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(Vingt heures quatre minutes)
Le Président (M. Forget): Je déclare ouverte la
séance de la commission des institutions. Le mandat de la commission
pour cette séance est de procéder à une consultation
générale et de tenir des audiences publiques sur la protection de
la vie privée eu égard aux renseignements personnels
détenus dans le secteur privé.
Madame, y a-t-il des remplacements ce soir?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bourdon
(Pointe-aux-Trembles) remplace Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Forget): L'ordre du jour pour la
séance de ce soir se lit comme suit: nous entendrons les
représentants de l'Association coopérative d'économie
familiale du Nord de Montréal de 20 heures à 21 heures; suivra,
M. Alain Bayle de 21 heures à 22 heures et ensuite, la commission
ajournera ses travaux. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
M. Cannon: Adopté.
Le Président (M. Forget): Adopté. Avant de
permettre aux représentants de l'organisme de présenter leur
exposé, je vous rappelle les temps alloués pour l'exposé
et les échanges: la durée de l'exposé est de 20 minutes et
la durée pour des échanges est de 40 minutes.
Je demanderais, maintenant, au porte-parole de l'organisme de
s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent.
Association coopérative d'économie
familiale
Mme Latreille (France): Alors, bonsoir tout le monde. Je suis
France Latreille de l'ACEF du Nord de Montréal.
M. Goulet (Henri): Et moi, je suis Henri Goulet de la même
association.
Le Président (M. Forget): Alors, madame, si vous voulez
présenter votre mémoire.
Mme Latreille: Alors, comme vous allez le constater dans les
propos que nous tiendrons ce soir, notre discours porte principalement sur les
registres publics qui ne sont pas inclus dans la loi sur l'accès. Mais
vous verrez que nos recommandations touchent quand même aussi les banques
de données détenues dans le secteur privé.
L'ACEF ou l'Association coopérative d'économie familiale
du Nord de Montréal est un organisme communautaire
spécialisé dans les domaines du budget familial, du crédit
et de la consommation. Nous travaillons, entre autres, auprès des gens
qui ont des problèmes de budget et d'endettement. L'ACEF du Nord est
membre de la Fédération des ACEF du Québec,
fédération qui regroupe 14 ACEF réparties à travers
le Québec.
Dans le cadre de notre travail, nous avons constaté une
augmentation phénoménale du nombre de faillites personnelles
depuis environ cinq ans. Pour ne donner que quelques chiffres, en 1985, au
Québec, il y a eu 5684 faillites personnelles; en 1988, il y en a eu
9779; en 1990, c'est presque 14 000 individus qui ont déclaré une
faillite personnnelle, soit une augmentation de 146 % en cinq ans. Il s'agit
donc d'une augmentation qui mérite une attention particulière. La
conjoncture économique difficile dans laquelle nous vivons y est pour
quelque chose évidemment. Nous pouvons ajouter à cela, un
accès facile au crédit à la consommation. Un endettement
problématique s'ensuit lorsqu'il y a perte d'emploi ou diminution des
heures de travail.
La faillite semble alors attirer un grand nombre de consommateurs. Les
consommateurs aux prises avec des dettes, des menaces de saisies de la part des
créanciers, deviennent alors des proies faciles pour les redresseurs
financiers qui, comme nous avons pu le constater depuis cinq ans, sont devenus
une industrie de la faillite, fort lucrative pour les propriétaires de
ces agences.
Qui sont ces redresseurs financiers? Au cours de l'année 1986, un
commerçant opérant sous la raison sociale de Michel Ste-Marie et
associés, initiait, selon sa propre expression, un commerce de faillite
fort lucratif et pour le moins douteux. Les contrats qu'il fait signer lui
rapportent, s'ils sont exécutés dans leur totalité, entre
1000 $ et 3000 $. Selon la direction des faillites, en 1989, les clients de
Michel Ste-Marie qui se retrouvent en faillite, suite à ses judicieux
conseils, représenteraient tout près de 10 % de toutes les
faillites du Québec. Il existe d'autres redresseurs financiers qui
fonctionnent sensiblement de la même façon. Nous pouvons donc
facilement dire que le chiffre de 10 % est maintenant largement
dépassé, en ce qui a trait au nombre de gens qui font faillite,
suite aux recommandations des redresseurs financiers.
Selon les témoignages, les gens que nous avons rencontrés,
c'est-à-dire des centaines, et qui avaient fait affaire avec Michel
Ste-Marie,
une brève rencontre avec ce dernier lui suffit pour conseiller la
faillite dans la majorité des cas, cela, même si la faillite n'est
pas la bonne solution. Par exemple, il existe, dans la loi de la faillite, une
catégorie de dettes qui ne sont pas libérables par une faillite.
Il s'agit des nécessités de vie, de dettes qui proviennent de
prêts d'études ou de dettes résultant de fraude à
l'égard de l'État. Le débiteur qui fait faillite, pour ce
type de dettes, se retrouve donc à la case départ après la
faillite, après avoir déboursé plusieurs milliers de
dollars.
Le recrutement des consommateurs aux prises avec des problèmes
financiers se fait principalement de quatre façons. Michel Ste-Marie
s'annonce dans les pages jaunes du bottin téléphonique sous la
rubrique "Insolvabilité-conseiller". À Montréal, il est le
seul inscrit sous cette rubrique. Il capte ainsi l'attention de beaucoup de
gens, qui pensent à la faillite comme solution, mais qui voudraient bien
prendre conseil chez un professionnel. Malheureusement, ces personnes tombent
entre les mains d'un commerçant, qui va leur arracher des sommes
faramineuses pour des services à peu près inexistants, et qui
devraient être, de toute façon, assumés en
quasi-totalité par le syndic de faillite. Deuxièmement, une
publicité régulière dans les journaux. Cette
publicité insiste principalement sur la possibilité de trouver
rapidement une solution aux problèmes de dettes. Troisièmement,
une lettre personnalisée avec numéro de dossier à l'appui
aux personnes sous le coup d'une action légale. Il puise ses
informations à partir des registres publics disponibles dans tous les
palais de justice du Québec, soit le plumitif. Quatrièmement, une
lettre similaire est aussi envoyée aux personnes qui inscrivent leurs
dettes au dépôt volontaire. La clientèle ainsi
recrutée par Michel Ste-Marie et les autres redresseurs financiers en
est une de choix. De toute évidence, elle est aux prises avec de
sérieuses difficultés financières, puisque ce service est
offert uniquement aux gens qui veulent payer leurs dettes. On va revenir sur
ces deux dernières méthodes de recrutement plus tard, à la
fin.
Les méthodes utilisées par Michel Ste-Marie ont fait
l'objet de plusieurs tentatives pour faire cesser ces activités et ce,
par plusieurs intervenants, en commençant par l'ACEF du Nord de
Montréal, qui attend qu'une date d'audition soit fixée, pour
être entendu, pour intenter un recours collectif contre Michel
Ste-Marie.
La GRC poursuit, actuellement, Michel Ste-Marie et ses associés
pour une deuxième fois, pour incitation à la faillite. Le
procès est en cours. Michel Ste-Marie avait déjà
été reconnu coupable pour la même infraction en avril 1988,
devant le juge Dubreuil de la Cour supérieure. À cette
époque, il avait été condamné à payer des
amendes, soit environ 5000 $ dollars. Cet automne, Michel Ste-Marie a
plaidé coupable à 10 chefs d'accusation déposés
contre lui par l'Office de la protection du consommateur. Les infractions
reprochées à Michel Ste-Marie et à ses associés
sont l'omission de faits importants et fausse représentation. Ils
devront payer une amende totale de 17 000 $. En août 1991, le juge
Kennedy entendait une cause impliquant un syndic et le Procureur
général du Québec. Il s'agit du syndic à qui Michel
Ste-Marie réfère ses clients. Dans son jugement, le juge indique
clairement que le syndic a agi dune manière peu professionnelle et que
sa façon de travailler en étroite collaboration avec Michel
Ste-Marie doit être condamnée par la cour. Le juge ajoute, et je
cite: "Certains conseillers financiers et certains syndics ont traité le
débiteur d'une manière très cavalière en prenant
avantage de la situation au détriment du débiteur et ce
procédé dure depuis plus de deux ans".
Comme il semble que les pouvoirs détenus par le surintendant des
faillites et/ou du séquestre officiel ne suffisent pas à contrer
cette situation, il est souhaitable que le législateur soit attentif
à leurs agissements et sanctionnera en ce sens, afin de
décourager la continuation de cette pratique.
En octobre 1991, un autre juge, M. John Gomery reprend les propos du
juge Kennedy, cités plus haut, en les faisant siens. Et, finalement,
depuis avril 1991, le surintendant des faillites a institué une
unité spéciale d'enquête pour examiner le rôle
joué par les conseillers financiers avant qu'un débiteur fasse
faillite. Nous attendons toujours les résultats.
Il est assez évident que la pratique de ce redresseur est connue
de tous et que tous déclarent que ses agissements sont plus ou moins
abusifs et malhonnêtes. Toutes ces démarches essaient de pallier
à un problème qui n'est pas traité à sa source.
Pendant ce temps, Michel Ste-Marie et d'autres redresseurs continuent à
faire des affaires d'or.
Les sources principales de la clientèle de ces redresseurs sont
le plumitrf et le dépôt volontaire. Les consommateurs qui sont
sous le coup d'une action légale, ou qui inscrivent leurs dettes au
dépôt volontaire, voient automatiquement leurs coordonnées
inscrites au registre du palais de justice. Les nombreux redresseurs qui
existent maintenant s'y rendent allègrement y cueillir les noms pour
leur envoyer une lettre personnalisée. En annexe du mémoire qu'on
a présenté au mois d'août, vous avez sûrement pu lire
et voir les lettres envoyées aux débiteurs.
Récemment, je rencontrais une dame qui avait reçu un bref
d'assignation le 20 septembre, et madame recevait, à l'intérieur
des jours qui ont suivi, trois lettres de redresseurs financiers
différents l'invitant à aller les rencontrer. Elle a reçu,
le 24 septembre, une lettre de Redressement financier Everest, le 26 septembre
une lettre de Société de redressement et solution
financière, et le 27 septembre une lettre de
Michel Ste-Marie. Ils sont une quinzaine à fonctionner de la
sorte. Donc, il s'agit que notre nom apparaisse au palais de justice pour
recevoir une série de lettres.
Ainsi donc, les redresseurs vont y glaner des renseignements personnels
qu'ils utilisent ensuite pour faire augmenter leur chiffre d'affaires. Or, ces
renseignements, bien qu'ils soient d'ordre public, sont utilisés pour
une finalité qui n'est pas celle pour laquelle ils ont été
recueillis, au départ. C'est pourquoi nous recommandons que
l'utilisation abusive des banques de données contenues au plumitif soit
réglementée.
Dans un premier temps, les bureaux d'enregistrement et les tribunaux
judiciaires, détenteurs des registres des causes civiles et criminelles,
devraient être intégrés à la Loi sur l'accès
aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels. Le principe de finalité devrait être introduit afin de
faire perdre le caractère public des données, lorsque celles-ci
sont utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles
ont été recueillies. Ce principe de finalité devrait se
voir concrétisé dans des mesures législatives. L'ACEF du
Nord de Montréal croit aussi important que le gouvernement mette en
vigueur, dans les plus brefs délais, les articles 35 à 41 du Code
civil, qui concernent le respect de la réputation et de la vie
privée. Il serait aussi essentiel que les consommateurs qui sont
lésés puissent avoir un recours simple et rapide pour faire
valoir leurs droits. Nous croyons, pour le moment, que ce mandat devrait
être confié à la Commission d'accès à
l'information. Merci de votre attention.
Le Président (M. Forget): Merci. J'inviterai M. le
ministre. (20 h 15)
M. Cannon: Merci, Mme Latreille et M. Goulet, d'être
présents avec nous ce soir pour nous livrer l'essentiel de votre
mémoire. Vous me permettrez, au départ, de vous témoigner
mon appréciation d'avoir mis à jour une situation, un
problème qui, à mon avis, est absolument épouvantable et
qui, souhaitons-le, dans un avenir rapproché, pourra connaître un
heureux dénouement, c'est-à-dire d'empêcher ce genre de
situation abusive d'utilisation de données publiques. Je pense que votre
dossier est quand même éloquent là-dessus. Le
mémoire que j'ai parcouru avec beaucoup d'intérêt ne peut
pas, je pense, laisser quelqu'un indifférent à ce qui se passe de
ce côté-là. Alors, je vous en remercie et je vous
félicite de votre travail.
Vous avez indiqué parmi vos recommandations que le
ministère de la Justice légifère immédiatement sur
l'utilisation ou l'usage abusif des banques de données des organismes
publics. On vous a fait parvenir, il n'y a pas longtemps, un certain nombre de
propositions d'amendement. Il y a un amendement, notamment, qui a pour effet
d'empêcher toute commercialisation des renseignements personnels à
caractère public et qui, évidemment, fait suite aux conclusions
du groupe de travail dont vous parliez tout à l'heure.
Je veux savoir si, selon vous, les conclusions du groupe de travail et
les amendements qui sont proposés à la loi, qui vous ont
été soumis au premier novembre dernier, permettraient de
remédier à la situation?
Mme Latreille: Vous vous référez à la lettre
qu'on a reçue avec les trois points...
M. Cannon: Oui. C'est ça, de M. Lalonde qui est à
côté de moi.
Mme Latreille: Je dois vous dire qu'on n'a pas vraiment eu le
temps de s'y pencher parce qu'on se préparait pour la... Il est clair
que les recommandations du groupe de travail, en ce qui concerne les
recommandations qu'on vient de citer, soit les finalités,
intégrer les plumitifs à la loi d'accès semble pour
nous...
M. Cannon: Au fait, ce qu'on dit là-dedans, c'est que les
renseignements, finalement, sont accessibles à quiconque en fait la
demande à l'unité. Alors, vous n'avez plus la personne qui
arriverait avec la possibilité d'acquérir une banque de plumitifs
et d'en faire l'exploitation. Il faudrait que ce soit à l'unité
et donc on freinerait, évidemment, la croissance de cela. Alors, si
cette proposition-là vous agrée, est-ce que vous avez
déjà réfléchi un peu à cela? Ou est-ce que
vous avez d'autres solutions pour pouvoir corriger cela?
Mme Latreille: La personne pourrait les obtenir à
l'unité...
M. Cannon: Oui.
Mme Latreille: ...et s'en servir pour des fins commerciales pour
faire fructifier son commerce?
M. Cannon: Bref, c'est une façon de freiner ça.
C'est une suggestion que les officiers du ministère vous ont faite, vous
et peut-être une trentaine ou une quarantaine d'autres organismes, en
vue, justement, de trouver le moyen qui nous permettrait de régler le
problème. Alors, il y a cette suggestion-là et il y en a
peut-être d'autres intervenants comme vous qui vont nous en formuler.
Alors, je vous demande qu'est-ce que vous en pensez et si vous avez d'autres
idées là-dessus?
Mme Latreille: Bien, finalement, ça ne serait même
pas qu'ils pourraient les obtenir à l'unité, ça serait
qu'ils ne puissent pas les obtenir du tout, parce qu'on pense qu'il n'y a
aucune nécessité à ce qu'ils obtiennent ces
données-là. Donc, à mon avis, ça ne suffirait
pas
qu'ils puissent les obtenir à l'unité. Il faudrait
l'empêchement de les obtenir, point.
M. Cannon: Mais là, il y a un autre principe qui vient en
cause, c'est-à-dire que nos tribunaux, les décisions qui sont
rendues par nos tribunaux doivent être rendues publiques. C'est un
principe de la loi. Et, si nous empêchons donc la publication de ces
informations-là, si nous empêchons la divulgation de
renseignements de cette nature, nous contrevenons à une base
fondamentale de notre sytème démocratique, de notre
système judiciaire.
Mme Latreille: Mais, on ne veut pas que ça soit
enlevé du domaine public. On veut que ça reste public, sauf qu'on
veut que ça serve à des fins pour lesquelles ça
été recueilli, ces données-là. Et, nous croyons que
des gens qui recueillent ces données-là pour des fins
commerciales, doivent être empêchés de le faire.
M. Cannon: Alors, donc c'est de limiter l'accès à
ces renseignements-là, d'une part, parce que c'est un peu ce que vous
nous dites.
Mme Latreille: Oui.
M. Cannon: Je pense que vous voulez rajouter quelque chose, M.
Goulet.
M. Goulet: Bien, c'est-à-dire que c'est pour aller dans le
même sens que ma collègue ici, c'est que c'est assez difficile de
pouvoir contrôler finalement l'utilisation à l'unité. Moi,
je ne crois pas à ça du tout. C'est-à-dire que, qu'est-ce
que c'est qu'une unité? À quel moment s'arrête
l'unité? Nous, finalement, ce qu'on dit c'est qu'il y a le principe de
finalité. C'est des banques de données qui sont disponibles et
qu'on ne veut pas du tout empêcher l'accessibilité à ces
banques de données là. C'est le fait qu'on trouve un peu
inconcevable, et je pense que la pratique actuelle ne fait que commencer
d'ailleurs à ce niveau-là, la pratique actuelle nous
démontre qu'il est très facile de les utiliser de façon
commerciale. Et tout ce qu'on dit, c'est que, premièrement, on devrait
avoir une loi-cadre très claire pour empêcher ce
détournement de finalité là, donc empêcher des
commerçants d'utiliser, à des fins carrément commerciales,
ces banques de données là. Et deuxièmement, et là
c'est l'autre aspect qui m'apparaît assez important, nous, on pense, que
lorsqu'on propose, par exemple, d'adopter le plus rapidement possible, de faire
entrer en vigueur les articles 3541 du Code civil, déjà ça
va être un pas dans ce sens-là. Et, deuxièmement, on trouve
qu'il faut absolument que les citoyens aient la possibilité d'avoir une
espèce de guichet unique, c'est-à-dire une place où tout
le monde, que tout le monde connaît, facilement accessible, pour pouvoir
déposer une plainte. Parce que les gens qu'on rencontre, nous, ou qui
nous contactent à l'ACEF, ils sont scandalisés, ils sont
insultés, finalement, lorsque pour une contestation, ou un
problème avec un locataire, un problème de divorce, un
problème de pension alimentaire, on reçoit cette pile de lettres
là. Les gens, ce qu'ils disent, à quelle place est-ce que je peux
me plaindre? À quelle place est-ce que je peux dénoncer cette
pratique-la?
M. Cannon: Je pense que là-dessus je partage
entièrement votre opinion et les sensibilités que les gens
peuvent avoir à l'égard de cette chose-là. Je suis
davantage préoccupé à savoir comment on peut encadrer la
finalité dont vous parlez. La raison pour laquelle la proposition
à l'unité a été faite, c'est que ça
créerait énormément de difficultés à celui
qui voudrait en faire la commercialisation, à constituer cette banque
à l'unité. Et c'est la raison pour laquelle... Maintenant, comme
vous là...
M. Goulet: Alors, moi, je pose la question au ministre, qu'est-ce
que ça voudrait dire, par exemple, d'y aller à l'unité?
Quelle sorte de contrôle on pourrait avoir sur les commerçants,
par exemple? Comment on ferait pour faire la preuve qu'on l'utilise à
l'unité?
M. Cannon: C'est parce que plutôt que de recevoir le
plumitif, vous allez chercher vos données les unes après les
autres, à l'unité, c'est ce que nous entendons. Alors,
plutôt que de l'avoir en bloc là...
M. Goulet: Mais ces gens-là vont chercher, certains des
commerçants actuellement qui utilisent ça, vont les chercher
à l'unité.
M. Cannon: J'avoue, et vous avez raison là-dessus,
ça ne veut pas nécessairement dire que ça va freiner la
pratique que vous dénoncez. Et, peut-être une des questions c'est
que, écoutez je suis ouvert à ça, vous me dites qu'il y a
un problème au niveau de la finalité de l'information. Et, on
discute aussi de la question à savoir, si on permet à un
individu, et dans ce cas-ci vous l'avez nommé, je crois que c'est M.
Ste-Marie, à savoir s'il peut exploiter un commerce avec le plumitif,
avec les renseignements qui sont de nature et de caractère publics,
devant ou enfin que l'on retrouve devant nos tribunaux, ou enfin le
système judiciaire. Alors, là, on doit répondre à
cette première question-là. J'ai le sentiment qu'à travers
votre document, la réponse c'est non. C'est juste?
M. Goulet: Oui.
M. Cannon: O. K. Alors, à partir de cela, on ne peut pas
nécessairement parler de finalité, là. Ce que vous me
dites, c'est que les renseignements qui sont là on va exclure ou on va
faire
une exception, afin d'éviter que quelqu'un puisse commercialiser
ce qui normalement doit paraître transparent dans nos tribunaux, une
information qui doit être de nature à être connue, parce
qu'on a un système judiciaire comme ça. Alors on apporte une
exception à ça. C'est ce que vous me dites.
Mme Latreille: Oui.
M. Goulet: C'est-à-dire que bon, les banques de
données au plumitif, elles sont les seules à notre connaissance.
Le plumitif et le dépôt volontaire sont les seuls qui sont exclus
de la loi d'accès, actuellement, est-ce que me je trompe?
M. Cannon: Oui, vous avez raison là-dessus. M. Goulet:
Donc la...
M. Cannon: Mais vous le savez pourquoi, je viens de vous
expliquer pourquoi.
M. Goulet: Oui, mais nous tout simplement dire si on les
incluait, finalement dans la loi d'accès, il y aurait une partie
importante du problème qui serait réglée.
M. Cannon: Moi, ce que je cherche, c'est comment contrôler
l'utilisation, parce que si je saisis bien ce que vous me dites, c'est
ça la question fondamentale.
M. Goulet: Bon, l'utilisation pour nous ça se fait aussi
par le biais des citoyens et des citoyennes qui vont recevoir ce type de
convocation là par la suite. Je pense que s'il y a une
possibilité de plaintes et une possibilité de poursuites, je
pense que le milieu va s'ajuster assez rapidement, du moins c'est notre
conviction.
M. Cannon: Non, moi comme vous, si je devais aller devant les
tribunaux et faire une pétition de faillite, et ayant passé
à travers tout ie processus et après coup à recevoir une
lettre d'une personne qui me dit: Bien, peut-être que vous aviez mal
planifié votre budget et possiblement, dans l'avenir on va pouvoir mieux
vous aider, par l'entremise de je ne sais pas quel scénario. Je vais
pouvoir vous aider, moyennant, évidemment, un cachet de tant, parce que
je suis convaincu que ce monsieur-là ne fait pas ce travail-là
gratuitement, tout au moins, il doit exiger un montant en retour, et je ne sais
pas comment on peut, comment sa pratique est contrôlée.
Sûrement qu'il ne doit pas faire partie des entreprises ou être la
PME de l'année. Je ne crois pas que dans la coupure de presse, que vous
nous avez donnée, il ait été récipiendaire de
ça. Mais, néanmoins, je serais profondément offensé
de recevoir une chose pareille. Alors, c'est toujours la question de comment on
peut contrôler l'utilisation des données qui doivent, elles,
être publiques.
Alors, nous on dit: S'il y a un empêchement au niveau de la
commercialisation des banques, et je dis bien des banques, et banques
étant un regroupement d'informations, qui parce que ces
renseignements-là sont regroupés, il y a une valeur
économique qui est supérieure que si elles étaient
uniquement à l'unité. Et c'est de cette façon-là
qu'on a proposé de contrer ou de diminuer cette chose-là. Mais
encore une fois, c'est une première réflexion. Si on a saisi une
trentaine ou une quarantaine d'organismes comme le vôtre, c'est
précisément parce qu'on veut avoir votre "input". On veut avoir
vos idées derrière ça. Nous on l'a soumis bien humblement
comme étant un problème majeur, et c'est pour ça qu'on
pose la question comme ça ce soir.
M. Goulet: Je voulais juste préciser, dans notre
mémoire, évidemment, on fait mention du commerçant en
question, Michel Ste-Marie, sauf que je trouve ça très important
de mentionner qu'il y a deux ou trois ans, il était à peu
près le seul à opérer de cette
façon-là...
M. Cannon: Oui, et je vois qu'il y a une
prolifération.
M. Goulet:... et aujourd'hui à Montréal, il y en a
une quinzaine. Et je ne parle pas des autres régions où
probablement ça doit commencer. Une de mes collègues me disait
que déjà aussi en région, ce type de pratique là
commence à se généraliser. Donc ça veut dire que ce
n'est pas un individu, ce n'est pas un seul commerçant, c'est un
système qui risque de s'élargir aussi avec d'autres types de
données qu'on va rendre publiques. On pense, entre autres, avec la venue
de l'hypothèque mobilière, c'est encore là des
données fort intéressantes qu'on pourrait aller chercher sur les
individus.
M. Cannon: O. K. Merci beaucoup. (20 h 30)
M. Goulet: Je ne veux pas entrer là-dedans.
Le Président (M. Forget): Merci M. le ministre. Alors,
j'inviterais M. le député de Pointe-aux-Trembles à
échanger avec nos invités.
M. Bourdon: Alors, je voudrais d'abord vous féliciter du
sérieux du mémoire que vous avez déposé et de
l'analyse détaillée que vous faite d'une situation. Je voudrais,
dès le départ, vous dire mon étonnement que le plumitif et
le dépôt volontaire ne soit pas soumis à la Commission
d'accès à l'information puisque, à ce moment-là, il
faudrait que la personne qui veut avoir accès à ces
registres-là démontre qu'elle a un intérêt
légitime à le posséder. Je donne l'exemple qui me vient
à l'esprit. L'institution financière qui s'apprête à
prêter à quelqu'un a le droit de
savoir que cette personne-là s'est inscrite au dépôt
volontaire ou fait l'objet d'une poursuite en recouvrement.
Les redresseurs financiers, à mon avis, n'ont pas le droit. Ce
qui me frappe d'une séance à l'autre de la commission c'est de
voir, par exemple, cinq organismes communautaires de Pointe-aux-Trembles qui
font une requête en révision d'une décision de la
Régie des loteries du Québec, au sujet de trois détenteurs
de permis de bingo. La Régie a refusé à l'avocat des cinq
groupes communautaires le dossier que les trois détenteurs de permis ont
déposé à la Régie pour avoir le permis et
là, le procureur s'en va à la Commission d'accès à
l'information. Ce qui me frappe c'est que lui, il ne veut pas en faire commerce
des données. C'est que ces clientes, pour avoir droit à une
défense pleine et entière, ont besoin de savoir contre qui elles
plaident et c'est quoi les arguments qui ont été
donnés.
Et, dans le cas du plumitif et du dépôt volontaire, c'est
que dans le fond, comme il est question de la propriété
privée, c'est comme, de temps immémoriaux, d'autres règles
qui se sont appliquées. Ce que j'entends par là c'est qu'il
m'apparaît que généralement on n'applique pas aux gens qui
doivent de l'argent les mêmes règles qu'à d'autres, et
ça doit dater de plus d'un siècle où quand on devait de
l'argent, on était pauvre, démuni, pas digne de
considération et son dossier était rendu public. Et, le
problème est complexe à cause des croisements des banques de
données. Une agence de crédit qui fournit à des
institutions financières des renseignements va aller au plumitif et au
dépôt volontaire. Et si c'était strictement pour ses
clients, institutions financières, qui ont un intérêt
légitime à savoir ça, que le requérant pour un
emprunt est possiblement insolvable, c'est qu'elles vont vendre la même
donnée à des redresseurs financiers, parce qu'elles les vendent
à qui veut les acheter. Là, ça devient passablement
compliqué. Et, dans l'immédiat, je trouve judicieuse votre
suggestion de comme, un tien vaut deux tu l'auras, de rendre le plumitif et le
dépôt volontaire, de les Inclure, dans la loi d'accès qu'on
a déjà. De cette façon là... parce qu'il s'agit
d'un renseignement public, mats dont l'accès devrait être
restreint à ceux qui ont besoin de le connaître, parce que, en
l'occuren-ce, ce que vous soulevez c'est qu'il y a des gens qui incitent et
font le commerce de la faillite. Et ça, ça m'apparaît
singulièrement grave. On a parlé devant cette commission des
"suckers list" qui existent aux États-Unis. Là, c'est
plutôt que l'État, involontairement, contribue à constituer
des listes de citoyennes et de citoyens en détresse et que les vautours
peuvent acheter, pour se lancer dessus. Parce que dans le fond c'est de cela
qu'il s'agit.
Alors, la question que je serais porté à vous poser c'est
que de l'inclure simplement dans la loi d'accès, est-ce que ça
vous paraîtrait une garantie suffisante. Est-ce que ça
empêcherait l'usage abusif, étant donné que des firmes de
crédit pourraient y avoir accès, mais qu'il faudrait limiter
l'usage qu'elles en font et les clients à qui elles les passent? Est-ce
que vous croyez que ça prend les deux, dans le fond?
Mme Latreille: C'est-à-dire qu'il faut l'inclure, pour que
la Commission de l'accès à l'information puisse avoir
juridiction, mais je crois qu'il faut aussi inclure ce qu'on disait
tantôt, le principe de finalité, pour ne pas que les gens qui
n'ont pas un besoin nécessaire, essentiel d'avoir ces informations
puissent y avoir accès.
M. Bourdon: Et dans le fond, je pense que le contrôle ne
serait pas si complexe, puisque si une personne est sollicitée, par
définition, le solliciteur s'identifie et donne sa source. Donc, la
Commission pourrait avoir un recours contre la personne qui s'en sert.
Mme Latreille: Oui, c'est ça.
M. Goulet: Je voulais juste préciser... De toute
façon, Mme Latreille l'a mentionné tantôt, au début.
C'est que, bon, nous, on vient ici ce soir vous parler d'un problème en
particulier, sauf qu'en tant qu'association aussi de protection de
consommateurs, je tiens à répéter le fait qu'on tient
aussi, on appuie aussi tous les autres groupes qui sont venus ici dire que
ça prenait une loi cadre pour contrôler la question du secteur
privé. Alors ça, je ne veux pas revenir là-dessus parce
qu'on voulait insister davantage sur le problème des banques de
données publiques qui deviennent privées, à la limite.
Le Président (M. Forget): Alors, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Je remercie Mme
Latreille et M. Goulet pour le mémoire de l'ACEF du Nord de
Montréal et je dois dire que j'apprécie toujours votre
implication et la qualité de vos mémoires.
Je dois dire, en début aussi, à quel point je trouve un
petit peu regrettable que la commission sur les renseignements de la vie
privée siège en même temps que la réforme du Code
civil, à laquelle je participe, également. Les deux sujets se
touchant très souvent et donc, je ne peux pas participer à tous
les travaux et c'est avec beaucoup de regrets.
Vous énoncez très bien le problème des redresseurs
financiers et je pense que vous avez raison lorsque vous dites qu'ils sont
rendus en régions. Il y a deux semaines, je recevais à mon bureau
de comté une jeune dame qui avait eu affaire à un de ces
spécialistes. En examinant son cas, tout ce qu'elle avait comme dette
finalement, c'était un prêt étudiant et on lui
conseillait une faillite et elle avait déjà
commencé ses démarches. Alors, je pense que c'est étendu
maintenant partout au Québec.
Vous êtes des personnes qui, régulièrement,
rencontrez des gens qui ont des problèmes de budget, d'endettement. Vous
soulignez, également, dans votre mémoire, que le nombre de
faillites parmi les facteurs, il y a le crédit à la consommation.
Vous savez que, présentement, sur le projet de loi 125, la
réforme du Code civil, on nous propose un nouveau moyen de crédit
à la consommation. On souhaite étendre le crédit à
la consommation et ce moyen s'appelle, bien sûr, l'hypothèque
mobilière. J'ai deux inquiétudes par rapport à
l'hypothèque mobilière et j'aimerais vous entendre
là-dessus, ensuite.
Première inquiétude, d'abord, par rapport à
l'endettement, le risque d'endettement par l'hypothèque
mobilière, mais inquiétude aussi, par rapport aux renseignements
personnels, puisque l'hypothèque mobilière sera dans un registre
et ce registre sera au nom des personnes, ce qui veut dire, non aux biens, au
nom de la personne. Ce qui veut dire que ce registre pourra être
consulté par toutes personnes désirant s'informer sur la
situation financière, les dettes, par rapport à
l'hypothèque mobilière, d'un voisin ou de quelqu'un et les
redresseurs financiers pourront utiliser ce nouveau registre en plus. Qu'est-ce
que vous en pensez?
Mme Latreille: Peut-être pour répondre à la
première question, l'inquiétude concernant l'endettement, si on
se fie à l'expérience qui se vit actuellement en Ontario,
l'hypothèque mobilière est permise. Et après avoir
contacté des groupes en Ontario, qui rencontrent des gens qui ont des
problèmes d'endettement, effectivement, le taux d'endettement a
augmenté, surtout avec les familles à faible revenu, parce que
c'est surtout les compagnies de finances qui utilisent ce mode de
créances particulières, de créances garanties. Donc, c'est
encore une couche de la population plus démunie qui se retrouve aux
prises avec cette hypothèque mobilière là, avec des
meubles, finalement, qui sont hypothéqués et que s'ils ne paient
pas leurs créanciers, ils vont se voir saisir le meuble tout simplement.
Donc, c'est une inquiétude pour nous autres.
Mme Caron: Par rapport à l'endettement.
Mme Latreille: Aussi par rapport à l'endettement.
M. Goulet: Par rapport au registre public, je pense qu'il y a
lieu de s'inquiéter grandement, c'est-à-dire qu'on peut imaginer
toutes sortes de scénarios, c'est-à-dire que, finalement,
l'intérieur de ta maison devient disponible à qui veut bien le
savoir. Alors, ça veut dire que... Je ne sais pas. Moi, je... Quand on a
réfléchi un peu sur la question de l'hypothèque
mobilière, sans vouloir entrer dans tous les détails, c'est qu'il
faudrait vraiment, les gens qui ont réfléchi à ça,
il faudrait les inviter à l'ACEF une semaine, rencontrer des gens qui
ont des problèmes d'endettement et des problèmes de contrat, de
vente à tempérament, entre autres. Alors, ce qu'on vient de
faire, finalement, c'est de proposer un lien sur l'ensemble des biens pour
lesquels les gens achètent actuellement. Alors, ça veut dire que,
évidemment, il y a une conjoncture économique importante,
c'est-à-dire que les gens n'ont pas assez d'argent pour consommer,
récession économique aidant, le réseau des amis est
à peu près bloqué au niveau des... Parce que les amis des
amis, habituellement, sont toujours de même classe sociale donc, un
endosseur qui n'a pas d'argent, ce n'est pas très rentable.
Alors, on vient d'inventer une espèce de formule qui va
créer des problèmes incroyables, juste au niveau d'intervention,
au niveau d'un problème d'endettement. Alors, il existe, actuellement,
quelques petites solutions aux problèmes d'endettement qu'on peut
utiliser de façon un peu correcte. Avec l'hypothèque
mobilière, ça vient, encore une fois, resserrer l'étau sur
les gens qui ont, justement, des difficultés financières.
Ça veut dire que du jour au lendemenain, on peut se faire vider sa
maison. C'est ce que ça veut dire, et avec la question du registre
public, ça veut dire que maintenant ta maison devient publique,
c'est-à-dire tout ce qu'il y a à l'intérieur. On pense aux
voleurs, on pense à... Tout le monde pourra consulter quelle sorte
d'appareil stéréo tu as dans ta maison, quelle sorte... Bien. On
peut...
Mme Caron: Donc...
M. Goulet: C'est impressionnant. D'avoir pensé à
ça, c'est impressionnant.
Mme Caron: Je vais transmettre vos commentaires et votre
invitation au ministre de la Justice, responsable de la réforme, d'aller
passer une semaine chez vous et donc, ce serait, en quelque sorte, d'ouvrir une
nouvelle porte aux redresseurs financiers aussi. Ça leur donne un
registre de plus à consulter pour aller chercher des proies. Quand je
pense aux cas que j'ai rencontrés dans mon comté, c'est que ce
n'est pas seulement des personnes qui sont très endettées,
finalement. On va également chercher des personnes qui se sentent un peu
mal prises avec une petite dette, mais qu'elles n'ont jamais fait face à
des dettes donc, qui sont prêtes à écouter certaines
personnes qui se donnent comme spécialistes.
M. Goulet: Quand je vous dis que les redresseurs financiers, ils
ne s'affinent pas beaucoup sur le type de données qu'il y a là.
La plupart du temps, on va aller chercher, par exemple, un problème avec
une institution
financière, une compagnie de finances, une caisse populaire,
etc., ou un grand magasin lorsqu'il y a une requête de
déposée, mais aussi, la plupart des personnes en instance de
divorce, pension alimentaire, problèmes avec un locataire, tout le monde
reçoit de ces types de lettres-là maintenant et,
évidemment, nous, on trouve que ça commence à faire un peu
exagéré.
L'autre problème que j'aimerais mentionner ici, c'est qu'il y a
toujours le rapport à la faillite aussi. Alors, ça veut dire que,
comme on l'a expliqué un peu dans notre mémoire, c'est que la
question de la faillite personnelle, le problème de la faillite
personnelle, c'est un problème aussi qui va devoir être
envisagé sérieusement, c'est-à-dire
qu'éventuellement, il va falloir commencer à
réfléchir qu'est-ce que ça pourrait être de
considérer le problème d'endettement des Québécois
d'une façon un peu autonome parce que, justement, les problèmes
qu'on vit actuellement, nous, on croyait que c'était
contrôlé par la loi fédérale c'est-à-dire...
Toutes les instances fédérales existent, mais comme on vous a
mentionné, c'est qu'il est à peu près impossible avec
l'instance fédérale de pouvoir contrôler ce
dilemme-là, actuellement. Alors, il y a aussi un problème de
l'autre côté qui est important et majeur.
Mme Caron: Oui, allez-y.
M. Goulet: Non, non, ça va, c'est parce que la question
des banques de données qui existent, est-ce que, par exemple, on peut
légiférer sur le fonctionnement des banques qui sont de
juridiction fédérale, par exemple? Alors, il va y avoir des
problèmes, évidemment, de contestation de juridiction à ce
niveau-là aussi, mais c'est toujours le même problème qu'on
vit de toute façon.
Mme Caron: Merci, M. Goulet.
M. Bourdon: M. le Président, je trouve qu'il y a une
certaine ironie aussi à voir que... (20 h 45)
M. Cannon: Juste... Je m'excuse là, mon collègue.
Juste pour qu'on puisse se comprendre, là, j'ai pris la parole. Vous
avez pris la parole. Vous l'avez transférée avec votre
collègue, avec mon consentement tacite, M. le Président et
là, vous reprenez la parole. Alors, simplement pour qu'on puisse
réitérer l'alternance. Mais je pense que vous avez une toute
petite question, mon cher collègue...
M. Bourdon: M. le Président, on pourrait revenir
après, mais c'est qu'on a un problème à alterner, qui est
maintenant réglé, du fait qu'il y a un député
ministériel avec le ministre, ce qui n'était pas le cas tout
à l'heure.
Je veux simplement dire que le système d'enregistrement des
hypothèques mobilières et immobilières, d'après un
article de journal récent, va coûter 53 000 000 $. Invariablement,
depuis que cette commission siège, une des raisons au grand concert
contre toute loi pour réglementer l'accès à la vie
privée, c'est que la mise en vigueur de cette loi-là
coûterait trop cher. Pourtant on va trouver 53 000 000 $ de fonds publics
pour favoriser des intérêts, finalement, privés alors que
pour le 911, on dit que les usagers vont payer pour - ce avec quoi, je suis en
principe d'accord. Mais il me semble que ceux qui vont profiter de
l'enregistrement des hypothèques mobilières et
immobilières devraient - je mets de côté le problème
de l'accès à ces données-là - payer pour. Je ne
vois pas pourquoi les gens qui ont besoin du 911 paieraient sur leur facture
téléphonique et les gens qui ont intérêt à
avoir accès aux données d'hypothèques mobilières et
autres ne paieraient pas pour le service qu'ils vont recevoir.
M. Goulet: J'enchaînerais brièvement en disant, que
finalement, la recommandation que nous faisons n'est quand même pas
demander le ciel et un peu plus. C'est-à-dire, tout ce qu'on demande
c'est une loi-cadre de façon un peu vigoureuse. Mais pour le moment, ce
qu'on demande, c'est l'entrée en vigueur du 3541 du Code civil. Il
existe déjà la Commission d'accès. Nous disons que, pour
le moment - parce qu'on n'a pas analysé dans les détails, tout ce
que ça pouvait représenter, il est possible qu'il soit
préférable d'avoir un tribunal indépendant pour
gérer l'ensemble de ces données là - c'est qu'on pourrait
élargir le mandat de la Commission d'accès à l'information
et déjà, on pourrait avoir, avec beaucoup moins d'impact
financier que pour l'hypothèque mobilière, l'application et la
mise en vigueur de ce qu'on réclame.
Le Président (M. Forget): J'inviterais le ministre
à échanger avec nos invités.
M. Cannon: II y a beaucoup de choses qui ont été
soulevées et je ne pense pas les reprendre les unes après les
autres. Je veux juste revenir sur ce que nous parlions tout à l'heure.
Vous demandez si vous croyez s'il y a une certaine utilité, ou mieux
encore, s'il y a une certaine légitimité, pour une population, en
général ou certaines personnes, comme des créanciers ou
d'autres personnes en affaires, de savoir qu'il y a eu une poursuite contre
quelqu'un et que cette personne, ultimement, s'est prévalue du
dépôt volontaire et des dispositions de la loi sur la faillite
dans un palais de justice? Est-ce que vous jugez que c'est légitime pour
une société d'avoir ces renseignements-là?
Mme Latreille: Que ces données-là soient
publiques?
M. Cannon: Voilà.
Mme Latreille: Oui.
M. Cannon: Vous avez parlé tout à l'heure de la
question de finalité. Comment peut-on uniformiser cette finalité
sans y aller avec une exception? Qui est inclus et qui est exclu?
Mme Latreille: Je pense qu'on peut se fier à... Je peux
prendre en exemple, l'article 37, de la réforme du Code civil qui dit
que "toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir
un intérêt sérieux et légitime. Pourquoi ne pas
ajouter nécessaire à le faire?
Donc, à ce moment-là toutes les personnes qui se
serviraient des données qui sont au plumitif pour faire fructifier leur
commerce, en tout cas, moi, je ne vois pas là un intérêt
sérieux, légitime, nécessaire et essentiel.
M. Cannon: Sur la question plus loin, est-ce que vous seriez
favorable à une législation qui interdirait au secteur
privé, de collecter ou de conserver des renseignements d'ordre
judiciaire?
M. Goulet: Non. C'est-à-dire que dans l'ensemble des
articles dont il est question ici, au niveau du Code civil, c'est qu'il y a
toute une logique au niveau des banques de données, c'est-à-dire
que nous, on n'est pas contre que les banques de données existent, au
contraire. C'est-à-dire que c'est de la façon de les
contrôler et dans quel sens constitue-t-on ces banques-là? Alors,
il y a toute une série de logique là. Nous, on ne veut pas
revenir là-dessus, parce qu'on appuie ça à 100 milles
à l'heure. C'est-à-dire que, s'il y a une banque de
données qui est constituée, il faut avoir la permission des gens.
Il faut avoir... Il y a toute une série de recommandations. Nous, on ne
revient pas là-dessus là. Mais pour nous, ça nous
apparaît essentiel.
M. Cannon: Qu'on se comprenne bien là. M. Goulet:
Au niveau du privé.
M. Cannon: Je ne veux pas que vous vous sentiez mal à
l'aise, dans le questionnement et que vous dites: Bien, à quoi ça
rime là. Qu'est-ce qu'il essaie de faire, le ministre. Moi, simplement,
j'essaie de connaître précisément et de la façon la
plus, je dirais, détaillée possible, ce que vous, vous voudriez
voir inscrit dans la loi. C'est ça là. Je n'ai pas encore fait ou
pris une décision là-dessus, ou fait une recommandation. On est
justement ici pour se parler, pour que le processus de consultation fonctionne.
C'est pour ça que... J'ai bien saisi là, ce que vous me disiez.
Ca va?
Mme Latreille: Oui.
M. Cannon: O. K. Quant à moi, je n'ai pas d'autre
question. Ou si vous vouliez juste rajouter quelque chose.
M. Goulet: Mais c'est-à-dire, moi, j'avais une question,
parce que je ne comprends pas nécessairement la vôtre, dans le
sens que la question de savoir est-ce que c'est... la question de
légitimité, la question de savoir, par exemple, de quelle
façon on est capable...
M. Cannon: Non. C'est parce que vous me dites, dans un premier
temps, vous voyez, oui, à l'utilité d'avoir des banques de
données, de faire en sorte que oui, le droit soit transparent, et d'un
autre côté, vous n'êtes pas enclin à dire qu'une
législation qui interdirait dans le secteur privé la transmission
des données judiciaires, vous n'êtes pas non plus favorable
à ça. Ce qui veut donc dire que notre corridor se
rétrécit et vous me dites: II faudrait peut-être y avoir
des exceptions, par contre, et de déterminer beaucoup plus ce que les
gens font avec les renseignements et d'essayer de limiter ou mieux
contrôler ça, que d'exclure complètement par un ban
complet, je ne sais pas, dans une mesure législative, mais bien de
limiter. Et c'est le sens de la majorité, je dirais, la presque
totalité des intervenants qui voulaient que, on ne peut pas finalement,
interdire à ce que M. A ou Mme A confie à quelqu'un d'autre des
renseignements de nature personnelle et confidentielle. Nous ne pouvons rien
faire dans une société qui interdirait un comportement semblable.
Ce que nous devons faire, par ailleurs, c'est de trouver des façons,
tout en respectant le cadre juridique de notre société
démocratique, qui feraient en sorte qu'on puisse limiter cet
usage-là des renseignements, qui ont été volontairement
fournis à une autre personne. Donc, quand vous me parlez de
finalité, je vous rejoins et je pense que nous rejoignons la
totalité des intervenants qui sont venus ici. C'est ça.
M. Goulet: Et à ce niveau-là, nous, on
réfère aux documents, dans le sens qu'on n'est pas revenus... sur
le document interministériel, sauf que nous, on va absolument dans ce
sens-' là...
M. Cannon: Ah, il y a des... écoutez... conseillers qui
m'entourent vous connaissent très bien, même si moi, je peux,
j'arrive dans le dossier, vous êtes connu, vous êtes
consulté régulièrement. Votre position là-dessus,
on la connaît.
M. Goulet: Et on va plus loin que ça encore, en citant,
finalement, le rapport de votre ministère qui va justement quantifier et
qualifier la question de la finalité. Donc, on dit: Bien, ça,
c'est un plus...
M. Cannon: Oui.
M. Goulet: II faut utiliser cela au maximum. Et, ce qu'on voulait
signifier ce soir ici, c'est qu'il y avait la possibilité d'y aller de
façon assez urgente, et que ça ne coûterait pas une
fortune.
M. Cannon: O.K.
M. Goulet: Parce que tous les éléments sont en
place pour dire qu'il y a quelques données publiques qui ne sont pas
réglementées, transférons-les, donnons seulement,
élargissons le mandat à la Commission d'accès, et la
question des nouveaux registres qui vont exister. Il va être grand temps
qu'on commence à regarder aussi comment est-ce qu'on va faire pour
contrôler l'utilisation de ça? Parce que c'est un problème
qui s'en vient, et qui s'en vient très rapidement.
Le Président (M. Forget): Alors c'est tout, M. le
ministre?
M. Cannon: Je pense, moi, je conclus là-dessus en disant
que ce qu'il faut absolument empêcher, c'est toute commercialisation des
renseignements personnels à caractère public.
M. Goulet: C'est ça. O.K.
Mme Latreille: C'est ce qu'on a écrit, et puis c'est ce
qu'on dit, c'est ce qu'on désire.
M. Cannon: Puis c'est ce qu'on essaie de trouver dans les
amendements, puis on va continuer à se parler.
Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le ministre. M.
le député de Pointe-aux-Trembles, à vous la parole.
M. Bourdon: Bien, je suis d'accord avec ce que disait le
ministre. Dans le fond, il faudrait que la loi interdise toute
commercialisation des renseignements d'ordre public qui sont détenus par
le gouvernement et qui sont de nature personnelle. Et, à cet
égard-là, je pense que c'est vaste la gamme des renseignements
que des entreprises commerciales vont chercher. Puis, je suis d'accord avec
vous que l'article 37 du Code civil est déjà un pas dans la bonne
direction, si on ajoutait la nécessité, aux autres motifs qu'on
a. Et dans une loi-cadre sur l'accès aux renseignements d'ordre
privé, on pourrait interdire toute commercialisation des renseignements
publics. Et les redresseurs financiers en sont un type particulièrement
odieux, mais il y a aussi les personnes âgées qui sont
sollicitées par des vendeurs itinérants de préarrangements
funéraires, après être passés par
l'hôpital.
Il y a les personnes, les femmes qui viennent d'accoucher qui
reçoivent des sollicitations commerciales considérables, qui ne
peuvent avoir comme origine que les registres des hôpitaux Et là
où l'intérêt nécessaire, sérieux,
légitime se rencontre, c'est quand, comme parent, j'ai été
sollicité pour que ma fille s'inscrive à un centre de croissance
de l'Université de Montréal, qui a étudié pendant 6
ans, 1200 garçons et filles québécois,
québécoises, nés dans telle année, pour voir leurs
caractéristiques morphologiques. Je ne dis pas ça pour
l'anecdote, c'est que l'intérêt de l'Université
était sérieux, légitime, et puis il était
nécessaire d'avoir le registre des naissances pour demander aux parents
s'ils voulaient que l'enfant soit suivi. Mais recevoir une grosse boîte
de Tide et de Rez, ou que ma mère, qui est âgée, soit
sollicitée par des vendeurs itinérants de préarrangements
funéraires, c'est une toute autre nature.
Et je pense que dans l'immédiat, je finis là-dessus, votre
proposition, au cas où ça prendrait jusqu'à trois mois
pour avoir la loi que ceux qui n'ont pas un intérêt particulier
réclament sur l'accès aux renseignements d'ordre privé...
Il me semble qu'inclure le plumitif et le dépôt volontaire
à la loi d'accès, qu'on a déjà, ça serait un
pas dans la bonne direction.
Le Président (M. Forget): Est-ce que vous avez quelque
chose pour conclure à M. Bourdon. Non. Alors, merci beaucoup, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Je remercie les
représentants de l'Association coopérative d'économie
familiale du Nord de Montréal de nous avoir présenté leur
mémoire.
Et, afin de permettre à la prochaine personne de prendre place,
soit M. Alain Bayle, alors je suspends les travaux de la commission pour
quelques minutes.
M. Cannon: Je voudrais simplement, M. le Président, si
vous permettez, remercier, à mon tour, les gens qui sont venus nous
rendre visite ce soir. Et, à la prochaine.
(Suspension de la séance à 21 heures)
(Reprise à 21 h 2)
Le Président (M. Forget): Je voudrais demander au
député de Pointe-aux-Trembles pour faire une correction au niveau
des remplaçants.
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Forget
(Prévost) remplace M. Fradet (Vimont).
Le Président (M. Forget): Merci. M. Cannon: Mais le
président y était. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Forget): Alors, nous reprenons nos
travaux avec la présentation du
mémoire de M. Alain Bayle. Je vous rappelle que la durée
de votre exposé est de 20 minutes, et que la durée des
échanges est de 40 minutes. M. Bayle, nous vous écoutons.
M. Alain Bayle
M. Bayle (Alain): M. le Président, messieurs et mesdames,
membres de la commission, je vais essayer de limiter mon intervention et la
faire de la manière la plus courte possible, parce que je suis
persuadé que vous avez lu le mémoire qui est somme toute
très court. Je vais simplement reprendre les propositions principales
pour vous laisser, par la suite, le temps de me poser des questions et
d'intervenir à satiété.
Le propos de mon mémoire n'est pas de se pencher sur les arbres,
mais plutôt de vous inviter à regarder la forêt. J'entends
par forêt les principes que l'on devrait garder à l'esprit
lorsqu'on parle de protection de la vie privée. Et parmi ces principes,
il en est un qui est celui du type d'intervention que l'on doit retenir,
étant entendu que le législateur ou le gouvernement a
déjà retenu comme principe celui d'une introduction de principe
de protection de la vie privée dans le secteur privé, ce dont je
ne suis pas encore tout à fait certain. C'est du moins sur ce point que
l'exposé chronologique des 25 années de balbutiement
parlementaire, gouvernemental en matière de protection de la vie
privée dans le secteur privé. C'est sur ce point-là que ce
passage de mon mémoire voulait attirer l'attention.
Le projet de loi 125, portant réforme du Code civil, à mon
avis, fait référence à un type d'intervention tout
à fait particulière. Ce type d'intervention, je l'ai
qualifié comme étant celui de l'approche individualiste,
c'est-à-dire qu'il investit le citoyen de droits, en termes d'analyse de
politique publique on parle d'une politique symbolique, en ce sens que ces
droits-là ne sont garantis finalement que par l'action seule du citoyen,
qui se trouve le plus souvent face à des groupes bien constitués
ou à des institutions dotées de larges moyens, que l'individu
lui-même n'a pas. Pour dépasser cette approche individualiste, qui
bien souvent n'a que peu d'effets et ne garantit que faiblement les droits que
l'on veut accorder au citoyen, j'ai invité, au contraire, le
législateur et les membres de cette commission à adopter
plutôt une approche de type institutionnelle, c'est-à-dire ne pas
se contenter d'énoncer des droits comme il est prévu dans le
projet de loi 125, portant réforme au Code civil, mais plutôt
ajouter à l'énoncé de ces droits, de prévoir une
institution de régulation spécialisée, comme c'est le cas
en matière de protection de la vie privée dans le secteur public.
Cette institution de régulation spécialisée étant
la Commission d'accès à l'information. Donc mon propos principal,
c'est dépasser l'approche individualiste et aller vers une approche
institutionnelle qui soit la manière la plus efficace possible de
garantir les droits que l'on veut accorder au citoyen.
D'un autre côté et sur la demande d'ailleurs de membres de
la commission, j'ai ajouté ce qui pourrait être qualifié
d'étude de cas, de recherche-action, les relations épistolaires
que j'ai eues avec Équifax, le centre de traitements Desjardins de
cartes, ainsi que les acteurs gouvernementaux, comme le ministère des
Communications et la Commission d'accès à l'information sur une
question touchant, finalement, le crédit et l'utilisation, la cession et
la divulgation de renseignements personnels lorsqu'on veut faire une demande de
crédit.
Voilà donc, les principaux traits de mon mémoire et je
m'arrêterai ici pour vous laisser le temps de poser des questions,
d'intervenir à loisir.
Le Président (M. Forget): Alors, j'inviterais M. le
ministre à échanger avec notre invité.
M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Bayle, bonsoir. Je
vous souhaite la bienvenue. Je suis bien content de vous retrouver ici, ce
soir, avec nous.
Vous en arrivez à recommander dans votre mémoire, que dans
l'éventualité où le principe d'une intervention
législative en matière de protection de la vie privée eu
égard aux banques privées de données personnelles serait
retenu, il faudrait privilégier une approche institutionnelle, organisme
de régulation surveillant les pratiques et sanctionnant, bien sûr,
les droits individuels au lieu d'avoir affaire aux tribunaux. Si j'ai bien
compris, dans l'ensemble, vous estimez que c'est le droit d'accès de la
personne concernée à son dossier qui est le problème le
plus grave au moment où nous nous parlons. Est-ce que vous croyez qu'une
législation et un organisme de régulation soient vraiment
nécessaires pour assurer l'exercice précisément de ce
droit?
M. Bayle: Oui, bien évidemment. Vous posez le droit
d'accès comme étant la composante la plus importante en
matière de droit à la protection de la vie privée et vous
faites bien de poser le problème comme ça, parce que le droit
à la protection de la vie privée, c'est un droit avant tout de
propriété. C'est un droit patrimonial. Or, à partir du
moment où on ne reconnaît pas à un individu, le droit de
propriété qu'il a sur les données qui le concernent, on ne
peut pas discuter des autres droits à la protection de la vie
privée qui sont le droit à la rectification, qui sont le droit
à l'opposition, qui sont le droit à l'oubli, qui sont le droit de
contestation. Et tous ces droits-là sont subséquents au droit
d'accès qui, finalement, est la première manifestation d'une
reconnaissance d'un droit de propriété sur les données
concernant chaque individu.
Maintenant, pour revenir au volet principal de votre question, à
savoir est-ce qu'une institu-
tion de régulation est vraiment nécessaire pour assurer ce
droit à la protection de la vie privée, s'agissant des relations
entre les individus privés, je dirais: Oui, cette institution-là
est vraiment nécessaire, car l'expérience montre que si une telle
institution de régulation, qui n'est pas forcément
centralisée, lorsque je parle d'institution de régulation,
ça peut être une institution de régulation style organisme
autonome central comme la Commission d'accès qui administrerait une
loi-cadre ou des principes généraux, mais ce peut être
aussi des tables sectorielles qui mettraient en vigueur et énonceraient
des directives dans chacun des secteurs particuliers d'activité de la
société.
Mais, dans tous les cas, il faut qu'il y ait régulation et que
cette régulation ne soit pas celle du pouvoir judiciaire. Car, si tel
est le cas, et c'est le problème général dans les
démocraties occidentales, celui de l'accès à la justice,
le citoyen, j'allais dire de base, mais le citoyen, le quidam, comme vous et
moi, ou enfin pas spécialement comme vous et moi, le citoyen de tous les
jours donc, ou la citoyenne de tous les jours, la plupart du temps ne
connaît pas ses droits. Lorsqu'il les connaît, pour les faire
valoir à la manière que vous semblez privilégier ou sur la
manière sur laquelle vous semblez m'inter-roger, c'est-à-dire par
l'entremise du pouvoir judiciaire, cette procédure-là est
extrêmement coûteuse. Et je voudrais référer par
exemple, moi, au cas type avec Équifax ou Centre Desjardins de
traitement, ainsi que, vous l'avez vu au travers des documents, si je veux
véritablement faire valoir mes droits à la protection de la vie
privée, le seul recours qui me reste c'est de saisir la Cour
provinciale. Et ça va me coûter combien? C'est pour ça
qu'il me semblerait beaucoup plus efficace, pour que mon droit à la
protection de la vie privée soit garanti, qu'il y ait une institution de
régulation qui édicté des normes, prévoit des
directives, tout ceci étant fait d'ailleurs en concertation avec les
acteurs privés et les groupes d'intérêts
économiques. Il y aurait donc un meilleur respect de la protection de la
vie privée des citoyens et des citoyennes.
M. Cannon: Je suis tenté de vous demander ce que vous
pensez de l'institution du commissaire qu'on retrouve à Ottawa, en
termes d'efficacité et d'efficience, pour précisément
rencontrer les objectifs dont vous m'avez parlé là.
M. Bayle: Je suppose que vous faites référence
à la distinction en termes d'institution de régulation, entre le
type ombudsman, qu'il soit collectif ou individuel comme au Canada et le type
institution de type quasi judiciaire, de type tribunal, comme la Commission
d'accès à l'information.
M. Cannon: Bien au fait, si vous êtes parti, j'aimerais les
comparaisons.
M. Bayle: Bon, alors si vous... En termes d'efficacité,
moi, je ne me battrais pas, pour que la Commission d'accès à
l'information soit investie du mandat de réguler une éventuelle
loi sur la protection de la vie privée dans le secteur privé. Ce
pourrait être tout à fait confié à un ombudsman, du
type canadien, commission à la protection des renseignements personnels
dans le secteur privé. Là on parle en termes de principe et
d'efficacité. Il me semble que l'efficacité serait... Il y a des
pour et des contre. Ce serait, à toutes fins pratiques, égal. Par
contre, on ne peut pas faire fi de l'expérience
québécoise.
Or, l'expérience que nous avons ici c'est quand même
bientôt, bon gré mal gré, presque sept ans de protection de
la vie privée dans le secteur public, avec une institution de
régulation qui, somme toute, fonctionne très bien, et, pour
consulter régulièrement les colloques à l'étranger,
qui fait l'envie et l'admiration régulièrement, lors des
conférences annuelles des commissaires à la protection des
données.
Donc, je dis, pourquoi ne pas profiter de l'expérience de la
Commission d'accès à l'information, et simplement élargir
son mandat. À toutes fins pratiques, il y a un autre pays dont
l'expérience pourrait nous être profitable, c'est la France. La
Commission nationale informatique et liberté, qui est une institution de
régulation, du type tribunal, quasi judiciaire, avec à peu
près les mêmes prérogatives de contrôle, de
régulation, de surveillance et d'adjudication que la Commission
d'accès à l'information au Québec, cette institution de
régulation-ci, a vocation à réguler le secteur
privé. Et cela se passe très bien. Donc, je ne vois pas pourquoi
on envisagerait confier la régulation, la protection, la vie
privée dans le secteur privé à un autre organisme, alors
qu'il en existe déjà un qui fonctionne très bien. (21 h
15)
Ceci dit, je ne sais pas si vous avez déjà pris
connaissance, mais, oui, vous avez déjà pris connaissance du
mémoire de la Commission d'accès à l'information, elle se
propose donc comme institution de régulation spécialisée,
mais elle n'écarte pas le recours aux tables sectorielles, qui est une
manière décentralisée de réguler et une
manière, à mon avis, qui sera d'autant plus efficace qu'elle fait
appel à la collaboration des groupes constitués dans le secteur
privé.
M. Cannon: Merci. Peut-être une toute dernière
question avant de céder la parole à mon collègue de
Pointe-aux-Trembles. Est-ce que vous pensez qu'une éventuelle
législation devrait s'appliquer globalement à toute espèce
d'organisme privé détenant des renseignements personnels, ou
particulièrement à des organismes à caractère ou
d'ordre économique ou financier?
M. Bayle: C'est toujours - comment dire - le fantôme de M.
Morin. C'est l'étapisme.
C'est le salami tactique. Le saucissonnage. Quant à retenir
l'hypothèse d'une intervention dans le secteur privé et
d'introduire des principes de protection des renseignements personnels,
pourquoi limiter l'intervention à des secteurs jugés
prioritaires? S'il y a vraiment nécessité de protéger la
vie privée dans le secteur privé, pourquoi excepterait-on
certains secteurs? Pourquoi? Pourquoi distinguerait-on certains secteurs
d'autres? Si on introduit le principe de protection de la vie privée
dans le secteur privé, le secteur privé, c'est un tout. On ne va
pas commencer à distinguer le secteur bancaire, le secteur du
crédit, le secteur de la santé ou tel ou tel autre secteur. Il me
semble que tous les secteurs ont vocation à être des menaces
à la vie privée des citoyens et des citoyennes. Le réflexe
que pourrait avoir le Parlement ou le gouvernement de procéder par
secteurs prioritaires, à mon avis, il est essentiellement dicté
par les pressions qu'il pourrait subir ou plutôt par le flot des
recommandations visant prioritairement à assujettir le secteur des
activités bancaires à des principes de protection des
renseignements personnels. Mais il me semble que ce ne sera pas l'objectif du
gouvernement ni même du Parlement. L'objectif, s'il est retenu, ce sera
d'introduire des principes de protection de la vie privée dans le
secteur privé, et le secteur privé c'est le secteur privé,
ce n'est pas le secteur bancaire ou le secteur de la consommation ou le secteur
de la santé. Le secteur privé, c'est tout ce qui n'est pas encore
assujetti.
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. Alors,
j'invite le député de Pointe-aux-Trembles à
échanger avec notre invité.
M. Bourdon: Alors, je voudrais, d'abord, vous dire mon accord
avec votre crainte quant à l'action prioritaire, parce que lorsqu'on a
formé, par la loi, il y a 14 ans, des comités paritaires de
santé et sécurité, on a d'abord défini des secteurs
prioritaires qui touchaient, il y a 14 ans, 20 % des travailleuses et des
travailleurs et on est toujours à 20 %. Alors, ce qui est défini
comme non prioritaire, moi, je le définirais comme résistant au
changement, et on leur a assuré 14 années de quiétude et
je partage votre inquiétude à cet égard-là. C'est
que je suis un tenant de la concertation pour aboutir à de l'action.
Mais ce qui est sous-jacent au débat, qu'on tient à cette
commission-ci, c'est qu'il y a des intérêts puissants qui
s'objectent légitimement à ce que l'État intervienne en
matière de protection de la vie privée dans le secteur
privé. Ce que je veux dire, c'est que c'est fort légitime qu'ils
le fassent. Je ne crois pas qu'il y ait l'objet d'un complot.
On vit dans une société où il est légitime
que l'Association des banquiers, Équifax, les sociétés
d'assurance, les sociétés de crédit s'opposent à
une législation et, dans le fond, ce que je retiens de votre
témoignage, c'est que vous dites: Si on étendait la protection de
la vie privée au secteur privé, parce que ça existe
déjà dans le secteur public, et ça fait comme une
situation où il y a une asymétrie des droits des citoyens selon
que le renseignement est détenu par le gouvernement ou par d'autres
acteurs de l'économie. Ça n'empêcherait pas de laisser
à la commission des tables de concertation, pour que la
réglementation à venir tienne compte des réalités
de chaque secteur. Mais le principe, je veux savoir si je vous comprends bien,
le principe directeur de protéger la vie privée, il ne serait
pas, lui, sectoriel. C'est l'application des grands principes de la loi, qui
ferait l'objet d'une concertation pour que ce soit le plus pratique possible,
pratique au sens que ça puisse vraiment s'appliquer secteur par secteur,
en tenant compte des particularités de chaque secteur. Est-ce que je
vous comprends bien?
M. Bayle: Oui, vous m'avez bien compris et vous m'avez bien
résumé. Effectivement, s'il y a un droit à la protection
de la vie privée qui est reconnu au citoyen, ce droit-là ne doit
pas s'arrêter à chaque fois que je quitte la colline parlementaire
et que j'entre à Place Québec faire du magasinage. Ce droit
à la protection de la vie privée, c'est un droit qui m'est
reconnu au sein d'une société démocratique et cette
société démocratique-là, elle couvre l'ensemble du
territoire.
M. Bourdon: Maintenant, que répondez-vous à ceux
qui disent que l'autoréglementation actuelle, parce qu'il y a des
efforts de certains secteurs, que ça, c'est suffisant, et que
l'État n'a pas à intervenir parce que le citoyen qui a à
se plaindre de, disons, telle banque, n'a qu'à adresser une plainte
à la banque?
M. Bayle: Ça, c'est une question que j'aurais voulu
éviter, parce que c'est une question qui réfère finalement
à la légitimité de l'intervention étatique, en
matière de relations entre les citoyens, en matière de relations
entre les individus. Si on a une position sociale-démocrate, on va dire:
II faut que l'État intervienne pour, finalement, régler les
relations entre les citoyens. Si on est plutôt du type libéral ou
néo-libéral, la position est plutôt opposée. Elle
consiste à dire: Laissons les individus se débrouiller entre eux,
et l'État n'a pas à intervenir en matière de relations
interindividuelles privées.
Sur cette question, moi, je dis que les enjeux qui sont soulevés,
finalement, par notre société et par ses caractéristiques,
qui sont celles d'une société de consommation, de consommation de
masse, une société, finalement, devenue de surveillance et aussi
devenue de
méfiance, puisqu'en matière de crédit, la
présomption d'innocence et de solvabilité du citoyen, à
toutes fins pratiques, est renversée. Vous êtes, à priori,
insolvable et coupable. Sinon, on ne mettrait pas en oeuvre toutes ces banques
de données sur les cotes de crédit des citoyens.
Donc, puisque ce problème-là revêt des dimensions
collectives très importantes, j'estime qu'à ce moment-là,
il devient légitime pour l'État d'intervenir et d'énoncer
au moins des principes. Et le fait que la mise en oeuvre de ces principes soit
opérationnalisée, au sein de tables de concertation sectorielles,
avec la participation des groupes d'intérêts privés
concernés, ce mécanisme-là assurera la
légitimité de l'intervention gouvernementale et la fera beaucoup
mieux passer.
Maintenant, quant on fait référence à
l'autoréglementation du secteur privé, je ne l'ai pas vu au
Québec. Et d'ailleurs, la commission de la culture, en 1988, à
l'occasion de la première révision quinquennale de la loi sur
l'accès ne l'a pas vu non plus. Je me rappelle très bien... Non,
je n'en ferai pas mention. Il suffit de se reporter au rapport de la commission
de la culture, la vie privée, un droit sacré et aussi de voir le
rapport du groupe de travail interministériel. Son rapport final,
c'était vie privée, zone axée restreinte. Saviez-vous que
le titre initial de ce rapport était "Pour la reconquête de
l'intimité"? Si on dit: Pour la reconquête de l'intimité,
c'est donc qu'elle était perdue! Si elle était perdue, c'est que
l'autoréglementation ne fonctionnait pas vraiment bien.
M. Bourdon: Je vous ferais observer à cet
égard-là que... je vais être bien clair, ma position c'est
qu'il devrait y avoir des tables de concertation après une
législation, et ce que je sens venir c'est qu'il risque d'y avoir des
tables de concertation, pour retarder de quelques années l'adoption
d'une législation. Parce que si on regarde ça un peu en face,
ça fait bientôt 10 ans et on est la deuxième commission
parlementaire à se pencher sur le problème. Et, la
législation pour ce qui est du secteur public date maintenant de neuf
ans et il y a toujours cette asymétrie de droits. Moi, je pense que la
concertation, j'en suis, ne met pas à la place de l'action.
Maintenant, pour ce qui est de la Commission d'accès à
l'information, est-ce que vous trouvez que ça a du bon sens que certains
proposent que la commission voit son rôle étendu au secteur
privé, pour appliquer une loi qui s'applique au secteur privé et
que l'adjudication lui soit enlevée pour être confiée, par
exemple, au tribunal des droits de la personne parce que, dit-on, la
conciliation, l'éducation, l'information, la concertation, que cette
commission devrait continuer à faire dans un mandat élargi, il
peut y avoir un problème à avoir un double mandat de faire tout
ça et de faire des plaintes et là, de siéger comme
tribunal pour entendre les plaintes? Est-ce que vous pensez que c'est
défendable, cette façon-là de voir les choses?
M. Bayle: Afin de répondre directement à votre
question, je voudrais rappeler que le thème de la protection de la vie
privée dans le secteur privé ça a 25 ans et non pas 10
ans. Ça a bien 25 ans. C'est la première citation, en page 1, de
mon mémoire, réitérée combien de fois par la suite,
d'où le voeu pieux et l'intention louable.
Maintenant, en ce qui concerne la régulation proprement dite si
une loi-cadre de la protection de la vie privée dans le secteur
privé était adoptée, faut-il la confier au tribunal des
droits de la personne, plutôt qu'à la Commission d'accès
à l'information? Sur cette question, je n'ai pas de réponse ce
soir. J'attendrais de voir le projet de loi, si jamais il y en a un.
J'attendrais de le voir. Parce que cela dépendra de l'étendue des
droits confiés. Cela dépendra de l'étendue des recours,
aussi, qui sont octroyés aux citoyens et les conditions de
recevabilité de ces recours.
A priori, je ne vois pas ce qui justifierait le désaisissement de
la Commission d'accès à l'information de toute la matière
concernant l'adjudication. Je ne vois pas, a priori, ce qui pourrait justifier
ceci. (21 h 30)
M. Bourdon: Mais sous un autre aspect, on en parlait avec les
intervenants d'avant, vous ne trouvez pas révélateur d'une
tendance qu'on s'apprête à dépenser 53 millions pour
installer, aux frais des contribuables, un contrôle des
hypothèques mobilières qui s'ajouteraient aux hypothèques
immobilières, et que plusieurs organismes viennent plaider devant cette
commission que l'État ne doit pas intervenir pour protéger la vie
privée parce que ça coûterait de l'argent et que les temps
sont difficiles? Ce que j'entends par là, c'est que les
hypothèques mobilières vont donner accès à ce que
possèdent les gens dans leur domicile familial. Et c'est un pas de plus
vers l'intrusion dans l'intimité des gens, sans compter que
l'État va encourager les pratiques usuraires, parce qu'il y a des
thèmes dont il faut se rappeler. Il y a déjà eu des lois
réglementant les taux d'intérêt et il n'y en a plus. Et
là, on dit qu'on pourra hypothéquer n'importe quoi, n'importe
qu'elle valeur mobilière, et que l'État va prendre de nos
impôts pour investir 53 millions pour faciliter cette "mercan-tilisation"
- je ne sais pas si le terme est dans le dictionnaire - à l'excès
de la vie publique des gens. Et, je suppose qu'on trouvera 1 000 000 $ ou 2 000
000 $ pour parler des dangers de l'endettement après. Je vois
très bien dans quel sens ça va. Je vous dirais franchement et je
vous pose la question.
Vous dites avec raison que ça fait 25 ans que ça se
débat. Mais sur les moyens de contrôle des personnes, on est rendu
aux hypothèques
mobilières, on pourra hypothéquer son microonde. Ça
s'en vient, ça ne tardera pas, ça s'en va par là. Mais la
protection de la vie privée, je crains bien qu'on fasse des tables de
concertation et qu'on se dise que c'est trop coûteux. Êtes-vous
aussi pessimiste que moi quant à l'issue de cette question-là
dans le contexte actuel?
M. Bayle: Sur la problématique de l'hypothèque
mobilière, il y a effectivement un lien avec la vie privée, mais
le lien est trop diffus et trop ténu pour qu'il puisse être
évoqué, ici, ce soir. J'ai envie de vous référer
sur cette question à mon mémoire de D.E.A. sur les limites de la
protection de la vie privée dans un contexte de providence
étatique. C'est toute une relation entre l'état-providence et le
citoyen-bénéficiaire. Il y a toute un dynamique spéciale
qui s'instaure.
Pour revenir à une question beaucoup plus en relation avec le
thème de la consultation d'aujourd'hui, à savoir le coût
d'une législation sur la protection de la vie privée dans le
secteur privé, je ne vois pas quel coût exorbitant le gouvernement
aurait à assumer pour élaborer et mettre en oeuvre une telle loi.
Par contre, il y aura des coûts, pour que la protection de la vie
privée soit assurée dans le secteur privé. Ces coûts
vont être supportés directement par les groupes du secteur
privé, qui vont avoir à prendre en compte dans leur
système d'information ces principes de protection: garantir un droit
d'accès, garantir un droit de contestation, un droit de rectification...
cela va coûter de l'argent. Mais de toute façon, indirectement et
en bout de ligne, ce sont les citoyens et les citoyennes qui vont payer ces
coûts de manière indirecte. Cela me semble tout à fait
normal, que ce soient eux qui paient ces coûts puisqu'en échange,
ils ont un droit. Il me semble que le droit à la protection de la vie
prjvée vaut bien quelques dollars par an.
Le Président (M. Forget): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Cannon: M. le professeur, pensez-vous qu'on doit aborder la
question de la protection des renseignements personnels de la même
façon que nous le faisons dans le secteur public? C'est-à-dire,
entre le public et le privé, est-ce qu'il y a une distinction à
apporter entre les deux ou c'est la même chose?
M. Bayle: Votre question est trop vague. Est-ce que je pourrais
vous demander de la préciser ou de me donner...
M. Cannon: Vous connaissez, actuellement, très bien la
façon dont fonctionne la Commission d'accès à
l'information: enquête, adjudication, etc. Je vous demande si vous croyez
que dans le secteur privé, la protection des renseignements personnels
doit se faire d'abord de la même façon, doit être
circonscrite de la même façon, doit être exhaustive comme
ça l'est présentement dans le secteur public? Bref, comment
voyez-vous ça? Est-ce que c'est la même chose ou pas la même
chose?
M. Bayle: Pour moi, ce n'est pas la même chose, mais
ça peut être régulé de la même manière.
Et là, je fais référence toujours à l'exemple le
plus connu en matière de régulation du secteur privé et du
secteur public, avec la même loi. Je fais référence
à l'expérience française qui marche, qui a bientôt
plus de... Je vois que M. Lalonde hoche la tête. Enfin, du moins
lorsqu'en 1978, ils faisaient leur bilan décennal...
Une voix: Ça marche bien dans les livres.
M. Bayle: Ça marche bien dans les livres. Non mais,
ça marche quand même. Il n'y a pas de manière vraiment
drastiquement différente de traiter la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé ou dans le secteur public, du moins
à la manière française. Je ne vois pas pourquoi on
voudrait instaurer un traitement différentiel du secteur privé et
du secteur public. Qu'est-ce qui pourrait le justifier, si ce n'est, bien
évidemment, les protestations véhémentes du secteur
privé, si ce n'est, bien évidemment, la volonté de ne pas
mécontenter une partie de l'électorat. Je parle franchement
là. Mais en matière de...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Bayle: Si la volonté réelle est d'introduire des
principes de protection de la vie privée et de garantir des droits de
protection de la vie privée aux citoyens et aux citoyennes, il faut que
ces droits-là soient les mêmes que sur la colline parlementaire et
Place Québec, lorsque je magasine. Il n'y a, donc, pas lieu d'introduire
un traitement différentiel, sauf, peut-être, celui d'une
régulation faisant appel à la participation et tenant compte des
particularités spécifiques des secteurs d'activité
économique de la société. Et je fais toujours
référence à cette table de concertation sectorielle. Et
ceci dit, les grands principes, les principes de la loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels peuvent être transférés en bloc au secteur
privé. Cela prend un alinéa dans l'actuelle loi sur
l'accès.
M. Cannon: O.K. On a parlé des tables de concertation.
Est-ce que vous pensez qu'un tel forum devrait avoir comme objectif de faire le
consensus sur des normes minimales ou plutôt de voir comment certains
droits essentiels doivent se concrétiser dans les articles de la
loi?
M. Bayle: Consensus sur les normes minimales... Il ne faut pas
tenter de...
M. Cannon: Autrement dit, quel est le rôle que vous y voyez
à ce forum, à cette table de concertation?
M. Bayle: C'est un rôle d'opérationnalisa-tion, mais
certainement pas un rôle d'élaboration. Et là, je reviens
à la position du député de Pointe-aux-Trembles. Il ne faut
pas que ces tables de concertation soient préalables à
l'introduction des principes. Ces tables de concertations n'auront pour but
que, finalement, rédiger des manières très, très
précises, les modalités d'exercice des droits par les citoyens et
les citoyennes...
M. Cannon: Donc, de fait...
M. Bayle: ...mais certainement pas d'élaborer et de
circonscrire les limites de ces droits.
M. Cannon: Donc, de faire le consensus.
M. Bayle: Comment ça, de faire le consensus?
M. Cannon: Faire le consensus sur des normes qui, elles, seraient
minimales.
M. Bayle: Non.
M. Cannon: Vous me dites que ce n'est pas une table qui va
rédiger des lois.
M. Bayle: II n'y a pas...
M. Cannon: Vous dites que, préalablement à
ça, les principes sont connus et que voici des gens qui, dans tel
secteur, doivent s'associer à une démarche
d'opérationnalisation. C'est ça que vous me dites là.
C'est bien ça? J'ai bien saisi?
M. Bayle: Non, ce que je vous dis, c'est qu'il n'y a pas de
consensus à rechercher. Ne recherchons pas de consensus de la part des
acteurs privés. Il n'y en aura pas. Ou s'il y en a un, ce sera un
consensus en faveur d'une norme ultraminimale qui sera, somme toute, un droit
à la protection de la vie privée, au rabais, de loin
inférieur à celui que les citoyens et les citoyennes ont envers
l'État dans le secteur public.
M. Cannon: Savez-vous... une des raisons pour laquelle,
probablement, la loi d'accès à l'information fonctionne bien?
M. Bayle: Non.
M. Cannon: C'est que, essentiellement, il y a consensus. Il y a
des mécanismes d'arbitrage qui sont possibles. L'élaboration,
comme légis- lateur, depuis les dernières années et compte
tenu du fait aussi qu'il y ait eu une clause dans la loi qui fait qu'a tous les
cinq ans, on se reparle, c'est que précisément, on vérifie
l'évolution de notre société et on regarde pour trouver
des consensus. L'été dernier, lorsqu'il n'y avait pas consensus,
ma collègue, Mme Frulla-Hébert, avec le consentement et l'accord
de l'Opposition, a décidé de prendre des suggestions des
idées qui étaient, peut-être différentes,
peut-être contestées, et de les analyser. D'ailleurs, c'est la
raison pour laquelle vous avez une politique là, un projet de politique
sur la commercialisation. Alors, vous me dites que ces tables-là ne sont
pas dans un lieu de consensus, mais comment et quelle tâche auront-elles,
ces tables-là? Est-ce qu'elles doivent se substituer au rôle du
législateur? C'est quoi, la fonction?
M. Bayle: Leur fonction, c'en est une
d'opérationnalisation et non pas d'élaboration. Ceci dit, si vous
voulez absolument qu'il y ait un consensus... Ça se trouve, on ne
s'entend pas sur le terme consensus. Vous semblez lui donner une portée
que moi, je ne lui confère pas, c'est-à-dire par consensus,
accord de toutes les personnes participantes. Si c'est cela le sens que vous
donnez au terme consensus, il n'y a jamais consensus ou alors, s'il y a
consensus, il aboutit à donner à tout acteur un droit de veto et
un droit de veto, c'est quoi? C'est l'immobilisme, c'est l'évolution
bloquée. Il est bien évident que les acteurs du secteur
privé vont s'opposer à l'introduction de principes de protection
de la vie privée dans le secteur privé, car, pour eux, ce sont
des coûts à subir et bien plus. Dans certains cas, prenons, par
exemple, le cas des banques de données sur les citoyens des courtiers
d'Information, si on reconnaît aux citoyens et aux citoyennes un droit
à la protection de la vie privée avec la manifestation
première qui est celle d'un droit de propriété, cela veut
dire que les agents d'informations ne pourront commercialiser les
données concernant les citoyens et les citoyennes qu'avec le
consentement exprès de ces mêmes personnes. Comment voulez-vous
espérer trouver et obtenir un consensus sur ce point? Il n'y en aura
pas. Moi, en tant que citoyen, j'estime que je suis propriétaire des
données me concernant et j'estime que si un agent d'information veut en
faire commerce, il doit me demander mon autorisation. J'estime avoir le droit
de ne pas être fiché sans mon consentement. D'un autre
côté, l'agent d'information va plaider la thèse contraire,
l'intérêt sérieux et légitime qu'il y a pour la
société de connaître les informations concernant mon
crédit. Il ne peut pas y avoir de consensus sur cette question. Il peut
y avoir des oppositions radicales.
M. Cannon: Ça, je partage votre opinion là-dessus.
Je ne dis pas que vous n'avez pas raison.
Au fait, vous dites: À la fois, dans le secteur privé, les
propriétaires ou, enfin, les marchés financiers, les
marchés bancaires s'opposeront fort probablement à un tel
consensus et, dans la même veine, vous expliquez que vous aussi vous
êtes à l'opposition d'une position ou, enfin, d'un principe qui
serait défendu dans ce sens-là. Ce que nous recherchons, ce n'est
pas la rédaction comme telle. Mon entendement sur une table de
concertation, c'est précisément de la concertation. D'abord, afin
de déposer la problématique à une seule table, de
s'assurer que tout le monde comprend le vocabulaire qui est employé, de
bien saisir la portée de ces choses-là, consensus, oui, on doit
tendre vers le consensus, que cela soit possible ou non. Il m'apparaît
comme étant un objectif, pas un objectif qui serait contraignant mais
probablement un objectif vers lequel on doit tendre. Pour ce qui est des
principes de la loi, qu'il s'agisse des articles qui sont contenus dans le code
ou le projet de loi qui sera déposé dans lequel,
définitivement, il y aura espace pour recours et consentement... recours
et sanction, pardon, de trouver la forme avec laquelle on va fonctionner, la
manière dont on va avancer.
Ce que je voulais vous entendre, c'est, d'abord, je repose ma question:
Est-ce que c'est nécessaire d'avoir des tables de concertation ou est-ce
que nous devrions trouver quelque part des gens qui se spécialisent dans
la réglementation, qui, périodiquement, vont soumettre à
l'Assemblée nationale, pour fins d'adoption, un certain nombre de
règlements et l'Assemblée nationale ira de l'avant? Ou est-ce que
nous allons tenter de trouver une autre façon, mais ce n'est pas
illimité les façons de trouver des gens qui sont désireux
de faire avancer ça?
D'abord, la première question. Table de concertation, est-ce
nécessaire, essentielle et utile? Si oui, comment
l'opérationaliser? Si non, quoi? (21 h 45)
M. Bayle: Les tables de concertation ne sont pas
nécessaires à la régulation. Mais elles sont utiles. En ce
sens-là, pour faire une redondance, elles ne sont pas indispensables.
Mais elles aideront l'institution de régulation à
élaborer, d'une manière concrète les normes, à
prévoir d'une manière concrète les modalités
d'exercice des droits et les modalités de recours des citoyens et des
citoyennes. Mais on peut très bien se passer des tables de
concertation.
M. Cannon: Ils ont cette propriété-là, par
contre, propriété que vous leur attribuez, qui ne peut pas,
probablement, être vue ou exercée par une autre façon de
faire.
M. Bayle: La meilleure manière de prendre en compte, pas
les intérêts, mais les spécificités de l'objet
social sur lequel on veut intervenir par une législation, c'est de le
faire parler, de lui donner l'occasion d'exposer ses problèmes ou les
difficultés incommensurables qu'il pourrait rencontrer dans
l'application des droits que l'on confère. Mais cela dit, on pourrait
très bien se passer de ces tables de concertation dans leur rôle
de mise à nu des problèmes appréhendés. Il me
semble qu'il y a suffisamment de personnel dans l'administration publique, qui
sont au fait de la situation, de même qu'il y a suffisamment de groupes
de consommateurs ou de groupes représentatifs des citoyens et des
citoyennes au fait de ces problèmes. Le gouvernement pourrait
très bien, sans table de concertation sectorielle, prévoir toutes
les modalités, opérationaliser tous les principes de protection
de la vie privée. Ceci dit, il est toujours plus habile et parfois plus
efficace de faire participer la société. Ne serait-ce que parce
que le corps social résiste toujours. On ne change pas la
société par décret, disait -comment s'appelle-t-il? Le
jour où il faut le citer, j'oublie son nom - Michel Crozier. On ne
change pas la société par décret. On ne va pas introduire,
du jour au lendemain, une protection de la vie privée dans le secteur
privé, en édictant simplement une loi. On obtiendra de meilleurs
résultats si l'opérationalisation concrète de ces droits
et de modalités de recours des citoyens et des obligations des acteurs
du secteur privé, sont discutées au sein de tables de
concertation. J'ai bien dit: De meilleurs résultats. Ce n'est pas
nécessaire, mais cela peut-être utile et rentable.
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Je vais vous dire ce qui me frappe depuis que la
commission siège. C'est qu'il n'y a pas de consensus, il n'y en aura
jamais. Il y a deux unanimités. Tous les organismes qui sont venus ici,
qui représentent des citoyennes et des citoyens, sont pour une loi et
tous ceux qui sont fichés veulent qu'on réglemente ceux qui les
fichent. Et ceux qui font des fiches sont unanimement contre. Alors, il n'y a
aucune base pour un consensus et une concertation. C'est pas comme quand le
Conseil du patronat du Québec rencontre les centrales syndicales pour
rechercher les moyens de relancer l'emploi. Les parties, à ce
moment-là, ont un intérêt commun. Même si elles ont
bien des divergences, elles ont un intérêt commun de relancer
l'emploi et donc l'activité économique. Et, je suis
entièrement d'accord avec vous là-dessus. Ma crainte c'est qu'on
dise: On va faire des tables de concertation jusqu'à temps que les
"ficheurs" et les "fichés" se mettent d'accord. Mais ils ne seront
jamais d'accord. Et, je partage entièrement votre opinion qu'on est
mieux de dire: On fait une loi qui édicté les principes, les
protections et les droits respectifs des parties, mais on donne à
l'organisme qui va s'occuper de la mise en vigueur le mandat de se
concerter avec les parties en cause. Et, je vous ferais remarquer que si on
fait des tables de concertation, ça se peut même que ceux qui
réclament d'être réglementé sur les fiches, qu'on
fasse sur eux, soient moins représentés que les autres.
Ça, c'est accessoire.
Mais qu'on en vienne à l'opérationalisation, je suis
entièrement d'accord avec vous parce que pour opérationaliser,
les entreprises qui font des fiches vont avoir un intérêt
évident à ce que l'opération soit relativement simple, peu
coûteuse, efficace, dans le cadre de la loi que les législateurs
ne peuvent pas confier aux intérêts particuliers. Ce que j'entends
par là, c'est que, on en a eu des exemples. La firme Équifax, par
exemple, qui a des dossiers sur quatre millions de personnes, dit: Voulez-vous
que je transmette à chacun et chacune la fiche que j'ai sur elle? Et,
moi j'avais tendance à me dire: Pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas
faire par l'institution financière qui la reçoit, la fiche?
Pourquoi on ne la transmet pas au client? Ce qui serait relativement plus
simple, puisque je reçois de la correspondance des institutions
financières. Donc, il suffirait, si on a une fiche me concernant, qu'on
me la donne, mais que la loi dise ce que j'ai le droit de faire si je
découvre que la fiche n'est pas exacte. C'est quoi mon droit de
correction? Et, dans ce sens-là, je suis entièrement d'accord
avec vous. Si on consulte sur l'opérationalisation les milieux hostiles
à une loi, je ferais remarquer au ministre qu'ils ont été
hostiles depuis 50 ans à toute loi qui restreignait leur pouvoir
d'entreprendre et c'est bien légitime. Ils veulent le moins de lois
possible pour restreindre leur pouvoir d'entreprendre. Il ne faut pas s'en
scandaliser. Ces mêmes milieux-là ont toujours pour attitude de
dire. Bon, bien, si vous le faites, essayez de le faire d'une façon
rationnelle qui ne nous cause pas trop de problèmes. Mais leur premier
choix c'est pas d'État et pas de réglementation. Alors, dans ce
sens-là, je suis entièrement d'accord avec vous. Si on demande
aux "ficheurs" et aux "fichés" de s'entendre, ça veut dire qu'on
s'en lave les mains parce que comme ils ne s'entendront jamais, nous on est
délié de notre responsabilité. On serait (a
deuxième commission parlementaire à avoir étudié
ça. Juste assez pour convaincre l'OCDE de ne pas nous boycotter quand
eux-même vont avoir avancé.
En tout cas. Je n'ai pas vraiment de question à vous poser. J'ai
un accord à vous donner. Vous avez raison. Si on consulte, ça
devrait être sur la mise en vigueur d'une loi dont les
législateurs auraient d'abord décidé de la
nécessité.
Le Président (M. Forget): C'est complété M.
le député? Alors, je vous remercie, M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Cannon: M. le Président. Je suis très heureux de
connaître le commentaire de mon collègue de Pointe-aux-Trembles
là-dessus, sur les tables de concertation. Il est évident que je
ne veux pas faire de la petite politique ici, ce soir, ce n'est pas la place,
et ce sont des choses que, je pense, au début, mon collègue et
moi on s'abstient de faire parce que c'est une question trop importante que
celle-là. Je ne veux pas non plus présumer que les tables de
concertation, telles que définies et défendues par la CSN dans
leur mémoire, sont des endroits où ces gens-là vont se
substituer au rôle des législateurs. Notre fonction ici,
justement, c'est de trouver une législation qui, elle, soit la plus
précise possible et puisse s'appliquer le plus largement possible tout
en donnant aux citoyens tous les droits dont ils peuvent, dans notre
société, avoir besoin.
Et pour ce qui est de la nécessité
d'opéra-tionalisation - j'ai de la misère, ce soir, avec ce
mot-là - je pense que là aussi, il y a un consensus entre mon
collègue et moi, sauf que je ne voudrais pas, là, qu'il pense
que... Les tables de concertation, c'est une place où le travail que
nous devons faire comme législateur sera exécuté.
La nature du questionnement, c'était de savoir les avantages et
les inconvénients. Je pense que c'est assez clair. Ça m'a permis,
non seulement de préciser votre pensée, mais surtout de
préciser la pensée de mon collègue, là-dessus, et
je le remercie. C'était assez vague mais là, je le sais. Et, ma
foi, je n'ai pas d'autres questions à vous poser sauf que de vous
remercier d'avoir bien voulu participer à notre scéance de
consultation et je suis convaincu qu'on aura l'opportunité de se revoir.
Merci.
Le Président (M. Forget): Merci bien de vos commentaires.
Je vous remercie, M. Alain Bayle, de nous avoir présenté votre
mémoire. Alors, j'ajourne les travaux de la commission à demain,
le mercredi 20 novembre 1991, à 10 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 57)