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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions
a le mandat de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'examen du
mandat, des orientations, des actitivés et de la gestion du Protecteur
du citoyen. Je vais maintenant vous faire lecture de l'ordre du jour, pour
adoption.
Nous allons, évidemment, permettre aux membres de faire des
remarques préliminaires jusqu'à environ 11 heures. Ensuite de
ça, nous entendrons le Comité provincial des malades, pour une
durée d'une heure; nous aurons le Comité des
bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard, pour une
durée d'une heure. Cet après-midi, nous aurons le groupe Auto-Psy
provincial, pour une durée d'une heure également; pour ensuite
poursuivre avec Mme Nicole Fontaine, curatrice publique, pour une durée
de 45 minutes; ensuite, nous poursuivrons avec la Fédération
québécoise des associations des familles et amis de la personne
atteinte de maladie mentale, pour une durée de 30 minutes; pour
poursuivre avec Mme Micheline Lynch, ombudsman et déléguée
du Protecteur du citoyen au Centre hospitalier régional de Lanaudiere,
pour une durée d'une heure. Après la suspension, nous entendrons
Mme Jocelyne Charbonneau, ombudsman à l'hôpital
Rivière-des-Prairies, pour une durée de 45 minutes; ensuite, nous
aurons Mme Francine B.-Bergeron, conseillère à la
clientèle à l'hôpital Sainte-Justine, pour une durée
de 30 minutes; et, finalement, nous aurons la Commission de protection des
droits de la jeunesse, pour une durée de 45 minutes. Est-ce que l'ordre
du jour est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Dauphin): Je rappelle aux
différents membres de la commission qu'au comité directeur nous
avons décidé de permettre des remarques préliminaires,
pour un maximum de 15 minutes, au représentant du parti
ministériel, 15 minutes au représentant de l'Opposition
officielle, et 10 minutes pour les deux députés
indépendants. Est-ce qu'il y a, avant de débuter, des motions
préliminaires? Ça va.
Alors, avant de procéder aux remarques préliminaires,
j'aimerais saluer la présence de nouveaux membres à notre
commission. Je commence avec l'Opposition officielle. Il y a M. François
Beaulne, qui est maintenant membre permanent de notre commission,
député de Bertrand. Nous avons également M. Lafrance,
député d'Iberville, qui est membre de notre commission; M.
Ghislain Maltais, député de Saguenay, qui remplace un des membres
de la commission; et, comme nouveaux membres, nous avons un
député de la Beauce, M. Jean Audet, et aussi M. Charles Messier,
député de Saint-Hyacinthe; les autres étaient
déjà membres de la commission.
Ce serait peut-être une bonne chose que je les présente,
même s'ils sont membres de la commission, pour nos invités: M.
Hamel, qui est député de Sherbrooke, M. Kehoe, qui est
député de Chapleau, M. Houde, qui est député de
Berthier, M. Larouche, qui est député d'Anjou; à ma
gauche, le vice-président de la commission, M. Trudel, qui est
député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue, Mme Louise Harel,
qui est députée de Hochelaga-Maisonneuve - il ne faut pas que je
me trompe - Mme Caron, députée de Terrebonne, et M. Holden,
député de Westmount.
Remarques préliminaires M. Claude
Dauphin
Je vais maintenant commencer les remarques préliminaires comme
président et, également, comme membre du parti
ministériel. Alors, Mmes et MM. les membres de la commission, la
commission permanente des institutions entreprend aujourd'hui des auditions
publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des
activités et de la gestion du Protecteur du citoyen. L'article 294 du
règlement de l'Assemblée nationale prévoit que chaque
commission examine annuellement les orientations, les activités et la
gestion d'au moins un organisme public soumis à son pouvoir de
surveillance. Le Protecteur du citoyen ne relève pas de la
compétence de la commission des institutions, mais bien de la commission
de l'Assemblée nationale qui, elle, lui a délégué,
en 1989, le soin d'entendre le Protecteur du citoyen sur son rapport
annuel.
C'était la première fois depuis plus de 10 ans que le
Protecteur avait l'occasion de se faire entendre par une commission
parlementaire. Suite à cette audition, la commission des institutions
avait adopté à l'unanimité, en juin 1989, une
résolution recommandant au gouvernement de revoir le mandat du
Protecteur du citoyen et, plus particulièrement, premièrement,
qu'il examine la possibilité et l'opportunité d'étendre la
juridiction du Protecteur du citoyen aux secteurs d'activité
gouvernemental, périgouvernemental et paragouvernemenal qui ne peuvent
avoir recours au Protecteur ou, à défaut, que ces institutions
mettent sur pied leur propre service d'ombuds-
man; deuxièmement, que le gouvernement examine à
l'intérieur des ministères et des organismes sous la juridiction
du Protecteur du citoyen les causes de lésion et qu'il fasse le point
sur les mécanismes de règlement des litiges mis en place à
l'intérieur de ces ministères et de ces organismes;
troisièmement, qu'il évalue la possibilité, pour ces
ministères et organismes, de se doter de nouveaux mécanismes
internes de traitement des plaintes et qu'il identifie les mécanismes de
règlement à l'amiable de conciliation et de médiation que
les ministères et les organismes peuvent utiliser pour régler
leurs différends avec les contribuables; finalement, qu'il
réévalue le budget et les effectifs du Protecteur du citoyen
ainsi que le rôle ambigu et délicat du Conseil du trésor
dans l'octroi des crédits budgétaires à celui-ci.
C'est donc dans le prolongement de ces travaux que les membres actuels
de la commission des institutions ont unanimement décidé de
demander à la commission de l'Assemblée nationale de lui
permettre de poursuivre plus en profondeur l'étude des questions
soulevées lors de l'audition du Protecteur sur son rapport annuel et
qu'on lui confie le mandat d'examiner les orientations, les activités et
la gestion du Protecteur, ce qui nous a été accordé en
janvier 1990.
L'importance de la protection du citoyen, des injustices, erreurs, abus,
négligences de l'administration par le Protecteur du citoyen rallie tous
les députés, sans distinction de formation politique. Le
Protecteur du citoyen joue un rôle essentiel pour le bon fonctionnement
de nos institutions démocratiques et, par son action, il contribue
à maintenir la confiance que les citoyens et citoyennes doivent avoir
à leur égard. Nous savons que les lois même
rédigées avec la plus grande rigueur et le plus grand soin
peuvent entraîner des situations non attendues. Le législateur a
confié son pouvoir de contrôle et de surveillance sur
l'application des lois au Protecteur en lui donnant, comme le prévoit
l'article 13 de sa loi, le mandat d'intervenir sur demande ou de sa propre
initiative, chaque fois qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une
personne ou un groupe de personnes a été lésé ou
pouvait vraisemblablement l'être, par l'acte ou l'omission d'un organisme
public, de son dirigeant, de ses membres ou du titulaire d'une fonction, d'un
emploi ou d'un office qui relève de ce dirigeant. Et, en pratique, il
intervient lorsqu'un organisme public, un ministère ou l'un de ses
employés ne s'est pas conformé à la loi, s'est
comporté de façon déraisonnable, injuste, abusive, ou
d'une manière discriminatoire, soit qu'il ait manqué à son
devoir ou ait fait preuve d'inconduite ou de négligence, soit qu'il ait
commis une erreur de droit ou de fait, soit qu'il ait exercé injustement
un pouvoir discrétionnaire en se fondant sur des motifs qui ne sont pas
pertinents. Il peut faire donc des recommandations de corrections, mais aussi
de prévention. Il n'a pas de pouvoir coercitif et, pourtant, il voit ses
recommandations suivies par les ministères et organismes du gouvernement
dans près de 99 % des cas.
Le Protecteur du citoyen commande et recueille l'assentiment et le plus
haut respect de ceux et celles de qui il relève, qui le nomment et qui
reçoivent son rapport annuel. Ce même sentiment habite la
citoyenne et le citoyen qui est au centre de nos travaux, puisque nous avons
reçu 57 mémoires de personnes ou de groupes qui
réitèrent leur confiance dans cette institution. Ceux-ci ont
saisi cette occasion pour manifester leur intérêt pour cette
fonction et nous faire profiter de leur expérience et de leurs
réflexions sur les différents volets que la commission a soumis
pour consultation et nous les en remercions. Il est normal qu'après plus
de 20 ans d'existence, les parlementaires réévaluent la loi
constitutive, le rôle et la juridiction de leur mandataire.
Au cours de nos travaux, nous aborderons principalement les questions
suivantes. Premièrement, au cours des années, on a vu se
développer l'intervention de l'État dans tous les secteurs
d'activité. Nous constatons que l'administration centrale n'est pas
seule génératrice de normes administratives parmi lesquelles la
citoyenne et le citoyen doivent se retrouver.
Or, des limites importantes existent actuellement à
l'intervention du Protecteur du citoyen. Soucieux de l'égalitéde traitement pour tous, les membres de la commission examineront la
possibilité et l'opportunité d'étendre la juridiction du
Protecteur du citoyen sur les organismes gouvernementaux dont le personnel
n'est pas nommé et rémunéré selon la Loi sur la
fonction publique, les organismes et établissements du réseau des
services de santé et de services sociaux, les organismes municipaux
selon un système optionnel et, enfin, les organismes et les
établissements du réseau scolaire et universitaire.
L'affirmation de l'indépendance du Protecteur du citoyen est
à la source même de son autorité morale. La commission a
donc posé des questions dans cet esprit tout en soumettant pour examen
des moyens pouvant permettre d'appuyer et de seconder l'intervention du
Protecteur.
Depuis 10 ans, les demandes au Protecteur du citoyen n'ont cessé
d'augmenter. Pourtant, il faut s'interroger sur l'accessibilité pour
tous à ce recours et sur son efficacité compte tenu des moyens
mis à la disposition de celui-ci. 42 groupes seront donc entendus au
cours des cinq journées d'audition qui ont été
prévues. Nous avons déjà entendu le Protecteur du citoyen
le 11 avril 1990, II sera de nouveau invité au terme de nos auditions
publiques. Il me faut souligner la collaboration du Protecteur du citoyen et de
son personnel qui ont bien compris le mandat de surveillance de notre
commission.
La commission est secondée dans ses travaux par Me Suzanne
Langevin, à ma droite, qui est recherchiste à la Division de la
recherche de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, ainsi que
de Me Nicole Trudeau, experte-conseil dont nous avons retenu les services, Me
Trudeau qui est ici. Nous avons aussi Me Jules Vivier qui nous a
été prêté par le ministère des Transports,
comme recherchiste, et qui a agi comme recherchiste à la commission du
budget et de l'administration sur la loi de la fonction publique.
J'aimerais aussi souligner particulièrement le travail
d'organisation de nos travaux mené par la secrétaire de la
commission, Me Lucie Giguère, qui, elle, est assistée de Mme
Adrienne Beaure-gard, en arrière de moi.
Suite à ces auditions, la commission se réunira en
séance de travail pour échanger en tenant compte des points de
vue exprimés dans les différents mémoires et lors des
auditions. Ces échanges donneront lieu à l'élaboration de
recommandations qui seront acheminées ensuite à
l'Assemblée nationale pour débat. Je remercie donc à
l'avance tous ceux et celles qui, par leur contribution, apporteront un
enrichissement à nos travaux. Je vous remercie beaucoup de votre
attention. Il n'y a pas de membre ministériel qui aimerait faire des
remarques préliminaires? Je vais maintenant reconnaître
l'Opposition officielle et, en premier lieu, M. le vice-président, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je prendrai seulement
quelques minutes du temps qui est réservé à notre
formation politique, au niveau de l'Opposition officielle, puisque la critique,
la porte-parole en matière de justice, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, complétera les remarques préliminaires
pour notre formation politique.
Vous avez bien rappelé, M. le Président, l'ensemble du
mandat que nous nous sommes donné en extensionnant en quelque sorte
légèrement la notion de mandat de surveillance que nous avons
obtenu de l'Assemblée nationale, eu égard à cette
institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen. Dans le jargon
parlementaire, nous sommes donc en présence, ici, d'un quasi-mandat
d'initiative, c'est-à-dire un mandat que nous nous sommes donné,
tous les représentants de l'Assemblée nationale au sein de cette
commission, pour examiner l'ensemble des activités du Protecteur du
citoyen. Vous avez bien rappelé, M. le Président, et
c'était un peu, au niveau de l'histoire, anachronique, que le Protecteur
du citoyen, le représentant de cette institution ait été
entendu pour une première fois, il y a quelques années, quelques
mois, au niveau de l'examen de ses activités, quand on constate que
c'est une institution extrêmement importante au niveau de la protection
et de l'exercice des droits des citoyens au Québec, cette institution
qui existe, rappelons-le, depuis 1968 maintenant.
Donc, 20 ans plus tard, la commission des institutions s'apprête
à examiner l'ensemble des activités et faire des recommandations
à l'Assemblée nationale en matière d'exercice des
fonctions du Protecteur du citoyen au Québec. Je rappelle, cependant,
comme vous l'avez dit aussi, M. le Président, j'aimerais le souligner
particulièrement, et nous l'avons aussi mentionné explicitement
dans le document que nous avons expédié publiquement aux groupes
qui en avaient fait la demande et qui désiraient venir témoigner
devant cette commission, qu'un des aspects les plus importants du travail de
cette commission concerne l'extension du mandat du Protecteur du citoyen.
Le législateur, il y a 21 ans maintenant, avait inclus une
définition dans la loi en termes d'opérations pour le Protecteur
du citoyen qui ne couvre, à toutes fins utiles, que le travail des
employés qui relèvent directement de la fonction publique du
gouvernement. Et comme l'intervention de l'État s'est multipliée
dans beaucoup de secteurs, de grands pans de la vie collective
québécoise ne sont pas couverts par les activités, par le
travail du Protecteur du citoyen et nous devons examiner s'il serait juste,
s'il serait approprié d'extensionner le mandat du Protecteur du citoyen
à certains secteurs névralgiques du fonctionnement des citoyens
dans le quotidien et, en particulier - j'insiste là-dessus, en terminant
- tout le secteur des services sociaux et des services de santé,
particulièrement parce que ce qui sera entendu ici - et il faut le dire
clairement - aura des échos tout de suite la semaine prochaine, puisque,
au moment même où la commission des institutions entreprend ses
travaux et avant qu'elle en tire ses conclusions au niveau de ces
activités, au niveau de ses conclusions qu'elle dressera, la commission
des affaires sociales sera appelée, à partir de la semaine
prochaine, à étudier un projet de réforme de
l'organisation des services de santé et des services sociaux au
Québec et qui prévoit une modification au niveau du
fonctionnement du traitement des plaintes et des mécanismes de recours
dans tout le système de la santé et des services sociaux. Donc,
sans que ce soient les conclusions de la commission, évidemment, qui
auront un écho à la commission des affaires sociales, à ne
pas en douter que ce sont les organismes et les personnes qui se prononceront,
qui donneront leur avis sur le fonctionnement et la possible extension du
mandat du Protecteur du citoyen, ou le contraire, dans le domaine de la
santé et services sociaux, ces témoignages auront des
échos par rapport aux travaux de la commission des affaires sociales.
C'est un peu l'organisation du travail parlementaire qui fait en sorte qu'on
aura cet écho immédiat.
Donc, toute la question, la principale question qui est posée au
cours de cette commis-
sion - et c'est ce que disait notre document de consultation - c'est
d'abord l'extension du mandat du Protecteur du citoyen, avec d'autres questions
qui ne sont pas accessoires, qui sont très importantes, mais l'origine
du mandat de quasi-initiative, c'est d'abord d'examiner l'extension du mandat
du Protecteur du citoyen en quatre domaines particuliers: les commissions
scolaires, les municipalités, santé et services sociaux, et
également d'autres sociétés comme Hydro-Québec,
puisque ça touche la vie quotidienne des citoyens.
Alors voilà, M. le Président, ce que je voulais rappeler
brièvement. Je conclus en disant que, oui, je pense que c'est
impressionnant que le mandat que nous nous sommes donné ait reçu
un bon accueil dans le public, puisque 42 mémoires seront entendus ici
et que 57 organismes ont répondu à l'appel de consultation, ce
qui, dans la tradition des commissions parlementaires, représente un
volume assez important, sans parler de la qualité des mémoires
qui nous ont été présentés.
Alors, je veux, moi aussi, souhaiter une bonne session de travail
à tous les membres de la commission et remercier les gens qui nous ont
aidés à préparer les documents de consultation pour aider
à discuter de cette question et faire en sorte que nous puissions
arriver à des conclusions claires, au niveau de l'Assemblée
nationale, quant au mandat du Protecteur du citoyen au Québec. Merci. Je
vous demanderais de reconnaître, s'il vous plaît, la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Le Président (M. Dauphin): D'accord Merci, M. le
député. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je crois comprendre que
mes collègues auraient peut-être quelques mots à dire;
alors, j'aimerais que vous me le rappeliez pour que je leur laisse un peu de
temps.
M. le Président, je souscris aux compliments et aux remerciements
que vous avez faits à l'égard de toutes les personnes qui ont
travaillé à la préparation de cette commission. Je veux
rappeler aux membres de la commission que, dans un système parlementaire
britannique comme celui dont nous avons hérité, nous avons
finalement peu d'occasions d'échapper à la dictature de la
règle de parti, celle qui prévaut dans un Parlement de type
parlementaire et celle qui amène l'assujettissement du
législatif, donc des parlementaires, à l'exécutif,
c'est-à-dire des ministériels. C'est une règle à
laquelle on semble ne pas pouvoir échapper, compte tenu de
l'évolution complexe des États industriels. (10 h 30)
Mais je crois que l'occasion nous est donnée - est-ce que nous
saurons la saisir? - d'aller au fond des choses, indépendamment des
influences ministérielles qui sont elles-mêmes souvent
déterminées par les appareils administratifs. On dit que les
gouvernements passent et que les administrations restent. D'une certaine
façon, je pense que cette commission, cet examen, ce pouvoir de
surveillance, que nous avons en vertu du règlement, nous donne cette
occasion. Et j'espère, M. le Président, que nous saurons
souscrire à cette philosophie qu'un droit démocratique
fondamental, dans notre société, est celui de créer des
recours pour les citoyens qui se sentent lésés par
l'administration.
Il faut comprendre que, de plus en plus, les citoyens sentent un malaise
par rapport au déséquilibre avec les forces de l'État Les
États modernes, les États industriels sont de plus en plus
tentaculaires, d'une certaine façon, organisés, et le citoyen n'a
pas toujours le sentiment que l'administration - avec un A majuscule - est au
service du citoyen, mais a souvent la conviction que l'administration est au
service de l'État. Et certainement, il nous faut penser ces recours de
façon que les usagers aient la conviction, le sentiment profond que non
seulement justice leur sera rendue, mais également que justice a toutes
les chances de l'être, c'est-à-dire que ce n'est pas simplement
justice, mais toutes les apparences pour ne pas que se crée ce sentiment
de méfiance, de frustration, ce sentiment d'injustice qui, une fois
ressenti, évidemment, dans une société démocratique
comme la nôtre, crée un déni de justice. Pour ce faire, je
pense que ça exige une philosophie où I administration n'est pas
juge et partie à la fois. Ça, c'est un principe qui, pour moi,
devrait guider nos travaux, faire en sorte que ces recours ne fassent pas que
l'usager ou le citoyen soit livré à une administration qui est
à la fois juge et partie.
Je vous rappelle que, déjà, il y a maintenant presque un
an et demi, le 2 mars 1989, la commission des institutions, après
l'audition du Protecteur du citoyen, adoptait une résolution unanime.
Cette résolution, qui était transmise au gouvernement,
recommandait de revoir le mandat du Protecteur du citoyen et, plus
particulièrement, sur deux aspects: l'examen de la possibilité et
de l'opportunité d'étendre la juridiction du Protecteur du
citoyen aux municipalités, à toutes les institutions
paragouvernementales et péri-gouvernementales comme les institutions
faisant partie du réseau de la santé et des services sociaux, les
organismes scolaires et les sociétés d'État ou, à
défaut, disait la résolution, que ces institutions mettent sur
pied leur propre service d'ombudsman ou de protecteur du citoyen. Il faut se
rappeler qu'en 1987-1988, l'institution du Protecteur du citoyen avait dû
refuser 1775 plaintes concernant les services hospitaliers et les institutions
scolaires et 715 plaintes concernant les organismes municipaux. En 1988-1989,
c'est 1800 demandes qui ont dû être refusées
parce que hors la compétence, hors la juridiction du Protecteur
du citoyen dans les réseaux hospitalier, municipal et scolaire et autres
organismes gouvernementaux sur lesquels il n'a pas compétence. C'est
donc dire que des citoyens de bonne foi ont recours au Protecteur du citoyen,
par milliers, et se voient écartés de ce recours du fait que le
Protecteur n'a pas compétence.
D'autre part, la commission des institutions recommandait
également un examen, à l'intérieur de la juridiction du
Protecteur, dans les ministères et organismes où s'exerce sa
compétence, un examen des causes des lésions et la mise au point
des mécanismes de règlement de litiges dans ces ministères
et organismes pour évaluer la possibilité de se doter de nouveaux
mécanismes internes de traitement des plaintes, identifier des
mécanismes de règlement à l'amiable, de conciliation, de
médiation que les ministères et organismes pourraient utiliser
pour régler leurs différends avec les contribuables.
Finalement, la commission recommandait de réévaluer le
budget et les effectifs du Protecteur du citoyen, ainsi que le rôle
ambigu et délicat du Conseil du trésor dans l'octroi des
crédits budgétaires au Protecteur du citoyen. C'est donc le
mandat que la commission des institutions se donnait unanimement le 2 mars
1989.
Il faut certainement que nos travaux se fassent sous l'angle de cette
importante réflexion dans l'ensemble de la société
québécoise sur l'ensemble de l'accès à la justice.
Vous savez peut-être que nous sommes, cette année, à
célébrer le 25e anniversaire du ministère de la Justice.
Nous sommes à l'heure de la réflexion et des choix en
matière de justice. Il devrait, cette année, se tenir un
important sommet sur la justice au Québec et la question que tout le
monde se pose, eh bien, c'est celle de savoir comment réformer notre
système judiciaire qui présente des signes évidents
d'essoufflement, d'engorgement, comment faire en sorte que ce système de
moins en moins accessible à une majorité de citoyens et de
citoyennes le redevienne? Et, évidemment, c'est la recherche de
solutions de rechange à la judiciarisation des conflits, qui est un
défi de taille qui se pose pour l'ensemble de la société
québécoise.
C'est un système de résolutions des conflits, et, à
cet égard, je pense qu'il est important de rappeler ce qu'en disait le
Protecteur du citoyen lui-même lors du 5e Colloque de droit
comparé, lorsqu'il plaidait en faveur d'une plus grande reconnaissance
de l'institution du Protecteur du citoyen, justement pour le fait que
c'était là une façon de déjudiciariser les
conflits, et je cite: "Parce qu'elle est hautement accessible à la
population à cause de l'absence de formalisme, à cause de sa
gratuité et aussi parce qu'elle peut être utilisée par tous
sans distinction de statut, l'institution du Protecteur du citoyen constitue
certes un recours de justice douce, qui répond aux besoins de
résolution des conflits dans les rapports qu'entretiennent
quotidiennement les administrés avec l'appareil de l'État.
L'institution constitue également un recours fiable et efficace puisque,
par son indépendance, elle garantit la liberté,
l'objectivité et l'impartialité de l'intervention tant pour la
population que pour la branche executive de l'État." Je pense que c'est,
évidemment, à la lumière de ces objectifs que nous devons
entreprendre nos travaux. Transparence, crédibilité,
efficacité, impartialité, indépendance, c'est là
l'esprit des recours que nous devons mettre à la disposition de nos
concitoyens.
M. le Président, j'ai un certain nombre de questions que je me
suis préparées et je voudrais les partager avec les membres de la
commission pour, d'une certaine façon, pouvoir échanger avec les
42 organismes ou personnes qui viendront devant la commission. Entre autres, la
question de savoir comment donner de la crédibilité aux
mécanismes de traitement de plaintes? Comment favoriser une
jurisprudence harmonisée sur tout le territoire pour qu'il n'y ait pas
plus ou moins de droits, dépendamment des régions et
dépendamment des institutions? Quelle distinction doit-on faire entre
les interventions, les programmes d'appréciation de la qualité
des services mis en place par les administrations et les mécanismes de
traitement des plaintes, qui devraient plutôt être centrés
non pas sur le dispensateur, mais sur le bénéficiaire? Quel
formalisme doit-on introduire dans la formulation des plaintes? Est-ce que la
plainte doit être obligatoirement formulée par écrit? Que
fait-on des bénéficiaires inaptes ou des citoyens
analphabètes? Que fait-on des plaintes informelles qui, jusqu'à
maintenant, pouvaient être transmises par des bénévoles,
des parents ou du personnel dévoué, à l'occasion? Faut-il
des délais dans l'administration des plaintes? Quel délai serait
raisonnable? Faut-il imposer la motivation des décisions? Et,
évidemment, M. le Président, quel rôle entend-on accorder
aux comités d'usagers, aux organismes communautaires? Et faut-il un
recours à une instance décisionnelle neutre, impartiale?
C'est-à-dire, faut-il un recours à une instance externe? Je pense
que ça, c'est une question de fond. Faut-il un recours externe, devant
une instance neutre et impartiale, qui ne soit ni directement ni indirectement
impliquée dans l'organisation des services, que ce soit au niveau
scolaire, que ce soit au niveau municipal, que ce soit au niveau
gouvernemental, que ce soit au niveau hospitalier? Je crois que cette question
est incontournable. On ne peut pas tenter de l'évacuer, et ce sera l'une
des questions importantes. Je souhaite que cette commission permette un
éclairage concluant sur la meilleure formule à retenir.
M. le Président, avec le consentement, j'aimerais peut-être
simplement, également, vous rappeler que nous avons à nous
interroger sur
les moyens les plus efficaces pour faire en sorte que le recours au
Protecteur soit mieux connu. Il l'est, en tout cas, de la part d'usagers qui
formulent des plaintes, mais qui ne sont pas de la compétence, mais il
ne l'est pas de l'ensemble des citoyens puisqu'un sondage réalisé
pour le compte du Protecteur démontre que 15 % des citoyens
interrogés connaissent le rôle du Protecteur et sont au courant
des services offerts. Ce sont les gens des régions de Montréal et
des autres régions que Québec qui sont les moins bien
informés sur ces services. Finalement, à Québec, où
est l'appareil d'État, les gens le sont mieux. Alors, il faut
certainement penser à des façons de faire, évidemment,
à des moyens nouveaux mis à la disposition du Protecteur pour
mieux faire connaître les recours qu'il offre à la population.
M. le Président, je voudrais terminer certainement en signalant
la nécessité de réexaminer quel rôle l'institution
du Protecteur peut jouer à l'égard d'un rapprochement et d'un
dialogue avec les autochtones. Je pense que c'est là aussi une question
incontournable pour la commission des institutions, à l'heure où
nous avons à nous interroger sur notre coexistence, sur nos relations,
à redéfinir ces relations. Je vous rappelle que les Protecteurs
de toutes les provinces canadiennes avaient fait parvenir au gouvernement
fédéral une proposition de nommer un Protecteur aux
réclamations autochtones pour procéder à des
enquêtes de façon objective et impartiale et à faire
rapport périodiquement au Parlement. Je crois que nous aurions
intérêt à examiner également cette hypothèse
d'une vice-protecteur du citoyen, mais directement responsable des questions
autochtones. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je vous signale que le temps
qui était alloué à l'Opposition est déjà
dépassé de cinq minutes. Alors, je ne sais pas si vous voulez
toujours faire des remarques préliminaires, peut-être très
brièvement. M. le député de Bertrand.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Simplement, M. le Président, à titre de
nouveau membre de la commission, je vais vous indiquer mon intérêt
lorsque j'ai appris que le premier dossier sur lequel j'allais me pencher
était l'examen du rôle du Protecteur du citoyen, pour la simple
raison qu'à mesure que l'administration publique devient de plus en plus
complexe et à mesure, entre autres, que l'informatisation s'infiltre
dans l'administration publique, la iiberté individuelle des citoyens
devient de plus en plus ouverte à l'arbitraire. Dans ce sens, il
m'apparaît important de réexaminer le rôle du Protecteur du
citoyen puisque, comme, d'ailleurs, le Comité provincial des malades l'a
indiqué en introduction, le citoyen se sent de plus en plus dans la
position de David face à Goliath dans la complexité de cette
administration publique. J'espère que les travaux que nous
entreprendrons se feront sur une base non partisane pour que nous puissions
tirer profit et tirer les leçons qu'ont à nous apprendre les
intervenants qui ont bien accepté de venir témoigner. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M
If-député de Bertrand Maintenant, une période de 10
minutes a été allouée aux deux députés
indépendants. Je crois que les deux veulent dire quelques mots comme
remarques préliminaires Lequel en premier? M. le député de
Westmount
M. Larouche: Je peux commencer.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Anjou.
M. René Serge Larouche
M. Larouche: Mais de toute façon, étant
donné qu'on a cinq minutes de prises déjà sur le temps des
gens qui ont présenté des mémoires...
M. Holden: M. Larouche est senior quant à son.
Le Président (M. Dauphin): Alors, on fonctionne par
ancienneté. M. le député d'Anjou, à vous la
parole
M. Holden: ...activité parlementaire.
M. Larouche: C'est ça. Je pense que vous avez très
bien situé le sujet, M. le Président, autant au niveau de
l'Opposition, des trois porte-parole de l'Opposition. Alors, il ne sert
à rien, ici, que je revienne sur le mandat, les orientations, les
activités et la gestion du Protecteur du citoyen ou de la façon
dont je le verrais. Je vais préférer entendre les gens qui vont
présenter des mémoires avant d'ajouter quoi que ce soit. (10 h
45)
Les remarques qui ont été faites, évidemment je
pourrais les répéter et en prendre à mon compte, en
particulier lorsque vous faites référence à certains modes
de fonctionnement au niveau parlementaire, si vous savez ce que je veux dire.
On pourrait parler d'exemples concrets concernant des cas qui touchent les
dossiers relatifs au Protecteur du citoyen, et je pense qu'en entendant les
gens qui vont présenter des mémoires, on pourra y revenir. C'est
pour ça que je voudrais mettre fin immédiatement aux quelques
minutes qui m'étaient consacrées, en souhaitant qu'on puisse les
entendre le plus rapidement possible.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M le
député d'Anjou. M. le député de Westmount.
M. Richard B. Holden
M. Holden: Merci, M. le Président. Vous savez qu'au
début des années soixante, Daniel Johnson, père, quand il
était chef de l'Opposition, est allé en Suède et il s'est
intéressé énormément à l'institution de
l'ombudsman. Quand il est revenu et qu'il a pris le pouvoir en 1966, c'est lui
qui était en arrière de la législation qui a
été enfin adoptée en 1968. Et le premier Protecteur du
citoyen était le doyen de la Faculté de droit de Laval, qui est
maintenant juge, Louis Marceau. M. Marceau m'a engagé comme adjoint et
je me souviens que, quand on s'est rencontré la première fois, il
a dit: Holden, on va plonger ensemble, parce que c'était le début
de l'institution du Protecteur. La loi était nécessairement
timide. C'était nouveau. Dans le système britannique, il y avait
beaucoup d'opposition à l'idée d'une institution d'ombudsman.
Alors, les fonctionnaires n'étaient pas tellement heureux de savoir que
le public allait avoir un véhicule pour se plaindre. Alors,
c'était nécessairement timide. M. Marceau était un homme
très prudent et il me disait souvent qu'il fallait aller lentement,
qu'il ne fallait pas faire trop de vagues au début. Je crois que la
philosophie était bonne, mais maintenant je crois que c'est
dépassé, c'est accepté. Je crois que toutes les provinces
ont un ombudsman. Il n'y a que le gouvernement fédéral qui n'a
pas d'ombudsman, et on en parle.
Alors, je trouve que c'est le temps. Je suis très content
d'être à la commission et comme le vice-président l'a dit,
il y a d'autres lois, il va falloir négocier avec d'autres lois comme le
Code civil, par exemple. La question de prescription, je trouve que c'est une
très bonne chose de dire que, quand on va voir l'ombudsman, surtout avec
les délais qui sont nécessaires, ça interrompt la
prescription, mais je n'ai pas vu ça dans le projet du Code civil.
Alors, il y aura des recommandations. Moi aussi, je veux entendre tout
le monde et je nous souhaite un travail fructueux, M. le Président, et
je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de le dire.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
député de Westmount, pour vos bonnes paroles d'expérience.
Je vais maintenant demander au premier groupe d'invités, le
Comité provincial des malades, qui est représenté par Mme
Michèle Lamquin-Éthier, directrice générale. Je
vais lui permettre de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
Mais juste avant de le faire, je vais rappeler les règles de nos
auditions. Pour une audition d'une durée d'une heure, il est
prévu une durée de l'exposé de 15 minutes. Alors, vous
aurez donc 15 minutes pour faire votre exposé et une période
d'échanges est prévue de 45 minutes entre les membres de la
commission et le groupe invité.
Alors, Mme Éthier, je vous demanderais donc de présenter
les personnes et de nous faire votre exposé.
Auditions Comité provincial des malades
Mme Lamquin-Éthier (Michèle): M. le
Président, MM. les députés, mesdames, permettez-moi de
vous présenter Mme Jacqueline Crochetière, qui est membre d'un
comité de bénéficiaires dans un centre d'accueil. Elle est
conseillère. Mme Crochetière est également membre du
conseil d'administration du Comité provincial des malades; M.
l'abbé Jules Parenteau est membre du conseil d'administration du
Comité provincial des malades à titre de conseiller, il est
adjoint au service des oeuvres de l'archevêché de Montréal;
Claudette Cousineau est agente de liaison au Comité provincial des
malades. Son mandat est de s'occuper des comités de
bénéficiaires et d'intervenir auprès de ceux-ci, de
même que d'aider les gens qui font appel à nos services. Mme
Cousineau est en fonction depuis le 5 septembre.
Nous aimerions dire au préalable que nous avons soumis notre
mémoire un peu à la hâte et que nous ne voudrions pas que
l'on pense que le Comité provincial des malades ne reconnaît pas
le caractère très important du Protecteur du citoyen quant
à son rôle. Ça, c'est bien admis, c'est bien clair. Nous
sommes respectueux de l'institution et nous reconnaissons que le travail
effectué par Me Jacoby est très important, de même que
celui qui a été fait par ses prédécesseurs, de
même que nous reconnaissons l'utilité d'avoir un Protecteur du
citoyen.
Nous aimerions cependant vous situer un peu le cadre de notre
mémoire et peut-être l'expliciter davantage. Il y a bientôt
20 ans que le Comité provincial des malades existe. Plus qu'un
organisme, un organisme sans but lucratif, un intervenant, le CPM est le
résultat de la réunion de personnes malades et
handicapées: Claude Brunet, Lucien Roussel, André Thérien,
Louise Paré qui, pris comme une quantité négligeable dans
un système centré sur lui-même, ont senti l'urgence de se
faire entendre.
L'affirmation du fondateur était bien simple. Nous sommes des
personnes, nous avons des droits, nous avons notre mot à dire, ne nous
oubliez pas! Des revendications simples: jamais de grève, des soins de
qualité, des voix pour exprimer nos revendications et laissez-nous
assumer nos responsabilités en nous permettant de nous réunir en
comité d'actions, d'écoute dans nos établissements. La
justice "by the people, for the people".
Les choses ont évolué depuis 20 ans. Le comité des
bénéficiaires existe de par la loi.
L'opinion publique est de plus en plus attentive au fait que les moyens
de revendiquer des uns ne doivent pas nécessairement faire en sorte que
des autres plus faibles pourraient en souffrir. Les
générosités de plusieurs dans la société
québécoise ont fait changer les choses. Nous voilà
à l'aube d'une réforme qui, probablement, va faire du bruit; rien
ne sera cependant parfait.
Voilà que pour mieux aider le citoyen malade,
institutionnalisé ou non, la générosité
québécoise s'interroge à l'effet de savoir s'il serait bon
d'utiliser un mécanisme de plus pour l'aider. Notre point de vue a
toujours été celui du concret, du terrain. Notre voix a toujours
été celle des malades, et encore aujourd'hui c'est ce point de
vue que nous voulons tout simplement vous exprimer.
Nous pensions important de situer ainsi le sens du mémoire qui a
été déposé devant cette commission. S'il est vrai
que le citoyen sera au coeur de la réforme, par, avec et pour, laissez
les malades prendre leurs responsabilités, laissez-leur des choix,
laissez-leur la capacité d'intervenir. Ce que nous craignons, c'est que
l'on tente d'expliquer les problèmes par le système. Or, les
problèmes ou les situations que vivent les malades sont multiples. Les
malades n'ont pas besoin, selon nous, que l'on considère leurs
problèmes ou les situations qu'ils vivent par l'abstrait, dans
l'abstrait, mais qu'on les considère en tant qu'individus uniques,
complexes et que l'on trouve des solutions efficaces, rapides à leurs
problèmes.
Nous craignons donc qu'on oublie le malade en tant qu'individu pour voir
l'ensemble du système, ce qui reviendrait en quelque sorte à
gérer des plaintes, à s'éloigner du réel, à
perdre de vue le sens de la réalité des malades. Ce que le
Comité provincial des malades souhaite, ce n'est pas d'augmenter la
capacité de régler des plaintes, mais plutôt d'aller
à leur source afin d'éviter leur répétition ou leur
multiplication. Nous ne croyons pas qu'il faille retenir la proposition
d'élargir le mandat du Protecteur du citoyen au réseau de la
santé et des services sociaux. Nous croyons plutôt à la
nécessité d'instituer un système de gestion et de
traitement des plaintes, qui soit véritablement efficace et
crédible. Un système qui serait près des lieux
d'insatisfaction qu'ont souvent à vivre et à dénoncer les
bénéficiaires. Nous croyons également important de
créer l'obligation pour chacune des instances ou des paliers
responsables de rendre compte du traitement des plaintes, du sérieux et
de la qualité qu'ils vont afficher au règlement des plaintes.
Ce que nous demandons, c'est que l'on s'attaque aux causes
véritables des problèmes et non pas que l'on donne à
l'usager un mécanisme additionnel qui nous paraîtrait
peut-être plus dispendieux et qui risquerait, peut-être, d'avoir
moins d'efficacité à long terme. Assurez-vous, MM. les
élus, que les gestionnaires seront réellement imputables, que les
médecins seront compétents. Voici le sens de nos
préoccupations. Et nous aimerions peut-être, lorsque vous voudrez
nous soumettre des questions, répondre à ce qui avait
été soulevé, quant à la transparence, à la
crédibilité. Pourquoi une jurisprudence centralisée, alors
qu'on envoie le pouvoir vers les régions? Pourquoi tenter de
centraliser, alors que certains problèmes peuvent avoir une colora tion
qui est importante?
On parie de problème de contrôle de qualité et de
plaintes. Effectivement, il peut y avoir certains problèmes. Ce qui nous
amènerait à vous faire certains commentaires en regard du projet
de loi 120. Le formalisme est effectivement très important et, comme c'a
été souligné, jusqu'à quel point ça doit
être formel. Les délais raisonnables. Il doit y avoir des
délais, mais ceux-ci sont-ils raisonnables, on pourrait répondre
à vos questions en ce sens-là. Oui, il faut que les
décisions soient motivées. Oui, il faut que ce soit
explicité, sinon on n'aura pas d'imputabilité, sinon les
réseaux ne seront pas plus responsables, l'établissement ne sera
pas plus responsable, la Régie ne sera pas plus responsable, et
l'usager, au bout du compte, n'y gagnera pas. L'usager a besoin d'avoir un
contrôle sur les situations et sur sa plainte.
Le comité des usagers, on voudrait vous en parler aussi. C'est
important qu'on reconnaisse l'importance des comités d'usagers. Ils
vivent dans les établissements. Ils sont près des situations
qu'ils dénoncent. Ils peuvent souligner des recommandations qui sont
importantes. C'est donc utile pour eux qu'ils gardent la capacité de
s'intéresser à la protection et à la défense.
Les organismes communautaires, depuis 20 ans - et nous pourrions en
souligner plusieurs qui font un travail remarquable sur le terrain
auprès des usagers - ont fait un travail qui est important. Tous ces
organismes-là méritent d'être reconnus. Ils méritent
d'avoir des ressources. Ils devraient être capables de faire un travail
valable et véritable auprès des usagers parce que c'est leur
mandat, leur mandat particulier, leur mandat exclusif, de voir à ces
malades-là et de faire en sorte que les conditions de vie, les droits de
ces malades-là soient reconnus et respectés.
Faut-il des recours extérieurs? Le Comité provincial des
malades avait pensé à une charte des droits. On croit comprendre
que certains droits vont faire partie du chapitre. Bon. On aura à
considérer si c'est satisfaisant. Nous voulions qu'il y ait une
commission des droits des malades, pas parce qu'on pense que les malades ont
besoin d'un traitement particulier. C'est parce qu'on veut un recours efficace,
un recours qui soit réel, qui soit adapté aux
préoccupations. C'était ça le sens de nos
préoccupations et c'est encore le sens du mémoire qu'on a soumis
à votre attention. Je vous laisserais sur une note importante, si on
veut parler de
transparence. La question des corporations professionnelles. Est-ce
qu'on va vraiment évoluer en prenant pour hypothèse qu'on
élargit le mandat du Protecteur du citoyen? Est-ce qu'il y aura un
contrôle véritable au niveau des corporations professionnelles?
Qu'en sera-t-il de la transparence? Est-ce que l'usager va pouvoir y aller,
être entendu, faire ses représentations? C'est un très gros
problème à l'heure actuelle, ça.
Le Président (M. Dauphin): Vous avez terminé. Merci
beaucoup. Je vais maintenant reconnaître un membre du côté
ministériel. M. le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Chère madame, je
dois vous féliciter d'abord de votre mémoire parce que je suis
content que vous passiez en premier ce matin. Ce qui m'a frappé et ce
qui me frappe aussi, en vous écoutant, c'est cette importance que vous
accordez à la réalité et surtout à la personne.
Vous représentez, par votre organisme, je dirais, les gens les plus
touchés par le système, entre guillemets. Et c'est pour ça
que je suis très très content de vous entendre revenir
là-dessus. C'est la personne avant tout, finalement.
Vous nous avez suggéré plusieurs questions, chère
madame. La dernière peut-être m'apparaî-trait aussi
intéressante à soulever. Avez-vous des suggestions à nous
faire concernant la transparence des corporations professionnelles? (11
heures)
Mme Lamquin-Éthier: Bon. Il faut comprendre que, lorsqu'un
usager est pris avec un problème dans un établissement, que ce
problème-là touche un acte professionnel et que celui-ci
relève de la compétence d'un CMDP ou de la corporation
professionnelle, ça cause de très gros problèmes. Si vous
regardez l'actuel projet de loi 120... Puis là, je vous fait part de nos
préoccupations, on ne vous parle pas en tant que juristes, on vous parle
en tant que personnes qui sont près de la base, qui sont près des
usagers. Vous avez une panoplie très impressionnante de juristes qui
pourront vous aider et qui pourront pousser ces arguments-là plus
à fond. Nous, ce qu'on veut vous dire, c'est le vécu du
bénéficiaire, comment il voit ça, comment ça se
passe.
Avec le projet de loi, à l'article 36, on dit: "Lorsque la
plainte porte sur un acte professionnel sur lequel une corporation a
compétence, rétablissement doit acheminer la plainte."
L'utilisation du mot "établissement" nous porte à croire que
ça pourra être aussi bien le responsable ou le directeur des
services professionnels. On peut aussi penser que ce responsable-là va
devenir une simple courroie de transmission: ou il recevra la plainte de
l'usager et, voyant que ça concerne un acte professionnel, il
l'acheminera directement au directeur des services professionnels qui, lui,
l'enverra au CMDP et également à la corporation professionnelle;
ou le responsable va faire ça de lui-même. L'usager, il n'est pas
familier avec ça et il n'aura pas de présence assurée au
niveau du CMDP.
Lorqu'on lit l'article dans la loi, il n'y en a pas de transparence
parce que l'usager n'est pas présent, il n'est pas là. Il ne le
sait pas comment ça fonctionne. Est-ce que la personne, au niveau du
CMDP, va saisir le comité exécutif? Est-ce qu'on va
décider de mettre un comité de discipline sur pied? Ce sont
toutes des questions qui sont importantes. On ne peut pas avoir cette
assurance-là en lisant le projet de loi 120. Ça nous paraît
par ailleurs fondamental. C'est ça que les usagers disent, finalement,
c'est que ça nous dépasse, on n'a plus de contrôle
là-dessus, on ne sait pas comment ça se passe. De toute
façon, on a toujours tort. Fort peu de nos plaintes sont retenues parce
qu'on lutte contre un système qui est organisé, qui est puissant,
et contre ça, nous, on ne fait pas le poids. Ça nous
préoccupe beaucoup.
Alors, on regarde l'article 36 et on va faire, avec la permission du
ministre, certaines recommandations à cet égard-là pour
qu'il y ait plus de transparence. Peut-être que les usagers puissent
accéder aux comités de discipline, qu'ils puissent y avoir droit.
Et le CMDP d'établissement, vous allez avoir le directeur
général, un médecin et une infirmière. C'est aussi
un problème pour l'usager. Pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas des
usagers? C'est dans leur intérêt. On leur dispense des services
qui doivent être de qualité; c'est pour eux qu'on dispense ces
services-là. L'établissement n'a pas de contrôle sur ces
services-là; lui-même, ça échappe à son
contrôle et ça échappe au contrôle de l'usager, alors
que, finalement, ce que l'on vise et ce que les malades demandent, c'est
d'avoir des services de qualité. C'est important qu'ils puissent avoir
leur mot à dire à l'égard des corporations.
Maintenant, à l'égard du CMDP, à l'article 1, vous
avez soulevé avec beaucoup de justesse qu'il va y avoir une certaine
confusion, d'apprécier d'abord la pertinence, la qualité et
l'efficacité des actes médicaux, dentaires et pharmaceutiques et
d'examiner les plaintes des usagers qui nous sont acheminées.
Effectivement, il peut y avoir un double palier, puis ça peut causer,
dans la pratique, certaines difficultés. Nous, ce qu'on souhaite, c'est
ça. Concrètement, c'est que l'usager puisse être entendu,
faire des représentations, qu'il y ait de la transparence et qu'il soit
présent.
M. Hamel: Vous avez très bien répondu. Maintenant,
j'aurais peut-être une autre question, M. le Président, si vous me
le permettez.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Hamel: Qu'est-ce que vous entendez par "délai
raisonnable"? Qu'est-ce que vous souhaitez
comme étant des délais raisonnables? Vous avez ouvert une
porte, tantôt, là-dessus.
Mme Lamquin-Éthier. Oui, puis on va mettre le pied dedans.
Le projet de loi 120, c'est un projet qui est axé sur le citoyen. On
veut lui donner des services de qualité, c'est la raison d'être.
Et quand on lit le chapitre qui traite des recours administratifs, c'est comme
si c'était de la science-fiction. Le livre blanc affirme une chose et,
quand on lit le projet de loi, on reste un peu sur notre appétit. On est
peut-être intransigeants, mais c'est notre rôle, au Comité
provincial des malades, d'être intransigeants parce qu'on
représente des usagers.
La plainte doit être formulée par écrit. Ça,
c'est une méconnaissance, finalement, comme le disait Mme Harel, des
difficultés concrètes qu'éprouvent les usagers, notamment
les analphabètes. Il y a 283 000 analphabètes au Québec
qui ne savent pas lire. Actuellement, 614 000 personnes au Québec
peuvent seulement repérer des mots familiers dans un texte qui est
encore très simple. Un tiers des Québécois, sort 1 453
000, sont analphabètes. À Montréal, il y en a 34 % et,
dans la région de Montréal, 23 %; c'est donc important. Combien
de personnes présentent des difficultés au niveau de la lecture?
Les caractères sont trop petits, Hs ne les voient pas. Les mots sont
trop ampoulés. Le système a des mots: procédure de
traitement, d'application des plaintes... Il faut rendre ça simple, il
faut qu'ils comprennent: J'"ai-tu" un recours? Je "peux-tu" l'exercer? Qui va
m'aider? Quand est-ce que que je vais pouvoir l'exercer et qu'est-ce qu'il va
faire? C'est ça, concrètement. Demander que ce soit par
écrit, je pense que... Mais là, il faut vérifier. Est-ce
que "formuler" veut dire réduire dans une formule et que l'usager pourra
avoir été assisté et que la personne aura réduit
dans une formule ou si ça veut vraiment dire que lui-même le fasse
par écrit? Si c'est ça, on n'est pas d'accord.
Le délai? On regarde ça et on se dit: Bon Dieu! Est-ce
qu'ils ont fait cette réforme-là en fonction de l'usager ou en
fonction du réseau? S'ils ne l'ont pas faite en fonction de l'usager,
comment se fait-il que les délais soient aussi exorbitants? C'est
anormal. Un usager... C'est une autre des qualités que doit avoir le
recours. Vous regarderez les interventions que le CPM fait. Il ne faut pas
intervenir dans trois jours ou dans six mois. C'est tout de suite qu'il y a un
problème et c'est tout de suite que l'usager demande qu'on l'aide.
Alors, c'est un recours qui doit avoir de l'expertise, qui doit être
efficace et précis. On dit: Dans un délai de 60 jours, c'est
abusif au possible. Pourquoi pas une semaine? Ce n'est pas si compliqué
que ça, finalement. Ce qui est abusif aussi, c'est qu'on reconnaisse que
l'établissement qui fera défaut de communiquer par écrit
ses conclusions à l'usager sera réputé avoir transmis des
conclusions négatives. C'est méconnaître l'usager,
ça. Encore une fois, est-ce que ce n'est pas plus aller en fonction du
réseau qu'aller en fonction de l'usager? On ne pense pas que ça
ait des raisons d'être. L'établissement peut rejeter, sur examen
sommaire, ça aussi, on pense que... Bon. Si on veut le mettre dans une
procédure interne, parfait, mais dans un texte de loi, horrible. Parce
qu'au départ, ça nous donne une idée, encore une fois, que
le système est pensé en fonction du système et non pas en
faveur de l'usager.
Lorsque l'usager, théoriquement... Il y a la question du libre
choix, à l'article 38; ça aussi, il faut en parler, c'est
important. Est-ce que ce serait raisonnable de laisser ce libre
choix-là? Pourquoi, moi, porterais-je plainte auprès d'un
établissement s'il est tout croche, cet établissement-là,
si tout ce qu'il fait, c'est tout croche, que ce sera toujours tout croche et
qu'il n'est pas intéressé? Si c'est un centre d'accueil
privé qui n'a pas de conseil d'administration, qu'est-ce que ça
me donne? Pourquoi n'irais-je pas directement à la régie
régionale? C'est important. La régie régionale, encore un
autre délai: 30 jours. Mon Dieu! C'est incroyable. Et là,
l'usager n'a pas encore la chance que son recours soit reçu, que ce soit
compris. Il n'a pas encore la chance d'avoir un résultat. C'est
exorbitant. Est-ce que la régie régionale pourra faire
enquête? Est-ce que l'établissement va être obligé de
collaborer avec elle? Est-ce que l'établissement va être
obligé de l'informer de tout ce qu'il y a dans son dossier? C'est
étonnant qu'on voie des délais aussi longs. Je pense que
ça devrait être assorti de délais raisonnables: une
semaine, au premier niveau, quand un usager a un problème concret,
réel, qui concerne l'établissement où on est. Je pense que
la direction générale, le conseil d'administration, les
principaux gens qui sont là devraient avoir la capacité
d'intervenir et de régler ça rapidement parce qu'ils ont cette
obligation-là.
Le Président (M. Dauphin): Le temps passe très
rapidement. Je vais maintenant reconnaître un représentant de
l'Opposition officielle. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Moi aussi, à mon
tour, je veux féliciter le Comité provincial des malades d'avoir
tout de suite saisi l'occasion, parce que c'est au coeur aussi de votre mandat,
de votre mission.
Mme Lamquin-Éthier: C'est le coeur.
M. Trudel: II y a des questions que nous nous posons à
propos d'une autre institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen. Je ne
voudrais pas uniquement limiter les questions à propos du projet de loi
120 parce qu'il ne faut pas, non plus, dévier de l'objet du mandat et
des institutions qui sont créées à l'Assemblée
nationale.
C'est la commission des affaires sociales qui va étudier cette
question à partir de la semaine prochaine. Cependant, comme c'est,
encore une fois, au coeur de votre mission, et à l'occasion de la
présentation d'un nouveau projet de loi, il faut en profiter pour
examiner cette situation-là.
Mme Lamquin-Éthier: Puis-je commenter?
M. Trudel: Vous rejetez...
Mme Lamquin-Éthier: Non?
M. Trudel: Pardon? Oui. Oui, allez-y.
Mme Lamquin-Éthier: Bon. Je vais vous dire, avant de
l'oublier, que c'est intimement lié, ce que vous questionnez et le
projet de loi. D'ailleurs, vous-même, vous avez parlé de
transparence et, vous-même, vous avez parlé de
crédibilité. Si on doit examiner le réseau à
l'heure actuelle et si vous voulez qu'il soit transparent et si vous voulez
qu'il soit crédible, il faut que vous regardiez ce qu'il y a là.
Et si ce qu'il y a là ne fait pas en sorte que c'est crédible,
que les responsables sont vraiment responsables et qu'ils sont imputables,
à ce moment-là, on ne traite pas les bobos, on ne va pas aux
problèmes. Et même si on met un mécanisme de plus, on va
avoir le même bobo, le même problème, sauf qu'il va
être amené à un palier supérieur, qui sera le
troisième palier.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député.
M. Trudel: Ça raccourcit mon préambule, votre
commentaire. J'allais citer à peu près cela.
Mme Lamquin-Éthier: Je m'en excuse.
M. Trudel: Non, parfait, très bien, ça
m'évitera de le répéter. Dans votre texte, vos
commentaires et ce dernier commentaire, en réponse aux questions du
député de Sherbrooke, ce que vous nous dites, c'est que le
système actuel de traitement des plaintes par rapport à l'usager,
il a peu de crédibilité; à la limite, il est peu
utilisé parce que peu fiable. Vous venez de répéter et de
dire que ce qui est prévu ici, ça n'a pas grand bon sens et qu'il
va falloir y apporter des ajustements majeurs; il y a comme une contradiction
dans les termes, des ajustements majeurs, c'est des modifications comme on les
appelle, des modifications profondes dans le système. Cependant, vous
arrivez à la conclusion que nous n'avons pas à aller vers un
recours externe pour juger, même si je note surtout... J'aimerais
ça vous entendre là-dessus, par rapport à deux
aspects.
Dans votre texte, vous dites: Nous, les comités de
bénéficiaires, on est perçu par les administrations
d'établissement comme des inca- pables et des chiâleux. Comment
peut-on affirmer que le recours, que la plainte peut être traitée
avec justice et équité quand le pourvoyeur de services - c'est
vous qui le décrivez comme ça - vous perçoit comme des
chiâleux et des incapables? J'arrive mal à réconcillier vos
affirmations, auxquelles j'adhère, je vous le dis tout de suite, et la
conclusion à laquelle vous en arrivez au niveau des mécanismes,
au niveau d'un recours externe d'une institution qui, elle, a bien
démontré, pas seulement au Québec, mais partout ailleurs,
ses capacités d'indépendance et d'efficacité; comme le
rappelait le président de la commission au niveau du suivi aux
recommandations émises par le Protecteur du citoyen, à 99 %,
c'est exceptionnel, ça veut dire que ça marche, ça
fonctionne. Je réconcilie mal ça. Pourquoi l'absence de ce
recours externe quand vous dénoncez tous les éléments que
vous venez de dénoncer?
Mme Lamquin-Éthier: Bon, on ne parle pas... Le
Président (M. Dauphin): Mme Éthier.
Mme Lamquin-Éthier: ...d'absence de recours externe, on
vous l'a peut-être dit de façon malhabile, on reconnaît
l'importance qu'il y ait un recours externe, ce que nous avons toujours cru, le
Comité provincial des malades. Cependant, c'était la
nécessité qu'il y ait une charte des droits et une commission des
droits des malades qui aurait un mandat exclusif de s'occuper des
matières concernant les usagers. Cette commission-là
relèverait de l'Assemblée nationale, aurait des pouvoirs
véritables et pourrait intervenir sur le terrain.
Ce que nous vous disons par rapport au comité des usagers, c'est
que c'est une question d'attitude aussi, parce que le vécu, le quotidien
des bénéficiaires, c'est fait d'un tas d'éléments
qui ne sont pas toujours à coloration particulière. Alors, c'est
une question d'abord de perception. Alors, c'était donc important...
Avant, on disait que tout établissement, qui etc.. doit mettre un
comité de bénéficiaires sur pied. Ça,
c'était ce que la loi disait. En pratique, il n'y en avait pas partout
et, en pratique encore aujourd'hui, nous avons 309 comités de
bénéficiaires qui nous sont affiliés. Quotidiennement,
nous visitons des établissements. On en a visité 139
l'année passée et à beaucoup d'endroits, lors de ces
visites-là, on intéresse la direction à la
nécessité de mettre sur pied des comités. Alors, vous avez
l'aspect théorique et l'aspect pratique. Donc, d'une part, bien que ce
soit "doit", ça ne se fait pas en pratique; c'était donc
nécessaire que ce soit affirmé.
Maintenant, il y a une question de mentalité, d'attitude. Les
comités de bénéficiaires, compte tenu que dans la Loi sur
les services de santé et les services sociaux, on semble... La loi
précisait leurs fonctions, et, en pratique, on s'est
rendu compte qu'on avait eu plutôt tendance à les acheminer
sur des voies comme le loisir et non pas à reconnaître,
finalement, que l'une de leurs fonctions principales, c'était de
renseigner les usagers sur leurs droits et obligations et les recours qu'ils
peuvent exercer aussi. Alors, si la direction générale d'un
établissement a une ouverture envers un comité de
bénéficiaires... Il y en a des directions générales
qui ont beaucoup d'ouverture, qui consultent les comités de
bénéficiaires régulièrement, qui vont aller voir si
le projet qu'ils envisagent, c'est raisonnable, qui vont aller les voir parce
qu'ils reconnaissent que c'est un mécanisme qui est dans
l'établissement, près des bénéficiaires et pour les
bénéficiaires.
M. Trudel: Merci. J'aimerais avoir une précision, pour
être très clair, parce qu'on peut avoir une divergence sur le
mécanisme externe... (11 h 15)
Mme Lamquin-Éthier: C'est ça.
M. Trudel: ...de traitement des plaintes. Mais pour les fins des
travaux de cette commission et en relation aussi, vous l'avez souligné,
avec le projet de loi 120, là, ce que vous nous dites et je ne veux pas
dire des choses que vous n'avez pas dites, vous êtes d'accord et vous
dites: II nous faut un recours externe en matière de traitement des
plaintes dans le système de santé et des services sociaux. C'est
clairement ça que j'entends et qui est la position de votre
organisme?
Mme Lamquin-Éthier: Oui. M. Trudel:
Deuxièmement... Mme Lamquin-Éthier: Mais... M.
Trudel: Oui.
Mme Lamquin-Éthier: ...c'est ça. On peut s'entendre
sur la nécessité et là, reprenez, restituez ça...
Il faut traiter la cause véritable, aller à la cause. On ne pense
pas que c'est en créant des mécanismes additionnels que,
fondamentalement, on va régler les causes. C'est ça qu'on veut
vous dire.
M. Trudel: Très bien. Évidemment, moi, je mets
ça dans une séquence des événements.
Mme Lamquin-Éthier: Oui.
M. Trudel: Si on exerce un recours à travers un
mécanisme efficace et que la plainte qui est soumise, on fait droit
à cette plainte-là, eh bien, évidemment, la
résultante, c'est une action sur la correction des causes de cet
événement ou de cette injustice.
Mme Lamquin-Éthier: Pas toujours.
M. Trudel: Non, mais je comprends ce que vous voulez dire. C'est
qu'il faut se rendre jusqu'au bout. Mais si la plainte est accueillie, si on y
fait droit et ce que je vous répète...
Mme Lamquin-Éthier: Oui
M. Trudel: je ne suis pas à vous dire: II faut que ce soit
le Protecteur du citoyen par rapport à votre option d'une commission de
protection des droits des malades. Je dis: Dans le cas du Protecteur du
citoyen, dans tous les cas qu'il a traités et pour lesquels il a fait
droit à la plainte et pour lesquelles plaintes, il a fait des
recommandations à l'administration concernée, 99 % des torts ont
été redressés.
Mme Lamquin-Éthier: Oui.
M. Trudel: Donc, il a travaillé sur les causes L'effet du
travail du Protecteur du citoyen, c'a été, donc, de travailler
sur les causes, et il faut noter très précieusement parce que,
déjà, je vous le dis, dans le circuit des discussions, ce qui se
répète, c'est que le Comité provincial des malades n'est
pas en faveur d'un recours externe et, avec toutes les affirmations que vous
nous avez faites aujourd'hui, les commentaires et aussi les précisions,
il faut prendre note que, non, c'est une exigence fondamentale d'avoir ce
recours externe et si on veut en arriver à votre objectif: travailler
sur les causes des torts introduites par rapport aux soins...
Mme Lamquin-Éthier: Mais il ne faut pas prendre ça
par la fin. Il faut prendre ça du début et non pas par la fin. Ce
que nous disons...
M. Trudel: Oui.
Mme Lamquin-Éthier: ...il faut donc rendre les
établissements responsables, imputables II faut donc que les
mécanismes qui sont prévus à l'heure actuelle soient
valables, réels, efficaces. O.K.? Bon. Ça, ça nous
apparaît fondamental parce que, nous, on ne pense pas qu'en concevant des
mécanismes additionnels, on réglera ces problèmes si on ne
s'est pas déjà assurés de ça à la base, au
point de départ. C'est ça que nous disons.
M. Trudel: Alors...
Le Président (M. Dauphin): Là, si vous me
permettez, M. le député, c'est parce qu'il y a plusieurs
députés qui veulent intervenir.
M. Trudel: Je m'excuse.
Le Président (M. Dauphin): Je veux essayer d'être
équitable pour tout le monde. Il y a deux
députés indépendants qui veulent intervenir aussi,
mais on...
M. Trudel: Je pensais qu'on devait fonctionner par groupe de 20
minutes.
Le Président (M. Dauphin): Non, pas nécessairement.
Je vais essayer... C'est parce qu'à l'intérieur d'un délai
de 45 minutes, il y en a déjà six ou sept qui veulent intervenir.
On va y aller rapidement.
M. Trudel: O.K.
Mme Harel: II nous reste combien de temps?
Le Président (M. Dauphin): Je vais demander à la
secrétaire de suivre ça attentivement, pour être
équitable pour tout le monde, dans le fond.
M. Trudel: Ça va.
Le Président (M. Dauphin): Étant donné qu'on
a neuf groupes à entendre aujourd'hui, c'est pour ça que je vais
demander: questions courtes, réponses courtes, si possible. On a de
l'expérience un peu avec la Commission Bélanger-Campeau, Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
M. Trudel: Je m'excuse, M. le Président. C'est parce que
je n'avais pas compris que la règle d'alternance jouait et je pensais
qu'on fonctionnait par bloc de 20 minutes. Alors, très bien, je
suis...
Le Président (M. Dauphin): C'est pour essayer de passer
tout le monde à l'intérieur du délai de 45 minutes.
J'aurais peut-être dû être plus explicite au
début.
M. Trudel: Ça va.
Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le
député d'Anjou, rapidement, s'il vous plaît.
M. Larouche: Oui, très bien. Je tiens à
féliciter Mme Lamquin-Éthier. C'est ça?
Mme Lamquin-Éthier: Oui.
M. Larouche: Vous conservez une fougue. Vous devez être
bien jeune pour conserver cette fougue dans la défense du Comité
provincial des malades. Je pense que votre travail est admirable à ce
niveau-là. J'ai beaucoup apprécié votre
référence au fait qu'il y ait des problèmes reliés
à l'analphabétisme.
Mme Lamquin-Éthier: Entre autres.
M. Larouche: Alors, c'est clair que c'est fondamental au niveau
de la solution de certains problèmes.
Moi, j'aimerais vous poser une question très précise.
Peut-être que vous pourrez ensuite soumettre à la commission ou
ailleurs ce document-là. C'est la typologie des plaintes qui sont
transmises par les usagers, autant au niveau des établissements qu'au
niveau peut-être du comité. Parce que ça peut être
une plainte, comme vous disiez tantôt, globale. Il n'y a pas de
grève. S'il y en avait une, ça vous ferait peut-être soit
une grosse plainte ou 25 000 petites. Alors, une typologie de ces
plaintes-là. D'autre part, je vais poser juste une question, je vais
faire référence, parce que vous m'avez mis l'eau à la
bouche, vous disiez que c'était une question d'attitude et j'abonde
totalement dans ce sens-là.
Je vous raconte une anecdote très rapidement. En juillet 1988, je
descendais sur la rue du Parc et j'étais près de l'hôpital
Sainte-Jeanne d'Arc. L'auto devant la mienne a frappé une personne. J'ai
vu cette dame s'élever et tomber dans les marches de l'hôpital
Sainte-Jeanne d'Arc. Alors, moi, je n'ai pas réalisé que
c'était l'hôpital Sainte-Jeanne d'Arc. Je me suis
arrêté et j'ai appelé, avec mon téléphone
cellulaire, le 911 et ça a pris bien du temps à avoir quelqu'un.
Je suis sorti de l'auto et je regardais les gens tout autour. J'ai vu, tout
à coup, que la personne était accueillie par une
infirmière. Alors, j'ai levé les yeux et j'ai vu: Hôpital
Sainte-Jeanne d'Arc. J'ai dit: Entrez-la à l'hôpital. Elle a dit:
Écoutez, vous, monsieur! Là, je venais d'être élu
député et on se pense toujours bien fin lorsqu'on vient
d'être élu. J'ai dit: Écoutez! Quand on vient d'être
élu, je dis bien, après ça on s'humilie. Alors, j'ai dit:
Mais entrez-la, c'est un hôpital! Elle a dit: Les règlements le
disent bien, ce n'est pas vos affaires. Les règlements disent: II faut
qu'elle entre par les urgences. Alors, croyez le ou non, elle a attendu et
ça a pris 20 minutes pour que Urgences-santé vienne la ramasser
de ce côté-là, plutôt que de la mettre sur une
civière et de l'amener tout simplement.
Alors, ça, c'est une question d'attitude. Si vous ne me croyez
pas pour cet événement, vérifiez. C'était en
juillet 1988 et j'en ai parlé à Mme Lavoie-Roux quelques jours
après. Alors, voyez-vous, il y a une question d'attitude qui peut
être amenée. Ça touche, évidemment, la nature
humaine, cette question d'attitude, mais une attitude bureaucratique, ce n'est
pas nécessairement eu égard à la bureaucratie
gouvernementale. Ça peut être aussi dans l'entreprise
privée. Alors, sur ces commentaires, je sympathise avec vous et
j'aimerais que vous répondiez à la première question.
Mme Lamquin-Éthier: Vous avez raison. Ce n'est pas
toujours eu égard à une bureaucratie ou à un acte
bureaucratique, à un geste bureaucratique. Les demandes qu'on
reçoit sont multiples. Elles contiennent un tas d'éléments
et ces
éléments sont reliés à ce que vivent les
bénéficiaires. Ils vivent toutes sortes de choses. Les patates
peuvent être mal cuites, une prothèse dentaire peut avoir
été égarée, un monsieur n'a pas ses bas bruns.
Ça va vous sembler ridicule, mais ce n'est pas ridicule pour ces gens
qui vivent ça. S'il me reste trois paires de bas bruns quand je suis
admis dans un établissement et que le mois suivant je n'en ai plus, si
j'arrive avec du linge étiqueté et qu'on ne le trouve plus et
qu'on nous dit: Bien, écoutez, on ne l'a pas trouvé. Si, moi, je
veux recevoir mes soins intimes par quelqu'un qui est de mon sexe et que je
n'ai pas ce droit, si je préfère avoir une chambre privée
et que je dois cohabiter avec quelqu'un qui est confus, agressif et perturbant,
ma qualité de vie est atteinte, mon intégrité physique est
atteinte. Tout ce qui est personnel, à moi, usager, individu, est
atteint.
Alors, nous, on reçoit toutes sortes de situations, toutes sortes
de demandes et on vous a fait un cumulatif des demandes que nous avons
reçues et traitées l'année dernière. On en a
reçu et traité 421, à deux personnes. Elles sont
d'importance variable. Habituellement, on intervient le jour même. On
peut régler le plus rapidement possible. Évidemment, on recherche
la satisfaction, les intérêts du bénéficiaire, mais
on prend en considération l'établissement, ce qu'il a à
nous dire. On est respectueux de ça. On est donc objectifs. C'est
important qu'on le demeure à part ça. On reçoit des
demandes sur de mauvais traitements. L'usager qui est battu par un
préposé aux bénéficiaires, la dame qui prend sa
douche et qui est battue à coups de débar-bouillette
mouillée à l'heure de son bain, c'est sûr que si elle porte
plainte au niveau de rétablissement, ça n'ira pas bien loin,
parce qu'elle est seule. Alors, elle va être confrontée, un contre
un. Et aller au niveau de la régie régionale, mon Dieu, quelles
seront ses possibilités? Concrètement, comment va-ton faire pour
que cette femme-là, on lui évite d'être maltraitée?
Aura-t-on le pouvoir d'intervenir sur les syndicats? Pourra-t-on
congédier? Pourra-ton, finalement, reconnaître que l'usager n'a
pas le droit d'être victime de mauvais traitements? On en a des plaintes
comme ça. On a des plaintes qui touchent à la
propriété des biens, on en a qui touchent à
l'éthique. Je me suis aperçue que les gens du public nous
appellent. Ma mère s'est trouvée dans une situation qui
méritait une intervention rapide. On a eu accès à son
dossier et on a vu qu'il y avait un code pour ne pas la réanimer. On
n'était pas au courant, le médecin ne nous en avait pas
parlé. Est-ce qu'on a le droit de parler de ça? Est-ce qu'on peut
exprimer que ma mère était religieuse? Est-ce que c'est important
qu'on demande de rencontrer le médecin? Qu'est-ce qu'on peut faire? On a
aussi des décisions, des demandes qui concernent des actions ou des
décisions de l'établissement et c'est là que ça se
corse quand le plaignant porte plainte et que sa plainte laisse entrevoir
carré ment une décision qui aurait été prise par
rétablissement. Eh bien, ce n'est pas facile. Puis si vous regardez
encore une fois le projet de loi, parce qu'il faut le regarder, le responsable
des plaintes, c'est un cadre supérieur qui va être nommé,
d'accord, par le conseil d'administration, mais il va être au même
niveau que les autres cadres. Ça va être des collègues.
Alors, quand ce que l'usager va venir lui dire concernera ses collègues,
pensez-vous qu'il va y avoir des coudées franches? Pensez-vous qu'il va
pouvoir dire à ses collègues: Ça n'a pas d'allure? Si le
responsable du traitement des plaintes, personne ne vérifie la
qualité du traitement des plaintes, son sérieux à les
traiter, si le rapport qu'on fait est simplement un rapport qui dénombre
en termes de chiffres, de statistiques, les plaintes reçues, non pas
celles acceptées, ce qui est différent, et non pas
motivées, qu'est-ce que ça va donner à l'usager comme
pouvoir sur son quotidien? Qu'est-ce que ça va donner au niveau de la
population que la population reçoive un rapport qui lui dira qu'on a
reçu, dans l'année, 795 demandes? Ce sont toutes des choses qui
sont importantes et si on veut vraiment que l'usager puisse avoir
contrôle sur ce qui se passe dans son établissement, il va falloir
faire en sorte que le responsable des plaintes soit peut-être
dissocié des autres cadres, qu'il dépende directement du conseil
d'administration, qu'il soit imputable au conseil d'administration et qu'on
vérifie quelque part la qualité et le sérieux de son
travail.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme Éthier. M. le
député d'Anjou, avez-vous d'autres questions à poser?
M. Larouche: Non, ça va, merci.
Le Président (M. Dauphin): Je vais maintenant
reconnaître un représentant ministériel, M. le
député d'Iberville.
M. Lafrance: Merci, M. le Président. En tant que nouveau
député, nouvellement élu, et nouveau membre de cette
commission et pour rassurer mon collègue d'Anjou, c'est en toute
humilité que j'aimerais vous poser une question Je me
réfère en particulier à la page 12 de votre mémoire
et je lis: "L'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au
réseau de la santé et des services sociaux, aux institutions
municipales et scolaires contribuerait, selon le CPM, à provoquer le
désengagement progressif et marqué des députés, qui
se considéreraient encore moins responsables du mieux-être de
leurs concitoyens" Alors, si je peux en déduire, vous souhaiteriez donc
des mécanismes plus grands de collaboration entre les
députés et le Protecteur du citoyen Est-ce que vous pourriez nous
préciser quel genre de mécanisme vous verriez?
Mme Lamquin-Éthier: Je crois que c'est très utile,
très important. Vous êtes réciproquement animés d'un
intérêt valable en faveur des citoyens, de vouloir les aider, les
protéger. C'est donc important que vous restiez en contact
étroit. On sait bien que le député comme tel n'a pas le
pouvoir de régler les plaintes, mais il est près de la
population, il doit être sensible aux besoins de cette
population-là, et c'est lui qui doit se poser des questions comme
élu de cette population: Moi, qu'est-ce que je peux faire pour que ma
population ait de meilleurs services? Qu'est-ce que je peux suggérer?
Comment est-ce que je peux m'impliquer? Est-ce que je peux pousser davantage?
C'est ça qu'on a voulu dire et c'est les mécanismes de
complémentarité auxquels on songeait entre les
députés et le Protecteur du citoyen.
M. Lafrance: Si je comprends bien, vous parlez de
mécanismes. Vous verriez quand même des interventions du
député dans des cas précis, si besoin il y a,
auprès du Protecteur du citoyen. Ce n'est pas, à ce
moment-là, un mécanisme formel, c'est...
Mme Lamquin-Éthier: Là je veux être bien
claire, ce qui nous apparaît important, c'est non pas de créer des
mécanismes additionnels, mais de faire en sorte que le système
qui est en place soit capable de faire le travail qu'il doit faire, qu'il soit
responsable et imputable. Si on doit songer à un mécanisme
extérieur, parce que l'usager, malgré tout ce qu'il a,
malgré les droits qu'il a, ne peut pas les exercer, nous on est en
faveur d'une commission des droits des malades, qui aurait le mandat exclusif
de s'occuper des causes, des dossiers, des plaintes des malades. Vous, vous
pensez au Protecteur du citoyen. Nous, on pense à ce que je viens
d'évoquer. (11 h 30)
Le député a des préoccupations qui sont celles de
sa base, de ses citoyens, de ses concitoyens. Dans l'hypothèse où
vous me dites: Là, on va prendre pour acquis qu'on va élargir le
mandat du Protecteur du citoyen. Ce serait tout à fait normal que vous
développiez des rencontres et que vous travailliez ensemble, comme c'est
normal, de toute façon, indépendamment du fait que son mandat ne
soit pas élargi au secteur de la santé et des services sociaux,
parce que vous êtes élus et que parmi vos premières
responsabilités, vous avez la responsabilité de voir au
bien-être de vos concitoyens et de faire en sorte que leur message va
être... Ça peut être auprès du ministère,
ça peut être auprès d'une municipalité, ça
peut être auprès du Protecteur du citoyen, auprès de toute
autorité qui vous semblera la plus compétente pour aider
l'usager.
M. Lafrance: Très bien, merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député d'Iberville. Je vais maintenant reconnaître un
représentant de l'Opposition officielle, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve. Ensuite de cela, je me reconnaîtrai.
Mme Harel: M. le Président, je remercie mon
collègue de me permettre d'échanger avec le Comité. En
regard des députés, je dois vous dire qu'il arrive très
souvent à un député, à la fois de faire une
intervention pour un de ses concitoyens et concurremment, en parallèle
et en même temps, de lui proposer de demander l'examen de son dossier par
le Protecteur du citoyen. C'est la combinaison des recours qui, d'une certaine
façon, assure ou garantit l'impartialité parce que le
député, quel qu'il soit... Le citoyen qui, par exemple, n'aurait
pas été associé à l'élection du
député peut penser qu'il ne sera pas aussi bien servi si ce n'est
pas quelqu'un qui correspond à son choix ou vice versa, et
dépen-damment de la place qu'on occupe à l'Assemblée du
côté ministériel - et ça, c'est
indépendamment des partis ou du côté de l'Opposition - les
citoyens peuvent penser que leur député aura moins de voix au
changement, disons, dans son dossier. Alors, c'est plus impartial, un recours
comme celui de l'institution du Protecteur du citoyen, disons-le, avec toute la
franchise qu'il nous faut avoir dans l'examen d'une question comme
celle-là, que peut être impartial ou peut être
considéré, malgré sa volonté de l'être, pour
un citoyen, le député ou son bureau. Mais revenons à vous,
je comprends mieux ça maintenant. J'avais lu hier soir votre
mémoire. Là, vous dites: C'est le comité des
bénéficiaires dans rétablissement qui devrait être
chargé du traitement des plaintes.
Mme Lamquin-Éthier: Notamment. Mme Harel:
Notamment? Mme Lamquin-Éthier: Bien oui.
Mme Harel: Vous voulez dire que l'établissement devrait
nommer un ombudsman, un employé chargé de ça?
Mme Lamquin-Éthier: Bien ce que la loi prévoit
à l'heure actuelle, c'est qu'il y ait un responsable en vertu de
l'article 28: "Tout établissement doit établir une
procédure d'examen des plaintes formulées par les usagers."
Mme Harel: Alors, vous, vous dites: On est d'accord avec la
loi?
Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire, attention, ce
n'est pas ce que je vous dis.
Mme Harel: Non.
Mme Lamquin-Éthier: Je vous dis que c'est
ça que dit pour l'instant le projet de loi. Mme Harel:
Vous, vous dites...
Mme Lamquin-Éthier: Je vous ai dit pour que ce
mécanisme-là compense, et qu'on veut théoriquement en
faveur de l'usager, soit crédible, efficace...
Mme Harel: Le mécanisme de la loi? Mme
Lamquin-Éthier: Qui est prévu, oui. Mme Harel:
Oui.
Mme Lamquin-Éthier: Au niveau de l'application des
plaintes, de la procédure d'application des plaintes, pour que ça
soit réellement crédible, efficace, il faudrait peut-être
réaménager ça différemment.
Mme Harel: De quelle façon exactement?
Mme Lamquin-Éthier: Le responsable des plaintes à
l'heure actuelle, tel qu'il est prévu dans le projet de loi, va
être nommé par le conseil d'administration, sur recommandation du
directeur général. Vous savez très bien, enfin, je pense,
et je ne veux pas paraître... Là, on parle de la
réalité. Bien souvent, ces nominations-là sont faites en
faveur de candidats qui n'iront pas trop fortement contre
l'établissement, contre les politiques de l'établissement. C'est
ça, la réalité. Alors, si on veut que le premier niveau
soit fort, qu'on s'organise pour que ça soit fort.
Mme Harel: Comment devrait se faire la nomination, alors?
Mme Lamquin-Éthier: Le conseil d'administration pourrait
assurément consulter le directeur général, il n'y a pas de
malheur à consulter, mais il faudrait peut-être qu'il consulte
plus largement aussi.
Mme Harel: Mais qui, quoi, comment?
Mme Lamquin-Éthier: II pourrait très bien
consulter, je ne sais pas si c'est... Il faut vérifier ça. Nous,
on a des idées comme ça parce qu'on veut que les usagers aient
leur mot à dire parce que c'est important, mais on pourrait très
bien consulter les bénéficiaires: Vous voyez ça comment?
Quelles personnes souhaiteriez-vous? Quelles fonctions aimeriez-vous lui voir
faire?
Mme Harel: Une simple consultation, évidemment, ça
ne donne pas des garanties nécessairement de recommandation.
Mme Lamquin-Éthier: C'est ça qui est prévu
ici. C'est une recommandation. Alors, c'est pour ça que, nous, on pense
que ça serait préférable, une consultation, et non pas
seulement une recommandation.
Mme Harel: Vous voulez dire une consulta tion du comité
des bénéficiaires?
Mme Lamquin-Éthier: Pas nécessairement. Le conseil
d'administration, d'après ce qui est prévu dans la loi, à
l'article 143, je vais vérifier... Ils disent: Sauf sélectionner
et engager les membres du personnel, y compris les cadres autres que les cadres
supérieurs et adresser au conseil d'administration des recommandations
sur l'engagement. Est-ce qu'il ne serait pas préférable que le
conseil d'administration recueille l'avis, consulte le directeur
général, sans que ce soit formellement une recommandation?
Mme Harel: Oui, d'accord, mais de toute façon, qu'il le
consulte formellement ou autrement...
Mme Lamquin-Éthier: Ça fait toute la
différence au niveau pratique, parce que, s il recommande d'engager
quelqu'un qui va être favorable en partant à
l'établissement, qui n'ira pas contre les politiques ou les
décisions de rétablissement, ça va donner quoi, ça,
comme mesure concrète?
Mme Harel: Oui. Alors là, on partage la même
analyse, mais on n'arrive pas à s'entendre, je crois, sur la
façon d'arriver à l'impartialité. Comment arriver?
Mme Lamquin-Éthier: O.K.
Mme Harel: Parce qu'il ne faut jamais oublier comment faire en
sorte que la personne qui dispense le service ne soit pas juge et partie en
même temps? Parce que c'est ça, la grande grande question. Parce
que vous voyez, c'est dans tous les autres aspects. La personne qui dispense le
service peut, elle, avoir des motifs en disant: J'ai fait mon possible, je ne
pouvais pas faire mieux. Mais la personne qui se pense lésée,
elle, elle veut avoir au moins la garantie qu'un arbitre, entre elle et la
personne qui dit: J'ai fait tout mon possible, puisse décider.
Peut-être que c'est vrai que tout le possible a été
fait de bonne foi avec tout le dévouement Mais peut-être aussi que
la personne va être satisfaite de la réponse seulement si
ça ne vient pas de celle qui, en même temps, avait à donner
le service. Parce que c'est finalement l'établissement, le conseil
d'administration qui alloue les services, n'est-ce pas?
Mme Lamquin-Éthier: Enfin, qui dispense, qui a
l'obligation de dispenser.
Mme Harel: Vous, vous dites qu'il faut avoir le choix d'aller
à la régie régionale sans que ce
soit un...
Mme Lamquin-Éthier: Moi, ce que je vous dis - et
là, vous me faites aller - c'est que je me sens bousculée d'aller
au palier 3 avant de pouvoir vous parler complètement des paliers 1 et
2, parce qu'ils sont fondamentaux, et c'est ce qui nous permettra
théoriquement d'aller au palier 3.
Mme Harel: C'est là-dessus que je vous interroge, sur le
palier 1.
Mme Lamquin-Éthier: Parce que, là, je me sens
obligée de vous fournir des arguments. Je veux que vous me compreniez
bien. Ce que nous disons, encore une fois, c'est qu'on ne croit pas que ce soit
utile et nécessaire de concevoir des mécanismes additionnels. Ce
que l'on demande, à l'heure actuelle, pour les usagers, c'est que les
gens qui ont des obligations les assument, soient responsables et soient
imputables. Si vous me permettez de mettre ça dans la case...
Mme Harel: Mais, imputable, je pense que, là, il y a une
confusion.
Mme Lamquin-Éthier: Non.
Mme Harel: Imputable, ça veut dire redevable de donner une
réponse. Ça ne veut pas dire...
Mme Lamquin-Éthier: Pas seulement une réponse.
Mme Harel: Imputable, ça ne veut pas dire obligé de
corriger. Imputable, là on va bien se comprendre. Quelqu'un est
imputable ici, ça veut dire qu'on aimerait que les sous-ministres
viennent nous expliquer. Ça ne veut pas dire qu'ils vont changer.
L'imputabilité, c'est juste rendre compte de ses décisions.
Ça ne veut pas dire les corriger. C'est important parce que je n'arrive
pas à comprendre si vous dites: On ne veut pas rien de nouveau, mais on
veut que ce soit mieux, que tout ce qui existe présentement soit mieux.
Est-ce que vous en voulez un recours externe ou pas?
Mme Lamquin-Éthier: C'est ça. Vous me faites aller
à ce palier-là...
Mme Harel: Parce que ce serait nouveau.
Mme Lamquin-Éthier: Bon. Ce que je vous dis, si vous me
permettez de finir, au niveau du responsable de l'application du traitement des
plaintes, au niveau de l'établissement, il y a un premier
problème du fait que le responsable sera sur le même palier que
les autres collègues. Donc, il y aura la difficulté à
faire valoir lorsque la cause sera importante, de mettre ses
collègues... Il relèvera du directeur général.
Alors, il est en lien d'autorité qui va l'empêcher, finalement, de
véritablement faire quelque chose.
Si vous regardez plus amplement le rapport qui va être fait, des
décisions, il faut que ce soit modifié. C'est sûr qu'un
monde idéaliste ferait en sorte que tous les problèmes seraient
traités, réglés. Ce n'est pas ça qu'on demande. On
demande de s'attaquer aux causes et de prévoir des moyens de rendre les
choses efficaces. C'est ça qu'on veut vous dire. Si le responsable du
traitement des plaintes ne relève pas du conseil d'administration, ne
voit pas régulièrement le conseil d'administration et ne
répond pas devant le conseil d'administration du nombre de plaintes
qu'il aura reçues, acceptées, traitées, les suites qui
auront été données dans les délais, c'est de
ça qu'il doit répondre et non pas uniquement du nombre de
plaintes qu'il reçoit.
Et c'est ce qui fait qu'au niveau du deuxième palier, si la
régie régionale reçoit un rapport d'établissement
qui ne fait état que des plaintes qui ont été
reçues et traitées sans qu'il y ait plus d'explications ou de
motivation, ça va faire quoi ça? Ça ne fera rien. Et si on
ne permet pas à la régie régionale, comme on a
enlevé dans la loi, en cas de besoin, lorsque le problème de
l'usager fera appel à une décision de l'établissement, de
s'adresser à la Commission des affaires sociales, ça n'ira pas
bien loin.
Si l'usager avait accès, est-ce que ce serait envisageable de
penser que l'usager ait accès à la Commission des affaires
sociales?
Mme Harel: Ça se peut, mais il y a des délais.
Actuellement, par exemple, le délai est de deux ans dans les plaintes en
matière, par exemple, d'accidents du travail; un minimum de six mois en
matière de plaintes en regard de l'aide sociale, de la
sécurité du revenu, qui est pourtant l'aide de dernier
recours.
Mme Lamquin-Éthier: C'est ça, puis vous avez
raison.
Mme Harel: Tandis qu'à l'inverse, le Protecteur du citoyen
est beaucoup plus efficace.
Mme Lamquin-Éthier: Si on élargit son mandat.
Mme Harel: C'est moins formaliste. Mme Lamquin-Éthier:
Oui. Ça, c'est vrai.
Mme Harel: N'oubliez pas que c'est un tribunal quasi judiciaire,
la Commission des affaires sociales; ce n'est pas de la justice douce,
là.
Mme Lamquin-Éthier: Mais, parfois, il a besoin de
confrontation.
Mme Harel: Ça se peut.
Mme Lamquin-Éthier: Dans le passé, si le conseil
régional de la santé et des services sociaux, lorsque les droits
des usagers étaient en péril ou risquaient d'être en
péril, s'il était allé à la Commission des affaires
sociales, même si c'était sur une base de confrontation, c'aurait
été, peut-être... Pourquoi est-ce qu'ils ne l'ont pas fait?
Pourquoi, à l'heure actuelle, enlève-ton cette
capacité-là aux régies régionales d'aller devant la
Commission des affaires sociales? Pourquoi? Où est cette
justification-là?
Mme Harel: Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Je vais me permettre
deux ou trois petites questions, puisqu'il nous reste environ une dizaine de
minutes pour l'ensemble des membres de la commission. Quand j'ai lu votre
mémoire, moi également, la semaine dernière, je me suis
dit: Le Comité provincial des malades favorise le statu quo sur à
peu près l'ensemble des questions posées dans notre document de
consultation, et le mot "statu quo" n'a rien à voir avec l'autre
commission où on siège, la Commission Bélanger-Campeau. Si
j'ai bien saisi, vous dites qu'on ne favorise pas l'élargissement de la
juridiction du Protecteur du citoyen pour cause de lourdeur du système.
Cependant, vous nous proposez une commission des droits des malades. Alors,
j'aimerais savoir, dans un premier temps, en quoi la lourdeur du système
différencie entre les deux. Deuxièmement, puisque la loi actuelle
prévoit un recours externe à la Commission des affaires sociales,
c'est-à-dire que le conseil régional peut recourir à la la
Commission des affaires sociales, actuellement, alors que, dans le projet de
loi 120, il n'est plus question de recourir à un recours externe,
exemple, la Commission des affaires sociales, ne croyez-vous pas qu'il serait
préférable d'en avoir un? Ce sont les deux questions que
j'aimerais vous poser pour le moment.
Mme Lamquin-Éthier: Quant à l'argument en faveur de
la lourdeur, c'est concret, réaliste. Quand on augmente la
capacité de quelqu'un de traiter et de recevoir des plaintes, à
un moment donné, ça va certainement allonger les délais
aussi raisonnablement. C'est ce qu'on veut dire. Si une commission des droits
des malades avait un mandat exclusif de recevoir des plaintes provenant des
malades et de ne s'occuper que de ça, on pense que ça pourrait
être beaucoup plus efficace, rapide et adapté aux besoins et
à la réalité. Cette commission-là aurait des gens
qui auraient été choisis et nommés après
consultation et recommandation - en tout cas, on verra - des organismes
communautaires. Alors, ces organismes-là, qui sont près de la
réalité, au courant dos bosoins, qui lonl du travail
extraordinaire depuis des années, pourraient recommander des gens qui
auraient cette expertise-là, cette connaissance, cet
intérêt véritable de s'occuper des malades, pourraient donc
recommander des gens qui, eux, auraient pour fonction d'intervenir sur le
terrain et de régler rapidement et efficacement des plaintes qui sont
tout à fait variées quant aux éléments qu'elles
peuvent soulever. C'est ça qu'on souhaite parce que c'est plus
adapté à la réalité des bénéficiaires
qui ont besoin, finalement, d'un recours qui soit d'expertise, rapide,
efficace.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Je sais que
l'équipe de recherche avait préparé une série de
petites questions. Il y en a une...
M. Holden: M. le Président, est-ce que vous permettez une
petite question?
Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet?
M. Holden: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Oui. Allez-y.
M. Holden: Madame, je ne comprends pas pourquoi vous dites que
vous êtes contre l'interruption de la prescription. Ça ne peut
qu'aider quelqu'un. Vous semblez dire que ça va amener des gens à
faire des plaintes inutilement, je ne sais pas exactement pourquoi. Une
interruption de prescription, que ce soit une plainte devant la Commission ou
devant le Protecteur, ça ne peut qu'aider les
bénéficiaires. Alors, pourquoi êtes-vous contre
ça?
Mme Lamquin-Éthier: Si vous me le permettez, comme je l'ai
souligné au tout début, on va restreindre nos arguments à
ce qui nous occupe, la santé et les services sociaux. Je pense que, pour
cette question-là, vous avez des juristes et des experts beaucoup plus
qualifiés que nous qui pourront répondre adéquatement
à cette question-là.
M. Holden: Je vois que vous citez un avocat qui a écrit un
article en 1976, je crois. Vous savez ce que c'est, l'interruption d'une
prescription...
Mme Lamquin-Éthier: Oui.
M. Holden: ...c'est juste le délai d'instituer des
procédures. Si on n'en institue pas, ça n'ajoute ou ne diminue
pas...
Mme Lamquin-Éthier: On préférerait
restreindre nos arguments à la santé et aux services sociaux et
à l'expertise qu'on a, mais si...
M. Holden: Oui Jo comprends que c'esl uno
question juridique.
Le Président (M. Dauphin): De toute façon, M. le
député de Westmount, ce n'était pas sur le même
sujet. (11 h 45)
M. Holden: Yes.
Le Président (M. Dauphin): La prochaine fois, vous me le
direz et je vous reconnaîtrai plutôt que de couper la parole.
Alors, on avait une série de petites questions, bien que vous
veniez de répondre que vous voulez vous concentrer sur la santé
et les services sociaux; ça, je le comprends très bien. Au niveau
de l'indépendance budgétaire et financière du Protecteur,
vous nous dites que la situation actuelle est correcte.
Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire que ce qu'on a
dit, c'est qu'on ne comprenait pas. Et on a réfléchi depuis ce
temps-là, aussi. C'est sûr qu'on peut comprendre. Il y a des
arguments, il y a la grosse logique et il y a la pratique. Le Protecteur, ses
ressources financières, il doit en discuter avec le Conseil du
trésor. Et si le Conseil du trésor doit lui donner de l'argent et
que cet argent-là lui permette d'exercer une certaine surveillance
à l'égard des actes de la fonction publique, c'est bien sûr
que si on lui en donne moins, il va intervenir moins. Le risque est
effectivement là. On s'est peut-être mal exprimé. On
comprend ça. On comprend aussi, et c'est pour ça que je vous dis
qu'on ferait mieux de mettre le nez dans notre tarte, qu'il y a probablement
d'autres éléments d'un autre ordre qui entrent aussi en ligne de
compte, et on n'est pas familiers avec ces arguments-là. Normalement, si
on veut être cohérents, on serait mieux de se mêler de nos
affaires et laisser au Protecteur du citoyen, qui le vit et qui a
déjà demandé que ce soit modifié, le soin
d'exprimer ses besoins. Je pense qu'il est assez professionnel...
Le Président (M. Dauphin): Capable de se
défendre.
Mme Lamquin-Éthier: Absolument. Je pense
queMeJacoby...
Une voix:
Le Président (M. Dauphin): Oui, il va rester du temps.
Alors, peut-être juste une dernière, au niveau de l'intervention
systémique. Vous nous dites également que la situation actuelle
est correcte, qu'il faut favoriser évidemment les recours individuels,
ce qui est à la base même, le fondement même de son
existence, sur le plan systémique, de ne pas insister là-dessus.
Est-ce que j'ai bien saisi ce que vous vouliez nous dire?
Mme Lamquin-Éthier: C'est pour ça qu'on voulait
vous resituer le contexte de ce mémoire-là qu'on a fait
rapidement. Nous, notre préoccupation, c'est que les problèmes se
règlent à la base, là où ils surviennent et
là où sont les malades. On ne pense pas que les problèmes
qu'éprouvent les malades méritent tous une approche
systémique qui va demander des dénonciations ou d'alerter de
façon plus large; c'est ça qu'on voulait dire. Nous, on favorise
l'intervention auprès du bénéficiaire, pour aider le
bénéficiaire.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme
Lamquin-Éthier. Une dernière intervention, en reconnaissant M. le
député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Mme Crochetière,
vous êtes membre d'un comité de bénéficiaires,
actuellement, dans un centre d'accueil. Ma question est bien simple. Là,
on vient parler de grande mécanique et de palier. On "va-tu" à
l'externe ou est-ce qu'on reste à l'interne? Et c'"est-u" incestueux ou
pas parce que c'est quelqu'un de l'administration? Vous, comme membre d'un
comité de bénéficiaires, est-ce que vous sentez que les
droits des gens que vous défendez sont respectés et est-ce que
vous sentez, dans l'institution ou dans le type d'institution dans laquelle
vous vivez, que l'on fait droit aux plaintes des bénéficiaires?
Je veux avoir votre perception là-dessus parce que vous êtes une
personne directement concernée.
Mme Crochetière (Jacqueline): Moi, j'appartiens au centre
d'accueil René-Lévesque de Longueuil. Je puis dire que notre
centre est très proche des bénéficiaires. Nos plaintes, on
les règle, nos choses, on les règle nous-mêmes. Et si on a
besoin - et on ne se gêne pas - du Comité provincial des malades,
on le fait. Mais, en partant, on règle nos problèmes. Et si ce
n'est pas réglable, là on a recours au Comité provincial
des malades. Je peux dire qu'on est très bien servi.
M. Trudel: Dans ce contexte, le Comité provincial des
malades devient comme votre recours externe à votre institution.
Supposons une difficulté du règlement de la plainte, ce que vous
venez de nous expliquer. Actuellement, votre lieu pour dire: II faut continuer
parce qu'il faut que ça se règle, cette situation-là...
Là, vous appelez le Comité provincial des malades qui se met au
travail du traitement de plaintes. C'est juste, ça?
Mme Crochetière: Nous autres, on demande conseil, et puis,
c'est ça, ils nous secondent dans nos difficultés, et on est
très très satisfaits.
M. Trudel: Est-ce que je peux demander un
complément de réponse à Mme la directrice
générale, rapidement, sur la mécanique, chez vous?
Mme Lamquin-Éthier: Alors...
M. Trudel: Madame, ce qu'elle vient de décrire, elle
aboutit chez vous pour se faire aider, comme elle le dit.
Mme Lamquin-Éthier: O. K.
M. Trudel: Alors, comme je n'aurai plus de droit de parole, je
vous remercie de vos réponses intéressantes, juste pour
compléter, s'il vous plaît.
Mme Lamquin-Éthier: C'est que l'aide peut être
multiple. Quand quelqu'un nous appelle, la première chose qu'on va
faire, c'est d'essayer de bien comprendre le problème; c'est important
de voir avec la personne, qu'elle nous précise tous les
éléments de son problème, voir ce qu'elle en pense,
où elle voit la solution et comment on peut l'aider. Si elle
désire faire ses démarches elle-même, on va lui donner
peut-être un complément d'information. Si elle veut qu'on
l'accompagne, mais qu'elle veut faire ses démarches elle-même, on
va respecter ça. Il y en a qui veulent qu'on les accompagne, qu'on les
représente et qu'on fasse les démarches pour et en leur nom. On
va donc intervenir différemment au niveau des moyens pour aider la
personne.
Au niveau des moyens qu'on va utiliser, on va aussi intervenir soit
directement auprès des personnes responsables de l'établissement.
D'abord, le responsable du service, si madame nous rapporte un problème
qui a trait à une situation qu'elle vit sur son unité, à
ce moment-là, on va appeler l'infirmière responsable et on va
voir avec elle à ce qu'elle nous fournisse les éléments
qui manquent, voir ce qui s'est passé, comment ça se fait que
c'est arrivé comme ça, si c'est vrai que c'est arrivé
comme ça. On va tenter de s'entendre. On n'arrive pas en moralisateurs,
on cherche une solution. C'est ce qu'on fait. On a une approche qui est
respectueuse, on ne fait pas de menace.
Si ça ne se réglait pas au niveau de l'unité, on
pourrait, par exemple, aller voir la directrice des soins infirmiers. On va
aussi aller voir le directeur des services professionnels; on va aller voir le
directeur général; et on est même allés au niveau
d'un conseil d'administration, de même qu'on va aller auprès de la
Commission d'accès si c'est un problème qui relève de la
compétence de cette Commission-là. On va aller auprès
d'une instance qui est déjà en place et qui pourrait nous aider
à régler le problème, mais toujours après avoir
bien compris tous les éléments, ce que le
bénéficiaire souhaite, s'il veut ou pas qu'on l'aide. S'il veut
qu'on l'aide, on va lui expliquer ce qu'on pourrait faire, on voit avec lui
s'il est d'accord. S'il est d'accord, on va entreprendre les premières
démarches, on va lui donner des nouvelles, on va lui dire: Qu'est-ce que
vous en pensez? Est-ce que vous êtes satisfait? Désirez-vous qu'on
pousse plus loin? À toute étape de notre processus, on va rester
en contact avec l'usager, on va l'informer de ce qu'on fait, de ce qu'on a
fait, des réponses qu'on nous a faites. On va vérifier avec lui
s'il veut qu'on continue. On ne fermera le dossier que lorsqu'on aura
l'assurance que sa demande aura été comprise et que ses besoins
auront été satisfaits. Des fois, il y a des situations qui vont
demander plus de temps; on a déjà pris deux mois pour
régler une situation. On est intervenus auprès du Conseil du
trésor en dernier ressort, après avoir passé par tous les
autres paliers, on va intervenir auprès des CLSC, on va intervenir
auprès du service du contrôle de la qualité. Le CPM
intervient là où il pense que l'autorité a
compétence pour régler le problème et devrait être
saisi du problème.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme
Éthier. Alors, c'est tout le temps qui nous était alloué.
Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous aimerions vous
remercier, Mme Éthier, Mme Crochetière, M. l'abbé
Paren-teau, Mme Cousineau, d'avoir accepté notre invitation et d'avoir
participé à nos travaux. Merci beaucoup et bon retour.
Mme Lamquin-Éthier: C'est nous qui vous remercions.
Le Président (M. Dauphin): Je demanderais maintenant au
Comité des bénéficiaires du centre hospitalier
Robert-Giffard à s'avancer.
Nous allons poursuivre nos travaux. Nous recevons maintenant le
Comité des bénéficiaires du centre hospitalier
Robert-Giffard. La personne responsable, c'est M. Rice. Est-ce exact?
Comité des bénéficiaires du
centre hospitalier Robert-Giffard
Une voix: M. Samson.
Le Président (M- Dauphin): M. Samson Alors, M. Samson ou
M. Rice, voulez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?
Comme l'audition est d'une durée d'une heure, vous avez 15 minutes pour
nous faire votre exposé; ensuite de ça, on procédera
à une période d'échanges.
M. Samson (Mario)): M. le Président, je tiens d'abord
à vous remercier de nous avoir invités à cette commission
parlementaire et de l'occasion qui nous est donnée de présenter
notre point de vue.
Permettez-moi de me présenter et de présenter les
personnes qui m'accompagnent.
Mario Samson, vice-président; Charles Rice, permanent; Mario
Lortie, permanent. Malheureusement, les conseillers Marc-André Coulombe
et Jacques Paré sont absents, et André Perreault,
président, est absent lui aussi.
Le Comité des bénéficiaires représente plus
de 3000 usagers admis ou inscrits au centre hospitalier Robert-Giffard. Il
assume les fonctions qui lui sont attribuées par la loi, soit de
défendre les droits collectifs et individuels des usagers que nous
représentons. La question du mandat du Protecteur du citoyen et
particulièrement l'extension de ce mandat au secteur de la santé
et des services sociaux nous intéressent au plus haut point.
Notre intervention de ce matin se limitera à la question
d'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au réseau de
la santé et des services sociaux. Nous n'avons donc pas l'intention de
commenter l'ensemble des questions qui font l'objet de la présente
consultation. Le but de notre intervention, ce matin, est plutôt de
sensibiliser les membres de la commission sur la place que pourrait occuper le
Protecteur du citoyen dans le secteur de la santé et des services
sociaux.
Le Comité se réjouit que l'État se préoccupe
des droits des usagers du système de santé et veuille mettre en
place les moyens pour en assurer le respect. Le but de notre intervention, ce
matin, n'est certes pas de questionner ou de remettre en cause cette
volonté politique, mais plutôt de débattre les moyens
à mettre en place et le modèle à privilégier. Le
Comité privilégie un modèle dans lequel les organismes de
base, issus du milieu, auraient une place prépondérante dans ce
champ d'intervention. Selon nous, la place que le Protecteur du citoyen
occupera dans le secteur de la santé devra s'articuler autour de la
place qu'occupent ou devraient occuper ces organismes.
Dans un premier temps, nous allons vous présenter notre position
par rapport à l'extension du mandat du Protecteur au réseau de la
santé et des services sociaux. Deuxièmement, nous allons parler
des ombudsmans maison, leur rôle et la place qu'ils devraient occuper
dans un système intégré de défense et de protection
des droits. Enfin, nous vous présenterons nos commentaires par rapport
à la Commission des affaires sociales. Sans plus tarder, je
céderai donc la parole à M. Rice.
Le Président (M. Dauphin): M. Rice.
M. Rice (Charles): Merci. À priori, le Comité est
favorable à ce que le Protecteur du citoyen intervienne dans le secteur
de la santé et des services sociaux. Le recours aux CRSSS, à lui
seul, n'a pas été suffisant pour garantir le respect des droits
des usagers. Depuis le début de leur existence, les CRSSS n'ont jamais
démontré de volonté politique sérieuse d'assumer
leurs pouvoirs face aux établissements pour tout ce qui concerne la
protection des usagers. Dans ce contexte, l'ajout d'un recours
indépendant du réseau de services, superposé au
mécanisme de traitement de plaintes déjà en place auquel
les usagers pourraient s'adresser en dernier recours est tout à fait
souhaitable. (12 heures)
Le Comité estime, toutefois, qu'un système complet de
promotion et de protection des droits, dans ce secteur précis
d'intervention, doit fondamentalement être issu de la communauté.
Un tel système devrait laisser une place importante aux organismes de
promotion, d'accompagnement et de défense des droits. Les modèles
d'intervention développés aux États-Unis et ailleurs au
Canada, que l'on connaît sous le vocable d'"advocacy", reposent largement
sur l'implication des proches et des personnes elles-mêmes dans la
défense de leurs droits.
Le Comité s'oppose à ce que l'on confie à n'importe
quel organisme de l'État, y compris le Protecteur du citoyen,
l'exclusivité ou le monopole de la défense des droits. Une place
trop importante au Protecteur du citoyen aurait non seulement pour effet de
bureaucratiser indûment le système, mais aussi d'étouffer
toutes initiatives locales de défense des droits contrôlées
par les usagers eux-mêmes. Le Comité est favorable à la
présence de recours dans le réseau de la santé et des
services sociaux dans la mesure où ceux-ci sont complémentaires
et accessoires à l'action que mènent les groupes de promotion,
d'accompagnement et de défense des droits.
Ici, j'ouvrirais une parenthèse. C'est qu'on fait une
distinction, nous, entre les ressources d'aide et d'accompagnement, incluant
les comités d'usagers, et les recours formels. La question du Protecteur
du citoyen, on le situe plus en termes de recours qu'en termes de ressources
d'accompagnement. Je ne sais pas si ça permet d'éclairer les
gens.
Le Comité préconise un système mixte dans lequel
les rôles et responsabilités de chacun des acteurs seraient
délimités et dans lequel les organismes de base, issus de la
communauté, seraient au coeur même de ce système.
L'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au secteur de la
santé et des services sociaux devra nécessairement s'inscrire
dans le cadre d'un tel système.
Nous invitons donc les membres de la commission à faire preuve de
prudence en confiant au Protecteur du citoyen quelque mandat que ce soit dans
le secteur de la santé et des services sociaux.
Je résumerais notre position en deux mots, finalement. Ce qu'on
dit, c'est oui, c'est-à-dire qu'on est favorables à ce que le
Protecteur du citoyen intervienne dans le domaine de la santé, mais
à certaines conditions. On dit bien à certaines conditions, parce
qu'on n'est pas tout à fait convaincus que le Protecteur du citoyen
sera un recours pertinent dans ce secteur d'activité. Finalement,
dans notre mémoire, on souligne un certain nombre de limites par rapport
au Protecteur du citoyen.
La question des actes professionnels, je pense que ça a
été soulevé, ce matin, par le Comité provincial des
malades, c'est-à-dire que le Protecteur du citoyen n'aura pas
juridiction sur tout ce qui touche l'acte professionnel. Nous, on sait
pertinemment, parce que, quand même, on travaillé sur le terrain,
qu'un bon nombre de plaintes, même je dirais, que la majorité des
plaintes qu'on reçoit font référence soit directement ou
indirectement à l'acte professionnel. Pour nous, finalement, le
Protecteur du citoyen qui interviendrait, qui n'aurait pas juridiction par
rapport aux actes professionnels, on ne voit pas vraiment l'utilité de
ce recours.
L'autre limite qu'on a identifiée par rapport au Protecteur du
citoyen, c'est qu'on se dit qu'il y a un certain nombre de plaintes qui sont
déposées et qui ne se prêtent pas nécessairement
à ce type de recours. On se pose la question à savoir si le
Protecteur du citoyen ou le modèle du Protecteur du citoyen peut
être exportable dans un organisme ou dans un ministère à
réseaux et spécifiquement au domaine de la santé, par
exemple, sur le genre de plaintes qu'on peut recevoir. Nous autres, on
travaille dans un hôpital psychiatrique. Par exemple, pour une personne
qui veut avoir une permission ou une passe pour circuler à
l'extérieur du département, il y a un règlement qui
régit ça actuellement, qui dit que c'est le médecin
traitant qui autorise ces passes ou ces laissez-passer. Quant au Protecteur du
citoyen, on se demandait, par rapport à des situations comme ça,
ce qu'il allait faire par rapport à ça. Il va probablement
communiquer avec le médecin traitant. Le médecin traitant va
dire: Non, écoutez, moi, j'estime que cette personne n'est pas assez
autonome pour avoir sa passe. Finalement, les craintes qu'on a par rapport
à ça, c'est que le Protecteur du citoyen se réfugie
derrière les lois et les règlements.
La troisième crainte qu'on a ou la troisième limite qu'on
a identifiée par rapport au Protecteur du citoyen, évidemment,
c'est que ça a trait à ses pouvoirs. Le Protecteur du citoyen a
uniquement un pouvoir de recommandation et n'a aucun pouvoir de correction par
rapport aux plaintes qu'il reçoit. Ça, c'est une des lacunes
majeures qu'on a identifiées dans le système actuel.
Tantôt, je parlais des recours et des services d'aide et
d'accompagnement. Au niveau des recours, dans le système actuel, il y a
des lacunes majeures. Ce qui est proposé dans le projet de loi 120, le
projet de loi sur la santé et les services sociaux, à notre avis,
il n'y a rien qui corrige ces lacunes. Le Protecteur du citoyen, ça
pourrait être une possibilité, c'est-à-dire que ça
pourrait être un recours intéressant, sauf que ça a quand
même une certaine limite, surtout du fait que c'est simplement du pouvoir
de recommandation, c'est-à-dire qu'on a des recours formels qui sont
là, il n'y a absolument aucun recours qui a un pouvoir de trancher les
choses. Il y en avait, c'était la Commission des affaires sociales, mais
en en prenant connaissance, quand on a rédigé notre
mémoire, on n'avait pas encore en main le projet de loi 120, mais on a
finalement vu que le recours à la Commission des affaires sociales
serait enlevé. Actuellement, il n'y a aucun recours qui a le pouvoir de
trancher les litiges.
L'autre limite qu'on a identifiée par rapport au Protecteur du
citoyen, ça a trait à son impufabilité,
c'est-à-dire que le Protecteur du citoyen, en tant qu'institution, est
imputable, repose sur un seul individu. Ça n'a rien à voir avec
la personne qui occupe présentement le poste. M. Jacoby nous a
très impressionnés sur la façon qu'il a assumé son
mandat depuis les dernières années, particulièrement par
rapport à l'aide sociale, sauf qu'au-delà des individus,
évidemment, ce recours-là, vu qu'il repose sur un seul individu,
puis que, finalement, M. Jacoby n'est sûrement pas immortel, nous
paraît être un recours un peu fragile.
Finalement, il est donc difficile pour le Comité de se prononcer
sur la pertinence et l'efficacité du Protecteur du citoyen dans un champ
d'intervention où il n'a aucune expertise. Compte tenu des Iimites que
nous venons de mentionner, le Comité propose que l'élargissement
du Protecteur du citoyen s'inscrive dans le cadre du projet pilote. Ça,
c'est notre première recommandation qu'on fait, c'est-à-dire
qu'on ne voudrait pas lui donner carte blanche à ce moment-ci, on n'est
pas encore convaincus. Ce qu'on vous propose, c'est que le Protecteur du
citoyen soit un recours de troisième niveau, puis qu'il s'adresse
à des clientèles très spécifiques. Pour l'instant,
on ne voudrait pas qu'on élargisse son mandat ou qu'on assure un
accès direct au Protecteur du citoyen. Ce qu'on voudrait, c'est que dans
un premier temps - on parlait d'une période de trois ans - on le fasse
dans le cadre d'un projet pilote, puis que, finalement, les personnes, surtout
les personnes plus vulnérables comme les personnes âgées,
les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, les
personnes qui ont une déficience intellectuelle et aussi les personnes
qui ont un handicap physique puissent s'adresser au Protecteur du citoyen comme
dernière instance, puis qu'après trois ans, on fasse un bilan de
l'expérience. Après trois ans, on aimerait que la commission des
institutions se penche là-dessus et qu'on fasse un bilan, puis que,
finalement, on regarde à ce moment-là, si ce serait opportun
d'élargir encore plus sa juridiction, à savoir s'il n'y aurait
pas possibilité d'avoir un accès direct au Protecteur du
citoyen.
En gros, ce qu'on dit, c'est que, finalement, on trouve qu'il ne serait
pas souhaitable à ce moment-ci d'élargir son mandat à
l'ensemble des
usagers, puis que ça devrait être accessible uniquement par
rapport à certaines clientèles spécifiques. C'est ce qu'on
vous propose.
Je demanderais à Mario de vous présenter notre chapitre du
mémoire qui porte sur les ombudsmans d'hôpitaux et les ombudsmans
maison.
Le Président (M. Dauphin): Allez-y.
M. Lortie (Mario): C'est ça. Concernant les ombudsmans ou
communément appelés les protecteurs de
bénéficiaires, notre Comité considère que chaque
établissement doit avoir une part de responsabilité à
l'égard de l'examen de plaintes formulées par les usagers.
D'ailleurs, le projet de loi 120 portant sur la santé et les services
sociaux prévoit l'instauration d'un tel mécanisme. Pour nous, il
s'agit davantage de voir quelle sorte d'arrimage est privilégié
quant à son fonctionnement par rapport à celui du Protecteur du
citoyen, car le système de défense des droits qu'il est
présentement à mettre en place dans le champ de la santé
doit considérer l'ensemble de ces composantes. Il importe de bien
distinguer le rôle de chacun dans l'exercice de ses fonctions repectives
pour s'assurer que l'efficacité et l'intégrité ne
laisseront aucun doute et qu'aucune ambiguïté ne subsistera.
À cet effet, nous voyons deux aspects examinés concernant les
ombudsmans maison ou protecteurs du bénéficiaire à
l'intérieur des établissements que nous voulons aborder.
D'abord, concernant l'hypothèse d'un rattachement des ombudsmans
maison, nous n'en voyons pas la pertinence au Protecteur du citoyen. Nous
sommes d'avis qu'étant donné la position de troisième
ligne que nous voulons voir assumer par le Protecteur du citoyen dans le champ
de la santé, celui-ci pourra être appelé à traiter
une plainte provenant notamment d'un ombudsman maison. Or, dans ce contexte, il
va de soi que le Protecteur du citoyen doit avoir toute la distance requise
pour que son impartialité ne puisse être remise en question. La
latitude que doivent posséder ces deux instances dans l'exercice de
leurs fonctions doit être totale, l'un par rapport à l'autre. En
plus, l'hypothèse de ce rattachement est aussi incompatible avec la
responsabilité que nous voulons voir assumer par les
établissements en matière de traitement de plaintes. Il va de soi
que cette volonté de responsabiliser les établissements doit se
concrétiser par l'imputabilité que cet ombudsman doit avoir
vis-à-vis de son propre milieu de travail.
Deuxièmement, le terme "ombudsman" ou "protecteur" doit, selon
nous, être réservé exclusivement au Protecteur du citoyen.
Depuis quelques années nous assistons à la prolifération
du vocable "ombudsman" ou "protecteur" et cette situation peut entraîner
des inconvénients majeurs, entre autres sur la crédibilité
même que l'on confère à cette fonction. Dans ce contexte,
nous pouvons envisager que cela risque de nuire à la réputation
du Protecteur du citoyen qu'il a su construire en tant qu'institution au cours
des dernières années. Rappelons que le Protecteur du citoyen
lui-même faisait cette constatation lorsqu'il affirmait dans une entrevue
que c'est par abus de langage que ces personnes sont désignées
sous le nom d'ombudsman.
À titre d'exemple, puisque la force de l'expérience
surpasse toutes les opinions que nous pourrions émettre, je citerai un
extrait d'une lettre de démission d'un ombudsman d'hôpital: "J'ai
compris rapidement qu'au-delà des beaux discours sur la qualité
de vie, les conditions de vie et le respect des droits, toute la partie qui se
joue dans cette institution repose essentiellement sur la volonté de la
direction en place à ne rien changer en profondeur, à ne
tolérer aucune remise en question et à évincer ou
marginaliser subtilement ou non toute forme d'opposition ou de contestation
interne. "J'en suis venu à la conclusion que la seule façon pour
moi de préserver mon emploi était de me soumettre en jouant le
jeu de la direction de l'hôpital. Plusieurs personnes dans l'entourage de
la direction générale y demeurent à ce prix. Quant
à moi, c'est un prix que je ne peux accepter de payer, mes convictions
personnelles me l'interdisant. "C'est pourquoi, afin que l'on cesse de leurrer
la population et les usagers, nous recommandons que le terme "ombudsman" ou
"protecteur" soit exclusif au Protecteur du citoyen et que cette
exclusivité fasse l'objet d'une disposition expresse dans sa loi
habilitante."
Je remets maintenant la parole à mon collègue.
Le Président (M. Dauphin): II reste environ 30 secondes au
temps qui vous était alloué.
M. Rice: Je serai très bref, M. le Président. Pour
terminer, peut-être un mot sur la Commission des affaires sociales. On a
parlé tantôt des recours externes. On est favorables à ce
qu'il y ait un recours externe et je pense que ça s'impose. À
savoir qui pourrait assumer ce recours externe-là? Le Protecteur du
citoyen, évidemment, c'est une avenue à explorer. Je pense que la
Commission des affaires sociales, c'est un recours externe qui devrait
être maintenu. On sait que le projet de loi 120 enlève ce
recours-là.
À notre avis, la Commission des affaires sociales, c'est un
recours qui a été sous-utilisé et mal utilisé
jusqu'à présent. Je pense qu'on devrait se pencher
là-dessus, ça pourrait même faire un complément
intéressant, à savoir le Protecteur du citoyen avec la Commission
des affaires sociales. La Commission des affaires sociales, comme je le disais
tantôt, ce n'est pas juste un pouvoir de recommandation qu'elle a;
elle écoute les parties et elle tranche. Ça, je pense que
c'est un manque; ce n'est pas le Protecteur du citoyen qui va l'amener. Je
pense que les deux recours, si l'on parle de recours externes, la Commission
des affaires sociales et le Protecteur du citoyen, ça pourrait
être un complément extrêmement intéressant, ça
compléterait finalement un système complet de protection des
droits. On insiste beaucoup pour que, finalement, ce
système-là... On parie de système, ça suppose qu'il
y a plusieurs composantes à cette affaire-là. Pour nous autres,
c'est important que, finalement, il y ait plusieurs organismes qui travaillent
à différents points de vue. Ce qui est important, c'est qu'on
clarifie le rôle de ces différents organismes-là de
manière à mettre en place un système qui puisse être
très efficace et très intéressant pour les usagers. On est
prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Dauphin): Alors, je vous remercie pour
votre exposé. Nous allons débuter la période
d'échanges avec le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Ensuite, je reconnaîtrai M. la
député de Saint-Hyacinthe.
M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est un mémoire
extrêmement intéressant parce qu'on sent bien qu'il est
ancré dans la pratique d'une institution qui est bien reconnue au
Québec et, je dirais, quant au nombre, quant aux approches, quant
à l'expertise - ce n'est pas français "l'expertise", c'est un
anglicisme - quant à l'expérience que vous avez du secteur. On
sent bien que cette espèce de sagesse transpire dans vos
recommandations.
Je vais aller à la page 13 de votre mémoire sur le
financement du Protecteur du citoyen et des activités de l'institution.
Vous nous dites que le Comité s'oppose à ce que le Protecteur du
citoyen soit financé à même ce budget, qui est le budget de
la politique de santé mentale. Comment pouvez-vous dire ça? On
comprend facilement que ça n'a pas de bon sens, d'aller financer les
activités du Protecteur du citoyen à même les subventions,
à même l'argent dévolu à la mise en place de
nouvelles politiques de santé mentale. Ça se réfère
à quoi ça? Est-ce que vous avez des faits précis qui nous
indiqueraient, à cette commission, qu'en matière de financement
des activités du Protecteur du citoyen eu égard à la
santé mentale, je ne sais pas, des gens, des administrations, un
ministère ont déjà posés que cela devrait se faire
à même les montants d'argent pour la politique de santé
mentale?
M. Rice: II faut dire que ça c'est une information qu'on a
reçue du Regroupement des ressources alternatives en santé
mentale. Ils en font état dans leur mémoire. En tout cas, je vous
invite à leur poser la question; ils sont probablement mieux
informés que nous autres. Ce qu'on a entendu dire finalement... Il faut
dire que la question de l'élargissement du Protecteur du citoyen, c'est
arrivé beaucoup dans le décor avec la politique en santé
mentale. La politique en santé mentale annonçait - à ce
moment-là, c'était Mme Lavoie-Roux qui était ministre -
qu'elle demanderait un élargissement du mandat pour couvrir au moins la
clientèle qui était touchée par la politique de
santé mentale. (12 h 15)
J'ai l'impression qu'à ce moment-là, quand le
ministère est allé chercher des crédits pour actualiser la
politique en santé mentale, vu que ça faisait partie d'une des
actions de la politique, à ce moment-là, on pensait que,
finalement, il y a de l'argent qui irait pour le Protecteur du citoyen, mais,
encore là, c'est des rumeurs qu'on a entendues. Je vous inviterais
à poser ia question au Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale, qui sont probablement mieux informés que nous
autres sur cette question. C'était juste un bémol qu'on vous
disait. En tout cas, si vous avez l'intention de le faire, on aimerait qu'au
moins, ce budget-là serve à implanter des services et à
mettre en oeuvre la politique plutôt que financer le Protecteur du
citoyen.
M. Trudel: Oui. Vous comprendrez facilement, pour les fins de la
commission, qu'on va d'abord vérifier auprès de l'organisme de
qui vous tenez vos sources, parce que c'est assez important, l'affirmation que
vous faites ici, mais là, vous nous donnez le contexte, c'est du
ouï-dire que vous avez d'un autre organisme. On vérifiera,
lorsqu'ils seront ici ou auprès de cet organisme-là, le fondement
de cette affirmation-là, parce que, encore une fois, c'est très
important. Dans une partie du mandat que s'est donné cette commission,
il y a une question spécifique sur le financement des activités
de l'institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen.
Une autre question maintenant. Je vous avoue que j'ai de la
difficulté un peu à comprendre la question spécifique de
l'élargissement du mandat, au Protecteur du citoyen, pour les usagers,
santé et services sociaux. Vous dites: Oui, mais... Et le mais - je veux
vérifier ça avec vous - c'est quant à l'ampleur des
clientèles qui seraient couvertes. Vous dites: Oui, mais d'abord de
façon expérimentale au secteur de la santé mentale, aux
personnes de 65 ans et plus, et pas les autres. Est-ce que c'est bien juste
là? C'est ça, votre position?
M. Rice: C'est-à-dire que ce qu'on dit essentiellement,
c'est qu'on voudrait que ce soit un projet pilote. On parle de projet pilote.
On verrait mal que, finalement, on élargisse, qu'on soit large, que la
porte soit grande ouverte à l'ensemble des usagers, il faut prendre en
considération, finalement, le volume de demandes qu'il peut y avoir par
rapport à ça. Juste
Robert-Giffard, on parle juste d'un hôpital, dans une
année, les plaintes qui sont déposées là, c'est
à peu près 500 à 800. Je parle juste d'un hôpital,
imaginez l'ensemble du réseau de services. En termes de volume,
ça peut être relativement important, surtout si on lui donne un
accès direct.
Évidemment, c'est un recours de troisième niveau. Il va y
avoir un filtrage qui va se faire en cours de route et le volume risque
d'être moins important, mais encore là, si on l'élargit
à l'ensemble des usagers de services, on peut s'attendre à ce que
le volume soit relativement important. Dans le contexte où on propose un
projet pilote, on ne voudrait pas l'élargir à tout le monde, tout
de suite. On voudrait juste le tester, voir comment le Protecteur du citoyen
fonctionne dans le concret et après trois ans, à ce
moment-là, on fera le bilan. Il faut dire que nous autres on est bien
placé aussi, à ce moment-là, parce que des plaintes, on va
lui en envoyer et on va assurer le suivi de ces plaintes-là. On va
être bien placé pour vous donner une appréciation.
M. Trudel: Encore une fois, compte tenu de ce que vous êtes
comme institution et comme personnel, c'est important ce que vous nous dites
lorsqu'on va arriver pour formuler nos recommandations. Quand vous dites: Ne
pas étendre le recours externe au Protecteur du citoyen à
l'ensemble des bénéficiaires, votre préoccupation est une
préoccupation administrative. Ce n'est pas une préoccupation de
l'efficacité du recours ou pas. Votre exemple, à peu près
800 plaintes par année à Robert-Giffard, imaginez si toutes les
institutions de premier niveau, de premier recours, c'est au Protecteur du
citoyen, on va en arriver à des délais impensables
là-dessus.
Mais votre préoccupation, c'est d'abord au niveau de
l'engorgement. Je veux savoir, au plan du système, si vous êtes
d'accord à ce qu'il y ait, je dirais, quasiment à quelque niveau
que ce soit, mais surtout au troisième niveau, un recours externe au
traitement des plaintes pour les usagers des services de santé et des
services sociaux au Québec. Est-ce que c'est juste, ce que je dis
là, par rapport à ce que vous nous avez mentionné ce
matin? Est-ce que c'est juste?
M. Rice: Oui. On est très d'accord à ce qu'il y ait
un recours externe. Je pense que c'est important qu'il y en ait un. Comme je le
disais tantôt, à savoir si ça devrait être le
Protecteur du citoyen ou un autre recours externe, on aimerait essayer le
Protecteur du citoyen, se donner le temps de voir comment ça peut
marcher et c'est pour ça qu'on recommande la question du projet pilote.
Ça pourrait être d'autre chose; ça pourrait être la
Commission des affaires sociales aussi qu'on élargirait, puis qu'on
essaierait d'améliorer et de bonifier. Nous autres, on pense que les
deux, ça pourrait être un complément intéressant. Ce
que le Protecteur du citoyen ne peut pas faire, je pense que la Commission des
affaires sociales peut le faire; puis ce que la Commission des affaires
sociales ne peut pas faire, le Protecteur du citoyen le peut parce qu'il a
quand même un recours expéditif, rapide, non litigieux. Ce sont
des règlements à l'amiable, hors cour, si vous voulez, puis je
pense que c'est important qu'on favorise ce type de règlement là
des plaintes, mais, à un moment donné, il faut trancher, puis je
pense que les deux recours peuvent être intéressants. Avant qu'on
donne carte blanche au Protecteur du citoyen, on aimerait voir la façon
qu'il va performer, qu'il va fonctionner. On pourrait se donner une
période de trois ans et l'évaluer après ça.
Le Président (M. Dauphin): O.K. Une autre... Oui. Vous
voulez ajouter quelque chose?
M. Lortie: Si vous me le permettez, c'est parce que j'aimerais
ajouter une nuance. Ce n'est pas juste de nature administrative qu'on voudrait
voir limiter le rôle du Protecteur du citoyen, c'est la nature même
des demandes. La clientèle de la santé, en général,
pose beaucoup plus sa demande sur l'acte professionnel, alors que la
clientèle vulnérable, elle est dans un contexte beaucoup plus
institutionnalisé et ça se réfère souvent à
des questions de règlement et de politique interne où, quelque
part, il n'y a pas seulement l'acte professionnel qui est remis en cause. Alors
que la clientèle "at large" du réseau peut beaucoup plus poser
ses problèmes en termes d'actes professionnels, puis on sait que, sur ce
champ-là d'action, le Protecteur du citoyen va être, à
toutes fins utiles, inefficace, inopérant. Ça fait que, là
aussi, il faudrait voir la considération à apporter
là-dessus parce qu'il me semble qu'il y a à ouvrir tout le
débat concernant les corporations professionnelles, comme l'ont
soulevé tout à l'heure ceux qui sont venus avant nous autres.
Ça aussi, ce n'est pas juste administratif, c'est sur la nature
même des demandes qui sont à traiter.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Merci beaucoup, M. le Président. Merci
beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Pour ceux qui
viennent de l'extérieur, dont moi, de Saint-Hyacinthe, Robert-Giffard,
c'est un hôpital psychiatrique strictement de longue durée ou s'il
y a de la courte durée?
M. Rice: II y a de tout. Il y a quatre permis possibles, ils les
ont tous les quatre. C'est de la courte durée, c'est un hôpital de
longue durée, c'est aussi un centre d'accueil d'hébergement et
c'est un centre d'accueil et de
réadaptation.
M. Messier: Vous avez parlé tout à l'heure de
quelque 600 plaintes. Combien y a-t-il de bénéficiaires à
l'hôpital?
M. Rice: À l'interne, actuellement, c'est rendu à
1700 à peu près; c'est en réduction, avec la politique de
désinstitutionnalisation. Mais si on ajoute à ça les
usagers externes, les gens qui sont suivis à l'externe, ça peut
comprendre à peu près 3000 personnes.
M. Messier: O. K. Merci. Vous êtes du Comité des
bénéficiaires, donc vous êtes des résidents à
l'hôpital Robert-Giffard? Dans le mémoire, vous dites que le
comité est élu. Et vous, vous êtes permanent, donc vous
êtes rémunéré par...
M. Rice: C'est ça.
M. Messier: O. K. Et vos sources de financement proviennent de
l'hôpital ou des bénéficiaires?
M. Rice: Avec la politique de santé mentale, puis ce qui
est prévu dans le projet de loi 120, on va généraliser
cette mesure-là à l'ensemble du réseau. L'hôpital
est tenu de nous accorder un financement selon un pourcentage statutaire de son
budget. C'est 0, 1 % de son budget qu'il doit donner au comité de
bénéficiaires.
M. Messier: Avec ces sommes-là et d'autres sommes,
peut-être d'autres subventions, vous arrivez à défendre
adéquatement l'ensemble des bénéficiaires de
l'hôpital Robert-Giffard?
M. Rice: C'est ça. Il faut dire qu'actuellement,
justement, l'hôpital se trouve à être notre principal
bailleur de fonds, sauf qu'il est tenu par la loi de nous donner du
financement. Ça, c'est suite à des représentations qu'on a
faites.
M. Messier: Est-ce que l'administration de l'hôpital a un
regard direct sur l'administration du comité des
bénéficiaires?
M. Rice: Encore là, c'est tout un débat, à
savoir quelle est la marge de manoeuvre du Comité par rapport à
l'administration? Il faut dire que, nous autres, on s'acquitte quand même
assez bien de ça, sauf qu'évidemment il y a des problèmes
par rapport à ça. Évidemment, c'est l'hôpital qui
nous donne l'argent. On a quand même une marge de manoeuvre,
c'est-à-dire que c'est nous autres qui adoptons nos priorités
budgétaires. On décide ce qu'on fait chaque année, et tout
ça. Sauf que ce qui avait été prévu dans la
politique en santé mentale aussi, c'est qu'il y ait un protocole
d'entente entre le Comité et la direction de l'hôpital, au niveau
de la gestion de cet argent-là. Ça a posé un certain
nombre de problèmes au début, mais, actuellement, c'est quand
même résorbé.
Une voix: Mais ce n'est pas de même dans tous les
comités.
M. Rice: C'est ça. Il faut dire que la façon dont
on fonctionne, ça peut être très différent dans
d'autres comités. Il y a d'autres comités qui, même suite
à la politique en santé mentale, n'ont pas reçu leur
budget ou qui ont des problèmes assez sérieux de fonctionnement
qui sont liés à plusieurs raisons.
M. Messier: Mais vous, ça fonctionne relativement
bien.
M. Rice: II faut dire qu'on est un Comité qui est en place
depuis quand même un certain nombre d'années. Le Comité de
Robert-Giffard est là depuis 1982.
M. Messier: Vous parliez tout à I heure de quelque 600
plaintes, c'est quand même beaucoup. Si vous avez jusqu'à 3000
bénéficiaires, c'est une plainte sur cinq, un
bénéficiaire sur cinq fait une plainte. Est-ce que vous avez
à traiter les plaintes? Est-ce que vous assurez un suivi des plaintes?
Est-ce que vous avez à vous prononcer sur la plainte? Et...
M. Rice: Bon.
M. Messier: O. K. On va y aller pour un premier volet.
M. Rice: O. K. La donnée que je vous ai donnée,
600, je me référais au rapport annuel qui est
déposé par l'ombudsman local. Chez nous, il y a un protocole de
traitement de plaintes; c'est l'ombudsman qui reçoit des plaintes. Nous
autres, notre rôle, c'est qu'on accompagne les gens la-dedans. Si vous me
permettez une comparaison un peu boiteuse, c'est un peu comme les juges et les
avocats Nous autres, on se situe un peu comme les avocats Et les recours. Donc,
l'ombudsman - on aimerait qu'il ait un autre nom qu'ombudsman parce qu'on
trouve que ça ne coïncide pas nécessairement avec ce qu'il
fait - c'est un peu le juge. Selon les rapports qu'il a déposés,
il y a à peu près 600, 700 plaintes, mais, là-dessus, y
faut dire qu'il y a un certain nombre de demandes que nous autres on
reçoit, qu'on va traiter. C'est-à-dire qu'on va aider les gens
qui ne font pas nécessairement référence à des
plaintes ou pour qui ça va se régler avant même que
ça devienne une plainte officielle. On va appeler au département.
Par exemple, une personne a un problème par rapport à un aspect
de son plan de soins ou n'importe quoi. On va parler à son
médecin et on va essayer de régler ça hors cour, si vous
voulez, à
l'amiable. Bon. Il y a une espèce de médiation qui peut se
faire, à ce moment-là. Alors, les 600, ce sont les plaintes
formelles qui ont été déposées; ça peut
comprendre un paquet d'affaires. Ça peut comprendre la soupe froide
allant à des voies de fait. Tu as tout l'éventail de
problèmes que tu peux retrouver dans un hôpital comme
Robert-Giffard, là-dedans.
M. Messier: Si vous dites oui à l'extension, avec un
"mais"... Je vais prendre un cas qui est arrivé à
Saint-Hyacinthe, un cas de surmédicalisation. Quelqu'un était
hospitalisé dans un hôpital de Montréal et il y a eu un cas
de surmédicalisation. Est-ce que le Protecteur du citoyen pourrait, avec
les effectifs qu'il a actuellement, régler ce type de cas-là?
M. Rice: C'est ça qu'on aimerait voir. Par rapport
à des situations comme celle-là, concrètement, comment
va-t-il opérer sur le terrain? Ce sont des situations extrêmement
complexes et extrêmement "touchy", et, nous autres, on ne sait pas quoi
faire. C'est-à-dire qu'on intervient, on s'obstine avec le
médecin et on fait ce qu'on peut. Mais tout ce qui touche l'acte
professionnel, je vous avoue qu'à ce niveau-là... Il faut dire
que la situation du Québec est assez particulière par rapport
à ça. On pourrait se demander: Est-ce que le Protecteur du
citoyen devrait avoir juridiction au niveau des actes professionnels? Est-ce
qu'il devrait avoir droit de regard par rapport à ça? Nous
autres, on pense que oui et, même, on va plus loin que ça. On
pense que les établissements devraient être imputables de la
façon dont les professionnels pratiquent leur profession à
l'intérieur d'une boîte. On pense que les établissements
devraient avoir un droit de regard sur la façon dont les médecins
exercent leur profession, au même titre qu'ils sont imputables par
rapport aux autres services qui peuvent être donnés par
l'hôpital. Dans ce contexte-là, si l'hôpital fait mal sa job
par rapport à ça, on pense que quelque part l'usager devrait
avoir un recours à la régie régionale et que la
régie régionale aussi devrait avoir un droit de regard sur la
façon dont l'hôpital gère les services professionnels de
l'hôpital. Si la régie régionale fait mal sa job, on pense
que le Protecteur du citoyen aussi devrait avoir un droit de regard par rapport
à ces situations-là.
M. Messier: Ça fait quand même plusieurs paliers
d'intervention pour régler peut-être un cas de plainte ou...
M. Rice: Bien, les affaires flagrantes, en tout cas, dans notre
pratique, ça se règle assez...
M. Messier: De mauvais traitement, disons. M. Rice:
Hein?
M. Messier: Une plainte de mauvais traitement.
M. Rice: Pardon?
M. Messier: Une plainte de mauvais traitement, un
bénéficiaire qui dirait: J'ai été battu par un
infirmier.
M. Rice: Oui. Des situations comme ça, ordinairement, vont
se régler... Encore là, il n'y a rien de facile parce
qu'évidemment, l'employé va se défendre là-dedans,
il n'ira pas dire: Oui, je l'ai battu et je m'excuse. C'est tout le temps des
questions de versions de faits et quelles versions... La parole d'un fou,
ordinairement, dans le concret, ce n'est pas facile. Sauf que dans la mesure
où on a des preuves et que le dossier est bien monté,
ordinairement, ça va se régler assez vite. Où ça
pose problème, c'est quand c'est des affaires plus litigieuses, surtout
des affaires qui touchent l'acte professionnel, qui touchent le plan de soins,
qui font référence à des décisions, pas
discriminatoires, mais discrétionnaires du médecin traitant. Ce
genre d'affaires là, c'est des plaintes qui sont beaucoup plus
difficiles à traiter. L'expérience qu'on en a, même avec le
recours interne ou au niveau de l'établissement, même au niveau du
CRSSS, ordinairement, les recours qui sont là, il n'ira pas tellement se
mouiller par rapport à ces situations-là. Le Protecteur du
citoyen, vu qu'il est indépendant, on espère, on a hâte de
voir ce qu'il va faire par rapport à ça, sauf qu'on ne se leurre
pas, par ailleurs, non plus.
Le Président (M. Dauphin): Merci. On aura l'occasion d'y
revenir tantôt. M. le député d'Anjou, M. le
député d'Iberville m'a demandé la parole et,
évidemment, il faut revenir aussi avec le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue tantôt. Alors, M. le
député d'Anjou.
M. Larouche: Est-ce qu'il y a des bénéficiaires de
l'hôpital, du centre hospitalier Robert-Giffard, ici?
M. Rice: Ah! il y a Mario.
M. Samson: Moi, je suis un externe.
M. Larouche: Un externe.
M. Samson: C'est-à-dire que j'ai déjà
séjourné; maintenant, je vis de façon autonome, mais on me
qualifie d'externe.
M. Larouche: O.K. Vous, quelle est votre profession?
M. Rice: Ah bien! moi, je suis permanent. J'ai un bac en
psychologie. C'est ça. (12 h 30)
M. Larouche: Vous êtes permanent du Comité des
bénéficiaires.
M. Rice: C'est ça.
M. Larouche: II y a combien de personnes qui sont
bénéficiaires et qui sont membres du Comité des
bénéficiaires?
M. Rice: Le Comité des bénéficiaires, c'est
cinq personnes; nous autres, notre Comité, c'est tous des
bénéficiaires qui en font partie.
M. Larouche: Bon! Alors, ils sont encadrés par des
permanents.
M. Rice: C'est ça.
M. Larouche: Ça veut dire cinq bénéficiaires
et combien de permanents?
M. Rice: Deux permanents et il y a des personnes qui travaillent
à contrat aussi. Finalement, on a une équipe d'à peu
près quatre. Il y a aussi un membre du Comité qui,
malheureusement, n'a pas pu venir, le président, qui est là
à plein temps. Il est aussi permanent, si vous voulez, parce qu'il
travaille à plein temps au comité.
M. Lortie: Les deux permanents font du traitement de
plaintes...
M. Larouche: O. K.
M. Lortie:... et les autres personnes de l'animation ou du
secrétariat.
M. Larouche: Tantôt, vous vous référiez au
fait qu'il y avait un recours, que la décision reposait sur un seul
individu qui était en l'occurrence ou qui pourrait être en
l'occurrence Me Jacoby, vous disiez que c'était assez fragile; quelques
instants avant, vous disiez que la décision d'un médecin, il
avait une décision finale sur la liberté de mouvement d'un
individu. Comment comparez-vous les deux faits? Voyez-vous, un médecin
va dire: Toi, tu ne peux pas sortir de ton département parce que
ça ne marche pas, c'est final. Alors, c'est une décision finale,
c'est un médecin qui arrive comme ça, il s'est levé pas de
bonne humeur ou de bonne humeur ce matin-là et il dit: Toi, tu restes
là aujourd'hui. Alors, il a décision sur la liberté de
mouvement du malade. Alors, ce sont deux décisions là. Vous avez
une décision interne, qui est prise par un médecin, qui a une
décision finale sur la liberté de mouvement d'un individu et,
d'autre part, vous avez la décision de l'ombudsman sur d'autres
choses.
M. Rice: En tout cas, je ne suis pas sûr que je saisis bien
votre question, mais, évidem- ment, ce qu'il faut essayer de faire,
c'est essayer de limiter les arbitraires ou les décisions arbitraires
qui peuvent affecter les droits des personnes. Actuellement, les
médecins ou les équipes traitantes ont des pouvoirs
énormes par rapport aux personnes, surtout quand elles arrivent à
l'interne et qu'elles sont hospitalisées. Tout est décidé
à ce niveaurlà: si tu vas sortir, l'argent que tu veux avoir,
tout ce qu'on prend pour acquis et que, bon, M. et Mme Tout-le-Monde prennent
pour acquis. Dans le contexte d'une institution, je parle d'une institution :
psychiatrique, mais j'imagine que la situation est un peu similaire aussi dans
les centres d'accueil pour personnes âgées, toutes tes
décisions sont prises soit par le médecin traitant, -soit par
l'équipe traitante. La personne est vraiment prise en charge par ce
monde là. Nous autres, notre rôle là dedans, c'est d
essayer de limiter l'arbitraire là-dedans, éviter que.
finalement. ces décisions là qui se prennent soient
nécessairement toujours arbitraires, toujours sur le dos du
bénéficiaire ou se fassent aux dépens des désirs et
des volontés de la personne.
M. Larouche: J'aurais une autre question. Tantôt, vous
disiez: La parole d'un fou, ça ne vaut pas cher. Vous avez dit
ça. S'il y avait un conflit, disons, entre un type de personne que vous
venez de décrire et un employé, vous rendez-vous compte que
l'employé, tout de suite, va voir son syndicat. L'autre, qui va-t-il
voir?
M. Rice: C'est nous autres.
M. Larouche: II va voir vous autres. Qui est le plus fort?
M. Rice: Encore là, ça dépend. Je veux
dire...
M. Larouche: Bon! Je veux dire, on reste toujours dans
l'arbitraire. Et ma dernière question: C'est quoi, pour vous, un
fou?
M. Rice: Mais là, je ne voudrais pas entrer
là-dedans.
M. Larouche: Non, je veux que vous répondiez...
M. Rice: Oui
M. Larouche:... parce que je n'ai pas aimé l'expression
"fou"...
M. Rice: Non, mais c'était pas...
M. Larouche: Je voudrais que vous décriviez, ou que vous
retiriez votre expression, ou que vous en utilisiez une autre, parce que
j'aurais aimé que vous utilisiez "bénéficiaire". Vous
savez, la folie, elle se promène un peu
partout.
M. Rice: Oui.
M. Larouche: II faut avoir vécu ça. Moi, je connais
des amis qui ont vécu ça. C'est pour ça que ça me
touche plus particulièrement. Mais j'aimerais que vous m'expliquiez
c'est quoi, parce que vous travaillez avec eux autres.
M. Rice: Oui.
M. Larouche: Avec ces bénéficiaires. J'aimerais,
soit que vous retiriez votre expression, soit que vous me décriviez
c'est quoi.
M. Rice: Disons que je peux la retirer volontiers, mais il faut
quand même situer le contexte dans lequel je l'ai dit.
M. Larouche: Oui.
M. Rice: Dans le cadre du traitement de plaintes, ce qu'on se
fait répondre: Écoute, bon, lui...
M. Larouche: C'est un fou.
M. Rice: ...il ne "file" pas ce temps-ci et bon... C'est un peu
ça que je voulais décrire. Ça ne colle vraiment pas
à ce que moi...
M. Larouche: O.K.
M. Lortie: Vous savez, aujourd'hui, il y a beaucoup de mots qu'on
censure comme ça, mais n'empêche que dans la perception des
personnes qui ont à faire face à des gens qui sont
sup-posément avec des facultés réduites, on n'utilise plus
le mot "folie", mais, quelque part, on leur donne beaucoup moins de
crédibilité, beaucoup moins d'importance, un statut
inférieur. Dans ce cadre-là, je veux dire, fou ou autre, en tout
cas, en ce qui me concerne, il n'y a pas une grande différence sur le
manque de respect entre traiter quelqu'un de fou et de ne pas lui accorder les
mêmes droits qu'un autre individu, peu importe le vocabulaire.
M. Larouche: Juste pour terminer, c'est que vous êtes le
Comité des bénéficiaires du centre hospitalier. C'est
parce que j'aurais aimé que vous disiez le mot
"bénéficiaire", ce n'est pas plus que ça.
M. Rice: Là, on est en train de le changer. Ça va
être "usagers" maintenant.
M. Larouche: Ah! Ça va être "usagers". O.K.
Le Président (M. Dauphin): Je vous remercie. Je reconnais
maintenant le député d'Iberville; ensuite, ce sera le
député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.
M. Lafrance: Oui, M. le Président. C'est une
sous-question, en fait, à celle de mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. C'est pour ça que je vous faisais
signe, tout à l'heure. J'aurais aimé enchaîner. Selon moi,
vous dites que non seulement vous voulez limiter votre projet pilote à
certaines catégories de bénéficiaires, mais vous dites
aussi - M. Rice a dit ça en particulier - que vous ne verriez pas un
accès direct, mais que vous verriez le Protecteur du citoyen en
troisième ligne, en troisième instance. C'est ça que vous
avez dit. Ne voyez-vous pas dans ça une contradiction, une
incompatibilité avec le mandat fondamental du Protecteur du citoyen qui
est de permettre au citoyen d'avoir un accès direct?
M. Rice: Oui, mais il faut situer ça un peu par rapport
à la recommandation qu'on fait, à savoir que ça s'inscrive
à l'intérieur d'un projet pilote; on ne le voit pas
mur-à-mur, pour l'instant, le Protecteur du citoyen. On s'est
posé la question. Le Protecteur du citoyen, c'est quoi le rôle
qu'il pourrait jouer? On s'est dit: Oui, mais est-ce que ça va
être pertinent, cette affaire-là? On aimerait se donner le temps
de voir comment il va performer sur le terrain et, à ce
moment-là, on se fera une idée, à savoir si ça vaut
la peine ou non. On sera ouverts, après l'expérience pilote,
après les trois ans, à se pencher là-dessus, à
savoir si ça vaudra la peine d'élargir encore plus et même
de permettre un accès direct. On ne voit pas non plus que le Protecteur
du citoyen soit partout. On pense qu'il y a quand même des limites
à ça, à savoir s'il devrait y avoir des protecteurs du
citoyen dans chaque établissement, par exemple. Est-ce qu'on devrait
rattacher les ombusdmans actuels au Protecteur du citoyen? Ce sont toutes des
questions qui ont été soulevées dans le document de
consultation. On ne pense pas, en tout cas pour l'instant, que ce serait
opportun et pertinent de le faire. On pense que le Protecteur du citoyen, pour
l'instant, devrait rester un recours de troisième niveau, pour permettre
aux deux premiers paliers d'essayer de régler les problèmes. Vu
qu'il est extérieur, à ce moment-là, on va voir.
Évidemment, ça va être un bon test, parce que les
problèmes qui vont se retrouver chez le Protecteur du citoyen, ça
va être, des dossiers extrêmement litigieux et extrêmement
complexes. Cela va nous donner vraiment l'occasion de voir ce qu'il va faire
par rapport à ces situations-là. Après cela, on est bien
prêts à considérer la possibilité d'enlever
même le deuxième recours. On n'a pas parlé beaucoup des
CRSSS qui vont devenir des régies régionales, mais pour nous, on
ne pense pas que ça va changer grand-chose. L'expérience qu'on a
des CRSSS, je vous avoue que depuis 10 ans que
c'est là, ça n'a pas fait grand-chose par rapport au
respect des droits. On se dit: On peut peut-être tes garder encore, voir
ce que ça va faire, mais après trois arts et si on voit que
finalement ça reste pas mal pareil à ce que c'était quand
c'étaient les CRSSS, on serait même prêts à regarder
pour avoir un accès de deuxième niveau, au niveau du Protecteur
du citoyen.
Le Président (M. Dauphin): Vous avez quelque chose
à ajouter, M. Lortie?
M. Lortie: Oui. il n'y a pas nécessairement de
contradiction à la notion de la fonction du Protecteur du citoyen,
c'est-à-dire que le recours direct a été prévu par
rapport au Protecteur du citoyen face à une administration
gouvernementale où il n'existe pas d'autres recours, alors que dans le
domaine de la santé, il existe d'autres recours, dont les comités
de bénéficiaires, et tout ça. Et vu l'ampleur des demandes
qui peuvent arriver à son bureau, je me dis: Prenons aussi les
mécanismes qui sont existants dans le domaine de la santé. Ce
n'est pas d'enJever directement l'accès au Protecteur, mais c'est de le
situer dans un contexte où, dans le domaine de la santé, il
existe différents paliers d'intervention.
M. Lafrance: Vous voyez un nouveau rôle au Protecteur du
citoyen dans ce domaine spécifique, en troisième ligne.
M. Lortie: C'est ça, dans le domaine de ia
santé.
M. Lafrance: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M le
député. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témis-camingue, et, ensuite, je me reconnaîtrai.
M. Trudel: Je voudrais avoir encore un peu plus
d'éclaircissements pour bien savoir où on s'en va avec cela.
Ça marche aujourd'hui par renvoi. Je vais me rattacher à la
question du député de Saint-Hyacinthe quant au cas qu'il
soulevait, l'exemple de surmédicalisation, parce que, là, on est
en présence d'un acte professionnel. Donc, là-dessus
actuellement, c'est clair, c'est l'Office des professions, c'est la corporation
professionnelle qui est responsable et le mécanisme de traitement des
plaintes est à la corporation professionnelle. Nous n'avons pas
soulevé cette question-là dans notre document, même si je
comprends que ça fait partie du travail d'orientation des plaintes. Et
on aura dans le cadre du projet de loi 120, la réforme de la
santé et des services sociaux, à nous interroger sur
l'efficacité de la révision, la transparence et
l'efficacité de ce mécanisme-là. Il faut éliminer
cela. On est toujours dans le domaine de l'administratif des institutions qui
dispensent des services, si on fait Je parallèle avec un minis
tère, un endroit où on a du personnel de la fonction publique qui
intervient. Par ailleurs, au député d'Iberville, vous venez de
dire: C'est clair, c'est un recours de troisième niveau. Je reviens
là-dessus. Vous m'avez dit tantôt: Ce n'est pas seulement la
préoccupation administra tive de type embourbé qui nous
préoccupe là Sauf qu'on comprend que si c'est un recours de
troisième niveau, on n'arrivera pas à un total de plaintes qui va
être extrêmement volumineux. On ne peut pas faire une projection,
une projection d'une quantité immense de plaintes qui parviendraient
jusqu'au Protecteur du citoyen, éventuellement, si l'on élargit
son mandat, parce que vous dites bien: c'est un organisme, le recours au
Protecteur du citoyen serait de troisième niveau. Quant à moi, je
suis d'accord avec vous qu'il faut absolument qu'il y ait un organisme
près des usagers dans l'établissement pour traiter les plaintes
qui peuvent déjà se régler - pour prendre votre mot -
à l'amiable ou hors cour. Bon.
Est-ce qu'il faut aussi conclure que non seulement le recours au
Protecteur du citoyen comme troisième niveau est souhaitable pour vous,
mais que, dans l'état actuel de la présenta tion du ministre de
la Santé et des Services sociaux, l'élimination de la Commission
des affaires sociales comme tribunal quasi judiciaire, pour vous, c'est
inacceptable dans le contexte que vous vivez actuellement? Est-ce que
l'élimination de l'appel possible à la Commission des affaires
sociales dans le projet de loi qui nous est présenté, c'est
inacceptable pour vous autres, ça?
M. Rice: Je pense que oui et je pense qu'on en fait état
dans notre mémoire aussi. Il faut dire que le mémoire a
été rédigé avant même qu'on ait en main le
projet de loi 120, mais je pense que la Commission des affaires sociales
devrait être maintenue, qu'elle devrait être bonifée et
qu'elle devrait être renforcée. Elle a été
sous-utilisée. Évidemment, si on fait le bilan depuis les 10
dernières années, je pense qu'il y a à peu près une
dizaine de cas qui se sont retrouvés là. Si on regarde ça
là de l'extérieur, on peut dire: Écoutez, ça ne
marche pas. Sauf qu'il faut regarder pourquoi que ça ne marche pas. Pour
nous autres, c'est un peu la façon dont les CRSSS se sont
acquittés de leur mandat, c'est lié à ça, en tout
cas; c'est lié au libellé aussi dans la loi. Lorsque la personne
est en péril, des situations comme ça, il n'y en a pas une tonne
non plus. Moi, je pense que ça prend quelque part une tribune qui va
regarder les deux côtés de la médaille, qui va trancher Si
vous substituez le recours à la Commission des affaires sociales
à celui du Protecteur du ci toyen, on en perd de ce
côté-là Nous autres, on pense que les deux peuvent
être des compléments très intéressants, deux recours
externes. Encore
là, on ne veut pas non plus embourber la Commission des affaires
sociales, on ne veut pas se retrouver dans la situation où ça
prend deux ans pour entendre des plaintes. Mais encore là, si c'est un
recours de troisième niveau, et encore là, on peut quand
même circonscrire les cas qui peuvent aller là, je pense qu'il y a
moyen d'avoir un recours qui peut être intéressant pour les
usagers, et l'avantage qu'il y a avec la Commission des affaires sociales,
c'est que ça peut aussi faire jurisprudence sur certaines questions.
Je pense surtout à des dossiers plus sys-témiques,
à des questions au niveau de l'interprétation de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux ou des choses comme
ça... Quant à moi, la Commission des affaires sociales, ça
pourrait être une tribune intéressante pour trancher des questions
qui sont litigieuses et qui traînent en longueur depuis des
années. Ça n'enlève pas les tribunaux judiciaires, sauf
que, quant à moi, dans le contexte du traitement des plaintes, la
Commission des affaires sociales, ça pourrait être un ajout,
peut-être pas un ajout, mais ce serait important de la maintenir.
Le Président (M. Dauphin): Dernière question, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Je vais essayer de les regrouper et je vais en avoir
trois en fait. J'aimerais, si c'est possible, que vous déposiez, M.
Lortie, le témoignage de la personne qui a démissionné
comme protecteur, ombudsman dans une institution, sans l'identifier. Si c'est
possible, M. le Président, si vous le désirez, parce qu'on ne
peut pas contraindre, j'aimerais que vous déposiez ça. Et,
deuxièmement, partant de ce phénomène - et si vous
acceptez, je n'ai pas de problème, si c'est confidentiel, etc. - comment
réconciliez-vous le fait que ça m'apparaît, à partir
de ce témoignage, relativement inefficace, le traitement des plaintes
à l'interne, avec l'expression tantôt de M. Rice qui disait, pour
imager votre témoignage, on se comprend, en disant: Vis-à-vis des
directions d'institutions, des comités de bénéficiaires et
des usagers, des malades - employez le terme que vous voulez là -
finalement, on sent bien que la crédibilité est du
côté des administrateurs des établissements qui, eux, sont
mis en cause lorsqu'on a une plainte, en fait, sur le service qui est
dispensé. Je ne parle pas des actes professionnels. (12 h 45)
Est-ce qu'en partant de cela, on peut en déduire que c'est
généralisé, d'abord, ce que vous décrivez comme
témoignage, c'est généralisé, à votre avis -
c'est important - comme situation et comme perception dans le réseau de
la santé et des services sociaux? Et pour ce seul motif, est-ce que cela
n'invite pas, à tout le moins, à un recours externe, pas
exclusif, n'oblige pas à un recours externe pour tout le monde? Parce
que, si c'est vrai dans votre vie professionnelle que vous vivez
quotidiennement, ce ne serait pas vrai pour tout le monde, pour tous les
usagers en général du ministère de la Santé et des
Services sociaux?
M. Lortie: Pour répondre à la deuxième, le
recours externe, il m'apparaît évident qu'on ne doit pas y
échapper, qu'on ne peut pas y échapper, c'est-à-dire que
quelque part, ça prend quand même un mécanisme qui peut
être au-dessus de tout soupçon. Et un recours externe,
là-dessus, je pense qu'il peut assurer cette
crédibilité-là.
Le recours interne, à savoir si c'est
généralisé, l'inertie ou l'inefficacité de
protecteurs de bénéficiaires, je ne pourrais pas me prononcer
là-dessus. Sauf qu'il est facile de voir, de prétendre et de
sentir que, quelque part... Puis il faut voir aussi que ces protecteurs de
bénéfi-caires là ont été institués
à la suite de la mise en place des comités de
bénéficiaires. Donc, c'est un peu pour court-circuiter l'action
même des usagers à la base. De sorte que, par exemple, chez nous,
depuis qu'on a institué les comités de
bénéficiaires, on a dit: Maintenant, on va mettre en place un
protecteur des bénéficiaires. Et pour voir à s'assurer que
le traitement de plaintes va se faire d'une certaine façon, on a
établi un protocole de traitement de plaintes qui venait affaiblir la
portée ou l'action des comités de bénéficiaires.
Nous autres, on ne s'est pas laissé faire, on a négocié
ça, puis on a dit: Écoutez une minute, le protecteur, si vous
voulez en mettre un, c'est une chose, mais vous ne viendrez pas nous
empêcher d'agir. Donc, on va le négocier, ce protocole d'entente
là. Encore là, ça mériterait encore certaines
améliorations.
Mais ce qui manque actuellement par rapport au protecteur des
bénéficiaires, c'est un encadrement qui soit reconnu
formellement, officiellement, c'est-à-dire que, là, c'est
laissé à la bonne volonté des administrations. Si, dans le
projet de loi, on se penche sur la responsabilité que doivent avoir les
établissements dans le traitement des plaintes, à ce
moment-là, on devrait donner un encadrement sur la fonction, la
responsabilité, l'obligation, les pouvoirs que devra avoir
l'administration dans le traitement des plaintes. Le protecteur des
bénéficiaires, sa fonction, ça ne devrait pas être -
comment pourrais-je dire? - décidé simplement par l'ad-mistration
locale, sinon on va connaître différents protecteurs de
bénéficiaires selon l'ouverture des établissements.
Dans la loi, on devrait prévoir certains barèmes,
certaines normes à voir appliquées pour le fonctionnement des
ombudsmans maison, à savoir les obligations qu'ils sont tenus de
respecter, les fonctions qu'ils doivent occuper, la liberté d'action,
peut-être mettre des principes directeurs, justement, aux fonctions
qu'ils devraient occuper.
M. Rice: Peut-être un complément.
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. Rice,
brièvement.
M. Rice: Non. Je pense que, nous autres, on est d'aeeord avec
ça qu'il y ait un mécanisme de premier niveau, que ce soit
l'établissement qui soit responsable de ça. On s'est
laissé vendre ça. On achète ça, dans le but de le
responsabiliser par rapport aux services qu'il dispense, sauf que qu'on appelle
un chat, un chat, par exemple. C'est un peu ça, l'idée.
Ce qu'on dit aussi, pour reprendre un peu l'idée de Mario, c'est
qu'on aimerait qu'il y ait un certain nombre de balises par rapport à
ça. Actuellement, ce qui est prévu dans le projet de toi 120,
c'est que ce soit un cadre supérieur. On aurait souhaité que ce
soit rattaché davantage au conseil d'administration. En tout cas, je
pense qu'il y a différentes mécaniques qu'on peut mettre en place
pour essayer de mettre un certain nombre de balises pour assurer une forme
d'indépendance à cette fonction-là, sauf qu'encore
là, il faut qu'il y ait des recours qui s'ajoutent à ça.
Il ne faut pas que ce soit le seul recours disponible. Il faut que l'usager
puisse s'adresser ailleurs si jamais il n'est pas satisfait de la
réponse. Le fait qu'il y en ait un, je pense qu'il y a quand même
un nombre assez important de problèmes qui peuvent se régler
à ce niveau-là, et ce n'est peut-être pas une mauvaise
affaire que ça se fasse à ce niveau-là aussi. Si les 600
plaintes dont je vous parlais tantôt se retrouvaient à la
régie régionale, je ne pense pas qu'on... De toute façon,
ça se fait déjà. Actuellement, les régies
régionales ou le CRSSS réfèrent les plaintes qu'ils
reçoivent aux établissements. Je me dis qu'on en profite,
à ce moment-là, pour mettre un certain nombre de balises sur la
façon que les plaintes vont régler les affaires... Je pense que
c'est tout à fait souhaitable.
M. Messier: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Brièvement,
j'aurais une ou deux questions. Vous faites référence, dans votre
mémoire, vous dites que vous seriez d'accord pour qu'il y ait un
comité parlementaire permanent pour... En pratique, je présume
que c'est pour voir aux recommandations du Protecteur, qui n'auraient pas
été suivies, finalement. Un comité permanent. Le
comité serait permanent, mais sûrement pas ses membres. Comme vous
le savez, on a des élections tous les quatre ans. Comment est-ce que
vous voyez ça? Avez-vous réfléchi un peu là-dessus,
sur le comité permanent de parlementaires qui pourrait examiner les
recommandations non suivies du Protecteur du citoyen, entre autres?
M. Rice: Je dois avouer qu'on ne s'est pas penché
longuement là-dessus, en tout cas, sur ces aspects. Sauf qu'en lisant
ça, nous autres, et il n'y avait pas juste cette proposition-là,
il y avait un certain nombre de propositions, dans le document de consultation,
qui nous paraissaient intéressantes. On est prêts, de bon
gré, à appuyer ces mesures-là. La question du
comité permanent, ce qu'on disait, c'est que c'est peut-être
important, qu'il y ait un suivi qui soit donné, justement, aux
recommandations du Protecteur du citoyen. Et que, finalement, orv formalise un
peu cette affaire-là par le biais d'un comité permanent, on
trouve que ce ne serait peut-être pas une méchante idée.
Même chose en ce qui concerne les crédits du Protecteur du
citoyen, que le Protecteur du citoyen fasse sa demande de crédits
à l'Assemblée nationale plutôt qu'au Conseil du
trésor. En tout cas, à première vue, on trouvait que
c'était une idée intéressante et on est prêts
à appuyer ça. On ne s'est pas vraiment penchés très
longuement là-dessus. Je pense que ce n'est pas l'essentiel de notre
mémoire quand même.
Le Président (M. Dauphin): O. K. Pour en revenir à
la Commission des affaires sociales, vous nous dites, à un moment
donné, qu'il y aurait eu six ou sept cas qui auraient été
soumis à l'attention de la Commission des affaires sociales depuis son
existence, depuis que le recours extete. Je présume qu'au
ministère, lorsqu'ils ont vu ça, ils se sont dit: Ça ne
vaut pas cinq cents, cette affaire-là, abolissons ça, on perd
notre temps avec ça. Ce qui arrive, c'est qu'il y a seulement le conseil
régional qui peut y recourir. Vous nous disiez tantôt que le
conseil régional...
M. Rice: Je pense que le conseil régional...
Le Président (M. Dauphin):... bien souvent juge et partie,
n'était pas la meilleure instance pour y aller de façon
impartiale. C'est ça?
M. Rice: C'est ça. Le problème, je pense que le
conseil régional filtre trop, finalement. Évidemment, la
mécanique est un peu compliquée, c'est-à-dire que le
conseil régional doit demander à son conseil d'administration
pour y aller. Je ne sais pas si vous pouvez vous imaginer, une plainte
individuelle qui doit aller au conseil d'administration du conseil
régional et qu'ils vont décider s'ils vont aller à la
Commission des affaires sociales, sachant qu'au conseil d'administration du
conseil régional il y a quand même un certain nombre d'élus
d'hôpital; j'imagine qu'eux autres, ça ne doit pas leur sourire
non plus. Donc, la mécanique pour se rendre à la Commission des
affaires sociales, dans la loi actuelle, est très complexe et
très compliquée, sauf que nous autres, pour autant, on ne
voudrait pas l'enlever non plus. Je pense qu'il faudrait la bonifier. Mario, tu
avais...
M. Samson: Pour nous, la Commission des affaires sociales
apparaît très efficace et même indispensable. Une des
demandes bien précises qui se répète, c'est concernant les
cures fermées; la cure fermée, ça équivaut à
un internement forcé. Si on enlève la Commission des affaires
sociales, on recule de 50 ou 70 ans en arrière, où un
médecin pouvait décider librement d'interner quelqu'un pour le
temps qu'il voulait. Là, présentement, la Commission des affaires
sociales, c'est elle qui a le pouvoir, à la suite d'une audition, de
dire au médecin: Je relève, je retire la cure fermée d'une
personne à la suite de cette audition. Donc, pour nous, c'est un recul
considérable, ne serait-ce que sur ce simple recours-là qui, en
fin de compte, traite d'une liberté fondamentale prévue dans la
Charte des droits et libertés de la personne, c'est-à-dire le
droit à la liberté de circuler. La Commission des affaires
sociales se penche, pour nous, régulièrement sur ce
point-là, sur ce problème-là, des cures fermées.
C'est seulement elle qui a juridiction pour contester la décision d'un
médecin. Actuellement, les médecins, c'est difficile de les
contester dans leurs actes professionnels. Ils ont une immunité totale
qui est aberrante et insoutenable.
Dans ce cadre-là, je me dis que si on enlève la Commission
des affaires sociales et que la personne est internée pour x temps, un
mois, deux mois, trois mois, selon la bonne volonté du médecin,
qu'est-ce qu'elle va faire, cette personne-là, pour essayer de faire
reconnaître que, oui, elle a les facultés pour exercer sa
liberté? Actuellement, ce n'est que la Commission des affaires sociales
qui peut reconnaître et entendre cette personne-là. Pour moi,
ça m'apparaît un recul inacceptable.
M. Larouche: Qu'est-ce que vous suggéreriez?
M. Samson: Que la Commission des affaires sociales soit
maintenue. Pour nous, ce n'est pas négociable, ça doit être
maintenu dans son champ de juridiction actuel et voir à
l'améliorer dans le cadre de l'accès, par exemple, qu'on pourrait
y voir jouer, c'est-à-dire les différents mécanismes
reconnus qui pourraient peut-être justement s'adresser à la
Commission, que ce ne soit pas simplement la régie régionale.
Le Président (M. Dauphin): L'accessibilité.
M.Samson: C'est ça, l'accessibilité.
M. Rice: Le problème, nous autres, qu'on y voit, c'est que
le CRSSS, c'est un peu comme les syndics dans les corporations
professionnelles. On regarde ça, finalement, 96 % des plaintes ne se
rendent pas au comité de discipline parce que les syndics
considèrent qu'elles ne sont pas fondées. Mais c'est un peu la
même affaire avec le
CRSSS. Le CRSSS reçoit un volume de plaintes et de demandes, sauf
que la majorité de ces plaintes-là ne vont pas à la
Commission des affaires sociales, alors que certaines plaintes, quant à
moi, auraient eu intérêt à y aller. Je pense que c'est un
peu cette mécanique-là qu'il faut plus regarder plutôt
qu'enlever la Commission des affaires sociales tout d'un coup.
M. Lortie: Me permettez-vous un dernier détail?
Le Président (M. Dauphin): Oui, allez-y.
M. Lortie: La très grande majorité des demandes
qu'on adresse à la Commission des affaires sociales pour faire retirer
une cure fermée, la très grande majorité est
accordée. C'est donc dire à quel point... Et même, une cure
fermée, habituellement, c'est prévu dans la loi comme une mesure
de protection face à la dangerosité qu'une personne
représente pour elle-même ou pour les autres. Et on sait que les
médecins en abusent parce qu'ils s'en servent à des fins de
traitement thérapeutique, une cure fermée, alors que c'est
interdit. Et nous, quand on s'adresse à la Commission des affaires
sociales, dans la majorité des cas, elle reconnaît que la cure
fermée n'est pas requise. C'est juste pour vous souligner à quel
point c'est important de la maintenir, parce que, là, on parle d'une
liberté fondamentale.
Une voix: Mais en attendant, qu'est-ce qu'il arrive?
Le Président (M. Dauphin): Peut-être une
dernière question, si vous me permettez, relativement aux corporations
professionnelles. Le groupe avant vous en a parlé. Vous en avez
parlé aussi dans votre mémoire. Je sais qu'on m'a indiqué
tantôt que l'Office des professions avait un projet de réforme en
marche. Qu'est-ce que vous pensez de tout ça, vous? De quelle
façon pourrait-on établir un système pour avoir un recours
sans que ce soit la corporation elle-même qui soit, dans le fond... Pour
le bénéfice de ses membres au niveau de la protection.
M. Rice: Je pense que le problème, c'est
l'exclusivité qu'on en fait. On a pris connaissance des propositions de
changement, des amendements, justement, auxquels le ministre responsable des
corporations professionnelles veut en venir au Code des professions. Il y a des
choses intéressantes là-dedans, mais il ne faut pas se leurrer.
Ce n'est pas avec ça qu'on va régler le problème. Le
problème, c'est au niveau de l'exclusivité, finalement. Tout ce
qui touche l'acte professionnel, il faut que ça soit
évalué par des pairs, et je pense que c'est ça qu'il faut
remettre en question. Je ne balaierais pas toute la question des corporations
professionnelles. Je
pense qu'elles ont un rôle important à jouer, sauf que, de
là à leur donner le monopole et l'exclusivité du
traitement des plaintes, ça, je pense que c'est un pas... En tout cas,
c'est ça qu'H faudrait examiner.
À notre avis, un médecin ou... Je dis un médecin,
ça peut être n'importe quel autre professionnel qui pratique dans
un établissement donné, il me semble qu'il devrait avoir des
comptes à rendre à l'établissement. Et même,
ça se fait déjà en ce qui concerne d'autres professionnels
que des médecins, un psychologue, un travailleur social ou même
une infirmière. Mais encore là, avec le projet de loi 120, on a
l'air de vouloir en faire une bande à part, un peu comme les
médecins, mais ils ont quand même des comptes à rendre par
rapport à leur employeur sur la façon dont ils vont exercer la
profession et sur la façon dont ils vont travailler ou exercer leur
métier dans la boîte. Ce sont juste les médecins,
finalement, qui sont des intouchables. La direction de l'hôpital, le DSP
lui-même n'a aucun droit de regard ou c'est assez limité, ce qu'il
peut faire par rapport aux médecins. Je pense qu'il faut se pencher
là-dessus. On peut bien multiplier les recours et, finalement,
extensionner la juridiction du Protecteur, mais si on ne se penche pas
là-dessus, on manque une partie importante des problèmes que nous
autres, on volt sur le terrain.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, pour le
mot de la fin, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup. Il est très intéressant,
votre témoignage, bien ancré sur le terrain. Sur les corporations
professionnelles et les recours, est-ce que vous seriez d'accord avec la
formule qui dirait: II faut que les jugements sortent des corporations, mais
qu'on ne sorte pas nécessairement les corporations des comités?
Ce que je veux dire par là, c'est que ça se fasse à
l'externe des corporations professionnelles, mais avec la participation des
professionnels, cependant, que ce ne soit pas uniquement des pairs. En deux
mots, si ça peut se dire: Est-ce que c'est une formule qui vous
apparaît équitable?
M. Rice: Comme je l'ai dit, je pense que les amendements qui ont
été annoncés vont un peu dans ce sens-là,
c'est-à-dire qu'on veut qu'il y ait des représentants des
citoyens aux comités de discipline. On veut essayer de régler
l'affaire du syndic aussi qui filtre trop. On veut inclure... Je pense que
c'est des amendements qui sont intéressants, à première
vue, sauf que je pense qu'il faut aller plus loin que ça encore. Le
problème, c'est l'exclusivité, et chaque fois qu'il y a une
plainte qui touche à ça, il faut la référer
à une corporation professionnelle ou même à un conseil de
médecins et dentistes. Je pense que c'est ça qu'il faut
questionner, de prime abord. Ça peut être correct, sauf que
ça a des limites évidentes.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. Au nom
de tous les membres de la commission, un gros merci au Comité des
bénéfi-ciares du centre hospitalier Robert-Giffard d'avoir bien
voulu participer à nos travaux. J'annonce, avant de suspendre nos
travaux, que M. Maltais remplaçait M. LeSage (Hull), pour les fins du
secrétariat. Nous suspendons donc nos travaux jusqu'à 14 h 30
afin de reprendre avec le groupe Auto-Psy provincial.
(Suspension de la séance à 13 h 1 )
(Reprise à 14 h 36)
Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions
reprend ses travaux dans le cadre de son mandat. Je vais juste
répéter le mandat qui est de tenir des auditions publiques dans
le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la
gestion du Protecteur du citoyen.
Cet après-midi, nous entendrons quatre groupes. D'abord, nous
aurons le groupe Auto-Psy provincial; ensuite, nous aurons Mme Nicole Fontaine,
curatrice publique, et après, nous poursuivrons avec la
Fédération québécoise des associations des familles
et amis de la personne atteinte de maladie mentale, pour enfin terminer avec
Mme Micheline Lynch, ombudsman et déléguée du Protecteur
du citoyen au Centre hospitalier régional de Lanaudière.
Je souhaite la bienvenue au groupe Auto-Psy provincial et je demanderais
à Mme Laurin de présenter les personnes qui l'accompagnent
à la table des invités. Je lui mentionne que nous avons en tout
une durée dune heure, dont 15 minutes pour la présentation de
votre mémoire.
Groupe Auto-Psy provincial
Mme Laurin (Claudine): D'accord, merci. Nous allons
présenter le mémoire au nom du groupe Auto-Psy. Par contre,
présentement, Auto-Psy s'est transformé, il s'appelle maintenant
l'AGIDD, c'est-à-dire l'Association des groupes d'intervention en
défense des droits, et avec la nouvelle politique de santé
mentale, il y a eu une transformation. Je présente les membres qui
m'accompagnent: Réjean Girard, qui est membre du conseil
d'administration de l'AGIDD, également coordonnâtes d'un groupe de
défense de droits à Montréal, et Robert Marcoux, qui est
également coordonnateur d'un groupe de promotion vigilance en
Montérégie et qui est au conseil d'administration de l'AGIDD.
Pour vous situer un petit peu l'AGIDD, je vais faire la
présentation de l'Association. Le mémoire va être
présenté par Robert. Comme je
le disais, c'est le groupe Auto-Psy qui est un mouvement qui, depuis 10
ans fait de la défense, de la promotion et de la vigilance en droit au
niveau de la santé mentale. À notre actif, déjà on
a fait un guide de médicaments du système nerveux central, on a
produit des documents, on a fait beaucoup de défense de droits au niveau
individuel et collectif et aussi l'approche sys-témique. Depuis le 7
décembre, avec la venue de la politique en santé mentale, par la
création de groupes de promotion vigilance, nous avons fait un
congrès d'orientation où se sont joints 30 groupes où
toutes les régions de la province de Québec sont
représentées également comme membres de cette Association.
Donc, Robert, si tu veux présenter...
M. Marcoux (Robert): C'est en 1989 que le Québec adoptait
la politique de santé mentale. Cette politique avait pour principal
objectif de remettre la personne au centre de nos préoccupations. La
proposition visant à assurer la primauté de la personne a pris
comme première assise la continuité de services de même que
la création de mécanismes de promotion, de respect et de
protection des droits.
L'exercice des droits s'est toujours avéré une entreprise
difficile pour le moins hasardeuse dans le domaine des services de santé
et des services sociaux.
Cependant, tous s'entendent pour dire qu'il n'y a pas absence de droits
mais reconnaissent plutôt un immense fossé entre le droit
adopté et le droit pratiqué. De là, plusieurs y vont de
leur théorie dont nous n'en citerons que quelques-unes, soit:
l'inefficacité des recours; le manque d'information sur les
différents recours et mécanismes pour y avoir accès; le
manque d'information et de formation sur les droits, surtout aux intervenants,
lesquels sont appelés à gérer et à planifier les
services; la restriction de certains recours à un type d'organisme, plus
spécifiquement pour les services de santé et les services
sociaux; l'herméticité de certains recours; soit le
fonctionnement en vase clos des comités de discipline pour les
corporations; la difficulté d'en appeler du judiciaire principalement
pour la clientèle visée par la politique de santé mentale
à cause des barèmes actuels d'admissibilité à
l'aide juridique.
La première question à se poser devrait donc porter un
éclairage sur la nécessité d'en appeler d'un autre recours
pour favoriser l'exercice des droits. N'y aurait-il pas lieu de
réfléchir sérieusement sur la façon de rendre
opérationnel le "droit adopté".
Inefficacité des recours et herméticité de
certains. À l'exception de la demande de révision de cure
fermée, toute autre demande d'audition à la CAS devra être
effectuée par les conseils régionaux. Les organismes
communautaires, tant de défense de droits que les groupes, ne peuvent en
appeler de la Commission pour une recomman- dation qu'ils jugeraient
Inacceptable ou pour une plainte non réglée concernant un
établissement. Ce tribunal administratif possède
présentement tous les pouvoirs coercitifs pour intervenir face aux
établissements.
Serait-ce par oubli que nous ne retrouvons aucune question sur les
corporations?
Il faut méconnaître tes problèmes du système
de services de santé et des services sociaux pour penser que seul
l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen peut être
efficace comme recours sans toucher le pouvoir corporatif.
Les corporations professionnelles ont pour principal objectif de
garantir la qualité des actes professionnels. Or, le mécanisme de
recours qu'a présentement un citoyen mécontent d'un service
professionnel est de porter plainte, si c'est un établissement, au
Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, ou encore directement
à la Corporation.
À titre d'exemple, citons la Corporation professionnelle des
médecins. Pour l'année 1988-1989, ele a reçu plus de 765
demandes dont 12 furent déclarées recevables. Il semble
d'ailleurs que ce portrait s'observe dans l'ensemble des corporations
professionnelles. "Les pratiques des corporations professionnelles en
matière de protection du public, et surtout celle des médecins,
sont telles aujourd'hui que le grand public est amené à croire
que les corporations protègent davantage leurs membres que les usagers."
Me Ménard.
État-providence. Au chapitre des services de santé, le
ministre Daniel Johnson parlait de l'urgence de rendre conscient le
consommateur du coût requis pour les services. L'élargissement du
mandat du Protecteur du citoyen ne peut que menacer cette mesure de
responsabilisation. Un tel élargissement de mandat se fera aux frais de
quelles coupures? Une missive émanant du Conseil du trésor
affirme que le financement d'un tel service ne pourra être
effectué que par l'allocation de sommes provenant de l'enveloppe
budgétaire de santé mentale. Comment pouvons-nous donner notre
aval à une telle proposition qui menacera pour certaines régions
l'application de la politique de santé mentale?
En matière de droit, nous considérons comme primordial: de
ramener des régions comme, par exemple, la Montérégie,
accusant un déficit de 100 000 000 $ pour le champ de santé
mentale à la moyenne nationale; d'augmenter le budget de la
Côte-Nord en santé mentale, budget de 4 000 000 $, somme ridicule
pour dispenser la gamme dite "essentielle" de services de la politique de
santé mentale; d'assurer à l'ensemble de la population,
l'accessibilité à une variété de services. En ce
sens, la création d'un recours ultime, extérieur au
réseau, ne sera ni garant de l'exercice des droits ni garant de
l'accessibilité aux services.
Si nous plaçons le Protecteur du citoyen
comme un recours couvrant les champs d'intervention individuels,
collectifs et systématiques, nous acceptons dès lors de situer
l'Assemblée nationale- comme un mécanisme de recours. En cas de
conflit, le Protecteur du citoyen ne disposant que d'un pouvoir de
recommandation, doit en appeler du Conseil des ministres en leur demandant
d'intervenir. Nous ne pensons pas qu'il soit dans la mission d'un gouvernement
de s'impliquer aussi activement comme mécanisme de recours. Le
glissement vers une plus grande prise en charge de l'État s'effectuera
très vite dans un tel système. Référons-nous aux
guerres administratives et corporatives pour comprendre que tout conflit
risquera de devenir vite politique. L'État se verra vite confier
l'unique responsabilité de la qualité des services.
Pour conclure, nous demandons donc qu'un système "advocate" soit
mis en place par des organismes sans but lucratif, et ce, pour le champ de la
santé mentale, indépendant du réseau. Ce système
devra nécessairement être de niveau régional et pourrait
intervenir dans les cas de plaintes provenant de personnes vivant dans les
établissements et dans la communauté.
L'organisme régional devra disposer de pouvoirs d'enquête
(accès aux dossiers médicaux, circulation libre dans les
établissements) et de recommandation. Indépendant du
réseau, le champ d'intervention d'un tel organisme devrait comporter
deux niveaux: les droits individuels et collectifs dans leurs dimensions
légale, sociale et thérapeutique. La nature des plaintes peut
également amener l'organisme à faire des représentations,
soit auprès d'une cour civile ou criminelle, d'une corporation
professionnelle, de la Commission des droits de la personne ou de la Commission
des affaires sociales.
Le conseil d'administration de ces organismes devra être
composé d'une majorité de personnes ayant, ou ayant eu, des
problèmes de santé mentale. Un tel mécanisme est l'unique
garantie de la primauté de la personne et du maintien d'un
préjugé favorable envers la personne souffrant de
problèmes de santé mentale. Il a également l'avantage de
remettre aux principaux concernés la défense de leurs droits et,
par le fait même, de leur permettre d'être actifs dans leurs
propres requêtes.
Le Protecteur du citoyen pourrait alors être beaucoup plus
impliqué dans l'approche systémi-que. Toute action de nature
systémique mettant en cause le bien-fondé ou l'application d'un
règlement, ou encore une politique particulière du gouvernement,
pourrait alors impliquer le Protecteur. L'Assemblée nationale aurait
d'ailleurs avantage à être saisie d'une telle intervention
systémique, d'où le rôle du Protecteur du citoyen en
collaboration avec les groupes. (14 h 45)
Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, merci
beaucoup pour votre exposé. Est-ce qu'il y a un membre de la commission
qui aimerait débuter la période d'échanges? M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je m'excuse...
Peut-être ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve, parce qu'elle a
une autre activité...
Mme Harel: Bon. Je vous remercie. C'est que je vais avoir
à quitter parce qu'il y a un caucus, et mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue me permet donc de débuter
l'échange avec vous. D'abord, vous saluer et vous remercier de
participer à notre réflexion et à nos travaux. Dans votre
mémoire, notamment, lorsque vous abordez, à la page 17, "Une
proposition: un modèle déjà expérimenté",
vous faites, entre autres, référence à un organisme que je
connais bien, la FATA, la Fondation d'aide aux travailleurs accidentés.
Et je crois comprendre dans la proposition que vous faites, qu'il y a en
quelque sorte une sorte de confusion, je dirais, dans le rôle de
l'institution du Protecteur du citoyen qui le fait. Mais ce n'est pas là
le rôle du Protecteur du citoyen.
On ne peut pas lui faire grief. Il faut voir que, dans le domaine des
recours qu'on doit souhaiter être en place dans une société
démocratique, il y a, d'une part, les rôles dévolus aux
comités d'usagers, aux organisations communautaires qui sont justement
des rôles afférents à la promotion et à la
défense des droits. Puis c'est autre chose, finalement, dans le cas du
Protecteur. C'est plus comme l'examen, dans un cas particulier, de
l'adéquation entre le service qui est supposé être
donné et celui qui l'a été en réalité, ce
qui a donné lieu à la plainte. Comme ça, en faisant des
distinctions, on peut voir que chacun a un rôle à jouer et ne pas
reprocher à l'un de ne pas faire le travail de l'autre, et vice versa.
Mais vous revenez très souvent dans votre mémoire sur le
rôle moral du Protecteur, et je vous pose la question en regard d'un
dossier que je connais mieux que celui de la santé - mon collègue
de Rouyn en est plus l'expert - celui de l'aide sociale. À l'aide
sociale, vous avez des mécanismes de révision. La loi, ce qu'on
pourrait souhaiter qui soit formalisé dans fa loi sur la santé
mentale ou sur la santé et les services sociaux est prévu. Une
révision possible devant un agent, mais pas celui-là même
qui a pris la décision, un autre. Ensuite, il y a un autre recours qui
est l'appel devant la Commission des affaires sociales, mais,
parallèlement à ça, il y a la possibilité aussi de
demander un examen du dossier par le Protecteur du citoyen. Puis, il y aura
toujours la possibilité de venir voir son député, vous
comprendrez, ou d'aller voir son organisme qui est, disons, un organisme de
défense des droits. Vous voyez, il y a une sorte d'éventail
d'interventions possibles. Si la personne pense qu'elle est lésée
en vertu d'un des motifs de discrimination interdits dans la Charte, il y
aurait, éventuellement...
Une voix: La Commission.
Mme Harel:... la Commission des droits de la personne ou le
tribunal, mais ça, c'est pour des motifs bien spécifiques. Il n'y
a personne qui, dans le fond, se pile sur les pieds là-dedans parce que
chacun joue un rôle qui est différent. Le Protecteur du citoyen,
examinant finalement la manière dont le service a été
rendu ou sa conformité aussi avec le règlement ou avec la loi, la
Commission des affaires sociales, elle, remettant, éventuellement, le...
Mais c'est un tribunal quasi judiciaire, il y a beaucoup de formalisme. Vous
voyez, le Protecteur du citoyen, ça se fait par téléphone.
La personne n'a pas besoin d'écrire sa plainte, elle n'a pas besoin de
se déplacer, tandis que le tribunal, nécessairement, c'est un
formalisme qui exige des délais. Les délais sont de six mois pour
l'aide sociale, un an pour la Régie des rentes, deux ans pour les
accidentés du travail. Alors, est-ce qu'on n'aurait pas besoin d'un
recours externe différent de celui qui dispense les services, mais qui
soit plus léger? Moi, je le vois plus dans le sens, oui, d'une justice -
comment est-ce qu'on peut dire, un peu comme quand on parle de la
médecine douce-Une voix: Une justice douce. Mme Harel:...
une justice douce, oui.
Mme Laurin (Claudine): Je vais me permettre de répondre
à une partie. Si mes collègues veulent, après ça,
continuer... Pour le rôle du Protecteur du citoyen, pour nous,
c'était très clair. Si on cite la FATA, c'était clair pour
nous que le Protecteur n'avait pas le même rôle que la FATA. Mais
on le citait pour montrer que le Protecteur a le rôle de voir s'il y a eu
erreur de droit dans le dossier. Il est là non pas pour défendre
les droits; c'est pour ça qu'on le citait. Si on a appuyé aussi
fort là-dessus, c'est que, pour nous, les recours, et on le dit dans le
mémoire... Le droit adopté, pour nous, est complet; c'est le
droit pratiqué qui manque. C'est là où on dit: Un recours
de plus... On ne peut pas être contre la vertu. Moi, je veux bien. Je
trouve qu'on a l'air un peu fou, des groupes de défense des droits, de
dire: Non, on ne veut pas un autre recours. Effectivement que, pour la vertu,
on peut en ajouter un autre. C'est un recours de plus dont la population peut
se servir, mais c'est aussi un piège de plus de laisser croire qu'il va
se faire une défense de droits alors que ce qui manque
présentement, c'est beaucoup plus des mesures de défense de
droits pour justement rendre le droit adopté prati-quable. Les gens, les
recours...
À la CAS, c'est un délai effectivement long, mais on s'en
est peu servi parce qu'elle est peu ouverte aussi. Il y aurait peut-être
lieu d'aménager la CAS plutôt que de faire appel à un autre
recours qui, lui, aura un pouvoir de recommandation, mais pas de pouvoirs
coercitifs. C'est peut-être la CAS qu'il faut aménager
plutôt que de nous mettre un autre recours, pour les services de
santé. J'ai beaucoup de difficulté à parler pour l'aide
sociale, parce que je connais les groupes de défense de droits. Pour
eux, le Protecteur a été utile dans certains cas, oui, mais il
n'en demeure pas moins que, pour la défense de droits, ils se battent
encore avec. Ça n'a pas donné nécessairement beaucoup plus
que s'il y avait eu un tribunal administratif d'ouvert et qu'ils auraient
monté le dossier de la plainte. C'est dans ce sens-là qu'on
voulait démontrer que c'est l'accessibilité aux recours et non
pas un recours de plus qui nous manque présentement, dans le
système.
Mme Harel: Si mon collègue me le permet, une seconde.
J'avais pris connaissance, à la page 6 de votre mémoire, de cette
conception que vous avez du fait qu'il faut rendre opérationnel le droit
adopté. Et vous dites le "droit adopté". Mais vous vous
référez à la politique de santé mentale, ce n'est
pas un droit, ça.
Mme Laurin (Claudine): Non, non.
Mme Harel: Le droit n'existe pas. Le droit adopté, c'est
encore un voeu pieux, là, parce que ça ne fait pas
référence à aucune loi ou règlement. La
manière de parler de droit ici, c'est en adoptant une loi ou des
règlements. Le reste, c'est des voeux, comme les politiques, les livres
blancs, etc. Si je comprends bien, je vous en remercie, mais vous nous citez
des déclarations faites dans les politiques de santé mentale,
pages 33 et 34, etc., qui n'ont rien à voir avec le droit
adopté.
Mme Laurin (Claudine): On est très conscients. Ce qu'on
veut dire, c'est que dans la politique... La référence à
la politique, c'est pour appuyer les groupes de défense de droits. On
sait très bien qu'une politique n'a pas force de droit. Si on s'y
réfère, c'est parce que justement on a remarqué, si on a
fait de la politique dans des groupes de droits, qu'il était
pratiquement impossible d'appliquer le droit adopté tel que les Chartes
canadiennes, les Chartes fédérales pour cette
clientèle-là, tel que les recours à la Commission des
affaires sociales pour tout autre cas, si ce n'est la cure fermée. Parce
que, pour la CAS, il faut quand même laisser que l'individu en appelle de
la cure fermée. Là-dessus, on s'en est amplement servi de ce
recours-là.
Si on faisait référence à la politique, ce n'est
pas parce que, pour nous, la politique est un droit, c'est qu'elle avait
reconnu justement l'absence - c'est pour ça qu'elle a mis au monde des
groupes, du moins on le pensait, c'était présenté comme
ça - qu'elle reconnaissait qu'il manquait de paliers qui pourraient
faciliter aux
gens l'accessibilité aux mécanismes de recours pour
l'application des lois adoptées. C'est pour ça qu'on cite la
politique, dans ce sens-là, pas parce qu'on veut que la politique ait
force de droit, mate pour justement dire que c'est peut-être plus
là encore qu'il nous manque un recours, qu'un recours ultime où
on n'aura qu'un pouvoir de recommandation mais qui, à toutes fins
pratiques, ne réglera rien entre l'application de mon droit
adopté et de mon droit pratiqué. Je veux dire que c'est correct,
ça donne un recours de plus à là population, mais pour la
personne, les mécanismes, il va falloir aussi qu'elfe les suive,
ça ne lui donne pas plus d'accessibilité pour toutes les
raisons.
On parle des corporations professionnelles, ça ne règle
absolument rien du problème des corporations professionnelles qui, je
pense, dans le domaine de la santé, permettez-moi de vous le dire, c'est
là que le bât blesse plus souvent qu'ailleurs, Bien, les
corporations professionnelles étant des corporations très
fermées - en santé mentale, tout devient de l'ordre de l'acte
professionnel - la tentation, le nombre de cigarettes que tu fumes par jour,
tout devient vite du traitement professionnel prescrit sous forme
thérapeutique. Donc, que le recours du Protecteur soit là, moi,
je me heurte encore à un pouvoir beaucoup plus fort. C'est là
où je dis que c'est beaucoup plus pour nous, là, le
problème que d'un autre recours.
M. Girard (Réjean): L'an passé, en tout cas, j'ai
eu le plaisir de participer à un comité de travail au
ministère de la Santé et des Services sociaux. D'ailleurs, le
Protecteur du citoyen était très bien représenté
à cette table-là; on a travaillé ensemble de façon,
je pense, assez intéressante et où il y a eu une grande
collaboration. À ce moment-là, on avait fait venir deux experts
qui sont sûrement connus de vous, je pense à Me Molinari, je pense
à Me Ménard. Me Molinari, qui est un académicien, est un
individu quand même reconnu au Québec comme un expert en la
matière. Me Ménard est plus praticien, mais aussi reconnu.
D'ailleurs, il enseigne aussi. Tous les deux nous disaient: Tout est là.
Les deux, on les a rencontrés à une table bien différente
ou à une journée bien différente et tous les deux nous
disaient: Peut-être que ça ne transpire peut-être pas assez
à l'intérieur de ça. Mais moi, je pense que ça
transpire dans le sens que tous les éléments sont là.
Nous, l'an passé, on s'était penchés, au fond, sur
tout le système, que ce soit le recours à l'intérieur du
système, quand on parlait des groupes d'aide et d'accompagnement et
aussi du Protecteur du citoyen. À ce moment-là, on se rendait
compte que ce qui est là présentement n'est pas utilisé
à son maximum, d'une part. D'autre part, II y a une autre petite chose
qui nous chatouille en tant que groupe communautaire. En santé mentale,
vous connaissez sûrement la dynamique qui peut se passer à
l'intérieur des groupes et comment ça peut fonctionner. Une chose
qu'on avance, nous: l'individu doit prendre pouvoir sur sa vie. Il a
passé un moment dans sa vie où il a flanché, il doit
prendre pouvoir. Dans le cas de l'élargissement du Protecteur du
citoyen, où ça ne nous fascine pas du tout, c'est un rôle
extrêmement passif que le client a. Je ne dis pas qu'il ne peut pas
corriger des choses. Je pense, qu'au Québec, cette institution a
prouvé, en tout cas antérieurement, qu'elle avait fait avancer
certains dossiers, mais, en santé mentale, on trouve que ce
côté passif-là nous agace un peu. Et, dans votre
comté, je pense que vous connaissez sûrement la
problématique parce que vous êtes dans Hochelaga-Maisonneuve, si
je me rappelle bien. Alors, de ce côté-là, nous, on dit:
Bien, la participation de notre fille, de notre gars, qui est aux prises avec
une problématique et qui fait déjà une démarche
pour prendre du pouvoir sur sa vie, la bureaucratie part avec ça et
l'individu reste quand même... Il ne fait pas vraiment, là... Il
pose seulement l'acte de départ, mais il ne suit pas toute
l'opération. De là aussi, ça, ça nous posait
beaucoup de questions.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Si j'essaie de bien
résumer votre mémoire, ce que vous proposez essentiellement,
c'est d'améliorer, évidemment, le système actuel. C'est un
peu vos propos de tantôt.
M. Girard: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Également, modifier le
système de plaintes à l'égard des corporations
professionnelles, qui est un problème majeur.
Mme Laurin (Claudine): Oui.
Le Président (M. Dauphin): Ensuite de ça, vous
proposez un système d'"advocacy" faisant référence
à une loi fédérale américaine.
Dans le projet de loi 120, qui est public maintenant et qui sera
étudié à partir de la semaine prochaine,
évidemment, le recours à la Commission des affaires sociale
n'existe plus. Chaque établissement a l'obligation d'établir des
mécanismes de plaintes avec possibilité d'appel à une
éventuelle régie régionale. Maintenant, si je comprends
bien l'essence de votre mémoire, la Commission des affaires sociales
n'existant plus, et vous plaidez qu'à cette commission-là,
étant donné qu'elle a un pouvoir coercitif, vous trouvez
ça encore plus fort qu'un pouvoir de recommandation d'un autre recours,
notamment le Protecteur, qu'est-ce que vous pensez, en quelques minutes, du
projet de réforme, le projet de loi 120? (15 heures)
Mme Laurin (Claudine): Je suis contente qu'on nous le demande. Je
pense qu'on va être
très contents. Apparemment, il n'y a pas de commission
parlementaire, ça nous donnera la tribune, au moins. Ce qu'on en pense,
c'est que, pour nous, vraiment, qu'il n'y ait plus de recours, ça va
être déjà un gros manque au niveau du respect de la
promotion et du respect des droits qu'il n'y ait plus de recours à la
CAS. Je dis la CAS comme je dirais... C'aurait pu être un autre
modèle, mais un tribunal administratif avec mesures coercitives. Non pas
qu'on ne croit pas au pouvoir de recommandation, sauf que... Bon, il y a
certains hôpitaux pour en nommer... Je ne le nommerai pas, mais on est
dans une salle de ce même nom... Ça fait deux fois, lui, qu'il vit
des crises. Je pense que le pouvoir de recommandation a peut-être ses
limites en soi aussi. C'est un net recul pour nous. Dans le projet de loi 120
aussi, on parle de mettre, justement, des groupes d'"advocates". Ce ne sont pas
tout à fait des groupes d'"advocates" parce qu'il ne leur donne pas le
pouvoir d'enquête. Il faut comprendre que la loi fédérale
américaine qui a mis sur pied les "advocates" a été
jusqu'à donner aux groupes de consommateurs le pouvoir d'enquête.
Le modèle "advocate" va jusqu'au pouvoir d'enquête. il
élargit les groupes de défense de droits à tous les
individus.
Encore là, pour nous, ça cause problème, parce que
si on regarde, l'OPHQ a été mis sur pied pour défendre des
droits. Les droits des personnes en santé mentale n'ont pas
été défendus avant la venue de la politique en 1989. Il y
a eu beaucoup de groupes de pression qui se sont mis sur pied. La
défense des droits des personnes handicapées a été
faite par l'OPHQ, mais celle de la clientèle de santé mentale n'a
pas été faite. Ce sont les adultes les plus vulnérables
qui se retrouvent finalement dans un système où les
méthodes de recours sont de plus en plus sophistiquées ou, si
elles ne sont pas sophistiquées, elles sont élargies à
toutes clientèles. C'est l'adulte vulnérable, le plus
vulnérable, qui paie le plus au bout. Il n'a pas d'accessibilité
à ces recours-là, il ne s'en sert pas et c'est encore lui qui
paie la note.
Ça fait que le projet de loi 120 aurait à être
aménagé en mettant un recours administratif coercitif, un
tribunal administratif coercitif, et en ciblant des clientèles pour les
groupes de défense de droits, si on ne veut pas noyer toute la
clientèle d'adultes vulnérables dans un même...
Le Président (M. Dauphin): Vous comprendrez qu'il fallait
- en tout cas, ça saute aux yeux - modifier le système actuel,
parce qu'on nous a dit ce matin que, depuis plusieurs années, je pense,
il y a eu sept appels à la Commission des affaires sociales, parce que
seul le conseil régional peut en appeler, justement.
Mme Laurin (Claudine): Oui, et encore là, on n'a pas
créé l'obligation. J'ai participé au même groupe de
travail que M. Réjean Girard, et nous, dans le groupe de travail du
ministère des Affaires sociales qui s'est penché sur le
système de défense des droits, on créait l'obligation au
conseil régional, lorsqu'une de ses recommandations n'était pas
suivie, d'en appeler à la CAS. C'est que, dans l'ancienne loi, le
conseil régional avait le droit d'en appeler à la CAS, mais il
n'avait pas l'obligation d'en appeler. Donc, il y avait certains conseils
régionaux moins revendicateurs que d'autres qui n'en appelaient pas. Je
pense qu'il y avait des choses à aménager, soit de créer
l'obligation qu'ils en appellent et, en même temps, d'ouvrir aux groupes
la possibilité d'en appeler. C'est ce qu'on recommandait dans le
comité de travail du ministère.
Le Président (M. Dauphin): L'autre question. Vous dites,
à un moment donné, relativement à l'élargissement
du mandat du Protecteur, que le financement de tels services ne pourra, selon
le Conseil du trésor - et ça revient un peu à la question
de mon collègue de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue, ce matin -
être effectué que par l'allocation de sommes provenant de
l'enveloppe budgétaire de santé mentale. Est-ce exact?
Mme Laurin (Claudine): Est-ce que vous voulez avoir le nom de qui
on a reçu la missive? Non. C'est qu'on a vu une directive du Conseil du
trésor qui est sortie, dans laquelle on disait que
l'élargissement du mandat pourrait se faire par l'enveloppe
budgétaire de santé mentale. C'est évident que, pour nous,
il fallait absolument le mettre, parce que c'est un enjeu pour nous. De
créer un recours en coupant des services, alors que, comme je vous le
démontre, je pense, assez clairement, il y a un écart flagrant.
Et, pour une fois, santé mentale venait d'avoir une supposée
promesse d'argent, il fallait absolument dire que, pour nous, c'était
déjà là un vice de droit.
Le Président (M. Dauphin): Vous dites que c'est une note
de service.
Mme Laurin (Claudine): Une directive. Le Président (M.
Dauphin): Une directive. Mme Laurin (Claudine): Oui.
Le Président (M. Dauphin): L'avez-vous avec vous?
Mme Laurin (Claudine): Je vais vous l'envoyer
confidentiellement.
Le Président (M. Dauphin): II vous l'a envoyée
confidentiellement?
Mme Laurin (Claudine): Oui.
M. Trudel: Ma question est la suivante. Suivant votre bonne
volonté, si vous vouliez la déposer devant cette commission, ce
serait très utile;
Mme Laurin (Claudine): D'accord. Je le ferai après,
avant?
Le Président (M. Dauphin): On s'en parfera tentôt,
parce qu'il faut que je prenne une décision là-dessus.
Mme Laurin (Claudine): II n'y a pas de nom dessus de toute
façon.
Le Président (M. Dauphin): II n'y a pas de nom dessus.
Mme Laurin (Claudine): Non. Bien, il y a le nom du Conseil du
trésor, mais je veux dire, il n'y a pas-
Le Président (M. Dauphin): Peut-être une
dernière, avant de redonner la parole, céder le micro à
mon collègue de Rouyn, juste une petite dernière.
M. Trudel: Ah! je m'excuse.
Le Président (M. Dauphin): Allez, allez-y, je reviendrai
après.
M. Trudel: Non, non, allez-y. Je n'étais même pas
sûr que j'allais poser cette question sur le Conseil du trésor
parce qu'on a l'impression dans votre mémoire, que vous dites non au
recours du Protecteur du citoyen, parce que ça augmenterait de
façon assez significative le risque d'amoindrir le rôle d'autres
organismes de défendre cette promotion des droits. La directive ou la
missive, comme vous le dites dans votre texte ici du Conseil du trésor,
ça vous amène à avoir cette réaction-là.
C'est pour ça que c'est important pour la commission, d'abord de vous
entendre, bien sûr, de nous dire ça et d'avoir les informations
nécessaires, sous réserve de la décision du
président, parce qu'il y a une question de droit là-dedans pour
recevoir cette pièce-là, pour que nous puissions juger de la
pertinence même, à la face même du problème, d'avoir
un recours externe en matière d'exercice des droits ou des services
reçus dans le système de la santé et des services sociaux,
particulièrement.
J'ai envie à cet égard de procéder un peu par
hypothèse et de vous dire: Si les organismes de défense des
droits en santé mentale étaient pourvus de fonds adéquats
et des responsabilités adéquates, et de tout ce que vous avez
énuméré il y a quelques instants pour exercer votre
rôle de façon, je vais employer le mot "sécuritaire", par
rapport aux objectifs que vous poursuivez; si, deuxièmement, au niveau
des établissements et de la régie régionale, nous avons
effectivement un bon mécanisme de plaintes et de traitement des
plaintes, est-ce que vous ne convenez pas que ces deux conditions étant
respectées, il serait nécessaire par ailleurs, au niveau du
respect des droits, qu'il y ait quelque part un recours externe, là je
dis du type du Protecteur du citoyen? C'est pour ça que je veux
procéder par hypothèse, parce que si vous nous répondez:
Nous, on n'y va pas tellement sur la proposition d'élargir le mandat,
parce que ça prendrait la place d'autres, alors on va procéder
comme ça. Si ces conditions étaient présentes, ce serait
quoi la réponse à ce moment-là?
Mme Laurin (Claudine): Ce serait toujours non. Ce qui nous
manque, comme je le disais tantôt, c'est des pouvoirs, c'est un tribunal
avec des mesures coercitives. Je pense que j'ai soulevé un
problème qui est très crucial, puis ce ne sera pas
l'élargissement du mandat du Protecteur qui va le régler, c'est
le problème des corporations professionnelles. Au contraire, la loi 120
dans ce sens-là a créé le conseil des infirmières
qui va avoir quasiment le même pouvoir que le CMDP, donc qui me
ramène encore à un alourdissement. Pour nous, c'est clair que
c'est un peu - bon, je ne voudrais pas blesser personne - leurrer la population
que de penser que le recours du Protecteur du citoyen va apporter quelque chose
de plus au niveau de la défense des droits dans le service de la
santé et des services sociaux, de un, surtout beaucoup pour les
corporations. Je veux dire qu'il est surtout là, le nerf de la guerre et
que, bon, ça ne régie en rien ce problème.
En plus, ce qu'on dit, c'est remettre un pouvoir de plus, comme je vous
l'ai dit tantôt, on ne peut pas être contre la vertu de remettre un
recours de plus, mais ça n'en serait que là. Pour nous, c'est
clair que ce n'est pas du tout le rôle du Protecteur du citoyen d'avoir
tout l'élargissement du mandat. On lui en laisse un au niveau
systémique, je pense qu'il est de son devoir, puis ça pourrait
être très intéressant pour l'Assemblée nationale,
que dans les politiques que vous mettez en place, le Protecteur soit
collé sur des groupes et sur des comités de
bénéficiaires pour voir ce que les politiques ont fait, ce que
les règlements ont pu faire dans la pratique, conseiller
l'Assemblée nationale et faire une approche critique systémique.
Mais aux autres niveaux, pour nous, ce serait mettre un recours de plus, point.
Mais il n'est pas nécessaire, et ce n'est pas une question de dire si
ça nous enlève de quoi ou pas. Si on a émis la directive,
c'était peut-être parce qu'on l'avait eue. Je pense que c'est
important de sensibiliser le monde, mais l'argumentation n'était pas du
tout appuyée dans ce sens-là.
M. Trudel: Je vais insister encore en ajoutant une autre
condition dans mon hypothèse.
Si, premièrement, les organismes de défense et de
promotion des droits étaient bien articulés, bien
financés, bien supportés etc., si, deuxièmement, on avait
un bon système de traitement des plaintes dans les établissements
et au niveau des éventuelles régies régionales, je vais
rajouter maintenant - je procède comme ça parce que,
malheureusement, c'est ailleurs qu'il faut traiter la question des corporations
professionnelles, sachant que oui, il y a d'énormes problèmes,
d'énormes situations qui se prennent dans ce secteur-là - si les
mécanismes des corporations professionnelles, quant aux actes
professionnels, étaient adéquats - je pose ça dans un
monde idéal - est-ce que les usagers du système de santé
et des services sociaux ne seraient pas encore justifiés d'avoir un
recours externe? Je ne parle pas simplement de ceux des personnes,
particulièrement, dans le milieu de la santé mentale.
M. Girard: Je vais répéter un peu ce que je vous
disais tout à l'heure. Pour ce qui est du mécanisme du Protecteur
du citoyen par rapport à notre clientèle, du fait que ce soit un
rôle passif, idéalement à partir de votre hypothèse,
tout irait bien. Moi, je vois encore moins là, je veux dire, un
élargissement, si vraiment tout fonctionnait de cette façon, que,
dans les conseils régionaux, les mécanismes soient, disons, mieux
rodés et qu'ils soient avantageux. Je ne verrais pas idéalement
à partir de ça et que les groupes minoritaires soient bien
financés et aient vraiment toute la marge de manoeuvre pour traiter les
plaintes, pourquoi l'élargissement? Selon moi, en tout cas, ça
vient alourdir la chose. Pour mon client, je vais vous dire de quoi, d'abord,
ça veut dire un bureau régional ça. Le conseil
régional quand on va en réunion pour eux autres, quand on
commence à parler de CSS, de CRSSS, et là on va ajouter le
Protecteur du citoyen. Je veux dire, c'est très compliqué; dans
notre société, il y a tellement d'institutions. Est-ce que
l'usager va être plus près? Moi, je dois vous dire qu'à
partir de ce qui existe déjà, au niveau du traitement des
plaintes au CRSSS, les usagers, les bénéficiaires au
Québec, la majorité des gens ne connaissent même pas ce
mécanisme-là, ils ne le connaissent même pas. Vous allez
demander même à des gens qui ont eu une faiblesse dans le cours de
leur vie, qui ont été - je ne sais pas - six mois, un an, deux
ans dans une institution d'être encore plus vigilants que le citoyen
ordinaire. J'en doute fort. Moi, je pense que l'élargissement du
Protecteur du citoyen en tout cas dans ce dossier, nous apparaît et
continue à m'apparaître à moi à de nous
apparaître à tous, indépendamment de tout ce qu'on pourrait
avoir comme régime idéal, pas nécessaire et que ça
viendrait alourdir la machine.
Mme Laurin (Claudine): Aussi, il faudrait comprendre que, quand
on vous dit que c'est une question de choix de société, à
un moment donné dans le mémoire, c'est que, pour nous, le droit
existe, il y a assez de lois pour se défendre. Il faut savoir si on veut
mettre un autre mécanisme pour autorégulariser le système.
Le mécanisme de traitement de plaintes en régie régionale
est nécessaire, oui, pour la surveillance de la qualité des
services, etc., mais, pour moi, ce n'est pas un mécanisme de protection
des droits, c'est un mécanisme d'autorégulation. Dans ce
sens-là, pour nous, le Protecteur en est un aussi qui est
peut-être un peu plus large parce qu'il peut critiquer plus toute
l'approche du système mais ça demeure une approche
d'autorégulation quand même. Ou si l'on veut vraiment créer
une place pour que la défense des droits puisse avoir son canal? C'est
là, quand on vous parle de choix de société. Pour nous, le
dilemme est vraiment là, et, nous, on s'est positionné en
fonction de dire: C'est beaucoup plus le canal de la défense des droits
qui reste à faire au Québec que le canal d'autorégulation.
On a des tribunaux administratifs qui ont des pouvoirs coercitifs et on en a
d'autres qui ont des pouvoirs de recommandation. Les mécanismes
d'autorégulation sont en place. Ce qui manque, c'est beaucoup plus des
places de défense des droits.
M. Trudel: Vous avez raison là-dessus. C'est plutôt
un mécanisme d'autorégulation des droits que de défense
des droits en soi. C'est une bonne précision là-dessus. Je
reviendrai plus tard si... (15 h 15)
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Sur le même
sujet, il y a certains groupes qui nous ont dit qu'avec des groupes de
défense des droits des usagers, étant donné que leur
rôle même, c'est de défendre les droits des usagers, donc
dans un système d'"adversariat", si vous me permettez l'expression,
certains nous ont dit que, face aux établissements, aux directions, ils
se buteraient à plus de résistance que le Protecteur du citoyen,
par exemple, qui est vu plutôt Impartial dans son rôle qu'un groupe
de défense des droits qui, tout de suite en partant, et ça va de
soi, est là pour défendre les droits des usagers. Il y aurait
peut-être un parti pris et, de fait, une résistance accrue
comparativement au Protecteur du citoyen qui, lui, de par son rôle
impartial... Je ne sais pas si vous comprenez ma question, si je m'explique
mal?
Mme Laurin (Claudine): Oui, je la comprends. C'est évident
que ça crée... Bon, c'est vrai que c'est un système
d'adversaires plutôt qu'un... Par contre, je veux dire, ce n'est pas le
groupe de défense qui aura à juger. Le Protecteur se doit
d'être impartial parce qu'il émet une recommandation. Le groupe de
défense, nous, ce qu'on dit, c'est: Ouvrez les mécanismes qu'il y
a là et donnez l'accessibilité aux groupes de
défense pour aller chercher le jugement. On ne demande pas de
juger. On ira à la CAS, on ira à la Commission des droits de la
personne, on Ira là où il faut aller pour que le client puisse
faire valoir ses droits. Je ne pense pas que, dans ce sens-là, il y ait
de... Je ne vois pas de problème comme te). Si j'avais le rôle, si
vous donnez le rôle du Protecteur du citoyen aux groupes de
défense, c'est-à-dire que eux, en plus de défendre la
personne, de l'aider à se défendre, vont jusqu'à faire le
jugement, mais là, je comprends qu'on prenne... Mais c'est là
où j'appelle ça plus un mécanisme d'autorégulation,
par exemple, parce que tu fais l'enquête et tu fais la recommandation.
Moi, je trouve en tout cas qu'il y a un problème.
Le Président (M. Dauphin): Quelle est votre
évaluation relativement aux recours actuels internes d'ombudsman? Et
où (es situez-vous dans l'ordre des recours?
M. Girard: II y a un problème, dès le
départ. C'est un peu juge et partie dans le sens que l'employeur est
l'institution. Donc, l'ombudsman relève de son employeur qui est
l'institution. À partir de ce fait-là, je pense que ça
aussi, c'est un mécanisme d'autorégularisation, ça donne
bonne gueule. On dit: Bah! Il y a un ombudsman. Je pense qu'il y a des gens
à l'intérieur de ça qui font cette fonction-là, qui
la font très bien et qui sont le plus intègres possible. Mais
quand le directeur général vous fait venir à son bureau
pour vous faire taire ou pour vous dire... Et ça, ça s'est
passé au Québec où le directeur général, ou
je ne sais qui, a fait venir la personne pour dire: Écoute, les sorties,
c'est fini. Les sorties dans le sens d'aller siéger sur tel
comité ou faire ces choses-là, là, c'est à
l'intérieur de l'institution. Donc, parce que cette personne-là
siégeait à plusieurs endroits... Ça, ça s'est
passé dans une des institutions. Alors, on voit... Et pourtant, cette
personne-là m'avait dit deux ans auparavant: Ah! ils sont ouverts dans
notre institution, c'est extraordinaire, ils nous laissent aller. Non, non, je
lui avais dit, moi: C'est drôle, parce que, en somme, vous devez aller
contre votre employeur dans votre travail. Ça me pose question. Et la
personne m'avait dit: II n'y a aucun problème. Cette année, en
décembre, où j'étais dans une formation où cette
personne-là était, bien j'avais la confirmation que ce que
j'avais affirmé, il y a deux ans, était très très
pertinent. C'est qu'on avait tout simplement dit d'aller plus mollo.
Mme Laurin (Claudine): La recommandation que le groupe de travail
du ministère avait faite, on l'avait faite nôtre aussi. C'est que,
pour nous, il est important que les hôpitaux, que les
établissements aient la responsabilité de la gestion de leur
qualité de services. Donc, qu'à ce titre-là, il y ait un
responsable administratif du traitement de plaintes, pour nous, ça va de
soi et ça en prend un. L'ombudsman est ce responsable administratif. Il
faudrait qu'il change de nom, parce qu'il y a comme confusion face aux gens.
Ombudsman, c'est un protecteur et ce n'est pas tout à fait ça,
son rôle, Mais que chaque établissement ait son responsable
administratif, pas seulement du traitement des plaintes, mais de la
surveillance de la qualité de services, c'est là où on
situe, nous, la fonction du rôle d'ombudsman qui était beaucoup
plus claire et qui, je pense... L'établissement a quand même
à être imputable de la qualité de ses services. Pour nous,
c'était...
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Trudel: Là-dessus, toujours, mesdames et messieurs...
Mais là, vous êtes bien conscients que si c'est normal et
souhaitable qu'il y ait un mécanisme de qualité des services dans
l'établissement qui les dispense, dans le projet qui nous est
présenté en termes de modification de la loi de la santé
et des services sociaux, il n'y a plus d'appel à la Commission des
affaires sociales. Ce que vous soulevez, c'est que ça vous
apparaît légèrement incestueux comme processus suite au
témoignage ou au vécu que vous avez là-dessus. L'ensemble
du processus qui est maintenant prévu ne sort pas de l'interne puisque
la régie régionale est celle qui dispense les budgets ou donne
les budgets à l'établissement, et l'établissement est
redevable à cette régie régionale là.
C'est tout le même monde qui joue dans le petit carré de
sable, hein? Alors, où on va après, si on veut faire vraiment...
Si on dit: Bon, ça ne peut pas fonctionner parce que c'est du monde qui
est en conflit, entre guillemets, de responsabilités. Où va-t-on
après ça, compte tenu de ce qui nous est proposé?
M. Girard: On a l'impression que vous allez faire votre job, non?
Vous allez aller... À l'Assemblée nationale, j'imagine que vous
allez la poser la question. Il n'est pas adopté. C'est un avant-projet
de toi, j'imagine, en ce qui concerne la CAS. Alors, on espère que vous
allez faire les représentations compte tenu, effectivement, de ce que
vous venez de décrire en "petit carré de sable", que vous allez
faire aussi, à l'intérieur de la Chambre, cette revendication par
rapport à ça. Mais est-ce que l'élargissement, par rapport
à ça, du Protecteur du citoyen va venir beaucoup changer les
choses?
Moi, je pense que la CAS, c'est important de la maintenir. Il
paraîtrait qu'il va y avoir quand même un débat autour de la
question de la nouvelle loi qui nous est présentée. Je ne parle
pas de celle-ci, mais de l'autre, celle de la santé et des services
sociaux. Nous, c'est sûr que notre position, que la disparition de la CAS
est monumentalement terrible pour tout le monde. Je veux dire qu'il est bien
sûr qu'il ne faut pas, je pense, la laisser glisser comme ça. Mais
par
rapport à l'élargissement du Protecteur...
Mme Laurin (Claudine): Moi, je suis tout à fait...
M. Trudel: ...perplexe. Ça va. J'avais demandé: II
faut qu'il y ait une suite du monde là-dedans quelque part, parce
qu'effectivement... D'abord, soyons précis dans le langage. Il n'y a pas
abolition de la Commission des affaires sociales. Il y a abolition de la
possibilité d'avoir un recours pour les usagers de la santé et
des services sociaux. On s'entend bien là-dessus. Mais, à ce que
je comprends comme message, c'est que, pour le mécanisme qui est
prévu actuellement dans le projet de loi, vous dites: Ça ne
fonctionne pas parce que c'est trop incestueux, c'est trop à l'interne.
Il faut que soit rétablie la possibilité d'avoir - je le dis
carrément - un jugement devant un tribunal quasi administratif, qui
s'appelle, le cas échéant, la Commission des affaires sociales,
et non pas comme recours externe, le Protecteur du citoyen.
Sur le Protecteur du citoyen, vous ajoutez: On ne peut pas être
contre un autre organisme qui nous permettrait, probablement, d'avoir une
meilleure vérification, une meilleure adéquation entre la
prestation des services à rendre et ceux qui sont effectivement rendus,
sauf que ça ne vous apparaît pas essentiel dans les circonstances
actuelles. Ça vous apparaît beaucoup plus essentiel d'avoir le
recours de type quasi judiciaire devant la Commission des affaires sociales que
d'aller au Protecteur du citoyen. C'est bien ça?
Mme Laurin (Claudine): Oui. Autre chose aussi, c'est que, pour
nous, c'a toujours l'air fou de dire non à un recours, mais la politique
et le droit pour nous n'ont pas toujours fait bon ménage. À ce
moment-là, c'est là où on se dit: Quand on a recours
à des tribunaux, je pense qu'on évite certaines... Mais la
politique est le... Le Protecteur étant nommé par
l'Assemblée nationale, nous, on croyait que c'était beaucoup plus
de garder les tribunaux qui ont des mesures coercitives. Laisser au Protecteur
le systémique, ça va. Mais, pour le reste...
M. Trudel: Je vous avoue là-dessus qu'il y a comme une
difficulté. Si on veut laisser le systémique au Protecteur du
citoyen, il faut bien lui donner le champ de compétence.
Mme Laurin (Claudine): Ce qu'on veut dire, c'est qu'il pourrait
faire rapport à l'Assemblée nationale. Deuxièmement, les
groupes pourraient lui faire rapport pour qu'il fasse... Bon, comme là,
si la loi 120 était sortie, elle serait en application et il pourrait,
à ce moment-là, avoir le mandat de faire le rapport à
l'Assemblée nationale ou, nous, venir faire rapport à
l'Assemblée nationale. Mais ce qu'on voulait dire, c'est qu'au niveau du
système, au niveau de la politi- que du bien-être social, je pense
qu'il a déjà juridiction, il a fait rapport. Mais il ne peut pas
gérer. C'est là où on disait, le systémique, il
peut le gérer, mais pas au niveau...
M. Trudel: Je terminerai là-dessus, M. le
Président. J'ai l'impression qu'on a encore un peu de confusion sur les
mots. Pour reprendre la comparaison de ma collègue,
députée de Hochela-ga-Maisonneuve, par rapport à l'aide
sociale, le Protecteur du citoyen n'a pas, en soi, de juridiction sur le
contenu.
Mme Laurin (Claudine): Non.
M. Trudel: C'est sur les processus...
Mme Laurin (Claudine): L'application.
M. Trudel: ...et le processus administratif qu'il a droit de
regard parce que la loi est administrée par du personnel qui fait partie
de la fonction publique. C'est d'ailleurs la seule chose qui fait que tout le
réseau de la santé et des services sociaux est exclu. Ce
personnel-là ne dépend pas, n'est pas engagé, n'est pas
relié à l'État par la Loi sur la fonction publique. C'est
pour ça que je dis: II me semble qu'il y a encore un peu de confusion
sur le... Quand on dit: Extensionner le droit de recours externe au Protecteur
du citoyen, ce n'est pas, en soi, par rapport aux droits de la personne, c'est
par rapport aux services qui lui sont administrés par la loi qui
prévoit l'organisation de ces services-là, s'il y a
adéquation ou pas.
Mme Laurin (Claudine): Ça, c'est très clair. C'est
d'ailleurs pour ça qu'on dit non.
M. Trudel: Dans ce sens-là, je comprends que, dans le
secteur de la santé mentale, votre préoccupation d'approche
domine quant au rôle actif parce que, pour vous, ça fait comme
partie du processus de reprise en main. "Se donner du pouvoir", que vous avez
employé comme expression, j'ai trouvé ça beau.
M. Girard: C'est de prendre du pouvoir sur sa vie. De reprendre
le pouvoir sur sa vie.
M. Trudel: Prendre du pouvoir sur sa vie.
Mme Laurin (Claudine): Ce n'est pas juste pour la santé
mentale. Me Ménard nous faisait remarquer, au comité de travail,
qu'il n'y a pas présentement de lieu où la plainte appartient au
plaignant. Puis moi, ça, je pense aussi que c'est un vice quelque part,
dans un système de défense de droits ou de protection des droits.
Dès qu'on porte plainte, la plainte n'appartient plus au plaignant.
Ça peut s'adresser autant aux personnes âgées, pas juste en
santé mentale. Je pense qu'il pourrait y avoir une place où la
plainte
appartienne au plaignant.
M. Trudel: Dernière petite question, j'avais
oubliée celle-là. J'ai l'impression que, dans certains milieux ou
dans certaines institutions, on est relativement, entre guillemets, bien
organisés sur l'accompagnement des plaignants quant aux services qu'ils
reçoivent ou quant aux droits qui sont bafoués ou pas. Vous
n'avez pas l'impression que, par ailleurs, dans beaucoup de régions du
Québec, on est loin d'avoir vu jouer dans ce secteur d'activité
là. Vous travaillez dans ce secteur d'activité, vous n'avez pas
l'impression que, dans beaucoup de régions du Québec, ça
n'existe pas ce minimum-là de ressources pour accompagner les personnes
qui n'ont pas reçu des services auxquels elles pensent avoir droit ou
dont on pense qu'il y a eu un droit qui a été
lésé?
Mme Laurin (Claudine): Les ressources existent, mais elles sont
souvent au minimum. Dans l'ensemble du Québec, les ressources existent,
que ce soient des ressources qui se sont formées par volontariat, comme
les ADDS pour défendre les droits des assistés sociaux. En
santé mentale, il s'en est formé aussi partout. Ce qui manque,
c'est beaucoup plus de l'équipement, au niveau tant des ressources
financières qu'humaines, mais je pense que, dans l'ensemble du
Québec, les territoires sont assez bien couverts par des organismes
communautaires qui n'ont malheureusement pas la force pour pouvoir amener
à faire vraiment de l'infiltration.
M. Trudel: Ça va. Merci. C'est complet pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Peut-être juste une
dernière question, si vous me le permettez, concernant les corporations
professionnelles. Lorsque vous nous dites qu'il faudrait trouver des
mécanismes de recours différents, souples et efficaces, à
quoi faites-vous référence exactement pour être plus
précis?
Mme Laurin (Claudine): On s'est penchés longtemps
là-dessus. Pour nous, d'en appeler au CMDP - c'est le Conseil des
médecins, des dentistes et des pharmaciens - n'est pas un
mécanisme en soi. De un, le plaignant n'est pas entendu. La plainte est
étudiée, si elle est recevable, après, il y a un
comité de discipline. Pour nous, ce n'est pas un mécanisme qui
est accessible pour les usagers. C'est là où on mettait le
responsable administratif, avec le conseil d'administration de
l'établissement, responsable également des plaintes qui pouvaient
se traiter en établissement. C'est un mécanisme qui, pour nous...
Puis le traitement de la plainte était unique, c'était souple,
que ce soit parce que tes heures de sortie ont été brimées
ou que ce soit parce que tu trouves que le médecin a fait une erreur
dans ton traitement, c'est la même procé- dure. En plus, avec le
projet de loi 120, la commission des infirmières, il va y avoir un
mécanisme de plus, ce qui va faire, bon, un mécanisme de
traitement de plaintes pour quoi? Pour tout ce qui est administratif, gestion
de vie courante, qualité de vie? Pour le traitement professionnel des
infirmières, on va aller au conseil des infirmières de
l'établissement, puis pour ce qui est d'un médecin, on va aller
Conseil des médecins et dentistes? Moi, je pense que ce n'est pas
très clair pour l'usager quand il entre dans une boite. (15 h 30)
M. Girard: Que l'usager soit représenté et qu'il
puisse présenter sa plainte. En fait, la personne qui pourrait s'occuper
de la régularisation pourrait être présente. Mais dans
l'incorporation professionnelle, le client... C'est entre pairs. Quand on
regarde la moyenne qu'on présente dans notre mémoire, on le dit
très bien, sur 700 - on peut se poser des questions - 12 ou 13,
ça laisse à désirer.
Le Président (M. Dauphin): Alors, c'est terminé.
J'aimerais, au nom de tous les membres de la commission, vous remercier, M.
Girard, M. Marcoux et Mme Laurin, pour votre participation à nos
travaux. Je vous remercie encore une fois, ce fut très
intéressant.
Mme Laurin (Claudine): On espère que vous ferez cheminer
les recommandations à la bonne commission parlementaire pour ce qui ne
vous regardait pas, mais qui regardait plutôt l'autre.
Le Président (M. Dauphin): Ah oui, oui!
M. Trudel: Merci beaucoup. On essaiera de faire cheminer, mais si
vous pouvez écrire, écrivez aussi.
Mme Laurin (Claudine): Ah! Ça va être fait.
Le Président (M. Dauphin): Alors, nous allons prendre
juste une minute avant de débuter avec la curatrice publique, Mme
Fontaine qui est accompagnée de Me Boivin.
Curateur public
Mme Fontaine (Nicole): C'est ça, Me Boivin. On est
accompagnées également de François St-. Cyr qui est
responsable, chez nous, du service des plaintes.
Le Président (M. Dauphin): Bienvenue à nos travaux.
Si vous nous permettez, juste une minute pour permettre aux membres de revenir
à leur place.
Ça va? Alors, encore une fois, bienvenue, Mme Nicole Fontaine,
curatrice publique. Comme vous le savez, nous avons une période de 45
minutes qui nous est allouée. Vous avez donc
environ 15 minutes pour présenter votre exposé. Ensuite,
on procédera à une période d'échanges d'environ 30
minutes.
Mme Fontaine: Merci, M. Dauphin. Mesdames, messieurs, ça
nous fait bien plaisir, le Curateur public, d'avoir l'occasion de nous exprimer
sur un sujet, un organisme qui, pour nous, est d'importance au Québec,
qui joue un rôle très important. D'ailleurs, il y a des
similitudes importantes entre le rôle du Curateur public et le rôle
du Protecteur du citoyen. Nous avons tous les deux, entre autres, la mission de
la protection des droits, la protection et la défense des droits et des
intérêts des personnes.
Peut-être pour remémorer un peu notre mission, au Curateur
public, je rappelle que nous devons protéger les droits et les biens des
personnes inaptes, les personnes réellement inaptes et les biens
délaissés, c'est-à-dire les biens dont les
propriétaires sont introuvables ou qui ont été
abandonnés, les successions vacantes, ce genre de biens là.
Quelques chiffres pour illustrer: Nous représentons directement, nous
sommes tuteur ou curateur, actuellement, à 16 000 personnes majeures au
Québec; nous supervisons 5000 tuteurs et curateurs aux majeurs;
également, nous supervisons 12 000 tuteurs aux mineurs. Alors, c'est
notre - peut-être pour reprendre une expression un peu cavalière
de tout à l'heure - "carreau de sable", c'est notre champ d'action.
Pour les fins de l'application de la Loi sur le Protecteur du citoyen,
le Curateur public est assimilé à un organisme et,
conséquemment, on peut faire l'objet d'une plainte effectivement
auprès du Protecteur du citoyen, ce qui a été le cas
aussi. Une collaboration dans les dernières années s'est
développée entre le Protecteur du citoyen et le Curateur public
et elle nous a permis d'améliorer grandement notre propre système
de traitement de plaintes, d'ajuster nos services dans le sens des
recommandations qui nous avaient été transmises par le
Protecteur. Nous avons trouvé ça très utile. Quelques
chiffres aussi pour vous illustrer cette situation. En 1989, 36 % des plaintes
soumises au Curateur public concernant ses services provenaient du Protecteur
du citoyen. Nos chiffres sont maintenant disponibles pour l'année 1990;
cette année, c'est seulement 20 %. Nous avions prévu,
effectivement, une diminution des plaintes provenant du Protecteur du citoyen.
C'est le cas. On pense que la collaboration instituée entre nos deux
organismes et peut-être l'amélioration aussi de notre service des
plaintes ont permis cette diminution. Également d'autres chiffres
intéressants: nos plaintes, pour l'année 1990 par rapport
à l'année 1989, des plaintes globales, générales
reçues au Curateur public, ont diminué de 32 %. On est
très heureux de ces chiffres-là, mais on pense qu'on a encore
beaucoup de travail à faire, en ce sens qu'on devrait viser aucune
plainte.
À titre de représentant légal, le Curateur public
peut être appelé aussi à recourir aux services offerts par
le Protecteur, c'est-à-dire que comme le Curateur public
représente personnellement les 16 000 majeurs qui sont sous un
régime de protection, c'est comme si on agissait en leur nom. Donc,
à ce titre-là, on peut porter plainte pour la personne qu'on
représente personnellement auprès du Protecteur. On ne l'a pas
fait vraiment jusqu'à maintenant, on a pu régler beaucoup de
situations. L'occasion aurait pu nous en être donnée dans un
prochain avenir dans la perspective qui existait ou qui est encore
présente, d'une éventuelle juridiction du Protecteur sur le
réseau de la santé et des services sociaux. Un bon nombre de
difficultés rencontrées par la clientèle du Curateur
public sont reliées à l'organisation des services de ce
réseau. Effectivement, notre clientèle est en très grande
majorité hébergée ou reçoit des services du
réseau santé et social. Je rappelle notre quatre grands types de
clientèle. Ce sont les gens qui ont des troubles mentaux, donc tout le
secteur de la santé mentale nous touche de très près; ce
sont également les gens qui ont des déficiences intellectuelles,
donc ce secteur-là aussi nous intéresse beaucoup; ce sont les
personnes âgées qui, à cause de problèmes
organiques, deviennent inaptes, donc aussi, c'est très proche du
réseau santé-social; et enfin, toutes les personnes qui ont des
troubles de traumatismes crâniens. Alors, comme vous voyez, on est
très proche, on est les proches collaborateurs de ce
réseau-là, tout en étant plutôt dans le
réseau de la justice. Donc, vous comprendrez notre intérêt
à venir dire nos commentaires sur les propositions ou les questions qui
sont soulevées quant au Protecteur du citoyen.
Je passerai donc tout de suite aux commentaires. D'abord,
l'indépendance du Protecteur du citoyen. Le mode de nomination actuel,
à notre avis, garantit l'impartialité et l'objectivité qui
sont nécessaires dans l'exercice des fonctions, de sorte qu'il ne nous
semble pas pertinent de proposer de changer. Étant des élus, les
députés de l'Assemblée nationale chargés
d'entériner sa nomination ont pour mandat de représenter les
citoyens et citoyennes de leurs comtés respectifs et de défendre
leurs intérêts. En ce sens, le choix du Protecteur du citoyen
devrait refléter aussi leur volonté.
Par ailleurs, nous ne sommes pas convaincus que la nomination de
plusieurs vice-protecteurs du citoyen aurait pour effet, aux yeux du public,
d'améliorer l'accessibilité et la qualité des services
offerts par le Protecteur du citoyen. Selon nous, on pourrait voir là un
alourdissement des structures qui ne produirait pas nécessairement
l'effet recherché, à savoir assurer aux usagers un recours plus
personnalisé. Le vice-protecteur risquerait d'être perçu
comme un intermédiaire additionnel entre l'usager et le Protecteur
lui-même. Par ailleurs, si cette proposition-là, si la nomination
des vice-protec-
teurs vise la régionalisation des services dans la perspective de
rapprocher le Protecteur des citoyens, le but pourrait être
légitime, mais peut-être qu'un moyen différent pourrait
être plus approprié. Par exemple, ça pourrait être
par un moyen plus léger, tel que la désignation d'agents de
liaison ou de certains adjoints plutôt régionaux, directeurs
régionaux, on peut les appeler de différentes façons. Je
pense que ça, c'est plus dans le plan d'organisation des structures de
l'organisme que d'être mis dans une loi. C'est plus une question
d'organisation de services chez le Protecteur du citoyen.
L'indépendance budgétaire du Protecteur du citoyen. Ce
n'est pas là une question, peut-être, prioritaire, mais on tient
à se dire favorables à la proposition voulant que le Protecteur
puisse soumettre ses demandes d'effectifs et de budget directement à
l'Assemblée nationale. Ça nous semble approprié. Il y a
deux autres organismes qui sont financés de cette
façon-là, et on serait en accord avec ça.
L'accessibilité au Protecteur du citoyen, maintenant;
l'accessibilité pour tous les citoyens. Nous partageons l'opinion
à l'effet que le Protecteur du citoyen, malgré l'augmentation des
demandes qui lui sont adressées, demeure malheureusement peu et mal
connu de bon nombre de Québécois, particulièrement de ceux
qui résident peut-être en dehors des grands centres et
peut-être de certains groupes socio-économiques plus
défavorisés, qui n'ont pas vraiment accès ou qui ne sont
pas habiles à gérer ce genre d'information là. On pense
qu'il devrait se publiciser davantage auprès du grand public, mais
peut-être plus particulièrement auprès de publics cibles,
peut-être plus sujets à avoir besoin de ces services-là,
éventuellement, et aussi vers des régions plus cibles qui,
justement, méconnaissent le Protecteur et ne peuvent pas recourir
à cette instance-là pour les aider.
L'apport du député, maintenant. Il est vrai, comme vous
l'affirmez dans votre document de consultation, que le député
joue en quelque sorte un rôle d^ombudsperson" dans son comté, en
se faisant le porte-parole des citoyens qui lui expriment leur
mécontentement, ou leurs besoins d'aide, ou leurs plaintes à
l'égard de différents aspects de l'administration
gouvernementale. Ce rôle s'avère essentiel dans l'ensemble des
fonctions du député. Toutefois, à notre avis, il faut
éviter de faire en sorte que les plaintes destinées au Protecteur
du citoyen soient d'abord acheminées au député, comme
ça peut se faire dans d'autres systèmes, dans d'autres pays. Les
pays sont différents, donc des systèmes différents.
Le Protecteur doit être dégagé de tout lien
politique et doit, à notre avis, demeurer impartial aux yeux de la
population. Que le député se fasse un devoir d'informer la
population de son comté de l'existence et du mandat du recours possible
au Protecteur du citoyen et de le diriger vers celui-ci, de lui faciliter cette
démarche la, pour les plaintes qui sont de son ressort ou qui lui sont
adressées, nous serions d'accord avec ce type de démarche ou de
collaboration, mais nous sommes d'avis de ne pas mettre le député
dans une position où c'est lui qui ferait le triage et qui devrait
acheminer les plaintes au Protecteur du citoyen.
L'efficacité du recours au Protecteur du citoyen, qui est un
élément important, la prévention et l'approche
systémique. À ce chapitre, nous partageons l'avis de ceux qui
estiment qu'il est de la raison d'être du Protecteur du citoyen de
favoriser l'approche individuelle. Le citoyen ou la citoyenne aux prises avec
un problème relié à l'appareil gouvernemental et qui se
considère lésé dans ses droits doit pouvoir continuer
à faire appel sans réserve au Protecteur, pour y trouver une
écoute personnalisée et éventuellement, avec la
collaboration du ministère ou de l'organisme concerné, la
solution à son problème, et ce, tant que chacun des
ministères et organismes n'aura pas mis sur pied un système de
traitement des plaintes, et on sait qu'elles sont en très grand nombre
présentement. Si on regarde les recommandations qui ont
été adressées récemment à toute la fonction
publique, il y a donc une étape importante à faire. C'est
important de conserver le mécanisme du Protecteur du citoyen pour
l'adresse individuelle et le traitement individualisé des plaintes tant
que tous les autres services de plaintes, par organisme ou ministère, ne
seront pas mis en place. (15 h 45)
On pense que ce service individualisé n'est pas une entrave
à la mise en application d'une approche systémique, celle-ci
pouvant, d'ailleurs, en être le prolongement. Et c'est presque
inséparable, comme vous l'expliquez dans votre document. Le Protecteur
du citoyen doit, au surplus, être encouragé à agir de cette
façon lorsque les circonstances s'y prêtent. C'est d'ailleurs par
le biais d'une telle approche que l'occasion lui est fournie d'intervenir de
manière préventive, en étant collé sur les
problèmes que les gens lui présentent, et en recommandant, par
exemple, des changements à une directive, à une orientation ou
à un règlement, ou encore une loi afin de corriger une injustice
qui est subie par plusieurs personnes. On peut voir que c'est plus un
problème de système qu'un problème seulement
individuel.
Également, toujours dans une perspective de prévention, le
Protecteur du citoyen, lorsque témoin d'une injustice, et bien que
celle-ci n'ait pas été portée à son attention par
l'intermédiaire d'une plainte, devrait prendre l'initiative de faire
enquête et, s'il y a lieu, de prendre les moyens appropriés pour
voir à faire redresser la situation. Il demeure que nous aurions des
réticences à ce que le Protecteur du citoyen réoriente
complètement ses activités afin de privilégier seulement
l'approche systémique au détriment de
l'approche individuelle qui semble correspondre aux besoins de la
majorité des usagers, présentement et, on pense, pendant encore
un bon laps de temps.
En fait, les deux ne s'excluent pas: elles peuvent être
complémentaires et s'appliquer indépendamment l'une de l'autre,
selon les circonstances. On pense, par exemple, qu'une approche
systémique transitoire qui pourrait être intéressante pour
le Protecteur du citoyen, ce serait, par exemple, d'être: support,
information, conseil à la mise sur pied des différents
systèmes, service de plaintes qui devra, dans les prochaines
années, être mis sur pied par tous les organismes et
ministères du gouvernement. Ça pourrait être un rôle
intéressant, parce qu'il y a sûrement un savoir-faire, là,
relié aux plaintes et à la qualité des services qui est
à développer. Il n'est pas acquis, on le sait.
Le pouvoir de recommandation. Nous verrions plusieurs avantages à
ce que l'expérience actuellement vécue en Ontario soit
transposée au Québec et que, par conséquent, soit
créé un comité parlementaire permanent. On trouve que
c'est une bonne idée. Un tel comité aurait très
certainement pour effet de renforcer les pouvoirs du Protecteur du citoyen,,
quant à l'exécution de ses recommandations, en exerçant
une pression additionnelle sur les organismes et ministères
récalcitrants à les appliquer. Ceux-ci, d'ailleurs, se verraient
contraints d'y répondre de leurs omissions ou inactions, ou encore y
trouveraient un lieu pour justifier les fondements de leur position. En bout de
ligne, ce sont les citoyens et citoyennes qui bénéficieraient des
retombées d'une intervention, dès lors devenue plus
énergique et plus visible, du Protecteur du citoyen.
Par ailleurs, nous pourrions éventuellement nous montrer
favorables à ce que le Protecteur du citoyen soit autorisé
à entreprendre des poursuites devant les tribunaux au nom de la personne
lésée, mais, dans l'immédiat, nous croyons qu'il est
préférable d'éviter cette judiciarisation et de
privilégier la mise en place du comité parlementaire permanent,
ce qui nous apparaîtrait aussi efficace sans une judiciarisation accrue.
Celui-ci devrait, nous l'espérons, se révéler suffisant
pour amener les parties à une plus grande volonté de
régler un litige. Toutefois, si la création de ce comité,
le cas échéant, ne produisait pas les effets escomptés,
l'hypothèse du recours devant les tribunaux par le Protecteur, au nom
des usagers, pourrait à nouveau être envisagée à
titre de démarche de dernier ressort. Également, le rapport
annuel du Protecteur devrait être déposé à cette
instance.
Le recours aux médias. L'on pense que ça doit demeurer un
moyen dont peut disposer le Protecteur du citoyen lorsqu'il est indiqué
de sensibiliser l'opinion publique quant à la résistance d'un
ministère ou d'un organisme, mais on pense aussi que le recours à
ce moyen pourrait servir à d'autres fins éminemment
intéressantes, qui seraient, justement, de souligner les
améliorations qui ont été apportées à un
système ou à un organisme suite à son intervention. En
même temps, la population pourrait constater davantage la
nécessité du Protecteur du citoyen, autant par les moyens publics
que par les médias qu'il prendrait pour amener une organisation à
se réformer, mais aussi en soulignant les efforts intéressants,
les résultats intéressants qui auraient pu émaner.
L'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen: le coeur, dans
le fond, de vos questions. Les organismes non visés par la Loi sur le
Protecteur du citoyen. Le Curateur public a déjà eu l'occasion de
manifester son approbation quant à une éventuelle extension du
mandat du Protecteur du citoyen à l'endroit des organismes ou
établissements du réseau de la santé et des services
sociaux. Nous avons fait état de cet accord lors de notre mémoire
présenté à cette commission parlementaire, compte tenu,
particulièrement, des besoins de notre clientèle et des
difficultés particulières auxquelles nos clients sont
confrontés.
Le système actuel de traitement des plaintes dans le
réseau avant, bien sûr, ce qui est proposé dans la
réforme, ne permet pas toujours, et on le sait tous, aux conseils
régionaux d'assurer l'application de leurs recommandations. Il arrive
que des conflits demeurent et que les gens n'aient pas vraiment de solution
à leurs problèmes. Il y a aussi la situation potentielle de
conflit d'intérêts, bien sûr. On pense que, dans le projet
de loi 120, présentement, il y a des propositions très
intéressantes, à notre avis, qui sont quasiment des
préalables importants ou des premières instances indispensables
à toute étendue du rôle du Protecteur du citoyen. Je pense
aux services des plaintes qui doivent être mis sur pied localement dans
chacun des établissements. Je pense que c'est un pas extrêmement
important. Ça existe déjà, avant même la loi, dans
certains établissements, mais ça devra être
généralisé et, également, la responsabilisation des
régies régionales avec les services des plaintes. Cependant, le
rôle des régies régionales à cet effet-là
pourrait être augmenté, par exemple, voir non seulement que les
services de plaintes soient mis sur pied dans les institutions, mais être
responsables quant à l'évaluation de ces services pour s'assurer
que c'est efficace.
L'intervention ultime du Protecteur du citoyen, compte tenu de sa
neutralité et des moyens dont il dispose, pourrait permettre dans les
cas non résolus d'être la dernière instance, finalement. Si
la personne s'est présentée à rétablissement, n'a
pas été satisfaite, qu'elle se présente à la
régie régionale et qu'elle n'est pas non plus satisfaite, il nous
apparaîtrait intéressant, toujours, d'avoir une dernière
instance. Est-ce que ce serait la Commission des affaires sociales qui
existait? On ne sait pas si elle va encore exister. Est-ce que ce serait le
Protecteur
du citoyen? Je pense qu'il y a là un sujet à
débattre. On pense qu'il est absolument essentiel qu'il y ait
peut-être une dernière instance, soit l'un, soit l'autre, ou
peut-être les deux.
En fait, tous les ministères, établissements et organismes
devraient se doter d'un mécanisme rigoureux de traitement de plaintes et
le Protecteur du citoyen, comme je le disais tout à l'heure, pourrait
jouer un rôle de support et d'incitation à ce que ça se
fasse rapidement et bien.
Les "ombudspersons", là où leur présence est
possible, constituent un mécanisme qui est approprié dans un
système interne de traitement de plaintes. Leur utilité ne fait
plus de doute, notamment dans les établissements du réseau
santé-social, là où il y en a. Dans ia perspective d'un
système interne, efficace et complet de traitement de plaintes, les
"ombudspersons" devraient en faire partie intégrante. Toutefois,
étant donné la marge de manoeuvre et l'indépendance dont
elles ont besoin dans l'exercice de leurs fonctions, les "ombudspersons"
devraient dépendre d'une instance autre que la direction
générale de l'établissement ou de l'organisme. On pense,
par exemple, au conseil d'administration. Ça nous semble toujours
important. On voit que le projet de loi ne va pas tout à fait dans ce
sens-là, mais déjà, il y a un pas très important
dans ce sens-là, par la proposition qu'ils font que ce soit rattache
à la direction supérieure de rétablissement. On pense
aussi que les "ombudspersons" devraient demeurer une entité distincte du
Protecteur du citoyen. Ça nous apparaît très important.
Les autres limitations à la compétence du Protecteur du
citoyen. On pense à la possibilité d'une éventuelle
juridiction sur les mérites des décisions des tribunaux
administratifs. On est d'avis qu'une telle possibilité devrait
être écartée. Il y a d'autres instances, et on pense que
ces instances-là devraient être séparées. On ne
retient pas cet aspect. Il nous semblerait pertinent que le Protecteur du
citoyen puisse avoir compétence, par ailleurs, sur les contractants qui
sont reliés aux ministères et organismes par des contrats de
services dans l'exercice de leurs fonctions. Mais on pense que les
recommandations devraient être adressées aux ministères et
organismes qui devront voir à leur mise en application et s'occuper
eux-mêmes de leurs contractants.
L'interruption de la prescription. C'était une autre question
que, peut-être, vous pourrez lire. Je pense à l'obligation des
fonctionnaires d'informer les citoyens et citoyennes de la possibilité
d'un recours au Protecteur du citoyen. On est portés à donner une
réponse affirmative à cette question que vous posez. Il semble
aller de soi que les employés des ministères et organismes
recevant des plaintes directement des citoyens - ce qui devrait être le
cas généralement -aient l'obligation de les informer d'un recours
possible auprès du Protecteur du citoyen. Des amendements pourraient
être apportés dans ce sens à la Loi sur la fonction
publique. Des protocoles pourraient être faits, par ailleurs, entre ces
ministères et organismes avec le Protecteur du citoyen tel que cela
existe déjà entre le ministère du Revenu et le Protecteur
du citoyen.
Mais avant tout, je pense que le point principal que nous faisons c'est
que les premiers éléments à mettre sur pied, ce sont
vraiment d'avoir un système de traitement des plaintes dans chacun des
ministères, organismes et chacun des établissements si l'on pense
au réseau qui est le plus proche, notre partenaire principal, le
réseau santé et social.
Je pense que l'expérience a montré au Québec
l'utilité du Protecteur du citoyen au sein de la société
québécoise. On a pu entendre plusieurs commentaires. Le
rôle n'est peut-être pas parfaitement joué, il y a place
à amélioration, mais ça, je pense que plusieurs
ministères et organismes sont aussi dans ce cas-là.
Le Curateur public approuve toutes les propositions allant dans le sens
d'accroître l'efficacité et l'accessibilité des services de
plaintes. En bout de ligne, on pense que ce sont les citoyens et les citoyennes
qui en bénéficieront puisque les ministères, les
organismes et les établissements devront être plus vigilants quant
à la qualité des services, et peut-être être
amenés à prendre le virage clientèle, service de
qualité à la clientèle. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup pour votre
présentation. Nous allons débuter la période
d'échanges avec M. le député d'Iberville.
M. Latrance: Merci, M. le Président. Si je comprends bien,
madame, le rôle de la curatelle, c'est une entité administrative
et même, peut-être, vous agissez comme conseillers légaux
aussi de façon à vous occuper des personnes qui deviennent ou qui
sont reconnues inaptes pour s'occuper d'elles-mêmes. Dans un tel cas,
vous allez vers un tuteur, vous allez aider à trouver un tuteur ou le
gouvernement par votre organisme va prendre cette personne-là en charge.
Dans quelle mesure est-ce que vous vous impliquez pour la défense des
droits des personnes que vous prenez à votre charge, que le gouvernement
prend à sa charge?
Mme Fontaine: Le Curateur public - c'est comme ça que
l'organisme s'appelle - est d'abord et avant tout une personne nommée
pour être à la place des personnes qu'il représente, les 16
000 personnes qu'il représente. C'est donc la personne qui est
nommée, le Curateur public, qui se substitue à la personne qui
est devenue inapte, c'est-à-dire que le Curateur public exerce les
droits civils de cette personne-là qui sont temporairement suspendus et
confiés au Curateur
public. C'est notre fonction. Comment on défend les droits de ces
personnes-là? Lorsque nous les représentons, donc, lorsque je les
représente ces personnes-là, elles sont dans le réseau de
la santé et des services sociaux, je dois voir à ce qu'elles
aient accès à des services appropriés, je dois voir
à ce que leurs biens soient gérés dans
l'intérêt de ces personnes-là toujours, je dois voir
à ce que tous les actes de la vie quotidienne: rapports d'impôt,
consommation de services, contrat qui a à être passé avec
une autre personne soient toujours faits dans l'intérêt de la
personne que je représente personnellement. Dans ce contexte-là,
on est appelés à défendre les droits de ces
personnes-là, à les représenter et à s'assurer que
leurs droits civils sont respectés.
M. Lafrance: Est-ce que c'est fréquent que vous ayez
à intervenir pour justement protéger ces droits-là, que
vous remarquez qu'il y a des choses anormales qui peuvent se passer?
Mme Fontaine: Tous les jours, monsieur. Nous faisons ça
tous les jours. Le Curateur public s'entoure d'une équipe. On est 300
personnes à faire ça quotidiennement, tous les jours,
représenter les droits, s'occuper d'exercer les droits de ces
personnes-là. Je vous donne un exemple. Vous connaissez tout le
problème des urgences au Québec. À l'automne on s'est
retrouvés avec une personne que nous représentons qui
était stationnée, entre parenthèses, dans une urgence de
la région de Montréal, qui était là depuis deux ou
trois mois. Comme la personne est inapte et qu'elle n'a pas de proches, elle
est isolée, personne ne l'avait vraiment avertie de ça. On a fini
par se rendre compte que, oui, on avait quelqu'un qu'on représentait qui
était là. Ce qu'on a fait, on a tout mis en oeuvre, on a pu
discuter avec l'établissement en question, la régie
régionale, le service des plaintes de la régie régionale
et la sous-région pour que cette personne-là ait accès
à des services appropriés pour elle et ne soit plus à
l'urgence. C'est inacceptable d'être deux mois dans une urgence. La
personne n'était pas dérangeante. Elle ne parlait pas, ne se
défendait pas. Donc, elle est restée là. Ça vous
donne un exemple de la représentation de cette personne-là pour
laquelle on a voulu... Il y en a d'autres. Je pense que mes collègues
ont peut-être d'autres cas. (16 heures)
Mme Boivin (Marie): J'essaie de voir comment on ouvre ça.
Je prendrais comme exemple le consentement à l'acte médical. Vous
savez que les personnes qu'on représente, qui sont inaptes à
consentir, doivent être représentées par le Curateur public
dans l'exercice de ce droit. Je n'ai pas de statistiques avec moi, mais vous
parlez de fréquence finalement. Je pense qu'on peut recevoir quelque
chose comme une vingtaine de demandes sur une base quotidienne, une demande de
consentement concernant les personnes qu'on représente. Alors, chacune
de ces demandes-là est étudiée individuellement à
la lumière d'un certain nombre de critères et le Curateur public
prend la décision qui est la plus opportune, compte tenu des
intérêts de la personne. Alors, on parle de consentement, mais
ça peut également être un refus de soins. Si le Curateur
public estime que la personne représentée n'a pas besoin des
soins pour lesquels on lui fait une demande, le Curateur public pourra se
permettre, en tant que représentant légal, de refuser ces
soins-là.
Tout ça pour dire que s'il est une unité qui est
extrêmement concrète en termes de représentation
quotidienne, c'est bien l'unité des consentements au bureau du Curateur
public. Ça vous situe un peu en tout cas sur la représentation
des personnes parce que c'est un aspect très important que cette
représentation.
M. Lafrance: Si j'ai bien compris votre mémoire, vous
êtes fondamentalement satisfaits des procédures qui existent et
qui vont être renforcées avec la nouvelle loi, le projet de loi
120, des services de santé et des services sociaux. Vous verriez
peut-être la possibilité que le Protecteur du citoyen devienne un
autre recours, final, si on peut employer ce terme?
Mme Fontaine: Oui, effectivement. C'est ce que nous avons dit.
Mais je répète que nous sommes très satisfaits
présentement des propositions contenues dans le projet de loi 120,
particulièrement du fait que tous les établissements devront se
doter d'un service de plaintes. Ça, je pense que c'est extrêmement
important.
L'autre point qui m'apparaît très intéressant, c'est
que les établissements devront faire rapport des plaintes au conseil
régional et, également, lors des assemblées publiques. Ils
devront faire rapport non seulement pour dire: Bon, nous avons reçu tant
de plaintes, tant étaient fondées, et tout ça. C'est plus
que ça. C'est la nature, ce que les gens ont fait pour répondre
à ces plaintes-là, lesquelles étaient fondées,
lesquelles ne l'étaient pas. Je pense qu'ayant travaillé
longtemps dans le réseau santé-social, je pense que c'est un pas
très important à faire faire à ce réseau-là
que le fait d'avoir des services de plaintes dans les établissements. Je
pense que c'est important parce que ça responsabilise l'autorité
locale et, aussi, je pense qu'on aura avec ça un traitement de plaintes
beaucoup plus rapide et efficace à mon avis, parce que, souvent, les
plaintes, ce n'est pas toujours de grosses affaires. C'est des choses souvent
peut-être assez simples mais très importantes pour les
personnes.
M. Lafrance: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci. J'allais dire quasiment comme d'habitude, Mme
la curatrice publique qui occupez la responsabilité du Curateur public
au Québec, d'une très bonne présentation, d'une excellente
qualité. Vous avez raison quand vous êtes passée sur
l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen. Vous avez dit que c'est
une des questions principales, mais les autres également sont
très importantes puisqu'on a posé quelques questions sur la
juridiction du secteur de la santé et des services sociaux. Juste une
toute petite précision. Dans votre réponse, vous dites: Oui, on
est satisfaits - parce que ça a été écrit, votre
mémoire, avant le dépôt du projet 120 - on est satisfaits
des améliorations des mécanismes de plaintes qui sont
apportées dans le projet de loi 120. Est-ce que vous dites: On est
satisfaits quant aux deux instances dans l'établissement au niveau de la
responsabilisation et aussi dans la régie? Le jugement inclut-il aussi:
Nous souhaitons un recours de dernière ligne auprès du Protecteur
du citoyen? On met ça ensemble?
Mme Fontaine: Effectivement, il nous apparaît toujours
souhaitable d'avoir ce dernier recours de troisième ligne pour les
plaintes qui n'auraient pas pu être traitées de façon
satisfaisante aux deux paliers précédents. Également, le
rôle du Protecteur pourrait être de faciliter l'implantation de ces
services de plaintes, mais, à ce moment-là, si leur rôle
est de dernière ligne, il faudra vraiment qu'il agisse à des
niveaux régionaux. La question qui se pose c'est: Est-ce que c'est le
rôle du Protecteur du citoyen de faire ça, d'être
facilitates, ou est-ce le rôle du ministère santé-social?
Il y a une question là.
Bon. Pour dire, c'est plus intéressant d'avoir quelqu'un à
l'extérieur de ce réseau-là, le réseau incluant le
ministère santé-social. C'est vrai théoriquement. En
pratique, c'est un immense réseau, le réseau santé-social,
et on voit que ce n'est pas le seul en cause. On voit qu'il y a d'autres
réseaux, peut-être où le Protecteur pourrait avoir une
certaine juridiction: municipal, éducation. La question qui se pose
alors, c'est: Comment un organisme, quel qu'il soit, pourra-t-il
développer des connaissances appropriées pour pouvoir être
efficace et crédible dans des réseaux aussi importants et
complexes?
N'y a-t-il pas là danger de mettre une seule instance de
troisième ligne, supervisant tous ces grands réseaux et de
créer une bureaucratie très lourde dont l'efficacité
peut-être... En tout cas, on se pose la question. Tout en étant
d'accord avec une troisième instance, il y a des dangers à
ça aussi.
M. Trudel: À mon avis personnel, c'est une très
bonne question que vous posez. Effective- ment, si le mécanisme
était le mécanisme unique de recours, et le mécanisme pour
tout le système au grand complet, où nous pourrions dire oui
à ce recours, mais c'est un recours de dernière instance en
matière de traitement de plaintes. C'est tellement immense et complexe
comme réseau, je pense qu'on ne répondra pas à la question
pour vous. Mais la question que vous posez est pleinement justifiée en
disant: Comme dernier recours, comme recours de dernière instance,
ça fait du sens que le Protecteur du citoyen puisse, comme instance
externe à ce réseau, avoir le droit de regarder les plaintes qui
n'auraient pas reçu une réponse satisfaisante au niveau de
l'établissement ou de la régie régionale.
J'aimerais ça aussi, Mme la curatrice publique, toucher quelques
autres aspects parce que, encore une fois, vous nous avez donné de bons
avis sur d'autres aspects du travail ou de l'organisation de l'institution. Sur
l'accessibilité du Protecteur du citoyen, vous dites: Si la connaissance
de l'institution est plus faible dans les régions, eh bien, qu'on y
fasse une espèce d'offensive publicitaire, qu'on publicise cette
institution dans les régions à faible connaissance Est-ce que
vous n'avez pas plutôt l'impression que c'est l'absence qui nous
amène au phénomène de la méconnaissance de
l'institution et que, finalement, j'allais dire sans y aller trop fort, il y
aurait comme deux catégories de citoyens face a l'accessibilité
au Protecteur du citoyen. La preuve étant que plus on est près,
plus il y a une grande proximité physique, plus on est accessible, plus
on l'utilise, et, donc, à l'inverse pour les gens des régions. La
réponse dans cette séquence-là serait plutôt la
présence, la proximité d'installations parce que actuellement,
même si le Protecteur est très accessible sur le plan
téléphonique et que c'est on ne peut plus simple, il y a cette
dimension de: Je ne sais pas c'est quoi le Protecteur du citoyen, je n'ai
aucune incarnation souvent dans les régions.
Vous n'avez pas l'impression que ce serait plutôt la
proximité physique qui amènerait la correction?
Mme Fontaine: Je pense qu'il y a toujours plusieurs facteurs
reliés à une situation. Je pense que vous en évoquez deux
et je vais aller dans votre sens. Je pense que la question de publiciser
davantage, de faire connaître davantage par divers moyens,
peut-être de cibler aussi le genre d'information et le marché de
l'information. On ne s'adresse pas de la même façon à tous
les publics et on sait qu'il y a un certain public qui peut être plus
vise par des services que le Protecteur du citoyen pourrait lui rendre.
Ça, c'est une chose.
L'autre chose: être visible dans une région. Effectivement,
je vais dans votre sens que ce serait peut-être intéressant qu'il
y ait des bureaux, des comptoirs régionaux possiblement
avec des agents de liaison, des personnes qui puissent travailler sur
place. Mais nous ne voyons pas là la nécessité d'avoir un
vice-protecteur du citoyen. Je pense que le Protecteur du citoyen, c'est une
personne qui est nommée. C'est un peu la même chose que pour le
Vérificateur général et qu'il ne faut pas diluer cette
notion-là. C'est important. Par contre, dans l'organisation du
Protecteur du citoyen, il y a moyen de régionaliser des services. Nous
l'avons fait récemment au Curateur public. Nous avons tenté
l'expérience. Nous avons un bureau à Québec mais nous
avons aussi trois bureaux régionaux maintenant, et c'est un agent de
liaison. Je dois dire que l'expérience est en cours, depuis quoi?, six
mois, huit mois, et, à date, les populations concernées,
Sherbrooke, Chicoutimi et Trois-Rivières, apprécient beaucoup
qu'il y ait quelqu'un, effectivement, sur place qui puisse agir comme agent de
liaison. Ils voudraient avoir un peu plus. Est-ce un modèle qui... Je
pense que L'OPHQ aussi a des représentants régionaux. Je pense
que, dans l'organisation des ressources du Protecteur, ça se fait. Je ne
pense pas qu'on ait besoin de légiférer pour ça.
M. Trudel: Tout à fait. Alors, vous avez répondu
à un autre aspect de ma question parce que je vous avais entendu dans
des communications publiques: Monsieur fait bien son travail. Sur vos bureaux
régionaux, j'allais vous demander un petit bilan parce que vous avez...
Comme il y a presque un lapsus en disant: Le Curateur public, non, le
Protecteur du citoyen. Effectivement, ce sont deux institutions qui se
ressemblent quelque part en termes de services aux citoyens, de défense
des droits et, dans votre cas, d'exercer le droit de ces personnes par
délégation. Je pense qu'il faut retenir, à titre indicatif
pour les membres de la commission, lorsque nous aurons à porter un
jugement sur les questions et les recommandations que nous ferons
éventuellement, l'expérience du Curateur public au Québec,
en souhaitant - je vais ajouter le mot du commanditaire - que, si ça va
très bien, ça va être le printemps prochain en
Abitibi-Témiscamingue, je pense, ou quelque chose du genre.
Mme Fontaine: J'en prends note. Ma collègue me faisait
remarquer que nous ne les appelons pas des vices-curatrices.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ça aussi, ce ne sont pas des vices-curatrices
au Québec. Sur la possible compétence du Protecteur, de
l'ombudsman - d'ailleurs vous dites "ombudsperson" dans votre texte, ça
aussi il faut vous féliciter pour employer ce langage-là - sur le
mérite des décisions des tribunaux administratifs, vous nous
dites juste: Écoutez, ça n'a pas lieu; une telle
possibilité doit être écartée; la Cour
supérieure, le tribunal supérieur exerçant
déjà le rôle de surveillance et de réforme ou
d'appel des décisions prises par les tribunaux administratifs.
J'aimerais ça, d'abord, que vous nous motiviez un peu. Vous
dites: On n'est pas d'accord, il y a quelque chose qui fait ça,
actuellement. J'aimerais que vous motiviez un petit peu plus à partir de
l'observation suivante. Quand on parle de la possibilité de
reconnaître au Protecteur du citoyen d'étudier le mérite
des décisions des tribunaux administratifs, on ne veut pas dire de
créer une nouvelle instance d'appel, c'est d'étudier la
motivation et, enfin, le mérite des tribunaux administratifs -
ça, c'est une traduction, c'est un anglicisme ou, enfin, une traduction
anglaise - de la décision qui en résulte et du processus qui a
été utilisé. Est-ce qu'on a à respecter l'ensemble
des règles généralement reconnues pour donner droit? Ou la
décision est-elle proportionnelle? Est-ce qu'on peut étudier? Le
Protecteur pourrait étudier le mérite de la décision sans
établir évidemment de jurisprudence et que ce soit un tribunal
d'appel des tribunaux administratifs.
Vos commentaires aussi eu égard à une situation que, je
pense, vous connaissez bien, c'est l'accessibilité aux tribunaux de
droit commun. On le sait, on a un problème immense au Québec. Pas
seulement au Québec, dans les sociétés occidentales. Au
Québec, chez nous, on a un immense problème d'accès
à ces tribunaux-là. Alors, avec ces deux commentaires que
j'apporte, est-ce que vous pourriez motiver un peu plus votre recommandation de
ne pas recommander, pour votre part, d'élargir le champ de
compétence du Protecteur du citoyen à l'étude sur le
mérite des décisions des tribunaux administratifs? (16 h 15)
Mme Boivin: L'impression que l'on a finalement en admettant, par
exemple, que le Protecteur du citoyen ait un tel droit de regard sur des
décisions rendues par les tribunaux administratifs, donc des
décisions à caractère judiciaire ou quasi judiciaire.
C'est une intrusion, finalement, de la part du Protecteur du citoyen, d'une
certaine manière, dans ce que l'on considère comme le judiciaire.
Or, le Protecteur du citoyen se définit comme étant une
alternative à tout ce qui est judiciaire, une solution de rechange
à tout ce qui est judiciaire. En ce sens-là, on pense que le
Protecteur du citoyen doit préserver cette vocation à l'abri de
ce qui est judiciaire. C'est un peu cela, finalement, le fondement de notre
pensée, c'est un peu de garder le Protecteur du citoyen à
l'écart de tout ce qui s'appelle judiciarisation. C'est en ce
sens-là également que nous ne sommes pas favorables, pour le
moment, à ce que le Protecteur du citoyen puisse prendre fait et cause
pour une personne qui a porté plainte et poursuivre devant les tribunaux
de droit commun. Encore là, c'est
une incursion dans le judiciaire, et nous croyons que le Protecteur du
citoyen doit demeurer à l'abri d'une telle
éventualité.
C'est en ce sens-là également que l'on favorise... Et
là, je vais faire référence à une partie de notre
mémoire que Mme Fontaine a passée sous silence, à savoir
l'interruption de la prescription, par exemple, en regard des recours qui
peuvent être intentés devant les tribunaux administratifs. Dans la
mesure où une personne fait appel au Protecteur du citoyen, c'est
qu'elle ne porte pas préjudice au recours dont elle dispose devant les
tribunaux administratifs. C'est un encouragement à faire appel au
Protecteur du citoyen. On dit que les recours, enfin, le recours, si l'on peut
dire, le processus de plainte devant le Protecteur du citoyen peut être
rapide, soit, mais rapide, dans la mesure où les recommandations du
Protecteur du citoyen sont suivies, dans la mesure où il n'a pas
à suivre toute la filière des étapes qui le conduisent
éventuellement au règlement d'une plainte. Alors, je ne sais pas,
moi, ça peut donner peut-être trois, quatre mois, en bout de
ligne. Or, on sait qu'il y a des recours devant les tribunaux administratifs
qui sont échus après six mois, par exemple. Alors, le citoyen qui
a peur de perdre ses avantages devant les tribunaux administratifs, donc un
droit de recours devant les tribunaux administratifs, pourrait peut-être
éventuellement s'empêcher de faire appel au Protecteur du citoyen,
sachant que, si ça prend trois ou quatre mois, il aura un laps de temps
d'autant plus court pour intenter un recours devant un tribunal administratif,
dans la mesure où ça échoue avec le Protecteur du citoyen.
Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Trudel: Ah oui! tout à fait. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: Pour une courte question. Vous avez mentionné la
présence du Protecteur du citoyen dans différentes
régions. Est-ce que ce sont plutôt des projets pilotes ou une
tentative d'implanter ça dans différents secteurs de la province
de Québec? Qui exerce la fonction? Est-ce que ce sont des personnes
à plein temps? Y a-t-il des bureaux? Comment est-ce que ça
fonctionne? Quelle est l'expérience vécue jusqu'à
date?
Le Président (M. Dauphin): M. St-Cyr.
M. St-Cyr (François): Bonjour. Pour répondre
à votre question, dans le cas de notre organisation, le Curateur public,
on est actuellement à tenter de régionaliser nos services par une
première étape qui est d'aller voir, dans la région de
Chicoutimi, dans la région de Trois-
Rivières et dans la région de Sherbrooke, de quelle
façon notre clientèle se comporte et quels sont, de façon
concrète, les besoins en région dont nos clientèles ont
nécessairement besoin à proximité. Actuellement, nous, on
fonctionne par un principe d'agent de liaison. Alors, il s'agit d'un
représentant ou d'une représentante régionale qui
tâte concrètement, sur le terrain, ce dont notre clientèle
a besoin. On pense peut-être que le Protecteur du citoyen, sans la
constitution d'un vice-protecteur dans chacune des régions
administratives du Québec, pourrait tout au moins procéder d'une
façon beaucoup plus souple, beaucoup plus près des gens et en
première ligne avec les besoins concrets des gens, qui sont souvent
très simples. Ce n'est peut-être pas nécessairement
essentiel d'avoir des structures administratives ou des structures
organisation-nelles lourdes, mais des structures qui nous permettent de
s'assurer que le client qui a un besoin concret, rapidement, avec un objectif
à très court terme - parce que, quand il y a plainte, il y a
priorité, nécessairement, la plupart du temps - que, rapidement,
ce soit réglé et qu'on puisse donner satisfaction à cette
personne-là.
M. Kehoe: Mais, actuellement, y a-t-il un budget? Ces
personnes-là sont-elles envoyées de Québec, des
employés de votre bureau du Protecteur du citoyen à Québec
qui sont envoyés dans les régions, qui n'ont pas de bureau, pas
de téléphone, rien? C'est juste une étude qu'ils font,
plus qu'autre chose?
M. St-Cyr: C'est beaucoup plus précis, pour vous donner un
petit peu plus de renseignements. Notre principe, quant à nous, de
représentation régionale, nous avons pignon sur rue indirectement
dans chacune des régions. Nous avons une ressource de façon
concrète, à temps plein, qui travaille dans la région et,
dans notre cas précis, nous sommes associés avec l'Office des
personnes handicapées du Québec, à proximité, pour
s'assurer qu'on soit facilement visible pour la population et donner un
rendez-vous à une adresse bien précise. Donc, quant à
nous, ce sont des ressources de notre organisation sur une base permanente et
à même notre budget d'opération.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci J'aurais deux
petites questions avant de terminer. Vous avez dit tantôt qu'il devrait y
avoir un recours externe, soit à la Commission des affaires sociales,
soit avec le Protecteur du citoyen. Ne voyez-vous pas une distinction entre les
deux, c'est-à-dire que la Commission des affaires sociales,
évidemment, ça va de soi, a un pouvoir décisionnel, le
Protecteur n'en a pas, il a un pouvoir de recommandation. La Commission des
affaires sociales ne peut intervenir que sur la légalité, le
Protecteur peut intervenir en
termes d'équité. Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus, sur la distinction entre les deux, ou votre premier
choix.
Mme Boivin: Bon. Est-ce qu'il faut faire un choix
nécessairement? Je pense que les deux devraient pouvoir cohabiter dans
la mesure où, quand on parle du pouvoir coercitif d'une décision
rendue par un tribunal, on parle d'un jugement exécutoire. Alors, c'est
sûr que le Protecteur du citoyen a un pouvoir de recommandation. Tant et
aussi longtemps qu'il n'a qu'un pouvoir de recommandation, les décisions
qu'il rend ou les recommandations qu'il fait ne seront pas
nécessairement suivies. Alors, je pense qu'il faut plutôt parler
de cohabitation. Je pense qu'il est important de garder le recours au
Protecteur du citoyen comme étant un recours ultime, après le
recours aux instances internes dans les établissements, par exemple. Si
l'on parle d'abolir les appels à la Commission des affaires sociales, je
pense que c'est, ma foi, je ne dirai pas dramatique, mais ça l'est
presque d'une certaine manière pour ce que je viens de dire, en fin de
compte. Je pense que les deux devraient pouvoir cohabiter, les deux,
finalement, étant consultés, si l'on veut, dans des buts
différents. On sait fort bien que, quand on fait appel au Protecteur du
citoyen, on va chercher une recommandation, mais en sachant qu'on fait appel
à une série de pouvoirs qui sont quand même
inhérents au Protecteur du citoyen. Mais quand on s'en va devant un
tribunal, c'est autre chose, on judiciarise finalement sa demande. Alors, les
deux ne sont pas incompatibles, je dirais.
Le Président (M. Dauphin): Les délais ne sont
peut-être pas nécessairement les mêmes.
Mme Boivin: Les délais ne sont pas nécessairement
les mêmes non plus, ça ira plus vite, sans doute, avec le
Protecteur du citoyen.
Le Président (M. Dauphin): II dit qu'il a un taux de
réussite de 99 %.
Mme Boivin: Voilà!
Le Président (M. Dauphin): Ç'a peut-être
baissé un petit peu dernièrement, mais...
Mme Boivin: Alors qu'on ne sait pas si devant un tribunal, on
gagnera sa cause et il y a des coûts, également. Je pense que le
citoyen et la citoyenne doivent pouvoir avoir le choix.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Une
dernière question. Vous dites, à la page 10, que "le Protecteur
du citoyen devrait pouvoir exiger la mise sur pied d'un mécanisme
rigoureux de traitement de plaintes, etc., dans les ministères,
établissements, etc., pouvoir exercer un rôle d'évaluation
à cet égard". Un peu plus loin, lorsque vous pariez des
"ombudspersons", vous dites qu'idéalement, ces personnes ne devraient
pas relever du Protecteur du citoyen. Alors, en référence
à la page 10, par quel mécanisme le Protecteur du citoyen
pourrait, en pratique, exercer son rôle d'évaluation et de
contrôle des systèmes de plaintes?
Mme Fontaine: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire, pour
pouvoir exercer cette évaluation-là, d'avoir une personne sur
place directement, quotidiennement. Je pense qu'il y a d'autres moyens. Comme
tous les ministères et organismes se questionnent de plus en plus et se
donnent des moyens pour évaluer la qualité de leurs services,
évaluer les résultats donnés, l'efficience et
l'efficacité, de la même façon, finalement, les
établissements devront vérifier si leurs services des plaintes
sont efficaces chez eux. Les régies régionales devraient pouvoir
vérifier ça aussi auprès des établissements. C'est
pour ça que je disais que ce serait intéressant que les
régies régionales, au-delà d'avoir la
responsabilité de voir à ce que les établissements se
dotent de ces services-là, aient également la
responsabilité d'évaluer la qualité de ces
services-là et les services qui sont rendus. Maintenant, le Protecteur
pourrait, lui, avoir peut-être la responsabilité d'évaluer
la qualité des différents mécanismes de plaintes, des
différents organismes du gouvernement et peut-être des
établissements aussi pour s'assurer... Par exemple, je vous donne
peut-être une façon qui pourrait être faite. Mettons que le
Protecteur du citoyen qui vérifie chez nous, le Curateur public, comment
on traite nos plaintes, qu'est-ce qu'on fait, il le fait, d'ailleurs. Ce qu'il
pourrait faire, c'est faire un échantillonnage des plaintes qu'on a eues
et venir vérifier, je ne sais pas, 5, 10 ou 30, comme on veut, venir
vérifier tout le cheminement de dossier qui a été fait,
interviewer le client, est-ce qu'il a vraiment été satisfait. Il
y a moyen de faire ça comme ça, mais ce n'est pas
nécessaire qu'on ait quelqu'un chez nous, dans l'établissement,
quotidiennement. C'est ce qu'on veut dire.
Le Président (M. Dauphin): Alors, Mme la curatrice
publique, Mme Fontaine, Me Marie Boivin, M. St-Cyr, au nom de tous les membres
de la commission des institutions, merci beaucoup d'avoir accepté notre
invitation, et à bientôt.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Je demanderais ensuite à
la Fédération québécoise des associations des
familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale de s'approcher.
Pendant que vous allez vous installer, nous allons suspendre deux minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 27)
(Reprise à 16 h 34)
Le Président (M. Dauphin): J'aimerais souhaiter la
bienvenue à la Fédération québécoise des
associations des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale
représentée par M. Paul-Émile Poirier, qui est
président. Alors, je vous demanderais de nous présenter les
personnes qui vous accompagnent. Et je vous dis tout de suite que nous avons
une période de 30 minutes, dont 10 minutes pour présenter votre
exposé et 20 minutes de période d'échanges par
après. Alors, M. Poirier.
Fédération québécoise des
associations
des familles et amis de la personne
atteinte de maladie mentale
M. Poirier (Paul-Émile): Merci. À ma droite, Mme
Thérèse Marseille-Poirier, membre de La Boussole, et à ma
gauche, M. Gilles Dupont, président de La Boussole. La Boussole est un
regroupement de parents et amis des personnes atteintes de maladie mentale pour
le secteur de Québec.
Le Président (M. Dauphin): Bienvenue.
M. Poirier: Alors, notre fédération fut
incorporée en 1985 - alors c'est une jeune corporation - pour
répondre, entre autres, à un besoin d'entraide des associations
et de leur représentation auprès des organismes publics et
communautaires qui militent dans le champ de la maladie mentale. Notre
fédération compte actuellement 17 associations affiliées.
Ces associations regroupent environ 2000 familles qui se retrouvent dans
plusieurs régions de la province.
Selon les chiffres officiels - selon les chiffres de l'OMS - 1 % de la
population serait atteinte de maladie mentale sévère. Alors, ce
qui voudrait dire qu'au Québec, environ 60 000 personnes sont atteintes
de maladie mentale sévère. À peu près 50 % vivent
en institution et 50 % vivent dans ce qu'on désigne comme milieu
naturel.
En ce qui nous concerne, il est difficile de parier des droits parce que
la famille n'a que des responsabilités. Alors, s'il y en a qui
connaissent des droits en ce qui concerne la famille, je serais heureux de les
connaître. Depuis la désinstitutionnalisation, dans la
majorité des cas, la famille est la seule ressource de la personne
gravement malade.
L'objet de ce mémoire. Vu le rôle important que devrait
jouer le Protecteur du citoyen auprès des personnes atteintes de maladie
mentale, nous jugeons de notre devoir de répondre à quelques-unes
des questions posées dans le document soumis.
Les quelques fois que nous avons, par appel téléphonique,
posé des questions au bureau du Protecteur du citoyen, nous nous sommes
fait répondre que les faits décrits ne relevaient pas de son
autorité. Nous nous référons parfois à la
Commission des droits de la personne. Or, cette Commission a des principes
très rigides, ce qui est bien dans le cours normal des litiges. Elle
agit souvent, dans la défense des droits de la personne atteinte de
maladie mentale, comme si cette personne avait toujours pleine conscience de
ses gestes, et ce, trop souvent au détriment des droits humains de sa
famille et de ses proches.
La Commission des services juridiques nous réfère souvent
à la Loi sur la protection du malade mental. Cette loi prête
à des interprétations différentes entre les professionnels
de la santé et les juges lorsqu'il s'agit d'émettre une
ordonnance de cour pour aider la personne malade à se faire soigner en
situation de crise. C'est qu'en situation de crise, le seul recours qu'a la
famille, très souvent, lorsqu'un malade refuse d'être
hospitalisé, c'est l'ordonnance de cour.
En vertu de l'article 4 de cette loi, les juges disent qu'il leur faut
l'avis d'un médecin pour émettre une ordonnance de cour. Les
spécialistes de la santé répliquent que les juges ont
toute autorité, je crois que c'est en vertu de l'article 21 plutôt
que de l'article 15 qui est indiqué au rapport. Cette discussion a pour
conséquence que plusieurs juges refusent d'émettre une
ordonnance. De plus, en vertu de quel principe une personne malade, une
personne atteinte de maladie mentale doit être violentée pour
être hospitalisée? C'est que justement, cet article-là,
c'est ce qu'on appelle le principe de dangerosité qui permet apparemment
aux juges d'émettre une ordonnance de cour sans qu'il y ait
référence médicale.
Un autre problème: l'on nous dit que c'est la personne pour qui
nous faisons une demande d'ordonnance qui est responsable des frais. Comme ces
personnes sont pour la plupart couvertes par le bien-être social, leur
cas relève de l'aide juridique. Or, dans quelques régions de la
province, l'on nous dit que c'est la personne qui fait la demande qui est
responsable des frais, ce qui représente un coût de 250 $ à
500 $ pour chaque hospitalisation. Et, parfois, il peut y en avoir
jusqu'à quatre par année. Ces frais peuvent totaliser...
La politique de santé mentale. Cette politique émise en
1988 par le ministère de la Santé et des Services sociaux
à la suite du rapport du comité de politique de santé
mentale (rapport Harnois) dit, dans la troisième partie - Des moyens
d'action - ce qui suit: "II est aujourd'hui nécessaire d'avoir
accès à un mécanisme de recours ultime, indépendant
du réseau de service et doté de pouvoirs d'enquêtes et
d'intervention quant à l'application des lois et à la prestation
de services. Dans cette optique, le ministère demandera
l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen pour y
inclure désormais le règlement de dossiers de personnes
éprouvant des troubles mentaux. Le dépôt à
l'Assemblée nationale du rapport du Protecteur du citoyen pour le
secteur de la santé mentale devra faire l'objet d'une
présentation par région. "
Conclusion. Pour toutes les raisons mentionnées, nous croyons que
le mandat du Protecteur du citoyen devrait être élargi pour
inclure les personnes atteintes de maladie mentale.
C'est pour les raisons citées que nous répondons à
quelques-unes des questions posées dans le document de concertation,
espérant justifier l'urgence de l'élargissement du mandat du
Protecteur du citoyen.
Mode de nomination. Le recours du citoyen étant perçu...
Je m'en vais passer le titre.
Commentaire. Nous croyons que oui, tout au moins en ce qui concerne le
secteur de la maladie. Le champ de la maladie étant très vaste,
les relations du citoyen avec les médecins, avec leur corporation, sont
très difficiles, ne serait-ce que du fait que le représentant
d'une corporation est juge et partie.
Dans le champ spécifique de la maladie mentale, le manque de
connaissances sur ce que ce sont les maladies mentales, sur le comportement de
la personne malade qui revient vivre dans son milieu naturel depuis la
désinstitution-nalisation, le manque de ressources pour aider la famille
et ses proches, laissent la personne malade et ses proches très seuls
avec la maladie.
De plus, ce manque de connaissances sur cette maladie donne libre cours
à des interprétations préjudiciables à la
santé du malade. C'est que le stress étant
considéré comme un facteur déclenchant des crises, toute
situation de stress, nécessairement, peut déclencher une crise,
ce qui devient nécessairement préjudiciable au malade. La
personne atteinte de maladie mentale est une personne d'intelligence normale,
qui perçoit l'incompréhension du public et les
préjugés qui la concernent.
La médecine est un domaine spécialisé où les
droits de la personne relatifs au traitement doivent être
interprétés à la lumière des symptômes de la
maladie. Par exemple, le droit d'accepter ou de refuser un traitement
s'applique difficilement pour un accidenté en état
d'inscon-cience. Pour le malade mental en situation de crise - que nous
définissons comme en état de psychose - il faut souvent un
jugement de la cour pour autoriser l'hospitalisation. Comme nous l'avons vu,
cette autorisation est parfois refusée. Cette situation est
préjudiciable au malade et, par ricochet, à ses proches,
puisqu'elle prive le malade de soins ponctuels. De plus, une telle
interprétation de ce droit dispense la société de chercher
d'autres recours pour aider ce malade. Seule une personne compétente est
en mesure de comprendre et d'évaluer cette situation. Nous pourrions
également parler des préjugés de violence exprimés
à l'égard de la personne atteinte de maladie mentale et que la
loi de protection du malade mental a tendance à perpétuer. 2. 2.
Le député est plus près du citoyen que le Protecteur du
citoyen. Ceci pourrait aider certaines gens à exprimer leurs
doléances. Ce serait une façon de démocratiser davantage
le rôle du Protecteur. 3. 1. Dans le domaine de la santé, nous
croyons que oui, puisque la prévention est un facteur important
d'économie et de bien-être.
En santé mentale, malgré les recommandations du rapport
Harnois et la politique de santé mentale, les services de
prévention sont lents à s'implanter, l'on a peine à
définir ce qu'est la santé mentale.
Il faudrait, à l'intérieur de chaque CLSC, des
intervenants aptes à faire l'éducation du public, à
informer la personne malade des symptômes de sa maladie, à
informer les familles pour qu'elles puissent déceler la maladie à
ses débuts et avoir recours à des services aptes à
répondre aux besoins de la famille et de la personne malade.
Parfois, il s'agit tout simplement de quelques informations pour aider
énormément le malade, surtout lorsque le malade connaît les
symptômes de sa maladie et ce qui peut l'aider à prévenir
des situations de crise. 4. 1. Veut-on parler d'un ombudsman attaché
à l'institution? Si oui, cette formule ne donne pas la meilleure
garantie d'objectivité lorsque l'ombudsman est nommé par
l'institution. Ou veut-on dire un ombudsman spécialisé en
maladie, ou mieux, en maladie mentale? Nous nous référons alors
à notre commentaire sur la question 1. 1 Mode de nomination. 4. 2. Le
Protecteur du citoyen devrait-il avoir la juridiction également sur le
mérite des décisions des tribunaux administratifs? Pourquoi pas?
En raison de la grande expertise que pourra développer le
vice-protecteur, ceci garantirait une meilleure justice en permettant une autre
évaluation, un autre aperçu des problèmes des citoyens
dans des domaines particuliers. 5. 2. À notre avis, tous les citoyens
doivent être informés le plus et le mieux possible de leurs
droits. Informer la personne qui se juge lésée de la
possibilité d'un autre recours est un geste à encourager.
Conclusion. Malgré les humbles moyens qui lui sont
octroyés, notre Fédération demeure à votre
disposition pour toute demande additionnelle de renseignements.
Justement, notre Fédération n'a même pas droit
à une subvention. Alors...
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup, M.
Poirier. Est-ce qu'il y a un membre qui veut débuter? M. le
député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est
d'autant plus méritoire, votre représentation, avec les
derniers mots que vous nous avez dits de cette présentation,
c'est-à-dire que vous êtes vraiment un regroupement
bénévole...
M. Poirier: C'est ça.
M. Trudel: ...et votre motivation de base, c'est d'abord l'appui
et l'aide, comme amis ou comme familles de la personne atteinte de maladie
mentale, et, pour cela, il faut vous féliciter d'avoir pris le temps de
présenter votre position, de venir aujourd'hui ici pour nous donner,
à nous, un coup de main, pour augmenter en quelque sorte la protection
des droits des personnes qui sont atteintes de maladie mentale et, par la
même occasion, de toujours faire de la sensibilisation. Il faut vous
féliciter pour cela.
Quelques questions sur vos recommandations plus précises que les
questions que nous posions dans notre document public sur le mandat de la
commission. Sur la question principale de l'extension de la juridiction, vous y
allez très clairement. Vous dites oui, nous devrions élargir la
juridiction du Protecteur du citoyen pour y inclure les personnes atteintes de
maladie mentale. Il nous faudrait être un peu plus précis.
Actuellement, au strict sens des mots de la réalité, les
personnes atteintes de maladie mentale sont couvertes par le Protecteur du
citoyen. Là où elles ne sont pas couvertes, ce sont ces personnes
lorsqu'elles ont ou pensent avoir des recours et qu'elles portent plainte pour
des services qu'elles reçoivent dans le réseau de la santé
et des services sociaux.
La question est un peu différente, si vous comprenez bien,
d'inclure la personne, tous les citoyens du Québec sont inclus, si on
prenait cet angle-là, dans le mandat du Protecteur du citoyen. Mais,
sous certains aspects, tout ce qui dépend... En d'autres termes, si une
personne atteinte de maladie mentale avait de la difficulté avec le
ministère du Revenu, le Protecteur du citoyen peut très bien
prendre charge de cette difficulté. C'est lorsqu'elle a affaire,
lorsqu'elle a des services, lorsqu'elle prend des services dans le secteur de
la santé et des services sociaux, que là, elle ne peut avoir
recours au Protecteur du citoyen. Je comprends, par ailleurs, d'après
votre illustration, que la réponse que vous citez comme étant
celle que vous recevez le plus souvent du Protecteur du citoyen, c'est que
probablement, c'est eu égard à des services que ces personnes ont
ou n'ont pas dans le secteur des services de la santé et des services
sociaux. Alors, je vais vous reposer la question au sens où il nous
faut, nous, préparer des recommandations.
Est-ce que vous êtes en faveur du fait que le Protecteur du
citoyen ait un mandat d'examiner et de faire des recommandations sur les
plaintes quant aux services reçus dans le secteur de la santé et
des services sociaux? Est-ce que vous êtes d'accord avec cela et est-ce
que nous devrions en faire une recommandation positive? (16 h 45)
M. Poirier: C'est exactement le point de vue que nous avions
à l'esprit parce qu'en ce qui concerne la personne atteinte de maladie
mentale sévère, ordinairement cette personne-là est
âgée, lorsque la maladie se développe, entre 15 et 25 ans.
Alors, pour ses autres droits, très souvent elle est en mesure de les
défendre. Mais, en ce qui nous concerne, nous autres, ce sont les droits
spécifiquement à sa santé, aux ressources concernant sa
maladie.
M. Trudel: Très bien. Alors, en tout cas, ça
éclaircit quant à la question que nous posions dans notre
document. Sur la nomination de ce que nous avons appelé nous, et
c'était une question du Protecteur du citoyen lui-même, la
nomination d'un vice-protecteur du citoyen ou la nomination, entre guillemets,
d'"ombudspersons", d'ombudsmans dans les institutions, vous n'êtes pas
d'accord avec cela. C'est bien ce que j'ai compris. Vous n'êtes pas
d'accord avec la nomination d'ombudsmans dans les institutions de la
santé et des services sociaux, vous n'êtes pas d'accord avec
ça.
M. Poirier: On n'est pas d'accord. Remarquez bien qu'on n'est pas
beaucoup juges en ce qui concerne ce qui se passe en institution, sauf que, sur
certaines remarques qu'on peut recevoir de la personne qui a son congé
de l'institution, très souvent le rôle du Protecteur est assez
minime. D'ailleurs, juste le simple fait qu'il soit à l'emploi, et je
crois, payé par l'institution, lui donne, le met dans une
situation...
M. Trudel: De conflit d'intérêts. M. Poirier:
...de conflit d'intérêts.
M. Trudel: Donc, vous n'avez pas... Si vous avez pris
connaissance... Je vais poser la question autrement. Vous savez que le projet
de loi qui a été déposé par le ministre de la
Santé et des Services sociaux...
M. Poirier: Pour la réforme, oui.
M. Trudel: ...pour la réorganisation, la réforme,
prévoit la nomination de telles personnes ou de tels responsables dans
les établissements et les régies régionales. Je veux poser
la question clairement. Le mécanisme qui est prévu, que les
plaintes, le mécanisme des plaintes et que les plaintes seraient
reçues, administrées, analysées et que la réponse
au nom de l'institution serait faite par une personne payée par
l'institution elle-même, vous n'êtes pas d'accord avec ce
mécanisme-là?
M. Poirier: Non, on n'est pas d'accord II y
a peut-être un point et c'est qu'en ce qui nous concerne, nous
autres, on ne touche pas beaucoup, si vous voulez, le secteur des institutions.
Voyez-vous, c'est que la personne vit en dehors de l'institution, et elle vit
très souvent proche de sa famille ou dans sa famille. Alors, ce qui nous
intéresse, de façon particulière, c'est les ressources que
doit avoir cette personne lorsqu'elle vit dans son milieu naturel, ce que nous
appelons le milieu naturel. Ce que nous appelons le milieu naturel, c'est hors
l'institution, lor-qu'elle vit dans sa famille. Tout simplement, c'est qu'elle
reçoit son congé de l'hôpital, sans même que la
famille, très souvent, en soit informée. Lorsqu'elle est en
dehors d'une période de psychose, eh bien, la vie peut être
acceptable, mais lorsque cette personne-là est en psychose, c'est
surtout là que le problème se pose. Cette personne-là,
très souvent, en ce qui concerne l'hospitalisation, on lui fait valoir
ses droits légaux, mais, par contre, on ne lui donne pas grande
information en ce qui concerne sa maladie, sa médication, tout ce qui
s'ensuit et les séquelles. Alors, nous jugeons que c'est une situation
qui est un peu abracadabrante. Sa famille elle-même, qui en a la garde,
eh bien, très souvent, au nom même de la confidentialité,
on refuse de lui dire de quoi souffre un de ses membres avec lequel elle vit.
Alors, ceci crée des situations parfois dramatiques. La relation entre
le malade et sa famille devient très difficile puisque ni l'un ni
l'autre n'ose aborder le problème à cause des
préjugés et de tout ce qui s'ensuit. Alors, nous avons des
situations, des fois, trois ans, quatre ans, cinq ans, où les malades
sont suivis, et, après cinq ans, on va dire au malade: Toi, tu souffres
de dépression. La famille se rend compte que c'est réellement les
symptômes d'une schizophrénie. En association, parfois, il nous
arrive de nous faire demander, justement, le malade et sa famille, et demander
au malade: De quoi tu souffres, toi? On m'a dit que je souffrais de
dépression, mais je crois effectivement que c'est de la
schizophrénie. Alors, il y a des situations très difficiles
à vivre.
M. Trudel: Juste une observation. Évidemment,
là-dessus, vous soulevez là un problème quasi
d'éthique parce que vous soulevez le problème aussi - je veux
savoir si j'ai bien compris - de l'information transmise par un professionnel
qui donne des services de santé à une personne, que ces
informations-là soient, le plus souvent possible, disons, transmises
à la famille ou au groupe de personnes dans lequel retourne vivre cette
personne, appelons-le son milieu naturel. C'est de ça que vous
parlez?
M. Poirier: Exactement.
M. Trudel: Là, ça déborde un peu,
peut-être, le mandat que nous avons à examiner, mais je suis bien
heureux de vous entendre sur cette question, sur ce problème des
ressources et de l'information quand on retourne la personne souffrant de
maladie mentale dans son groupe, entre guillemets, dit naturel. Pour vous
autres qui êtes regroupés au sein d'une association de familles et
d'amis de la personne, ça pose un problème vraiment grave ce
manque de transparence, en quelque sorte, ou ce manque de confiance, si on
pouvait l'appeler comme ça, envers le groupe qui reçoit la
personne ou dans lequel la personne retourne vivre. C'est un problème
grave pour vous autres, ça?
Mme Marseille-Poirier (Thérèse): Oui. Il y a un
autre problème grave aussi. Assez souvent, le malade commence à
sentir venir une crise, mais il est quand même assez bien, assez
conscient. Il se rend de lui-même à l'hôpital et
l'hôpital refuse de l'admettre. Alors là, il revient, puis il
tombe en psychose. Il ne veut plus y aller, là, il est trop tard; il ne
veut plus y aller, il dit qu'il n'est pas malade. Mais c'est l'hôpital
qui refuse de lui donner les soins. Là, je trouve qu'il y aurait un
recours à faire. C'est un refus de soins.
Ou encore, ils vont les garder, si vraiment la psychose est très
grave, 24 heures, 48 heures, puis ils les mettent dehors. Ce ne sont pas des
soins, ça. Il faudrait qu'ils soient peut-être, des fois,
hospitalisés un mois. L'hôpital ne le fait pas. Ça,
ça arrive assez souvent.
M. Trudel: C'est là que vous nous ramenez, entre autres,
au problème, en vertu de la Loi sur la protection du malade mental, de
l'espèce de jeu de ping-pong où on est parfois obligé
d'aller devant un juge des tribunaux de droit commun pour avoir une ordonnance,
et le juge répond: Déjà, on a le pouvoir de
l'hospitaliser. Tandis que l'intervenant, lui, ou le médecin dit: Non,
ça me prend un jugement de cour pour pouvoir être là.
Pendant tout ce temps-là, évidemment, il y a quelqu'un, il y a
une personne qui est concernée, qui est justement entre deux, et qui vit
une situation probablement assez désespérante et encore plus
désespérante pour la famille concernée. C'est
ça?
Mme Marseille-Poirier: Oui. Et il faut bien que la commission
réalise que, quand une famille se voit obligée d'avoir recours
à l'ordonnance de cour, c'est toujours une situation extrêmement
tragique. C'est très très dur. Et puis, il n'y a aucun des
professionnels qui favorise la procédure.
M. Trudel: C'est important, ce dernier commentaire. Merci, je
vais laisser la chance à mes collègues de poser...
Le Président (M. Dauphin): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Mes premières
paroles seront pour vous féliciter pour le magnifique travail que vous
avez fait et le bénévolat que vous faites. Le
bénévolat, il n'y a pas de prix pour ça. J'en ai fait
passablement, du bénévolat. Quand bien même on est
député et qu'on a un salaire, on en fait encore du
bénévolat. Félicitations pour votre travail.
M. Poirier: Merci.
M. Houde: J'aimerais une courte question. À quel
mécanisme la Fédération fait-elle allusion quand elle
écrit, et je cite: "Ce serait une façon de démocratiser
davantage le rôle du Protecteur"?
M. Poirier: En ce qui concerne le rôle du
député?
Des voix: Oui.
M. Houde: Le député et le Protecteur parce que
c'est vous...
M. Poirier: On n'avait pas à l'esprit un mécanisme
précis.
M. Houde: Non?
M. Poirier: Tout simplement, si on se réfère
à la question et sachant que chaque député a un bureau
dans son comté et que le député est plus proche des
citoyens que le Protecteur peut l'être actuellement, ça facilite,
si vous voulez, l'expression du litige et ça précise le point du
citoyen.
M. Houde: Merci. C'est tout.
Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, de mon
côté. Je pense que mon collègue a très bien fait le
point tantôt, relativement à la juridiction du Protecteur du
citoyen. Évidemment, c'est lorsqu'il y a des problèmes dans le
réseau avec le service de santé et de services sociaux, au niveau
des services, qu'à ce moment-là, le Protecteur n'a pas
juridiction. Ça, on l'a très bien compris. Dans un paragraphe, au
niveau de l'extension de la juridiction, vous dites que, dans certaines
régions, la Commission des services juridiques refuse de payer les frais
d'une demande d'ordonnance faite pour une personne atteinte de maladie mentale,
qui est admissible à l'aide juridique, alléguant que la personne
qui fait la demande est responsable des frais. Vous savez qu'il y a toujours
une possibilité de révision. Est-ce que vous allez en
révision dans ces cas-là? Vous êtes-vous déjà
essayés en révision?
M. Poirier: Ça fait à peu près un an qu'une
des associations travaille sur le sujet. Je crois comprendre qu'il y a
grève de zèle en ce qui concerne les membres de l'aide juridique.
Alors, ceci, actuellement, nous rend la réponse difficile. Ce qui arrive
très souvent... Maintenant, il y a un autre problème en ce qui
concerne l'ordonnance de cour, c'est que le but premier de la Loi sur la
protection du malade mental -a été d'empêcher les
hospitalisations abusives. Alors, le climat de cette loi-là ou le
contexte de cette loi-là se perpétue parce qu'il n'y a pas eu de
modification majeure à l'esprit de la loi. Aujourd'hui, vu les
changements qu'il y a en ce qui concerne la politique des hôpitaux, en ce
qui concerne la politique du ministère, eh bien, les hospitalisations
abusives sont réduites à leur plus simple expression. Par contre,
la loi - et ça, c'est un des points précis - met des bâtons
dans les roues lorsqu'on a besoin d'un service ou d'une ressource ponctuelle
pour répondre à une urgence qui est la situation de crise. Alors,
c'est un des problèmes qu'on vit assez fréquemment.
Le Président (M. Dauphin): Justement, dans ces
cas-là, on a travaillé là-dessus. Ce serait
peut-être un cas où le Protecteur pourrait intervenir en
équité, dans un cas comme celui-là. Changement de propos,
vous avez dit tantôt que les "ombudspersons" ou les ombudsmans de maisons
spécialisées, sectoriels, ça n'apportait pas
nécessairement la meilleure garantie d'objectivité,
d'impartialité ou éliminant toute forme de conflit
d'intérêts. Il y a d'autres groupes qui nous ont
présenté des mémoires, nous disant que, si le Protecteur
du citoyen avait des délégués dans la plupart des
établissements, peut-être que, si le Protecteur du citoyen
était retenu comme un recours externe, exemple, de troisième
niveau, à ce moment-là aussi, il y aurait un conflit
d'intérêts ou un potentiel conflit d'intérêts entre
le délégué du Protecteur qui travaille dans
l'établissement, qui reçoit les plaintes et qui essaie de faire
son possible pour faire un bon travail... Et s'il y a un recours au Protecteur
du citoyen - il y en a plusieurs qui nous disent ça dans leur
mémoire - il y aurait également une relation délicate
entre le Protecteur auquel on a recours en appel, si vous me permettez
l'expression, et son délégué qui travaille là comme
"ombudsperson". Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous? (17 heures)
M. Poirier: Ça dépend du mandat de ce
délégué-là. Si le mandat est de représenter
le Protecteur du citoyen dans l'institution, le conflit d'intérêts
se pose tout simplement sur une incompréhension, à mon avis.
C'est comme ça que je vois le problème, moi. Remarquez bien, la
question est très théorique en ce qui me concerne, actuellement.
Il me semble justement que ce serait peut-être une situation acceptable,
de prime abord. Comme je vous le disais...
Le Président (M. Dauphin): Alors, vous
préféreriez ça, si je comprends bien.
M. Poirier: Bien oui. Ça me paraît, si vous voulez,
même, peut-être, une situation idéale parce que le
Protecteur du citoyen serait représenté d'une façon plus
immédiate sur les lieux. Il serait peut-être plus en mesure de
juger également les situations ou les problèmes qui peuvent se
poser à l'intérieur d'une institution.
Le Président (M. Dauphin): O. K. Quand vous parlez d'une
nomination de vice-protecteur, vous faites référence à des
vice-protecteurs spécialisés. Il y aurait un vice-protecteur qui
s'occuperait, exemple, de la santé mentale, un autre, un autre
domaine.
M. Poirier: C'est ça, oui.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup.
M. Trudel: Je voudrais avoir encore une précision, s'il
vous plaît, sur cette conception du traitement des plaintes dans le
réseau de la santé et des services sociaux. On comprend tous, M.
le Président vient de vous faire répéter, que, pour vous,
des personnes nommées par les institutions elles-mêmes pour
traiter des plaintes sur les services dispensés par ces institutions,
vous avez des problèmes de crédibilité avec ça,
vous. Vous avez des problèmes sur l'équité des
décisions, etc.
Est-ce que, par ailleurs, pour aller au bout du raisonnement, compte
tenu de la grandeur du réseau et que c'est peut-être difficile,
dans les circonstances actuelles, de penser que le Protecteur du citoyen en
arriverait à avoir la possibilité d'avoir un représentant
dans chacun des établissements, c'est peut-être difficile d'y
penser à court terme comme meilleur système, est-ce qu'il ne vous
apparaît pas qu'un mécanisme de traitement de plaintes dans
l'établissement et à la régie régionale, avec la
possibilité d'aller au Protecteur du citoyen à l'externe donc des
institutions, n'est pas une garantie suffisante de l'équité de la
décision ou du recours quant aux services qu'on reçoit dans le
système? Vous comprenez ce que je veux dire. Est-ce qu'au
troisième niveau, je m'en vais au Protecteur du citoyen, supposons,
théoriquement, ça ne vous apporterait pas la garantie suffisante
quant aux difficultés que vous avez de concevoir que, dans certains
établissements, on va peut-être fonctionner en termes de conflits
ou encore s'il y en avait des conflits, le Protecteur, lui, pourrait les voir
comme ressource externe? Ce ne serait pas suffisant comme mécanisme de
garantie sur l'équité des décisions?
M. Poirier: Dans notre réponse, nous autres, on parlait
plus spécifiquement d'une personne spécialisée...
M. Trudel: Oui.
M. Poirier:... au plan de la maladie mentale.
M. Trudel: J'inclus ça. Je m'excuse, j'inclus ça
comme possibilité, c'est-à-dire que je suppose, comme condition,
que chez le Protecteur du citoyen, évidemment, il y a quelqu'un qui
connaît ce secteur. Je peux donner une illustration. Actuellement, par
exemple, eu égard à tout le zonage agricole, je ne parle pas des
décisions de la Commission de protection du territoire agricole, mais il
y a, au Protecteur du citoyen, une personne qui est spécialisée
plus spécifiquement dans ce secteur-là. Lorsqu'il y a des
plaintes qui arrivent dans le domaine de la protection du territoire agricole,
eh bien, c'est cette personne.
Alors, j'imagine qu'en matière de santé mentale, le
secteur qui vous préoccupe, je suppose que chez le Protecteur du
citoyen, en ayant cette responsabilité, on va instituer une personne
plus spécifiquement compétente dans ce secteur. On suppose
ça, que ça existe. Est-ce que la garantie ne serait pas
suffisante à ce moment-là pour conserver, en quelque sorte, ou
instituer un premier mécanisme de plaintes par l'interne dans les
établissements et, au deuxième niveau, dans les régies
régionales?
M. Poirier: En ce qui nous concerne, oui, parce que, nous, on
s'occupe plus spécifiquement de la personne malade en dehors de
l'hôpital...
M. Trudel: O. K.
M. Poirier:... et les problèmes qui se posent en ce qui
concerne la famille, parce que l'hospitalisation est presque une période
de répit pour la famille. C'est la seule ressource souvent que nous
avons. Alors, c'est peut-être pour ça qu'on la rend si
sévère, aussi difficile.
Il y a peut-être un autre commentaire, si vous permettez, pour
préciser. C'est que nous autres, on représente, si vous voulez...
Jusque dans une certaine mesure, des fois, on parle au nom de la personne
malade. C'est parce que, lorsqu'une personne est atteinte de maladie mentale,
ça n'affecte pas son intelligence, mais ça affecte, si vous
voulez, sa facilité d'expression et toute situation de stress peut
créer un blocage. C'est pour ça que, très souvent, les
familles parlent beaucoup au nom de cette personne. C'est que le dialogue peut
s'établir, le dialogue s'établit même très
difficilement avec un professionnel, parce que le professionnel,
premièrement, en ce qui concerne les psychiatres, il en manque 50 % au
Québec, au minimum, alors ils vont accorder une entrevue de 20 minutes,
et les questions précises, très souvent, peuvent créer un
blocage. Alors, l'image que le professionnel va se faire en ce qui concerne le
malade est parfois complètement différente de celle que la
famille vit d'une façon régulière, 24 heures par jour, 7
jours par semaine, et ceci particulièrement en ce qui concerne la
mère.
Le Président (M. Dauphin): D'accord... M. Trudel:
Très bien, merci beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): Alors le temps est
écoulé, M. Poirier, Mme Poirier, M. Dupont. Nous tenons, au nom
de tous les membres de la commission des institutions, à vous remercier
de votre participation à nos travaux et à vous souhaiter un bon
retour.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Je demanderais par la suite
à Mme Micheline Lynch, qui est ombudsman et
déléguée du Protecteur du citoyen au Centre hospitalier
régional de Lanaudière, de s'approcher.
Encore une fois, bienvenue, Mme Lynch. La façon dont la
procédure fonctionne, nous avons droit à une période d'une
heure, c'est-à-dire 15 minutes pour votre exposé et 45 minutes
pour la période d'échanges entre les membres de la commission et
vous-même, par après. Si vous voulez débuter.
Ombudsman et déléguée du
Protecteur
du citoyen au Centre hospitalier
régional de Lanaudière
Mme Lynch (Micheline): Je vous remercie, M. le Président.
J'aimerais peut-être apporter une précision de départ. Au
moment où j'ai présenté mon mémoire à la
commission des institutions, j'étais effectivement ombudsman du CHRDL,
ce que je ne suis plus depuis janvier 1991. J'ai choisi d'orienter ma vie
différemment et j'ai entrepris une maîtrise en droit de la
santé à l'Université de Sherbrooke. Me Giguère a
consenti à ce que je sois entendue malgré tout, puisque
l'expérience que j'ai acquise demeure.
Ceci étant dit, j'ai choisi de vous résumer un petit peu
mon mémoire puisqu'on le lisant, ça me prenait 45 minutes. Pour
respecter les directives de M. le Président, c'est-à-dire 15
minutes, j'ai choisi certains points, de mettre en exergue certains points qui
me semblaient les plus intéressants. Évidemment, parmi les
interrogations que la commission nous a soumises, j'ai touché à
la section 4, c'est-à-dire l'élargissement du mandat du
Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services
sociaux. J'ai répondu oui immédiatement quant à
l'élargissement du mandat, ce qui campe un peu ma présentation
future. Aujourd'hui, la clientèle dont je souhaite vous entretenir
concerne principalement les personnes hébergées. Je ne nie pas
que les personnes ambulatoires, c'est-à-dire les personnes qui utilisent
les services de santé, comme vous et moi, de façon cyclique ou
lorsqu'un besoin particulier se présente, ont aussi certaines
problématiques, éprouvent certaines problématiques avec le
réseau, mais j'ai choisi d'axer ma présentation beaucoup plus sur
les personnes qui vivent quotidiennement dans le réseau,
c'est-à-dire qui ont besoin des professionnels du réseau pour
l'expression de chacune de leurs activités de ia vie quotidienne. Ce
sont souvent des personnes vulnérables et démunies, des personnes
dépendantes de ce même réseau, et qui ont souvent à
vivre des décisions prises par des tiers et qui les concernent dans
chacune des expressions de leurs besoins. Alors, ça inclut les
utilisateurs des services de santé mentale, les personnes
handicapées intellectuelles, les personnes âgées en
hébergement ou les personnes âgées utilisant les services
de longue durée.
Lorsque j'ai entrepris ma fonction d'om-budsman, il y a presque huit
ans, j'ai eu le privilège, je dirais, de travailler dans un
établissement qui reconnaissait son imputabilité face aux gestes
commis envers ses usagers, c'est-à-dire qui souhaitait rendre compte des
décisions qu'il prenait à ses usagers, d'entendre leur
insatisfaction et d'y répondre autant que faire se pouvait. Alors, il
choisissait donc qu'un ombudsman agisse comme médiateur entre les
usagers et l'administration. Malgré que j'aie
bénéficié de ce privilège, je constatais ou je me
questionnais sur certaines situations qui prévalaient,
c'est-à-dire que les usagers du réseau, lorsqu'ils avaient
à requestionner des décisions prises par les dispensateurs de
services, ne pouvaient que voir leurs plaintes entendues par des pairs ou par
les personnes mêmes qui avaient pris des décisions. Ça me
préoccupait et ça soulevait des questions pour moi, dans un pays
où on a une charte qui est certainement la plus belle au monde et qui
dit que toute personne a le droit que sa cause soit entendue par un tribunal
indépendant qui ne soit pas préjugé et qui agisse dans la
détermination de ses droits.
Ça présentait, en ce qui me concerne, certains
problèmes. Je constatais aussi que le simple fait d'être
hébergées dans un établissement de santé, à
certains égards, pouvait dénier des droits à des personnes
hospitalisées. Parce que pour moi, un bénéficiaire
hébergé n'est pas un être désincarné, il
continue à avoir des interrelations avec le reste du monde. Il pouvait
éprouver des problèmes avec la Régie des rentes du
Québec, la Société de l'assurance automobile, la
Sécurité du revenu, la CSST, l'impôt provincial, par
exemple, et je me rendais compte que, compte tenu de l'isolationnisme des
établissements, ces plaintes-là restaient à l'interne et
ne sortaient pas malgré que le Protecteur du citoyen avait juridiction.
La personne avait besoin d'être aidée pour que sa plainte ressorte
de l'établissement, et je constatais que ça ne se faisait
pas.
Il ne restait très souvent aux usagers qui étaient
capables de le faire, compte tenu de ce que je viens de dire
précédemment, qu'un recours aux tribunaux, pour les personnes,
encore une fois, qui étaient capables d'exercer ce recours-là.
Dans la majorité des plaintes que je pouvais
traiter, je me rendais compte que le recours aux tribunaux était
souvent la réparation la moins appropriée. Je constatais
également que le rapport de force ou l'équilibre entre les
usagers et les gestionnaires était souvent
déséquilibré. Il m'apparaissait qu'il manquait un
équilibrage pour que les pouvoirs des uns soient entendus ou soient
traités de façon tout à fait équitable. Je
constatais également une absence d'expertise des usagers et une absence
de connaissance des employés du réseau des droits des personnes.
Souvent, de bonne foi, on dénie des droits ou on ne les respecte pas en
étant convaincu qu'on agit dans l'intérêt de la
personne.
Donc, je me suis tournée vers le Protecteur du citoyen qui, suite
à plusieurs discussions, a choisi de me donner un pouvoir de
déléguée lorsque les usagers de l'établissement
éprouvaient certains problèmes de fonctionnement ou
d'échanges avec les fonctionnaires de la Sécurité du
revenu et avec les gens du Curateur public. Il me donnait aussi accès
à son contentieux et à l'expertise de son personnel pour les
autres champs d'activité sur lesquels il avait juridiction et pour
lesquels un usager de l'établissement pour lequel je travaillais pouvait
éprouver certaines difficultés. On pourra y revenir, je suis
certaine que vous allez sûrement avoir des questions.
J'aimerais répéter que je considère que le recours
interne, local, près de la personne, exercé par des ombudsmans ou
des responsables administratifs de traitement de plaintes, doit exister. Il est
essentiel et fondamental, c'est un recours qui, généralement,
trouve des solutions à beaucoup de problématiques, mais qui
connaît des limites importantes.
Les difficultés pour les usagers. Je parlais, tout à
l'heure, de l'équilibre qui est souvent précaire. Il est souvent
difficile pour un usager de voir ou de faire modifier des règles
adoptées par des gestionnaires. J'aimerais aussi rappeler qu'il
relève souvent du casse-tête chinois, actuellement, pour un
gestionnaire ou un décideur d'établir un équilibre entre
une saine gestion et une saine clinique dans le respect des droits de la
personne. Alors, c'est difficile et ça amène souvent certaines
situations difficiles. J'aimerais en regarder quelques-unes avec vous, si vous
me permettez. (17 h 15)
Les personnes hébergées, au Québec, paient des
frais d'hébergement. On sait, dépendemment de l'avoir ou du
revenu des personnes, que ça va de 600 $ à 1000 $, compte tenu
des revenus. Plusieurs directives ou, en tout cas, à tout le moins une
directive du ministère qui a été diffusée dans les
établissements à partir de 1980, concernant l'allocation pour les
dépenses personnelles, indiquait bien ce qui était à la
charge de rétablissement et ce qui était à la charge du
bénéficiaire. Il y a quelques années j'ai eu un
bénéficiaire qui s'est présenté dans mon
établis- sement parce qu'il venait d'être transféré.
Il était dans un établissement d'hébergement de ia
région, il était maintenant en longue durée. Il est venu
me dire qu'il était très heureux d'être à
rétablissement. Comme c'est très rare dans ma fonction que les
gens viennent me dire qu'ils sont contents, j'ai écouté avec
beaucoup d'intérêt ce qu'il avait à me dire. Finalement, il
m'a dit: Depuis que je suis ici, je ne paye plus ma pâte à dents,
je ne paye plus ma crème à barbe. Je me disais: Bon, c'est
normal, on suit la directive du ministère. Or, comme je suis d'un
naturel curieux, j'ai vérifié avec l'ex-directeur
général de l'établissement dans lequel il était. Il
a commencé par me dire qu'il ne connaissait pas la circulaire du
ministère, finalement, il m'a dit qu'il la connaissait, mais qu'il ne
pouvait pas l'appliquer parce qu'il n'arriverait pas. Or, suite à une
étude un petit peu plus poussée des autres établissements
de la province, je me suis rendue compte que cette directive-là
n'était pas suivie dans plusieurs établissements et de gros
établissements. C'est donc dire que des personnes à qui on
octroie 125 $ de prestations doivent en plus payer des choses qui normalement
devraient être payées par leurs frais d'hébergement. C'est
connu, le conseil régional est au courant, et quand j'ai
vérifié avec le ministère, on m'a dit que cette directive
ou cette circulaire qui date de 1980 était à l'étude.
Donc, depuis 1980, des personnes sont perdantes dans le réseau, et ce
sont les personnes les plus démunies. C'est un exemple de gestion des
biens.
J'aborderais peut-être maintenant la sectorisation en psychiatrie.
Au Québec, on a le libre choix de son médecin, semble-t-il, et du
professionnel qu'on veut rencontrer, le libre choix de son établissement
et de son médecin. C'est d'autant plus fragile en santé mentale
où on a, dans le cadre d'une thérapie, à présenter
à un psychiatre des problèmes éminemment personnels. Le
choix d'un psychiatre est une chose très importante. Il y a quelques
années le Conseil régional de la santé et des services
sociaux du Montréal métropolitain avait choisi d'étudier
ou de se pencher sur la situation faite aux personnes - ce qu'on appelle dans
notre jargon des portes tournantes - ces personnes qui réagissent mal
aux thérapies ou à la médication, qui utilisent de
façon cyclique les ressources de santé mentale et qui ne sont
jamais guéries, entre guillemets. Or, au Conseil régional, parce
que ces patients-là faisaient énormément de tours
d'ambulance d'un établissement à l'autre, on ne les voulait pas,
et c'était considéré comme des patients pas très
intéressants. Le Conseil régional a établi une
règle qui voulait que l'établissement du secteur où vit le
bénéficiaire soit obligé de le prendre. Ce qu'on a vu dans
le réseau depuis plusieurs années, c'est la règle
contraire. La règle du Conseil régional partait d'un bon
principe: s'assurer que chacun des bénéficiaires en
difficulté ait les services auquel il a droit. Ce
qu'on applique dans le réseau maintenant, et qu'on a
appelé la sectorisation, c'est uniquement l'établissement de sa
région qui doit le recevoir et le traiter. Or, le
bénéficiaire a perdu son libre choix et lorsqu'il veut l'exercer
c'est beaucoup de luttes et de guerres. Ça pose le problème
suivant: le secteur, le lieu d'hébergement ou d'hospitalisation,
dépendamment de la région où il reste, lui associe
également le médecin et l'équipe. Cette règle est
connue dans le réseau. Elle est connue des établissements. On a
même étendu cette règle-là en disant qu'il fallait
que ça fasse six mois que la personne reste dans telle région
pour être admissible à tel établissement. Ceci, pour
éviter que des établissements envoient dans d'autres
régions des bénéficiaires et que l'autre
établissement soit obligé de le prendre en charge. C'est une des
règles du réseau, c'est-à-dire que c'est une pratique
administrative à laquelle on a donné force de loi.
Il y a aussi un troisième exemple que je vous apporterais,
l'utilisation des foyers clandestins, clandestins dit d'une façon non
péjorative, foyers qui n'ont pas de permis. Le ministère s'est
cru obligé d'envoyer une directive aux établissements pour leur
dire qu'il était tout à fait inadéquat qu'ils acheminent
des bénéficiaires vers des ressources qui ne sont pas
accréditées ou qui n'ont pas de permis. Cette situation-là
existait. Lorsque les établissements veulent désengorger les
urgences, très souvent, ils vont faire des ententes avec des familles
qui ne sont pas des familles d'accueil, des familles qui sont prêtes
à accepter des bénéficiaires. Généralement,
ça se passe bien, il n'y a pas de problème. Mais si la famille
est inadéquate ou que la ressource est inadéquate, il n'y a plus
aucun recours puisque personne n'a juridiction sur cette famille-là.
Lors du colloque sur la violence faite aux personnes âgées tenu
récemment, plusieurs intervenants dans chacun des ateliers en ont
parlé finalement de cette règle qui est connue de tous et qui
perdure. Le projet de loi vient corriger cette situation.
Le dernier exemple que je souhaiterais vous apporter... Lorsque j'ai
pensé ou que j'ai dit aux personnes près de moi que je parlerais
de la dyskinésie tardive aujourd'hui, elles m'ont dit: C'est "touchy",
es-tu certaine que tu vas aller parler de ça? J'ai dit: Oui, c'est
peut-être la dernière chance qu'on a pour plusieurs années
de venir en commission parlementaire parce qu'on est venus pour à peu
près tous les sujets dernièrement, ces dernières
années. Il existe dans notre réseau de la santé un droit
pour les personnes d'être informées des conséquences d'un
traitement. On s'entend sur ça lorsque le médecin a une
obligation de traiter. Le médecin a aussi un privilège
thérapeutique par son code de déontologie qu'il peut utiliser,
c'est-à-dire taire certaines informations qui pourraient causer un
préjudice au patient. La dyskinésie tardive, c'est la
manifestation d'effets secondaires physiques importants et permanents chez des
personnes à qui on administre des psychotropes. Dans les orientations du
ministère, on avait prévu un comité se penchant sur
l'utilisation des psychotropes. Ce comité-là, on n'en a pas
réentendu parler. Ce n'est pas illégal pour les raisons quo je
vous disais tout à l'heure, sauf que c'est un débat
éthique qu'on n'a pas fait sur la place publique. Tous les
professionnels sont au courant. On sait les manifestations que ça
apporte, mais ça reste en vase clos dans notre réseau.
C'étaient quatre exemples que je souhaitais vous apporter
aujourd'hui pour étayer un petit peu ma prémisse de
départ, c'est-à-dire que, oui, le réseau peut traiter ces
plaintes, mais il n'en reste pas moins un certain nombre qui posent certains
problèmes et qui doivent être entendues à une autre
instance. Il est difficile pour un usager de faire invalider une directive
adoptée par un établissement.
Le règlement d'application sur l'organisation et l'administration
des établissements indique également que les conseils
d'administration doivent voter des règlements dans
l'intérêt de la personne qui est hébergée ou qui vit
dans son établissement. Par exemple, sur l'isolement et les contentions,
les heures de visite, les congés temporaires des personnes, les modes
d'administration de l'allocation d'un bénéficiaire, les
modalités d'adoption et de révision des plans d'intervention. On
doit adopter ces règlements-là. Quand on essaie de comparer notre
règlement et qu'on appelle dans la majorité des
établissements pour faire venir lesdits règlements, on se rend
compte qu'ils ne sont pas adoptés partout. On se rend compte que
certains de ces règlements-là, en plus, viennent nier des droits
aux bénéficiaires. Il n'y a personne qui est chargé de
contrôler ou de regarder la validité de ces
règlements-là.
Ceci étant dit, je terminerai peut-être rapidement en
répondant à la question: Pourquoi le Protecteur du citoyen
devrait-il avoir juridiction en santé et services sociaux?
Premièrement, pour favoriser la transparence, pour sortir
l'isolationnisme dans lequel les établissements et les usagers sont. Le
réseau de la santé travaille en vase cfos, et il m'apparaft
essentiel qu'une bouffée d'air frais entre dans ce
réseau-là et qu'on sorte de l'isolationnisme dans lequel on
est.
Il m'apparaît aussi important de reconnaître que le
Protecteur du citoyen a de l'expertise dans plusieurs domaines qui touchent la
vie des bénéficiaires hébergés. Il a
déjà juridiction et, très souvent, son champ d'expertise
s'arrête à la porte de l'établissement. Dans beaucoup de
situations, j'ai vu des bénéficiaires qui avaient finalement un
demi-droit. À partir du moment où ça mettait en cause un
établissement, le recours au Protecteur s'arrêtait à la
porte.
Il y a aussi finalement que, financière-
mont... J'onhHKliils Mme la jugo Rivost, lors de sa nomination, qui
pariait du Tribunal des droits de la personne, qui disait que c'était
peut-être un peu gênant, dans le contexte actuel, de nommer un
nouveau tribunal. Le Protecteur du citoyen est déjà là, il
a déjà l'expertise et toute l'infrastructure voulue. Ce n'est pas
le motif le plus important, mais if mérite quand même d'être
souligné.
Il m'apparaît aussi important d'éliminer la discrimination
selon le lieu de vie où vivent les bénéficiaires. Si on a
un problème avec son locateur, on peut facilement avoir accès
à la Régie du logement, à d'autres régies ou
à une autre instance, mais si on est bénéficiaire d'un
établissement et qu'on veut se plaindre des services offerts dans
l'hôpital, on doit se plaindre à la personne qui nous donne le
service. Ça me semble actuellement inéquitable et souffrir de
discrimination.
Si la personne vit des conflits de droits et des relations humaines
à l'intérieur même de l'établissement où elle
est, elle n'a pas de médiateur ou de personne qui peut l'assister ou
l'aider, indépendamment de la bonne foi et de la volonté des
établissements de régler la majorité de leurs
plaintes.
En conclusion, je vous dirai que je crois à l'importance de la
reconnaissance de l'imputabi-lité des dispensateurs de services. Je
pense qu'ils vont traiter et qu'ils traitent la majorité de leurs
plaintes de façon adéquate, mais je crois principalement
l'usager. J'ai connu et vécu les difficultés des usagers du
réseau à voir leurs droits appliqués, à se voir
traités comme des êtres égaux malgré la charte. J'ai
pu vivre avec eux des souffrances et des colères qui ne trouvaient pas
de solution. J'ai choisi d'inventorier des moyens ou de mettre à ma
disposition le plus de moyens possibles par un projet pilote dont on pourra
reparler.
Je souhaite donc la création d'un système de protection
des droits complet et intégré, d'un système de traitement
en établissement local près du bénéficiaire, mais
avec un recours non judiciaire en appel des décisions et qui sera
axé sur le citoyen. Mon espoir est donc que, dans une réforme
axée sur le citoyen, il le soit véritablement, lui reconnaissant
le droit à la protection de ses droits par un recours efficace, qui
possède un pouvoir de commissaire-enquêteur, qui possède un
pouvoir de regarder à la source les modalités de traitement de la
plainte et qui aura le pouvoir de regarder les deux parties ou les deux
côtés de la médaille pour en arriver à une
décision équitable. Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, Mme
Lynch, pour votre présentation qui est très intéressante.
On va maintenant débuter avec M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Oui, effectivement,
vous êtes la première personne que nous recevons ici, qui a une
expérience très concrète de ce que c'est que d'être
"ombuds-person" dans une institution, dans un établissement du
réseau de la santé et des services sociaux. C'est le premier
aspect qui m'intéresserait ici, en termes de question. Sur la fonction
que vous occupiez au Centre hospitalier régional de Lanaudière.
D'abord, vous étiez là en vertu d'une entente avec le Protecteur
du citoyen. Oui, c'est ça?
Mme Lynch: J'étais premièrement ombudsman d'un
centre hospitalier. Je le disais un petit peu tout à l'heure.
C'est-à-dire que l'établissement avait choisi, le conseil
d'administration avait choisi d'engager un ombudsman, c'est-à-dire une
personne responsable du traitement des plaintes. Dans le cadre de mes
fonctions, j'ai, à partir de certaines difficultés
rencontrées, sollicité le Protecteur du citoyen pour obtenir une
certaine expertise dans certains dossiers. Les limites que je vivais m'ont fait
me retourner vers le Protecteur du citoyen. Dans les champs d'application ou
les champs sur lesquels il avait juridiction, il a choisi de circonscrire mon
mandat, c'est-à-dire de me donner en plus de ma fonction d'ombudsman, un
rôle de déléguée du Protecteur du citoyen lorsque
les employés de l'établissement avaient des problèmes avec
le Curateur public, par exemple, ou avec la Sécurité du
revenu.
J'avais deux chapeaux très distincts. Je relevais du Protecteur
du citoyen uniquement lorsque mon pouvoir, comme ombudsman de
rétablissement, s'arrêtait à la porte de
l'établissement. Je n'avais pas juridiction sur le Curateur public ou
sur la Sécurité du revenu pour donner ces deux
exemples-là. C'était vraiment deux mandats spécifiques qui
se sont faits dans le cadre d'un projet pilote, dans le cadre d'une entente de
gré à gré entre la direction de l'établissement et
le Protecteur actuel qui considérait que les citoyens pour lesquels je
travaillais étaient finalement les citoyens les plus démunis du
Québec, qui avaient peut-être intérêt à
être entendus et écoutés.
M. Trudel: Alors, je comprends bien que pour certaines fonctions
que vous exerciez pour des personnes dans le centre hospitalier, et qui
étaient en quelque sorte des éléments externes, là
vous aviez une espèce de délégation de pouvoirs du
Protecteur du citoyen du Québec. Pour ce qui est de l'interne dans
l'établissement, vous étiez une employée.
Mme Lynch: Exactement.
M. Trudel: J'aimerais savoir si, pour l'intérieur de
l'institution, le fait que... D'abord vous deviez vous présenter comme
cela, j'imagine,
puisque c'était réel, vous deviez vous présenter
comme étant l'ombudsman de l'institution et
déléguée du Protecteur du citoyen. Est-ce que cela
augmentait de façon notable - c'est vous qui l'avez vécue
l'expérience - ce que je pourrais appeler la crédibilité,
votre crédibilité, en termes de mécanisme de traitement
des plaintes?
Mme Lynch: Le fait que je puisse avoir cette
délégation-là augmentait effectivement la
crédibttKé à l'interne. La crédibilité du
Protecteur du citoyen est acquise et les gens considérant qu'il
m'octroyait cette délégation-là a ajouté, c'est
évident, et c'a aidé à l'interne dans le traitement de la
plainte. C'a eu des effets peut-être un peu négatifs pour
certaines personnes, mais 4a majorité des personnes qui étaient
axées sur l'intérêt des bénéficiaires pour
lesquels on devait dispenser des services étaient tout à fait
favorables à ce qu'ils soient assistés, aidés et
entendus.
M. Trudel: Mais donnez-moi donc, s'il vous plaît, un
exemple si vous en avez à la tête, d'aspect négatif?
Mme Lynch: Je m'excuse, je n'ai pas compris.
M. Trudel: Je m'excuse. Donnez-moi donc un ou des aspects
négatifs qui ont pu se présenter de par le statut que vous aviez
de représentante du Protecteur du citoyen.
Mme Lynch: La peur. La peur de certaines personnes que le pouvoir
du Protecteur du citoyen soit utilisé, même s'il n'avait pas
juridiction dans les établissements. La délégation n'a pas
été nécessairement toujours facile à vivre et
à comprendre à cet égard-là. Je vais vous donner un
exemple très concret. Il est arrivé dans certaines situations
qu'on a pu constater qu'un bénéficiaire avait un certain
problème, semble-t-il, avec le Curateur public. Lorsqu'on a
évalué la plainte et vérifié avec le Curateur
public ce qui se passait, on se rendait compte que c'était
peut-être l'établissement qui avait un certain problème.
Alors, c'était où enlever le chapeau et où le laisser.
Pour moi, il y a des principes importants quand on travaille pour un
établissement, c'est la solidarité qu'on doit avoir envers notre
employeur. Pour moi, c'est un principe fondamental auquel je crois et je
continue à croire. C'est là qu'il n'était pas
nécessairement facile de faire le partage. On y allait toujours dans
l'intérêt de la personne et, comme il y avait une administration
qui était ouverte à l'intérêt de ces
bénéficiaires-là, on pouvait toujours trouver un terrain
d'entente, mais ça a créé chez certaines personnes, je
dirais, une certaine peur. C'était nouveau: Pourquoi chez nous?
Comme l'ombudsman du CHRDL était très proactif dans la
promotion et la défense des droits, ça a comme
insécurisé certaines personnes, mais les effets positifs ont
été très grands. (17 h 30)
M. Trudel: Insécuriser certaines personnes pas parmi les
usagers, c'est le contraire.
Mme Lynch: Absolument pas. M. Trudel: C'est le contraire.
Mme Lynch: Oui. C'est ce que je veux bien faire comprendre.
M. Trudel: C'est plutôt vers les responsables de
l'organisation des services. C'est extrêmement important ce que vous nous
dites là parce qu'un projet de loi vient d'être
déposé à l'Assemblée nationale - vous y avez fait
allusion il y a quelques minutes, on l'étudiera en commission
parlementaire à partir de la semaine prochaine - où
précisément la loi va obliger les établissements et les
régies régionales à nommer un de leurs cadres
supérieurs responsable du traitement et du mécanisme de
traitement des plaintes. Là, vous allez probablement vous montrer
très sceptique vis-à-vis ce mécanisme-là, vous qui
avez l'expérience?
Mme Lynch: Non. Je l'ai dit au départ, je crois au
traitement local des plaintes, et une majorité de plaintes peuvent
être traitées à ce niveau-là. Ce
mécanisme-là peut être profitable, à la condition
que le mécanisme externe existe. Je ne voudrais pas qu'on associe la
peur du réseau au Protecteur du citoyen. L'expérience que j'ai
vécue, je veux bien la cibler; cette peur-là était
vécue parce que c'était nouveau, les juridictions
étaient... Dans tout projet pilote les objectifs étaient clairs
mais, dans l'application, ce n'est pas nécessairement toujours facile
à vivre. Je ne voudrais pas qu'on pense que c'est un recours qui
pourrait faire peur d'une façon indue; c'était vraiment la
nouveauté et le rôle proactif que... Personnellement, il faut
détacher les choses aussi.
Mais pour répondre à votre question de façon plus
précise, il y a certains commentaires, effectivement, qu'on pourrait
apporter sur les modalités techniques qui sont prévues dans le
projet de loi. Qu'on reconnaisse l'imputabilité à une personne ou
à l'établissement, ou qu'on reconnaisse l'imputabilité de
l'établissement et qu'on oblige les établissements à
nommer une personne responsable du traitement des plaintes, ça me semble
fondamental. Le rattachement de cette personne-là, on peut en reparler.
À mon point de vue, elle devrait relever du conseil d'administration et
avoir à rendre compte aux administrateurs de l'établissement. Le
projet de loi a choisi une autre optique: le faire relever du directeur
général. À mon point de vue, ça ajoute à la
difficulté.
M. Trudel: Vous, nommément, dans votre fonction, en ce qui
regardait votre travail auprès de l'établissement, dans
l'établissement, vous releviez du conseil d'administration et non de la
direction générale?
Mme Lynch: Je relevais du président du conseil
d'administration et non pas du président du conseil, mais
évidemment que mon lien fonctionnel était avec le directeur
général, c'est évident. Si le contact avec le directeur
général n'est pas à la collaboration, il est tout à
fait...
M. Trudel: Très bien. Je reviendrai s'il reste quelques
instants tantôt. Merci beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): II va rester du temps. Aucun
problème. Alors, c'est très intéressant. Pour en revenir,
vous dites au début, évidemment, qu'on constate une absence de
recours sérieux et crédible pour les personnes utilisant le
réseau de la santé et des services sociaux. Vous parlez, à
un moment donné, du conseil régional. Vous dites, à un
moment donné, qu'il faudrait modifier tout ça, toujours dans le
contexte qu'il manque de crédibilité et de sérieux.
À ce niveau-là, toujours en tenant compte, évidemment, du
projet de loi 120, quelle modification précise y verriez-vous pour que
ça devienne plus sérieux, plus crédible et qu'il y ait une
confiance au système?
Mme Lynch: Quand on a un système local comme on avait dans
l'établissement pour lequel je travaillais, le recours au conseil
régional était très peu utilisé, effectivement,
surtout dans une région étendue comme celle où je
travaillais et où le conseil régional était bien loin et
non connu. La première grande difficulté qu'on constatait
lorsqu'une plainte était adressée au conseil régional,
c'est que le conseil avait juridiction uniquement en cas d'absence de service.
Généralement, les usagers, ce n'est pas nécessairement de
ça dont ils veulent se plaindre. Mon prédécesseur a
parlé des établissements qui refusent de traiter des
bénéficiaires ou d'admettre des bénéficiaires;
c'est une partie des plaintes. Les usagers qui vivent en établissement
les ont, les services. La qualité des services, le conseil
régional n'a même pas juridiction sur cette qualité de
services-là.
Je disais tout à l'heure que je croyais à
l'imputabilité des établissements, je crois aussi à
l'imputabilité du conseil régional, mais je continue à
penser que c'est un recours interne. C'est un recours qui est valable, à
la condition qu'un recours externe existe.
Le Président (M. Dauphin): Vous nous suggérez,
à un moment donné, dans le chapitre des "ombudspersons" - si vous
me permettez l'expression - qu'elles ne devraient pas relever du Protecteur du
citoyen. Par contre, dans la fiche technique vous concernant, dans votre ancien
rôle, étant déléguée du Protecteur du
citoyen, vous aviez, à ce moment-là, des pouvoirs et
l'immunité des commissaires-enquêteurs. Mais un "ombudsperson" ne
relevant pas du Protecteur du citoyen n'a pas cette immunité-là,
n'a pas ce pouvoir-là.
Mme Lynch: II faut bien comprendre que le pouvoir de
commissaire-enquêteur - que je n'ai jamais utilisé, soit dit en
passant, puisque tes relations avec le Curateur public ou la
Sécurité du revenu ont été harmonieuses et n'ont
jamais nécessité l'utilisation du pouvoir de
commissaire-enquêteur malgré que j'aie relevé, dans ces
dossiers-là, du Protecteur du citoyen - ça ne me donnait pas un
pouvoir de commissaire-enquêteur dans l'établissement pour lequel
je travaillais. Je n'ai même jamais eu accès aux dossiers des
bénéficiaires de l'établissement dans lequel
j'étais, comme ombudsman d'hôpital. C'était peut-être
une des difficultés. Comme Protecteur du citoyen, j'avais juridiction,
mais pas comme ombdusman de l'établissement.
Si j'ai bien compris le sens de votre question, vous souhaitez
peut-être qu'on aborde la question: Est-ce que l'ombudsman
d'établissement devrait relever du Protecteur du citoyen? Je
considère que la fonction d'ombudsman dans un établissement de
santé est une tâche très difficile. On est toujours entre
l'arbre et l'écor-ce. Les usagers, souvent, nous reprochent de ne pas en
faire trop et les responsables ou les administrateurs nous disent qu'on en fait
toujours trop. C'est difficile d'établir un partage et un
équilibre, d'avoir le ton et la démarche dans chacune des
plaintes et chacun des dossiers. Quand on est animé de valeurs qui nous
font donner un préjugé favorable aux bénéficiaires,
le partage n'est pas nécessairement facile. Mais à mon point de
vue, il est éminemment important de ne pas mêler les niveaux de
recours. Encore une fois, je crois à l'imputabilité de
l'établissement, je crois à son obligation de donner des services
de qualité et de faire en sorte, par tous les moyens à sa
disposition, de donner des services de qualité. Mais ça demeure
un recours de premier niveau. Le recours ne doit pas être fait pour
protéger ou faciliter la tâche de l'ombudsman. Même si c'est
une job difficile, ça fait partie, c'est inhérent à la
fonction, que ce soit difficile. Le recours doit être au profit des
usagers, il doit leur appartenir et il doit faire en sorte qu'ils puissent
avoir une audition impartiale d'une situation qui ne vient pas d'un prestataire
de services.
Le Président (M. Dauphin): Dans le rôle important
que vous avez joué à cet hôpital régional de
Lanaudière, au Centre hospitalier de Lanaudière, avez-vous
déjà été témoin d'usagers ou de
bénéficiaires qui vous auraient dit qu'ils ne faisaient pas de
requête ou de plainte de peur
de représailles?
Mme Lynch: Oui. C'est une des difficultés que, moi, je
n'ai pas vécue, mais que plusieurs ombudsmans d'autres
établissements ont vécue, de pouvoir agir de sa propre initiative
sans avoir à donner les sources. Dans l'établissement où
je travaPlais, je n'ai jamais eu à le faire, à dévoiler
mes sources. J'ai eu fréquemment des usagers qui sont venus me
rencontrer et me dire: Je te dis ce que j'ai à te dire parce qu'il faut
que je le dise à quelqu'un, mais je ne veux pas que tu fasses rien avec
parce que j'ai trop peur des représailles. Alors, ce que je peux
répondre à l'usager, à ce moment-là: C'est
difficile pour moi de t'akJer si tu ne peux pas t'identtfier. À ce
moment-là, on pouvait développer, à partir du moment
où je ne suis pas obligée de dévoiler mes sources, des
moyens où on pouvait taire la plainte un certain temps et la remettre
sur le tapis sans identifier la personne, quand c'était possible. Mais,
effectivement, vous avez tout à fait raison, dans beaucoup de
situations, les usagers vont se taire parce qu'ils se disent: La correction que
je souhaite ne me sera pas donnée et ça va être pire
après.
Un autre élément très important quand on peut agir
de sa propre initiative, c'est que les employés souvent viennent nous
parler de situations que vivent les bénéficiaires parce qu'ils
ont très peu d'endroits, dans notre réseau, pour pouvoir apporter
ce genre d'information.
Le Président (M. Dauphin): Vous dites, un peu plus loin,
si vous me permettez, aux pages 7 et 8 de votre mémoire, qu'on doit
cesser de reconnaître dans la loi les comités de
bénéficiaires comme un recours car ils sont et doivent demeurer
des mécanismes d'aide et d'accompagnement. Vous dites, un peu plus loin
dans le mémoire, qu'il faut un support et un rôle accru aux
comités de bénéficiaires pour leur permettre de jouer un
rôle critique déterminant. Qu'est-ce que vous entendez par un
rôle accru pour ces comités de bénéficiaires?
Mme Lynch: C'est qu'on a constaté qu'on a souvent, autant
auprès des usagers que de certains de ces mécanismes-là,
confondu les rôles et les responsabilités de chacun. Il y a une
différence, pour moi, entre être un mécanisme d'aide et
d'accompagnement et assister une personne à exercer un droit. C'est
toute la distinction entre la promotion et la défense par rapport
à la protection des droits. Pour moi, un comité de
bénéficiaires est l'instance qui aide le
bénéficiaire, qui l'achemine et l'accompagne dans sa
démarche, si besoin est, ou qui le fait à sa place s'il est
incapable de le faire, qui l'accompagne dans sa démarche face à
un recours. C'est ce que je voulais dire dans ce texte-là. Quand on dit
qu'il y a des comités de bénéficiaires, que tout va
baigner dans l'huile si les comités de bénéficiaires sont
renforcés, oui, l'aide et l'accompagnement vont être là,
mais ça ne fait pas pour autant qu'on intensifie ou qu'on
améliore nos recours. C'est les recours qui sont responsables de la
protection des droits des personnes, ce que le Protecteur du citoyen fait.
Le Président (M. Dauphin): O.K. Je vais maintenant
reconnaître M. le député d'Iberville, ensuite, je
reconnaîtrai M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Lafrance: Oui. Merci, M. le Président. Ma question
touche le rôle du Curateur public. Tout à l'heure, j'ai
demandé au Curateur public de me préciser comment il pouvait
s'assurer de la défense des droits des personnes qui sont
complètement démunies, qui sont prises en charge par le Curateur
public d'une façon permanente et quotidienne, si on veut, dans nos
institutions? On m'a répondu que la fréquence était
très grande, que, tous les jours, on s'occupait de ça. Or, vous
qui avez oeuvré sur les lieux mêmes d'un centre hospitalier, je
vois en page 28, ici, que vous marquez: "II serait faux de prétendre
qu'actuellement le Curateur public est présent auprès de ses
administrés et qu'il les assiste ou les représente dans chacun
des actes importants qui les concerne. Le Curateur public fait confiance aux
établissements et n'a, pour l'instant, aucun mécanisme de
contrôle sur la qualité des services offerts à ses
administrés." En page 29, vous mentionnez que, par contre, avec la
nouvelle loi, vous souhaitez que cette situation-là soit
améliorée. Ce qui me laisse des doutes, moi. Comment vous
envisagez un mécanisme de collaboration entre le Curateur public et,
éventuellement, le Protecteur du citoyen dans le milieu?
Mme Lynch: Je pense qu'il faut distinguer le Curateur public en
deux phases, l'ancien et le nouveau temps, je dirais. Par tradition, le
Curateur public s'était préoccupé davantage de gestion de
patrimoine ou de protection de l'argent des personnes. Depuis plusieurs
années, on constate un vent contraire, et je pense que le Curateur est
très intéressé aux droits des personnes, à la
protection des usagers ou des personnes dans le réseau, puisque,
majoritairement, 85 % ou à peu près 85 % de sa clientèle
se retrouve en hébergement ou en établissement. On a vécu,
par la délégation du Protecteur du citoyen que j'avais, des
contacts, on a vécu des contacts privilégiés ensemble, et
je pense que le Curateur était très intéressé
à être informé de la situation qui prévalait dans
les établissements. Ça lui a permis d'entendre certaines
situations et d'apporter des modifications à ses pratiques de gestion.
Pour moi, ce n'est qu'un début, et la régionalisation, le
Curateur souhaite se régionaliser, se rapprocher de ses usagers. Il a
ciblé trois régions administratives, il nous informe que
c'est un projet pilote. J'ai la conviction qu'il va l'étendre
à la majorité des régions. Mais le partenariat, qui est un
mot très utilisé dans notre réseau depuis quelque temps,
me semble être la solution que le Curateur a envisagée avec les
différents partenaires du réseau. Le Protecteur en est un
privilégié, et je considère, en tout cas, à partir
de l'expérience positive que j'ai vécue, que c'est un indice
important et intéressant à l'effet que le Curateur et le
Protecteur peuvent collaborer.
M. Lafrance: Autrement dit, vous verriez un mécanisme par
lequel, plus ou moins automatiquement, dès qu'une personne serait sous
la curatelle, on ferait appel au Protecteur du citoyen pour avoir un oeil sur
ses droits...
Mme Lynch: Oui...
M. Lafrance: ...comme patient, comme
bénéficiaire.
Mme Lynch: ...mais il faut comprendre que les
bénéficiaires qui sont en curatelle sous la juridiction du
Curateur public dans les établissements de santé n'ont pas une
étiquette sur le front où il est indiqué qu'ils sont sous
ce régime de protection.
M. Lafrance: Non.
Mme Lynch: II y en a plusieurs qui devraient y être et qui
ne le sont pas et il y en a plusieurs qui ne devraient pas y être et qui
y sont. Quand les gens adressent une plainte... Très souvent, je
traitais une plainte, comme ombudsman d'hôpital, pour me rendre compte,
finalement, que c'était une personne qui était sous la
juridiction du Curateur public. Alors là, je devais changer de chapeau,
mettre mon chapeau de... Ce que je veux dire, c'est que les gens s'adresseront
soit au Curateur public, lorsqu'ils sont... Les mécanismes d'aide et
d'accompagnement accompagneront un bénéficiaire, ils ne
s'adresseront pas nécessairement au Curateur public, ils pourront
d'emblée s'adresser au Protecteur du citoyen. Ce n'est pas le fait du
lieu d'hébergement ou du fait qu'il soit représenté ou
assisté qui devra lui donner le droit d'être entendu dans sa
plainte. Cependant, lorsque le Curateur public aura à intervenir ou
à être informé des problématiques que vit la
personne, des mécanismes devront effectivement exister comme il y en a
actuellement.
M. Lafrance: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président.
Je veux revenir un tout petit peu sur cet aspect de l'entre-deux de
votre travail. Vous avez eu une belle expression en disant que c'est un travail
extrêmement difficile parce que généralement, du
côté des usagers, vous viviez avec beaucoup de plaintes ou de
remarques. Vous en faisiez peut-être trop peu. Du côté de
l'administration des services hospitaliers, probablement que vous en faisiez
beaucoup trop, tout simplement.
Ce que ça traduit, pour moi, là, ça veut dire qu'au
moment où on désignera un cadre supérieur, tel que le
prévoit le projet de loi, pour administrer le système de plaintes
et administrer les plaintes elles-mêmes, ça va être
invivable pour cette personne. Ça sera invivable - ça
dépend du point de vue où je me place, bien sûr, je
comprends ça - pour la personne si, vraiment, elle adopte la philosophie
que vous nous indiquez dans votre document et que vous semblez avoir
adoptée, c'est-à-dire un préjugé favorable en
faveur de l'usager. Ce sera invivable. Donc, c'est un système qui est
appelé, j'allais dire, à s'éteindre lui-même,
puisqu'il n'y aura pas de liens de confiance qui vont s'établir. C'est
impossible à vivre, ce système-là, pour quelqu'un qui est,
au surplus, un cadre supérieur. Est-ce que vous êtes d'accord avec
cela? (17 h 45)
Mme Lynch: Je suis tout à fait d'accord avec vous. La
relative indépendance des ombuds-mans qui relèvent des conseils
d'administration, actuellement, est sûrement la chance de survie. On
souhaitait qu'un comité de vigilance du conseil d'administration soit
sur pied pour aider, assister et encadrer cette personne-là et qu'elle
ne soit pas en lien direct ou relevant directement du dispensateur de services.
Je vois mal un directeur général adjoint - puisqu'on peut
peut-être penser que ça pourrait être lui qui traitera ces
plaintes-là - dans un comité de direction, mettre son chapeau de
responsable du traitement des plaintes et "clencher" le directeur des soins
infirmiers en face de lui quand c'est son client dans la majorité de ses
autres dossiers. Effectivement, j'ai énormément de
difficultés à voir comment il va vivre son rôle. Je vous
avoue que je vais le regarder d'un oeil amusé et critique. Dans le
projet de loi, ce n'est pas très clair; on ne sait pas si ce cadre
supérieur va pouvoir déléguer la fonction à un
ombudsman actuellement. On ne sait pas ce qui va arriver des ombudsmans ou des
conseillères à la clientèle, peu importe le nom qu'elles
portent. Je dis "elles" parce que c'est majoritairement des femmes. On a
peut-être une personnalité différente capable d'absorber
l'insatisfaction des gens à long terme, mais comment ces personnes vont
s'en sortir? On ne sait pas ce qui va arriver finalement des ombudsmans qui
existent actuellement, qui étaient en poste et qui faisaient
malgré tout un travail de Titan dans certaines circonstances.
M. Trudel: Oui, parce que, effectivement, vous avez raison, on ne
sait pas actuellement en détail si on pourra
déléguer...
Mme Lynch: Non.
M. Trudel: ...cette fonction à une personne ou à
l'inverse?
Mme Lynch: Exactement.
M. Trudel: Là, ce serait d'enfermer la personne dans une
sécurité maximale. Je vous dirais de nommer l'ombudsman cadre
supérieur, de nommer T'ombudsperson" en place cadre supérieur
pour être capable de lui donner la responsabilité au niveau du
texte de la loi.
Mme Lynch: On ne le sait pas, sauf que ça ne semble pas,
en tout cas, aller dans le respect du préjugé favorable à
l'usager, ça ne semble pas aller dans ce sens-là, peu importe la
solution qu'on prendra.
M. Trudel: Sur le mécanisme à établir pour
le traitement des plaintes dans les établissements du réseau de
la santé et des services sociaux, vous suggérez dans votre
mémoire que ce mécanisme devrait recevoir une espèce
d'appréciation quant à sa validité par le Protecteur du
citoyen. Au niveau de la Loi sur la santé et les services sociaux,
est-ce que vous pensez que nous devrions aller jusqu'à inscrire
ça dans la loi? C'est-à-dire qu'il y a l'imputabilité du
ministre qui joue tout le temps, c'est lui qui est le responsable devant
l'Assemblée nationale, devant le Parlement, de ce secteur
d'activité, mais en particulier, vous, vous dites: On devrait s'obliger
- parce que c'est un phénomène social dont on parle ici -
à recevoir une espèce de sceau de validité du Protecteur
du citoyen quant au mécanisme, quant au processus pour le traitement des
plaintes.
Mme Lynch: Quant au protocole ou aux modalités de
fonctionnement.
M. Trudel: C'est parce que vous craignez que l'on adopte des
procédures trop sommaires, que l'on soit expéditifs, et
vous...
Mme Lynch: Dans certains établissements on a choisi, par
exemple, d'adopter une charte des droits des malades ou un code
d'éthique des employés qu'on fait laminer, qu'on met à
l'entrée des établissements, et ça reste là. C'est
un petit peu ce à quoi je faisais référence, que ce soit
un mécanisme utilise, utilisable. Dans le mémoire, je dis que
même le responsable devrait voir son nom inscrit dans un calendrier comme
la Commission d'accès fait pour que tout le monde sache qui est la
personne responsable du traitement des plaintes. Ce que je voulais,
c'était de responsabiliser les établissements par rapport
à ce rôle-là et que leur procédure de traitement des
plaintes prévoie, en plus de principes intéressants, une
application simple, facile et proche des personnes pour lesquelles elle est
faite finalement. C'était un petit peu pour ça que je souhaitais
qu'il y ait un peu un regard extérieur à partir d'une expertise
que le Protecteur a développée quant au traitement des plaintes,
et pour favoriser aussi une espèce d'uniformisation. On a
constaté depuis plusieurs années dans notre réseau,
même si le conseil régional avait, par exemple, une petite
juridiction sur le traitement des plaintes, des disparités
énormes d'une région à une autre.
Il me semble qu'il est important qu'on uniformise et qu'on bonifie,
qu'on fasse profiter aux établissements un peu plus faibles des acquis
des établissements plus forts. Je constate dans notre réseau
qu'on réinvente constamment la roue. Ce serait peut-être
intéressant qu'on partage les bons coups des établissements et
qu'on en fasse profiter tout le monde.
M. Trudel: Le Protecteur du citoyen, semble-t-il, n'avait pas
beaucoup tort, avant les fêtes, lorsqu'il écrivait au ministre de
la Santé et des Services sociaux et déclarait qu'il y aurait
dorénavant 17 sortes de justice, compte tenu des 17 régions
"sociosanitaires", qu'il y aurait une régie régionale et qu'il
serait chargé, dorénavant, d'administrer les plaintes. Vous dites
que même à l'intérieur de votre propre région, vous
avez observé dans votre travail des disparités énormes
allant du mécanisme le plus sommaire jusqu'à un mécanisme
que je pense quand même assez développé dans le centre
hospitalier dans lequel vous viviez. Je pense qu'on ne doit pas trouver
beaucoup beaucoup d'équivalents au Québec - il y en a, je le sais
- au niveau du mécanisme et de la responsabilité du traitement
des plaintes.
Donc, le Protecteur, là-dessus... C'est extrêmement
intéressant ce que vous suggérez, qu'à tout le moins, si
cette commission n'en arrivait pas à recommander l'extension du mandat
du Protecteur, il y ait ici une suggestion extrêmement importante: au
moins, faire la recommandation de l'approbation du processus, compte tenu de
l'expertise. C'est le minimum.
Mme Lynch: J'ai de la misère à vous suivre parce
que mettre un "rubbing stamp" sur une procédure sur laquelle on n'a pas
juridiction et sur laquelle on ne peut pas analyser dans le quotidien ou
utiliser un pouvoir de commissaire-enquêteur pour aller voir,
vérifier justement, ça me semble un petit peu sommaire. La
règle du "rubbing stamp", on la connaît bien dans notre
réseau. Alors, ce serait peut-être intéressant qu'on aille
un peu plus loin.
M. Trudel: Comprenez-moi bien, madame. Ce que je disais, ce n'est
pas d'aller d'abord vers
cette recommandation. Mais, comme la manifestation actuelle en
matière de santé et de services sociaux, ce n'est pas d'aller
vers un recours externe au Protecteur du citoyen, le minimum, le strict minimum
vers lequel on doit aller, c'est l'uniformisation et la
crédibilité du processus de traitement des plaintes. Ça me
semble minimum.
J'ai oublié tantôt une petite question et ça aussi
je pense que c'est important. Dans la fiche signalétique qu'on nous a
distribuée suite à la présentation de votre
mémoire, on nous fait une distribution en pourcentage du nombre de
plaintes que vous avez reçues ou administrées pendant une
année. 42 % des 643 plaintes que vous avez reçues,
administrées et traitées, disons, étaient en provenance de
bénéficiaires, et 36 % en provenance du personnel. C'est
énorme?
Mme Lynch: Oui. Je vais vous expliquer. D'abord, pour clarifier
certaines... Ce n'était pas 643 plaintes, mais plaintes et demandes
d'assistance, je pense que c'est important. Ça semble gros quand on dit
ça. Je ne voudrais pas que vous pensiez, que vous reteniez que
l'établissement était à ce point inadéquat, qu'on
recevait autant de plaintes. Très souvent, c'est le contraire. Quand il
y avait des unités de soins pour lesquelles je ne recevais jamais de
plainte, c'est là que je me préoccupais, beaucoup plus que pour
celles qui favorisaient la transparence et l'exercice de l'expression des
personnes.
Votre question est intéressante. Je l'ai soulevée
rapidement tout à l'heure. Je suis contente que vous me donniez la
chance d'y revenir. Effectivement, 43 % des plaintes provenaient des usagers et
je ne me souviens plus de mes statistiques, mais la majorité
n'étaient pas écrites, puisque la majorité des usagers du
réseau ont certaines difficultés. Dans le projet de loi, on parle
d'écrire sa plainte. 36 % venaient du personnel, effectivement,
pourquoi? À cause de la crédibilité
développée au fil des ans par le service, à cause de
l'indépendance relative - mais indépendance tout de même -
dont je disposais, et aussi parce que je n'avais pas besoin de dévoiler
mes sources. J'en faisais état tout à l'heure à la
question de M. le Président. Les employés n'ont pas beaucoup
d'endroits dans notre réseau de la santé pour venir verbaliser
les dysfonctions qu'ils constatent.
Il n'y a pas beaucoup d'endroits où les personnes qui sont
animées de valeurs, qui respectent les droits de la personne, où
ils peuvent venir la déposer, la plainte, en étant
protégés, en sachant qu'ils ne seront pas... Je vais
peut-être essayer, ça va peut-être être plus facile en
vous donnant un exemple que j'ai vécu, qui a été
corrigé. C'est pour ça que je vous en parle. Mon ex-directeur
général ne me chicanera pas...
M. Trudel: II n'a plus autorité sur vous.
Mme Lynch: Une éducatrice qui n'est pas attitrée
à une unité de soins, c'est-à-dire qui se promène
d'une unité à l'autre et qui, sur consultation, lorsqu'elle est
appelée, constate une règle, une façon de procéder
pour donner des bains à des personnes âgées, qui est tout
à fait inacceptable.
Elle descend dans mon bureau en colère, dépassée
par les événements. C'est évident. J'ai pris le
téléphone, j'ai appelé le chef de service pour
vérifier la validité. C'était vrai. Ça se passait
comme ça, mais on n'a pas de moyens, mais on n'a pas ci... Bon. Alors,
la deuxième démarche a été d'appeler le directeur
général pour l'informer de ça. C'est évident que,
dans la semaine, des budgets ont été votés, un bain
hydraulique a été acheté, et on a changé les
techniques. Sauf que l'employée concernée a été
prise à partie par son syndicat ou par les syndicats, parce qu'elle
avait dénoncé le comportement d'autres employés. Le chef
de service de l'unité a parlé à l'autre chef de service de
l'employée pour lui dire: Elle aurait dû venir me voir avant.
C'était une situation qui perdurait depuis longtemps. Finalement,
l'employée est partie en "burnout" et n'est jamais revenue. Ça
m'a permis de mettre sur pied ou de bonifier ma procédure pour
éviter, justement, ce genre de situation là et ce genre de
représailles... Procédure de protection, finalement, des
employés. Ça a permis, ça, pour éviter, justement,
que les employés se privent de venir transmettre de l'information. C'est
un exemple que je donne parce que les employés se sont sentis pris en
faute, puisqu'on a questionné leur façon d'intervenir, ils se
sont sentis... Et tout le monde était un peu défensif.
L'ombudsman s'est mis le nez là-dedans et s'est rendu au conseil
d'administration. Finalement, aujourd'hui, si vous leur rappelez cette
situation-là, ils ne s'en souviennent plus que c'est parti d'une
plainte. Ils sont contents, ils ont eu un bain, ils ont eu d'autres techniques
et ils ne se souviennent plus qu'ils ont agi de cette façon-là,
sauf que, pour une employée, ça a été
difficile.
C'est ça que je veux dire quand je parle d'autorégulation
dans notre réseau qui n'existe pas. Il n'y a pas beaucoup de place
où on peut, de façon anonyme, faire une délation -
j'emploie le mot, mais très positivement - dans l'intérêt
des personnes démunies qui n'ont souvent personne pour les
représenter. Ça a été la même chose pour
certaines familles où c'était moins évident parce qu'elles
ne travaillaient pas dans rétablissement.
J'apporte cet exemple là. Je n'étais pas
préparée à vous l'apporter, je vous le livre comme
ça pour vous démontrer, finalement, la difficulté, dans ce
réseau-là, de vivre des situations difficiles.
M. Trudel: Avec cette belle illustration, vous n'aviez pas besoin
davantage de préparation.
Imaginez, encore une fois, dans ce qui est prévu au niveau de
la nouvelle loi, si ce même employé devait faire le même
geste par rapport à un cadre supérieur de
l'établissement.
Mme Lynch: II ne le fera pas.
M. Trudel: C'est dans un monde irréel, ça ne se
passera pas.
Mme Lynch: C'est pour ça que ça prend un recours
extérieur qui garantit les sources.
M. Trudel: Compte tenu de la proportion, à titre
indicatif, de plaintes que vous avez reçues de cette catégorie de
personnes dans l'établissement, écoutez, c'est quasi le
même nombre de plaintes que les bénéficiaires
eux-mêmes. C'est fondamentalement important.
Mme Lynch: Oui, et c'est précieux, hein! M. Trudel:
Est-ce que j'ai le droit de...
Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet, si
vous me permettez.
M. Trudel: Excusez-moi.
Le Président (M. Dauphin): C'est parce que...
M. Trudel: Allez-y.
Le Président (M. Dauphin): Ou allez-y. Est-ce que c'est
sur le même sujet encore?
M. Trudel: Non. Ce n'est pas le même sujet.
Le Président (M. Dauphin): Non. Sur le même sujet,
dorénavant, le projet de loi 120 exige une plainte par écrit,
s'il est adopté un jour. Il y a toujours possibilité de
modification. Avec votre expérience et voyant votre fiche technique
à 36 % des plaintes portées par le personnel, croyez-vous que les
employés vont continuer de porter plainte comme avant?
Mme Lynch: Non.
Le Président (M. Dauphin): Non?
Mme Lynch: Peut-être que je vous répondrais qu'avant
de quitter l'établissement, avant les fêtes, j'ai rencontré
les comités de bénéficiaires et je leur ai expliqué
un petit peu le contenu du projet de loi, et les bénéficiaires en
psychiatrie on souhaité que le ministre soit hébergé une
semaine. Ils sont convaincus qu'il va modifier beaucoup de choses dans son
projet de loi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lynch: C'était une proposition que les
bénéficiaires faisaient. Alors, je vous la transmets en leur
nom.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue pourrait utiliser la période
de questions, justement, pour poser la question plus tard.
M. Trudel: En précisant toujours, M. le Président,
parce que je ne veux quand même pas dire des choses in absentia du
ministre qui aura l'occasion de répondre à sa commission
parlementaire, là où ça doit se discuter. On pourra
rapporter ces propos pour lui donner la chance de répliquer, bien
sûr. Est-ce que j'ai la...
Le Président (M. Dauphin): Allez-y, continuez.
M. Trudel: C'est tout le secteur des plaintes concernant les
actes professionnels. Là, on touche au gros morceau des services, de
l'administration des services et des droits à recevoir des services
prévus à la loi ou dans les règlements. Mais quant aux
actes professionnels, vous avez l'air de nager en plein désespoir.
Est-ce juste?
Mme Lynch: Oui.
M. Trudel: J'ai envie de vous poser carrément la question.
Encore une fois, vous avez une longue expérience de travail et vous avez
dû probablement, à moult occasions, repousser des plaintes parce
que, étant hors de votre compétence, c'est-à-dire qu'elles
étaient, eu égard à des actes professionnels
réalisés par des professionnels ou des actes médicaux
réalisés par des professionnels, et qu'elles devaient donc
être adressées - si on me permet l'anglicisme - au comité
disciplinaire des corporations professionnelles. Vous n'avez plus l'air de
croire à ça du tout. (18 heures)
Mme Lynch: Dans le déroulement quotidien des
activités, lorsque j'informais un bénéficiaire qu'il
pouvait être entendu par le directeur des services professionnels ou par
le président du conseil des médecins et dentistes, mais que je ne
pouvais pas l'accompagner parce que ça se passe entre pairs et que
l'ombudsman n'est pas invité, ou qu'il pouvait aller à la
corporation professionnelle, en général, l'usager quittait mon
bureau pas très heureux, je dirais, et ne poursuivait pas sa demande.
Pour un usager, le fait de déposer sa plainte à un conseil des
médecins et dentistes, par exemple, à partir du moment où
il dépose sa plainte et qu'il la perd, c'est-à-dire qu'il n'est
pas informé du suivi, il n'est pas entendu parce que ce n'était
pas essentiel que la personne soit entendue, il ne peut pas être
représenté, il ne peut pas être assisté, il n'a
pas
nécessairement le préjugé favorable en partant. La
majorité des clients laissent tomber. Quand on leur dit qu'ils peuvent
recourir aux corporations professionnelles, c'est... À ma connaissance,
j'ai travaillé presque six ans au CHRDL, j'ai vu deux comités de
discipline du Conseil des médecins et dentistes et une fois, une plainte
à la Corporation des médecins. Ce n'était pas trois
plaintes en huit ans que j'ai reçues, ça s'éteint,
effectivement. On laisse au bénéficiaire un seul et unique
recours, le recours judiciaire, je le disais tout à l'heure, et les
médecins ont peur des poursuites, mais je n'ai pas encore entendu, en
tout cas, d'ouverture à une médiation ou à un autre
fonctionnement qui éviterait et qui réglerait la plainte à
la base, qui éviterait qu'elle prenne les proportions qu'elle prend
lorsqu'elle aboutit devant les tribunaux.
M. Trudel: Sur la base de votre expérience, vous, vous
dites qu'il faut souhaiter la disparition pure et simple de ces recours.
Mme Lynch: Ce n'est pas ce que je dis, je dis que ce serait un
réaménagement souhaitable à beaucoup d'égards par
rapport au traitement des plaintes en établissement; je ne parle pas des
corporations professionnelles, je me suis préoccupée beaucoup
plus dans l'établissement. À partir du moment où ce qu'on
aurait peut-être souhaité, c'est un mécanisme de traitement
des plaintes relevant du conseil d'administration qui aurait pu entendre une
personne relativement indépendante, qui aurait pu indépendamment
entendre ces plaintes-là aussi qui concernent l'acte professionnel,
qu'on ne fasse pas une chasse gardée et qu'on ne la traite pas entre
pairs, on aurait peut-être souhaité ça dans un premier
temps.
M. Trudel: Ce serait quoi, le mécanisme correctif,
à votre avis, pour pas que ce soit traité uniquement entre
pairs.
Mme Lynch: À partir du moment où les ombudsmans ou,
en tout cas, appelons-les comme on veut, ne sont pas des cadres
supérieurs, relèvent du conseil d'administration, ils sont dans
un comité de vigilance et ils peuvent entendre ces plaintes-là.
J'imagine qu'une grande majorité des plaintes pourraient être
entendues. Si le responsable administratif du traitement des plaintes avait
aussi juridiction sur les plaintes concernant... Je ne parle pas du
système qui est proposé dans la loi 120, je parle d'un
système un peu plus orienté sur ce qu'on connait maintenant,
Pombudsmanship", finalement, où la personne relève du conseil
d'administration; elle peut entendre la plainte et assister le
bénéficiaire. Qu'on ne fasse pas deux protocoles de traitement
des plaintes, mais qu'il y en ait un, et que les plaintes concernant l'acte
professionnel soient aussi entendues par l'administration de l'établis-
sement.
Tout le débat entre le médecin travailleur autonome versus
le mandataire, l'établissement, ce débat-là a encore cours
actuellement, mais, de plus en plus, le contrat entre le
bénéficiaire et le médecin est inexistant,
c'est-à-dire que, quand vous arrivez à l'hôpital, vous ne
choisissez pas votre médecin, on vous en assigne un compte tenu des
privilèges dans l'établissement et compte tenu du champ
d'expertise que vous nécessitez. Donc, l'établissement est partie
à la décision, vous ne négociez plus directement avec
votre médecin. Les médecins travaillent de plus en plus en pool;
vous avez six médecins, vous pouvez voir l'un, l'autre ou l'autre. Alors
ce n'est plus une relation vraiment privilégiée et contractuelle.
À mon point de vue, les établissements ont des
responsabilités face aux actes qui s'y posent et il y a certains champs
d'expertise sur la compétence médicale qui doivent appartenir aux
pairs, mais il y a une partie de comportement, d'attitude qui doit être
traitée, à mon point de vue, comme n'importe quelle autre
plainte. Majoritairement, les usagers que je décrivais tout à
l'heure, en santé mentale, bon, se plaignent principalement de
l'attitude, de la présence, de l'absence ou des comportements, beaucoup
plus que de l'erreur médicale. Ce n'est pas ça,
généralement, que les usagers nous apportent comme
problématique. Je pense que si on veut établir la
compétence d'un médecin, oui, l'analyse entre pairs est
essentielle, mais il y a... Ça va? Vous comprenez ce que je veux
dire?
M. Trudel: Je veux juste une précision. Ce que vous nous
dites, c'est: II devrait y avoir un seul mécanisme de traitement des
plaintes... Un idéal, enfin, souhaitable...
Mme Lynch: Oui.
M. Trudel: Un seul mécanisme de traitement des plaintes,
que ce soit à l'égard des actes professionnels commis par
certains professionnels couverts par etc. ou par rapport aux autres dimensions.
D'autre part, étant reçue au même endroit et traitée
au même endroit, en ce qui concerne la responsabilité
professionnelle au niveau de l'acte, ce pourrait être le Protecteur ou la
personne chargée de traiter les plaintes qui serait chargée, si
vous voulez, de faire le suivi auprès du CMDP. C'est ça?
Mme Lynch: Oui.
M. Trudel: Que ce ne soit pas, tout simplement, comme c'est
actuellement: tu fais ta plainte au CMDP. Ce que vous nous avez cité
comme statistique où à peu près, dans 99 % des cas, c'est
repoussé, et c'est un processus très fermé.
Mme Lynch: Les personnes abandonnent leur
plainte. Oui, c'est ça.
M. Trudel: Alors vous dites: Là, ce serait la personne
responsable qui devrait être chargée de porter, si vous voulez, le
processus de la plainte, ou comme quelqu'un nous a dit cet après-midi,
dès le moment où on signale cette plainte au CMDP, la plainte
n'appartient plus au plaignant, il est dépossédé de sa
plainte.
Mme Lynch: Exactement.
M. Trudel: Là, vous agiriez, en quelque sorte, pour et au
nom de, et le plaignant ne serait plus dépossédé de sa
plainte, dans ce processus-là.
Mme Lynch: II pourrait la reporter à un recours
extérieur, si ce sont les corporations qu'on maintient, mais en toute
connaissance de cause, en ayant vu l'élaboration du...
M. Trudel: Est-ce que j'ai le droit à une toute
dernière, M. le Président?
Le Président (M. Dauphin): Vous avez largement
dépassé votre temps, mais étant donné que la
présidence est très souple, je vais vous en laisser une
dernière, mais j'en aurais une, moi aussi, par exemple...
M. Trudel: Allez-y avant, parce que votre souplesse va
peut-être vous coûter cher autrement.
Le Président (M. Dauphin): Vous êtes bien gentil.
C'est parce que c'est embêtant pour moi de couper la parole, quand je
veux parler moi-même, mais, à tout événement... La
curatrice publique est venue juste avant vous, tantôt. On parlait de
recours externe à un troisième niveau, elle nous disait soit
devant le Protecteur du citoyen ou devant la Commission des affaires sociales,
mais avec un véritable recours et non pas une fois par 10 ans, comme
c'est le cas actuellement. Vous, de votre côté, quel serait le
meilleur choix? Médecine douce, ou bien donc tribunal, en souhaitant que
les délais ne soient pas trop longs, avec un pouvoir c?rcitif?
Mme Lynch: Bien, c'est évident. Je pense que ma
démonstration favorise une justice proche des personnes, souple,
déjudiciarisée. Encore une fois, le recours aux tribunaux,
souvent, n'est pas la réparation, n'est pas l'instance
privilégiée pour obtenir la réparation souhaitée. A
mon point de vue, même si la Commission des affaires sociales n'existe
plus dans le projet de loi, il devrait peut-être y exister... Mais, pour
moi, on ne devrait pas mixer le pouvoir de relation entre les deux. Le
Protecteur du citoyen doit demeurer un recours non judiciaire, c'est ce qui
fait sa force et ce qui favorise sa rapidité d'intervention.
Le Président (M. Dauphin): Excellent Aile/ y, M. le
député
M. Trudel: On pourra traiter, donc, un peu de la plainte en
institution au niveau des CMOP. C'est votre opinion que je veux avoir,
là, sur les corporations professionnelles. Ça aussi, vous y avez
forcément touché, je veux dire au sens où vous avez
été appelée, probablement, à vous faire un jugement
là-dessus. C'est quoi votre évaluation de ce processus-là
de traitement des comités disciplinaires dans les corporations
professionnels.
Mme Lynch: Mon jugement est à peu près le
même que celui des CMDP. Je n'ai pas d'autre élément
à ajouter: l'absence de transparence, les jugements entre pairs,
l'écrémage des informations, la difficulté pour l'usager
ou la personne d'avoir un préjugé favorable au départ. Ce
qui est simple et facile, les plaintes pas très graves ou pas
très importantes, se règle normalement très facilement.
Mais les plaintes un peu plus importantes, en général, on les
voit disparaître. Il y a aussi la réparation, lorsqu'un
bénéficiaire... La corporation peut recommander la suppression de
privilèges, la radiation... Ce n'est pas ça que l'usager veut. La
réparation que la corporation peut apporter n'est pas celle que l'usager
veut. Ça n'amène pas nécessairement des modifications de
comportement ou la prestation d'une façon différente d'un
service. Je comprends les usagers de ne pas utiliser le recours à la
corporation professionnelle pour les raisons qu'on a
énumé-rées mais aussi pour celle-là. Ce n'est pas
un vrai système de médiation où on va s'assurer que, dans
l'établissement, l'usager va obtenir le service de qualité.
M. Trudel: Ça prendrait une autre heure, là,
hein?
Le Président (M. Dauphin): Alors, malheureusement, c'est
tout le temps qui nous était alloué, mais, Mme Lynch, au nom de
tous les membres de la commission, nous vous remercions sincèrement pour
votre très intéressant témoignage.
Mme Lynch: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci et bon retour. Alors la
commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, alors que nous
entendrons Mme Jocelyne Charbonneau, ombudsman à l'hôpital
Rivière-des-Prairies.
(Suspension de la séance à 18 h 10)
(Reprisée 19 h 35)
Le Président (M. Dauphin): La commission
des institutions reprend les travaux de son mandat qui est de tenir des
auditions publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des
activités et de la gestion du Protecteur du citoyen.
Alors, ce soir, nous entendrons trois groupes, trois invités,
à commencer par Mme Jocelyne Charbonneau, ombudsman à
l'hôpital Rivière-des-Prairies, pour 45 minutes; ensuite de
ça, nous entendrons Mme Francine B. Bergeron, conseillère
à la clientèle à l'hôpital Sainte-Justine; et
finalement, nous terminerons avec la Commission de protection des droits de la
jeunesse.
Alors Mme Charbonneau, bienvenue à notre commission sur les
institutions. Si vous voulez bien présenter les personnes qui vous
accompagnent.
Ombudsman à l'hôpital
Rivière-des-Prairies
Mme Charbonneau (Jocelyne): Avec plaisir.
Le Président (M. Dauphin): Et je vous dis tout de suite,
si vous me le permettez, que vous avez droit à 15 minutes pour votre
exposé.
Mme Charbonneau: Alors bonsoir, M. le Président, bonsoir
MM. les commissaires, Mme la commissaire. Je suis accompagnée ce soir de
deux membres du comité de bénéficiaires de l'hôpital
Rivière-des-Prairies, qu'il me fait plaisir de vous présenter.
Mme Françoise Laurin, qui est la présidente du comité et
Mme Andrée Frechette, qui est la vice-présidente du comité
de bénéficiaires.
Je vais vous expliquer la composition du comité de
bénéficiaires à l'hôpital
Rivière-des-Prairies, qui est fort différente des comités
de bénéficiaires ailleurs. L'élection des membres du
comité est faite en fonction de l'article 118.3 de l'actuelle Loi sur la
santé et les services sociaux qui prévoit que, dans les
institutions, les établissements où la clientèle est en
quasi-totalité inapte, incapable de se gérer elle-même,
soit nommé un comité composé de leurs
représentants. Et dans ce cas-ci, ce sont les parents qui sont
formés en association de parents, qui élisent chaque année
un comité exécutif qui devient, de facto, avec l'approbation du
CRSSS, le comité de bénéficiaires.
Alors, les personnes qui siègent au comité de
bénéficiaires siègent comme représentants des
bénéficiaires mais aussi comme parents. Alors, c'est une
particularité.
Je voudrais vous parler un petit peu aussi de la clientèle qui
est celle de l'hôpital de Rivière-des-Prairies. C'est une
clientèle majoritairement composée d'adultes qui ont des
psycho-pathologies psychiatriques associées avec une déficience
intellectuelle ou des maladies neurologiques importantes. Il y a une
clientèle de courte durée qui est une clientèle de
pédopsychiatrie et qui est en plus petit nombre. En tout, il y a 588
personnes hospitalisées à l'hôpital
Rivière-des-Prairies, dont 377 sont une clientèle de psychiatrie
adulte. Il y a des clients de clinique externe qui sont majoritairement des
clients mineurs. Alors, disons que la clientèle que je dessers est
autant celle des internes et des externes, mais plus particulièrement
celle de l'interne. Et, à 97 %, c'est des personnes qui sont sous un
régime de protection; donc, ça explique à la fois la
composition du comité de bénéficiaires et ma position dans
le mémoire.
Je vais présenter très brièvement les parties qui
me paraissent les plus importantes. Par la suite, je vais céder la
parole à Mme Laurin qui va présenter la position du comité
de bénéficiaires qui, comme vous le savez, a appuyé mon
mémoire; mais elle a aussi accepté de parler à la
commission aujourd'hui pour expliquer leur position. Et, par la suite,
même si les 15 minutes n'étaient pas écoulées, je
pense que ce serait intéressant qu'on échange au niveau des
questions. Je ne sais pas si cette solution vous paraît acceptable?
Le Président (M. Dauphin): D'accord.
Mme Charbonneau: Alors, dans le mémoire, la partie qui
nous paraît la plus intéressante à vous rappeler, c'est la
position que j'ai prise à l'effet que le recours externe au Protecteur
du citoyen me semble la solution la meilleure pour la clientèle avec
laquelle je travaille. Pour moi, ça ne fait aucun doute que ce recours
doit exister et pas nécessairement en troisième ligne.
J'aborde cette question à partir de la question qui a
été posée au sujet des ombuds-mans
spécialisés, quand on demande quelle serait la fonction des
ombudsmans spécialisés. J'étais ici aujourd'hui; je suis
la première à dire que les ombudsmans spécialisés
devraient être à la fois soutenus et intégrés dans
le mécanisme de traitement de plaintes du Protecteur du citoyen; donc,
ils deviennent des délégués.
Cette réflexion-là, je l'ai faite à partir des
besoins de la clientèle, que je vous expliquais tantôt. C'est une
clientèle qui a peu de moyens, finalement, de s'exprimer, d'aller
chercher de l'aide, d'aller chercher des recours. Donc, la proximité du
recours est très importante; la cohabitation du recours est très
importante. Et quand il y a trop de paliers, les clients n'iront pas chercher.
Ils vont voir la personne qui leur semble être la personne la plus
neutre. Actuellement, c'est la protectrice du bénéficiaire, mais
ils s'imaginent qu'à partir de là, tout va être
réglé. C'est-à-dire que je représente à la
fois le Protecteur du citoyen et le CRSSS. Ils ne veulent pas aller vers
d'autres recours par la suite.
Maintenant, quand je parle du bénéficiaire, il y en a, des
bénéficiaires, qui peuvent faire cette démarche-là.
Mais, la plupart du temps, ce sont les parents ou le personnel qui font la
démarche pour les bénéficiaires. Parce que la
capacité de s'apercevoir que les droits sont lésés ou
même de formuler une demande d'aide, comme je le disais tantôt,
c'est la quasi-totalité des gens qui ne peuvent pas le faire. Ils ne
peuvent pas en faire, de démarche, dans ce sens-là. Alors, ce
sont vraiment des représentants des bénéficiaires qui font
la démarche en leur nom.
Ça peut vous paraître curieux, que je sois la seule
personne qui présente cette position-là, mais je pense que c'est
à cause du vécu à l'intérieur de
l'établissement, avec une clientèle très
spécifique, qui n'est pas la majorité de celle des autres
établissements. Peut-être qu'elle ressemble plus à celle
des centres d'accueil en déficience intellectuelle où les
personnes qui seraient nommées là n'auraient pas plus de contact
avec la clientèle. Dans le mandat que j'ai à l'intérieur
de l'hôpital, j'ai le droit de recevoir et de traiter des plaintes, mais
je n'ai pas le mandat d'enquêter de ma propre initiative, ce qui fait
qu'il y a beaucoup d'événements qui peuvent se passer, sur
lesquels je ne peux pas avoir, je n'ai pas le mandat de poser des questions ou
de pouvoir avoir l'information. Il faut vraiment que le dossier parte d'une
plainte.
Mme Lynch mentionnait tantôt que l'anonymat pouvait être une
condition qui permette de faire des enquêtes de sa propre initiative,
même si tu n'as pas le mandat de les faire. Mais le problème qui
se pose, c'est que, dans un milieu fermé, très facile
d'identifier qui a pu t'apporter une plainte, quand tu n'as pas le mandat
d'enquêter de ta propre initiative, parce que les gens se doutent bien
que c'est quelqu'un qui a pu te l'apporter. Alors, ils essaient d'identifier
qui est cette personne, et ça, ça mêle les cartes parfois,
parce qu'on est plus à la recherche de qui a osé porter plainte
plutôt que de dire comment on solutionne le problème.
Alors mol, je considère qu'être la
déléguée du Protecteur du citoyen, ce que ça
amène comme avantages pour la clientèle, c'est justement cette
possibilité de recevoir les plaintes et de les traiter à la
demande du client, mais aussi de pouvoir enquêter de ta propre
initiative, d'être indépendant de l'établissement,
c'est-à-dire d'avoir un statut différent, de ne pas être
salarié de l'établissement, de ne pas être associé
à l'établissement, mais d'être associé à un
recours externe. Ce qui fait que, comme je l'ai mentionné plus
tôt, le personnel qui, lui, porte la majorité des plaintes, se
sent en confiance par rapport à ta crédibilité devant
l'établissement. Parce qu'il y a toujours un doute quand tu es
payé par l'établissement, et vous l'avez entendu plusieurs fois
aujourd'hui, à savoir: La crédibilité de cette
personne-là, c'est quoi? Est-ce qu'elle va mordre la main qui la
nourrit? C'est la question qui est à la base de la
crédibilité qui est mise en doute.
Ensuite, il y a tout le pouvoir de recommandation qui est accru, parce
que la transpa- rence du Protecteur du citoyen est très
différente de celle d'un ombudsman à l'intérieur d'un
établissement, qui apporte... Moi, je relève du conseil
d'administration; j'apporte les dossiers au conseil d'administration, mais
à partir du moment où le conseil d'administration dit qu'il juge
que la plainte est soit non fondée ou fondée mais qu'ils ne
peuvent rien faire, ça s'arrête là. Les
bénéficiaires ne verront aucun changement dans un laps de temps
et souvent, pour des raisons budgétaires ou des raisons
systémiques, on va occulter le problème en disant que c'est bien
triste mais qu'on ne peut rien faire pour ça. Alors, si c'était
un recours externe, je pense qu'il y aurait une autre façon de
procéder. Alors, je passe la parole à Mme Laurin. (19 h 45)
Mme Laurin (Françoise): Alors, M. le Président,
Mmes et MM. les commissaires, je suis très heureuse que vous m'accordiez
ce soir l'opportunité de vous exprimer ce qu'un parent,
représentant des bénéficiaires, pense de la situation.
Nous aimerions vous causer avec des mots professionnels comme ceux que j'ai
entendus aujourd'hui, mais ce sera plutôt, pour moi, le langage du
coeur.
En premier, je voudrais vous faire part de notre déception de
constater, en consultant la loi 120, que, dans la réforme, il est
question que ce soit un cadre qui occupe la fonction de protecteur des
bénéficiaires. Notre comité aurait espéré
que M. le ministre Marc-Yvan Côté, lors de la présentation
de notre mémoire, ait saisi et compris nos aspirations. Notre directeur
général m'a tout simplement déclaré qu'il trouvait
le projet de loi satisfaisant. Alors, lui dis-je, notre protectrice n'acceptera
jamais un rôle de cadre. Alors, dit-il, elle deviendra son adjointe.
Alors, si cela était, je vois plutôt une régression qu'une
acquisition.
Notre comité aimerait, comme l'ex-ombuds man Mme Lynch le disait
tout à l'heure, inviter M. le ministre Marc-Yvan Côté
à résider chez nous une semaine; mais nous nous sommes
contentés de l'inviter à venir visiter notre établissement
et nous espérons sa réponse et sa visite prochainement. Selon
nous, le rôle de la protectrice ou ombudsman, ou un autre nom qu'on lui
trouvera, aurait beaucoup plus de poids si elle dépendait d'une autre
instance. Elle serait, de ce fait, beaucoup plus respectée par les
autorités en place et se sentirait libre d'agir d'une façon
beaucoup plus directe. Il ne faut pas oublier que nos jeunes
bénéficiaires ne pouvant s'exprimer, pour la plupart, ce sont
souvent des employés qui apportent les plaintes. Et souvent, ces
mêmes employés, par peur des représailles de leur
supérieur, étoufferont la plainte au détriment de
l'usager. Donc, vous comprendrez que nos usagers ont besoin d'un système
où ils seront beaucoup plus protégés.
Le comité de bénéficiaires préconise donc
l'élargissement du rôle du Protecteur du citoyen
au réseau hospitalier. Nos jeunes sont très
vulnérables. Ne pouvant, pour la plupart, ni écrire, ni parler,
alors comment nos usagers peuvent-il formuler une plainte? Ces jeunes doivent
donc être traités avec beaucoup de respect et de
dignité.
Pour nous, qui sommes le premier palier, soit le comité de
bénéficiaires, notre devoir, avant tout, c'est d'aimer le
bénéficiaire; le devoir de le comprendre, le devoir de le
défendre.
Et pour nous, le deuxième palier, c'est notre protectrice, cette
personne, avec qui nous travaillons beaucoup et qui tient un grand rôle
à l'intérieur de notre comité. Mais cette
personne-là aurait besoin que son mandat soit élargi afin de
pouvoir enquêter de sa propre initiative, afin de pouvoir régler
le plus de situations préjudiciables possible.
Et pour nous, le troisième palier, c'est que nous espérons
fermement que le Protecteur du citoyen obtiendra l'élargissement de son
mandat et nous souhaitons que nos ombudsmans deviennent des
délégués du Protecteur du citoyen. De ce fait, ils
obtiendront la reconnaissance législative, le mandat et les pouvoirs de
même que l'indépendance du réseau des affaires sociales.
Bien entendu, les plaintes portées au Protecteur du citoyen seraient
celles qu'on aurait tout d'abord tenté de solutionner avec les
autorités hospitalières du conseil d'administration de
l'hôpital.
Alors, je peux vous donner un exemple. Un bénéficiaire,
par exemple, couche au salon de son unité depuis plusieurs mois parce
qu'il n'y a pas de chambre disponible. Alors on discute, on apporte ça
au conseil d'administration, et la réponse: pas de budget. Alors moi, je
crois que, dans un tel cas, le Protecteur du citoyen aurait été
la personne toute désignée pour étudier la situation et
voir à sa correction dans le plus bref délai. Je pourrais vous
citer beaucoup d'autres exemples. C'est pourquoi nous, parents et membres du
comité de bénéficiaires, nous croyons fermement que ce que
nous demandons est essentiel pour la défense des droits des
bénéficiaires de notre établissement. Je vous remercie de
votre attention.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Laurin.
Nous procéderons maintenant à la période
d'échanges. Est-ce qu'un membre voudrait commencer cette
période?
Mme Harel: Avec plaisir.
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Très bien. Alors bienvenue à vous, Mme
la protectrice et à la présidente et, je crois, à un
membre également du comité de bénéficiaires de
Rivière-des-Prairies. Dans votre mémoire, Mme la protectrice,
vous dites que les administrateurs du centre hospitalier qui vous emploie ne
partagent pas nécessairement le même point de vue et vous les
remerciez d'avoir respecté le droit à la libre expression. Par
ailleurs, vous avez reçu l'appui du comité de
bénéficiaires de l'établissement. C'est donc dire que vous
avez aménagé, au fil des années, une certaine marge de
manoeuvre, si on peut conclure qu'il en est ainsi. Mais il n'en demeure pas
moins que vous êtes, donc, employée salariée de
l'établissement. C'est bien le cas?
Mme Charbonneau: Oui, je suis syndicable, non syndiquée,
à contrat. Mon contrat est renouvelable chaque année, une
année à la fois. Alors, c'est ma position au niveau de
l'établissement. Je ne suis pas employée de
l'établissement, je suis à contrat. Pour les gens qui voient
d'où sort mon chèque de paye, c'est comme si j'étais
employée de l'hôpital. Il y a des gens pour qui je ne suis pas
crédible du tout, et il y a des situations, comme je le disais
tantôt, qui, même si elles sont fondées, ne sont pas
corrigées. Puis ça s'arrête là; les gens s'attendent
à ce que ça aille plus loin, mais je ne peux pas. Mon mandat ne
me permet d'aller qu'au conseil d'administration, et les plaignants sont
référés ailleurs. Je leur dis quels recours ils ont, mais
ils ne veulent pas aller ailleurs; ils ont une attente par rapport à...
Ça doit se régler avec... C'est déjà un effort
très grand pour un employé, ou même pour un
bénéficiaire qui en a la capacité, ou même pour un
parent, de faire cette démarche-là à l'intérieur de
l'établissement parce que la crainte de représailles est toujours
présente. Alors... Elle n'est pas nécessairement réelle,
mais je veux dire que c'est la crainte. C'est un milieu fermé, comme je
le disais tantôt. Les clients ont peu de contact avec l'extérieur,
donc les gens qui les entourent ont peur de ce qui pourrait arriver si leur
enfant était pris en grippe, par exemple, et le
bénéficiaire aussi. Alors, quand ils font des démarches,
c'est beaucoup pour eux, c'est beaucoup de s'adresser à quelqu'un pour
demander de l'aide.
Mme Harel: Hiérarchiquement, vous relevez de qui, dans
l'établissement?
Mme Charbonneau: D'un point de vue fonctionnel... On dit dans mon
protocole que l'autorité fonctionnelle, c'est le directeur
général. Mais je suis engagée par le conseil
d'administration et je dois faire rapport au conseil d'administration.
Mme Harel: Et donc, vous préconisez que ce poste soit
occupé par une personne qui ne soit pas salariée de
l'établissement. Vous-même, ou quelqu'un d'autre que vous qui
occuperait le poste, avez-vous l'impression que si vous vouliez faire
carrière dans l'établissement, vous ne
procéderiez pas avec la même liberté de manoeuvre
que vous le faites présentement?
Mme Charbonneau: Vouloir faire carrière...
Mme Harel: Carrière.
Mme Charbonneau: ...dans l'établissement?
Mme Harel: C'est-à-dire que... Oui. Ça veut dire,
éventuellement, vouloir occuper un poste autre que celui de protectrice,
donc un poste qui ouvre a un moment donné. Est-ce que ça vous
amène à être en conflit avec l'établissement, le
poste que vous occupez?
Mme Charbonneau: D'abord, le poste en lui-même, c'est
toujours un poste où il y a des conflits potentiels. Et dans les cas
où la perception n'est pas la même, c'est sûr que ça
amène des conflits ouverts comme, admettons... Tantôt, vous
apportiez la question de la présentation du mémoire. Il est
certain que j'ai dû négocier la liberté du droit
d'expression, parce que les positions que j'amène là ne sont pas
celles de l'établissement. Alors, c'est sûr que ce n'est pas... En
tout cas, c'est la tournure qui était la plus facile, pour rallier la
position, qu'on me laisse exprimer ce que je pensais, mais ce n'est pas
évident que ça se serait fait autrement.
Mme Harel: Et vous avez une expertise personnelle importante.
Qu'est-ce que vous pensez des modifications qui sont introduites avec le projet
de loi 120?
Mme Charbonneau: Pour moi, je trouve ça
complètement inapproprié par rapport à la clientèle
desservie, pour les mêmes raisons que je disais tantôt: la
clientèle, d'abord, ne peut pas formuler de plaintes par écrit,
pour la quasi-totalité, pour ne pas dire la complète
clientèle; ensuite, il y a la question que le personnel ne viendra
jamais voir un cadre supérieur pour porter plainte parce qu'à
prime abord, c'est comme se couper le cou.
Mme Harel: C'est une trahison par rapport à son
supérieur immédiat.
Mme Charbonneau: Pardon?
Mme Harel: C'est une trahison par rapport à son
supérieur immédiat.
Mme Charbonneau: C'est ça. Parce que, en principe, la
directive qui est donnée aux employés, c'est de suivre la
hiérarchie à l'intérieur de rétablissement avant
d'arriver à la protectrice du bénéficiaire. Parfois, les
gens hésitent à le faire, justement parce qu'ils ne veulent pas
être identifiés comme étant les personnes qui ont
porté plainte à la protectrice du bénéficiaire.
Parfois, les gens l'ont fait, ils sont insatisfaits et ils viennent me voir.
Mais il reste que c'est difficile pour eux d'aller voir un cadre, parce qu'ils
veulent garder l'anonymat souvent, même si cet anonymat n'est pas
nécessairement toujours possible.
Mme Harel: Et vous recommandez un pouvoir d'intervention
proactive.
Mme Charbonneau: Voilà. Vous avez un terme qui me
plaît beaucoup. Proactif...
Mme Harel: Je le prends d'ailleurs à la page 7 de votre
mémoire.
Mme Charbonneau: Je vous le dis, c'est un terme que j'aime
beaucoup parce que, justement, quand on ne fait que recevoir et traiter des
plaintes, ça veut dire qu'on réagit toujours à un
événement malheureux qui s'est passé. Et on ne peut pas
intervenir d'une façon préventive, ou c'est très rare
qu'on puisse le faire. Donc, quand tu as un mandat proactif, c'est que tu peux
enquêter sur des situations qui paraissent litigieuses et voir à
leur correction avant qu'il arrive des événements ou avant
même que la plainte soit acheminée, ou corriger une situation pour
laquelle tu n'aurais pas eu de plainte parce que personne n'aurait osé
t'en apporter. Alors, c'est des éléments qui sont importants pour
la protection de la clientèle.
Mme Harel: Je peux poursuivre? Ah! vous voulez interroger, M. le
Président? Allez-y, parce que j'ai d'autres questions, mais j'aurai du
temps plus tard.
Le Président (M. Dauphin): Oui, c'est qu'il y a d'autres
membres aussi, qui m'ont demandé la parole.
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Dauphin): Mais on va répartir
ça équitablement.
Mme Harel: Tout à fait, je poursuivrai.
Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le
député de Nelligan, et nous reviendrons tantôt avec Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve
Mme Harel: C'est ça.
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci
beaucoup pour votre présentation ce soir. Pour le premier mémoire
que j'écoute - parce que j'ai manqué ce matin et cet
après-midi parce que j'étais avec le ministre Côté
sur la question d'un forum à Montréal, et nous étions en
train de discuter cette question et plusieurs autres questions avec
quelques
personnes - je trouve vos remarques intéressantes. Je voudrais
peut-être continuer un peu sur la question de Mme la
députée de Maisonneuve, sur la question du rôle proactif.
Je voudrais savoir si vous pensez que le rôle de protectrice des citoyens
dans votre hôpital peut être de faire les interventions avant qu'un
conseil d'administration adopte une politique dans l'établissement,
étudier l'impact de ça et faire une recommandation? Est-ce que
vous pensez que votre rôle proactif est comme ça?
Mme Charbonneau: Pour certaines politiques qui touchent
directement la clientèle, ça pourrait arriver, effectivement.
C'est déjà arrivé dans le passé. Une politique qui
était au regard des agressions entre pairs ou des agressions d'un membre
du personnel contre un client; il y avait une politique qui avait
été émise et on m'avait consultée pour savoir
quelle démarche me semblait la plus appropriée pour le
comité qui devait siéger. Mais, en général, je ne
suis pas consultée sur les politiques qui...
M. Williams: Est-ce que vous pensez que ça va être
une bonne étape? Est-ce que vous pensez que ça va vous aider dans
votre travail d'avoir le droit dans votre mandat? Parce que vous avez
discuté de l'enchâssement du rôle dans la loi, d'avoir le
droit, légalement, de faire des interventions sur les politiques d'un
établissement avant que cette politique soit passée. Je pose la
question parce que le Protecteur du citoyen a demandé d'avoir le droit
de faire des interventions sur le projet de loi. C'est le même type,
avant que ce soit implanté comme politique. Comment ça va changer
le rôle d'ombudsman dans votre établissement? (20 heures)
Mme Charbonneau: Justement, sur cette partie-là du
mémoire, moi, j'avais répondu que c'était une bonne chose
pour le Protecteur du citoyen d'avoir cette possibilité-là, en
autant que c'était basé sur des expériences et non pas sur
une théorie. Parce que c'est dangereux aussi que, théoriquement,
le Protecteur du citoyen ou le protecteur du bénéficiaire
s'imagine que ce pourrait être ça qui soit la meilleure solution.
Il faut aller vérifier auprès de la clientèle ou partir de
dossiers vécus. Alors, c'est pour ça que, dans le cas dont je
parlais tantôt, au niveau de la politique, finalement, il y avait
déjà eu une utilisation d'une politique et je savais où
étaient, pas les erreurs, mais les choses à corriger ou à
améliorer. C'était plus facile parce qu'il y avait du
vécu. C'est sûr que je peux donner une opinion sur ce qui me
paraît être le mieux, mais c'est à la fois devenir juge et
partie. Et des fois, ça peut être mal
interprété.
M. Williams: Vous avez mentionné, dans votre
mémoire, l'importance de l'indépendance du Protecteur du citoyen,
de ce rôle qu'il a. Et vous avez aussi, si j'ai bien compris vos
remarques, trouvé le système proposé dans la loi 120
inapproprié. D'après vos autres remarques, vous avez
mentionné que ce n'était pas assez indépendant. Est-ce que
c'est vrai?
Mme Charbonneau: Bien, il y a plusieurs choses. Il y a la
question de l'indépendance et il y a la question du statut
hiérarchique. Pourquoi syndicable et non syndiqué? C'est que je
n'appartenais ni au personnel syndiqué, ni au personnel des cadres. Il y
avait quand même une certaine indépendance par rapport à
des groupes de pression qui vivent à l'intérieur de
l'hôpital. Quand tu fais partie d'un groupe ou d'une association, c'est
encore plus difficile de composer, parce que les gens jouent parfois sur cet
aspect-là. Bien, tu fais partie des cadres, tu devrais comprendre que la
gestion, ça se fait comme ça. Alors, il y a tout un jeu au niveau
de la solidarité avec l'association des cadres et la solidarité
avec , l'établissement de ton employeur. Mais, moi, je ne perçois
pas le rôle de la protectrice des bénéficaires comme
ça. La solidarité, c'est avoir un préjugé favorable
aux bénéficiaires. C'est d'abord la protection et la
défense des droits des personnes qui sont lésées, ce qui
disparaît complètement dans le recours administratif. Le recours
administratif, c'est strictement pour voir à ce que
l'établissement s'autorégule, mais sans tenir compte de l'aspect
défense ou promotion des droits du bénéficiaire.
M. Williams: Merci. Quand on parle des protecteurs et
protectrices des citoyens, on parle souvent de l'imputabilité. Et je
voudrais savoir si, au niveau régie régionale, nous avons
attaché un système d'imputabilité, peut-être avec un
groupe de citoyens encadré par la loi, qui peut être
attaché avec ce cadre en charge des questions de plaintes. Est-ce que
ça répondrait à vos questions sur la réforme?
Est-ce que nous pourrions, avec ce modèle, trouver l'équilibre
entre le besoin d'être impliqué dans le réseau mais aussi
d'avoir un équilibre avec les citoyens et la population?
Mme Charbonneau: Vous parlez d'un groupe de pression, comme un
groupe de défense?
M. Williams: Non, non. Peut-être, je ne sais pas
exactement, mais un groupe bien identifié dans la loi, qui peut
être un groupe spécial sous le conseil de la régie
régionale, ou peut-être établi là par le
gouvernement pour aider ce protecteur du citoyen au niveau de la régie
régionale. Est-ce que ça répond aux questions que vous
avez eues sur la réforme?
Mme Charbonneau: Un bureau de défense des droits qui
serait attaché, auquel serait attaché, ou serait en relation avec
le protecteur du citoyen ou le cadre protecteur du bénéficiaire,
le
cadre qui occuperait le recours administratif, j'ai des doutes sur
l'applicabilité d'une pareille organisation, parce que,
déjà, sans avoir le statut de cadre, il m'est arrivé
d'avoir à travailler avec le comité de
bénéficiaires sur des dossiers de défense des droits, avec
des groupes extérieurs, et le fait que je sois payée par
rétablissement a fait que j'ai été évincée
de ces groupes-là. C'était indépendant du choix que
faisait le comité de bénéficiaires, que je les accompagne
à leur demande. Alors, c'est pour ça que...
M. Williams: Selon votre opinion, qui contrôle le
Protecteur du citoyen du Québec? Qui rend le Protecteur du citoyen
imputable? Parce que nous avons parlé de cette question; nous avons tout
le système des plaintes. Qui contrôle ce niveau de protection pour
les citoyens?
Mme Charbonneau: Vous parlez du Protecteur du citoyen?
M. Williams: Oui.
Mme Charbonneau: C'est l'Assemblée nationale qui
contrôle.
M. Williams: Mais est-ce que vous pensez que c'est assez bien
protégé avec le système que nous avons maintenant?
Mme Charbonneau: Actuellement, tout dépend, comme je le
disais dans mon mémoire, du nombre d'élus qui sont à
l'Assemblée nationale. Il est certain qu'il peut y avoir des contraintes
politiques, mais je pense que c'est le système le plus
indépendant qui soit actuellement au Québec, le Protecteur du
citoyen, parce qu'il est nommé par une Assemblée nationale qui
est élue par le peuple.
M. Williams: Merci. Y a-t-il d'autres questions?
Le Président (M. Dauphin): Une petite dernière, M.
le député.
M. Williams: Qui donne l'information à vos clients,
à votre service? Comment l'usager peut-il savoir s'il a le droit
d'utiliser vos services et les mécanismes, les choses comme ça?
Comment informez-vous la clientèle à votre hôpital?
Mme Charbonneau: C'est par le bouche à bouche...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Charbonneau: C'est par du bouche à oreille,
pardon.
M. Williams: Mais vous avez un code, aussi?
Mme Charbonneau: II y a un code d'éthique qui a
été émis, mais c'est à la toute dernière
page qu'on mentionne que, si vous avez utilisé tous les recours
hiérarchiques à votre disposition et que vous n'avez pas eu de
réponse, vous pouvez vous adresser à la protectrice du
bénéficiaire.
M. Williams: O.K. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Ensuite de ça, je
reconnaîtrai M. le député d'Iberville.
Mme Harel: Alors, M. le Président. Vous nous disiez
tantôt remettre en question les dispositions dans le projet de loi 120
qui prévoient notamment que le bénéficiaire lui-même
doive porter plainte, qu'il doive le faire par écrit, et puis,
évidemment, il en va de même pour la régie
régionale. Mais, à la régie régionale, je ne sais
pas si vous aviez pris connaissance de cette disposition qui dit confier
à un organisme communautaire - c'est peut-être à ça
que faisait référence le député de Nelligan - le
mandat d'assister et d'accompagner sur demande les usagers qui désirent
porter plainte auprès d'elle ou de l'établissement. La
régie désigne cet organisme après consultation, notamment
des comités des usagers et des associations intéressées.
En tout cas, pour votre information, ce serait l'article 46 du projet de loi.
Mais vous, ce que vous dites, c'est qu'il faut que le recours soit disponible
sur les lieux mêmes d'hébergement.
Mme Charbonneau: Oui Ça, c'est une particularité
qui n'est peut-être pas nécessaire dans les hôpitaux de
courte durée où les clients, repartent chez-eux et peuvent
entreprendre des démarches. Ils sont moins tributaires de
l'établissement pour la qualité de leur vie quotidienne Les gens
qui vivent dans un établissement de longue durée, finalement, ils
font confiance à ceux qui les entourent et la proximité fait que
l'apprivoisement se fait. Mais ils ne sont pas portés, de même que
ceux qui les représentent, comme les parents, à
téléphoner à l'extérieur, à quelqu'un qu'ils
ne connaissent pas, pour porter plainte. Ça ne fait pas partie du...
Mme Harel: Ça ne fait pas partie de leur univers. Vous
dites que même ceux qui en sont capables vont être
résistants à faire appel à une instance qui est absente de
leur quotidien.
Mme Charbonneau: C'est ça.
Mme Harel: Dans votre mémoire, donc, pour vous, c'est
important qu'il y ait cette présence surtout dans les
établissements... Comment pourrions-nous les identifier ceux qui, comme
le
vôtre, ont des clientèles...
Mme Charbonneau: À vocation psychiatrique ou les centres
d'accueil. Personne n'est plus vulnérable, finalement. Ce matin, il y
avait le comité de support qui proposait un projet pilote de
l'élargissement du Protecteur du citoyen, seulement pour la
clientèle des personnes vulnérables. Moi, je suis pour
l'élargissement du Protecteur du citoyen à tout le réseau,
sauf que je me dis que peut-être le projet pilote devrait se faire au
niveau de la délégation aux ombudsmans spécialisés,
aux ombudsmen hospitaliers, pour une période de temps, puis
réévaluer par la suite si c'est vraiment ça le recours qui
doit être fait. Mais ça pourrait être une solution.
Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 6,
j'aimerais un peu plus d'explications quand vous nous dites que, lors de la
commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les services de
santé et les services sociaux, la pertinence de la fonction d'ombudsman
au sein de chaque établissement à vocation psychiatrique a
été clairement démontrée; et là, vous citez
le mémoire L'Ombudsman hospitalier, décembre 1989, et vous
dites qu'il a été recommandé à la commission: "Que
le mandat et les pouvoirs de l'ombudsman hospitalier soient
enchâssés dans la loi, que le titulaire du poste soit
rattaché administrativement et financièrement à un
organisme dont le principal mandat serait d'assurer la promotion et la
défense des droits et qui serait indépendant du réseau des
services de santé et des services sociaux." C'est là votre
position, essentiellement; c'est ce que vous souhaiteriez, par exemple, voir
adopter dans le projet de loi 120?
Mme Charbonneau: Oui, c'était ce qu'on avait
demandé. On n'avait pas, à ce moment-là... Le
mémoire qu'on avait présenté, on l'avait conclu en disant
qu'on ne présentait pas une affiliation, à cet instant-là,
parce que la principale préoccupation qu'on avait, c'était la
reconnaissance législative, la standardisation du mandat dans tous les
centres hospitaliers. Ça, c'était un élément qui
était important pour assurer une qualité de service aux
bénéficiaires. Parce qu'il y a plusieurs personnes qui portent
des vocables différents et qui ont des tâches différentes,
qu'on peut aussi appeler "ombudsmans", mais qui ne font pas la même chose
d'un centre hospitalier à un autre; et elles n'ont pas le même
mandat ni les mêmes pouvoirs.
Alors, en le reconnaissant dans la loi, on espérait qu'en
même temps, il y aurait un mandat et des pouvoirs qui seraient
enchâssés dans la loi. Maintenant, l'indépendance,
c'était relié à un bureau de défense des...
À un bureau, un organisme préoccupé par la défense
des droits. On avait envisagé le Protecteur du citoyen; on avait
envisagé la création d'un bureau comme en Ontario où il y
a un bureau de défense des droits. Mais on n'avait pas
arrêté notre choix. On se disait: La première chose, c'est
une reconnaissance qui a besoin d'être rattachée à un
organisme indépendant. Et on présumait qu'il y aurait une
commission sur le Protecteur du citoyen et qu'à ce moment-là, on
pourrait se positionner si on le désirait. Et c'est ce que j'ai fait,
moi, cette fois-ci.
Mme Harel: Si tant est que la commission recommandait la
présence d'ombudsmans hospitaliers - en tout cas, tout au moins dans les
établissements où les personnes sont vulnérables, de
manière à assurer l'indépendance nécessaire
à l'accomplissement de son mandat - mais si tant est que ce
n'était pas retenu comme moyen correctif, que ce ne serait pas ce que
vous souhaitez, pensez-vous que, tout au moins, l'ombudsman qui est
prévu dans le projet de loi 120 devrait être choisi par le
comité de bénéficiaires ou par le conseil
d'administration, sur recommandation du comité de
bénéficiaires, plutôt que sur recommandation du directeur
général? Comment voyez-vous... Vous allez me dire que,
finalement, si ce n'est pas ce que vous souhaitez, vous ne voulez même
pas envisager d'autres mesures "remédiatrices". Mais comment voyez-vous
la façon de corriger les lacunes les plus importantes contenues dans le
projet de loi 120?
Mme Charbonneau: La lacune majeure, c'est justement de nommer un
cadre pour faire le travail. À ce moment-là, ça ne devrait
pas s'appeler "protecteur du bénéficiaire", ça ne devrait
pas s'appeler "ombudsman", ça devrait s'appeler "conseiller à la
clientèle" ou "service des plaintes" ou... Mais toute la notion de
protection de la clientèle, elle serait disparue, à ce
moment-là, puisque c'est un recours administratif. Il n'y a pas ce volet
de protection des bénéficiaires.
Maintenant, ça ne veut pas dire que la personne qui serait
nommée là ne serait pas préoccupée par ça.
Peut-être que ce serait quelqu'un qui serait autant
préoccupé, sauf que c'est leurrer la clientèle, selon moi,
que d'appeler "protecteur du bénéficiaire" quelqu'un qui a
plutôt une mission d'autoréguler le système que de
protéger, que de défendre les droits des
bénéficiaires.
Dans ce que vous dites, au niveau de la consultation du comité de
bénéficiaires, je pense que c'est important. Même si c'est
un recours administratif, ce serait important qu'il soit consulté parce
que ça va être un des paliers qui vont être le plus souvent
mis en contact avec cette personne-là - si jamais c'était ce
choix-là qui était fait - pour, justement, régler les
problèmes qui sont de nature collective ou de nature individuelle.
Mme Harel: Me permettez-vous de vous poser une question? Vous
êtes présidente du comité de bénéficiaires
et, à ce titre-là, vous avez à coeur la promotion et la
défense et vous avez à coeur l'amour des
bénéficiaires. Et même, vous avez dit: La défense de
leurs droits. En quoi votre rôle se distingue-t-il ce celui de la
protectrice? (20 h 15)
Mme Laurin (Françoise): Eh bien, moi, je vais vous dire
que je suis beaucoup pour la protectrice, mais je suis quand même
près, aussi, du conseil d'administration. Il ne faut pas penser que le
comité de bénéficiaires marche quand même en
désaccord avec le conseil d'administration. Je fais moi-même
partie du C.A. de l'hôpital Rivière-des-Prairies, je peux
expliquer mes doléances. Je peux même leur faire savoir, sans me
cacher, que je ne suis pas pour, justement, que ce soit un cadre. Je l'ai dit
devant tout le conseil d'administration.
Notre rôle, nous, en premier, on reçoit les appels des
parents, c'est le premier appel, le premier recours; et souvent, les parents ne
voudront pas aller plus loin par peur de représailles. Et moi, bien
entendu, ce que je fais, c'est essayer de les réconforter, de leur
donner le plus que je peux comme parent, et, bien entendu, je les informe,
à ce moment-là, qu'on a, à l'intérieur de
l'hôpital Rivière-des-Prairies, une personne-ressource qui est
là cinq jours par semaine.
Parce que, comme parent, je suis là souvent. Peut-être des
fois, trois ou quatre jours par semaine mais j'ai quand même une famille,
un mari. Alors, bien entendu, on est temporaires, mais on fait tout ce qu'on
peut. On est toujours disponibles. Les autorités peuvent nous appeler,
on y est toujours, dans la mesure du possible. L'importance de notre rôle
est là. Mais son rôle, à elle, est encore beaucoup plus
important, je calcule. Parce qu'elle est là cinq jours par semaine et
c'est une personne dont moi, je sais, que les bénéficiaires sont
proches. C'est un peu une mère à l'intérieur de
l'hôpital. Autant les jeunes bénéficiaires masculins que
féminins vont la trouver dans son bureau pour lui conter leurs
inquiétudes, leurs peines, un problème qui arrive dans
l'unité, tout ça, dans leur groupe.
Mais vous savez aussi qu'on a, comme comité de
bénéficiaires, un sous-comité. On a quand même cinq
bénéficiaires. Ça c'est quelque chose de spécial.
Ça n'existait pas. C'est une première. Cinq
bénéficiaires qu'on reçoit une fois sur deux à nos
comités de bénéficiaires, et là, on peut les
interroger, justement, sur des aspects. On va choisir, par exemple, les
vacances de Noël: Avez-vous été satisfaits? Avez-vous
été satisfaits des repas, des collations? On entre dans leur
quotidien. Quand les vacances arrivent: Avez-vous eu des camps? Ainsi de suite.
Et de ça, on part de la base pour essayer, justement, d'améliorer
leur qualité de vie le plus possible; et on est à l'écoute
de ces jeunes-là.
Mme Harel: Juste en terminant, M. le Président, il faut
comprendre que c'est un milieu de vie. C'est comme si ça devenait leur
chez-soi, leur famille, et c'est vraiment, peut-être pour toute leur vie,
leur résidence, là où ils seront, où ils passeront
l'essentiel de leur vie. C'est ça qu'il faut comprendre.
Mme Laurin (Françoise): C'est entendu que ces
jeunes-là, c'est leur maison. Ça, c'est entendu.
Mme Harel: Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Vous voulez parier... Oui.
Ensuite de ça, je reconnaîtrai M. le député
d'Iberville parce qu'il ne reste que trois minutes. Allez-y, madame.
Mme Frechette (Andrée): Bien, je voulais juste ajouter un
petit mot, quelque chose qui n'a pas été dit quand
j'écoutais les autres aujour d'hui. La plupart des comités de
bénéficiaires ont des permanences. Nous, on n'a pas de permanence
ce n'est que du bénévolat. Alors, c'est pour ça que notre
protectrice est si importante pour nous. C'est notre conseillère, notre
collaboratrice et tout. C'est important qu'on le sache, ça, qu'on n'a
pas de permanence.
Le Président (M. Dauphin): D'accord, merci M. le
député.
M. Lafrance: Oui, merci M. le Président. Une question
très brève parce que je remarque qu'il ne reste pas beaucoup de
temps. Il y a quelque chose qui m'a frappe, Mme Laurin, quand vous avez dit un
peu plus tôt que les plaintes étaient étouffées dans
le système au détriment, évidemment, des
bénéficiaires. Et je pense que Mme Charbonneau y a fait allusion
après, que le personnel sur place, les employés, n'achemineraient
jamais une plainte. Bien que je puisse, évidemment, comprendre et
réaliser que ça peut se faire, là, je trouve quand
même quelque chose d'alarmant dans ça. Surtout si on cherche,
peut-être, à amener des responsabilités extérieures
supplémentaires pour aider directement les
bénéficiaires.
Ne croyez-vous pas qu'on devrait plutôt regarder du
côté du personnel dans les institutions pour normaliser ou rendre
plus naturel, si je peux employer le terme, d'acheminer les plaintes? Ou si
eux-mêmes, ces employés-là, remarquent quelque chose qui va
au détriment des bénéficiaires, s'ils n'ont pas un
syndicat ou une organisation quelconque qui va s'en prendre à leur
carrière ou par des représailles directes, comme on peut le
comprendre, pensez-vous qu'il y aurait une façon d'éduquer, de
sensibiliser ou d'ouvrir les esprits dans ce sens-là?
Mme Charbonneau: Déjà, depuis quelques
années - pas la première année que j'étais
là mais les trois dernières années - quand il y a des
sessions de formation du personnel, soit du nouveau ou des anciens membres du
personnel, sur l'approche au bénéficiaire, je participe. Je fais
une session de formation pour expliquer les droits et pour expliquer le recours
à la protectrice du bénéficiaire. Ça a aidé
certains membres du personnel à prendre leur courage à deux mains
et à faire la démarche de saisir qu'il y a une situation
litigieuse.
Mais if reste que la pression est très forte au niveau de
l'administration. Je ne parlerai pas nécessairement de la direction mais
de l'administration générale. Le reproche qu'on peut faire
à quelqu'un de la base d'avoir informé quelqu'un en dehors de
l'équipe d'un problème qui se vit dans l'équipe, ou de la
base elle-même, de quelque chose... Un peu comme Mme Lynch vous racontait
cet après-midi. Je ne sais pas si vous vous souvenez. Quand la dame est
descendue ou est montée la voir à la course parce qu'elle n'en
pouvait plus de l'histoire du bain et que ça ne se pouvait pas. La
personne a réagi; elle n'en pouvait plus et elle est allée la
voir. Ça, ça demande d'abord une proximité, pour faire
cela. Ça demande une confiance dans la personne; que tu ne seras pas
mise au ban. Mais, après ça, elle a eu des reproches de ses...
Ça a été difficile pour elle. Et après ça,
elle a fait un "burnout" et, finalement, elle est partie.
Alors, ce sont des événements que les employés
vivent, ça. Ce n'est pas facile pour eux autres. On parle de quelque
chose qui a rapport avec un bain, mais quand ce sont des choses qui sont encore
plus litigieuses, comme des attitudes, alors les autres employés peuvent
être très fâchés contre l'employé qui a
porté plainte. Ce n'est pas facile à vivre entre employés
non plus.
Alors, de là, je disais que le mandat du Protecteur du citoyen
doit donner le pouvoir d'enquête de sa propre initiative. Il y a plein de
choses que tu peux observer. Au début, j'allais dans les unités,
je voyais des choses; mais tu ne peux pas intervenir, ce n'est pas ton domaine,
tu n'a pas eu de plainte. Est-ce que le client est vraiment lésé?
Je veux dire, c'est tout un... Alors, j'ai cessé d'aller dans les
unités. J'y vais pour les plaintes, mais je ne vais plus visiter parce
que j'avais l'impression de venir comme partie prenante. Il y a des choses que
je voyais que je trouvais inconfortables.
Le Président (M. Dauphin): Oui, Mme Laurin. Allez-y.
Mme Laurin (Françoise): Moi, ce que j'aimerais ajouter,
c'est que justement, dans notre sous-comité, on a des gens qui viennent
au comité. Et j'ai déjà vu un bénéficiaire,
par exemple, lorsqu'on lui posait une question, devenir tout nerveux et dire;
On m'a averti, dans mon unité, que je ne viens pas au comité de
bénéficiaires pour rapporter des choses et de faire attention
à ce que je disais. Alors, un bénéficiaire n'a pas la
notion, directement, et il est inquiet. Alors, quand on le questionne, il veut
nous rapporter des choses, mais il n'ose pas trop parce qu'il a peur,
justement, de l'employé qui lui a dit: Fais attention à ce que tu
vas dire. Et même, on avait un bénéficiaire qui faisait
partie d'un atelier de travail, qui avait des conditions qui étaient
réellement pas bien. On a travaillé avec lui. Et ce
bénéficiaire, qui apportait réellement quelque chose de
très bien au comité de bénéficiaires, s'est
retiré justement à cause de représailles. Bien entendu, on
a obtenu une amélioration extraordinaire sur ce plateau de
travail-là, grâce à son témoignage et aux
interventions qu'il apportait. On ne peut pas croire comment un
bénéficiaire, même s'il n'est pas en pleine connaissance,
et tout, comment il peut apporter au comité de
bénéficiaires quand on se penche et qu'on prend la peine de
l'écouter.
Mme Charbonneau: C'est très insidieux, la façon
dont on peut influencer ou terroriser, finalement, tant les
bénéficiaires que les employés. Ce n'est pas
nécessairement par des actes de violence.
M. Lafrance: Mais vous êtes d'accord, si je comprends bien,
qu'il y ait une éducation continuelle, une sensibilisation continuelle
vis-à-vis des employés.
Une voix: Absolument. M. Lafrance: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Alors, malheureusement, le temps qui nous était
alloué est terminé. Mais je terminerais peut-être sur une
note d'humour. Vous nous dites, au tout début, au niveau de la garantie
d'objectivité, de neutralité et d'impartialité:
Qu'arrive-t-il lorsqu'un parti politique forme plus des deux tiers des membres
de l'Assemblée nationale?
Mme Charbonneau: Vous allez me dire que c'est la situation
actuelle?
Le Président (M. Dauphin): Comment aller à
rencontre de la volonté populaire? Est-ce que vous avez des suggestions
pour un autre mode de nomination?
Mme Charbonneau: Non. Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Charbonneau: On va attendre à la fin de la Commission
Bélanger-Campeau.
Le Président (M. Dauphin): Alors, au nom de tous les
membres de la commission, nous aimerions remercier sincèrement Mme
Charbon-neau, Mme Laurin et Mme Frechette pour leur excellent témoignage
et vous souhaiter un bon retour.
Mme Charbonneau: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Je demanderais à Mme
Bergeron, qui est conseillère à la clientèle à
l'hôpital Sainte-Justine, de s'avancer.
Bonjour, Mme Bergeron, bienvenue à nos travaux. Si vous voulez
bien présenter les personnes qui vous accompagnent.
Conseiller à la clientèle à
l'hôpital Sainte-Justine
Mme Bergeron (Francine B.): Oui. Mme Du-fresne, qui est adjointe
au directeur général, Programme de la gestion de la
qualité et des risques, et à ma gauche, Mme Légaré,
qui est présidente du comité de bénéficiaires.
Le Président (M. Dauphin): Alors, bienvenue. Je vous
signale que nous avons une période de 30 minutes qui nous est
allouée, dont 10 minutes pour la présentation de votre
mémoire et 20 minutes pour une période d'échanges.
Mme Bergeron: Parfait. Alors, j'y vais, merci, M. le
Président. Nous apprécions l'occasion de vous faire part de nos
12 années d'expérience d'ombudsman à l'hôpital
Sainte-Justine, (-'ombudsman a des liens particuliers avec certaines personnes
dans l'organisation, et c'est la raison pour laquelle j'ai invité Mme
Légaré et Mme Dufresne à se joindre à ma
présentation, pour vous faire part un peu de leur point de vue à
elles aussi.
Je pourrais peut-être vous faire part un petit peu de l'historique
et du mandat du poste à Sainte-Justine. C'est un poste qui a
été créé en 1978, à la suite d'un
désir de la direction de l'hôpital de se doter d'un service de
plaintes, c'est-à-dire d'avoir une personne-ressource dans
l'hôpital pour offrir aux bénéficiaires la
possibilité d'avoir un recours immédiat pour faire valoir leurs
intérêts et leurs droits.
Mon mandat, principalement, c'est: entreprendre les démarches
nécessaires en vue de répondre à un besoin non satisfait,
un problème, un commentaire ou une plainte exprimée par le
bénéficiaire ou sa famille et en assurer le suivi; évaluer
la satisfaction de la clientèle et formuler des recommandations à
la direction, au département ou au service concerné; susciter
l'intérêt et promouvoir la collaboration du
bénéficiaire, de la famille et du personnel; expliquer au
bénéficiaire et à la famille le fonctionnement de
l'hôpital, les politiques et procédures; veiller au respect de
leurs droits et de leurs responsabilités; et enfin agir comme
intermédiaire et assurer la direction de l'hôpital d'un lien de
rétroaction en la satisfaction de la clientèle.
Peut-être qu'à ce moment-ci, je pourrais vous faire un bref
résumé de la façon dont je traite les plaintes dans mon
milieu. Habituellement, les plaintes sont déposées, bon,
directement à mon bureau; soit que la personne se présente, ou
ça peut être par lettre ou par appel téléphonique.
À ce moment-là, il y a toujours, suite à la plainte
déposée, une enquête avec les personnes concernées,
soit le chef de service, soit le médecin, soit le directeur de
l'hôpital. Et suite à l'enquête, il y a toujours une
réponse qui est faite au plaignant, par téléphone, lettre
ou rencontre. Très souvent, le problème peut être
traité dans l'immédiat. Souvent, il arrive que les parents soient
un peu pris de panique dans un hôpital comme Sainte-Justine, avec des
maladies importantes chez leurs enfants. C'est souvent de les écouter
puis peut-être de les diriger au bon endroit aussi. (20 h 30)
Et, depuis quelques années, on a centralisé toutes les
plaintes qui pouvaient être acheminées à Sainte-Justine,
que ce soit à la direction générale, à la direction
des soins infirmiers ou à la direction des services professionnels, pour
qu'on ait vraiment un suivi par une seule personne qui est vraiment libre
à toute heure de la journée pour recevoir la
clientèle.
Il y a également certaines plaintes qui sont dirigées au
conseil régional de la santé et des services sociaux. Et avec les
années, aussi, on a établi des contacts au moyen de
réunions avec les ombudsmans de la région de Montréal. Et
souvent, suite à une plainte déposée au conseil
régional, peut-être que la plainte peut se régler
facilement par téléphone au lieu d'attendre les délais de
correspondance, etc.
Depuis 1982, on a un comité de bénéficiaires
à l'hôpital Sainte-Justine et le conseiller à la
clientèle, ou l'ombudsman, est invité à participer aux
rencontres du comité. Il se charge principalement des dossiers qui
auraient trait à des plaintes ou à des besoins exprimés
par les membres.
De plus, l'ombudsman, à l'hôpital Sainte-Justine,
siège sur des comités tels que l'humanisation des soins, le
comité d'éthique à la recherche ou tout autre
comité où on favorise quand même la présence d'une
personne qui est un peu la représentante des
bénéficiaires.
Depuis janvier 1988, on a un protocole de règlement de plaintes,
et, de plus, chaque année, les objectifs du conseil à la
clientèle sont définis et un rapport trimestriel des plaintes et
des besoins des bénéficiaires est remis à la direction
générale.
Quant à l'information auprès de notre clientèle,
à savoir que, oui, il y a un endroit où on peut se plaindre dans
l'hôpital, à l'intérieur d'un feuillet qu'on remet à
l'entrée du patient,
on décrit brièvement le rôle de l'ombudsman. Et
prochainement, on doit, à la demande de certains parents,
particulièrement le comité de bénéficiaires,
afficher dans chaque chambre de bénéficiaire le rôle de
l'ombudsman.
Bon, il y a aussi toutes les autres tâches qui se rattachent au
poste. En tout cas, nous, avec les années, on a senti qu'il n'y avait
pas juste des plaintes, mais qu'il y avait des besoins concernant
l'hébergement, le transport, des problèmes financiers. On a aussi
les patients qui nous viennent de l'extérieur, donc non éligibles
à l'assurance-maladie.
Aussi, depuis l'arrivée des différentes ethnies, on a,
à Sainte-Justine, une banque de langues qui est composée de
différentes personnes qui offrent leurs services pour être
traducteurs auprès de nos clientèles. Et, évidemment, des
contacts ont aussi été faits avec des organismes
extérieurs.
Finalement, concernant le point par rapport à
l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen, mes commentaires,
moi, étaient les suivants:
Que l'ombudsman à l'hôpital doit être, pour le
bénéficiaire, un recours efficace pour assurer un
règlement immédiat des plaintes et des insatisfactions et pour
combler des besoins. De plus, l'ombudsman a un pouvoir de recommandation
à la direction de l'établissement. Et en troisième lieu,
l'ombudsman doit être en mesure de traiter et d'évaluer les
plaintes sans intermédiaire et avec toute la collaboration de ia
direction.
Alors, moi, je voyais plutôt qu'il serait plus avantageux pour les
bénéficiaires que la fonction d'ombudsman soit reconnue et
probablement étendue dans tous les services de santé et services
sociaux. Et je verrais que l'élargissement de la Loi sur le Protecteur
du citoyen, ce serait un autre intermédiaire, finalement, quand il y en
a déjà. On a, dans le centre hospitalier même, une
personne, et on a quand même des gens au conseil régional.
Alors moi, c'était un peu ma position. J'aimerais peut-être
ça que Mme Dufresne nous parle un petit peu de la satisfaction de la
clientèle et comment on travaille avec la clientèle sur
ça.
Le Président (M. Dauphin): Mme Dufresne. Mme Bergeron:
Mme Dufresne.
Mme Dufresne (Paulette): Peut-être pour vous
démontrer un peu les liens qui existent entre le conseiller à la
clientèle et moi, comme responsable des programmes de gestion de la
qualité et des risques. D'abord, nous avons toujours regardé nos
rôles respectifs sous l'angle de la complémentarité et de
la coordination en visant un but commun: la qualité de nos soins et de
nos services et la satisfaction de la clientèle.
Le conseiller à la clientèle est vraiment la personne
mandatée à Sainte-Justine pour communiquer avec le
bénéficiaire s'il y a plainte ou insatisfaction.
Par contre, nos programmes de gestion de la qualité et des
risques, ça comporte différentes facettes où, à
l'occasion, on doit avoir des interventions directes avec la clientèle.
À ce moment-là, je me réfère à Mme Bergeron,
notre conseillère à la clientèle, pour faire cette
démarche auprès des bénéficiaires. Par exemple, je
recueille auprès de la direction générale les
questionnaires de satisfaction de la clientèle, j'en fais l'analyse, et
tous les questionnaires qui comportent des plaintes, des insatisfactions ou des
problèmes sont remis immédiatement au conseiller à la
clientèle qui communique avec les signataires des questionnaires, assure
le suivi et la satisfaction ou le règlement des problèmes qui
sont mentionnés.
Également, plus en regard du programme de gestion des risques,
les plaintes adressées au conseiller à la clientèle
peuvent faire ressortir qu'il s'agit d'un accident ou d'un incident chez le
bénéficiaire. Alors, nous collaborons, à ce
moment-là, pour essayer d'analyser ce qui s'est passé pour
éviter que, dans le futur, ça puisse se reproduire, essayer de
prévenir le plus possible ces accidents et incidents là et,
à ce moment-là, s'il y a lieu, d'assurer aussi le lien avec nos
assurances. C'est moi qui l'assure, mais toujours en collaboration avec Mme
Bergeron. Il y a également un rapport qui est présenté de
façon trimestrielle au conseil, qui en assure un suivi. C'est une partie
des liens que nous avons à l'hôpital, dans nos rôles
respectifs, mais qui se complètent.
Mme Bergeron: Mme Légaré.
Mme Légaré (Judith): Bien, le comité de
bénéficiaires, à l'hôpital Sainte-Justine, est
composé strictement de parents bénévoles. Ce ne sont pas
des bénéficiaires à proprement parler; on est les parents
des bénéficiaires, des usagers des services, en tout cas, des
enfants malades. Donc, on n'est pas sur les lieux, dans l'établissement
tout le temps. Ça prend quelqu'un qui est... Mme Bergeron assure donc le
suivi et est la "personne référence" immédiate pour un
individu parent qui a des besoins à exprimer ou une plainte à
formuler. Le comité de bénéficiaires a un rôle
complémentaire à ça en ce sens que sa vision de la
défense des intérêts de bénéficiaires est
plus une vision collective, c'est-à-dire des intérêts
collectifs des bénéficiaires de l'hôpital.
Si, à certains moments, il arrive qu'il y ait des plaintes
individuelles formulées au niveau du comité de
bénéficiaires, ce qui est extrêmement rare, on va examiner
si cette plainte-là est un cas unique ou... Bon, de toute façon,
on l'achemine à Mme Bergeron. Si ce n'est pas un cas
unique, bien, elle va nous le dire que ce n'est pas un cas unique, et
là, on va voir quelles ramifications il y a avec d'autres cas possibles
et si on peut développer des moyens d'action plus globaux pour modifier
la situation à l'hôpital. On travaille dans un esprit de
collaboration avec l'hôpital pour améliorer. On a une vision
vraiment positive de la chose. On n'est pas un comité de plaintes; on
est un comité qui est là pour améliorer la qualité
de vie des enfants à l'hôpital, et donc, on se veut proactif.
Et une des façons pour nous de s'assurer qu'on est au courant,
qu'on est vraiment en contact avec les intérêts plus larges des
bénéficiaires de l'hôpital, c'est qu'on a fait des
démarches pour associer les associations de parents d'enfants qui
fréquentent l'hôpital Sainte-Justine à nos rencontres au
comité de bénéficiaires et aux démarches conjointes
qu'on peut développer avec l'hôpital à certains moments. On
a des projets conjoints d'association avec certains services de
l'hôpital, par exemple, qui traitent les mêmes clientèles,
parce que le comité de bénéficiaires est un comité
composé de cinq personnes qui représentent les
bénéficiaires, mais qui ne peuvent pas connaître les
besoins et les attentes de tous les types de clientèle de
l'hôpital.
Donc, on a un lien étroit avec les associations qui participent
beaucoup au travail du comité, qui proposent beaucoup d'actions, et qui,
dans certains cas, vont, elles, recevoir des plaintes de parents faisant partie
de leur association ou dont l'enfant a une maladie qui relève de
certaines associations, et vont, à un moment donné, arriver au
comité des bénéficiaires et dire: Écoutez, on a un
dossier chaud ici; il y a quelque chose qui ne marche pas à
l'hôpital. Mme Bergeron est toujours aux réunions du
comité. Les actions immédiates, c'est toujours elle qui les met
en branle, c'est elle qui a les contacts, qui connaît le milieu de
façon quotidienne, qui connaît les gens. Nous, ce qu'on va faire,
c'est que pour ce dossier-là, on va essayer de mettre les
représentants des parents des associations plus spécifiques en
contact avec les bonnes personnes pour que le dossier se règle un petit
peu à un niveau politique ou stratégique dans l'hôpital,
qu'il y ait vraiment quelque chose qui soit fait de façon claire et
qu'il y ait une volonté de faire quelque chose à un niveau plus
haut. Donc, c'est toujours à un niveau collectif.
Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez, on va
débuter la période d'échanges, parce que le temps
défile rapidement.
Mme Légaré: O. K.
Le Président (M. Dauphin): Alors, je vais vous poser une
ou deux questions; ensuite de ça, je reconnaîtrai d'autres
membres.
De quelle façon êtes-vous nommée, Mme
Bergeron? Est-ce que c'est par le conseil d'administration ou par la
direction?
Mme Bergeron: Non, c'est par la direction générale
de l'hôpital. C'est ça.
Le Président (M. Dauphin): Alors, vous relevez...
Mme Bergeron: Je relève de la direction
générale.
Le Président (M. Dauphin): Alors, vous relevez du
directeur général, de la direction générale.
Mme Bergeron: C'est ça.
Le Président (M. Dauphin): Puis quel genre de plaintes
avez-vous à régler?
Mme Bergeron: Oh! là, là. Toutes sortes de
plaintes. Ça peut être l'insatisfaction concernant le traitement,
les soins. Ça peut être une plainte contre le médecin parce
qu'il n'est pas disponible quand le parent aimerait le rencontrer, on veut
changer de médecin. Ça peut être les attentes aux cliniques
externes. Ça peut être, le parent qui attend une intervention
chirurgicale pour son enfant, qu'il y a déjà six mois que cette
intervention est prévue et qu'il n'y a pas de disponibilité, ce
médecin, sur sa liste d'attente, ça peut retarder. À ce
moment-là, il y a des démarches à faire auprès du
médecin par rapport à cette intervention chirurgicale, pour voir
s'il y a des délais qu'on peut encore... Est-ce qu'on peut dire aux
parents qu'il n'y a pas de danger si on attend encore.
Le Président (M. Dauphin): C'est très
varié.
Mme Bergeron: Alors, ce peut être ce que vous imaginez, les
plaintes...
Le Président (M. Dauphin): J'imagine que la
majorité des plaintes sont verbales?
Mme Bergeron: Je dirais 50 % verbales... Oh! je ne sais pas. Non,
moi, je dirais plus 30 % verbales, 30 % de rencontres à mon bureau et 40
% de téléphones et correspondance.
Le Président (M. Dauphin): Parce que, dans le projet de
loi 120, il est question que toute plainte doit être faite par
écrit.
Mme Bergeron: Oui, ça...
Le Président (M. Dauphin): Qu'est-ce que vous pensez de
ça?
Mme Bergeron: Non, moi, je ne suis pas du tout d'accord parce
que, là, vous allez avoir
encore d'autres délais. Et nous, ce qu'on essaie de faire
à Sainte-Justine, quand on a une plainte... D'ailleurs, dans le
protocole qu'on a rédigé, on dit bien que notre plainte doit
être réglée à l'intérieur d'un mois. Et,
quand vous êtes dans un hôpital, que vous avez un problème
directement à l'hôpital, vous ne pouvez pas demander aux gens de
vous écrire une lettre. Je pense que vous pouvez... Vous avez une
personne qui est devant vous, ou que ce soit par téléphone,
également, c'est très délicat de dire aux gens qui
prennent la peine de vous téléphoner, bien, écoutez,
écrivez-moi donc. Dans certains cas, je peux demander une lettre, suite
à la conversation téléphonique, s'il y a une implication
importante.
Le Président (M. Dauphin): Plusieurs personnes sont venues
dire aux commissaires aujourd'hui qu'un "ombudsperson" ou ombudsman maison, au
niveau de la garantie d'indépendance, que ce n'était pas facile
d'en faire la démonstration. Alors, de quelle façon voyez-vous
ça, vous? Par quels moyens assurer l'indépendance d'une
conseillère à la clientèle, par exemple, nommée par
la direction et puis relevant de la direction?
Mme Bergeron: Oui, oui. Mais si on a un mandat précis de
la direction, ça peut être soit de la direction de l'hôpital
ou ça peut être du conseil d'administration. Si la direction d'un
hôpital veut créer un poste avec une personne qui va se
préoccuper des plaintes de la clientèle, je pense que cette
personne-là n'est pas là pour plaire à la direction. La
direction la nomme pour, justement, qu'elle soit la personne ressource de la
clientèle. Il y a une plainte, il y a une insatisfaction; je pense que,
quand on est dans le milieu, on sait comment traiter cette insatisfaction par
des rencontres.
Il est même arrivé à l'occasion que, soit avec le
parent ou la personne, j'aie eu à rencontrer les différents
intervenants. Et moi, je me sens très à l'aise là-dedans.
Et puis, je pense que les gens, avec les années, commencent à
comprendre que la personne qui s'appelle ombudsman, conseillère à
la clientèle, n'est justement pas là pour défendre les
intérêts de la direction. Elle est là pour défendre
leurs intérêts. Et d'ailleurs, je pense qu'avec de la
publicité, si on essaie de publiciser de plus en plus le rôle de
l'ombudsman, on peut dire aux gens ce que la personne fait. Moi, je pense que
les gens se sentent quand même très à l'aise
là-dedans.
Le Président (M. Dauphin): Ça ne vous a jamais
occasionné de conflit d'intérêts?
Mme Bergeron: Non. Jamais les parents ne m'ont dit: Ah bon!
écoutez, vous êtes payée par l'hôpital, ou vous
dépendez de la direction de l'hôpital ou du conseil
d'administration. Jamais. Les gens qui sont venus, qui viennent à mon
bureau, sentent que je suis là pour les aider.
Le Président (M. Dauphin): Et puis, un recours ultime
à une institution comme le Protecteur du citoyen, vous ne voyez pas
ça d'un bon oeil? (20 h 45)
Mme Bergeron: Bien, ça n'est pas que je le vois d'un
mauvais oeil non plus mais je me dis qu'on va créer d'autres structures.
Il y en a déjà, des structures en place. Tantôt, je parlais
du conseil régional qui, par la loi, a quand même un mandat. Et je
pense qu'au cours des années, on a établi, comme je le disais
tantôt, des liens avec le conseil régional; et c'est quand
même intéressant, on peut avoir des rencontres avec ces
gens-là. Il y a des expertises qui peuvent nous être
apportées. Non, moi, je me dis, là, qu'on va avoir tellement de
structures que les gens ne sauront plus où se plaindre. Et, bon, ce que
je crains aussi, je le disais tantôt: Quand vous avez une personne devant
vous, vous réglez la plainte peut-être à l'intérieur
d'une heure ou deux. Si les gens doivent aller à l'extérieur pour
porter plainte, ça ne prendra pas un mois, ça en prendra deux et
trois.
Le Président (M. Dauphin): Ce qui est prévu dans le
projet de loi 120, en gros, là, que chaque établissement doive
prévoir un mécanisme de plaintes, trouver une personne qui va
s'occuper de ça, avec possibilité de recours à la
régie régionale...
Mme Bergeron: Ça, je suis tout à fait d'accord.
Le Président (M. Dauphin): ...un cadre, vous êtes
tout à fait d'accord avec ça. Puis, le fait qu'il n'y ait pas
d'autre recours, évidemment, vous y avez répondu. C'est suffisant
selon vous?
Mme Bergeron: Bien, il me semble. Parce que vous avez toujours,
finalement aussi, le recours judiciaire. Et ça, ça existe et
ça existera encore. S'il y a un patient qui consulte un avocat à
un moment donné suite à une erreur, je pense que ça
existera encore, qu'il y ait le Protecteur du citoyen ou pas ou une autre
instance. Ça, je pense qu'on ne pourra sortir de cette loi par rapport
à des poursuites, si vous voulez.
Le Président (M. Dauphin): D'accord, merci. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, ensuite M. le
député d'Iberville.
Mme Harel: Alors, merci. Alors, bienvenue Mme Bergeron, Mme
Dufresne et Mme Légaré. Donc, c'est un établissement
surtout de courte durée. Et vous, Mme Légaré, les
bénéficiaires qui sont membres de votre comité le sont
pour des enfants qui sont là pour une plus longue durée,
habituellement?
Mme Légaré: Jusqu'à récemment,
jusqu'au printemps dernier, on avait un parent d'enfant en soins
prolongés; maintenant on n'en a plus, puis c'est une lacune importante.
On amorce des démarches pour trouver un parent d'enfant en soins de
longue durée.
Mme Harel: Peut-être, vous, avez-vous encore un enfant qui
est hospitalisé?
Mme Légaré: Bien, qui est hospitalisé
sporadiquement.
Mme Harel: Sporadiquement. Donc, ce sont plutôt des parents
dont les enfants ont à utiliser sporadiquement les services de
l'hôpital.
Mme Légaré: D'où l'importance que moi, en
tout cas, j'ai toujours accordée à associer les
associations...
Mme Harel: D'accord.
Mme Légaré: ...de parents à notre
démarche parce qu'on ne peut pas...
Mme Harel: J'ai pris connaissance avec intérêt, Mme
Bergeron, du rapport d'activités pour l'année, notamment des
besoins de la clientèle. Par exemple, l'hébergement, vous nous
dites que 415 personnes se sont adressées à vous en regard du
problème d'hébergement parce qu'elles avalent un problème
pour s'héberger à Montréal pendant que leur enfant
était hospitalisé...
Mme Bergeron: Voilà.
Mme Harel: ...c'est ce qu'il faut comprendre?
Mme Bergeron: Oui, on en discutait justement un peu plus
tôt. Il faut vous dire qu'à Sainte-Justine, la clientèle
qui vient de l'extérieur de Montréal - puis là, quand je
dis ça, l'extérieur de Montréal, je compte 50 milles et
plus - on a à peu près 40 % de notre clientèle, si ce
n'est pas plus, 40 %, 45 %. Vous avez l'Abitibi, toute la province, finalement.
Donc, il y a de gros problèmes d'hébergement.
Mme Harel: J'avais l'impression en lisant votre rapport
d'activités que vous étiez véritablement une
conseillère à la clientèle plus qu'une ombudsman. Est-ce
que vous faites une distinction entre les deux?
Mme Bergeron: Non.
Mme Harel: Non. C'est-à-dire que les personnes qui ont un
problème d'hébergement, ce n'est pas un problème avec la
"dispensation" d'un service à l'établissement. C'est un
problème comme parent d'un enfant; c'est donc un problème de
clientèle. Ce n'est pas nécesairement un problème
lié à un service.
Mme Bergeron: C'est ça, oui, oui. Nous, en fait, à
Sainte-Justine, on utilise... Bon, je me rends compte que les gens vont
utiliser de plus en plus le terme "ombudsman". Mais quand on a
créé le poste il y a 12 ans, "ombudsman", ce n'était pas
tellement connu. Alors, c'est pour ça que le poste est plus connu
à Sainte-Justine comme conseillère à la
clientèle.
Mme Harel: Parce que, en fait, il est de commune renommée
que le poste de conseiller ou de conseillère à la
clientèle soit en quelque sorte distinct de celui d'ombudsman, dans le
sens où les deux ne nécessitent peut-être pas le même
degré d'impartialité ou d'indépendance par rapport
à l'établissement. Celui d'ombudsman exige en
général beaucoup plus de distance pour pouvoir, d'une certaine
façon, avoir peut-être toute l'apparence de l'impartialité
ou de l'indépendance. Mais pour vous, l'un et l'autre...
Mme Bergeron: L'un et l'autre... En fait, comme je vous le dis,
nous autres, à l'époque, on se disait: "Ombudsman", ce n'est pas
tellement connu. Donc "conseiller à la clientèle",
peut-être que les gens vont se dire: Bon, bien, c'est peut-être une
personne qui peut nous venir en aide. Mais moi, je dis non. Pour moi, c'est
tout à fait la même chose, que ce soit le chapeau de conseiller
à la clientèle ou ombudsman...
Mme Harel: Vous dites qu'il serait plus avantageux pour les
bénéficiaires que la fonction d'ombudsman soit reconnue. Comment
envisagez-vous cette reconnaissance?
Mme Bergeron: Bon. Soit reconnue dans le sens que, tantôt,
je disais - et M. le Président, d'ailleurs, m'a posé la question
- ce qui est suggéré dans l'avant-projet de loi, qu'il y ait des
personnes responsables du traitement des plaintes dans chaque centre
hospitalier et que ce soit reconnu à l'intérieur d'une loi comme
celle-là. C'est dans ce sens-là.
Mme Harel: Est-ce qu'il est arrivé que, malgré tous
les efforts dont on vous sait capable, les parents aient pu vouloir
malgré tout aller plus loin parce que vous n'arriviez pas, malgré
toute votre bonne volonté, à faire changer les choses par
l'établissement? Que les parents aient pu souhaiter, par exemple, que
ça puisse être porté à un recours externe pour qu'il
y ait une connaissance plus générale de la
nécessité d'un changement? Est-ce que, ça, c'est
intervenu? Parce que j'ai aussi d'autres questions. Les corporations. Et
certains sont venus aujourd'hui nous dire que c'est essentiel et qu'il faut
réexaminer toute la question des traitements
de plaintes dans les corporations. J'ai ces deux
questions-là.
Mme Bergeron: O.K. Pour répondre à votre
première question - ça va peut-être sembler
prétentieux de ma part, là - non, j'ai l'impression qu'il y a une
plainte, il y a un problème, il faut le régler, il faut aller
jusqu'au bout. Moi, je n'ai pas senti, suite à des interventions que
j'ai faites, que les gens auraient voulu aller ailleurs. Admettons que ce soit
arrivé, qu'on m'ait dit: Écoutez, moi, à Sainte-Justine,
je n'aime pas ça, la manière dont vous travaillez. Y a-t-il un
autre endroit? Ou bien, très très souvent - ça, ça
se fait partout, dans tous les milieux d'ailleurs - on nous menace d'un avocat.
Parce qu'on est très insatisfait, on est très fâché,
on va communiquer avec notre avocat. Alors moi, ça, je n'ai pas à
dire aux gens de communiquer ou pas avec un avocat. C'est quand même leur
choix; ils sont libres.
Mais moi, pour en revenir à votre question, je me dis, admettons
que ce soit arrivé, j'aurais eu tendance à dire aux gens:
Écoutez, oui, il y a un autre recours. Il y a le conseil régional
à Montréal qui a un service de plaintes qui est, à mon
avis, bien structuré et qui aurait été un recours
extérieur pour moi, qui demeurait quand même à
l'intérieur des services de santé et des services sociaux. Donc,
ces gens-là ont quand même une connaissance du milieu, de ce qui
se fait peut-être dans chaque hôpital. Ça, ça me
serait apparu, en tout cas... Parce que je ne pense pas que nous, on doive dire
aux gens: Bon, bien, il faut que vous soyez satisfaits parce qu'on est
là. Non, je ne le pense pas. S'ils ne sont pas satisfaits, bien,
essayons de leur donner satisfaction. Et s'ils veulent avoir de l'information
pour l'extérieur, où ils pourraient aller, on peut la leur
donner.
Mme Harel: Et quant aux corporations?
Mme Bergeron: Bon, pour les corporations, je suis tout à
fait d'accord avec ce que vous dites. Maintenant, moi, à
l'intérieur du centre hospitalier, c'est bien entendu que s'il y a une
plainte... Admettons qu'on va prendre un psychologue. On a un chef de service,
à Sainte-Justine, que je rencontre. J'ai eu une plainte contre tel
psychologue; il est arrivé telle ou telle chose. Le chef de service va
rencontrer le psychologue et c'est à lui, à ce moment-là -
s'il attache une importance à la plainte et que ça doit aller
à la corporation - c'est à lui de faire la démarche.
Peut-être que, là, vous avez raison, ce serait peut-être
intéressant que l'ombudsman puisse, directement, dans un cas, je vous
dis, un cas majeur, avoir un contact direct avec la corporation. D'autant plus
que si la plainte était faite par des personnes différentes,
toujours contre la même personne, à l'intérieur d'une
année, il y a de grosses questions à se poser.
Mme Harel: Je puis vous dire une chose. Je trouve ça assez
rafraîchissant, ce soir. Je nous regardais, je vous regardais,
derrière, et puis, depuis qu'on a débuté les travaux de
cette commission et qu'on traite des questions relatives aux
bénéficiaires, aux services de santé et aux services
sociaux, il n'y a pratiquement que des femmes dans la salle d'audience. Et
puis, on vient de terminer la Commission Bélanger-Cam-peau; il n'y avait
pratiquement que des hommes parmi les experts. Alors, je ne sais pas si c'est
l'attribution des rôles selon les sexes, mais de constitution... Je ne
sais pas si c'est parce qu'ils sont de constitution plus faible, mais ils ne
font qu'en parler.
Mme Bergeron: Peut-être. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci, Mme la
députée. Je vais maintenant reconnaître M. le
député d'Iberville.
M. Lafrance: Oui. J'aimerais, tout d'abord, M. le
Président, faire une remarque. Est-ce que je suis correct en disant que
votre institution est quand même spéciale dans le sens qu'elle
s'adresse aux enfants, en premier lieu? Jusqu'à quel âge?
Mme Bergeron: De 0 à 18 ans. Bien, 18... Excusez,
jusqu'à 21 ans. Je dis 18, mais on peut dire jusqu'à 21 ans. Et
vous avez également les patientes en obstétrique et
gynécologie. Alors, on a des patientes et des enfants.
M. Lafrance: O.K. Alors, le traitement des plaintes est quand
même sensiblement différent dans le sens que les parents sont
là et que les enfants, normalement, vont se plaindre à leurs
parents en premier. Et c'est beaucoup plus facile pour un parent de venir
transmettre cette plainte-là après, je pense. Je pense que c'est
quand même une nuance importante avec d'autres institutions. Combien
avez-vous de bénéficiaires annuellement et combien de plaintes
traitez-vous?
Mme Bergeron: Annuellement... Je ne veux pas me tromper dans mes
chiffres; Mme Dufresne a son grand cahier; aux cliniques externes, services
ambulatoires, il y a 220 000 patients selon le dernier rapport. Les patients
hospitalisés: 35 000 hospitalisés.
M. Lafrance: Et les plaintes?
Mme Bergeron: Les plaintes, l'année dernière, j'ai
fait le bilan, c'était 550 plaintes.
M. Lafrance: 550 plaintes.
Mme Bergeron: Ce qui fait une moyenne de
deux à trois plaintes par jour.
M. Lafrance: Et, finalement, j'ai vu que vous faites remplir
trois documents qui sont rédigés. Tout d'abord, un questionnaire
sur la satisfaction de la clientèle; ensuite, il y a un protocole de
règlement des plaintes qui fut rédigé en 1988; et,
finalement, vous faites un rapport trimestriel des plaintes et des besoins des
bénéficiaires. Est-ce que ce serait possible que vous
déposiez à la commission copie de ces documents-là?
Mme Bergeron: La satisfaction... Ce serait peut-être
possible. En tout cas, c'est un feuillet maison. Nous, on s'est
penchés... On a eu un comité, à un moment donné,
pour évaluer la satisfaction de la clientèle. On avait eu un
premier document; on s'est inspirés évidemment, comme tout le
monde, des documents qui existaient. Avec les années, on s'est
penchés à nouveau sur notre questionnaire en disant: Bon, il y a
peut-être des questions qui sont moins pertinentes ou d'autres qu'on
avait oubliées. Et nous, c'est un genre de feuillet maison. Je pense
bien qu'on pourrait sûrement transmettre ce genre d'information.
M. Lafrance: Oui, ça pourrait nous aider dans nos
travaux.
Mme Bergeron: Si c'est à la satisfaction...
Mme Dufresne: II est distribué durant le séjour des
gens qui sont à l'hôpital et, ordinairement, il est
complété aussi durant le séjour. On le fait par
échantillonnage, une fois par année chez les hospitalisés,
deux fois par année chez les externes. Et les corrections
immédiates... Lorsqu'il y a des problèmes, ceux-ci sont transmis
à Mme Bergeron qui communique avec le bénéficiaire. On
s'est donné un barème, et toutes les réponses qui sont en
bas de ce barème-là sont remises aux directions qui les
reprennent l'année suivante dans les objectifs pour essayer
d'améliorer les situations qui nous ont été
décrites.
Mme Bergeron: Pour le protocole, oui, c'est possible. Pour le
rapport trimestriel, ce serait peut-être plus intéressant de le
faire par rapport au rapport que j'ai produit. Quand je dis 550 plaintes,
sûrement que je pourrais vous faire le pourcentage. Moi, je l'avais un
peu fait, parce que j'attendais peut-être ce genre de question. Je me
disais: Les plaintes qui reviennent le plus souvent...
M. Lafrance: Les types de plaintes.
Mme Bergeron:... les types de plaintes, c'est ça: manque
d'information, attente aux cliniques externes, attente pour la chirurgie,
attitude du personnel, insatisfaction quant aux soins ou traitements et
incidents ou accidents. Alors, sûrement qu'on pourrait vous faire
parvenir le genre de plaintes avec le pourcentage par rapport au rapport.
M. Lafrance: D'accord, je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. Vous
pourriez peut-être l'expédier à Me Giguère qui est
secrétaire de la commission. Alors, c'est tout le temps qui était
disponible. Alors, Mme Bergeron, Mme Dufresne et Mme Légaré de
l'hôpital Sainte-Justine, nous tenons, au nom de tous les membres de la
commission, à vous remercier très sincèrement de votre
participation à nos travaux et vous souhaiter un bon retour. Ensuite,
nous suspendrons trois minutes pour revenir avec M. Dowie.
(Suspension de la séance à 21 heures)
(Reprise à 21 h 11)
Le Président (M. Dauphin): Nous reprenons les travaux avec
notre dernier groupe, si vous me permettez l'expression, la Commission de
protection des droits de la jeunesse, représentée par son
président M. Vaughan Dowie. Une période de 45 minutes a
été prévue. Alors, vous avez une quinzaine de minutes pour
votre exposé et ensuite, nous aurons une période
d'échanges avec vous. Allez-y.
Commission de protection des droits de la
jeunesse
M. Dowie (Vaughan): M. le Président, Mme la
députée, MM. les députés, c'est un grand
défi de prendre 15 minutes pour présenter une lettre de deux
pages. Alors, je vais juste résumer le mandat de la Commission pour
essayer de vous situer la Commission vis-à-vis les interventions qu'elle
a faites et donner un bref sommaire des points qu'on a soulevés.
La Commission de protection des droits de la jeunesse est un organisme
créé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui a
comme mandat principal de s'assurer que les droits des jeunes, prévus
par la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes
contrevenants soient respectés. Pour ce faire, la Commission
détient des pouvoirs d'enquête pour s'assurer que les droits
attribués aux jeunes en vertu des deux lois que j'ai mentionnées
auparavant soient effectivement respectés.
La Commission détient des pouvoirs; elle a des commissaires et
des enquêteurs pour faire des enquêtes. Et la Commission a la
possibilité, si elle trouve que les droits d'un enfant ont
été effectivement lésés, de faire les
recommandations nécessaires pour la correction de la situation
dans un délai imparti. Et si la recommandation n'est pas suivie
dans le délai imparti, la Commission peut saisir le tribunal pour
demander que les mesures soient ordonnées.
On a fait uniquement deux points dans ce que je ne peux pas appeler un
mémoire mais une lettre, adressée au secrétaire de la
commission, vis-à-vis du document de consultation qu'on a reçu.
Le premier point était de répéter une recommandation qu'on
a faite à l'époque de l'étude du projet de loi 107, la Loi
sur l'instruction publique, à l'époque, sur la possibilité
de recours en vertu des droits qui sont accordés dans la Loi sur
l'instruction publique. À l'époque, on a eu l'occasion de
rencontrer la commission de l'éducation qui était à
l'étude de ce projet de loi; et on a indiqué à la
commission de l'éducation nos désirs de voir intégrer dans
la loi un recours indépendant et clair pour les droits qui sont reconnus
aux élèves en vertu de la Loi sur l'instruction publique. Je
pense que la loi, par la suite, a été amendée. Je dois
dire, juste pour ouvrir une parenthèse, qu'on a fait ça
conjointement avec l'Office des personnes handicapées et la Commission
des droits de la personne du Québec. Le projet a été
amendé par la suite, mais uniquement pour donner la possibilité
à une commission scolaire de se saisir d'une situation où
c'était impossible pour les gens de loi; quelque chose qui, selon nous,
n'était pas adéquat comme recours indépendant pour des
droits reconnus en vertu de la Loi sur l'instruction publique.
Le deuxième point qu'on a soulevé concernait la demande
que la commission parlementaire a faite vis-à-vis de notre avis sur
l'extension des pouvoirs du Protecteur du citoyen sur le réseau de la
santé et des services sociaux. En gros, si je peux vulgariser, la
réponse de la Commission est qu'il faut avoir une certaine prudence dans
ça, juste pour éviter qu'il y ait une duplication des mandats,
par exemple, avec nous. La Commission de protection des droits de la jeunesse,
par exemple, comme je vous l'ai mentionné, intervient en vertu de la Loi
sur la protection de la jeunesse. Et pour le faire, elle intervient souvent
dans le réseau de la santé et des services sociaux, par exemple,
avec ce qu'on appelle actuellement les centres de services sociaux, avec les
centres d'accueil pour jeunes mésadaptés socio-affectifs, des
fois dans des centres hospitaliers, des fois dans des CLSC, des fois dans des
centres d'accueil pour déficience intellectuelle, pour en nommer
quelques-uns.
Et on veut juste porter à votre attention que vous devez avec une
extension éventuelle des pouvoirs du Protecteur du citoyen,
éviter qu'il y ait deux recours possibles au même moment pour des
personnes, pas sur des questions de chasse gardée de la Commission mais
pour éviter qu'il y ait des recommandations contradictoires faites par
deux organismes gouvernementaux ou publics à un établissement, au
même moment.
Je vous donne un exemple. SI une personne décide que ses droits
ont été lésés en vertu de la Loi sur la protection
de la jeunesse et porte plainte chez nous et que la même personne porte
plainte au même moment au Protecteur du citoyen pour exactement les
mêmes faits, il y a deux enquêtes indépendantes qui se
passent au même moment. Les deux institutions, les deux organismes
viennent à la conclusion qu'effectivement, le droit de l'enfant a
été lésé et disent à l'établissement:
Parce qu'on détient tous deux des pouvoirs de recommandations... Et un
organisme recommande à l'établissement un correctif et un autre
organisme recommande un autre correctif tout à fait contradictoire. Il
me semble que c'est d'abord un gaspillage d'argent et d'énergie, et ce
n'est peut-être pas dans le meilleur intérêt de la solution
des problèmes.
Comme ça, on a voulu uniquement attirer votre attention sur le
fait qu'il y a d'autres acteurs qui jouent sur ce terrain-là, des
acteurs qui sont reconnus en vertu des lois adoptées par
l'Assemblée nationale. Un certain nombre, comme nous, détiennent
des pouvoirs équivalents ou même supérieurs à ceux
du Protecteur du citoyen. Comme ça, on a voulu juste porter ça
à votre attention pour votre réflexion sur les questions que vous
avez posées.
En gros, M. le Président, ça résume la position de
la Commission, et je suis tout à fait ouvert pour répondre aux
questions.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Dowie. Je
vais maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, ensuite M. le député de Nelligan.
Mme Harel: Très bien, merci, M. le Président.
Bonsoir, M. Dowie. Il y a plusieurs années que l'on se connaît, et
ça me fait plaisir de pouvoir tout de suite vous demander de nous
décrire, pour le bénéfice de la commission, comment se
fait le traitement des plaintes à la Commission de protection des droits
de la jeunesse. Vous nous rappelez avoir, en vertu de la loi actuelle, à
traiter le recours, les plaintes en vertu du recours qui est accordé aux
parents qui se croient lésés, ou également aux jeunes qui
se croient lésés. Alors, comment c'est acheminé? Combien
en recevez-vous par année? Parlez-nous un peu de ce
mécanisme-là, que vous gérez.
M. Dowie: La porte d'entrée chez nous, c'est nos bureaux
régionaux. Comme vous le savez peut-être, la Commission a à
sa disposition 12 bureaux à travers le Québec, dans chacune des
régions administratives, sauf la région de la Gaspésie.
Comme ça, une personne porte plainte chez nous. Et si je peux juste
faire une précision, ce n'est pas uniquement le jeune ou ses parents qui
peuvent porter plainte, on reçoit des plaintes des jeunes, des parents,
des profession-
neis dans le réseau, des voisins, des tantes, oncles,
grands-pères, grands-mères, etc. Comme ça, n'importe qui,
qui a une raison de croire que le droit d'un enfant reconnu en vertu de la loi
n'a pas été respecté, peut porter plainte chez nous. La
plainte est reçue dans un de nos bureaux régionaux.
La politique, chez nous, est qu'on veut essayer... La première
étape est évidemment de voir si on a juridiction. Comme
ça, si on n'a pas juridiction, on va aider la personne à faire la
demande à l'organisme reconnu approprié pour le faire. On ne
demande pas - parce qu'il y a eu beaucoup de questions sur cette question ce
soir - de plaintes par écrit. Étant donné qu'on fait
affaire avec des jeunes, il me semble tout à fatt normal qu'on
reçoive la plainte de la façon dont elle est portée. Comme
ça, ça peut être en personne, ça peut être par
téléphone, ça peut être par écrit. Et on a
aussi la possibilité de se saisir de situations; on peut faire des
enquêtes de notre propre initiative.
Comme ça, la personne nous appelle ou nous écrit, on fait
les premières vérifications pour voir si on a la juridiction
qu'il faut, et, après ça, on donne les instructions
administratives à chacun de nos bureaux et on donne à peu
près 10 jours, ou on donne 10 jours, pour essayer de régler la
plainte par conciliation. Comme ça, on essaie de saisir
l'établissement qui a été mis en cause devant nous par la
plainte et on essaie de trouver un règlement à l'amiable entre
les personnes.
Je dois dire que même s'il y a un règlement à
l'amiable, et ça représente, je pense, à peu près
40 % des plaintes chez nous - et j'ai lu, mais je ne l'ai pas apporté
avec moi, le rapport d'activités de la Commission; comme ça, je
ne peux pas vous donner des chiffres précis - mais on se réserve
le droit, même si on a un règlement à l'amiable, de
toujours présenter la plainte à ce qu'on appelle, chez nous, le
comité d'examen des plaintes.
Le comité d'examen des plaintes, je dois l'admettre, n'est pas
vraiment un comité. C'est un peu comme moi, je suis un groupe ici, ce
soir. Le comité d'examen des plaintes est une réunion
hebdomadaire présidée par le président et dont le
président est le seul membre. Mais le président,
évidemment, est appuyé par un certain nombre de membres du
personnel. Et ça, c'est en vertu de la loi, des amendements à la
Loi sur la protection de la jeunesse en 1989, où il est question de
recevabilité des plaintes. Là où il y avait auparavant
trois commissaires, c'était éliminé ou c'était
réduit à un pour qu'on puisse traiter les plaintes de
façon hebdomadaire, sans faire appel aux commissaires qui sont partout
au Québec, et essayer de donner une réponse rapide à la
plainte.
Comme ça, même si c'est réglé à
l'amiable, la situation est portée à l'attention du comité
d'examen des plaintes. Si on trouve que le dossier a été
fermé en conciliation ou réglé à l'amiable, on se
réserve un droit si la plainte peut toucher d'autres personnes qui n'ont
pas porté plainte. Comme ça, si la situation est de nature
collective, on peut faire enquête de notre propre initiative. Ou on peut
régler le dossier tout de suite en disant: Étant donné que
la plainte a été réglée, on va fermer le dossier.
Si on trouve qu'effectivement, il y a une loi qui a été... Si
après deux jours, on n'est pas capable de régler la plainte ou la
situation ne se prête pas à une conciliation - il y a un certain
nombre de situations qu'il est impossible de régler par conciliation -
on va décider si on a raison de le croire. C'est ça, le test qui
est dans la loi pour nous: Est-ce qu'on a une raison de croire que le droit
d'un ou des jeunes a été lésé par un
établissement mis en cause.
Si on en vient à la conclusion qu'on a raison de croire qu'il y a
un droit qui a été lésé, la Commission émet
un avis d'enquête et l'avis d'enquête est envoyé au
requérant ou à la requérante de la Commission et à
l'établissement mis en cause. Par la suite, la Commission fera
enquête. Nos enquêtes sont des enquêtes inquisitoires. Comme
ça, elles ne sont pas des enquêtes contradictoires mais des
enquêtes inquisitoires où toutes les personnes susceptibles
d'apporter un éclairage sur une situation sont rencontrées. Et la
Commission a effectivement accès aussi à tous les dossiers
pertinents à un jeune qui est en besoin de protection ou doit être
en besoin de protection.
Après, une investigation est menée par un membre de notre
personnel. Il y a un groupe de trois commissaires qui est constitué pour
prendre une décision sur la plainte qui est devant nous. Et, à ce
moment-là, les commissaires décident s'ils pensent que le droit
de l'enfant a été lésé et, si oui, quelles sont les
recommandations nécessaires pour corriger la situation et quels sont les
délais qu'ils vont donner à la mise en cause pour effectuer ces
corrections-là.
En gros, ça marche comme ça. En termes de nombre de
plaintes qu'on reçoit par année, le nombre de plaintes de
l'année passée, je pense que c'était aux alentours de 500
à 600 ou quelque chose comme ça. Ça ne touche pas toutes
les questions, par exemple, d'information, consultation,
référence, etc., qui représentent une grande partie de
notre travail. Il y a aussi des personnes qui nous téléphonent
pour nous dire: Moi, je connais un enfant qui a besoin de protection, où
dois-je m'adresser, etc.?
Mme Harel: Et une fois que cet examen inquisitoire, que cette
enquête est faite, quelle est la recommandation, le pouvoir que vous
avez?
M. Dowie: Le pouvoir de recommandation. La Commission peut
recommander les choses ou les actes qu'elle désire qu'un
établissement fasse pour corriger la situation des gens. Comme
ça,
on peut demander qu'une évaluation d'un enfant soit refaite, que
la politique d'un établissement soit modifiée ou qu'un enfant
soit changé d'un centre d'accueil à un autre, dépendant
évidemment de la situation.
Si la recommandation n'est pas suivie dans le délai imparti,
comme ça - la Commission, par exemple, donne un délai de 30, 60
ou 90 jours pour accomplir l'acte qu'on a demandé - la Commission a le
pouvoir de saisir le tribunal et de refaire l'exercice. Comme ça, on
doit faire la preuve devant le tribunal qu'effectivement, un droit de l'enfant
est lésé et que notre recommandation est appropriée ou on
laisse le tribunal trouver une autre recommandation qu'il trouve plus
adaptée pour corriger la situation.
Mme Harel: Alors, dans quel pourcentage des cas saisissez-vous le
Tribunal de la jeunesse que vos recommandations ne sont pas suivies?
M. Dowie: La Commission, entre la date où elle a obtenu
ces pouvoirs-là, qui étaient dans la réforme de la Loi sur
la protection de la jeunesse en 1979 jusqu'à 1988, n'a jamais saisi le
Tribunal. Je dois admettre, pour les années après 1986, je dois
imaginer que c'est parce que toutes nos recommandations ont été
suivies parce que je n'étais pas là à l'époque.
Depuis 1988, on a saisi le Tribunal à une reprise en 1988. Cette
année, nous avons deux dossiers actuellement devant les tribunaux, et
j'imagine, à un moment donné, entre 5 et 10 mises en demeure qui
sont sur la voie. On a changé un peu la teneur de la Commission depuis
1988 en disant qu'on tient à ce que nos recommandations soient
respectées dans le délai imparti. Comme ça, on n'a plus
l'habitude de nous retrouver devant le Tribunal, actuellement.
Mme Harel: Et lorsqu'il y a, par exemple, omission? Là, je
pense, de la part d'un directeur de la protection de la jeunesse ou d'un
délégué de protecteur, pour un geste, disons... J'ai en
tête un dossier, je crois que c'était à
Saint-Jérôme. La Commission était intervenue, je crois, et
dans un cas où ce qui est en cause, c'est peut-être la
négligence, là. À ce moment-là, quel est le moyen
à votre disposition pour faire les changements appropriés?
M. Dowie: Je pense que la situation que vous avez en tête,
c'est l'obligation de signaler qui n'a pas été respectée -
selon ce que j'ai lu dans un certain nombre de journaux - par une personne
à l'emploi de la direction de la protection de la jeunesse. Dans des
situations d'omission de signaler, on a un certain nombre de recours possibles
devant nous.
Le premier recours qu'on a souvent utilisé avec les
établissements de santé, par exemple, où on a
trouvé que le médecin était saisi du dossier d'un enfant
qui avait été victime d'un abus physique ou sexuel, disons, et
avait omis de signaler la situation, la Commission avait auparavant la
politique de demander à l'établissement d'établir une
politique. Comme ça, on donne une chance au coureur de dire que,
peut-être, l'établissement ne connaissait pas ses obligations en
vertu de la loi. Et on demande à l'établissement d'avoir une
politique qui inclut souvent ce qu'on appelle un comité PEM, protection
d'enfant... quelque chose, mais qui va aider un médecin, par exemple,
à bien situer les situations qu'il doit signaler. Par exemple, on va
avoir sur ce comité-là des travailleurs sociaux d'un
hôpital, ou quelque chose comme ça, quelqu'un qui peut aider le
médecin ou l'infirmière à bien situer la situation
où il y a une obligation de signaler.
On a toujours la possibilité comme recours, qui n'est pas un
recours à nous, de faire des recommandations au Procureur
général. L'omission de signaler, effectivement, est une
infraction à la Loi sur la protection de la jeunesse en vertu de
l'article 134. Donc, le Procureur général a la possibilité
de prendre des poursuites en vertu des mesures pénales prévues
par la loi. Ça, c'est une autre possibilité.
Des fois - et je ne veux pas parler d'un cas particulier - on ne trouve
ni l'un ni l'autre ni le recours approprié. Disons d'une façon
hypothétique que le défaut de la personne n'est pas un
défaut systématique ou un défaut du système. Un
hôpital, par exemple, ne connaît pas son obligation de signaler,
mais une personne à son emploi ne doit pas quand même faire
ça. Et on trouve, par exemple, que, par la suite, dès que la
direction a été informée, elle a pris des mesures pour
destituer cette personne de son emploi. La Commission peut décider,
étant donné que la personne est congédiée, que
traîner la personne devant le Tribunal pour une amende de 500 $ ne
mérite pas une recommandation de nous-autres au Procureur
général, par exemple, pour une poursuite éventuelle; ou de
dire à rétablissement en question: Vous devez changer vos
politiques parce qu'il nous semble que la politique en question a
été bien connue. Mais en terme de recours possible, c'est le seul
recours possible. (21 h 30)
Mme Harel: On comprend donc que l'amende pour une telle
infraction d'omission de signaler, c'est 500 $.
M. Dowie: À peu près, je pense que c'est 500$.
Mme Harel: Alors, votre conclusion, c'est que vous nous dites que
la Commission...
M. Dowie: Mais si je peux juste dire quelque chose, il y a des
fois que 500 $ peut coûter beaucoup plus cher pour une personne que 500
$. Si je vous donne l'exemple d'un médecin qui omet de signaler, qui est
condamné par le
Tribunal, il pale ses 500 $ mais la vraie pénalité est que
les frais d'assurance pour cette personne-là vont augmenter beaucoup
parce que c'est une faute professionnelle qui a été
prouvée devant un tribunal.
Mme Harel: Est-ce que c'est arrivé, déjà?
M. Dowie: Pas encore.
Mme Harel: Vous nous dites, vous nous faites un
scénario...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Vous nous dites donc que la Commission de protection
des droits de la jeunesse a déjà la juridiction en matière
de protection de la jeunesse, a déjà, dans la loi actuelle,
à gérer un recours pour les jeunes ou leurs parents qui
estimeraient que les droits qui leur sont reconnus dans la Loi sur la
protection de la jeunesse ou la Loi sur les jeunes contrevenants sont
lésés. Et vous nous dites, vous le dites en termes
élégants, là, mais ça revient à dire qu'il
ne faut pas faire de duplication et confier à quelqu'un d'autre ce qui
vous est déjà confié. Est-ce que c'est ça qu'il
faut comprendre?
M. Dowie: Oui Mme Harel: Bon.
Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors merci
beaucoup. Maintenant, je reconnais M. le député de Nelligan.
M. Williams: Merci, M. le Président. Bienvenue à M.
Dowie à notre commission. Vous êtes bien connu pour votre passion
et votre compétence dans la protection des droits des jeunes. Vous avez
une longue expérience communautaire et aussi pour notre gouvernement, et
je vous félicite pour votre travail sur la question de la protection des
droits de la jeunesse.
Vous avez discuté la question d'une façon très
précise, et je voudrais vous demander peut-être une question qui
n'est pas dans votre lettre. Votre Commission, si je me souviens bien, a un
conseil d'administration nommé par le gouvernement, avec les membres qui
viennent... Peut-être pourriez-vous décrire quel type de membres?
Le Protecteur du citoyen n'a pas ce type de conseil d'administration. Je
voudrais, si vous êtes capable, que vous décriviez l'avantage
d'avoir un type de conseil d'administration communautaire, attaché
à votre mandat, s'il vous plaît?
M. Dowie: L'avantage pour la Commission, évidemment, est
que la loi prévoit que les commissaires nommés par le
gouvernement sont nommés parmi des personnes avec une expertise dans les
dossiers de jeunesse en général. La loi le dit d'une façon
plus élégante que je ne peux le dire.
Ça nous donne la possibilité... Jusqu'à maintenant,
on a reçu des personnes, comme commissaires, qui viennent de beaucoup de
différentes disciplines. Comme ça, on a des avocats, on a des
psychologues, on a des crimi-nologues, on a des travailleurs sociaux et des
administrateurs d'établissements. Comme ça, ça nous donne
la possibilité d'examiner d'une façon multidisciplinaire les
questions devant nous.
La loi, comme je vous l'ai dit auparavant, exige qu'il y ait trois
commissaires qui prennent une décision sur les plaintes. Et comme
ça, ça nous donne la possibilité, à ces
occasions-là, d'avoir la contribution de plus d'une discipline sur une
situation donnée.
Ça devient important parce qu'un bon nombre des droits auxquels
on se réfère sont des droits que je décris comme des
droits assez subjectifs. Par exemple, la majorité de nos plaintes
résident, ou sont basées, ou sont fondées, sur l'article 8
de la loi qui dit qu'un jeune, un enfant, a le droit de recevoir un service
adéquat, à la fois scientifique, personnalisé,
individualisé, etc. C'est exactement le même concept qu'on trouve
dans la Loi sur la santé et les services sociaux, compte tenu des
ressources de l'établissement.
Mais ia question devient.. Qu'est-ce que c'est, un service
adéquat? Un service adéquat, on n'a pas beaucoup de lignes
directrices dans la législation et on est pris aussi avec le contenu
à la fin de ça. Et comme ça, avoir des personnes qui
viennent d'autres disciplines, pour nous autres, ça donne des
possibilités que les questions d'adéquation de services soient
vues avec l'angle de plus d'une discipline. Et on trouve souvent, par exemple,
que ce qui est adéquat pour un avocat ne l'est pas pour un psychologue
et vice versa. Et comme ça, pour ce genre de droits qui sont assez
subjectifs, où on n'a pas de balises claires par la voie
législative, ça nous donne la possibilité d'avoir des
contributions de personnes avec différentes optiques sur la
question.
M. Williams: Merci. Souvent, quand on parie de protection des
droits, on parie - particulièrement quand on parie avec des avocats et
avocates - de choses légales, de recours au tribunal, de recours aux
instances indépendantes; et je pense qu'ils ont raison de discuter
à ce niveau. Mais il y a aussi un autre niveau peut-être plus
informel. Quel moyen pensez-vous que la loi vous donne? La loi vous
donne-t-eile assez de clarté dans votre mandat pour prévenir
l'abus, un rôle d'éducation? Vous avez mentionné dans votre
lettre que vous avez fait une intervention sur un projet de loi devant une
autre commission. Avec ça, je retourne un peu à la question du
rôle proactif de ce type de commission. Pensez-
vous que c'est un rôle important et quel autre moyen prenez-vous
pour prévenir l'abus dans le réseau? Ou est-ce que vous pensez
que ce n'est pas votre rôle?
M. Dowie: Non, effectivement. Il me semble tout à fait
difficile de comprendre qu'une commission comme la nôtre puisse attendre
que le droit des personnes soit lésé avant de venir. Il me semble
qu'une partie importante de notre rôle est de s'assurer qu'on ait de
moins en moins de clients. Et comme ça, il y a moins de lésions.
Pour le faire, notre présence n'est pas habituelle mais, de temps en
temps, devant les législateurs, sur une question précise, pour
les éclairer sur nos points de vue sur une question. Moi, je n'ai pas
parlé du programme de traitement de plaintes auparavant, mais je peux
vous parler de deux autres programmes qu'on a, rapidement. Je sais qu'il se
fait tard pour vous.
On a un programme de vérification de l'exercice des droits, et
qu'est-ce qu'on fait? En gros, chaque année, pour un des droits qui est
reconnu par la loi, on va faire une vérification de chacune des
régions. Par exemple, l'année passée, on a pris l'article
56 de la Loi sur les jeunes contrevenants et l'article 5, je pense, de la Loi
sur la protection de la jeunesse. Pour le traduire, l'article 56 de la loi dit,
déjà en 1981, que, dès qu'un enfant est
arrêté, le policier doit l'informer de ses droits, l'informer de
son droit d'avoir un avocat présent, l'informer pourquoi il est
arrêté, et tout ça. Et l'article 5 dit que les personnes
qui interviennent avec un enfant et ses parents en vertu de la Loi sur la
protection de la jeunesse ont l'obligation de l'informer de ses droits et des
gestes qu'on va poser pour mettre fin à la situation de protection.
Comme ça, ce qu'on a fait dans ça, si je prends l'article
5 par exemple, on a regardé toutes les politiques dans tous les CSS pour
voir quels sont les moyens pour que leurs délégués soient
informés des droits que les personnes détiennent. Comme
ça, on compte sur les délégués de protection pour
informer les personnes de leurs droits, mais si, eux autres, ne connaissent pas
les droits de la clientèle, c'est difficile pour eux d'expliquer au
monde quels sont leurs droits.
Et après ça, on rencontre dans chacune des régions
à travers le Québec - dont on a fait un échantillon au
hasard - un certain nombre d'enfants et un certain nombre de parents pour voir
s'ils ont été effectivement informés de leurs droits. On
ne fait pas une enquête là-dessus; il n'y a pas de sanction
à la suite à ça mais, à la fin de ça, on
fait un rapport qui est inclus dans le rapport d'activités qui est
déposé devant le législateur, mais qui fait partie aussi
de nos rapports d'activités dans chacune des régions.
Avec ça, on passe au deuxième programme, si je peux le
dire rapidement, qui est le programme de médiation de l'exercice des
droits.
Comme ça, on prend les constats qu'on trouve dans le programme
vérification et on essaie de travailler avec le réseau parce
qu'on n'a pas le pouvoir d'exiger qu'ils travaillent avec nous; mais on essaie
d'avoir une consultation pour essayer de remédier à un certain
nombre de choses qu'on voit dans les problèmes d'application. Par
exemple, cette année, on travaille sur l'article 5, la
vérification de l'article 5. Il y a un groupe de travail, entre nous
autres, et l'Association des centres de services sociaux du Québec pour
créer un document destiné aux délégués de la
protection de la jeunesse, qui les informe des droits que les clients
détiennent, pour que ces personnes-là puissent effectivement
informer les clients. Comme ça, la prévention, en gros, pour
être court, il me semble que c'est la partie la plus importante de notre
rôle, malgré que ce soit la partie peut-être la moins
connue.
M. Williams: Merci. Juste une question, vite. On parle de
l'augmentation de la violence, de l'abus d'enfants, de l'abus des drogues. Nous
voulons privilégier les jeunes par la réforme de la santé.
J'ai discuté de ça avec M. Côté aujourd'hui. S'il
vous plaît, c'est quoi votre budget et c'était quoi le taux
d'augmentation, environ, pendant les cinq dernières années de la
Commission?
M. Dowie: Merci pour la question, M. le député.
M. Williams: C'est pour la question.
M. Dowie: Le budget de la Commission est d'à peu
près 3 000 000 $. Le budget de la Commission est moindre aujourd'hui
qu'il l'a été en 1983, je pense. Comme ça, je pense, le
budget de la Commission était d'environ 3 500 000 $ en 1983, mais suite
à une tentative de fusion de la Commission avec la Commission des droits
de la personne - un dossier, je pense, qui est bien connu par la commission
parlementaire, ici - il y a un certain ajustement de nos budgets qui a
été fait en prévision de la fusion. Effectivement, le
gouvernement a décidé de laisser tomber le projet de loi en
question, mais le problème, c'est qu'on a perdu des ressources à
ce moment-là, des ressources qu'on essaie toujours de retrouver, quelque
part dans le fonds consolidé.
Mais en gros, juste pour dire qu'on est assez fiers du travail, les 3
000 000 $, ça semble être beaucoup. Pour moi, comme citoyen, 3 000
000 $, c'est beaucoup. Mais il ne faut pas oublier qu'avec ça, la
Commission a 12 bureaux à travers le Québec et même un
à Kuuraapik. Et si vous n'avez jamais vu les frais de voyage d'une
personne entre Kuuraapik et Montréal, vous allez comprendre comment 3
000 000 $, juste pour les frais de déplacement de nos employés,
les frais de déplacement de nos commissaires et les salaires, tout
ça, ce n'est effectivement pas
beaucoup d'argent avec le travail qu'on fait.
M. Williams: Merci. C'est mon point que nous pourrons avoir tous
les meilleurs établissements et les lois au monde, si nous n'avons pas
les moyens de mettre les programmes en place et de protéger la
clientèle, ça ne sera bon à rien. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Juste avant de terminer,
j'aurais une question. Dans votre lettre, vous faites mention que la Commission
de protection des droits de la jeunesse avait recommandé, lors du
débat entourant l'adoption du projet de loi 107, qui reconnaissait pour
la première fois aux élèves des droits, qu'il
prévoie en même temps une possibilité de recours
indépendant. La Loi sur l'instruction publique prévoit, à
son article 9, qu'un élève visé par une décision du
conseil ou par le comité exécutif ou le titulaire d'une fonction
ou d'un emploi peut demander au conseil des commissaires de réviser
cette décision. Je présume que cet article-là ne vous
satisfait pas.
M. Dowie: La question devient, M. le Président: est-ce que
l'assemblée des commissaires de la commission scolaire est un recours
indépendant vis-à-vis des décisions prises par les
administrateurs à l'emploi de la même commission scolaire? Je
pense que c'est une amélioration sur ce qui était là
auparavant parce qu'il n'y avait rien auparavant. Et on se réjouit de
ça.
Mais, par exemple, le genre de situations présentées chez
nous... Par exemple, si on parle des élèves et la question de la
suspension d'un élève par le directeur d'école; le
directeur d'école décide de suspendre l'élève,
même pour une période indéterminée. Et quel est le
recours pour ça? L'enfant a le droit à l'éducation. Il y a
une décision prise par l'administrateur de la commission scolaire, et,
comme ça, la commission scolaire devient le seul recours. Les
commissaires de cette commission scolaire deviennent le seul recours possible
pour ce droit, le droit d'accès à l'éducation. Comme
ça, le mot-clé, pour nous, c'est la question de
l'indépendance du recours.
Mais on se réjouit du fait qu'il y ait un recours parce qu'avant
l'intervention de différentes personnes devant la commission
parlementaire, il n'y avait aucun recours prévu. Comme ça, on
doit admettre que c'est une amélioration sur ce qui était dans la
première version du projet de loi. Mais je vous rappelle, M. le
Président, que dans le projet de loi 3, qui a été, je
pense, le deuxième essai de ça, qui a été l'enfant,
je pense, du projet de loi 40 sur la Loi sur l'instruction publique, le recours
au Protecteur du citoyen a été Inscrit.
Le Président (M. Dauphin): En tout cas, vous avez
fêté un anniversaire cette semaine. Est-ce que vous pourriez
indiquer aux membres de la commission... Ou c'était plutôt le
lancement d'un livre cette semaine.
M. Dowie: Oui, on a eu l'occasion de lancer, lundi passé,
la loi annotée, un autre programme de la Commission, la loi
annotée sur la Loi sur la protection de la jeunesse, qui était
neuve, qui était faite par nos conseillers juridiques. On parle de nos
contentieux mais c'est une personne. Et ça a été
lancé cette semaine. C'est un outil qui, pour le grand public, n'est
d'aucune importance, mais pour les personnes qui pratiquent... Je ne sais pas
si vous avez eu l'occasion d'aller devant le Tribunal de la jeunesse, mais vous
allez trouver que tous les avocats, les juges et même les intervenants
sont équipés avec un petit livre vert qui est le genre de bible
pour la protection de la jeunesse. Et ça, c'est la loi annotée
dont nous sommes très fiers.
Le Président (M. Dauphin): Alors, M. Dowie, au nom de tous
les membres de la commission, nous tenons à vous remercier
sincèrement de votre participation à nos travaux, de vous
être déplacé, ce soir, et nous vous en sommes
reconnaissants. Merci beaucoup et bon retour.
Alors, la commission des institutions ajourne ses travaux jusqu'à
demain matin 9 h 30. Alors, il est important de noter que nous reprenons nos
travaux ici même à 9 h 30.
(Fin de la séance à 21 h 47)