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(Quinze heures quatorze minutes)
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Messieurs, le quorum étant constaté, je déclare
donc la séance de la commission des institutions ouverte et je rappelle
le mandat de notre commission, aujourd'hui, qui est de procéder à
un échange entre le premier ministre et le chef de l'Opposition
officielle. Avant d'aller plus loin, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Kehoe
(Chapleau) est remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Larouche (Anjou)
par M. MacMillan (Papineau); M. Blais (Masson) par M. Parizeau (L'Assomption)
et Mme Harel (Hochelaga-Maison-neuve) par M. Chevrette (Joliette).
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
secrétaire. Je signale tout de suite aux gens qui sont avec nous
aujourd'hui qu'il est normalement interdit de faire des démonstrations
ou de faire quelque signe, approbateur ou désapprobateur, que ce
soit.
Et je signale et j'aimerais également faire remarquer aux membres
de la commission qu'il y a eu une entente entre les deux leaders pour qu'il y
ait des remarques préliminaires, tout d'abord, par le premier ministre,
de dix minutes; ensuite de cela, par le chef de l'Opposition officielle, de dix
minutes; et le député de Westmount, je crois, au nom de son
parti, aura droit à cinq minutes. Je vous signale également que
le temps sera réparti équitablement, que nous essaierons, dans la
mesure du possible, de respecter la règle de l'alternance et que je
reconnaîtrai, évidemment, tous les membres de la commission qui
voudront intervenir tout en ayant à l'esprit, évidemment, que le
mandat et l'ordre de l'Assemblée est à l'effet de permettre un
échange entre le premier ministre et le chef de l'Opposition
officielle.
Alors, nous avons trois heures pour... Oui, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Je voudrais rappeler les propos, parce que je
faisais partie, c'est moi qui ai discuté de l'entente. Donc, ce n'est
pas aussi automatique que vous le dites. M. le Président, on a dit qu'au
départ, oui pour les dix minutes et les cinq minutes, mais qu'il
n'était pas question, au niveau de la commission, de se faire
piéger en ce sens qu'on pose une question d'une minute et on a une
réponse de vingt minutes.
L'objectif, c'était 50-50 en temps, ou à peu près,
et c'est ce qui a été conclu entre les leaders, et non pas une
alternance sèche ou qui pourrait gober 80 % du temps par rapport
à 20 %. Il y avait l'élément 50-50 dans la motion. M.
Parizeau a assisté également à cette discussion à
laquelle j'ai participé et il pourrait confirmer ce que je dis.
Le Président (M. Dauphin): D'accord, M. le leader de
l'Opposition. Évidemment, on va s'assurer, on va se servir de notre
jugement, M. le leader de l'Opposition. Et je comprends très bien que,
s'il y a une question de dix secondes qui entraîne une réponse de
vingt minutes, la présidence s'assurera...
M. Chevrette: II n'y aurait plus de "deal".
Le Président (M. Dauphin):... qu'il y ait,
évidemment, une équité...
M. Chevrette: Là, on ferait comme Wells, ce serait "no
deal".
Le Président (M. Dauphin):... dans l'échange.
Alors, j'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue au premier
ministre du Québec qui nous arrive, évidemment, d'une semaine
très chargée à Ottawa et j'aimerais aussi souhaiter la
bienvenue au chef de l'Opposition officielle. Alors, dès maintenant,
j'aimerais reconnaître le premier ministre du Québec pour ses
remarques préliminaires. Alors, M. le premier ministre.
Remarques préliminaires M. Robert
Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, quelques mots avant
d'entreprendre cette discussion en remerciant, si vous me permettez, ceux qui
m'ont accueilli chaleureusement. Je veux dire, d'abord, que je n'ai aucune
objection à ce que le partage du temps se fasse sur une base
égalitaire. Je n'aurais même pas d'objection si le hasard veut que
l'Opposition puisse parler davantage que le parti gouvernemental, puisque la
qualité n'est pas toujours proportionnelle à la
quantité.
Pour aborder le sujet plus directement, il est très opportun que
nous puissions, aujourd'hui, à l'occasion de mes crédits,
discuter de gestes historiques qui ont été posés la
semaine dernière et que la principale partie de la discussion porte sur
l'entente du lac Meech. Nous avons signé
cette entente, qui reste à être ratifiée par trois
provinces, et nous considérons que cette entente est très
avantageuse pour le Québec. Le Québec avait été
exclu de la constitution en 1981. Alors que toutes les autres régions
avaient pu faire des demandes qui avaient été acceptées
par l'ensemble des premiers ministres, le Québec n'avait pas eu, lui,
cette occasion ou cette opportunité de faire, lui aussi, des
représentations pour qu'elles soient incluses dans la constitution. Et
c'est pourquoi, en 1985, nous avons présenté des demandes qui ont
été jugées modérées par tous les
partenaires, par l'ensemble des participants.
Ces demandes ont été acceptées en 1987, d'une
façon unanime, mais on connaît la suite: II s'est donc posé
des problèmes très sérieux, qui empêchaient la
ratification définitive de ce qui était une entente qui
créait un climat de stabilité politique au Canada et au
Québec. Nous avons donc accepté de rencontrer et de
répondre à l'invitation du premier ministre pour rencontrer nos
autres partenaires. Nous avons jugé que notre position devait être
claire, qu'elle devait être conforme à la résolution du
chef de l'Opposition ou à son amendement, là - le leader
parlementaire, comme d'habitude, peut m'inspirer positivement - à la
résolution commune, de toute façon, de l'Assemblée
nationale. Et, toute la semaine, j'ai eu à l'esprit, et comme
priorité absolue, de faire respecter cette résolution. J'ai dit,
ce matin, que j'étais convaincu qu'elle avait été
respectée. On peut en débattre. On a accepté une
deuxième ronde de négociations. Mais je veux dire que, comme chef
du gouvernement québécois, ce qui m'a uniquement guidé,
c'est l'intérêt supérieur du Québec.
Est-ce que c'était dans l'intérêt supérieur
du Québec de refuser la ratification de l'accord du lac Meech ou de
s'entendre sur les points dont on a parlé ce matin et de risquer, en
présentant et en adoptant une position rigoureusement intransigeante, un
climat, au Canada et au Québec, de profonde instabilité et
d'incertitude, avec toutes les conséquences que ça peut avoir?
Est-ce que c'était dans l'Intérêt supérieur du
Québec que le premier ministre du Québec agisse d'une
façon, tout en respectant la résolution du 5 avril, qui nous
amène à négliger dans les prochaines années les
problèmes très aigus que nous avons sur le plan
économique, sur le plan de l'environnement, sur le plan de la
démographie? Je mentionne la démographie parce que, dans l'accord
du lac Meech, il y a une condition ou un aspect sur l'immigration qui est
fondamental pour notre avenir comme peuple en Amérique du Nord: cette
intégration économique des immigrants à la majorité
francophone. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus important, de plus vital,
de plus incontournable pour les francophones du Québec que de pouvoir
adapter les immigrants?
Alors, nous avons gagné là cette intégration
économique. Nous avons la constitutionnalisation de la sélection
exclusive par le gouvernement du Québec. Nous avons modifié la
constitution dans le sens qu'alors que du côté
fédéral ils avaient la prépondérance, maintenant,
cette prépondérance est transférée du
côté québécois. En termes concrets, pour le
développement et la survie du Québec, cette question de
l'immigration était très importante. Donc, j'ai jugé qu'il
était dans l'intérêt supérieur du Québec
d'adopter le processus qui a été suivi, d'accepter de discuter
différents sujets lors d'une deuxième ronde.
On pourra discuter de la question du Sénat. Je sais qu'il y a
beaucoup de questions, quand même, qui se posent actuellement, mais il
n'y a pas d'engagement absolu dans la question du Sénat. Je tiens
à le signaler au chef de l'Opposition et au député de
Lac-Saint-Jean et je tiens à le signaler également à mon
ami, M. Lucien Bouchard, que je respecte beaucoup, parce que, s'il y avait un
engagement irréversible pour la question du Sénat, pourquoi
aurait-on une solution de rechange? Il y a une solution de rechange dans les
décisions qui ont été prises parce que la solution de
rechange, c'est que s'il n'y a pas d'entente au bout de cinq ans on revient
à un partage des sénateurs différent, mais un partage qui
laisse le Québec avec 24 sénateurs alors que, dans d'autres cas,
ce n'est pas le cas. On garde, dans la solution de rechange, la proportion des
sénateurs que nous avions et ça se justifie fort bien,
étant donné le caractère distinct du Québec. Donc,
c'est faux de dire, de bonne foi - je pense bien, dans tous les cas,
j'espère dans tous les cas - qu'il y a un engagement irréversible
dans le cas du Sénat étant donné cette solution de
rechange qui a été adoptée.
Je pourrais parler beaucoup plus longtemps, mais je suis anxieux
d'entendre mon ami, le chef de l'Opposition. Le chef de l'Opposition me
reprochait ce matin d'avoir employé des termes inélégants,
si je puis dire, pour traiter de ses propos. Je dois lui dire que ce n'est pas
moi qui ai commencé. Je veux dire, je n'ai pas. Je prends le journal, ce
matin, et je vois que le chef de l'Opposition m'accuse d'avoir vendu le
Québec. Si j'avais dit ça du leader parlementaire ou des
députés péquistes, je ne sais pas comment ils auraient
réagi Alors j'ai dit qu'en disant que j'avais vendu le Québec,
alors que je suis profondément convaincu que j'ai servi les meilleurs
intérêts du Québec, il avait tenu des propos mensongers. Je
ne l'ai pas accusé d'être un menteur, j'ai dit qu'il avait tenu
des propos mensongers. Parce que je crois que j'ai servi les meilleurs
intérêts du Québec, et je suis convaincu que l'histoire en
jugera ainsi.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le premier
ministre, pour vos remarques préliminaires et je répète
que nous devons, en commission parlementaire, être calmes, et je dis
ça pour toutes les personnes qui nous assistent
aujourd'hui. Je vais maintenant reconnaître le chef de
l'Opposition officielle pour ses remarques préliminaires.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, le premier ministre parlait
d'une séance historique qui s'est terminée samedi. Pour des
raisons que j'expliquerai tout au long de l'après-midi, je ne pense pas
que c'était particulièrement historique. Mais il y a eu une
phrase historique, samedi. Historique en ce sens qu'elle durera longtemps.
C'est cette phrase du premier ministre où, après sept jours de
pressions, il s'exclame: "Le Canada est maintenant un pays pour les
Québécois!" Oui, ça, c'est historique. Depuis quelques
mois, on se posait un peu partout des questions. On se disait: Mais c'est
peut-être lui qui va faire la souveraineté du Québec.
M. Bourassa: Ça vous inquiétait un peu. Une
voix: Là, on en est convaincus.
M. Parizeau: À d'autres moments, il laissait flotter des
superstructures, un peu à l'européenne. Mais où, M. le
Président, a-ton jamais entendu dire: L'Europe est devenue un pays pour
les Français ou pour les Allemands? Là, ce que le premier
ministre a affirmé, c'est un engagement de sa part très
précis, très clair, le Canada est devenu, est maintenant un pays
pour les Québécois. C'est important que tout le monde le
comprenne, mais c'est important aussi qu'on comprenne le prix qu'il a
été prêt à payer pour ça.
Ce n'était pas évident que ça tournerait de cette
façon. On aurait pu imaginer, et on sait qu'à un moment
donné il y a eu des tentations à cet effet de se dire: Si on
virait un peu souverainistes, peut-être qu'on pourrait aller chercher
plus de péquistes qu'on ne perd d'Anglais. Et là, la tentation
souverainiste est apparue. Mais les sondages sont impitoyables. Les trois
sondages de suite ont démontré que les Anglais avaient tendance
à revenir au Parti libéral et que le Parti
québécois ne perdait pas d'appui, au contraire, il en gagnait. La
conclusion était donc inévitable. Le Canada est maintenant un
pays pour les Québécois, dit le premier ministre.
Remarquez que d'être Canadien n'a rien de déshonorant. Je
le félicite d'avoir choisi. C'est très bien. Chacun doit,
à un moment donné, décider où est son pays.
Historiquement, il vient de le faire. Bon. Depuis 20 ans que des journalistes
se posaient des questions à son sujet, maintenant c'est clair.
Maintenant, quel est le prix qui a été payé pour pouvoir
affirmer quelque chose comme ça? Évidemment, le prix, il est dans
les documents, et on voit avec quelle hâte le gouvernement se
précipite pour présenter ces documents.
Moi, comme chef de l'Opposition, M. le Président, la version
française, je l'ai eue d'un journaliste de Radio-Canada et la version
anglaise d'un journaliste de Toronto. Vous aurez noté que les documents
de l'entente n'ont pas été déposés ce matin. Ce
qu'on a déposé ce matin, c'est un document, sur lequel je
reviendrai tout à l'heure, signé par M. Lévesque il y a
presque, enfin, il y a neuf ans. Il y a neuf ans. C'est ça qu'on a
déposé en Chambre.
Le texte officiel, français et anglais, est-ce qu'officiellement,
il est déposé au Québec? Non. Remarquez, soit dit en
passant, que, si le gouvernement continue d'hésiter, moi, je vais le
déposer demain. Je comprends que, sur certaines de mes copies, j'ai des
annotations, mais, enfin, il va bien falloir, à un moment donné,
le déposer devant le public, ce document, non? Est-ce qu'on en a honte,
M. le Président? Est-ce qu'on a honte de ce document-là? Pourquoi
n'a-t-il pas été déposé ce matin? Y a-t-il quelque
chose de plus ridicule que de faire de l'anthropologie, puis de déposer
un texte qui a neuf ans d'âge et sur quelque chose d'aussi chaud que
ça? On n'a même pas la transparence de déposer ça en
disant: Voilà ce que nous avons signé.
Alors, dans ce sens, remarquez bien, puisque les journalistes ont
été assez gentils pour me fournir des copies, cet
après-midi, je vais parler du texte et, dans toutes mes interventions
ou, enfin, dans l'essentiel de mes interventions, nous allons essentiellement
suivre le texte que le premier ministre n'a pas jugé bon de nous
communiquer. (15 h 30)
Si le texte que les journalistes m'ont fourni n'était pas le
texte correct, je prends pour acquis que les conseillers du premier ministre me
corrigeront en disant: Non, non, ce n'est pas la dernière version que
vous avez. Mais, qu'est-ce que vous voulez, il faut bien procéder comme
on peut, hein? Je pense pouvoir démontrer, cet après-midi, qu'on
a lâché, au fond, tout ce qui était nécessaire pour
calmer les dissidents et pour s'assurer que, un, l'accord du lac Meech
passerait, avec des changements, des amendements, pas du tout ce qu'il
était à l'origine, mais l'accord du lac Meech, de façon
qu'on puisse coller l'étiquette: Le lac Meech a été
passé.
Je reconnais que, sur le plan de l'atténuation de la
société distincte, sur le plan de l'établissement de la
clause Canada, sur le plan de la remise en cause des dispositions qui - comment
dire? - s'appliquent aux francophones et aux anglophones au Canada, on avait
fourni à M. Wells une ceinture - j'identifierai la ceinture tout
à l'heure - des bretelles, des élastiques et qu'au dernier jour
il demandait du câble de bateau en plus et qu'il a donc fallu le calmer
en lui disant: Écoutez, la ceinture, les bretelles, les
élastiques satisfont M. Filmon, satisfont M. McKenna, etc., vous en
demandez trop. Il a fallu tasser un peu M. Wells, parce que, vraiment, il
commençait à exagérer, au cours de la
dernière journée. Mais, fondamentalement, on a lâché
tout ce qui pouvait faire en sorte que les dissidents cessent d'être
dissidents.
Ça s'exprime en anglais et ça a beaucoup circulé et
ça reste fondamentalement, je pense, la base de ce qui s'est produit en
parlant du lac Meech: "Adopt it now and fix it later". Et tout a
été fait pour que ce soit "adopt it now and fix it later". Le
premier ministre disait, dans un article qui a été publié
ce matin dans les journaux: Mais, maintenant, nous pouvons passer à
l'étape suivante et nous avons des revendications à
l'égard des communications, à l'égard de la main-d'oeuvre.
Il n'a pas été question de communications ou de main-d'oeuvre.
Comme nous le verrons en examinant les textes, ce qu'on a fourni, à
l'occasion de cette négociation, n'a rien à voir ni avec les
communications, ni avec la main-d'oeuvre. Mais, essentiellement, ça a
à voir avec les questions qui remettent en cause l'équilibre des
langues, qui pourraient remettre en cause la clause "nonobstant", qui
pourraient remettre en cause la loi 101, enfin, pour ce qui en reste! C'est
ça qui se trouve dans les documents.
Ça ne règle rien du tout sur les communications ou la
main-d'oeuvre. Il n'y a pas plus de communications et de main-d'oeuvre que de
beurre en branche dans tout ça.
Évidemment, l'optique "adopt it now, fix it later", c'est
s'appuyer sur l'unanimité actuellement et puis la clause 7-50 par la
suite. Alors, on fait le Tarzan sur la base d'unanimité et on ouvre sur
la clause 7-50, en disant: Plus tard, vous pourrez tous invoquer la clause 7-50
pour arranger les choses qui vous paraissent un peu dures aujourd'hui.
En fait, on voit bien, je pense, à quel point on s'illusionne en
renvoyant - mais de façon très précise, de façon
très constitutionnelle - à plus tard certaines décisions,
mais des décisions qui pourraient être prises sans le
Québec. On voit bien à quel point on s'illusionne sur le plan de
la paix constitutionnelle.
Il y a quelques mois, un journaliste très respecté dans
notre milieu disait: "II faut passer Meech. Nous aurons la paix
constitutionnelle pour 50 ans. " Ce matin, le premier ministre n'avait pas
d'ambition aussi prolongée. Ce qu'il disait, c'est: il faut passer
Meech; ça nous donnera la paix constitutionnelle nécessaire pour
aborder d'autres questions. Et je lui répondais ce matin, et j'ai
l'intention, à partir des textes, cet après-midi, qu'on regarde
ça d'un peu plus près, de lui dire: La paix constitutionnelle, on
l'aura peut-être ou pas, dépendant de ce qui se passe au Manitoba
ou à Terre-Neuve, jusqu'au 23 juin. En tout cas, le 16 juillet, Charest
phase 2 commence avec un comité de la Chambre des communes sur la
définition d'une clause Canada. Comme on dirait aussi en anglais,
puisque nous sommes à l'intérieur: "What else is new"? On reprend
tout dans un mois.
Alors, voilà, je termine mes commentaires préliminaires de
cette façon, M. le Président. Je pense qu'on cherche à
dire à l'opinion publique, à l'heure actuelle, des choses qui ne
sont pas exactes. Je pense qu'on oublie de dire aux gens qu'il y a 10
amendements au lac Meech, qu'il n'y a pas de phase 2 du lac Meech autre que
dans l'esprit du premier ministre du Québec. Les autres premiers
ministres ne parlent que de modifications constitutionnelles et les
modifications constitutionnelles que le premier ministre va avoir à
présenter en Chambre et qui incorporent ces 10 articles. Ces 10
amendements font partie de la réforme constitutionnelle à peu
près permanente dans laquelle nous nous sommes embarqués. Mais
alors que Meech, à l'origine, cherchait aussi peu à obtenir
certaines choses, les derniers jours nous ont démontré que pour
faire passer ces principes tellement insuffisants on était prêts,
d'autre part, à lâcher sur bien d'autres choses et c'est ce que je
vais essayer de faire cet après-midi, M. le Président, à
partir des textes non pas qui nous ont été soumis, mais qui m'ont
été communiqués par des journalistes qui avaient pour moi,
je t'espère, non pas des complaisances, mais simplement qui trouvaient
peut-être désolant que dans un débat de cette importance
l'Opposition soit tenue totalement, complètement à
l'écart.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. le
chef de l'Opposition, pour vos remarques préliminaires et je vous
signale, évidemment, que le calme est exigé pour les deux
côtés. Alors, tel qu'entendu, c'est le député de
Westmount, qui est également membre de notre commission, qui a droit
à cinq minutes de remarques préliminaires. M. le
député de Westmount.
M. Richard B. Holden
M. Holden: Merci, M. le Président. Je n'ai pas de claque
avec moi, sauf mon collègue, M. Libman; alors ce n'est pas aussi
volumineux... Mais je suis tenté de vous dire, M. le Président,
à la commission, au chef de l'Opposition, au nom de mes collègues
et au nom de beaucoup de Québécois: Je suis
Québécois et le Canada est mon pays. Ce que je retrouve dans la
réunion qui a eu lieu à Ottawa pendant la semaine
dernière, c'est qu'il y a eu un travail gigantesque de la part de tous
les premiers ministres pour que le Canada reste uni. Et ce qui m'a
frappé le plus, c'est l'amitié entre les premiers ministres qui
s'est manifestée à la fin de cette réunion et je trouve
qu'entre les premiers ministres et entre les dirigeants du pays,
l'amitié, c'est un élément très important. On n'a
qu'à voir les amitiés qui se forment entre les chefs du pays et
je trouve que, pour l'avenir, l'amitié qui s'est créée
pendant cette dernière semaine entre les pre-
miers ministres des provinces et le premier ministre du Canada peut
servir à négocier, à l'avenir, une entente beaucoup plus
considérable qui va être pour le plus grand bien du pays.
Ce que je ressens à la fin de tout ça - et ce n'est
peut-être pas autant que ce que le premier ministre doit ressentir -
c'est la fatigue constitutionnelle. On est rendus au bout de trois ans qui ont
été très exténuants et j'espère, M. le
Président, qu'on va avoir une période de paix. Je sais que le
chef de l'Opposition croit que ça ne durera que jusqu'au 23 juillet.
Moi, j'espère que ça va durer beaucoup plus longtemps, même
une génération de paix constitutionnelle à l'avenir qui
pourrait, justement, comme le premier ministre l'a dit aujourd'hui, nous amener
à résoudre d'autres problèmes que des problèmes
constitutionnels.
Alors, au nom de mes collègues, nous sommes très
satisfaits de voir que ça achève, cette période
d'incertitude. Nous sommes aussi peut-être, avec le chef de l'Opposition,
nous sommes très heureux de voir l'opinion juridique qui a
été attachée à l'accord constitutionnel. Nous
croyons - moi, en tant qu'avocat depuis 34 ans, et on a des opinons dans le
même sens -que ça peut avoir une valeur juridique. On ne dira pas
que ça peut résoudre le problème, mais d'après ce
qu'on nous dit, et je vous cite une opinon que j'ai reçue: "It is
incomprehensible to me that any legal expert can say either that the legal
opinion is of absolutely no effect or that it provides adequate guarantees. The
prudent view must fall between these two extremes." Alors, pour nous, l'opinion
juridique qui est attachée à l'accord est très importante,
parce que notre préoccupation a toujours été de voir
à ce que la Charte des droits ne soit pas brimée par l'accord
constitutionnel.
Et, finalement, M. le Président, je dois signaler que, suite
à la semaine que le premier ministre vient de passer à Ottawa, on
ne peut plus dire que le Québec est isolé du Canada. Le
Québec a été appuyé par presque tous les premiers
ministres qui étaient dans la chambre avec lui. Et je dirais qu'il y a
une espèce de solidarité entre les premiers ministres du Canada
qui est très importante, et pour le présent et pour l'avenir. Et
j'ai été très heureux de voir cette solidarité qui
s'est manifestée samedi soir, avec la réunion finale de la
conférence. M. le Président, nous souhaitons que l'accord du lac
Meech va être chose faite le 23 juin et qu'on pourra passer à
autre chose. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
député de Westmount, pour vos remarques préliminaires.
Nous pouvons, je pense, procéder maintenant à la période
d'échanges entre le premier ministre et le chef de l'Opposition
officielle.
M. Bourassa: J'aimerais juste dire un mot.
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: Je voudrais expliquer au chef de l'Opposition que,
sur l'avion de mon retour, dans la nuit de samedi à dimanche, j'ai
demandé à mes collaborateurs de faire parvenir un
communiqué au chef de l'Opposition. Je crois que, malheureusement, on
n'a pas donné suite à ma demande. Mais je pourrais facilement lui
démontrer que cette demande a été faite. Alors, si
ça n'a pas été fait, je le regrette. Le communiqué
n'a pas été déposé à l'Assemblée
nationale tout simplement parce que l'accord avait déjà
été déposé. Donc, les autres points ont trait
à une deuxième ronde de négociations. Si le chef de
l'Opposition insiste, on pourra le déposer. Ce qui est important dans le
communiqué, c'est que la résolution du 5 avril a
été respectée. Alors, M. le Président, j'ajouterai
simplement que j'étais heureux, comme tous les Québécois
qui recherchaient cette paix constitutionnelle, que l'injustice de 1981 ait
été réparée. En 1980, les Québécois
ont voté oui au Canada, par une majorité assez
importante. En 1981, ils ont été exclus du pays en ne pouvant pas
participer aux discussions constitutionnelles. Si l'accord du lac Meech est
ratifié d'ici au 23 juin, ils retrouveront leur pays. (15 h 45)
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
Alors, nous pouvons, comme je l'ai mentionné tantôt,
procéder à la période d'échanges, et je vais
maintenant reconnaître le chef de l'Opposition officielle.
Discussion générale
M. Parizeau: Est-ce que le premier ministre ne croit pas qu'une
modification constitutionnelle, c'est-à-dire un amendement à la
constitution du Canada et du Québec, est un document suffisamment
important pour que ça puisse être déposé à
l'Assemblée nationale?
M. Bourassa: M. le Président...
M. Parizeau: Est-ce qu'il ne pense pas... Qu'on me laisse parler,
on n'est pas à la période de questions, je m'excuse, là!
Je ne suis pas obligé de maintenir mes questions courtes et, ensuite,
d'avoir quinze minutes de développement.
Si c'est assez important pour dire que le Canada est maintenant un pays
pour les Québécois, ce n'est pas assez important pour que
l'amendement à la constitution soit déposé en Chambre?
Voyons-donc! Et je reviens sur ce que disait le premier ministre tout à
l'heure, Meech, tel quel, jamais de la vie! Il y a, comme je le disais ce matin
- et je prierais chacun de ceux qui sont autour de la table de prendre la
modification constitutionnelle et de les comp-
ter - dix amendements à Meech dans ce document, qui est une
proposition d'amendements à la constitution du Canada, et qui sont
nommément désignés comme des amendements à Meech.
Nommément.
Je ne peux pas citer à partir d'un texte officiel, M. le
Président, puisqu'il n'a pas été déposé. Je
dois prendre ça dans un document qui m'a été remis par des
journalistes. Mais, enfin, les conseillers du premier ministre me diront si,
à l'article 1 de la modification constitutionnelle, il est effectivement
indiqué qu'on modifie, qu'on amende l'article 2 de la modification
constitutionnelle de 1987, ce qui est bien l'accord du lac Meech, n'est-ce pas,
la modification constitutionnelle de 1987? Bien, l'article 2 est modifié
par l'insertion, après "provinces", du mot "territoires", oui ou non? Il
y en a 10 comme ça. Évidemment, si on en avait le
dépôt, on pourrait tous compter ça, mais nos amis d'en face
ne l'ont pas et nous non plus, officiellement. Seulement, il y a 10
modifications; il y a 10 amendements de Meech. Mais pourquoi le premier
ministre ne veut-il pas reconnaître qu'il s'est engagé à
faire passer à l'Assemblée nationale 10 amendements à
Meech? Là, je voudrais qu'on discute un peu de ce qui a
été abordé brièvement à l'Assemblée
nationale, ce matin. Est-ce qu'il va nous dire quand est-ce qu'il va
déposer ça? J'imagine que l'Assemblée nationale, puisque
c'est un amendement à la constitution, dort approuver ça, non?
Ça exige l'unanimité, je suppose. Ce n'est pas encore le 7-50,
ces modifications constitutionnelles; ça exige l'unanimité. Donc,
il faut que le premier ministre décide, à un moment donné,
de déposer ça en Chambre et de le faire voter. Est-ce que mon
interprétation est correcte?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, encore une fois, j'ai dit
que j'avais demandé que le chef de l'Opposition puisse avoir un texte.
Je pense qu'on ne devrait pas passer une heure sur le fait qu'il l'a
reçu par les journalistes plutôt que par mes collaborateurs.
Maintenant qu'il l'a devant lui et qu'on lui a remis, à la page 3, au 5e
paragraphe, il est écrit: "La modification de la constitution du Canada,
par proclamation du Gouverneur général, sous le Grand Sceau du
Canada, cherchera à autoriser le plus tôt possible après la
proclamation de la modification constitutionnelle de 1987...*, après le
23 juin. Donc après, c'est après; ce n'est pas avant. On n'est
pas le 23 juin ou le 26 juin, là. On est le 11 juin. Alors, ce que je
dis au chef de l'Opposition: Je n'ai pas d'objection. S'il insiste, on peut le
déposer; on dépose toute une série de documents à
l'Assemblée nationale. Mais ce qui est important pour moi, ce matin,
c'est de démontrer au chef de l'Opposition, à sa satisfaction,
que la résolu- tion du 5 avril avait été respectée,
n'avait pas été modifiée. Ça, c'est ma profonde
conviction. Il n'y a pas eu d'amendement avant le 23 juin. On n'a pas
touché à l'accord du lac Meech et rien dans ce qui est
proposé des 10 amendements... On joue sur le quantitatif plutôt
que sur le qualitatif. Des fois, on est obligés de faire ça dans
l'Opposition. Rien dans ces amendements ne se trouve à modifier
l'intégrité de l'accord du lac Meech. L'égalité des
sexes, M. Lucien Bouchard lui-même, l'ami du député de
Lac-Saint-Jean, et je sens qu'il est heureux que je cite M. Lucien Bouchard...
M. Lucien Bouchard lui-même a dit que c'était une chose normale
pour la deuxième ronde de négociations. C'est vrai, oui ou
non?
M. Brassard: II a dit que vous... Est-ce que vous pourriez le
rappeler?
M. Bourassa: Mais, là, on parie des amendements, M. le
député.
M. Brassard: II a dit que vous aviez reculé
également, que vous aviez fait des concessions majeures.
M. Bourassa: Non. Je crois que quand il prendra
connaissance...
M. Brassard: Non, mais il faut prendre la déclaration
globale de M. Bouchard.
M. Bourassa: II a dit que sur le Sénat...
Le Président (M. Dauphin): M le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Bourassa: Non. Là, je parie de sa lettre de
démission. On reviendra à ses propos d'hier. Je parie de sa
lettre de démission. Il dit: C'est normal que dans la deuxième
ronde - et je suis d'accord avec lui - on parie de l'égalité des
sexes. Alors, ça n'affecte pas l'accord du lac Meech et le fait qu'on
s'engage à discuter sur les nouvelles provinces, le fait qu'on s'engage
à discuter d'autres questions, ou à créer un
comité, ça n'affecte pas l'accord du lac Meech! Alors, pourquoi
ces reproches et pourquoi accuser le gouvernement et le premier ministre
d'avoir lâché des choses, alors que c'est complètement
faux?
Je comprends que vous ne pouvez pas féliciter le gouvernement. On
a réparé l'erreur... Je ne blâme pas la bonne foi du Parti
québécois en 1981, et surtout pas celle du premier ministre du
temps, mais avec l'accord du lac Meech, on a réparé l'erreur de
1981 et l'injustice du gouvernement fédéral du temps quand il a
exclu le Québec. C'est vrai qu'on a dit: C'est un gouvernement, entre
guillemets, séparatiste. C'est le prétexte qu'on a invoqué
pour exclure le Québec du rapatriement de la constitution, ou l'alibi.
On
sait fort bien qu'à ce moment-là le Parti libéral
du Québec, en très grande majorité, appuyait le
gouvernement contre ce rapatriement unilatéral. Alors, on a
réparé cette erreur. On a réparé cette erreur.
Alors que les Québécois avaient été exclus du
Canada sur le plan constitutionnel, ils retrouvent leur Canada avec
l'acceptation de l'accord du lac Meech.
Bon, il y a des divergences sur la portée - je reprends les
points de vue du député de Westmount - de l'avis juridique. Le
Parti Égalité est d'accord avec le Parti québécois
comme quoi ça a une certaine portée, il y a une espèce de
coalition ou de front commun du Parti Égalité avec le Parti
québécois. Nous, on cite M. Beau-doin. On ne prend pas position,
on cite M. Beaudoin. M. Beaudoin dit, d'après lui: Non. Est-ce que le
chef de l'Opposition, s'il avait été à ma place, aurait
brisé la conférence sur un dépôt d'avis juridique,
avec tout ce que ça comportait, alors que, quel que soit notre avenir,
il nous faut discuter avec nos partenaires? À l'Est ou à l'Ouest
du Canada. Est-ce que ça aurait été à l'avantage du
Québec de briser la conférence, avec tout ce que ça
pouvait comporter comme conséquences, et avoir manifesté une
intransigeance, à mon sens exagérée, vis-à-vis de
nos partenaires, avec qui, hypothétique-ment, parmi plusieurs formules,
on aurait voulu discuter d'une autre structure? Est-ce que ça nous
aurait donné de la crédibilité de risquer de briser un
pays comme le Canada pour le dépôt d'un avis juridique, alors que
l'intégrité de l'accord du lac Meech n'est aucunement
affectée? Je demande au chef de l'Opposition d'admettre,
secrètement, sinon publiquement, que nous avons agi d'une façon
responsable dans la défense des intérêts du
Québec.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Parizeau: M. le Président, je pense que le premier
ministre, ici, dans la première partie de sa réponse - la
deuxième ne s'adressait pas à ce que je lui ai demandé -
le premier ministre fait fausse route en s'imaginant que la résolution
du 5 avril de l'Assemblée nationale s'arrêtait au 23 juin. Ce que
disait la résolution du 5 avril à l'Assemblée nationale,
c'était que le gouvernement du Québec rejette tout amendement,
toute modification à l'accord du lac Meech, avant ou après le 23
juin. Il n'y a rien de mythique dans le 23 juin. Là, les premiers
ministres nous ont préparé une série d'amendements
à Meech, qui sont indiscutablement des amendements, qui sont
identifiés comme des amendements, et le premier ministre se
défend en disant: Ce ne sont pas des amendements comme les autres, ce
sont des amendements après le 23. Mais, sur le plan du vote de Meech, ou
du vote d'amendement à Meech, quelle est la signification du 23 juin?
Simplement que l'Assemblée nationale n'est plus en session et ça
va permettre au gouvernement de reporter ça au mois d'octobre? C'est
tout, il n'y a pas d'autre signification. Il y a eu des amendements et il y a
eu Meech qui a été passé à l'Assemblée
nationale, ici, la résolution du 5, des amendements
préparés, approuvés par le premier ministre du
Québec, et il nous dit: Ça, ça passera après le 23.
Je comprends bien que ça va passer après le 23, on n'est pas en
session. C'est tout.
Mais si vous me permettez, M. le Président, maintenant j'aimerais
qu'on puisse aborder...
M. Bourassa: Là-dessus, j'aimerais répliquer, si
vous me permettez.
M. Parizeau: Oui, bien sûr.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, si le 23 juin est une date
importante, c'est que c'est la date d'entrée en vigueur de l'accord du
lac Meech. Ça devient partie le 23 juin, si tout se déroule tel
que prévu ou tel que désiré. L'accord du lac Meech devient
la constitution canadienne, à la face du Canada, à la face du
monde. Le Québec est une société distincte, en très
bonne place dans la constitution canadienne. C'est majeur, ça.
Bon. Il dit: Après le 23 juin, il ne doit y avoir rien qui
modifie l'accord du lac Meech. J'ai dit: D'aucune façon on ne peut
accepter des amendements qui diminuent les pouvoirs acquis par l'accord du lac
Meech. Une constitution peut durer des décennies, plus. Est-ce qu'on
peut dire qu'on ne pourra pas changer une virgule? Qu'on ne pourra pas, par
exemple, avec l'égalité des sexes, je l'ai dit à plusieurs
reprises... La nomination, pour prendre l'expression du député de
Lac-Saint-Jean, des sénateurs du Yukon, est-ce qu'on va empêcher
de changer l'accord du lac Meech parce que le Québec s'oppose à
ce que les sénateurs puissent provenir du Yukon? Bien, voyons donc!
Où veut en venir le chef de l'Opposition en disant que ce serait
absolument impensable, pour les décennies à venir, qu'on puisse
modifier l'accord du lac Meech? Ce qui est important, c'est la substance, dans
la mesure où le Québec est impliqué. Ce n'est pas qu'on
puisse nommer des sénateurs qui proviennent du Yukon.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Parizeau: On y reviendra à ça, M. le
Président. 5. (1), on va voir si 5. (1), ça va de soi, dans la
modification constitutionnelle. On va y revenir.
M. Bourassa: Vous y reviendrez, puis on
vous répondra.
Réforme du Sénat
M. Parizeau: Donc, on va commencer maintenant le texte, tel qu'il
nous a été transmis par des journalistes. Nous allons maintenant
aborder le texte, pas paragraphe par paragraphe, parce qu'il y a des
paragraphes que je laisserai sauter, mais dans l'ordre où ça se
présente.
Alors, M. le Président, nous allons commencer, parce que c'est le
paragraphe 2 dans l'entente constitutionnelle qui a abouti à ce
psychodrame de samedi, par la réforme du Sénat, c'est le
paragraphe 2. Je comprends qu'une commission va commencer à examiner
tout ça pour le compte du gouvernement, pour le compte de l'ensemble des
parties, où chaque province sera également
représentée. Donc, dans la commission qui va préparer le
travail, on accepte déjà le principe que Québec, pour ce
qui a trait à la représentation provinciale seulement, a 10 % des
sièges, et moins que ça puisque le fédéral
détermine qu'il y aura un nombre approprié de sièges, et
les Territoires du Nord-Ouest aussi. Donc, on se comprend, dans la commission
qui va préparer tout ça, le Québec peut avoir 5 %, 6 % des
sièges. C'est bien ça? C'est ça que ça veut
dire.
M. Bourassa: On verra à la nomination, mais je veux dire,
ça ne me paraît pas le point fondamental.
M. Parizeau: Ah non! C'est déjà une assez bonne
indication. Moi, je ne me souviens pas qu'on ait jamais discuté d'une
institution centrale au Canada où le Québec ait eu une
représentation aussi faible.
M. Bourassa: C'est toujours, M. le Président...
M. Parizeau: À supposer que le fédéral ne
nomme pas un membre, le Québec ne peut pas avoir plus que 10 % des
sièges là-dessus. Si le fédéral en nomme, on tombe
en bas de 10.
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le premier ministre.
(16 heures)
M. Bourassa: ...puisque le chef de l'Opposition m'a posé
une question, il faudrait qu'il cesse, là, de constamment relier le
qualitatif au quantitatif. Ce que je lui dis, c'est que, dans cette commission,
le Québec sera représenté, le Québec pourra faire
des suggestions et le Québec acceptera les recommandations de cette
commission dans la mesure où ses intérêts sont
respectés. C'est une commission d'étude. Ce n'est pas la
première fois que le Québec représente une province sur
dix. Le comité du ministère de l'Éducation, quand il y a
des conférences fédérales-provinciales, quand le chef de
l'Opposition était ministre des Finances et qu'il y avait des
conférences fédérales-provinciales, il ne prenait pas la
place de cinq provinces, il représentait le Québec: une province
sur dix et il défendait bien, du moins je l'espère, les
intérêts du Québec.
Le Président (M. Dauphin): M le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Et, maintenant, nous apprenons que le Sénat
devrait être élu. Je ne me souviens pas que le Parti
libéral du Québec ait jamais pensé à une
idée pareille. En fait, ce que nous savons du Parti libéral du
Québec, c'a toujours été autre chose: un Sénat
nommé, représentant des intérêts stricts du
gouvernement du Québec. Je pense au livre beige. Le Parti libéral
du Québec ne s'est pas souvent prononcé sur le Sénat. Je
dois dire que, jusqu'à maintenant, ce n'était pas
considéré comme un sujet très excitant, mais, chaque fois
qu'il s'est prononcé, ça n'a jamais été dans le
sens d'un Sénat élu Qu'on ne cherche pas, à l'Opposition
officielle, une prise de position en faveur d'un Sénat élu.
L'idée ne nous est jamais venue à l'esprit. L'Assemblée
nationale n'a jamais discuté de ça. Quand nous avons voulu, il y
a quelques mois, discuter du Sénat, on nous a dit: Mais c'est tout
à fait prématuré. On ne va s'entendre que sur un agenda.
Ah bien! on a dit... Les paramètres sont venus bien plus tard, M. le
premier ministre, bien plus tard. Ça, c'était il y a 15 jours,
les paramètres II y a trois mois, on en était à l'agenda.
En fait, il y a un mois, on en était à l'agenda. Alors donc, on
ne pouvait pas discuter du Sénat, puisque ça ne serait qu'un
agenda.
Alors, en vertu de quoi est-ce qu'un premier ministre du Québec a
été signer un document où il s'engage à ce que le
Sénat soit élu? Ça existe dans d'autres pays, quand
quelqu'un est président avec certains pouvoirs de pouvoir signer des
trucs comme ça, mais un premier ministre! Où est-ce qu'il est
allé chercher son mandat, le premier ministre, de nous engager tous
là-dedans?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je suis étonné
des propos du chef de l'Opposition. Où a-t-il été chercher
une idée pareille? On dit que le Sénat doit être élu
d'une façon plus démocratique. Mais une idée pareille,
c'est dans le sens même de notre civilisation, de nos convictions les
plus profondes. Pourquoi cette réticence du chef de l'Opposition
à l'affirmation qu'on doit être plus démocratique? Est-ce
que ce sont ses tendances
bonapartistes que parfois, j'espère à tort, on lui
attribue? Je crois que je représentais mon parti et, j'espère
bien également, le parti de l'Opposition officielle en souhaitant qu'on
change la formule actuelle.
La formule actuelle de nomination des sénateurs a causé un
tort considérable au Québec. On le sait avec la loi C-22. Tous
ces sénateurs qui bloquent des législations essentielles au
développement du Québec. C-22 en est l'exemple le plus
convaincant et le plus éloquent: des millions et des millions
d'investissements ont été perdus à cause du mode
d'élection des sénateurs, du Sénat actuel. On le sait. Le
projet a été retardé. Ça va augmenter les prix des
médicaments, disaient ces illustres sénateurs, avec comme
résultat que c'a été complètement faux. Et on va me
reprocher, dans une négociation comme celle-là, de chercher
à améliorer un mode de sélection des sénateurs? Et,
encore, dans quel cadre le Sénat devrait-il être élu? Il y
a plusieurs modalités qui vont être étudiées par la
commission. Le Sénat, en France, je crois, est élu au
deuxième degré; il y a des collèges électoraux. Le
Sénat allemand, le Bundesrat, que connaît sûrement le chef
de l'Opposition qui allait régulièrement, comme moi d'ailleurs,
en Allemagne pour rencontrer les banquiers allemands... Peut-être qu'il a
pu connaître un peu la situation du Bundesrat. Je ne vois pas pourquoi la
commission d'étude ne pourrait pas examiner la situation du Sénat
allemand. On ne le lui interdit pas. On lui dit: Devrait être élu,
un objectif démocratique valable dont on va examiner toutes les
modalités.
Or, je suis d'accord avec les autres premiers ministres pour changer la
situation actuelle. Est-ce que le chef de l'Opposition veut dire qu'on devrait
garder le statu quo? Alors, je lui dis qu'on a cinq ans. Serons-nous encore
là tous les deux dans cinq ans? Le peuple décidera. Mais on a
cinq ans. On a cinq ans pour examiner une formule qui devrait viser à
une plus grande démocratisation, une formule qui permettra
d'améliorer le statu quo. Si la formule choisie par une commission, on
est 1 sur 10 ou 2 sur 10, quel que soit le nombre... Si la formule choisit un
système qui va à rencontre des intérêts du
Québec, grâce à l'accord du lac Meech, on n'est plus
enfermés avec votre fameux 7-50. On a un droit de veto qui nous
protège. Dieu soit loué qu'on ait pu modifier ce fameux 7-50 que
vous avez accepté comme formule d'amendement! Parce que les gens me le
disaient dans la discussion quand je voulais récupérer le droit
de veto: Le Parti québécois qui voulait détruire le Canada
acceptait le 7-50 puis, vous, vous voulez le droit de veto. Ce n'était
pas toujours facile de répondre à des arguments comme
ceux-là!
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Parizeau: Commençons par le 7-50 du premier ministre.
Il dit "notre 7-50". Il y a quelque chose qui a été
déposé en Chambre. Oh! c'est merveilleux, ça, le 7-50,
neuf ans après, ce matin! Savez-vous ce qui a été
déposé en Chambre, M. le Président?
M. Chevrette: Le député de Berthier, il comprend
donc ça.
Une voix:...
M. Parizeau: Ça a été la position des
provinces dissidentes. Ça a été la proposition des
provinces dissidentes en 1981 que le premier ministre du Canada refusait - puis
le premier ministre de l'Ontario refusait - et qui avait, on en conviendra, des
caractéristiques de formule de retrait qui ne sont pas celles
d'aujourd'hui. En fait, c'était une autre formule. Alors, c'est quand
même extraordinaire de venir nous rattacher ça aujourd'hui, alors
que... Est-ce qu'on l'a signé, nous, cet accord de 1981? Non, on ne l'a
pas signé; on l'a refusé. Quand tout le paquet a
été sur la table, on a dit: II n'en est pas question.
Alors, que le premier ministre, s'il vous plaît, n'invoque pas le
syndrome du Parti québécois qui l'habite si souvent. Chaque fois
qu'il se révèle inapte à gouverner ou à
régler quelque chose, il dit: Mais le PQ l'avait fait ou le PQ n'avait
pas fait ça. On l'entend sans arrêt. Écoutez, les
années ont passé. Le PQ n'a pas signé l'entente de 1981.
Grattez-vous les bobos autant que vous voudrez maintenant, mais il reste
néanmoins - et, ça, j'y reviendrai un peu plus loin dans le texte
que nous analysons - que le choix des dispositions auxquelles le 7-50
s'applique, ça, ce n'est pas nous qui avons fait ça. C'est vous
depuis une semaine. On va y revenir.
J'en reste au Sénat. Le Sénat devrait être
élu, parce que c'est démocratique. Est-ce que le premier ministre
pourrait m'expliquer pourquoi, dans le système parlementaire
britannique, le Sénat n'est pas élu? Il y a une sacré
bonne raison pour ça. On a deux Chambres élues normalement quand
on a un président, un président qui est extérieur aux deux
Chambres, comme aux États-Unis. Ce n'est pas une question de
démocratie. C'est une façon de savoir comment le système
parlementaire fonctionne. Est-ce que le premier ministre se rend compte de ce
qui va lui arriver, à supposer qu'il soit encore là - ce qui
n'est pas évident - quand il va se retrouver chef d'un parti majoritaire
élu à une Assemblée avec possiblement, dans une
deuxième Assemblée élue, un autre parti qui est au
pouvoir? Comment est-ce qu'on fait marcher un système parlementaire
britannique comme ça? Il sait que ça ne tient pas debout. Il a
suffisamment observé ces choses-là dans sa vie pour savoir qu'un
Sénat élu, c'est une façon de lâcher
devant une demande de pouvoirs des provinces de l'Ouest, mais que sur le
pian de la rationalité des choses, c'est absolument insensé. Le
premier ministre a décidé de lâcher devant les pressions de
l'Ouest. Bon! Je veux bien, mais, enfin, qu'il ne cherche pas à
justifier son choix.
Je vais plus loin maintenant. Il s'est engagé aussi - parce qu'il
s'est engagé et je vais y revenir, il y a un paragraphe
intéressant qui termine ça - à ce que le Sénat
garantisse une représentation plus équitable des provinces moins
peuplées et des territoires. Il s'est engagé à ça.
Donc, je comprends que le Québec aura une représentation dans ce
Sénat élu inférieure à la proportion de sa
population. C'est bien ça?
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Oui, M le premier ministre.
Juste avant de vous laisser la parole, j'aimerais indiquer, encore une fois,
que nous ne sommes pas, évidemment, à la période des
questions. Donc, il n'est pas question d'applaudir à chaque question ou
a chaque commentaire. Alors, j'aimerais que ce soit bien suivi des deux
côtés, s'il vous plaît. Je m'excuse. Alors, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: M. le Président, ce que j'ai dit au chef de
l'Opposition... Je n'ai pas dit que vous aviez endossé l'exclusion du
Québec, j'ai dit que vous aviez signé, le 16 avril 1981, une
formule d'amendement qui, dans le cas de la réforme du Sénat,
accepte la règle de 7-50. Bon! Je veux dire, c'est ça les faits.
Est-ce que le ministre des Finances était d'accord avec M. Claude Morin?
Ça, là, je ne sais pas. Il baisse les yeux, je ne sais pas s'il
peut nous donner la réponse. Mais il reste que le document sur la
réforme, le document auquel je me suis référé, dit:
La réforme du Sénat peut être faite avec 7-50. C'est clair,
ça. Ça a été signé par le gouvernement du
Québec et c'est pourquoi, par la suite, M. Trudeau s'en est servi en
disant...
M. Parizeau: Puisqu'il a refusé de la signer...
M. Bourassa: M. le Président, est-ce que le chef de
l'Opposition peut me laisser terminer? Je veux dire... M. Trudeau a pu s'en
servir en disant: Regardez, ils ont accepté 7-50, ils ont signé
7-50 pour la réforme du Sénat.
M. Chevrette: ...tout seul.
M. Bourassa: Oui, mais c'est une concession. Quand vous parlez de
concession, vous en avez fait toute une. Vous en avez fait toute une parce que
ça a permis, après, d'imposer dans l'exclusion du Québec
la formule que vous aviez adoptée. Vous auriez dû y penser. Vous
auriez dû y penser et c'est ça qui a compliqué ma
tâche la semaine dernière quand on m'a dit, M. le
Président, que ça avait été accepté par un
parti qui veut la destruction du pays.
Ceci étant dit, je dois répéter au chef de
l'Opposition que c'est une commission d'étude qui va examiner toutes les
formules pour la nomination des sénateurs. J'ai parlé... M
Paul-André Comeau, rédacteur en chef du Devoir, disait,
hier, que lui ne voyait pas de problème majeur étant donné
que ça pouvait être une élection au deuxième
degré, comme en France. Il va y avoir un gros débat. Ils ont cinq
ans pour débattre de toute cette question: collège
électoral au deuxième degré, au suffrage populaire Cessez
de créer des épouvantails où il n'y en a pas. Je demande
au chef de l'Opposition de réaliser quand même que nous n'avons
qu'accepté qu'une commission d'étude examine ce qui se fait
partout dans le monde, et il n'y en a pas beaucoup.
M. Bouchard dit: On devrait abolir le Sénat. Bon! Je n'ai
pas beaucoup d'exemples d'États... J'ai essayé d'en trouver, avec
tout le respect et l'amitié que j'ai pour lui. Les Français ont
un Sénat, les Belges ont un Sénat, les Italiens ont un
Sénat, les Britanniques ont un Sénat, les Américains ont
un Sénat.
Une voix:...
M. Bourassa: Les Italiens ont un Sénat. Non, mais on parle
des États. Le Canada comme tel, je ne vois pas pourquoi... Tous les pays
comparables au Canada ont un Sénat. Est-ce que le chef de l'Opposition
est pour l'abolition du Sénat canadien? Est-ce qu'il est d'accord, cette
fois-là, avec Lucien Bouchard?
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition
officielle. (16 h 15)
M. Parizeau: M. le Président, je comprends, d'autre part,
que le premier ministre s'est engagé à ce que ce Sénat
élu, dans lequel le Québec a une représentation
inférieure à sa population, permette au gouvernement du Canada
d'être plus en mesure de gouverner au nom de tous les citoyens,
c'est-à-dire que le premier ministre du Québec s'est
engagé, en somme, à l'établissement d'une autre
organisation ou d'un autre organisme de centralisation, comme s'il n'y en avait
pas suffisamment. J'ai lu ça dans le texte: afin que le gouvernement du
Canada soit plus en mesure de gouverner au nom de tous les citoyens.
Et après avoir exprimé les trois objectifs dont je viens
de parler, je voudrais maintenant lire ça, parce que le premier ministre
a l'air de dire comme ça: Bien, oui, une commission va examiner, je ne
suis pas très engagé. Eh bien, il est très engagé,
le premier ministre, à ce dont nous venons de parler, parce que le texte
français dit: Après la proclamation de l'accord du lac Meech, le
premier ministre du Canada et les premiers ministres de toutes les
provinces
conviennent de mettre tout en oeuvre pour faire adopter une modification
conforme à ces paramètres en vue d'une réforme
générale du Sénat d'ici au 1er juillet 1995. Aïe!
c'est fort, ça! Le premier ministre du Québec s'est engagé
à mettre tout en oeuvre pour respecter ces objectifs. Soit dit en
passant, le texte anglais dit "objectifs". Parce que le premier ministre a
parle de paramètres à l'Assemblée nationale et les a
définis à partir du Petit Robert sur une base
mathématique, on a accepté de mettre "paramètres" dans le
texte français. Mais en anglais, c'est "objectifs". Voulez-vous bien me
dire, M. le Président, pourquoi le premier ministre s'est engagé
à mettre tout en oeuvre pour avoir un Sénat élu? Et quand
il dit: Élu au deuxième degré, est-ce que ses
collègues ont compris ça, eux? Est-ce que le premier ministre est
en train de nous dire qu'une élection au deuxième degré ou
au troisième degré, ça serait compatible avec ce à
l'égard de quoi il convient de mettre tout en oeuvre? Aïe! c'est
fort, ça!
M. Chevrette: C'est comme aux Chevaliers de Colomb quoi, le
troisième degré.
M. Parizeau: Le premier ministre du Québec s'est
engagé à mettre tout en oeuvre pour avoir un Sénat
élu, un Sénat dans lequel le Québec a une
représentation inférieure à sa population et qui va
permettre au gouvernement fédéral de mieux gouverner.
Une voix: Donc, les trois "e": égal, efficace,
équitable.
M. Parizeau: Des commentaires, M. le Président, j'aimerais
ça.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président. Alors, le chef de
l'Opposition prend le texte un peu... Ses arguments reflètent un certain
désarroi. Est-ce qu'il aurait voulu que je dise que le premier ministre
du Québec va tout faire pour bloquer la réforme du Sénat?
J'ai dit que je vais prendre les moyens pour... Je vais collaborer pour
favoriser la réforme du Sénat. Vous commencez à analyser
les phrases en interprétant ça d'une façon tout à
fait partisane. Je cite... J'ai cité 1981. Le chef de l'Opposition me
reproche de revenir à 1981. Lui, il cite le livre beige qui date
également de 1981. Il me reproche de faire ce qu'il fait
lui-même.
Pour ce qui a trait à l'élection des sénateurs, la
commission qui va être nommée... Il n'y a rien dans le texte qui
dit que la commission qui va être nommée devrait se limiter
simplement à l'étude d'un Sénat élu au suffrage
universel. Il n'y a rien qui dise que la commission ne pourrait pas visiter de
Sénat qui ne serait pas élu au suffrage universel. C'est pour
ça qu'on dit: Devrait être élu. On ne dit pas: Doit
être nécessairement élu au suffrage universel, devrait
être élu. La commission pourra examiner différents modes de
sélection des sénateurs. C'est normal. Je suppose qu'elle pourra
examiner le Bundesrat pour la raison qu'a mentionnée lui-même le
chef de l'Opposition, pour permettre au gouvernement fédéral de
fonctionner. C'est important que le gouvernement fédéral puisse
fonctionner. Le chef de l'Opposition l'a toujours dit. Et, si on a un
Sénat qui a des pouvoirs qui empêchent le gouvernement
fédéral de fonctionner - je me réfère encore
à la loi C-22 - ce n'est pas un Sénat qui sert les
intérêts du pays. Moi, je dis au chef de l'Opposition: C'est tout
ce qu'il a comme argument. Et ça fait une demi-heure qu'on parle du
Sénat élu. Si c'est tout ce qu'il a comme argument contre les
décisions du gouvernement du Québec, c'est qu'il n'en a pas
beaucoup.
On conserve notre droit de veto si la formule choisie va contre les
intérêts fondamentaux du Québec. Il me semble que ça
devrait... Il y a cinq ans et, dans cinq ans, si ça va contre les
intérêts fondamentaux du Québec, nous avons un droit de
veto. Qu'est-ce que veut de plus le chef de l'Opposition, lui qui acceptait
7-50? Qu'est-ce qu'il veut de plus?
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Dans son zèle fédéraliste, le
premier ministre se laisse emporter. Je vous rappellerai que le texte
français, tel qu'il nous a été communiqué par les
journaux, ne coïncide pas, à cet égard, avec le texte
anglais, qui nous a aussi été communiqué par la
télévision. Ses collègues anglophones ont une certaine
modération à l'égard du Sénat et, après
avoir exprimé divers objectifs, dont j'ai parlé tout à
l'heure, le texte anglais dit... "the Prime Minister and Premiers agree to seek
adoption". To seek adoption", ils vont s'essayer. Dans l'enthousiasme du
premier ministre du Québec, on dit: "...conviennent de mettre tout en
oeuvre". Aïe! Entre "seek adoption" et "mettre tout en oeuvre", là,
il y a toute une différence.
Mettons ça sur le compte de l'enthousiasme, M. le
Président. Mais j'aimerais rappeler au premier ministre que ce qu'il
voulait faire, c'était mettre ça à l'agenda, pas nous
engager, tous ensemble, dans des voies comme ça avant que ça ait
été, que Meech ait passé. J'en finis avec ça, avec
le Sénat. Remarquez que, tenez, au cas où le premier ministre
serait tenté de - comment dire? - revenir sur ce que je viens de dire...
"On n'a pas d'objection - disait-il, le 3 avril, il n'y a pas si longtemps, le
3 avril - à parler de l'agenda d'une deuxième ronde de
négociations. On n'a pas eu d'objection dans le domaine de la
réforme du Sénat, par exemple, à des rencontres infor-
melles entre les hauts fonctionnaires. Mais quant à commenter sur
le fond de la deuxième ronde de négociations, à ce
moment-là, nous ne respectons pas l'engagement que nous avons pris de
faire ratifier d'abord l'accord du lac Meech. Après ça, on
parlera de la deuxième ronde. C'est ça la position du
gouvernement. "
M. Bourassa: Alors, si on veut...
M. Parizeau: Disons que le premier ministre s'est engagé
à un certain nombre de choses, à l'égard du Sénat,
et qu'il a décidé d'être, si je comprends bien, le seul
premier ministre au Canada à tout mettre en oeuvre pour atteindre ses
objectifs. Les autres essaieront, seulement.
Le Président (M. Dauphin): M.le premier
ministre.
M. Bourassa: Alors, le chef de l'Opposition... Je ne sais pas si
on peut terminer là-dessus. Il reste beaucoup de choses et il ne reste
qu'une heure. La moitié, déjà, est écoulée.
Le chef de l'Opposition en est rendu à des questions de
sémantique. "Paramètre", dans un cas, ça c'est
supposé être une notion plus large, plus élastique, si je
puis dire; 'objectif", ah non! ça c'est plus restreint. Là, il
prend un autre exemple: "seek adoption", ça c'est restreint; "mettre
tout en oeuvre", ça c'est plus large. Si vous en êtes là
dans la critique de ce que j'ai fait la semaine dernière, j'en suis
très flatté.
M. le Président, je répète que, quand il y aura des
rapports de commission... Le moins que je puisse dire, c'est que le chef de
l'Opposition s'inquiète prématurément. J'ai parlé
du droit de veto. Mais, avant le droit de veto, on va avoir des rapports de
commission, des rapports de commission qui vont être
déposés et qu'on pourra analyser en Chambre. Je m'engage,
vis-à-vis du chef de l'Opposition et de ses collègues, quand il y
aura des rapports d'une commission - ils ont cinq ans, il va y en avoir un
premier peut-être dans quelques mois ou un an - à les
déposer en Chambre et on pourra avoir un débat spécial,
une commission parlementaire pour écouter ceux qui ont des
représentations à faire là-dessus, pour voir si ça
va dans le sens des intérêts du Québec ou non. Et je lui
répète, pour conclure, que, de toute manière, la solution
de rechange, est-ce que le Québec y perd, avec 24, par rapport à
d'autres?
Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors. M. le chef de
l'Opposition officielle.
Futures modifications constitutionnelles Droit
à l'égalité des sexes
M. Parizeau: M. le Président, alors, nous passons
maintenant à la section 3, Futures modifications constitutionnelles. Je
passe rapidement sur cette question du droit à l'égalité
des sexes, dont parlait le premier ministre tout à l'heure. Ç'a
été beaucoup demandé dans les autres provinces
canadiennes, pour protéger les femmes du Québec. Les femmes du
Québec, par le truchement de beaucoup d'associations féminines,
ont dit: Mais pourquoi diable est-ce que vous voulez un amendement
constitutionnel comme ça? Nous, on se débrouille très bien
chez nous, merci beaucoup, et on ne se sent pas menacées. Dans ce
sens-là, qu'on ait réussi à faire passer cet amendement
à la conférence d'Ottawa, ça ne me semble pas, à
première vue, avoir des conséquences bien dramatiques dans un
sens ou dans l'autre. Moi, je trouve ça un peu injurieux pour ces femmes
du Québec qui disent depuis déjà deux ou trois ans
à divers groupes dans les autres provinces: Mais voulez-vous nous ficher
la paix, on ne se sent pas menacées, nous, dans le statut juridique et
constitutionnel qu'on a. Il n'y a vraiment pas de raison. On vous remercie de
votre sollicitude, mais enfin, merci beaucoup. Mais je pense, là-dessus,
que c'est plus injurieux qu'autre chose.
M. Bourassa: Juste un mot, donc, si on s'entend rapidement
là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a l'injure un peu
facile.
M. Parizeau: Ah!
M. Bourassa: Parce que la Fédération des femmes a
dit, de fait, qu'elle ne voyait pas de risque mais qu'elle n'avait aucune
objection à ce que ça soit confirmé. Sauf qu'il
dit:...
M. Parizeau: C'est exactement ce que je viens de dire.
M. Bourassa:... que c'est une injure. Mais je ne vois pas
l'injure quand les intéressées disent: On est prêtes
à accepter.
M. Parizeau: II ne faut pas dire... Écoutez, on peut
difficilement s'opposer à ça, mais, encore une fois,
c'était très clair. Le premier ministre vient de dire ce que j'ai
dit, M. le Président.
M. Bourassa: Avec les nuances. M. Parizeau: Bon.
Le Président (M. Dauphin): M.le chef de
l'Opposition.
Questions linguistiques
M. Parizeau: Abordons maintenant la question de l'inscription,
toujours dans ces futures modifications constitutionnelles, des questions
linguistiques. Ça, ce n'est pas rien. Les premiers ministres s'entendent
pour inscrire à l'ordre du jour des conférences sur la
constitution des questions intéressant les minorités
linquistiques d'expression française et d'expression anglaise. Et,
là, ça va se traduire par un amendement à la constitution
- ça, ça devient un amendement à la constitution -
où, à ces conférences, on ajoute... C'est beaucoup plus
précis que le texte que je viens de vous lire. Là, on ajoutera:
a.1, à ces conférences, les questions - les questions -
intéressant les minorités francophones et anglophones. On en fait
donc une tâche statutaire des conférences constitutionnelles de
revoir périodiquement tout ce qui a trait aux minorités
anglophones et francophones.
Je ne sais pas pourquoi le premier ministre a accepté ça;
pourquoi, statutairement, on doive, à chaque conférence, avoir
à assurer le suivi de tout ce qui a trait aux minorités
linguistiques. Parce que, qui dit suivi dit discussion, qui dit discussion dit
décision à rendre et, là, M. le Président, on entre
dans le 7-50. À l'occasion de ces choses inscrites à l'ordre du
jour, il y a des tas de décisions qui peuvent se prendre sur la base de
7-50. Pourquoi est-ce que le premier ministre a accepté de mettre ces
questions linguistiques entre les mains du 7-50? Mais qu'est-ce qui lui a pris
donc? On sait qu'en 1993 la clause "nonobstant" qui a été
invoquée pour la loi 178 devra être révisée ou
réexaminée, n'est-ce pas?
M. Bourassa: Est-ce qu'elle est abolie en 1993?
M. Parizeau: Le premier ministre ne m'écoute pas. Je dis:
On sait que la clause "nonobstant" invoquée dans le cas de la loi 178
doit être revue en 1993. C'est bien ça que ça dit, la
constitution?
M. Bourassa: Vous avez dit comme si elle disparaissait en
1993.
M. Brassard: Écoutez...
M. Parizeau: Qui doit être revue...
M. Bourassa: D'accord, là. Merci.
M. Parizeau: ...une troisième fois.
M. Bourassa: Merci de la précision.
M. Parizeau: II n'y a pas de raison que vous n'ayez pas entendu
la précision la première fois.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parizeau: II n'est - on le voit encore ce matin - pas
évident auprès des constitutionnalis-tes que la clause
"nonobstant" pourrait éviter un examen en vertu de 7-50. Il y en a qui
disent: Non, ce n'est pas possible. Il y en a qui disent: Oui, c'est possible.
Qu'est-ce que le premier ministre va nous dire? C'est que les avis juridiques,
de toute façon, n'ont pas plus d'importance qu'ils n'en ont quand ils
sont invoqués ailleurs. (16 h 30)
Dites donc! c'est tout un risque qu'il prend, le premier ministre!
Est-ce qu'on peut imaginer que des révisions périodiques des
questions linguistiques vont donner lieu à l'élaboration de
propositions sur la promotion de la dualité linguistique? Ça,
c'est clairement 7-50. Sur l'abolition de la clause "nonobstant" dans le
domaine linguistique, il y en a qui disent non; il y en a d'autres qui disent:
Oui, c'est peut-être possible. Puis on sait qu'il y a
l'échéance de 1993 qui nous pend au bout du nez.
M. le Président, pourquoi est-ce que le premier ministre a
été ouvrir une porte pareille? Étant donné que tout
ça se prenait à l'unanimité, il pouvait refuser de
l'ouvrir, cette porte-là. Il pouvait refuser d'ouvrir cette
porte-là s'il le voulait. Pourquoi est-ce qu'il a ouvert?
M. Bourassa: Pourquoi ça a été ouvert? M. le
Président, la réponse est bien simple.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Est-ce que le chef de l'Opposition oublie qu'il y a
800 000 francophones à l'extérieur du Québec? Ils
n'existent pas, ces gens-là, pour lui? On ne peut pas les aider? Est-ce
qu'il pense que le Québec a peur de discuter des droits des
minorités dans l'ensemble du Canada et de montrer le sort qui est
réservé à la minorité anglophone par rapport au
sort qui est réservé aux minorités francophones à
l'extérieur? Est-ce qu'on n'a pas le droit d'aider les Acadiens et
d'aider les francophones de l'Ontario et du Manitoba? Est-ce que, oui ou non,
pour le chef de l'Opposition, ces minorités ont le droit d'avoir l'aide
du Québec?
M. Parizeau: Est-ce que, M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: ...le premier ministre veut dire qu'à cause
de son grand coeur il est prêt à mettre ce qui reste de la loi 101
en péril par un mécanisme comme ça? Parce que c'est de
ça dont on parle, quand on rentre dans le 7-50. Il y a des tas de choses
qui peuvent se produire.
Est-ce que le premier ministre veut dire qu'à cause des arguments
qu'il vient d'invoquer il est prêt à prendre des risques avec ce
qui reste de 101?
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...encore cette manie de créer des
épouvantaUs. Nous avons accepté de discuter de questions de
minorités. Est-ce que le chef de l'Opposition aurait voulu que le
Québec dise: Ça ne nous intéresse pas, le sort des
Acadiens? Ce n'est pas une question de grand coeur. C'est une question de
solidarité des francophones au Canada. Est-ce que le chef de
l'Opposition aurait voulu que le premier ministre du Québec, qui
représente, c'est vrai, la principale partie des francophones du Canada,
bloque toute espèce de discussion sur l'aide qu'on peut apporter aux
minorités francophones? Je le répète au chef de
l'Opposition, je ne crains, d'aucune façon, de mettre sur la table le
traitement que nous accordons à la minorité anglophone pour
aborder cette question-là avec le traitement qui est accordé aux
minorités francophones à l'extérieur. Je l'ai dit au
Canada anglais, je l'ai répété. Alors qu'on a un taux
d'assimilation qui va jusqu'à 60 % pour les francophones dans certaines
provinces, ici, la minorité anglophone assimile encore des
non-anglophones. Donc, je n'ai aucune crainte à discuter de ces
questions-là et, d'aucune façon, ça met en cause la loi
101.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, j'aime ça voir le
premier ministre ouvrir son coeur aux minorités de l'Ouest. On a vu
à quel point il était ouvert dans le cas des francophones de la
Saskatchewan. On a vu le gouvernement de Québec plaider en Alberta de
façon honteuse Non, mais vraiment! Il y a des gens, M. le premier
ministre, qui ne vous pardonneront jamais les représentations qui ont
été faites en Alberta. Alors, s'il vous plaît, qu'on ne
commence pas maintenant à venir nous faire pleurer sur ces questions. Il
ne s'agit pas de savoir si on a peur de parler ou pas. Il s'agit de savoir si
on établit un système automatique de conférences
périodiques qui ont un pouvoir décisionnel - c'est ça qui
est en cause - et un pouvoir décisionnel où, là, la
règle de l'unanimité ne s'applique plus, c'est, pour nous, une
trappe à ours. C'est évident, ça, ça a
été une des clauses qui a été exigée par les
autres provinces. Ça, on commence à rentrer dans certaines des
clauses majeures, fondamentales, où il a fallu donner pour faire
accepter le lac Meech. Et, avec les réponses du premier ministre, je me
demande s'il se rend compte de l'ampleur de ce qu'il a donné.
Encore une fois, il pouvait empêcher ça. Puisque
c'était la règle de l'unanimité, il pouvait dire:
Ça, là, cette révision automatique, c'est non. S'il veut
parler des minorités dans le reste du Canada, j'imagine qu'il y a toutes
espèces d'autres moments de l'année où il peut en parler.
Il pourrait sûrement faire en sorte d'aller, de temps à autre, et
se faire applaudir ailleurs, au Canada, en disant: Nous sommes de tout coeur
avec vous. S'il s'agit seulement de manifester ses bonnes intentions à
l'égard des Québécois hors Québec, je suis
sûr qu'il y a toutes espèces d'occasions. Mais pourquoi est-ce
qu'il a ouvert une porte automatique à la révision des lois
linguistiques, dans un cadre où 7-50 va s'appliquer dans un bon nombre
de cas, sinon à tous, dépendant des avis juridiques?
M. Bourassa: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition que les exemples
qu'il apporte pour appuyer son point de vue, en fin de compte, l'affaiblissent.
Il cite l'attitude du gouvernement du Québec en Alberta. Si nous avons
pris une telle position en Alberta, ce n'est pas pour nous éloigner
d'une façon honteuse, dit-il. Lui qui ne voulait même pas
qu'à l'intérieur des commerces les anglophones, à
Montréal, puissent avoir des affiches en anglais. Imaginez! Même
pas dans les commerces, les petits commerces, dont les propriétaires
sont anglophones. Il ne voulait même pas permettre que ces
propriétaires puissent annoncer dans leur langue, à
l'intérieur. Je comprends qu'à l'extérieur, avec
l'évolution démographique de la région de Montréal,
on est obligé d'exprimer aux immigrants un message qui soit clair, sur
le caractère francophone de la société
québécoise.
Et c'est lui qui m'accuse d'avoir agi de façon honteuse, alors
que le débat en Alberta, c'était le maintien intégral des
pouvoirs de l'Assemblée nationale dans les questions d'éducation.
Le saviez-vous? Est-ce que le chef de l'Opposition le savait, M. le
Président, que le débat en Alberta, c'était ça?
Est-ce que, oui ou non, les pouvoirs de l'Assemblée nationale vont
être intégralement maintenus? C'est important que le Québec
ne pose pas des gestes qui puissent atténuer son pouvoir sur
l'éducation. Et c'est ça qui était honteux pour le chef de
l'Opposition? Nous avons agi d'une façon honteuse parce que nous avons
défendu la juridiction du Québec en matière
d'éducation. Est-ce que le chef de l'Opposition se rend compte de
l'illogisme invraisemblable dans lequel il est tombé, faute d'arguments
sérieux pour critiquer la position du gouvernement?
Ceci étant dit, je répète au chef de l'Opposition,
que nous avons voulu prendre cette
occasion pour pouvoir avoir une discussion nous permettant, tout en
respectant, comme nous l'avons fait en Alberta... Le chef de l'Opposition ne
devrait pas s'inquiéter. J'évoque son propre exemple
vis-à-vis de l'Alberta, pour montrer qu'on est aussi vigilants que
n'importe quel gouvernement peut l'être pour protéger les droits
du Québec. Mais on cherche à concilier la protection des droits
du Québec avec l'aide qu'on peut apporter aux minorités
francophones, qui avaient été abandonnées par certaines
politiques de l'ancien gouvernement.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Alors, c'est tout. Effectivement. Alors, on va
accepter ça parce qu'il y avait une ambiguïté sur le
régime pédagogique en Alberta, exigé par les francophones,
puis que le gouvernement du Québec a été plaider contre
ça? Et voilà. Donc, M. le Président, il y aura,
dorénavant, des conférences constitutionnelles
régulières où on examinera le statut linguistique des
francophones et des anglophones et où des lois, établies par
nous, ici, pourront être renversées, parce que
déclarées inconstitutionnelles, à la suite de
décisions de ces conférences prises sur une base de 7-50. Je
passe...
M. Bourassa: M. le Président, je conclus...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...en répétant, parce que j'ai le
droit de conclure...
M. Chevrette: II n'a même pas fini sa phrase.
M. Bourassa: Ah! excusez-moi! Je pensais qu'il avait dit que
c'était terminé.
M. Parizeau: Non. Ça, vous voyez, c'est ce que j'ai
appelé, hier, la première porte par laquelle des concepts comme
la société distincte vont être vidés, à
toutes fins pratiques, de leur substance. Il y a une deuxième porte qui
est toujours dans le texte et qui s'appelle "reconnaissance constitutionnelle".
Ah, ça! "reconnaissance constitutionnelle", c'est merveilleux! C'est
épatant!
M. Bourassa: Excusez-moi. M. le Président, est-ce que je
peux conclure? J'ai le droit de conclure avant que vous abordiez un autre
sujet.
M. Parizeau: Sur la question linguistique? M. Bourassa:
Oui, oui.
M. Parizeau: Oui, bien sûr. M. Bourassa:
D'accord.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je rappelle au chef de l'Opposition que le
Québec dispose d'une protection qui a été utilisée
par les deux gouvernements et que le Québec, s'il y avait amendement,
dispose d'un droit de retrait selon l'article 38.3. Donc, son inquiétude
est sans aucune espèce de justification. Il s'en tient depuis le
début de cet après-midi à des hypothèses
apocalyptiques. C'est tout ce qu'il lui reste pour critiquer la position du
gouvernement.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition,
vous m'excuserez, tantôt, je croyais que vous aviez terminé votre
phrase. Excusez-moi. C'est difficile.
M. Parizeau: Ça va, j'ai compris. Mais, M. le
Président, qu'est-ce que le constitutionnaliste, le professeur Woehrling
peut avoir d'apocalyptique? Ce matin, sur l'article 38.3 qu'invoque le premier
ministre, il dit: Ce n'est pas évident du tout. Comprenons bien
l'application de l'article 38.3 comme clause de sauvegarde dans les cas qu'on
invoque, certains pensent une chose parmi les constitutionnalistes, d'autres
pensent autre chose, puis nous, on signe. Ha, ha! On dit: Je ne le sais pas, je
peux me faire prendre, mais, enfin, je signe. Je ne sais pas, mais je signe. Ce
qui domine les affaires de Meech depuis le début: Je ne sais pas, mais
je signe. Vous vous souvenez du départ de la discussion sur la clause de
la société distincte? Est-ce que ça prime sur la Charte
des droits ou si c'est la Charte des droits qui prime sur la
société distincte? Les 11 premiers ministres au départ ont
signé, parce qu'il y avait une chose qu'ils avaient en commun, c'est
qu'ils ne pensaient absolument pas la même chose. Il y en a qui
comprenaient ça dans un sens, l'un prime sur l'autre; d'autres
comprenaient ça dans l'autre sens, le second prime sur le premier; puis
d'autres, les sages, comme M. Peterson, disaient: On n'est pas capable de vous
le dire, on n'en sait rien. C'est les cours de justice qui trancheront.
Ça a commencé, ce débat-là, dans la
confusion la plus totale. Maintenant, on commence à voir que la clause
de la société distincte, primer sur la Charte des droits? Pas
question. Puis là, on vient d'ouvrir une autre porte en disant:
L'article 38.3 va nous protéger, alors que par les avis juridiques,
c'est une "épivardée". Vraiment!
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je dis au chef de
l'Opposition que la question de la clause "nonobstant" n'a pas
été abordée. D'accord? Plusieurs voulaient l'aborder; elle
n'a pas été abordée et nous avons, avec les articles 33 et
38. 3, une protection absolue. C'est le gouvernement fédéral
lui-même qui l'a confirmé.
M. Parizeau: Où? M. Chevrette: Quand?
M. Bourassa: On pourra donner une déclaration. On va vous
faire parvenir la déclaration de M. Murray à cet
égard-là.
M. Parizeau: Ah, pardon! Excusez-moi, M. le Président.
Excusez, continuez.
M. Brassard: Si ça vient aussi vite que l'autre document,
ça va nous prendre du temps à l'avoir.
M. Bourassa: Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que
nous avons cette protection absolue avec les deux articles en cause et que la
question de la clause "nonobstant" n'a pas été soulevée.
Je ne vois pas en quoi accepter de discuter de questions linguistiques... Mais
comment aurait réagi le chef de l'Opposition si j'avais accepté
de discuter de la clause "nonobstant"? Qu'est-ce qu'aurait dit le chef de
l'Opposition si on avait mis à l'agenda la clause "nonobstant"?
M. Parizeau: Elle y est!
M. Bourassa: Imaginez, on parle de question linguistique pour
aider les minorités. On n'a pas accepté de discuter des
modifications à l'article 33, protégé par l'article 38. 3.
Alors, assumez vos responsabilités, je vais assumer les miennes.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition. (16
h 45)
M. Parizeau: M. le Président, mais dans ce que j'ai
appelé... non, ce que le document appelle "question linguistique", mais
la clause "nonobstant" est là. Elle sera portée à l'ordre
du jour chaque fois qu'on demandera que ce soit porté à l'ordre
du jour, tous les ans si on veut, puis en 1993, quand elle sera sous revue,
c'est évident que ça va être discuté. Voyons! Ce
n'est pas limitatif, ce qui a été mis dans l'amendement à
la constitution canadienne. Comprenons-nous bien, M. le Président, que
je recherche le 50, ce petit changement constitutionnel dont le premier
ministre dit: II va de soi. Les questions intéressant les
minorités francophones et anglophones, avez-vous pensé que le
"nonobstant", ça n'intéresse pas les minorités anglophones
du Québec?
Voyons! Voyons! Voyons!
D'autre part, M. le Président, moi, je veux bien que le premier
ministre nous dise: M. Murray, je vous enverrai une déclaration,
où il dit qu'on est protégé par 33 ou par 38. 3. Oui,
mais, il tient absolument à nous dire que l'avis de cinq juristes, pas
un sénateur...
Une voix: Six.
M. Parizeau: C'est six? Pas un sénateur, six juristes. Il
ne veut pas accorder plus d'importance que ça, même si c'est
annexé à un texte constitutionnel. Puis un avis de M. Murray tout
à coup prendrait une portée absolument... Mais de quoi parle-ton
dans cette affaire? M. Murray donne des lettres de confort, puis six
constitu-tionnalistes, ils lui donnent des lettres de quoi?
Une voix: De l'éditorial.
M. Parizeau: Non, ça devient... Eux, c'est de
l'éditorial.
Une voix: Oui.
M. Parizeau: Mais là, M. Murray, on va m'envoyer le
document...
Une voix: Lourd de portée.
M. Parizeau:... pour me démontrer à quel point le
gouvernement du Québec est bien protégé. Drôle de
façon de négocier! Est-ce qu'on peut passer alors à...
M. Bourassa: Juste conclure là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): Juste un instant, M. le chef de
l'Opposition. M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je pourrais citer toute une
série d'avis juridiques, mais j'ai invoqué le sénateur
Murray, pas parce qu'il est sénateur - il ne faut quand même pas
abuser dans le manque d'arguments - c'est parce qu'il représentait le
gouvernement fédéral qui a un rôle important à jouer
dans ces discussions. Alors, je pense que, dans ce contexte-là, c'est un
point de vue qui dépasse la personne qui exprime le gouvernement
fédéral.
Et je crois qu'on ne lit pas la même chose. J'ai dit tantôt
au chef de l'Opposition - et ce n'est pas nouveau, parce que plusieurs premiers
ministres l'ont dit - que plusieurs premiers ministres avaient demandé
qu'on discute de la clause "nonobstant", formellement et spécifiquement.
Il s'en souvient. Nulle part, on ne parle de questions intéressant les
minorités linguistiques d'expression française et d'expression
anglaise. Est-ce qu'on doit exclure de discuter de ces questions-là
parce que, indirectement, ça peut
invoquer la clause "nonobstant"? Mais ce n'est pas sérieux! C'est
grotesque!
Si on avait à l'ordre du jour: Modalités de l'application
de la clause "nonobstant", au lieu de cinq ans, trois ans - une
hypothèse que j'avais émise il y a un an et demi, un an
plutôt, au mois d'avril 1989... Si on avait mis la question de la clause
"nonobstant" d'une façon spécifique, là, le chef de
l'Opposition aurait eu raison de pousser des hauts cris, de jouer les
écorchés vifs. Mais tout ce qu'on a mis, en pensant
essentiellement à nos frères francophones du Canada anglais, on a
mis à l'ordre du jour qu'on discute des questions intéressant ces
minorités-là, tout en défendant les droits du
Québec, comme on l'a fait dans certaines causes judiciaires.
M. Brassard: II nous arrache les larmes. Ça arrache les
larmes tellement vous êtes...
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, le premier ministre sait
bien que le premier ministre du Canada a dénoncé
fréquemment la clause "nonobstant". Le premier ministre du Canada, il
n'en veut pas de la clause "nonobstant". Puis il l'a dit, puis il l'a
répété qu'il n'en veut pas de la clause "nonobstant".
C'est à cause de l'usage fait de la clause "nonobstant" par le premier
ministre du Québec qu'il a eu un "backlash" dans les provinces anglaises
tellement fort que les tensions entre le Québec et le reste du Canada se
sont accrues de façon importante. Je ne dis pas qu'il a eu tort
d'invoquer la clause "nonobstant" dans ce cas-là. Moi, je l'aurais
invoquée mur à mur plutôt que comme il l'a fait, juste pour
un petit bout. Mais, dans ce sens-là, ce n'est pas que je lui en
veuille. Il doit savoir, j'imagine, que l'usage de la clause "nonobstant" quant
aux langues...
Une voix: ...il a dit que c'était un gâchis...
M. Parizeau: ...représente - comment dire? - quelque chose
d'un peu chaud. M. Mul-roney a déjà dit: C'est un
gâchis.
Le problème du premier ministre du Québec: Est-ce que
j'accepte qu'on mette dans un texte de parler spécifiquement de la
clause "nonobstant" pour sa révision? Si je fais ça, je risque de
me faire enguirlander pas mal.
M. Bourassa: Par qui?
M. Parizeau: Alors, ce que je vais mettre, par ce feu de paille
dont vous parliez... Alors, ce que je vais faire, je vais mettre les questions
intéressant les minorités francophones et anglophones et,
là, il est évident que la clause "nonobstant" est, bingo,
immédiatement dedans. À l'égard de qui pense-t-on, M. le
Président, dans le cas de la loi 178, que la clause "nonobstant" a
été invoquée? À l'égard de la culture des
petits pois? À l'égard de la façon de scier du bois en
long? Demandez donc au chef du Parti Égalité à
l'égard de quoi il pense que la clause "nonobstant" dans la loi 178 a
été utilisée.
M. Chevrette: Demandez-lui pourquoi il rit aujourd'hui, qu'il est
fier et qu'il est d'accord avec vous.
M. Parizeau: II est clair, d'après tout ce que...
Le Président (M. Dauphin): Un seul a la parole, s'il vous
plaît.
M. Parizeau: Vous comprendrez dans ces conditions, M. le
Président, que moi, je veux bien qu'on m'envoie une déclaration
de M. Murray, je la lirai avec beaucoup d'intérêt, mais, enfin...
Dire que ça m'impressionne plus qu'il faut quand je suis en face d'un
amendement à la constitution canadienne... Parce que, encore une fois,
les mots que je cite, l'Assemblée nationale va avoir à les
adopter comme amendement à la constitution. C'est toute une porte!
M. Bourassa: M. le Président, on met ça à
l'ordre du jour. Il n'y a pas de proposition d'amendement. Pour
compléter... Il faut quand même respecter les faits. Je voudrais
juste rappeler un mot. Le chef de l'Opposition se prépare à
utiliser, là, constamment l'expression "feu de paille". Je lui
demanderais de lire la presse demain, s'il y a oui ou non une rectification. Je
lui ai dit que je n'avais jamais utilisé cette expression. D'accord?
Est-ce que je peux lui demander...
M. Chevrette: Le feu de la Saint-Jean.
M. Bourassa: ...d'avoir la décence
élémentaire d'accepter ma parole?
M. Chevrette: II a parlé de feu de la Saint-Jean.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, de la même
façon que je n'ai jamais dit du premier ministre qu'il avait vendu le
Québec. Je viens de faire tourner toute la bobine...
M. Chevrette: Au complet.
M. Parizeau: ...de la conférence de presse, au
complet.
M. Bourassa: C'est le titre qu'on a eu.
M. Parizeau: Voilà! Voilà! M. le premier
ministre.
M. Bourassa: Mais pourquoi utilisez-vous le même
procédé?
M. Parizeau: Et voilà! Je n'utilise pas le même
procédé. Écoutez, nous sommes tous cités. Nous
appartenons tous au club des mal cités, n'est-ce pas? Alors, de temps
à autre, on fait comme ça de petites corrections.
M. Bourassa: D'accord. AJors, entendons-nous cet
après-midi.
M. Parizeau: Quand elles sont politiquement utiles.
M. Bourassa: Entendons-nous cet après-midi. Je n'aurais
pas utilisé de propos mensongers si je n'avais pas pris connaissance des
mensonges présumés du chef de l'Opposition.
M. Parizeau: C'est très bien, M. le Président.
C'est très bien.
M. Bourassa: C'est présumé, maintenant. M.
Parizeau: Continuons!
Le Président (M. Dauphin): Alors, c'est
réglé. M. le chef de l'Opposition.
Reconnaissances constitutionnelles
M. Parizeau: Reconnaissances constitutionnelles. M. le
Président, ça, c'est une des beautés du texte. Est-ce que
vous avez une idée de ce que c'est une reconnaissance constitutionnelle?
Moi, quand je suis tombé là-dessus, à première vue
- remarquez que je ne suis pas un homme de l'art, à cet égard -
j'ai regardé ça et je n'ai rien compris.
Une voix: Est-ce qu'il va avoir une médaille?
M. Parizeau: Et il a fallu que j'aille voir un certain nombre de
nos amis juristes qui mont dit: Comment, vous n'avez pas compris?
Reconnaissances constitutionnelles, c'est la clause Canada. Ah bien! Ça
va peut-être sans dire, mais ça va tellement mieux en le disant.
Ça, ça a été manifestement écrit de
façon que, pendant 24 heures, personne n'y comprenne quoi que ce soit.
Comme ça, les plus gros titres passent et on finit par savoir seulement
après ce qui a été mis là-dedans.
Alors, il va y avoir un comité de la Chambre des communes. Soit
dit en passant, on n'a rien à voir là-dedans, nous autres. C'est
la Chambre des communes qui va organiser un comité pour chercher
à établir une clause Canada qui va déterminer, en un
certain sens, comme doit le faire la clause Canada depuis le début, les
caractéristiques juridiques fondamentales du Canada. On dit bien
là-dedans qu'il faut que ce soit compatible avec la constitution
actuelle, mais ça peut ajouter du stock, sort dit en passant. On peut
ajouter bien des choses et ce n'est pas incompatible. J'ai vu, par exemple,
passer un projet de texte qui a beaucoup circulé, si je comprends bien,
dans les immeubles, ici. Je ne sais pas exactement qui l'a écrit, mais
je sais que ça a passablement circulé et que ça a
été passablement utilisé de l'autre bord de la
Grande-Allée pendant un certain temps.
Savez-vous ce qu'il s'agissait de faire dans une clause Canada, M. le
Président? De reconnaître constitutionnellement les institutions
du Canada anglais, ici, les Québécois de langue anglaise, des
minorités ethniques et des autochtones. Les institutions, c'est quelque
chose ça!
M. Bourassa: De quel texte parlez-vous?
M. Parizeau: Oh! C'est un texte qui a beaucoup circulé, M.
le premier ministre Je pourrais même vous en envoyer, si vous voulez, un
exemplaire à vous aussi.
M. Bourassa: C'est votre réseau d'espions qui vous...
M. Parizeau: Absolument pas. Ha, ha, ha! Tout ça pour
dire...
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Tout ça pour dire, M le Président,
qu'une clause Canada compatible avec la constitution, on peut mettre n'importe
quoi, enfin, ou presque, comme on disait autrefois. Il surfit que ça
soit compatible. On peut donc ajouter des tas d'affaires, définir les
droits de tout un chacun, décider que tel groupe a les mêmes
droits que tel autre groupe ou, au contraire, que c'est différent. Du
moment que ce n'est pas incompatible avec les clauses actuelles, tout va bien
On voit très bien pourquoi c'est fait. Il y a des pressions dans
beaucoup d'autres provinces pour accentuer des formes de multiculturalisme qui
ne sont pas nécessairement notre façon de voir à nous. On
avait vu des pressions apparaître et une partie de cela, de ce
désir d'avoir une expression de droits standard dans la Charte
canadienne des droits et dans la constitution canadienne, au moment du rapport
Charest. Là, ce qu'on va faire, c'est Charest phase 2; chercher à
savoir si on peut s'entendre, au Canada, sur une définition commune des
droits de tous ceux qui existent dans ce Canada dont le premier ministre dit
que c'est maintenant le vrai pays des Québécois. Est-ce qu'on est
capables de
s'entendre? C'est le grand rêve de M. Wells. Une bonne partie de
l'opposition à Meech est venue de là. Je ne disconviens pas que
ce ne soit pas très honorable. Il y a beaucoup de Canadiens, à
l'heure actuelle, qui ne comprennent pas les Québécois et qui
disent: Nous, on voudrait que les droits soient les mêmes. La Charte des
droits définit un Canadien quel qu'il soit. Et s'il y a des gens qui
veulent être des Canadiens différents sur ce plan, bien, à
la limite, qu'ils cessent d'être des Canadiens. Nous, notre charte
définit des droits uniformes et uniques, et c'est très
respectable. Moi, je ne me suis jamais... Je comprends très bien ce
point de vue la. Si j'étais à leur place, je penserais
probablement la même chose. Évidemment, c'est incompatible avec
nous, notre vision des choses. Et c'est ça qui fait avorter tellement de
tentatives jusqu'à maintenant.
Là, à partir du 16 juillet 1990, attachons nos ceintures,
on recommence le débat, c'est reparti. Le comité de la Chambre
des communes va tenir des audiences publiques et doit présenter à
la conférence des premiers ministres ses recommandations à ce
sujet. Et la prochaine conférence des premiers ministres, c'est à
l'automne 1990, M. le Président. En mettant ça juste avant
Noël, savez-vous combien ça représente de semaines de
session de l'Assemblée nationale ici? Probablement quatre semaines avant
que tout ait recommencé, que Charest 2 soit en place, que les premiers
ministres recommencent à se battre sur l'affaire, sur la clause Canada.
Nous allons avoir à peu près quatre semaines ensemble,
peut-être cinq. Voilà!
Inutile de vous dire que toute la chicane va reprendre puis que les
pétards vont ressortir. Alors, j'imagine qu'en novembre vous allez vous
enfermer à nouveau. Cherchez à trouver un endroit plus
confortable la prochaine fois, M. le premier ministre. On recommence. Et c'est
là la beauté de la chose, si l'on peut s'exprimer avec une pointe
d'ironie, là, les décisions qui seront prises fin 1990, 7-50, M.
le Président, 7-50. Sur la prochaine clause Canada, ah, là, cette
fois-ci... Le premier ministre du Québec a réussi à faire
passer les cinq conditions du Québec sans clause Canada, en faisant
quoi? En repoussant à l'automne prochain le fait de passer une clause
Canada. Sauf que cette fois-là, elle ne devra pas être unanime;
7-50, ça suffira. C'est, M. le premier ministre, un recul
inacceptable.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. (17
heures)
M. Bourassa: Ah! ça retourne à la rigolade!
Ça fait 20 ans qu'on discute des questions de préambule, clause
Canada. Et parce qu'on en discute une fois de plus, c'est un drame, c'est une
trahison à retardement. C'est l'expression de mon ami, le
député de Lac-Saint-Jean. On sait toute la bonne foi que je lui
prête, en plus de l'intelligence et de la loyauté à son
chef. Pourquoi le chef de l'Opposition présume-t-il que les propositions
qui vont être faites par le Canada anglais seront de nature à nous
enlever ce qu'on a obtenu avec l'accord du lac Meech, grâce à son
fameux 7-50 qu'il a endossé sur d'autres sujets? Pourquoi
présume-t-il que le Canada aurait intérêt à
recréer ces tensions linguistiques? M. le Président, le chef de
l'Opposition passe beaucoup de temps à créer toutes sortes de
craintes ou d'épouvantails sans le moindre fondement. Mais il admet,
quand même, il faut dire que là il admet qu'il n'y a pas eu
d'amendement à l'accord du lac Meech. Je ne sais pas s'il s'en est
aperçu.
M. Parizeau: Ce n'est pas cela que j'ai dit.
M. Bourassa: J'ai dit que ça a été remis
à l'automne, cette question-là. Donc, il n'y a pas d'amendement
d'ici au 23 juin. Oui ou non?
M. Parizeau: Sur la clause Canada.
M. Bourassa: Oui, mais je veux dire, quand même...
M. Parizeau: Sur la clause Canada.
M. Bourassa: Est-ce qu'il peut dire, donner un seul exemple
où il y a un amendement sur l'accord du lac Meech avant le 23 juin?
Est-ce qu'il peut donner un seul exemple?
M. Parizeau: Mais, monsieur... Est-ce qu'il me pose une question,
là?
Le Président (M. Houde): C'est à vous la parole,
vous pouvez lui répondre.
M. Bourassa: Alors, ce que je dis, monsieur...
M. Parizeau: Évidemment, il y a tous les amendements
signés, qui n'attendent que le 23 juin pour être
présentés dans les différentes Législatures, c'est
tout signé.
M. Bourassa: Bien, M. le Président...
Le Président (M. Houde): M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...j'espère que le chef de l'Opposition... Je
parle aux pouvoirs qui affectent le Québec, évidemment.
J'espère que le chef de l'Opposition n'a pas d'objection aux
sénateurs du Yukon dont parlait le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Parizeau: J'ai des sacrées...
Le Président (M. Houde): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: ...objections à l'amendement au paragraphe
50.
M. Bourassa: Qui traite de...
M. Parizeau: Je l'ai dit tout à l'heure.
M. Brassard: Les questions des minorités, les questions
linguistiques.
M. Parizeau: Les questions linguistiques. M. Bourassa: Ah!
avec le parti...
M. Parizeau: Bien, c'est juste la loi 101. Excusez du peu.
M. Bourassa: Non, bien là, j'ai répondu
là-dessus, M. le Président.
M. Parizeau: Bien, alors, n'ouvrez pas.
M. Bourassa: M. le Président, est-ce que l'Opposition en
est rendue maintenant, comme argumentation, à bloquer le dialogue sur
des questions qui intéressent l'ensemble du Canada, avec sa formule
d'association économique, lui qui propose l'union monétaire avec
tout ce que ça suppose de dialogue, de discussions? Est-ce qu'il en est
rendu à ce point, dans son désarroi pour combattre l'accord du
lac Meech, à dire: Vous n'avez pas le droit de dialoguer, vous n'avez
pas le droit de discuter, vous n'avez pas le droit d'aborder ces
questions-là? Impossible de se parler. On veut créer une
association, mais on ne peut pas se parler. La logique péquiste, M. le
Président, me déconcerte et m'attriste, pour une Opposition que
je souhaiterais plus responsable.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le premier ministre, au sujet de ce que j'ai
appelé Charest 2, je voudrais lire une partie d'un paragraphe qui me
paraît tout à fait pertinente, compte tenu de ce que disait le
premier ministre que ça fait 20 ans que ça dure et que... C'est
comme si, au fond, il disait un peu: Ça peut durer encore 20 ans. Le
premier ministre du Canada et les premiers ministres des provinces ont
examiné des projets présentés par le gouvernement
fédéral et par le Manitoba, la Saskatchewan, l'Ontario et la
Colombie-Britannique, et ils ont convenu de saisir immédiatement de tous
ces projets un comité spécial multipartite de la Chambre des
communes. Les audiences publiques à la grandeur du pays
débuteraient le 16 juillet 1990, et un rapport concernant le fond et
l'emplacement d'une clause compatible avec la condition du Canada serait
rédigé et présenté aux premiers ministres, à
leur conférence de 1990. Bon, on ne parie pas, c'a duré 20 ans,
je ne sais pas. Il y a eu des projets, pendant ces sept jours, mis sur la
table. Alors là, je suis désolé quant aux projets mis sur
la table. C'est toujours la même chose, c'est les journalistes qui nous
apportent ça, je ne les ai pas tous vus. Mais le groupe de travail...
Ah! excusez-moi! Je comprends pourquoi on l'a, c'est un rapport avant la
conférence Le Manitoba ne suggère pas un préambule. Ce
n'est pas un préambule qu'il suggère, il suggère
d'amender, d'insérer après l'article 1. Alors, là, ce que
le premier ministre du Canada et les premiers ministres des provinces ont
présenté sur la table, pendant ces sept jours, les premiers
ministres disent: On envoie ça immédiatement pour qu'un
comité se mette à siéger et nous fasse des recommandations
pour notre conférence de 1990.
M. le Président, qu'est-ce qui arrive si sept provinces
représentant 50 % de la population s'entendent là-dessus?
Ça passe! Ça passe. Évidemment, il y a des tas de gens qui
ont accepté - comment dire? - de ne pas trop insister pour modifier
certaines choses maintenant à l'occasion du lac Meech. Ils ont dit: Avec
des portes ouvertes comme ça, on va être capables de faire tout ce
qu'on veut, pas de problème, du moment que le Québec accepte Je
demande encore au premier ministre. Pourquoi est-ce qu'il a accepté un
paragraphe comme ça? Il se met dans les mains du 7 50 d'ici la fin de
l'année. Pourquoi a-t-il fait ça, donc? Ça lui donnait
quoi? Ah! Ça leur donnait - comment dire? - ça donnait à
MM. Filmon et Wells bonne bouche. Ça leur laissait croire que
vraisemblablement, d'ici à quelques mois, ce qui n'avait pas pu
être réglé pendant sept jours le serait à leur
satisfaction.
M. Brassard: Vous les écouterez ce soir. M. Bourassa:
M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Oui, M le premier ministre.
M. Bourassa: ...est-ce qu'il est possible, d'après lui,
tout en respectant les droits du Québec - et on a prouvé qu'on
était prêts à prendre tous les moyens pour les respecter -
qu'on puisse discuter du droit des autres? La clause Canada, je lui dis que
ça fait 20 ans qu'on en parle. Le gouvernement dont il a fait partie, au
moins à 10 reprises, en a discuté de la clause Canada; est-ce
qu'il le savait? Le PQ a osé en parier de 1978 à 1980 de la
clause Canada; est-ce qu'il le savait? Est-ce que vous étiez complice
dans ce crime...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: ...de parier de la clause Canada? Étiez-vous
complice? Est-ce que le
leader parlementaire était complice dans le crime de parler de la
clause Canada de 1978 à 1980? Mais qu'est-ce que ce cirque? On accepte
de parler et de faire comme vous l'avez fait. Le 7-50, il aurait pu s'appliquer
sans l'accord du lac Meech. Ça n'a rien à voir avec l'accord du
lac Meech. Le 7-50, on vit avec depuis que vous l'avez accepté. L'accord
du lac Meech n'a rien changé. On accepte de discuter de la clause Canada
comme vous-même, vous l'avez accepté. Mais où voulez-vous
en venir?
M. Parizeau: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: ...je veux en venir, et il me semble que c'est assez
simple, à ceci. Nous n'avons pas signé l'entente de 1982. Il est
tout à fait possible...
M. Bourassa: Vous avez signé une formule.
M. Parizeau: il est tout à fait possible qu'à
l'occasion des multiples conférences
fédérales-provinciales le gouvernement du Québec de
l'époque ait été entraîné dans des
conversations sur une clause Canada. Une chose est claire: il n'en a jamais
accepté une.
M. Bourassa: Et nous, est-ce qu'on s'est engagés à
en accepter une?
M. Parizeau: Ce que j'essaie de dire au premier ministre...
M. Bourassa: Oui.
M. Parizeau: ...c'est qu'il pouvait, en vertu de la règle
de l'unanimité, s'opposer à ce que ce paragraphe apparaisse dans
le texte. Il pouvait s'opposer à ça.
M. Chevrette: C'est ça.
M. Parizeau: Maintenant qu'il a ouvert cette porte, et ce
n'était pas nécessaire qu'il l'ouvre... Maintenant qu'il a ouvert
cette porte, les décisions vont se prendre sur une base 7-50 et, donc,
quand bien même...
M. Chevrette: Affaiblissement.
M. Parizeau: ...des provinces décideraient, qui ont 50 %
de la population, que c'est ça qu'elles veulent comme clause Canada, il
pourra tempêter autant qu'il le voudra, il a posé le premier geste
en acceptant, samedi, que ce paragraphe-là apparaisse. C'est lui qui a
accepté que la porte soit ouverte. Après ça, bien, il lui
arrivera... Parce qu'il le sait qu'elle existe, la clause 7-50. Après
ça, il lui arrivera ce qui lui arrivera. Parce que même s'il est
contre, là, il ne faudra pas qu'il vienne pleurer, il sera trop tard. Il
n'était pas trop tard jusqu'à samedi mais, là, il lui
arrivera ce qui lui arrivera et, dans ces circonstances, ça ne sert
à rien pour lui de faire de l'anthropologie et de dire: II y a 20 ans,
on discutait de certaines choses, puis il y a 10 ans, le PQ... Bien oui, mais,
à ce moment-là, on pouvait dire non. On pouvait encore dire non
jusqu'à samedi. Puis là, samedi, il a décidé de
dire oui. Alors, il arrivera ce qu'il arrivera.
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition joue très mal son
rôle de Bonhomme Sept Heures. On constate que, dans tous les "items"
qu'il a apportés, le seul reproche qu'il nous fait, c'est d'accepter de
dialoguer, alors que son gouvernement a accepté de dialoguer, non
seulement il a accepté de dialoguer, mais il a apposé sa
signature sur ce qu'il sait. Je veux dire, je l'ai ici le document, je vais
vous en envoyer une copie, si vous voulez, là.
M. Parizeau: Par la clause Canada.
M. Bourassa: On ne passera pas par les journalistes, on va vous
le faire parvenir directement.
M. Parizeau: Merci.
M. Bourassa: Alors, ce que je dis, M. le Président, nous
avons obtenu la reconnaissance du Québec comme une société
distincte, et Dieu sait comment nous nous sommes battus avant comme
après le lac Meech pour maintenir cela. Durant 70 heures, j'ai
représenté le Québec à la conférence. J'ai
posé un geste, je pense bien, d'une fermeté indéniable,
jeudi soir, quand j'ai décidé de me retirer de la séance
pour mettre en relief l'attachement inébranlable que nous portions
à cette notion de la société distincte. Et le chef de
l'Opposition, maintenant, essaie de créer des craintes avec
l'acceptation de dialoguer, ce qu'il a fait lui-même ou que son
gouvernement a fait à une dizaine de reprises.
M. le Président, je ne veux pas paraître mesquin, mais,
à date, le chef de l'Opposition a parlé une vingtaine de minutes
de plus que moi. Je ne sais pas s'il a d'autres sujets, il ne nous reste que 45
minutes, il a un avantage de 20 minutes. Je n'ai pas d'objection à ce
qu'on poursuive sur le maximum de questions, mais je me demande s'il ne
pourrait pas, on ne pourrait pas chercher un meilleur équilibre.
M. Parizeau: Bien sûr, M. le Président. Je m'excuse
si j'ai...
Le Président (M. Dauphin): C'est exact. M. Parizeau:
...pris un peu d'avance..
Le Président (M. Dauphin): D'ailleurs, j'ai remis
le...
M. Parizeau: Oui, oui.
Le Président (M. Dauphin): ..calcul du temps aux deux
formations.
Société distincte
M. Parizeau: Je vais essayer de restreindre alors la longueur de
mes interventions à partir de maintenant. Est-ce que le premier ministre
accepterait de nous présenter ces projets du gouvernement
fédéral, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Ontario et de la
Colombie-Britannique? Puisque la Chambre des communes, le comité de la
Chambre des communes va en être saisi, il doit quand même y avoir
moyen de mettre la main là-dessus. Ce serait intéressant de voir
dans quelle mesure, justement, la société distincte, le concept
de société distincte est touché par ces propositions de
clause Canada. Parce qu'il est évident que, dans l'esprit de plusieurs
provinces, une clause Canada est destinée à réduire ou
à éliminer la signification de la société
distincte. Puisqu'on y fait allusion ici, ce serait intéressant. Le
premier ministre me dit que je joue au Bonhomme Sept Heures, bien je ne
jouerais pas au Bonhomme Sept Heures si j'étais capable de voir
ça. Qu'on nous présente les projets, qu'on regarde ça un
peu si la clause Canada atténue passablement le sens de la
société distincte.
M. Bourassa: M. le Président...
M. Parizeau: Puisque nous en sommes rendus à la
société distincte, je voudrais tout simplement poser ici une
question. Comme c'est en annexe au texte, j'aimerais évidemment qu'on
aborde l'avis juridique quelques instants d'ici à la fin, d'ici à
la fin. Alors la, je m'arrête puis je laisse le premier ministre...
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci. M. le premier
ministre.
M. Bourassa: Ce n'est pas que je n'aime pas entendre le chef de
l'Opposition, je pense bien qu'avec le temps qu'il reste je n'aurai pas le
privilège d'avoir des questions du député de
Lac-Saint-Jean. Mais quand même. Il y a des périodes de questions
qui doivent suivre.
M. Brassard: Sûrement.
M. Bourassa: Je voudrais simplement dire au chef de l'Opposition
de lire quand même la dixième ligne qui dit que tout cela, on
parle concernant le fond de ce préambule, l'emplacement du
préambule... Est-ce que c'est à la tête de 1982, à
la tête de 1867, à la tête de l'accord du lac Meech? Bon,
ça, c'est une modalité Mais ça doit être compatible
avec la société distincte. Oui, c'est écrit, en toutes
lettres!
M. Brassard: Présentez-nous les projets. Il y en a cinq,
des projets, là.
M. Bourassa: M. le Président, il y a des rapports publics
qui parlent de ces questions On peut vous envoyer tous les projets.
M. Brassard: Oui, celui du Manitoba, mais les quatre autres, on
ne les connaît pas.
M. Bourassa: On peut vous envoyer tous les projets sur le
préambule, ça va nous prendre un certain temps pour faire la
recherche... (17 h 15)
M. Brassard: Bien, voyons donc! Comment ça?
M. Bourassa: ...il y en a depuis vingt ans. Je vais même
envoyer les projets auxquels vous avez participé.
M. Brassard: Vous les avez eus entre les mains la semaine
passée.
Le Président (M. Dauphin): Un instant.
M. Bourassa: Non...
Le Président (M. Dauphin): Un instant.
M. Bourassa: Je vais même vous faire parvenir les projets
auxquels vous avez participé.
Mais aucun projet n'a été approuvé. Alors, la
question...
M. Chevrette: Ce n'est pas ça qu'on vous demande, on vous
demande de les envoyer.
M. Brassard: Mais, M le Président, je ne sais pas si c'est
une question de règlement ou pas, là, mais on fait allusion, on
évoque cinq projets: gouvernement fédéral, Manitoba,
Saskatchewan, Ontario, Colombie-Britannique. Ils ont des projets de clause
Canada qu'ils ont soumis la semaine dernière, j'imagine, puisqu'on y
fait référence. Alors, vous les avez eus entre les mains, ces
projets-là.
M. Bourassa: Mais ça évolue...
M. Brassard: II y en a un qui est public, c'est celui du Manitoba
qui était dans le rapport du comité parlementaire.
Celui-là, on le connaît, on l'a entre les mains. Puis les quatre
autres?
M. Bourassa: Mais, là, ils changent, il y a des
changements constants.
M. Brassard: Déposez-les. On va les examiner.
M. Bourassa: II y a des changements qui ont été
discutés. Il y a des amendements qui ont été
apportés. Vous le savez. Depuis quand dans un projet de
préambule, dont on parle depuis trente ans ou vingt ans, il n'y a pas
des modifications qui sont apportées?
M. Chevrette: Vous n'êtes pas supposé d'amender
rien...
M. Brassard: Oui, mais, M. le Président, le comité
parlementaire...
M. Bourassa: Quand il y aura un projet...
M. Brassard: ...c'est là-dessus qu'il va faire ses
audiences.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean, un instant, un a la fois, s'il vous plaît.
M. Bourassa: Quand il y aura un projet approuvé... Je ne
suis pas pour passer mon temps à chercher des projets de
préambule depuis 20 ans. Quand il y aura un projet approuvé, je
dis à mon honorable ami: On vous le fera parvenir. Si on en a d'autres
entre-temps, on vous les fera parvenir, mais ça ne veut rien dire.
M. Brassard: Mais, M. le Président...
M. Bourassa: On va vous envoyer votre propre projet de 1978
à 1980, d'accord?
M. Brassard: M. le Président, ce n'est pas ce dont il
s'agit. Il s'agit des cinq projets prévus dans l'entente. Les cinq
projets qui vont servir de base aux audiences publiques du comité
parlementaire à partir du 16 juillet. Pourrait-on les avoir, ces cinq
projets?
M. Bourassa: Oui, on va vous placer sur notre liste...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...on va vous placer sur notre liste d'envois. J'en
prends l'engagement...
M. Brassard: Vous devez les avoir entre les mains...
M. Bourassa: ...au député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: ...ça ne devrait pas prendre de temps,
ça, hein?
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Brassard: Ce serait nouveau qu'on soit sur la liste d'envois,
parce que, jusqu'à maintenant, on n'y était pas, hein?
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît!
M. Parizeau: M. le Président, d'abord, ce n'est pas d'un
préambule dont on parte ici, dans le texte, c'est d'une clause. Puis, ce
n'est pas compatible avec la société distincte, c'est compatible
avec la constitution du Canada.
M. Bourassa: Bien, oui, mais quand même...
M. Parizeau: Et le premier ministre nous dira: La
société distincte, elle fait partie de la constitution du Canada
avec l'accord du lac Meech, bien sûr. Sauf que, là, il faut en
venir aussi à cette interprétation de la société
distincte, à la lumière de l'avis juridique. Ça, je dois
dire que j'aimerais entendre le premier ministre nous parler un peu de cet avis
juridique. J'imagine que, quand on met un texte en annexe à un document
constitutionnel, ça doit avoir une signification. Autrement, on ne le
ferait pas. On n'a pas l'habitude d'annexer à un texte constitutionnel
toutes espèces de galéjades ou d'éditoriaux; si on annexe
quelque chose à un texte constitutionnel, ça doit avoir un
sens.
Ah ça! Entre nous, ce n'est pas très, très
convaincant quand on nous dit, comme le disait quelqu'un, si je comprends bien,
de l'entourage du premier ministre à un journaliste: Ça n'a pas
plus de portée qu'un editorial. Bien, oui, mais, on n'annexe pas un
editorial à un texte constitutionnel, non. Si on a annexé
ça, j'imagine que c'est... Non, mais enfin, même si M. Comeau, ou
M. Dubuc, ou M. Samson écrivent des éditoriaux extraordinaires
à certains moments, les premiers ministres ne se précipitent pas
là-dessus pour annexer ça à la constitution du Canada.
Alors s'il y a un texte juridique, là, un avis juridique...
Est-ce que je pourrais demander au premier ministre, mais quelle
interprétation il donne à cet avis juridique? Qu'est-ce qu'il lui
fait dire? Ce serait important qu'il nous le dise, à nous, et je pense
que ce serait important qu'il le dise à ceux qui, ailleurs au Canada,
croient dur comme fer que ça a une portée.
M. Bourassa: M. le Président, je crois que...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...j'ai répondu ce matin que
cet avis juridique n'entachait d'aucune façon
l'intégrité ou l'intégralité de l'accord du lac
Meech. Je lui répète qu'après discussion avec mes experts,
qui m'accompagnaient, unanimement, ils sont venus à la conclusion que
cet avis juridique ne constituait pas un amendement. Et, avec la permission du
chef de l'Opposition, je demanderais peut-être à un de mes
conseillers, M. André Tremblay, d'expliquer les implications juridiques
que pourrait avoir un tel avis. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, M. Tremblay.
M. Tremblay (André): M. le Président. L'avis
juridique, dont il est question, est un avis juridique qui a été
déposé à la conférence et reçu par le
président de la conférence. C'est un avis qui n'a pas
été entériné par la conférence. Ce n'est pas
une déclaration de la conférence.
Les questions dont il s'agit présentement et qui sont sur la
table sont les suivantes: Quelle est l'admissibilité de l'avis juridique
devant les tribunaux? Deuxièmement, quelle est la valeur probante de
l'avis juridique devant les tribunaux? Voilà les questions qui se posent
et, si c'est le désir du chef de l'Opposition que je réponde
à ces questions, je le ferai avec plaisir, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Est-ce qu'il est pensable d'imaginer - fonctionnons
a contrario - que les premiers ministres, examinant un avis juridique de cet
ordre et qui ne seraient pas d'accord avec cet avis, l'annexent à
l'entente constitutionnelle? Prima facie, est-ce qu'on doit considérer
qu'ils sont d'accord ou pas d'accord? Est-ce que c'est vraiment aller trop loin
que de dire que, s'ils n'avaient pas été d'accord, ce ne serait
pas annexé et que, s'ils l'ont annexé, c'est probable ment qu'il
ne leur est pas paru trop répugnant? Vous comprenez ce que je veux
dire?
M. Tremblay (André): Très bien.
M. Parizeau: Ça n'impressionnerait pas un juge, ça,
de savoir qu'il a été mis plutôt que pas mis?
Le Président (M. Dauphin): M. Tremblay.
M. Tremblay (André): M. le Président, si on avait
été totalement d'accord avec l'avis juridique, les premiers
ministres l'auraient transformé en déclaration politique. Ce ne
fut pas le cas et on ne peut pas dire en droit que cet avis juridique, cette
opinion légale de six constitu-tionnalistes constitue une
déclaration politique. Si on veut comparer cet avis juridique à
la déclaration Balfour de 1926, je crois qu'on compare des pommes avec
des légumes. Ce sont des choses tout à fait différentes.
La déclaration Balfour de 1926 a été reçue par les
tribunaux qui lui ont donné un certain pouvoir juridique, parce que
cette déclaration, elle, exprimait l'état du droit
constitutionnel de 1926. Elle était l'expression de la cristallisation
des conventions constitutionnelles telles qu'elles se présentaient en
1926. L'opinion juridique dont il s'agit est une opinion juridique qui arrive
sur le bureau du président de la conférence. Le président
reçoit cette opinion et, ensuite, elle est annexée au
communiqué de la conférence En droit, cette opinion n'est pas une
déclaration de la conférence.
M. Bourassa: M. le Président.
Le Préskient (M. Dauphin): M. le premier ministre.
Ensuite, je reconnaîtrai M. le leader de l'Opposition.
M. Bourassa: M. le Président, il ne faut quand même
pas oublier que je n'ai pas participé aux discussions, à la
plupart des discussions. J'ai cessé d'y participer à compter de
jeudi.
M. Chevrette: M. le Président, deux questions.
Le Président (M. Dauphin): M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: II ne faudrait pas prendre les parlementaires pour
des naïfs. Un avis juridique, ça n'arrive pas tombé du ciel
sur le bureau d'un président. C'est commandé, c'est payé
par quelqu'un, c'est exigé par le bureau du président, puis c'est
examiné par le premier ministre et les premiers ministres et c'est
annexé Je voudrais vous demander: Avez-vous assisté aux
discussions sur l'avis juridique, vous?
M. Bourassa: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je crois que tous ceux qui m'accompagnaient
pouvaient...
M. Chevrette: ...à M Tremblay, pour voir si, lui, il y a
participé.
M. Bourassa: Non, mais, écoutez, je peux expliquer le
contexte. Je n'ai pas participé aux discussions. Mais tous ceux qui
m'accompagnaient dialoguaient constamment avec les membres des autres
délégations. Est-ce que...
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Un instant, M.
le leader.
M. Bourassa: M. Tremblay pourrait compléter ma
réponse. Mais est-ce que, quand certains sujets étaient
abordés, ils devaient faire les sourds et muets et dire: Oh non!
Ça, on n'a pas le droit de parler de ça, ou ça, je
n'entends rien, ou ça, je ne vois pas? Il ne faut quand même
pas... Vous êtes rendu pas mal loin. Demander si les dix experts
juridiques que j'avais, parmi les meilleurs au Québec, dont plusieurs
ont servi sous le gouvernement dont a fait partie l'honorable
député de Joliette, si ces gens-là avaient le droit de
parole, avaient la liberté de circuler dans l'édifice...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Le premier ministre a-t-il déjà vu un
avis juridique négocié, lui? Les journaux nous rapportent que
l'avis juridique a été négocié.
Une voix: Une véritable négociation.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre du Canada, à
votre connaissance, a payé ses juristes? Est-ce que c'est lui qui a
commandé l'avis juridique et est-ce que vos juristes ont participe
à la négociation de cet avis juridique? C'est ça, la
question fondamentale.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a dit tantôt: Je suis
constamment mal cité puis, là, le leader de l'Opposition invoque
les journaux. Les journaux disent qu'il y a eu des négociations.
Bon...
M. Chevrette: J'ai posé une question très claire.
Avez-vous participé à la négociation de l'avis
juridique?
M. Bourassa: Bien, demandez le donc à ceux qui ont
signé l'avis juridique. Je vous dis que, dans mon cas, je n'ai pas
participé aux discussions sur la société distincte. Donc,
je n'ai pas à commenter un avis qui peut être lié
à...
Le Président (M. Dauphin): M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que je peux demander à votre
procureur s'il a participé aux négociations de l'avis
juridique?
M. Bourassa: M. le Président, M. Tremblay...
M. Chevrette: Je peux lui demander?
M. Bourassa: Bien oui, vous pouvez tout à fait le lui
demander. Mais je crois qu'il avait le droit de discuter des questions qui
étaient à l'agenda de la conférence.
M. Chevrette: Je ne parle pas de droit. Je demande s'il a
participé à la négociation de l'avis juridique.
M. Bourassa: Non, mais je ne voudrais pas que vous concluiez, que
vous puissiez conclure que, parce qu'il a pu parler de ces
questions-là... C'est quand même... Vous allez pas mal loin dans
le Parti québécois, là. Là, c'est rendu que, dans
un accord historique, permettant au Québec de devenir une
société distincte, on implique des conseillers qui peuvent
discuter avec d'autres juristes des autres délégations. Mais,
là, c'est quand même... M. le Président...
M. Chevrette: M. le Président, je ne vais pas très
loin. J'ai posé une petite question simple.
M. Bourassa: ... à bien y penser, la question du chef de
l'Opposition n'est pas sérieuse.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: ...je ne suis pas sérieux? Je vais vous dire
ceci. À la page 4 du document qu'il a signé, que l'honorable
premier ministre a signé lui-même, c'est marqué: "Le
premier ministre du Canada, en sa qualité de président de la
conférence, a reçu... "Le premier ministre du Canada et les
premiers ministres des provinces - ça inclut donc le premier ministre du
Québec - ont examiné leurs recommandations ainsi que d'autres
documents. Le premier ministre du Canada, en sa qualité de
président de la conférence, a reçu des dix
constitutionnalistes une opinion juridique qui est annexée au
communiqué final de la conférence."
Donc, la déclaration même que le premier ministre du
Québec a signée démontre clairement, M. le
Président, que ces juristes ont négocié sur un texte qui a
été commandé par le président de la
conférence, qui est le premier ministre du Canada. On saura, à un
moment donné, qui a payé pour cette annexe-là. Mais si le
premier ministre du Québec était le seul contre, pourquoi
s'est-il opposé à ce qu'un document puisse faire jurisprudence,
éventuellement, devant les tribunaux, alors qu'on a, à partir de
la doctrine, des prétentions que ces documents-là peuvent servir?
On a un juge - c'a été souligné ce matin par le
député de D'Arcy-McGee - on a un des signataires mêmes de
l'avis juridique, puis il y a un sénateur conservateur, M. Beaudoin, qui
est également du même avis et qui est signataire à part
ça.
M. Bourassa:... conservateur...
M. Chevrette: Est-ce qu'on peut, à partir de là,
prétendre, à juste titre, que les procureurs du Québec ont
bel et bien négocié ce contenu-là et que le premier
ministre du Québec, quand il a signé l'entente, signait en toute
connaissance de cause qu'il y avait un avis juridique qui,
éventuellement, pourrait servir contre le Québec? (17 h 30)
M. Bourassa: M. le Président, je m'oppose vigoureusement
aux propos du leader parlementaire. Quel temps précieux! Vous vous
discréditez en passant des minutes et des minutes sur des discussions
que peuvent avoir des juristes entre eux. L'important, c'est: Est-ce que, oui
ou non, je me suis engagé à ne pas affecter la clause de la
société distincte? C'est ça le débat.
M. Chevrette: Êtes-vous d'accord...
Le Président (M. Dauphin): Un instant! Juste un
instant!
M. Bourassa: Alors, ce que je dis...
Le Président (M. Dauphin): Je vous reconnaîtrai
après, si vous me le permettez.
M. Bourassa: M. le Président, je n'ai pas
participé, après jeudi, aux discussions sur la
société distincte. L'avis juridique ne fait pas partie du
communiqué. Alors, je voudrais... On discutait, M. le
Président... Ce que je dis, c'est que je n'ai pas participé aux
discussions. Cet avis-là, je ne l'ai pas endossé. Je l'ai lu,
évidemment, comme tout le monde. Je ne l'ai pas endossé. Donc, je
n'ai pas à le commenter.
M. Chevrette: M. le Président, le premier ministre...
Le Président (M. Dauphin): M. le leader.
M. Chevrette: ...élève la voix, parce qu'on lui
pose des questions à partir d'un document que lui-même a
signé. Il dit: Ces minutes précieuses... Vous vous êtes
caché 65 heures, on doit avoir le droit de prendre quelques heures pour
savoir ce que vous avez discuté pour l'avenir du Québec. La
question est simple: Vos juristes ont-ils, oui ou non, participé
à la négociation de cet avis juridique là?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président...
M. Chevrette: Vous ne les laissez pas répondre, hein?
M. Bourassa: ...je n'ai pas...
Le Président (M. Dauphin): Ensuite, le chef de
l'Opposition.
M. Bourassa: M. le Président, je n'ai pas à avoir
honte du travail que j'ai fait à Ottawa. Ces 65 heures étaient
des heures très importantes pour l'avenir du Québec et j'ai
défendu l'avenir du Québec, je crois, avec fermeté,
courtoisie, d'accord, mais fermeté. Je voudrais dire au chef de
l'Opposition et au leader parlementaire de l'Opposition que cet avis-là
ne fait pas partie du communiqué, il n'implique aucun amendement
à l'accord du lac Meech. Donc, je n'avais pas à l'endosser et je
n'ai pas à le commenter.
M. Chevrette: Au début, vous avez signé pour
pouvoir...
M. Bourassa: Non, c'est faux. C'est faux, M. le Président.
C'est faux, absolument faux. Je n'ai pas signé cet avis et je ne l'ai
pas endossé. Je défie le leader parlementaire de prétendre
encore une fois que j'ai endossé cet avis juridique Si je l'avais
endossé, il aurait été placé à
l'intérieur du communiqué.
Le Président (M. Dauphin): M. le leader.
M. Chevrette: Le premier ministre a signé un document dans
lequel il y a une reconnaissance du fait qu'il a lu cet avis juridique, que le
premier ministre l'avait reçu et que le premier ministre l'incorporait
à l'entente. Et il a signé cette entente-là bel et bien
avec les 10 autres provinces du Canada et le président de la
conférence. N'essayez pas de vous en sortir, c'est ça.
M. Bourassa: Ce n'est pas moi qui l'ai reçu.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: C'est écrit, je demande au leader
parlementaire de lire le texte: Le premier ministre du Canada, en sa
qualité de président de la conférence, a reçu II
n'endosse pas; il a reçu un avis juridique. Je ne peux pas admettre que
le leader parlementaire dise que je suis impliqué dans l'endossement de
cet avis juridique. Non, non et non.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Bourassa: M. le Président, tout le temps qu'il reste
devrait m'être accordé, mais je continue quand même à
écouter les questions du chef de l'Opposition.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Brassard: Trop aimable.
M. Bourassa: Bien, je suis heureux de le faire...
M. Parizeau: M. le Président...
M. Bourassa: ...pour avoir l'indulgence du chef de l'Opposition,
parce que j'ai tardé à lui faire parvenir les
communiqués.
M. Parizeau: ...moi, j'aimerais avoir cinq minutes d'ici à
la fin, mais si tant est que tout le reste du temps appartienne au premier
ministre, je suis tout à fait disposé à le lui
laisser.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je dois quand même
payer pour le fait que mes collaborateurs n'ont pas donné suite à
ma demande de faire parvenir le communiqué...
M. Chevrette: II est accroché là-dessus.
M. Bourassa: ...au chef de l'Opposition. Il m'en a parlé
à six reprises. Alors, je pense que j'ai droit à une
pénalité, étant donné cette situation-là, et
je suis prêt à laisser au chef de l'Opposition quelques minutes
additionnelles.
Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le chef de
l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, je vais donc infliger encore
un peu de mes remarques au premier ministre. Pendant qu'il était sorti
quelques instants, tout à l'heure, je m'adressais à M. Tremblay
et je lui disais: Si, au fond, les premiers ministres n'avaient pas voulu de
l'avis juridique, ils ne l'auraient pas mis. Ça me paraît
être une glorieuse lapalissade. S'ils l'ont mis, c'est probablement parce
qu'ils y voient quelque chose. Qu'ils y voient des choses différentes,
ah! ça, ça peut-être! Que le premier ministre du
Québec dise: Moi, je n'étais pas là à partir de
jeudi, c'était mon ministre des Affaires intergouvernementales qui
occupait ma chaise, moi, je veux bien.
Une voix: Non, le vrai, c'était...
M. Parizeau: Non, non, non. On me dit qu'à partir de
vendredi matin, c'est le ministre des Affaires intergouvernementales.
Une voix: C'était M. Rivest.
M. Bourassa: C'est faux. C'est faux, M. le Président.
Une voix: Non.
M. Bourassa: Jeudi soir et vendredi, dans les réunions
impliquant les premiers ministres, la chaise était vide, ce que m'avait
suggéré le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: On se fie aux journaux. Ce l'était. Mes
excuses.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition me suggérait
d'appliquer la politique de la chaise vide. J'ai suivi son conseil avec un peu
de retard.
M. Parizeau: Alors, en tout état de cause, cependant,
vendredi, vers 4 heures, 4 h 30, le premier ministre dit aux journalistes: Je
vais aller voir ce qui se passe et je vais regarder les textes. Il y a donc
manifestement un avis juridique sur la table. Fait-il une colère?
Dit-il: II n'est pas question de mettre un truc comme ça? Invoque-t-il
même simplement la procédure en disant: Est-ce qu'on n'a jamais vu
un texte constitutionnel qui comporte une emmanchure de ce genre? Non. Le texte
sort. C'est, à tous égards, une emmanchure, on se comprend bien.
Ça a dû faire très plaisir à certains premiers
ministres qui, au fond, depuis le début, veulent que la
société distincte ne veuille rien dire du tout. Le premier
ministre du Québec le sait, en laissant passer ça, puisque
ça y est, il conforte l'idée d'un certain nombre de premiers
ministres qu'effectivement la société distincte, ça ne
veut pas dire grand-chose. Et on garde suspendu, comme une épée
de Damoclès, que les cours de justice auront - comme le disait le juge
Dickson, comme le disait M. Hogg dans son bouquin sur le lac Meech -
placées devant un avis juridique comme celui-là, à se
dire: Est-ce que j'en tiens compte ou si je n'en tiens pas compte? Et,
excusés du peu, le juge Dickson et M. Hogg disent: Dans des
circonstances analogues, à notre époque, on a tendance à
en tenir davantage compte qu'autrefois. Je ne me trompe pas, M. Tremblay? On a
tendance.
M. Bourassa: II n'a pas été endossé,
là. Il faut quand même...
M. Parizeau: Je n'en suis pas là. Il a été
permis...
Une voix: Oh!
M. Parizeau: ...autorisé. Bien oui, il a été
autorisé. Si le premier ministre avait dit qu'il ne veut pas de ce
texte-là, il ne serait pas là.
Une voix: II a été broché.
M. Parizeau: II ne serait pas là, le texte. Si le premier
ministre avait mis le poing sur la
table en disant: II n'est pas question de me sortir une emmanchure comme
ça, l'emmanchure ne serait pas là.
M. Bourassa: C'est ça. On fait avorter la
conférence, parce qu'on a broché un avis juridique. C'est
ça?
M. Parizeau: Ah! Voilà.
Une voix: Quelle porte ouverte!
M. Bourassa: Non, mais, M. le Président...
M. Parizeau: Voilà, M. le Président. Je n'ai rien
à ajouter. C'est exactement ce que je voulais dire.
M. Bourassa: Non, mais, M. le Président...
M. Parizeau: Ça pouvait faire avorter la
conférence...
M. Bourassa: Non, non, non.
M. Parizeau: ...parce que c'était la reconnaissance que la
société distincte ne veut à peu près rien dire. The
defence rests."
Des voix: Au secours...
M. Bourassa: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait prendre
son calme? Est-ce que, pour un avis juridique...
Une voix:...
M. Bourassa: Non, non, M. le Président. Je pense bien que
la position du Québec a été tellement ferme tout au long
de la conférence que ce n'est pas un avis juridique qui aurait fait la
différence. Mais ça aurait permis ou ça aurait
forcé la conférence à poursuivre ses discussions,
sûrement. Il n'y a aucune espèce d'amendement impliqué dans
l'avis juridique. C'est vrai, M. le Président, que certaines provinces
n'étaient pas opposées à ce qu'il y ait un avis juridique.
Mais il faut quand même dire - et je donne un indice au chef de
l'Opposition - que M. Wells a donné un indice sur le contenu de cet
avis. Je ne sais pas s'il a pris connaissance des déclarations de M.
Wells. Et ce n'est pas, dans ce sens-là, le dépôt ou le
non-dépôt de l'avis qui pouvait décider du sort de la
conférence. On n'a qu'à constater les propos de M. Wells. Mais
sûrement que si le gouvernement du Québec avait fait preuve
d'intransigeance même sur des questions secondaires, comme le
dépôt d'un avis juridique non endossé par les premiers
ministres, ça aurait exposé le Québec à des
attaques sur sa disponibilité à dialoguer.
Alors, le point de vue est clair, M. Beau-doin a donné son point
de vue là-dessus, M. Daniel Proulx a donné un point de vue
là-dessus, deux constitutionnalistes, et ils ont dit: Ça
n'implique aucun amendement. Bon. Le gouvernement du Québec aurait pu
dire: Même si c'est déposé, même si c'est
endossé, on ne veut pas qu'il y ait d'annexé, ou le gouvernement
du Québec aurait pu dire: Même si ce n'est pas endossé,
c'est purement déposé, on ne veut pas d'annexé. J'ai
examiné la situation et on a dit: L'avis juridique n'est pas
endossé d'aucune façon par les premiers ministres. C'est un
simple dépôt. Si j'avais refusé le simple
dépôt d'un avis non endossé, dans quel climat se serait
poursuivie la conférence? Je ne crois pas, M. le Président, que
l'avenir du pays ou la conclusion de la conférence aurait
été mise en cause sur une question comme celle-là. Mais je
crois que le Québec, dans la mesure où il était convaincu
que cet avis juridique ne comportait aucun amendement, pouvait accepter qu'il
soit mis en annexe, sans faire partie du communiqué.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, à l'origine, la
clause de la société distincte devait être une clause
interprétative de la Charte des droits. Le débat a fait rage sur
le fait que c'était ou pas une clause interprétative. Et si
c'était une clause interprétative, elle s'interprétait
comment, par rapport à la Charte? Mais, M. le Président, il ne
doit pas y avoir un constitutionnaliste au Canada qui ne s'est pas fait
demander un avis juridique sur cette question depuis que le débat est
engagé. Ça fait deux ans qu'on gosse les poils de grenouille,
à cet égard là Voulez vous bien me dire pourquoi, de tous
les avis juridiques possibles et imaginables, disponibles pour tous les
gouvernements dans ce pays depuis deux ans, c'est celui-là qu'on va
choisir? Est-ce que des gens l'ont demandé? Je pose la question. Est-ce
que des premiers ministres ont demandé cet avis juridique? Pourquoi
n'ont-ils pas été tirés... Il y en a tellement de publics,
des avis juridiques de ce genre-là, il y en a qui sont accessibles en
privé, il y en a d'autres qui sont accessibles publiquement. Pourquoi
celui-là? Et pourquoi à ce moment-là? Et pourquoi est-il
daté du 9 juin? Après tout, le rapport - comment dire? - la
caractéristique de la société distincte comme clause
d'interprétation, en principe, elle n'avait pas changé pendant la
semaine. Ces principes de droit éternels, etc. Comment ça se fait
que, tout à coup, le 9 juin, on s'en va chercher un avis comme
ça? Qui l'a demandé? Et là, à partir du moment
où le premier ministre me dit: Oui, des provinces ont demandé un
avis comme celui-là,
comme moyen de ne pas - comment dire? - tripoter directement dans la
clause de la société distincte, tu sais, comme un moyen de sauver
la face de tout le monde, là, ah bien! là, je comprends pourquoi
un avis juridique sort le 9, compte tenu de la personnalité de certains
qui signent ça. Comme M. Hogg, je comprends. Et je comprends aussi
pourquoi on n'en a pas fait un amendement à la société
distincte. Mais, alors, à ce moment-là, quelle portée
ça prend? Des provinces l'ont demandé, des provinces l'ont eu, le
premier ministre du Québec l'a regardé et a dit: Du moment que
vous ne me demandez pas de signer ça, je le laisse passer en annexe. Et
il me disait, si j'interprète bien sa pensée: Je n'allais tout de
même pas dire non, ça risquait de faire échouer la
conférence. À ce moment-là, on est au coeur du
débat.
M. Bourassa: M. le Président, s'il vous plaît,
restez calme.
Le Président (M. Dauphin): La parole est au premier
ministre.
M. Bourassa: Restez calme.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre, c'est
à votre tour. (17 h 45)
M. Bourassa: M. le Président, la situation est bien
connue. Il n'était pas question que le gouvernement du Québec
accepte un amendement, d'accord? On est d'accord avec ça? On a
gagné notre point. Il n'était pas question qu'on accepte quoi que
ce soit dans une déclaration politique, d'accord? On a gagné
notre point. Alors là, on parlait d'un avis juridique annexé,
sans être endossé par les premiers ministres. Si je disais: Non,
est-ce que la position du Québec n'aurait pas été
interprétée comme n'étant pas intéressé,
à toutes fins pratiques, à la ratification de l'accord du lac
Meech? Est-ce que les Québécois ou les Canadiens n'auraient pas
dit: Mais quand même, est-ce que le premier ministre était
sérieux? Tous ceux qui ont écrit et qui ont dit que je voulais
l'échec de l'accord du lac Meech, alors que ce n'était pas le
cas, est-ce qu'ils n'auraient pas conclu en disant: Non seulement ce n'est pas
un amendement, non seulement ce n'est rien dans la déclaration
politique, mais c'est simplement un avis non endossé et le premier
ministre a dit non? Il y a beaucoup de Canadiens qui auraient dit: Le
Québec, finalement, voulait l'échec, avec la pression que
ça pourrait comporter sur le collet. Il y a certains de mes
collègues qui auraient dit: Finalement, le Québec n'est pas
intéressé; il n'y a aucun amendement à l'accord du lac
Meech, il n'y a rien dans la déclaration politique et il ne veut
même pas, au nom des Québécois, accepter un avis
annexé, non endossé.
M. le Président, qu'est-ce que vous pensez qu'aurait
été la réaction de mes compatriotes, ici, au
Québec? Comment j'aurais pu me justifier vis-à-vis de mes
compatriotes, si l'interprétation avait été telle que je
refusais une chose comme celle-là, un simple avis non endossé?
Comment ça aurait-il été interprété au
Canada et au Québec? Qu'est-ce que J'aurais répondu aux
Québécois qui auraient dit: Ecoutez, ils ont accepté qu'il
n'y ait pas d'amendement, ils ont accepté qu'il n'y ait rien dans la
déclaration politique? C'était ça que vous demandiez.
C'était ça que le député de Lac-Saint-Jean
demandait: Est-ce que vous vous engagez à ce qu'il n'y ait pas
d'amendement? J'ai dit: Oui, M. le député de Lac-SainKJean.
Est-ce que vous vous engagez à ce qu'il n'y ait rien dans la
déclaration politique qui puisse affecter l'accord? J'ai dit: Oui, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Mais à un avis juridique non
endossé, simplement déposé, si je dis non à
ça, les gens vont dire: Bien, finalement, le Québec veut
l'échec. Le Québec n'est pas sérieux. C'est ça que
j'ai dit. N'essayez pas d'interpréter mes paroles
différemment.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
Conclusion M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Alors, M. le Président, je vais
présenter quelques remarques en terminant, de mon côté en
tout cas. J'ai déjà pris beaucoup de temps. J'aurais pu continuer
dans l'examen de certaines choses. Il y en avait une autre, 3.(2), qui
était intéressante aussi, un peu dans le sens de ce que nous
avons parcouru cet après-midi, mais essayons d'en arriver à une
sorte de synthèse.
Le premier ministre tenait à son accord du lac Meech, nous le
savons depuis fort longtemps. Il est devenu rapidement clair qu'il ne l'aurait
pas à moins de lâcher sur un certain nombre de choses et, s'il
n'avait pas lâché, il ne l'aurait pas eu.
Une voix: Ça aurait avorté. M. Parizeau: II
n'y en aurait pas. Une voix: Ça aurait avorté. Une
voix: II l'a dit, d'ailleurs.
M. Parizeau: II s'agissait de savoir comment lâcher.
Comment lâcher à l'égard de certaines provinces dissidentes
sur lesquelles beaucoup de pressions ont été faites sans doute?
D'autant plus de pressions d'ailleurs que - comment dire? - l'atmosphère
au Québec changeait jusqu'à un certain point: la montée de
l'idée souverainiste depuis deux ou trois mois devenait
très
forte et certaines provinces canadiennes commençaient à
craindre pour ce qu'elles appellent l'unité nationale. Donc, elles ont
fait des pressions sur les provinces dites dissidentes, mais étant
entendu, cependant, que ça servirait à éviter les abus. Il
faudrait que le Québec cède et cède pas maJ. Alors, le
Québec, il a cédé, mais il a cédé à
l'intérieur, comme dirait le premier ministre, de certains
paramètres. Par exemple, en dépit de ce qui a été
dit à l'Assemblée nationale, il y aura des amendements à
Meech, très formels, très rédigés. Il suffira
simplement de s'entendre pour que ces 10 amendements soient
présentés aux Législatures, à la Chambre des
communes, après le 23. Alors, les amendements sont prêts, ils sont
rédigés, ils sont tout écrits, ils sont approuvés
par tous les premiers ministres, on attend juste une chose, le 23, pour les
envoyer dans les Législatures. Ici, ça ne viendra pas chez nous,
parce qu'on va être en vacances. C'est la seule raison.
Une voix: C'est une annexe.
M. Parizeau: Seulement, ça existe. Il faut bien
comprendre, c'est une modification constitutionnelle. Et là, je ne parie
pas du texte sur lequel les premiers ministres se sont entendus, on se comprend
bien, c'est un texte d'amendement à la constitution canadienne.
Là dedans, il y a 10 amendements à Meech. Certains,
effectivement, ne sont peut-être pas très "contentieux". D'autres
commencent à marquer les premiers reculs, en particulier cet amendement
à l'article 50 dont j'ai dit à quel point il me paraît
extrêmement dangereux, ces révisions périodiques,
automatiques, de tout ce qui a trait aux questions linguistiques pour aussi
bien les minorités anglophones que francophones. C'est la porte ouverte
à tout ce qu'on voudra. J'ai indiqué d'autres portes qui ont
été ouvertes, pas nécessairement dans le cadre
constitutionnel ou, en tout cas, pas pour l'instant, pour ce qui a trait en
particulier à des dispositions de l'agenda. Toutes ces portes qui sont
ouvertes, elles ont la même signification. Elles amènent...
M. Bourassa: II va me rester simplement quelques minutes.
M. Parizeau: Je termine tout de suite. Ils amènent, ces
amendements, je pense, ou cet agenda, ce qu'il amène, c'est la
possibilité d'utiliser la clause 7-50 pour faire indirectement ce qu'on
n'a pas pu faire directement. Ces provinces autres que le Québec n'ont
pas pu, n'ont pas voulu ou ont compris qu'elles ne devaient pas amender la
lettre de Meech, alors elles ont dit: Acceptons-le, et prenons, obtenons du
Québec les moyens nécessaires pour qu'on puisse le changer
dès que le 23 juin sera passé. Dans ce sens, à mon sens,
le Québec, le gouvernement du Québec a fait quelque chose qu'il
n'aurait jamais dû faire. Et il n'y avait déjà pas
grand-chose dans l'entente du lac Meech, c'était déjà
petit, c'était presque insignifiant. Après la semaine
dernière, c'est devenu dangereux. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le chef de l'Opposition. Je
vais maintenant reconnaître M. le premier ministre pour ses remarques
finales.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: Quelle est la conclusion qu'on peut donner à
ces négociations? Premièrement, on a
récupéré des droits que vous aviez abandonnés.
Ça, c'est clair, c'est évident, vous ne pouvez pas le nier, les
documents sont signés, le fameux 7-50 avec lequel on est obligé
de se battre. Deuxièmement, les cinq conditions ont été
respectées intégralement. Tout le reste, M. le Président,
revient finalement à prouver notre bonne foi comme partenaires
canadiens.
Est-ce qu'on pouvait refuser de discuter de questions linguistiques?
Ça ne met pas en cause l'intégrité de l'accord du lac
Meech. Est-ce qu'on pouvait refuser de parier d'une réforme du
Sénat? Ça ne met pas en cause l'intégrité de
l'accord du lac Meech. On a notre droit de veto, qu'on a
récupéré. Est-ce qu'on pouvait refuser un avis juridique
en annexe, alors que ce n'est même pas une déclaration politique,
ce n'est pas un amendement? Si je suivais les conseils du chef de l'Opposition,
en refusant toutes ces choses, j'aurais permis à nos partenaires de
dire: Le Québec est de mauvaise foi. Le Québec ne veut même
pas dialoguer au sujet de la clause Canada, alors que le PQ la fait pendant
deux ans, à dix reprises. C'est ça que vous me demandez de faire,
que vous me suggérez que j'aurais dû faire. Vous ne voulez
même pas que le Québec ait pu faire ce que vous avez fait
vous-mêmes.
Alors, j'ai accepté de discuter de la clause Canada, j'ai
accepté qu'on discute de la réforme du Sénat. J'ai
accepté qu'on ajoute, en annexe, un avis qui n'a pas été
endossé par les premiers ministres. J'ai accepté parce que je me
suis dit: Si je refuse toutes ces choses, mes interlocuteurs vont conclure
qu'on n'est pas intéressés à la ratification de l'accord
du lac Meech et, à ce moment-là, ils ne seront peut-être
pas intéressés à poursuivre la discussion. Je crois qu'il
était dans l'intérêt supérieur du Québec - je
termine comme j'ai commencé - qu'il était dans
l'intérêt supérieur du Québec d'accepter cette
ratification, de préparer la deuxième ronde de
négociations
Si j'avais agi autrement, je me situerais dans le clan des ennemis du
bon sens, là où vous vous trouvez de plus en plus depuis le
début de ce débat. Est-ce que le Québec avait
intérêt à poser des gestes pour bloquer la ratification de
l'accord du lac Meech? C'est ça que vous me demandez de faire, que vous
m'avez demandé de faire. Le député de Lac-Saint-Jean ne
m'a pas
demandé de refuser des annexes, fi m'a demandé, avec le
chef de l'Opposition, de refuser des amendements et des déclarations
politiques qui incluraient des amendements. Vous ne m'avez pas demandé
de refuser des avis juridiques que je n'endosserais pas. Il faut quand
même...
Est-ce que vous m'avez demandé... M. le Président, est-ce
que le Parti québécois m'a demandé, dans la
deuxième ronde de négociations, de ne pas discuter de certaines
questions?
Une voix: On ne vous l'a pas demandé, parce qu'on n'y
avait pas pensé.
M. Bourassa: Alors... M. le Président, je termine. M. le
Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. M. le
premier ministre, la parole est à vous.
M. Bourassa: M. le Président, on a gagné beaucoup
si l'accord du lac Meech est ratifié. On a gagné la
reconnaissance du Québec comme société distincte. On a
gagné le droit de veto, des pouvoirs importants en immigration, le droit
de retrait et des garanties pour la Cour suprême. Ça valait la
peine de dialoguer, ça valait la peine de négocier durant 60
heures et de dialoguer avec nos partenaires.
Parce qu'il ne faudrait pas qu'une chose soit oubliée, du
côté du Parti québécois. Eux, peut-être,
souhaitaient l'échec de l'accord du lac Meech, ça se comprend, en
fonction de leur option. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a une chose qui
était essentielle, dans tout ce débat, c'est qu'on apparaisse
être de bonne foi. Parce que si on n'apparaissait pas être de bonne
foi... On a à négocier avec nos partenaires... Je citais
Napoléon, l'autre jour, pour faire plaisir au chef de l'Opposition, mais
également parce que la citation était pertinente. Chaque
État doit avoir la politique de sa géographie. Et, dans la
politique de sa géographie, il est important de tenir compte qu'on a des
partenaires, incontournables, si je puis dire, qui considèrent que nous
sommes des négociateurs de bonne foi.
Nous avons négocié de bonne foi, mais nous avons
défendu les intérêts du Québec. Je m'excuse, ce
matin, si j'ai fait preuve dans mes propos d'une certaine dureté
vis-à-vis du chef de l'Opposition, mais me faire accuser d'avoir vendu
le Québec ou d'avoir trahi le Québec, alors que, dans des
situations extrêmement exigeantes, j'obtenais pour les
Québécois des gains sans précédent pour leur
sécurité culturelle, j'ai trouvé que... On a beau
être chef de l'Opposition, il faut essayer, pour garder sa
crédibilité, de garder le sens de la mesure.
Je termine par un conseil amical: Si vous voulez rester
crédibles, essayez de garder le sens de la mesure. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission des
institutions ayant accompli son mandat, avant d'ajourner sine die, j'aimerais,
au nom de tous les membres, remercier le premier ministre, le chef de
l'Opposition et leurs collaborateurs. La commission ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 18 heures)