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(Neuf heures quarante-quatre minutes)
Le Président (M. Dauphin): Bienvenue. Le quorum
étant constaté, je déclare donc ouverte la séance
de la commission des institutions, qui a pour mandat de tenir des auditions
publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des
activités et de la gestion du Protecteur du citoyen.
Je vais donner lecture de l'ordre du jour pour fins d'adoption. Nous
allons débuter avec Me Gilles Létourneau et Me Patrick Robardet.
Ensuite, nous poursuivrons avec le Barreau du Québec, pour poursuivre
avec la Chambre des notaires du Québec, et le dernier groupe, ce matin,
sera le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du
Québec. Nous reprendrons, cet après-midi, avec le Conseil
scolaire de l'île de Montréal; ensuite, nous aurons le Conseil des
tribunaux administratifs canadiens; poursuivant avec la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec et, enfin, la Conférence des recteurs et des principaux
des universités du Québec. Est-ce que l'ordre du jour est
adopté?
Des voix: Adopté.
MM. Gilles Létourneau et Patrick
Robardet
Le Président (M. Dauphin): Adopté. Nous
débutons, étant donné que nous avons un horaire
très chargé. Au nom des membres de la commission, j'aimerais
souhaiter la bienvenue à Me Gilles Létourneau et à Me
Patrick Robardet. Messieurs, bienvenue. Vous avez environ une quinzaine de
minutes pour la présentation de votre exposé et, ensuite, on
procédera à une période d'échanges entre les
membres de la commission et vous-mêmes. Alors, bienvenue.
M. Létourneau (Gilles): Merci, M. le Président. Je
tiens à remercier la commission de nous avoir permis et de nous
permettre, ce matin, de présenter nos observations sur le document de
consultation de septembre 1990 relatif à l'examen du mandat du
Protecteur du citoyen et je tiens, en passant, à féliciter les
auteurs de ce document de consultation. Ça nous a grandement
facilité la tâche et ça permet, je pense, d'avoir une
approche globale concernant l'étude, si vous voulez, de l'institution
comme telle.
Ceci dit, j'aimerais peut-être faire trois remarques
préliminaires. La première a trait à la
présentation du mémoire de ce matin. Vous voyez qu'il s'agit
là d'une position personnelle de M. Robardet et de moi-même.
J'aurais aimé pouvoir présenter la position de la Commission de
réforme du droit du Canada. À l'origine, on voulait faire une
position institutionnelle. Malheureusement, je n'ai pas de quorum à la
Commission, j'attends des nominations. Donc, je n'ai pas pu faire
entériner cette position par la Commission, faute de quorum, mais vous
pouvez prendre pour acquis que ça représente aussi un peu la
position institutionnelle.
La deuxième remarque préliminaire, c'est que ceux qui me
connaissent savent que j'ai travaillé pendant plusieurs années
avec M. Jacoby, qui est le titulaire actuel du poste de Protecteur du citoyen,
au moins sept ans avec M. Jacoby. J'ai beaucoup de respect pour M. Jacoby. Ceci
dit, ceux qui me connaissent savent également que je suis en mesure de
faire la distinction entre l'amitié personnelle et la
responsabilité professionnelle, et c'est en tant que professionnel,
aujourd'hui, que je m'adresse à vous et que je ferai mes remarques.
La troisième remarque préliminaire a trait au statut de M.
Robardet. M. Robardet, au moment où il a préparé ce
mémoire avec moi, travaillait à la Commission de réforme
du droit du Canada et, depuis, il a quitté la Commission de
réforme. Il a joint le bureau du Protecteur du citoyen de Québec.
Je pense qu'il a appliqué la maxime anglaise "if you cannot beat them,
join them". Alors, il est rendu avec eux, mais je ne pense pas que le fait
qu'il ait joint le Protecteur du citoyen change sa perception des choses.
Alors, ceci dit, vous remarquerez également que notre
mémoire ne couvre pas tous les points parce que, dans certains cas, je
pense que nous n'avions pas l'expertise, nous n'avions pas les données
matérielles pour nous prononcer sur les éléments
soulevés. Dans des cas comme ça, nous avons
préféré nous abstenir plutôt que d'émettre
une opinion, si vous voulez, sans fondement.
En ce qui a trait à l'indépendance du Protecteur du
citoyen, premier élément, indépendance au plan
administratif, je pense qu'il y aurait lieu, là, de clarifier le statut
du Protecteur du citoyen, et je me permettrai ici une analogie. Si je me
mettais en frais de vous décrire un animal domestique en vous disant
qu'il a quatre pattes, deux oreilles, une queue, qu'il miaule, qu'il ronronne
et qu'il aime le lait, tout le monde va dire qu'on parle sans aucun doute d'un
chat. C'est un peu la même chose pour le Protecteur du citoyen. Quand on
regarde la loi, on voit que c'est une institution qui relève de
l'Assemblée nationale, que c'est une personne
qui ne peut occuper une autre charge sans l'autorisation de
l'Assemblée nationale, dont le traitement est fixé par
l'Assemblée nationale, qui ne peut être destituée
que par l'Assemblée nationale, qui fait un rapport annuel à
l'Assemblée nationale. Je pense qu'à ce moment-là personne
ne va douter que cette personne-là est un officier de l'Assemblée
nationale. Je pense qu'il vaudrait mieux le désigner ainsi, comme la loi
de la Colombie-Britannique le fait, donc de clairement définir son
statut plutôt que de laisser les gens procéder par
inférence, interprétation, imputation, supputation, computation.
Disons-le clairement, c'est un officier de la Législature.
Au plan budgétaire, encore là, je pense qu'il y a lieu de
lui donner une indépendance analogue à celle du
Vérificateur général. Quand on regarde la Loi sur le
Protecteur du citoyen, il est censé être un officier
indépendant avec pouvoir d'enquête sur l'administration. Et en
vertu de l'article 15 de la loi constituante, il a compétence sur le
Conseil du trésor, c'est-à-dire le secrétaire du Conseil,
les secrétaires associés et le personnel. Or, c'est
précisément le Conseil du trésor qui détermine ses
crédits budgétaires et, ce faisant, c'est le Conseil du
trésor qui exerce un contrôle sur le Protecteur du citoyen. Je
pense qu'en théorie le Protecteur du citoyen est un officier de
l'Assemblée chargé de contrôler l'administration, mais
quand on arrive au niveau du Conseil du trésor, c'est probablement plus
l'administration qui contrôle le Protecteur du citoyen.
Évidemment, il est toujours possible pour quelqu'un de mordre la main
qui le nourrit, mais on sait à ce moment-là le qualificatif qu'on
s'attire si on fait ça et on sait le danger qu'il en résulte.
Alors, je pense qu'il devrait présenter ses prévisions
budgétaires à l'Assemblée nationale.
Au niveau de la nature de l'institution comme telle, notre perception,
c'est que le Protecteur du citoyen se situe... C'est un mécanisme de
nature politique qui se situe entre l'exécutif et le législatif
et nous croyons qu'il serait dangereux de changer la nature de cette
institution, de la judiciariser, par exemple, en permettant, entre autres, que
le Protecteur du citoyen puisse prendre fait et cause pour un citoyen. En fait,
il est toujours évidemment possible de rompre l'équilibre, les
pouvoirs existants du Protecteur du citoyen et on peut substituer au pouvoir de
recommandation qu'il a, si l'on veut évidemment, un pouvoir
décisionnel, un pouvoir exécutoire. Comme le mentionnait la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Friedmann, la Cour suprême
qualifiait les pouvoirs du Protecteur du citoyen de pouvoirs limités et
on peut évidemment les transformer en des pouvoirs redoutables.
D'abord, on peut lui donner le pouvoir d'infirmer les
décisions de l'administration, mais là, à ce
moment-là, il faut s'attendre à se voir multiplier les
injonctions et les évocations, sans compter les appels non seulement de
ces évocations-là et de ces injonctions, mais aussi de la
décision même du Protecteur. On peut s'aventurer moins loin et lui
donner le pouvoir de citer en justice aux lieu et place du citoyen,
possiblement contre le gré du citoyen. Mais, dans un cas comme dans
l'autre, il faut réaliser ce que ça signifie. Ça signifie
qu'on change la nature de l'institution, qu'on rompt l'équilibre interne
des pouvoirs du Protecteur, qu'on judiciarise les rapports entre les citoyens,
le Protecteur et l'administration. Et, qui plus est, ces rapports
s'antagonisent alors qu'au fond, ce que l'administration recherche, ce qui est
d'ailleurs désirable pour le pouvoir législatif, c'est un moyen
souple et efficace de neutraliser l'impact de ces ratés administratifs
sans s'aliéner le respect et la confiance du citoyen. Au contraire,
l'administration veut un mécanisme qui va faciliter le rapprochement
avec le citoyen et qui va permettre le maintien et le développement des
rapports harmonieux. Entre nous, y a-t-il quelque chose de moins harmonieux que
le fait de traîner son interlocuteur devant les tribunaux?
Évidemment, on peut comprendre que de tels pouvoirs - par
exemple, celui d'intenter une poursuite au nom du citoyen, de prendre fait et
cause pour le citoyen - ont été conférés, par
exemple, à la Commission des droits de la personne du Québec. On
sait que ça a pu amener une certaine judiciarisation, même une
judiciari-sation certaine de son pouvoir d'enquête, et je n'entre pas
là-dedans parce que je pense que la Commission des droits de la personne
est probablement mieux placée pour en débattre. Mais il y a quand
même, parce que la tentation est grande d'aller vers les pouvoirs
conférés à la Commission des droits de la personne, une
distinction fondamentale à faire entre le rôle de la Commission
des droits de la personne et le rôle du Protecteur du citoyen. Cette
distinction-là a trait à la saisine de l'institution comme telle.
La Commission des droits de la personne se saisit de cas de discrimination
systémique ou non, volontaire ou non, alors que le Protecteur du
citoyen, lui, se saisit de cas d'erreur, de manquement, voire d'inconduite.
Évidemment, l'article 26.1 de la Loi sur le Protecteur du citoyen
parle aussi d'une conduite de nature discriminatoire, mais ce n'est pas de la
discrimination au sens de la Charte, ce n'est pas de la discrimination qui
porte atteinte à la dignité humaine, aux droits fondamentaux.
Dans un cas comme ça, d'ailleurs, l'article 78 de la Charte dit que le
Protecteur du citoyen doit référer la question à la
Commission des droits de la personne. Alors, ce dont il s'agit dans la Loi sur
le Protecteur du citoyen, c'est d'une discrimination administrative. Il existe
une différence considérable, en somme, au niveau de la nature et
de l'ampleur du problème auquel remédier: l'un, la discrimination
à l'égard des
droits fondamentaux est inacceptable dans une société qui
se veut libre et démocratique; l'autre, qui relève du Protecteur
du citoyen, l'injustice administrative, elle, elle est inacceptable dans un
système administratif qui recherche le bien-être des
administrés. Alors, il y a là une différence significative
d'échelles et d'objectifs sociaux qui font qu'on peut être
justifié de donner un rôle plus actif, voire même
peut-être plus agressif à la Commission des droits de la personne,
mais il ne faut pas, je pense, aller de ce côté-là avec le
Protecteur du citoyen.
Un deuxième élément de distinction, c'est que les
litiges soumis à la Commission des droits de la personne impliquent
généralement des parties privées. Vous avez un employeur
qui discrimine à l'égard d'un employé et c'est toujours un
conflit, si vous voulez, dans un cadre conflictuel, souvent chargé
d'émotion entre deux citoyens. Mais le Protecteur du citoyen, lui, c'est
entre l'État, l'administration publique qui, comme je le disais,
recherche le bien-être de l'administré, et l'administré, et
ça se prête plus, je pense, à un cadre de
négociation et de médiation qu'à un cadre conflictuel.
Au niveau de la saisine indirecte, si vous voulez, par les
parlementaires, je pense que le document de consultation fait état d'une
saisine comme ça en Angleterre et en France, mais on sait fort bien que
ça ne fonctionne pas très bien. On sait, par des informations que
nous avons eues, que, par exemple, on a des listes de députés
qui, à toutes fins pratiques, deviennent des saisines automatiques de
routine. D'ailleurs, un comité de la justice anglaise, en 1988 ou 1989,
faisait rapport sur cette situation et recommandait d'abolir cette saisine par
voie parlementaire et de s'en remettre à une saisine directe.
Ceci dit, je pense que le rôle du député demeure
quand même intéressant, est quand même très
important, et que sa relation avec le Protecteur du citoyen en est une de
complémentarité et non pas une de dépendance, le citoyen
devant passer par l'un pour atteindre l'autre. Ce rôle-là est
complémentaire en ce sens que, tout comme le Protecteur, le
député assure une représentation et une protection du
citoyen auprès de l'administration et, dans certains cas, contre
l'administration. Mais la priorité du rôle du député
se situe au niveau de l'Assemblée nationale où il participe, au
nom du citoyen, à l'élaboration de politiques
législatives. On sait que l'élaboration de ces
politiques-là est devenue de plus en plus complexe et de plus en plus
accaparante pour les députés, mais c'est d'abord et avant tout
leur rôle premier. Comme membres de l'Assemblée nationale, ils
peuvent aussi se pencher sur les politiques administratives du gouvernement, et
ils le font. Mais il s'agit là, je pense, d'un rôle un peu plus
subsidiaire qui est utile à la démocratisation de la vie
administrative et qui vient compléter la fonction du
Protecteur du citoyen, dont c'est la tâche première de
mesurer l'équité des décisions administratives ou, si vous
voulez, de mesurer la conduite de l'administration. Autrement dit, ce n'est pas
la tâche du Protecteur du citoyen de s'impliquer dans
l'élaboration des politiques législatives, mais sa fonction
première est plutôt de mesurer l'équité des
décisions administratives.
En ce qui a trait à l'approche systémique ou
peut-être... Permettez-moi de vous référer à notre
mémoire sur la relation entre le député et l'ombudsman,
particulièrement aux pages 6 et 7 de notre mémoire où nous
faisions état des recherches effectuées à la Commission au
niveau fédéral pour mesurer la perception qu'avaient et qu'ont
les députés fédéraux de l'institution. Ce qui en
ressort, c'est que plus les parlementaires connaissent l'institution plus ils
sont favorables à son existence.
Nous avons pu noter que, de fait, 50 % des députés
interviewés pensaient que l'ombudsman fédéral les
aideraient, évidemment dans le cadre fédéral, à
disposer des plaintes individuelles reçues par eux. Aussi, plus de 70 %
de ceux qui ont répondu au questionnaire estimaient qu'un ombudsman
pouvait, en les déchargeant ainsi de cette tâche, aider les
membres de la Chambre des communes à se consacrer davantage à
leur travail de législateur. C'est une intuition que nous avions et que
nous avons pu mesurer par une enquête faite auprès des
députés. (10 heures)
En ce qui a trait à la prévention et à l'approche
systémique - du moins je pense que M. Robardet partage ma vision des
choses là-dessus - c'est une chose que de constater à l'occasion
de plaintes, par exemple, que ces plaintes-là sont le résultat,
si vous voulez, d'une conduite administrative systémique qui produit une
injustice systémique et, en conséquence, de prendre, si vous
voulez, des dispositions pour corriger cette action-là qui a
été révélée par 10 ou 15 plaintes. Ce serait
ridicule de se fermer les yeux et de les traiter individuellement et de ne pas
reconnaître qu'il y a un problème systémique. Mais c'est
une autre chose, je pense, que de passer à l'attaque et de dire: Nous
allons systématiquement revoir toutes les législations de
l'Assemblée nationale avant même qu'elles soient votées,
avant même qu'elles soient adoptées. Je pense qu'il y a là
un danger, d'abord, de se mettre dans une position où on approuve par
anticipation des mesures législatives, pour réaliser, par la
suite, que, finalement, on s'est trompé et on doit faire marche
arrière alors que l'administration sous la foi, si vous voulez, de cet
imprimatur du Protecteur du citoyen a déjà entamé des
procédures ou pris des mesures pour mettre sur pied des systèmes
administratifs et qu'on doit, à ce moment-là, revoir.
Deuxièmement, je pense qu'il y a une question de rapport
coûts-bénéfices. Si ma
mémoire me sert bien, le Québec vote à peu
près tOO à 125 lois par année. On peut se poser la
question: Combien de ces lois-là sont injustes? Il peut y avoir,
à l'occasion, des allégations d'une injustice par rapport
à une disposition, qu'une disposition serait injuste. Je pense que la
solution, à ce moment-là, c'est de pouvoir se
référer au Protecteur du citoyen, demander au Protecteur du
citoyen son opinion en rapport avec une disposition que l'on allègue
être injuste. Ça m'apparaîtrait beaucoup plus fonctionnel
que d'investir temps et argent ou des sommes considérables,
particulièrement en période de restrictions budgétaires ou
de contraintes économiques, pour faire une analyse préventive de
toute la législation, à moins que vous ne soyez convaincus que,
fondamentalement, vous votez en majorité des lois injustes.
J'espère que ce n'est pas ça; ce n'était pas ça du
temps où j'étais ici et je ne crois pas que ça ait
changé. Alors, ce serait peut-être plus fonctionnel de faire un
référé dans les cas où on veut vraiment s'assurer
de l'opinion du Protecteur du citoyen.
Je finirai par l'extension - j'ai oublié le temps un peu - de la
compétence ratione per-sonae du Protecteur du citoyen, et là,
peut-être que M. Robardet aura des vues différentes des miennes.
Je crois qu'il est possible et peut-être souhaitable d'avoir une certaine
extension de cette compétence du Protecteur du citoyen. Là
où j'ai un petit peu plus d'hésitations, c'est au niveau des
tribunaux administratifs comme tels qui sont dans un véritable processus
d'adjudication. L'extension de la compétence du Protecteur du citoyen
à des organismes quasi judiciaires m'apparaîtrait dangereuse,
quoiqu'elle existe dans d'autres provinces et particulièrement en
Ontario - notre mémoire en fait état - mais ça a
donné lieu à des chicanes considérables. D'ailleurs, on
fait état dans notre mémoire d'un rapport présenté
par le conseil de gestion du cabinet de l'Ontario qui disait: Si c'est le cas,
il faudrait peut-être songer à modifier les lois pour permettre
à l'organisme administratif adjudicatif de réviser sa
décision pour tenir compte de la position du Protecteur du citoyen, mais
encore là, pour les mécanismes de décision, il faut avoir
des délais; il y a toute une série de contraintes juridiques qui
en découlent. Pour moi personnellement, ce serait dangereux
d'étendre ça aux tribunaux administratifs et on ne devrait
certainement pas pouvoir étendre la juridiction du Protecteur du citoyen
au mérite de la décision comme telle parce que, lorsqu'on
crée un tribunal administratif, c'est parce qu'on croit que l'expertise
est là, dans le secteur concerné, et que la décision au
mérite risque d'être mieux rendue par un tribunal qui
possède l'expertise. Alors, tout au plus, ce pourrait être au
niveau de la procédure administrative comme telle qui a
été suivie devant l'organisme, mais, encore là, je pense
que si on étendait la compétence du Protecteur du citoyen au
secteur de la santé, par exemple, aux sociétés de la
couronne, il en aura suffisamment pour s'amuser pendant des années. Il
faut éviter, et je le dis parce que je suis certain que d'autres vous
l'ont dit aussi, je pense qu'il faut quand même éviter aussi
d'arriver à créer une autre bureaucratie trop importante qui
ferait en sorte, étant donné la juridiction, la compétence
étendue, que le Protecteur aurait de la difficulté à
rendre de bons services aux citoyens comme il a pu le faire jusqu'à
maintenant.
Alors, je vais m'arrêter ici parce que je ne veux pas trop lire
dans le mémoire et je pense que j'ai probablement épuisé
les 15 minutes qu'on m'avait données. Je ne sais pas si M. Robardet veut
ajouter quelque chose ou simplement répondre aux questions avec moi,
mais nous sommes disposés à répondre aux questions au
meilleur de notre connaissance, évidemment.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Me Robardet, est-ce
que vous voulez ajouter quelque chose?
M. Robardet (Patrick): Oui. Merci, M. le Président. Je
voudrais simplement ajouter deux petits points. Il est certain que tout projet
d'extension dans la compétence personnelle du Protecteur risque de
heurter certaines perceptions, notamment de la part de ce qu'on appelle les
tribunaux administratifs qui voient mal comment le Protecteur pourrait
s'immiscer ou voudrait s'immiscer dans l'opportunité même des
décisions, dans le mérite des décisions et, en fait,
pratiquer une sorte d'appel, entre guillemets, donc, des décisions
rendues au terme du processus quasi judiciaire.
Me Létourneau vous a rappelé brièvement les
batailles mémorables qui ont eu lieu en Ontario. La Cour d'appel,
finalement, en Ontario a donné raison à l'ombudsman de la
province en affirmant que, par le biais d'un motrf précis de la loi
ontarienne, à savoir celui de la décision mauvaise, l'ombudsman
ontarien pouvait réviser l'opportunité, entre guillemets
toujours, opportunité mérite, des décisions des tribunaux
administratifs ontariens.
Dans ce contexte, les deux points que je veux faire sont les suivants:
Me Létourneau a insisté sur l'importance de l'expertise que l'on
va invoquer probablement devant vous pour justifier l'exclusion ou pour
empêcher toute tentative d'inclure les tribunaux administratifs dans la
compétence donc personnelle, ratione personae de l'ombudsman. Je suis
d'accord qu'il a une certaine expertise mais, là encore, comme en toute
matière, il ne faudrait pas non plus ni la surestimer ni la
sous-estimer.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'impact réel qu'a pu
avoir en Ontario le contrôle de l'ombudsman sur le mérite, entre
guillemets, des décisions des tribunaux administratifs, à ma
connaissance et dans les discussions que j'ai
eues, la bataille semble plus ou moins, disons, terminée. Les
tribunaux administratifs se plaignent, certes, mais ils ne se plaignent pas
tant que ça. Le problème a surtout été avec la
Commission des relations du travail de l'Ontario qui se trouve à
être un tribunal administratif très judiciarisé dont le
fonctionnement ressemble, en fait, le plus à une cour de justice.
À mon avis, il serait regrettable d'exclure a priori toute
idée d'inclure les tribunaux administratifs dans la compétence du
Protecteur du citoyen en se basant uniquement sur cet exemple-là, sur ce
dossier-là parce qu'il y a d'autres tribunaux administratifs, toujours
en Ontario, qui sont soumis à l'examen, donc aux enquêtes du
Protecteur, de l'ombudsman de la province et qui ne se sont jamais plaints.
Alors, il y a, disons, un élément de prudence dans cette approche
de ne pas, a priori, les exclure parce qu'ils se présentent comme des
juges administratifs alors que tous ne fonctionnent pas comme des juges
administratifs, comme des juges. Tous n'ont pas le même type de processus
quasi judiciaire.
Certains, en fait, font de la réglementation économique au
terme d'auditions extrêmement souples, mettant en cause les questions
d'intérêt public sans nécessairement juger entre les
intérêts de deux parties comme le font les juges traditionnels. Il
faudrait voir quand même à soupeser avec une certaine
précaution les arguments qui pourraient être avancés contre
l'extension. Non pas que je sois pour a priori, mais je pense qu'il faut faire
preuve d'un peu de discernement dans ce débat-là, surtout qu'en
Ontario le litige ne portait que sur un organisme qui se trouve, en fait,
à fonctionner comme une véritable cour de justice.
On ne peut pas conclure de là que tous les tribunaux
administratifs fonctionnent comme des cours de justice et tirer de cet argument
qu'ils devraient, par définition, être tous exclus de la
compétence du Protecteur.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, nous
allons débuter la période d'échanges avec M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter
la bienvenue et remercier Me Létourneau et Me Robardet de nous apporter
cet éclairage extrêmement intéressant que vous apportez sur
les questions que nous avons soumises en consultation dans cette commission des
institutions. Même si, vous l'avez bien précisé, Me
Létourneau, il ne s'agit pas de la position qu'on a reconnue,
précise de la Commission de réforme du droit du Canada, il s'agit
quand même d'orientations qui sont partagées, je le pense bien -
selon vos affirmations - par, en général, les membres de la
Commission de réforme du droit du Canada. Donc, l'éclairage que
vous nous apportez est extrêmement important quant aux recommandations
que nous aurons à écrire, à formuler au sein de cette
commission.
L'origine du mandat que nous nous sommes donné au sein de cette
commission est surtout portée sur toute la notion de l'extension du
mandat du Protecteur du citoyen. D'autres questions extrêmement
importantes se sont greffées à cette problématique qui
nous avait été soumise au cours des dernières
années, au cours des derniers mois, à propos de l'activité
de l'institution du Protecteur du citoyen. Je commencerai à vous
interroger là-dessus, en vous demandant un peu plus de précisions
sur l'expression que vous employez à la page 14 de votre mémoire
- enfin, la fin de la page 13 et le début de la page 14 - pour
définir le champ de compétence du Protecteur du citoyen. Si vous
voulez, excluons... J'aimerais que vous excluiez de votre réponse la
question de la possibilité de couvrir le mérite des
décisions des tribunaux quasi administratifs. On y reviendra, c'est trop
important.
Ce que vous suggérez, c'est: "...la Loi sur le Protecteur du
citoyen pourrait recourir à la notion synthétique d'action
administrative..." J'aimerais que vous m'apportiez quelques précisions.
J'aimerais aussi que vous nous donniez, parce que ça va être
très important pour notre rapport, quelles sont les assises juridiques
sur lesquelles nous pouvons fonder une recommandation qui,
éventuellement, irait en ce sens vis-à-vis du législateur.
Cette notion synthétique d'action administrative, qu'est-ce que cela
comprend? Quels sont les fondements sur lesquels nous pouvons nous appuyer? Et
à quoi cela correspond-il, en réalité, dans l'ensemble de
la vie administrative de l'État québécois?
M. Létourneau: Merci. J'avais oublié de le
mentionner, mais je pense que c'est un excellent exercice, après, quoi,
20 ans d'existence de l'institution de revoir l'institution dans son ensemble,
c'est-à-dire non seulement certains pouvoirs, mais sa fonction, son
rôle et la possibilité d'extension de ces pouvoirs-là. En
ce qui a trait à cette notion synthétique d'action
administrative, c'est un élément un peu plus technique, en fait,
de rédaction législative dans la loi ontarienne, mais qui a
amené cette interprétation-là. Ça revient à
dire, finalement, que toute décision d'une autorité
gouvernementale ou administrative, dans un contexte, si vous voulez, d'action
administrative, peut faire l'objet d'une révision par le Protecteur du
citoyen. Alors, à toutes fins pratiques, c'est tellement large. Au lieu
d'avoir une juridiction spécifique comme ici, une décision de
nature administrative d'un organisme du gouvernement, etc., dont le
personnel... Je ne me souviens pas exactement de la formulation; pour eux,
c'est une notion plus large d'action administrative et c'est ce qui a permis,
par interprétation judiciaire, d'englober à peu
près tout ce qui est étatique, toute décision
étatique touchant l'administration publique, à l'exception,
à ce moment-là, des tribunaux et de l'Assemblée nationale
ou, si vous voulez, du pouvoir législatif. Cette
interprétation-là est fondée sur la rédaction
même de la loi ontarien-ne. Alors, c'est ce qu'on dit. On dit: Si jamais
vous voulez étendre la compétence du Protecteur du citoyen,
finalement, à toute autorité gouvernementale, dans un contexte
d'administration publique, vous pouvez utiliser cette formulation puisqu'elle a
déjà été interprétée par les
tribunaux comme englobant tout, sauf les tribunaux et le pouvoir
législatif. Patrick, tu veux peut-être ajouter.
M. Robardet: Oui. La notion a été
dégagée à partir de l'arrêt Friedmann qui est
mentionné à la page 14, qui mettait en cause une
société d'État de la province, sur laquelle l'ombudsman de
la Colombie-Britannique voulait faire enquête. La Cour suprême,
fondamentalement, a réduit ou du moins a défini les
paramètres de la compétence de l'ombudsman de la province en
affirmant fondamentalement que tout ce qui est administratif comprend
l'ensemble de l'appareil étatique dans cette province, à
l'exclusion du pouvoir législatif et des cours de justice. En fait,
c'est dire que tout organisme, par action administrative... On recoupe toute
l'action de tous les organismes publics dans une province, compte tenu,
évidemment, de la rédaction législative de la loi de la
Colombie-Britannique, que ce soient des ministères, des
sociétés d'État, des tribunaux administratifs ou tout
organisme public désigné comme tel dans une loi.
Cette rédaction n'est pas très différente, en fait,
de celle de l'article 13 de la Loi sur le Protecteur du citoyen, ici, au
Québec, où l'on parle d'acte ou d'omission d'un organisme public,
de son dirigeant, de ses membres ou du titulaire d'une fonction, d'un emploi ou
d'un office qui relève de ce dirigeant. Donc, "acte d'un organisme
public", cela couvre de façon très large et en même temps
très synthétique la notion d'action administrative. Il est vrai
que dans la loi on définit ce qu'est un organisme public, mais,
synthétiquement, la notion d'action administrative, donc à
l'exclusion du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire traditionnel,
c'est-à-dire de l'action des cours de justice, cette notion permet de
recouper, d'englober tous les types d'action des organismes publics. Donc, on
peut s'en servir à cette fin, compte tenu de l'interprétation
donnée dans l'arrêt Friedmann, évidemment.
M. Létourneau: Le fondement que vous demandiez, c'est,
évidemment, l'autorité de l'Assemblée nationale de
dégager les paramètres, si vous voulez, de l'intervention du
Protecteur du citoyen (10 h 15)
M. Trudel: Est-ce qu'il vous apparaît souhaitable que dans
toute éventuelle modification législative du mandat du Protecteur
du citoyen - je dis bien une éventuelle modification - le
législateur devrait avoir la sagesse d'énumérer ses champs
de compétence qui seraient couverts par la notion synthétique
d'action administrative? Soit, d'une part, pour en exclure un certain nombre
ou, d'autre part, pour éviter une certaine judiciarisation de
l'interprétation du mandat du Protecteur, nous aurions avantage à
énumérer dans la loi ses champs de compétence, même
si - je pense bien qu'on peut l'ajouter à ce moment-ci comme commentaire
- ça nous pose un problème au niveau de l'évolution de
l'État, puisque dans 20 ans on reprochera ou, enfin, on se posera
probablement d'énormes questions sur le fait que le législateur
ait inclus dans sa définition du champ couvert par le Protecteur des
domaines précis. Est-ce que ça ne vous apparaît pas
souhaitable qu'on les énumère très clairement? Me
Robardet, en particulier, quand vous nous dites que ça recoupe l'action
administrative étatique en général, vous savez le
problème, le gros problème auquel on est confronté. Il y a
trois domaines pour illustrer ça: santé et services sociaux, tout
le domaine, parlons très clairement, les services de santé et les
services sociaux dispensés par des organismes qui ne sont pas
rattachés formellement à un ministère en termes de
fonction publique; les commissions scolaires; les municipalités. C'est
un grand pan de l'action étatique, si je prends votre expression
québécoise. Est-ce qu'on aurait avantage à
délimiter?
En terminant, aussi, là, vous nous dites comment nous devrions
faire ça, si nous avons la volonté, en tant que
législateurs, d'extensionner le mandat, mais, vous, quelle est votre
recommandation par rapport à votre expérience de la pratique du
droit et de l'évolution de la société
québécoise? Est-ce qu'on devrait élargir? Alors, deux
questions.
M. Létourneau: Moi, personnellement, évidemment,
peu importe la formulation que l'on utilisera, il y a toujours des zones grises
qui vont poser un problème d'interprétation; ça, on
s'entend là-dessus. Moi, personnellement, je suis souvent animé
par le principe que ce qui va sans dire va parfois beaucoup mieux en le disant
et en le disant bien. Si on sait exactement ce qu'on veut, vaut mieux dire ce
qu'on veut que d'utiliser des formules alambiquées qui laissent aux
autres le soin de déterminer ce qu'on voulait. Alors, une fois qu'on a
fait son choix, si on veut vraiment étendre à toute l'action
administrative d'une manière indiscriminée, bien, voilà
une formule qui accomplit ça parce que les tribunaux l'ont dit. Si on
veut extensionner mais ne pas aller aussi loin, à ce moment-là,
personnelle-ment et ça, c'est un peu l'expérience du
légiste qui s'ajoute - je préfère qu'on dise
clairement ce qu'on veut donner.
Maintenant, sur l'opportunité comme telle, je n'ai pas toute
l'information voulue, je ne sais pas exactement ce que ça
représenterait en termes de ressources additionnelles, ressources
humaines, matérielles et financières. Cependant, je sais qu'il y
a quand même un besoin dans des secteurs particuliers, et on pourrait
songer à étendre la juridiction, à mon humble avis, du
Protecteur du citoyen pour couvrir ces secteurs-là. D'ailleurs, j'en
profite pour mentionner que nous, au fédéral, on va recommander
la création d'un ombudsman au fédéral parce que,
évidemment, on vient ici vous dire un certain nombre de choses, mais on
aurait peut-être du ménage à faire dans notre propre cour.
Évidemment, au fédéral, c'est toujours un petit peu plus
long, pour des raisons que je ne vous expliquerai pas mais que vous connaissez,
mais on s'en va vers ça aussi et on va se poser la même question,
nous: Est-ce qu'on va proposer, nous, comme commission, une juridiction sur
toute l'action administrative ou une juridiction un peu plus définie? En
tout cas, moi, personnellement, si vous savez ce que vous voulez donner,
dites-le donc clairement, c'est préférable.
M. Robardet: Si je peux me permettre... Le Président
(M. Dauphin): Me Robardet.
M. Robardet: Merci, M. le Président. Moi, je suis en
faveur du principe d'une intervention de principe du Protecteur pour couvrir le
maximum au niveau de l'action administrative, sous réserve,
évidemment, d'exclusions, selon le schéma de la loi actuelle.
À mon avis, il est préférable d'y aller, en principe, avec
le principe de l'intervention et une énumération d'exclusions
pour la simple et unique raison que le fait d'y aller par exclusions
plutôt que par description de ce qui est inclus force le
législateur, donc force les intervenants au niveau du processus
législatif, à rationaliser le choix des organismes qui vont
être exclus. Donc, je réserve, bien sûr, la
possibilité que certains soient exclus, mais il faut forcer la
rationalisation du choix des exclusions. Ce serait plutôt le point de vue
que j'avancerais.
M. Trudel: Très bien. J'y reviendrai. Merci beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le député d'Anjou.
M. Larouche: Alors, je n'ai pas entendu l'ensemble du
mémoire lorsqu'il a été présenté, mais j'ai
jeté un coup d'oeil sur le mémoire écrit tel que
déposé et je tiens à en féliciter les deux
présentateurs, Me Létourneau et Me Robardet. J'ai retenu en
particulier la recommandation à l'effet qu'il fallait éviter de
créer une bureaucratie. Je pense que c'est extrêmement important
et on devrait retenir cette idée de base: éviter de créer
une bureaucratie supplémentaire ou qui étendra ses tentacules
éventuellement, puis ça prendra peut-être un ombudsman pour
l'ombudsman.
Dans un deuxième temps, j'ai aimé beaucoup la phrase de la
page 8 du rapport: L'idée de permettre au Protecteur d'agir en justice
pour obtenir réparation heurte la nature même de l'institution;
et, à la page suivante, on dit que ça dénature la fonction
d'ombudsman. J'aimerais que vous donniez peut-être plus de
précisions sur cet aspect-là. Enfin, je retiens, à la page
10, que vous êtes d'accord avec la mission de prévention
systémique. Si vous pouviez commenter.
M. Létourneau: Je vais peut-être - je m'en excuse
pour les autres - répéter un peu ce que j'ai dit au moment de ma
présentation sur cette question de la nature de l'institution comme
telle. Évidemment, lorsqu'on permet de prendre fait et cause, on
judiciarise et on antagonise, à ce moment-là, les parties. On
sait que le Protecteur a besoin d'information pour pouvoir exercer
adéquatement sa juridiction, sa compétence; il va aller chercher
cette information-là auprès des ministères. Et à
partir du moment où on sait que le Protecteur du citoyen, qui
était dans un cadre de médiation et de discussion, est devenu un
interlocuteur en cour, on va développer le syndrome "je te verrai
à la cour", et on n'ouvrira pas ses dossiers. Et ce n'est pas ce que
l'administration recherche. Comme je le mentionnais, l'administration recherche
plutôt, si vous voulez, le bien-être de l'administré.
Évidemment, dans une mécanique complexe comme l'ensemble
de l'administration, il y a des ratés administratifs et, à ce
moment-là, on cherche un moyen souple de corriger l'impact de ces
ratés administratifs de façon à pouvoir satisfaire le
citoyen, mais à améliorer les rapports entre l'administration et
le citoyen, en fait, à rapprocher le citoyen de l'administration. Parce
que l'administration n'existe pas pour elle-même, en soi, elle existe
pour le bien-être des administrés et c'est le rôle du
Protecteur du citoyen de faciliter ce rapprochement entre les deux. Si on le
judiciarise, bien là, on Pantago-nise et, à ce moment-là,
je pense qu'il rend un mauvais service à l'administration et il rend
aussi, je pense, un mauvais service au citoyen.
Il va avoir aussi des choix difficiles à faire. Laquelle des
causes va-t-il prendre pour porter devant le tribunal? Est-ce qu'il va se
porter requérant devant le tribunal pour toutes les causes? Comment va
s'exercer sa décision? Comment va-t-il choisir? Qu'est-ce qui arrive de
tous les autres à qui il dit: Ah! Non, non, je ne prends pas fait et
cause? Peut-être pour des raisons qui sont les siennes. Quels seront ses
critères? On ne le sait pas. Mais qu'est-ce qui va arriver de toutes ces
autres personnes à qui on dit: Non, non, vous, ce n'est pas assez
méritoire, je ne prends pas fait et cause pour vous? Mais,
à la base, c'est surtout qu'il faut faciliter le rapprochement entre
l'administration et l'administré parce que c'est la raison d'être
de l'administration: de servir l'administré.
En ce qui a trait à l'approche systémique,
là-dessus, j'ai déjà exprimé les réserves
qu'il ne faut pas... À mon sens, il faudrait procéder tout
simplement par référé. Lorsqu'on est vraiment en
présence d'une allégation qu'une disposition est injuste, on
pourrait demander l'avis du Protecteur du citoyen. Mais ii faut éviter
de faire du Protecteur du citoyen le conseiller de l'Opposition aussi,
où systématiquement, s'il revoit toutes les lois - d'ailleurs,
ça va coûter une fortune pour peu de chose, dans le fond -
à ce moment-là, on risque de transformer son rôle en celui
de conseiller de l'Opposition. Si le Protecteur du citoyen en vient à la
conclusion que la disposition est injuste, et c'est la disposition qui est mise
de l'avant par le gouvernement, dans un système parlementaire comme on
connaît, la tentation est forte de s'en servir.
M. Larouche: J'ai une autre question. Vous êtes
président de la Commission de réforme du droit du Canada, comment
se fait-il qu'il n'y ait pas d'ombudsman pour le gouvernement
fédéral? Est-ce qu'il y a des raisons systémiques ou des
raisons politiques?
M. Létourneau: Oui, il y a des... Évidemment, la
création d'un ombudsman requiert une volonté politique. Il faut
que l'administration accepte, finalement, de donner un droit de regard à
une personne sur son activité. Au niveau fédéral, il y a
eu des fluctuations À une époque donnée, il y avait un
comité qui avait été mis sur pied, qui avait un nom
prédestiné, "the Love Committee" - "it was a love affair". Il a
fait une proposition pour la création d'un ombudsman. Finalement,
ça n'a pas été entériné, à ce
moment-là. Ensuite, la...
M. Larouche: C'était en quelle année, ça?
M. Robardet: En 1977.
M. Létourneau: En 1977. Ensuite, il y a eu un changement
de gouvernement. Je pense que le gouvernement actuel n'est pas favorable
à la création d'un ombudsman. D'ailleurs, il y avait eu une
résolution à l'occasion du congrès annuel des ombudsmans,
l'an dernier, qui a été acheminée au premier ministre,
lequel premier ministre a répondu que, dans le contexte actuel, il
pensait qu'il y avait suffisamment de mécanismes existant au niveau
fédéral pour donner cette protection-là et qu'il
préférait s'en remettre, en fait, à une multiplication des
ombudsmans sectoriels. On en a ici aussi, des ombudsmans sectoriels, il n'y a
pas de doute. Je pense que nous, on va, comme commission, revenir à la
charge pour dire que l'un n'exclut pas l'autre. Mais il y a une
réticence, je pense, de la machine gouvernementale, en fait, de
l'appareil...
M. Larouche: L'appareil bureaucratique... M.
Létourneau: ...bureaucratique
M. Larouche: ...l'appareil administratif... (10 h 30)
M. Létourneau: C'est ça.
M. Larouche: ...qui est la maladie du Canada d'ailleurs, qui est
bureaucratique, où la machine bureaucratique est plus forte que la
politique. Alors, je ne sais pas qui est le grand prince de cette
machine-là, on parle des mandarins, mais il reste qu'il faudra que ces
mandarins-là entendent un jour à se faire examiner. Je
souhaiterais que vous utilisiez tout le pouvoir que vous avez, tout le prestige
que vous avez et l'intelligence de votre rapport ici pourrait leur être
soumis, publié, diffusé, en termes de média et
peut-être que, comme président de la Commission de réforme
du droit du Canada, vous pourriez allez publiquement proposer qu'il y ait
aussi, au niveau du gouvernement fédéral, même si ce n'est
pas nos affaires ici, mais ça l'est, je trouve que c'est nos affaires,
on paie des taxes au fédéral...
M. Létourneau: On l'a déjà fait, ça,
publiquement. On est en train de travailler sur le rapport. Évidemment,
la difficulté en est une organisationnelle, c'est que, dans un pays
comme le Canada, la question se pose: Est-ce que l'ombudsman va avoir des
bureaux régionaux, par exemple? Ou est-ce qu'on va...
M. Larouche: Pour l'administration fédérale
à Ottawa, qu'il laisse faire les provinces chez elles.
M. Létourneau: Non, non, non.
M. Larouche: C'est à ce niveau-là que je pense.
M. Létourneau: C'est ce que je vous dis, c'est que, par
exemple, la création d'un... Je fermerai la porte parce qu'il ne faut
pas faire le procès du fédéral, mais...
M. Larouche: II est déjà fait.
M. Létourneau: ...c'est que la création d'un
ombudsman fédéral, l'administration fédérale a
aussi des bureaux, elle est décentralisée; elle en a dans toutes
les provinces. Alors, il y aura des plaintes qui seront logées. Par
exemple, il y aura des plaintes en Colombie-Britannique, dans les Maritimes. La
plus grosse difficulté qu'on a eue, nous autres, c'est de
déterminer notre ombudsman. Si on le met à Ottawa, il ne sera
pas
accessible. Donc, il faut peut-être ouvrir des bureaux
régionaux ou il faut peut-être transiger avec les ombudsmans
provinciaux. En fait, notre grosse difficulté en est une d'organisation
matérielle et institutionnelle. C'est ce qui retarde la publication de
notre rapport. Mais on s'en vient avec un rapport public - on l'a
déjà dit publiquement, et je le redis encore - recommandant
fortement au gouvernement fédéral de se doter d'un protecteur du
citoyen.
M. Larouche: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Je vais reconnaître M. le député
d'Iber-ville.
M. Lafrance: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier tout d'abord de votre présence et vous féliciter pour
votre mémoire. Soyez assurés que ça va nous aider
considérablement et nous éclairer dans la rédaction de nos
recommandations.
J'aimerais peut-être revenir sur le point qu'a touché mon
collègue d'Anjou de façon à le préciser dans mon
esprit, et c'est cette question de l'approche systémique. Je ne pense
pas que dans le document de consultation on pensait suggérer et vouloir
instaurer des mécanismes par lesquels le Protecteur du citoyen serait
consulté de manière régulière dans
l'élaboration des législations.
On voyait peut-être... On se demandait surtout s'il était
souhaitable qu'il agisse d'une façon préventive. Je pense, en
particulier, à la lettre que M. Jacoby a adressée à M.
Côté dans le cadre du projet de loi 120 où il apportait des
suggestions. Est-ce que vous croyez correct et souhaitable que le Protecteur du
citoyen comme ça, dans l'élaboration des projets de loi,
intervienne, si ce n'est que par le biais de recommandations, sans qu'il y ait
des mécanismes formels d'établis?
M. Létourneau: Évidemment, quand on parle d'une
approche préventive, si on veut bien l'exercer, souvent, il faut se
doter de moyens parce qu'il faut intervenir avant, donc il faut savoir ce qui
s'en vient; il faut avoir un périmètre d'intervention. Si on
parle de la législation comme telle, à ce moment-là,
où on fait une prévention vraiment sérieuse, ça
peut signifier qu'il faut pratiquement tous les voir si on veut vraiment aller
sur cette route-là. Mais je pense que, si on faisait ça, on
alourdirait considérablement d'abord le processus législatif
comme tel, mais aussi l'organisation du bureau du Protecteur du citoyen. Comme
je le disais, je ne suis pas sûr que le rapport
coûts-bénéfices soit le meilleur. Par contre, il n'y a rien
qui empêche - je pense que ce serait mauvais de se priver d'une expertise
lorsqu'elle existe. Si on a des doutes, en cas de doute, l'Assemblée
étant souveraine, évidemment, elle peut demander l'avis du
Protecteur du citoyen. Je pense que ce serait beaucoup, beaucoup plus
fonctionnel dans des cas qu'on a identifiés que de dire
systématiquement: Le rôle... Si vous dites que le Protecteur du
citoyen a le pouvoir - j'espère que vous ne direz jamais l'obligation -
d'examiner les lois pour prévenir les injustices administratives - je
sais ce qui va se passer et, après ça, on va se retourner vers le
Conseil du trésor ou vers le gouvernement et on va dire: Donnez-nous les
ressources; le législateur a parlé, il nous a donné cette
fonction-là et on veut l'exercer; alors, donnez-nous les crédits
budgétaires. Peut-être qu'il reviendra à l'Assemblée
nationale si les crédits budgétaires sont attribués par
l'Assemblée nationale, pour, à ce moment-là,
requérir les ressources matérielles et financières pour
exercer cette fonction. Si jamais vous décidiez d'aller aussi loin que
ça, tout dépend comment la fonction sera libellée. Mais,
moi, je préférerais qu'on consulte le Protecteur du citoyen
lorsqu'on en sent le besoin que de lui donner un tel pouvoir d'une
manière très large. Est-ce que ça répond à
votre question en partie?
M. Lafrance: Si je comprends bien, vous aimeriez voir les
législateurs consulter le Protecteur du citoyen avant
l'élaboration de la loi ou parallèlement avec
l'élaboration de la loi?
M. Létourneau: Quand ils en sentent le besoin...
M. Lafrance: Quand ils en sentent le besoin.
M. Létourneau: ...mais non pas systématiquement
parce que je pense que ça va faire un processus trop lourd. Mais, comme
je le disais, dans l'ensemble, la législation québécoise
n'est pas injuste; par exemple, il peut arriver que quelqu'un soulève
des doutes à l'égard d'une disposition, peut-être
même à l'égard d'une loi entière, auquel cas on
serait fou de se priver d'une expertise, elle est là! On peut lui
demander ce qu'il en pense. Mais si on le force à faire ça,
c'est-à-dire si on l'habilite à faire ça
systématiquement, d'abord, je ne suis pas sûr qu'il va être
capable de le faire convenablement pour tout; il va falloir qu'il se dote de
personnel, mais en plus, le problème, c'est que si, par la suite, il
s'aperçoit qu'il s'est trompé, il va devoir publiquement dire:
Écoutez, je vous avais donné un avis favorable mais, en y
repensant, c'est injuste.
M. Lafrance: Alors, si je comprends bien, vous voyez le
législateur poser des questions très précises, des fois
à l'intérieur d'un projet de loi?
M. Létourneau: À l'occasion d'un projet de loi.
M. Lafrance: O.K. Est-ce que vous trouvez normal que l'autre
chose se fasse? Est-ce que vous trouvez normal qu'en voyant un projet de loi le
Protecteur du citoyen intervienne dans des critères très
précis?
M. Létourneau: Oui. Si le Protecteur du citoyen voyait
quelque chose, je pense qu'il devrait avoir le pouvoir de le signaler, ce n'est
que de bon aloi. D'ailleurs, comme je le mentionnais, souvent, il va
voir ça à l'occasion de plaintes individuelles, il va
s'apercevoir que la même plainte revient. Alors, on s'aperçoit
qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas avec une disposition
législative quelconque. Alors, il peut demander d'une manière
préventive que cette loi soit changée pour éviter la
répétition de cette injustice-là. Ou il se peut fort bien
qu'en voyant le projet de loi quelque chose le frappe, compte tenu justement un
peu de la connaissance qu'il a pu acquérir à l'intérieur
de l'exercice de son mandat et il peut le soulever, il faut qu'il le
soulève. Mais c'est différent, ça, que de donner le
pouvoir ou l'obligation de le faire systématiquement.
Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le
député.
M. Lafrance: Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Me Létourneau, vous me
permettrez une ou deux questions. Le bill 80 qui avait été
déposé à l'Assemblée législative ontarienne
et qui est mort au feuilleton, je crois qu'il prévoyait le maintien de
la juridiction de l'ombudsman ontarien sur la procédure des tribunaux
administratifs? Ici, le Protecteur du citoyen québécois avait
cette juridiction avant 1987, je crois que ça lui a été
enlevé en 1987. Croyez-vous qu'on devrait lui redonner cette juridiction
de manière législative dans sa loi constituante?
M. Robardet: Moi, je pense qu'en principe le Protecteur du
citoyen devrait être habilité à intervenir en
matière de procédure administrative, donc suivie par les
tribunaux administratifs judiciaires ou quasi judiciaires.
Quant au projet de loi ontarien, je n'ai pas fait de
vérification, mais comme il avait été déposé
en première lecture sous l'ancien gouvernement, donc celui qui a
été défait aux dernières élections, en
principe le projet est mort au feuilleton. À ma connaissance, il
faudrait vérifier là encore si, effectivement, il a
été redéposé. Il n'est pas impossible non plus que
c'eût été un bill privé, un projet de loi d'un
député et non pas du gouvernement; ça aussi il faudrait le
vérifier.
J'aimerais attirer l'attention des membres de la commission en
matière de prévention systé-mique, donc, sur l'article
27,3 de la Loi sur le
Protecteur du citoyen qui l'habilite déjà à
proposer au gouvernement des réformes législatives
réglementaires ou administratives parce qu'il juge ces réformes
conformes à l'intérêt général. Donc, le
pouvoir habilitant est déjà prévu dans l'article 27,3 de
la Loi sur le Protecteur. Un autre point à ajouter, si vous le
permettez, suite à l'intervention de Me Létourneau, c'est que le
fait d'habiliter le Protecteur à intervenir et à suggérer
des réformes ne revient pas à l'obliger à le faire de
façon systématique. Donc, on peut l'habiliter tout en lui
laissant la discrétion nécessaire pour y procéder, compte
tenu évidemment de sa charge de travail, de ses ressources disponibles
et de l'urgence à intervenir ou pas.
M. Létourneau: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Oui, Me Létourneau.
M. Létourneau: Juste sur la question des tribunaux
administratifs. Peut-être la juridiction sur la procédure comme
telle, mais il me semble qu'il y a tellement à faire dans d'autres
secteurs qu'on pourrait... Je ne rejoins pas complètement M. Robardet
là-dessus. Disons que je suis un petit peu plus conservateur
là-dessus. Un tribunal, pour moi, c'est un tribunal, malgré que,
comme M. Robardet le disait, certains aient le titre de tribunal, mais n'aient
pas véritablement les fonctions. Quand on regarde ce qu'ils font
à 90 %, ils font de l'implantation d'une politique gouvernementale avec
10 % d'adjudication et ils portent le nom de "tribunal". Je suis un petit peu
plus réticent à ce niveau-là, personnellement.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Concernant les
ombudsmans exécutifs, ombuds-mans-maison ou sectoriels, appelez-les
comme vous le voulez, vous nous dites dans votre mémoire qu'il ne
faudrait pas nécessairement encourager la prolifération de ces
ombudsmans-là parce qu'ils manquent d'indépendance de par leur
nomination dans la plupart des cas, mais est-ce que vous les verriez quand
même comme recours de première ligne dans les
établissements ou... Et prévoir le Protecteur comme un recours
ultime ou évidemment comme... Plusieurs groupes nous ont
mentionné, en matière de santé et de services sociaux, un
recours de troisième niveau en maintenant le recours à
l'établissement local, ensuite de ça, maintenir un recours de
deuxième niveau, conseil régional ou une régie
régionale, et le Protecteur pourrait intervenir, lui, en dernier ressort
ou en troisième niveau, mais les ombudsmans-maison ou exécutifs,
voyez-vous ça d'un bon oeil qu'on les maintiendrait au niveau de la
première ligne, de premier niveau, dans ces
établissements-là?
M. Létourneau: Moi, personnellement, je
n'ai pas d'objection parce que si le problème se règle
localement, tout le monde est content, c'est encore plus efficace. La
difficulté, c'est que, souvent, le problème ne se règle
pas localement à la satisfaction de la partie concernée parce que
cet ombudsman-là fait partie d'une structure, subit la pression de la
structure et aussi, des fois, partage la culture de l'institution et, à
ce moment-là, la personne qui cherche le remède n'obtient pas ce
qu'elle désire et là, tout s'arrête parce qu'on ne peut pas
aller plus loin. Alors, ce serait avantageux de pouvoir aller plus loin,
d'avoir une analyse externe d'une personne qui ne subit pas cette
pression-là de l'institution et de l'organisation. Non, je les garderais
parce que s'ils en règlent 90 % et que tout le monde est content, vaut
mieux une solution locale qu'une solution imposée par
l'extérieur.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. M.
Létourneau: Mais je ne sais pas si M...
M. Lafrance: Sur le même sujet, M. le Président, si
vous le permettez.
Le Président (M. Dauphin): Oui.
M. Lafrance: Est-ce que vous verriez ces ombudsmans-là
sous la responsabilité du Protecteur du citoyen?
M. Létourneau: On pourrait les laisser dans le cadre
institutionnel où ils sont. Une fois qu'on sait qu'on peut aller
ailleurs et qu'on sait que ces gens-là font partie, comme je le disais,
d'une structure et ont leurs limites internes et que c'est reconnu et qu'on
peut aller à l'extérieur, ça me fait moins de crainte de
ne pas les rattacher au Protecteur du citoyen.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Est-ce qu'il y a
d'autres membres qui aimeraient poser des questions? Ça va.
Alors, au nom de tous les membres de la commission, Me
Létourneau, Me Robardet, nous vous remercions sincèrement d'avoir
participé à nos travaux et nous vous remercions aussi d'avoir pu
profiter de votre expertise, comme experts, avec le président de la
Commission de réforme du droit. Alors, merci beaucoup et bon retour.
M. Létourneau: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, nous suspendons deux
minutes pour laisser la chance au Barreau du Québec de s'avancer
à la table des invités.
(Suspension de la séance à 10 h 44)
(Reprise à 10 h 52)
Barreau du Québec
Le Président (M. Dauphin): J'aimerais souhaiter la
bienvenue au Barreau du Québec, qui est représenté
actuellement par Me Pierre Lemieux, membre du comité du Barreau sur le
Protecteur du citoyen. Je crois qu'il y a d'autres personnes qui vont s'ajouter
un petit peu plus tard. Alors, bienvenue, Me Lemieux. Alors, il y a une
présentation prévue d'environ une quinzaine de minutes et,
ensuite de ça, nous pourrons échanger avec vous sur votre
exposé.
M. Lemieux (Pierre): Très bien. Je m'excuse pour les
autres membres vu qu'ils sont retenus à Montréal pour le moment,
il y a un problème d'avion. Donc, ayant appris vers 10 h 10 ce matin que
je devais présenter le mémoire, vous comprendrez que je n'ai
peut-être pas un texte très, très structuré. En
revanche, ayant fait partie du comité du Barreau sur le Protecteur du
citoyen, je serai en mesure de répondre à toutes vos questions.
Les autres membres devraient se joindre à nous d'une minute à
l'autre.
Si on regarde le mémoire du Barreau, avant d'entrer dans le
détail du mémoire, il y a certains points que je voudrais
préciser en partant. Premièrement, le Barreau, vous allez vous en
rendre compte, n'a pas fait un plan original dans son mémoire. C'est
surtout le suivi de toutes les questions qui avaient été
présentées au comité. On a tenté de répondre
aux questions, sauf à celles qu'on trouvait qui n'étaient pas du
ressort du Barreau, donc qui touchaient beaucoup plus à des questions de
régie interne ou des questions du Parlement.
Avant d'entrer dans les points aussi, il y a un élément
qui est bien important. Quand on parle de la philosophie du Protecteur du
citoyen et le pourquoi du Protecteur du citoyen, je pense qu'il faut absolument
se rappeler pourquoi le Protecteur du citoyen a été
créé. Premièrement, le Protecteur du citoyen a
été créé pour protéger le public, donc pour
protéger le citoyen face à cet appareil gouvernemental, et quand
on parle d'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen, je pense que
ce principe-là de base doit toujours être rappelé et
ça explique beaucoup de choses quand on pense aux questions des
relations de travail éventuellement.
Donc, premier point précis, c'est le citoyen, et quand je parle
de citoyen, c'est la personne qui est administrée, qui est face à
cette administration publique. Si je passe point par point, si on regarde le
chapitre 1 du mémoire, quand on parle de l'indépendance du
Protecteur du citoyen, le Barreau est d'accord avec la structure de nomination,
comme ça se fait à l'heure actuelle. On trouve que le Protecteur
du citoyen est déjà extrêmement indépendant. On
trouve souhaitable la question de la proposition du premier ministre
devant l'Assemblée. On ne croit pas utile de créer un
comité parlementaire qui déciderait de nominations et qui
suggérerait à l'Assemblée, donc on trouve que la
proposition du premier ministre est déjà une procédure
adéquate.
Sur la question du budget, là on a peut-être certaines
observations. On trouve ça peut-être curieux qu'un organisme qui
est nommé par l'Assemblée doive aller devant le Conseil du
trésor pour les questions de budget. On trouve que le Protecteur du
citoyen devrait régler les problèmes budgétaires devant la
même institution qui l'a nommé. Donc, je pourrai y revenir plus
tard, j'ai des questions à ce sujet-là.
Sur la question d'accessibilité du Protecteur du citoyen. Quand
on parle de l'accès pour tous les citoyens et citoyennes, il y a un
élément qui est bien important et que souvent on oublie, c'est
que le Protecteur du citoyen... On peut croire que le Protecteur du citoyen est
connu de tout le monde. Croire ça, ça serait peut-être se
tromper. Il est peut-être méconnu du grand public. Et le souhait
du Barreau, ça serait qu'il y ait un système d'information, soit
par les élus, par les organismes, par les bureaux d'aide juridique,
d'aide sociale, qui fasse connaître cette organisation du Protecteur du
citoyen avec une question d'information qui est beaucoup plus adéquate.
Le chapitre 3, et c'est peut-être là, le chapitre 3 et le chapitre
4, le coeur comme tel: la question de l'efficacité du recours du
Protecteur du citoyen. On voit qu'il y a déjà dans la Loi sur le
Protecteur du citoyen, par l'article 13 et par l'article 27.3... Le Protecteur
du citoyen a déjà le pouvoir de faire une approche qui est
préventive et systémique. On n'a rien contre cette
approche-là. Le seul danger qu'on voit, c'est que le Protecteur du
citoyen ne doit pas se transformer en comité d'enquête et,
à chaque fois, décider de faire une approche préventive et
systémique. Il ne faut pas que le Protecteur du citoyen oublie sa
mission première qui est: traiter des cas individuels d'un
administré qui a été lésé par cet appareil
gouvernemental. À notre avis, si le Protecteur du citoyen se
lançait dans tous les cas en véritable commission d'enquête
et en approche préventive, ça lui prendrait
énormément de temps, ça coûterait extrêmement
cher et tout le personnel serait peut-être tenu par ça. Donc, la
mission essentielle du citoyen, qui a le droit d'avoir un recours rapide,
efficace, pourrait peut-être devenir seconde et la mission
première du Protecteur du citoyen ne serait peut-être plus
exercée.
Deuxième élément sur la question du pouvoir, au
point de vue recommandation. On avait posé comme question: Est-ce que le
Protecteur du citoyen devrait prendre fait et cause pour un citoyen devant un
tribunal? Le Barreau du Québec s'objecte que le Protecteur du citoyen
prenne fait et cause pour le citoyen devant une cour de justice, pour deux
raisons principales. Premièrement, on se rend compte que la juridic-
tion du Protecteur du citoyen, elle intervient lorsque le citoyen n'a plus un
recours efficace. Lorsque le citoyen ne peut plus se présenter devant
soit un tribunal administratif ou devant une cour de justice, il va voir le
Protecteur du citoyen qui peut tenter de lui régler le problème
en pure équité, en l'absence de règles de droit. On voit
mal une situation où le citoyen n'a pas le recours pour aller devant la
cour de justice et le Protecteur du citoyen prendrait ce recours-là et
défendrait la personne devant la cour de justice.
Deuxième élément, nous croyons que le Protecteur du
citoyen est un médiateur, un conciliateur. Il n'est pas adversaire de
cet appareil gouvernemental. Ce qu'il fait, c'est qu'il tente de régler
à l'amiable, entre cet appareil gouvernemental et le citoyen, un
problème qui est né. Si le Protecteur du citoyen prenait fait et
cause pour un citoyen devant un tribunal, le Protecteur deviendrait, à
ce moment-là, non plus un médiateur, un conciliateur, mais un
véritable adversaire de cet appareil gouvernemental. Ça serait
très curieux et très dommage dans le processus que, dans un
premier temps, il tente d'être une personne totalement objective et
indépendante, qui tente d'amener les gens à une conciliation et,
dans un deuxième temps, prenant fait et cause, donc, il devienne
l'adversaire de cette administration publique. Je pense qu'à la longue -
c'est la position du Barreau - ça pourrait nuire
énormément à la crédibilité et à
l'indépendance du Protecteur. Donc, c'est pour ça qu'on se refuse
que le Protecteur du citoyen prenne fait et cause devant le tribunal.
Sur la question de l'extension de la juridiction du Protecteur du
citoyen, et c'est peut-être là qu'il peut causer le plus de
problèmes, on n'a rien contre, comme principe général, que
la juridiction du Protecteur du citoyen s'étende aux affaires sociales
et au monde de l'éducation, sauf qu'on a énormément de
réserves.
Premièrement, prenons le cas des affaires sociales. Le Protecteur
du citoyen pourrait exercer sa juridiction dans le monde des affaires sociales,
mais ne devrait jamais toucher aux relations du travail. Pourquoi? Pour la
raison suivante. Je vous ai dit, au tout début, que la philosophie
même du Protecteur du citoyen, c'était de protéger un
citoyen, un administré face à l'État. Dès qu'on
entre dans une relation du travail, on n'est plus en présence d'un
citoyen avec l'État, mais on est en présence d'un salarié
avec l'État, une personne qui a déjà passé un
contrat avec l'État. Ce n'est plus un citoyen, il n'est pas au
gouvernement à titre de citoyen, mais il est au gouvernement à
titre de personne qui a été engagée et un salarié.
À notre avis, cette personne qui est salariée de l'État a
déjà énormément de recours pour se protéger:
les syndicats, les conventions, d'autres recours qui sont donnés par
loi. Et, à notre avis, on déborde totalement la philosophie
même de l'essence du
Protecteur du citoyen qui est la protection entre les citoyens et
l'État.
Dans un deuxième temps, deuxième réserve. On trouve
que le Protecteur du citoyen, même s'il peut exercer sa juridiction en
matière sociale, ne devrait pas entrer dans la relation professionnelle
qui peut exister entre le médecin et le patient. On trouve que cette
relation professionnelle n'est pas du tout du ressort du Protecteur du citoyen.
Le Protecteur du citoyen pourrait intervenir dans le monde des affaires
sociales simplement - et c'est quand même énorme - dans les
problèmes qui existent entre l'administration comme telle, au sens
restreint du terme, et non l'administration relation du travail et le
professionnel avec le patient, mais l'administration avec un citoyen.
Là, on rejoint peut-être la question qui a
été posée tout à l'heure à la Commission de
réforme du droit sur la question des comités locaux des plaintes,
donc un protecteur spécialisé. Nous sommes pour un protecteur
spécialisé. Le terme est peut-être mauvais, je vais
peut-être employer plutôt, pour ne pas avoir de confusion entre
protecteur spécialisé et le Protecteur du citoyen qui existe, un
comité des plaintes. Nous croyons que c'est nécessaire
d'encourager un comité des plaintes. Le grand danger et la
réserve qu'on avait, c'est de ne pas arriver avec une véritable
avalanche de plaintes, de 1000 à 10 000 plaintes. C'est évident
que si jamais, du réseau social, il arrivait des mille et des mille
plaintes, le Protecteur du citoyen ne pourrait plus suffire à la
tâche et tout le reste du travail qu'il fait actuellement pourrait se
trouver touché.
Donc, le comité des plaintes, un comité de première
ligne - on pourrait souhaiter qu'il règle toutes les plaintes - pourrait
régler, je ne sais pas, 80 %, 90 %, 95 % et même 99 % des
plaintes. Pour la plainte ou les plaintes qui pourraient rester, le Protecteur
du citoyen pourrait, à ce moment-là, intervenir et
protéger le citoyen. Le comité des plaintes n'est pas du tout
soumis à la juridiction du protecteur du citoyen. C'est deux organismes
ou deux personnes qui sont totalement indépendantes.
Prenons la question des comités des plaintes; j'aurais
peut-être dû en parler au tout début. C'est pour ça
qu'on trouve que le Protecteur du citoyen doit être unique. On est contre
un protecteur du citoyen spécialisé, donc un protecteur du
citoyen qui interviendrait simplement en matière sociale, un protecteur
du citoyen spécialisé dans le monde de l'enseignement, un
protecteur du citoyen spécialisé dans le monde de la fonction
publique. Ça deviendrait difficile pour les citoyens. Le citoyen, si
vous regardez le citoyen normal et même le citoyen qui est au courant de
tout, lorsqu'il prend un recours devant un tribunal administratif, il a
énormément de portes d'entrée à l'heure actuelle.
11 ne sait plus où cogner, où frapper pour entrer. Si on
crée un protecteur du citoyen avec plu- sieurs juridictions, le citoyen
devra, dans un premier temps, commencer à qualifier son problème
avant de cogner à la porte soit de la juridiction des affaires sociales
ou de l'éducation. Je pense que le citoyen doit cogner à une
seule porte, qui est le Protecteur du citoyen. Ensuite, c'est une question de
régie interne de donner au Protecteur du citoyen soit un adjoint ou un
autre; c'est une question de régie interne, où le Barreau ne
voudrait pas du tout intervenir.
Si on suit la même philosophie que je viens de dire pour les
affaires sociales, dès qu'on tombe dans le monde de l'éducation,
on trouve que la juridiction devrait pouvoir s'étendre aussi, mais,
là, avec toujours les deux mêmes réserves. Le Protecteur du
citoyen ne devrait pas s'étendre du tout dans les relations du travail
qui peuvent exister dans ce monde-là et, dans un deuxième temps,
il ne devrait jamais intervenir dans les relations professeur-étudiant,
ce n'est pas du tout du ressort du Protecteur du citoyen, mais intervenir dans
les mauvaises relations qui peuvent exister entre l'administration comme telle
et la personne qui est étudiante à ce niveau-là.
Là aussi, on souhaite qu'il y ait des comités des
plaintes. D'ailleurs, dans beaucoup d'organismes - et je pense à
l'Université Laval, un organisme que je connais bien - il existe
déjà ces comités des plaintes qui règlent
énormément de problèmes. Là aussi, comme dans le
monde des affaires sociales, ce seraient simplement les plaintes qui n'ont pas
été jugées au début ou qu'on n'a pas réussi
à régler où le Protecteur du citoyen pourrait
intervenir.
L'autre élément qui cause énormément de
problèmes, c'est la question des tribunaux administratifs. Le Barreau
s'objecte que la juridiction du Protecteur du citoyen s'étende aux
tribunaux administratifs. Si on regarde bien comment fonctionne un tribunal
administratif, je pense que c'est très facile à comprendre.
À un tribunal administratif, le juge administratif va régler un
litige entre deux personnes et va régler un litige à partir d'une
règle de droit qui est déjà établie de par la loi.
Il va entendre la preuve, il va entendre les faits et il va rendre un jugement
qui va avoir autorité de chose jugée. Donc, il fonctionne de
façon similaire - c'est pour ça d'ailleurs qu'on dit "quasi
judiciaire" - à une cour de justice.
À ce moment-là, nous croyons que le Protecteur du citoyen
ne peut pas intervenir dans cette question de procédure et de preuve et
que la décision est prise à partir d'une règle de droit.
Si le Protecteur du citoyen pouvait intervenir dans les tribunaux
administratifs, on créerait, en d'autres termes, un appel, un appel
caché. La personne serait devant le tribunal administratif, aurait une
décision qui est rendue en droit à partir d'une règle de
droit et là, si jamais elle n'est pas contente, elle s'en irait devant
le Protecteur du citoyen pour obtenir un
jugement en pure équité, qui peut être pris sans
avoir une règle de droit. Fonctionner comme ça briserait toute la
philosophie du système qui existe à l'heure actuelle.
Vous allez me dire: Les tribunaux administratifs ne fonctionnent pas
tous de la même façon. Je regardais la question qui avait
été posée à la Commission de réforme du
droit, en Ontario et tout ça, il faut faire très, très
attention lorsqu'on se met à comparer les tribunaux administratifs du
fédéral, des autres provinces et du Québec. Les tribunaux
administratifs du Québec sont extrêmement judiciarisés,
beaucoup plus que dans les autres provinces. En plus, même si on est en
présence d'organismes de régularisation à l'apparence
qu'ils ne rendent pas de décision de nature judiciaire, ils en rendent
presque tous, soit à 30 %, soit à 80 %, soit à 100 %. Si
on commençait à décider que le Protecteur du citoyen peut
intervenir dans tel nombre de tribunaux administratifs et non dans d'autres,
là, on reviendrait dans une situation qui serait extrêmement
difficile à régler. Et je pense qu'on ne dort pas régler
tout le problème des tribunaux administratifs lorsqu'on va modifier la
Loi sur le Protecteur du citoyen. Ce sont deux problèmes qui sont
complètement indépendants.
En plus, chose curieuse, c'est qu'en 1987 on a modifié la Loi sur
le Protecteur du citoyen pour l'empêcher d'intervenir dans la
procédure du tribunal administratif et, à notre avis, à
juste titre. Pourquoi? Premièrement, les règles de
procédure administrative sont des règles très strictes et,
vous le savez, vous n'avez qu'à regarder tous les jugements de la Cour
suprême qui sortent, toutes les questions de règles d'audition, de
règles audi alteram partem, c'est devenu extrêmement
sophistiqué. Donc, le Protecteur du citoyen, entrant dans cette question
de règles de procédure, pourrait créer des
problèmes. En plus, au niveau du Québec, le problème
devient beaucoup plus aigu parce que toutes ces règles-là de
procédure administrative ont été reprises dans l'article
23 de la charte du Québec. C'est-à-dire que dans l'article 23 de
la charte du Québec, on dit que tout citoyen a droit à une
audition publique et impartiale devant un tribunal indépendant. Donc,
c'est peut-être la raison pour laquelle on a modifié la loi, en
1987, pour ne pas avoir ces problèmes-là en conflit avec
l'article 23. Je vois mal maintenant, en 1990, de revenir en arrière et
de revenir à l'ancien article qui existait avant 1987, et même
d'aller beaucoup plus loin, de permettre au Protecteur du citoyen d'Intervenir
dans le tribunal administratif.
Reste le dernier point: les personnes qui contractent avec
l'État. À notre avis, un contractant avec l'État ne
devrait pas être soumis à la juridiction du Protecteur du citoyen.
Le Protecteur du citoyen, sa juridiction, c'est pour régler les
problèmes entre le citoyen et l'administration gouvernementale; ce n'est
pas pour régler tous les problèmes du secteur privé. Si on
commence avec les contractants, un contractant avec le gouvernement, ce n'est
pas l'appareil gouvernemental, on est toujours dans le secteur
privé.
Ceci étant dit, il faut faire quand même certaines nuances.
Si le contractant agit suite à une délégation de pouvoirs
qui est prévue dans la loi, et la Loi sur le Protecteur du citoyen le
prévoit, donc, cette personne qui contracte avec l'État
reçoit des pouvoirs délégués de l'État. En
d'autres mots, c'est l'État qui confie des fonctions gouvernementales
à une entreprise privée en lui déléguant des
pouvoirs. Donc, remplaçant l'État, cette personne-là
pourrait être soumise à la juridiction du Protecteur du citoyen.
Aussi, lorsque le contractant exerce une mission gouvernementale, nous croyons
que le Protecteur du citoyen pourrait intervenir - et là, on donne un
exemple - mais simplement lorsque le contractant exerce une fonction
gouvernementale ou bien peut-être - le terme est peut-être plus
adéquat - un service public.
Prenons l'exemple d'une cafétéria à
l'hôpital. La première mission d'une cafétéria,
lorsqu'on donne une concession de cafétéria à
l'hôpital, premièrement, la cafétéria, lorsqu'elle
va nourrir le patient, à l'hôpital, c'est une mission de service
public. Mais lorsque la cafétéria s'ouvre au grand public et est
exactement un casse-croûte normal, la cafétéria ne
rencontre plus une mission de l'État. Donc, à ce
moment-là, la juridiction, le Protecteur du citoyen ne devrait pas
intervenir.
Ça termine, en gros, cet exposé sur le Protecteur du
citoyen. Je m'excuse un peu d'avoir envoyé ça en vrac. Donc, nous
sommes disposés à répondre à vos questions,
sûrement. Bonjour, Mme la bétonnière.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, Me
Lemieux. Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Me
Borenstein, bétonnière du Québec, ainsi qu'à Me
Vadboncoeur, directrice du service de la recherche et de la législation
au Barreau du Québec, qui sont des habituées des commissions
parlementaires. Nous avons su que vous avez eu des problèmes de
transport, je crois. Alors, bienvenue à nos travaux.
Mme Borenstein (Sylviane): Nous vous présentons nos
excuses et les excuses d'Air Canada.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Alors, nous allons
débuter la période d'échanges. C'est maintenant au tour
des ministériels de commencer. N'étant pas juge et partie, du
moins je le crois, étant un membre parlementaire ministériel, je
vais débuter la période d'échanges.
Alors, Me Lemieux, nous avons reçu, comme
commissaires, plusieurs groupes, la semaine dernière, en rapport
avec le secteur de la santé et des services sociaux. Plusieurs de
ceux-ci nous ont mentionné que les recours actuellement prévus
relativement aux actes professionnels, aux actes médicaux,
n'étaient pas nécessairement des plus adéquats. On nous a
signalé que le fait de recourir au comité de discipline ou, peu
importe, au comité prévu des corporations professionnelles,
ceux-ci étaient souvent juge et partie. La plupart des plaintes sont
déclarées non rece-vables. Vous, dans votre mémoire, vous
nous dites: D'accord, on pourrait étendre la juridiction du Protecteur
du citoyen; cependant, ne touchez pas aux actes professionnels. J'aimerais
avoir peut-être plus de détails là-dessus, étant
donné le très grand nombre de points négatifs que nous
avons entendus ici même à la commission, les raisons principales
qui vous motivent à enlever du champ ces actes-là des
professionnels.
M. Lemieux (Pierre): Premièrement, c'est évident
que, même si on étend la juridiction du Protecteur du citoyen, des
problèmes, il y en aura toujours. Il y a des problèmes partout,
et ce n'est pas au Protecteur du citoyen à régler tous les
problèmes qui existent au Québec, dans un premier temps.
Dans un deuxième temps, je vous ai dit, au tout début, que
le pourquoi et la philosophie même du Protecteur du citoyen,
c'était pour régler des problèmes entre un citoyen et une
administration gouvernementale, une administration publique. Lorsqu'on est dans
une relation de médecin à patient, à
bénéficiaire, une relation de professionnel à patient,
à notre avis, nous ne sommes plus dans une relation d'administration
à citoyen, mais nous sommes dans une situation contractuelle de patient
avec un médecin. Si jamais on étendait la juridiction du
Protecteur du citoyen, on pourrait toujours le faire, mais, à notre
avis, ça enlèverait la philosophie de base et le pourquoi du
Protecteur du citoyen. Et le Protecteur du citoyen n'est peut-être pas
outillé pour régler un problème professionnel qui existe
entre le professionnel et un patient; c'est vrai pour les médecins et
ça pourrait être vrai pour d'autres professionnels aussi. (11 h
15)
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci. J'aimerais
toucher le secteur universitaire. Nous allons entendre plus tard dans la
journée la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec qui nous dit de ne pas toucher à
ça, que ça va bien dans nos universités, nous avons nos
propres ombudsmans, du moins dans cinq d'entre elles. Ces ombudsmans-là
sont nommés, sont indépendants. Par contre, on nous dit un petit
peu plus loin qu'ils sont nommés par l'administration. Je crois que
l'Université Laval a un ombudsman.
Une voix: Oui, oui.
Le Président (M. Dauphin): Vous, vous nous proposez de
prévoir l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen au niveau
universitaire. Croyez-vous que ça cause justement des difficultés
en regard d'une certaine autonomie qu'on leur a toujours reconnue?
M. Lemieux (Pierre): C'est évident que le monde
universitaire de tous les temps est un organisme qui est complètement
autonome. D'ailleurs, si on regarde un jugement de la Cour suprême dans
l'arrêt McKinney, Université de Guelph, pour déterminer si
la charte était applicable aux universités, pour voir si
l'université était gouvernement au sens de l'article 32 de la
charte, on a dit non. L'université est un organisme qui est
complètement autonome. En revanche, si vous regardez dans les
arrêts de la Cour suprême, on dit: L'université est quand
même un décideur public, est un organisme qui rend un service
public. Toute la procédure... Prenons la question du devoir d'agir
équitable-ment, toute la procédure qu'on trouve devant les
tribunaux administratifs est soumise aussi à toute université et
à tout processus. Donc, tout processus universitaire doit respecter ces
règles-là de procédure, le devoir d'agir
équttablement. Donc, déjà, même si c'est un
organisme autonome, c'est quand même un organisme qui se situe dans le
secteur public.
Deuxièmement, les comités des plaintes et les ombudsmans
spécialisés, entre guillemets, qu'on retrouve dans les
universités sont surtout des protecteurs qui agissent dans les relations
entre professeurs et étudiants. Prenons l'exemple de l'Université
Laval, il y a un comité de discipline, il y a une charte des droits
à l'Université Laval, donc tous les problèmes qui peuvent
exister, les problèmes de plans, de syllabus, d'examens; donc, c'est des
relations entre professeurs et étudiants. Là, on dit: Le
Protecteur du citoyen ne devrait jamais intervenir là-dedans, c'est une
question purement interne et ça doit rester comme ça. Mais dans
la relation entre l'administration comme telle, l'administration, de quelle
façon elle gère ses bourses et tout ça, ça devient
très similaire à l'administration gouvernementale, lorsqu'une
personne se présente devant cette administration gouvernementale pour
obtenir des choses. Donc, le Protecteur du citoyen - je l'ai bien dit au
début - doit simplement intervenir dans des cas d'une relation
étroite entre l'administration et la personne qui se trouve à
l'université, jamais dans les relations du travail et jamais dans les
relations entre professeurs et étudiants.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Pour compléter, si vous le
permettez.
Le Président (M. Dauphin): Oui, Me
Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: On a aussi recommandé - j'imagine que Me
Lemieux en a fait mention - un encouragement de la mise sur pied d'ombudsmans
locaux - je n'aime pas employer le mot "ombudsman", mais en tout cas - de
comités locaux d'examen des plaintes pour que le premier stade
d'audition des plaintes ou de règlement des plaintes ou de
règlement des problèmes rencontrés dans l'administration
universitaire se fasse justement à l'interne. Le Protecteur du citoyen
n'interviendrait que si ce premier stade était insatisfaisant. Alors,
l'autonomie universitaire, comme dans les autres secteurs, d'ailleurs...
Le Président (M. Dauphin): ...même principe. Mme
Vadboncoeur: ...devrait être conservée.
Le Président (M. Dauphin): Au niveau de la santé et
des services sociaux, vous savez qu'il y a le projet de loi 120 qui sera
étudié, dont l'étude détaillée va être
faite bientôt, je pense, à la mi-février. On ne le sait pas
encore... Bientôt. Il est prévu dans le projet de loi 120 que tous
les établissements du Québec - on nous a dit la semaine
dernière qu'il y a environ 2 % des établissements actuellement
où il est prévu un ombudsman local, un "ombudsperson" local -
devront prévoir un mécanisme de plaintes, engager un cadre
supérieur qui s'occupera des plaintes dans les établissements
locaux. Il est prévu également un deuxième niveau, avec un
recours à la régie régionale et ça s'arrête
là comparativement à la situation actuelle où il y a un
troisième niveau, la Commission des affaires sociales. J'aimerais vous
entendre là-dessus. Que pensez-vous de cette approche-là qui,
évidemment, constitue dans un sens une amélioration parce qu'on
oblige tout le monde à prévoir des mécanismes de plaintes,
d'engager quelqu'un, alors qu'actuellement ce n'est pas le cas? Cependant,
plusieurs nous ont dit: Le fait que ce soit un cadre supérieur, il peut
être en situation un peu délicate face au directeur
général de l'établissement; c'est un collègue, dans
le fond, qui va s'occuper des plaintes. Les autres recours prévus, il
n'y a pas de recours externes de prévus; évidemment, ça
s'arrête à la régie régionale qui, elle, bien
souvent doit s'assurer de la qualité des services et, en même
temps, va recevoir les plaintes relativement à cesdits services.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Lemieux (Pierre): Ça va un peu dans le sens de notre
mémoire. On dit: Le Protecteur du citoyen peut intervenir dans le monde
social, mais on recommande et c'est souhaitable d'avoir des comités
locaux de plaintes pour régler le plus possible.
Sur la question d'indépendance, c'est toujours une certaine
objection qu'on entend souvent: Ils ne sont pas indépendants, ils sont
nommés par cette administration publique. Sans se prononcer sur la
question de l'indépendance, le comité local des plaintes, si
jamais il règle 95 % des plaintes, bien, c'est déjà
souhaitable. La question qu'il soit indépendant ou non, s'il
règle 95 % des plaintes et même 98 % des plaintes, c'est quand
même souhaitable. C'est pour ça que nous, on dit: Le Protecteur du
citoyen pourrait intervenir peut-être dans la fraction de plaintes qui
n'ont pas été réglées et toujours avec la
même philosophie simplement dans une relation administration et citoyen
et non pour d'autres questions de relations de travail ou de relations
professionnelles. Donc, ça rejoint exactement la philosophie et c'est
souhaitable d'avoir un comité local des plaintes pour la raison
suivante: si jamais on donnait la juridiction au Protecteur du citoyen, s'il
n'y avait aucun comité local des plaintes, le Protecteur du citoyen ne
pourrait pas suffire à la tâche.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Me Borenstein,
peut-être. Vous écrivez dans votre mémoire que,
relativement à l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen,
il faudrait exclure la Commission des droits de la personne du Québec.
Nous avons entendu la Commission la semaine dernière ou au début
de la semaine, plutôt, et elle-même ne voit pas
nécessairement d'objection à être assujettie au Protecteur
du citoyen, sauf sur un point là, évidemment, sur son pouvoir de
décision. Selon vous, qu'est-ce qui justifierait cette exclusion?
Mme Borenstein: Étant donné que l'om-budsman ou
Pombudsperson", comme vous avez dit tout à l'heure, relève de
l'Assemblée nationale - je pense que ça c'est le point
extrêmement important et spécifique à la qualité de
ce poste - et que la Commission des droits de la personne du Québec,
elle, est un tribunal administratif et que nous ne voulons pas substituer
l'ombudsman à la juridiction des tribunaux administratifs parce qu'il y
en a un qui est judiciaire et l'autre qui est plutôt conciliateur, nous
ne voulons pas étendre le rôle de l'ombudsman qui est conciliateur
aux tribunaux judicaires ou quasi judiciaires. Ça s'applique non
seulement à la Commission des droits de la personne, mais ça
s'applique aux autres tribunaux quasi judiciaires ou judiciaires. Ce sont des
rôles tout à fait différents.
Mme Vadboncoeur: M. le Président, au surplus, la
Commission relève également de l'Assemblée nationale, de
même que le Vérificateur général et le Directeur
général des élections, si mon souvenir est bon.
M. Lemieux (Pierre): La Commission d'accès
à l'information.
Mme Vadboncoeur: Pardon?
M. Lemieux (Pierre): La Commission d'accès à
l'information.
Mme Vadboncoeur: Oui, la Commission d'accès à
l'information également. Donc, vu que ces organismes-là
relèvent tous, au même titre, de l'Assemblée nationale, on
ne voit pas pourquoi l'ombudsman aurait une espèce de superpouvoir par
dessus ses pairs qui relèvent, au même titre que lui, de
l'Assemblée nationale.
Si vous le permettez, j'aimerais donner un complément de
réponse à votre question relative au projet de loi 120.
Le Président (M. Dauphin): Oui.
Mme Vadboncoeur: À un comité du Barreau, demain, on
a justement une réunion demain à ce sujet-là. Tout en
encourageant la mise sur pied de comités locaux comme on l'a
mentionné tout à l'heure, il ne faudrait pas, par contre,
s'encar-caner dans un système exagéré de procédures
et de règles de preuve que prévoit justement le projet de loi
120. Alors, autant ça peut décongestionner le bureau du
Protecteur du citoyen d'avoir des comités locaux ou, enfin, un organisme
local ou une personne qui est chargée d'examiner les plaintes, il ne
faudrait pas qu'elle devienne elle-même un quasi-juge à
l'intérieur de l'organisme en question, ce que, malheureusement, semble
prévoir le projet de loi 120.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Je reviendrai
tantôt avec une question sur les tribunaux administratifs. On m'informe
cependant que le Protecteur du citoyen est lui-même assujetti à la
juridiction de la Commission des droits de la personne. Même s'ils sont
nommés tous les deux par l'Assemblée nationale, le Protecteur est
assujetti à la Commission des droits de la personne. Alors, ce serait
vice-versa.
Je vais laisser quand même la parole à mon collègue,
vice-président de la commission et député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Notez qu'il s'agit ici
d'un mémoire très intéressant, volumineux, qui couvre
l'ensemble des aspects sur lesquels nous nous posions des questions. Il faut
remercier le Barreau du Québec d'avoir pris la peine d'examiner avec
attention. Il nous fallait avoir votre éclairage eu égard aux
questions que nous nous posions et surtout aux recommandations que nous aurons
à faire éventuellement en matière d'exercice du mandat du
Protecteur du citoyen au Québec. Les circonstances nous amènent
à poser des questions plus pointues sur tout le secteur de la
santé et des services sociaux puisque le contexte fait en sorte que nous
sommes en présence maintenant d'un projet de loi qui modifie de
façon sensible, selon certains, la procédure actuelle et les
mécanismes de traitement des plaintes et des recours des personnes qui
reçoivent des services de l'ensemble de la mécanique des services
de santé et des services sociaux au Québec.
Vous avez répondu à certaines questions du
président là-dessus, sur ce que prévoit le projet de loi
dans son état actuel. On constate, à la première lecture -
j'ai cru comprendre que c'était la vôtre également - qu'il
n'y a donc pas de recours externe, peu importe la mécanique, les
étages, il n'y a pas de recours externe pour le citoyen qui
reçoit des prestations de services dans l'ensemble de l'organisation des
services de santé et des services sociaux du Québec. Le ministre
prétend, lui, qu'il y a un mécanisme de recours externe qui
s'appelle le recours au ministre lui-même. Quand on lui a demandé,
à l'Assemblée nationale, c'était quoi, ce mécanisme
externe qui s'appelle le ministre, il a répondu, parce que je
déposerai... La mécanique de la loi prévoit qu'il
déposera chaque année un rapport sur le traitement des plaintes
par les établissements, les régies régionales et,
éventuellement - même si on ne le retrouve pas dans le projet de
loi, je prends la parole du ministre là-dessus - les plaintes
traitées par le ministre lui-même.
Est-ce qu'effectivement, je dirais, en droit et de façon
générale, on peut convenir qu'il s'agit là d'un recours
externe au réseau de la santé et des services sociaux, cette
interprétation du ministre?
Mme Borenstein: Je pense que la réponse se trouve dans
notre mémoire, mais de façon beaucoup plus
générale. Lorsque nous disons que nous sommes contre les
ombudsmans spécialisés parce qu'ils seraient trop près de
l'administration de cette spécialité où ils seraient,
c'est la réponse que je donnerais à votre question. Il faut que
l'ombudsman reste une personne qui soit indépendante et avec des liens
qui ne sont pas trop étroits avec l'administration sur laquelle il fait
rapport et ainsi de suite.
Donc, de façon générale, nous étions contre
l'ombudsman spécialisé et je pense que ça répond
à votre question. Il faut que l'ombudsman sort au-dessus de toutes ces
administrations sur lesquelles il fait rapport pour garder cette
indépendance. Donc, je pense que la proposition que nous faisons dans
notre mémoire, qui laisse à l'ombudsman qui est loin de tout
ça le soin de faire des rapports des problèmes qu'il a eu
à traiter, c'est une meilleure solution aux problèmes. (11 h
30)
Mme Vadboncoeur: En outre, si vous me permettez, M. le
Président, ça me semble... Remarquez, je ne veux pas entrer dans
les détails du projet de loi 120 parce que ce n'est
pas te but de la présence du Barreau ici, mais si le ministre
s'arroge le pouvoir d'examiner des plaintes, ça devient, à ce
moment-là, une espèce d'ombudsman parallèle au vrai
ombudsman, ce qui nous semble, je suppose, à tous, pas souhaitable du
tout pour la raison que la bétonnière a expliquée.
D'abord, il n'est pas question d'avoir d'ombudsman spécialisé. Il
n'est pas question non plus d'avoir d'ombudsman parallèle. Est-ce que...
Je ne veux pas aller dans les détails parce que je ne les connais pas,
mais ça me semble un peu dangereux, ce pouvoir que s'arroge le ministre
d'examiner des plaintes, d'autant plus qu'avec le mécanisme quasi
judiciaire qui est prévu dans le projet de loi 120 on risque de se
ramasser plus souvent qu'autrement devant les tribunaux parce qu'il va y avoir
des brefs d'évocation à tour de bras, ce qui n'est pas
souhaitable non plus. Une judiciarisation de ce genre de traitement des
plaintes n'est absolument pas souhaitable.
M. Trudel: Remarquez qu'il faut se faire une observation par
rapport à ce qui est prévu dans le projet de loi et je dis bien
projet de loi, et tout le restant du processus est entre les mains du ministre
et les mains de l'Assemblée nationale qui aura à approuver ou
à désapprouver le projet de loi, sauf qu'on ne peut pas, à
ce moment-ci, parler d'un mécanisme parallèle de la part du
ministre puisque, actuellement, le Protecteur du citoyen n'a pas juridiction
sur tout le système de santé et des services sociaux, que le
projet de loi qui a été déposé l'exclut, ne propose
pas qu'il art juridiction. La responsabilité du ministre en
matière de traitement des plaintes n'est pas non plus
législativement prévue au projet de loi.
C'est le ministre qui dit, en termes d'im-putabilité
vis-à-vis de l'Assemblée nationale, en termes de
responsabilité dans l'État québécois: Moi, j'ai
aussi la possibilité, j'ai aussi la juridiction pour traiter des
plaintes comme ultime recours dans le système, comme responsable devant
l'État de la prestation des services dans le réseau de la
santé et des services sociaux.
Alors, moi, j'interprète votre réponse en disant: Oui, il
doit y avoir un recours externe. Il faut qu'il soit, j'appellerais ça,
de niveau supérieur, entre guillemets, c'est-à-dire des
mécanismes de traitement des plaintes à la base. Je prends la
partie de la réponse de Me Lemieux tantôt aussi là-dessus.
Il faut qu'il y ait du traitement au niveau local. Qu'il y ait une étape
intermédiaire au niveau régional, bon, vous ne vous prononcez pas
clairement là-dessus, mais je pense le voir dans la philosophie de ce
que vous dites, sauf que vous insistez sur le recours externe,
indépendant, avez-vous dit, du système pour porter un jugement
très clair là-dessus.
Je voulais refaire l'interprétation pour voir vos signes de
tête parce que c'est très important, votre opinion, comme Barreau
du Québec, sur ce mécanisme-là. Encore une petite question
là-dessus. Le Protecteur du citoyen a émis dès la sortie
publique du projet de loi 120, a soumis au ministre et aux membres de
l'Assemblée nationale, qu'en matière de procédure, de
mécanisme de traitement des plaintes, non seulement le recours externe
était exclu, mais qu'on risquait de se retrouver avec 17 justices
différentes parce que le projet de loi, s'il fait obligation de
prévoir un mécanisme de traitement des plaintes au niveau de
chacun des établissements et au niveau de chacune des régies, il
ne prévoit rien en termes d'uniformisation du processus ou de la
mécanique pour porter les plaintes, pour les traiter, pour analyser les
résultats.
Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation du Protecteur
du citoyen, qui nous disait au mois de décembre par lettre aux membres
de l'Assemblée nationale: Nous risquons de développer, en
matière de santé et de services sociaux, un système
à 17 justices différentes puisqu'il y aura 17 régies
régionales au Québec qui, formellement, dans le projet de loi
sont la deuxième et dernière instance de traitement des
plaintes?
Le Président (M. Dauphin): Me Borenstein.
Mme Borenstein: Je pense que, comme nous le disions tout à
l'heure et comme nous le disons dans notre mémoire, s'il y a des
comités des plaintes qui règlent 90 % ou 95 % des plaintes, tant
mieux! Du moment que l'on ait le Protecteur du citoyen en dernier ressort pour
les 5 % qui n'auront pas été réglés par ces
comités de plaintes. Donc, je pense que c'est ça, l'important. La
mécanique du comité de traitement de plaintes est moins
importante. L'important, c'est qu'il y ait des comités de traitement de
plaintes qui vont régler 90 % des cas et que le Protecteur du citoyen
soit là pour régler la toute petite partie des cas qui n'auront
pas été réglés par ces comités.
M. Trudel: Mais est-ce qu'il ne vous apparaît pas
souhaitable qu'en matière de procédure et de mécanisme, au
moins, l'on soumette l'approbation de ces procédures, qui vont
être établies par les établissements et les régies
régionales, au Protecteur du citoyen? Parce qu'il y a une
compétence aussi; là, je parle de compétence dans le
système, si je peux me permettre la comparaison facile. Quand j'ai
à établir des procédures de recours en matière de
droit, dans quelque organisme que ce soit, je consulte le spécialiste
dans la société qui traite du droit, qui s'appelle l'avocat. Ici,
le spécialiste institutionnel du traitement des recours des citoyens en
matière d'administration par rapport aux services gouvernementaux, c'est
le Protecteur du citoyen. Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que la
procédure soit avalisée, soit obligatoirement vue, soit
obligatoirement soumise pour examen au Protecteur du citoyen? Parce que
souvent, à mon
avis, le mécanisme détermine l'efficacité du
traitement de la plainte.
Mme Borenstein: Ça, ce sont des problèmes
d'administration sur lesquels le comité du Barreau ne s'est pas
penché et je ne pense pas qu'aujourd'hui le Barreau puisse vous donner
une réponse à cette question.
M. Trudel: Très bien. Maintenant, deux autres secteurs sur
lesquels peu d'organismes, je dois le dire, se sont prononcés en
matière d'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen, c'est
les municipalités et l'ensemble du réseau scolaire. Je vais
exclure, dans le réseau scolaire, la partie université. Vous avez
bien répondu. Je pense que ce que vous vouliez dire, c'est: Du
côté de l'autonomie, c'est l'autonomie et la liberté
académique qui doivent être préservées jalousement
et je pense qu'on doit être d'accord - on n'a pas lutté depuis le
Xllle siècle pour maintenir cette liberté-là essentielle
à l'évolution, à la progression des connaissances et au
développement - mais sur la partie administrative, je pense qu'on
comprend bien votre réponse.
Le Conseil scolaire de 111e de Montréal, en matière de
juridiction du Protecteur du citoyen sur les commissions scolaires, dit: II en
existe un recours, c'est le conseil des commissaires. J'aimerais tout
simplement avoir votre opinion là-dessus. Est-ce qu'il s'agit
effectivement, pour vous, d'un lieu de recours? Parce que là, c'est:
Oui, il y a une discussion sur l'interne et l'externe du conseil des
commissaires puisque ce sont des gens élus au suffrage, universel dans
le système. Alors, est-ce que, pour vous autres, ça vous
apparaît suffisant l'appel possible, dans le système actuel, au
conseil scolaire élu? Et, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, ma
deuxième question, c'est: Eu égard aux administrations
municipales, où vous vous montrez favorables à Popting in", qu'on
soit dans la... qu'on puisse adopter, de par décision de la
municipalité en quelque sorte, la juridiction du Protecteur du
citoyen... Alors, pour les organismes municipaux, la question que je veux vous
poser, c'est: Est-ce qu'on ne devrait pas obliger les administrations
municipales à choisir, c'est-à-dire: ou le recours externe au
Protecteur du citoyen ou l'établissement d'un mécanisme de
traitement des plaintes à l'intérieur? Parce que T'opting in" tel
qu'on le voit généralement ici, il permet de dire: Oui, je me
soumettrai à la procédure et je confierai, en quelque sorte, mon
champ de compétence en matière de traitement des plaintes au
Protecteur du citoyen. Sauf que celles qui ne choisissent pas ça, on
peut demeurer dans le néant, au niveau du traitement des plaintes, au
niveau municipal. Alors, pour le scolaire et pour le municipal.
M. Lemieux (Pierre): En commençant, le niveau municipal.
Je pense qu'il faut faire très attention. Au municipal, on regarde, il y
a à peu près 1600 corporations municipales au niveau du
Québec. Il faut dire que le Barreau n'a pas fait d'étude en
profondeur, mais nous voyons mal comment on pourrait obliger chaque
municipalité de la province de Québec à se doter d'un
comité des plaintes ou d'une structure. Il y a des endroits où
c'est extrêmement petit et il n'y a peut-être pas de
problème. À d'autres endroits, il y a peut-être des plus
gros problèmes, parce que c'est des villes beaucoup plus importantes:
Montréal, Québec, Sherbrooke, Chicoutimi, etc.
D'imposer une procédure obligatoire dans un milieu comme
ça, qui est un milieu assez particulier et assez fermé, je ne
pense pas que ce soit souhaitable. En revanche, de permettre aux villes de
vouloir être assujetties au Protecteur du citoyen - il y a
déjà des villes qui le font - nous trouvons ça
souhaitable. Mais, là, c'est toujours le même
phénomène. C'est que si jamais on disait au Protecteur du
citoyen: Vous avez juridiction sur les 1600 municipalités de la province
de Québec, le Protecteur du citoyen deviendrait l'organisme qui
s'occuperait de tout ce qui se passe au niveau de la province de Québec.
Et, à un moment donné, il y a une question de coût. Il y a
une relation entre une juridiction et des coûts et une certaine
efficacité. Il y a déjà des genres de tribunaux
administratifs qui peuvent exister au niveau municipal. La solution serait
peut-être de créer d'autres instances administratives et tout
ça, mais non de tenter de tout régler les problèmes qui
existent au niveau du municipal et du scolaire par une augmentation de la
juridiction du Protecteur du citoyen.
Au niveau du scolaire, sans connaître à fond tout le
réseau scolaire, ça revient un peu à ce qu'on disait tout
à l'heure. Qu'il y ait un comité qu'on dit externe ou interne, le
problème, c'était un faux problème. Ce qu'il faut savoir:
Est-ce qu'il y a un comité des plaintes qui règle les
problèmes? S'il y a un comité des plaintes interne, même si
on dit qu'il n'est pas totalement indépendant, mais qui donne
satisfaction aux gens à 95 %, c'est un faux problème. Le but,
c'est d'avoir des gens qui ne sont pas lésés et qui peuvent agir
à l'intérieur du système. C'est pour ça qu'on
permet au Protecteur du citoyen d'intervenir dans la partie qui est floue, qui
n'a pas réussi à être réglée. Il doit y avoir
un genre de comité et tout ça. Si on crée des structures
très puissantes, il y a déjà assez de structures partout,
qui sont très lourdes. Qu'on pense aux accidents du travail, au monde
des relations du travail, on a créé des structures. On est rendu
avec des délais de cinq ou six ans. Si on crée des structures
comme ça, donc, on va avoir des délais partout. Les gens vont
peut-être avoir des droits, mais ils vont peut-être avoir des
droits six ans, sept ans après. C'est impossible de penser avoir des
structures complexes partout et des procédures. On a toujours trop mis
des
procédures rigides. Je pense que le système doit rester
très souple.
Le comité des plaintes, on voit ça comme un
médiateur qui tente d'amener les gens à un consensus. Si on ne
réussit pas, là, on va au Protecteur du citoyen, mais
espérons que le Protecteur du citoyen n'aura pas 100 000 plaintes du
réseau scolaire, 100 000 des affaires sociales et du municipal. Je ne
sais pas si vous comprenez bien.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Westmount.
M. Holden: Merci, M. le Président. En tant que membre du
Barreau, je suis toujours fier de ses présentations. Elles sont
tellement bien faites, sérieuses et en profondeur. Je ne peux pas
m'empêcher de remarquer qu'en tant que membre de la commission
Bélanger-Campeau j'aurais souhaité que le Barreau fasse valoir
ses vues là-dedans, mais on n'en parlera pas ici.
Pendant votre présentation, Me Lemieux, vous avez parlé de
l'indépendance budgétaire et je présume que vous
recommandez que le budget du Protecteur passe par ce qu'on appelle le Bureau de
l'Assemblée nationale, où on regarde aussi le Vérificateur
général. C'est ça votre recommandation, n'est-ce pas?
M. Lemieux (Pierre): C'est ça.
M. Holden: Je suis d'accord avec, mais pour être sûr,
quand vous parlez de l'Assemblée nationale, que c'est le Bureau de
l'Assemblée nationale.
M. Lemieux (Pierre): Oui. M. Holden: C'est un
élément.
M. Lemieux (Pierre): On n'a pas voulu entrer dans une question de
régie interne.
M. Holden: Quand vous parlez de l'accessibilité, vous
êtes-vous penché un peu sur ça? Parce qu'il y a des groupes
qui sont venus nous dire que c'est les plus démunis de la
société qui ne connaissent pas l'existence de l'ombudsman, les
plus pauvres et les communautés culturelles. Ce n'est pas connu comme
institution. Est-ce que c'est un des éléments sur lesquels vous
vous êtes penché, comment faire valoir l'existence de cette
institution? (11 h 45)
M. Lemieux (Pierre): On en traite brièvement mais, c'est
vrai, on pense toujours, parce que certaines personnes vivent dans un monde
assez fermé, que tout ça est bien, bien connu. On
s'aperçoit, si on parle avec des gens, que le Protecteur du
citoyen - et c'est vrai pour d'autres organismes gouvernementaux - c'est
complètement inconnu. Donc, il faut absolument être Imaginatif et
créer un genre de système d'information; quand je dis un
système, je ne veux pas créer une autre structure pour informer.
Donc, vous ici, les gens qui sont élus, les bureaux d'aide juridique,
les bureaux locaux qui font affaire avec les citoyens devraient avoir comme
mission de faire connaître le Protecteur du citoyen. Et peut-être
que le Protecteur du citoyen devrait avoir aussi des bureaux locaux à
certains endroits au niveau du Québec. On n'a pas dit que le Protecteur
du citoyen devrait avoir un bureau partout au niveau du Québec parce
que, là, c'est une question de coûts, il faut quand même
être réaliste, mais il devrait peut-être avoir certains
bureaux locaux dans certaines grandes régions du Québec pour se
faire connaître. On a beau dire: On prend le téléphone, on
vient, pour une personne qui est pauvre et démunie, c'est
extrêmement angoissant de prendre le téléphone et d'appeler
le Protecteur du citoyen, même si on peut régler
énormément... C'est vrai que le Protecteur du citoyen
règle par téléphone. Donc, peut-être que dans un
certain milieu, dans certains bureaux où ces personnes-là sont
habituées d'aller et se sentent à l'aise, c'est là qu'il y
aurait un effort d'information. Et là, il y a une conscientisation qui
doit se faire pour informer le public.
M. Holden: Pour finir mon intervention, vous êtes contre
l'idée d'ombudsmans spécialisés, mais vous êtes sans
doute au courant qu'à l'intérieur du bureau de l'ombudsman il y a
des spécialités, l'immigration, il y a des groupes qui se
concentrent sur certains aspects. Vous n'êtes pas contre la
spécialisation à l'intérieur de la boîte?
M. Lemieux (Pierre): Non. Ça, c'est entièrement
normal; c'est souhaitable. Mais là, c'est une question de régie
interne. Ce qui se fait à l'intérieur de la boîte et toute
la régie interne, on trouve que ce n'est pas le rôle du Barrreau
de dire comment ça doit fonctionner. Mais là où on est
contre, c'est d'avoir plusieurs protecteurs du citoyen: dans le monde de
l'éducation, dans le monde des affaires sociales, pour la raison
suivante, et je pense que c'est une raison importante. Quand on parle d'une
personne démunie, qui est déjà angoissée de prendre
le téléphone pour appeler le Protecteur du citoyen, qui a
déjà une méconnaissance du Protecteur du citoyen, si on
commence à lui dire: Vous avez cinq protecteurs du citoyen, vous devez
choisir le bon, déjà, il devra se dire: Est-ce que je suis en
matière sociale ou en matière gouvernementale? Ce n'est pas
toujours évident. Dès qu'on commence à créer des
champs, des juridictions, des compétences, il y a toujours des zones
grises.
Moi et le Barreau, nous sommes pour que la
personne s'adresse à une porte d'entrée, on l'accueille
et, ensuite, on la dirige à l'intérieur. Ce n'est pas seulement
au niveau du Protecteur du citoyen qu'on devrait faire ça, il y a
peut-être d'autres endroits, les cours de justice, les tribunaux
administratifs, de façon générale. Il faut simplifier un
système le plus possible.
M. Holden: Merci, messieurs.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. le
député d'Anjou.
M. Larouche: J'aimerais que Me Borenstein nous explique en quoi
il serait dangereux pour le ministre de la Santé et des Services sociaux
de s'arroger des pouvoirs d'examiner une plainte comme élu.
Mme Borenstein: Je pense que le principe du Protecteur du
citoyen, c'est quelqu'un qui est indépendant et détaché,
ce que l'on ne peut pas dire du ministre, ce qu'on ne souhaite pas dire du
ministre. Je veux dire, j'espère qu'il n'est pas détaché
de son ministère, bien au contraire, il y a des gens qui travaillent
pour lui. C'est pourquoi il est important que le Protecteur du citoyen qui
examine en dernier lieu - parce que, comme nous le disons, nous favorisons les
comités d'examen de plaintes à l'intérieur d'un
ministère ou, enfin, d'une administration - si les problèmes
n'ont pas été réglés à ce niveau-là,
que la personne qui est de dernier recours soit une personne tout à fait
détachée, ce que le ministre n'est pas.
M. Larouche: O.K. Alors, c'est dans ce sens-là.
Mme Borenstein: C'est dans ce sens. M. Larouche: O.K.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, moi, j'ai deux
courtes questions, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue a une courte question et nous terminerons
là-dessus, puisqu'il ne nous reste que deux minutes sur notre temps.
Relativement à l'interruption de la prescription, ne croyez-vous
pas qu'il serait nécessaire de prévoir un délai sur
l'interruption pour ne pas que ça devienne un recours dilatoire
automatique? Par exemple, certains nous ont dit de prévoir un an
d'interruption de la prescription.
Mme Vadboncoeur: C'est un petit peu embêtant de
prévoir un délai. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on a
laissé un petit peu ouverte cette question-là en souhaitant -
à la page 20 du mémoire - qu'on songe à trouver un moyen
pour éviter qu'un recours chez le Protecteur du citoyen qui prendrait du
temps à se régler fasse en sorte de transformer une courte
prescription civile - un an ou deux ans - en une prescription interminable ou,
finalement, en une absence totale de prescription. Par contre, je trouve
ça, moi personnellement, embêtant de fixer un délai parce
que si, par hypothèse, il arrive un problème administratif
quelconque au bureau du Protecteur du citoyen... Évidemment, on ne sait
pas, avec la juridiction étendue, dans quelle mesure ils seront
complètement débordés et pourront suffire à la
tâche. Donc, il ne faudrait pas qu'à cause d'un problème
administratif au bureau du Protecteur du citoyen, ça empêche
l'exercice de droits civils. Alors, établir un délai maximal,
ça risquerait en tout cas d'entraîner de tels dénis de
droit.
Le Président (M. Dauphin): Une dernière question,
pour ma part, c'est relativement à la Commission des services juridiques
que vous excluez d'une éventuelle extension de juridiction du Protecteur
du citoyen. Certains groupes nous ont exprimé des critiques à
propos du comité de révision qui ne peut entendre que les
plaintes concernant l'admissibilité à l'aide juridique, mais non
pas sur la qualité et l'accessibilité des services. De plus, les
membres de ce comité de révision sont nommés par la
Commission des services juridiques et l'indépendance de ceux-ci a
été mise en doute, pas nécessairement pour leur faire du
tort, mais on parle comme travaux de la Commission. Alors, en regard de ces
faits, n'y aurait-if pas lieu de prévoir l'intervention d'une personne
extérieure, tel le Protecteur du citoyen?
M. Lemieux (Pierre): Sur cette question-là, on
prévoyait qu'il y avait déjà un recours qui existe: le
bureau pour réviser les plaintes. Sur la question de
l'indépendance, je pense qu'il faut faire attention. Il y a un genre de
mode, à l'heure actuelle, où il n'y a plus personne qui se trouve
indépendant. On a commencé avec les tribunaux administratifs.
C'est un mot qui revient souvent. Même s'ils sont nommés par la
Commission, ce ne sont quand même pas des gens qui sont à
l'intérieur. Il y a des gens professeurs d'université qui se
trouvent là et d'autres. Il y a déjà un recours. En plus,
ce n'est pas un organisme public en entier. Les bureaux d'aide juridique et
tout ça sont certaines entités, mais qui ne sont pas des
entités gouvernementales. Ils ne font pas partie d'un organisme
gouvernemental. Ils sont autonomes, ils sont du secteur privé. Il faut
faire très attention de ne pas franchir cette ligne de
démarcation entre le public et le privé. Le Protecteur du citoyen
doit demeurer exclusivement dans le secteur public et ne pas traverser un
secteur privé. Et cette ligne, cette limite d'administration publique,
on sait maintenant où ça commence. Mais où ça
finit, l'administration publique, l'État étant partout? Je pense
qu'il faut se mettre des balises. Quand nous sommes en présence d'un
organisme qui est
créé, qui est complètement indépendant et
qui fonctionne à peu près... Un hôpital, c'est le
même problème, il y a un conseil d'administration qui
décide. On ne veut pas entrer à ce niveau-là. Il faudrait
peut-être faire une étude sur ce problème-là. Mais
comme je le disais, il ne faut pas penser, avec la juridiction du Protecteur du
citoyen, régler tous les problèmes des tribunaux administratifs
au niveau du Québec. Si le tribunal administratif, en révision
sur la Commission des services juridiques, fonctionne mal, c'est
peut-être là qu'il faudrait changer le bureau et modifier
certaines choses par une loi sur les tribunaux administratifs ou à ce
niveau-là.
Le Président (M. Dauphin): Me Borenstein.
Mme Borenstein: Si vous me permettez, pour compléter un
peu. De plus, très souvent, les avocats de l'aide juridique
représentent justement les citoyens contre l'administration
elle-même. Alors, je pense que...
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Sur le même
sujet, M. le député d'Iberville.
Mme Vadboncoeur: Si vous permettez, M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Oui.
Mme Vadboncoeur: ...j'aurais aussi un complément de
réponse qui, je pense, pour le Barreau, est essentiel. Quand vous avez
mentionné la qualité des services juridiques, ça
impliquerait pour le Protecteur du citoyen de briser le secret professionnel de
l'avocat, ce qui nous semble absolument inacceptable. Je pense que nos
collègues notaires seraient du même avis que nous. Ça
m'étonnerait que la Chambre soit favorable à ce que le Protecteur
du citoyen aille fouiller dans les dossiers des notaires. Alors, ici, c'est un
peu la même chose. La qualité des services juridiques, il y a
d'autres façons de la contrôler, notamment par les
mécanismes de contrôle de la profession dans chacune des
corporations professionnelles. Ça n'appartient définitivement pas
au Protecteur du citoyen.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Je note d'abord ce champ d'entente avec la Chambre des
notaires sur certaines compétences du Protecteur du citoyen dans
certaines matières. Il nous faudra évidemment ici faire des
recommandations sur la définition du mandat et du champ de
compétence du Protecteur du citoyen. Des personnes issues de la
Commission de réforme du droit du Canada ont soumis ce matin que nous
devrions peut-être nous baser sur l'arrêt Friedmann, que vous
connaissez probablement, eu égard à une cause soumise autour du
rôle du Protecteur du citoyen et de sa compétence en
Colombie-Britannique. Le jugement de la Cour suprême a été
de donner une interprétation libérale au mandat du Protecteur du
citoyen, dans cette province, de façon telle que ces personnes nous
suggéraient, dans la définition de l'ampleur de la couverture du
mandat du Protecteur du citoyen, que nous devrions adopter la notion
synthétique d'action administrative, la responsabilité ou le
pouvoir pour le Protecteur du citoyen de couvrir les actes administratifs
relatifs à la vie du citoyen avec l'État au sens libéral,
au sens large du terme. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette
perspective que le législateur devrait adopter la définition du
mandat du Protecteur du citoyen à partir d'une perspective large de
l'action administrative de l'État vis-à-vis de ses citoyens?
J'ajouterai en commentaire, quitte à ce que nous ayons à faire
clarifier à l'occasion certaines juridictions précises du
Protecteur du citoyen, en somme, d'être plus large au niveau de la
définition du mandat que plus restrictif. Est-ce que vous êtes
d'accord avec cette approche-là?
Mme Borenstein: Je pense que notre position là-dessus se
retrouve à la page 11 de notre mémoire, où nous disons que
la juridiction du Protecteur doit se limiter aux relations
administration-administrés et qu'il fallait s'en tenir à
l'intérieur des paramètres de l'article 13 actuel de la loi avec
lesquels nous sommes d'accord.
Mme Vadboncoeur: Par contre, si vous permettez, Mme la
bétonnière, avec ces réserves, nous sommes plutôt
favorables à ce que l'om-budsman touche le plus d'organismes possible;
là-dessus, oui. À l'exception des organismes qui relèvent
de l'Assemblée nationale, l'ombudsman devrait avoir juridiction sur tout
organisme qui donne des services à la population, finalement, et qui
sont financés par nos impôts à tous.
M. Lemieux (Pierre): Je m'excuse, M. le Président, est-ce
que je pourrais juste...
Le Président (M. Dauphin): Non, d'accord. Je veux juste
signaler...
M. Lemieux (Pierre): ...un petit complément.
Le Président (M. Dauphin): ...que nous devrons
probablement dîner en écoutant des groupes cet après-midi.
Allez-y.
M. Trudel: II faut avoir une précision, parce que
là je ne sais pas laquelle prendre: c'est deux interprétations
différentes que nous avons entendues: ou c'est à
l'intérieur...
Mme Borenstein: Non, ce ne sont pas deux
interprétations... C'est complémentaire. La définition que
vous donnez, c'est la définition de
l'acte. Ce que l'on dit, c'est que l'on veut que le pouvoir du
Protecteur du citoyen s'applique à plus d'organismes... Mais c'est la
définition de l'acte lui-même. La définition que vous avez
donnée est tellement large. Comme nous avions des objections à ce
que, par exemple, les relations du travail à l'intérieur d'un
organisme soient sous le pouvoir du Protecteur du citoyen, nous ne sommes pas
d'accord à étendre le pouvoir du Protecteur du citoyen à
ces relations-là.
Mme Vadboncoeur: Me Lemieux, vous pouvez compléter,
d'ailleurs.
M. Lemieux (Pierre): Oui. Je pense qu'on ne doit pas aller dans
une définition plus large que les définitions qu'on trouve
à l'article 13 et à d'autres articles. Une définition
extrêmement large, l'accès à la justice ou l'accès
à l'administration et tout ça... Et vous dites: Tant qu'à
faire préciser par les tribunaux ensuite... Là, il y a un grand
danger, c'est que des définitions extrêmement larges, je pense que
le législateur doit quand même cerner et nous donner un cadre qui
est assez précis. Je vais juste vous donner un exemple avec des
définitions très larges. Simplement le terme "gouvernement" dans
l'article 32 de la charte du Canada, il y a huit jugements de la Cour
suprême qui viennent de sortir pour tenter d'expliquer ce que ça
veut dire, "gouvernement" et "administration publique", et on n'est pas encore
sûr. Donc, il faut faire très attention de mettre des termes qui
sont extrêmement larges et qu'on doive passer des années avant de
délimiter la juridiction. On ne devrait pas aller plus large que les
termes qui existent déjà à l'intérieur de la loi,
avec lesquels on est habitué. Si on dit: En matière d'affaires
sociales ou en matière d'éducation, il faut le
préciser.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Lemieux. M. le
député d'Iberville, une dernière question courte.
M. Lafrance: Ce n'est pas une question. M. le Président,
je vous remercie de m'accorder quelques secondes. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue a mentionné le nom du ministre
à plusieurs reprises de par ses fonctions. Je reconnais que c'est son
travail de regarder ces aspects-là et de dire que le ministre a un parti
pris. Mme la bétonnière aussi a reconnu que le ministre
n'était pas complètement détaché du système,
ce qui est vrai. Mais il faut aussi remarquer que le ministre n'est pas un
employé du système. Comme élu, comme moi je suis
également un élu, notre influence, je pense, est externe au
système et également très ponctuelle dans le temps. M. le
ministre, comme nous tous, a avant tout à coeur la protection du
citoyen. Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, malheureusement,
c'est tout le temps qui nous était alloué. Au nom de tous les
membres de la commission, j'aimerais remercier Mme la bâton-nière,
Me Borenstein, Me Vadboncoeur, Me Pierre Lemieux d'avoir participé
à nos travaux et d'avoir enrichi nos connaissances, entre guillemets,
afin de faire de bonnes recommandations. Je vous souhaite, Me Borenstein et Me
Vadboncoeur, un retour moins stressant que l'aller!
Une voix: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Nous allons suspendre deux
minutes afin de permettre à la Chambre des notaires du Québec de
s'avancer à la table des invités.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 12 h 9)
Chambre des notaires du Québec
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre nos travaux. C'est avec plaisir que nous recevons
la Chambre des notaires du Québec représentée, entre
autres, par son président, Me Jacques Taschereau. Alors, une
période d'environ 15 minutes est prévue pour l'exposé;
ensuite débutera une période d'échanges. Je vous
permettrai, Me Taschereau, de présenter les personnes qui vous
accompagnent et de procéder à votre exposé.
M. Taschereau (Jacques): Merci. M. le Président, je suis
accompagné de Me Jean Lambert, président sortant de la
corporation de la Chambre des notaires et vice-président de son
comité de législation, et de Me Julien Mackay, directeur des
services professionnels et personne-ressource pour la préparation de
notre mémoire.
M. le Président, la Chambre des notaires du Québec est
fière d'intervenir dans le présent débat public et vous
remercie de l'avoir invitée à cette présentation. Le
rôle assigné par le législateur au Protecteur du citoyen et
la façon dont ce dernier s'acquitte de sa mission rencontrent certains
objectifs de la Chambre, soit une approche curative dans une résolution
non judiciaire des conflits et une justice prévenante, douce, gratuite,
rapide et informelle. Une société qui, en tout temps, offre
à ses citoyens le recours à un protecteur démontre le
respect qu'elle porte à la personne. C'est pourquoi, M. le
Président, la Chambre des notaires a déposé un
mémoire qui est serein dans ses recommandations et, je dirais
même, marqué de l'affection que porte à cette institution
qu'est le Protecteur du citoyen la Chambre des notaires.
Avec votre autorisation, M. le Président, je
demanderai à Me Lambert de commenter notre mémoire.
Le Président (M. Dauphin): Me Lambert, vous qui êtes
un habitué des commissions parlementaires, spécialiste, bienvenue
à nos travaux.
M. Lambert (Jean): C'est peut-être un grand mot, M. le
Président. J'ai le plaisir de vous saluer et de saluer le
vice-président. Comme je ne vois pas de dame parlementaire, je salue
également MM. les parlementaires.
Évidemment, sur le sujet, vous devinez bien, M. le
Président, puisqu'on a déjà échangé
tellement sur les questions de l'administration de la justice au Québec
au cours des dernières années, que l'institution du Protecteur du
citoyen nous apparaît être une formule extrêmement
agréable. Même s'il n'a que des pouvoirs d'enquête et de
recommandation avec des moyens limités, on voit quand même que son
indépendance fonctionnelle est absolument assurée par les textes.
On voit aussi, et les résultats sont là pour le prouver, que ce
qui est au fondement même de l'institution, c'est-à-dire le
caractère de respect et de grand prestige du Protecteur, en a
assuré justement le succès des opérations au cours des
dernières années.
Donc, évidemment, notre mémoire ne remet pas du tout en
question l'existence de cette institution. Au contraire, on l'appuie et on
souligne l'énorme chemin parcouru depuis les tout premiers temps de son
existence, il y a un petit peu plus d'une vingtaine d'années.
Néanmoins, on apporte notre contribution pour améliorer et
pour discuter aussi d'autres sujets qui ont été soulevés
à l'occasion d'un réexamen de l'institution et de son mandat. On
arrive, par exemple, à la question du recrutement du Protecteur du
citoyen. Sur cette question, on a eu des discussions entre nous pour savoir
d'où devait provenir le Protecteur du citoyen. Nous en sommes venus
à la conclusion que, comme il s'agit essentiellement d'un
mécanisme qui se situe entre l'État et le citoyen et que ce
mécanisme devait être un peu la main tendue au citoyen lorsqu'il a
des problèmes avec l'État, ça prenait quelqu'un qui
connaissait bien l'administration, ses mécanismes et son fonctionnement.
C'est pourquoi on n'a pas remis en question et, au contraire, on trouve qu'il
est judicieux que l'État continue de recruter le Protecteur du citoyen
parmi la fonction publique, et plutôt la haute fonction publique.
Là toutefois où on apporte une suggestion, c'est qu'on trouve que
dans le contexte actuel où le Protecteur du citoyen n'a qu'un mandat de
cinq ans, c'est un mandat de courte durée et, comme il ne semble y avoir
aucune prévision, par la suite, pour ce qui lui arrive, il est donc
pensable que, provenant de la fonction publique, il ait à retourner
à la fonction publique à la fin de son mandat s'il n'est pas
renouvelé.
Ça, on pense que ça peut, dans les faits, peut-être,
affecter son caractère d'indépendance. Il y a là
sûrement à porter attention. Évidemment, on comprend
immédiatement, dans le concret, que si pendant cinq ans ou
peut-être plutôt dix ans, puisqu'il semble que
généralement on renouvelle au moins une fois le mandat du
titulaire, où donc le Protecteur du citoyen a à apporter des
critiques - critiques, d'ailleurs, qu'il dépose à
l'Assemblée nationale, devant les parlementaires - et que, par la suite,
il redevient collègue de personnes qu'il a critiquées ou dont il
a critiqué des décisions, ça peut créer un
malaise.
Alors, c'est pourquoi nous suggérons que cette question-là
soit examinée avec soin et qu'on ne prévoie pas le retour du
Protecteur à la fonction publique, et qu'on lui garantisse une certaine
sécurité financière, tout comme on l'a fait, il y a
plusieurs années, concernant les gens qui venaient siéger et
représenter les citoyens à titre de membres de l'Assemblée
nationale. Alors, on pense qu'il y a là une espèce de
similarité de fond.
Au niveau du concept de vice-protecteur du citoyen. Rapidement,
puisqu'on aura la chance sans doute d'échanger là-dessus, un
adjoint, oui; plusieurs vice-protecteurs, non. On ne croit pas qu'on puisse
partager une autorité morale parce que, dans le fond, c'est le coeur
même, c'est l'essence même de l'institution. Le Protecteur du
citoyen n'a aucun pouvoir contraignant. Ce ne sont que des recommandations. Il
donne le résultat de ses enquêtes et c'est toute son
autorité morale qui fait que dans 99 % des cas on suit son avis.
Alors, il y a là un capital tellement précieux qu'on pense
que ça ne peut pas... on ne peut pas le diluer et que si on se met
à multiplier les vice-présidences ou les vice-protecteurs du
citoyen, à ce moment-là, en plus de créer une certaine
incohérence, on va dépersonnaliser, on va finalement un peu
banaliser la fonction, ce qui, à notre sens, va la desservir.
Rapports du Protecteur du citoyen avec les députés. Alors
ça, je dois vous dire que c'a fait l'objet de beaucoup de discussions et
on est passé d'un extrême à l'autre. Vous avez dans notre
mémoire, finalement, le consensus du comité là-dessus, et
on se comprend parce que la fonction du député, au départ,
c'est de représenter les citoyens- Alors, on voit là qu'il y a
une espèce de commun dénominateur avec aussi la fonction du
Protecteur du citoyen. Du citoyen, ça le dit. Donc, on voit là
une espèce de com-pénétration, c'est tout à fait
normal. De là à dire: Est-ce que le député, par
exemple, pourrait être ce qu'on pourrait appeler un peu le service ou le
comptoir de première ligne pour recevoir les plaintes, peut-être
en régler quelques-unes lui-même et, ensuite, passer les plus
délicates au Protecteur du citoyen? Ça ne répugne pas
à l'intelligence, pas du tout.
On a regardé ce qui s'est fait en cette matière et on a
trouvé là l'expérience anglaise. Finalement, il semble
qu'à l'usage l'expérience n'a pas été concluante,
c'est le moins qu'on puisse dire, tes élus trouvant malheureusement plus
approprié, dans bien des cas, de laisser au Protecteur du citoyen le
soin de disposer de plaintes délicates. Il est évident que
lorsque le député en question, par exemple dans un cas
précis, s'adonne à être aussi le titulaire du poste
ministériel dont on remet en question une décision, on
réalise là l'inconfort pour tout le monde. Alors, dans ces
circonstances, la Chambre a estimé qu'il n'est pas souhaitable d'imposer
aux députés cette surcharge de travail. On reviendra un peu
tantôt avec le rapport annuel où, là, on pense que les
députés peuvent jouer un rôle très actif dans le
fruit du travail du Protecteur. Mais en première ligne, à la
réflexion et après discussion, on a dit non.
Le rôle de réformateur du Protecteur du citoyen et ses
rapports avec le pouvoir exécutif. On demeure convaincu que le
rôle du Protecteur du citoyen doit être à la fois un
redresseur de torts, mais que son travail doit être orienté
essentiellement sur des enquêtes et le traitement de plaintes. C'est
sûr que de son travail vont se dégager probablement certaines
lignes directrices, certaines constantes et on verra tantôt, lorsqu'on
parlera du rôle de l'Assemblée nationale et le traitement des
rapports soit spéciaux ou annuels du Protecteur, comment on pourra
intervenir. Mais il nous a semblé inapproprié que le Protecteur
du citoyen, par exemple, soit appelé, un peu comme un consultant,
auprès des autorités politiques, voire l'exécutif, pour
travailler a priori sur des règlements et des lois.
D'abord, je pense que vous connaissez fort bien le mécanisme de
l'adoption à la fois des lois et des règlements ici, au
Québec, pour savoir que c'est déjà un processus qui a sa
lourdeur. Remarquez qu'une société qui est
développée et sophistiquée ne peut pas éviter
certaines lourdeurs, mais faire intervenir le Protecteur comme une
espèce d'étape additionnelle dans ce que je pourrais appeler une
espèce de processus de distillation des lois et des règlements,
on pense que ça ajouterait une lourdeur et ça
hypothéquerait - vous me permettrez l'expression - sans doute aussi la
marge de manoeuvre et un petit peu l'indépendance du Protecteur du
citoyen qui pourrait se voir confronté avec des problèmes que lui
soumettraient les citoyens par rapport à une loi ou une
réglementation sur laquelle il aurait donné un avis favorable. On
se retrouverait, encore là, dans une situation un peu
particulière. On comprend que la fonction et l'institution du Protecteur
du citoyen est vraiment une institution qui intervient a posteriori et que ses
conseils qu'il va donner au gouvernement, il va les donner plutôt dans
son compte rendu des activités qu'il fera soit ad hoc sur un rapport
particulier ou dans son rapport annuel.
La question de l'interruption de la prescription est un autre sujet qui
a donné lieu à beaucoup de discussions chez nous, d'autant plus
qu'au moment des discussions on se disait: Dans le fond, l'interruption, elle
va bénéficier au citoyen. Si on situe bien le contexte, il s'agit
de rapports... En tout cas, on le voit plus loin dans notre mémoire; on
y reviendra tantôt. Mais le rôle du Protecteur se situe entre le
citoyen et l'administration. Donc, si on parle d'interruption de la
prescription, c'est au bénéfice du citoyen. Donc, on voyait mal
l'État ou l'administration pouvoir vraiment s'en plaindre, mais en
regardant plus attentivement les principes de l'ensemble de la question, on
s'est aperçu qu'il n'y avait pas lieu d'interrompre la prescription.
Tout d'abord, le recours au Protecteur du citoyen n'est pas un recours
judiciaire. Aussi, son intervention par rapport à l'administration
publique, même si, par exemple, dans certains cas on qualifie ça
de tribunal administratif, on ne les considère pas non plus comme des
processus judiciaires.
Ensuite, le rapport du Protecteur nous révèle qu'en bonne
partie, sinon presque en totalité, ses enquêtes aboutissent entre
quatre à six mois de la plainte. Donc, il s'agit d'un délai qui
est court. À ce moment-là, on s'est dit: Les délais que
l'on retrouve, par exemple, dans certains secteurs ne sont pas vraiment des
délais de rigueur. Souvent les organismes de l'État acceptent de
réviser des décisions, même après certains
délais, lorsqu'on prouve qu'il y avait là des raisons pour
lesquelles le citoyen ne pouvait pas agir entre-temps.
Donc, on a vu plutôt à l'étude, finalement, que
ça pouvait peut-être être négatif, que certaines
personnes, par exemple, auraient vu dans le recours au Protecteur du citoyen un
moyen de gagner du temps en interrompant la prescription, alors que, par
ailleurs, on ferait traîner les choses, parce que, dans le fond, ce n'est
pas vraiment le recours au Protecteur, c'est plutôt parce qu'on
préparerait autre chose. Donc, le recours au Protecteur deviendrait un
peu un élément de stratégie, un peu ce qu'on voit avec les
tribunaux judiciaires ordinaires. Alors, on a pensé que, finalement, ce
serait dangereux et qu'à tout bien considérer l'interruption de
la prescription n'aiderait personne. Donc, on ne croit pas que le recours au
Protecteur du citoyen doive interrompre la prescription.
Maintenant, le rôle du Protecteur du citoyen par rapport aux
tribunaux administratifs. Vous allez voir, dans notre mémoire, que nous
avons fait une distinction. Nous parlons de tribunaux administratifs
d'adjudication par rapport aux tribunaux, si on peut les appeler de même,
de régulation. Je pense, par exemple, à la Régie des
permis d'alcool. Il s'agit de vérifier si des conditions sont remplies
et on émet un permis, etc., la Régie du cinéma et autres.
Par ailleurs, il y a des commissions et des tribunaux administratifs qui
décident et dont la décision a
un effet très important sur le citoyen. Je pense, par exemple,
à la Commission de révision de l'aide juridique. Alors, savoir si
on est admissible ou pas, ça a beaucoup d'importance pour le
citoyen.
Alors, après, encore une fois, une discussion et une
considération vraiment approfondie de la question, on établit les
éléments suivants; tout d'abord, ces organismes n'exercent pas le
pouvoir judiciaire de l'État, quoi qu'on en dise et malgré les
apparences; les membres ne sont pas des juges mais des agents publics,
assujettis cependant au devoir d'agir judiciairement; leurs décisions ne
sont pas du tout sur le même pied d'égalité que les
jugements exécutoires des cours de justice et, constitutionnellement,
ces organismes sont des mandataires de l'Assemblée nationale,
chargés de réviser les décisions initiales rendues par des
fonctionnaires. Nous croyons donc qu'en cette matière il faut conserver
le sens de la mesure.
Ici, je lis textuellement, à la page 13 de notre mémoire:
"Les membres de ces organismes ne sont pas des fonctionnaires comme les autres
et ne doivent pas être traités comme des contractuels.
Exerçant une forme de révision hiérarchique sur les
décisions initiales rendues par des agents de rang inférieur, et
tenus de faire enquête de façon impartiale, ils doivent
bénéficier de certaines garanties d'indépendance
fonctionnelle, en fait et en apparence, mais cela ne veut pas dire que cet
objectif louable doit primer la nécessité de faciliter la
correction de leurs erreurs. " En d'autres termes, ce qu'on dit, c'est que ces
organismes, à moins d'une révision en profondeur de toute la
question des tribunaux administratifs, auquel cas, là,
évidemment, il y aura lieu de reconsidérer cette recommandation,
mais, pour l'instant, nous croyons que le Protecteur du citoyen doit conserver
juridiction non seulement sur la procédure ou le processus et les
délais, mais aussi sur le mérite, le Protecteur du citoyen
devenant, lui aussi, un acteur qui aide à la révision, au
bénéfice des citoyens, des décisions qui ont
été rendues.
Le Protecteur du citoyen doit-il agir comme l'avocat des plaignants
auprès des instances judiciaires ou quasi judiciaires? Je ne voudrais
pas dépasser mon temps, je vous réponds non. On pourra en
discuter tantôt. Il nous apparaît clair qu'il faut que le
Protecteur du citoyen respecte le sens de sa mission qui est de faire
enquête, de recommander et d'utiliser son autorité morale. S'il
commence à être un jouteur sur la scène judiciaire, on
croit que son autorité morale va s'effriter.
Motifs d'intervention du Protecteur du citoyen. Ici, ce sont des
ajustements. On propose d'ajuster les textes à la réalité.
Par exemple, le concept de la maladministration, les délais
déraisonnables, les traitements inéquitables équivalant
à des abus de pouvoir, ce sont des motifs qui devraient permettre au
Protecteur d'intervenir. D'ailleurs, je pense que, dans les faits, il a
déjà, à son actif, réussi à régler
des cas semblables.
La Chambre des notaires, depuis plusieurs années, se fait le
promoteur de la justice douce, d'une approche déjudiciarisée.
C'est pourquoi on considère que le Protecteur du citoyen doit continuer
d'être un recours en équité et recourir lui-même aux
règles de l'équité plutôt que s'enfermer dans un
cadre de stricte légalité. Le Protecteur du citoyen, on l'a
déjà dit et les tribunaux eux-mêmes l'ont dit, n'est pas un
concurrent ou un substitut des cours de justice. Certains conflits existent qui
demandent des solutions qui sont extralégales. Alors, nous recommandons
qu'on révise les motifs d'intervention du Protecteur du citoyen à
la lumière de cette philosophie puisque, de toute façon, le
résultat de son action n'est pas contraignant.
Le rapport annuel. On croit que c'est l'outil principal d'action du
Protecteur du citoyen. À cet égard, nous trouvons que son rapport
aurait avantage à être davantage explicite sur les cas qu'il n'a
pas réussi à régler. Lorsqu'il nous dit, par exemple, avec
des statistiques, qu'il y a eu tant de cas de réglés dans tel,
tel et tel domaine, ça, c'est le constat de la réussite; c'est
très bien. Mais lorsqu'il nous dit que, dans tel domaine et tel domaine,
il n'a pas réussi - la cause: correction demandée en attente de
réponse, correction demandée refus d'administration, correction
à venir pour l'avenir seulement - on pense que c'est un peu court. C'est
ici qu'il y aurait avantage à être beaucoup plus précis.
C'est ce qui permettrait aux membres de l'Assemblée nationale, aux
parlementaires qui sont, dans le fond, ceux qui donnent le mandat d'agir au
Protecteur du citoyen, de pouvoir apprécier et de pouvoir
intervenir.
À cet égard, on trouve que l'idée de créer
une commission spéciale de l'Assemblée nationale pour
étudier et recevoir les rapports du Protecteur du citoyen, c'est tout
à fait désigné. On ne croit pas que, par exemple, le
recours systématique aux médias par le Protecteur du citoyen doit
être encouragé parce que ce qui va arriver... Et l'essence de la
réussite de l'institution, c'est ce climat de confiance entre
l'administration et le Protecteur. (12 h 30)
Or, si le Protecteur devient un jouteur dans les médias, à
continuellement interpeller l'administration et à brasser, comme on dit
communément, la cage, je pense que le climat de confiance et
l'autorité morale vont en prendre un coup. On ne peut pas laisser
ça aller. Ça ne veut pas dire que le Protecteur ne doit pas,
à l'occasion, informer les médias de certains états, mais
ça devrait être très limité. Quant à nous,
l'endroit idéal pour discuter de l'action du Protecteur, c'est avec les
parlementaires, c'est à l'Assemblée nationale.
La question est de savoir: Est-ce que le
Protecteur du citoyen doit élargir sa juridiction aux
administrations décentralisées, aux administrations locales?
Rapidement, on pense qu'il n'est pas souhaitable d'étendre la
juridiction du Protecteur à certains services
décentralisés, des services publics et locaux. Par contre, on
croit que l'esprit de cette institution-là doit être
utilisé et qu'on doit accorder aux usagers de ces services publics
décentralisés les avantages du mécanisme. Le mode de
nomination et les pouvoirs de ce qu'on appelle maintenant les commissaires aux
plaintes doivent être déterminés dans une loi-cadre. M. le
Président, j'ai déjà largement dépassé mon
temps. Comme tout le monde...
Le Président (M. Dauphin): De cinq ou six minutes. Si vous
voulez conclure.
M. Lambert: Alors, je pense que, quant au reste, on donne en
détail... On aura probablement le temps d'échanger dans la
période de questions. Alors, simplement pour dire que la Chambre des
notaires remercie la commission de lui avoir permis de donner et de faire
valoir ses vues sur cette institution qu'elle tient en excellente estime et
qu'elle invite d'ailleurs l'État à continuer de
protéger.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Lambert;
merci beaucoup, messieurs. Je vais maintenant reconnaître, pour
débuter, un membre du groupe parlementaire de l'Opposition officielle,
M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
souhaiter la bienvenue et vous remercier de cette présentation au nom de
la Chambre des notaires. Les questions que nous avons soumises publiquement eu
égard au mandat et aux éléments relatifs à
l'exercice du mandat du Protecteur du citoyen reçoivent, dans votre
mémoire, des réponses on ne peut plus claires. Veuillez croire
que, de ce côté-ci du moins, j'ai bien l'impression que c'est
aussi la remarque que pourraient faire tous les parlementaires. Vous vous
prononcez assez clairement, avec les explications idoines autour de chacun des
éléments qui soulèvent problème 20 ans après
la création de cette institution qui s'appelle le Protecteur du
citoyen.
Une première question sur le mandat du Protecteur du citoyen, sur
la juridiction des décisions, le mérite des décisions des
tribunaux quasi judiciaires, tribunaux administratifs. Vous êtes, sauf
erreur, le premier organisme qui nous a indiqué extrêmement
clairement - et je vais vouloir des précisions là-dessus pour
être sûr que mon "extrêmement clairement" est bien
qualifié, est bien justifié - la juridiction du Protecteur du
citoyen à l'égard des décisions des tribunaux
administratifs. Est-ce que tout cela, compte tenu de cette opinion que vous
nous exprimez en matière de juridiction, signifie qu'il faudrait,
à toutes fins utiles, à l'article 18 de la loi actuelle du
Protecteur du citoyen qui exclut... Je vais le lire pour être sûr
qu'on parle bien de la même chose: "Le Protecteur du citoyen ne peut
intervenir à l'égard de l'acte ou de l'omission: "1° d'un
organisme public ou d'une personne, lorsque la personne ou le groupe dont les
intérêts seraient visés par l'intervention dispose d'un
recours légal, susceptible de corriger adéquatement et dans un
délai raisonnable la situation préjudiciable. "
Ça veut dire qu'il faudrait faire disparaître cet article
qui délimite le champ d'intervention du Protecteur du citoyen. Est-ce
que votre recommandation se rend jusque-là en matière de
reconnaissance de la compétence du Protecteur du citoyen quant au
mérite et aux procédures des tribunaux quasi judiciaires ou
administratifs?
M. Lambert: On aimerait répondre oui, sauf que ce ne
serait sûrement pas complet de vous répondre oui. En bonne partie,
oui. Il est certain, par exemple, que sur certains de ces organismes où
il s'agit de pur règlement ou en tout cas... On ne voit pas là
vraiment ce que le Protecteur du citoyen peut faire ou a à faire. Ce
n'est pas vraiment, d'ailleurs, le citoyen, peut-être dans le sens de
personne physique, qu'on comprend.
Par ailleurs, il y a d'autres organismes ou tribunaux quasi judiciaires
- je pense entre autres à la Régie du logement - où ce
n'est pas l'État qui est en cause, mais ce sont des parties. Dans ce
cas-là, on a des réticences a voir intervenir le Protecteur du
citoyen. Mais dans les autres cas où les tribunaux administratifs ne
sont, dans le fond, qu'une espèce d'excroissance qui a pour effet de
réviser des décisions de l'administration antérieurement
prises, on ne voit pas pourquoi le Protecteur du citoyen ne pourrait pas
intervenir. On dit dans notre mémoire, entre autres, que les personnes
qui exercent ces fonctions, ces décisions, sont tenues d'agir
judiciairement, mais il reste que le mécanisme de leur nomination, de
leur sélection demeure un peu mystérieux, secret. Ça ne
ressemble pas du tout, par exemple, à toutes les précautions qui
sont prises avec les nominations judiciaires. Alors, on ne voit pas pourquoi,
à ce moment-là, il faudrait donner à ces mécanismes
une protection qui soit l'équivalent de celle qui correspond à
l'indépendance des tribunaux judiciaires alors qu'ils n'en sont pas et
qu'ils n'offrent pas aux citoyens toutes les garanties que le système
judiciaire peut offrir.
Alors, pour nous, dans les circonstances, on ne voit pas pourquoi le
Protecteur du citoyen ne pourrait pas être, lui aussi, un partenaire qui
vient faciliter la correction des erreurs décisionnelles qui ont
été prises là. Comprenons-nous bien, si on révise
fondamentalement la législation
sur l'ensemble de ces mécanismes et ces tribunaux dits quasi
judiciaires, là, on pourra peut-être réviser cette opinion,
mais, à l'instant, on pense qu'en bonne partie, donc, il y aurait lieu
de modifier cet article 18.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Trudel: Merci. Un commentaire sur cette réponse. Je
pense que la commission, pour l'instant, doit retenir comme pertinent, à
tout le moins, c'est le moins qu'on puisse dire, au niveau du motif qui nous
amènerait à recommander la juridiction du Protecteur du citoyen
sur les tribunaux quasi judiciaires, le mode de désignation des juges,
des assesseurs, des personnes qui sont appelées à porter jugement
et qui ne sont pas nécessairement très fermement assurées
en matière d'équité quant aux décisions qui sont
prises et d'impartialité de ces personnes. Il y a là un motif sur
lequel nous devrons nous pencher quand il s'agira, quant à moi, de
prendre une décision sur une recommandation éventuelle sur le
mandat du Protecteur du citoyen.
Un autre chapitre de votre présentation répond à
notre question quant à la juridiction en matière de santé
et de services sociaux, affaires municipales, les municipalités et le
système d'éducation. Vous suggérez dans ces cas, et il y a
comme un système de proposé là, la création de
postes de commissaires comme, par exemple, un commissaire aux services de
santé et aux services sociaux. Même chose dans les autres
secteurs, mais intéressons-nous à ce domaine-là. Et vous
dites: Ce commissaire aux services de santé et services sociaux
n'agirait, en quelque sorte, que si les mécanismes déjà
prévus par les textes ne sont pas satisfaisants. Bon. Je lis cette
recommandation-là à la lumière également de cet
autre commentaire où vous dites: Actuellement, l'institution du
Protecteur du citoyen, ça lui prend quatre à six mois pour rendre
ses décisions ou ses recommandations dans l'examen des plaintes qui lui
sont soumises et, ça, c'est à la limite du raisonnable auquel on
peut s'attendre d'une institution comme le Protecteur du citoyen et si on le
charge trop... En quelque sorte, vous êtes donc contre, à cet
égard-là, la nomination d'un protecteur du citoyen
spécialisé et vous recommandez plutôt des commissaires aux
services. Alors, ça dépendrait de qui, ces commissaires aux
services de santé et aux services sociaux?
Deuxièmement, probablement que votre recommandation, votre examen
a été fait, forcément, avant la publication du projet de
loi 120, qui prévoit justement des mécanismes ou l'obligation de
créer des mécanismes de procédure d'étude des
plaintes et des recours au niveau des établissements de santé et
de services sociaux et au niveau des éventuelles régies
régionales. Alors, ça dépendrait de qui, ce
commissaire-là? Mais est-ce qu'il ne serait pas souhaitable, et essayez
d'être clair là-dessus, qu'il y ait quelque part, ultimement, un
recours externe en matière de santé et de services sociaux?
Est-ce que ça ne vous apparaît pas souhaitable dans le contexte
actuel?
M. Lambert: Votre question me permet peut-être de
l'élargir un petit peu parce que c'est un point qui a fait l'objet, je
dois dire, jusqu'au "finish", si vous me permettez l'expression, de la
discussion à l'intérieur du comité, justement pour savoir
de qui devraient relever ces commissaires. On parle d'un cas précis,
mais c'était la même chose pour les autres. Et finalement, d'une
part, on a écarté, disons, du pouvoir de surveillance le
Protecteur du citoyen... Parce que, à un moment donné, c'est ce
qu'on avait pensé. On avait dit: Donnons au Protecteur du citoyen un
pouvoir de surveillance sur ces commissaires. On a dit ceci: II faut
réaliser que si on confie trop de mandats et trop de charges au
Protecteur du citoyen, on va diluer. On va diluer son action, on va diluer ses
capacités, ses ressources et, à ce moment-là, il n'est pas
certain que ce pouvoir de surveillance va pouvoir s'exercer efficacement.
Alors, on a dit, d'une façon très pragmatique... On a dit:
D'abord, d'une part, on n'a peut-être pas toute l'information pertinente
pour savoir si on doit aller de l'avant avec ces nominations. D'ailleurs, c'est
ce qu'on vous dit dans notre mémoire. Mais on dit: Si, à
l'examen... Mais à première vue, dans le domaine des services de
santé et services sociaux, on s'interroge, par exemple, à savoir
comment il se fait que les recours à la Commission des affaires sociales
soient si peu nombreux. C'est peut-être là une indication qu'il y
a un malaise, qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Alors, dans ce
cas-là, on a dit: Donc, allons-y avec un commissaire. Mais là, on
reprend la philosophie propre à ce mécanisme intéressant
qu'est le Protecteur du citoyen pour dire que ça prend quelqu'un qui
origine un peu du milieu. Ça prend quelqu'un qui connaît le
milieu, qui connaît l'administration du milieu, qui va
bénéficier de son respect, qui va avoir une autorité
morale dans le milieu, parce que le commissaire ne peut pas avoir des pouvoirs
qui soient différents de ceux du Protecteur du citoyen par rapport
à l'administration centralisée. Donc, il fait enquête, il
donne le résultat de son enquête et il fait une recommandation,
mais ce n'est pas contraignant. Alors, dans les circonstances, on voit
très bien, comme il s'agit de matières très
spécialisées, qu'il dépend du ministre responsable. Alors,
c'est ce qu'on vous dit dans les trois cas: II dépend du ministre
responsable: au niveau des municipalités, il dépend du ministre
des Affaires sociales; au niveau des services de santé, du
ministère concerné... Et on pense que ça devrait
être suffisant. Ce qu'on a dit, toutefois... Ce qui manque, c'est... On a
dit: On pourrait amender chacune de ces lois-là. Par exemple, on a
dit:
Modifions la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, modifions la Loi sur les cités et villes, peut-être le
Code municipal, modifions les lois pertinentes. Mais on a dit: On serait
peut-être mieux de procéder avec une loi-cadre où,
là, on déterminerait un modus operandi, des méthodes
d'enquête où, là, il y aurait une uniformité. Je
pense que ça serait une approche pragmatique qui pourrait, je pense
bien, assurer à ces commissaires-là l'indépendance qu'il
faut. Ils seraient rattachés à une loi-cadre. Ça serait
peut-être souhaitable de juste modifier la loi sectorielle.
M. Trudel: Très bien. Je vais laisser les autres membres
de la commission...
Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le
député. Je vais maintenant reconnaître un
député ministériel, M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Vous avez fait plusieurs
recommandations dans votre mémoire et je vais vous poser certaines
questions sur ces recommandations. Spécifiquement, un des
éléments principaux de notre mandat, c'est de savoir si on
devrait recommander l'extension du mandat du Protecteur du citoyen. À la
Chambre des notaires, vous avez fait la balance entre deux valeurs, soit
l'autonomie des services publics et la protection des droits des consommateurs
des services publics, et vous avez jugé que vous recommanderez
d'extensionner la juridiction dans le domaine des services de santé,
dans les domaines municipal, scolaire et ainsi de suite. Vous n'en parlez pas
dans votre rapport concernant les autres, les organismes paragou-vernementaux
tels qu'Hydro-Québec, Radio-Canada, la Société des alcools
et ainsi de suite. Je me demande si vous avez une position concernant ces
différents autres organismes.
M. Lambert: D'abord, je ne suis pas certain de vous avoir bien
compris, M. le député, mais je ne crois pas qu'on ait
recommandé, dans notre mémoire, d'étendre la juridiction
du Protecteur du citoyen aux municipalités, au secteur des services
sociaux, etc. On dit: Inspirons-nous de la formule, mais créons des
commissariats particuliers, sectoriels. Donc, si on regarde notre
mémoire, on peut dire qu'il est contre une extension de la juridiction
du Protecteur du citoyen. On veut que le Protecteur du citoyen demeure une
institution qui se situe entre le citoyen et l'administration
centralisée, sinon, on va le diluer. (12 h 45)
C'est sûr que la tentation est grande d'utiliser une formule
gagnante, une formule à succès pour dire: Ça a bien
fonctionné là, étendons-la ici et là. Nous, on a
dit: Non, justement, on va... Alors, si je reviens, maintenant,
spécifiquement à votre question, je pense qu'il y a un
commissaire pour les plaintes concernant l'utilisation de
l'électricité, il y en a un pour la déontologie
policière. On voit qu'il y a déjà là... Le
mécanisme lui-même, on le retrouve à ce niveau-là.
Alors, probablement qu'il faudrait étudier cas par cas la pertinence de
créer un mécanisme, ce que j'appelle un mécanisme souple,
qui permet d'accueillir le citoyen, qui lui permet de formuler une plainte et
d'assurer le citoyen qu'elle sera traitée avec indépendance. Je
pense que c'est ce que le citoyen recherche. Que ce soit quelqu'un
délégué par le bureau du Protecteur du citoyen ou que ce
soit quelqu'un qui soit sur place, je pense que le citoyen, lui, ça le
dérange peu. Pour nous, comme responsables de l'administration de
l'ensemble des institutions de l'État - quand je dis pour nous, pour
ceux qui ont à discuter au niveau des décisions qu'on doit
prendre dans l'organisation de notre société - je pense que c'est
plutôt de voir comment on peut être à la fois pratiques et
assurer ce caractère d'indépendance et de fonctionnement de ces
gens-là. C'est ça surtout qu'il faut voir. Alors, d'une
façon très pratique, on vous a dit: Non, ce n'est pas souhaitable
que le Protecteur du citoyen ait juridiction, par exemple, sur les organismes
paragouvernementaux.
M. Kehoe: Monsieur, je me suis mal exprimé quand je vous
ai posé la question. Vous préconisez la création d'un
commissaire des services de la santé et des services sociaux, mais en ce
qui concerne les plaintes contre les membres des corporations professionnelles
vous êtes sans doute au courant que de nombreuses critiques s'adressent
aux corporations professionnelles quant à la façon de traiter des
plaintes concernant leurs membres. Est-ce que cela justifiera l'intervention du
Protecteur du citoyen pour des gestes professionnels posés?
M. Lambert: Oui. Encore une fois, M. le député, je
pense qu'il faut regarder l'essence de l'institution du Protecteur du citoyen
qui doit aider le citoyen aux prises avec l'administration publique. C'est
essentiellement ça. Or, la relation citoyen-professionnel est, à
mon avis, tout autre. Déjà, le Code des professions... Et,
là-dessus, vous savez sans doute que toute la question du
mécanisme disciplinaire est actuellement à l'étude,
à nouveau, sous les soins du ministre responsable de l'application des
lois professionnelles. Je pense que c'est à ce niveau-là qu'il
faut le laisser.
Il est bien certain qu'on entend parler de cas malheureux. Il faut
comprendre qu'il y a au-delà de 200 000 professionnels au Québec,
dont au moins une soixantaine de mille qui oeuvrent directement en relation
avec le citoyen dans le cadre d'une relation économique en cabinet
privé, par exemple. Alors, il est certain que, sur un très grand
nombre de plaintes, il y a des cas particuliers qui émergent. Ça
ne veut pas dire
que le système fonctionne mal, et je vois mal l'intervention du
Protecteur du citoyen dans ce mécanisme. Je pense qu'il faut
plutôt voir avec le recul. Le Code des professions a maintenant 15 ans,
et je pense que ce que le ministre responsable s'occupe à faire, c'est
de réviser ce mécanisme-là pour voir s'il y a moyen de le
rendre encore plus efficace, mais je ne vois pas du tout le Protecteur du
citoyen intervenir à ce niveau-là.
M. Kehoe: Même en dernier recours, après que la
plainte eut été traitée par la corporation professionnelle
concernée, par la personne désignée, en dernier recours,
si la personne n'est pas satisfaite de la décision rendue? Il y a
plusieurs autres organismes qui ont comparu devant nous et qui ont dit: En
dernier recours, peut-être que le Protecteur du citoyen sera l'instance
propice pour venir en aide à la personne qui, d'après lui, n'a
pas eu justice ou satisfaction ailleurs par la corporation professionnelle
concernée. À ce moment-là, je vous pose encore la question
et vous dites la même réponse?
M. Lambert: Non. C'est que, malheureusement, le système
professionnel, malgré qu'il ait 15 ans, demeure fort mal connu et
particulièrement ses mécanismes disciplinaires. Si vous me
permettez, je ne vais pas prendre plus d'une minute pour vous expliquer en gros
comment il fonctionne. La plainte est généralement
présentée au syndic de la corporation professionnelle qui fait
enquête et, déjà, il exprime un premier niveau de
décision: Est-ce que je porte plainte au comité de discipline ou
non? Supposons qu'il décide de porter plainte, le comité de
discipline est nommé selon des critères très stricts
assurant une indépendance. Entre autres, chaque comité de
discipline est présidé par une personne qui n'est pas membre de
la corporation professionnelle. Décision défavorable,
estime-t-on, au niveau du plaignant ou du syndic, il y a appel - et c'est
ça qui n'est pas connu - au tribunal des professions qui n'a rien
à voir avec la corporation, ce sont des juges de la Cour du
Québec qui constituent le tribunal d'appel. Donc, on n'est même
plus au niveau de la corporation professionnelle. Il existe déjà
un mécanisme d'appel extérieur. Je reviens. Le syndic
décide de ne pas porter plainte. Alors, le plaignant n'est pas content.
Le code lui permet de porter directement plainte au comité de
discipline. Alors, vous voyez que, dans le fond, le plaignant a beaucoup
d'avenues. Alors, qu'est-ce que le Protecteur du citoyen viendrait ajouter
à ce mécanisme? Je vous avoue que ce n'est pas évident. Le
mécanisme d'appel n'est pas connu. On ne sait pas que ce sont des juges
de la Cour du Québec, totalement indépendants de la corporation
professionnelle, qui constituent le niveau d'appel. Ça, ce n'est pas
connu.
M. Kehoe: Juste une dernière question. Dans vos
recommandations, vous mentionnez que les commissaires aux services de
santé et préuniversitaires, et ainsi de suite, devraient
être nommés par le gouvernement et faire leur rapport aux
ministères respectifs et non par l'Assemblée nationale. Une telle
procédure a-t-elle suffisamment de garanties à la garde de
l'indépendance dont les commissaires auront besoin?
M. Lambert: C'est sûr. On a discuté, par exemple, si
ces commissaires-là ne devraient pas être un peu comme le
Protecteur du citoyen, nommés par l'Assemblée nationale? Faire
rapport à l'Assemblée nationale? C'est un peu ce que je vous
soumettais tantôt. Si, à un moment donné, une personne crie
dans cette salle, on va l'entendre fort bien. Si 10 personnes crient, on ne va
entendre qu'un seul bruit qui crie. Tout ça pour vous dire que si on
fait nommer tout le monde par l'Assemblée nationale, si tous les
rapports tombent à l'Assemblée nationale, là on
crée un encombrement, on dilue, on banalise l'institution. Je pense que
l'Assemblée nationale, quand elle intervient pour une nomination, c'est
parce qu'on juge qu'il y a là une extrême importance. Il n'est pas
évident pour nous qu'en nommant un commissaire aux plaintes, par
exemple, pour les services de santé et services sociaux, il faille en
faire un poste qui va demander l'attention de l'ensemble des
parlementaires.
Peut-être qu'à l'usage, lorsque ce poste-là aura
été créé, on reviendra sur notre décision,
mais la preuve n'est pas faite de ça. Et comme il s'agit le plus souvent
de plaintes qui relèvent de l'application technique d'une loi ou de
l'exécution technique de services, on pense qu'il est
préférable que ça se règle à
l'intérieur de là où se trouve l'expertise. Et je vous
rappelle que le travail du commissaire en question, c'est de faire
enquête et de faire des recommandations avec - et ça, c'est
essentiel - une autorité morale très forte au sein de son milieu,
tout comme le Protecteur du citoyen a cette autorité morale
auprès de l'administration publique. On pense que c'est là que
résident les garanties pour les citoyens. En plus, on vous recommande
que la nomination et le modus operandi de ces commissariats soient compris dans
une loi-cadre. Alors, on sort même à ce moment-là des lois
sectorielles. Mais on pense que c'est une espèce de compromis, si vous
me permettez ce mot, qui est à la fois pratique et assurerait le bon
fonctionnement. Sinon, on va venir vous voir, comme parlementaires, pour
procéder à toutes sortes de nominations. À un moment
donné, on ne saura plus, finalement, si c'est important d'être
nommé par l'Assemblée nationale alors qu'à mon sens, c'est
extrêmement important. Lorsqu'un individu qui personnalise une
institution au Québec reçoit un mandat directement de
l'Assemblée nationale et non du gouvernement, on s'élève
à un niveau très haut.
M. Kehoe: D'accord. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Juste pour terminer ce sujet-là, relativement
à votre réponse, pourquoi ces commissaires-là ne feraient
pas rapport au Protecteur plutôt qu'au ministre?
M. Lambert: D'abord, d'une part, ça suppose que le
Protecteur du citoyen va être obligé de se développer une
expertise - je m'excuse d'utiliser ce mot, mais je pense qu'on l'emploie
couramment, on se comprend - dans plusieurs champs. Il va falloir qu'il accorde
des ressources. On ne voit pas finalement ce que ça donnerait de plus.
Le Protecteur du citoyen, quand on a discuté parmi nous la question du
pouvoir de surveillance, on a dit: Est-ce que le Protecteur du citoyen n'aurait
pas un pouvoir de surveillance sur ces commissaires, sur le bon fonctionnement?
Là, on voyait plus, dans le fond: Est-ce que le mécanisme
d'enquête a été bien suivi? Est-ce que les délais
sont raisonnables? C'était plus, dans le fond, le fonctionnement. On
s'est dit, à ce moment-là: On ne voit pas pourquoi on demanderait
au Protecteur du citoyen d'accorder du temps à ça alors que sa
fonction essentielle, c'est d'être le lien entre les citoyens et
l'administration centralisée; là, on va lui demander de faire
autre chose alors qu'on ne pense pas que ça lui revienne à lui de
surveiller cet ensemble de commissaires parce qu'il faudrait, dans le fond, en
toute logique, prendre tous les commissaires, les commissaires à la
déontologie policière, commissaires à
l'électricité et, bon, après ça, on pourrait aller
à tous les commissaires dans les hôpitaux, dans les centres de
services sociaux, etc. Ça commence à faire beaucoup de monde.
Encore là, c'est la tentation d'utiliser une institution qui fonctionne
bien et de l'utiliser, de l'étirer et de la diluer. Pour nous, on croit
qu'il faut que le Protecteur du citoyen conserve son autorité morale
dans sa fonction essentielle et il faut se retenir de lui confier des choses
qui peuvent être réglées autrement.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Lambert. Sur son
rapport annuel, vous nous dites que le Protecteur du citoyen devrait être
moins discret et prévoir notamment les cas où l'administration
publique aurait refusé de suivre ses recommandations. Voyez-vous d'un
bon oeil l'aspect de modifier l'article 28 de sa loi constituante et de
prévoir justement explicitement qu'il devrait, dans son rapport annuel,
mettre l'accent sur les cas où l'administration aurait refusé de
suivre ses recommandations?
M. Lambert: Voyez-vous, l'article 28, dans son deuxième
alinéa, dit: "Ce rapport expose notamment... " Mais le "notamment",
à notre point de vue - et on le dit à la page 19 du mémoi-
re - ça le laisse largement maître du contenu de son rapport. On
pense que dans l'état de la législation actuelle il pourrait se
permettre d'être beaucoup plus explicite sans que, nécessairement,
on ait à modifier la législation. Maintenant, si on veut lui en
faire une obligation, là il faudrait le changer.
Le Président (M. Dauphin): Sur un autre domaine. Le
premier domaine que vous avez touché relativement à son
indépendance, vous avez parlé au niveau du recrutement.
Croyez-vous qu'il pourrait y avoir une procédure de consultation des
députés, un peu comme le comité spécial de
parlementaires que vous préconisez? Quel rôle aurait ce
comité spécial de parlementaires en plus, évidemment, de
la possibilité de consulter ledit comité pour la nomination d'un
Protecteur du citoyen, la proposition de nomination d'un Protecteur du
citoyen?
M. Lambert: Là-dessus, je dois vous dire que c'est une
idée qui est intéressante. Elle mériterait d'être
regardée. Comme toujours, il est certain que si la nomination provient
de l'Assemblée nationale, qu'un comité de l'Assemblée
nationale soit celui qui scrute, analyse et fait rapport à
l'Assemblée nationale sur la nomination, je pense que ça se
défend très bien. Il faudrait toutefois se garder... s'assurer
que ce travail se fasse sérieusement et éviter que ça ne
se politise. Moi, je serais prêt à faire confiance à un
comité de l'Assemblée nationale, c'est oui.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Une dernière
question pour ma part. Mon collègue de Chapleau vous l'a posée
tantôt, mais je ne suis pas sûr de la réponse; il faut dire
aussi que quelqu'un me parlait au même moment. Relativement aux
organismes dont le personnel n'est ni nommé ni
rémunéré selon la Loi sur la fonction publique, mais qui
est nommé soit par le ministre, soit par le gouvernement à la
majorité et dont le fonds social relève du domaine public, par
exemple, Hydro-Québec, etc., est-ce que vous avez répondu que
vous ne suggérez pas l'extension de la juridiction sur ces
organismes-là? Est-ce ça?
M. Lambert: Oui.
Le Président (M. Dauphin): À ce moment-là,
évidemment, tout est exclu. Je parlais tantôt avec le Barreau de
la Commission des services juridiques, vous ne voyez pas évidemment
l'opportunité d'étendre la juridiction sur la Commission des
services juridiques ou les régies régionales, plutôt, ou la
Commission des droits de la personne? Alors, c'est sûr que si vous
excluez tous les organismes dont le personnel n'est ni
rémunéré ni nommé selon la loi, vous excluez
évidemment les deux autres? Ça va. Vous
n'avez pas d'autres questions?
M. Trudel: Ça va, c'est très clair pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Alors, au nom des membres de la
commission, nous aimerions remercier sincèrement la Chambre des notaires
du Québec, Me Taschereau, son nouveau président, Me Lambert, son
ex-président et Me Julien S. Mackay, directeur des services
professionnels, pour nous avoir fait part de leur expertise à nos
travaux. Je suis toujours très heureux de recevoir la Chambre des
notaires du Québec qui est toujours disponible à venir participer
à nos commissions parlementaires. Merci beaucoup et bon retour! Je
demanderais au Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement
du Québec de s'avancer.
(Suspension de la séance à 13 h 3)
(Reprise à 13 h 4)
Syndicat de professionnelles et professionnels du
gouvernement du Québec
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous sommes heureux de recevoir le
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du
Québec, représenté par M. Daniel Giroux. M. Giroux, si
vous voulez bien présenter la personne qui vous accompagne et
procéder à votre exposé d'une durée d'environ 15
minutes.
M. Giroux (Daniel): Merci, M. le Président. Je suis
accompagné de Mme Henriette Dumont qui est une professionnelle depuis
plusieurs années à l'emploi du gouvernement du Québec et
actuellement à l'emploi de la CSST. Nous représentons, comme
syndicat, la plupart des employés professionnels recrutés par la
Loi sur la fonction publique dans tous les domaines de l'administration et des
organismes. Nous avons toujours cru et véhiculé que la fonction
publique québécoise constituait un instrument
privilégié pour permettre le développement de la
société et pour assurer aux citoyens et aux citoyennes du
Québec des services accessibles, de qualité, justes,
équitables, respectueux des personnes et de leurs
différences.
C'est pourquoi nous avons tenu à venir témoigner devant
vous puisque le Protecteur du citoyen a justement comme mandat fondamental le
respect par les ministères et organismes gouvernementaux des droits des
personnes, des citoyens et des citoyennes car, il faut bien le rappeler
d'entrée de jeu, l'administration publique n'a d'existence que parce
qu'il y a des citoyens et des citoyennes à servir et que les profession-
nelles et professionnels que nous sommes conçoivent et dispensent une
grande partie de ces services.
Nous voudrions d'abord souligner à quel point nous avons senti,
ces derniers mois, ces dernières années, des efforts
redoublés du Protecteur du citoyen pour accroître sa
notoriété, pour apporter des correctifs à la source des
maux plutôt que de s'en tenir à son rôle de correction de
plaintes individuelles et cela nous plaît beaucoup.
Je voudrais également, avant de poursuivre uniquement sur la
fonction du Protecteur du citoyen, rappeler qu'il n'a qu'un rôle
correcteur et qu'il ne faut jamais oublier que la fonction publique, et nous
l'avons dit d'ailleurs lors d'une autre commission parlementaire
dernièrement, celle qui avait pour but de réviser la Loi sur la
fonction publique, que la préoccupation du citoyen et de la citoyenne
doit d'abord être celle de la fonction publique qui doit sans cesse s'en
rapprocher, être bien centrée sur les citoyens et les citoyennes
qu'elle a à desservir.
Premier élément que nous avons examiné, le mandat
de la commission. Nous croyons que le mandat du Protecteur du citoyen devrait
être élargi à tous les organismes dont le fonds social est
attribué par le gouvernement ainsi qu'aux secteurs de la santé et
de l'éducation. Je vais m'étendre un peu sur les secteurs de la
santé et de l'éducation. Ce sont deux secteurs
névralgiques dans toute société et des services qui
comptent pour les citoyens tout autant, sinon plus souvent, que des services
qui sont donnés par l'administration publique elle-même.
D'être admis ou non dans un hôpital dans des délais
corrects, d'être admis ou non pour des services sociaux qui sont
donnés par les CLSC ou autres institutions, de même que l'effort
qui est consenti par une commission scolaire pour donner un bon enseignement,
rendre l'enseignement admissible et de qualité sont là des
préoccupations de nos concitoyens et concitoyennes qui méritent
que le Protecteur s'assure de leur complète application.
De même, pour les organismes municipaux. Nous croyons que le
Protecteur pourrait jouer là un rôle très utile. Il ne
faudrait pas non plus rendre, à notre avis, optionnel pour les
municipalités l'assujettissement ou non au Protecteur du citoyen puisque
cela pourrait revenir en débat électoral municipal, être
chaque fois modifié selon l'équipe qui est élue, devenir
un enjeu des élections municipales, et nous ne croyons pas que ce soit
là la bonne façon de faire.
Bien sûr, comme d'autres en ont parlé ce matin, il ne
faudrait pas trop alourdir le Protecteur. Il y aurait sans doute lieu de
prévoir que les organismes eux-mêmes, en santé, en
éducation et les municipalités, lorsqu'elles ont atteint un
certain seuil critique de population à desservir, à tout le
moins, se dotent elles-mêmes de premiers mécanismes pour disposer
de plaintes ou de
recours, mais le Protecteur du citoyen devrait être là pour
veiller en dernière analyse, au respect des droits des citoyens et des
citoyennes.
Cette existence de bureau de plaintes ou d"'ombudsperson"
spécialisé, souhaitable quant à nous, ne devrait pas non
plus conférer au Protecteur du citoyen le monopole sur toutes les
interventions qui peuvent être faites en réponse à des
plaintes des personnes. Le palier local, s'il existe, doit être
indépendant et ce n'est que s'il ne répond pas de manière
satisfaisante aux préoccupations, aux besoins, aux droits des gens que
le Protecteur doit intervenir et alors, en toute impartialité.
La question des tribunaux administratifs, qui nous était
posée. Nous croyons que l'état actuel du droit ne devrait pas
être modifié en la matière au Québec. Le Protecteur
du citoyen doit avoir les mains libres pour intervenir et, pour ce faire, il
doit se tenir à l'écart de la prise de décision de quelque
instance que ce soit. Sa neutralité sera ainsi mieux
protégée. Il ne faut pas transformer son rôle en celui d'un
juge. Il existe des tribunaux en la matière, et celui du Protecteur,
comme d'autres en ont parlé, en est un de redresseur de tort, de
conciliateur entre les employés, non pas les employés,
excusez-moi, mais les citoyens et l'administration.
L'élargissement des mandats du Protecteur nécessitera
cependant du personnel additionnel. Sur ce point, notre syndicat se questionne
sur le fait que parmi l'ensemble du personnel du Protecteur du citoyen et de la
citoyenne se retrouvent 23 personnes dont les postes sont occasionnels. Cela
représente, pour les années 1988-1989 et 1989-1990, 24 % des
postes autorisés. Nous souhaitons, même s'il s'agit là de
personnes qui ne sont pas syndiquées avec nous, que le Conseil du
trésor sache reconnaître les besoins du Protecteur du citoyen et
de la citoyenne en matière de ressources humaines et qu'il octroie des
postes permanents en nombre suffisant pour remplacer ceux qui sont actuellement
occasionnels.
Le mode de nomination actuel assure, selon nous, l'objectivité et
la neutralité du Protecteur du citoyen et de la citoyenne. La nomination
de plusieurs vice-protecteurs, selon le même mode de nomination que celui
du Protecteur, serait cependant un élément renforçant
l'équilibre des tendances sociales, permettant l'atteinte d'une plus
grande objectivité et favorisant le mélange d'idées et de
courants. Cet ajout de vice-protecteur permettrait à cette institution
de mieux refléter la société qu'elle représente.
Ainsi pourrions-nous y retrouver des femmes, des personnes représentant
les minorités ethniques, etc. La répartition de ces
vice-protectorats pourrait se faire selon des critères tels les secteurs
d'activité ou les clientèles à desservir pour avoir une
expertise dans plusieurs domaines.
Les budgets de cette institution devraient faire partie de ceux de
l'Assemblée nationale puisque l'institution relève politiquement
de cette Assemblée et l'attribution des budgets par le Conseil du
trésor laisse place à des considérations autres que celle
du service à donner aux citoyens. Le Conseil du trésor est un peu
à la fois juge et partie en la matière, surtout lorsque la
personne titulaire du Conseil du trésor est à la fois responsable
de la Loi sur la fonction publique.
En termes d'accessibilité, malheureusement, l'institution n'est
pas aussi connue qu'elle le devrait, qu'elle le mériterait. Son
accès devient donc limité à ceux et celles qui connaissent
son existence. Or, les personnes qui la méconnaissent coïncident,
pour une bonne part, avec les clientèles qui en auraient le plus besoin.
Comme le Protecteur du citoyen actuel l'a lui-même souligné, des
efforts doivent donc être entrepris pour améliorer cette
situation. Certaines activités ont permis de développer une bonne
image médiatique, mais plusieurs clientèles n'ont pas encore
été atteintes.
Une campagne de promotion bien orchestrée, des dépliants
dans les envois gouvernementaux, l'élargissement de l'image
médiatique et des déplacements fréquents de la personne
elle-même sont des moyens à explorer et à développer
afin de mieux faire connaître ce service. Il nous semble qu'on devrait
cependant modifier l'appellation de l'institution Protecteur du citoyen. En
effet, d'abord, l'expression Protecteur s'associe à une forme
négative de dépendance. Or, il ne s'agit pas pour nous, pour la
personne citoyenne ou citoyen, de se défendre, mais bien de se faire
respecter et de faire respecter ses droits. La citoyenne ou le citoyen ne doit
pas être confiné à un rôle passif et attentiste, mais
bien être proactif vis-à-vis de l'appareil gouvernemental.
Également, et ce n'est pas une mince affaire, le changement du
libellé permettrait de féminiser le titre, comme s'il ne
s'adressait pas à la moitié de la population du Québec.
Les citoyennes ont aussi besoin de ces services, contrairement à ce que
laisse croire la lecture du libellé, et doivent s'y reconnaître.
De plus, ce titre et ce poste seront peut-être un jour confiés
à une femme. La féminisation du titre ne sera sans doute pas
très heureuse, alors. Peut-être le titre devrait-il plutôt
se rapporter à l'institution plutôt qu'à l'individu? (13 h
15)
Vous trouverez dans notre document une réflexion concernant le
rôle des députés et celui du Protecteur du citoyen et de la
citoyenne. Pour améliorer l'accès, nous suggérons
d'évaluer la mise en place d'un mécanisme d'échange
d'information entre les uns et les autres. Ainsi, quelque défenseur que
ce soit, député ou Protecteur, il est important que l'autre en
soit informé, particulièrement lorsqu'il y a eu résolution
du problème. Selon nous, cependant, une collaboration, au sens
étroit du terme, entre les députés et l'institution est
porteuse de risques que nous
détaillons dans notre document.
L'efficacité. La population a un grand rôle à jouer
dans l'amélioration des services. Le gouvernement devrait donc consulter
la population non seulement pour l'élaboration des lois, mais aussi pour
la mise en place de règlements et de directives. Les situations
préjudiciables pourraient ainsi être réduites. La
validation avec échantillonnage des formulaires et l'utilisation des
mécanismes de rétroinformation au niveau des services à la
clientèle permettraient de déceler des lacunes dans les
directives ou dans l'application de la loi. De plus, la fréquence de
certains types d'abus chez un même fournisseur de services devrait
être dénoncée et ainsi l'action du Protecteur du citoyen et
de la citoyenne deviendrait préventive en assurant une meilleure
prestation de services pour les utilisatrices et utilisateurs virtuels.
Le Protecteur du citoyen et de la citoyenne ne devrait, quant à
lui, jamais se lier à une activité interne, dans le sens
d'émettre des commentaires sur ce qu'on devrait retrouver dans une
législation ou dans un règlement. Il y perdrait, à notre
avis, de son impartialité, de son mandat qui est de nature curative.
Cependant, il est important que ceux qui ont à adopter des
législations ou ceux qui ont à élaborer des
règlements et directives aient pleine connaissance des bilans que peut
faire le Protecteur du citoyen et de la citoyenne de l'application d'une
législation ou d'un règlement. Mais nous voyons mal comment le
Protecteur peut suggérer lui-même des modifications puisque,
ensuite, il sera lié par elles si jamais elles sont retenues.
Les pouvoirs de recommandation dont l'institution dispose nous
apparaissent suffisants. Si un ministère ou un organisme ne donne pas
suite aux recommandations après que celui-ci eut eu recours à
tous les moyens mis à sa disposition, ce sont alors les responsables de
ce ministère qui devront en répondre personnellement devant la
population. Notre structure démocratique est correcte à cet
égard, surtout si on responsabilise davantage les sous-ministres et les
dirigeants d'organismes.
Quant à l'intervention des médias, il s'agit là
d'un véhicule d'information et non pas de revendications, bien
sûr, mais qui est important pour faire connaître l'institution. La
meilleure connaissance que les citoyens pourront en avoir, c'est lorsque le
Protecteur pourra illustrer dans les médias, le caractère de ses
interventions, leur succès ou leur insuccès. Ainsi, les gens
sauront qu'il existe quelqu'un, des personnes qui peuvent leur venir en aide
dans certaines situations.
Une question qui nous concerne tout particulièrement et qui
était posée dans votre projet: Devrait-on obliger les
fonctionnaires eux-mêmes à informer leurs clients qu'il existe un
recours? Certes, il doit y avoir davantage d'information auprès des
clientèles des ministères et des organismes sur l'existence du
recours. Il n'apparaît pas approprié, cependant, d'en faire
obligation à la personne du fonctionnaire elle-même. L'obligation
devrait être faite à l'organisme, au ministère en cause qui
devra, lui, prendre les meilleurs moyens puisque la personne qui rend le
service, qui prend la décision à l'égard du citoyen,
à la lumière des directives qu'il reçoit, n'est
certainement pas la meilleure pour dire: La décision que je viens de
rendre, vous pouvez en appeler auprès de tel ou tel organisme, en
l'occurrence, le Protecteur du citoyen.
Souvent les gens qui rendent les décisions les rendent dans un
cadre très précis de directives, sont impuissants eux-mêmes
à reconnaître que la décision rendue n'est pas la
meilleure, alors on ne devrait pas les placer dans un contexte pour affirmer
qu'il s'agit de la meilleure.
En terminant, je voudrais dire que la qualité du service et
l'à-propos des décisions qui sont prises ne sont pas tributaires
uniquement de l'existence de quelqu'un qui a un rôle curatif.
L'administration publique doit avoir les ressources budgétaires, doit
être formée, perfectionnée pour lui permettre de faire face
à ses responsabilités. De plus, les fonctionnaires, et nous
l'avons dit dans une autre commission, doivent être imputables de leurs
gestes. Ainsi seraient-ils un peu plus responsables dans les services qu'ils
donnent à la population, car nous constatons que, malgré les
efforts qui sont faits par l'institution pour sensibiliser les
ministères à des grands changements, le nombre de plaintes ne
cesse d'augmenter. Serait-ce donc que l'administration s'en remet de plus en
plus au Protecteur du citoyen plutôt qu'elle-même prenne en charge
la bonne qualité du service qu'elle a à donner? Voilà qui
complète nos remarques, M. le Président et MM. les
députés.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Giroux, pour
votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange en reconnaissant un membre du groupe parlementaire
ministériel, M. le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Je vous remercie, M.
Giroux et madame. Je pense que la participation du Syndicat de professionnelles
et professionnels du gouvernement du Québec est importante à ce
genre de travaux dans lesquels la commission des institutions est
impliquée au niveau du Protecteur du citoyen. J'aurais une couple de
questions peut-être que je vous demanderais d'approfondir un peu. Vous
dites, à la page 5 de votre mémoire: "La syndicalisation du
personnel ne signifie pas la perte de la neutralité, contrairement
à ce qui se dégage du mémoire déposé
à la commission du budget et de l'administration sur la Loi sur la
fonction publique par le Protecteur du citoyen et de la citoyenne. Elle permet
souvent, au contraire, la dénonciation de certains abus que la crainte
de
représailles ferait taire." Vous ne pensez pas que cela pourrait
entacher l'apparence d'indépendance que le Protecteur du citoyen doit
avoir aux yeux des cîtoyens et des citoyennes?
M. Giroux: Je ne crois pas. La syndicalisa-tion ne signifie pas
la perte, pour les personnes qui font partie d'un syndicat, de jugement, la
perte de loyauté envers la mission qui leur est confiée,
ça ne fait que les protéger contre des recours abusifs de leur
employeur, les protéger, justement, peut-être. Et je ne dis pas
que le Protecteur du citoyen, comme institution, est en cause, le fait et le
pratique, mais les protéger contre des décisions, des choix que
ces gens ont à prendre dans leur travail quotidien, ça leur
permet de ne pas être inféodés totalement à
l'administration tout en acceptant, cependant, que c'est l'administration qui
leur donne des mandats, qui leur dit dans quel sens agir.
M. Hamel: Très bien. Dans la section sur
l'efficacité, vous dites aussi, au bas de la page 6: "Le Protecteur du
citoyen et de la citoyenne ne doit, selon nous, se lier à aucune
activité interne. Il y perdrait de son impartialité." Mais vous
ne pensez pas que le Protecteur du citoyen est peut-être la personne la
mieux placée pour percevoir l'effet préjudiciable qu'une nouvelle
norme pourrait avoir sur les citoyens?
M. Giroux: Prenons-le à l'inverse. Si c'était le
cas et que le Protecteur du citoyen se prononce sur des changements très
précis d'une norme, d'un règlement, d'une législation, il
devient partie, d'une manière indirecte, à cette norme et,
à ce moment-là, les citoyens qui pourraient ne pas être en
accord et prétendre que cette norme n'est pas équitable à
leur égard, le Protecteur du citoyen sera lié à l'avance.
Or, il nous faut donner la chance à tous les citoyens et citoyennes de
faire valoir leur point de vue devant quelqu'un qui ne s'est pas commis, qui
demeure totalement impartial. C'est pourquoi nous disons qu'il est
éclairant pour ceux qui ont à adopter les législations et
les règlements d'avoir les bilans du Protecteur du citoyen, de ses
interventions, des récriminations des citoyens et des citoyennes dans le
domaine précis, mais ce n'est pas à lui de trouver les meilleurs
moyens, les meilleures voies pour les corriger.
M. Hamel: Merci. Ça va, M. le Président,
étant donné qu'on est plusieurs à vouloir intervenir.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Iberville et, tout de suite après, M. le député de
Bertrand.
M. Lafrance: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais
également joindre mes remerciements à ceux exprimés par
mon collègue pour votre participation. J'aimerais m'arrêter, dans
un permier temps, à votre recommandation de changer le libellé de
Protecteur du citoyen, pour les raisons que vous avez mentionnées
voilà quelques minutes. Est-ce que vous avez un titre à nous
suggérer?
M. Giroux: Malheureusement non. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Giroux: Peut-être parce que nous avons manqué un
peu de temps. Mais s'il y avait un intérêt, je pense qu'on
pourrait demander à des gens qui travaillent dans l'administration
publique et qui sont des experts en linguistique de nous trouver une meilleure
appellation, quelque chose d'un peu plus neutre - je pense à l'Office de
la langue française, par exemple - des éléments un peu
plus neutres qui se réfèrent à la fonction, à
l'institution elle-même plutôt qu'à l'une ou l'autre
personne qui remplit la charge. Et "protecteur", aussi, nous en avons un peu
contre cette appellation. À défaut d'avoir trouvé autre
chose, nous n'avons aucune suggestion à vous faire, mais il y aurait
sans doute une recherche qui pourrait être faite.
Le Président (M. Dauphin): Alors, ça va, M. le
député? Je vais maintenant...
M. Lafrance: Oui. J'aimerais peut-être... Est-ce que j'ai
quelques minutes encore?
Le Président (M. Dauphin): Vous reviendrez
après.
M. Lafrance: O.K. D'accord. Merci.
Le Président (M. Dauphin): J'avais promis au
député de Bertrand que c'était lui, tantôt. Alors,
le représentant de l'Opposition officielle, M. le député
de Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'aimerais
féliciter le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec
pour la pertinence de son mémoire, d'autant plus que j'ai eu le
privilège de siéger à la commission du budget et de
l'administration qui a examiné également votre mémoire
concernant la fonction publique. Les questions qu'ont posées mes
collègues sont des questions qui nous intéressaient, nous aussi,
du côté de l'Opposition. J'aimerais continuer un peu dans
l'énonciation de certaines autres questions. Lorsque vous parlez du lien
entre le Protecteur du citoyen et le député, vous dites, et je
vous cite: Une collaboration trop étroite, entre guillemets, est
porteuse de risque. Je voudrais que vous élaboriez là-dessus
parce que, tant que député qui a eu une expérience dans le
domaine et qui reçoit des plaintes de citoyens, j'aimerais voir ce que
vous entendez par "porteuse de
risque".
M. Giroux: Alors, un député est aussi
identifié à un parti politique. Dans notre système, il y a
un parti politique qui assume en même temps la fonction executive, le
pouvoir, la direction des ministères et des organismes; et c'est bien,
c'est notre système qui est comme cela. Or, on peut croire qu'un
député sera plus sensible à des plaintes qui lui viennent
de gens qui ont le même point de vue, la même tendance politique,
dans son comté, et pourra ne pas avoir la même
préoccupation pour d'autres plaintes. Or, s'il existe une collaboration
trop étroite entre les deux mécanismes, le citoyen pourra croire
que le Protecteur est un peu inféodé au parti politique qui, lui,
a plus de chances par l'interne, par les cabinets qui existent, etc., où
il y a des rapports entre les députés du parti au pouvoir et les
cabinets, d'apporter des correctifs. Alors, pour donner une chance égale
à tout le monde, pour que les gens sachent bien que l'institution est
neutre, est au service de tout le monde, mais pas au service du parti politique
qui gouverne ce jour, il est important de maintenir la séparation des
deux. Surtout que nous avons des exemples, nous, dans le travail quotidien. Et
pour ne déplaire à personne, je dirai que cela s'est produit sous
les deux dernières administrations, des interventions de
députés du parti au pouvoir qui ont amené des dossiers
à être traités plus rapidement parce que le
député du parti au pouvoir était intervenu, par rapport
à d'autres. Que cela se passe, ce sont les règles de la
politique; nous ne sommes pas favorables à cela, mais, enfin, cela se
passe. Il ne faudrait pas, surtout pas, que le Protecteur du citoyen soit lui
aussi au centre de ces jeux politiques.
Mme Dumont (Henriette): Pardon, est-ce que je peux me
permettre...
M. Beaulne: Oui, allez-y.
Mme Dumont: ...d'ajouter quelque chose?
Le Président (M. Dauphin): Oui, Mme Dumont.
Mme Dumont: Un volet qui semble aussi intéressant, c'est
que, lorsqu'un dossier est traité par le Protecteur du citoyen, il
permet d'avoir une approche préventive aussi, c'est-à-dire qu'il
permet de voir où est situé le problème, donc où
était l'injustice, si on parle d'injustice, et d'essayer de trouver les
moyens, pour l'administration, de remédier à cette
injustice-là et le processus aussi qui a conduit à cette
injustice-là. Si le dossier ou le problème ou l'injustice est
réglé par les voies diplomatiques des députés, je
ne crois pas que la solution ou la résolution du problème va se
faire connaître. En ce sens, tout le volet préventif n'a pas du
tout de chance de fonctionner. Je ne sais pas si je réussis un peu
à...
M. Beaulne: Avant de passer à ma prochaine question,
j'aimerais quand même faire des commentaires là-dessus parce que
je pense que, disons, sur le plan philosophique, c'a peut-être un certain
attrait ce que vous dites, mais en pratique, le fait que le Protecteur du
citoyen existe, ce n'est pas un mécanisme parallèle, dans le sens
où les... Et peut-être que mes collègues ont une
expérience dans le domaine.
Avant de référer un cas au Protecteur du citoyen, c'est,
en fait, une espèce de mécanisme de dernier recours parce que le
député, normalement, s'efforce de faire en sorte, par ses propres
moyens, que l'administration rende justice aux citoyens. J'ai été
assez surpris d'entendre votre explication concernant le fait qu'on traite des
cas sur une base... qu'on ait tendance à traiter des cas sur une base de
partisanerie politique parce que, lorsqu'une personne se présente
à nos bureaux, on n'exige pas sa carte de membre du parti avant de
s'occuper de ses problèmes. Je pense que c'est important de souligner
ces faits-là. Je veux bien croire que pour des raisons monétaires
- d'ailleurs, ça va faire partie de l'objet de ma deuxième
question - et des relations budgétaires on préfère
certaines dispositions à d'autres, mais je pense que, quand on parle du
Protecteur du citoyen, le genre d'échange d'information simplement dont
vous parlez, c'est nettement insuffisant. Enfin, de mon point de vue comme
député, c'est nettement insuffisant pour la simple raison que,
comme je vous l'ai dit tout à l'heure, souvent, ce sont des cas de
dernier recours et, lorsque ces cas-là arrivent chez le Protecteur du
citoyen, c'est souvent parce que les députés ont
épuisé tous les autres moyens à leur disposition pour
faire avancer le dossier dans l'ensemble des mécanismes de
l'administration publique.
Ceci étant dit, vous parlez du besoin d'assurer une certaine
indépendance au Protecteur du citoyen et de faire relever son budget de
l'Assemblée nationale. Est-ce que vous seriez d'accord, dans ce
contexte-là, pour que le Protecteur du citoyen se rapporte à une
commission, que ce soit celle-ci ou la commission du budget et de
l'administration, pour expliquer, rendre compte de sa gestion comme le fait
l'ensemble des autres services publics via le ministre responsable?
M. Giroux: Oui, tout à fait, c'est souhaitable. Ce n'est
pas parce qu'on souhaite une certaine indépendance de l'institution
qu'elle n'a pas de comptes à rendre. Si ses budgets relèvent de
l'Assemblée nationale, elle devrait rendre des comptes sur son
administration, sur la saine utilisation de l'argent qui lui a
été remis. Devant une commission parlementaire, c'est
sûrement plus approprié que devant l'ensemble de l'As-
semblée nationale puisque, à l'Assemblée nationale,
on manque sans cloute de temps pour examiner cela en profondeur, oui.
Le Président (M. Dauphin): Ça va. Alors, M. le
député d'Iberville m'avait demandé la parole.
M. Trudel: Ce serait en complémentaire...
Le Président (M. Dauphin): En complémentaire sur le
même sujet? O. K. Allez-y! M. le député de
Rouyn-Noranda'
M. Trudel: Oui, c'est en complémentaire.
Vous allez voir que... Vous ne vous prononcez pas sur la
compétence des services de santé et services sociaux.
M. Giroux:
Oui.
M. Trudel: C'est quoi la position exacte?
M. Giroux: La position exacte, c'est que le Protecteur du citoyen
devrait avoir juridiction sur les services de santé et les services
sociaux, l'éducation, le secteur municipal, mais en espérant que
localement il y aurait des mécanismes de plaintes qui seraient mis en
place, sans la tutelle du Protecteur, mais où le Protecteur jouerait un
rôle de dernier recours à la fin pour les cas qui n'auraient pas
été réglés.
M. Trudel: Alors, par rapport à la proposition du projet
de loi 120, il y en a des mécanismes de base de prévus à
cette étape-ci, mais un recours externe pour compléter ces
mécanismes-là. C'est ça?
M. Giroux: Exact.
M. Trudel: Parfait! Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le député d'Iberville.
M. Lafrance: Je vous remercie, mais on a répondu à
la première question que j'avais. En fait, c'est la question qui a
été posée par mon collègue, le député
de Bertrand. J'aimerais aussi réitérer le fait que comme
député, c'est en toute neutralité et sans aucune
partisanerie, évidemment, que nous traitons toute demande qui est
adressée à nos bureaux, sur un plan purement humanitaire, afin
d'accélérer et parfois clarifier certains dossiers sur le plan
purement administratif.
Dans le domaine de l'extension de la juridiction, vous recommandez de ne
pas assujettir la Commission des droits de la personne à la juridiction
du Protecteur du citoyen. D'accord? Mais est-ce que l'inverse...
C'est-à-dire: Est-ce que le Protecteur du citoyen ne peut pas
lui-même être l'objet d'une plainte à la Commission des
droits de la personne s'il fait preuve de discrimination?
M. Giroux: Je ne suis pas un expert dans la loi, mais je crois
que oui, c'est actuellement prévu. Tout citoyen qui estime être
l'objet de discrimination en fonction des motifs de la Charte peut s'adresser
à la Commission des droits de la personne. Alors, sûrement, si le
Protecteur ou l'institution du Protecteur du citoyen est discriminatoire, il y
a sûrement un recours qui est introduit. Mais l'inverse ne devrait pas
être vrai, en ce sens que les deux institutions relevant de
l'Assemblée nationale, ça nous semble bien, ici, de ne pas
assujettir davantage l'une à l'autre. Le Protecteur du citoyen n'a rien
à voir dans ce qui se passe à la Commission des droits de la
personne.
M. Lafrance: Très bien. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Deux courtes questions avant de suspendre nos travaux. La
commission du budget et de l'administration dont faisait partie, justement, M.
le député de Bertrand s'est donné un mandat sur la Loi sur
la fonction publique, de revoir la Loi sur la fonction publique. L'une des
recommandations était la suivante. C'est de prévoir un ministre
délégué, responsable de la fonction publique et des
services aux citoyens. Alors, vous disiez dans votre mémoire,
tantôt, que le Protecteur du citoyen devrait avoir comme rôle le
contrôle de la qualité des services aux citoyens. Je vous demande
si c'est compatible qu'il soit responsable de la fonction publique et, en
même temps, des services aux citoyens.
M. Giroux: Le ministre?
Le Président (M. Dauphin): Le ministre
délégué.
M. Giroux: Je pense que oui, parce que l'un des rôles de la
fonction publique, c'est la qualité du service qui est rendu aux
citoyens et le Protecteur du citoyen n'est là que pour corriger le
minimum de torts. Alors, si l'administration publique devient plus sensible -
ça pourrait être effectivement un rôle dévolu au
ministre responsable - si la fonction publique devient plus sensible à
ses commettants, aux gens auxquels elle donne, elle rend des services, on
éliminera d'autant les recours et on sera d'autant plus économe
dans l'ensemble de notre fonctionnement. Nous avons appuyé l'idée
d'avoir une fonction ministérielle distincte par rapport à celle
du Conseil du trésor, et ce serait très approprié pour que
la fonction publique s'en ressente sur ses citoyens et ses citoyennes.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Une dernière
question, si vous me le permettez. Le
groupe qui vous a précédés, la Chambre des
notaires, mentionnait que d'ici à ce qu'il y ait une réforme des
tribunaux administratifs il serait utile que le Protecteur du citoyen ait
juridiction sur lesdits tribunaux administratifs, autant sur le mérite
ou le fond que sur les notions administratives, sur la procédure. Vous,
de votre côté, est-ce que vous trouvez qu'il serait dans
l'intérêt des administrés que le Protecteur ait juridiction
sur les tribunaux administratifs?
M. Giroux: Alors, nous deux ne sommes ni l'un ni l'autre des
juristes, mais il nous semble que le fonctionnement actuel des tribunaux est
satisfaisant. Si les tribunaux administratifs commettent des erreurs de
juridiction ou des erreurs en droit - et le droit comporte quelques notions
d'équité - il y a des recours prévus en Cour
supérieure. Ça nous semble suffisant à ce moment-ci.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Moi, je n'ai pas
d'autres questions. Alors, au nom des membres de la commission, j'aimerais
remercier le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du
Québec d'avoir bien voulu accepter notre invitation et d'avoir
participé à nos travaux. Nous vous souhaitons un bon retour.
Merci beaucoup. Nous suspendons et nous reprendrons nos travaux - je m'excuse
auprès des membres - à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 39)
(Reprisée 14 h 36)
Conseil scolaire de l'île de
Montréal
Le Président (M. Dauphin): Bonjour messieurs, dames. La
commission des institutions reprend ses travaux. Nous débutons cet
après-midi avec un premier groupe qui est le Conseil scolaire de
l'île de Montréal.
M. Laplante, Me Pelletier, Dr Joël Hartt, vice-président.
Alors, qui fait l'exposé? Dr Hartt. Bienvenue, et vous avez environ une
période de 15 minutes pour l'exposé. Ensuite de ça
débutera une période d'échanges entre les membres de la
commission et vous-mêmes. Si vous voulez procéder.
M. Hartt (Joël): Parfait. Merci, M. le Président,
merci tout le monde. M. le Président, Mmes et MM. les membres de la
commission. Je me présente, Joël Hartt. Je suis le
vice-président du Conseil scolaire de l'île de Montréal et
le président de la commission scolaire de Lakeshore qui m'a
délégué au Conseil scolaire de l'île de
Montréal.
Je vous transmets d'abord les salutations du président du Conseil
scolaire de me de Montréal, Me Jacques Mongeau, qui aurait vivement
souhaité représenter notre organisme devant vous cet
après-midi mais qui a été malheureusement retenu à
Montréal par ses obligations professionnelles.
Le Conseil scolaire de l'île de Montréal est le seul
organisme métropolitain dans le domaine scolaire au Québec. Il
regroupe les huit commissions scolaires de l'île de Montréal mais
son territoire est plus grand que celui de la CECI-1puisqu'il inclut
également les contribuables protestants de ma commission scolaire qui
résident entre la frontière de l'Ontario et lïie de
Montréal.
La loi a confié au Conseil scolaire de 111e de Montréal le
mandat d'agir à l'égard des commissions scolaires de IHe de
Montréal comme organisme de service et de soutien, de faire leurs
emprunts, de percevoir et de remettre ensuite aux commissions scolaires la taxe
scolaire qu'il impose sur tout son territoire et, enfin, de mettre en place des
mesures pour assurer le rattrapage en matière d'éducation pour
les enfants des milieux défavorisés.
Le Conseil scolaire est formé de 17 membres dont 14 sont
délégués par les commissions scolaires du territoire et 3
sont nommés par le gouvernement. C'est à titre d'organisme public
qui s'intéresse au fonctionnement de l'appareil gouvernemental dans la
perspective de meilleurs services aux citoyens que nous vous présentons
aujourd'hui notre opinion. Pour vous exposer les principaux
éléments de notre mémoire, je suis accompagné du
directeur général du Conseil, M. Reynald Laplante et de la
secrétaire générale, Me Nicole Pelletier. Ils se feront un
plaisir de répondre à vos questions et commentaires après
leur présentation.
M. Laplante (Reynald): M. le Président, MM. les membres,
nos commentaires ne viseront que les aspects soulevés dans le dossier de
la commission des institutions qui ont une corrélation, une relation
avec le monde de l'éducation. Les questions que nous abordons sont donc
les suivantes: 1° la pertinence d'étendre le champ de
compétence du Protecteur du citoyen dans la conjoncture actuelle du
Québec; 2° la juridiction du Protecteur du citoyen sur les
commissions scolaires et, 3° l'intervention du Protecteur en matière
de relations de travail ainsi que sur le mérite des décisions des
tribunaux administratifs.
Premièrement, la pertinence d'étendre le champ de
compétence du Protecteur du citoyen dans la conjoncture actuelle au
Québec. Le Conseil scolaire de l'île de Montréal
considère que le Protecteur du citoyen a une importance de premier plan
dans la société québécoise pour assurer la
défense des intérêts des individus dans leurs rapports avec
l'administration publique. La présence d'une telle institution
témoigne de la maturité de notre société qui se
veut libre et démocratique. Il est normal que le Québec,
après plus de 10 ans d'expérience, s'interroge sur le
mandat du Protecteur et pose un certain nombre de questions.
Nous croyons qu'une réponse positive à ces questions
entraînerait, quant à nous, une prolifération de l'appareil
administratif et bureaucratique qui gravite autour du Protecteur et, par
conséquent, un investissement financier important qui n'apparaît
pas souhaitable au Conseil scolaire de l'île de Montréal dans la
conjoncture actuelle.
Dans un contexte de rareté des ressources, alors que tous les
organismes publics doivent gérer la décroissance, il importe de
replacer les questions relatives au mandat du Protecteur dans l'ensemble des
priorités québécoises. Le Conseil scolaire croit que
l'élargissement de ce dossier, si important et si souhaitable soit-il,
devrait céder le pas à d'autres priorités telles que
l'éducation, les services de santé et l'environnement.
Deuxièmement, la juridiction du Protecteur sur les commissions
scolaires. Aux termes du document de consultation de la commission des
institutions, et je cite: "Le Protecteur du citoyen assure une protection
à l'individu qui se trouve de plus en plus isolé et démuni
devant la croissance des services de l'État et un appareil
gouvernemental complexe. " Faut-il donc étendre cette protection
à l'individu, vis-à-vis des commissions scolaires?
Afin de répondre à cette question, il y a lieu de se
demander si l'individu bénéficierait d'une meilleure protection
devant l'appareil scolaire s'il pouvait compter sur l'intervention du
Protecteur du citoyen. Voyons donc les principales caractéristiques du
milieu scolaire et les mécanismes que l'on y retrouve
présentement pour assurer la protection des administrés,
c'est-à-dire des élèves et des adultes que la commission
scolaire dessert.
Les principales caractéristiques du milieu scolaire. La
clientèle d'une commission scolaire se compose presque essentiellement
d'usagers, jeunes et adultes, qui viennent y chercher des services
éducatifs ainsi, évidemment, que des parents de ces
élèves. Contrairement au milieu gouvernemental, le milieu
scolaire est peu complexe. Dans les commissions scolaires, la pyramide
hiérarchique peu allongée permet à tout usager ou tout
parent d'identifier assez facilement la structure des pouvoirs. Par exemple, un
problème survenu dans la classe, s'il n'est pas réglé par
l'enseignant, sera référé au directeur d'école. Si
satisfaction n'est pas obtenue au niveau de l'école, il pourra
être référé à la commission scolaire, soit
à un directeur de service, soit au directeur général. Et
si on doit poursuivre la démarche, il y a aura le commissaire du
quartier ou le conseil des commissaires. Ainsi, tout individu peut se retrouver
assez facilement dans l'institution.
Les élus de la commission scolaire, de plus, sont des
résidents de son territoire, à l'écoute des citoyens. Leur
possible rapidité d'intervention fait que tout problème qu'on
leur soumet peut, dans la plupart des cas, être soumis à la
prochaine séance du comité exécutif de la commission ou
à la prochaine séance du conseil des commissaires. En somme, les
caractéristiques du système scolaire, au niveau local, ne
peuvent, à notre avis, justifier à elles seules l'intervention du
Protecteur du citoyen.
Les mécanismes en place dans les commissions scolaires pour
assurer la protection de la clientèle. La nouvelle Loi sur l'instruction
publique, qui a été mise en application le 1er juillet 1989, a
placé l'élève au centre du système. Cette nouvelle
philosophie a amené le législateur à introduire dans les
commissions scolaires plusieurs mécanismes qui sont susceptibles
d'assurer la protection des individus. Ces mécanismes peuvent être
classés en deux catégories. La première regroupe les
mécanismes inhérents au système que l'on appellera, pour
les fins de notre présentation, les mécanismes
systémiques; et dans la deuxième catégorie de
mécanismes se retrouvent les mécanismes institutionnels qui sont
expressément prévus dans la loi, qui ont été
écrits dans la loi à des fins de protection d'individus,
particulièrement des élèves.
Les mécanismes systémiques. L'intervention
préventive constitue un volet important du mandat du Protecteur du
citoyen. Toutefois, la Loi sur l'instruction publique instaure, dans chaque
commission scolaire, un ensemble de moyens susceptibles d'assurer, de
façon préventive, la protection de la clientèle, d'abord
par la composition du conseil des commissaires et du comité
exécutif. Ces deux instances décisionnelles regroupent, en plus
des commissaires élus, deux commissaires qui sont représentants
des comités de parents et un commissaire qui représente les
parents de la minorité linguistique. Ces commissaires ont les
mêmes droits et obligations que les commissaires élus, sans
toutefois avoir le droit de vote. Aussi, par les modalités de
fonctionnement du conseil des commissaires, les séances du conseil sont
publiques et une période doit être prévue à chaque
séance pour permettre aux personnes présentes de poser des
questions orales aux commissaires. Ainsi, tout individu qui s'estime
lésé par une décision de l'administration peut soumettre
le problème à l'occasion de la séance du conseil des
commissaires.
Les comités susceptibles d'agir de façon
préventive. La loi prévoit l'instauration, au niveau de la
commission de l'école, de plusieurs comités qui ont pour
fonction, entre autres, de fournir au directeur de l'école ou à
la commission des avis sur plusieurs aspects de la vie scolaire. Au niveau de
l'école, il y a le comité d'école ou le conseil
d'orientation. Au niveau de la commission, on retrouve le comité de
parents, le comité consultatif des services aux élèves
handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation
et d'apprentissage et le comité consultatif de transport. Ces
comités doivent obligatoirement
être consultés sur certains aspects de l'organisation des
services à la clientèle et, de plus, ils peuvent, de leur propre
chef, donner leur avis sur toute mesure susceptible d'améliorer ces
services ou de corriger certaines lacunes. Dans les faits, ces comités
remplissent adéquatement, à notre avis, leur rôle dans
chaque commission scolaire. Par exemple, les comités d'école et
de parents ne sont-Us pas d'excellents gardiens du processus de
répartition des élèves dans les écoles et de la
procédure de fermeture décotes?
Pour sa part, te comité consultatif des services aux
élèves handicapés et aux élèves en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage peut même donner son
avis sur les services donnés à un élève de cette
catégorie parce que souvent, dans ces cas-là, c'est des
problèmes particuliers et la loi le prévoit. Ce type
d'intervention permet même d'assurer la protection des
élèves concernés. Enfin, il y a la publicité qui
entoure certaines décisions de la commission. Certaines orientations qui
ont une incidence directe sur les droits des élèves doivent
être adoptées par règlement. C'est, entre autres, le cas
des décisions suivantes: les normes et modalités
d'évaluation des apprentissages, les règles pour le classement
des élèves, les normes d'organisation des services aux
élèves handicapés et aux élèves en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Or, l'adoption de ce type de
règlement est soumise à des règles rigoureuses de
publicité qui permettent à tous les individus susceptibles
d'être touchés par ces décisions de se faire entendre par
la commission scolaire.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais laisser Me
Pelletier poursuivre la présentation de notre mémoire. Merci.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Me Pelletier.
Mme Pelletier (Nicole): Les mécanismes institutionnels
sont ceux qui sont spécifiquement prévus par la loi pour assurer
directement la protection des élèves vis-à-vis des
décisions de l'administration et de l'inconduite des enseignants. Ces
mécanismes sont au nombre de deux. Le premier, c'est le mécanisme
de la révision d'une décision qui concerne un élève
en particulier et le deuxième, c'est la plainte au ministre concernant
l'inconduite d'un enseignant.
Alors, le premier mécanisme: la révision d'une
décision qui concerne un élève. La Loi sur l'instruction
publique prévoit, en effet, que tout élève visé par
une décision d'un membre de la commission scolaire, un membre qui peut
être un enseignant, un directeur ou un professionnel, peut en appeler
directement à la commission scolaire. Si l'élève en
appelle, le secrétaire général de la commission scolaire
doit obligatoirement aider l'élève ou ses parents, selon le cas,
à formuler la plainte. Par la suite, le conseil des commissaires doit
rapidement disposer de la demande de l'élève. Pour ce faire, il
doit désigner une personne ou un comité qui est chargé
d'étudier le dossier de l'élève concerné. Par la
suite, ce comité fait ses recommandations au conseil des commissaires et
le conseil des commissaires statue sur le cas de l'enfant. Lorsqu'il statue sur
le cas de l'enfant, le conseil des commissaires peut modifier la
décision, il peut la maintenir ou même prendre une autre
décision qui aurait dû être prise à la place de celle
qui a été prise.
Dans le fond, le mandat qui est confié au comité
s'apparente, sur plusieurs aspects, aux mécanismes que l'on retrouve au
bureau du Protecteur du citoyen. D'ailleurs, les tribunaux ont reconnu la
pertinence de ce mécanisme-là. En effet, dans l'arrêt Puran
contre la commission scolaire Les Écores, le juge Melançon a
refusé une requête en injonction interlocutoire au motif que le
mécanisme de révision de la décision concernant
l'élève n'avait pas été utilisé. Cette
disposition législative a eu, dans les faits, dans la pratique, un
impact direct sur la vie dans les commissions scolaires. Dans les faits, il y a
plusieurs commissions scolaires qui, à l'heure actuelle, songent
à mettre en place un bureau du protecteur de l'élève,
bureau qui serait officiellement utilisé par la commission scolaire pour
traiter les plaintes formulées par les élèves, en
application des articles 8 et suivants de la Loi sur l'instruction
publique.
L'autre élément qui est un petit peu plus délicat,
c'est l'élément qui porte sur la formulation d'une plainte
directe au ministre de l'Éducation contre l'inconduite d'un enseignant.
Dans ce cas-là, toute personne, que ce soit un élève, un
parent ou un citoyen, peut porter plainte au ministre contre un enseignant pour
inconduite, immoralité ou pour faute grave dans l'exécution de
ses fonctions. Immédiatement, le ministre doit nommer un comité
d'enquête et le ministre peut demander à la commission scolaire de
suspendre temporairement l'enseignant concerné. Le comité
étudie le dossier après avoir entendu l'enseignant et il fait ses
recommandations au ministre. Si le ministre, à la suite des
recommandations du comité, juge la plainte bien fondée, il peut
suspendre ou révoquer le permis de l'enseignant. Dans le fond, le
comité prévu à ce mécanisme joue également
un rôle similaire au bureau du Protecteur du citoyen.
En somme, que ce soit par les caractéristiques que vous a
exposées M. Laplante, les caractéristiques du milieu scolaire, ou
encore par les mécanismes qui sont mis de l'avant pour assurer la
protection des élèves, nous ne préconisons pas
l'intervention du Protecteur du citoyen au niveau des commissions scolaires.
Dans les faits, sans nier que l'intervention du Protecteur du citoyen
ajouterait une protection additionnelle, nous sommes d'avis que cette
intervention entraînerait un dédoublement des mécanismes
déjà en place et qu'elle allongerait
indûment le processus de traitement des dossiers et, par ricochet,
qu'elle occasionnerait des dépenses qui sont difficilement justifiables
dans le contexte actuel.
Par la suite, le Conseil s'est penché aussi sur le dossier des
relations du travail en corrélation avec ce qui se passe dans les
commissions scolaires et aussi sur la pertinence, pour le Protecteur du
citoyen, d'intervenir sur le mérite des décisions des tribunaux
administratifs.
Dans le fond, au niveau des commissions scolaires, les
différentes conventions collectives en vigueur, qui son encadrées
par le Code du travail du Québec, prévoient des mécanismes
précis de règlement des différends. L'intervention du
Protecteur du citoyen dans ce dossier allongerait le processus de
règlement des différends et créerait une certaine
instabilité dans le domaine des relations du travail. Au fil des ans,
dans le domaine scolaire, il s'est développé autour des
règles régissant nos relations du travail un certain consensus
social qu'il importe de maintenir.
Pour des raisons identiques, le Conseil ne préconise pas
l'intervention du Protecteur du citoyen au niveau des tribunaux administratifs.
Quand on pense aux motifs qui ont présidé à la naissance
des tribunaux administratifs, motifs qui étaient, dans le fond,
d'accélérer le processus de prise de décision et de
simplifier l'administration de la justice, on voit mal comment le Protecteur du
citoyen pourrait intervenir après qu'un tribunal administratif eut rendu
une décision. Sur ce point, on voit mal aussi comment le Protecteur du
citoyen pourrait intervenir quand on connaît l'hésitation
légendaire de la Cour suprême du Canada à intervenir sur le
mérite des décisions des tribunaux administratifs. Encore en
novembre dernier, la Cour suprême, dans l'arrêt American Farm
Bureau Fédération, le 8 novembre dernier, a eu l'occasion de se
prononcer encore sur la pertinence d'intervenir sur le mérite des
décisions des tribunaux administratifs et la Cour suprême a encore
réitéré son orientation qui est de ne pas intervenir
à ce niveau.
En conclusion, tout en reconnaissant l'importance du rôle du
Protecteur du citoyen dans la société québécoise,
le Conseil scolaire propose le maintien du statu quo au niveau de
l'étendue de son champ de compétences. Si la commission en arrive
à la conclusion qu'elle doit étendre ce champ de
compétences, le Conseil scolaire est d'avis qu'il ne devrait pas
étendre ce champ de compétences aux commissions scolaires, ni
dans le domaine des relations du travail ni sur le mérite des
décisions des tribunaux administratifs.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup.
Maintenant, nous allons débuter la période d'échanges en
reconnaissant en premier lieu un membre de l'Opposition officielle, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup de vous être penchés sur
le document de consultation que nous avions mis à la disposition du
public pour nous aider à répondre aux questions que nous nous
posions, eu égard à un certain nombre d'éléments,
quant au fonctionnement et aux responsabilités du Protecteur du citoyen.
Et, sauf erreur, vous êtes le seul organisme scolaire à avoir
répondu formellement à nos demandes de consultation.
J'apprécie, là, les précisions de départ sur le
fait que le Conseil scolaire de l'île de Montréal, c'est quand
même le représentant de huit organismes scolaires reconnus par la
loi, ce qui fait en sorte que ça nous donne un élément
assez large de la pensée du monde scolaire, avons-nous l'impression. Des
questions relativement brèves. Ce que vous dites, c'est: Ne changez rien
nulle part. C'est ça?
M. Laplante: Essentiellement oui. Sur cet aspect-là - les
trois questions qui étalent posées et qui nous concernaient - on
ne souhaite pas voir de changements à la loi actuelle sur le Protecteur
du citoyen. Vous avez raison.
M. Trudel: Bon. Et partant de là, pour ma part, je n'ai
pas beaucoup d'autres questions à poser sur le fonctionnement, et sur la
possibilité du fonctionnement d'ailleurs, puisque c'est établi en
partant qu'on ne change rien. J'aurai seulement une autre question.
Peut-être que des sous-questions viendront avec les réponses mais,
pour l'instant, à partir du moment où vous jugez que, dans le
monde scolaire - et vous parlez de ce que vous connaissez, de votre secteur, on
l'apprécie - les mécanismes, la démonstration que vous
faites, étant... Vous avez dit: C'est très connu, c'est simple,
la hiérarchie n'est pas très compliquée; vous approuvez
donc que le dernier recours en matière de traitement des plaintes au
niveau scolaire revienne au ministre responsable. Pour vous, c'est
satisfaisant, ce mécanisme-là. C'est ce que j'entends. C'est oui,
la réponse à cette question? C'est satisfaisant que le dernier
recours soit le niveau ministériel? (15 heures)
M. Laplante: Actuellement, avec l'expérience de ce qu'on a
vécu, pour nous, c'est oui. Oui. Ça a été
satisfaisant. On ne dit pas que les questions ou problèmes, quand c'est
parvenu au ministre, n'ont pas été épineux, difficiles,
mais on trouvait que, quand on a la pensée... Et avec certains
événements récents qui sont survenus dans le monde de
l'éducation, à un moment donné, il fallait qu'une personne
tranche. Il y avait tellement eu de comités d'étude et de tout.
Quand un problème remonte au ministre de l'Éducation
habituellement - c'est ce qui est arrivé au préalable - à
ce moment-là, c'était le temps d'arrêter ça.
Ça touchait particulièrement, vous vous rappelez, certaines
fermetures d'école ou transferts d'école.
Une autre question qui est celle des enfants
qui veulent... Question d'intégration. Les enfants
handicapés ou en difficulté qui veulent fréquenter, le
plus possible, le cours régulier plutôt que d'aller dans des
classes spéciales; encore là, ces questions-là ont
été portées devant les tribunaux. FI y a eu un jugement
avant la période des fêtes, qui a été émis
par la Cour supérieure. Je pense que la réponse a
été donnée et je dirai que c'est suffisant. À un
moment donné, R faut arrêter quelque part et on a du mat à
imaginer comment une étape additionnelle qui serait celle du Protecteur
du citoyen aurait ajouté quelque chose à ces dossiers-là.
La consultation dans le domaine scolaire est énorme. La participation
des parents est très difficile à maintenir à cause de tous
ces comités, ce qui a comme résultat qu'un problème,
finalement, tous les aspects en ont été examinés quand on
arrive au bout du processus. Mais le dernier échelon du processus, c'est
le ministre, vous avez bien raison.
Mme PeWetter: Le cas qui a été soulevé
tantôt concernant l'intégration de certains élèves
en difficulté dans les classes régulières et ce qui a fait
la manchette, ces cas-là qui se sont retrouvés devant les
tribunaux ont été gérés dans le cadre de l'ancienne
Loi sur l'instruction publique. Les mécanismes que nous vous avons
exposés cet après-midi sont extraits de la nouvelle loi. En tout
cas, ces mécanismes-là risquent de donner quand même
satisfaction aux intéressés.
M. Trudel: Est-ce que je peux en conclure que, si le principe est
bon au niveau du monde scolaire - je dois ouvrir une petite parenthèse,
à cet égard-là, je partage un bon nombre de vos points de
vue, et l'imputabilité ministérielle comme dernier niveau
apparaissant comme une satisfaction, comme un degré de garantie
satisfaisant pour vous autres, ça ne vaut pas pour tous les
ministères - à cet égard-là, on devrait beaucoup
plus examiner le rétrécissement du mandat du Protecteur du
citoyen que son élargissement parce que le ministre responsable est
imputable, démocratiquement aussi, devant la population? De façon
simple, si le dernier recours au niveau de celui qui est responsable n'est pas
satisfaisant, eh bien oui, il y a un recours ultime qui s'appelle, dans notre
système démocratique, le renvoi du ministre par l'effet du
système démocratique.
Alors, à cet égard, votre raisonnement m'amène
à dire: Bien, il y a un arbitre partout dans l'appareil étatique
québécois ou ailleurs, peu importe; c'est le ministre parce qu'il
est imputable devant la population. Et, est-ce que je force trop en disant:
Même le mécanisme actuel de cette institution qui s'appelle le
Protecteur du citoyen, c'est un peu inutile, ça ajoute un recours
inutile et, même plus loin que ça, ça déculpabilise
- si vous me passez l'expression - à la limite, ou ça
déresponsabilise le ministre qui a cette responsabilité devant la
population, devant l'Assemblée nationale?
M. Laplante: En fait, cette question, on y répond un peu,
je pense, dans notre mémoire. On parte de nous comme d'une institution
parapubli-que qui a des élus locaux et qui a des représentants
qui ont été localement mandatés par élection. Le
parallèle pourrait être fait avec les municipalités et
c'est dans ce contexte-là qu'on limite nos interventions. Je pense que,
par exempte, un citoyen qui a un problème d'impôt avec le
ministère du Revenu, il peut pas mal plus facilement - c'est vrai que
dans chacun des cas, c'est toujours le ministre qui est l'ultime recours - s'y
perdre, à notre avis, dans l'appareil gouvernemental qu'un enfant dans
une école dune commission scolaire, qui est déjà une
instance locale qui est dans le milieu et qui appartient au milieu. Dans ce
cas, on limite notre commentaire, nous, à une institution comme la
commission scolaire parapubllque qui a ses élus locaux puis qui a ses
personnes près de la population. On pense que, de parler de ça,
ce n'est pas la même chose que de parler du citoyen, par exemple, qui se
retrouve devant un gros appareil gouvernemental sur des questions qu'on peut
imaginer.
M. Trudel: Avez-vous regardé ça un peu? Avez-vous
été amenés à être préoccupés
par la réforme de la santé et des services sociaux et,
nommément, le nouveau mécanisme de traitement des plaintes que
prévoit le ministre de la Santé et des Services sociaux dans son
projet de loi 120? Avez-vous regardé ça un peu?
Mme Pelletier: On ne l'a pas regardé, non.
M. Trudel: Alors, ça va, M. le Président. Je n'ai
pas d'autre question.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Je vais maintenant reconnaître M. le
député d'Iberville.
M. Lafrance: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier également de votre présence et aussi pour la
présentation de votre mémoire. Soyez assurés que ça
va nous aider dans la rédaction de nos recommandations, d'autant plus,
comme l'a mentionné mon collègue, que c'est la première
fois qu'on entend un organisme du milieu scolaire. Je pense que c'est
d'ailleurs le seul; je ne pense pas qu'il y en ait d'autres pour la
journée d'auditions qu'il nous reste.
Une voix: ...les universitaires?
M. Lafrance: O.K. Moi, j'ai fait un peu un parallèle de
votre position avec celle d'un centre
hospitalier qui est venu nous présenter un mémoire, je
pense que c'était la semaine dernière; un centre hospitalier qui
était spécialisé dans le traitement des maladies pour
enfants. Je pense que le milieu scolaire est un peu pareil parce que votre
premier utilisateur, c'est évidemment l'enfant, et qu'il y a une
implication des parents. Donc, les premières plaintes, tout
naturellement, vont par le biais des comités de parents, etc., ce qui
donne une perspective pas mal différente, selon moi, de la protection
des droits des personnes.
Ceci étant dit, il y a un point, par contre, qui m'a un peu
frappé. C'est lorsque vous dites que dans le contexte de rareté
des ressources l'élargissement de ce dossier, si important soit-il,
devrait céder le pas à d'autres priorités telles que
l'éducation, les services de santé et l'environnement. Est-ce que
vous voulez dire par là que la rareté des ressources,
c'est-à-dire l'argent, aurait un droit prioritaire sur la question des
droits et de la protection du citoyen et des individus?
M. Laplante: Non. On a interprété cette
première question là qui était sur la pertinence
d'élargir à ce moment-ci, dans le contexte actuel, le champ des
responsabilités du Protecteur. Et la première
considération qu'on... Puis, en lisant le document de consultation -
auquel le Conseil ne s'est pas adressé, évidemment - on voyait
beaucoup de questions là qui faisaient qu'il pourrait y avoir
éventuellement des protecteurs adjoints; le Protecteur pourrait se
mêler d'entrer dans la préparation des lois, je pense, et
être présent au niveau préventif. Alors, on a
perçu... Notre première lecture a fait qu'on est en train, au
lieu d'avoir un rôle du Protecteur comme on l'a habituellement connu,
disons, qui deviendrai un peu parallèle à celui du
Vérificateur général du Québec... On voyait une
institution qui était en train d'intervenir à peu près
à tous les niveaux gouvernementaux. C'est dans ce sens-là que
ça nous est apparu comme une source de dépenses additionnelles
pour le gouvernement, qui ne nous apparaissaient pas appropriées
à ce moment-ci.
M. Lafrance: D'accord. Ça me rassure. Donc, c'est un
dédoublement que vous jugez ne pas être nécessaire. Ce
n'est pas seulement une question de gros sous.
M. Laplante: Parce qu'à un moment donné, où
est-ce qu'on arrête avec ça? Est-ce qu'un jour on va créer
un protecteur pour protéger le Protecteur ou... Quand on lit le
document, on se demande où ça finit. Sans souhaiter - et
là je ne parle pas pour le Conseil - avoir un système comme il y
a en France, que vous décrivez, ou dans d'autres pays; personnellement,
je ne vois pas l'utilité de ça. Je pense que notre système
est excellent. Mais où est-ce qu'on s'en va avec tous ces rôles,
ces mécanismes de contrôle? Je pense qu'il en faut, mais il faut
que ce soit perçu dans une limite un peu comme celle du mandat du
Vérificateur de la province, c'est-à-dire au niveau des plaintes.
S'il y a des plaintes, on s'en occupe.
M. Lafrance: D'accord. Maintenant, dans la question du
mécanisme que vous appelez systémi-que, c'est-à-dire le
traitement des plaintes, comme vous avez dit, qui commence au niveau de la
classe, c'est-à-dire l'enseignant sur place qui regarde la plainte,
ensuite au niveau de l'école, c'est-à-dire le directeur
général, au niveau de la commission scolaire, le directeur
général de la commission scolaire, et ensuite, si besoin il y a,
au sein des commissaires du quartier; selon moi, il y a quand même
toujours le fait que c'est l'individu, le plaignant qui fait face au
système comme tel.
Alors, dans quelle mesure est-ce que ces plaintes-là,
lorsqu'elles sont regardées, par exemple, par les commissaires, dans
quelle mesure l'école doit-elle se plier aux recommandations de ces
comités qui existent? Est-ce qu'ils ont un droit d'implanter... Si un
comité de parents, par exemple, dit: II y a injustice. Jusqu'à
quel point la commission scolaire va-t-elle réagir?
M. Laplante: Les comités, comme on l'a mentionné,
ont des rôles consultatifs. Ce qui arrive dans la pratique...
Évidemment, vous avez raison de dire que, quand la commission scolaire,
par exemple, a adopté ou a pris une décision de fermeture
d'école, elle a une politique de fermeture d'école et elle
adopte, elle prend certaines décisions de fermer telle école
plutôt que telle autre, le préjugé de l'appareil
administratif - parce qu'on l'a étudié avant; on l'a
regardé et on s'est convaincu avant de prendre la décision que
c'était la décision qu'il fallait prendre - est en faveur... est
contre le plaignant, est contre l'enfant, est contre les parents, ou le ou les
parents qui s'objectent à ça.
Je dirais, par contre - et là, moi, je parle de mon
expérience dans une commission - quand vous arrivez avec un enfant qui a
un problème - et je ne parle pas, là... qui ne remet pas en
cause, nécessairement... Ça pourrait constituer une exception
à la politique, mais en tout cas, un enfant ou un parent qui... Et il
apporte son problème. À ce moment-là, je dirais
plutôt, si je regarde le rôle des commissaires d'écoles et
le rôle même des officiers supérieurs, il faut au
départ avoir un préjugé favorable pour l'enfant. Ça
veut dire: Qu'est-ce qui se passe là, qu'est-ce qui est arrivé et
qu'est-ce qu'on peut faire pour ça? Alors, je dirais qu'il y a une
double attitude qu'on voit dans la pratique là-dessus.
Mais c'est sûr que, quand une commission a une politique, une
pratique qu'elle a mûrement - elle le pense du moins - établie,
là, à ce moment-là, il n'y a pas de coûts
normalement
impliqués dans ça pour les enfants et les parents. Mais
vous avez raison, c'est toute une côte à remonter. On est... Comme
on dit en anglais, on fait face à l'hôtel de ville, à "City
Hall". Alors, ça c'est vrai.
M. Lafrance: Vous me permettez une autre petite question, s'il
vous plaît? Dans le mécanisme institutionnel, vous dites,
évidemment, que le traitement des plaintes, en dernier recours, peut
aller au ministre. Moi, comme député, il m'arrive
évidemment d'écrire à des ministres. Certains
répondent vite, d'autres moins vite. Est-ce que vous avez
l'expérience - d'après moi, ça me paraît pas mal
lourd comme dernier recours - de cas relativement au délai de
réaction du bureau des ministres - je ne veux pas faire de par-tisanerie
- généralement parlant, sur des plaintes précises comme
ça?
M. Laplante: Moi, je vous dirais selon mon expérience que,
premièrement, ça dépend des ministres que j'ai connus.
J'en ai quand même connu quelques-uns. Et les ministres comme le dernier
que j'ai connu, qui était M. Ryan, qui attachait beaucoup d'importance
à ça, il faisait accélérer l'appareil des
fonctionnaires. Il voulait des réponses et il les faisait
accélérer. Ça dépend; je pense que la
personnalité des ministres y est pour beaucoup dans ça.
D'autre part, j'ai lu que dans le cas du mécanisme, s'il y avait
un protecteur du citoyen et qu'un tel mécanisme existait, je pense que
tout de suite il y a un coup de téléphone qui se ferait pour
dire, même avant d'envoyer une lettre, si j'ai bien compris. Oui, on s'en
occupe et tout ça. Mais tout ça reste, quant à moi, au
niveau de l'accusé de réception. Le ministre, s'il veut
être sérieux, et le Protecteur du citoyen par la suite, s'il veut
être sérieux, ils vont faire une enquête. Et ça,
ça prend du monde; ça prend des comités. Et si le
Protecteur a un "staff", s'il a du monde et s'il a l'appareil bureaucratique
pour le supporter, ça va aller assez vite, je suppose, et ça peut
être assez bien fait.
Mais il n'est pas, à mon avis, mieux organisé devant ce
problème-là que le ministre peut l'être. Parce que, avec
les commissions scolaires, du fart qu'il y ait des élus locaux et qu'il
y ait un organisme local, le ministre de l'Éducation devient un recours.
Et pour moi, ce n'est pas la même chose que le ministre des Finances dans
la question de l'impôt. L'impôt, tu le paies, et si tu te plains,
si tu te plains au ministre... Et entre lui et ton paiement, il n'y a pas cet
intermédiaire-là. Alors, c'est pour ça que je trouve que
le ministre de l'Éducation joue un rôle très
adéquat. Et d'ailleurs, en 1989, quand ils ont révisé la
Loi sur l'instruction publique - ça avait commencé quand M.
Laurin était ministre - ils étaient très
préoccupés par tous ces recours qu'il fallait instaurer, tous ces
mécanismes qu'on a décrits et qu'il fallait instaurer pour
protéger les enfants et les parents. Donc, la vitesse, pour conclure,
moi, je ne la vois pas plus d'un bord que de l'autre.
M. Lafrance: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Vous me permettrez une
question. Lors de l'étude du projet de loi 107, c'est-à-dire la
Loi sur l'instruction publique, la Commission, ce qu'on appelait autrefois le
Comité de protection de la jeunesse, la Commission des droits de la
jeunesse, avec la Commission des droits de la personne et l'Office des
personnes handicapées, avait recommandé au ministre du temps d'y
apporter justement un recours externe parce que les élèves ont
des droits en vertu de la loi 107; alors il fallait prévoir, pour les
élèves et les parents, un recours extérieur.
Évidemment, ça n'a pas été retenu dans le projet de
loi 107. Alors, ces mêmes organismes sont venus la semaine
dernière pour revendiquer, si vous me permettez l'expression, la
même chose. Vous ne trouvez pas que si les remèdes... pas les
remèdes mais si les processus actuels n'apportent pas réponse
à tout, vous ne trouvez pas, à un moment donné, qu'on
pourrait se questionner sur la possibilité d'y apporter un recours
externe? Oui, Mme Pelletier.
Mme Pelletier: Je pense qu'avant d'aller là il faut
vraiment laisser à la nouvelle loi le soin de faire son oeuvre. Comme je
vous l'expliquais tantôt, il y a des commissions scolaires, plusieurs
commissions scolaires, qui songent à mettre sur pied un bureau de
protecteur. Je me dis que tant qu'on n'aura pas vu les effets concrets de la
nouvelle loi, avant de mettre d'autres mesures pour assurer la protection des
élèves, il faudrait utiliser à fond de train les
possibilités que nous donne la nouvelle loi.
Le Président (M. Dauphin): D'accord, mais avec
l'expérience depuis la mise en vigueur de la loi 107, avez-vous des
expériences de ça? Est-ce que l'expérience est bonne?
C'est-à-dire aux articles 9 et 10, quand le conseil des commissaires
peut réviser ses propres décisions, est-ce que vous avez eu des
expériences de ça?
M. Laplante: Moi, on n'a pas vu...
Le Président (M. Dauphin): Y a-t-il un taux...
M. Laplante: ...de cas précis...
Le Président (M. Dauphin): ...un taux d'utilisation?
M. Laplante: ..ce qui est en train de se passer là...
Parce que c'est quand même assez long et complexe, de mettre ça en
application. C'est nouveau, l'instauration de tous ces comités-
là. Par exemple, le conseil d'orientation qui doit exister en
même temps que le comité d'école et le fameux comité
qui est très important pour les élèves en
difficulté d'apprentissage, ces comités-là s'instaurent et
apprennent à vivre, si vous me passez l'expression. Mais des cas de
plaintes, selon la procédure légale, nous, sur ffle de
Montréal, on n'en a pas vu, on n'en a pas entendu parler.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue, une
dernière peut-être?
M. Trudel: On peut donc comprendre que la responsabilité
en matière primaire et secondaire des commissions scolaires, avec des
élus au suffrage universel, ça apporte cette espèce de
garantie, avec les mécanismes dont on vient de parler, une espèce
de garantie du traitement des plaintes et surtout des recours qui sont
intentés avec ces plaintes. Est-ce que vous feriez le même
raisonnement pour les collèges et les universités?
M. Laplante: Les hôpitaux, les collèges ou
universités, je pense qu'ils ne sont pas, pour moi en tout cas, des
institutions qui sont imputables devant leurs administrés. On a beau
nommer à ces conseils-là soi-disant des représentants des
patients, je pense... Je n'ai jamais vu ce que ça pouvait être, un
représentant des patients. On n'espère pas être patient
à vie d'un hôpital. Je ne sais pas ce que c'est mais ils ont des
espèces de conseils d'administration qui sont effectivement,
directement, à mon avis, redevables au gouvernement et beaucoup moins
à leurs administrés. S'il y avait un parallèle à
faire avec le milieu scolaire, je le ferais peut-être avec le monde
municipal. Quand quelqu'un a un problème de trottoir, il sait qui
appeler et habituellement, si le fonctionnaire ne bouge pas, l'échevin
va bouger. C'est un peu comme ça que notre parallèle, je trouve,
se situe; mais pas avec les hôpitaux et les universités et les
institutions de ce genre-là.
M. Trudel: Ça va. Merci beaucoup. Merci de votre
présentation.
Le Président (M. Dauphin): Peut-être une
dernière. Les ombudsmans locaux ou institués par les commissions
scolaires, croyez-vous qu'ils ont l'indépendance requise pour bien
accomplir leur rôle?
M. Laplante: Ça, c'est une opinion personnelle. On a
l'indépendance de ses moyens. Je me demande, quand je lis que le
Protecteur du citoyen a son budget, qu'il devait débattre, je pense,
jusqu'à maintenant, devant le Conseil du trésor, puis là,
il va le débattre devant l'Assemblée nationale, c'est un peu...
Je ne pense pas qu'on puisse parler d'indépendance à ce
point-là. C'est certain que, quand il y aura un protecteur
d'élèves dans les commissions scolaires - M. Hartt me corrigera
là-dessus - il va devoir vivre avec les moyens et aussi les limites que
les commissaires d'écoles de la commission scolaire vont vouloir lui
donner. Mais il n'y a pas d'institution parfaitement en orbite autour de la
terre, indépendante de tout, et je dis: Ça, c'est vrai aussi dans
le cas du Protecteur du citoyen du Québec.
Le Président (M. Dauphin): Oui. D'accord. Alors, Dr Hartt,
M. Laplante, Me Pelletier, au nom de tous les membres de la commission des
institutions, nous vous remercions sincèrement d'avoir participé
à nos travaux comme seul organisme scolaire. Nous vous en
remercions.
M. Laplante: On vous remercie de nous avoir accueillis.
Le Président (M. Dauphin): On suspend deux minutes, juste
le temps de demander au Conseil des tribunaux administratifs canadiens de
s'avancer à la table des invités.
(Suspension de la séance à 15 h 22)
(Reprise à 15 h 28)
Conseil des tribunaux administratifs canadiens
Le Président (M. Dauphin): Nous accueillons le Conseil des
tribunaux administratifs canadiens qui est représenté par Me
Jean-François Gosselin qui est président du Conseil. Alors, je
vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et
ensuite de procéder à l'exposé d'une durée
d'environ une dizaine de minutes.
M. Gosselin (Jean-François): Merci, M. le
Président. J'aimerais donc vous présenter, à ma droite,
Mme Margot Priest. Mme Priest est secrétaire du Conseil des tribunaux
administratifs canadiens. Elle est aussi présidente de notre
comité de politiques et de législation. Elle a été
vice-présidente de la Commission des transports de l'Ontario. Elle est
actuellement présidente de la Commission des services
téléphoniques de l'Ontario. Elle est membre du Barreau de
l'Ontario et du Barreau de la Californie. Elle a donc une expérience qui
pourrait vous être utile dans une perspective de comparaison de
juridictions, entre ce qu'on connaît au Québec et ce qu'on
connaît à l'extérieur du Québec. Mme Priest se fera
un plaisir de tenter de répondre à vos questions en
français, mais elle m'a soufflé à l'oreille qu'elle se
sentirait évidemment plus à l'aise en anglais. Nous vous
soumettons ces contraintes, d'une part.
D'autre part, à ma gauche, j'aimerais vous présenter M.
Jean-Marc Demers. Jean-Marc Demers est un administrateur du Conseil des
tribunaux administratifs canadiens. Il est aussi régisseur à la
Régie des télécommunications du Québec. Il a une
expérience d'adjudication au sein d'un tribunal dit, dans notre jargon,
de régulation économique et sociale.
Je suis, quant à moi, Jean-François Gos-selin. Je suis
président du Conseil des tribunaux administratifs canadiens et j'exerce,
comme occupation principale, la fonction de commissaire au Bureau de
révision de l'évaluation foncière du Québec. Il
s'agit d'un tribunal administratif d'adjudication pure, c'est-à-dire qui
ne fait que trancher des litiges.
Très sommairement, je vous dis que le Conseil des tribunaux
administratifs canadiens est l'organisme national qui regroupe les membres des
tribunaux fédéraux, provinciaux et territoriaux, donc des 13
ordres juridictionnels. Le Québec est évidemment très
présent et très actif au niveau du Conseil des tribunaux
administratifs canadiens. Je vais me permettre d'aller assez rondement dans la
présentation du contexte de nos représentations. Je vous
indiquerai d'abord que nous ne nous sommes attardés qu'au second
problème évoqué au paragraphe 4.2 du document de
consultation de septembre 1990, là où est posée la
question suivante, et je cite: "Le Protecteur du citoyen devrait-il avoir
juridiction également sur le mérite des décisions des
tribunaux administratifs?" Alors, notre mémoire ne porte que sur ce seul
enjeu.
Quant au contexte de nos représentations, je vais me limiter
à cette partie de nos représentations que je crois la plus
pertinente, c'est la question de l'imputabilité actuelle des tribunaux
administratifs. Alors que les ministères et les organismes exercent,
sauf exception, leurs responsabilités dans un contexte de subordination
hiérarchique et de responsabilité ministérielle, les
tribunaux administratifs québécois sont
généralement imputables de leurs décisions auprès
d'un juge de l'ordre judiciaire par voie d'appel ou de contrôle
judiciaire.
On sait, par ailleurs, que le législateur québécois
n'a pas cru judicieux, de façon générale, de
conférer aux parties le droit d'en appeler au cabinet, au Conseil des
ministres, des décisions des tribunaux administratifs.
L'imputabilité varie donc selon les tribunaux mais en fonction de
l'étendue des droits d'appel conférés par le
législateur ou de l'étanchéité des clauses
privatives qu'il a plutôt choisi d'introduire dans les lois constitutives
de certains tribunaux administratifs.
C'est peut-être un petit peu technique, comme jargon, mais notre
perception, finalement, c'est que l'imputabilité à laquelle
chaque tribunal administratif doit se soumettre, c'est une im-putabilité
que vous, Mmes et MM. les législateurs, avez choisie, tribunal par
tribunal Alors, le niveau d'imputabilité actuel, c'est un niveau
d'imputabilité que vous avez découpé tribunal par
tribunal, en fonction de ce à quoi vous vous attendiez de chaque
tribunal. C'est, je pense, une mise en situation importante pour comprendre le
sens de notre avis.
Avant de formuler notre recommandation comme telle, je me permets un peu
d'histoire en vous rappelant rapidement l'évolution du droit
québécois et du droit ontarien en la matière. Au moment de
l'adoption de la Loi sur le Protecteur du citoyen en 1968, le Protecteur du
citoyen avait juridiction sur la procédure des tribunaux administratifs.
Jamais le Protecteur du citoyen, au Québec, n'a eu de juridiction sur le
mérite des décisions des tribunaux administratifs.
Historiquement, sa juridiction n'a jamais été plus loin que la
procédure devant les tribunaux administratifs.
En 1987, pour rendre la législation actuelle conforme à la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne,
la loi a été amendée et, depuis, le Protecteur du citoyen
n'a plus juridiction sur la procédure des tribunaux administratifs. Il
n'a donc pas acquis de juridiction sur le mérite des décisions
non plus; sa juridiction actuelle est limitée aux considérations
administratives, en fait, tout ce qui ne tombe pas dans le processus de
l'adjudication comme telle.
Alors ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la question que pose le
document de consultation est celle de savoir non pas s'il y a lieu de revenir
à la situation antérieure à 1987, mais plutôt s'il
est approprié d'élargir la compétence du Protecteur du
citoyen en une matière sur laquelle il n'a jamais eu juridiction depuis
la création de l'institution, soit le mérite même des
décisions des tribunaux. Advenant une réponse affirmative, ce
serait donc le processus décisionnel dans son ensemble que l'on
ouvrirait à l'examen du Protecteur.
Nous nous permettons de souligner que, dans l'actuel "Ombudsman Act" de
l'Ontario, aux termes de cet acte-là, le Protecteur du citoyen a
juridiction sur le mérite des décisions des tribunaux
administratifs en Ontario. Cependant, le 21 novembre 1989, l'ancien Procureur
général de l'Ontario déposait devant la Législature
ontarienne le bill 80 qui visait précisément à aligner la
situation ontarienne sur la situation qui existe actuellement au Québec.
On sait qu'il y a eu changement de gouvernement en Ontario depuis. Le bill 80
est mort au feuilleton de l'Assemblée législative de l'Ontario et
des vérifications faites au début de cette semaine auprès
du bureau du Procureur général de l'Ontario et du Protecteur du
citoyen de l'Ontario nous permettent d'affirmer que le nouveau gouvernement ne
s'est pas compromis à l'égard du projet de loi 80.
Nous sentons quand même le besoin de vous exposer cette situation
parce qu'il nous semble, vu d'une perspective, je dirais - on a un petit
peu de hauteur par rapport au problème - que le virage
suggéré par la question posée au document de consultation
va très exactement dans le sens contraire du virage amorcé par
l'Ontario depuis un an et demi à deux ans. Si vous êtes
intéressés par cette question-là, ma collègue
Margot Priest pourra vous expliquer tout à l'heure quels sont
particulièrement les problèmes que vivent les tribunaux
administratifs en Ontario, qui sont contrôlés par le Protecteur du
citoyen.
Cela dit, le Conseil des tribunaux administratifs canadiens est d'avis
que la compétence actuelle du Protecteur du citoyen du Québec
à l'égard des tribunaux administratifs est adéquate et
suffisante. Nous ajoutons même que nous percevons le statu quo comme un
modèle qui devrait inspirer d'autres Législatures.
Nous nous permettons d'attirer votre attention sur quelques
conséquences prévisibles pour le cas où la proposition
envisagée serait retenue. Nous sommes en effet convaincus que
l'élargissement de la compétence du Protecteur du citoyen au
mérite des décisions des tribunaux administratifs pourrait
créer de nombreux et sérieux problèmes. Nous nous
contenterons de n'en évoquer que quelques-uns. D'abord, la perte du
bénéfice résultant de la spécialisation. Vous savez
que les tribunaux administratifs sont, par définition, des instances
spécialisées et il nous semble évident qu'à moins
de mettre à la disposition du Protecteur du citoyen des ressources
humaines et matérielles aussi spécialisées que celles sur
lesquelles peuvent compter les tribunaux il sera, dans la plupart des cas,
quasiment impossible pour le Protecteur d'enquêter de façon
efficace sur le mérite des décisions des tribunaux.
Nous anticipons un deuxième problème pour le cas où
la juridiction du Protecteur serait élargie au mérite des
décisions des tribunaux adminstratifs. Il s'agit de la perte du
bénéfice résultant de la multidisciplinarité. Vous
savez que les tribunaux administratifs québécois sont
généralement multidisciplinaires, c'est-à-dire que des
spécialistes de nombreuses disciplines sont associés au processus
décisionnel. Le processus décisionnel n'est pas
réservé aux avocats ou aux juristes. Alors, le Protecteur du
citoyen pourrait très difficilement apprécier le mérite de
la décision d'un tribunal administratif sans être lui-même
entouré de spécialistes de ces différentes disciplines,
donc sans devoir s'équiper d'équipes multidisciplinaires
lui-même.
Troisième problème "anticipable" à court terme,
c'est l'augmentation prévisible des délais. Le problème
des délais d'audition et de délibéré constitue un
véritable cauchemar pour toutes les instances qui doivent tenir des
audiences publiques. Et en cette époque de justice administrative de
masse où des centaines de milliers de recours sont introduits par les
administrés à chaque année, on peut s'interroger sur la
période au cours de laquelle un dossier demeurerait ouvert, advenant une
décision du législateur d'accorder à l'administré
un second forum devant lequel il pourrait faire valoir ses
prétentions.
Autre problème qu'on peut anticiper à court terme, c'est
que le fait d'élargir la juridiction du Protecteur du citoyen
équivaudrait, à toutes fins pratiques, à introduire un
droit d'appel déguisé et automatique. Chaque tribunal
administratif est encadré par les dispositions de sa loi constitutive.
Quand vous, messieurs les législateurs, vous avez créé un
tribunal administratif, vous avez manifesté vos intentions et votre
volonté de le voir évoluer dans un certain cadre. Dans certains
cas, vous avez prévu un appel de plein droit de toutes les
décisions finales du tribunal; dans d'autres cas, vous avez
limité les appels aux questions de droit et de compétences; dans
d'autres cas, vous avez exigé que le tribunal, c'est-à-dire que
la partie qui désire en appeler d'une décision d'un tribunal
sollicite l'autorisation d'en appeler auprès du tribunal d'appel; dans
d'autres cas, vous avez voulu affranchir les tribunaux administratifs du
contrôle des cours de justice en introduisant des clauses privatives. Il
nous semble qu'étendre généralement et indistinctement la
compétence du Protecteur dans le sens envisagé
équivaudrait, en quelque sorte, à accorder à
l'administré un droit d'appel automatique, ce qui ne serait pas
nécessairement compatible avec le degré de finalité des
décisions de chaque tribunal, que vous avez souhaité, messieurs
les législateurs, au moment où vous avez créé ces
tribunaux.
Nous soumettons donc respectueusement que toute initiative visant
à élargir le champ d'intervention du Protecteur aux secteurs
envisagés devrait être précédée d'une liste
des impacts spécifiques que cet élargissement serait susceptible
de créer pour chacun des tribunaux visés. Il s'agit d'une analyse
dans le cadre duquel il faudrait accorder une attention très
particulière au degré de finalité des décisions du
tribunal, révélé par sa loi constitutive.
Un autre problème qu'on peut anticiper à court terme est
celui de la modification du dossier constitué devant le tribunal. Vous
savez que les tribunaux administratifs québécois ont l'obligation
de décider sur la base du dossier constitué, c'est-à-dire
en fonction de la preuve administrée à l'audition. Assujetti aux
règles de justice fondamentale, le contenu de la décision est
directement tributaire du contenu de l'audition. Or, l'enquêteur du
Protecteur du citoyen qui serait appelé à examiner le
mérite d'une décision d'un tribunal administratif ne pourrait que
difficilement vérifier s'il y a adéquation entre la preuve
recueillie à l'audition et la décision rendue par le tribunal. Au
surplus, même lorsque disponible, cette preuve ne lierait
vraisemblablement pas l'enquêteur qui pourrait, dès lors, la
compléter ou la parfaire sans être assujetti aux règles du
débat contradictoire. Pourtant, cet enquêteur pourrait être
appelé à
apprécier l'exactitude de la décision du tribunal à
partir d'une preuve qui n'a pas subi le test de l'audition publique, ce qui
contreviendrait aux dispositions de l'article 23 de la Charte
québécoise.
Nous soumettons que, dans l'une ou l'autre des hypothèses,
l'intervention du Protecteur du citoyen modifierait les règles du jeu.
En se prononçant sur un dossier différent de celui monté
devant le tribunal, le Protecteur du citoyen pourrait arriver à des
recommandations de nature à provoquer l'insécurité
juridique et, à moyen terme, à saper l'autorité morale du
tribunal auprès de sa clientèle. C'est donc le risque de
compromettre la crédibilité du tribunal que comporterait l'octroi
au Protecteur du citoyen de la compétence nécessaire pour juger
le mérite de la décision du tribunal sur la base d'un autre
dossier que celui constitué devant lui.
Et, finalement, le dernier problème que nous anticipons pour le
cas où cette commission recommanderait l'élargissement de la
compétence du Protecteur du citoyen au mérite des
décisions des tribunaux administratifs, il s'agit de la modification des
critères décisionnels.
Les tribunaux administratifs sont liés par la règle de
droit et notamment par les dispositions de leur loi constitutive. En outre,
très souvent, les décisions qu'ils rendent dans des cas
d'espèce ont un effet normatif sur l'administration. Cette perspective
est d'ailleurs encore plus présente lorsqu'on pense aux tribunaux qui,
en plus d'exercer leurs fonctions juridictionnelles, sont habilités
à établir des politiques ou à faire de la
régulation économique ou sociale. Cette problématique se
reflète évidemment dans la décision du tribunal dont le
mérite ne peut être questionné en faisant abstraction de la
règle de droit, des règles de l'art applicables dans le domaine
d'intervention du tribunal et du contexte plus large dans lequel le tribunal
peut-être appelé à intervenir.
Or, l'article 13 de la Loi sur le Protecteur du citoyen i'autorise
à intervenir, et je cite. "chaque fois qui! a des motifs raisonnables de
croire qu'une personne ou un groupe de personnes a été
lésé ou peut vraisemblablement l'être". Si le
législateur québécois devait opter pour
l'élargissement de la compétence du Protecteur du citoyen au
mérite des décisions des tribunaux administratifs, le
critère d'intervention du Protecteur du citoyen serait donc celui de la
lésion. Comme c'est là un critère dont ne tiennent
généralement pas compte les tribunaux, il faudrait anticiper
l'occurrence de divergences entre le tribunal et le Protecteur, chacun pouvant
trouver correct ou incorrect le mérite de la décision en fonction
de ses propres critères décisionnels.
Nous estimons que ce genre de conflit d'interprétation serait de
nature à discréditer non seulement le tribunal administratif,
mais aussi le Protecteur lui-même. Ce serait là, à notre
avis, risquer de compromettre la confiance que doit pouvoir mettre le public
dans ses institutions.
Ce qui me permet d'enchaîner avec notre conclusion. Nous sommes
d'avis et nous soumettons aux membres de cette commission que
l'élargissement de la compétence du Protecteur du citoyen au
mérite des décisions des tribunaux administratifs pourrait
engendrer beaucoup plus de problèmes qu'il n'apporterait de
solutions.
Bien que la situation que l'on semble vouloir corriger par cette
proposition n'ait pas été expliquée dans le document de
consultation, nous ne nions pas l'existence de certains problèmes en
matière de justice administrative. Mais nous estimons que ces
problèmes devraient trouver solution à l'intérieur du
système de justice administrative plutôt que par l'intervention
d'un second contrôleur externe. Au contrôle de l'exactitude de la
décision qu'exercent actuellement les tribunaux judiciaires s'ajouterait
en effet le nouveau contrôle d'opportunité dont serait investi le
Protecteur du citoyen.
Si c'est le fait qu'un administré puisse se faire opposer une
mauvaise décision d'un tribunal administratif qui heurte, on pourrait
plutôt songer à généraliser l'attribution à
l'ensemble des tribunaux administratifs d'un pouvoir de révision pour
cause à l'égard des décisions rendues. Si c'est la
consistance décisionnelle des tribunaux qui pose problème, on
pourrait choisir d'élargir le champ d'application du pouvoir de
révision pour cause aux cas d'incohérences manifestes.
Le cas échéant, l'attribution d'un pouvoir de
révision pour cause élargi pourrait aussi permettre de modifier
des politiques institutionnelles tout en évitant les écueils de
la nature de ceux qui furent à l'origine de l'affaire Consolidated
Bathurst, un arrêt rendu par la Cour suprême en 1990 et qui a fait
un malheur dans notre milieu.
Mais si ce sont des problèmes administratifs ou de délais
que l'on a à l'esprit, avec la proposition incluse dans le document de
consultation, il faudra se souvenir qu'il s'agit de questions sur lesquelles le
Protecteur du citoyen a déjà compétence et qui n'appellent
pas de modifications législatives. Le Protecteur du citoyen a, en effet,
juridiction sur les actes et les omissions d'un tribunal administratif
dès que, dans le contexte dans lequel cet acte a été
posé ou cette omission constatée, le tribunal ou son membre
n'était pas tenu d'agir judiciairement. (15 h 45)
Le Conseil désire enfin rappeler aux membres de la commission des
institutions que la communauté quasi judiciaire attend avec le plus
grand intérêt le dépôt d'un projet de loi portant sur
la réforme de la justice administrative, dont le ministre de la Justice
a indiqué vouloir saisir l'Assemblée nationale à court
terme. Nous nous
attendons à ce que le projet de loi propose certains
mécanismes d'encadrement des tribunaux administratifs et qu'il
précise la nature des relations que les tribunaux doivent entretenir
avec les autres institutions de l'État, qu'il s'agisse de
l'Assemblée nationale, du gouvernement, des cours de justice ou du
Protecteur du citoyen. Dans ce contexte, il nous apparaîtrait
prématuré de modifier le statu quo sur la question faisant
l'objet de ce mémoire, le rôle du Protecteur du citoyen à
l'égard des tribunaux administratifs ne pouvant être
redéfini en marge de la réforme globale, déjà
annoncée, de l'ensemble du réseau des tribunaux administratifs
québécois.
En terminant, le Conseil des tribunaux administratifs canadiens tient
à remercier les membres de cette commission pour leur invitation et pour
leur accueil et tient aussi à les assurer de sa collaboration dans la
poursuite de leurs objectifs. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Gosselin,
pour votre exposé. Personnellement, j'aurais deux questions à
vous poser et, ensuite de ça, je céderai la parole à M. le
député de Rouyn-Noranda-Témlscamingue.
La Chambre des notaires est venue ce matin devant nous pour nous
présenter un mémoire. Je vais vous lire un petit
résumé, à la page 13 du mémoire de la Chambre des
notaires, qui nous disait ceci: Les tribunaux administratifs d'adjudication
"n'exercent pas le pouvoir judiciaire de l'État. Leurs membres ne sont
pas des juges mais des agents publics, assujettis cependant au devoir d'agir
judiciairement. Leurs décisions ne sont pas sur un pied
d'égalité avec les jugements exécutoires des cours de
justice. Constitutionnel-lement, ils sont des mandataires de l'Assemblée
nationale, chargés de réviser les décisions initiales
rendues par des fonctionnaires. C'est donc se tromper lourdement que de vouloir
considérer les membres de ces organismes comme des juges et de brandir
ta doctrine constitutionnelle de l'indépendance judiciaire dans le but
de soustraire leurs déterminations à l'examen du Protecteur du
citoyen."
J'aimerais avoir une réaction de vous concernant le
mémoire de la Chambre des notaires.
M. Gosselin: Je suis totalement d'accord avec toutes les
prémisses. Je trouve que la conclusion ne s'infère pas des
prémisses. C'est vrai que les tribunaux administratifs sont des agents
de la Législature. C'est une théorie développée par
le professeur Ouellette de l'Université de Montréal, qui prend
assise dans la jurisprudence récente et la communauté quasi
judiciaire qui travaille depuis fort longtemps au développement de ce
qu'on appelle dans notre milieu la culture quasi judiciaire, tente
précisément de se démarquer du modèle
judiciaire.
Nous ne prétendons pas être des juges de l'ordre
judiciaire. Nous ne prétendons pas exercer le pouvoir judiciaire de
l'État. Nous savons que nous posons des gestes d'autorité et que
nous ne posons pas des gestes de souveraineté comme les juges
judiciaires.
Toutes ces prémisses ne posent aucun problème. Non
seulement nous y souscrivons, mais nous tentons de développer le
réseau des tribunaux administratifs d'une façon totalement
différente de ce qu'est la culture judiciaire par, notamment, la
multidisciplinarité, la spécialisation, la souplesse de la
procédure, l'accessibilité, la possibilité que les
contribuables ont de plaider leurs dossiers devant les tribunaux administratifs
sans faire appel à des avocats, etc.
Je ne pense pas, cependant, qu'on puisse tirer des prémisses que
la Chambre des notaires vous a exposées la conclusion que le Protecteur
du citoyen devrait contrôler les tribunaux administratifs. Notre propos
ou la raison pour laquelle, finalement, on vous suggère de ne pas
modifier le statu quo, ce n'est pas sous le couvert de l'indépendance ou
parce qu'on voudrait se donner un statut constitutionnel que nous n'avons pas
et que nous reconnaissons ne pas avoir. C'est tout simplement parce que, quand
vous avez, vous, les législateurs, créé des tribunaux
administratifs, vous avez fait du sur mesure. Dans chaque cas, vous avez
indiqué, en découpant votre tribunal administratif, le
degré d'autonomie que vous souhaitiez. Dans des cas comme, par exemple,
celui au sein duquel j'agis - ça s'appelle le Bureau de révision
de l'évaluation foncière - il y a un droit d'appel automatique de
toutes les décisions que je rends à la Cour du Québec, et
de là à la Cour d'appel, et de là à la Cour
suprême.
Dans le cas du tribunal dans lequel j'agis, vous avez voulu que je sois
imputable dans toutes mes décisions au réseau des cours de
justice. Dans le cas du tribunal auquel siège mon collègue
Demers, c'est autre chose. Alors, vous avez littéralement
découpé, vous avez fait du sur mesure quand vous avez
créé vos tribunaux administratifs et ce qu'on pense, c'est que
vous avez, à ce moment-là, choisi le niveau
d'im-putabilité que vous vouliez à l'égard de vos
tribunaux administratifs.
Dans mon cas, je sais que je suis imputable à un juge sur le
mérite de mes décisions. On s'entend bien. C'est sur ça
que notre mémoire porte, sur le mérite de mes décisions.
Par votre volonté, je suis imputable de toutes mes décisions,
sans exception, à la Cour du Québec, aux juges de la Cour du
Québec. Sur les questions de procédure ou de "fairness", je suis
imputable de mes décisions à la Cour supérieure par le
biais du contrôle judiciaire. Dans d'autres tribunaux administratifs,
vous avez voulu que cette im-putabilité-là se fasse au niveau,
par exemple, partiellement, du Conseil des ministres. Je vous donne l'exemple
de la Régie des marchés agrico-
les. Il y a une possibilité d'appel de certaines décisions
de la Régie des marchés agricoles du Québec, au Conseil
des ministres.
Et, tribunal par tribunal, vous avez choisi le mode
d'imputabilité que vous vouliez pour ce tribunal-là. Alors, c'est
au nom de ce principe-là qu'on se permet de vous soumettre qu'il n'est
pas opportun d'ajouter de façon indistincte, pardessus tout ce que vous
avez souhaité faire sur mesure, une règle générale
qui ne tient pas compte de chacun des cas d'espèce. Il y a des domaines
où il pourrait être possible, effectivement, et peut-être
même souhaitable, que le Protecteur du citoyen ait une certaine
juridiction. Et ce qu'on vous dit dans le mémoire, c'est qu'à
notre humble avis il serait préférable de procéder
à une extension de juridiction dans ce cas d'espèce-là, si
c'est vraiment votre volonté, plutôt que de procéder
à l'introduction d'un droit général d'appel qui va causer
plus de problèmes que ça ne va en régler. C'est contre
ça qu'on vous met en garde.
On n'a aucune velléité de vouloir se donner, je dirais, de
se mettre un piédestal, de vouloir se couper de tout mécanisme
d'imputabilité. Ce qu'on vous dit simplement, c'est qu'on pense que les
mécanismes d'imputabilité actuels sont adéquats. Ils nous
permettent de bien fonctionner, en fonction de notre culture qui est
différente de celle des cours de justice, en fonction de nos
priorités, en fonction des lois que vous nous avez données. Et on
pense que ça fonctionne relativement bien comme ça. Et on pense
que si, par-dessus ça, vous ajoutez un deuxième contrôleur,
un contrôleur qui s'appellerait le Protecteur du citoyen et qui
s'ajouterait au contrôleur judiciaire, là, vous multipliez les
possibilités de délais et vous rendez la machine beaucoup plus
complexe, à notre humble avis.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, j'aurais une
dernière question, en ce qui me concerne. L'ombudsman de l'Ontario, Mme
Jamieson, a fait parvenir... Je crois que c'est à votre Conseil,
d'ailleurs, quelle date était-ce, à ce moment-là...
M. Gosselin: Probablement en mai 1990.
Le Président (M. Dauphin): À la conférence,
justement. Je regardais certaines statistiques où on disait que, sur les
3819 cas traités, 410 impliquaient des tribunaux, c'est-à-dire 11
%. Et seulement 7 cas ont reçu un suivi; et dans chacun de ces 7 cas, la
recommandation de l'ombudsman a été acceptée. Ce qui me
fait dire que, finalement, ce n'est pas un gros bouleversement en ce sens que,
si on donne la possibilité pour le Protecteur du citoyen de toucher aux
tribunaux administratifs, la statistique n'est pas forte. C'est ce que je veux
dire. C'est que ça ne bouleverse pas tout le système juridique.
Ça ne bouleverserait pas nécessairement tout le système
juridique québécois, si je me fie à l'expérience
ontarienne, avec les tribunaux administratifs.
M. Gosselin: II y a quelque chose de bien important. C'est que
les tribunaux administratifs ontariens ne sont pas opposés, comme les
tribunaux administratifs québécois; il y a des
différences. Je vais demander à Mme Priest, si vous permettez, M.
le Président, de répondre à votre question.
Mme Priest (Margot): Merci. At the moment, as you know, the
Ontario Ombudsman has the power to review the merits of decisions of Ontario
Administrative tribunals. She also, of course, has the power to examine issues
relating to procedure, administrative matters, delays, rudeness, things of that
nature as well.
I would also like to add, before I continue, that I am not speaking for
the Government of Ontario, here. I am speaking for myself and as a member of
the Council of Administrative tribunals bureau. I do not represent a government
position at all.
I think you would find that only a very small number of the Ombudsman's
concerns have been with the merits of decisions as opposed to many of the other
matters that she might get complaints about relating to government agencies of
any sort. But, I think there is a general feeling that there have been some
misunderstandings about the roles of tribunals. There have been situations, for
example, where a tribunal has been complying with the very strict language of a
court decision, that said very precisely it could only do one thing and the
Ombudsman's reply was that the Court's decision was unreasonable.
Now, it may or may not have been. But if you are a tribunal, you are in
a rather limited position at that point, in terms of your field of action. I
think many of us, in tribunal in Ontario, would certainly hope that the new
government would introduce a bill similar to Bill 80 and that was, I believe,
responded to fairly enthusiastically by the Chairs of the various tribunals.
The number of occasions when the merits of a decision have been examined have
been fairly small, but I think we have found a distinct lack of sympathy for
what happens.
Also, I think, in many ways, when the Ombudsman examines matters, the
situation becomes less fair. When I make a decision... We have received an
application; it is part of the public record, public notices in newspapers, a
public hearing, sworn witnesses, a court reporter, the whole area of fairness,
openness, fairly lengthy reasons.
When the Ombudsman examines something, the evidence is not subject to
cross-examination. It is not subject to any openness at all. There is no
requirement that a wide range of people be listened to. There is no requirement
that dif-
ferent sides be listened to. That weighing of the situation, the
establishment of the record that underlies all the decisions of administrative
tribunals is not true in an ombudsman investigation. So, I think you may end up
with the anomaly of a situation that may be less fair in dealing with whatever
the complaint or situation is to all the parties, because only in some cases,
it may involve a large number of parties. Some of them might not be in front of
you because as a tribunal, you might be required to consider such things as
public necessity and convenience or the public interest, and you are weighing a
large number of items. Thank you.
Le Président (M. Dauphin): Thank you very much. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. On remercie nous aussi,
la conférence des membres des tribunaux administratifs de nous avoir
présenté son point de vue qui est extrêmement bien
documenté et nous donne de bons points de repère quant aux
éléments de décision que nous aurons à prendre en
termes de recommandations, s'il devait y avoir des modifications, entre autres
- le contraire serait surprenant - eu égard à
l'élargissement du champ de compétence du Protecteur du citoyen
sur l'étude des mérites des décisions des tribunaux quasi
judiciaires. Vous reconnaissez cependant, dans votre présentation, qu'il
existe ou qu'il demeure un bon nombre de problèmes autour de
l'existence, et de l'exercice, dans les différents champs des tribunaux
quasi judiciaires, à ce point que vous dites: Quant à nous, ce
n'est pas en créant en quelque sorte un nouveau niveau -
j'interprète, je pense, un peu votre écriture - d'intervention
qui serait le Protecteur du citoyen pour remédier à ces maux. Ce
serait encore pire. Nous, on pense que ce serait d'abord par la création
d'un conseil de la justice administrative que nous pourrions en arriver
à régler ces problèmes-là.
Le conseil de la justice administrative demeure, pour le moment, une
recommandation ou une réclamation de votre regroupement et je dirais, au
mieux, du côté du gouvernement, du côté du ministre,
une intention manifestée de regarder ça. Je n'irai pas diable
plus loin que ça parce que je ne pense pas qu'on puisse retrouver de
""commitment" clair sur les intentions d'agir du ministre. Alors, est-ce que
vous pensez que nous pourrions, comme commission, à défaut de la
création de ce conseil de la justice administrative, dire aux
législateurs: À défaut d'encadrement plus correct, entre
guillemets, par un conseil de la justice administrative, oui, il vous faudra,
par défaut en quelque sorte, regarder l'extension du mandat du
Protecteur du citoyen à l'égard des tribunaux administratifs? (16
heures)
M. Gosselin: Si vous voulez ma réponse franche et directe,
je pense que le pouvoir d'intervention du Protecteur du citoyen, s'il
était élargi dans le sens indiqué par le document de
consultation, ne réglerait pas les problèmes que pourrait
régler une réforme globale de la justice administrative au
Québec. À mon humble avis, les problèmes que le
réseau des tribunaux administratifs québécois
connaît sont bien connus, bien identifiés; ce sont des
problèmes qu'on a demandé - quand je dis "on", je
généralise un petit peu - de corriger depuis 1965. Le premier
à avoir réclamé une réforme des tribunaux
administratifs au Québec est M. Beetz qui était, à ce
moment-là, professeur de droit à l'Université de
Montréal, qui est devenu juge à la Cour suprême du Canada
par la suite, qui est maintenant à sa retraite. Alors, M. Beetz a eu le
temps d'écrire et sa documentation a eu le temps de circuler pendant 25
ans. On est toujours au même point. Je ne pense pas que ces
problèmes-là pourraient être corrigés par
l'élargissement du pouvoir du Protecteur du citoyen.
Je crois très sincèrement que les problèmes que
connaît le réseau des tribunaux administratifs
québécois sont beaucoup plus susceptibles de trouver leur
solution à l'interne, par l'introduction de mécanismes qui
n'existent pas actuellement. Et si je me permettais de faire un voeu à
cette commission, qui est quand même la commission des institutions de
l'Assemblée nationale du Québec... Et, là, je
perçois la commission des institutions comme étant le lieu
où les élus du peuple s'interrogent sur la façon dont les
institutions de l'État doivent fonctionner, etc. Je pense effectivement
que les tribunaux administratifs sont des institutions de l'État, des
institutions importantes de l'État. Comme vous le savez, le
réseau des tribunaux administratifs entend, au Québec, plus de
500 000 causes contestées par année, en incluant le réseau
des accidents de travail, la Régie du logement et les affaires sociales.
C'est vraiment un réseau dans lequel des centaines et des centaines de
milliers de Québécois transitent chaque année.
Je pense que si j'avais un voeu à formuler et si j'osais formuler
un voeu, ce serait que la commission des institutions s'intéresse
à la situation des tribunaux administratifs comme institution, comme
partenaire dans la gestion des affaires de l'État, et qu'elle aide ceux
qui veulent procéder à une réforme de la justice
administrative au Québec à mener ce genre de réforme
là à terme. Et je pense que ça servirait beaucoup mieux
les intérêts des justiciables que de s'orienter vers la
création d'un deuxième contrôleur externe. Il y a
déjà un système d'imputabilité, il y a
déjà un système de contrôle, et je pense que ce
système-là fonctionne bien; ce n'est pas à ce
niveau-là que sont les problèmes. Les problèmes sont
à un autre niveau et ils sont connus, ils sont identifiés. Tout
ce que ça prend, finalement, c'est une volonté de prendre le
taureau par les cornes et puis de les
régler, ces problèmes-là.
Mais très honnêtement et très candidement, je vous
dirai que j'ai la conviction intime que si la juridiction du Protecteur du
citoyen était élargie aux tribunaux administratifs, ça
empirerait la situation des tribunaux administratifs, ça augmenterait
les problèmes de délais, ça augmenterait la confusion,
ça minerait la crédibilité des tribunaux
administratifs.
Et encore là, je ne vous dis pas ça parce que la
communauté quasi judiciaire refuse d'être imputable; nous sommes
déjà imputables. Nous sommes imputables sur le mérite de
nos décisions; nous sommes imputables au système des cours de
justice par voie d'appel ou d'évocation, comme nous le disions dans
notre mémoire; nous sommes plus personnellement imputables, si je peux
m'exprimer ainsi, à la direction de nos tribunaux et, certains le
disent, au gouvernement, en raison du fait que nos mandats sont de durée
déterminée; nous n'avons pas de permanence dans la fonction
d'adjudication alors notre imputabilité est déjà
relativement considérable. On ne refuse pas d'être imputables, pas
du tout.
La raison pour laquelle on vous fait ce genre de recommandation
là, aujourd'hui, c'est qu'on pense que, pour les justiciables qui
comparaissent devant les tribunaux administratifs, ce ne serait pas la
meilleure façon de régler les problèmes réels
auxquels ils sont confrontés parce que, de fait... Écoutez, en
pratique le Protecteur du citoyen ne pourrait pas refaire les causes, ne
pourrait pas remonter les dossiers, ne pourrait pas vraiment utilement en
arriver à une décision sur le mérite des décisions
sans s'équiper comme le sont les tribunaux administratifs. Alors, je
pense que c'est deux ordres de problèmes, et je pense qu'au
problème que vous avez posé dans le document de consultation la
réponse la plus correcte qu'on peut apporter est la recommandation qu'on
vous fait. Quant aux autres ordres de problèmes - qu'on ne nie pas - je
pense qu'ils devraient trouver leur solution à l'intérieur du
réseau. Je ne sais pas si ça répond correctement à
la question.
M. Trudel: Très bien, y compris l'invitation que vous nous
faites, qui est parfaitement "congruente" avec, je dirais, vos
réclamations. Mais si j'étais capable de trouver un autre
mot...
M. Gosselin: Non, ce n'est pas une réclamation.
M. Trudel: C'est une constatation. M. Gosselin: C'est une
observation. M. Trudel: Oui
M. Gosselin: Parce que, écoutez, c'est un secret de
Polichinelle. Le gouvernement du Québec a reçu trois rapports sur
la situation des tribunaux administratifs: un en 1971, un en 1983 et un en
1987. Tout le monde les connaît, les problèmes du réseau.
Évidemment, il serait tout à fait inapproprié,
j'ajouterais même indécent, pour nous, de nier l'existence de
problèmes. Les problèmes sont connus. Mais ces
problèmes-là ne se régleront pas par l'intervention du
Protecteur du citoyen, je suis convaincu de ça.
M. Trudel: Je fais juste un commentaire ou je
répète, en tout cas pour ma part, ma satisfaction quant à
votre réponse là-dessus. C'est très clair. Et je verrais
mal que la commission des institutions, quand elle examinera cette partie du
mandat qu'elle s'était donné, n'évoque pas, par ailleurs,
la partie de réponse que vous nous faites ici: que c'est relativement
connu, qu'il a été répété ici qu'il y a un
certain nombre de situations problématiques au niveau de la justice
administrative, et par ailleurs, si on ne retenait pas l'appel au Protecteur du
citoyen sur l'étude des décisions, inviter à y aller pour
les correctifs nécessaires quant à la situation actuelle des
tribunaux administratifs.
Une question supplémentaire. Donc, sur le fond, on comprend la
position, on la reçoit, elle est très claire. Sur la
procédure, est-ce que vous avez le même jugement? Et je fais une
autre parenthèse pour vous remercier, en quelque sorte, de bien
établir que le Protecteur du citoyen, au Québec, n'a jamais eu...
Vous l'avez dit dans votre intervention de départ. II y a eu plusieurs
affirmations, ici, devant cette commission, de personnes ou de groupes qui ont
dit: À une certaine époque, le Protecteur du citoyen avait
juridiction pour étudier, pour analyser le mérite des
décisions des tribunaux administratifs, ce qui n'a jamais
été le cas. C'est sur la procédure des tribunaux
administratifs que le Protecteur du citoyen a déjà eu
juridiction. Alors, est-ce que votre observation de ne pas étendre le
mandat à l'étude du mérite des décisions des
tribunaux administratifs, ça vaut aussi pour la procédure?
M. Gosselin: Ça vaut pour la procédure, et je vais
vous expliquer pourquoi. Je dois vous dire que c'est une excellente question
que vous nous posez parce que c'est précisément sur cette
question-là qu'a surtout porté notre réflexion. Ça
nous posait un problème particulièrement aigu. Le problème
qu'on a c'est que, sous la rubrique "procédure", se cachent un paquet de
préoccupations ou plusieurs ordres de problèmes. Par exemple,
pendant une audition, si le membre qui préside le tribunal administratif
décide de refuser à une partie le droit de présenter une
contre-preuve ou limite le droit au contre-interrogatoire d'un témoin,
il rend une décision de procédure. Évidemment, quand il
rend ce genre de décision là, le membre d'un tribunal
administratif est guidé par les règles de justice naturelle. II
ne sort pas ça de sa tête, là.
La Cour suprême a établi les critères de ce
qu'était le droit à une audition publique impartiale par un
tribunal indépendant. La Cour suprême a indiqué que les
tribunaux administratifs étaient maîtres de leur procédure.
La procédure commence par l'acte introductif d'instance, le
dépôt d'une plainte ou le dépôt d'un recours
quelconque, d'un formulaire quel-conqu-a ou d'une demande de révision
quelconque et se termine par la décision. À l'intérieur de
ce processus-là, à partir du moment où la plainte est
déposée jusqu'au moment où la décision est rendue,
le membre est appelé à prendre plusieurs décisions dites
de procédure et ces décisions-là sont fonction de
règles du jeu tout à fait particulières qui sont, je
dirais, balisées par la jurisprudence, dans lesquelles sa marge de
manoeuvre est, somme toute, relativement mince.
Alors, imaginez-vous si, par exemple, en cours d'interrogatoire ou de
contre-interrogatoire, un membre d'un tribunal maintient une objection à
la preuve, limite un contre-interrogatoire, refuse une contre-preuve,
imaginez-vous la situation que ça créerait si le Protecteur du
citoyen avait juridiction pour réviser ou pour intervenir sur cette
décision-là. Vous auriez une demande de suspension d'audience.
Vous auriez une demande de référer, donc, au Protecteur du
citoyen. Le Protecteur du citoyen entre dans le dossier, veut savoir quelle est
la petite histoire du dossier. Il va se demander: Est-ce que c'est raisonnable
ou c'est déraisonnable? En fait, son critère d'intervention, ce
ne sont pas les règles de justice fondamentale, c'est la lésion.
Il va se demander: Est-ce que monsieur est lésé? Est-ce que le
tribunal le lèse en l'empêchant de continuer son
contre-interrogatoire ou est-ce que le tribunal le lèse en
l'empêchant de faire une contre-preuve ou est-ce que le tribunal le
lèse en lui demandant d'accélérer le rythme d'audition de
ses témoins?
Alors, le Protecteur du citoyen, intervenant dans le dossier à
partir de ses propres critères d'appréciation, va vouloir
connaître la petite histoire du dossier et ça ne peut pas faire
autrement que de changer complètement les règles du jeu. Les
parties qui vont vouloir aller chercher des délais vont avoir beau jeu
de jouer ce genre de recours là, ne serait-ce qu'à des fins
dilatoires. Le membre du tribunal ne saura pas de quelle façon il va
pouvoir présider à son audition de façon, je dirais,
correcte sans porter atteinte aux droits des parties. Ça va
complètement changer la dynamique de l'audition et ça aussi,
c'est contrôlable judiciairement.
La procédure est contrôlable judiciairement par le biais du
recours en évocation. Il y a donc moyen de faire réviser par les
cours de justice les décisions de procédure. Dans certains cas,
vous avez voulu que les tribunaux administratifs aient un pouvoir de
révision interne. Là où les preuves sont limitées
ou là où on découvre de nouvelles preuves après que
la décision est rendue, dans certains cas, il existe des
possibilités pour le contribuable de demander au tribunal de
reconsidérer sa décision.
Nous préférerions que vous fassiez du cas par cas, si vous
avez ce genre de problème là en tête. On
apprécierait davantage que vous vous intéressiez a un tribunal
particulier, que vous élargissiez son pouvoir de reconsidération
pour cause si vous voulez que des questions de procédure, par exemple,
puissent être reconsidérées par le tribunal. On pense que
c'est le genre d'approche que la commission aurait à privilégier
plutôt que de, systématiquement, accorder à tout le monde
dans le réseau, indistinctement, sans analyse de cas d'espèce, ce
droit d'appel automatique; parce que, finalement, c'est de ça qu'il
s'agit. Un droit d'appel automatique de toutes les décisions rendues par
les tribunaux administratifs. Et, si on parle de décisions de
procédure, Dieu sait si, dans le cours d'une audience, il y a un nombre
considérable de décisions de procédure rendues. Chaque
fois qu'un avocat fait une objection, chaque fois qu'un corps public fait une
objection, il y a une décision de procédure rendue.
Alors, après s'être interrogés vraiment sur ce que
ça aurait comme conséquences, l'élargissement du mandat du
Protecteur du citoyen à la procédure des tribunaux
administratifs, on a convenu que c'est aussi un domaine dans lequel il serait
préférable que les solutions viennent de l'intérieur du
réseau plutôt que par l'introduction d'un second contrôleur
externe.
Mme Priest, si vous le permettez, aimerait compléter ma
réponse, avec la permission de M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): II ne reste pas beaucoup de
temps. Je pense que le temps est presque écoulé mais je ne sais
pas si vous avez un autre commentaire. Allez-y, Mme Priest. Go ahead.
Mme Priest: Merci. I would simply make a distinction myself
between procedures as they happen in a hearing in that sort of traditional
sense of procedures, and procedures in the sense that we are also offices,
"bureaux du gouvernement". There are many things that happen that may reflect
on our decisions, may reflect on our process, but that are more in terms of
what we might call how we do business with the public. In that sense, I
personally do not have an objection in terms of, if people are not treated
fairly, if there are questions of delays, if there are questions in access to
documents, sort of what you might call the procedures of how we, as a business
organization, treat things as opposed to procedures within a judicial hearing
when we are on the bench.
I would distinguish in one case, I think, if things are being done
badly, the Ombudsman is a perfectly reasonable place to go and complain.
But that, I might add, is my personal view. Le Président (M.
Kehoe): Thank you
M. Gosselin: Si vous me permettez juste de compléter; je
crois que la situation actuelle, la législation actuelle permet - selon
l'interprétation qu'on en fait - au Protecteur d'intervenir sur les
questions dont Mme Priest vient précisément de parler: les
questions de procédure reliées à la gestion du tribunal,
à la gestion des dossiers, à la durée des auditions et aux
délais. Le libellé actuel de l'article nous semble donner
ouverture à l'intervention du Protecteur puisque ce qui n'est pas
protégé ou ce qui est exclu en vertu de l'article 18. paragraphe
3, ce n'est que l'acte ou l'omission de l'organisme lorsque cet organisme
était tenu d'agir judiciairement, donc à l'intérieur du
processus d'adjudication.
Le Président (M. Kehoe): M. le député,
avez-vous une autre.. Très courte.
M. Trudel: Là, je vais laisser la chance un peu aux autres
parce que..
Le Président (M. Kehoe): Non, mais je pense qu'on va
terminer avec vous, si vous en avez une autre..
M. Trudel: Ah! Très bien, oui.
Le Président (M. Kehoe):... et une réponse assez
courte, parce que le temps est déjà écoulé.
M. Gosselin: On est à votre disposition.
M. Trudel: Toute expérience faite, lorsque le Protecteur
du citoyen avait juridiction, entre guillemets, sur la procédure des
tribunaux administratifs, ça n'a pas été l'enfer? Non?
Ça n'a pas été terrible pour les tribunaux administratifs,
selon votre expérience, selon votre analyse?
M. Gosselin: II y a eu, à ma connaissance personnelle, des
problèmes d'interprétation, à savoir si des questions sur
lesquelles le Protecteur désirait intervenir étaient ou
n'étaient pas des questions de procédure. Je sais que lorsqu'il
s'est agi, par exemple, de délais d'audition, les délais qu'un
contribuable doit subir avant que la cause soit convoquée, ça a
toujours été interprété, selon la connaissance que
j'en ai, là, et sauf erreur, comme des questions sur lesquelles le
Protecteur avait juridiction. Et les tribunaux, selon la connaissance que j'en
ai - et j'ai été témoin de certaines interventions du
Protecteur - ont toujours collaboré parce que les tribunaux ont dit:
Ça entre dans le champ de juridiction du Protecteur. Là où
c'est plus "touchy", c'est lorsqu'on parle de procédure dans le cadre du
processus d'adjudication. C'est ça.
M. Trudel:... comme Mme Priest. M. Gosselin: C'est
ça
Le Président (M. Kehoe): Sur ce, je dois vous remercier M.
Gosselin, Mme Priest, M. Demers, les représentants du Conseil des
tribunaux administratifs canadiens pour votre exposé et les
réponses à nos questions. Malheureuse ment, le temps est
limité. On aurait discuté bien longtemps de chacune des questions
que vous posez mais, malheureusement, le temps n'est pas là. Merci
beaucoup et bon retour de voyage. Je demande à la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec de prendre place et pour ce faire, nous allons suspendre quelques
minutes.
M. Gosselin: Merci beaucoup. (Suspension de la séance
à 16 h 17)
(Reprise à 16 h 20)
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec
Le Président (M. Williams): Bienvenue à la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec. M. Beaudoin, vous avez une heure pour la discussion et vous avez
quinze minutes pour la présentation. Après ça nous allons
avoir un échange des deux côtés. Mais avant de commencer,
est-ce que vous voudriez vous présenter vous-même et nous
présenter votre collègue, s'il vous plaît?
M. Beaudoin (Roger): Oui, bien sûr, merci, M. le
Président. Bonjour, messieurs, mesdames, membres de la commission des
institutions. Alors, à ma droite, Mme Lucie Dupré. intervenante
du groupe Auto-Psy, région de Québec, qui est un organisme membre
de notre fédération et moi Roger Beaudoin, qui suis coordonnateur
du comité santé ci services professionnels de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec.
Alors, on prend environ 13 ou 14 minutes. Je vais céder la parole
à Mme Dupuis, dans un premier temps. Je dois dire tout de suite que je
crois que Mme Giguère a dû vous distribuer deux pages
supplémentaires au mémoire, qui apportent certaines
précisions et qui touchent. entre autres, les questions
d'Hydro-Québec qu'on n'avait pas abordées dans notre
mémoire. Je cède la parole à Mme Dupré pour
commencer
Le Président (M. Williams): Merci, nous avons reçu
les deux documents que vous avez mentionnés.
Mme Dupré (Lucie): La Fédération
nationale
des associations de consommateurs du Québec est une
fédération d'organismes voués à la défense
et à la promotion des intérêts des consommateurs et des
consommatrices, qui a été fondée en 1978.
Aujourd'hui, la Fédération compte neuf organismes membres,
ce qui l'amène à se prononcer sur différents sujets tels
que: la santé et les services professionnels, l'agro-alimentation, la
téléphonie, l'électricité, l'endettement, le
crédit, etc.
Le comité santé de la FNACQ est formé de
consommateurs et de consommatrices bénévoles soucieux de
s'impliquer pour améliorer la qualité des services dans le
secteur de la santé, appuyant leur permanence sur une personne de l'ACEF
de Québec et une personne d'Auto-Psy.
La FNACQ tient à remercier tout spécialement Mme Patricia
Bisson pour son courage et sa ténacité pour défendre ses
droits et ceux de sa famille à des services de santé de
qualité et pour avoir, à son corps défendant, aidé
à démontrer les problèmes et les insuffisances des recours
des usagers en cas des services de mauvaise qualité.
Si la question des recours est abordée aujourd'hui et fait partie
de l'agenda gouvernemental, en particulier la question des recours contre les
professionnels, c'est en grande partie grâce à Mme Bisson. Alors,
nous la remercions au nom des consommateurs et des consommatrices.
En avant-propos à notre mémoire, nous tenons à
préciser l'emploi du terme "usager" ou "usagère". En effet,
depuis quelques années, on désigne les personnes qui utilisent
les services de santé et les services sociaux comme étant des
bénéficiaires. Pourtant, on reconnaît de plus en plus que
cette appellation comporte des connotations péjoratives et dégage
une impression de passivité au regard des services reçus,
particulièrement dans le domaine de la santé mentale.
Dans le contexte actuel de réinsertion sociale, la
désignation "bénéficiaire" est stigmatisante et peu
normalisante parce qu'un usager des services de santé et des services
sociaux ne bénéficie pas d'un service, mais il utilise un service
sur une base volontaire et en connaissance de cause. C'est pourquoi nous
proposons que l'emploi du terme "usager" soit généralisé
à l'ensemble des services de santé et des services sociaux. On a
présenté cette recommandation dans notre mémoire sur
lavant-projet de loi sur la santé et les services sociaux et nous avons
remarqué que, devant la même commission parlementaire, le
Protecteur du citoyen demandait, lui également, l'emploi du terme
"usager" ou "usagère" en remplacement du terme
"bénéficiaire".
La Fédération nationale des associations de consommateurs
du Québec est d'accord avec l'élargissement de la juridiction du
Protecteur du citoyen dans le réseau de la santé et des services
sociaux. Mais nous pensons également qu'il faut développer le
réseau des organismes communautaires de promotion et de défense
des droits dans ce domaine, comme c'est d'ailleurs le cas actuellement dans le
secteur de la santé mentale.
Pour une plus grande efficacité de l'utilisation des recours dans
le domaine de la santé et des services sociaux, nous comptons sur la
complémentarité du Protecteur du citoyen et des groupes de base.
C'est donc un système complémentaire de protection des
intérêts et de défense des droits que nous proposons. Le
Protecteur du citoyen ne devrait pas être la seule instance de recours
des usagers et usagères et les organismes de défense de droits et
d'aide d'accompagnement devraient également être reconnus.
Pour la FNACQ, cette complémentarité-là, de
l'action et des pratiques des organismes de défense des droits et du
Protecteur du citoyen, assurerait une meilleure protection des usagers et
usagères et une meilleure qualité des soins et des services. Le
système mixte de recours que nous proposons laisse ainsi une place
importante aux organismes de promotion et de défense des droits qui
favorisent dans leurs interventions la prise en charge par les personnes
elles-mêmes dans la défense de leurs droits. Ces groupes
communautaires devraient, selon nous, être reconnus sur un plan
régional et détenir un pouvoir d'enquête et de
recommandation.
Par ailleurs, dans l'éventualité où le Protecteur
du citoyen aurait juridiction sur les systèmes de santé et de
services sociaux au Québec, il ne faut pas oublier que son intervention
se limiterait à des recommandations auprès des
établissements puisqu'il ne détient pas de pouvoirs
décisionnels.
M. Beaudoin: D'autre part, il nous apparaît qu'il est
nécessaire, au niveau de la protection des citoyens et des citoyennes
dans le domaine de la santé et des services sociaux, qu'il y ait un
tribunal administratif. Pour nous, le tribunal administratif pourrait
être la Commission des affaires sociales, c'est-à-dire sa division
de la santé et des services sociaux, mais à laquelle on donnerait
un rôle un peu plus élargi. C'est sûr que c'est
intéressant d'avoir des organismes de défense de droits; c'est
sûr que c'est intéressant d'avoir le Protecteur du citoyen; mais
il ne faut pas oublier leurs limites. Il ne faut pas oublier que ce sont des
recommandations que le Protecteur du citoyen fera. Et, qui prendra la
décision? La décision sera, soit administrative, soit politique,
mais, dans certains cas complexes, au niveau de la clarification des droits en
santé et services sociaux, ce serait une bonne chose, selon nous, qu'il
y ait un véritable tribunal administratif à la Commission des
affaires sociales.
Actuellement, cette Commission de la santé et des services
sociaux est très peu utilisée parce que ce sont à peu
près seulement les
CRSSS ou les professionnels qui peuvent y avoir accès. Nous, on
souhaiterait que le Protecteur du citoyen ou des organismes de défense
de droits puissent amener des cas types devant la Commission des affaires
sociales pour clarifier les choses au niveau des droits parce que ce n'est pas
si simple que ça. C'est toujours arbitraire, de toute façon, de
définir un droit dans la réalité et ce n'est pas suffisant
d'avoir un pouvoir de recommandation ou de décision, politique ou
administratif.
De toute façon aussi, il faut le dire, on ne peut pas parler du
mandat du Protecteur du citoyen dans la santé et les services sociaux
sans parler des corporations professionnelles et de leur système de
discipline et sans parler non plus du système de traitement des plaintes
dans le réseau de la santé et des services sociaux parce qu'on ne
voit pas le Protecteur du citoyen comme un mécanisme de recours au
premier niveau. On le voit plutôt au deuxième ou au
troisième niveau. On le voit quand une personne est insatisfaite de
quelque chose qui va se passer au premier ou au deuxième niveau.
Il est évident pour nous que, du côté des
corporations professionnelles, actuellement, il y a des choses qui sont sur la
table, bientôt, qui s'amènent, mais il faut en parler aussi un peu
ici parce qu'on aborde la question de la santé et des services
sociaux.
Pour nous, l'important, c'est que pour les médecins, entre
autres, et les autres professionnels de la santé, ce ne soit pas
seulement au niveau du système disciplinaire des corporations qu'on
demande des comptes, auquel un consommateur ou une consommatrice puisse
s'adresser, mais également au niveau du réseau public de la
santé et des services sociaux dans ries systèmes de plaintes qui
ne sont pas contrôle, par dos professionnels et qui doivent être
indépendants des professionnels qui peuvent être un lien avec
l'administration mais pour lesquels il doit y avoir des mécanismes
d'appel qui peuvent, évidemment, passer en partie par le Protecteur du
citoyen.
Au niveau des corporations professionnelles, notre réflexion
n'est pas terminée. On est un peu embêtés de parler
aujourd'hui de santé et de services sociaux et du Protecteur du citoyen
parce que c'est en trois blocs. Le questionnement est en trois blocs. Il y a un
projet de loi 120 qui parle de santé et de services sociaux.
Là-dedans, il y a des choses sur le système de traitement des
plaintes. Il y a des propositions par le ministre Savoie sur le système
disciplinaire et, ici, le Protecteur du citoyen. Nous, ce qu'on pense, c'est
que de toute façon, dans le système disciplinaire, il doit y
avoir un om-budsman, une fonction d'ombudsman Ça lait plusieurs
années qu'on pense que ça devrait êlre l'Office des
professions du Québec qui l'assume, mais si l'Office des professions du
Québec ne veut pas l'assumer ou si le gouvernement ne lui donne pas ce
rôle-là, ça pourrait être le Protecteur du citoyen.
Mais la fonction d'ombudsman doit être là et doit être
importante pour protéger les consommateurs et consommatrices.
Mme Dupré: Alors, concernant d'autres questions qui
étaient dans le document de présentation, concernant le mode de
nomination du Protecteur du citoyen, la FNACQ se questionne sur
l'objectivité et la représentativité du processus actuel.
Le fait que le Protecteur du citoyen soit nommé par les deux tiers de
l'Assemblée nationale, et sur proposition du premier ministre, ne
favorise pas, selon nous, le consensus large, surtout lorsqu'on sait que les
deux tiers des membres peuvent être issus d'un même parti
politique. La FNACQ suggère que ce soient des organismes non
gouvernementaux, des groupes d'usagers, les organismes de promotion et de
défense des droits et des citoyens qui soient invités à
remettre une liste de noms de personnes à être soumise au premier
ministre pour le poste de Protecteur du citoyen De plus, on suggère que
le processus de nomination s'effectue par un vote des trois quarts de
l'Assemblée nationale.
D'autre part, la FNACQ appuie les recommandations faites par le
Protecteur du citoyen au regard de son indépendance financière.
Pour accroître son autonomie et sa liberté d'action et
éviter tout conflit d'intérêts, le Protecteur du citoyen
devrait dorénavant relever directement de l'Assemblée nationale
en ce qui concerne les demandes et l'octroi des budgets de fonctionnement.
Un des aspects à l'étude touche l'accessibilité au
Protecteur du citoyen. Pourtant, selon nous, avant de se demander s'il s'agit
d'un recours suffisamment et également accessible à tous, il faut
d'abord examiner s'il s'agit d'un recours suffisamment connu. Selon nous et au
niveau de nos groupements, il semble bien que non. En effet, une bonne
majorité de citoyens ignorent l'existence du Protecteur du citoyen ou,
s'ils en ont entendu parler, ils ne saisissent pas vraiment quelles sont ses
fonctions. On a plutôt tendance, d'après des impressions
recueillies auprès de nos groupes membres, que cette institution est
moins connue également dans les régions éloignées
des grands centres.
Ce qu'on propose, dans un premier temps, c'est qu'il y ait plus
d'information qui soit distribuée sur le rôle et les fonctions du
Protecteur du citoyen, un peu partout dans l'ensemble des régions. Il
sera alors possible d'évaluer l'impact des services offerts en
région et ce, avant d'établir des bureaux régionaux, si
cela devait s'avérer nécessaire dans certains cas Le processus de
régionalisation pourrait être réalisé par la suite
sur la base d'une évaluation de la nécessité de cette
mesure-là. L'idée est en fait de consolider le recours et de le
rendre accès sible à la population avant d'engager des sommes
importantes dans la régionalisation.
D'autre part, concernant l'apport du député, on a pris
position en faveur de l'accès direct au recours au Protecteur du
citoyen, comme c'est le cas actuellement, sans avoir à passer par le
député II ne faut pas se cacher qu'un député
relève d'un parti politique et que ses interventions sont bien souvent
liées à la ligne de parti. Si l'on se questionne sur
l'indépendance du Protecteur du citoyen, pourquoi alors parler d'une
possible collaboration avec les députés? Nous croyons qu'il faut
dissocier complètement ces deux instances-là.
D'autre part, nous voyons d'un bon oeil que les interventions du
Protecteur du citoyen se fassent selon une approche systémique et
préventive tout en ne négligeant pas le traitement des plaintes
individuelles. Pour que le recours au Protecteur du citoyen soit efficace et
crédible, il faudrait que les recommandations sur un dossier individuel
puissent s'appliquer à toutes les personnes aux prises avec la
même situation car, selon nous, les plaintes individuelles touchent bien
souvent des centaines, sinon des milliers de personnes. En ce sens, une
intervention qui se limite au cas par cas restreint passablement le pouvoir
d'intervention du Protecteur du citoyen.
M. Beaudoin: Pour faire suite et pour conclure, en trois ou
quatre minutes, nous pensons qu'effectivement, comme c'est
suggéré dans le document de consultation, un comité
parlementaire spécial permanent pourrait exister pour les cas où
les recommandations du Protecteur du citoyen ne sont pas suivies, parce qu'il y
a des recommandations du Protecteur du citoyen qui nous semblent pertinentes et
qui n'ont pas nécessairement des suites. Alors, ce serait
intéressant d'avoir un comité spécial.
D'autre part, dans certains cas, le Protecteur du citoyen pourrait
effectivement entreprendre des poursuites devant les tribunaux. Nous pensons
que ça n'arriverait pas nécessairement très souvent, mais
ça pourrait être le cas dans certains cas limités. Par
contre, on ne voudrait pas que le fait de dire ça, ça veuille
dire que le gouvernement ne bonifierait pas le régime actuel du
programme d'aide juridique en se disant: On a réglé le
problème vu qu'on a donné la possibilité au Protecteur du
citoyen d'amener quelques cas types devant certains tribunaux. Parce que nous
considérons qu'actuellement le programme d'aide juridique est vraiment
très déficient pour l'accès à la justice,
l'accès à un avocat, pour les gens à faible revenu et
à modeste revenu qui ne sont pas des personnes assistées sociales
ou à très faible revenu. Là, il y a un problème
parce que ce sont des gens qui n'ont carrément pas les moyens de se
payer les services d'un avocat. Donc, il y a une partie de plus en plus grande
de la population qui n'a pas accès à un minimum d'aide au niveau
juridique. Donc, on ne voudrait surtout pas qu'on oublie cette
dimension-là du problème.
Oui, bien sûr, que le Protecteur du citoyen aille devant les
médias dans certains cas, pourquoi pas? Non seulement ça peut
parfois accélérer les choses au niveau des recommandations mais,
en plus, ça aide à faire connaître à la population
son rôle, son indépendance et aussi son point de vue, et ça
nous semble très intéressant.
On l'a déjà dit: Oui, la santé et les services
sociaux. Oui, il faut clarifier les recours dans les corporations
professionnelles et au niveau public de la santé et des services
sociaux. On le répète. Par contre, au niveau des ombudsmans dans
les hôpitaux, nous, ce qu'on dit, c'est que les ombudsmans qui sont
payés par les hôpitaux, ce n'est pas tout à fait des
ombudsmans. On pourrait appeler ça des chargés de plaintes. Ce
sont des gens qui relèvent des hôpitaux, qui relèvent des
établissements. Ce n'est pas la même chose que le Protecteur du
citoyen qui est un mécanisme et une ressource extérieure. On
n'est pas contre les ombuu'smans d'hôpitaux; c'est juste qu'on dit qu'il
ne faut pas mélanger les choses. Un ombudsman d'hôpital ou
d'établissement peut aider à améliorer la discipline
interne, la qualité des services, etc., et peut-être diminuer le
nombre de plaintes qui pourraient se ramasser au niveau du Protecteur du
citoyen. Ça peut être très bien mais ce n'est pas la
même chose et il ne faut pas que la population pense non plus que c'est
la même chose en termes d'information.
Au niveau d'Hydro-Québec, tout ce qu'on peut dire
là-dessus, c'est qu'on est présents depuis des années dans
le dossier, c'est-à-dire les problèmes de facturation, les
problèmes de coupure d'électricité, entre autres l'hiver,
aux gens à faibles revenus qui ne réussissent pas à payer
leur facture, etc. Écoutez, actuellement, depuis environ un an et demi,
il y a un commissariat aux plaintes concernant les distributeurs
d'électricité qui a été mis sur pied. On manque un
peu de données pour évaluer ce service-là. Il nous semble
bien parti, selon ce qu'on a lu jusqu'à maintenant dans son rapport. On
a bien aimé son intervention pour dire: Écoutez, quand
même, les coupures d'électricité l'hiver,
HydroQuébec, y aurait-il moyen de faire ça autrement? Parce que
nous, ça fait des années qu'on se bat justement pour essayer de
régler ce problème-là. Pour le moment, on a tendance
à laisser la chance au coureur, sauf qu'on préférerait que
le commissaire aux plaintes, dans ce cas-là, comme le Protecteur du
citoyen, soit nommé par l'Assemblée nationale par le gouvernement
parce que ça nous semble vraiment quelque chose qui ressemble à
un protecteur du citoyen.
Et, oui, nous sommes d'accord pour qu'il se prononce, le Protecteur du
citoyen, sur le mérite des décisions des tribunaux
administratifs. Et, oui, on pense que ça peut aider la question de la
suspension de la prescription. Et, oui, que les fonctionnaires puissent donner
l'information sur
le recours au Protecteur du citoyen.
En conclusion, je vous dirai que c'est important, ces choses-là:
le Protecteur du citoyen, des organismes de défense de droits, des bons
systèmes de traitement de plaintes internes et tout ça. Mais ce
qui se passe actuellement, c'est qu'il y a une partie des gens dans la
population du Québec, qui s'appauvrissent; il y a une augmentation de la
précarité de l'emploi; il y a de plus en plus de gens qui se
sentent de moins en moins des citoyens et des citoyennes avec des droits
égaux aux autres. Et ça, c est aussi un problème. Ce n'est
pas avec un Protecteur du citoyen ou avec des Protecteurs du citoyen et en
multipliant les organismes de défense de droits qu'on va régler
tous les problèmes. Ils sont importants. Mais on doit aussi travailler
de façon que les gens qui sont dans la pauvreté, qui sont dans
des situations précaires, puissent en sortir et puissent
développer une dignité et un sens de la citoyenneté qui
doit être assumé par l'ensemble de la collectivité À
ce moment-là, on aura davantage de citoyens et de citoyennes qui vont
être au courant de leurs droits, qui auront moins d'hésitations
à les défendre et qui vont se sentir responsables mais aussi
respectés, ce qui n'est pas toujours le cas, malheureusement.
Donc, là-dessus aussi il faut agir, diminuer la
précarité de l'emploi et travailler pour le développement
de l'emploi pour lutter contre la pauvreté. Parce que, c'est
évident que ces gens-là ont de moins en moins de droits et, en
même temps aussi, il faut améliorer le programme d'aide juridique;
ça nous semble essentiel Ce serait notre conclusion, en attendant vos
questions.
Le Président (M. Williams): Merci beaucoup, M. Beaudoin et
Mme Dupré, de votre excellente présentation. Maintenant, nous
allons commencer la période de questions avec le députe de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. À mon tour, je
veux remercier la Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec d'avoir pris le temps et l'attention de bien
étudier les questions que nous avons soumises au public et de nous
donner leur opinion et leurs arguments eu égard à l'une ou
l'autre des questions que nous avons soulevées par rapport au mandat et
à l'exercice de ce mandat du Protecteur du citoyen. C'est important
qu'on ait votre point de vue parce que, lorsqu'on s'appelle la
Fédération nationale des associations de consommateurs, vous
seriez comme le regroupement national des usagers - pour reprendre votre terme
- au départ. Alors, vous représentez, vous êtes le grand
usager des usagers en matière de recours et de traitement des
plaintes.
Une toute petite question de concordance, d'abord, et ce n'est pas dans
un objectif de confrontation. Mme Dupré, vous êtes intervenan te
à Auto-Psy de Québec...
Mme Oupré: Oui
M. Trudel: ...et Auto-Psy provinciale est venue nous dire qu'elle
n'était pas d'accord. Écoutez, je ne suis pas pour vous tirailler
puis vous étirer jusqu'au bout si vous êtes du groupe dissident,
etc., mais juste un petit mot d'explication, je m'en satisferai. Je pense que
vous vous attendiez à cette question-là, à voir vos
sourires, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Dupré: Oui. C'est ça. Non, la chicane a eu lieu
avant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Dupré: Effectivement, on est le groupe dissident. En
fait, c'est ça, ce qu'Auto-Psy provinciale a décidé de
présenter dans son mémoire; c'est qu'ils se sont posé la
question. Ils n'ont pas voulu statuer sur l'efficacité ou
l'accessibilité au recours au Protecteur du citoyen; ils se sont d'abord
posé la question Est-ce que ça vaut la peine d'avoir un autre
recours quand on regarde les recours qu'on a actuellement, puis qui sont plus
ou moins efficaces?
Chez nous, à Auto-Psy région de Québec, on s'est
posé la même question sauf qu'on n'a pas voulu
nécessairement se fermer une porte. C'est vrai que les recours sont...
Quand on regarde au niveau des établissements, le système de
traitement des plaintes n'est pas très in dépendant de
l'établissement; quand on regarde le système de traitement des
plaintes, dans les CRSSS, il est plutôt inefficace, à notre avis.
On s'est dit: Pourquoi pas un recours de troisième ligne? On n'a pas
voulu se fermer la porte, nous, à ça, sauf qu'on se disait:
Ça devrait se faire en complémentarité avec des organismes
régionaux qui s'occupent de promotion et de défense des droits,
comme c'est déjà le cas en santé mentale. On s'est dit
qu'une complémentarité, ce serait intéressant mais que le
recours au Protecteur du citoyen, en dernière instance... En tout cas,
nous, c'était là-dessus notre dissension.
M. Trudel: Très bien, merci; ça va Ça nous
donne la relativité de la position et comment ça s'est pris,
comme décision
J'aimerais tenter un effort pour éclaircir davantage votre
position quant à l'élargissement du mandat, nommément en
matière de santé et de services sociaux. Je dois vous dire que le
plus explicite de vos documents sur la position, c'est votre communiqué
de presse puisque, dans le mémoire, vous nous remettez quasiment la
décision sans trop trop vous prononcer. Alors, ce
que vous dites, c'est: II faut toujours s'assurer, au départ, que
les associations de défense et de promotion des droits,, ce soit bien
intégré et que ce soit bien soutenu dans le système si on
veut en arriver à un traitement des plaintes et des recours qui soit
effectif.
Deuxièmement, vous souhaitez que les mécanismes de
traitement et de recours de premier niveau garantissent davantage
l'impartialité de ceux et celles qui auront à traiter les
plaintes.
Troisièmement, vous dites: Nous pouvons reconnaître et nous
reconnaissons qu'il faudrait élargir - et là, je vous demande de
prêter attention - le mandat du Protecteur du citoyen comme
élément de dernier recours ou de troisième recours.
Cependant, ce faisant - et là, nous sommes obligés de mêler
la proposition du ministre Côté, du ministre de la Santé et
des Services sociaux, pardon, par son projet de loi 120 - vous trouvez
inacceptable que l'on retire la juridiction de la Commission des affaires
sociales en matière d'appel au profit du Protecteur du citoyen.
Alors, si je répète ça au sens positif, vous dites:
association de défense des droits, mécanismes corrects au niveau
des établissements de premier niveau, Protecteur du citoyen, mais aussi
Commission des affaires sociales pour trancher en cas de litige puisque le
Protecteur du citoyen n'a qu'un pouvoir de recommandation. Est-ce que le
spectre de votre position est clair quand je l'exprime comme ça?
M. Beaudoin: Moi, je dirais que vous avez bien... Je pense que
vous avez même mieux dit que nous, ce qu'on voudrait. Le problème
qu'on a, comme je l'ai dit, c'est qu'on essaie de travailler à trois
niveaux. Et on n'a pas terminé nos propositions précises sur le
projet de loi 120 au niveau du système de traitement des plaintes dans
le réseau parce qu'on avait déjà travaillé sur un
projet, mais il a été comme balayé et il faut un peu
refaire nos devoirs à très court terme.
Deuxièmement, on a des propositions au niveau des corporations
professionnelles; on est en train de les examiner. On a des idées
là-dessus, mais ce n'est pas tout à fait terminé. Alors,
effectivement, ça explique jusqu'à un certain point une certain
ambiguïté de notre point de vue; sauf que, quand vous l'exprimez,
ce n'est pas très ambigu.
Sur la question de la Commission des affaires sociales, alors, nous, ce
qu'on dit, c'est que d'après plusieurs intervenants, d'après des
gens, par exemple des personnes assistées sociales ou des personnes qui
sont passées à la Commission des affaires sociales sur des
questions de curatelle, des questions de cure fermée, il nous semble que
la Commission des affaires sociales, dans certaines divisions, fait un bon
travail qui protège effectivement, dans la plupart des cas, les
accès à des droits. Évidemment, c'est un tribunal. Alors,
il y a des gens, quand même, qui peuvent être lésés
par des décisions là-dedans. Mais il nous semble que ça
fait un bon travail. (16 h 45)
Et il nous semble que, s'il n'y a pas de tribunal qui prend une
décision, qui va la prendre? Qui va la prendre? Ça va être
l'administration, soit de l'établissement, soit régionale ou
ça va être une décision politique si jamais quelque chose
vient dans le public et, bon, il y a un raffut, etc. À un moment
donné, le ministre, M. Côté lui-même dit: Le dernier
recours dans le système de la santé, c'est le ministre. Nous
disons: Oui, possiblement, mais pourquoi ne pas penser que la division des
services de santé et des services sociaux de la Commission des affaires
sociales pourrait servir à trancher des choses comme ça?
Je pourrais vous donner un exemple. Je ne sais pas s'il est farfelu.
C'est une question complexe. C'est une femme dont le mari a eu un accident - je
vais essayer d'être bref - et qui s'est ramassé dans le coma; ils
ont appelé ça un coma vigil. Alors, les spécialistes ont
dit: Cette personne-là n'est pas réhabilitable, il faut l'envoyer
dans un endroit de soins prolongés. L'épouse a signé pour
qu'il aille dans un établissement de soins prolongés mais, par la
suite, elle s'est rendu compte que sa situation se dégradait et elle
s'est rendu compte aussi qu'à l'hôpital de soins prolongés,
on ne faisait pas de stimulation de cette personne-là parce qu'ils
disaient: Ça ne sert à rien, elle est dans un coma vigil. Alors,
tout le monde lui disait: Écoutez, madame, ce qu'il faut faire, c'est
consulter un travailleur social ou un psychologue parce que vous n'acceptez pas
que votre mari soit, à toutes fins pratiques, un légume, ou qu'il
soit mort d'une certaine manière; vous ne l'acceptez pas. Arrêtez
de vous battre, vous êtes malade; vous n'acceptez pas quelque chose qui
est là. Cette femme-là, par contre, disait: Non, ça n'a
pas de bon sens, il doit y avoir une erreur médicale. Peut-être
qu'elle avait un peu de difficulté à accepter une
réalité, mais en même temps, est-ce que cette
personne-là n'avait pas le droit d'avoir un deuxième diagnostic
pour son mari, un deuxième diagnostic indépendant? Elle
était dans une région où il y avait peu de ressources,
où les spécialistes en chirurgie cérébrale
étaient tous dans une même équipe. Elle se disait: Bien,
ça n'a pas de bon sens, je ne peux pas demander une expertise à
ces mêmes gens-là, parce que c'est le "chum" d'Untel, etc. Et
même sans penser qu'ils me veulent du mal, est-ce qu'ils vont être
capables d'être objectifs? Ils vont peut-être avoir entendu parler
du cas, ils vont peut-être avoir lu le dossier, ils vont peut-être
dire: Est ce que ce n'est pas une bonne chose?
Cette femme-là est allée au bout de son affaire mais il a
fallu qu'elle aille se battre
contre l'administration de l'établissement. Il a fallu qu'elle
prenne un avocat, qu'elle dépense de l'argent, qu'elle réussisse
à trouver une place dans un établissement dans une autre
région et qu'elle fasse tout ça. Finalement, dans l'autre
région, le deuxième diagnostic, c'était: Oui, c'est un
coma vigil, il n'y a rien à faire avec ça.
Mais est-ce qu'elle n'avait pas le droit de l'avoir? Pourquoi est-ce
qu'elle devait se battre pour l'avoir? Elle avait déposé une
plainte au niveau du CRSSS mais, finalement, ça s'est traité en
catimini. Et bon, madame, au fond, vous avez besoin d'un travailleur social.
Est-ce qu'une question comme ça ne devrait pas être
discutée? À ce moment-là, cette personne-là aurait
pu aller peut-être dans les médias; elle ne l'a pas fait et on ne
sait pas exactement où elle en est actuellement. Sauf que nous, à
partir du moment où elle avait eu au moins son deuxième
diagnostic, on a arrêté ça là.
Mais vous comprenez à ce moment-là ce que c'est. Est-ce
qu'il faut payer des avocats pour aller devant les tribunaux bien immenses,
etc., pour trancher sur des droits qui peuvent être des fois simples et
des fois un peu complexes? C'est sûr que ça peut se dire au niveau
politique, mais est-ce qu'il n'y a pas... D'ailleurs, peut-être que je
donne un exemple trop complexe. Il y aura peut-être d'autres
exemples.
Mais l'important, pour nous, c'est qu'il y ait une forme de tribunal qui
développe une espèce d'expertise et une espèce de
jurisprudence. Même si ce n'est pas tout à fait la cour en tant
que telle, comme disaient nos prédécesseurs, ce n'est pas tout
à fait la même chose que la justice. Ce n'est pas tout à
fait la même chose.
M. Trudel: Non, quant à moi, votre exemple n'est pas trop
complexe. Il est parfaitement illustratrf de situations qui peuvent
très bien se présenter en matière de soins de santé
ou de services sociaux. Ça m'apparaît évident qu'on aura...
On ne peut pas faire autrement que de penser que ça va apparaître,
ce type de cas, et que ça apparaît nécessairement, compte
tenu de la complexité et de la nature même dos actes qui sont
posés dans le système de la santé et des services
sociaux.
Ce que vous dites donc, c'est... Je vais quasiment me servir de votre
illustration. Par rapport à cet exemple-là, donc, il y aurait un
très grand souhait que le Protecteur du citoyen ait un mandat. Le
Protecteur du citoyen aurait bien pu agir avec célérité.
Quand on connaît la façon de fonctionner et le nombre de jours ou
de semaines qui sont utilisés en général pour rendre des
décisions, on aurait pu avoir une accélération ou, en tout
cas, s'approcher de recommandations qui auraient été de nature
à supporter la requête de la plaignante ici.
Ce que vous dites, vous autres, c'est: Permettons concurremment, en
quelque sorte, à la Commission des affaires sociales de recevoir ce type
de plaintes pour que quelqu'un quelque part puisse dire aux usagers et
usagères du système: II y a un endroit où quelqu'un juge.
Et que ce ne soit pas nécessairement, cependant, la première
instance qui ait à se prononcer. C'est exact ça?
M. Beaudoin: C'est ça, c'est ça. Effectivement, une
fois que la recommandation du Protecteur du citoyen, par exemple, ne s'applique
pas, bien, qu'est-ce qu'il va faire? Il va en parler dans les journaux? Il va
faire une recommandation dans son rapport annuel? Ça sera
peut-être plutôt qu'il présenterait le cas type à la
Commission des affaires sociales. Bon. Écoutez, nous, ce qu'on dit,
c'est que pour éviter l'inondation des cas à la Commission des
affaires sociales, il faudrait que ce soit comme des cas types. Et pour que ce
soient des cas types, il faudrait que ce soit pris en charge par le Protecteur
du citoyen ou par un organisme de défense de droits. Et, à notre
avis, à ce moment-là, ce sera beaucoup plus pesé, le pour
et le contre. Est-ce qu'effectivement on est en face d'une espèce de cas
type? Et, à ce moment-là, la Commission des affaires sociales, au
niveau de la santé et des services sociaux, pourrait quand même
être efficace. Ceci dit, on n'est pas des spécialistes en droit.
Ça, c'est clair. Mais, en tout cas, nous, on pense que ce serait quelque
chose à explorer de façon très attentive par nos
élus et par des spécialistes en termes de contentieux.
M. Trudel: C'est intéressant, cette suggestion. C'est la
première fois qu'elle arrive devant cette commission, que des organismes
de défense et de promotion des droits ou le Protecteur du citoyen
seraient appelés à porter des cas devant des tribunaux quasi
judiciaires ou les tribunaux administratifs, ici, le cas échéant,
à la Commission des affaires sociales. C'est un élément
intéressant dans la considération que nous aurons à faire
en termes de recommandations sur le mandat du Protecteur du citoyen. Bon. Le
temps file, il ne faut pas...
M. Lafrance: Est-ce que vous me permettez une question sur le
même sujet?
Le Président (M. Williams): Oui, bien sûr. Bien, je
ne sais pas si...
M. Lafrance: En le réalisant... j'aimerais... Parce que
vous réalisez aussi que le Protecteur du citoyen, dans le moment, a dit
qu'il réussissait à régler 99 % des dossiers, comme il le
fait présentement. Alors, vous recommandez ça en dépit de
cet état de fait là, qu'il règle 99 % des dossiers?
M. Beaudoin: Écoutez, pour le moment, 99 % des dossiers;
mais quand il va mettre les pieds dans le domaine de la santé et des
services
sociaux, si c'est ça qui se passe, sans doute qu'il va y avoir
une collaboration à beaucoup de niveaux, mais il va rester encore des
choses qui ne seront pas réglées. Et ces choses-là ne sont
pas toujours nécessairement des choses qui vont toucher seulement les
individus. Le 1 % des recommandations du Protecteur du citoyen, là, qui
n'est pas suivi, est-ce que c'est 1 % d'un nombre de personnes qui ont
déposé une plainte ou bien est-ce qu'il y a des gens qui ont
déposé des plaintes et que, de façon systémique,
comme il est dit dans le document, est-ce que ce 1 % de recommandations
là, qui n'est pas suivi malheureusement, ça touche possiblement
des milliers de personnes? Alors, c'est quand même quelque chos3
d'important. Alors, effectivement, on préférerait qu'il y ait un
tribunal, de toute façon.
M. Lafrance: Je vous remercie.
Le Président (M. Williams): M. le député de
Chapleau pour continuer.
M. Kehoe: Juste une question sur le même sujet. Vous, vous
recommandez que le Protecteur du citoyen puisse entreprendre des poursuites
judiciaires. Plusieurs organismes qui ont comparu devant nous autres disent
justement le contraire, que ce soit le Barreau, l'aide juridique, ainsi de
suite. C'est une chose qui est controversée sans aucun doute, mais les
raisons principales sont les questions de dédoublement de services, de
coûts, les retards et ainsi de suite. Est-ce que vous, vous avez
étudié cette possibilité, ce que serait le résultat
de ça si, effectivement, le Protecteur du citoyen avait le pouvoir
d'entreprendre des procédures judiciaires?
M. Beaudoin: Peut-être deux remarques. Premièrement,
sur la question qu'on vient juste d'aborder, de la Commission des affaires
sociales, ça peut être de porter un cas devant la Commission des
affaires sociales, mais ce n'est pas une poursuite en tant que telle. C'est
qu'on amène un cas type sur des droits ou des accès à des
services ou des problèmes qu'on a eus au niveau de la santé et
des services sociaux pour que ce soit tranché. Cette personne-là,
est-ce qu'elle avait droit à ci ou avait droit à ça, ou
n'y a-t-elle pas droit; Et, normalement, il devrait y avoir ajustement
systémique, en tout cas, à moins que ce ne soit un cas
très, très unique. Donc, ce n'est pas une poursuite judiciaire;
c'est amener un cas type devant un tribunal qui va trancher.
Deuxièmement, oui, on était d'accord aussi au niveau des
poursuites. Sans avoir beaucoup approfondi la chose - on n'a pas eu le temps de
faire l'enquête là-dessus - on s'est dit: Bien, pourquoi pas? Si
le Protecteur du citoyen, ça peut aider dans certains cas des gens, des
citoyens et qu'il y a des recommandations qui sont quand même importantes
qui ne sont pas suivies, pourquoi pas? Pourquoi pas le Protecteur du citoyen?
Mais ce qu'on dit aussi, c'est d'améliorer le régime d'aide
juridique pour que les citoyens et les citoyennes eux-mêmes, surtout ceux
qui sont à revenu modeste, puissent aussi faire ces
démarches-là sans nécessairement avoir le Protecteur du
citoyen avec eux-autres.
M. Kehoe: Ce n'est pas seulement ça la question. Si les
services d'aide juridique, les critères d'aide juridique sont
augmentés de sorte qu'il y ait plus de monde qui puisse avoir ces
services-là, à ce moment-là, est-ce que vous
préconisez encore que le Protecteur du citoyen ait le droit de prendre
des procédures judiciaires quand même?
M. Beaudoin: Quand même, l'un ou l'autre. Mais on ne pense
pas que le Protecteur du citoyen, de toute façon, même s'il a ce
pouvoir-là, l'utilise énormément. C'est vraiment pour des
cas types alors que si l'aide juridique est améliorée, à
ce moment-là, ce sera plus des individus qui pourront quand même
pousser un peu plus la défense de leurs droits plus individuels et sur
ça, on est d'accord aussi. Mais on pense que le Protecteur du citoyen
n'abusera pas de cette possibilité-là.
Le Président (M. Williams): Allez-vous continuer? M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Juste un petit commentaire sur ce que le
député d'Iberville demandait comme question, avec une très
grande acuité et d'une façon très claire. On pourrait dire
aussi que si nous allions dans cette direction et qu'il restait seulement 1 %,
ça voudrait dire que ce serait très, très peu
utilisé en matière de recours auprès (Je la Commission des
affaires sociales. Il faut aussi tenir ce raisonnement. Du dédoublement
qu'il faut éviter, je suis tout à fait d'accord; mais la petite
marge qui ne se règle pas, ça nous traduit aussi qu'il y aurait
une utilisation - je ne peux pas voir autrement - très très peu
fréquente mais peut-être systémique des décisions
qui seraient soumises là-dessus. Mais ça, c'est une question
d'appréciation.
Je veux revenir sur Je mécanisme annoncé en matière
de traitement des plaintes dans le système de santé et des
services sociaux, dans le projet de loi 120. Je pose les questions ici et je
tiens compte du fait que votre réflexion au niveau de votre organisme
n'est pas terminée là-dessus. C'est un cadre supérieur de
l'établissement ou de la régie régionale qui serait
dorénavant chargé de recevoir, de traiter et de rendre
décision en matière de plaintes ou de recours sur des droits dans
le système de santé et des services sociaux. Est-ce que ça
vous apparaît acceptable qu'à ces deux premiers niveaux ce soit
quelqu'un de l'administration des services con-
cernés qui puisse se prononcer ou on pourrait prendre la question
de l'autre bout est-ce que les garanties d'indépendance sont suffisantes
pour s'assurer que les plaintes seront traitées équitablement et
surtout de la décision qui sera prise eu égard à ces
plaintes?
Mme Dupré: O. K. Au niveau des établissements
où il y a un cadre supérieur qui s'occupe du système de
traitement des plaintes, nous, on n'y voit pas d'inconvénient. C'est
sûr que cette personne-là est engagée par l'hôpital,
donc elle a peu de marge de manoeuvre et peu d'indépendance. Mais pour
nous, c'est une façon pour que les établissements se
responsabilisent concernant les services qu'ils offrent. Alors, comme recours
de premier niveau, on n'y voit pas d'inconvénient. Comme le disait Roger
Beaudoin tantôt: Peut-être que, justement, ça va limiter le
nombre de plaintes qui vont se rendre à un deuxième et à
un troisième niveau; sauf qu'on ne voit pas ça comme étant
le seul recours.
C'est pour ça aussi qu'on dit toujours qu'on aimerait qu'il y ait
des organismes communautaires qui font la défense des droits qui
puissent également être reconnus, que ce soit au niveau
régional, mais qu'il y ait des budgets qui leur soient alloués.
Également au niveau de la deuxiè-me instance qui est la
régie régionale, encore là, on n'y voit pas
d'inconvénient, même si l'on voit le peu d'efficacité - en
tout cas, si je poux parler pour la région de Québec - que
ça a. On est d'accord avec ça mais on en voit les limites et
c'est pour ça aussi qu'on insiste pour qu'ii y ait des organismes qui
s'occupent de promotion et de défense des intérêts des
usagers dos services de santé et des services sociaux. (17 heures)
M. Beaudoin: Dans le cadre de l'avant-projet de loi sur la
santé et les services sociaux, on avait proposé un modèle.
J'aurais peut-être dû vous l'apporter; je ne l'ai même pas
ici. Cotait ce qu'on appelait un office de protection des droits des usagers et
usagères des services de santé et des services sociaux, qui
était quand même quelque chose de complexe, mais qui reposait
beaucoup, beaucoup sur des organismes communautaires mais aussi sur une
espèce d'office vraiment indépendant des établissements et
des producteurs de services. C'est ça qui est le problème; c'est
l'indépendance, surtout. Mais, disons qu'on s'est dit que c'est
peut-être ça qu'on aurait préféré mais que,
pour les années quatre-vingt-dix, on n'est pas vraiment dans le bon
temps pour proposer des choses comme ça. Le gouvernement n'avait pas
l'air très intéressé à un modèle comme
ça. Et aussi, au niveau dos cadres de la planification du
ministère de la Santé, on s'est dit: Bien, on va y repenser; on
va essayer de travailler plus sur ce qui est possible, maintenant, pour
améliorer des choses.
Vous avez bien compris les principes, de toute façon. C'est qu'il
doit y avoir une forme d'indépendance quand il y a des recours. II peut
y avoir de l'auloréglementation, de l'autoévaluation et de
l'autodiscipline, et tant mieux, bravo! Mais il faut qu'il y ait autre chose.
C'est là que le Protecteur du citoyen, les organismes communautaires de
défense de droits et le tribunal administratif dans certains cas
particuliers, doivent être présents, mais aussi un comité
des plaintes, par exemple, dans des établissements, au niveau
régional aussi, des usagers qui sont au comité des plaintes - si
l'établissement est suffisamment gros pour ça - et des rapports
précis sur le suivi des plaintes qui se passent à un moment
donné devant le conseil d'administration de rétablissement Ce
sont ces choses qu'on va vous préciser dans pas très longtemps et
qu'on a déjà, de toute façon, pensées un peu, parce
que ce n'est pas suffisant, un cadre supérieur.
La seule chose qu'on pourrait dire c'est que, quand même, on
dirait qu'ils ont fait passer les responsables des plaintes à un niveau
hiérarchique un petit peu plus élevé. Alors, c'est
sûr qu'il y a des chances que ça soit des gens qui auront plus le
sentiment d'un pouvoir dans l'organisation. Ils vont peut-être moins
traiter en catimini des choses, peut-être. Je dis bien peut
être.
M. Trudel: Alors, c est: Oui, mais
M. Beaudoin: Oui, mais c'est insuffisant.
M. Trudel: D'accord. C'est parce qu'il faut comprendre ça
des deux façons. C'est: Si l'insuffisance n'est pas comblée, le
oui n'est plus valable.
M. Beaudoin: Exact.
M. Trudel: Dans ce qui nous est proposé, la condition
nécessaire que vous mettez n'est pas là. Alors, on ne peut pas
dire oui, ça c'est bon et, après ça, on va discuter du
recours externe. Vous dites: Ça, c'est bon, mais à condition
qu'il y ait un recours externe
M. Beaudoin: Exact.
M. Trudel: Qu'est-ce que vous pensez du fait que, maintenant, il
faudra que la plainte soit formulée par écrit?
M. Beaudoin: Disons que le "par écrit", voyez-vous... Bon,
j'en glisse un petit mot mais peut-être pas précisément.
Dans le texte, je parle d'analphabétisme fonctionnel. Le
problème, avec les structures un peu bureaucratiques, si on peut dire,
c'est qu'on doit toujours passer par des formules, des formulaires, etc. et un
contact avec un fonctionnaire. C'est qu'il y a une partie de la population,
particulièrement les gens peu instruits, qui ont de la misère
avec ça, beaucoup.
Alors, c'est sûr que le rôle, entre autres, des organismes
régionaux et aussi des organismes communautaires de défense de
droits, c'est également d'aider les gens à formuler leurs
plaintes. Que ce soit par écrit à un moment donné, je
pense que c'est nécessaire que ce soit transcrit de façon claire.
Mais il doit y avoir de l'aide pour ces gens-là, d'une part, et, d'autre
part, il peut même y avoir des fonctionnaires qui aident carrément
les gens. Parce que, malheureusement, je ne dis pas tous les fonctionnaires,
mais il y a certains types de fonctionnaires qui ne se rendent pas compte des
difficultés que ça pose et qui vont se dire: Bien,
écoutez, ce n'est pas ma responsabilité à moi de remplir
un formulaire, hein? Remplissez-le. Sauf que la personne à qui il a dit
de remplir un formulaire, il ne la revoit plus dans ces cas-là.
Donc, ça prend des mécanismes d'aide et d'accompagnement.
Au niveau des corporations professionnelles, par exemple, il faut, entre
autres, que la fonction d'ombudsman, dont nous pensions que ce serait l'Office
des professions du Québec, mais, en tout cas... Si le gouvernement nous
dit que l'Office des professions du Québec, ça ne marche pas, que
ça va être le Protecteur du citoyen, on va peut-être y
penser. Pour nous, c'est la fonction qui est importante, l'ombuds-man, mais,
dans la fonction, on voyait concrètement de l'aide et de
l'accompagnement au niveau des gens pour les plaintes et ça comprenait
carrément d'aider les gens à écrire des plaintes.
Le Président (M. Williams): Maintenant, je passe la parole
à M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: Plusieurs organismes qui ont comparu devant nous ont
suggéré l'extension de la juridiction dans le domaine de la
santé et des services sociaux. Votre organisme vient avec une
recommandation à l'effet que ça doit être
évalué dans les trois ans. Vous recommandez l'extension de la
juridiction, mais que ce soit réévalué dans trois ans.
Selon quels critères, selon quelles modalités? Est ce que vous
préconisez que le recours sera un recours ultime, de dernière
instance? Sur quelles modalités voulez-vous envisager ça?
M. Beaudoin: Disons qu'on pense que le Protecteur du citoyen...
Vu qu'on pense à une complémentarité avec les organismes
de défense de droits et qu'on pense aussi qu'il doit y avoir des
mécanismes, on pourrait dire internes, on voit le Protecteur du citoyen
plus comme un deuxième niveau. Si une personne est insatisfaite du
traitement d'une plainte dans un établissement de santé ou au
niveau d'une régie régionale, elle pourrait en appeler de
ça. Et, à ce moment-là, ça pourrait être au
Protecteur du citoyen. Est-ce que c'est après le premier niveau ou
après le deuxième niveau? Il va falloir qu'on y
réfléchisse.
Je dis bien parce qu'il y a ('établissement, qui est local, et il
y a la régie régionale - si c'est mis en place - qui, elle aussi,
doit avoir une responsabilité au niveau régional. Alors, on a un
doute un peu sur le Protecteur du citoyen. "C'est-u" après le premier
niveau ou le deuxième niveau qu'il doit intervenir? Mais, de toute
façon, on ne le voit pas comme un premier niveau.
M. Kehoe: Parce que les autres associations, les autres
organismes qui ont comparu devant nous, ils ont justement dit ça. Il y a
le premier niveau, ce sera l'établissement de l'ombudsman dans
rétablissement même. Le deuxième, ce sera le conseil
régional et, en dernier ressort, le ressort ultime, ce sera justement le
Protecteur du citoyen. À ce moment-là, ce sera le dernier
recours; ce sera une personne complètement
désintéressée. Ce sera une personne qui n'est pas dans le
réseau des affaires sociales ou dans le réseau des services de
santé. À ce moment-là, est-ce que c'est ça que vous
envisagez au bout de la ligne?
M. Beaudoin: C'est à peu près ça - tu
pourras ajouter quelque chose, Lucie - c'est à peu près ça
sauf qu'on pense quand même que les organismes de défense de
droits pourraient, à un moment donné, détecter des choses
qui doivent être réglées avant qu'on passe à travers
la première étape et la deuxième étape parce qu'il
y aura des situations, des fois, qui doivent nécessiter d'agir
rapidement.
Et, deuxièmement, que le système de traitement des
plaintes, en tant que tel, dans les établissements au niveau
régional, soit minimale-ment transparent, qu'il y ait vraiment des
rapports qui soient faits par rapport à ça au niveau de la
direction mais aussi au niveau d'élus, qu'il y ait un accès
à ça, qu'il y ait des rapports relativement réguliers et
qu'au bout du compte aussi il y ait des rapports annuels, si vous voulez, avec
un peu plus de précision que ce qu'il y a actuellement dans les rapports
annuels des CRSSS. Alors, avec ça, il y a des bonnes chances pour que
les situations extrêmes ne soient pas enterrées ou envoyées
en catimini.
Et ultimement, ce sont les médias, c'est-à-dire en cas de
situation vraiment inacceptable où les gens collaborent mal. Les
organismes communautaires sont bien implantés dans un milieu local ou
régional connu; il y a des chances qu'une situation inacceptable se
ramasse à l'organisme communautaire mais, aussi, une personne peut
prendre contact avec le Protecteur du citoyen même si une première
démarche n'est pas terminée. Mais le Protecteur du citoyen peut
peut-être prendre sur lui qu'il y a là quelque chose de
spécial, que ce n'est pas la même chose, et la, à ce
moment-là, peut-être intervenir. Mais, quand même, on voit
le Protecteur du citoyen plus au niveau, oui, au troisième
niveau.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Williams): M. le député de
Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. À première
vue, il y a une certaine contradiction quand on affirme que l'ombudsman est
indépendant des structures administratives, dans votre document,
à la page 2, et qu'on ajoute plus loin: Son rattachement à la
plus haute autorité de l'université constitue l'assise de son
autorité morale, page 3. Quelles sont les garanties de
l'indépendance de l'ombudsman universitaire, selon vous?
M. Beaudoin: De l'ombudsman universitaire? M. Houde:
Oui.
M. Beaudoin: C'est qu'on n'en parle pas. Ce n'est pas le
même mémoire, j'imagine. C'est qu'on n'a pas voulu s'engager sur
la question de savoir si l'ombudsman doit avoir la responsabilité dans
le domaine scolaire parce qu'on n'a pas vraiment d'expérience
là-dedans. Tandis que dans la santé et les services sociaux, on a
de l'expérience; dans Hydro-Québec, on a de l'expérience;
on s'est prononcé quand même un peu sur les moyens d'action du
Protecteur du citoyen. Mais on n'a pas voulu embarquer sur cette
question-là.
M. Houde: Tantôt, vous pariiez d'Hydro-Québec.
Est-ce que vous êtes d'accord, à ce moment-là, quand
quelqu'un - je me suis trompé de page tantôt - ne paie pas son
compte et qu'il sait très bien... D'abord, avec les nouvelles politiques
d'Hydro-Québec, vous pouvez savoir combien ça va vous
coûter par année, s'ils tiennent compte des années
précédentes. Ça se fait facilement. Comment pouvez-vous
dire que les gens puissent négliger leurs comptes et ne pas les payer
quand ils savent très bien à quoi s'en tenir? Quelle est votre
position là-dessus?
M. Beaudoin: Disons que, nous, on est en contact avec les gens
qui sont coupés. Même, je vous dirai, cet après-midi, une
femme qui a téléphoné au bureau de l'ACEF de Québec
était menacée d'être coupée. Alors, nous, on regarde
les situations et on voit que, la plupart du temps, ces gens-là sont des
gens dans la pauvreté. On ne peut pas être insensible vis-à
vis de leurs difficultés financières, vis-à vis du lait
qu'ils ont de la misère à arriver, vis-à-vis du fait
qu'ils doivent faire affaire avec la Société
Saint-Vincent-de-Paul, qu'ils ont des problèmes d'alimentation, de
logement, etc. Donc, on a plutôt tendance à les défendre au
maximum, entre autres, en disant: Si vous coupez, ne coupez pas l'hiver; c'est
au moins ça.
Sur la question que les gens doivent payer leur facture quand ils ont
acheté un service ou un produit, là-dessus, on doit dire
qu'effectivement on pense que c'est la responsabilité des individus.
Mais ce qu'on remarque, c'est qu'il y a une partie de la population qui vit
dans une situation de pauvreté très importante et qu'il faut
aussi travailler à améliorer ça. Ce qu'on remarque aussi,
c'est que la politique de recouvrement d'Hydro-Québec est
peut-être "question-nable" sur certains plans. Il faudrait revoir cette
politique de recouvrement. Et d'ailleurs, on est associés avec d'autres
associations de consommateurs et de consommatrices et des personnes
assistées sociales pour essayer d'améliorer la politique de
recouvrement d'Hydro-Québec.
M. Houde: Merci. Tantôt, ce n'était pas tout
à fait clair, ma première question; ce n'était pas la
bonne page. Mais vous avez répondu quand même. Merci beaucoup.
M. Beaudoin: D'accord.
Le Président (M. Williams): Merci, je voudrais vous
demander... Si j'ai bien compris votre intervention, vous êtes en train
de préparer un mémoire sur vos commentaires au projet de loi 120.
Pouvez-vous nous envoyer vos commentaires? Ça va être très
utile pour notre commission.
M. Beaudoin: Absolument, et ce sera assez rapide parce que,
effectivement, on a un sous-comité qui travaille là-dessus
bientôt et on va même vous envoyer aussi une copie de ce qu'on
avait proposé à l'avant-projet de loi sur la santé et les
services sociaux. Enfin, il y a quand même là des choses
intéressantes, à notre avis, même si c'était
peut-être trop demander à l'État, actuellement.
Le Président (M. Williams): O.K. Avant que je pose une
question, je retourne la parole au député d'Iberville.
M. Lafrance: Merci, M. le Président. Je m'excuse; j'ai
dû sortir quelques minutes et on me dit qu'on n'a pas touché
à cette question qui touche la publicité pour faire mieux
connaître le Protecteur du citoyen. C'est un argument qui nous est revenu
régulièrement depuis qu'on a débuté cette
commission parlementaire et on n'a pas posé beaucoup de questions, je
pense, à cet égard. Mais, étant donné que vous
représentez, je pense, 9 associations et 1?5 000 membres, des
consommateurs, et donc des bénéficiaires potentiels, comment
est-ce que vous verriez cette façon de mieux faire circuler
l'information que le Protecteur du citoyen existe?
Mme Dupré: C'est sûr qu'on ne s'est pas
énormément penchés sur les moyens à prendre.
Chose certaine, c'est qu'il faut qu'il y ait un peu plus de publicité de
faite parce que, si on regarde, ce n'est pas dans toutes les couches de la
population que les gens sont au courant du recours au Protecteur du citoyen.
À Québec et à Montréal, c'est un peu plus connu,
mais en région, pas tellement. On s'est dit que ça pourrait
très bien passer par les fonctionnaires qui, lorsqu'ils reçoivent
des gens... Souvent, c'est le premier niveau où les gens vont se
plaindre quand il y a un problème au niveau d'un ministère ou
d'un organisme. Ça pourrait être à eux, comme premier
élément de transmission de l'information, de leur dire qu'il y a
tel recours. Je pense que c'est un premier niveau intéressant. Depuis
deux, trois ans, le Protecteur du citoyen fait de plus en plus d'apparitions au
niveau des médias. Ça également, ça contribue
à faire connaître le Protecteur du citoyen. Sur les autres moyens,
on ne s'est pas tellement penchés. Mais chose certaine, en tout cas,
avant de donner un accès beaucoup plus large dans les champs
d'intervention du Protecteur du citoyen, il faudrait peut-être davantage
le faire connaître et voir aussi son intervention.
M. Beaudoin: Juste une couple de petits détails aussi;
c'est sûr qu'il y a des agents de communication ou des
spécialistes qui pourraient répondre aussi à une question:
Comment faire une campagne de publicité efficace? Nous, comme
association de consommateurs, on pourra contribuer dans la mesure de nos moyens
à faire circuler l'information. Mais, oui, les fonctionnaires doivent
être mis à contribution; dans l'ensemble des établissements
et des bureaux, etc., il devrait y avoir un peu plus d'affiches ou un peu plus
de documentation, surtout quand ça va être dans le secteur de la
santé et des services sociaux. Et j'imagine que si le secteur de la
santé et des services sociaux passe comme une place pour
l'élargissement du Protecteur du citoyen et de son mandat, il devrait y
avoir une campagne assez importante dans les médias pour préciser
ça. Et pourquoi ne pas faire un rappel dans une campagne contiguë
sur la santé et les services sociaux mais dire aussi que le Protecteur
du citoyen est actif dans telle ou telle chose?
Alors, ce seraient des moyens qui ne sont pas encore beaucoup
utilisés à notre connaissance et puis, des affiches, toutes
sortes de petites choses qui ne seraient peut-être pas très
coûteuses; et peut-être même prévoir un budget au
niveau de la publicité télévisée, un budget
relativement... Je veux dire, pas nécessairement un gigantesque budget,
mais un budget qui pourrait permettre d'aller à la
télévision, aussi.
M. Lafrance: Concernant les fonctionnaires, est-ce que vous
pousseriez ça jusqu'à voir une disposition expresse,
c'est-à-dire qu'on pousse la Loi sur la fonction publique jusqu'à
forcer les fonctionnaires - un peu comme le policier le fait lorsqu'il vous
arrête - à le faire?
Mme Dupré: De là à... En tout cas, je ne
sais pas si on peut dire "forcer les fonctionnaires", mais ça pourrait
faire partie d'une espèce de code d'éthique où, quand on a
une personne qui vient porter plainte, on l'informe du recours. D'abord, est-ce
que les fonctionnaires sont au courant eux-mêmes du recours au Protecteur
du citoyen? Je pense que ça pourrait faire partie d'une espèce de
code d'éthique où les gens seraient mis au courant, que ça
fasse partie d'une démarche.
M. Beaudoin: On pourrait demander aussi au Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec ce qu'il en pense. Nous autres, au
départ, on serait plutôt pour, mais enfin!
M. Lafrance: Merci.
Le Président (M. Williams): Avant que je pose ma question,
le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue m'a
demandé ia parole, encore une fois. Avec toute la flexibilité de
cette commission, je pense que nous pourrons lui donner le temps.
M. Trudel: Et de son président. J'ai une remarque à
faire sur cette façon dont vous voyez une possible
régionalisation des services du Protecteur du citoyen. La comparaison me
vient avec les gens qui viendront après vous, dans le domaine des
universités, et qui sont assis en arrière de vous. Je ne suis pas
tout à fait d'accord pour dire: Nous allons faire une campagne de
publicité de façon à ce qu'on fasse connaître les
services puis, quand il y aura une bonne connaissance des services, là,
on pourra penser à la régionalisation. Ça aurait
été comme de dire. On va faire beaucoup, beaucoup, beaucoup de
publicité pour que les gens fréquentent l'excellente
université qui s'appelle l'Université Laval et, quand il y aura
suffisamment d'inscriptions des régions à Laval, là, on
créera l'Université du Québec.
Il me semble que le raisonnement qu'on doit faire, à mon avis,
c'est de se dire: Est-ce que tous les citoyens du Québec ont
raisonnablement l'équité dans l'accès aux services en
matière de Protecteur du citoyen comme dans d'autres services? Et,
à cet égard-là, je comprends qu'il faille faire de
l'information, mais il faut aussi rendre le service disponible pour qu'on
puisse s'en servir; sans ça, on risque d'avoir une traduction de la
réalité qui est autre. Est-ce que vous êtes d'accord avec
ça?
M. Beaudoin: Est-ce que je peux réagir rapidement
là-dessus?
M. Trudel: Oui.
M. Beaudoin: Écoutez, nous, on pense effectivement,
ça doit être accessible. Si ça existe, ça doit
être accessible dans toutes les régions du Québec. Ce qu'on
dit, c'est que, compte tenu de la situation actuelle de l'hésitation
à développer des services au niveau gouvernemental, etc., nous
autres, on ne serait pas nécessairement contre le développement
de certains services gouvernementaux Mais on connaît l'hésitation
du parti au pouvoir et même du parti de l'Opposition, possiblement.
C'est-à-dire qu'il y a une sensibilité pour essayer de ne pas
trop y aller pour dépenser de l'argent, entre autres dans le
béton.
Alors, une des choses qu'on dit, c'est: Faisons connaître les
services un peu plus; donnons-nous plus d'accessibilité. Mais avant de
penser, en tout cas, à court terme, à mettre
nécessairement, dans toutes les régions du Québec, un
bureau, pensons-y un peu et évaluons un peu les choses après
trois ans. Ça ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas, si c'est
accepté dès l'année prochaine, y avoir un ou deux bureaux
dans d'autres régions que Québec et Montréal; ça ne
veut pas dire ça. Mais ça veut dire: Allons-y un petit peu
prudemment, entre autres à cause de cette sensibilité presque
généralisée des partis et des citoyens aussi. Mais, ceci
dit, oui, il faut que ce soit accessible partout.
M. Trudel: Un peu comme le fait le Curateur public du
Québec en élargissant son réseau physique d'accès
à Sherbrooke, Trois-Rivières et une autre région, dont
j'oublie pour le moment le nom, qui dit: Ça, on va être bon pour
évaluer ça - la présence et non pas l'information - et on
pourra étendre. Il s'avère jusqu'à maintenant que c'est
une expérience qui va amener à demander au législateur
d'agrandir le budget, si vous me permettez l'expression, pour rendre le
Protecteur accessible physiquement dans toutes les régions. C'est
ça, un peu, que vous dites là-dessus aussi. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Williams): Nous n'avons presque plus de
temps qui reste mais j'ai une petite question à vous poser. M. Beaudoin,
si j'ai bien compris, vous voulez avoir la fonction du Protecteur du citoyen
dans le réseau de santé; vous avez vraiment fait une distinction
entre le Protecteur du citoyen et la fonction. Vous avez aussi mentionné
l'importance d'une complémentarité pure comme de l'eau. Mais Mme
Dupré, vous avez aussi mentionné la question de la nomination aux
deux tiers ou aux trois quarts des présidents. Je voudrais... Si c'est
possible de faire quelques commentaires, croyez-vous qu'un conseil
d'administration comme celui que nous avons à la Commission des droits
de la personne, nommé peut-être aux trois quarts ou au doux tiers
par l'Assemblée nationale, va aider le Protecteur du citoyen à
remplir le mandat que nous lui avons donné, avec tous ses besoins de
neutralité, de complémentarité, d'imputabilité et
tout ça? Avec la complexité du réseau de la santé,
est-ce que vous croyez que ça va être utile?
Mme Dupré: Si je comprends bien, le fait que ce soit
voté par les trois quarts va-t-il aider à l'efficacité de
ce recours-là? Est-ce que c'est ça, si je comprends?
Le Président (M. Williams): Oui. Nous avons plusieurs
établissements québécois qui ont un mandat de protection
des personnes, dans un dossier ou un autre. Nous en avons quelques-uns qui ont
un conseil d'administration nommé par l'Assemblée nationale.
À ma connaissance, ça n'existe pas pour le Protecteur du citoyen.
Quand vous pensez comment mieux protéger les citoyens et quand nous
sommes en train de discuter de la possibilité d'avoir le mandat du
Protecteur du citoyen dans le réseau de la santé, croyez-vous,
avec la complexité du réseau de la santé, que ça va
être utile d'avoir cette complémentarité du Protecteur du
citoyen?
Mme Dupré: Avec ce qu'on propose, que ce soient les
organismes régionaux d'aide et d'accompagnement?
Le Président (M. Williams): Oui.
Mme Dupré: Moi, je pense que oui, ça va... En tout
cas, si je comprends la question...
Le Président (M. Williams): Je m'excuse
d'être...
Mme Dupré: Je ne sais pas.
M. Beaudoin: Si je comprends bien, vous parlez peut-être de
deux choses, aussi. C'est, premièrement: Est-ce que ce serait une bonne
chose d'avoir un conseil d'administration dans l'institution du Protecteur du
citoyen? Est-ce que c'est une chose?
Le Président (M. Williams): Oui, pour mieux
répondre au mandat que nous avons donné au Protecteur du citoyen,
particulièrement - je m'excuse...
M. Beaudoin: Oui.
Le Président (M. Williams): ...quand nous sommes en train
de discuter d'un élargissement de son mandat.
M. Beaudoin: Écoutez, ce n'était pas une question
posée en tant que telle dans la consultation, alors, on n'y a pas
beaucoup réfléchi. Mais je vous dirai qu'on a déjà
plusieurs fois dit, entre nous, dans nos réunions du comité
de
santé, que ça nous embêtait un peu que le Protecteur
du citoyen, comme institution, n'ait pas une espèce de conseil où
il y aurait des représentants du milieu. Et on trouvait le travail du
Protecteur du citoyen intéressant, dynamique, des choses positives, mais
ça nous embêtait un petit peu. Alors, on aurait plutôt
tendance à dire: Oui, on préférerait avoir un conseil
d'administration. Mais il faut faire attention; il faudrait vraiment faire
attention à qui serait là et il faudrait vraiment, nous, qu'on
nous propose une composition parce que, là, ce serait
délicat.
Le problème qu'il pourrait y avoir, ce serait une forme de
neutralisation. En voulant faire un conseil d'administration, tout
dépendant de sa composition, on pourrait avoir l'effet inverse,
c'est-à-dire qu'on pourrait neutraliser l'indépendance du
Protecteur du citoyen. Donc, oui, disons que la porte pourrait être
ouverte en ce qui nous concerne, mais il faudrait voir les pouvoirs du conseil
d'administration et sa composition pour qu'on puisse dire que ça peut
avoir du bon sens. Ce serait intéressant aussi d'avoir l'opinion du
Protecteur du citoyen là-dessus.
Le Président (M. Williams): Merci beaucoup, M. Beaudoin et
Mme Dupré, pour votre présentation. J'ai trouvé ça
très intéressant et très utile. Merci à la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec.
Maintenant, nous allons suspendre quelques minutes pour donner la chance
à la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec de prendre place. Merci beaucoup encore et
bon retour.
M. Beaudoin: Merci à vous aussi. Mme Dupré:
Merci. (Suspension de la séance à 17 h 24)
(Reprise à 17 h 27)
Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec
Le Président (M. Williams): Nous reprenons nos travaux.
Bienvenue à la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec. Nous avons une période de 30
minutes pour cette présentation. Vous avez 10 minutes pour votre
exposé et nous allons avoir 20 minutes d'échanges entre vous,
divisées entre les deux côtés. Bienvenue, M. Gervais.
Peut-être au début pourriez-vous présenter votre
délégation.
M. Gervais (Michel): Bien. J'ai à ma droite Mme Claire
McNicoll, qui est la directrice générale de la Conférence
des recteurs et des principaux des universités du Québec et,
à ma gauche, M. Laurent Jannard qui est ombudsman à
l'Université du Québec à Montréal et M. Lucien Huot
qui est protecteur universitaire à l'Université Laval.
M. le Président, Mme et MM. les commissaires, je suis
honoré de venir présenter à cette commission parlementaire
le point de vue de la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec dans le cadre de cette consultation sur le
mandat, les orientations, les activités et la gestion du Protecteur du
citoyen. Je le fais au nom du président de la Conférence des
recteurs, le Dr Patrick Kenniff, recteur de l'Université Concordia, qui
s'excuse de n'avoir pu présenter lui-même le mémoire
à la commission et qui m'a demandé de le remplacer.
Nous nous limitons dans notre mémoire à des commentaires
sur les questions soulevées au point 4.1 du document de consultation et
qui portent sur l'extension possible de la juridiction du Protecteur du citoyen
à des organismes non visés par la Loi sur le protecteur du
citoyen et, notamment, aux universités. En effet, après avoir
évoqué le fait que plusieurs universités ont
créé la fonction d'ombudsman, le document se demande si les
personnes occupant ces fonctions jouissent de toute l'indépendance et de
tous les pouvoirs nécessaires pour assumer leur rôle. Il se
demande en outre si ces personnes devraient relever du Protecteur du
citoyen.
À la première question touchant l'indépendance des
personnes qui occupent la fonction d'"ombudsperson" dans les
universités, les universités du Québec répondent
oui et elles estiment être en mesure de le prouver. À la seconde,
touchant l'extension possible de la juridiction du Protecteur du citoyen, elles
émettent l'avis très ferme qu'il n'y a pas lieu de soumettre les
ombudsmans universitaires à l'autorité du Protecteur du citoyen,
que cela n'est absolument pas nécessaire ni opportun et qu'il serait
contraire au régime général d'autonomie dont jouissent les
universités en vertu de la volonté du législateur qui les
a instituées.
À l'instar des universités canadiennes et
nord-américaines, plusieurs universités du Québec ont
maintenant un ombudsman, à savoir: l'Université Concordia,
l'Université du Québec à Montréal,
l'Université Laval, l'Université McGill et l'Université de
Montréal. La clientèle étudiante de ces
établissements représentait, en 1988, près de 70 % des
inscriptions totales des universités du Québec.
C'est en 1971 que le recteur de l'Université Concordia nommait un
ombudsman, suivi, en 1973, par le conseil d'administration de
l'Université du Québec à Montréal. En 1981, le
conseil de l'Université Laval nommait à son tour un protecteur
universitaire. Plus récemment, soit en 1987, le sénat et le
conseil des gouverneurs de l'Université McGill emboîtaient le pas.
Quant à l'Université de Montréal, son conseil
créait cette fonction en 1988. Il est évident que la taille
des
universités, la multiplicité et la complexité de
leur structure, de même que le grand nombre de règlements qu'elles
adoptent constituent autant d'éléments susceptibles
d'entraîner des erreurs et des négligences qui
représentent, de ce fait, des sources potentielles d'injustice et
d'iniquité. C'est pour tenir compte de ces éléments et
dans le but d'assurer la plus grande équité possible que les
universités de plus grande taille ont procédé à la
création de postes d'ombudsmans ou de protecteurs universitaires.
Dans les cinq universités québécoises qui ont
nommé un ombudsman, on retrouve plusieurs caractéristiques
communes à cette fonction. Indépendant des structures
administratives, ('ombudsman a comme mandat de recevoir des plaintes
présentées par des membres de la communauté universitaire
- sauf à McGili, où la juridiction de l'ombudsman se limite
à la clientèle étudiante - d'en analyser le
bien-fondé et de faire enquête, s'il y a lieu. Pour l'aider
à prendre une décision, il a accès à tout document
pertinent et a le droit de consulter toute personne, s'il le juge à
propos. De plus, il jouit d'un pouvoir moral, c'est-à-dire d'un pouvoir
de recommandation exercé à la suite dune plainte ou par le biais
de son rapport annuel public. L'ombudsman garantit en tout temps
impartialité et confidentialité.
De façon générale, la communauté
étudiante est la principale utilisatrice, à 90 % en fait, des
services de l'ombudsman. La nature des plaintes qu'il reçoit est
très variée. Elles concernent, pour l'essentiel, les
règlements pédagogiques, les processus d'admission et
d'inscription, les expulsions, la reconnaissance d'équivalences de
cours, les problèmes financiers, la discrimination, le
harcèlement sous toutes ses formes, le plagiat, les conflits de
personnalité, etc. Il est reconnu que l'intervention curative,
préventive et consultative de l'ombudsman contribue à assurer une
meilleure qualité de vie sur nos campus. Son rattachement à la
plus haute autorité de l'université constitue l'assise de son
autorité morale. Un tel rattachement sert d'appui à sa
crédibilité comme à ses recommandations.
Si l'établissement d'un poste d'ombudsman dans une
université permet de corriger certaines iniquités, son rôle
ne se limite pas à celui d'un redresseur de torts. Intimement lié
à la vie universitaire, l'ombudsman effectue un travail de
prévention qui, loin d'être négligeable, constitue une part
considérable de son action. L'action préventive qu'il exerce
à divers niveaux représente un élément majeur de
son travail au sein de la communauté universitaire, dont les effets
bénéfiques sont directement associés à la mission
qui lui est confiée.
Il importe par ailleurs de souligner que tous les établissements
universitaires, même ceux qui n'ont pas d'ombudsman, ont mis en place un
éventail considérable de mécanismes d'appel et de mesures
qui, au total, offrent au moins la même garantie d'équité
à leur clientèle que celle prévue à la Loi sur le
Protecteur du citoyen. Les établissements universitaires
considèrent donc que les efforts qu'ils ont déployés en ce
domaine témoignent de leur capacité à garantir, devant
l'appareil universitaire et pour l'ensemble de leur clientèle, un
traitement juste et équitable.
Cela dit, il ne nous semble pas souhaitable que les ombudsmans mis en
place par les universités soient assujettis au Protecteur du citoyen.
Les universités québécoises sont en effet convaincues que
l'établissement d'une relation directe entre la personne qui s'estime
lésée et celle qui agit au nom de l'université ou de son
administration, à titre d'ombudsman, est ce qui offre la meilleure
garantie d'un traitement équitable, juste, sans parti pris, accessible
à tous et, j'ajoute, rapide. C'est dans cet esprit et pour ces motifs
que les universités qui ont les clientèles étudiantes les
plus nombreuses ont estimé qu'il était de leur compétence,
mais aussi de leur responsabilité, de procéder à la
création de postes d'ombudsmans analogues, au fond, à la fonction
de Protecteur du citoyen.
De la même façon que le Protecteur du citoyen relève
de l'Assemblée nationale, les établissements universitaires
québécois ont voulu que la fonction d'ombudsman soit
rattachée à leurs plus hautes instances décisionnelles.
Seule cette relation offre l'avantage d'assurer une prise en charge directe,
par la plus haute autorité de chaque établissement, des
problèmes propres aux établissements universitaires tels qu'ils
sont identifiés par l'ombudsman dans l'exécution de son mandat,
à la lumière des questions soumises à son attention ou par
le biais des recommandations qu'il estime devoir inscrire à son rapport
annuel.
C'est pourquoi, à la suite des consultations qu'elles ont
menées, y compris auprès des titulaires en poste, les
universités estiment qu'il ne serait pas judicieux, dans le contexte
actuel, de proposer à l'Assemblée nationale de prendre en charge
certains pouvoirs que les administrations des organismes ou corporations en
question doivent assumer et assument à notre connaissance, avec
efficacité à l'aide de mécanismes qui reflètent
leur personnalité propre et qui jouissent d'une grande
crédibilité dans leur milieu respectif. Au contraire, elles
considèrent même, dans la mesure où l'on s'assure de
l'autonomie de ses fonctions, qu'il demeure plus efficace qu'un ombudsman soit
désigné par l'institution qui l'emploie - plutôt que par le
gouvernement - qui saura mieux orienter sa mission et tirer, pour le plus grand
bénéfice de la collectivité, un meilleur parti de sa
collaboration.
Il nous apparaît d'autant plus souhaitable de confirmer cette
approche qu'elle s'inscrit dans un contexte où, ayant reconnu les
limites de l'intervention de l'État, l'on tend de plus en plus à
favoriser la décentralisation, l'imputabilité et l'autonomie des
établissements.
Pour l'instant, rappelons que les titulaires de ce poste dans les
universités jouissent tous d'une indépendance administrative
suffisante et déposent annuellement un rapport public dont les
recommandations, même si elles n'ont qu'un poids moral, sont prises en
haute considération et donnent habituellement lieu aux ajustements
souhaités. Ces ombudsmans ont de plus développé, au fil
des ans, une collaboration réciproque ainsi que des habitudes de travail
qui les amènent, dans l'exercice de leurs fonctions, à
référer au besoin certains de leurs clients à des
organismes de défense des droits, tels la Commission des droits de la
personne et le Protecteur du citoyen.
Au moment où l'on s'interroge sérieusement sur l'ampleur
de l'appareil administratif de l'État et sur les coûts qu'il
engendre, les universités considèrent qu'elles sont en mesure de
contribuer, en ce qui a trait à la juridiction du Protecteur du citoyen,
à un partage souhaitable des responsabilités avec l'État.
Les actes qu'elles ont posés en ce domaine ainsi que l'expérience
qu'elles ont acquise à ce jour les autorisent à croire qu'elles
sont en mesure d'assumer adéquatement leurs responsabilités pour
faire en sorte que les membres de la communauté universitaire puissent
jouir du droit fondamental à l'équité pour toutes les
décisions qui les concernent.
Aussi bien, les chefs d'établissements universitaires
québécois s'opposent fermement et clairement à tout
élargissement du mandat du Protecteur du citoyen qui aurait pour effet
d'assujettir à sa juridiction les ombudsmans mis en place par les
universités. Depuis longtemps sensibilisées à l'importance
de protéger les droits des membres de la communauté
universitaire, notamment des étudiants, et d'assurer le respect de
l'équité sur le campus, les universités sont convaincues
qu'elles assument adéquatement leurs responsabilités à cet
égard, comme le démontre clairement le mémoire qui vous a
été adressé. C'est pourquoi elles considèrent comme
inutile toute intervention du législateur en ce sens ou toute
modification en ce domaine qui, sans conteste, changerait de façon
fondamentale l'économie du système actuel en matière
d'autonomie des universités.
Dois-je rappeler que le législateur lui-même, comme cela
ressort clairement des diverses lois par lesquelles il a institué les
universités, des diverses modifications apportées à ces
lois au fil des ans et jusque dans le passé récent, ou encore des
lois affectant indirectement les universités, a eu le souci constant de
sauvegarder l'autonomie des universités qu'il a toujours
considérée comme une valeur supérieure et comme une
condition essentielle à la poursuite efficace des finalités
universitaires?
Il en va de même de l'État, du gouvernement et du pouvoir
exécutif qui, malgré le fait que les universités soient
largement financées par les deniers publics, laissent aux
universités une très grande marge de manoeuvre parce que cela
apparaît essentiel à leur dynamisme et à l'exercice
adéquat de leurs fonctions.
De même, bien que les universités n'échappent pas au
pouvoir général de surveillance et de contrôle de la Cour
supérieure, l'autorité judiciaire a toujours usé d'une
très grande réserve devant les universités et les a
laissées responsables de l'exercice de la justice et de
l'équité dans les multiples décisions qu'elles ont
à prendre à l'égard de leurs membres, et notamment de
leurs dizaines de milliers d'étudiants. Soumettre les ombudsmans
universitaires à la juridiction du Protecteur du citoyen irait à
rencontre de cette tradition et de cette économie générale
et constituerait à cet égard un pas, à notre avis, dans la
mauvaise direction et un fâcheux précédent.
En conclusion, les universités veulent assurer les membres de
cette commission et le gouvernement de leur entière collaboration
à la poursuite des objectifs d'équité qui constituent le
fondement même de l'action du Protecteur du citoyen comme de celle des
ombudsmans des universités.
Au nom des établissements universitaires, la Conférence
des recteurs et des principaux des universités du Québec vous
remercie de lui avoir fourni l'occasion de faire connaître son point de
vue sur les aspects de la révision du mandat du Protecteur du citoyen
qui concernent la vie universitaire. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Williams): Merci beaucoup,
M. Gervais. Maintenant, je vais passer la parole à M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est à mon tour
de vous remercier d'avoir pris le temps de vous déplacer. Je sais un peu
en quoi consiste l'horaire d'un recteur, M. le recteur de l'Université
Laval et Mme la présidente et directrice générale de la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec. Pour nous, c'est important évidemment, au moment
où on se questionne sur l'élargissement du mandat; c'est
important que nous ayons votre vision des choses.
Nous avons également, en termes de documentation, des fiches
signalétiques quant aux cas qui sont traités dans les
universités qui ont déjà des protecteurs ou des ombudsmans
au sein de leur institution. Mais une première question d'abord. Est-ce
que vous seriez quand même d'accord pour convenir que l'autonomie, la
liberté et l'indépendance nécessaires des institutions
universitaires par rapport à l'État, telles que nous les avons
vécues traditionnellement, je dirais, depuis le Xlle ou le XIIle
siècle, qui sont des caractéristiques essentielles et
fondamentales du milieu universitaire, ne se rattachent pas
davantage à la liberté de pensée, à la
liberté académique, à la liberté des opinions et
à la liberté des connaissances qui y sont
véhiculées en termes de progression de ces connaissances dans la
société par rapport à l'autonomie plus administrative des
universités? Vous appuyez très fortement votre raisonnement de
l'autorespon-sabilité en matière de plaintes et de recours aux
droits de vos usagers, qui sont des étudiants, sur cette notion
d'autonomie et d'indépendance vis à-vis du pouvoir. Est-ce qu'il
n'y a pas là une... Est-ce que ce n'est pas un peu exagéré
de dire que ça comprend également tout le secteur administratif
ou toute la responsabilité administrative et que ça
dépasse un peu la notion plus commune de liberté
académique?
M. Gervais: M. Trudel, je conviens parfaitement avec vous qu'il y
a une distinction importante à faire entre la liberté dite
académique qui, au fond, est la liberté de pensor, d'enseigner,
de recherche, etc., en l'absence de contraintes institutionnelles. Je dirais
même qu'à cet égard-là l'administration de
l'université pourrait devenir un obstacle à l'exercice de la
liberté académique, dans le fond. Ça, c'est une notion.
L'autonomie administrative de l'établissement en est une autre. Il y a
une nette distinction à faire entre les deux, encore qu'il est apparu au
fil des siècles que la meilleure façon d'assurer cette
liberté académique, c'était justement d'assurer
l'autonomie. En tout cas, une des façons, c'était d'assurer
l'autonomie administrative des établissements. Il s'est
avéré que les universités, par exemple
nord-américaines, sont des universités où on jouit d'une
très grande liberté académique. Ce sont aussi des
universités où l'autonomie administrative est (tes grande,
beaucoup plus grande que dans certains pays d'Europe, même.
En l'occurrence, ici, nous estimons que l'autonomie administrative des
universités a été vue par les pouvoirs publics, par le
législateur, par le gouvernement et même par le pouvoir judiciaire
comme une condition de la poursuite efficace de ces finalités. Dans le
cas de la protection des droits, et notamment des étudiants qui sont
ceux qui ont le plus recours - on le voit à l'expérience - aux
protecteurs universitaires, nous estimons que leurs droits seront davantage
respectés, que la justice ot l'équité ont des chances
d'être mieux réalisées si on a un recours interne et rapide
auprès de quelqu'un qui jouit, au sein de l'établissement, d'une
tros grande autorité morale, en plus de jouir d'un pouvoir clairement
défini dans les statuts ou les règlements de l'université.
Nous pensons que ce recours sera plus efficace et, de fait, à I
expérience, on constate que les droits des étudiants et des
étudiantes sont très bien respectés dans ce
contexte-là, à telle enseigne qu'on n'a pas besoin, à
notre avis, de soumettre ces protecteurs universitaires à la juridiction
du Protecteur du citoyen.
Mais, pour revenir à votre point de départ, je conviens
qu'il y a une distinction à faire entre liberté académique
et autonomie administrative des établissements. (17 h 45)
M. Trudel: II semble également, en apparence, à la
page 5 de votre mémoire, deuxième paragraphe, y avoir une
contradiction Vous dites: Bon, on peut vous garantir que les protecteurs du
citoyen, les ombudsmans dans les universités, jouissent de
l'indépendance administrative suffisante et d'une probité morale
qui nous amènent à vous garantir le respect des droits ou que des
recours sont bien exercés dans les universités. Et vous ajoutez:
"Ces ombudsmans ont de plus développé, au fil des ans, une
collaboration réciproque ainsi que des habitudes de travail qui les
amènent, dans l'exercice de leurs fonctions, à
référer au besoin certains de leurs clients à des
organismes de défense des droits, tels la Commission des droits de la
personne et le Protecteur du citoyen." Ils ne peuvent pas référer
les étudiants, quant à leurs droits, au Protecteur du citoyen
puisque ce dernier n'a pas juridiction.
M. Gervais: Oui, parce qu'il arrive que les étudiants
savent qu'il y a, au sein de l'université, une personne qui est
là pour les aider à régler leurs problèmes
lorsqu'ils s'estiment lésés. Mais il arrive que les
décisions dont il est question ne soient pas des décisions qui
ont été prises par des instances universitaires. Exemple: Si un
étudiant va voir le protecteur universitaire pour une question de bourse
qu'il n'a pas reçue, alors qu'il estime qu'il aurait eu droit de la
recevoir, on sait bien que ce n'est pas une décision d'une instance
universitaire mais une décision de quelqu'un au ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science. Et alors, le protecteur
universitaire ou l'ombudsman de l'université va l'informer qu'il a un
recours concernant une décision d'un fonctionnaire de l'État.
C'est on ce sens-là qu'on dit ici que le protecteur universitaire
ou l'ombudsman écoute l'étudiant. Si c'est dans un domaine
où il a, entre guillemets, juridiction, bien là, il va
intervenir. Si, au contraire, c'est quelque chose qui n'est pas de son ressort
parce que ce n est pas une décision qui relève d'une instance
universitaire mais une décision... Il va l'informer de ses autres
recours en vertu Parfois même, ça peut être un recours au
criminel ou un recours au civil, ou un recours au Protecteur du citoyen s'il
s'agit d'une décision d'un fonctionnaire de l'État qui a
usé de son pouvoir discrétionnaire et, de l'avis de
l'étudiant, d'une manière inéquitable.
M. Trudel: 70 % de la clientèle universitaire est couverte
par un protecteur de premier niveau
au sein de l'institution. Bon. il reste donc ces 30 % qui ne sont pas
couverts, d'une part. D'autre part, il y a, bien sûr, une proportion des
plaintes qui sont adressées aux ombudsmans dans les institutions qui en
ont, de ces responsables, qui ne reçoivent pas de réponse. Il
doit certainement... Il n'y a certainement pas un succès à 100 %
des réponses aux demandes des plaignants.
Est-ce qu'il serait complètement impensable que le Protecteur du
citoyen pourrait avoir la responsabilité, mais comme un organisme de
deuxième niveau seulement? Parce que, je dois dire, je fais un
commentaire appréciatif là-dessus, M. le recteur. Je pense que
oui, il faut très bien prendre en note votre remarque. On a tout
avantage à ce que celui qui traite avec le degré
d'indépendance nécessaire soit le plus près possible du
système ou de l'organisation dans laquelle il se situe, et ça,
vous accolez cette qualité-là aux ombudsmans à
l'intérieur des institutions universitaires. Je pense qu'il faut donner
crédit à cette observation-là.
Mais est-ce qu'il est impensable de dire que le Protecteur du citoyen
pourrait avoir juridiction uniquement au moment où on aurait
déjà eu recours au mécanisme de premier niveau, qui serait
une espèce - je le mets entre guillemets - de tribunal d'appel, ce qui,
à ce moment-là, nous permettrait de rejoindre les qualités
que vous décrivez en matière de réception et de traitement
des plaintes dans le milieu universitaire? Est-ce que c'est imaginable?
M. Gervais: C'est certes imaginable, et vous avez commencé
par parler du fait que 70 %, en somme, étaient couverts, et qu'il
restait donc 30 %. Ces 30 % se retrouvent, cependant, dans des institutions,
dans des établissements de plus petite taille où on peut
présumer que les rapports interpersonnels sont beaucoup plus
fréquents, faciles, de telle sorte que les choses se règlent
à l'amiable plus facilement que dans des établissements de
très grande taille. À l'Université Laval, actuellement, on
a 36 000 étudiants. Il faut se rendre compte que c'est quasiment une
ville. Et il est certain que, je dirais, l'université ou l'appareil
administratif apparaît comme une bien grosse machine pour le citoyen
qu'est l'étudiant. Bon, dans un établissement de plus petite
taille comme celui que vous avez déjà dirigé, par exemple,
on sait que les choses peuvent se régler beaucoup plus facilement et ce
serait peut-être trop onéreux de créer une fonction de
protecteur universitaire dans ces établissements, où existent
d'ailleurs, comme on le mentionne dans le mémoire, d'autres recours
comme les comités de révision de notes, etc., donc, d'autres
recours qui permettent d'atteindre la justice et l'équité
efficacement.
Dans le cas du... Vous pensez ensuite aux autres 70 % dont un certain
nombre de cas ne seraient pas réglés à l'interne. Je
mentionnerai quand même les statistiques, par exemple, publiées
dans le rapport annuel du protecteur de l'Université Laval l'an dernier,
c'est-à-dire dans le rapport de 1989-1990, et je le cite: "Des 2170
plaintes reçues, 977 étaient fondées et, de ce nombre, 9
sont restées sans règlement, c'est-à-dire 1 %. Par contre,
des 849 plaintes non fondées, 698 ont été
réglées, soit entièrement, soit partiellement." Même
si elles apparaissaient non fondées, il y a quand même eu une
sorte de règlement et, quant aux 344 autres plaintes, certaines
étaient non recevables parce que, par exemple, le protecteur
universitaire n'avait pas juridiction. À supposer que quelqu'un qui est
couvert par une convention collective de travail vienne, le protecteur lui dit:
Vous n'êtes pas couvert par mon règlement donc je ne peux pas
régler votre plainte. Et les autres ont été
abandonnées par les plaignants. Au cours de la même période
- et c'est une autre fonction du protecteur universitaire - le protecteur a
également répondu à 1916 consultations de gens qui se
demandent quels sont les recours, qu'est-ce qu'ils doivent taire, etc., et le
protecteur les oriente.
Brel, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de créer en
quelque sorte un second recours au niveau du Protecteur du citoyen parce que je
crois que le mécanisme - et je pense que c'est vrai aussi des autres
établissements - est efficace. De surcroît, chez nous - et je
crois que des mécanismes semblables existent ailleurs -il existe une
déclaration des droits des étudiants et des étudiantes qui
a été votée par le conseil de l'Université, qui
prévoit des comités d'appel dans le cas où on estime que
les droits des étudiants n'ont pas été respectés:
encadrement adéquat, droit de révision de notes, ainsi de suite.
Bref, il me semble que les universités se sont donné des
mécanismes. Je le disais à mes collègues en venant ici. Il
me semble que s'il y a un endroit où on s'est efforcé de
respecter au maximum les droits des personnes, c'est bien dans les
établissements universitaires; à telle enseigne qu'il ne
paraît pas requis d'établir ainsi cette sorte de second appel au
niveau du Protecteur du citoyen.
Le Président (M. Williams): Le temps presse; je passe
maintenant la parole à M. le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Évidemment, la
contribution de la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec est toujours appréciée
à nos travaux parlementaires, vous le savez très bien. M.
Gervais, peut-être pour continuer un tout petit peu sur ce que vous nous
disiez il y a quelques instants, vous dites dans votre mémoire que tous
les établissements universitaires, même ceux qui n'ont pas
d'ombudsman, ont mis en place un éventail considérable de
mécanismes d'appel et de mesures qui, au total, offrent la même
garantie
d'équité à leur clientèle que celle
prévue à la Loi r. ur le Protecteur du citoyen. Pourriez-vous
élaborer davantage sur cet éventail de mécanismes d'appel
et de mesures mises en place par les universités qui n'ont pas
d'ombudsman?
M. Gervais: Je pense, par exemple - mes collègues ici
pourront m'aider - à tout le secteur de l'évaluation des
études. C'est un secteur ou il y a beaucoup de plaintes de la part des
étudiants. Les protecteurs, les ombudsmans sont affublés d'une
quantité innombrable de plaintes d'étudiants qui disent: Le
professeur en question m'a attribué une note trop faible.
Habituellement, ils n'y vont pas pour une note trop forte. Les
universités qui n'ont pas d'ombudsman, je crois, se sont toutes
donné des mécanismes de révision des évaluations.
À supposer qu'un étudiant s'estime lésé par une
évaluation, il y a des comités qui sont formés pour revoir
l'évaluation et recommander qup l'évaluation soil maintenue ou
modifiée.
On peut penser aussi à tout le domaine ciu harcèlement. Je
crois que la plupart des universités se sont donné des politiques
touchant le harcèlement, sexuel notamment, qui font en sorte que, s'il y
a des cas d'abus de pouvoir de la part de gens en autorité dans ce
domaine délicat et très sensible des droits de la personne, les
personnes pourront avoir des recours efficaces.
II y a également, dans les règlements d'études, des
provisions touchant... Je ne sais pas moi; par exemple, un étudiant qui
estime que les rapports avec son directeur de thèse ou sa directrice de
thèse se sont détériorés au point que
l'éventualité d'un échec au bout de ses études de
maîtrise ou de doctorat apparaisse, eh bien, il y a possibilité de
faire revoir cette attribution de directeur ou de directrice de thèse.
On pourrait continuer Jo parlais tantôt de la déclaration des
droits des étudiants et des étudiantes chez nous, mais
peut-être que je laisserai mes collègues élaborer
là-dessus, s'ils le désirent.
M. Jannard (Laurent): Nommément, en ce qui a trait aux
plus petits établissements, où on ne retrouve pas d'ombudsman,
par le biais d'une réglementation un peu plus serrée, les
mécanismes en question - par exemple, on parlait tout à l'heure
d'un étudiant qui s'estimerait lésé par une
évaluation - dans ces établissements, il peut tout simplement
demander une modification au professeur. À défaut de
satisfaction, il peut demander la mise en place d'un comité dit de
révision, à l'intérieur duquel, bien sûr le
profes-seur en question n'intervient pas. Dans certains établissements,
encore là, au terme de cette intervention, si l'étudiant s'estime
encore lésé ou victime d'un préjudice de quelque nature,
souvent, ce sera le doyen ou la doyenne des études concernées qui
pourra intervenir; si bien que ça fait un peu office d'ombudsman dans
des cir- constances comme celles-là.
M. Gervais: Est-ce que je peux ajouter deux domaines où,
à nouveau; les droits des étudiants et des étudiantes sont
respectés, même de ceux qui ne le sont pas encore? Quelqu'un fait
une demande d'admission à l'université; il est refusé
parce que le nombre de places est limité, etc. Il peut, dans la plupart
sinon dans la totalité des établissements - je crois que c'est la
totalité des établissements universitaires du Québec -
faire appel de cette décision. Et il arrive que le comité d'appel
renverse la décision du premier comité et prononce
l'admission.
Un autre domaine, c'est qu'il arrive aussi que les étudiants
fassent l'objet de sanctions disciplinaires, dans le cas, par exemple, de
plagiat ou de copie, de trichage aux examens. À ce moment-là, il
y a un comité, qui fonctionne à la manière d'un tribunal,
dans le fond, qui peut décréter une sanction comme le renvoi de
l'université ou encore l'interdiction de s'inscrire à un ou des
trimestres donnés, ou une autre punition ou sanction du même type.
Les règles de justice naturelle sont respectées à
l'intérieur de ceci. Il y a audition selon les règles de l'art et
il y a même, une fois la sanction prononcée par le comité,
à nouveau possibilité d'appel si on estime que les principes de
justice naturelle n'ont pas été adéquatement
respectés.
Ce sont donc un ensemble de dispositions qui visent à faire
respecter en toutes circonstances les droits des étudiants et des
étudiantes.
M. Hamel: Merci beaucoup. Si on a un peu de temps, j'en aurai
peut-être une autre, mais continuez, M. le Président.
Le Président (M. Williams): Je m'excuse, il ne reste
qu'une minute, je pense. Un peu dans le même volet que le
député de Sherbrooke, il y a vraiment une gamme de services, sur
des questions de plaintes, que vous avez établis au niveau
universitaire. Nous avons tous les chiffres concernant les plaintes. Mais
aussi, quand j'ai lu le rapport annuel du Protecteur du citoyen, il y a eu une
augmentation des plaintes d'environ 51 % - presque 500 plaintes - et je cite
une petite phrase de ce rapport: "Rien de neuf, il est très, très
souvent question de prêts et bourses. " Avec ça, je pense que nous
avons encore beaucoup de choses à faire. Aussi, dans le dépliant
dont j'ai actuellement la version anglaise, nous parlons ici
d'éducation, d'action communautaire. Le Protecteur du citoyen a
cité un problème universitaire, qu'on a essayé de
régler au niveau universitaire, mais qui a eu besoin d'aller à un
autre niveau. Ça arrive. C'est juste un petit commentaire qui
démontre que nous avons encore beaucoup de choses à faire.
Je voudrais poser une question précise à M. Jannard, comme
ombudsman à l'UQAM. Vous avez reçu 249 plaintes, je pense; vous
avez trouvé que
54 étaient fondées. Règle générale,
est-ce que vos recommandations sont suivies?
M. Jannard: En ce qui concerne les plaintes dites
fondées...
Le Président (M. Williams): Oui, oui.
M. Jannard: ...à 99,9 %, oui. D'ailleurs, lorsqu'une
plainte est vraiment considérée comme fondée, règle
générale, les recommandations formulées par l'ombudsman,
par les ombudsmans ou protecteurs universitaires, sont suivies dans la
même proportion.
Le Président (M. Williams): Merci. Je donne le mot de la
fin à vous, M. Gervais. Est-ce que vous voulez faire quelques
commentaires sur les chiffres du rapport du Protecteur du citoyen, cette
augmentation et ce que nous pourrions faire?
M. Gervais: Non. À vrai dire, je n'ai pas de commentaire
là-dessus; peut-être que mes collègues en auraient. Je
voudrais cependant dire, en terminant, deux choses. La première, c'est
que j'ai été, par un concours de circonstances, amené
à réfléchir sur la fonction du Protecteur du citoyen,
dès sa création. Me Louis Marceau, qui a été le
premier ombudsman, le premier Protecteur du citoyen au Québec, avait
constitué un petit groupe de travail pour réfléchir sur
les fondements, je dirais philosophiques, de sa fonction, en vue de la
publication de son premier rapport annuel. Et j'avais fait partie, alors que
j'étais jeune professeur à l'université, de ce groupe de
travail. Il me semble que le but du législateur, en créant cette
fonction-là, était, étant donné
l'élargissement de l'appareil de l'État, étant
donné le pouvoir discrétionnaire donné à un grand
nombre de fonctionnaires d'attribuer ou de ne pas attribuer une bourse, de
donner un permis d'alcool ou de ne pas le donner, etc. La possibilité de
multiples gestes légaux mais injustes s'agrandissait d'année en
année, c'est-à-dire que le fonctionnaire a le pouvoir
légal de poser un geste, mais il peut arriver que, le posant, il
crée une injustice. Et c'est spécifiquement pour ça qu'on
a créé la fonction de Protecteur du citoyen.
L'élargissement aux universités et aux décisions prises
dans les universités me paraîtrait une déviation par
rapport à l'intention initiale.
La deuxième chose que je voulais dire, c'était au sujet -
parce que cette question-là a été soulevée par
hasard tantôt - des garanties de l'autonomie et de l'indépendance
des protecteurs universitaires ou des ombudsmans dans les universités.
Je mentionne que chez nous, par exemple, cette protection de
l'indépendance et de l'autonomie est assurée par le fait que
l'existence, la nature et les fonctions du protecteur sont
précisées dans les statuts de l'université - qui ne
peuvent être modifiés que par une majorité qualifiée
- que la durée du mandat du protecteur universitaire est de cinq ans,
qu'il fait son rapport, qu'il est nommé par un vote des deux tiers du
conseil universitaire, ce qui assure son pouvoir moral - il n'est pas
nommé par le recteur ou un vice-recteur, il est nommé de celte
façon-là - et qu'il doit faire rapport au conseil universitaire.
Et de fait, ces recommandations - excusez-moi, M. Huot - ne plaisent pas
toujours à l'administration universitaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Williams): Bon. Nous avons une
dernière petite question. M. le député d'Iberville.
M. Lafrance: Oui, je vous remercie, M. le Président. C'est
une question très courte, en fait, mais ça me tracasse un peu.
C'est dans un souci d'impartialité pour vos ombudsmans. J'aimerais
savoir si vous prévoyez une durée de contrat et si ces
ombudsmans-là sont appelés à changer
régulièrement, de façon, évidemment, qu'ils restent
indépendants, si vous le voulez, jusqu'à un certain point, des
autorités universitaires.
M. Gervais: D'abord... Je laisserais peut-être mon
collègue...
M. Huot (Lucien): À Laval, en fait, le contrat, l'entente,
est de cinq années pour le terme; un mandat de cinq ans renouvelable une
seule fois. C'est-à-dire que le protecteur universitaire, à
Laval, ne peut pas demeurer plus que dix années. Mais après cinq
années, je pense que la fonction est très...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Huot: Je suis là, moi, depuis quatre ans et demi.
M. Lafrance: Merci.
M. Gervais: Mais entre autres, de toute façon, comme
personne à l'université - c'est le cas chez nous - la personne
jouit déjà de la sécurité d'emploi. M. Huot, comme
professeur, et celui qui l'avait précédé également.
Dans les deux cas, il s'agissait de personnes qui exerçaient une
fonction de professeur titulaire à l'université. Donc, s'ils
quittent la fonction, ils restent à l'emploi de l'université. Le
mandat de cinq ans est quand même un mandat assez long. Il est
renouvelable une seule fois mais il est dans la même situation que le
recteur de l'université dont le mandat n'est renouvelable qu'une seule
fois.
M. Lafrance: Ah! Il était déjà
professeur,
là. Vous engagez.. Oui.
M. Gervais: M. Huot était doyen de la Faculté des
sciences et de génie pendant huit ans...
M. Lafrance: Ah bon!
M. Gervais: ...et, au terme de son mandat, le recteur d'alors et
le conseil lui avaient offert la possibilité d'assumer ce
mandat-là, ce qu'il a fait et, incidemment...
M. Huot: Oui, en fait, on peut ajouter aussi que la nomination du
protecteur universitaire à Laval, ça fait suite à une
importante consultation de la part du recteur. Il doit consulter les
associations étudiantes, les facultés, les présidents de
commissions, les membres dos comiios, etc. Donc, la nomination du protecteur
univor sitaire arrive après une consultation de plusieurs mois à
travers le campus pour être certains qu'on arrive avec une personne qui a
la crédibilité et qui est tout de même acceptée de
l'ensemble de la communauté, surtout de I ensemble des étudiants,
de la communauté étudiante. C'est majeur, à mon avis. S'il
fallait que le conseil de l'université arrive avec une personne qui,
déjà, est contestée par...
M. Lafrance: Oui.
M. Huot: ...les associations étudiantes, on peut imaginer
que ça n'irait pas tellement bien. Les associations étudiantes,
vous savez pertinemment que c'est très actif sur les campus et ça
voit à leurs affaires.
M. Lafrance: Merci.
Le Président (M. Williams): Merci beaucoup. M. Gervais,
Mme McNicoll, M. Huot et M. Jannard, merci beaucoup pour votre intervention et
votre mémoire aujourd'hui.
M. Gervais: Merci de votre hospitalité.
Le Président (M. Williams): Et bon retour. Maintenant nous
allons ajourner à demain, 9 h 30. Merci beaucoup encore.
(Fin de la séance à 18 h 5)