Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Onze heures dix minutes)
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames, messieurs, nous allons débuter nos travaux. Le
quorum étant constaté, je déclare donc la séance de
la commission des institutions ouverte; elle a pour mandat de procéder
à l'audition du Protecteur du citoyen dans le cadre du mandat d'examen
de ses orientations, activités et gestion, ainsi qu'à la
vérification des engagements financiers relevant de sa
compétence, soit ceux du mois d'août 1989.
Examen des orientations, des activités et de la
gestion du Protecteur du citoyen
J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue au Protecteur du citoyen,
Me Daniel Jacoby, ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent. D'ailleurs, je
vais vous permettre tantôt, Me Jacoby, de nous présenter les
personnes vous accompagnant. J'aimerais peut-être en profiter, à
ce stade-ci, pour faire quelques remarques préliminaires sur ce qui a
amené la commission des institutions à vous entendre,
aujourd'hui, et expliquer un peu le cadre de notre mandat.
Remarques préliminaires Le
Président
Dans un premier temps, j'aimerais peut-être vous présenter
les membres de la commission parlementaire des institutions, puisque, lorsque
vous êtes venus l'an passé, je dirais que 90 % des membres
présents aujourd'hui n'y étaient pas. Comme vous le savez, les
Législatures changent, les parlementaires changent. La commission des
institutions, évidemment, demeure. Alors, je pourrais peut-être
commencer, à ma gauche, avec la porte-parole de l'Opposition officielle
en matière de justice. Bien que vous soyez désigné par
l'Assemblée nationale, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve s'intéresse, évidemment, de près et
vivement à ses dossiers et, notamment, à votre institution qui
est le Protecteur du citoyen. Ensuite de ça, je demanderai à Mme
Harel, tantôt, de présenter la recherchiste qui l'accompagne.
À ma gauche, la secrétaire de la commission, Me Lucie
Giguère, qui était, elle, avec nous l'an passé lorsque
nous vous avons entendu. À ma droite, le député d'Anjou,
M. Larouche; ensuite de ça, M. Hamel, député de
Sherbrooke; M. Bélisle, député de Mille-Îles; M.
Williams, député de Nelligan; M. Thérien,
député de Rousseau, et M. Houde, député de
Berthier.
Alors, pour le bénéfice des membres de la commission,
comme vous le savez, l'an passé, nous vous avons entendu dans le cadre
de l'audition annuelle qui est prévue au règlement de
l'Assemblée nationale. Comme vous l'avez mentionné, l'an
passé - et je pense que vous aurez l'occasion de le mentionner
tantôt aussi - c'était la première fois, depuis 20 ans, que
le Protecteur du citoyen avait l'occasion de se faire entendre par des
élus de l'Assemblée nationale, notamment par une commission
parlementaire. Alors, suite à cette audition de l'an passé, comme
vous le savez, nous avons fait des recommandations au président de
l'Assemblée nationale. Et, cette année, nous nous sommes
entendus, les membres de la commission, afin d'élargir le mandat que
nous avons accompli l'an passé. C'est-à-dire qu'en vertu de
l'article 294 notre règlement nous demande annuellement d'examiner les
orientations, le mandat et la gestion d'un organisme qui relève de notre
compétence. Comme vous le savez, le Protecteur du citoyen ne relevant
pas de la compétence de la commission des institutions, nous avons
dû faire une demande spéciale à la commission de
l'Assemblée nationale afin que celle-ci nous délègue sa
responsabilité envers le Protecteur du citoyen, ce qui nous a
été accordé en janvier 1990. Ça nous permettra de
faire une étude plus approfondie pour nous permettre,
éventuellement, de faire des recommandations à l'Assemblée
nationale sur votre mandat, sur vos activités.
D'ailleurs, le 21 juin 1989, à l'Assemblée nationale lors
de la prise en considération du rapport de la commission des
institutions qui vous avait entendu l'an passé, je m'étais un
petit peu engagé, si j'étais réélu en septembre
1989 et si je demeurais membre de ladite commission des institutions, à
élargir notre mandat et à nous donner une espèce de mandat
d'initiative comme celui que nous nous sommes donné en janvier 1990. Je
tiens également à souligner que d'autres membres de la commission
m'avaient sensibilisé à cet intérêt de plusieurs
membres de la commission de vous entendre de nouveau et d'élargir notre
mandat, notamment Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et
d'autres membres ministériels de notre commission.
Alors, aujourd'hui, Me Jacoby, c'est une première étape.
C'est une préaudition et puis je suis convaincu que vous serez
disponible, afin de pouvoir revenir devant la commission,
éventuellement, dans le cadre de notre mandat pour approfondir certains
dossiers.
Ça nous permet en quelque sorte d'actualiser l'audition de mars
1989, de l'année dernière. Évidemment, depuis mars 1989,
il s'est produit quelques activités, notamment le dépôt de
votre
dernier rapport annuel. Je sais pertinemment, également, qu'il y
a eu le Congrès des ombuds-mans canadiens, ici, à Québec.
Je sais aussi que vous avez eu l'occasion de participer à
différentes commissions parlementaires.
Alors, suite à l'audition d'aujourd'hui, la commission va se
réunir en séance de travail, après la relâche
parlementaire, après les vacances pascales, afin que l'on puisse
circonscrire notre mandat. La commission a également retenu les services
d'un expert-conseil qui va nous accompagner tout au long de nos travaux. Je
profite de l'occasion pour la présenter officiellement aux membres de la
commission, ainsi qu'à vous-même. Il s'agit de Me Nicole
Trudeau-Bérard, que vous connaissez sûrement, qui était
notamment vice-présidente de la Commission des droits de la personne et
qui a accepté volontiers de travailler avec nous dans le cadre de ce
mandat. Il y a également Me Suzanne Langevin qui est avocate,
évidemment, et recherchiste à la Division de la recherche de la
Bibliothèque de l'Assemblée nationale, qui va nous aider dans le
cadre de notre mandat. Comme je vous l'expliquais tantôt, il s'agit d'une
préaudition et nous aurons sûrement l'occasion de vous revoir dans
le cadre de notre mandat.
Alors, mes remarques préliminaires étant terminées,
est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui désireraient
faire certaines remarques préliminaires?
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, d'abord, je veux vous
souligner que mon collègue, le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, nous rejoindra dès que seront
complétés les travaux de la commission parlementaire de la
santé et des services sociaux, qui termine son mandat entrepris il y a
maintenant deux mois, et qui, évidemment, devrait le compléter.
Mon collègue avait quelques remarques à y faire, mais vous savez
combien il était désireux d'être des nôtres pour
entendre le Protecteur du citoyen.
Je veux également vous présenter Me Fernande Rousseau qui
collabore au dossier de la justice, entre autres dossiers, pour l'Opposition
parlementaire. M. le Président, vous allez me permettre également
de souhaiter la bienvenue, pour la deuxième fois presque en un an, au
Protecteur du citoyen et à Me Meunier, ainsi qu'aux personnes qui
l'accompagnent.
Vous l'avez d'ailleurs signalé dans votre rapport, c'était
une première l'an passé, en mars dernier; depuis 20 ans, je pense
que c'était la première occasion que le Protecteur du citoyen
avait de venir rendre compte de son mandat devant des parlementaires.
Évidemment, c'est avec satisfaction que j'ai suivi les travaux qui,
à l'époque, étaient présidés par mon
collègue de Taillon, Claude Filion, et la résolution unanime que
la commission des institutions avait adoptée en juin dernier,
résolution unanime qui, enfin, n'est pas très fréquente
dans notre Parlement, une fois tous les dix ans pour ce qui est de
l'Assemblée nationale, peut-être un peu plus fréquemment
pour les commissions parlementaires.
Cette résolution, j'aimerais la rappeler aux membres actuels de
la commission. Donc, cette résolution de la commission des institutions
était à l'effet d'examiner "la possibilité et
l'opportunité d'étendre la juridiction du Protecteur du citoyen
aux municipalités et à toutes les institutions
paragouvernementales et périgouvernemen-tales, comme les institutions
faisant partie du réseau de la santé et des services sociaux, les
organismes scolaires et les sociétés d'État ou, à
défaut, que ces institutions mettent sur pied leur propre service
d'ombudsman." La commission recommandait également que le gouvernement
"examine, à l'intérieur des ministères et des organismes
sous la juridiction du Protecteur du citoyen, les causes de lésions et
qu'il fasse le point sur les mécanismes de règlement des litiges
mis en place à l'intérieur de ces ministères et de ces
organismes." Troisièmement, que le gouvernement "évalue la
possibilité pour ces ministères et organismes de se doter de
nouveaux mécanismes internes de traitement des plaintes, et qu'il
identifie les mécanismes de règlement à l'amiable, de
conciliation et de médiation que les ministères et les organismes
peuvent utiliser pour régler leurs différends avec les
contribuables." Quatrièmement, que le gouvernement
"réévalue le budget et les effectifs du Protecteur du citoyen
ainsi que le rôle ambigu et délicat du Conseil du trésor
dans l'octroi des crédits budgétaires à celui-ci."
Enfin, de façon générale, la résolution
adoptée par la commission des institutions concluait au fait que le
gouvernement devrait encourager les ministères et organismes à
collaborer avec le Protecteur du citoyen, et à intensifier leurs efforts
afin de réduire, dans la mesure du possible, les causes d'insatisfaction
qui pourraient nuire aux rapports harmonieux entre l'administration et les
citoyens.
Je rappelle ce vote unanime de la commission des institutions pour
signaler tout l'intérêt que les membres avaient à
l'égard du rôle joué par le Protecteur du citoyen, de son
élargissement et de son extension dans des secteurs d'activités
gouvernementales, périgouvernemen-tales, paragouvernementales où
les citoyens ne peuvent pas encore bénéficier de la protection,
du recours au Protecteur du citoyen.
M. le Président, je veux simplement souligner que depuis quelques
années le Protecteur du citoyen est beaucoup plus visible. C'est,
évidem-
ment, grâce sans doute au leadership des personnes qui occupent la
fonction, qui ne se contentent pas de donner suite aux plaintes qui sont
adressées, mais qui font bon usage, comme le prévoit leur mandat,
d'un droit d'initiative en certains domaines. Je pense, en particulier,
à l'initiative que le Protecteur du citoyen a introduite de sensibiliser
l'opinion publique, entre autres, à certaines réalités
carcérales. Je pense que le Protecteur du citoyen a été
l'un des premiers à sonner l'alarme quant à l'achalandage
évidemment trop grand dans les prisons, dans les centres de
détention plus particulièrement, et quant à la
surpopulation carcérale dans les centres de détention. Le
Protecteur du citoyen également, ici même en commission
parlementaire à l'occasion de l'étude du projet de loi 25 sur le
dégel des frais de scolarité, c'est à-dire sur la loi sur
les prêts et bourses et, notamment, également lors de
l'étude du règlement sur la sécurité sociale, a
pris l'initiative de faire valoir ce qui lui semblait être de nature
à atténuer ou tout au moins à amoindrir les protections
accordées aux citoyens.
Je veux compléter simplement cette brève intervention, M.
le Président, en vous signalant que les droits que reconnaissent nos
lois ne valent que le papier sur lequel elles sont écrites si, en tant
que législateurs, nous n'investissons pas à veiller à leur
application autant de soin qu'à veiller à leur adoption. Et il ne
suffit pas, dans une société sophistiquée comme la
nôtre, d'adopter des lois pour penser que les citoyens ont des recours
à leur portée. Je voudrais très brièvement citer ce
que le Protecteur cite lui-même dans son rapport, la déclaration
du juge en chef de la Cour suprême qui a quitté récemment,
le juge Dickson qui disait: "Dans l'état moderne, l'action
démocratique n'est possible qu'au moyen de l'organisation
bureaucratique; mais la puissance bureaucratique, si elle n'est pas bien
contrôlée, tend elle-même à détruire la
démocratie et ses valeurs". Ce qui est en cause d'une certaine
façon, c'est le respect, dans notre société, des
institutions par l'ensemble des citoyens qui ont cette conviction intime que
les lois qu'on adopte et que les institutions que l'on crée le sont
à leur bénéfice et non pas, évidemment, pour les
mettre en tutelle et les contrôler.
Alors, c'est avec énormément d'intérêt que
nous entendons suivre ces travaux. Nous avons bien compris qu'il s'agit d'une
première démarche, aujourd'hui, qui va être
complétée par d'autres séances où nous allons
pouvoir examiner plus à fond les contraintes, les obstacles, les
difficultés que rencontre le Protecteur du citoyen dans l'exercice de
son mandat. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui aimeraient faire
quelques remarques préliminai- res?
Alors, avant de vous demander, Me Jacoby, de nous présenter votre
exposé, je vais vous présenter une autre membre de la commission,
Mme Caron, députée de Terrebonne, qui s'est jointe à
nous.
Exposé du Protecteur du citoyen
J'invite maintenant le Protecteur du citoyen à nous faire part de
son exposé. Évidemment, nous vous avons mentionné que nous
vous réservions une période d'une heure. Alors, libre à
vous, soit de résumer ou de faire une lecture de votre exposé. Me
Jacoby, tout en nous présentant les personnes qui vous accompagnent.
M. Daniel Jacoby
M. Jacoby (Daniel): Merci, M. le Président. Mmes et MM. de
la commission, je voudrais vous présenter, à ma gauche, Me
Jacques Meunier qui est l'adjoint du Protecteur du citoyen et, à ma
droite, Me Frances Hudon qui est directrice générale des
enquêtes au bureau du Protecteur du citoyen.
Je suis très heureux d'être ici, devant la commission des
institutions qui exerce un double mandat, d'une part, le mandat de nous
entendre annuellement au sens, maintenant, de la délégation qui a
été reconnue par l'Assemblée nationale et dans le cadre du
mandat d'initiative. Effectivement, comme on le disait tout à l'heure,
c'est la deuxième fois en un an que le Protecteur du citoyen, comme
institution, a le plaisir et le privilège de pouvoir s'adresser aux
parlementaires dont il relève. Je peux penser que, peut-être, on a
reconnu éventuellement que la majorité de l'institution
s'était acquise à l'âge de 20 ans et que, à
l'âge de 21 ans, la maturité commence.
Je n'ai pas l'intention de reprendre mot pour mot mon exposé
parce que je suis convaincu que vous l'avez lu. Cependant, je vais tenter de
résumer des choses qui m'apparaissent non pas nécessairement plus
importantes, mais dont je voudrais être sûr qu'on ne manque
rien.
Comme on le mentionnait tout à l'heure, je pense qu'une des
grandes questions qui se posent généralement est: A quoi
ça sert, un Protecteur du citoyen? D'un côté, il y a
déjà les députés qui reçoivent de nombreuses
plaintes au niveau des bureaux de comté, qui jouent, d'une certaine
manière, un rôle d'ombudsman et qui règlent une bonne
partie des dossiers qui sont soumis par leurs commettants. D'un autre
côté, il y a également, dans la vie de tous les jours, des
personnes qui ont les moyens de se payer les services de professionnels pour
défendre leurs intérêts lorsqu'elles ont des
différends avec l'administration publique. Également, il existe
des tribunaux, il existe aussi la responsabilité ministérielle,
il existe l'imputabilité des fonctionnaires, il existe des
mécanismes de contrôle
comme le Vérificateur général, comme le
Contrôleur des finances, et j'en passe. Finalement, il y a tellement de
contrôles qu'on peut se poser la question: À quoi ça peut
servir, le Protecteur du citoyen?
Je pense que, d'une certaine manière, le juge Dickson, dans la
décision qui a été rendue en 1985 et qui mettait en cause
la compétence de l'ombudsman de la Colombie-Britannique, a finalement
rappelé toutes les raisons qui font que, depuis le début du XIXe
siècle, il existe dans les sociétés démocratiques
des institutions d'ombudsmans. On sait que l'ombudsman moderne a
été créé en Suède au début du XIXe
siècle et que, depuis cette époque, les sociétés
démocratiques ont, pour la plupart, créé ces
institutions-là.
Je pense que, d'une certaine manière, à partir du moment
où l'État intervient de plus en plus dans la vie de tous les
jours des citoyens et des entreprises, ça signifie en pratique que, non
seulement il adopte des lois, mais, à partir de ces lois, il crée
des programmes gouvernementaux qui, eux-mêmes, sont mis en oeuvre par une
série de directives administratives, de politiques administratives, de
directives d'interprétation, de manuels d'opération qui sont mis
dans les mains des agents de l'État qui appliquent des lois et des
programmes. Ça signifie également qu'il y a augmentation de la
fonction publique, des employés de l'État. (11 h 30)
Évidemment, un programme, ça ne s'applique pas tout seul,
ça s'applique par l'entremise d'agents. Ça suppose que, plus les
gouvernements interviennent pour répondre à des besoins
impératifs de la société, de plus en plus de
décisions se prennent par délégation, par des milliers et
des milliers de fonctionnaires, que ce soit au niveau de l'administration
provinciale, municipale ou fédérale. Ça signifie que les
risques d'erreurs sont possible non seulement en raison du nombre, mais aussi
parce que les programmes gouvernementaux ne sont pas nécessairement
faciles d'application. Je peux vous dire que, même lorsqu'on a une
formation juridique, je me suis permis de lire plusieurs manuels d'application
de programmes gouvernementaux et je n'ai pas toujours compris les directives
que l'on donnait aux fonctionnaires. Alors, finalement, il y a tout
ça.
Il y a aussi le fait que beaucoup de problèmes ne peuvent pas se
régler devant les tribunaux pour la bonne raison que je pense qu'il n'y
a qu'a peu près 20 % ou 25 % de la population qui, aujourd'hui, a les
moyens de s'adresser aux tribunaux. Je pense également qu'il y a
énormément de problèmes qui se posent dans
l'administration et qui ne peuvent pas être réglés par la
règle de droit, la simple application du droit. Les interventions en
équité au nom du gros bon sens ou de la "raisonnabilité"
sont des interventions que jamais un tribunal ne va sanctionner.
Un tribunal applique une loi, l'interprète, mais n'ira jamais
au-delà pour dire que telle règle est déraisonnable
à moins, bien sûr, qu'elle ne soit illégale. Alors,
finalement, les tribunaux sont relativement impuissants par rapport à
certains problèmes qu'on connaît dans l'administration.
Par ailleurs, les parlementaires ne sont pas nécessairement
complètement outillés pour pouvoir examiner comment sont
appliqués, dans le détail, les programmes, parce que ça
demanderait une assiduité constante, ça demanderait
également pratiquement des pouvoirs d'enquête. Or, vous savez, ce
que j'ai pu constater à la lumière de mes deux années
d'expérience, c'est que, même si, d'un côté, il y a
des règles écrites qu'on retrouve dans les lois, les
règlements, les directives et les politiques, il ne reste pas moins
qu'il y a aussi des pratiques et des usages qui se développent en marge
des politiques, en marge des directives et que, très souvent, ce n'est
pas tant la directive elle-même qui doit être mise en cause ou le
règlement, mais le comportement, la pratique non écrite de
certains fonctionnaires dans certains points de service gouvernementaux. Alors,
finalement, tout ceci pour vous dire que les parlementaires ne peuvent pas non
plus assurer complètement cette surveillance.
Puis, il faut dire que le Protecteur du citoyen ne peut pas non plus
l'assurer complètement, cette surveillance, parce que ça suppose
que, d'une part, il reçoive des plaintes ou qu'il soit mis au courant de
certaines situations, notamment, par la voie des journaux ou des médias.
Ça suppose également que le Protecteur du citoyen, comme
institution, puisse avoir des ressources sans fin.
Moi, je dis qu'il est anormal qu'il existe un Protecteur du citoyen,
même si ça peut paraître utopique. À partir du moment
où, dans les ministères et organismes du gouvernement, on
développerait davantage la notion de services à la
clientèle et où on développerait davantage, par exemple,
ce qu'on retrouve dans le secteur privé: des programmes de
qualité totale pour faire en sorte que les clientèles soient
mieux desservies, je pense que les risques de commettre des injustices, de
commettre des erreurs, devraient diminuer, à tout le moins, se
stabiliser. Sauf qu'un des grands problèmes que vit l'administration
publique - et puis, ce n'est pas propre au Québec; c'est un peu ce qu'on
retrouve à l'échelle mondiale - c'est que l'administration
publique, ministères, organismes et programmes, ce sont des monopoles.
Ce sont des monopoles qui font en sorte que, lorsqu'un individu doit
réclamer, par exemple, une prestation dans un secteur particulier, il
n'a pas le choix: il est obligé de s'adresser au ministère
concerné, à l'organisme concerné.
Alors, ça veut dire qu'en pratique, contrairement au secteur
privé où il y a une forte concurrence, on n'est pas portés
comme administrateurs, je pense, dans les administra-
tions, à considérer le citoyen comme étant la
raison d'être de notre existence comme administration. On est
plutôt portés - et c'est ce qu'on voit malheureusement - à
développer des systèmes absolument supersophistiqués. Vous
savez, il n'y a pas un programme gouvernemental - en tout cas, il doit en
rester très peu - pour lequel on n'a pas élaboré une
pléthore de normes et de directives, pour lequel on n'a pas
informatisé, pour lequel, aujourd'hui, on pense ne pas avoir
oublié quoi que ce soit. On développe des systèmes pour la
commodité des administrations et ce n'est pas propre au Québec.
L'administration a besoin d'outils, mais, lorsqu'elle élabore des
outils, elle pense très peu à la clientèle.
Moi ce que je pense, c'est qu'il y a des mentalités qui doivent
changer. Vous savez, lorsqu'une administration, pour mettre en oeuvre une loi,
élabore des normes, des directives et des programmes, cette
administration, d'une façon générale, aura une
unité, chez elle, de fonctionnaires qui sont dans les unités,
dites de programmes et politiques, qui vont élaborer des normes pour
l'application d'une loi ou d'un programme gouvernemental. Relativement, ces
unités travaillent en vase clos en se basant sur des rapports qui ont pu
être soumis, soit par le bureau du ministre ou par l'intermédiaire
des unités qui appliquent des programmes. Il est exceptionnel
qu'ultimement l'unité qui développe un programme et les
directives qui vont avec va consulter ceux qui appliquent le programme dans ce
même ministère. Déjà, il y a un hiatus qui
m'apparaît grave. On se concerte peu. Chacun développe ses
spécialités.
Il y a une autre chose que je trouve grave, comme Protecteur du citoyen.
Alors que de plus en plus, dans le secteur privé, depuis une quinzaine
d'années, on fait des sondages, on crée des comités
d'usagers pour déterminer si, oui ou non, par exemple, un programme que
devrait mettre en oeuvre telle loi vous cause des problèmes, un
comité d'usagers formé de citoyens, de représentants de
groupes socio-économiques, au gouvernement, on ne fait pas ça
parce que c'est trop lourd. Et puis on risque d'avoir des discussions. Si une
loi qui a été adoptée a été
contestée, ou qu'il y a eu des récriminations, imaginez
l'administration, les fonctionnaires qui vont se présenter à un
comité d'usagers, avec toute la ribambelle de directives pour la mettre
en oeuvre, ce que ça peut représenter.
Moi, je pense qu'il va falloir au Québec - je parle pour le
Québec - faire un virage au niveau des mentalités des
fonctionnaires. Les fonctionnaires sont là pour appliquer des programmes
qui ont été adoptés par les parlementaires et les
gouvernements au bénéfice de la population. Il va falloir que les
fonctionnaires, je pense, le comprennent véritablement. Ça, je
pense que ça va nécessiter, j'imagine, des programmes
gouvernementaux internes.
Le mandat du Protecteur du citoyen. Vous avez noté, dans le
résumé que j'ai fait, dans le document que je vous ai soumis, la
variété de dossiers qui ont été tirés
à même les 7000 enquêtes que nous avons faites,
l'année passée. Je ne reviendrai pas là-dessus. Ce que je
voudrais bien souligner, c'est que nous intervenons de bien des façons.
Dans certains cas, nous allons recevoir une plainte, nous allons régler
cette plainte-là sur une base tout à fait individuelle. Dans
d'autres cas, à partir d'une plainte, on va, en pitonnant sur les
ordinateurs du gouvernement, découvrir qu'il y a d'autres personnes qui
sont dans la même situation que notre plaignant, ce qui nous permet
d'intervenir sur un plan plus collectif ou plus systémique.
Dans certains cas, on va prendre les devants. Plutôt que
d'être toujours tributaires de plaintes, on va être un peu plus
agressifs, au sens noble du mot, en intervenant de notre propre initiative
suite à des informations qui nous sont parvenues d'une manière ou
d'une autre et généralement, comme tout le monde, par la voie des
journaux ou des médias électroniques. Nous tentons de plus en
plus... Je pense que le Protecteur du citoyen va ajouter un volet très
utile à son mandat, c'est de faire de la prévention. Je pense que
l'expérience que nous avons acquise au cours des 21 dernières
années fait en sorte qu'il nous est possible, et nous avons
commencé à le faire cette année, de faire des commentaires
sur des projets de loi, sans remettre en question le principe du projet de loi
parce que je pense que ce n'est pas notre rôle. Nous ne sommes pas un
groupe de pression. Nous ne faisons pas d'"advocacy". Nous ne sommes pas une
formation politique. Je pense que, sans remettre en cause le fond même ou
le principe même d'un projet de loi, il nous est possible, à la
lumière des plaintes que nous avons reçues ou
d'expériences voisines au secteur traité par un projet de loi,
d'apporter des commentaires pour prévenir, éventuellement,
certaines causes ou certaines sources d'injustice. Alors, on a commencé
à le faire cette année. On l'a fait au niveau de la Loi sur
l'aide financière aux étudiants. Nous l'avons fait
également au niveau de l'avant-projet de loi sur la réforme des
services de santé et des services sociaux. Et je pense que c'est une
direction que nous allons utiliser davantage.
Je pense également, dans la mesure où, évidemment,
nous pourrons suivre, que nous allons nous attaquer aux projets de
règlements, parce que notre expérience - et vous le savez
très bien comme parlementaires - c'est que des lois sont adoptées
au niveau des principes, au niveau de la substance, au niveau des grandes
lignes, d'un grand cadre, mais qu'à partir du moment où la loi
est votée par les parlementaires, que ce soit à
l'unanimité ou sur division, c'est là que commence le jeu de la
bureaucratie. Et quand je dis ça, ce n'est pas nécessairement
péjoratif. Je veux dire par là qu'ensuite, pour la mise en
oeuvre, il faut des règlements. Et ces règlements sont
préparés par des spécialistes aussi. Et ces
règlements, malgré la loi sur les textes réglementaires,
échappent en grande partie au contrôle parlementaire et les
délais sont relativement courts et il y a moins de discussions sur les
projets de règlements. Et, moi, je pense que, très souvent, il
arrive que l'on dénature la finalité d'un projet de loi, au
niveau de la réglementation. Et je pense que le Protecteur du citoyen va
jouer un rôle plus grand au niveau des projets de loi.
Pour ceux et celles qui n'ont pas le bénéfice de nous
connaître d'une manière opérationnelle, j'aimerais prendre
quelques minutes pour expliquer le recours au Protecteur du citoyen. Le recours
au Protecteur du citoyen est un recours que moi, je considère comme
étant un des plus accessibles. D'abord, il est ouvert à tout le
monde sans discrimination. Que l'on soit une personne physique, que l'on soit
une association, que l'on soit une corporation, que l'on soit pauvre, que l'on
soit riche, il n'y a pas de discrimination: tout le monde peut s'adresser au
Protecteur du citoyen. Et on peut s'y adresser d'une façon assez
expéditive. On peut s'y adresser tout simplement en
téléphonant à nos bureaux respectifs de Québec ou
de Montréal et ça ne coûte rien. Sans vouloir être
anti-bureaucratiques, je dirais que nous ne sommes pas bureaucratiques. On
n'exige pas qu'un citoyen remplisse un formulaire. On n'exige pas que le
citoyen se déplace à notre bureau pour venir exposer son
problème. On n'exige pas une foule de pièces justificatives
à l'appui de sa plainte.
Très souvent, ce que l'on constate, c'est que les personnes parmi
les plus défavorisées ont beaucoup de difficulté à
articuler une plainte. Vous le vivez dans vos bureaux de comté. J'ai un
problème avec la CSST, je ne comprends rien. Là, on m'a dit que
c'est rendu au bureau de révision et ainsi de suite. Et on ne sait pas,
souvent, ce qui se passe dans notre dossier, soit parce que le jargon
administratif et législatif est trop technique, soit parce qu'on se fait
dire des choses contradictoires d'un bureau gouvernemental à un autre,
ce qui fait qu'en pratique un nombre considérable de citoyens ont
beaucoup de difficultés à articuler leur plainte ou la cause de
leur insatisfaction. Donc, nos préposés à l'accueil vont
faciliter la doléance, d'une certaine manière, du plaignant en
l'aidant à exprimer l'objet de sa plainte. (11 h 45)
Ensuite, lorsque nous recevons une plainte et que cette plainte est
recevable, on ne se transforme pas en commission royale d'enquête. Nous
ne tenons pas d'auditions publiques même si nous pouvions le faire. Nous
tentons toujours d'intervenir d'une manière très informelle.
Lorsque nous interrogeons des fonctionnaires, on n'a pas de sténographe
officiel. Lorsque nous recommuniquons avec le plaignant, on ne lui demande pas
de nous signer un affidavit. On est très informels. Et je pense que
c'est une des grandes qualités du recours à l'ombudsman, que ce
soit au Québec ou ailleurs. C'est que, contrairement à tous les
organismes de protection des droits et aux organismes en général,
cette institution n'a pas sombré dans les dédales du formalisme
et aussi de ce que j'appellerais la quasi-judiciarisation.
Je pense qu'on est très près des sources et je pense que
cette institution correspond davantage aux besoins des citoyens moyens que des
organismes qui, pour chaque plainte, sont obligés de déclencher
des processus qui n'en finissent plus. Le citoyen se demande si, finalement,
l'organisme a été créé pour lui ou simplement pour
satisfaire les pouvoirs et le mandat de l'organisme à qui on a
adressé une plainte.
Je pense que l'institution de l'ombudsman est une institution qui est
légère, qui est simple. Et même si nous avons des pouvoirs
d'enquête et des pouvoirs de commission d'enquête, à ma
connaissance, en tout cas, depuis que je suis là - et probablement par
le passé - on n'a jamais signifié de subpoena à quelque
administration que ce soit. On n'a jamais envoyé un duces tecum pour
produire des documents. Je ne dis pas que, dans la vie quotidienne, il ne nous
arrive pas de menacer l'administration de le faire et de les aviser qu'il y
aura un huissier demain matin à leur bureau. Mais ça, c'est
normal. Ce ne sont pas des menaces. C'est du droit à l'information et
nous informons l'administration que nous avons ces pouvoirs dans notre loi.
Mais d'une manière générale on ne fait pas ça.
Donc, c'est assez simple comme recours. Simple et efficace. Vous savez,
j'ai été très surpris de voir, d'une certaine
manière, dans la vraie vie, comment un organisme qui n'a qu'un pouvoir
de recommandation - et l'on sait que ces organismes sont souvent
décriés, ceux qui ont des pouvoirs de recommandation - peut avoir
un taux de solution aussi élevé. Dans les faits, nous obtenons,
lorsque la correction est possible, bien sûr - il faut que j'apporte la
nuance - au-delà de 99 % de solution. En d'autres termes,
l'administration suit nos recommandations dans plus de 99 % des cas.
Et ça, je pense que ça repose sur le fait que le
Protecteur du citoyen, qui est une institution qui relève de
l'Assemblée nationale et qui est indépendante du pouvoir
exécutif, dans le cadre de ses interventions, doit faire preuve d'une
très grande impartialité et d'une très grande
neutralité. Je pense que, d'une manière générale -
je ne dis pas que tout le monde est d'accord avec ça - tant les
fonctionnaires, l'administration que les citoyens reconnaissent dans notre
institution une crédibilité qui est basée sur cette
impartialité. Et c'est ce qui fait que, lorsque nous avons
complété une enquête et que nous arrivons à la
conclusion, par exemple,
que l'administration a commis un abus de pouvoir ou une injustice, d'une
manière générale, l'administration va accepter
relativement de suivre notre recommandation.
Vous savez, c'est seulement 30 % des plaintes qui sont fondées.
Ça veut dire que, dans 70 % dos dossiers sur lesquels nous
enquêtons, nous sommes obligés de dire à un citoyen ou
à une citoyenne: Vous avez tort de vous considérer comme victime
d'une injustice. Je peux vous dire une chose: Ce n'est pas toujours facile
à faire avaler, surtout quand on est convaincu que son cas est unique et
que, de toute façon, il y a quelqu'un qui a pu se tromper. Bien
sûr, il y a des personnes qui nous disent: Vous êtes là pour
défendre l'institution. Vous êtes payés par le
gouvernement. Vous protégez les fonctionnaires. Enfin, vous avez
toujours quelque chose à protéger. Mais ça, c'est
exceptionnel. D'une manière générale, les gens nous
disent: Mon Dieu, vous nous expliquez pourquoi on n'est pas victimes d'une
injustice. Vous nous le dites au téléphone et vous nous
l'écrivez dans une lettre. Mais, mon Dieu, si un fonctionnaire nous
avait expliqué la situation comme vous nous l'avez expliquée, on
n'aurait jamais chialé, on n'aurait jamais déposé de
plainte chez vous.
Alors, moi, je dis une chose, c'est qu'il est important que l'on prenne
le temps aussi de parler au monde et c'est ce que nous tentons de faire,
malgré certaines contraintes que nous avons. Alors, je pense que, d'une
manière générale, si notre pouvoir de recommandation est
exercé de manière adéquate et que ces recommandations sont
suivies, c'est qu'il y a une crédibilité, à
l'intérieur du gouvernement, de notre rôle et la
compréhension de notre rôle. Je ne dis pas que c'est comme
ça dans tous les cas. Des fois, il faut faire des leçons de
choses pour expliquer nos raisons d'être.
Au niveau des statistiques, vous avez pu constater que les plaintes
augmentent, bien sûr. Vous avez aussi constaté, à la page
21 de l'intervention où l'on a fait une projection pour l'année
qui vient de se terminer au 31 mars... Le temps passe et, comme vous avez pris
connaissance de notre intervention, je pense. M. le Président, que je
m'arrêterai là. Et je serais disponible pour répondre aux
questions.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup, Me
Jacoby. Juste avant de procéder à la période
d'échanges, j'aimerais peut-être profiter de l'occasion pour vous
présenter d'autres membres de la commission qui se sont joints à
nous, notamment, M. le député de Chapleau, John Kehoe, qui
était présent avec nous, l'année passée, lors de
votre audition; M. Rémy Trudel, député de
Rouyn-Noranda-Témis-camingue, qui est vice-président de la
commission des institutions, et M. Holden, député de Westmount,
qui a été, je crois, adjoint au Protecteur du citoyen, en 1979,
avec Me Marceau. J'en profite aussi pour vous présenter Mme Beaure-gard
qui est une collaboratrice de la commission, que j'avais oubliée
tantôt.
Discussion générale
Alors, qui est prêt à commencer la période
d'échanges? M. le député d'Anjou. On va suivre
l'alternance et je vais essayer d'être souple sur la forme. Le
règlement prévoit dix minutes par intervention, comprenant
questions et réponses, mais on va agir avec souplesse. M. le
député d'Anjou.
Complémentarité des rôles
d'ombudsman et de député
M. Larouche: Alors, je suis très heureux de l'introduction
que vous avez faite, avec la description des fonctions du rôle du
Protecteur du citoyen ou de l'ombudsman. Personnellement, je
préfère dire le rôle de l'ombudsman parce que, d'une part,
Protecteur du citoyen, ça voudrait dire que d'autres personnes n'ont pas
le rôle de protéger; je pense que ça fait une fonction
exclusive, tandis qu'ombudsman me semble plus général et plus
correspondre à la réalité. Alors, dans votre intervention,
en fin de compte, j'ai reconnu à plusieurs endroits les rôles et
fonctions du député, du moins lorsque le député est
dans sa circonscription. Si on fait le relevé du travail d'un
député, du moins lorsqu'il est dans sa circonscription, on peut
dire qu'on touche 500 à 800 cas par année et que, sûrement,
300 reviennent à des cas de protection du citoyen; on joue le rôle
d'ombudsman. Alors, j'ai fouillé à l'intérieur des
dossiers et j'étais content de le voir une fois dans les documents,
comme vous l'avez dit, mais vous avez quand même souligné ce fait
verbalement, ce qui est très important.
D'autre part, en d'autres lieux de la documentation qu'on a eue, du
moins des textes que vous nous avez soumis, à un moment donné -
je pense que c'est lors d'une intervention que vous aviez faite devant le
Congrès des ombudsmans - vous laissiez sous-entendre que les
députés se percevraient comme des concurrents. En tout cas, quant
à moi et, je pense, pour la majorité de mes collègues,
nous ne percevons pas l'ombudsman comme un concurrent, mais certainement comme
un partenaire. Alors, à cet égard-là, c'est clair que le
député a intérêt à ce que l'administration
publique soit la plus efficace possible. Et c'est à notre avantage
qu'elle le soit pour faire en sorte que nos citoyens, que nos électeurs
soient le mieux servis possible, que nous soyons député
ministériel ou député de l'Opposition.
Un autre point que j'aimerais souligner, c'est le fait que plusieurs
pensent que, parce qu'on est député ministériel, on va
acheter tout ce que va faire l'administration. Je me dissocie
complètement de ce point de vue là. Alors,
lorsqu'on est élus, c'est pour représenter nos citoyens,
députés ministériels ou de l'Opposition. Alors, s'il y a
des conneries qui sont faites par des administrateurs, elles doivent être
dénoncées et vertement par les députés. Alors, il y
a différentes façons de procéder.
Je voudrais retenir un autre point. Au début de votre
intervention, vous avez dit: II existe l'imputabilité des
fonctionnaires. Un peu plus tard, vous avez dit: II est anormal qu'il existe un
Protecteur du citoyen. Alors, je conviens que, si vous arrivez à la
conclusion qu'il est anormal qu'il existe un Protecteur du citoyen, c'est que
justement vous posiez la prémisse qu'il y avait
lïmputabilité des fonctionnaires. Alors, je ne crois pas que
ça existe, l'imputabilité des fonctionnaires.
Un autre point où j'aimerais avoir votre point de vue
peut-être au cours de la journée, c'est qu'en aucun cas - et j'ai
fait faire un relevé, en plus des revues de presse que vous nous avez
soumises, des interventions publiques du Protecteur du citoyen depuis 1984 - je
n'ai entendu le Protecteur du citoyen concernant, par exemple, les questions de
grève dans le secteur public, de la privation des citoyens au niveau de
services essentiels. Alors, quand on parle de délais, et c'est la
majorité des causes de lésions, des délais
déraisonnables dans 38 % des cas, imaginez-vous, on prive des citoyens
de services essentiels. Que ce soit au niveau de la STCUM - d'accord, vous
n'avez pas actuellement juridiction au niveau public ou parapublic, de
certaines agences péripubliques comme la STCUM - il reste que des
services de transport ou autres, c'est fondamental. Je le disais à un de
mes commettants: Quand une société d'État ou un groupe
prive un citoyen, alors dans la vue globale on peut dire qu'on assure les
services essentiels, mais ce citoyen-là, s'il n'a pas
l'électricité, c'est essentiel ou, s'il n'a pas son autobus,
c'est essentiel. Alors, c'est une vision bureaucratique des choses. Mais jamais
je n'ai entendu - et vous me corrigerez - une intervention du Protecteur du
citoyen, depuis 1984, à cet égard-là où l'on prive
collectivement de services des citoyens.
Alors, je suis parfaitement d'accord avec vous qu'il faut faire un
virage au niveau de la mentalité des fonctionnaires. Ce n'est pas que je
leur en veuille. Déjà, un ex-parlementaire français,
André Chandemagor, dans un colloque auquel il participait sur "le
parlementarisme britannique, anachronisme ou réalité moderne",
dans une brève étude intitulée "Un Parlement, pourquoi
faire?" disait: "À quoi tient ce développement du. recours
individuel à l'intervention parlementaire?" Et c'est là le
rôle de député-ombudsman. Il dit: "Avant tout, à
l'extension du champ d'action de l'administration et à la
complexité croissante de ses méthodes. La bureaucratie est une
nécessité, poursuit-il, mais aussi une des plaies du monde
moderne. Si elle est indispensable au progrès de l'humanité, elle
a une fâcheuse tendance à ignorer les personnes. Face à
cette administration omnipotente et dont la complexité dépasse
son entendement, le citoyen se sent désarmé". Alors, ce que vous
avancez, ça fait un peu consensus autant chez des parlementaires que
chez des analystes de l'administration publique. Et il ajoutait: " De son
député, le citoyen attend qu'il explique, qu'il hâte et
qu'il rassure". Quand on dit que les délais déraisonnables
constituaient près de 40 % des cas, c'est ce qu'on fait nous, comme
députés, et vous nous aidez à ce niveau-là si vous
pouvez faire accélérer certains dossiers.
Denis Vaugeois, dans un autre rap-port: "L'Assemblée nationale en
devenir, 1984", dit: "Le député est un véritable
ombudsman. On vient le voir pour toutes sortes de choses et souvent en
désespoir de cause. Parfois, il ira jusqu'à se battre comme un
diable - et, en copiant cette chose-là, j'avais rajouté dans
l'eau bénite et j'ai remarqué que ce n'était pas dedans;
alors, c'est vraiment comme un diable, laissons faire l'eau bénite -
pour faire modifier un programme gouvernemental de façon à
réduire des lenteurs, combattre la paperasse, répondre à
un besoin, rendre justice à une demande. Combien d'erreurs ils ont fait
éviter au gouvernement, combien d'injustices ils ont fait corriger ou
éviter? Cet aspect du travail des députés reste
très mal connu. " (12 heures)
Alors, l'objet de mon intervention - on ne passe pas en commission pour
vous faire la loi; on vous entend - moi, j'aimerais voir, quelque part dans vos
interventions d'aujourd'hui, une place comme pour laisser un certain corridor
de collaboration entre l'ombudsman ou les bureaux de l'ombudsman et les bureaux
des députés. Je pense qu'il n'y a aucune contradiction à
ce niveau-là. Vous vous décrivez comme un employé ou un
fonctionnaire de l'Assemblée nationale dont vous répondez.
Souvent, les gens nous perçoivent comme le gouvernement. On n'es»
pas le gouvernement; on est les représentants de la population. Alors,
je pense qu'on doit laisser place à une collaboration. Je le vois dans
le texte que vous avez présenté au Congrès des ombudsmans
canadiens, en 1989, où vous dites que "son rôle de protecteur
n'est pas exclusif: il n'est plus le seul recours adéquat pour les
citoyens et ne le sera jamais plus. Il devra travailler en collaboration avec
les organismes de promotion et de défense des droits". Vous dites
ensuite "avec les organismes privés ou subventionnés qui militent
dans ce milieu. " Vous devrez vous "rapprocher des ombudsmans
exécutifs", vous "concerter davantage avec les professions juridiques. "
Vous ne laissez aucune place pour les députés. Selon un calcul
rapide, on aide à résoudre au moins 50 000 cas et vous en avez 21
000. Alors, c'est ce qu'on fait et c'est méconnu.
I
Je termine en rappelant les travaux des parlementaires, en tout cas ceux
qui m'ont précédé - ça ne fait pas un siècle
que je suis ici - ce sont des études sérieuses. Cet aspect du
travail du député étant mal connu, je pense que vous
devriez peut-être examiner cette opportunité d'ouvrir des
corridors de collaboration entre votre bureau et les bureaux des
députés.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député d'Anjou. Me Jacoby.
M. Jacoby: Voici, je n'ai jamais prétendu que l'ombdusman
avait un rôle exclusif. Quand vous vous référez à
l'allocution que j'ai présentée au Congrès des ombudmans
canadiens, ce que vous m'avez lu, de mémoire, c'est dans le chapitre de
la concertation. Par ailleurs, dans une autre page, je parle de l'information
et je dis, de mémoire, que l'ombudman devrait davantage se faire
connaître des députés et collaborer avec les
députés.
Ma position, M, le député, est très simple. Le
rôle de surveillance de l'exécutif est d'abord et avant tout
dévolu aux élus du peuple, aux représentants de la
population et quelle que soit la formation politique impliquée. Ce
rôle de surveillance, dans des institutions d'autrefois qui
étaient plus simples, pouvait s'exercer assez facilement. Ce que l'on a
créé avec les années, ce sont des outils de travail pour
les députés. Comme outil de travail, dans le mandat qu'ont les
parlementaires de surveiller l'utilisation des deniers publics, les Parlements
se sont dotés de vérificateurs généraux qui
relèvent de l'Assemblée nationale. Plusieurs Parlements se sont
dotés, pour l'exercice du mandat de surveillance sur les abus de
l'administration, d'institution d'ombudsman. Pour être assurés que
les élections seront administrées de manière tout à
fait impartiale, les Parlements se sont dotés d'institution comme le
Directeur général des élections.
Dans mon esprit, même si, dans ses opérations quotidiennes,
le Protecteur du citoyen est indépendant au niveau de ses interventions,
il est, d'abord et avant tout, un outil de l'Assemblée nationale. Et
c'ost ce qui fait que je dois dire que j'ai déjà
évoqué - vous ne le trouverez pas dans les documents - la
possibilité de rencontrer, à l'occasion, les caucus des
formations politiques pour expliquer d'une manière plus pratique ce
qu'on peut faire. J'ai évoqué cette possibilité. Depuis
quelque temps, je communique régulièrement, surtout par lettres,
avec les députés en leur expliquant un peu ce qu'on fait, ce qui
se passe chez nous, et je le fais systématiquement depuis un an. Donc,
malgré le fait que vous puissiez penser, d'une certaine manière,
qu'on voulait se tenir à l'écart, se démarquer des
députés, ce n'est pas ça du tout. C'est le contraire qui
se produit. D'ailleurs, la prouve, c'ost que j'ai besoin de vous aussi. La
preuve, c'est que j'ai demandé, un an après mon entrée en
fonction, d'être entendu pour une fois par l'Assemblée nationale
sur le rapport annuel.
Alors, je ne veux pas qu'on pense, en aucune manière, que notre
institution se démarque du rôle des députés. S'il
doit y avoir des différences, les différences sont les suivantes.
Premièrement, il est évident - et c'est comme ça que les
choses se passent - que, comme le député est un élu du
peuple et qu'il représente une formation politique, il y a certains
citoyens qui n'ont pas nécessairement confiance. Ça, ça
peut arriver, vous le savez. Bon. Deuxièmement, le député
n'a pas toujours tous les moyens à sa disposition pour aller au fond des
choses. Je ne donnerai pas de cas concrets, mais je peux vous dire que, dans
certains dossiers, le député n'a pas les moyens d'aller au fond
des choses pour différentes raisons.
Et c'est pour ça que je dis, d'une certaine manière, que
non seulement le Protecteur du citoyen, l'ombudsman, est un outil de travail,
mais qu'il complète le rôle du député. Je pense que
c'est comme ça que je vois les choses, et l'allusion que vous faisiez
tout à l'heure, ça, c'était dans l'introduction de mon
discours où je dépeignais le monde de Kafka et le Protecteur du
citoyen. Je disais, entre autres, que certains députés nous
considéraient comme des concurrents. Cependant, quand j'ai écrit
ça, M. le député, je ne l'ai pas écrit
gratuitement. Je sais - j'ai des témoignages et c'est arrivé deux
fois depuis que je suis en fonction - qu'on a eu des réactions de ce
genre. Alors, je me suis dit: II va falloir que je prenne le temps d'expliquer
davantage mon rôle aux parlementaires pour que toute
ambiguïté soit dissipée. Est-ce que pour cet
aspect-là...
M. Larouche: Oui, ça clarifie.
Non-intervention dans les grèves
M. Jacoby: Sur l'autre question, vous avez raison de dire que
nous ne sommes pas intervenus dans les grands dossiers comme la grève
dans les secteurs public, para ou péripublic. Là-dessus, vous
savez, notre loi nous crée des limitations. Par exemple, le Protecteur
du citoyen ne peut pas intervenir, et c'est dit sans aucune exception, dans
tout domaine qui concerne les relations de travail. Ça, c'est dit
clairement, parce que le législateur a présumé que le
Protecteur du citoyen ne devait pas se mêler de ça pour les
raisons qu'il a bien pensées, à l'époque, en 1968, quand
la loi a été adoptée, d'une part. D'abord, pas de
juridiction sur les relations de travail. Deuxièmement, par rapport
à certaines grèves qui touchent, par exemple, les transports
publics, bien, il s'agit de transport qui relève de la
responsabilité, soit de municipalités, soit de
communautés. Le Protecteur du citoyen n'a aucune juridiction sur le
monde municipal. Alors, ça nous met dans des positions assez
délicates.
Vous savez combien de fois je me retiens pour ne pas dénoncer des
choses. Mais je dis: Le jour où je vais commencer à confondre mon
rôle avec celui d'autres... Tant que je n'aurai pas une juridiction
claire, je suis mieux de me taire.
On a le même problème, vous savez, avec les grèves
dans les hôpitaux. Il a pu y avoir des problèmes, en tout cas,
d'après ce que j'ai pu voir à travers certaines informations que
j'ai obtenues ou certaines lectures que j'ai faites des médias. Je ne
peux pas intervenir. Le Protecteur du citoyen n'a pas de juridiction en
matière de santé et de services sociaux. Alors, ça
explique un peu le mutisme du Protecteur du citoyen.
C'est sûr, moi, j'ai une autre théorie qui dit, parce que
notre loi doit être interprétée libéralement,
d'après la Cour suprême, que, même si le législateur
ne nous donne pas des pouvoirs exprès dans un domaine, on peut parler,
s'exprimer. Mais là où on nous interdit formellement d'agir, je
pense que je dois être le premier à respecter la Loi sur le
Protecteur du citoyen, mais ce sont certainement des phénomènes
sur lesquels on aurait beaucoup à dire.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Oui, il y a beaucoup
à dire et heureusement que nous aurons quelques heures pour
échanger là-dessus. J'ai été surprise d'entendre le
député d'Anjou vous faire grief que vous n'interveniez pas au
moment des arrêts de travail, parce que le problème, puisqu'il y a
problème, ne se produit pas qu'au moment d'un arrêt de travail. Et
ce serait assez absurde, d'une certaine façon, que vous n'interveniez
que lorsqu'il y a des arrêts de travail, en ne l'ayant pas fait d'une
façon régulière en recevant les plaintes. Dans votre
rapport, vous mentionnez que vous devez écarter des plaintes formelles
qui vous sont adressées, durant l'année courante, et sur
lesquelles vous ne pouvez pas enquêter faute d'en avoir le mandat. Alors,
vous n'êtes pas un justicier que le gouvernement ne voudrait voir
intervenir qu'au moment des grèves qui ne font pas son affaire.
Moi, je pense que, dans la mesure où le gouvernement va vouloir
vraiment exprimer, témoigner son intérêt pour les personnes
hospitalisées ou les personnes hébergées en centres
d'accueil ou dans des établissements du réseau, en tout temps, il
va le faire en élargissant votre juridiction et ça va être
vraiment, je pense, l'expression de son intérêt pour les
bénéficiaires du réseau, parce que c'est un peu suspect de
voir cet intérêt qui ne semble se manifester qu'au moment d'un
arrêt de travail et puis qui, après, tombe dans une sorte
d'indifférence générale.
Je l'ai vécu, en tout cas, moi, de m'être rendue dans un
centre d'accueil quelques jours après la cessation du dernier
arrêt de travail et d'y avoir rencontré un concitoyen de 70 ans
qui avait commencé régulièrement à aller alimenter
une cousine qu'il n'avait pas vue, mais qu'il s'est rappelée au moment
où on a eu un appel au bénévolat, et il voyait beaucoup de
monde déambuler durant l'arrêt de travail. À sa surprise,
il s'est rendu compte, après la cessation de l'arrêt de travail,
que le centre d'accueil s'est vidé complètement et il se
demandait où étaient partis tous ces gens qui étaient si
nombreux à s'y retrouver au moment où il y avait justement la
grève. Ça peut sembler contradictoire, mais c'était
ça, la réalité qu'avait vécue ce concitoyen qui
n'avait rien à voir avec les chicanes des uns et des autres.
Vous le mentionnez dans votre rapport, c'est un aspect important parce
que, effectivement, pour le député d'Anjou, que je sais
être un bon député de comté, qui s'intéresse
de très, très près à ses concitoyens autant que je
peux le faire moi-même c'est évident que faire appel à vos
services, c'est extrêmement important, c'est même fondamental.
On n'a pas eu le même sondage ici, au Québec, mais on me
montrait tantôt, au niveau fédéral, un sondage qui a
été fait auprès des députés
fédéraux - sondage qui avait été fait par la
Commission de réforme du droit du Canada, c'est M. Létourneau qui
en faisait mention lors du récent congrès qui a eu lieu à
Québec - et qui mentionnait que 50 % des députés
considéraient que la présence d'un ombudsman
fédéral, qui n'existe toujours pas, là, (es aiderait
à traiter les plaintes de leurs électeurs. Mais ce dont il se
rendait compte, c'est que ce pourcentage était de 46 % chez les
députés ministériels et de 78 % chez les
députés de l'Opposition. Peut-être que les
députés ministériels trouvent plus facilement à
régler leurs dossiers. Pourtant, les électeurs ont droit au
même traitement. Il devrait y avoir normalement une égalité
de traitement, évidemment, par l'administration gouvernementale. (12 h
15)
Ceci dit, on ne vit pas dans un monde angélique et là
où le problème se pose, même pour les députés
ministériels, c'est quand il ne s'agit pas d'une décision de
fonctionnaires, mais que ça met en cause une règle que le
fonctionnaire applique et qui est décidée par l'exécutif.
Vous le mentionniez dans votre rapport, il ne faut jamais oublier qu'on a les
pieds dans un système parlementaire britannique où la dictature
de la règle de parti prime sur le choix des électeurs. Ceux de
nous qui auraient la tentation de l'oublier, comme deux des
députés fédéraux l'ont oublié hier,
paraît-il, au Parlement, évidemment, savent la sanction qu'ils
doivent vivre si tant est qu'ils mettent de côté cette dictature
de la règle de parti qui est immanente au régime parlementaire
britannique.
Donc, notre intervention a une limite et
cette limite du parlementaire ministériel, entre autres, c'est la
limite de la décision de l'exécutif. À la page 23 de votre
rapport, vous dites ceci: "Lorsque notre enquête révèle que
ce n'est pas la décision même du fonctionnaire qui doit être
mise en cause, mais plutôt la règle que le fonctionnaire applique.
" Alors, ça, c'est, évidemment, une autre paire de manches et,
à ce moment-là, évidemment, c'est directement la remise en
question de l'opportunité d'un jugement de l'exécutif.
Moi, je voudrais vous soumettre, ce matin, un cas récent, pas le
cas d'une personne, le cas de milliers de personnes. C'est à la lecture
de votre rapport que je me suis dit qu'il était souhaitable qu'on
procède de façon concrète en vous demandant ce que vous
pouvez faire dans une situation semblable. Dans votre rapport, vous mentionniez
- je pense que c'est dans les exemples que vous nous apportiez - notamment
l'intervention que vous aviez faite, à la page 7, auprès de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Là, vous mentionniez qu'il s'était développé, en
marge de la loi, un processus sophistiqué de contre-expertise qui
rendait, à toutes fins pratiques, inopérantes les dispositions de
la loi à l'effet de respecter l'avis des médecins traitants. Vous
mentionniez que votre intervention a permis de redonner à l'avis du
médecin traitant toute sa force probante comme l'avait voulu le
législateur.
Barèmes de sécurité du
revenu
Alors, le cas qui me préoccupe est le suivant. À
l'intérieur de la loi actuelle sur la sécurité du revenu,
on retrouve, à l'article 17 de la loi, une disposition qui dit que le
barème de disponibilité s'applique à l'adulte qui a
demandé au ministre de lui proposer une mesure prévue à
l'article 23 - il s'agit, en fait, des mesures d'employabilité - et ce
barème s'applique jusqu'à ce qu'il participe à une telle
mesure. C'était là le gain obtenu pas simplement par
l'Opposition, mais par les pressions faites, je dirais, par un très
grand nombre d'organismes auprès d'une commission parlementaire. Ce gain
était de modifier le projet de loi de façon à ce qu'on y
retrouve cette catégorie disponible qui faisait que des personnes ne
vivaient pas une réduction de barème si tant est qu'il y avait
pénurie, insuffisance ou incapacité de l'administration publique
à leur offrir une mesure à laquelle elles étaient
prêtes à participer. Donc, ce que la loi, finalement,
sanctionnait, c'était cette idée que le fardeau devait reposer
sur l'administration, celui d'offrir la mesure en ne baissant pas le
barème de prestations qui est le seuil de subsistance et non pas sur les
épaules du bénéficiaire.
J'ai pris connaissance, hier, de pratiques écrites qui sont
utilisées dans les centres Travail-Québec, dont je peux vous
faire parvenir copie, ainsi qu'à tous les membres de la commis- sion,
qui prévoient que, pour accorder ce barème disponible... Je vous
rappelle que, si on exclut la personne du barème disponible, on l'inclut
dans un barème de non-participant qui, automatiquement, réduit sa
prestation, sa subsistance minimale, mais que, pour accorder ce barème
disponible, on doit rencontrer tous les critères cumulatifs et, que
parmi les critères, il y a le suivant: la mesure doit être
disponible dans un délai rapproché. C'est donc dire que c'est
là une pratique qui contrevient, évidemment, prima facie, et qui
rend inopérante, en fait, la disposition de la loi qui prévoit
qu'on accorde la catégorie disponible si tant est qu'un adulte veuille y
participer. Alors, dans un cas comme celui-là, qu'est-ce que l'ombudsman
peut faire?
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée. Me Jacoby.
M. Jacoby: Dans un cas comme celui-là, en fait, à
travers les médias aussi, on en a parlé un peu, on a
enclenché une enquête. Au moment où on se parle, on pense
que c'est beaucoup plus un problème dans la manière dont la loi
est expliquée aux bénéficiaires, mais on est au tout
début de l'enquête. Il est très possible aussi que l'on
découvre que, finalement, il y a des contradictions entre la loi et sa
façon d'être appliquée.
Ce que l'on sait au moment où on se parle, c'est qu'il y a dans
certains bureaux des agents d'aide sociale qui ne disent pas aux prestataires
que, s'ils ne se déclarent pas disponibles, ils verront leur prestation
diminuer, alors que dans d'autres bureaux on leur dit: Écoutez, il faut
vous déclarer disponibles et vous allez être participants s'il y a
des mesures. S'il n'y a pas de mesure, vous serez disponibles. Vous ne subirez
pas de réduction ou elle sera à peu près nulle. Au moment
où on se parle, ce qu'on constate, c'est qu'il y a une diversité
dans la manière d'expliquer les choses, mais je ne peux pas vous en dire
plus. On a commencé à regarder ça cette semaine.
Mme Harel: M. le Président, j'en conclus que je peux vous
faire parvenir, vous transmettre aujourd'hui même, en fait, pour les fins
de cette enquête que vous poursuivez, ainsi qu'aux membres de la
commission, ces deux directives écrites, une sur la façon de
cumuler des critères qui ne se retrouvent pas dans la loi, ainsi qu'une
autre qui est très récente, du 2 avril dernier, à l'effet
d'attendre une révision du Conseil du trésor pour attribuer
quelque mode d'activité aux programmes du ministère. Très
bien.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Mille-Îles.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. D'abord,
bienvenue au Protecteur du citoyen. Je me rappelle des souvenirs qui datent de
nombreuses
années: d'excellents souvenirs, soit dit en passant.
M. le Président, j'aimerais aborder une première question.
J'ai lu dans le texte de présentation qu'il y a une sorte d'assurance
qui vous a été donnée que maintenant, à chaque
année, la commission des institutions va vous entendre. Les premiers
volets de ma première intervention vont se limiter à poser des
questions, parce que je pense qu'on est ici aujourd'hui pour poser des
questions et essayer de dégager des lignes d'orientation du mandat qu'on
doit exercer en vertu de la Loi sur l'Assemblée nationale. De qui avez
vous obtenu cette assurance, M. le Protecteur du citoyen?
M. Jacoby: Voici la petite histoire. C'est que depuis 1985 il y a
un règlement, qui a été adopté par
l'Assemblée nationale, qui dit qu'annuellement le Vérificateur
général, le Directeur général des élections
et le Protecteur du citoyen doivent être entendus par la commission de
l'Assemblée nationale. Dans les faits, ça ne s'est jamais
concrétisé, parce que, me dit-on, et je pense que c'est ça
la raison, c'est très difficile de réunir cette
commission-là; il y a beaucoup de problèmes pratiques. Alors,
effectivement, l'Assemblée nationale n'a pas observé son propre
règlement.
Alors, l'année dernière - ça a commencé un
peu avant - j'ai demandé au président de l'Assemblée
nationale que le règlement soit respecté d'une manière ou
d'une autre et, finalement, à cause de l'impraticabilité de faire
siéger la commission comme telle, la Direction de l'Assemblée
nationale, de concert avec les formations politiques, a accepté, de
facto, que le Protecteur du citoyen soit entendu par la commission des
institutions, mais par délégation de la commission de
l'Assemblée nationale, ce que j'ai compris. Cette année, si j'ai
bien compris également, c'est que là ça a
été clarifié, puis ça a été
approuvé par l'Assemblée nationale et cette obligation d'entendre
le Protecteur du citoyen une fois annuellement a été
déléguée à la commission des institutions comme
telle par l'Assemblée nationale.
M. Bélisle: Vous avez très bien compris, je pense.
Ma question est toute simple: Ne seriez-vous pas plus à l'aise avec une
modification dans le texte de la loi ajoutant, après l'article 1 de la
Loi sur le Protecteur du citoyen, une obligation statutaire et légale
obligeant la commission des institutions, qui est
déléguée, bien entendu, par l'Assemblée nationale
et non par la commission de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire
par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale,
à vous recevoir et à étudier avec vous, chaque
année, votre rapport annuel?
M. Jacoby: Vous savez, je pense qu'à partir du moment
où, d'une part, j'ai constaté que. pendant des années, on
n'a pas respecté le règlement, que par ailleurs, maintenant,
ça s'est fait par délégation et tout ça, et que les
délégations peuvent être enlevées, il est certain
que des dispositions législatives qui assureraient à
l'institution de pouvoir se présenter devant la commission d'une
manière annuelle, ça nous satisferait beaucoup.
Concentration des plaintes dans trois
ministères
M. Bélisle: D'accord. Deuxième question, M. le
Protecteur du citoyen. Quand je regarde l'ensemble des plaintes que vous avez
eues, tout près de 22 000, 21 970, au cours de l'année 1988-1989,
il semble que, dans 31 % des cas, une intervention a été
justifiée auprès de 63 ministères et organismes. Il semble
qu'il y en ait à peu près 58 % qui touchent à trois
ministères différents: Commission de la santé et de la
sécurité du travail, 24,5 %; ministère de la Main-d'oeuvre
et de la Sécurité du revenu, 19,8 %, Régie de l'assurance
automobile du Québec, 13,6 %. Ça fait un total d'à peu
près 60 %. Trois plaintes sur cinq touchent à ces trois
ministères.
Il y a un paquet de questions qui se posent relativement à ces
pourcentages qui sont donnés, où on manque d'information.
D'abord, le solde des 69 % qui ont eu des interventions, mais qui n'ont pas
été fructueuses traite de quel niveau d'interventions, de quelle
nature de problèmes? Est-ce que ce sont des problèmes qui sont
toujours les mêmes, des problèmes récurrents, des
problèmes de fond, des problèmes de forme relativement aux
mêmes ministères? Est-ce qu'il y a des tables d'analyse, de
réflexion qui sont faites entre vous, le Protecteur du citoyen, au moins
annuellement, et ces ministères, pas seulement pour créer des
bureaux de plaintes, comme vous le suggérez et comme vous l'avez dit si
bien dans votre rapport? Bravo pour le ministère du Revenu, depuis le
mois de mars 1989, c'est fantastique! Vous le notez, si j'ai bien lu, dans
votre document à la page 27: "Donc, bien que nouvellement en fonction,
le Bureau des plaintes du ministère du Revenu et son responsable en
particulier nous ont impressionnés par leur façon d'aborder les
problèmes et leurs premiers efforts pour apporter une solution." Et vous
continuez: Par la suite, il y a 14 autres ministères et organismes qui,
depuis ce temps, se sont dotés de tels bureaux de plaintes.
Alors, ma question. C'est sûr qu'U y a des bureaux de plaintes;
ils suivent vos recommandations, il semble y avoir un début de
collaboration entre les ministères et vous, possiblement,
peut-être, espérons-le avec le temps, pour amenuiser, diminuer le
fardeau des plaintes que vous avez. C'est ce qu'on souhaite. Il ne faut pas le
dire à tout le monde ici, mais je pense que c'est ça: on souhaite
un niveau de plaintes zéro, mais on ne l'atteindra jamais. Ce que
j'aimerais savoir,
c'est: Est-ce qu'il y a un début sérieux concernant ces 60
% de problèmes là? On les identifie très clairement par
rapport à trois ministères et on s'assoit
systématiquement, vous le Protecteur du citoyen, les gens qui
comprennent, qui reçoivent les plaintes avec les gens des
ministères qui vivent les plaintes de l'autre côté pour
essayer de comprendre la nature des problèmes et, possiblement, par la
suite, s'il y a lieu - ce qui n'est pas dans votre domaine - modifier les
législations concernées. Avez-vous commencé ce type de
travail?
M. Jacoby: En fait, ça se fait d'une manière
régulière sauf que, si je prends les trois secteurs
mentionnés, d'une part, s'il y a autant de plaintes, je pense qu'une des
raisons, entre autres - je dis que c'est une des raisons - c'est que ce sont
des secteurs où il se prend des centaines de milliers de
décisions par année. Dans certains cas, comme à l'aide
sociale, il se prend plus de 3 000 000 de décisions par année
parce qu'on revient souvent sur le même dossier. À la CSST, ce
sont des centaines de milliers, ainsi de suite.
Maintenant, la collaboration ou la concertation avec ces
ministères. Lorsque nous avons un dossier, évidemment, quand il
s'agit d'une simple erreur de fonctionnaire, il n'y a pas de problème.
On corrige et il n'y a aucun problème. Mais on se bute,
évidemment, à des normes qui sont élaborées par des
organismes non budgétaires et qui ont plus d'indépendance que
tout organisme au gouvernement. Un organisme non budgétaire qui se
finance à même d'autres sources que le fonds consolidé du
revenu n'a pas les mêmes contraintes au gouvernement. Il est beaucoup
plus indépendant. (12 h 30)
II est évident que, dans la culture de ces organismes non
budgétaires, comme la CSST, même lorsque le Protecteur du citoyen
intervient pour faire changer des directives, des politiques, on a comme de la
résistance. Quand je dis que nos recommandations sont suivies dans 99, 4
% des cas, le 0, 6% qui manque, c'est généralement avec des
organismes de ce genre-là qui nous traînent pendant des mois, pour
ne pas dire des années, sur des dossiers fondamentaux, d'autant plus
qu'il faut voir que la structure, par exemple, de la CSST, c'est une structure
assez spéciale. C'est une structure avec une direction
supérieure, un conseil d'administration paritaire. Et, en plus, ce qu'on
a pu découvrir, c'est qu'on tourne comme un chien après sa queue,
très souvent, comme un chien autour d'un poteau parce que, avec toutes
les réorganisations administratives qui ont eu lieu ces dernières
années à la CSST, on crée des bureaux régionaux, on
abolit des bureaux régionaux, on crée de nouveaux réseaux,
on abolit des réseaux, le personnel se promène là-dedans,
chacun est dans une nouvelle responsabilité et, d'une fois à
l'autre, à cause de toutes ces raisons administratives, on a des
dossiers systémiques qui traînent. Alors, on s'assoit avec la CSST
et on discute avec la CSST sauf que ce qu'on réalise, c'est que, sur
certains types de dossiers, il y a des murs qui sont infranchissables.
L'année dernière, il faut dire que la direction avait
laissé voir une certaine ouverture d'esprit et ça allait
relativement bien. Là, un nouveau président a été
nommé, il faut lui laisser le temps un peu de regarder ce qu'il a dans
son jardin. J'ai l'intention de reprendre très activement le. dialogue
et la concertation avec la CSST parce que je considère que la CSST,
comme structure gouvernementale, est un des organismes les plus
hermétiques qui soit, pour une foule de raisons.
Je peux vous dire une chose: Ce n'est pas l'habitude des
ministères et des organismes de nous consulter avant d'adopter une
directive ou une politique. C'est exceptionnel, ça commence un peu. Vu
qu'on a ouvert, il y en a qui le font maintenant. Mais, d'une manière
générale, on ne nous consulte pas quand il s'agit d'adopter une
directive ou une politique; on consulte son service juridique. Le service
juridique, c'est limité parce que ça regarde le droit, seulement
la règle de droit et non pas la "raisonnabilité".
À l'inverse, il arrive très souvent que, en cours
d'enquête, on se rend compte qu'on modifie une directive et que, si cette
directive a été modifiée, c'est parce qu'on était
là, mais on ne nous a jamais dit que c'est parce qu'on était
là. Alors, la collaboration, même si, dans l'ensemble, elle est
bonne à l'échelle de l'administration, disons que c'est plus
difficile dans certains secteurs.
M. Bélisle: Est-ce que j'ai encore un peu de temps, M. le
Président?
Le Président (M. Dauphin): Une autre question, M. le
député.
M. Bélisle: C'est parce que, quand je prends le total du
nombre de demandes qui vous sont faites, vu que vous dites que, dans 31 % des
cas, il y a eu des interventions justifiées, si je fais un pourcentage
rapide, je me dis: C'est 6600 cas, à peu près, grosso modo. Je
prends le pourcentage, 60 % des 6600 qui sont reliés à trois
domaines spécifiques et je vois que la masse importante de votre travail
est toujours aux trois mêmes endroits. Vous m'avez répondu en
disant que, l'année passée, vous avez rencontré le
président de la CSST. Je comprends, à travers ce que vous ne nous
dites pas ou ce que vous n'êtes pas prêt à dire, que
ça ne se fait pas d'une façon très régulière
et suivie. Il n'y a pas de suivi systématique qui se fait pour 60 % du
fardeau du Protecteur du citoyen lorsque vous êtes obligé de faire
une intervention qui s'avère justifiée et où vous
réussissez. Je me demande
s'il n'y a pas plus d'efforts à mettre essentiellement dans ces
endroits-là où il faudrait corriger, à la base, ce
problème-là. Je comprends qu'il y a 3 000 000 de décisions
administratives, il y en a peut-être plus que ça, mais je me
demande si ce n'est pas dans la façon d'attaquer le problème.
M. Jacoby: Je ne pense pas que ce soit dans la façon
d'attaquer le problème. D'abord, les 30 %, je pense que...
Entendons-nous bien. Il y a deux choses. Sur l'ensemble des plaintes que nous
recevons et sur lesquelles nous avons juridiction, on constate en bout de
ligne, bon an mal an, que 30 % des plaintes sont justifiées en ce sens
qu'elles s'avèrent fondées, le citoyen avait raison de se
plaindre. Ça veut dire qu'il y a 70 % des plaintes, bon an, mal an, la
moyenne par secteur, qui ne sont pas justifiées, en ce sens que nous
avons considéré que le citoyen n'avait pas été
victime d'une erreur ou d'une injustice. Ça, c'est une chose, les fameux
30 %. Mais, dans les 30 % de plaintes fondées, donc, nous intervenons,
nous demandons une correction et nous obtenons un taux de solution de 99 %. il
reste 0,6 % sur lequel on n'a pas de solution. C'est par rapport à
certains organismes et à certains problèmes
systémiques.
Vous savez, dans nos façons de travailler, on travaille à
tous les niveaux de la hiérarchie. La manière dont on fonctionne
chez nous, c'est à peu près comme ça. Si on reçoit
une plainte d'un travailleur accidenté qui n'est pas satisfait soit du
délai que ça prend pour régler son dossier ou pour
d'autres raisons, ou encore d'un employeur qui se plaint d'avoir
été trop cotisé par la CSST, la première chose que
l'on fait, le dossier est confié à l'un ou à l'une de mes
délégués qui a les pouvoirs délégués
du Protecteur du citoyen. Dans un premier temps, on prend connaissance du
dossier de l'individu. On a accès au dossier de l'individu et si,
à la lecture même du dossier, on trouve un problème, on
demande la correction au chef de service ou à un responsable d'un
certain niveau. Il se peut très bien que la lecture du dossier de
l'accidenté ne nous permette pas de trouver le problème.
Là, on va interroger les fonctionnaires. On peut arriver dans des
situations où on découvre que le problème, ce n'est pas la
décision que le fonctionnaire a prise à la CSST, mais c'est la
norme qu'il applique. Alors, là, ça devient plus compliqué
parce que vous savez, dans les structures pyramidales, suivant le principe de
Taylor de l'autorité pyramidale, il y a des niveaux de hiérarchie
extraordinaires. Dans certains réseaux, on a jusqu'à 10 et 12
paliers de hiérarchie. À la CSST, on en a au moins 6 ou 7. Alors,
vous vous adressez au chef de service: Votre directive ne tient pas debout ou
encore: Apportez une dérogation, dérogez à la directive.
Je ne peux pas faire ça. On va voir le directeur; on monte au directeur
général; on remonte au vice-président et ainsi de
suite.
D'une manière générale, quand il s'agit de faire
changer une politique que l'organisme a lui-même adoptée... Donc,
tous ces gens qui sont dans les opérations ont fait adopter une
règle pour leur commodité et pour l'application de la loi;
demandez-leur après de venir la changer quand ça fait six mois.
Ils y ont pensé pendant six mois de temps. Ils l'ont écrite
pendant deux mois de temps. Ils l'ont testée ici et, après
ça, on leur dit: Ce n'est pas bon, ça. Alors, dans une culture
d'une administration et particulière ment dans les organismes qui sont
plus autono mes que d'autres, vous pouvez imaginer tout le travail et la
patience que ça peut prendre pour aller convaincre ces gens-là
qu'il faut changer des choses et très souvent, en plus, dans certains
organismes où if y a un conseil d'administration, il faut l'approbation
du conseil d'administration. Alors, vous pouvez imaginer ces administrateurs
retourner devant le conseil d'administration, six mois plus tard, pour dire: Ce
qu'on vous a fait approuver il y a six mois, ce n'est pas bon.
Alors, il y a toute une culture, mais on est terriblement patients, M.
le député. Même je dis que mes collaborateurs et
collaboratrices font preuve d'une patience exemplaire dans certains cas. On est
terriblement patients; on donne la chance au joueur. Mais, des fois, il arrive
qu'avec certains organismes ou ministères donner la chance au joueur,
ça frise pratiquement la mauvaise foi de ces administrations. Je suis
convaincu qu'il y a des organismes qui pratiquent la mauvaise foi, que ce soit
parce que le Protecteur du citoyen intervient et demande des changements, que
ce soit parce qu'un politicien intervient et demande des changements. C'est
exceptionnel que la mauvaise foi se produise, mais elle existe. Mais on fait
preuve d'une maudite bonne patience! Pendant ce temps-là, il y a des
dossiers qui ne se règlent pas. Moi, j'ai l'intention,
éventuellement, de recourir davantage au ministre responsable de ces
organismes-là comme de recourir davantage aux médias pour
dénoncer sur la place publique des situations absolument
injustifiées et pour lesquelles l'administration prend trop de temps
à vouloir changer les choses.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. M. le
députe de Rouyn-Noranda-Témis-camingue et vice-président
de la commission.
M. Trudel: Merci, M. le Président. On se rend bien compte,
à la lecture du document que vous avez déposé, ce matin,
en vue d'examiner votre mandat et vos activités... J'espère que
ce ne sera pas aussi long qu'à la commission des affaires sociales, mais
j'ai comme l'impression qu'on ne réglera pas tout ça dans une
journée, parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de choses. Vous nous centrez
bien, là, par rapport à vos fonctions et à vos
responsabilités, l'espèce de
débat de la protection, puis de l'exercice des droits pour les
citoyens. Quand on vous voit énumérer, décrire votre
travail, en particulier, au cours de la dernière année, c'est
vrai, effectivement, on revoit, on voit défiler devant nous ce qui se
passe dans un bureau de comté ou encore ici, à l'Assemblée
nationale, et on se dit qu'on est un peu tout ça.
Et, moi, la première réflexion qui me vient en vous
écoutant, c'est qu'il me semble, comme trame du rapport de vos
activités et de vos commentaires, que vous semblez manquer
essentiellement de liberté et de moyens pour agir. Je voudrais bien que
ça aille au-delà de la bonne volonté manifestée.
Vous n'avez pas l'air tout à fait à l'aise - je parle de la
fonction, là - dans le cadre qui vous est fait au sein de la grande
administration publique. Et c'est important, ce que vous nous rappelez tout de
suite à la cinquième page de votre rapport, pour faire un point
d'ancrage. C'est une citation très large, mais vous vous
référez à ce jugement Cour suprême et Protecteur du
citoyen, en Colombie-Britannique, où le juge concluait que "les pouvoirs
que possède l'ombudsman lui permettent d'aborder les problèmes
administratifs que les pouvoirs judiciaire, législatif et
exécutif ne peuvent résoudre efficacement". Si on part de tout
ça, je pense qu'on va faire un grand examen de ce que vous faites, de ce
que vous pourriez faire, de ce que vous souhaitez faire, de ce qu'on
souhaiterait que vous puissiez exercer comme mandat et je pense que ça
peut nous mener assez loin.
Place du citoyen dans l'appareil
gouvernemental
Le mandat qui vous est dévolu formellement par la loi
adoptée en 1968, il regarde essentiellement - il faudrait que je le
trouve, là - le citoyen qui est lésé par l'appareil. Ce
n'est pas comme ça que c'est écrit juridiquement, mais c'est
ça que ça veut dire. Ce que vous nous dites ce matin, et avec les
questions qui viennent de vous être posées, c'est qu'il y a
également ce que j'appellerais un autre type de lésions, entre
guillemets, qui se produit de plus en plus par l'appareil bureaucratique; on
pourrait appeler ça les effets de système. Autant on a mis
d'efforts dans le système de l'administration publique et des sous du
public, par la nomination et la constitution d'un bureau du vérificateur
financier, autant je pense qu'on procède très peu, sinon pas du
tout, à ce que les Américains appellent le "loaded management";
en français, je pense qu'on a traduit ça par "la
vérification intégrale" ou quelque chose du genre... Une voix:
Intégrée.
M. Trudel:... intégrée. Est-ce qu'il ne serait pas
souhaitable que l'on puisse - parce qu'on se le donnerait par volonté du
législateur - constituer, mais très clairement, dans la loi, une
partie de votre mandat qui devrait s'intéresser non seulement aux
problèmes que l'on rencontre, mais aussi aux pratiques de système
et aux effets qu'elles ont sur la vie des citoyens, et qu'il y ait quelqu'un,
au-dessus de l'instance suprême qui s'appelle l'Assemblée
nationale - et, uniquement pour donner une image, qui ferait comme le
Vérificateur général des comptes - qui ferait en quelque
sorte le diagnostic de la place du citoyen dans l'appareil gouvernemental et,
dans les systèmes énormes, tels qu'ils sont constitués
actuellement, de ce qu'on en fait, du citoyen. Prendre la perspective du
citoyen pour examiner ce que sont les pratiques, ce que sont les
contradictions, là où sont les difficultés, de
façon à inviter les membres de l'Assemblée nationale, les
grands intervenants autour de ces questions-là, à, annuellement,
avoir une espèce de brique de références sur des pratiques
à rectifier. À cet égard-là - et je vous prierais
de ne pas me parler de moyens parce qu'on va y revenir - est-ce que ce ne
serait pas souhaitable et quel devrait être, si c'est le cas, ce mandat,
et comment l'exerceriez-vous, pensez-vous, dans cette problématique de
l'envahissement de la bureaucratie dans la vie des citoyens?
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Me Jacoby.
M. Jacoby: La loi prévoit déjà, avec des
modifications qui ont été apportées en 1987, que nous
pouvons faire des interventions de nature systémique et nous en faisons,
sauf qu'on ne les fait pas de matière systématique. On ne parlera
pas de moyens, mais c'est d'abord un problème de moyens. On en fait et
ça prend beaucoup de temps, beaucoup d'analyses, beaucoup de recherches
et c'est très complexe. Par exemple - et je vais vous donner un exemple
sur lequel on va sortir bientôt - on a beaucoup de plaintes de citoyens,
disant: L'administration s'est trompée dans le versement de prestations.
Elle s'est trompée. On a trop payé, que ce soit la Régie
des rentes qui a trop payé ou il y a une erreur qui a été
commise par la CARRA, l'aide sociale, la CSST et la RAAQ, et j'en passe, et
j'en passe. Il y a des gens qui se plaignent parce qu'ils trouvent que le
ministère, quand il vient pour recouvrer le montant dû, charrie un
peu, en demande trop ou en disant: C'est la faute de l'administration et ainsi
de suite. (12 h 45)
Alors, ce qu'on est en train de découvrir, c'est qu'il n'y a pas,
dans l'appareil gouvernemental, deux régimes de recouvrement qui soient
semblables. Alors, le citoyen, un jour, a un problème avec la
Régie des rentes, n'est-ce pas, qui s'est trompée; la
Régie des rentes maintenant, elle revient pour quatre ans en
arrière, elle balaie le reste, mais là, elle va
chercher 50 % sur la rente pour personnes âgées. Clang! On
arrive à l'aide sociale; si c'est une erreur administrative, il n'y a
pas de recours. Il n'y a pas très longtemps, au ministère des
Transports, on réclamait des dommages de plusieurs milliers de dollars
après 12 ans, en vertu du principe qu'on ne prescrit pas contre la
couronne.
Ce qu'on découvre, c'est que les citoyens ne sont pas
traités également par l'administration gouvernementale quand il
s'agit de rembourser des dettes, avec des effets dévastateurs. Par
exemple, si, pendant plusieurs années, la Régie des rentes a
versé a un retraité une somme d'argent et qu'on découvre
plus tard que c'était trop, qu'il y avait eu une erreur, bon, on efface
au-delà de quatre ans, mais, pendant ce temps-là, parce que la
personne a eu un montant x de la Régie des rentes, elle n'a pas
touché le supplément du revenu garanti d'Ottawa. Et alors, quand
on réclame le remboursement, Ottawa ne paie pas rétroactivement
le montant du supplément garanti. On crée des injustices
absolument épouvantables et on retrouve ça dans tous les
secteurs.
Alors, moi, je me suis dit et nous nous sommes dit: Ça n'a pas de
maudit bon sens. Il va falloir qu'on propose au gouvernement d'adopter des
politiques de recouvrement qui soient uniformes ou relativement uniformes et
qui tiennent compte du fait que, dans certains cas, c'est l'erreur de
l'administration, qui tiennent compte aussi de la capacité de payer de
la personne et ainsi de suite. Alors, ça, M. le député,
c'est un exemple de dossiers systémiques, mais ça demande des
recherches, des études, beaucoup, beaucoup de temps, beaucoup de
ressources.
M. Trudel: Est-ce que...
Le Président (M. Dauphin): Dernière question, M. le
député. Allez-y.
M. Trudel: J'ai compris tantôt que vous aviez dit: Quant au
rôle des médias comme instrument, je me retiens souvent pour ne
pas utiliser la partie médias. Si c'est ça, vous vous retenez
pourquoi?
M. Jacoby: Bien voilà! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: C'est un des recours qui sont prévus dans la
loi. On a différents recours. Si, par exemple, un ministère ne
suit pas notre recommandation, on peut en appeler au Conseil des ministres, on
peut déposer un rapport spécial à l'Assemblée
nationale, on peut recourir aux médias même pendant une
enquête. Pourquoi on ne recourt pas aux médias? Parce que moi, je
me dis que c'est l'outil ultime, en prin- cipe. Je pense que je vais recourir
aux médias lorsque j'aurai épuisé tous les moyens, dans la
mesure où ça ne devient pas déraisonnable dans le temps
d'attendre que tous les moyens soient épuisés.
Par ailleurs, ça nous met, je dois le dire, dans une position
terriblement délicate. On ne se le cachera pas là. Qui
détermine le budget et les effectifs du Protecteur du citoyen? Qui? Je
négocie avec des fonctionnaires du Conseil du trésor. Je n'ai
aucun ministre qui me représente. El, même si un ministre; me
représentait, il pourrait être en conflit d'intérêts
ou nous pourrions l'être. O. K. Quand je demande des ressources pour
mieux excercer mon mandat et qu'en même temps - j'y pense à deux
fois - je pense à sortir sur la place publique, on est dans une
situation de conflit d'intérêts total. Ce n'est pas
compliqué. Et je pourrai dans les prochains mois vous donner des
exemples précis de ça. C'est une des vérités. Mais
il y a aussi le fait que c'est un recours qu'on ne va utiliser qu'avec beaucoup
de parcimonie.
Le Président (M. Dauphin): Parce qu'il reste dix minutes
et il y a deux autres parlementaires qui m'ont demandé la parole. Dix
secondes, allez-y, M. le député.
M. Trudel: Dix secondes. Pendant nos travaux ici, on va
très certainement revenir là-dessus parce que vous touchez
l'essentiel de vos fonctions en termes de protection. Et je comprends
très bien le dilemme et ça fait plusieurs années que vous
le dites. Mais là, il faut que cette commission unanimement affirme
à l'Assemblée nationale et réclame des modifications dans
le processus. Ça n'a aucun bon sens de mettre le Protecteur du citoyen
dans cette situation. Ça n'a aucun bon sens. Et il faut faire les
recommandations nécessaires pour rendre la situation acceptable. On va
revenir là-dessus. C'est trop important ce que vous nous dites
là, quant à moi.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Compte tenu de l'heure,
je ne ferai pas de commentaire pour le moment. Je vais poser deux questions
spécifiques. On sait qu'aujourd'hui on est ici - aujourd'hui et dans les
jours qui suivent si nécessaire - pour examiner les orientations du
Protecteur du citoyen. On remarque que, le 27 février, quand vous avez
comparu devant la commission de l'éducation, vous avez
présenté un mémoire justement et vous avez dit: C'est la
première fois depuis la création de l'institution du Protecteur
du citoyen, il y a 20 ans, que le Protecteur du citoyen se présente en
commission parlementaire pour faire des commentaires sur un projet de loi.
Intervention sur des projets de loi
Moi, je me demande: Est-ce une des nouvelles orientations que vous allez
prendre - dans le cas présent, c'était concernant l'aide
financière aux étudiants - dans l'avenir, justement, de vous
présenter devant des commissions parlementaires et est-ce que ça
vient de vous autres? Est-ce une demande des ministères ou est-ce une
invitation que vous recevez? Est-ce une initiative de votre part,
c'est-à-dire une nouvelle orientation en général que vous
allez prendre pour intervenir justement dans des projets de loi semblables?
Le Président (M. Dauphin): M. Jacoby.
M. Jacoby: Alors, sur cette question, M. le député,
d'abord, je dois vous dire que les ministères ne me consultent
généralement pas quand ils préparent des projets de loi.
Alors, vous pouvez bien vous imaginer qu'ils ne nous invitent pas à
aller en commission parlementaire quand on en discute. C'est une initiative que
nous avons prise parce que je pense que le rôle du Protecteur du citoyen
est aussi un rôle de prévention. Si, à la lecture d'un
projet de loi, compte tenu de l'expérience ou de l'expertise qu'on a, on
réalise que telle disposition peut être source d'injustice ou
avoir trop d'ambiguïté, ainsi de suite, on va expliquer aux
parlementaires qu'il y aurait peut être lieu d'amender, d'apporter des
amendements au projet de loi. C'est nouveau. C'est une initiative, une nouvelle
orientation que nous avons prise. Et on va le faire avec les moyens du bord. On
a l'intention également de le faire davantage sur les projets de
règlement. Par ailleurs, je peux vous dire une chose, c'est que,
parallèlement à cette nouvelle initiative, nous avons aussi
développé depuis quelque temps l'habitude d'envoyer aussi des
commentaires sur certaines dispositions de projets de loi ou de projets de
règlement au ministre responsable, sans que ça aille
nécessairement sur la place publique ou qu'on le fasse dans le cadre
d'une commission parlementaire. Puis, vous savez, il arrive fréquemment
que les projets de loi soient modifiés de par nos interventions. Alors,
finalement, je pense que le Protecteur du citoyen, comme outil de
l'Assemblée nationale, peut être 1res utile on vue de faire des
analyses systématiques de projets de loi et de projets de
règlement, pour faire de la prévention pour l'avenir.
M. Kehoe: Je lis les coupures de journaux que vous avez fournies
ce matin et je vois qu'il y a un manque de personnel. Vous n'avez pas les
ressources nécessaires pour traiter les cas qui vous sont soumis,
là. Il y en a tellement, cette année, vous en avez fait
l'inventaire, tantôt. J'imagine que préparer des mémoires,
là, lire la législation, et s'impliquer dans ces
dossiers-là, ça doit prendre énormément de temps de
votre personnel, la préparation de ces affaires-là. C'est
ça que je demande justement: Est-ce une nouvelle orientation? Est ce que
ça va prendre des spécialistes, du nouveau personnel? De quelle
façon entendez-vous procéder dans ça?
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: Merci. Non, écoutez, prenons l'aide
financière aux étudiants, le projet de loi qui a
été déposé sur l'aide financière aux
étudiants. J'ai des délégués, des collaborateurs
qui sont affectés à tous les dossiers de plaintes émanant
d'étudiants qui se plaignent du ministère de l'Enseignement
supérieur au niveau de l'octroi de bourses ou de l'octroi de
prêts. J'ai déjà les spécialistes en place. Ce qui
est plus complexe, ce qui demande plus de temps, là, c'est de regarder
ça dans un ensemble. Et même on a pris position sur des choses sur
lesquelles on n'avait pas eu de plaintes, mais où on pensait qu'il y
aurait peut-être des problèmes. Mais ça ne demandera pas
plus de spécialistes. Sauf que, pendant qu'on fait ça, là,
pendant qu'on fait du "brainstorming" sur un projet de loi, bien les plaintes,
elles, s'entassent pour quelques jours, quelques semaines, c'est sûr.
M. Kehoe: Dans un autre ordre d'idées, une dernière
question, M. le Président. Tantôt, le député d'Anjou
et d'autres députés ont parlé des cas de comtés que
vous avons à traiter, comme députés. Vous savez, souvent
les gens viennent nous voir en dernier ressort. Ils ont essayé tous les
autres moyens, tous les autres endroits et la référence est
toujours, lorsqu'il n'y a pas d'autre chose à faire: Allez voir votre
député, il va arranger tout ça, changer tout le monde et
tout le reste. Moi je me demande: En autant que vous, le Protecteur du citoyen,
êtes concerné, là, quand il vient nous voir, là, la
complémentarité ou le fait de travailler ensemble avec vous
autres, là, avec le Protecteur du citoyen, de quelle façon
fait-on cela? Mettons que nous autres, on tente par tous les moyens de
régler le problème et ça ne se règle pas pour des
raisons que j'ignore, surtout quand on est député du
côté ministériel, si on ne peut par régler cette
cause là nous-mêmes, là, est-ce que vous avez des moyens,
qu'on n'a pas, que vous, le Protecteur du citoyen, vous pouvez prendre pour
tenter de régler un problème à ce moment-là?
M. Jacoby: Nous avons certains moyens que vous n'avez pas. Par
exemple, vous pouvez avoir un problème. Un citoyen se plaint, va vous
voir et puis vous dit: Oui, mais on ne m'a pas rendu tel service, tel avantage
ou ainsi de suite. On m'a privé de ci ou de ça. Bon. Là,
vous vérifiez avec le ministère, le bureau du ministre
concerné, des vérifications sont faites dans l'administration et
on vous répond: C'est conforme à
la loi. O.K. Ce que nous faisons, nous, c'est qu'on va plus loin que
ça. On peut arriver à la conclusion que l'interprétation
que fait l'administration de sa loi, ou du règlement, ou de sa propre
directive, est déraisonnable, qu'eHe est abusive, qu'elle va contre la
charte. Nous avons les moyens de faire ça, ce qui fait qu'on peut
régler ce type de dossiers là.
Ou encore, vous savez, il ne faut pas se le cacher, dans la vraie vie de
tous les jours, lorsque les fonctionnaires sont sollicités par rapport
à une demande qui émane d'en haut de ta structure, 9 se peut
très bien qu'il y ait une certaine réticence naturelle qui soit
là et que, finalement, en toute bonne foi, toutes les informations ne
paraissent pas, parce que, en plus, il y a des dossiers qui sont divisés
entre différentes unités, et ainsi de suite. Alors, des fois, la
réponse qu'on peut vous donner, comme député, elle peut
être, je dirais, brève. Nous avons les moyens, au niveau de nos
pouvoirs d'enquête, d'aller chercher tous les éléments du
"puzzle". Enfin, il y a des choses qu'on peut faire et, dans ce sens-là,
on peut avoir un rôle très complémentaire. C'est
sûr.
M. Kehoe: Mais, concrètement, quand on a un cas de
comté comme ça, est-ce qu'on devrait le référer au
Protecteur du citoyen, prendre les moyens et, si ça ne marche pas,
après ça, le référer à vous? Je veux
dire...
M. Jacoby: Écoutez...
M. Kehoe: ...c'est dans l'actualité, souvent, que
ça arrive comme ça. On a un rôle à jouer et il faut
absolument qu'on le joue, mais si on réfère immédiatement
le citoyen au Protecteur du citoyen, je me demande comment vivre avec tout
ça.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Nous allons terminer notre avant-midi avec le
député de Westmount. Me Jacoby, juste avant.
M. Holden: Vous ne me donnez pas grand temps, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Non, on terminera à 13 h
10, on va vous laisser vos dix minutes.
M. Holden: C'est que...
Le Président (M. Dauphin): Juste un instant, Me
Jacoby...
M. Holden: Ah, oui! Vous avez une réponse.
Le Président (M. Dauphin): ...a sa réponse. Ensuite
de ça, on vous donnera la parole, M. le député.
M. Jacoby: M. le député, il y a une chose qui est
claire pour moi: le parlementaire, c'est aussi un ombudsman à sa
façon et dans le cadre de protéger les intérêts de
ses commettants. Je pense qu'il est tout à fait normal que le
député lui-même commence par tenter de régler la
situation. C'est le jeu de la démocratie. Cependant, si, après
coup, il arrivait que vous ayez essuyé un non de la part du
ministère ou de l'organisme concerné et qu'il subsiste des doutes
dans votre esprit, vous pouvez certainement dire au commettant: Allez voir le
Protecteur du citoyen SU y a des bouts du dossier qui n'ont pas
été vus comme il faut par I administration et ainsi de suite, en
tout cas, vous pouvez certainement nous envoyer... Je peux vous dire qu'il y a
des membres de la deputation qui nous transmettent régulièrement
des dossiers, comme il arrive également que de nombreux avocats du
privé, quand ça déborde le cadre de l'application de la
loi, nous envoient des dossiers de leurs clients.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Me Jacoby. M. le
député de Westmount, tout en vous signalant que nous allons
terminer nos travaux à 13 h 10.
Juridiction sur le réseau de la santé et
des affaires sociales
M. Holden: Oui. M. Jacoby doit avoir faim. Votre bureau est
tellement plus grand maintenant, M Jacoby; dans le temps de M. Marceau, moi
j'étais seul, à Montréal, avec une secrétaire,
pendant un an. Mais, justement, avec le député de Rouyn
Noranda-Témiscamingue, on vient de la commission dos affaires sociales
où lui. M. le député de Rouyn
Noranda-Témiscamingue, et son leader parlementaire, dans leurs
déclarations de fermeture à cette commission, où vous avez
fait une intervention, ont dit: "L'abondance des plaintes, mais surtout
l'importance des recours souples et efficaces, et non judiciaires, exigent la
création de mécanismes locaux et régionaux de protection,
de même que l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen au
réseau". Je n'ai pas compris si ça voulait dire... C'est le
Protecteur du citoyen, ce n'est pas uniquement un protecteur du citoyen
local?
M. Trudel: Au moins en dernière instance.
M. Holden: Et j'ai compris que vous aviez beaucoup de plaintes du
côté de la santé sur lesquelles vous ne pouviez pas faire
enquête, mais je n'ai pas compris si vous demandez à la commission
d'étendre votre juridiction. Est-ce que vous voulez l'avoir? Parce que
vous allez en avoir en masse, si vous acceptez de la prendre, mais est-ce que,
effectivement, vous la voulez, cette juridiction-là?
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: Effectivement, vous savez, depuis que je suis
là, moi, j'ai découvert qu'il y avait plus de problèmes
dans le réseau de la santé et des services sociaux en termes
d'exercice et de protection des droits, et, depuis mon premier rapport annuel,
je dis: II faut que le gouvernement crée un mécanisme de recours
externe pour le réseau. Effectivement, lorsque j'ai comparu devant la
commission parlementaire, il y a quelques semaines, j'ai insisté sur le
fait qu'il devait y avoir un mécanisme de recours externe de
troisième ou de dernier niveau et j'ai offert également aux
autorités que le Protecteur du citoyen puisse assumer cette
juridiction.
Maintenant, ce que je voudrais vous dire, cependant, c'est que c'est
vrai qu'on recevrait de nombreuses plaintes, mais, dans la mesure où le
Protecteur du citoyen, au niveau du réseau de la santé et des
services sociaux, serait le troisième niveau ou l'ultime recours, et
que, au niveau de chacun des établissements et au niveau des
régies régionales, il y aurait des mécanismes de recours,
moi, je pense qu'on ne serait pas inondés beaucoup, mais qu'on pourrait
faire beaucoup plus d'interventions de nature systémique, sauf les cas
d'urgence. Mais je pense que c'est une question d'aménagement un peu
administratif.
M. Holden: Dans la loi, pour étendre votre juridiction, ce
ne serait pas un gros amendement?
M. Jacoby: II faudrait modifier un article parce que notre
juridiction n'est basée strictement que sur la qualité de
fonctionnaire de l'employé qui travaille dans un ministère ou
organisme. Or, comme ce ne sont pas des fonctionnaires, il faudrait y aller
plus directement.
M. Holden: C'est l'article 11 qui...
M. Jacoby: Oui.
M. Holden:... vous gouverne.
Une voix: 14.
M. Holden: 14?
Une voix: Oui.
M. Jacoby: En référant, par exemple, à tous
les établissements qui sont visés par la Loi sur la santé
et les services sociaux, le gouvernement nous donnerait juridiction de cette
manière-là, indépendamment du statut de fonctionnaire.
M. Holden: Ça ne serait pas un peu long de passer par un
ombudsman à l'hôpital et, ensuite, un ombudsman régional
et, finalement, chez vous? Pensez-vous que...
M. Jacoby: Ça, ça va dépendre des
établissements locaux. Ces établissements locaux se limitent
à dire qu'ils doivent fournir des services de santé et des
services sociaux de qualité sans, par ailleurs, qu'on assortisse
à cette obligation - et c'est ce que j'ai proposé en commission
parlementaire - que ceci se fasse dans le respect des droits et que, par
ailleurs, on traite les gens avec diligence et avec les égards qui leur
sont dus. Si on fait ça au niveau local et qu'au niveau local il y a
cette responsabilité, la culture va changer à moyen terme, on
verra les choses différemment et on va faire en sorte que les droits ne
se perdent pas à ce niveau-là. Ça va prendre un certain
temps. Mais, moi, je crois que l'imputabilité doit commencer là,
au bon endroit, et non pas en Cour suprême ou ailleurs.
M. Holden: Oui Moi, je siège au Bureau de
l'Assemblée nationale. Finalement, ce que vous demandez, effectivement,
c'est que votre budget soit, comme le budget du Vérificateur
général, soumis au Bureau, n'est-ce-pas?
M. Jacoby: Oui.
M. Holden: Je peux vous dire que, pour ceux qui y ont
déjà siégé, ce n'est pas une étude à
tout finir. L'étude du budget du Vérificateur, ça a pris,
je pense, une demi-heure ou quelque chose du genre. Mais, là, vous
n'auriez pas ce problème de conflit avec le... Je trouve que c'est tout
à fait raisonnable, mais je ne sais pas. C'est parce que ce sont les
gens, en face, qui décident tout, ici. Ce n'est pas nous autres.
Alors...
Des voix: C'est le gouvernement qui décide.
M. Holden: Je suis d'accord avec vos points, avec ce que vous
avez soulevé, mais on va voir ce qu'eux décident. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci, M. le
député de Westmount. Donc, nous allons suspendre nos travaux
jusqu'à cet après-midi, après les affaires courantes,
c'est-à-dire la période des questions. Nous poursuivrons cet
échange et je me réserve, personnellement, quelques questions, Me
Jacoby, pour vous.
Dépôt de document
J'aimerais en profiter aussi pour que nous puissions déposer le
texte de Me Jacoby, sous la cote 1M, pour nos travaux. Nous vous souhaitons un
bon appétit et à cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 8) (Reprise à 16 h
20)
Le Président (M. Dauphin): La commission reprend ses
travaux et je vais reconnaître dès
maintenant Mme la députée de Tertebonne
Mme Caron: Merci, M. le Président. Dans un premier temps,
je tiens vraiment à vous remercier de l'exposé de ce matin et je
pense que le document que vous nous avez remis démontre très
clairement la nécessité du mandat du Protecteur du citoyen dans
cette grande bureaucratie que nous vivons dans tous les ministères et
les organismes découlant de ces ministères. Il est évident
que les citoyennes et citoyens éprouvent de nombreuses
difficultés. Il suffit de travailler dans un bureau de
député ou d'être député quelques mois pour le
comprendre, et très rapidement. Donc, votre travail est
extrêmement précieux.
Plaintes non fondées
Quand vous nous mentionniez qu'il y a environ 70 % des plaintes
reçues qui ne sont pas fondées, je trouve le pourcentage
extrêmement élevé et j'aimerais avoir quelques
précisions. Est-ce que c'est surtout parce que votre mandat n'est pas
suffisamment large ou tout simplement parce que les citoyens n'ont aucune
raison dans la plainte qu'ils formulent?
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: II y a deux éléments dans votre
question. Nous distinguons les plaintes recevables par rapport aux plaintes qui
ne sont pas recevables. Ne sont pas recevables chez nous les plaintes qui
concernent des organismes qui ne sont pas des ministères ou organismes
du gouvernement comme, par exemple, le réseau de l'éducation, le
réseau de la santé et des services sociaux et certaines
sociétés d'État ainsi que des plaintes concernant des
municipalités. Et ça, le gros des rejets, ça
représente pour l'année en cours... Excusez. Voyez-vous, pour
l'année 1988-1989, nous avons eu 21 970 demandes, mais là-dessus
il y en a 54 % qu'on a dû rejeter faute de juridiction. L'absence de
juridiction peut découler aussi du fait qu'il y a beaucoup de personnes
qui pensent qu'avec le titre que nous portons on peut régler n'importe
quoi. Alors, par exemple, des conflits entre personnes privées ou des
gens qui communiquent avec nous parce qu'ils voudraient qu'on règle
leurs problèmes de ménage ou des choses comme ça. Or, tout
ça, c'est une série de plaintes qu'on ne peut pas examiner parce
qu'on n'a pas juridiction. Cependant, ce que nous faisons pour ces plaintes,
nous agissons comme courroie de transmission, et nous leur indiquons à
qui s'adresser. Dans certains cas, on leur dit tout simplement de s'adresser
à un avocat, lorsqu'on pense qu'il y a matière à ce que ce
soit dans les mains d'un avocat.
Par ailleurs, sur les plaintes dites recevables, c'est-à-dire
celles qui sont de notre ressort, on constate, après enquête, et
ça c'est une moyenne générale, que 30 % des plaintes sont
fondées Mais ça c'est une moyenne générale. Si je
prends par secteur, par exemple, au niveau des plaintes qui nous
émanent, qui concernent, qui mettent en cause la CSST, le taux de
plaintes fondées est très élevé. Il est de plus de
42 %. Quand on arrive dans les services correctionnels du gouvernement, les
plaintes fondées sont de l'ordre de 18 %. Quand on arrive en
sécurité du revenu, à l'aide sociale, les plaintes sont de
l'ordre de 30 %
Maintenant, pour répondre plus précisément à
votre question, vous posez la question, vous interrogez, est-ce que,
finalement, les 70 % de rejet des plaintes sur lesquelles nous avons
enquêtées, est-ce que c'est élevé? C'est difficile
de répondre à ça, parce que, moi, ce que je peux
constater, à tout le moins, c'est que, très souvent, si les gens
s'adressent à nous, c'est parce que, ou bien ils ne comprennent pas ce
qu'on leur dit... Je vais vous donner, par exemple, des décisions de
certains organismes qui sont sensés être motivées Quant on
lit la motivation, par exemple certaines décisions de la Régie de
l'assurance automobile, ou certaines décisions de la CSST, c'est
écrit dans un jargon administratif. Alors la personne ne comprend pas,
elle communique avec ces organismes là, et ces organismes-là,
pour différentes raisons, et probablement parce qu'H y a insuffisance de
ressources, ne prennent pas le temps de leur expliquer ce qu'il en est dans des
termes qu'ils vont comprendre. Et alors, le phénomène qui se
produit, c'est que la personne, sentant qu'on ne veut pas lui répondre
à toutes fins pratiques, elle le perçoit comme ça, ou
encore parce qu'elle se fait renvoyer d'un service à un autre, cette
personne là peut avoir le sentiment profond qu'on abuse d'elle, qu'elle
est victime d'une injustice. Et là elle atterrit, elle s'adresse chez
nous, et nous, à ce moment-là, on fait l'enquête. Nous
avons des spécialistes dans tous les domaines de l'activité
gouvernementale et notre enquête ne se limite pas à examiner des
documents ou à examiner si le fonctionnaire a agi conformément
à la loi. On va plus loin que ça. On peut remettre en question
l'interprétation que les fonctionnaires font de directives. On peut
remettre en question la raisonnabilité d'une directive, et ainsi de
suite. En plus, on reçoit des réponses des fonctionnaires. Mais,
comme nous sommes aussi spécialistes que le tond ion naire qui est
devant nous, nous pouvons vérifier la pertinence ou la qualité de
sa réponse. Mais, tout ceci étant dit, on arrive à la
conclusion, dans plusieurs cas. que la personne n'a pas été
victime d'une injustice.
Maintenant, si on parle de chiffres, si je fais des comparaisons avec
d'autres pays où il y a des ombudsmans, dans certains pays, le taux de
plaintes fondées est de l'ordre de 50 %. Je pense notamment aux
ombudsmans de certains pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud. Mais
c'est
très difficile de dire si c'est élevé ou pas.
Est-ce que ça répond à votre question?
Méconnaissance du rôle du Protecteur du
citoyen
Mme Caron: Oui. Dans votre document, vous précisez qu'il y
a de moins en moins de confusion entre le Protecteur du citoyen et l'Office de
la protection du consommateur; est-ce qu'il y aurait lieu, quand même, de
se donner des moyens supplémentaires pour qu'il y ait de moins en moins
de confusion entre ces deux bureaux?
M. Jacoby: Je pense que le problème repose
fondamentalement sur l'utilisation du mot "protecteur" ou "protection". Nous
avons beaucoup de gens qui communiquent chez nous et qui nous confondent avec,
par exemple, l'Office de la protection du consommateur, mais on est aussi
confondus avec la Commission de protection des droits de la jeunesse, ça
s'appelle comme ça maintenant, on est aussi confondus avec la Commission
des droits de la personne, on est parfois confondus avec la Protection
publique. Je pense que c'est le mot "protection" qui cause problème.
Mais c'est sûr que les personnes, les citoyens qui sont en dehors de
l'appareil gouvernemental ne font pas ou ne sont pas informés de toutes
ces distinctions-là. Je pense que ce ne serait pas facile de clarifier,
au niveau de la population, les juridictions de tous et chacun. Mais, de toute
façon, ce n'est pas nécessairement un problème pour le
citoyen. La seule chose c'est que, quand il téléphone chez nous,
on lui explique que le problème qu'il a avec un commerçant, c'est
l'Office de la protection, on le réfère à des personnes
à l'Office de protection du consommateur. On réfère
finalement à l'organisme concerné. Il faudrait peut-être
changer les noms.
Mme Caron: Au risque d'apporter d'autres confusions,
peut-être. Ma question était plus dans le sens de savoir si vous
considérez que votre rôle est suffisamment connu des citoyennes et
des citoyens.
M. Jacoby: Non. Je pense que notre rôle est méconnu.
Parce qu'il n'y a jamais eu tellement de publicité de l'institution
comme telle, pour une foule de raisons, y compris, j'imagine, des questions
budgétaires, y compris aussi le fait que l'institution du Protecteur du
citoyen n'a pas été trop trop souvent sur la place publique. Il y
a une étude qui a été faite, il y a quelques années
en 1986, 1987, et qui disait que l'on était connu comme institution par
moins de 5 % de la population. Mais, en plus, c'est que, parmi ces 4 ou 5 % de
population qui nous connaissaient, la majorité d'entre eux ne savaient
pas ce que nous faisions. (16 h 30)
Alors, il est évident qu'il y a un problème, parce que,
fondamentalement, je considère que le recours au Protecteur du citoyen,
en tout cas dans certains cas, est certainement le recours approprié. Je
pense qu'il y a beaucoup de droits qui se perdent parce qu'il y a même
des gens, vous le savez, qui n'osent même pas aller au bureau du
député. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas capables de
franchir cette barrière. Ce sont des personnes qui ne s'adresseront pas
à des avocats, probablement pour des raisons monétaires.
Finalement, il y a beaucoup de droits qui se perdent. Autant je pense que c'est
le rôle des députés de se faire connaître, mais
ça je pense que c'est bien acquis dans la population, autant je pense
qu'il est important, aussi, que le Protecteur du citoyen se fasse
connaître. Ce que nous avons fait depuis deux ans, nous avons pris
certaines initiatives. Notamment, nous avons rencontré de plus en plus
des groupements ou des associations de différentes catégories de
personnes: les personnes âgées, les communautés
culturelles. On a pris l'initiative, peut-être, de se rapprocher
davantage de ce que j'appelerai les clientèles plus vulnérables.
Mais ça se fait d'une manière très sporadique. On n'a pas
de programme de communications comme tel. On a également pris
l'initiative d'avoir une chronique régulière dans la revue
Justice, dont le tirage est de l'ordre de 50 000 et on réalise
que, par ce biais-là, on se fait connaître davantage.
Également, depuis quelque temps, nous publions un dossier
d'enquête qui rapporte, en termes simples, dans la mesure du possible,
des dossiers que nous régions, et je n'ai jamais refusé de
répondre aux questions de journalistes. Je n'ai jamais refusé de
participer à une émission d'affaires publiques, mais c'est
sûr qu'on est très méconnus. Le grand drame qui peut se
poser, c'est que, si on était très connus, où est-ce qu'on
irait? J'ai une réponse à ça.
Mme Caron: Laquelle?
Non-imputabilité des fonctionnaires
M. Jacoby: Oui. C'est que je pars du principe que l'institution
d'ombudsman ne devrait pas exister si les gens étaient vraiment
imputables dans l'administration, si tout le monde était
également imputable. Le discours que je tiens depuis quelques mois,
c'est de dire aux ministères et organismes: Assumez-vous, assumez vos
responsabilités. Vous êtes les premiers à être, vous
êtes la source même des erreurs, des injustices et des abus qui
sont commis. Consé-quemment, organisez-vous pour, en vertu de votre
imputabilité, commencer à les corriger vous-mêmes.
J'ai eu l'occasion, il n'y a pas très longtemps, en plus de ce
discours que je tiens depuis plusieurs mois, d'être invité
à ce que l'on appelle le forum des sous-ministres et je leur ai dit
de
se prendre en main. Moi, ce que je pense, c'est la chose suivante - mais
ça ne sera pas demain matin - à partir du moment où la
fonction publique, l'administration, va être beaucoup plus sensible
à la notion de qualité du service à la clientèle,
pas juste des mots mais dans les faits, en élaborant des programmes de
qualité, en sachant d'abord ce qui se passe dans leur propre
ministère ou organisme, à partir du moment où ils vont
désigner des responsables dans chaque ministère et organisme pour
le traitement des plaintes dans les cas ultimes, je pense que, normalement, sur
du moyen ou du long terme, les problèmes devraient se régler en
grande partie au niveau des ministères et organismes. Ça ne veut
pas dire qu'on va perdre juridiction sur les dossiers, parce qu'une personne
qui s'adressera à ces services de plaintes là pourrait toujours
recourir à nous si jamais elle n'est pas satisfaite de la réponse
qui lui est donnée. Alors, en tenant ce discours-là et en
convainquant les administrations d'être plus soucieuses de la
qualité des rapports, je pense que, à moyen et à long
terme, cette notion d'imputabilité, elle va peut-être s'ancrer
dans les moeurs quand on parle, en tout cas, des rapports avec la population et
des différentes clientèles que l'administration dessert.
Vous savez, il y a un autre problème qui est absolument
fondamental. Il n'y a pas un ministère ou un organisme du gouvernement -
en tout cas, je n'en connais pas, il y en a peut-être mais - qui sait, il
n'y a personne qui sait combien de plaintes sont adressées à
l'endroit de ce ministère ou cet organisme, quel genre de plaintes sont
adressées à ce ministère ou cet organisme, comment ces
plaintes sont réglées et dans quel délai elles sont
réglées parce que, dans les ministères et organismes qui,
pour la plupart, ont des réseaux décentralisés ou
déconcentrés sur le territoire, les plaintes arrivent de partout.
Les plaintes peuvent arriver par le bureau du député, les
plaintes peuvent arriver directement au cabinet du ministre, les plaintes
peuvent arriver derrière le comptoir dans un point de services de la
Régie de l'assurance automobile ou un palais de justice, les plaintes
peuvent arriver parce qu'on a des connections au gouvernement, on connaît
des fonctionnaires. Ça arrive de tous bords, tous côtés. Il
y a un phénomène humain qui se produit. Quels sont les
fonctionnaires, il faut bien les comprendre, qui ont intérêt
à faire connaître qu'il y a des plaintes qui sont portées
contre leur service? Bon, le régime d'imputabilité, il y a une
grosse erreur, je pense, dans les administrations publiques, c'est que les
fonctionnaires n'ont pas le droit à l'erreur. À partir du moment
où tu n'as pas le droit à l'erreur, tu es fait. Jamais tu ne vas
remonter un dossier dans le système. Alors, moi, je pense que la
première chose que les ministères et organismes doivent faire,
c'est de se doter d'un mécanisme pour connaître les plaintes. De
cette manière-là, ils vont connaître le type de
problèmes qui existent dans l'administration de leurs programmes. Ils
vont connaître le niveau de satisfaction de la clientèle et ils
seront en mesure de réagir plus rapidement. Demandez à un
sous-ministre ou à un dirigeant d'organisme, sauf peut-être
à un petit organisme, ou même au cabinet d'un ministre ou un
ministre: Quel genre de plaintes avez-vous? Bien sûr, il va vous donner
des plaintes qu'il reçoit, soit dans son bureau de comté, soit
dans son cabinet, mais il ne sera pas capable de dire, pas plus que le
sous-ministre sera capable de dire: Voici le genre de plaintes qu'on a. Moi, je
dis: II faut commencer par le commencement. C'est "back to the basics". Je
pense qu'il faut commencer là. Il faut rendre imputable à la
base, l'administration. Mais pour ce faire, il faut qu'elle se développe
des outils pour savoir ce qui se passe.
Je vais vous donner un exemple. Lorsque j'étais sous-ministre,
j'ai eu, une fois, un dossier ou deux qui m'ont été
référés par le cabinet du ministre et qui concernaient des
problèmes au niveau de la perception des pensions alimentaires dans les
palais de justice. Alors, je demande un rapport sur la question. Quelques
semaines plus tard, je reçois un rapport bien fait d'une vingtaine de
pages où l'on m'expliquait que c'était un accident de parcours et
que ça ne pourrait jamais plus se reproduire. Ce n'était pas un
problème de système, ça ne pouvait plus se reproduire.
J'étais très satisfait de ça. Lorsque, à la fin de
1987, je vais au bureaau du Protecteur du citoyen, je commence à
regarder l'ensemble des ministères et organismes et je me garde pour la
fin, bien sûr, la Justice et la Sécurité publique, parce
que je suis sensé savoir ce qui se passe là, n'est-ce pas?
J'arrive dans les dossiers de la Justice, et je réalise qu'il y avait au
bureau du Protecteur du citoyen énormément de plaintes concernant
la perception des pensions alimentaires. Comme je devais rencontrer le
sous-ministre de la Justice à un lunch, le lendemain, pour discuter de
différents dossiers, je me dis: C'est une bonne blague, je pourrai dire
que depuis que je suis parti ça va mal. Sauf qu'en allant plus loin dans
les dossiers je constate que tous ces dossiers remontaient à
l'époque où j'étais là, et on n'en était pas
informés. C'est ça la réalité qui se passe Plus on
est dans la structure pyramidale de Taylor, moins on sait ce qui se passe.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. Ça va,
Mme la députée?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Alors juste... j'aurais deux
petites questions à vous poser, mais juste avant, pour l'information des
membres de la commission et de nos invités, nous avons reçu avis
que, vers 17 h 45, nous aurions un vote en
Chambre, où nous devrons être présents. Alors, si
vous n'avez pas d'objection nous allons terminer nos travaux aussitôt que
la cloche va sonner, Me Jacoby. Et puis je sais également que nous avons
deux engagements financiers à vérifier. Alors nous ferons
ça, possiblement, quelques minutes... lorsque la cloche va sonner, nous
vérifierons vos engagements financiers.
Les protecteurs dans divers organismes
Je m'exécute immédiatement avec mes deux questions. J'ai
lu dans plusieurs rapports et plusieurs conférenciers, lors du
Congrès des ombudsmans canadiens ici, à Québec, ont fait
état et se sont questionnés, justement, sur l'opportunité
d'avoir plusieurs petits protecteurs, dans différents organismes, ou, ce
qu'on appelle aussi ombudsmans exécutifs, ou bien donc un gros
protecteur législatif avec beaucoup de monde et beaucoup de ressources.
J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est sûr que vous nous dites
que c'est un début, que différents organismes ou ministère
se donnent une personne responsable des plaintes, comme exemple, où se
donnent un ombudsman exécutif. Prima facie, cela signifie que
l'ombudsman exécutif, je présume quo, s'il devient trop
gênant ou trop tannant, il peut être lassé assez facilement,
c'est l'impression que j'ai. Alors, j'aimerais vous écouter
brièvement là-dessus. Est-ce que vous désirez augmenter
votre personnel de plusieurs dizaines de personnes et plusieurs centaines de
milliers de dollars, ou bien donc si des ombudsmans exécutifs un peu
partout seraient utiles dans la fonction publique québécoise?
M. Jacoby: Je pense que ce n'est pas facile de répondre
à votre question, je pense que ça dépend de ce qu'on
recherche. Si on recherche ultimement une personne qui soit la plus impartiale
et la plus indépendante possible, je pense qu'il faut créer des
mécanismes de type "ombudsman législatif". C'est la seule
institution, à travers le monde, qui, parmi les ombudsmans, parce qu'il
y en a de toutes sortes, soit vraiment une institution indépendante et,
en principe, sans parti pris, mais ça ne veut pas dire qu'elle n'a pas
de préjugés. Je pense que, en tout cas, comme recours ultime,
c'est peut-être la solution, et, normalement, cette institution devrait
relever des parlementaires. Quand on parle d'ombudsman exécutif, on
parle de différentes sortes d'institution. Si je parle des services de
plaintes dans les ministères, dont j'encourage la création, il
est évident que ces services de plaintes relèvent du
ministère, que les employés sont des employés du
ministère, sauf que je pense qu'ils peuvent régler un paquet de
problèmes. Évidemment, quand ça va remettre en cause des
politiques du ministère, ils vont être dans une position
peut-être délicate pour régler, par exemple, des dossiers
de nature systémique ou des remises en question de politi- que
administrative ou de politique tout court, mais néanmoins, si je me
place du point de vue du citoyen et dans la mesure où l'on veut que les
administrations assument leurs responsabilités, je pense que c'est, en
tout cas, un mal nécessaire, d'une certaine manière, mais ce
n'est pas parfait - de toute façon, il n'y a pas d'institution
parfaite.
Si on monte d'un cran dans les ombudsmans exécutifs, comme, par
exemple, le commissaire à Hydro-Québec ou le commissaire à
la protection du territoire agricole, ça, c'est un cran de plus dans
l'indépendance, mais ça pose toujours le problème de
l'indépendance parce que, si on prend le commissaire à
l'électricité - je ne veux pas porter de jugement sur son
efficacité, je veux simplement porter un jugement sur des questions de
principe - le commissaire à l'électricité, c'est une
personne qui ne relève pas d'Hydro-Québec, mais c'est une
personne qui relève du pouvoir exécutif. Bon! Elle relève
du pouvoir exécutif, d'abord parce qu'elle a un certain lien de
dépendance avec le ministère de l'Énergie et des
Ressources, et ensuite, sur le plan de l'administration de la justice, elle
relève du Procureur général, sauf que je peux me poser des
questions, éventuellement; lorsqu'on sait, par ailleurs, qu'Hydro
Québec finance en partie le gouvernement, dans quelle mesure cette
personne-là aura-t-elle toute la marge de manoeuvre pour remettre en
question des politiques? Et le simple fait, par exemple, d'avoir restreint sa
juridiction aux consommateurs, aux abonnés qui ne sont pas des
corporations ou qui ne sont pas dans l'activité commerciale,
personnellement, je considère que c'est absolument injuste. Je pense que
M. Schwartz a déjà eu ce problème, mais on a eu des
plaintes, parce qu'on a juridiction sur lui. Quand on parle de commercial, il
faut penser que ce ne sont pas juste des multinationales, là, c'est le
petit entrepreneur, c'est le petit artisan, ce sont des gens qui sont aussi
démunis vis-à-vis de l'appareil de l'État que des citoyens
qui ne sont pas dans les affaires. Mais je dois dire que ce genre d'ombudsman
exécutif c'est quand même un pas dans la bonne direction.
Finalement, ce sont toujours des pas dans la bonne direction, mais ça
dépend de ce qu'on recherche, et ainsi de suite.
Le Président (M. Dauphin): Vous avez dit que vous avez
juridiction sur M. Schwartz.
M. Jacoby: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Est-ce que c'est la même
chose avec l'entente avec la ville de Québec? Qu'est-ce qu'il arrive
avec la ville de Québec si...
M. Jacoby: La loi a été adoptée, mais elle
n'a jamais été mise en vigueur. (16 h 45)
Le Président (M. Dauphin): Ah, bon!
M. Jacoby: On a juridiction sur les ombudsmans exécutifs,
on a juridiction sur tous les organismes de protection dont les employés
sont des fonctionnaires. Ce qui fait qu'on a juridiction sur la Commission de
protection des droits de la jeunesse, on a juridiction sur l'Office de la
protection du consommateur, mais on n'a pas juridiction, par exemple, sur la
Commission des droits de la personne parce que ses employés ne sont pas
des fonctionnaires. On n'a pas juridiction sur la Commission des services
juridiques parce que ses employés ne sont pas des fonctionnaires. Alors,
on a juridiction sur les organismes de protection et, dans le fond, ce qu'on
fait quand il y a des plaintes contre ces organismes, qu'on vérifie, on
ne se substitue pas à l'organisme, on vérifie si l'organisme a
bien traité le dossier de la personne qui s'adresse à nous.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup J'en aurais une
autre, je sais que mon collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue
doit quitter pour 17 heures, alors je procède rapidement.
Mme Harel: À moins que vous lui passiez la parole puis que
vous retourniez après.
Le Président (M. Dauphin): Et que je revienne
après? Ah, oui. Voulez-vous y aller tout de suite? Bonne suggestion,
allez-y.
La présence du Protecteur en
région
M. Trudel: Je vais prendre juste quatre ou cinq minutes. Parce
que j'ai comme l'impression, M. le Président, que, compte tenu du
contenu extrêmement intéressant et de tout ce qu'on a à
scruter, il va falloir qu'on se revoie, j'ai bien l'impression. Dans votre
rapport annuel, vous reprenez la mécanique très simple de la
façon dont on accède au Protecteur du citoyen, alors je constate
qu'on y accède d'abord par Montréal et par Québec et,
ensuite, par ligne téléphonique. Est-ce que vous avez
établi des statistiques sur la provenance des plaintes, des mandats que
l'on vous demande de regarder?
M. Jacoby: Dans le rapport annuel, dans les annexes, à la
page 82, on a les statistiques, ici, par exemple, pour
l'Abitibi-Témiscamingue. Parmi les plaintes que nous recevons, il y en a
1, 8 % qui viennent de l'Abitibi-Témiscamingue. Si je prends... La
région la plus gâtée, je dois dire que c'est la
région de Québec, parce qu'on est plus connus dans la
région de Québec que partout ailleurs. Mais...
M. Trudel:... ma question, dans le fond. On pourrait les regarder
plus précisément. Est-ce que le fait d'être physiquement
là, ça permet d'avoir un accès plus facile aux services du
Protecteur du citoyen?
M. Bélisle:... fonctionnaires... M. Jacoby:
Comment?
M. Bélisle: Est-ce que les fonctionnaires de la
région de Québec se plaignent plus?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: Vous me posez la question à savoir si on ne
devrait pas avoir des bureaux régionaux? Écoutez,
là-dessus, ma réflexion n'est pas complète, mais je vais
vous dire ce que je pense. À partir du moment où les gens savent
que nous existons, savent qu'ils peuvent trouver notre numéro de
téléphone dans le bottin téléphonique, dans les
pages bleues, savent que c'est gratuit, ils vont nous appeler. Aux fins des
enquêtes, on n'a pas vraiment besoin d'être en région au
moment où on se parle, en tout cas dans le secteur gouvernemental, parce
que, avec notre façon de fonctionner, on fait venir les dossiers, on
parie au téléphone aux fonctionnaires, on attend leur
décision. C'est exceptionnel qu'on soit obligés d'aller en
région. On va y aller lorsque, par exemple, il y a des versions
contradictoires entre le fonctionnaire et le plaignant, mais ça ne nous
empêche pas de fonctionner. Cependant, à partir du moment
où notre institution aurait des bureaux régionaux ou des services
d'accueil dans les régions, il est évident que,
nécessairement, ce serait beaucoup plus connu.
Il y aurait d'autres façons aussi de se faire connaître
davantage, c'est que nous fassions des tournées régionales Sauf
que nous ne disposons pas des ressources nécessaires parce que, si on
part cinq, six, pour faire des régions, pendant ce temps-là, il y
a des plaintes qui ne sont pas traitées, et ainsi de suite. Il y a bien
des façons, mais je ne connais pas la situation idéale. De
tempérament, je n'aime pas avoir des bureaux régionaux, parce que
je trouve que ça finit par devenir de la bureaucratie. Mais, si on me
justifiait, on m'expliquait que c'était absolument essentiel d'avoir des
bureaux régionaux dans certains secteurs ou à certaines fins,
c'est sûr qu'on le considérerait avec ouverture.
M. Trudel: II va falloir que je fasse une couple de petites
remarques sur vos observations. Je pense qu'il va falloir... Je souhaite, en
tout cas, et on verra dans les recommandations... Il faudra examiner aussi la
régionalisation de ces opérations, parce que les citoyens de
régions périphériques, par exemple, ils en ont
peut-être, à certains égards, plus besoin que les citoyens
de certaines régions centrales, parce que circulation de l'information
moins grande, médias d'information au niveau national, toutes sortes de
types
d'informations circulent peut-être moins rapidement. Je ne pense
pas qu'on puisse faire l'adéquation et dire: On peut toutes les traiter
à Québec. C'est très vrai. C'est très vrai sur le
strict plan administratif, mais la relation avec le citoyen... Toutes les
comparaisons clochent. Mais, par exemple, Communication-Québec, à
ce compte-là, pourrait aussi bien être centralisé à
Québec et on ferait toute l'information un peu partout. De la même
manière que le Protecteur du citoyen cherche à se rapprocher des
organismes dont il est chargé de faire, en quelque sorte, le
contrôle, au niveau des gestes administratifs... Je pense qu'il va
falloir regarder. Je souhaite qu'on puisse même dégager - parce
que je sais que tout ça, à la fin, au minimum, ça revient
à une question d'argent. Vous avez bien raison. Il faut d'abord avoir le
fric là-dessus.
Entente avec le ministère du Revenu
Une dernière question, pour respecter un peu la parole
donnée. On reviendra là-dessus, sur les aspects de région.
Votre entente avec le ministère du Revenu. Donc, suite à un
certain nombre de remarques et d'observations, le ministère du Revenu a
déployé un bureau des plaintes, et vous avez une entente, vous
autres, au Protecteur du citoyen, avec le ministère du Revenu.
J'aimerais ça que vous me décriviez la base de ('entente et les
motifs fondamentaux qui président à cette entente, en termes de
réalisation du mandat.
Le Président (M. Dauphin): M. Jacoby.
M. Jacoby: Ça s'inscrit, évidemment, dans le
discours de: Ouvrez-vous des bureaux de plaintes dans les ministères et
organismes. La raison pour laquelle nous avons passé une entente, et je
ne peux pas dire que là on l'a fait ad hoc, c'est que, de cette
manière-là, on s'échange de l'information. Par exemple, le
coordonnateur aux plaintes du ministère du Revenu va nous donner de
l'information sur toutes les plaintes qui sont acheminées au
ministère du Revenu, en plus de celles, évidemment, que nous
transmettons. On va être capable, avec lui, en collaboration, en
concertation, de déceler, par exemple, des problèmes
systémiques. On va pouvoir, comme Protecteur du citoyen, conseiller le
ministère dans la façon de gérer les plaintes. Ça
c'est une des raisons pour lesquelles... Ça s'inscrit un peu dans la
ligne de ce que je disais tout à l'heure, que les ministères se
prennent en main et sachent ce qui se passe chez eux. Ça va nous
permettre, peut-être, de les conseiller en termes d'implantation de
programmes de qualité totale. Ça, c'est un élément
très important.
L'autre élément très important, c'est que ce bureau
de plaintes relève du niveau sous-mi- nistériel. Auparavant,
lorsque nous avions des problèmes avec le ministère du Revenu -
qui n'en a pas? - on s'adressait à différentes personnes, mais,
à un moment donné, on ne savait plus à qui s'adresser.
Avant que j'exerce les pouvoirs, en vertu de la loi, où je fais une
recommandation officielle au ministre ou aux dirigeants d'organismes, je me
suis dit: Ce serait mieux d'avoir une espèce de personne, dans la
structure supérieure, qui ait un peu d'autorité et qui puisse
régler les problèmes, et venant de lui, de sa propre
administration. On y voit cet avantage-là.
Aussi, il y a un problème. Le protocole ne règle pas tout,
hein! D'ailleurs, je reviendrai là-dessus éventuellement. C'est
que le ministère du Revenu, à cause de l'article 69 sur la
confidentialité des dossiers d'impôt, nous met des enfar-ges dans
certaines enquêtes, et le protocole ne règle pas ça du
tout. Mon intention, c'est de faire en sorte que les choses changent, parce que
je considère qu'on pourrait régler ça devant les
tribunaux, éventuellement, pour savoir qui a priorité. Est-ce nos
pouvoirs d'enquête ou bien c'est la fameuse confidentialité du
ministère du Revenu? Je suis en discussion avec le ministère pour
régler le problème de l'article 69. Parce qu'avec eux autres on
n'est pas capables, par exemple, de faire du systémique. Hein. Si on
règle le dossier d'un citoyen x et que je veux, comme je fais partout
ailleurs, demander au ministère: Sortez-moi tous les dossiers
identiques, là, il m'invoque l'article 69 ou encore des directives
internes d'interprétation, article 69. Alors, le protocole, il
règle certains problèmes de fonctionnement. On a une excellente
collaboration. Ça, je dois dire, la personne qui a été
nommée là et ses collaborateurs sont très efficaces et ils
ont une vision globale des choses. Mais ça demeure entier, le
problème de l'article 69.
Maintenant, vous savez, il y a d'autres organismes qui veulent passer
des protocoles avec nous et je pense que dans chaque situation il y a une
réponse particulière. Je peux vous dire que la Régie de
l'assurance-maladie du Québec veut s'établir un bureau de
plaintes. Il y a certains organismes qui voudraient qu'on siège en appel
de toutes leurs décisions internes. Enfin, ça va dépendre
des besoins ici et là. Mais on n'a pas de modèle de protocole et
ce n'est pas essentiel qu'on ait un protocole. Sauf que, dans la mesure
où, moi, mon objectif, c'est de faire en sorte que l'administration
publique se responsabilise davantage, il est important que j'aie de
l'information sur toutes les plaintes qu'il y a chez eux. Alors, un protocole
peut nous permettre d'atteindre un objectif comme celui-là.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup.
Ça va, M. le député de
Rouyn-Noran-da-Témiscamingue?
Arbitraire laissé aux fonctionnaires
M. Trudel: Alors, j'aurais une autre question, Me Jacoby, si vous
me le permettez. En lisant le rapport du Congrès des ombudsmans
canadiens, notamment un passage de Robert Normand, qui est un ex-haut
fonctionnaire de l'état québécois, qui disait à un
moment donné, au niveau des directives, que le Protecteur avait ouvert
la porte à un arbitraire, peut-être, plus grand de la part des
fonctionnaires... Et je cite: Ils iront voir le Protecteur s'ils ne sont pas
contents et on rectifiera le tir en cours de route suivant les pressions que
l'ombudsman pourrait exercer.
Alors, j'ai été un petit peu stupéfait quand j'ai
lu ça. Dans votre pratique courante, est-ce que votre "feeling'' est
à l'effet qu'effectivement des fonctionnaires puissent réagir de
la sorte ou se positionner de la sorte en ce sens qu'on fera des directives et,
si les directives ne sont pas bonnes, de toute façon, Jacoby, il va se
mêler du dossier, il viendra nous le dire et on rectifiera le tir en
cours de route? Alors, je me demande si c'est la réalité ou si
c'était plutôt pour faire rire l'assistance qu'il aurait dit
ça lors du congrès.
M. Jacoby: Je vais vous dire ce que je peux voir. C'est qu'il
arrive, effectivement, que des fonctionnaires adoptent des directives et se
disent: De toute façon, si ça ne marche pas, le Protecteur du
citoyen va se mettre le nez dedans. Et ça arrive, mais ce n'est pas
généralisé. Les fonctionnaires ont des réactions
que je trouve assez intéressantes à l'occasion. Et je parle au
niveau surtout des fonctionnaires de la base, les premiers décideurs,
là. Les fonctionnaires, pour repérer, ils ont des manuels
d'opération. Ce sont des livres de recettes, quoi lairo. Et à un
moment donné, ils ont un problème avec un citoyen qui est
"border-line". Il n'est pas dans la norme puis... Alors, on sait, parce qu'on
se le fait dire par des plaignants, que c'est le fonctionnaire lui-même
qui a dit que la seule personne qui peut régler ce
problème-là, c'est le Protecteur du citoyen. Allez le voir. C'est
lui qui peut faire changer la directive. Ça. ça arrive. Et
ça arrive de plus en plus souvent. Et je trouve que c'est très
sain parce que je pense que les fonctionnaires qui agissent comme ça ont
compris le rôle du Protecteur du citoyen et c'est dans une espèce
de "fair-play" que ça se fait. Vous savez, il y a certains pays, il y a
même certaines provinces où le "fair-play* est tellement grand
entre l'administration et l'ombudsman que, dans les bureaux gouvernementaux, il
y a des grands "posters". C'est marqué, dans un, je ne sais pas,
l'équivalent de la CSST, une commission des accidents du travail en
quelque part, dans une province de l'Ouest, le Manitoba, oui, au Manitoba -
toutes les choses ne sont pas pareilles au Manitoba - le "poster" dit: Si vous
n'êtes pas satisfait de notre décision ou si vous n'êtes pas
satisfait de nos informations, adressez-vous à l'ombudsman, avec le
numéro de téléphone. Des grands "posters". Ça,
c'est du "fair-play" extraordinaire. (17 heures)
Le Président (M. Dauphin): Juste en terminant.
Mme Harel: Ça pourrait faire partie des recommandations de
la commission. C'est excellent ça.
Le Président (M. Dauphin): Sauf que, s'ils partent avec ce
principe-là, en attendant que l'ombudsman se mette les pieds dedans, ce
n'est pas rassurant pour les citoyens. Vous comprenez ce que je veux dire
là. On va faire un test, puis dans un an il viendra rectifier le tir,
mais, pendant cette année-là, il peut se produire beaucoup
d'injustices, à mon point de vue.
M. Jacoby: Bien sûr! Parce qu'il y a des directives, un
maudit paquet de directives qui sont écrites sur le bord de la table,
hein, à la dernière minute. Il y a combien de lois et de
législations qui sont adoptées par le législateur avec un
pouvoir réglementaire, qui sont en vigueur? Au moment où l'on se
parle - et puis c'est comme ça de tout temps - il y a encore des
fonctionnaires qui se demandent comment on applique la loi, et ce sont eux qui
l'appliquent. À chaque fois qu'il y a une réforme, on dirait
qu'il y a une période, un battement incroyable, même, où
les services juridiques du gouvernement ne savent pas comment
interpréter telle disposition de la loi et du règlement. Puis on
met les lois en vigueur. Le citoyen en mange un coup pendant ce
temps-là, hein!
Le Président (M. Dauphin): Oui.
M. Jacoby: Puis, c'est vrai. Et il y a peut-être des
problèmes de planification stratégique et opérationnelle
dans les administrations et ça crée de vrais problèmes.
J'ai remarqué en tout cas, et ce n'est pas d'hier, qu'à chaque
fois qu'il y a des réformes beaucoup de fonctionnaires nous disent: On
n'est pas prêts, vous allez avoir de plus en plus de plaintes parce qu'on
n'est pas prêts. On n'est pas prêts et, en haut, ils ne le savent
pas exactement ce qu'ils veulent. C'est grave. Moi, je trouve ça
grave.
Il me semble que l'administration, l'État devrait être te
citoyen le plus exemplaire qui soit. Quand je regarde ça, je suis un peu
déçu.
Comparaison avec l'Ontario
Le Président (M. Dauphin): Juste avant de laisser la
parole à d'autres parlementaires, on m'a remis tantôt un
dépliant qui est distribué, je crois, par l'ombudsman de
l'Ontario, et je me
demande si ça existe chez vous au Québec. Parce qu'on
parlait du rôle du député, puis de la-Certains
députés, évidemment, ont la frousse avec le Protecteur, il
prend notre job ou... On cherche une complémentarité,
évidemment. Je vous lis juste un petit passage: "II est
préférable de considérer l'ombudsman en tant qu'organisme
à contacter en dernier ressort, celui qui met tous ses efforts à
votre service une fois que toutes les autres actions entreprises ont
échoué. Pour toute plainte portée contre le gouvernement
provincial, vous pourriez, comme première étape, entrer en
contact avec la personne ou le groupe impliqué, le ministère, la
commission, la régie ou autres. Si cette démarche n'apporte pas
de résultats satisfaisants, votre plainte devrait être
portée à l'attention de la haute direction de l'organisme
concerné. Dans le cas où cette démarche s'avérerait
également infructueuse, veuillez contacter votre député,
lequel pourrait prendre des mesures pour vous aider et c'est une de ses
responsabilités en tant que votre représentant élu. "
C'est bien, hein! C'est un peu ce qu'on disait au début
là, qu'effectivement l'ombudsman est en dernier essort, et puis je me
demande si ça existe au niveau québécois chez vous
ou...
M. Jacoby: C'est-à-dire que ce n'est pas dans nos
dépliants, comme tel; si je me rappelle bien, on ne dit pas ça.
Mais il faut dire que la loi du Québec est différente de la loi
de l'Ontario. En Ontario, lorsque l'ombudsman reçoit une plainte, il ne
peut pas intervenir d'office, il ne peut pas intervenir tout de suite. Il doit
d'abord donner - vous savez le grand formalisme de la traduction anglo-saxonne
- mais ce n'est pas comme ça dans toutes les provinces. En Ontario,
l'ombudsman qui reçoit une plainte doit d'abord donner un avis au
ministère ou à l'organisme concerné, donner un
délai, et ensuite... Enfin, il y a des délais, des délais,
des délais... C'est ce qui fait que, en pratique, je comprends qu'il y
ait ça dans leur dépliant, sauf que je trouve ça... Pour
moi, je trouve ça un peu gros là. Parce que, d'abord il y a des
cas d'urgence, il y a des cas qui sont urgents. Je pense, notamment, je ne sais
pas moi, à l'arrêt d'une prestation d'aide sociale à la fin
du mois, la réduction d'un chèque. Alors s'il faut passer par
tout le processus, des fois ça n'a pas de bon sens, ce sont des
questions de survie. Deuxièmement, il y a des questions d'urgence. Sauf
que d'une manière générale, lorsque nous recevons des
plaintes de la population et lorsque nous considérons que la personne...
C'est parce que, vous savez, ça dépend de la clientèle.
Quand on a vraiment le sentiment que la personne qui se plaint à nous
est une personne qui a beaucoup de misère à comprendre, qui a un
problème avec le gouvernement, mais qui a bien de la misère
à comprendre tout son problème... Parce que nous avons des
analphabètes au Québec, nous avons des gens moins
scolarisés, nous avons des gens qui sont démunis. Et une grosse
partie de notre clientèle c'est ça. Il est très difficile,
parce que le citoyen... Moi je sens de plus en plus que beaucoup de citoyens
ont peur des représailles. Ils ont peur des représailles de
l'administration. Ils ont peur d'être mis sur des "black lists". Et
ça existe, ça. On le vit régulièrement. Et
qu'est-ce que ça va nous donner, nous, de dire, quand on sent que le
citoyen est dans cette situation-là: Bien, allez-donc au
ministère? Il n'y croit pas. On est convaincus qu'il va atterrir chez
nous ou au bureau de comté du député. Alors je pense que,
peut-être, je ne dirais pas que chaque cas doit être jugé
à son mérite, mais ça dépend de la
clientèle. C'est sûr que lorsque nous avons une entreprise qui
s'adresse à nous, et nous avons une certaine partie des PME qui
s'adressent à nous, sauf les cas d'urgence, on va leur dire:
Adressez-vous donc à tel service du ministère, et ainsi de suite.
Finalement, ça fonctionne un peu comme ça. Et on n'a pas... je ne
pense pas qu'on ait le réflexe de référer le dossier au
bureau du député, pour la bonne raison qu'on est un outil de
travail du député. C'est l'inverse qui se produit; lorsque, par
exemple, les députés ne sont pas satisfaits de la réponse
qui a été donnée par l'administration, ils nous
réfèrent des dossiers. Mais je pense que le système de
l'Ontario est très différent du nôtre.
Le Président (M. Dauphin): Merci pour cette
réponse. Alors, il y a trois parlementaires qui m'ont demandé la
parole, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Anjou et
Berthier.
Opportunité d'avoir un ministre responsable des
relations avec le citoyen
Mme Harel: Alors, M. le Président, vous allez me
permettre, comme j'ai la responsabilité du dossier et que j'ai
consacré dix minutes, au plus, des deux heures et demie de séance
qu'on a tenue...
Le Président (M. Dauphin): Tout comme moi
Mme Harel:... de tenter de vider quelques questions avec le
Protecteur du citoyen. D'abord, cette question du député, je suis
surprise qu'elle revienne depuis le début des travaux ce matin, parce
que le Protecteur du citoyen est au-dessus des partis et heureusement. Il y a
combien de nos concitoyens qui vont nous dire ne pas pouvoir recevoir le
service d'un député voisin et souhaiter avoir le service, bon...
Quoiqu'il en soit, je ne veux pas porter des jugements de valeur, mais on ne
peut pas s'assurer, croix de fer croix de guerre, que nos 125 collègues
sont tous au service de leurs concitoyens de la même façon, en
leur offrant les mêmes services de
bureau de comté. Et il y a pas mal de nos concitoyens, aussi, qui
n'ont pas nécessairement le goût de s'adresser à l'un ou
à l'autre de nous, pour de bonnes raisons, qu'on n'a pas à juger
à leur place. Alors, ce recours doit être, évidemment, non
partisan, et au dessus des formations politiques. J'imagine que, comme dans le
cas du bas de la ville, il y a pas mal de citoyens qui viennent vous voir en
s'excusant presque de ne pas avoir voté pour vous tout en vous demandant
un service et en pensant que si vous leur rendez, entre contrepartie, ça
va supposer que... Ça ne suppose rien s'adresser au Protecteur du
citoyen C'est ça qu'il faut évidemment faire respecter En vous
écoutant, je trouve ça absolument passionnant, mais je me dis:
À ce moment-là, ne faudrait-il pas souhaiter le retour d'un
ministre responsable des relations avec les citoyens? Cette fonction existait
au gouvernement précédent et chargeait un ministre de fouetter
littéralement ses collègues ministres, d'insuffler de l'air dans
cet appareil qui est lourd et extrêmement pyramidal, de fouetter, de
stimuler l'intérêt pour le citoyen. Est-ce quo ce ne serait pas
souhaitable? Vous n'y étiez pas au moment où existait cette
ressource du ministre responsable des relations avec les citoyens, mais
j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.
M. Jacoby: J'ai un point de vue, et j'en ai deux, points de vue.
Lorsque j'étais sous-ministre et que j'avais affaire avec ce
secrétariat, dans certains cas, ça nous apparaissait utile parce
qu'on nous rappelait à l'ordre sur certaines choses. Par contre, sur le
plan des principes, je me dis: Est-ce la bonne façon de responsabiliser
l'administration? Vous savez, notre Loi sur la fonction publique, à
l'article 5, dit la chose suivante: Tout employé de l'État, tout
fonctionnaire, doit accomplir ses fonctions avec loyauté,
honnêteté, impartialité, professionnalisme et doit traiter
les citoyens avec les égards qui leur sont dus et en faisant preuve de
diligence. C'est marqué dans la Loi sur la fonction publique. Il y a
combien d'administrations qui sont au courant qu'il y a des articles comme
ça qui s'appliquent à elles? On revient toujours au
problème d'imputabilité. Moi, je pense que ce qui serait plus
normal, c'est que les directions supérieures, les "boss", dans les
ministères et organismes, se préoccupent du service à la
clientèle et fassent en sorte qu'il y ait de l'imputabillité qui
commence par eux. Je trouve que ça serait plus normal.
Évidemment, ça peut prendre plus de temps, mais je pense que
c'est la première responsabilité des ministères et des
organismes de voir à ce que les citoyens soient bien traités.
C'est mon sentiment. Je ne dis pas qu'un secrétariat des rapports avec
les citoyens ne peut pas apporter quelque chose sauf que je me pose d'autres
questions. Dans le monde où l'on vit, la notion de droits et d'exercice
des droits, on en entend de plus en plus parier.
Combien faudra-t-il d'intervenants dans l'appareil gouvernemental pour
faire respecter les droits du monde? Plus il y aura d'intervenants, plus il y
aura de problèmes, plus il y aura de confusion. Mais disons que mon
opinion n'est pas arrêtée là-dessus.
Mme Harel: Ha, ha. ha! J'aime bien votre conclusion parce que
dans votre rapport vous mentionniez que vous souhaitiez la mise en place de
bureaux de plaintes dans les ministères. Le fait est que ça n'est
qu'au ministère du Revenu où. pratiquement parlant... Oui. vous
mentionniez qu'il y a 14 autres ministères ou commissions qui vous ont
fait part qu'ils avaient comme une sorte de bureau de plaintes mais
nous-mêmes, les députés, n'en avons jamais entendu parier.
Nous-mêmes ne connaissons même pas l'existence de ces
bureaux-là. J'étais heureuse de lire votre rapport. Comme
ça. je l'ai appris. Mais ça serait... Évidemment, les
premiers qui auraient dû en être informés, ça aurait
été nous-mêmes et, à part le bureau de plaintes du
ministère du Revenu, rien d'autre n'avait été porté
à la connaissance des parlementaires, ni les noms des personnes, ni les
numéros de téléphone. Alors, vous vous imaginez, si nous,
nous ne le savons pas, il faut penser que bien de nos concitoyens ne le savent
pas non plus. Alors, éventuellement ou possiblement, le ministre
responsable des relations avec les citoyens aurait comme principale fonction de
faire mettre en place ce type de ressources.
Vous pouvez peut-être nous dire quelques mots sur ces 14
ressources qui existeraient.
M. Jacoby: II faut dire, à la décharge de
l'administration, que c'est tout récent ça.
Mme Harel: Ah!
M. Jacoby: Je reçois encore des annonces... Je
reçois des lettres à tous les jours là. Ça
s'est...
Mme Harel: Peut-être pouvez-vous leur indiquer d'en faire
part à leurs collègues de l'Assemblée nationale.
M. Jacoby: Je pense que, oui mais je pense que... C'est tout
à fait nouveau et ça a suivi ma rencontre avec le forum des
sous-ministres. C'est tout à fait récent. Maintenant, je ne suis
pas sûr que les administrations aient intérêt à faire
connaître l'existence de ces bureaux de plaintes. Je peux dire, par
exemple, que Revenu Québec a fait un dépliant où l'on
parie du bureau de plaintes, du coordonnateur aux plaintes et, en plus, on dit
qu'on peut recourir au Protecteur du citoyen, mais je ne suis pas convaincu que
tous les ministères sont sensibles à ce point là. (17 h
15)
Conditions carcérales
Mme Harel: Vous avez échangé avec des membres de la
commission sur le pourcentage de plaintes qui étaient fondées en
regard de plaintes qui étaient déposées devant le
Protecteur du citoyen, et la question qui me venait est la suivante: Les
plaintes que vous jugez fondées sont-elles, finalement, celles pour
lesquelles vous considérez qu'il y a eu un déni en regard de la
règle ou de la norme, ou si vous posez un jugement d'opportunité
sur la règle ou sur la norme? Je vous donne l'exemple des conditions
carcérales. Vous êtes beaucoup intervenu dernièrement et
j'ai cru comprendre que, de plus en plus, des détenus faisaient appel
à vos services; vous êtes un peu leur bouée de sauvetage.
Ils n'ont pas les normes minimales de travail, ni l'Office de la protection du
consommateur, ni la Cour des petites créances, en fait, qui sont
d'autres recours pour nos concitoyens. En regard des lits superposés,
vous avez entendu, comme moi, sans doute, cette annonce qu'il y aura, dans les
cellules, à cause de la surpopulation, des lits superposés;
ça va devenir une règle, semble-t-il. Est-ce que vous
considérez ou pas avoir un rôle à jouer en regard de
ça?
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: Oui, effectivement. Tout d'abord, pour répondre
à votre première question, est ce qu'on se limite à
regarder si la norme a été suivie ou si on va plus loin que
ça? On n'a pas de limite à ce point de vue là. Dans
beaucoup de dossiers, on vérifie si le fonctionnaire s'est
comporté correctement par rapport à la directive ou la
règle qu'il devait suivre; dans d'autres cas, on remet en cause la
directive ou la norme elle-même sur le plan de sa raisonnabilité
et souvent sur le plan du gros bon sens, ou encore sur le plan de
l'équité, quoique l'équité, c'est une chose
très élastique. Ce qui fait que, au niveau, autant pour le milieu
carcéral que dans les autres administrations gouvernementales, nous
intervenons sur des mesures.
Au niveau carcéral, par exemple, j'ai l'intention prochainement
de déclencher une enquête. Une enquête parce qu'il y a une
chose qui nous surprend beaucoup chez nous, c'est que les plaintes ont
triplé et ça ne cesse de grimper. Les plaintes nous arrivent
aussi par le biais des administrateurs et le biais des syndicats. Parce que,
dans le milieu carcéral, quand on a des problèmes de
surpopulation, ça a un effet tant sur la sécurité, bien
sûr, mais également sur les gardiens de prison; c'est très
stressant, et ainsi de suite, alors, tout le monde dénonce le
système.
Il y a la question des lits superposés. Est-ce que ça
correspond aux normes internationales? J'en suis loin d'être convaincu.
J'espère que c'est une solution temporaire tant que le gouver- nement
n'aura pas, tel qu'il l'a annoncé au mois d'octobre dernier, sur un plan
de six ans, réglé le problème de la surpopulation. Je ne
peux pas porter de jugement, au moment où l'on se parle, on va
déclencher une enquête bientôt. Mais il n'y a pas que
ça. Il y a une foule de problèmes dans les prisons qui sont
causés par la surpopulation, par exemple, les régimes
d'observation. Les régimes d'observation qui font qu'une personne est en
réclusion 23 heures sur 24 et des semaines de temps, tout simplement
parce qu'elle a décidé qu'elle ne voulait pas participer à
une mesure de réinsertion par le biais du travail ou autrement. On se
sert également des régimes d'observation - et c'est de plus en
plus fréquent, c'est pour ça qu'on va déclencher une
enquête - pour neutraliser des personnes qui sont
considérées, par l'administration, comme des personnes à
risque, sans qu'il y ait un comité de discipline qui se soit
penché sur la question, et pourtant il existe, dans chaque prison, un
comité de discipline. J'ai l'impression que, par le biais des
régimes d'observation et des régimes de vie, on passe à
côté du régime disciplinaire. Je pense qu'il y a des
problèmes qui sont causés par la surpopulation et je veux
enclencher une enquête là-dessus prochainement, dans
différents centres de détention.
Tribunaux administratifs
Mme Harel: La dernière question, c'est que vous vous
plaigniez, il y a peu de temps, l'automne dernier, de ne pas avoir pu terminer
l'enquête que vous aviez enclenchée sur les tribunaux
administratifs...
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel:... faute de fonds suffisants. Pourtant, la situation
des tribunaux administratifs, pour un certain nombre d'entre eux, ils sont
toujours 78, je crois, au total ou...
M. Jacoby: Oui.
Mme Harel: Ils présentent des délais qui sont
carrément des dénis de justice. On en a eu des exemples encore la
semaine dernière, deux ans et demi, trois ans pour se faire accorder des
prestations qui avaient été annulées deux ou trois
années et demie auparavant, soit en matière de lésions
professionnelles ou en matière d'aide sociale. Est-ce que vous avez
l'intention de reprendre ou de compléter cette enquête sur les
tribunaux administratifs? Également, vous réclamiez des fonds,
considérant ne pas pouvoir rendre aux membres des minorités
ethniques des services auxquels ils avaient droit. Je ne sais pas si vous
publiez, comme la Commission des normes minimales - en plusieurs langues,
à la Commission des normes, c'est, je crois, 17 langues
différentes qui sont utilisées pour répondre aux
demandes d'information... Est-ce que c'est le cas aussi pour le
Protecteur du citoyen, je n'en sais rien, là, mais avez-vous eu les
fonds que vous souhaitiez et, pour l'année 1990-1991, là, quel
est l'état de la situation budgétaire?
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: Sur la première question, les délais
devant les tribunaux administratifs, il faut dire que, si on ne parle que des
tribunaux administratifs, c'est principalement tout le processus des accidents
de travail où, là, il y a des délais, pas seulement au
niveau de la CALP ou de la CAS, mais aussi dans le système, au niveau
des bureaux de révision, au niveau de l'arbitrage médical.
Au niveau de la Commission des affaires sociales, dans le secteur de
l'aide sociale, aussi, ça pose des problèmes, sauf que, depuis
que nous sommes intervenus un peu publiquement - et ça n'a
peut-être rien à voir avec ça - il y a deux choses qui ont
été annoncées. Le Procureur général du
Québec a annoncé qu'il devait déposer prochainement un
projet de loi sur les tribunaux administratifs. Ce que je souhaite, c'est qu'on
y règle ces questions-là et, si on ne les règle pas, je me
permettrai d'aller en commission parlementaire pour critiquer le projet de loi.
Deuxièmement, le ministre responsable de la Commission de la
santé et de la sécurité au travail, le ministre du
Travail, a anonncé qu'il était en train de préparer aussi
un projet de loi pour réformer le système et pour éliminer
les délais. Alors, je suis dans la situation où je me pose la
question: Est-ce que ça vaut la peine d'investir tout de suite, quand il
y a deux ministres qui annoncent des choses sur les tribunaux administratifs
qui vont peut-être régler les problèmes? Alors, sur ce
plan-là, disons que j'ai mis le dossier en veilleuse, en espérant
que les projets de loi soient déposés assez rapidement.
Sur la question des communautés culturelles, sur la question des
populations autochtones et des Anglo-Québécois, j'ai, encore une
fois cette année, fait une demande, ce qu'on appelle "demande de
développement", parce que c'est du développement, effectivement,
et moi, ce que j'ai pu constater c'est que, pour un citoyen, pour un
Québécois qui n'est pas immigré, déjà, il a
des problèmes à communiquer avec l'appareil de l'État,
quand il ne le craint pas. Ce que j'ai constaté, c'est qu'au niveau des
communautés culturelles beaucoup de communautés, quand elles
arrivent chez nous, et surtout si elles viennent d'un pays totalitaire, ont
l'impression que c'est impossible de jaser avec un fonctionnaire puis qu'N ne
faut pas le critiquer, tu sais. Alors, moi, je dis: II y a des barrières
culturelles puis il y a des barrières linguistiques énormes.
Alors, je me suis dis: On va établir un plan stratégique pour
faire en sorte de faire connaître davantage nos services auprès de
ces communautés-là, et j'ai donc besoin d'un budget de
communication pour faire des dépliants dans différentes langues;
j'ai besoin, aussi, de ressources pour aller rencontrer ces groupements,
rencontrer les leaders. Parallèlement à ça, j'ai besoin,
à partir du moment où l'on fait une percée davantage au
niveau des communautés culturelles, d'engager, de recruter des personnes
qui émanent de ces communauté culturelles ou de ces populations
autochtones, sans affecter le mandat général. Donc, je
demanderais des postes en plus, quelques postes en plus. Alors, j'ai
présenté une demande, demande qui a été
justifiée également par le fait que j'ai reçu, il y a
quelque deux mois, une demande du grand conseil des Cris qui demande des
bureaux régionaux du Protecteur du citoyen au nord du 50°
parallèle, et qui ne connaissait pas l'existence du Protecteur du
citoyen. Et je me suis demandé comment ils l'avaient appris. Ils
l'avaient appris en apprenant que l'ombudsman de l'Ontario s'occupait des
populations autochtones.
Alors, devant tout ça, j'ai fait une demande, c'est une demande
de budget additionnel et je n'ai pas eu un cent.
Mme Harel: Bon. Moi, je vais terminer ici, malheureusement,
simplement pour vous dire que je considère que cette première
séance n'est qu'un début, et ça, on s'en était
évidemment parlé avant qu'elle ne commence, compte tenu du peu de
temps qui est à notre disposition, et ce serait extrêmement
souhaitable - et je sais que c'est pour vous un autre déplacement - mais
il serait vraiment souhaitable que nous poursuivions ce qui a été
simplement enclenché aujourd'hui.
Le Président (M. Dauphin): D'ailleurs, c'est ce qui avait
été mentionné au tout début de nos travaux. Alors,
deux autres parlementaires m'ont demandé la parole: M. le
député d'Anjou; ensuite. M. le député de Berthier
À moins que, Mme la députée de Terrebonne, vous n'ayez
autre chose? Ça va aller. Alors, M. le député d'Anjou.
Les délais dans le traitement des
plaintes
M. Larouche: Seulement en remarque préliminaire, si on a
parlé beaucoup du député, c'est parce qu'aujourd'hui on a
eu cette nouvelle brochure du service de l'accueil aux députés.
Ça décrit très bien le rôle. C'est
intéressant, à part ça... Dans le mandat, on parle
d'examen des orientations des activités et de la gestion. On a beaucoup
entendu parler des activités, des processus internes, comment on
reçoit une plainte, et ainsi de suite. J'aimerais ça qu'on aborde
un peu au niveau de la gestion qui inclut un peu les questions
budgétaires, mais quand même au niveau de la gestion.. J'aimerais
savoir quelle est la formation du personnel professionnel que vous avez dans
votre institution, le profil général.
M. Jacoby: En majorité, je dirais peut-être à
60 %, ce sont des gens de formation juridique, surtout des avocats, des
avocates et quelques notaires. Nous avons aussi des personnes qui ont de
l'expérience en administration. Nous avons des personnes qui ont des
formations de comptable. Nous avons des personnes qui ont des formations en
sciences sociales. En somme, c'est diversifié, mais, principalement, ce
sont des gens qui ont une formation juridique.
M. Larouche: O. K. Maintenant, à la page 25 de votre
rapport, vous dites: "L'augmentation de nos budgets nous a permis de maintenir
notre rythme, sans plus. Comme je le signalais, notre délai de
traitement des demandes a augmenté, malgré notre augmentation de
personnel. " J'étais en train de me demander, est-ce que c'est à
cause de l'augmentation du personnel? Parce que c'est vraiment paradoxal.
Délai de traitement. Si on regarde et on analysé ça comme
il faut: Le délai de traitement a augmenté malgré
l'augmentation de personnel... Là, il y a des processus internes. Il y a
de la gestion. Parce que c'est inexplicable, ça, en termes de
"management".
M. Jacoby: Je vais tenter de vous l'expliquer. D'abord, je dois
vous dire que j'ai décidé déjà, il y a quelques
mois, de faire une évaluation de programmes du bureau du Protecteur du
citoyen. Je pense qu'on peut toujours améliorer la façon
d'administrer un programme, surtout que jamais ça n'avait
été fait au bureau du Protecteur du citoyen. J'ai donc une
personne, actuellement, qui est en train de faire une évaluation
complète, à la fois de notre mandat, de notre mission, de nos
activités, de nos processus, nos fonctionnements, pour essayer de voir
dans quelle mesure on peut améliorer notre productivité.
Là-dessus, l'étude devrait être complétée.
J'ai eu la collaboration du Conseil du trésor dans ce dossier-là,
pour faire cette étude. On devrait avoir des résultats quelque
part en septembre, octobre.
Parallèlement à ça, ce que je suis en train de
réaliser, c'est que la nature des dossiers, chez nous, est en train de
changer. Alors qu'on avait dos dossiers qui étaient beaucoup plus des
dossiers ponctuels, do plus en plus on nous soumet des dossiers qui sont
extrêmement complexes ou systémiques. Exemple de dossier qu'on ne
voyait pas il y a trois, quatre ans, chez nous, exemple: des plaintes sur la
Commission des valeurs mobilières, plaintes portant sur la
négligence de la Commission des valeurs mobilières dans les
prospectus et dans leur pouvoir de surveillance et de contrôle des
investisseurs. Ça, ce sont des plaintes, je vous jure, qui sont assez
spéciales. C'est très complexe, le droit financier, le droit de
valeurs mobilières est très complexe. Ça, c'est un genre
de dossier qui est "time consuming", mais si, en bout de ligne, lorsqu'on aura
complété une enquête... Dans un dossier comme ça,
c'est une personne à plein temps. On a des plaintes découlant de
l'affaire Paré et ainsi de suite, sur la responsabilité de la
Commission des valeurs mobilières, et ça touche des centaines et
des centaines d'investisseurs. On a des plaintes, de plus en plus, sur
l'environnement. Par exemple, l'affaire Balmet, à Saint-Hyacinthe.
Ça c'est un dossier qui est à Saint-Jean-sur-Richelieu. On a le
dossier Alex Couture, pour lequel on a pratiquement complété
notre enquête. Les dossiers d'environnement, ce sont des dossiers
très complexes et, en plus, ce qu'on découvre de plus en plus
dans les dossiers, c'est l'absence de concertation et de coordination entre
administrations et ça c'est très complexe aussi pour trouver le
bobo. (17 h 30)
Par exemple, dans l'affaire Alex Couture, on est arrivés à
la conclusion qu'il y avait eu négligence de la part du ministère
de l'Environnement. On est arrivés à la conclusion qu'il y avait
eu manque, négligence de la part du ministère de la Justice, on
est arrivés à la conclusion qu'il y avait eu négligence de
la part du ministère de l'Agriculture. Très souvent, c'est
à cause d'un manque de communication, par exemple, en matière
d'usine d'équarissage, entre les permis délivrés par
l'administration de l'Agriculture et les exigences du ministère de
l'Environnement. Ce sont des dossiers de plus en plus complexes.
M. Larouche: Je comprends. C'est parce que la nature des plaintes
change aussi.
M. Jacoby: Oui, la nature des plaintes change.
M. Larouche: Alors, elle se raffine.
M. Jacoby: Ça devient de plus en plus sophistiqué,
à toutes fins pratiques. C'est un phénomène relativement
nouveau chez nous. Alors, ça peut expliquer en partie cette chose qui
est paradoxale qui veut que, malgré l'augmentation des ressources, nos
délais de traitement ne s'améliorent pas, ils empirent. Je vais
vous dire qu'ils empirent. Je me suis permis, hier, de faire une petite
recherche là. Quand on dit qu'on a des délais moyens de
traitement de quatre à cinq, six semaines, ça, c'est bien les
moyennes. Il y a des dossiers qui se règlent dans une journée.
Évidemment, on va mettre priorité sur des urgences, par exemple,
l'aide sociale ou des choses comme ça. Mais je regardais de 1985
à 1990, l'inventaire des dossiers à la fin de l'année
financière. Ça, ce sont les dossiers de l'année
financière qui vient de s'écouler, mais qu'on n'a pas encore
réglés au moment de la fin de l'année financière.
En 1985, je vais prendre simplement des dossiers de plus de six mois, qui
traînent dans le système depuis plus de six mois, nous n'en avions
que 136 à la fin de l'année
financière. À la fin de l'année financière
qui vient de s'écouler, on a des dossiers qui traînent chez nous,
de plus de six mois, on en a 2725. Et ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a
des problèmes, et c'est pour ça que je fais faire une
évaluation de programmes. On a des problèmes. On ne sait pas
exactement ce qui se passe. On est en train de faire les analyses qu'il
faut.
M. Larouche: Alors, la réponse à mon interrogation
est très satisfaisante à ce sujet-là. Alors, c'est clair
qu'en termes de bureaucratie il y a différents types de bureaucratie. Si
vous regardez la bureaucratie de la Régie de l'assurance automobile, je
suis allé changer mes plaques et j'ai eu des billets d'infraction pour
ne pas avoir mis de petites vignettes, et deux infractions dans la même
journée, ça fait 400 $, 200 $ de la fois. Je pensais que
c'était 2 $, mais non, le point était bien placé,
c'était 200 $.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larouche: Quand je raconte ça, il y en a qui pensent
que, parce que je suis député, j'ai un escompte. Non. Je fais
bien attention surtout de ne pas demander une faveur. Ça se saurait.
Alors...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larouche:... c'est des types de bureaucratie, je pense, qui
sont différents de ceux du ministère de l'Environnement. On voit
par où ça passe à la chaîne. Vous prenez un
numéro, vous vous assoyez là et, vraiment, vous êtes
à la boucherie quand vous allez là. Je ne sais pas s'il y a des
analyses. C'est du "management", mais je pense qu'il y a plus de chances
d'avoir des problèmes dans les bureaucraties professionnelles que dans
une bureaucratie mécanique. Regardez les normes, par exemple. Dans une
bureaucratie mécanique, le client arrive, il se place là, mais
là il attend. Tu demandes un renseignement à quelqu'un. Non,
c'est lui. Tu attends là même s'il pouvait te répondre.
Non. C'est ça une bureaucratie. Moi, j'ai toujours été
allergique à la bureaucratie. D'ailleurs, je n'ai jamais
été fonctionnaire et je vous garantis que je ne le serai jamais.
C'est un engagement que je prends publiquement. Je suis allergique à
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larouche: Alors, c'est fondamental. Ça touche à
la bureaucratie, tout votre mandat. Il faut voir... Dans votre
efficacité, est-ce que vous faites des distinctions entre les
différents types de bureaucratie, parce qu'elles ne sont pas toutes
malades au même niveau? Il y en a qui ont des symptômes
différents, mais ce n'est pas la même maladie parce que l'essence
même de la bureaucratie, c'est chacun dans sa petite boîte.
Même, on va appeler dans les ministères, nous autres, au cabinet
du ministre, puis, tu vas faire la chose. Non, un instant, s'il vous
plaît, un instant. D'un instant à l'autre, vous avez perdu 20
minutes. Alors, j'aimerais ça que vous me disiez si ça ne se fait
pas, si vous n'avez pas l'intention d'orienter une petite recherche interne sur
les... pour classer vos patients là, je veux dire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: On n'a pas...
Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.
M. Jacoby: il est...
Une voix: II peut au moins classer les boîtes.
Une voix: Classer les boîtes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Étiqueter les boîtes...
M. Jacoby: Ha, ha, ha! On va faire de la pathologie.
Effectivement, vous avez raison de dire que les malaises varient suivant les
bureaucraties ou les technocraties. Ils varient en fonction également du
type de programme que l'on a à administrer. Ils varient également
en fonction du plus ou moins grand degré de décentralisation ou
de déconcentration même sur le territoire. Ils varient aussi
suivant la culture d'un ministère ou d'un organisme qui se sent plus ou
moins dépendant du gouvernement. Et il n'y a pas de... Finalement, ce
qu'on constate, il n'y a pas de solution unique pour tous les malaises, les
difficultés ou les ratés de là bureaucratie. Sauf qu'on
n'a pas fait d'analyse comme telle. Mais la manière dont on fonctionne
chez nous, nous avons des spécialistes par secteur. Par exemple, au
niveau de... Prenons la CSST, nous avons un certain nombre de
spécialistes qui ne s'occupent que de la CSST. J'ai des
spécialistes qui ne s'occupent que des prisons, des spécialistes
qui ne s'occupent que de l'aide sociale et d'autres secteurs, ainsi de suite.
Alors, ce que l'on fait finalement, on ne donne pas... on ne fonctionne pas
nécessairement de la même manière d'un ministère
à l'autre compte tenu de tous les éléments que je vous
indiquais tout à l'heure Alors... Mais on n'a pas fait d'étude
comme telle sauf qu'on le sait, on le voit et on s'ajuste en conséquence
et ça ne marche pas toujours, par exemple, mais on s'ajuste.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. J'aimerais
savoir, M. Jacoby, en quelle année vous êtes entré
à votre travail dans ce que vous faites là aujourd'hui?.
M. Jacoby: J'ai été nommé... Je suis
entré en fonction au mois de septembre 1987.
M. Houde: Oui, merci. Est-ce que vous avez des personnes
attirées pour recevoir les plaintes venant des députés?
Tous ceux qu'on appelle un député, peu importe le partilà, qui vous appellent, est-ce que vous avez une personne
attitrée pour nous répondre ou bien si n'importe qui peut nous
répondre lorsqu'on fait une demande pour un dossier, comme ça se
fait dans d'autres départements souvent?
M. Jacoby: Nous avons... En fait, ce qui se produit, on n'a pas
de mécanisme formel comme tel parce qu'à venir jusqu'à ces
derniers mois on n'avait pas tellement de plaintes qui venaient des
députés. Mais là on en reçoit...
M. Houde: Plus qu'avant.
M. Jacoby:... autant du côté ministériel que
du côté des formations d'Opposition. Sauf que, dans beaucoup de
cas, par exemple, le député va parler directement au
délégué responsable du secteur. Ce qui pourrait être
fait cependant, parce qu'on n'a pas... Je pourrais faire la chose suivante
C'est de vous transmettre la liste des délégués, des
collaborateurs, des collaboratrices, chez nous, par secteur d'activité,
avec le numéro de téléphone. De cette
façon-là, vous pourriez avoir un accès direct.
Plutôt que de passer par l'accueil et ainsi de suite, vous pourriez avoir
un accès direct aux délégués responsables de
secteurs.
M. Houde: Je pense que ça serait une bonne chose,
ça, pour pas... Il y a d'autres questions, mais elles sont assez
brèves. Lorsque vous avez parlé, tantôt, de
négociation pour votre enveloppe, est-ce que vous en avez parlé
avant aujourd'hui ou bien si vous n'en avez jamais parlé? Vous dites que
c'est votre patron, mais vous êtes toujours en conflit parce que vous
avez toujours à négocier une enveloppe pour votre bureau,
là.
M. Jacoby: Oui, bien, écoutez. C'est sûr que je dois
négocier. Et négocier, c'est normal quand on discute
d'augmentation d'effectifs et d'augmentation de budgets. Je ne pense pas que le
Protecteur du citoyen doit être une personne à part en disant:
Moi, j'ai besoin de 1 000 000 $ de plus et ne posez pas de question. Le
problème que j'ai, c'est un problème de principe et un
problème pratique. Je dois négocier non pas avec le monde de qui
je relève, c'est-à-dire les parlementaires, mais avec le pouvoir
exécutif. C'est ça, mon problème. La question n'est
pas...
Je sais très bien, et surtout dans la conjoncture et la structure
économique actuelle, qu'il n'est pas question que le Protecteur du
citoyen puisse, lui, obtenir des crédits juste à les demander. Je
pense que, si on relevait plus de l'Assemblée nationale, je serais
prêt à discuter, à justifier et à me faire dire non
sur certaines demandes. Mais, moi, je veux parler aux bonnes personnes. C'est
ça, mon problème.
M. Houde: O. K. Une dernière question, elle est courte
celle-là. Un rapport d'impôt, quelqu'un qui ne fait pas son
rapport d'impôt, est-ce que vous prenez des plaintes à cet
effet-là, quelqu'un qui veut rapporter quelqu'un qui ne fait pas un
rapport d'impôt? Est-ce que ça peut aller à vos bureaux,
ça?
M. Jacoby: II y a des gens qui nous transmettent ce genre de
plainte, mais on ne les traite pas, parce que ce n'est pas notre rôle,
ça.
M. Houde: Mais vous répondez: Je ne m'en occupe pas, tout
simplement.
M. Jacoby: Les délateurs on... Une voix:... Des
délateurs du...
M. Houde: O. K., parce que ce sont des questions qui m'ont
été posées, c'est pour ça que je pensais que vous
pouviez en tenir compte.
M. Jacoby: Ça arrive qu'on ait des plaintes de ce
genre-là...
M. Houde: Et vous dites que vous ne vous en occupez pas.
M. Jacoby:... mais c'est parce que nous, notre rôle, c'est
de faire enquête si on pense qu'un citoyen a été
lésé.
M. Houde: Alors ce n'est pas pareil, là.
M. Jacoby: Ce n'est pas pareil. Si le voisin se plaint qu'un
autre n'a pas fait son rapport d'impôt, je ne vois pas en quoi ça
a lésé le voisin.
M. Houde: Bon, bien, merci beaucoup, monsieur.
Vérification des engagements financiers
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
député de Berthier. Alors nous allons peut-être, si vous me
le permettez, procéder à la vérification des engagements
financiers du Protecteur du citoyen. Nous n'en avons que deux, je crois.
Août 1989
J'appelle l'engagement 1, qui concerne une entente d'occupation, un
protocole pour la location d'immeubfes du 1er avril au 31 mars 1990. Pas de
question? Alors vérifié. J'appelle rengagement 2, qui concerne
une entente des services de télécommunication servant à
défrayer tous les services de télécommunication verbale,
écrite et informatique.
M. Larouche: Qu'est-ce que ça veut dire, ça,
exactement, est-ce que ça veut dire le téléphone
"verbale"?
M. Jacoby: Je m'excuse, je n'ai pas compris votre question.
M. Larouche: Non, mais je veux dire, fous tes services, c'est
parce que c'est Bell Canada, peut-être, tous les services de
télécommunication verbale, écrite. C'est un système
de téléphone, de fax, de... c'est tout ça?
M. Jacoby: C'est tout ça, et là-dessus nous avons
passé une entente avec le ministère des Communications;
même si on ne relève pas du ministère, on s'en sert parce
que c'est lui qui est l'expert en ce domaine. On a une entente de services avec
te ministère des Communications, et ça comprend les lignes
téléphoniques, ça comprend les lignes Zénith,
ça comprend les frais d'interurbains Centrex, le Bell, ça
comprend le fax...
M. Larouche: C'est standard.
M. Jacoby:... les communications informatiques.
M. Larouche: Parfait.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors l'engagement 2,
vérifié. Les engagements d'août 1989 du Protecteur du
citoyen sont vérifiés. Alors, puisque la cloche n'a toujours pas
sonné, si avec votre autorisation... Auriez-vous une petite
question?
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Les remarques finales en
même temps, Mme la députée.
Mme Harel: Oui, très bien. J'avais lu, au moment où
ça a eu lieu, cette rencontre des ombudsmans, qu'un certain nombre de
hauts fonctionnaires, y compris le sous-ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, s'étaient retrouvés sur les
tribunes et avaient fait part que critiquer le gouvernement c'était
politiser le débat C'était à peu près ce qui avait
été rapporté, en tout cas, dans les médias.
J'armerais savoir, premièrement, si suite à vos
déclarations de décembre dernier sur les budgets qui sont mis
à votre disposition, parce qu'évidemment ça a fait quand
même pas mai d'éclat... "22 % plus de plaintes en 1989, cri
d'alarme du Protecteur du citoyen", ça c'est dans Le Journal de
Québec. "Le Protecteur du citoyen démuni face à
l'accroissement des plaintes", ça c'est dans Le Devoir, et ainsi
de suite, là "Le Protecteur du citoyen accuse Québec de lui
refuser des crédits pour l'empêcher de remplir son mandat",
ça c'est La Presse. Le Soleil. "Le Protecteur du citoyen doute de
suffire aux recours Qui doublent", etc. Est-ce que vous avez eu des
échos de ces déclarations, à votre rencontre avec les
sous-ministres, à la table des sous-ministres, vous a-ton fait part
d'une certaine difficulté à accepter cette visibilité
médiatique? D'autre part, croyez-vous que, pour remplir une fonction
comme celle-là, il vaudrait mieux, je le dis là comme je me le
demande, être un juge? En d'autres termes, la nature du poste de juge
c'est d'être inamovible, et c'est ce qu'on prétend lui assurer,
l'entière liberté pour juger en dehors de toute influence. C'est
ce qui fonde la distinction entre le judiciaire, le législatif et
l'exécutif C'est, justement, qu'il ne soit pas contractuel. Est-ce que
le fait, dans cette sorte de fonction, d'être contractuel... Moi, je suis
à me demander si ça ne pose pas de difficulté. Pensez, par
exemple, au Tribunal des droits de la personne qui va être mis en place
incessamment, dit-on. Tout au moins, la loi est adoptée et l'application
devrait suivre bientôt. On ne peut pas imaginer là que ce soit
quelqu'un appointé pour cinq ans. Ça sera nécessairement
un juge qui ne sera peut-être pas là pour longtemps... Il peut
l'être, lui, pour cinq ans. Mais, en d'autres termes, si vous y allez
trop fort... Vous, Me Jacoby, qui étiez sous-ministre avant, quelles
sont vos chances de retour dans la fonction publique après?
M. Jacoby: Aucune. Des voix: Ah!
M. Jacoby: La première question, comment réagit
cette administration au fait qu'on soit un peu plus visible? Je peux vous dire
qu'elle n'aime pas ça du tout. Elle n'aime pas ça du tout, hein,
et c'est normal aussi. Mais je pense que ça règle certains
dossiers plus vite, ça.
Mme Harel: Vous voulez dire que la crainte est le début de
la sagesse et que votre liberté d'expression, c'est ce qui fonde le
sentiment de crainte qu'on a à votre égard.
M. Jacoby: Je pense que tout le monde reconnaît, quand on
regarde les origines de l'institution et qu'on lit ce qu'a dit le juge Dickson,
qu'une des armes du Protecteur du citoyen c'est de pouvoir aller sur la
place
publique et de dénoncer des abus, ce que le politicien ne peut
pas faire lui-même, ce que le député ne peut pas faire
lui-même pour des raisons qu'on connaît. Le Protecteur du citoyen
est considéré comme une personne complètement neutre. Il
n'est pas dans un rapport hiérarchique avec l'administration. Je n'ai
pas d'autorité sur elle et elle n'a pas d'autorité sur moi. Je
peux me permettre ce genre de choses. Mais, comme je vous le disais, je
l'utilise avoc parcimonie et avec certaines contraintes.
Sur l'autre question de juge, moi, ce que je peux vous dire c'est que...
Je vais... Non, j'allais faire une farce. Je ferai la farce sans la faire. Le
problème est le suivant. C'est qu'à partir du moment où
l'on nomme un juge à un poste comme ça, le problème, c'est
qu'on judiciarise la fonction et que tous les dossiers ont une connotation
juridique. Or, moi, ce que je constate, j'ai été
déformé moi-même. Ça m'a pris un an avant de
m'arracher mon ancien chapeau de sous-ministre de la Justice, de sous-procureur
général, de sous-ministre administrateur pour vraiment comprendre
mon rôle. Mais ce que je constate aujourd'hui, c'est que c'est seulement
20 % des dossiers où la solution est juridique. Moi, je craindrais, si
on nommait un juge comme Protecteur du citoyen, qu'on judiciarise la fonction.
Et d'ailleurs, je ne veux pas être méchant, mais j'ai pu
constater, lors d'un Congrès international d'ombudsmans où il y
avait quelques juges de pays que je ne nommerai pas, que c'étaient
probablement les bureaux d'ombudsmans les moins efficaces qu'il y avait, pour
les raisons que je mentionne.
Ceci étant dit, sur l'autre question, l'ina-movabi... Oui!
Une voix: Inamovibilité. M. Jacoby: Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jacoby: Le Protecteur du citoyen est nommé pour une
période de cinq ans. C'est sûr que, pendant l'exercice de son
mandat, le Protecteur du citoyen est à l'abri de l'ingérence et
des pressions, et je dois dire que jamais, et ça, je trouve ça
extraordinaire, jamais un homme ou une femme politique ne s'est adressé
à moi pour s'ingérer dans une enquête ou dans un dossier.
Je pense qu'il y a un respect de l'institution. C'est une période de
cinq ans, c'est renouvelable deux fois. Ça n'a jamais été
fait. La question du mandat, ça dépend. Il y a des juridictions
où l'ombudsman est nommé pour sept ans; dans d'autres
juridictions, pour dix ans. Ça varie, mais je ne connais pas...
Même dans les pays Scandinaves qui sont à l'origine de
l'institution, je ne pense pas qu'il y ait de nomination à vie.
D'ailleurs, ça serait terriblement dangereux, terriblement
dangereux.
M. Larouche: Ça prendrait un autre ombudsman pour le
surveiller.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Moi, j'aurais une petite...
Oui, M. le député d'Anjou.
M. Larouche: Je voudrais...
Mme Harel: Oui, quand je parlais, moi, du caractère
inamovible, ce n'était pas pour nommer à vie. Excusez.
Le Président (M. Dauphin): Rapidement.
M. Larouche: Pour les fins du Journal des débats -
je ne voudrais pas me faire assassiner par des fonctionnaires ou des
bureaucrates...
Une voix: C'est déjà fait.
M. Larouche:... je précise ma pensée. C'est que,
tout simplement, je n'attaque pas les fonctionnaires ni les bureaucrates;
j'attaque la bureaucratie. Comme je le dis, je n'attaque pas le pianiste,
j'attaque sa musique.
Une voix: Ou le piano. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larouche: Alors, c'est un peu la même chose. Tant que
vous n'attaquez pas le gouvernement mais sa musique, ça va passer.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Alors, Me Jacoby, au nom de
tous les membres de la commission, nous aimerions vous remercier d'être
venu aujourd'hui vous prêter à cet exercice, remercier
également vos collaborateurs et vos collaboratrices. Comme on l'a
mentionné dès le début et tout au long de nos travaux,
peut-être un peu plus tard dans le cheminement de nos travaux, nous vous
demanderons probablement de revenir devant les membres de la commission afin
que nous puissions échanger de nouveau et faire confirmer nos
orientations éventuellement Alors je vous remercie beaucoup, je remercie
tout le monde, Mme Trudeau-Bérard, Me Langevin, le secrétaire, et
puis à la prochaine.
M. Jacoby: Je vous remercie, et vous pouvez être
assurés de notre disponibilité.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors nous ajournons nos
travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 51)