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(Neuf heures seize minutes)
Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, nous
allons débuter nos travaux. Je constate qu'il y a quorum et je
déclare donc la séance de notre commission ouverte, afin de
procéder de nouveau à l'audition du Protecteur du citoyen, dans
le cadre du mandat d'examen de ses orientations, activités et gestion,
ainsi qu'à la vérification des engagements financiers relevant de
sa compétence, pour la période de septembre 1989 à mars
1991. Il n'y a des engagements à vérifier que pour les mois de
mars 1990, mai 1990 et octobre 1990.
Examen des orientations, des activités
et de la gestion du Protecteur du citoyen
Organisation des travaux
Alors, je vais vous faire maintenant lecture de l'ordre du jour.
Premièrement, je vais, pendant 30 secondes, faire des petites remarques
préliminaires; ensuite de ça, nous entendrons M. Jacoby qui fera
son exposé sur les questions qui lui ont été soumises par
la commission ainsi que sur son rapport annuel 1989-1990. Ensuite, nous
procéderons à une période d'échanges entre les
membres de la commission et le Protecteur du citoyen. Ensuite, nous
procéderons à la vérification des engagements financiers
de la compétence du Protecteur du citoyen pour la période
mentionnée tantôt et, finalement, nous procéderons à
des remarques finales.
Alors, juste avant de vous inviter, M. Jacoby, j'aimerais tout
simplement souligner aux membres de la commission que c'est le 15 mars 1990 que
l'Assemblée nationale nous a, par une ratification, autorisés
à examiner le mandat, la gestion, les orientations du Protecteur du
citoyen. Suite à cela, en date du 12 septembre 1990, nous avons fait
paraître dans les différents médias un avis sur des
auditions publiques relatives au Protecteur du citoyen. Nous avons donc entendu
39 groupes et individus, les 24, 25, 28, 30 et 31 janvier 1991, et 25
mémoires nous ont été transmis pour dépôt
seulement.
Alors, avec tous les membres de la commission, avant de faire nos
recommandations à l'Assemblée nationale, nous nous étions
entendus pour entendre de nouveau M. Jacoby afin de vérifier
véritablement les orientations que nous allons prendre pour notre
rapport qui sera déposé a l'Assemblée nationale avant la
fin de la session et pour un débat d'une heure, je crois, en vertu du
règlement, qui sera fait sûrement avant la fin de la session
également.
Alors, M. Jacoby, je vous souhaite la bienvenue au nom de tous les
membres de la commission des institutions et je vous demanderais,
premièrement, de nous présenter les personnes qui vous
accompagnent, pour ensuite procéder à la lecture de vos
réponses à nos nombreuses questions. Et je vous félicite
d'avoir répondu aussi rapidement, puisqu'on vous a transmis ces
questions-là il y a moins d'une semaine et demie, je crois. Alors, M.
Jacoby, bienvenue, et je vous laisse la parole.
Exposé du Protecteur du citoyen
M. Jacoby (Daniel): Merci, M. le Président. Alors, je vais
vous présenter Me Frances Hudon, qui est à ma gauche et qui est
directrice générale des enquêtes au bureau du Protecteur du
citoyen, et Me Jacques Meunier, à ma droite, qui est le vice-protecteur
du citoyen ou l'adjoint du Protecteur du citoyen.
D'abord, je voulais vous dire, M. le Président, MM., Mmes les
parlementaires, que je ne peux que me réjouir du grand
intérêt que vous portez à notre institution depuis un
certain temps, parce que, pendant plusieurs années, j'ai l'impression -
mes prédécesseurs ont eu l'impression aussi - que les
parlementaires ont quelque peu négligé cette institution,
institution qui pourtant aide les parlementaires de toute formation politique
à exercer leur mandat de contrôle et de surveillance sur les abus
et les excès de l'administration qui relève du pouvoir
exécutif.
Depuis plusieurs années, vous nous avez rencontrés
régulièrement. Vous avez pris les moyens également pour
que l'Assemblée nationale vous confie le mandat de nous entendre
annuellement sur le rapport annuel. Je voudrais, à cette occasion, vous
remercier et remercier également tous les groupes, toutes les
associations et les individus qui ont pris la peine de rédiger des
mémoires, pour la commission, sur les orientations et les
activités du Protecteur du citoyen. Non seulement je les remercie pour
leur présence, mais je dois aussi les féliciter, parce que je
pense que ça démontre que chez nous, au Québec, il y a une
volonté profonde de démocratie. Je sais que les commentaires qui
vous ont été formulés par les différents
intervenants ont certainement apporté de l'eau au moulin dans vos
réflexions sur les orientations et le mandat de notre institution.
Alors, je vais prendre les questions dans l'ordre où elles ont
été soumises. Le premier chapitre porte sur l'indépendance
du Protecteur du citoyen. La première question vise le traitement et le
régime de retraite ou le régime de
pension du Protecteur du citoyen. La question que vous posez, c'est:
Est-ce qu'on peut penser que les régimes du Protecteur du citoyen et du
Vérificateur général qui, lui aussi, est une personne
désignée par l'Assemblée nationale, devraient être
analogues? Je veux seulement préciser que, lorsque je vous ai transmis
une note, il y a quelques mois, sur cette question-là, c'était
tout simplement pour demander à la commission d'examiner
l'opportunité de voir à ce que le traitement du Protecteur du
citoyen soit fixé, de par la loi, automatiquement, parce que le
Protecteur du citoyen se retrouve chaque année dans l'obligation d'aller
négocier son traitement avec le Conseil du trésor, à
toutes fins pratiques, même si ultimement il y a une résolution
qui est adoptée par l'Assemblée nationale. Je pense que, si on
prend en considération, en tout cas, l'apparence d'indépendance
nécessaire que doit avoir le titulaire du poste de Protecteur du
citoyen, il serait bon, à l'instar à la fois du Directeur
général des élections et du Vérificateur
général, que ce soit automatique en vertu de dispositions de
référence qui se trouveraient dans la loi. C'était le but
de mon intervention.
Sur la question de savoir si le régime de
rémunération doit être identique à celui du
Vérificateur général, bien, étant donné le
fait que ces personnes-là, pour le compte de l'Assemblée
nationale, jouent un rôle de contrôle avec des pouvoirs
d'enquête, je pense que substantiellement ça devrait assez se
ressembler, mais cependant je pense que je ne suis pas en mesure de
préciser quoi que ce soit à ce stade-ci, parce qu'il faut tenir
compte du fait que, notamment, la durée du mandat n'est pas la
même. Il y a plusieurs autres facteurs. Je pense qu'il y aurait
certainement matière à réflexion pour la commission et
aussi pour le gouvernement là-dessus.
Sur l'autre question, la question du régime de retraite, je
soulignais la nécessité, je pense, de revaloriser la retraite des
ex-Protecteurs parce que, finalement, on réalise qu'avec l'inflation
cette pension qui leur est accordée ne leur permet plus de jouer
véritablement... n'a plus de pouvoir économique comme tel. Alors,
c'est sur cette affaire-là que, finalement, je pense qu'il y aurait lieu
de regarder s'il n'y aurait pas moyen d'adopter, pour le régime de
pension du Protecteur du citoyen, des dispositions analogues à celles
qui ont été retenues en 1982 dans la Loi sur les conditions de
travail et le régime de pension des membres de l'Assemblée
nationale, et dans la loi qui a modifié récemment la Loi sur les
tribunaux judiciaires en ce qui touche les régimes de retraite des juges
de la Cour du Québec.
Sur la question de la nomination d'un ou plusieurs vice-protecteurs, il
y a trois hypothèses de recommandations qui sont examinées, soit
qu'un adjoint ou des vice-protecteurs soient nommés, qu'un
vice-protecteur des autochtones soit nommé, que le ou les
vice-protecteurs soient nommés par le gouvernement sur suggestion du
Protecteur du citoyen.
La première chose que je voudrais vous dire, c'est que le poste
de vice-protecteur ou d'adjoint du Protecteur, dans l'institution, est un poste
éminemment important. Vous savez que l'institution de l'ombudsman, pour
des raisons historiques et aussi pour des raisons d'indépendance, ne
fonctionne pas à l'instar d'un organisme ou d'une commission comme la
Commission des droits de la personne ou comme la Commission de protection des
droits de la jeunesse qui sont d'inspiration plus américaine, tandis que
notre institution est d'inspiration suédoise, et à travers le
monde c'est comme ça que ça fonctionne, c'est une institution qui
est très personnalisée. Donc, il n'y a pas de conseil
d'administration, il n'y a même pas d'organisme consultatif, et il est
évident que le rôle de l'adjoint du Protecteur est
éminemment important pour les conseils qu'il fait
régulièrement au Protecteur sur les orientations de
l'institution, également parce qu'il joue un peu le rôle
équivalent du jurisconsulte pour le bureau du Protecteur. Vous savez que
nous ne demandons pas nos opinions juridiques au ministère de la Justice
pour la bonne raison qu'en général elles sont divergentes.
Ceci étant dit, sur la question d'avoir plus d'un adjoint du
Protecteur du citoyen, je pense que ça m'apparaît essentiel
aujourd'hui. Vous savez, ce que j'ai pu constater depuis que j'occupe cette
charge, c'est que, d'une part, les dossiers deviennent de plus en plus
complexes, les dossiers deviennent de plus en plus nombreux, il y a une foule
de plaintes aujourd'hui que nous avons, que nous recevons de la population,
même, à l'occasion, par l'entremise de membres de
l'Assemblée nationale, et qui nécessitent
énormément d'analyses. Je pense qu'il faudrait, à tout le
moins, comme dans plusieurs organismes gouvernementaux, même si cet
organisme n'est pas gouvernemental, que le Protecteur puisse être
assisté de plusieurs adjoints ou de plusieurs vice-protecteurs.
À l'instar de ce qu'on retrouve dans les sociétés
d'État ou les organismes, on a un P-DG avec des vice-présidents
spécialisés: vice-président aux opérations,
vice-président aux affaires juridiques, vice-président au
développement; enfin, je pourrais en énumérer comme
ça. Je pense que c'est un minimum essentiel en termes de fonctionnement.
La charge devient extrêmement lourde et de plus en plus lourde, quoique,
néanmoins, elle demeure fort intéressante.
La deuxième question ou la deuxième hypothèse:
Est-ce que l'on devrait nommer un vice-protecteur des autochtones, ou en
rapport avec les autochtones? Je n'ai absolument aucune objection de principe.
Cependant, je comprends qu'à partir du moment où la commission
recommanderait la création d'un vice-protecteur en matière
autochtone ça signifie, politiquement, que
l'on accorde de l'importance <_2a_ qui="" _que2c_="" de="" pense="" par="" _c3a0_="" _l27_c3a9_chelle="" les="" il="" _l27_importance.="" important="" temps="" _concernc3a9_e.="" lui="" _canada2c_="" accorder="" la="" je="" _clientc3a8_le="" h="" _28_9="" comme="" _quc3a9_bec="" est="" _courent2c_="" du="">
Cependant, à titre de Protecteur du citoyen, vous me mettez dans
une position un peu délicate, parce que vous savez qu'en principe,
même si nous privilégions certaines clientèles cibles parce
qu'elles sont économiquement démunies ou parce qu'elles sont
sujettes à des barrières linguistiques ou culturelles, il n'en
reste pas moins que le Protecteur du citoyen demeure une institution pour
l'ensemble des clientèles. À ce titre, je pense qu'il y a
également des barrières culturelles et linguistiques en ce qui
touche les communautés culturelles et ethniques, également des
barrières culturelles et ethniques pour ce qui concerne les anglophones
de souche au Québec. Je pense que c'est une question
d'opportunité que vous serez mieux que moi à même de vider
ou d'évacuer. Je pense que ça, c'est l'aspect
clientèle.
Je peux vous dire également qu'il y a dans notre
société des personnes qui sont économiquement
démunies et que la situation s'aggrave de semaine en semaine. On peut se
poser la question: Est-ce qu'on ne devrait pas avoir aussi
éventuellement un vice-protecteur responsable des personnes
économiquement défavorisées?
Sur le troisième point, est-ce que le ou les vice-protecteurs
doivent être nommés par le gouvernement sur suggestion du
Protecteur du citoyen? je vais vous dire que la loi a été faite
en 1968, à une autre époque, et je pense qu'à partir du
moment où le vice-protecteur du citoyen ou l'adjoint du Protecteur le
remplace à l'occasion - et c'est marqué en toutes lettres dans la
loi - j'ai un peu de difficulté à concilier le fait que le
vice-protecteur ou l'adjoint soit nommé par le Conseil des ministres sur
recommandation du Protecteur, alors qu'il doit avoir les mêmes
caractéristiques d'indépendance que le Protecteur
lui-même.
Je pense que le ou les vice-protecteurs devraient être
nommés directement par l'Assemblée nationale ou par une
commission spéciale de l'Assemblée nationale sur recommandation
du Protecteur. Je dis sur recommandation du Protecteur parce que, dans le fond,
vous savez, c'est un peu normal en ce sens que le Protecteur du citoyen porte
sur lui les grandeurs et les vicissitudes de l'institution et il serait normal
que le Protecteur participe à sa nomination, comme actuellement c'est le
cas avec le gouvernement: c'est sur recommandation du Protecteur. Mais, pour
mettre les choses à la bonne place, retomber dans les principes de base,
je pense que c'est l'Assemblée nationale qui devrait nommer le ou les
vice-protecteurs du citoyen.
Sur la question du personnel du Protecteur du citoyen, comme vous le
savez, les employés du Protecteur du citoyen ne sont pas des fonc-
tionnaires. Ils ne sont pas régis par la Loi sur la fonction publique et
ça a été voulu comme ça lorsque la loi a
été adoptée, pour des raisons évidemment
d'indépendance. Combien de fois on se fait dire, lorsqu'on ne donne pas
raison au citoyen - on se le fait dire à l'occasion, c'est rare mais
ça arrive - qu'on est là pour protéger les fonctionnaires,
qu'on est des fonctionnaires. Je pense que, lorsqu'on explique à la
population qu'on n'est pas des fonctionnaires, qu'on n'a rien à
protéger, qu'on n'a pas d'allégeance syndicale ni
d'allégeance patronale en rapport avec la Loi sur la fonction publique,
ça démystifie un peu les choses.
Le but de l'intervention que j'avais faite, il y a quelques mois, quant
au statut du personnel du Protecteur, c'était strictement de lui
permettre d'avoir une certaine mobilité dans l'administration publique.
C'est un peu aberrant, le système. Je vais vous dire pourquoi. On
n'oublie pas que le Protecteur du citoyen, comme d'autres organismes, c'est une
petite entité, c'est une petite organisation. Vous savez, après
plusieurs années, il peut arriver que des personnes aient envie de faire
autre chose que d'agir comme déléguées du Protecteur du
citoyen. Ce qui est un peu difficile à comprendre, c'est qu'alors que
les employés du Protecteur du citoyen sont régis mutatis mutandis
par la Loi sur la fonction publique, parce qu'on a fait adopter un
décret dans ça, que les conditions de travail sont à peu
près identiques, que les classements sont identiques et ainsi de suite,
lorsqu'un employé du Protecteur veut passer par la fonction publique,
même s'il a 10 ans d'ancienneté - il peut avoir agi comme
professionnel ou avocat - il est obligé de passer par les concours
externes. Moi, je pense qu'il y a une injustice fondamentale puis que c'est peu
pratique aussi, ce qui fait que ça peut créer un manque
d'oxygénation dans le système.
Ce qui est arrivé en 1987, Mmes et MM. les parlementaires, c'est
que l'Assemblée nationale a adopté une loi pour permettre
à toutes les personnes qui avaient démissionné de la
fonction publique, autrefois, pour devenir protecteurs du citoyen - parce qu'il
faut démissionner pour devenir membre du personnel du Protecteur du
citoyen - de retourner dans la fonction publique éventuellement, si
elles le désirent, après qu'un avis de classement ait
été fait par l'Office des ressources humaines.
Au moment où on se parle, si quelqu'un de la fonction publique
vient chez nous, il démissionne, bien sûr, mais il conserve un
droit de retour dans la fonction publique après un simple examen de
l'Office des ressources humaines, ce qui fait que, quand je regarde l'ensemble
de la situation chez nous, je constate qu'il y a pratiquement les trois quarts
des employés qui, même s'ils sont là depuis bien des
années, ne peuvent en aucune manière faire l'objet d'une mutation
ou d'une promotion dans la fonction publique.
Ce que je recommandais, pour garantir que ce ne soit pas un moyen trop
facile d'aller dans la fonction publique, M. le Président, c'est que les
personnes ne puissent postuler à la fonction publique qu'après
avoir fait trois ans chez nous dans un poste régulier, comme permanents.
Or, comme nous n'accordons la permanence qu'après deux ans, ça
serait seulement après cinq ans qu'un employé du Protecteur du
citoyen, avec un avis de classement de l'Office des ressources humaines,
pourrait faire l'objet d'une mutation dans la fonction publique ou pourrait
faire l'objet d'une promotion dans la fonction publique.
Puis c'est d'autant plus bizarre, le système, que l'inverse n'est
pas vrai. Dans le fond, si un fonctionnaire vient chez nous, il ne perd rien.
Et puis il vient facilement, il n'a même pas de concours à passer
pour venir chez nous. Vous savez que la loi prévoit, pour des raisons
d'indépendance, que le Protecteur nomme le personnel, même s'il
tient compte, dans ses grandes lignes, des paramètres de la fonction
publique. Alors, ça crée une situation bizarre d'un
côté comme de l'autre.
L'appellation du Protecteur du citoyen. Ah bien, ça,
écoutez, je vais répondre à la question en vous disant que
je favorise, je partage complètement la possibilité de modifier
le titre de la loi du Protecteur. Le Protecteur du citoyen, vous savez, c'est
un titre que, sous certains angles, je n'aime pas tellement. Ça fait
très paternaliste, d'un côté; d'un autre côté,
c'est très sexiste aussi. C'est très sexiste, mais il faut bien
penser que cette loi a été écrite en 1968, je pense, et
notre société n'avait pas les mêmes préoccupations
qu'aujourd'hui en termes de condition féminine. Je ne pourrais que
partager la volonté de cette commission de rendre ce titre très
très adapté et très contemporain.
Sur la question du nom réservé au Protecteur du citoyen,
vous savez, ce qu'on peut constater de plus en plus, c'est qu'on dirait, dans
notre société, tant dans les secteurs para et péripublic
que dans le secteur privé, qu'il y a comme un engouement pour cette
institution de type ombudsman; on dirait que, chaque fois qu'on baptise
quelqu'un d'un nom qui ressemble à ça, cette personne a toutes
les vertus et les qualités d'une personne neutre et indépendante.
Ce qu'on peut constater, c'est qu'on s'essaie... Même dans
l'administration publique, vous savez, ça se voit tous les jours, dans
la publicité que font certains ministères et organismes, on
utilise des termes... Je nommerai les organismes si vous le désirez,
mais on parie de protecteur des bénéficiaires, quand il s'agit de
certains organismes gouvernementaux, protecteurs de ci ou de ça; on a
failli avoir un protecteur du contribuable. La tendance de l'administration, et
je peux la comprendre, c'est de vouloir baptiser tout son monde "protecteur",
parce qu'il paraît que ça fait bien dans le langage. Puis, dans le
para et le péripublic, on trouve ça aussi. Dans le réseau
hospitalier, vous avez les protecteurs des bénéficiaires, vous
avez les porte-parole des malades. Enfin, on en retrouve partout et, dans le
secteur privé, bien, ça, ça ne fait que grandir. On
retrouve le terme "protecteur" comme on retrouve le terme "ombudsman".
Je pense que ça crée de la confusion et je vais vous dire
pourquoi ça crée de la confusion. Il y a combien de personnes qui
communiquent avec nous et qui sont convaincues que, par exemple, ayant fait
affaire avec un commissaire aux plaintes, au gouvernement, elles faisaient
affaire avec le Protecteur du citoyen? Parce que dans les médias, comme
dans le langage courant, on parie de l'ombudsman. Par exemple, à
HydroQuébec, on parie de l'ombudsman, à la Protection du
territoire agricole, et récemment j'entendais parier de l'ombudsman
à la Régie de l'assurance-maladie du Québec.
Alors, dans le langage courant, le terme "protecteur", comme le terme
"ombudsman", sème la confusion dans l'esprit des gens et beaucoup de
gens pensent que, lorsqu'ils sont passés par un commissaire aux plaintes
du gouvernement, par exemple, ils ont eu un regard tout à fait neutre et
objectif de leur dossier. Je trouve ça un peu grave parce que ça
risque de léser la population. Je pense que le Parlement, à
l'Assemblée nationale, comme les citoyens, devrait pouvoir faire en
sorte que ces titres-là ne soient pas utilisés à tort et
à travers, ne soient pas galvaudés.
Vous savez, c'est un peu, par analogie - je dis bien par analogie en
toute déférence - comme dans la magistrature: les juges
s'appellent des juges. À date, je n'ai pas encore vu un commissaire aux
plaintes au gouvernement oser dire qu'il est juge, mais ça revient un
peu à ça, parce que c'est l'indépendance qui est en cause.
Alors, ce que je demande c'est que, à l'instar de plusieurs
législations à travers le monde, à cause de cette
confusion entretenue dans la population et parce que c'est même voulu par
l'administration, dans certains cas - et que c'est voulu, je peux vous faire la
preuve, je ne le ferai pas, ce n'est pas le débat qu'on fait ici - je
demanderais que ces titres soient réservés.
L'accessibilité au Protecteur du citoyen, la question
numéro 6: Est-il souhaitable qu'une commission parlementaire telle que
la commission des institutions non seulement soit chargée de
l'étude et de l'approbation des budgets du Protecteur, mais soit
également mandatée pour étudier les rapports annuels du
Protecteur, étudier toute recommandation du premier ministre quant
à la nomination du Protecteur, examiner les rapports du Protecteur qui
font état du défaut des ministères ou organismes, donner
suite à ces recommandations, entendre les intéressés et,
s'il y a lieu, faire des recommandations aux ministères et organismes
concernés?
D'abord, je pense qu'il est important qu'une commission soit
mandatée par l'Assemblée
nationale pour répondre a toutes ~es préoccupations. Qu'il
s'agisse d'une commission spéciale comme on en retrouve, par exemple,
dans certaines législatures ou d'une commission institutionnelle comme
la vôtre, je n'ai pas de préférence. Je pense que
l'important, c'est que les parlementaires puissent bénéficier
d'une disponibilité et de temps suffisant pour pouvoir, au nom de
l'ensemble des députés, écouter attentivement et
réfléchir sur les rapports et les commentaires du Protecteur du
citoyen qui, d'une certaine manière, constituent pour les parlementaires
de toute formation politique les yeux et les oreilles de l'Assemblée
nationale en matière de rapports, de relations entre l'administration
publique et les citoyens. (9 h 45)
Au Québec, on s'est inspiré de la loi de l'Alberta qui,
elle-même, s'inspire du type suédois. C'est un officier que les
parlementaires ont décidé de nommer pour les aider à
exercer leur mandat de surveillance. Cet officier est un officier qui a des
pouvoirs d'enquête et c'est donc un modèle qui diffère du
modèle que l'on connaît, notamment en Allemagne, où il y a
un comité des pétitions: les parlementaires reçoivent les
pétitions des citoyens et font des interventions soit de type
législatif, soit de type administratif.
La question que vous posez: Est-ce que, entre autres, lorsque des
recommandations ne sont pas suivies par des ministères ou des
organismes, par le gouvernement, la commission devrait pouvoir entendre, venir
faire témoigner les personnes concernées, qu'il s'agisse de
ministres ou de hauts fonctionnaires? Je pense que oui. Je pense que c'est
même une bonne chose. Je sais, par ailleurs, que ce n'est pas tout le
monde qui est très ouvert, au gouvernement, sur la notion
d'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organisme; mais
ça, c'est une autre question et ce n'est pas à moi de la
régler. Cependant, je pense que ce serait une bonne chose, à
l'occasion, même si ça ne se présente pas très
souvent.
La question, maintenant, qui va plus loin: Est-ce que, à partir
d'une convocation devant l'Assemblée nationale, la commission pourrait
s'ériger elle-même en protecteur du citoyen en interrogeant,
finalement, les recommandations du Protecteur du citoyen, pouvant même en
arriver à des conclusions contraires? Je n'ai absolument pas de
problème lorsqu'on ne partage pas les opinions du Protecteur du citoyen,
mais il faut replacer l'institution dans son contexte. C'est une institution
qui a des pouvoirs délégués par l'Assemblée
nationale. Si elle a des pouvoirs délégués par
l'Assemblée nationale, c'est qu'on lui accorde une certaine confiance,
une certaine crédibilité. Je serais un peu mal à l'aise
s'il fallait qu'une commission chargée d'entendre vienne modifier ou
fermer des dossiers alors que nous avons décidé de faire des
recommandations.
Je pense que les parlementaires ne devraient pas se substituer à
l'institution à laquelle ils ont délégué des
pouvoirs.
Cependant, que les parlementaires viennent interroger les
témoins, poser des questions au Protecteur du citoyen sur les motifs de
son intervention, je suis tout à fait ouvert à ça. Et puis
il y a aussi une chose. Vous savez, bien que j'aie toujours reconnu que cette
commission a toujours été au-delà de toute partisanerie
politique, il n'en reste pas moins que, dans des dossiers "hot", comme on dit,
là, qui mettent en cause le Conseil des ministres, ou le gouvernement ou
un ministre, il est bien évident que la totale neutralité du
député ne va pas s'arrêter à la porte ici,
c'est-à-dire que les lignes de parti ne vont pas s'arrêter
à la porte, je ne pense pas. Il ne faudrait pas, finalement, que les
débats sur les recommandations du Protecteur deviennent des
débats partisans, et je pense que c'est ce que vous souhaitez
également.
Quant au reste, sur tout le reste, je pense que cette commission,
absolument, doit étudier les rapports annuels, poser des questions sur
le fonctionnement, sur les budgets, étudier toute proposition du
gouvernement quant à la nomination du titulaire du poste, examiner les
demandes de budget pour l'année suivant les prévisions
budgétaires, faire des suggestions qui s'imposent.
Je pense que, finalement, cette commission devrait être un peu...
Vous savez, on est un peu perdus, nous autres, au bureau du Protecteur du
citoyen, parce qu'on ne relève pas, ne l'oubliez jamais, d'un ministre.
C'est la loi qui est comme ça, puis c'est bon que ce soit comme
ça, pour l'indépendance. Mais on est du monde loin de tout; on
est hors circuit. Si on avait une commission de l'Assemblée nationale
qui veuille s'occuper de nous quand on prépare des budgets, qu'elle
puisse dire quelque chose sur les budgets, alors que je me fais répondre
par des bureaucrates sur des questions comme ça... Je ne trouve pas
ça sain dans le système. Alors, donc, que cette commission ait
beaucoup de pouvoir, je suis entièrement, entièrement
d'accord.
La question 7. Vous rappelez le fait que l'institution du Protecteur du
citoyen demeure peu connue d'une grande partie de la population, malgré
une augmentation constante du nombre des demandes et des plaintes qui nous sont
adressées d'année en année. Vous référant au
sondage que nous avons mené en août, l'an dernier, sur la
notoriété du Protecteur, vous souhaiteriez savoir quels moyens
sont présentement envisagés par le bureau du Protecteur du
citoyen pour améliorer sa notoriété auprès de la
population en général, et particulièrement auprès
des clientèles défavorisées et peu scolarisées.
Devant les résultats du sondage que nous avons mené, nous
avons constaté que nous faisions un peu fausse route, et il nous a fallu
trouver des moyens pour joindre les personnes les plus démunies.
Cependant, je vous dirai que
nos moyens sont petits et limités, mais on n'est pas les seuls,
je présume. Dans ce contexte, nous avons effectué une
tournée d'information récemment, en Gaspésie. On a fait
une expérience-pilote et on a travaillé en collaboration avec les
CLSC et Communication-Québec. Je pense que la tournée a
été un succès. Nous envisageons de faire deux autres
tournées régionales dans l'année en cours.
Ce que nous avons fait, également, c'est que nous nous sommes
entendus avec le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité
du revenu qui a accepté, qui nous a même offert, je dirais - en
passant, je veux souligner l'ouverture d'esprit des hauts fonctionnaires de ce
ministère - d'utiliser le chèque mensuel qui est versé aux
bénéficiaires de l'aide sociale, ce que le ministère
appelle maintenant les clients, pour que nous puissions y mettre un feuillet.
Nous avons fait un feuillet que nous avons envoyé dans quatre
régions, parce nous ne voulions pas... Vous comprenez qu'il faut donner
du service, il ne faut pas qu'on soit inondés d'un seul coup. Alors, on
a envoyé des feuillets d'information en Gaspésie, aux
Îles-de-la-Madeleine, dans l'Outaouais, dans Chaudière-Appalaches
et dans Laval. Au cours de l'année, il y aura 450 000 autres feuillets
qui seront transmis pour les autres régions du Québec.
Pour ce qui est de la présence des médias, nous essayons
d'assurer une certaine visibilité, une certaine notoriété
sur la place publique. D'avril 1990 à aujourd'hui, nous avons
dénombré près de 260 présences ou mentions du
Protecteur du citoyen dans les médias. Nous sommes en train de
préparer un deuxième sondage, parce que le premier nous a
beaucoup inquiétés, et le deuxième sondage va nous
permettre de vérifier quel est le taux de satisfaction de notre
clientèle. Parce qu'on n'est pas sûrs que tout le monde soit
content, puis parce qu'on n'est pas sûrs qu'on fasse toujours bien les
choses. Alors, on va tester ça avec un deuxième sondage.
Ce que l'on a fait pour se faire connaître également de la
population, c'est qu'on a lancé, il y a deux ans, un feuillet qui
s'appelle "Dossier d'enquête" et qui est distribué à des
relayeurs d'information, et à l'occasion on répond à des
entrevues, ou il y a des articles de fond sur les mandats du Protecteur du
citoyen dans plusieurs magazines, dans plusieurs revues.
La question 8. Qu'est-ce que le Protecteur du citoyen a fait pour les
communautés culturelles et ethniques, les autochtones et les
anglophones? Eh bien, je peux vous dire qu'on commence à faire des
choses. On a fait une étude, chez nous, un comité a remis un
rapport sur les plans d'action qui devraient être adoptés pour se
faire mieux connaître des populations autochtones, se faire mieux
connaître des minorités culturelles et ethniques et se faire mieux
connaître de la part des anglophones du Québec. Nous avons fait un
plan d'action et ce plan d'action nous a amenés à poser plusieurs
gestes qui sont assez importants, mais qui sont quand même de petits
gestes; petits gestes parce que petits moyens. Effectivement, toutes les
analyses que nous avons faites ont fait en sorte que nous avons demandé
un budget de développement au Conseil du trésor pour
l'année 1989-1990; ça nous a été refusé. En
1988 et en 1989, ça nous a été refusé deux fois. On
a récidivé - une forme de délinquance - on a même
réduit notre budget de développement de 470 000 $ à 302
000 $, mais ça été refusé également.
Alors, malgré cela, on a tenté de faire beaucoup de choses
et on a fait plusieurs choses. D'abord, on a pu constater qu'il y a des groupes
eux-mêmes qui sont venus nous voir pour intervenir dans certains
dossiers, comme les populations autochtones. Indépendamment du dossier
d'Oka, on nous dépose des plaintes. On est de plus en plus connus de
certaines populations autochtones, le Grand Conseil des Cris, notamment. On a
participé, en ce qui touche les autochtones, à plusieurs forums,
entre autres à l'Assemblée annuelle des Services parajudiciaires
autochtones du Québec, et on a la tradition d'y être
invités. Nous avons également engagé, durant
l'été, et ça n'a rien à faire non plus avec la
crise, d'Oka... Le problème, c'est que nous avions plusieurs
difficultés dans nos prisons, notamment pour les populations
autochtones. Nos centres de détention sont un peu en difficulté
dans le traitement des populations autochtones. On a donc engagé un
avocat, chez nous, qui est d'origine autochtone et qui a une expérience
dans les organismes provinciaux et fédéraux. Nous sommes en train
de préparer pour les populations autochtones un plan d'action qui va
nous mettre en contact avec les différents coordonnateurs
ministériels en milieu autochtone.
Nous avons également établi des relations avec les
communications du Secrétariat aux affaires autochtones pour
élaborer une stratégie de communication, et nous devons
éventuellemnt participer à différentes émissions
radiophoniques diffusées par des organismes autochtones. Il devrait y
avoir une rencontre de presse cette année. Nous sommes également
en train de préparer un programme de formation et de sensibilisation
pour nos employés quant à la culture autochtone.
Pour ce qui est maintenant des membres des communautés
culturelles et ethniques, elles feront l'objet d'un plan de communication
spécifique. Nous avons, de ce côté-là,
travaillé beaucoup avec le CRARR, le Centre de recherche-action sur les
relations raciales. Nous avons, avec le CRARR, participé à la
publication de certains documents. Nous allons rejoindre également des
relayeurs qui sont en contact direct avec les communautés culturelles et
ethniques, soit les COFI, les CLSC, le bureau des nouveaux arrivants,
Travail-Québec, l'Aide juridique, le bureau d'immigration de
Montréal et le bureau de
Communication-Québec. Nous avùr." conclu avec
Communication-Québec, récemment, un programme de communication
parce que nous ne pouvons pas, à l'instar de
Communication-Québec, offrir un service en huit langues. C'est pourquoi
nous travaillons actuellement avec cet organisme-là pour nous permettre
de percer davantage la connaissance des membres des communautés
culturelles.
Pour ce qui est maintenant des anglophones au Québec, d'abord, le
feuillet d'information dont je vous parlais tout à l'heure et qui sera
éventuellement transmis à l'échelle du Québec, a
également été produit en anglais. Pour la première
fois, cette année, nous allons traduire notre rapport annuel en anglais,
complètement. Ce que nous désirons également, c'est que le
document qui s'appelle "Dossier d'enquête" et qui est transmis aux
membres de l'Assemblée nationale puisse également être
traduit en langue anglaise.
Mais ce que je peux vous dire, c'est que tout ceci est loin d'être
suffisant, parce que le grand problème que nous vivons, enfin, que les
communautés vivent, qu'elles soient les nations fondatrices ou qu'elles
soient les communautés ethniques et culturelles, c'est qu'il y a une
barrière linguistique énorme, une barrière culturelle
énorme, dans bien des cas, qui crée toutes sortes de distorsions
dans le système. Vous savez, d'une manière
générale, il y a beaucoup d'Immigrants comme il y a beaucoup de
membres de communautés autochtones et il y a beaucoup d'anglophones au
Québec qui ne font pas confiance à l'administration, qui ont peur
des représailles. C'est vrai aussi pour l'ensemble de la population,
mais je trouve que dans les communautés c'est encore pire. Je pense
qu'il y a lieu de démystifier un peu tout ça, puis je pense que
le Protecteur du citoyen peut, dans le rôle qu'il joue aussi,
démystifier l'administration publique, et c'est pour ça que je
pensais nécessaire d'avoir des ressources additionnelles pour se faire
mieux connaître par les populations autochtones et par les membres des
différentes communautés culturelles et linguistiques du
Québec. (10 heures)
La mise en place d'un programme d'accès à
l'égalité. Vous souhaitez connaître nos objectifs et notre
échéancier. Je peux vous dire que cette question-là m'a
toujours préoccupé. Chez nous, cependant, on a fait des choses
sans qu'il y ait de programme comme tel. On peut constater que, chez le
personnel professionnel, contrairement à la fonction publique
québécoise, les femmes représentent 43 % des effectifs,
alors que, dans la fonction publique, ce n'est que 33 %. Je peux vous dire
également que, lorsque j'ai procédé à une
réorganisation de la structure administrative chez nous, il y a quelque
temps, j'ai fait en sorte que plusieurs femmes puissent accéder aux
postes de cadres supérieurs et de cadres intermédiaires, ce qui
fait que, sur quatre cadres supérieurs, nous avons 50 % de nos effectifs
qui sont des femmes et qu'il y a trois femmes sur sept qui sont des cadres
intermédiaires.
Pour les autres groupes cibles, nous avons engagé, dans les deux
dernières années, des personnes de cinq nationalités
différentes, ainsi qu'une personne qui a un léger handicap. Dans
les demandes budgétaires que j'avais faites au Conseil du trésor,
j'avais aussi fait des demandes pour engager du personnel des groupes cibles.
Nous avons également engagé, à Montréal, un
professionnel anglophone et, comme je vous disais tout à l'heure, un
avocat d'origine autochtone.
Nous avons été invités par différents
groupes, dont la Commission des droits de la personne, à nous inscrire
dans le processus formel d'un programme volontaire d'accès à
l'égalité préparé par la Commission des droits pour
l'ensemble des employeurs. Nous avons reçu de la documentation à
cet égard, en vue d'élaborer les différentes étapes
et de compléter notre programme d'action. Mais nous hésitons
à nous inscrire officiellement comme un employeur, parce qu'on
préfère, d'une certaine manière, suivre les politiques
gouvernementales qui sont applicables aux ministères et organismes,
même si nous n'y sommes pas tenus, parce que ces ministères et
organismes sont quand même un peu plus proches de nous.
Pour ce qui est de la question que vous posez, la question numéro
10, sur les services d'accueil en région, effectivement, je peux vous
dire une chose. C'est que le 1-800, l'accès téléphonique,
ne semble pas être suffisant, même si les gens peuvent communiquer
avec nous. Je pense qu'il n'y a rien comme une présence régionale
pour faire en sorte que les gens soient mieux renseignés sur les
services offerts par le Protecteur du citoyen, et que, dans les bureaux de
comté des députés, les employés puissent aussi se
servir, à l'occasion, du Protecteur du citoyen.
Il m'apparaîtrait important, pour la population, que nous ayons
des services d'accueil, à tout le moins, dans les différentes
régions du Québec, dans un premier temps en tout cas. Je pense
que c'est strictement une question d'argent. La régionalisation,
ça coûte cher, mais il faut dire qu'au Protecteur du citoyen on
est certainement l'organisme le moins favorisé, le plus
défavorisé. Vous savez, la Commission des droits de la personne a
des bureaux régionaux dans plusieurs régions. La Commission de
protection des droits de la jeunesse a des bureaux régionaux dans
plusieurs régions. La curatelle publique en a. Enfin, tous les
organismes dits de protection des droits, eux, ils ont des bureaux. Nous, nous
n'en avons pas. On est cantonné à Montréal et à
Québec. On n'a aucun contact direct avec la population. Je comprends que
c'est peut-être un problème en ce sens qu'on est hors circuit tout
le temps. Vous savez, nous, on n'a pas de ministre pour nous "backer" pour
ouvrir
des bureaux régionaux ici et là.
Alors, je trouve qu'il y a quelque chose de paradoxal dans tout
ça, que le Protecteur du citoyen... Vous savez, en Ontario, ce n'est pas
compliqué, ils ont 12 bureaux régionaux. En Colombie-Britannique,
où il y a deux fois moins de monde que chez nous, ils ont 5 bureaux
régionaux. C'est à peu près partout comme ça au
Canada. Au Québec, non, le Protecteur du citoyen, ce n'est pas comme
ça. Je ne trouve pas ça normal. Je trouve ça un peu
bizarre même. Je pense que c'est très important. Si on y croit
à l'institution et si les députés croient
véritablement que le Protecteur du citoyen peut les aider à
surveiller les excès de l'administration à l'égard de la
population, je pense qu'il y a quelque chose à faire là.
La question numéro 11. J'avais suggéré que des
modifications législatives soient apportées à la Loi sur
la fonction publique pour inclure, parmi les normes d'éthique
imposées aux fonctionnaires, le devoir d'aviser les citoyens qui
s'estiment lésés de l'existence du recours au Protecteur du
citoyen. La question que vous me posez, c'est: Qui devrait être assujetti
à cette obligation? Sont-ce les fonctionnaires ou sont-ce les
ministères? Bien, moi, je pense que ça doit être les
ministères et les organismes parce que, par le fait même, Us vont
l'imposer, en faire des attentes signifiées pour leur personnel.
Dans quelle mesure pourrait-on en vérifier l'application? Bien,
écoutez, mol, je ne pense pas qu'on doive mettre des dispositions de
nature pénale dans la Loi sur le Protecteur du citoyen. Je pense que
c'est une question d'éthique plus qu'autre chose. Je pense que le
Protecteur du citoyen est capable de convaincre et de persuader s'il y en a qui
ne le faisaient pas.
À quelle étape et de quelle façon le citoyen
serait-il avisé de ce recours? Bien, je pense qu'il faut clarifier les
choses comme on le fait, et on le fait de plus en plus. Il faut
nécessairement, règle générale, que le recours au
Protecteur du citoyen soit un recours ultime et, lorsqu'il y a des recours
adéquats, nous suggérons, et de plus en plus, dans la mesure
où ils sont adéquats, que les recours soient utilisés. Je
pense que je n'aurais pas de réponse unique à cette question.
Ça dépend de chaque programme gouvernemental, du type et du
nombre de recours adéquats qu'il possède, à savoir s'il y
a des bureaux de plaintes ou pas. Je pense que chaque obligation devrait
être aménagée en fonction des différentes
modalités du programme gouvernemental concerné. Je pense
également qu'il y aurait lieu de donner une formation plus grande
à l'ensemble du personnel de la fonction publique parce qu'il y a encore
- c'est normal et il y en aura toujours, je présume - des
barrières psychologiques entre les interventions du Protecteur du
citoyen et les fonctionnaires des ministères, de même que certains
préjugés.
Vous me posez la question si le fait qu'on obligeait les
ministères et organismes à indiquer l'existence de ce recours aux
citoyens, ça aurait pour effet d'être utilisé d'une
manière dilatoire par la population. Je ne le pense pas. Je ne le pense
pas du tout, parce que, vous savez, lorsque nous recevons une plainte, nous
avons l'obligation de vérifier si, à sa face même, la
plainte mérite qu'on aille plus loin. Avant de procéder à
une enquête, nous devons nous assurer, nous devons avoir des motifs
raisonnables de croire qu'une personne, ou un groupe de personnes a
été lésé ou peut vraisemblablement l'être.
Donc, si la demande d'intervention nous apparaissait frivole, faite de mauvaise
foi ou apparemment sans fondement, on pourrait la rejeter dès l'accueil
ou encore, si on le découvrait en cours d'enquête, bien,
l'enquête serait interrompue. Je pense que ça répond
à la question.
L'efficacité du Protecteur du citoyen, la question 12. La
question porte sur l'article de la Loi sur le Protecteur qui dit que le
Protecteur "peut, en vue de remédier à des situations
préjudiciables constatées à l'occasion de ses
interventions, pour éviter leur répétition ou pour parer
à des situations analogues, appeler l'attention d'un dirigeant
d'organisme ou du gouvernement sur les réformes législatives,
réglementaires ou administratives qu'il juge conformes à
l'intérêt général. S'il le juge à propos, il
peut exposer la situation dans un rapport spécial ou dans son rapport
annuel à l'Assemblée nationale."
La question posée est très pertinente. Est-ce que, d'une
pari, 27.3 permet suffisamment au Protecteur du citoyen de conseiller les
organismes qui sollicitent son avis en vue de l'élaboration de normes ou
de politiques, et comment peut-on conseiller les organismes? Et la
troisième question qui est très très pertinente
également, c'est: N'y a-t-il pas une possibilité de conflit
d'intérêts entre l'application de l'article 27.3 et les questions
de nature politique que peuvent susciter les débats sur les projets de
loi?
Sur la première question, l'article 27.3 ne fait que reprendre
l'ancien article 27 en le développant. Il étend la latitude du
pouvoir de recommandation du Protecteur, afin de lui permettre de
prévenir les situations potentielles de lésion pour le citoyen ou
pour corriger des problèmes engendrés par des lois, des
règlements, des politiques ou des directives. Ce pouvoir lui permet
également d'exercer un rôle de coordination entre le
ministère et les organismes qui ont des mandats différents ou
complémentaires, parce qu'on constate très souvent qu'il y a un
manque de coordination ou d'harmonisation entre les différents
ministères et organismes du gouvernement.
Nous intervenons régulièrement dans nos enquêtes,
après enquête, pour faire corriger des directives administratives,
des politiques administratives, soit parce que ce sont des directives ou des
politiques qui sont illégales, soit parce qu'elles sont source de
lésion, soit parce qu'elles
ne sont pas du tout adaptées, qu'elles sont déraisonnables
par rapport aux contraintes qu'on impose aux citoyens.
Il arrive à l'occasion que les autorités nous consultent
pour s'assurer que leurs politiques administratives et leurs directives
correspondent à notre demande de correction et ne produisent pas
d'effets pernicieux et imprévisibles. Je pense que notre vision globale
des organismes et des ministères fait en sorte que nos interventions
sont généralement bien vues par les administrateurs et les
dirigeants des différents organismes. La question: Est-ce qu'on peut
répondre aux demandes de conseils? On le fait quotidiennement, mais je
ne peux pas vous dire qu'à la porte il y a un guichet avec des
numéros comme à la boucherie ou à l'épicerie; je ne
pourrais pas dire que les ministères se garrochent chez nous pour avoir
des avis. Ils nous considèrent à tort comme des contradicteurs
alors que nous sommes des partenaires.
La question maintenant fondamentale: Est-ce qu'il n'y a pas, comme le
soulignait... La question des projets de loi. Vous savez, le Protecteur du
citoyen s'occupe de voir à ce que les lois soient appliquées
correctement, que les règlements soient appliqués correctement,
ainsi que les directives et tous les manuels d'opération qui mettent en
oeuvre les lois. Le Protecteur du citoyen, également en vertu de
l'article 27.3, peut donner des avis sur des pièces législatives
comme sur des pièces réglementaires. Qu'il s'agisse de lois
adoptées, nous faisons des interventions pour les faire modifier
à l'occasion et elles le sont, mais, également, à
l'occasion de projets de loi nous intervenons pour faire en sorte que les
citoyens ne subissent pas d'injustices flagrantes. Vous savez - et vous le
savez plus que moi - quand on adopte et qu'on écrit une loi, ça
se fait souvent vite, ça se fait vite dans le ministère,
ça se fait vite à l'Assemblée nationale et parfois, dans
l'élaboration et la préparation des projets de loi, on ne voit
pas que telle disposition, parce que rédigée de telle
façon, pourrait éventuellement entraîner des lésions
absolument déraisonnables pour les citoyens. On ne voit pas tout.
Il faut dire que, par ailleurs, ce n'est pas parce qu'on est meilleurs
que qui que ce soit, mais parce qu'on a une expérience de 21 ans en
matière de lésions, de préjudices causés par les
lois, par les règlements. Notre expérience dans les secteurs fait
en sorte qu'on peut, dans certains cas, recommander au ministre responsable
d'un projet de loi que des modifications soient apportées au projet de
loi pour bonifier le régime proposé, et c'est ce que nous avons
fait. On l'a fait notamment lorsque le ministre de l'Éducation a fait
adopter la Loi sur l'aide financière aux étudiants. Plusieurs des
recommandations que nous avons faites ont été suivies par le
gouvernement. On l'a fait également à l'occasion de plusieurs
projets de loi. La question que vous posiez, c'est: Est-ce qu'on est en conflit
d'intérêts? Bien, écoutez, la question est de savoir:
Qu'est-ce qui est le plus préjudiciable? Est-ce éventuellement
d'être en conflit d'intérêts entre ce qu'on a dit et ce
qu'on ne reconnaîtrait plus plus tard ou de prévenir des
injustices possibles auprès de la population? Je pense que nous avons un
mandat de prévention des injustices et que nous devons le remplir. Si,
à l'occasion, nous faisons des recommandations et que, plus tard,
quelques années plus tard, on se rend compte que ce n'étaient pas
les bonnes, écoutez, ce n'est pas une question de conflit
d'intérêts, c'est qu'on s'est trompé. Le Protecteur du
citoyen, puis son institution, ils peuvent se tromper, je pense, comme tout le
monde, mais je ne vois pas de conflit d'intérêts du tout.
La question 13 porte sur le pouvoir reconnu au Protecteur du citoyen
d'entreprendre une enquête de sa propre initiative, sans qu'une plainte
ne lui ait été adressée. Le Protecteur du citoyen, en
vertu de la loi qui le régit, doit aller au-delà de la seule
réception des plaintes. Je peux donc intervenir de ma propre initiative
lorsqu'une personne me semble avoir été lésée ou
sur le point de l'être et je le fais de plusieurs façons.
Malheureusement, nous ne possédons pas de statistiques sur les cas
où nous sommes intervenus de notre propre initiative et votre question
nous a permis de réaliser la lacune de notre système
d'information et de gestion. On va le corriger. Mais ça arrive de bien
des façons et souvent de manière surprenante. On va intervenir
proprio motu, par exemple, lorsque l'étude d'un dossier individuel fait
en sorte qu'on rencontre une situation lésionnaire qui touche un groupe
de citoyens. J'interviens pour l'ensemble de ces gens-là. Je n'ai pas de
plaintes pour les 53 autres personnes qui sont affectées par le
même problème, mais j'interviens pour l'ensemble des 54 personnes,
incluant le plaignant.
Lorsqu'on constate des problèmes de fonctionnement dans un
ministère ou un organisme et que ceci a des impacts négatifs, on
intervient également. Enfin, il arrive très très souvent
qu'à l'occasion d'une plainte d'une personne... Vous savez, c'est
parfois difficile d'articuler véritablement l'objet de la plainte ou de
l'injustice que croit ressentir le citoyen. La personne va se plaindre, par
exemple, d'un délai déraisonnable. Elle se plaint parce que
ça prend beaucoup de temps à obtenir une décision d'un
organisme gouvernemental. C'est vrai que la plainte est pour délai
déraisonnable, mais on découvre, à l'occasion, que c'est
parce que le dossier est passé dans le tordeur à quelque part
dans l'organisme et qu'il a fait l'objet de différentes ou de multiples
études ou qu'il est bloqué par le système, et là,
véritablement, la plainte change de nature. Alors, nous intervenons de
notre propre initiative, même si la plainte change de nature en cours de
route. Donc, on s'en sert de ce pouvoir; on s'en sert
régulière-
ment; on s'en sert de manière officielle; on s'en sert de
manière officieuse, mais je pense que cet article est d'une très
très grande utilité pour notre institution, donc pour les
citoyens du Québec.
Concernant, question 14, le pouvoir du Protecteur du citoyen de recourir
aux médias dans certains cas, vous vous interrogez sur
l'opportunité de recommander que le Protecteur du citoyen ne puisse
commenter une intervention, passée ou présente, qu'avec le
consentement de la personne qu'il estime lésée. Je vais
répondre brièvement à la question. Jamais, mais jamais
nous ne commentons un cas personnalisé, à moins d'avoir le
consentement de la victime ou de la personne concernée. Vous remarquerez
que, dans notre rapport annuel, les cas sont dépersonnalisés.
Vous remarquerez qu'on fait parfois des interventions publiques, mais on ne
donne pas le nom de qui que ce soit. Nous avons une obligation de
confidentialité dans notre loi et nous la respectons. Le jour où
nous faisons des interventions en nommant précisément le
plaignant ou la victime, nous devons demander et nous nous faisons un devoir de
demander la permission à la victime. Donc, ça ne peut pas
arriver, en tout cas avec nos pratiques actuelles, qu'une personne soit
traînée sur la place publique malgré elle.
Il arrive très souvent également, comme vous le noterez
dans les notes que je vous ai fournies, qu'il y a des gens ou des groupes de
pression... Vous savez, on a des plaintes qui sont déposées par
des groupes de pression puis c'est normal. Dès que la plainte a
été traitée par le bureau du Protecteur du citoyen, on met
au courant, bien sûr, le plaignant, la victime ou les
représentants du plaignant et je peux vous dire que, dans bien des cas -
et ça fait partie des règles du jeu, j'imagine - les plaignants
eux-mêmes, l'association elle-même va filer l'information aux
médias. À ce moment-là, on n'intervient pas du tout, sauf
qu'après ça on nous appelle pour nous demander des questions.
À la question 15, vous relatez la demande que j'avais
formulée il y a quelques mois pour faire en sorte que, lorsqu'une
plainte est adressée au Protecteur du citoyen, le délai de
prescription pour d'autres recours, s'il y a d'autres recours, soit suspendu.
Et vous demandez comment on peut concilier cette demande avec le paragraphe 1
de l'article 18 de la Loi sur le Protecteur du citoyen qui, en principe,
empêche le Protecteur du citoyen d'intervenir si le plaignant dispose
d'un recours légal susceptible de corriger adéquatement, et dans
un délai raisonnable, la situation dont il se plaint. Il faut dire qu'au
Protecteur du citoyen, nous nous devons de ne pas intervenir lorsqu'il existe
un recours légal, donc prévu par une loi, susceptible de corriger
adéquatement la situation dans un délai raisonnable.
Évidemment, nous avons un jugement à porter lorsqu'il existe des
recours dans les lois. Est-ce que, parce qu'il existe un recours dans la loi,
ce recours est nécessairement adéquat? Je vous dirai que non.
Vous savez, des recours devant certaines instances gouvernementales où
ça prend trois ans, où les délais d'audition prennent
trois ans et les délais de décision prennent un an de plus, quand
ça fait sept ans qu'un citoyen est trimballé dans la machine
à saucisses gouvernementale, on ne pense pas que le recours est
adéquat et on intervient. Alors, sur ce plan-là, je pense qu'on
doit exercer une discrétion, toujours en nous plaçant dans la
position où les intérêts du citoyen seraient les mieux
servis. Peut-être que ses intérêts vont être mieux
servis ultimement, mais dans combien d'années, s'il passe par un recours
qui prend trois, quatre ans? Il est évident qu'en passant chez nous
ça prend généralement moins de temps et c'est beaucoup
moins lourd que d'aller devant un tribunal administratif.
L'autre chose, c'est qu'il ne faut jamais oublier que nous n'avons qu'un
pouvoir de recommandation. Quand on formule une plainte chez le Protecteur du
citoyen, nous, on ne pourra pas arriver trois mois ou six mois plus tard avec
un pouvoir, une ordonnance et on ne rend pas de décisions de type
judiciaire. Les décisions que nous rendons sont des décisions au
sens du droit administratif, mais ce n'est pas des décisions
exécutoires, c'est un pouvoir de recommandation. Donc, on n'a aucune
assurance en théorie que l'administration va suivre nos recommandations
et c'est pour ça que nous pensons qu'il y aurait lieu que la plainte
déposée au Protecteur du citoyen puisse interrompre la
prescription.
Vous appréhendez, dans vos questions, l'augmentation des
délais de traitement des plaintes qui pourrait résulter de
l'effet Interrup-tif de la prescription, attribué à la plainte
adressée au Protecteur du citoyen. Écoutez, la majorité
des plaintes est traitée à l'intérieur de deux mois. Nous
sommes très préoccupés par les délais. Il est
évident que nous devons faire en sorte que la qualité ne soit pas
émondée au détriment ou au profit de la rapidité.
Il est tout à fait normal que les dossiers les plus complexes ou les
dossiers qui sont le plus susceptibles d'avoir beaucoup d'impact
requièrent beaucoup plus de temps.
Quant à la question, finalement: Est-ce que le fait que ça
interrompe la prescription, ça va augmenter nos délais? En soit,
je ne le pense pas. Ça n'a pas de lien direct. Ça n'a aucun lien
direct parce que, de toute façon, on va faire la même analyse. Au
moment où on se parie, quand il y a un recours quelconque dans la loi,
on examine d'abord la problématique du plaignant et on vérifie si
le... Il faut d'abord savoir quel est le problème avant de dire au
plaignant: Vous allez utiliser tel recours parce qu'il nous apparaît plus
adéquat. On ne peut pas l'envoyer à l'abattoir comme ça.
Alors, je ne pense pas qu'il
y ait de lien.
L'autre question que vous posez: Est-ce que, si ça avait pour
effet d'interrompre la prescription, la requête au Protecteur du citoyen,
il n'y aurait pas des personnes qui pourraient utiliser l'institution à
des fins dilatoires, pour gagner du temps? Écoutez, je pense que,
là-dessus, j'ai la conviction profonde que ça n'aurait pas cet
effet-là parce que, comme je vous le mentionnais tout à l'heure,
à l'occasion d'une autre question, la Loi sur le Protecteur du citoyen
prévoit que nous devons avoir des motifs raisonnables de croire qu'une
personne a pu ou pourrait être lésée avant de faire une
enquête. Donc, nous devons, prima facie, vérifier si la plainte
pourrait donner ouverture à une lésion. Deuxièmement, nous
avons le pouvoir de rejeter les plaintes frivoles, vexatoires, faites de
mauvaise foi et je pense que ceux qui pourraient utiliser nos services parce
qu'il y aurait un effet interruptif sur la prescription des recours recevraient
la même médecine. Leur requête serait rejetée parce
que frivole, vexatoire, faite de mauvaise foi ou apparemment
injustifiée. Si on le découvrait en cours d'enquête, bien,
on fermerait le dossier en cours d'enquête. Donc, ça n'aurait pas
cet effet dilatoire là.
La question que vous posez maintenant, lorsqu'il s'agit d'organismes
gouvernementaux où il y a des parties privées, si ça peut
jouer... Dans le fond, la question que vous me posez, il s'agit de cas
où ce n'est pas seulement l'administration et un citoyen qui sont en
cause, mais l'administration et plusieurs citoyens dont les
intérêts sont opposés. Je pense notamment au régime
d'indemnisation à la CSST où on a, d'un côté,
l'employeur et, de l'autre côté, l'accidenté du travail. Je
pense aussi à la Régie du logement où, d'un
côté, on a le locataire et, de l'autre, le propriétaire.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que, lorsqu'il y a des parties
privées, l'interruption de la prescription jouera parfois en faveur de
l'une, parfois en faveur de l'autre.
(Suspension de la séance à 10 h 25)
(Reprise à 10 h 45)
Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, nous
allons reprendre nos travaux, tout en vous remerciant, tout d'abord, de vous
être prêtés à cet exercice, non pas futile, mais
utile.
Alors, M. le Protecteur, si vous voulez poursuivre.
M. Jacoby: Merci, M. le Président. La question 16: Dans
votre rapport annuel, vous signalez 3 cas où l'administration a
refusé d'apporter des corrections à des situations de
lésion et 77 cas où les corrections ont été
apportées pour l'avenir seulement. On ne retrou- ve pas les
détails sur ces cas dans le rapport annuel. Devant la commission,
plusieurs intervenants ont souhaité que vous soyez plus explicite dans
votre rapport annuel sur les cas où vos recommandations ne sont pas
suivies. Et la Chambre des notaires notait qu'il est dans
l'intérêt public que le rapport annuel du Protecteur du citoyen
soit moins discret sur cette catégorie de cas, car c'est très
précisément les situations de conflits majeurs entre
l'administration et le Protecteur du citoyen qui devraient tout
spécialement faire l'objet d'un examen approfondi par les destinaires du
rapport annuel, soit les parlementaires. Ne croyez-vous pas également
qu'il serait important pour le citoyen d'être informé, lorsque
l'administration refuse de corriger des situations préjudiciables, et
que ces cas pourraient être consignés dans le rapport annuel? De
même, ne serait-il pas possible de faire, dans le rapport annuel, une
enumeration des cas où l'administration a accepté de faire des
correctifs pour l'avenir seulement?
Pour ce qui est de la recommandation qui est refusée et de ce que
ça implique au niveau du rapport annuel, d'abord, je voudrais souligner
que le plaignant est toujours informé du déroulement de son
dossier, c'est-à-dire que le plaignant, lorsqu'une recommandation est
refusée, est mis au courant. Mais je prends note, cependant, que le
rapport annuel ne semble pas suffisamment explicite au chapitre des
recommandations refusées, puisque celles-ci sont confondues dans
l'ensemble de mes commentaires, dans la rubrique propre à chacun des
ministères et des organismes dont je juge à propos de
traiter.
Votre question se réfère aux 3 cas que nous avons
signalés pour lesquels les recommandations du Protecteur ont
été refusées. Le premier cas concerne le ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science qui omet d'établir
un forum indépendant avant d'appliquer une sanction administrative
très sévère: l'exclusion du régime d'aide
financière aux étudiants pour 2 ans, lorsque des étudiants
sont accusés de fausse déclaration. J'ai dénoncé
cette situation au ministère en disant que l'exclusion est beaucoup trop
lourde pour qu'elle soit strictement décidée
unilatéralement par des fonctionnaires. J'ai particulièrement
insisté sur ce problème dans les commentaires que je faisais
à la commission de l'éducation, lors de l'étude du projet
de loi 25. Ma suggestion n'a pas été retenue, même si je
reconnais que la formation d'un comité de révision et une
écoute plus attentive des fonctionnaires ont, depuis, quelque peu
amélioré la situation. Alors, voici donc un cas où notre
recommandation n'a pas été suivie.
Le deuxième dossier concerne la Régie de
l'assurance-maladie qui, après avoir accepté de modifier sa
position dans un dossier qui mettait en cause l'interprétation de
l'article 5b du règlement - ça a été
mentionné dans mon rapport annuel 1988-1989 et ça a
été accepté...
Le problème, dans ce dossier, c'est qu'une année, on a
accepté notre intervention parce qu'on trouvait qu'elle avait bien de
l'allure et, l'année suivante, on l'a refusée. À ce
moment-là, nous sommes allés en appel devant le ministre
responsable de cet organisme qui a maintenu la position de ses technocrates de
référer le dossier devant les tribunaux administratifs. Alors,
voici un cas où notre recommandation a été rejetée,
d'autant plus grave, ce cas, qu'un an avant elle avait été suivie
par le ministère dans un dossier tout à fait identique. Alors, il
se passe des choses, des fois.
Le troisième dossier concerne particulièrement les
victimes d'interventions policières. En deux mots, vous savez que,
traditionnellement, les tribunaux et les règles de droit font en sorte
que, lorsqu'un policier intervient dans une opération policière
planifiée ou non, les victimes ne peuvent réclamer des
dommages-intérêts que dans la mesure où la police a
usé de force excessive, a agi de manière démesurée.
Or, il nous est apparu qu'à l'occasion, des victimes innocentes
d'interventions policières devaient subir à elles seules tous les
dommages occasionnés par une intervention policière. Je pense,
par exemple, au propriétaire d'un petit immeuble à logements
où vous avez un locataire qui tente de se suicider. La police en est
avisée, c'est l'intervention du SWAT. Le SWAT intervient et, quand il
entre dans le bloc, vous savez comment ça se passe, hein? On ne cogne
pas à la porte. Alors, il y a des portes qui sautent et tout ça.
Il y a des dommages, des bris et ainsi de suite. Le problème, c'est que
le propriétaire de l'immeuble, ses assurances ne couvrent
généralement pas ces cas-là parce que ce sont ce qu'on
appelle dans les conventions d'assurance des "acts of God". C'est comme les
interventions militaires. Alors, il n'est pas payé par son assurance.
Ensuite de ça, dans le cas en question, la police a réussi
à prévenir le suicide, mais le locataire est une personne
financièrement démunie, assistée sociale.
Conséquemment, il n'y aucun recours du propriétaire contre le
locataire en question. Finalement, le propriétaire de l'immeuble, qui
n'a rien à voir avec ce qui s'est passé dans l'immeuble, doit
subir 4000 $ ou 5000 $ de dommages pour ses portes, ses fenêtres et tout
ça et la règle de droit, extraordinairement sociale, dit: Non,
non, la police a agi d'une manière tout à fait conforme aux
planifications stratégiques opérationnelles. Moi, comme
Protecteur du citoyen, je dis: Non, ça n'a plus de bon sens, en 1991,
qu'une société comme la nôtre accepte que des victimes de
dommages causés par des policiers, alors qu'elles sont innocentes, ne
puissent réclamer nulle part les dommages qui sont causés dans
l'intérêt public, parce qu'on fait ces interventions dans
l'intérêt public. Alors, donc, nous avons un dossier avec le
ministère de la Sécurité publique.
Et puis il est arrivé, pendant plusieurs années, qu'on a
toujours, mais toujours suivi les recommandations au nom de
l'équité. Le ministère en question a toujours
accepté d'indemniser les personnes qui, injustement, subissaient des
dommages, qu'elles soient locataires ou propriétaires. Je ne parle pas
de la personne qui fait l'objet d'un mandat de perquisition, là -
ça, c'est autre chose - mais je parle vraiment du propriétaire du
lieu, ou des choses comme ça. Depuis quelque temps, c'est fini. C'est
fini, l'équité a disparu au ministère de la
Sécurité publique. On ne peut plus intervenir. On nous
réinvoque maintenant la règle de droit sacramentelle qui a
été faite pour une autre époque. Alors, voici un cas de
refus. C'est parce que c'est un dossier qui tarde tellement à se
régler que ça équivaut à un refus. Alors,
l'équité a reculé. Alors, voici des cas où il y a
refus.
Quant aux correctifs pour l'avenir seulement, ça, il faut bien
penser que, dans la majorité des cas, il s'agit de situations où
nous sommes avisés d'une lésion causée à un
individu, mais après coup. Je pense, notamment, vous savez, au domaine
carcéral, lorsque des personnes détenues se plaignent de
l'application du régime de vie, qu'elles ont été
transférées d'un centre à un autre, lorsqu'elles se
plaignent de mesures injustifiées, qu'il s'agisse de mesures
disciplinaires ou de réclusion, par exemple, le trou, eh bien! on est
avisé après, soit par le détenu lui-même, soit par
un organisme de défense des droits des détenus et c'est
évident qu'on ne peut rien corriger pour le passé. Alors, on
demande que les corrections soient faites pour l'avenir, on va demander que les
politiques soient changées, que les manières d'appliquer ces
politiques soient modifiées pour faire en sorte qu'on respecte davantage
les chartes des droits, tout en ayant bien conscience qu'il y a des raisons de
sécurité qui militent, dans les centres de détention, pour
que des mesures exceptionnelles soient prises. Il s'agit, en
général, de problèmes à portée
collective.
Vous avez le cas des lenteurs devant certains tribunaux administratifs
ou devant certains organismes gouvernementaux. Quand un citoyen communique avec
nous parce que ça fait deux ans et demi qu'il est assis sur sa chaise et
qu'au bout de son téléphone il attend toujours que sa cause
procède quelque part, eh bien! qu'est-ce qu'on peut faire? Ça
fait deux ans et demi qu'il est préjudicié. Alors, on fait des
recommandations pour l'avenir. Alors, finalement, les recommandations, les 77
cas où les corrections ont été apportées pour
l'avenir seulement, c'est principalement des situations comme ça
où on ne peut rien faire parce que le mal a été fait dans
le passé.
La question 17: Dans un mémoire déposé à la
commission, le groupe de 13 présidents d'organismes d'adjudication
qualifiait de déficiente l'information contenue dans le rapport et
surtout celle fournie aux organismes. Ainsi, le
groupe soulignait-il l'importance de connaître la nature des
plaintes qui sont adressées au Protecteur du citoyen, les correctifs
recherchés et les raisons pour lesquelles une plainte a
été jugée fondée. Ces commentaires vous
semblent-ils justifiés? Je dirais oui, en partie.
En deux mots, si je reprends la facture du rapport annuel, vous noterez
que dans le rapport annuel il n'y a pas de chapitre sur tous les
ministères et tous les organismes qui font l'objet de nos interventions,
parce qu'à un moment donné ça pourrait devenir une
encyclopédie, certaines années. Je pense qu'on se limite
peut-être aux ministères et aux organismes avec lesquels on
pourrait avoir plus de difficultés, ou aux ministères ou
organismes où il y a vraiment des cas très patents, des cas
très délicats ou des cas importants, quoique, pour le citoyen, il
n'y ait pas de petits cas, mais en termes de jurisprudence, très
importants pour l'ensemble de la collectivité. C'est donc que nos
rapports annuels ne contiennent pas chacun un chapitre sur chacun des
organismes. Il faut dire que ça fait l'affaire de certains, mais il faut
dire qu'il y en a qui aimeraient être dans notre rapport annuel.
Cependant, dans les tableaux statistiques à la fin, il y a quand
même la liste de toutes les interventions par rapport aux 115
ministères et organismes du gouvernement. Bon. Donc, notre rapport
annuel a une portée limitée, il ne peut pas tout contenir.
D'un autre côté, c'est vrai qu'on a des problèmes
pour donner une information très très précise sur tous les
dossiers et de manière automatique. Lorsque nous faisons nos rapports
aux dirigeants d'organismes et aux ministères, dans certains cas, nous
avons un problème avec notre système informatique et nous sommes
donc le problème. Cependant, je peux vous dire que, lorsque
spécifiquement un organisme ou un ministère nous demande
véritablement de ventiler les interventions qui apparaissent au rapport
annuel pour savoir quelle était la nature des interventions, si la
plainte était fondée ou pas, les détails du dossier, nous
lui transmettons les informations, mais nous sommes obligés de le faire
de manière manuelle et artisanale comme au bon vieux temps. Alors, des
fois, ça prend du temps. (11 heures)
La question 18. Vous me posez la question à savoir comment il se
fait qu'alors que la Loi sur le Protecteur du citoyen prévoit un rapport
général à l'Assemblée nationale, un rapport annuel,
l'institution du Protecteur du citoyen n'a pas, comme telle, fait de rapports
spéciaux à l'Assemblée nationale, comme c'est prévu
à l'article 27 de la loi? Je pense que j'aurais une réserve ou
une nuance à apporter en ce sens que nous avons, effectivement, eu
recours à des rapports spéciaux, sauf qu'on ne les intitule
peut-être pas comme ça. On le saura pour l'avenir. Vous savez,
nous avons déposé un rapport spécial sur le projet de loi
sur l'aide financière aux étudiants, nous avons
déposé un mémoire sur le projet de loi 120, en mars 1990,
et, suite à la commission Lemieux-Lazure sur l'application de la Loi sur
la fonction publique quant à la qualité des services aux
citoyens, nous avons aussi déposé un rapport spécial sur
ce sujet particulier. Ceci étant dit, je pense qu'on devra, à
l'avenir, les intituler comme ça, parce que c'est vrai que ce sont des
rapports spéciaux.
Maintenant, pourquoi n'y a-t-il pas de rapports spéciaux plus
souvent à l'Assemblée nationale sur des problèmes avec les
ministères? Il y a peut-être la dynamique de l'institution qui
joue beaucoup là-dedans. Le rapport spécial, on le conçoit
souvent lorsque, par exemple, une recommandation n'est pas suivie par un
ministère ou par un organisme, ou même lorsque le Protecteur du
citoyen en avise le Conseil des ministres. Donc, les recours qui restent pour
l'institution, c'est soit le rapport spécial à l'Assemblée
nationale, soit l'utilisation des médias, comme c'est prévu dans
une autre disposition de la loi.
Vous savez, la manière dont nous fonctionnons c'est que, dans 98
% des cas, la majorité des recommandations est effectuée par les
délégués du Protecteur du citoyen. Dans 98 % des cas, ce
sont mes collaborateurs et mes collaboratrices qui règlent les dossiers
avec les différentes instances de l'administration. Ça ne se fait
généralement pas au premier niveau, mais au deuxième
niveau, au niveau des gestionnaires du ministère et de l'organisme.
C'est là que les dossiers se règlent, pour la plupart. Ça,
c'est une chose. Et pour 98 % de nos dossiers, finalement, on n'a pas à
aller plus loin que cette demande qui a été faite par mes
collaborateurs et mes collaboratrices et qui a été
acceptée, finalement, par le ministère ou l'organisme.
Par ailleurs, si ça ne fonctionne pas, si, par exemple, une
demande faite par mes collaborateurs et mes collaboratrices n'est pas suivie
par l'administration, la loi prévoit que le Protecteur fasse une
recommandation officielle au ministre responsable du ministère
concerné ou au dirigeant de l'organisme concerné. Donc, c'est une
recommandation officielle qui est faite cette fois-là, mais le processus
d'enquête fait en sorte qu'avant de faire la recommandation officielle,
la loi prévoit que le Protecteur du citoyen demande au ministre de
corriger la chose, à moins qu'il n'ait des motifs pour justifier la
chose telle quelle. En d'autres termes, c'est la règle audi alteram
pattern, l'occasion d'être entendu; le ministre est entendu avant qu'on
fasse une recommandation officielle, ou le dirigeant de l'organisme est entendu
avant qu'on fasse une recommandation officielle. Ce qui fait que, dans le
processus d'enquête et de recommandation, il y a cette
étape-là. Et ce n'est que lorsque le ministre ou le dirigeant
d'organisme nous a répondu et que nous ne sommes pas satisfaits de
ses commentaires que, là, nous prenons position officielle et que
nous transformons ça en recommandation officielle.
Or, dans tout ce processus, à l'usure parfois, par sagesse
d'autres fois, les recommandations sont, en général, suivies.
Donc, c'est très rare qu'on ait des recommandations qui ne sont pas
suivies. Il y a le recours au Conseil des ministres, mais c'est un recours tout
à fait inutile, illusoire et superfétatoire, à cause du
principe normal de la solidarité ministérielle. C'est un recours
et ce n'en est pas un. Alors, ce qui fait que, finalement, pour des dossiers
particuliers, c'est très rare qu'on soit rendu au stade où il
faut dénoncer le fait qu'une recommandation n'a pas été
suivie. Voyez-vous, l'an dernier, dans le rapport que vous avez vu, il y en a
trois qui n'ont pas été suivies. Elles n'ont pas
été mentionnées spécifiquement, je vous l'ai
mentionné ce matin, mais c'est extrêmement rare. Donc, c'est un
peu la situation.
Vous savez, le Protecteur du citoyen, ce n'est pas un tribunal, ce n'est
pas un inquisiteur. Le Protecteur du citoyen, c'est une technique de justice
douce, de justice légère. On n'arrive pas avec un arsenal de
munitions. On tente de persuader, de convaincre, de se mettre à la place
du citoyen; on demande à l'administrateur, à l'attaché
politique ou au ministre de se mettre à la place du citoyen, comme vous
le faites, comme parlementaires, lorsque vous écoutez vos commettants et
que vous transmettez des plaintes; vous demandez que des solutions soient
apportées à des problèmes qui vous sont exposés
dans vos bureaux de comté. On n'est pas là pour frapper, on n'est
pas là pour agir de manière drastique; on est là pour
convaincre. Donc, c'est un processus qui est lent, mais c'est un processus qui
est riche de conséquences parce que, en même temps, on agit comme
agent de changement, on change des cultures organisationnelles. Ce qui fait
qu'on a très peu de dossiers comme ça.
Cependant, il y a, depuis quelque temps, certains problèmes
majeurs dans la conduite de nos enquêtes avec certains ministères
du gouvernement. Je peux vous dire que, d'ici la fin de l'année, je vais
déposer un rapport spécial à l'Assemblée nationale
parce que certains ministères font de l'obstruction quasi
systématique dans nos enquêtes. Alors, je pense que c'est un cas
qui doit être soumis aux membres de l'Assemblée nationale, parce
que je pense que la situation est extrêmement grave, pas pour
l'institution que je représente, pas pour l'institution qui est votre
bras droit, d'une certaine manière, mais pour les citoyens qui sont
derrière le dossier. Quand il y a une forme d'obstruction
systématique, ça ne peut pas marcher, ça n'a plus de sens,
dans une démocratie comme la nôtre. Alors, vous aurez, cette
année, un rapport spécial sur le cas de deux ou trois
ministères qui, véritablement, je dirais à tout le moins,
agissent terriblement lentement.
Le quatrième chapitre porte sur l'extension de la
compétence du Protecteur du citoyen. La première question que
vous posez concerne la demande d'extensionner le mandat du Protecteur du
citoyen au réseau de la santé et des services sociaux. Avant de
répondre directement à la question, je voudrais quand même
rappeler certaines choses. On peut se poser la question: Pourquoi, en 1991,
plusieurs organismes du gouvernement et plusieurs réseaux du
gouvernement ne peuvent-ils faire l'objet d'interventions du Protecteur du
citoyen? Il y a l'histoire, la petite histoire.
Vous savez, le réseau de la santé et des services sociaux
est un réseau parapublic qui a été créé
après les années soixante-dix. Or, la Loi sur le Protecteur du
citoyen a été adoptée en 1968 par un autre gouvernement.
À l'époque, le critère d'intervention du Protecteur du
citoyen, c'était le fait que le ministère ou l'organisme avait du
personnel fonctionnaire au sens, à l'époque, de la loi sur le
service civil. Quand le gouvernement a décidé d'assumer ses
responsabilités en matière de santé et de services
sociaux, il a créé un réseau parapublic où le
personnel n'est pas nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique,
mais en vertu d'un autre système que vous connaissez bien. Alors, donc,
l'ajustement n'a pas été fait dans la Loi sur le Protecteur du
citoyen, même si le réseau de la santé et des services
sociaux est peut-être le réseau où les gens souffrent le
plus. Ça n'a pas été fait, même si la commission
Castonguay-Nepveu, dans son rapport sur la réforme des services de
santé, avait explicitement demandé que le Protecteur du citoyen
ait juridiction sur le réseau.
Ensuite, la question de l'extension de la juridiction, vous savez, je
n'ai pas inventé quoi que ce soit. Je n'ai pas inventé la roue et
je n'ai pas réinventé la roue. Il y a eu des études faites
au niveau gouvernemental. Il y a eu le rapport Harnois sur la santé
mentale, le rapport Bussières sur les personnes âgées, la
politique de santé mentale déposée par Mme Lavoie-Roux, en
avril 1989, qui disait que les recours indépendants et efficaces dans le
réseau de la santé et des services sociaux étaient
à peu près nuis ou désuets. Et ce sont toutes ces
personnes, en commençant par la commission Castonguay-Nepveu, qui ont
dit: II faut que les bénéficiaires du réseau de la
santé et des services sociaux puissent avoir un recours simple qui soit
accessible et qui soit efficace. Lorsqu'en 1990 le ministère a
formé un comité ministériel qui était
présidé par M. Roger Paquet, ce comité ministériel
du gouvernement dénotait que la situation du respect des droits
était très déficiente dans le secteur de la santé
et des services sociaux et donc arrivait aux mêmes conclusions qu'il
fallait donner un recours à un ombudsman parlementaire.
Moi, ce que je peux vous ^re, c'est que depuis que j'occupe les
fonctions de Protecteur du citoyen nous avons énormément de
plaintes que nous ne pouvons traiter directement, bien sûr. Ça m'a
beaucoup préoccupé comme Protecteur du citoyen. Je me disais:
Comment se fait-il qu'une personne qui n'est pas toujours démunie
là, qui est au ministère du Revenu, qui a un problème
fiscal avec l'impôt, elle vient au Protecteur du citoyen parce que les
services sont rendus par des fonctionnaires, et que la personne qui est prise
quelque part dans un établissement du réseau de la santé,
qui a épuisé tous les recours, même avec les organismes qui
existent comme les comités de bénéficiaires, l'ombudsman
hospitalier et puis les différents programmes d'appréciation de
la qualité qui existent, ne le peut pas? Comment se fait-il qu'il y ait
encore du monde qui ne peut pas faire autrement que de rentrer sous le lit,
finalement? Parce que ce sont des milieux extrêmement fermés.
Vous savez pour les personnes qui sont en longue durée, il y a
beaucoup d'analogie sur certains plans, je dis bien, entre la vie
carcérale et la vie en établissement. Bien, ça arrive
ça. Alors, je me suis dit, il faut qu'il y ait un recours externe, un
recours qui soit un peu plus efficace. C'est pour ça que, l'an dernier,
lorsque le ministre de la Santé et des Services sociaux tenait des
audiences sur le projet de loi qui avait été
préparé par Mme Lavoie-Roux, nous avons suggéré la
mise sur pied de tout un mécanisme de traitement de plaintes avec un
recours externe. Alors, c'est un peu comme ça que se situe la position
du Protecteur du citoyen dans le dossier du réseau de la santé et
des services sociaux.
À la question suivante, c'est-à-dire la question 19, une
fois cette entrée en matière faite, vous me demandez quelle est
la nature des plaintes que nous avons reçues et vous demandez, si jamais
le Protecteur du citoyen obtenait juridiction pour intervenir dans le
traitement des plaintes provenant du réseau, est-ce qu'on ne croit pas
que le Protecteur serait submergé par le nombre de plaintes. (11 h
15)
Alors, à la première sous-question, je peux vous dire que,
évidemment, comme ce sont des cas où nous n'avons pas
compétence, nous ne tenons pas un détail de ces
plaintes-là avec la nature de la plainte comme telle, avec un code et
tout ça. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on tient quand même
des notes et que, d'une manière générale, les plaintes que
nous recevons peuvent porter tant sur la qualité des soins ou des
services que sur la négligence du personnel, parfois sur les relations
de travail, les congés, les frais de séjour, les problèmes
avec les ambulanciers et les transferts d'un centre de santé à un
autre, la perte d'objets, le non-respect de la confidentialité ou encore
la difficulté d'accéder à certains documents.
On a des plaintes également qui émanent de familles
d'accueil qui ont des problèmes avec les CSS contre lesquels elles n'ont
aucun recours. Effectivement, votre question est tout à fait pertinente.
Est-ce que, si le Protecteur du citoyen voyait sa compétence
élargie au secteur de la santé, il serait submergé? Bien,
je pense qu'il faut replacer la problématique dans un contexte bien
particulier. La recommandation que nous avons faite, c'est que le recours
ultime ne soit véritablement qu'un recours ultime. En d'autres termes,
nous avons proposé au ministre, ce qui a été retenu en
partie par le projet de loi 120, que chaque établissement soit d'abord
responsable de la qualité du traitement qu'il accorde aux personnes.
Donc, on a demandé que des responsables de plaintes soient nommés
à ce niveau-là et que des bureaux soient créés.
Nous avons également suggéré une deuxième
étape: des CRSSS qui deviendraient éventuellement des
régies régionales dans la nouvelle législation et qui
agiraient un peu comme recours de deuxième palier. Ultimement, nous
avions proposé un recours externe, un recours indépendant
celui-là, devant le Protecteur du citoyen. Alors, dans
l'hypothèse où le Protecteur du citoyen n'agit qu'en dernier
recours, il y a de très fortes chances pour qu'il n'y ait pas des
dizaines de milliers de dossiers dans une année.
Vous savez, par analogie - évidemment, les comparaisons sont
toujours un peu boiteuses - je prends, par exemple, le domaine de la
sécurité du revenu, de l'aide sociale. Vous savez qu'il y a 450
000 personnes maintenant, ou pas loin, qui reçoivent des chèques
mensuellement. Chaque dossier est revu au moins une fois par mois au minimum
par le ministère. Des questions sont posées et des
décisions sont prises. Donc, il y a plus de 10 000 000 de
décisions qui sont prises dans une année concernant simplement
l'aide sociale et, pourtant, nous ne sommes pas submergés. Mais, il faut
dire qu'il y a des recours à l'interne, qu'il y a des recours devant le
Bureau de révision, qu'il y a des recours à leur service des
plaintes et que nous faisons en sorte que ces recours soient le plus possible
utilisés. Ce qui fait qu'à partir du moment où il y a
certains recours ou encore, quand il ne s'agit pas de recours mais de
mécanismes de traitement de plaintes ou de service à la
clientèle, c'est évident qu'on ne peut pas être
submergés à ce point. Je ne peux pas vous donner de chiffres
exacts, mais ça ne dépasserait certainement pas les 1500 dossiers
par année.
Ce que je peux vous dire également, c'est que le fait que
l'institution, qui serait le recours externe, agirait un peu sur l'ensemble de
l'organisation de manière incitative, ça veut dire que beaucoup
de dossiers individuels seraient réglés bien avant d'arriver
éventuellement au Protecteur du citoyen et que, dans le fond, ce qui
resterait peut-être au Protecteur du citoyen, sauf les cas d'urgence
exceptionnelle, ce serait surtout des
questions que j'appellerais systémiques, les procédures,
par exemple, dans un hôpital, qui peuvent être lésionnaires,
certaines politiques quant aux congés. Je pense que c'est plutôt
des dossiers de type systémique qui arriveraient au Protecteur du
citoyen.
La question 20 porte sur l'opposition qui est exprimée par
certains groupes à l'extension de la juridiction du Protecteur du
citoyen au réseau de la santé et des services sociaux au motif
qu'il serait plus approprié d'améliorer les recours existants.
Vous posez la question également à savoir si le Protecteur du
citoyen devrait avoir compétence sur les actes professionnels.
Il y a eu effectivement trois groupes de défense des droits des
malades qui se sont opposés à l'extension de la juridiction du
Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services
sociaux. Mais je pense qu'il faut quand même replacer ces trois groupes
dans un contexte plus global. Sur les 45 groupes qui ont abordé la
question, 40 groupes estimaient nécessaire de doter les
bénéficiaires du réseau d'un recours véritablement
externe et, parmi ceux-ci, il y en avait 35 qui souhaitaient que le Protecteur
exerce son rôle selon des modalités variables. Je pense que ce
souhait rejoignait les différentes conclusions des divers groupes de
travail ou comités que je vous mentionnais un peu plus tôt.
D'un autre côté, vous avez, dans ces groupes, Auto-Psy et
le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale qui, eux,
favorisent un système d'"advocacy", mais souhaitent en même temps,
du même coup, que le Protecteur du citoyen intervienne quand il s'agit
d'un problème de loi, de règlement ou de procédure.
Il est vrai également de dire que plusieurs groupes ont
souligné la fréquence des problèmes relatifs aux actes
professionnels, particulièrement aux actes médicaux. Je peux vous
dire que cette question nous préoccupe, mais, depuis plusieurs mois,
nous sommes en train d'étudier le régime disciplinaire au sein
des corporations professionnelles. Nous nous apprêtons, à
l'été, à proposer au ministre responsable des
modifications législatives dans ce domaine. Je peux déjà
vous dire que nos conclusions seront vraisemblablement à l'effet qu'une
plus grande crédibilité et une plus grande efficacité ne
sauraient être atteintes sans retirer aux corporations la
responsabilité exclusive du régime disciplinaire. Il faudra
également, je pense, élargir les responsabilités à
l'Office des professions.
En somme, l'amélioration des recours existants s'impose de toute
évidence, mais ça n'exclut pas la création d'un recours
externe ultime. Le Protecteur du citoyen n'a jamais eu la prétention de
vouloir remplacer les recours existants ni de vouloir faire un double emploi.
Les bénéficiaires de la sécurité du revenu
disposent de plusieurs recours pour faire valoir leurs droits et, pourtant, le
Protecteur du citoyen intervient continuellement pour bonifier l'application de
la Loi sur la sécurité du revenu. Je ne pense pas que personne
ait dit que le Protecteur du citoyen, cette institution, faisait double emploi
avec d'autres personnes. Je pense que notre institution contribue à la
déjudiciarisa-tion des conflits, à une approche systémique
et que, lorsqu'on a une bonne collaboration de la part du ministère,
bien, ça se traduit par des résultats globaux et
généraux qui sont très très importants pour les
citoyens. Nous ne remplaçons pas les tribunaux et nous ne
remplaçons pas les groupes de défense des droits, pas plus qu'on
ne remplace Auto-Psy ou le Comité provincial des malades.
En ce qui concerne l'acte professionnel, je crois que, pas plus que dans
d'autres domaines, la juridiction du Protecteur ne devrait couvrir les actes
professionnels. Vous savez, je pense qu'il y a des mécanismes existants.
Il y a le Code des professions, il y a la déontologie professionnelle.
Je pense qu'il y a des failles énormes dans le système actuel sur
le contrôle de la qualité ou de l'opportunité des
décisions ou de certains actes médicaux ou paramédicaux.
Je pense qu'il va falloir travailler a la source et modifier les règles
déontologiques de certains professionnels, et je ne parle pas que des
médecins, je parle, d'une manière générale, de tous
les 37 corps qui sont visés par le Code des professions. Il va falloir
également faire de cette discipline, de cette intervention pour le
citoyen qui en est victime quelque chose qui soit vraiment fait pour le monde
et non pas pour protéger la bureaucratie ou la technocratie. Alors, dans
la mesure où on va améliorer le système en ce qui touche
le contrôle des actes médicaux et paramédicaux à
l'intérieur de nos structures existantes, moi, je ne vois pas pourquoi
le Protecteur du citoyen aurait juridiction sur ces catégories
d'actes.
À la question 21, toujours en vous référant aux
arguments invoqués par certains opposants à
l'élargissement de la compétence du Protecteur du citoyen, vous
me demandez mon appréciation du recours ultime au ministre et de
l'opportunité du maintien et de l'accessibilité accrue du recours
à la Commission des affaires sociales.
Le recours au ministre. Le respect des droits des citoyens
consommateurs, pour reprendre les termes de la réforme proposée
par le ministre de la Santé et des Services sociaux, ne pourra
être assuré que dans la mesure où tous les dispensateurs,
administrateurs du réseau en feront leur priorité ou leur axe de
référence. Ce postulat concerne autant le préposé
aux bénéficiaires que le directeur du centre hospitalier et, en
bout de ligne, le ministre responsable.
Nous avons vu que, pour opérer ce virage, il fallait d'abord se
doter d'outils tels les mécanismes internes de traitement de plaintes.
Le rapport au ministre se situe dans cette lignée. Il
témoigne de l'importance qu'il auc:.He au client et de
la possibilité qu'on lui reconnaît à ce client d'être
écouté par les plus hautes instances gouvernementales. Toutefois,
cette écoute privilégiée ne constitue pas
véritablement un recours. Elle sera sans doute l'occasion de
régler plusieurs situations conflictuelles et de travailler, je le
souhaite, sur les sources des problèmes. Mais elle ne pourra jamais
remplacer un recours externe et entièrement objectif. Elle constituera,
le recours au ministre, la démarche ultime d'une organisation qui est
soucieuse des besoins de la clientèle et ce, même si le
ministère n'est pas partie intégrante du réseau. Il ne
faut jamais oublier que le ministre est quand même le responsable
national de l'organisation des services de santé et des services sociaux
et de l'octroi des budgets.
Il faut aussi remarquer que le recours au ministre, dont il est question
dans certains documents entourant le projet de loi 120, a toujours
été possible de tout temps et que de l'instaurer dans le projet
de loi en tant que tel n'équivaudrait qu'à institutionnaliser le
statu quo. Tous les grands changements annoncés dans la réforme
ne se résumeraient donc qu'au traitement des plaintes dans les
établissements eux-mêmes.
D'ailleurs, malgré la bonne foi de tous, l'intervention du
ministre n'a pas empêché, en certaines occasions, les tribunaux
d'intervenir et de se prononcer au profit des bénéficiaires.
Ça n'a pas empêché les organismes de défense des
droits d'intervenir également. Mais vous savez, c'est
précisément le rôle d'un recours externe. Malgré
toute la meilleure volonté que peut avoir le législateur qui est
soucieux d'adopter des lois équitables, malgré le contrôle
le plus rigoureux de l'administration, aucune société
démocratique n'a envisagé l'abolition des tribunaux, incarnation
du recours externe et impartial. Ces derniers offrent la seule garantie que
justice peut véritablement être rendue en toutes
circonstances.
Mais le problème, c'est que le tribunal ne constitue pas
toujours, en cette matière, le recours ou le meilleur forum pour les
bénéficiaires du réseau de la santé et des services
sociaux. C'est donc, pour nous, la création d'un recours
indépendant, d'un recours simple, d'un recours adapté aux
besoins, qui ne va diminuer en rien le rôle du ministre ou de ses
sous-ministres, ni le rôle des dirigeants d'établissements, ni des
dispensateurs de services, mais qui va ultimement offrir encore la meilleure
garantie dans le respect des droits de chacun.
Quant à la question, maintenant, du maintien du recours à
la Commission des affaires sociales, je voudrais bien me faire comprendre par
la commission sur le rôle de la Commission des affaires sociales en
matière de recours pour les bénéficiaires. D'abord, la
Commission des affaires sociales n'est pas un recours pour les
bénéficiaires. Elle est un recours strictement pour les CRSSS. La
loi prévoit que, si un CRSSS à qui un citoyen a formulé
une plainte donne raison au citoyen et que la recommandation du CRSSS n'est pas
suivie par l'établissement impliqué, là, le CRSSS peut
s'adresser, à sa discrétion, à la Commission des affaires
sociales. (11 h 30)
Je suis favorable au maintien du recours à la Commission des
affaires sociales, mais je peux vous dire une chose, c'est que, de toute
façon, quand bien même on renforcerait le recours, quand bien
même on donnerait un droit direct aux citoyens d'aller devant la
Commission des affaires sociales, ça ne réglera pas 80 % des
problèmes, parce que la Commission des affaires sociales est un
tribunal. Un tribunal juge et statue en droit. Or, les problèmes que
vivent les bénéficiaires dans les centres du réseau de la
santé et des services sociaux ne sont pas, pour la plupart, des
problèmes de nature juridique, mais des problèmes de conditions
de vie, des problèmes d'opportunité, des problèmes de
"raisonnabilité" qui n'ont rien à voir avec la Loi sur la
santé et les services sociaux, ou très loin de la loi, et qui
n'ont rien à voir, pour beaucoup, avec l'application des chartes des
droits.
C'est donc que le recours à la Commission des affaires sociales,
même s'il est élargi, ne réglera pas plus de 20 % des
problèmes. C'est tellement vrai que si je regarde les cinq cas qui ont
été soumis à la Commission des affaires sociales depuis
que le régime existe, il y en a la moitié qui a été
rejetée par la Commission des affaires sociales parce que la Commission
n'a pas juridiction; c'étaient des questions d'équité, des
questions d'opportunité et non pas des questions de droit. Je ne pense
pas que le gouvernement puisse demander à un tribunal de
dénaturer ses fonctions, de faire respecter le droit strictement. Donc,
ma position, c'est qu'il faudrait, d'une part, élargir le recours des
citoyens devant la Commission des affaires sociales, mais avec la limite que
ça représente de toute façon.
Alors, je disais donc que le recours au ministre, ce n'est pas un
recours. Ce n'est pas un recours. C'est tellement vrai que si c'était un
recours, je dirais: Abolissons non seulement les tribunaux, mais le Protecteur
du citoyen aussi, parce que chaque usager d'un service gouvernemental peut
s'adresser ultimement au ministre s'il n'est pas content. Ce ne sera jamais un
recours. C'est un recours de type politique et non pas un recours de type
juridique.
Les hypothèses que vous soulevez: recours à un
sous-ministre. Bien, je pense que !e recours à un sous-ministre, ce
n'est pas un recours non plus. Le recours à un sous-ministre, c'est,
encore une fois, une possibilité que la haute administration puisse
écouter, à l'occasion, du monde ordinaire qui s'adresse à
un sous-ministre pour lui demander de faire corriger des décisions qui
sont dans son organisation. Mais il ne s'agit pas d'un recours
indépendant, il ne s'agit pas d'un
recours neutre, d'autant plus que vous savez très bien que les
sous-ministres sont les principaux élaborateurs, penseurs et concepteurs
des systèmes et qu'il est tout à fait normal qu'un sous-ministre,
une fois qu'il a élaboré, conçu, avalisé un
système qui a été ratifié par son ministre, ne
change pas les procédures si facilement. Ceci étant dit, qu'on
ouvre la voie vers les sous-ministres pour qu'ils puissent parier au monde, je
suis entièrement d'accord, mais ce ne sont pas des recours comme
tels.
Recours à un ombudsman spécialisé. C'est une
hypothèse qui mérite d'être envisagée; ça se
fait dans une juridiction à travers le monde. La question qui se pose:
Est-ce qu'à l'instar de ce que l'on fait actuellement, et depuis de
nombreuses années, dans les différents gouvernements... On a
multiplié les tribunaux administratifs à la tonne, à un
point tel qu'il n'y a plus personne qui s'y retrouve, même pas les
avocats. On est en train, actuellement, de multiplier à la tonne tous
les recours à toutes sortes d'ombudsmans spécialisés,
qu'ils soient "executive", législatif, services à la
clientèle. Aujourd'hui, le monde est mêlé dans tout
ça. C'est une optique, bien sûr, que de multiplier les protecteurs
du citoyen, mais je ne pense pas que ça aide la population. Je pense que
ça aide plus l'administration, surtout quand elle a le contrôle
sur son propre ombudsman.
Pour le recours, l'élargissement du recours au Protecteur du
citoyen, je pense que je ne me répéterai plus, dans mes papiers
à tout le moins. Je pense que j'ai parlé assez, depuis trois ans
que je dis qu'il faut un recours, et je n'ai plus rien à dire
là-dessus.
À la question 23, on me demande si, à tout le moins, il
serait souhaitable de confier au Protecteur du citoyen la charge de la
coordination et de l'évaluation du processus de traitement des plaintes
des établissements, avec ou sans le pouvoir d'agir comme recours ultime.
Il est évident que, comme institution, si le législateur lui
accordait le pouvoir d'évaluer la qualité et la
célérité des mécanismes de traitement de plaintes
à l'intérieur du réseau de la santé, que ce soit au
niveau des établissements eux-mêmes ou au niveau des régies
régionales, le Protecteur du citoyen ne reculerait devant rien pour
faire en sorte que les citoyens soient bien traités par le
réseau, même s'il n'avait pas juridiction dessus. Ce que je peux
vous dire aussi, c'est que c'est quand même artificiel parce que, pour
faire une évaluation d'un système de traitement de plaintes,
encore faut-il qu'on sache de quoi les plaintes retournent. Alors, là
encore, ce serait, je pense, donner au Protecteur du citoyen quelque chose
d'à peu près inutile pour le vrai monde.
Question 24. Dans son mémoire, le Barreau du Québec, tout
en affirmant que l'ombudsman devrait avoir juridiction sur tout organisme
public ou parapublic qui rend des services directs à la population - par
exemple Hydro-Québec - et dont le fonds social fait partie du domaine
public, laisse entendre que sa compétence ne devrait pas
s'étendre aux autres organismes relevant de l'Assemblée
nationale, soit le Vérificateur général, le Directeur
général des élections, la Commission d'accès
à l'information et la Commission des droits de la personne. En somme, ce
que le Barreau dit: Tout ce qui relève de l'Assemblée nationale
ne devrait pas être assujetti à la juridiction du Protecteur du
citoyen. Sauf que je vais être obligé de faire des distinctions
que le Barreau ne fait pas.
Qu'est-ce qui relève de l'Assemblée nationale?
Directement, il y a trois organismes. Il y a le Vérificateur
général, le Directeur général des élections,
puis le Protecteur du citoyen Les autre organismes, bien sûr que pour
plusieurs d'entre eux, les membres sont nommés par l'Assemblée
nationale, mais l'Assemblée nationale n'a aucun lien direct avec ces
organismes-là. Qu'il s'agisse de la Commission des droits de la
personne, qu'il s'agisse de la Commission d'accès à
l'information, tous ces organismes sont des organismes qui relèvent du
gouvernement et non pas des députés. Ils sont chapeautés
par un ministre du pouvoir exécutif. Les budgets de ces organismes sont
déterminés par les ministres et les sous-ministres. Ces
organismes n'ont pas le pouvoir de discuter directement de leurs budgets avec
l'Assemblée nationale ou avec le Conseil du trésor. Tous ces
organismes sont des organismes du gouvernement. Les seuls qui n'en sont pas,
c'est, comme je le disais, le Directeur des élections, le
Vérificateur général et le Protecteur Quant au reste,
ça relève du pouvoir exécutif.
Or, si on parle du pouvoir exécutif, quel est le rôle de
l'Assemblée nationale, entre autres? Le rôle de l'Assemblée
nationale, c'est de vérifier l'utilisation des fonds qui est faite par
ces organismes et aussi de voir à ce que ces organismes ne commettent
pas d'abus envers les citoyens et les commettants. Pour ce qui est de
l'utilisation des fonds, ça va bien. Le Vérificateur
général, lui, il a le droit d'aller à la Commission des
droits de la personne pour vérifier si on utilise bien les fonds de la
Commission. Il a le droit d'aller à la Commission d'accès pour ce
faire. Le Vérificateur général relève des
députés. Mais le Protecteur du citoyen, lui, il n'a pas le droit
d'aller à la Commission des droits et il n'a pas le droit d'aller
à la Commission des services juridiques pour voir si les services rendus
par ces organismes sont des services rendus en toute "correc-tude", en toute
équité et conformément à la loi. Alors, moi, je ne
comprends pas l'incohérence de la séparation des pouvoirs. Ce que
je peux vous dire, c'est que, si le Vérificateur général
est un outil, pour vous, pour "checker" si une commission quelconque utilise
bien ses deniers, expliquez-moi pourquoi le Protecteur du citoyen ne
peut pas ôtre un outil quand, ~nr exemple, et vous en
avez dans vos bureaux de comté, quelqu'un se plaint de
l'admissibilité à l'aide financière et à l'aide
juridique. Et il y en a de plus en plus qui s'en plaignent, puis on s'en
plaint, pas parce que les fonds nécessairement - c'eb! sûr qu'il
n'y a plus d'argent... Mais c'est que les administrateurs, qui sont-ils?
Regardez un peu comment ça fonctionne. C'est un gros parlement,
ça, la Commission des services juridiques. Il y a la Commission qui est
postée à Montréal. Il y a des régions partout et
des corporations régionales autonomes indépendantes de qui
relèvent plein de bureaux locaux, une centaine de bureaux. Voici comment
s'administre l'aide juridique. En général, elle est bien
administrée. Bien sûr, quand on entre dans les normes, ça
va bien. Mais pourquoi un avocat que je ne nommerai pas, lui, prend en compte
le fait qu'une personne a dans son compte de banque 3000 $ pour lui refuser
l'admissibilité et un autre avocat, un peu plus dans le nord, lui, n'en
tiendra pas compte et va accepter l'admissibilité? Et qu'est-ce qui
arrive pour les citoyens qu'on représente, tout le monde, quand ils le
savent et quand ils le peuvent surtout, quand ils ne sont pas
écoeurés? Parce que, quand ils viennent à l'aide
juridique, ils sont déjà terriblement écoeurés, ces
citoyens. Ils vont devant le recours exceptionnel qui est prévu dans les
lois, devant la Commission. C'est donc pratique pour des citoyens. Alors donc,
les services d'aide juridique, c'est financé par le privé,
ça? Pas du tout. Ça coûte pas loin de 100 000 000 $ par
année. C'est les taxes, c'est les impôts des contribuables qui
payent ça. C'est le Parlement qui a adopté des lois qui offrent
des services juridiques à tout le monde, à tout le monde, dans la
mesure où on est une personne relativement démunie et dans la
mesure où on a une apparence de droit. Or, comment se fait-il que pas
même un député n'a le droit de se mettre le nez
là-dedans, à toutes fins pratiques? Expliquez-moi ça,
là. C'est du monde et c'est avec l'argent du monde. Alors, expliquez-moi
pourquoi le Protecteur du citoyen qui est un bras droit du Parlement ne
pourrait pas, lui, intervenir au niveau de l'admissibilité quand il y a
des abus qui se commettent à l'occasion. C'est une denrée rare,
mais ça arrive à l'occasion.
Bon, alors donc... Et vous savez pourquoi on n'a pas juridiction, le
Protecteur du citoyen? Parce que les employés ne sont pas des
fonctionnaires au sens de la Loi sur la fonction publique. Il faut le faire!
C'est des services gouvernementaux payés à même les fonds
publics, mais parce que, pour des raisons historiques, ce n'est pas des
fonctionnaires au sens de la loi, on n'a pas juridiction, personne. Et il n'y a
même pas de contrôle par les tribunaux, puis ça, c'est le
bout du bout.
Ceci étant dit, je change de secteur, et je peux vous dire une
chose, c'est qu'au gré des années, des citoyens sont plus ou
moins protégés.
Voyez-vous, lorsque la Société immobilière du
Québec n'existait pas et que ses responsabilités étaient
assumées par un ministère, les gens pouvaient s'adresser au
député comme au Protecteur du citoyen. Aujourd'hui, parce que
quand on a créé la SIQ on leur a enlevé le statut de
fonctionnaires, il n'y a plus de recours. Par ailleurs, la SIQ me prie d'avoir
juridiction sur elle et je ne peux rien faire parce que la loi ne me le permet
pas.
Alors donc, les distinctions que fait le Barreau, ça n'a ni queue
ni tête. C'est une approche purement juridique et administrative.
Ça ne tient pas compte des véritables enjeux. Je pense que le
Protecteur du citoyen ne doit pas avoir juridiction sur les officiers que
l'Assemblée nationale a nommés, soit le Directeur des
élections, soit le Vérificateur général, même
si le Vérificateur général a juridiction chez moi. Mais
ceci étant dit, pour les autres organismes du gouvernement, je pense
qu'il y a un problème.
La question 25. J'ai répondu un peu aux questions 24 et 25, toute
la question, vous savez, ce sont les organismes pour lesquels les
employés ne sont pas assujettis à la Loi sur la fonction
publique. Alors, si demain matin, par exemple, imaginez ça, les prisons
provinciales étaient gérées par un organisme du
gouvernement plutôt que par un ministère et qu'on décidait,
pour différentes raisons, que les employés qui s'occupent des
prisons ne sont plus des fonctionnaires au sens de la loi, mais qu'ils sont
payés par le gouvernement à même les fonds publics,
ça veut dire que, demain matin, le Protecteur n'a plus juridiction.
C'est ça que ça veut dire. La loi est ainsi faite. Il faut penser
aussi qu'elle a été faite en 1968, à l'époque
où il y avait beaucoup moins d'organismes au gouvernement. (11 h 45)
À la question 26, vous me posez la question en rapport avec le
Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs
d'électricité. Lors de l'étude des crédits ou des
engagements financiers récemment, le ministère de la Justice a
déclaré avoir une opinion juridique à l'effet que le
Protecteur du citoyen n'a pas compétence sur le Commissaire aux plaintes
des clients des distributeurs d'électricité.
Vous me demandez si je pense qu'il est important de clarifier la
situation. Ma réponse, c'est oui, évidemment, parce que je pense
que nous avons une opinion juridique, nous, que nous avons rendue publique, que
nous avons remise au Commissaire aux plaintes, parce que nous pensons... Vous
savez, il y a beaucoup de gens qui se plaignent chez nous par rapport à
HydroQuébec et par rapport au Commissaire aux plaintes et nous pensons
avoir juridiction. Nous avons une opinion juridique. Ce que je peux vous dire,
c'est qu'il y a une opinion juridique du côté du pouvoir
exécutif et du Commissaire aux plaintes que nous n'avons pas, que nous
ne pouvons avoir et que, sous prétexte qu'il y a le
privilège clients et ministère... Et nous serons tenus,
pour la première fois en 20 ans au gouvernement du Québec, le
Protecteur du citoyen sera obligé de s'adresser aux tribunaux à
cause du manque de collaboration de certains organismes gouvernementaux pour
déterminer s'il y a compétence ou pas. C'est un
précédent. J'espère que ce ne sera pas un
précédent. J'espère, c'est-à-dire ce que
j'espère, parce que, en droit, un précédent, c'est des
choses qui justifient que ça vienne toujours par la suite... Mais voici
un cas, donc, où nous entendons.. J'ai retenu les services d'un
procureur et nous entendons faire débattre de la question par les
tribunaux. Je dois vous dire, en passant, que je trouve ça
extrêmement déplorable.
Question 27, quant au réseau scolaire. Dans mes demandes du 8
juin 1990, vous avez noté que je n'ai pas inclus l'élargissement
de la compétence du Protecteur du citoyen aux établissements du
réseau scolaire. Vous me demandez alors de vous dire si j'estimerais
souhaitable que les commissions scolaires et les établissements
scolaires de niveaux primaire, secondaire et collégial soient sujets
à l'intervention du Protecteur du citoyen et, si oui, selon quelles
modalités. Il y a une raison qui fait qu'on n'a rien demandé,
parce qu'à force de demander pour rien on ne demande plus. Je vais vous
l'expliquer.
En 1984, il y avait une loi qui s'appelait Loi sur l'enseignement
primaire et secondaire public, adoptée le 20 décembre 1984, qui a
été sanctionnée cette année-là, qui
prévoyait le droit de l'élève, et les élèves
comme les parents pouvaient recourir au Protecteur du citoyen. Donc, on
accordait juridiction, en 1984, dans cette loi-là. Mais vous savez comme
moi que cette loi-là a été invalidée pour des
motifs de constitutionnalité, elle a été invalidée
dans sa totalité par la Cour suprême du Canada, et c'est mort
là. En 1987 et en 1988, lors de la préparation et de
l'étude du projet de loi 107 destiné à remplacer la Loi
sur l'instruction publique alors en vigueur, je suis intervenu auprès du
ministre de l'Éducation et j'ai plaidé en faveur de la
reconnaissance de l'extension du mandat du Protecteur du citoyen à la
protection des droits de l'élève. De plus, dans une intervention
publique conjointe, le 6 décembre 1988, la Commission des droits,
l'Office des personnes handicapées et l'ancien Comité de
protection de la jeunesse, s'appuyant sur le consensus de 1984 en
matière de protection des droits de l'élève, avaient
réclamé que cette protection puisse être assurée par
le recours au Protecteur du citoyen. Mais le ministre n'a pas jugé
opportun de proposer cet élargissement de mandat ni de modifier le
projet de loi en conséquence, et c'est ainsi que la loi a
été adoptée par la suite sans aucun changement.
Même si j'estime souhaitable qu'en matière scolaire les
étudiants et les parents puissent bénéficier des
interventions du Protecteur du citoyen ou du moins d'un tiers
indépendant, je n'ai pas cru utile de rappeler ce besoin en 1990 puisque
la position gouvernementale sur la question venait d'être
confirmée par la nouvelle Loi sur l'instruction publique.
Mme Harel: II y a une expression qui dit: Cent fois sur le
métier remettez votre ouvrage.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: Merci. À la question 28, vous me demandez, pour
les cinq universités québécoises qui disposent
actuellement d'un ombudsman, s'il y aurait de meilleurs moyens afin d'assurer
à l'ensemble de la communauté universitaire du Québec un
système juste et équitable de traitement des plaintes. Vous
savez, ce n'est pas très compliqué. Les ombudsmans
d'université font beaucoup de bonnes choses, bien sûr, mais ils
sont extrêmement limités, ils n'ont pas de marge de manoeuvre, ils
relèvent directement de l'université. Ce sont des employés
qui n'ont pas d'indépendance. Parfois, leurs mandats sont
expressément limités. Et ils ont les moyens du bord; c'est
sûr qu'en ayant les moyens du bord et n'ayant pas de pouvoir
d'enquête, ils ne peuvent pas faire grand-chose.
Moi, je continue à prétendre que le meilleur recours,
c'est un recours à une institution externe et, à tout le moins,
on pourrait peut-être penser que, pour les universités, il
pourrait y avoir un recours auprès d'un super-ombudsman qui
relèverait du Conseil des universités. Ça assurerait
peut-être une plus grande indépendance par rapport à une
institution concernée, mais je demeure convaincu que les recours
à des ombudsmans de ce type seront, quoique très efficaces dans
bien des cas, quand même limités.
Pour ce qui est maintenant des municipalités, les
municipalités sont des gouvernements décentralisés. En
matière de traitement des plaintes des citoyennes et des citoyens dans
leurs rapports avec les gouvernements municipaux, vous me demandez de commenter
certaines hypothèses destinées à la solution la plus
adéquate de ces plaintes. Moi, je pense, d'une manière
générale, que toute municipalité devrait se doter,
à tout le moins, d'un service efficace de traitement de plaintes. C'est
la moindre des choses, c'est le service à la clientèle, puisque
les usagers des services municipaux sont des contribuables, eux aussi, qui ont
droit à la pleine application des lois et des règlements et
à la justice.
Il y a certainement des municipalités qui auraient les moyens,
à tout le moins si elles n'ont pas la volonté, mais qui auraient
les moyens de se doter d'un mécanisme de traitement de plaintes. Mais il
n'en reste pas moins que, encore une fois, je pense qu'il faut toujours un
recours à des institutions externes pour assurer la pleine
efficacité des recours. Évidemment, il
existe, là aucci, le recours aux ..ihunaux, mais vous connaissez
beaucoup de citoyens qui ont les moyens, le luxe, le goût et l'envie
d'aller se battre avec une municipalité en Cour supérieure,
sachant même d'avance que la municipalité a^ra les moyens de les
traîner en Cour suprême? Donc, ils n'ont pas de mécanisme
vraiment efficace adapté aux besoins de la population en matière
municipale.
Je pense qu'on pourrait envisager une espèce de loi-parapluie qui
permettrait, pour respecter l'autonomie des municipalités, parce
qu'elles ont des pouvoirs délégués que le Parlement leur a
confiés... Pour respecter leur autonomie, on pourrait prévoir,
notamment, que des municipalités puissent volontairement s'assujettir
à la juridiction du Protecteur du citoyen, passer des contrats de
services notamment, comme ça se fait d'ailleurs dans beaucoup de lois
nationales d'ombudsman, donc, sur une base volontaire, ce qui permettrait donc
un juste équilibre et le respect en même temps des gouvernements
municipaux.
À la question 30, vous me demandez s'il serait opportun que le
Protecteur du citoyen ait juridiction sur les compétences, sur les
décisions des tribunaux administratifs. Là-dessus, il faut dire
que j'ai beaucoup changé ou évolué sur la question depuis
que je suis là. Dans un premier temps, je croyais qu'il était
absolument nécessaire, par rapport à certaines décisions
de tribunaux administratifs, que le Protecteur du citoyen intervienne parce
que, en tout cas, dans certains cas, peut-être, on avait certains
problèmes. Mais, à un moment donné, il faut regarder la
situation en face.
Les tribunaux administratifs, même si, actuellement, ils ne sont
pas aussi complètement indépendants que l'on voudrait par rapport
aux bureaucrates des ministères, il reste que ces tribunaux
administratifs sont des tribunaux qui relèvent, à mon point de
vue, ou qui devraient relever du troisième pouvoir, le pouvoir
judiciaire. En tout cas, la même indépendance entre les pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire. Je pense donc que, si le
Protecteur du citoyen demandait de pouvoir étudier au mérite les
décisions des tribunaux administratifs, et je parle de véritables
tribunaux administratifs - la confusion est grande dans ce domaine, vous le
savez, parce qu'il y a beaucoup d'organisations qui agissent comme des
tribunaux, mais qui, dans le fond, ne sont pas autre chose que des
administrations qui ont quelque pouvoir de rendre des décisions... Mais
quant aux véritables tribunaux administratifs qui existent au
Québec, je pense que le Protecteur du citoyen ne doit pas avoir
juridiction sur la substance des décisions. C'est du même type que
le pouvoir judiciaire. Et si le Protecteur du citoyen, on lui donnait ce
pouvoir sur ces vrais tribunaux administratifs, on ne ferait
qu'accréditer la thèse que les tribunaux administratifs, les
vrais, relèvent du pouvoir i exécutif et sont le bras droit de la
haute administration de certains ministères. Donc, je pense que pour les
vrais tribunaux, ma réponse est non.
On a cependant juridiction sur les aspects administratifs des tribunaux
et on la conserve néanmoins, par exemple, sur les questions de
délai lorsque nous pouvons faire quelque chose, soit que les
décisions tardent à venir, soit que ça prend du temps pour
entendre une cause, soit parce que nous ne sommes pas d'accord avec la
décision d'un tribunal en rapport avec un organisme gouvernemental.
Parce que nous considérons que, finalement, même si la
décision en droit est bien fondée par le tribunal administratif
en question, nous pensons que dans les circonstances, l'appliquer aux citoyens,
ça créerait des injustices. À l'occasion, nous demandons
aux organismes visés par la décision des tribunaux administratifs
de ne pas appliquer intégralement la décision du tribunal.
Par ailleurs, je dois dire que j'espère, je souhaite pour les
justiciables du Québec qu'il y ait véritablement une
réforme en profondeur des tribunaux administratifs. Beaucoup de
documents ont été produits. Beaucoup d'études ont
été faites par des gens qui sont beaucoup plus experts que moi en
cette matière. Il y a eu des comités, il y a eu des commissions,
il y en a eu 12 précisément, depuis les années
soixante-dix, où l'on dit qu'il faut nécessairement un peu plus
d'organisation dans le fonctionnement des tribunaux administratifs, que les
règles de procédure des tribunaux administratifs soient un peu
plus harmonisées, qu'il y ait certaines fusions qui soient faites entre
les tribunaux administratifs parce qu'on ne se retrouve plus dans le
dédale des instances quasi judiciaires. On a dit tout ça et on le
redit. Tout ce que je souhaite, c'est que le législateur crée,
d'une part, un conseil des tribunaux administratifs à l'instar de ce qui
existe pour le secteur judiciaire et, en même temps, simplifie à
la fois les recours et les forums des tribunaux administratifs pour le monde
ordinaire. (12 heures)
Dans la question 31, la dernière question, vous souhaitez obtenir
des précisions sur ma proposition à l'effet que le Protecteur du
citoyen ait compétence sur les entreprises lorsqu'elles agissent en
vertu de contrats de services avec des ministères et organismes aux fins
de réaliser leur mandat. Là-dessus, je vais vous dire une chose:
Ça n'a pas de bon sens. Vous savez, la loi est ainsi faite qu'on a
juridiction sur la conduite des fonctionnaires lorsqu'ils sont fonctionnaires
au sens de la Loi sur la fonction publique, ou lorsque, dans un acte
très clair et formel, on leur a délégué des
pouvoirs. En d'autres termes, la loi du Protecteur permet à mes
collaborateurs de prendre une plainte, de faire une enquête si, par
exemple, on a confié l'exécution d'un mandat, on a
délégué formellement l'exécution d'un
mandat à un organisme privé. Mais alors, la technique,
elle est très simple: on ne délègue plus rien, on donne
des contrats de services. Et l'interprétation logique et juridique est
correcte, c'est qu'un contrat de services, ce n'est pas une
délégation au sens traditionnel juridique du mot. Ce n'est pas un
mandat, ce n'est pas une délégation. Conséquemment, il y a
de plus en plus de services gouvernementaux, payés par les citoyens,
pour les citoyens qui sont dispensés par des entreprises sur lesquels il
n'y a plus personne qui a de contrôle parce que, même les
ministères, dans les contrats, disent qu'ils ne sont plus responsables.
C'est le bout du bout. Donc, je pense que le transfert de
responsabilités au secteur privé, comme le transfert de
responsabilités au secteur municipal, il va falloir prendre garde, comme
législateurs, aux effets de ces transferts sur la protection des droits
des individus, des contribuables. Il faut faire en sorte que... pas parce qu'il
y a des choses qui sont assumées par d'autres, mais sous la
responsabilité ultime du gouvernement... Parce que les choses sont
assumées par d'autres, il n'y a plus un député, il n'y a
plus un ministre, il n'y a plus personne qui peut avoir un droit de regard sur
des actes déraisonnables posés par des entrepreneurs
privés!
Alors, ma suggestion, c'est qu'à chaque fois qu'une fonction qui
est dévolue au gouvernement provincial est exécutée par
une tierce personne, que ce soit par un mandat, par une
délégation formelle ou par un contrat de services, nous puissions
faire des enquêtes pour le compte des citoyens et nous puissions
enquêter sur la manière dont les organismes en question le font.
Parce que vous savez, moi, comment voulez-vous qu'on tienne une enquête
si le ministère me dit. Bien, nous, on va "checker" des affaires, mais
on n'a pas un pouvoir total, puis, ensuite, ils font les enquêtes pour
nous? On ne peut pas fonctionner comme ça. Ça nous empêche
de fonctionner. Donc, il nous faut absolument avoir une juridiction directe.
Écoutez, le législateur, en 1968, l'a dit clairement: Tous les
actes délégués, on a juridiction. Mais, à cette
époque-là, les contrats de services, il en existait certains,
mais ils n'étaient pas toujours écrits et, aujourd'hui, on a
développé le contrat de services avec des exclusions de
responsabilités, des clauses d'irresponsabilité pour tout le
monde Alors, c'est ma recommandation. Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Jacoby, de
nous avoir présenté votre mémoire, cet excellent
mémoire, et, comme je le mentionnais ce matin, d'avoir pu,
effectivement, répondre à toutes nos questions avec autant de
clarté et avec autant de diligence puisque, effectivement, nous vous
avons acheminé nos questions il y a moins de deux semaines. Alors,
j'aimerais, au nom de tous les membres de la commission, encore une fois, vous
féliciter et vous remercier pour cet excellent mémoire et,
deuxièmement, remercier aussi les membres qui vous accompagnent, votre
personnel qui a sûrement travaillé très fort
également à contribuer à la confection de ce
mémoire.
Je ne sais pas si je vous ai avisé tantôt, mais nous allons
poursuivre nos travaux jusqu'à 12 h 30 et, ensuite, nous reprendrons
après la période des affaires courantes jusqu'à environ 18
h 30 en fin d'après-midi. Nous sommes maintenant rendus à la
période d'échanges entre les membres de la commission et
vous-même, tout en vous signalant que deux de nos membres, probablement
cet après-midi, auront à travailler sur le projet de loi 120 en
commission parlementaire. Alors, je ne sais pas si ceux-ci voudraient profiter
de la demi-heure qu'il nous reste ce matin pour poser les questions qu'ils
veulent bien vous poser puisque nous tous serons ici cet après-midi, Mme
la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve, pour poursuivre la
période d'échanges avec vous-même.
Alors, je suis prêt à reconnaître un premier
intervenant qui veut bien se distinguer. M le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue et vice-président de la
commission.
Remarques préliminaires M. Rémy
Trudel
M. Trudel: Je me permettrai, bien sûr, de faire quelques
commentaires sur l'ensemble de la présentation que vous avez faite ce
matin Nous avons limité au minimum les remarques préliminaires.
C'est à ce moment-ci que nous devons marquer le point, en quelque sorte,
sur l'ensemble des réponses que vous avez apportées à nos
questions. Je vais joindre ma voix à celle du président pour vous
remercier de la célérité à rendre les
réponses, mais aussi de l'importance que vous avez donnée
à chacune de ces questions, ce qui, en termes de mandat à remplir
pour cette commission, est extrêmement important compte tenu de la
simplicité, de la franchise, de la clarté avec lesquelles vous
apportez réponse à nos questions. Dans ces questions de
protection des citoyens et des citoyennes vis-à-vis de l'administration
au Québec, on peut employer toutes les entourloupettes
nécessaires ou toutes les entourloupettes qu'on veut pour faire le tour
et, finalement, en arriver à dire que c'est plus compliqué pour
le citoyen et la citoyenne de faire appel que ce ne l'était dans tout
autre mécanisme, et, finalement, on laisse tomber, parce qu'on ne sent
pas, on n'a pas le sentiment qu'il y a quelqu'un ou une institution à
laquelle on peut faire appel et qui va prendre parti pour le citoyen ou la
citoyenne.
Pour la franchise, pour la clarté des réponses que vous
avez apportées à nos questions, pour l'instant, merci, mais il va
falloir encore aller un petit peu plus loin que cela,
parce que, vous voyez, le mai.-'^t de quasi-initiative qu'on s'est
donné ici, à celte commission parlementaire, de notre
côté, ce n'est pas, en tout cas, un mandat ordinaire. Sauf erreur,
ce sera la première fois, c'est la première fois depuis 1968
qu'on a l'occasion de se pencher de façon aussi large sur l'ensemble du
travail de l'institution du Protecteur du citoyen et de l'exercice de son
rôle vis-à-vis des citoyens et des citoyennes du
Québec.
Une vingtaine d'années plus tard, il n'est pas inutile - au
contraire, vos réponses le confirment amplement - de se poser ces
questions et surtout d'y apporter des réponses très
concrètes en termes de recommandations au gouvernement. De notre
côté, nous pouvons vous dire, M. le Protecteur du citoyen, que
nous allons aller encore plus loin que cela. Les recommandations que nous
entendons soutenir ici, à la commission des institutions, seront
également des engagements du Parti québécois de mettre en
oeuvre et de réaliser les modifications à l'institution et au
mandat du Protecteur du citoyen, institution à laquelle nous croyons
profondément, et laquelle nous semble essentielle au fonctionnement de
la société et surtout à la protection des droits des
citoyens et des citoyennes au Québec vis-à-vis de l'appareil
administratif, au sens très large du terme, nous pouvons vous le dire
d'ores et déjà. Nous allons, parce que nous avons
déjà discuté de l'ensemble des questions au caucus des
députés, avec la commission et peut-être au-delà de
la commission, parce que nous respectons également ce mécanisme,
prendre des engagements de modifications du mandat du Protecteur du citoyen et
prendre l'engagement de les appliquer, si nous avons, un jour, la
responsabilité gouvernementale.
Ce n'est donc pas un exercice purement bureaucratique, un exercice
d'examen général auquel nous assistons, quant à nous, ici.
Non, il s'agit plutôt de regarder effectivement 20 ans plus tard ce
qu'est devenue l'institution et comment elle s'acquitte de ses
responsabilités. Et c'est la première conclusion à
laquelle j'en arrive après vous avoir écouté
répondre à toutes nos questions pendant une couple d'heures.
La première conclusion générale à laquelle
il faut en arriver, c'est que l'économie générale de la
Loi sur le Protecteur du citoyen doit être revue profondément au
Québec. On ne peut plus penser refaire, ajouter, modifier quelques
aspects de la Loi sur le Protecteur du citoyen parce que l'État
lui-même, parce que l'administration de type gouvernemental s'est
extrêmement diversifiée sous différentes formes au cours
des 20 dernières années. L'économie générale
de la Loi sur le Protecteur du citoyen doit être revue, et ça nous
semble essentiel comme geste au cours des prochains mois et des prochaines
années. Nous retrouvons dans les réponses à nos questions
l'ensemble de l'argumentation qu'il faut précisément invoquer
pour s'assurer que le
Protecteur du citoyen ait effectivement, non seulement la
responsabilité, mais les effectifs et les moyens de protéger les
citoyens et les citoyennes vis-à-vis de l'appareil, vis-à-vis de
l'ensemble des responsabilités de l'État, qui sont
assumées par différents types d'organismes dont les formes ont
énormément évolué au cours des 20 dernières
années.
Dans ce sens-là, l'élargissement du mandat du Protecteur
du citoyen au domaine de la santé et des services sociaux, au domaine
scolaire et aussi au domaine municipal nous apparaît être, avec
différentes modalités, comme essentiel, absolument essentiel,
pour qu'on puisse avoir la perception au Québec que, dans nos rapports
avec nos administrations publiques, il y a une institution, il y a un
Protecteur auquel nous pouvons taire appel lorsque nous pensons être
lésés dans nos droits. Ça prend, encore une fois, de
multiples formes, mais nous devons, dans la population, au niveau de l'ensemble
des citoyens et des citoyennes, sentir cette possibilité d'avoir un
recours de type mécanique douce, de mettre en branle, de pouvoir faire
appel à un mécanisme qui nous sorte du grand arsenal des
tribunaux, duquel arsenal les citoyens et les citoyennes se sentent de plus en
plus exclus au Québec. Nous devons avoir cette justice douce et nous
pensons que l'accessibilité et la véritable réalisation
d'une justice douce au Québec, le mécanisme par excellence que
nous devons développer, c'est par l'institution qui s'appelle le
Protecteur du citoyen et ça nous apparaît essentiel.
Donc, l'élargissement du mandat, ça nous semble essentiel,
au secteur de la santé et des services sociaux, au secteur scolaire
également - ma collègue aura l'occasion de revenir amplement sur
cette question - au domaine scolaire, mais aussi aux autres formes d'organismes
qui ont reçu des délégations de pouvoirs, des
délégations d'administration de différents
ministères. Ça nous apparaît essentiel dans le contexte
actuel et il faut que ça fasse l'objet de préoccupations
fondamentales, la régionalisation des services du Protecteur du citoyen.
Ce n'est pas vrai, comme disait la Conférence des évêques
du Québec, que nous allons régler le problème de
l'accessibilité par l'élargissement au syndrome du 1-800 au
Québec. Ce n'est pas vrai qu'on va favoriser et qu'on va rendre
l'accessibilité égale à l'ensemble des citoyens et
citoyennes du Québec, dans les régions en particulier, en leur
fournissant le moyen mécanique d'un numéro sans frais. (12 h
15)
Le syndrome du 1-800, ou de la ligne INWATS, dénoncé par
la Conférence des évêques du Québec fait partie
intégrale de notre pensée et nous pensons qu'en particulier au
niveau de la protection des citoyens et des citoyennes vis-à-vis de
l'appareil administratif gouvernemental, nous devons refuser
systématiquement d'embarquer à nouveau dans un autre volet de
l'exercice
de cette pensée en disant: Parce que nous avons certaines
restrictions budgétaires, parce que nous avons une période
difficile, on va tout centraliser ça dans les grandes capitales.
À ce compte-là, comme disait "Deux Québec dans un", ce
à quoi on va finir, on va tous les rassembler sur IHe de
Montréal. Ça va être moins dense que sur IHe de Hong-Kong
encore et ça va être bien plus facile d'administration, on n'aura
plus de problèmes. Mais il ne faut surtout pas, surtout pas qu'une
institution comme le Protecteur du citoyen soit obligée finalement,
compte tenu des restrictions, de dessiner deux catégories de citoyens,
ceux et celles qui ont accès directement dans un rapport humain avec des
personnes chargées d'assurer la protection de leurs droits, et les
autres par le 1-800. Oui, c'est un moindre mal, mais ce n'est pas ça la
réponse, et il va falloir se donner de véritables objectifs de
concrétisation de la régionalisation de l'institution qui
s'appelle le Protecteur du citoyen.
Évidemment, l'autre question fondamentale à laquelle vous
apportez des réponses ici et qu'il faudra creuser, parce que c'est
éminemment important, c'est toute la question des interventions
systémiques du Protecteur du citoyen et ça, ça
apparaît, quant à nous, être un aspect fondamental du
travail de l'institution et du Protecteur du citoyen, parce que le
système produit de la discrimination envers un certain nombre de
citoyens et de citoyennes, de la discrimination extrêmement fine.
Il est vrai que certains effets pervers du système nous
amènent à des dénis de droits pour certains citoyens et
citoyennes, mais en disant: Malheureusement, c'est une règle
générale. Pensons ici à ce que ça veut dire pour
les citoyens et citoyennes les plus démunis, l'application
intégrale du programme APPORT par le ministère du Revenu. Il y a
là des scandales quasi indescriptibles parce que la machine
gouvernementale a été imprévoyante au niveau de ce que
ça pouvait donner comme résultat auprès des plus
démunis. Comment ne pas permettre au Protecteur du citoyen de
dénoncer de façon spéciale, par des rapports
spéciaux devant l'Assemblée nationale, de tels abus de
système? Je ne parle pas d'abus politique et d'abus de parti et de
gouvernement, je parle d'abus de système. Une personne qui a eu recours
au programme APPORT, de bonne foi, et dont la résultante fait en sorte
que, toujours en faisant appel à ce programme-là, elle doit
remettre 7000 $ au ministère du Revenu, comment penser qu'il s'agit
là d'un traitement équitable? Comment penser que l'application
des normes du programme ont véritablement aidé ces personnes?
C'est un scandale et nous devons donner au Protecteur du citoyen la
responsabilité d'examiner et de dénoncer de pareilles pratiques.
La même chose en ce qui concerne les populations carcérales, vous
avez apporté un certain nombre d'éléments de
réponses. On ne peut plus con- tinuer à fonctionner comme
cela.
Sur la question, donc, des rapports spéciaux du Protecteur du
citoyen, il nous faut, encore une fois, dans la révision de
l'économie générale de la loi, regarder ce chapitre avec
extrêmement d'attention pour que citoyens et citoyennes sentent qu'il y a
quelqu'un, qu'il y a une institution à laquelle ils peuvent faire appel
pour protéger l'exercice de leurs droits.
Évidemment, la question de la nomination d'un vice-protecteur en
particulier pour les populations autochtones doit être, quant à
nous, une recommandation qui s'inscrit au coeur de ce que nous donnerons comme
suivi dans ce mandat de quasi-initiative de la commission des institutions.
Accorder un recours, enfin, une façon d'être dans le recours au
Protecteur du citoyen pour les autochtones du Québec, c'est non
seulement reconnaître l'histoire de ces peuples, mais c'est aussi
contribuer de façon marquée à la préservation,
à la continuité, à la pérennité de
l'histoire de ces peuples. Et ça aussi, le recours au Protecteur du
citoyen, auprès de quelqu'un qui a une profonde connaissance, qui vit et
qui est des éléments culturels de ces peuples, ce doit être
une recommandation centrale à laquelle nous devrons nous attacher
lorsque nous aurons à traiter cet aspect dans notre rapport.
Pour ce qui est de l'ensemble de ce que nous pourrions appeler les
autres communautés culturelles, je pense qu'il faut l'envisager,
cependant, d'une façon tout à fart autre, parce qu'il s'agit ici
d'une société française qui veut aussi développer
sa culture, qui veut s'agrandir et qui veut approfondir ce qu'elle est comme
société. Et, dans ce contexte-là là, il nous faut
parler d'intégration au niveau global de cette société,
dans le respect des autres communautés et, il ne faut pas avoir peur de
le dire, entre autres, des droits des institutions de la communauté
anglophone.
Je terminerai, cependant, ces quelques remarques en disant, donc,
qu'au-delà de l'examen de certaines questions extrêmement
précises, il nous faut revoir l'économie générale
de la Loi sur le Protecteur du citoyen. Et je souhaite vivement qu'en
particulier nous puissions donner le ton de la revue générale, de
la revue de l'économie générale de cette loi par la
première recommandation qui devra, elle, venir très rapidement,
c'est-à-dire la recommandation quant à l'élargissement du
mandat du Protecteur du citoyen au secteur de la santé et des services
sociaux. Votre démonstration est extrêmement éloquente et
appuyée. On ne peut quand même pas laisser l'ensemble des citoyens
et des citoyennes du Québec, dans leurs relations avec leur
système de santé et de services sociaux, sans recours ultime
indépendant de l'autorité constituée et chargée de
dispenser ces services. Ça m'apparaft tellement impensable. Et il faut
quasiment... Oui, il faut vous féliciter de détruire le mythe de
la grosseur de l'institution du
Protecteur d'J citoyen qui ut '^ndrait, sous-entendu, de plus en plus
menaçante. Cast comme si on devait, effectivement, ramener les tribunaux
à leur plus simple expression parce qu'ils sont menaçants pour le
respect des droits. C^tte théorie "on ne veut pas que l'institution du
Protecteur du citoyen devienne plus grosse que l'État ou que les
ministères" n'a aucun sens, aucun fondement; elle est bien
détruite dans votre argumentation et la première manifestation
concrète que nous avons à réaliser, c'est d'avoir une
recommandation extrêmement ferme quant à la juridiction en dernier
recours, au niveau ultime, d'un mécanisme indépendant qui
s'appelle le Protecteur du citoyen, parce que c'est une institution qu'on s'est
donnée au Québec, qui a développé de l'expertise et
on ne commencera pas, quant à moi, à multiplier l'ensemble des
recours.
Ce que je vous dis, donc, comme réaction générale,
M. le Protecteur du citoyen, c'est que, de notre côté, nous allons
non seulement étudier finement chacune des réponses et des
recommandations que nous aurons à faire du côté de la
commission des institutions, mais nous allons également en faire des
engagements de caucus et de parti pour faire en sorte que ce soit très
clair: ces recommandations devront s'appliquer dans les années à
venir et nous prendrons l'engagement de les appliquer au niveau du Protecteur
du citoyen.
Là-dessus, je ne sais pas si ma collègue veut ajouter.
Mme Harel: Oui, mais je le ferai cet après-midi.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Trudel: II vous restera plus de
temps.
Discussion générale
Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le
député, étant donné que vous ne serez pas avec nous
cet après-midi, si vous avez des questions particulières, vous
êtes le bienvenu à les poser à M. Jacoby.
Élargissement du mandat du Protecteur du
citoyen
M. Trudel: Sur l'élargissement du mandat au secteur de la
santé et des services sociaux, je ne sais pas si nous avons mal
posé notre question ou si elle n'était pas suffisamment claire...
Votre réponse est claire, je la comprends bien, le Protecteur du citoyen
doit être, en troisième niveau, le recours ultime en
matière de protection des droits et de traitement des plaintes dans le
système de santé et de services sociaux. Mais il y a une
idée qui se glisse là de plus en plus et qui a été
présente également aux auditions que nous avons tenues il y a
quelques semaines, c'est-à-dire oui, avoir un troisième niveau de
recours externe au ministre, mais qui ne soit pas le Protecteur du citoyen.
Là-dessus, j'aimerais vous entendre. Est-ce que des organismes de type
communautaire pourraient constituer, par exemple, quant à vous, une
espèce de tribunal d'appel de dernière instance, de recours
ultime pour les citoyens et citoyennes dans l'exercice de leurs droits, dans le
système de santé et de services sociaux?
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: Je pense que les organismes communautaires, qu'il
s'agisse du secteur de la santé et des services sociaux ou d'autres
secteurs de l'activité humaine, sont des organismes qui font, d'abord et
avant tout, de la promotion des droits, de la défense des droits
à la manière d'"advocacy". Ce sont des organismes d'"ad-vocacy",
d'abord et avant tout. Il est certain qu'ils voient particulièrement
à ce que les conditions dans lesquelles les bénéficiaires
se retrouvent dans les établissements du réseau, que leurs droits
soient respectés, dans la plus grande mesure du possible.
Toutefois, vous savez, il ne s'agit pas d'un recours. Je pense qu'il est
extrêmement important de bien préciser, parce qu'il y a beaucoup
de confusion, particulièrement dans la technocratie gouvernementale,
entre les recours et le reste. Un organisme d'"advocacy", un organisme
communautaire est un organisme qui va se battre pour des positions. C'est un
organisme qui a un préjugé favorable dès le départ.
C'est un organisme qui, dans certains cas - et heureusement que c'est comme
ça - ne fera pas nécessairement la distinction qui s'impose quand
il s'agit d'apprécier la "raisonnabilité" d'une chose. Un recours
externe, un vrai recours externe, c'est un recours à des personnes ou
à une institution qui regarde tous les aspects du problème, qui
regarde la plainte d'un côté, qui regarde la position de
l'administration de l'autre côté, mais qui, pour ce faire, par
surcroît, a un pouvoir d'enquête. L'utilisation d'un organisme
communautaire n'a rien à voir avec le recours au Protecteur du citoyen.
C'est comme si on me demandait demain matin si on peut remplacer la Commission
des droits de la personne par la Ligue des droits et libertés. C'est
exactement la même chose. On a besoin d'organismes communautaires,
surtout dans ce secteur-là où on a des personnes hautement
vulnérables, des organismes d'aide et d'accompagnement. Un organisme
communautaire, ce qu'il fait, c'est de l'aide et de l'accompagnement. Il ne
décide rien. Alors, on en a absolument besoin et je souhaiterais que les
gouvernements, quels qu'ils soient, mettent encore plus d'argent au niveau de
ces organismes-là. Mais il ne faut pas confondre entre un recours et un
organisme d'aide et d'accompagné-
ment.
Mme Harel: À cet effet-là, juste une remarque. Je
remercie le Protecteur d'avoir fait parvenir aux membres de la commission
parlementaire ce décret du Conseil du trésor, cette directive qui
laissait croire que l'éventuel élargissement du mandat du
Protecteur à l'égard des bénéficiaires en perte
complète d'autonomie, par exemple, dans certains établissements,
serait financé à même l'enveloppe qui devait être
utilisée pour le financement des groupes communautaires, je pense. Et
vous nous avez fait parvenir cette directive parce que les groupes
communautaires qui s'étaient présentés devant nous
l'avaient dénoncée à bon droit. C'est deux recours
distincts, en fait; ce n'est pas simplement un recours. C'est deux
interventions complètement distinctes, et le danger, c'est de les
confondre.
Le Président (M. Dauphin): M le député,
peut-être en 30 secondes.
M. Trudel: Oui, 30 secondes. À la page 37, vous dites que
vous avez particulièrement des difficultés avec certains
ministères au niveau de la conduite de vos enquêtes et de la
collaboration. La question est simple, en deux secondes, lesquels?
M. Jacoby: Le ministère de la Sécurité
publique, le ministère des Affaires municipales et le ministère
de la Justice.
M. Trudel: Et quels sont les motifs les plus probables que vous
pouvez décrire pour le refus de cette collaboration, quant à
vous?
M. Jacoby: C'est que, vous savez, lorsque des dossiers deviennent
extrêmement contentieux, ça prend toujours la forme d'avis
juridiques. Sécurité publique et Justice sont
équipés et c'est leur rôle comme jurisconsultes d'avoir des
avis juridiques. Alors, on est rendu au stade où, par rapport à
certains dossiers qui sont encore en cours d'enquête, il nous est
absolument impossible de savoir quels sont les motifs de l'administration dans
telle ou telle prise de décision. On ne peut pas savoir pourquoi parce
qu'on nous dit: L'avis juridique d'un avocat du gouvernement, c'est
confidentiel. Je ne ferai pas le débat sur la question juridique, mais
moi, ce que je peux dire, c'est que j'ai toujours mis cartes sur table sur des
questions comme ça, alors que les ministères concernés,
prétextant ce fameux privilège, refusent systématiquement
dans des dossiers importants. Alors, je suis dans la position où je ne
peux plus avancer dans mon enquête. Je ne peux plus porter de jugement
parce que je ne connais pas les motifs On est à peu près la seule
province au Canada comme ça Voilà un des problèmes qui se
dessinent de plus en plus quand il s'agit d'avis juridique du gouvernement et
c'est pour ça que je vous disais que j'avais l'intention...
Malheureusement, ça va prendre 10 ans parce qu'on sait très bien
que ça ira en Cour suprême, je présume - hélas! pour
les citoyens - pour être débattu, alors que la Cour suprême
s'est toujours prononcée, quand elle s'est prononcée sur les
pouvoirs d'enquête du Protecteur et sur sa juridiction, de la
manière la plus libérale qui soit, la plus progressive qui soit.
C'est toute l'interprétation des tribunaux. Mais ça va prendre 10
ans pour les citoyens qui sont les victimes au bout des dossiers.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Jacoby. Nous
allons suspendre nos travaux pour reprendre après la période de
questions, c'est-à-dire vers 15 h 15.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprisée 16 h 2)
Le Président (M. Dauphin): Nous allons reprendre nos
travaux et je vais maintenant reconnaître un des membres de la formation
ministérielle, M. le député de Nelligan, qui est
également adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Williams: Merci, M. le Président. Avant de commencer,
je voudrais juste vérifier. Combien de temps avons-nous pour cet
échange?
Le Président (M. Dauphin): Selon l'avis, c'est
indiqué jusqu'à 18 h 30...
M. Williams: O.K., pour l'échange.
Le Président (M. Dauphin): ...si nécessaire
M. Williams: O.K. La vérification...
Le Président (M. Dauphin): Ah, mais la
vérification, je n'ai pas l'impression...
M. Williams: ...ça va être plus tard.
Le Président (M. Dauphin): ...que ça va être
tellement long, mais...
M. Williams: O.K.
Mme Harel: De consentement on peut quand même poursuivre
jusqu'à 19 heures.
M. Williams: C'est juste pour savoir le temps, parce que ce n'est
pas mon intention de faire un discours sur toutes mes préoccupations sur
le Protecteur du citoyen ou sur la question de l'élargissement de son
mandat. Je préfère entrer dans un échange et c'est
ça que nous
avons voulu, je pense, quand nouo avons commencé ça.
Le Président (M. Dauphin): D'ailleurs, c'est prévu
pour une période d'échanges, effect;"e-ment.
M. Williams: Je vais commencer juste avec quelques commentaires
au début. Après, j'espère vraiment entrer dans une bonne
discussion sur ce que nous pourrons faire tous ensemble pour le bien-être
des Québécoises et Québécois. Parce que je pense
que la commission a vraiment étudié cette question depuis
longtemps et nous voulons profiter de votre expérience.
Une question que nous avons oublié de vous demander, et c'est une
question que j'ai demandée quelquefois pendant les auditions publiques,
de mieux protéger un dernier niveau, un dernier recours pour les
citoyens. Il y a quelques modèles comme le vôtre, qui ont un
Protecteur du citoyen, et il y a les autres qui ont un conseil
d'administration, un président d'une commission avec un conseil
d'administration. Une des questions auxquelles je voudrais certainement avoir
une réponse de vous: Est-ce que vous pensez, avec votre mandat
maintenant, que vous pourriez profiter d'un conseil d'administration pour vous
aider à faire votre travail, et quels seraient les points faibles et les
points forts sur cette question? Une deuxième question aussi: Si on
approche la question d'un mandat plus large pour le Protecteur du citoyen,
est-ce que, à ce moment-là ce sera nécessaire, utile -
parce que ça va être plusieurs ministères et plusieurs
dossiers qui vont être touchés - est-ce qu'un conseil
d'administration multidisciplinaire va être efficace pour cette question?
Pour moi, c'est une question fondamentale, mais la deuxième question...
Et je vais juste mettre les deux questions sur la table, Me Jacoby, et nous
pourrons commencer à discuter.
Avec toute ma préoccupation, comme la vôtre et comme, je
pense, celle de l'Opposition, on cherche la meilleure façon de
protéger les citoyens, de donner un recours à un niveau objectif.
Mais j'ai beaucoup d'inquiétudes sur la question d'élargir le
mandat du Protecteur du citoyen au niveau de la santé et des services
sociaux, et la raison, ce n'est pas une crainte, ce n'est pas un manque de
confiance, ce n'est pas ça du tout. Pour moi, c'est plus une question
d'efficacité. Et vous avez déjà un grand mandat, 21 000
plaintes, si je me souviens. D'élargir le mandat à la
santé et aux services sociaux, c'est un tiers de notre budget. C'est,
pour le moment, 1000 établissements. Peut-être que ça va
être moins après la réforme et tout ça, mais quand
même 800 établissements. Ça touche tous les
Québécois et Québécoises. Et j'ai peur de l'impact
pour deux raisons, si on élargit le mandat. D'abord, est-ce que
ça va être trop gros, trop grand? La distance entre le bureau et
les personnes va-t-elle être trop grande? Et aussi, j'ai une question:
Est-ce que l'importance du secteur de la santé et des services sociaux
sur votre travail va diminuer le temps que vous pouvez donner aux autres? Je
sais que c'est deux questions assez larges, mais sans faire un discours, je
voudrais juste commencer avec ces deux principes de base. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Alors, Me Jacoby.
M. Williams: Et des deux côtés, on travaille
ensemble, on discute de cette question ensemble.
Ça va être la façon dont nous allons approcher
ça cet après-midi?
Le Président (M. Dauphin): Oui, oui. C'est très
très souple comme fonctionnement.
M. Williams: O.K.
M. Jacoby: M. le député, il y a beaucoup de choses
dans vos questions. La première question, à savoir: L'institution
du Protecteur du citoyen, le fait que ça repose, disons, sur les
épaules d'une personne, pourquoi une situation comme celle-là,
comparativement à une situation qui peut exister ou prévaloir
pour d'autres organismes comme la Commission des droits de la personne ou
d'autres organismes gouvernementaux? Il faut dire qu'il y a des raisons
historiques et il y a des raisons aussi politiques qui expliquent un peu
ça. Les raisons historiques, c'est que l'institution du Protecteur du
citoyen, c'est une institution qui origine très loin. Mais pour faire
une histoire courte, je vais commencer strictement au XIXe siècle, en
Suède. La manière dont a commencé l'institution, c'est que
le roi à l'époque, pour contrer les abus de ses fonctionnaires,
particulièrement les officiers de justice et les juges, avait
décidé de nommer une personne en qui il avait confiance et qui
avait une certaine crédibilité auprès de la population. Et
c'est comme ça que l'ombudsman moderne est né. C'est une
personne. Et à travers le monde, dans les 45 pays démocratiques
où il existe des institutions analogues, ça repose toujours sur
une personne, sauf en Autriche et en Allemagne où ce sont, pour ce qui
est de l'Allemagne, un comité des pétitions, ce sont des
parlementaires. En Autriche, vous avez un système où chacune des
formations politiques est représentée par un député
qui, lui-même, joue le rôle d'ombudsman. Ils travaillent en
collégialité. Mais ces députés sont
détachés de tous leurs travaux partisans pendant qu'ils occupent
ce poste-là et c'est une espèce de sous-ministre qui dirige
l'organisme. Mais autrement, sous réserve de ces deux cas, ça
repose toujours sur une personne. On ne s'est pas inspiré, donc, du
système... Vous savez, les commissions qu'on a chez nous, au Canada,
c'est surtout le système américain.
L'autre raison aussi, c'est que quand il s'agit, finalement, pour le
Protecteur du citoyen, le titulaire du poste, de prendre des positions
officielles sur un dossier par rapport à une personne, la tradition a
voulu que la responsabilité ne soit pas diluée entre les membres
d'un conseil d'administration qui représentent différents
intérêts et qui peuvent, d'une certaine manière, avoir des
préjugés par rapport à certains dossiers à cause
des intérêts qu'ils défendent. Je pense que ça
arrive tous les jours dans les commissions. Si vous avez des personnes,
même si elles agissent à titre personnel, qui émanent du
milieu syndical, d'autres du milieu patronal, il y a quand même des
préjugés et ça pourrait, en tout cas théoriquement,
entacher la neutralité du titulaire du poste. Donc, c'est pour ces
raisons-là.
Je pense que si on regarde ça sur le plan de
l'imputabilité de l'institution et sur le plan de l'indépendance
de l'institution, je préfère de beaucoup les modèles
d'origine suédoise avec une personne, même si, par ailleurs, je
dois dire que ce n'est pas facile à porter, ne serait-ce que... Vous
savez, quand on décide de modifier des orientations ou des nouvelles
façons de faire, bien sûr, j'en discute avec mon personnel qui
apporte beaucoup d'idées et tout ça, mais on se parle entre nous.
C'est un peu une société, un cabinet dit "miroir". Il est certain
qu'avec un conseil d'administration ça permet d'échanger un peu.
Comme le Protecteur ne relève pas du pouvoir exécutif, lui, il
n'a pas l'occasion, il n'est pas invité tous les jours dans les bureaux
de ministres ou de sous-ministres pour discuter d'orientations. Quand il
discute avec certaines personnes de niveau politique qui ont des fonctions
ministérielles, on l'écoute, c'est bien gentil, tout ça,
mais on ne veut surtout pas s'en mêler parce que ça peut,
éventuellement, avoir des conséquences sur l'ensemble de
l'administration.
Alors, finalement, c'est une position qui est assez isolée et
moi, je me disais qu'une des possibilités que je trouverais
intéressante et qui serait un modèle peut-être unique au
monde, d'une certaine manière, c'est que la loi prévoie la
formation d'un conseil consultatif, un conseil consultatif où on
pourrait avoir des représentants de différents groupements
économiques et sociaux et où le Protecteur du citoyen, qui doit
demeurer indépendant, pourrait à tout le moins demander des avis
à ce conseil qui représente l'ensemble de la population. Je
pense, personnellement, que ce serait une formule mitoyenne qui permettrait de
maintenir les acquis de l'indépendance, de continuer à faire en
sorte que la responsabilité et l'imputabilité reposent sur une
personne. Donc, il y a des avantages et des inconvénients au
système actuel, mais je pense qu'il y a peut-être plus d'avantages
pour les citoyens
Sur l'autre question, s'il y avait élargisse ment du mandat, eh
bien voilà! S'il y avait élargissement du mandat en rapport avec
un conseil d'administration, je pense que j'aurais les mêmes objections.
Ce que je pense, cependant, c'est que, comme le secteur de la santé et
des services sociaux représente quand même un très grand
secteur et que ce serait un secteur quand même à développer
du point de vue du Protecteur du citoyen, et s'il y avait une volonté
politique dans ce sens-là, je pense qu'il y aurait certainement
intérêt à nommer, au Protecteur du citoyen, un
vice-protecteur responsable du secteur santé et services sociaux. Ce qui
fait que, sur un plan opérationnel, ça affecterait beaucoup moins
le mandat général et, d'autre part, ça mettrait vraiment
une responsabilité immédiate à un adjoint du Protecteur,
mais qui fonctionnerait avec le Protecteur de qui il relèverait. Je
pense que pour des raisons opérationnelles ce serait certainement
pratique, parce qu'il est évident que le mandat santé et services
sociaux est un mandat large, même si, à mon point de vue, et on en
discutera tout à l'heure, il n'appellera pas autant de plaintes que le
mandat général. Mais c'est un mandat extrêmement important,
extrêmement délicat, un secteur, où, je pense, les
problèmes sont beaucoup plus importants que dans l'administration
publique en général. Donc, la nomination d'un vice-protecteur
plus particulièrement responsable du secteur santé et services
sociaux.
Est-ce que l'élargissement du mandat va augmenter ou diminuer
l'efficacité et l'efficience du Protecteur du citoyen? Je pense que non.
Je ne dis pas que si le mandat nous était confié on n'aurait pas,
certainement, des ajustements à faire au tout début. Je vais vous
expliquer Je ne pense pas parce que, dans le fond, moi, ce que j'ai
proposé au gouvernement il y a de ça déjà plus d'un
an, c'est que, véritablement, dans le secteur santé et services
sociaux, on respecte, d'une part, l'imputabilité des
établissements, leur responsabilité. J'ai été le
premier à proposer que chaque établissement se dote d'un service
de plaintes parce que je pense que, d'une manière
générale, ce sont les administrateurs qui sont certainement bien
placés pour régler la plupart des problèmes qui sont
causés par leur personnel à l'intérieur de
l'établissement. Je pense que la responsabilité de la
qualité des services et de la justice dans l'exercice des droits doit
d'abord revenir aux établissements eux-mêmes. Dans un
deuxième temps, je voulais maintenir les acquis aussi du régime,
en ce sens qu'au moment où on se parle il y a les CRSSS qui jouent le
rôle d'un bureau de plaintes. Ils sont relativement en conflit
d'intérêts, relativement inefficaces, ça dépend des
régions, mais il y a quand même une possibilité pour le
citoyen de s'adresser aux CRSSS. (16 h 15)
Moi, ce que je proposais, c'est qu'on donne plus de pouvoirs aux CRSSS
et que, finalement, le citoyen puisse, entre guillemets, en appeler
devant les CBSSS. Cependant, il ''ut bien noter que, quand le
citoyen va s'adresser à un service de plaintes organisé qui
relève d'un directeur de rétablissement, ou lorsqu'il va
s'adresser à la régie régionale, il est certain qu'on va
regarder son dossier, mais ça va être assez limité d'une
certaine manière. À partir du moment où ça va
mettre en cause des politiques de l'établissement ou des politiques
déterminées par la régie régionale - et on sait
que, dans le projet de loi, la régie régionale va avoir encore
plus de pouvoirs, d'une certaine manière, et que cette régie sera
encore plus en conflit d'intérêts qu'elle ne l'est actuellement,
à mon point de vue - le citoyen ne pourra pas, finalement, avoir
l'assurance que son dossier, sa plainte, son problème a
été traité avec toute l'objectivité
nécessaire.
Donc, je proposais un mécanisme externe. Mais, finalement, ce
mécanisme externe ne jouerait, sauf les cas exceptionnels, d'urgence,
par exemple, qu'une fois que les citoyens auraient utilisé les voies et
moyens qu'ils auraient eus en s'adressant au service de plaintes de
rétablissement, en s'adressant éventuellement à la
régie régionale - au moins s'adresser à ceux qui
dispensent les services. Et ce n'est qu'une fois que ces requêtes
auraient été faites et traitées par les services internes
du réseau que le Protecteur du citoyen, le recours externe aurait pu
jouer. Alors, la conséquence de ça: moi, je demeure convaincu
d'une chose, c'est qu'une administration qui a des règles, qui se dote
de règles déontologiques, qui applique un programme
d'appréciation de qualité, une administration qui, vraiment, veut
être orientée, axée sur les citoyens consommateurs, comme
on dit dans la réforme, je suis convaincu que la majorité des
problèmes individuels vont se régler soit au niveau de
l'établissement, soit au niveau de la régie régionale.
Encore qu'il faudra peut-être renforcer les pouvoirs de la régie
régionale parce qu'elle n'a pas de pouvoir d'enquête.
Mais ceci étant dit, ça me fait croire que, d'une
manière générale - il y aurait, bien sûr, des cas
individuels qui seraient traités au niveau du recours externe - il y
aurait surtout, je pense, des dossiers de type systémique. Parce que la
loi est ainsi faite et elle le sera toujours, je présume, la loi, c'est
d'abord des principes généraux, des principes
généraux qui sont très atténués, notamment
par la question des ressources, l'interprétation que peut faire
l'administration, le conseil d'administration d'un établissement.
Écoutez, ce n'est pas compliqué, il suffit de se promener d'un
hôpital à l'autre pour voir que les règles ne sont pas les
mêmes; il suffit de se promener d'une commission scolaire à une
autre pour voir que les règles ne sont pas les mêmes, et ainsi de
suite. Or, ce que ça produit finalement, c'est que je pense qu'à
chaque fois qu'il s'agit de remettre en question une politique interne de
l'établissement ou de remettre en question une directive de
l'établissement, c'est extrêmement difficile pour l'administration
de changer d'idée, et ça, je le vis au niveau du mandat
général. C'est très difficile pour ceux qui
conçoivent, élaborent, appliquent, interprètent,
exécutent les normes qu'ils ont produites de finir par dire qu'elles ne
sont pas bonnes, qu'il faut les changer.
Vous savez, dans l'administration publique, il m'arrive, à
l'occasion, avec certains ministères d'être obligé de
prendre beaucoup de temps pour demander qu'on change une directive ou une
politique; c'est le même problème dans les organisations. Vous
savez, il y a 800 ou 1000 établissements au Québec au niveau de
la santé et des services sociaux. Donc, ça veut dire qu'en
pratique il y aurait beaucoup de dossiers de type systémique, d'autant
plus qu'un des autres problèmes que pose la réforme telle
qu'envisagée, c'est qu'il y a aura 17 régies régionales,
17 régions, et 17 formes de justice. Je pense que, s'il n'y a pas un
catalyseur quelque part pour voir à ce que les lois et les directives
soient appliquées de manière équitable et raisonnable pour
tout le monde, ça va poser...
Donc, pour répondre à votre question, ça
n'augmentera pas énormément le volume. Je ne dis pas, je ne vous
dirai pas que je marcherais avec les effectifs que j'ai actuellement, pas du
tout. Mais ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas penser à des
milliers de plaintes. On peut penser, surtout la première année,
avant que les plaintes se rendent à notre niveau, que ça va se
traduire peut-être par quelques centaines de dossiers et, la
deuxième année, ça va aller à 1500 dossiers. Mais
je ne pense pas que ça prenne des proportions gigantesques.
Maintenant, l'autre question: Est-ce que ça ne va pas être
dilué dans le mandat général? Vous savez, il y a beaucoup
de mythes et peu de réalité dans l'approche que l'on a du
Protecteur du citoyen quand on dit que ça peut devenir gros puis
bureaucratique et loin du monde. Je ne crois pas à ça. D'abord,
si c'est loin du monde, c'est parce que le gouvernement l'a bien voulu; on n'a
pas de bureaux régionaux.
Deuxièmement, ce qui est surtout important de savoir, c'est nos
modes de fonctionnement. Vous savez, on fonctionne avec 115 ministères
et organismes du gouvernement. On a juridiction, en tout cas, sur 115
ministères; 60 d'entre eux sont nos clients qui nous viennent d'une
manière récurrente, et on n'est pas éparpillés.
Quel est le lien qu'il peut y avoir entre un dossier du ministère du
Revenu, un du ministère de la Sécurité du revenu, un de
l'aide sociale? Sauf quand il s'agit du programme APPORT, bon. Mais autrement,
il n'y a aucune commune mesure entre un problème qu'un citoyen vit au
ministère des Transports, par rapport à un contrat de voirie qui
a démoli sa propriété et un bénéficiaire
de
l'aide sociale qui voit ses prestations amputées injustement. On
n'est pas des experts dans tout, mais on a des équipes qui sont
spécialisées et qui sont concentrées. Ce qui fait que, par
exemple, j'ai une équipe au niveau de la Sécurité du
revenu, j'ai une équipe au niveau du ministère du Revenu. On a
des équipes légères et des équipes volantes. On
n'est pas antibureaucrates. On n'est tout simplement pas bureaucrates. Vous
savez, chez nous, on n'a pas besoin de fonctionner avec des paperasses pour
pouvoir faire valablement nos choses. Quand on fait des enquêtes, on
n'ouvre pas des commissions royales d'enquête. Plus on peut fonctionner
de manière informelle, en permettant à tout le monde de donner
son point de vue, et de nous faire éventuellement une opinion, c'est ce
qu'on fait. Vous savez qu'il y a probablement, je dirais, pas loin de 80 % de
nos dossiers qui se règlent par téléphone avec
l'administration. On n'est pas obligés de se déplacer à
chaque fois, de monter un rapport ça de long d'une manière
bureaucratique. On a des façons de fonctionner qui sont très
informelles, ce qui fait que le système n'est pas alourdi.
Et si vous regardez notre façon de fonctionner plus
générale, nous avons, comme effectifs, 90 personnes dont,
là-dessus, le personnel administratif, le personnel de recherche, le
personnel de communication et la direction des enquêtes. Cette
année, nous ouvrons, nous avons ouvert... C'est-à-dire,
l'année passée, nous avons ouvert près de 10 000
enquêtes en plus des inventaires de 3000. Nos délais ne sont, en
moyenne, que de deux mois. Je pense qu'au niveau de l'efficience et de
l'efficacité, notre institution, parce qu'elle n'est pas
bureaucratisée, parce que toutes les normes gouvernementales ne s'y
appliquent pas, fait en sorte que, je pense, au niveau de l'efficience
ça donne - ça donne, mais ça dépend du point de vue
- d'assez bons résultats. Alors, donc, je ne pense pas que
l'élargissement du mandat à la santé et aux services
sociaux fasse en sorte qu'il faudrait doubler les effectifs ou même les
augmenter de 50 %. Je ne pense pas du tout.
M. Williams: Merci pour ces réponses, Me Jacoby. Je
voudrais juste clarifier deux choses. Premièrement, avec les 17
régies régionales dont on discute et aussi votre
préoccupation d'avoir une présence régionale, et je
comprends ça... Je ne veux pas mettre les mots dans votre bouche, mais
j'ai compris que les régies régionales peuvent être une
présence régionale à ce niveau, sur le rôle de
Protecteur du citoyen. L'autre question: Pour vous, ce n'est pas fondamental,
si j'ai bien compris, il n'y a pas de différence fondamentale entre
avoir un vice-protecteur du citoyen dans le secteur de la santé et avoir
un Protecteur du citoyen de la santé parallèle à vous.
Est-ce que c'est une différence fondamentale pour vous?
M. Jacoby: Bon. Au niveau des concepts, ça dépend.
Il y a beaucoup de choses, hein? Si vous me parlez d'un ombudsman
exécutif, comme tous les fameux commissaires qu'on a créés
récemment, je ne pense pas que ça donne aucune garantie aux
citoyens d'indépendance, en tout cas, et de neutralité dans les
dossiers. Certainement que ces commissaires sont efficaces, mais ces
commissaires n'ont pas la marge de manoeuvre pour aller au fond des choses.
Ça, c'est une chose. Là-dessus, j'aurais de sérieuses
réserves.
Sur la création d'un ombudsman parlementaire
spécialisé, responsable de la santé et services sociaux,
disons que j'ai moins d'objections de principe. Les seules réserves que
j'aurais sont les suivantes. Si je me place du point de vue du citoyen, si moi,
comme citoyen, j'ai un problème avec le ministère du Revenu et
que je veux adresser un recours au Protecteur du citoyen du Québec, je
le fais parce que je suis un contribuable. Par ailleurs, si je suis un
consommateur d'Hydro-Québec, je m'adresse au Commissaire aux plaintes
d'Hydro-Québec. Si j'ai un problème de protection du territoire
agricole, je m'adresse à un autre commmissaire. Si j'ai un
problème avec un centre hospitalier, je m'adresse à un autre
protecteur, et ainsi de suite.
Moi, je ne pense pas qu'on sert véritablement la population quand
on éparpille les recours. Cest tellement vrai, enfin, c'est tellement,
peut-être pas vrai, la vérité est toute relative... Mais
regardez un peu la prolifération que l'on voit depuis de nombreuses
années au niveau du contentieux administratif. On a créé
des tribunaux administratifs. Vous savez, dans le rapport Ouellette, on parle
de 20 tribunaux administratifs; effectivement, il y a 90 organismes
gouvernementaux qui exercent des fonctions quasi judiciaires. Les politiciens
eux-mêmes réalisent que ça n'a plus de sens. Les citoyens
ne sont pas satisfaits parce qu'ils ne savent plus où aller et que les
philosophies changent d'un tribunal à l'autre. Les avocats sont
eux-mêmes de plus en plus perdus dans le labyrinthe des tribunaux
administratifs.
Si on a une vision à long terme - à long terme, je dis
bien - commencer à amorcer le mouvement de multiplication des
ombudsmans, je pense que ça va desservir les citoyens. Par ailleurs,
vous savez, j'ai un peu de difficultés à comprendre - je peux au
moins exprimer mes difficultés de compréhension - comment il se
fait que le gouvernement... Je comprends que l'institution du Protecteur a
été créée en 1968, mais comment un gouvernement qui
est responsable de la nomination d'un Protecteur du citoyen, qui est
responsable de la nomination d'un vice-protecteur du citoyen, que le tout est
ratifié par l'Assemblée nationale, un gouvernement qui fait
confiance à l'expertise, à l'objectivité, à la
neutralité d'une institution comme celle-là.. Où
sont les problèmes pour faire en b^.-te qu'on soit obligés
de penser à créer une foule d'ombuds-mans? C'est la question que
je me pose. Je ne voudrais pas amener sur la table, parce que ce sont des
considérations plus politiques, mais, comme payeur de taxes, je peux
vous dire que doubler les institutions ça coûte très cher.
Je pense qu'on le constate actuellement avec la récession. (16 h 30)
Ceci étant dit, je n'ai pas d'objections de principe, sauf
qu'à long terme, si je me place du point de vue du citoyen, je ne pense
pas que ce soit la solution la meilleure.
M. Williams: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby, nous aurons
sûrement l'occasion d'y revenir tantôt. Juste avant de
reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Bonjour. J'ai une
question qui ne sera pas tellement longue. L'extension au réseau de la
santé et des services sociaux. Selon votre proposition, le Protecteur du
citoyen agirait en tant que recours de dernier niveau pour les usagers du
réseau, après le recours à l'établissement et celui
à la régie régionale. Un tel système du traitement
des plaintes à trois paliers ne risquerait-il pas de s'avérer
trop lourd, d'entraîner des délais indus dans le règlement
des dossiers et de décourager la clientèle?
M. Jacoby: Ah, bien oui! Mais, écoutez. Oui puis non.
Là, je vais vous expliquer que je ne peux pas être d'accord avec
les prémisses. D'abord, on ne peut pas parler de trois systèmes
de traitement de plaintes. On va parler d'un service à la
clientèle du réseau et on va parier d'un recours devant une
instance ultime.
Vous savez, lorsque j'ai des problèmes avec une entreprise
comme... J'achète un "toaster". Avant d'exercer ma garantie de Sunbeam,
je vais d'abord aller au magasin qui me l'a vendu et il y en a certains qui
vont me le remplacer au bout de 15 jours, mon "toaster". Si,
éventuellement, je suis en dehors des délais du service à
la clientèle, j'irai devant le manufacturier. Alors, il ne faut pas
confondre les choses. Il n'y a pas de recours devant les institutions. Ce sont
des services à la clientèle, point. Quand on parle de recours, on
parie de recours devant des instances qui sont en dehors du système,
comme un recours aux tribunaux, par exemple. Autrement, ce ne sont pas des
recours.
Maintenant, la lourdeur du système. Je peux vous dire une chose,
ce que j'ai vu dans le projet de loi 120, il est évident que ce sera
lourd, même sans Protecteur du citoyen. Je vais vous dire une chose,
à partir du moment où chaque bénéficiaire doit
faire un écrit pour se plaindre... Vous imaginez la dame qui se plaint
parce qu'elle est maltraitée par du personnel ou parce qu'elle mange
froid sept fois par semaine? Pensez-vous que la petite dame qui est en
séjour prolongé va aller écrire une plainte? Jamais de la
vie. Elle ne fera rien. Elle va manger sa semelle. Alors, le système de
faire des écrits, ça, c'est de la bureaucratie pure. Le
système en soi qui est proposé dans le projet de loi 120,
ça n'aide pas le citoyen, ça va aider les directeurs des 1000
établissements et leur personnel. Point.
Ceci étant dit, je pense qu'on peut alléger le
système au niveau des établissements et je ne pense pas que le
recours au Protecteur du citoyen soit lourd. Je vais vous expliquer, vous le
savez, ou plutôt je vais vous rappeler une chose. Regardez ce qui se
passe en matière de sécurité du revenu. Vous avez 450 000
bénéficiaires qui sont très longtemps sur la
sécurité du revenu, en général, et même les
personnes qui sont aptes parce qu'il n'y a pas de travail aujourd'hui. Il y a
450 000 personnes qui reçoivent un chèque et ces 450 000 dossiers
sont revus mensuellement par l'administration. Quand on fait des changements
dans la décision, les gens ont des recours. Ils ont des recours devant
des bureaux de révision interne de l'aide sociale et ils ont
éventuellement des recours devant la Commission des affaires
sociales.
Prene2 un contribuable qui n'est pas satisfait de l'avis de cotisation
qui lui est envoyé par le ministère du Revenu. Il a la
possibilité de faire une opposition en bonne et due forme. Il a la
possibilité, il y va, à l'occasion, quand il a les moyens,
d'aller devant la Cour du Québec. Il a même, en vertu de
dispositions exceptionnelles, un recours au sous-ministre qui peut exercer un
pouvoir de révision. Tout ça, ça existe partout. Or, le
Protecteur du citoyen est déjà dans tous ces domaines-là.
Est-ce que les gens se plaignent, les assistés sociaux? Est-ce que les
contribuables, est-ce que les accidentés du travail se plaignent? Les
accidentés du travail, il y en a 300 000 par année. Est-ce qu'ils
se plaignent du fait qu'il y a un autre recours au Protecteur du citoyen?
M. Houde: Eux autres, le plus qu'ils peuvent en visiter pour
être capables d'avoir une réponse positive, ils ne lâcheront
pas, tant qu'ils vont être capables. On connaît ça dans les
bureaux de comté; ça fait 10 ans.
M. Jacoby: Ah oui!
M. Houde: Je vous assure qu'on leur dit: II n'y a plus de
possibilités, à moins d'exceptions à la règle, des
fois. Ça arrive. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. Merci, M. le
député. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Finalement, le temps
passe très vite. Je dois vous féliciter pour ce matin. Moi,
depuis 10 ans que je siège en ce Parlement, je crois que c'est la
première fois que j'assiste à la prestation, durant deux heures
et demie, de quelqu'un devant une commission parlementaire. Je dois vous dire
que j'ai trouvé que c'était une performance absolument
exceptionnelle, qui est physique aussi, j'imagine...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: ...qui n'est pas juste intellectuelle. Peut-être
avez-vous hâte que ça se termine, cet après-midi? Mais moi,
j'avais peur de manquer de temps.
Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez
D'ailleurs, M. Jacoby, vous avez maigri, je pense, depuis ce matin, hein? avec
la somme de travail..
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: Je suis très content, ça aide à
mon régime.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Excusez moi, Mme la
députée.
Mme Harel: Non, pas du tout. L'examen que l'on fait
présentement, je considère que c'est un des plus importants que
l'on puisse faire à titre de parlementaires. Hier, je me disais que,
contrairement à à peu près toutes les autres institutions
qui existent, vous, vous n'avez pas de parrain ministre. D'une certaine
façon, c'est à la fois un avantage et un inconvénient.
C'est certainement un avantage du fait qu'on jouit de beaucoup plus de
liberté, je crois, comme membres de cette commission parlementaire parce
qu'on ne sent pas le bras puissant de l'Exécutif, comme c'est le cas
habituellement dans les mandats d'initiative ou les examens sous le
règlement de la commission.
Par ailleurs, ça peut être un inconvénient puisque,
contrairement, par exemple, à tout projet de législation qu'on
étudie, il y a toujours un contentieux derrière. Toute loi
statutaire, finalement, est faite par un contentieux. Par exemple, la
curatelle, elle a été faite certainement par le contentieux de la
Curatrice, et ainsi que suite. Tandis que je me rends compte que votre
contentieux n'est pas impliqué dans l'élaboration de ce qui
devrait être des modifications à apporter à la loi
constituant l'institution du Protecteur. Bon. Donc, c'est nous qui avons
à jouer ce rôle-là d'une certaine façon.
Rôle du Protecteur du citoyen auprès des
clientèles défavorisées
Et là, j'aimerais aborder, peut-être pas
immédiatement toute la question de l'élargissement du mandat,
mais tout simplement une remarque pour signaler que, pour moi, élargir
le mandat, c'est élargir la démocratie. C'est tout simple, c'est
comment faire pour que les gens n'aient pas un sentiment d'exclusion dans notre
société, par rapport... On dit que vous êtes là pour
améliorer les relations entre les citoyens, l'administration et
l'État, mais avant tout, c'est pour donner aux gens le sentiment qu'ils
ne sont pas exclus et que, s'il y a de l'arbitraire, il ne sera pas
toléré, qu'on est dans une société qui ne le
tolère pas. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, ça
veut dire qu'on ne le tolérera pas. Alors, ce sentiment d'exclusion,
j'aimerais y revenir immédiatement, à l'égard d'une
catégorie qui m'apparaît être, finalement, celle qui a le
moins accès aux services du Protecteur du citoyen, selon les sondages
que vous avez faits sur votre notoriété, et qui est celle des
personnes peu scolarisées ou défavorisées.
Je constate que les préjugés sociaux sont encore beaucoup
plus profonds, ancrés activement, presque en circulation libre, beaucoup
plus intensément, que les autres types de préjugés
actuellement dans notre société. Et je m'inquiète d'une
chose, je vous le dis bien simplement; ça n'est pas que dans les
réponses que vous faites - je reviendrai à la page 17, au
cinquième paragraphe - mais c'est lors des consultations qu'on a
menées en commission, à l'étude des documents
également, où on met très souvent le "focus" sur des
groupes dit minoritaires, et, à ce moment-là, on parie de la
communauté anglophone, des communautés ethniques. Finalement,
vous avez même conduit une très importante intervention, dont j'ai
lu les résultats, sur cet examen que vous avez mené, sur la
façon de mieux faire connaître vos services à ces
minorités. Mais je ne vois pas la même préoccupation.
Par exemple, à la page 17, vous faites mention que le
gouvernement doit "allouer des budgets pour permettre une plus grande
accessibilité des anglophones, des membres de communautés
culturelles et ethniques et des populations autochtones. Le Protecteur du
citoyen, dites-vous, se doit de faire connaître et de rendre accessibles
ses services à toute la population du Québec. C'est une question
d'égalité pour les membres de la communauté qui ne
s'expriment pas couramment en français." Je trouve qu'il y a de la
confusion là-dedans. D'abord, on peut être membre d'une
communauté culturelle, ethnique et s'exprimer couramment en
français. C'est le cas des Haïtiens, par exemple, ou c'est le cas
des Maghrébins, ou des Libanais, ou des Égyptiens. Et là,
ça laisse entendre qu'être membre d'une communauté
culturelle ou d'une communauté ethnique, c'est, d'une certaine
façon,
avoir une barrière linguistique, et nui n'est pas évident
nécessairement. D'autre part, est-ce que la barrière culturelle
peut ne pas être un obstacle ou un frein aussi important même si on
a le français comme langue d'usage? Et ça, ça vaudrait,
à ce moment-là, pour nos concitoyens défavorisés et
sous-scolarisés. Alors, je regrette que mon collègue de... quel
comté...
Une voix: De Nelligan.
Mme Harel: ...de Nelligan ait quitté parce que je
l'invite, chaque fois qu'il aborde cette question qui le préoccupe
à raison, du recours qui est peu exercé dans certains milieux,
particulièrement de la communauté anglophone et des
communautés culturelles, je l'invite toujours à avoir la
même préoccupation à l'égard des personnes qui
peuvent être exclues également, mais pour des raisons qui sont
plus économiques.
Je prenais connaissance d'un rapport récent du Haut Conseil
à l'intégration qui a été mis en place par le
gouvernement français et qui rappelait qu'une politique
d'intégration doit s'adresser non seulement aux immigrants, mais
à tous les exclus ou à tous les citoyens en voie de
marginalisation de la société, et qui en faisait un
critère de succès dans une société, qu'une
politique qui veut réduire l'exclusion et améliorer, finalement,
l'intégration doit se concevoir dans une approche globale même si
elle s'adresse à des clientèles particulières. Alors, en
fait, j'aimerais vous entendre sur cette question, particulièrement sur
ce que vous entendez faire à l'égard de l'amélioration de
la notoriété auprès de la clientèle
défavorisée ou peu scolarisée.
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: D'abord, c'est vrai... Je pense que lorsqu'on parle de
membres de communautés, qu'il s'agisse de communautés... il y a
des distinctions à faire. Il y a des distinctions à faire entre
les communautés, mais ce sont toujours des rattachements soit en vertu
de l'ethnie ou de l'origine. Quand on parle des populations autochtones, c'est
toujours relié aussi aux origines, aux peuples fondateurs. C'est un
autre niveau de discours que celui de se rattacher à des personnes qui,
dans notre société, sont marginalisées.
Vous savez, quand il s'agit de personnes qui sont économiquement
défavorisées - et dans notre société il n'y a pas
que les assistés sociaux qui sont économiquement
défavorisés - il est bien évident que c'est une
clientèle qui, pour nous, est extrêmement importante, d'autant
plus qu'on constate depuis quelques années que les personnes les plus
défavorisées le deviennent encore plus. Ce qu'on entend faire, ce
que nous faisons... Nous savez, il est extrêmement difficile d'aller
chercher les personnes qui sont défavorisées parce que ces
personnes-là ont beaucoup de dignité. Ces personnes-là
n'ont pas tendance à se plaindre. Elles ont plutôt tendance
à se cacher. Je pense que la dignité est mise en cause. Donc, il
est relativement difficile pour une organisation d'aller chercher
nécessairement les membres de ces sociétés-là. Bien
sûr, il y a des organismes. Il y a, dans toutes les régions du
Québec, des organismes de défense des droits des assistés
sociaux et nous sommes en contact avec plusieurs, nous sommes en contact
également avec le Front commun des assistés sociaux. Mais ces
mêmes organismes nous disent qu'ils ont beaucoup de difficultés
à aller chercher les doléances des personnes qu'ils
représentent finalement. Alors, il y a un barrage, et je suis
entièrement d'accord avec vous, il y a un barrage culturel qui est
créé par la marginalisation de ces personnes-là. Ce que
nous avons fait, et c'est bien peu dans la société dans le
contexte actuel, c'est que nous avons, grâce au ministère de la
Sécurité du revenu, utilisé les enveloppes de la
sécurité du revenu, les chèques du bien-être pour
envoyer des dépliants. Je ne peux pas dire que ça a eu un effet,
un impact. On pensait, on aurait pu penser qu'on aurait eu beaucoup beaucoup de
plaintes en retour, mais ce n'est pas ça qui s'est produit. (16 h
45)
Mais plus fondamentalement, au-delà de toutes ces questions
formelles, moi, je constate une chose, c'est que, dans une période
où la conjoncture économique est très difficile, les
réformes ont toujours l'effet pernicieux de mettre les personnes les
plus démunies dans une situation encore plus marginalisée, et je
peux le constater, par exemple, au niveau de la sécurité du
revenu. Je regarde des programmes comme le programme APPORT. Il est plein de
bonnes intentions, le programme APPORT, mais comment est-il géré
ce programme APPORT? Ce que le gouvernement tente de faire pour aller augmenter
le revenu de familles économiquement défavorisées, c'est
complètement démantibulé par les programmes
ministériels. Vous savez, si on nous avait consultés le jour
où on a décidé de jumeler le revenu avec l'aide sociale,
pas besoin de faire un gros calcul pour dire que ça n'aurait jamais pu
marcher. Et, effectivement, c'est le système. Qui est
pénalisé en bout de ligne? C'est les citoyens qui croyaient
pouvoir bénéficier d'un régime particulier. Ces
gens-là, leur dignité, comme assistés sociaux, est encore
plus marquée à cause d'erreurs technocratiques de programmes et
d'informatique. Ça, je trouve ça extrêmement grave,
l'absence de coordination entre les ministères. C'est sûr qu'il y
a un Conseil des ministres, mais vous savez qu'il y a beaucoup de choses qui se
règlent au niveau de la haute fonction publique. Ça ne se parle
pas souvent entre les ministères au niveau de ceux qui, dans les
ministères, élaborent des politiques ou des programmes. Regardez
le problème qu'ont certaines personnes dans notre société
parce
qu'elles ont un bout de statut d'étudiant marié avec un
assisté social, ou l'inverse: on ne sait plus à quel
ministère se vouer pour aller chercher un minimum de revenus. Tout
ça à cause des programmes administratifs.
Moi, je ne peux pas me prononcer sur la politique de fond, mais ce que
je peux vous dire, c'est que les administrations, quand elles sont là
pour mettre en place des programmes sociaux, je pense qu'elles n'ont pas la
culture pour ce faire et je pense qu'il va falloir que cette culture change,
parce que, pour moi, l'administration, c'est d'abord une institution
démocratique, tellement démocratique qu'elle est le prolongement
de la démocratie par le biais des parlementaires, des personnes
élues et des personnes qui occupent la fonction de ministre. Mais
l'administration est d'abord et avant tout une machine. C'est ce qu'on peut
constater et c'est malheureux. Vous savez, 99 % des dossiers qu'on traite,
c'est des problèmes de machine. Alors, il y a un problème. Quand
on est pauvre dans notre société, on est encore plus
marqué à cause de la manière dont les programmes
gouvernementaux sont gérés très souvent.
Mme Harel: C'est donc dire que...
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel:... une solution incontournable est celle du
décloisonnement de l'administration. C'est donc presque un
problème systémique qu'il y ait ce cloisonnement qui fait que bon
nombre de citoyens tombent dans les mailles du filet et, à ce
moment-là, il n'y a pas de... Vous-même n'avez pas de recours
à ce moment-là?
M. Jacoby: Ah si! On intervient quand on est mis au courant.
Effectivement, on en découvre, ce que j'appelle le
phénomène de "l'entre deux chaises", du citoyen qui tombe entre
deux programmes. Personne n'y a pensé ni d'un bord ni de l'autre. Et
ça, on retrouve ça. On retrouve ça: aide financière
aux étudiants et sécurité du revenu. On retrouve
ça: accident de la route et accident du travail. Je vais vous donner un
bel exemple. Vous savez, la personne - ce n'est pas sa faute - sa job, elle
conduit une voiture. Bon. Jusqu'à l'ancienne loi, elle était
indemnisée d'abord et avant tout par le régime. Le régime
de base était le régime des accidents du travail. Mais comme
payeur de taxes au niveau des permis, du permis de conduire et tout ça,
elle allait chercher des rentes additionnelles et des indemnités
auprès de la SAAQ. Et en pratique, il fallait le comprendre. Vous savez
que, pour un accidenté de la route, à venir jusqu'à
récemment, il pouvait y avoir des frais engendrés par
l'utilisation des mâchoires de vie, par exemple. C'est des affaires de
300 $, 400 $, ça. Ce n'est pas tout le monde qui a les moyens, surtout
dans des situations comme ça, hein? Ce n'est pas drôle! Alors, on
a dit, avec la nouvelle loi, que les personnes qui conduisent des voitures,
mais qui font ça alors qu'elles exercent une fonction, un travail dans
une entreprise, elles vont à la CSST. Or, la CSST, elle ne paie pas les
mâchoires de vie. C'est le même genre d'accident, c'est le
même genre de séquelles, c'est le même genre
d'indemnités. Alors, on ne s'est pas parlé et c'est ce qui fait
qu'on a découvert ça. Ça a pris un certain temps - encore
a-t-il fallu avoir des plaignants - et ça nous a pris un an et demi pour
que la CSST commence à payer les mâchoires de vie. Elle n'allait
pas contre la loi, elle a un pouvoir discrétionnaire. C'est comme
ça dans plein de régimes gouvernementaux.
Alors, on le fait, mais je pense que ce n'est pas le Protecteur du
citoyen comme ce n'est pas les parlementaires qui vont régler tout
ça d'un seul coup. Je pense qu'il faut une volonté administrative
à l'intérieur des ministères pour que les administrateurs
se parlent davantage. Vous savez, on a parfois l'impression - et je peux vous
le dire non seulement comme Protecteur du citoyen, mais pour avoir
été également sous-ministre - qu'il y a des chasses
gardées. Et ce n'est même pas de la mauvaise foi, là, on
n'y pense pas. De la chasse gardée, c'est ce qu'on ne pense pas,
très souvent. Alors, je trouve ça très grave parce que
c'est toujours sur le dos des citoyens.
Mme Harel: Dans les réponses que vous nous apportiez ce
matin, en particulier à la question 9 qui concerne la mise en place d'un
programme d'accès à l'égalité, vous mentionniez
que, dans la revue des programmes 1990-1991, vous étiez revenu à
la charge auprès du Conseil du trésor avec un projet de
développement, dans le but de faire connaître le Protecteur du
citoyen dans les communautés culturelles, auprès des nations
autochtones et dans le milieu anglophone. Alors, je crois comprendre que vous
souhaitez que, dans le rapport de cette commission, nous revenions à la
charge également pour qu'un tel projet de développement puisse se
réaliser. Ne serait-il pas important également qu'un tel projet
de développement permettant de mieux connaître le rôle du
Protecteur soit aussi envisagé auprès des clientèles
défavorisées?
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: Que, d'une façon systématique, quand on
aborde la question de l'élargissement de la notoriété du
Protecteur et du recours du Protecteur, oui, on aborde dans le sens des
communautés culturelles, de la communauté anglophone et
allophone, mais en y ajoutant d'une façon systématique les
milieux défavorisés? Sinon, moi, ce que je crains
énormément dans la société, c'est le sentiment
qu'ont des gens qu'il y en a qui sont plus égaux que d'autres parce
qu'ils sont plus l'objet d'une attention soutenue
que d'autres dans notre société, cl un sentiment d'une
double injustice à leur égard, d'une certaine façon.
M. Jacoby: Je dois dire que vous avez raison. Vous savez, on a
tendance à oublier parfois et il faut se mettre...
Mme Harel: C'est que c'est moins politique. M. Jacoby:
Oui, c'est ça.
Mme Harel: C'est-à-dire qu'ils ont moins de porte-parole
politiques.
M. Jacoby: Absolument.
Mme Harel: À ce moment-là, ils occupent moins
l'avant-scène publique.
M. Jacoby: C'est sûr.
Mme Harel: C'est le problème.
M. Jacoby: C'est sûr que les assistés sociaux ont,
bien sûr, une voix qui s'appelle le Front commun. Le Front commun, il
joue un rôle beaucoup plus d'ensemble et politique, mais ça ne
règle pas les dossiers individuels de tous les jours, ça. Si je
prends les personnes âgées également, bien sûr, il y
a des organismes communautaires, mais au niveau de la défense des droits
des personnes âgées, enfin... Il y a les "sans voix" dans notre
société. En 1991, dans l'hémisphère occidental, il
y a encore des "sans voix". Je ne veux pas dire par là que les
parlementaires ne jouent pas leur rôle. Mais le problème, c'est
par rapport à la grosseur et à la complexité des
administrations.
Mme Harel: Je ne sais pas si vous êtes au courant de cette
façon nouvelle, maintenant, dans certaines administrations, de
procéder en écartant l'accès à l'information du
dossier de la part du député ou de ses adjoints. C'est quelque
chose qui m'a été confirmé, vendredi passé, par les
directeurs des centres Travail-Québec à Montréal. Il y a
bon nombre de mes collègues qui m'en avaient déjà
parlé et qui, un peu dans toutes les régions du Québec, se
font servir une nouvelle directive du ministère de la Main-d'oeuvre, de
la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle à
l'effet qu'il ne peut plus y avoir d'intervention téléphonique
directe, comme ça se fait, même depuis l'adoption de la loi
d'accès à l'information. On l'invoque, la loi d'accès
à l'information qui est quand même adoptée depuis
maintenant sept ans, je crois - en vigueur, en tout cas, depuis six ou sept ans
- on l'invoque pour ne plus accepter qu'il y ait des interventions directes ou
une plaidoirie en faveur de personnes qui nous sollicitent pour intervenir
auprès d'un agent ou d'un bureau des centres Travail-Québec, sans
qu'il y ait un mandat écrit. Et ce mandat, nous dit-on, doit être
envoyé par "fax" avant que l'agent puisse répondre. Mais
vérification faite, moi-même, dans les bureaux, vendredi
passé, j'ai constaté que les bureaux ne sont pas munis de "fax".
Alors, vous êtes devant une sorte d'imbroglio où vous avez des
concitoyens - ça doit se produire aussi dans les bureaux de comté
de mes collègues membres de cette commission - qui vous demandent, dans
une sorte d'état de dénuement - parce que ça reste urgent,
ces cas-là - d'intervenir, non pas pour obtenir des faveurs, mais
d'intervenir en leur faveur, simplement pour faire valoir une
interprétation différente, finalement, de la loi, et vous ne
pouvez plus le faire parce que, pour le faire, il vous faudrait un mandat
écrit qui serait transmis par bélino et les bureaux ne sont pas
munis de bélino. Alors, avez-vous idée des imbroglios? On m'a
dit, enfin, des directeurs que j'ai rencontrés m'ont dit qu'ils
essaieraient de ne pas trop appliquer la directive écrite qui leur a
été acheminée. Mais, compte tenu de l'amélioration
de vos relations avec le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, peut-on
espérer qu'il y ait... À qui faut-il s'adresser? À vous,
à la Commission d'accès à l'information, pour qu'un
député lésé puisse faire valoir ses droits?
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: En fait, je ne pense pas que ce soit une question
d'accès à l'information parce que, dans le fond, comme
députée, vous jouez un peu le rôle de porte-parole des
intérêts du bénéficiaire. Je ne pense pas que ce
soit un problème d'accès à l'information. Écoutez,
je pense que ce que je vais faire, c'est que je me saisis d'office de votre
intervention et nous allons regarder ce qui se passe exactement.
Mme Harel: Je vous transmettrai la directive écrite
à cet effet, qui a été envoyée dans les centres
Travail-Québec.
Le Président (M. Dauphin): Vous nous ferez rapport de
votre enquête, Me Jacoby.
Juridiction du Protecteur du citoyen en matière
autochtone
Mme Harel: II y a une question qui m'ap-paraît vraiment
très importante et, dans votre rapport, vous nuancez les possibles
nominations d'un vice-président aux communautés autochtones. Vous
nous dites, à cet égard, je crois que c'est au tout début
de votre dossier, à la page 4: "Compte tenu de la juridiction
provinciale limitée en matière autochtone, il faudrait cependant
pouvoir démontrer la pertinence d'un tel mandat général
à un vice-protecteur, distinctement des
autres clientèles de l'institution - et là, vous ajoutez -
les anglophones, les communautés culturelles, les gens du
troisième âge, les personnes handicapées, les pauvres, les
personnes démunies économiquement, etc."
Là, il me vient deux questions sur ça. La première,
c'est la suivante. Toutes ces clientèles que vous énumérez
sont des clientèles pour lesquelles nous souhaitons une meilleure
intégration à la société, à une
société pluriethnique mais francophone, puisque la langue
officielle est le français et puisqu'il est d'usage de souhaiter que les
services soient offerts dans la langue de la majorité - il me viendra
plus tard une question là-dessus. Mais est-ce que la situation n'est pas
bien différente, finalement, de celle des autochtones pour qui se
profile beaucoup plus le projet d'un État plurinational à
l'intérieur duquel, vraisemblablement, il pourrait même y avoir
des gouvernements autonomes... Même si la juridiction provinciale est
limitée, elle s'adresse malgré tout à tous les domaines de
la vie quotidienne dans les secteurs de la santé, de l'éducation
et autres, est-ce qu'on n'a pas intérêt à rendre plus
visible la présence autochtone dans nos institutions? (17 heures)
M. Jacoby: Oui. Je pense qu'il y a certainement une distinction
à faire entre les communautés culturelles et ethniques, au sens
de communautés qui nous viennent principalement par la voie de
l'immigration, et les populations autochtones, les peuples fondateurs. Il y a
certainement des distinctions à faire. Mais je constate cependant que
sur le plan des institutions gouvernementales - je ne parle pas, là, du
Protecteur du citoyen - on a spécifiquement reconnu l'existence des
communautés culturelles en créant un ministère qui s'en
occupe, entre autres, doublé d'un conseil. On a, pour les autochtones,
strictement créé un secrétariat. Bon, il y a
peut-être un problème là. Je pense que l'approche, enfin,
les raisons pour lesquelles moi, ma position, elle est d'une certain
manière, peut-être... Je ne peux pas entièrement partager
votre point de vue, c'est que moi, si j'ai un immigrant qui s'adresse à
nos services - et vous savez que les immigrants qui viennent au Québec,
ils ne parlent pas tous français en arrivant - il faut qu'il soit un
immigrant reçu, et après ça, il y a plein de
formalités avec le gouvernement provincial et ainsi de suite. Il y a des
gens qui ont de la misère à s'exprimer; ça, c'est une
chose. Et, vous savez, la Charte de la langue française ne s'applique
pas au Protecteur du citoyen, ça a été volontairement
fait, à l'époque, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas les
problèmes de langue avec les usagers du service du Protecteur du
citoyen. Alors, mon problème, c'est, d'une part, les questions de langue
pour certaines des communautés culturelles. Il y en a plusieurs. En tout
cas, la première génération ou dans les premières
années de la première généra- tion, je pense que
les gens ont beaucoup de difficultés, à s'exprimer. Vous savez,
aller à l'épicerie pour commander une livre de steak haché
en français et aller expliquer à un fonctionnaire du gouvernement
ou au Protecteur du citoyen la complexité ou la problématique
qu'il a avec la CSST, il y a un monde de différences, c'est plus
intellectuel. Donc, je pense que c'est une question d'accessibilité
d'une part, qui est assez importante.
La deuxième chose que je veux dire, c'est qu'il y a un trait
commun avec les populations autochtones. Rares sont les nations autochtones
pour qui, chez nous, au Québec et au Canada par surcroît, une des
langues d'usage ou la seconde langue est le français. D'une
manière générale, ces populations s'expriment en anglais,
la plu-pan*, pour des raisons historiques.
Mme Harel: Non. Ce n'est pas le cas. Enfin, j'y reviendrai, mais
ce n'est pas le cas au Québec.
M. Jacoby: Alors, c'est donc que j'aurais de mauvaises
informations, mais...
Mme Harel: Je crois...
M. Jacoby: ...en tout cas, je dis une chose: Qu'on parle anglais
ou qu'on parle une autre langue, quand on a un problème avec
l'administration, je pense qu'il faut pouvoir être servi par
l'administration dans cette langue-là. Et, en plus, si on va au
Protecteur du citoyen comme recours ultime, je pense qu'on se doit de...
La deuxième chose, c'est que chez les populations autochtones, et
peut-être pour toutes les raisons historiques que l'on connaît,
parce qu'on a voulu les marginaliser dès le dépari, faire comme
si elles n'avaient jamais existé sur ce continent, ces
personnes-là, les membres des communautés autochtones ont une
méfiance énorme envers l'administration et même envers les
politiciens, et tout simplement envers les Blancs. Et on peut le comprendre sur
un plan historique. Alors, il y a aussi ce problème-là, un
problème de manque de confiance qui fait qu'on ne va pas
nécessairement s'adresser à l'autorité blanche pour
revendiquer des droits ou des avantages. Donc, les craintes de
représailles, j'en trouve, les questions de culture, j'en trouve chez
certaines communautés culturelles et chez certaines communautés
autochtones, et c'est pour ça que moi, comme Protecteur du citoyen, je
crois qu'il devrait y avoir un vice-protecteur aux autochtones, comme un
vice-protecteur vraisemblablement aux communautés culturelles et
ethniques. Et je pense que la question de l'assimilation et de
l'intégration dans notre société, je ne peux la voir sous
cet angle-là, comme Protecteur du citoyen. Ça ne met pas du tout
en cause vos convictions ou votre philosophie là-dessus.
Mme Harel: Je trouve ça intéressant que vous le
présentiez de cette façon-là, mais je me rends compte que,
dans le fond, je ne partage pas votre point de vue. Ce que vous nous dites,
c'est qu'il y a une approche similaire parce que, dans le cas d'un autochtone
ou d'un immigrant, il peut avoir besoin d'un service dans une langue autre que
celle de l'administration. Là, je dis: N'y a-t-il pas confusion? La
question que je vous retourne est: Est-ce que ce service doit lui être
offert par la voie d'un interprète ou si le service lui-même doit
être dans sa langue? Je vous pose le problème très
concrètement parce que j'ai comme voisin de bureau de comté le
Centre montréalais d'accueil aux réfugiés. J'ai parfois
des agents de la Sécurité du revenu qui viennent se plaindre
parce que de nouveaux arrivants - le fait est que c'étaient des
Iraniens, mais j'imagine que ça aurait pu être des gens de bien
d'autres origines - réclament de faire leur demande de prestations
d'aide sociale en anglais. Vous, considérez-vous que c'est un service
que l'État doit assurer à un nouvel arrivant que de lui offrir un
service, non pas dans sa langue d'origine ni par le biais d'un
interprète, mais dans la langue que lui choisit? Me suis-je bien fait
comprendre?
M. Jacoby: Oui, la question est claire. Je ne peux pas me
prononcer là-dessus. C'est une question de nature politique. Ce que je
peux vous dire cependant, c'est que la majorité des personnes... Il faut
dire que chez nous, les immigrants et... Imaginez, nous ne sommes pas connus de
la population en général. Alors, imaginez combien on n'est pas
connus des autochtones et de certaines communautés culturelles au
départ. On a très peu de plaintes.
Je peux vous dire une chose, c'est que, d'une manière
générale, et on le constate au niveau de l'accueil chez nous et
au niveau de l'enquête lorsqu'on va jusqu'à l'enquête, les
personnes qui sont capables de s'exprimer en français vont le faire et
elles le font volontairement. Depuis les trois ans et demi ou quatre ans que
j'y suis, j'ai eu un cas d'une personne qui est montée à mon
bureau, qui l'a fait pour des raisons de principe de vouloir qu'on parle
anglais, dans sa langue. Mais on réalise très bien... En plus il
y a la question que, dans ces communautés-là, il y a beaucoup de
personnes qui ont un autre handicap de base, elles sont déjà
sous-scolarisées dans leur propre culture et leur propre langue au
départ. Elles ont beaucoup de difficulté à faire
l'apprentissage du français. Ce qu'on constate, nous, c'est que, dans
certains cas, il n'y a pas moyen d'identifier le problème autrement
qu'en tentant de parler dans la langue de la personne et on n'est pas
nécessairement équipés pour ça.
Moi, je ne peux pas honnêtement répondre à la
question que vous me posez: Est-ce que c'est un droit pour les immigrants de
parler dans une autre langue que le français? Je pense que c'est
très politique. J'ai mes convictions personnelles, mais je ne pense pas
que ce soit le forum pour en discuter. Je peux vous dire que, comme Protecteur
du citoyen, lorsqu'il y a à l'accueil une personne qui ne s'exprime pas
en français et qui aurait besoin qu'on comprenne son problème
dans une autre langue, j'ai des problèmes et je me sens très mal
à l'aise, comme Protecteur du citoyen, à cause de ça. Je
ne pense pas que ce soit en engageant des interprètes... Je ne veux pas
en faire du bureau, une bureaucratie, un alourdissement du système.
Mme Harel: Je trouve ça tout à fait légitime
que la Charte de la langue française ne s'applique pas au Protecteur du
citoyen et que le Protecteur puisse offrir ce recours sans qu'il y ait aucune
interférence linguistique. Je souhaite que le Protecteur du citoyen ait
les moyens de faire connaître ses services dans des brochures qui
seraient publiées en différentes langues.
Là où j'ai un peu plus de difficulté, c'est
d'imaginer un recours qui pourrait être utilisé de plus en plus
fréquemment pour obtenir des services de l'administration dans sa langue
d'origine, finalement, ou en langue anglaise. Est-ce qu'on en arrive là?
Par exemple, est-ce que quelqu'un peut dire: Moi, je veux passer mon permis de
conduire en yiddish, ou en hindou, ou en fait, n'importe.
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: Est-ce que vous concevez qu'on doive en arriver
là, comme société? J'ai l'impression qu'on serait unique
au monde, en quelque part.
M. Jacoby: Effectivement, on serait unique au monde.
L'administration provinciale ne peut pas donner les services dans toutes les
langues, je pense qu'il n'y a pas un pays au monde qui fait ça. Je peux
vous dire qu'en ce qui nous concerne, on ne peut pas dire qu'il y a un
problème chez nous avec ce genre de demandes-là. On ne se sert
pas de nous à ces fins-là, en tout cas pas à date. Et puis
je peux vous dire une chose, le jour où on viendra s'adresser au
Protecteur du citoyen pour réclamer des services dans toutes les langues
d'origine, c'est parce que notre société se sera mal
outillée en termes de services d'administration et de langues d'usage
d'administration.
Mme Harel: Alors, la réalité, c'est que bon nombre
de nouveaux arrivants utilisent l'anglais comme langue d'usage.
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: Et ils s'attendent, et on ne peut pas leur en vouloir,
ils arrivent à Mirabel,
ils ont là, donc, la confirmation qu'ils sont dans un pays
où les deux langues sont officielles.
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: Et ils remplissent un formulaire sur place à
l'aéroport, qui est recto verso, français-anglais, et ils
s'imaginent que ça va continuer comme ça dans tous les services
de l'administration.
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: Et ils arrivent donc à être
confrontés avec la réalité qu'au Québec, bon, le
français est la seule langue officielle. Mais ils sont au Canada
où il y a deux langues officielles. Bon. Ceci dit, est-ce que la
situation n'est pas différente de celle des autochtones qui, eux,
à tous égards, ont, sans l'ombre d'une contestation, le droit
d'obtenir des services dans leur tangue d'origine?
M. Jacoby: Je ne suis pas en mesure de répondre à
la question de savoir si les populations autochtones ont le droit de
recevoir... C'est toute la question de savoir s'y y a des droits acquis. Je ne
veux pas répondre sur le plan juridique, en tout cas.
Mme Harel: D'accord.
M. Jacoby: Ça m'apparaitrait légitime, d'une
certaine manière, mais ce n'est pas nécessairement la meilleure
solution non plus, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des
communautés autochtones, mais qu'il y a une cinquantaine de dialectes
aussi, juste au Québec. Bon! Il y a une différence, oui
certainement qu'il y a des différences de fond. Les autochtones, je
comprends qu'au Canada on ne veut plus les assimiler, on veut les
reconnaître comme entité, comme population, et c'est la
volonté de tous les gouvernements provinciaux ou presque et du
gouvernement fédéral. Ça c'est une chose. Mais moi, la
question, je la pose autrement. Vous savez, quand je constate qu'au
Québec, par exemple, il y a dans la région de Montréal une
centaine de communautés culturelles et que je constate certains dossiers
qui sont traités... Vous savez que dans l'administration publique,
à l'occasion, il se passe de drôles de choses. Vous avez une
personne qui ne parle pas français et qui s'adresse à un
ministère. Un immigrant, une personne récemment arrivée au
Québec et tout ça, on ne sait pas comment la traiter, alors
qu'est-ce qu'on fait avec elle? On la "switch" au ministère
spécialisé dans les communautés culturelles. Et alors, au
ministère spécialisé, on ne connaît pas le fond du
dossier, c'est sûr, on n'est pas un ministère de secteur, on est
un ministère de clientèle, donc ces problèmes
d'immigration... Alors là, le dialogue commence entre l'administration
sectorielle et l'administration du ministère. Vous avez des personnes
comme ça qui sont barouettées du ministère de
l'Immigration au ministère sectoriel. Et des situations comme ça,
on en voit nous autres, et moi je ne trouve pas ça correct. Alors je me
dis que c'est important aussi que le Protecteur du citoyen puisse faire des
choses, au moins aider les gens à régler ce genre de dossiers
là pour ne pas se faire promener d'un ministère à l'autre.
C'est pour ça que, sur le plan du service à rendre à un
citoyen, vous savez, pour moi, l'État n'a pas de couleur. Le
gouvernement est fait pour tout le monde et je pense que le Protecteur du
citoyen ne doit pas avoir de couleur non plus. Et quand je vois une victime
d'une politique ou d'une application des directives gouvernementales, je pense
qu'il y a des problèmes. Et les problèmes que je vois, c'est
qu'avec les communautés culturelles, il y a des problèmes de
barrières culturelles dans certains cas, en tout cas pour la
première génération, comme avec les populations
autochtones, il y a des barrières culturelles. (17 h 15)
Et mon plan de communication, c'est aussi de se faire connaître,
nous faire connaître des populations autochtones. Vous savez, en Alberta,
au Manitoba, en Ontario, même si la langue d'usage est l'anglais
là-bas, pour bien faire comprendre l'institution du Protecteur aux
populations autochtones, on a fait des dépliants dans différentes
langues. Et pourquoi? Parce que la notion de recours, elle n'existe pas; notre
démocratie, notre concept de démocratie, il n'existe pas dans ces
cultures-là. Alors, il faut expliquer ça dans la langue. Donc, on
fait des dépliants dans les différentes langues des nations
autochtones, en Ontario, comme en Alberta et au Manitoba. Au Québec, on
ne fait rien.
Le Président (M. Dauphin): Ça va, Mme la
députée?
Mme Harel: M. le Président, vraiment, j'abuse là,
mais juste une remarque. Ce n'est pas tant les gouvernements qui ont
décidé, récemment, de ne plus assimiler, mais ils ont pris
acte d'une réalité qui s'est imposée à tout le
monde en même temps, c'est que les Indiens veulent rester Indiens et ils
en ont le droit. Alors, à partir de là, il faut, comme dans nos
institutions publiques, trouver une sorte d'ajustement à cette
réalité-là qui est presque incontournable et qui est bien
différente d'un nouvel arrivant qui, à une ou deux
générations près, va souhaiter s'intégrer et
à qui il faut faciliter l'intégration. Alors, c'est dans ce
contexte-là simplement que je crois que le défi de toutes les
institutions publiques, pour la prochaine décennie, ce sera, entre
autres, de répondre finalement à cet objectif nouveau, parce que
la réalité, elle était invisible, mais elle était
là quand même.
M. Jacoby: La seule réserve que j'apporterais, si je peux
me permettre, c'est que je sais qu'il y a eu des études énormes
qui ont été faites au niveau fédéral, au
ministère des Affaires indiennes. Il y a eu des commissions royates, des
comités et ainsi de suite. Moi, tout ce que j'ai lu depuis que
l'imprimerie existe, mettons, à Ottawa, dans tous les rapports, on dit
que les nations autochtones, les populations autochtones veulent garder leur
identité. Depuis des décennies qu'on dit ça, depuis le
siècle dernier, sans vouloir exagérer, tous ceux qui ont
étudié, tout le monde le sait, mais je dois dire que le
phénomène de la découverte de cette
réalité-là, de ce qu'on écrivait dans les rapports,
elle est récente.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, Me
Jacoby. Merci, Mme la députée. Si vous me permettez, je vais vous
poser quelques questions. Mais tout d'abord, j'aimerais, juste pour fins de
bonne compréhension, vous indiquer que, quand bien même nous ne
vous avons pas questionné, il y a deux semaines, par exemple, sur votre
indépendance financière, pas personnelle là, mais comme
institution, comme Protecteur...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): ...c'est qu'il y a certains
points qui étaient l'évidence même pour les membres de la
commission. À titre d'exemple, le fait que vous ayez à recourir
au Conseil du trésor, on n'a pas jugé utile de vous poser la
question puisque, pour nous, du moins pour 99 % d'entre nous, c'est quasi du
sens commun. Alors, pour fins de bonne compréhension, je voulais quand
même que ce soit clair à ce niveau-là. Et ce n'est pas
juste au niveau de l'indépendance financière, ça
s'explique également pour d'autres sujets non abordés dans les
questions qui vous ont été transmises.
Comme première question qui relève du droit
comparé, dans la législation ontarienne et celle de la
Colombie-Britannique, on a des dispositions à l'effet, à titre
d'exemple, là, qu'une plainte est fondée lorsque l'ombudsman est
d'avis que la décision, la recommandation, l'action ou l'omission est
basée sur une disposition d'une loi, d'une règle de droit ou une
pratique injuste, abusive ou discriminatoire. Est-ce que ça ne vous
répugnerait pas d'avoir une telle disposition dans votre loi habilitante
lorsque, notamment, vous intervenez en matière d'équité?
D'avoir une disposition semblable, justifiant davantage encore plus clairement,
pour fins de nos travaux de recommandations, la semaine prochaine ou dans deux
semaines, est-ce que vous verriez d'un bon oeil d'avoir une telle disposition
dans votre loi...
M. Jacoby: Je pense que je verrais d'un bon oeil que les...
Le Président (M. Dauphin): ...instituante?
M. Jacoby: Effectivement, je pense que notre loi... Vous savez,
je ne veux pas critiquer les rédacteurs de 1968, mais on a comme des
problèmes à l'occasion. On a des dispositions qui nous donnent...
Il faut beaucoup interpréter. Évidemment, la Cour suprême
dit toujours qu'on interprète largement les lois d'ombudsman, mais ce
n'est pas si clair que ça dans nos lois. Quand il s'agit de
lésions, vous savez, on retrouve, c'est assez bizarre, dans notre loi -
vous l'avez noté, mais je le répète quand même -
l'article 26.1, qui dit: Le Protecteur doit aviser par écrit le
dirigeant d'organisme chaque fois qu'il estime que cet organisme public ou une
personne... ne s'est pas conformé à la loi. On y va par la bande
et c'est loin d'être clair. Et puis, à part ça, les termes
qui sont là-dedans, je pense, sont un peu dépassés
à certains points de vue. En plus, la notion d'équité,
nous faisons des interventions en équité, bien sûr, mais on
l'a tirée par interprétation de la loi. Quand on dit qu'une
personne aurait agi de manière déraisonnable ou injuste, bon...
La loi de la Colombie-Britannique est beaucoup plus claire, c'est vrai, mais il
faudrait faire attention quand on reverra les textes, cependant, de ne pas
avoir l'effet contraire sans s'en rendre compte, de restreindre les pouvoirs du
Protecteur du citoyen.
Mais vous savez qu'il y a même des législations où
on va très loin. Je pense que la loi française et la loi de
plusieurs pays africains en matière de médiateur de la
république dit clairement qu'en plus du reste, on peut intervenir en
équité. C'est dit très clairement.
Le Président (M. Dauphin): Une espèce de pouvoir
résiduaire.
M. Jacoby: Oui, qu'il faut toujours utiliser avec
circonspection.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Comme
deuxième question relative à l'interruption de la prescription,
pourriez-vous nous indiquer des juridictions où, effectivement, une
disposition semblable existe, qu'un recours à l'ombudsman, interrompt
automatiquement la prescription sous d'autres recours?
M. Jacoby: Nous n'avons pas fait la recherche sur cet aspect
particulier, mais nous allons la faire pour savoir s'il y a d'autres lois
d'ombudsman qui ont ce genre de disposition. On va le faire. Nous, ce que nous
avons fait, en fait, c'a été une demande pour répondre
à des besoins opérationnels. Ce qu'on a pu constater, c'est qu'il
y a beaucoup de nos lois qui créent un effet interruptif de
prescription. Mais on va regarder ailleurs et on répondra dans les
meil-
leurs délais.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup.
Lorsque vous nous avez dit dans votre exposé que sous d'autres
juridictions, effectivement, il y a des ombudsmans
spécialisés...
M. Jacoby: Oui.
Le Président (M. Dauphin): ...en matière de
santé et de services sociaux...
M. Jacoby: Oui.
Le Président (M. Dauphin): ...est-ce que vous avez des
références?
M. Jacoby: II n'y en a qu'un à ma connaissance, c'est la
Suède.
Une voix: II y a l'Angleterre aussi.
M. Jacoby: Et l'Angleterre, oui. L'Angleterre et la Suède.
Ce sont les deux juridictions où il y a des ombudsmans parlementaires
spécialisés.
M. Williams: Ça n'existe pas en Ontario?
M. Jacoby: Oui, si vous appelez un officier de ministère
un ombudsman, oui, ça existe. Mais ce n'est pas des vrais ombudsmans
parlementaires.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Une voix:
Merci.
Opportunité de créer des postes de
vice-protecteurs
Le Président (M. Dauphin): Concernant
l'éventualité où on proposerait, dans nos recommandations,
la création de vice-protecteurs, est-ce qu'on devrait leur donner des
pouvoirs spéciaux définis dans la loi ou bien de simples pouvoirs
délégués, un peu comme les enquêteurs en
possèdent, je crois, actuellement?
M. Jacoby: Oui, oui.
Le Président (M. Dauphin): Les pouvoirs leur sont
délégués.
M. Jacoby: Je pense que la logique serait que... Actuellement, la
loi est ainsi faite qu'une très grande partie des pouvoirs du Protecteur
du citoyen sont délégués à ses collaborateurs et
ses collaboratrices. Il y a seulement quelques pouvoirs qui ne sont pas
délégués. Par exemple, le fait de faire une recommandation
formelle, ça, ce n'est pas délégué. Mais au niveau
opérationnel, c'est délégué. Je pense qu'il serait
logique, avec l'institution, qu'encore là, ce soient des pouvoirs qui
soient délégués par le Protecteur du citoyen, suivant les
besoins d'organisation et de fonctionnement. Ne serait-ce que, si le Protecteur
du citoyen, si l'institution voulait avoir un vice-protecteur aux
opérations, je pense que ça fait partie du droit de
gérance, ça. Mais je pense que si on veut maintenir l'acquis de
l'indépendance et l'autonomie opérationnelle de cette
institution, il ne faut pas que la loi impose au titulaire du poste des
obligations qui pourraient, dans certains cas, aller à rencontre
même des objectifs de la loi. Je pense qu'il faut laisser ça dans
les mains du Protecteur. Vous savez, un Protecteur, quand ça ne fait pas
sa job, c'est très critiqué et quand ça la fait, aussi,
c'est très critiqué. Alors, on vit avec ça. Bon.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Vous nous avez
dit, ce matin, que...
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet? Oui,
Mme la députée.
Mme Harel: Oui, sur ce sujet, là, puisque
l'hypothèse examinée est celle, donc, d'une nomination par
l'Assemblée nationale de vice-protecteurs...
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: ...est-ce que ce serait sur recommandation du
Protecteur lui-même?
M. Jacoby: Oui, je pense que c'est absolument nécessaire.
À moins qu'on décide de fonctionner avec les commissions,
là, c'est très différent. Mais si on demeure convaincu que
l'indépendance et l'efficacité de l'institution dépend
d'abord d'une seule personne, je pense qu'il faut que cette personne soit
impliquée dans la nomination des vice-protecteurs. Je ne voudrais pas me
retrouver, comme dans certaines situations que je ne décrirai pas,
où des dirigeants de ci et de ça se retrouvent avec des gens
nommés par d'autres et ça ne marche plus. Je pense que si on fait
ça à l'institution du Protecteur, les dangers sont très
grands. Alors, je pense qu'à tout le moins, le Protecteur devrait
présider à la recommandation pour ce qui est des
vice-protecteurs, mais que ce soit - la ou les recommandations, il y a moyen de
se parler - l'Assemblée nationale, par contre, qui décide du
choix des vice-protecteurs. Ça m'ap-paraîtrait normal.
Vous savez, il y a même certaines législations où le
Protecteur du citoyen est sélectionné, d'abord et avant tout, par
le Parlement et c'est l'Exécutif qui ratifie. Chez nous, c'est
l'inverse. Le Protecteur est nommé sur recommandation de
l'Exécutif et, à toutes fins pratiques, ratifié par
l'Assemblée nationale. Ça va très loin, la
démo-
cratie, dans certains cas. Alors, a tout le moins, pour les
vice-protecteurs, je dirais qu'il faudrait que ce soit la décision de
l'Assemblée nationale.
Mme Harel: Mais dans la perspective où, justement, les
pouvoirs du vice-protecteur sont délégués, il pourrait y
avoir, par exemple, un scénario où l'Assemblée nationale
procède à la nomination de deux ou trois protecteurs sans qu'il y
ait de fonctions précises qui leur soient attribuées. Moi, je
conçois fort bien qu'il faille une recommandation du Protecteur parce
que, sinon, on peut paralyser l'institution complètement dans des
conflits de personnalité. Mais, d'autre part, dans le cas, par exemple,
de la santé et des services sociaux, il est vraisemblable que
l'Assemblée voudrait pouvoir nommer un vice-protecteur
précisément à ce secteur-là. Alors, vous voyez
cette hypothèse-là de quel oeil, avec quel regard?
M. Jacoby: Vous voulez dire que l'Assemblée nationale,
unilatéralement...
Mme Harel: Non, je conçois qu'il faille une recommandation
du Protecteur...
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: ...parce que, sinon, moi, je craindrais
énormément que l'institution soit neutralisée...
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: ...et paralysée. Mais le Protecteur fait des
recommandations. J'ai cru comprendre, dans la réponse que vous faisiez
au Président...
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: ...qu'il s'agissait de vice-protecteurs sans qu'il y
ait de fonctions précises attachées à leur nomination.
M. Jacoby: Oui. Enfin, je ne voudrais pas que ce soit dans la
loi, parce que les lois, vous savez, c'est... Mais à partir du moment,
par rapport à une des questions que vous avez posées, où
il y aurait une commission de l'Assemblée nationale qui serait là
pour discuter, par exemple, des propositions de nomination par le premier
ministre pour le Protecteur, et des budgets, des crédits, des
orientations, des activités, je pense que ces questions pourraient se
discuter a l'Assemblée nationale par le biais de cette
commission-là. Et je pense que... Je ne sais pas, je peux imaginer des
situations... Il serait très difficile d'imaginer des situations
conflictuelles. (17 h 30)
Moi, ce que je peux vous dire, c'est que je pense que pour des raisons
tout à fait fonctionnelles et opérationnelles, j'aurais besoin
d'un certain nombre de vice-protecteurs du citoyen. Je peux vous dire que je
souhaiterais aussi avoir un vice-protecteur qui soit responsable des
populations autochtones ou des rapports entre les populations autochtones et
l'administration, de la même manière que je vous dirais que je
pense qu'il serait important d'avoir un vice-protecteur responsable en ce qui
touche les communautés culturelles. Je pense qu'il ne faudrait pas
mettre ça dans la loi, parce qu'il y a un danger très grand, vous
savez. L'institution du Protecteur du citoyen, c'est extrêmement, c'est
beaucoup plus fragile que ça paraît l'être. Ça peut
être très fragile à un moment donné.
Mme Harel: De quelle façon se manifesterait le danger?
M. Jacoby: C'est très facile de paralyser une institution.
J'ai été sous-ministre, je sais comment ça fonctionne;
c'est très facile. Il suffit de confier un mandat exclusif à un
adjoint, avec des directives bien précises, pour que ça ne
fonctionne pas. Ça existe comme ça. Et puis, c'est
extrêmement délicat. Je ne dis pas que ça arriverait, mais
il suffit qu'un jour, un gouvernement qui soit un gouvernement
d'extrême-droite et réactionnaire et qui ne voudrait plus
absolument ni de recours pour le Protecteur du citoyen, même plus de
recours aux députés, même plus de recours, et qui nommerait
du monde là pour faire du papier.
Mme Harel: Ou l'inverse, un changement de gouvernement, par
exemple. Posons-le par pure hypothèse, un changement de gouvernement et,
pour neutraliser le Protecteur en place nommé par le gouvernement
précédent, le nouveau gouvernement nomme un vice-protecteur qui
le paralyse finalement; et qu'il soit l'homme du nouveau gouvernement, le
Protecteur étant celui de l'ancien, ça serait plus vraisemblable,
quelque chose comme ça, qu'un gouvernement d'extrême-droite.
M. Jacoby: Ah! tout est possible dans nos sociétés.
Quand on regarde à long terme...
Le Président (M. Dauphin): Pure hypothèse. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: Non. Non. Je pense que c'est facile et ça
serait toujours... C'est parce qu'à un moment donné, le grand
problème de fond, c'est que l'institution du Protecteur deviendrait une
institution de type politique partisane au détriment, je pense, des
usagers des services gouvernementaux.
Mme Harel: C'est intéressant. Merci.
Juridiction du Protecteur du citoyen en matière
de corporations professionnelles
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Sur un autre
sujet, ce matin, vous nous avez dit que, concernant l'acte professionnel, vous
ne souhaitez pas et vous ne nous conseillez pas de nous attarder
là-dessus, puisque vous nous dites: On n'en veut pas de cette
juridiction-là, on préfère plutôt soumettre des
recommandations au ministre responsable de l'Office des professions, en
l'occurrence, le ministre du Revenu actuel. Deux choses: Quel genre de
recommandations souhaitez-vous faire? Et deuxièmement, ne verriez-vous
pas d'un bon oeil le fait d'avoir un droit de regard, du moins sur le
fonctionnement de ces comités de discipline, comités de
médecins, dentistes, pharmaciens-conseils, je pense qu'on appelle
ça - qui, actuellement, sont composés exclusivement de
professionnels? Même si vous iriez faire des recommandations au ministre
responsable, verriez-vous d'un bon oeil, au moins, tant qu'au fonctionnement de
tout ça, d'avoir un droit de regard, à savoir si c'est
adéquatement en fonction?
M. Jacoby: Parce que là, on parle de ces comités de
professionnels et, d'ailleurs, il y en a un autre avec la réforme
maintenant, pour les infirmiers et les...
Le Président (M. Dauphin): Infirmières
M. Jacoby: ...infirmières. Il est évident... La
question que je me pose, moi, par rapport à ces
comités-là, qui fonctionnent souvent par sous-comités - et
on retrouve l'administration, à l'occasion, sur ces
comités-là - c'est que ce sont des organisations qui sont
à l'intérieur d'établissements pour qui, à toutes
fins pratiques, il n'y a pas d'appel de leurs décisions. Quel est le
citoyen - enfin, rares sont les citoyens qui, après s'être plaints
à l'établissement que c'est une matière qui relève
du comité et qui n'ont pas de réponse ou se font dire non - qui,
par la suite, va s'adresser à la Corporation professionnelle
officiellement, en vertu du Code des professions? Moi, je pense qu'il faudrait
élargir le pouvoir de l'Office sur ces comités des
établissements. Mais il faut dire que si je parie comme ça, c'est
par rapport aux réformes qu'on va proposer. On est actuellement en train
de préparer une analyse et des recommandations pour bonifier, je pense,
le régime disciplinaire des professionnels incluant, bien sûr, les
médecins, de façon à ce que les recours en matière
de déontologie, d'une part, soient des recours qui soient plus efficaces
et qui donnent vraiment le sentiment aux justiciables, aux
bénéficiaires, que, véritablement, justice a
été rendue. Et, à cette fin, nous allons proposer que les
syndics ne relèvent plus des corporations professionnelles, mais qu'ils
soient nommés par l'Office des professions. Nous allons recommander que
les comités de discipline soient abolis dans leur forme actuelle et
qu'ils soient composés de représentants, bien sûr, des
corporations professionnelles, mais également de représentants
des citoyens. Nous aUons proposer que la fonction de syndic ne soit pas
mêlée avec ceHe de respect des codes de déontologie et,
dans ce sens-là...
Maintenant, vous savez, avoir un droit de regard sur des actes
professionnels, il faut bien s'entendre. Jamais le Protecteur du citoyen ne
peut se substituer à l'acte médical, mais il peut poser des
questions par exemple, hein? Parce qu'on sait très bien que les
traitements varient à l'intérieur d'un même
établissement et, de la même manière, nous, on interroge,
à l'occasion, les médecins de certains organismes pour savoir
pourquoi ils sont arrivés à telle conclusion et ainsi de suite,
est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres façons de régler la
situation? Vous savez, il y a des questions de... Prenez les personnes qui
éprouvent des problèmes d'ordre mental. Quand est-ce qu'on
s'occupe de leur demander, à eux ou à leurs représentants,
leur consentement à des changements de soins, à des changements
de pharmacologie? Le Protecteur du citoyen peut se poser des questions, il peut
intervenir dans des dossiers comme ça. Ça ne met pas en cause
l'acte médical, mais ça met en cause les droits de la personne.
Le consentement aux soins c'est un droit fondamental. Il faut consentir aux
soins. Et si on n'est pas apte à le faire soi-même, ça se
fait par des représentants ou par des membres immédiats de la
famille. Ça arrive tous les jours, ça, au nom de la science,
qu'on change des soins des gens. Je pense que le Protecteur peut faire quelque
chose là-dedans. Ça ne met pas en cause le rôle des
corporations professionnelles.
Le Président (M. Dauphin): Oui. D'ailleurs, je crois qu'il
y a des groupes qui nous ont mentionné - vous me corrigerez si je fais
erreur - lors de nos auditions publiques qu'ils voyaient, comme recours de
première ligne en matière de santé mentale, par exemple,
le Protecteur du citoyen.
M. Jacoby: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Contrairement à d'autres
groupes qui le voyaient, évidemment... La majorité le voyait
comme recours ultime, de troisième niveau, par exemple...
M. Jacoby: Ah! Oui.
Le Président (M. Dauphin): ...en matière de
santé mentale...
M. Jacoby: En matière de santé mentale, mais c'est
parce que dans la santé mentale, il y a beaucoup de choses et l'acte
médical est un acte parmi d'autres. Il y a aussi les conditions
de vie des personnes qui sont ei. établissement, qui vivent dans
des établissements spécialisés. Il y a toutes les
personnes qui sont en clinique externe. Il y a tout le monopole qui se fait au
niveau des établissements hospitaliers. Une personne qui ne peut pas
obtenir des soins... Pour des personnes qui éprouvent des
problèmes d'ordre mental, parce que les psychiatres se sont
divisé les territoires, on ne peut plus faire ce qu'on veut comme avant
et il y a des gens qui sont poignes entre deux institutions. Tout ça,
c'est des questions administratives mais qui ont énormément
d'impact sur les personnes en cause.
Le Président (M. Dauphin): J'aimerais juste revenir, si
vous le permettez, Me Jacoby, sur le sujet de tantôt concernant les
vice-protecteurs...
M. Jacoby: Oui.
Le Président (M. Dauphin): ...soit le rôle
défini par la loi modifiant la loi existante ou bien par un pouvoir
délégué par le Protecteur lui-même. C'est qu'on
m'informe que, de par la loi, le Protecteur ne peut déléguer son
pouvoir de recommandation formelle. À ce moment-là,
automatiquement, il faudrait modifier la loi...
M. Jacoby: Ah! Bien, c'est sûr.
Le Président (M. Dauphin): ...pour donner le pouvoir
à ce vice-protecteur-la en matière de santé.
M. Jacoby: Bien, c'est évident. Je pense que la loi
devrait permettre aussi... Il y a plusieurs recommandations, je pense, qui
pourraient être faites formellement par le vice-protecteur. Je trouve que
c'est très étriqué, la loi. Il faudrait que le Protecteur
puisse déléguer aussi les recommandations officielles et
même ce serait peut-être mieux dans certains cas parce qu'à
ce moment-là, ce serait un premier intervenant et le Protecteur
au-dessus. En termes d'intervention, ça pourrait être
supérieur. Je pense que la loi... Ce qui est important c'est que le
Protecteur, le titulaire du poste, demeure imputable. C'est lui qui est
responsable des actes et de ses employés et de ses vice-protecteurs.
C'est ça qui est important, l'imputabilité.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, est-ce qu'il y a
d'autres collègues qui aimeraient...
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Dans l'hypothèse
d'un élargissement, une hypothèse souhaitée et souhaitable
d'un élargissement du mandat, est-ce qu'il peut être
envisagé d'éche- lonner la mise en vigueur des nouveaux secteurs
qui pourraient être couverts? Par exemple, je crains, moi, qu'il y ait
une résistance qui se manifeste à un rapport de la commission des
institutions à l'effet d'élargir le mandat du Protecteur,
notamment à tous les organismes qui, à quelque part... Ce matin,
on cherchait un dénominateur commun et on disait au moins ceux dont les
conventions collectives passent par le Conseil du trésor. En fait,
ça couvre pas mal plus que ce que la loi permet au Protecteur de couvrir
présentement. Mais, dans la mesure justement où
l'élargissement s'opérerait tel que le scénario que vous
avez élaboré dans vos réponses nous permettrait de
l'envisager, est-ce que vous pensez qu'il faudrait qu'il y ait une sorte
d'échelonnement dans la mise en vigueur de façon à vous
permettre, au fur et à mesure, de donner suite à l'augmentation
du volume de recours qui s'ensuivrait? Comment voyez-vous la mise en
vigueur?
M. Jacoby: Ça, écoutez, je pense que c'est
très, très important, la question que vous posez. Si, demain
matin, on élargissait la compétence du Protecteur du citoyen aux
affaires municipales, même sur une base consensuelle volontaire, au
secteur de la santé et des services sociaux, aux sociétés
d'État et à tous les organismes non assujettis actuellement, je
pense qu'on ne pourrait pas donner le service à la population et on
n'aiderait personne. Moi, je pense qu'il faudrait, une fois qu'on a, par la
loi, apporté les amendements et les modifications législatives
pour élargir la juridiction à certains secteurs, qu'ensuite une
planification soit établie de concert entre le Protecteur du citoyen, la
commission et le gouvernement sur un échéancier, une
planification stratégique avec un échéancier très
précis et de commencer... Je pense que les priorités devraient
être mises là où il y a apparemment le plus de
problèmes. On pourrait établir un plan triennal. Il n'y a pas de
problème à ce que ce soit fait comme ça.
Mme Harel: Vous avez déjà évalué le
coût de cet élargissement?
M. Jacoby: Le coût de l'élargissement, on ne nous a
pas donné l'occasion de l'évaluer, mais ce que je peux vous dire,
les approximations qu'on a pu faire pour le secteur de la santé et des
services sociaux, dans la mesure où notre compétence se
limiterait, dans un premier temps, même si ce n'est pas très
pratique, aux personnes les plus vulnérables, c'est autour de 500 000 $
dans un tout début, pour commencer. Mais je ne peux pas... Vous savez,
ça dépend du volume de plaintes, ça dépend de la
nature des enquêtes que nous ferons. On ne l'a pas fait. J'aimerais bien
pouvoir le faire et c'est faisable, c'est certainement faisable. On peut se
tromper dans les évaluations, mais c'est faisable. Si on
accordait juridiction au Protecteur du citoyen dans tous les secteurs
dont on a parlé depuis ce matin et que, admettons, 50 % des 1500
municipalités du Québec viennent au Protecteur et ainsi de suite,
et que c'est le gouvernement qui paie, je pense qu'il faudrait doubler les
budgets.
Mme Harel: Mais, vous savez que vous n'avez pas à craindre
cet "opting in" vertigineux de la part des municipalités. Il va falloir,
pour certaines, que leurs citoyens leur tirent l'oreille avant qu'elles...
M. Jacoby: Absolument.
Mme Harel: ...fassent volontairement la demande. Est-ce que, dans
d'autres juridictions, il y a des expériences où la loi
constitutive de l'institution du Protecteur est sous la gouverne de quelqu'un
d'autre qu'un ministre responsable? J'échangeais avec le
président de la commission et je lui demandais: Est-ce qu'il faut que ce
soit le ministre de la Justice, par exemple, qui présente une loi devant
l'Assemblée nationale, loi modifiant, évidemment, la loi, ou si
ça ne pourrait pas être, par exemple, la présidence de la
commission parlementaire des institutions qui présente, comme un
parlementaire peut le faire, une loi semblable? Quelle est l'expérience
des juridictions semblables dans d'autres pays? (17 h 45)
M. Jacoby: Partout ailleurs où il s'agit de
véritables ombudsmans, c'est évident que les ombudsmans ne
relèvent pas d'un ministre en particulier. D'une manière
générale, à ma connaissance - d'après ce que j'ai
entendu dire - c'est généralement le premier ministre du
gouvernement concerné qui pilote le projet de loi. Sauf que l'on sait
aussi qu'à travers le monde les premiers ministres n'aiment pas toujours
piloter des projets de loi devant le Parlement. Alors, il arrive, à
l'occasion, que ça soit les ministres de la Justice de ces
pays-là qui pilotent les projets de loi.
Pour qu'un projet de loi, maintenant, soit piloté par une
commission ou par le président d'une commission chargée
spécialement.. Je pense qu'il y aurait certainement quelques petites
modifications à apporter, à moins qu'on en fasse un projet de loi
de député ou un projet de loi privé. Il y aurait
certainement des modifications à apporter à la Loi sur le
Protecteur du citoyen ou à la Loi sur l'Assemblée nationale pour
permettre ce genre d'intervention, si on ne veut pas que ça se limite
à un projet de loi de député ou...
Mme Harel: C'est ça...
Le Président (M. Dauphin): S'assurer le support de
l'Exécutif, évidemment.
M. Jacoby: Oui, certainement. Mais je pense... Ce que je peux
constater et ce que mes prédécesseurs ont constaté, les
ministres sont toujours mal à l'aise avec le Protecteur du citoyen.
Quand je parie au ministre de la Justice sur des questions plus
générales - je ne parle pas de dossiers - je mets l'institution
du ministère de la Justice mal à l'aise. Un ministre qui va
défendre un élargissement du mandat du Protecteur, quand il dit:
Peut-être que ça va me tomber dessus un jour... Je pense qu'on met
les ministres dans des positions difficiles. Il y a deux possibilités
pour ne pas mettre le monde mal à l'aise; c'est ou bien le premier
ministre qui est censé être au-dessus de la mêlée, ou
bien les parlementaires eux-mêmes.
Mme Harel: J'ai cru comprendre, dans les réponses que vous
faisiez à nos questions ce matin, que vous comptez rendre public tout
prochainement un rapport spécial sur le degré de
résistance que, malheureusement, vous obtenez avec certains
ministères, un de ces ministères récalcitrants
étant justement la Justice...
M. Jacoby: Sur certains dossiers, oui. Mme Harel: Sur
certains dossiers? M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: Alors, ça ne facilite pas les choses.
M. Jacoby: Ça ne facilite jamais les choses. C'est
toujours extrêmement délicat car, vous savez, l'institution du
Protecteur du citoyen, c'est un peu paradoxal en termes de fonctionne ment et
d'organisation.
Le Président (M. Dauphin): Pourquoi pas le
président de l'Assemblée nationale?
Mme Harel: Ce n'est pas bête, ça.
M. Jacoby: Écoutez... Moi, j'ai déjà eu
l'occasion de parler à des présidents. Ça pourrait
être un président, si on apportait des modifications
législatives et tout ça... Moi, j'ai rencontré des
présidents depuis que je suis nommé. Je les ai rencontrés
pour discuter des orientations à l'époque... On s'est
parlé, on a eu de beaux déjeuners ensemble et, un jour, un
président m'a dit: Écoutez, M. le Protecteur, vous êtes
indépendant? J'ai dit: Oui. Et il dit: Moi aussi. Je ne peux ni
épouser, ni partager, ni appuyer vos recommandations. Je me dois
d'être indépendant dans ma fonction. Alors, il y a comme un
problème de deux indépendances qui s'affrontent.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Pas sous l'actuel, sous
l'ancien président.
M. Jacoby: Sous l'ancien président, je dois dire.
Le Président (M. Dauphin): Sous l'ancien
président?
M. Jacoby: Oui, oui, c'est ça, sous l'ancien
président.
Le Président (M. Dauphin): Je pourrais vous
suggérer une nouvelle tentative avec le nouveau.
M. Jacoby: Non, je n'ai pas récidivé. Des fois, je
me tanne.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Est-ce que vous avez d'autres
questions, Mme la députée?
Mme Harel: Non, pas maintenant.
Le Président (M. Dauphin): Ça va?
M. le député de Nelligan, avez-vous d'autres questions
à poser au Protecteur?
M. Williams: Pas maintenant.
Le Président (M. Dauphin): Pas maintenant?
M. Williams: Non.
Le Président (M. Dauphin): Moi, je vais en poser une
maintenant, dans ce cas-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Ce n'est pas une colle. Ce
matin, vous nous avez dit qu'en termes d'organismes, le Protecteur devrait
avoir juridiction en ce qui concerne des fonds publics et tout ça. Il ne
devrait pas y avoir trop de restrictions quant aux organismes sur lesquels vous
devriez avoir juridiction, sauf le Vérificateur général,
le DGE, le Directeur général des élections...
M. Jacoby: Oui, et les tribunaux administratifs.
Le Président (M. Dauphin): Et les tribunaux
administratifs. Mais vous avez déjà juridiction sur les
employés du Vérificateur général?
Mme Harel: Sur le fond.
Le Président (M. Dauphin): Ils sont assujettis à la
Loi sur la fonction publique.
M. Jacoby: Oui, oui, c'est déjà... Mais ça,
c'est encore l'histoire qui explique ça. C'est très juste ce que
vous dites, effectivement. Ce sont des fonctionnaires, sauf qu'on n'a pas
encore de sous-ministres qui sont venus se plaindre chez nous des interventions
du Vérificateur général.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: Peut-être que s'ils découvrent que nous
avons juridiction sur le Vérificateur général, il y aura
peut-être plusieurs sous-ministres qui vont venir déposer une
plainte chez nous.
Le Président (M. Dauphin): Avant 1987, vous aviez
juridiction en termes de délais devant les tribunaux administratifs,
avant qu'on amende la loi.
Une voix: On l'a encore.
Le Président (M. Dauphin): Vous l'avez encore?
M. Jacoby: C'est demeuré, oui.
Le Président (M. Dauphin): Je croyais que ça avait
été enlevé en 1987. C'est demeuré. C'est
spécifique.
M. Jacoby: La compétence que nous avions portait sur la
procédure, au sens procédural du mot, sur toutes les questions
administratives. Qu'il s'agisse de délais d'audition, de délais
de délibéré, de dommages causés par des erreurs
faites, non pas par un membre d'un tribunal administratif, mais par un des
officiers du tribunal administratif, on a compétence.
Le Président (M. Dauphin): On m'informe que vous avez,
dans votre rapport annuel, une plainte à l'étude qui concerne le
Vérificateur général.
M. Jacoby: Ah oui?
Le Président (M. Dauphin): Oui.
M. Jacoby: Bien je...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ç'a dû être un rejet.
M. Jacoby: Je ne peux vous répondre.
Mme Harel: C'est un rejet.
Le Président (M. Dauphin): C'est un rejet.
M. Jacoby: Je vais vérifier et je vous enverrai le
résultat.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Parce qu'on vous a à
l'oeil, on a de l'aide alentour.
M. Jacoby: Oui, oui, c'est... Conclusions Le
Président
Le Président (M. Dauphin): Alors, Mme la
députée ou M. le député de Nelligan. Vous n'avez
pas d'autres questions? Ça va, Mme la députée? Alors on
pourrait peut-être conclure? Moi, je vais conclure de la façon
suivante, c'est que la réforme parlementaire de 1984 a permis justement
à des commissions parlementaires comme la nôtre, des commissions
parlementaires permanentes, de se donner des mandats d'initiative, de se donner
un pouvoir de surveillance et de contrôle des organismes sous sa
juridiction. Vous savez qu'on vous aime bien comme institution et comme
personne aussi, évidemment, et qu'on a su obtenir la juridiction par
délégation de la commission de l'Assemblée nationale.
Alors, ce que j'ai à vous dire comme président, c'est que nous
allons très prochainement faire le point sur nos recommandations. Nous
allons, comme je le mentionnais ce matin, et de concert avec tous les
collègues membres de cette commission, nous organiser pour faire le
dépôt de notre rapport à cette session-ci, avant la fin de
la session, pour en débattre - il y a un débat d'une heure de
prévu - et, ensuite de cela, évidemment, tenter, comme
parlementaires, de convaincre l'Assemblée nationale de modifier votre
loi habilitante qui date, comme le mentionnait le vice-président ce
matin, de plus de 20 ans.
Alors, je n'ai pas l'intention, avec toute la déférence
que j'ai pour le vice-président de la commission, de faire des
engagements électoraux, je pense que ce n'est pas de mon ressort, mais
j'ai l'intention quand même de ne pas attendre la prochaine
élection - trois ans, Mme la députée - pour faire des
engagements...
Mme Harel: Nous annoncez-vous une élection seulement
après cinq ans de mandat?
Le Président (M. Dauphin): Quatre ans et trois quarts.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Mais ce que je veux dire par
là, c'est que...
Une voix:...
Le Président (M. Dauphin): ...je ne veux pas faire
d'engagements électoraux pour dans trois ans, on a l'intention de
procéder le plus rapidement possible, justement dans
l'intérêt des justiciables, des bénéficiaires, des
citoyens et citoyennes du Québec. Et puis je pense que je parle au nom
de tous les collègues membres de cette commission. Et j'aimerais
également vous remercier pour votre diligence, vous remercier
également ainsi que tous les membres qui vous accompagnent, pour les
services que vous rendez à la commission des institutions. Et puis, nous
sommes très heureux de pouvoir travailler avec une institution aussi
importante que celle du Protecteur du citoyen et qui deviendra possiblement,
prochainement, protectrice ou protecteur des citoyens et citoyennes du
Québec.
Mme la députée voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Louise Harel
Mme Harel: Oui certainement. Alors, évidemment il nous
reste à compléter l'adoption des engagements financiers...
Le Président (M. Dauphin): Ah oui c'est vrai!
Mme Harel: ...de façon à terminer notre mandat,
mais nous sentons tous que nous sommes à finaliser une tâche qui a
été entreprise en 1988. Alors, il y a malgré tout une
certaine lenteur et c'est de là que vient ce sentiment
d'accélérer nos travaux de façon à ce que, avec la
fin de la présente session, nous puissions mettre un point final
à nos recommandations, puisque c'est finalement au printemps 1988 que la
commission parlementaire des institutions examinait l'élargissement
possible du mandat du Protecteur du citoyen. Je crois que c'était
à l'occasion de l'étude des crédits...
Une voix: Du rapport annuel.
Mme Harel: ...du rapport annuel, voilà! Alors, il a
régné un esprit de saine collaboration depuis le début des
travaux de la commission. Et je veux juste insister sur le fait que nous avons
décidé, mes collègues de la commission et moi, nous avons
pris cet engagement de ne rien recommander que nous ne serions prêts
nous-mêmes à appliquer si nous étions nous-mêmes au
gouvernement. C'est-à-dire, en d'autres termes, que nous avons
décidé de ne pas adopter une attitude maximaliste si tant est que
nous ne fussions pas prêts nous-mêmes à donner suite
à ces recommandations que nous allons faire à la fin des travaux
de la commission. Ce que nous constatons, c'est la nécessité de
rafraîchir absolument cette loi qui commence à avoir un certain
caractère vétusté. Il faut qu'il y ait un sentiment
d'urgence et je crois que le Protecteur du citoyen aura, dans la
décennie qui vient, des défis très considérables,
notamment, peut-être, dû au fait qu'il y a des contraintes
financières qui pèsent sur tous les gouvernements, qu'il y a des
"priorisations" à faire dans les services publics à offrir.
Finalement, son point de vue est extrêmement important pour ne pas qu'il
y ait
perte de qualité dans ce processus >à et aussi parce
que la société se complexifie et parce que l'administration
publique se complexifie, parce que la société s'enrichit aussi de
l'apport de nouveaux arrivants et qu'elle se diversifie. Dans ce
sens-là, je crois que ça impose une certaine façon
nouvelle d'entrevoir le rôle du Protecteur du citoyen avec des moyens
plus importants qui sont mis à sa disposition.
Alors, moi, je suis très contente, en tout cas, de l'état
de nos travaux jusqu'à maintenant. Je suis très contente,
très contente de la contribution que vous avez apportée
aujourd'hui à nos travaux. Je remercie les membres de la commission et
toute votre équipe et vous-même pour la prestation
d'aujourd'hui.
Vérification des engagements financiers
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Nous allons maintenant
procéder à la vérification des engagements financiers de
la compétence du Protecteur du citoyen pour la période de
septembre 1989 à mars 1991. Alors, si je comprends bien, Mme la
secrétaire, on débute avec mars 1990. Alors, mars 1990, il y a
deux engagements, dont le premier qui est une entente d'occupation des locaux
du bureau de Montréal.
Mars 1990
M. Jacoby: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Augmentation de 77 141,52 $ en
mars 1990 pour tenir compte du loyer additionnel suite à la
relocalisation des locaux à Montréal. Est-ce qu'il y a des
questions particulières ou voulez-vous donner des explications
particulières?
M. Jacoby: C'est lorsque nous avons déménagé
les bureaux du Village olympique au centre-ville de Montréal. Alors, il
y a une différence de coût pour les baux, pour la période
de l'année financière et, aussi, il y a eu les coûts
d'aménagement des nouveaux locaux et nous avons payé tout
ça, bien sûr, à la SIQ.
Le Président (M. Dauphin): Vous êtes au Village
olympique, je crois, actuellement.
M. Jacoby: Nous étions au Village olympique.
Le Président (M. Dauphin): Vous étiez au Village
olympique.
Mme Harel: Où est-ce que vous êtes installés
maintenant?
M. Jacoby: Nous sommes maintenant au coin de Bern et Sherbrooke,
dans le Holiday Inn Ri- chelieu qui est en rénovation, au
troisième étage.
Le Président (M. Dauphin): D'accord.
Mme Harel: Alors, c'est encore plus central pour l'ensemble.
M. Jacoby: Oui, effectivement. C'est plus central pour les
citoyens parce que se rendre au Village olympique, même avec le
métro, ce n'était pas un cadeau.
Le Président (M. Dauphin): Alors, est-ce que l'engagement
financier 1 est vérifié?
Mme Harel: Vérifié.
Le Président (M. Dauphin): Vérifié. Alors,
j'appelle l'engagement 2, toujours de mars 1990, qui concerne une entente des
services de télécommunications: "Augmentation de l'engagement
suite à l'ajustement des crédits budgétaires
approuvé par l'Assemblée nationale lors des crédits
additionnels de janvier 1990. Le montant du début ne correspondait pas
aux besoins réels."
M. Jacoby: Oui, effectivement, M. le Président, il s'agit
du fait que, vous savez, la téléphonie, nous recevons de plus en
plus de plaintes, nous recevons de plus en plus de demandes de renseignements
et ça appelle une augmentation des coûts de communication. Et le
gouvernement est obligé, soit une fois par année, soit en cours
d'année, de nous ajuster pour pouvoir payer le ministère des
Communications.
Le Président (M. Dauphin): Pas de questions? Alors, est-ce
que l'engagement 2 de mars 1990 est vérifié?
Mme Harel: Vérifié.
Avril
Le Président (M. Dauphin): Vérifié. Nous
passons maintenant au mois de mai 1990.
Mme Harel: À moins qu'il y ait des questions... Moi, je
les ai vus.
Le Président (M. Dauphin): Vous les avez vus? D'accord.
Est-ce que l'engagement 1 est vérifié?
Mme Harel: Vérifié.
Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'engagement 2 est
vérifié?
Mme Harel: Vérifié.
Mai
Le Président (M. Dauphin): Vérifié. Les
engagements d'avril 1990, dans la liste de mai 1990. Maintenant, nous passons
à mai 1990. L'engagement 1, Entente de services de
télécommunications. Est-ce que c'est vérifié?
Mme Harel: Vérifié.
Le Président (M. Dauphin): Vérifié
L'engagement 2, Engagement global pour payer les mois d'avril et mai 1991, les
deux mois de loyer, si je comprends bien.
Mme Harel: Est-ce qu'il s'agit de loyers, là, à
l'engagement 2?
M. Jacoby: C'est qu'il y a des façons des
télécommunications... Je pourrais demander à mon directeur
du budget de répondre, parce qu'il y a des questions très
techniques, sur cet aspect-là. M. Paul-Henri Desrochers.
Le Président (M. Dauphin): M. Desrochers? M. Desrochers
(Paul-Henri): Oui. Le Président (M. Dauphin): Allez-y
M. Desrochers: Alors, en avril 1990, c'étaient les loyers
du bureau de Québec. En mai 1990, ce sont les
télécommunications, pour 27 000 $ et 121 000 $. S'il y a deux
engagements, c'est que les premiers mois de l'année sont payés
manuellement et les autres mois sont payés dans le système, par
paiement automatique. C'est pour ça qu'il y a deux engagements pour le
même sujet.
Mme Harel: Vérifié.
Octobre
Le Président (M. Dauphin): Alors, c'est
vérifié. Nous passons maintenant à la liste d'engagements
d'octobre 1990.
M. Desrochers: Alors, c'est le loyer du bureau de
Montréal.
Le Président (M. Dauphin): C'est ça.
M. Desrochers: Ça avait retardé un petit peu. Au
lieu de le faire en début d'année, à cause du
déménagement, des coûts, il y a eu quelques
mésententes avec la SIQ avant de s'entendre sur le coût
réel des aménagements. C'est pour ça que ça a
retardé un peu.
Mme Harel: Vérifié.
Le Président (M. Dauphin): Alors, l'engage- ment 1 est
vérifié. L'engagement 2? Mme Harel: Même chose.
Le Président (M. Dauphin): Marne chose? Alors,
l'engagement 2 est vérifié. Est-ce que la vérification des
engagements financiers du Protecteur du citoyen pour les mois de septembre 1989
à mars 1991 est terminée?
Mme Harel: Complétée, oui.
Le Président (M. Dauphin): Vérifié,
terminé. Alors, M. le Protecteur du citoyen, j'aimerais vous laisser le
mot de la fin, en dix secondes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: En dix secondes, oui. Je serai très bref. Je
peux vous dire à quel point j'apprécie ces rencontres que nous
avons. Je les apprécie parce que, vraiment, vous êtes le forum
approprié pour comprendre les préoccupations du Protecteur du
citoyen. Vous êtes très près des citoyens. Vous connaissez
leurs besoins et leurs difficultés. Je suis aussi - mais
véritablement - très heureux de constater à quel point une
commission, dans un forum comme celui-ci, ne fait pas de partisanerie
politique, que c'est fait avec tout le professionnalisme qu'exigent les
institutions qui doivent être neutres et impartiales. Je tiens donc
à remercier tous les membres de cette commission, de toutes les
formations politiques, non seulement pour l'intérêt qui est
porté à l'institution - qui, d'ailleurs, relève de vous -
mais également pour la pertinence des questions posées. Il y a
même des questions qui ont nécessité, chez nous - je peux
vous le dire - du travail parce qu'on ne s'était jamais posé la
question, des fois. Ça arrive: on fait des choses et on ne se pose pas
de questions. Et aussi cette volonté que la commission manifeste,
à tout le moins - je comprends que ce n'est pas l'Assemblée
nationale, que ce n'est pas le gouvernement - de vouloir bonifier cette
loi-là de façon à ce que les citoyens soient mieux
protégés contre les abus possibles de l'administration. Et je
tiens à vous remercier de tout coeur au nom de tout mon personnel et au
nom, bien sûr, de tous les citoyens.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
Protecteur. Juste en terminant, j'aimerais remercier aussi les personnes qui
nous accompagnent: la secrétaire de la commission, Me Lucie
Giguère, nos experts, Me Nicole Trudeau-Bérard, Me Suzanne
Langevin, qui est avec la division de la recherche, M. Jules Viviers et Mme
Beaure-gard. Merci beaucoup et bon retour!
M. Jacoby: Merci.
(Fin de la séance à 18 h 5)