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(Neuf heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. LeSage): Je déclare ouverte la
séance de la commission des institutions. Le mandat de la commission
pour cette séance est de procéder à une consultation
générale et de tenir des auditions publiques sur la protection de
la vie privée eu égard aux renseignements personnels
détenus dans le secteur privé. Mme la secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci. Je vous rappelle l'ordre
du jour pour la séance d'aujourd'hui, qui se présente comme suit.
Nous entendrons, en premier lieu, les représentants du Service d'aide au
consommateur. Suivra ensuite la Corporation du groupe La Laurentienne et le
dernier organisme à être entendu sera l'Association des compagnies
de téléphone du Québec inc. À midi trente, la
commission ajournera ses travaux. Est-ce que cet ordre du jour est
adopté? Merci. Alors, madame, vous pourriez peut-être vous
identifier et présenter la personne qui vous accompagne.
Service d'aide au consommateur
Mme Plamondon (Madeleine): Mon nom est
Madeleine Plamondon du Service d'aide au consommateur. Je suis la
directrice et la présidente. Je suis accompagnée de Mme Louise
Ferland qui est la recherchiste et qui a rédigé la majeure partie
des deux études que nous vous avons présentées avec le
résumé du mémoire.
Je vais présenter brièvement notre organisme. C'est un
organisme à but non lucratif situé à Shawinigan. Il y a
plus de 10 000 membres. Nos buts sont de renseigner, de conseiller, d'orienter
les gens et de les représenter devant tout organisme privé ou
public; et c'est ce qu'on fait aujourd'hui. On a plus de 600 demandes par jour.
On a une ligne sans frais à travers le Canada et, évidemment,
à travers le Québec aussi. Je siège sur le comité
de pratique fédéral-provincial sur les systèmes de
transfert électronique de fonds. Si je vous dis ça, c'est que
ça couvre, ou ça aurait pu couvrir, la confidentialité des
données. Je suis aussi sur le conseil des assurances de personnes,
où l'article 25 de la loi 134 s'applique à la
confidentialité, et sur le comité consultatif de la
Confédération des caisses populaires qui se réunit demain,
à Montréal, sur le même sujet.
On a fait deux études. La première, c'est sur la
confidentialité des données dans les institutions
financières, où on a découvert que, à cause de la
clause très large du consentement qui est donné dans les formules
de demande de crédit, on donnait à une institution
financière tous les pouvoirs de recueillir des renseignements, toutes
sortes de renseignements, et de les divulguer, sans durée, sans balise
et puis souvent sans savoir à quelle place ça s'en va. Vous
l'avez reçue ou vous devriez l'avoir reçue. On a regardé
le "Data Protection Act" d'Angleterre; on a regardé le "Hession Act" de
l'Allemagne et on a regardé tous les codes de pratique. On a
regardé aussi la jurisprudence. On a même regardé des
jugements aux États-Unis. Tout ça pour vous dire que, à la
fin, ce qu'on a découvert... Parce que tout le monde part du jugement
Tournier que vous devez très bien connaître; c'est que le jugement
Tournier disait: Les banques, les caisses ou n'importe quelle institution
financière a un devoir de confidentialité, excepté en
quatre cas: le bien du public, le bien de la banque, un ordre de cour ou le
consentement du consommateur. Bien, les trois premiers, ça a
déjà été contesté en cour tandis que le
consentement, ça n'a jamais été contesté. C'est
pourquoi on s'est attaqués, dans cette première étude
là, à l'idée du consentement, à
rétrécir, à baliser le consentement qui est donné
par le consommateur dans les institutions financières. En
résumé, c'est l'étude de 283 pages. Par exemple, durant
cette étude-là, nous avons été amenés
à constater que toute l'information transigeait par les bureaux de
crédit et que la plaque tournante, c'était les bureaux de
crédit.
La deuxième étude a 515 pages, dont la moitié
concernent les bureaux de crédit. Une partie contient l'utilisation non
réglementée du numéro d'assurance sociale qui, même
si c'est de juridiction fédérale, devrait vous intéresser
- je vais donner des exemples tantôt - comme identifiant universel. On a
regardé le télémarketing et on a regardé
différents autres domaines, mais on s'y est moins attardés que
sur les bureaux de crédit. Équifax y est passé; je vais
vous donner rapidement ce qu'on a trouvé là-dedans. D'abord, il
n'y a pas de transparence dans Équifax. Sans vouloir vous blâmer,
parce que vous n'avez pas passé le même temps que nous autres dans
cette étude-là, les questions que vous avez posées
à Équifax - parce que j'ai suivi tout le déroulement, puis
je vais suivre les 35 mémoires, je vais être là - j'ai
trouvé que... Quand vous avez demandé à Équifax:
Est-ce que vous vendez des listes?, ils vous ont répondu non. La preuve
qu'il n'y a pas de transparence, c'est qu'ils n'ont pas élaboré
un peu plus loin,
mais ils traitent des listes.
Par exemple, une grosse compagnie de marchands détaillants
pourrait aller là avec sa liste de clients, qui rencontrent très
bien leurs obligations, et dire: Sortez-moi, parmi ma liste de clients, tous
ceux qui sont en défaut ailleurs qu'avec ma compagnie, et ils vont
traiter les listes. Donc, traiter les listes, c'est faire affaire avec des
listes quand même, mais on vous a répondu: Non, on ne vend pas de
listes. C'est clair, ils ne vendent pas leurs listes au bureau de
crédit. Le bureau de crédit, c'est l'entrée pour plus de
160 services différents d'Équifax. Équifax - je vais
m'attarder un instant là-dessus - ça appartient en
majorité à Équifax d'Atlanta, même si c'est Equifax
Canada. Avant de vous parler des banques, je vais vous parler
d'Équifax.
Équifax avait, en 1990, selon son rapport annuel, deux banques
qui siégeaient sur son bureau de direction. Équifax, dans ses
publications internes - qui nous ont été passées, en tout
cas, par quelqu'un; ce sont des publications qui sont adressées aux
associés - se vante d'avoir acquis le fichier des accidents d'automobile
que vous aviez en main via le bureau de l'inspecteur général, qui
a été donné au Groupement des assureurs, et le Groupement
des assureurs est allé en soumissions et a pris Équifax. La
logique là-dedans, c'est que c'était le moins cher.
Si c'est la logique d'un gouvernement qui a permis tout ça,
laissez-moi vous dire qu'on n'a pas fini nos troubles parce que la logique
serait de donner tous les dossiers médicaux à Équifax, qui
va finir par les traiter sous prétexte que ça va aider les
assureurs-vie à mieux évaluer les risques. Et quant à
ça, pour le préemploi, donnons-leur tous les dossiers
académiques! Ce n'est pas une logique qu'un gouvernement devrait
accepter. Moi, je m'insurge contre le fait que ce soit Equifax qui ait
ça.
Vous savez qu'Équifax est divisée en trois partie, ils
vous l'ont dit: la section crédit, la section assurances et la section
agence de collection. Ça veut dire que la section crédit ne peut
pas avoir accès aux deux autres, mais que les deux autres peuvent avoir
accès à la section crédit. Donc, un assureur peut avoir
accès et aux enquêtes privilégiées, et à
l'affacturage, et au bureau de crédit. Et vous savez que le plus gros
client d'Équifax, c'est le gouvernement. Le gouvernement fait faire ses
enquêtes, ses jobs de bras, je dirais, par Équifax. Suivre les
assistés sociaux, suivre les gens de la CSST pour voir s'ils n'ont pas
triché dans leur déclaration ou s'ils ne sont pas capables de
lever plus de 10 livres, ça, c'est Équifax qui fait ça
pour le gouvernement. Donc, pour moi, Équifax, c'est un monstre avec des
tentacules. Et sous prétexte que ça coûte moins cher parce
qu'on a dit qu'ils avaient un ordinateur de 12 000 000 $, on est en train de
leur remettre la gestion de dossiers qui devraient rester au gouvernement.
Équifax dit aussi que, pour le bien de ses clients, ils ont juste
à dire s'ils en ont vraiment besoin, de l'information, et ils vont la
donner. Donc, n'importe qui, presque, peut devenir client d'Équifax.
Je voudrais donner la problématique, même si j'imagine que
vous la savez, mais la résumer dans ce que je vais vous donner
après pour mes cas. On sait que le Canada a adhéré en 1984
à l'OCDE, mais c'est ce qu'ils appellent "mandatory"; ce n'est pas
obligatoire de s'y conformer et, d'ailleurs, il n'y a pas grand monde qui s'y
conforme. Mais avec l'arrivée du "deadline" de la CEE, maintenant du
EEE, le 1er janvier 1993, il va y avoir des sanctions. Il n'y aurait plus
d'information; il pourrait y avoir embargo sur l'information en provenance ou
en direction de l'Europe, qui va devenir le plus gros marché mondial
d'information. Ça fait que c'est autant de l'intérêt de
l'industrie que de l'intérêt des consommateurs de faire quelque
chose avant l'arrivée du 1er janvier.
Je voudrais vous donner, parce que vous avez une bonne idée de la
problématique, des cas. Je vous ai dit qu'on en avait 600 par semaine.
Je vais vous donner des cas juste pour dire qu'on ne parle pas juste de
principes. Une agence d'inspection de préemploi est venue nous trouver
en demandant des renseignements sur un ex-employé pour pouvoir
l'engager, puis on demandait s'il était syndicaliste ou non; on
demandait des choses sur son caractère. Et jamais, dans une demande
d'emploi, la personne ne va autoriser à aller demander ces
questions-là. On a quelqu'un qui nous a autorisés, ici, à
vous donner une lettre à propos d'Équifax. Il a voulu s'offrir de
l'équipement stéréo d'une valeur de 1000 $ chez Aventure
Électronique. Il n'avait pas la capacité financière, et on
a dit qu'on évaluerait son dossier de crédit avec Bencharge.
Bencharge est revenu en disant que, non, il ne pouvait pas avoir de
crédit parce qu'il y avait une action de 12 000 $ contre lui. Ça,
c'était en décembre 1990. Ça, c'est pour vous montrer
comment Équifax est loin d'être exact et à jour, et
même plus. Il s'est rendu au bureau de crédit et on a dit qu'on
corrigerait ça; ça n'a pas été corrigé. En
août 1991, il a voulu avoir du crédit; il n'était pas plus
capable. En septembre, il s'est encore rendu là et la même action
de 12 000 $ était là. Ça appartenait à un autre
gars qui avait le même nom et qui restait à un autre endroit.
Donc, des inexactitudes, je vous en donne un exemple, là, mais il y en a
en masse.
Je vais vous parler des vidéothèques. Il y a quelqu'un qui
nous a appelé, il a dit: J'ai appelé au centre vidéo; mon
"chum" est membre. J'ai demandé une liste des films qu'il avait
loués pour les cinq derniers mois. Il lui ont dit les films qui avaient
été loués; juste en donnant le nom de son "chum", en se
nommant et en donnant le numéro de téléphone: cinq mois en
arrière. Je ne
sais pas si vous vous en rappelez, mais il y a eu une loi qui a
été faite à partir de la divulgation des films qui avaient
été loués dans des clubs vidéo; on a appelé
ça, aux États-Unis, le "Bill Bork". Ça n'a pas
été le scandale de Thomas avec Anita Hill, mais quand même,
il avait eu un scandale, parce qu'on avait sorti dans les journaux la liste des
films que le candidat comme juge à la Cour suprême avait
déjà vus. Ça a conduit à une loi qui s'appelle
"Video Privacy Law" aux États-Unis. Ça, c'est un autre
exemple.
Il y a un organisme qui s'occupe des personnes atteintes du sida et
l'organisme n'a pas de balise pour la confidentialité des
données. Le responsable de l'organisme a un ordinateur personnel dans
son bureau, tout près du téléphone, et, quand quelqu'un
appelle, il ouvre systématiquement un dossier si ce n'est pas
déjà fait. Il entre dans l'ordinateur toutes les données
qu'il est possible d'obtenir sur la personne, incluant ses observations et ses
remarques personnelles, sans que la personne le sache. Quand les gens se
rendent au bureau de cet organisme-là, le responsable prend des notes;
un peu plus tard, il les entre dans son ordinateur. Il n'y a aucune permission
qui est demandée; il y a même une liste par âge qui est
sortie pour "matcher" les gens après.
Je vais vous donner un autre exemple, dans les assurances. La Capitale.
Vous ne pouvez pas obtenir une "quotation" de La Capitale - et il y a 175 000
"quotations" qui sont demandées par année, sans donner votre
numéro d'assurance sociale, parce que c'est l'identifiant qui vous
permet d'entrer dans le système. Même pour une "quotation" avant
même d'avoir un contrat, vous êtes obligé de donner votre
numéro d'assurance sociale. Et je l'ai vérifié
moi-même; je suis certaine, je pourrais vous donner les
coordonnées de celui qui m'a répondu.
Le Président (M. LeSage): Si vous permettez, Mme
Plamondon, juste à titre d'information...
Mme Plamondon: Oui.
Le Président (M. LeSage): J'aurais peut-être
dû vous l'indiquer avant; ce sera fait pour vous et pour les autres
groupes. Votre présentation doit durer 20 minutes, et nous allons
permettre aux parlementaires de dialoguer avec vous pour une période de
40 minutes par la suite.
Mme Plamondon: Oui.
Le Président (M. LeSage): Alors, il vous reste quelques
minutes pour compléter votre exposé.
Mme Plamondon: II me reste cinq minutes; j'ai commencé
à moins vingt-cinq.
Le Président (M. LeSage): II vous reste à peu
près cinq minutes.
Mme Plamondon: Oui, c'est ça. Le ministère de la
Justice est là pour faire de la transparence, et c'est pour ça
qu'il rend les dossiers publics. Je dois vous dire que ce n'est pas dans cet
esprit-là qu'ils sont utilisés, les dossiers. Une compagnie, qui
s'appelle Inter-Villes Finance, qui sont des conseillers en finance, a
utilisé des informations et puis a sollicité, après
ça, des consommateurs pour leur dire: Nous avons été
informés que le Procureur général du Québec aurait
intenté une action en justice contre vous. Ils donnent le numéro
de l'action en justice et offrent leurs bons services comme conseillers en
finance.
Télémarketing. Le télémarketing, j'en aurais
trop pour tout vous dire, mais je vais vous donner simplement
Légaré. Légaré a envoyé une publicité
à ses clients en disant: Cher clients privilégiés... Les
gens n'avaient jamais fait affaire avec Légaré. Quand on a fait
une enquête, on a dit qu'ils avaient fait affaire avec Média
Services qui a fourni des listes. Quand on a appelé Média
Services, on nous a dit: Écoutez là, on est courtiers en listes.
On a pris 15 listes là-dessus. On ne pourra pas savoir où on a
pris le nom là-dessus.
À Hydro-Québec, si vous voulez avoir votre dossier,
ça a l'air plutôt d'un programme d'ordinateur. Vous irez essayer
de déchiffrer votre dossier à Hydro-Québec. Et puis, le
directeur a même fait une remarque à savoir que certains de ces
codes-là n'étaient même pas utilisés, et puis on ne
peut pas avoir la signification de tous les codes, c'est confidentiel.
Urgences-santé. Assurer la transparence des pratiques, qu'on dit,
avec l'OCDE. Vous allez voir, c'est un fichier qui contient les renseignements
relatifs à l'identité et à la santé des
bénéficiaires de l'organisme. Il y a eu 1 200 000 cas depuis
1981. Bien, les renseignements retrouvés dans ce fichier-là sont
transférés à Archivex et à l'agence de collection
d'Équifax quand ce n'est pas payé.
Les banques. Je vous ai parlé de ce qu'il y avait dans les
banques. Un petit peu plus tard, s'il y a des questions là-dessus, je
vous dirai comment je vais critiquer le code de confidentialité que se
sont donné les banques, et que j'ai vu citer dans le mémoire
qu'ils vont vous présenter, qui est plein de trous et qui ne dit pas
tout ce que le gouvernement avait dit ni tout ce que le commissaire à la
vie privée avait dit. Ils en disent une partie qui fait leur
affaire.
J'en ai d'autres sur les banques, les caisses, Bell Canada, ici. On
donne toujours une personne en référence à Bell Canada.
À Bell Canada, il y a quelqu'un qui a donné une
référence. On avait dit à notre recherchiste: Ne vous
inquiétez pas, c'est juste pour faire la commission. C'est au cas
où on voudrait vous rejoindre. Non, ils disent
plus que ça: Dites à un tel qui est parent avec vous qu'il
vienne nous payer; ça fait trois mois qu'il ne nous a pas payé.
Les centres de conditionnement physique. il n'y a aucune
sécurité, du côté physique, pour l'accès aux
dossiers. Bien souvent, il y a des petites cartes où n'importe qui peut
voir; puis ils vous posent des questions d'ordre médical. Les fraudes,
vous en avez eu. Vous savez, les journaux... J'ai des coupures de presse qui
pourraient vous dire les fraudes commises en utilisant le numéro
d'assurance sociale puis le numéro de la carte-santé. Et puis,
j'ai même une municipalité qui, pour pouvoir retracer les gens, a
fait paraître la date de naissance de tous ceux qui étaient en
défaut. J'ai aussi les coupures de presse là-dessus.
Je vais terminer là-dessus, puis attendre vos questions. Mais,
pour moi, il est clair - puis j'élaborerai après - que ça
prend une loi-cadre qui va couvrir tous les secteurs et qu'on ne peut pas
réglementer juste un secteur dans le moment, même s'il est
prioritaire et qu'on vous dit: Les dossiers de crédit; c'est vrai, mais
ce n'est pas juste ça que ça prend. Il faut avoir le courage de
faire une loi-cadre. Il faut avoir le courage de réglementer parce que,
si vous ne le faites pas... Vous devez donner l'exemple et vous devez faire un
peu comme la Communauté européenne. Ceux qui voudront transiger
avec le Québec, il faudra qu'ils se plient aux mêmes exigences que
le Québec se sera données comme critères. Il ne faut pas
vous laisser dire que c'est anticonstitutionnel par l'Association des
banquiers. Ne vous laissez pas dire ça. Il faut que ça couvre les
banques qui feront affaire ici, les compagnies d'assurances qui feront affaire
ici, il faut que ça couvre tous ceux qui feront affaire au
Québec. Quelle que soit la façon de réglementer, de
légiférer, il faudra que ce soit quelqu'un qui astreigne tout le
monde qui fait affaire au Québec. C'est tout, merci.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Plamondon. M. le
ministre.
M. Cannon: Oui. Merci, M. le Président. Mme Plamondon,
merci de votre présentation. Je pense que, d'une façon
très factuelle, les membres de la commission ont pu constater
l'importance de la question. Il est vrai, je pense, simplement par le volume du
document que vous nous avez présenté, il est bien clair que vous
avez fait une étude très poussée et vous avez pu, ce
matin, nous fournir des renseignements fort judicieux et extrêmement
pertinents à la démarche que nous entreprenons maintenant.
J'aimerais peut-être vous poser quelques questions qui touchent votre
présentation. Vous avez parlé de la nécessité d'une
loi-cadre tout à l'heure, tout en indiquant la nécessité,
bien sûr, d'essayer d'englober l'ensemble du secteur; je pense que c'est
une volonté, c'est un voeu que vous exprimez, je l'ai bien compris. Mais
si on devait y aller prioritairement, est-ce que vous me diriez que c'est
d'abord et avant tout les bureaux de crédit? Les banques? Les compagnies
d'assurances? Comment pourrions-nous attaquer ce problème-là
d'une façon prioritaire?
Mme Plamondon: C'est qu'il faut qu'il y ait des principes.
Là, vous arrivez avec le même problème qu'on avait eu quand
on a fait la deuxième étude sur les bureaux de crédit. On
pensait proposer des choses qui s'appliqueraient à l'ensemble. Et je
vois que vous avez le même problème. J'ai écouté;
c'est la même question que vous avez posée à tous ceux qui
ont soumis des mémoires. Mais c'est pour ça qu'il faut se donner
des principes qui vont couvrir tous les secteurs. La transparence, c'est quoi
le contenu? C'est quoi un renseignement sensible? Définir tout
ça. D'ailleurs, on a une section, dans la grille normative, qui vous
explique en long et en iarge tout ce qu'on veut là-dedans. Si chaque
secteur est capable, après, d'appliquer ces principes-là à
ce secteur-là, c'est clair que ce qui va s'appliquer au bureau de
crédit va être pour les bureaux de crédit et va quand
même couvrir les mêmes principes de transparence, de consentement
exprès, de définition de ta source de l'information qui est
là, d'un temps limité.
Le consentement exprès, c'est la clé de tout ce que je
vous dis. Il ne faut pas que ce soit un consentement large. Si vous en venez
à dire que ça prend un consentement exprès, un
consentement pour les finalités de la transaction, vous allez
éviter ce sur quoi on vient d'achopper, là, au comité sur
les STEF. Sans dire ce qu'il va y avoir, parce qu'on est liés par les
discussions de ce comité-là, je peux vous dire que le chapitre
sur la confidentialité est "scrapé". Pourquoi il est
"scrapé"? Parce qu'on n'en vient pas à une entente. Pourquoi on
n'en vient pas à une entente? Parce que les banques ont des
affiliés - comment j'appellerais ça? - des filiales,
"affiliates", là. Elles peuvent, avec la réforme des institutions
financières, acquérir sans limites - vous trouvez ça dans
l'aperçu de la réforme, à la page 7 - des compagnies
d'information, des compagnies d'affacturage. Elles peuvent acquérir sans
limites et ça devient la famille bancaire. À ce moment-là,
quand tu dis: J'adhère au code des banques, tu n'adhères pas
juste au code de la banque où tu fais affaire, tu adhères
à toute la famille bancaire. Elles n'ont pas voulu démordre
là-dessus. Les groupements de consommateurs - on est deux qui
représentons les consommateurs là-dessus - on n'a pas voulu
démordre nous autres non plus, et comme c'est quelque chose qui doit
être fait en collaboration avec nous autres, bon, bien, il n'y en a pas,
de chapitre sur la confidentialité.
Tout le monde a reconnu, autour de la table, toutes les provinces,
l'Association des banquiers, l'Association des trusts, l'Association canadienne
des paiements, le Canada Retail
Council, tout le monde a reconnu que le débat est beaucoup trop
large pour juste être appliqué dans un code d'où... Moi,
j'enlèverais l'autorégle-mentation pour la confidentialité
des données. Par expérience, ça fait un an et demi qu'on
en discute et ça ne marche pas. Ça ne marche pas parce que
l'autoréglementation va avoir l'air du code - si vous avez vu le code
des banquiers - et les gens ne verront pas que, quand ils font affaire avec une
institution financière, ils font affaire avec la grande famille
bancaire. J'ai apporté un exemple que je ferai circuler. C'est un
exemple de la Banque Royale, avec le Royal Mutual Funds, et qui dit: "We are
completely integrated. We cannot prevent the flow of information." On est
complètement intégrés. On n'est pas capables
d'empêcher la circulation de l'information. Ils sont déjà
de même. Ils font le système et, après, ils nous demandent
ce qu'on en pense.
M. Cannon: Donc, à chacune des occasions où vous
soulevez des exemples, vous dites que la chose la plus importante, c'est de
travailler sur le consentement...
Mme Plamondon: Exprès.
M. Cannon: ...exprès. De faire en sorte que, si vous avez
volontairement fourni un renseignement à un bureau de crédit,
à une banque ou, enfin, à un fournisseur quelconque de services,
qu'expressément cette volonté de la finalité pour laquelle
vous avez fourni ce renseignement-là soit limitée à
cela.
Mme Plamondon: À cette transaction-là. M.
Cannon: À cette transaction-là.
Mme Plamondon: Mais qu'on me demande la permission la prochaine
fois qu'on voudra le donner à quelqu'un d'autre.
M. Cannon: O.K. Dites-moi quelque chose, juste peut-être un
souhait, et j'imagine que mon collègue de l'Opposition va
obtempérer de la même manière. Vous n'avez pas eu, dans
votre présentation, je pense, suffisamment de temps pour expliquer
précisément les exemples, puisque vous en citiez et vous avez
dit...
Mme Plamondon: Non.
M. Cannon: ...bon: Cet exemple-là, je le passe. Ce que
j'aimerais, c'est que vous puissiez fournir à la commission,
peut-être sous forme écrite ou autre, notamment les exemples que
vous avez, que vous n'avez pas pu nous donner, parce que je pense que c'est
extrêmement intéressant, quant à ces transmissions
d'informations qui ne sont pas réglementées et qui sont
extrêmement dommageables pour l'individu.
Peut-être, avant de céder la parole à mon
collègue de l'Opposition, une dernière question. On parlait de
l'autoréglementation. On parlait de la politique de Bell Canada, de la
politique d'un certain nombre de compagnies canadiennes, notamment les banques
et aussi les compagnies d'assurances. Est-ce que vous croyez qu'actuellement,
avec leur politique d'autoréglementation, ce serait suffisant pour
rencontrer la directive européenne? (10 heures)
Mme Plamondon: Au stade où on en est, on a un projet;
c'est notre prochain rapport. On a un projet qui est subventionné par
Consommation et Corporations Canada, qui étudie, qui compare la
directive européenne avec celle de l'OCDE et qui va aller chercher les
commentaires, si possible, des pays membres de la Communauté
européenne et monter des fichiers. C'est ce qu'on est en train de faire;
c'est pour ça qu'on a même, dans nos fichiers, comparé le
numéro de la ligne directrice de l'OCDE avec ce que je vous ai dit,
là, comme exemples. Je n'ai pas le temps de vous dire tout ça. Et
on va essayer de voir où il y a des consensus dans l'industrie. Exemple:
Supposons qu'il ait de la transparence - il n'y en a pas, là, mais en
tout cas - supposons qu'il y en ait. On va dire: O.K., il y a transparence,
mais il manque certains autres principes de l'OCDE. On va pouvoir identifier
où il va falloir travailler et faire des propositions à
l'industrie de l'information. Parce que l'industrie de l'information,
là, c'est le dossier des années quatre-vingt-dix; celui qui a
l'information, il détient le pouvoir. Puis dans le moment, c'est que
vous n'avez pas... Je vous voyais interroger Équifax; vous ne savez pas
ce qu'il y a comme services. Vous posez une question, vous vous retirez tout de
suite après, vous ne posez pas de sous-question. Il vous dit qu'il ne
vend pas de listes, vous ne parlez plus des listes. Il faudrait...
M. Cannon: Le problème là-dedans, Mme Plamondon,
c'est que, comme vous, ils viennent volontairement...
Mme Plamondon: Oui, oui. Je comprends.
M. Cannon: ...nous fournir des renseignements. Ce n'est pas un
tribunal ici.
Mme Plamondon: Non, mais, en même temps, vous êtes un
législateur. C'est à votre tour de réagir. C'est de faire
afficher partout... Si - supposons - Équifax donnait la liste, avec un
catalogue de tous les services qu'il y a, que c'était obligatoire de
dire partout où le consommateur pourrait être fiché,
partout dans le secteur privé, on serait obligé de dire où
il y a des listes. Là, le consommateur, il ne sait pas à quelles
places il est fiché. Les questions informatiques, ça voyage avec
la vitesse de l'éclair, puis ça voyage entre le Canada et les
États-Unis;
ils ne vous ont pas tout dit, Équffax, avec le Canada et les
États-Unis, là. C'est que, quand vous voudrez consulter les
documents que j'ai, ça s'appelle FYI, "For your information
international", et c'est pour les associés d'Équifax. Parce qu'il
s'est occupé, en arrivant au Canada, d'aller chercher des
associés. C'est pour ça qu'il est devenu le plus gros; c'est pour
ça qu'il est le plus gros dans le moment.
Je vais vous donner un autre exemple des États-Unis, qui est de
la semaine passée. Il y a 18 municipalités qui ont laissé
avoir des informations sur des taxes qui étaient impayées; vous
avez tous dû voir ça sur les réseaux américains,
avec TRW. Ça a été mal rempli dans les bureaux de
crédit. Et là, le gouvernement américain cherche à
resserrer le "Fair Credit Reporting Act", parce qu'il y a des plaintes partout
à travers l'Amérique.
Nous autres, savez-vous ce qu'on a au Québec? On a quatre
articles miteux dans la Loi sur la protection du consommateur, sur les bureaux
de crédit. On a le droit de consulter, d'annoter, et, vous avez vu par
l'expérience qu'il y a là, annoter ne veut pas dire corriger.
Quelqu'un qui est lésé, le fardeau de la preuve, c'est lui qui
l'a. Il est obligé de prouver que ce n'est pas vrai ce qu'Équifax
a écrit, et Équifax ne vérifie rien; il me l'a dit,
Globensky. Il ne vérifie pas, lui, il prend l'information et il la
revend.
Dans notre étude, aussi, vous allez voir ça, au
réseau des Caisses populaires, la Confédération des
caisses, j'ai demandé: Faites-vous affaire? N'avez-vous jamais
pensé à faire quelque chose comme ça? Qu'est-ce qui fait
qu'il n'a pas de concurrence, ce réseau-la? Ils m'ont sorti une
étude qu'on ne nous a pas permis de reproduire textuellement, mais je
vais vous en donner les grandes lignes. C'est encore à cause des
coûts. Ils ne sont pas capables d'arriver avec les coûts
d'Équifax. Bien, plus quelqu'un est un géant, plus il est capable
de faire des économies d'échelle, plus il est capable de vendre
bon marché. C'est le piège dans lequel sont tombés le
Groupement des assureurs et l'Inspecteur général, tu sais,
après ça. Parce que, eux autres, ils ont laissé aller
à Équifax; ça coûte moins cher. Et il leur dit que
c'est étanche, hein! C'est ça, le problème. C'est
qu'à mesure que quelque chose va grossir, on va se retrouver avec
quelqu'un qui va avoir le monopole de l'information, qui va tout savoir sur
n'importe qui, et - on est enregistrés, mais en tout cas - moi, je peux
vous dire que l'atout principal d'un enquêteur, c'est d'avoir des
contacts. Et les contacts, c'est la complaisance de quelqu'un qui a
accès à des données qu'il ne devrait pas donner, mais
qu'il échange en retour d'autre chose. Et vous savez que ça se
passe à l'intérieur du gouvernement, puis à
l'intérieur d'autres listes. On ne devrait pas. Ça fait qu'il
faudrait peut-être commencer à resserrer la sécurité
informatique puis l'accès, parce qu'il y a deux aspects dans la
sécurité: l'accès physique et l'accès informatique.
Il faudrait que vous commenciez par resserrer ça si vous ne voulez pas
que ce qui est dit, et qui est confidentiel chez vous, soit
échangé, parce qu'ils sont "plogués". C'est la
façon dont les enquêteurs parlent, quand on parle à des
ex-enquêteurs.
M. Cannon: C'est très intéressant ce que vous nous
dites, mais là je vais céder la parole à mon
collègue parce que je pense qu'il y a d'autres de mes collègues
qui voudraient intervenir aussi.
Le Président (M. LeSage): Alors, M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Alors, M. le Président, Mme Plamondon, Mme
Feriand, je dois vous dire que votre présentation de ce matin et
l'étude que vous nous avez remise sont remarquables parce qu'elles
traitent de la réalité de la question et non pas des
énoncés qu'on vient faire devant une commission parlementaire
où tout le monde se dit pour la vertu, le mariage, la tarte aux pommes,
la confidentialité et tout. Cependant, avant de céder la parole
à ma collègue, je voudrais vous faire part de mon
inquiétude.
Moi, je commence à avoir l'inquiétude que le seul but de
notre commission parlementaire soit d'entreprendre un travail parlementaire qui
ne se terminera pas avant peut-être un an ou deux. Ce que j'entends par
là, c'est qu'il reste 24 organismes à entendre après le
vôtre, et on siège par tiers de journée, une fois par deux
semaines. Vous parlez de l'absolue nécessité d'établir les
principes dans une loi, de ne pas se contenter des quelques pauvres petites
choses qu'on a dans la Loi sur la protection du consommateur, et ça fait
trois ans que le Code civil contient des dispositions qui ne sont pas
promulguées.
Si l'objectif est que la commission parlementaire trouve quelque chose
avec lequel Équifax va être confortable, on ne trouvera jamais. Et
je commence à avoir le sentiment que ce qu'on veut, c'est dire, un peu
avant le 1er janvier 1993, à la Communauté économique
européenne: N'arrêtez pas l'échange d'informations. Nous
sommes à compléter un travail intense de réflexion sur la
question. Et ce qui me rend méfiant, c'est que le principal client
d'Équifax, c'est le gouvernement du Québec. Donc, si le
gouvernement veut avoir son mot à dire en matière de protection
de la vie privée, il va falloir qu'il fasse ses preuves parce que, comme
c'est là, j'ai le sentiment qu'on n'avance pas.
Vous disiez avec raison tout à l'heure qu'effectivement, quand on
questionne Équifax, on ne pose pas de sous-questions. M. le ministre a
dit: On n'est pas un tribunal. Bien, je trouve que la protection de la vie
privée, c'est au moins
aussi important qu'aux États-Unis - l'immense "soap opera" qui
s'est fait au sujet du présumé harcèlement sexuel d'un
candidat à la Cour suprême. Ce que je veux dire par là,
c'est qu'il faut aller au fond des choses ici, et ça, pour que les
citoyens soient confortables avec une loi qui protège leur droit
à la vie privée, et ne pas dire qu'on va faire quelque chose si
Équifax ou d'autres veulent qu'on fasse quelque chose parce qu'à
ce moment-là on fera rapport à la Communauté
européenne qu'on se penche là-dessus. Cela dit, je cède la
parole à ma collègue.
Le Président (M. LeSage): Vous avez un message...
M. Cannon: C'est simplement pour dire à mon cher
collègue qu'il reste 26 dossiers ici. Et si le leader de votre
côté accepte, d'ici le 21 novembre, on aura terminé.
Le Président (M. LeSage): Alors, si vous le permettez,
nous allons suivre la règle d'alternance et je vais céder la
parole au député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Dans votre
exposé, le coeur, c'est la question de consentement. Le ministre a
parlé tantôt un peu de l'affaire, puis je pense que les exemples
que vous avez donnés dans votre exposé, ça démontre
à quel point il peut y avoir des abus. Surtout quand vous parlez des
caisses populaires Desjardins, après qu'une personne ait
été hospitalisée, tous les renseignements qu'elles
demandent si un consommateur demande de l'assurance. À la fin de votre
document, c'est marqué, et je cite: "J'autorise tout médecin,
hôpital, clinique, compagnie d'assurances, le bureau de renseignements
médicaux ou autres organismes ou institutions détenant des
renseignements à mon sujet à les divulguer à
l'assurance-vie Desjardins ou ses réassureurs". Je pense que ça
va très très loin. La question que je me pose, dans le concret,
autre que de limiter à chaque acte... Chaque fois qu'une personne
demande pour une assurance ou un crédit quelconque, est-ce que c'est
ça que vous préconisez, à chaque acte, que le consentement
spécifique du consommateur soit donné?
Mme Plamondon: Oui.
M. Kehoe: Et les banques de renseignements, telles qu'on les voit
ici...
Mme Plamondon: Oui.
M. Kehoe: ...dans les autres exemples que vous donnez aussi, ce
serait limité à cet acte-là?
Mme Plamondon: Oui. D'abord, moi, je suis d'accord parce que
ça a été déjà discuté avec le monde
bancaire que, pour évaluer un risque, il faut qu'il y ait des
renseignements. Mais j'ai certains formulaires, qu'on décrit dans notre
première étude, où il y a à peu près 100
cases que vous remplissez. On vous fait signer pour certifier que c'est bien
vrai tout ce que vous avez dit, mais, après ça, on dit: On va
vérifier parce que peut-être que vous êtes un menteur. On va
aller vérifier ailleurs. Mais là, quand on vérifie,
l'autorisation qu'on donne là, c'est une autorisation qui est si large
qu'elle n'est pas pour une durée limitée. On ne dit pas: Je vais
vérifier pendant 10 jours et, après, je vais vous accorder le
prêt. C'est une autorisation large. "Et autres", ça prend les
amis, les voisins; on peut vous questionner là-dessus. C'est si large
qu'on ne sait même pas si ça dépasse la durée du
prêt.
Moi, ce que j'avais suggéré, c'est qu'on puisse donner une
autorisation qui est limitée dans le temps - mettons 10 jours - et que,
si jamais le consommateur était en défaut, les mêmes 10
jours pourraient recommencer. Ce que - dans ce monde-là, en tout cas -
ils appellent "opting in and opting out", bien, Topting in", ça veut
dire que, moi, je voudrais qu'à chaque fois qu'on donne une signature
là-dessus ce soit une nouvelle signature. Pas une signature pour
demander de l'argent en banque seulement, une signature pour demander de
l'argent et une autre qui serait spécifique pour donner une autorisation
d'aller chercher des renseignements pour une durée limitée. Eux
autres, je parle de l'Association des banquiers, par exemple, allaient
jusqu'à dire: "Opting out", seriez-vous d'accord? Ça, ça
voudrait dire: Si je ne signe rien, je suis consentante à tout. Moi, je
ne suis pas d'accord avec ça. J'aimerais mieux qu'on signe de quoi de
spécifique quand on veut et qu'il y ait une durée
limitée.
M. Kehoe: Mais je comprends que l'exemple que vous avez
cité ici, pour l'assurance-vie Desjardins...
Mme Plamondon: Ça, ça s'applique à toutes
les banques.
M. Kehoe: ...va très loin. C'est très large. C'est
à tel point qu'il n'y a pas de contrôle absolu sur ça. Mais
de là à dire que, pour chaque acte, chaque transaction où
le crédit est requis, que ce soit pour une assurance, que ce soit pour
un emprunt, que ce soit pour n'importe quoi, dans le quotidien, dans la vie
actuelle aujourd'hui... Je me demande - et surtout du fait que ce sont souvent
des compagnies américaines qui sont impliquées dans ça, ou
d'une autre province - si c'est réaliste de proposer que, pour chaque
acte, il y ait un consentement du consommateur.
Mme Plamondon: Donnez-moi donc un exemple qui montre en quoi ce
serait préjudi-
ciable à une compagnie d'assurances de demander le
consentement.
M. Kehoe: Je ne dis pas que ce serait préjudiciable, mais
le "paperwork" que ça prend, la transmission d'informations entre les
différentes compagnies impliquées dans ça, compagnies de
crédit et tout le reste, je me demande, dans le quotidien... C'est parce
que je comprends, encore une fois, que ce qui est exigé par
l'assurance-vie Desjardins est beaucoup trop large. C'est ridicule. Ça
va beaucoup trop loin, mais de là à dire que, pour chaque acte,
il faut demander un consentement, "c'est-u" pratique?
Mme Plamondon: C'est le prix à payer pour notre
dignité et c'est le prix à payer aussi pour garder l'information.
C'est nous autres qui sommes propriétaires de l'information. Une fois
qu'on a donné de l'information, la compagnie à qui on l'a
donnée ne devient pas propriétaire de l'information. C'est
toujours le consommateur qui devrait être propriétaire de
l'information qu'il y a sur lui. Et c'est pour ça qu'à chaque
fois qu'on veut l'utiliser, on doit lui demander. Et j'irais plus loin. Avant
de faire des profils, avant de s'en servir autrement, il devrait y avoir aussi
un consentement. On ne devrait pas - ça, ça joue pour le
télémarketing, et ce que je vous ai donné pour les
caisses, ça joue pour les banques aussi - pouvoir se servir de
l'information pour faire autre chose que la transaction, à moins de nous
demander notre consentement. (10 h 15)
Et s'ils sont si sûrs qu'ils vont l'avoir, notre consentement,
pourquoi ils ne le demandent pas? Pourquoi, au moment où on ouvre un
compte, ils ne disent pas: Si on veut faire un profil ou si on veut vous offrir
des produits de la compagnie X, signez là? Pourquoi ils ne veulent pas?
C'est qu'ils sentent bien, dans le fond, qu'ils sont en train de faire une
chose avec laquelle le consommateur - c'est occulte - n'est pas d'accord ou ne
le sera pas. On ne sait pas à quoi... Et là, je ne vous ai pas
donné les inquiétudes qu'on a et que je ne peux pas prouver
aujourd'hui, mais j'aimerais que vous suiviez Multi points dans son
développement, parce qu'à la Banque Nationale, dans une des
visites qu'on a faites sur les banques, dans la région de Sherbrooke, la
préposée à l'ouverture du compte a pris la moitié
du temps à vouloir vendre la carte Multi points puis l'autre
moitié du reste du temps à expliquer le compte; l'important,
c'était de vendre la carte Multi points. Vous vous poserez ça
comme question.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Plamondon. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Je pense que, tout
comme mon collègue, je souhaiterais vous dire en premier lieu à
quel point je trouve le travail que vous avez fait, et votre
présentation aussi, extraordinaires. C'est du réel; c'est du
vécu. Et j'avoue que, depuis notre dernière intervention, moi
aussi, à mon grand étonnement, en passant tout simplement une
commande dans un restaurant pour un service à la maison, là, pour
faire livrer à la maison, on m'a demandé mon numéro de
téléphone et, en donnant mon numéro de
téléphone, immédiatement, on m'a dit: Oui, madame, vous
demeurez à telle adresse et il faut passer par le sous-sol. Je vous
avoue que j'étais en plein... On venait de faire la...
Une voix: Peut-être que les enfants étaient connus.
Ha, ha, ha!
Mme Caron: Et j'ai peut-être téléphoné
là il y a deux ans. Je ne pensais pas que c'était rendu a ce
point. Et vous nous en avez donné plusieurs exemples. Lorsqu'on parle de
consentement, moi aussi, je m'interroge sur ce fait: Pourquoi ça
semble-t-il si dérangeant de donner un consentement? Le seul
dérangement, finalement, c'est qu'au moment où on doit donner un
consentement le consommateur est effectivement informé qu'il se passe
quelque chose, alors que, présentement, il ne le sait pas. Est-ce que
vous iriez jusqu'à dire que, lorsqu'on donne un consentement
exprès - et je pense que cette donnée-là, il est vraiment
important que ce soit pour une durée vraiment limitée - et qu'on
va chercher de l'information, le consommateur devrait, suite à ces
informations-là qu'on va chercher, recevoir copie de l'information qu'on
a demandée sur lui?
Mme Plamondon: C'est pour ça qu'on demandait que le bureau
de crédit... Dans nos rencontres avec les représentants
d'Équifax, on demandait que chacun reçoive la copie de son
dossier de crédit. Vous avez vu le faible pourcentage de gens qui
demandait leur dossier de crédit et qui le consultent. Il y a une
nouvelle donnée qui est marquée dans les dossiers de
crédit; c'est marqué: Entrevue avec le consommateur, quand vous y
allez. Ça veut dire que l'institution qui reçoit votre dossier de
crédit sait que vous êtes allé le consulter. Mais moi, on
me disait: On n'est pas pour faire ça parce que, regardez, la
confidentialité, ça va arriver à d'autres places. J'ai
dit: D'abord, vous êtes en train de me dire que la plupart des dossiers
de crédit ont une mauvaise adresse? Parce que si vous avez peur que
ça se rende ailleurs, c'est que vous me dites que vos informations sont
inexactes. Et puis, dans ceux qu'on a fait vérifier, on a eu des gens
qui avaient des erreurs. Par exemple, une jeune avocate, qui avait fait
faillite dans sa première année de pratique, la libération
de faillite n'était pas inscrite dans le dossier de crédit.
C'était à elle d'apporter sa libération de faillite pour
la faire inscrire.
Je pourrais vous en donner comme ça, des erreurs de nom, des
erreurs d'adresse. Le nom de votre conjoint, même si vous n'êtes
pas marié, il est aussi dans votre dossier. Peut-être que vous
avez changé de "chum" depuis ce temps-là, ou de femme, mais c'est
encore le même. On a quelqu'un qui était divorcé depuis
deux ans; elle a consulté son dossier de crédit et elle s'est
aperçue qu'elle était encore mariée, selon le dossier de
crédit, puis qu'elle était encore copropriétaire de la
maison et qu'elle n'avait pas d'emprunt. La maison avait été
vendue, elle était divorcée depuis deux ans puis elle avait deux
nouveaux emprunts. Ça vaut quoi, ce dossier de crédit là?
Ça vaut quoi, là? Puis c'est en train d'être vendu. Et
c'est vendu, dans le fond...
Et là, je ne vous ai pas parlé de l'ADN et de nos
inquiétudes là-dessus; j'espère qu'il va y en avoir qui
vont se présenter là-dessus. Mais quand les gens s'en vont
à la Croix-Rouge, j'espère... Il faudrait qu'ils soient
sécurisés sur ce qu'ils vont faire avec l'échantillon de
sang qu'il y a là. Je n'accuse pas la Croix-Rouge, mais, depuis que je
lis des choses sur l'ADN, puis on entend ça autour de nous autres,
qu'est-ce qu'ils font? Dans un hôpital, quand ils prennent un dossier -
et j'ai d'autres choses, en parlant de ça, pour les hôpitaux, mais
j'en avais trop, là - qu'est-ce qui arrive des listes, là, de
ceux qui sont atteints par telle maladie? Où c'est? Comment ça se
promène, ces listes-là?
Des listes d'employés, avec leur numéro d'assurance
sociale à côté, qui ont été publiées.
Je vais vous donner... Le numéro d'assurance sociale, ça me
renverse! D'ailleurs, il y a trois projets de loi qui ont été
présentés au fédéral et ces projets de loi
là ont tourné à rien. Le dernier l'avait
été, à ma connaissance, par Hnatyshyn, qui est devenu
gouverneur générai, et c'est encore resté sur les
tablettes. Est-ce qu'il va falloir qu'on dise aux gens: Un numéro
d'assurance sociale, c'est fait comme ça. À toutes les fois que
vous ne voudrez pas le donner, c'est fait de même, un numéro
d'assurance sociale. Un valide, ça se fait comme ça. D'ailleurs,
je l'ai marqué dans celle-là. Si vous voulez savoir comment
ça se fait, un numéro d'assurance sociale, c'est tout
marqué là-dedans. À un moment donné, il va falloir
le donner juste au gouvernement, pour des fins du ministère du Revenu,
et où c'est obligatoire. Et où ce n'est pas obligatoire dans la
loi, mais où le gouvernement - là, c'est le gouvernement
fédéral - n'a pas jugé bon de réglementer, il va
falloir que les consommateurs se prennent en main et qu'ils contrôlent
leur numéro d'assurance sociale. Pas le donner à toutes les
sauces.
Et les dates de naissance données partout, et l'accès...
C'est les coupleurs universels, les dates de naissance, les numéros
d'assurance sociale, c'est les coupleurs universels. Là, vous êtes
sur le point de mettre sur le marché la carte à puce, etc.
Ça fait que, si vous n'êtes même pas capables de
réglementer ces secteurs-là avant que la carte à puce ne
commence, voyez-vous l'inquiétude des consommateurs? Non seulement les
gens sont, dans le moment, avec l'économie qu'on connaît,
dépossédés de leur job, mais ils sont
dépossédés de leur identité. On peut aller chercher
la liste des livres qu'on lit, des vidéos qu'on voit - on va loin
là-dedans - des choses qu'on commande au restaurant. Qu'est-ce qui nous
reste, à nous autres? Les gens savent d'avance ce qu'on a pensé;
ils nous suivent, avec notre carte de crédit, et savent où on est
allés, dans quel hôtel on est allés. Ils sont capables de
nous suivre à la lettre. Prenez quelque chose au restaurant et apportez
votre reçu pour des fins de remboursement, ça va être
marqué ce que vous avez mangé: une salade, un café, une
tarte au sucre. Ça va tout être marqué sur votre "bill". On
est en train de vous éplucher et, si vous voulez avoir un exemple de
surveillance électronique, un peu plus tard, je vous recontacterai et je
vous en donnerai, des exemples de surveillance électronique.
Le Président (M. LeSage): Ça va, Mme la
députée de Terrebonne?
Mme Caron: Oui, M. le Président. J'aimerais que vous
reveniez un petit peu sur les hôpitaux, parce que vous aviez l'air
d'avoir beaucoup à dire là-dessus, d'autant plus que le sujet
m'intéresse parce que je travaille depuis deux ans sur le dossier de la
vente itinérante des préarrangements funéraires. Lorsqu'on
fouille un petit peu plus le dossier, on s'aperçoit que, finalement, les
personnes, les aînés, qui font partie de clubs de l'âge d'or
ou autres, se trouvent à recevoir la visite de vendeurs
itinérants, mais aussi que toute personne atteinte de maladie incurable,
tout à coup, reçoit la visite d'un vendeur itinérant de
préarrangements funéraires. Alors, j'aimerais ça vous
entendre un petit peu plus sur les hôpitaux.
Mme Plamondon: Sur les hôpitaux? Moi, je n'ai' pas eu de
plainte pour les arrangements funéraires, mais j'en ai
déjà eu, que je n'ai pas apportées ici, mais
c'était sur les naissances. Après ça, les gens
étaient contactés pour avoir des assurances pour les nouveaux
bébés, à partir de listes. Je pense qu'avec les plaintes
qu'on fait, en tout cas, ça doit se resserrer, mais c'est à
partir des plaintes des consommateurs et non pas à partir d'une
volonté de garder la confidentialité à l'intérieur
d'une institution. C'est pour ça que cette volonté-là que
vous avez, il faudrait qu'elle soit transmise dans le réseau pour
sauvegarder la confidentialité, parce que ces choses-là ne sont
pas faites, je dirais, pour faire mal, mais, à un moment donné,
ça va être dit, tu sais. Là, ce n'est pas du
côté commercial, mais on a même eu des plaintes qui sont un
peu plus graves. Il y a quelqu'un qui n'avait pas été
capable d'avoir un bébé et elle s'informait des
bébés et harcelait les femmes qui avaient eu un
bébé après leur sortie de l'hôpital, parce qu'elle
était capable de savoir qui avait eu un bébé. Là,
ça s'est réglé après, dans un hôpital. Mais
ça, c'est un cas où on ne parle pas de commercialisation de
données, on ne parle pas de vente, mais, quand même, c'est un cas
de confidentialité.
Mme Caron: Quel organisme, selon vous, devrait administrer la
loi-cadre, la future loi-cadre?
Mme Plamondon: La future loi-cadre devrait, dans ce qui regarde
l'éducation, les publications, tout ça, l'administration dans...
pas les plaintes mais l'administration, je verrais bien la Commission
d'accès à l'information garder ce chapeau-là. Mais je ne
suis pas d'accord avec les plaintes et je ne suis pas d'accord aussi... Je
voudrais que ce soit un tribunal séparé parce que je ne suis pas
d'accord avec ce que ta Commission a déjà permis. Je pense
à Équifax, avec le dossier des fichiers d'accidents d'automobile
et, si je ne me trompe pas - vous me corrigerez parce que je la connais moins,
cette loi-là - je pense qu'elle peut donner un avis, mais que le
gouvernement n'est pas obligé de le suivre. À ce
moment-là, ça donnerait quoi? Il faudrait que ce soit
changé, ça n'offre pas assez de sécurité dans le
moment. J'aimerais mieux un tribunal qui serait séparé pour juger
de ce qui regarde le secteur privé.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. Mme Plamondon:
Bienvenue.
Le Président (M. LeSage): Merci. M. le
député d'Orford.
M. Benoit: Mme Plamondon, il nous reste deux minutes, alors la
question va être brève et, malheureusement, la réponse
aussi. Vous suggérez que l'on réglemente le
télémarketing. Quand on regarde ce qui se passe chez les gens
âgés, il y a autant de pour que de contre, aux États-Unis,
dans le télémarketing. Des gens qui peuvent moins facilement
avoir accès à un groupe de services peuvent, via le
télémarketing, avoir beaucoup de services. Et les sondages qu'on
voit aux États-Unis à cet égard-là sont
plutôt posttifs. Vous voudriez réglementer. Pouvez-vous me donner
un peu les balises dans lesquelles vous voudriez réglementer le
télémarketing?
Mme Plamondon: C'est que les courtiers en listes vont... D'abord,
on parle du consentement exprès. Si mon nom est rendu dans une liste, je
n'ai pas donné mon consentement. Si le consommateur veut le donner, son
consentement, les listes qui seraient utilisées en
télémarketing, si vous voulez une réponse courte, seraient
celles où les consommateurs sont consentants. C'est là que je
vois ce que je vous disais tantôt, Popting in". Dire au départ
quand je veux que mon nom circule. Si je ne veux pas que mon nom circule,
personne ne devrait l'avoir. J'ai apporté des exemples de
télémarketing.
Il y a quelqu'un, ça fait trois fois qu'il écrit à
l'Église en détresse du Canada, et il en reçoit à
toutes les fois pareil. Abonnez-vous au Times et vous allez avoir... Mon
Dieu, je peux vous en donner, il y en a en masse; j'en ai une pile. Si vous
vous abonnez au Times ou à Fortune et Sélection,
vous allez en avoir, de la correspondance. J'ai bien de la documentation.
On a trois classeurs sur la confidentialité.
De la documentation sur les "sucker's list" aux États-Unis.
Savez-vous ce que c'est qu'un "sucker"? C'est quelqu'un qui achète
n'importe quoi, qui est très vulnérable, qui s'ennuie chez lui et
qui signe n'importe quoi. Ça vous fera peut-être sourire, mais il
y a des gens qui n'ont pas de malle, jamais. Ils n'ont jamais de lettres. Ils
voient arriver une lettre - et ça, c'est le genre qui achète chez
Jay Norris, qui achète chez Muralex, qui achète ces
affaires-là - et ils se retrouvent sur une autre liste, et ils pensent
toujours qu'ils ont gagné quelque chose.
Et c'est marqué: Envoyez-le encore une fois, envoyez-le encore
une fois. J'ai vu des gens manquer de l'ouvrage, arriver avec une lettre
recommandée au bureau, pensant qu'ils avaient gagné et
étant déçus. Un pensait qu'il avait une auto et qu'il
avait juste à aller la chercher. C'était marqué: Vous
pourrez aller choisir votre auto à tel... Il est allé là
et il n'y en avait pas, d'auto, hein? Bon. Tu dis: Madame, ça en fait
cinquante, cette semaine, qui arrivent et qui ont gagné une auto. Ils
veulent se faire dire oui. C'est duper. Savez-vous qu'aux États-Unis,
c'est assez spécialisé qu'ils peuvent dire qui a un chat, qui a
un chien, pour pouvoir mieux cibler? Ça fait que le
télémarketing va vous dire que c'est toujours pour mieux vous
servir, mais, dans le fond, on sait tout sur vous autres. Moi, je ne suis pas
d'accord, et avec les mêmes principes que j'ai élaborés
plus tôt.
M. Benoit: Merci.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Je ferai ça très rapidement. Moi, je
trouve votre présentation exceptionnelle dans la mesure où elle
est documentée, intéressante et où elle traite des vraies
choses. Moi, il y a deux points, quand on parle de tout ça, il y a deux
choses qui me fatiguent personnellement comme individu, c'est les fameux
rapports médicaux, les données médicales pour les
assurances et les prêts hypothécaires, et toutes ces
histoires-là, et la question des cartes de cré-
dit - quand on appelle et qu'on nous demande notre numéro de
carte de crédit. C'est rendu qu'à peu près n'importe qui
peut avoir le numéro de carte de crédit de n'importe qui.
Dans le cas des formulaires de Desjardins, entre autres, sur les
questions d'assurance-vie, il y a une donnée que vous avez
oubliée, qui est demandée maintenant. Je ne la retrouve pas dans
votre texte. C'est si on a suivi ou si on a fait dernièrement un test de
dépistage du SIDA. Ça, ça fait partie des nouvelles
formules, j'en ai rempli encore une il y a deux semaines. Et c'est
particulièrement achalant, d'autant plus que, mettons sur cinq ans, par
exemple, quand on dit: Avez-vous consulté des médecins depuis
cinq ans?, oui, tu as consulté des médecins depuis cinq ans. Tu
t'es piqué un clou rouillé dans le talon, tu t'es coupé un
doigt avec un tournevis, tu as peut-être fait un
électrocardiogramme à un moment donné parce que tu avais
des douleurs et que tu ne savais pas ce que tu avais. Moi, personnellement, il
me manque un oeil à la suite d'un accident du travail. Alors, à
l'occasion, il faut que j'aille voir le médecin pour des suivis
médicaux, et tout ça. Puis, quand tu fais le décompte,
bien, il faudrait probablement que tu envoies quelque chose comme, sur les cinq
dernières années, autour de 10 ou 12 rapports médicaux,
des noms de médecins que tu ne te rappelles même plus parce qu'on
t'envoie voir des spécialistes que tu n'as jamais vus d'une fois
à l'autre. Puis, bon, tu vas à l'urgence, le médecin te
donne une prescription. Bon, bien oui, tu as consulté un médecin,
mais comment s'appelle-t-il? Cherche-moi. Alors, tu as toujours l'impression de
remplir ces formulaires-là en étant comme un peu fautif parce que
tu dis: Batince! je ne suis pas capable de donner toute l'information; je ne
commencerai toujours bien pas à prendre trois jours pour aller
récolter toutes ces affaires-là, courir d'une place à
l'autre. Alors, c'est un peu tannant.
Moi, là-dedans - et je voudrais avoir votre opinion
là-dessus - j'imagine qu'il serait possible d'avoir tout simplement une
espèce de clause de décharge, je ne sais pas comment on pourrait
appeler ça, à l'effet qu'au moment où une compagnie, et
tout ça, donne une hypothèque, donne une assurance-vie ou autre
chose... comme de quoi tu t'engages formellement sur ton honneur puis tout ce
qui peut te rester de semblable...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Claveau: ...que tu ne souffres de rien, puis que si, pour une
raison ou une autre, dans les trois prochaines années par exemple, il se
déclare une maladie ou... Enfin, à ce moment-là, c'est
que, après coup, il pourrait y avoir enquête, c'est ça que
je veux dire, on pourrait imaginer un principe d'enquête après le
fait, à savoir si, effectivement, au moment de signer ton papier, tu
étais au courant ou pas, puis le médecin qui avait traité,
puis tout. Mais qu'on nous laisse la paix avec toutes ces
informations-là qui n'ont plus de sacré bon sens puis qui sont
gênantes pour tout le monde, y compris, à l'occasion, pour les
vendeurs. Moi, je vous assure que dernièrement, en tout cas, la personne
qui traitait mon dossier aux caisses Desjardins me disait: Écoutez,
ça me tanne un peu, mais il faut que je vous donne cette
formule-là, je n'ai pas le choix; vous devez me la remplir sinon on ne
sera pas capable d'aller de l'avant dans votre dossier. Bon, on voit que
ça gêne même, à l'occasion, les personnes qui ont
à traiter nos dossiers parce qu'elles savent bien que ça n'a plus
de sacré bon sens où on en est rendu dans la récolte
d'informations. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de penser quelque chose de
simple qui permettrait éventuellement une enquête après
coup, si jamais il y avait raison de justifier une enquête, mais qui, au
départ, soit une clause d'ordre général qui dit:
Écoute, c'est vrai, je ne suis pas mourant, réglons ça
tout de suite?
Mme Plamondon: Moi, ce n'est pas tout à fait comme
ça. Je vois votre inquiétude et c'est la même qu'on a eue.
Mais je vais vous donner des exemples. Comme je vous dis, nous autres, on
marche avec bien des cas parce qu'on a plusieurs cas qui s'adressent à
nous autres. Je serais d'accord qu'on donne une autorisation, pour un temps
limité, pour vérifier si, en donnant nos coordonnées,
l'état de santé, il y avait quelque chose, mais que ça
finisse là. Savez-vous pourquoi je dis cela? C'est que ce n'est pas le
temps, quand vous allez être mort, de dire à la veuve: Votre mari
nous avait probablement menti, puis d'aller lui demander un rapport d'autopsie,
parce que ça va jusque-là. Aussi, quand vous avez
été évalué, c'est là qu'il fallait qu'ils
évaluent le risque. Après ça, si vous êtes
tombé malade, il ne faut pas présumer que vous l'étiez au
moment où vous avez contracté votre contrat d'assurance. Je vais
vous donner un exemple, ça va illustrer.
Il y a quelqu'un qui est allé dans une école pour
handicapés mentaux. Il a parlé d'assurance-vie. Je ne vous
donnerai pas le nom de l'école ni le nom de la compagnie parce qu'on l'a
réglé. Mais l'enfant qui était là, c'est clair
qu'il était handicapé. Il parlait à des parents de
handicapés mentaux légers et physiques. Il est retourné
voir, après, les parents a domicile. Vous savez qu'il y a six, sept
questions: Est-ce qu'il souffre de troubles nerveux? Mais la femme a dit:
Qu'est-ce que vous entendez par troubles nerveux? Bien, la, est-ce qu'il est
allé à l'hôpital? Tu sais, le représentant
était là. Non, il n'est pas allé à l'hôpital
depuis sa naissance. Est-ce qu'il est traité? Il allait à une
école de réhabilitation, un centre de réhabilitation,
toute la classe y allait. Ah! il n'y a pas autre chose de spécial; il
nous a dit que c'était pour être de même toute sa vie.
Bon, il remplit les six questions. L'enfant meurt noyé -
ça n'a rien à voir avec son handicap - ils retiennent
l'assurance. Puis lui avait laissé une assurance de 5000 $ pour prendre
celle de 10 000 $ offerte par le nouvel assureur. Donc, il a laissé une
assurance. Ça ne regarde pas cette commission-là, mais il
faudrait regarder, à un moment donné, les remplacements
d'assurances. En tout cas. Les 10 000 $, il a fallu se battre, puis, au bout de
deux ans, on a réussi à lui faire donner, plus 1100 $ et quelques
d'intérêts parce qu'on trouvait que c'était
épouvantable, puis on a pu prouver qu'ils avaient été
honnêtes dans leur déclaration.
Ça fait que tu peux être honnête dans ta
déclaration, avoir quelqu'un à qui tu poses des questions en
avant de toi et la compagnie, après, dit: Ah! il allait dans un centre
de réhabilitation, donc il était traité; et des troubles
nerveux, il en avait parce qu'il était handicapé un peu. Quand
ils veulent tirer par les cheveux pour ne pas payer, là, hein? bien,
c'est ce qu'ils font. On a réussi à leur faire remettre, mais ce
n'est pas balisé, ça, encore. Moi, je ne serais pas pour qu'on
puisse aller chercher jusqu'à un rapport d'autopsie 10 ans après
et des choses comme ça. C'est un consentement pour une période
limitée. Qu'ils évaluent le risque; s'ils ne veulent pas vous
assurer, qu'ils ne vous assurent pas et, s'ils vous assurent, qu'on n'en parle
plus.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Plamondon. Le temps
est donc écoulé. Je cède la parole au ministre pour
quelques remarques.
M. Cannon: Oui, brièvement, M. le Président. Je
voudrais remercier Mme Plamondon et Mme Feriand d'avoir bien voulu se
déplacer et venir nous faire part, justement, de leurs
préoccupations dans ce secteur-là, tout en souhaitant, Mme
Plamondon, que vous allez pouvoir quand même délivrer au
Secrétariat les autres exemples dont vous n'avez pas pu nous faire part
ce matin. Aussi, en terminant, je veux souhaiter la bienvenue à mon
collègue d'Ungava, qui est avec nous ce matin pour la première
fois, tout en lui disant que la majeure partie de ses préoccupations
sont déjà rencontrées par le projet de loi sur le Code
civil et d'autres préoccupations qui ont été
discutées au Comité interministériel. Merci, madame.
Mme Plamondon: Je vous remercie et je retiens votre date du 21
novembre comme date limite pour entendre tous les mémoires.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Mme Plamondon, je voudrais vous remercier au nom de
l'Opposition officielle et vous dire qu'on a un premier délai, le 21
novembre, pour entendre tous les mémoires.
J'ajoute, moi, le 21 décembre pour mettre en vigueur ce qu'il y a
déjà dans le Code civil et le 21 février pour avoir le
projet de loi.
Le Président (M. LeSage): Alors, je remercie les
représentants du Service d'aide au consommateur de nous avoir
présenté leur mémoire et, afin de permettre au prochain
groupe de prendre place, soit la Corporation du groupe La Lauren- tienne, je
suspends les travaux de cette commission pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 37)
(Reprise à 10 h 41)
Le Président (M. LeSage): S'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux avec la Corporation du groupe La Laurentienne.
Je demanderais à M. Dubreuil de prendre note qu'il a 20 minutes pour
faire son exposé et que les parlementaires auront 40 minutes pour
discuter avec vous par la suite. Alors, la parole est à vous, M.
Dubreuil.
Corporation du groupe La Laurentienne
M. Dubreuii (Etienne): M. le ministre, chers membres de la
commission, la Corporation du groupe La Laurentienne vous remercie de nous
avoir invités pour prendre quelques instants avec vous dans le cadre du
dialogue et de la recherche que vous poursuivez. On a pondu quelques pages et
on espère, en tout cas, que vous aurez eu le temps de les lire avant
cette commission. On voulait simplement, et de façon vraiment
réaliste aussi, se pencher avec vous sur certaines interrogations, tout
simplement parce que le sujet de la protection de la vie privée n'est
vraiment pas un sujet qui est simple, je pense, et, dans le cadre de la
Corporation du groupe La Laurentienne, on est peut-être les candidats les
plus visés par les critiques qu'on puisse faire, parce qu'on se
définit d'abord et avant tout comme étant une banque-assurance,
un concept où, effectivement, on vend au consommateur une gamme de
produits.
Il faut comprendre que, dans le cadre du groupe La Laurentienne, au
fond, on est une seule et même entreprise. C'est vraiment la
bannière et la marque de commerce de La Laurentienne, qui fonctionne
à la fois tantôt comme une banque, tantôt comme une fiducie,
tantôt comme une compagnie d'assurances, que ce soit assurance de
personnes ou assurance de dommages. C'est à cause d'un cadre
réglementaire et légal qu'on nous force à avoir une
multitude d'entreprises, mais, fondamentalement, c'est la même grande
entreprise, de telle sorte que, pour nous, on aborde la clientèle, que
ce soit celle de la banque ou celle de la compagnie d'assurances, comme
étant la clientèle du groupe La Lauren-
tienne. Ce qui nous permet, quant à nous, d'être capables
d'offrir des meilleurs services, d'avoir des économies d'échelle
et d'être capables d'arriver et de concurrencer les grandes banques et
aussi les grandes compagnies d'assurances étrangères qui
fonctionnent au Canada.
J'aimerais simplement, pour le bénéfice de la commission,
passer en revue quelques-uns des éléments clés que nous
avons dégagés dans les quelques lignes que nous vous avons
soumises. D'abord et avant tout, il faut réaliser que, dans la
commercialtté à laquelle on appartient, c'est-à-dire la
banque et l'assurance, la cueillette des données est essentielles pour
être capable d'évaluer des risques et, aussi déplaisant que
ça puisse l'être de se le faire dire, il faut tout de même
réaliser que la question du crédit, tout comme la question de
l'assurance, ce n'est pas un droit au niveau du consommateur. D'autre part, ce
à quoi on a voulu aussi sensibiliser tous ceux qui voulaient se pencher
sur la question, c'est bien de réaliser, d'une part, que toute la
question de la vie privée est une notion extrêmement relative; on
en a donné quelques exemples dans notre mémoire. Les affaires
Bork comme les affaires Thomas aux États-Unis démontrent
clairement qu'une fois qu'on est une vedette ou, encore, qu'on est un homme
public, effectivement, la notion de sa vie privée devient on ne peut
plus relative.
On a voulu aussi souligner le fait que, quant à nous, on pense
sérieusement que l'intervention normative d'une loi-cadre n'est
peut-être pas le meilleur outil. On croit que les prescriptions qui
seront adoptées lors de la mise en vigueur des nouvelles dispositions du
Code civil réussiront amplement à protéger le consommateur
et, à cela, on vous donne le principe de base, quant à nous en
tout cas, à l'effet que, si on donne à quelqu'un un droit, mais
c'est à lui de l'exercer et c'est à la loi de lui permettre
l'exercice de ce droit. Or, on souscrit entièrement aux normes de
l'OCDE, et le nouveau Code civil le fait d'ailleurs, en permettant au
consommateur ce que j'appelle les droits fondamentaux au niveau de sa vie
privée, c'est-à-dire le droit à l'information, d'une part,
le droit à l'accès, d'autre part, le droit de rectification, de
troisième part, et son droit au consentement. Je pense qu'une fois qu'on
aura établi ces droits-là au niveau du Code civil et qu'on
permettra à chacun de pouvoir effectivement en bénéficier,
on aura répondu aux exigences de l'OCDE et on aura aussi répondu
aux préoccupations, je pense, en tout cas, de la plupart des
consommateurs. Est-ce qu'ils vont, par la suite, effectivement exercer leurs
droits? C'est une toute autre question. Et, à ce sujet, on vous
suggère qu'il serait préférable de faire deux choses pour
l'instant.
D'abord et avant tout, dans ces normes du nouveau Code civil, on pense
qu'il faudra laisser aux tribunaux la fonction judiciaire de pouvoir corriger,
non pas au sens de rectificatif, mais corriger au sens judiciaire, des dommages
qu'un contribuable ou qu'un citoyen a pu subir a la suite de la mauvaise
utilisation de l'information privilégiée qu'en a fait une tierce
partie. Je pense que l'évaluation des dommages et
dommages-intérêts au sens de 1053 du Code civil du Bas-Canada doit
demeurer une fonction judiciaire.
Quant au reste, on pense qu'une intervention étatique serait
méritée, que ce soit via la Commission d'accès à
l'information ou d'autres outils gouvernementaux ou administratifs que
possèdent déjà le gouvernement et le Québec, pour
permettre que cet outil-là puisse effectivement gérer ou aider le
citoyen dans la gestion de sa vie privée en favorisant et en l'aidant
à son droit d'accès à son dossier, d'une part, ou encore
à la rectification, d'autre part. Mais, encore plus, on pense que - et
on n'a pas toutes les solutions, je vous prie de me croire - dans la poursuite
de la démarche que vous allez entamer et que vous avez
déjà bel et bien entamée, il est important qu'on puisse
harmoniser avec, j'appelle ça, l'État international toute la
question de la vie privée afin d'éviter qu'on en arrive avec des
normes qui soient disparates, c'est-à-dire des normes au
fédéral, d'une part, et au provincial, d'autre part - et
là, au provincial, il faut parler de toutes les provinces - et,
après ça, on va arriver avec des normes étatiques aux
États-Unis, après ça, on va arriver avec des normes
étatiques au niveau de chacun des États membres de la
Communauté économique européenne. Or, il faudrait que le
gouvernement, une fois que le nouveau Code civil sera en place, se
préoccupe, effectivement, d'être capable d'harmoniser et,
malheureusement, encore une fois, il faut bien s'en rendre compte, du moins
pour l'instant, le Canada étant dans un cadre constitutionnel tel qu'il
existe, il n'est pas du tout sûr qu'une intervention gouvernementale
québécoise, aussi agressive soit-elle, pourrait effectivement
être efficace au niveau des champs de juridiction qui sont exclusivement
du domaine du fédéral.
Or, c'est un peu à travers tout ça, mesdames, messieurs,
qu'on vous passe, à travers les six ou sept pages qu'on vous a
soumises... Tout ça pour vous rappeler une conclusion qui est
peut-être, à notre avis, la plus importante. D'une part, c'est un
sujet qui est extrêmement sérieux. C'est un sujet qui a des
incidences économiques très, très, très importantes
pour le Québec. C'est un sujet qui est d'une préoccupation
primordiale sur le plan non seulement québécois, mais aussi
national et international. Pour notre part, il nous fait plaisir de pouvoir y
contribuer dans la mesure où vous le jugerez pour être capables de
poursuivre votre recherche.
Nous n'avons pas l'intention, au niveau de ce débat pour la
Corporation du groupe La Laurentienne, d'entrer dans la technicalité de
l'assurance ou de la banque puisque les domaines spécifiques de
l'assurance et bancaire ont été regroupés dans des
associations sectorielles, que
ce soit l'Association des banquiers canadiens ou encore l'ACCAP au
niveau de l'assurance, qui, j'en suis certain, vous ont présenté
des mémoires plus qu'intéressants et informâtes, avec
autant d'informations que l'Association des consommateurs, et qui, je pense,
méritent d'être écoutés attentivement. Nous, au
niveau de la Corporation, on voulait essentiellement vous sensibiliser au
problème de la réalité aussi pour le commerçant
dans le domaine des institutions financières, en tout cas, qu'est un
domaine qui se voit segmenter à cause de la législation en place,
que ce soit fédérale ou provinciale, et du concept même du
client qui appartient à une bannière totale.
Et, peut-être en guise de conclusion, M. le Président, on a
insisté beaucoup tantôt sur ta question des consentements et du
consentement. Il est important, je pense, et c'est certainement la thèse
que l'on tient, qu'un consentement soit libre, volontaire et
éclairé. Cependant, nous pensons que ce qui est important, c'est
effectivement de donner au consommateur les ressources pour être capable
d'avoir un consentement qui soit libre, volontaire et éclairé et
de lui donner les outils pour qu'il puisse gérer effectivement tous les
aspects de sa vie privée, que ce soit d'aller consulter ses dossiers,
que ce soit d'aller rectifier ses dossiers et non pas simplement d'aller faire
des annotations. Le Code civil, quant à nous, du moins les nouvelles
dispositions, répond, du moins au niveau de ce qu'on connaît du
projet de loi 125, à toutes ces exigences.
M. le Président, c'est tout ce qu'on avait à vraiment vous
présenter ce matin.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. Du-breuil. La parole
est donc au ministre. M. le ministre.
M. Cannon: Oui, merci. Merci, M. Dubreuil, d'être ici avec
nous ce matin pour présenter la Corporation du groupe La Laurentienne et
son point de vue quant à cette consultation sur l'extension du droit
à la vie privée ou la protection des renseignements sur la vie
privée. Parmi les recommandations, il y a une chose qui me tracasse un
peu ou, enfin, ça ne me tracasse pas, je cherche à avoir
peut-être des éclaircissements. Vous avez indiqué, dans
votre mémoire, qu'une intervention législative telle que le
recommande le Comité interministériel serait, à toutes
fins utiles, contre-productive compte tenu des développements rapides
inhérents au sujet. Pourriez-vous nous dire en quoi une intervention
serait contre-productive, à votre opinion?
M. Dubreuil: À notre avis, M. le ministre, on pense que
c'est un sujet, toute cette question de la vie privée, qui évolue
avec la notion d'ordre public. Ce qui est privé dans certaines
circonstances ne l'est peut-être pas dans d'au- tres, et il faut
contrebalancer le droit à l'information avec cette notion de vie
privée. Je vais vous donner un exemple très simple. Est-ce qu'on
doit, sous la bannière de la sauvegarde des droits privés,
empêcher de publier ou encore de donner accès au plumitif des
cours criminelles ou des cours matrimoniales à qui veut bien? Ou encore,
est-ce que c'est de l'information publique? Ce qu'on vous dit lorsqu'on dit que
ça peut être contre-productif. C'est que d'arriver avec des normes
statutaires très rigides à ce moment-ci, sans donner la chance
à l'autoréglementation des industries et à
l'autoréglementation de plusieurs intervenants, risque de vous amener
à modifier votre loi à plus d'une reprise, d'autant plus que le
Code civil, dans sa nouvelle formulation, permettra toute la
flexibilité, quant à nous, de pouvoir adresser ces
problèmes.
D'autre part, pour être productif, il faudrait s'assurer d'avoir
l'entière juridiction sur le sujet et cette juridiction est, d'une part,
prise, je pense, au Québec, mais elle est aussi ailleurs, et elle est
ailleurs à deux niveaux: à un niveau qui échappe à
la compétence constitutionnelle québécoise,
c'est-à-dire l'article 91, et, d'autre part, à l'échelle
internationale où il n'est pas du tout sûr qu'une loi normative
québécoise puisse permettre au Québec de résoudre
efficacement les problèmes alors que beaucoup de ces infractions qu'on
allègue sont commises à l'extérieur du territoire
québécois.
M. Cannon: Justement, M. Dubreuil, vous avez eu l'occasion
d'écouter la présentation de Mme Plamondon et de Mme Ferland
avant que vous nous fassiez part de vos commentaires. Elles sont assez
sévères à l'égard de l'autoréglementation et
non seulement sont-elles très sévères à
l'égard de l'autoréglementation, elles ont été en
mesure de nous présenter ce matin un certain nombre de cas, ce qui fait
en sorte que cette autoréglementation qui est, semble-t-il, une voie
privilégiée par plusieurs intervenants, notamment du secteur
financier, et j'inclus les banques et le secteur de l'assurance, ne semble pas
résister à cette critique. Est-ce que vous avez une opinion
à formuler là-dessus?
M. Dubreuil: J'en ai même plusieurs, M. le ministre.
D'abord, je ne suis pas certain que la critique soit entièrement
méritée. Je pense que c'est une critique qui est valable et, avec
tout le respect que je dois à Mme Plamondon, elle a certainement
beaucoup d'autres exemples qui pourraient nous faire pleurer les uns comme les
autres. Cependant, je pense qu'au niveau de l'autoréglementation il ne
faut pas simplement dire: On va se replier et on va laisser les entreprises
faire ce qu'elles veulent. Il existe des cadres à l'heure actuelle, des
cadres normatifs, législatifs, qui permettent effectivement une
autoréglementation efficace. Par exemple, dans la Loi sur les assurances
du Québec, il existe des
comités de déontologie qui sont prévus pour les
assureurs et, parmi les mandats ou le mandat général de tels
comités de déontologie, il pourrait fort bien s'insérer
une espèce de cadre ou un code de respect de la vie privée des
assurés. Certainement que le surintendant des institutions
financières ou encore le Surintendant des assurances ou l'Inspecteur
général des institutions financières pourraient participer
à une telle table ronde avec tous les assureurs
québécois.
Au niveau fédéral, vous n'êtes pas sans savoir
qu'à l'heure actuelle la réforme fédérale touche
tous les secteurs des institutions financières, bancaires, caisses de
crédit et autres. Et, encore là, le ministre Loiselle nous
propose certaines normes réglementaires au niveau du respect de la vie
privée.
Tout ça pour vous dire que, sur le plan sectoriel, il y a une
concertation bancaire, et, c'est sûr et certain, qui dit concertation ne
dit pas nécessairement une force de loi. Mais on ajoute à cela le
fait que le nouveau Code civil, lui, donnera au consommateur l'outil
nécessaire pour être capable de mettre en place la gestion. Or,
quand on parle d'autoréglementation, c'est tout de même louable de
voir qu'en l'absence de toute norme à l'heure actuelle l'industrie se
dote et se prépare à être capable de respecter beaucoup des
droits qui n'existent pas à l'heure actuelle en faveur des
consommateurs. D'autre part, il faut aussi voir que c'est dur de concerter, et
c'est tout de même assez récent comme phénomène, la
concertation entre tous les intervenants au niveau des institutions
financières. Et, là, j'ajouterai un point qui est fondamental.
C'est que, quand on parle de la concertation au niveau de l'Association des
banquiers, par exemple, bien, il ne faut pas oublier que la plus grosse
institution banque-assurance au Québec, c'est tout de même la
Caisse et la Caisse, bien, ne fait pas partie de l'Association des banquiers
canadiens. Or, il faut trouver une autre façon d'être capable de
concerter, et on ne concerte pas par la législation, M. le ministre,
à notre avis. J'espère avoir répondu, là...
M. Cannon: Mais on peut converger tout le monde ensemble.
M. Dubreuil: Certainement. M. Cannon: Merci.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Vous comprendrez,
évidemment, que nous ne sommes pas portés, non plus, à
pleurer sur les gros efforts que l'industrie doit faire pour se doter de
moyens, même s'il n'y a pas de législation à l'heure
actuelle. Vous semblez vous en remettre aux tribunaux. Le Code civil va
régler tout. On passera par les tribunaux. Pour des dommages, le
consommateur n'aura qu'à entreprendre des procédures
légales. Donc, on encourage la judiciarisation. Mais est-ce que vous
avez une idée des coûts pour le citoyen consommateur qui doit
constamment se retrouver devant les tribunaux pour se défendre sur un
sujet aussi vital que sa vie privée?
M. Dubreuil: Vous me permettrez de vous répondre. D'abord,
je vais placer tout de suite deux correctifs. Le premier, c'est que je ne
propose pas la judiciarisation, comme vous le dites. Ce que je disais au
début de mon exposé, c'est que nous sommes entièrement
favorables à ce qu'une commission administrative favorise l'accès
pour le consommateur à plusieurs de ces recours, entre autres le droit
d'accès, le droit de rectification, le droit d'information. Ce que j'ai
dit au niveau de la judiciarisation, Mme la députée,
c'était essentiellement que, si un consommateur veut gérer son
droit à la vie privée, comme il doit gérer tout autre
droit qu'il a, bien, il devra passer, s'il pense que quelqu'un a fait une
brèche à ce droit, par le forum qui est l'institution qu'on
possède, à savoir les tribunaux, pour être capable d'avoir
les dommages-intérêts, une fois qu'il aura démontré
qu'effectivement sa vie a été brisée ou brimée par
l'intervention d'un tiers. Je pense que, tout comme vous, si, à un
moment donné, vous voulez exercer des droits que vous avez, que ce soit
droits civils, matrimoniaux ou autres, ou commerciaux, vous devrez les exercer
devant les tribunaux. Or, c'est tout ce que je dis.
Mme Caron: Pour exercer un droit, il faut connaître ce
droit et il faut savoir ce qu'on a fait des renseignements sur notre vie
privée. Est-ce que vous êtes d'accord pour confirmer, comme
plusieurs mémoires nous l'ont démontré, que la grande
majorité des consommateurs ne connaissent aucunement les données
qui sont présentement fichées un peu partout à leur
sujet?
M. Dubreuil: Vous avez sans doute raison.
Mme Caron: Comment pourraient-ils gérer et demander des
modifications et corriger puisqu'ils ne savent même pas que ces
données-là sont existantes, à quelque part, dans des
fichiers? (11 heures)
M. Dubreuil: Je pense... et là, écoutez, c'est un
concours d'avis. Et je dois vous avouer que le vôtre est certainement
aussi bon que le mien et que ça mériterait effectivement
d'être étudié en détail, mais ma position est
effectivement de leur donner, d'abord et avant tout, le droit de savoir
où ils sont fichés, droit qu'ils n'ont pas tout à
fait clairement dans l'état du droit à l'heure actuelle,
droit qu'ils auront effectivement avec la passation du Code civil. C'est la
première chose. La deuxième chose, c'est qu'une fois qu'on aura
passé le nouveau Code civil et les dispositions des articles 33 et
suivants, à ce moment-là, peut-être que l'Office de la
protection du consommateur ou encore tout autre office qui sera
créé pour gérer ou aider les citoyens à
gérer leur vie privé pourra leur donner des renseignements sur
l'endroit où ils pensent que leur nom est, dans quelle base de
données et quoi faire pour savoir exactement où ils sont au
niveau de l'informatique générale, et peut-être aussi qu'on
pourra se doter d'autres mécanismes, je ne le sais pas. Mais, au bout de
la ligne, je pense que la priorité, c'est de donner au citoyen le droit
d'être capable d'exercer les droits qu'on entend lui donner, et c'est la
passation du Code civil.
Mme Caron: La majorité des mémoires qu'on a
reçus considèrent que les articles 35 et suivants du Code civil
sont insuffisants. Donc, on doit légiférer. Vous nous dites, dans
vos recommandations, que vous préférez l'intervention non
juridique. Vous recommandez l'autoréglementa-tion, qu'elle soit
entièrement contrôlée par l'entreprise concernée
sans participation des consommateurs autour d'une table sectorielle. Pourquoi
éviter d'avoir des consommateurs à une table si l'entreprise n'a
que le seul but d'aider les consommateurs dans ce sujet-là?
M. Dubreuil: Écoutez, je vais vous répéter
ce que je disais un peu plus tôt, Mme la députée. Quant
à moi, il me semble que la passation du Code civil répond
amplement au cadre législatif, c'est-à-dire à
l'intervention étatique. Par la suite, ce qu'il faut faire, c'est de
l'éducation et, au niveau de l'éducation, je pense que ça
se fait; si on regarde, dans les écoles, les programmes
d'éducation des enfants, au niveau de la violence contre les enfants, ce
sont des formes d'éducation et ça, je pense qu'il faudra en
faire. D'autre part, je pense aussi, et peut-être de façon plus
pratique à votre question, au niveau sectoriel; effectivement, les
consommateurs, une fois qu'ils auront les droits bien ancrés dans le
Code civil, pourront exercer ces droits-là dans la mesure où on
permettra à un organisme gouvernemental de leur donner de
l'information.
Mme Caron: Pourquoi ne pas leur permettre d'être à
votre table sectorielle?
M. Dubreuil: Moi, personnellement - vous poserez la question
à l'Association des banquiers canadiens ou à l'ACCAP - moi, au
niveau de la Corporation du groupe La Laurentienne, ça me ferait
même plaisir. Je pense...
Mme Caron: Ce n'est pas ce qui est indiqué dans votre
mémoire.
M. Dubreuil: Ce qu'on a dit, référez-moi à
la bonne page et je vais essayer de vous repiloter.
Mme Caron: C'est votre troisième recommandation.
M. Dubreuil: À quelle page?
Mme Caron: Attendez un petit peu. C'est parce que, nous, on s'est
fait des résumés. Autoréglementation: Que
l'autoréglementation soit entièrement contrôlée par
l'entreprise concernée sans participation des consommateurs autour d'une
table sectorielle.
M. Dubreuil: Ça ne me donne pas exactement mon texte.
Mme Caron: C'est à la page 6.
M. Dubreuil: À la page 6. Écoutez, je peux me
permettre, M. le Président, de vous lire ce qu'on avait
recommandé. Alors, c'est dans une intervention non juridique, qui
était le thème, et on dit ceci à la page 6:
"L'intervention non juridique nous semble de beaucoup préférable
à l'heure actuelle ne serait-ce que pour fins d'harmonisation des
notions de droit privé ainsi que des modes de contrôle des
systèmes d'auto-réglementation mis en vigueur dans les
différentes industries concernées. De façon pratique,
compte tenu de l'importance qu'accordent les individus à la protection
de leur vie privée, l'industrie toute entière devra s'adapter
afin de mieux servir sa clientèle.11 Puis là, je
poursuis en vous disant ceci: "De façon pratique, compte tenu de
l'importance qu'accordent les individus à [...] leur vie privée,
l'industrie toute entière devra s'adapter afin de mieux servir sa
clientèle", et on poursuit en disant: "II ne faut tout de même pas
oublier que, pour l'entreprise, la clientèle constitue un actif des plus
précieux. Que l'autoréglementation se fasse par comité de
déontologie au sein de la compagnie, code de déontologie
sectoriel, nous croyons qu'il s'agit là de moyens et que c'est à
l'entreprise de déterminer quel moyen elle veut prendre" pour
s'auto-réglementer. On n'a jamais exclu, en tout cas, dans les
recommandations qu'on a écrites, la participation des citoyens ou
même la participation des groupes, tels ceux que représente Mme
Plamondon.
Mme Caron: Vous nous dites également, en page 5, qu'il
ressort que vous avez l'obligation, par l'article 37, si le Code civil est
adopté, de moyens afin de prévenir l'accessibilité
indésirée aux données privées. Dans votre
organisme, quels sont les moyens concrets que vous avez déjà mis
de l'avant pour protéger les renseignements
privés?
M. Dubreuil: II en existe plusieurs. D'abord, nonobstant le fait
que l'on traite notre clientèle comme étant la clientèle
de l'ensemble de l'entreprise, les données sont toutes traitées
dans un centre de données avec des cloisons bien étanches,
c'est-à-dire ce qu'on appelle des "Chinese walls". La seule information
qui circule, c'est le nom d'une personne et ça, c'est fait ordinairement
à sa demande et avec son consentement, où on dit, que ce soit au
niveau de l'assureur ou que ce soit au niveau bancaire: Êtes-vous
intéressé à recevoir de la littérature ou d'autres
produits? Et la personne nous dit oui ou non.
Le Président (M. LeSage): Ça va, Mme la
députée de Terrebonne?
Mme Caron: Merci, M. le Président. Je vais laisser du
temps à mon collègue d'Ungava.
Le Président (M. LeSage): M. le député, nous
allons respecter l'alternance, si vous voulez. Alors, je cède la parole
au député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Entre le droit à
la protection de la vie privée et le droit à l'information, il
faut trouver un équilibre. Je pense que c'est le but que l'on recherche
dans cet exercice en entendant des groupes comme le vôtre et comme celui
de Mme Plamondon juste avant vous. Elle a pris position concernant le
consentement, vous l'avez entendue, je vous ai vu, vous étiez ici dans
la salle. Dans votre mémoire, vous dites, et je cite: "II faut cependant
accepter une interprétation large tant du consentement que de
l'autorisation légale. Quant au premier, il existe plusieurs niveaux de
consentement, du consentement implicite au consentement spécifique.
Ainsi, l'entreprise a le consentement implicite de son client à utiliser
l'information cueillie pour ses propres fins." Je pense que c'est bien
évident, c'est une position opposée complètement à
celle proposée par Mme Plamondon. Quand elle a dit que la solution
qu'elle préconise ou son groupe, l'organisme qu'elle représente,
c'est tout simplement que ce soit un consentement à chaque acte, que ce
soit pour l'assurance, que ce soit pour un crédit, et ainsi de suite,
dans le quotidien, j'aimerais entendre vos commentaires sur ça. Vous
autres, c'est bien sûr que ce n'est pas votre position, mais j'aimerais
entendre vos commentaires.
M. Dubreuil: M. le député, je pense qu'il va de soi
que, du point de vue de l'intervention de l'entreprise, un consentement par
action, c'est-à-dire par chacun des gestes ou pour chacun des gestes
devient une procédure administrative on ne peut plus coûteuse. Je
pense - et c'est le discours qu'on a tenu, en tout cas, au niveau du groupe La
Laurentienne - qu'il est temps que l'on devienne beaucoup plus productifs,
beaucoup plus compétitifs et, à ce moment-là, je pense
qu'il nous faut faire attention de ne pas augmenter les coûts
d'opération des entreprises alors que ce n'est pas foncièrement
essentiel de le faire. Si les assureurs québécois, comme on l'a
dit dans une autre commission parlementaire dans la même salle, sont pour
survivre, eh bien, ils vont devoir devenir beaucoup plus compétitifs, et
si les banques, comme la Banque Laurentienne qui est une petite banque, doivent
survivre, encore là elles devront devenir encore beaucoup plus
compétitives qu'elles ne le sont.
Or, imposer des consentements pour chacune des opérations, c'est,
au fond, je pense, d'une part, desservir le consommateur et ce n'est
peut-être pas ce qu'il y a de raisonnable. À notre avis, ce qu'il
y a de raisonnable - et la notion de "raisonnabilité", c'est
nécessairement élastique - pour nous, ce serait de donner au
consommateur un droit fondamental de casser son consentement en tout temps et
non pas de lui faire consentir à chacun des gestes. Or, sur la question
du consentement, il nous semble, par exemple, que quelqu'un qui ouvre un compte
bancaire et à qui le compte est expliqué, que ce soit par de la
littérature ou par des mots de la caissière ou autre,
implicitement, consent à plusieurs opérations qui vont
s'effectuer dans ce compte-là. Je pense que, s'il ne veut pas recevoir
d'autres littératures sur d'autres comptes qui pourraient
peut-être être à son avantage - parce qu'il y a des nouveaux
produits qui sortent quotidiennement, si ce n'est pas mensuellement, dans ce
monde de la compétition - s'il veut se couper, lui, des
opportunités de connaître de nouveaux services qui sont
disponibles ou qui sont à sa disposition, bien, à ce
moment-là, tout ce qu'il a à faire, c'est dire: Je ne veux pas
recevoir aucune littérature et je ne veux rien savoir d'autres que
l'opération de mon compte, à moins que je vous donne un
consentement exprès.
M. Kehoe: Vous parlez de prix à payer. Il y a un prix
à payer pour tout; pour la protection de la vie privée, il y a un
prix à payer, pour le droit à l'information. Quand vous parlez de
prix à payer, dans le concret, est-ce que ce serait plutôt le
"paperwork" à chaque acte? Est-ce un prix exorbitant à payer?
Quand vous parlez de prix à payer, concrètement, il s'agit de
quoi?
M. Dubreuil: M. le député, je vous dirais que c'est
difficile pour moi de le quantifier et je pense que les banques et les
compagnies d'assurances qui, elles, manipulent leurs données propres
à chacune de leurs opérations ont certainement fait des
études. Je vous dirai, cependant, que l'ampleur, a priori tout au moins,
des coûts serait non seulement en effectifs humains, mais en "paperwork",
ça en est cer-
tainement un autre, en informatique, ça en est certainement un
autre. Je pense qu'au bout de la ligne vous avez des procédures
administratives coûteuses non seulement, pour l'instant, à mettre
en place, mais à élaborer foncièrement.
M. Kehoe: Mais de là à dire l'exemple cité
par Mme Plamondon, à l'effet que l'assurance-vie Desjardins, lorsqu'ils
demandent l'assurance après qu'une personne soit hospitalisée, le
consentement général et large, qu'ils peuvent aller prendre des
renseignements auprès de toute institution donnant des renseignements
à son sujet, l'assurance-vie Desjardins ou ses assureurs, est-ce que
vous iriez aussi loin que ça quand vous parlez de consentement implicite
et de consentement qui a pu être... Le fait que j'ouvre un compte chez
vous ou que je prenne une assurance, l'"implicité" du consentement
à ce moment-là, ça peut aller jusqu'où?
M. Dubreuil: Écoutez, je vais vous répondre
simplement, mais peut-être aussi de façon bien naïve,
ça va aller aussi loin que je pense qu'on doit aller pour être
capables de faire le travail qu'on a a faire. Comme vous le savez, les formules
stéréotypées, entre autres celles préparées
par Desjardins ou par d'autres, sont préparées par des avocats et
d'autres juristes qui préfèrent en mettre beaucoup plus que
moins. Je pense que, dans la mesure où cette information est
utilisée dans le domaine du raisonnable par l'entreprise et dans la
mesure où, effectivement, le consommateur a un droit fondamental de vous
dire: Je ne vous donne pas cette information-là, bien, à ce
moment-là, on a réglé beaucoup de problèmes.
Deuxièmement, je ne voudrais pas commenter sur un formulaire que,
d'abord, je n'ai pas vu et dont je ne connais pas la portée au niveau
des tenants et aboutissants. Vous voyez qu'il serait bien, bien, bien
difficile, en tout cas pour moi, de vous donner un avis sur «whether or
not» ils ont besoin de toute cette information-là.
Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le
député de Chapleau? M. le député de d'Ungava. (11 h
15)
M. Claveau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue devant cette commission au représentant de la
Corporation du groupe La Laurentienne, avec son mémoire qui, soit dit en
passant, défend très bien le point de vue d'une institution
financière. Moi, quand on me dit que, dans une institution
financière, le client... Comment on dit ça? On disait tout
à l'heure que le client n'a pas toujours raison, mais est le meilleur de
nos amis; oui, ça, c'est tant qu'il paye, et c'est tant qu'il a de
l'argent pour payer, et c'est tant qu'il est rentable. Le jour où il ne
l'est plus, il est loin d'être un "chum", je vous permets de le croire.
Vous avez juste à avoir une petite carte de crédit et là
vous êtes extraordinaire et on vous envoie toutes sortes de choses. Vous
sautez un mois, sans payer, parce qu'il y a une grève des postes, puis
là tout le monde vous emmerde, puis, du jour au lendemain, on veut tout
vous enlever, hein? C'est ça les "chums" dans les institutions
financières.
Quand on parie de l'autorisation... Excusez-moi quand je parie comme
ça, ce n'est pas vous que j'accuse, mais disons que c'est comme
ça que ça se passe. Il faut parier des choses de la vraie vie. Le
monde qui nous entend sait un peu comment ça se passe ou les gens qui
vont avoir à nous lire, dans les mois et les années qui viennent,
ils savent aussi comment ça se passe. Moi, je fais juste regarder
actuellement comment... Je connais des gens qui sont pris avec des
problèmes financiers. C'étaient les meilleurs amis du monde. Ils
perdent leur job, ils n'ont plus d'ouvrage et là, bien là, les
meilleurs amis, on leur enlève leur maison, on leur enlève leur
voiture et on leur enlève tout. Ça n'en est plus, des amis,
là. Alors, moi, on ne me charriera pas trop avec le principe de
l'amitié dans les institutions financières.
Ceci étant dit, quand on parie de la protection des
données, je veux bien que les données soient
informatisées, je veux bien qu'il y ait des supermachines qui ont des
contrôles de toutes sortes. Je suis d'accord avec ça. Sauf que,
moi, quand je vais dans une institution financière et qu'on ouvre mon
dossier, ce n'est pas la donnée informatisée qu'on me donne, et
probablement que, des fois, sur l'espace d'une hypothèque de 15 ans, tu
risques de passer quelque chose comme 18 employés sur ton dossier. C'est
ça. Ah! monsieur, oui, oui, vous avez rempli telle formule; tiens, vous
avez signé ça, la formule; oui, déclaration de maladie,
tout est là. C'est comme ça que ça se passe dans la
réalité. Les dossiers, les grandes feuilles à carreaux
verts, et bleus, et turquoise, et tout ce qu'on peut remplir, qui nous
demandent: Avez-vous déjà souffert du diabète? Votre
père est-il mort du cancer? Avez-vous mal aux yeux? Avez-vous mal aux
oreilles? Avez-vous mal aux dents? Et avez-vous mal aux ongles d'orteils? ces
formules-là restent quelque part, elles sont dans des dossiers du genre
un peu de la chemise que j'ai entre les mains. Puis c'est toutes sortes de gens
qui peuvent avoir accès à ça. Quand on
téléphone au sujet d'un dossier dans n'importe quelle institution
financière - je fais affaire avec plusieurs institutions
financières et c'est exactement toujours la même affaire - on
répond: Ah! pardon, écoutez, notre agent, oui, il est parti en
vacances; c'est quelqu'un d'autre qui va vous répondre. Le quelqu'un
d'autre qui va répondre ramasse toute l'information de l'autre avec qui
je suis habitué de faire affaire et qui est en vacances, il reprend mon
dossier et il rouvre ça. Puis probablement que, sur deux ou trois ans,
le quelqu'un d'autre va changer 20 fois. Mais l'information
demeure là, elle. Vous avez beau dire: II y a juste un nom, oui,
il y a juste un nom et: II y a un système informatique en arrière
de ça, oui, c'est vrai, mais il y a l'information qui reste là et
qui est accessible à tout le monde.
Moi, j'imagine, par exemple... et je reviens encore sur la question des
dossiers médicaux, peut-être parce que, dans mon milieu, c'est un
paquet de problèmes, les gens de la CSST, il y a toutes sortes
d'histoires et il y a beaucoup de choses semblables qui reviennent dans nos
bureaux à l'occasion. Quand vous demandez à quelqu'un à
savoir s'il est malade ou non, pourquoi vous lui faites une liste de 25
maladies? Ah! puis, après ça, on met un petit carreau où
c'est marqué "autres" en bas. On a juste à lui demander s'il est
malade ou non: Oui, je suis malade; médecin traitant, Untel, et
j'autorise telle personne très spécifique à pouvoir
consulter le médecin traitant en question pour savoir c'est quoi ma
maladie. Moi, je n'ai pas l'intention que mon dossier médical
traîne dans le bureau à travers un dossier de crédit pour
que n'importe quelle personne, qui est un peu "lousse" en après-midi,
qui est un peu tranquille et qui commence à regarder des dossiers pour
vérifier s'il n'y aurait pas moyen de nous envoyer des documents pour
nous permettre de nous augmenter notre marge de crédit, puisse avoir...
Tiens, tiens, tiens! Ah! regarde donc, il est pris du diabète, lui, je
ne savais pas ça. Bon!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Claveau: C'est comme ça que ça se passe dans la
vraie vie à travers le vrai monde. Puis on aura beau avoir les
systèmes informatisés les plus complets possible et imaginables,
c'est comme ça que ça se passe. Pourquoi ce besoin de nous
décortiquer, de nous passer aux rayons X, de nous sortir la moindre
petite fibre? À quoi ça sert? Pourquoi? C'est quoi l'importance
de ça, là? J'aimerais bien avoir une réponse une fois pour
toutes là-dedans. Pourquoi? Pourquoi sentir le besoin d'avoir le
contrôle sur la moindre petite fibre nerveuse de chacun de vos
clients?
M. Dubreuil: C'est la question que vous posez, M. le
député?
M. Claveau: Oui, oui, oui. Oui, oui. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Dubreuil: C'est parce qu'il y en avait beaucoup dans votre
question. Convenez avec moi, il y en avait beaucoup. D'abord, je ne suis pas
sûr que votre dossier médical s'en va dans le dossier bancaire.
C'est la première des choses. Écoutez - et je ne veux pas partir
de débat personnalisé non plus - je peux vous dire cependant que,
peut-être à un niveau un peu plus supérieur, il faudra
peut-être s'entendre sur un fait: c'est prêter beaucoup de mauvaise
foi aux banques, aux institutions financières, que de leur dire qu'elles
tripotent dans vos dossiers et qu'elles n'ont rien d'autre à faire que
de regarder pour savoir si le député d'Ungava est malade ou pas.
Première des choses. Deuxième des choses...
M. Claveau:...
M. Dubreuil: ...puis, encore là, il faudrait
définir ce que c'est qu'être malade.
M. Claveau: Ha, ha, ha!
M. Dubreuil: Troisième des choses, dire à
quelqu'un, à un moment donné: Es-tu malade? je vais vous dire
qu'il y a plusieurs personnes qui peuvent l'interpréter de bien des
façons. Quatrième des choses, il n'y a pas beaucoup de personnes
qui le savent ou non, avant le fait, si elles sont malades ou pas.
Tout ça pour vous dire que, si vous me demandez, de façon
théorique, pourquoi certaines informations médicales pourraient
se retrouver dans un dossier d'hypothèque, je pourrais vous regarder en
vous disant: Écoutez, peut-être qu'effectivement le candidat qui a
pris le prêt hypothécaire était peut-être malade et
qu'il voulait protéger sa famille, qu'il a demandé à son
banquier ou, encore, que son banquier lui a offert de prendre une
assurance-hypothèque, de telle sorte que, si jamais, à un moment
donné, il était gravement malade et qu'il décédait,
bien, sa famille ne serait pas effectivement dans la rue.
Or, c'est pour ça que, parfois, vous aurez peut-être
certaines informations de nature, je dirais, d'assurance, mais encore faut-il,
M. le député... et vous devez convenir avec moi que la tradition
bancaire est riche en tradition de confidentialité. C'était une
obligation qu'ils ont traditionnellement bien respectée.
M. Claveau: J'ai un exemple de ça, d'ailleurs;
malheureusement, je n'ai pas la preuve avec moi, mais je l'amènerai au
besoin. Donc, je ne donnerai pas le nom de l'institution. J'ai reçu,
comme on en reçoit de plein d'institutions bancaires, des informations.
Elles essaient de nous vendre des assurances à long terme, des
assurances de voyage, d'avion et toutes sortes d'assurances. Alors, je
reçois, dans mon courrier, une lettre d'une institution bancaire de
renommée internationale, bien connue, qui est sup-posément
à la fine pointe de tout ce qui s'appelle marché financier.
J'ouvre l'enveloppe, la lettre ne s'adressait pas à moi. J'avais le
dossier technique, si tu veux, du suivant dans l'ordre alphabétique de
la liste des membres; le type a juste une différence d'une lettre ou
deux dans son nom d'avec le mien. Donc, c'était le nom suivant dans
l'ordre alphabétique, avec toutes ses coordonnées de
crédit. J'ai la preuve à quelque
part, donc je ne donne pas de nom, mais, au besoin, je la
déposerai devant la commission.
M. Dubreuil: M. le député, permettez-moi de
répondre tout simplement que c'est regrettable que des erreurs comme
ça se produisent et il y en aura toujours, des erreurs; l'erreur est
humaine. Ce n'est pas, cependant, en mettant des normes très rigides ou
des lois-cadres qu'on préviendra des erreurs. Il y a des erreurs
partout. Il y en a dans le domaine médical, il y en a dans le domaine
juridique. Je suis certain que l'institution financière qui vous a fait
ça va vous envoyer ses excuses, à vous et à l'autre
personne.
M. Claveau: Ce n'est pas des excuses que je veux, c'est... Des
excuses, oui, mais j'imagine que l'intérêt, c'est que ça se
produise le moins possible, d'où l'importance de suivre les choses.
Parce que je me dis que, si ça arrive comme ça, ça peut
arriver peut-être un peu plus souvent qu'on pense.
Écoutez, je suis obligé de vous dire bien
honnêtement - disons que j'ai l'habitude de dire les choses comme je les
pense - que l'histoire de l'autoréglementation, ça, c'est un peu
comme la vitesse sur tes routes. On s'autoréglemente dans la mesure
où on est capable d'évaluer comment on peut aller plus vite que
la vitesse maximum sans se faire poigner. C'est juste là où
l'aspect autoréglementaire apparaît. Si vous enlevez les vitesses
maximales sur les routes, probablement que les moteurs ne seraient pas assez
puissants pour propulser les bolides. C'est ça. Si tout le monde
était capable de s'autoréglementer dans notre
société, la police, on n'en aurait pas besoin et probablement
qu'on pourrait diminuer substantiellement les déficits des
gouvernements. On n'aurait pas besoin de légiférer tellement non
plus; on n'aurait pas besoin d'un tas de choses, d'un tas de services dont on a
besoin dans nos sociétés. On n'aurait éventuellement pas
besoin de pénitenciers, de prisons et de toutes sortes de trucs
semblables si les gens étaient capables de s'autoréglementer.
Sauf que l'histoire veut et l'expérience du passé veut que
l'autoréglementation, c'est un beau principe quand ça touche les
autres, mais quand ça nous regarde nous-mêmes, on a tendance
à user plus souvent de plus de laxisme envers nos propres actions
qu'envers les actions des autres.
Moi, je n'y crois pas, je suis obligé de vous dire que je n'y
crois pas, pas plus dans les institutions financières qu'ailleurs. Je ne
crois pas à l'autoréglementation parce qu'à ce
moment-là... Ah! c'est certain qu'il y a des codes d'éthique,
c'est certain qu'il y a probablement une majorité des gens qui vont
suivre le code d'éthique, qui vont suivre les normes qui vont être
prescrites, qu'on va s'être données, mais il y aura toujours,
quelque part, quelqu'un qui ne les suivra pas et, s'il n'y a pas une mesure
législative quelque part pour empêcher cet individu-là de
sortir du cadre de l'autoréglementation, eh bien, à ce
moment-là, il y aura fuite et il y aura impossibilité d'appliquer
l'autoréglementation. C'est un peu le principe de la fissure dans un
barrage. Pour qu'un niveau d'eau baisse derrière un barrage, pas besoin
de faire partir tout le barrage au complet, il y a juste à avoir une
petite fissure qui fait en sorte qu'il y a de l'eau qui s'écoule
continuellement et, finalement, votre barrage, à toutes fins pratiques,
ne remplit pas son rôle et n'a pas sa valeur, parce qu'il y a eu une
fuite quelque part. Alors, il faut trouver des moyens de colmater cette
fuite-là. Du côté de l'ensemble de la gestion d'une
société, le moyen de colmater les fuites, c'est de
réglementer de façon globale tout en souhaitant qu'il y ait de
l'autoréglementation ou de l'autodiscipline à l'interne.
Alors, moi, je suis obligé de vous dire que votre principe, tout
en étant très louable, en étant éventuellement ce
vers quoi on devrait tous aspirer comme citoyen dans le monde imparfait dans
lequel on vit, j'ai énormément de difficultés à y
croire. C'est un commentaire, si vous voulez le compléter, libre
à vous.
M. Dubreuil: Je ne sais pas si je vais le compléter d'un
côté ou de l'autre, tout ce que je vais vous dire, c'est que vous
avez entièrement raison sur un principe à l'effet que
l'autoréglementation, ce n'est pas la solution unique. Tout ce qu'on
vous dit, nous, c'est que l'adoption des nouvelles normes du Code civil
liée à une facilité d'accès à une
commission, telles la Commission d'accès ou d'autres, qui permette aux
citoyens d'exercer effectivement les droits que le Code civil leur donne, ce
sont autant de mesures qui vont améliorer le système, M. le
député. Quant à nous, on est entièrement favorables
à une meilleure réglementation; on n'est pas du tout sûrs
qu'une loi-cadre va effectivement mieux réglementer.
M. Claveau: Merci.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. Dubreuil. La parole
est donc maintenant au ministre. M. le ministre.
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Je suis heureux de
constater que mon collègue d'Ungava a réalisé qu'on
n'était pas ici pour débattre du principe de l'amitié dans
les institutions financières, mais bien des questions concernant la
protection de la vie privée eu égard aux renseignements
personnels détenus dans le secteur privé.
Peut-être une dernière question, M. Dubreuil. Pensez-vous
que la Commission d'accès à l'information pourrait être
l'organisme qui se verrait attribuer le mandat d'aider les personnes dans
l'exercice administratif de leurs droits, tel
que vous le proposez dans votre mémoire? Et, d'ailleurs,
qu'est-ce que vous entendez par "exercice administratif d'un droit"?
M. Dubreuil: D'abord, pour répondre à votre
question, c'est oui, M. le ministre, on pense que cette commission-là a
déjà, d'abord, l'expérience et tout ce que j'appelle une
tradition qu'elle a tout de même mise en place depuis plusieurs
années au niveau de l'accès à l'information et aussi au
niveau de déterminer ce qui est à caractère privé
et ce qui ne l'est pas à l'intérieur de la loi habilitante,
à l'heure actuelle.
Deuxièmement, là où je vois le rôle de cette
commission, c'est que, si un citoyen, à un moment donné, essaie
d'exercer un des droits qu'il a en vertu du nouveau Code civil, exemple un
droit à l'information, et que celui qui a cette information refuse de la
lui donner, c'est sûr et certain que ce n'est pas les tribunaux qui sont
le meilleur forum, ce n'est pas efficace. Or, la Commission pourrait fort bien
jouer un rôle pour épauler et pourrait avoir des mesures
pénales pour le faire. Même chose pour le droit d'accès
à son dossier, dans la mesure où un citoyen n'a pas accès
à son dossier parce qu'il y a une résistance de la part de
quelqu'un. Même chose et particulièrement au niveau du droit de
correction ou de rectification de son dossier si un bureau de crédit ne
veut pas rectifier. Mais ce que je vous suggère, M. le ministre,
contrairement à Mme Plamondon et avec tout le respect que je dois aux
consommateurs, c'est que, si une information au bureau de crédit est
erronée, ce n'est pas nécessairement au bureau de crédit
à courir après cette information-là, et la solution sage,
c'est peut-être de permettre et de favoriser que le consommateur puisse
avoir accès à son dossier pour le corriger en temps utile, et
c'est ça qui est efficace.
M. Cannon: Mais vous n'excluez pas, dans votre principe
d'autoréglementation - je reviens à ça - le principe des
recours et des sanctions.
M. Dubreuil: Absolument pas, M. le ministre.
M. Cannon: D'accord. Moi, ça va.
Le Président (M. LeSage): Ceci met fin à la
période qui vous avait été allouée. M. le ministre,
avez-vous certaines remarques?
M. Cannon: Oui, simplement en terminant, M. le Président,
j'aimerais remercier M. Dubreuil d'avoir pris de son temps pour venir
communiquer et échanger avec nous sur cette importante question. Alors,
merci.
Mme Caron: Au nom de l'Opposition officielle, je tiens à
vous remercier. C'est important d'entendre tous les points de vue.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. Dubreuil, pour
la présentation de votre mémoire. Je suspends les travaux
temporairement, pour quelques minutes, afin de permettre à l'Association
des compagnies de téléphone du Québec inc. de prendre
place.
(Suspension de la séance à 11 h 31 )
(Reprise à 11 h 32)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. Nous allons entendre maintenant
l'Association des compagnies de téléphone du Québec inc.,
représentée par Mme Monique Forbes. Je vous rappelle, Mme Forbes,
que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et que nous
aurons 40 minutes avec les parlementaires pour échanger avec vous. Mme
Forbes, bienvenue chez nous.
Association des compagnies de téléphone
du Québec inc.
Mme Forbes (Monique): Bien, M. le Président. Je vous
remercie. Alors, M. le Président, mesdames et messieurs, je vais vous
présenter l'Association, pour commencer.
L'Association des compagnies de téléphone du Québec
regroupe 16 compagnies de téléphone sous juridiction
québécoise, qui desservent environ 70 % du territoire
habité au Québec. Depuis sa fondation en 1948, l'Association a
toujours eu comme objectifs principaux le développement et
l'amélioration des intérêts de ses membres, tout en
assurant la coordination avec les divers organismes du monde des
télécommunications. De plus, elle favorise l'échange des
connaissances et le partage des expériences respectives.
L'Association des compagnies de téléphone du Québec
a présenté à la Régie des
télécommunications, le 15 janvier de cette année, un
mémoire intitulé "Protection de la vie privée dans les
télécommunications". Ce mémoire traitait des nouveaux
services, des avantages et des inconvénients associés à
ces nouveaux services relativement toujours à la protection de la vie
privée. C'est de ces services-là que je vous entretiendrai
aujourd'hui.
Avant de commencer toutefois, je dois dire que l'Association des
compagnies de téléphone est consciente du fait que
l'évolution technologique nécessitera de nouvelles mesures de
contrôle pour assurer la protection de la vie privée des clients
de ses compagnies membres. Les compagnies de téléphone du
Québec sont toutes d'accord pour se plier aux nouvelles
législations et adapter leurs procédures afin de répondre
aux nouvelles normes en matière de protection de la vie
privée.
Si on passe aux services de gestion des appels qui sont les nouveaux
services qui sont
peut-être le sujet aujourd'hui, l'Association des compagnies de
téléphone favorise une approche ponctuelle associée
à une politique générale. L'approche ponctuelle nous
semble préférable parce que le marché des
télécommunications évolue rapidement et que nous ne
connaissons pas toutes les répercussions, avantages ou
inconvénients des services futurs. Il pourrait arriver que le
développement et la mise en marché de services encore plus
sophistiqués viennent annuler les aspects négatifs de certains
services actuels. Une simple modification de logiciel peut quelquefois corriger
plusieurs problèmes.
Bien que nous soyons d'accord pour que les nouveaux produits ou services
soient entourés de lois et/ou de règles pour prévenir les
abus dès leur introduction sur le marché, nous pensons aussi
qu'il est difficile parfois de prévoir les réactions du grand
public.
Pour les besoins de l'étude, nous allons concentrer nos
observations sur les services de gestion des appels qu'on appelle les SGA. Nous
croyons que cet ensemble de services est le plus fréquemment
contesté lorsqu'il est question de protection de la vie privée.
Nous croyons également que les SGA ont soulevé le plus grand
nombre d'interrogations.
Prenons d'abord un portrait des quatre principales fonctions des
services de gestion des appels. Il y a le dépisteur. Le dépisteur
permet à l'abonné de faire dépister et enregistrer
l'origine d'appels importuns. Le mémorisateur permet à
l'abonné de recomposer automatiquement le numéro de la
dernière communication reçue. Le sélecteur, lui, permet
à l'abonné de sélectionner et de faire acheminer à
un enregistrement les appels provenant de certains numéros, avec un
maximum présentement de 12 numéros. Finalement, le dernier,
l'afficheur, permet à l'abonné d'identifier le numéro
d'où provient l'appel. Il peut, à ce moment, décider d'y
répondre ou pas. Ces services ont été conçus pour
répondre à des besoins clairement identifiés, comme la
prévention d'appels importuns, pour le dépisteur, ou pour
éviter la perte d'une communication importante, dans le cas du
mémorisateur, ou simplement pour permettre à un usager de choisir
à quel moment il veut recevoir des appels d'un numéro
particulier, dans le cas de l'afficheur et du sélecteur.
En principe, rien ne devrait porter atteinte à la vie
privée dans le fonctionnement normal de ces services, sauf qu'un usager
peut en faire une utilisation abusive et porter préjudice à
d'autres usagers. Il ne faudrait donc pas ignorer non plus,
particulièrement dans le cas de l'afficheur, le préjudice que
cette fonction peut causer à certaines catégories d'usagers si
des mesures préventives ne sont pas mises en force immédiatement
lors du lancement du service.
Il y a des avantages à avoir les SGA et ils ont largement
été publicises dans les médias. Ne pourrait-on dire que
leur but est de favoriser de meilleures communications entre les individus? Ce
système facilite le dépistage d'appels indésirables et
permet aux autorités policières de prendre action rapidement. Les
avantages de ces services sont réels, voulus et désirés
par les usagers.
D'un autre côté, il y a également des
désavantages. Le premier désavantage qu'on y voit, c'est la perte
de la possibilité d'avoir un numéro confidentiel qui puisse
demeurer confidentiel. En effet, l'usager dont le numéro est
confidentiel aura son numéro clairement affiché sur l'appareil de
l'usager appelé si ce dernier a souscrit au service de l'afficheur. Ceci
pose particulièrement un problème pour les professionnels ou
autres usagers ayant à retourner ou à faire des appels de leur
numéro personnel, qui est un numéro confidentiel. On cite
également les cas des endroits tels que les centres d'hébergement
pour femmes violentées où l'afficheur de l'abonné
appelé fera connaître le numéro confidentiel de ces refuges
lorsqu'une personne originera un appel de ces endroits.
La solution mise en place par Québec-Téléphone,
où l'usager aurait à signaler un code avant de composer le
numéro désiré pour empêcher l'affichage sur
l'appareil appelé, nous paraît adéquate. En effet, cette
solution nous semble la réponse exacte à ces problèmes de
confidentialité. L'utilisation du service du téléphoniste
pour acheminer l'appel et éviter l'affichage est une solution pour un
usager qui veut faire des appels sans affichage, et ce, de façon
sporadi-que.
On note un autre désavantage, soit la perte de la
possibilité de faire des appels sans être reconnu qui constitue un
premier pas vers une atteinte à la vie privée des usagers et du
public en général. En effet, des ordinateurs pourraient
être reliés aux lignes téléphoniques et, avec l'aide
de bases de données, fournir d'autres informations à
caractère plus personnel, comme le numéro d'assurance sociale, la
performance de l'individu dans le crédit, et j'en passe.
Une solution à ceci: il n'y en a pas tellement. Ceci est un
problème réel où le législateur et la
réglementation doivent intervenir. Il faut énoncer des normes ou
des règles régissant le raccordement de ces équipements.
Évidemment, on ne pourra empêcher complètement l'usage
frauduleux, mais, au moins, on aura des règles permettant de restreindre
ces pratiques ou de les rendre plus compliquées.
Finalement, un autre désavantage que nous voyons, c'est la
sollicitation par téléphone qui pourrait être faite
à la suite d'un appel reçu par un usager qui aurait simplement
voulu s'enquérir du prix ou de la disponibilité de tel ou tel
produit. L'entreprise recevant l'appel voit afficher le numéro de
téléphone du requérant sur son appareil, en prend note et
rappelle plus tard ce même requérant. Il n'y a pas de solution,
encore là. C'est l'usage abusif qui doit être
réprimé.
L'usager, en étant responsable de son service, doit cependant
être informé que son numéro pourra apparaître sur
l'appareil d'un autre usager qu'il aura appelé. C'est a lui d'être
prudent s'il a des restrictions personnelles à donner son numéro
à un correspondant.
On se rend compte, à l'analyse de ces situations et de ces cas
problèmes, que ce n'est pas la conversation entre les deux usagers qui
perd son caractère confidentiel. C'est seulement la partie concernant le
raccordement des deux lignes téléphoniques qui est mise en
cause.
Pour les services comme le téléphone sans fil, où
tout le voisinage pourrait capter les communications et même placer des
appels en utilisant le numéro d'un autre abonné possédant
également un appareil sans fil, c'est passablement plus grave.
Le téléphone cellulaire, dans sa version analogique, est
aussi dans cette catégorie où non seulement la communication
n'est pas fiable au point de vue de la confidentialité, mais aussi tout
le réseau peut servir d'antenne.
Ça fait qu'en résumé, à long terme, les
besoins du marché finiront par être satisfaits si la
confidentialité du numéro de téléphone personnel
est un besoin, voire même une nécessité absolue. Des
équipements seront conçus et des logiciels seront
développés pour permettre la satisfaction de ce besoin.
À notre avis, si le régulateur décidait
d'intervenir chaque fois qu'un nouveau service est prêt à
être lancé, ce régulateur finirait par mettre un frein au
développement futur et à l'innovation. Voilà pourquoi nous
recommandons une approche ponctuelle qui est de loin préférable
à une politique globale qui essaierait de tout englober, même
l'inconnu. L'aspect financier, autant pour les entreprises de
téléphone que pour les usagers et même pour les
gouvernements, doit être analysé sérieusement. Il ne faut
pas ignorer l'évaluation de la portée économique de toute
décision sur les entreprises, en particulier dans le cas des PME en
télécommunications. Ceci conclut mon exposé, monsieur.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Forbes. M. le
ministre.
M. Cannon: Merci, Mme Forbes, de votre présentation au nom
de l'Association des compagnies de téléphone du Québec.
Vous avez sans doute suivi les délibérations de la commission
jusqu'à ce jour. Vous savez comme moi - d'ailleurs, vous l'avez
relevé dans votre mémoire - que quelques associations de
consommateurs, dont l'ACEF et la FNACQ, sont venues nous parler de leurs
préoccupations quant à l'afficheur. Elles ont demandé,
d'une façon très précise, que l'usager de systèmes
de télécommunications puisse en tout temps bloquer gratuitement
l'affichage de renseignements nominatifs ou personnels le concernant. J'aurais
donc quelques questions à vous poser à cet égard.
Ditès-moi si, à votre avis, l'industrie des
télécommunications présente une position uniforme sur les
modalités de blocage de l'affichage du numéro appelant.
Mme Forbes: Dans le moment, à titre de directrice
générale de l'Association des compagnies de
téléphone, nos entreprises, nos compagnies membres, à part
Québec-Téléphone qui a lancé ses produits, n'ont
pas fait la mise en marché des SGA. Par contre, on regarde vraiment ce
qui se passe chez Québec-Téléphone, parce que toutes les
revendications qui ont été faites concernant la protection de la
vie privée intéressent les autres compagnies.
Définitivement, il y aura des mécanismes mis en place pour que
les consommateurs puissent se munir d'options qui leur permettront de ne pas
avoir à passer par ces services-là. Seront-ils gratuits? Je ne le
sais pas à ce moment-ci, compte tenu du début des
études.
M. Cannon: Mais l'industrie a la capacité technologique de
les rendre gratuits.
Mme Forbes: Je ne pourrais pas vous répondre
là-dessus de façon claire, à savoir si on peut les rendre
gratuits. D'accord? Les commutateurs numériques nous permettent beaucoup
d'options. Quelques-unes sont à des coûts négligeables,
d'autres engendrent des coûts. Quand on parle de logiciels, vous savez
comme moi que les coûts des logiciels, dans le moment, sont plus souvent
plus élevés que les coûts de quincaillerie dans ce
domaine-là. Je ne sais pas si les logiciels en place permettront de
l'offrir gratuitement. Dans le moment, les mises en marché n'ont pas
été faites, mise à part
Québec-Téléphone. Alors, eux sont peut-être les
premiers à avoir fait la mise en marché et à avoir vu
à solutionner certains problèmes.
Quels ont été les coûts dans leurs analyses et
qu'est-ce qu'ils ont découvert ou qu'est-ce qu'ils utilisent comme
logiciel pour freiner cet affichage-là? Je regrette, je ne pourrais pas
vous répondre de façon claire aujourd'hui. De plus, le blocage
qu'ils ont fait pour les cas, entre autres, des maisons d'hébergement,
je ne sais pas s'il y a des coûts associés.
M. Cannon: II y a quelque temps, j'ai demandé à la
commission, c'est-à-dire à la Régie
québécoise des télécommunications de nous fournir
un avis là-dessus. Je ne crois pas que les coûts étaient
justement un empêchement au développement technologique. C'est
que, technologiquement, cette capacité-là existait. Je voudrais
vous entendre sur un autre problème. Vous avez fait
l'énumération des avantages et des inconvénients... (11 h
45)
Mme Forbes: Oui.
M. Cannon: ...de l'afficheur. J'aimerais vous entendre sur les
avantages et les inconvénients d'un blocage gratuit de l'appelant.
Est-ce que vous avez eu l'occasion de penser a ça?
Mme Forbes: Non. Mais, définitivement, les avantages d'un
blocage gratuit, je les vois très bien dans le cas, entre autres,
notamment des maisons d'hébergement. D'autre part, je ne le vois pas
gratuit partout. Vous savez comme moi que bon nombre d'abonnés ont des
numéros confidentiels. Maintenant, les raisons pour avoir un
numéro confidentiel sont nombreuses et variées. Quand on
travaille au service à la clientèle d'une entreprise de
téléphone, on en entend de toutes les sortes pour avoir un
numéro confidentiel. Ça peut passer des problèmes
personnels à tout simplement penser qu'avec un numéro
confidentiel vous ne recevez pas d'appels de fournisseurs qui veulent vous
vendre le journal, et tout et tout, ce qui n'est malheureusement pas le cas.
Ça fait qu'il y a bien des gens qui ont des numéros confidentiels
et puis qui, finalement, dans le moment, paient le gros prix pour avoir un
numéro confidentiel qui, à toutes fins pratiques, ne leur donne
rien. S'il y avait du blocage qui se faisait, il y aurait un avantage
marqué à faire le blocage gratuitement pour les endroits
où c'est vraiment nécessaire, des maisons ou des endroits publics
où il y a vraiment un besoin de confidentialité. Dans le grand
public, bien, je ne sais pas ce que les compagnies de téléphone
décideraient.
M. Cannon: Est-ce que vous pensez que... C'est important,
là, d'avoir l'opinion des compagnies de téléphone. Est-ce
que, vous croyez que si le service de blocage était gratuit, qu'il
existait, ça causerait un empêchement au déploiement des
systèmes de gestion des appels sur le territoire?
Mme Forbes: Oui, définitivement. M. Cannon: Dans
quel sens?
Mme Forbes: Bien, écoutez, si vous offrez un service pour
lequel vous chargez quand même un gros prix - ce n'est pas donné,
ces nouveaux services là - et qu'en contrepartie vous offrez du blocage
gratuitement, bien, vous êtes en train... On se mettrait des bâtons
dans nos propres roues. Je ne vois pas vraiment comment faire de la mise en
marché en disant: D'une part, on va vous vendre des services
d'affichage, de dépistage, on va vous charger x nombre de dollars par
mois. En contrepartie, si vous voulez avoir un service de blocage, on va vous
le donner. Je ne peux pas le voir vraiment d'un côté marketing.
Ça prendrait des bons vendeurs pour vendre les produits.
M. Cannon: Dans l'hypothèse d'une option de blocage qui
serait à nouveau gratuite, est-ce qu'on devrait prévoir le droit,
pour l'abonné appelé, de refuser tout appel pour lequel
l'affichage du numéro serait bloqué par l'abonné
appelant?
Mme Forbes: Encore là, si on charge pour l'afficheur, on
charge pour le blocage, c'est celui qui va payer qui va avoir le service. Vous
pourriez très bien avoir le service de l'afficheur chez vous et le
blocage pour vos numéros, si vous vouliez le payer. Finalement, ce qu'on
disait dans notre mémoire, c'est que ces nouveaux services sont
destinés à améliorer les télécommunications.
Par contre, il faut vraiment qu'on prévoie pour ne pas léser,
pour ne pas biaiser personne. Mais ce sont des services qui rapportent, qui
génèrent des revenus dans les entreprises de
téléphone. N'oubliez pas que ce sont ces options-là qui,
à un moment donné, dans l'entreprise téléphonique,
font que le coût du service de base n'augmente pas, parce qu'à un
certain point, quand on a moussé la publicité autour d'options
telles que ces services-là, c'est tous ces services optionnels qui font
que les revenus entrent et qu'on maintient un service de base qui est
accessible. Là, il ne faudrait pas se mettre les bâtons dans des
roues.
M. Cannon: Pourtant, les grandes compagnies sont moins
réticentes ou, enfin, peut-être pas moins réticentes mais
moins anxieuses de déréglementer des tarifs interurbains.
Mme Forbes: Peut-être.
M. Cannon: Oui. Ça va. Merci.
Le Président (M. LeSage): Ça va, M le ministre?
Mme Forbes: II va falloir s'en trouver, des revenus, à un
moment donné.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Oui. Merci, M. le Président. Je vous remercie
infiniment, Mme Forbes, pour votre présentation et pour le
dépôt du mémoire. Je pense que ce que j'apprécie le
plus, c'est votre franchise. Vous présentez les avantages et les
inconvénients, et ça, ce n'est pas toujours facile de le faire.
On a rarement des exemples où on va présenter vraiment les deux
points de vue, et j'apprécie énormément.
Vous êtes très franche aussi en disant que, finalement, le
but premier de toutes ces technologies-là, c'est des revenus pour les
entreprises. Il ne faut pas se le cacher. Lorsque vous parliez du principe que
ce serait un petit peu compliqué, la gratuité pour le blocage,
que ce
serait difficile à vendre, je pense que c'est le même
principe au niveau des consommateurs qui ont un numéro confidentiel et
qui accepteraient mal justement d'avoir payé pour un service
particulier, avoir un numéro confidentiel, et de se retrouver à
payer à nouveau pour le blocage, pour une nouvelle technologie qui
arrive. C'est le même, même principe que tantôt, que vous
placiez au niveau de l'entreprise, finalement, pour votre vente. Qu'est-ce que
vous en pensez?
Mme Forbes: Je comprends votre principe dans ce
domaine-là, effectivement. Celui qui paie pour avoir un numéro
confidentiel, oui, il va commencer à être vraiment vexé,
à un moment donné. Il va se sentir frustré à
outrance d'avoir à repayer pour ne pas que son numéro soit
affiché. C'est peut-être les considérations qui vont
être prises dans les entreprises de téléphone.
Mme Caron: Est-ce que ce n'est pas, par ces nouvelles
technologies, finalement encourager les consommateurs qui sont dans une
société de superconsommation au détriment du consommateur
qui, lui, est prêt à se contenter d'un service très
ordinaire et qui n'a pas d'autres besoins?
Mme Forbes: C'est malheureusement la société de
consommation qui veut ça, vous savez.
Mme Caron: Mais est-ce qu'on doit vraiment l'encourager?
Mme Forbes: Bien, est-ce qu'on l'arrête ailleurs?
Malheureusement, ça dépend du point de vue où on se
place.
Mme Caron: Vous nous parlez, mais très, très
brièvement, à la page 10 de votre mémoire - et j'aimerais
vous entendre un petit peu plus sur ces services-là, on va
peut-être apprendre le futur réseau - de Pointel et
Télépoint. J'aimerais un peu vous entendre là-dessus. Vous
nous dites: "...quiconque le désirera pourra écouter les
conversations." J'avoue que c'est drôlement inquiétant.
Mme Forbes: Le mémoire qui a été soumis
à la Régie des télécommunications, en janvier 1991,
avait été préparé par mon
prédécesseur. Maintenant, quand, moi, je suis arrivée
à l'Association, en avril, je n'avais jamais pris connaissance de ce
mémoire-là parce que ce n'était pas nécessaire. Je
vous avoue mon ignorance dans Télépoint et Pointel. C'est
d'ailleurs pourquoi, ce matin, je ne l'ai pas relevé. Je ne serais pas
en mesure de vous revenir avec ça. Disons que c'est des systèmes
qui sont quand même assez spécialisés. Puis, je ne voudrais
pas vous induire en erreur. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle je n'en
parlais pas ce matin.
Mme Caron: Vous confirmez encore ce que je disais en tout
début, votre franchise, et j'apprécie énormément.
Dans cette même page, vous parlez de services comme le
téléphone sans fil, qui, effectivement, pose problème pour
la confidentialité, et le téléphone cellulaire. Est-ce
qu'il y a eu des solutions envisagées sur ces deux points?
Mme Forbes: Bien, présentement, nos compagnies de
téléphone ne sont pas distributrices de téléphone
sans fil parce que, comme vous savez, le téléphone sans fil
commence et le cellulaire, c'est la même chose. Le cellulaire, vous avez
deux transporteurs présentement et ce ne sont pas des transporteurs qui
sont nos compagnies de téléphone. Donc, je ne peux pas parier
pour eux. On les citait à titre de référence parce que
c'est un fait, mais, en tant que représentante de l'Association des
compagnies de téléphone du Québec sous juridiction
québécoise, on ne dessert pas ces services-là, on ne
fournit pas ces services-là, comme vous le savez.
Mme Caron: Vous pariez d'une approche plutôt
ponctuelle.
Mme Forbes: Oui.
Mme Caron: Est-ce que, quand même, il ne devrait pas y
avoir une politique générale qui, elle, toucherait des principes
directeurs qui seraient appliqués en tout temps, peu importe le type de
service, quitte à ouvrir avec une approche ponctuelle s'il y a
développement au niveau de la technologie? Est-ce qu'il n'y a pas des
principes de base qui pourraient s'appliquer quand même? Et, selon vous,
qui devrait administrer une législation?
Mme Forbes: Écoutez, on propose, nous autres, des
interventions ponctuelles parce que, lorsque les chercheurs qui travaillent
dans les commutateurs numériques arrivent avec de nouvelles
possibilités, c'est toujours dans un but très, très,
très honorable, comme la bombe atomique. Ha, ha, ha! Bien, c'est
toujours dans un but lucratif, mais c'est toujours une évolution.
Ça peut être un gadget, à un moment donné, mais
c'est offert aux consommateurs qui peuvent le payer.
Maintenant, ces services-là, et c'est ce qu'on dit dans le
mémoire, on ne peut pas prévoir l'utilisation bien des fois qui
en sera faite. C'est lors de la mise en marché qu'il y a des
génies un peu partout qui s'en servent pour leurs fins. Or...
Mme Caron: Mais si nous avions des principes vraiment directeurs
qu'on ne peut pas passer, outrepasser...
Mme Forbes: Vous essaieriez d'avoir des
principes, comme on vous le dit, pour gérer l'inconnu. Le
développement technologique est tel, dans le moment, surtout avec
l'informatisation des données, la numérisation des
données, que c'est illimité. Donc, ce que nous croyons, c'est
qu'on est mieux d'avoir des interventions ponctuelles et de dire: Attention! il
peut y avoir telle chose, et de trouver les solutions par la suite. Parce que
ces services-là, même quand ils sortent... puis vous allez prendre
les services de gestion des appels qui, présentement, sont au coeur de
notre discussion. Il ne faut pas se le cacher, ces services-là
fonctionnent de façon très, très locale,
présentement. Ils ne fonctionnent que si vous avez des commutateurs
numériques, ce qui n'est pas le cas pour toutes les compagnies et pour
tous les échanges dans les grandes villes. Dans la région de
Québec, je ne sais pas dans combien d'échanges vous pouvez avoir
ces services-là, mais c'est encore très restreint. De plus, si
vous appelez un numéro, si je vous appelle de Montréal à
Québec, même si vous avez des SGA chez vous pour lesquels vous
payez, ce que vous allez avoir sur votre afficheur, c'est "interurbain". Non,
vous n'en avez pas! Ha, ha, ha! Si jamais vous en aviez, ce serait
"interurbain" qui serait affiché. Vous n'avez pas le numéro qui
provient, s'il touche le réseau interurbain. L'application est quand
même très primitive dans le moment, ce qui donne le temps - et
c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on dit des interventions ponctuelles -
de réagir parce qu'on ne le met pas sur une large échelle et ce
n'est pas demain la veille.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. LeSage): Ça va, Mme la
députée de Terrebonne. M. le député de
Cha-pleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Madame, la position
clé de votre Association, c'est que vous êtes d'accord avec les
recommandations du Comité interministériel à l'effet qu'il
devra y avoir une intervention par le gouvernement, une intervention
législative. Mais l'approche est différente dans le cas de votre
Association. Vous autres, vous préconisez que ce soit une intervention
ponctuelle, secteur par secteur - Mme la députée de Terrebonne a
mentionné cette affaire-là - à la place d'une intervention
globale. C'est quasiment contradictoire quand vous dites que vous êtes
d'accord avec les recommandations du Comité interministériel et,
après ça, que vous voulez avoir une intervention pontuelle. (12
heures)
Mme Forbes: Non, pas vraiment. Ce qu'on dit dans le
mémoire, c'est que, oui, on est d'accord, après avoir pris
connaissance du rapport du comité d'étude, avec les
recommandations. On se pliera à toute législation, aux normes qui
vont être établies.
Par contre, quand il y aura de nouveaux services, ce qu'on dit, c'est
une intervention ponctuelle. Nous, par contre, s'il y a des nonnes
d'établies, on est prêts à les suivre. C'est ce qu'on
dit.
M. Kehoe: Mais quand vous parlez dune intervention ponctuelle,
est-ce seulement pour les membres de votre Association? Quand vous parlez de
secteur par secteur, parlez-vous de l'ensemble, dans le domaine de la
santé, dans le domaine du crédit?
Mme Forbes: Non. Je parie strictement pour l'Association des
compagnies de téléphone.
M. Kehoe: Ça veut dire que, chaque fois qu'il y aura un
nouveau système, une nouvelle invention ou une nouvelle approche, vous
préconisez, à ce moment-là, une intervention
législative qui affectera les membres de votre Association.
Mme Forbes: Non, pas nécessairement, monsieur. Ce qu'on
dit, c'est que les nouveaux produits qui pourraient être mis en
marché, si vraiment ils ne répondaient pas aux normes... Ce qu'on
dit c'est qu'on est prêts à se plier aux normes qui seraient mises
en vigueur au Québec. Si, toutefois, ils répondent aux normes,
qu'il n'y a rien, on les mettra en marché, mais, au moment où on
s'apercevra que la vie privée peut être brimée, on est
prêts à accepter une intervention ponctuelle et a dire: On prend
un temps d'arrêt et on pose un geste. C'est un peu dans ce sens-là
qu'on parie d'intervention ponctuelle.
M. Kehoe: D'accord. Deuxièmement, une conclusion que votre
Association préconise, c'est: "À long terme, les besoins du
marché finiront par être satisfaits. Si la confidentialité
du numéro de téléphone personnel est un besoin, voire
même une nécessité absolue, des équipements seront
conçus et des logiciels seront développés pour permettre
la satisfaction de ce besoin." C'est-à-dire que, dans l'ensemble, si je
comprends bien l'approche que vous préconisez, c'est
l'autoréglementation dans ce domaine-là aussi.
Mme Forbes: Non, pas vraiment. Quand on...
M. Kehoe: Mais quand vous pariez que des logiciels seront
développés pour permettre de satisfaire ce besoin...
Mme Forbes: Ce qu'on dit, c'est que, pour satisfaire à la
confidentialité et si c'est le voeu, d'accord? de nos
législateurs, qu'on satisfasse à la confidentialité des
numéros de téléphone, définitivement, la
technologie répondra à ce besoin-là. C'est ce qu'on dit en
bout de ligne.
M. Kehoe: Mais ce sera seulement après qu'une
législation sera adoptée par le gouvernement.
Mme Forbes: Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on a besoin
d'une législation. Je pense que, lorsque nos abonnés ou les
consommateurs disent qu'il y a un problème réel, bien, les
compagnies de téléphone du Québec regardent le
côté du consommateur et sont prêtes à lui donner
raison lorsque c'est nécessaire et qu'il y a vraiment un danger.
M. Kehoe: Dans votre mémoire, vous mentionnez aussi qu'il
est impérieux de sensibiliser tous les milieux impliqués au
besoin de protection de la vie privée des individus, sans pour autant
mettre un frein au développement futur et à l'innovation. Je
pense que c'est deux concepts qui viennent en conflit, quasiment. Comment vous
conciliez les deux?
Mme Forbes: Effectivement, c'est un peu en conflit. C'est que,
d'une part, on ne peut pas arrêter le développement et
l'innovation parce que je pense qu'on en a besoin. Si on s'arrête,
à un moment donné, dans la vie, on régresse. Donc, il faut
avancer. Toutefois, tout en avançant, ce qu'on dit, c'est que, oui, il
faut être soucieux de la vie privée des gens et qu'il ne faut pas,
au nom de nouveaux services, brimer ces gens-là ou atteindre à
leur vie privée. Ça, on est parfaitement d'accord avec ça,
mais on ne peut pas arrêter le développement, il va falloir
trouver... Quand le développement fonctionne... Ce n'est pas les
compagnies de téléphone comme telles qui développent ces
produits-là. Elles en font la mise en marché parce que, souvent,
elles sont capables de le faire; bien souvent, elles ne sont pas capables. Il
reste qu'on conserve un souci constant de la vie privée des gens, mais
il va falloir trouver des solutions pour marier les deux. C'est un peu ce qu'on
dit.
M. Kehoe: Oui.
Mme Forbes: Ce n'est pas à donner, ce
domaine-là.
M. Kehoe: Oui. Mais quand vous dites qu'il est impérieux
de sensibiliser...
Mme Forbes: Oui.
M. Kehoe:... à ce moment-là, est-ce que votre
Association a l'intention d'avoir un programme ou un mode pour le faire ou
avez-vous prévu de dépenser des fonds pour le faire?
Mme Forbes: Non. Comme je disais tout à l'heure, nos
compagnies de téléphone membres, mise à part
Québec-Téléphone, ne fournissent pas ces
services-là présentement. D'accord?
M. Kehoe: Oui.
Mme Forbes: Or, il n'y a pas d'investissement de prévu
pour faire un plan d'action. Toutefois, il y a des communications qui sont
très étroites entre les compagnies. Il y a des rencontres
régionales où on les informe, où il y a des
échanges entre les compagnies de téléphone. C'est dans le
cadre de ces rencontres-là qu'on sensibilise nos membres.
M. Kehoe: Sensibiliser vos membres mais pas le consommateur,
c'est dans ce sens-là que je vous pose des questions.
Mme Forbes: Ah! Excusez-moi, je ne vous ai pas compris dans ce
cas-là.
M. Kehoe: Est-ce que le consommateur, avez-vous un programme...
Quand vous dites qu'il est impérieux de sensibiliser tous les milieux
impliqués, c'est les milieux et non le consommateur que vous avez
l'intention de sensibiliser. C'est ça?
Mme Forbes: Quand je parle des milieux, c'est tous les milieux
associés aux télécommunications.
M. Kehoe: D'accord.
Mme Forbes: D'accord. Je ne parlais pas du consommateur, à
ce moment-là, c'étaient plutôt les milieux associés
aux télécommunications.
M. Kehoe: D'accord. Merci.
Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le
député de Chapleau. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Mme Forbes, bonjour.
Mme Forbes: Bonjour, monsieur.
M. Claveau: Je vois que vous avez un sacré problème
sur les bras. Ha, ha, ha! Ce n'est pas évident du tout, votre... Il ne
faudrait pas que vous présentiez ça à une compagnie
d'assurances...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Claveau: Écoutez, moi, il y a quand même quelque
chose là-dedans qui me semble un peu anachronique ou, enfin, un peu
bizarre, une contradiction fondamentale, c'est qu'on a développé
un système de téléphonie qui, normalement, devait nous
amener vers une certaine utilisation confidentielle de cette
téléphonie-là, sinon on aurait mieux fait de rester avec
les anciens systèmes: deux longs, trois courts et trois longs, quatre
courts, avec 25 abonnés sur la même
ligne, au moins on savait qu'il y avait juste ces 25
abonnés-là qui pouvaient avoir accès à la
conversation. Là, c'est...
Mme Forbes: Plus leurs amis.
M. Claveau: Là, c'est à peu près toute la
planète qui peut y avoir accès sans qu'on n'en ait connaissance.
Au moins, on pouvait les identifier. On savait que Mme Unetelle était
peut-être un peu plus placoteuse qu'une autre, alors on attendait qu'elle
ne soit plus dans la maison avant de téléphoner. Elle partait
faire son épicerie... Mais là, aujourd'hui, sous prétexte
d'avoir amélioré les choses, dans le fond, on a presque tout
détruit la confidentialité. Je vous écoutais et je vous
assure que ça me fart peur. Savez-vous que je vais être
probablement beaucoup moins enclin à utiliser le
téléphone, à partir de maintenant. Vous venez de perdre un
bon client sur les longues distances.
Mais je pense qu'il y a une double approche là-dedans, il y a
deux choses: d'abord, les services qui ne sont peut-être pas
nécessairement confidentiels mais que l'on achète en pleine
connaissance de cause. Par exemple, un téléphone sans fil. Moi,
si je décide de prendre un téléphone sans fil, je peux
être sur n'importe quel réseau de n'importe quelle de vos
compagnies associées. Si je décide d'avoir un
téléphone sans fil, je peux acheter un téléphone
sans fil, mais là je le sais que c'est... Bon. Éventuellement, le
voisin peut me prendre sur sa radio et l'autre va me prendre sur son
téléphone, mais ça fait partie des risques que
j'achète, en sachant que j'achète ces risques-là. La
même chose avec un téléphone cellulaire. Je suis conscient
des risques. N'importe quel petit voyou dans le coin peut avoir un "scanner"
qu'il va payer 250 $ chez Radio Shack et il va être capable de
m'intercepter; la même chose, il va intercepter les ondes de la police et
des pompiers et de tout le monde. Sachant ça, j'utilise le cellulaire de
ma propre volonté.
Disons que ce n'est pas nécessairement là qu'est mon
problème. Le problème, c'est quand tu n'es pas supposé et
qu'ils te prennent pareil ou bien la petite madame, par exemple, qui vient de
vivre un divorce, qui est harcelée par son ex, comme on dit, qui
décide de se faire poser un numéro confidentiel et qui,
finalement, pour une information, appelle la soeur de son ex; son numéro
de téléphone reste gravé sur la machine, puis là
ça s'en va à son ex. Bon. Elle paie pourquoi, la
confidentialité? C'est là que j'ai un problème. J'aimerais
savoir vraiment c'est quoi, la démarche de l'industrie, au-delà
de la technologie comme telle. Je veux bien croire qu'on peut ajouter un bidule
et une puce savante, plein de choses qu'il va falloir payer encore et,
évidemment, qu'on ne finira jamais plus de payer, mais il doit y avoir
une espèce de conscience, quelque part dans l'industrie, qui fait en
sorte qu'un jour ou l'autre il va falloir arrêter, pour reprendre un peu
l'exemple de la bombe atomique dont vous me pariiez tout à l'heure
vous-même. Un jour ou l'autre, il va falloir arrêter, même si
le nucléaire peut être bon. Jusqu'où l'industrie va se
rendre, c'est ça, et c'est quoi les garanties qui font en sorte que,
finalement, on va pouvoir utiliser encore le téléphone sans
être convaincu et sans savoir au départ qu'on va nous entendre
jusque sur la lune?
Mme Forbes: Je n'irais pas si loin que ça, mais disons
que, comme je répondais tout à l'heure, oui, c'est un fait que,
si vous avez un numéro non publié, un numéro confidentiel
pour lequel vous payez un tarif mensuel, c'est peut-être un peu frustrant
si vous avez à payer en plus pour avoir la confidentialité du
numéro jusqu'aux services de gestion des appels. Je suis
entièrement d'accord avec vous. Toutefois, aujourd'hui, au moment
où on se parle, et c'est ce que je dis, les services existent, mais,
pour les groupes de compagnies que je représente, ils n'ont
commencé à être installés que dans une des 16
compagnies. D'accord?
M. Claveau: Oui.
Mme Forbes: Maintenant, ces problèmes sont réels.
Ce que vous me dites, ce que vous m'énoncez comme souci, c'est
réel, c'est un fait. Vous avez payé pour un service. Vous voulez
le conserver confidentiel, votre numéro. Il faut qu'on trouve une
solution à ça. Moi, ce que je vous dis et ce que je peux vous
dire aujourd'hui, c'est que j'enregistre ce dont vous me parlez et que je
trouve absolument acceptable; je l'enregistre et j'en fais part à mes
compagnies. Mais n'oublions pas une chose, c'est que ces services-là ne
sont pas présentement en vigueur dans le Québec, dans les
compagnies indépendantes au Québec. D'accord?
De plus, il y a une autre chose que j'ai remarquée, parce que
j'ai quand même lu récemment beaucoup de représentations
qui ont été faites, notamment au CRTC parce que c'est
peut-être Bell Canada qui fournit le plus ces services-là, c'est
qu'il y a une réticence au changement; elle est là et on le voit
dans les énoncés qui sont apportés dans les documents dont
j'ai pris connaissance. On va très loin dans les hypothèses qu'on
émet. Je ne vous dis pas qu'il y a des craintes qui ne sont pas
fondées, mais il y en a d'autres qui sont très, très
farfelues. Ça, en ce qui me concerne, ça devient de la
réticence naturelle au changement, à tout ce qui est nouveau. Il
faut faire attention de ne pas devenir paranoïaque là-dedans, et
c'est un peu ce qu'on dit dans notre mémoire. Quand II y a un
problème, il va y avoir une solution. Il y a toujours une solution. La
technologie, telle qu'elle est aujourd'hui, devrait répondre à
ces problèmes et leur donner des solutions. Mais,
dans le cas des appels confidentiels sur lequel on revient, oui, je suis
d'accord avec vous.
M. Claveau: II y a quand même un problème qui me
semble un peu un problème d'escalade de la terreur dans la mesure
où, d'une part, on a, au niveau de vos chercheurs et de vos
spécialistes, des gens qui vont rechercher de nouveaux produits et
où d'un autre côté, on va chercher à contrer l'effet
de ces produits-là, et là on va trouver une autre machine pour
contrer l'effet de l'effet du produit. Est-ce que c'est vraiment une dynamique
qui se retrouve actuellement dans l'entreprise, un peu comme ITT qui faisait
des sous-marins allemands et des détecteurs de sous-marins
américains?
Mme Forbes: On n'est pas rendu là encore.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Forbes: Si vous voulez le traiter comme une escalade, oui, je
pense que c'est ça, le développement.
Une voix: C'est ça.
(12 h 15)
Mme Forbes: Si vous regardez juste le monde des ordinateurs, on a
commencé avec des petits ordinateurs de 128 k, et puis, aujourd'hui,
avec la même boîte, on a 20 fois, 100 fois plus de puissance.
Où s'arrête-t-on? Je ne sais pas. Mais il reste une chose: oui,
c'est ça, le développement. C'est d'innover, finalement, quand on
développe et qu'on fait de la recherche et qu'on fait du
développement.
M. Claveau: On dit que les premiers hommes sont allés sur
la lune avec un 64 k. Ha, ha, ha!
Mme Forbes: Ha, ha, ha!
M. Claveau: II me semble que c'est vrai. J'avais une autre
question, mais là je l'ai perdue. Pourtant, elle me semblait
importante.
Le Président (M. LeSage): Si on a le temps, M. le
député d'Ungava, on y reviendra. Pour le moment, je cède
la parole au député de Montmagny-L'Islet.
M. Gauvin: Merci, M. le Président. Évidemment,
j'avais retenu quelques commentaires ou questions pour Mme Forbes, mais mes
collègues les ont déjà abordés. J'aimerais tout
simplement mentionner, à ce moment-ci, que je pense qu'il va devenir
inévitable que nos compagnies de téléphone qui exploitent
des services au Québec suivent, en Amérique du Nord, ne serait-ce
que sur le plan mondial, une technologie que la clientèle va avoir vue,
ou dont elle va avoir entendu parler, ou s'être servie dans d'autres pays
pour revenir ici et souhaiter l'avoir, finalement.
C'est un peu à ça qu'on fait face, ne serait-ce qu'on soit
quelques années en retard sur la technologie, technologie qui, comme on
le mentionne depuis quelques jours ici, en observation, peut être
inquiétante pour la vie privée des gens. C'est un peu ça,
mon observation. C'est: Etes-vous d'accord qu'en 1991, ici, au Québec,
on va être entraîné, avec cette nouvelle technologie, par le
besoin du consommateur en rapport à ce qu'il voit comme services
évoluer ailleurs?
Mme Forbes: Oui, effectivement. On va être
entraîné. La seule chose, c'est que, compte tenu de la taille de
nos entreprises, on a toujours un peu de retard sur les grosses entreprises, ce
qui nous donne le temps d'apporter des correctifs qu'eux n'ont pas eu le temps
d'apporter. Puis c'est peut-être là que ça va être
bénéfique pour nos consommateurs québécois.
M. Gauvin: Je veux tout simplement ajouter, M. le
Président, que, comme d'autres collègues l'ont mentionné,
ce qu'on doit retenir de votre présentation, c'est que vous n'avez pas
essayé de détourner les questions. Vous avez
présenté ça de façon très claire, avec une
franchise qui m'apparaît remarquable, de toute façon. On va vous
féliciter. Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous savez, dans la
recherche, dans les innovations, on peut toujours aller dans les deux sens. Et,
là, je m'explique. C'est-à-dire que j'ai toujours dit qu'on peut
utiliser notre intelligence à faire le bien ou à faire le mal.
Certains sont extrêmement intelligents et se spécialisent à
perfectionner de bonnes choses pour la société, alors que
d'autres, avec la même intelligence, vont se spécialiser à
aller frauder ou essayer de profiter d'un système.
Je pense qu'au niveau des innovations c'est la même chose. On peut
inventer des produits qui vont améliorer la qualité de vie des
gens, qui vont respecter la confidentialité et on peut aussi aller dans
l'autre sens en créant des produits qui sont utiles peut-être plus
à certaines catégories, plus aux entreprises, peut-être
parce que c'est plus payant de ce côté de créer ces
produits, mais on a quand même le choix. L'exemple auquel je pense, c'est
qu'on aurait pu sortir, au lieu de l'afficheur, un moyen - comme vous l'avez
mentionné, à un moment donné, dans votre
présentation - de protéger les consommateurs contre la
sollicitation téléphonique qui est pénible et qu'on doit
vivre et subir. Et même si
on a un numéro confidentiel, on se fait harceler au
téléphone par de la sollicitation. Et ça, je pense que les
consommateurs auraient été prêts à même un
surplus pour bloquer ce type de téléphones là. Et c'est
une façon de faire de la recherche puis de l'innovation qui
amènent une qualité de vie. Et ça, est-ce que ce ne serait
pas possible?
Mme Forbes: Finalement, vous savez, dans la recherche puis le
développement, quand on cherche à innover, c'est toujours pour
améliorer notre sort.
Mme Caron: Le sort de la compagnie?
Mme Forbes: Oui. C'est toujours pour améliorer notre sort.
Là où ça se gâte, normalement, ce n'est pas dans la
recherche et dans le développement, c'est dans l'application.
Mme Caron: Mais pourquoi ne pas commencer par des produits qui
amènent une qualité de vie tout de suite plutôt que par les
autres?
Mme Forbes: Les quatre produits dont je vous ai parlé
amenaient une qualité de vie. Vous savez qu'à ce jour
l'afficheur, entre autres, a permis à des personnes qui recevaient des
appels importuns, la nuit, de les régler et de les régler
rapidement. Ça a amélioré effectivement la qualité
de vie. Mais, comme je vous dis, on ne peut pas prévoir l'utilisation
qui va en être faite.
Je vous parlais - voyons, j'ai perdu son nom à lui... Le
mémorisateur est conçu pour permettre de recomposer
automatiquement un numéro. Vous avez à quitter votre bureau et
vous partez pour quelques instants. La secrétaire n'y est pas. Le
numéro va s'enregistrer, vous pouvez rappeler. C'est à ces
fins-là que le développement est fait. Quand ça arrive sur
le marché... Comme je vous l'ai dit, avec les génies qui
traînent les rues, on ne peut jamais prévoir ce qui va arriver. Et
ça, c'est seulement la pointe de l'iceberg. Il va y avoir d'autres
utilisations qui vont être faites de ces services-là. Alors, quoi
que vous fassiez, il y aura toujours une contrepartie. Je badinais
peut-être, tout à l'heure, mais c'est vraiment dans l'application
que ça se gâte. Ordinairement, ce n'est pas la théorie qui
est mauvaise, c'est l'application. C'est là que ça change.
Mme Caron: Par contre, quand on a eu des mémoires qui ont
été déposés au CRTC et qu'on a parlé
beaucoup de l'afficheur, beaucoup de groupes avaient déjà
dénoncé ce qui était pour arriver, avaient quand
même informé des dangers par rapport à la
confidentialité. C'était déjà là. On l'avait
prévu. On l'avait dit immédiatement, mais ça n'a pas
empêché le CRTC de donner l'autorisation.
Mme Forbes: Ça, je le sais. Et malheureusement, une fois
que le CRTC a donné l'autorisation, il y a une grande partie du pays qui
profite de ces services-là.
Mme Caron: J'espère...
Mme Forbes: Donc, la demande du consommateur augmente.
Mme Caron: Oui, il y a ça également. Mme Forbes:
C'est l'enchaînement, là.
Mme Caron: C'est de convaincre le consommateur finalement qu'il a
besoin de ce gadget, entre guillemets, pour améliorer sa vie. C'est
sûr que... Moi, j'ai un principe, je me demande toujours, quand je fais
un achat: Qu'est-ce que ça va changer vraiment dans ma vie? Je vous
avoue que je ne suis pas très, très portée sur les gadgets
téléphoniques. Et ça va même plus loin parce que,
parfois, on nous installe... Comme ici, au parlement, les afficheurs, on les a
et je ne peux pas vous dire que j'en veux vraiment. Et on l'a sur notre
système téléphonique.
Mme Forbes: Oui, parce que vous avez un standard privé, au
parlement, qui vous permet l'affichage.
Mme Caron: Oui et...
Mme Forbes: Et vous avez des appareils
téléphoniques qui permettent l'affichage.
Mme Caron:... je vous avoue que je n'en veux pas. Je vis
avec.
Mme Forbes: Bien oui. Ça faisait partie de l'emballage.
Ha, ha, ha!
Mme Caron: L'emballage-cadeau.
Le Président (M. LeSage): Ça va, Mme la
députée de Terrebonne?
Mme Caron: Merci.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Cannon: M. le Président, peut-être quelques
petites observations. Simplement, on est en train de discuter de la
décision du CRTC. Pour le bénéfice des membres de la
commission, on sait que cette décision-là est en appel à
la suite des démarches qui ont été faites par la Ligue des
droits et la FNACQ. Alors, c'était peut-être important de le
mentionner. Et il y a peut-être une autre perception que l'on a ici.
C'est que nous sommes à la remorque non pas
nécessairement de la technologie puisqu'on est, comme
société, assez avant-gardiste dans le développement de la
recherche et des produits technologiquement forts. Dans le secteur des
télécommunications, il y a des investissements
considérables qui ont été consentis depuis plusieurs
années et qui font que les entreprises québécoises et
canadiennes sont pas mal avant-gardistes de ce côté-là.
Là où il y a des problèmes, et je pense que c'est la
raison pour laquelle on se réunit ici, c'est qu'on voudrait finalement
que, dans le secteur de la téléphonie ou dans le secteur des
télécommunications, de façon générale, il y
ait davantage ce souci de la protection de la vie privée des clients.
C'est peut-être ça qui nous apparaît un peu une lacune de la
part de ceux et celles qui développent ces technologies-là. Je
voulais simplement faire cette observation-là parce que, si cette
préoccupation-là avait toujours été à
l'avant-garde, je ne crois pas que nous serions ici, tout au moins à
débattre la question des afficheurs et d'autres dispositions ou
applications dans le secteur technologique. C'est ce que je voulais ajouter, M.
le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Une petite réflexion et une couple de
questions. D'ailleurs, effectivement, je pense qu'il faut faire la
différence entre l'innovation technologique qui modifie le cours des
choses, qui modifie les comportements, qui améliore substantiellement ou
sensiblement les conditions de travail et l'innovation technologique gadget
qui, finalement, amène une dépense de plus. À titre
d'exemple, je prendrai quelque chose qui, moi, m'a toujours un peu
émerveillé, toujours, ça ne fait pas longtemps que c'est
sur le marché, mais en tout cas: les "transformeurs", les jouets
d'enfants, "transformeurs-robots", voitures, "bicycles à gaz". J'imagine
tout ce qu'il y a de technologie là-dedans, tout ce qu'il y a de
conceptualisation, de matière grise pour faire un bidule finalement qui
coûte une fortune et dont, après trois jours, les enfants ont
arraché à peu près tous les morceaux. Je ne trouve pas que
c'est une innovation technologique au sens de l'innovation technologique.
Par contre, je vous dirai en contrepartie qu'à mon sens la plus
grande invention de l'homme après l'allumette, ça a
été le fax, qui est vraiment une innovation technologique
extraordinaire. En tout cas, pour un gars comme moi dans le Nord, je vais vous
assurer d'une affaire, ça facilite drôlement les choses,
même s'il y a des dangers probablement de se faire taper de temps en
temps.
Ceci étant dit, j'aimerais poser peut-être un
dernière question, à savoir, quand on a dit tout ça
là, est-ce que c'est vraiment facile de taper une ligne, comme on dit,
de piger de l'informa- tion sur un réseau existant? Je sais, par
exemple, qu'il y a des machines qui vont téléphoner en
série, les téléphoneuses automatiques justement pour faire
du harcèlement de vente, etc. En contrepartie aussi, on n'a pas
développé l'anti-harceleur en série. Mais est-ce que c'est
facile de taper une ligne? Est-ce que c'est facile d'aller chercher de
l'information? Est-ce que les équipements technologiques existent sur le
marché, sont disponibles, j'imagine, dans certains magasins en
série ou bien non s'il faut être vraiment spécialisé
et s'appeler GRC pour être capable d'y aller?
Mme Forbes: Disons qu'il y a des équipements qui existent
effectivement, il ne faut pas se le cacher. Il reste que, nous, dans les
compagnies de téléphone, il n'y a pas d'écoute qui se fait
sur les lignes, à moins que ce ne soit fait de nos bureaux centraux, et
ce, via un mandat des corps policiers. Maintenant, les nouveaux commutateurs,
si l'on doute quelque chose du genre, font de l'autovérification. Alors,
si la compagnie de téléphone est équipée d'un
commutateur numérique, il y a des chances qu'elle puisse arriver
à faire quelque chose pour détecter ce qui se passe sur une
ligne. Ça ne veut pas dire qu'elle va réussir, mais il y a quand
même une sortie qui n'était pas là avant, dans nos
équipements "pas à pas" ou dans l'ancienne technologie dans la
commutation. Ce n'est pas facile, comme vous dites, de taper ou de faire de
l'écoute. Ça prend des gens qui s'y connaissent et qui s'y
connaissent très bien.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme
Forbes. Compte tenu de l'heure, nous nous devons de mettre fin à
ces échanges. Alors, quelques mots pour la fin des travaux. M. le
ministre.
M. Cannon: Oui. Merci beaucoup, madame, de votre présence.
Je pense que votre mémoire nous a démontré, compte tenu de
l'évolution rapide de la technologie - et on s'est engagé un peu
dans ce questionnement - qu'une intervention gouvernementale devrait être
souple et mesurée justement afin d'éviter d'être
continuellement confronté à apporter des modifications à
cette loi. Alors, merci de votre présence.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, Mme
Forbes, je tiens vraiment à vous remercier pour la qualité de vos
réponses, et soyez sûre qu'on apprécie beaucoup. Vous nous
avez démontré qu'il y avait quand même moyen d'être
objectif dans un sujet aussi difficile. Merci.
Mme Forbes: Bienvenue!
Le Président (M. LeSage): Alors, je remercie Mme Forbes de
nous avoir présenté le mémoire de l'Association des
compagnies de téléphone du Québec inc. La commission ayant
complété son mandat, j'ajourne ces travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 30)