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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Gauvin): La commission des institutions
se réunit dans le cadre de l'interpellation du député de
Bertrand au ministre des Affaires internationales sur le sujet suivant: Les
relations internationales du Québec. Je demanderais à la
secrétaire s'il y a des remplacements ce matin.
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet
(Vimont) sera remplacé par M. Maltais (Saguenay) et M. Hamel
(Sherbrooke), par M. Khelfa (Richelieu).
Le Président (M. Gauvin): Merci, madame. J'aimerais
d'abord rappeler aux membres ici présents, aux députés et
à M. le ministre, les règles d'interpellation. Le
député qui donné l'avis d'interpellation intervient le
premier pour une période de 10 minutes; le suivant est M. le ministre
pour une autre période de 10 minutes et, ensuite, on procède avec
un échange de 5 minutes de part et d'autre, le député qui
accompagne M. le ministre et le représentant de l'Opposition, pour finir
avec 10 minutes à M. le ministre et, finalement, terminer avec 10
minutes au représentant de l'Opposition, pour un bloc de temps de deux
heures. À ce moment-ci, j'inviterais le député de Bertrand
à prendre à parole pour 10 minutes. M. le
député.
Exposé du sujet M. François
Beaulne
M. Beauine: Merci, M. le Président. Avant de commencer,
puisqu'on commence cinq, six minutes en retard, j'aimerais avoir le
consentement pour qu'on puisse prolonger pour remplir le bloc dé deux
heures.
Le Président (M. Gauvin): Vous avez raison et le
consentement vous est accordé. Ça sera un bloc de deux heures qui
est prévu.
M. Beaulne: Merci, M. le Président. En septembre dernier,
le ministre des Affaires internationales déposait son
énoncé de politique internationale qu'il appelait: "Le Monde pour
horizon". Pour ma part, après avoir parcouru ce rapport, je qualifierais
plutôt ce texte "Le monde pour horizon, oui, mais à la remorque du
fédéral". Cet énoncé de politique internationale
qu'on attendait depuis longtemps, somme toute, est passé inaperçu
dans l'opinion publique et même chez la plupart des observateurs de la
scène internationale au Québec.
Je ne vous citerai que quelques phrases qui ont qualifié la
publication de ce rapport. D'abord, un éditorialiste disait: "Le livre
abonde en généralités aussi "banalesques" juste sur les
avantages et caractéristiques du Québec par rapport au reste de
la planète." Un autre éditorialiste, Michel David, du Soleil
disait: "L'énoncé de politique qu'il vient de publier a
provoqué autant d'excitation que le dernier rapport annuel de la
Régie du gaz. Et le même journaliste du Soleil poursuivait,
avec raison d'ailleurs: "Comment peut-on avoir une politique internationale
quand on n'a même pas de politique nationale."
Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais faire
remarquer que cet énoncé de politique internationale n'a rien de
motivant, en particulier pour ceux qui sont appelés à mettre en
oeuvre et à mettre de l'avant les principaux thèmes qui
ressortent dans votre énoncé. Il n'y a rien d'excitant ni rien de
motivant dans ce rapport, entre autres pour la simple raison qu'il constitue un
net recul par rapport à toutes les tentatives des gouvernements du
Québec - et je dis bien les gouvernements du Québec - depuis le
gouvernement de M. Jean Lesage, d'étendre efficacement sur la
scène internationale les différentes avenues pour le
Québec. Et, à cet effet, je vous rappellerai que, depuis 1985, en
fait depuis que M. MacDonald, votre prédécesseur, avait pris la
tête du ministère du Commerce extérieur, on a
assisté peu à peu à un désengagement du
Québec de la scène internationale, en particulier parce que M.
MacDonald disait à l'époque: Pourquoi dédoubler les
représentations du Québec à l'étranger? Pourquoi
dédoubler les efforts du Québec à l'étranger, alors
que le gouvernement fédéral est déjà doté
d'un réseau de représentation à l'étranger et, en
particulier, de représentants commerciaux qui peuvent très bien
défendre les intérêts du Québec. Alors, somme toute,
ce que l'on retrouve dans l'énoncé de politique internationale,
ce n'est que la confirmation de la tendance et de la ligne directrice
amorcée par votre gouvernement depuis son premier mandat.
Je vous rappellerai également que l'effacement du premier
ministre lors du Sommet francophone la semaine dernière, à
Chaillot, s'inscrit parfaitement bien, encore une fois, dans cette tendance.
J'aurai l'occasion d'y revenir un peu plus tard lors de nos échanges
plus précis sur ces sujets.
En fait, cet énoncé de politique internationale ne met
absolument pas le doigt sur l'ensemble des enjeux internationaux du
Québec. Il se résume, somme toute, à la promotion du
commerce extérieur, effort qui est tout à fait louable, surtout
dans le contexte économique que
vit le Québec, mais les relations internationales ne sont pas
uniquement faites de la promotion commerciale. D'autre part, cet
énoncé ne dit mot et n'insiste pas sur la nécessité
de mettre au point une véritable politique d'information du gouvernement
du Québec à l'étranger. Et c'est peut-être cette
lacune qui est d'autant plus frappante et qui est d'autant plus
inquiétante dans le contexte actuel, surtout lorsqu'on constate que
l'image du Québec à l'étranger s'est
dégradée, et s'est dégradée
énormément au cours des derniers mois, au point où on
qualifiait le Québec à New York, il n'y a pas si longtemps, on le
comparait à l'Afrique du Sud. On a été tous témoins
des attaques en règle contre Grande-Baleine aux États-Unis et, en
particulier, dans les États de la Nouvelle-Angleterre. Et, au moment
où le Québec vit ses moments les plus cruciaux quant à son
avenir constitutionnel, au moment où les interlocuteurs
étrangers, les hommes d'affaires étrangers, les investisseurs
étrangers s'interrogent sur l'avenir constitutionnel à la fois du
Québec et du Canada, le gouvernement du Québec n'a aucune
politique articulée d'information et, dans son énoncé de
politique internationale, il ne semble donner aucune importance à ce
volet qui a pris, au cours des dernières semaines et des derniers mois,
une dimension si importante au point de vue de notre image collective.
Également, au moment où on entreprend les
négociations sur l'élargissement du traité de
libre-échange au Mexique, il serait important que les
délégations du Québec à l'étranger et que
les représentants québécois à l'étranger
soient équipés et que nos délégations soient
équipées de façon à faire connaître les
intérêts du Québec dans ce domaine et, surtout
également, à recueillir les informations qui pourraient nous
aider dans nos négociations.
En fait, ce qui manque dans cet énoncé de politique
internationale et dans l'attitude du gouvernement jusqu'ici face à la
dégradation de l'image internationale du Québec, c'est un
engagement ferme à structurer et à renforcer le réseau des
délégations du Québec à l'étranger.
Je vous rappellerai à cet égard, M. le ministre, qu'il
existe un lien direct entre la politique d'information, entre l'image du
Québec à l'étranger, d'une part, et le succès de
nos percées commerciales et économiques. Je vous rappellerai la
guerre des bébés phoques qui s'est traduite par une perte de
marché importante pour nos producteurs de fourrure
québécois. Je vous rappellerai également la mauvaise
presse qui avait été faite à l'industrie de l'amiante,
avec les résultats négatifs qui en ont découlé et
avec les acharnements qu'on a dû mettre à redorer l'image de
l'industrie de l'amiante à l'étranger. Et, plus récemment,
je vous rappellerai également le résultat du
référendum à Burlington, qui s'est terminé par un
rejet de la population de l'achat d'électricité du Québec
et, également, les contes- tations qui remettent en question les ventes
d'hydroélectricité à l'État de New York et la
position embarrassante dans laquelle ces mesures et ces démarches de la
part de toutes sortes de groupes mettent dans l'embarras le gouverneur de
l'État de New York, qui s'est senti obligé de faire marche
arrière et de reconsidérer la vente des contrats
d'électricité québécois.
C'est donc dire qu'il existe un lien direct entre la promotion
commerciale et l'information. Et si, d'un côté,
l'énoncé de politique internationale met l'accent sur la
promotion commerciale, il faut bien tirer les leçons de ce que nous
venons de vivre au cours des derniers mois et s'apercevoir qu'une image ternie
du Québec n'est pas une image propice à la promotion de nos
exportations et à la promotion de nos activités commerciales. Il
existe donc un lien direct entre ces deux efforts, et je déplore
énormément que le gouvernement du Québec ne s'engage pas
plus fermement à muscler notre réseau de
délégations à l'étranger et, en particulier, aux
États-Unis et surtout de se doter des ressources nécessaires et
d'un programme bien articulé pour défendre les
intérêts du Québec à l'étranger et
présenter le Québec tel qu'il est, dans sa personnalité
intégrale. (10 h 15)
En matière de commerce extérieur, le document fait
état de beaucoup d'initiatives, de beaucoup d'efforts que le
ministère veut mettre de l'avant, mais je vous rappellerai que, dans le
contexte du fédéralisme actuel, beaucoup de ces mesures, qui sont
très louables en soi, échappent à notre contrôle,
entre autres, la politique monétaire, le niveau élevé du
dollar canadien qui mine nos exportations et, finalement, il y a une sorte de
contradiction entre l'énoncé que vous faites du besoin
d'accroître les exportations des PME sur le marché international
par rapport aux mesures qui sont mises de l'avant et qui visent principalement
à favoriser les entreprises qui sont déjà présentes
sur le marché extérieur.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Bertrand. Maintenant, je reconnais M. le ministre.
Réponse du ministre M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, merci. J'ai clairement
l'impression, M. le Président, que le député de Bertrand
n'a pas lu le document de la politique que nous avons rendu public au mois de
septembre parce que le député semble dire n'importe quoi, et je
croyais que le député était pour faire un débat
à un haut niveau sur notre politique. Moi, j'ai l'intention de le faire
à ce niveau-là. Certaines des questions qu'il a soulevées,
nous aurons la chance d'y répondre au cours de notre débat. Mais
je voudrais présenter
certains aspects de la politique d'affaires.
Le député pourra voir que nous ne sommes pas à
remorque d'Ottawa, que les gens qui s'intéressent aux affaires
internationales nous appuient et, pour chaque citation d'un editorial que le
député a citée, je pourrais lui en citer quatre autres
favorables à notre politique. Et au cours de la matinée, je vais
le faire. Je profiterai de cette occasion pour expliquer le rôle des
Affaires internationales. Et j'espère que ces explications permettront
au député de Bertrand de comprendre que notre mandat
dépasse largement le commerce extérieur. S'il s'était
donné la peine de lire l'ensemble de la politique, il aurait compris
qu'il s'agit d'un ensemble équilibré de propositions qui couvrent
tous les secteurs influencés par ce qui se passe sur la scène
internationale. Il parle de consolidation de réseaux. Une
décision formelle a été prise par le Conseil des ministres
en ce sens et, si à son avis, c'est la seule chose qu'il manque à
la politique, ça, c'est déjà fait. Donc, il ne l'a pas
lue, cette politique.
Et ce n'est pas parce que notre ministère s'appelle le
ministère des Affaires internationales qu'il ne se préoccupe que
du commerce. À ce que je sache, le ministère des Affaires
culturelles n'a pas une vocation essentiellement commerciale.
En publiant cette politique, le gouvernement vise principalement quatre
buts. Premièrement, faire partager notre conviction que l'avenir du
Québec, sur les plans économique, culturel et social passe par un
accroissement considérable de nos activités internationales. Il
veut favoriser la prise en compte systématique de la dimension
internationale dans l'élaboration des stratégies et des
décisions dans les domaines économique et socioculturel par le
gouvernement autant que par les milieux privés. Et on veut faire du
ministère des Affaires internationales un partenaire recherché
par tous les intervenants qui désirent s'impliquer davantage sur la
scène internationale. Et on veut faire connaître le Québec
à l'extérieur de ses frontières, de manière
à ce qu'il soit perçu comme un partenaire d'avenir en
Amérique du Nord.
Nous avons une identité culturelle unique. Nous devons... et nous
la faisons connaître à nos autres partenaires internationaux. Et
c'est non seulement pour renforcir notre identité, mais c'est pour
établir des liens avec d'autres pays, non seulement des pays
francophones, mais tous les autres pays du monde. Nous donnons ces informations
sur le Québec, sur ce qui se fait au Québec. Nous donnons
l'information sur les forces du Québec, sur le modèle que nous
avons su développer au cours des années.
Puisque les buts visés par la politique est de faire partager
notre conviction, que notre avenir passe par une plus grande activité
à l'extérieur du Québec, je voudrais prendre quelques
instants pour souligner l'importance et les changements qui se produisent au
niveau international. Il ne faut pas faire le débat d'aujourd'hui, comme
le député de Bertrand semble le faire, sur les conditions qui
existaient dans les années soixante-dix. Nous sommes en 1990. Les
conditions internationales ont changé. La globalisation de nos
échanges, de toutes nos relations, non seulement du commerce, mais du
rayonnement, du développement politique et socioculturel, ça a
changé considérablement et nous sommes, avec cette politique,
entrés dans les nouveaux courants pour tirer avantage de ce qui produit,
faire connaître le Québec et accroître nos activités
à travers le monde.
Il y a des changements politiques et économiques en Europe de
l'Est, en Afrique, en Amérique latine. Ça nous donne des
opportunités et aussi des responsabilités. Nos échanges
culturels, scientifiques et économiques ouvrent de nouveaux horizons
pour nos artistes, nos chercheurs, nos entrepreneurs et peuvent aider à
consolider les institutions démocratiques de ces pays. Ça, c'est
une responsabilité. Nous avons la responsabilité de faire
partager au monde entier les valeurs que nous véhiculons, ce que nous
représentons et, ça, nous le faisons au niveau
ministériel, au niveau des autres ministres, au niveau des
délégations, au niveau de l'information et au niveau des
positions que nous appuyons à travers le monde.
On n'a qu'à penser au rôle que joue le Québec,
à cet égard, au sein de la francophonie pour comprendre que les
affaires internationales constituent un tout dont les ramifications sont
nombreuses, mais toutes interreliées. Il y a eu des changements
économiques et technologiques. Il n'en parle pas, le
député de Bertrand. Le commerce international a triplé en
volume dans les derniers 20 ans. Les changements économiques et
technologiques nous affectent tous. La composition des échanges ont
changé. Le secteur manufacturier a augmenté. Les mines,
l'agriculture a baissé. Il faut tenir compte de ça. Ça a
des conséquences sur nous, ça a des conséquences sur
l'emploi et la formation. Dans les années à venir, 65 % des
emplois vont avoir besoin d'un diplôme postsecondaire. Quand on pense
qu'il y a 40 % de décrochage au secondaire, ça veut dire, M. le
Président, que nos politiques internes doivent tenir compte de ce qui
passe à l'international. Ce n'est pas juste des manifestations, des
guerres de drapeaux, des confrontations avec le fédéral qu'il
nous faut; c'est de passer aux mesures concrètes dans nos politiques,
dans nos activités, pour aider nos jeunes, aider nos entreprises et
faire connaître le Québec et être compétitif comme
société. Ça affecte la culture et les communications, et
tous ces changements ont une influence profonde sur le Québec.
Notre approche, M. le Président, c'est une approche pragmatique.
Nous analysons ce qui se produit à travers le monde. Nous faisons
savoir
au milieu québécois, aux autres ministères, ce qui
se fait et on trouve des solutions pratiques. Et nous négocions avec nos
partenaires étrangers, les associations bilatérales. J'ai
demandé à nos délégués
généraux, suite aux problèmes du GATT, d'accroître
leurs activités de sensibilisation auprès des pays
concernés. Les délégués à Dùsseldorf,
à Rome, à Londres, à Bruxelles, les
délégués aux États-Unis ont été
mandatés de sensibiliser ces autorités sur la position
québécoise canadienne sur le GATT.
Alors, nous utilisons les actifs, les ressources humaines, les
ressources financières que nous avons. Mol-même, je suis
allé aussi dans différents pays pour faire connaître la
position du Québec sur les grands enjeux, sur les grands dossiers qui
nous préoccupent.
J'aurai le temps, M. le Président, de revenir dans le
présent débat sur certains aspects plus précis de la
politique. Cependant, la raison pour laquelle j'ai utilisé quelques
exemples de transformation sur la scène internationale est d'illustrer,
pour le bénéfice des gens d'en face, que la nature même des
Affaires internationales s'est modifiée radicalement depuis quelques
années. Les relations diplomatiques si chères au gouvernement
précédent ne se font plus de la même façon qu'il y a
20 ou 30 ans. Avec le phénomène de la mondialisation, les
échanges de nature politique doivent nécessairement pouvoir
s'appuyer sur des relations solides et multiples sur le plan économique,
sur le plan culturel et sur le plan social et académique.
C'est ça que notre politique propose pour participer pleinement
à l'évolution de la scène internationale. C'est ce que
notre gouvernement a compris, c'est ce à quoi il concentre ses
énergies, afin que l'ensemble de notre société puisse
profiter pleinement des opportunités qui se créent
désormais à chaque jour et dans tous les domaines. Nous le
faisons à travers la politique; nous avons rendu publiques des
orientations; nous l'avons fait en consultation avec tous les milieux
québécois. Elle a été approuvée,
appuyée dans toutes les régions, dans tous les secteurs, dans le
secteur universitaire, dans le secteur culturel. Nous avons consulté et
amené tous ces gens à nous donner des recommandations, des
suggestions, et c'est pour cette raison, M. le Président, que la
politique c'est un ensemble.
Je voudrais plutôt... J'espérerais que le
député de Bertrand puisse aller dans chaque item de notre
politique et en discuter plutôt que de dire n'importe quoi et donner
l'impression qu'il ne l'a pas lue du tout, cette politique, et faire seulement
de la petite partisanerie sur un sujet qui est d'une importance capitale pour
le Québec.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre des
Affaires internationales du Québec. Je reconnais, pour cinq minutes, M.
le député de Bertrand.
Argumentation M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'ai effectivement lu
votre livre, votre énoncé; je l'ai même lu à
plusieurs reprises, mais, je dois avouer, entrecoupé de plusieurs
bâillements. Et si je puis revenir à la question que j'abordais en
préambule sur l'information et le rôle de l'information sur lequel
vous n'avez dit mot jusqu'ici, sans revenir et sans refaire l'histoire de ce
qu'on a vécu récemment sous forme d'accusation aux
États-Unis, j'aimerais quand même vous rappeler une
réaction d'un de vos représentants à votre
délégation à New York, suite à la publication, le
21 octobre dernier, d'un article dans le New York Times, d'une
publicité dans le New York Times, financée par certains
organismes, dont le groupe Greenpeace et les Cris, désinformant
complètement la population américaine sur la véritable
nature du projet Grande-Baleine. Un de vos représentants à votre
délégation à New York, votre conseiller en communications,
M. Gérard Cellier, au lendemain de cette publicité tapageuse et
mensongère de la coalition anti-Baie-James, n'a répondu que la
chose suivante, et je cite: Ce n'était pas le Québec, mais la
société Hydro-Québec qui était attaquée.
Comme s'il y avait une distinction fondamentale entre les intérêts
généraux du gouvernement du Québec et ceux
d'Hydro-Québec.
Il poursuivait en ajoutant, et je le cite toujours: La page publicitaire
n'a pas eu la moindre influence auprès des journalistes du grand
quotidien newyorkais, qui font très bien la différence entre
contenu publicitaire et information. Voilà ce que disait M. Cellier.
Manifestement, M. le ministre, vous allez convenir avec moi qu'il y a
quelque chose à faire certainement au niveau de la
Délégation du Québec à New York, en termes d'avoir
une politique de réponse et de promotion des intérêts du
Québec, beaucoup plus sérieuse et beaucoup plus percutante que
celle-là. Si on se fie à certains titres, qui ont décrit
cette attaque en règle contre le Québec, je vous en cite
quelques-uns: M. Dubuc parlait de la "guerre sainte" contre Grande-Baleine, on
parlait également de terrorisme anti-québécois. Et la
publicité en question faisait état des Québécois
comme des pires saccageurs en Amérique du Nord.
Je conviens que nous ne disposons pas, présentement, des moyens
les plus développés, les plus efficaces, et que cette nouvelle
attaque contre l'image du Québec à l'étranger s'est
développée assez rapidement et de façon, je dirais
même, assez méchante. Mais il me semble que l'exemple est tout
à fait bien choisi pour que vous puissiez prendre l'engagement de mettre
sur pied un programme d'information beaucoup plus complet et beaucoup plus
structuré.
D'ailleurs, vous avez dit que vous alliez
faire venir vos représentants au ministère des
Affaires internationales, que vous alliez les faire venir à
Québec pour leur donner un briefing et mettre au point une
stratégie de réplique à ces attaques contre le
Québec. J'aimerais que vous nous disiez quelques mots à ce
sujet-là et que vous nous fassiez part, également, du sens de
l'orientation que vous voulez donner aux délégués, des
ressources dont vous voulez les équiper, autant financièrement
que matériellement, pour leur permettre de répondre à ces
attaques.
J'aimerais également revenir sur cette motion qui n'a pas
été déposée au Parlement européen, mais
qu'un député belge voulait soumettre au Parlement
européen, essentiellement, dénonçant Grande-Baleine. Le
député en question n'a pas réussi à faire inscrire
sa motion au feuilleton du Parlement européen, mais il semblerait qu'il
va revenir à la charge le 12 décembre. J'aimerais bien que vous
nous disiez quelles sont les mesures que vous avez prises et quelles sont les
mesures que les délégations du Québec, aussi bien à
Paris qu'à Bruxelles, ont prises ou vont prendre, étant
donné que le député en question veut revenir à la
charge le 12 décembre. (10 h 30)
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Bertrand. Je reconnais M. le ministère des
Affaires internationales du Québec.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, j'aimerais parler du
rayonnement. Je vais revenir aux questions que le député de
Bertrand a soulevées. Un des objectifs de notre politique, c'est de
conduire les affaires internationales comme un instrument important de
rayonnement et de développement économique et socioculturel.
Quand on parle de rayonnement, on parle de l'image du Québec, on parle
des informations du Québec à l'extérieur. Vous allez le
lire à la page 119 du document, on trace brièvement le profil du
Québec d'aujourd'hui sur le plan économique, socioculturel et
institutionnel et, dans la réalité socioculturelle, on lit comme
suit: "Le Québec est une société majoritairement
francophone. Il compte une importante communauté anglophone et de
nombreuses communautés culturelles qui contribuent à son
dynamisme et à son développement, tout comme les nations
autochtones." C'est le message que nous véhiculons à toutes nos
délégations.
L'autre point sur lequel j'insiste, lors de ces rencontres avec d'autres
pays, les rencontres et les missions que j'effectue à
l'extérieur, c'est le respect qu'il y a au Québec pour les
différences culturelles. Si j'insiste sur ce point, c'est parce que j'ai
réalisé que nos partenaires, en Asie, en Afrique, en
Amérique latine, au Moyen-Orient, sont parfois surpris par l'attitude
qui exclut souvent les aspects humains, et l'attitude des politiciens et des
gens d'affaires d'Amérique du Nord qui exclut souvent les aspects
humains qui permettent de bâtir des relations solides et durables. J'en
surprendrai peut-être plusieurs, mais je crois sincèrement que la
curiosité naturelle des Québécois envers les autres
cultures et leur respect des différences sont ce qui nous distingue le
plus des autres Canadiens, sur la scène internationale. Il ne s'agit pas
seulement de mots. Quand je fais une mission à l'étranger et que
j'implique activement des membres des communautés culturelles au
Québec qui reviennent dans leur pays d'origine en tant que
Québécois, c'est l'ensemble du Québec qui projette une
image d'ouverture et de tolérance, et ça, c'est
apprécié par nos hôtes.
En ce qui concerne les sujets particuliers de Grande-Baleine, nous avons
informé nos délégations... Ce n'est pas parce qu'il y a eu
une annonce dans le New York Times; on ne peut pas l'éviter. Les
gens peuvent faire toutes les annonces qu'ils veulent. C'est ce que nous
faisons, nous. Et moi-même, je me suis rendu à Washington, au
National Press Club. On a informé nos délégations. Je ne
sais pas où le député prend ses informations en ce qui
concerne la Délégation de New York. Ils ont toutes les
informations, tous les documents. Ils rencontrent les journalistes, les leaders
d'opinion. Moi-même, je suis allé au Council of Foreign Relations
à Providence. Je suis allé à Boston. Il y avait 500
décideurs américains et j'ai fait le point sur l'image du
Québec, sur la Convention de la Baie James, sur les travaux
d'Hydro-Québec, sur ce que le Québec fait en termes de protection
de l'environnement, en termes de reconnaissance des droits des autochtones. Et
ces informations sont véhiculées, sont données.
En ce qui concerne l'Europe, nous avons notre
délégué à Bruxelles, M. Lorrain, qui rencontre...
et moi-même, j'ai rencontré les représentants à
Bruxelles... et la résolution à laquelle le député
a fait référence n'a pas été acceptée par le
Parlement européen. Mais c'est clair qu'il va y avoir des individus, des
groupes de pression qui vont véhiculer des faussetés. Mais nous
réagissons et nous informons les populations concernées. Nous
avons un programme complet.
Nous avons rencontré nos délégués et nos
délégués, non seulement donnent l'information mais ils
prennent le devant avec les journalistes, avec les décideurs. Et
moi-même, non seulement je suis allé à Washington, je suis
allé à Providence, je suis allé à Boston, je vais
aller à New York, je vais rencontrer les décideurs, je vais
rencontrer les éditorialistes des journaux concernés pour leur
donner l'information sur les précédents que le Québec a
créés dans l'entente de la Baie James, la reconnaissance des
cultures autochtones, la préservation de leur mode de vie, la protection
de l'environnement. Nous le faisons, ça, M. le Président, nous le
faisons
constamment et nous sommes fiers de le faire parce que c'est la
vérité. Et les gens nous écoutent. Alors, il ne faut pas
juger ce qui se passe à l'extérieur par une annonce dans le
New York Times. Il faut voir ce que nous faisons et j'aurais bien voulu
citer, M. le Président... Je vais citer des éditorialistes, si
vous me donnez 30 secondes. M. Jean-Paul Gagné dit: "M. Ciaccia utilise
déjà davantage les réseaux de communautés
culturelles pour renforcer nos liens avec l'étranger. Cette action a
déjà porté fruit." Dans un autre editorial de M. Jacques
Pronovost de La Tribune: "La politique du ministre des Affaires internationales
n'est pas qu'économique, mais sa base repose entièrement sur ce
postulat du commerce et des relations d'affaires. Elle reflète cependant
une véritable intention de coordination entre les différents
ministères, une volonté d'action." Et je pourrais citer beaucoup
d'autres éditorialistes.
M. le Président, nous faisons nos devoirs. Nous nous assurons que
le Québec est non seulement connu, mais bien connu à
l'extérieur.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Je
reconnais à ce moment-ci le député de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de
plaisir que j'interviens ce matin en cette interpellation sur le
ministère des Affaires internationales. Étant d'une
région, M. le Président... La Côte-Nord vit essentiellement
d'exportation, 95 % de sa production s'en va sur les marchés
internationaux. Nous n'avons qu'à parler des papetières, Q et O
dont 100 % de son marché est à l'exportation américaine.
Au niveau du bois de sciage, quatre grandes entreprises exportent vers l'Europe
et les États-Unis. Au niveau des poissons, au niveau du crabe en
particulier, toute l'importation japonaise qui se fait au Québec se fait
chez nous. Au niveau, bien sûr, de la recherche d'investissements
étrangers, nous avons vu de grandes alumineries comme Reynolds, la
Société des métaux Reynolds, devenir la plus grande
aluminerie en Amérique et grâce à la recherche
d'investissements que le ministère a fait et, bien sûr, tout son
aluminium est exporté à l'extérieur. On voit,
particulièrement présentement, la construction de l'alumi-nerie
Alouette à Sept-îles, qui est née de la recherche et de la
prospection de capitaux étrangers avec une participation
québécoise chez nous.
Il y a également, M. le Président, en tout dernier jalon,
l'usine de granit de Tulinor à Grandes-Bergeronnes qui, étant
relativement nouvelle, permet de créer de l'emploi pour au-delà
d'une centaine de personnes autant au niveau de l'usine que du transport et
dont la totalité de la production est sur le marché
américain. Déjà, le ministre des affaires
extérieures a eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises
dans des salons de villes américaines, que ce soit Boston, New York ou
autres... Il s'est associé avec ces courtiers et ces vendeurs pour
permettre de l'expansion.
M. le Président, le ministre des affaires extérieures le
dit, c'est pour brasser des affaires à l'extérieur du
Québec. Notre matière première autant qu'elle est
transformée chez nous doit s'en aller à l'extérieur d'une
façon bien concrète, et la prospective de nouveaux
investissements, tel que ça a été fait dans Tulinor parce
que ça a été des investissements, pour une partie,
italiens.
M. le Président, je pense qu'il est important de souligner ici
que le ministre ne s'est pas attaché uniquement à la structure,
mais bien à l'efficacité. L'ensemble des PME ou des grandes
entreprises québécoises ont besoin beaucoup plus
d'efficacité que de structure. La structure, c'est bien beau en soi,
mais ça rapporte quoi dans le concret à ces gens-là, aux
gens qui vont investir chez nous, aux gens qui vont retirer, qui vont faire des
affaires chez nous? Le ministère des Affaires internationales, M. le
Président, est là non seulement pour vendre mais bien ramener
chez nous des capitaux dont on a besoin pour notre développement. Sur la
Côte-Nord, la venue des alumineries a été en très
grande partie ou en totalié par des capitaux étrangers, c'est
parce qu'il y a quelqu'un quelque part qui s'en est occupé. Soit! Nous
avons la richesse naturelle, l'électricité, les ports de mer, la
main-d'?uvre fort qualifiée mais, cependant, ça prend des
capitaux étrangers. C'est ce à quoi le ministère s'est
intéressé.
Je pense qu'on devrait féliciter d'une façon bien claire
le ministre de sa politique puisque c'est à l'efficacité qu'il
s'attache encore une fois et non pas à la structure. On aura beau avoir
la structure qu'on voudra - et on le voit dans certains pays - on l'a vu sous
certains gouvernements aussi, que la structure était sacrifiée au
prix de l'efficacité. Pendant cette période-là, on a vu
les investissements extérieurs diminuer au Québec alors que
c'était une période où ils auraient dû
s'accroître d'une façon bien déterminée.
M. le Président, au cours d'autres interventions, on aura
l'occasion de revenir particulièrement sur des facteurs fort importants.
Mais je ne peux passer sous silence tout l'attachement maintenant qu'on
s'aperçoit que l'Opposition a au projet Grande-Baleine. C'est une
nouvelle conversion qui nous sied à ravir puisque pendant de nombreuses
années, nous avons dû faire cavalier seul dans ce dossier et, de
plus en plus, aujourd'hui, l'ensemble des Québécois, des
syndicats, des travailleurs et des hommes d'affaires sont conscients que le
projet que le gouvernement libéral pilote depuis de nombreuses
années s'en vient un projet unanime parce que c'est important pour le
développement économique du
Québec et c'est ce à quoi le ministre s'attarde
présentement. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Saguenay. Je reconnais maintenant M. le
député de Bertrand.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'aimerais rappeler au
ministre que la publicité qui a été faite, payée
par différents groupes dans le New York Times, n'est pas le fruit
d'un geste ponctuel. Ce n'est pas un geste isolé; c'est, en fait, le
résultat d'une campagne bien orchestrée, d'une campagne qui
dispose de fonds et qui ne s'arrêtera pas à la publication d'un
seul article dans le New York Times. C'est la raison pour laquelle
j'insiste sur le besoin d'avoir une présence permanente et une politique
d'information permanente.
Le ministre a parcouru une bonne partie des États-Unis. Il est
allé en Nouvelle-Angleterre, il est allé à New York pour
expliquer la position du gouvernement du Québec en matière
autochtone, pour redresser les accusations qui ont été
portées contre le gouvernement du Québec. Je l'en félicite
et, d'ailleurs, ça fait partie de son rôle comme ministre des
Affaires internationales. Mais cette approche me fait penser un peu à
l'approche du Petit Poucet qui se promène un peu partout en laissant des
interventions un peu éparses, sans qu'il y ait un effort concerté
pour faire face à une campagne de dénigrement concertée.
Et, à cet effet, je m'interroge sérieusement sur la
volonté du ministre de vouloir mettre sur pied cette structure
d'information et cet effort d'information permanent, puisque c'est sous son
règne, lorsqu'il était ministre de l'Énergie, en 1988,
qu'Hydro-Québec a fermé son bureau à New York. D'autre
part, je lui rappellerai également que la présence du
Québec aux États-Unis relève non seulement de la
Délégation du Québec à New York, mais devrait
également se traduire par une présence du gouvernement du
Québec à Washington, et je pense que les événements
que nous avons vécus au cours des derniers mois justifient amplement une
présence du gouvernement du Québec à Washington.
J'aimerais revenir, à cet effet, sur une réponse que me
donnait le premier ministre le 23 octobre dernier, lorsque je l'interrogeais en
cette Chambre sur la pertinence d'avoir une Délégation du
Québec à Washington. Le premier ministre m'a répondu la
chose suivante. Il a dit que le gouvernement du Québec avait des
spécialistes à Washington qui se chargeaient de la défense
et de la promotion des intérêts du Québec. J'aimerais que
le ministre nous confirme si les spécialistes en question, auxquels
faisait allusion le premier ministre, sont les avocats de la firme Ackerson
& Feldman dont le mandat, si je comprends bien, est essentiellement de
régler les litiges commerciaux pouvant résulter de l'application
du traité de libre-échange ou pouvant résulter de tout
autre litige commercial impliquant les exportations québécoises.
Si le ministre confirme que ces spécialistes n'ont qu'un mandat
commercial et n'ont aucun mandat en termes d'information et de
représentation des intérêts politiques du Québec,
aurait-il objection à déposer le contrat qu'il a signé ou
que le ministère a signé avec la firme d'avocats en question?
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, sur Grande-Baleine, j'ai
déjà répondu au député. Je ne voudrais pas
dire que n'est pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. On a une
stratégie, mais je ne suis pas pour la dévoiler parce que si je
dévoile la stratégie, ça va jouer contre nous. On a un
comité interministériel pour la suivre. (10 h 45)
Vous avez soulevé les relations institutionnelles et vous avez
parlé de nos relations avec Ottawa et Washington et tout le reste. Je
voudrais citer un éditorialiste du Nouvelliste qui dit: "M.
Ciaccia a raison de proclamer la publication de cette politique dans le
contexte actuel au Canada, témoin de la détermination du
gouvernement de continuer à agir pour relever les défis d'un
monde qui ne vit pas seulement au rythme de nos débats internes."
Sous-entendu, je continue la citation: "Cette détermination à
agir ne doit pas changer si les libéraux étaient défaits
aux prochaines élections ni être atténuée si le
Parti québécois obtenait le mandat de proclamer
l'indépendance."
En ce qui concerne nos relations institutionnelles, le
développement économique, social et culturel d'une
société doit désormais être assuré en tenant
compte des intérêts et des prises de position de la
communauté internationale. Je sais que le député de
Bertrand souhaitait un politique étrangère. Quand vous parlez,
les critiques que vous faites d'Ottawa... Et peut-être que vous avez
été déçus que le gouvernement fédéral
est présenté dans notre document comme un partenaire, mais,
à ce sujet, et vous dites: "Le Québec . s'en remet une fois de
plus au gouvernement fédéral pour la promotion de ses
intérêts sur la scène internationale." Vous avez
déjà dit ça.
Il y a un pas que le député a franchi sans y regarder de
plus près, et j'aurais trois commentaires à faire.
Premièrement, pour toutes sortes de raisons, le Canada jouit d'une
excellente image à l'étranger, il a de nombreux liens et une
réputation enviable. Et, sans se scandaliser, après tout nous
faisons partie du pays, mais il faut savoir profiter de cette réputation
et des liens tissés à travers le monde pour faire valoir nos
intérêts auprès de nos partenaires
étrangers. Je sais que le père du député
était un ambassadeur canadien, je suis certain qu'il défendait
aussi les intérêts canadiens et québécois dans ses
fonctions.
Deuxièmement, l'approche adoptée nous a conduits à
définir l'objet et le champ des affaires internationales. Dans chacun
des cas, la définition est très large et indique que le
gouvernement du Québec considère que toute une série de
questions sont devenues, à proprement parler, des affaires
internationales. Nous avons fait la distinction entre la politique
étrangère et les affaires internationales en indiquant que ces
dernières jouaient un rôle grandissant dans l'environnement
international actuel. En faisant cette distinction, nous reconnaissons la
responsabilité du gouvernement fédéral en matière
de politique étrangère, mais nous affirmons aussi que le
gouvernement du Québec, et je cite ma politique, "est parfaitement
fondé dans le système politique canadien actuel à
définir et à mettre en oeuvre une politique d'affaires
internationales dont l'apport est essentiel au développement du
Québec".
Avec cette distinction fondamentale, on est loin, vous en conviendrez,
de s'en remettre au gouvernement fédéral. Mais, avec cette
approche, nous ne recherchons pas la confrontation. Nous n'avons qu'un but: la
défense des intérêts du Québec. Nous cherchons
finalement la collaboration du gouvernement fédéral pour des
raisons bien simples avec son réseau d'ambassades, avec l'ACDI, la SEE,
le Conseil de recherche pour le développement international. Nous ne
faisons que reconnaître que le gouvernement fédéral est un
partenaire important, Et, que le député se renseigne
auprès des organismes de développement international, des
chercheurs et des entreprises du Québec, il verra que la collaboration
entre Québec et Ottawa peut donner d'excellents résultats. Les
ententes que nous signons avec la Tchécoslovaquie, la Pologne, la
Hongrie, sont, par l'entremise, avec la participation du gouvernement
fédéral, mais on protège les intérêts du
Québec. Et peut-être que ça vous déplaît, mais
aujourd'hui, pour être présents sur la scène
internationale, il n'est pas nécessaire d'être un État
souverain.
En ce qui concerne le contrat que vous avez mentionné, c'est un
contrat confidentiel en termes de l'engagement des gens que nous avons à
Washington, mais je peux vous assurer qu'entre le délégué
de New York qui est à une heure de Washington, le
délégué de Boston, l'ambassade canadienne, les travaux du
ministère, les représentants que nous avons à Washington,
nos intérêts sont protégés. Je pourrais vous donner
des exemples - malheureusement, je n'ai plus le temps - sur la défense
de certains dossiers. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Je
reconnais maintenant M. le député de Richelieu.
M. Albert Khelfa
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je suis très
heureux d'intervenir dans ce débat qui intéresse d'une
façon bien particulière l'ensemble des Québécois et
des Québécoises pour les retombées directes sur la vie
quotidienne de tous nos concitoyens. Je veux me limiter dans mon intervention,
comme vous le savez, sur un dossier qui me tient à coeur, c'est la
culture et les communications. Comme vous le savez, la grande priorité
du gouvernement, elle se limite sur la scène internationale, sur le
dossier économique, sur les sciences technologiques, les ressources
humaines et le développement culturel. Comme membre de la commission de
la culture, je me permets d'intervenir d'une façon bien
spécifique sur le dossier de la culture.
Dans cette politique, le gouvernement voit que la culture du
Québec est un élément fondamental pour l'identité
de notre société. Le développement culturel est
défini comme un enjeu d'une importance vitale pour le Québec. Il
s'agit là d'une conviction qui a été maintes fois
exprimée par le gouvernement du Québec actuellement. Sans guerre
de drapeaux, on l'a mentionné, on a été sur toutes les
tribunes extérieures pour dire que la culture québécoise,
c'est une culture francophone, une culture distincte, une culture importante,
et nos partenaires à travers le monde ont reconnu notre message, ils ont
reçu notre message d'une façon claire.
Je pourrais citer le dynamisme de notre culture québécoise
qui repose sur deux piliers: la création de qualité - il faut
rendre hommage à nos créateurs - et un marché suffisamment
étendu pour permettre aux interprètes, aux artistes, aux
créateurs, aux producteurs culturels de vivre de leur travail.
J'aimerais en donner un exemple ici, un exemple rapide: nos créateurs,
nos artistes à Paris, comme Roch Voisine qui a fait une présence
à l'honneur du Québec, à l'honneur de tous les
interprètes et à l'honneur de tous les artistes. J'aimerais
ajouter aussi que nos artistes, ils dépassent la frontière du
Québec, ils dépassent la frontière de Paris, qui est le
pays francophone le plus reconnu à travers le monde. Comme artistes,
nous avons Martine Michaud, qui a monté un spectacle de danse et de
chant et elle s'est produite en Egypte, au pied des pyramides. Ça, c'est
tout à l'honneur de nos artistes et c'est tout à l'honneur de nos
créateurs.
On retrouve au Québec une création culturelle riche,
diversifiée, d'une qualité qui est de plus en plus reconnue et
appréciée sur la scène internationale, et nous devons le
reconnaître, nous devons être fiers de ça. Et sans faire de
la petite politique, M. le Président, nous pouvons nous réjouir,
nous pouvons, des deux côtés de la Chambre, nous dire que nos
artistes,
nos créateurs sont les ambassadeurs de notre
spécificité culturelle et notre spécificité
économique. Depuis plusieurs années déjà, sur la
scène internationale, ils sont là pour confirmer ce que je viens
de dire. Cette vitalité culturelle est en grande partie attribuable au
talent de nos artistes, mais également aux efforts qui ont
été faits pour permettre à ces derniers de s'ouvrir sur le
monde et de se confronter à de nouveaux publics et à de nouveaux
courants de création.
La culture, le domaine de la culture, ce sont des domaines primordiaux
pour nous. C'est important, l'image du Québec. Grâce à nos
interprètes, grâce à eux autres, ça nous
représente à travers le monde d'une façon la plus claire,
la plus vitale. Puis j'aimerais dire à l'Opposition: C'est le temps que
vous démontriez que vous avez vraiment un coeur pour le Québec,
que vous soyez solidaire à toutes les interventions gouvernementales. Et
je vous invite à comprendre le message de la réalité et de
vous éloigner de la petite politique. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Richelieu. Je reconnais maintenant M. le
député de Bertrand.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Si j'en juge par les
commentaires du ministre sur mes demandes face au Bureau du Québec
à Washington, j'en déduis que, d'abord, d'une part, la firme
d'avocats à laquelle j'ai fait référence a plutôt un
mandat strictement commercial, puisque vous ne voulez pas confirmer qu'il a
également un mandat au niveau de la représentation ou de la
défense des intérêts politiques du Québec. Et,
d'autre part, je conclus également que ce n'est pas votre intention
d'ouvrir une délégation du Québec à Washington.
Et si je peux revenir, pour un instant, à votre
énoncé de politique internationale, il est évident qu'au
chapitre X, à la page 187, que la tendance générale de
vote énoncé est de vous fier au gouvernement
fédéral pour représenter ses intérêts, et je
cite le chapitre X, page 187. "À cet égard, son réseau
d'ambassades est appelé à promouvoir aussi les
intérêts du Québec de façon plus particulière
encore dans les pays où le Québec n'a pas de
représentation propre, notamment pour faire connaître la
réalité québécoise, pour faciliter l'organisation
des missions, la promotion des échanges conformes aux
intérêts identifiés par le Québec et pour favoriser
la participation aux réunions internationales."
Et, à la page suivante, on peut lire: "Le Québec doit
s'assurer que ses intérêts, tels qu'il les définit
lui-même, sont dûment pris en compte dans les politiques et
programmes fédéraux, qu'il bénéficie de
retombées réelles appropriées et qu'il est à
même de jouer lui-même son rôle d'acteur international en
pouvant compter sur la collaboration effective du gouvernement
fédéral. Tout à l'heure, M. le ministre, vous avez
souligné - d'ailleurs, de façon très appropriée -
que mon père avait été ambassadeur du Canada. C'est vrai,
moi aussi, j'ai été dans le service extérieur canadien
pendant huit ans et j'en suis précisément sorti et je suis devenu
souverainiste, justement, parce que pour avoir fait un séjour à
la fameuse Direction des affaires fédérales-provinciales de ce
ministère, je me suis aperçu jusqu'à quel point le
gouvernement fédéral ne prenait pas véritablement à
coeur les intérêts du Québec et que le Québec ne
serait jamais aussi bien défendu que par lui-même. C'est la raison
pour laquelle je siège aujourd'hui comme député
souverainiste à l'Assemblée nationale.
Et si je puis revenir également sur une problématique qui
nous préoccupe énormément de ces temps-ci, c'est les
négociations du GATT. Il y a une coalition qui s'est formée au
Québec pour s'assurer que le gouvernement fédéral
défende efficacement les intérêts des producteurs
québécois dans les présentes négociations du GATT.
Le Québec, au fond, n'a que deux observateurs et non pas de
négociateurs. Et le ministre, votre collègue le ministre de
l'Agriculture, s'inquiétait énormément du fait que les
fonctionnaires fédéraux qui sont présentement
affectés à ces négociations ne semblent pas suffisamment
sensibilisés ou ne semblent pas prendre suffisamment à coeur les
intérêts des producteurs québécois par rapport aux
producteurs céréaliers de l'Ouest canadien.
Et je reviens sur ce que disait le président de l'UPA lors de sa
déposition à la commission Bélanger-Campeau, lorsqu'il se
référait précisément aux Affaires internationales
et précisément aux négociations du GATT et qu'il
s'affichait souverainiste, parce que, disait-il, avec raison: Mieux vaut
être assis nous-mêmes à la table de négociation pour
défendre nos intérêts que de les chuchoter dans l'oreille
d'un fonctionnaire fédéral en espérant qu'au bout du
collimateur, ça sorte de façon acceptable. (11 heures)
Et je vous rappellerai également que l'énoncé de
politique internationale ne donne aucune indication que le gouvernement du
Québec a l'intention de mettre sur pied une véritable diplomatie
québécoise, une véritable diplomatie de professionnels qui
puissent prendre la charge, la défense et la promotion des
intérêts du Québec à l'étranger. Bien au
contraire, dans une - et j'aimerais que vous m'apportiez des
éclaircissements sur ce sujet-là - dans l'ordre du jour de la
réunion du Conseil du trésor du 29 octobre 1991, on adoptait un
mandat, et je lis: Le mandat au Secrétariat du Conseil du trésor
afin d'élaborer une classification pour les emplois de cadres en
affaires internationales et de consulter la Commission de la fonction publique
dans le but
de soustraire cette classification des règles prévues dans
la Loi sur la fonction publique concernant la nomination des fonctionnaires.
Pourquoi, M. le ministre, voulez-vous avoir une classification
différente et dérogatoire pour les cadres du ministère des
Affaires internationales? Il me semble que c'est à rencontre de
l'initiative et de l'idée même de créer une
véritable diplomatie québécoise qui s'inscrive dans la
ligne de la continuité.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Bertrand. Je reconnais M. le ministre des Affaires
internationales du Québec.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, je ne voudrais pas donner des
leçons de grammaire au député de Bertrand, mais quand il
lit mon document, if ne devrait pas oublier le mot "aussi". Le Canada est
appelé "aussi". On ne se fie pas seulement, mais puisqu'ils sont
là, "aussi" on leur demande de nous appuyer et ils l'ont fait dans le
GATT. Tous les intervenants sont satisfaits de la position canadienne qui
reflète la position du Québec.
En ce qui concerne vos agents de diplomatie, nous avons
créé une nouvelle classe de professionnels dans le
ministère. Ce sont des agents d'affaires internationales.
M. le Président, je voudrais parler un peu des partenaires
étrangers, parce qu'il faut définir quels sont nos
intérêts. On parle de diplomatie. Il faut définir quels
sont nos intérêts et voir comment ces intérêts sont
compatibles avec ceux de nos partenaires étrangers. J'aimerais que les
députés de l'Opposition et le député de Bertrand
réfléchissent sur cette idée, car elle est essentielle
pour comprendre notre approche pour tout ce qui concerne nos rapports avec
l'étranger, tant sur le plan bilatéral que sur le plan
multilatéral. Quand je parle d'intérêts, je pense autant
à nos intérêts politiques qu'économiques, culturels
ou sociaux.
C'est pourquoi nous avons identifié deux pôles majeurs en
termes de partenaires étrangers dans nos relations bilatérales.
C'est pourquoi nous avons souligné, de façon particulière,
l'importance que nous attachons à notre participation à la
francophonie multilatérale.
Le premier pôle de notre action est l'Amérique. Les
États-Unis d'abord, mais, avec l'extension éventuelle de l'Accord
de libre-échange au Mexique, ce pays deviendra un partenaire
privilégié. Dans cette foulée, d'autres pays de
l'Amérique latine prendront de l'importance à nos yeux. Ce
premier pôle s'impose de lui-même en raison de notre situation
géographique, de l'Accord de libre-échange, de la
fréquence des contacts entre individus et de l'importance de nos
échanges commerciaux. Alors, nous tentons d'augmenter toutes nos
activités avec les États-Unis.
L'Europe constitue notre deuxième pôle international
majeur. Avec ce continent, et en particulier avec la France, nous souhaitons
multiplier les alliances dans tous les domaines. Pour ce qui est de la France,
la politique ne saurait être plus claire, et je cite la page 137: "Sur
cet échiquier, la France constitue, pour le Québec, le partenaire
privilégié." Et, là, on donne toutes les raisons pour
lesquelles il est privilégié.
Nos relations sont de plus en plus riches et diversifiées sur le
plan politique comme au niveau de la coopération économique,
scientifique et culturelle. Encore une fois, nous nous démarquons du
gouvernement précédent en délaissant les querelles de
drapeaux au profit d'une collaboration véritable et profitable aux deux
parties. Il faut tenir compte des changements. C'est ça, la nouvelle
politique; c'est ça, la nouvelle diplomatie. Ne répétons
pas et ne continuons pas les querelles de 1960 et 1970 quand vous vous
référez au gouvernement fédéral, quand vous vous
référez à toutes sortes d'événements. Nous
l'avons, la coopération, mais nous-mêmes, nous défendons
nos propres intérêts.
Même si le Parti québécois semble avoir une aversion
pour les questions commerciales, parce qu'on parle toujours soi-disant de
diplomatie, je soulignerai que les exportations du Québec vers la France
ont crû au rythme moyen de 16 % entre 1985 et 1989 et, pour 1991, on
parle dune augmentation anticipée de 26,6 %. Moi-même, j'ai
rencontré le ministre des Affaires étrangères de la
France, M. Dumas. Nous avons mis sur pied des comités de
coopération, même des comités de coopération pour la
francophonie dans l'Europe de l'Est et, hier, j'ai eu le plaisir de rencontrer
un des étudiants qui faisait partie des échanges culturels de la
Roumanie, qui a été envoyé suite à nos pourparlers
avec la France et suite aux discussions et aux instruments que nous avons mis
sur place.
Vous me permettrez, M. le Président, de passer tout de suite
à un autre sujet, la francophonie, que nous considérons d'une
importance toute particulière pour le Québec.
Encore ici, je dois rappeler aux députés de l'Opposition
qu'il faut faire la différence entre des gestes d'éclat et un
engagement constant, sérieux et appliqué pour que la francophonie
devienne encore plus efficace et puisse servir l'ensemble de ses membres
participants. Qu'on profite d'une tribune internationale pour faire
connaître les tensions internes du Canada est une chose; s'engager
à ce que la francophonie réponde aux défis de l'avenir des
parlant français en est une autre, car il faut bien comprendre que les
Québécois sont plus présents et actifs que jamais au sein
de la francophonie, et pas par altruisme, mais parce que le Québec
réalise qu'il y a des choses qu'il ne peut faire seul. C'est pourquoi
nous réitérons notre appui au développement de
réseaux oeuvrant dans des domaines
vitaux pour l'avenir du français, tels les industries de la
culture et de la communication, la coopération scientifique, le
développement technologique, les industries de la langue,
l'environnement, l'agriculture et l'énergie. C'est aussi pourquoi nous
accordons une grande importance à la formation des ressources humaines.
Et notre participation à la conférence des chefs d'État et
de gouvernements, ainsi que dans tous les réseaux de la francophonie,
s'inscrit dans cette logique: faire de la francophonie une
réalité vivante et un lieu d'échange qui permet à
tous les participants d'assurer ensemble la progression de la langue
française. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci, M. le Président. On ne pourrait passer
sous silence l'apport de nos PME à l'exportation. Les PME
québécoises représentent 99,4 % des corporations actives
au Québec. Elles fournissent au-delà de 46 % des nouveaux emplois
créés au Québec à chaque année. Toutefois,
malheureusement, seulement 13 % des PME sont actives sur les marchés
internationaux et la valeur des produits qu'elles exportent ne
représente que 8 % des exportations totales, selon les derniers chiffres
qu'on peut avoir en main.
M. le Président, le Québec n'est plus uniquement un
exportateur de matières brutes ou transformées, il est aussi un
exportateur de technologies fort importantes.
Nous avons un bassin comme voisin qui s'appelle maintenant
l'Amérique du Sud et le Mexique et, de plus en plus, les entreprises
québécoises, grâce à la Délégation du
Québec à Mexico, font de l'exportation de technologie et de
génie. J'ai été à même l'an dernier d'avoir
l'opportunité de rencontrer, avec un groupe d'affaires, la
majorité des parlementaires mexicains, autant dans les capitales
régionales que dans la capitale du Mexique, et, bien sûr, nous
avons été à même de voir tout le travail qui se fait
à l'intérieur de ce pays de 80 000 000 d'habitants, qui se trouve
un marché exceptionnel pour le Québec, étant des voisins
à notre proximité. Nous avons été à
même aussi de voir tout le génie qui s'exporte. Je pense
particulièrement à la firme Roche, firme internationale, qui
exporte d'une façon très importante tout le génie
québécois, dont la conception est faite à partir de la
ville même de Québec.
M. le Président, avec l'ouverture et l'entrée du Mexique
dans le libre-échange, le Québec jouit d'un interlocuteur
privilégié. Le Québec a un marché exceptionnel
à prendre, et nos hommes d'affaires et nos PME ont un marché
à prendre également, et ce marché-là se fera avec
des relations beaucoup plus accrues entre le
Québec et le Mexique. Je pense que le
délégué général du Québec à
Mexico s'attache particulièrement à cet apport que le
Québec peut apporter au Mexique et vice versa.
Dans le cas du libre-échange du Mexique, je pense que le
Québec jouit, encore une fois, d'une position privilégiée
et non seulement le Québec ne sera pas un endroit où on devra
faire la concurrence déloyale, mais, au contraire, nous avons une
technologie importante, nécessaire au développement du Mexique,
que l'on peut mettre à la disposition de nos futurs clients. Et toute la
prospective qui doit se faire autour de ce marché, je pense qu'elle ne
pourra se faire sans la contribution et la collaboration de la
Délégation générale du Québec à
Mexico et, bien sûr, des liens que nous entretenons avec le gouvernement
fédéral.
Il est impératif pour les entreprises du Québec d'ouvrir
des nouveaux marchés. Avant d'aller ouvrir des marchés en Asie,
c'est fort important, mais on exporte de la matière brute ou
transformable. Là on a l'opportunité d'exporter le génie
québécois, et je pense que des firmes comme SNC-Lavalin l'ont
déjà compris, des firmes comme Roche international l'ont compris,
et à partir de la Délégation générale du
Québec au Mexique, le Québec peut rayonner sur toute
l'Amérique du Sud, et on l'a vu avec certains contrats
négociés par la délégation générale
du Québec à Mexico vers la Colombie. Encore là,
c'était de l'exportation des technologies. Il est très important
que la présence du Québec se développe à
l'intérieur de ce circuit qui sont nos voisins. Il faut le dire.
Commençons par nous occuper de nos voisins et lorsqu'on a un
marché de 80 000 000 à conquérir, M. le Président,
je pense que ce sont là des opportunités dont le Québec ne
peut se passer, dont nos PME ne peuvent se passer. Le libre-échange
entre le Canada et les États-Unis, bien sûr, a créé
certains ressacs, mais c'est des effets à long terme qu'on verra, et le
libre-échange avec le Canada, le Mexique et les États-Unis
permettra un bassin exceptionnel de près de 350 000 000 de personnes et
auxquelles, bien sûr, notre technologie, qui est aussi importante au
Québec... Et qu'on regarde le développement qui se fait dans nos
universités, dans la recherche et le développement au niveau de
nos grandes entreprises et de nos PME, c'est un fait là qu'on ne peut
pas nier, mais auquel on doit participer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Saguenay. Maintenant, M. le député de
Bertrand.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Le ministre a fait
allusion aux relations avec la francophonie et au dernier Sommet de
Chaillot.
Effectivement, je pense qu'on doit se réjouir du succès
récent du Sommet de la francophonie, qui a constitué une
étape importante sur le plan de l'institutionnalisation et de
l'enracinement de ce forum multilatéral auquel ont participé 47
pays qui font usage du français. Reconnaître que le Sommet en soi
a été positif pour la francophonie, ça ne veut pas dire du
même coup admettre que le Québec y a joué un rôle
particulièrement brillant.
Si je peux revenir sur certains incidents qui se sont passés
pendant ce Sommet, il était assez déplorable de voir le premier
ministre du Québec laisser M. Mulroney, laisser le premier ministre
fédéral se porter à la défense des
intérêts d'Hydro-Québec et se prononcer et condamner
l'initiative du parlementaire belge face au Parlement européen, alors
que le premier ministre du Québec s'est résigné dans un
mutisme assez surprenant. Il était également assez
déplorable de voir le premier ministre du Québec silencieux face
aux affirmations tout à fait gratuites et, de toute façon,
fausses du premier ministre canadien à savoir qu'on pouvait travailler
en français d'un bout à l'autre du Canada.
Finalement, je pense que le fait que la présence du premier
ministre n'ait pas motivé ou n'ait pas provoqué une annonce
beaucoup plus précise de la visite de la première ministre de
France, Mme Cresson, au Québec, dans le contexte des rencontres
annuelles des premiers ministres français et québécois
laisse tout à fait sous-entendre, à mon avis, et confirme cette
politique de désengagement du gouvernement québécois par
rapport au fédéral, et cette tendance, de même que je pense
même cette politique voulue de laisser le gouvernement
fédéral prendre toute la place qui lui revient en matière
de politique internationale.
On a parlé du Québec banalisé de Chaillot. On a
parlé de l'effacement du Québec à Paris. Et je pense que
ça s'inscrit très bien dans cette politique qui a
été énoncée dans votre document "Le Monde pour
horizon", dans votre énoncé de politique internationale, de vous
fier au gouvernement fédéral pour défendre nos
intérêts.
Je me demande sérieusement si, au fond, cette attitude
discrète du premier ministre du Québec n'est pas un peu
tributaire de sa position constitutionnelle et de son souci de ne pas
indisposer le Canada anglais. En fait, à l'issue du Sommet de Dakar, par
exemple, en 1989, M. Bourassa avouait cet objectif de ne pas faire de vagues,
de ne pas occuper toute la marge de manoeuvre prévue par l'entente
fédérale-provinciale de 1985 sur la participation du
Québec. Et je cite les propos de M. Bourassa, à ce
moment-là: "Je crois que les Canadiens sont satisfaits. Je ne crois pas
qu'ils aient de reproches à faire sur notre attitude." Le premier
ministre s'en est tenu exactement à la même approche, cette
fois-ci. (11 h 15)
J'aimerais également souligner que, s'il n'y a pas eu, sur la
place publique, les déchirements habituels, ce que vous appelez la
guerre de drapeaux entre le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral, concernant l'organisation de ce Sommet, c'est
peut-être dû beaucoup plus à la chimie des deux individus
impliqués qu'à l'existence de véritables balises,
d'ententes qui, indépendamment des personnalités au pouvoir,
aussi bien à Québec qu'à Ottawa, feraient en sorte que le
Québec trouverait normalement sa place dans la francophonie
internationale, sans justement être obligé de revenir aux guerres
de drapeaux et aux chicaneries qui ont marqué les années 1970
à ce niveau-là.
M. Ciaccia: M. le Président. Le Président (M.
Gauvin): M. le ministre. M. John Ciaccia
M. Ciaccia: J'ai fait état de notre position dans la
francophonie, je n'y reviendrai pas. Il faut faire la distinction entre ce qui
est très visible, des fois, dans les journaux, et ce qui se fait sur le
terrain. Au dernier Sommet, nous avons fait des gains importants. J'avais
moi-même rencontré la première ministre de France, Mme
Cresson, au mois de juin dernier, et obtenu un engagement qu'elle visiterait le
Québec en 1992.
La politique des affaires internationales touche un nombre important de
domaines. Mais au-delà des secteurs et des partenaires
identifiés, la politique invite l'ensemble du Québec à
faire connaître et à mettre en pratique ses valeurs fondamentales.
Les transformations nombreuses et rapides sur la scène internationale
nous permettent d'appuyer les nouvelles démocraties.
En Europe de l'Est, par exemple, nous avons signé des accords de
coopération avec la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Hongrie.
Ça nous permet de consolider les institutions démocratiques
encore fragiles. Ces ententes nous permettent d'identifier nos échanges
dans à peu près tous les domaines. Bien sûr, tout cela se
fait de façon graduelle et est rarement matière à de
grandes manchettes dans les médias. Mais informez-vous auprès des
gouvernements de ces pays, auprès des universités et des
entreprises d'ici et de là-bas, et vous verrez l'excellente
réputation dont jouit le Québec dans cette partie du monde.
En Afrique, j'ai rencontré, il y a quelques semaines, les
présidents du Bénin et du Gabon. Dans les deux cas, notre appui
réel aux transformations qui s'opèrent dans ces pays a
été reconnu et grandement apprécié. Et ça
fait partie aussi de nos activités de la francophonie, d'avoir des
comités de suivi au Bénin, d'avoir des projets d'entente avec le
Gabon, pour promouvoir les intérêts du Québec à
l'intérieur de la francophonie, avec ces pays qui ont des besoins, non
seulement des besoins culturels et économiques,
mais aussi des besoins d'appui pour leur démocratie.
Il y a aussi l'aide. Je voudrais parier de l'Afrique, en termes d'aide
au développement. Tout d'abord, le gouvernement du Québec appuie
les organismes de développement, via l'AQOCI, pour une somme
dépassant les 300 000 $ par année. Mais il y a plus, bien
sûr. Parce que nous reconnaissons l'importance de la formation des
ressources humaines, nous appuyons, à l'aide de bourses ou d'exemptions
de frais de scolarité, un nombre important d'étudiants africains.
Là, on ne parle plus de centaines de milliers de dollars, mais de
dizaines de millions, et on devrait réaliser cela. Il y a aussi l'ACDI
qui participe avec des fonds. Il y a aussi la coopération universitaire
et d'autres programmes de développement. Mais, même l'aide au
développement n'est pas une question de dollars et de cents
seulement.
Le principe de base des ententes que nous négocions avec ces
certains pays africains est que les suites de ces ententes doivent être
profitables aux deux pays. Heureusement pour nous comme pour les Africains,
elle est bien finie, l'époque où une attitude colonialiste
permettait à certains de prétendre "aider" l'Afrique. Notre
approche est de traiter d'égal à égal, d'apprendre autant
que d'enseigner, de développer des relations commerciales sur des bases
économiquement solides et, aussi, de faire des échanges
culturels.
Je disais plus tôt que les affaires internationales nous
permettent de mettre nos valeurs en pratique. Cela n'est pas qu'à
l'extérieur du Québec. Je crois qu'une plus grande
sensibilisation aux affaires internationales peut aussi nous permettre de
prendre conscience d'un atout majeur dont bénéficie le
Québec, la présence sur son territoire de nombreuses
communautés culturelles. Ce point est d'ailleurs soulevé à
plusieurs reprises dans la politique, et il est mis en pratique par notre
ministère. En effet, une participation plus importante des
communautés culturelles du Québec aux activités
internationales du Québec peut servir à un objectif double.
Premièrement, les communautés culturelles peuvent nous
apporter une meilleure connaissance de leur pays d'origine, facilitant ainsi
les contacts et l'identification des secteurs d'intérêt commun.
Deuxièmement, et c'est peut-être plus important, la participation
de ces communautés leur permet de travailler avec d'autres
Québécois dans l'atteinte d'objectifs communs. Et j'ai toujours
cru que c'est en travaillant ensemble qu'on apprend à se connaître
et à s'apprécier. Et je peux vous dire que j'ai mis beaucoup
d'efforts depuis pour assurer une meilleure participation des
communautés culturelles et que les résultats sont plus
qu'encourageants. Par exemple, en Tchécoslovaquie, c'est un membre d'une
communauté culturelle qui a un projet de construire une école
avec des professeurs francophones.
Alors, ils font même la promotion de la francophonie dans l'Europe
de l'Est.
Alors, M. le Président, j'espère que vous m'excuserez de
répéter que j'espère que les députés de
l'Opposition auront compris que cette politique est beaucoup plus qu'une
politique de commerce extérieur et qu'elle englobe l'ensemble de notre
société et l'ensemble de nos activités.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Je
reconnais M. le député du comté de Richelieu.
M. Albert Khelfa
M. Khelfa: Merci, M. le Président. J'espère que ce
que j'ai pensé, ça va se concrétiser, à savoir
qu'à la fin de l'interpellation, le député de
l'Opposition, mon collègue de la rive sud, le député de
Bertrand, dira la vérité et dira ce qu'il pense vraiment,
à savoir féliciter le gouvernement pour son intervention sur le
plan international, pour toutes les démarches et toutes les actions que
le gouvernement a entreprises depuis quelques années.
J'aimerais souligner ici le travail important... Moi, je veux parler au
nom de mon comté personnellement, les retombées qui ont
été positives pour le comté chez nous, grâce
à la mission que le ministre des Affaires internationales...
intergouvernementales a réalisée il y a quelques mois. On a
réalisé le plus gros investissement au Québec dans le
comté de Richelieu, à savoir, à l'entreprise Sammi-Atlas
de Tracy. Nous avons eu le plus gros investissement de 500 000 000 $, qui
représente 300 emplois directs, à part l'ensemble des
retombées pendant la construction.
M. le Président, dans mon comté, au-delà de 80 %
des emplois industriels dépendent du commerce extérieur et du
travail réalisé par le gouvernement du Québec
actuellement. J'aimerais souligner ainsi qu'il n'est pas sans
intérêt qu'on estime qu'environ 30 % des emplois au Québec
sont déjà directement liés au commerce extérieur:
la coopération universitaire, le savoir-faire du Québec, faire
des ponts, des liens avec l'ensemble de la planète, l'ensemble des
autres pays... J'ai eu l'honneur et le privilège de participer à
une mission dernièrement. J'ai travaillé et j'ai constaté,
sur le terrain, à quel point le Québec est reconnu comme une
société qui a atteint une maturité sans égal au
niveau de la démocratie. Et j'aimerais rendre un hommage, si
l'Opposition ne le fait pas, s'il m'écoute...
Si le représentant de l'Opposition à l'heure actuelle
m'écoute, il sera tenté de souscrire à ce que je dis,
à savoir, M. le Président, le travail... L'accroissement du
nombre de personnes qui seront appelées à évoluer et
à travailler dans un univers professionnel qui s'internationalise
commande que des mesures soient posées rapidement pour favoriser une
plus grande internationalisa-
tion de la formation de nos jeunes Québécois. Si on fait
cette démarche, c'est pour deux aspects majeurs. Le premier, maintenir
notre économie d'une façon florissante et penser à nos
jeunes, leur trouver un travail pour leur trouver la possibilité de se
retrouver et bâtir le Québec d'aujourd'hui, que nous voulons le
plus prospère.
M. le Président, l'action internationale peut apporter une
contribution significative à la formation ainsi qu'un perfectionnement
des ressources humaines québécoises. Plusieurs pays s'appuient
déjà sur leurs échanges internationaux pour enrichir et
diversifier la formation de leurs ressources humaines. Et nous le faisons dune
façon claire, d'une façon professionnelle, d'une façon
structurée. La politique des Affaires internationales reconnaît
l'intérêt de ces échanges internationaux et elle entend
favoriser la formation avancée dans des centres étrangers
reconnus pour l'excellence des étudiants québécois qui se
spécialisent dans des secteurs stratégiques pour le
développement du Québec.
En terminant - il me reste 30 secondes - j'aimerais dire le plus
important, le lien avec certains pays étrangers que le gouvernement met
pour poursuivre ses efforts en cette matière, en privilégiant
toutefois les pays prioritaires pour le Québec, en faisant un lien avec
les étudiants de ces pays et avec nos étudiants qui s'inscrivent,
aux cycles avancés, dans les secteurs d'intérêt
stratégique communs tels la science et le développement
technologique, M. le Président. J'espère que mon message est
reçu et compris.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Richelieu. Je reconnais M. le député de
Bertrand.
M. François Beaulne
M. Beaulne: J'aimerais aborder un thème qui est cher au
ministre et sur lequel il est revenu à plusieurs reprises au cours de
cette interpellation, la promotion du commerce extérieur.
Comme nous le savons tous et comme le ministre le constate dans son
document, 30 % des emplois au Québec sont reliés au secteur des
exportations, 13 % des PME québécoises exportent alors que, comme
vous le souligniez vous-même, dans certains pays de taille
économique comparable au Québec, 70 % des PME exportent.
Vous avez effectué plusieurs tournées avec des missions
commerciales au cours des derniers mois et, plus récemment, vous revenez
d'une tournée de deux semaines au Moyen-Orient avec une
délégation de 21 gens d'affaires du Québec. Est-ce que
vous pourriez nous confirmer ou nous indiquer quel est l'état du budget
du programme APEX? Est-ce que le budget du programme APEX est effectivement
épuisé depuis le 15 octobre 1991, depuis le 15 octobre dernier?
Si on prend en considération que le budget du PDME
fédéral, le programme équivalent au niveau
fédéral, est épuisé, lui, depuis le 4 novembre
dernier, est-ce que le ministre, advenant qu'il nous confirme que les fonds
sont épuisés dans le programme APEX, est-ce que le ministre est
prêt à demander des crédits supplémentaires pour
terminer l'année fiscale jusqu'au 31 mars? Compte tenu de l'importance
qu'il attache à la promotion du commerce extérieur, est-ce qu'il
est disposé à demander, pour l'année budgétaire
1992-1993, des augmentations substantielles du programme APEX? Étant
donné que l'un des objectifs qui est visé par la politique du
ministère en cette matière est de permettre aux petites et
moyennes entreprises de percer les marchés internationaux et que,
particulièrement en période de récession, il est difficile
pour ces PME de soutenir des efforts de promotion extérieure sans avoir
de garantie sur leurs retombées.
D'autre part, j'aimerais savoir du ministre s'il est disposé
à réintroduire, dans le contexte des politiques de soutien, ce
qui avait été mis de l'avant du temps où le Parti
québécois était au pouvoir, c'est-à-dire la
possibilité pour des petites et des moyennes entreprises de
déduire ou de partager à 50-50 avec le ministère les frais
de représentation ou d'engagement d'un représentant commercial
à l'étranger? (11 h 30)
Le Président (M. Gauvin): Oui. M le ministre.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Sur votre dernier point, on le fart
déjà. Les frais partagés 50-50, c'est déjà
en application.
En ce qui concerne APEX, on a déjà demandé des
budgets supplémentaires parce que nos efforts pour intéresser les
PME ont réussi et les PME sont intéressées à
l'exportation suite à notre politique.
Mais ça me porte à parler des régions. Le
problème que vous avez soulevé, je crois, touche beaucoup les PME
qui ne sont pas seulement dans le centre de Québec, dans les
régions de Québec et de Montréal, mais dans toutes les
régions du Québec. La politique leur fait d'ailleurs une bonne
place, et pour des raisons évidentes.
Il y a, tout d'abord, l'élargissement de l'objet des affaires
internationales auquel j'ai fait allusion plus tôt puisque les questions
qui sont devenues des affaires internationales se sont multipliées. On
assiste, sur la scène internationale, à l'apparition de nombreux
acteurs publics qui ne sont pas des États souverains. Parmi ces acteurs
publics, les régions prennent de plus en plus d'importance et,
même si la réalité administrative d'une région varie
énormément d'un pays à l'autre, il y a là un
courant important
auquel les régions du Québec doivent participer.
La politique suggère donc d'impliquer davantage les
régions du Québec dans nos activités internationales afin
de renforcer leurs avantages comparatifs. Il s'agit, pour nous, d'identifier
d'autres régions du monde qui ont des intérêts similaires
ou complémentaires à ceux des régions
québécoises. À un moment où
l'interdépendance est généralisée, il s'agit,
encore une fois, de multiplier les occasions de collaborer avec
l'étranger pour le plus grand nombre possible de
Québécois.
Nous devons aussi impliquer les régions pour des raisons bien
plus terre-à-terre. Je sais que les gens d'en face, des fois, n'aiment
peut-être pas trop parler d'économie, quoiqu'ils viennent de
soulever la question d'APEX, mais, dans les régions, le
développement économique, ça compte. Et ça compte,
entre autres, parce qu'on sait que, pour garder les jeunes dans une
région, il faut pouvoir leur donner des emplois stimulants et bien
rémunérés. Sans une hausse de nos exportations et sans
investissements étrangers, ça devient presque impossible. Alors,
j'ai entrepris, il y a quelques semaines, une tournée régionale
pour sensibiliser les gens des régions aux nouvelles
réalités internationales. Jusqu'à présent, je suis
allé à Rimouski, à Sherbrooke, à
Sainte-Marie-de-Beauce, à Hull, à Chicoutimi, à
Baie-Comeau," hier, je suis allé à Rouyn et, à cause de
l'interpellation d'aujourd'hui, j'ai dû remettre la rencontre qui devait
avoir lieu, ce matin, à Trois-Rivières. Et, dans chacune de ces
régions, j'ai été frappé de voir jusqu'à
quel point on tient à s'impliquer davantage sur la scène
internationale, même si on se demande souvent par quel bout
commencer.
M. le Président, avec la politique, nous offrons aux
régions un instrument de base pour comprendre ce qui se passe sur la
scène internationale. Avec la tournée régionale, on a
réussi à mieux faire connaître le ministère des
Affaires internationales, et nous sommes confiants de pouvoir jouer notre
rôle conseil auprès des régions pour identifier avec elles
les moyens qui leur permettront de connaître du succès. Lors de
cette tournée, j'explique les moyens et les programmes mis à la
disposition des entreprises de la région. Le ministère profite
aussi de cette tournée pour organiser des rencontres individuelles entre
les entreprises régionales et des conseillers du ministère.
Il faut donc diversifier la base économique. On est en
récession, c'est vrai, mais plusieurs de ces entreprises que nous aidons
nous ont dit: On ne l'a pas sentie, nous, la récession parce qu'on vend
nos produits à l'extérieur. Et maintenant, peut-être dans
certaines régions qui sont plus affectées que d'autres, il faut
restructurer, il faut chercher d'autres marchés, il faut chercher
d'autres façons de faire les choses; et c'est ça que la politique
leur offre et c'est ça que nous faisons avec la tournée en
régions. J'attache beaucoup d'importance à la participation
régionale lors des missions que j'effectue à
l'étranger.
Je suis allé en Pologne. On a identifié une région
qui a des caractéristiques similaires à une région du
Québec, la Mauricie. On a signé une entente entre
l'Université du Québec à Trois-Rivières et
l'école polytechnique à Bialystok, sur la frontière de la
Russie. Ceci aide les échanges, mais ceci aide aussi les
activités commerciales entre ces régions, entre les nôtres,
entre nos PME, entre les leurs en termes de partenariat, en termes de vendre
leurs produits.
M. le Président, comme vous pouvez le voir, nous faisons tous les
efforts possibles pour que la politique serve concrètement les
intérêts de tout le Québec. Nous sommes convaincus que des
régions qui sont plus ouvertes sur le monde, qui sont plus actives sur
la scène internationale peuvent jouer un rôle déterminant
pour assurer un avenir plus riche et plus prospère pour tous les
Québécois.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Je
reconnais M. le député de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci, M. le Président. Parmi les champs
d'intervention recherchés dans la politique du ministre des Affaires
internationales, le développement social en est un fort important. Il
doit être assuré en tenant compte du contexte international,
notamment quant au nombre reconnu pour bénéficier des avantages
réalisés dans certains pays. De même, l'environnement
représente une problématique nouvelle qui déborde les
frontières.
Et vous allez me permettre, M. le Président, de revenir à
la porte que le député de Bertrand a ouverte au début,
dans son allocution d'ouverture, concernant les phoques du Bas-Saint-Laurent et
de la Côte-Nord. Je ne sais pas si on a oublié de lui rappeler que
dans les années 1976 où l'ensemble du domaine des pêcheries
au Québec demandait avec beaucoup d'insistance que le gouvernement du
Québec qui, pourtant, avait des relations fort
privilégiées avec la France, disait-on, où la
délégation était beaucoup plus somptuaire qu'efficace,
cette intervention pour empêcher ce qu'on a appelé le vidage du
golfe Saint-Laurent par un manque d'initiative gouvernementale.
Le fait que les phoques, aujourd'hui, ne sont plus chassés fait
que le golfe Saint-Laurent est vidé de presque tous ses poissons. Nous
avons vu chuter dramatiquement la pêche à la morue, de l'ordre de
60 %. Nous avons vu des dizaines d'usines fermer tout simplement parce qu'un
phoque, ça mange 75 livres de morue par jour, et le troupeau grossit de
jour en jour puisqu'il n'y a aucun prédateur pour ça et ce n'est
plus chassé.
J'espère, M. le Président, que ce n'est pas
là le genre d'intervenion recherchée parce que je serais
fort inquiet pour les 2 000 000 de livres de crabe qu'on récolte dans
mon comté s'il fallait que la même chose arrive aujourd'hui.
M. le Président, l'environnement, c'est un secteur fort
important, connu mondialement maintenant et, de plus en plus, les pays
industrialisés vont exiger que les entreprises qui exploitent des
matières naturelles ou des ressources naturelles le fassent en
conformité avec les règles environnementales internationales.
Nous ne pouvons plus regarder uniquement chez nous, mais nous devons avoir une
vision internationale mondiale dans l'environnement. Les entreprises, c'est le
défi qu'elles ont au cours des 15 ou des 20 prochaines années. On
n'a qu'à regarder ce qui se passe dans le papier à l'heure
actuelle, alors qu'une grosse partie de nos clients sont américains, et
la population américaine exige de plus en plus le recyclage de vieux
papiers. Le Québec doit faire face à cette nouvelle
compétition qui était inconnue au cours des 25 dernières
années, mais qui, au cours des 20 prochaines années, deviendra un
facteur primordial dans nos exportations de papier et également dans nos
exportations de bois d'oeuvre. Il est terminé le temps, et le ministre
des Forêts, en 1986, avec la loi 150, a empêché cette
hécatombe qui était de couper à blanc au Québec. Il
a empêché aussi les compagnies forestières d'agir comme si
le Québec leur appartenait. Bien sûr, avec la loi 150,
c'était le reboisement obligatoire, les coupes sélectives. Et, M.
le Président, déjà, sur les marchés internationaux,
au niveau du bois d'oeuvre, on sent que le Québec est bien perçu
parce qu'il s'occupe de la regénération de sa forêt. C'est
un domaine qu'on avait pourtant et, même sous les années du Parti
québécois, totalement abandonné. Il n'a pas eu de
politique forestière. Pourtant, ils ont été neuf ans au
pouvoir. Il y a eu un avant-projet d'un avant-projet de livre jaune. Et, M. le
Président, une politique forestière, ça commence par la
coupe du bois. Ça commence par la regénération du
"backlog" qu'on appelle, des territoires d'arrière-pays. Bien, c'est
à ça que le ministre des Forêts s'est appliqué,
parce qu'on n'aurait pas été capables de continuer à
vendre nos exportations de bois d'oeuvre à l'extérieur.
La question environnementale est devenue hors contexte, est devenue
mondiale. Si on ne se prépare pas à y faire face, on voit ce qui
se passe dans la Baie James où des groupes écologistes
financés - on ne sait pas par qui, mais un jour on les publiera. On
publiera que ces gens-là n'ont pas d'autre intérêt, n'ont
aucunement les intérêts du Québec en main, mais ils ont
beaucoup des intérêts pécuniers - il faut le dire et je le
dis à l'Assemblée nationale - n'ont pas l'intérêt du
développement du Québec comme le ministre ici présente
dans sa politique. Je pense qu'un jour ou l'autre ils seront vraiment
démasqués. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Saguenay Je reconnais M. le député de
l'Opposition pour la dernière période de cinq minutes.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Puisque le ministre a
indiqué tout à l'heure qu'il avait demandé des
crédits supplémentaires pour le programme APEX, ce serait
peut-être intéressant qu'on connaisse l'ampleur de ces
crédits supplémentaires. Je ne peux évidemment pas laisser
passer sous silence l'allusion qui a été faite, à savoir
que le gouvernement du Parti québécois s'occupait moins
d'économie que le gouvernement actuel. Je vous rappellerai tout
simplement que lorsque notre gouvernement a traversé une des pires
récessions des années quatre-vingt, nous avions un plan de
relance et que ce plan de relance a fait en sorte que le Québec a
été la première province à se tirer de la
récession du début des années quatre-vingt. Le premier
ministre Lévesque avait même reçu, à ce
moment-là, les félicitations de l'OCDE pour la façon dont
le gouvernement du Québec s'était tiré de la crise.
Je voudrais également revenir sur une allégation qui a
été faite à l'effet que le gouvernement du Québec
avait, au chapitre de la promotion commerciale, une entente qui fonctionnait
très bien avec le gouvernement fédéral et que tout
baignait dans l'huile. Comment se fait-il, alors, que ça a pris trois
ans de négociations pour que le Québec obtienne la permission
d'établir une représentation à Séoul et que cette
représentation n'est située qu'au sein de l'ambassade canadienne?
Ce qui me fait dire que le gouvernement du Québec - j'espère -
n'a pas, en plus de se fier essentiellement au gouvernement
fédéral pour la promotion de ses intérêts,
adopté la politique des sous-sols quant à ses
représentations futures et ses délégations futures
à l'étranger.
Lorsque vous avez mentionné, en pariant du Sommet de Chaillot et
des programmes de la francophonie, que le premier ministre avait eu l'occasion
et, d'ailleurs, il l'a souligné lui-même - de s'entretenir avec
des chefs de gouvernement africains, en fait les chefs de gouvernement qui
participaient au Sommet de Chaillot, et que ces entretiens, au fond, semblaient
suffisants pour indiquer et pour manifester que le Québec avait ses
coudées franches sur la scène internationale et, en particulier,
dans ses relations avec la francophonie africaine, pourriez-vous nous indiquer
pourquoi, quand et comment et, de toute façon, si vous avez l'intention
de donner un suivi à ces entretiens en établissant une
délégation du Québec en Afrique du Nord? Je sais qu'on
avait soulevé la possibilité d'une délégation du
Québec en Afrique du Nord, à Dakar, en 1988, mais
également en
Afrique du Nord, peut-être au Maroc, et je reviendrai sur ce que
je disais tout à l'heure, à l'effet qu'on ne peut substituer une
présence permanente par des rencontres ponctuelles qui, elles, peuvent
venir appuyer les efforts de promotion de nos représentants sur place,
mais qui, d'aucune façon, peuvent assurer un suivi à nos efforts
de promotion de nos intérêts à l'étranger.
Finalement, le ministre a mentionné que le gouvernement du
Québec mettait l'accent sur la consolidation des programmes de
financement et de facilitation des exportations des petites et moyennes
entreprises québécoises. Comment explique-t-il alors que la part
du commerce international du Québec dans son produit intérieur
brut a diminué considérablement au cours de la dernière
décennie, passant de 20,6 %, en 1980 à 15,4 % en 1990. Et je me
pose la question: Ou bien nos efforts ne sont pas suffisants, ou bien ils sont
mal orientés, ou bien il y a une constatation à l'effet que les
petites et les moyennes entreprises québécoises, malgré
tous les efforts et malgré toute la rhétorique qu'on entend, ne
réussissent pas effectivement à percer le marché
international.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Bertrand. Pour les dernières 20 minutes, je
devrai reconnaître M. le ministre pour 10 minutes et revenir, en
conclusion, avec le député de l'Opposition pour une
dernière période de 10 minutes. M. le député des
Affaires internationales du Québec pour 10 minutes. M. le ministre,
excusez-moi!
Conclusions M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, en ce qui concerne l'Afrique,
nous avons... ou nous allons signer une entente avec le Gabon, nous avons un
comité de suivi avec le Bénin et nous allons consolider notre
présence à Abidjan.
En ce qui concerne l'ouverture d'autres bureaux, on verra pour l'avenir.
Mais pour avoir des relations solides en Afrique, on n.'a pas besoin
nécessairement d'autres délégations présentement.
Il faut prendre les mesures concrètes, les suivis, les programmes que
nous avons et que nous allons continuer à poursuivre.
En ce qui concerne les montants d'APEX, je pense qu'on va augmenter les
montants pour pouvoir répondre aux besoins de notre clientèle.
J'aimerais juste, encore une fois, rappeler au député qu'il y a
une différence entre travailler avec le gouvernement
fédéral et se fier seulement au gouvernement
fédéral. Je pense qu'on a besoin d'un minimum
d'honnêteté intellectuelle pour réaliser cette
différence. Oui, nous allons travailler avec eux. Nous travaillons avec
eux avec le GATT. Ce sont eux qui nous ont appuyés puis qui ont pris la
position du Québec et qui la défendent. Et Michael Wilson la
défend encore. Et on va prendre tous les moyens possibles pour obtenir
leur collaboration. Mais on ne se fiera pas seulement aux efforts du
gouvernement fédéral. On va travailler avec eux, mais on va aussi
déployer nos efforts par l'entremise de nos ressources. (11 h 45)
M. le Président, la politique propose de faire des affaires
internationales un instrument majeur du développement et de
l'épanouissement du Québec. Et je tiens à vous
répéter que cette politique n'est pas une politique seulement de
commerce extérieur, même si nous accordons aux questions
économiques une importance... La politique attache une importance
particulière à la science, à la culture, au rayonnement du
Québec. Elle nous donne un cadre qui permettra de mieux faire
connaître le Québec, de partager nos valeurs démocratiques
et de contribuer à améliorer la qualité de vie de nos
citoyens et de leurs partenaires étrangers.
En fait, la politique constitue un ensemble équilibré de
propositions. Concrètement, on veut que le ministère des Affaires
internationales devienne un partenaire recherché par le milieu public et
privé. Alors, nous avons des programmes et, sur le plan
économique, vous avez parlé de la baisse de notre produit
intérieur brut. Oui, c'est pour ça que notre politique attaque ce
problème-là et les valeurs des exportations commencent à
augmenter. Elles ont augmenté et nous fournissons quels programmes dans
la nouvelle politique?
Il y a d'abord une aide technique. Nous pouvons voir avec les
entreprises quels sont les marchés les plus prometteurs, quel est le
marché à suivre, quels pourraient être les partenaires
potentiels. Le programme APEX, c'est pour appuyer les entreprises dans leur
effort de marketing, de connaissance des marchés. Nous avons un nouveau
programme de la SDI, qui a annoncé un programme de garantie de
prêts, qui est opérationnel maintenant, un programme doté,
au départ, de 25 000 000 $. Nous avons le programme SAM, Services aux
agents manufacturiers, qui permet d'identifier des milliers d'agents qui
peuvent vendre et distribuer les produits du Québec aux
États-Unis, parce que les États-Unis, c'est "notre" marché
avec l'entente du libre-échance. Nous avons mis sur pied une
équipe pour la prospection d'investissements étrangers, parce que
100 000 des 300 000 emplois dans ce secteur sont des investissements
étrangers, et nous devons attirer ces investissements au Québec
avec la collaboration du MICT. Nous allons créer un effet
d'entraînement sur toutes les activités que nous faisons à
l'extérieur. Il y a la science et la technologie. Nous allons augmenter
les échanges entre équipes d'excellence en recherche scientifique
d'ici et de l'étranger, avec la formation de chercheurs et
l'aide à la recherche. Nous allons impliquer et nous impliquons
les universités québécoises dans nos missions à
l'étranger.
Sur le plan des ressources humaines, nous comptons, en collaboration
avec le ministère de l'Enseignement, développer un programme de
bourses qui favorisera la formation avancée d'étudiants
québécois dans des secteurs reliés aux priorités de
développement économique et technologique. Nous disons à
tous nos intervenants qu'ils peuvent compter sur notre réseau de
représentation à l'étranger. Il est inexact, selon ce que
le député de Bertrand a dit, que nous avons pris trois ans pour
placer un délégué à Séoul. Le retard, s'il y
en a eu, c'était relié à nos priorités. Ça
n'avait rien à faire avec le gouvernement fédéral.
La politique des affaires étrangères, des affaires
internationales. Il faut connaître nos forces et nos faiblesses. Il faut
connaître les besoins de nos partenaires étrangers. Il faut savoir
quelles sont les grandes tendances internationales et l'analyse
stratégique, la politique des affaires internationales en constituent un
bon exemple.
Alors, M. le Président, quand nous allons à
l'étranger, quand nous disons à nos
délégués: Faisons connaître le Québec, le
modèle québécois. Le modèle
québécois, c'est la transformation de notre économie,
d'une économie agricole avec la Révolution tranquille. Nous avons
développé une économie hautement technologique, hautement
industrielle. Nous avons développé un modèle avec la
Caisse de dépôt, la SDI et toutes les autres mesures. Nous avons
des relations avec notre secteur privé. Nous avons la connaissance, la
sensibilité aux différences culturelles et, ceci, c'est un
message que nous donnons, non seulement moi, comme ministre, mais nos
délégués, à travers le monde, aux autres
représentants. C'est un modèle qui est attirant. C'est un
modèle que les autres pays peuvent utiliser, prenez les pays d'Europe de
l'Est, les pays d'Afrique, les pays d'Amérique latine. Quand on est
sensibles, non seulement à notre culture, parce que nous sommes uniques
en Amérique du Nord, nous devons préserver, nous devons
être vigilants pour notre identité culturelle, ça nous rend
sensibles aux cultures des autres. C'est un message que les autres pays
comprennent et ça donne des retombées.
Nous avons donc développé des expertises dans
l'énergie, l'environnement, les télécommunications, la
biotechnologie, la pharmaceutique, l'aéronautique, l'aérospatial
et nous faisons savoir au monde entier ces expertises. En leur donnant ce que
le Québec a fait, ça ouvre la porte à nos autres
entreprises et ça ouvre la porte à nos PME. Oui, il n'y a pas
assez de PME qui sont impliquées dans l'international. Oui, nos
programmes sont faits exactement pour les intéresser et c'est pour
ça... Il y a APEX, par exemple. On a tout utilisé les fonds
d'APEX. On va aller en chercher d'autres pour aider les PME, pour augmenter
leur présence à l'international.
C'est notre mentalité qui doit changer. Nous devons être
plus conscients de l'importance et, si on peut faire affaire au Québec,
on peut faire affaire à l'international. C'est ça le message.
Nous avons les moyens, nous leur donnons les programmes, nous avons nos
délégations à travers le monde et nous poursuivons nos
actions bilatérales, nos actions multilatérales.
La diplomatie, soi-disant diplomatie des années cinquante,
soixante, ça a changé. Quand je vais en mission économique
à travers le monde, je rencontre des ministres, des présidents,
des premiers ministres. Je leur fais rencontrer... et on parle de politique, on
échange des idées sur nos valeurs démocratiques, sur le
Québec, sur leurs points de vue, sur où notre
société et la leur s'en vont et comment nous pouvons collaborer.
En faisant ça, nous présentons nos entrepreneurs, nos
universitaires, nos représentants culturels. On fait des échanges
dans tous les domaines. C'est ça la politique des affaires
internationales. C'est la compréhension de ce qui se passe ailleurs, la
connaissance, la sensibilité, la collaboration et la coordination de
toutes nos activités. Nous sommes la seule province au Canada qui a un
ministère des Affaires internationales parce que nous attachons de
l'importance à ces activités. Nous attachons une
sensibilité à la coordination, à l'approche
intégrée, à la participation de tous les intervenants.
C'est ça la prochaine étape du développement de notre
société.
Nous l'avons faite la Révolution tranquille. Nous avons
développé notre société technologiquement,
industriellement, les expertises... Maintenant, nous devons prendre le
modèle que nous avons. Nous devons prendre les expertises, les
ressources que nous avons. Mais on est trop restreints, seulement 6 600 000 au
Québec, 26 000 000 au Canada; même 100 000 000 aux
États-Unis, ce n'est pas assez. C'est le monde entier que nous devons
prendre pour horizon et c'est ça le message que nous devons donner
à la population, et c'est ça que nous travaillons avez eux pour
qu'ils comprennent l'importance, qu'ils comprennent dans tous les domaines,
qu'ils puissent se fier sur nous et qu'on puisse travailler avec eux pour
augmenter leur présence, leurs activités et, quand nous le
faisons, ce ne sont pas seulement les intervenants qui en
bénéficient, mais c'est tout le Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre des
Affaires internationales. Je reconnais M. le député de Bertrand
pour une dernière période de 10 minutes.
M. François Beaulne M. Beaulne: Merci, M. le
Président. Tout au
long de cet échange, j'ai pu saisir la confusion qui existe du
côté ministériel quant à la nature et au rôle
du ministère des Affaires internationales. J'ai relevé, par
exemple, que le député de Saguenay faisait allusion au
ministère des affaires étrangères, pendant que le
député de Richelieu faisait allusion au ministère des
Affaires intergouvernementales, et quant au ministre lui-même, il se
défendait de faire essentiellement du commerce extérieur.
Il y a une chose sur laquelle nous nous sommes interrogés, et sur
laquelle nous n'avons malheureusement pas eu de réponse concrète.
J'ai indiqué l'importance de relever l'image du Québec sur la
scène internationale. J'ai également fait le lien entre le besoin
d'avoir une image du Québec équilibrée dans les pays
étrangers par rapport au terrain propice qu'ils suscitent pour la
promotion et nos efforts de commercialisation.
Le ministre nous dit qu'il a une stratégie en matière
d'information. Il nous dit qu'il a fait venir, ou qu'il va faire venir, ses
représentants à l'étranger pour leur donner des
informations et un briefing sur le sujet. Malheureusement, le ministre n'a pas
répondu à ma question lorsque je l'ai interrogé à
savoir qu'est-ce qu'il allait dire à ses délégués,
quelle orientation il allait donner à ces journées de
sensibilisation, et de quelle façon il allait rendre plus permanente la
présence du Québec, principalement dans les médias et
auprès des décideurs des pays importants et, entre autres, les
États-Unis si on se réfère aux attaques qui ont
été menées contre nous au cours des derniers mois. Si on
doit se fier aux commentaires qui ont été faits par le conseiller
en communications de la Délégation à New York, à
savoir que lui n'était pas tellement préoccupé par ces
attaques-là puisqu'elles n'étaient pas dirigées du
côté du gouvernement du Québec, mais plutôt du
côté d'Hydro-Québec, comme s'il y avait une distinction si
grande entre les deux entités, permettez-moi de dire que je demeure
plutôt inquiet.
Quant à l'autre aspect, c'est-à-dire le rôle et
l'autonomie du gouvernement du Québec dans la conduite de la politique
internationale, par rapport aux liens fonctionnels qui peuvent l'unir au
gouvernement fédéral, encore une fois, je pense que le ministre
ne nous a pas convaincus que, finalement, le gouvernement du Québec
avait comme politique bien arrêtée, non pas uniquement de
collaborer avec le gouvernement du Québec, comme d'ailleurs l'ont fait
tous les gouvernements québécois dans le passé, y compris
le gouvernement du Parti québécois et y compris le gouvernement
futur du Parti québécois.
Bien sûr, il va de soi que, dans un monde de globalisation et dans
un monde d'internation-nalisation des échanges, les partenaires et les
gouvernements doivent se parler. Ça va de soi! Mais il y a un
différence entre se parler, entre collaborer et se fier. D'ailleurs,
vous l'avez souligné vous-même, M. le ministre. Lorsque je vous ai
posé la question à savoir comment vous alliez concrétiser
les différentes démarches qui ont été entreprises
par vous-même, par le premier ministre individuellement, lors de ces
rencontres avec les différents chefs d'État francophones, tout ce
que vous avez pu répondre, c'est que vous alliez consolider la
représentation du Québec au sein de l'ambassade canadienne
à Abidjan. Vous avez mentionné qu'il existait une sorte de
comité avec le Gabon, mais vous avez refusé de vous engager et de
nous dire précisément si, oui ou non, le Québec avait
l'intention d'implanter une délégation quelque part en Afrique,
pour véritablement assurer le suivi de ces entretiens ponctuels et de
ces efforts de promotion ponctuels que vous avez effectivement accomplis.
Quant à la position du gouvernement du Québec dans le
contexte des négociations du GATT, négociations qui impliquent de
façon sérieuse, et qui auront des implications sérieuses
pour l'avenir de l'agriculture québécoise, vous semblez encore
une fois confiant, et vous l'avez dit vous-même, que M. Wilson allait
amplement défendre les intérêts des agriculteurs
québécois dans le contexte des négociations du GATT.
Puis-je me permettre de vous rappeler que le gouvernement fédéral
n'a pas seulement les intérêts du Québec à
défendre à l'étranger, qu'il a également les
intérêts du Canada anglais et des producteurs
céréaliers de l'Ouest canadien. Bien sûr, le gouvernement
fédéral est placé devant un dilemme, lorsqu'il est
confronté à des demandes contradictoires qui viennent d'une
partie ou l'autre du Canada. C'est là où la signification d'une
véritable représentation québécoise à
l'étranger prend toute son importance. Je vous mets au défi de
suivre l'évolution des négociations du GATT. M. le ministre, je
puis m'enga-ger, dans cette Chambre, à vous offrir moi-même une
bouteille de champagne si, effectivement, les politiques défendues
jusqu'au bout par le gouvernement fédéral, dans le contexte des
négociations du GATT, respectent effectivement les revendications et les
positions des agriculteurs québécois. (12 heures)
D'autre part, votre énoncé de politique internationale et
votre refus de confirmer l'engagement de nouveaux fonds pour l'ouverture de
nouvelles représentations québécoises à
l'étranger, que ce soit en Afrique francophone, ou même de
nouveaux bureaux aux États-Unis, me font déplorer l'absence de
motivation et de volonté politique de mettre sur pied une
véritable diplomatie québécoise. Vous avez
mentionné tout à l'heure, vous-même, l'importance de la
diplomatie. Bien, la diplomatie, entre autres, ça ne consiste pas
uniquement à régler les différends avec ses ennemis ou
à maintenir des liens de communication avec nos ennemis ou avec ceux
avec qui on s'entend moins bien. Ça consiste également à
assurer une présence permanente pour appuyer les efforts de
promotion
et de développement des échanges politiques, culturels, de
coopération et économiques que nous puissions avoir avec les pays
qui nous intéressent. Et, dans ce sens, je déplore
énormément que, non seulement dans votre énoncé de
politique internationale, mais qu'au cours des échanges que nous avons
eus depuis deux heures, vous n'ayez pas pris cet engagement de constituer
véritablement une diplomatie québécoise.
Bien au contraire, si je regarde ce qui s'est passé au niveau de
nos représentations étrangères au cours des deux
dernières années, je ne puis conclure qu'à, certainement,
un désintéressement ou à un manque d'initiative en ce qui
concerne notre personnel à l'étranger. Ça vous a pris
au-delà d'un an à nommer un délégué
général permanent à Paris. Ça vous a pris
au-delà d'un an avant de lui nommer un collègue ou un chef de
cabinet et, jusqu'à présent, nous n'avons pas d'indication
à l'effet que vous dotiez la Délégation
générale du Québec à Paris d'un officier senior,
d'un représentant senior en matière de communications, à
moins que vous ne nous disiez que M. Jean-François Normand, qui a
été nommé comme chef de cabinet de M. Dufour, agisse
effectivement comme représentant senior en matière de
communications. La Délégation générale du
Québec à Londres est encore vide. Elle n'a pas de
délégué général permanent depuis le mois de
janvier. Ça va faire bientôt un an. À Boston, qui est en
Nouvelle-Angleterre et où nous dirigeons plusieurs de nos efforts de
promotion commerciale et où il existe un certain nombre de relations
importantes avec le Québec, nous n'avons pas non plus de
délégué.
M. le ministre, je ne puis que conclure, à la lumière de
ces retards à doter nos représentations à
l'étranger de personnel senior, que l'intérêt que vous
attachez à notre représentation à l'étranger et que
votre volonté de véritablement maintenir un suivi par la
création d'une véritable diplomatie québécoise ne
sont pas sérieux et de nature à nous inquiéter.
Et je terminerai en disant qu'il est important pour le Québec,
dans le contexte actuel, quelles que soient nos opinions politiques, de faire
en sorte que notre image comme société tolérante, ouverte
et comme société pluraliste soit représentée de
façon efficace à l'étranger parce qu'il y a va de
l'intérêt de nos relations futures sur le plan économique,
sur le plan commercial, et il y va également de la représentation
efficace, honnête et juste de ce qui se passe en ce moment au
Québec.
En terminant, si on prend au sérieux les propos du premier
ministre et du ministre responsable des négociations constitutionnelles,
M. Rémillard, à l'effet que le Québec doit choisir
librement lui-même ses options, eh bien! préparons le terrain non
pas pour défendre la politique du Parti québécois ou pour
défendre la politique du Parti libéral mais pour préparer
l'avenir du Québec de façon adéquate sur le plan
international. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie, M. le
député de Bertrand. C'est tout le temps qui nous était
alloué pour cette interpellation. Je remercie les députés
qui ont participé à l'interpellation ce matin ainsi que le
représentant de l'Opposition en matière d'affaires
internationales et, particulièrement aussi, M. le ministre des Affaires
internationales pour le gouvernement du Québec et député
de Mont-Royal.
La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 6)