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sur les attentes des clients.
Tout d'abord, nous sommes d'avis qu'une réglementation
gouvernementale n'améliorerait pas, ou que très peu, le
degré de protection des renseignements personnels au sein des
entreprises du secteur privé, qu'elles soient réglementées
par le provincial ou le fédéral. Nous croyons que, de
façon générale, ces entreprises assurent
déjà une excellente protection des renseignements personnels.
Cette opinion est, d'ailleurs, partagée par la Régie des
télécommunications dans son avis au ministère des
Communications publié en mai 1991, ainsi que par plusieurs associations
dont, notamment, le Conseil du patronat du Québec. De leur
côté, les banques sont particulièrement conscientes de leur
devoir et traitent avec une extrême prudence les renseignements qu'elles
possèdent sur leurs clients. D'ailleurs, aucune lacune grave n'a encore
été portée à notre attention par notre
clientèle. Il nous apparaît tout à fait normal que les
entreprises privées accordent une attention particulière à
la protection des renseignements personnels, car le marché impose ses
propres mesures disciplinaires à celles qui ne le font pas.
Nous sommes d'avis que la discipline imposée par le marché
a en dernière analyse beaucoup plus d'influence sur le comportement des
entreprises que les sanctions gouvernementales. En effet, si une entreprise
n'adopte pas des méthodes sûres de traitement de l'information,
elle risque tout simplement de perdre sa clientèle. Cette simple crainte
favorise certainement davantage l'adoption de méthodes efficaces de
traitement de l'information que la possibilité de sanctions
gouvernementales.
Ce que nous reprochons au rapport du comité
interministériel, c'est de prendre pour acquis, au départ, qu'une
législation générale s'impose pour tout le secteur
privé sans aucune distinction. Tout d'abord, cette hypothèse ne
semble aucunement appuyée sur les faits puisque, dans le secteur
bancaire comme dans celui des télécommunications, le taux de
plaintes de la clientèle en matière de protection de la vie
privée est très faible. Par ailleurs, elle ne tient pas compte de
la distinction qui devrait être faite entre les diverses
catégories d'entreprises, ainsi qu'entre les divers secteurs
d'activités où la confidentialité dort être
protégée.
Notre deuxième préoccupation concerne les coûts de
mise en place du système de contrôle proposé dans le
secteur privé. Toute proposition gouvernementale visant à
instaurer et à maintenir un cadre réglementaire rigide de
surveillance des méthodes de traitement de l'information des
entreprises, qu'elles soient réglementées par le
fédéral ou le provincial, risque d'entraîner des
coûts considérables de personnel et de matériel tant pour
les entreprises que pour le gouvernement.
Si le gouvernement veut superviser et contrôler les
méthodes de traitement de l'infor- mation utilisées par
l'ensemble des entreprises, il devra mettre sur pied un organisme d'une ampleur
considérable dont le fonctionnement risque d'être
extrêmement lourd, inefficace et coûteux pour l'ensemble de la
population. Par ailleurs, les entreprises réglementées devront,
selon toute vraisemblance, assumer elles aussi des coûts importants pour
se conformer à cette réglementation et s'adapter à des
exigences qui ne correspondront pas nécessairement à leurs
méthodes de fonctionnement. En bout de ligne, ce sont les consommateurs
qu'on cherche a protéger qui devront assumer ces coûts. De plus,
un tel système, à cause de sa lourdeur, risque d'entraîner
des retards considérables dans le traitement des dossiers des clients.
Inutile d'ajouter que ceux-ci seront sans doute les premiers à se
plaindre de ces retards.
Notre troisième motif d'opposition à une
législation concerne l'aspect technologique. La réglementation
gouvernementale risque, en effet, d'entraver la mise au point de nouvelles
technologies et de méthodes de traitement de l'information. Si une telle
réglementation était imposée aux entreprises, elle
comporterait inévitablement l'établissement de règles
rigides et d'Interdictions s'appliquant aux méthodes de traitement de
l'information. Cet encadrement réglementaire risquerait de freiner les
innovations dans ce domaine. Par conséquent, la réglementation
gouvernementale aurait des répercussions économiques qui se
manifesteraient sous la forme d'un obstacle au perfectionnement technologique
et d'une baisse de la compétitivité des entreprises.
Une quatrième raison de notre opposition aux recommandations du
comité interministériel découle de l'existence d'une
jurisprudence claire dans le secteur bancaire, telle que
démontrée dans les commentaires contenus dans notre
mémoire sur l'affaire Tournier, laquelle remonte à 1924. La
responsabilité des banques à l'égard de la protection des
renseignements personnels des clients a été clairement
circonscrite par la jurisprudence. La responsabilité des banques en
matière de confidentialité établie au terme de la "common
law" est très stricte et n'admet que les quatre exceptions
mentionnées dans notre mémoire, lequelles ont d'ailleurs
reçu une interprétation restrictive.
Les tribunaux accordent une grande importance au devoir de
confidentialité des banques et c'est une des principales raisons
justifiant le fait que celles-ci traitent depuis déjà longtemps
avec une extrême prudence les renseignements qu'elles possèdent
sur leurs clients. Compte tenu d'une jurisprudence claire, nous sommes donc
d'avis qu'il serait tout à fait superflu de légiférer en
matière de protection des renseignements personnels dans le secteur
bancaire puisque les tribunaux ont défini depuis longtemps la nature de
la responsabilité des banques dans ce domaine.
Comme nous l'avons exposé dans notre
mémoire, l'autoréglementation nous apparaît de loin
préférable à une législation rigide en
matière de protection des renseignements personnels. C'est, d'ailleurs,
l'option qu'a choisie le gouvernement fédéral après avoir
considéré, il y a quelques années, la possibilité
de légiférer pour assujettir les entreprises sous sa juridiction
à des règles plus strictes. C'est aussi la position que semble
privilégier la Régie des télécommunications du
Québec dans son avis récent au ministre des Communications.
Enfin, plusieurs organismes, comme le Conseil du patronat du Québec, se
rangent du côté de l'autoréglementation qui apparaît
une méthode beaucoup plus simple, plus efficace, plus motivante pour les
entreprises et moins coûteuse de protéger la vie privée des
citoyens.
Comme nous avons tenté de le faire ressortir dans notre
mémoire, nous croyons, par ailleurs, que les mesures législatives
déjà mises en place par le gouvernement du Québec, ainsi
que les nouvelles dispositions proposées dans le cadre de la
réforme du Code civil du Québec sont amplement suffisantes pour
assurer une protection adéquate des renseignements détenus par le
secteur public et le secteur privé sur les citoyens.
Par ailleurs, en ce qui concerne le secteur financier, le rapport du
comité interministériel ne tient pas compte du fait que la
réforme des institutions financières a amené les
gouvernements fédéral et québécois à se
doter de nouveaux pouvoirs adaptés à chaque catégorie
d'institutions financières relativement à la protection des
renseignements personnels détenus sur les clients, ce qui rend tout
à fait inutile l'introduction d'une loi à caractère
général visant l'ensemble du secteur financier. Dans le secteur
financier, une législation à caractère
général risquerait, au contraire, de provoquer des
dédoublements improductifs de réglementation et d'entraîner
de graves problèmes d'harmonisation entre les diverses
législations fédérales et provinciales, puisqu'elle
entrerait inévitablement en conflit avec les nouvelles règles
introduites dans le cadre de la réforme des institutions
financières fédérales et québécoises.
Un autre des motifs de notre opposition aux recommandations du rapport
du comité interministériel réside dans le fait qu'on y
prétend que le cadre législatif proposé s'inspirerait des
lignes directrices de l'OCDE, alors que les diverses recommandations vont bien
au-delà de ce que proposent les lignes directrices. La plupart des
recommandations du rapport témoignent, en fait, d'une incapacité
de concilier le respect de la vie privée et la libre circulation de
l'information, un principe pourtant essentiel qui ressort très souvent
des lignes directrices de l'OCDE. Selon nous, le rapport semble omettre le fait
que ces lignes directrices, tout en affirmant clairement la
nécessité de protéger la vie privée des citoyens,
soulignent en même temps l'impor- tance de ne pas entraver de
façon injustifiée la circulation des données personnelles.
Nous estimons, pour notre part, que la mise en oeuvre des recommandations du
rapport freinerait considérablement la libre circulation de
l'information, l'application efficace de la technologie dans l'industrie et la
compétitivité des entreprises sur le marché mondial. En
élargissant exagérément la portée des lignes
directrices de l'OCDE, la législation proposée risque donc de
nuire aux entreprises et de les désavantager par rapport à leurs
concurrents des autres provinces et des autres pays.
Enfin, en dernier lieu, il nous apparaîtrait très difficile
de ne pas souligner au passage notre position à l'égard de
l'aspect constitutionnel de ce dossier. Il est de notoriété
publique que la Loi constitutionnelle de 1867 donne au Parlement du Canada
juridiction exclusive sur les banques. C'est pourquoi notre association estime
que toute tentative d'un gouvernement provincial de légiférer en
matière de protection des renseignements personnels risquerait fort
d'être jugée insconstitutionnelle à l'égard des
banques. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement
fédéral occupe déjà ce champ à
l'égard du secteur public. Quant au secteur financier, les divers
projets de loi déposés récemment dans le cadre de la
réforme des institutions financières à charte
fédérale contiennent tous une disposition qui permettra au
gouvernement fédéral de réglementer, s'il l'estime
nécessaire, l'utilisation de renseignements obtenus sur les clients, ce
qui démontre bien l'intention du gouvernement d'occuper pleinement ce
champ à l'égard des institutions financières sous sa
juridiction. En conséquence, nous croyons que, si le gouvernement du
Québec décide d'aller de l'avant avec son projet de
législation, cette législation ne pourrait s'appliquer au secteur
bancaire.
Nous aimerions maintenant élaborer davantage sur les mesures
prises par l'industrie bancaire en matière d'autoréglementation.
Tel que mentionné dans notre mémoire, en vue de renforcer
l'obligation de confidentialité imposée aux banques par la
jurisprudence et d'appuyer l'engagement du gouvernement fédéral
de rehausser les standards de protection de la vie privée, l'industrie
bancaire a adopté un modèle de code de confidentialité qui
reprend les principes énoncés dans les lignes directrices de
l'OCDE en matière de protection de la vie privée et de
transmission outre-frontières de renseignements personnels.
Notre code actuel est le fruit d'un long travail et a été
élaboré en étroite collaboration avec les autorités
gouvernementales fédérales dont, notamment, le ministère
de la Justice et la Commission canadienne des droits de la personne, ainsi
qu'en consultation avec plusieurs associations de consommateurs. Notre
modèle de code reprend tous les grands principes des lignes
directrices de l'OCDE. Il porte, notamment, sur l'obtention des
renseignements, la teneur de l'information, les objectifs visés par la
cueillette de l'information, l'usage des renseignements, la
sécurité, les prérogatives des clients, le traitement des
plaintes, la responsabilité de la confidentialité, etc. Les
banques à charte se sont toutes engagées soit à
incorporer, avant le 31 décembre 1991, dans leur procédure
interne, le modèle de code de confidentialité pour les
particuliers adopté collectivement, soit à mettre en place leur
propre code dans le même délai, à partir du modèle
développé par l'ensemble des banques. Notre modèle de code
constitue donc un minimum acceptable, mais rien n'empêcherait, par
exemple, une banque d'adopter un code plus détaillé.
Il est à noter, par ailleurs, que les banques possèdent
déjà depuis longtemps des procédures internes
détaillées relativement au traitement d'informations concernant
les clients. Compte tenu du fait que les banques dépendent
entièrement de la confiance que leur accorde la clientèle, chaque
employé est, par ailleurs, expressément requis, lors de son
embauche, de s'engager à respecter la plus stricte
confidentialité en ce qui concerne l'information sur le crédit,
les comptes et les affaires des clients de la banque. Notre modèle de
code ne fait en réalité que rehausser encore davantage les
standards de protection déjà contenus depuis plusieurs
années dans des procédures internes de chacune des banques.
Enfin, nous désirons attirer votre attention sur le fait que
toutes les banques ont également déjà mis en place des
mesures de sécurité en vue de protéger la vie
privée de leurs employés et d'assurer la confidentialité
des renseignements tes concernant. Malgré toutes ces mesures prises
individuellement par les banques à charte, notre association, soucieuse
de son engagement à respecter pleinement les lignes directrices de
l'OCDE, entreprendra sous peu l'élaboration de deux autres
modèles de code: l'un applicable au personnel des banques et l'autre
applicable aux entreprises clientes.
En conclusion, notre association croit qu'il n'est pas nécessaire
pour l'instant de réglementer le secteur privé par le biais d'une
législation. Comme plusieurs autres associations, nous
préférerions de loin assister au développement de mesures
d'autoréglementation au sein des industries du secteur privé. Par
l'adoption d'un modèle de code, les banques canadiennes ont
récemment accompli d'importants progrès vers
l'autoréglementation, qui tiennent compte de la préoccupation du
public en matière de respect de la confidentialité, surtout en
cette époque d'automation rapide des services financiers. Nous sommes
donc d'avis qu'au lieu de s'orienter vers une législation globlale le
gouvernement devrait plutôt commencer par inciter toutes les entreprises
du secteur privé à adhérer aux lignes direc- trices de
l'OCDE et à élaborer des codes de conduite pour
s'autoréglementer. Selon nous, une législation dans ce domaine
serait pour l'instant prématurée et ne devrait être
envisagée que si I autoréglementation s'avérait un
échec.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de
présenter notre point de vue sur cette importante question. Si vous le
jugez à propos, nous serons heureux d'expliciter davantage notre code
auprès de cette commission ou auprès du gouvernement du
Québec.
Le Président (M. Camden): Alors, je cède maintenant
la parole au ministre des Communications afin qu'il vous formule des questions
quant à ses interrogations.
M. Cannon: Merci, M. Bisaillon et Me Ferron, d'être
là et bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci aussi pour
un document bien préparé. Au départ, je voudrais vous dire
que je pense que ne fait pas de doute, dans mon esprit, l'intention très
claire, déterminante également, des membres de votre association
de mettre en application votre code d'éthique. Ça m'apparait
évident non seulement pour vous, mais aussi pour la survie de votre
institution. Je pense que, ça, c'est important. (10 heures)
Vous dites, M. Bisaillon, que vous privilégiez une approche
auto-réglementaire, sans cadre judirique, à l'exemple du code
d'éthique dont vous vous êtes doté depuis quelques
années à la suite des représentations du gouvernement
fédéral et, bien sûr, d'autres entreprises canadiennes.
Vous dites aussi que vous êtes sur le point ou, enfin, que vous avez
déjà acquiescé aux lignes directrices régissant la
protection de la vie privée et les flux transfrontaliers de
données à caractère personnel de l'OCDE.
La question que je me pose, et je l'ai posée à plusieurs
autres intervenants qui supportaient un point de vue comme celui dont vous nous
avez fait part ce matin: Dites-moi si vous croyez qu'une loi qui donnerait une
base juridique aux principes serait appropriée? Et quand je dis une loi,
dans mon esprit, c'est pour faire en sorte que nous puissions, par votre code
d'éthique, peut-être, en grande partie, donner à la fois
aux citoyens un recours et la possibilité de sanction. Est-ce que vous
êtes favorable à un cadre juridique qui ferait ça?
M. Bisaillon: M. le ministre, tout d'abord, je vous remercie de
vos commentaires à propos de notre mémoire. Nous, notre
réponse à cette question: pour le moment, elle est
prématurée, dans ce sens que nous sommes d'avis qu'il n'est pas
nécessaire de passer par la législation actuellement pour
légiférer ou contrôler la protection de la vie
privée des individus. Nous sommes plutôt, comme on l'a
mentionné dans le mémoire, d'avis qu'on doit procéder tout
d'abord
par une incitation très forte, ferme, pour établir, dans
le secteur privé, l'autoréglementation, selon les lignes
directrices de l'OCDE.
M. Cannon: Hier soir, M. Bisaillon, on a eu l'opportunité
d'écouter un mémoire présenté par M.
Péladeau qui, aujourd'hui, est parmi nous. M. Péladeau, qui
depuis au moins une vingtaine, sinon une trentaine d'années, se
spécialise dans ce genre de choses là, nous a relaté un
incident l'an passé, qu'il a largement documenté, concernant la
gestion des fonds non compensés par les caisses, l'assurance Desjardins
ou, enfin, la Fédération des caisses. C'est sûr, je le sais
très bien, qu'ils ne font pas partie de votre association, mais il
s'agissait là d'une institution bancaire qui traitait avec des citoyens
et des citoyennes du Québec et où iI y a eu, effectivement, des
troubles et des difficultés, de sorte que l'institution
financière en question a été obligée, très
rapidement, de se retirer de ce domaine-là.
Vous me dites qu'il n'y a aucune lacune qui porte atteinte à la
clientèle chez vous. Mais, potentiellement, ça pourrait exister,
compte tenu de l'expérience antérieure qui nous a
été relatée hier soir. Je ne veux pas connaître
votre commentaire là-dessus. Je veux simplement connaître votre
commentaire sur les nouvelles technologies. Ce qu'on nous a dit hier soir,
c'est: Bien sûr que l'objectif n'est pas d'empêcher une personne
pleinement consentante de fournir des renseignements - encore faut-il examiner
la qualité des renseignements qui sont fournis et la
nécessité de ces renseignements-là - mais de s'assurer de
l'objectif pour lequel ces renseignements-là sont fournis pour que,
finalement, on ne s'en serve pas à d'autres fins.
Et on nous relatait hier soir qu'il existait une technologie selon
laquelle l'individu, ou la personne en question, pourrait facilement se servir
d'une carte pour autoriser ou non la transmission de données qui le
concernent. À votre connaissance, est-ce que vous avez été
témoin d'une telle technologie? Est-ce que vous savez si, oui ou non,
elle existe, si elle est applicable, si ça pourrait s'implanter? Sinon,
avez-vous des commentaires à formuler sur ce genre de technologie qui
permettrait au citoyen d'être le maître d'oeuvre des renseignements
qui le touchent et qui le concernent?
M. Bisaillon: Je ne suis pas au courant d'une technologie
récente telle que décrite par vous, M. le ministre, laquelle, si
je comprends bien, serait reliée au fait que le consommateur, le
particulier, aurait un contrôle sur l'information le concernant et la
seule façon de pouvoir la transmettre, ce serait avec l'autorisation au
moyen d'une carte électronique, j'imagine. Je ne suis pas au courant de
cette technologie et je serais bien curieux d'en prendre connaissance dans les
détails.
Par contre, nous sommes toujours d'avis que l'autoréglementation,
si vous permettez que je réfère à votre premier exemple,
délimite la façon dont les informations sont obtenues, avec la
permission de la personne en particulier, la façon dont l'information
est utilisée, la façon dont l'information est "storée", la
façon dont l'information est retransmise et la façon dont le
client peut y avoir accès pour obtenir le détail du contenu de
l'information détenue par l'entreprise privée, et aussi avoir
recours en cas d'injustice ou de plainte sur ces informations et les faire
corriger. On préconise l'autoréglementation, étant
donné la complexité de tous les secteurs. Nous, on parle du
secteur financier, mais, dans le secteur financier, vous avez les assurances,
les fiducies, les banques, c'est immense. On pense qu'une législation,
une loi augmenterait énormément les coûts et ne serait
nécessairement pas efficace. Alors, l'autoréglementation, lorsque
bien définie, seulement à suivre le minimum, les lignes
directrices de l'OCDE, protège dans ce sens-là.
M. Cannon: C'est juste que...
M. Bisaillon: Si vous permettez, juste un dernier commentaire. En
ce qui concerne l'Association des banquiers canadiens, les banques ont mis
à l'interne, et disponibles à notre clientèle, des moyens
de revendication, des moyens de représentation pour faire corriger ou
pour obtenir ces informations-là. Maintenant, si ce n'était pas
assez - et on réfère toujours à l'idée que le
client est maître dans une institution de services - il a toujours
recours au Surintendant des institutions financières. Et je vous jure
que, si le client n'obtient pas satisfaction par l'entremise de la banque, le
Surintendant des institutions financières a beaucoup de pouvoirs pour
faire bouger ou protéger dans ces cas-là, dans la mesure du
possible, les iniquités ou les plaintes de la clientèle.
M. Cannon: Peut-être une dernière vite avant de
passer la parole à mon collègue. Vous avez indiqué, dans
vos propos, que ce serait coûteux, que ça coûterait pas mal
d'argent à l'Association, donc aux banquiers, aux entreprises, pour
implanter les recommandations du comité interministériel. Est-ce
que vous en avez fait une évaluation, de ce que ça pourrait
représenter comme coûts?
M. Ferron (Daniel): Je pourrais répondre à
ça. On n'a pas fait d'évaluation de ce que ça peut
représenter comme coûts, c'est bien évident, parce qu'on ne
sait pas d'abord ce que va être la législation. Mais ce qui est
bien certain, c'est que, d'abord, l'organisme qui va être mis en place va
coûter de l'argent aux contribuables parce que, d'abord, ça va
être un organisme public. Je sais bien que la Commission existe
déjà, mais il va falloir l'élargir pas mal pour
couvrir l'ensemble du secteur privé.
M. Cannon: Non. Je sais ça, Me Ferron. Je sais que
ça va coûter de l'argent.
M. Ferron: Vous voulez dire: Pour nous autres?
M. Cannon: La question que je voulais savoir, c'est: Vous, est-ce
que vous avez fait une évaluation, lorsque vous dites dans votre
mémoire que ce serait très coûteux?
M. Ferron: Non, on n'a pas fait d'évaluation.
M. Cannon: Parce que, moi aussi, là, je comprends bien
que, si on avance dans un secteur qui est vierge, il va falloir que nous
mettions des balises, que nous nous dotions des moyens de nos objectifs. Alors,
je me demandais si effectivement vous aviez une évaluation. Je ne veux
pas prendre plus de temps parce que je sais que mon temps est limité
là. Alors, je vais passer la parole à mon collègue, pour
revenir tantôt avec d'autres questions. Je ne veux pas vous arrêter
là, mais je comprends la nature de votre réponse.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Bonjour. Je remercie les gens de l'Association des
banquiers de venir ce matin nous donner leur point de vue. Le problème
que je vois dans l'autoréglementation, c'est que vous dites, dans le
fond: Nous allons faire la loi et puis nous allons l'appliquer. Ce que je veux
dire par là, c'est que, si une personne prétend que votre code
est insuffisant ou que vous ne le respectez pas, quel recours cette
personne-là a-t-elle à l'égard du code que vous avez
élaboré?
M. BisaHlon: Alors, si vous permettez, dans le code, notre
version du code, je mentionnais tantôt que, si ce n'était pas
respecté, si un client avait raison de croire qu'il était en
situation d'iniquité et qu'il voulait obtenir justice ou qu'il voulait
avoir recours, à l'intérieur des banques, par
l'autoréglementation, tous les items sont couverts. Il y a la section
des plaintes et des recours de la clientèle: chaque banque a un
système interne de recours et ça peut aller jusqu'à la
haute instance de la banque si la personne n'a pas satisfaction à sa
demande.
Je dois vous dire que ça existe déjà du
côté des plaintes dans les banques. Et, à mon sens, c'est
très efficace. Maintenant, si la personne n'avait pas satisfaction
à ce moment-là, elle a toujours recours au Surintendant des
institutions financières, si on parle des banques.
M. Bourdon: Maintenant, je me pose la question: Est-ce que, dans
le fond - et je pense que vous le faites sûrement avec la meilleure foi
du monde là, donc je ne vous prête pas d'intentions - quand la
personne se plaint à la banque, la banque devient juge et partie dans la
question?
Maintenant, est-ce que vous communiquez aux clients des banques les
fiches de crédit que vous obtenez quand ils demandent un prêt,
mettons?
M. Bisaillon: On ne communique pas la fiche, à moins que
le client ne la demande. Et, le client peut toujours obtenir sa fiche de
crédit des organismes qui fournissent ce genre d'informations
là.
M. Bourdon: Oui..
M. Bisaillon: Mais, si vous le permettez, je voudrais revenir
à votre première question. Il y a aussi la protection du
consommateur qui existe, comme on le mentionnait, dans la loi 19 du
fédéral, qui doit être adoptée, sur la
révision de la Loi des banques, qui donne le pouvoir au gouvernement
d'établir des règlements s'il était évident que les
institutions financières, les banques, parce que ça existe aussi
pour les compagnies de fiducie, ne respectaient pas la confidentialité
des renseignements des clients et ne répondaient pas aux besoins de la
clientèle.
Et ça, ça existe au niveau provincial aussi d'ailleurs
vous le savez, dans le Code civil et dans les lois qui ont été
passées sur les institutions financières sous juridiction du
Québec.
M. Bourdon: D'accord. Maintenant, pour ce qui est du Code civil,
il faudrait préciser qu'il n'y a pas de loi encore qui protège
les citoyens. Il y a une intention, parce que la loi d'il y a trois ans n'a pas
encore été promulguée.
Ce qui me frappe, c'est que vous n'avisez pas automatiquement le client
des renseignements que vous détenez sur lui. Et j'ai tendance à
croire que c'est pour ça qu'il n'y a pas tant de plaintes. Parce que, si
les fiches de crédit que les banques obtiennent sont mal faites, la
banque peut ne pas savoir qu'elles sont mal faites, puis le client, lui, ne le
sait pas parce qu'on ne les lui donne pas. Ce que je veux vous dire, c'est
qu'on a eu, devant nous ici, Équifax qui nous disait qu'en vertu de la
Loi sur la protection du consommateur ils reçoivent 2500 demandes
d'accès aux fiches de crédit par mois. Ça en fait 30 000
par année et ils ont des dossiers sur 4 000 000 de
Québécoises et de Québécois. (10 h 15)
Et, à cet égard-là, je vous le demande, pensez-vous
qu'il y aurait un problème grave pour les banquiers de renseigner le
client sur ce qu'on sait de lui? Puis, vous ne pensez pas que le faire pourrait
vous permettre d'avoir des données plus fiables parce qu'il y a
beaucoup
d'organismes qui s'occupent de crédit et qui vendent des
renseignements de crédit. Puis, là aussi, on peut penser que la
meilleure foi du monde existe. Je parle juste du risque d'erreurs qui
causeraient préjudice possiblement aux citoyens. Et, dans le fond, je
vous pose la question: Est-ce que ça serait compliqué que le
client sache que vous ce que vous savez sur lui?
M. Bisaillon: Je dois vous dire qu'en général
ça ne présente aucune difficulté. Ces
informations-là qu'on obtient, en général, c'est pour fins
d'accorder un financement, un prêt ou une carte de crédit, ces
choses-là. Automatiquement, naturellement, si vous donnez une
approbation positive, c'est que le dossier du client est en bonne condition en
général ou qu'il y a satisfaction de la part du prêteur. Si
l'Information est négative ou s'il y a des informations dans son dossier
qui démontrent qu'on ne devrait pas lui faire le prêt, la
réponse négative est transmise au client et vous seriez surpris
de savoir, peut-être pas surpris, que le client est en droit et, en
général, demande pour quelle raison on lui refuse son
crédit. À ce moment-là, on peut lui indiquer les raisons
et, si la raison est son record personnel de crédit, on lui dit.
M. Bourdon: Maintenant, une autre chose. Dans votre
mémoire aux pages 16 et 17, vous parlez de la Régie des
télécommunications du Québec à l'égard de la
protection de la vie privée. Et je vous dirai - ça s'adresse plus
à la Régie qu'à vous, mais, comme vous le reprenez, j'en
parle - que ça me semble un avis dénué de tout sens, cet
avis de la Régie des télécommunications quand on
s'arrête à regarder le problème de l'afficheur maintenant
qui est disponible par les entreprises de téléphone. En fait, on
ne peut plus avoir un numéro confidentiel puisque la personne qui nous
appelle ou qu'on appelle voit s'afficher le numéro de
téléphone où on se trouve et la Régie dit que tout
est bien protégé. Je ne sais pas où elle a pris ses
consultations, qui elle a vu, mais on nous a dit devant cette commission que,
par exemple - quelques exemples - une clinique qui s'occupe de MTS appelle au
domicile d'une personne, ne laisse pas de message parce que c'est confidentiel,
ça fait partie de la vie privée, le secret professionnel, mais le
récipiendaire de l'appel, par l'afficheur, obtient le numéro
duquel on a appelé, puis après ça rappelle, puis se fait
dire: Clinique de MTS. Idem pour l'avortement, idem pour une sidéenne ou
un sidéen. Alors, d'où vient cette idée qu'il n'y a pas de
problème de vie privée en matière de
téléphonie et que, donc, ce serait l'exemple, puisque ce
secteur-là est névralgique, qu'il n'y a besoin d'avoir une
loi?
Et je vous dirai d'entrée de jeu qu'au niveau des banques la
seule difficulté que je peux voir à l'égard de la
protection de la vie privée, c'est la notion du consentement de la
personne parce que, quand on demande un prêt, on autorise la banque
à aller chercher des renseignements. Et on autorise également un
marchand à aller chercher des renseignements à la banque et les
banques communiquent des balances de compte quand elles sont autorisées
par le client. Or, du côté du client, le problème qu'on y
voit et que plusieurs mémoires ont souligné, c'est que ce
consentement-là, il n'est pas libre parce qu'il est donné
à cause du besoin d'emprunter, mettons, ou du besoin d'ouvrir chez un
marchand un crédit ou même une entreprise de services, un magasin
qui s'ouvre un compte auprès d'un fournisseur doit fournir des choses de
crédit.
Ce que j'entends par là, c'est que j'ai même tendance
à croire que, même s'il n'y a pas de recours gratuit, rapide et
efficace à l'égard du code des banquiers, le problème est
intimement lié parce que les banques font appel aux bureaux de
crédit pour avoir des renseignements, de bonne foi, je ne dis pas
là qu'il y a des complots quelque part. Mais que ça ait comme
conséquence - je reviens à l'afficheur - que la Régie nous
dit qu'il n'y a pas de problème de vie privée en
téléphonie, je ne sais pas sur quelle planète se trouve la
Régie, mais l'afficheur a aboli le secret, des conversations
téléphoniques, mais de leur provenance. Et je sais qu'on va avoir
Bell après et qu'on va en reparler, mais la raison la meilleure qui est
donnée pour ça, c'est de dire que c'est pour protéger les
femmes contres les appels obscènes. Sauf qu'un harceleur sexuel qui
donne 0,75 $ par appel peut faire tous les appels obscènes qu'il veut
sans être identifié. Alors, je vous demanderais, là-dessus:
Est-ce que vous ne croyez pas qu'avec l'afficheur téléphonique,
entre autres - et ce ne sont pas les banques qui en sont responsables, mais
vous citez la Régie - il y a là quelque chose d'assez
immédiatement grave?
M. Bisaillon: Écoutez, je vais laisser Me Ferron
répondre à votre question, mais je vais juste faire un
commentaire au tout début. Vous avez, à la prochaine
présentation, des gens beaucoup plus qualifiés que nous pour
répondre à des questions techniques. Alors, on va se limiter aux
commentaires sur pourquoi nous référons à la Régie
des télécommunications.
M. Ferron: Peut-être juste pour répondre à
votre question, ça confirme exactement qu'on ne doit pas traiter chacun
des secteurs dans une loi qui engloberait tout, parce que ça va
être impossible. Dans le secteur financier, on a déjà des
balises de posées. M. Bisaillon disait qu'au niveau
fédéral il y a même un règlement qui nous pend sur
la tête et, si on ne se conforme pas aux voeux du gouvernement
fédéral, à ce moment-là, ça va être
par règlement qu'ils vont le faire. Donc, ça confirme un peu
qu'il ne faut pas vouloir tout mettre dans une même loi, ça va
être impossible. Le domaine des télécommunications,
c'est un domaine complètement différent de celui des banques. Je
pense que, de toute façon, on n'a pas à juger le rapport de la
Régie. Nous, ce qui nous a frappé dans ce rapport-là,
c'est essentiellement qu'ils se disaient en faveur de
l'autoréglementation beaucoup plus que d'une législation
englobant tout le secteur privé.
On ne dit pas, non plus, que ça ne prend aucune
législation; c'est bien certain que ça prend des règles de
base, comme celles qui vont s'en venir dans le Code civil, qui vont
préciser beaucoup plus ce qu'on veut protéger. Et on n'est pas
contre, non plus, le fart d'avoir éventuellement une instance qui serait
une genre d'ombudsman pour régler ces questions-là. Mais, de
là à vouloir faire une loi-cadre qui réglerait l'ensemble
des problèmes du secteur privé, je pense que c'est quelque chose
qui est tout à fait irréaliste.
M. Bourdon: Me Ferron, est-ce que vous seriez en principe
d'accord, par exemple si le gouvernement se décidait à mettre en
vigueur les articles 35 à 41 du Code civil, qu'on ajoute un recours
à la Commission d'accès, par exemple - parce que les recours sont
les recours habituels et ordinaires, dans la version actuelle de l'article 41 -
de façon que la personne puisse avoir un moyen rapide, gratuit et
efficace de faire valoir son recours? Donc, première question.
Deuxième question: Seriez-vous d'accord avec une loi de portée
générale, mais avec des tables de concertation avec chaque
secteur pour adapter à chaque secteur ce qui peut le toucher?
M. Ferron: Écoutez, il y a le problème de
juridiction qui entre en jeu, aussi, les problèmes constitutionnels.
Pour nous, notre législateur, c'est avant tout le gouvernement
fédérai et notre ombudsman, si on veut, c'est le Surintendant des
institutions financières. Donc, pour nous, c'est ça d'abord et
avant tout. Pour ce qui est d'une législation avec des tables
sectorielles, ça, on est très réticents parce que,
d'abord, on ne sait pas ce que ces tables-là feraient exactement. Est-ce
que ce serait par voie de règlement qu'on viendrait préciser les
règles ou par voie de code volontaire? Ce sont toutes des choses qui
restent à préciser, que ne précise pas tellement le
rapport du comité interministériel.
M. Bisaillon: Si vous me permettez, d'ailleurs, le même
processus est possible par l'incitation à l'autoréglementation.
En faisant ça, automatiquement, vous allez avoir des industries qui, si
elles ne sont pas déjà à élaborer un code
elles-mêmes, vont être obligées de le faire. Mais on pense
qu'en les incitant à le faire on a beaucoup plus de chances,
premièrement, d'éviter les coûts, mais d'avoir un code
adapté à chaque branche même d'une même
industrie.
M. Bourdon: Le problème de juridiction que vous soulevez
est très, très réel, là, il va peut-être se
régler dans un cadre plus global. Mais, en attendant ce règlement
- parce que ça a l'air qu'on va attendre au moins un an pour que
ça se règle - est-ce que vous ne pensez pas que votre source
principale d'information sur la clientèle, elle, elle est de juridiction
provinciale, je parle des bureaux de crédit? Puis, est-ce que vous
seriez d'accord, peut-être pas avec une législation, mais de
communiquer aux clients les fiches de crédit que vous obtenez les
concernant? Ceci aurait deux avantages: le client saurait ce que vous savez,
puis si le client qui se connaît mieux que quiconque trouve des erreurs,
est-ce que l'information financière qui circule à son sujet ne
serait pas meilleure? Puis, je suis d'accord avec vous, là, que, si vous
accordez le prêt, mettons, c'est qu'en général la fiche de
crédit est plutôt correcte, mais, s'H y a une erreur dessus,
est-ce que ça ne serait pas l'intérêt de l'ensemble des
intervenants que ce soit corrigé? Parce que la personne, elle, a
l'avantage qu'une information fausse à son sujet, par exemple...
Et on sait que ça arrive, là, parce que tenir des fichiers
sur 4 000 000 de personnes, de consommateurs et de consommatrices, ce n'est pas
simple. Donc, l'information serait plus exacte et l'information que vous
recevez avant de prêter, parce que c'est légitime de savoir la
capacité de payer et les références de crédit dans
le fond de la personne, est-ce que ça ne serait pas meilleur? Puis, je
vais vous dire pourquoi je le propose, c'est qu'il m'apparaft que, par ce
moyen-là, un, le citoyen aurait l'information et il pourrait la faire
corriger s'il y a quelque chose et deux, on n'aurait pas besoin d'avoir une
bureaucratie nombreuse pour le faire; c'est les intervenants qui diraient... La
banque, dans le fond, dirait: Ce que je sais, je n'ai pas d'objection à
ce que vous, le client, le sachiez, parce que, s'il y a une erreur, autant la
corriger.
M. Bisaillon: Vous avez entièrement raison: pour fins de
protection de l'information privée, l'Individu - que ce soit vous ou
moi, on est impliqués, on est assujettis à cette même
situation-là - devrait avoir accès à l'information sur son
dossier. Maintenant, en ce qui concerne les banques - moi, je peux parler
seulement pour le domaine bancaire, pour le moment - le client, lorsque nous
lui faisons remplir une "application" pour un prêt ou une carte de
crédit ou autre, nous donne son consentement d'aller chercher des
informations; il est bien au courant que nous allons, la plupart du temps,
aller chercher un rapport sur son crédit. Alors, s'il veut obtenir cette
information-là, je crois, à moins d'erreur, qu'il peut
actuellement avoir accès à l'information. Les entreprises, les
institutions qui fournissent ces informations-là sont assujetties
à des
règles actuellement et le consommateur peut demander, sans que
les banques soient obligées de le faire elles-mêmes... On donne la
source de cette information-là et le consommateur peut aller à
l'institution en question pour en obtenir copie, il peut même faire
corriger son dossier. J'avais tout dernièrement un incident, chez nous,
où un client avait des commentaires à faire sur son dossier et il
m'a envoyé une copie de son fax de 26 pages, qu'il envoyait au bureau de
crédit en question pour mettre son dossier à date. Et je crois
que ça existe actuellement.
M. Bourdon: Maintenant, vous savez que la loi actuelle de
protection du consommateur permet au consommateur de mettre sa version dans le
rapport, dans la fiche de crédit, mais pas de la faire corriger. Mais
vous ne trouvez pas que ce serait naturel, peu coûteux, rapide et
efficace que la banque me donne le document me concernant qu'elle a entre ses
mains, pour que je puisse le faire corriger? Parce que la loi actuelle oblige
le consommateur à faire une démarche, puis, il y en a 2500 par
mois dans le cas d'Équi-fax qui est la plus grande entreprise, il y en a
30 000 par année qui la font. Est-ce que le consommateur ne pourrait pas
avoir droit à sa fiche de crédit autant que la banque lui adresse
copie du contrat ou d'autres renseignements, hein?
Je n'essaie pas, moi - je veux être clair -d'inventer des
régies compliquées. Et je peux penser que, dans 98 % des cas, la
fiche de crédit serait exacte et le client serait rassuré que
c'est la bonne information que vous avez à son sujet. Puis, les erreurs
qui seraient corrigées, j'insiste là-dessus, ce serait autant
dans l'intérêt des institutions financières que des
consommateurs finalement, parce qu'on se garantirait que c'est la bonne
information qu'on obtient.
M. Ferron: Pour préciser la question qu'on mentionnait
tantôt, notre code de confidentialité précise à
l'article 8: "Les clients sont en droit d'exiger que la banque confirme les
renseignements qu'elle possède sur leur compte. " Après
ça, on dit quelle est la procédure à suivre. Alors, quand
on parlait aussi de coûts, votre question, c'en est un coût
important; s'il faut automatiquement envoyer à tous les clients tous les
renseignements qu'on possède sur eux, ça va coûter une
petite fortune en papier et en coût d'envoi. Imaginez le nombre
d'emprunteurs qu'il y a dans toutes les banques. Ça coûterait
assez cher de le faire automatiquement. Nous, on veut éviter ces
coûts-là, justement.
M. Bourdon: Mais, je finis là-dessus, M. le
Président, si c'était à l'occasion du prêt,
ça coûterait moins cher de faire une photocopie et de
dépenser 0, 40 $ pour la mettre à la poste que de donner 15 $, 20
$ ou 25 $ à la firme qui a corrigé les renseignements. Je ne veux
pas dire qu"il faut que ce soit automatique, mais ça vous coûte
quand même quelque chose d'avoir la fiche de crédit. Si on
ajoutait 0, 50 $ aux coûts que vous assumez, je ne suis pas sûr que
ce serait catastrophique.
Le Président (M. Camden): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Je cède maintenant la
parole au ministre des Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Peut-être il
serait utile à ce moment-ci de rétablir les faits un peu. M.
Ferron, vous dites, à la page 17 du mémoire que vous avez
préparé, et je cite: "Or, si on regarde les conclusions du
rapport de la Régie, il apparaît évident qu'elles sont loin
d'aller dans le même sens que les recommandations du rapport du
comité interministériel sur la protection de la vie privée
eu égard aux banques privées de données personnelles. " Et
vous alimentez votre réflexion avec les conclusions qui sont
portées à l'article 2. 1, 3. 1 et 3. 2. À cet
égard, je voudrais simplement vous citer la conclusion, à
l'article 3. 3, de l'avis de la Régie des
télécommunications au ministre des Communications, qui a
été donné au mois de mai dernier, concernant la protection
de la vie privée dans les télécommunications. Il est dit
à cet article 3. 3: "Un groupe d'étude conjoint, regroupant des
représentants de l'industrie des télécommunications et de
l'État, devrait recevoir mandat de considérer l'application des
recommandations pertinentes du comité interministériel sur la
protection de la vie privée eu égard aux banques privées
de données personnelles, dont: l'adoption de normes
générales et l'adhésion aux principes des lignes
directrices de l'Organisation de coopération et de développement
économique (OCDE) concernant les flux transfrontières de
données à caractère personnel; l'adoption de règles
favorisant plus précisément le droit à l'information, le
droit de consentement et le droit de contestation de l'abonné en regard
des renseignements le concernant et de leur divulgation. " Effectivement, c'est
ce que nous faisons présentement. Alors, j'ai un petit différend
avec vous sur votre affirmation. Je voulais simplement clarifier ça pour
que nous puissions bien l'incorporer dans le procès-verbal.
Autre élément, mon collègue de Pointe-aux-Trembles
a mentionné les lacunes au niveau du service de gestion des appels et a
interpellé, par le fait même, l'avis ou enfin les gens de la
Régie des télécommunications. Il faut dire que cet
avis-là a été formulé à l'occasion
d'audiences qui ont été tenues. Je dois dire, à la
décharge de la Régie, qu'il n'y avait pas beaucoup de personnes
qui sont venues témoigner devant la Régie, qu'au moment où
le mandat a été donné, c'est-à-dire au début
du mois d'octobre de l'an passé, c'était un service nouveau qui
était en opération et qui commençait, de sorte que la
Régie a été
saisie de cette chose-là et, si on regarde les recommandations ou
enfin les conclusions, notamment la conclusion à l'article 1.2: "Des
formes modifiées d'identification de l'abonné appelant ou de
blocage de l'affichage du numéro de téléphone continueront
d'être expérimentées, à savoir, entre autres..." Et,
là, on énumère un certain nombre de choses. Et, à
1.4, on dit: "Les essais et expériences en cours concernant le service
de gestion des appels doivent se poursuivre dans le but de mieux évaluer
ses impacts, dont ceux concernant le droit à la vie privée des
usagers."
De ce côté-là, je tiens à rassurer le
député de Pointe-aux-Trembles: les membres de la commission sont
vigilants là-dessus. C'est constamment en révision. Il y a des
plaintes qui sont formulées, oui, qui n'étaient pas là
auparavant. Il a raison de se préoccuper de cette chose-là comme,
nous tous, nous nous préoccupons de ça. Mais je veux l'assurer
que la Régie fait son travail et, à l'occasion de la
révision d'une demande de Québec-Téléphone,
certainement qu'on en tiendra compte. Par ailleurs, il sait comme moi que,
devant la cour fédérale, il y a... Ça nous a
été expliqué pendant nos délibérations que,
durant cette période-là, devant le CRTC, il y a une plainte qui
est portée devant la régie fédérale. Donc, de ce
côté-là, il ne faut pas donner l'impression que les
autorités en place ne se soucient pas de cette chose-là. Au
contraire, c'est une préoccupation importante.
C'est à peu près tout ce que j'avais à mentionner
sur ces choses-là. Le temps pressant, il me reste l'honneur de vous
remercier d'avoir bien voulu participer à notre comité et, sans
doute, les propos que vous avez échangés avec nous serviront
à nous guider dans la constitution de notre législation.
Merci.
M. Bisaillon: Ce fut un plaisir.
Le Président (M. Camden): M. Bisaillon et Ferron, je vous
remercie de votre présentation au nom de l'Association des banquiers
canadiens et, afin de permettre au groupe de prendre place, soit celui de Bell
Canada, je vais suspendre la commission pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 37)
(Reprise à 10 h 41)
Le Président (M. Camden): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des institutions reprend ses auditions. Nous allons
entendre les représentants de Bell Canada, en l'occurrence, M. Claude
Beauregard, vice-président adjoint aux affaires publiques, et Mme Sylvie
Bastien, chef divisionnaire» adjointe, pmsso et information, service des
affaires publiques. C'est bien ça, madame?
Mme Bastien (Sylvie): Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Camden): Bonjour. Je vous rappelle
brièvement que vous avez 20 minutes pour présenter votre
exposé et que 40 minutes seront consacrées à l'aile
ministérielle et â l'aile de l'Opposition pour formuler des
questions. Vous pouvez débuter votre présentation.
Bell Canada
M. Beauregard (Claude): M. le Président, M le ministre,
mesdames et messieurs de la commission, notre comparution ici ce matin se veut
une contribution d'un bon citoyen corporatif, comme on dit, dont, incidemment
l'exploitation est probablement sujette à l'examen public le plus
exhaustif qu'on puisse imaginer au Canada et au Québec.
Notre lecture du mandat de la commission est à l'effet qu'il
s'agit de la protection de renseignements personnels détenus par la
compagnie sur ses employés et sur ses clients. À ce titre, nous
n'avons pas traité directement dans notre mémoire qui vous a
été déposé de la question des services de gestion
des appels dont on a constaté, par ailleurs, qu'elle a été
soulevée devant votre commission à quelques reprises et
même ce matin.
Ceci dit, on n'utilisera vraisemblablement pas les 20 minutes
d'exposé puisque, vous lavez constaté, notre mémoire est
très court. Je vais, d'ailleurs, vous en faire une lecture
abrégée également, de telle sorte qu'il restera certaine
ment amplement de temps pour les échanges.
Dans notre mémoire, nous disions donc que la
Société Bell Canada est consciente de l'importance qu'elle doit
accorder au respect de la vie privée de ses employés et de ses
abonnés. À la fin des années quatre-vingt, l'organisme de
réglementation de Bell Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes, le CRTC, a révisé
les Modalités de service qui énoncent les droits et obligations
de Bell Canada et de ses abonnés. Ce document est en annexe à
notre mémoire.
Plus particulièrement, l'article 11 stipule qu'à moins
qu'un abonné n'accorde son consentement par écrit ou que la
divulgation de renseignements concernant l'abonné ne soit exigée
en vertu de la loi, tous les renseignements que Bell Canada détient au
sujet d'un abonné ou d'une abonnée, à l'exception du nom,
de l'adresse et du numéro de téléphone de l'abonné
inscrits à l'annuaire, sont confidentiels. Le même article
confirme aussi le droit qu'a l'abonné de vérifier tout
renseignement que Bell détient au sujet de son service.
Les employés de la société disposent
également d'un code d'éthique, déposé comme annexe
2, qui énonce les principes essentiels d'intégrité que
chacun doit respecter. Au premier
rang parmi ces principes se trouve le respect de la vie privée.
Le code d'éthique de Bell Canada précise qu'il est du devoir de
tout employé de respecter la vie privée de l'employé et de
l'abonné et de tenir pour strictement confidentielle toute information
personnelle ou professionnelle, verbale ou écrite les concernant. De
plus, les règlements internes de la compagnie stipulent que chaque
employé doit, dès son entrée en fonction et à
intervalles réguliers - effectivement, il s'agit d'un intervalle de deux
ans - par la suite, se familiariser avec le code d'éthique et,
effectivement, il signe une formule à cet effet.
Les documents déposés avec cette lettre et
précédemment cités démontrent clairement la
volonté de Bell Canada de s'engager dans cette voie, il y a
déjà plusieurs années. À cet égard, le plus
récent rapport annuel du Commissaire à la protection de la vie
privée au Canada mentionnait ce qui suit en page 20: "Bell Canada
mérite des éloges, elle aussi, car elle s'est donné un
code de protection des renseignements personnels qui reconnaît des droits
et assure une protection à ses employés, tout autant qu'à
ses clients, et qu'elle ne limite pas leur accès aux seules
données factuelles. Dans un monde où les
télécommunications font l'objet d'une concurrence de plus en plus
féroce, ce souci manifeste de protéger la vie privé des
clients et des employés aura sûrement un effet
d'entraînement. Le Commissaire presse les autres entreprises du secteur
des télécommunications d'emboîter le pas à Bell".
Fin de la citation.
Le gouvernement fédéral a légiféré au
cours des dernières années pour mettre en place des mesures
assurant la protection de la vie privée dans les organismes publics et
parapublics au Canada. En ce qui concerne l'entreprise privée, le
même gouvernement a indiqué sa préférence, à
savoir qu'on encourage ces milieux a mettre en place volontairement les
différents mécanismes susceptibles d'assurer de façon non
équivoque cette protection de la vie privée de tout citoyen.
Pour sa part, Bell Canada souscrit d'emblée à cette
volonté politique de favoriser l'autorégle-mentation et
l'adoption de codes volontaires de protection des données personnelles
dans le secteur privé. L'absence de cas d'abus sérieux
amène plutôt l'entreprise à favoriser une sensibilisation
générale des entreprises du secteur privé et une
incitation à adopter elles-mêmes les politiques et pratiques
administratives visant à protéger la vie privée.
Comme je le disais un peu plus tôt, M. le Président, on a
également soulevé devant votre commission, encore ce matin
même, la question du service de gestion des appels, notamment
l'afficheur. Il s'agit d'une question importante et complexe sur laquelle il
est imprudent de se faire une opinion hâtive sur la base de
délibérations incomplètes. Votre commission pourrait, le
cas échéant, se saisir de toute la documentation publique qui est
déjà et sera disponible dans le cadre des instances tenues par le
CRTC.
Nous aimerions, toutefois, vous faire part d'une observation
générale à ce sujet et nous sommes, évidemment,
disposés à échanger avec vous par la suite à ce
sujet. L'observation est la suivante: on pose généralement que
les SGA, services de gestion des appels et, notamment, l'afficheur opposent,
d'une part, le droit à la vie privée de l'appelant au droit
à la vie privée de l'appelé. Il est, en effet,
évident qu'il peut y avoir opposition d'intérêts. Je vous
signale le terme "intérêts" puisé à même une
déclaration de Richard Firestone, directeur du FCC Common Carrier
Bureau, qui emploie l'expression "two competing privacy interests". Donc, il
s'agit d'opposition d'intérêts, mais il y aurait lieu de faire une
distinction pertinente et importante entre ces deux intérêts et de
bien voir qu'il s'agit plutôt de ce que certains qualifient de droit
à l'anonymat au moment d'une intrusion dans le domicile ou la place
d'affaires de l'appelé.
Dans la mesure où l'appelant entendrait non seulement ne pas
divulguer son numéro de téléphone, mais bel et bien ne pas
s'identifier, sans prétendre qu'il ne puisse y avoir de motif
légitime de ne pas s'identifier, comment ne pas voir un rapport avec la
lettre anonyme et, bien entendu, toutes les formes de harcèlement
possibles par téléphone dès lors que l'appelé ne
peut identifier l'appelant? Il y aurait, nous semble-t-il, intérêt
à mieux délimiter ce dont il s'agit vraiment pour éviter
de verser dans les visions orwelliennes.
Ainsi, la poursuite d'intérêts divergents en matière
de divulgation d'un numéro de téléphone, parce que c'est
ça dont il s'agit, qui, en soi, ne constitue pas une atteinte radicale
à la vie privée est, strictement parlant - et je cite - "d'une
part, le désir de l'appelé de savoir qui l'appelle avant de
répondre ou après avoir répondu ou, encore, d'en
connaître le numéro de téléphone et, d'autre part,
le désir de l'appelant de ne pas s'identifier ou, du moins, de ne pas
révéler son numéro de téléphone ou le
numéro de téléphone d'où il loge son appel."
Ceci dit, nous sommes à votre disposition pour répondre
à vos questions et échanger avec vous.
Le Président (M. Camden): Je cède la parole au
ministre des Communications.
M. Cannon: Mme Bastien et M. Beauregard, merci de votre
présence ce matin, merci d'avoir participé à notre
séance de la commission parlementaire qui examine cette importante
question. Vous avez fait part de la pratique de Bell Canada au niveau de la
protection des renseignements privés et au niveau de la protection de la
personne. Je suis enclin ce matin à vous poser des questions qui
concernent d'abord
et avant tout le rapport du comité interministériel,
intitulé "Vie privée: zone à accès restreint", et
de vous demander, s'il était adopté comme tel, si Bell Canada
aurait de la difficulté à l'appliquer dans son entreprise.
M. Beauregard: Je vous avoue ne pas avoir pris connaissance en
profondeur de ce document-là, puisque nous sommes partis de la pratique
courante de l'entreprise qui nous paraissait, et on nous le certifiait,
satisfaire à tous égards les exigences des instances
réglementaires auxquelles nous sommes déjà soumis.
Cela dit, et ça apparaît clairement dans notre "rapport",
si le document dont vous parlez proposait autre chose que
l'autoréglementation par secteur industriel et encore, le cas
échéant, bien sûr, dans le cas des entreprises
réglementées, sous la supervision des agences de
réglementation, si, donc, le document dont vous faites état
supposait une contradiction avec ça, sans doute qu'on aurait quelque
difficulté à l'accepter et il faudrait y regarder de plus
près.
M. Cannon: O.K. Vous nous avez donné un aperçu des
principes qui étaient énoncés dans votre code de
protection des renseignements; d'ailleurs, il s'en est largement
étayé. Est-ce que vous prévoyez un droit de recours pour
le client qui, lui, est lésé?
M. Beauregard: II y a un recours systématique jusqu'au
niveau du CRTC, dont les abonnés et clients se prévalent
occasionnellement pour formuler toutes sortes de plaintes ou
considérations à l'endroit de nos services; fort heureusement, il
y en a relativement peu, mais le recours est là.
M. Cannon: Et. dans le cas où on trouve que Bell Canada a
eu un écart à l'endroit de sa conduite, qui avait
été déposée devant le CRTC, quelle est la nature de
la sanction qui pourrait être prise?
M. Beauregard: Si on le prenait d'une façon
générale, c'est-à-dire les écarts par inadvertance,
je l'espérerais, dans la pratique de Bell par rapport à nos
règlements seraient sanctionnés fort sévèrement
s'ils étaient le moindrement abusifs et généralisés
parce que c'est une composante de la détermination du taux de rendement
et des tarifs qui nous sont autorisés. Lorsqu'il y a défaut de
fournir le service selon les modalités de service, il y a, à
l'occasion, des remboursements aux clients, qui peuvent être
effectués. Par ailleurs, pour ce qui est des questions de dommages ou
des choses comme ça, au meilleur de ma connaissance il s'agirait
toujours ultimement de recours devant les tribunaux civils, lorsqu'on estime
qu'on a porté atteinte aux intérêts commerciaux ou autres
des individus.
Donc, il y a sanction, de ce point de vue, d'une façon globale.
Et, dans un cas spécifique, il y a aussi un dialogue, il y a des
échanges avec le CRTC. Par exemple, récemment, face à une
erreur commise par inadvertance dans nos services dans le cas de maisons
d'hébergement dont on avait publié l'adresse dans le livre du
téléphone, nous avons convenu d'une entente avec les maisons en
question sur la base de bon citoyen corporatif, qui fait que Bell n'entendait
pas qu'une erreur de sa part compromette les opérations d'une maison.
Sur une base que j'appellerais d'affaires publiques ou de responsabilité
de bon citoyen corporatif plutôt que sur une base réglementaire ou
légale, nous avons convenu avec ces maisons-là d'une intervention
appropriée.
M. Cannon: Vous nous citez cet exemple-là qui est dû
sans doute, comme vous le dites, a une erreur cléricale. Pourriez-vous
puiser aussi dans votre expérience d'autres circonstances ou
malencontreusement il y a eu des erreurs de cette nature?
M. Beauregard: Non. Au meilleur de ma connaissance - et je suis
chez Bell Canada depuis 12 ans il n'y a jamais eu de fuites de documents ou
d'informations personnelles autres que ces trois incidents que je vous cite,
qui sont relativement récents, et au sujet desquels on a pris des
mesures jugées adéquates tant par les parties qui s'estimaient
lésées que par le CRTC.
M. Cannon: Et la nature de l'entente consistait en quoi?
M. Beauregard: C'est simplement que, dans le cas d'une de ces
maisons-là qui alléguait que, à cause de cette
erreur-là, elle avait dû prendre des mesures radicales,
effectivement, en l'occurrence, un déménagement, et que les
coûts générés faisaient en sorte que ça
mettait en péril ses opérations, on a convenu d'entrée de
jeu que l'objectif qui devait être poursuivi en commun était non
pas, entre guillemets, la réparation d'un préjudice quelconque en
termes d'inquiétude causée ou de tout ce que vous voudrez, mais
on s'est mis d'accord rapidement sur le fait que la solution qu'il s'agissait
de trouver était d'assurer le maintien des opérations de ce
service et de cette maison. C'est sur cette base-là qu'on s'est entendus
et il y a eu une implication bénévole d'employés de Bell
qui ont aidé aux aménagements; on a absorbé la facture
d'installation d'équipement de surveillance additionnel, des choses de
ce genre-là.
M. Cannon: Vous me dites que vous avez participé
bénévolement à l'ajout d'équipement de
surveillance. Pour la protection de la propriété ou si vous avez
participé à défrayer le coût d'une localisation
ailleurs?
M. Beauregard: On a convenu tout simplement de considérer
leurs besoins financiers d'opération, globalement. On a reconnu qu'ils
étaient dans une situation serrée et on leur a fait une
contribution plus élevée que nous l'aurions fait autrement. Comme
à bien d'autres oeuvres à caractère social, artistique ou
autre - autrement dit, dans l'activité philanthropique et sociale de la
compagnie, nous apportons notre support à un nombre considérable
de bonnes oeuvres - en l'occurrence, nous avions déjà
contribué à cette maison d'hébergement dans les
années antérieures. Et ce qu'on a fait, considérant la
situation financière délicate dans laquelle ils se trouvaient,
compte tenu des dépenses additionnelles qu'ils estimaient avoir dû
encourir, on les a aidés, tout simplement, plus abondamment qu'on ne
l'aurait fait autrement.
M. Cannon: Les dépenses additionnelles que cette
entreprise-là a dû encourir étaient de quelle nature?
M. Beauregard: Essentiellement, à cause d'un
déménagement qu'ils ont cru devoir effectuer.
M. Cannon: Ah bon! Donc, ils ont été obligés
de déménager pour assurer leur protection.
M. Beauregard: Ils ont estimé devoir être
obligés de déménager...
M. Cannon: Enfin...
M. Beauregard: ...alors que deux autres maisons ne l'ont pas
fait.
M. Cannon: On n'est pas devant un tribunal ici.
M. Beauregard: Non, non.
M. Cannon: On se parle librement.
M. Beauregard: Mais j'essaie d'être précis.
M. Cannon: Non, ça va. Je ne suis pas ici pour jeter le
blâme sur qui que ce soit. On cherche simplement à connaître
les faits comme parlementaires. Alors, l'entreprise en question a
été obligée de déménager ou estimait qu'elle
était obligée de déménager; vous avez reconnu cette
chose-là et vous l'avez aidée à s'installer ailleurs.
C'est juste?
M. Beauregard: Oui.
M. Cannon: Sur le service de gestion des appels, qu'est-ce qui
vous empêche, demain matin, à Bell Canada, d'installer un
système de blocage?
M. Beauregard: II y aurait des considérations techniques
assez détaillées que Mme Bastien pourra peut-être vous
élucider davantage, mais en principe, d'entrée de jeu, il y a
certaines difficultés techniques en ce que certains équipements,
certains commutateurs, ne sont pas en mesure, ni d'afficher d'ailleurs, ni de
bloquer. Mais les commutateurs numériques de type DMS le sont, par
ailleurs, et il est effectivement possible d'appliquer des solutions de
blocage.
M. Cannon: Mon entendement, c'est que le type de commutateur DMS,
dans quelques années, va être installé sur tout le
territoire.
M. Beauregard: Effectivement, on peut penser que d'ici une
dizaine d'années à peu près...
M. Cannon: Peut-être dans un laps plus rapproché,
parce que, dans le dossier du 911, on me dit que ce sera plus rapide que
ça.
M. Beauregard: Dans le dossier du 911, il y a un nombre x de
commutateurs DMS en cause, et non pas à l'échelle du
territoire.
M. Cannon: Oui.
M. Beauregard: Le service 911 s'applique à partir de
centres de contrôle régionaux; donc, c'est un nombre
déterminé de commutateurs DMS et ça ne suppose pas une
diffusion totale des commutateurs DMS.
M. Cannon: O.K.
M. Beauregard: Donc, oui, il y a des solutions de blocage
possibles. Je dois vous signaler que nous avons récemment répondu
au CRTC sur quatre des cinq questions qu'il nous posait. Nous devions le faire
pour le 4 novembre, ce qui a été fait. On n'a pas encore
répondu à la cinquième question, le CRTC ayant
autorisé ce délai; compte tenu que plusieurs autres compagnies de
téléphone sont également impliquées à
répondre aux mêmes questions, le CRTC a demandé des
réponses pour le 12 novembre plutôt que le 4 novembre. (11
heures)
C'est dire, comme je vous le signalais dans mes remarques, la grande
mouvance de ce dossier-là. Et, j'ai observé que votre
collègue, M. Rémillard, à l'instar du CRTC lui-même
d'ailleurs, a reconnu qu'il s'agissait là, bien sûr, d'une
question d'intérêt public où il y avait lieu, sinon de
concilier, du moins de déterminer un équilibre entre les
intérêts - je préfère les appeler les
intérêts qu'autre chose - de l'appelant et les
intérêts de l'appelé, dont il faut bien remarquer,
d'ailleurs, que c'est souvent la même personne. Autrement dit, l'appelant
est occasionnellement un appelé et vice versa.
M. Cannon: Je ne sais pas comment vous conciliez, vous, du point
de vue marketing là, qu'un individu paie à Bell Canada pour
obtenir un numéro confidentiel et qu'il soit, par ailleurs,
obligé de payer régulièrement, si évidemment il
possède le téléphone en question, pour que, justement, son
numéro ne soit pas affiché ailleurs.
M. Beauregard: Je pourrais demander à Mme Bastien d'aller
un peu plus loin. Mais je dirais, d'entrée de jeu, que, un peu comme les
gens qui nous ont précédés à la table ici, il y a
beaucoup là-dedans une question de loi du marché.
M. Cannon: Oui.
M. Beauregard: Et, face à l'apparition d'un service qui
peut limiter les avantages que vous retirez d'un autre, il vous appartient de
prendre vos décisions en connaissance de cause. Ce que l'apparition des
services de gestion des appels et de l'afficheur notamment a fait, il faut
reconnaître que ça introduit un changement dans les habitudes des
gens. Alors qu'historiquement les intérêts, si vous voulez - ou la
balance des intérêts et des droits - ont toujours logé du
côté de l'appelant qui, un peu à la manière de
quelqu'un qui frapperait à votre porte avec une cagoule sur la
tête, pouvait pénétrer dans votre domicile et votre place
d'affaires sans s'identifier, aujourd'hui, ces nouveaux services instaurent un
certain équilibre dans les droits ou les intérêts, si vous
voulez, en ce que désormais l'appelé a la possibilité de
voir, à visière levée si on peut ainsi parler, qui
l'appelle.
M. Cannon: Je suis d'accord avec ça, M. Beauregard. La
chose qui me frappe un peu, c'est que, devant le CRTC, vous dites: Voici un
service que nous offrons à nos abonnés, c'est-à-dire un
service de protection du numéro de téléphone par voie de
confidentialité et qui coûte tel prix. M. X, qui est
l'abonné, évidemment souscrit à ça. C'est
tarifé, tout le monde connaît ça Sauf qu'on arrive avec un
autre système qui oblige le monsieur en question, ou la madame, donc
l'abonné, à défrayer un coût supplémentaire
pour s'assurer que ce qui lui avait été vendu sous forme de
marketing soit justement absolu en termes de service. Alors, c'est quoi le
raisonnement, là, Comment on peut concilier tout ça?
M. Beauregard: J'ai ma petite idée là-dessus, mais
ma collègue brûle de vous en faire part.
M. Cannon: Parfait, parfait.
Mme Bastien: Je répondrais là-dessus que les gens
qui demandent à ce que leur inscription ne soit pas inscrite à
l'annuaire ont toutes sortes de raisons pour le faire. Et notre engagement
envers ces gens-là est le suivant: leur numéro n'est pas
publié dans l'annuaire qui est distribué à l'ensemble des
clients et il n'est pas, non plus, disponible à l'assistance-annuaire.
Et la s'arrête notre engagement. Par ailleurs, certains sondages qu'on a
menés auprès de nos clients qui ont des numéros non
inscrits ou non publiés nous démontrent qu'ils ne sont pas
gênés par le fait que leur numéro soit transmis lorsqu'ils
appellent. Et ça, dans la plupart des cas, pour la bonne et simple
raison que les clients qui ont un numéro non inscrit, comme pour
l'ensemble des gens, téléphonent la plupart du temps à des
gens qu'ils connaissent et qui connaissent déjà leur
numéro de téléphone et probablement bien d'autres
informations à leur sujet.
Maintenant, qu'un client ne souhaite pas que son numéro soit
transmis chez la personne qu'il appelle, c'est tout à fait
légitime qu'il le fasse. Il a ses raisons. On n'a pas à en juger
Et, ce client peut le faire déjà en passant par la
téléphoniste du "0", qu'il ait ou qu'il n'ait pas un
numéro inscrit, on ne fait pas de différence. Alors, il n'y a pas
que les gens qui ont un numéro que vous appelez confidentiel, et que
nous appelons non inscrit, qui puissent se prévaloir de cette
option-là, mais l'ensemble des clients, même ceux qui ont un
numéro inscrit.
M. Cannon: Ça, j'ai compris ça, là.
Dites-moi, à l'usage là, par la téléphoniste, ou
l'opératrice, lorsqu'on compose "0" pour s'assurer que l'appel est
bloqué, est-ce que vous avez beaucoup de revenus qui sont
générés par cette chose-là, d'une part, et la
fréquence de...
Mme Bastien: La fréquence, c'est moins de 1 appel sur 1
000 000 qui est bloqué. Alors, c'est vraiment très peu.
M. Beauregard: Si vous le permettez, M. le ministre, j'ajouterais
que, en ce qui concerne le tarif du blocage à 0,75 $ par intervention du
téléphoniste, ça correspond d'assez près aux frais
de 0,60 $ qui sont chargés régulièrement à
l'assistance-annuaire et qui ne sont pas, dans le moment, compensatoires, qui
devraient être plus élevés pour faire vraiment leurs frais.
J'ajouterai aussi, pour revenir à la problématique...
M. Cannon: On n'est pas au CRTC, ici.
M. Beauregard: J'ajouterai aussi qu'en ce qui concerne la
problématique de base l'établissement des coûts des
services, leur mise en marché, les tarifs et les prix auxquels ils sont
mis sur le marché sont toujours sujets à réglementation.
Donc, l'incidence de: Est-ce que le client en a pour son argent en souscrivant
à tel ou tel service? Le prix est déterminé être
juste et correct dans l'intérêt public.
Le Président (M. Camden): Alors, M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je salue Mme Bastien et M.
Beauregard. Je vous avoue que je suis resté un peu abasourdi par le
caractère incomplet de la problématique que vous décrivez.
Vous dites: L'appelant et l'appelé ont tous deux droit à la vie
privée. C'est ces deux droits-là qu'il s'agit de concilier. Vous
avez oublié un tiers qui est Bell Canada et son droit de mettre en
marché, pour faire des profits, des gadgets. Et, au plan de
l'éthique, je trouve ça très particulier que le CRTC vous
ait autorisé à adopter sans plus l'affichage parce qu'un client,
de temps immémoriaux, pouvait, contre rémunération,
obtenir la confidentialité de son numéro de
téléphone. Et maintenant, avec l'afficheur, vous dites: Oui, ce
n'est qu'un acompte. Si vous voulez continuer à avoir un numéro
confidentiel, vous allez nous donner 0,75 $ par appel. Et je vous avouerai
qu'au plan de l'éthique je trouve ça parfaitement immoral. Vous
dites: Je vous demande de l'argent pour garder votre numéro
confidentiel. J'en demande à un autre pour connaître votre
numéro. Maintenant, si vous voulez toujours que votre numéro soit
confidentiel, continuez de payer parce que, sinon, je le rends public.
Et j'ajoute une autre chose, si vous permettez. C'est que les gens, avec
votre système d'afficheur, appellent une entreprise et veulent garder
l'anonymat. Ça, c'est un intérêt légitime de
l'appelant. Mais votre système permet que son numéro de
téléphone soit automatiquement communiqué à une
banque d'ordinateur et là qu'on le sollicite, qu'on fasse son profil,
qu'on fasse un certain nombre de choses. Je vais vous dire ce qui m'estomaque:
c'est qu'aux deux niveaux de gouvernement on vous laisse aller, puis on dise:
On verra les problèmes que ça cause après. Là, il
est question d'un droit.
Et j'ajoute une autre chose. C'est sûr que, quand vous parlez du
droit de l'appelé à l'égard d'un harceleur, vous touchez
une corde sensible. Mais, contre 0,75 $ par appel, vous permettez à un
harceleur de harceler sans être identifié. Alors, votre objectif
fort noble se réduit à une question de marketing. C'est que vous
tarifez les appels de harcèlement. Et, moi, je vais vous le dire
franchement, je n'en reviens pas que les deux niveaux de gouvernement aient
fait en sorte que vous alliez à corps perdu dans des techniques de mise
en marché qui vont à l'encontre d'un droit fondamental, celui que
personne ne connaisse son numéro de téléphone. Puis,
remarquez, ce n'est pas plus grave qu'il faut. Il suffirait que ça soit
gratuit pour obtenir le blocage maintenant et ça existe dans d'autres
pays. Pourquoi je devrais payer pour garantir mon droit à la vie
privée?
Là, je vous donne d'autres exemples. Vous avez aidé
à déménager des maisons d'hébergement dont vous
aviez publié l'adresse par erreur. Vous l'avez fait de bonne foi, il n'y
a pas de problème. Mais les maisons d'hébergement, on finit par
savoir où elles sont et le conjoint agresseur qui reçoit un appel
de son ex-conjointe qui, par l'afficheur, par hypothèse, obtient le
numéro à moins que la maison d'hébergement vous paie pour
garder le secret de l'origine de l'appel, le secret de son numéro, s'il
sait où c'est, il peut aller tuer son ex-conjointe. Puis, je regrette,
avant que le ministre le dise, je n'invente rien. Ça risque
malheureusement d'arriver puisque Bell met sur le marché une technique
qui vise essentiellement, qui porte, dans son essence, atteinte au droit a la
confidentialité de son numéro de téléphone.
Et, dans votre lettre, vous dites: 'Tous les renseignements que Bell
Canada détient au sujet d'un abonné, à l'exception du nom,
de l'adresse et du numéro de téléphone de l'abonné
inscrits à l'annuaire, sont confidentiels." A contrario, ça veut
dire que les seuls renseignements que vous donnez, ce sont le nom, l'adresse et
le numéro de téléphone de l'abonné, à moins
qu'il paie pour le garder confidentiel. Mais, là, vous venez de dire: Si
quelqu'un d'autre me paie pour l'avoir, je lui donne.
Et je vais vous dire: À cet égard-là, je vous pose
la question: Comment faites-vous pour concilier ça avec le droit des
personnes? Et le droit de l'appelant et le droit de l'appelé, il ne faut
pas oublier que l'abonné est à la fois appelant et appelé,
hein? Alors, vous dites le protéger quand il est appelé si le
harceleur ne vous donne pas 0,75 $. Mais je vous donne un exemple, s'il appelle
un hôpital - et ça se développe, dans le secteur
privé, de fournir des choses - est-ce que les vendeurs itinérants
de préarrangements funéraires vont se mettre à aller
à la maison des personnes qui ont appelé à
l'hôpital? Parce qu'il a appelé à l'hôpital, a
priori, c'est quelqu'un qui est susceptible de mourir bientôt.
Je vais vous le dire, je suis proprement scandalisé de ce que
vous avez comme approche de marketing, essentiellement, et que les deux
gouvernements vous laissent faire en disant: On verra après. Est-ce que
vous êtes d'accord avec moi?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beauregard: Si vous me permettez, j'espère que je ne
serai pas accusé de lèse-quelque chose en vous disant que,
n'ayant pas eu le privilège de voir déposé devant moi
votre mémoire, il est possible que j'aie de la difficulté
à le reprendre point par point. Et je demanderai probablement l'aide de
ma collègue, ici, parce qu'il y avait vraiment beaucoup de choses dans
votre intervention.
Je commencerai par dire... En fait, je ne sais pas par quel bout
commencer. Il faut signaler, de toute façon - je vous le mentionnais
plus tôt - qu'il est virtuellement impossible, et vous avez raison de le
dire, on ne peut pas se
faire une opinion sur une question de cette complexité dans le
cadre d'une audition, d'une séance quelconque, d'une étude, d'un
examen de cette question et de tous ses tenants et aboutissants dans l'espace
d'une journée. C'est un processus public qui se déroule sur de
longues périodes de temps parce que c'est une question complexe.
Et, sur la moralité de la chose, il y a certainement
peut-être des divergences d'opinions entre nous et vous sur la question
de la moralité même des mécanismes du marché. Parce
que, encore une fois, en tout temps, il ne s'agit pas là de services
obligatoires. Tant la non-publication des numéros que l'afficheur ou les
services de gestion des appels sont des services discrétionnaires
auxquels on s'abonne en toute connaissance de cause.
Et révolution non seulement technologique, mais
l'évolution sociale et tout font que l'on encourt, aujourd'hui, à
titre de contribuable ou à titre de citoyen privé, des
coûts additionnels pour bénéficier davantage de nouveaux
services qui apparaissent. Il y a des coûts de sécurité
routière, des choses comme ça. Donc, j'ai un peu de
difficulté, je vous avoue, avec votre indignation, que je ne vous
conteste pas le droit d'avoir et d'exprimer, mais je ne la partage pas. Je ne
crois pas que nous portons atteinte... Et, à preuve, il y a au moins
d'autres instances qui ont vu les choses comme nous.
Je reconnaîtrai, du même souffle, par ailleurs, qu'il est
exact que c'est un débat néanmoins compliqué, d'enjeux
importants, et c'est exact que, dans d'autres juridictions, que ce soit aux
États-Unis ou ailleurs, on a constaté que différentes
instances entretiennent des vues, sinon incompatibles, à l'occasion au
moins divergentes ou pas en tout point identiques. Mais il est
intéressant de voir... Je pourrais vous citer là-dessus la
commission fédérale américaine qui dit: 'The Commission
has tentatively concluded that per line automatic blocking unduly burdens the
overall effectiveness of the service and per call blocking options, the
Commission stated, could allow the obscene or harassing caller to continue
criminal activity with impunity." (11 h 15)
Donc, il y a beaucoup de choses. Vous aviez raison de dire, par
ailleurs, et je suis d'emblée prêt à le reconnaître,
que l'exposé que je vous ai fait des positions de la compagnie
là-dessus est loin, mais très loin d'être exhaustif,
puisqu'on en débattra et qu'on répondra à des questions
là-dessus littéralement durant des jours et des jours. Donc, il
est évident qu'on ne vous a pas exposé tout et il est
évident qu'il y a une donnée nouvelle, par rapport à 100
ans d'histoire de la téléphonie, à l'effet qu'aujourd'hui
l'appelé dispose d'un contrôle sur ses appels. Et, incidemment je
crois que ça a été mentionné devant votre
commission à un moment ou l'autre que l'objectif de ces services
était de limiter le harcèlement. C'est une retombée
heureuse de la chose, mais l'objectif était de portée plus
générale; il était de donner à l'appelé un
certain contrôle sur les appels qui rentrent chez lui, de la même
façon qu'il peut contrôler l'accès à sa porte. Donc,
il n'y a pas que des choses immorales là-dedans.
Peut-être que Mme Bastien pourrait ajouter certains commentaires,
parce que j'avoue ne pas avoir pu tenir compte de la liste des questions
auxquelles vous espériez une réponse.
Mme Bastien: J'aimerais apporter une simple précision
à M. Bourdon. Lorsque vous mentionniez qu'une femme qui serait
hébergée dans un foyer d'hébergement pour personnes
victimes de violence, lorsqu'elle appellerait son conjoint et
qu'hypothétiquement son conjoint a l'afficheur, il pourrait voir
d'où provient l'appel, il y a du blocage gratuit dans les maisons
d'hébergement pour victimes de violence. Par ailleurs, il y a aussi -
c'est ce qu'on constate - beaucoup de téléphones publics dans les
maisons d'hébergement, qui sont mis à la disposition des
personnes qui y sont hébergées, de sorte que ces
personnes-là ne monopolisent pas la ligne principale de la maison
d'hébergement en question. Il y a aussi certaines maisons qui ont
installé des téléphones dans les chambres et ces
téléphones-là sont aussi exemptés des frais pour le
blocage.
Maintenant, d'une manière plus philosophique, je pense qu'il faut
peser les avantages et les inconvénients d'une service comme
celui-là. Jusqu'à présent, nous considérons que les
avantages sont supérieurs aux inconvénients, mais nous admettons
qu'il peut parfois y avoir des inconvénients qui ne sont pas
incontournables. À ce moment-ci, la façon d'empêcher
l'affichage, c'est de demander au téléphoniste du "0" de faire
l'appel pour nous ou d'utiliser un autre téléphone, par exemple.
Mais il n'est pas dit qu'il n'y aura pas autre chose.
M. Bourdon: Mais, tout à l'heure, Mme
Bastien, vous souligniez le très, très, très faible
volume d'appels qu'on tarife à 0,75 $ pour éviter que
l'appelé qui a payé l'afficheur puisse identifier la source de
l'appel. Mais vous ne pensez pas que c'est parce que les gens ignorent qu'ils
n'ont plus la confidentialité dans le sens...
Mme Bastien: Bien, écoutez...
M. Bourdon: Écoutez, laissez-moi dire mon point de vue.
C'est que les gens ignorent qu'en appelant dans un magasin, par exemple - et,
quand vous parlez d'un grand magasin, il y a le droit de l'appelé de ne
pas être harcelé - un grand magasin, par définition,
ça veut recevoir des téléphones. Mais ce n'est pas
sûr que les gens qui appellent veulent être abonnés à
des systèmes agressifs de mise en marché du grand magasin. Et,
dans le fond, on n'a pas besoin
d'une réflexion longue et profonde. Est-ce que Bell conviendrait
d'exempter toute personne qui le demande et d'informer ses abonnés
qu'ils peuvent être exemptés de communiquer leur numéro
à toute personne ou entreprise qui a un afficheur, et ce, gratuitement?
Et, dans le fond, accepteriez-vous d'appliquer ce que vous avez
déjà appliqué aux personnes qui payaient pour que leur
numéro de téléphone reste confidentiel? C'est ça,
l'enjeu de la question.
Mme Bastien: Je dois dire ici que, dans toute la publicité
qu'on fait concernant le service de gestion des appels, il y a un
encadré, qui est fort visible, qui indique qu'il est possible de
contourner les fonctions du SGA en passant par le téléphoniste.
Et, d'ailleurs, en passant par le téléphoniste, on
n'empêche pas que l'affichage; on empêche le fonctionnement des
trois autres options du SGA, y compris le dépisteur. Je dois aussi dire
qu'au moment où on se parle le service d'afficheur n'est pas disponible
pour les grands magasins auxquels vous faites référence. Mais
nous offrons le service aux clients résidentiels et aux clients
d'affaires monoligne; ça veut dire, dans notre jargon, une ligne, un
numéro de téléphone, celui du client. Et, à ce
jour, il y a 3 % seulement de ces clients d'affaires à qui nous offrons
le service qui y ont souscrit. Or, c'est un service qui est très
populaire, il y a des centaines de milliers d'abonnements et ce sont surtout
des clients, donc, résidentiels qui s'y abonnent, justement dans
l'objectif de préserver leur vie privée à eux. Maintenant,
en ce qui concerne l'autre partie de votre question sur du blocage gratuit, il
y a des discussions qui sont en cours présentement avec l'organisme qui
réglemente nos activités, mais je dois dire que le blocage
gratuit, à mon sens, annulerait tous les effets bénéfiques
de l'afficheur.
M. Bourdon: Maintenant, c'est ça, c'est que le blocage
gratuit aurait certainement des conséquences, mais ce que je ne
réussis pas à comprendre, c'est que vous dites le droit de
l'appelé. Oui, le droit de l'appelé de savoir qui l'appelle. Mais
le droit de l'appelant, on parle de la même personne quand elle appelle
et, à cet égard, ce que je veux vous souligner, c'est pourquoi
ça ne serait pas gratuit pour garder pour soi le numéro de
téléphone à partir duquel on appelle? Comment se fait-il
que, dans certains États américains et dans des pays à
l'étranger, ce droit de blocage est assuré gratuitement? Parce
que, entre les deux, le droit de l'appelant et le droit de l'appelé, je
voudrais vous souligner aussi qu'il y a un autre outil que vous louez ou
vendez, qui est le répondeur qui permet de ne pas connaître
l'origine d'un appel, mais de filtrer l'appel. Parce que c'est un fait que
l'appelé a le droit de ne pas voir quelqu'un surgir dans son
intimité par la voie du téléphone. Mais je ne
réussis pas, autrement que par des impératifs de marketing,
à comprendre que le droit que, depuis des décennies, un
abonné avait, par exemple, de garder son numéro confidentiel ait
sauté, et vous regardez les conséquences maintenant. Je vous
dirai que les distinctions que vous faites vont devenir parfaitement odieuses.
Gratuit à partir d'une maison d'hébergement; allez-vous ajouter
les CLSC, les hôpitaux et les cliniques qui traitent les MTS? Pourquoi ne
pas accorder ce droit à toute personne qui ne veut pas que le
téléphone qu'elle utilise soit identifié auprès de
l'appelé?
Mme Bastien: Comme je le mentionnais tout à l'heure, il y
a présentement des discussions en cours et nous sommes à
évaluer des options qui permettraient, justement, à des cliniques
ou à des CLSC et des hôpitaux, comme vous le mentionnez, de
préserver l'identité du numéro appelant. Maintenant, vous
dites que, depuis des décennies, on est habitués à
être prémunis contre l'affichage du numéro de
téléphone. C'est tout simplement une question technologique. Il y
a 100 ans, évidemment, lorsqu'on a introduit le téléphone,
il n'était pas possible de dévoiler ce genre d'information, mais
maintenant c'est possible. D'ailleurs, c'est un service qui nous est
demandé depuis fort longtemps par nos clients. On peut maintenant
l'offrir. Par rapport...
M. Bourdon: Maintenant, vous me permettrez de souligner qu'il y a
une technlogie qui existe depuis Gutenberg, qui s'appelait le livre du
téléphone dans lequel, contre rémunération, la
compagnie de téléphone ne mettait pas mon numéro. Et je
vous dirai qu'il n'y a pas de différence d'essence entre un affichage
sur un appareil et l'encre d'une imprimerie qui imprime mon numéro.
C'est ce droit-là que vous avez aboli avec l'accord des deux niveaux de
gouvernement.
Mme Bastien: Je répondrais là-dessus qu'une
personne...
M. Bourdon: C'est un fait. M. le Président, je comprends
que le ministre réagisse, mais on est en matière de droits
et...
M. Cannon: Ah! Fais ton show et je répondrai
après.
M. Bourdon: M. le Président, est-ce que le ministre me
laisse mon tour de parole?
Le Président (M. Camden): Ah! Mais...
M. Bourdon: Je manifeste une inquiétude, je ne fais pas de
show, M. le Président, et je dis-Le Président (M. Camden):
Alors, pour votre bénéfice, poursuivez votre
intervention.
M. Bourdon: Oui, mais, M. le Président, j'ai le droit de
dire que le droit à la confidentialité de son numéro de
téléphone est maintenant assorti d'un paiement. Je comprends que
Bell va aller d'exception en exception: les femmes dans les maisons
d'hébergement, les cliniques... Parce que le secret professionnel en
prend un coup avec l'afficheur que vous commercialisez. Mais pourquoi ça
ne serait pas gratuit pour tout le monde qui ne veut pas que son numéro
soit connu de la personne qu'il appelle? Pourquoi justifiez-vous une mesure,
qui est essentiellement de marketing et qui est payante pour votre entreprise,
par uniquement le droit de l'appelé de connaître l'identité
d'une personne qui l'importune, par exemple? La même personne, quand elle
n'est plus appelée mais appelante, là, vous lui dites: Vous allez
payer des droits très élevés pour ne pas
révéler votre numéro.
Puis, en le faisant, parce que vous le faites contre achat, vous enlevez
toute valeur à votre argument de protéger l'appelé parce
que, si on vous paie, vous ne protégez plus l'appelé, parce que,
là, j'appelle et on ne connaît pas mon numéro, contre
rémunération. À part du marketing, qu'est-ce que c'est qui
est constant dans tout ce que vous nous dites? C'est que Bell fait beaucoup de
marketing d'une nouvelle technologie qui comporte des aspects dangereux. Dans
le fond, vous faites sur l'afficheur ce qu'avant vous vous interdisiez de faire
par de l'encre, en imprimant un numéro dans un livre.
Mme Bastien: Écoutez, évidemment qu'une personne
qui a un numéro inscrit dans l'annuaire - et vous savez comme moi que
l'annuaire est distribué en plusieurs millions d'exemplaires - voit son
numéro, son adresse aussi et son nom dans tous les foyers. Une personne
qui choisit de ne pas avoir son numéro inscrit à l'annuaire doit
payer pour cette exception. Cependant, lorsque cette personne
téléphone à quelqu'un, elle ne dévoile pas son
numéro à 4 000 000 d'individus non plus, mais à la
personne qu'elle appelle, et seulement si elle choisit de ne pas faire bloquer.
Par ailleurs, il serait intéressant d'observer si les gens qui ont des
numéros non publiés demandent davantage que ceux qui ont des
numéros inscrits à l'annuaire aux téléphonistes
d'acheminer l'appel pour eux. Je n'en sais rien, mais ce serait
intéressant de vérifier.
Maintenant, tout à l'heure, vous mentionniez les
répondeurs. Ils existent depuis plusieurs années. C'est vrai
qu'ils sont fort utiles et qu'ils peuvent aider à filtrer les appels.
Cependant, les répondeurs n'ont jamais réussi à faire
diminuer le nombre d'appels ennuyeux ou, du moins, pas le nombre de plaintes
que nous recevons et de demandes que nous recevons des différents corps
policiers pour procéder au dépistage par des techniques plus
traditionnelles d'origine d'appels ennuyeux. Il n'y a que l'af- ficheur qui a
réussi ça jusqu'à présent et c'est très bon,
d'ailleurs, les résultats, puisqu'il y a eu une diminution de 75 % de ce
type d'enquêtes chez nous en un an seulement et dans deux endroits
seulement, c'est-à-dire ici à Québec et à Ottawa.
On verra pour les autres villes où le service a été
implanté plus tard quels seront les résultats.
Maintenant, M. Beauregard avait quelque chose à ajouter.
M. Beauregard: C'était quand même sur
l'espèce d'approche générale. Quand vous parlez de
marketing ou de profit, je ne crois pas que le marketing de produits et
services soit en soi une activité illégitime. Que pour la
compagnie il en dérive des revenus, incidemment, tous ces revenus, de
même que ceux de l'interurbain et autres, qui sont ce qu'on appelle des
services discrétionnaires, sont un moyen d'aider à conserver le
plus bas possible le tarif du service local.
Au-delà de ça, de toute façon, comme toute
activité commerciale, il s'agit d'une activité, d'offrir au
public, contre rémunération, des produits et services que ledit
public est parfaitement libre d'accepter ou de ne pas accepter.
M. Bourdon: Mais vous me permettrez, M. le Président, de
dire que le côté discrétionnaire du service, ça ne
tient pas pour l'appelant. Il n'a pas demandé que son numéro soit
révélé à la personne qu'il appelle. Ce n'est pas
vrai que vous respectez son libre choix. L'argent que vous donne
l'appelé dispose du droit de l'appelant C'est ça, la question. Et
c'est parfaitement légitime de faire un profit, mais ce qui
préoccupe cette commission parlementaire-ci, c'est la protection de la
vie privée et je pense que Bell pourrait faire des profits en respectant
le droit de l'appelant de ne pas révéler son numéro de
téléphone à la personne qu'il appelle et le droit de le
faire gratuitement puisque, s'il ne veut pas que son numéro soit
publié, il est déjà astreint à une tarification
pour que vous ne l'imprimiez pas dans le livre du téléphone.
Alors, cessez de dire que c'est parfaitement optionnel. Moi, quand j'appelle
une personne qui a payé pour l'afficheur, on ne me consulte pas, ce
n'est pas discrétionnaire, la personne a mon appel et a mon
numéro de téléphone. Dans le fond, c'est assez simple.
Reviendriez-vous à la règle, qui a prévalu avant, de
respecter le droit à la confidentialité de son numéro?
M. Beauregard: Est-ce que j'ai le droit de répliquer
brièvement en disant que tout ceci, ce que vous venez de dire, je le
partage jusqu'au point suivant: c'est que tout ça doit toujours se faire
dans une décision d'intérêt public, dans l'équilibre
à maintenir entre les droits ou les intérêts de l'un et de
l'autre, comme je l'ai signalé au début.
Le Président (M. Camden): M. le ministre.
M. Cannon: Fort heureusement, il y a des progrès
technologiques; sinon, notre collègue, le député de
Pointe-aux-Trembles, se retrouverait dans une situation où, à
l'époque, c'est par l'entremise d'une standardiste qu'on passait les
appels. Et, heureusement, notre débat est là; sinon, ça
aurait été tout un débat sur le droit à la vie
privée avec la standardiste.
J'ai peut-être une autre question à poser à M.
Beauregard. Votre code d'éthique, est-ce que ce code-là s'inspire
des lignes directrices de l'OCDE?
M. Beauregard: Tout à fait. Et la compagnie est tout
à fait alignée avec le code de l'OCDE.
M. Cannon: Vous n'auriez donc, par conséquent, pas
d'objection à ce qu'une loi vienne confirmer, justement, ces lignes
directrices là?
M. Beauregard: Ça dépend en quels termes et je vous
avoue que c'est une réaction à brûle-pourpoint. Je serais
porté à dire que, si une loi n'avait pour objet que de dire que
les lignes directrices de l'OCDE vont s'appliquer en territoire
québécois, je ne crois pas qu'on y aurait d'objection. Mais, de
là à dire qu'on serait d'accord avec une législation qui
ferait autre chose que ça, c'est différent. Et, comme c'a
été signalé ce matin, je crois, en tout cas, que
d'accoucher, si vous me permettez l'expression, d'une loi à
caractère général pour couvrir des activités
commerciales très diversifiées risque d'être fort
difficile. Et nous croyons que, là où la nature de l'exploitation
des entreprises est telle qu'elle "impacte" l'intérêt public de
façon appréciable, il vaut vraisemblablement mieux laisser les
organismes de réglementation spécifique prendre en compte toutes
les dispositions qu'il y a lieu de mettre en oeuvre pour protéger la vie
privée d'une façon ciblée, plutôt que de tenter
d'avoir des mesures qui satisferaient des conditionnements extrêmement
diversifiés. Je crois que ce serait plus efficace.
M. Cannon: O.K. Je n'ai pas d'autres questions à poser. Il
ne me reste qu'à vous remercier d'avoir bien voulu vous présenter
ce matin et vous prêter à cet échange que je juge fort
intéressant, et je vous souhaite un bon retour, à vous et
à Mme Bastien. Merci.
M. Beauregard: Merci, mesdames et messieurs.
Le Président (M. Camden): M. Beauregard et Mme Bastien, on
vous remercie au nom de l'entreprise Bell Canada de nous avoir
présenté votre mémoire et d'avoir accepté de
répondre aux questions. Afin de permettre au prochain groupe de prendre
place, soit la Ligue des droits et libertés, je suspends les travaux de
cette commission pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 33)
(Reprise à 11 h 39)
Le Président (M. Camden): Alors, j'accueille maintenant la
Ligue des droits et libertés avec M. Gérald McKenzie,
président, c'est cela, M. Denis Langlois, responsable des
communications, et Mme Joanne Barabé, vice-présidente du Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec. Nous leur souhaitons la
bienvenue. Je vous rappelle brièvement que vous avez 20 minutes pour
présenter votre exposé et suivront deux autres périodes de
20 minutes pour, d'une part, le ministre et l'aile ministérielle, et le
porte-parole de l'Opposition a également 20 minutes. Nous sommes
disposés à vous entendre.
Ligue des droits et libertés
M. McKenzie (Gérald): Merci bien. M. le Président,
M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je veux tout de suite
souligner que notre rapport a été appuyé par un certain
nombre de groupes communautaires et d'organismes, entre autres, le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec, la FACEF, la
Fédération des associations coopératives d'économie
familiale, et l'Association des consommateurs du Québec. On vous
remercie de nous recevoir pour pouvoir vous présenter un mémoire
et des recommandations qui sont le fruit, en fait, de plusieurs années,
d'un grand nombre d'années de travail et d'interventions, de
réflexions à la Ligue des droits sur le domaine de la vie
privée et de la protection des renseignements personnels. Nos experts,
les gens qui ont milité à la Ligue généralement
bénévolement, ont suivi l'évolution des pratiques de
renseignements dans le pays et ont aussi analysé les impacts sur nos
droits et libertés du virage technologique qu'on a connu au cours des
dernières années.
Dans les années soixante, soixante-dix, notre
préoccupation portait plus sur le contrôle politique, sur la
montée de dossiers politiques, de dossiers sur les individus par les
corps de renseignements, les corps policiers, sur les dangers de la carte
d'identité. Ce type de dossiers là continue d'être
maintenu, évidemment, mais il est comme en retrait. Maintenant, ce qui
nous préoccupe, c'est ce qui a lieu à l'heure actuelle qui tient
du développement de la télématique qui a
démocratisé le renseignement et étendu le domaine
d'application du fichage des individus. Le développement des services
publics, de l'industrie privée a exigé des appareils
sophistiqués de cueillette et de stockage de renseignements sur les
personnes. C'est un phénomène qu'on ne connaissait pas ou
qu'on
n'imaginait pas possible il y a 20 ans. Je pense que maintenant on
commence à comprendre les conséquences de ces
phénomènes.
L'avènement et le perfectionnement des technologies nous ont
obligés à reconnaître l'importance et la relative
facilité de réglementer les diverses activités de
renseignements de manière à respecter un principe fondamental,
c'est celui du respect de la vie privée. En fait, un très grand
nombre de pays industrialisés ont déjà adopté des
réglementations, des lois régissant autant les secteurs
privés que publics. L'OCDE, en 1980, a émis des lignes
directrices, le Canada a entériné ces lignes-là, on est
encore dans le Canada, je pense. En 1981, le Conseil de l'Europe adopte une
convention à cet égard. Des législations inspirées
des principes de l'OCDE sont adoptées dans un nombre de pays important.
Au Québec, c'est en 1982 que la loi sur l'accès à
l'information et sur la protection des renseignements personnels,
régissant le secteur public, a été adoptée.
C'est à la suite des listes noires de locateurs, qui sont
devenues un scandale à un moment donné, que le débat pour
nous a définitivement pris cours et, je pense, s'est étendu
à plusieurs secteurs de la société. Plusieurs pratiques
ont commencé à faire problème. On s'est aperçu que
des possibilités d'atteinte aux droits et libertés étaient
courantes dû à ces pratiques-là. Je veux juste en
mentionner quelques-unes: l'usage du détecteur de mensonge, des test
médicaux préembauche; l'utilisation abusive du numéro
d'assurance sociale, du numéro d'assurance-maladie, du permis de
conduire; le commerce des listes de personnes, les rapports de crédit;
tout le développement des fichiers électroniques de
renseignements personnels et du couplage possible de ces fichiers. Toutes ces
pratiques-là ont commencé à inquiéter des secteurs
importants de la population, pas seulement les organisations de défense
des droits.
Il faut rappeler qu'en 1986 un rapport commandé par le
gouvernement, qui s'appelle "L'identité piratée", faisait 175
recommandations qui allaient dans le sens d'une intervention législative
dans le secteur privé. Le même genre de conclusion émanait
de la Conférence sur l'électronique et l'informatique en 1985,
où tous les secteurs de la société étaient
représentés, le gouvernement inclus. En 1987, le Code civil a
été revu, notamment aux articles ayant trait au respect de la
réputation et de la vie privée. Ce chapitre, malheureusement,
n'est pas encore en vigueur. En 1988, la commission de la culture, unanimement,
recommandait d'étendre les principes de protection des renseignements
personnels de la loi de l'accès à l'information à des
secteurs prioritaires de l'entreprise privée.
J'aimerais aussi rappeler qu'en 1988, lors d'un dîner, d'un
banquet où on fêtait le 40e anniversaire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, le 10e anniversaire de la charte des droits
du Québec et le 25e anniversaire de la Ligue, le ministre de la Justice,
Gil Rémillard, profitait de l'occasion pour, et je cite, "offrir en
guise de cadeau d'anniversaire à la Ligue" l'application, "la mise en
vigueur du chapitre du Code civil [...] au plus tard en novembre 1989" et puis
aussi l'adoption d'une loi de protection dans le secteur privé.
Évidemment, on attend toujours. Je veux juste souligner à votre
attention que nous avons apporté ici un certain nombre de documents qui
illustrent qu'on n'est pas les seuls à attendre, entre guillemets, un
cadeau. Un grand nombre d'études, de publications qui ont
été commandées et par le gouvernement et par des
organismes privés et publics arrivent à peu près aux
mêmes con elusions: il faut légiférer non seulement dans le
secteur public, mais aussi dans le secteur privé.
Au printemps 1989, est publié un rapport interministériel,
qui s'appelle "Vie privée: zone à accès restreint", qui
émet le même genre de conclusions, le même genre de
recommandations. Cette année aussi, le ministre Cannon, dans un rapport,
souhaitait une réglementation. Finalement, comment faire, comment avoir
l'assurance que les renseignements personnels dans le secteur privé
soient protégés malgré la prolifération des banques
de données, la facilité de couplage et la commercialisation
effective de ces banques de données? Notre mémoire est clair
là-dessus. On pense que le gouvernement devra légiférer.
Notre mémoire ne veut pas s'attarder aux détails d'une telle
législation. Notre réflexion porte surtout sur les objectifs
qu'on devrait atteindre par une telle législation, les principes de
droit fondamentaux qu'on devrait rencontrer et puis les écueils qu'il
faudrait éviter.
Je veux juste rappeler les recommandations. La première, je veux
insister là-dessus, je pense qu'il est possible qu'elle soit mise en
oeuvre tout de suite. Il est urgent et possible de mettre en vigueur
immédiatement le chapitre du Code civil relatif au respect de la vie
privée. Les articles en question énoncent quelques-uns des
principes fondamentaux en matière de protection des renseignements
personnels: droit d'accès au dossier et de correction, principes de
qualité et de pertinence de l'information. Une mise en vigueur
immédiate permettrait de préserver des droits menacés,
enverrait un signai clair aux entreprises et établirait un climat
favorable, le temps qu'il faut pour bien préparer une
législation. Ça serait au moins une promesse tenue.
Deuxièmement, nous souhaitons que les mêmes principes
régissant le secteur public s'appliquent au secteur privé. M.
Denis Langlois, tout à l'heure, illustrera et précisera notre
recommandation en ce sens. Il va aller un peu plus en profondeur sur la
question de ces principes-là.
Troisièmement, nous croyons nécessaire que des recours
accessibles, gratuits, rapides soient prévus. On pense qu'un tribunal
s'apparentant au
Tribunal des droits de la personne - mais là je mets
"s'apparentant", j'insiste là-dessus - devrait être
institué, ayant juridiction autant sur le secteur public que sur le
secteur privé.
Quatrièmement, nous appuyons les recommandations du rapport "Vie
privée: zone à accès restreint." Il faut tenir compte des
dimensions de promotion, d'éducation et de recherche dans ce domaine.
Par exemple, l'enseignement de l'informatique au secondaire devrait être
accompagné peut-être d'un chapitre sur les aspects
démocratiques, déontologiques qui touchent ces
technologies-là. On oublie souvent que l'école peut servir
à éduquer les enfants, les jeunes, pas juste en
mathématiques, en français ou en géographie, mais aussi en
droit de la personne. On pense que ça manque beaucoup dans les
écoles. Mais, en tout cas, voilà un cours où on pourrait
peut-être expérimenter, prendre une initiative
particulière.
Ensuite, évidemment, il faudrait permettre aux groupes
communautaires de continuer de développer leur expertise. Je ne veux pas
vanter la Ligue, mais je veux dire que, grâce à des experts, comme
Pierrot Péladeau, entre autres, qui travaille bénévolement
à la Ligue depuis une quinzaine d'années sur ce
domaine-là, et à d'autres experts, on a pu diffuser, sensibiliser
la population et même amener nos gouvernements à adopter des
législations. Il faut investir, je pense, des énergies, des
ressources vers les groupes communautaires pour qu'ils fassent de la recherche,
mais aussi pour qu'ils éduquent et diffusent les connaissances au
public, qu'ils profitent des réseaux dans lesquels ils sont pour,
finalement, faire en sorte que la population connaisse un peu ce qu'il en est
des nouvelles technologies et du respect de la vie privée.
Je veux passer la parole maintenant à Denis Langlois qui va aller
un peu en profondeur sur l'aspect des principes, avec quelques illustrations
aussi de...
M. Langlois (Denis): Merci, Gérald. Je voudrais savoir
combien il me reste de temps par rapport aux 20 minutes, parce que je voudrais
aussi éviter qu'il ne reste plus de temps à Mme Joanne
Barabé.
Le Président (M. Camden): II vous reste huit minutes au
total.
M. Langlois: II reste huit minutes, bon. Le Président
(M. Camden): Oui. M. Langlois: O.K. Merci.
M. McKenzie: J'espère que tu ne m'en voudras pas.
M. Cannon: De toute façon, je pense que Michel et moi on
consent à ce que vous finissiez votre temps. Vous êtes ici pour
parler.
M. Langlois: II n'y a pas de problème, vous êtes
assez souples là-dessus. Bon, d'accord, merci.
Bonjour, MM. les ministres et députés. Il y a quelques
semaines, un journaliste à Radio-Canada, à l'émission
'Tout compte fait", révélait la diffusion accidentelle par fax,
par télécopieur, de huit pages d'informations hautement
délicates sur le crédit d'un citoyen. C'est la compagnie
Équifax, laquelle détient des renseignements sur plus de 12 000
000 d'invidus au Canada, qui est responsable de l'erreur. On pourrait se
contenter de dire: Est-ce qu'on ne doit pas parler de simple négligence?
Mais on peut aussi se demander s'il n'y a pas là des droits fondamentaux
des citoyens et citoyennes, qui ne sont pas en train d'être
systématiquement bafoués par le commerce du renseignement.
Autre situation: on appelle auprès de la compagnie La Capitale
pour obtenir une simple demande de renseignements. Toute personne qui le fait
doit obligatoirement fournir son numéro d'assurance sociale sous
prétexte, au dire de la compagnie, de prouver le sérieux de sa
demande. Le numéro d'assurance sociale est également exigé
par plusieurs propriétaires ou associations de propriétaires au
seul motif d'"application" pour l'obtention d'un logement. Doit-on laisser
faire, sous prétexte qu'une personne peut refuser de divulguer des
informations demandées, étant libre, dans le cadre du
marché, de choisir un logement où le propriétaire n'exige
pas cette information avant de considérer sa candidature?
Toute personne qui, à Montréal, Québec ou Hull,
autre situation déplorable, veut s'assurer de la confidentialité
de son numéro de téléphone doit payer 0,75 $ de plus
à chaque fois qu'elle loge un appel. Dans ce sens-là, la
marchandisation de nos droits est non seulement devenue une pratique courante
ou, en tout cas, trop courante, mais ne risque-t-elle pas d'élargir
encore le fossé entre les personnes capables de payer et les autres qui
n'ont plus les moyens d'exercer leurs droits, finalement?
Des exemples de tels abus, sous forme de questions indues, de
surveillance exagérée ou de consentement forcé, sont
devenus trop souvent monnaie courante. Les citoyens que nous sommes deviennent
habitués à se faire soupçonner sur la
véracité de leurs déclarations et acceptent peu à
peu toutes les méthodes de surveillance et de contrôle que la
capacité imaginative des commerçants d'informations arrive
à mettre sur le marché. Après tout, le sens commun dit
bien: Si tu n'as rien à cacher, tu n'as rien à craindre. Sauf que
justement ce serait trop beau si c'était si simple que cela.
Le mémoire que nous avons déposé devant votre
commission porte, justement, sur un certain nombre de balises ou de principes
et veut les réaffirmer avec d'autant plus de vigueur que des
comportements inquiétants se sont produits ou se sont
multipliés. Permettez-moi de rappeler ici brièvement ces
principes. Outre celui de la mise en vigueur du chapitre du Code civil dont M.
McKenzie vient justement de parler et de signaler la possibilité et
l'urgence, il y a d'abord la transparence des systèmes d'information. Il
s'agit, à notre avis, d'un préalable à l'exercice de bien
d'autres droits. Comment, en effet, exercer son droit d'accès ou de
correction si on ne peut pas savoir ce que telle personne, tel commerce ou
telle entreprise détient comme renseignements à son sujet?
J'en profite pour vous faire part à cet égard d'une
préoccupation majeure de l'AQDR, l'Association québécoise
des droits des retraités, qui a été aussi un organisme
appuyant le mémoire de la Ligue. Leur préoccupation, c'est qu'ils
demandent que des moyens soient mis en oeuvre pour renseigner les citoyens sur
la détention d'informations par des entreprises ou organismes, des
moyens qui préciseront le type de renseignements contenus dans les
fichiers.
Le rapport du comité interministériel "Vie privée:
zone à accès restreint" contenait d'ailleurs une recommandation
qui, de l'avis de la Ligue, mérite d'être considérée
avec une certaine attention. Elle peut peut-être poser problème
dans son application, mais elle devrait mériter d'être
considérée. C'est celle qui oblige l'entreprise ou l'organisme
privé à fournir annuellement à tout citoyen ou citoyenne
une copie écrite des données informatisées détenues
à son sujet, ce qui permettrait aux citoyens et citoyennes d'exercer
leurs droits de manière éclairée.
Deuxième règle essentielle sur laquelle nous avons
insisté dans notre mémoire, c'est l'obligation du consentement de
la personne concernée. C'est une règle qui est admise et qui est
déjà présente dans plusieurs études, rapports, dans
les lignes directrices de l'OCDE, entre autres. Mais ce consentement devient
fictif lorsque la relation entre l'entreprise et la personne concernée
est telle qu'il devient impossible de refuser son consentement sans encourir
des dommages majeurs. En face d'un employeur, d'une compagnie d'assurances ou
d'une banque, il arrive trop souvent qu'il soit impossible de s'opposer
à des intrusions inconsidérées dans sa vie privée.
Alors, pour infléchir cette situation défavorable, la
connaissance préalable des pratiques Informationnelles, ainsi que des
finalités pour lesquelles les renseignements seront recueillis, de leurs
limites, de leur portée dans le temps, contribuerait à faire en
sorte que le consentement soit plus éclairé et aussi plus
libre.
Troisième principe sur lequel on veut insister, c'est la
détermination de l'objet et de l'usage des renseignements recueillis, et
ce, avant même la collecte et la production de ces renseignements. Parce
qu'on a pris l'habitude, dans plusieurs milieux, de recueillir tout ce qu'il
ost possible de recueillir. Une caisse populaire, par exemple, auprès de
qui vous ouvrez une marge de crédit, vous demande votre numéro de
permis de conduire sans aucune raison. Un magasin où vous payez par
carte de crédit vous demande votre numéro de
téléphone. On pourrait citer plusieurs exemples du genre,
où les finalités n'ont rien à voir avec la
possibilité, pour l'institution en question, d'exercer correctement la
gestion de ses affaires ou du service qu'elle entend donner aux citoyens.
La non-spécification des finalités permet d'utiliser des
renseignements recueillis pour une raison spécifique à d'autres
fins que celles pour lesquelles Hs ont été cueillis. Cela laisse
la porte ouverte au commerce de listes, bien sûr, à la
sollicitation non désirée, parfois même au
harcèlement téléphonique et le reste, ce qui esi
déjà une Intrusion dans notre vie privée.
Mais cela permet aussi, si la situation actuelle n'est pas
corrigée, d'obtenir des renseignements de façon
détournée, et qui peuvent être confidentiels, sur
l'état de santé ou les antécédents judiciaires ou
sur les dossiers de crédit, etc., et, en plus, de dresser des profils
diversifiés sur des milliers de personnes en appariant des informations.
C'est, d'ailleurs, ce pourquoi un des principes que nous avançons dans
notre mémoire, c'est celui de cueillir les renseignements d'abord
auprès de la personne concernée, pour des raisons de
véracité des faits, en premier lieu, et pour des raisons aussi de
connaissance des pratiques informationnelles dont chaque personne est
l'objet.
La confidentialité et la sécurité des
renseignements ne peuvent être assurés que par la limitation et le
contrôle strict des communications relatives aux renseignements
personnels. Non seulement ils ne devraient pas servir à d'autres fins
que celles pour lesquelles ils ont été cueillis et, donc, ne pas
être communiqués de façon indue, mais encore ils ne
devraient être communiqués, quand ils le sont sans le consentement
de la personne concernée, que dans des situations exceptionnelles.
Finalement, les droits d'accès, de consultation et de correction
devraient également être pleinement reconnus. Pour que le droit
d'accès soit réel, il faut connaître l'existence d'un
renseignement, il faut connaître sa source, il faut connaître
l'identité des personnes auxquelles il a été
communiqué, les critères utilisés dans son traitement,
ainsi que les produits qui ont pu en résulter. C'est à ces
conditions-là que l'accès véritable des citoyens peut
être autre chose que des mots sur papier. Ces règles-là,
ces principes-là, on signale, en terminant, dans notre mémoire,
qu'ils devraient, à notre avis, être respectés dans les
communications transfrontières et on devrait prévoir, dans le cas
de toute législation, des mesures qui sanctionnent leur violation, leur
non-application.
Notre mémoire fait aussi deux autres recommandations, que M.
McKenzie a évoquées,
quant à la mise en oeuvre de cette démarche de protection
des renseignements personnels dans le secteur privé: celle sur la
création d'un tribunal permettant des recours accessibles et gratuits -
on pourra peut-être y revenir dans la discussion - et celle aussi
invitant le gouvernement à soutenir les organismes communautaires dans
la recherche, la promotion et l'éducation sur les impacts sociaux de
l'implantation des nouvelles technologies et sur les impacts au niveau des
droits et libertés.
En conclusion, dans son approche de la question, nous souhaiterions que
le gouvernement ne se satisfasse pas de conformer la législation
québécoise aux impératifs ou exigences de protection des
renseignements personnels, qui nous viendraient d'Europe ou des USA et de,
finalement, la situation internationale actuelle. Ce serait déjà
un pas en avant important, mais, à notre avis, insuffisant. Du point de
vue des citoyens et citoyennes, il est devenu primordial de veiller à la
protection des renseignements détenus à leur sujet. Et si
ça devait bousculer certaines pratiques, nous souhaitons que le
gouvernement n'hésite pas à le faire. Il faudrait bien qu'un jour
l'entreprise apprenne à implanter ces nouvelles technologies
d'information et de communication en respectant les droits fondamentaux des
personnes qui sont déjà reconnus dans les chartes ou ailleurs.
Merci. (12 heures)
Le Président (M. Camden): Mme Barabé.
Mme Barabé (Joanne): Je vais essayer d'être
très brève. M. le Président, MM. et Mmes les
parlementaires, le droit fondamental qui est garanti par la Charte à
l'article 5 dit: 'Toute personne a droit au respect de sa vie privée."
Je pense que c'est un droit qu'on ne peut pas monnayer et je pense qu'il y a
beaucoup d'organisations qui tentent de monnayer ce droit-là; il faut se
prémunir contre ça. Ça me fait penser un petit peu
à la remarque d'Einstein, le soir d'Hiroshima, quand il disait: Faut
quand même pas faire n'importe quoi. Il y a des limites que la science a
repoussées; il y a des limites que la technologie a repoussées.
On y a fait référence tantôt, je pense qu'il y a des
limites qu'il faut se poser; sinon, on va arriver à une
société où "Big Brother is watching you", puis il faut
s'en garantir avant qu'il soit trop tard. Et je pense qu'on est rendus à
une étape où il n'est pas trop tard.
La loi d'accès à l'information nous a donné des
grandes lignes directionnelles là-dessus, dans différents
articles. Je vous nommerai en vrac l'article 64 qui dit qu'on ne peut
recueillir de renseignements si cela n'est pas nécessaire, et je
reviendrai tantôt à la notion de nécessité. À
l'article 89, on dit qu'une personne peut exiger que son dossier soit
rectifié s'il contient un renseignement personnel inexact ou incomplet,
encore faut-il savoir où se situe ce dossier-là. À
l'article 53, on établit le principe fondamental de la
confidentialité des renseignements, sauf si la personne concernée
autorise leur divulgation. À l'article 23, on met quand même
à l'abri toute la notion des secrets industriels, il ne faut quand
même pas tomber dans l'extrême, et on garantit la protection
absolue des renseignements d'ordre industriel, financier, commercial,
scientifique, technique ou syndical. Et, à l'article 127 et dans les
suivants, on garantit un pouvoir d'exercice de ce droit-là. Et je pense
que c'est important.
Je pense que ce qu'on doit retrouver dans une législation
québécoise, c'est le pouvoir d'identifier les lieux où on
détient des informations, le pouvoir de pouvoir les vérifier et
les corriger pour un simple citoyen, sans s'embarquer dans des filières
administratives incontournables, le pouvoir d'exercer des recours raisonnables
contre les contrevenants et le pouvoir d'autoriser ou non la divulgation de
renseignements nomita-tifs ou personnels. Et je pense que le gouvernement a un
autre devoir, c'est celui d'avoir un discours cohérent dans l'ensemble
de ses pratiques et je vous donnerai un exemple en vrac; on pourrait en sortir
plusieurs, j'en suis certaine. Le gouvernement a un discours qui dit qu'il faut
réinsérer dans la société les gens qui ont des
problèmes de maladie mentale, entre guillemets. On les
désinstitutionnalise et on les incite à réintégrer
la société. Un des élément essentiels à la
réintégration de la société, c'est le travail. Or,
si on permet d'une façon très large aux employeurs de faire des
tests préembauchage, comment pensez-vous que quelqu'un qui a fait un
séjour en institution psychiatrique, qui est sous médication dans
un handicap psychologique, qui a une médication contrôlée,
comment pensez-vous que quelqu'un qui a fait un séjour à un
hôpital pour "burnout" ou dépression va réussir, a travers
un marché du travail aussi difficile que le nôtre, à se
trouver une place au travail? Quelque part, il va falloir être logique
dans toute cette démarche-là.
Et c'est la notion de nécessité qui peut répondre
à tout ça. La loi d'accès à l'information a
développé une expertise assez serrée sur la notion de
nécessité et ça me fait penser à toute la
discussion qu'on a eue tantôt sur le Maestro. Est-ce qu'il est vraiment
nécessaire, quand j'appelle quelque part, que sans mon autorisation et
sans même que j'en sois informée mon numéro de
téléphone apparaisse sur l'appareil? Et on a cité en
exemple, évidemment, les cas des centres d'accueil pour femmes, parce
que tout le marketing du Maestro s'est fait aussi beaucoup sur la situation des
femmes, sur la situation des appels harcelants, anonymes, bouleversants
à certains égards. Sauf que la technologie nous permet, par
ailleurs, de prendre des moyens beaucoup plus précis pour éviter
ce type d'appels là. Il y aurait eu moyen de mettre un bouton
spécial sur le téléphone pour contrecarrer ces
situations-là.
Mais, à l'inverse, et c'est l'effet pervers du
Maestro, il y a un paquet de gens qui vont avoir des problèmes.
Qu'on prenne l'exemple de n'importe qui, tout un chacun, qui veut magasiner, de
son bureau ou de son domicile, une maison, un bateau, une auto, qui va voir son
numéro de téléphone affiché sur les appareils de
tous les vendeurs et puis qui va se faire par la suite harceler par un paquet
de gens qui vont vouloir le pousser à l'achat. Qu'on pense aussi aux
gens qui vont, de leur bureau - car c'est le seul moment dans la journée
où ils peuvent le faire - appeler des cliniques thérapeutiques de
tout genre, qui vont voir le numéro de leur bureau apparaître
à la clinique et qui vont recevoir, via la téléphoniste ou
la secrétaire, un appel de telle clinique, bon. Le 0,75 $, c'est
sûr que c'est facile, mais pourquoi est-ce qu'on serait obligé de
payer 0,75 $ pour protéger un droit fondamental? C'est la question que
je me pose.
Je pense que la Commission d'accès à l'information a
développé une certaine expertise dans ce milieu-là pour
éviter qu'il y ait des abus et je pense qu'il y a des notions
importantes dans ça qui pourraient être transposées au
niveau du privé, et qu'on a intérêt à le faire avant
qu'il soit trop tard. Je vous remercie.
Le Président (M. Camden): Alors, M. le ministre des
Communications.
M. Cannon: M. McKenzie, M. Langlois, Mme Barabé, merci
d'être là. Merci de la présentation de votre mémoire
bien étoffé, avec évidemment beaucoup d'expérience.
Je pense que, pour une personne comme moi qui arrive dans ce
portefeuille-là, c'est très intéressant à examiner,
parce qu'il y a des choses qui sont très véridi-ques
là-dedans et que je partage. Parmi les principes qui devraient nous
guider dans l'élaboration de ce projet de loi, vous mentionnez la
transparence des systèmes d'information sur les personnes. Pourriez-vous
expliquer davantage ce que vous entendez pas cela? Peut-être M. Langlois,
parce que je pense que c'est vous qui l'avez évoquée.
M. Langlois: Par transparence, on veut dire qu'effectivement ce
qui nous semble important, c'est que les citoyens sachent exactement ce que
telle compagnie, telle clinique privée, tel organisme privé ou
tel employeur détient à leur sujet, au moins au niveau du type de
renseignements qu'ils détiennent. On parle, par exemple, de
l'accès à des dossiers médicaux dans le secteur public qui
est possible même dans le cas des psychiatrisés. Il nous semble
important non seulement de rendre accessibles ces choses mais d'informer les
citoyens que, je ne sais pas, moi, telle compagnie d'électricité
ou telle compagnie de téléphone ou tel employeur sait un certain
nombre de choses sur vous au niveau de votre dossier de crédit, au
niveau de vos antécédents de travail, au niveau de vos
antécédents judiciaires si c'est le cas, etc., de telle
manière que chaque citoyen puisse avoir la possibilité de
vérifier si les informations qu'on détient à son sujet
sont exactes et puisse, donc, par conséquent, avoir la
possibilité de les corriger. C'est ça qu'on veut dire par
transparence.
Autrement dit, cette transparence-là nous semble permettre,
justement, de questionner les pratiques informationnelles des entreprises,
parce que, quand on ne sait pas ce qu'on détient à son sujet, on
n'est pas en mesure de questionner l'utilité et le caractère
nécessaire ou non et même, je dirais, le caractère
indispensable ou non pour la compagnie ou l'entreprise de détenir ces
informations-là. Quand je me suis fait demander mon numéro de
permis de conduire pour obtenir simplement une marge de crédit dans une
caisse populaire, bien, j'ai dit: Non, vous n'avez pas besoin de ça.
Pourquoi avez-vous besoin de ça? Je présume savoir pourquoi, mais
une caisse populaire ou n'importe quelle institution financière n'a pas
à demander, il me semble, ce genre de renseignement là. C'est la
même chose pour le numéro d'assurance sociale. C'est ça. La
transparence, c'est qu'on a des pratiques informationnelles données. On
sait que l'entreprise possède un grand nombre d'informations à
notre sujet, mais ce qu'on ne sait pas, c'est quoi exactement. Donc, l'exercice
de notre droit d'accès, de vérification et de correction, il se
trouve limité par cette ignorance-là.
M. Cannon: C'est intéressant, votre chose, parce qu'en
plus ça suppose, évidemment, lorsqu'on connaît un
renseignement qui est véhiculé à notre sujet, qu'on puisse
avoir la possibilité de le corriger s'il est erroné, d'une part,
aussi d'autoriser qu'il puisse circuler si ça nous convient. Ça
oblige aussi qu'il y ait de notre côté, si on est
lésé comme individu, un droit de recours et, ultimement, un droit
de sanction. Et qui dit droit de recours, droit de sanction pour l'ensemble de
la population dit aussi un système qui n'est pas trop lourd, mais qui
est surtout accessible. Là-dessus, je vous rejoins quand vous dites: Des
recours accessibles, gratuits et rapides sont indispensables à ce
système-là. Je pense que c'est un peu dans cette
optique-là que nous voulons nous diriger. Plutôt que d'y aller
très rapidement, on veut trouver un système qui est peu
coûteux, mais qui est accessible pour le citoyen.
Je voudrais aborder avec vous une autre notion que vous avez
soulevée. C'était la possibilité d'un consentement
collectif pour la collecte et l'utilisation de renseignements personnels. Dans
quel type de circonstances verriez-vous l'application, justement, de ce
consentement collectif ou la possibilité d'un consentement
collectif?
M. Langlois: Je veux d'abord préciser une
chose: II y a des problèmes de juridiction possible lorsqu'il y a
absence de consentement individuel, mais qu'il y aurait consentement collectif.
Par consentement collectif, on entend consultation, par exemple, d'un organisme
chargé de l'application d'une éventuelle législation,
consultation auprès d'organismes représentant certaines
catégories de population. Par exemple, les assurés, l'ensemble
des personnes assurées à une compagnie d'assurances donnée
qui bâtit ses dossiers à partir du numéro d'assurance
sociale. Est-ce que, effectivement, je ne sais pas, moi, 10, 15, 20 personnes
qui s'opposent à ça pourraient modifier cette pratique-là
pour éviter, justement, que cette compagnie-là puisse utiliser ce
numéro-là? Dans ce sens-là, peut-être que des
consentements collectifs devraient aussi être examinés comme
alternative possible pour voir, justement, si tel genre de pratique
informationnelle est légitime ou nécessaire. Ça peut
être à l'égard d'un organisme représentant les
retraités, ça peut être à l'égard d'un
syndicat, ça peut être...
Finalement, c'est ça qu'on entend par consentement collectif.
Ça ne veut pas nécessairement dire qu'on l'oppose au consentement
individuel et qu'il aurait primauté sur le consentement individuel. Je
pense qu'il y a du travail de débroussaillage de droits à faire
là, mais on signale que, dans certaines situations, il peut arriver que
des organismes de défense de droits des consommateurs ou de certaines
catégories de la population aient fait une réflexion beaucoup
plus poussée, beaucoup plus approfondie sur les incidences de
l'introduction de nouvelles technologies sur la vie privée des gens et
soient en mesure, doivent finalement être consultés par un
éventuel organisme chargé de l'application de la loi.
M. McKenzie: Juste pour peut-être continuer la
réflexion, je me demande si, par exemple, des consentements collectifs
à la divulgation de certaines informations, à la circulation de
certaines informations sont possibles, mais quand même encadrés.
Par exemple, je ne sais pas, un syndicat négocie une convention
collective; il est entendu, à l'intérieur d'un cadre bien
précis, que, sur les salaires ou la classification des employés,
il y a des consentements qui peuvent être accordés, mais il faut
que ce soit très encadré. Parce que je pense que le principe
fondamental qui doit dominer quand même, c'est: toute information
importante à mon sujet - je ne parle pas juste de mon nom, mais de ce
qui qualifie ce que je suis comme individu - quand même, je dois rester
maître d'oeuvre de ça. C'est ce que toute législation
doit... Ça précède, je pense, tout consentement collectif.
Un consentement collectif doit se faire, je pense, dans un cadre très
concret. L'exemple de la convention collective est clair parce que ceux qui
adhèrent au syndicat connaissent leur convention et tout ça.
M. Cannon: J'aimerais peut-être aborder, M. McKenzie, avec
vous un autre élément qui n'a pas été
soulevé par les autres intervenants, mais j'ai cru comprendre
peut-être que vous vous Intéressiez à la chose. De toute
façon, je vais poser la question et vous me direz si, oui ou non, c'est
dans les propos que vous tenez. Vous savez, dans cette époque de
mobilité de personnel et de chasseurs de têtes, il y a beaucoup de
personnes qui, volontairement, fournissent à un intervenant, qu'il
s'agisse d'un député, et certainement que mon collègue en
a reçu comme moi, des curriculum vitae d'individus - et Dieu sait que
dans un curriculum vitae il y a quand même beaucoup d'informations sur la
personne-- pour que l'intervenant puisse les aider à se placer. Je
pense, notamment, au secteur privé, à ces firmes qui se
spécialisent précisément dans cette chose-là. (12 h
15)
Est-ce que, dans l'application d'une loi dans le secteur privé,
il y aurait quelque chose à faire de ce côté-là pour
éviter qu'on le divulgue délibérément, même
sans mon consentement, même si j'ai dit: Oui, je postule tel emploi comme
vice-président ou directeur de la production dans telle usine, le
numéro de dossier x, y, z, je vous donne l'autorisation de vous servir
de mon c.v. pour ça et de piloter mon dossier, mais une fois que
ça c'est terminé, c'est terminé? Je sais qu'il y a
d'autres cas où, effectivement, on continue de garder fiché
l'individu qui a consenti à ça et on se sert, évidemment,
de son c.v. pour meubler un certain nombre de positions. Est-ce qu'il y a
quelque chose qu'on peut faire de ce côté-là pour limiter
ça?
M. McKenzie: Moi, je pense que le principe de la
confidentialité, quand on envoie un c.v., souvent, les gens, les
directeurs de ressources humaines qui reçoivent des c.v., c'est
écrit "confidentiel". Ça doit servir dans le cadre d'un emploi
précis, puis je pense que ça devrait être assez
limité. Si on veut s'en servir pour le faire circuler à d'autres
sections de l'entreprise ou à un autre secteur complètement, je
me demande si on ne devrait pas s'assurer de l'accord de celui qui nous
l'envoie.
M. Cannon: Parce que c'est une pratique, quand même,
très répandue. Ne nous contons pas de peurs.
M. McKenzie: La circulation des c.v., oui, c'est ça.
M. Cannon: Des c.v., il y en a en quantité industrielle
qui circulent.
M. McKenzie: Puis, je pense que surtout les compagnies qui se
spécialisent dans le placement
devraient être encadrées aussi dans ce sens-là, je
pense, surtout ces compagnies-là. Évidemment, si j'envoie un c.
v. au gouvernement du Québec et que je dis: Je suis
intéressé à un emploi dans différents secteurs de
la fonction publique, j'imagine que j'accepte que mon c. v. circule. Mais,
mettons que je ne serais pas intéressé à ce que mon c. v.
circule dans une autre entreprise ou de types semblables. Mais, en tout cas, je
pense qu'il faut légiférer, mais surtout peut-être pour les
enteprises qui se spécialisent dans le placement des individus. C'est
une réflexion, remarquez bien. Je ne suis pas spécialisé
dans le domaine.
M. Cannon: Je vous avoue, ça c'est une chose qui me
préoccupe beaucoup. Je pense, Mme Barabé, que vous aviez quelque
chose à rajouter là-dessus?
Mme Barabé: Oui, en complément, je voudrais
rajouter que les organismes devraient utiliser les banques de données
qu'ils détiennent en fonction de la finalité pour laquelle ils
les ont constituées. Si quelqu'un envoie son c. v. à une
entreprise pour fins d'embauché dans cette entreprise-là, elle
peut circuler à l'intérieur de l'entreprise. Mais, pour pouvoir
la faire circuler à un tiers, la personne qui a émis
l'information devrait être sollicitée au niveau de son
consentement. Je pense qu'il y aurait moyen d'encadrer ça assez
rapidement si on fait le pendant avec ce qu'on retrouve dans la loi
d'accès à l'information.
M. Cannon: Je suis d'accord avec vous dans le cas précis
d'une entreprise, je ne sais pas, moi, si je posais ma candidature pour une
entreprise dans le secteur des services ou le secteur manufacturier. Mais je
pense notamment à des secteurs ou, enfin, à des entreprises qui
se spécialisent dans le placement d'individus, qui en font,
évidemment, leur matière première. Et c'est dans ce
sens-là que, d'une façon répétée... Je ne
sais pas ce qu'elles font avec ça. C'est pour ça que je vous pose
la question à savoir s'il y a sur un fichier donné des
regroupements ou des couplages d'informations sur les individus qui s'y
trouvent à l'intérieur de leur entreprise. C'est pour ça
que je vous demandais si vous aviez des renseignements là-dessus. Je
suis d'accord avec vous qu'il y a une façon de procéder pour
essayer de limiter ça. Mais l'extension de cette pratique, elle va
jusqu'où?
M. McKenzie: Je pense que, pour les maisons de placement qu'on
rencontre où on va donner notre nom, puis qui sont comme des "brokers"
en emploi, on peut dire, il faudrait que ça soit surveillé de
près, les pratiques en question, puis faire en sorte que la
législation ou, on tout cas, les règlements s'assurent que
ça ne circulent pas indûment. Puis, je pense que les gens - puis,
là, je dévie un peu - qui sont en recherche d'emploi, puis qui
s'adressent à ces compagnies-là sont souvent les plus
démunis de notre société, puis les moins informés.
Ça fait que c'est peut-être là qu'on a besoin d'une
protection supplémentaire. C'est évident qu'eux autres sont
prêts à dire n'importe quoi sur leur propre vie. Fais ce que tu
veux avec, d'abord que tu me trouves une job. Mais ces gens souvent ne sont pas
informes. C'est ces gens-là qui ont besoin de protection souvent.
M. Cannon: Comme vous dites, un petit peu à la merci.
Parce que l'objectif, c'est de trouver un emploi et coûte que
coûte; ils sont prêts à donner n'importe quelle
information.
M. McKenzie: Parce qu'en filigrane de notre mémoire il y
aussi tout l'aspect discriminatoire. L'exemple que je donne, c'est que j'ai
assisté avec un président ou un directeur general
d'Équifax, à un débat à Radio-Québec. On
était dans la salle du poudrage. Radio-Québec nous demandait de
consentir à divulguer les informations sur ce qu'on dirait à
l'émission. Ne vous inquiétez pas, le président ou le
directeur général - je ne sais pas si c'est d'Acrofax ou
d'Équifax - a demandé d'appeler son avocat et il n'était
pas intéressé à signer une telle chose. Je ne le nomme
pas, mais je dis qu'il y avait une personne comme celle-là. Ça
indique bien que les gens les plus informés de la matière et de
la chose font bien attention de ne pas consentir. Moi, j'étais
prêt; j'ai consenti tout de suite. Évidemment, ce que je disais,
peut-être, était d'Intérêt public, j'y avais
avantage. Mais il reste quand même qu'on volt que, dans notre
société - et c'est ça qu'il est important de se rappeler -
II y a une discrimination fondamentale dans les pratiques de renseignements. Et
la même chose dans l'affaire du Bell; c'est les gens les plus pauvres qui
sont prêts à donner le plus d'informations qui les concernent et
qui sont en fin de compte manipulés ou dont les droits sont
violés à ce moment.
M. Cannon: Merci, M. McKenzie. Mon temps est
écoulé.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: D'abord, je veux vous féliciter de votre
mémoire, vous féliciter aussi d'avoir insisté pour
être entendus avant Noël, ce qui a fait que, en partie, on a la
garantie que tous les groupes vont être entendus avant le 21 novembre.
Dans le fond, je voudrais vous poser une question pointue. Si les articles du
Code civil qui sont en attente d'être promulgués l'étaient
avec, peut-être, un amendement à l'article 41 pour, au lieu de
dire le tribunal compétent, ce qui ouvre là un vaste champ,
confier les recours, les
adresser à un tribunal créé spécifiquement
pour ça - vous parlez d'un tribunal ressemblant au tribunal des droits
qui existe depuis peu - est-ce que ça, plus l'assurance que la loi de
portée générale dont on parie serait adoptée avant
la fin de 1992, ça suffirait pour vous rassurer que le gouvernement est
prêt à mettre fin à la presque décennie de
discussions sur la protection de la vie privée pour passer aux actes?
Est-ce que, ça, ça vous ferait oublier le cadeau de Noël qui
vous fut promis, mais qui ne vous fut pas donné?
M. McKenzie: Remarquez bien que, nous, on ne demande pas de
cadeau à personne.
M. Bourdon: Non.
M. McKenzie: On n'en a pas à donner, non plus. Je ne sais
pas l'amendement. Si on nous assure qu'une loi va créer aussi un
tribunal, on pourrait prendre le temps qu'il faut là-dessus afin,
d'avoir une loi qui est solide, sérieuse et universelle. On pense, par
contre, que la mise en vigueur du chapitre - il y a un autre chapitre du Code
civil qui est déjà en vigueur; il n'y a pas d'argument qui vaille
pour ne pas mettre en vigueur ce chapitre-là - ça permettrait de
préserver les droits qui sont menacés, comme on disait. En
même temps, ça créerait un climat favorable. Ça nous
permettrait d'avoir des recours immédiats au civil. Mais,
évidemment, c'est limitatif, encore fois. Ça va être,
encore une fois, ceux qui ont les moyens ou pas du tout les moyens de se
prémunir du recours en cour. Aller au civil, c'est quand même
beaucoup de frais. Ça fait qu'il faut espérer assez rapidement,
je pense, un moyen plus accessible qui est comme celui du tribunal.
M. Bourdon: À cet égard-là, je partage
entièrement votre avis et c'est pour ça que, quant à moi,
l'amendement qui confierait ça à un tribunal facile
d'accès, gratuit et doté pour s'en occuper a un avantage. La
même commission, ici, est en train d'étudier la réforme du
Code civil. Et, vous avez raison, il n'est pas dit que le tout doit nuire
à la promulgation d'une partie du Code civil. Je suis entièrement
d'accord avec vous que les articles 35 à 41 constituent un pas en avant
et qu'on serait un peu rassurés que ça s'applique, quitte
à ce qu'on prenne, pour étudier l'autre législation, le
temps qu'il faut pour qu'elle corresponde à quelque chose. Mais,
déjà, les citoyens auraient un recours et quelques
définitions de leur droit à la vie privée, autres que ce
qu'on a actuellement qui procède, soit d'une législation
particulière, fédérale ou provinciale, qui touche la
téléphonie ou la communication ou quelque domaine que ce soit.
Mais qu'il y ait un chapitre de protection de la vie privée dans le Code
civil, avec un recours possible et que, parallèlement à
ça, on avance dans la direction d'une législation qui viendrait
compléter ces énoncés généraux
là.
M. McKenzie: S'il y a consensus sur le tribunal, par exemple,
est-ce que c'est possible de venir faire l'amendement qui permette que
déjà un tribunal...
M. Bourdon: Écoutez, c'est ça.
M. McKenzie: Je laisse aux législateurs l'intelligence de
la chose, mais...
M. Bourdon: On parie de trois lignes de l'article 41. On dit
qu'il y a 2200 des 3200 articles qui ont été
étudiés jusqu'ici. Oui, ça serait certainement possible de
disposer de celui-là. Pas pour, d'une certaine façon, noyer le
poisson, parce que le travail qu'on fait ici est pertinent parce qu'il va plus
loin que ce chapitre. Dans le fond, il vient donner encore plus de
portée à ce chapitre-là, éventuellement. Et, comme
vous dites - je suis parfaitement avec vous - le danger, c'est qu'à un
moment donné "qui trop embrasse mal étreint". Il y a quelque
chose qui m'apparaît dangereux - et je vous pose la question, elle
déborde un peu - qu'on ait au Québec une centaine de lois et
règlements pas promulgués; ça, c'est le décompte
d'il y a à peu près sept ou huit mois. Est-ce que ça ne
nous fait pas paraître un peu comme un Parlement-école qu'on
adopte une loi, que les journaux disent que les législateurs se sont
penchés sur un problème et que, trois ans après, on dise:
On l'a adoptée un peu pour le principe, mais elle n'est pas en vigueur
parce que - je ne sais pas - tel ou tel groupe serait inconfortable avec
l'applica tion de la loi? Est-ce que ça vous préoccupe, cette
tendance qu'on vote des législations comme pour la galerie et que, des
années plus tard, on dise: Ça, c'était pour satisfaire
ceux qui parlaient, mais ceux qui téléphonaient et qui
n'étaient pas d'accord peuvent être parfaitement rassurés:
il y a adoption de principe d'une loi de principe qui corrige un
problème, sauf qu'elle n'est pas en vigueur?
M. McKenzie: II faut dire que, même par les compagnies de
crédit, entre autres, par exemple, les principes qu'il y a là, ce
sont des principes directeurs qui sont acceptés, reconnus. Il n'y a
personne, je pense, qui s'oppose à ça. On comprend mal pourquoi,
surtout quand on a eu une promesse comme on l'a eue, on se demande pourquoi il
n'y a pas l'application. Il y a eu une raison, à un moment donné,
qui a été évoquée: on va faire le tout ensemble
quand on aura fini de revoir le Code civil, mais ça ne tient pas parce
que les articles qui touchent à la famille, par exemple, c'a
été mis en vigueur. On pense que ça serait un premier
geste à poser.
M. Langlois: Est-ce que je peux ajouter
quelque chose si vous permettez? Effectivement, c'est une recommandation
à laquelle on tient beaucoup dans notre mémoire à
l'appliquer, parce que ça baliserait l'article 5 de la charte
québécoise et l'article 4 aussi d'une façon encore
beaucoup plus précise. Ça permettrait des recours judiciaires,
là, ce qui est très important, étant donné
qu'à l'heure actuelle ce n'est pas possible, finalement. Sauf que ce
n'est pas suffisant. Je mentionne juste deux exemples: l'article 37 et
l'article 39, le droit de constituer un dossier. Il faut avoir un
intérêt sérieux et légitime. On va plus loin que
ça, évidemment, dans le mémoire, dans le sens qu'il y a
les principes de la loi sur l'accès qui devraient être là.
Ce n'est pas juste sérieux et légitime, il faut que ce soit
nécessaire...
M. Bourdon: Nécessaire.
M. Langlois: ...effectivement. Il y a une distinction, une nuance
majeure parce que, selon les besoins de telle ou telle entreprise, elle peut
trouver sérieux et légitime de recueillir toutes sortes
d'informations sur ses employés ou sur d'éventuels candidats,
etc., d'une part. C'est la même chose au niveau du refus d'accès,
à l'article 39, où, là, on peut refuser s'il y a un
intérêt sérieux et légitime à le faire. C'est
des balises nécessaires, mais pas suffisantes, à l'heure
actuelle. Je pense qu'il ne faut pas voir, pas l'adoption, parce que c'est
vrai, mais la mise en vigueur de ce chapitre-là du Code civil comme
étant la permission, même si on n'a pas de permission à
donner, mais effectivement, l'accord que la Ligue donnerait, finalement,
à encore d'autres délais.
Sur le premier aspect de votre question, moi, je vous dis:
Effectivement, c'est inquiétant. Je n'ai pas fait d'étude de
l'ensemble des lois adoptées par l'Assemblée nationale qui n'ont
pas été promulguées ou pas été mises en
vigueur, mais je trouve ça inquiétant dans les rapports entre le
législatif et l'exécutif. Oui. C'est un problème sur
lequel, effectivement, une ligue comme nous devrait peut-être
intervenir.
M. Bourdon: Maintenant, vous parlez dans votre mémoire de
la double mission de l'organisme, s'il n'y en avait qu'un, chargé
d'appliquer la loi. Et, déjà, il y a des groupes qui sont venus
ici nous dire que la Commission d'accès à l'information, si on la
compare à la commission des droits de la personne, par exemple, vit une
mission qui est double et qui, à l'occasion, peut devenir
contradictoire. Ce que j'entends par là, c'est: Est-ce que vous
êtes de cet avis que l'organisme qui fait la promotion,
l'éducation, l'information, l'enquête et les plaintes ne devrait
pas être le même qui siège comme tribunal pour
apprécier le résultat de son propre travail? Est-ce que c'est une
opinion que vous partageriez?
M. McKenzie: Oui. Là-dessus, quand on a
présenté un mémoire sur la commission des droits et la
création d'un tribunal des droits de la personne, c'est un peu les
mêmes préoccupations qu'on avait. Et puis, dans le cas que vous
soulignez, je pense que c'est vrai. Quand la Commission d'accès à
l'information, par exemple, consulte des organismes pour établir des
réglementations, fournit des avis aux entreprises sur le genre de
réglementations internes qui de vraient exister à
l'intérieur des entreprises, quand il y a un cas à juger,
à un moment donné, ou des décisions à prendre par
les commissaires, bien, il peut y avoir conflit d'intérêts, c'est
évident. Donc, pour éviter ça et pour permettre,
peut-être, à la Commission d'accès à l'information
d'avoir un mandat clair, précis, qui est celui de la promotion, de la
défense, de l'enquête et tout ça, au moment de la tenue des
audiences pour juger du cas, je pense qu'un tribunal serait moins pris, tu
sais. Le conflit d'intérêts ne jouerait pas à ce
moment-là.
M. Bourdon: Mais, dans ce sens-là, est-ce qu'on ne peut
pas penser aussi que ce serait plus simple de dire: La Commission
d'accès à l'information acquiert une juridiction qui
s'étend au privé puisqu'elle a déjà une expertise
et quun droit, c'est un droit, que ce soit dans le privé ou dans le
public, mais qu'en même temps on dise: Le tribunal qui en dispose est
unique pour le privé ou le public, mais distinct de la commission que
l'Assemblée nationale charge de vérifier si le droit est
protégé, d'éduquer, de concilier aussi? Je n'ai rien
contre aucun de ces mandats-là. Comme vous dites, c'est fort
légitime de consulter des individus et des groupes, mais si on est en
même temps un tribunal quand on consulte, on se trouve à
s'engager, à éclairer, et à interpréter et
ça hypothèque peut-être l'avenir.
M. Langlois: On peut facilement imaginer une situation où
la Commission, dans son activité de promotion d'une éventuelle
législation, collabore avec des groupes, même les subventionne
pour des recherches, etc. D'une part, elle participe à la
rédaction des diverses réglementations, si on va jusqu'aux
réglementations sectorielles, et elle peut même être prise
à donner des conseils à des entreprises qui lui demandent
conseil. C'est sûr que là, si en même temps on lui demande
d'agir comme tribunal, vous avez raison, ce n'est pas une situation qui est la
plus salutaire dans l'administration.
M. Bourdon: En fait, en caricaturant, on pourrait dire:
L'organisme interprète sa propre interprétation qu'il a
donnée d'entrée de jeu et qui peut être inexacte.
M. Langlois: Ça va. Ça fait le tour.
Le Président (M. Camden): Alors, on
remercie au nom des membres de la commission... M. Cannon: C'est
le mot de la fin? Le Président (M. Camden): Oui.
M. Cannon: Peut-être un mot de la fin sans partisanerie,
mais je ne peux pas m'empêcher de dire à mon collègue que,
si vous avez décidé de faire l'inventaire des lois qui ne sont
pas appliquées, s'il vous plaît, faites-le aussi pendant les neuf
ans où l'Opposition était au pouvoir. Surtout, regardez les
chapitres qui, pendant deux ans, au niveau de la loi d'accès à
l'information, sont restés sans application. Merci de votre
présence, ce fut très intéressant.
M. Bourdon: Soyez sans pitié! Des voix: Ha, ha,
ha!
M. McKenzie: La Ligue a été sans pitié pour
l'autre gouvernement, comme elle l'est peut-être pour vous.
Le Président (M. Camden): Alors, on vous remercie, M.
McKenzie, M. Langlois et Mme Barabé, de votre présentation et,
sur ce, j'ajourne les travaux.
(Fin de la séance à 12 h 37)