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Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Friday, June 14, 1991 - Vol. 31 N° 48

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec


Journal des débats

 

(Onze heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Dauphin): Bienvenue. Nous allons débuter nos travaux en constatant d'abord que le quorum... Le constat est fait. Je déclare donc ouverte la séance de la commission des institutions qui a pour mandat de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 150, c'est-à-dire la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements quant aux membres de la commission?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y un remplacement. M. Holden (Westmount) est remplacé par M. Libman (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, avant de procéder aux déclarations d'ouverture, est-ce qu'il y a des motions préliminaires de la part de membres de la commission? Non? Alors, encore une fois, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les membres, au ministre responsable et je lui demanderais peut-être de nous présenter les personnes qui l'accompagnent et ensuite de procéder à ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président, c'est toujours un plaisir de travailler sous votre présidence. M. le Président, je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Tout d'abord, du ministère de la Justice, il y a Me Jean Allaire, qui est directeur du bureau des lois au ministère de la Justice; Me Lorraine Lapierre, qui est légiste au bureau des lois du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes; Me André Tremblay, qui est conseiller constitutionnel; du bureau du leader du gouvernement, il y a M. James Maranda, directeur du cabinet du leader du gouvernement. J'ai aussi, qui m'accompagnent, M. le Président, Mme Lise Saint-Martin et M. Jean-Marc Fournier, qui sont conseillers en mon cabinet ministériel du Secrétariat aux affaires canadiennes.

M. le Président, nous entreprenons donc, aujourd'hui, l'étude article par article de ce projet de loi 150 sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Essentiellement, nous avons eu l'occasion d'en discuter lorsque nous avons discuté de l'étude de principe. Il s'agit là d'un projet de loi qui a pour objectif de traduire en termes législatifs les conclusions, les recommandations de la Commission Bélanger-Campeau.

Je me permets d'insister sur cet aspect en disant que, pour nous, il s'agissait de pouvoir traduire en termes législatifs à la fois la conclusion de Bélanger-Campeau et aussi la recommandation de Bélanger-Campeau qui découlait directement de sa conclusion.

M. le Président, l'objectif de la loi aussi est d'établir un échéancier qui apparaît très clairement dans le projet de loi, avec la possibilité de la tenue d'un référendum, donc, dès l'article premier de la loi, avec des dates précises, et, M. le Président, on se réfère aussi au coeur de la loi, qui est ces deux commissions parlementaires, une pour étudier les questions afférentes à la souveraineté et l'autre pour étudier des questions concernant la qualité des offres qui pourraient nous venir du gouvernement fédéral et des autres provinces en ce qui regarde un fédéralisme profondément renouvelé.

M. le Président, c'est donc avec une grande ouverture d'esprit qu'au nom du gouvernement, les membres de cette commission du parti gouvernemental, nous abordons l'étude article par article de ce projet de loi. Ouverture d'esprit parce que nous croyons, M. le Président, qu'en bout de piste ce sont les Québécoises et les Québécois qui devront décider de l'option constitutionnelle et que, par conséquent, notre devoir, comme parlementaires, est de pouvoir les informer adéquatement en fonction, donc, du travail que pourraient faire ces deux commissions parlementaires.

Nous voulons nous situer au-delà de toute partisanerie politique et avoir bien en tête les intérêts du Québec. Il s'agit pour nous d'établir, à la suite de la démarche que nous avons suivie depuis le mois de janvier, de juin dernier, dis-je, à la suite de l'échec de Meech... nous avons suivi une démarche éminemment démocratique et nous voulons continuer cette démarche éminemment démocratique en fonction du rapport Bélanger-Campeau. Et ce rapport, pour moi, se complète avec un autre rapport qui, comme membre d'un parti, m'est très important aussi, le rapport Allaire.

C'est donc dans ce contexte, M. le Président, que nous abordons l'étude article par article de ce projet de loi 150.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, pour vos remarques préliminaires.

Je vais maintenant reconnaître le porte-parole de l'Opposition officielle et député de Lac-Saint-Jean, pour procéder à ses remarques préliminaires également.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, dans ce débat de deux jours qui vient de se terminer tout à l'heure par un vote nominal à l'Assemblée nationale, ce qui m'a beaucoup frappé et ce que je considère, moi, comme tout à fait révélateur et signifiant, ce sont les deux éléments suivants.

Premièrement, on peut dire manifestement qu'il y a un processus de révision du fédéralisme qui est enclenché. C'est clair, c'est net. Il n'est pas à venir, là; il est enclenché. Le gouvernement est impliqué dans ce processus-là et participe à ce processus-là. Le projet de loi 150 est en quelque sorte une pièce ou un élément de ce processus et de la stratégie gouvernementale comme partie prenante de ce processus de révision du régime fédéral. En d'autres termes, ce n'est pas vers la souveraineté qu'on se dirige, contrairement à ce que pourrait laisser croire une lecture rapide, trop rapide, trop superficielle du projet de loi 150. Ce n'est pas vers la souveraineté. On n'est pas en route vers la souveraineté. On est actuellement en route vers une forme de renouvellement du fédéralisme dont on est incapable actuellement de préciser les contours. Il y a beaucoup de flou et de nébuleux dans le projet de révision du régime fédéral, mais c'est vers ça qu'on chemine.

Le processus est manifestement enclenché et tous les discours des ministériels, des députés ministériels - je suis obligé de dire juste des députés parce que c'est un peu étonnant, dans ce débat-là, il y a deux membres seulement de l'Exécutif qui ont participé au débat: le premier ministre, hier soir, et le parrain du projet de loi, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales. C'est un peu curieux. On n'a pas jugé utile de demander à d'autres membres du Conseil des ministres d'intervenir. Ce sont uniquement les députés qui sont intervenus dans le débat, y compris ceux qu'on pourait maintenant appeler les pseudo-nationalistes.

Et c'est clair, quand on regarde, j'ai écouté attentivement tous les discours, toutes les interventions des députés ministériels et c'est évident que leur choix, le choix du gouvernement, le choix du caucus ministériel, le choix, donc, du Parti libéral, c'est le fédéralisme et qu'il convient maintenant de s'efforcer de le réviser ou de le renouveler, pour employer une expression courante.

D'ailleurs, le ministre aussi a été très clair là-dessus. Je me réfère à son intervention de départ quand il parle des considérants que le gouvernement a ajoutés de son cru. Je le cite: Tout d'abord, le premier principe est à l'effet que deux voies parallèles s'offrent désormais au Québec, soit la souveraineté du Québec, soit un réaménagement en profondeur du fédéralisme canadien. Il fait référence à un des considérants ajoutés par le gouvernement et il indique: Ce principe est le coeur du projet de loi. Ceux qui pouvaient s'imaginer ou penser que le coeur du projet de loi, c'est un référendum sur la souveraineté, ce n'est pas ça. On avait raison de le dire, de le mentionner. Le ministre lui-même aussi l'admet. Ce qui est au coeur du projet de loi, c'est le fait que les deux voies parallèles sont évoquées et, forcément, les interventions de tous les députés ministériels dans ce débat-là nous démontrent hors de tout doute que l'une de ces deux voies est tout à fait privilégiée, préférée, choisie. C'est la voie du renouvellement du fédéralisme, l'autre étant résolument écartée. Donc, on est maintenant en face d'un processus de révision du fédéralisme qui est enclenché. Il n'est pas à venir, il est en cours présentement et le gouvernement a décidé de s'engager dans cette voie-là.

Deuxième remarque - et ça, ça m'apparait important parce que ça clarifie les choses. Aucun des députés ministériels qui sont intervenus dans le débat n'a prononcé un mot, une phrase le moindrement sympathique ou favorable à la souveraineté. Je n'en ai pas entendu une dans le débat. C'est assez étonnant, hein? C'est assez étonnant. Aucun, aucune remarque, aucune phrase exprimant, manifestant de la sympathie à l'égard de la souveraineté. C'est étonnant parce que c'est là qu'on voit vraiment l'imposture et ce que j'appelais, moi, la tromperie qu'on retrouve dans le projet de loi 150 parce que c'est même aberrant. On nous dit que le projet de loi prévoit un référendum sur la souveraineté, mais en même temps tous les discours ministériels ont eu pour objet de jeter du discrédit ou de dévaloriser la souveraineté, soit en manifestant ouvertement de l'hostilité à l'égard de cette option, vraiment des discours très hostiles à l'égard de l'option de la souveraineté, ou encore, soit en évoquant, sous toutes sortes d'aspects, ce qu'on appelle le prix exorbitant de la souveraineté. Ça va nous coûter très cher, ça va coûter très cher. Le premier ministre est allé dans ce sens-là, hier soir. Ou alors, en essayant de mettre en lumière les impacts négatifs de l'accession du Québec à la souveraineté, qui serait considérée comme une espèce de désastre, surtout sur le plan économique.

Donc, curieusement, étrangement, on a un projet de loi venant du gouvernement qui propose un référendum sur la souveraineté et puis on a un discours officiel du gouvernement et des ministériels, de la partie ministérielle qui, systématiquement, discrédite cette option. Jamais un mot favorable ou sympathique à l'égard de la souveraineté. Ça, c'est vraiment l'imposture tout à fait claire et nette. Alors, ça veut dire, finalement... Moi, la conclusion que j'en tire d'un tel débat, c'est que le référendum sur la souveraineté, d'abord, il n'aura pas lieu parce qu'on n'y croit pas. On ne croit pas à l'option qui serait l'enjeu du référendum. On n'y croit pas. On y est hostile. On est en désaccord avec ça.

Ou, alors, je me dis: Si, par hypothèse, il a

lieu, le référendum sur la souveraineté, eh bien, tout ce beau monde là va se retrouver dans le camp du non. Forcément. C'est la conclusion que je tire. Il va être dans le camp du non. Ils n'ont pas dit un mot favorable à l'égard de la souveraineté dans tout le débat. C'est mauvais. C'est désastreux. C'est catastrophique. Ça va coûter un prix de fou. C'était de l'hostilité tout le temps d'un bout à l'autre, du début jusqu'à la fin du débat. C'est évident que, s'il y a une chance, mais elle m'apparalt très mince, que le référendum sur la souveraineté ait lieu, tout ce beau monde va se retrouver dans le camp du non. Je suis obligé de tirer cette conclusion-là. Pour tirer la conclusion contraire qu'il se retrouverait dans le camp du oui, là il aurait fallu au moins que j'entende de temps à autre quelques phrases sur un Québec souverain, ça serait quand même viable, ou, si on doit y arriver, ce ne sera pas la catastrophe. Ça va être non seulement faisable, mais ça comporte aussi des avantages. J'aurais entendu ça, mais je ne l'ai pas entendu. Donc, ils vont se retrouver dans le camp du non. Alors, M. le Président...

D'ailleurs, j'ai ici... j'ai pris soin d'extraire des phrases, des citations, des discours des intervenants ministériels. Tout ça m'apparaît très clair. Le ministre, dans son discours: "Le Québec, au sein d'un fédéralisme renouvelé, représente l'option que le gouvernement du Québec privilégie." M. MacMillan: "Pour ma part, j'ai déjà mentionné qu'il était essentiel que le Québec cherche à maintenir l'espace canadien." M. Maciocia, qui était membre de la Commission Bélanger-Campeau: "M. le Président, je pense - et c'est ma conviction profonde - que nous allons continuer de défendre ce régime fédéral dans lequel nous évoluons depuis 1867."

Mme Bélanger, elle - mon collègue de Joliette l'a citée tout à l'heure; c'est assez suave: "L'objectif premier du projet de loi 150 porte sur la création de deux commissions parlementaires spéciales, soit la Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté - j'y crois tellement peu que j'ai de la misère à prononcer le mot, M. le Président!" C'est ça qu'elle nous a dit. M. Gautrin: "Ça va être difficile de défendre leur position - on parlait de la souveraineté - ça va être difficile de le prouver lorsqu'ils seront soumis à certaines questions. C'est ça qui sera à l'intérieur de la loi 150 et c'est actuellement ce qu'on propose." Donc, un procès.

Je pourrais continuer. Mme Bégin, qui était membre aussi de la Commission Bélanger-Campeau: "La solution que je privilégie, c'est certes un fédéralisme renouvelé. Il a fait ses preuves." Comment peut-il avoir fait ses preuves? Il n'a jamais existé. En tout cas. "Il a répondu à nos aspirations malgré que je reconnais que le Québec aspire à plus d'autonomie, comme c'est le cas d'ailleurs pour plusieurs autres provinces canadiennes qui désirent également s'affirmer dans d'autres champs de compétence", ce qui est douteux.

M. Gobé, même chose: "Je crois qu'il était temps qu'on les crée, ces commissions parlementaires, l'une qui a pour but, une fois pour toutes, de faire la lumière sur les allégations, sur les rêves véhiculés par cette formation politique qu'est le PQ, en ce qui concerne les bienfaits de la souveraineté." Donc, il n'y en a pas. "Ils appellent ça la souveraineté, M. le Président, parce qu'ils ont peur de l'appeler la séparation. Ils ont peur de dire à la population du Québec que c'est une démolition du Canada."

Georges Farrah, qui était réputé un des leaders, des chefs de file de l'aile dite nationaliste: "Je dois vous dire que je suis de moins en moins convaincu que la souveraineté est viable au Québec. Elle l'a déjà été, mais elle ne l'est plus." Bon. M. Houde: "Notre premier choix, comme je l'ai mentionné il y a quelques instants, c'est un changement profond de la structure politique actuelle, le fédéralisme actuel."

Alors, M. le Président, je pense que tout est clair. Les masques sont tombés. Je trouve ça dans un certain sens heureux, utile, en tout cas. Il y a eu perversion du sens et de la portée de la recommandation Bélanger-Campeau. Je voudrais vous dire combien les cheminements sont différents. Le cheminement de la Commission Bélanger-Campeau, tel que, moi, en tout cas, je l'ai compris, tel que mes collègues l'ont compris, c'était le suivant: Engageons-nous sur la voie de la souveraineté, avec un référendum sur la souveraineté quelque part en 1992. En cours de route, en cheminant vers la souveraineté, examinons-en toutes les dimensions de l'accession à la souveraineté pour être bien au fait de la façon dont ça va se faire. Et si, en cours de route, il y a des offres qui nous viennent du Canada anglais ou du gouvernement fédéral visant à changer le régime actuel, eh bien, ces offres-là se retrouveront au coeur du débat référendaire. Et les Québécois appelés à faire un choix sur la souveraineté, en faisant leur choix et en jugeant l'enjeu qu'est la souveraineté, ils pourraient, pour faire ce choix et porter ce jugement, avoir aussi à l'examen des offres qui seraient arrivées du gouvernement fédéral et qui se retrouveraient au coeur du débat. C'était ça, le cheminement de la Commission Bélanger-Campeau tel que moi, je l'ai compris.

Le cheminement du projet de loi 150 est différent. Le cheminement du projet de loi 150, ce n'est pas: Engageons-nous sur la voie de la souveraineté; c'est: Engageons-nous sur la voie de la révision du régime fédéral avec une menace, en brandissant une menace qui est un référendum sur la souveraineté, en laissant planer une menace, la menace du référendum sur la souveraineté. Et ça, ça obligerait à faire des offres. Des offres vont venir. Et là, soit qu'on repoussera l'échéance, soit qu'on l'annulera tout simplement; puisqu'on aura considéré les offres

comme étant acceptables, on les fera siennes. Et c'est ainsi qu'on se retrouvera avec un régime fédéral plus ou moins révisé. Je pense que c'est important de le signaler. C'est ça. Quand on dit que ça a perverti ou que ça a complètement dénaturé le sens et la portée de Bélanger-Campeau, c'est ça qu'on veut dire. C'est qu'on a substitué au cheminement prévu par la recommandation Bélanger-Campeau un autre cheminement tout à fait différent.

Alors, M. le Président, d'ailleurs, je voulais vous signaler que le ministre actuel des Affaires municipales, M. Ryan, qui n'est pas intervenu dans le débat, qui n'a pas participé à la Commission Bélanger-Campeau - j'aimerais ça savoir pourquoi, mais je crois deviner pourquoi parce qu'en 1984, à l'occasion d'un débat à l'Assemblée nationale portant sur la question constitutionnelle, le député d'Argenteuil avait dit ceci, et je le cite: "On ne peut pas, en effet, s'engager à la fois pour une chose et pour son contraire. On ne peut pas logiquement poursuivre en même temps l'indépendance politique du Québec et le fédéralisme à l'intérieur du Canada." Il poursuivait plus loin: "Quand on s'installe dans une pareille ambiguïté, on ne peut qu'être conduit à sombrer dans la division et la confusion et à produire des résultats stériles pour la population qu'on prétend servir." On ne peut pas s'engager pour une chose et à la fois pour son contraire. On ne peut pas s'engager pour tenir un référendum sur la souveraineté, croyant à cette option - la souveraineté - et, en même temps, participer à un processus de révision du régime fédéral. C'est contradictoire, nous dit fort utilement et fort à propos le député d'Argenteuil, dans un discours de 1984, et je suis convaincu qu'il pense encore la même chose. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il n'intervient pas. Je suis convaincu qu'il pense la même chose. (12 heures)

II faut maintenant que les masques tombent complètement. Il faut que le gouvernement, qui a fait le choix de la révision du régime fédéral, en a fait son lit, poursuive son processus et que nous, on critique son cheminement et son choix, comme c'est notre droit le plus strict. Mais il ne faut pas essayer de tromper le monde. Il ne faut pas essayer de tricher. Il ne faut pas essayer de berner la population, de jouer au plus fin, de faire des finasseries, comme le disait Gilles Lesage, dans un editorial à propos de M. Bourassa. "Il ne faut pas être à géométrie variable" comme le disait Raymond Giroux, dans un editorial du Soleil parlant de M. Bourassa, un Bourassa à géométrie variable.

Il ne faut pas se retrouver avec des commissions qui seraient, selon Alain Dubuc, les deux mamelles de la stérilité. Il ne faut pas se retrouver avec des entourloupettes. Il faut être clair et net. Le gouvernement a fait son choix, mais qu'il arrête d'essayer de faire croire au monde qu'il a l'intention véritable de tenir un référendum sur la souveraineté. Ce n'est pas vrai. C'est dans une autre direction qu'il est allé, qu'il a décidé de s'engager. C'est dans une autre direction, et c'est ce que souhaite son caucus. Manifestement les interventions en Chambre le démontrent. C'est ça qu'ils veulent. Ils veulent aller dans cette direction-là, bon. Très bien. Mais n'essayons pas de jouer au plus fin, de jouer au fin finaud et d'essayer de faire croire qu'on va dans une telle direction, mais qu'en même temps on s'engage dans une autre. Ce n'est pas possible. C'est impossible, à moins d'avoir le don d'ubiquité. Mais ça... Ou d'omniprésence. Ça c'est la qualité, nous dit-on, en théologie, exclusive à Dieu lui-même. Ce n'est pas la qualité d'un gouvernement. Ce n'est pas un attribut gouvernemental, le don de l'ubiquité et de l'omniprésence.

Alors, M. le Président, je conclurais, puisque le ministre, a-t-on appris dans un article maintenant bien célèbre de la revue L'actualité, on a appris que le ministre aimait beaucoup le cinéma. Il avait même fait quelques essais d'amateur au cinéma. Si je me réfère au cinéma - moi aussi d'ailleurs, j'aime beaucoup le cinéma - on pourrait terminer ainsi la critique suivante du projet de loi 150: scénario inutilement complexe, ambigu et touffu, mise en scène laborieuse, interprétation laissant à désirer. Moi, ma cote, ça serait six, peut-être sept

Une voix: Sur combien?

M. Brassard: Merci. C'est la cote qu'on voit dans le téléhoraire. Quand c'est six, c'est vraiment un mauvais film.

Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Série b.

M. Brassard: Oui. Et, quand c'est sept, c'est pourri. Alors voilà, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean pour vos remarques préliminaires. M. le ministre. Ensuite de ça, je reconnaîtrai M le député de D'Arcy-McGee, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et d'autres membres qui désirent faire des remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Gil Rémillard (réplique)

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean se réfère au cinéma. Ce n'est peut-être pas tellement bien de se référer au cinéma lorsqu'on a à étudier un projet de loi aussi important. C'est peut-être ça qui est le problème. Il faut qu'on puisse se rendre compte que ce n'est pas du cinéma. C'est de la réalité.

Alors, je sais que le député de Lac-Saint-Jean aime beaucoup le cinéma. C'est un grand

amateur de cinéma. Il fait même des bouts de films lui-même. Il a tourné un peu de films - on m'a raconté ça dans son comté, la dernière fois que je suis allé visiter son comté - lorsqu'il était professeur. Mais je voudrais simplement lui rappeler: Attention! Ne mélangeons par les vues avec la réalité. Et là, c'est de la réalité qu'on veut parler et, en particulier, lorsque je parle de réalité, M. le Président, je voudrais bien quand même que le député de Lac-Saint-Jean me cite correctement.

J'ai voulu, lors de la présentation de ce projet de loi pour étude de principe, faire un discours que j'ai lu à l'Assemblée nationale. Je l'ai lu parce que chaque mot que nous avons écrit, nous avons voulu y réfléchir. Ce que j'ai dit à la page 22 de ce discours, M. le Président, que citait tout à l'heure le député de Lac-Saint-Jean, c'était ceci: "Deux voies parallèles s'offrent désormais au Québec, soit la souveraineté du Québec, soit un réaménagement en profondeur du fédéralisme canadien. Ce principe est le coeur du projet de loi." C'est exactement ce que j'ai dit. Ce n'est pas ce qu'a dit par contre le député de Lac-Saint-Jean, lorsqu'il m'a cité tout à l'heure. Je confirme que le coeur de ce projet de loi est vraiment ces deux commissions parlementaires.

M. le Président, qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie tout simplement que je me réfère à la conclusion de Bélanger-Campeau. Je me permets une fois encore de citer le dernier paragraphe de cette conclusion de Bélanger-Campeau. "Un constat clair, deux voies de solution tout aussi claires, dont l'une ne peut être adoptée que si les partenaires du Québec le veulent aussi, et dont l'autre requiert d'être préparée, quel que soit le choix posé: voilà les éléments soumis à la considération des Québécoises et des Québécois." M. le Président, je répète, parce que je l'ai dit il n'y a quand même pas tellement longtemps, tout à l'heure en Chambre, je répète cette conclusion de Bélanger-Campeau, parce que je crois que c'est là le problème que nous avons et c'est là la difficulté que nous aurons à discuter entre nous, aujourd'hui, dans les prochaines heures, lorsque nous étudierons ce projet de loi article par article.

Ce que je veux dire, c'est que je comprends très bien la difficulté de l'Opposition face à ce projet de loi. Je la comprends dans le sens que l'Opposition a voté contre la conclusion de Bélanger-Campeau. Rappelons-nous ça. Le paragraphe que je viens de citer, l'Opposition... Il y a eu aussi M. Bouchard, Lucien Bouchard, il y a eu aussi M. Turgeon - je pense que c'est tout... oui, M. Libman, excusez-moi, M. le député de D'Arcy-McGee, qui ont voté contre cette conclusion. Tous les autres membres de la Commission Bélanger-Campeau ont voté pour cette conclusion.

Je me souviens très bien, comme si c'était hier, de ce qui s'est passé à ce moment-là. Vous vous êtes retirés. Vous en avez discuté entre vous. On sentait que ce n'était pas facile. Ça arrive, ça se comprend, ça. Dans toute formation politique... Ça se comprend. Il ne faut pas minimiser ces discussions, parfois difficiles, qu'on peut avoir. Vous avez eu, à ce moment-là, une discussion difficile. Vous vous êtes retirés, vous êtes revenus dans la salle et vous nous avez dit: On ne vote pas pour la conclusion. Vous avez voté contre avec M. Bouchard, M. Turgeon et le député de D'Arcy-McGee, alors que tous les autres commissaires de Bélanger-Campeau ont voté pour cette conclusion.

C'est là, M. le Président, le problème que nous avons aujourd'hui parce que vous avez voté ensuite sur les recommandations, et là vous êtes confrontés. Parce que nous, ce projet de loi là, il traduit essentiellement ce que Bélanger-Campeau a décidé dans sa conclusion et sa recommandation, mais vous êtes, je le comprends très bien, dans une situation difficile, puisque vous retrouvez dans le projet de loi la conclusion de Bélanger-Campeau et la recommandation. Là, vous êtes coincé. Je le comprends.

Mais moi, je fais appel à votre sens de l'objectivité parce que, vous savez, quand vous nous citez de mes collègues qui ont parlé en termes sceptiques concernant la souveraineté, mais combien, de votre côté, ont parlé en termes sceptiques du fédéralisme renouvelé? Est-ce que j'ai entendu un seul bon mot de votre part sur le fédéralisme renouvelé, profondément renouvelé? Je ne m'en souviens pas. Moi, pour ma part, en tout cas, comme je l'ai mentionné tout à l'heure en présentant mes conclusions, j'ai dit que la souveraineté était une option pour laquelle on doit avoir éminemment de respect, qui était partagée par une partie importante de la population du Québec et qu'elle devrait être traitée comme telle. Je l'ai mentionné à plusieurs reprises, mais l'option du fédéralisme renouvelé devrait être traitée par vous aussi avec autant de respect.

Vous devriez aussi manifester autant de démocratie pour dire: Voici, il y a deux commissions parlementaires. Pourquoi nous accuser de mettre au ban la souveraineté alors que, nous, on pourrait dire exactement la même chose en ce qui regarde le fédéralisme renouvelé pour vous, puisque le coeur de Bélanger-Campeau, c'était de présenter les deux options?

Il y a cet échéancier qui est strict, exprimé très clairement, et là c'est le référendum qui marque cet échéancier. Les deux principaux éléments de ce projet de loi: d'une part, les deux commissions parlementaires, ce qui est le coeur, et, d'autre part, vous avez l'échéancier qui détermine tout le processus et qui fait en sorte qu'il y a un temps de déterminé parce que ça, c'est un message que nous avons reçu des Québécoises et des Québécois tellement clairement que ça fait 30 ans qu'on discute des questions constitutionnelles et qu'il est temps qu'on mette fin à ces 30 ans de négociations qui

n'ont pas apporté les conclusions qu'on aurait dû avoir, et le gouvernement fait sien ce message que nous avons reçu. Donc, par conséquent, nous disons très bien: à l'article 1, il y a ce référendum sur la souveraineté.

M. le Président, je le répète et je le dis comme ministre de la Justice aussi. Je prends mon chapeau de ministre de la Justice parce que, comme ministre de la Justice, on se situe au-delà de toute question de partisanerie politique. J'ai profondément la conviction que mon devoir est d'informer adéquatement la population du Québec sur les deux options, profondément cette responsabilité-là. Je suis convaincu qu'on le demandera ici à mes collègues et c'est le sentiment qu'ils ont. On ne peut pas les blâmer d'avoir des sensibilités, d'avoir des options politiques, oui, mais ils vont participer à cette commission parlementaire, aux deux commissions parlementaires qu'on créera avec l'ouverture d'esprit, et il faudra peut-être que vous puissiez faire la même chose de votre côté. Pourquoi ne pourriez-vous pas en faire autant de votre côté en ce qui regarde la possibilité de renouveler notre fédéralisme, pas de n'importe quelle façon?

Et aussi - je ne veux pas être trop long, M. le Président - mais lorsqu'on parle du renouvellement du fédéralisme, vous savez, on ne peut pas faire ça en cachette; on ne fera pas ça en cachette. On va faire ça ici en commission parlementaire, devant la population du Québec, et on va pouvoir étudier ses offres. On va faire témoigner des gens, des experts. On va leur demander: Qu'est-ce que vous en pensez? Il y a une conclusion qui va être apportée. Mais, M. le Président, où est-elle, la logique, du côté de l'Opposition? Pourquoi voit-on dans ce projet de loi quelque piège que ce soit, comme on a cru voir dans la conclusion Bélanger-Campeau un piège? Il n'y avait pas de piège dans Bélanger-Campeau, pas plus qu'il y en a maintenant dans ce projet de loi 150.

Le projet de loi 150, M. le Président - je termine la-dessus - c'est la politique du gouvernement du Québec: informer les Québécois, deux commissions parlementaires, un échéancier expressément établi et la volonté ferme du gouvernement de respecter cet échéancier. M. le Président, souvenons-nous d'une chose. On nous dit, à un moment donné, qu'il va se passer telle ou telle chose ou des tas de scénarios, pour prendre des termes de cinéma, comme le député de Lac-Saint-Jean aime en prendre. Souvenons-nous d'une chose, d'un principe qui est fondamental dans notre système de démocratie, de liberté, de parlementarisme que nous avons: L'Assemblée nationale est le siège de la souveraineté du peuple. Seule une loi de l'Assemblée nationale peut délier le gouvernement de son obligation de tenir un tel référendum. M. le Président, qu'est-ce qu'on peut demander de plus si ce n'est cette obligation que prend le gouver- nement, conformément à l'obligation qu'il a accepté de prendre dans le rapport de la Commission Bélanger-Campeau?

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de DArcy-McGee et ensuite, dans l'ordre, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. M. le député.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président. Tantôt, le député de Lac-Saint-Jean a cité plusieurs fédéralistes du caucus libéral et n'a pas pris le temps de citer notre caucus parce que c'est clair, notre position constitutionnelle, ça a été toujours clair, et, traditionnellement ou depuis la dernière élection, il y avait deux partis à l'Assemblée nationale qui ont toujours été clairs en ce qui concerne la question constitutionnelle. Nous autres et le Parti québécois, pour des raisons différentes, évidemment, nous sommes clairs et le Parti québécois est toujours clair sur ce dossier. Mais, même s'ils ont été toujours clairs sur la souveraineté, moi, j'ai de la misère à comprendre leur position sur le projet de loi 150. Moi, j'ai siégé sur la Commission Bélanger-Campeau et je n'ai aucune idée comment ils peuvent essayer de convaincre la population du Québec que ce projet de loi ne suit pas l'esprit et la lettre des recommandations de la Commission Bélanger-Campeau. Il n'y a aucune façon qu'ils peuvent faire croire aux Québécois que ça ne suit pas exactement les recommandations de la Commission Bélanger-Campeau. (12 h 15)

La Commission Bélanger-Campeau a recommandé un référendum sur la souveraineté à certaines dates prévues et la création de deux commissions parlementaires à l'Assemblée nationale, pour étudier certains aspects. C'est ça qui est fait par le projet de loi 150, pas d'autre chose que ça, et cette porte de secours qui semble exister existe naturellement par le système parlementaire que nous avons. Alors, je pense qu'il faut reconnaître le fait que le Parti québécois essaie peut-être de faire revivre l'option souverainiste dans la population en créant la confrontation sur ce projet de loi. Mais c'est très clair que ça suit l'esprit et la lettre de la recommandation de la Commission Bélanger-Campeau.

Si on regarde la recommandation de la Commission Bélanger-Campeau, elle-même est pleine d'ambiguïtés et ça, c'est une des raisons pour lesquelles notre caucus a voté contre les décisions finales de Bélanger-Campeau. Je pense que cette ambiguïté se traduit dans le projet de loi 150. Mais une chose sur laquelle nous ne pouvons pas mettre assez d'emphase - et je pense que le Parti québécois doit reconnaître ça - est le fait que le Parti libéral, le gouver-

nement du Québec, pour la première fois formellement, s'engage dans un projet de loi - et n'oubliez pas que c'est un parti plutôt fédéraliste, plutôt engagé vers la Fédération canadienne. Le Parti québécois doit réaliser que, pour la première fois, ce parti plutôt fédéraliste inscrit dans un projet de loi un engagement pour un référendum sur la souveraineté. Et je pense que ça doit être reconnu par l'Opposition officielle comme une marque, un événement important. Elle doit apprécier ça par son point de vue et doit réaliser que c'est très important. Je ne comprends pas pourquoi elle ne se rallie pas à cette nouvelle direction, à ce nouveau virage pris par le parti gouvernemental.

Franchement, M. le Président, pendant la campagne électorale de 1989, si vous aviez pu dire au Parti québécois que le gouvernement, que le Parti libéral s'engagerait dans trois ans dans un référendum sur la souveraineté, il se serait réjoui. Alors, je comprends mal leur position aujourd'hui, le jeu qu'ils jouent aujourd'hui. Je pense que les Québécois doivent réaliser que c'est seulement un jeu politique qu'ils font.

Deuxièmement, je pense que c'est évident que nous allons voter contre ce projet de loi. Nous allons apporter certains amendements parce que nous ne sommes pas du tout confortables avec le premier article. On parle souvent de ce front commun qui existe entre nous et le Parti québécois récemment, mais sur ce projet de loi nous votons contre; eux, ils votent contre, mais nous votons contre à cause du premier article. Eux ils votent contre pour tout, sauf le premier article. Alors, il faut rétablir les faits sur ce front commun pas mal exagéré entre nous autres et eux.

Le premier article, M. le Président, il faut reconnaître à qui ça sert. Nous allons essayer d'apporter un amendement sur le premier article pour changer les mots "la souveraineté" pour les mots "l'avenir constitutionnel et politique du Québec". Je pense qu'il faut réaliser pourquoi le premier article est là et pourquoi il est comme ça. Je pense que, si le projet de loi ouvre deux voies à la population, si les recommandations finales de la Commission Bélanger-Campeau ouvrent deux voies à la population, il ne faut pas privilégier une de ces deux voies, la souveraineté, dans le premier article. Il faut dire la réalité, que nous pouvons avoir un référendum sur une des deux choses. Alors, je pense que le premier article doit refléter la réalité que les deux avenues sont ouvertes et qu'on peut avoir un référendum sur une des deux avenues. Mais le gouvernement veut, en insérant les mots "la souveraineté" dans le premier article, essayer de faire la souveraineté ou de créer la souveraineté comme une menace au reste du Canada, un couteau sur la gorge au reste du Canada, pour essayer de forcer le reste du Canada à croire que le Québec est sérieux. Je pense que faire ça mine les deux avenues proposées. Si, éventuelle- ment, il y a un référendum sur les propositions d'un fédéralisme renouvelé, l'insertion du mot "souveraineté" dans le premier article, comme ça existe présentement, peut miner l'atmosphère des négociations avec le reste du Canada. Nous ne pouvons pas avoir des négociations sereines et fructueuses s'il y a toujours ce couteau sur la gorge pour le reste du Canada, et je pense que cette atmosphère ne sera pas propice à une offre du reste du Canada qui sera raisonnable.

Deuxièmement, si la présence du mot "souveraineté" dans le premier article est seulement pour apaiser les souverainistes au Québec, de faire croire aux souverainistes que le gouvernement s'engage à tenir un référendum sur la souveraineté, je pense que même ça ne peut satisfaire les souverainistes, qui peuvent réaliser que c'est un outil pour manipuler les négociations. Pour les souverainistes qui ont pour rêve la souveraineté du Québec, ils ne voient pas la souveraineté comme un outil manipulateur de négociations. Je pense que même les souverainistes ne peuvent pas avoir cette satisfaction que le gouvernement essaie de faire par l'insertion de ces mots dans le premier article. Alors, je pense que la première ligne comme telle qui dit qu'il y aura un référendum sur la souveraineté ne sert à rien, ne satisfait même pas les souverainistes et même pas les fédéralistes au Québec. Alors, il faut qu'on discute d'apporter un amendement à cet article.

Mais, finalement, il faut dire, M. le Président, que la création de ces deux commissions, je pense, est nécessaire et très importante. Malheureusement, la Commission Bélanger-Campeau n'a pas correctement abordé les sujets que nous allons discuter dans ces deux commissions. Moi, j'ai espéré, avant la création de la Commission Bélanger-Campeau, que cette commission puisse servir à analyser les questions comme le partage des pouvoirs, la question de la charte et peut-être puisse faire ses propres recommandations sur le genre d'offres du reste du Canada qui pourraient être acceptables, mais, malheureusement, la Commission Bélanger-Campeau est devenue obsédée avec un consensus au lieu d'analyser les questions qui vont être abordées dans ces deux commissions.

Nous allons participer à ces deux commissions pour essayer aussi de montrer aux Québécois que les coûts de la souveraineté sont trop élevés, que certaines promesses, certaines explications de l'Opposition officielle sont inexactes et, au moins, nous allons avoir le forum de cette commission qui étudie les coûts de la souveraineté pour examiner vraiment cette question avec toute l'honnêteté possible. Les Québécois vont avoir l'occasion de décider eux-mêmes. Ils vont avoir l'occasion d'analyser avec nous, avec cette commission, tous les problèmes inhérents à la souveraineté du Québec et ils peuvent juger eux-mêmes si les

promesses dogmatiques du Parti québécois sont vraies ou non. Alors, ce sera une bonne occasion de vraiment examiner cette question en profondeur.

Finalement, j'aimerais bien, si nous pouvons le proposer, qu'un des mandats de cette commission qui étudie l'accession à la souveraineté puisse examiner aussi l'importante relation entre le gouvernement du Québec et la communauté anglophone du Québec, les allophones du Québec et les communautés autochtones du Québec. Il ne faut pas oublier que, pendant les réunions à huis clos, une des recommandations par les deux présidents, quand ils ont fart leur première proposition, était de créer une commission pour étudier spécifiquement ces trois questions. J'espère qu'un des mandats sérieux de la deuxième commission, la commission qui étudie les questions afférentes à l'accession a la souveraineté, sera d'étudier les relations avec les groupes minoritaires au Québec.

Alors, c'est tout, M. le Président. Comme j'ai dit, s'il n'y a pas d'amendements majeurs à ce projet de loi, nous allons voter contre. Nous ne pensons pas qu'il y a la moindre chance, dans les 17 mois prochains, d'avoir une offre bien formulée par le reste du Canada qui lie formellement le reste du Canada. Il faut réaliser que cette échéance est complètement irréaliste. Nous rappelons tout ce qui s'est passé à Terre-Neuve, le gouvernement qui a retiré son appui à un accord qui a été signé par le prédécesseur du premier ministre. Croire qu'une offre du reste du Canada peut être formellement liée dans les prochains 17 mois est complètement hors logique et nous espérons aussi apporter un amendement qui dit que le gouvernement possède la possibilité de reporter la date d'échéance que nous avons dans ce projet de loi de 6 mois ou de 12 mois, si une offre du reste du Canada est en train d'être formulée. Alors, si ces amendements ne peuvent pas être apportés à ce projet de loi, nous allons continuer notre opposition à ce projet de loi. Nous allons voter contre le projet de loi comme tel. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député de D'Arcy-McGee, pour vos remarques préliminaires. Je vais maintenant, tel que mentionné plus tôt, reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Compte tenu de l'heure, moi, je proposerais d'ajourner jusqu'après la période de questions. Nous allons reprendre nos travaux après.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Il y a consentement que nous ajournions? D'accord. La commission des institutions ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise à 15 h 17)

Le Président (M. Dauphin): La commission reprend ses travaux sur son mandat, qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Nous en étions toujours au stade des remarques préliminaires et je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'attention que j'écoutais ce matin le ministre de la Justice et des Affaires intergouvernementales canadiennes et, M. le Président, je dois vous dire que les premières fois que j'ai entendu, il y a maintenant quelques années, les interventions du ministre, j'ai été subjuguée à ce moment-là par sa capacité absolument phénoménale de modifier presque insensiblement, je dirais presque imperceptiblement, de façon distinguée, la réalité des faits pour finir par se convaincre lui-même, à force de les répéter, de la justesse de ses nouvelles interprétations. L'exemple de ce matin - je le cite au mot - l'exemple qu'il me donnait à nouveau ce matin était le suivant. Le ministre nous disait, et je le cite: Mon devoir est d'informer la population du Québec sur les deux options. C'était ce qu'il tirait comme conclusion des travaux de la Commission Bélanger-Campeau auxquels j'ai participé, comme lui d'ailleurs, et comme mon collègue Jacques, qui est avec nous cet après-midi.

Alors, M. le Président, vous vous rendez compte, il en est arrivé, le ministre de la Justice et des Affaires intergouvernementales, à interpréter ce que nous avons fait pendant cinq mois comme lui donnant le mandat d'informer la population du Québec sur les deux options, pendant que, dans la réalité des choses, le mandat qui a été donné au gouvernement, suite aux travaux de la Commission Bélanger-Campeau, c'est de préparer l'accession à la souveraineté, en restant ouvert à des propositions de partenariat, qu'elles aient un caractère constitutionnel ou qu'elles aient un caractère économique. Je me disais qu'il y a là un gros problème de crédibilité parce que cette façon de faire n'est pas nouvelle. C'est une façon habituelle. Je n'ai pas à utiliser des gros mots, M. le Président, pour la qualifier. Je vous citerai simplement tantôt quelques éditorialistes de tous les journaux du Québec qui ont suffisamment cité cette façon de faire pour qu'elle accrédite une sorte de manière de faire du gouvernement.

Mais moi, si j'étais à la place des ministériels, je serais inquiet de ne plus convaincre et je me rappellerais cette vérité de La Palice qui veut qu'on est convaincant seulement lorsqu'on est convaincu. On n'est jamais aussi convaincant

que lorsqu'on est convaincu. La seule question à laquelle il me semble nécessaire de répondre et qui pour le reste nous donne une juste idée des intentions ministérielles, c'est la question suivante: Êtes-vous convaincus du mérite du référendum sur la souveraineté, maintenant en 1992? Êtes-vous convaincus du mérite d'un tel référendum? Est-ce que, en tant que tel, le mérite de ce référendum sur la souveraineté vous apparaît suffisant pour le proposer? On se rend bien compte que la seule réponse apportée même par les tenants - je vois mon collègue, le député de Vimont, qui a d'ailleurs commis un discours où il se prononçait, je pense, assez favorablement en faveur de la souveraineté - mais la question est plus de savoir, avec le projet de loi 150, est-ce que vous vous prononcez sur le mérite d'un référendum sur la souveraineté? Vous savez très bien que la réponse est non. Votre gouvernement répond que ça dépend. Ça dépend essentiellement des offres qui seront faites. Alors, on voit bien là le détournement, si ce n'est de la lettre, mais au moins de l'esprit des travaux de Bélanger-Campeau. L'esprit de Bélan-ger-Campeau ne consistait pas à prétendre recevoir des offres et à brandir la menace d'un référendum pour en accélérer la présentation ou en consolider le contenu, M. le Président. Et, évidemment, on voit bien que c'est là où il y a un gros problème de crédibilité qui se présente. C'est que le gouvernement invoque la lettre des travaux de Bélanger-Campeau et en a complètement abandonné l'esprit.

Je me rappelle une intervention, notamment du président de la CSN, lors de l'examen que nous faisions des recommandations, et je me rappelle son intervention à l'effet que ce référendum sur la souveraineté devait avoir lieu indépendamment des offres, quelles que soient les offres. C'était à ce point cette interprétation-là qui prévalait que le ministre de la Justice et des Affaires intergouvernementales lui-même s'était senti obligé, à ce moment-là, d'évoquer publiquement devant les médias l'hypothèse d'utiliser la loi référendaire pour tenir un autre référendum qui pourrait porter sur les offres. M. le Président, le compte à rebours que déclenchait le rapport de Bélanger-Campeau, c'était un compte à rebours pour préparer l'accession à la souveraineté, et la commission recommandée dans les travaux de Bélanger-Campeau, c'était pour préparer l'accession à la souveraineté.

M. le Président, tout ce débat-là m'apparalt beaucoup comme cette maxime qui est assez significative de la politique politicienne qui est souvent reprise par nos concitoyens, qui veulent rire ou ironiser de cette politique politicienne: Répétez après moi: Le cheval blanc de Napoléon est noir. Vous avez déjà sans doute entendu cette phrase ironique qui veut évidemment, à ce moment-là, qualifier une position qui est le contraire du sens commun. Le cheval blanc de Napoléon est noir. En fait, M. le Président, tout ce débat-là consiste pour le gouvernement à dire: Répétez après moi sans rire: Une dernière dernière chance au fédéralisme et la première chance de la souveraineté.

C'est dans cette voie que le gouvernement prétendait amener l'Opposition. Voyez, M. le Président, non seulement l'Opposition n'a pas suivi, mais l'opinion publique non plus parce qu'il faut lire tout simplement quelques éditoriaux publiés sur ce projet de loi 150 pour comprendre que, vraiment, l'exercice du gouvernement ne mène nulle part. Toutes les conclusions qui en sont tirées qualifient ce projet de loi comme en étant un bidon. Est-ce que j'ai besoin, évidemment, de vous citer l'éditorial paru dans Le Soleil, le 7 juin dernier? J'en cite un court, court extrait, M. le Président: "Pour saisir le déroulement de la vie politique québécoise, il faut maintenant une lampe de poche et un chronomètre, en plus d'un calendrier et d'une boussole, tellement M. Bourassa tend de perches différentes." Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça n'a pas convaincu, en tout cas, l'équipe de l'éditorial du Soleil que les intentions du gouvernement étaient clairement exprimées.

Dans Le Devoir, M. le Président, c'est encore plus sévère, surtout sous la plume d'un éditorialiste qui a souvent manifesté, je dirais, une certaine tolérance à l'égard du gouvernement. Je cite, évidemment, Gilles Lesage qui, dans l'éditorial du 7 juin, faisait valoir - et je le cite - ceci: "Même quand il dit qu'il fait sienne l'échéance référendaire d'octobre 1992, bien peu de personnes croient M. Bourassa et ils ont raison car, redevenu fédéraliste bon teint, le chef du gouvernement se sert de cette date fatidique comme d'un éperon ou d'un aiguillon, espérant que, le couteau sur la gorge, le Canada anglais comprendra enfin qu'il est la dernière chance du fédéralisme. Il n'écarte même pas, s'il reçoit des offres le moindrement substantielles, de reporter l'échéance ou de recourir à des élections référendaires plutôt qu'à un référendum en bonne et due forme, ce qui lui permet de gagner du temps et d'éviter, si possible, que des tiraillements libéraux n'éclatent au grand jour."

Évidemment, M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que le gouvernement n'a en rien convaincu ni de ses intentions ni de l'opportunité du projet de loi 150, compte tenu qu'il manque complètement de crédibilité dans la manifestation claire d'une volonté de donner suite à ce projet de loi 150. Je veux encore citer Raymond Giroux qui disait: "Le grand public cherche toujours le manuel du professeur pour décortiquer la stratégie constitutionnelle à géométrie variable de Robert Bourassa, car le premier ministre du Québec possède à fond l'art d'embrouiller les évidences les plus limpides."

Et puis je termine, M. le Président. Il y aurait encore, évidemment, beaucoup d'autres savants éditorialistes à citer, mais je termine avec l'éditorial d'Alain Dubuc, dans La Presse,

qui était titré par l'expression suivante: "Une charade vide de sens". Un court extrait, M. le Président: "Après de nombreuses hésitations - écrit Alain Dubuc - il est devenu clair que le premier ministre privilégiait le renouvellement du fédéralisme. Et, dans le cadre de cette démarche, la menace d'un référendum peut peut-être servir d'épée de Damoclès pour le Canada anglais, mais elle risque surtout de compromettre le succès des négociations en imposant un échéancier irréaliste et en soumettant trop rapidement ces résultats à une consultation dont l'issue est imprévisible. Le premier ministre a tenu le même langage - ajoute Alain Dubuc - en lançant divers messages sur ses fortes réticences face à un éventuel référendum sur la souveraineté."

Alors, est-ce qu'il y a besoin d'en ajouter, M. le Président? Le gouvernement a un très, très gros problème de crédibilité. C'est ce problème de crédibilité qui, évidemment, s'attache à tout gouvernement qui, lorsqu'il a subi un échec, plutôt que d'en tirer des leçons, décide de faire de la fuite en avant en faisant semblant d'adopter le point de vue contraire pour retourner, finalement, à la case départ, comme si le gouvernement était inconsolable de l'échec de Meech. (15 h 30)

Dans les propos que le ministre nous tient depuis l'examen du projet de loi 150 et dans les réponses, d'ailleurs, qu'il fait à mon collègue de Lac-Saint-Jean, lors de la période de questions, jamais il ne précise même de quelle nature doivent être constituées ces offres du fédéral. En fait, c'est comme si le gouvernement, inconsolable de l'échec de Meech, tentait une sorte de subterfuge en utilisant la menace de la souveraineté pour, à nouveau, faire la tentative déjà ratée mais la reprendre pour essayer, évidemment, de récidiver. C'est comme une sorte de récidive avec d'autres moyens. Alors, dans ce contexte-là, vous comprendrez, M. le Président, qu'on ne peut certainement pas souscrire à ce qui nous semble être un détournement de l'esprit de Bélanger-Campeau. Pensez simplement avec quelle insistance le ministre nous dit que le coeur du projet de loi 150, c'est la création de deux commissions parlementaires. Et là il insiste très fort pour nous dire que ce n'est pas simplement celle portant sur les offres, mais aussi celle sur la souveraineté. En essayant de nous faire oublier le coeur des recommandations de Bélanger-Campeau, ce qui n'était pas d'abord la formation de commissions parlementaires, mais c'était d'abord la tenue d'un référendum sur la souveraineté. Les commissions parlementaires, ce n'était pas là l'objectif; c'était tout simplement une modalité.

Le coeur, M. le Président, ce qui nous semble devoir être le point central à l'ordre du jour, actuellement, dans l'opinion publique québécoise, c'est la tenue d'un référendum sur la souveraineté. On voit bien que ce référendum est complètement détourné de son sens parce que ce n'est pas pour le mérite d'en tenir un que le gouvernement présente la loi 150. C'est pour tenter de brandir cette perspective comme une menace ou, au pire, comme une sorte de pis-aller, comme par dépit, si les offres ne viennent pas ou ne sont pas suffisantes. Et M. le Président, moi, je le déplore.

En quelque sorte, j'écoutais avec beaucoup d'intérêt les propos du député de D'Arcy-McGee qui mettait en garde le premier ministre de jouer avec les rêves de la population. Je ne pense pas le citer au texte, mais cette expression était très belle parce que, M. le Président, je crois que rien ne peut discréditer plus le projet de souveraineté que de le traîner, comme le gouvernement fait présentement, dans une stratégie confuse où la souveraineté n'est pas recherchée comme un projet en soi dont le mérite s'impose, mais, au pis aller, c'est finalement une option, si la révision du fédéralisme recherché n'est pas satisfaisante.

Alors, c'est comme une sorte d'option par défaut; c'est comme une sorte de prix de consolation pour ne pas avoir eu le gros lot. Et ça, M. le Président, je le déplore personnellement et il y a là certainement matière à créer beaucoup, beaucoup de désenchantement dans la population sur le fait que le gouvernement traîne littéralement - moi, j'appelle ça traîner - peut-être pas dans la boue, mais dans la tactique, dans la "glue" ce projet qui mériterait bien mieux et bien plus.

Sur cette question également, je relisais avec beaucoup, beaucoup d'intérêt ce qu'un vétéran des négociations constitutionnelles, était venu nous dire devant la Commission Bélanger-Campeau. C'est un des plus hauts ex-fonctionnaires du gouvernement. J'ai eu l'occasion de le citer, lors de l'examen en deuxième lecture, mais j'aimerais le reprendre ici parce que je crois que cet homme, qui est Louis Bernard, est connu pour sa probité et la loyauté, non seulement à l'égard du Québec, mais à l'égard des gouvernements qui se sont succédé pour diriger le Québec. Ce qu'il est venu nous dire, ce vétéran des conférences constitutionnelles, ce qu'il est venu nous proposer, c'est exactement le contraire de la façon dont le gouvernement agit maintenant. Il est venu nous proposer d'agir vite et je voudrais juste citer - en fait, tout peut être relu, M. le Président - mais citer simplement une réflexion qu'il nous faisait: "Je crois - disait-il - que, si des gestes décisifs ne sont pas posés pour vraiment faire avancer les choses, nous nous condamnons à tourner en rond, que la situation risque de se dégrader et que la solution du problème n'en sera que plus difficile."

M. le Président, les gestes décisifs, le moins qu'on puisse dire, là, c'est qu'ils ne sont pas posés avec le dépôt du projet de loi 150. Il y a, évidemment... L'opinion publique canadienne n'est pas dupe, en fait, de ce qui se passe. Les

éditorialistes, d'ailleurs, l'ont repris à satiété. Alain Dubuc disait d'ailleurs, à ce sujet-là: "Les Canadiens anglais sont largement au courant des reculs de M. Bourassa sur le référendum et du clivage qui sépare libéraux et péquistes. L'épée de Damoclès du référendum est bien émoussée. Avec la loi 150, M. Bourassa n'envoie pas un message de fermeté au Canada anglais. La fermeté, c'est plus dans les idées et les convictions qu'on la trouve que dans les outils tactiques."

Alors, c'est un pétard mouillé, ça, finalement. Et, malheureusement, il y a là une sorte de décalage, dans ce qu'on fait cet après-midi, entre le sens commun, la réalité, l'opinion publique et les gestes du gouvernement, qui peut difficilement s'expliquer. Dans les sondages, de mémoire, je pense que c'est à peine 19 % de nos concitoyens qui pensent sérieusement que le gouvernement a l'intention de tenir un référendum sur la souveraineté. 80 % ne sont pas dupes, M. le Président. Ils n'ont pas besoin de relire les débats ni d'écouter les discours du ministre. Ils en ont la conviction.

Une voix: II y a une sorte d'instinct.

Mme Harel: Oui, oui, il y a une sorte d'instinct, de gros bon sens populaire qui leur fait comprendre que tout ça est bidon et, finalement, ne vire à rien et va malheureusement finir en queue de poisson. Et c'est, évidemment, d'autant plus regrettable qu'il y avait un momentum et je pense que le gouvernement actuel sera jugé très sévèrement pour être passé à côté de ce moment de grâce qu'il y avait dans la société québécoise. Cependant, les événements vont, malgré tout, se dérouler en marge du gouvernement, M. le Président, et ce qui a été clairement illustré par les travaux de la Commission Bélan-ger-Campeau, de toute façon, est en train de se mettre en place, notamment que le Canada anglais a décidé de se redéfinir sans nous.

Je pense bien que le succès actuellement remporté par le Reform Party dans toute sa grande tournée canadienne, de même que le succès grandissant de cette idée d'une assemblée constituante pour redéfinir un projet canadien démontrent que, finalement, d'une façon presque inexorable, je dirais d'une façon presque irréversible, à la fois dans l'opinion publique québécoise, mais je dirais également dans l'opinion publique canadienne, les conditions se mettent en place pour définir des projets qui, à terme - espérons-le - trouveront à se reconnecter. Mais ça m'apparaît bien évident que l'opinion publique canadienne n'est pas du tout ni préparée, ni intéressée même, je dirais, dans une sorte de "revival", là, du lac Meech. L'opinion publique canadienne est tout à fait rendue presque ailleurs au coeur d'une redéfinition de ce qu'est le Canada sans nous. En fait, c'est la conclusion qu'il faut tirer, je pense, de la popularité du

Reform Party et, en même temps, de la popularité de l'idée de l'assemblée constituante qui, malgré le refus du gouvernement du Québec d'y participer, continue de trouver un promoteur en la personne du premier ministre de l'Ontario qui a une influence, évidemment, que l'on sait être assez déterminante sur la suite des choses constitutionnelles.

Alors, il y a là un décalage profond, non seulement un décalage entre l'action du gouvernement et l'état de l'opinion publique dans notre société mais, en plus, un décalage entre ce que le gouvernement met de l'avant par défaut... parce qu'on ne sait pas, finalement, ce qu'est la barre en deçà de laquelle il ne va pas reculer, en fait. On peut penser que ça correspond à peu près à Meech, mais est-ce que c'est Meech ou Meech affaibli? En tout cas, ce n'est certainement pas Meech plus.

Si le ministre et le gouvernement voulaient vraiment être conséquents et respecteux des travaux de Bélanger-Campeau, M. le Président, je dois vous dire qu'ils seraient pas mal plus exigeants sur ce qu'ils attendent même de cette révision constitutionnelle. Moi, j'ai en tête ces centaines de mémoires qui sont venus illustrer, souvent avec des démonstrations très éloquentes... Je pense entre autres au Forum pour l'emploi, qui regroupe 28 des organismes les plus prestigieux de la société québécoise, des organismes qu'on n'a pas l'habitude de voir travailler en commun, des organismes patronaux comme syndicaux... C'est déjà terminé?

Le Président (M. Dauphin): ...en conclusion, si vous voulez bien, Mme la députée.

Mme Harel: Bon. M. le Président, en conclusion, je dois vous dire que nous n'avons évidemment pas l'intention d'allonger les travaux. Je souhaite, à une autre occasion, certainement faire état de ce décalage entre le Québec et le Canada, tel que je le perçois présentement. Et nous aurons évidemment l'occasion d'en parler. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée, pour vos remarques préliminaires. Un autre membre de la commission m'a demandé d'intervenir, M. le député de Hull.

M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. Je serai assez bref. J'aimerais tout de même commenter les propos du député de Lac-Saint-Jean, lorsqu'il dit qu'on joue au fin finaud avec le projet de loi 150. Je me demande qui, M. le Président, de ce côté-ci ou de l'autre côté, joue plus au fin finaud, lorsqu'on dit à la population: Embarquez dans notre projet de souveraineté, de séparation, et on verra après comment ça va aller. Il peut y avoir des erreurs, mais ce sera nos erreurs.

Comment ça va se faire? Ça viendra. On vous le dira plus tard.

Et Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, pour sa part - et là, ça me surprend un peu parce que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, M. le Président, se préoccupe beaucoup de l'Outaouais. Elle se demande comment on va finir par convaincre les Québécois et les Québécoises du bien-fondé du projet de loi 150. J'aimerais ça qu'elle vienne dans l'Outaouais québécois convaincre les travailleurs et les travailleuses du sort qui leur est réservé si le Québec devenait souverain. Qu'est-ce qui arriverait avec les 26 000 fonctionnaires qui demeurent sur le côté québécois et qui sont employés par le gouvernement fédéral? Nous vivons présentement un cas similaire: 50 employés des postes, affectés dans Hull, Aylmer et Gatineau, sont appelés à se déplacer pour aller travailler à Ottawa, et ça soulève un tollé, M. le Président. Mais dans le rapatriement de pouvoirs ou la séparation, on ne parle pas seulement de 50 employés; on parie de 26 000. C'est comme si on disait à Montréal: Vous allez perdre 260 000 emplois. Je pense qu'on en entendrait parler beaucoup plus qu'on en entend parier aujourd'hui.

Et M. le Président, Bélanger-Campeau, l'une de ses recommandations, c'est de former un comité pour étuder cette problématique des employés fédéraux dans l'Outaouais québécois. Et moi, pour un, je suis fier que cette recommandation ait été incluse à Bélanger-Campeau; je suis fier également qu'il sera formé et je suis fier également que l'on pourra encore se pencher sur cette problématique avec les commissions qui sont formées par notre gouvernement. Merci, M le Président. (15 h 45)

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Hull. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je m'explique mal l'étonnement des députés ministériels devant notre opposition au projet de loi 150. Je pense que notre position a toujours été très connue et très claire, qu'on ne pouvait s'embarquer, qu'on ne pouvait endosser une démarche aussi ambiguë.

Je commencerai par une parenthèse, M. le Président, pour répondre au dernier intervenant puisque j'ai moi-même eu l'occasion d'aller rencontrer des groupes dans la belle région de l'Outaouais et que nous avons effectivement parlé du problème des fonctionnaires. Je comprends parfaitement que les fonctionnaires fédéraux s'inquiètent, et c'est parfaitement normal, lorsque c'est notre gagne-pain, de se poser des questions là-dessus. Mais je dois lui dire qu'à cet égard le travail qui a été fait au Parti québécois remonte à 1974 où des études extrêmement précises ont été faites. Je me souviens d'un document - et j'avais rafraîchi la mémoire, l'an dernier, à nos militants sur ce document qui avait été publié, qui comptait environ 75 pages et qui donnait toute la mécanique complète du transfert des 26 000 fonctionnaires fédéraux. Et nous avons, l'an dernier, rajusté les chiffres puisque, depuis 1974, effectivement, il y a eu des changements. Donc, tous ces chiffres-là ont été rajustés et remis à jour. Ce à quoi on arrivait, au niveau des coûts, c'est que, présentement, nous payons évidemment 25 % des coûts de l'ensemble des fonctionnaires fédéraux et, même en rapatriant l'ensemble de ces 26 000 fonctionnaires, nous arriverions à une épargne de 7 % des coûts. Donc, c'était loin d'être quelque chose de négatif pour nous, monétairement pariant, et, bien sûr, du côté de la main-d'oeuvre, ce n'était pas quelque chose de négatif non plus de réintégrer cette main-d'oeuvre. Il ne faut jamais oublier que, si on récupère tous les pouvoirs, si on rapatrie tous les pouvoirs, on se doit de donner les services après - l'ensemble des services - puisqu'il ne sera pas question pour nous d'enlever quelque service que ce sort. Si je pense, par exemple, aux pensions de vieillesse, il ne sera pas question de les enlever. Donc, on va avoir besoin des fonctionnaires pour l'opérer, ce système-là. Fin de la parenthèse, M. le Président.

Je pense que c'est très clair, autant pour la population que pour l'Opposition et que pour les journalistes - on l'a très bien cité à plusieurs reprises, j'y reviendrai tantôt - que le projet de loi 150 tente de faire la tactique habituelle du gouvernement, je pense, c'est-à-dire gagner du temps. Parce que la politique du gouvernement Bourassa, dans tous les dossiers chauds, dans les dossiers difficiles à trancher et, particulièrement, les dossiers qui ont touché des sujets que je qualifierais d'émotifs: la langue, la culture et, bien sûr, évidemment, de décider de l'option d'un peuple... Dans tous ces dossiers-là, la politique était toujours de se dire: Le temps finit toujours par tout arranger. Les gens sont déçus, mais ils vont finir par oublier. Présentons un projet de loi mi-figue mi-raisin où tout le monde pourra retrouver ce à quoi il aspire.

On l'a d'ailleurs démontré au dernier congrès du Parti libéral où les souverainistes sont ressortis du congrès enchantés, rassurés - le rapport Allaire, c'était la voie de l'avenir; il n'y avait aucun problème - et où les fédéralistes, dans le discours de fermeture, ont pu se rallier aussi parce qu'il n'y avait aucun problème: on ne sortait pas du fédéralisme. Le projet de loi 150, à cet égard, ne surprend pas l'Opposition. Il est la copie conforme de la politique du gouvernement. C'est normal puisqu'il est rédigé par ce gouvernement.

À cet égard, la Commission Bélanger-Campeau, dans ses conclusions et recommandations, exprime exactement la même pensée et la même philosophie. On arrive avec une conclusion

et une recommandation différentes qui permettent, là aussi, l'ouverture, qui nous permettent de maintenir l'ambiguïté. C'est ce qu'on a fait. Lorsque le ministre responsable, parrain de ce projet de loi, nous rappelait que le Parti québécois s'est opposé à la conclusion, j'aurais aimé qu'il le rappelle à ses députés ministériels parce que plusieurs, tout au long de leurs discours, nous ont répété à plusieurs reprises que le Parti québécois avait endossé parfaitement le rapport de la Commission Bélanger-Campeau. On a même réussi, dans cet épisode depuis Meech, à faire croire - et le chef du Parti Égalité l'a bien souligné - que le Parti libéral avait vraiment pris un virage, le virage souverainiste. Les gens y ont même cru et c'est vrai que les gens nous demandaient: Mais vous ne pensez pas que M. Bourassa va réaliser la souveraineté? Et notre réponse, elle était claire: S'il la réalise, tant mieux! L'important, c'est qu'elle se réalise, peu importe qui va la réaliser. C'est ce qu'on voulait dire quand on disait: La patrie avant le parti.

La plus grande preuve de cette ambiguïté, c'est qu'on se retrouve aujourd'hui avec un vote contre le projet de loi, autant par l'aile souverainiste que par l'aile très fédéraliste, qui s'identifie par le Parti Égalité. C'est la plus grande preuve que le projet est ambigu. On ne peut pas en avoir une meilleure preuve, M. le Président. Et lorsque s'ajoute un article 28, parce qu'on nous a toujours dit que l'important, c'est la lettre et non seulement l'esprit... Alors, l'article 28: "Sur proposition du premier ministre ou de son représentant, l'Assemblée nationale décide de la cessation d'existence d'une commission. " Le chef du Parti Égalité, là aussi, l'a rappelé. Est-ce que le premier ministre avait vraiment besoin de cette double ceinture? Il nous a toujours dit - et le parrain de la loi aussi: L'Assemblée nationale est souveraine. Pourquoi cette double ceinture, sinon pour justement se donner, mais vraiment toutes les garanties de faire autre chose que ce qui est demandé dans l'article 1?

C'est bien évident. Lorsqu'on nous rappelait ce matin que c'est l'Assemblée nationale qui va décider, sur proposition du premier ministre... Comment qui que ce soit peut-il croire un instant qu'il y aurait une chance pour que la proposition du premier ministre soit battue? Impossible dans notre système parlementaire, surtout pas au nombre des députés que nous avons présentement, d'un côté et de l'autre de la Chambre. C'est tout à fait impossible. Personne ne peut croire que la proposition du premier ministre pourrait être battue à l'Assemblée nationale. Donc, c'est évident que c'est le gouvernement libéral qui, au moment où il décidera qu'il en a assez avec les commissions, au moment où il jugera qu'une autre stratégie serait préférable, par exemple, une élection, eh bien, tout cessera, le travail s'arrêtera. Lorsqu'on nous parlait du coeur de Bélanger-Campeau en parlant des deux possibilités, des deux voies qui s'ouvraient à nous, le ministre nous a rajouté, par exemple, s'apercevant que ce n'était peut-être pas juste ça le coeur, il nous a rajouté un autre coeur: l'échéancier, le référendum. Sauf que, partout dans les discours, personne ne nous en a parlé. On est rendus à deux coeurs. Deux coeurs, ça donne deux voies; deux coeurs, tout en double, deux options... Ha, ha, ha! Deux options, donc, on maintient l'ambiguïté.

Donc, M. le Président, personne ne nous a parlé du référendum, personne ne nous a vanté largement les mérites du référendum, à quelques exceptions. On nous a dit que parmi ces deux voies-là, la voie des offres du fédéral... On nous disait au début: Nous attendons des offres s'il y en a. Quelques mois plus tard: Nous sommes convaincus qu'il y aura des offres. Et maintenant: S'il n'y a pas d'offres, on pourra toujours en susciter, en désespoir de cause et, après tout, c'est vraiment notre option, on pourra toujours en susciter. Si les offres n'arrivent pas à temps et si ce qu'on suscite ne donne pas de résultats, eh bien là, on mettra fin aux commissions pour se trouver une autre voie, une troisième voie.

Ce que ça démontre, M. le Président - et c'est triste un peu - c'est le manque de confiance que l'on a en nos possibilités. C'est un peu normal, je pense, parce que tout peuple colonisé porte toujours en soi ce manque de confiance. Et pourtant, si des gens devaient comprendre l'importance de la confiance en soi, c'est bien les députés ministériels parce que, dans nos vies personnelles, tout le monde sait que, si on n'a pas la confiance en soi, on ne peut pas réussir. Si, comme peuple, on n'a pas confiance en soi, on ne croit pas clairement en une option, on ne pourra pas réussir. On ne peut pas réussir un fédéralisme renouvelé qui n'a aucun visage parce que ça aussi, c'était frappant dans les discours. Tout le monde a vanté le fédéralisme renouvelé, mais personne n'en a donné une véritable définition. Je vous comprends parce que, de votre côté, les variantes sont tellement grandes. Elles partent d'une presque souveraineté à un fédéralisme pur et dur. Et là vous avez toutes les versions possibles entre ça... peut-être près de 90 versions, je dirais. Donc, c'est normal que ce manque de confiance en soi se soit traduit par cette ambiguïté.

Le ministre a aussi fait appel à l'ouverture d'esprit, au-delà de la partisanerie politique. C'est ce que nous avions fait au lendemain de Meech. C'est ce que le chef du Parti québécois avait fait en tendant la main au premier ministre. Je me rappelle le discours du député de Louis-Hébert, en Chambre, hier, qui disait: Le chef du Parti québécois a tendu la main. Il a dit: Mon premier ministre! Et, dès qu'il a eu une demande pour prouver cette collaboration, il dit: Non. La demande, il se référait au projet de loi

150. J'aimerais peut-être lui rappeler qu'il y a eu la Commission Bélanger-Campeau et que, effectivement, le Parti québécois a tendu la main, a participé aux travaux de bonne foi et, contrairement à ce que laissait entendre le parrain de la loi, il n'y avait pas de dissidence de notre côté. Il n'y avait pas de tiraillements. Notre option, elle était claire et, au niveau des caucus, il n'y avait aucun dissident et nous étions très clairs sur ce que nous voulions.

Donc, on nous demande d'aller au-delà de la partisanerie et c'est ce que nous avons fait. Par contre, dès le dépôt du projet de loi 150, nous pouvions commencer à nous poser des questions devant la teneur du texte, mais aussi nous poser des questions devant la réaction de certains députés qui, eux, ne se sont pas cachés pour dire immédiatement ce qu'ils comptaient faire de la commission de la souveraineté. Le député de Papineau a été très clair. Le député de Verdun aussi a été très clair: Nous allons nous rendre à cette commission et nous allons faire la job à la souveraineté. Nous allons démontrer que ce système-là, il n'y a rien à faire avec.

Et on s'étonne que le Parti québécois s'oppose au projet de loi 150! On s'étonne de ça, on se demande... On manque de confiance en nous! On a écouté les déclarations des députés et c'était clair. Si on avait eu le moindre doute - parce qu'on aurait pu avoir certains doutes - je vous avoue qu'à l'écoute des discours on a eu une preuve irréfutable. Elle était là, la preuve; les vrais visages, ils étaient là. Et tout ce qu'on tentait de nous démontrer, c'était le prix de la souveraineté. Quand va-t-on poser l'autre question aussi, le prix du fédéralisme? Ce n'est pas ce qu'on nous a dit. Personne n'a mentionné ça dans son discours, on va évaluer le prix du fédéralisme. Non, on nous disait toujours: Le prix de la souveraineté, on va attendre les offres du fédéralisme. Le prix du fédéralisme, il faut se le poser à la commission de la souveraineté. C'est là qu'il faut se le poser. Ah non! Ça, on n'en parlait pas, bien non, puisqu'on est parfaitement convaincu, de l'autre côté, que le fédéralisme n'a pas de prix, hein! Pour rester dans le système fédéral, il n'y a pas de prix pour ça.

Le dilemme, ils l'ont à l'intérieur de leurs structures, ils l'ont à l'intérieur de leur parti, ils l'ont entre les députés. Quelqu'un qui a écouté attentivement l'ensemble des discours de l'autre côté... Et c'est vrai que, du côté des ministres, on a été très calme; de l'autre côté, on ne les a pas entendus beaucoup. J'aimerais peut-être rappeler que ce matin, au moment du vote, il n'y avait pas beaucoup de personnes présentes non plus: 62 du côté du parti ministériel. Tout au long de leur discours, on s'est retrouvé avec un discours fédéraliste, mais qui n'avait pas de corps. On ne disait pas ce qu'on voulait, on disait surtout qu'on ne voulait pas la souveraineté. Mais qu'est-ce qu'on voulait du fédéra- lisme? C'était quoi, le fédéralisme renouvelé? Personne ne le disait. On ne le sait pas. Parce que chacun a sa propre version. J'ai même entendu certains députés ministériels dire que c'était la confusion totale, qu'on ne savait pas où on s'en allait et qu'on ne pouvait pas, à ce moment-là, convaincre une population. Et c'est vrai! Comment convaincre une population lorsqu'on n'a pas un projet clair? Sans projet clair, on ne peut convaincre personne. C'est impossible. Oui, et le passé, notre passé nous l'a prouvé. Notre passé à nous nous l'a prouvé. Il faut une option claire et je pense que nous l'avons et qu'elle était bien comprise par les gens. (16 heures)

Ce qui est dommage aussi, c'est que ce message que vous avez lancé aux citoyens et aux citoyennes du Québec, par cette confusion totale, vous l'avez également lancé au Canada tout entier. On se retrouve aujourd'hui devant un Canada qui nous regarde, qui ne sait toujours pas ce que les fédéralistes veulent comme renouvellement et qui ne comprend toujours pas ce que le Québec veut. Et pourtant, c'était si clair, il y a un an. D'ailleurs, de nombreux journalistes l'ont souligné. Et, même ce matin, j'entendais à la radio le commentaire du journaliste Laurent Laplante, qui disait que par le discours du premier ministre Robert Bourassa, hier, il venait de se livrer au gouvernement canadien. Il n'y avait plus de possibilité de négocier quoi que ce soit. Il s'est attaché, selon son expression même, les deux bras dans le dos. Il s'est mis une camisole de force en disant tout de suite: La souveraineté, ça n'a pas de bon sens, le prix que ça coûte; on ne pourra jamais y arriver. Puis d'un autre côté, bien, on va peut-être aller vous la demander; si le peuple veut, là, peut-être qu'on va aller vous la demander, mais on n'y croit pas. Inquiétez-vous pas, on n'y croit pas. Donc, on s'en va négocier avec une camisole de force.

Normand Girard aussi qui, dans son commentaire de ce matin, vendredi 14 juin, dit: "Bourassa attire l'attention sur les dangers de la souveraineté... comme le craignait le Parti québécois." On avait raison de craindre un peu, M. le Président. Les propos tenus par le chef du gouvernement indiquent que c'est le procès de la souveraineté que feront les deux commissions parlementaires qui découleront de l'adoption de la loi 150 aujourd'hui. Ce n'est pas un journaliste qui a été reconnu dans le passé comme étant un farouche souverainiste, M. le Président.

Donc, le jugement, il est là. C'est le procès de la souveraineté qu'on veut faire et personne n'a été dupe de ça. Dès le 18 mai 1991, Lysiane Gagnon aussi parlait d'une démarche incohérente. Mes collègues ont cité Lesage, Dubuc, Giroux. Alors, moi, j'irai du côté de Lysiane Gagnon qui nous disait: "Rarement aura-ton vu démarche plus incohérente que celle du gouvernement Bourassa dans le dossier constitutionnel. Le

projet de loi qui l'encadre annonce fort bien l'esprit de l'affaire."

Alors, elle parlait des deux expressions, M. le Président, si chères au parrain de la loi, l'esprit et la lettre. "Le texte législatif qui a fait soupirer d'aise les fédéralistes se lit comme un horaire de chemin de fer ou comme l'échéancier d'une quincaillerie: bons de commande, dates prévues pour la livraison. Prosaïque calendrier farci de petites attrapes fin finaudes qui ressemblent bien au rapport qui l'a engendré. Ici encore, on laisse miroiter un faux consensus en faisant semblant de placer les deux options sur un pied d'égalité. Mais, en pratique, on met en place le mécanisme qui permettra au premier ministre Bourassa de louvoyer à sa guise et d'improviser, au gré des circonstances et des sondages, d'autres tactiques à court terme.".

Le Président (M. Dauphin): En conclusion, s'il vous plaît, Mme la députée.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Est-ce qu'il y a eu des changements majeurs qui auraient pu nous permettre de changer de cap depuis Bélanger-Campeau? Bien, les seuls changements majeurs que j'ai vus, M. le Président, ce sont justement des changements pour nous encourager à nous diriger encore plus vite vers la souveraineté, c'est-à-dire l'empiétement du fédéral dans l'éducation, dans le développement régional et son avertissement qu'il n'y aura plus de transfert au Québec d'ici cinq ans pour la santé et l'enseignement supérieur, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée de Terrebonne. M. le député de Vimont.

M. Benoît Fradet

M. Fradet: Merci, M. le Président. Je peux vous dire que je suis très heureux de pouvoir participer au débat entourant l'avenir constitutionnel du Québec, surtout pour un jeune comme moi. Je pense qu'on ne pourra pas nier que j'en ai pas mal moins de fait qu'il m'en reste à faire, puis les jeunes de ma génération aussi. Donc, l'avenir du Québec, l'avenir politique et constitutionnel nous concerne grandement. Le projet de loi 150, à mon avis, ce n'est pas compliqué. C'est, de un, une obligation de résultats avec un échéancier référendaire fixe. Puis ça, ça fait plusieurs fois qu'on le mentionne, mais je pense que c'est important de le rementionner.

On a parlé un petit peu, de l'autre côté, du rapport Allaire. Le rapport Allaire, ce n'est pas compliqué non plus. C'est encore la même chose, une obligation de résultats avec un échéancier fixe, un échéancier référendaire. Me Jean Allaire et son comité ont travaillé très fort pour élaborer une politique constitutionnelle au Parti libéral, puis je pense qu'on est ressorti du dernier congrès des membres encore plus forts. Le rapport Allaire, c'est aussi pour le gouvernement du Québec la première base de référence. Il y a eu des questions qui ont été posées puis je pense que c'est important qu'on le mentionne. Le gouvernement libéral issu du Parti libéral va se servir du rapport Allaire comme étant une première base de référence.

M. le député de Lac-Saint-Jean disait que les députés libéraux ne démontraient même pas de sympathie envers la souveraineté, envers l'option de la souveraineté. Moi, je ne parlerais pas de sympathie. La souveraineté, pour moi, ça ne me fait pas peur. Ça ne me fait pas peur. Mais qu'on l'étudié, qu'on étudie les impacts de la souveraineté. Que ce soit des effets négatifs ou des effets positifs, qu'on le dise, qu'on l'étudié puis le projet de loi 150 avec les deux commissions parlementaires, c'est là pour ça. Je pense que c'est important. C'est important parce qu'il ne surfit pas d'avoir une sympathie envers une option politique pour que ça soit l'option privilégiée de tous les citoyens. Les citoyens, ce qu'ils veulent, ce n'est pas juste une sympathie; ils veulent avoir l'heure juste. On leur donne l'occasion, par le projet de loi 150, d'avoir l'heure juste sur les deux options. Dans le rapport Bélanger-Campeau, il y avait deux voies: la voie de la souveraineté, comme le rapport Allaire, ou le premier choix, qui était quand même le premier choix du Parti libéral du Québec par le rapport Allaire, un réaménagement en profondeur des structures politiques et constitutionnelles canadiennes.

Il va y avoir deux commissions parlementaires, une qui va étudier éventuellememt les offres qui vont venir de nos partenaires canadiens et l'autre, justement, pour étudier les impacts d'une souveraineté éventuelle au Québec. Je pense que c'est important qu'on se serve de ces deux commissions-là non pas, à mon avis personnel à moi, pour discréditer une option ou l'autre, mais pour donner l'heure juste aux Québécoises et Québécois. Je pense que c'est très important.

Mon collègue des Îles-de-la-Madeleine disait hier dans son discours: On n'est pas des pel-leteux de nuages. On est rationnels. Je pense que c'est important qu'on démontre à la population quels sont les effets du fédéralisme comme vous l'avez mentionné. Si ce n'est pas rentable, le fédéralisme - puis on sait que, actuellement, ce qu'on connaît n'est pas rentable non plus... Mais si ce n'est pas rentable, la souveraineté, c'est viable, peut-être; peut-être qu'elle est viable. Étudions-la, étudions les impacts à la commission parlementaire.

Puis, dans ce sens-là, je me demande encore pourquoi... Depuis tout à l'heure, depuis ce matin en commission parlementaire, j'ai l'impression que les députés du Parti québécois essaient de nous convaincre pourquoi ils votent

contre le projet de loi 150. Puis, moi, je peux dire qu'ils ne m'ont pas convaincu pourquoi ils votaient contre le projet de loi 150. Ce n'est pas compliqué. Le projet de loi 150, premier article. "Le gouvernement du Québec tient un référendum sur la souveraineté du Québec entre le 8 juin et le 22 juin 1992 ou entre le 12 octobre et le 26 octobre 1992." Le premier article du projet de loi 150, avec deux commissions parlementaires qui vont être formées... Je me dis: Bien, pourquoi le Parti québécois n'a pas pris la position de dire: On va voter pour le principe du projet de loi parce qu'on est d'accord avec le principe du projet de loi, puis, en commission parlementaire, on arrivera avec des amendements qui nous rassureront davantage? Lorsqu'on sera rassuré ou lorsqu'on ne sera pas rassuré davantage, on prendra nos décisions puis on votera, s'il faut, contre le projet de loi en dernière lecture. Mais je pense qu'au moins, le principe, le Parti québécois aurait dû l'approuver. Je pense que ça, c'est très important.

Mais le projet de loi 150, comme le disait... On a cite des éditiorialistes, on a cité des commissaires, mais il y a un commissaire qui a donné ses états d'âme dans Le Devoir dernièrement, qui est Claude Béland, qui se demandait lui aussi comment il se fait que le Parti québécois vote contre le projet de loi 150 parce que, d'après Claude Béland, qui est un souverainiste reconnu, qui est un gars assez intelligent, président du Mouvement Desjardins, un brillant bonhomme... Il ne comprenait pas, lui non plus, pourquoi le Parti québécois votait contre le projet de loi 150. Parce que, dans sa tête, lorsqu'il a signé le rapport Bélanger-Campeau, il était clair qu'il y avait deux voies et qu'il était pour être créé, par le projet de loi, deux commissions parlementaires. Et que, bien entendu, le gouvernement gardait son initiative, sa faculté d'appréciation.

Je pense que c'est normal aussi, la souveraineté de l'Assemblée nationale. On a entré dans les considérants que l'Assemblée nationale était souveraine et ça fait peur au Parti québécois. Mais je pense que c'est comme normal parce que, le 25 septembre 1989, le Parti libéral a été élu avec 92 députés. Alors, c'est normal que le Parti libéral soit au gouvernement et avec une forte majorité, comme le député de Terrebonne l'a mentionné tout à l'heure.

Alors, pour moi, M. le Président, le projet de loi 150 est clair: une obligation de résultats avec un échéancier référendaire fixe. Deux voies s'offrent à nous. On va étudier, avec les deux commissions parlementaires... nous allons étudier les offres, les éventuelles offres du gouvernement fédéral qui devront lier, comme le dit le projet de loi, formellement les autres provinces avec le gouvernement fédéral. Nous allons étudier aussi les impacts d'une souveraineté au Québec et, démocratiquement, comme le Parti libéral l'a toujours prôné, démocratiquement, la population du Québec choisira l'option qu'elle favorisera, l'option qu'elle pensera, d'après elle, être la meilleure pour les intérêts supérieurs du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député de Vimont. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Chapleau et, ensuite, M. le député de Bertrand.

M. John J. Kehoe

M. Kehoe: Merci, M. le Président. M. le Président, la commission qui étudie le bill, le projet de loi 150 est l'une des plus importantes sur lesquelles on va avoir l'occasion de siéger. Ça fait 10 ans que je suis député et je suis absolument persuadé que c'est une des plus importantes sur lesquelles j'aurai eu le privilège de siéger. Pour le Parti québécois, le problème est bien simple. Leur position est catégorique, claire, nette et précise: c'est la souveraineté du Québec à n'importe quel prix. C'est justement ça qu'il ne veut pas savoir: Quel sera le prix? Quelles seront les conséquences? Quel sera le coût de la souveraineté de la province de Québec? Pourquoi... Et c'est pour ça que je ne comprends pas leur attitude. Pourquoi ils ne veulent pas embarquer avec nous autres, avec notre formation, pour décider vraiment ce qu'est l'enjeu pour l'avenir de la province de Québec? Pourquoi ils ne veulent pas étudier les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté?

On ne dit pas que c'est une option à laquelle on va dire absolument non. Le Parti libéral n'a jamais pris cette position-là. C'est une option. Il y a deux options. Mais je ne comprends pas pourquoi le Parti québécois ferme les yeux à toutes les possibilités. Pourquoi ne pas faire une étude approfondie sur la question de savoir le coût aussi pour rester dans le même régime qu'on a actuellement? Nous, le Parti libéral, on dit clairement qu'on étudie toutes les options, qu'on fait une étude de la question de la souveraineté, comment ça va coûter, quelles sont les implications, quels sont les coûts, quelles sont les conséquences, et le fédéralisme aussi. Nécessairement, dans ça, on dit: étude des questions afférentes. Ce n'est pas d'étudier seulement les conséquences de la souveraineté, mais c'est de rester dans le régime actuel aussi.

La deuxième chose qui est importante aussi, c'est de savoir si vraiment le Canada anglais est prêt à faire des offres sérieuses, de donner une dernière chance, de savoir vraiment s'ils sont prêts à aller d'un certain demi-mille à un autre, à une certaine distance pour rejoindre les demandes légitimes de la province de Québec. Moi, je me dis: C'est un peu la même chose, la réaction du Parti québécois. C'était la même chose dans notre région.

Le député de Hull a fait mention, tantôt, que, lorsqu'on a commencé à parler de l'importance des conséquences de la souveraineté de la province, on a vite vu, dans notre région, que les conséquences y seraient senties le plus vite et le plus durement que pour toutes les régions de la province de Québec. Ça affectera la région de l'Outaouais. À partir de là, quand la Commission Bélanger-Campeau est venue dans la région, le 5 décembre dernier, tous les organismes de la région ont fait des études assez profondes, assez étoffées pour savoir les conséquences... et on a découvert qu'ils ont moins... Le député de Hull a dit qu'il y aurait une possibilité d'une perte d'au-delà de 26 000 jobs des fonctionnaires fédéraux. Mais il faut rajouter à ça qu'il y a des jobs secondaires, jusqu'à 15 000 autres jobs, qui pourront être perdus, pour un total de 41 000 jobs. (16 h 15)

Le Parti québécois, dans ce dossier-là, a pris différentes positions. Pour commmencer, lors de leur congrès, ils ont dit: On va créer un ministère qui va s'occuper de ça. Leur chef, M. Parizeau, est venu dans la région et il a dit: Non, il n'est pas question de créer un ministère spécifiquement pour étudier ce problème-là. Là, il y a eu une autre proposition à l'effet que les 26 000 fonctionnaires fédéraux seraient intégrés dans la fonction publique du Québec, et la région de l'Outaouais... Il créera un troisième centre administratif dans la province de Québec. Ce sera dans la région de l'Outaouais.

C'est des paroles dans les airs. Il n'y a pas d'études pour dire si c'était possible de le faire. C'est juste de lancer des paroles, de dire au peuple qu'on s'occupe du dossier. Mais nous, le Parti libéral, qu'est-ce qu'on fait? On réalise l'importance du problème pour notre région. On a dit que ça prend une étude approfondie qui va aller jusqu'à étudier toutes les implications, toutes les dimensions pour les fonctionnaires fédéraux et les autres employés. Puis justement, durant le temps que la Commission Bélanger-Campeau est venue dans la région, il y a eu des propositions, des demandes pour qu'un comité soit formé pour étudier le problème. Le bureau du premier ministre nous a assurés que dans un avenir rapproché un membre, la personne qui a siégé sur le comité, M. Marcel Beaudry, serait sur le comité qui sera formé pour vraiment étudier de nouveau... C'est à peu près la même chose qu'on va faire dans l'Outaouais qu'on a fait ici dans le projet de loi 150. Dans le projet de loi 150, on va étudier les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté. Dans la région, chez nous, on va avoir un comité qui va étudier les conséquences de la souveraineté du Québec, les conséquences pour la région.

C'est à ça que je veux en venir, M. le Président. Je pense que notre position dans le projet de loi 150, pour la région chez nous, c'est une manière de procéder réaliste. On n'a pas une idée... Notre esprit n'est pas formé. On dit qu'on va étudier le problème des conséquences de la souveraineté. On va étudier les conséquences pour la région de chez nous. On va venir avec des solutions. On va venir avec une décision éclairée. On n'a pas peur de faire la lumière sur toute l'affaire.

Le Parti québécois, il a dit: Ferme la porte. On ne veut rien savoir. Notre position est finale. Mon idée est faite. N'essaie pas de la changer avec des faits, avec des études ou avec les conséquences de ça. Peu importe ce que ça coûte, c'est la souveraineté, puis laisse faire les jobs qui seront perdus dans la région de chez nous et ailleurs dans la province de Québec.

Mais cette attitude-là, M. le Président, je la déplore. Je dis tout simplement que la manière que nous allons procéder dans le projet de loi 150, ça prend un certain temps. Le parti de l'Opposition... Eux autres, ils veulent avoir le référendum immédiatement. Ils savent qu'actuellement il y a un certain sondage. Eux autres, ils nous accusent de gouverner suivant les sondages. Mais qu'est-ce qu'ils font là, dans ça, dans tout ce qu'ils font pour l'avenir de la province de Québec? Ils savent qu'actuellement les sondages sont favorables peut-être pour la question de souveraineté. Actuellement, je le répète.

Mais les émotions ont fait en sorte, depuis l'échec du lac Meech, qu'on est rendus là. Mais là, peu à peu, on commence à apprendre le coût, le prix, les conséquences, et pour le Canada, et pour le Québec. On commence à réaliser vraiment les enjeux. Puis tout ce qu'on fait dans le projet de loi 150, c'est de poursuivre l'étude un peu plus loin, de voir exactement quelles seront les conséquences. Je ne peux pas comprendre. M. Béland l'a dit. Le député de Vimont a dit tantôt que M. Béland a dit la même chose.

Quelle peur avez-vous d'écouter des experts qui vont faire une étude, qui vont expliquer à une commission parlementaire les enjeux? À la lumière de tout ça, là, on va prendre une décision éclairée, un engagement ferme, sans équivoque, le 26 octobre. Le ministre responsable l'a dit à maintes et maintes reprises: II faut avoir une autre loi. Si on décide de changer le projet de loi 150, il faut venir devant l'Assemblée nationale.

C'est bien sûr que, si les offres du fédéral ne sont pas vraiment réalistes et vraiment à l'effet qu'il y a un changement profond dans le fédéralisme actuel offert par le reste du Canada, il n'y aura pas de question, à ce moment-là, on va aller suivant l'article premier du projet de loi 150. Ça va être un référendum. On ne peut pas s'en sortir de ça. Je ne vois pas pourquoi le Parti québécois s'enchaîne, déchire son linge en public et fait jusqu'à un "filibuster". Je ne sais pas s'il fait un "filibuster" aujourd'hui, mais enfin.

Ce que je dis, tout simplement, - M. le Président, je finis là-dessus - pourquoi ne pas

faire la lumière sur tout ça, pour avoir un jugement éclairé, pour savoir exactement où on s'en va? C'est l'avenir de la province de Québec, c'est notre avenir à nous autres. On va faire ça avec les yeux fermés: C'est la souveraineté, bonjour la visite, un référendum et tout de suite, là, ne pas attendre, tout de suite? Moi, je n'embarque pas.

J'embarque dans une procédure beaucoup plus réaliste, beaucoup plus plausible et beaucoup plus rationnelle, que ce soit, pour la région de l'Outaouais, le comité qu'on crée pour étudier les implications, que ce soit le projet de loi 150 où on décide d'étudier toutes les questions. Donc, dans ces circonstances, M. le Président, je suis absolument d'accord avec le ministre et je demande que le Parti québécois ouvre les oreilles et écoute les arguments qui sont avancés par combien d'autres personnes que M. Béland, qui disent: On va étudier l'affaire et on va prendre une décision après. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député de Chapleau, pour vos remarques préliminaires. Alors, toujours à l'étape desdites remarques, je vais maintenant reconnaître M. le député de Bertrand.

M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de souligner mon étonnement face à l'intervention visiblement télécommandée du député de Vimont qui contraste avec la position qu'il avait prise lors des discussions du Parti libéral sur ce sujet.

J'aimerais, en préambule, répondre à quelques-unes de ses affirmations et de ses questions. D'abord, le député nous demandait pourquoi nous n'avions pas accepté de voter pour le principe du projet, quitte à changer notre position par la suite si nous n'avions pas les assurances que nous voulions avoir. Pour une raison bien simple, et je pense que c'est important que la population le sache, c'est que, contrairement au processus qui a présidé à l'établissement de la Commission Bélanger-Campeau, où la nomination du président lui-même a fait, pendant de nombreuses semaines, l'objet d'échanges entre le chef du gouvernement et le chef de l'Opposition et que la nomination, finalement, de la Commission elle-même a fait l'objet d'échanges et, jusqu'à un certain point, d'un consensus entre les deux chefs des partis politiques principaux, pour bien s'assurer que le processus serait enclenché de la façon la moins partisane possible... on peut sérieusement s'interroger pourquoi la même démarche n'a pas été suivie dans le cas du projet de loi, de la rédaction du projet de loi 150. Alors, voilà, essentiellement, une des raisons pour lesquelles on vote contre ce projet de loi. De toute façon, vous savez aussi bien que moi, comme personnes politiques, que voter, dans une première lecture, pour un projet de loi et, en cours de route, se retourner contre, c'est encore semer la confusion davantage au sein de la population. D'autre part, le député de Vimont disait que, après tout, c'est le Parti libéral qui est au pouvoir et, donc, c'est le Parti libéral qui a la prérogative d'imposer, en quelque sorte, sa propre loi en cette matière. J'en conviens, mais alors, en suivant le même raisonnement, pour quelle raison serions-nous obligés de l'appuyer, puisque c'est le raisonnement qui nous est avancé?

Ceci étant dit, j'aimerais quand même déplorer et regretter la démarche entreprise par le gouvernement. Je n'ai pas eu l'occasion de participer à toutes les délibérations de la Commission, comme l'ont fait certains de mes collègues. Je peux vous dire que vu de l'extérieur, aussi bien comme simple citoyen que comme député, je déplore la démarche qui a été entreprise par le gouvernement parce qu'au moins, que l'on soit fédéraliste ou souverainiste, il y avait, face à l'extérieur, face aux interlocuteurs du Québec, un semblant à tout le moins de consensus qui donnait au gouvernement du Québec, quel que soit le parti au pouvoir, une force de négociation qu'à mon avis, il vient de perdre.

C'est dans ce sens que je pense que le projet de loi 150 reflète davantage les tiraillements au sein du Parti libéral et s'avère un effort d'accommodement des différentes tendances qui s'opposent au sein du Parti libéral, beaucoup plus qu'un effort réfléchi et qu'un effort non partisan pour donner suite aux recommandations de la Commission Bélanger-Campeau. J'en prends pour témoin, M. le député, ce matin, le fait que, sur 91 députés libéraux à l'Assemblée nationale, il y en avait à peine 62 pour se prononcer sur ce projet de loi là. Entre autres, le député de Nelligan, qui a fait des déclarations, fanfaronnades à la presse disant qu'il se prononcerait, qu'il voterait contre ce projet-là, il ne s'est même pas présenté pour voter contre.

Une voix:...

M. Beaulne: Oui, mais enfin, ça reflète des tiraillements. Lorsque vous essayez de mettre le fardeau de la preuve sur le Parti québécois, de ne pas appuyer un projet de loi qui, de toute évidence - et la population n'en est pas dupe, comme en témoigne le dernier sondage qui a été fait, à savoir que la majorité des Québécois ne croient aucunement que le premier ministre va tenir un référendum sur la souveraineté et que vous essayez d'abrier ça de façon à ce que la population pense que vous êtes en train de leur produire un suivi naturel des recommandations de la Commission Bélanger-Campeau. C'est la raison pour laquelle nous, on ne tombe pas dans le panneau.

Ceci étant dit, je pense que ce qu'il y a également de regrettable, c'est le fait que cette stratégie du gouvernement envoie dorénavant un message confus au Canada, contrairement au rapatriement de la Constitution en 1981. À ce moment-là, M. Ryan était chef de l'Opposition et il avait voté avec l'Opposition pour condamner ce geste; de la même façon, lors des négociations sur l'entente du lac Meech, l'Opposition a voté avec le gouvernement pour renforcer la position de négociation du gouvernement; de la même façon, il n'y a pas si longtemps, nous avons voté presque unanimement, du moins, le parti ministériel et le parti de l'Opposition officielle, pour condamner les ingérences du gouvernement fédéral en matière d'éducation et en matière de développement régional; de la même façon, à ce moment-là, la société québécoise envoyait un message clair et précis à ses interlocuteurs canadiens quant aux bases minimales de nos négociations. Bien, avec votre stratégie, vous venez de foutre tout cela en l'air et vous venez de semer la confusion après le message clair qui avait été transmis au reste du Canada.

Quant au message qui est maintenant véhiculé au Québec, c'est également un message de confusion parce qu'un projet de loi qui devait prévoir, entre autres, les modalités de la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec se trouve face à une objection de l'Opposition officielle et d'un parti politique qui a toujours eu comme motif premier la promotion de la souveraineté du Québec. Alors, imaginez-vous la confusion auprès de la population du Québec où on a un projet de loi prévoyant un référendum sur la souveraineté contre lequel vote le parti souverainiste à l'Assemblée nationale.

Quoi dire maintenant de la communauté internationale qui voyait se dessiner une sorte de consensus de base au Québec, surtout suite à l'assentiment qui avait été donné par le chef de l'Opposition et le chef du gouvernement quant à la composition de la Commission Bélanger-Cam-peau, et qui voit maintenant le parti souverainiste voter contre un projet de loi prévoyant un référendum? Je pense, M. le Président, que le gouvernement, avec cette stratégie - je le déplore, à titre de Québécois, pas à titre de péquiste - le gouvernement, à mon avis, vient de brûler tous ses pétards et c'est ça qui est regrettable. Il vient de brûler tous ses pétards parce que, dans ses négociations face au gouvernement canadien et face au Canada, il n'a plus ce que nos interlocuteurs appelaient un fusil sur la tempe ou ce qu'on pourrait plus poliment appeler une espèce d'épée de Damoclès de la souveraineté et une sorte d'appui des mouvements souverainistes au Québec dans une espèce de front commun face aux revendications minimales - tout du moins - du Québec. Donc, à ce niveau-là, je ne vois pas comment le gouvernement du Québec, même s'il fait passer, à travers cette Assemblée nationale, grâce à cette majo- rité, toutes sortes de propositions, va négocier avec force et surtout en faisant valoir qu'il jouit d'un consensus et qu'il est mandaté par un consensus au sein de la population du Québec. (16 h 30)

À ce niveau, il est intéressant de noter... Je me suis absenté, il y a quelques minutes, de cette Chambre pour donner une entrevue à CJAD. Entre autres, la question qui m'a été posée concernait justement nos discussions sur la loi 150 et, sans même que j'aie à répondre, mon interlocutrice m'a dit: "Au fond, ce qui ressort de tout ça, c'est qu'il n'y a plus de consensus au Québec." Alors, sans même que nous on ait à dire quoi que ce soit, c'est déjà l'interprétation qui est faite par les observateurs de la scène québécoise et de la scène constitutionnelle canadienne.

D'autre part, face à la communauté internationale, je pense que cette stratégie est lourde de conséquence et je ne pense pas que vous en avez mesuré tous les impacts. Premièrement, en supposant que vous soyez si transparents dans vos intentions, advenant que la souveraineté soit l'option qui est retenue par une majorité de Québécois - ça peut être le fédéralisme mais mettons que, dans votre transparence, et vous ne vous gênez pas pour nous le répéter, vous n'excluez aucune option - en supposant que la souveraineté est l'option qui est retenue par le peuple québécois, bien, la souveraineté, ça n'implique pas simplement une discussion entre nous, ça implique également une reconnaissance internationale. Et le fait d'envoyer un message confus à la communauté internationale va, à mon avis, créer des problèmes peut-être pas insurmontables, mais certainement des problèmes accrus au niveau de la reconnaissance internationale.

Deuxièmement, ça soulève également la question quant à savoir qu'est-ce qui est une majorité acceptable pour que la souveraineté du Québec soit reconnue sur le plan international. On a toujours pensé que la majorité, c'est 50 plus 1. Sauf qu'on commence déjà à voir apparaître des commentaires à l'effet que: Hum! Peut-être 51 %, ce n'est pas assez, ça, pour consacrer la souveraineté du Québec. Ne faudrait-il peut-être pas 60 % ou 75 % ou même 90 %? Bon, voilà la porte qu'ouvre votre démarche confuse et tarabiscotée.

Maintenant, sur le plan des coûts du fédéralisme et de la souveraineté puisque, depuis tout à l'heure, on nous parle de cet effort louable d'évaluer les coûts de la souveraineté et que le premier ministre lui-même déclarait il n'y a pas si longtemps qu'avant de se positionner il fallait évaluer les coûts de la souveraineté, bien, je rappellerai ce que ma collègue de Terrebonne a dit et qui est tout à fait vrai: Jusqu'ici, les souverainistes ont eu à faire la démonstration que la souveraineté était faisable et rentable. Je pense que c'est maintenant aux fédéralistes,

d'autant plus que la Commission Bélanger-Cam-peau a eu comme résultat, tout du moins, de prouver que la souveraineté était aussi viable que le fédéralisme, mais surtout de montrer que le fédéralisme était de moins en moins rentable, avec ses juridictions qui s'entrecroisent, avec ses doublements de dépenses. Donc, je pense que dorénavant le fardeau de la preuve est beaucoup plus sur le dos des fédéralistes de faire la démonstration à la population du Québec que c'est le fédéralisme qui est encore rentable plutôt que la souveraineté avantageuse.

À ce niveau-là, je pense qu'il est intéressant de noter que plusieurs intervenants du côté ministériel demandent ou invoquent le besoin de produire des études. Des études démontrant quoi? Des études démontrant les coûts de la souveraineté et que la souveraineté est faisable. Je vais vous dire pourquoi vous demandez ça. Vous demandez ça parce que la plupart des études techniques faites par des personnes non partisanes et qui ont été présentées à la Commission Bélanger-Campeau ont démontré que la souveraineté était faisable et viable et vous allez exiger des études et des commissions à satiété jusqu'à temps que vous trouviez quelque chose à quelque part qui démontre que votre fédéralisme est rentable. Bien, mes chers amis, je pense que vous vous êtes embarqués dans la quadrature du cercle et c'est une démarche, à mon avis, qui nous mène uniquement dans un cul-de-sac.

Finalement, je pense qu'avec le projet de loi tel qu'il a été présenté, comme l'ont souligné plusieurs intervenants, les masques sont effectivement tombés. Je me rappelle qu'il n'y a pas tellement longtemps il y avait un nombre assez important de gens au Québec qui disaient: Ah! c'est M. Bourassa qui va faire la souveraineté! Bien, je pense que là, au moins, l'échiquier politique est clair et précis. Les gens, évidemment, se prononceront selon leur conscience. Mais, au moins, l'échiquier politique se précise de plus en plus et on ne pourra plus jouer sur la double allégeance et sur les comportements confus.

Au niveau de cet aspect de clarification de l'échiquier politique, je pense qu'il y a quelque chose qu'il est important de souligner. Outre, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le fait du sondage - je pense la semaine dernière ou il y a deux semaines - qui démontrait que la majorité de la population du Québec ne croyait pas que le premier ministre tiendrait un référendum sur la souveraineté, je pense qu'il est presque intellectuellement malhonnête de laisser penser à la population québécoise, par un projet de loi comme celui-là, que des offres, entre guillemets, acceptables pourraient venir du Canada anglais, d'autant plus que vous le savez qu'il n'y aura pas d'offres acceptables, et pour les raisons suivantes: Nous venons à peine de sortir de négociations pénibles sur l'accord du lac Meech où le minimum des minimums n'a même pas pu être atteint.

Au fond, il y a quelque chose de clair qui est ressorti des négociations de l'entente du lac Meech et que peut-être vous n'avez pas noté, mais qui est néanmoins existant, c'est le fait... Ça a démontré une chose. C'est qu'il s'est creusé un fossé au Canada anglais entre la classe politique d'une part et d'autre part l'opinion majoritaire canadienne anglaise. Je pense que c'est la raison, malgré les efforts et malgré les engagements qu'ont pris les représentants politiques du Canada anglais des autres provinces concernant l'entente du lac Meech, que finalement l'entente a échoué parce que l'opinion publique du Canada anglais n'était pas derrière cet accord. J'en prends à témoin les différents gouvernements qui ont tous été battus les uns après les autres, ceux qui avaient participé à ces négociations-là, en grande partie en raison de leur flexibilité quant à l'accord du lac Meech.

Je reprendrai également les propos de mon cher collègue de D'Arcy-McGee qui confirment effectivement - et je pense qu'il est honnête quand il le dit parce que je fais la même analyse - que le délai est tout à fait déraisonnable pour s'attendre à des offres, entre guillemets encore une fois, acceptables. Vous le savez qu'il n'y en aura pas. Alors, pourquoi retarder l'échéance? J'en tire simplement une conclusion: Vous voulez prolonger le processus jusqu'à ce que, miraculeusement, il y ait quelque chose qui sorte du sac et qui démontre que le fédéralisme est encore rentable et ça vous servirait de bouée de sauvetage pour vous attacher à ce concept-là.

Finalement, je pense qu'il est regrettable que le Parti libéral qui aurait pu jouer un rôle important dans la conjoncture historique actuelle soit en train de rater une belle occasion de jouer un rôle important. Un rôle important parce que, si le projet de loi 150 avait voulu être aussi transparent que l'a été le processus qui avait enclenché la Commission Bélanger-Campeau, les assurances - et vous savez quelles sont les assurances que nous demandons - vous nous les auriez données avant plutôt que d'imposer unilatéralement, sans discussion, ce projet de loi.

Quant à la mécanique de l'affaire, je pense qu'il est important également d'indiquer, pour le bénéfice des Québécois, que, lorsqu'une commission fait appel à des spécialistes ou fait appel à des personnes-ressources pour justifier ou pour approuver ou pour appuyer une analyse plutôt qu'une autre, ces personnes-ressources sont appelées par un vote majoritaire des commissions, et c'est là où la population doit être consciente. C'est la crainte que nous avions et c'est une des raisons pour lesquelles on vote contre votre projet de loi. Qui nous dit que ce projet de loi ne sera pas l'occasion rêvée pour faire le procès de la souveraineté? Grâce à votre majorité, vous pouvez appeler n'importe qui à témoigner. Lors des audiences de la Commission Bélanger-Campeau, il y a beaucoup plus de témoins de tous les

secteurs de la société favorables à la souveraineté qui se sont présentés. Vous allez peut-être essayer d'utiliser la mécanique de cette commission pour contrebalancer les mémoires qui ont été présentés à la Commission Bélanger-Campeau. Voilà une autre des raisons pour lesquelles on s'objecte à ce projet de loi.

Dans ce sens, M. le Président - et je terminerai là-dessus - je pense que ce qui avait été amorcé comme une démarche non partisane est devenu éminemment partisan. C'est la raison pour laquelle le Parti québécois va voter contre tout au long des étapes de ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député de Bertrand, pour vos remarques préliminaires. Je crois, M. le ministre, que vous désirez ajouter quelque chose. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'il puisse prendre quelques minutes?

M. Rémillard: Très, très rapidement.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Très rapidement, M. le Président, et je remercie l'Opposition de me permettre de le faire. J'ai écouté attentivement les commentaires qui ont été faits par les membres de l'Opposition et, savez-vous, j'ai l'impression qu'on va commencer l'étude de ce projet de loi article par article pas très éloignés les uns des autres. Ce n'est quand même pas si loin que ça, comme position.

Je comprends la position de l'Opposition. On parle de détournement. Je me permets de dire bien simplement que, s'il y a un détournement de ce projet de loi, ce n'est pas de notre côté. Il y a détournement et c'est dans le sens d'un détour. Ce détour que vous faites, vous le faites d'une façon logique, je dois le dire, parce que vous n'avez pas accepté la conclusion de Bélanger-Campeau. Nous, on n'est pas dans la même situation parce qu'on a accepté la conclusion de Bélanger-Campeau et on a accepté la recommandation de Bélanger-Campeau, alors que vous, vous n'avez pas accepté la conclusion, mais vous avez accepté la recommandation, d'où cette situation peut-être un petit peu plus difficile, que je comprends. Je crois qu'en étudiant article par article le projet de loi on pourra aplanir un peu cette situation-là.

Pour notre part, nous n'avons pas de difficulté à traduire Bélanger-Campeau dans tous ses aspects, puisque nous avons accepté et la conclusion et la recommandation. Comme vous n'avez pas accepté la conclusion, bien sûr qu'à ce moment-là ça peut vous causer quelques problèmes face au projet de loi. Je veux simplement dire, M. le Président, qu'après les remarques qui ont été faites je crois qu'on peut aborder ce projet de loi article par article dans un esprit d'ouverture, de bonne discussion, et ça m'apparaît intéressant comme point de départ.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Brassard: Une simple remarque. C'est vrai, le ministre a raison de signaler que - notre position aux conclusions du rapport, je l'ai moi-même mise en évidence à l'occasion de mon intervention en deuxième lecture, c'est important de le signaler, ce que certains de ses collègues, d'ailleurs, avaient oublié, malheureusement, dans leurs interventions - nous étions contre la conclusion.

Ce n'est pas tellement ça qui nous sépare et qui a commencé à susciter chez nous à la fois le doute qui s'est transformé par après en opposition au projet de loi. C'est, à partir d'un certain moment, avant même que le rapport de la Commission Bélanger-Campeau soit déposé, l'expression très claire de l'intention du gouvernement de ne pas respecter l'engagement de tenir un référendum sur la souveraineté si . certaines conditions ou certaines données survenaient. C'est là que le bris, la rupture du consensus a commencé, puis la fissure s'est ensuite élargie. C'est à partir du moment où le gouvernement a dit: Oui, un référendum sur la souveraineté, mais ce n'est pas sûr, ce n'est pas certain. Il pourrait se produire des choses qui feraient qu'on ne le tiendrait pas.

Alors, à ce moment-là, à partir du moment où c'était un engagement, de la part du gouvernement, tellement incertain, tellement gélatineux, c'est évident qu'à ce moment-là il y a un fossé qui a commencé à se créer entre le gouvernement et l'Opposition, et qui n'a cessé de s'élargir. Je pense que ça aussi, c'est important de le signaler.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Alors, les remarques préliminaires étant terminées, j'appelle l'article 1 du projet de loi. M. le ministre?

Étude détaillée Référendum sur la souveraineté

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Alors, cet article... Est-ce que vous voulez que je lise l'article, M. le Président? Est-ce qu'on doit lire l'article?

Le Président (M. Dauphin): C'est à votre discrétion, M. le ministre. (16 h 45)

M. Rémillard: Ce n'est pas obligatoire. Je peux le lire peut-être. Alors: "Le gouvernement du Québec tient un référendum sur la souveraineté du Québec entre le 8 juin et le 22 juin 1992 ou entre le 12 octobre et le 26 octobre

1992. "Le résultat du référendum a pour effet, s'il est favorable à la souveraineté, de proposer que le Québec acquière le statut d'État souverain un an, jour pour jour, à compter de la date de sa tenue."

M. le Président, c'est directement une conclusion et la recommandation de la Commission Bélanger-Campeau. Ça prévoit donc un référendum à des dates possibles bien fixes. Là encore, ces dates avaient été déterminées par les commissaires de Bélanger-Campeau. On voulait que ce soit à un moment donné où les Québécois ne sont pas en vacances ou qu'il n'y ait pas les rigueurs de l'hiver. On voulait que ce soit dans une bonne période de l'année. Alors, si on regarde les dates du 8 au 22 juin 1992, avant les vacances de l'été, ou entre le 12 et le 26 octobre, après le 26 octobre, le temps est plus difficile.

Ça donnait aussi une période de temps, en termes de mois, qui paraissait suffisant à l'ensemble des commissaires. On se souvient des discussions qui ont eu lieu, M. le Président. Dans un premier temps, certains commissaires auraient préféré que ce référendum puisse avoir lieu dans l'année 1991, on parlait même de mai et de juin 1991. Pour notre part, on trouvait que c'était beaucoup trop tôt et qu'à ce moment-là, selon la théorie qui était avancée par ceux qui prônaient un référendum aussi tôt, ça voulait dire deux référendums, puisqu'il y avait un référendum, tout d'abord, qui était posé pour savoir si on devait négocier et, ensuite, un référendum sur les résultats de la négociation, quelque chose d'un petit peu semblable à 1980.

Ensuite, on a fait consensus sur le fait qu'il devait y avoir un seul référendum et que ce référendum devrait avoir lieu après un certain temps pour donner le temps justement d'informer la population et aussi d'avoir les discussions qui s'imposent avec Ottawa et les autres provinces. Alors, c'est dans ce contexte-là que nous avons cet article 1.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: D'abord, une première remarque sur la date, M. le Président. Nous avons consenti à ce que le référendum sur la souveraineté puisse se tenir en 1992, mais je vous signale que notre premier choix, comme la plupart d'ailleurs des intervenants devant la Commission Bélanger-Campeau, c'était 1991. Une ma|orité de Québécois et une très grande majo rite des intervenants, qui ont témoigné devant la Commission, préféraient et ont privilégié 1991 pour tenir ce référendum. Il y a donc, de notre part en tout cas, un compromis qu'on a accepté de faire pour que, sur la recommandation de la Commission, il y ait un plus large consensus.

J'admets que le libellé de l'article 1 reflète fidèlement l'un des éléments de la recommandation de Bélanger-Campeau. J'ai des questions, cependant, à poser au porte-parole du gouvernement, donc au ministre. Première question: Le premier ministre, quand on lui demandait: Allez-' vous tenir le référendum sur la souveraineté en 1992? la réponse du premier ministre, il l'a faite au moins deux ou trois fois: Écoutez, on ne peut pas prévoir ce qui va se passer. Il peut éclater une troisième guerre mondiale. Il peut y avoir un tremblement de terre épouvantable au Québec, donc des événements incontrôlables qui peuvent se produire et qui feraient qu'on ne serait pas en mesure de tenir le référendum sur la souveraineté prévu à l'article 1.

Comme une troisième guerre mondiale est peu probable, je ne croirais pas, dans un avenir prévisible et comme il peut bien se produire un tremblement de terre, mais je ne pense pas que ça arrête la société québécoise de fonctionner... Il s'en est produit un il y a trois ans, je m'en souviens, on était précisément en congrès, nous, du Parti québécois, et on a tenu notre congrès quand même. On était à Saint-Hyacinthe, d'ailleurs, dans le comté de Saint-Hyacinthe et on a tenu le coup. Ça ne nous a même pas empêchés de poursuivre notre congrès. Donc, il faudrait qu'il soit très gros, le tremblement de terre, pour que le référendum n'ait pas lieu.

Alors, ma question est bien simple. En dehors d'une troisième guerre mondiale, et puis en dehors d'un tremblement de terre, est-ce que le ministre pourrait nous indiquer s'il y a autre chose qui pourrait faire en sorte que l'article 1 ne soit pas respecté? Ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve, tout à l'heure, faisait référence à un sondage qui est quand même important. Il y a à peine 20 % de la population québécoise qui croit que le premier ministre du Québec va respecter l'article 1. Ça veut dire qu'il y en a 80 % qui sont convaincus qu'il ne respectera pas l'article 1, qu'il n'y aura pas de référendum sur la souveraineté, que le premier ministre n'est pas sérieux. Ils n'ont aucune confiance qu'il va tenir le référendum sur la souveraineté.

Alors, la question au ministre: En plus d'une troisième guerre et d'un tremblement de terre dévastateur comme en Arménie, y a-t-il autre chose qui pourrait faire en sorte que l'article 1 ne soit pas respecté par le gouvernement?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord le député de Lac-Saint Jean me dit que la terre a tremblé au moment de leur congrès Je vais dire bien humblement - parce que je ne voudrais pas que le député de Lac-Saint-Jean fasse référence à des articles de magazines ou quoi que ce soit - que la terre a tremblé à mon anniversaire, parce que cette journée-là c'était mon anniversaire. Alors, voyez-vous comment ça

peut arriver des tremblements de terre?

Alors, tout ça pour dire que nous sommes ici devant une obligation légale. L'obligation légale, on se souvient que pendant les discussions de Bélanger-Campeau on avait parlé de déclaration solennelle. Vous vous souvenez, en Chambre, on avait dit il pourrait y avoir une déclaration solennelle. C'est-à-dire qu'à ce moment-là ça aurait été le gouvernement qui propose une motion, une déclaration - je pense que ça serait une motion, M. le Président? - ça aurait été une motion en termes parlementaires, où on aurait pris un tel engagement par motion. Donc, l'engagement aurait été politique.

Au fur et à mesure de l'évolution de nos discussions, on en est arrivé à la conclusion qu'il fallait que cet engagement de tenir un référendum soit encore plus fort. Et là on a dit: Qu'est-ce qui pourrait vraiment être le plus fort? Qu'est-ce qui est le plus fort dans notre système parlementaire, M. le Président, dans notre démocratie? Ce qui est le plus fort c'est une loi, parce que c'est l'expression directe de la souveraineté du Parlement, de l'Assemblée législative. On se souvient de cet adage que le Parlement peut tout faire sauf changer un homme en femme, et maintenant c'est même possible.

Il y a au niveau parlementaire l'expression première qui est la loi. Si on veut changer une loi, il n'y a qu'un moyen, c'est une autre loi. Par conséquent, l'obligation légale qui est là est l'obligation la plus forte qu'on peut avoir dans notre système démocratique parlementaire. À partir de là, seule l'Assemblée nationale peut délier le gouvernement de cette obligation de tenir un référendum.

M. Brassard: J'en conviens, je sais tout ça. Au fond, ma question est très simple. Je vais la reformuler.

Je sais bien que ça devient, à partir du moment où le projet de loi est adopté, une obligation légale. En même temps on en prendra connaissance et on en discutera quand on abordera les considérants après coup. Vous insistez lourdement sur la souveraineté de l'Assemblée nationale, sur la marge de manoeuvre du gouvernement qui doit demeurer intacte, donc ça veut dire que vous évoquez, vous posez la possibilité que cette obligation légale soit modifiée par le dépôt d'un amendement ou d'un projet de loi de l'Assemblée nationale qui change cette obligation légale ou qui repousse l'échéance ou qui annule l'événement prévu à l'article 1.

Ma question est, en quelque sorte, la suivante: Qu'est-ce qui ferait que le gouvernement déciderait de recourir à sa majorité ministérielle à l'Assemblée nationale pour modifier cet article-là donc, soit repousser l'échéance, soit changer l'objet du référendum ou soit l'annuler? Tout ça a été évoqué. Vous l'avez vous-même évoqué. Vous l'avez vous-même évoqué à maintes reprises relativement, entre autres, à des offres de révision du régime fédéral qui pourraient nous arriver d'Ottawa ou du Canada anglais.

Vous avez dit maintes fois - conformément, d'ailleurs, au rapport Allaire: Écoutez, si on a des offres que le gouvernement pourrait juger acceptables, on peut fort bien recourir à la Loi sur la consultation populaire et tenir un référendum sur ces offres plutôt que de le tenir sur la souveraineté. Comment échapper à l'obligation légale dont vous parlez? Bien, en recourant à la majorité ministérielle à l'Assemblée nationale, en modifiant la loi et en amendant cet article 1, là. Vous avez souvent évoqué cette possibilité-là.

Moi, ce que je vous demande... Je veux en quelque sorte jauger la force de votre engagement, si vous me permettez, ayant quelques doutes à ce sujet. Je veux mesurer la force, la détermination de votre engagement à respecter l'article 1 parce que vous avez souventefois évoqué précédemment - M. le premier ministre aussi - que, s'il y a des choses qui se produisent, s'il y a des événements qui surviennent, il se pourrait bien qu'on annule l'événement ou qu'on modifie l'objet ou qu'on en repousse l'échéance à plus tard. Tout ça a été évoqué.

Par conséquent, ce qui a donné lieu à la mise en doute chez beaucoup de monde y compris l'opinion publique, y compris le peuple québécois... Ils n'ont pas confiance. Il y a à peine 20 % qui pensent que vous allez tenir le référendum sur la souveraineté. Donc, il y a beaucoup de monde qui met en doute votre détermination, votre fermeté. Alors, je voudrais le mesurer aujourd'hui et je pense que c'est l'occasion puisqu'on est à l'article 1. Je voudrais évaluer la force de votre engagement, la force de votre détermination, qu'est-ce qui ferait que le gouvernement ne respecterait pas cette disposition de l'article 1.

Prenons, par exemple... Allons plus clairement... Les offres. Si vous aviez des offres en provenance du gouvernement fédéral, des offres de renouvellement du fédéralisme - c'est votre choix et, visiblement, vous vous êtes engagé dans cette voie-là, le processus de révision du régime fédéral - que vous jugez acceptables, est-ce que c'est un élément nouveau que vous trouvez suffisant pour que le gouvernement ne respecte pas l'article 1 du projet de loi 150? Est-ce qu'il y a autre chose qui peut faire en sorte que ça aboutisse au même résultat que vous décidiez de ne pas respecter cette disposition?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Le député de Lac-Saint-Jean fait référence au doute et le député de Jacques-Cartier, hier, lisait les Pensées de Pascal. Probablement que son leader, le député de D'Arcy-McGee, va être heureux d'apprendre qu'un de ses députés lit Pascal, les Pensées de Pascal. Il m'a envoyé une note sur un passage de cette pensée de Pascal qui disait que

le doute est la source de la sagesse. (17 heures)

M. Brassard: Je suis étonnamment sage, dans ce cas-là.

M. Rémillard: Alors, je veux donc souligner votre sagesse...

M. Brassard: Merci beaucoup.

M. Rémillard: ...dans la question que vous me posez. On a voulu aussi, pour suivre cet exemple de sagesse, étant donné l'importance de la loi, mettre dedans les considérants parce que c'est exceptionnel que le législateur fasse ainsi un préambule aussi complet à un projet de loi. Normalement, ici en tout cas, dans notre technique législative, on n'utilise plus les préambules. C'est très exceptionnel qu'on utilise...

M. Brassard: II est même trop complet à notre avis.

M. Rémillard: Bien là, attendez, on va les discuter.

M. Brassard: On en parlera.

M. Rémillard: On va l'expliquer, on va en discuter. Dans ce préambule qu'on aura l'occasion de discuter un peu plus tard, on se réfère, comme vous l'avez mentionné, à la souveraineté du Parlement et aux prérogatives du gouvernement. Alors, c'est deux principes fondamentaux de notre démocratie parlementaire. Par conséquent, lorsqu'on étudie ce projet de loi, surtout en son article 1, on s'aperçoit que cet engagement n'est pas nuancé par quelque élément juridique que ce soit mais bien exprimé très clairement, expressément.

Je sais que les membres de l'Opposition ont été quelque peu surpris quand ils ont vu le projet de loi et qu'ils ont vu cet article 1. Ils ont été surpris qu'on puisse exprimer aussi clairement ce qui a été écrit, ce qui a été suggéré, ce qui a été proposé par le rapport Bélanger-Campeau. Par conséquent, on sait très bien que seule une autre loi pourrait changer cette loi. Ce qui veut dire, M. le Président, tout un processus parlementaire. Le processus que nous suivons aujourd'hui pour accepter la loi 150, on referait le même processus pour amender la loi 150. Ça ne se ferait pas en catimini, ça ne se ferait pas caché dans un petit coin, ça se ferait au vu et au su de tout le monde, et la population du Québec nous regarderait agir. Alors, M. le Président, on a confiance dans notre parlementarisme, on a confiance dans notre démocratie et par conséquent, pour nous, ce qui est important c'est un engagement du gouvernement par ce projet de loi 150 qui est là, qui clairement nous dit qu'il y aura référendum aux dates prévues et cet engagement-là sera tenu.

Le député de Lac-Saint-Jean nous dit: Oui, mais faisons des scénarios - toujours dans son contexte cinématographique - faisons des scénarios. Oui, mais il parle d'une façon bien hypothétique. Ce ne sont pas des hypothèses que nous avons à évaluer. Ce que nous avons à évaluer c'est un projet de loi et l'engagement du gouvernement est clair. S'il y avait dans le texte des échappatoires, si c'était rédigé de façon à ce qu'on puisse s'en échapper, bien là, on pourrait en discuter. On pourrait dire: Écoutez, les mots que vous avez utilisés ou bien la façon dont vous l'avez écrit, ça nous démontre que vous ne voulez pas respecter cet engagement. Mais il n'y en pas d'échappatoire, vous n'en avez pas mentionné un. C'est très clairement exprimé.

Alors, qu'est-ce que ce serait l'autre possibilité? Ça serait un projet de loi qui viendrait changer cette loi, par conséquent, un processus parlementaire comme nous le connaissons présentement, un même processus parlementaire. Écoutez, à tout ça, si ça se faisait, il y a un prix politique à payer comme toute action du gouvernement. Et ça, c'est notre démocratie. Mais ce que vous nous dites c'est purement hypothétique. La réalité, elle est là, elle est écrite puis elle est écrite clairement. Un référendum sera tenu

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

M. Brassard: M. le Président, ce n'est pas purement hypothétique le fait que le gouvernement actuel du Québec se soit engagé dans un processus de révision du régime fédéral. Ce n'est pas hypothétique, ça. Ce n'est pas une hypothèse que j'émets là. Manifestement, visiblement, tout le monde le sait, vous avez fait un choix et vous vous êtes engagé dans un processus de renouvellement du régime fédéral. C'est ça votre choix et c'est en cours, ça. Ce n'est pas une hypothèse que j'émets en vous disant qu'il y a des offres de révision du régime fédéral qui peuvent survenir, qui vont survenir. Le gouvernement fédéral nous l'a indiqué qu'à l'automne il va déposer des offres puis engager des discussions, des pourparlers avec tous les intervenants là-dessus. Je ne suis pas dans l'hypothèse... dans l'hypothétique, là. Ce n'est pas encore arrivé, mais ce n'est pas hypothétique, ça va arriver. Le processus dans lequel vous êtes embarqués, ce n'est pas hypothétique. Vous êtes embarqués dans un processus de révision du fédéralisme. Donc, le premier point: On n'est pas dans l'hypothétique.

Deuxième point: Je sais bien que, pour changer l'article 1, il va falloir revenir à l'Assemblée nationale. Ça, je le sais. Pas nécessairement, de toute façon. Vous pourriez tenir, en vertu de la Loi sur la consultation populaire, un référendum - je l'ai ici la Loi sur la consultation populaire - à l'automne sur des offres de renouvellement du régime fédéral. En vertu de la

Loi sur la consultation populaire vous pourriez le faire, c'est une loi générale. Vous convoquez la Chambre, vous faites un débat de 35 heures sur un projet de question, que vous déposez, relativement à des offres de révision du régime fédéral et il y a une campagne référendaire qui s'amorce et il y a un vote. Vous n'avez pas amendé la loi, là. Non, non, non, vous n'avez pas amendé la loi; vous n'avez pas encore amendé la loi.

Vous pouvez, avant l'article 1... Il n'y a rien dans le projet de loi qui vous interdit avant de tenir le référendum sur la souveraineté prévu à l'article 1, il n'y a rien qui vous interdit d'en tenir un autre sur autre chose que la souveraineté en vertu de la Loi sur la consultation populaire. Vous-même, vous l'avez dit, on était ici d'ailleurs; on s'était transportés de Maizerets à ici, lors de cette séance de la Commission Bélanger-Campeau. Vous-même, vous l'avez dit.

Mais moi, ce que je veux savoir, ce n'est pas, si vous décidez d'amender l'article 1, que le processus législatif, ouvert, public, va avoir lieu. Je le sais bien qu'il va avoir lieu. Dans n'importe quel projet de loi, il y a un processus. Il faut déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale et, là, il y a les trois étapes, les étapes législatives connues. Tout ça se fait au vu et au su de tout le monde, ça, je sais ça. Moi, ce que je veux savoir, c'est ce qui vous motiverait de modifier l'article 1, de ne pas tenir le référendum sur la souveraineté, d'en repousser l'échéance ou de l'annuler ou de faire un référendum sur autre chose. Qu'est-ce qui vous motiverait? Il y a sûrement des choses qui vous motiveraient, vous l'avez vous-même évoqué à maintes reprises.

Si le gouvernement fédéral nous fait des offres qu'on jugerait acceptables, on pourrait tenir un référendum là-dessus plutôt que sur la souveraineté. Ça aussi, vous l'avez évoqué à maintes reprises, vous inspirant de Bélanger-Campeau dans la résolution adoptée par le Parti libéral où le référendum est alternatif - pas Bélanger-Campeau, excusez, le rapport Allaire. Allaire, c'est alternatif. Vous présentez un projet de renouvellement fédéraliste. Si ça donne lieu à des discussions et si ça aboutit à une entente, alors là, il y aura un référendum sur cette entente-là. S'il n'y a pas d'entente, là c'est sur la souveraineté. Le référendum est alternatif dans Allaire. Ça aussi, vous l'avez maintes fois évoqué.

Alors moi, je vous demande, pour mesurer le degré de détermination du gouvernement quant au respect de l'article 1, ce qui vous motiverait, ce qui vous inciterait, en cours de cheminement dans votre démarche, à décider de ne pas respecter l'article 1, donc, soit de l'amender, soit de tenir un référendum avant, sur autre chose en vertu de la loi générale sur les consultations populaires.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le seul motif que nous avons, c'est celui de traduire en termes législatifs, la recommandation, la conclusion de Bélanger-Campeau. C'est le seul motif que nous avons. Si je regarde simplement un scénario que le député de Lac-Saint-Jean nous propose - c'est lui qui le propose, ce n'est pas moi - il nous dit: Si vous faisiez référence, si vous utilisiez la loi référendaire...

M. Brassard: Vous l'avez déjà dit.

M. Rémillard: La loi référendaire, qui est une loi générale, qui a été votée pour le référendum de 1980 - donc, qui existe toujours - et qui permet au gouvernement de mettre en place un processus pour consulter la population sur n'importe quelle question qu'on pourrait poser à la population du Québec, elle existe toujours. C'est une loi générale, comme dit le député de Lac-Saint-Jean, et il a raison.

Dans la mesure où on voudrait utiliser cette loi référendaire, il faut bien comprendre que, dans un premier temps, la question posée ferait l'objet d'un débat de 35 heures, en Chambre. 35 heures, c'est combien de temps, à peu près, ça, en Chambre, M. le Président, en termes de semaines? À peu près deux semaines, trois semaines? Deux ou trois semaines - qu'on me dit, à l'arrière - de débats parlementaires. Imaginez-vous! Deux ou trois semaines, qu'on me dit. Ça dépend de la collaboration de tout le monde et de la longueur des discours. Ce n'est pas en cachette que ça se fait, ça.

En plus de ça, il faudrait ensuite modifier la loi 150, avec un processus parlementaire aussi. Écoutez, je comprendrais vos craintes si on se référait ou si on discutait, présentement, d'une déclaration solennelle ou d'un engagement politique. Mais il s'agit d'un projet de loi dont nous discutons, il s'agit d'un engagement légal comme tel. Donc, vos scénarios sont hypothétiques. Regardons la réalité! Et la réalité, c'est un engagement que prend le gouvernement, que prend l'Assemblée nationale à l'effet qu'il y ait ce référendum.

M. Brassard: Est-ce que le ministre, au nom du gouvernement, est disposé à prendre l'engagement, devant cette commission, que quoi qu'il arrive, peu importent les offres de renouvellement du régime fédéral qui vont nous arriver d'Ottawa ou du Canada anglais, l'article 1 sera respecté scrupuleusement par le gouvernement? Quoi qu'il arrive.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Je fais toujours référence aux

considérants, à l'esprit et à la lettre de Bélan-ger-Campeau, qu'on retrouve aussi dans le texte de la loi. On peut faire bien des scénarios. Tout à l'heure, le député de Lac-Saint-Jean s'est référé à la loi référendaire, d'autres pourraient se référer aux prérogatives du premier ministre qui existent toujours. Ça existe, la prérogative de l'Exécutif, du premier ministre, ça existe dans notre système démocratique parlementaire. Toutes ces prérogatives sont là, elles peuvent être exercées.

Mais au-delà de ces prérogatives du premier ministre de convoquer des élections demain ou après-demain - peu importe, c'est sa prérogative - au-delà de toutes ces considérations qu'on peut énumérer au niveau politique, il y a un fait qui demeure, c'est que nous avons devant nous un projet de loi qui est l'expression de l'Assemblée nationale et que, par conséquent, seule une loi peut délier le gouvernement de son obligation de tenir ce référendum. Ne l'oublions pas! N'oublions pas ça!

Il ne faut pas comprendre que, du jour au lendemain, le premier ministre ou le Conseil des ministres pourrait dire: La loi 150? Fini! On n'en tient plus compte, c'est terminé, la loi 150! On ne peut pas faire ça, c'est une loi. Donc, par conséquent, seule une autre loi pourra délier le gouvernement de cet engagement qu'il prend aujourd'hui. C'est sérieux, ça, M. le Président, c'est sérieux!

Il ne faut pas faire croire aux gens qu'il n'y a pas une obligation légale alors que ce projet de loi comprend cette obligation légale de tenir un référendum, comme il comprend aussi l'obligation légale d'avoir ces deux commissions parlementaires: une pour étudier les questions afférentes à la souveraineté, et une autre pour étudier les offres qui peuvent nous venir du gouvernement fédéral et des autres provinces.

Alors, voilà une obligation de résultats par un échéancier en référendum. Voilà le coeur de la loi en fonction de ces deux choix que nous avons et qui traduit très clairement la conclusion de Bélanger-Campeau. Et voilà ce qu'est le projet de loi 150! (17 h 15)

M. Brassard: Mais quand cette obligation légale s'appliquera, quand il y aura un référendum sur la souveraineté, est-ce que je dois en déduire que vous serez, vous, dans le camp du oui, que vous allez demander aux Québécois de voter en faveur de la souveraineté, pour la souveraineté?

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président...

M. Brassard: Puisqu'il semble bien, d'après ce que vous me dites, que c'est chose assurée, inéluctable, le référendum sur la souveraineté va avoir lieu. Bon, bien alors, très bien, prenons acte. Vous serez dans quel camp, vous?

M. Rémillard: M. le Président..

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...premièrement, je répète que seule une loi peut venir délier le gouvernement de cet engagement.

M. Brassard: Oui. D'accord.

M. Rémillard: Donc, il faudrait une autre loi...

M. Brassard: Donc, il aura lieu.

M. Rémillard: ...si on veut aller à l'en-contre...

M. Brassard: Je prends pour acquis qu'il va avoir lieu.

M. Rémillard: ...de cette loi.

M. Brassard: Très bien. Je prends pour acquis qu'il va avoir lieu.

M. Rémillard: Dans quel camp je serai, M. le Président, je serai dans le camp du Québec. Qu'est-ce que ça signifie...

M. Brassard: Oh!

M. Rémillard: M. le Président, laissez-moi terminer. Qu'est-ce que, pour moi, ça signifie? Ça signifie qu'en respect de ce projet de loi il y a le travail de deux commissions parlementaires et ces deux commissions parlementaires vont travailler le plus objectivement possible. Comme parlementaires, on se doit de le faire et j'attends de l'Opposition...

M. Brassard: Vous serez dans le camp du Québec.

M. Rémillard: ...la même ouverture d'esprit qu'on devrait avoir...

Le Président (M. Dauphin): Un instant, s'il vous plaît.

M. Rémillard: ...du côté ministériel quant aux différentes questions qui devront être étudiées. D'une part, qu'il y ait l'ouverture d'esprit du côté de l'Opposition quant aux offres - étudier sérieusement les offres qui pourraient nous venir du gouvernement fédéral et des autres provinces.

Le seul processus qui est en cours actuellement, M. le Président - je tiens à le préci-

ser - c'est le processus de la loi 150. Il n'y a aucune négociation, aucune discussion avec le gouvernement fédéral ou d'autres provinces qui est en cours présentement. Et, M. le Président, on n'a pas l'intention non plus d'en tenir. S'il y a des offres, ces offres viendront du gouvernement fédéral et des autres provinces. S'il n'y a pas d'offres, la loi 150 est là.

Dans ce contexte, respectons . tous les aspects de la loi et ce que ça signifie. Ça signifie de respecter qu'il y aura une commission parlementaire qui étudiera des offres si elles nous viennent et il faudra que l'Opposition ait l'ouverture d'esprit pour étudier aussi ces offres dans leur réelle dimension. Il n'y a quand même pas tellement longtemps que vous étiez sensibles au beau risque, hein? Tout à coup que vous seriez séduits encore une fois par ce beau risque. Je ne sais pas. Tout à coup que ça vous arriverait que le beau risque vous arriverait comme ça à la suite d'offres qu'on pourrait recevoir. Attendez. Ne fermez pas la porte tout de suite. Attendez. Non, non, mais attendez. Attendez. Laissez... Je vous demande d'avoir l'esprit ouvert dans l'intérêt du Québec. Attendez.

Vous avez, il n'y a pas tellement longtemps, été ouverts à un fédéralisme profondément renouvelé. Si on pouvait le renouveler, ce fédéralisme, peut-être qu'on pourrait, unanimement... Ah! vous auriez peut-être des problèmes avec certains éléments de votre côté. Je le comprends. Mais, d'une façon générale, on pourrait, tous ensemble peut-être, être d'accord sur un fédéralisme profondément renouvelé. Ne fermons pas de portes. Ne fermons pas de portes et regardons bien objectivement, d'une part, des offres de fédéralisme qu'on pourrait avoir, de nouveaux partenariats, de changements majeurs et, d'autre part, en ce qui regarde la souveraineté, toutes les questions afférentes, d'une façon la plus objective, la plus complète possible pour informer la population.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez, M. le député, c'est que M. le député de D'Arcy-McGee, depuis le début, me demande d'intervenir.

M. Brassard: Oui, mais je voulais finir le débat là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): Une autre question. Ensuite de ça, D'Arcy-McGee et ensuite Hochelaga-Maisonneuve.

M. Brassard: Le ministre essaie de me faire oublier ma question, mais il ne réussira pas. Il a fait une pirouette tantôt. Je lui ai posé une question bien claire et il a fait une pirouette. Moi, je prends pour acquis... Il m'a tout expliqué ça et je le prends au mot. Je le prends au mot.

L'obligation légale, bon, c'est là et ça va se faire. Il va y avoir un référendum sur la souveraineté. Je le prends au mot. Il va y avoir un référendum sur la souveraineté. Veut-il le gagner, ce référendum sur la souveraineté? Et, comme c'est un référendum sur la souveraineté, la question va porter sur la souveraineté. Dans un référendum, tu n'as pas une case pour oui, une case pour non puis une case pour autre chose: Je suis dans le camp du Québec.

Une voix: Du peut-être.

M. Brassard: Je suis dans le camp du Québec. Je suis pour tout le monde, je suis pour les Québécois. Non. C'est oui ou c'est non.

Je reviens à ma question. L'obligation légale de tenir un référendum sur la souveraineté va s'appliquer. Il va y avoir un référendum sur la souveraineté. Je le prends au mot. Ça va avoir lieu en 1992, disons en octobre 1992, le plus tard possible. Lui, il va répondre quoi à la question et il va demander aux Québécois de répondre quoi à la question? Oui ou non? Alors, là, laissez faire la pirouette: Je serai dans le camp du Québec. Ça me fait penser aux pirouettes du premier ministre: Je suis là pour défendre les intérêts supérieurs de la nation. Vous allez dire oui ou non et vous allez demander aux Québécois de dire oui ou de dire non?

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Moi aussi, je vais prendre au mot le député de Lac-Saint-Jean. Je vais le prendre au mot. Il semble montrer beaucoup d'ouverture pour étudier les deux aspects - je le comprends de ses interventions - il montre de plus en plus d'ouverture, oui, pour regarder un fédéralisme profondément renouvelé, des offres qu'on pourrait avoir, autant que la souveraineté. Est-ce que le député de Lac-Saint-Jean pourrait siéger sur la commission parlementaire qui va étudier les offres? Ça, ça serait intéressant, aussi, que le député de Lac-Saint-Jean - je sais qu'il aimerait mieux être sur la commission parlementaire qui sera en fonction de la souveraineté, mais...

M. Brassard: Je vais être sur les deux.

M. Rémillard: Alors, voilà, il va être sur les deux. Alors, avec une ouverture d'esprit, est-ce qu'il va être capable de démontrer, envers les offres qu'on pourra recevoir, une ouverture d'esprit complète, comme quand il appuyait le livre bleu, les 22 conditions du beau risque? Tout à coup que ces 22 conditions, on pourrait les avoir, ou à peu près. Quelle serait la situation du député de Lac-Saint-Jean?

Je vais poser la question au député de Lac-

Saint-Jean, M. le Président. Si on avait ces 22 conditions du livre bleu, est-ce qu'il serait d'accord pour un fédéralisme renouvelé, aujourd'hui, comme il l'était il n'y a quand même pas longtemps, au mois de mai 1985? Ici, dans cette salie, c'a été lancé en grande pompe et c'a été présenté à l'Assemblée nationale - ça a été présenté à Ottawa avant l'Assemblée nationale, il faut dire. On se souvient de ça. Mais au moment où on se parie, avec son ouverture d'esprit, si on pouvait avoir les 22 conditions du livre bleu, est-ce que le député de Lac-Saint-Jean dirait oui au fédéralisme?

M. Brassard: Répondez d'abord à ma question...

M. Rémillard: Bien, je voulais poser moi aussi la question.

M. Brassard: ...et je répondrai à la vôtre après. Répondez d'abord à ma question. Seriez-vous dans le camp du oui ou dans le camp du non lors du référendum sur la souveraineté, cette obligation légale dont vous parlez dans le projet de loi qu'on étudie présentement? Répondez à ma question et je répondrai à la vôtre après.

M. Rémillard: Je vais vous faire la même réponse que vous m'avez faite: Je vais être sur les deux commissions moi aussi. Je vais être sur les deux commissions.

M. Brassard: Ça ne répond pas à la question.

M. Rémillard: Oui, mais, vous aussi, vous répondez à la même question.

Mme Harel: Oui, mais il sait déjà comment il va répondre.

M. Brassard: Moi, je vais voter oui.

M. Rémillard: Attention! ce n'est pas si clair que ça. On me dit quelque chose...

M. Brassard: Non, non, pour moi, c'est très clair.

M. Rémillard: M. le Président, il y a d'autres personnes...

M. Brassard: Si vous tenez un référendum sur la souveraineté, moi, je sais déjà dans quel camp je vais être. Je vais être dans le même camp que celui où j'étais en 1980, dans le camp du oui. Je vais être dans le camp du oui, ça c'est sûr. Je vais voter oui, ma femme va voter oui, mes enfants vont voter oui, ça, c'est sûr et certain. Mais je ne sais pas encore, vous, comment vous allez voter.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, il y a d'autres membres de...

M. Brassard: C'est vous qui le proposez, le référendum.

M. Rémillard: M. le Président, il y a d'autres membres de la commission, de l'Opposition, qui veulent répondre pour le député de Lac-Saint-Jean. Le député de Lac-Saint-Jean me dit: Oui, si ça se passe aujourd'hui, le référendum sur la souveraineté, je serai pour la souveraineté. Non seulement moi, mais ma famille sera aussi du côté de la souveraineté.

M. Brassard: Je lui en ai parlé, je suis sûr deçà.

M. Rémillard: il y a cinq ans, au mois de mai 1985, à ce moment-là, qu'est-ce qu'il disait ici, dans le même endroit? Il disait: Oui, je serai en faveur du fédéralisme et ma famille sera en faveur du fédéralisme. Moi, je lui dis bien amicalement: C'est parler trop vite. Il y a deux commissions parlementaires qui vont étudier les situations complètes qui se présenteront devant nous: d'une part, la souveraineté, avec les questions afférentes et, de l'autre côté aussi, tout ce qui regarde les offres qu'on pourrait avoir. Pourquoi le député de Lac-Saint-Jean n'attend-il pas un petit peu? Pour ne pas qu'il soit obligé de rechanger d'idée, qu'il attende. Il pourrait attendre.

M. Brassard: Donc, ce n'est pas sûr. M. Rémillard: Laissez-moi terminer.

M. Brassard: Ce n'est pas sûr que le référendum sur la souveraineté ait lieu.

M. Rémillard: Regardez bien. Laissez-moi terminer, là.

M. Brassard: Ça pourrait être autre chose. M. Rémillard: Non, mais tout à coup... M. Brassard: C'est ça que vous me dites.

M. Rémillard: Non. Il peut y avoir un référendum sur la souveraineté, mais il pourrait voter contre. Tout à coup qu'on a les 22 conditions du livre bleu. Qu'est-ce que ferait le député de Lac-Saint-Jean? Qu'est-ce que ferait sa famille - parce qu'il se réfère à sa famille? Là, c'est compliqué, c'est difficile.

M. Brassard: S'il y avait un référendum sur

la souveraineté, vous feriez quoi, vous? M. Rémillard: Ce serait... M. Brassard: Votre femme ferait quoi?

M. Rémillard: ...difficile. Mais là il implique sa famille. Vous savez, ça fait beaucoup de monde. Ça fait beaucoup de monde dans tout ça. Moi, ce que je dis bien amicalement au député de Lac-Saint-Jean, c'est que les questions qui se posent sont soit hypothétiques, soit prématurées. Ce qui est important pour nous, aujourd'hui, de décider et de s'entendre, c'est sur la réalité des choses telles qu'elles se présentent à nous présentement. Comment c'est cette réalité? Elle est en fonction du rapport Bélanger-Campeau et elle signifie pour le gouvernement ce projet de loi 150, avec l'article 1 qui est un référendum, qui doit avoir lieu dans des périodes bien déterminées. Pourquoi on ne serait pas d'accord, tout le monde, pour accepter ce fait-là?

Les hypothèses qu'on peut élaborer ne peuvent pas changer ce projet de loi par elles-mêmes. Seule une autre loi peut changer ce projet de loi. Donc, par conséquent, pourquoi essayer d'élaborer toutes sortes de scénarios? Ce sont des scénarios qui viendront au fur et à mesure et, à ce moment-là, notre régime démocratique parlementaire sera toujours en place pour y faire face. Mais, pour le moment, ce n'est pas ça l'objet de notre discussion.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président. Tout d'abord, le député de Lac-Saint-Jean parle de la démocratie. Si mon père me disait comment je dois voter dans une élection, dans un référendum, ça m'inquiéterait, M. le Président. Sûrement un non sur ça. J'espère qu'il a déjà eu ces discussions avec ses enfants ou même sa femme. Si ma femme me dit comment je dois voter dans un référendum, ça, c'est un peu trop.

M. Brassard: M. le Président, soyons clairs. C'est qu'ils m'ont dit comment eux allaient voter.

M. Rémillard: Ah! Ce n'est pas clair. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): De toute façon, le vote étant secret...

M. Libman: Une autre chose. Il a dit qu'il a voté comme ça en 1980 et qu'il va voter comme ça aujourd'hui. Je vois qu'il n'y a pas eu d'évolution du député de Lac-Saint-Jean depuis 11 ans.

Une voix: Vous non plus.

Une voix: II est plus certain qu'en 1980.

Le Président (M. Dauphin): La parole est au député de D'Arcy-McGee, sans susciter de débat, s'il vous plaît.

M. Libman: M. le Président, pourquoi est-ce qu'on crée une commission pour analyser les offres du reste du Canada? La raison qu'on crée cette commission dans ce projet de loi c'est pour analyser ces offres et, si ces offres sont acceptables au Québec, la population du Québec devra se prononcer là-dessus. Alors, il faut avoir un moyen, une façon pour que la population du Québec puisse se prononcer sur les offres du reste du Canada, si nous décidons que les offres sont acceptables.

Alors, ceci étant dit et le fait que la Commission Bélanger-Campeau a clairement dit qu'il y a deux voies dans la population, deux tendances au Québec, je pense qu'il faut avoir une façon pour que le référendum porte ou sur la souveraineté ou sur les offres du reste du Canada. C'est pour ça que je pense que le premier article n'est pas valable. Je pense qu'il faut regarder, il faut demander pourquoi, si la Commission Bélanger-Campeau a exprimé le fait qu'il existe deux voies dans la population, on privilégie la souveraineté dans le premier article.

Deuxièmement, je pense que ce premier article ne satisfait pas les fédéralistes. Les fédéralistes s'inquiètent. Ils ne sont pas à l'aise avec le fait que nous demandons un référendum sur la souveraineté, même les souverainistes ne veulent pas que la souveraineté soit utilisée comme une tactique pour manipuler une réaction du reste du Canada. Je pense que les souverainistes appuient ces démarches pour des raisons sociales, pour des raisons de vouloir un certain projet de société. Ils ne veulent pas utiliser la souveraineté comme un jeu, comme une tactique, comme un couteau à la gorge.

Je pense que ce premier article ne satisfait ni les fédéralistes, ni les souverainistes. Alors, je propose un amendement qui est beaucoup plus honnête, qui ouvre toutes les portes nécessaires, qui suit logiquement la recommandation finale de la Commission Bélanger-Campeau qui dit qu'il y a deux voies dans la population. C'est pour ça que je propose un amendement à l'article 1 qui dit ou qui demande de remplacer, dans le premier alinéa, les mots "la souveraineté" par les mots "l'avenir politique et constitutionnel". Ça veut dire qu'il y aura un référendum en 1992, mais il portera sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Si nous jugeons que les offres du reste du Canada sont valables, il y aura un référendum sur ça. Si nous décidons que les offres ne sont pas acceptables, il y aura un référendum sur la souveraineté. Je pense que ça, c'est la voie qui était proposée par la Commission Bélanger-Campeau.

Alors, avec votre permission, je dépose cet

amendement, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que vous l'avez par écrit votre amendement, M. le député?

M. Libman: Je pense qu'il faut être honnête, il faut être clair et, s'il y a un référendum l'année prochaine, on ne sait pas aujourd'hui si ça sera sur la souveraineté ou si ça sera sur les offres du reste du Canada. Nous créons cette commission pour analyser les offres pour la simple raison que, si les offres sont acceptables, la population se prononce sur ces offres. Alors, il faut laisser la possibilité dans ce projet de loi pour un référendum sur les offres. C'est pour ça que je propose cet amendement.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a des députés qui veulent plaider sur la recevabilité de cet amendement?

Une voix: Est-ce que vous pourriez en faire la lecture, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Ça serait de remplacer dans le premier alinéa les mots "la souveraineté" par les mots "l'avenir politique et constitutionnel". (17 h 30)

Alors, je vous indique tout de suite, M. le député, avec toute déférence, que je ne peux recevoir cet amendement, puisqu'il irait à rencontre du principe même du projet de loi selon les articles 244 et 197 du règlement de l'Assemblée nationale. C'est que ça irait à rencontre du principe même qui est de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec.

Alors un amendement, pour qu'il soit recevable, ne peut aller à rencontre de son principe.

M. Libman: Pouvez-vous m'expliquer comment ça va à rencontre du principe de ce projet de loi, si le principe de ce projet de loi est de tenir un référendum sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec? Nous créons des commissions pour effectivement décider si les offres du reste du Canada sont acceptables. Et, si elles sont acceptables, c'est très clair que nous devrons nous prononcer sur ces offres. Alors, pourquoi on appelle des offres du reste du Canada si nous n'allons pas nous prononcer sur ces offres, si on ne donne pas à la population le choix, la possibilité de se prononcer sur ces offres? Je ne pense pas que ce soit à rencontre du principe.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean, sur la recevabilité.

M. Brassard: J'aurais quelques commentaires à faire sur la recevabilité parce que, sans être d'accord avec l'amendement du député de D'Ar-cy-McGee, il me semble que là encore, à ce sujet-là, le député de D'Arcy-McGee vient de prendre au mot le ministre.

Mme Harel: Bien oui.

M. Brassard: Le ministre vient tout juste de nous dire, dans sa dernière intervention, qu'il faut laisser toutes les portes ouvertes. Il ne faut pas fermer de porte, y compris la porte évidemment conduisant à la révision du régime fédéral. Il nous a dit ça. C'est du mot à mot. Je le cite quasiment mot à mot. Il ne faut pas...

M. Rémillard: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que...

M. Brassard: ...fermer les portes.

M. Rémillard: ...actuellement le député de Lac-Saint-Jean conteste la décision de la présidence?

M. Brassard: Je parle sur la recevabilité, oui.

Le Président (M. Dauphin): Ma décision est rendue sur la recevabilité. D'ailleurs, je vous...

Mme Harel: Avant même...

M. Brassard: Vous auriez pu nous demander un peu...

Le Président (M. Dauphin): Non, je veux dire avec toute déférence, vous pouvez plaider sur la recevabilité. C'est que sur... Vous nous aviez fait part lors de vos remarques préliminaires de votre intention d'apporter cet amendement-là. Alors, pendant nos travaux tantôt, évidemment, j'avais mon opinion, comme président, sur la recevabilité, mais en plus, j'ai fait vérifier ça par les conseillers en loi. Alors, c'est pour ça. Vous pouvez plaider sur la...

Mme Harel: Est-ce qu'on peut déposer leur avis, M. le Président...

M. Libman: Si je peux...

Mme Harel: Un instant, là. Vous nous dites l'avoir fait vérifier par les conseillers en loi?

Le Président (M. Dauphin): Exact. Mme Harel: Peut-on déposer leur avis?

Le Président (M. Dauphin): Laissez-moi quelques minutes, je vais aller les chercher.

M. Libman: Alors, M. le Président, ça répond à...

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: ...beaucoup de questions du député de Lac-Saint-Jean. Ça veut dire que si cet amendement n'est pas recevable, ça veut dire que l'année prochaine il y aura un référendum sur la... Si les offres du reste du Canada sont acceptables, dans le référendum sur la souveraineté le parti gouvernemental va être dans le camp du non pour défaire le référendum, et après accepter les offres du Canada, si on trouve que ces offres sont acceptables. Si elles ne sont pas acceptables, c'est clair qu'ils vont être dans le camp du oui l'année prochaine. Alors, ça répond à toutes les questions du député de Lac-Saint-Jean pourquoi le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales n'était pas si clair.

Si on crée une commission pour accepter les offres du reste du Canada, si elles sont acceptables, ça veut dire que vous devez voter contre la proposition dans le référendum l'année prochaine, si vous jugez que ce n'est pas acceptable cet amendement.

M. Rémillard: M. le Président, tout simplement...

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, vous avez tout à l'heure demandé s'il y avait des membres de cette commission qui voulaient plaider sur la recevabilité. Il n'y a eu personne qui a plaidé sur la recevabilité, et vous l'avez demandé à deux reprises si ma mémoire est bonne. Là vous avez rendu votre décision que, pour ma part, je considère bien fondée. Je me permets simplement de dire qu'il y a un principe. Le principe de la loi, c'est qu'il y ait un référendum à une date précise et que ce ne soit pas un référendum que propose l'amendement sur une chose et sur l'autre mais sur un sujet précis. Si vous proposez un changement à ce point important, que vous proposez deux objets au référendum, vous changez le principe de la loi. Ça m'apparaît évident. Donc, c'est un amendement qui n'est pas recevable. M. le Président, on aura tout vu, bon Dieu! On aura tout vu.

Mme Harel: M. le Président...

M. Rémillard: Le député de Lac-Saint-Jean veut maintenant...

Mme Harel: Franchement.

M. Rémillard: ...seconder un amendement qui irait à rencontre du principe qu'il y ait un référendum sur la souveraineté. J'ai tout vu, M. le Président.

Mme Harel: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Vous avez demandé aux membres de cette commission s'il y avait des interventions sur la recevabilité. Habituellement, quand on est contre la recevabilité d'une motion, on le dit, M. le Président. Et quand on est en faveur, comme... eh bien! on attend de voir s'il y aura des objections. D'office, c'est rare qu'un président - je préside, moi, une commission parlementaire - c'est rare, d'office, qu'on décide de la recevabilité avant même qu'il y ait eu une seule objection. Pas un d'entre vous ne s'est prononcé pour s'objecter à la motion et plaider sur sa non-recevabilité. Alors, franchement, je trouve ça cavalier, M. le Président.

M. Audet: Non. Je trouve que vous avez entièrement raison. Vous l'avez mentionné. Dans les remarques préliminaires, le député de D'Arcy-McGee a fait part de l'amendement qu'il déposerait. Alors, le président vient de nous aviser - les membres - que pendant qu'on a discuté il a fait valider ça. Le règlement, il est clair à cet effet-là. Il vient modifier le principe du projet de loi. Regardez les notes explicatives. Ce projet de loi prévoit la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec. C'est l'essence même, c'est le principe même du projet de loi. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee veut amender le principe. Ça ne se fait pas. Je n'ai jamais vu ça, moi. J'en préside des commissions parlementaires et...

Mme Harel: ...commission parlementaire.

M. Audet: ...je n'ai pas vu ça souvent. C'est tout, M. le Président. Alors, votre décision est rendue. Je pense qu'on peut continuer, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Là, il y a trois ou quatre membres qui m'ont demandé d'intervenir. Alors, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le Président, quand la députée de Hochelaga-Maisonneuve a dit qu'il n'y a personne qui a levé la main pour parler sur la question de recevabilité, je n'ai pas levé la main; je pensais que l'affaire était tellement claire. Ça change complètement la nature même de la loi elle-même. Quand vous parlez de souveraineté, quand vous parlez de l'avenir constitutionnel du Québec, je pense que c'est deux affaires complètement opposées. À ce moment-là, personnellement, je n'ai pas... Personne dans la salle ne l'a fait. Vous, d'office, vous avez décidé de rendre votre jugement. Je soumets respectueuse-

ment... Moi aussi, je suis président de séance comme vous, vous êtes président de cette commission-là. On a rendu des jugements. Après que le jugement est rendu, c'est fini, l'affaire. Il n'y a plus d'autres discussions.

Une voix: C'est vrai.

M. Kehoe: Je soumets respectueusement, à ce moment-là, votre Seigneurie... votre Seigneurie! M. le Président, qu'on vote. Si vous voulez qu'on vote sur la recevabilité... Bien, il n'y a pas de vote, non.

Le Président (M. Dauphin): Pas de vote.

M. Kehoe: Votre décision est "over and out", c'est fini.

Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez, c'est que le contexte, évidemment, est particulier, comme je l'expliquais tantôt. C'est que déjà, dès le début, le député de D'Arcy-McGee a mentionné, lors de ses remarques préliminaires: Tantôt, je vais déposer un amendement pour que le référendum se tienne sur autre chose que la souveraineté du Québec. Déjà, au préalable, j'avais obtenu de la direction du conseil en droit parlementaire les opinions sur les principes pour me conformer à l'article 197 qui dit qu'un amendement ne peut pas aller à rencontre du principe de la loi. C'est le premier principe que j'avais devant moi à l'effet que la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec est un principe. Je ne suis pas obligé d'entendre tous les membres de la commission sur la recevabilité. Je vous l'ai dit tout de suite, avec toute déférence, vous pouvez plaider mais, à sa face même, l'amendement proposé par le député de D'Arcy-McGee allait à rencontre du principe même du projet de loi.

M. Libman: O.K. Alors, M. le Président, est-ce que je peux poser une question au ministre? Si vous jugez que c'est irrecevable - toujours en discussion sur l'article 1 - je veux poser une question au ministre. Nous créons une commission pour analyser les offres du reste du Canada. Si cette commission juge que ces offres sont acceptables, qu'est-ce qui va se passer? Est-ce que vous pouvez confirmer l'analyse que je viens de faire?

M. Rémillard: M. le Président...

M, Libman: Si les offres sont jugées acceptables par cette commission, qu'est-ce qu'on fait?

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: la question du député de D'Arcy-McGee est très semblable aux questions que me posait tout à l'heure le député de Lac-Saint-Jean. C'est peut-être pour ça que j'ai la même réaction quant à l'amendement puisque, du côté de l'Opposition, on aurait voulu, semble-t-il, seconder cet amendement qui aurait pour objectif...

M. Brassard: Non, non, il ne faut pas non plus me faire dire des choses que je n'ai pas dites. On peut être d'accord avec la recevabilité d'un amendement puis ne pas être d'accord avec le contenu de cet amendement, la teneur de cet amendement. Ça me semble aller de soi. Je n'ai indiqué d'aucune façon que j'étais d'accord avec la teneur de l'amendement du député de D'Arcy-McGee mais je pense, puis c'est mon droit, que cet amendement-là était recevable.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Monsieur...

M. Libman: Question de règlement, M. le Président. J'ai posé une question et je ne pense pas que c'est la même question que le député de Lac-Saint-Jean. J'attends la réponse, toujours pas de réponse.

Une voix: La question était bonne, effectivement.

M. Libman: Si les offres sont acceptables, qu'est-ce qu'on fait?

Une voix: Pas de question de règlement en commission.

M. Rémillard: M. le Président, la question est hypothétique et comme le député de Lac-Saint-Jean me posait cette question, je me dis, je refais exactement.. Il se posait la question et il se répondait en même temps, le député de Lac-Saint-Jean. Il répondait à ses questions en disant: II y a toujours la loi référendaire générale qui est là. La loi référendaire générale est toujours là. Alors, le député de Lac-Saint-Jean a très bien répondu à sa propre question.

Le Président (M. Dauphin): Alors, si vous permettez nous allons suspendre quelques minutes et nous reviendrons après le vote. Alors, la commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 42)

(Reprise à 17 h 55)

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre! Les

prochaines interventions seront de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, M. le député de Bertrand et Mme la députée de Terrebonne. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: En écoutant le ministre répondre aux questions qui lui étaient posées par le député de Lac-Saint-Jean, M. le Président, je me disais que c'est quand même un sacré talent qu'il a pour embrouiller les choses. C'est quand même... C'est vraiment - ah oui - sacré au sens admiratif parce que le ministre parle d'une obligation légale et puis, ensuite, il a dit que la question était hypothétique à cette obligation légale. Alors, il crée - il est le parrain du projet de loi - une obligation légale de tenir un référendum, mais la question de savoir comment il va voter devient une question hypothétique. Libre à lui.

Par ailleurs, j'aimerais bien qu'il nous explique, parce qu'il l'a tellement répété qu'à force de le répéter c'était presque érigé en principe, cette façon de voir les choses qui l'amenait à considérer qu'il n'était pas question de subir un autre échec comme en 1980. Je ne sais trop combien de fois il a dit - c'était un leitmotiv, d'ailleurs, durant les premières années de son mandat en Chambre - qu'il n'était pas questron de tenir un référendum sans avoir la garantie de le gagner. Je ne pourrais même pas compter le nombre incalculable de fois qu'il me semble l'avoir entendu clairement exprimer cette idée à laquelle il avait l'air de tenir beaucoup, qu'un référendum devait avoir lieu sous son gouvernement s'il avait la conviction qu'il pouvait aller chercher un appui massif des Québécois.

Alors, là il a l'air de s'éloigner complètement de cette façon de faire parce que, finalement, il ne sait pas s'il va être dans le camp du succès, de la victoire, il ne sait pas comment il va voter, il sait juste qu'il va avoir lieu en 1992. Il nous dit: Ça, ce n'est pas négociable. C'est sûr qu'il va avoir lieu, mais il ne sait pas encore comment il va voter. Donc, il est prêt à le tenir même s'il n'a pas la conviction qu'en le tenant il va remporter. Ça m'apparaît assez évident. C'est d'une logique assez simple, simpliste mais évidente. Il a beaucoup parlé de l'obligation de résultats. Faut-il comprendre que cette obligation-là, c'est celle de tenir un référendum et non pas de faire la promotion pour essayer de le gagner?

M. Rémillard: Je dois répondre immédiatement ou je...

Mme Harel: Ah oui, oui, immédiatement.

M. Rémillard: ...réponds lundi? Tout de suite? Tout d'abord, sur les premières affirmations de la députée de Hochelaga-Maisonneuve, j'ai toujours dit, et je le répète, qu'avec un référendum sur la souveraineté on ne peut pas se permettre encore une fois d'affaiblir le Québec, c'est évident. Ça, je le répète. Ce que je dis, c'est qu'il y a deux commissions parlementaires qui seront créées par ce projet de loi et que ces deux commissions parlementaires, nous devons les aborder avec un esprit très ouvert pour voir les deux options. Ce que je disais tout à l'heure au député de Lac-Saint-Jean, j'ai dit: Écoutez, voyons ce que ces deux commissions parlementaires vont faire comme travail. Je me référais à votre livre bleu sur le beau risque, avec les 22 conditions.

Question hypothétique pour question hypothétique. Si les 22 conditions étaient satisfaites, vous seriez dans une situation un petit peu difficile. Vous auriez le livre bleu lancé à l'Assemblée nationale, expression, donc, d'un gouvernement. Je sais que tout le monde a le droit de changer d'idée, c'est évident, ça fait partie de la politique et de la sagesse politique. Je ne mets pas ça en doute. Ce que je dis, c'est que vous pourriez donc changer d'idée par rapport à ce que vous nous dites aujourd'hui.

Pourquoi on ne ferait pas l'exercice? Nous voyons, par la commission parlementaire, les offres qui peuvent être reçues. S'il n'y en a pas ou si ce n'est pas satisfaisant - et je me permets simplement de répéter - je ne veux pas être trop long, mais je veux simplement répéter que ça ne se fera pas en catimini, à huis clos, ça va se faire ici probablement dans ce salon rouge. Ça va se faire ici où des experts vont venir témoigner, où on va étudier entre parlementaires la qualité de ces offres. Si on n'a pas d'offres, c'est réglé. Si on en a... Peut-être que le député de Lac-Saint-Jean... Peut-être moins la députée de Hochelaga-Maisonneuve - le beau risque pour elle, c'était moins beau, un petit peu. Je sais qu'elle avait plus de difficultés avec cette politique-là.

Bon, dans chaque parti, il y a des sensibilités différentes puis il faut le respecter, comme nous, on le respecte de notre côté, puis je le respecte du côté de l'Opposition, c'est normal. C'est ça notre démocratie, ce qui fait la beauté de notre société. On n'a pas tous la même pensée, mais il y a des liens communs qui nous unissent à un moment donné dans des causes. Je comprends qu'il peut y avoir des sensibilités différentes.

Alors, c'est dans ce contexte-là que je me dis que c'est une question hypothétique. Pourquoi essayer immédiatement de nous enfermer dans des carcans? Pourquoi ne pas essayer d'avoir l'esprit un peu plus ouvert et dire: Faisons donc l'exercice avec ces deux commissions parlementaires?

Mme Harel: Mais ce qui n'est pas... M. Rémillard: On verra en bout de piste.

Mme Harel: Ce qui n'est pas hypothétique...

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée

Mme Harel: ...c'est que vous proposez à l'article 1 que nous tenions un référendum sur la souveraineté au Quebec en 1992, n'est-ce pas? Ce qui est hypothétique, vous le savez, c'est qu'il y a autant de chances que les 22 conditions soient satisfaites que ce soit vous le futur premier ministre du Québec, hein? Alors...

M. Rémillard: Très peu, très peu de possibilités.

Mme Harel: ...revenons donc à la réalité des choses. C'est l'article 1, la réalité. Vous nous dites que c'est une obligation légale...

M. Rémillard: Sur le dernier aspect...

Mme Harel: ...et vous dites que vous avez l'intention ferme d'y donner suite et que, donc, il y aura un référendum sur fa souveraineté du Québec au plus tard en octobre 1992. Ce que vous évitez, c'est de nous dire si vous tenez à gagner ce référendum. Pourquoi... C'est une sorte de contrainte pour la forme. Vous introduisez une contrainte, la contrainte ça devient une obligation légale. Dans le fond, il faut lire le mot "contrainte". Une contrainte pour la forme, mais le pire qu'il puisse arriver c'est que cette contrainte-là vous amène à devoir le tenir sans avoir le désir, l'intention, la volonté, le goût, l'ambition de le gagner. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: J'avoue que j'essaie de comprendre le raisonnement de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, aussi de M. le député de Lac-Saint-Jean et je ne comprends pas pourquoi ils peuvent être contre une obligation mise aussi clairement dans un texte de loi. On dirait qu'ils sont un petit peu...

Mme Harel: On n'est pas contre.

M. Rémillard: Ils ne sont pas d'accord. Pourquoi êtes-vous contre ça?

Mme Harel: On n'est pas contre.

M. Rémillard: J'essaie de comprendre, j'essaie de voir. Qu'est-ce que ça peut être comme raison? Pourquoi sont-ils contre le fait qu'on mette si clairement dans la loi...

Mme Harel: On n'est pas contre.

M. Rémillard: Écoutez, si c'était une déclaration politique encore une fois, je comprendrais. Mais ce n'est pas une déclaration politique, c'est une loi. Donc, il y a une obligation légale et seule l'Assemblée nationale peut délier le gouvernement de cette obligation-là. J'essaie de comprendre pourquoi vous pouvez être contre. Pourquoi posez-vous toutes ces questions hypothétiques? Qu'est-ce que ça peut avoir comme...

Mme Harel: Ce n'est pas hypothétique.

M. Rémillard: Bien oui, mais vous me dites des si. S'il arrive telle chose, s'il arrive telle autre chose. Moi aussi je peux vous en poser des questions. Si on a les 22 conditions. Si on a d'autres conditions encore meilleures. Je peux en mettre des si moi aussi. Je peux en faire des si. Mais la réalité, c'est le projet de loi qu'on a devant nous. Il n'y en a pas de si. Ce n'est pas marqué dans le projet de loi: II y aura un référendum si. C'est marqué: II y aura un référendum. C'est clair. Si on avait marqué si, ah, là vous auriez dit: si, si, si. Mais ce n'est pas ça. Le texte de la loi, il est clair. Il n'y en a pas de si dans le texte de la loi.

Mme Harel: Justement.

M. Rémillard: II n'y en a pas. Pourquoi en cherchez-vous, à ce moment-là, bon Dieu?

Mme Harel: Alors, M. le Président, ce qui est difficile à suivre, c'est la pensée du ministre. Il nous a dit justement qu'il n'y avait pas de si. Alors, il y a un référendum sur la souveraineté. On le prend au mot. On va même voter en faveur de cet article 1. Alors, on le prend au mot, il y a un référendum sur la souveraineté. Est-ce qu'il veut le gagner? Que lui ne soit pas capable de répondre à cette question élémentaire... Veut-il gagner le référendum qui est une obligation légale? Veut-il gagner ce qu'il nous invite à faire comme société? Veut-il gagner ce qu'il nous propose d'adopter? Ça, il n'est même pas capable de répondre à cette question absolument élémentaire.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Ce que je comprends, c'est que, pour moi...

Mme Harel: Voyons donc!

M. Rémillard: ...et je le dis très clairement, il s'agit de renforcer le Québec. C'est ça qui est le but. Je vois très bien maintenant, de plus en plus, le raisonnement du côté de l'Opposition. C'est que, comme ils passent au-dessus... un

détournement... Ils contournent la conclusion de Bélanger-Campeau et ils n'abordent finalement qu'un aspect qui, pour le moment, fait leur affaire. Je dis toujours pour le moment parce que le député de Lac-Saint-Jean, si on a 22 conditions, si c'est du beau risque, je ne sais pas ce qu'il ferait. La députée de Hochelaga-Maison-neuve, je suis pas mal plus sûr que, même si on avait 22 conditions, ça serait plus difficile. Ça, je suis d'accord avec elle.

M. Brassard: Si on a un référendum sur la souveraineté, je ne sais pas ce que le ministre va faire. Pantoute!

M. Rémillard: Le député de Lac-Saint-Jean, je ne le sais pas! Si on a 22 conditions, il va y penser deux fois parce que... Mais, en fait, je suis d'accord avec la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Elle est plus catégorique.

M. Brassard: Non, mais depuis cinq ans, M. le ministre, j'ai peut-être haussé la barre. J'ai élevé la barre.

M. Rémillard: Si je prends ça, M. le Président... Bon. Attention! Le limbo ça donne des tours de rein.

M. Brassard: Vous, vous l'avez descendue, moi, je l'ai levée.

M. Rémillard: Dans ce contexte-là, pourquoi contourner la conclusion de Bélanger-Campeau? Cette conclusion, c'est les deux commissions parlementaires. Alors, quand vous m'interrogez et que vous me posez vos questions, dans votre esprit, pour vous, il n'y a pas deux commissions parlementaires. Ça ne vous intéresse pas, ça. Je ne vous blâme pas, c'est votre façon de voir les choses et je la respecte. Mais je peux vous dire que ce n'est pas comme ça qu'à Bélanger-Campeau, ça été fait. Je respecte cette façon d'aborder les choses mais ce n'est pas comme ça. Les deux commissions parlementaires font partie du consensus de Bélanger-Campeau aussi bien que l'article 1.

Alors, si vous contournez les deux commissions parlementaires et que vous nous dites: C'est la souveraineté, bien, peut-être que pour vous votre idée est faite. Mais je vous dis encore une fois: Attendez. Il y a peut-être des membres de votre deputation qui seront plus réservés. On ne le sait pas. Il faut attendre, il faut voir les choses évoluer. Regardons ça avec un esprit ouvert, les choses peuvent évoluer. On verra.

Le Président (M. Dauphin): Ça va, Mme la députée? M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui. J'ai quelques commentaires et une question. Le ministre réfère souvent au besoin de ne pas s'enfermer dans un carcan. Je suis bien d'accord avec ça, sauf que, entre...

M. Rémillard: M. le Président, question de règlement. On prend des termes de casino: Ça va, ça ne va pas. Non. Il faut faire attention! On ne joue pas... Rien ne va plus. On ne joue pas à la roulette, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Beaulne: Entre un carcan et une maison ouverte à tout vent, je pense qu'il y a une différence. Également, un autre concept auquel le ministre fait souvent allusion, c'est celui de ne pas affaiblir le Québec. Bien, moi, je pense que le simple débat qu'a engendré l'amendement proposé par notre collègue de D'Arcy-McGee sur l'article 1 illustre très bien le type de confusion et les malentendus qui, dès l'étude de ce projet de loi, sont en train de faire surface.

D'autre part, il y a une différence que je pense qu'il est important de souligner pour le bénéfice de ceux qui suivent ces débats-là. Dans le contexte de la Commission Bélanger-Campeau - et je dis ça comme quelqu'un qui était extérieur à cette histoire-là - les personnes qui étaient appelées à témoigner ou les associations, les groupes qui étaient appelés à déposer des mémoires étaient choisis par une espèce de comité; un comité où étaient représentés non pas simplement les parlementaires des deux côtés de l'Assemblée nationale, mais où il y avait, soi-disant, des personnes qu'on qualifiait de non alignées, ou enfin, le terme exact que vous employez... C'étaient des personnes qui était non identifiées avec un parti politique, ce qui donnait une sorte de caution un peu de non-partisanerie excessive dans la sélection des mémoires et dans la sélection de ceux qui avaient des points de vue à présenter.

Bon, vous avez dit, tout à l'heure, que l'Assemblée nationale était garante, en quelque sorte, de cette démarche parce qu'il faudrait une autre loi qui serait débattue en public. Je veux bien le croire mais ça, c'est de la théorie parce que - et je pense que les gens doivent en être conscients - en pratique, le parti qui possède la majorité peut manipuler l'appareil comme il le veut. C'est ça qu'il est important de prendre en considération parce que l'Assemblée nationale, tout pompeusement, peut bien décider, si le parti gouvernemental en décide, d'abroger la loi, la charte sur les droits du Québec. Bon, ça se ferait en grande pompe par l'Assemblée nationale, ça aussi.

Donc, ce que vous nous dites, ça ne représente absolument aucune garantie en pratique. La meilleure garantie aurait été donnée par une discussion préalable du projet de loi, par une entente sur les modalités de fonctionnement, comme ça a été le cas pour la Commission Bélanger-Campeau et je suis convaincu que ça

aurait évité beaucoup des malentendus qui vont faire surface à mesure qu'on avancera dans l'étude de ce projet de loi.

Ma question, finalement, est la suivante. Vous avez mentionné que des experts pourront venir nous exposer les différents côtés de la médaille. Qui va les choisir, ces experts-là? Qu'est-ce qui arrive dans l'éventualité où nous ou vous n'êtes pas d'accord pour entendre tel ou tel expert? Qui décide, puisqu'il n'y a plus dans le portrait maintenant les soi-disant non-alignés?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Bertrand fait des affirmations qui, j'avoue, me surprennent. Peut-être qu'il ne l'a pas dit avec... Oh! Je suis certain qu'il ne l'a pas dit avec malice, mais il se réfère à la Commission Bélan-ger-Campeau en disant: cette affaire-là; siéger à cette affaire-là. Bien, cette affaire-là, Bélanger-Campeau, je vais vous dire, moi, ça me touche un peu parce que j'ai pris beaucoup de temps pour y siéger. Je sais aussi qu'il y a deux membres qui sont ici qui ont siégé beaucoup sur la Commission et que ce n'était pas une affaire. C'était vraiment un processus démocratique et probablement que le député de Bertrand n'a pas utilisé le mot "affaire" dans un sens péjoratif, je comprends bien, mais je veux simplement le relever quand même.

M. Brassard: Ce n'est pas dans le sens de machin. Ce n'est pas dans ce sens-là.

M. Rémillard: Pas une affaire de machin, mais d'affaire...

Mme Harel: Au sens le plus noble.

M. Brassard: Comme les Affaires internationales.

M. Rémillard: Comme Affaires internationales.

M. Brassard: Comme dans les Affaires culturelles.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: "An affair", non? Pas dans ce sens-là? Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): On retourne de plus en plus dans les casinos, M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, vous avez raison de nous ramener à l'ordre.

Il y a un autre aspect aussi que le député de Bertrand nous disait. Il nous dit: ces soi-disant gens qui n'étaient pas alignés, soi-disant pas alignés. Bien, je lui demande de faire attention encore. Il y avait des gens qui ont fait partie de cette Commission qui n'étaient pas des parlementaires qui ont fait un travail remarquable et qui continuent d'être très, très sensibles à ce qui se passe - pour ma part, qui me téléphonent - et qui ne sont pas nécessairement de la même opinion que nous, mais qui nous font part de leurs commentaires, qui suivent encore les débats. Donc, par respect pour le travail qu'ils ont fait, il faudrait faire attention aux mots qu'on utilise.

Le député de Bertrand nous dit: Le parti qui a la majorité en Chambre peut manipuler la Chambre. Là encore un mot difficile: manipuler. Probablement qu'il n'a pas utilisé encore ce mot-là d'une façon péjorative, mais, écoutez, c'est notre démocratie parlementaire qui est en fonction d'une majorité en Chambre. Quand il y a une majorité en Chambre, par le fait même, il y a ce qu'on appelle un contrôle démocratique avec des moyens qui sont là de contrepoids, d'équilibre, qui permettent de respecter quand même la démocratie qui est essentiellement en relation avec la souveraineté du peuple.

Je ne crois pas que le député de Bertrand devrait utiliser le mot "manipuler" parce que finalement, quand j'arrive à l'étude de tous ces mots utilisés par le député de Bertrand, j'arrive à la conclusion que le député de Bertrand n'a pas confiance en nos institutions et là, c'est plus grave, M. le Président. Ce n'est pas le projet de loi 150 qui va régler ça parce que ce n'est pas son objectif. Il va falloir penser peut-être à une constitution du Québec et réviser à ce moment-là tous les aspects de notre processus parlementaire. Mais, pour ma part, je crois en nos institutions et je crois que nos institutions fonctionnent correctement au moment où nous nous parlons. Je crois que nous vivons dans un régime de démocratie et que, s'il y a une majorité parlementaire, cette majorité doit s'exprimer en fonction de règles, en fonction de principes qui nous guident et que, par conséquent, le principe démocratique est respecté. (18 h 15)

Alors, quand nous faisons une loi, M. le Président, nous la faisons avec ce débat que nous faisons ici et c'est un débat que nous faisons avec tous les modes d'enregistrement que nous avons: les caméras qui sont là pour transmettre des images, informer la population; l'Assemblée nationale qui sanctionne, finalement, ce projet de loi par trois votes au moins, plus tout le travail que nous faisons ici; le lieutenant-gouverneur qui donne la sanction et, finalement, un processus qui est extrêmement démocratique. Pour aller à rencontre de ce processus-là, il faut un processus semblable. Mais, écoutez, c'est quelque chose, ça.

Alors, le mot "manipulation" utilisé par le député de Bertrand, je crois qu'il n'a pas sa place. Si on parle de manipulation, ça semble dire que toutes nos lois votées par l'Assemblée

nationale ne sont pas des lois légitimes. Or, cette Assemblée, l'Assemblée nationale du Québec, dans son fonctionnement comme dans sa composition, pour moi, est essentiellement légitime.

Le Président (M. Dauphin): Avez-vous une autre intervention? Oui?

M. Beaulne: Certainement. Premièrement, je n'accepte pas que le ministre me prête des intentions. Deuxièmement, je trouve qu'il est très habile à utiliser n'importe quelle perche à laquelle il puisse s'accrocher pour éviter de répondre aux questions, étant donné qu'il n'a répondu à aucune des questions que j'ai posées. Finalement, quand je parle de manipuler, le ministre sait très bien qu'il ne s'agit pas du sens péjoratif du terme, mais simplement du sens où le parti gouvernemental, dans n'importe quel système parlementaire, peut faire adopter les lois qu'il veut en utilisant les techniques parlementaires à sa disposition par le seul fait de sa majorité.

Je pense que ça, c'est important de le souligner dans ce débat-ci, puisque, dans votre projet de loi - et on va le voir par la suite - nous, comme Opposition, nous n'avons aucune garantie que les témoins, que les points de vue que nous voudrons faire valoir vont être pris en considération étant donné que vous avez rédigé unilatéralement votre projet de loi.

Ce que je cherchais uniquement à contraster, même si je conviens avec vous que certains mots ne sont pas tellement parlementaires - parce que je ne suis pas un expert en science politique comme vous, moi, je suis un banquier et j'aime les choses claires et précises plutôt que les grands ensembles un peu flous - c'est qu'il demeure que dans... Ce que je voulais faire ressortir avant tout c'est le contraste entre le processus de consultation qui a précédé à l'établissement de la Commission Bélanger-Campeau par rapport à la dimension et au processus unilatéral de la rédaction de ce projet de loi qui pose problème. C'est tout.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je voudrais bien répondre le plus clairement possible au député de Bertrand, parce qu'il veut voir les choses le plus clairement possible, mais j'en reviens strictement au projet de loi et à l'article 1. Si le député de Bertrand veut avoir les choses claires, qu'il regarde l'article 1. Est-ce qu'il est possible d'écrire l'article 1 en termes plus clairs? Est-ce que le député de Bertrand aurait une rédaction encore plus claire à proposer? C'est directement ce qui est proposé dans la Commission Bélanger-Campeau. Ça ne peut pas être plus clair.

Comme je l'ai mentionné tantôt, M. le Président, avec toutes les questions hypothétiques qu'on nous posait, c'était comme si on avait mis des si dans la rédaction du projet de loi. Il n'y en a pas de si dans le projet de loi. C'est clair, c'est net. Article 1: II y aura un référendum. C'est dans une loi. Seule une autre loi peut changer une loi. C'est clair, ça, M. le Président. Si le député de Bertrand veut avoir des choses claires, veut avoir des situations claires, eh bien - bon Dieu - qu'est-ce qu'il y a de plus clair, de plus limpide que des mots qui expriment très clairement ce qu'on veut signifier? Et ce qu'on veut signifier se retrouve clairement à l'article 1 par des mots très clairs. Si le député de Bertrand a une autre rédaction possible, qu'il la soumette. Peut-être que la députée de Hochelaga-Maisonneuve a une possibilité nouvelle à nous soumettre.

Une voix:...

Le Président (M. Dauphin): O. K. Alors, là, j'ai...

M. Rémillard: Adopté?

Le Président (M. Dauphin):... une dernière intervention de Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci...

M. Kehoe: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Question de règlement, M. le député de Chapleau?

M. Kehoe: Bien, d'information, peut-être. Est-ce qu'on parle encore de la motion de recevabilité?

Le Président (M. Dauphin): Non, non. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kehoe: C'est fini, ça? C'est ça que je demande... Qu'est-ce qu'ils plaident, eux autres?

Le Président (M. Dauphin): Non. Ça fait une demi-heure que c'est terminé, M. le député.

M. Kehoe: Oui, c'est ça. C'est pour ça que c'est tellement important.

Une voix: C'est l'article 1...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Chapleau, on ne peut en appeler des décisions du président.

M. Kehoe: Mais les autres, ils parlent quand même. Vous pourriez le dire.

Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le député de Bertrand, avez-vous terminé?

M. Beaulne: Simplement... Oui, j'ai terminé.

Le Président (M. Dauphin): Un commentaire?

M. Beaulne: C'est simplement... Non, je n'ai rien à ajouter à la formulation de l'article 1. J'ai simplement relevé une affirmation qu'avait dite le ministre concernant le témoignage des experts et je lui avais posé la question, à savoir comment ces experts seraient choisis et qu'est-ce qui arrivait en cas de litige au sujet des experts qui seraient appelés à témoigner. C'est tout. J'ai relevé simplement une affirmation qu'il avait dite dans sa présentation.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard:... c'est une question probablement qu'on pourrait discuter lorsqu'on étudiera le fonctionnement des commissions, peut-être.

M. Beaulne: Oui.

M. Rémillard: En tout respect, à ce niveau-là, c'est des questions qu'on pourra discuter.

M. Beaulne: Oui.

M. Rémillard: On en discutera au moment où on arrivera à ces articles de la loi. Je veux simplement vous dire que, pour nous, notre objectif, c'est que tout se passe avec le maximum de transparence, de clarté pour une option comme pour l'autre.

Le Président (M. Dauphin): Finalement, je vais reconnaître Mme la députée de Terrebonne comme dernière intervention cet après-midi.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je pense que puisque l'article 1... On l'a répété régulièrement de notre côté, nous tenons à un référendum sur la souveraineté.

Une voix: Nous tenons quoi? Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Caron: Un vrai. Donc, c'est évident que nous allons, bien sûr, parler sur cet article 1.

M. Rémillard: Au moment d'une déclaration aussi importante.

Le Président (M. Dauphin): S'il vous plaît, monsieur.

Mme Caron: J'avoue que les réponses aux questions précises de mes collègues nous ont, effectivement, confirmé qu'on avait toutes les raisons de craindre ce projet de loi 150. Si le ministre peut me répondre clairement, je sais que c'est quelque chose d'extraordinaire que je lui demande, je lui demande de faire un effort... Vous créez une commission parlementaire pour recevoir les offres du fédéral. Ce n'est pas une hypothèse, ça, c'est une réalité. Vous créez une commission pour recevoir les offres du fédéral. Vous en recevez. Est-ce que vous tenez un référendum sur ces offres?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, on m'a posé cette question je ne sais pas trop combien de fois, et la réponse... Même, à un moment donné, le député de Lac-Saint-Jean a répondu à sa propre question. Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on ne puisse pas lire l'article 1 comme il est écrit. Je me permets de le lire pour qu'on voie bien la rédaction...

Mme Caron: Vous recevez ces offres avant ces dates-là...

M. Rémillard: Regardez, l'hypothèse... Vous pouvez faire bien des scénarios. Il y a beaucoup d'autres scénarios qu'on peut faire, toutes sortes de scénarios. Ce n'est pas de questions de scénarios qu'on discute ici, mais du projet de loi. Vous savez, si on avait écrit: Le gouvernement du Québec tient un référendum sur la souveraineté du Québec entre le 8 juin et le 22 juin 1992... si... Ah bien là, je comprendrais que vous me posiez toutes ces questions: Si quoi? Comment ça va se passer? Qu'est-ce qui arrive? Mais il n'y en a pas de si. Il n'y en a pas de si. Il n'y en a pas d'hypothèse comme ça, comme telle. Attendons de voir les choses évoluer, mais, pour le moment, dans le projet de loi, il n'y a pas de si, parce que, s'il y avait des si, on n'aurait pas besoin d'amender la loi. Là, vous avez un terme de la loi qui est très clair, qui est exprimé très clairement. Vous ne pouvez pas avoir un article...

Le député de Bertrand, tantôt, me disait: J'admets que c'est très clair et je n'ai pas d'autre rédaction à proposer parce que c'est très clair. Le texte de l'article 1, il n'y a personne qui peut nous dire que cet article 1 n'est pas clair. L'article 1 est très clair. On ne peut pas avoir un article plus clair que ça.

Bon Dieu! Comment pouvez-vous être contre cet article-là? Vous allez me dire... Vous allez me faire des scénarios: si, si, si. Mais écoutez, peu importent les si, un article d'une loi ne peut se modifier que par une autre loi. L'Assemblée nationale seule peut délier le gouvernement de cette obligation de tenir un référendum. C'est quelque chose, ça. C'est quelque chose, ça!

Alors, je ne comprends pas pourquoi vous

vous interrogez et que vous essayez de voir toutes sortes de choses derrière cet article 1, parce qu'il est très très très clairement exprimé et écrit. Il n'y en a pas d'hypothèse dans l'article 1, il n'y en a pas d'hypothèse. Il n'y en a pas de si dans 1. Il est en termes affirmatifs, en termes clairs. Or, pourquoi ne pas le voir comme ça?

Mme Garon: Dernier commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Dernier commentaire, Mme la députée.

Mme Caron: Je ne vois vraiment pas pourquoi le ministre se torture à penser qu'on est contre l'article 1. Personne n'a parlé contre l'article 1. On a posé des questions sur vos intentions, M. le ministre.

M. Brassard: Vote nominal.

Le Président (M. Dauphin): Vote nominal, l'article 1. Alors, j'appelle aux voix l'article 1 du projet de loi. Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Pour ou contre l'article 1. M. Rémillard (Jean-Talon)?

M. Rémillard: Pour.

La Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?

M. Audet: Pour.

La Secrétaire: M. Lafrance (Iberville)... Excusez-moi, M. LeSage (Hull)?

M. LeSage: Pour.

La Secrétaire: M. Houde (Berthier)?

M. Houde: Pour.

La Secrétaire: M. Kehoe (Chapleau)?

M. Kehoe: Pour.

La Secrétaire: M. Dauphin (Marquette)?

Le Président (M. Dauphin): Pour.

La Secrétaire: M. Brassard (Lac-Saint-Jean)?

M. Brassard: Pour.

La Secrétaire: M. Beaulne (Bertrand)?

M. Beaulne: Pour.

La Secrétaire: Mme Caron (Terrebonne)?

Mme Caron: Pour.

Une voix: Mme Harel, peut-être?

M. Brassard: Non, on a droit juste à trois votes.

Le Président (M. Dauphin): L'article 1 est adopté.

Alors, nous avons terminé nos travaux pour aujourd'hui et j'ajourne les travaux de notre commission sine die.

(Fin de la séance à 18 h 27)

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