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(Dix-sept heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Gauvin): J'invite les membres de la
commission à prendre place. Je déclare la séance de la
commission des institutions ouverte. Je vais demander à notre... Je
pense que je devrais rappeler le mandat justement. Le mandat de cette
commission est de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 147, Loi modifiant la Loi favorisant
la libération conditionnelle des détenus et la Loi sur la
probation et sur les établissements de détention. M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Philibert
(Trois-Rivières) remplacera M. Dauphin (Marquette). C'est tout.
Projet de loi 147
Le Président (M. Gauvin): Merci. On va
laisser quelques minutes à M. le ministre pour sortir sa documentation,
et on va l'inviter à présenter son projet de loi, comme à
l'accoutumée.
Remarques préliminaires M. Claude Ryan
M. Ryan: Alors, M. le Président, j'ai eu l'occasion, lors
du débat sur le principe du projet de loi à l'Assemblée
nationale, d'exposer assez longuement les éléments essentiels que
l'on trouve dans le projet de loi 147, en particulier les modifications que
nous projetons d'apporter au régime des absences temporaires dans des
établissements de détention de compétence provinciale. Je
ne pense pas qu'il soit nécessaire, à ce stade-ci, que je fasse
un rappel de tous les éléments essentiels du projet de loi. Nous
y viendrons lors de l'étude article par article. Je me borne à
ajouter que dans le projet de loi il y a des dispositions qui concernent plus
spécialement la Commission québécoise des
libérations conditionnelles.
Je suis accompagné pour cet exercice, à ma gauche, du
sous-ministre associé en charge des services correctionnels du
ministère, M. Normand Carrier; à ma droite, Me Jacques
Saint-Laurent, qui est le directeur du contentieux des services juridiques du
ministère de la Sécurité publique, et, plus loin, Mme
Collette, qui est la présidente de la Commission des libérations
conditionnelles. Les députés pourront, par conséquent,
interroger ces collaborateurs sur les sujets qui les intéressent plus
particulièrement.
Dans le cas de la Commission des libérations conditionnelles,
nous prévoyons l'addition de 5 membres permanents. Il y en a 7,
actuellement, et nous voulons porter le nombre à 12 maximum - pas
nécessairement 12, mais jusqu'à un maximum de 12 - parce que la
Commission des libérations conditionnelles a connu un accroissement de
volume substantiel au cours des dernières années; elle est un
rouage essentiel dans le dispositif de réinsertion sociale que le
gouvernement déploie à l'intention des personnes qui ont
été condamnées à des peines d'emprisonnement de
moins de deux ans. Il sera bon que Mme Collette soit présente avec nous
pour répondre aux questions des députés
également.
Il y a un dernier point qui avait retenu l'attention du
député d'Ungava, non sans justification, c'est celui qui regarde
l'isolement préventif. Il l'a qualifié d'une manière un
petit peu caricaturale, mais c'était son droit comme
député de l'Opposition, je ne lui en veux pas. Nous avons
considéré qu'il était nécessaire d'avoir une
disposition de ce type; ça se fait, de toute manière. À un
moment donné, il faut qu'un détenu soit isolé. Là,
nous prévoyons la possibilité, pour le gouvernement, de
réglementer cette opération de manière qu'elle se fasse en
conformité avec les droits des personnes et également le droit
d'un établissement de détention à fonctionner dans
l'ordre, pour le bien de tout le monde.
Alors, nous donnons, dans le projet de loi, un pouvoir au gouvernement
de déterminer par réglementation comment pourrait se faire, dans
les cas où des détenus seraient en possession réelle ou
appréhendée de substances ou de matières qu'ils n'ont pas
l'autorisation de détenir, en particulier des drogues, des
médicaments, évidemment aussi des armes ou des instruments
violents, des instruments contondants comme des couteaux, des poignards ou des
choses comme celles-là... On ne peut pas toujours voir à l'oeil
nu si un détenu est en possession de matières comme
celles-là. À un moment donné, il peut être
nécessaire de l'isoler des autres pour procéder aux
vérifications qui s'imposent. Il me semble que le principe ne devrait
pas donner lieu à des difficultés, mais, en tout cas, on verra
quand on arrivera là. Ce sont les éléments essentiels du
projet de loi, comme nous avons essayé de les présenter.
Dans le cas des absences temporaires, je préfère que nous
en venions aux articles per-
tinents parce que, là, on pourra voir de manière plus
concrète. Ça implique des discussions sur des périodes de
temps. Je pense que, si on isolait ces discussions-là du contexte des
dispositions précises qui en traitent, on risquerait de semer plus de
confusion que de clarté. L'expérience du parlementarisme nous
enseigne que la clarté ne vient pas nécessairement des
exposés longs. Sur quoi, j'ai terminé.
Le Président (M. Gauvin): J'invite le député
représentant l'Opposition, le député d'Ungava, s'il a des
commentaires à ce moment-ci...
M. Christian Claveau
M. Claveau: Oui, M. le Président, juste quelques mots
pour, d'abord, dire bonjour au ministre et lui dire que c'est un grand plaisir
pour moi d'avoir à travailler avec lui ou, enfin, dans les mêmes
dossiers, en tant que représentant de l'Opposition, à partir de
maintenant et, je l'espère, pour un certain temps, du moins jusqu'aux
prochaines élections générales qui nous ont
été annoncées, d'ailleurs, en Abitibi, jeudi dernier, par
le premier ministre comme étant une hypothèse plausible pour
l'année 1992.
M. Ryan: ...niée depuis.
M. Claveau: Comment dites-vous?
M. Ryan: Hypothèse niée depuis.
M. Claveau: Niée depuis?
M. Ryan: Oui.
M. Claveau: Ah bon! Alors, ça me fait...
Le Président (M. Gauvin): J'inviterais les membres de la
commission, peut-être, à revenir au projet de loi 147. Il nous
reste encore bien du temps d'ici 1992. On a avantage à travailler sur ce
projet de loi, pour le moment.
M. Claveau: On peut travailler sur des choses sérieuses
dans un climat de détente, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Pas d'objection.
M. Claveau: Aussi, ça me fait plaisir de rencontrer pour
la première fois en commission parlementaire les différents
représentants du ministère, les gens qui ont des
responsabilités au niveau de la sécurité publique et des
instances ou, enfin, des structures de détention, de libération
conditionnelle ou autres. Je crois que nous allons réussir
sûrement à nous entendre et à faire un travail le plus
constructif qui soit au cours des prochains mois, le tout pour le meilleur
intérêt de la population québécoise.
C'est avec intérêt aussi que j'ai pris connaissance de ce
projet de loi, le projet de loi 147, qui modifie, comme vient de le dire le
ministre, la Loi favorisant la libération conditionnelle des
détenus et la Loi sur la probation et sur les établissements de
détention. C'est un grand titre. Nous constatons que le ministre a
trouvé un raccourci très important pour que la loi, à
l'avenir, puisse s'identifier d'une façon beaucoup plus rapide,
même que le texte qui nous est proposé, comme le nouveau titre du
projet de loi, nous semble trop court en soi. Le ministre n'en a pas
parlé tout à l'heure, mais la Loi sur les services
correctionnels, c'est un des éléments du projet de loi qui, comme
on le voit, diminue de beaucoup le travail de transcription du titre du projet
de loi, mais qui introduit aussi de nouvelles notions, en soi, que nous
aimerions discuter et, enfin, au sujet desquelles nous allons sûrement
avoir quelques échanges qui vont nous permettre de mieux comprendre le
pourquoi de cette concordance nouvelle avec les dénominations
fédérales. On ne sait pas si ça fait partie des nouvelles
ententes fédérales-provinciales, si on doit aller
jusque-là dans la concordance pour parler maintenant de services
correctionnels, alors que, règle générale, les
détenus de moins de deux ans ne sont pas nécessairement des gens
qui ont besoin d'être corrigés ou, enfin, orientés vers des
mesures correctives aussi lourdes que ce que l'on suppose ou ce que l'on
présume généralement, ce qui doit être fait avec des
gens qui sont carrément incarcérés dans le monde des
pénitenciers. Ce n'est pas du tout le même genre
d'incarcération et pas du tout pour les mêmes sortes de
délits.
Le trou, pour reprendre l'expression péjorative très
populaire et très utilisée dans le milieu, eh bien,
évidemment, on va sûrement en reparler Pourquoi donner des
pouvoirs, qui nous semblent augmentés, aux responsables des
établissements ou, enfin, aux différpnts intervenants dans la
gestion des détenus? En introduisant aussi une notion de suspicion ou
à partir d'hypothèses, lorsque l'on dit, par exemple, si l'on a
raison de croire... Alors, c'est un peu des termes qui nous chicotent et sur
lesquels nous allons sûrement avoir quelques petites discussions.
Pour le reste, les libérations conditionnelles, on aura
sûrement l'occasion d'en reparler, effectivement. On a un peu notre point
de vue là-dessus aussi. Là où le bât blesse le plus,
en ce qui nous concerne, sur le projet de loi, c'est toute la question des
libérations temporaires, le programme des absences temporaires, pour
utiliser le terme exact, qui nous semble avoir été utilisé
d'une façon très abusive au cours des dernières
années. Quand on pense, pour reprendre une date très
précise qui a été commentée et sur laquelle on a
travaillé déjà en commission parlementaire, au moment de
l'étude des crédits, la date du 22 mars 1991, ce qui n'est pas
remonter aux calendes grecques, c'est quand
même encore récent, le 22 mars 1991, où on avait 37
% de tous les gens qui étaient dans le milieu carcéral avec des
détentions de deux ans et moins et qui se retrouvaient en dehors des
prisons, qui se retrouvaient sur les trottoirs à gambader
allègrement parmi toute la population, eh bien on trouve que c'est...
Enfin, pour les raisons humanitaires et médicales, à titre de
raison exceptionnelle, ça fait pas mal de monde qui ont des exceptions.
C'est plus du tiers de la population carcérale qui
bénéficiait de conditions exceptionnelles pour une journée
donnée. On peut supposer qu'il y a d'autres journées où il
y en avait plus; probablement qu'il y en a d'autres où il y en avait
moins aussi. Donc, ça nous semble être, en fait, un peu une loi ou
un article de la loi qui vient légaliser une situation de fait, quelque
chose qui se faisait déjà ou un certain laxisme qui
s'était établi dans la gestion du système et que,
finalement, au lieu de revenir sur le principe même de la loi, eh bien,
on a décidé de légaliser l'état de fait en
élargissant le cadre de la loi et en diminuant les temps
d'emprisonnement pour l'admissibilité, légale cette
fois-là, aux absences temporaires.
Il y a aussi toute la question de la définition d'une absence
temporaire, qui doit l'autoriser et comment doivent s'autoriser les absences
temporaires. Quel est le rôle du juge dans cette histoire-là? On
nous dit qu'il y a des juges qui augmentent les peines ou qui rendent les
peines beaucoup plus longues parce qu'ils savent que leur client risque de
sortir rapidement en utilisant le principe de l'absence temporaire. Donc,
à ce moment-là, au lieu de donner une peine de deux mois ou de
trois mois, on lui colle une peine de huit mois et on est certain qu'il va
peut-être passer 15 jours, trois semaines en prison durant ce
temps-là. C'est des choses qui, semble-t-il, se passent actuellement
dans l'administration de la justice et nous aimerions avoir des
éclaircissements là-dessus. Tout ça pour vous dire qu'au
moment où on se parle notre intention n'est pas nécessairement de
voter pour le projet de loi en question, parce qu'on a trop de
préoccupations quant au contenu de certaines de ces
modifications-là. Éventuellement, si le ministre se rend à
certains de nos points de vue, notre position peut évidemment
changer.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie, M. le
député d'Ungava. Je ne sais pas s'il y a d'autres membres de
cette commission qui aimeraient, avant d'appeler le premier article, faire des
commentaires sur le projet de loi 147? Il ne semble pas. Si vous me le
permettez, on va appeler l'article 1. Si jamais vous souhaitez que j'en fasse
la lecture, vous me l'indiquerez.
M. Claveau: On le souhaite, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Vous le souhaitez?
M. Claveau: Ah oui! C'est une vieille habitude que j'ai de
souhaiter que la lecture passe au Journal des débats de
manière à ce que tous ceux qui vont lire le Journal des
débats sachent de quoi on a parlé.
Étude détaillée
Loi favorisant la libération conditionnelle des
détenus
Le Président (M. Gauvin): L'article 1. Donc, l'article 1
se lit comme suit: "L'article 3 de la Loi favorisant la libération
conditionnelle des détenus est modifié par le remplacement, dans
la première ligne, des mots "de sept" par les mots "d'au plus douze"."
M. le ministre, à l'article 1.
M. Ryan: Je pense que j'ai expliqué tantôt le but de
cette modification. La modification est inspirée des besoins accrus du
nombre considérablement plus élevé de demandes ou de
dossiers de libération conditionnelle que la Commission est
appelée à étudier chaque année. Elle est
inspirée aussi par le souci d'assurer que ces dossiers seront
traités de manière la plus consciencieuse et aussi la plus rapide
possible, de manière que chacun ait justice.
M. Claveau: J'ai peut-être besoin d'une explication
complémentaire.
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Ungava, oui.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Dans le système
actuel, tous les détenus qui ont plus de six mois d'emprisonnement et
qui ont purgé le tiers de leur peine sont admissibles à une
libération conditionnelle. Il ne peut y avoir d'augmentation de demandes
que dans la mesure où il y a une augmentation de prisonniers. Alors, si,
actuellement, avec le nombre de places disponibles, on a réussi à
gérer ça relativement bien avec 7 commissaires, eh bien, si on
monte de 7 à 12, ça fait une augmentation, ça, de 5 sur 7.
Ça commence à faire du monde pas mal. Est-ce qu'on prétend
qu'on va doubler à peu près le nombre de prisonniers d'ici les
prochaines années? Il n'y a pas d'autre explication, à mon
avis.
M. Ryan: Non. C'est marqué de 7 à au plus 12.
Ça ne montera pas nécessairement à 12 du jour au
lendemain, mais à au plus 12. Je pense que les députés
comprendront comme moi que, s'il fallait revenir à chaque fois qu'on
veut modifier le chiffre de 8 à 9, revenir devant l'Assemblée
nationale par voie législative avec tout ce que ça comporte
d'étapes à franchir, c'est excessif. Ça devient beaucoup
et inutilement trop lourd. Mais ici, c'est de 7 à un maximum de 12.
M. Claveau: Actuellement, M. le ministre, un commissaire traite
combien de dossiers par année, en gros? Dans le fond, il traite combien
de dossiers et combien ça coûte finalement, en termes de budget de
la Commission des libérations conditionnelles, le traitement d'un
dossier ou le travail du nombre de commissaires, un commissaire par rapport
à l'ensemble de ses dossiers dans une année?
M. Ryan: Je ne sais pas si on a des donnée?
là-dessus, je ne pense pas. Le nombre de dossiers traités chaque
année, divisé par le budget de la Commission, vous allez arriver
à un montant très proche de la réalité.
M. Claveau: Mais je veux dire... Bon. Moi, je présume que,
si c'est des cas de six mois et plus, ça veut dire que ça fait,
à ia limite, le maximum, c'est deux personnes-année par...
M. Ryan: Comme Mme la présidente vous l'expliquera
tantôt, il y a des mêmes cas qui sont l'objet de plusieurs examens
par la Commission des libérations conditionnelles pendant la
période de détention. Il y a un certain nombre de détenus,
après six mois, qui disent: On ne veut pas que notre dossier soit
examiné maintenant, on n'est pas intéressés à une
libération conditionnelle pour toutes sortes de raisons...
M. Claveau: O. K.
M. Ryan:... dont certaines ont été
expliquées plus tôt.
M. Claveau: Mais ce que je voulais dire, tout à l'heure,
c'est que, dans le fond, il faut deux prisonniers pour faire une
personne-année, disons, si on calcule les six mois, dans le meilleur des
cas. Donc, on peut s'attendre à ce que si on a 2000... Enfin, c'est quoi
le nombre de prisonniers qui sont détenus pour six mois et plus? Il y en
a combien? À peu près 1500. Il y en avait 789, donc, 789,
ça veut dire que ça peut représenter en gros, en
personnes-année de détenus, quelque chose comme 400? Sept
commissaires, 400, à moins qu'on augmente de.. Ça fait quelque
chose comme 60, 70 par année, à 200 jours ouvrables. Bon, il me
semble... À moins qu'on veuille augmenter considérablement le
nombre de prisonniers ou que l'on veuille alourdir la procédure
administrative, au nombre qu'on a actuellement, on devrait être capable
de traiter au moins un cas aux trois jours par commissaire.
Le Président (M. Gauvin): M.le ministre.
M. Ryan: Peut-être qu'à ce moment-ci on pourrait
demander à la présidente de la Commission, avec votre permission
naturellement, si elle voulait nous dire un petit peu comment ils
procèdent au traitement des cas, comment les cas entrent dans la machine
de la Commission, comment ils en sortent, combien de temps ils y passent, quel
genre de traitement leur est donné.
M. Claveau: J'apprécierais, oui.
Le Président (M. Gauvin): Donc, on va inviter Mme
Collette, présidente de la Commission des libérations
conditionnelles, à ajouter aux réponses du ministre.
Mme Collette (Renée): II faudrait peut-être juste
dire qu'une des raisons - rapidement - majeures de l'augmentation du nombre est
liée, comme M. Ryan l'a dit, à l'augmentation de la charge de la
Commission et au projet de loi relativement aux absences temporaires; 39 %, les
5 dernières années, c'est l'augmentation de la clientèle
au niveau de la Commission. Donc, les activités de la Commission, les 5
dernières années, il y a une surcharge de 39 %, sans ajout de
commissaire, que ce soit juste au niveau des décisions...
Il y a eu, en 1990, 3492 personnes admissibles. Là, on est en
1990. Il y a eu 5500 décisions de prises. On prend plus qu'une
décision par personne. Quelqu'un, effectivement, est admissible à
l'examen au moment du tiers de sa sentence. Il est vu et convoqué dans
les 15 jours, à peu près, précédant sa date
d'admissibilité. Le dossier est ouvert, à la Commission,
jusqu'à la fin des trois tiers si la libération conditionnelle va
jusqu'à l'expiration du mandat. Donc, le dossier reste ouvert tout ce
temps-là. La personne, si elle est en libération conditionnelle,
elle est en surveillance.
Il peut y avoir des interventions qui sont faites, soit de suspension de
la part de l'agent de surveillance, de là une nouvelle audience. Il peut
y avoir des rencontres pour préciser des conditions, etc. Ce sont des
activités aussi... Les rencontres ne sont même pas dans les
chiffres que je vous ai donnés tantôt. Il y a aussi, pour
quelqu'un qui est refusé, le droit au nouvel examen. Donc, il peut
demander d'être revu par la Commission. Toute personne, quelle que soit
la décision qu'on rend, peut invoquer un droit d'appel, peut demander
aussi que la décision soit révisée. Maintenant, c'est rare
que quelqu'un qui a un octroi demande la révision. Mais, si quelqu'un
est refusé, il peut demander une révision de la
décision.
Donc, il y a de multiples décisions qui peuvent être prises
pour une même personne. On ne peut pas se fier juste au nombre de
personnes admissibles.
M. Claveau: II y a deux commissaires permanents pour chacun des
dossiers, je pense. C'est un permanent, puis...
Mme Collette: Non, il y a un commissaire permanent et un membre
à temps partiel qui est
un commissaire communautaire. Les commissaires communautaires, il y en a
59, actuellement. Ils sont répartis sur l'ensemble du territoire. C'est
des gens du milieu, c'est des citoyens. C'est des gens qui sont
impliqués sur le plan communautaire, qui apportent cet éclairage
à la fois de la connaissance de leur milieu, des ressources de la
région et du simple citoyen aussi. Les membres à temps plein
sont... Dans les sept, vous oubliez aussi qu'il y a la présidente et le
vice-président. Actuellement, le vice-président, qui est dans la
salle, là-bas, ne peut même pas faire le travail de
vice-président parce qu'il est aux audiences à tous les
jours.
La présidente fait aussi des audiences, ce qui est correct, parce
qu'elle sait ce qui se passe dans le milieu, mais elle a aussi la job de
présidente. Donc, en réalité, on devrait avoir 5,5
commissaires. Actuellement, on a 5,5 commissaires qui devraient agir au niveau
des décisions, avec une clientèle accrue de 39 % depuis les
derniers 5 ans. La Commission s'est retrouvée dans une situation
où on fait en moyenne 5 cas par jour, 5 audiences par jour. On est
rendus en moyenne à 8 audiences par jour, ce qui, raisonnablement, n'est
pas intelligent parce que je veux dire, rendus à 5, le sixième...
Je ne sais pas si ça vous éclaire un peu plus là.
M. Claveau: Définitivement, ça m'éclaire un
peu plus sur le travail réel, comme on dit, sur ce qui se passe dans la
vraie vie. Donc, ça veut dire qu'actuellement il y a des délais
qui sont supérieurs à ce qu'ils devraient être, et il y a
du "bulldozage" un peu. On pousse par en avant, finalement. (17 h 45)
Mme Collette: C'est à dire que, souvent, les
détenus ne sont pas vus à temps. Cet été, j'ai
été obligée d'utiliser la valeur de 20 jours de
suppléance de commissaire. Il y a des commissaires communautaires qui
peuvent être désignés suppléants. Le choix que
j'avais, c'était de ne pas respecter la loi et faire en sorte que ces
personnes-là ne soient pas vues à temps ou bien respecter la loi
et mettre des suppléants. C'est ce que j'ai fait, c'est une
décision que j'ai prise.
M. Claveau: Lorsque l'on dit un maximum de 12, M. le ministre
nous dit que c'est pour ne pas avoir à rouvrir la loi à tout bout
de champ avec des chiffres précis. Si on met 8 puis 9 puis 10... Mais,
au moment où on se parle, ce serait quoi, les besoins?
Mme Collette: Ce serait deux pour les deux prochaines
années. On a eu une discussion avec le Conseil du trésor sur
ça parce qu'on a présenté un plan de redressement et un
plan de réorganisation. Actuellement, si le Conseil du trésor
nous donne les ressources qu'on a demandées, on en aurait deux pour les
deux prochaines années. C'est vraiment pour ne pas être
obligé de revenir devant l'Assemblée nationale à chaque
fois. On pénalise le monde au bout de la ligne parce que c'est tellement
long comme processus que, très souvent, ce qui se passe, c'est que,
pendant ce temps, ou bien ça surcharge les autres ou bien on est
obligé d'utiliser des suppléants ou bien on est obligé de
dépasser les délais.
M. Claveau: Si je comprends bien, il n'y a pas une demande qui
est adressée au Conseil du trésor pour avoir les budgets pour
cinq nouveaux commissaires tout de suite à partir de 1992?
Mme Collette: Non, pas du tout.
M. Claveau: O.K. Quand vous nous parlez d'une augmentation de
charge de 39 % dans les dernières années, dans les cinq
dernières années, est-ce que c'est à cause d'une
augmentation de la clientèle réelle - j'entends le nombre de
détenus physiques - ou si c'est parce que les délais
administratifs sont tellement plus compliqués qu'ils ne l'étaient
que ça entraîne de nouvelles sortes d'interventions?
Mme Collette: Non, il y a vraiment une augmentation réelle
du nombre de personnes qui sont dans les prisons. Donc, une augmentation du
nombre réel des personnes qui sont admissibles... de six mois et plus.
Il y a aussi une augmentation du nombre des remises, c'est-à-dire que
les dossiers sont... La criminalité, c'est diversifié, si on peut
s'exprimer comme ça. La clientèle est plus lourde. Donc, les
dossiers doivent être préparés plus
"précautionneusement" et ça, ça entraîne des fois
des délais aussi. Donc, il y a eu une augmentation des remises sur
laquelle on travaille pour, justement, dans le cadre du plan de redressement,
essayer d'au moins diminuer cette partie-là. Mais il y a effectivement
des nombres de...
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que ça
répond à votre questionnement, M. le député
d'Ungava?
M. Claveau: Oui, M. le Président, et j'en remercie la
présidente de la Commission.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme
Collette. Est-ce que l'article 1 est accepté, adopté? M.
le député d'Ungava, est-ce que l'article 1 est adopté?
M. Claveau: Adopté, si le président du Conseil du
trésor est d'accord.
Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article 2 qui se lit
comme suit: "L'article 18 de cette loi est modifié: 1° par
l'insertion, au début du premier alinéa, de ce qui suit: Sauf sur
une question de compétence, l'article 33 du Code de
procédure civile ne s'applique pas à la Commission
et".
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Oui.
M. Ryan: J'aurais une modification à proposer à ce
stade-ci que je voudrais vous remettre maintenant. Vous l'avez
déjà en main?
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre.
L'amendement se lit comme suit: L'article 2 est remplacé par le suivant:
L'article 18 de cette loi est modifié: 1° par le remplacement du
premier alinéa par le suivant: "18. Sauf sur une question de
compétence, aucun des recours prévus par les articles 33 et 834
à 850 du Code de procédure civile ne peut être
exercé, ni aucune injonction accordée contre la Commission ou un
de ses membres agissant en sa qualité officielle." 2° par le
remplacement, dans les deuxième et troisième lignes du
deuxième alinéa, des mots "un bref et une ordonnance ou
injonction délivrés ou accordés" par les mots "toute
décision rendue, ordonnance ou injonction prononcées". M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président...
Le Président (M. Gauvin): D'abord, on devrait se prononcer
sur l'amendement.
M. Claveau: Sur l'amendement, oui. Disons que je...
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Oui, excusez, M. le
ministre.
M. Claveau: Oui, c'est le ministre qui a toujours le droit de
parole en premier.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, vous voulez
ajouter un commentaire ou une explication additionnelle?
M. Ryan: Oui. Peut-être qu'on pourrait demander à M.
Saint-Laurent de nous expliquer un petit peu ces dispositions du Code de
procédure civile auxquelles il est fait référence dans le
texte du premier alinéa de l'article 18. Après ça,
ça va être plus facile de saisir de quoi il s'agit, on verra plus
le sens de la modification qui est proposée aussi.
Le Président (M. Gauvin): Vous avez raison, M. le
ministre. Donc, on invite M. Saint-Laurent à ajouter de
l'information.
M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. En
fait, l'article 18 de la Loi favorisant la libération conditionnelle des
détenus est ce qu'on appelle généralement dans notre
vocabulaire juridique une clause privative, c'est-à-dire un article qui
vise à protéger un tribunal quasi judiciaire comme celui que
constitue la Commission québécoise des libérations
conditionnelles de recours qui seraient exercés par des citoyens devant
les tribunaux supérieurs et qui pourraient, s'ils étaient permis,
paralyser à toutes fins pratiques les opérations de cette
commission-là. Or, à l'époque de l'adoption de la loi en
1978, la jurisprudence en droit administratif était telle que la clause
privative était relativement générale. Le texte de 1978
parlait de recours extraordinaires sans aucune précision - on disait:
tous les recours extraordinaires sont interdits - pour mettre à l'abri
la Commission québécoise de ces recours-là.
L'évolution de la jurisprudence a amené des nuances en disant:
C'est vrai qu'un organisme quasi judiciaire ne peut pas faire l'objet de
recours extraordinaires, sauf dans certaines circonstances. Ce sont ces
circonstances qu'il s'agit d'identifier par l'amendement qui est
proposé.
L'amendement qui avait été proposé dans le projet
de loi qui a été déposé au printemps a dû
être recorrigé un petit peu parce que, depuis le printemps, la
jurisprudence a encore évolué pour apporter des nuances nouvelles
au vocabulaire relatif aux clauses privatives. Alors, il y a, entre autres, une
décision qui concerne le Tribunal des professions qui a
été rendue cet été. Le texte de l'amendement
proposé actuellement fait les nuances dont je vous parle,
c'est-à-dire qu'on parle de l'interdiction de recours extraordinaires,
sauf s'il s'agit d'une question de compétence. On est venu ajouter
l'injonction qui, elle, n'était pas mentionnée
spécifiquement dans le Code de procédure civile au niveau des
recours extraordinaires.
Peut-être pour terminer... Les recours extraordinaires dont il
s'agit sont principalement à l'article 33 du Code de procédure
civile, ce qu'on appelle l'action directe en nullité,
c'est-à-dire la procédure par laquelle une décision de la
Commission québécoise des libérations conditionnelles
serait attaquée et on en demanderait la nullité. Les articles 834
et suivants du Code de procédure civile parlent plutôt des recours
en évocation, des recours en mandamus, des recours en quo warranto et en
habeas corpus. Alors, toutes ces procédures-là sont interdites
à l'égard de la Commission pour lui permettre de fonctionner
comme tribunal administratif.
Le Président (M. Gauvin): C'est de l'information, M.
Saint-Laurent. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Sans rentrer dans les détails - est-ce qu'on
peut dire que je comprends bien? - si on n'avait pas cet amendement-ià,
un détenu qui demande une libération conditionnelle
qui lui est refusée par la Commission, pour une raison ou une
autre, pourrait se revirer vers la Cour supérieure et dire: II y a la
loi qui me permet d'avoir ma libération conditionnelle et je demande
à la Cour supérieure de renverser la décision de la
Commission.
Le Président (M. Gauvin): M. Saint-Laurent.
M. Saint-Laurent: Merci. En fait, pas exactement car le
problème est le suivant. C'est que le détenu qui voudrait
s'adresser à la Cour supérieure aujourd'hui, avec la clause qui
existe, pourrait se voir dire par la Cour supérieure: Écoutez, la
clause est très générale, mais vous demandez quelque chose
qui n'est pas couvert parce que la jurisprudence a évolué. Alors,
pour que la loi illustre bien l'état actuel du droit, on a simplement
introduit les nuances prévues par la jurisprudence. Mais ça ne
donne pas plus de recours au détenu parce qu'on vient ajuster le texte,
c'est juste une représentation de l'état actuel du droit.
M. Claveau: Ce que je voulais dire, c'est que, si on n'ajustait
pas le texte, comme vous dites, si on n'avait pas cet amendement-là,
est-ce que cela pourrait permettre au détenu de se revirer de bord et,
en fonction de ladite jurisprudence, de s'adresser à la Cour
supérieure pour essayer de renverser une décision de la
Commission?
M. Saint-Laurent: Ça ne lui donnera pas plus le droit
de...
M. Claveau: Non, mais ça lui enlève cette
possibilité-là. C'est ce que je veux dire.
M. Saint-Laurent: L'article existe déjà, donc on
vient juste le corriger. La position du détenu n'est pas changée
par cet article-là. C'est juste que la situation va être beaucoup
plus claire. Un détenu qui lirait le texte de l'article 18 aujourd'hui
pourrait être porté à croire qu'il est privé de tout
recours vis-à-vis de la Commission québécoise des
libérations conditionnelles, alors que ce n'est pas tout à fait
exact si la Commission commettait une erreur de compétence à son
égard, c'est-à-dire si la Commission décidait d'une
question qui ne la concerne pas. À ce moment-là, l'article 18 tel
que modifié va lui permettre de savoir qu'il peut s'adresser à la
Cour supérieure dans un cas comme celui-là. Alors, ça
vient préciser les recours.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que ça vous
convient?
M. Claveau: Quand on parle de jurisprudence, tantôt vous
avez fait allusion rapidement au Tribunal des professions qui aurait rendu une
décision. Mais est-ce que c'est le seul cas?
Enfin, qu'est-ce qui fait en sorte, dans le fond, qu'entre le printemps
dernier où on avait, je suppose, cogité ce texte-là dans
toute la connaissance du contexte afin de le rendre le plus imperméable
possible... qu'en l'espace de quelques mois on arrive avec un autre amendement
qui n'est plus du tout le texte qu'on avait au départ? Est-ce qu'il y a
eu tellement de décisions, disons, aussi importantes et aussi drastiques
en cours d'été qui ont fait en sorte que la jurisprudence a
permis d'ouvrir un champ tout à fait neuf qu'on ne pouvait pas
soupçonner le printemps dernier?
M. Saint-Laurent: En fait, il y a deux étapes. La
première étape, c'est qu'il y a eu une décision de
principe qui a été rendue par la Cour suprême à ce
sujet-là, qui est l'arrêt Crevier. Mais cette
décision-là date de 1981. Or, c'est vraiment l'arrêt
Crevier qui est à l'origine de l'article 2 du projet de loi 147 qui
vient introduire la notion - sauf sur une question de compétence, comme
je vous l'expliquais -d'exclusion de ces cas-là. Depuis le printemps
dernier, comme vous dites, c'est effectivement la décision du Tribunal
des professions qui, elle, est venue ajouter l'élément relatif
à l'injonction pour amener cette précision-là, parce que,
selon les interprétations, les professeurs de droit administratif vont
vous dire que l'injonction fait partie des recours extraordinaires dont il est
question à l'article 18, alors que certains autres vont vous dire: Non,
ça ne fait pas partie des recours extraordinaires parce que c'est
à un article différent, c'est dans un chapitre différent
du Code de procédure civile.
M. Claveau: Alors, vous venez de dire: L'injonction, c'est
couvert. Ce sera dans n'importe quel chapitre, ça ne nous dérange
pas, nous autres.
M. Saint-Laurent: Exactement, c'est de mettre un terme à
ces discussions un peu stériles pour dire: C'est clairement ça
qui est souhaité et tout le monde saura à quoi s'en tenir.
M. Claveau: Ça ne risque pas d'être contesté
devant la Charte des droits et libertés?
M. Saint-Laurent: Non, pas vraiment. Ça a
déjà fait le test en 1981 et ça ne prive pas de droits les
personnes. Ça encadre l'exercice d'un droit et, dans le fond, ça
favorise une meilleure procédure devant la Commission parce que,
autrement, la Commission serait littéralement paralysée. Elle ne
pourrait pas fonctionner.
M. Claveau: Alors, si c'est pour vous aider, on va être
d'accord.
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Ungava. Donc, l'amendement tel que présenté est
adopté?
Des voix: Adopté.
M. Claveau: Adopté. On ajoute un barreau à la
prison.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article 2, tel
qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Gauvin): Adopté. M. le
député d'Ungava?
M. Claveau: Adopté.
Le Président (M. Gauvin): Adopté.
M. Ryan: M. le Président, il y aurait l'article 2.1. Nous
avons un papillon. Je recommanderais que nous en suspendions l'étude
jusqu'à ce que nous ayons disposé des articles 22.2 et de 22.14.1
plus tard. Comme ça fait référence à ces
articles-là, je pense qu'on est mieux d'en disposer avant d'aborder
celui-ci.
Le Président (M. Gauvin): On m'indique que, s'il n'est pas
présenté tout de suite, c'est comme s'il n'existait pas. Donc,
vous avez donné l'information pour préparer les membres de la
commission a le recevoir éventuellement.
M. Ryan: Exactement, c'est ça.
M. Claveau: On peut le laisser en suspens, c'est ça?
Après, on en rediscutera.
Loi sur les services correctionnels
Le Président (M. Gauvin): La présentation est
reportée à plus tard. J'appelle l'article 3. Le titre de la Loi
sur la probation et sur les établissements de détention est
remplacé par le suivant: "Loi sur les services correctionnels". Ce
serait le nouveau titre. M. le ministre. (18 heures)
M. Ryan: M. le député d'Ungava a fait allusion
à des problèmes que lui poserait cette modification de titre.
Pour nous, ça ne pose pas vraiment de problème parce que
l'expression courante que nous avons au ministère, c'est la Direction
des services correctionnels. Ça embrasse tous les services qui
relèvent de la direction confiée au sous-ministre associé,
M. Carrier. C'est une expression qui définit mieux l'ensemble du paysage
que l'expression "la probation et les établissements de
détention". Parce que là il y a des points dans la probation...
bien on a l'absence temporaire, ça ce n'est pas de la probation, c'est
une autre chose. On a une expression qui est peut-être plus juste avec
les services correctionnels, et c'est très français. Je pense
qu'on est aussi bien d'aller à l'expression qui traduit le plus
directement possible ce qui se fait.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
d'Ungava.
M. Claveau: Bien, écoutez, disons que je ne ferai pas un
duplicata de la guerre du Golfe là-dessus. C'est bien évident, on
s'entend bien que ce n'est pas nécessairement le titre qui fait le
contenu de la loi, bien que le titre souvent reflète l'esprit dans
lequel on a pensé, dans lequel on entend administrer une loi. Moi je
trouve que ce titre-là est presque en contradiction avec les beaux
principes que le ministre nous donnait dans son discours en deuxième
lecture sur le projet de loi, où il nous parlait justement
d'adoucissements, d'humanisation, de faire en sorte que la gestion de la
justice soit plus proche du quotidien des citoyens, et ça serait de
moins en moins répressif, etc. Je disais à ce moment-là
que c'était presque un discours qu'on aurait pu mettre dans la bouche du
président d'Amnistie internationale et c'est sûr que ledit
président en aurait été fier. Et là on arrive avec
une modification du projet de loi alors qu'on a déjà un titre
à cette loi-là qui est un titre qui, finalement, reflète
aussi une certaine sensibilité, enfin un caractère de
compréhension envers le détenu, où on parie d'institutions
carcérales, bon, de probation. Là on dit: services
correctionnels. Poum! Services correctionnels, moi en tout cas, pour avoir
vécu pendant quelques années dans des dictatures militaires
autant en Afrique qu'en Amérique centrale, je vais vous dire que, quand
on parie de services correctionnels, ça s'appelle de la correction. Il y
a comme un aspect humain qui disparaît du titre. Et puis moi ça me
chicote cet aspect-là.
Il me semble qu'on devrait avoir plutôt un titre qui serait moins
du genre tortionnaire, correction, modification. Correction, ça veut
dire changer la courbe, changer la direction des événements ou
changer la façon de penser d'un individu. On le corrige. On le modifie.
On le transforme. On fait en sorte qu'il soit peut-être... Mais ça
a toute une connotation carcérale, pénitentiaire. Je ne sais pas,
moi, je disais en discours de deuxième lecture que ça me fait
penser à Alcatraz ou, je ne sais pas, à ITle du Diable. Là
il y a un aspect pénitentiaire qui est choquant dans "services
correctionnels". Qu'on l'utilise entre gens du milieu, disons, pour se
définir rapidement par des mots très simples ce que ça
veut dire, ou dans leur contexte, dans le quotidien, j'en conviens, tout chacun
peut donner des abréviations ou des surnoms à n'importe quoi dans
le quotidien. Mais, quand on en parle publiquement, moi personnellement, en
tout cas, je préfère un titre comme celui "libération
conditionnelle des détenus, probation et établissements de
détention". Enfin, il me semble que ça correspond plus à
une réalité qui serait celle d'un milieu compatissant, d'un
milieu humain, d'un milieu qui serait plus propice ou plus apte à la
réinsertion sociale du détenu, sans passer par cet aspect qui me
semble négatif, péjoratif, d'ailleurs, de services
correctionnels. Mais, cela étant dit, M. le Président, on n'en
fera pas une guerre à ne plus finir.
M. Ryan: Peut-être qu'on pourrait demander
brièvement à M. Carrier de nous dire un petit peu les
différents programmes dont il est responsable, parce qu'il y a eu un
élargissement considérable ces dernières années.
Quand ça a commencé, il y avait juste deux programmes,
établissements de détention et probation, et aujourd'hui c'est
beaucoup plus varié. L'expression qui est proposée embrasse cette
gamme de services d'une manière peut-être plus réelle.
Peut-être que M. Carrier, avec votre permission, pourrait nous donner
quelques expressions, sur toute la gamme des programmes dont il a la
responsabilité.
Le Président (M. Gauvin): M. Carrier, sous-ministre
associé.
M. Carrier (Normand): M. le Président, effectivement,
quand la première loi a été votée, il y a une
vingtaine d'années, la réalité au Québec, c'est
qu'il y avait deux programmes. Il y avait le programme de la détention
et il y avait le programme de la probation. C'est pourquoi on a appelé
la loi la Loi sur la probation et sur les établissements de
détention. Il y avait à ce moment-là, effectivement,
seulement deux programmes. Depuis ce temps-là, la réalité
québécoise a beaucoup évolué et le nombre de
programmes dont on s'occupe a beaucoup augmenté aussi. Alors, depuis ce
temps-là il y a eu le fonds des personnes Incarcérées qui
s'est ajouté, il y. a eu un programme de travaux communautaires qui
s'est ajouté, il y a eu un programme de travaux compensatoires qui s'est
ajouté, il y a eu la loi des libérations conditionnelles, il y a
eu le programme Alcofrein. Alors, si on prend le même type d'appellation,
il faudrait dire la loi de la probation et des établissements de
détention, des travaux communautaires, des fonds des personnes
incarcérées. Ça serait quasiment illimité. Alors,
c'est pour ça que, ici au Québec, comme dans beaucoup de pays et
dans beaucoup de provinces, on a résumé l'ensemble des services
offerts par les services correctionnels, la Loi sur les services
correctionnels. Mais, dans services correctionnels, il y a deux mots, il y a
"correctionnel", mais il y a la notion de services aussi. La notion de services
signifie qu'on a des programmes. C'est vrai que le mot "correctionnel", la
connotation passée, il y avait un peu de punition et de
répression, c'est vrai. Il y a un peu de détention. Mais il y a
la notion de services aussi. On a cherché d'autres termes, parce que le
fond de la loi, ce qui est préconisé dans la loi c'est surtout la
réinsertion sociale. Vous avez raison de dire que ça peut avoir
une connotation, "correctionnel". On a cherché d'autres termes. Je vous
avoue que, autrement que d'énumérer l'ensemble des programmes, on
avait de la difficulté à trouver quelque chose d'aussi
représentatif et reconnu dans tout le secteur que "services
correctionnels". Et effectivement, depuis cinq ans, on appelle ça les
services correctionnels. Il serait difficile actuellement de changer de...
Le Président (M. Gauvin): Le député
d'Un-gava...
M. Ryan: ...changer le directeur.
M. Carrier: II y a du monde intéressé en masse.
M. Claveau: Tout en comprenant bien ce que le directeur nous
explique, il n'en reste pas moins que, à mon sens, en tout cas dans
beaucoup de lois, lorsque l'on parle de services, on met dans la loi la
catégorie d'individus à qui ces services-là s'adressent,
et non pas la notion de rétablissement... Pourquoi, par exemple, on
n'appellerait pas ça uniquement Loi sur les services aux détenus?
Services aux détenus qui passent par les barreaux de prison,
jusqu'à, si vous voulez... Mais ce sont des services qui sont
donnés à des individus qui vivent une situation
particulière à un moment donné de leur existence. C'est
à eux que s'adressent les services. À ce moment-là, on
devrait trouver un moyen. Si on s'entend que ces gens-là on les appelle
les détenus dans la société québécoise, on
dit: C'est à eux que s'adressent ces services-là, donc c'est la
Loi sur les services aux détenus. C'est juste une hypothèse comme
ça. Remarquez, je n'ai pas passé des nuits blanches à
penser à ça, mais il me semble qu'on sait à quelle
catégorie de gens ça s'adresse. C'est un peu plus conforme,
même, je pense, à l'esprit général de la
dénomination des lois dans l'ensemble des lois refondues du
Québec.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Ryan: Je pense que les explications ont été
fournies et l'expression colle sur la réalité. C'est celle qui
colle le plus sur la réalité, c'est pour ça qu'elle a
déjà une utilisation très large. On n'innove en rien. On
colle sur la réalité et éventuellement il y a
peut-être lieu de trouver une autre expression, mais celle-ci convient le
mieux dans le moment.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Hull.
M. LeSage: M. le Président, je veux signaler à
cette commission que je suis d'accord avec la dernière explication du
ministre. Et si, dans les pays dont faisait mention le député
d'Ungava, d'Amérique centrale, d'Amérique latine et d'Afrique, on
faisait justement de la correction, au lieu de faire simplement de la
détention, probablement que le peuple serait beaucoup plus heureux qu'il
l'est aujourd'hui. Parce que j'ai visité aussi plusieurs de ces pays. On
va les foutre en prison et on les oublie. Alors que nous autres on essaie de
corriger les mauvaises habitudes des délinquants. Et, comme le ministre
l'a dit tantôt, le titre colle à la réalité. Je suis
en parfait accord avec ça.
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Le titre colle à la réalité par
une habitude d'utilisation du terme. Le mot "correctionnel" n'est pas plus
spécifiquement dédié dans le langage ou dans le
dictionnaire français à une catégorie d'individus qui
s'appellent les détenus. Alors, on peut corriger un enfant, on peut
corriger un animal. On peut corriger un devoir aussi, on peut corriger plein de
choses. Mais, à partir du moment où on s'entend pour dire la loi
des services correctionnels, ça s'adresse à une catégorie
d'individus qui sont des détenus et qu'on doit corriger; à ce
moment-là il y a une habitude qui s'établit, c'est vrai, mais une
habitude qui, à mon sens, est beaucoup plus établie par le genre
de comportement qu'on a eu historiquement dans les pénitenciers et dans
les milieux... Ça s'adresse quand même à une
clientèle précise et, dans ce sens-là, il me semble qu'on
devrait plutôt trouver un dénominateur commun, un nom à
cette clientèle-là. Quand on dit, par exemple, loi sur les
assistés sociaux, on ne dit pas: loi sur le contrôle de l'aide
sociale, on dit loi sur les assistés sociaux, parce qu'on s'adresse
à une clientèle précise.
M. Ryan: C'est la Loi sur l'aide sociale.
M. Claveau: Hein?
M. Ryan: C'est la Loi sur l'aide sociale.
M. Claveau: Oui, mais on s'adresse à une clientèle
qui s'appelle les assistés sociaux et le nom correspond très
précisément à la clientèle.
M. Ryan: Non, c'est parce que c'est la Loi sur l'aide
sociale.
M. Claveau: La Loi sur l'aide sociale, oui, mais qui s'adresse
à des assistés sociaux. Oui, peut-être...
M. Ryan: On ne le dit pas dans le titre là, la comparaison
n'est pas bonne.
M. Claveau: ...que je me suis mal exprimé, mais le nom,
l'aide sociale ou assistés sociaux, disons qu'on s'entend facilement sur
le nom, mais les services correctionnels, ça ne s'adresse pas à
des corrigés, ça s'adresse a des gens qui, dans le fond, sont
là pour d'autres raisons que de se faire corriger. C'est ça. Tout
ce que je voulais dire, c'est que ça me semble en tout cas un
élément... Ce n'est pas assez pour voter contre la loi à
partir de ça, on a d'autres choses qui vont nous permettre
éventuellement de discuter plus, de voter contre la loi. Mais je ne
continue pas moins à penser que c'est là un terme qui,
péjorativement, nous oriente vers une ligne de pensée qui est
contraire à ce que le ministre nous exprimait dans son esprit conciliant
et humain dans son discours de deuxième lecture.
Le Président (M. Gauvin): Donc, M. le député
d'Ungava, est-ce qu'on doit retenir qu'avec les explications fournies vous
êtes disposé à adopter l'article 3?
M. Claveau: Oui, on va l'adopter un peu a regret parce que ce
n'est pas assez pour voter contre une loi, mais...
Le Président (M. Gauvin): L'article 3 étant
adopté, j'appelle l'article 4.
Définitions
M. Ryan: L'article 4, M. le Président, est un article de
concordance qui découle de ce que nous venons d'arrêter. Dans le
texte actuel de la loi, en pariant du directeur général, on le
définit comme le directeur général du Service de la
probation et des établissements de détention. Il faudrait dire,
par mode de concordance avec ce que nous venons d'«"-êter, "des
services correctionnels". Un petit peu plus loin, il y a un alinéa qui
définit le mot "Service" comme suit. Le Service de la probation et des
établissements de détention institué par l'article 2. On
laisserait tomber cet alinéa qui devient inutile. Ce sont deux
dispositions de simple concordance.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce qu'avec l'explication
fournie... M. le député d'Ungava.
M. Claveau: À partir du moment où on s'entend pour
changer le titre, il va falloir concorder, hein?
Le Président (M. Gauvin): Donc, l'article 4 est
adopté.
M. Claveau: En supposant que concorder ne s'adresse pas
uniquement au Concorde.
Le Président (M. Gauvin): Non. on...
M. Ryan: Vous savez que le gouvernement est toujours plein
d'esprit de concorde.
M. Claveau: Vous croyez?
M. Ryan: Ici, à cette table, toujours.
M. Claveau: Ha, ha, ha! Le problème, c'est que c'est en
dehors de cette table que se gèrent les lois.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): Est-ce qu'on s'entend pour
adopter l'article 4?
M. Claveau: Adopté.
Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article 5. M. le
ministre.
Administration
M. Ryan: L'article 5 est une disposition de concordance
également, M. le Président. Dans le texte actuel de la loi, on
écrit à l'article 2: "Un service de la probation et des
établissements de détention est institué au
ministère de la Sécurité publique." Nous écririons
plutôt, en vertu de la modification qui est proposée dans le
premier alinéa: "Les services correctionnels sont institués au
ministère de la Sécurité publique." Ensuite, dans le
deuxième alinéa, on a un alinéa qui se lit comme suit
actuellement: "Ce service est formé d'un directeur général
de la probation et des établissements de détention, des agents de
probation" etc. Là on dirait plus simplement: "Ces services
correctionnels sont formés d'un directeur général."
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Ungava, ça vous convient? (18 h 15)
M. Claveau: Oui. On n'est pas obligé de voter pour, je ne
sais pas, sauf que je constate jusqu'à quel point justement le
changement de titre introduit des changements de notions dans l'ensemble de
l'économie de la loi, comme on dit. Là on parle
définitivement de services correctionnels, on ne parie plus de services
aux détenus ou on ne parie pas de... Ça commence à prendre
une connotation de plus en plus du type corsé, correctionnel,
musclé, à mesure qu'on s'en va et ça va nous amener
d'ailleurs, avec le temps, à un élargissement du cadre de
l'accessibilité au trou.
M. Ryan: M. le Président... Le Président (M.
Gauvin): Oui.
M. Ryan: II y a peut-être un malentendu qui risque de se
glisser. Là, nous remplaçons l'expression "directeur
général de la probation et des établissements de
détention" par l'expression "directeur général des
services correctionnels..." Après ça, il y aura une virgule et
ça continue: ...d'un directeur général, ensuite des agents
de probation, des administrateurs, tout ça reste.
M. Claveau: Oui.
M. Ryan: Tout le reste du personnel demeure. Il n'y a pas plus de
connotation péjorative dans l'expression "directeur
général" tout court.
M. Claveau: C'est ça.
M. Ryan: II y a peut-être un malentendu dans la
manière dont je l'ai expliqué. Je sais que ça ne pouvait
pas venir de vous.
M. Claveau: Comment dites-vous? Pardon?
M. Ryan: II y a peut-être eu un malentendu provenant du
mode d'explication. Ça ne pouvait pas venir de votre côté
de la table...
M. Claveau: Ah définitivement. M. Ryan: ...le
malentendu.
M. Claveau: Vous avez tout à fait raison de le
souligner.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): Donc, avec toutes ces
reconnaissances faites sur l'explication donnée, est-ce que vous
êtes disposés à adopter l'article 5?
M. Claveau: Adopté.
Le Président (M. Gauvin): Adopté. J'appelle
l'article 6 et j'ai cru comprendre, M. le ministre, que vous aviez l'intention
de déposer un amendement à l'article 6.
M. Ryan: On pariait seulement de la deuxième ligne dans le
texte du projet de loi et il faut parier des première et deuxième
lignes.
Le Président (M. Gauvin): Donc...
M. Ryan: C'est juste une question de technicality
Le Président (M. Gauvin): Oui. Donc l'amendement vient, si
je comprends bien, M. le ministre, remplacer, dans la deuxième ligne,
les mots "la deuxième ligne" par les mots "la première et la
deuxième ligne".
M. Ryan: Non, "les première et deuxième
lignes. "
Le Président (M. Gauvin): Excusez. Je...
M. Ryan: "... les première et deuxième lignes...
"
Le Président (M. Gauvin): "... les première et
deuxième lignes... "
M. Ryan: Première et deuxième au singulier.
Le Président (M. Gauvin): Vous avez raison de me le
rappeler.
M. Claveau: J'imagine que c'est une faute de frappe dans le texte
du projet de loi original, quoi.
M. Ryan: Question de technicalité législative. Ils
veulent qu'on prenne les deux ensemble.
M. Claveau: Bien évidemment, si...
M. Ryan: On nous a fait cette remarque au bureau de
législation.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'amendement à
l'article 6 est adopté?
M. Ryan: Adopté.
Le Président (M. Gauvin): L'amendement étant
adopté, j'appelle l'article 6 tel qu'amendé.
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Gauvin): Adopté?
M. Claveau: Adopté.
Le Président (M. Gauvin): Adopté.
M. Claveau: On concorde.
Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article 7, M. le
ministre. L'article 9...
M. Ryan: À l'article 7, on supprime tout simplement deux
mots dans le texte actuel qui n'ont pas vraiment un caractère
nécessaire, ce sont les mots "du service". Le texte modifié se
lit comme suit: "Les tribunaux sont assistés dans l'exercice de leur
pouvoir en matière de liberté surveillée et de travaux
communautaires par des fonctionnaires désignés sous le titre
d'agent de probation. " C'est beaucoup mieux.
M. Claveau: J'imagine que ce n'est pas des fonctionnaires d'un
autre service, ce n'est pas le ministère des Transports qui
décide ça, là. O. K.
Le Président (M. Gauvin): L'article 7 est-il
adopté?
M. Claveau: Ça va.
Le Président (M. Gauvin): Adopté. J'appelle
l'article 8. M. le ministre.
M. Claveau: Mais...
Le Président (M. Gauvin): Oui.
M. Claveau: Juste une question à l'article 7; en enlevant
ça, ça pourrait-il vouloir dire qu'on pourrait aller chercher des
fonctionnaires ailleurs pour faire la job, non?
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. M. Ryan:
Pas du tout... M. Claveau: Non?
M. Ryan: Pas du tout. C'est parce qu'on a défini plus
tôt que ces fonctionnaires-là se rattachent aux services
correctionnels sous la direction du directeur général.
Le Président (M. Gauvin): Donc, on est toujours...
M. Claveau: Ça va.
Le Président (M. Gauvin):... à l'article 8. M le
ministre.
M. Ryan: À l'article 8, nous proposons l'abrogation de
l'article 11 du texte actuel de la loi en vertu duquel un agent de probation
doit prêter, en outre des serments d'allégeance et d'office
prévus par l'article 106 de la Loi sur la fonction publique, celui qui
est prévu à l'annexe B de ladite loi. On dit que ces
dispositions-là ont été remplacées à toutes
fins utiles par des dispositions correspondantes de la Loi sur la fonction
publique de manière qu'il n'est pas nécessaire de prévoir
une prestation de serment spécifique pour l'agent de probation; il le
fait comme fonctionnaire.
M. Claveau: Mais en fait...
M. Ryan: Justement on n'entend pas lui donner le mandat
assermenté de correction et de châtiment, on en fait un
fonctionnaire comme les autres...
M. Claveau: Sauf qu'il a éventuellement à traiter
des dossiers qui sont...
M. Ryan:... pour fins d'allégeance. Pardon?
M. Claveau:... assez compliqués et qui demandent
peut-être plus de discrétion que dans
bien d'autres cas, finalement, j'imagine.
M. Ryan: Je pense que l'article 106... L'article correspondant de
la Loi sur la fonction publique, est-ce qu'on l'a ici? On peut regarder
ça. Oui, peut-être que M. Saint-Laurent pourrait donner une
explication sur le "rationale" qui est derrière ceci.
Le Président (M. Gauvin): M. Saint-Laurent.
M. Saint-Laurent: Merci. En fait, depuis que l'article 11 existe,
la Loi sur la fonction publique a été modifiée à
quelques reprises et une des modifications qui a été
apportée à la Loi sur la fonction publique, ça a
été de remplacer les serments d'allégeance auxquels il est
fait référence, actuellement, dans l'article 11 par des
règles professionnelles d'éthique et de confidentialité
qui ne requièrent plus que le fonctionnaire prête un serment.
Dès qu'il est titularisé dans une fonction à
l'intérieur de la fonction publique, il est soumis au respect des
règles d'éthique qui sont prévues par la Loi sur la
fonction publique: par exemple, sur la confidentialité, sur le devoir
d'éviter les conflits d'intérêts, la probation, etc. C'est
même plus large que le serment d'allégeance qui existait
autrefois. Alors, dans le fond, c'est une concordance que nous faisons
actuellement de faire disparaître l'article 11 qui n'avait plus d'objet,
parce que les serments auxquels on faisait référence à
l'article 106 n'existent plus.
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Ça veut dire qu'il n'y a plus personne dans la
fonction publique qui prête serment, à part des juges
peut-être. Je ne sais pas. A-t-on regardé ça?
Une voix: II y a les ministres.
M. Saint-Laurent: II y a, effectivement, des prestations...
M. Ryan: ...ne fait pas confiance.
M. Claveau: Non, mais qui prête serment encore?
M. Saint-Laurent: II faut vérifier dans chaque loi. Il y a
des lois ponctuelles, principalement dans des lois où il s'agit
d'exercer des fonctions quasi judiciaires où on prévoit des
prestations de serment. Par exemple, on l'a vu dans le cas du commissaire
à la déontologie policière, où il y a une
prestation de serment spécifique. Mais un fonctionnaire qui n'occupe pas
une fonction pour laquelle le serment est obligatoire est soumis à la
règle générale de la déontologie et de la
discipline de la Loi sur la fonction publique.
M. Claveau: D'accord. Est-ce que les agents de probation se sont
plaints de ça, d'avoir à prêter serment? Est-ce que ce
n'est pas plutôt une espèce de...
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Ryan: Regardez, c'est parce que c'est une disposition qui
était devenue anachronique. Comme la fonction publique a
été réorganisée, que l'intégration se fait
suivant les dispositions qui sont dans la Loi sur la fonction publique, ce
n'est plus comme ça qu'on fait les choses.
M. Claveau: C'est du droit nouveau.
M. Ryan: Ça aurait été traiter les
fonctionnaires des services correctionnels de manière trop distincte que
de garder cette imposition-là quand elle n'existe plus pour l'ensemble
de la fonction publique.
M. Claveau: L'agent de probation, lui, est-ce qu'il a
accès aux dossiers confidentiels? Enfin, est-ce qu'il a, à
l'occasion, des décisions à prendre d'une façon quasi
judiciaire ou s'il doit toujours passer par quelqu'un d'autre, un juge, un
commissaire?
M. Ryan: M. le Président, pourrions-nous demander à
M. Carrier de répondre à cette question?
Le Président (M. Gauvin): M. Carrier, M. le
sous-ministre.
M. Carrier: Effectivement, l'agent de probation, dans ses
fonctions d'éclairage aux tribunaux, puisqu'on fait, au Québec,
à peu près 5000 rapports présentenciels par année,
a accès à de l'information confidentielle, notamment, qu'il va
chercher au cours d'entrevues ou même de rapports psychologiques ou de
rapports de médecins. Il a, effectivement, accès à des
données confidentielles.
M. Claveau: Mais il n'a pas à prendre des décisions
lui-même sur ces données-là.
M. Carrier: II a à prendre une décision
professionnelle quant à la recommandation qu'il va faire au juge ou il a
à prendre une décision professionnelle quant à
l'intervention qu'il peut faire auprès de l'individu qui est en
libération conditionnelle ou en probation, ou qui fait l'objet de
programmes de travaux communautaires.
M. Claveau: Et lorsqu'on nous dit...
M. Carrier: Effectivement, il n'a pas à prendre de
décision à caractère judiciaire.
M. Claveau: Ce n'est pas comme le commissaire aux
libérations conditionnelles qui, lui, a des décisions à
prendre.
M. Carrier: Non, c'est exact.
M. Claveau: Sa décision est irrévocable. Est-ce
qu'il est assermenté, celui-là?
Mme Collette: Ce n'est pas prévu dans notre loi...
M. Claveau: Ce n'est pas prévu.
Mme Collette: ...mais c'est fait par politique interne.
M. Claveau: Vous allez au-devant des exigences de la loi.
Mme Collette: C'est ça. Le serment de
discrétion.
M. Claveau: Trop fort casse pas, comme on dit.
Mme Collette: Pardon?
M. Claveau: Trop fort casse pas.
Une voix: C'est un exemple.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article 8 est
adopté?
M. Claveau: Adopté.
Le Président (M. Gauvin): Adopté. J'appelle
l'article 9. M. le ministre.
M. Ryan: L'article 9 est une disposition de concordance. À
la deuxième ligne de l'article 16, actuellement, il y a les mots "du
service". C'est la même chose que nous avons vue, tantôt: "par un
fonctionnaire du service sous l'autorité du directeur
général". On dirait: "un fonctionnaire sous l'autorité du
directeur général." On enlève deux mots qui sont là
pour rien.
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Juste une petite seconde. Encore là, il
s'agît essentiellement de concordance. C'est ça?
M. Ryan: Oui, essentiellement, ici.
M. Claveau: Ah là, on a encore la redondance.
M. Ryan: Même, c'est plutôt du nettoyage que de la
concordance ici, oui.
M. Claveau: C'est de l'époussetage, oui. M. Ryan:
Oui, l'époussetage.
M. Claveau: Oui, on enlève... C'est exactement ce qu'on
avait dans l'autre article avant? Le service, à l'article 7. C'est
exactement la même chose.
Le Président (M. Gauvin): L'article 9 est
adopté.
M. Claveau: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Adopté J'appelle
l'article 10, M. le ministre.
Fonds au bénéfice des personnes
incarcérées
M. Ryan: L'article 10 consisterait à apporter une
modification à un article qui traite d'un fonds pour financer des
activités des détenus Ces fonds-là existent dans chaque
établissement de détention au bénéfice des
personnes incarcérées. Ils sont administrés avec la
participation de celles-ci. Là, on dit que, parmi les membres du conseil
d'administration, il y en a sept en tout: l'administrateur de
l'établissement et six autres membres qu'il nomme lui-même.
Ensuite, deux membres sont choisis parmi les personnes
incarcérées dans l'établissement, sur la proposition de
ces personnes. Là, la modification consiste à dire: Après
consultation de ces personnes, plutôt que sur la proposition de ces
personnes.
Je pense que nous nous rendons tous compte que, dans un
établissement de détention, ce n'est pas toujours facile ni
désirable de tenir des assemblées pour faire des
élections. Il y a une grosse variation dans la clientèle de ces
établissements-là. Les clients ne se connaissent pas
nécessairement »r*G bien les uns et les autres. Puis obliger
à tenir un quasi-scrutin comme on l'a défini dans la loi
actuelle, c'est une pratique qui est excessivement artificielle, surtout dans
le cas des détenus. Il y en a beaucoup dans nos prisons provinciales qui
sont là pour des séjours courts. La moyenne, c'est quatre
à cinq mois, je pense.
M. Claveau: ...soit un cas lourd pour que ça devienne un
représentant efficace pour un certain nombre...
M. Ryan: Oui, c'est ça, qu'il ait déjà des
habitudes acquises, qu'il connaisse tous les recoins puis tout. Ce ne sera pas
nécessairement...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: C'est pour ça que nous estimons que la
procédure qui consiste à choisir après
consultation, suivant des modalités qui pourront faire l'objet de
directives de la Direction des services, mais qui pourront également
varier d'un établissement à l'autre... C'est évident qu'un
établissement comme Tanguay, qui a à peu près une
quarantaine de pensionnaires, je pense - 150 - ça ne peut pas être
dirigé comme rétablissement de Bordeaux ou l'établissement
d'Orsainville, qui en ont des centaines. Alors, je trouve que c'est bien
raisonnable et m'a proposé cette modification et je l'ai trouvée
fort judicieuse.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que c'est la même
chose pour le député d'Ungava?
M. Claveau: J'ai quelques commentaires à faire
là-dessus, M. le Président, parce que, là, il y a un
aspect restrictif qui est ajouté à la gestion actuelle de la loi.
Ça va dans le sens de la diminution des marges de manoeuvre, finalement,
de ce qu'on laisse aux détenus entre eux, parce que, jusqu'à
maintenant, ils peuvent faire les propositions pour leurs représentants,
quelle que soit la longévité de ces représentants dans le
milieu. Maintenant, on parle de consultation. Donc, on leur enlève des
marges de manoeuvre. Et j'aimerais bien comprendre le pourquoi de ça.
Est-ce qu'on a vraiment vécu des problèmes liés à
ça? D'abord, il ne s'agit pas de la gestion générale des
pénitenciers ou des institutions carcérales ni de la gestion du
ministère. Il s'agit d'un fonds. Je présume qu'il ne doit quand
même pas être énorme. On ne parle pas de sommes immenses,
j'ai bien l'impression. Et j'aimerais savoir pourquoi... Remarquez que je n'ai
jamais eu l'occasion de séjourner dans ce milieu-là, mais
j'imagine, comme on voit souvent dans les films, qu'il doit se faire un peu des
alliances, des petites gangs. Et, puis, est-ce que, à ce
moment-là, on élimine les chefs de gang en empêchant que ce
soit une proposition formelle? Est-ce qu'il y a vraiment des raisons...
M. Ryan: À supposer - faisons une hypothèse - qu'il
y aurait un petit réseau de drogue et que le chef de ce
réseau-là réussirait à se faire proposer pour
administrer le fonds d'aide aux détenus, ça peut être
joliment embêtant. Il peut arriver qu'il réussisse à
s'imposer par des moyens subtils ou...
M. Claveau: Moi, ça m'a toujours épaté cet
aspect-là. Si on n'est pas capable de contrôler les réseaux
de drogue à l'intérieur des prisons, imaginez-vous comment on va
les contrôler à l'extérieur.
M. Ryan: Oui, bien là j'ai des nouvelles pour vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: II n'y a pas beaucoup d'établissements de
détention à travers tout le Canada qui peuvent se vanter d'avoir
réussi à établir un contrôle parfait
là-dessus.
M. Claveau: C'est bien clair.
M. Ryan: Moi-même j'ai eu l'occasion, il y a quelques mois,
avec M. le sous-ministre associé, d'aller inspecter une situation
à Bordeaux qui était dénoncée par les voisins de
l'établissement. On n'aurait jamais pensé que ça pouvait
se passer comme ça, mais c'était ça. Et pourtant on a le
personnel et on a tout, mais il y en a qui sont infiniment sagaces pour trouver
toutes sortes de moyens de passer en dessous des ouvertures de portes, par les
trous de serrures.
M. Claveau: Moi, j'ai toujours, dans ces cas-là, l'image
dans la tête de la lime dans la miche de pain qu'on voit dans les
frères Dalton. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: C'est pour ça qu'il ne faut pas... Il faut
demeurer réalistes aussi. Je veux signaler que la Direction des services
correctionnels du ministère fonctionne dans un esprit très
humanitaire. J'ai constaté ça, moi, dès la journée
où j'ai pris contact avec la Direction. J'ai été
étonné de voir comment elle était restée assez
fidèle aux orientations de bonnes pratiques sociales que j'avais connues
quand j'étais beaucoup plus jeune. Et je me disais: Là aussi
ça doit être devenu un petit peu plus conservateur parce que toute
la société s'est "conservatisée" depuis quelques
années en Amérique du Nord. Eux autres sont restés une
oasis d'ouverture de ce côté-là et c'est bon. Moi, je ne
peux pas attester que tous les établissements fonctionnent
nécessairement dans le même esprit. Je pense que la Direction
générale est empreinte d'une saine préoccupation
d'humanité.
Le Président (M. Gauvin): Étant donné
l'heure, est-ce qu'on peut...
M. Claveau: On peut suspendre là-dessus si vous permettez
pour, entre autres... Le directeur des services correctionnels avait
manifesté un peu l'intérêt de nous parler des situations
qu'ils peuvent vivre dans la gestion de ces fonds-là. Par contre, si
vous me donnez le consentement, M. le Président, j'aimerais
déposer tout de suite un amendement que nous aimerions faire à
l'article 16 concernant les absences temporaires et qui permettrait au ministre
et à son personnel d'en prendre connaissance et de pouvoir
peut-être en discuter plus allègrement au moment où nous y
arriverons, je suppose, dans la journée de demain.
Le Président (M. Gauvin): Étant donné qu'on
n'est pas rendu à l'article 16, ça peut être
déposé comme document...
M. Claveau: C'est un peu...
Le Président (M. Gauvin): ...pour permettre au ministre
d'en prendre connaissance. M. le ministre, vous allez en prendre
connaissance?
M. Claveau: De la même façon que le ministre nous a
déposé tout à l'heure ses amendements. D'ailleurs,
à l'article 16 aussi, il semble avoir quelque chose, 16.1.
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Ungava, le ministre semble d'accord. Donc, vous déposez votre document
au secrétariat.
M. Claveau: C'est fait, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Comme je vous le mentionnais, le
mandat de la commission avait été prévu jusqu'à 18
h 30. Donc, la commission ajourne ses travaux et va les reprendre à 9 h
30, demain matin, le 24, pour se terminer à 12 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 34)
(Reprise à 20 h 17)
Consultation générale sur la
protection
de la vie privée eu égard aux
renseignements
personnels détenus dans le secteur
privé
Le Président (M. Gauvin): Attention. Je déclare
ouverte la séance de la commission des institutions. Le mandat de la
commission pour cette séance est de procéder à une
consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la
protection de la vie privée eu égard aux renseignements
personnels détenus dans le secteur privé.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin
(Verdun) remplace M. Benoit (Orford).
Le Président (M. Gauvin): Merci. À la séance
d'aujourd'hui, le temps va être réparti comme suit: à 20
heures, c'est-à-dire à 20 heures et quelques minutes, nous
entendons les représentants de la Chambre des notaires du Québec
pour une heure, jusqu'à 21 h 15 ou à peu près; suivront le
Bureau d'assurance du Canada, le Groupement des assureurs automobiles et le
Service anti-crime des assureurs. La commission devrait ajourner à 22 h
15 ou à peu près. Est-ce qu'on présume que cet ordre du
jour est accepté?
Une voix: Adopté, M. le Président.
Chambre des notaires du Québec
Le Président (M. Gauvin): Nous accueillons les
représentants de la Chambre des notaires du Québec,
représentée par M. Karim Benyekhlef, professeur. Est-ce que vous
êtes ici? Voulez-vous vous présenter, s'il vous plaît, avec
les gens qui vous accompagnent?
M. Légaré (Michel): Je vais vous faire la
présentation.
Le Président (M. Gauvin): Vous allez faire la
présentation. Voulez-vous vous présenter vous-même, s'il
vous plaît?
M. Légaré: Je suis Michel Légaré, je
suis notaire et membre du conseil d'administration de la Chambre des notaires
du Québec, membre aussi du Comité de législation de la
Chambre des notaires. J'ai, à ma gauche, Me Sylvie Bert hold, qui est
juriste à la Direction des services professionnels de la Chambre des
notaires, et, à ma droite, le professeur Karim Benyekhlef, qui est
professeur et attaché au Centre de recherche en droit public de
l'Université de Montréal.
Le Président (M. Gauvin): Donc, je vous invite à
faire votre présentation. Il y a 20 minutes qui vous sont
allouées pour la présentation, et deux blocs de 20 minutes pour
M. le ministre des Communications et les membres du côté
ministériel, et 20 minutes du côté de l'Opposition. Donc,
on vous invite à commencer votre présentation.
M. Légaré: Merci, M. le Président. La
présentation va être faite par le Dr Benyekhlef.
Le Président (M. Gsuvin): M. le docteur.
M. Benyekhlef (Karim): La Loi sur l'accès aux documents
des organismes publics et sur fa protection des renseignements personnels
constitue, certes, un instrument fondamental dans l'économie
générale du droit de l'information. Pourtant, l'oeuvre reste
inachevée. En effet, comme chacun le sait, cette loi ne couvre que le
secteur public. L'exclusion du secteur privé de l'emprise de la loi fait
de cette dernière un instrument incomplet. Cette situation nous semble
préoccupante. Nous exposerons, dans un premier temps, les facteurs
justifiant l'extension de la protection informationnelle au secteur
privé et, dans un deuxième temps, très sommairement, nous
aborderons les propositions mises de l'avant par le rapport Legend re et le
projet de loi 125.
Quant aux facteurs justificatifs, la Chambre des notaires estime qu'une
intervention législative visant à protéger les
renseignements personnels détenus par le secteur privé
s'avère néces-
saire. Deux facteurs justifient cette intervention. D'une part, il est
clair que le public est préoccupé par le thème de la
protection de la vie privée et, d'autre part, des facteurs de nature
économique commandent une intervention législative.
Quant à la perception du public, il nous semble que rien,
logiquement, ne justifie l'exclusion du secteur privé du champ
d'application de la loi sur l'accès. En effet, nous savons tous que le
secteur privé détient une masse importante d'informations
concernant les citoyens consommateurs. Il est vrai que l'adoption de cette loi
s'inscrit dans cette méfiance intrinsèque de l'État, si
commune en Amérique du Nord. L'État, dans la philosophie
juridique libérale, a toujours représenté une menace pour
les libertés. Toutefois, il s'agit là d'une conception à
courte vue, pour ne pas dire passéiste. Dans une économie de
marché comme la nôtre, il est clair que l'État ne constitue
plus la seule menace aux libertés. À cet égard, la vie
privée informationnelle ne saurait être compartimentée.
Protéger uniquement les renseignements personnels détenus
par le secteur public, c'est ne protéger qu'une partie de la vie
privée informationnelle. Nous sommes donc dans une situation où,
pour le secteur privé, un réseau d'informations personnelles
échappe à tout contrôle normatif. Or, les entreprises
utilisent ces informations pour prendre des décisions qui ont souvent
une incidence sérieuse sur la vie des individus. Pour un individu, un
atteinte à sa vie privée informationnelle n'est pas moins
dommageable si elle est commise par le secteur privé que si elle est
commise par l'État. Un tel individu, d'ailleurs, estimerait que cette
distinction entre les secteurs public et privé est
particulièrement spécieuse.
La vie du citoyen en tant que consommateur de biens et de services est
en grande partie tributaire d'informations détenues par les entreprises.
Le Québec s'est doté dès 1971 d'une loi protégeant
le consommateur dans ses relations avec les commerçants. Pourtant, il
n'existe encore aucun Instrument propre à régir ce
matériau essentiel dans les relations contractuelles que constitue
l'information à caractère nominatif. Il nous semble que le temps
est venu d'agir.
Deuxième facteur justificatif, les nécessités
économiques. Nous savons tous que le marché de l'information est
en pleine expansion. Nous sommes dans une ère postindustrielle dans
laquelle l'information, au sens large du terme, joue un rôle clé.
L'information est, à cet égard, un support essentiel à la
décision. L'importance économique de l'information est intimement
liée, à cet égard, au développement des sciences
informatiques et des télécommunications. L'informatique, en
facilitant notamment la gestion de l'information, lui octroie une valeur
inestimable. Les données à caractère personnel participent
à ce marché de l'information.
Au surplus, l'information ne connaît pas de frontières
géographiques. Le législateur québécois, nous
semble-t-il, se doit donc de prendre en compte la situation internationale
lorsqu'il traite de la protection des renseignements personnels. En effet, une
étude des lois européennes de protection des données
nominatives nous fait remarquer la nécessité de protéger
les renseignements personnels détenus par le secteur privé. La
plupart des lois européennes contiennent toutes des dispositions
concernant la circulation internationale des données personnelles. Les
législateurs européens ont en effet très rapidement
constaté le caractère fluide de l'information. Cette
fluidité bat en brèche la notion de frontières
géographiques.
Ces mêmes législateurs, conscients du caractère
dorénavant immatériel de leurs frontières en ce qui
concerne la circulation de l'information, ont donc assorti leurs lois de
dispositions susceptibles d'obvier à ce nouveau type de problème.
En effet, l'essence même de ces législations, à savoir la
protection des données nominatives, risque de devenir lettre morte s'il
est possible d'exporter les renseignements personnels vers un pays
dépourvu de toute législation ou un pays dont les prescriptions
législatives en la matière sont plus laxistes. La loi nationale
soumet dès lors l'exportation de données à certains
contrôles préalables, afin d'éviter que son dispositif ne
soit tourné en dérision.
Une étude de ces législations nous permet de noter que
l'imposition d'un contrôle à l'exportation s'estompe dès
que l'État importateur, celui, donc, qui reçoit, respecte
l'essence des dispositions législatives nationales de l'État
exportateur. On parle alors du principe de l'équivalence. Ainsi, un pays
comme la France, la Grande-Bretage ou l'Allemagne peut s'opposer
légitimement à l'exportation de données personnelles vers
le Québec, puisque ce dernier n'assure pas une protection
équivalente à celle ayant cours dans le pays exportateur. Le
principe de l'équivalence n'est d'ailleurs pas un concept purement
national. En effet, on le retrouve à l'article 12 de la Convention pour
la protection des personnes à l'égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel,
adoptée par le Conseil de l'Europe, et on le retrouve également
à l'article 24 de la Proposition de directive du Conseil relative
à la protection des personnes à l'égard du traitement des
données à caractère personnel, proposition de la
Commission des communautés européennes. Si cette directive est
adoptée, elle obligera tous les États membres de la
Communauté à incorporer en droit interne les principes qu'elle
énonce, donc, par conséquent, le principe de
l'équivalence. Le Québec pourrait donc se trouver exclu du
marché européen de l'information. Ainsi, une entreprise
québécoise établie, par exemple, en Grande-Bretagne
pourrait
se voir interdire d'exporter des données concernant son personnel
vers sa maison mère située à Montréal.
Certains prétendent que l'élaboration de codes de conduite
par les entreprises du secteur privé pourrait satisfaire au principe de
l'équivalence; rien n'est moins sûr. Le mot "équivalence"
doit avoir un sens. Or, même si un code de conduite reprend l'essentiel
des principes fondamentaux en matière de gestion d'informations
personnelles qu'on retrouve dans le projet de directive, par exemple, cela n'en
fait pas, de ce code de conduite, un instrument assurant une protection
équivalente. En effet, qu'en est-il, par exemple, de la sanction des
droits? Comment assurer la sanction d'un texte autoréglementaire? Qu'en
est-il des contrôles exercés par les autorités de
protection des données sur les systèmes d'information mis en
place par l'entreprise? Qu'en est-il également de l'exercice
international des droits? Comment en effet assurer, par un texte
autoréglementaire, l'exercice des droits d'un citoyen français
désirant consulter son dossier localisé au Québec? Ces
questions font déjà l'objet d'une réglementation dans le
projet de directive, mais également dans la Convention européenne
qui fait partie du droit positif. Un texte autoréglementaire ne peut pas
répondre à ces difficultés.
De plus, l'autoréglementation, en droit européen, est une
voie d'appoint qui ne saurait remplacer la voie législative. Autrement
dit, on accueille avec bonheur l'élaboration de codes de conduite, mais
on est également conscients, en Europe, du fait qu'ils ne peuvent,
à eux seuls, assurer une protection efficiente de la vie privée
informationnelle. À cet égard, même l'OCDE, qui
préconisait, dans les Lignes directrices régissant la protection
de la vie privée et les flux transfrontières de données
à caractère personnel, document qui a été
adopté en 1980, l'OCDE, donc, qui préconisait un recours à
l'autoréglementation comme voie alternative à la solution
législative, reconnaît aujourd'hui l'insuffisance de cette
avenue.
Dans un rapport faisant le tour de la question et daté de 1988,
l'OCDE précise que l'autoréglementation ne peut constituer une
voie de solution exclusive. Il faut qu'elle s'accompagne d'une
législation. Il semble donc qu'on ne puisse se contenter de la simple
voie autoréglementaire. Ces craintes d'exclusion économique qui
s'ensuivent sont réelles. L'exemple britannique est, par ailleurs,
frappant. Lors de l'adoption des Lignes directrices de l'OCDE et de la
Convention européenne, ce pays n'était pas pourvu d'une
législation relative à la protection des données
personnelles. Or, la perspective de se voir imposer des restrictions
informationnelles par d'autres pays a profondément
inquiété la Grande-Bretagne et l'a poussée à
légiférer sur le sujet. Ainsi, la crainte de se voir exclue d'une
zone européenne de libre circulation de l'information a incité la
Grande-Bretagne à agir et à adopter une législation
s'appliquant aussi bien au secteur public qu'au secteur privé. Cet
exemple est frappant. Il nous semble, a la lumière de la situation
juridique internationale, qu'il ne peut être question de laisser le
secteur privé complètement libre de ses actions en matière
informationnelle.
Nous pouvons passer maintenant à l'analyse sommaire des
propositions du rapport Legendre et du projet de loi 125. Passons directement
au projet de loi 125. Les articles 35 à 41 de ce projet de loi traitent
de la question de la vie privée. Ce chapitre troisième appelle
deux séries de commentaires. Tout d'abord, en ce qui concerne les
articles 37 à 41, ces articles nous semblent faire double emploi
advenant le cas où une loi de protection des renseignements personnels
détenus par le secteur privé serait adoptée. En effet, ces
dispositions ne serviraient alors aucun objet réel. L'individu
fiché aurait plutôt tendance à recourir aux règles
spécifiques de protection énoncées dans la loi
plutôt qu'à un corpus incomplet de règles qu'on retrouve
à ces articles. De plus, l'article 41 précise que c'est aux
tribunaux judiciaires d'intervenir en cas de litige. Un individu fiché
préférera-t-il s'adresser aux tribunaux, avec tout ce que cela
comporte au plan des coûts et du temps, ou plutôt à un
organisme administratif souple pour assurer la sanction de ses droits? La
réponse nous semble aisée.
Par ailleurs, si une loi n'est pas adoptée, ces dispositions
apparaissent nettement insuffisantes. Elles ne reprennent qu'en partie les
principes fondamentaux en matière de gestion d'informations
personnelles. Elles omettent de traiter de nombreux principes sans lesquels
l'individu ne peut, effectivement, s'assurer de la protection de sa vie
privée informationnelle. Qu'en est-il, par exemple, du principe de la
spécification des finalités? Ces dispositions qu'on retrouve,
donc, au Code civil ne sauraient, par conséquent, répondre au
principe de l'équivalence que l'on retrouve dans les lois
européennes et les documents internationaux, et dont nous faisions
état tout à l'heure. La protection parcellaire accordée
par ces articles ne peut sérieusement équivaloir à la
protection mise de l'avant dans les textes législatifs et conventionnels
européens. Ces dispositions, d'ailleurs, n'incorporent même pas en
leur sein ces normes minimales consacrées dans les lignes directrices de
l'OCDE.
D'autre part, des règles de cette nature n'ont pas
véritablement leur place dans le Code civil. Le comité
interministériel auteur du rapport Legendre estimait, d'ailleurs, qu'il
fallait éviter d'édicter au Code civil l'ensemble des
règles afférentes à la gestion de l'information
personnelle. S'il s'avère perfectible et contraire à l'esprit du
Code civil d'y inscrire des règles détaillées de gestion
de l'information personnelle.
il est tout aussi perfectible et inadéquat de n'y inscrire que
quelques règles.
Une deuxième série de remarques concernant le projet de
loi 125, c'est des remarques concernant l'article 36 du projet de loi. On
remarque ainsi que l'article 36 énonce une série d'actes
attentatoires au droit à la vie privée. Cette enumeration nous
semble inutile, voire dangereuse. En effet, il s'agit, ni plus ni moins, d'une
tentative de définir le droit à la vie privée.
Définir, c'est restreindre. Or, la liberté publique, dont le
droit à la vie privée peut, à juste titre, se
réclamer, ne saurait, au risque de devenir un instrument
sclérosé dépourvu de toute efficience, faire l'objet d'un
exercice définition-nel qui en restreindrait la portée pour
l'avenir.
Les préoccupations qu'entretiennent les commentateurs au moment
de la proposition d'une définition ne peuvent rendre compte des
évolutions techniques et sociales qu'imprime à la
société le passage du temps. Cet exercice de type
définitionnel risque donc de devenir, au fil du temps, obsolète
et, par conséquent, de restreindre le juste développement du
droit à la vie privée. Il faut laisser, nous semble-t-il, aux
tribunaux le soin de développer un corpus de règles propres
à assurer un développement harmonieux et évolutif du droit
à la vie privée. Évitons de dessiner les pourtours de ce
droit à la vie privée, ainsi qu'on le fait à l'article 36.
D'ailleurs, l'essence du Code civil n'est-il pas de poser un principe et de
laisser à la jurisprudence le soin de le développer et de
l'encadrer? L'article 36 de ce projet de loi ne répond pas à
cette préoccupation primordiale. (20 h 30)
Quant au rapport Legendre, la Chambre des notaires considère,
sous quelques réserves dont nous faisons état dans notre
mémoire, que les mécanismes de protection proposés sont
adéquats. Ainsi, le rapport Legendre propose le retour à
l'autoréglementation, mais l'autoréglementation est ici
envisagée comme instrument d'appoint. En d'autres termes, les normes
autoréglementaires sont appelées à compléter les
normes législatives. L'élaboration, par certains secteurs
d'activité, de normes autoréglementaires a l'avantage de
préciser les modalités de gestion de l'information personnelle,
tout en tenant compte des spécificités de ces secteurs
d'activité. On doit, dès lors, tenir compte des contingences des
pratiques quotidiennes des différents secteurs d'activité afin de
mieux rendre compte de l'essence des principes fondamentaux en matière
de gestion de l'information personnelle.
Cette proposition du rapport Legendre est liée à une autre
proposition relative à la sectorisation des règles de gestion de
l'information. Le rapport Legendre propose la mise sur pied de tables
sectorielles chargées notamment de rechercher des consensus pour
l'autoréglementation des secteurs. Ces deux types de propositions
feraient d'une éventuelle loi québécoise sur le sujet un
modèle. La structure de protection proposée, c'est-à-dire
une loi générale cadre et l'élaboration de normes
réglementaires elles-mêmes issues d'un processus
autoréglementaire, répond parfaitement aux impératifs de
protection de la vie privée des citoyens et au besoin légitime
d'information que peut entretenir le secteur privé. À ce propos,
la structure proposée dans ce rapport s'inscrit dans la tendance ayant
cours en Europe. On parle alors souvent de lois de seconde
génération, c'est-à-dire de lois qui, tout en assurant une
protection à caractère général, prennent
également soin d'aménager des règles de nature sectorielle
propres à faciliter l'application des principes généraux
de protection des renseignements personnels. Voilà pourquoi une loi
québécoise qui reprendrait cette structure pourrait être
qualifiée de modèle.
Faute de temps, nous n'entrerons pas dans le détail des
propositions du rapport Legendre. On peut se référer à
notre mémoire à cet égard. Mais, toutefois, une remarque
s'impose. Si l'Assemblée nationale décidait d'adopter la
structure législative proposée par ce rapport, il faudrait
absolument s'assurer que la Commission d'accès à l'information
ait les ressources financières et humaines nécessaires pour
s'acquitter de sa tâche. En effet, l'obligation pour la Commission de
s'assurer de l'administration de la loi dans le secteur privé lui
imposerait un fardeau supplémentaire qu'elle ne pourrait assumer sans
une juste attribution de ressources.
La question de l'adoption d'une loi couvrant le secteur privé
pose aussi, éventuellement, une question constitutionnelle. Je n'en
dirai que quelques mots. La protection de la vie privée informationnelle
est une question qui, comme chacun le sait, relève des droits et
libertés. Or, les libertés ne sont pas un domaine qui
relève stricto sensu de l'une ou l'autre des autorités
législatives. La protection des renseignements personnels dans le
secteur privé peut néanmoins s'inscrire dans la catégorie
Propriété et droits civils que l'on retrouve à l'article
92.13° de la Loi constitutionnelle de 1867. Cet article, conjugué
à 92.16°, qui attribue aux provinces toutes les matières
d'une nature purement locale ou privée, semble alors constituer une
assise solide sur laquelle faire reposer la compétence provinciale en
matière de protection des renseignements personnels. La
compétence provinciale établie en matière de contrats et
en ce qui concerne les personnes, sujets de droit, milite donc fortement pour
une attribution de la réglementation des données nominatives dans
le secteur privé aux législatures. Il existe, bien sûr, des
exceptions, mais, le temps m'étant compté, je
réfère les membres de la commission au mémoire
déposé, et je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie, M. le docteur.
M. le ministre des Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Vous me permettrez,
tout d'abord, de féliciter les gens de la Chambre des notaires du
Québec pour la qualité du document et de la présentation
qu'ils nous font ce soir; je vous en remercie bien sincèrement. Vous
avez, dans votre document, docteur, ou dans votre exposé, abordé
un certain nombre de points et, compte tenu du temps, j'aimerais
peut-être revenir sur quelques éléments qui concernent
particulièrement l'initiative de la Commission de la Communauté
européenne. Mais, avant d'aborder cet aspect-là, j'ai envie de
vous poser une question assez générale, à savoir si vous
croyez que l'on devrait tout simplement appliquer au secteur privé les
mêmes règles que l'on applique dans le secteur public au
Québec.
Le Président (M. Gauvin): Monsieur.
M. Benyekhlef: Merci. Bien, écoutez, si on prend pour
exemple les législations européennes, on remarque que,
effectivement, les mêmes règles, grosso modo, s'appliquent aux
deux secteurs. Il y a évidemment des variantes qui sont souvent purement
formelles. Par ailleurs, ces variantes peuvent être aussi l'objet d'une
réglementation sectorielle, c'est-à-dire que vous auriez encore
plus de règles générales, ce qu'on appelle les principes
fondamentaux en matière de gestion de l'information personnelle, qui
s'appliqueraient aux deux secteurs. Ces grands principes, d'ailleurs,
s'appliquent aisément à l'un et à l'autre et, pour tenir
compte des spécificités, à l'occasion, de certains
secteurs d'activité de l'entreprise privée, il serait possible,
à ce moment-là, de développer des règles plus
particulières qui compléteraient, finalement, le portrait, qui
compléteraient les règles générales qui auraient
déjà été énoncées.
Le Président (M. Gauvin): Merci M. le ministre.
M. Cannon: Vous avez traité du principe
d'équivalence. Jusqu'à maintenant, pourriez-vous me dire si ce
principe a posé des problèmes dans les échanges de
données personnelles entre les pays qui n'ont pas de normes de
protection des renseignements personnels dans le secteur privé?
M. Benyekhlef: Oui. Alors, effectivement...
Le Président (M. Gauvin): M. le professeur, oui.
M. Benyekhlef: Excusez. Oui. Alors, effectivement, par exemple,
tout à fait récemment, c'est-à-dire il y a à peu
près deux ans, Fiat France a voulu exporter des données
personnelles concernant ses cadres à Fiat Italie, au siège social
à Turin. L'Italie est un pays qui est dépourvu de toute
législation en cette matière, aussi bien au plan public que
privé, et la CNIL, qui est l'équivalent de la Commission
d'accès à l'information en France, a usé du pouvoir que la
loi lui donne de s'opposer à l'exportation de données
personnelles vers l'Italie, puisque l'Italie était dépourvue de
toute législation en la matière. Elle a cependant permis
l'exportation à condition que l'autorité italienne,
c'est-à-dire Fiat Turin, finalement, s'engage par contrat à
respecter l'essence, les principes de la loi française ainsi que de la
Convention européenne. C'est un exemple récent.
On a aussi d'autres exemples qui proviennent de la Suède, et un
de ces exemples a, justement, poussé les Britanniques à adopter
une loi de protection des données personnelles. Dans les années
soixante-dix, la Suède étant un des premiers pays à
s'être dotés d'une loi, vous aviez, dans une petite
localité de Suède, une administration de la santé qui
avait décidé de faire fabriquer des cartes, comme des cartes
d'assurance-maladie, où chaque personne aurait eu son nom, son adresse
et son âge, etc., et il semble qu'aucune compagnie suédoise,
à l'époque, n'avait la capacité de fabriquer ce genre de
cartes avec toutes ces informations-là. Ils avaient réussi
à dénicher une compagnie britannique qui était capable de
le faire. Cependant, cela demandait l'exportation de données
personnelles à partir du territoire suédois vers ia
Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne, à ce moment-là, étant
dépourvue de toute législation en ia matière, le Data
Inspectorate, c'est-à-dire le commissaire à la protection de la
vie privée suédois, s'est opposé à l'exportation de
données et la compagnie britannique a perdu son contrat. Alors, ce sont
deux exemples, ici.
M. Cannon: Est-ce que vous avez des exemples d'entreprises
québécoises qui se sont vues exclure de certains marchés
en raison de l'incompatibilité, si vous voulez, de la législation
québécoise par rapport aux normes européennes?
M. Benyekhlef: Non, je n'ai pas d'exemple à cet effet.
M. Cannon: On a parlé, on a soulevé,
peut-être... D'autres mémoires ont fait état de la question
des entreprises québécoises, notamment dans le secteur des
assurances. Alors, probablement que plus tard je pourrai poser la question aux
entreprises, au BAC, au Bureau, mais, à votre connaissance, vous n'avez
aucun exemple, de ce côté-là, à nous fournir?
M. Benyekhlef: À ma connaissance, non. Je n'ai pas
d'exemple concernant des entreprises québécoises.
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Chapleau, ou on aimerait alterner? Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je dois, dans un
premier temps, madame et messieurs, vous remercier pour votre présence
et pour la présentation que vous nous avez faite. Je pense que c'est un
excellent résumé de votre mémoire et, bien sûr, la
qualité de votre mémoire... Quoique je ne suis point surprise de
cette qualité, puisque depuis quelques mois je travaille avec les
mémoires de la Chambre des notaires pour la réforme du Code
civil, et je suis donc habituée à cette qualité
maintenant.
Vous avez bien présenté la problématique, à
savoir l'importance, pour le citoyen, la citoyenne québécois
consommateurs, de la protection de la vie privée. Je pense que vous avez
bien démontré à quel point c'était important pour
nous. Vous avez également bien démontré l'importance de
légiférer, puisque toutes les lois européennes ont des
dispositifs de protection, autant pour le secteur public que privé, et
que le Québec se verrait donc défavorisé s'il maintenait
sa position de ne pas légiférer dans ce domaine-là.
J'ai une question par rapport au Code civil. La plupart des
mémoires que j'ai lus à ce jour nous conseillent, dans un premier
temps, d'adopter tels quels les articles du Code civil, ou on nous propose de
faire des ajouts, par exemple, à l'article 36 pour le préciser
davantage. Donc, les articles 35 à 41 semblent apporter une certaine
base, à défaut de législation, ou dans l'attente d'une
législation. Alors que, dans votre mémoire, vous nous
présentez la théorie contraire, à savoir qu'il serait
préférable de mettre de côté les articles 36
à 41 et de ne conserver, finalement, que le grand principe
général de l'article 35. J'aimerais que vous m'expliquiez
davantage pourquoi vous ne considérez pas important de maintenir au
moins cette base-là. Elle est insuffisante, bien sûr, mais
pourquoi ne pas maintenir au moins cette base-là dans le Code civil.
Le Président (M. Gauvin): Dr Benyekhlef.
M. Benyekhlef: Bien, écoutez, votre question appelle deux
types de commentaires. Il y a premièrement l'article 36, pourquoi
vouloir le mettre de côté? C'est parce que, vous voyez, cet
article énumère une série de situations qui pourraient
être considérées comme attentatoires à la vie
privée. Or, ce qui est possible, c'est que dans le futur, si cet article
demeure tel quel, les tribunaux interprètent la vie privée en
fonction des situations qui y sont énoncées.
Par conséquent, peut-être que pour les 20 prochaines
années ça pourrait être très bon, mais il est fort
possible que d'ici là, à plus long terme, de nouvelles
technologies surviennent, des changements de nature sociale surviennent, qui
feraient en sorte que, finalement, les enumerations que l'on retrouve dans cet
article-là se trouveraient obsolètes. Et, par conséquent,
les juges se sentiraient un peu liés par cette définition du
droit à la vie privée et n'oseraient pas en sortir pour l'adapter
à la modernité.
Par ailleurs, si on prend une valeur antagoniste, très souvent,
à la vie privée, c'est, par exemple, la liberté
d'expression. Or, on ne retrouve nulle part de définition, de sens ou de
situation où la liberté d'expression est en jeu. Alors, si jamais
on définit un droit antagoniste qui est le droit à la vie
privée, on risque aussi, dans l'interprétation judiciaire, de
limiter, de restreindre le droit à la vie privée - puisque, lui,
il serait défini - par rapport à la liberté
d'expression.
La définition est un exercice toujours très dangereux pour
des concepts aussi vagues, d'ailleurs, que le droit à la vie
privée. Si on regarde, par exemple, l'article 8 de la Charte canadienne
des droits et libertés, on voit que chacun a droit à la
protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
C'est un article qui, de prime abord, ne semble pas protéger le droit
à la vie privée. Eh bien, pourtant, la Cour suprême s'est
sentie obligée d'y trouver, dans cet article-là, une source
protégeant le droit à la vie privée, en faisant des
efforts assez importants et en se référant parfois à la
doctrine, ce qui n'était pas forcément une aide parce que chacun
a essayé de définir tant bien que mal le droit à la vie
privée. C'est pour ça qu'il faut peut-être éviter de
vouloir l'encarcaner dans une série de définitions, enfin de
situations qui risqueraient de retarder son développement.
Par ailleurs, deuxième série de remarques en ce qui
concerne les articles suivants, 37 à 41, pourquoi les mettre de
côté? Bien, évidemment, c'est qu'on les mettrait de
côté advenant le cas où une loi serait adoptée.
C'est parce que, si une loi - c'est une première situation - est
adoptée, je crois que ces articles-là ne serviraient finalement
à rien. Le justiciable serait beaucoup mieux servi en utilisant la loi
pour accéder à ces données, pour les faire corriger, etc.,
que par le biais du Code civil qui oblige à référer tout
litige au tribunal.
Par ailleurs, ça pourrait aussi apporter, à un moment
donné, une certaine confusion si les deux séries existent, si les
deux séries de textes coexistent, une confusion qui pourrait être
néfaste pour la protection de la vie privée. Par ailleurs, si une
loi n'est pas adoptée - deuxième possibilité - ces
articles-là sont véritablement... enfin, sont nettement
insuffisants, autant... Je veux dire, ce n'est pas avec des articles comme
ça qu'on va vraiment assurer une protection effective du droit à
la vie privée. On n'a rien qu'à comparer aux Lignes directrices
de l'OCDE qui incorporent en leur sein des normes minimales, puisque les Lignes
directrices sont le fruit de compromis internationaux. Donc, un texte
international, en général, a beaucoup moins
de force qu'un texte national. Mais, ici, les articles 37 à 41
ont encore beaucoup moins de force au plan de la protection effective de la vie
privée que les lignes directrices puisqu'ils omettent d'incorporer en
leur sein de nombreux principes sans lesquels on ne peut véritablement
assurer une protection de la vie privée. (20 h 45)
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Dans la vision de
l'adoption d'une loi pour la protection des renseignements personnels, est-ce
que vous souhaiteriez que, dans cette loi-là, on énumère,
tout comme à l'article 36, une série d'atteintes à la vie
privée, une série bien précise, ou vous souhaiteriez une
réglementation plus souple? Et, advenant l'absence de
législation, est-ce que vous seriez d'accord, compte tenu du fait que,
concernant l'adoption de la réforme du Code civil, nous avons bien
précisé que nous souhaitions que cette réforme
s'accompagne de la création d'un institut permanent pour modifier le
Code civil au fur et à mesure de l'évolution de notre
société plutôt que d'attendre 125 ans avant de faire nos
modifications, alors, advenant l'existence de cet institut, est-ce que vous
seriez prêt à ce qu'on maintienne, en fait, les articles qui sont
là, quitte à les enlever si, à l'usage, avec l'adoption
d'une loi pour la protection des renseignements privés, on peut y
répondre?
Le Président (M. Gauvin): Dr Benyekhlef.
M. Benyekhlef: Merci. Je ne crois pas - première partie de
la question - qu'advenant l'adoption d'une loi de protection des renseignements
personnels il faille énumérer dans cette loi les
possibilités de violation ou d'atteinte au droit à la vie
privée. Il suffit, je crois, de faire un peu comme dans la loi qui
existe actuellement, d'énoncer une série de principes,
d'exceptions aux principes. Par ailleurs, je ne crois pas qu'il soit
très sain, sur le plan juridique, de se dire simplement: Laissons ces
articles, même s'ils ne sont peut-être pas ce qu'il y a de
meilleur, laissons-les en vie, et puis on les changera éventuellement au
fur et à mesure. On risque, à ce moment-là, de se
retrouver avec une politique judiciaire, une jurisprudence dont il sera
peut-être, dans le futur, difficile de se débarrasser.
Mme Caron: Advenant qu'il n'y ait pas de législation,
est-ce que vous souhaitez qu'on maintienne des articles dans le Code civil?
M. Benyekhlef: Écoutez, personnellement, il me semble
qu'à l'heure actuelle nous avons l'article 5 de la Charte
québécoise qui protège le droit à la vie
privée et qui pourrait être un instrument de protection de fa vie
privée infor- mationnelle, un instrument certes faible en comparaison
d'une législation. Enfin, en tout état de cause, il me semble
qu'il vaut mieux se contenter d'un énoncé
générique: "chacun a droit à la protection de la vie
privée", plutôt que de définir le droit à la vie
privée. Alors, même dans une situation où il n'y aurait pas
de loi, il me semble que les articles 37 à 41 ne devraient pas
être adoptés. On devrait se contenter, à ce
moment-là, du droit à la vie privée dans un
énoncé générique comme à la Charte, mais
aussi comme au Code civil, comme à l'article 35.
Une voix: ...sur le même sujet.
Le Président (M. Gauvin): Non, bien. écoutez, vous
aurez la chance d'y revenir. Est-ce que vous voulez continuer votre
questionnement?
Mme Caron: Peut-être juste un petit commentaire. J'avoue
que vous aviez réussi à me convaincre, dans votre mémoire,
de l'importance de légiférer, que ce que nous avions
présentement dans la Charte, ce n'était pas suffisant, ce
n'était vraiment pas suffisant. Alors, ça m'étonne qu'on
ne garde pas au moins une certaine protection dans le Code civil advenant le
fait qu'il n'y ait pas de législation.
M. Benyekhlef: Bien, c'est parce que la définition du
droit à la vie privée me semble un danger très grand. On
ne peut pas définir un concept comme le droit à la vie
privée. On a des juristes qui s'y sont essayés depuis une
centaine d'années. Ça a commencé avec Warren et Bran-deis
dans le fameux article paru dans le Harvard Law Journal et, depuis, on
s'y bute inlassablement. Alors, c'est véritablement cet article 36 qui
pose problème. Je me suis peut-être mal exprimé; en ce qui
concerne les autres dispositions, effectivement, en l'absence de toute loi, il
vaut mieux un tiens que rien du tout.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Verdun, dans le même sens.
M. Gautrin: M. le Président, l'article 36, c'est
strictement là-dessus que... Donc, si vous le permettez, je vais rester
strictement là-dessus, celui, quand même... Parce que la
définition de l'article 36: "Peuvent être notamment
considérés comme des atteintes à la vie privée
d'une personne les actes suivants..." Votre interprétation a l'air
d'intervenir sans utiliser le "notam ment". Vous plaidez comme quoi l'article
36 donne une définition de la vie privée. J'ai l'impression qu'on
pourrait interpréter l'article 36, à cause justement de ce
"notamment", comme étant seulement énumératif, indicatif,
laissant une porte ouverte, donc ne définissant pas, de fait, la vie
privée, donc entrant exactement dans
ce que vous cherchez, plutôt que comme une vision limitative et
définie. Alors, je ne sais pas comment vous interprétez cet
article 36, parce que vous n'avez pas fait état du "notamment" qui
existait au premier alinéa de l'article 36.
M. Benyekhlef: Écoutez, il y a une enumeration, et il y a
une règle d'interprétation en droit, ejusdem generis, que vous
connaissez certainement, qui fait en sorte que, quand vous avez une enumeration
et que vous voulez rajouter quelque chose à rénumération -
parce qu'il y a dans la disposition le mot "notamment", par exemple - ce que
vous devez rajouter doit avoir un rapport avec ce qui précède.
Alors, par conséquent, vous définissez donc, d'une certaine
manière, le droit à la vie privée, puisque tout ce qui va
s'y rajouter par la suite doit s'inscrire dans la logique de ce qui a
été écrit ici.
M. Gautrin: C'est vrai, mais ça couvrirait quand
même les craintes que vous avez, qui sont que révolution de la
technologie permettrait d'être couvert légèrement par
l'énumération, qui est relativement vaste, quand même.
M. Benyekhlef: C'est parce que, vous voyez, si on regarde le Code
civil français, par exemple, à l'article 9, ou le Code civil
allemand, chacun protège le droit à la vie privée, point,
à la ligne. Pourquoi entrer dans une enumeration? Si on prend encore 125
ans pour changer le Code civil, dans 125 ans, je suis persuadé que, de
1° à 6e, peut-être qu'il n'y aura que 3° ou
4° qui pourront éventuellement... ou peut-être 4°, tout
simplement, qui pourra peut-être avoir une valeur. Ce qu'il faut bien
comprendre, c'est que non seulement on définit ici le droit à la
vie privée, mais c'est que, dans l'économie
générale des droits et libertés, les libertés
publiques, la vie privée est toujours un droit, comme je le disais tout
à l'heure, antagoniste à la liberté d'expression, au droit
à l'information; ce qui fait qu'un juge qui est aux prises, à un
moment donné, avec une affaire concernant le droit à la vie
privée et la liberté d'expression, va se dire: La liberté
d'expression me semble, au regard du droit à la vie privée, un
droit quasiment absolu, avec les limites qui existent. Pourquoi dirait-il
ça? C'est parce qu'il se dit: Ici, j'ai une enumeration du droit
à la vie privée, donc le législateur a essayé de le
restreindre, de le définir pour éviter que celui-ci
n'empiète éventuellement sur d'autres libertés ou
droits.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Dans vos recommandations,
vous nous dites qu'advenant le cas où l'Assemblée nationale
adopte une loi sur la protection des renseignements personnels détenus
dans le secteur privé la Commission d'accès à
l'information soit chargée de l'administration et de l'application de
ladite loi et que des ressources humaines et financières suffisantes
soient mises à sa disposition afin qu'elle puisse s'acquitter
convenablement de sa tâche. J'aimerais vous entendre sur l'argument
contraire qui nous a été présenté la semaine
dernière dans le mémoire de la CSN, et je vous le cite: 'Tel que
nous l'avons signalé en début de notre mémoire, nous
approuvons la recommandation du Groupe de recherche informatique et droit de
l'UQAM visant à créer un office distinct de la Commission
d'accès à l'information, non pas que nous mettions en doute la
valeur de la Commission d'accès à l'information - celle-ci a
prouvé à maintes reprises qu'elle avait un souci réel de
protection des renseignements personnels - cependant, les missions de promotion
des droits, d'élaboration et de surveillance des normes,
d'éducation, de tamisage des plaintes, de conciliation et même de
poursuivant disqualifient pratiquement la Commission d'accès à
l'information à titre d'adjudicateur." Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Gauvin): M. Benyekhlef.
M. Benyekhlef: Bien, écoutez, si on prend encore une fois
l'exemple européen ou si on prend même l'exemple du projet de
directive de la Commission de la Communauté, eux-mêmes proposent
également la création d'une sorte de commission d'accès
à l'information qui s'occuperait et du secteur public et du secteur
privé. C'est une simple question de logique, à un moment
donné. Je veux dire que vous auriez peut-être des situations
où vous auriez les deux organismes, s'il y en avait deux, qui,
peut-être, énonceraient des politiques contradictoires quant
à l'interprétation d'un principe de gestion de l'information. Il
me semble beaucoup plus cohérent, conformément à ce qui se
passe ailleurs, de confier à un seul organisme le soin d'administrer la
loi de protection des renseignements personnels, et dans le secteur public et
dans le secteur privé, afin d'avoir une politique informationnelle
harmonieuse à travers tout le territoire.
Par ailleurs, en ce qui concerne ces questions de disqualification,
c'est des questions qui se corrigent très très simplement dans la
loi, avec quelques précisions concernant l'exercice de double mandat
où les fonctions d'adjudication et d'enquête, par exemple,
pourraient être séparées. C'est assez simple de corriger
ça dans un texte législatif. Ce n'est pas quelque chose qui,
d'entrée de jeu, est "disqualificatoire".
Mme Caron: Et vous ne pensez pas que la Commission d'accès
à l'information pourrait, à certains moments, être un peu
en conflit d'intérêts?
M. Benyekhlef: En conflit d'intérêts, par
exemple, quand elle enquête et qu'elle adjuge en même temps?
Bien, écoutez, pour ce qui est de ces questions d'impartialité,
vous aurez simplement... Parce que ce n'est pas le commissaire qui va
lui-même enquêter, ça va être ses services qui
pourront enquêter, qui pourraient être, par ailleurs,
indépendants de la Commission; un service s'occupe des contrôles
et inspections et remet ses rapports à la Commission qui, elle,
décide si, oui ou non, il y a matière à un examen de la
plainte et, par ailleurs, elle pourrait adjuger à ce
moment-là.
Si on crée un deuxième organisme, à ce
moment-là, le même problème se pose. Qui fera les
inspections? Qui fera les contrôles? Ça va toujours être cet
organisme pour le secteur privé, ou cet autre autre organisme ou la
Commission qui existe pour le secteur public. Les positions de juge et partie
me semblent un problème, effectivement, de prime abord, mais, si on
prévoit des mécanismes propres à assurer
l'indépendance de l'enquête, il n'y a pas véritablement de
problèmes qui peuvent se poser à ce moment-là. Il s'agit
de s'assurer du caractère indépendant des enquêtes et
surtout du caractère impartial, aussi, de l'adjudication, par la
suite.
Mme Caron: Mais, bien sincèrement, dans la
réalité, lorsque l'enquête est faite par le même
organisme, finalement, même si vous avez un secteur indépendant,
est-ce que vous pensez qu'il peut vraiment être indépendant des
décisions? Moi, je prends simplement certains exemples où,
parfois, on a certaines décisions de certains offices qui existent et
qui, étrangement, ressemblent beaucoup aux commandes qui ont
été passées dans certains ministères. Alors,
Imaginez dans la même boîte, est-ce que le danger ne serait pas
plus grand?
M. Benyekhlef: Encore une fois, la création de deux
organismes ne réglerait pas ce type de problème. Mais,
effectivement, ce qu'il serait possible de faire pour éviter ce type de
problème, c'est d'enlever à la Commission d'accès à
l'information son pouvoir de sanction pénale et de l'octroyer aux
tribunaux judiciaires. La Commission d'accès à l'information
n'aurait, à ce moment-là, que des pouvoirs de nature
administrative. Or, quand on n'a que des pouvoirs de nature administrative, la
règle de l'impartialité, à ce moment-là, est
beaucoup moins sévère qu'elle ne peut l'être dans le cas
d'un débat quasi judiciaire.
Mme Caron: Merci.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Chapleau, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Comme adjoint
parlementaire au ministre de la Justice, permettez-moi de joindre ma voix
à celle du ministre des Communications et du porte-parole de
l'Opposition pour vous féliciter pour la qualité de votre
mémoire. C'est un des mémoires que j'ai eu le plaisir de lire,
à, date, qui est le plus étoffé, le plus
détaillé et qui cerne très bien les problèmes dont
nous aurons à discuter durant toute cette commission parlementaire, et
je vous en félicite.
Vous faites plusieurs recommandations et plusieurs constats dans votre
mémoire. Votre mémoire souligne que notre réglementation
constitue une voie imparfaite si elle est envisagée comme la voie
exclusive de protection des données personnelles dans le secteur
privé Dans votre conclusion, à la page 53, vous dites que le
législateur, dans la loi sur la protection des renseignements
personnels, indique avec précision les champs pour lesquels les tables
sectorielles élaboreront des règles autoréglementaires. Je
vous pose la question: Quels champs d'activité la Chambre des notaires a
envisagés et qui sont les plus importants? Est-ce que ça serait
des champs bien structurés, bien organisés, des banques à
charte, des compagnies d'assurances? Spécifiquement, dans quels champs?
(21 heures)
Le Président (M. Gauvin): Oui, docteur À vous la
parole.
M. Benyekhlef: Merci. Dans le rapport Legendre, on retrouve une
enumeration des tables sectorielles qui ont été proposées.
Il nous semble que ces tables - c'est à la page 28 du mémoire -
représentent tout à fait les domaines d'activité où
il serait nécessaire d'élaborer des règles
autoréglementaires, mais ce que nous voulions dire aussi dans le cadre
de cette recommandation, c'est que... On précise ici, effectivement, les
secteurs d'activité où il est nécessaire d'élaborer
des règles autoréglementaires, mais également que le
législateur, dans sa loi, précise les domaines dans lesquels on
peut élaborer des règles autoréglementaires.
C'est-à-dire est-ce qu'on va permettre, par exemple, de
développer des règles autoréglementaires en ce qui
concerne le principe de la spécification des finalités, le
principe de la limitation de la collecte? Donc, en vertu de quels principes
fondamentaux va-t-on permettre aux entreprises, aux secteurs d'activité
de développer des règles autoréglementaires?
C'est-à-dire de préciser peut-être que, pour certains
principes fondamentaux en matière de gestion d'information personnelle,
on ne pourrait pas développer de règles
autoréglementaires, il faudrait s'en tenir simplement au libellé
de la loi.
M. Kehoe: Mais le cadre juridique de ces règlements, dans
le sens de... Est-ce que ce sera les entreprises elles-mêmes qui vont
établir ces règles autoréglementaires ou si c'est
l'État qui va le faire?
M. Benyekhlef: Eh bien, nous sommes d'accord avec ce que dit le
rapport Legendre puisque celui-ci prévoit l'établissement de
tables où, alors, vous avez plusieurs intervenants, par exemple pour les
institutions de crédit, des gens des institutions de crédit, des
consommateurs qui se réuniraient à une table et qui
élaboreraient ensemble des règles autoréglementaires.
Donc, ce ne serait pas l'entreprise qui serait le seul artisan du
développement de ces règles-là. Par ailleurs, si mon
souvenir est bon, dans le rapport Legendre, on précise que ces
règles autoréglementaires feraient elles-mêmes l'objet
d'une réglementation. Elles seraient en quelque sorte
entérinées par la commission et c'est un excellent moyen
d'aboutir à un résultat qui satisfasse toutes les parties. C'est
d'ailleurs ce que font les Néerlandais aussi dans leur loi. Ils ont une
loi qui énonce des principes généraux. On laisse aussi aux
entreprises le soin de développer certains codes de conduite, mais ces
codes de conduite doivent être soumis au commissaire à la
protection de la vie privée néerlandais pour voir si ce code est
conforme à la loi. Alors, un dialogue s'engage entre les intervenants
puisque le commissaire néerlandais prend aussi soin de discuter avec des
associations de consommateurs, par exemple. Si le projet
d'autoréglementation est satisfaisant, il est ensuite
entériné par le commissaire et il devient contraignant pour les
entreprises. Si, par ailleurs, les entreprises ou les associations
d'entreprises ne font rien dans un certain délai, alors, à ce
moment-là, le gouvernement impose les règles
autoréglementaires. Et je crois, si mon souvenir est bon, que dans le
rapport Legendre c'est ce qu'on propose aussi. C'est-à-dire que, si,
à un moment donné, aucun consensus ne se dégage de cette
table sectorielle, on propose, à ce moment-là... Enfin, la
commission impose en quelque sorte une réglementation. Il me semble que
c'est tout à fait adéquat.
M. Kehoe: Mais, dans l'ensemble, quand vous parlez des champs,
est-ce que vous voulez dire tous les champs d'activité dans la province
de Québec, je veux dire, que ce soit dans le champ commercial,
industriel, enfin, tout?
M. Benyekhlef: Non, certainement pas tout parce qu'il y a
certainement des domaines, des secteurs d'activité où
l'information a un rôle peut-être minimal à jouer, enfin,
l'information nominative du moins. L'information en tant que telle joue
toujours un rôle important dans la prise de décision, mais
l'information nominative, dans certains secteurs, effectivement, joue
certainement un rôle beaucoup moindre. Je crois, à cet
effet-là, que les six tables qui sont suggérées par le
rapport Legendre correspondent à peu près à la
réalité, c'est-à-dire que, finalement, ces secteurs qui
ont été identifiés par le comité
interministériel sont, sans aucun doute, les secteurs où
l'information personnelle est le plus utilisée.
M. Kehoe: Dans les autres secteurs qui ne sont pas
indiqués dans le rapport, c'est à ce moment-là que je me
pose des questions. Les articles du Code civil à partir de 35
jusqu'à 41, qui sont d'ordre général, est-ce que ça
ne peut pas couvrir le champ d'activité? Est-ce qu'ils ne peuvent pas
servir à des fins bénéfiques pour le consommateur ou pour
les citoyens et citoyennes de la province de Québec?
M. Benyekhlef: En ce qui concerne ces autres secteurs,
évidemment, l'établissement de tables sectorielles suppose donc,
conformément au rapport Legendre, l'adoption d'une législation en
la matière. Vous auriez donc ces secteurs qui pourraient
développer certaines normes autoréglementaires afin de
compléter le dispositif général de la loi. Pour les autres
secteurs où il y a une activité informationnelle au plan
nominatif qui est beaucoup moindre, ils seraient liés par
l'énoncé général de la loi qui continuerait
à s'appliquer à eux, comme il s'applique d'ailleurs aux secteurs
mêmes qui développent des règles autoréglementaires.
Il continuera a s'appliquer à ces autres secteurs pour lesquels il n'y a
pas de table sectorielle, par hypothèse. Donc, à ce
moment-là, un citoyen qui se trouverait brimé ou, enfin, qui
verrait ses droits brimés par une entreprise qui, de prime abord, ne
fait pas usage de renseignements personnels pourrait toujours avoir un recours,
à ce moment-là.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, vous avez une très belle partie sur la
problématique constitutionnelle, et je m'en voudrais de ne pas l'aborder
dans mon dernier temps de parole. Puisque vous avez eu très peu... Je
vois le député de Verdun qui s'empresse de lire le
mémoire. Vous n'aviez pas vu cette partie, M. le
député?
Vous n'avez pas eu le temps d'élaborer beaucoup, tantôt.
C'était la fin de votre temps de parole. Alors, j'aimerais vraiment vous
entendre davantage sur cette problématique constitutionnelle par rapport
au sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.
M. Benyekhlef: Effectivement, comme je le disais tout à
l'heure, une législation concernant la vie privée est une
législation qui concerne les droits et libertés. Or, les droits
et libertés ne sont pas attribués à l'un ou à
l'autre palier de gouvernement. Mais, en ce qui nous concerne, c'est quoi?
C'est la protection de la vie privée dans les relations
informationnelles. Par conséquent, en ce qui concerne le secteur
privé, l'autorité provinciale serait, sans aucun doute,
l'autorité compétente en la matière, puisque,
très souvent, les informations nominatives sont
générées par une relation contractuelle.
Or, nous savons que le contrat est évidemment un sujet qui
relève de la compétence provinciale. Donc, tout ce qui se greffe
à cette question-là serait de compétence provinciale. Il y
aurait aussi, évidemment, le problème des entreprises
fédérales, c'est-à-dire des entreprises qui, en raison de
leur objet, relèvent de l'autorité fédérale.
Pensons à la radio, à la télé, aux
aéroports, enfin, aux constructeurs d'aéronefs, par exemple, et
des choses comme ça.
On peut se demander: Est-ce qu'une loi de ce type-là pourrait
s'appliquer, à ce moment-là, à une entreprise
fédérale? Nous croyons qu'en général, oui,
puisqu'une loi de protection des renseignements personnels a une vocation
générale. Selon les critères jurisprudentiels,
développer une loi de ce type n'empêcherait pas une entreprise
fédérale de fonctionner, de conserver sa
spécificité fédérale. Le seul problème que
l'on peut peut-être voir, c'est en ce qui concerne les banques, ce qui
n'est pas un mince problème parce que l'information, pour les banques,
c'est un élément vital. Elles prennent leurs décisions
fondamentales, fondées sur quoi? Sur l'information. Or, une loi de
protection des renseignements personnels, qu'est-ce qu'elle entend faire? Elle
entend contrôler, elle entend gérer, elle entend
réglementer plus exactement le matériau même à la
base des décisions bancaires, c'est-à-dire l'information. Alors,
peut-être que, ià - c'est sous toutes réserves - il
pourrait y avoir un problème de nature constitutionnelle. Donc, il y
aurait peut-être un problème de nature constitutionnelle pour les
entreprises fédérales qui font usage essentiellement
d'information.
Il y a aussi une question importante, c'est celle des flux
transfrontières de données, c'est-à-dire de la circulation
internationale de l'information. Une législation qui serait
adoptée par l'Assemblée nationale concernant la protection des
données personnelles dans le secteur privé serait nettement
incomplète si elle ne comportait pas, à l'instar des lois
européennes, de dispositif empêchant l'exportation indue de
données personnelles concernant des citoyens québécois ou
même des citoyens étrangers.
Il faut éviter que la loi ne soit tournée en
dérision. Il faut donc qu'elle contienne un dispositif de ce type.
Alors, on peut se demander: Est-ce que le fédéral ou le
provincial aurait la compétence d'adopter une loi qui... enfin,
d'adopter ce type de dispositif qui prétend réglementer la
circulation d'information? Eh bien, de prime abord, évidemment,
l'information circule, interprovinciale, internationale, on aurait tendance
à croire que c'est le fédéral qui serait compétent.
Pourtant, non, nous semble-t-il, tout ça, évidemment,
entouré des précautions d'usage puisque, finalement, une loi de
ce type-là ne prétendrait pas régir le transporteur,
c'est-à-dire, par exemple, Bell Canada, mais prétendrait
plutôt régir le serveur, c'est-à-dire l'entreprise
d'assurances, par exemple.
On dit à la compagnie d'assurances: Vous faites ça,
ça, ça, comme dans le Code civil, où on a des
règles concernant le droit international privé, qui sont tout
à fart de compétence provinciale. Et là un dispositif qui
prétendrait soumettre l'exportation de données à des
contrôles préalables serait, sans aucun doute, enfin, nous
semble-t-il, tout à fait illicite au plan constitutionnel
puisqu'on ne prétend pas régir celui qui transporte
l'information, par exemple Bell Canada, mais on prétend plutôt
régir celui qui fait usage d'information, c'est-à-dire
l'entreprise sur laquelle, par ailleurs, le gouvernement, enfin, le
législateur a tout à fait compétence, l'exemple des
assurances.
Le Président (M. Gauvin): Dr Benyekhlef, je vous invite
à conclure. Le temps qui était alloué aux
députés de l'Opposition est maintenant dépassé. Et
j'inviterais M. le ministre, si vous avez des questions à ajouter ou en
conclusion.
M. Cannon: Oui. Je crois qu'il nous reste quelques minutes, M. le
Président. Très rapidement, peut-être deux questions. Je
reviens un peu à votre analyse des lois européennes et des
initiatives de la Commission de la Communauté européenne. Quel
serait, selon vous, le niveau d'urgence d'une action législative dans ce
secteur? Très rapidement.
M. Benyekhlef: À la lumière du marché unique
de 1993, puisque cette directive doit être adoptée avant
l'instauration du marché unique, ça me semble le délai
adéquat, enfin, le délai à respecter.
M. Cannon: Vous dites que l'accessibilité d'une personne
à son dossier est tronquée. Vous avez mentionné ça.
Pouvez-vous nous préciser un peu votre pensée
là-dessus?
M. Benyekhlef: Eh bien, je citais, à ce moment-là,
je crois, l'identité piratée. Effectivement, dans le cadre
actuel, il est bien difficile pour une personne d'avoir accès à
ces données. Pourquoi est-il tronqué? D'après ce que
disait le Groupe de recherche informatique et droit, c'est que, finalement, il
ne peut avoir qu'un accès limité. Il peut toujours essayer de se
mettre en quête de ses données personnelles, c'est-à-dire
de savoir quel type d'information est détenu par telle agence de
crédit, mais il ne peut avoir qu'une vision tronquée de ce qu'on
détient sur lui puisqu'il ne peut avoir qu'une vision, finalement,
parcellaire.
M. Cannon: Alors, écoutez, ça complète.
À moins que mon collègue ne désire poser une
dernière question. Sinon, au nom de ma formation
ministérielle, je tiens à vous remercier sincèrement de
votre présentation, encore une fois, et d'avoir partagé avec nous
d'abord votre expérience, mais aussi le fruit de vos recherches et de
vos travaux. Alors, bon retour chez vous, et merci, M. Légaré et
les autres.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie. Au nom des
membres de cette commission, je remercie les membres de la Chambre des notaires
du Québec de nous avoir fait cette présentation. Nous allons
suspendre nos travaux quelques minutes, pour permettre aux représentants
du Bureau d'assurance du Canada, du Groupement des assureurs automobiles et du
Service anticrime des assureurs de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 21 h 14)
(Reprise à 21 h 16)
Le Président (M. Gauvin): Attention, s'il vous
plaît! J'invite les membres de cette commission à prendre place.
Merci.
Encore une fois, je souhaite la bienvenue aux représentants du
Bureau d'assurance du Canada. J'inviterais le représentant de votre
groupe à se présenter et a nous présenter ses
collaborateurs, s'il vous plaît.
Bureau d'assurance du Canada,
Groupement des assureurs automobiles
et Service anti-crime des assureurs
Mme La montagne (Hélène): Merci, M. le
Président. MM. et Mmes les députés, à
l'extrême droite, à votre gauche, M. John Harbour,
président de Assurance générale des caisses Desjardins et
membre des deux associations que je vais vous présenter; M. Raymond
Medza, directeur général du Groupement des assureurs automobiles;
M. Jean-Claude Cloutier, à ma gauche, président du Service
anti-crime des assureurs; et moi-même, Hélène Lamontagne,
conseillère juridique du Bureau d'assurance du Canada et du Groupement
des assureurs automobiles.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie de cette
présentation. Comme vous l'avez sûrement remarqué, vous
avez 20 minutes pour nous faire une présentation et 40 minutes sont
réservées aux membres de cette commission.
Mme Lamontagne: Merci, M. le Président. Une brève
introduction de nos trois organismes. Le Bureau d'assurance du Canada est une
association qui représente les compagnies d'assurances de dommages au
Québec et qui représente la majorité des compagnies qui
font affaire ici, au Québec. Son rôle, en général,
est de faciliter les échanges entre le gouvernement, les consom- mateurs
et de répondre à des questions, justement comme ce soir à
la commission. Le Groupement des assureurs automobiles, c'est plutôt un
organisme qui regroupe aussi les assureurs, mais les assureurs automobiles, et
c'est prévu par la loi. Il est responsable de diverses mécaniques
qui lui sont imposées par la loi et il est aussi, ce soir surtout, comme
la personne responsable d'un fichier central des sinistres automobiles qui a
été créé en 1989. M. Cloutier est du Service
anticrime des assureurs. C'est un organisme à but non lucratif qui a
pour mission bien spécifique de prévenir et de découvrir
les crimes d'assurance en assistant les autorités civiles, les
assureurs, et ses membres sont surtout des assureurs. À ce
moment-là, il offre différents services au moyen de diverses
filiales qui sont le Fire Underwriters Investigation Bureau que vous avez ici,
le Bureau canadien des autos volées, l'Index des réclamations
pour blessures corporelles, qui sont évidemment trois genres de
fichiers, à ce moment-là, que nous pourrons discuter et qui
s'occupent surtout, évidemment, des actes plutôt criminels ou
possiblement criminels: incendies volontaires, cambriolages simulés,
vols de véhicules, vandalisme et le reste.
Je ne lirai pas mon texte mot à mot, ce qui va probablement faire
votre bonheur. Alors, j'aimerais peut-être passer juste dans les grandes
lignes et aller aux points particuliers. J'ai regardé ici, lorsque le
législateur décide de légiférer, normalement, il le
fait pour régler des problèmes ou pour mettre fin à des
abus ou prévenir des abus. Alors, nous avons essayé d'identifier
les problèmes dans le domaine des assurances de dommages
évidemment, à la lumière des différents documents
de consultation que vous étudiez présentement, pour pouvoir vous
suggérer des solutions appropriées aux problèmes tels que
nous les percevons.
J'aimerais d'abord faire une mise au point. J'ai remarqué dans
plusieurs documents, soit le GRID, soit les autres rapports, qu'il y a souvent
une confusion entre assurance-vie et assurance générale. Il faut
d'abord dire que ce sont deux types d'assurances totalement différents,
qui fonctionnent dans des contextes différents, qui ont des dispositions
légales différentes qui les contrôlent. Évidemment,
leurs sujets, leurs assurés, leurs responsabilités sont
différents. Les assureurs de dommages, eux, ce qu'ils font, c'est qu'ils
protègent le patrimoine des individus. Ils vont assurer l'habitation,
les entreprises, les automobiles, divers aspects de responsabilité
civile, des individus autant que des entreprises. Souvent les gens pensent
à l'assurance des individus, l'assurance de particuliers, mais il y a
tout l'aspect des entreprises, quand même, qui est dans le même
contexte d'assurance de dommages.
Le Bureau d'assurance du Canada s'occupe strictement de cet aspect
d'assurance. L'aspect assurance-vie, évidemment, comme le mot le
dit,
c'est de l'assurance-vie et c'est aussi l'assurance-accident-maladie qui
a un aspect totalement différent et qui fait partie de l'association
qu'on appelle l'ACCAP qui, d'ailleurs, vous a déjà soumis un
mémoire. Alors, c'est deux contextes totalement
séparés.
Quels sont les abus que l'on désire prévenir ou corriger,
si on retourne à notre première question? Il faut d'abord
remarquer que, contrairement à la Charte des droits et libertés
qui définit clairement les éléments de discrimination, la
loi actuelle - je parle de la loi sur l'accès - parle de renseignements
nominatifs comme des renseignements qui concernent une personne physique. C'est
l'article 54, c'est très général. Si nous regardons aussi
l'article 37 dont on vous a parlé tantôt en longueur, vous voyez
aussi qu'on parie de dossiers sur une autre personne, sans plus de
précisions. C'est aussi très général. Alors, j'ai
essayé d'identifier plus spécifiquement qu'est-ce qu'on voulait
à ce moment-là toucher.
Si on va aux études et la commission, on réfère
souvent aux dossiers contenant des renseignements sensibles, mais ce n'est
défini nulle part c'est quoi, des renseignements sensibles. On dit, par
exemple, que ce sont des dossiers qui contiennent des renseignements sur
l'appartenance religieuse ou partisane. Ça, c'est le parti politique.
Dossiers sociomédicaux, évidemment les écoles, les
hôpitaux, ou bien la feuille de route financière d'une personne.
On parie des dossiers de crédit, tout ce que vous voulez. C'est un peu
le contexte qu'on considère comme renseignements sensibles. Alors, nous,
en tant qu'assureurs, qu'est-ce que nous possédons dans nos dossiers
comme renseignements sensibles? Il faut donc voir, au point de départ,
qu'il y a toute une marge entre ce que la Commission considère comme
renseignements sensibles qui ont besoin d'être protégés et
la loi, qui, dans un contexte très large, parie de renseignements
nominatifs et même, à ce moment-là, de dossiers sur une
personne, qui est plutôt vague.
Nous sommes d'avis qu'il serait peut-être logique de relier les
renseignements sensibles aux éléments de discrimination ou, au
moins, de parier de domaines pour que les usagers et les utilisateurs soient
capables de faire au moins un certain lien. Après tout, la protection
des droits privés, c'est dans le même contexte que la protection
des droits et libertés. C'est un peu un autre volet, tout
simplement.
Ceci étant dit, voyons d'abord le genre de dossiers qui sont
détenus par les assureurs et leurs organismes - ici, nous parions
d'organismes et d'assureurs comme les caisses Desjardins - pourquoi ils ont des
dossiers et de quelle façon ils seront touchés par les
recommandations du comité interministériel.
Nous avons réellement deux genres de dossiers en assurance de
dommages. Nous avons un dossier de souscription, c'est-à-dire lorsqu'il
y a une demande d'assurance, et nous avons le dossier de sinistre, une
réclamation d'indemnité après un sinistre.
Regardons brièvement ce qu'est un dossier de souscription,
qu'est-ce qu'il peut y avoir dans ce dossier de souscription qui existe,
évidemment, depuis très longtemps et bien avant l'informatique.
Le principe de base d'assurance de dommages, c'est la répartition des
risques, c'est-à-dire toutes les pertes parmi tous les assurés.
Alors, à ce moment-là, c'est un concept de mutualité.
C'est un concept très vague. Nous nous adressons à la population
en général, au public, qui est la majorité
évidemment, le grand public est assuré.
Nous avons, chacun d'entre nous, un intérêt à ce que
chacun paie sa juste part des primes. C'est pourquoi la loi exige depuis
toujours et bien avant la venue de l'informatique certains renseignements
particuliers. Ces renseignements-là, ce sont des renseignements relatifs
aux biens assurés, à la localisation du bien, à son
état - toujours très objectifs - et dévoiler tout autre
fait qui pourrait influencer la survenance d'un sinistre qui peut avoir une
influence sur la prime, par exemple, les sinistres antérieurs, et aussi
dévoiler, en cours de contrat, des changements qui pourraient affecter
ces éléments. Donc, ce n'est pas un dossier fermé, c'est
un dossier en constante évolution et c'est un dossier qui est
constitué en vertu de certains critères de la loi.
En habitation, par exemple, les éléments qu'on va
demander... On va demander des détails sur la construction, sur la
localisation, sur l'occupation de l'individu, si ça a un impact sur le
genre d'assurance. Mais l'assureur doit faire une deuxième étape,
évidemment, c'est de vérifier ce que l'assuré lui dit
comme renseignements, s'ils sont véridiques. Alors, à ce
moment-là, il doit faire une deuxième consultation non pas
seulement auprès de l'individu, mais il doit vérifier si,
à ce moment-là, selon ses connaissances et selon son
système à lui, l'information est réelle. Et cette
information-là, par exemple, vous allez la vérifier dans le
domaine de l'automobile auprès d'un nouveau fichier dont M. Raymond
Medza va vous parier tantôt, qui est le fichier des sinistres
automobiles. Alors, ça donne un exemple de ce qu'est, en fin de compte,
le dossier de souscription.
Ce sont des renseignements publics ou visibles en général.
Ce ne sont pas des renseignements secrets. Ce n'est pas un dossier
médical en ce sens. Nous ne sommes pas en assurance-accident-maladie ni
en assurance-vie. Est-ce que ce sont vraiment des renseignements sensibles?
C'est la première interrogation que nous nous posons. Nous ne le croyons
pas parce qu'en fin de compte on peut faire la constatation de visu. Les
voisins connaissent ces renseignements-là, le courtier d'assurances et
les agents d'assurances, les policiers les connaissent, le gouvernement et bien
d'autre monde les connais-
sent finalement. Pourquoi est-ce que c'est significatif, à ce
moment-là? Pourquoi c'est un renseignement sensible ou secret?
Je dois d'abord dire que personne n'accumule des données pour le
simple plaisir de les accumuler. C'est très dispendieux. Il y a toute
une procédure à suivre et, en fin de compte, personne... Le
temps, c'est de l'argent. En entreprise, il faut quand même aller au plus
direct et au plus efficace. Ils sont demandés pour des raisons bien
précises. Ils sont utilisés pour des fins bien précises et
pour établir correctement la prime. C'est réellement le but. Il
n'y a aucun échange de dossiers entre assureurs en général
et les dossiers sont détruits dès qu'ils ne sont plus utiles.
Alors si, par exemple, il y a une interrogation pour une assurance, que la
personne donne des renseignements et qu'elle décide de ne pas s'assurer
auprès de cet individu-là, le dossier disparaît. On ne
garde rien pour le simple plaisir de garder des renseignements. D'ailleurs, M.
John Harbour pourra répondre à vos questions sur ce que
constituent réellement la cueillette, la protection, la constitution de
ces dossiers. Évidemment, comme vous le savez, c'est le
représentant le plus important, au Québec, en assurance des
particuliers. Il va se faire un plaisir de répondre à toutes vos
questions en matière de responsabilité et construction des
dossiers personnels par un assureur.
Le deuxième dossier qui est constitué par les assureurs,
c'est le dossier de sinistre. C'est un dossier très simple, à ce
moment-là. En cas de sinistre, la loi, encore, exige que l'assuré
justifie sa demande et qu'il fournisse une déclaration fidèle des
faits pertinents. C'est la loi qui l'exige. Une deuxième étape
encore. L'assureur doit vérifier si, effectivement, les
déclarations de l'assuré sont exactes, avant de faire un
paiement. C'est sa responsabilité vis-à-vis de la
mutualité. Dans ce contexte, les vérifications vont se faire
auprès de l'assuré lui-même autant que possible, de
témoins. Si c'est de l'automobile, par exemple, ou si c'est une
enquête sur un incendie, il va y avoir des témoins. Tout autre
intervenant possible possédant des renseignements pertinents, ça
peut être les autorités policières, les divers
ministères, ça peut être le SACA, justement, qui pourra
vous entretenir de la fonction de l'organisme.
L'assureur doit aussi minimiser le plus possible le coût de
l'assurance en récupérant le plus possible les marchandises
endommagées. Donc, il doit faire enquête pour aller voir où
sont partis les objets volés. Alors, à ce moment-là, il y
a toute une enquête sur le vol, le vandalisme, la fraude, l'incendie
criminel, les accidents de la route, etc. C'est dans le contexte
d'enquête. Donc, l'information doit être disponible non seulement
de l'individu comme tel, mais aussi de tiers. Elle est essentielle pour
réellement répondre aux critères de la loi, celle
d'indemniser de façon équitable et le plus rapidement
possible.
Donc, pour combattre la fraude en assurance, depuis la
réclamation exagérée sur la valeur qui existe et pour un
bien non existant jusqu'aux réseaux internationaux de fraude, les
assureurs, comme les autorités policières, à ce
moment-là, ont besoin d'autres renseignements et parfois vont aller
à l'extérieur de la province. On a parlé tantôt des
informations interprovinciales et interpays. Nous aussi, évidemment,
nous parlons surtout de l'Amérique du Nord, nous ne parlons pas de
l'Europe, du moins on va vous le mentionner tantôt.
Donc, puisque la loi oblige l'assureur à indemniser son
assuré dans les 60 jours de la réception de la demande de
l'indemnisé, l'assureur doit le faire de façon vigilante,
c'est-à-dire qu'il ne peut pas attendre d'aller chercher mille et un
documents et de demander mille et une autorisations. Il doit le faire de
façon assez rapide, mais, tout de même, dans un contexte
confidentiel. C'est pourquoi, à ce moment-là, nous sommes
d'accord avec plusieurs des commentaires qui sont faits sur la
confidentialité de certains renseignements, mais dans un contexte quand
même possible. (21 h 30)
Les autorités et les autres juridictions possèdent donc
des renseignements qui pourraient nous être utiles, et vice versa. C'est
non seulement le Québec vers l'extérieur, mais, aussi, nous avons
besoin très souvent de renseignements qui sont soit d'une autre
province, soit des États-Unis. Alors, à ce moment-là, il
faut quand même avoir ce genre de réciprocité et
d'échange pour avoir un service équitable. L'importance du
Service anti-crime qui complémente les autorités
policières et celui des enquêteurs des assurances, M. Cloutier,
peut vous l'expliquer en quelques mots, surtout vous entretenir sur la
constitution du dossier qui, j'en suis certaine, vous intéresse parce
que c'est un dossier particulier et il n'est pas tellement connu du public, ce
n'est pas un organisme qui est connu du public comme, évidemment, le
Groupement des assureurs automobiles. Mais il est quand même d'une
importance primordiale et c'est un dossier, c'est un groupe qui sera
affecté directement par la structure et le genre de législation
possible qui pourrait être introduite au Québec. Alors, M.
Cloutier, je vous donne la parole.
Le Président (M. Gauvin): M. Cloutier.
M. Cloutier (Jean-Claude): M. le Président, mesdames,
messieurs, le Service anti-crime des assureurs est un organisme à but
non lucratif qui fut créé en 1923 par les assureurs
opérant au Canada pour essayer d'apporter une juste balance entre
certains assurés qui ne déclaraient pas tous les sinistres qu'ils
avaient subis et la justice envers le public en général. Nos
dossiers contiennent des renseignements pertinents sur
l'identité d'un assuré qui a présenté une
demande d'indemnité, autrement dit il faut qu'on sache qui est cette
personne. Si vous regardez dans le bottin téléphonique de
Montréal, par exemple, vous allez voir 16 Jean-Claude Cloutier. Mais il
n'y en a pas un seul qui a la même date de naissance que moi, par
exemple. Alors, ça ne veut pas dire que tous ces Jean-Claude Cloutier
devraient être fichés dans le même dossier. De plus,
certains de ces assurés semblent oublier, parfois très
volontairement - et ce n'est pas un phénomène strictement
québécois, c'est national, c'est international, c'est
intercontinental - certains des sinistres qu'ils ont subis au cours des
années, afin de pouvoir réussir à obtenir une prime plus
intéressante, plus alléchante de la part de leurs assureurs.
Alors, ceci permet d'apporter un certain niveau de vérité.
Il y a beaucoup de véhicules volés, par exemple, qui se
ramassent aux États-Unis. Alors, nous fournissons à notre
contrepartie américaine le numéro d'identité des
véhicules volés qui nous ont été rapportés
ici afin que, si ces véhicules-là sont retrouvés aux
États-Unis, ils puissent être remis à leurs
propriétaires québécois et canadiens.
Les renseignements que nous avons sont disponibles strictement aux
assureurs qui sont membres de notre organisation et qui s'engagent, lors de
leur adhésion à nos services, à respecter les
règlements de confidentialité qui existent chez nous. Ils doivent
démontrer un besoin de connaître et aussi le droit de
connaître soit par une demande d'assurance, soit par une demande
d'indemnité à la suite d'un sinistre. Vous aurez sans doute
beaucoup de questions à poser tantôt, ça me fera plaisir
d'y répondre, mais je crois que, dans l'intérêt du temps,
je devrais peut-être m'arrêter à ce moment-ci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M Cloutier, de votre
présentation. Est-ce que vous avez, Mme Lamontagne, d'autres
collaborateurs qui aimeraient ajouter? Il reste quelques minutes.
Mme Lamontagne: Oui, M. le Président. M. Raymond Medza
pourrait vous donner quelques idées sur la constitution de son fichier
pour vous situer dans le contexte des dossiers qui existent présentement
au Québec.
Le Président (M. Gauvin): M. Medza.
M. Medza (Raymond): Merci, M. le Président. L'Inspecteur
général des institutions financières a obtenu, en 1989,
l'obligation de créer un fichier central des sinistres en vertu d'une
loi, le projet de loi 133 qui modifiait la Loi sur l'assurance automobile. Ceci
avait comme objectif de permettre aux assureurs d'appliquer une tarification
qui tenait compte un peu plus équitablement des accidents responsables
et non responsables dans lesquels les personnes avaient été
impliquées. Je commenterai sur l'usage, la collecte et l'accès
à l'information. L'usage, c'est essentiellement et strictement pour des
fins de tarification plus équitables d'un contrat d'assurance. La
collecte est faite sous une commande et sous un ordre de l'article 177 de
l'Inspecteur général des institutions financières par le
plan statistique dont l'administration a été confiée au
Groupement des assureurs automobiles. L'accès est réservé
exclusivement aux assureurs, uniquement dans le but d'émettre ou de
renouveler un contrat d'assurance et d'établir la prime à
laquelle l'assuré a droit et l'accès est assujetti à un
certain nombre de critères dont le GAA doit vérifier le
respect.
Pour complementer le régime, nous avons trois avis qui sont
transmis à l'assuré. Un premier avis au moment de
l'émission du contrat, dans lequel on l'informe qu'en vertu de la loi -
et on précise les articles - les informations pertinentes à un
sinistre dans lequel il sera impliqué seront transmises au fichier
central des sinistres et pourraient être transmises à un autre
assureur qui en ferait la demande dans le but d'émettre un contrat
à son nom. Un deuxième avis est émis à
l'assuré au moment où il subit un sinistre. Lorsqu'il fait une
réclamation, on lui dit: Vous avez fait une réclamation, voici
les modalités selon lesquelles nous avons réglé ce
sinistre. Voici les sommes qui vous sont déboursées ou qui ont
été déboursées en votre nom. Ce sont ces
informations qui seront transmises au fichier central des sinistres. Vous avez
le droit de contester les informations qui sont contenues dans cette
réclamation-là et vous avez également le droit
d'accès à cette information-là pour le corriger. Nous vous
rappelons ce qu'on vous a dit quand on a émis le contrat, que cette
information pourrait être transmise encore une fois à un assureur
qui va en faire la demande, si vous lui demandez de vous assurer.
Et, enfin, on l'informe une troisième fois, c'est au moment
où on consulte le fichier et on se dit: M. l'assuré ou Mme
l'assurée, nous avons consulté le fichier. Nous avons dû
modifier votre prime parce que les informations qui y étaient contenues
ne sont pas conformes a celles que vous nous avez transmises. Et il y a
évidemment le droit de rectification qui est rappelé.
Alors, voilà en six items, bref, le fichier central des sinistres
automobiles.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que vous avez d'autres
intervenants, Mme Lamontagne, ou si on passe au questionnement?
Mme Lamontagne: Non. Je veux juste conclure pour montrer que
l'item qui nous concerne surtout, c'est d'abord qu'il y ait certaines
législations qui contrôlent certains fichiers, et ce qui nous
concerne particulièrement, c'est le droit de consentement qui semble
très important pour la commission, le consente-
ment préalable qui, pour nous, va être le problème
majeur dans le contexte de deux genres de fichiers et dans le contexte du
travail et des informations demandées par les assureurs. Je vous
remercie, M. le Président. Nous sommes prêts à
répondre à vos questions.
Le Président (M. Gauvin): J'invite M. le ministre des
Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
les auteurs de cette présentation; d'abord, de leur disponibilité
à venir se présenter devant la commission, mais aussi à
nous transmettre les renseignements que nous désirons obtenir.
Peut-être une question rapidement. Vous avez parlé un peu
plus tôt, sans véritablement donner de chiffres, vous avez
indiqué que l'imposition des règles alourdirait les coûts
des entreprises de l'État, des consommateurs lorsque vous avez dit que,
quant à vous, il était peut-être préférable
de ne pas légiférer, mais que, si obligation il y avait, on
pourrait y aller par un cadre ponctuel, favoriser l'autoréglementation
etc., et vous avez parlé évidemment d'un certain nombre de
coûts. Pourriez-vous me dire si vous avez fait une évaluation des
coûts que pourrait engendrer une intervention législative, tel
qu'il a été proposé par le comité
interministériel?
Mme Lamontagne: M. le Président, nous n'avons pas fait une
étude comme telle parce que nous ne savons pas jusqu'à quel point
la loi peut aller. Elle peut être très générale et
elle peut être très restrictive. Alors, c'est difficile. Mais tout
nouveau contrôle et toute nouvelle intervention, quel que soit le
domaine, évidemment ont un impact sur le coût administratif.
Peut-être que M. Harbour, ici, qui est un assureur qui est dans le
domaine financier, pourrait répondre plus spécifiquement à
ce sujet.
Le Président (M. Gauvin): M. Harbour.
M. Cannon: Juste pour compléter, non, je le savais,
madame. J'ai évidemment la réponse que vous me fournissez. Je
voulais simplement savoir si vous aviez fait une étude de coûts.
C'est sûr que la portée, etc., je comprends très bien que,
dépendant de ce que nous allons vouloir ajouter, ça va modifier
les coûts. Mais je voulais savoir si, d'une façon pointue, une
intervention directe avait été faite au niveau d'une
évaluation des coûts. C'est tout.
Mme Lamontagne: Non, parce que c'est tout simplement
l'expérience de nouvelles interventions. Tout ralentissement du
cheminement d'émission de contrats, évidemment, il y a un
coût qui y est rattaché, qui a un impact à ce
moment-là. Alors, c'est comme ça qu'on peut d'avance dire qu'il
va y avoir un coût. Je veux dire, tout nouveau contrôle se traduit
toujours par un effet sur les coûts administratifs.
M. Cannon: Bon. Pour votre travail, outre le fichier central des
sinistres automobiles, consultez-vous d'autres banques de données? Par
exemple, chez Équifax ou chez d'autres agences similaires?
M. Medza: En rapport avec le fichier central des sinistres?
M. Cannon: Oui.
M. Medza: Le fichier central des sinistres est administré
et géré par le Groupement des assureurs automobiles, mais le
traitement est fait pour nous, par contrat, chez la société
Équifax en vertu d'un contrat qui a été approuvé en
ce sens. Mais Équifax n'est pas une agence dans ce sens. C'est un
ordinateur.
M. Cannon: O.K. Est-ce qu'il y a une raison précise pour
laquelle vous avez confié la mise au point et l'exploitation de ce
fichier-là à Équifax?
M. Medza: Pour ne pas acheter un ordinateur de 12 000 000 $.
M. Cannon: Comment?
M. Medza: Pour ne pas acheter un ordinateur de 12 000 000 $.
Une voix: C'est une bonne raison.
M. Medza: Pour une raison économique, purement et
simplement.
M. Cannon: O.K. Quelles sont les normes de protection de
renseignements personnels que doit appliquer Équifax dans la gestion de
ce fichier?
Le Président (M. Gauvin): M. Medza.
M. Medza: Les normes que doit respecter Équifax sont
exactement les mêmes que s'il était le bureau de l'Inspecteur
général ou le Groupement des assureurs automobiles, parce que
c'est un fichier public.
M. Cannon: Comment faites-vous pour vous assurer du respect de
ces normes? Est-ce que, périodiquement, vous vérifiez? Comment
procédez-vous?
M. Medza: D'abord, nous avons une journalisation de tous les
renseignements qui sont visés dans le fichier. On a une journalisation
de toutes les consultations. Nous avons, en plus, nos propres
vérificateurs qui vont à la fois vérifier chez
Équifax si les normes du contrat ont été respectées
et chez les assureurs pour s'assurer
qu'eux aussi respectent la façon de contacter l'assuré.
Évidemment, le moyen le plus sûr, ce sont les assurés qui,
eux, font les vérifications de leur propre dossier. Alors, on peut
vérifier avec eux si tout est rapporté correctement.
M. Cannon: Simplement pour me donner une idée de la
dimension, quelle est la portée ou quel serait le nombre de fichiers que
pourrait gérer Équifax pour vos fins à vous?
M. Medza: Selon le plan statistique automobile, dès la
dernière publication 1990, il y avait eu 800 000 réclamations,
demandes d'indemnité. Donc, on peut présumer qu'il y aurait, pour
chacune de ces indemnités versées, un dossier. Par contre, il
faut l'augmenter parce que, dans le cas où il y a des accidents
impliquant deux parties normalement, on aura peut-être des numéros
de personnes impliquées dans les accidents et pour lesquelles aucune
indemnité n'a effectivement été versée, mais qui
sont les responsables de l'accident.
M. Cannon: Je ne sais pas si c'est M. Cloutier qui peut
répondre à cette question-là parce que, plus tôt, on
a parlé de l'anti-crime, du dossier anti-crime et vous avez
répondu là-dessus. Tout simplement pour savoir si, par exemple,
ce qui est contenu dans le dossier Équifax et ce qui est
géré et développé par vous, peut servir à
d'autres fins, si, par exemple, il y a une transmission des données qui
pourraient être utilisées ailleurs, bref qu'il y ait une
finalité autre que celle pour laquelle, les exemples que vous m'avez
mentionnés tout à l'heure, pour laquelle l'assuré a
été avisé.
Le Président (M. Gauvtn): M. Cloutier.
M. Cloutier: Merci. Premièrement, notre ordinateur, nous
le gérons nous-mêmes. Nous n'avons pas une base de données
aussi grande que celle du Groupement et, donc, nous n'avons rien à voir
avec Équifax. Ces renseignements sont détenus
spécifiquement soit pour l'enquête que nous faisons à la
suite d'un sinistre ou pour le souscripteur qui en fait une demande, lorsque je
reçois une demande d'assurance.
M. Cannon: Dans le cas de rectification - parce que l'autre soir,
lorsqu'on a discuté et échangé avec les gens
d'Équifax, on a parlé beaucoup de la question de rectification
des données, et je pense qu'il y a des cas, des exemples qui sont
parfois des monstruosités au niveau des difficultés qu'on peut
rencontrer lorsqu'on gère l'informatique. D'ailleurs, vous l'avez
mentionné, il peut y avoir effectivement deux Jean-Claude Cloutier, ou
20 ou 10, et, entre tous ces gens-là, des fois, on n'arrive pas à
se comprendre et on n'arrive pas, justement, à préciser la nature
de ces éléments-là. Ma ques- tion, finalement, c'est de
savoir comment vous faites pour corriger ça. Est-ce que l'odieux repose
sur les épaules de l'assuré? Comment on procède?
M. Cloutier: Nous avons un système de vérification
interne, premièrement, lorsque les renseignements nous arrivent, pour
s'assurer qu'ils sont réellement pertinents à la personne
concernée. Si nous découvrons que cette personne-là a
déjà eu un autre sinistre par le moyen d'identification que nous
employons, alors, nous sommes relativement certains à ce
moment-là que c'est la même personne. En cas d'incertitude, si
ça peut amener à la création d'un dossier, nous nous
tournons soit vers les assureurs pour leur poser des questions afin de nous
renseigner plus pleinement ou nous nous tournons même vers nos
enquêteurs pour qu'ils nous fournissent les renseignements requis. (21 h
45)
M. Cannon: Est-ce que vous vous servez du plumitif, par exemple,
de nos cours, de nos palais de justice?
M. Cloutier: Pas pour la création des dossiers, non. C'est
strictement...
M. Cannon: Mais pour la mise à jour?
M. Cloutier: Ça, c'est le domaine de l'enquêteur,
à un moment donné.
M. Cannon: Oui. Mais pour la mise à jour.
M. Cloutier: Pour la mise à jour, non, nous ne nous en
servons pas.
M. Cannon: Non? M. Cloutier: Non.
M. Cannon: Alors, vous constituez l'information directement
à partir d'une interrogation avec l'assuré potentiel ou
enfin...
M. Cloutier: C'est ça, M. le ministre.
M. Cannon: Et il n'y a pas d'autres... Les informations que vous
gérez, que vous possédez dans vos fichiers, cette
information-là n'est pas transmise ailleurs que pour les fins dont vous
nous avez parlé plus tôt.
M. Cloutier: Exactement.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie
évidemment pour votre présence
et pour votre mémoire qui nous permet de connaître
davantage un secteur bien particulier, celui des assurances, secteur d'ailleurs
qui est très prospère au Québec puisque nous sommes parmi
les peuples les plus assurés au monde. J'aimerais savoir le pourcentage
d'assurés qui, concrètement, vérifient leur dossier.
Est-ce que vous en avez une idée?
M. Medza: Je peux vous donner un nombre de personnes qui ont
vérifié dans le premier mois parce que ça fait un mois que
ça fonctionne. Il y a eu 27 assurés sur quelque 260 demandes, je
crois, ou quelque chose comme ça. Ça va prendre encore quelques
années avant que les gens veuillent vérifier leur dossier. Il ne
faut pas oublier que le dossier de conduite est réimprimé dans
leur contrat d'assurance. Il est imprimé dans le contrat d'assurance.
À la question 5 ou 6 des déclarations, on doit indiquer les
réclamations. L'assuré connaît très bien les
réclamations dans lesquelles il a été impliqué,
mais la mémoire étant une faculté qui oublie et souvent
qui oublie volontairement, c'est ce qu'on appelle l'amnésie
sélective, on peut oublier certaines réclamations à
certaines époques et le fichier n'a pour but que de les rappeler
à la mémoire de la personne. Et, là, elle peut les
contester, auquel moment nous allons faire la vérification
nécessaire et ramener les preuves, non les avis, qui sont les documents,
mais c'est tout.
Mme Caron: Donc, 27 sur quelque 200, c'est évident que
très peu d'assurés, en fait ou concrètement,
vérifient si les données qui y sont contenues sont
réelles.
M. Medza: Ils le savent parce qu'on leur donne un avis de quelle
information va être dans le fichier.
Mme Caron: Vous m'avez parlé de l'avis tantôt, je
voudrais revenir là-dessus. Vous nous avez parlé que, lors d'un
accident, l'assuré recevait trois avis.
M. Medza: Non. J'ai dit que l'assuré, dans la
carrière de sa police, recevait trois avis...
Mme Caron: Oui, trois avis.
M. Medza: ...un avant le renouvellement, un au moment de
l'accident et un au moment de la consultation.
Mme Caron: Est-ce que c'est une obligation pour toutes les
compagnies d'assurances?
M. Medza: C'est une obligation juridique, madame, et c'est fait
depuis le 1er juillet 1990.
Mme Caron: Je vous avoue avoir eu à faire une
réclamation et je...
M. Medza: En assurance automobile?
Mme Caron: En assurance automobile, et je n'ai jamais reçu
un avis me disant ce qu'il y aurait à mon dossier ou pas. La seule chose
qu'on m'a demandée, c'est une petite carte me demandant si
j'étais bien satisfaite de la rapidité du paiement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): M. Harbour.
M. Harbour (John): Oui. C'est une pratique, lorsqu'on émet
le chèque d'un règlement de sinistre, sur le talon du
chèque, on indique les droits d'un assuré, le pourcentage de
responsabilité attribuée lors d'un accident et, à ce
moment-là, on indique que ces renseignements-là vont être
retournés au fichier central pour fins de consultation au point de vue
des assureurs. Donc, ce n'est pas un avis séparé qu'on
reçoit par le courrier, mais bien sur le talon du chèque
même. C'est la pratique normale des assureurs de donner cet
avis-là au moment d'une réclamation. Donc, c'est lors du paiement
qu'on indique aux assurés, et tout de suite on les met en garde sur leur
droit de contester la décision de l'assureur. Si je vous indique une
responsabilité à 100 % et que vous n'êtes pas d'accord,
vous avez le droit au recours courant pour contester la décision de
l'assureur. Donc, on informe sur le talon de chèque.
Mme Caron: Est-ce que vous pensez vraiment que c'est suffisant
pour le consommateur qui reçoit ça - parce que je vous avoue
que... Je vais vérifier mon talon, mais je n'ai vraiment jamais vu
ça - et que c'est suffisant pour que la personne, vraiment, soit
consciente de ce qui arrive dans son dossier? C'est un petit peu comme les
petites clauses écrites toutes petites sur les contrats, des fois. Vous
ne pensez pas?
Le Président (M. Gauvin): M. Medza.
M. Medza: Quand vous pariez de l'assuré qui reçoit
cet avis, il va avoir de gros problèmes. On a prévu ça,
justement parce que, quand il va recevoir son renouvellement, il y a rarement
quelqu'un d'abord qui aime payer une prime d'assurance, au départ. Il va
donc avoir...
Mme Caron: C'est la même chose pour un assureur. C'est rare
qu'un assureur aime verser un montant aux assurés.
M. Medza: Au contraire, c'est la responsabilité qu'on a.
Je peux vous dire que les 2 700 000 000 $ d'indemnités versés sur
les quelque 3 000 000 000 $ de primes que nous versons par année...
Mme Caron: Ça vous fait plaisir.
M. Medza: C'est pour ça qu'on est payé.
Le Président (M. Gauvin): M. Harbour.
M. Harbour: Ça nous fait tellement plaisir, madame, que
lorsqu'un assuré fart une réclamation, habituellement, on lui
donne un pardon en cours de terme, parce que c'est l'abus qu'on n'aime pas.
Mme Caron: Ça fait tellement plaisir que ça va vous
permettre d'augmenter après, c'est pour ça?
M. Harbour: Non. Le pardon qui habituellement est donné
n'augmente pas la prime, mais il faut dire que c'est notre métier.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Vous avez parlé de
vérification, d'échange d'information parfois entre diverses
banques de données autant aux États-Unis que dans les autres
provinces. Comment ça se passe?
M. Medza: Pas avec la question du fichier central des sinistres.
Avec le Service anti-crime des assureurs.
Le Président (M. Gauvin): M. Cloutier,
peut-être.
M. Cloutier: Sur une demande formelle de notre contrepartie
américaine qui dit qu'ils ont reçu un rapport de vol d'un
assuré demeurant au Québec, par exemple. On nous demande: Est-ce
que cet assuré-là a déjà présenté
d'autres demandes d'indemnités pour vol ou pour incendie ou quelque
chose de semblable? L'entente que nous avons, c'est que ces demandes-là
doivent me parvenir à moi en tant que président de l'organisme
par le président de l'autre organisme. Autrement dit, on s'assure que ce
n'est pas juste par simple curiosité que ces demandes-là sont
faites.
À ce moment-là, j'avertirai mon collègue
qu'à telle date cette personne-là, avec cette date de naissance
et cette adresse, a subi ou n'a pas subi de sinistre antérieur.
Mme Caron: Au niveau des personnes - parce que c'est
arrivé souvent au bureau de comté - qui sont victimes de
plusieurs accidents et qui ne sont pas nécessairement en faute, mais qui
ont plusieurs accidents, et qui sont considérées comme des
candidats à risque, est-ce que finalement elles ne se retrouvent pas,
ces personnes-là, à n'absolument pas pouvoir s'assurer et
à être concrètement pénalisées parce que ces
informations-là, finalement, sont connues de tous les assureurs?
Le Président (M. Gauvin): M. Medza.
M. Medza: Au niveau d'un assuré qui subit plusieurs
accidents ou qui fait plusieurs réclamations, il est certain que son
risque va devenir plus grand. Bon. Il va subir la prime en conséquence,
comme il aurait dû, de toute façon, ce qui fait que
l'assuré qui a de meilleures conditions va avoir une condition plus
favorable. Au niveau de s'assurer, s'il a de la difficulté à
s'assurer, la loi oblige les assureurs à fournir de l'assurance à
toute personne qui en fait la demande en matière d'assurance automobile.
Nous avons un mécanisme, qui s'appelle le plan de répartition des
risques, sur lequel les assureurs peuvent transporter tous les risques qu'ils
n'auraient pas acceptés autrement.
Dans les personnes qui ont vraiment de la difficulté, il y en a
quelques-uns, je crois que c'est 347 pour toute l'année, l'an dernier,
sur 3 000 000, je crois, d'automobilistes. Dans ces cas-là, je pense
qu'il y en a une quinzaine qui doivent avoir des accusations criminelles, une
vingtaine qui doivent avoir perdu leur permis de conduire et une trentaine qui
ont plus de 10 accidents, dans les trois dernières années.
Mme Caron: Donc, il nous reste à peu près 300
personnes vraiment pénalisées.
M. Medza: Pardon? Qui ont... Mme Caron: Sur les 347.
M. Medza: Sur les quelque 300? Il reste des véhicules qui
font du transport de biens spécialisés, des gens qui ont des
déclarations frauduleuses.
Mme Caron: J'aimerais revenir sur le consentement. Dans vos
recommandations et dans votre mémoire aussi, vous revenez souvent sur le
fait que ce soit important que ça puisse s'effectuer sans le
consentement des personnes. Pourquoi c'est si difficile à mettre en
application ou pourquoi vous vous opposez tant à ce
consentement-là de la personne? Ça ne vous apparaîtrait pas
normal qu'une personne doive consentir à ce que des renseignements
soient mis dans ie fichier?
Le Président (M. Gauvin): M. Medza.
M. Medza: Sur la question... et là je vais parler pour le
fichier central des sinistres. Si on regarde au Québec, l'assurance
automobile est obligatoire. Je dois fournir de l'assurance à quelqu'un.
Ma responsabilité comme assureur, c'est de fournir à tout le
monde un tarif qui soit équitable. Pour me permettre, comme assureur,
de
faire cette chose-là, la loi a créé un plan
statistique duquel je collecte toutes les informations d'accidents et duquel
j'extrais certaines informations qui peuvent être consultées et
qui touchent les réclamations.
Si je dis à un assuré: Je devrai avoir votre consentement
pour vérifier les réclamations que vous avez eues, que se
passe-t-il s'il ne me l'accorde pas? Est-ce que je lui donne un tarif qui n'est
pas préférentiel? Je ne peux pas lui donner un tarif. Je devrai
le considérer comme quelqu'un qui est un risque moyen ou aggravé.
Donc, je vais lui charger plus cher.
Si je ne lui demande pas son consentement, je peux automatiquement aller
dans le fichier. Quand il n'y a pas de réclamation, qu'il me donne ou
non son consentement, il va bénéficier du bon tarif. Et, quand il
est un mauvais risque, il n'aura pas besoin de me donner son consentement. Je
vais le savoir. S'il n'est pas d'accord qu'il est un mauvais risque et qu'il
n'a pas de réclamation, il peut les contester, parce que je vais lui
dire que j'ai consulté et que c'est à cause des informations qui
sont dans le fichier que je lui charge cette prime-là. Il peut me dire:
C'est quoi qui est dans le fichier? Et on va aller les chercher et les fui
remettre.
Alors, on lui aura donné toutes les possibilités. De ce
côté-là, c'est à peu près ce que je peux
dire. Je ne sais pas si...
Le Président (M. Gauvin): M. Harbour, oui.
M. Harbour: C'est l'universalité du fichier qui
amène son application pratique à travers la population. Ça
fait que si quelqu'un a donné son consentement pour que je transmette le
dossier au civil, au fichier central, à ce moment-là, si je n'ai
pas le consentement, je n'ai pas le droit de le transférer. Donc, le
fichier serait complètement inopérant. Si j'ai besoin de son
consentement aussi pour avoir accès au fichier, à ce
moment-là, ça ne devient pas universel. D'ailleurs, ce n'est pas
le seul endroit où en a accès comme ça à des
données croisées. Vous avez la Régie de l'assurance
automobile du Québec qui, maintenant, va tarifer avec les points de
démérite et les dossiers de conduite. Et ils font tout simplement
croiser les deux informations d'une manière universelle pour être
justes et équitables envers la population dans sa totalité.
Ça fait que, avant ça, vous aviez la personne
honnête qui arrivait chez nous et disait: J'ai eu trois accidents,
responsables ou non responsables - elle subissait une pénalité -
ne le déclarait pas, donc on ne le savait pas. À ce
moment-là, elle ne payait pas sa quote-part, si vous voulez, sur la
mutualité. Maintenant, il va y avoir une équité plus
grande, à savoir on va avoir les dossiers. À ce moment-là,
ça va nous permettre probablement plus de pardons et réellement
déterminer quels seront les bons ou les mauvais risques ou les risques
plus hasardeux et à ce moment-là, bien équilibrer la
tarification versus l'exposé qu'on a sur le risque à assurer.
C'est une question d'équité.
Mme Caron: Mais, bien sincèrement, vous ne pensez pas que,
lorsque quelqu'un fait une réclamation, finalement, la personne, c'est
elle qui est en position de faiblesse ou c'est elle qui, automatiquement, va
donner son consentement, mais, au moins, en le donnant, elle est
informée qu'on transmet les informations d'une manière bien
claire?
Le Président (M. Gauvin): M. Medza.
M. Medza: Qu'elle donne son consentement ou non, on va l'informer
qu'on transmet l'information. Elle est toujours informée. Elle est
informée au début du contrat ou on lui dit: Si vous avez une
réclamation. Mais, ça, vous avez admis ça. Vous savez, la
loi existe. Tout le monde n'a pas lu le Code civil sauf que, quand je commets
une infraction à l'endroit du Code civil, je suis condamné quand
même. C'est la même chose en assurance automobile. Si j'informe...
Votre contrat, il n'y a pas grand monde qui lit ça. Pourtant, vous avez
les mêmes protections que quelqu'un qui l'a lu. Celui qui ne l'a pas lu
reçoit les mêmes. Dans le cas d'un accident, la meilleure chose
que je peux faire, c'est de lui envoyer un avis et de dire: Écoutez, je
vous émets un contrat et je vous dis: Si vous avez une
réclamation, je vais l'informer... À moins que je ne mette une
cloche après pour lui dire: Écoutez, en dessous de la petite
cloche, il y a une autre information. Mais, ça, il y a des coûts
de rattachés à tout. Mais je donne l'information, là.
La deuxième, je la donne au moment du sinistre. Il y a des
négociations dans un sinistre. On prend des déclarations, on va
déterminer la responsabilité. On envoie un chèque. Et,
chaque fois, on informe l'assuré puis on dit: Voici votre chèque,
voici le montant. Et, à la fin du sinistre, on lui dit: Voici, votre
réclamation a été réglée. Je vais la
transmettre, l'information. Vous pouvez contester ça, cette
réclamation-là ou le degré de responsabilité. C'est
écrit dans l'avis. Vous avez même le droit de contester le...
Puis, je vous le dis, l'information va être transférée dans
le fichier central, mais vous avez le droit de ne pas lire ça aussi.
Vous avez le droit de regarder juste le montant de l'indemnité.
Mme Caron: Je pense que ce serait peut-être mieux de le
dire verbalement par téléphone, en tout cas. Je voudrais revenir
au contrat avec Équifax. Vous nous disiez tantôt que
c'était une question bien pratique, que vous n'aviez pas les moyens
d'acheter un ordinateur. Vous avez sûrement à payer, à
défrayer pour cette entente-là, pour un contrat de
sous-traitance. (22 heures)
M. Medza: Sûrement. Les coûts qui sont
rattachés à une location d'une partie d'utilisation de temps d'un
ordinateur sont moindres que de prendre un ordinateur au complet. Si je prends
un taxi, ça me coûte moins cher que de louer une automobile pour
la journée.
Le Président (M. Gauvin): Je pense que M. Harbour voulait
ajouter à la réponse.
M. Harbour: C'est une question d'économie d'échelle
et de... aussi, parce qu'il fallait avoir accès au fichier central de
différentes façons et, à ce moment-là, dans la
communication interactive, cette compagnie-là nous offrait l'expertise
voulue pour avoir accès à des informations d'une manière
efficace. Donc, on arrivait à un coût moindre que si on avait fait
votre propre organisation.
Mme Caron: Et le fait de payer ce coût-là, est-ce
que vous avez les moyens de vous assurer d'une véritable protection des
dossiers qui sont gérés, de pouvoir faire de véritables
vérifications, puisqu'on nous disait tantôt que très peu
d'assurés vont vraiment vérifier?
M. Medza: II y a une distinction entre le droit d'accès de
l'assuré à son dossier, qui, de toute façon, doit lui
être donné, et les activités de vérification que
nous faisons. Les activités de vérification qu'on fait sont des
activités que nous faisons parce que nous désirons conserver le
mandat qui nous a été confié d'administrer le fichier. Si
on veut le conserver, il faut qu'on contrôle les informations qui sont
transmises, il faut qu'on contrôle la façon dont les informations
sont gérées et il faut qu'on contrôle comment nos membres
ont accès aux informations. Alors, il y a des étapes de
vérification au niveau de la saisie, il y a des vérifications de
l'utilisation, du traitement et du contrôle de la confidentialité
de l'information qui est maintenue par des processus de journalisation, qui est
un des éléments de vérification, et par les
vérifications qu'on fait chez les assureurs. Mais ça, c'est
presque notre phobie, il faut qu'on... Il y en a qui vont nous trouver
fatigants, mais on passe notre temps à "tchéquer". C'est n'est
pas plus différent que ça.
Mme Caron: Est-ce que ce n'est pas beaucoup plus compliqué
comme système? Tout le temps que vous allez prendre en
vérification, en contrôle, plus les coûts, vous ne nous avez
pas dit de quel ordre de grandeur pour ces contrats-là. Est-ce que
finalement, pour les risques qu'il y a, ce n'est pas plus onéreux en
temps et en montant?
M. Medza: Les vérifications que nous exerçons
auprès d'un ordinateur externe, quel qu'il soit, fût-il interne
chez nous, ne seraient pas différentes. On serait obligé de faire
ies mêmes types de vérifications parce que l'informatique, ce qui
est important de vérifier, c'est que l'information qui y est
stockée, qui est recueillie, elle est faite selon les normes de
confidentialité les plus strictes possible, que la
sécurité d'accès au fichier est bien faite et que les
informations ne sont pas diffusées n'importe comment. Mais, que
l'ordinateur soit interne ou externe, ça ne change rien au niveau des
exercices de vérification. Sans ça, ça aurait
été différent au niveau de l'approche. Mais ça ne
change rien, on est obligé de faire les mêmes
vérifications.
Mme Caron: On nous parlait tantôt d'une augmentation
possible des coûts des consommateurs, si on ajoutait au niveau de la
protection, finalement, mais ce type de contrat là et toute
l'organisation du fichier, est-ce que ce ne sont pas des coûts
additionnels pour le consommateur aussi?
Le Président (M. Gauvin): Mme Lamontagne, oui.
Mme Lamontagne: Je peux peut-être répondre. C'est
une question de long terme. Évidemment, il y a peut-être des
coûts initiaux comme, à chaque fois qu'il y a un nouveau
programme, il y a un coût de base, mais, quand même à long
terme, la meilleure répartition qui va se faire, ça va être
récupéré. En fin de compte, il faut regarder ça sur
une période de cinq ans, ou de trois ans peut-être. C'est une
période de rentabilité. C'est sous cet aspect-là qu'il
faut le voir.
Mme Caron: Et, au niveau de la protection, on ne pourrait pas le
voir sous cet aspect-là?
Mme Lamontagne: Je ne comprends pas votre question.
Mme Caron: Si on avait à assurer une législation,
vous nous dites que ça augmenterait les coûts des consommateurs,
mais est-ce que vous ne pouvez pas le voir justement sur une période
d'un système qui serait efficace, qui assurerait une protection à
long terme?
Mme Lamontagne: C'est exact. C'est ce qu'on dit. Ce sera tout
simplement un coût additionnel, à ce moment-là. Est-ce que
le coût additionnel en vaut la chandelle? C'est pour ça que
j'essayais plus tôt d'identifier quel était réellement le
problème et quelles étaient les meilleures solutions. Est-ce que
la solution proposée vaut réellement le but recherché?
C'est une question, à ce moment-là, de valeur économique
et de déterminer si réellement ça va la peine de le faire
et jusqu'à quel point on peut aller. C'est réellement une
évaluation purement
d'affaire, si vous voulez.
M. Medza: Dans la pratique, quand vous souscrivez à un
contrat d'assurance, aujourd'hui, ça se fait par
téléphone. Alors, tous les mécanismes se font par
informatique, c'est très rapide et c'est très peu coûteux
quand on en fait au volume. Si on devait obtenir des consentements, dès
lors où la demande d'assurance sera faite - et M. Harbour me corrigera
si j'ai tort - je devrai arrêter mon processus, envoyer un avis à
l'assuré ou lui demander de me faire parvenir une autorisation
écrite dans un formulaire que je devrai imprimer, je devrai mettre mon
dossier en rappel ou en suspens, le récupérer, le
vérifier. C'est ça, les coûts que les gens oublient
beaucoup. Mais ça, combien ça représente? Je ne peux pas
vous le dire.
Le Président (M. Gauvin): Je m'excuse, M. Medza, le temps
qui était alloué à l'Opposition est maintenant
dépassé. Le député de Chapleau, adjoint
parlementaire au ministre de la Justice, voulait poser quelques questions.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Dans votre dossier, vous
traitez un sujet très important, la question
d'autoréglementation. Plusieurs autres organismes qui ont comparu devant
nous ont traité de ce sujet aussi. Votre position fondamentale dans le
domaine, c'est que vous suggérez qu'on ne légifère pas
globalement, mais qu'on devrait apporter plutôt des mesures ponctuelles
et favoriser l'autoréglementation sans cadre juridique. Toutefois, vous
dites que vous serez capables de vivre avec une législation, tel que
propose le comité interministériel.
À la page 4 de votre mémoire, vous dites que vous
êtes heureux de constater que le comité interministériel
recommande une réglementation participative non seulement au niveau de
la rédaction des règlements, mais également de leur
application. La question que je me pose, c'est: Comment entrevoyez-vous la
participation des entreprises en ce qui concerne l'application de ces
règlements? Comment est-ce que vous entrevoyez ça? Quel sera le
rôle de l'entreprise, spécifiquement le BAC?
Mme Lamontagne: Disons que le rôle va être le
rôle que nous avons dans plusieurs autres dossiers avec les divers
règlements, quel que soit le domaine. Il y a énormément de
consultations qui se font entre le gouvernement et notre industrie. D'ailleurs,
nous l'apprécions énormément. À ce
moment-là, nous donnons notre point de vue, nous connaissons les buts,
les objectifs du législateur. Nous essayons de l'aider à
identifier et à adapter sa législation à notre domaine
pour souvent l'aider à faire une législation sur mesure lorsque
c'est possible. Alors, c'est réellement cet échange d'information
et d'éducation et d'essayer de trouver peut-être, si c'est
nécessaire, un compromis ou une façon la plus, je ne dirais pas
rentable parce qu'on ne parle pas de rentabilité dans la
législation même si c'est un élément quand
même important, mais quand même d'identifier, à ce
moment-là, jusqu'à quel point il est nécessaire de faire
une adaptation de l'industrie par rapport à la législation. C'est
réellement de ce côté-là que nous sommes toujours
très heureux de voir que le gouvernement considère que la
consultation et la participation privées et publiques est un
élément important et qui serait plus ou moins consacré,
à ce moment-là, dans le travail de la commission dans ce
domaine-là.
M. Kehoe: Je comprends que l'industrie de l'assurance et des
banques à charte est bien organisée, bien structurée dans
la province de Québec. Cependant, croyez-vous que
l'autorégle-mentation vise l'ensemble des secteurs de l'activité
économique dans la province? Vous autres, ça va bien, vous
êtes bien structurés, vous connaissez vos membres, etc., mais,
dans les autres activités économiques concernées, est-ce
que vous pensez que ça peut fonctionner aussi bien que dans votre
industrie?
Mme Lamontagne: La participation, ça a toujours
été évidemment un problème de la part du
gouvernement d'identifier les personnes qui sont réellement
représentatives des groupes qui seront affectés par une
législation. Comme vous dites, nous avons des organismes qui existent
depuis longtemps. Nous représentons les assureurs de dommages. À
ce moment-là, au moins le gouvernement sait à qui s'adresser pour
avoir un échange. Il y a certainement des domaines, comme vous dites,
où c'est beaucoup moins structuré, peut-être, je ne sais
pas, des domaines plus particuliers. Prenons, par exemple, l'informatique. Je
ne sais pas s'il y a des associations réellement représentatives
ou si vous avez affaire strictement à une industrie par rapport à
une autre. Il y a peut-être le problème, à ce
moment-là. Mais, définitivement, c'est la méthode, c'est
la façon, à ce moment-là, d'avoir une législation
qui soit réellement applicable et qui sera suivie. Le problème
d'avoir des législations qui sont très larges et très
universelles et qui sont très encombrantes, c'est que vous invitez
l'entreprise à ne pas les suivre. Alors, on n'est pas plus
avancé. On est mieux de faire un échange et peut-être
chacun d'ajuster pour avoir quelque chose qui soit réellement potable et
qui soit efficace.
M. Kehoe: Actuellement, à rencontre d'une entreprise qui
ne se conforme pas aux principes directeurs que le BAC recommande, la situation
qui existe actuellement, qu'est-ce que vous faites, à ce
moment-là? Y a-t-il une sanction ou y a-t-il... Quel est le recours
qu'un citoyen peut avoir, à ce moment-là?
Mme Lamontagne: Si vous référez aux principes
directeurs que nous avons à la fin de notre document, comme vous avez
vu, dans le domaine du dossier automobile, il y a des dispositions
prévues. Ce sont les mêmes que celles de la loi sur
l'accès. À ce moment-là, il y a le même genre de
procédure qui peut être entamé en cas de dispute. Dans le
domaine du SACA et dans le domaine des assureurs comme tel, il n'y a aucune loi
actuelle qui prévoit une disposition quelconque pour permettre la
contestation.
Pour les principes directeurs, ici, c'est réellement les membres
du BAC qui adhèrent à ces principes-ci, mais il n'y a pas de
tribunal, il n'y a pas d'ombudsman, il n'y a pas de façon officielle de
procéder pour avoir une pénalité quelconque. Ce n'est pas
prévu dans le système. Parce que le BAC, c'est une association
purement volontaire. À ce moment-là, il y a d'abord la pression
morale ou la pression entre assureurs. Il ne faut pas oublier qu'on est dans un
domaine où la compétition est très forte et où le
BAC a quand même un poids assez important dans certains domaines comme
ça. Ensuite, s'il y a réellement une difficulté, il
faudrait, comme vous dites, qu'il y ait une deuxième étape qui
serait la législation, peut-être, comme le Code civil peut
introduire, ou il faudrait, s'il n'y a pas d'ombudsman ou s'il n'y a pas de
tribunal administratif de prévu, ça va aller tout simplement
devant les tribunaux pour exercer les droits de la protection de la vie
privée. Mais, actuellement, il n'y a aucun organisme, il n'y a aucune
structure particulière pour forcer un assureur récalcitrant. Vous
avez raison.
M. Kehoe: II n'y a aucune sanction. C'est juste une sanction
morale.
Mme Lamontagne: Exactement. Parce que nous n'avons pas pouvoir de
sanction. Nous ne pouvons pas imposer une sanction quelconque. Il n'y a aucune
loi qui nous permet de faire une telle chose, contrairement au GAA qui a des
pouvoirs spéciaux qui sont donnés par la Loi sur l'assurance
automobile.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Verdun aurait une question à poser.
M. Gautrin: Oui, brièvement, M. le Président. Je
voudrais poser ma question à M. Clou-tier. Le groupe qui a
témoigné devant vous, qui était la Chambre des notaires,
ta personne qui a fait son exposé a insisté sur le principe
d'équivalence dans les flux d'informations entre États.
C'est-à-dire qu'il a développé l'idée qu'il
était important de développer une réglementation ici parce
qu'il existait des réglementations ailleurs et que, lorsqu'on n'a pas
une réglementation dans une province, dans un État, ça
pouvait empêcher des flux d'informations venant d'un État qui a
une législation plus restrictive. Dans votre expérience, au sujet
de la loi de la protection des renseignements privés, aux
États-Unis et dans les autres provinces du Canada, est-ce que ce
principe d'équivalence a déjà interagi dans les
informations que vous devez donner à vos confrères
américains, et vice versa? Je ne sais pas si vous avez eu la chance
d'écouter la Chambre des notaires.
M. Cloutier: En partie seulement, malheureusement. Je
n'étais pas ici tout le long. Mais il y a tout de même... La
réponse la plus directe à votre question. Au Manitoba, la loi qui
a été créée pour la protection du consommateur
exclut tout organisme à but non lucratif tel que le nôtre.
Cependant, nous nous soumettons volontairement à cette
réglementation-là afin de réellement respecter
l'idée du législateur. Et c'est un peu ce que l'on suit.
Aux États-Unis, beaucoup d'États, maintenant, ont
élargi ou remplacé les lois qu'ils avaient auparavant, où
l'échange de renseignements était totalement restreint, pour les
raisons que, justement, étant trop restreints, les assureurs
n'étaient pas protégés, partant les assurés
étaient perdants.
M. Gautrin: Est-ce que certains États américains ou
certains assureurs des États américains ne vous transmettent pas
de l'information parce que nous n'avons pas ici, au Québec, une loi qui
protège les renseignements sur la vie privée?
M. Cloutier: Non, monsieur.
M. Gautrin: Non. Et dans les autres provinces du Canada?
M. Cloutier: Les assureurs des autres provinces nous transmettent
les renseignements parce que nous sommes Canadiens.
M. Gautrin: Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Cloutier. M. le
ministre...
M. Cannon: Oui, en conclusion.
Le Président (M. Gauvin): ...il reste quelques
minutes.
M. Cannon: Oui. Peut-être une toute petite dernière
question. Dites-moi, on a parlé tantôt, évidemment, des
fichiers que vous gérez. Je voulais simplement savoir: Est-ce que, de
façon très précise, il y a des fichiers que vous consul
tez et qui ont des renseignements sur des
Québécois et des Québécoises qui sont
situés à
l'extérieur du territoire québécois?
M. Cloutier: Vous avez ceux qui déménagent, par
exemple.
M. Cannon: Comment?
M. Cloutier: Vous avez les gens qui vont déménager
du Québec à l'extérieur du Québec ou qui vont
déménager de l'extérieur du Québec au Québec
et qui ont eu des sinistres. Nous aurions des renseignements sur eux, oui.
M. Cannon: O. K. Mais ce que je voulais simplement savoir, c'est
si, par exemple, à Ottawa ou quelque part comme ça, le Bureau
avait des renseignements nominatifs à caractère confidentiel sur,
bon, peut-être des gens en Ontario ou peut-être des gens en Alberta
ou peut-être des Québécois ou... C'était ça,
la question.
M. Cloutier: Dans notre base de données, nous avons des
renseignements sur des gens habitant le Canada au complet.
M. Cannon: Parfait. Écoutez, il me revient le plaisir de
vous remercier de votre participation, des renseignements que vous nous avez
transmis. Ça va sans doute nous servir à préparer ce texte
de loi. Et, tout en vous remerciant, je vous souhaite un bon retour chez
vous.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Je remercie les
représentants du Bureau des assurances, M. Cloutier, Mme Lamontagne, M.
Medza, M. Harbour, au nom des membres de cette commission. Encore une fois, je
me joins au ministre pour vous remercier de la présentation que vous
nous avez faite.
La commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 30 octobre, à
9 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 18)