y a des services dans son ministère, et il y a surtout, dans le cas des professions, l'Office des professions du Québec qui est là pour bien conseiller le ministre, pour lui dire: Sur la base de notre expérience, notre recherche, notre travail, on est en mesure de vous informer, M. le ministre, qu'il y a plusieurs manières de procéder. Mais, attention, si on déboute une cause, si on dit que l'avocat a manqué un délai, il faut faire attention que le justiciable ne se ramasse pas avec les pots cassés.

Mais on n'a pas ça, M. le Président. On a un ministre de la Justice qui nous dit: Bien, à ce moment-là, ils peuvent poursuivre leur avocat. C'est ça, sa solution pour le justiciable, M. le Président, et c'est désolant de l'entendre. C'est désolant de l'entendre parce que ça fait fi du besoin primordial pour tous les élus d'être conscients que les tribunaux sont là pour servir la population et que les règles que l'on propose de modifier doivent tenir compte des justiciables, des particuliers, pas juste des préoccupations du Barreau ou de la magistrature, bien que ça puisse informer les décisions de cette commission et les recommandations qu'on est appelés à formuler à nos autres collègues à l'Assemblée nationale.

Donc, M. le Président, face à une telle disposition, il est navrant de constater que le ministre de la Justice ne peut, encore une fois, rien nous dire de plus que le fait que ça a été proposé par les instances en question. Je demande encore une fois, M. le Président, au ministre de la Justice de nous indiquer si les services de son ministère ont procédé à des études, des recherches qui permettraient d'informer cette commission sur les impacts prévisibles d'une telle modification et, si oui, s'il serait prêt à les déposer devant cette commission. C'est une question, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Auparavant, juste un petit commentaire. Nos débats sont évidemment enregistrés, apparaîtront au Journal des débats et seront joints au rapport de cette commission. Je voudrais juste vérifier auprès du député de Chomedey s'il s'agit bien de ses paroles, ou ne serait-ce qu'un lapsus révélateur lorsqu'il a parlé, tout à l'heure, de circonstances «exténuantes» plutôt que de circonstances «atténuantes»?

M. Mulcair: Ha, ha, ha! Ah! j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner hier, le français n'étant pas ma langue maternelle, M. le Président, il va m'arriver de commettre des petits impairs de cette nature-là, et je m'excuse auprès de vous, qui maîtrisez si bien la langue de Molière. Peut-être, M. le Président, une fois qu'on aura eu l'occasion...

Une voix: Et moi avec, M. le Président.

M. Mulcair: ...d'échanger pendant quelques années dans cette commission, je vous aurai appris quelques mots de la langue de Shakespeare, et on en bénéficiera sans doute tous les deux.

Le Président (M. Simard): Sans aucun doute.

M. Boulerice: «Moi aussi» eût été préférable à «moi avec».

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): À l'ordre! M. le ministre.

Une voix: On va donner des cours de français dans...

M. Bégin: Peut-être, M. le Président, à force d'entendre le député donner le titre de la loi en français et en anglais, notre langue anglaise s'améliorera-t-elle et serons-nous capables, dans quelque temps, de parler aussi bien l'anglais que lui parle le français.

Ceci étant dit, M. le Président, depuis le début de la commission, il y a déjà plus de neuf heures, les députés de l'opposition n'ont cessé, et le député de Chomedey vient de le refaire, de parler d'absence d'analyses, d'études, de recherches, de recommandations que nous n'aurions pas, et ces recommandations auraient servi à appuyer, normalement, nos propositions devant cette commission.

M. le Président, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises depuis ma nomination, j'ai remis sur pied le Comité tripartite, Justice, Barreau et magistrature, et je l'ai, dès le départ, consulté, et, en particulier, je l'ai consulté sur le projet de loi 41, c'est-à-dire non pas sur le projet de loi comme tel, mais sur l'objectif, les modalités, les propositions que je voulais faire dans le projet de loi 41.

D'autre part, M. le Président, j'ai déposé devant cette commission le rapport de la Cour d'appel du Québec qui est intitulé: «Projet de solutions proposé par les membres de la Cour». Et, je le répète, ce rapport est signé par les juges, au cas où on ne le saurait pas, McCarthy, Claude Vallerand, Roger Chouinard, Louis LeBel, Marc Beauregard, Marcel Nichols, William Tyndale, Melvin Rothman, Paul-Arthur Gendreau, Jean-Louis Beaudoin, Michel Proulx, Morris Fish, Marie Deschamps, Louise Otis, Henry Steinberg, André Brossard, René Dussault, Thérèse Rousseau-Houle, Jacques Delisle, Jacques Chamberland. Donc, ils ont signé ce rapport qui propose sensiblement d'adopter des propositions que l'on retrouve dans le projet de loi 41. Et j'ai fait la lecture des pages, ce matin, où on demandait presque spécifiquement ce que l'on retrouve aux articles 5, 6, 7, 8 et 9 de ce projet de loi.

Or, malgré cela et malgré le fait, M. le Président, que j'aie déposé devant cette commission l'extrait du procès verbal de deux réunions du Barreau du Québec approuvant substantiellement ce qu'il y a dans le rapport du Barreau et que l'on retrouve dans le projet de loi qui est à l'étude ici, après neuf heures, et malgré le fait que les députés de l'opposition se déclarent favorables à ce projet, ils votent systématiquement contre chacun des amendements et ils ne font qu'une seule chose, M. le Président, je pense, non pas une étude pour améliorer, changer un projet de loi, ils ne font qu'un seul exercice, c'est-à-dire gagner du temps.

M. le Président, je soumets que les députés de l'opposition, en face de nous, ne font pas le travail qu'on attend normalement de députés qui travaillent ensemble, mais ils ne font qu'un seul travail, celui de gagner du temps. Je trouve déplorable pour les justiciables, alors que le Barreau, que la magistrature, en particulier la Cour d'appel et, en plus, le juge en chef Michaud, qui vient d'être nommé à la Cour d'appel par le premier ministre du Canada et qui s'est dit d'accord en totalité avec le contenu du projet de loi, que l'opposition prenne ce temps de neuf heures, à date, pour étudier cinq petits articles. Je comprends, par les interventions qui se répètent, un peu comme un disque qui tourne en rond, à vide, accrochant toujours aux mêmes places, qu'on a l'intention d'utiliser beaucoup de temps pour ne pas avancer.

Alors, M. le Président, je soumets que l'exercice, nous allons le compléter, nous allons le faire, mais je comprends qu'il y a un autre exercice qui se fait en face de nous, celui d'utiliser le temps, systématiquement, et non pas celui de collaborer à l'adoption d'un projet de loi qui favoriserait le raccourcissement des délais devant les tribunaux, délais trop longs qui font en sorte que les contribuables doivent payer trop cher pour obtenir justice. Alors, je pense que, si vous êtes d'accord avec les articles qui sont là, vous devriez parler en leur faveur et non pas utiliser tout le temps pour dire que vous êtes pour, et à la fin voter contre, et ne rien dire entre-temps.

Le Président (M. Simard): M. le ministre... M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: C'est une remarque, peut-être, que je pourrais faire au ministre. Je pense que je récuse l'interprétation qu'il fait. Je ne dirai pas qu'il nous prête des motifs puis des intentions, mais je repousse et je récuse l'interprétation qu'il fait du travail qu'on fait. Parce que, si c'était simplement une question d'utiliser le temps, M. le Président, on pourrait assister à des présentations d'amendements, par exemple, pour chaque article, ou des sous-amendements. Chaque député a le loisir, selon le règlement, vous le savez bien, de parler 20 minutes sur chacun de ces items-là. Alors, si c'était vraiment le but visé par l'opposition de simplement tuer le temps, on verrait bien cet exercice prendre toute son ampleur et toute sa forme.

(16 h 40)

Alors, je veux rappeler le ministre au calme, il doit se prêter à un exercice de parlementarisme et prendre son café tranquillement, puis ne pas prêter des intentions aux députés de l'opposition qui font tout simplement leur travail, notre travail de la façon la plus correcte possible. On essaie de poser des questions qui sont pertinentes. On a d'ailleurs vu le ministre nous donner des réponses qui nous ont suffi et éclairés à plusieurs reprises. On n'a pas tout utilisé le temps qui était à notre disposition, à partir du moment où le ministre nous a donné des réponses qui nous semblaient satisfaisantes. Ça a été mon cas. Ça a été le cas de la députée de Jean-Talon. Ça a été le cas de tous les députés qui sont intervenus ici: Notre-Dame-de-Grâce, Verdun, Chomedey et Châteauguay. Alors, chacun d'entre nous, on essaie de faire notre travail correctement, et je pense que ce ne serait pas de bon augure pour l'avenir de nos travaux si le ministre nous prêtait des intentions de façon un peu trop rapide.

Le Président (M. Simard): À ce moment-ci, j'ai un commentaire du ministre sur la façon dont l'opposition occupe, utilise le temps qui lui est imparti. J'ai également une réplique du député de Laurier-Dorion. Ici, les usages veulent que j'applique le règlement. Un certain nombre de minutes sont à la disposition de l'opposition qui, ma foi, à la limite, peut bien les utiliser, en autant qu'elle demeure à l'intérieur des cadres du règlement, comme elle l'entend. Cependant, le ministre a le droit de penser et les autres membres de la commission ont le droit de penser ce qu'ils veulent sur la façon dont les choses sont faites, mais elles doivent se faire. Alors, nous procédons et nous poursuivons.

M. Fournier: Un point d'information peut-être, M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: ...pour m'éclairer et m'habituer dans cette nouvelle expérience que nous avons tous à partager ensemble sur cette commission. Vous dites que le ministre, ou peu importe qui, peut penser ce qu'il veut. Est-ce que cela, lorsque cette pensée concerne le fait de prêter des intentions à un autre membre de cette commission, nous permet de le dire ou de le penser et de le garder pour soi? Juste un point d'information sur ce que vous avez déclaré.

Le Président (M. Simard): Absolument. Alors, si vous voulez, sur ce point, je suis prêt à intervenir. Le ministre vient de commenter ce qu'il considère être l'attitude de l'opposition, il n'a prêté à aucun membre de la commission, pas plus de l'opposition que du pouvoir, quelque intention que ce soit.

Alors, je suis prêt à entendre le prochain intervenant. Il vous reste encore quelques minutes.

M. Mulcair: Il me reste encore...

Le Président (M. Simard): Il vous reste exactement – je le vérifie, s'il vous plaît – trois minutes, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je parlerai une minute, M. le Président, et j'en garderai deux, parce que je ne veux pas être frustré après si je dois intervenir. Je dois dire que...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): C'est inversement proportionnel, M. le député.

M. Mulcair: Je dois dire que le ministre de la Justice vient de nous donner une excellente explication de sa manière de voir la démocratie, M. le Président. Il nous dit que, si on lui pose des questions auxquelles il n'est pas capable de répondre, c'est qu'on est en train de faire des entorses à la justice. Moi, je vous soumets que les neuf heures auxquelles il fait référence... Enfin, je peux lui dire d'ores et déjà que c'était bien plus que neuf heures, merci beaucoup! Ça aurait été beaucoup plus simple d'accepter d'entendre le Protecteur du citoyen et le Barreau ici. On aurait pu avancer les travaux, on aurait pu avoir des réponses à nos questions.

Nos questions visent à s'assurer que c'est la meilleure manière d'y parvenir. On est d'accord sur le but recherché, mais on est loin d'être persuadé que c'est la meilleure manière d'y arriver, parce qu'il nous manque de l'information, parce que les travaux de recherches et d'études n'ont pas été faits au ministère de la Justice et on ne nous permet pas de consulter les gens qui seraient capables d'éclairer cette commission et de nous donner l'information dont on a besoin avant de faire le rapport qu'on doit faire à nos collègues, à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Simard): Alors...

M. Mulcair: Il me reste deux minutes.

Le Président (M. Simard): ...il vous restera deux minutes lors d'une prochaine intervention, M. le député de Chomedey. Puisqu'il n'y a pas de réplique du côté ministériel, j'écouterai maintenant le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Gautrin: Allez, à votre tour, libérez au moins votre...

M. Copeman: Merci, M. le Président. Il est très clair que le ministre a droit de penser ce qu'il veut, mais il a également et clairement le droit d'être erroné dans ses pensées. Là, je vous ferai remarquer, M. le Président, que, dans son intervention, le ministre a fait référence au fait qu'il se fie, dans son projet de loi, beaucoup aux documents du Comité tripartite sur les délais d'audition à la Cour d'appel et aux études de la Cour d'appel du Québec sur les délais. Mais je soumets et j'aimerais rappeler au ministre qu'il vient tout juste de déposer ces documents-là en commission. Alors, il me semble, par souci de transparence, que, si, peut-être, il avait déposé ces documents au commencement des travaux de la commission, on aurait pu, peut-être, avancer les travaux un tout petit peu en étant en possession de tous les éléments qui alimentent le ministre dans sa réflexion sur le projet de loi.

Ceci étant dit, M. le Président, on reprend l'article 6 qui, il me semble, accorde un délai additionnel de 60 jours. On passe de 60 jours, pour la production du mémoire de l'appelant, à 90 jours. Et juste pour mon éclairage personnel, M. le Président, peut-être que le ministre, là, peut expliquer un peu plus clairement. Et je cite le rapport du Comité tripartite qui dit, dans sa page 4, que le ministre a déposé ce matin très aimablement: «Le délai actuel – j'insiste sur les mots, M. le Président – de 120 jours de l'inscription accordé à l'appelant pour produire son mémoire est maintenu.» Alors, on maintient, selon le Comité tripartite, le délai actuel de 120. Mais le Comité tripartite continue à dire: «Et celui de 60 jours accordé à l'appelant est augmenté à 90 jours.»

Juste une question, M. le ministre. Si le Comité tripartite admet qu'on maintienne un délai, présentement, de 120 jours dans un cas, pourquoi est-ce qu'on a jugé nécessaire ou opportun d'ajouter un autre 30 jours pour l'autre partie dans une cause? Il me semble que, si on a ajouté d'une part, ce serait logique qu'on ajoute de l'autre part. Mais là, à moins que je ne me trompe dans la lecture – ce qui est possible – dans la suggestion du Comité tripartite, on parle de maintenir 120 et d'augmenter, de l'autre côté, de 30 jours. Alors, juste pour éclaircir...

M. Bégin: Effectivement, M. le député, il aurait été logique, en 1993, lorsque le délai a été porté de 90 à 120 jours pour l'appelant, d'augmenter celui de 60 jours à 90 jours pour l'intimé. Mais, comme ça n'a pas été fait, nous le faisons maintenant.

M. Copeman: O.K. Alors, on corrige une situation qui aurait dû être corrigée. Très bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Merci, M. le ministre. C'est très clair.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Maintenant, je passe à l'intervention suivante. M. le député de Châteauguay, qui en est à sa première intervention, je crois, sur l'article 6.

M. Fournier: Oui, tout à fait, tout à fait, sur cet article excessivement important.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: M. le Président, on est devant un article, l'article 6, qui nous réfère à deux articles – excusez-moi, c'est l'émotion qui m'étreint – deux articles du Code de procédure, l'article 504.1 et, aussi, l'article 505, le nouvel article 505 qui est amené par le même projet de loi. Je pense que, pour en faire une étude correcte, il serait à propos de lire autant l'article 504.1, qui est modifié par l'article 6, que l'article 505, qui est en étroite relation avec l'article 504.1.

En ce qui concerne l'actuel article 504.1, qui sera modifié, si tant est que l'article tel que présenté était adopté...

Une voix: Excusez-moi.

M. Fournier: Je vous en prie. Cet article...

M. Gautrin: Ça dilate la rate!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Que celui qui n'a jamais péché lance la première pierre.

Mme Delisle: Je ne peux pas croire que j'ai 25 voix de majorité pour entendre tout ça! Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Il n'y a pas de justice, Mme la députée.

M. Fournier: Donc, M. le Président, si je peux poursuivre.

Le Président (M. Simard): Oui. À l'ordre!

M. Fournier: L'article 504.1, qui est ou qui sera, pour être plus précis, modifié par l'article 6, si tant est qu'il était adopté dans l'état actuel, se lit ainsi: «Dans les soixante jours de la production au greffe du mémoire de l'appelant, l'intimé doit produire au greffe son mémoire – donc, par la suite, il va de soi – en sept exemplaires et il doit en signifier deux autres exemplaires à l'appelant.» Donc, le nouvel article 504.1 permettra une production au greffe dans les 90 jours. Et l'article 505 ou le nouvel article 505 dont l'article 7 va entraîner la modification et qui doit se lire avec ce nouvel article 504.1, puisqu'on y réfère, ce nouvel article 505 se lit ainsi: «Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire dans le délai prévu par l'article 504.1 – il va de soi qu'on parle du nouvel article 504.1 – il est forclos de le produire, à moins d'avoir, avant l'expiration de ce délai, signifié et produit au greffe du tribunal une demande de prolongation de délai.»

(16 h 50)

Je vais continuer la lecture de cet article-là, mais je voudrais attirer l'attention de la commission et de l'ensemble de ses membres sur le point précis où on parle d'une demande de prolongation de délai et que l'on conserve à l'esprit qu'il y a déjà, au nouvel article 504.1 que l'on veut modifier par l'article 6 de ce projet de loi 41, une augmentation de délai. Donc, on ajoute, à l'article 6 de ce projet de loi, une augmentation de 60 à 90, et l'article 505 nous dit qu'il y aura en plus une demande permise, possible, de prolongation de délai.

Mais je continue néanmoins la lecture de l'article pour être le plus assuré possible de le bien comprendre. Donc, il se poursuit, il se continue ainsi: «Cette demande peut être accordée, sur requête, par l'un des juges de la Cour d'appel pour une période qui, à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause – alors, M. le Président, ici, je note que l'on reprend les expressions que l'on avait déjà mentionnées ailleurs, donc il y a une cohérence qu'il faut reconnaître et apprécier à sa juste valeur – n'excède pas trente jours.»

Mon premier point, M. le président, est le suivant: Dans un projet de loi dont l'esprit, à la base – et nous avons eu amplement l'occasion de le démontrer et d'en parler – le principe fondamental est d'améliorer l'accessibilité à la justice et, ce faisant, de tenter, pour les cas qui ont déjà pu être présentés, que ces cas puissent être réglés le plus rapidement possible, permettant ainsi l'allégement des rôles et la possibilité pour d'autres de se présenter, donc, dans un projet de loi comme celui-là, on se retrouve avec une augmentation de délai. Et non seulement y a-t-il une première augmentation de délai, mais il y a une possibilité d'aller plus loin par le jeu cumulé de l'article 505 à cette augmentation de délai.

Donc, non seulement, ce qu'on nous propose, c'est un 30 jours supplémentaire, en les faisant passer de 60 à 90, mais on nous propose aussi un délai accru de 30 jours par-dessus déjà cet ajout de 30 jours, par l'article 505, sur une requête. Et j'ajoute, M. le Président, sans m'y attarder avec trop d'insistance, puisque la démonstration me semble déjà satisfaisante: Il est possible, à la lecture de l'article 505, lorsqu'on prend les mots «à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause», d'avoir non pas 30 jours qui s'ajoutent aux 30 jours additionnels de l'article 6 du projet de loi 41, mais plus, lorsqu'il y a des circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause.

Bon. Cela dit, nous sommes en face de ces deux augmentations de délais dans un projet de loi qui porte, essentiellement ou en tout cas en partie, qui repose sur des moyens mis à la disposition des intervenants dans le monde de la justice pour que les délais puissent être le plus raccourcis possible sans que cela n'aille à l'encontre des intérêts du justiciable et sans que ça n'entraîne – toujours cette préoccupation qui me semble important que l'on ait à l'esprit – chez nos concitoyens une perception qui ne serait pas favorable à notre système judiciaire, pierre angulaire de notre vie en société.

Et donc, à sa face même, nous devons admettre qu'il y a une certaine... je ne voudrais pas dire une évidence, mais une certaine incohérence qui peut être repoussée, peut-être, par des représentations complètes et bien établies, et, à ce titre, je pense qu'il pourrait être utile de revenir sur une des expressions qu'a utilisée le ministre de la Justice tantôt lorsque, sans nous prêter, à aucun des membres de cette commission, aucune intention, il a néanmoins fait un constat. Je pense qu'il disait, là, gagner du temps. Pour nous, M. le Président, ce qui nous motive et nous pousse depuis le début de ces débats sur ce projet de loi 41 – et je pense qu'on l'a mis en lumière de façon importante: Le temps, lorsqu'il est bien investi...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Poursuivez sans rire, M. le député.

Une voix: Vous péchez ou vous prêchez par l'exemple?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Allez, poursuivez sans rire, M. le député.

M. Fournier: Oh! je ne ris pas, M. le Président. Le temps, lorsqu'il est bien investi, comme il aurait pu l'être si la motion que mon collègue de Chomedey a faite au début de nos travaux pour entendre le Protecteur du citoyen, si les propositions que nous avons faites pour entendre les représentants du Barreau, si les intervenants pouvaient exposer aux législateurs – pas seulement à l'exécutif, mais aux législateurs – la façon dont ils ont à appliquer les règles et comment ils peuvent trouver une cohérence dans un projet de loi visant, en partie, à raccourcir les délais mais, néanmoins, à les augmenter, dans l'article 6, de 30 jours, d'un autre 30 jours par l'article 7 du même projet de loi et, dans certaines circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause, d'un délai encore plus grand mais non identifié, dépendamment, évidemment, des circonstances...

(17 heures)

Et donc, sur ce point, je pense que les propositions que nous avons faites nous auraient fait gagner du temps, à l'ensemble des participants, puisque ce temps, bien investi, nous aurait éclairés sur la situation réelle, vécue sur le terrain dans les cours de justice. Ceci étant dit, et comme je l'ai exprimé tantôt, les augmentations de délais, pour moi, même si d'apparence, prima facie, ces augmentations de délais semblent incohérentes face à l'essence du projet de loi, peuvent peut-être être poussées. Et, si elles avaient été présentées par les intervenants du monde de la justice, peut-être qu'on aurait réussi à bien comprendre la raison d'être de ces dispositions, mais cette opportunité ne nous a pas été possible.

Un autre élément qui peut peut-être être à considérer dans l'analyse de l'article 6, c'est la progression des délais de 60 à 90 jours et la nécessité, l'opportunité d'augmenter ces délais. C'est quand même de se rappeler que ces délais, lorsqu'on regarde l'article 504.1, sont clairs et s'appliquent à l'intimé une fois que l'appelant a déjà fait son bout de chemin. Donc, ce n'est pas un délai qui est dans le vide. On ne passe pas de 60 à 90 jours à partir d'un point zéro. C'est des délais qui courent depuis une première décision.

Là, on arrive avec un 60 à 90 jours de la production au greffe du mémoire de l'appelant. Donc, l'intimé, bien qu'il aura à tenir compte de ce mémoire, ne part pas de rien. Il est déjà bien avisé de la cause. A-t-il, en conséquence, réellement besoin de ce délai? Si oui – je vois que vous suivez le raisonnement, M. le Président – s'il a besoin de ce délai, est-ce qu'on ne peut pas croire ou considérer suffisant le nouvel article 505 qui permettrait, dans les cas où besoin est, d'augmenter le délai? Alors, on se retrouve devant – et les articles doivent se lire, bien sûr, les uns avec les autres – une situation où, je dois l'avouer, il y a un certain inconfort, en apparence ou dû aux apparences, à entériner des modifications qui visent à augmenter un délai qui peut, par ailleurs, être déjà augmenté par d'autres dispositions.

Je comprendrais, et je comprends, et je partage l'intention de donner au praticien du droit des outils qui lui permettent de faire son travail le mieux possible, qu'il puisse défendre les intérêts de ses clients avec la meilleure connaissance, et avec le temps de réflexion, aussi. Il va de soi qu'on ne prépare pas des mémoires d'importance en deux ou trois jours. Il va de soi qu'il y a des recherches qui doivent être effectuées. On doit y donner le temps nécessaire parce qu'il s'agit de dossiers qui, parfois, peuvent avoir des répercussions et des retombées excessivement considérables et importantes. Donc, au premier abord, je suis rébarbatif à toute idée qui empêcherait le praticien de faire correctement son travail.

Il est d'usage, en pratique, la situation existait, le praticien avait son délai de 60 jours. Était-il vraiment important, vraiment nécessaire, par deux dispositions nouvelles amenées par deux articles de ce projet de loi, l'article 6 qui entraîne des modifications à l'article 504.1 et l'article 7 qui modifie l'article 505, était-il nécessaire de procéder par une multiplication par deux? Devions-nous augmenter en double les délais? C'est une question qui, il me semble, mérite une analyse et une réponse, dans un projet de loi comme celui qui est devant nous, comme je le disais préalablement, M. le Président, qui cherche à offrir un système de justice souple, ouvert, où les parties seront bien représentées, mais qui, en même temps, n'entraînera pas de congestion sur les rôles et permettra aux coordonnateurs de ces rôles de faire un ménage, pour reprendre les propos qu'on attribue au ministre de la Justice concernant son travail à l'égard du Code de procédure civile. Je ne veux pas les lui retirer et je reconnais qu'il est important qu'il procède à ce ménage, mais j'aimerais qu'on ait, à chaque disposition, toujours à l'esprit que ce ménage doit se faire de façon cohérente et servant les fins pour lesquelles on entreprend ce travail.

Alors, je vois, M. le Président, que vous m'avez notifié que mon temps s'achevait...

Le Président (M. Simard): Il vous reste deux minutes, monsieur.

M. Fournier: Selon l'expérience que j'acquiers tranquillement en partageant ce temps avec vous à comprendre ce projet, je comprends qu'il importe que je me réserve du temps au cas où il serait utile que je puisse revenir pour partager avec vous encore quelques idées qui seraient miennes.

Le Président (M. Simard): Nous en serions très heureux, M. le député de Chomedey.

M. Fournier: De Châteauguay.

Le Président (M. Simard): De Châteauguay, excusez-moi. De l'avoir trop répété, sans doute. Est-ce qu'il y a, du côté ministériel, une réplique à cette intervention?

M. Bégin: Une brève intervention, M. le Président. En entendant les différents intervenants de l'autre côté, j'avoue ne plus trop comprendre; l'un plaide parce que les délais sont trop longs, l'autre plaide parce qu'ils sont trop courts. J'avoue que je m'interroge. Le député de Verdun se demande...

M. Mulcair: Nous aussi, on s'interroge.

M. Bégin: ...si on devrait...

Mme Delisle: C'est dans le but de mieux comprendre.

M. Bégin: ...pour la même disposition, prévoir d'autres possibilités, d'autres délais. L'autre intervenant, celui de Chomedey, dit: C'est trop de délais, on devrait raccourcir. Je pense qu'ils ont un petit problème de concordance.

Une voix: On va vous l'expliquer.

M. Bégin: On va écouter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Vos remarques étant terminées, M. le ministre...

M. Bégin: Tout à fait.

Le Président (M. Simard): ...je passe à l'opposition. Je donnerai la parole au député de Verdun qui a sans doute des éclaircissements importants...

M. Gautrin: Oui.

Le Président (M. Simard): ...à nous donner.

M. Gautrin: Je pense qu'on m'a mal compris. Je voudrais essayer d'expliciter...

Le Président (M. Simard): Parce que vous avez dit quelque chose?

M. Gautrin: ...clairement le point pour lequel je suis intervenu. Il ne s'agissait pas – non, non, mais sérieusement – d'augmenter les délais. Il s'agissait, dans le débat qu'on avait, de savoir si, concernant les possibilités d'extension des délais pour les appelants, qui étaient prévues à l'heure actuelle, il n'y avait qu'une seule possibilité ou, dans les cas exceptionnels, est-ce qu'il y avait possibilité d'avoir plusieurs recours. Vous l'avez clairement établi dans ce qu'on a débattu de l'article précédent, M. le ministre; vous avez clairement établi que le code général de procédure, par son article 20, continuait à s'appliquer. Donc, à ce moment-là, il y avait possibilité, dans les cas exceptionnels, pour l'appelant de pouvoir faire appel au tribunal lorsque des situations exceptionnelles se présentaient. C'était essentiellement sur ça que j'étais intervenu; je n'étais pas intervenu sur l'analyse même du délai, si vous me permettez. C'est important en termes de niveau logique parce que ce n'est pas sur ça sur que j'étais intervenu.

Deuxième élément, puisque, maintenant, il faut intervenir sur l'article 6, et vous m'auriez probablement rappelé à la pertinence, M. le Président, si j'avais continué sur ce type d'intervention. Je voudrais poursuivre, si vous me permettez, l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous avez, M. le ministre, assez justement, essayé de dire que, parce que, dans la dernière modification au Code, on avait augmenté de 90 à 120 jours, ici, par l'ajout du 30 jours, vous suivez exactement la même logique pour corriger quelque chose qui n'avait pas été fait. Je voudrais comprendre parce que, le législateur, en général, lorsque vous dites «une erreur aussi grossière que ça», en voyant la batterie de sous-ministres qui travaillent lorsqu'on prépare des lois, ça m'étonnerait qu'une question aussi grosse ait échappé à vos légistes.

Alors, ma question est la suivante: Pourquoi augmenter de 60 à 90 maintenant, alors que, il y a un an, le législateur avait justement trouvé pertinent de ne pas augmenter de 60 à 90?

(17 h 10)

Le Président (M. Simard): M. le ministre, voulez-vous répondre?

M. Bégin: Vous me demandez de supputer sur les intentions du gouvernement qui était là à l'époque et sur ce qu'il a fait, ou a voulu faire, ou a tenté de faire et n'a pas réussi à faire. Mais, bref, pour ce qui est du gouvernement en place, nous voulons faire en sorte que les délais soient les plus courts possible et, de manière à s'assurer qu'ils le soient, on fait en sorte qu'après un certain délai, qui est allongé pour permettre justement aux intervenants de la justice d'avoir tout le temps requis pour faire leur procédure, que, passé ces délais, la guillotine tombe à l'égard de la production de ce document et que l'adversaire n'ait pas à avoir l'odieux de présenter, à l'encontre de son confrère, une requête, avec tous les frais qu'elle représente en plus, l'odieux de présenter une requête pour demander le rejet de l'action. Alors, par l'application d'un automatisme, on obtient l'efficacité administrative, d'autre part, on enlève l'odieux de présenter une requête et, troisièmement, on évite les coûts que la partie requérante aurait eu à supporter. Voilà.

M. Gautrin: Je comprends votre plaidoyer en fonction de l'article 5.

M. Bégin: C'est le même pour l'article 6.

M. Gautrin: C'est le plaidoyer pour l'article 5, mais, je m'excuse, ce n'est pas pour l'article 6, parce que l'article 6 augmente les délais. Il augmente les délais. Vous pourriez parfaitement maintenir la même logique de guillotine, d'automatisme avec un délai de 60 jours au lieu de 90 jours. Vous pourriez exactement maintenir la même logique. Donc, de facto, vous augmentez le temps, les délais de procédure en passant de 60 à 90. Je comprends votre logique quant à l'automatisme, je comprends votre logique quant au phénomène de guillotine. Ma question: Si vous voulez réellement maintenir des délais courts, vous auriez pu parfaitement rester à l'intérieur du 60 jours.

M. Bégin: En suivant votre raisonnement, j'aurais dû réduire à 30 jours le délai pour produire le mémoire et utiliser la guillotine. Et pourquoi pas 15 jours? On sait bien tous les deux que ceci n'est pas raisonnable. Alors, pour mettre en application une mécanique automatique de perte du droit de produire, il faut s'assurer – et, à ce compte, on met un peu plus de temps que moins – qu'on ait le temps de le faire. Vous ne pouvez pas... Et votre collègue vous y a invité il y a quelques minutes, le député de Chomedey, à lire l'article 7, qui va avec l'article 6, et où on parle de cette application de la mécanique.

M. Gautrin: Je reviendrai sur l'article 7 dans un instant.

M. Bégin: Donc... Ah! je comprends que vous restiez sur l'article 7, mais je vous dis...

M. Gautrin: L'article 6.

M. Bégin: L'article 6. Je comprends que votre collègue de Chomedey a compris qu'il fallait...

M. Gautrin: Châteauguay.

M. Bégin: ...de Châteauguay, qu'il fallait référer à l'article 7 pour comprendre l'article 6. Libre à vous de ne pas y recourir.

M. Gautrin: Si vous permettez, M. le Président, si j'avais commencé à flotter à l'intérieur de tout le projet de loi, vous m'auriez certainement rappelé à la pertinence. Donc, je suis amené à devoir rester, à l'heure actuelle, dans l'article 6 et non pas à aller commencer à jouer dans l'article 7. Nous aurons l'occasion d'échanger sur l'article 7 longuement. Je suis sûr que vous allez avoir, avec beaucoup de plaisir, la chance de pouvoir échanger sur l'article 7. Mais j'aurais quand même... Vous savez probablement, soit vous ou peut-être les gens dans votre entourage, dans vos sous-ministres qui sont avec vous... Est-ce que le délai de 60 jours, qui était actuellement dans le Code de procédure, était un délai qui était réellement trop court pour l'intimé pour répondre et qu'il devait faire appel à des extensions de délai fréquemment?

M. Bégin: Peut-être ne l'était-il pas, mais pour ne pas se faire reprocher d'enlever des droits sans accorder des délais suffisants par un mécanisme automatique, il a été jugé à propos d'allonger le délai, mais, par contre, pour obtenir des délais certains, c'est-à-dire qu'au bout de 30 jours la guillotine tombe. Vous savez, par la pratique, qu'au lieu de 30 jours, souvent, c'est six mois, des fois c'est un an. Alors, à chaque coup, on gagne plusieurs mois en mettant un délai de 30 jours, mais on évite de priver indûment certaines personnes de leurs droits.

Je rappelle que, ce matin ou cet après-midi, on nous faisait grief d'obliger quelqu'un qui aurait perdu ses droits d'avoir recours à un avocat pour obtenir justice. Votre collègue de votre côté gauche en faisait état. Alors, il ne faudrait quand même pas qu'on nous fasse une deuxième fois ce reproche.

M. Gautrin: Non, mais, si vous me permettez, je comprends comme intéressant le principe de la guillotine et je pense qu'on l'a admis, de part et d'autre, c'est-à-dire que, dans votre projet de loi, vous voulez fonctionner par automatisme, vous voulez avoir des délais qui sont des délais de rigueur. Je pense qu'on est d'accord là-dessus. Ça va. On a au moins établi ceci. C'est un point qu'on a établi à l'intérieur du projet de loi. Je ne sais pas, si on avait mis 60 jours dans le projet de loi, autrement dit, ça aurait quoi comme effet?

M. Bégin: Ça aurait été inutile parce qu'il y avait déjà 60 jours dans le Code.

M. Gautrin: C'est ça. Si on l'avait maintenu, si on votait contre cet article-là ou si on diminuait, par exemple... Je vous dis tout de suite que je ne le ferai pas. Non, je ne le ferai pas parce qu'on n'est pas ici pour perdre notre temps...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...mais je pourrais, par exemple... Non, non. Nous travaillons ici avec beaucoup de sérieux. J'aurais pu, par exemple, changer 60 jours ou 90 jours par 75 jours ou 76, et on aurait pu recommencer à parler. Mais je pense que ce n'était pas le but de notre échange.

M. Bégin: On vous aurait demandé où se trouve un délai de 75 jours dans le Code.

M. Gautrin: Non, mais on l'aurait inventé. On faisait du droit nouveau, à ce moment-là. On était là pour commencer à faire quelque chose de...

Une voix: C'est comme un délai de sept jours, n'est-ce pas?

M. Gautrin: On aurait commencé à innover, enfin ça aurait été notre façon de gouverner.

Le Président (M. Simard): Juridique franc.

M. Gautrin: M. le Président, écoutez, moi, je ne suis pas assez... Je n'ai pas l'information complète pour savoir si réellement, dans le délai de 60 jours, les gens n'étaient pas capables de le faire. Donc, je suis incapable de savoir s'il était nécessaire d'étendre à 90 jours. Mais je comprends la logique que vous avez devant vous. Vous donnez un petit bonbon pour faire avaler la guillotine. C'est à peu près ça. Et, comme on est assez d'accord sur le principe qu'il faut des délais de rigueur, on va voir, mais on... Disons que j'ai compris la démarche du ministre. Je ne dis pas que je la partage, mais je commence à comprendre sa démarche pour arriver aux 90 jours. Alors, j'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Alors, j'imagine que le vocabulaire que vous utilisez...

M. Gautrin: Dépasse ma pensée.

Le Président (M. Simard): Non, sûrement pas, mais ce n'était pas celui de mon collègue Mulcair, le député de Chomedey, qui partage la même alma mater avec moi. Il aurait sans doute trouvé ces propos assez peu adaptés au sujet, mais nous avons tous compris ce que vous vouliez dire.

M. Gautrin: Je ne comprends pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Je n'ai rien compris, M. le Président. C'est peut-être mon français qui fait défaut, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Peut-être pas, peut-être pas.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que vous pourriez m'expliquer votre intervention? Je ne la comprends pas.

Le Président (M. Simard): Non. Je suis convaincu que, dans la proposition du ministre, il n'était pas question de bonbon à donner, mais nous comprenons ce que vous vouliez dire, au fond.

M. Gautrin: Non, non, mais j'utilisais évidemment une langue vulgaire et non pas juridique, et on s'entend sur l'utilisation des niveaux de langue à l'intérieur de cette commission.

Le Président (M. Simard): Alors, j'entendrai maintenant d'autres représentants de l'opposition qui n'ont pas utilisé leur temps. Le député de Chomedey, à qui il reste deux minutes complètes.

M. Mulcair: Révolues.

Une voix: S'il vous plaît.

M. Mulcair: M. le Président, je demanderais au ministre de la Justice s'il peut informer les membres de cette commission si les services compétents de son ministère ont procédé à une étude quelconque sur l'opportunité d'augmenter de 60 à 90 jours et s'il y a des indications concrètes qu'il peut nous donner sur les effets prévisibles de cette modification proposée à l'article 6.

M. Bégin: M. le Président, nous n'avons pas fait d'étude pour connaître le nombre de dossiers qui pourraient être concernés par ceci. Cependant, nous avons, dans le cadre des recommandations faites par la Cour d'appel, appuyées par le Barreau, comme je l'ai mentionné déjà, considéré qu'il était opportun d'accorder un délai additionnel avant d'appliquer la guillotine. En ce sens, nous croyons faire oeuvre utile dans le cadre des raccourcissements des délais envisagés devant la Cour d'appel du Québec.

M. Mulcair: Deuxième et dernière question, M. le Président, pour le ministre de la Justice: Est-ce que le ministre de la Justice peut informer cette commission si les services compétents de son ministère ont procédé à l'étude des autres moyens possibles de s'occuper des justiciables qui verraient leur cause déboutée? Parce que, depuis tantôt, on parle de guillotine comme s'il s'agissait de réprimer une inconduite de la part des praticiens du droit, alors que ce qu'on est en train d'oublier, par la même occasion, avec le respect pour l'avis contraire, c'est que, de l'autre côté de l'avocat, il y a souvent un justiciable qui est un particulier. Alors, est-ce que les services en question, donc, ont procédé à des études pour voir s'il y avait d'autres moyens qui pouvaient être entrepris pour s'assurer que le justiciable qui était de l'autre côté de cette guillotine, lui, ne se fera pas priver, couper de ses droits?

Le Président (M. Simard): Alors, voilà qui terminait le temps de parole du député de Chomedey.

M. Bégin: Alors, M. le Président, nous avons jugé à propos, après l'étude des recommandations, de formuler le texte de cette manière, et c'est la solution que nous avons jugé approprié de présenter dans ce projet de loi.

(17 h 20)

Le Président (M. Simard): Merci. Alors, j'entendrai à nouveau les membres de l'opposition qui désirent s'exprimer et qui n'ont pas utilisé ou épuisé leur temps de parole.

Est-ce que l'article 6, tel que discuté, est accepté?

Des voix: Adopté. Sur division.

Le Président (M. Simard): Adopté sur division. Ça va très bien.

M. Gautrin: Deux articles.

Le Président (M. Simard): Nous passons maintenant à l'étude de l'article 7.

M. Sirros: Ç'a été rapide, l'article 6.

Une voix: Aussi rapide que les vacances de Noël.

M. Bégin: On va y arriver à la même vitesse.

Le Président (M. Simard): Les vacances de Noël vont être plus courtes que ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Oui, elles vont être courtes cette année, j'ai l'impression.

Le Président (M. Simard): Alors, nous passons à l'étude de l'article 7 et je donne la parole au ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, l'article 505 de ce Code, remplacé par l'article 14 du chapitre 30 des lois de 1993, est de nouveau remplacé par les suivants:

«505. Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire dans le délai prévu par l'article 504.1, il est forclos de le produire, à moins d'avoir, avant l'expiration de ce délai, signifié et produit au greffe du tribunal une demande de prolongation de délai. Cette demande peut être accordée, sur requête, par l'un des juges de la Cour d'appel pour une période qui, à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause, n'excède pas 30 jours.

«En cas de défaut de production du mémoire par l'intimé dans les délais impartis, la Cour peut refuser de l'entendre. Si l'intimé a formé un appel incident et qu'il ne respecte pas les délais impartis pour la production de son mémoire, l'appel incident est réputé déserté.»

«505.1 Un juge de la Cour d'appel peut, sur requête produite avant l'expiration du délai prévu par l'article 503, fixer, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, un autre délai pour la production de leurs mémoires.»

Alors, M. le Président, comme je l'ai déjà mentionné pour un article antérieur, il s'agit de faire en sorte que l'intimé produise, dans un délai qui est maintenant de 90 jours, son mémoire. Faute par lui de le faire dans ce délai, il sera forclos de le faire, à moins d'avoir présenté à la Cour, par requête, une demande de prolongation qui, à moins de circonstances exceptionnelles et inhérentes à la nature de la cause que j'ai expliquées antérieurement dans l'étude d'un autre article, ne devrait pas excéder 30 jours. Alors, si l'intimé, dans ce délai, ne le produit pas, bien sûr il perdra son droit. Non seulement il perdra son droit de produire son mémoire, mais, s'il a formé un appel incident, en fait, son appel incident sera considéré comme déserté, donc il ne peut plus poursuivre cet appel.

Par contre, dans le dernier alinéa, on voit que, avant l'expiration du délai qui est ainsi accordé, le tribunal, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, donc des deux parties, peut accorder un autre délai pour la production de leur mémoire.

Je fais mention de ces dispositions-là parce qu'elles répondent à un besoin qui peut se rencontrer dans certains cas particuliers. Je le reprends parce que c'est un cas qui est connu par tout le monde, celui de la MIUF. Il est facile d'imaginer, dans un tel cas, que les délais, même exceptionnels, sont impossibles à mesurer de façon précise, de sorte que, de consentement avec la Cour, on évalue quels seraient les délais et c'est fixé par le tribunal. Donc, je pense qu'à cet égard il ne s'agit pas de faire en sorte que des gens soient privés de leurs droits, mais plutôt, les parties ensemble, avec le jugement de la cour qui est là pour évaluer les représentations faites par les deux parties, de s'assurer que ce soit le délai suffisant, mais aussi le plus court possible. Voilà.

Le Président (M. Simard): Juste avant de débuter, je voudrais rappeler que tous les membres de la commission ont un droit de parole de 20 minutes, deux fois, puisqu'il s'agit des articles 505 et 505.1.


Question de directive sur la répartition du temps de parole

M. Gautrin: M. le Président, simplement, sans vouloir contester votre décision, est-ce qu'il n'y a pas ici, dans l'article 505, deux paragraphes? Je dis à l'intérieur du paragraphe 505. C'est simplement pour faciliter la discussion et qu'on puisse aller beaucoup plus vite.

Le Président (M. Simard): Alors, je lis l'article 245 de nos règles de procédure.

M. Gautrin: C'est ça.

Le Président (M. Simard): «Le temps de parole de vingt minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi – d'un projet de loi; il n'y a qu'un projet de loi – chaque amendement ou sous-amendement ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante. Ce temps de parole peut être utilisé en une ou plusieurs interventions.»

Alors, vous avez ici deux articles de loi qui sont modifiés, donc vous avez deux temps de parole qui vous permettent de les modifier.


Argumentation

M. Copeman: À date, il me semble que la façon dans laquelle on procédait cet après-midi...

Le Président (M. Simard): M. le député.

M. Copeman: ...c'est qu'on avait 20 minutes sur chaque paragraphe à l'intérieur de chaque article. Si vous avez jugé bon de changer ce mode de fonctionnement... À moins que je ne me trompe, M. le président, on avait 20 minutes sur chaque paragraphe, à l'intérieur de chaque article, jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Simard): Alors, j'ai entendu cette partie. Je veux entendre maintenant, de ce côté-ci, l'opinion sur mon interprétation, après quoi je suspendrai quelques minutes et rendrai ma décision.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Oui, je voudrais quand même que l'autre partie puisse intervenir si elle le juge à propos.

Une voix: Non. Ça va.

Le Président (M. Simard): Je pense qu'ils étaient absorbés à autre chose. Alors, si vous permettez, de façon que les droits de chacun soient parfaitement respectés, nous allons suspendre pendant trois minutes et revenir.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 17 h 29)

Le Président (M. Simard): À l'ordre! Avant de rendre la décision, tel que je m'étais engagé à le faire avant cette brève suspension, je vais écouter, de chaque côté, un porte-parole qui pourra poser une question ou faire une déclaration sur le nombre de minutes autorisé. Ceci dit, je serai prêt immédiatement ensuite à prendre ma décision.

(17 h 30)

M. Mulcair: Normalement, M. le Président, basé sur un précédent créé ici même à cette commission, lors de l'étude du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, ça a été notre habitude, justement, d'interpréter l'article 245 du règlement comme voulant dire qu'on avait 20 minutes de droit de parole sur les alinéas, les paragraphes, appelons-les comme on voudra, ce qui voudrait dire, pour bien illustrer, qu'à l'article 7 du projet de loi 41, lorsqu'on propose la modification ou le remplacement, du moins, de l'article 505 du Code de procédure civile par deux paragraphes, il y aurait 20 minutes d'intervention possibles sur chacun des paragraphes en question. Il en va de même pour l'article 505.1 qui ne renferme qu'un seul paragraphe et, à ce moment-là, on aura aussi un droit de parole de 20 minutes là-dessus, pour un total de 60 minutes pour chaque membre sur l'article 7, M. le Président. C'est notre interprétation et c'est conforme à ce qui s'est déjà fait dans cette commission.

Le Président (M. Simard): Alors, je voudrais entendre maintenant la partie ministérielle. Est-ce que quelqu'un veut s'exprimer sur cette question de procédure? Sinon je vais prendre ma décision et l'expliquer, si vous permettez. Vous pourrez toujours revenir sur ma décision.


Décision du président

Alors, je relis avec vous très attentivement pour qu'on se comprenne bien: «Le temps de parole de vingt minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article – il y a actuellement un article du projet de loi – alinéa – il y a un seul alinéa qui commence avant l'article 505 et se termine après l'article 505.1.» Donc, le temps de parole normal sera de 20 minutes pour l'ensemble de l'article, 20 minutes pour l'article 505 et 20 minutes pour l'article 505.1. Est-ce qu'on se comprend bien?

M. Sirros: C'est correct. M. le Président, je pense que vous l'expliquez bien, dans le sens que c'est 20 minutes pour l'ensemble de l'article, plus 20 minutes pour chacun des paragraphes introduits à l'intérieur de l'article...

Le Président (M. Simard): Voilà. Des deux articles modifiés.

M. Sirros: ...pour un total de 60 minutes.

Le Président (M. Simard): Soixante minutes. Il faut bien comprendre la notion d'alinéa, ici, qui s'applique à l'ensemble, sinon on tombait dans 80 minutes.

M. Lelièvre: Je voudrais une information.

M. Mulcair: Soixante et non pas 80.

Le Président (M. Simard): Soixante et non pas 80, on s'entend là-dessus. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: M. le Président, pour m'éclairer, étant donné que je manque d'information. Nos collègues de l'opposition ne nous ont pas tout à fait encore informés adéquatement. Si on prend l'exemple de l'article 7, ce que nous avons à débattre, ça commence bien à compter du chiffre 505 et on continue; par la suite, on s'en va à 505.1. Exact? Autrement dit, le temps de parole alloué débute sur le chiffre 505 et les mots qui suivent: «Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire...» Exact?

Le Président (M. Simard): C'est que l'article 7 est un principe en lui-même et, globalement, c'est un article qui est composé de deux parties. Alors, nous devons discuter de la première partie, discuter de la deuxième partie et discuter globalement de l'article. Alors, voilà. Si tout le monde a bien compris la façon de procéder, nous allons maintenant, non pas...

M. Bégin: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Alors, je vais donc donner la parole maintenant au ministre sur l'article 7.

M. Bégin: M. le Président, bien, là, c'était sur la décision. Je m'en excuse, mais je regarde l'article 7, il y a un seul article, il n'y en a pas deux, là.

Une voix: Oui, un seul.

M. Bégin: Il y a un seul article.

M. Mulcair: Il y a deux alinéas à l'intérieur, M. le Président.

M. Bégin: Il y a deux alinéas. Alors, il n'y a pas, à mon point de vue, trois 20 minutes. Il y a deux 20 minutes. Il y en a un sur 505 et un sur 505.1. Il n'y en a pas trois. Il y en a deux au maximum, M. le Président. Il y a un seul article.

Le Président (M. Simard): Il y a deux articles de modifiés.

M. Bégin: Non, non. Il y a un article qui est en cause, c'est l'article 505... C'est l'article 7 qui est là, il y a un seul article.

M. Gautrin: Le président a rendu sa décision.

Le Président (M. Simard): Alors, je répète...

Mme Delisle: Il introduit deux articles.

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît! Je relis, qu'on soit très attentif. On dispose de 20 minutes pour chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante.

M. Sirros: On ajoute ou on modifie...

Le Président (M. Simard): Ça fait deux.

M. Sirros: ...505 et 505.1.

Le Président (M. Simard): Alors, le texte est très clair.

Mme Delisle: Et 505.1.

Le Président (M. Simard): À l'article 7, on a 505 et 505.1.

M. Sirros: Plus l'introduction.

Le Président (M. Simard): Il est un principe admis et qui est très clair dans les règlements, c'est que l'on peut discuter, utiliser son temps de parole sur l'ensemble du principe d'un article et le voter, d'ailleurs; il faudra le voter dans son ensemble. La logique va jusqu'au bout. Et chacune des parties, dans ce cas-ci, 505 et 505.1, doivent être discutées séparément. Mme la députée de...

Mme Delisle: Jean-Talon.

Le Président (M. Simard): ...Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le Président, je vous ai avoué tout à l'heure que je n'étais pas avocate. Donc, puisque M. le ministre...

Le Président (M. Simard): Mais on m'a dit que vous êtes près du milieu juridique, quand même.

Mme Delisle: Disons que ça ne déteint pas, M. le Président.

Ce que j'allais vous dire, c'est que, pour ma compréhension, puis j'aimerais que vous me disiez si j'ai raison, on peut discuter sur l'ensemble de l'article 7, ensuite discuter un autre 20 minutes sur le deuxième alinéa, l'article 505, et, ensuite, un autre 20 minutes sur le 505.1. C'est ça?

M. Sirros: Pas sur le deuxième alinéa, mais sur l'ensemble.

Mme Delisle: Sur l'ensemble? Parfait.

Le Président (M. Simard): Soyons bien clairs. Sur l'article 7 et sur les deux articles qui sont modifiés...

Mme Delisle: Parfait! C'est ça, sur l'ensemble.

Le Président (M. Simard): ...505 et 505.1.

M. Bégin: Combien? Deux?

Une voix: Trois.

Mme Delisle: Trois.

M. Bégin: Non. M. le Président...

M. Mulcair: Donc, c'est le même 60 minutes que vous avez dit tantôt.

Le Président (M. Simard): Toujours le même 60 minutes.

M. Gautrin: Le président ne revient pas sur sa décision.

M. Bégin: M. le Président...

Mme Delisle: Il a rendu sa décision.

M. Bégin: Je sais, mais je peux intervenir.

Le Président (M. Simard): Oui, mais je pense qu'il est important, avant d'aborder ce long parcours, de nous entendre parfaitement sur les règles, et j'accorde...

M. Bégin: M. le Président, quand je lis le texte de 245... Vous me permettez de le lire avec vous? «Le temps de parole de vingt minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article», et, là, le reste...

Une voix: On s'entend, c'est le 7.

M. Bégin: Mettons, «ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter», ou chaque alinéa qu'on propose de modifier ou d'ajouter, chaque paragraphe qu'on propose de modifier ou d'ajouter. Il faut lire ça. Donc, il y a deux articles qu'on propose de modifier, 505 et 505.1. Il n'y a pas trois interventions, il y a deux interventions.

M. Sirros: M. le Président, sur ça, juste pour éclairer le ministre, j'imagine qu'à la fin de tout ce débat il va nous demander si on adopte l'article 7 dans son ensemble. Si on adopte l'article 7 dans son ensemble, il aura, au préalable, fallu avoir débattu de cet article 7 dans son ensemble. Donc, on est d'accord pour dire qu'il faut qu'on débatte de 501, 505 et également de l'article 7 dans son ensemble, ce qui fait trois débats de 20 minutes chacun et...

M. Bégin: M. le Président...

M. Sirros: Je vois que ce n'est pas clair encore. Le ministre veut intervenir.

M. Bégin: Non, non, ce n'est pas ça pantoute.

Le Président (M. Simard): Je rappelle, encore une fois, j'insiste et j'attire votre attention sur «ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante».

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Simard): Nous avons donc deux articles...

M. Bégin: Deux articles, point.

Le Président (M. Simard): ...et nous avons l'ensemble de l'article qui est l'article 7. Nous allons d'ailleurs voter le premier article, le deuxième article et l'ensemble du projet de loi. La logique est la même, et, là-dessus, je pense que la jurisprudence est très claire...

M. Bégin: M. le Président...

Le Président (M. Simard): ...nous devons accepter ce temps de parole.

M. Bégin: M. le Président, permettez-moi à nouveau. Je dis qu'on ne peut pas arrêter de lire l'article 245 à la troisième ligne. On doit le lire dans son ensemble et seulement cet article-là. Il n'y a aucune disposition qui dit qu'une fois qu'on a disposé, pour chaque membre de la commission, de 20 minutes pour chaque article qu'on propose de modifier ou chaque alinéa qu'on propose de modifier dans un projet de loi, on ne dit pas qu'on doit avoir, après ça, l'adoption de l'ensemble, et ce n'est pas dit. On dit: «Le temps de parole de vingt minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article [...] qu'on propose de modifier.» Alors, les deux articles qu'on propose de modifier, c'est 505 et 505.1.

On ne dit pas dans le même article que, après qu'on ait eu ce temps-là, on doive adopter à nouveau l'ensemble des articles et avoir un autre 20 minutes. Ce n'est pas du tout, du tout l'interprétation. Parce que, ce que vous faites, M. le Président, avec tout le respect que je dois à vous-même et à votre fonction, vous dites: Une fois qu'on a adopté pour chaque alinéa qu'on propose de modifier, on doit avoir un autre 20 minutes pour l'ensemble des dispositions. Je cherche dans le 245 cette interprétation-là.

Le Président (M. Simard): De façon à permettre l'alternance sur ce débat de procédure, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Si vous me permettez, peut-être que j'ai une façon de dénouer cette incompréhension, et si nous pouvions...

Des voix: ...

M. Fournier: Si vous me permettez, si on pouvait regarder le texte de l'article 245, et je pense qu'il faut s'intéresser aux virgules et aux mots que l'on va retrouver: «Le temps de parole de vingt minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi,». Donc, commençons par cette première tranche. Nous parlons de l'article, ici, du projet de loi, qui est l'article 7. Donc, 20 minutes pour l'article 7. Nous avons eu un «ou» qui définissait une première partie, on a une virgule, et on nous amène ensuite à l'autre partie qui est «chaque amendement ou sous-amendement ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter – dans une autre loi, une loi existante, pas un projet de loi – dans une loi existante.»

Donc, votre interprétation que vous nous avez proposée, M. le Président, va tout à fait dans le sens de cet article-là. Il faut regarder d'abord, et c'est la première tranche, le 20 minutes pour l'article de ce projet de loi, lequel est l'article 7; il y a un 20 minutes sur l'article 7, et il y a une virgule qui nous amène à une deuxième étape, à une deuxième tranche. Il faut se demander, dans la loi existante – là, on n'est plus dans le projet de loi, on est dans la loi existante – combien y a-t-il de dispositions d'une loi existante qui sont modifiées?

(17 h 40)

Il y a deux alinéas à l'article 505 qui sont modifiés et deux nouveaux articles qui sont ajoutés dont un comprend d'ailleurs deux alinéas. À la limite, M. le Président, je vous soumettrais que c'est peut-être de 80 minutes que nous devrions disposer. Mais, cela étant dit, je pense que l'article va dans le sens où vous l'avez interprété, et, simplement à la lecture de l'article, ça me semble évident.

Le Président (M. Simard): J'ai une demande de suspension à ma droite pour trois minutes. Je l'accorde et j'espère qu'on pourra dénouer parfaitement cette impasse.

(Suspension de la séance à 17 h 41)

(Reprise à 17 h 45)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Je pense qu'à ce moment-ci tout le monde a pu...

Une voix: Se détendre.

Le Président (M. Simard): ...se détendre et faire une lecture...

Des voix: ...

Le Président (M. Simard): On est toujours dans la suspension, mais... À l'ordre! La suspension est terminée. Nous reprenons nos travaux. Alors, je pense qu'à ce moment-ci, ayant entendu de part et d'autre les demandes d'éclaircissements, je maintiens ma décision et nous étudierons donc l'ensemble du projet de loi, enfin de l'article du projet de loi, et les deux articles que contient cet article du projet de loi. Alors, ce qui veut dire qu'en tenant toujours compte de la pertinence, c'est-à-dire de la nécessité qu'il y ait un lien entre l'article étudié et vos propos, je vous prierais maintenant de commencer et j'écouterai sur l'ensemble de l'article, maintenant, le ministre de la Justice.

M. Bégin: J'ai déjà parlé, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Vous avez donc terminé. Je peux donc donner la parole au porte-parole de l'opposition...

M. Bégin: Oh! M. le Président...

Le Président (M. Simard): ...ou à tout autre membre de l'opposition.

M. Bégin: ...je pourrais ajouter...

Le Président (M. Simard): Pardon, le ministre s'est ravisé.

M. Bégin: Je pourrais peut-être rajouter, si ça peut aider, en disant que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, parce que je ne suis pas sûr que ça aide vu le temps que l'on prend pour chaque article et qu'on va au maximum. Je vais référer les députés de l'opposition à l'extrait du procès-verbal de la huitième séance du Comité administratif du Barreau du Québec que je leur ai remis. Allez voir l'ensemble des dispositions que l'on retrouve à l'article 6...

Le Président (M. Simard): Page?

M. Bégin: ...page 4, de même que le rapport de la Cour d'appel où on demande d'agir de cette façon, et considérez qu'il y a là un certain appui aux propositions qui sont faites et qu'en conséquence, dans la mesure où ces propositions sont jugées propices à raccourcir les délais qui sont trop longs devant la Cour d'appel, il m'apparaîtrait qu'on devrait adopter très rapidement ce projet de loi... cet article, pardon.

Le Président (M. Simard): Alors, maintenant, je passe la parole à l'opposition.

Une voix: ...

M. Bégin: Très rapidement.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Le député de Chomedey a la parole.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, effectivement l'article 7 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts, doit être lu, M. le Président, pour bien comprendre toute sa portée et son sens, en même temps que l'on lit la disposition que l'on vise à remplacer.

L'article 505 existant aux termes du Code de procédure civile prévoit ce qui suit: «Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire dans les délais fixés, un juge de la Cour d'appel peut lui accorder, sur requête, un délai additionnel pour produire le mémoire et rendre les ordonnances appropriées.

«En cas de défaut de production du mémoire par l'intimé dans le délai fixé, la Cour peut refuser de l'entendre.»

And, in English version, the article 505 provides that: «Where the respondent does not file his factum within the time fixed, a judge of the Court of Appeal may, on a motion, grant him additional time in which to file the factum, and may make any appropriate order.

«Where the respondent fails to file his factum within the time fixed, the court may refuse to hear him.»

L'on propose de remplacer cet article 505, M. le Président, par deux nouveaux articles, un numéroté 505 et l'autre 505.1. L'article 505 nouveau que l'on propose de remplacer se lit comme suit: «Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire dans le délai prévu par l'article 504.1, il est forclos de le produire, à moins d'avoir, avant l'expiration de ce délai, signifié et produit au greffe du tribunal une demande de prolongation de délai. Cette demande peut être accordée, sur requête, par l'un des juges de la Cour d'appel pour une période qui, à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause, n'excède pas 30 jours.

(17 h 50)

«En cas de défaut de production du mémoire par l'intimé dans les délais impartis, la Cour peut refuser de l'entendre. Si l'intimé a formé un appel incident et qu'il ne respecte pas les délais impartis pour la production de son mémoire, l'appel incident est réputé déserté.»

Et de poursuivre avec l'article 505.1 nouveau proposé: «Un juge de la Cour d'appel peut, sur requête produite avant l'expiration du délai prévu par l'article 503, fixer, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, un autre délai pour la production de leurs mémoires.»

The English version of the section that will come in and replace existing article 505 of the Code of Civil Procedure stipulate that: «Where the respondent does not file his factum within the time prescribed by article 504.1, he is barred – one could have perhaps, Mr. Chairman, used the word "estopped" – he is barred from filing it unless an application for an extension is served and filed at the office of the court by him before the expiry of the prescribed time. The extension may be granted, on a motion, by a judge of the Court of Appeal for a period which, barring exceptional circumstances owing to the nature of the case, may not exceed 30 days.

«Where the respondent fails to file his factum within the allotted time, the Court may refuse to hear him. If the respondent makes an incident appeal but does not act within the time allotted for the filing of his factum, the incident appeal is deemed abandoned.»

Alors, nous voilà, M. le Président, encore une fois, face à une disposition qui vise la même fin déjà si bien exprimée par mon collègue, le ministre de la Justice, lorsqu'il explique le fait que, par le passé, ayant trop vu des situations où les délais n'étaient pas respectés en matière d'appel, on connaît maintenant un engorgement important des tribunaux.

Je voudrais commencer mon intervention sur l'article 7 du projet de loi, M. le Président, en posant une question au ministre de la Justice à propos, justement, de l'article du Code de procédure civile qu'il nous a si correctement cité plus tôt dans ce débat sur le projet de loi 41. Est-ce que le ministre de la Justice peut nous indiquer si, à l'article 505, lorsqu'il parle d'un délai qui ne peut, sauf une situation exceptionnelle, excéder 30 jours, ce délai, une fois imparti, permet quand même d'avoir recours à l'article 9 du Code de procédure civile?

M. Bégin: Pour les mêmes raisons que j'ai mentionnées plus tôt à l'égard d'une autre disposition, effectivement, l'article 9, comme l'article 523, deuxième alinéa, du Code de procédure civile, pourrait être utilisé à l'égard de cet article-là.

M. Mulcair: M. le Président, je remercie beaucoup l'honorable ministre de la Justice pour cette explication et cette réponse, car ça nous permet de situer sa démarche. Mais je pense qu'encore une fois on a un exemple d'une disposition qui aurait pu être bonifiée si on avait pu avoir, justement, l'apport d'intervenants comme le Protecteur du citoyen ou encore le Barreau du Québec qui auraient pu venir nous expliquer les autres possibilités que l'on aurait pu considérer.

Avant d'aller plus loin sur cette question à l'égard de l'article, M. le Président, je tiens à préciser, parce que, avec un de mes anciens collègues du ministère de la Justice, la question a été soulevée tantôt... Loin de nous l'idée de reprocher quoi que ce soit en ce qui concerne la facture, le libellé, la rédaction en tant que telle de cet article et pour l'ensemble du projet de loi. Nous sommes en train plutôt, de ce côté de la Chambre, M. le Président, de nous inquiéter de ce qui est assez clairement, à notre point de vue, un manque d'information, un manque d'information, pour que les gens qui sont élus et qui viennent ici dans cette commission puissent faire un rapport étayé auprès de leurs autres collègues de l'Assemblée nationale.

Comment, en effet, M. le Président, pouvons-nous faire une recommandation sérieuse à l'égard de l'article 7 et des deux amendements qu'il propose, soit le remplacement de l'article 505 existant et l'ajout de 505.1, comment pouvons-nous, dis-je, faire une recommandation sérieuse si nous ne savons pas, et il y a très peu de moyens pour nous de le savoir parce que le ministre nous apprend que les services compétents de son ministère n'ont jamais fait les études et analyses objectives là-dessus et nous empêche d'avoir le privilège d'entendre le Protecteur du citoyen ou le Barreau là-dessus... Comment pouvons-nous formuler valablement un avis sur cet article-là, à défaut d'avoir ces informations si importantes?

Il existe dans chaque ministère et chaque organisme, avec raison, M. le Président, des services de recherche, des services chargés d'informer les décisions du ministre, et on aurait pu ô combien profiter d'avoir une information solide sur laquelle baser notre décision. Nous sommes, par contre, face à une situation qui nous prive de cette information, soit parce que les études et recherches en question n'ont jamais été effectuées parce qu'elles n'ont jamais été demandées, soit parce que les gens qui peuvent nous informer davantage ne sont pas là, parce que le ministre de la Justice et ses collègues de l'autre côté de cette pièce nous en empêchent, utilisant leur majorité pour dire: Non, on n'entendra pas le Protecteur du citoyen; non, on n'entendra pas le Protecteur du citoyen qui est aussi un ancien sous-ministre de la Justice; on ne fera pas venir le Barreau; vous n'aurez pas l'occasion de leur poser des questions tantôt sur leurs interventions et leurs objections, tantôt sur les raisons qui ont motivé leurs suggestions.

On a entendu de ce côté, à plusieurs reprises, M. le Président, l'honorable ministre de la Justice nous expliquer que ces modifications viennent en réponse à des demandes. On l'a bien entendu. Mais, M. le Président, ce qu'on persiste à lui poser comme question, c'est que, si c'est seulement sur la base de cette demande, comment est-ce qu'on sait que les analyses qui sont nécessaires en vue d'informer sa décision avant de nous présenter ce projet de loi ont été effectuées ou, du moins, que cette décision est basée sur quelque chose de solide? On a trop souvent eu la réponse, M. le Président, que les études n'existent pas, que la demande en tant que telle suffit pour convaincre le ministre de la Justice que c'est la manière de procéder.

On comprend tous que c'est une première pour l'actuel ministre de la Justice, c'est la première fois qu'il est appelé ici à défendre un projet de loi qui a une importance sur l'administration de la justice, et on comprend par la même occasion qu'il peut arriver que l'on veuille bien faire en répondant à des demandes. Mais notre devoir de parlementaires, M. le Président, va bien au-delà du simple fait de répondre à des demandes. On n'est pas là pour faire plaisir à des groupes ou pour répondre à des demandes. Si, bien entendu, leurs demandes visent le bien commun...

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Simard): ...permettez-moi de vous interrompre en pleine envolée. Il y a un caucus qui doit avoir lieu dans trois minutes. Vous serait-il possible de m'accorder votre collaboration pour mettre fin à ce moment-ci, en plein milieu de l'expression d'une volonté intéressante? Nous nous retrouverons... nous suspendons jusqu'à 20 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 36)

Le Président (M. Simard): À l'ordre! Alors, nous allons poursuivre l'étude de l'article 7 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. M. Mulcair, il vous reste 10 minutes. Vous aviez commencé.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Thank you very much, Mr. Chairman.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): En autant que tu ne m'appelles pas M. le «Speaker».

M. Mulcair: Alors, M. le Président, nous étions rendus à l'étude de l'article 7 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts, et nous étions en train de remarquer que les dispositions en question, c'est-à-dire le nouvel article 505 qui remplace l'ancien du même numéro et l'ajout de 505.1, visent encore une fois – du moins, c'est le but avoué – à raccourcir les délais devant les tribunaux et notamment à la Cour d'appel, en réduisant d'une certaine manière le nombre de possibilités qui existaient pour s'échapper des délais qui devaient normalement être respectés, notamment en ce qui concerne le dépôt du mémoire d'appel. Ce qu'il faut remarquer en lisant ces dispositions-là, M. le Président, c'est le fait que, encore une fois, nous avons une idée proposée, mais une qui doit être lue avec l'ensemble du projet de loi et les autres articles qui l'ont précédé. Et, comme le ministre de la Justice a eu amplement l'occasion de l'expliquer à plusieurs reprises, il n'y a malheureusement jamais eu d'études pour venir nous dire que c'était la seule manière de procéder et que c'était la meilleure.

Une de nos préoccupations principales à l'égard de l'article 7 du projet de loi et des articles 505 et 505.1 introduits par cet article, c'est le fait qu'encore une fois, en voulant bien faire, c'est-à-dire en imposant des délais plus stricts et en menaçant de mettre à exécution ce qui était toujours là auparavant, c'est-à-dire la possibilité d'exclure les gens des tribunaux, bien, là, on est en train, maintenant, de dire: On peut aller un petit peu plus de l'avant, les gens pourront être forclos de produire leur mémoire. Mais, encore là, comme nous avons eu l'occasion de le signaler, le problème, ce n'est pas seulement à l'égard des avocats qui feraient défaut de respecter les dispositions telles qu'édictées par l'article 7 du projet de loi 41. Il faut aussi regarder l'impact sur les justiciables. C'est pour ça que nous insistons tellement sur le fait que ce projet de loi fait défaut en ce qui concerne les consultations qui ont dû être menées, et on n'est pas capable de nous dire si on a étudié la possibilité que ces modifications fort louables visant à réduire les délais à la Cour d'appel ne vont pas, par leur effet, aussi enlever des droits aux justiciables.

Le ministre de la Justice lui-même a employé ce terme. Il a dit: Avant d'enlever des droits aux gens. Il l'a dit à deux reprises, M. le Président, avouant ainsi le fait que les dispositions en question risquent d'enlever des droits. Mais ce ne sont pas les droits des avocats qui nous intéressent lorsqu'on regarde l'article 7 du projet de loi 41, ce sont les droits des justiciables. Il est évident qu'en réduisant les délais on pourra rendre justice. Et, comme on a eu l'occasion aussi de le dire, «justice delayed is justice denied».

(20 h 40)

Toutefois, on est en train, à mon sens, de manquer une occasion en or, car, pour la première fois, nous sommes en présence d'un ministre de la Justice qui est en même temps ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Nous aurions donc tellement pu profiter de sa vaste expérience de praticien du droit et du fait qu'il cumule pour la première fois ces deux fonctions de ministre de la Justice et de ministre responsable de l'application des lois professionnelles pour voir s'il n'y aurait pas moyen de discuter avec le Barreau afin de déterminer s'il serait possible de rehausser les exigences vis-à-vis des praticiens du droit, notamment à l'égard de leur code de déontologie, afin de s'assurer que, par le fait même d'imposer des règles plus strictes et que les gens soient déchus de leur droit d'appel si jamais ils manquent ces délais, si jamais ça arrive, au moins le praticien aurait un prix à payer.

On a aussi vu, M. le Président, que, depuis six ans environ, le Barreau du Québec administre un fonds d'assurance responsabilité professionnelle, et ç'aurait été intéressant de pouvoir entendre le Barreau sur ce sujet, pour que le Barreau puisse nous dire, oui ou non... Bien, à mon sens, ils auraient dit oui, effectivement. Le problème, ce n'est pas seulement au niveau des tribunaux ou au niveau des règles, parce qu'il existait des règles auparavant. Tout le monde admet qu'il y avait des règles. Il y avait des délais, mais elles n'étaient pas respectées, les règles, et les délais non plus.

L'article 9 du Code de procédure civile continue d'exister. Il n'y a pas de modification de cet article devant nous. Donc, les gens vont pouvoir plaider comme d'habitude pour des exceptions, pour des extensions des délais. Ils vont pouvoir s'entendre entre eux autres pour des délais plus longs. Il n'y a rien, donc, qui nous garantit que même le résultat va être trouvé.

Mais encore, M. le Président, même si on devait comprendre et on pouvait nous prouver que le but recherché, réduire les délais et le backlog, le bouchon qui existe au niveau du rôle à la Cour d'appel, ça allait être réglé, il y a ce deuxième problème qui – nous, on insiste – doit être pris en considération par cette commission, à savoir l'effet néfaste, prévisible, à notre point de vue, sur les justiciables lorsque leur cause va être forclose. Vous savez, M. le Président, on a posé la question au ministre, et la seule chose qu'il a été capable de nous dire à cet égard, c'est: Bien, ce n'est pas grave, si leur avocat fait mal son travail, ils ont toujours le droit de le poursuivre au civil.

Franchement, M. le Président, ça fait dur d'entendre un ministre de la Justice du Québec nous dire que, la seule solution qu'il est capable de nous proposer, c'est de retourner les gens devant les tribunaux pour trouver un autre avocat pour poursuivre leur avocat si leur avocat a fait défaut de respecter les règles! Il me semble, M. le Président, que, lorsqu'on est en train de rouvrir ces débats, de regarder ces dispositions et qu'on a un ministre de la Justice qui est effectivement en même temps ministre responsable de l'application des lois professionnelles, il faut profiter de l'occasion, il faut regarder l'ensemble. Et ce sur quoi on insiste depuis hier, c'est que ce projet de loi manque de vision d'ensemble, ne présente aucune manière de faire qui tient compte des autres possibilités qui s'offraient pour réduire le risque que le justiciable paie les frais de ces nouvelles règles plus serrées, plus restreignantes, plus exigeantes en matière de délai devant la Cour d'appel.

On a entendu à plusieurs reprises le ministre de la Justice nous expliquer qu'il n'y a pas d'études qui avaient été commandées et, à plus forte raison, jamais eu d'études faites par les services compétents – et je mets l'accent sur le mot «compétents» – du ministère de la Justice. Il nous dit, par contre, que ça vient en réponse à des demandes. Nous, on veut bien, si l'article 7 du projet de loi 41 vient en réponse à une demande, mais qu'on ait au moins le droit de poser des questions à ceux qui ont fait la demande! Qu'on les rencontre, les gens du Barreau! On demanderait à Mme la présidente du Barreau de nous expliquer pourquoi c'est la seule manière de faire. On l'inviterait à amener son syndic, qu'il nous explique si lui pense que, oui ou non, il y a un lien possible à faire de référer le nom des avocats, par exemple, qui font défaut de produire et de respecter ces délais. Peut-être qu'on pourrait voir si on pourrait référer ces noms-là au syndic pour qu'il fasse enquête pour voir si c'est un incident insolite ou s'il s'agit d'une pratique trop fréquente du praticien en question.

C'est ça, M. le Président, faire de la protection du public! C'est ça, M. le Président, qu'on doit avoir en tête, lorsqu'on rédige un article comme l'article 7 du projet de loi 41, en tenant compte du seul but qu'on devrait avoir ici, qui est de voir ce qu'on peut faire de mieux pour les justiciables pour qu'ils respectent nos institutions et que ça marche bien.

Qu'est-ce qu'on a à la place de ça? On a un ministre de la Justice qui nous dit: Bien, on me l'a demandé. Bien, on le lui a demandé, est-ce que ça va être ça... Moi, je vais me faire un devoir d'être là quand le ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles va venir discuter de ces lois professionnelles, parce que j'espère que, dans ces autres cas, il va y avoir eu de la recherche sérieuse, objective qui va venir étayer, sous-tendre et soutenir ce qu'il va présenter en commission, pour qu'on l'amène à l'Assemblée...

Le Président (M. Simard): Veuillez conclure, M. le député, il vous reste 30 secondes.

M. Mulcair: Je les garderai, M. le Président, pour pouvoir intervenir plus tard sur ce premier paragraphe de l'article 7.

Le Président (M. Simard): Il vous en restera 15. Merci. Nous passons maintenant à la réplique du ministre, s'il le souhaite.

M. Bégin: M. le Président, il semble bien que le Barreau a compris beaucoup plus rapidement que les députés de l'opposition le rapport de la Cour d'appel, parce qu'il a appuyé ce dernier, le rapport de la Cour d'appel, qui proposait des modifications que l'on retrouve d'ailleurs dans le projet de loi et en particulier à l'article 7.

Par ailleurs, je suis un peu étonné de voir que le député réfère à la Cour d'appel comme étant un groupe quelconque qui fait des demandes auprès du ministre. Il me semble que la Cour d'appel, quand elle parle de son rôle, des délais, a une stature un peu plus grande qu'un groupe quelconque. C'est ce qu'il a utilisé comme expression pour désigner la Cour d'appel, à 17 h 57 ou à peu près. On pourrait le voir dans la transcription des galées. Alors, ça m'étonne un peu de cette référence pour le moins, je dirais, cavalière à l'égard de ce qu'est la Cour d'appel et du Barreau qui a entériné, dans son rapport, dans ses résolutions, ce que demandait la Cour d'appel.

Alors, un peu plus respectueux, nous y avons donné suite et avons proposé et proposons encore le projet de loi qui est là, qui vise, je le répète, à réduire les délais. Au-delà de tous les groupes quelconques qui peuvent évaluer si une mesure qui est proposée a des chances d'obtenir le résultat en ce qui concerne les délais, je crois que la Cour d'appel est certainement bien placée pour le faire. Dans ce sens-là, je suis aussi étonné parce que les documents...

On se plaint que le Barreau ne soit pas là. Je m'étonne qu'on n'ait pas pris connaissance avant aujourd'hui du rapport de la Cour d'appel du Québec, qui date de mars 1994, qu'on n'ait pas pris connaissance non plus des résolutions du Barreau qui, à ce que je sache, a toujours travaillé autant avec l'opposition qu'avec le parti au pouvoir à l'égard de ces questions-là, sans partisanerie quelconque, mais a offert sa collaboration. Et je suis étonné que les membres de l'opposition n'aient pas plus d'information que ça et demandent d'entendre la bâtonnière, par exemple, qui aurait été certainement heureuse d'échanger avec chacun d'entre vous, ou l'ensemble, pour connaître son point de vue sur les dispositions du projet de loi ou d'autres propositions contenues dans le rapport de la Cour d'appel.

Alors, je soulève, M. le Président, que c'est étonnant de voir ces réactions face à des propositions qui sont pleines de sens et qui émanent certainement, en bonne partie quant à leur esprit tout au moins, de gens qui savent de quoi ils parlent, entre autres la Cour d'appel, quand elle parle des délais en Cour d'appel, et le Barreau, quand il parle des délais en Cour d'appel, et qui s'entendent pratiquement même sur le contenu des recommandations et, évidemment, des articles que l'on retrouve dans ce projet de loi. M. le Président, je réitère que nous sommes ici pour étudier ces textes et que nous allons prendre tout le temps qui est requis pour le faire, tout autant qu'il le faudra, mais que, 12 heures pour étudier sept articles, c'est beaucoup de temps. Mais, s'il faut en mettre 24 de plus, nous les mettrons. C'est un droit fondamental que nous respectons, mais il m'apparaît y avoir une contradiction entre le dire et le faire.

M. Sirros: M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion, sur une question...

M. Sirros: ...une question peut-être au ministre. J'ai cru comprendre que le ministre disait que la bâtonnière serait très heureuse d'échanger avec chacun...

M. Bégin: Aurait été. Aurait été heureuse.

M. Sirros: Mais vous avez entre vos mains le pouvoir de la rendre heureuse et de l'inviter ici pour qu'on puisse effectivement lui donner cette occasion de...

M. Mulcair: Il a peur. Je pense qu'il a peur.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Je trouve, M. le Président, que le ministre a fait une ouverture...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît, là. S'il vous plaît!

Des voix: ...

M. Sirros: J'ai cru voir une...

(20 h 50)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais bien qu'on ait des commentaires d'un seul député à la fois. Ça vaut de tous les côtés.

M. Mulcair: Bien, je pense qu'on a entendu quelques propos antiparlementaires.

Le Président (M. Simard): Oui. Je ne les ai pas entendus et je ferai comme si je ne les avais pas entendus. Je prierais le député de Laurier-Dorion de poursuivre en solo, et non pas en duo, son intervention...

M. Sirros: Donc, M. le Président...

Le Président (M. Simard): ...et en s'adressant au président.

M. Sirros: ...je disais que je trouvais que le ministre avait fait une certaine ouverture quant à la possibilité, pour la bâtonnière, d'échanger avec les députés et les parlementaires. Il dit qu'elle en aurait été heureuse. Je trouve que ce n'est jamais trop tard pour bien faire. Alors, le ministre le pourrait effectivement, s'il voulait bien se rendre à l'évidence de la pertinence de ce qu'on est en train de dire vis-à-vis du loisir qu'on devrait avoir, comme parlementaires, d'échanger en commission parlementaire, non pas en privé, non pas en dehors du processus législatif, mais dans le cadre de nos fonctions, avec la bâtonnière.

Alors, je pourrais peut-être l'inviter à y réfléchir une autre fois puis à s'en remettre à ça, parce que, effectivement, comme lui, nous estimons qu'il faut faire bien attention avec ce projet de loi, surtout qu'un ancien sous-ministre de la Justice qui, de surcroît, est devenu Protecteur du citoyen exprime de sérieuses réserves par rapport au projet de loi. Quelqu'un me faisait remarquer que, pour lui, c'est un peu comme si on disait... Et ça m'a inquiété, mais c'est parce que, pour lui, on me disait que c'était comme si on voulait diminuer, je ne sais pas, moi, l'achalandage dans les urgences en décrétant qu'on n'y verrait plus des gens qui avaient telle ou telle maladie ou tel problème. Alors, semble-t-il, le Protecteur du citoyen trouve qu'on agit de cette façon, ici. Et, comme c'est quelqu'un qui a passé plusieurs années au ministère de la Justice en tant que sous-ministre en particulier, on est obligés, de ce côté-ci, de prendre ça très au sérieux. Si le ministre ne veut pas changer d'idée vis-à-vis de la bâtonnière, on peut souhaiter que, par rapport à l'article en question tout au moins, on pourrait avoir le loisir d'échanger en commission parlementaire avec le Protecteur du citoyen.

Maintenant, je sais que le ministre a refusé cette demande au préalable, mais je suis dans l'obligation d'essayer de la reformuler une autre fois, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Alors, M. le député de Laurier-Dorion a terminé. Est-ce qu'il y a une réplique du ministre?

M. Bégin: Juste une phrase, M. le Président. J'ai vu le nom des personnes qui avaient signé le rapport de la Cour d'appel et je voudrais rappeler que le dernier nom que j'ai lu est Jacques Chamberland, l'ancien sous-ministre de la Justice il y a un an. Alors, il est un des signataires des recommandations qui sont là.

M. Sirros: M. le Président, je trouve que ça ne change vraiment pas grand-chose. Nos inquiétudes restent comme elles sont. Je ne me suis jamais référé à M. Chamberland, mais je parlais surtout du Protecteur du citoyen qui a une fonction tout à fait autre que celle qu'aurait pu avoir le sous-ministre, dans le temps, qui est devenu maintenant juge...

M. Bégin: À la Cour d'appel.

M. Sirros: ...qui a signé le rapport, qui parle au nom des juges, donc, et non pas au nom des citoyens. Alors, je pense qu'il y a quand même une différence à faire. Je suis pour le respect très substantiel de la part de la magistrature puis des juges, mais il faut quand même se rendre à l'évidence, surtout ici, pour protéger les citoyens. Dans ce sens-là, j'aimerais bien que le ministre change d'idée. Mais je vois qu'il est assez ferme dans son entêtement.

M. Bégin: Serein. Ha, ha, ha!

M. Sirros: Serein.

Une voix: ...propos parlementaires.

M. Sirros: Oui, oui, oui, c'est parlementaire.

Le Président (M. Simard): Alors, est-ce que je dois conclure que votre intervention est terminée?

M. Sirros: Alors, j'en resterai là pour l'instant, M. le Président, avec, comme le dit mon collègue de Chomedey, la possibilité d'y revenir à un moment donné.

Le Président (M. Simard): Nous n'en doutons point, M. le député. J'écouterai maintenant le député de Verdun, qui est impatient de faire part à cette commission de ses...

M. Gautrin: Oui, merci, M. le Président.

M. Boulerice: Nous sommes tout ouïe.

M. Gautrin: Oui. J'essaie de comprendre et j'ai du mal. D'abord, «forclore», moi, je n'ai pas l'habitude de dire ça.

Le Président (M. Simard): Sans «l»!

M. Gautrin: Est-ce qu'on ne peut pas rédiger des lois... Je le dis à peu près dans toutes les commissions et je le dis autant quand j'étais du côté gouvernemental que du côté de l'opposition: Est-ce qu'on ne peut pas utiliser des termes que le monde comprend? Parce que, si, aussi bien dans votre comté que dans mon comté, vous allez demander aux gens ce que ça veut dire, «forclore», je suis prêt à le demander, tiens, au député de Rouyn-Noranda...

Le Président (M. Simard): Ha, ha, ha! Il va se mettre à danser.

M. Gautrin: ...combien de personnes sur la rue vont savoir ce que ça veut dire, «forclore», et je... Non, non!

M. Boulerice: Voulez-vous les noms?

M. Bégin: Voulez-vous les noms?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Il reste une autre connotation à «forclore». I mean...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Oui, oui, c'est ça. Nous aussi.

M. Copeman: Ne le demandez pas dans Notre-Dame-de-Grâce parce que vous allez avoir une réponse bien différente.

M. Gautrin: Non. Je le dis en général, autant pour les lois qui touchent le ministère de la Justice et ceux d'entre vous qui ont la chance de regarder les lois fiscales. Vous n'avez aucune idée du charabia dans lequel les lois fiscales sont écrites, à tel point qu'on est incapables, la majeure partie du temps, de les comprendre, et il faut s'arracher les cheveux pour comprendre un peu ce que les gens veulent dire. Alors, moi, je comprends parce que j'ai été chercher le dictionnaire. «Forclore», je vais vous lire ce que ça veut dire, ça veut dire «priver du bénéfice». Pourquoi vous n'allez pas dire «privé du bénéfice de produire»?

Une voix: En vertu du dictionnaire.

M. Gautrin: Parce que... Non, non, mais au moins le monde aurait compris sans avoir besoin d'avoir référence à un dictionnaire. Moi, je suis toujours un peu gêné par cette utilisation d'un langage hermétique entre praticiens du même monde qui se comprennent entre eux.

Ceci étant dit, j'ai quelques questions à vous poser. M. le ministre...

Le Président (M. Simard): Puis-je vous interrompre un instant, M. le député de Verdun?

M. Gautrin: Oui.

Le Président (M. Simard): Je sais que nous sommes ici, qu'il est 20 h 55, que nous allons passer encore plusieurs heures, semble-t-il, sur cet article et que tout le monde est vraisemblablement fatigué, mais, pour la conduite normale de cette commission, je prierais tout le monde de faire un effort pour ne pas parler, pour ne pas discuter pendant que l'intervenant fait ses commentaires.

M. Gautrin: Et écoutez-moi. Ha, ha, ha! Merci.

Le Président (M. Simard): Ce n'est pas obligatoire d'écouter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Mais il faut faire semblant au moins d'écouter. C'est ça que vous êtes en train de nous dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Qu'est-ce que je fais depuis trois jours?

Une voix: Il faut faire semblant d'écouter.

Une voix: Question de privilège, M. le Président. Il faut écouter.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Bon. Mais, pour revenir...

Une voix: On fait ça souvent, nous.

M. Gautrin: Ce que vous proposez dans l'article 7, c'est un peu la symétrie, pour l'intimé, de ce que vous avez proposé initialement pour la personne qui faisait un appel. Moi, je ne connais pas bien comment les choses fonctionnent, mais, dans le fond, quand on fait des lois, avant de les voter, il faut qu'on essaie de les comprendre et, si on se réunit comme ça en commission parlementaire, c'est pour essayer de les comprendre. Alors, si je comprends bien, si l'intimé ne produit pas son mémoire dans les délais prévus, il n'a pas le droit d'en produire. C'est ça, «forclore», ça veut dire qu'il n'en produit pas.

Qu'est-ce qu'il arrive quand le gars ne produit pas de mémoire? Si j'ai bien compris, le poursuivant a produit un mémoire, le gars qui est l'intimé, il ne produit pas son mémoire parce qu'il ne l'a pas produit dans le temps, alors il n'a plus le droit d'en produire, c'est bien ce que j'ai compris. Qu'est-ce qui se passe? Alors, ma question, elle est liée... À défaut de production du mémoire par l'intimé dans les délais, la Cour peut refuser de l'entendre. Ça veut dire qu'on peut le condamner sans l'entendre. C'est ça? Non, je pose la question, là.

M. Bégin: Le «forclos de le produire», c'est donc: on ne l'a pas produit dans les temps voulus, on ne pourra plus le faire, et la Cour peut décider que, en plus de ne pas produire de mémoire, elle n'entendra pas verbalement la personne qui représente le justiciable, la Cour jugeant, selon la discrétion qui lui appartient, qu'il n'est pas nécessaire de le faire, vu l'absence de produire le mémoire. Alors, c'est un peu comme si on considérait que, si on n'a pas jugé à propos de produire un mémoire, pourquoi aurait-on l'obligation d'entendre la personne qui n'a pas jugé à propos de produire un mémoire, alors que, la forme, c'est de déposer un mémoire écrit?

M. Gautrin: Donc, il pourra se faire condamner sans avoir été entendu.

M. Bégin: La décision n'est pas d'être condamné, mais, par le défaut de produire son mémoire dans les temps requis, la partie qui ne le fait pas accepte de subir les conséquences de son défaut d'agir, comme celui qui ne prend pas un recours pendant la période où la prescription n'est pas acquise; s'il ne le fait pas en temps voulu, il perd son recours. C'est l'exercice des droits et la perte des droits selon un système juridique et judiciaire.

M. Gautrin: Et un mémoire, ça doit être gros ou ça peut être un petit bout de papier, dire «Mémoire de» et c'est tout, pour avoir la chance de pouvoir se faire entendre?

M. Bégin: Ça peut être une page et demie, mais il faut qu'elle soit pertinente, évidemment, parce que, si vous mettez une page blanche, ça n'aidera pas beaucoup votre cause.

Des voix: Ah!

M. Mulcair: Une page blanche, c'est vous autres. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Là, tu viens d'ouvrir une porte.

M. Gautrin: Non, non, je comprends. Ça, non, non. Ne rentrons pas dans le débat de la page blanche, là, on n'est pas dans le processus référendaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

(21 heures)

M. Bégin: Mais le processus n'est pas le même. Le processus n'est pas le même. Une page volontairement blanche est faite pour être remplie, alors que, pour convaincre devant une Cour d'appel, ce n'est pas très fort.

M. Gautrin: Oui, je comprends, mais l'individu, s'il a déposé quelques lignes sur un bout de papier qui est son mémoire, là, il aura le droit de se faire entendre, s'il veut, parce que ça, ça lui permet, à ce moment-là, de se faire entendre. C'est ça?

M. Bégin: Bien, écoutez. En principe, le mémoire est censé représenter la plaidoirie que l'on fait, et l'expression verbale n'est qu'une manière différente de présenter la même chose.

M. Gautrin: Ah bon!

M. Bégin: Alors, si vous avez quatre lignes qui disent peu de chose, vous ne direz pas grand-chose sur le reste.

M. Gautrin: Vous n'avez pas le droit de dépasser. Quand vous parlez, vous n'avez pas le droit de dire plus que ce que vous avez écrit.

M. Bégin: En principe, non.

M. Gautrin: Bon. Je ne savais pas comment ça fonctionnait, ces affaires-là, moi.

M. Bégin: C'est très bien organisé.

M. Gautrin: Bon. O.K. Je comprends. Alors, c'est ça. Si la personne qui le poursuit s'en va en appel, il est obligé de continuer à avoir des frais d'avocat pour déposer un mémoire. Autrement, il n'est pas entendu. Mais ça, pour le moment, c'est la situation telle qu'elle existe actuellement. C'est mon ignorance probablement des cours d'appel, parce que ce n'est pas un milieu que je fréquente tellement souvent.

Une voix: Chanceux.

M. Gautrin: O.K. Bon. Alors, maintenant, le deuxième article, qui était l'article auquel vous m'aviez référé lorsque j'avais posé la question, vous m'avez dit que c'était le bon article et qu'on avait dit qu'on allait vous louer là-dessus: «Un juge de la Cour d'appel peut, sur requête produite avant l'expiration du délai [...], fixer, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, un autre délai pour la production de leurs mémoires.»

Je n'ai quand même pas une mauvaise mémoire, moi. Avant, dans l'article 504 – je pense que c'est 504, ou 503.3 – les deux parties, par consentement, pouvaient avoir l'extension des délais, si je ne me trompe pas. Tandis que là, maintenant, même s'il y a consentement des parties, c'est un juge qui juge. C'est ça. À l'heure actuelle, ça demande aussi le consentement du juge, à 503?

M. Bégin: C'est un processus différent. Oubliez l'ancienne procédure. Prenez la nouvelle. La nouvelle consiste à dire que, au-delà de la requête que chacune des parties, que ce soit l'appelant ou l'intimé, peut faire avant qu'on ne soit forclos de continuer, les parties peuvent s'entendre, dans certaines circonstances, pour rencontrer la Cour et discuter d'un délai différent pour produire leurs mémoires respectifs. Donc, on est en présence d'une hypothèse où la période normale de production des mémoires, tant de l'appelant que de l'intimé, est jugée, par la Cour, insuffisante et, en conséquence, on en fixe des nouvelles, de consentement.

M. Gautrin: Mais c'est la Cour...

M. Bégin: De consentement.

M. Gautrin: Dans la nouvelle approche, ça prend la présence de la Cour. Si je comprends bien, dans la situation, je ne veux pas dire la vieille situation, mais, enfin, la situation actuelle, c'était accord des parties et dépôt auprès du greffier du tribunal ou de la Cour.

M. Bégin: Non, c'est que les parties présentent une requête, de consentement, pour dire à la Cour: Nous aimerions, dans les circonstances, obtenir...

M. Gautrin: Oui, oui. Ça, c'est ce que vous proposez.

M. Bégin: Exact.

M. Gautrin: Mais qu'est-ce qui se passe, actuellement?

M. Bégin: Ah! vous l'avez à 503.

M. Gautrin: C'est 500.3...

M. Bégin: 503.

M. Gautrin: «Malgré les articles 503.1 et 503.2 – je l'ai retrouvé – le greffier de la Cour d'appel ne peut délivrer un certificat attestant que l'appel est déserté, lorsque les parties ou leurs procureurs ont déposé au greffe du tribunal un consentement signé par eux et fixant un autre délai pour la production du mémoire.»

Donc, entre la situation actuelle et ce que vous proposez, vous limitez la possibilité d'extension des délais, parce que vous dites: Il faut qu'un juge se prononce sur la validité de l'extension des délais.

M. Bégin: Non, on est en train de discuter de deux choses différentes.

M. Gautrin: Alors, je n'ai pas compris.

M. Bégin: Alors, on est rendu à 201, là.

M. Gautrin: Ah bon! Mais écoutez un instant, là. Moi, je suis toujours sur 505.1, ce que j'essaie de comprendre.

M. Bégin: Alors, dans la situation que nous proposons, deux parties qui savent, par la nature de la cause, qu'elles ne seront pas capables, ni du côté de l'appelant, ni du côté de l'intimé, de produire, dans les délais fixés par la loi, le Code de procédure civile, leur mémoire, demandent à la Cour, avant que personne ne soit en défaut et en dehors de la procédure prévue dans les deux autres cas, de convenir de délais différents, et la Cour, après avoir entendu les parties et les représentations, j'imagine, relativement communes des deux parties, accepte de fixer un délai qui sera différent de ceux qui sont prévus actuellement.

M. Gautrin: Je comprends, mais, dans la situation actuelle... C'est-à-dire imaginons que la loi ne soit pas passée. Est-ce que...

M. Bégin: Bon.

M. Gautrin: ...dans les délais qui se passent... Qu'est-ce qui se passe lorsque les deux parties veulent avoir une extension de délai? Ça ne prend pas une intervention de la Cour, ou c'est moi qui ne comprend pas.

M. Bégin: C'est parce que, actuellement, on n'est pas du tout dans cette hypothèse-là. Dans la situation actuelle, une personne qui n'a pas produit son mémoire peut laisser filer le temps sans qu'il y ait de problème. Cependant, l'autre partie peut demander, par requête, de faire rejeter l'appel comme étant déserté vu le défaut de produire le mémoire. Et, là, on disait, à l'article 503, que, malgré les articles 503.1 et 503.2, le greffier de la Cour d'appel ne pouvait délivrer un certificat attestant que l'appel était déserté si déjà il y avait eu un consentement signé entre les parties fixant un autre délai pour la production du mémoire. Donc, on oublie complètement cette méthode, parce qu'on n'est plus dans le même raisonnement, et on dit: Si les parties veulent et jugent à propos de demander à la Cour, de consentement, de fixer d'autres délais, c'est possible de le faire, et ça, en dehors du processus habituel.

M. Gautrin: O.K. Ça, j'ai compris, ça marche. J'avance, là, je commence à comprendre un peu mieux. C'est quoi, un appel incident?

M. Bégin: Là, je suis en train de me demander, M. le Président, si je donne un cours de droit 101, ou 201, ou 301. Je peux donner le cours.

M. Gautrin: Écoutez, non, moi, j'essaie de comprendre actuellement ce qui est dans une loi. Je peux vous faire aussi des cours de mathématiques ou des trucs comme ça. On peut s'amuser à faire des cours aussi. Actuellement, on est en train de savoir c'est quoi un appel incident, là-dedans. Ce n'est pas évident, strictement à la lecture des mots «appel incident», ce que ça veut dire.

M. Bégin: «Incident» veut dire «accessoire». Donc, lorsqu'une personne a obtenu un jugement, l'autre partie peut, devant un appel, décider de loger elle-même un appel ou un contre-appel, si vous aimez mieux, et c'est ce qu'on appelle communément un appel incident, accessoire ou à l'occasion de.

M. Gautrin: Bon, alors je comprends ce que vous me dites, là. Je vais essayer de recommencer à comprendre la mécanique, maintenant. Il y a quelqu'un qui a logé un appel. Est-ce que, pour l'appel incident, c'est la même mécanique de délai qui joue ou l'autre personne redevient celle qui fait appel? Non?

M. Bégin: Normalement, lorsque vous êtes l'appelant, vous faites votre mémoire dans un délai. Celui qui veut en appeler de manière incidente fait également un appel. Mais, comme il est le gagnant, par hypothèse, du jugement de la Cour supérieure, il le fait de manière incidente parce que, lui, il a obtenu ce qu'il voulait par le jugement de la Cour supérieure. Donc, il fait un appel incident à l'occasion de l'appel que l'autre a fait. Alors, c'est la manière de résoudre le problème.

M. Gautrin: Et il fait un autre appel même s'il a gagné?

M. Bégin: C'est-à-dire que, voyant qu'il a gagné, il a pu ne pas obtenir la totalité de ce qu'il voulait et décider de loger un appel incident parce que l'autre, justement...

M. Gautrin: O.K.

M. Bégin: ...a appelé de la décision.

M. Gautrin: Et, quand on fait un appel incident, est-ce qu'on doit repasser par toutes les procédures, 503.1, 503.2? Non? C'est à l'intérieur de son mémoire de défense qu'on fait son appel incident. C'est ça? Bon! Bien, on se comprend. Alors, pour l'instant, ça termine mes questions sur ça, mais je...

Le Président (M. Simard): Il y a un examen après, monsieur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: La note de passage n'a pas été obtenue, M. le Président.

M. Gautrin: Ah! cher ami, c'est pour ça qu'on va pouvoir échanger encore, pour avoir un peu plus d'informations.

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Quelle est la personne, quel est le député ou la députée qui prendra... Alors, Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Alors, M. le Président, concernant justement l'article 7 qu'on introduit dans le projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, j'aimerais remercier M. le ministre de la Justice pour le cours de droit 101 et 201, mais j'avoue que, moi aussi, j'ai eu un peu de difficultés à comprendre, mais j'ai fini par comprendre.

J'ai aussi compris, lors des interventions de cet après-midi, à la lecture des mémoires qui ont été présentés, que ce que le ministre souhaitait, c'était évidemment la même chose que la magistrature, c'était de clarifier la loi, c'était de simplifier et c'était évidemment de réduire les délais en Cour d'appel.

J'aurais une première question, juste une question d'interprétation, là. Il n'y avait aucun délai, je crois, dans la loi précédente, dans la loi actuelle, c'est-à-dire, en ce qui regarde les délais qui étaient permis. Les 30 jours sont ajoutés, si je comprends bien. C'est ça? On met un délai de 30 jours. C'est ça?

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

(21 h 10)

M. Bégin: Il y avait un délai de 60 jours.

Mme Delisle: On l'a réduit à 30.

M. Bégin: Non plus. On a ajouté.

Mme Delisle: Non, non, mais, dans l'article 505, on dit ici: «Cette demande peut être accordée, sur requête, par l'un des juges de la Cour d'appel pour une période qui, à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause, n'excède pas 30 jours.»

Est-ce qu'il y avait un délai, dans la loi actuelle?

M. Bégin: Il n'y avait pas de délai.

Mme Delisle: O.K. C'est ça.

M. Bégin: À cet égard-là.

Mme Delisle: Bon. À cet égard-là, on vient de mentionner dans la loi qu'il y aurait une possibilité jusqu'à 30 jours de délai. Quand on parle de réduire les délais, je m'interroge sur l'opportunité, ici, d'abord d'en mettre un de 30 jours, qui aurait pu être de 31, ou de 29, ou de 25, mais aussi sur le fait qu'il y a évidemment des... On sait que les avocats peuvent, entre eux, entre les parties, demander à un juge, à l'intérieur des délais permis, d'extensionner ce délai, si je comprends bien cet article de loi. Alors, ce que je comprends mal, c'est qu'alors qu'on veut réduire les délais, est-ce qu'on ne viendrait pas, par cet article-là, permettre d'augmenter, à la discrétion, non pas à la discrétion du juge, mais lors d'une demande des parties, d'extensionner un délai? Alors, il m'apparaît ici qu'au lieu de réduire les délais on pourrait, à la limite, les augmenter. Et je pose la question au ministre de la Justice.

M. Bégin: Vous avez raison, c'est une impression.

Mme Delisle: Alors, j'aimerais comprendre, quand on nous dit que la «demande peut être accordée, sur requête, par l'un des juges de la Cour d'appel pour une période qui, à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause, n'excède pas 30 jours».

M. Bégin: Quelle est la question?

Mme Delisle: Alors, la question, c'est: Si les parties s'entendent pour demander un délai, est-ce qu'on ne vient pas d'augmenter, justement, les délais, alors que les objectifs poursuivis par les nouveaux articles de cette loi, ou les amendements apportés à la loi sur le Code de procédure civile, sont là pour simplifier la procédure et pour s'assurer qu'on réduit les délais?

M. Bégin: M. le Président, il y a une présomption qui n'est pas écrite mais qui est là, c'est que la Cour d'appel n'accordera pas une prolongation de délai à moins d'avoir des circonstances exceptionnelles parce qu'elle est très soucieuse de raccourcir les délais et non de les prolonger, mais, en même temps, elle est soucieuse de protéger les droits des parties. Donc, elle l'accordera, lorsqu'elle le jugera, dans sa discrétion judiciaire, à propos de le faire.

Mme Delisle: Vous me permettrez, M. le Président. Je ne mets pas en doute la réponse du ministre, mais, quand on connaît la très grand compétence des avocats de part et d'autre, et la justesse des arguments qu'ils peuvent utiliser devant le juge, il n'y a rien qui nous dit, dans cette loi-là, qu'on ne pourrait pas se retrouver, dans quelques mois ou même quelques années, avec des délais qui sont exactement ceux qu'on connaît aujourd'hui, en vertu de la loi actuelle. Si les parties s'entendent entre elles pour demander au juge d'accorder des délais, alors je ne vois pas comment on réussit à réduire ces délais-là, alors que l'objectif premier était de réduire, à l'origine, les délais.

M. Bégin: M. le Président, lorsque deux parties sont en cour, rendues devant la Cour d'appel, généralement, elles ont des points de vue opposés. Alors, il m'apparaîtrait exceptionnel qu'elles s'entendent, l'une et l'autre, ayant ces intérêts opposés, pour prolonger indûment les délais.

Le Président (M. Simard): Mme la députée.

Mme Delisle: Alors, ici, M. le Président, ce qu'on nous dit, c'est que cette loi-là, cet article-là, il est clair, et, moi, je vous avoue sincèrement que j'ai de la difficulté à arrimer, dans ma tête, dans mon raisonnement, la mission ou l'objectif que le ministre cherche et recherche, qui est finalement de réduire les délais. Et on sait que la magistrature aussi souhaite ça depuis fort longtemps. J'ai peut-être une difficulté de compréhension, mais il m'apparaît, à ce stade-ci de l'étude de ce projet de loi, surtout avec ce qu'on lit dans le libellé de 505, qu'il pourrait y avoir effectivement, par une décision rendue par un juge de la Cour d'appel, un délai qui serait accordé aux parties.

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, nous pensons que la Cour devrait exercer son jugement et qu'elle ne devrait pas accorder des délais trop longs. Je présume que la Cour va être sage.

Le Président (M. Simard): Mme la députée.

Mme Delisle: Alors, sur cet article-là, je ferais une mise en garde, et je vous mentionnerais, M. le Président, que je pense qu'on laisse les portes ouvertes et qu'on se retrouvera sans doute, dans quelques années, à amender ou à modifier à nouveau cet article-là parce qu'on réalisera, finalement, qu'il y aura eu des ententes de prises entre les parties pour allonger, finalement, la période de délai. Alors, au lieu d'avoir des dossiers qui se règlent plus rapidement qu'ils ne se règlent actuellement, on se retrouvera sans doute avec des dossiers qui traîneront. Alors, pour le moment, ce sont les commentaires que je voulais faire, et je reviendrai plus tard, si c'est nécessaire.

Le Président (M. Simard): Merci, Mme la députée. Qui veut se faire entendre? Je donnerai donc la parole au député de Verdun.

M. Mulcair: Je commencerais avec la deuxième partie de mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Il ne vous restait que quelques secondes, M. le député.

M. Mulcair: Sur la première? Oh! Je suis prêt... Dans le but d'accélérer les procédures, je concéderais ces 15 secondes et je commencerais tout de suite avec mon deuxième 20 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Bon. Alors, nous avons donc terminé l'étude...

M. Mulcair: Non, non, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

Le Président (M. Simard): Ah! Excusez-moi! J'ai offert à plusieurs reprises la possibilité de parler et je pense que vous étiez comme moi, vous écoutiez attentivement.

M. Copeman: Attentivement. Merci, M. le Président. Quand on regarde le libellé de l'article 505 actuel, moi qui ne suis pas avocat, comme je l'ai admis fièrement à plusieurs reprises, devant cette commission...

Une voix: «Nobody is perfect».

M. Copeman: C'est ça. «Nobody is perfect», M. le Président. Le libellé actuel de 505: Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire dans le délai fixe, etc., un juge de la Cour d'appel peut lui accorder, sur requête, un délai additionnel pour produire le mémoire et rendre les ordonnances appropriées. Quand on le compare avec le libellé du projet de loi 41, je constate, je pense que je constate, en tout cas, si j'ai bien saisi la nature des amendements apportés par le ministre de la Justice, un libellé qui est beaucoup plus restrictif. On parle dans un langage qui est plus sévère, si vous me permettez l'expression, M. le Président. On établit une échéance très fixe, très limitée dans le temps, et on utilise une phrase pour une prolongation de délai. Si on veut prolonger, le libellé actuel dit simplement que la Cour d'appel peut lui accorder, sur requête. Là, on introduit la notion de circonstances exceptionnelles, dans le nouveau libellé de l'article 505.

Est-ce que le ministre convient avec moi que l'effet du nouveau libellé de l'article 505 est, enfin, plus sévère et plus restrictif, en termes du droit des justiciables à aller en appel, avec les délais indiqués là-dedans?

(21 h 20)

M. Bégin: Non, M. le Président. Ce n'est pas plus restrictif pour produire ou aller en appel, c'est plus restrictif lorsqu'on est négligent à respecter les délais fixés par la loi pour produire un acte de procédure fondamental qui est, dans ce cas-ci, rendu à l'article 7, son mémoire, comme intimé. Alors, ça ne limite pas, d'aucune manière, le droit d'appel, mais on dit que, si vous êtes négligent, vous payerez le prix qui est celui de perdre votre droit de produire, plus tard que le délai prévu, un mémoire et, d'autre part, possiblement d'être entendu par la Cour.

M. Copeman: Alors, M. le Président, je vais reprendre un peu le langage du ministre. Il est effectivement plus sévère pour des parties qui ne respectent pas les délais. J'ai bien compris, je pense. Et je remercie le ministre pour son explication. Le but de cet article, si j'ai bien saisi, est d'essayer de raccourcir les délais, d'améliorer la situation qui existe à la Cour d'appel où il y a deux problématiques, il me semble: une problématique qui est reliée aux délais à l'intérieur du système et également une autre problématique, si j'ai bien compris le rapport de la Cour d'appel, qui est plus reliée à la quantité même des causes devant les différentes cours.

Et je fais référence, M. le Président, à la page 2 du document de la Cour d'appel du Québec, qui parle de nos habitudes comme Québécois: «En matières non criminelles – je le cite – le nombre de pourvois au Québec est presque trois fois plus élevé que celui de l'Ontario, quatre fois plus élevé que celui de l'Alberta et plus que de deux fois plus élevé que celui de la Colombie-Britannique.»

Alors, déjà, au départ, M. le Président, on a une autre problématique qui est simplement nos habitudes, comme Québécois, de recourir à la Cour, semble-t-il, plus souvent que nos voisins du reste du Canada.

Est-ce que le ministre peut nous dire si les mesures visées dans soit l'article 505 ou l'article 503 visent à améliorer cette situation également, ou est-ce que ça se rapporte uniquement aux questions des délais qui existent dans un système qui, selon les juges de la Cour d'appel, est engorgé par des requêtes devant la Cour?

M. Bégin: Je suis très content de voir qu'au moins un député de l'opposition va plus vite. Il est déjà rendu à l'article 9. Alors, on abordera cette question rendu à l'article 9.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: On essaie de prévenir des choses.

M. Bégin: Je veux juste ajouter que...

M. Copeman: Oui.

M. Bégin: ...s'il y a plus d'appels au Québec en particulier, c'est parce qu'on est dans une société distincte, peut-être.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Est-ce que c'est positif, M. le ministre, ou négatif? Qu'on soit dans une société distincte, peut-être, mais est-ce que ça nous apporte quelque chose ou est-ce que ça produit des situations peut-être moins intéressantes? Mais ça, on pourra en débattre peut-être un peu plus tard. Je vais reprendre mes...

M. Bégin: À l'article 9.

M. Copeman: À l'article 9. Excellent, M. le ministre.

Le Président (M. Simard): Nous aurons largement le temps, rassurez-vous.

M. Copeman: Merci.

Le Président (M. Simard): Je vous offrirais même une autre commission.

M. Copeman: Ah! excellent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Vous avez terminé?

M. Copeman: Oui, pour l'instant. Merci.

Le Président (M. Simard): Alors, sur 505, je pense que tout le monde s'est exprimé.

M. Gautrin: M. le Président, je pensais qu'on discutait d'abord de tout l'article 7.

Une voix: Oui, mais on était rendu au 9.

M. Gautrin: Je m'excuse, madame. On était rendu à l'article 7. Est-ce que c'est bien l'article 7 qu'on a?

Le Président (M. Simard): Oui, nous sommes à l'article 7.

M. Gautrin: Alors, M. le Président, j'ai une motion à faire.

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Gautrin: M. le Président, j'ai encore du temps de parole?

Le Président (M. Simard): Je vais le vérifier. Combien, s'il vous plaît? Vous avez encore 11 minutes pour nous éclairer.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je vais suivre les conseils du député de Lévis, qui n'était pas de notre formation politique, qui considérait que les lois devaient être écrites pour être compréhensibles. Et je vais faire la motion suivante, qui est la motion d'amendement à l'article 505: Que soit remplacé, dans l'article 505, le mot «forclos» par les mots «privé du droit».

Si on accepte mon amendement, M. le Président, et je le ferai formellement comme amendement, l'article 505 se lirait ensuite: «Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire dans le délai prévu par l'article 504.1, il est privé du droit de le produire, à moins d'avoir...» M. le Président, j'en fais formellement motion.

Le Président (M. Simard): Alors, nous avons devant nous un amendement et nous devons...

M. Gautrin: Est-ce que vous le recevez?

Le Président (M. Simard): ...maintenant passer à la discussion sur l'amendement.

M. Gautrin: Non. Est-ce que vous le recevez, d'abord?

Le Président (M. Simard): Il est recevable, il est écrit...

M. Gautrin: Alors, M. le Président...

Le Président (M. Simard): ...il correspond parfaitement à la définition du règlement, il change un mot.

M. Gautrin: Alors, si je comprends bien, dans le droit de parole, on peut s'exprimer maintenant sur l'amendement.

Le Président (M. Simard): Donc, vous avez 20 minutes sur l'amendement.

M. Gautrin: M. le Président, je fais partie de ceux, dans cette Chambre, qui ont toujours pensé que les lois devaient être les plus limpides possible et les plus compréhensibles par les gens. J'accepte que le mot «forclore» est un mots français, je l'ai trouvé dans le dictionnaire, et, d'ailleurs, il veut exactement dire: privé du droit de. C'est tel que je l'ai compris. Sauf que je suis à peu près sûr qu'à part les gens qui sont les praticiens du droit, la majeure partie de nos concitoyens ne connaissent pas le sens du mot «forclore», du moins, moi, je ne connaissais pas le sens du mot «forclore». Ceux d'entre vous qui ne sont pas avocats connaissez peut-être le sens du mot «forclore». Moi, je ne suis pas sûr que, si je vais, demain, sur la rue, dans le comté de Verdun, et que je demande à chacune des personnes que je rencontre: Est-ce que je vous forclos ou...

Le Président (M. Simard): Vous pourriez avoir une gifle.

M. Gautrin: ...ou «forclussions-nous» ensemble...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Les gens pourraient prétendre autre chose et comprendre malheureusement certaines choses qu'il pourrait ne pas vouloir dire par un glissement de mots. Je crois, M. le Président, qu'on a avantage, à l'intérieur des lois, et je le dis pour les lois à caractère juridique, j'ai fait aussi, souvent, ces mêmes remarques pour les lois à caractère financier et économique, on a avantage d'avoir une rédaction qui soit la plus compréhensible possible pour nos concitoyens. Je sais qu'il existe des termes techniques. Je sais que chaque profession développe son propre langage, et mon collègue à ma droite, le député de Chomedey, qui a bien connu les professions, serait en mesure, probablement, de parler le langage des dentistes, qui n'est pas le langage des médecins, qui n'est pas le langage des optométristes, et je pourrais parler des...

M. Trudel: Des dentistes. Il a une dent contre nous, je pense.

M. Gautrin: Oui, alors, merci, M. le député de Rouyn-Noranda. Et l'ensemble des différents langages. Je crois que, dans la mesure du possible, nos lois doivent refléter le sens commun et le langage le plus proche du langage commun, sans tomber, évidemment, dans la vulgarité et dans la...

Le Président (M. Simard): Trivialité.

M. Gautrin: ...trivialité, vous avez raison. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je présente cette motion. Je crois que je ne dénature pas, en aucune manière, le sens de la volonté de la motion du ministre. Je ne suis absolument pas en train de la remplacer par une autre motion. Je ne vais pas, non plus, parler pour étendre, mais réellement, c'est un objectif que je poursuis à peu près dans chacune des commissions où je siège, de tâcher d'avoir des lois les plus limpides et les mieux écrites possible.

Je vous rappellerai, par exemple, qu'on a débattu, et avec beaucoup d'appréciation, avec le ministre, le nouveau ministre des Finances, sur le sens, entre le mot «designer» et le mot «styliste», à savoir si on ne devrait pas, dans la loi de l'impôt, utiliser plutôt le mot «styliste» que le mot «designer». Et le ministre des Finances – je ne sais pas s'il y a des gens, ici, qui siègent à la commission du budget et de l'administration – doit nous revenir pour voir s'il n'y aurait pas lieu, dans la loi de l'impôt, d'utiliser le mot «styliste» plutôt que le mot «designer» qui avait une connotation un peu particulière.

(21 h 30)

Alors, M. le Président, je terminerai là-dessus. Je crois que c'est un amendement qui va simplifier la compréhension de l'article 505. J'avoue avoir appris aujourd'hui un mot nouveau, avoir appris le mot «forclore», j'ai appris aussi des théories nouvelles, merci, mais j'aimerais qu'on n'ait pas besoin d'avoir recours au «Robert» chaque fois qu'on est en train de faire ou de lire un projet de loi. Dans ce sens-là, c'est l'objectif de mon amendement, M. le Président.

Le Président (M. Simard): La parole est au ministre.

M. Bégin: M. le Président, c'est un exemple parfait du proverbe «Le mieux est – souvent – l'ennemi du bien». Dans le Code que j'ai ici, dans la table des matières, je trouve le mot «forclusion». Il est utilisé à l'article 186, à l'article 193, à l'article 195...

M. Gautrin: «Forclusion»?

M. Bégin: ...et à 770 du Code. C'est une utilisation courante dans le vocabulaire juridique pour exprimer exactement le concept d'être privé de. C'est un mot que l'on retrouve très bien. Et je vous dis honnêtement, M. le Président, que beaucoup d'avocats seraient, comment je dirais, privés d'un mot très important s'ils ne pouvaient plus... s'ils étaient forclos de l'utiliser.

M. Gautrin: Ah oui! mais seulement pour les avocats.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Est-ce que la loi est pour les avocats?

M. Bégin: Et je trouve désolant que le député, qui vient d'apprendre un nouveau mot, veuille tout de suite s'en priver en l'enlevant de la loi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Donc, M. le Président, je vous dis tout de suite que je n'ai pas l'intention d'être d'accord avec ce texte nouveau. On me souligne que l'ex-député de Jean-Talon affectionnait particulièrement ce mot.

M. Gautrin: Oui, mais ce n'est pas nécessairement que j'affectionnais... Je n'affectionnais pas nécessairement l'ex-député de Jean-Talon. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Il ne faudrait quand même pas être obligés de remonter toutes les galées pour enlever ce mot, vraiment, là.

M. Gautrin: Non, non. Mais je n'affectionnais pas nécessairement l'ex-député de Jean-Talon.

M. Bégin: Ah! moi, je ne le connaissais pas. Vous ne l'affectionniez pas?

M. Gautrin: Non, non, mais je n'ai pas dit... J'ai dit...

M. Bégin: Moi, c'était mon député.

M. Gautrin: Oui, mais c'était...

M. Boulerice: Mais nous étions légion!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bégin: M. le Président, je crois qu'il s'agit d'un mot... C'est un peu comme lorsque mon collègue de Chomedey utilisait l'expression «audi alteram partem». C'est évident que, sur la rue, ce n'est pas très, très, très bien connu, mais, devant une cour de justice... Et le Code de procédure, je vous le souligne, est un instrument qui est à la disposition des auxiliaires de la justice que sont les avocats et les juges, et ce n'est que très accessoirement que les citoyens y font leur lecture du soir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Et je pense qu'ils devraient continuer à être forclos de le lire.

Le Président (M. Simard): Altior tendimus. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'amendement?

M. Mulcair: Oui, sur l'amendement, tout à fait. Le ministre de la Justice vient de nous signaler, avec raison, le fait que le Code de procédure civile utilise déjà le terme aux articles 186, 193, 195 et 770. Mais ce n'est pas le fait qu'il y ait quatre occurrences qui nous empêche d'utiliser des termes qui sont plus accessibles. Je suis tout à fait familier avec le terme «forclore», la forclusion est une notion qui existe, mais le ministre de la Justice lui-même a employé les termes exacts employés par le député de Verdun dans sa motion. Il a dit, à deux reprises, en parlant de l'effet de cet article, M. le Président, il nous a dit: et avant de priver les gens de leur droit. Pourquoi, M. le Président, ne pas utiliser des termes qui sont effectivement plus accessibles?

Il y a eu des études très importantes publiées au Québec, au cours des 20 dernières années. Je pense, par exemple, à l'oeuvre de Michel Sparer et de Wallace Schwab sur la rédaction et l'interprétation des textes législatifs, et bon nombre de documents ont été publiés par le ministère de la Justice, des documents traitant de la rédaction législative, qui, contrairement à certains autres exemples récents, faisaient preuve de beaucoup de recherche, beaucoup d'analyse critique et qui concluaient très souvent qu'un des problèmes majeurs, en termes de rédaction législative au Québec, était effectivement qu'on avait tendance à utiliser des termes désuets, qui ne voulaient plus rien dire pour le commun des mortels.

Si la loi est censée être écrite pour que les citoyens, les justiciables s'y retrouvent et pour qu'ils comprennent leurs droits – parce que, si on est en train de dire que nul n'est censé ignorer la loi, encore faut-il pouvoir le comprendre quand on le trouve – à ce moment-là, M. le Président, je ne vois pas pourquoi le ministre de la Justice s'objecterait à la modification proposée par le député de Verdun. Et, si son inquiétude est vis-à-vis de l'harmonie aux termes de notre législation, comme je l'ai mentionné au départ, M. le Président, il y a tout simplement quatre articles dans le Code de procédure civile qui utilisent le terme «forclos». À ce moment-là, pourquoi est-ce que le ministre de la Justice ne propose pas une modification pour dire que dans les quatre autres articles aussi on va changer le terme pour «privé du droit»? Les autres articles y gagneraient, le justiciable y gagnerait au change, et on serait en train de faire montre d'une compréhension de ce principe qui est le fait que les lois doivent être écrites pour que le justiciable puisse les comprendre.

Je trouve, M. le Président, d'un cynisme regrettable les propos du ministre lorsqu'il nous dit: Oui, mais les gens ne se couchent pas en lisant leur Code de procédure civile. Je veux bien, M. le Président, on n'est pas en train d'étudier quelque chose qui est consulté régulièrement par l'ensemble des justiciables, mais il est tout aussi vrai que la plupart des lois étudiées par cette commission et étudiées par l'Assemblée nationale ne sont pas, dans le texte, étudiées par les gens. Et pourtant, si on se réfère à l'ouvrage dont j'ai parlé tantôt, le livre sur la rédaction des lois, sous-titré, je vous le mentionne, M. le Président, «Rédaction des lois: rendez-vous du droit et de la culture», les auteurs, Sparer et Schwab, font largement état du fait que la rédaction législative au Québec a, pendant trop longtemps, suivi le modèle anglais d'Angleterre en donnant trop d'énumérations, trop de détails et en restant justement avec des termes désuets et tout à fait hermétiques et incompréhensibles pour le commun des mortels.

Alors, on a un autre bel exemple du refus de rendre cette législation meilleure. C'est une simple modification que celle qui est proposée par le député de Verdun. Et, si le ministre de la Justice veut la bonifier par un sous-amendement visant à rendre conformes les quatre autres occurrences de ce terme-là, on va évidemment être d'accord avec lui parce qu'il va être en train de témoigner de son intérêt d'améliorer son projet de loi et non pas de s'entêter à rester avec les textes tels qu'écrits parce que c'est lui qui les a présentés, et ça ne se discute pas plus loin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Sur l'amendement, quelqu'un d'autre demande la parole? M. le député de Laurier-Dorion va nous éclairer lui aussi.

M. Sirros: M. le Président, je ne sais pas si je vais vous éclairer, mais je vais vous dire que je trouve, comme quelqu'un qui n'est pas de formation juridique, les propos du ministre un peu dédaigneux vis-à-vis de ceux d'entre nous qui peuvent s'intéresser à la procédure juridique. Ce n'est pas parce qu'on ne se couche pas, le soir, avec, au chevet, notre Code de procédure civile qu'on ne doit pas être au courant de ce qui se passe, qu'on ne doit pas essayer de rapprocher la procédure juridique de la réalité des gens. Je pense qu'il y a plusieurs personnes qui pensent que notre système juridique est peut-être trop encombré par le légalisme, par l'approche tellement basée sur les intérêts des corporations, des avocats en particulier, que souvent les citoyens simples et ordinaires se sentent privés de justice justement parce qu'ils ne font pas partie des initiés dans ce sens-là.

Je trouve regrettable l'approche ou l'attitude plutôt dédaigneuse du ministre de la Justice, qui fait partie d'une équipe qui dit vouloir trouver une autre façon de gouverner, de nous revenir avec des exemples qui se rapprochent beaucoup, beaucoup de ce qui a toujours été fait dans le domaine par les avocats, par les juristes, qui se mettent derrière leur manteau, si vous voulez, ou leur titre de juriste et d'avocat pour justement parler entre eux au nom et au bénéfice des citoyens sans que le citoyen soit en mesure de comprendre un mot, ou presque, de ce qui est dit en son nom.

(21 h 40)

Alors, je trouve, dans ce sens, que l'initiative prise par le député de Verdun, de choisir de remplacer un mot comme cela, qui, on le convient, n'est pas d'usage courant, par des mots qui se rapprochent de ce que quelqu'un qui peut être intéressé, sans avoir nécessairement la formation juridique, peut comprendre, «se priver du droit de», plutôt que «forclore», est tout à fait louable; tout à fait louable. Je pense que ça doit rejoindre beaucoup...

D'ailleurs, si le député de Chomedey souligne aussi qu'il y a eu des études d'académiciens ou de juristes plus progressistes que le ministre de la Justice semble l'être, qui voulaient, justement, faire des démarches afin de populariser ou de rendre accessible la législation, la rédaction des lois, la rédaction de nos procédures de droit, je trouve que, effectivement, c'est quelque chose de très pertinent et de très sérieux qui est proposé.

Maintenant, utiliser comme argument le fait qu'on ne pourrait pas accepter cette modification parce qu'il faudrait changer d'autres articles dans le Code de procédure civile, qui ne sont pas ici, aujourd'hui, devant nous, en termes de modifications proposées, bien, il me semble que, pour des gens qui veulent bouger, ça serait une façon de faire, ça serait de proposer un sous-amendement. Et, si le ministre ne veut pas le faire, je ne sais pas si, de ce côté-ci, on pourrait lui rendre ce service, proposer un sous-amendement qui ferait en sorte qu'on pourrait, justement, assurer la concordance avec tout le reste du Code de procédure civile. Et, s'il le veut bien, on pourrait lui expliquer en long, sinon en large, le pourquoi de ce sous-amendement, surtout s'il persiste à avoir une attitude qui nous dit: Écoutez, vous, qui n'êtes pas juristes, vous ne lisez pas ça, bien, alors, tu sais, ne m'embêtez pas avec vos inquiétudes et votre désir de comprendre ce qui est dit dans les lois.

Je pense qu'on ne fera pas, aujourd'hui, tout au moins avant de voir comment le vote, ce qui va d'ailleurs, incidemment, donner l'occasion aux députés de la majorité ministérielle de trouver une certaine utilité ici, ce soir, on va leur donner l'occasion de se prononcer sur cet amendement... Ils vont au moins sentir qu'ils ne sont pas juste ici pour lire, je ne sais pas moi... J'en vois au moins un qui s'informe sur la question des autochtones; c'est très intéressant, c'est très bien, c'est très utile. Mais, M. le Président, pour conclure...

Le Président (M. Simard): On revient à l'étude de l'amendement, s'il vous plaît.

M. Sirros: Pour conclure sur l'amendement, je pense que le député de Verdun a choisi de faire un amendement qui permettrait à un plus grand nombre de citoyens, qui s'intéressent à nos délibérations ou au Code de procédure civile, de comprendre plus précisément de quoi il s'agit. Je suis certain qu'il y a beaucoup d'autres mots, dans le texte, qui pourraient aussi bénéficier de ce genre d'amendement, si besoin était, mais je voulais simplement prendre la parole, M. le Président, pour appuyer les propos de mon collègue de Verdun et dire que je trouve dommage l'attitude qu'exprimait ou qu'affichait le ministre vis-à-vis de ceux d'entre nous qui n'avaient pas le bénéfice d'une formation juridique, M. le Président, mais qui ont peut-être le bénéfice d'être plus près de ce que la réalité des gens est. Alors, avec ça, M. le Président, je passerai la parole à d'autres, s'il y en a qui veulent la prendre. Ah! voilà, je vois... Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui va nous éclairer sur cette modernisation du français.

M. Copeman: Ha, ha, ha! Très humblement, M. le Président, ce n'est pas une question d'éclairer qui que ce soit dans l'utilisation du français. Je pense que le sens de l'amendement proposé par le député de Verdun est tout à fait louable, et ça m'étonne un petit peu que le ministre de la Justice l'ait rejeté si vite que ça. Il me semble, en tout cas, M. le Président, qu'il est important que les individus, au Québec, puissent comprendre leurs lois, d'une façon la plus simple et claire possible.

Le discours inaugural du premier ministre parlait... un des thèmes était la clarté. Je pense que ce thème-là, cet objectif-là est très louable. On a eu, à maintes reprises, des exemples, selon, le premier ministre, de gestes posés concrètement, d'actions entreprises concrètement, qui se logent tous sous l'enseigne de la clarté. Je pense que ce serait également aussi louable, M. le Président, qu'on le fasse, nous, comme législateurs, ici, au Québec, qu'on adopte le même principe quand on entreprend nos travaux comme députés à l'Assemblée nationale. La clarté, il me semble, est très importante.

Vous le savez, M. le Président, l'accès à la justice est fondamental. La compréhension des procédures de la justice, il me semble, est fondamentale dans notre société. La justice est un des piliers de notre société, M. le Président. Alors, je comprends mal la réticence du ministre de la Justice à rejeter de la main cette motion qui, à mon avis, rendrait possible la compréhension des Québécois qui n'ont pas une formation d'avocat, plus facile devant un dossier aussi important que celui de la Justice. Alors, peut-être que le ministre pourrait y penser un peu plus longuement.

Je souhaiterais, M. le Président, que, comme avocat, le ministre de la Justice, si c'est possible, mette son chapeau d'avocat de côté et qu'il pense un tout petit peu aux Québécois et Québécoises qui n'ont pas bénéficié de la formation universitaire dans une faculté de droit quelque part, pour qu'on puisse, tous ensemble, mieux comprendre les lois qui nous réglementent comme Québécois et comme Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Alors, M. le Président, j'aimerais ajouter mes commentaires à ceux de mes collègues pour inviter le ministre de la Justice à considérer la possibilité d'amender ou de recevoir, en fait, l'amendement de mon collègue de Verdun. J'ai passé plusieurs années dans un milieu où on cherche justement à simplifier les lois dans le but visé de permettre aux citoyens et citoyennes une meilleure compréhension des lois qui les régissent, du cadre législatif qui les régit.

Moi pour une, j'ai toujours eu beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi le législateur s'entêtait à rédiger des lois, que ce soit des lois juridiques, ou des lois municipales, ou toute autre loi, qui prenaient une éternité à comprendre pour le simple citoyen. Contrairement à ce qu'on peut penser, il y a de nombreuses personnes qui doivent se faire représenter ou faire appel à un avocat ou à une avocate et qui souhaitent comprendre la portée des lois qui les concernent. Je ne vois pas pour quelle raison on ne pourrait pas accepter ou recevoir l'amendement proposé pour retirer le mot «forclos» et le remplacer par «privé de».

J'aimerais aussi, pour ma compréhension... Enfin, j'ai cru comprendre que ce terme est utilisé dans quatre articles de loi que l'on retrouve dans le Code de procédure civile qui a été adopté en 1994 et je pense aussi avoir compris qu'on ne le retrouve pas nécessairement ailleurs... J'apprécierais que le ministre puisse nous écouter. Voilà.

Donc, je fais appel à sa compréhension, à sa très grande compréhension, aussi à son passé. M. le ministre a travaillé très près des citoyens et des citoyennes des municipalités, il les a défendus avec beaucoup d'ardeur et beaucoup de compétence pendant plusieurs années, pour ne pas dire plusieurs décennies. Maintenant, je pense que M. le ministre pourrait reconnaître qu'il y a des citoyens et des citoyennes qui aimeraient peut-être comprendre ce que signifient les lois qui les régissent. Donc, je fais appel à son sens humain et à son bon sens. Je pense que, si les élus qui siègent autour de cette table sont vraiment reconnaissants du rôle qu'ils ont à jouer comme parlementaires, il faut reconnaître que ce serait plus logique, et certainement qu'il serait plus compréhensif d'accepter ou de recevoir cet amendement-là.

(21 h 50)

Le Président (M. Simard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. D'autres intervenants? Vous avez encore du temps, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vais être très bref. Je me demande, lorsqu'on utilise des mots techniques comme «forclusion» par exemple, vous m'en avez parlé à l'instant, comment on arrive à parler de choses qui peuvent avoir toutes sortes de sens. Simplement pour le bénéfice de cette commission, je vais vous rappeler ce que c'est que la forclusion. La forclusion, ça peut être, bien sûr, la déchéance d'une faculté ou d'un droit non exercé dans les délais prescrits. Ça peut être aussi l'exclusion forcée, l'impossibilité d'entrer et de participer. Ça peut être – et je vois le député de Bourget ici, il doit le savoir – un mécanisme psychique par lequel des représentations insupportables sont rejetées, et avant même qu'elles soient intégrées à l'inconscient du sujet, à la différence du refoulement. Alors, vous voyez le genre de choses...

Le Président (M. Simard): Réaction de certains à la loi 101.

M. Gautrin: ...qu'on peut avoir sur le mot «forclusion» qui peut avoir toutes sortes de sens. Vous voyez le danger d'avoir des mots qui soient un peu des mots trop techniques. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, mon amendement évite de tomber justement dans tous ces sens, comme vous l'avez vu dans le sens de la forclusion, et essaie de clarifier ce qui est, je le rappellerai, bien l'esprit que veut mettre de l'avant, à l'heure actuelle, le ministre. Nous ne voulons pas du tout, par cet amendement, modifier le sens de sa loi; nous voulons strictement, simplement, avoir une loi qui ne tombe pas dans ces difficultés d'interprétation.

Le Président (M. Simard): Est-ce que j'ai d'autres interventions? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Pardon. Je m'excuse, M. le ministre a demandé la réplique.

M. Mulcair: Oh, pardon! Excusez-moi.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, voulez-vous prendre la parole?

M. Bégin: J'attendrai que monsieur ait parlé, là.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey, nous revenons à vous.

M. Mulcair: Ah bon! Merci, M. le Président. Oui. À mon tour, j'aimerais mentionner que le député de Bourget pourrait avoir un certain intérêt à cette discussion, non pas cette fois-ci à cause de ses connaissances fort détaillées du domaine de la psychiatrie, comme vient de le mentionner le député de Verdun, mais à cause de sa profonde connaissance du dossier de la rédaction législative au Québec, car, lorsqu'il était le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, c'est lui qui a parrainé l'étude à laquelle j'ai fait référence tantôt, l'étude de Michel Sparer et de Wallace Schwab, intitulée «Rédaction des lois: rendez-vous du droit et de la culture» – et, d'ailleurs, j'ai pu assister au deuxième congrès international sur la rédaction des lois, à Pointe-au-Pic, en 1979, si je ne m'abuse, au cours duquel le «membre» de Bourget a présenté cet ouvrage – et un des thèmes principaux du livre en question était justement la nécessité de rendre la législation plus accessible.

Je pense que, si on était face, M. le Président, à un terme qui a 542 occurrences dans le Code de procédure civile, on ne serait pas en train de se buter, de se battre, pour changer quelque chose qui est vraiment ancré dans les moeurs. Mais, là, on est en train de regarder... Le ministre lui-même a souligné, à juste titre, qu'il n'y a que quatre occurrences de ce terme. Le terme employé dans la modification proposée par le député de Verdun vise à expliciter exactement, dans des termes clairs, simples, faciles de compréhension par tout le monde. Donc, il propose des termes qu'on peut comprendre et nous sommes en train de dire, de ce côté, changeons-le! Ce n'est pas parce que le mot a été employé il y a 125 ans, quand ces codes de procédure ont été rédigés pour la première fois, qu'on doit continuer à les utiliser. Ce sont les termes mêmes employés par le ministre de la Justice, M. le Président, il a mentionné ça tantôt, il a dit: avant que des gens soient privés de leur droit, avant qu'ils soient forclos. Alors, pourquoi ne pas dire «privés de leur droit»; c'est simple. Et, si le ministre de la Justice y tient, nous n'avons évidemment aucune objection à soutenir un sous-amendement aux termes duquel les quatre autres dispositions en question pourraient être modifiées pour tenir compte et pour assurer une harmonie législative.

J'aurais beaucoup plus à dire sur ce sujet, M. le Président, mais je préfère attendre d'avoir une indication de la part du ministre de la Justice, son intention, quoi, vis-à-vis de la proposition de mon collègue, le député de Verdun, parce que, advenant son refus, bien, à ce moment-là, il va falloir pallier vite à une autre difficulté qui va surgir.

Le Président (M. Simard): La menace est assez claire, M. le ministre. D'autres intervenants? M. le ministre.

M. Bégin: Oui, je peux. Alors, M. le Président, je trouve la proposition extraordinairement intéressante. Pendant qu'on parlait et que j'écoutais d'une oreille, j'ai regardé, comme ça, dans mon Code, pour trouver quelques mots qu'on devrait modifier: affidavit, plaidoyer, litispendance, mandamus, subpoena, commission rogatoire. Article 426. Utilisés par le député de Chomedey, hier: péremption d'instance, alma mater. Utilisés également par notre collègue de Chomedey: quo warranto, nonobstant, interjeter appel, péremption d'instance, récépissé, un bref, une étude, une injonction, bref beaucoup de mots.

Alors, j'ai, à mon tour, une suggestion à faire, M. le Président, parce que je constate que tout le temps utilisé jusqu'à présent... Et j'ai regardé ces gens qui, l'un après l'autre, ont pris tout le temps qu'ils voulaient pour parler longuement et retarder l'adoption du projet de loi. Il est clair, M. le Président, que je fais une suggestion très intéressante, qui est la suivante: Les gens de l'opposition devraient préparer, pour le mois d'avril, une proposition pour changer dans notre Code de procédure civile tous les mots dont ils ne connaissent pas l'usage fréquent et courant, comme ceux que j'ai mentionnés: affidavit, plaidoyer, litispendance, et faire en sorte qu'on puisse faire en sorte que tout le monde comprenne chacun des mots.

M. le Président, il est clair que nous sommes en présence d'articles de loi qui sont, évidemment, avec un vocabulaire un peu plus technique qu'un roman, par exemple, ou un livre. Mais ça ressemble un peu à un livre de recettes où, pour dire qu'on veut faire telle chose, on prend tel moyen. Alors, on est en présence d'un vocabulaire légèrement plus spécialisé que le vocabulaire courant. Je ne crois pas qu'on doive modifier les textes pour donner raison à l'opposition, puisque, tant qu'à y être, il faudrait à peu près modifier la moitié des textes du Code de procédure civile.

Alors, je considère, M. le Président, et je pense que la preuve en est faite, que tout le temps est utilisé pour faire en sorte que nous puissions avancer de manière accélérée dans l'étude d'un projet de loi qui vise à raccourcir les délais. Et c'est un peu ironique que l'on prenne tant de temps pour être en mesure de raccourcir les délais, de faire en sorte que la Cour d'appel puisse raccourcir le temps que les citoyens prennent pour être entendus devant elle, et que l'on se retrouve avec un Barreau du Québec, une Cour d'appel qui font des suggestions qui sont présentées ici, et qu'on retarde indûment et au rythme de tortue que nous avons aujourd'hui. Et, bien sûr que nous devrons attendre Noël pour, peut-être, l'adopter; sinon, au mois de janvier. Mais, pendant tout ce temps-là, les citoyens sont privés des bénéfices d'une loi qui vise à favoriser et améliorer le fonctionnement de la justice.

Je m'explique difficilement, tel que je l'ai mentionné dans mon texte, lors de la présentation du projet de loi... Normalement les projets de loi de procédure sont faits et adoptés avec collaboration, diligence, compréhension, puisqu'il ne s'agit pas de choses partisanes, idéologiques, mais d'instruments mis à la disposition de la justice pour que les gens aient justice. Alors, je vous dis, M. le Président, que nous sommes actuellement dans l'exercice du droit de proposer des amendements, de parler sur ces amendements-là, mais le résultat concret est purement et simplement de retarder l'adoption de textes de loi qui pourraient, par ailleurs, être extrêmement utiles.

M. le Président, c'est les commentaires que j'avais à faire sur cette proposition de remplacer le mot «forclos» par «être privé de».

Le Président (M. Simard): Je m'attendais à ce que le député de Rivière-du-Loup ajoute son mot. Nous l'écouterons.

M. Dumont: M. le Président, je vous inviterais simplement à être très prudent dans l'application du cinquième alinéa de l'article 32 du règlement qui demande qu'on ne prête pas de motifs aux députés quand ils jouent leur rôle. L'essentiel de l'argumentaire du ministre est non pas une réponse à l'amendement qui est proposé, qu'il soit pour ou contre, mais prête des motifs à ceux qui le proposent.

(22 heures)

Le Président (M. Simard): Alors, je retiens votre remarque et j'écoute à nouveau les membres de l'opposition sur la question de l'amendement.

M. Copeman: M. le Président, juste pour répondre très brièvement, très brièvement aux commentaires du ministre de la Justice, lui qui prétend qu'il est ironique que, lors d'un projet de loi, pour raccourcir les délais... Il prétend que l'opposition retarde indûment les travaux de cette commission. Là, je vous fais une observation pure et simple, M. le Président, que le ministre de la Justice a retardé de 15 minutes le travail de cette commission en contestant votre décision sur le temps alloué lors des interventions sur chaque paragraphe de la loi. Quinze minutes, M. le Président, et, là, j'ai regardé l'heure passer, pour contester une décision de la présidence de cette commission, et, là, M. le ministre...

Le Président (M. Simard): À l'ordre, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui, oui.

Le Président (M. Simard): Ce n'est pas parlementaire de dire que le ministre a retardé les travaux.

M. Copeman: Non, non.

Le Président (M. Simard): Il a participé aux travaux. Et je vous prierais d'être prudent, à l'avenir, dans votre vocabulaire.

M. Copeman: Très bien, M. le Président. À moins que mon oreille ne m'ait trompé, le ministre nous a presque suggéré la même chose, de notre côté de cette table.

Le Président (M. Simard): Il n'a pas employé ce vocabulaire non parlementaire, je vous le répète.

M. Copeman: Très bien.

Une voix: Plus imagé.

M. Copeman: Alors, je retire... Je ne veux surtout pas prononcer des paroles non parlementaires. Mais, moi, je trouve ça ironique de sa part aussi. Il a contesté une décision de la présidence pendant 15 minutes de temps et, maintenant, il prétend qu'on ne procède pas d'une façon assez accélérée dans sa commission.

Le Président (M. Simard): Alors qu'il est bien évident que tout le monde fait le maximum pour aller le plus vite possible. M. le député de Chomedey.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Absolument.

M. Mulcair: M. le Président, afin d'accélérer les travaux, je ne reviendrai pas, pour l'instant, sur les propos du ministre de la Justice ni sur les intentions que j'ai senti qu'il était en train de nous prêter. J'aurai l'occasion de le faire sur les autres interventions qui me restent à propos de l'article 7 du projet de loi 41.

Le Président (M. Simard): Nous sommes toujours sur l'amendement, M. le député.

M. Mulcair: Exact, justement, c'est là où j'en étais aussi, M. le Président.

Avec l'indication que l'on vient d'avoir de la part du ministre de la Justice, M. le Président, il devient, à mon sens, important de proposer un sous-amendement à la modification proposée par le député de Verdun, parce que, si l'amendement n'est pas accepté, le sous-amendement devient ipso facto nécessaire, M. le Président. Le sous-amendement se lit comme suit...

Une voix: Ipso facto.

M. Mulcair: Oui.

M. Gautrin: Non, non, attends un instant! Si l'amendement...

Le Président (M. Simard): M. le député de Verdun, voulez-vous corriger votre collègue?

M. Gautrin: Non, non.

Le Président (M. Simard): Alors, je m'excuse, et nous reprenons. M. le député de Chomedey, à vous la parole.

(Consultation)

Le Président (M. Simard): C'est le droit du député de faire un sous-amendement avant que nous disposions de l'amendement.

M. Mulcair: D'accord. Bon. Je bénéficie de l'expérience de mes collègues en matière de procédure parlementaire pour conclure qu'il serait plus approprié, M. le Président, d'attendre et d'en faire une nouvelle proposition d'amendement.

Une voix: Si besoin il y a.

M. Mulcair: Si besoin il y a.

Le Président (M. Simard): Alors, nous avons un amendement déposé par le député de Verdun et qui se lit ainsi: Remplacer, dans l'article 505, le mot «forclos» par les mots «privé du droit». Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Gautrin: Vote nominal.

Une voix: Refusé.

Le Président (M. Simard): Alors, refusé. Refusé sur division.

M. Gautrin: Vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal.

Le Secrétaire: Pour ou contre l'amendement, M. Gautrin?

M. Gautrin: Pour.

Le Secrétaire: Mme Delisle?

Mme Delisle: Pour.

Le Secrétaire: M. Copeman?

M. Copeman: Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Sirros?

M. Sirros: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: M. Boulerice... M. Jutras?

M. Jutras: Contre.

Le Secrétaire: M. Laurin?

M. Laurin: Contre.

Le Secrétaire: M. Lelièvre?

M. Lelièvre: Contre.

Le Secrétaire: Mme Malavoy?

Mme Malavoy: Contre.

Le Secrétaire: M. Payne?

M. Payne: Contre.

Le Secrétaire: M. Perreault?

M. Perreault: Contre.

Le Secrétaire: Mme Signori?

Mme Signori: Contre.

Le Secrétaire: M. Simard?

Le Président (M. Simard): Contre.

Le Secrétaire: M. Trudel... M. Dumont?

M. Dumont: Je m'abstiens, M. le Président.

Le Secrétaire: Pour:4

Contre:9

Abstentions:1

M. Gautrin: On est encore quatre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est cinq pour.

Une voix: Cinq.

Une voix: Un, deux, trois, quatre.

Le Président (M. Simard): Pardon!

Une voix: Voyons, cinq.

Le Secrétaire: Oui, je m'excuse, cinq.

Le Président (M. Simard): Ah bon! Excusez.

Le Secrétaire: Vous pouvez faire la correction. Pour: 5.

M. Copeman: Là, je pense, M. le Président, que le député de Chomedey a un amendement que, je suis convaincu, le ministre va accepter...

M. Mulcair: Moi aussi, M. le Président.

M. Copeman: ...parce que je suis...

Le Président (M. Simard): Alors, nous écoutons la proposition d'amendement du député de Chomedey.

M. Mulcair: Pour les raisons que vient de donner le ministre de la Justice, il devient donc nécessaire de procéder à une modification à l'article dans sa version anglaise. La modification se lirait comme suit: Under Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts, replace, in the second line of article 505 added by section 7 of Bill 41, the word «barred» by the word «foreclosed».

Allow me to explain the sense of the proposal, the meaning of the proposal, Mr. Chairman. You see, the Honourable Minister of the Justice was explaining to us earlier this evening that one of the reasons why he could not accept the amendment from the Member from Verdun was the fact there were four other occurrences within the Code of Civil Procedure where the word «forclos» was used in the French version, and we had to remain constant. Based on the Minister's reasoning, Mr. Chairman, we have to proceed to an amendment in the English version because in those four articles that the Minister mentioned, in articles 186, 193, 195 and 770, the French word «forclos» is translated as «foreclosed» and, here, it is translated as «barred».

Le législateur étant réputé ne pas parler pour rien dire, M. le Président, je ne voudrais pas qu'on se ramasse devant un tribunal un jour avec quelqu'un qui ferait l'exégèse de la différence entre «barred» and «foreclosed». As far as I am concerned, «barred» would have been fine, Mr. Chairman, but since there is a mistake by the Minister and his staff in the preparation of the legislation, we will have to amend it to make sure that it is consistent, and it is based on the Minister's own reasoning.

M. Bégin: M. le Président, étant donné que le député de Chomedey avait fait des compliments sur la traduction anglaise du projet de loi, je ne croyais pas qu'il pouvait s'être glissé de telle coquille.

M. Mulcair: À la perfection nul n'est tenu.

M. Bégin: En conséquence, j'accepte son amendement immédiatement, ce qui mettra le mot «foreclosed» en anglais, dans le texte anglais.

Le Président (M. Simard): L'amendement étant accepté par le ministre, sommes-nous prêts à passer aux voix ou voulez-vous en discuter?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Simard): Nous poursuivons l'étude de l'article 7...

M. Gautrin: C'est-à-dire le paragraphe 505.

Le Président (M. Simard): ...paragraphe 505. Je fais un petit peu le point sur les droits de parole. Qui a encore droit de parole à 505? Un instant, s'il vous plaît, je vais aux informations.

(Consultation)

Le Président (M. Simard): Alors, sur 505, tout le monde a droit de parole encore. Alors, nous allons écouter les commentaires de Mme la députée de Jean-Talon.

M. Bégin: Je m'excuse, M. le Président, je n'ai pas bien entendu ce que vous venez de mentionner.

Le Président (M. Simard): C'est-à-dire qu'il y a eu d'abord épuisement des droits de parole sur 7, maintenant, nous sommes sur 505, et donc il y a encore...

M. Gautrin: On remet l'horloge à zéro.

Le Président (M. Simard): Aucune intervention, donc nous commençons. Les horloges sont remises à zéro. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le Président, j'aimerais... Étant donné que les motifs ou les objectifs poursuivis par le ministre dans l'introduction de ces articles de loi, 505 et 505.1, sont à l'effet de vouloir clarifier la loi, simplifier la procédure et, évidemment, réduire les délais, j'ai, tout à l'heure, posé la question au ministre, s'il n'y avait pas, justement, contradiction avec ses objectifs qu'il s'était fixés lorsqu'on parlait des délais. Alors, j'aimerais, pour clarifier mon interrogation, juste aussi, évidemment, pour voir si je comprends bien, reprendre la lecture de 505.1 qui dit qu'«un juge de la Cour d'appel peut, sur requête produite avant l'expiration du délai prévu par l'article 503, fixer, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, un autre délai pour la production de leurs mémoires».

(22 h 10)

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Bégin: Sommes-nous sur 505.1?

Le Président (M. Simard): Nous sommes dans 505. Si j'ai compris le préambule de Mme la députée...

Mme Delisle: Je veux revenir plus tard sur 505.

Le Président (M. Simard): ...c'était pour éclairer 505 qu'elle citait 505.1. J'espère que c'est bien là son intention...

Mme Delisle: Oui.

Le Président (M. Simard): ...sinon elle est hors d'ordre.

Mme Delisle: Ça va? Parce que je pensais avoir fait, M. le Président, le tour...

Le Président (M. Simard): C'est ce que nous pensions tous, mais ce n'est pas terminé.

Mme Delisle: ...de cet article-là tout à l'heure, alors...

Le Président (M. Simard): Non, vous vous en tenez à 505.

Mme Delisle: ...si vous le permettez, j'aimerais revenir à 505.1. Ça va?

Le Président (M. Simard): Non, vous ne pouvez pas aller à 505.1 maintenant, Mme la députée; plus tard...

M. Gautrin: Bientôt, bientôt.

Le Président (M. Simard): ...lorsque nous passerons à cette étude.

M. Bégin: Dans quelques heures.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Je comprends que vous en ayez assez...

Mme Delisle: Ah! mais pas du tout.

Le Président (M. Simard): ...mais nous n'avons toujours pas...

Une voix: ...demain.

Le Président (M. Simard): Demain soir.

M. Gautrin: Demain matin.

Le Président (M. Simard): Alors, vous êtes hors d'ordre, Mme la députée de Jean-Talon. S'il vous plaît, revenez à 505.

Mme Delisle: Alors, écoutez, je vais laisser le temps de parole à un de mes collègues et je reviendrai avec 505.1.

Le Président (M. Simard): Alors, à qui le tour, si j'ose m'exprimer ainsi? La parole est au député de Chomedey qui, lui, a encore des choses à dire.

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Oui, ce qui est assez intéressant à noter dans la rédaction actuelle de l'article 505 et qui est conservé dans l'article qui est remplacé par l'article 7, c'est la comparaison de la rédaction de 505, deuxième paragraphe, avec l'article discuté hier dans cette Chambre, qui est à l'article 4, où on ajoutait à l'article 501 du Code de procédure civile une disposition à l'effet que la Cour pouvait rejeter une requête fondée sur le paragraphe 5 du premier alinéa sans entendre les parties. Vous vous souviendrez qu'on a eu l'occasion de mentionner à quel point c'était une entorse, à sa face même, à une règle fondamentale de notre système juridique et de notre système de droit, qui est le droit d'être entendu, de s'exprimer, effectivement, souvent sous forme d'une maxime latine «audi alteram partem».

Alors, on voit ici une rédaction qui est beaucoup plus souple et qui tient compte sans doute de cette réalité, parce qu'on dit que ça prend une action ou un défaut, en l'occurrence, de la part d'une des parties. C'est le défaut de produire le mémoire dans les délais impartis qui déclenche, si on peut dire – d'aucuns diraient «enclencher» – le refus d'entendre. C'est vrai, on peut, à ce moment-là, dire que la personne a manqué à une obligation, par le biais de ses procureurs, et donc ils peuvent perdre ce droit. C'est beaucoup plus subtil dans son effet, ça approche de la limite, mais, quand même, ça respecte beaucoup plus la règle dont on vient de parler.

Mais, encore une fois, M. le Président, on voit qu'on est face à une situation où des particuliers, des justiciables, des citoyens peuvent être privés de leur droit – on se souviendra, M. le Président, que «privés de leur droit», c'est synonyme de «forclus» – peuvent être privés de leur droit...

Une voix: «Forclos».

M. Mulcair: ...«forclos», merci, privés de leur droit de continuer avec leur cause devant les tribunaux. Et, encore une fois, M. le Président, force nous est de constater qu'il y a un problème avec le projet de loi, qu'on ne tient pas compte des justiciables, parce que ce sont eux, M. le Président, qui vont perdre un droit, ce n'est pas l'avocat. L'avocat, il va perdre une cause, il ne perd pas un droit. La seule chose que le ministre de la Justice nous dit: Bien, on va leur dire de poursuivre leur avocat. On a essayé autant comme autant de convaincre le ministre de la Justice de nous laisser bénéficier de l'éclairage des responsables du Barreau qui pourraient venir nous expliquer leur point de vue là-dessus; le Protecteur du citoyen aussi a eu beaucoup de choses à dire à cet égard-là.

Je dois féliciter le ministre de la Justice, M. le Président, pour le fait qu'il explique si bien à mes collègues le sens juridique, l'effet mécanique des propositions. Mais ce qu'il n'est malheureusement pas capable d'expliquer à cette commission, M. le Président, avec chiffres, ou études, ou analyses à l'appui, c'est l'effet de son projet de loi. Nous savons tous ce qui est visé, et on a eu, à maintes reprises, l'occasion de mentionner que nous partageons le but recherché qui est de réduire les délais devant les tribunaux. Mais est-ce que l'article 505, deuxième alinéa, va produire ce résultat-là? Je me permets de poser la question et d'exprimer des réserves à cet égard-là. Mais je ne demanderais pas mieux que d'entendre les arguments venant de la part du Barreau ou d'autres intervenants nous disant: Non, non, ça y est, c'est la meilleure manière de faire.

Le ministre nous a dit tantôt, il a fait référence à la Cour d'appel, et il m'a prêté des propos que j'aurais tenus, à son sens, à 17 h 58 ce soir. Et il va suffire, de part et d'autre, M. le Président, qu'on consulte la transcription, ce qu'on appelle communément les galées, pour constater que je n'ai jamais tenu les propos que le ministre de la Justice m'attribue. Et, à cet égard-là, je n'ai vraiment pas besoin d'aller plus loin sur ce sujet précis.

Ce que j'ai dit depuis le début, par contre, à propos de l'étude de mars 1994 de la Cour d'appel, ce que je dis depuis le début à propos des avis de la justice, c'est que, aussi intéressantes que ces opinions peuvent être, c'est le ministre de la Justice du Québec qui est chargé de la préparation de la législation dont cette commission est saisie. Ce n'est pas le Barreau du Québec, ce n'est pas la Cour d'appel, c'est le ministre de la Justice. Et nous sommes en droit, M. le Président, de lui poser des questions sur son intention et le but prévisible de son article 505, deuxième alinéa. Mais il n'est pas capable de nous répondre quand on lui pose des questions autres que techniques sur le projet de loi, M. le Président. Il n'est pas capable de nous répondre parce qu'il n'a jamais procédé à des études sérieuses. Maintenant que nous voulons être bien informés du résultat probable de cette intervention législative, on nous répond que non.

Je ne veux pas, à mon tour, prêter des intentions. Donc, je tenterais, M. le Président, d'être le plus parlementaire possible et de dire que je m'interroge sur les inquiétudes du ministre de la Justice face à l'intervention possible du Protecteur du citoyen et des représentants du Barreau du Québec dans cette Chambre. Je m'interroge parce que, s'il était confiant dans son travail, s'il avait vraiment l'impression que c'était la meilleure manière de procéder, bien, ça lui ferait normalement plaisir de venir les asseoir ici et de dire à l'opposition, en face: Vous voyez, on a procédé avec sérieux, c'était une bonne analyse de la part du ministère que je dirige, au nom de tous les Québécoises et Québécois, et voici le résultat, un beau projet de loi que je suis capable de défendre parce qu'il y a eu des études qui ont été faites, puis je peux vous prouver que c'est ça.

Le chapitre M-19 des Lois refondues du Québec, M. le Président, est la Loi sur le ministère de la Justice. L'article 3 de cette loi nous enseigne que le ministre de la Justice veille à ce que les affaires publiques soient administrées conformément à la loi, a la surveillance de toutes les matières qui concernent l'administration de la justice au Québec et donne certains avis. M. le Président, lorsqu'on dit que «le ministre de la Justice veille à ce que», on n'est pas en train de dire qu'il est une courroie de transmission pour les demandes, on n'est pas en train de dire qu'il est juste là pour regarder comment les choses se font; il doit veiller à, ça doit être actif de sa part, comme ministre de la Justice. Ce que nous avons, au contraire, M. le Président, c'est un ministre de la Justice qui nous dit: Je ne peux pas vous dire comment, combien ça va coûter, pourquoi; je ne peux pas vous dire pourquoi 30 000 $ est devenu le nouveau chiffre pour le seuil d'appel à la Cour du Québec, alors que, plus tôt, cette année, M. le Président, 1994...

Le Président (M. Simard): Je vous rappelle à la pertinence. Je vous ramène à l'article 505. Nous avons déjà débattu des articles auxquels vous faites allusion.

M. Mulcair: Oui, d'accord, M. le Président, mais c'est une autre illustration de mon propos à propos du deuxième paragraphe de l'article 505 proposé par l'article 7 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts», un autre exemple, disais-je, M. le Président, du fait qu'on n'a pas d'études pouvant nous démontrer pourquoi, pourquoi cette disposition 505, deuxième alinéa, pourquoi dire qu'on va être forclos, «barred», «forclosed»...

(22 h 20)

Le Président (M. Simard): «Stopped».

M. Mulcair: «Stopped»...

Une voix: «Estopped».

M. Mulcair: «Estopped» is actually a better word, Mr. Chairman.

Le Président (M. Simard): You are right.

M. Mulcair: Pourquoi? Il n'est pas capable de nous le dire. Il peut nous expliquer le but technique, mais il n'est pas capable de nous dire plus que ça. C'est ce manque d'une vision d'ensemble, M. le Président, que l'on reproche à cette rédaction et à cette manière de faire. Et je tiens à préciser que jamais dans mon propos je n'ai voulu mettre en doute les qualités, l'intérêt, la bonne volonté de l'une quelconque des personnes qui ont pu être consultées à la préparation de ce projet de loi, ou des organismes, ou des institutions.

Ce que je dis, par contre, M. le Président, et contrairement au ministre de la Justice, c'est que ni cette commission, et je le soumets respectueusement, ni le ministre et le ministère qu'il représente ne sont là tout simplement pour attraper les demandes formulées par d'autres pour, ensuite, les mettre sous une forme législative quelconque et les transmettre à l'Assemblée nationale et à des commissions. On s'attendrait à bien plus de la part d'un ministre de la Justice, normalement, M. le Président, qui pourrait venir devant une commission et dire: Oui, oui, oui, on a tout étudié ça, les 30 000 $ vont avoir un effet x; on a comparé à ce qui se fait dans d'autres provinces; lorsqu'ils ont apporté des règles semblables en matière de procédure civile à la Cour dans telle ou telle autre juridiction, ça a eu un effet bénéfique; on a une étude là-dessus, on a fait une analyse là-dessus, on a comparé, on a analysé. Mais on n'a rien de tout ça.

On a des règles qui existent à l'heure actuelle, des règles qui disent qu'un avocat qui représente un client doit respecter certains délais. N'est-il pas le cas, M. le Président, que le problème que l'on connaît aujourd'hui, les délais pouvant s'échelonner jusqu'à quatre ans en Cour d'appel, est justement dû au fait que les délais existants ne sont pas respectés? Alors, pourquoi, M. le Président, venir nous dire que, bien, cette fois-ci, ça va être un petit peu plus sérieux, alors qu'on n'est pas en train de modifier l'article 9 du Code de procédure civile qui donne encore une très large marge de manoeuvre au juge pour déterminer quand un délai peut être étendu, étiré? On n'est pas en train de faire... Le ministre nous parle d'une guillotine, c'est une guillotine en caoutchouc, M. le Président, ça peut être étiré pas mal avant de vraiment faire en sorte que, bon, il faut que ça prenne fin. Puis, une fois que ça prend fin, M. le Président, qu'allons-nous faire des droits des justiciables qui, eux, auront été coupés, réduits, les droits dont le justiciable aurait été privé, pour prendre le terme du député de Verdun.

On les retourne à la case départ, M. le Président. On leur dit: Bien, à ce moment-là, si vous avez eu tellement de problèmes avec votre avocat en cour et qu'il a tellement mal agi, qu'il était tellement incompétent qu'il a manqué les délais, il y a une solution très simple: vous allez vous embaucher un autre avocat, vous allez retourner en cour et vous allez tenter de convaincre un juge, avec le même système et les mêmes délais, que c'est la faute de votre avocat. Maintenant, au lieu de poursuivre l'autre partie, poursuis donc ton avocat.

Puis, ensuite, il va apprendre que le Barreau du Québec est là, qu'il y a un bureau du syndic, qu'il peut déposer une plainte pour non-respect du code de déontologie des avocats. Mais il va aussi apprendre qu'il y a étanchéité en termes de preuves vis-à-vis de la décision qui peut être rendue en discipline et de la décision éventuelle de la cour de justice en matière civile. Ce que je veux dire par étanchéité, M. le Président, c'est le fait que la preuve versée dans un dossier, dans une instance, et la décision dans l'instance disciplinaire, vu la différence dans les fardeaux de la preuve, cette décision n'est pas admissible devant le tribunal civil.

Alors, le justiciable va se faire priver de son droit, il va se faire retourner à la case départ, on va lui dire d'aller se retrouver un autre avocat, parce que, même si le syndic du Barreau fait son travail – puis je dis que, dans mon expérience, le syndic du Barreau fait extrêmement bien son travail, je ne suis pas en train du tout de mettre ça en doute – mais même si, lui, il fait son travail, qu'il porte une plainte disciplinaire devant le comité de discipline contre l'avocat, ce n'est d'aucune utilité pour le justiciable qui s'est fait priver de son droit, ça ne lui donne rien. Alors, on manque une occasion en or, avec un ministre de la Justice qui est en même temps ministre responsable de l'application des lois professionnelles, de l'entendre là-dessus.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey, je voudrais vous ramener à la pertinence. Que vous ayez des opinions fort intéressantes sur la réforme du Code des professions ou sur des domaines afférents, je veux bien. Qu'il y ait un lien indirect avec l'ensemble de l'étude que nous faisons, je veux bien. Nous sommes dans l'étude de l'article 505, et je vous prierais de vous y remettre, s'il vous plaît.

M. Mulcair: L'article 505, deuxième alinéa, prévoit, M. le Président, qu'en cas de défaut de production du mémoire par l'intimé dans les délais impartis la Cour peut refuser de l'entendre. Mon propos est le suivant. Lorsqu'on dit: L'intimé, on peut refuser de l'entendre, c'est, bien sûr, l'intimé par le truchement de son avocat, à travers son avocat, si mon autre terme n'est peut-être pas le plus approprié.

Une voix: L'intimé?

M. Mulcair: Non, j'étais en train de dire que c'est par le biais de son avocat qu'il agit, M. le ministre de la Justice. Merci pour la suggestion. Et, donc, il est important et tout à fait pertinent, je vous soumets respectueusement, M. le Président, de s'interroger sur l'effet de cet article-là, et c'est ce que je suis en train de faire. Je suis en train de vous poser la question, à vous et aux autres membres de cette commission, à savoir: Est-ce qu'on peut nous démontrer qu'en procédant de cette manière, premièrement, on réduit les délais et, si tel est le cas, deuxièmement, est-ce qu'on a réfléchi aux résultats et aux conséquences prévisibles et possibles? C'est ça, mon propos, M. le Président, et c'est tout à fait pertinent à l'égard du deuxième alinéa de l'article 505 tel que proposé par l'article 7 du projet de loi 41.

Je vois qu'il me reste relativement peu de temps sur cette intervention, sur le deuxième alinéa de l'article 505 tel que proposé par l'article 7 du projet de loi 41, et, à ce moment-là, dans le but d'accélérer les travaux, M. le Président, je laisserai d'autres intervenants, et, si besoin est, je reviendrai là-dessus.

Le Président (M. Simard): Nous vous retrouverons avec plaisir. M. le ministre.

M. Bégin: Vu qu'il reste peut-être un peu de temps à M. le député de Chomedey pour reparler, je vais en profiter pour dire que je l'écoute depuis un certain temps et que je commence à me poser une question qui est la suivante. Il oscille entre deux pôles qui sont: d'une part, il faudrait avoir des études fouillées, etc., etc., il faudrait entendre le Barreau, il faudrait entendre d'autres personnes, et, d'autre part, il dit: Il ne faudrait pas qu'on soit à la remorque de ce que nous suggère le Barreau ou la magistrature. Alors, je me demande quelle est la voie qu'il privilégie? Est-ce que c'est que je sois à la remorque du Barreau, c'est-à-dire qu'il me fasse des recommandations, appuyées par la Cour d'appel du Québec, ou bien si je devrais balayer ces recommandations-là comme étant non pertinentes, non suffisantes et non... je cherche un autre mot, et plutôt entendre le Barreau? Parce que j'avoue honnêtement qu'il oscille entre les deux, là. À un moment donné, le Barreau, on n'a pas à suivre ce qu'ils ont à dire, ou la Cour d'appel, on n'a pas besoin nécessairement de suivre ce qu'ils ont à dire, puis, d'autre part, il faudrait les entendre devant cette commission. J'avoue que je ne comprends pas trop, là, de quel côté il se situe. Est-ce trop ou pas assez? Est-ce qu'on devrait suivre ou pas la Cour d'appel?

Moi, je pense que j'ai entendu, M. le Président, des représentations faites par la Cour d'appel du Québec, des représentations appuyées par le Barreau du Québec, par des résolutions formelles dans le sens qui est là, et il m'apparaît que ce sont des choses intéressantes; après 25 ans de pratique, tout simplement, ce sont des choses très intéressantes. Et, finalement, dans la liste de noms, de mots que je suggérerais d'ajouter ou de modifier au Code de procédure civile, j'ajouterais que le mot qu'a utilisé mon collègue de... voyons, j'oublie...

Le Président (M. Simard): Chomedey.

M. Bégin: ...Chomedey, le mot «intimé» n'est certainement pas un mot utilisé couramment par la population. Ce serait une liste de mots à ajouter à ceux que vous devriez proposer d'amender au Code de procédure civile.

M. Gautrin: Est-ce qu'on aura votre appui?

M. Bégin: Je verrai, selon la liste.

M. Gautrin: Non, mais, M. le Président...

Le Président (M. Simard): Je m'excuse, là.

M. Gautrin: Est-ce que j'ai encore, moi... J'ai du temps de parole.

Le Président (M. Simard): Oui, vous avez du temps de parole. Est-ce que le député de Chomedey désire répondre à ce moment-ci, utiliser son temps de parole, ou veut-il passer?

(22 h 30)

M. Mulcair: Je pense qu'il y a effectivement... M. le Président, je pense qu'effectivement il y a un... What we have here, to quote Cool Hand Luke , the movie, what we have here, Mr. Chairman, is a failure to communicate. Ce que j'essaie de faire comprendre à mon estimé confrère, l'honorable ministre de la Justice, depuis tantôt, c'est non pas, comme il l'a suggéré, qu'il aurait intérêt à balayer l'une quelconque des suggestions formulées, que ce soit par le Barreau ou par la Cour d'appel. Loin de là mon propos, M. le Président. Ce que je le somme de faire, M. le Président, c'est d'agir, de bouger, pour citer un terme utilisé souvent de ce temps-ci, mais de bouger en fonction de son obligation qui est de veiller à l'administration de la justice, et non pas d'agir comme simple courroie de transmission.

S'il est vrai que les suggestions formulées par la Cour d'appel et le Barreau du Québec sont les meilleures, pourquoi est-ce qu'il s'entête à nous refuser le droit d'entendre le Barreau? Il est évident qu'on ne peut pas commencer à recevoir les observations de la Cour d'appel, ici, en commission parlementaire. Ce serait là une entorse à une autre règle fondamentale qui est la séparation des pouvoirs. Mais on pourrait au moins entendre le Protecteur du citoyen qui, fort de son expérience en matière d'administration de la justice et à titre d'ancien sous-ministre en titre de la Justice, pourrait venir nous dire exactement le fond de sa pensée. Mais ni l'une ni l'autre de ces possibilités, M. le Président, n'a été acceptée ou admise par l'honorable ministre de la Justice.

C'est pour ça, M. le Président, que je lui ai dit qu'il n'a pas encore compris mon propos lorsqu'il dit que je suggère qu'il était à la remorque de l'un ou l'autre, du Barreau ou de la Cour d'appel. Ce que je lui dis, par contre, c'est que, tout en écoutant, en consultant, en s'informant, il se doit, afin de veiller à l'administration de la justice dans ces domaines et afin de préparer une législation que tous peuvent comprendre et accepter, et la meilleure manière de procéder, il se doit de pouvoir nous expliquer le pourquoi de sa démarche, chose, encore une fois, M. le Président, je le répète et j'insiste là-dessus, qu'il n'est toujours pas capable de faire.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chomedey. La parole est au député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord demander au ministre, qui a très gentiment voulu commencer une liste de mots à proscrire, s'il aurait l'amabilité de bien vouloir la déposer, ici, à cette commission, de manière à ce qu'on puisse en avoir, au bénéfice de tous, parce que je comprends qu'on n'a pas pu prendre en note tout ce qu'il a pu donner. Est-ce que le ministre voudrait déposer cette liste?

M. Bégin: Malheureusement, M. le Président, je n'ai pas de liste. J'ai énuméré des mots. Ils sont dans les galées; ils sont enregistrés. Il y a le mot «intimé» qu'a utilisé mon collègue, il y a «alma mater», la règle «audi alteram partem». Alors, au fur et à mesure qu'on avancera, j'utiliserai ces mots, je les ajouterai à ma liste...

M. Gautrin: À votre...

M. Bégin: ...et ça me fera plaisir de vous la transmettre.

M. Gautrin: Est-ce que je dois comprendre qu'on va avoir, qu'on pourrait... Réellement, nous vous tendons la main. Nous vous tendons la main.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): La langue.

M. Gautrin: Nous vous tendons la main pour, ensemble, essayer de...

M. Bégin: Magnifique!

M. Gautrin: ...purger le Code de procédure civile d'un certain nombre de mots. Si je comprends bien, on pourra, dans le cours de l'année, travailler ensemble pour...

Le Président (M. Simard): Et nous tordre la langue.

M. Gautrin: Est-ce que c'est parlementaire?

Le Président (M. Simard): Au sens linguistique du terme.

M. Gautrin: Au sens linguistique, bien sûr. Toujours est-il que, M. le Président, puisqu'il faut que je reste dans l'article 505, je vais arriver au mot «déserté». M. le Président, le mot «déserté». Et j'assure tout de suite, par simple souci de concordance, que je ne ferai pas d'amendement.

M. Bégin: L'ajoutez-vous à la liste?

M. Gautrin: Oui, je vais l'ajouter à la liste, et je vais vous expliquer pourquoi. C'est seulement parce que, malheureusement, il y a un certain esprit de rigueur qu'on doit avoir, et j'aurais dû faire mon amendement, si je voulais voir bannir le mot «déserté», à l'article 5 et non pas à l'article 7. Néanmoins, pour l'instruction du ministre et pour les futures rédactions des lois, je vais expliquer pourquoi je trouve que le mot «déserté» aurait dû être changé par «abandonné». Je vais vous expliquer pourquoi.

J'ai pris référence au «Petit Robert», et le mot «déserter» veut dire les choses suivantes. Au lieu de prendre «abandonner», «abandonner» pris ensemble, sans avoir quelque chose derrière, le mot «déserter» a beau avoir quatre sens, si vous me permettez, il n'y a pas, comme il y avait dans le terme «forclos» dans le «Petit Robert», un sens de droit. Là, il n'y a pas de sens de droit, dans le mot «déserter». Alors, le mot «déserter» veut dire abandonner, mais «abandonner un lieu où l'on devrait rester». Et on cite dans le «Petit Robert», si vous me permettez, pour le mot «déserter», une phrase de Pierre Loti: «Il désertait de plus en plus, pour...»

Une voix: Ça ne fait pas partie de...

M. Gautrin: Non, non. C'est très beau: «Il désertait de plus en plus, pour ce métier, l'atelier en plein vent du charpentier.» Pierre Loti. Je comprends que le premier sens de «déserter» était réellement lié à déserter un lieu, abandonner un lieu.

Le deuxième sens, c'est abandonner l'armée. On déserte une armée, c'est abandonner l'armée. Alors, c'est lié à désertion. Encore là, il y a un M. Madelin – que je ne connais pas tellement – un...

Une voix: Moi non plus.

M. Gautrin: ...auteur bien connu: «Une bonne partie de l'armée a déserté. Des jeunes soldats qui, à peine enrôlés, désertent et rejoignent ces réfractaires.» Alors, ça, c'est le deuxième sens, M. le Président, et c'est toujours... Vous comprenez bien que, quand on déserte, c'est déserter l'armée.

Le troisième sens de «déserter», c'est renier, trahir: «Je comprends qu'on déserte une cause – on déserte toujours quelque chose – pour savoir ce qu'on éprouvera à en servir une autre.» Baudel.

M. Bégin: M. le Président, j'aimerais qu'on fasse la relecture de ce passage très intéressant.

M. Gautrin: Oui. Renier. Figuré: renier, trahir. Est-ce que vous pensez que «est réputé trahi ou renié»...

M. Bégin: Non. Je pense au passage de Baudelaire que vous venez de lire.

M. Gautrin: Non, non, ce n'était pas de Baudelaire.

M. Bégin: Non?

M. Gautrin: C'était de Baudel.

M. Bégin: Ah! Baudel.

M. Gautrin: Vous voulez que je vous le relise?

M. Bégin: Alors, s'il vous plaît. J'avais mal entendu.

M. Gautrin: Je vous le demande. Avec plaisir, avec plaisir. C'est très intéressant. Je vais vous relire le paragraphe de Baudel: «Je comprends qu'on déserte une cause...»

M. Bégin: Ah! une cause.

M. Gautrin: Une cause, oui.

M. Bégin: Et voilà!

M. Gautrin: «Est réputé déserter une cause».

M. Bégin: Une cause.

M. Gautrin: Une rude cause. Mais ce n'est pas la cause. «On déserte une cause pour savoir ce qu'on éprouvera à en servir une autre.»

M. Bégin: Voilà!

M. Gautrin: Est-ce que c'est le sens qu'on doit donner à «est réputé déserté»?

M. Bégin: La cause.

M. Gautrin: L'appel incident est réputé déserté.

M. Bégin: Sa cause.

M. Gautrin: Non.

M. Bégin: Oui.

M. Gautrin: Je crois que vous voulez dire «abandonné» au sens strict. Vous permettez, le dernier sens de «déserter», c'est abandonner quelqu'un.

M. Bégin: Oh!

M. Gautrin: «Cette âme aimante...» C'est très sérieux.

M. Bégin: De qui?

M. Gautrin: C'est de Gide.

M. Bégin: Oh!

M. Gautrin: «Cette âme aimante que tout, sauf Dieu, désertait.»

M. le Président, je pense que le mot «déserté» n'est pas à sa place. On aurait dû dire «abandonné». Si on avait dit «l'appel incident est réputé abandonné», on n'aurait pas eu de problème. Mais le mot «déserté», en français, implique derrière, ce qu'on déserte. On déserte une armée, on déserte quelqu'un, on déserte un lieu...

M. Bégin: Une cause.

M. Gautrin: ...mais on ne déserte pas comme ça, en général. On déserte quelque chose.

M. Bégin: Une cause.

M. Gautrin: Mais non! Il faudrait dire «est réputé déserté»... C'est l'incident. On ne dit pas «est déserté». On déserte... Alors, M. le Président, d'ailleurs, le texte anglais disait bien «deemed abandoned». Alors, dans le texte anglais, vous parlez bien d'abandonner. C'est le texte anglais. Mon collègue de Chomedey a toujours le texte anglais à proximité. En effet, on dit bien «the incident appeal is deemed abandoned». Alors, M. le Président, c'est intéressant. Pour faire avancer le débat et pour ne pas retarder inutilement le travail de cette commission, j'aurais pu, évidemment, proposer un amendement et suggérer de remplacer le mot «déserté» par le mot «abandonné»...

M. Bégin: Je vois que quelqu'un se cache derrière une feuille de papier, M. le Président.

M. Gautrin: ...oui, mais je ne le ferai pas parce que nous avons, de ce côté-ci de la table, une volonté de faire avancer les travaux et de travailler dans le meilleur esprit. Si je le faisais, ici, même si la logique voulait que j'amende ceci en remplaçant «déserté» par «abandonné», je ne pourrais pas, en termes de procédure, le remplacer à l'article 5. On aurait donc une loi qui serait un peu bancale.

Néanmoins, puis-je suggérer au ministre, lorsqu'il récrira des lois, d'éviter l'utilisation du mot «déserté» et de choisir, le cas échéant, le mot «abandonné», que je trouve nettement mieux que le mot «déserté»? Alors, mettez-le dans votre liste. Puisque nous avons tendu la main dans cet esprit de fraternité qui devrait nous animer pour être en mesure de travailler à la meilleure rédaction des lois, je ne ferai pas d'amendement, M. le Président, mais je tiens réellement à ce qu'il soit signalé, dans ces galées, que je n'aime pas du tout le mot «déserté», dans la rédaction de l'article 505, et que j'aurais nettement préféré voir le mot «déserté» remplacé par le mot «abandonné». Mais, compte tenu de notre esprit de conciliation, je ne fais pas d'amendement et je serais obligé de m'en tenir et de me prononcer sur le texte tel qu'il est, par stricte mesure d'équilibre entre l'article 7 et l'article 5. Si j'avais été plus rapide, j'aurais, certes, pu amender l'article 5, déjà, mais je ne l'ai pas fait. Alors, je me contenterai simplement de suggérer au ministre, pour le futur, de ne pas me remettre de nouveau «déserté». Ça termine mon intervention.

(22 h 40)

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député de Verdun. M. le ministre.

M. Bégin: Non, je n'ai rien à dire, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Certain?

M. Bégin: Sûr.

M. Gautrin: Vous avez apprécié.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. On a vu, à l'article 5, le député de Verdun omettre un amendement qui aurait pu être important, d'où l'importance de prendre tout le temps qu'il faut dans cette commission. Alors, M. le Président...

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Dumont: ...ma préoccupation – et le ministre de la Justice ne sera pas surpris que j'y revienne – dès mes remarques préliminaires était celle... Parce que, au moment où on m'amène un projet de loi comme celui-là, moi qui ne suis pas un très grand spécialiste du fonctionnement des cours, etc., la seule préoccupation que je peux avoir, c'est celle des citoyens; c'est celle des gens qui, dans le cours de leurs activités, de leur commerce, peu importe, vont se retrouver face à des procédures judiciaires qui, parfois, peuvent être contre leur gré, dans des situations qu'ils n'auraient pas souhaitées, et qui auront recours au genre de procédures qui sont prévues dans l'article 7, dans l'article 505 dans ce cas-ci.

Ma préoccupation, dans mes remarques préliminaires – j'y reviens donc – était celle du plus grand accès des citoyens en général à la justice. Je me souviens d'un commentaire qu'on avait fait, à ce moment-là, à l'effet que l'accès à la justice était une question de coût et que, étant une affaire de coût, l'aide juridique venait y pallier. Cela étant dit, M. le Président, à mon avis, il ne s'agit pas, évidemment, seulement d'une affaire de coût. Il s'agit d'une affaire de délais, il s'agit d'une affaire de seuils d'admissibilité, etc. Et tout ce projet de loi, bien, vient interférer directement dans l'accessibilité de la justice pour les citoyens; dans ce cas-ci, l'accessibilité à la justice à une procédure d'appel précise, à la façon d'avoir recours à cet appel-là.

Alors, je n'ai pas encore entendu, M. le Président, à ce stade-ci, d'arguments précis sur en quoi cet article-là, si, ce soir, j'y donne mon approbation, va appuyer le citoyen moyen dans son accès à la justice. Évidemment, si on me donne comme réponse que ça va raccourcir des délais d'attente existants, bien, là, ça soulève toute une série de questions.

«Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire dans le délai prévu [...] il est forclos de le produire, à moins d'avoir, avant l'expiration de ce délai, signifié et produit au greffe du tribunal une demande de prolongation de délai.» Évidemment, si le principe qui est appliqué, c'est le principe qu'en refermant – et c'est une peu le principe, d'ailleurs, qu'on retrouve dans les articles 1, 2 et d'autres articles – l'accès, il y aura moins de causes, ça, c'est un principe, dans l'ensemble du gouvernement, M. le Président, qui n'a pas de limites. Je veux dire, on peut demander au ministre de la Santé, pour régler le problème d'engorgement dans les hôpitaux, de ne plus prendre les cas de fracture du fémur, de ne plus prendre les cas de pneumonie et, en mettant une série de cas comme ceux-là, en limitant l'accès, bien, on va probablement en arriver à réduire les délais d'attente, à éliminer l'engorgement qui existe. Alors, si c'est de cette façon-là qu'on veut éliminer une forme d'engorgement qui, semble-t-il, existe au niveau des tribunaux d'appel, bien, il faudrait au moins que ce soit comparé avec des alternatives.

Pour m'aider à le comparer avec des alternatives, j'aurais souhaité recevoir différentes personnes ici. Et, là, je reprends des propos, tout à l'heure, du ministre de la Justice qui nous disait, en regard des commentaires du député de Chomedey, que c'est beaucoup des demandes qui étaient faites par la Cour d'appel, appuyées par le Barreau. Il citait des pressions qui avaient été faites en faveur d'un tel projet de loi. Aucune pression, M. le Président, ou aucune recommandation ne semblait émaner du Protecteur du citoyen. Aucune ne semblait émaner de représentants des justiciables. Pourtant, les législations, le travail qui est fait ici ne doit pas être un travail... Le gouvernement est au service du citoyen. Donc, au moment d'adopter un article comme celui-là, on ne peut pas prendre pour acquis qu'il faut adapter les procédures. On doit prendre pour acquis que les procédures doivent s'adapter aux besoins des justiciables. Pour avoir rediscuté moi-même avec le Protecteur du citoyen depuis la réception de la lettre, c'est exactement l'esprit dans lequel il nous présentait des préoccupations, et je suis convaincu qu'il en aurait en regard de l'article 505.

Je me permets de revenir sur l'article 505. On avait entendu, aussi... Une des raisons de ne pas entendre le Protecteur du citoyen, c'est qu'il ne se serait pas exprimé la dernière fois que de telles hausses de plafond, de tels changements de délais ont été présentés, ce qui, M. le Président, ne semble pas être le cas parce qu'il semble qu'il se soit aussi exprimé à ce moment-là et qu'il se sente encore plus interpellé au moment où on refait une deuxième vague de changements à ces procédures d'appel.

Je vais conclure, M. le Président, en revenant... Le député de Verdun, dans son vibrant plaidoyer étymologique, n'a pas proposé d'amendement. Je ne le referai pas nécessairement, mais vous avez fait une éloquente démonstration de l'absence de concordance entre la version anglaise et la version française. Le député de Chomedey a corrigé un tel imbroglio, tout à l'heure. Je ne sais pas, est-ce que c'est la version française ou la version anglaise qu'il faut retravailler? Peut-être qu'on pourrait au moins vérifier les traductions de «déserté» dans...

M. Gautrin: Oui, mais il dit «abandonné», justement, le texte anglais.

M. Dumont: Bien, c'est ma conclusion, parce que, moi-même, je ne peux pas jouer dans les traductions de termes techniques comme ceux-là qui ont été mis sur la liste, une liste qui est certainement une intéressante initiative, je ne peux pas commenter là-dessus, mais, si je me fie à ce qui vient d'être fait il y a quelques minutes à peine, je sens qu'il y a une nécessité de concordance entre les versions, pour laquelle même le ministre a accepté un amendement tout à l'heure. Là, je me demande pourquoi on ne procéderait pas à un amendement pour faire la même chose.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que vous en proposez un, M. le député de Rivière-du-Loup, un amendement?

M. Dumont: Bien, il faudrait vérifier au niveau du vocabulaire.

Le Président (M. Sirros): Alors, il me semble qu'il y en a qui font des vérifications de ce côté-là. J'ai eu M. le député de Notre-Dame-de-Grâce qui voulait prendre la parole. Est-ce que ça tient toujours, là? Peut-être que vous pourrez revenir, M. le député Rivière-du-Loup, une fois que...

M. Copeman: J'aimerais savoir, peut-être, si le ministre veut réagir aux propos du député de Rivière-du-Loup, puis je reviendrai après, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre.

M. Bégin: Le député de Rivière-du-Loup soulève un point extrêmement intéressant quand il mentionne que l'accessibilité n'est pas nécessairement exclusivement basée sur des sommes d'argent ou les seuils monétaires, mais également sur la possibilité d'être entendu dans un délai raisonnable. Être entendu quatre ans plus tard en Cour d'appel après avoir traversé les délais de la Cour supérieure, par exemple, ce qui nous donne à peu près sept ans, je pense qu'on peut parler d'inaccessibilité ou de non-accessibilité, dans un tel cas. De telle sorte qu'une mesure visant à raccourcir les délais devant la Cour est une mesure d'accessibilité, en ce qui me concerne.

Les dispositions qu'on regarde depuis déjà plusieurs heures sont des mesures qui visent, justement, non pas à priver les gens de leurs droits, mais à faire en sorte que le justiciable qui se traîne les pieds ou qui néglige d'exercer ses recours en temps utile se voit privé de la possibilité d'encombrer les rôles inutilement et, en conséquence, est sanctionné par des mesures précises. L'expérience du temps a fait que des mesures ont été adoptées. Il y en a eu jusqu'à l'an dernier. Elles se sont avérées, jusqu'à présent, insuffisantes. Nous proposons d'autres mesures qui vont dans le même sens, et on verra plus tard, lorsqu'on étudiera l'article 9, une autre modalité pour réduire, justement, les délais.

(22 h 50)

Le but visé n'est pas d'empêcher quelqu'un d'exercer ses droits, c'est de sanctionner celui qui les exerce mal. Par ailleurs, je souligne au député de Rivière-du-Loup que le Barreau a comme mandat premier de protéger le public. Le rôle premier du Barreau, c'est ça, c'est écrit dans sa loi. Des gens peuvent juger qu'il le fait mal ou qu'il le fait insuffisamment, mais ça reste son rôle premier: la protection du public. Évidemment, il a aussi ce mandat de réglementer et de représenter l'intérêt de ses membres. Mais il ne faut jamais oublier qu'il a d'abord comme mandat de représenter et de protéger le public.

Je pense que la Cour d'appel, même si elle n'a pas de mandat spécifique compris dans une loi, a certes comme responsabilité de protéger les intérêts des justiciables. Lorsque la Cour d'appel recommande d'adopter des procédures semblables à celles que je soumets par l'article 7, et que c'est appuyé par le Barreau dans des résolutions formelles, on est en présence de propositions que, en tout cas, le ministère de la Justice a jugé à propos de sanctionner dans des textes de loi et de soumettre à l'Assemblée nationale. Alors, voilà ce que j'avais à dire à cet égard.

Le Président (M. Simard): Vous avez fini vos remarques, M. le ministre?

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Simard): Toujours sur l'article 505, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai écouté attentivement le député de Rivière-du-Loup et je pense que le député de Rivière-du-Loup a résumé d'une façon très éloquente et très exacte certaines réserves que j'avais essayé d'exprimer lors de l'étude détaillée, concernant une balance qui me semble nécessaire entre un objectif louable de réduire les délais à l'intérieur de nos cours pour avoir une meilleure accessibilité à la justice – et j'en conviens avec le ministre de la Justice; on dit en anglais, M. le Président, «justice delayed is justice denied»; on convient là-dessus – mais...

Le Président (M. Simard): Committee delayed is not committee denied.

M. Copeman: No, no, no. We will arrive at the end, Mr. Chairman, I assure you.

Ce que je demande au ministre de la Justice, c'est: Est-ce que lui est complètement confiant, dans son esprit, que l'article 505 maintient une balance nécessaire entre un objectif fort louable, qui est de s'assurer que les justiciables respectent les délais à l'intérieur, sans aller trop loin – et je pense que c'est un peu dans le sens du député de Rivière-du-Loup – sans être trop «restrictive», M. le Président, parce que le mot m'échappe en français...

Une voix: Contraignant.

M. Copeman: ...contraignant, merci, sans être trop contraignant au point qu'on prive des justiciables de leurs droits devant les cours? C'est ça la question au ministre de la Justice. Et je prends note un tout petit peu des commentaires du député de Rivière-du-Loup sur la position du Protecteur du citoyen. Je trouve très intéressantes ses observations que, très souvent, lors de cette commission, le ministre de la Justice s'appuie sur des recommandations de la Cour d'appel et des recommandations du Barreau du Québec, peut-être avec raison, M. le Président, mais le commentaire du député de Rivière-du-Loup, c'est qu'on n'entend pas parler nécessairement, M. le Président, des amendements, des propositions, des suggestions, des commentaires émanant des justiciables. J'en conviens avec le ministre que la Cour d'appel n'est pas un groupe non important dans notre société, ni le Barreau du Québec. Mais je pense que lui peut convenir avec moi que la Cour du Québec il faut qu'elle veille au bon fonctionnement de sa cour; le Barreau du Québec, il faut qu'il veille à la défense des membres ou à la pratique du droit dans la province de Québec. Mais où est le souci, seul et unique souci pour les justiciables?

Je conviens avec le ministre que le Barreau du Québec partage en partie ce souci. Ça, c'est certain. Mais que le Protecteur du citoyen ait été obligé de faire part de ses commentaires à plusieurs membres de cette Assemblée, et qui, et je cite, «ont pour principal objet la protection des droits des justiciables»... Je trouve un peu regrettable, M. le Président, que, parmi toutes les assises qu'on a pour ce projet de loi, le ministre de la Justice cite souvent la Cour d'appel, le Barreau du Québec, mais on cite très rarement une personne et un organisme du gouvernement du Québec aussi renommé que le Protecteur du citoyen. Je fais remarquer simplement, M. le Président, que le fait que la Cour du Québec, la Cour d'appel du Québec et le Barreau aient suggéré certaines choses n'est pas, même pour le ministre, je pense, un témoignage complet qu'ils ont toujours raison.

Et je souligne, simplement pour intérêt, M. le Président, la page 71 du document de la Cour d'appel, qui traite des articles qu'on étudie actuellement, le deuxième paragraphe: «Que l'intimé forclos de produire un mémoire soit également forclos de plaider.» Ça, c'est une recommandation de la Cour d'appel. Elle est appuyée par le Barreau du Québec, à la page 4, avec la phrase: «Les autres volets de cette recommandation sont acceptés.»

Je remarque, à moins que je ne me trompe, M. le Président, que le ministre de la Justice n'a pas jugé opportun de retenir cette recommandation de la Cour d'appel du Québec, appuyée par le Barreau du Québec, dans son projet de loi. Et même, il me semble, en parlant avec des collègues, que vous avez eu un certain débat sur l'opportunité d'avoir un «forclos de plaider», également, dans le projet de loi, qui a été rejeté, je pense, et avec raison, M. le Président, par le ministre de la Justice et par cette commission. Je le soulève simplement pour dire qu'à chaque fois que le ministre se fie aux recommandations de la Cour d'appel, appuyées par le Barreau du Québec, ce n'est pas toutes les recommandations qui ont été retenues par le ministre de la Justice, et, je pense, avec raison, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, voulez-vous commenter?

M. Bégin: Je voudrais dire au député de Notre-Dame-de-Grâce que, effectivement, contrairement à ce que le député de Chomedey mentionnait tout à l'heure, le ministère et le projet de loi n'étaient pas une courroie de transmission du Barreau, mais avaient exercé un jugement quant à certaines recommandations. Vous venez d'en faire la démonstration de façon évidente, et je vous en remercie.

M. Copeman: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Simard): Toujours sur l'article 505, qui d'autre désire s'exprimer? Si personne ne s'exprime sur 505, l'article 505 est-il adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Gautrin: Est-ce qu'on peut avoir un vote nominal, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Nous aurons un vote nominal, M. le député de Verdun.

M. Mulcair: M. le Président, une question d'éclaircissement, s'il vous plaît. Nous sommes face à un projet de loi 41, qui a ses propres articles. L'article 7 du projet de loi propose deux articles. Est-ce que nous sommes capables de voter pour un article que renferme l'article 7? Parce que l'article 7 propose deux choses: le 505 et le 505.1. Est-ce qu'il ne serait peut-être pas plus simple de procéder au 505.1 et de faire un vote sur l'ensemble après? Je me fie à vous, là-dessus, mais il me semble qu'on est en train de morceler un article du projet de loi. C'est l'article 7 qui est l'article du projet de loi que nous sommes en train d'étudier; le 505 n'a pas d'existence propre dans le projet de loi.

Le Président (M. Simard): J'ai déjà indiqué, M. le député de Chomedey, la façon dont je procéderais lorsque j'ai établi les droits de parole. J'ai eu à porter une décision sur les droits de parole. Nous voterons 505, nous voterons 505.1 et nous voterons l'ensemble de l'article 7.

M. Mulcair: D'accord. Merci pour cette clarification, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Alors, sur l'article 505, l'appel nominal du vote, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. Bégin?

M. Bégin: Pour.

Le Secrétaire: Mme Signori?

Mme Signori: Pour.

Le Secrétaire: M. Jutras?

M. Jutras: Pour.

Le Secrétaire: M. Lelièvre?

M. Lelièvre: Pour.

Le Secrétaire: M. Payne?

M. Payne: Pour.

Le Secrétaire: Mme Malavoy?

Mme Malavoy: Pour.

Le Secrétaire: M. Perreault?

M. Perreault: Pour.

Le Secrétaire: M. Trudel?

(23 heures)

M. Trudel: Pour.

Le Secrétaire: M. Laurin?

M. Laurin: Pour.

Le Secrétaire: M. Simard?

Le Président (M. Simard): Pour.

Le Secrétaire: M. Copeman?

M. Copeman: Pour.

Le Secrétaire: M. Gautrin?

M. Gautrin: Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: Mme Delisle?

Mme Delisle: Pour.

Le Secrétaire: M. Sirros?

M. Sirros: Pour.

Le Secrétaire: M. Dumont?

M. Dumont: Pour.

Le Secrétaire: Pour: 16.

Le Président (M. Simard): Devant cette unanimité, nous nous inclinons. Nous passons donc à l'étude de l'article 505.1. M. le ministre, voulez-vous faire une présentation ou utiliser votre droit de parole?

M. Bégin: M. le Président, étant donné que nous avons étudié un article analogue, en ce qui concernait l'appelant, je pense que les représentations que j'avais faites à l'époque sont toujours valides. Je réfère au fait également que la Cour d'appel nous suggère l'adoption d'une telle procédure de même que le Barreau. Et il me semble que... J'invite, tout au moins, les députés de l'opposition, s'ils sont d'accord avec le texte, comme ils viennent de le faire, de peut-être abréger les délais pour qu'on puisse adopter le plus rapidement possible...

M. Gautrin: C'est parce que vous nous avez convaincus.

M. Bégin: ...ce projet de loi.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Je passe la parole au porte-parole de l'opposition, à Mme la députée de Jean-Talon, sur l'article 505.1.

Mme Delisle: Alors, M. le Président, je vais reprendre mon introduction de tout à l'heure puisque j'étais hors d'ordre. J'aimerais vous relire l'article 505.1 qui dit: «Un juge de la Cour d'appel peut, sur requête produite avant l'expiration du délai prévu par l'article 503, fixer, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, un autre délai pour la production de leurs mémoires.»

Et j'aimerais vous ramener, M. le Président, à l'article 503 qui dit: «Dans les 120 jours du dépôt de l'inscription ou du jugement rendu sur une demande faite en vertu de l'article 501, l'appelant doit produire au greffe son mémoire, en sept exemplaires, et il doit en signifier deux autres exemplaires à l'intimé.»

Étant donné qu'en vertu de l'article 503 on parle déjà d'un délai de 120 jours, «dans les 120 jours du dépôt de l'inscription ou du jugement rendu», et qu'on lit dans l'article 505.1 qu'«un juge de la Cour d'appel peut, sur requête produite avant l'expiration du délai prévu [...] fixer, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, un autre délai pour la production de leurs mémoires», j'aimerais qu'on m'explique comment on peut concilier les motifs qui ont amené le ministre à vouloir clarifier, simplifier et réduire les délais, alors qu'il m'apparaît clair, dans l'article 505.1, qu'on ouvre finalement la porte à d'autres délais. À moins que je ne comprenne pas cet article-là; et c'est fort possible, M. le ministre et M. le Président, puisque, comme je l'ai mentionné au début, je n'ai pas de formation juridique, mais il m'apparaît qu'on ouvre la porte, dis-je bien, à d'autres délais qui pourraient être fixés avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, évidemment toujours avec une décision rendue par un juge de la Cour d'appel.

Alors, ne serait-il pas opportun de restreindre le délai qui peut être accordé par la Cour d'appel lorsque les parties consentent – donc, en vertu de l'article 505.1 – alors que c'est ce que le projet de loi prévoit lorsqu'il y a une demande de prorogation ou de délai qui est ajoutée, finalement, en vertu de 505.1? Alors, je demanderais au ministre, s'il vous plaît, de m'expliquer le sens ou ce qu'il l'a motivé à inscrire l'article 505.1 tel que libellé.

M. Bégin: M. le Président, je réfère à l'intervention que j'ai faite tout à l'heure, suite à celle du député de Rivière-du-Loup. L'accessibilité, ça comprend aussi la capacité d'être entendu dans un délai raisonnable. De la même manière que, dans certains cas, on doit prévoir des délais de déchéance ou de forclusion de production de certains documents – un mémoire, en l'occurrence – lorsque les délais sont expirés, autant, dans d'autres circonstances, on doit être relativement souple pour tenir compte des circonstances particulières que l'on peut rencontrer. Et, lorsque l'on dit, à l'article 505.1, que l'on réfère, en fait, à l'article 503, c'est que, avant que l'appelant n'ait à produire son mémoire, les parties peuvent constater elles-mêmes que ce sera impossible et qu'il serait nécessaire d'avoir des délais différents. Elles se présentent devant la Cour d'appel et elles obtiennent, ensemble, des délais nouveaux, différents, pour tenir compte des circonstances exceptionnelles devant lesquelles on se trouve. Alors, d'une part, on donne des délais plus longs, mais qui sont péremptoires. Mais, par contre, il faut prévoir des soupapes pour éviter qu'on ne commette des injustices en appliquant – excusez-moi l'expression – bêtement certains délais de procédure.

Alors, à la fois, il faut être plus strict dans l'application des délais, mais, d'autre part, on ne doit pas le faire au détriment de droits fondamentaux. Et je mentionnais plus tôt que le cas de la MIUF est un cas évident. Après la décision de la Cour d'appel, par exemple, on peut dire: Écoutez, est-ce qu'on est capable, dans un dossier où il y a un jugement de 1 000 pages, arrivé avec un an, ou un an et demi, ou deux ans d'enquête, est-ce qu'on est capable, dans un tel cas, de produire un mémoire dans le délai de 120 jours? On peut facilement concevoir que les parties, tant l'appelant que du côté de l'intimé, puissent dire: Je pense que l'un et l'autre seront incapables de présenter leur mémoire dans le délai prévu. Allons donc voir la Cour pour dire quel serait le délai raisonnable. M. l'avocat ou Mme l'avocate de l'appelant, combien de temps pensez-vous avoir besoin? Trois mois, quatre mois? Vous êtes d'accord, M. le procureur, ou la procureur de l'intimé? Oui. Alors, quatre mois. Maintenant, combien de temps pensez-vous, M. l'avocat ou Mme l'avocate de l'intimé, avoir besoin après qu'on aura produit, dans le délai qu'on vient de fixer, votre mémoire? On dira peut-être: deux mois et demi ou trois mois.

Alors, on conviendra comme ça, avec la Cour qui jugera si, effectivement, on est dans le cas de délais raisonnables ou si les parties étirent trop l'élastique, de sorte qu'on aura une sanction immédiate par la décision de la Cour qui fixera les délais. On sera certains qu'il n'y aura pas d'abus ni dans un sens ni dans l'autre. Alors, voilà le sens de 505.1.

Mme Delisle: M. le Président, est-ce que je comprends, par les propos du ministre, que cet article ne s'appliquerait que dans des causes plus exceptionnelles ou plus particulières?

M. Bégin: C'est bien ça, oui.

Mme Delisle: Ce n'est pas un article, finalement, qui vise l'ensemble des causes que l'on retrouve au rôle des tribunaux d'appel.

M. Bégin: Mme la députée de Jean-Talon, ça s'appliquera à chaque fois que deux procureurs jugeront à propos de s'entendre et d'aller voir la Cour d'appel. Mais ça sera la Cour d'appel qui dira: Non, ce n'est pas un cas où il devrait y avoir des délais additionnels ou différents. Et c'est la Cour qui tranchera. Mais, par expérience, je peux vous dire que la Cour d'appel est plutôt avare de décisions favorisant l'extension des délais. Elle est plutôt portée à être sévère, et je pense que c'est correct. Mais, d'un autre côté, il faut permettre aux parties de ne pas être privées de leurs droits, et c'est le sens de la modification.

Mme Delisle: J'aimerais avoir une précision. Est-ce qu'un juge de la Cour d'appel, puisqu'on ne fixe pas de délai plus restrictif... On fait référence à 503, où on parle de 120 jours; dans 505.1, on dit que le juge de la Cour d'appel peut fixer un autre délai, évidemment, conformément à des ententes qui seraient prises entre les parties. Est-ce que ça ne pourrait pas donner l'occasion, finalement, à la Cour d'appel – et je ne voudrais certainement pas prêter de mauvaises intentions à la Cour d'appel – d'abuser de ce délai que la Cour pourrait accorder dans les causes qui sont dites exceptionnelles, on s'entend là-dessus? Est-ce qu'on n'ouvre pas la porte à ce genre de chose, alors qu'on cherche plutôt, par l'ensemble des modifications dans le projet de loi 41, qui est la Loi qui modifie le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, qu'on vise finalement à alléger les délais, à réduire les délais?

(23 h 10)

M. Bégin: Tout le sens du rapport de la Cour d'appel est dans le sens de lui permettre de raccourcir légalement les délais. Je ne peux donc penser qu'elle ira dans le sens que vous venez de mentionner.

Mme Delisle: Parfait. J'aurais aimé, aussi, M. le Président... Je ne suis pas sûre d'avoir bien entendu ce que le ministre a dit, mais on a parlé de délai de déchéance?

M. Bégin: Oui.

Mme Delisle: Est-ce qu'on peut juste éclairer ma lanterne sur ce que ça signifie?

M. Bégin: Sans doute un autre mot qu'on devra bannir.

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Mais je ne toucherai pas, je ne fouillerai pas dans le dictionnaire, je vous le promets. Je veux vraiment comprendre.

M. Bégin: Ça veut dire que notre délai est terminé. Il signifie que c'est un délai au bout duquel vous n'aurez plus le droit de faire quelque chose. C'est déchu de votre droit d'agir ou de faire.

Mme Delisle: De ma forclusion, c'est ça? Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ça rejoint la forclusion.

Le Président (M. Simard): Mais ça n'expire pas.

Mme Delisle: On aura au moins été très éclairés sur le vocabulaire à utiliser, en sortant de cette commission, M. le Président.

Alors, dans la perspective où l'on cherche, évidemment, à alléger le système, à rendre ça plus simple et à le clarifier pour les citoyens, pour les intimés, en fait, puisqu'on parle, dans la loi, d'intimés, d'appelants, j'aurais aimé qu'on puisse, finalement, davantage encadrer ou je proposerais qu'on encadre davantage, qu'on regarde la possibilité d'encadrer davantage ou d'insérer un délai qui limiterait, finalement, pour la Cour d'appel cette exception qui est faite pour les causes dites exceptionnelles. Maintenant, évidemment, M. le ministre nous a donné des explications tout à l'heure, mais est-ce que c'est possible – j'ai de la difficulté à comprendre – ou craint-on, finalement, pourrait-on craindre, finalement, qu'une Cour d'appel pourrait, à la longue, abuser de ce droit?

M. Bégin: Jamais.

Mme Delisle: Alors, M. le Président, voilà l'essentiel de mes commentaires...

Le Président (M. Simard): C'est la fin de vos remarques?

Mme Delisle: ...sur l'article 505.1.

Le Président (M. Simard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Je donnerai maintenant la parole au député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. À l'instar de ma collègue, la députée de Jean-Talon, je suis passablement inquiet. Après avoir été persuadé par les excellents arguments de l'honorable ministre de la Justice à propos de l'article 505 et, notamment, compte tenu du fait qu'il a cru bon d'accepter la modification que nous avons proposée, me voilà à nouveau étonné de l'entendre nous dire que, à l'article 505.1, qui ne renferme aucune restriction dans le temps, aucune indication, on pourrait peut-être dire, quant à la limite applicable, on se fierait aux parties.

N'est-il pas le cas, M. le Président, qu'une partie de notre délibération a été rendue nécessaire parce qu'on ne pouvait pas se fier aux avocats pour respecter les délais et en faire bon usage? Il me semble qu'il nous manque de clarté dans l'article 505.1, M. le Président. On aurait pu emprunter l'idée qui est contenue à l'article immédiatement précédent, qui est de dire: Bon, on peut extensionner le délai mais, attention, pas plus que tant. On aurait pu, comme on a fait à d'autres dispositions dans le projet de loi, dire: Bien, à moins de situations «exténuantes», commencer à circonscrire un petit peu. Mais, de la manière que je lis l'article, il va être extrêmement difficile pour un juge de la Cour d'appel, sur requête produite avant l'expiration du délai prévu par l'article 503, de refuser de fixer un délai, un autre délai pour la production des mémoires, si les parties se sont effectivement entendues. L'appelant et l'intimé s'entendent, et nous voilà dans une situation où les délais vont commencer à s'accumuler.

Vous voyez, M. le Président, c'est un autre bel exemple, à mon point de vue, du problème qu'on a en étudiant ce projet de loi. Le ministre, avec toute la certitude du monde, disait à ma collègue, la députée de Jean-Talon: Non, non, c'est comme ça, ne vous inquiétez pas. Ça va être comme ça, les juges, ça va être comme ça, les avocats. Il a une magnifique boule de cristal, M. le Président, de pouvoir prédire ça avec autant de certitude; mais, moi, je ne suis pas convaincu. Et, avant de me convaincre, comme il a réussi à le faire avec le 505, bien, il faudrait qu'il me montre ce sur quoi il se base pour dire ça. Mais il n'est pas capable de le faire, aucune étude n'a été faite pour étayer ses dires. Il se base sans doute sur son expérience de praticien, mais, si les autres praticiens étaient aussi responsables que lui, on ne serait pas devant le problème qu'on a.

Le problème qu'on a, M. le Président, c'est qu'on a un tel engorgement à la Cour d'appel qu'on est rendu avec un délai qui va chercher quatre ans, sinon plus. C'est un réel problème, M. le Président, un réel problème auquel on se doit d'apporter de réelles solutions.

Je n'étais pas en train, tout à l'heure, de suggérer que le ministre de la Justice n'agissait que comme simple amanuensis des différents intervenants qui lui ont fait part de leurs inquiétudes, de leurs préoccupations. J'étais en train, par contre, de l'inviter, de l'exhorter à assumer ses responsabilités, telles qu'explicitées aux termes du chapitre M-19 des Lois refondues du Québec, et de venir avec sa vision, ce sur quoi lui et les officiers responsables de ce dossier dans son ministère se sont entendus comme étant la meilleure manière de remplir sa mission, son obligation, son mandat de ministre de la Justice.

C'est donc, à mon sens, plutôt désolant de voir que, plutôt que d'avoir un argument étayé pour nous expliquer pourquoi le 505.1 c'est la meilleure solution, on n'a eu, en réponse à la question de la députée de Jean-Talon, que des hochements de la tête, des oui, des laconiques réponses très brèves qui disaient: Oui, oui, il n'y aura pas de problème, c'est comme ça que ça va se faire.

L'honorable ministre de la Justice nous rappelait tantôt, M. le Président, qu'il était lui-même avocat. Il nous rappelait ses 25 années de pratique de droit.

Une voix: Il a déjà été mon avocat.

Le Président (M. Simard): Alors, suspension pour aller voter. Je vous prierais – et c'est très important – de revenir ici immédiatement après le vote, s'il vous plaît, si nous voulons fonctionner.

(Suspension de la séance à 23 h 18)

(Reprise à 23 h 32)

Le Président (M. Simard): Lorsque nous avons suspendu, nous écoutions le député de Chomedey, qui avait parlé 5 min 10 s. Il lui reste donc 14 min 50 s, et je suis sûr qu'il les utilisera et à bon escient.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Oui, alors, pour nous resituer dans le contexte de la discussion de tantôt, avant qu'on interrompe pour le vote...

Le Président (M. Simard): Je dois vous interrompre, M. le député. On constate l'absence du ministre.

M. Mulcair: Que de détails, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Détail important dans l'étude d'un projet de loi, vous en conviendrez. Je suspends donc en l'absence du ministre. Merci de me l'avoir signalé.

(Suspension de la séance à 23 h 33)

(Reprise à 23 h 35)

Le Président (M. Simard): De retour, nous reprenons donc la séance. Alors, je ne cède pas, mais je donne la parole au député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Pour resituer un peu le débat avant qu'on soit obligés de quitter pour le vote et en attendant que le ministre arrive, nous sommes donc en train d'étudier un article, 505.1, que propose d'ajouter l'article 7 du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales – Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts.

L'article se lit comme suit, dans ses versions française et anglaise: «Un juge de la Cour d'appel peut, sur requête produite avant l'expiration du délai prévu à l'article 503, fixer, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, un autre délai pour la production de leurs mémoires»; «A judge of the Court of Appeal may, on a motion filed before the expiry of the time prescribed by article 503 and with the consent of the appellant and the respondent, fix another time for the filing of their factums.»

Ce que nous étions en train de faire remarquer, M. le Président, c'est que, après nous avoir convaincus que l'article 505, tel que proposé par l'article 7 du même projet de loi, avait tout son sens parce que ça venait bien encadrer, et même en l'absence d'une étude pouvant démontrer les faits concrets, de ce côté de la Chambre, on s'est rendus aux arguments de l'honorable ministre de la Justice. Mais voilà que, à l'article 505.1, tel que proposé, on se doit de conclure que le ministre n'a pas d'explications valables pouvant justifier l'absence totale d'indications encadrant la démarche qui vise à permettre à l'appelant et à l'intimé de requérir un autre délai.

Contrairement, donc, M. le Président, à l'article 505 qui, comme on l'a vu, prévoyait un maximum de 30 jours, à moins de circonstances exceptionnelles, on est ici devant une situation où il serait, à mon sens, extrêmement difficile pour un juge de la Cour d'appel qui serait face à l'accord de l'appelant et de l'intimé pour extensionner un délai, ce serait très difficile pour un tel juge, je vous soumets, de dire non. Et, si le délai, le fait d'extensionner le délai fait l'affaire des deux parties et est très long, il n'y a rien dans l'article 505.1, tel que proposé, qui impose une limite et qui facilite la tâche du juge.

C'est vrai, et la loi d'interprétation nous l'enseigne depuis longtemps, que, lorsqu'on donne une faculté à quelqu'un, c'est permissif, et ce n'est pas obligatoire, donc, pour le juge de la Cour d'appel de fixer un délai plus long pour la production de leurs mémoires. Mais, dans les faits, M. le Président, le ministre de la Justice sait très bien que, une fois en face d'un tel consentement de la part de l'appelant et de l'intimé, il va être extrêmement difficile pour le juge de la Cour d'appel de dire non.

Est-ce qu'on est en train, donc, avec le 505.1, de résorber le problème qui – tous s'entendent – existe d'engorgement à la Cour d'appel? On se pose la question, et on aurait tant voulu pouvoir poser cette question aux représentants du Barreau, par exemple, ou encore au Protecteur du citoyen qui, dans un long avis, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler, a exprimé de vives inquiétudes par rapport à certaines dispositions du projet de loi 41. Mais le ministre de la Justice nous demande de nous fier aux hochements de sa tête, au fait qu'il lève ses épaules et qu'il nous dise: C'est comme ça, ça va bien aller. On n'a pas d'études, M. le Président, on n'a aucune indication objective, externe, qui nous permet de conclure que l'article 505.1, tel que proposé ici à l'article 7 du projet de loi 41, va produire le résultat escompté, et au contraire.

(23 h 40)

À l'opposé de l'article 505, où nous avons donné notre accord parce qu'on s'est rendus aux arguments produits et soutenus par le ministre – même en l'absence d'études, je le fais remarquer – on s'est rangés du côté du ministre de la Justice sur le 505, mais notre réaction à l'égard de 505.1, M. le Président, est tout autre. Comment, en effet, pouvons-nous être assurés que le 505.1 proposé va réduire les délais, alors que, à sa face même, on est en train de dire que, si les avocats des deux parties s'entendent, ils vont aller demander un autre délai, et bonne chance au magistrat qui viendrait dire, face à un article libellé ainsi: Non, je ne suis pas d'accord; même si vous vous étiez entendus, je ne vois pas pourquoi j'extensionnerais ce délai? Il va suffire que les deux se mettent d'accord que c'est une cause compliquée, que le délai normal ne fait pas leur affaire, et ça, ça va arriver bien plus souvent qu'on pourrait le croire.

Parce que ce n'est pas le fait d'être opposés dans une telle cause qui va nécessairement faire en sorte qu'ils ne sont pas d'accord sur le fait qu'ils ont besoin de beaucoup plus de temps. Il y a toutes sortes de raisons qui peuvent faire en sorte que les avocats, des deux côtés, voudraient bien extensionner, M. le Président, et je n'ai pas besoin d'être plus explicite là-dessus. Donc, le but premier avoué du projet de loi, qui est celui de réduire l'ensemble des délais, de procéder à enlever le bouchon qui existe au rôle de la Cour d'appel, risque d'être frustré parce que l'article est ainsi libellé.

Encore une fois, M. le Président, je m'empresse d'ajouter que je n'en veux pas à ceux dans les services du ministre qui sont responsables de la rédaction du projet de loi, car ce qui manque, ici, ce n'est pas de la technique, l'art de rédaction, ce qui manque, ici, M. le Président, c'est une vision d'ensemble de la part de celui qui, aux termes de la loi, est chargé de veiller à l'administration de la justice au Québec, le ministre de la Justice. Il faut cette vision d'ensemble, M. le Président, afin de pouvoir examiner l'ensemble des propositions, quelles qu'elles soient, en provenance de diverses sources, et qui visent la même fin.

Trop souvent au cours de cette commission parlementaire, M. le Président, j'ai eu l'occasion d'entendre le ministre de la Justice nous dire que sa seule réponse était que c'est ça qui a été demandé. Le ministre de la Justice, j'espère, aura compris que ce qui nous préoccupe, ce n'est pas nécessairement ce qui a été demandé, bien que ça aide à informer notre décision, parce qu'on comprend d'où ça part, mais ce que nous recherchons de la part du ministre de la Justice, c'est une indication de sa part de ce que, lui, il pense, de ce que lui et les officiers qu'il dirige au ministère de la Justice ont fait comme travail, comme études, comme analyses comparatives, historiques, de son projet de loi qu'il présente à l'Assemblée nationale et qu'on étudie à ce moment-ci en commission parlementaire.

C'est ça qui nous manque, M. le Président. On n'a pas d'idée de ce qui a été fait à l'interne du ministère de la Justice, parce qu'à plusieurs reprises on a eu l'occasion de poser la question au ministre et il nous a dit, à chaque fois, qu'on ne pouvait pas avoir les études parce qu'elles n'ont jamais été commandées et, donc, par le fait même, qu'elles n'existaient pas. Pas d'étude sur l'effet des articles qui traitent d'audi alteram partem, qui enlèvent le droit d'être entendu; pas d'analyse objective sur le fait de porter, à l'intérieur d'une même année, de 15 000 $ à 30 000 $ le seuil de la Cour du Québec, alors que, cette année, on l'a monté de 10 000 $ à 15 000 $.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey, je vous le répète, à chaque fois que vous sortez de l'étude de l'article, je vous rappelle à l'ordre. Revenez, s'il vous plaît, à l'article 505.1.

M. Mulcair: L'article 505.1, M. le Président, est un autre exemple, à notre point de vue – et je viens d'en citer quelques autres – où le projet de loi fait défaut. Le projet de loi fait défaut parce qu'il n'a pas été l'objet d'une analyse serrée de la part des instances appropriées au ministère de la Justice. Le ministre, lui-même, nous l'a avoué à plusieurs reprises. Le projet de loi, au contraire, est le reflet – je n'ai aucun doute – fidèle de bon nombre de suggestions qui sont parvenues au ministre de la part de certaines sources et, notamment, le Barreau et la Cour d'appel. Je suis très heureux que le ministre soit à l'écoute de ces instances-là. Nous, aussi, on aurait bien voulu être à l'écoute des instances qui ont exprimé leur avis sur ce projet de loi, M. le Président, mais on n'a pas eu cette occasion. À deux reprises, on a proposé des motions voulant qu'on puisse entendre le Protecteur du citoyen et le Barreau, mais ça nous a été refusé.

Donc, on doit se fier sur ce qu'on a en main. On a en main un article 505.1 qui ne pose aucune balise pour le juge de la Cour d'appel qui est en présence d'un consentement donné de la part de l'appelant et de l'intimé. On est en présence d'un article 505.1 qui ne pose aucune limite dans le temps avec des balises, comme on a vu à l'article 505 proposé par l'article 7, ou encore à l'article 503.1 proposé par l'article 5. On n'a pas ce genre d'indication cette fois-ci, M. le Président. Et, en l'absence d'une telle indication, d'une telle restriction, d'un tel encadrement, ou de signaux pouvant aider le juge de la Cour d'appel dans un tel cas, on est en train, à mon sens, de laisser la porte grande ouverte à la sorte de situation qu'on a connue par le passé et qui a donné lieu au délai qu'on dit vouloir résoudre et réduire, mais on n'est pas capable de prouver l'adéquation entre ce désir et la disposition législative qui est renfermée à la proposition de l'article 505.1, telle que stipulée à l'article 7 du projet de loi 41.

C'est ça, l'essentiel du problème, M. le Président. L'article 505.1 peut peut-être constituer une réponse adéquate. Si on était capable de nous dire qu'il y a des articles similaires dans le Code et que ça marche bien, qu'il y a eu des comparaisons de faites, qu'il y a eu des relevés, qu'il y a des analyses, si on était capable de dire combien de cas cela représente, en combien de cas ça a été refusé par les juges, ça serait intéressant. Ça, ce serait de l'information dont on pourrait se servir ici, dans cette commission, pour informer notre décision. Et on ne demande pas mieux, M. le Président. Mais nous n'avons pas une telle indication de la part du ministre. Il ne peut pas nous la donner parce que ce travail n'a pas été fait.

Je comprends, M. le Président, que je dispose encore de trois minutes...

Le Président (M. Simard): Deux minutes trente.

M. Mulcair: ...sur l'article 505.1 et, étant donné les autres exemples...

Le Président (M. Simard): J'aimerais bien les entendre.

M. Mulcair: ...je préfère garder ces trois minutes-là pour pouvoir répliquer, le cas échéant. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie, M. le député. J'invite le ministre à répliquer, s'il le désire.

M. Bégin: M. le Président, je mentionnais plus tôt que le député de Chomedey oscillait entre deux extrêmes, c'est-à-dire la courroie de transmission et l'absence de consultation. Je pense qu'il serait opportun que, d'ici la reprise de nos travaux pour la prochaine séance de la commission, le député de Chomedey fasse un peu comme le député de Rivière-du-Loup, puisqu'il n'a pas fait ses devoirs avant, de lire le rapport de la Cour d'appel et de prendre connaissance des résolutions du Barreau, qu'il communique avec le Barreau et la Cour d'appel pour s'enquérir de ce qui en est, de sorte qu'il serait, à ce moment-là, plus branché sur la voie qu'il devrait prendre, soit être une courroie de transmission ou ne pas être consulté. Ça lui faciliterait la tâche et ça nous faciliterait aussi l'étude du projet, parce qu'on aurait une seule version qui serait énoncée ici.

Par ailleurs, je dois dire au député de Chomedey, quand il nous expose qu'il sera difficile pour un juge de la Cour d'appel, lorsque deux avocats se sont entendus, de trancher, je dois lui dire que j'ai plus confiance dans le jugement des juges de la Cour d'appel que ça, en ce sens qu'ils sont capables de rendre des décisions qui ne font pas plaisir ni à l'intimé ni à l'appelant, lorsqu'ils jugent, eux, que les délais qu'on leur soumet sont déraisonnables. Alors, j'ai confiance que le juge de la Cour d'appel saisi de représentations d'avocats qui s'entendraient sur des délais trop longs va, s'il le juge tel, réduire ces délais à la période de temps qu'il jugera, dans son jugement, approprié de rendre.

Donc, je crois que, sur le texte qui est là, nous avons, encore une fois, une recommandation, une suggestion de la Cour d'appel qui est appuyée par le Barreau, qui nous apparaît tout à fait concordante avec l'ensemble des mesures que l'on veut faire, c'est-à-dire réduire les délais devant les tribunaux de manière à ce que les gens puissent avoir accès à la justice, puis qu'ils puissent le faire sans avoir à débourser des frais inutiles parce qu'une autre partie se traîne les pieds indûment.

Alors, M. le Président, je pense que ça serait une suggestion intéressante à suivre pour le député de Chomedey, dans les temps libres que nous aurons demain, avant l'étude des autres articles, puisqu'il en reste encore huit à étudier.

Le Président (M. Simard): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je vais donc intervenir sur l'article 505.1. J'aurais deux types d'intervention: une intervention sur la version française et une intervention sur la version anglaise, après.

Mon intervention sur la version française, ou plutôt sur le fond de la question, c'est sur ce qui suit: «Un juge de la Cour d'appel peut, sur requête produite avant l'expiration du délai prévu par l'article 503, fixer, avec le consentement de l'appelant et de l'intimé, un autre délai pour la production de leurs mémoires.» Alors, je voudrais bien comprendre. Supposons qu'on ait commencé à aller voir un premier juge et que lui n'a pas donné de délai, est-ce qu'on peut faire le tour de tous les juges de la Cour d'appel jusqu'au moment où on trouve un bon juge qui nous donne un bon délai? Est-ce que c'est ça que ça veut dire lorsqu'on dit: «Un juge [...] peut, sur requête produite avant l'expiration»? Est-ce qu'on peut choisir son juge? Parce que vous ne dites pas «la Cour», c'est bien «un juge». Donc, vous pouvez choisir votre juge, qui est un juge gentil, qui est souple, et, voilà, vous allez vous... Parce qu'il n'y a pas de jurisprudence, c'est une...

(23 h 50)

M. Bégin: Je comprends que le député de Verdun n'est pas sûr que chacun des juges de la Cour d'appel exercerait un jugement éclairé face à des procureurs qui tenteraient...

M. Gautrin: C'est-à-dire qui...

M. Bégin: ...d'obtenir des délais.

M. Gautrin: ...donneraient les mêmes jugements face aux mêmes procureurs. Ce ne serait pas la première fois où deux juges, sur la même question, rendent des jugements différents.

M. Bégin: En cette matière, M. le juge, c'est l'exercice d'une discrétion... M. le Président, pardon, excusez-moi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: C'est le vieux défaut du plaideur!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Les vieux réflexes qui reviennent à la surface! Alors, Votre Seigneurie...

M. Gautrin: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ha, ha, ha! Alors, M. le Président, c'est sûr que, en cette matière, le jugement rendu par un juge peut varier. Un peut considérer que trois semaines est un délai raisonnable; l'autre peut dire que quatre semaines est un délai raisonnable, mais, dans chacun des cas, cette discrétion comporte une notion de jugement. J'ai confiance que, malgré les différences qui peuvent exister entre chaque individu, on a quand même un jugement sage et approprié.

M. Gautrin: Est-ce que je peux quand même poser ma question? Vous ne répondez pas à ma question qui est la suivante: Est-ce que les deux parties peuvent choisir leur juge? Autrement dit, est-ce que... Il y a un certain nombre de juges à la Cour d'appel. Alors, il y a probablement des juges qui vont avoir, au bout d'un certain temps, une certaine réputation. Est-ce qu'on pourra choisir son juge pour obtenir ça?

M. Bégin: Le juge qui est en pratique au moment où on voudra présenter sa requête.

M. Gautrin: Donc, on peut s'organiser pour arriver sur son bon juge.

M. Bégin: Vous pouvez le voir comme ça, mais je ne le vois pas comme ça.

M. Gautrin: Oui, mais ça pourrait être perçu comme ça.

M. Bégin: C'est votre perception.

M. Gautrin: Combien de temps il reste en pratique? Ça veut dire quoi, un juge qui est en pratique?

M. Bégin: C'est-à-dire un juge qui entend des requêtes présentées par différentes personnes. Il y a ce type de requêtes, il y a une multitude d'autres requêtes qui se font...

M. Gautrin: Et ils changent tous les combien?

M. Bégin: ...entendre par la Cour et non pas avec un avis préalable signifié plusieurs jours ou plusieurs semaines à l'avance.

M. Gautrin: Non, mais, simplement pour mon information. Dans le fonctionnement de la Cour d'appel, que je connais mal, est-ce que, les juges qui entendent les requêtes, chaque jour on en change, ou c'est chaque semaine, ou c'est chaque mois? C'est quoi?

M. Bégin: M. le Président, à cet égard, j'avoue honnêtement que je ne connais pas chacune des modalités de fonctionnement de la Cour d'appel quant à la présence... Je sais qu'il y a toujours un juge qui est en pratique. Est-ce qu'il est là pour deux jours ou trois jours? Est-ce que les règles sont les mêmes à Montréal ou à Québec? Je pense qu'il serait peut-être sage de vous en informer, mais je n'ai pas la capacité de vous donner la réponse.

M. Gautrin: Donc, si ça change aux trois jours, on peut s'organiser pour trouver son bon juge. Mais ça, c'est mon point de vue, je comprends bien.

J'ai une deuxième question à poser. Et je vais rappeler...

Le Président (M. Simard): D'ordre linguistique.

M. Gautrin: D'ordre linguistique, tout à fait. Le ministre doit, lui aussi, avoir, j'imagine, fait un peu de latin dans sa vie...

M. Bégin: Heureusement.

M. Gautrin: Oui, moi aussi. Et il m'en reste des bribes.

Une voix: ...

M. Gautrin: Pour vous, peut-être, enfin, moi aussi. J'ai cru comprendre que, particulièrement dans la langue anglaise, lorsqu'on a utilisé des mots... J'ai consulté mon collègue de Chomedey, qui est une personne qui connaît assez bien la langue anglaise, et il m'a confirmé que le pluriel des mots latins est utilisé dans le pluriel latin. Or, «factum», comme vous savez, est un mot latin qui normalement devrait avoir comme pluriel «facta». J'imagine que vous vous rappelez ce début élémentaire du latin. Or, je remarque, M. le Président, que, à l'article 505.1, le dernier mot, il s'agit de «factums». Et vous utilisez «factums» avec un «s». Or, M. le Président, et ça, c'est une question extrêmement importante... Il me reste deux minutes?

Le Président (M. Simard): Oui, oui... Non, non, non, vous avez tout le temps. J'allais dire que les deux s'utilisent, mais allez-y.

M. Gautrin: Je crois que non. Je crois justement que non, et qu'il y avait une nette prédominance à l'intérieur, d'après mon collègue, un spécialiste de la question, qui est le député de Chomedey, ici... Il préférerait nettement le mot «facta« au mot «factums», avec un «s», qui ne laisse pas perdre, à ce moment-là, la connotation latine que vous voulez très nettement maintenir à l'intérieur du mot «factum». Alors, je voudrais attendre la réponse du ministre avant de proposer un amendement...

Le Président (M. Simard): Je suis sûr qu'il a une réponse.

M. Gautrin: ...qui serait de changer le mot... J'annonce tout de suite un amendement – M. le ministre n'est pas d'accord – de changer «factums», avec un «s», pour «facta».

M. Bégin: M. le Président. M. le Président...

M. Gautrin: Écoutez, je crois que le pluriel de «factum» est «facta», en latin.

Le Président (M. Simard): Tout à fait.

M. Bégin: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Alors, je m'excuse... Est-ce que...

M. Gautrin: Alors, écoutez, nous allons... Alors, là, on a un autre débat, mais je crois que c'est «facta».

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, là, la présidence n'a pas un rôle précis, mais je peux au moins trancher sur le latinisme. Effectivement, les noms neutres, sur le modèle de «templum», font «templa», en latin, vous avez raison, mais le débat est ouvert pour l'anglais. M. le ministre.

M. Bégin: Je voudrais faire remarquer, M. le Président, que je commence à douter du compliment que le député de Chomedey m'a fait, lorsqu'on a étudié le projet de loi en première lecture, en disant que la traduction du texte anglais était extraordinaire. Ça fait le deuxième mot que l'on retrouve qui ne serait pas correct dans la version anglaise. Je commence à douter qu'il l'ait lu.

Une voix: Raison de plus pour qu'on soit très attentif.

M. Gautrin: Non, non, mais c'est pour ça qu'on prend beaucoup de temps, vous comprenez, pour lire ça.

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Simard): Alors...

M. Gautrin: M. le ministre, est-ce que vous accepteriez de changer «factums» pour «facta», ou est-ce que vous voulez que j'en fasse un amendement?

M. Bégin: Écoutez, je serais prêt, dans la mesure où on me dirait que, en anglais, effectivement, on marque ça sous une autre forme.

M. Gautrin: Voulez-vous qu'on suspende ça, peut-être, pour qu'on puisse avoir le temps de faire les vérifications qui s'imposent?

M. Bégin: Non, non, non. Franchement, là, M. le Président...

Le Président (M. Simard): Alors, je comprends que, après les vérifications d'usage, le ministre de la Justice suivra votre suggestion.

M. Gautrin: Vous allez faire les vérifications d'usage?

M. Bégin: Tout à fait.

M. Gautrin: Alors, je vous remercie, M. le ministre, et je suis sûr que vos services vérifieront et retourneront à leurs sources latines...

M. Bégin: De façon très soigneuse.

M. Gautrin: ...de façon très soigneuse, pour savoir si, en anglais, la pratique actuellement du pluriel est «factums» ou «facta».

M. Bégin: Vous pouvez être certain que la traduction anglaise est vraiment très bonne.

M. Gautrin: Je suis sûr de l'efficacité de vos services et je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Est-ce que nous avons, dans le député de Châteauguay, un distingué latiniste qui veut s'exprimer?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Pas du tout. Ça serait me prêter des intentions. Mais j'aimerais, dans le débat, si ça m'est permis... Je sais ou je crois comprendre que le temps...

Le Président (M. Simard): Vous n'avez que trois minutes jusqu'à demain, où vous pourrez poursuivre avec plaisir.

M. Fournier: Ce ne sera pas long, mais je vais quand même poser une question qui me semble importante pour la compréhension, tout au moins la mienne, et, demain, je pourrai revenir sur certains points qu'ils me semblent importants d'aborder concernant l'article 7 de ce projet de loi.

Ma question concerne le libellé même de l'article 505.1, que l'on retrouve dans l'article 7, où on dit que le juge de la Cour d'appel peut, sur une requête produite avant l'expiration du délai prévu par l'article 503, le délai prévu par l'article 503 étant celui de 120 jours du dépôt de l'inscription ou du jugement, où l'appelant doit produire au greffe son mémoire... Donc, dans ce délai de 120 jours, pour que le plan procède, il y a une possibilité pour une requête, que je comprends conjointe, permettant aux deux parties de se faire octroyer un délai supplémentaire pour leurs mémoires, autant à l'appelant qu'à l'intimé. Puisque je vois, là, pour «leurs mémoires» au pluriel, je comprends que c'est les mémoires de chacun.

Ma question est la suivante. Cette requête concernant l'appelant se fait dans la période de 120 jours où il peut produire son mémoire. C'est à l'intérieur de sa période à lui. On n'est pas dans la période octroyée à l'intimé, on est vraiment dans la période octroyée à l'appelant, et, sur consentement, cet appelant peut avoir une prolongation. Pourquoi est-ce qu'on a choisi ici – et j'imagine... je n'imagine pas, je suis certain que la raison est très bonne, je veux juste la connaître – pourquoi l'intimé n'a pas la possibilité que cette requête puisse être présentée dans sa période à lui lorsqu'il est dans son temps imparti pour présenter son mémoire? Si tel était le cas, il y aurait une possibilité qu'il connaisse la position de l'appelant, alors qu'il est en préparation de son argumentation.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey, si vous voulez avoir la réponse avant de dormir...

M. Bégin: Il reste deux minutes.

Le Président (M. Simard): ...il faudrait maintenant vous interrompre.

M. Fournier: Oui, je vais... Ça m'aiderait à dormir.

M. Bégin: Ça me fera plaisir.

Le Président (M. Simard): C'est ce que j'avais cru comprendre.

Une voix: Châteauguay.

Le Président (M. Simard): Châteauguay, excusez-moi.

(minuit)

M. Bégin: Deux réponses. D'une part, c'est que, normalement, lorsqu'une telle procédure existera, c'est qu'on sera dans des circonstances exceptionnelles et, généralement, c'est-à-dire dans une situation où la cause est très complexe, ça nécessite beaucoup plus de recherches, de temps, etc. Donc, l'appelant sera celui qui décèlera le plus rapidement qu'il aura besoin de plus de temps, donc il initiera le mouvement. Si, par inadvertance, ce n'était pas le cas, mais que l'intimé pensait qu'éventuellement ça pourrait lui prendre plus de temps, il communiquera certainement avec son confrère, pendant la période où le confrère est en train de préparer son appel et son mémoire, pour lui dire: Il me semble que tu aurais besoin, parce que, moi, je pense que j'en aurai besoin, d'avoir plus de délais. Voudriez-vous que nous allions devant la Cour? Et, s'il ne le fait pas, bien, nous ne serons pas dans l'hypothèse prévue par cette disposition. Mais, normalement, dès le point de départ, l'appelant va savoir qu'il a besoin de plus de temps, et il va communiquer avec son collègue intimé, et ils vont aller devant la Cour.

Le Président (M. Simard): À ce moment-ci, j'espère que vous pourrez, M. le député de Châteauguay, dormir au moins sur cette explication.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Et nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 0 h 1)


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