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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Thursday, November 26, 1987 - Vol. 29 N° 81

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen des orientations, des activités et de la gestion de la Commission des droits de la personne


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend donc ses travaux. Nous sommes à examiner les orientations, les activités et la gestion de la Commission des droits de la personne, conformément à l'article 294 de notre règlement, cette commission ayant déjà choisi d'examiner cet organisme, la Commission des droits de la personne, pour l'année 1987.

Mise au point du président

Nous avons entendu plusieurs groupes et Intervenants durant les journées de mardi et de mercredi. Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui les représentants de la Commission des droits de la personne. Je voudrais signaler d'entrée de jeu que la Commission des droits de la personne n'est ici, à aucun titre, comme faisant l'objet de griefs ou de revendications de la part des groupes qui ont été entendus durant les deux dernières journées. J'inviterais les représentants de la Commission des droits de la personne, son président, ses commissaires ainsi que certains de ses fonctionnaires qui sont avec nous, à être très à l'aise avec les membres de la commission.

Je tiens à signaler, dans cet esprit, que tes membres de la commission ne se sont pas encore réunis entre eux pour discuter sur le dossier ou sur le contenu de ce que seront les recommandations de la commission des institutions dans son rapport à l'Assemblée nationale. Malgré le fait que les auditions ont lieu d'un bloc, c'est-à-dire durant cette semaine, il demeure qu'il est loin d'être exclu, une fois que les membres de la commission se seront réunis, auront discuté et auront défini un peu l'orientation de leurs recommandations, qu'une nouvelle rencontre puisse avoir lieu avec les représentants de la Commission des droits de la personne. Cette nouvelle rencontre pourrait, à ce moment-là, porter sur des sujets plus précis. Donc, j'inviterais le président de la Commission des droits de ta personne ainsi que les personnes qui l'accompagnent à être très à l'aise avec nous, à nous faire part de leurs réactions, de leurs idées et même, s'ils le jugent à propos, d'intervenir et d'ajouter des éléments aux questions qui pourraient être posées par les membres de cette commission. Je voudrais qu'ils soient bien à l'aise.

Cette mise au point faite, l'inviterais le président de la Commission des droits de la personne, Me Jacques Lachapelle. à bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent, pour les membres de la , commission ainsi que pour le Journal des débats qui, on le sait, transcrit l'ensemble de nos propos pour des fins de pérennité.

Auditions Commission des droits de la personne

M. Lachapelle (Jacques): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, il nous fait plaisir encore de nous retrouver devant vous. J'aimerais, comme vous m'avez invité à le faire, présenter les membres de l'équipe qui m'accompagnent. M. Alain Bissonnette, commissaire à la Commission des droits de la personne; Normand Dauphin, directeur des bureaux régionaux; Mme Paule Sainte-Marie, directrice des communications; M. Mayer Levy, commissaire; à l'arrière de moi, M. Jacques Bergeron, l'adjoint exécutif, M. Bernard Guilbert, directeur de l'administration et Mme Desjardins qui est à la commission de Québec.

M. le Président, j'aimerais, avant de vous faire une présentation - comme vous m'avez invité à le faire - faire une mise au point. Devant cette commission, il y a eu des propos qui ont été tenus sur un sujet très particulier. Je ne veux pas revenir sur les mémoires qui ont été déposés. Ce n'est pas mon objectif et ce n'est pas l'invitation que vous nous avez faite. On a affirmé que dans le dossier, dit le dossier d'enquête sur le taxi à Montréal, des témoignages, des faits avaient été - suivant l'expression qu'on a entendue - gommés ou annulés par la Commission des droits de la personne. Je dois vous affirmer ici que c'est tout à fait faux. Il n'y a jamais eu de témoignages qui ont été retirés On a parlé d'un témoignage percutant et important et incriminant qui aurait été retiré des dossiers. C'est tout à fait faux et les gens qui ont fait de telles affirmations, à mon avis, sont irresponsables. Ils mettent en doute la crédibilité de la commission. Il n'y a jamais eu de tels tripotages, suivant les mots utilisés par ces personnes. Je pense qu'après ces trois années qui ont suivi l'enquête sur le taxi, que des gens viennent révéler des choses semblables alors que ces personnes ont suivi l'enquête sur le taxi, cela m'apparaît également irresponsable de dire des choses semblables.

Alors, M. le Président, c'est la seule mise au point que je voulais faire. Je ne veux pas répondre à tout ce qui a été dit. Je pense qu'on aura l'occasion d'échanger là-dessus et de revenir sur ces questions.

C'est avec beaucoup de satisfaction et, je dirais également, de fierté que nous nous présentons ici. On a dit que cette commission des institutions était probablement unique au pays où on Invitait des groupes, des gens et une commission à venir faire part de son mandat, à le

soumettre aux députés de l'Assemblée nationale. Cela nous apparaît une démarche démocratique extrêmement Importante et la Commission des droits de la personne - même si, bien sûr, on a fait état durant ces journées des erreurs qu'on a pu commettre durant les dix dernières années - est heureuse aujourd'hui de venir vous parler - vous nous le permettrez sûrement - des bons coups qu'on a pu faire durant ces quelque dix années.

L'an dernier, déjà, on avait eu l'occasion de vous entretenir du mandat de la Commission des droits de la personne en vous mentionnant le caractère unique de cette charte. Nous vous avions également fait part de la structure de la commission ainsi que de ses orientations. C'était la demande que vous nous aviez faite. Cette première rencontre avait permis de vous sensibiliser à la situation de la commission par rapport à ses activités et à l'exécution de son mandat, en particulier l'augmentation constante du nombre de dossiers et du volume d'activités de la commission. De même, on vous avait fait état du contexte budgétaire et cela nous avait permis d'énoncer des mesures de rationalisation qu'on avait mises en place à l'époque et des moyens qu'on avait pris pour améliorer l'efficacité de fa commission. Enfin, on avait discuté des communications et de la question de la nomination des commissaires. Je pense que cette question-là est également revenue ces jours derniers devant vous.

Cette année, l'examen demandé dans votre lettre du 27 juin dernier se limite à la structure et au fonctionnement de la commission, au règlement des litiges, à son mandat d'information et d'éducation et à sa présence régionale. Dans ce mémoire, nous nous sommes donc contentés de n'aborder que ces quatre thèmes. Bien sûr, on imagine qu'on aura l'occasion de déborder, mais, déjà, ça nous semblait suffisant de traiter de ces quatre sujets.

Dans un premier temps, il nous apparaît extrêmement utile, même essentiel, de rappeler l'originalité de la Charte québécoise des droits et libertés. En 1975, le législateur québécois a promulgué une loi sur les droits de la personne qui allait bien au-delà de la seule prohibition de pratiques discriminatoires. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec se distingue en effet, à plusieurs titres, des autres législations canadiennes tant par son style que par le nombre de droits qu'elle garantit. En plus d'une partie consacrée au droit à l'égalité, les articles 10 à 19 constituant en quelque sorte le code antidiscriminatoire, la charte énonce également les droits et libertés fondamentaux dans des articles précis de 1 à 9, également des droits politiques, des droits judiciaires, des droits économiques, des droits sociaux, ce qu'on ne retrouve pas dans les codes qu'on dit antidiscrimination des autres provinces. Également, la protection des personnes âgées et handicapées contre toute forme d'exploitation est assurée par un article bien précis. Cette charte se distingue également par sa prépondérance sur toutes autres dispositions d'une lof québécoise qui lui seraient contraires, à moins que cette loi n'énonce expressément, suivant une disposition de la charte, une dérogation. La supériorité des règles contenues dans la charte est ainsi assurée.

La charte québécoise couvre, de plus, les relations de droit privé ainsi que les actions de l'État, ces dispositions liant la couronne

La charte québécoise se distingue, enfin, par la création d'une Commission des droits de la personne, axée sur la promotion et l'éducation aux droits Je pense que c'est un principe qu'on devra retenir constamment au cours de nos discussions.

Ainsi, la première fonction de la commission est de promouvoir, par toutes mesures appropriées, les principes contenus dans ta charte. Elle doit faire enquête dans les matières qui relèvent de sa compétence, établir un programme d'éducation et d'information de manière à faire comprendre la charte, diriger, encourager les recherches, analyser les lois du Québec antérieures à la charte et faire les recommandations appropriées au gouvernement, recevoir les suggestions, les recommandations et les demandes qui lui sont faites touchant les droits et libertés, les étudier et faire des recommandations appropriées au gouvernement, ainsi que coopérer avec tout organisme du Québec ou à l'extérieur du Québec. On le voit, le mandat de la commission est extrêmement vaste, la charte l'est encore davantage, mais on comprend que tant de personnes viennent ici pour dire: La commission ne répond pas à tous nos besoins.

Depuis 1985, la commission assume également une grande responsabilité, celle des programmes d'accès à l'égalité. On aura l'occasion d'y revenir.

Sur le plan décisionnel, ta commission n'a pas de pouvoir coercitif, ni celui de référer ses décisions à un tribunal des droits de la personne. Ainsi l'a voulu le législateur. Il a préféré une Instance davantage axée sur la promotion des droits, l'éducation au moyen de règlement des litiges, plutôt que sur la répression et la punition, tout en permettant à la commission, en dernier ressort, d'introduire une instance devant le tribunal civil ou pénal. Lorsqu'une plainte est considérée fondée, la commission n'émet que des recommandations à l'Intention des parties. Lorsqu'elle constate, par ailleurs, que ses recommandations n'ont pas été suivies, la commission peut, avec le consentement de la partie plaignante, porter la cause devant le tribunal compétent, où elle prend alors fait et cause pour celle-ci. Auparavant, elle aura, bien sûr, fait enquête, elle aura tenté d'amener les parties à régler leur différend en devenant alors médiatrice, pour éventuellement devenir le procureur de la partie plaignante. On le voit, cela fait une série de fonctions qui sont importantes, mais qui sont difficiles à faire fonctionner en même

temps. Pour toutes ces raisons, la commission se distingue nettement des autres juridictions au Canada.

Dans votre demande du mois de juin dernier, vous nous aviez demandé de vous faire des commentaires sur ta structure de la commission. Deux aspects nous apparaissent devoir être considérés. Le premier, la structure organisationnelle, concerne les responsabilités des commissaires de déterminer les grandes orientations qui doivent guider les activités de la commission et être mises en fonctionnement par l'organisation. Le second, relatif à la structure décisionnelle, porte sur la responsabilité de la commission de décider des enquêtes.

La structure organisationnelle de la Commission des droits de la personne est basée sur une organisation fonctionnelle, calquée sur les mandats et les missions qui sont confiés par la charte. Les principales caractéristiques de cette structure. Le plan d'organisation a été approuvé, comme iI se doit, par le Conseil du trésor en 1983. Il autorisait huit directions, avec huit postes de cadre. En juin 1985, le Conseil du trésor acceptait, à titre exploratoire, le principe de la régionalisation des services de la commission. Nous avons fait déjà amplement le tour de la structure de la commission et des diverses entités administratives. Je pense qu'il ne serait pas nécessaire de revenir sur cette question; d'ailleurs, vous avez suffisamment de documentation sur ce sujet. Les thèmes mêmes de la structure Indiquent les définitions et mandats que chacune des directions peut avoir.

Il serait peut-être important de revenir sur certaines caractéristiques des entités administratives. En premier lieu, l'assemblée des commissaires constitue l'instance décisionnelle, en ce qui concerne les orientations et les objectifs de la commission et c'est elle qui adopte l'interprétation des dispositions de la charte. Ces interprétations constituent le fondement des positions de la commission, tant en matière d'enquête que pour tout autre type d'intervention. (10 heures)

En matière d'enquête, la commission et le secrétariat forment l'instance décisionnelle. L'assemblée des commissaires examine donc chaque résultat d'enquête et décide de chaque dossier d'enquête.

Le secrétariat, lui, est responsable de la rédaction, de la diffusion de la documentation. Il assume également l'application de la loi sur l'accès à l'information.

La Direction des enquêtes, les bureaux régionaux, la Direction régionale de Québec, la Direction de l'éducation et la Direction des programmes d'accès à l'égalité sont des directions opérationnelles qui travaillent en contact avec la clientèle de- façon plus particulière sur différents dossiers.

D'autre part, les directions des communications, de la recherche, du contentieux et de l'administration sont davantage des directions conseils et de support.

Les fonctions de défense des droits sont assumées à Montréal et à Québec par des directions spécialisées, enquête et contentieux. La promotion des droits dans ces deux endroits est également assurée par des directions spécialisées, communications, éducation.

En régions, je pense que c'est important de le signaler, comme il n'y a qu'une seule personne, cette double fonction est assurée par la même personne. Toutes ces activités sont coordonnées à l'intérieur de la commission par un comité de gestion.

Il y a des caractéristiques qui se dégagent de cette structure. On doit constater en premier lieu que la ligne hiérarchique, évidemment, est courte: le président et, en dessous, les directions. Cette ligne très courte favorise la communication et la prise de décisions. Les relations interdirections sont rapides et peuvent s'établir au niveau des professionnels, favorisant une relation orientée vers l'action. La coordination interdirections peut être assurée directement par le directeur ou la directrice qui peut soumettre toute difficulté au président.

En second lieu, la spécialisation des tâches, liée à l'approche fonctionnelle, à Montréal et à Québec, facilite la distinction entre la défense et la promotion des droits et permet d'éviter des situations de conflit, tenant principalement à la perception engagée de l'approche promotion alors que l'approche défense, c'est-à-dire enquête, exige davantage d'impartialité.

Il faut cependant souligner qu'en régions, encore une fois, il y a une seule personne chargée de la promotion et de la défense des droits, plaçant ainsi quelquefois l'organisme dans des situations problématiques et même les personnes qui vivent en régions.

Enfin, on doit souligner que cette courte ligne hiérarchique se traduit par le fait qu'un nombre important, on le comprendra, de personnes se rapportent directement au président.

La structure décisionnelle en matière de traitement des plaintes. Contrairement à d'autres législations provinciales en semblable matière, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec est fort peu explicite sur la procédure que doit suivre la commission lorsqu'elle fait enquête. Elle ne prévoit essentiellement que les étapes de la procédure. Ainsi, la commission reçoit une plainte, ou décide de faire enquête de sa propre Initiative. L'enquête se tient sur les faits allégués dans la demande ou sur ceux dévoilés au cours de l'enquête. Une troisième étape prévoit la médiation. En cas d'échec, la commission formule des recommandations qui, si elles ne sont pas suivies, pourront l'amener avec l'autorisation de la partie plaignante à s'adresser au tribunal. L'entrée en vigueur des dispositions de la charte concernant les programmes d'accès à l'égalité a également eu pour effet d'accroître la responsabilité des pouvoirs de la commission. Celle-ci doit fournir l'assistance requise à

l'élaboration des programmes d'accès à l'égalité. Elle détient, en outre, des pouvoirs d'enquête, de recommandation, de recours aux tribunaux et de surveillance dans le but d'amener l'implantation de programmes d'accès à l'égalité quand une situation de discrimination l'exige.

Il apparaît important, parce que je pense que cela a été longuement discuté ici, qu'on fasse un peu le tour de ces questions sur le processus de traitement des plaintes à la commission. Le plan d'organisation de l'administration supérieure, approuvé en 1983, apportait une restructuration partielle du service à la clientèle. Les diverses étapes du traitement des plaintes devenaient les suivantes: la recevabilité, l'enquête, le comité des enquêtes et l'assemblée des commissaires, la médiation, les recommandations de la commission et les poursuites devant les tribunaux.

J'aimerais revenir sur ce processus d'enquête. Les requêtes qui paraissent devoir donner lieu à une enquête sont acheminées à la recevabilité. Les agents et agentes de recevabilité fournissent l'aide nécessaire à la formulation de la plainte, pour laquelle la charte ne prévoit que peu de formalités, si ce n'est que la demande d'enquête doit être adressée par écrit. C'est la seule formalité exigée.

La commission ne peut refuser de faire enquête que si la demande ne relève pas de sa compétence ou si elle estime que la partie requérante n'a pas un intérêt suffisant, que la demande est frivole, vexatoire, ou faite de mauvaise foi, ou qu'une enquête n'est pas nécessaire eu égard aux circonstances.

Il faut noter que la seule exigence requise de ta part de la partie plaignante est qu'elle ait raison de croire qu'elle est ou qu'elle a été victime de discrimination ou d'exploitation. Donc, l'arrivée à la commission est extrêmement large. Dès lors, à cette étape de la réception de la plainte, la commission décide de sa compétence et exerce des pouvoirs quasi judiciaires, ce qui rend sa décision Judiciairement contrôlable.

Compte tenu du nombre important de demandes qui sont adressées à la commission - en 1986, au-delà de 3500 demandes - l'examen de la recevabilité est donc fait par des agents ou des agentes de recevabilité. En suivant les critères de recevabilité prévus aux directives concernant la procédure d'enquête, lis ou elles s'assurent que la commission a Juridiction.

Depuis l'adoption de ces directives, dès lors qu'une plainte formelle est déposée, c'est à la commission de décider si elle doit ou non faire enquête, après avoir informé la partie requérante des motifs pour lesquels sa demande pourrait être rejetée, à moins que d'autres éléments ne puissent être fournis. Une fois la demande acceptée, le dossier est transmis aux enquêtes.

Dans le cas où la chose est possible, un traitement rapide de la plainte est effectué sans mettre en branle le processus formel décrit ci-après. Nous reviendrons, un peu plus loin, sur la question du règlement des litiges; c'est une question qui a fait l'objet également de discussions à cette commission.

L'article 74 impose à la commission le devoir d'enquêter sur les faits allégués dans la demande ou dévoilés au cours de l'enquête. Le personnel enquêteur dispose des pouvoirs et immunités des commissaires nommés suivant la Loi sur les commissions d'enquête, ce qui signifie que l'enquêteur a le devoir de découvrir la vérité et il peut contraindre toute personne à témoigner et à déposer devant lui les documents pertinents. Il peut émettre à cette fin un subpoena et, en cas de refus, il a le pouvoir de condamner pour outrage au tribunal.

Une fois l'enquête complétée, une décision doit intervenir sur le bien-fondé ou non de la plainte avant qu'un mandat de médiation puisse être donné. C'est la commission, composée actuellement de onze commissaires, puisqu'il y a un commissaire qui a démissionné récemment, sa démission doit prendre effet à la fin de novembre... En effet, si, pour des motifs d'efficacité, le législateur a explicitement voulu que les plaintes fassent l'objet d'enquête par des personnes autres que les commissaires, il leur a réservé la décision. On ne trouve aucune disposition dans la charte autorisant la commission à déléguer à d'autres personnes que celles qui sont nommées par l'Assemblée nationale la décision de statuer sur le bien-fondé d'une plainte. La commission doit donc décider après avoir pris connaissance des faits pertinents. À cette fin, elle a constitué des comités d'enquêtes composés de trois commissaires qui étudient chacun des dossiers en vue de faire une recommandation à l'assemblée des commissaires qui décide alors à la lumière de tous les faits révélés par le dossier d'enquête. Trois comités d'enquêtes ont été ainsi constitués un siège à Québec et deux alternativement à Montréal. La présence de ces comités d'enquêtes a considérablement accéléré le déroulement des enquêtes et le processus décisionnel de l'assemblée des commissaires.

La charte a laissé beaucoup de latitude à la commission et à ses enquêteurs pour réaliser la médiation. La médiation peut donc être faite à tout moment, avant ou après l'enquête. Elle peut être entreprise par l'enquêteur lui-même, par un agent d'éducation ou d'information et donner lieu à toute forme de règlement qui soit à la satisfaction des parties.

Lors de ces transactions, on doit cependant garder à l'esprit que la commission est appelée, en fin de course, à formuler des recommandations susceptibles d'avoir des répercussions importantes pour l'une ou l'autre des parties. Une fois la plainte jugée fondée, la commission doit donner un mandat spécifique à l'enquêteur ou l'enquêtrice, pour tenter d'amener une médiation entre les parties. Si la médiation échoue, le dossier est présenté à nouveau aux commissaires qui émettent des recommandations.

La commission peut faire des recommandations visant à faire cesser l'acte reproché, à accomplir un acte ou à payer une indemnité dans un délai fixé ou recommander l'implantation dans un délai imparti des programmes d'accès à l'égalité suivant l'article 86.3.

Les poursuites devant les tribunaux. Lorsque la recommandation de la commission n'est pas suivie, celle-ci peut, avec le consentement écrit de la victime, s'adresser au tribunal afin d'obtenir une injonction, des dommages-Intérêts pour préjudice matériel, moral et, en cas d'atteinte intentionnelle, des dommages exemplaires. Dans le cas d'une enquête en vertu de la partie III, elle peut requérir l'élaboration ou l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité.

En outre, la présence de la commission devant les tribunaux a permis de clarifier une Interprétation qu'il convenait de donner à diverses dispositions de la charte, ce qui a amené la commission, dans certains cas, à faire des demandes de modifications à la charte.

En plus d'obtenir en faveur des victimes de discrimination des dommages matériels, moraux et exemplaires, la commission a pu faire décider des questions suivantes par les tribunaux: La notion de discrimination: l'effet discriminatoire d'un acte de pouvoir d'enquête: la juridiction de la commission, l'équité procédurale, la juridiction sur une matière soumise à l'arbitrage. L'injonction: son usage en matière de discrimination; le motif sexe: sous l'angle de l'équivalence en rémunération. Le harcèlement: tes conditions de travail discriminatoires. La grossesse: la discrimination fondée sur le sexe. L'état civil: les cours ont statué sur l'étendue de ce critère. Le handicap, qui a amené des amendements à la charte. La religion: la modification d'horaires de travail. La langue: le refus de permanence à une employée anglophone.

Les directives relatives aux enquêtes. Je tiendrais à signaler ici que, puisqu'il en a été mention également, durant la dernière année - ce n'est que durant la dernière année que la commission a vu son contentieux se constituer complètement - on a intenté douze actions devant les tribunaux. On a également obtenu des jugements qui nous apparaissent extrêmement importants quand on a intenté, entre autres, des poursuites pour ce qui est des enquêteurs sociaux où la cour a reconnu de façon claire et précise l'inviolabilité de la demeure et, aussi, de façon importante, la présence de la commission comme Intervenant devant les tribunaux.

La question de l'injonction mandatoire a également été discutée à la Cour d'appel et la commission a obtenu gain de cause dans ce dossier, en ce sens qu'on peut obtenir une injonction pour qu'une personne soit rétablie dans ses fonctions. Également, on va plaider prochainement une demande devant la Cour suprême concernant un cas de discrimination raciale avec les forces policières.

J'aimerais vous parler des directives relatives aux procédures. Consciente de la nécessité de suivre, en matière d'enquête, les prescriptions de la charte et suivant en cela la demande de nombreux groupes, la commission a adopté, en avril 1986, des directives relatives aux règles de procédure. Il est à noter que, n'ayant pas le pouvoir d'adopter des règles de procédure, la commission a dû émettre à cet égard de simples directives à l'intention de ses enquêteurs et ' enquêtrices.

L'objectif des règles de procédure est d'assurer une procédure d'enquête efficace dans le respect des règles d'équité procédurales et de l'égalité des parties.

L'objet des directives émises par la commission à son personnel vise donc à permettre aux parties de faire valoir leur point de vue en leur permettant notamment de vérifier la véracité des témoignages reçus et des faits allégués dans la demande et dévoilés au cours de l'enquête, ainsi que l'authenticité des documents. La commission ne statuera sur le bien-fondé d'une plainte qu'après s'être assurée que la personne visée a été informée des faits qu'on lui reproche et lui avoir permis de faire valoir son point de vue et de réfuter les arguments qui lui sont préjudiciables. Toute la procédure veille à ce que ces principes soient rigoureusement appliqués. Ces directives, conformément à l'esprit de la charte, permettent qu'à toute étape on puisse régler le différend, plus particulièrement lors de la conférence préparatoire. Elles prévoient également que les audiences soient publiques et aient lieu en présence des parties. Les parties peuvent renoncer à ce droit et l'enquêteur ou l'enquêtrice peut décréter le huis clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public.

Bien sûr, ces règles de procédure ont des conséquences importantes. Bien que certaines de ces règles soient venues préciser des pratiques qui existaient déjà, elles ont rendu le processus évidemment plus formaliste et plus "judiciaire", les parties se plaçant davantage en situation de confrontation. Selon certains enquêteurs, les avocats ont souvent tendance à se comporter comme s'ils étaient au procès et s'étonnent même que l'enquêteur interroge les parties. Or, iI ne faut pas oublier qu'il s'agit bien d'une enquête et que la commission a le devoir de découvrir tous les faits pouvant mener à une décision sur le bien-fondé d'une plainte. Il est du devoir de l'enquêteur de jouer un rôle actif avant et pendant l'audition pour découvrir, par tous les moyens légaux, la vérité et établir la preuve pertinente.

Il faut aussi constater que la tâche des enquêteurs n'est pas facile du fait que la charte n'énonce pas de présomption en faveur de la victime. Les articles 19, deuxième alinéa, 20 et 86.1, deuxième alinéa, qui font peser le fardeau de la preuve sur la mise en cause, sont des articles d'exception qui s'appliquent une fois que la discrimination est admise ou établie. Étant

donné les pouvoirs d'enquête importants conférés à la commission, les tribunaux, on doit le dire, se sont montrés extrêmement exigeants à son égard quant à sa responsabilité d'établir la preuve. La question des délais a souvent été soulevée et certains craignent que la procédure adoptée par la commission ne les allonge, diminuant ainsi son efficacité et rendant le processus plus coûteux. La commission ne possède pas, actuellement, d'analyse comparative à ce sujet, mais II est vrai que la charge des enquêteurs est très lourde et qu'elle augmente continuellement, Ainsi, en 1986, 883 dossiers d'enquête ont été ouverts, par rapport à 412 en 1984 et 552 en 1985. Au mois de janvier 1987, 1255 dossiers d'enquête étaient considérés actifs, pour un nombre total de 22 enquêteurs et agents de recevabilité. (10 h 15)

Le Président (M. Filion): Comment?

M. Lachapelle: J'ai dit pour un nombre total de 22 enquêteurs et agents de recevabilité.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Lachapelle: Certaines de ces enquêtes, fort complexes, impliquent souvent un nombre important de personnes, notamment les enquêtes qui relèvent de l'article 19 traitant de l'égalité salariale pour un travail équivalent ou encore les plaintes de discrimination Indirecte où ta situation doit être examinée de façon systémique. Actuellement, je peux vous dire que nous avons une douzaine de plaintes devant la commission sur la parité salariale et nous estimons que chacune de ces plaintes peut prendre de neuf à douze mois d'enquête à temps plein et non pas de délais d'enquête. Seulement ces douze plaintes, si on veut les régler sur une période d'une année, demandent probablement la présence d'une douzaine d'enquêteurs.

L'évaluation du mandat relatif au traitement des plaintes. La commission est consciente qu'après dix ans dans le traitement des plaintes en matière d'exploitation et de discrimination, elle doit examiner les résultats obtenus. Elle s'est donc donné comme objectif, au cours de la présente année, de procéder à une évaluation de son mandat d'enquête, particulièrement sur le plan de l'efficacité.

Ainsi, elle a entrepris une réflexion globale et systématique sur le traitement des plaintes, depuis l'accueil des demandes Jusqu'à la poursuite devant les tribunaux. Elle profitera de l'expérience et de l'expertise de ses employés, des commentaires et recommandations de cette commission, de même que des études entreprises par divers organismes et équipes de recherche.

Nous avons également demandé l'aide du ministère de la Justice afin qu'il nous fournisse une expertise externe qui nous permettra de procéder le ptus objectivement possible à une évaluation de ce mandat. D'ailleurs, cette évalua- tion est déjà commencée, elle est en cours depuis à peu près un mois. A cette évaluation devrait s'ajouter une étude sur l'utilisation des ressources humaines et financières et sur les moyens d'en maximiser l'utilisation.

Il a été porté devant cette commission toute la question du règlement des litiges et j'aimerais bien vous en parler du point de vue de la commission. Au cours de sa brève existence, la commission a modifié et amélioré à plusieurs reprises son approche dans le traitement des plaintes, mais elle a constamment gardé à l'esprit que, même en matière d'enquête, les principes de promotion et d'éducation qui lui sont confiés par la charte doivent s'appliquer.

Dès lors, elle a toujours été consciente que son premier devoir n'est pas de punir, mais plutôt de convaincre et d'éduquer tout en tentant de corriger l'injustice dont ont pu être victimes les personnes s'adressant à elle.

Nous l'avons déjà mentionné, ce n'est pas sans raison que la commission n'a pas été constituée en tribunal. Si elle s'est donné des règles de procédure, c'est dans le but de respecter les principes d'équité.

L'enquête doit donc aussi servir à la promotion de la charte. C'est ainsi que la commission a compris les devoirs prescrits par l'article 81: "81. La commission doit tenter d'amener les parties à régler leur différend Si un règlement intervient, les termes doivent en être constatés dans un écrit."

La place Importante qu'occupe la médiation dans le traitement des plaintes à la Commission des droits de la personne exige des enquêteurs, des enquêtrices et des agents de recevabilité une approche visant à faciliter le redressement des torts par une prise de conscience des parties en cause

Cette démarche suppose d'abord que le droit soit connu et que les parties conviennent de rechercher une solution à partir des règles posées par la charte. À cet égard, l'expérience démontre que, la plupart du temps, l'explication des objectifs sociaux de ces règles doit venir compléter l'explication des règles elles-mêmes.

Loin du processus Judiciaire proprement dit, cette fonction insiste plus sur une prise de conscience volontaire de la part des mis en cause et de la partie plaignante

Nous l'avons vu, la médiation peut intervenir à n'importe quel stade de l'enquête Elle peut intervenir avant l'enquête. La médiation préalable à toute démarche formelle d'enquête a toujours été favorisée en ce qu'elle permet un traitement rapide et satisfaisant d'une plainte pour les parties Impliquées.

Le formalisme réduit constitue la pierre angulaire du traitement de la médiation et dépend d'un ensemble de circonstances. À titre d'exemple, mentionnons quelques-uns de ces facteurs:

Le mis en cause est, dès le départ, disposé à collaborer. Il y a même souvent un aveu

spontané de sa part. Le délai entre l'événement allégué et le dépôt de la plainte est minime. Les exigences de la partie requérante sont ajustées aux dommages subits. Les faits entourant le cas sont clairs et souvent admis par les deux parties.

Bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive, mais elle situe bien les exigences du traitement rapide d'une plainte. Il importe de mentionner que tous les motifs de discrimination interdite ont pu faire l'objet d'intervention rapide, prenant de quelques heures à quelques mois, comme le montrent les exemples suivants: Une femme harcelée sexuellement qui avait démissionné obtient en deux mois un règlement de 3500 $ accompagné d'une lettre de recommandation de l'ex-employeur. Le temps de faire quelques appels téléphoniques et un candidat-locataire noir sera reçu pour visiter un logement que l'on disait déjà loué parce qu'on avait identifié son accent étranger.

En quelques semaines d'échanges et de rencontres entre un employeur et la Commission des droits de la personne, 27 femmes sont replacées sur une liste d'ancienneté unique avec droit de supplantation dans l'ensemble de l'usine. Conséquence: elles peuvent dorénavant accéder à tous les postes. De plus, seize de ces femmes se partagent un dédommagement de 15 000 $.

Une employée occasionnelle d'un centre d'accueil qui avait été congédiée parce qu'un examen médical sommaire avait révélé la possibilité d'un handicap articulatoire s'est vue, après quelques jours d'intervention de la commission, réintégrée sur une liste de rappel et on lui a versé un montant équivalant à trois mois de salaire pour compenser le manque à gagner.

En quelques jours, un aveugle, s'étant vu refuser l'accès à un taxi à cause de son chien-guide, a demandé et obtenu que la coop de taxi verse 350 $ à la Fondation Mira et qu'une directive soit émise à tous tes chauffeurs membres leur rappelant la politique concernant les chiens-guides.

Un autre aveugle accompagné d'un chien-guide à qui on avait refusé l'accès à une salle de danse s'est vu verser une somme de 300 $ après quelques appels téléphoniques.

Je pense qu'il était important de mentionner ces exemples et on pourrait en mentionner d'autres, à la centaine peut-être, pour modifier la compréhension qu'on avait laissé entendre devant cette Assemblée, à savoir que les dédommagements étaient à peu près de 200 $. Je pense bien que ces exemples démontrent qu'on règle les problèmes de façon bien différente et que, souvent, les demandes des personnes ne portent pas sur des questions de dommages qui leur sont payés personnellement. Je pense à ce cas où on a versé 350 $ à la Fondation Mira.

Outre l'avantage de la rapidité du traitement des plaintes, cette approche porte en elle-même un autre bénéfice fort important: la satisfaction de la partie requérante et, dans la très grande majorité des cas, la satisfaction de la partie mise en cause. Les antagonismes durent moins longtemps, il n'y a pas de frais d'avocat et les règlements s'avèrent intéressants.

Le traitement rapide des dossiers a divers avantages et il sera intéressant de l'exploiter plus à fond. C'est d'ailleurs dans ce sens que travaillent actuellement les unités de la Commission des droits de la personne qui ont la responsabilité de mener des enquêtes. Ainsi, l'on tend à généraliser la mise en oeuvre de l'intervention rapide par tes agents de recevabilité. En plus de mieux documenter le dossier, ceci a pour avantage d'identifier d'entrée de jeu quelles sont les chances de règlement rapide ou encore vers quel mode d'intervention doit être dirigée la requête telle qu'elle se présente, à savoir: S'agit-il véritablement d'un cas d'enquête, d'un besoin d'information ou encore d'une opération de type éducatif?

Même si les avenues du traitement rapide et adapté sont attrayantes, il n'en reste pas moins qu'il y aura toujours des cas où des enquêtes formelles seront requises.

Lorsqu'une plainte a donné lieu à une enquête qui permet de déclarer fondées les allégations de discrimination, un mandat de médiation est toujours donné à l'enquêteur ou à l'enquêtrice avant que la commission n'émette des recommandations formelles. Cette médiation peut être faite par une autre personne que celle qui a fait l'enquête, lorsque la situation l'exige.

Le résultat de l'enquête est soumis aux parties et les faits constatés permettent alors d'apprécier l'opportunité d'un règlement. La commission agit alors non comme un arbitre, mais comme un agent conciliateur, en indiquant aux parties les modalités susceptibles de régler le différend et les compensations à envisager compte tenu de la Jurisprudence et des précédents. Un pourcentage Important des plaintes se règle à cette étape.

Certains de ces règlements illustrent de façon plus frappante les solutions qu'une médiation après enquête permet d'atteindre. Tel est par exemple, le cas de la petite Julie sur lequel les médias ont attiré l'attention du public.

Julie, enfant trisomique, avait été envoyée en classe spéciale et ses parents alléguaient qu'il y avait eu discrimination fondée sur le handicap. Après avoir entendu toutes les parties et le témoignage des experts, la Commission des droits de la personne déclare que la commission scolaire avait agi de façon discriminatoire dans son appréciation du dossier de Julie. Les normes et les critères différents qui lui ont été appliqués lui ont causé préjudice. En agissant ainsi, la commission scolaire a rompu le principe d'égalité reconnu à Julie par les articles 10 et 40 de la Charte des droits et libertés de la personne.

L'intervention de la Commission des droits de la personne a conduit les deux parties à conclure un arrangement à l'amiable qui a permis la réintégration de Julie à l'école. Julie aura accès aux divers services disponibles: trois

périodes par semaine en orthopédagogie et de l'aide individuelle. Le ministère de l'Éducation ainsi que l'Office des personnes handicapées du Québec pourront apporter un soutien financier si des services supplémentaires sont utiles.

Les résultats. Sur le plan judiciaire, les chiffres de l'annexe 2 permettront d'apprécier... Je pense bien qu'il n'est pas nécessaire de revoir cela. C'est un document assez long. Mais cela permet de voir des comparaisons entre ce que les tribunaux ont pu accorder et ce que tes règlements ont pu donner à la Commission des droits de la personne.

Un aspect qui avait également été soulevé et un autre chapitre de nos discussions aujourd'hui: l'information, la communication et l'éducation. La loi fondamentale de la société québécoise, la charte, doit être connue de tous et toutes afin que les droits et libertés soient respectés et protégés contre toute violation. L'information et la connaissance sont essentielles pour quiconque veut défendre ses droits. L'éducation ne l'est pas moins si on veut que les personnes modifient leur comportement pour permettre la réalisation d'une société plus harmonieuse fondée sur l'égalité de chacun et chacune.

C'est ainsi que la charte a donné la mission à la commission de "...promouvoir, par toutes mesures appropriées, les principes contenus dans la présente charte" des droits et libertés et le mandat d'"établir un programme d'information et d'éducation, destiné à faire comprendre et accepter l'objet et les dispositions de la présente charte."

Complémentaires dans leurs objectifs, les communications et l'information visent à établir la relation qui permet le meilleur renseignement, la meilleure connaissance, de manière à articuler l'information de façon pratique et opérationnelle

Le défi que propose la charte est donc de taille. En effet, comment rejoindre tous les segments de la population québécoise distribuée sur un si vaste territoire?

Dès sa création, la commission a établi un programme d'information destiné au public en général et à des clientèles particulières. Les services reliés à la diffusion de l'information se répartissent en trois principaux secteurs: le renseignement, les publications, les moyens de communication. La programmation d'information comprend ces trois volets.

Le texte qui suit fera état des réalisations en fonction des divers publics rejoints. L'évaluation de ces activités guide les orientations des programmes d'information et des stratégies de communication pour les prochaines années.

Un large segment du public croit encore que la commission doit prendre en charge tous les maux de la société et régler tous les problèmes Individuels. Je pense que vous avez eu, hier, certains exemples à ce sujet. Ainsi, fait-on appel à nous pour régler des problèmes d'assurance, de crédit, d'augmentation de loyer, d'annulation de mariage, de conflit de personnalité, etc. Aux agents de renseignements revient la tâche de clarifier des situations et de réorienter les personnes vers les instances appropriées.

À Montréal, les agents et les agentes de renseignements ont répondu à plus de 25 000 requêtes en 1986. À Québec, plus de 8000 requêtes ont été reçues pour la même année. Pour l'ensemble de la commission, les demandes sont passées de 19 000 en 1983 à 38 000 en 1986. Il convient d'ajouter que, depuis la mise sur pied des programmes d'accès à l'égalité, la commission a répondu, au cours des sept premiers mois, à 117 demandes de services.

Des rencontres d'information ont permis de rejoindre plus de 1500 personnes représentant aussi bien des associations d'employeurs, de consultants et de praticiens en ressources humaines que des membres d'associations d'employés et de groupes cibles. La commission a également participé à plus de douze colloques où près de 10 000 personnes ont pu être renseignées sur les programmes d'accès à l'égalité. (10 h 30)

Parmi les requêtes concernant la charte, toutes ne sont pas des plaintes devant donner lieu à une enquête. Ainsi, en 1986, 1334 requêtes émanaient aussi bien d'employeurs que de syndiqués, d'enseignants et d'élèves, d'avocats, de responsables de centres d'accueil.

Plus complexes dans leurs Implications, éminemment plus pratiques dans leur application, les réponses à ces requêtes exigent une information appliquée, pouvant satisfaire aux critères opérationnels des demandeurs. Voici quelques exemples. Des travailleurs et des employeurs veulent discuter de la légalité de la pertinence de certaines questions dans les formulaires de demandes d'emploi. Des travailleurs se plaignent de ne pas pouvoir exercer leur droit à la liberté de non-association (obligation d'être syndiqués, d'être gérés par un décret, de devoir participer à des régimes collectifs de retraite, etc). Des syndicats dénoncent les différentes formes de contrôle des employés: fouilles à l'arrivée et au départ, installation de caméras, etc.

De leur côté, des employeurs font état de vols fréquents dans leur entreprise et veulent discuter de moyens de contrôle qui respecteraient les droits des employés.

Des éducateurs, des parents, s'Informent de la manière dont peuvent être traités des problèmes qu'ils présentent en termes de droit à l'éducation, de discrimination (âge d'inscription des enfants à l'école, transfert d'une commission scolaire catholique à une commission scolaire protestante, ou le contraire, pour des raisons de qualité d'enseignement, activités scolaires qui sont jugées contraires aux exigences d'une religion, etc.). Des avocats veulent connaître l'interprétation que la commission donne de certains droits et libertés et de différents motifs de discrimination.

Des directeurs de centres hospitaliers ou centres d'accueil veulent discuter des moyens à

prendre pour respecter les droits des patients en même temps que ceux de leurs employés.

Des propriétaires d'établissements publics consultent la commission sur la façon d'agir lorsque des clients font des remarques sur des employés de couleur ou refusent d'être servis par eux, ou sur des clients handicapés.

Je pense que ce sont là de bons exemples et ce sont là des exemples tout à fait quotidiens de demandes qui sont reçues à la Commission des droits de la personne. Les énoncés sont suffisamment clairs, mais je vous prie de croire que tes réponses ne sont pas toujours très faciles à donner pour des gens qui sont au bout de la ligne, au téléphone. Souvent, cela demande plusieurs heures et plusieurs semaines de recherche avant de trouver réponse à des questions aussi complexes que le droit à la non-association, par exemple.

Nous aimerions aussi vous entretenir sur les publications et la diffusion de la charte. Environ 1 000 000 d'exemplaires de la charte ont été distribués depuis 1976, soit par les agents de la commission, soit par les services gouvernementaux avec lesquels nous avons des ententes de services tels Communication-Québec, la Régie du logement, les centres de services sociaux et des organismes non gouvernementaux.

Par mesure d'économie, 80 % de notre distribution ont été constitués de reprographies, les versions imprimées étant réservées pour des grandes circonstances et des événements particuliers.

Forum des droits et libertés qui est le bulletin officiel de la commission est tiré à 10 000 exemplaires et compte une dizaine de parutions par année. Il est intéressant de signaler que les articles du bulletin sont repris fréquemment par des journaux et revues et alimentent les recherchistes d'émissions sur les affaires publiques. Ce bulletin sert en outre de lien avec tous les organismes du Québec qui oeuvrent dans le secteur des droits et libertés.

Pour rejoindre un large public, la commission a publié des séries de dépliants relatifs à des sujets spécifiques dont voici quelques exemples. Sur les motifs de discrimination, un document a été tiré, en cinq langues, à 50 000 exemplaires. Sur la discrimination dans le logement, un document anglais et français dont plus de 200 000 dépliants ont été distribués grâce à la collaboration d'organismes telles la Régie du logement, les caisses populaires. Le journal Habitabec, avec un tirage de 100 000 copies, a reproduit cette année le dépliant et des articles du bulletin sur cette question.

Sur la discrimination dans le taxi, 5000 copies ont été distribuées en collaboration avec la ligue et les associations de chauffeurs. Une partie du coût de l'impression a été assumée, après de longues discussions, je dois vous le dire Ici, par le ministère des Transports. Enfin, on a accepté de nous donner quelques montants d'argent pour nous permettre d'imprimer ce document. Un autre document, Salaire égal pour un travail équivalent; le tirage de 15 000 copies est épuisé.

En réponse à des demandes d'enseignants, d'avocats, de responsables d'organismes ou d'individus Intéressés à une question en particulier, 3466 documents ont été expédiés l'année dernière. étant donné la diversité des sujets traités par la commission, il est nécessaire de développer une stratégie d'information adaptée aux publics touchés par une question qui est particulière. Par exemple, la position de la commission sur la sexualisation des postes dans les centres d'accueil et les centres hospitaliers a été diffusée largement à toute une clientèle..

L'étude de la commission, relative aux chroniques de chasse et de pêche, a été publiée sous forme de cahier et d'articles dans Droits et libertés et expédiée aux groupes autochtones et aux instances appropriées La mise en vigueur de la partie III de la charte a donné lieu à un vaste programme d'information auprès des employeurs, syndicats et groupes du milieu afin de faire connaître l'objet et les modalités des programmes d'accès à l'égalité.

Le guide pour l'application de l'article 18.1 sur les formulaires de demande d'emploi a été tiré à 10 000 exemplaires en français et à 3000 en anglais. Ce guide est utilisé principalement par les directions des ressources humaines des entreprises. Des compagnies ayant leur siège social à l'extérieur du Québec réclament ce guide afin de se conformer à la loi québécoise.

Les autres publications. Parlons de la charte annotée. Ce texte annoté de fa charte rend compte des 225 jugements concernant la Charte des droits et libertés de la personne, depuis son entrée en vigueur jusqu'en 1985. II nous apparaîtrait essentiel que cette publication soit refaite pour la mettre à jour, en 1987. On tente de trouver des moyens de satisfaire à la republication de ce document qui nous apparaît extrêmement important pour les juristes.

Cette publication constitue un instrument indispensable d'information pour quiconque veut connaître la jurisprudence québécoise en matière des droits et libertés.

Droits et libertés au Québec, pour sa part, publie les positions officielles de la commission, les décisions et les recommandations de la commission en regard des projets de loi. Trois recueils ont été édités à ce jour grâce à un protocole d'entente signé avec la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ).

Les médias font appel à la Commission des droits de la personne de façon régulière. Les journalistes et recherchistes font appel à la commission pour compléter une recherche en vue d'une émission sur nombre d'événements dans l'actualité, autant que sur des dossiers de la commission pour alimenter une ligne ouverte, préparer une enquête ou un reportage.

Ceci représente environ 300 demandes par

an, sans compter des centaines de consultations rapides sur des sujets les plus divers. Peu d'organismes similaires à la Commission des droits de la personne, au Québec, sont consultés aussi souvent que nous le sommes.

Depuis 1976, la commission a émis 180 communiqués, tenu 25 conférences ou briefings de presse et établi des ententes avec les directions des quotidiens pour la publication de textes plus détaillés en rapport avec les interprétations de la charte et les prises de position de l'organisme. On se doit aussi de signaler la contribution appréciable des médias en régions pour la couverture des événements amorcés par les représentants régionaux.

Nous avons également établi des stratégies spécifiques auprès des hebdos. L'Importance grandissante de ces hebdos régionaux nous a incités à recourir à leurs services, permettant ainsi la diffusion des messages à des publics difficiles à rejoindre, compte tenu des limites du budget des communications.

Une série d'articles leur sont adressés, chaque année, pour publication à titre de service au public. Une soixantaine d'hebdos régionaux ont reproduit au moins un texte l'an dernier, au cours d'une campagne d'information sur la discrimination dans le logement. À plusieurs reprises, nous avons aussi fait appel aux câblodistributeurs pour la diffusion de courts messages d'intérêt public. Nos interventions ont été efficaces, mais, malheureusement, trop sporadi-ques faute de personnel disponible pour assurer la continuité de cette opération.

Tant à Montréal qu'en régions, nous avons participé à de nombreuses émissions destinées à des publics cibles, notamment aux communautés culturelles. Ici encore, nous devons restreindre notre participation par manque de ressources humaines. Quelques émissions sur la charte par le réseau autochtone, à Radio-Nord de Radio-Canada dans diverses régions du Québec. Dans toutes les tournées d'information en régions, nous avons pu compter sur la collaboration de Communication-Québec qui a toujours facilité les relations de la commission avec les médias locaux.

Nous ne pouvons répondre, malheureusement, adéquatement à la demande des écoles, des groupes communautaires, des institutions de personnes âgées. Nous acceptons à peine une vingtaine d'invitations par an, depuis deux ans. Il faudrait pouvoir libérer, à temps plein, un agent ou une agente d'information uniquement pour le réseau scolaire de la province, si l'on voulait répondre à toutes les demandes. Notre politique consiste à regrouper des personnes-ressources dans un secteur et celles-ci relaient l'information appropriée afin de rentabiliser et rendre plus efficaces nos actions dans ce domaine.

En ce qui a trait aux kiosques d'information, nous restreignons notre participation à la Semaine de la justice et à des colloques directement reliés aux droits de la personne. Nous ne disposons que de trois documents réalisés dans la série Justice pour les services juridiques et de deux émissions produites par Radio-Québec Un film sur la charte et la commission, produit en 1976, on le comprendra, est complètement dépassé depuis que des amendements ont été apportés à la charte en 1982 et depuis la restructuration de la commission. Ces quelques documents ne répondent plus aux besoins exprimés par les clientèles. Celles-ci réclament des vidéos et des guides d'accompagnement sur des aspects précis de la charte: la discrimination raciale, le harcèlement sexuel, l'équité en emploi, etc.

À l'occasion du dixième anniversaire, de la journée anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la commission a organisé, à deux reprises, un événement spécial auquel ont contribué bénévolement des artistes et des organismes voués aux droits de la personne. Pendant trois jours au Complexe Desjardins et deux jours à l'UQAM, le public a participé au programme d'activités: films, kiosques d'information, musique de divers pays, lecture de textes, etc. C'est une occasion unique de fraternisation et d'information sur les droits et libertés exprimés à travers les oeuvres de personnes de toutes conditions et de toutes origines.

La commission s'est-elle acquittée de son mandat d'information? A-t-elle rejoint un vaste public, des clientèles-cibles? A la première question, nous pouvons répondre, je pense, par l'affirmative. Le tableau des réalisations tracé précédemment soutient cette assertion. Si l'on tient compte des maigres ressources humaines et financières mises à notre disposition, notre programme d'information a répondu aux exigences de qualité des personnes requérantes.

Avons-nous rejoint le grand public? À ce propos, les sondages effectués par la firme Optimum apportent un certain éclairage. Il a été réalisé en 1986 auprès d'un échantillon représentatif des 18-64 ans des régions métropolitaines de Montréal et de Québec. Les participants au sondage ont eu à évaluer quatre organismes gouvernementaux sur une série de onze critères à l'aide d'une échelle bipolaire en dix points. Les organismes sont la Commission des normes du travail, l'Office de protection du consommateur, la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec et la Commission des droits de la personne.

D'après ce sondage, la Commission des droits de la personne du Québec occupe le premier rang sur le plan de la notoriété et le deuxième rang sur le plan de l'importance, de l'impartialité, de la compétence et du niveau de satisfaction relativement à la nature des Informations reçues. La commission éprouve plus de difficultés, par contre, sur le plan de la célérité à traiter les dossiers et du degré d'influence face au gouvernement et au ministère de la Justice.

Malgré les résultats de ce sondage, nos propres canaux de communication indiquent que

notre information a peu pénétré dans certains milieux, notamment les communautés culturelles moins familières avec la langue de la majorité, les individus non regroupés dans des associations et les travailleurs et les travailleuses non syndiqués. Nous pensons, bien sûr, à la situation des femmes immigrantes dans les "sweat shops".

Aujourd'hui, onze ans après sa création, la Commission des droits de la personne est confrontée à des situations plus complexes qu'à l'origine. L'actualité concerne de plus en plus la commission: tensions raciales dans les écoles, refus de location de logements pour familles avec enfants, examens médicaux, préembauche, arrivée de requérants au statut de réfugié, etc.

La Direction des communications, antenne de la commission, doit donc moduler ses stratégies en conséquence. C'est pourquoi nous préparons actuellement un programme triennal de communications dont les principaux éléments visent un élargissement des réseaux de diffusion, une Intensification des relations avec les médias et ta production de documents audiovisuels correspondant aux besoins d'information des clientèles.

Voici ce qui en est de la situation de l'information. Un aspect important de la promotion des droits se situe, bien sûr, au niveau de l'éducation. L'éducation au respect des droits de la personne constitue un volet important de l'activité de la Commission des droits de la personne. Que signifie l'éducation aux droits? Qu'est-ce qui la caractérise? La charte proclame des droits et libertés que la société québécoise reconnaît en toute égalité à tous les citoyens. Elle définit des rapports sociaux basés sur le respect mutuel, en toute réciprocité, de ces droits et libertés reconnus dans la charte. La reconnaissance législative de ces droits et libertés ne suffit pas; il nous faut les traduire dans les réalités quotidiennes afin de les rendre concrets pour tous.

Cette promotion et cette éducation au droit à l'égalité sont donc la pierre angulaire de nos interventions éducatives. Il nous faut traduire cette notion de manière opérationnelle et concrète. Voilà où commence le travail éducatif.

Pour ce faire, nous collaborons durant toutes les étapes de notre intervention avec les divers groupes cibles qui sont parfois des victimes de discrimination ou d'exploitation, et parfois aussi avec des personnes responsables de situations discriminatoires. La charte elle-même et les quelques données recueillies au cours des ans ainsi que l'expérience des employés de la commission nous ont permis, avec le temps, de préciser les groupes cibles et les principaux secteurs d'activité. Toute intervention éducative que nous entreprenons comporte d'abord une phase d'analyse du contexte social que nous voulons changer. Cette analyse prend son origine et s'alimente de consultations nombreuses que nous menons auprès de personnes ou de groupes directement concernés; elle s'alimente aussi de demandes qui parviennent à la commission et de situations qui sont portées à notre attention, par exemple, par l'entremise de la Direction des enquêtes. La Direction de l'éducation, en accord avec les priorités définies par la commission, peut également intervenir dans certaines situations. (10 h 45)

La phase d'analyse d'une situation nous permet d'en tracer le portrait clair et précis, nous aide à en Identifier les causes et à dégager les pistes de solutions possibles. Cette phase est cruciale dans notre travail d'éducation, car elle définit la trame de fond de notre future intervention qui se traduit concrètement, à l'intérieur d'une approche éducative, sur trois plans: le plan idéologique, le plan opérationnel et le plan existentiel.

Au plan idéologique, l'approche se concentre sur la compréhension de la charte et l'actualisation de la charte par la promotion de ses fondements idéologiques et par la prévention de toutes les formes de discrimination, en tentant de neutraliser les obstacles au développement des droits et libertés de la personne.

L'aspect opérationnel, lui, vise à développer des stratégies orientées vers la formation et le développement de réseaux d'agents multiplicateurs capables d'éduquer et de responsabiliser leur milieu respectif. Cet aspect veut aussi susciter la concertation et la mobilisation entre les partenaires sociaux en vue d'enraciner ta promotion et la défense des droits au sein des diverses communautés québécoises.

Enfin, au plan existentiel, la conscientisa-tion des citoyens et citoyennes vise à favoriser le développement d'une conscience sociale centrée sur les relations égalitaires et l'acceptation mutuelle des Québécois et Québécoises. Elle dévetoppe les habiletés et compétences requises à l'exercice, à la défense et à la promotion des droits et libertés de la personne. À titre d'exemple, nous offrons à des entreprises privées ou publiques une session de formation de trois jours dont les objectifs sont généralement les suivants: faire connaître les implications de la charte en milieu de travail, particulièrement en ce qui concerne la gestion des ressources humaines; identifier les changements individuels et organl-sationnels que suscite l'implantation de la charte à l'intérieur du milieu de travail respectif, Identifier les obstacles qui empêchent les femmes d'accéder à des postes de travail non traditionnels et amorcer un programme de changement conforme à l'esprit de la charte.

Au fur et à mesure du déroulement d'une session de formation, nous abordons successivement un, deux ou trois niveaux de notre intervention éducative, par exemple, un test sur les caractéristiques féminines et masculines et un exercice de perception qui nous permettra de toucher à l'aspect existentiel; un exposé sur la charte et ses implications en milieu de travail et un vidéo sur l'importance du nombre dans une

entreprise nous permettra de travailler au plan Idéologique; une mise en situation qui favorise le travail en équipe sera utilisée au plan opérationnel.

Cette approche s'articule autour de plusieurs stratégies et tactiques éducatives dont voici les principales composantes: la production de documents écrits explicitant notre analyse d'une problématique et certains scénarios proposés comme solutions possibles; l'organisation de sessions de formation d'une, deux ou trois journées à l'intérieur desquelles nous proposons un ensemble de réflexions et d'activités visant à modifier certaines perceptions de la réalité que véhiculent les personnes invitées à ces rencontres, à modifier ainsi leurs comportements et leurs façons de faire dans des secteurs spécifiques de leurs activités.

La consultation auprès d'Individus et d'organismes constitue également un moyen très fréquemment utilisé. Cette consultation prend toute son importance quand elle prolonge et complète une intervention plus globale dans un secteur donné puisqu'elle nous permet de rejoindre très directement des groupes ou des individus qui vont poursuivre en profondeur les changements souhaités. Ce contact direct nous permet également de bien sentir les résistances du milieu et les aspects à modifier ou à améliorer dans notre proposition de changement.

La participation à des conférences, colloques, symposiums nous permet de faire connaître notre point de vue et de faire partager certaines analyses de situations Ce moyen d'intervention est Important parce qu'il nous permet de rejoindre plusieurs personnes simultanément et de les sensibiliser à une problématique précise. Notre présence à ces activités a aussi pour conséquence d'inciter les gens à faire appel à nos services pour une intervention plus en profondeur et nous met en contact avec des situations particulières vécues par certains groupes ou certaines personnes.

La concertation et la conciliation communautaires constituent également un autre moyen important utilisé par la commission. Nous croyons en effet qu'une des finalités de l'intervention éducative est de rendre les gens capables de s'organiser eux-mêmes pour défendre et régler leur situation. Notre travail consiste donc à leur faciliter la mise en commun de diverses ressources du milieu, leur organisation, leur bon fonctionnement, tout en laissant aux groupes de plus en plus d'autonomie. Toutes ces tactiques sont utilisées, parfois simultanément, parfois successivement, selon les circonstances. Un objectif est cependant commun et général: identifier et modifier les comportements qui ont conduit à une situation conflictuelle et les causes de cette situation, proposer et mettre en oeuvre tes moyens appropriés pour modifier ces comportements.

Les activités d'éducation à la commission s'organisent autour de quelques grands dossiers d'intervention: le dossier de l'acceptation mutuelle des Québécois de toutes origines, quels que soient leur race, leur couleur, leur origine ethnique ou nationale; le dossier des peuples autochtones; le dossier du secteur du travail; le dossier de la promotion des droits des jeunes en milieu scolaire; le dossier de l'instrumentation éducative; le dossier de la situation des femmes dans la société québécoise. Outre ces dossiers, la commission Intervient de manière plus ponctuelle, notamment, dans le secteur des droits judiciaires.

Au cours des années, la commission est intervenue dans chacun de ces grands dossiers. Bien sûr, on trouvera en annexe le détail de ces activités. Il convient cependant de souligner certaines réalisations à cause de leur impact particulier En février 1985, la commission tenait une conférence Internationale sur l'enseignement aux droits. Sous le thème "Les droits, ça s'apprend", plus de 500 personnes, incluant un grand nombre de jeunes, ont participé à des ateliers, exposés, conférences et spectacles de théâtre Des participants de la France, de la Belgique, de la Suisse, des États-Unis et du Canada se sont associés à cette réflexion collective sur la situation actuelle et les perspectives d'avenir de l'éducation aux droits fondamentaux dans les écoles. Cette mosaïque d'activités a été consignée dans un document de plus de 500 pages, et je crois que c'est là un document unique sur la problématique de l'éducation aux droits dans les écoles.

En 1981, la commission produisait, en collaboration, plus de 500 000 exemplaires du guide d'interprétation de la charte à l'usage des jeunes de niveau secondaire. S'adressant aux jeunes, mais impliquant les parents, les enseignants et les directions des écoles, ce guide a permis l'affirmation et le développement d'un dialogue entre les adultes et les jeunes. Un nouveau guide sera lancé sous peu, vraisemblablement vers la fin de janvier.

Il convient aussi de mentionner que la Direction de l'éducation de la commission est à l'origine de l'intégration à la charte québécoise des programmes d'accès à l'égalité. Une mission d'étude aux États-Unis et une conceptualisation des principes à promouvoir ont permis à la commission de collaborer à la rédaction des amendements à la charte et d'être présente tout au long du processus qui a donné naissance à la Direction des programmes d'accès à l'égalité.

En 1986, cette direction a organisé la tenue d'un séminaire ayant pour thème "L'accès à l'égalité, une action concertée". S'adressant surtout aux gestionnaires des ressources humaines, plus de 150 personnes ont participé à cette rencontre. Forts de l'expérience des années récentes, nous développons de nouvelles approches conformes à notre mandat, susceptibles de favoriser la création d'impacts éducatifs solides et durables. Face à certaines grandes problématiques, comme le harcèlement sexuel et racial en

milieu de travail, le racisme, les droits des autochtones, nous privilégions la mise en oeuvre de cadres globaux d'intervention, sanctionnés par les commissaires, et qui servent d'assise et de plate-forme délimitant l'orientation et la nature des actions à entreprendre de la part des Intervenants de la commission.

À l'intérieur des cadres globaux d'intervention, nous développons diverses approches éducatives en fonction des situations en cause: stratégies pédagogiques et andragogiques, stratégies psychosociales de conscientisation et d'habilitation aux droits et libertés, stratégies de changement planifié dans une organisation, stratégies de concertation avec des partenaires sociaux, stratégies de mobilisation sociopotitique.

De plus, nous alimentons ces diverses stratégies de documents écrits et audiovisuels vulgarisant et résumant les points saillants de la charte, en face de certains publics cibles ou secteurs cibles: milieu du travail, milieu scolaire, minorités visibles et ethniques, autochtones, etc. L'opérationnalisation des activités découle d'un plan stratégique. Pour l'année 1987-1988, le milieu scolaire, le milieu du travail, les minorités visibles et les communautés culturelles, les droits des autochtones et la population en général ont fait l'objet des projets priorisés par la commission.

La présence régionale de la commission. La Commission des droits de la personne est consciente - je pense que la commission des Institutions s'est souvent penchée sur cette question, elle est très intéressée par cette question - que l'impératif de justice qui est relié à sa fonction se traduit par la nécessité d'assurer l'accessibilité de ses services à l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. Un réseau de bureaux régionaux permanents constitue un instrument fonctionnel et dynamique pour atteindre cet objectif. Après des demandes répétées et insistantes, qui datent déjà de 1976, le Conseil du trésor autorisait, neuf ans plus tard, en juin 1985, à procéder à une phase pilote d'implantation de ses services dans quatre régions administratives du Québec.

Les objectifs de la régionalisation. Dès le 18 novembre 1985, ia Commission des droits de la personne procédait à l'ouverture de ses bureaux régionaux en Estrie, dans l'Outaouais, en Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord, dans les villes de Sherbrooke, Hull, Rouyn et Sept-Îles. Par le programme de régionalisation de ses services, la commission se rendait immédiatement disponible à une population de près de 780 000 personnes, répartie dans l'Estrie à raison de 239 000 habitants, dans l'Outaouais de 273 000, dans le Témiscamingue de plus de 150 000 et sur la Côte-Nord de plus de 100 000.

L'exigence de la régionalisation des services de la Commission des droits de la personne découle essentiellement de l'importance capitale pour tous les Québécois et Québécoises des principes valeurs véhiculés par la Charte des droits et libertés de la personne. Par-delà la reconnaissance des droits et libertés qui y sont énoncés, la commission veut favoriser, grâce à ses permanences régionales, l'exercice concret de ces droits et libertés. Il s'agit de s'assurer d'abord que la charte soit connue partout au Québec Connue, certes, mais aussi comprise et progressivement intégrée à la vie de tous les jours.

Les objectifs des représentants régionaux à court et moyen terme ont été ainsi définis: expliciter les principes contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne, avec le souci constant du vécu régional et des problématiques particulières. Cette exploitation se fera auprès de la population globale des territoires desservis et, d'une façon particulière, auprès des organismes, associations et groupes voués à la promotion et à la protection des droits; établir des contacts significatifs avec les principaux intervenants du milieu de façon à bien les connaître et à se faire connaître, l'émergence d'un réseau de coopération ne pouvant que mieux servir la cause des droits et libertés; connaître en profondeur la région desservie, sa géographie, sa situation socio-économique, ses problèmes particuliers; connaître les populations cibles, leurs besoins, leurs attentes face à la commission (les personnes handicapées, les autochtones, les communautés ethniques, les jeunes, les personnes âgées); collaborer avec les différentes unités administratives à la réalisation des programmes provinciaux de la commission; assumer l'accueil des clientèles quant aux renseignements généraux, à la recevabilité des plaintes et aux enquêtes.

Les représentants régionaux sont plus que des agents de liaison entre un bureau régional et les directions de Montréal et de Québec. Les objectifs définis, tels qu'expérimentés depuis, en font de véritables agents des droits de la personne habilités à répondre aux demandes et à régler sur place les problèmes et les dossiers qui leur sont soumis. Je ne sais pas si la commission des institutions en a pris connaissance, mais nous avons produit pour le ministère de la Justice un document fort complet sur la situation des bureaux régionaux avec les statistiques et, également, toute la problématique vécue dans chacune des régions.

Les ressources affectées à l'expérimentation. Le budget 1986-1987 pour les bureaux régionaux est de 265 000 $ et a nécessité l'embauche de six personnes pour ces quatre bureaux régionaux, soit un professionnel et une secrétaire par bureau. C'est avec satisfaction que nous soulignons l'initiative prise par la Commission des droits de la personne et le Comité de la protection de la jeunesse de partager le personnel de secrétariat, de même que les locaux et le matériel commun dans les bureaux régionaux sous étude. C'est ainsi que les secrétaires des bureaux de Sherbrooke et de Hull sont des employées du Comité de la protection de la jeunesse tandis que

les secrétaires du bureau de Rouyn sont des employées de la commission.

Analyse des résultats en fonction des objectifs poursuivis. Les objectifs précédemment énoncés se sont traduits en activités d'information, de coopération et d'éducation, de même qu'en activités d'accueil des clientèles, de renseignements, de recevabilité des plaintes et d'enquêtes. Ces activités correspondent aux mandats de la commission. Chacun pourra examiner le tableau que nous avons produit à la page 60 du document de la commission et qui est fort révélateur des activités qui se font par une seule personne en région. Soulignons que les permanences régionales ont généré, en 1986, 204 dossiers d'enquête comparativement à 38 en 1985, 52 en 1984 et 33 en 1983 pour les mêmes régions, (11 heures)

En Estrie, dans l'Outaouais, en Abitibi. sur la Côte-Nord, les séances d'information se sont multipliées. Les contacts avec les groupes et organismes furent abondants Les médias d'information ont été mis largement à contribution pour rejoindre l'ensemble des populations desservies. Je pense que les membres de l'Assemblée nationale qui sont dans ces régions connaissent bien les activités de nos personnes en région. Des services concrets d'accueil des clientèles, de référence, de prise en charge ont été donnés. Il suffit de considérer le nombre élevé de personnes qui se sont rendues dans les bureaux régionaux de la commission pour comprendre l'immensité des besoins déjà exprimés Qu'il s'agisse de l'intégrité de la personne, du respect de la vie privée, de l'inviolabilité de la demeure, qu'il s'agisse des droits politiques, des droits judiciaires, des droits économiques, culturels et sociaux, qu'il s'agisse de la non-discrimination ou de l'interdiction d'exploiter les personnes âgées ou handicapées, c'est une vigilance de tous les instants qu'il faut mettre en oeuvre pour contrer les atteintes aux droits des uns et des autres Les permanences régionales participent activement à cette vigilance.

Les résultats du programme de régionalisation des services de la commission sont probants: l'intégration des représentants régionaux dans leur milieu respectif crée une affinité, une saine complicité avec les populations desservies; la personnalisation des relations avec les gens, la visibilité, l'accessibilité ne peuvent qu'être bénéfiques à la commission en démystifiant son image d'éloignement, de bureaucratisation, de dépersonnalisation; conseiller directement les gens sur la prise en charge de leur situation et de leurs droits, accroître leur confiance à l'égard des représentants régionaux et réduction des délais d'intervention qui raffermit la crédibilité de la commission.

Il est, bien sûr, des réalités qu'on ne peut retrouver dans les chiffres et dont les statistiques ne peuvent tenir compte. Ce sont des réalités à vivre bien plus qu'à compiler. Dire qu'en 1986, les représentants régionaux ont reçu en entrevue 1386 personnes, cela peut être impressionnant ou banal, selon le pourquoi de ces visites C'est plus impressionnant que banal quand on sait qu'on vient généralement à la commission avec un problème, un problème humain aux dimensions souvent multiples, et qu'on espère, en dernier recours, parfois, une solution. C'est bien de présence et de qualité de présence dont iI est question ici. Les représentants régionaux, au premier chef, sont à l'écoute de leur milieu respectif et, dans la mesure des besoins identifiés, rendent des services pertinents prévus par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

La régionalisation de ses services est une voie d'avenir pour la Commission des droits de la personne Elle se doit d'être présente maintenant dans toutes les régions administratives du Québec. À très court terme, il serait impérieux que la commission obtienne les budgets qui permettront de rendre permanents les quatre bureaux régionaux actuellement ouverts et de procéder à l'ouverture de bureaux dans les autres capitales régionales qui ne sont pas actuellement desservies par la commission.

En guise de conclusion, tel que nous l'avons préalablement indiqué, nous avons voulu répondre aux quatre questions qui étaient soulevées par l'Assemblée nationale. En rapport avec chacune d'elles, nous vous avons fait part de certaines orientations de la commission Les préoccupations de la commission débordent tout de même ces quatre thèmes que vous nous avez soumis Puisque votre commission étudie également les orientations des organismes gouvernementaux, nous croyons qu'il est pertinent de vous faire connaître les orientations et les objectifs de la commission à court et moyen terme.

Il importe tout d'abord de rappeler qu'une partie importante des ressources de la commission est investie dans le domaine de l'enquête et des poursuites en matière de discrimination et d'exploitation dans l'analyse des lois qui pourraient être contraires à la charte et dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.

Pour ce qui est des autres activités, la Commission des droits de la personne, consciente de l'ampleur de la tâche qu'elle doit accomplir et des ressources nécessairement limitées dont elle dispose, a jugé essentiel de se doter d'un mécanisme de planification stratégique sur une base triennale qui lui permet, annuellement, de déterminer et de réviser ses objectifs, plus particulièrement en matière de recherche, d'éducation et de communication

Nous avons, pour la prochaine année, centré nos efforts sur les objectifs suivants, étant conscients que leur réalisation peut, bien sûr, s'étendre sur plusieurs années Le premier objectif: l'élimination des pratiques discriminatoires dans l'emploi. L'Importance du nombre de plaintes dans le domaine de la parité salariale et l'acuité du sujet commandent que la commission

entreprenne dans les meilleurs délais les enquêtes sur ces dossiers, continue les recherches qui lui permettront d'évaluer l'Impact des conséquences économiques et de mener à terme les études sur les moyens de preuve. La commission poursuivra ses démarches afin d'assurer la mise en application des recommandations de l'enquête sur l'industrie du taxi. Je suis convaincu qu'on aura l'occasion d'en reparler bientôt.

La promotion et l'application de la charte en milieu de travail, particulièrement auprès de minorités visibles et des femmes. Le milieu de travail a toujours été le secteur où le nombre de plaintes à la commission a été te plus Important et où la demande d'information a été constante. Le milieu de travail constitue à peu près 75 % des demandes d'enquête à la commission. La commission a entrepris la préparation d'instruments vulgarisant les implications de la charte en milieu de travail à l'intention des employeurs, employés et syndicats. La commission entend assurer la diffusion des principes de la charte en milieu de travail au moyen de colloques, conférences, rencontres, etc.

Les programmes d'accès à l'égalité et la lutte à la discrimination systémique. La Direction des programmes d'accès à l'égalité, conformément à son mandat d'agir à titre de conseiller auprès des organismes, continuera son programme de sensibilisation auprès des entreprises, des syndicats et des employés pour la mise en place de programmes d'accès à l'égalité.

Dans le domaine de la lutte à la discrimination systémique, ta recherche orientera ses efforts sur la preuve nécessaire en matière de discrimination systémique, l'impact des règles d'ancienneté et l'apport statistique dans l'élaboration de la preuve.

L'évaluation des pratiques discriminatoires dans l'habitation auprès des minorités visibles et ethniques. Le domaine du logement constitue un champ d'intervention où la commission entend faire davantage que le traitement des plaintes individuelles. Après une évaluation des problèmes vécus par les femmes, les minorités ethniques et visibles, de même que par les autochtones, la commission entend mettre en oeuvre des mesures pour contrer la discrimination dans le logement. Nous avons actuellement une étude en cours sur ce sujet qui devrait nous permettre d'élaborer des stratégies d'intervention dans le domaine du logement.

Le développement des relations interethniques et raciales. Il importe, pour t'analyse des problèmes sociaux, la détection des besoins de sa clientèle et fa mise en place de solutions, que la commission consolide ses bases en se rapprochant des groupes et des diverses communautés ethniques. Dans ce but, la commission a créé récemment un comité de concertation des relations interethniques et raciales. Ce comité est composé d'une quinzaine de personnes provenant des diverses communautés culturelles de la région métropolitaine, qui se réunit à peu près tous les deux mois pour nous guider et nous orienter. Je dois vous dire que c'est une initiative assez récente qui devrait, à notre avis, être extrêmement profitable pour la commission et les minorités.

L'enquête sur les minorités visibles et ethniques devrait fournir à la commission et à tous ceux qui oeuvrent à la défense des droits des minorités des données leur permettant de connaître le profil socio-économique de ces groupes et de mettre en place des programmes d'accès à l'égalité. Voilà une autre enquête de la commission faite auprès de quelque 2000 ménages de la région métropolitaine pour connaître véritablement les problèmes de discrimination dans l'emploi et dans divers secteurs d'activité.

La commission devra aussi déposer une étude sur la qualité des services offerts aux minorités visibles et ethniques dans tes services public, parapubtic et péripublic. Cette fois, c'est une évaluation auprès des différents services offerts par les différents secteurs d'activité. On a demandé à ces divers organismes de nous faire connaître quels programmes ils offraient, quelles activités ils offraient aux minorités visibles et ethniques.

La promotion et l'application de ta charte en milieu scolaire. Le milieu scolaire est un lieu privilégié d'éducation à la charte. Dans les prochains mois, la commission devrait diffuser un nouveau guide à l'intention des jeunes, guide qui a été longuement discuté, sur lequel il y a eu de nombreuses consultations auprès des différents groupes, des personnes impliquées dans le milieu scolaire et des divers groupes de pression qui nous ont donné des indications sur ce document. Je pense que c'est un document grandement attendu et qui devrait être extrêmement profitable dans les institutions scolaires.

La commission est consciente des besoins d'information de la population sur les droits et libertés. Un plan triennal de communication est en voie de développement prévoyant des stratégies de communication auprès de l'ensemble de la population afin de vulgariser les principes de la charte.

La défense des droits des autochtones. La commission entend, au cours des prochains mois, consulter les groupes autochtones sur la Charte des droits et libertés de la personne, et sur les attentes qu'ils entretiennent face à la Commission des droits de la personne ainsi que sur la contribution qu'elle peut leur apporter dans la reconnaissance de leurs droits.

Mise en place de politiques et procédures dans le but d'améliorer les services à la clientèle. La commission doit constamment évaluer les services qu'elle rend à la clientèle qu'elle dessert en vue d'en améliorer la qualité. C'est ainsi qu'elle a nommé un responsable des services à la clientèle qui doit faire rapport au président. Elle entend continuer les démarches dans le but d'étendre les bureaux régionaux à toute ta population québécoise.

Mise en application du plan de changement organisationl. La commission a consulté ses employés sur les moyens visant à améliorer la qualité de la vie au travail. Une équipe de travail a formulé des recommandations qui seront mises en application selon un échéancier prévu.

Évaluation des mandats de la commission, plus particulièrement du traitement des plaintes On en a parlé tantôt, la commission procédera à une évaluation des résultats qualitatifs et quantitatifs en matière de traitement des plaintes, tant au niveau de l'efficience que de l'efficacité.

Voilà, M. le Président, en substance, ce que nous pouvons vous dire en ces quelques heures. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Filion): Je voudrais vous remercier, bien sûr, M. le président, et je ne suis pas sans savoir que le mémoire que vous nous avez livré ce matin a dû demander de votre part et de la part de toute l'équipe de la Commission des droits de la personne énormément d'énergie, de temps, de réflexion. Nous vous remercions pour la qualité de ce mémoire qui va sûrement alimenter notre réflexion bien au-delà des échanges que nous pourrions avoir. Je suis convaincu que vous connaissiez déjà bien la Commission des droits de la personne, dont vous êtes le président depuis trois ans. Cela vous a sûrement permis de faire un tour de jardin des activités actuelles de la Commission des droits de la personne.

À cette étape-ci de nos travaux, nous allons suspendre la séance quelques minutes. Nous pourrons entamer avec les représentants de la Commission des droits de la personne une période d'échanges avec les membres de cette commission. Nos travaux sont donc suspendus pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 12)

(Reprise à 11 h 36)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

Pour amorcer cette période d'échanges avec nos invités, je vais d'abord donner la parole à M le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M le Président Premièrement, j'aimerais m'excuser de mon retard auprès de nos Invités de la Commission des droits de la personne, ayant été victime de délais à l'aéroport de Dorval. Cela dit, comme membres de la commission, nous sommes heureux de vous recevoir aujourd'hui, dernière journée de notre consultation relativement à notre mandat. Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons reçu une quinzaine de groupes, mardi et mercredi, groupes dont certains avaient des critiques à faire à l'endroit de la Commission des droits de la personne, dans certains cas, c'étaient des critiques de fond et, dans d'autres cas, des critiques quand même assez superficielles. Aujourd'hui, les membres de cette commission auront l'occasion d'échanger avec vous, sur certains aspects particuliers de votre mandat et de vos activités, qui sont revenus dans la plupart des représentations que nous avons eues de la part des groupes invités.

Je voulais vous dire que cet échange sera très serein, connaissant personnellement tous les membres de la commission des institutions. Nous aurons l'occasion, par la suite, en séance de travail, de nous réunir de nouveau afin de confectionner les recommandations que nous ferons à l'Assemblée nationale et au ministre de la Justice.

Sans plus tarder, j'aimerais, avec votre permission, commencer l'échange en cédant la parole à notre président, à la suite d'une entente. Nous aurons l'occasion, par la suite, d'aborder les différents thèmes qui sont le plus souvent revenus lors des échanges avec les groupes invités. Alors, M. le Président, c'est à vous à commencer.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le député de Marquette. J'ajouterai, cependant, que l'ensemble des remarques, commentaires, opinions et critiques qui ont été faits par les intervenants qui sont venus ici depuis deux jours ont, à ma connaissance, toujours été faits dans une optique positive. Si certaines critiques ont pu paraître négatives, je dois vous dire que, de ce côté-ci, c'est-à-dire en ce qui concerne les membres de la commission, elles ont toujours été accueillies de façon positive. Le climat en général - vous n'étiez pas présents - est toujours demeuré serein. II faut comprendre aussi que, du côté de ces intervenants, c'était, dans bien des cas, la première chance qu'ils avaient d'exprimer publiquement leur opinion sur un organisme qui leur tient énormément à coeur, finalement, c'est ce qui explique, parfois, la sévérité de leur jugement.

Alors, depuis la création de la commission, l'exercice auquel les parlementaires se livrent est une première dans nos annales. La réforme parlementaire elle-même ne datant que de 1984, vous comprendrez que cet exercice n'a pu être fait avant. Je voudrais également situer, resituer le cadre de notre mandat. Nous nous sommes donné ce mandat en vertu du règlement qui découle de la réforme parlementaire. Nous allons, comme l'a mentionné le député de Marquette et comme je l'avais mentionné également, nous réunir en séance de travail, une fois les présentes auditions terminées. II est probable que nous nous revoyions dans un cadre qu'il reste à déterminer avec les représentants de la Commission des droits de la personne, lorsque nos réflexions auront été poussées un petit peu plus loin, à la suite de quoi nous déposerons des

recommandations à l'Assemblée nationale, si l'unanimité existe au sein de notre commission, ce dont je ne doute point.

Je voudrais amorcer avec vous les échanges sur un point qui m'apparaît très important, pour ne pas dire crucial. Vous l'avez soulevé vous-même dans votre mémoire et de multiples intervenants - pour ne pas dire tous les intervenants - l'ont également relevé. Il s'agit de la multiplicité des rôles de la commission. Sans être un spécialiste de la question des droits de la personne et de la commission, en mes propres termes, j'aimerais vous exposer la façon dont j'entrevois les choses à ce stade-ci.

D'une part, ta Commission des droits de la personne dispose d'un mandat de promotion; vous l'avez soulevé dans votre mémoire. Ce mandat prend la forme de responsabilités informatives, de responsabilités éducatives; il joue également un rôle dans le domaine de l'enquête, sur la façon dont l'enquête se déroule. Le mandat de promotion est central pour la Commission des droits de la personne. Vous avez relevé l'article 81 dans votre texte, si ma mémoire est bonne, de la charte. L'accent est mis, si l'on veut, sur la possibilité de faire accepter et faire comprendre la charte et, donc, en ce qui concerne la médiation, de favoriser, par la médiation, le règlement, etc., tout cela dans une optique de promotion de l'essence même de ce que sont les droits et libertés contenus dans la charte. Donc, c'est un mandat de promotion extrêmement important, d'une part.

Deuxièmement, c'est un mandat d'enquête. Là-dessus, vous n'avez pas le choix, la charte est claire. La commission, lorsqu'elle juge une plainte recevable, doit enquêter et, donc, aller chercher les faits, ce qu'en langage de relations du travail on appelait a l'époque le "fact-finding board", aller chercher les faits qui sont soumis par les plaignants. Donc, deuxièmement, un mandat d'enquête.

Troisièmement, un mandat de médiation. Encore une fois, la loi est claire. Cette médiation peut intervenir n'importe quand: avant, pendant ou après une enquête. C'était une formule souhaitée par le législateur à l'époque. C'est une formule retenue à juste titre par la commission au cours de son existence. Mais ce mandat de médiation, déjà, dans certains cas, vient en contradiction avec le mandat d'enquête.

Ayant moi-même agi à titre d'enquêteur dans certains dossiers et de médiateur dans d'autres, il n'est pas facile, par exemple, de recueillir des confidences sur la foi d'une médiation et de s'en servir dans un rapport d'enquête. Comme une relation de confiance doit exister dans une médiation, cette relation de confiance est difficilement applicable dans d'autres cas au cours d'une enquête. Alors, tout cela crée une situation - je ne dis pas qu'elle est impossible - qui n'est pas facile. Donc, troisièmement, médiation.

Quatrièmement, la commission doit adjuger...

J'emploie le terme; il y en a peut-être d'autres que les avocats spécialistes pourraient me souffler à l'oreille. La commission doit décider d'abord si une plainte est recevable et décider également s'il y a eu ou non violation d'un droit prévu à la charte. Tout ceci - le quatrième volet, l'adjudication - ne se fait pas sur le fond du litige, si l'on veut, c'est-à-dire ne comprend pas... L'adjudication se termine par des recommandations au niveau ultime. Ce sont des recommandations qui peuvent être suivies ou pas par les intervenants, le mis en cause ou le plaignant. (11 h 45)

Bref, à certains moments, la commission est obligée d'agir comme un tribunal mais n'a pas les pouvoirs exécutoires d'un tribunal. Vous voyez les quatre volets, mais le quatrième n'est pas simple. On voit la contradiction qui peut exister, dans certains cas, entre les deuxième et troisième volets, soit entre l'enquête et la médiation. On voit les contradictions, plutôt les conflits qui peuvent exister entre ce devoir crucial de promotion et les trois autres volets que sont l'enquête, la médiation et l'adjudication, bien qu'entre la promotion et l'adjudication le conflit soit peut-être moins évident, mais il existe, à tout le moins, entre le mandat de la promotion et ceux de l'enquête et de la médiation.

Bref, mon tableau est simple. C'est celui d'un avocat, certes, mats d'un profane en ces matières. Il n'est pas rose en termes de compréhension, surtout pour les intervenants. Je suis convaincu qu'à l'intérieur de la commission, on a réussi à se structurer fort bien mentalement - je l'ai compris de votre mémoire. Difficilement, certes, mais, avec le temps, on a réussi à se structurer mentalement pour accomplir ces différents rôles que confie la charte.

Je tiens à signaler que, dans ce que je dis, il n'y a pas d'interprétation abusive de la charte par les commissaires ou par des membres du personnel de la Commission des droits de la personne. La commission doit vivre avec la loi et avec la charte telle qu'elle a été adoptée par les législateurs, à l'unanimité, depuis bientôt une dizaine d'années. Ce n'est pas un glissement, là. En tout cas, à mon sens, je n'ai pas relevé d'abus dans la compréhension du rôle de la Commission des droits de la personne, mais bien plutôt des conflits potentiels et réels, il faut l'admettre, à partir des exemples qui nous ont été donnés par les intervenants. Ce sont des conflits qui découlent d'un cadre juridique et d'une réalité vécue.

Évidemment, vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs intervenants, pour ne pas dire la totalité d'entre eux, ont relevé cette confusion des rôles, que certains appellent conflit d'intérêts, qui crée, en somme, un problème de perception auprès des intervenants. Il y a également un problème réel pour ceux qui essaient d'y voir clair et d'entrevoir l'avenir de la Commission des droits de la personne pour les cinq, dix ou vingt prochaines années. Cette

confusion, évidemment, entraîne des conséquences. Je ne voudrais pas aborder tout le chapitre des conséquences, mais signaler uniquement que, dans mon esprit, la question des délais découle partiellement, mais pas totalement, du problème de la multiplicité des rôles de la Commission des droits de la personne. Alors, en ce qui concerne les délais, au plan pratique, on parle souvent - je l'ai répété hier - de cette action que l'on retrouve dans plusieurs jugements "Justice delayed is justice denied"; je pense bien que cela a été traduit dans toutes les langues. Mais il y a une réalité à la base. Lorsqu'on tarde à rendre une décision ou à faire un travail, à ce moment-là, ie simple fait de retarder crée des inconvénients majeurs. Je dois vous dire que les exemples donnés par les intervenants, en particulier par le Comité provincial des malades, peuvent devenir fort éloquents dans certains cas. Que l'on pense au milieu scolaire, etc.

Ce n'est qu'une conséquence que j'effleure. Je reviendrai là-dessus plus tard. Encore une fois, c'est simplement pour signaler que cette confusion des rôles n'est pas simplement un sujet théorique pour amateurs de grandes réflexions philosophiques ou pour amateurs de grands organigrammes que j'appelle des "organigrouilles", mais c'est vraiment quelque chose de concret, qui a des conséquences concrètes sur la réalité. En ce sens, donc, je serais heureux si vous pouviez réagir à cet aspect de notre réflexion.

M. Lachapelle: M. te Président, je comprends que mes collègues pourront intervenir; je sais que mon collègue, Alain Bissonnette, a des réflexions intéressantes là-dessus. Je voudrais ajouter en préliminaire, non pas pour compléter ce que vous avez dit, mais je pense que, tel qu'indiqué dans notre document, il ressort que si, - à l'extérieur, on vit ces situations conflictuelles que peuvent entraîner (es différents rôles de la commission, vous comprenez bien que, même à l'interne, on vit ces mêmes problèmes.

Par exemple, je mentionnais tantôt qu'en région une seule personne fait tous les rôles Si une personne vient déposer une plainte, on imagine bien qu'elle doit sympathiser avec elle, lorsqu'elle accueille la plainte, et, ensuite, elle devra peut-être enquêter, mais enquêter en toute Impartialité, derrière une tribune. Ce n'est pas facile. Je vous donne cela comme exemple, car c'est assez angoissant. C'est pour cela qu'un jour, quand la Commission des droits de la personne a rapatrié des dossiers à Montréal, ce n'était pas dans le but de rapatrier les dossiers, mais bien plus d'envoyer des enquêteurs de Montréal ou de Québec pour enquêter sur ces dossiers. Ce n'était pas une situation très tenable, à Hull, que de faire enquêter par la personne elle-même. Vous voyez comment, de façon très humaine pour les gens qui vivent dans l'organisation, ces conflits peuvent surgir. Ils se sentent impliqués dans un dossier et ne sont pas toujours en mesure de le défendre justement.

Il faudrait ajouter un élément que vous n'avez pas mentionné quant à cette problématique pour bien la voir dans tout son ensemble: la commission, après coup, peut aussi poursuivre. À ce moment-là, bien sûr, elle doit se sentir assez à l'aise avec la plainte, lorsqu'elle a déclaré, suivant les mots utilisés, une adjudication selon laquelle la plainte était recevable, fondée; il faut aussi, à un moment donné, qu'elle prenne la décision de poursuivre. Là aussi, c'est une décision difficile à prendre. Est-ce qu'on a des chances de succès? Il y a des groupes, hier, qui ont parlé de stratégies de la commission en matière d'Intervention devant les tribunaux. Cela fait aussi partie de toute cette problématique de conflits dans ses rôles.

Comme vous l'avez mentionné bien sûr, à la commission, on vit avec ces problèmes et on a trouvé des arrangements. Il y a des arrangements d'ordre structurel, si vous voulez: on a dissocié, autant que possible, les rôles d'éducation, donc la promotion du rôle d'enquête. Même à l'intérieur du rôle d'enquête, il reste toujours ce rôle de chercher les faits et d'établir la vérité, Un premier conflit se pose et, en cherchant des solutions, des réflexions, je dirais, à haute voix là-dessus, ensemble, il faudrait que l'on puisse dissocier le rôle de médiation du rôle d'enquête de façon que la personne qui fait la médiation ne fasse pas ensuite l'enquête Je pense que ce serait un minimum à établir.

Bien sûr, c'est là un aménagement administratif qui ne règle pas tous les problèmes. Je pense que, dans les autres cas, il faudrait véritablement se pencher sur d'autres modèles. Est-ce qu'on devra aller dans des modèles du style Tribunal des droits de la personne, comme on a ailleurs? Est-ce que cela éliminerait ces problèmes, ces conflits apparents, par exemple, en ayant un tribunal où la commission ne ferait que dire: Nous pensons qu'on devrait porter ce dossier devant un tribunal? À ce moment-là, l'adjudication ou la décision serait moins formelle. C'est peut-être là, également, une autre voie que l'on devrait explorer pour éviter ces conflits que vous avez mentionnés.

Je ne sais pas si mes collègues avaient d'autres éléments à ajouter sur cette question. Il reste que la problématique que vous avez soulevée l'a également été par les groupes; elle est bien présente, nous en sommes conscients. Il faut, à brève échéance, pour la crédibilité des actions de ta commission, y trouver des solutions

Le Président (M. Filion): D'accord, je vous remercie, Me Lachapeile. Me Bissonnette.

M. Bissonnette {Alain): Bonjour. J'aimerais, sans vraiment répondre de façon très concrète à la problématique qui est soulevée, surtout insister sur le fait que les quelque onze commissaires qui siègent à la commission sont très conscients des questions qui ont été soulevées par les organismes depuis deux jours et que c'est partagé par la

plupart de mes collègues, conscients qu'ils sont des obligations que le Québec a à cet égard, notamment en matière d'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Je pense que fa plupart d'entre vous savez qu'il existe une convention internationale à cet égard et que le Québec a des obligations, notamment celle d'assurer à toute personne soumise à sa juridiction une protection et une voie de recours effective devant les tribunaux et autres organismes compétents contre tout acte de discrimination raciale. J'aimerais bien indiquer que les commissaires et la commission doivent demeurer vigilants à l'égard de leur propre travail dans la mesure où on veut bien s'assurer de mettre en oeuvre, chez nous, des obligations que nous avons choisi d'assumer devant l'ensemble de la communauté Internationale et devant l'ensemble de la communauté québécoise. Cela fait partie des principes que la charte nous oblige à promouvoir. Je veux insister là-dessus.

Toute la discussion qui a lieu actuellement sur l'efficacité de la Commission des droits de la personne, quant à mol, m'apparaît essentielle et très positive. Elle doit se faire sereinement, maintenant, comme en tout temps. Elle doit se faire également en proclamant de façon très claire ce que sont, à nous tous, nos objectifs en matière de racisme, en matière d'égalité, en matière de discrimination. Ces objectifs n'appartiennent pas qu'à la Commission des droits de la personne. Ils appartiennent à toute notre société, aux législateurs, aux communautés, aux individus et aux membres de la commission, aussi bien ses commissaires que ses employés. Je dirais que, comme commissaires, nous avons une espèce d'obligation de fiduciaire à l'égard de toutes les personnes et de tous les groupes qui composent notre société. Il est donc normal que la commission s'interroge et que l'on Interroge la commission sur ses réalisations à cet égard. Je suis persuadé, comme commissaire, que, tant que ce dialogue demeurera ouvert et constant, il va permettre à tous de prendre conscience aussi bien de leurs droits, de leurs devoirs que de leurs responsabilités.

En termes simples, peut-être un peu philosophiques, je pense que cela mérite d'être redit: Dans une société comme la nôtre, le respect des droits et libertés, cela va toujours constituer une tâche quotidienne et un enjeu sur lequel il faudra toujours mobiliser l'ensemble des citoyens. Dans notre mandat, c'est bien précisé que, comme commission, nous devons coopérer avec tout organisme. Ce n'est pas une réponse à ces interrogations plus concrètes qui visent à voir comment on va réussir à remplir concrètement nos obligations à cet égard, mais je voulais souligner que le débat appartient à tous et que, comme commissaire, je suis très heureux que beaucoup de groupes, d'individus au sein de notre société nous disent: Écoutez, H y a des problèmes, il y a des questions de délai, il faut peut-être précisément distinguer les différents mandats, comme vous les avez si bien indiqués, M. le Président. Je dois dire qu'à la commission ce sont des préoccupations qui ont été formulées par des commissaires. Il y a eu des réunions où on a parlé de ces questions Entre autres, j'ai dit - cela vaut ce que ça vaut, c'est un élément dans la réflexion - qu'il était possible que la médiation fasse partie d'une logique différente du processus d'enquête, et même contradictoire, dans la mesure où, lorsqu'on cherche à faire de la médiation, on ne cherche pas à déclarer ou à dire ce qu'est le droit, on cherche à faire en sorte que les parties en présence, entre elles, s'entendent. C'est ce qui peut faire qu'à l'occasion des parties concluent un règlement qui, aux yeux de certains, sera analysé comme étant un règlement à rabais. Mais s'il s'agit bien du règlement sur lequel les parties s'entendent et dans la mesure où la commission aurait pu intervenir et faire en sorte que, dans la réflexion des deux parties, on ait mieux tenu compte de ce que sont les droits et libertés, on devrait en être heureux, mais on a toujours ce réflexe de dire: Mais la jurisprudence nous dit qu'on pourrait avoir plus ou moins. Moi, je dis que, si les parties veulent vraiment aller vers la médiation, on est dans une logique différente et qui tient plus compte d'un processus qui fait finalement en sorte qu'on obtienne la paix entre les parties. (12 heures)

Quand on est dans le processus de l'enquête, c'est autre chose Là, on est peut-être plus dans un processus judiciaire et la fonction de dire le droit devient importante.

Il y aurait peut-être lieu de scinder - de quelle façon, il faudra voir - ces deux mécanismes qui, quant à moi, répondent à deux logiques différentes. Le problème qu'on aura toujours, il me semble, c'est qu'il sera toujours possible pour une des parties qui, à un moment du processus de médiation, ne sera plus satisfaite de ce dit processus, d'invoquer un droit et de dire: On termine ce processus et on retourne au contradictoire. Tout notre système juridique est basé là-dessus. Ce qui veut dire que, même si on arrivait à bien scinder les deux mécanismes, les deux logiques, il sera toujours possible, je pense, dans notre système Juridique, pour un avocat qui défend le mieux possible les Intérêts de son client, de dire: On n'est plus satisfait du processus de médiation, allons vers le contradictoire.

Bref, je pense que je ne vous ai pas donné de solution concrète, mais je voulais exprimer que, pour mol et pour tous mes collègues, ça demeure un dialogue très important, qu'on se pose des questions là-dessus et qu'à l'Interne des gens tentent de trouver des éléments de solution. Au fond, j'invite aussi bien les membres de cette commission que les autres groupes à partager avec nous ces réflexions.

Le Président (M. Filion): Merci, Me Bissonnette.

Me Lachapelle.

M. Lachapelle: Je voudrais ajouter à ces réflexions qu'il m'apparaît primordial de conserver la médiation dans notre processus. Il faut trouver des aménagements. Je pense que l'autre aspect, qui serait strictement une espèce de système d'enquête où on judiciariserait la procédure d'une certaine façon, m'apparaît une autre voie qui serait inacceptable. Actuellement, dans le système judiciaire on parle beaucoup de déjudiciarisation. Quand on parle de déjudlciari-sation, on parle également de médiation et de conciliation. À titre d'exemple, en matière de petites créances, il y a quelques années j'étais partie à une expérience où on demandait à des personnes d'agir à titre de médiateur pour tenter de régler certains dossiers. Actuellement, en matière de relations matrimoniales, on a des équipes qui travaillent à la médiation et qui tentent d'amener les parties à régler les différents aspects qui découlent, entre autres, d'une séparation ou d'un divorce.

Je pense qu'il est très Important, en termes éducatifs, en termes d'efficacité de système également, que l'on conserve cet aspect de la médiation. Il faut peut-être l'aménager autrement, avec d'autres personnes et d'une autre façon, mais il m'apparaît primordial, surtout dans le cadre d'une charte où l'aspect éducatif est important. C'était la remarque que je voulais ajouter. Je ne voudrais surtout pas qu'on perde de vue qu'il faut garder cet aspect-là.

Le Président (M. Filion): Je pense que j'ai bien saisi te sens de votre intervention. Il y a plusieurs personnes qui veulent intervenir. Je donnerai la parole d'abord au député de Chapleau.

M. Kehoe: Je veux intervenir en posant des questions directes et spécifiques. Hier, le groupe d'aide à l'information sur le harcèlement a présenté un mémoire. Dans leur analyse, ces gens ont fait un bref exposé du cheminement d'un dossier et une critique concernant la procédure que vous suivez. J'aimerais que vous répondiez à mes questions.

Premièrement, pour formuler une plainte, pourquoi faut-il que ce soit fait par écrit? Les gens se sont plaints que les formules qu'ils ont à remplir sont très détaillées, difficiles à compléter, qu'on demande un tas de renseignements et d'informations. On disait que c'est une des raisons qui prolonge les délais avant que vous ne traitiez des dossiers. C'est la première critique qu'ils ont avancée hier. Pourquoi faut-il que ce sort par écrit? Je sais que la loi l'exige, d'accord, mais je voudrais connaître votre opinion à savoir si ça pourrait être changé. Est-ce que ce ne pourrait pas être plus simple et plus direct? Le formalisme qui existe actuellement est-il vraiment nécessaire?

M. Lachapelle: À cette première question, oui. il faut que ce soit par écrit, mais cela peut se faire sans formalité et de façon très simple. C'est bien clair, c'est simplement le mécanisme d'enquête qui est déclenché; on prétend que c'est dans la charte qu'il faut au moins que la personne fasse cette première démarche.

Un autre aspect qu'on retrouve également dans la charte, c'est que les employés doivent aider les personnes à formuler leur requête à la commission. Le questionnaire, lui - et je suis prêt à reconnaître d'emblée qu'il a été construit il y a plusieurs années - est probablement très complexe, agaçant, même, à remplir. On travaille sur cet aspect pour le modifier et le rendre plus facile. Il reste qu'il faut bien comprendre qu'il y a beaucoup de plaintes et de requêtes qui sont adressées a la commission. Il y a des cas où les personnes arrivent tout simplement en nous disant: Écoutez, je suis victime de discrimination parce que je suis victime de discrimination. C'est à peu près ce qui reste, n'est-ce pas? On dit: Vous allez nous articuler cela un peu, vous allez nous donner des détails,' des éléments. Il y a des fois où c'est extrêmement difficile d'obtenir des éléments qui permettent de construire un dossier sur lequel on peut un tant soit peu enquêter.

Donc, sur la recevabilité, je sais qu'on a discuté d'un cas - il a été soumis à cette commission - où les agents de recevabilité avaient été particulièrement exigeants.

Une voix:...

M. Lachapelle: Oui, pour essayer au moins d'avoir des éléments, surtout des cas d'exploitation. C'est extrêmement complexe. Il faut aller chercher quelques preuves possibles pour faire cette démonstration d'exploitation. Donc, à la recevabilité, on essaie de ramasser suffisamment de matière qui nous permette ensuite d'orienter le plus rapidement possible une enquête.

M. Kehoe: Pourquoi le plaignant lui-même est-ii obligé de faire toute cette démarche? Évidemment, ta critique, c'est que le plaignant était obligé de remplir toutes ces formules, de répondre à un tas de questions et de faire toute la démarche initiale. C'est ce que je demande dans l'ensemble. D'après vous, il n'y a pas de manière plus simple de partir le cheminement du dossier. Cela décourage quasiment le plaignant en partant.

M. Lachapelle: Oui. Je ne voudrais pas donner une réponse simpliste. D'abord, je suis d'accord avec vous, on va éliminer la question du questionnaire trop complexe. Il faudrait l'améliorer et le modifier.

Je dois vous dire que les employés qui sont à la recevabilité, je pense qu'ils sont quatre à Montréal et une à Québec, reçoivent des demandes à longueur de journée. Malheureusement, le temps ne leur permet pas de s'asseoir avec

chacune des personnes pour bien articuler... Une façon qui nous paraissait la plus facile était peut-être de faire répondre à ce questionnaire qui. bien sûr. comme vous le dites, est peut-être trop compliqué. Mais il reste qu'il faudrait qu'on investisse un temps important à la préparation de cette documentation de base.

M. Kehoe: Une deuxième question concernant le cheminement des dossiers. Le rapport final des enquêteurs, l'analyse de la preuve, n'est pas accessible aux parties qui peuvent répliquer, répondre à cela. C'est là une autre critique qui aété adressée.

M. Lachapelle: II est accessible. Les règles de procédure prévoient qu'il est envoyé aux parties.

M. Kehoe: Après que le rapport est fait et que les enquêtes...

M. Lachapelle: Oui. oui.

M. Kehoe: Les parties ont le droit de voir le rapport et de répondre à ce...

M. Lachapelle: Nos règles de procédure prévoient que, dès que la partie factuelle du rapport est terminée, avant qu'elle soit envoyée au comité des enquêtes, elle est donnée aux parties pour qu'elles puissent répliquer.

M. Kehoe: Je parle du rapport final.

M. Lachapelle: Ah! Est-ce que vous parlez de l'analyse de la preuve?

M. Kehoe: Oui, oui. Le rapport final de...

M. Lachapelle: Dans un rapport d'enquête, il y a deux parties. La première partie, c'est la partie factuelle, c'est-à-dire celle où l'enquêteur est allé chercher les faits, il nous les décrit, il nous les aligne.

Cette partie est envoyée à chacune des parties pour réplique. Est-ce que chacune des personnes impliquées sent que dans ce rapport factuel tous les éléments sont là? Est-ce qu'on a oublié des témoignages, est-ce que tous les aspects sont là, sont tous couverts? Cela est envoyé à chacune des parties.

Après cela, l'enquêteur fait une analyse de cette preuve, de tel élément qui a été soumis, pèse tel ou tel autre aspect et soumet des commentaires à la commission. Cette partie n'est pas accessible.

Les commissaires ont estimé que cette partie était la partie conseil auprès de la commission de la part des enquêteurs et que cette partie ne devait pas être soumise aux parties.

M. Kehoe: J'imagine que c'est sur la foi de ce rapport que les commissaires rendent leurs décisions. C'est un élément d'une importance capitale. L'enquêteur donne ses impressions, ses recommandations. J'imagine bien qu'on n'a jamais vu un rapport comme celui-là. J'imagine que ce rapport est d'une importance capitale dans les décisions finales qui sont rendues par le commissaire. Selon le parti qu'il prend, l'enquêteur qui a vu les témoins, qui a pu analyser, qui a pu juger de leur crédibilité, et ainsi de suite, lorsqu'il fait un rapport final, j'imagine que cela a une très grande influence sur les commissaires pour prendre leur décision. C'est ce que le groupement en question reproche à la commission. C'est sur cela que je vous demande votre opinion. Pensez-vous que cela rend justice au plaignant ou aux deux parties?

Ils ne peuvent pas eux-mêmes répondre, donner leur opinion, ou donner leur point de vue avant que l'affaire soit soumise finalement au commissaire pour une décision quelconque.

M. Lachapelle: écoutez, bien sûr, ces règles de procédure datent de 1986. On s'était dit à l'époque: Le Code de procédure est amendé à tous les ans pour y ajouter, pour l'améliorer ou le modifier. Encore une fois, ces règles de procédure font l'objet actuellement d'un examen C'est un aspect qui a été soulevé par les commissaires, à savoir qu'on devrait modifier cette règle de procédure et permettre à tout le monde d'avoir accès à l'analyse des enquêteurs.

M. Kehoe: Dernière question, M. le Président. Dans le même sens...

Une voix: M. Bissonnette aimerait ajouter, avec votre permission, M. le Président.

M. Bissonnette: Si vous me permettez. Simplement un commentaire pour dire que l'analyse de la preuve qui est faite par l'enquêteur ou l'enquêtrice ne lie pas les commissaires. Il y a déjà un comité d'enquête - simplement à titre d'Information - où trois commissaires revoient l'ensemble du dossier avec l'enquêteur ou l'enquêtrice. On tient compte de l'analyse de la preuve; quand vous dites le mot "influence", c'est vrai, mais il reste que tout le dossier en tant que tel est discuté, premièrement, au sein d'un comité d'enquête et c'est ce comité d'enquête qui fait une recommandation, si on peut dire, à l'assemblée des commissaires qui, finalement, prend sa décision.

Ce que je veux dire, c'est que l'analyse de la preuve n'est pas aussi déterminante qu'on peut le penser. Il reste qu'il y a quand même une discussion très approfondie qui se fait d'abord au sein du comité d'enquête et ensuite aussi au sein de l'assemblée des commissaires.

Une voix: Et avec l'enquêteur.

M. Kehoe: D'accord. Dans la même ligne d'idées, les commissaires, à un moment donné,

sont saisis d'un dossier pour faire leurs recommandations. Ils font toute l'analyse du dossier sur la foi du rapport fait par l'enquêteur, sans nécessairement avoir entendu tes témoins, sans avoir entendu le plaignant ni l'autre partie. Moi, je suis juriste, Je suis avocat et je sais comment. Ça marche dans un procès ordinaire: la crédibilité des témoins, neuf fois sur dix, surtout sur une question de harcèlement sexuel, comme n'importe quelle des causes qui sont devant vous... J'imagine que cela doit être très difficile, seulement sur la foi d'un rapport écrit où l'enquêteur qui est devant vous, c'est lui qui a une impression; mais deux personnes qui entendent le témoignage d'un témoin peuvent avoir une impression totalement différente.

Quand on a une certaine expérience à plaider des causes en cour, deux personnes qui voient le même accident ont une version totalement différente. Ce que je dis dans l'ensemble, c'est que, lorsqu'on n'entend pas les témoins, on ne peut juger de leur attitude, de leur démarche, de leur crédibilité. Je trouve que, lorsque l'enquêteur fait son rapport, qu'il comparaît devant vous et qu'il vous donne son impression, cela ne remplace pas, en aucune façon, la présence des témoins, des personnes en cause. Je me demande encore une fois si ce n'est pas une des procédures les plus importantes, les plus cruciales dans la structure actuelle ou dans l'orientation des plaintes qui devrait être changée ou à laquelle on devrait apporter un amendement. (12 h 15)

M. Lachapelle: Effectivement, c'est sûrement un aspect qui devrait être examiné. C'est bien sûr que les commissaires ne peuvent pas porter de jugement sur la crédibilité d'un témoin Toute personne, qui est allée quelques fois dans une cour, est bien consciente que l'appréciation d'un témoignage ne se fait pas simplement en lisant des notes sténographiques; c'est par la physionomie, par la façon d'aborder, etc. Vous connaissez bien cette question. C'est sûr qu'il n'est pas facile pour les commissaires de juger de la crédibilité d'un témoin, si bien que c'est à l'enquêteur ou à l'enquêtrice qu'on demande: Est-ce que vous avez une opinion sur la crédibilité du témoin? C'est eux qui nous disent: Tel témoin, à mon avis, n'a pas un témoignage crédible. On se base sur l'opinion des enquêteurs et des enquêtrices qui, bien sûr, doivent se justifier. Pour quelles raisons vous croyez que ce témoin n'est pas crédible? Bien, il s'est contredit, il avait telle façon de s'exprimer, etc., etc. Généralement, les commissaires acceptent, admettent le jugement qui est donné par les enquêteurs ou les enquêtrices. C'est sûrement un aspect qui devrait être considéré. Je pense bien que tout le monde comprend que c'est tout à fait dans le cadre de l'application de la charte. C'est aux commissaires à décider et aux enquêteurs C'est comme cela qu'on a structuré la commission et je pense bien, comme le disait M. le président tantôt, qu'on n'a pas passé outre au texte de la charte en faisant cela. On se conforme tout à fait à la charte. Si on devait faire autrement, à mon avis, il faudrait modifier la charte.

Le Président (M. Filion): Sur le même sujet, pour bien comprendre cet aspect de la décision: Lorsque les commissaires se réunissent pour prendre une décision sur un dossier - vous me corrigerez - ils ont le rapport de l'enquêteur qui contient deux parties: premièrement, les données factuelles et, deuxièmement, une analyse de la preuve, c'est-à-dire une appréciation de la crédibilité des témoins, etc.

Évidemment, ils reçoivent aussi la recommandation du comité d'enquête. Ce document fait partie de leur dossier. Est-ce qu'ils ont d'autres documents pour rendre leur décision? Non!

M. Lachapelle: Ce sont les seuls documents.

Le Président (M. Filion): Et vous avez mentionné qu'il y avait une rencontre avec l'enquêteur. Est-ce que l'enquêteur rencontre les commissaires et échange avec eux sur le dossier ou s'ii rencontre uniquement le comité d'enquête?

M. Lachapelle: L'enquêteur rencontre le comité d'enquête; il participe à la discussion avec les trois commissaires. Si la commission s'apprête à renverser la proposition de l'enquêteur, à ce moment-là on le fait venir, Autrement dit, si un enquêteur nous suggère une plainte fondée, que la commission estime qu'elle ne l'est pas, à ce moment-là nous faisons venir l'enquêteur pour avoir avec lui une discussion sur le fond du dossier. Évidemment, quand on est en accord avec la recommandation de l'enquêteur et du comité des enquêtes, il n'est pas très utile de faire venir l'enquêteur. On fait venir l'enquêteur quand on s'apprête à renverser sa décision.

Le Président (M. Filion): C'est une procédure qui est unique, vous me corrigerez, à savoir que, pour rendre la décision, les commissaires ont les faits, l'appréciation de l'enquêteur, une recommandation d'un comité, qui sert un peu d'intermédiaire, c'est-à-dire qui étudie probablement le dossier plus à fond.

M. Lachapelle: Pour s'assurer que tous les éléments de preuve sont là, que tous les aspects sont couverts, ce qui évite de mener directement des dossiers en commission, par exemple, qui ne seraient pas complets. On veut s'assurer que tous les témoins ont été entendus, que tous les aspects ont été couverts: est-ce que des opinions juridiques sont nécessaires dans le dossier, etc.? Est-ce que des expertises médicales, par exemple, que l'enquêteur n'aurait pas détectées seraient nécessaires? Alors, c'est surtout cet aspect qui est couvert.

Le Président (M. Filion): C'est une question à laquelle je pourrais trouver réponse en fouil-

lant 20 minutes dans mes papiers, mais est-ce que cette procédure s'applique autant pour la recevabilité de la plainte que pour la décision de la commission sur la violation ou non d'un droit reconnu à la charte?

M. Lachapelle: Sur la recevabilité de la plainte, bien sûr. Si la plainte est jugée recevable, it n'y a pas de difficulté

Le Président (M. Filion): Sur un cas de non-recevabilité?

M. Lachapelle: Sur un cas de non-recevabilité, elle suit le même parcours.

Le Président (M. Filion): Elle suit le même parcours

M. Lachapelle: ..jusque devant la commission

Le Président (M. Filion): Les commissaires prennent combien de décisions dans une année, à peu près?

M. Lachapelle: L'année passée, je crois que nous avons fermé 450 dossiers d'enquêtes. II faut comprendre que, là-dessus, il y en a un très grand nombre qui sont réglés et sur lesquels on ne fait que regarder le règlement et s'assurer que toutes les personnes ont été impliquées. Enfin, la procédure a bien été suivie, alors, il n'y a pas de longues discussions sur la question des règlements

En termes de chiffres, je ne sais pas si mon collègue peut m'aider un peu. À peu près à chaque rencontre de la commission, à mon avis, il y a trois ou quatre dossiers qui font l'objet d'une décision de la part des commissaires

Le Président (M. Filion): II y a peut-être une vingtaine de

M. Lachapelle: Non

Le Président (M. Filion): Pas tant que cela?

M. Lachapelle: Parlons d'une trentaine de dossiers, si vous voulez annuellement

Le Président (M. Filion): D'accord M. Lachapelle: . ayant fait l'objet de Le Président (M. Filion): Me Bissonnette

M. Bissonnette: À cet égard, ce n'est pas tellement du nombre des décisions prises par les commissaires qu'il faut discuter, mais cela revient à discuter à nouveau des mandats multiples. Certains commissaires s'interrogent sur cette question qui fait en sorte qu'au fond ils passent beaucoup de temps à regarder les dossiers d'enquête, alors que, dans le cadre des mandats multiples qui sont ceux de la commission, il y a peut-être aussi d'autres sujets sur lesquels ils pourraient se pencher

Je ne dis pas qu'ils ne se penchent pas sur les autres aspects de promotion, de médiation et de réflexion plus généraux, mais ce que je veux simplement vous indiquer, c'est que la structure, telle qu'elle fonctionne, exige des commissaires beaucoup d'heures passées strictement dans le mandat d'enquête, beaucoup d'heures. Je pense qu'il faut le souligner, parce qu'il y a beaucoup d'autres aspects, dans la mesure où on maintient cette formule où on a des rôles multiples, où on passe moins de temps

Le Président (M. Filion): Tout cela, sans jamais voir un témoin, finalement. Je vais laisser la parole au député de Marquette

M. Dauphin: Merci Effectivement, cela vaut la peine de s'y attarder, parce que je crois que nous sommes actuellement à l'aspect principal, l'aspect central de la problématique. Sur le même sujet, lorsque l'enquêteur remet son rapport d'enquête premièrement à un comité de trois commissaires, est-ce qu'il est loisible à cedit comité de convoquer un témoin important ou si cela ne se fait pas en pratique, ou si cela n'est pas prévu législativement?

M. Lachapelle: Disons que ce serait loisible, mais on ne le fait pas Bien sûr, s'il fallait le faire, il faudrait inviter l'autre partie pour qu'elle puisse entendre ce témoignage, selon des règles de justice naturelle bien admises par tout le monde

M. Dauphin: Mais en pratique, cela ne se fait pas

M. Lachapelle: En pnncipe, on ne le fait pas. Ce que l'on fait, c'est que, si une partie de témoignage est requise, de l'avis des trois commissaires, on demande à l'enquêteur d'aller chercher ce témoignage

M. Dauphin: Celui-ci peut revenir par la suite devant le comité des trois?

M. Lachapelle: Oui, il peut revenir par la suite

Le Président (M. Filion): Me Bissonnette, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Bissonnette: Oui, si vous me permettez. Au fond, derrière tout cela, it y a peut-être encore toute la question de la logique même de la charte. Si, jusqu'ici, je pense - vous me corrigerez, M le Président, si je commets des erreurs - ces enquêteurs ont à remplir ce rôle d'obtenir les faits, d'entendre les témoins, c'est qu'on se dit, dans le cadre de la charte, que

c'est à ces gens-là d'obtenir tous les faits, que c'est à eux d'entendre les témoins.

Comme, à certains égards, on se sent un peu un tribunal, mais comme à certains autres, on ne se sent pas comme un tribunal, on se dit que c'est à l'enquêteur de faire ce travail. Lorsqu'il agit en tant qu'enquêteur, il n'est pas juge. Son devoir est d'aller chercher la vérité. Son devoir n'est pas d'entendre, les procureurs des deux parties. S'il y a deux procureurs, il va tes entendre mais s'il n'y a qu'un seul procureur, il ira quand même chercher la vérité.

Mais laissez-moi vous dire que ce n'est pas une tâche facile. C'est loin d'être facile pour eux. Laissez-moi vous dire que nous sommes conscients de ce que vous soulevez. Il faut réfléchir à la logique de tout le mécanisme. Cela soulève encore ce qu'on a dit dès le début, toute la logique du mécanisme tel qu'il a été mis en place. Je pense qu'il est Important de se rappeler que, dans la mesure où on dit que ce n'est pas un tribunal, c'est aux enquêteurs à aller chercher, un peu comme les juges d'instruction dans d'autres juridictions étrangères, toute ia vérité. C'est pourquoi on leur laisse le champ libre.

M. Dauphin: La situation actuelle signifie effectivement que, si l'enquêteur, par son enquête, arrive à une conclusion, même si dans son rapport, finalement, iI ne doit pas arriver nécessairement à des conclusions, les commissaires ne sont aucunement en mesure de reprendre tout cela, à la suite du rapport. Autrement dit, si l'enquêteur arrive à certaines conclusions...

M. Bissonnette: Non.

M. Dauphin: ...par son expertise ou son expérience, vous avez le dossier devant vous, mais vous n'êtes pas en mesure, sans avoir entendu tes témoins, sans avoir fait l'enquête...

M. Bissonnette: On n'a pas entendu les témoins, c'est sûr, mais on essaie d'être en mesure de pouvoir prendre une décision. Ce que je veux simplement dire - peut-être que le président voudra ajouter autre chose - c'est que, parfois, les commissaires vont demander un supplément d'enquête. Il peut arriver, à la lecture du dossier, qu'au comité d'enquête les gens disent: Écoutez, il me semble, M. l'enquêteur ou Mme l'enquêtrice, qu'il y a des aspects que vous n'avez pas considérés. Comment se fait-il que certaines personnes impliquées dans ce processus n'ont pas été interrogées? Comment se fait-il que vous n'ayez pas songé à tel aspect de la question? Cela ajoute au délai. Mais il arrive quand même assez souvent qu'on demande des suppléments d'enquête, ce qui fait que l'enquêteur doit poursuivre l'enquête, revenir et apporter de nouveaux éléments. Ce qui fait qu'on ne peut pas dire que dès que l'enquêteur a soumis son rapport, c'est terminé, pas du tout. Il arrive assez souvent que les commissaires exigeront un supplément d'enquête.

M. Dauphin: SI vous me permettez, M. le Président, j'aimerais revenir sur l'aspect de la médiation. M. le président de la Commission des droits de la personne, vous avez dit tantôt que nous devons conserver cet aspect; je suis d'accord. Cependant, vous êtes également d'accord avec nous qu'il peut y avoir un certain conflit de rôles: l'enquêteur peut devenir médiateur à tout stade du processus. Est-ce que la formation d'une unité spéciale de médiation, par exemple, peut se faire sans changement législatif?

M. Lachapelle: Je pense qu'il y aurait lieu de songer à des aménagements administratifs plus qu'à des modifications législatives. Vous mentionnez une équipe qui serait spécialisée en médiation. D'abord, la médiation, c'est également un art, cela a des règles. Je pense qu'on a besoin qu'un certain nombre de personnes puissent développer des compétences dans ce domaine, puissent travailler peut-être de façon exclusive à la médiation, quitte, même, à ce que le rôle puisse être échangé entre enquêteurs et médiateurs, mais il y aurait lieu de penser à un aménagement administratif tel que vous le suggérez.

M. Dauphin: Un aménagement administratif.

Le Président (M. Filion): Juste un mot là-dessus Par contre, l'article 81 fait l'obligation à la commission de rechercher continuellement un règlement: "La commission doit tenter d'amener les personnes à régler leur différend. Si un règlement intervient..."

On parle de la commission comme si c'était le mandat de toute la commission à toutes les étapes de rechercher un règlement à l'amiable entre les parties et de favoriser une entente Je fais juste poser la question, en fait.

M. Lachapelle: II y a également un article - je ne sais pas où il se situe, peut-être que mes collègues pourraient m'aider - qui dit que la commission peut confier à des employés certaines de ses tâches. J'espère qu'on ne lierait pas cet article: La commission doit tenter... Pardon? L'article 60 dit que "les fonctionnaires-requis pour l'application de la présente charte sont nommés par la commission." Donc, on n'estime que certaines parties. On comprend que la commission décide et on comprend que certaines parties sont faites, entre autres, la médiation, par les employés. Bien sûr, cela vient aussi devant la commission et c'est pour cela qu'on mentionnait que tous les dossiers réglés venaient devant la commission. C'est, bien sûr, pour entériner d'une certaine façon le règlement des différends et prendre à tout le moins acte du règlement de ces différends. Nous espérons qu'on n'interprétera pas cela dans le sens qu'il faudrait

que tous les commissaires participent à ces séances de médiation

Le Président (M. Filion): J'interprétais - c'est simplement une parenthèse - beaucoup plus l'article 81 comme voulant dire que c'est une obligation qui est faite à la commission à n'importe quel moment et donc, que, durant son enquête, l'enquêteur pourrait - je le soumets, c'est un détail, finalement

M. Lachapelle: Non

Le Président (M. Filion): par rapport à l'ensemble de notre discussion - être investi de cette obligation de médiation s'il n'y avait pas d'amendement législatif, mais c'est vraiment secondaire

M. Lachapelle: Oui

Le Président (M. Filion): Me Bissonnette, vous vouliez ajouter quelque chose là-dessus

M. Bissonnette: Simplement un élément d'information. Je comprends qu'on réagit un peu face à ces rôles multiples, mais on pourrait indiquer qu'il existe quand même des organismes ailleurs qui se retrouvent dans des situations semblables, je pense à l'échelle internationale. Peut-être que le modèle qu'on a adopté ici, au Québec, est inspiré de modèles qui viennent du droit international. Les comités internationaux sur les droits de la personne, bien souvent ont un double mandat Ils reçoivent parfois des communications qui viennent d'individus contre les États et, à ce moment-là, le seul rôle du comité, c'est de faire en sorte que les parties s'entendent parce qu'il n'a aucun pouvoir décisionnel. II n'en demeure pas moins qu'il entend les deux parties. Je voulais simplement indiquer que cette situation existe, où parfois des organismes qui ne sont pas décisionnels ont le double mandat de tenter d'amener les parties à régler le différend et de faire une enquête à la fois. Il ne faut pas oublier non plus que, dans le processus de l'enquête, si on identifie bien les éléments en cause, c'est peut-être une bonne façon aussi d'amorcer la possibilité d'atteindre un règlement. Sauf que, lorsqu'on est dans le droit interne, il y a toujours fa possibilité de recourir aux tribunaux .C'est là où les délais se multiplient (12 h 30)

Le Président (M. Filion): Mme la députée de Marie-Victorin

Mme Vermette: En fait, c'est un sujet qui a été un peu touché tantôt à la suite des mémoires qui nous ont été présentés. Du fait qu'on se fie beaucoup plus aux rapports des enquêteurs, finalement, et qu'on ne requière pas la présence du plaignant et, de toute façon, de la personne qui est mise en cause aussi, comment peut-on arriver justement à une conscience éclairée entre les parties et favoriser un rapprochement entre elles lors d'une médiation, alors que les deux ne peuvent pas, finalement, se présenter et faire valoir leur point de vue'' Quand on est victime, on exige toujours réparation et quand on est finalement la partie accusée, on se sent aussi un peu lésée dans ses droits. Pour avoir participé à certains comités, dont justement vous faites partie et dont vous avez fait mention, faire la médiation et, d'autre part, avoir le pouvoir de donner des recommandations, vous n'avez pas peur, à un moment donné, que les gens, comme le Comité provincial des malades, entre autres, et le comité des groupes ethniques noirs, demandent des tribunaux spécialisés dans leur domaine respectif? Parce qu'ils ne sont pas capables de se faire entendre et que ce n'est pas seulement par manque de bonne volonté ou parce que les rôles sociaux doivent être interprétés ou tes consciences éclairées, mais parce qu'ils ne peuvent pas se faire entendre. Le problème revient toujours à cela

M. Bissonnette: J'ai une réaction, je pense qu'ils peuvent se faire entendre. Je pense que la charte permet à toute personne qui subit une atteinte à ses droits et libertés d'être entendue, si c'est dans le cadre de I'aspect discrimination, par la Commission des droits de la personne et, si c'est dans le cadre des autres aspects qui sont protégés par la charte québécoise, elle peut aller devant les tribunaux. Rien n'empêche un individu d'aller directement devant les tribunaux et d'invoquer la charte Je pense qu'ils peuvent se faire entendre. Le problème se pose lorsqu'ils viennent devant la Commission des droits de la personne, lorsque I'enquêteur a, à la fois, un mandat de médiation et un mandat d'enquête et qu'effectivement on cherche à délimiter les deux mandats. Si on va vers l'un, il faudrait s'assurer que les deux parties veulent vraiment aller jusqu'au bout du processus. Je partage tout à fait l'opinion de M le président de la commission, cela exige des compétences particulières pour faire de la médiation et cela exige aussi que les parties veuillent bien suivre ce processus. D'autre part, à I'enquête, ils sont tout de même entendus par l'enquêteur. La seule chose, c'est que les commissaires en tant que tels, eux, n'entendent pas les parties. On ne peut pas affirmer que les individus ne sont pas entendus par les enquêteurs au sein de la commission, ils le sont

Mme Vermette: Le fait que les commissaires entendent les parties, vous n'avez pas l'impression que cela pourrait dépolariser justement les prises de position entre les parties et favoriser cette médiation, pour laquelle vous sentez qu'il est important aussi de jouer un rôle primordial?

M. Lachapelle: La médiation a lieu lors de l'enquête avec les enquêteurs. Chacun des commissaires ne participe pas à la médiation

Bien sûr, on n'entend pas les témoins, mais la médiation ne se fait pas au sein de la commission. Le rapprochement des parties se fait avec l'enquêteur ou l'enquêtrice assigné au dossier. La commission ne fait, finalement, qu'entériner la décision des parties de régler leur différend, décision des parties qui est acheminée par l'enquêteur. C'est un peu dans ce sens qu'on interprète l'article 81 qui dit: La commission doit amener les parties. La commission le fait de façon très Informelle en statuant finalement sur le résultat de la négociation ou de l'entente entre les parties.

Mme Vermette: Oui.

M. Bissonnette: Permettez-moi de poursuivre. Pour répondre directement à la question de Mme la députée, je pense que, si on permettait - c'est une opinion personnelle, écoutez, on réfléchit ensemble - aux parties de se présenter en tant que telles devant l'assemblée des commissaires, cela aurait pour effet, au contraire, de polariser encore plus le débat dans la mesure où, avec onze commissaires, je ne vois pas comment on pourrait réussir à vraiment amorcer un processus de médiation, on serait un peu comme une Cour suprême, alors qu'un enquêteur a une marge de manoeuvre plus grande, la souplesse requise pour tenter de discuter avec les parties. Je pense que vous savez tous comment on fait de la médiation. On essaie justement de moins formaliser la façon dont les discussions se font. A moins que je n'aie mal compris votre question, je pense que, si on permettait aux parties d'avoir accès aux commissaires en tant que telles, cela polariserait plus...

Mme Vermette: Dans mon...

M. Bissonnette: Oui, je dis que cela ne dépolariserait pas, au contraire, cela polariserait encore plus les discussions entre les parties. C'est mon opinion.

Mme Vermette: J'ai vécu une autre expérience tout à fait particulière, au Conseil des services essentiels, où finalement cela favorisait le rapprochement entre les parties parce qu'on n'a pas de pouvoir, justement, on n'a que des pouvoirs de recommandations, donc, cela favorisait te rapprochement parce que les gens, avant d'arriver à un autre tribunal, se disaient: II est peut-être grand temps que, finalement, on arrive à une entente. Très souvent, avant même que l'audition commence, les gens arrivaient à une entente.

Le Président (M. Filion): On a dépassé l'heure prévue. Nous devons donc suspendre, à cette étape-ci, nos travaux, qui reprendront après la période des affaires courantes - j'aime mieux dire cela plutôt que de dire à 15 heures, parce que, parfois, de l'autre côté, on dépasse notre horaire - pour se terminer aux environs de 17 heures. Donc, nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures ou aux environs de 15 heures Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 15 h 32)

Le Président (M. Filion): Nous poursuivons notre mandat d'examen des orientations, des activités et de la gestion de la Commission des droits de la personne. Nous poursuivons cette consultation, on ne peut plus directe, puisque ce sont les représentants mêmes de la Commission des droits de la personne qui sont avec nous depuis ce matin. Je vais maintenant laisser la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. En regardant les priorités pour l'année à venir, vous pariiez du secteur scolaire et du secteur du travail. Si on recule de dix ans, par exemple, quelles étalent au départ les préoccupations de la commission? Est-ce que c'étaient les mêmes ou est-ce que c'est pas mal différent?

M. Lachapelle: J'avoue que la question m'embête un peu, n'ayant pas été là, si vous voulez, à l'origine de la commission. Toutefois, je me souviens qu'en regardant certains documents de la commission, entre autres un plan d'organisation - je ne sais pas si nous l'avons ici - qui avait été préparé à l'époque par les premiers commissaires, le secteur scolaire, entre autres, était véritablement un champ d'action privilégié parce qu'on pensait que c'était là un endroit extrêmement Intéressant pour aller porter le message de la charte. Bien sûr, à l'époque, on n'avait peut-être pas évalué la nécessité d'investir davantage dans le secteur du travail. Ce que je peux dire, c'est que, depuis lors, on constate que le secteur du travail est extrêmement important. Comme je le mentionnais ce matin, II y a probablement 70 % des dossiers qui nous proviennent du secteur du travail, soit sur la question des handicaps, du harcèlement en milieu de travail, de la discrimination sur la base du sexe, etc. Nous avons donc choisi d'intervenir dans ce secteur du travail plus particulièrement cette année parce qu'il y a beaucoup de demandes aussi de la part des employeurs, des syndicats et des employés de connaître davantage leurs droits en matière de travail. Il faut dire que la charte a une présence très importante dans le milieu du travail. On pense à toute la question des formulaires, de l'embauche, toute la question de la discrimination systémique également qui, bien sûr. fait l'objet des préoccupations des employeurs.

M. Thuringer: La raison de ma question, c'est que la société change. Est-ce que la

commission est capable de changer ses structures et ses préoccupations envers fa société d'aujourd'hui?

M. Lachapelle: Je dois vous dire que, bien sûr, je comprends pourquoi vous posez la question et pourquoi vous faites le lien entre l'éducation et la société qui se modifie constamment et qui a des préoccupations nouvelles. Je dois vous dire que, là-dessus, une bonne façon de s'ajuster et d'essayer de se rapprocher le plus possible des besoins de la société, c'est peut-être de voir d'abord, à la commission, quelles sont les demandes. On pense que le 'caseload", si vous me permettez l'expression, est un bon indicatif des besoins de la société.

D'autre part, on a formé également ce comité de relations Interraciales et interethniques avec un groupe de gens du milieu montréalais parce que, évidemment, c'est là que se retrouve la portion la plus importante de cette population à qui on demande de nous alimenter des préoccupations des divers secteurs. Effectivement, ils nous disent que, bien sûr, la commission n'a peut-être pas percé ce milieu et ils ont attiré notre attention d'une façon très spéciale sur la nécessité de l'information dans ces secteurs. On comprend tous que des gens informés sont déjà passablement mieux équipés pour défendre leurs droits et que beaucoup d'individus dans beaucoup de milieux, dans beaucoup de communautés ne connaissent véritablement pas leurs droits. Éventuellement, il faudrait aller dans ce secteur.

Mais, encore une fois, il nous semble probablement plus approprié d'aller à l'école. L'école va permettre aux enfants de rapporter de la documentation à la maison. C'est probablement par là qu'on percera davantage.

M. Thuringer: Une autre question. J'ai remarqué à la page 25 qu'il y a des cas que vous avez réglés assez rapidement et à la satisfaction des personnes impliquées Je vous félicite parce que beaucoup de personnes ont parlé de délai. Mais, de l'autre côté de la médaille, par exemple, si je vous discrimine, qu'on s'arrange, et que je paie 200 $ ou 500 $, mais que je n'ai pas changé d'attitude, à ce moment-là, la commission a-t-elle vraiment fait son travail? Comment peut-on dépasser ce règlement qui est bon dans un sens à un certain niveau, mais qui ne touche pas vraiment te fond du problème? Comment régler ce problème?

M. Lachapelle: Je n'ai pas de solution miracle à cela. Évidemment, il faut peut-être essayer de voir ces problèmes d'une façon plus large. Je vois un des exemples à la page 25 où on parle de ce problème de l'aveugle avec son chien-guide. C'est un problème assez vaste actuellement. Bien sûr, on a réglé un cas. Vous savez que, depuis quelque temps, à Montréal, on a mis sur pied ce bureau du taxi. On est allé les sensibiliser à cette dimension. On a demandé d'inclure, dans le règlement de la Communauté urbaine de Montréal sur le taxi, un article spécifique disant qu'un chauffeur de taxi ne peut refuser, sous peine de sanction, une personne qui voyage avec ce qu'on appelle un animal-guide, parce qu'il peut y avoir toutes sortes d'animaux, semble-t-il, et non seulement des chiens. À moins qu'il ne puisse justifier qu'il a une allergie, qu'il a une crainte morbide des animaux ou quoi que ce soit. Pour aller au-delà du règlement d'un cas particulier, il nous faut constamment aller plus loin et essayer de corriger le problème à sa source de cette façon en essayant d'obtenir des règlements et en allant un peu plus loin que de régler seulement le cas spécifique.

Une autre méthode serait que la commission puisse - je pense à une entreprise beaucoup plus vaste - tenter de régler un problème, mais de retourner ensuite, d'aller vérifier quelques années plus tard et dire: II y a eu un cas de discrimination, II y a eu des cas de harcèlement dans une entreprise. Est-ce que vous avez non seulement dédommagé cette personne, mais, en plus, est-ce que vous avez établi une politique contre le harcèlement sexuel, par exemple? Est-elle en vigueur? Est-ce que vous avez nommé des personnes responsables de la mise en vigueur de cette politique? Bien sûr, jusqu'ici, on n'a pu réaliser ce genre de processus qui nous permette d'assurer un suivi à nos décisions, je ne vous le cacherai pas.

M. Thuringer: Donc, vous pensez avoir assez de pouvoirs et de mécanismes sur place pour faire vraiment le travail. Cela ne nécessite pas d'autres pouvoirs pour...

M. Lachapelle: Vraisemblablement, on n'aurait pas besoin d'autres pouvoirs, mais peut-être de plus de ressources pour nous permettre d'assurer le suivi de nos décisions.

Le Président (M. Filion): Me Bissonnette, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Bissonnette: Oui. Je suis très sensible à fa question que vous soulevez, M. le député Je donnerais un exemple de situation où, effectivement, des personnes victimes de harcèlement sexuel avaient accepté de conclure un règlement qui peut sembler, lorsqu'on le regarde, très faible. Il s'agissait de personnes qui travaillaient dans un restaurant, des serveuses qui. finalement, ont accepté un règlement qu'on estime très faible, mais, par contre, ces personnes-là ne voulaient pas vivre l'odieux de se retrouver devant des procédures judiciaires à n'en plus finir.

Au fond, même si la commission avait eu des pouvoirs de sanction réels, cela n'auraft pas réglé le problème. Ce que je veux simplement indiquer, c'est que le mécanisme par lequel ces serveuses ont quand même obtenu un règlement

est un mécanisme parmi d'autres. Ce qui est important à l'égard du mis en cause dans cette affaire, c'est que le message vienne peut-être de ses propres employés, mais que cela vienne d'ailleurs également. Cela ne s'applique peut-être pas aux petits restaurateurs, mais le fait que le gouvernement décide que pour certaines entreprises, il doit nécessairement y avoir des programmes d'accès à l'égalité avant que les contrats ne soient donnés à ces entreprises, c'est un autre message très clair qui dit qu'on n'accepte pas dans notre société de discrimination et qu'on n'accepte pas non plus de harcèlement racial ou sexuel. Autrement dit, la commission envoie des messages, le gouvernement envoie des messages, les employés et les personnes concernés en envoient et je pense que c'est la somme de tous ces messages qui, espérons-le - mais ce ne sera jamais réglé - fera en sorte qu'on éliminera le plus possible ces comportements inacceptables.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le président. Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Lachapelle: Oui. Si je peux me permettre un autre exemple qui pourrait illustrer une façon pour la commission d'envisager des solutions aux problèmes. Je vous donne l'exemple d'une petite communauté: Saint-Augustin, où il y a un groupe d'autochtones et une majorité blanche, et, dans ce village, se tient un festival où on élit une reine. Les gens des communautés autochtones ont décidé que c'était une des leurs qui allait gagner le concours. La méthode est très facile dans ce genre de concours. On vend des billets et celle qui vend le plus de billets est élue, c'est assez simple. Alors, dans les communautés autochtones, on a dit: On va acheter tous les billets, c'est très simple, on va gagner le concours et notre candidate sera élue. Ce qui est arrivé, c'est que la communauté blanche, voyant cela, a décidé de boycotter un peu l'affaire et le festival a été arrêté. On a dit: Cela ne fonctionne pas, on va manquer d'argent, etc. Ils ont arrêté tout cela. Évidemment, on a été saisi du problème, mais ce n'est pas une histoire facile à régler. Ou'est-ce qu'on fait? On décrète qu'il y a discrimination d'un groupe à l'autre? Alors, Finalement, la conclusion de tout cela et la façon d'aborder le problème, c'est qu'on a réuni les gens des deux communautés. C'était la première fois que cela arrivait. On les a assis ensemble et on leur a dit: Peut-être que vous pourriez vous parler. Il ne s'agissait pas de leur dire: Vous allez recommencer le festival et vous allez faire cela autrement. Je pense bien que c'était peine perdue de recommencer six mois ou un an plus tard. Ce sont deux communautés qui ne se parlent pratiquement pas; elles vivent ensemble, mais, même si c'est un petit village, elles ont des échanges qui sont peut-être un peu chaotiques. Ensemble, elles ont décidé qu'elles formeraient de façon permanente un comité de personnes élues chez les deux communautés qui se rencontreraient de façon régulière pour discuter de leurs problèmes et essayer de trouver ensemble des solutions. C'est probablement bien plus profitable que de donner 1000 $, 10 000 $ ou 25 000 $ à cette jeune fille qui a subi la discrimination et qui n'a pas été nommée reine de ce carnaval. À notre avis, c'est une initiative qui est extrêmement intéressante et qui est concluante. (15 h 45)

Le Président (M. Filion): Cela va? Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce? Je vais reconnaître maintenant M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Les présentations qui nous ont été faites ces derniers jours nous ont éveillés à un certain nombre de problèmes qu'on connaissait, mais qui, n'étant pas impliqués directement dans la solution des difficultés, n'étaient pas vus sous le même angle. Vous autres, de votre côté, vous êtes quotidiennement appelés à trancher des litiges de situations particulières où des gens voient les choses d'une certaine façon et d'autres les voient d'une autre. D'après ce que j'ai compris, un certain nombre de groupes nous ont dit et, ils l'ont dit de toutes sortes de façons, mais cela revenait à dire très souvent que la Commission des droits de la personne faisait preuve d'une neutralité excessive. On disait: La Commission des droits de ta personne n'a pas à être neutre devant des comportements inacceptables, la Commission des droits de la personne devrait prendre parti en faveur des gens qui sont victimes de ces comportements. On nous faisait valoir que c'était, jusqu'à un certain point, rébarbatif pour des gens qui, bien souvent, souffraient de toutes sortes de traumatismes, que ce soient des traumatismes réels ou des traumatismes mentaux, pertes d'emploi, harcèlement, parfois allant jusqu'aux coups, et que, lorsqu'ils se retrouvaient devant ta commission, ils se retrouvaient devant des gens qui les écoutaient effectivement, mais leur perception, c'était qu'ils avaient le fardeau de les convaincre, de les amener de leur bord, de leur faire prendre parti à force d'arguments et de démonstrations, et cela était un obstacle supplémentaire à franchir pour ces personnes. Moi, en les entendant, }e me disais: Je ne sais pas ce que la Commission des droits de la personne pense de ça. Est-ce que la Commission des droits de la personne pourrait, dans son esprit, se voir... Parce que, Je me dis- On a une commission de protection du territoire agricole. On n'a pas une commission du territoire agricole, on a une commission de protection du territoire agricole. Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas une commission de protection des droits des personnes? Si le territoire agricole vaut la peine d'être protégé, si on protège le patrimoine, je me dis. Est-ce qu'on ne pourrait pas - et j'aimerais avoir votre réflexion là-dessus - concevoir que votre commission modifie son rôle, son approche

et se voie finalement comme une commission de protection des droits de ta personne, ne vous empêchant pas par là de faire preuve - et on nous l'a fait valoir avec des exemples qui m'ont paru assez convaincants - d'impartialité dans l'appréciation de la preuve et que les gens sentent que la commission est là pour agir à un titre particulier, c'est-à-dire de protection? Il y a toutes sortes de problèmes qui se posent et, pour ce qui est de la perception, c'est souvent très important.

Je me demande si vous avez réfléchi à cette ambiguïté qui existe. La Commission des droits de la personne, c'est bien neutre, c'est quelque part dans les airs. Tout le monde est d'accord avec ça. La commission donne l'impression d'être au-dessus de la mêlée: Battez-vous, vous autres, les Noirs contre les Blancs, nous autres, on va décider comment on va faire la paix et on va donner raison à l'un ou tort à l'autre, mais une fols que vous aurez commencé à vous battre. On est au-dessus de la mêlée, nous autres, la commission. Je sais que ce n'est pas ce que vous voulez être, mais c'est parfois l'image que des gens qui ont affaire à vous ont de votre commission, même si, en entendant votre mémoire et en vous ayant devant nous, ça remet les choses dans une certaine perspective. Comme n'importe qui, un peu comme nous autres, les politiciens, vous avez, vous autres aussi, à vous vendre.

M. Bissonnette: C'est une grande question. Le problème - ce n'est peut-être pas un problème, c'est peut-être justement l'avantage - c'est que, comme Commission des droits de la personne, notre mandat est de veiller à ce que toute personne ait droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité de ses droits et libertés. Alors, c'est vrai pour tout le monde. Je prendrai un seul exemple, mais peut-être que M. le président pourra en donner d'autres.

Il est arrivé, il y a quelques mois, une situation: un journaliste avait publié un article dans un magazine où, de l'avis de certaines personnes et de certains groupes, le droit à la sauvegarde de l'honneur et de la réputation de certains individus et de certains groupes était compromis. Alors, vous voyez tout de suite qu'on est face à deux grandes libertés: la liberté d'expression, qui est consacrée non seulement dans la charte québécoise, mais dans ta charte constitutionnelle, et, d'autre part, le droit à la réputation et à l'honneur des individus et des groupes. Alors, dans une situation pareille, on a tenté du mieux qu'on a pu de regarder le dossier et d'analyser comment le tout avait été fait, le contenu de l'article, pour conclure que le texte était peut-être trop basé sur des stéréotypes et que le travail, pour ce qui est de l'éthique journalistique, aurait pu être mieux fait. Mais c'est dire une chose: Peut-être que le travail du journaliste aurait pu être mieux fait, mais de là à dire que cette personne est allée au-delà de sa liberté d'expression, de là à dire que les effets sur les droits des groupes ou des individus, concernant leur droit à la réputation ou leur droit à l'honneur, ont été à ce point grands qu'il faudrait empêcher le journaliste de publier un texte semblable - je ne sais pas si vous voyez - on est obligés de faire un équilibre.

Dans ce dossier-là, on s'est dit: On va analyser le texte et on va donner notre opinion. On a dit: La liberté d'expression existe, le droit à la réputation et à l'honneur existe, essayons de voir maintenant comment atteindre l'équilibre toujours délicat. Finalement, on a fait notre analyse, on a dit: II y a des stéréotypes dans ce texte-là, peut-être qu'un journaliste aurait pu faire une enquête plus approfondie, s'appuyer sur des faits, et on a déposé le tout devant le Conseil de presse qui, lui, est un organisme volontaire. Les journalistes et les directeurs d'entreprises de presse acceptent que te conseil se penche sur ces questions et celui-ci a blâmé le journaliste.

Ce n'est pas - un pouvoir contraignant, cela peut sembler insatisfaisant, mais, au fond, la réflexion doit être faite entre les différentes libertés et tes différents droits. On n'a pas le choix. Ceci dit, lorsqu'on se trouve face à des situations de discrimination, la personne qui allègue la discrimination, c'est une chose, on l'écoute, on doit l'écouter du mieux qu'on peut, mais la personne qui se voit accusée d'avoir commis de la discrimination, on doit aussi l'écouter. C'est ce qui peut nous distinguer, à certains égards, d'organismes qui travaillent pour la promotion de certains groupes, qui, eux, et ils le font bien, défendent les intérêts de ces gens-là en disant: Écoutez, généralement, dans la société, ils subissent de la discrimination. Mais, lorsque les dossiers arrivent devant les commissaires, on voit le dossier d'une personne et, même si l'on sait qu'il est possible qu'en général II y ait de la discrimination à son égard, il faut qu'on soit bien sûrs que, face à cet individu qui met en cause une personne particulière, c'est effectivement le cas, et je vous assure que ce n'est pas toujours facile. Peut-être que M. le président veut ajouter d'autres éléments à cet égard?

M. Lachapelle: Oui. La question est tout à fait fondamentale dans la charte et dans le rôle que la commission doit Jouer et vous touchez là un point bien important dans ce double rôle de la commission: celui de promotion et celui d'enquête.

Bien sûr, quand on a un rôle de promotion et qu'on reçoit une plainte de la part d'un groupe, on aurait le goût de dénoncer et on nous le demande: Vous allez dénoncer immédiatement telle situation qui est inacceptable? Mais, par ailleurs, le lendemain matin, la commission doit en même temps enquêter sur une plainte formelle. On a eu, par exemple, des groupes d'assistés sociaux qui sont venus devant nous et qui nous ont dit: II faut dénoncer les règles de

procédure mises en place pour les enquêtes à domicile Par ailleurs - on auraît dû dénoncer publiquement ces règles de procédure - mais, en même temps, on avait une plainte à la commission et il fallait enquêter de façon impartiale sur cette plainte Alors, comment concilier ces deux rôles-là? C'est extrêmement délicat. On revient toujours à ces rôles qui sont souvent conflictuels dans l'application quotidienne.

Je pense que la commission a joué ce rôle de façon très acceptable. Bien sûr, cela nous a souvent amenés à faire beaucoup de nuances dans nos propos. Nous sommes constamment conscients et nous nous rappelons constamment que la charte, c'est un tout. Je me souviens, par exemple, que, lorsqu'on a pris des positions concernant la levée du moratoire sur la copropriété, on avait le rôle de défendre les droits des personnes qui auraient pu être exploitées par la levée du moratoire Mais il y a, également dans la charte, des principes de droit à la propriété et de droit de disposer de ses biens, et iI y a des propriétaires qui peuvent disposer de leurs biens Je pense qu'il fallait nuancer toutes ces questions et les mettre ensemble. En même temps, encore une fois, il y avait le rôle de promotion et de protection des personnes exploitées personnes âgées exploitées, personnes handicapées, qui risquent d'être exploitées dans de telles situations. On en a fait grand état et on s'est portés à la défense de ces personnes, tout en rappelant qu'il fallait sauvegarder cet autre droit

C'est un rôle extrêmement délicat à jouer et, bien sûr, il est dans la charte et nous tentons de le faire le mieux possible, mais, souvent, pas à la satisfaction des groupes de personnes qui aimeraient que l'on dénonce - c'est le mot généralement utilisé - une situation. Oui, la dénoncer, tout en tenant compte que la charte est un tout

M. Doyon: Je pense que votre exposé nous fait bien voir la complexité des problèmes auxquels vous avez à faire face. Ces situations sont très souvent complexes et, comme vous nous l'expliquez, et je suis complètement d'accord avec vous, ce n'est jamais complètement blanc ou complètement noir, très rarement, en tout cas. Dans ces circonstances, la commission se trouve très souvent dans un rôle un peu ambigu et qui risque assez souvent - c'est le prix qu'on paie quand on fait la part des choses - de ne faire l'affaire ni de l'un, ni de l'autre. Ce n'est pas rare, ayant plaidé moi-même devant plusieurs cours, que le juge ne fasse l'affaire d'aucune des deux parties. II n'est bon ni pour le défendeur, ni pour le demandeur. C'est très souvent aussi, en même temps, le signe d'un bon jugement ou d'un bon juge Cela fait partie du monde dans lequel on vit où il y a du pour et du contre. Chacun voit cela du bout de sa lorgnette et dans sa perspective. Très souvent, cela se défend, mais je me dis qu'il ne faudrait pas non plus .

La pire affaire qui pourrait arriver à la Commission des droits de la personne, c'est que plus personne ne vienne vous voir et ne vous saisisse de choses. La pire affaire, ce n'est pas d'avoir trop d'ouvrage, c'est de ne pas en avoir assez. Quand cela baissera, à ce moment-là, vous devrez vous Inquiéter parce que vous serez dans le trouble pour de vrai, et c'est la pire affaire qui peut vous arriver.

Je pense que ce n'est pas le cas actuellement, mais, à écouter un certain nombre d'intervenants, on se demande s'ils ne sont pas en train de se dire - c'est le message qui semblait ressortir - que la Commission des droits de la personne - et je ne voudrais pas que cela en vienne là, je ne pense pas qu'ils aient raison d'en venir là, ils n'ont pas raison de voir cela de cette façon-là et, peu importe s'ils en arrivent là, peu importe qu'ils aient raison ou non - de dire" La Commission des droits de la personne, on perd notre temps avec cette "gang"? Dans les circonstances, compte tenu des délais, compte tenu des différentes procédures, etc, on réglera notre problème autrement. On ira en Cour supérieure, on saisira d'autres tribunaux ou on réglera cela avec les moyens dont on dispose. Ce serait extrêmement mauvais et ce serait la meilleure preuve que la commission a failli, bien qu'ayant fait tout ce qu'elle pouvait, dans l'objectif qui était poursuivi. Parce qu'en fait l'objectif que vous poursuivez et le mandat qui est le vôtre, c'est de voir à ce que les litiges se règlent autrement qu'avec des coups de poing sur la gueule. C'est finalement ce qu'on ne veut pas qui arrive, parce qu'il y a des moyens civilisés pour évaluer les droits de tous et chacun et laire la part des choses. On essaie de tirer la ligne et de motiver nos jugements de telle façon qu'ils puissent être assez convaincants Je voudrais tout simplement que vous soyez cons dents de cet aspect-là - je suis sûr que vous l'êtes - tant dans le milieu que nous qui nous occupons de cela depuis maintenant quelques jours. Mais, vous, vous vivez à longueur d'année dans cela et vous y êtes probablement beaucoup plus sensibilisés que moi- en tout cas, pour ne parler que de mol - je peux l'être (16 heures)

Personnellement, je ne voudrais pas que la Commission des droits de la personne devienne "irrelevant", que ce soit quelque chose qui existe quelque part, qu'on ait la possibilité d'y faire appel, mais que les problèmes trouvent le tour de se régler autrement qu'en passant par vous. Les gens qui ont défilé devant nous ont parfois donné l'impression qu'ils étaient sur le bord d'en arriver à cette conclusion Je ne vols aucun avantage à ce que cela arrive et je ne pense pas qu'ils seraient gagnants si cela arrivait. La commission le sachant, ayant entendu des témoignages qui ne vous auraient peut-être pas été donnés autrement, cela vous permettra de regarder cela d'un oeil plus attentif

J'avais une préoccupation et je me deman-

dais si vous en aviez déjà été saisis - pour changer un peu de sujet: Est-ce que quelqu'un qui a des problèmes de logement parce qu'il a une trop grosse famille, par exemple, et qui se voit refuser le logement peut faire appel aux services de la commission, la discrimination étant basée je ne sais trop sur quoi? Est-ce que le fait d'avoir des enfants... Est-ce qu'on a le droit de se réclamer du droit d'avoir des enfants et de faire en sorte que cela ne soit pas un motif acceptable de discrimination?

M. Lachapelle: Je m'excuse, je pense que Mme Sainte-Marie aurait voulu intervenir. Ça va? Bon, d'accord.

Sur cette question du logement, effectivement, dans la charte, il y a le motif de discrimination selon la condition sociale et l'état civil.

M. Doyon: Cela entrerait dans la condition sociale et l'état civil.

M. Lachapelle: Cela entrerait dans la condition sociale. Évidemment, la commission s'était donné, à l'époque, une définition assez large de la condition sociale. Les tribunaux nous ont ramenés à des dimensions beaucoup plus restreintes de la condition sociale en indiquant qu'il s'agissait du degré d'éducation, du salaire, du statut dans la société et de la place dans la société, si bien que la question du nombre d'enfants est devenue assez restreinte, finalement. Selon nous, à la commission, il faudrait réunir deux ou trois conditions pour qu'on puisse porter une plainte sur la question du nombre d'enfants. On en prend sur cette question, sauf que ce qui arrive, c'est que les propriétaires disent: Oui, on n'a pas d'objection au nombre d'enfants, mais on fait la démonstration qu'ils ne sont pas capables de payer le loyer. Alors, finalement, de cette façon, il n'y a pas de motif de discrimination puisqu'on dit: Je l'ai refusé non pas à cause du nombre d'enfants, mais parce qu'il n'était pas capable de payer le loyer. Dans le Code civil, il y a également une disposition - je ne voudrais pas me tromper, mais, de mémoire, c'est l'article 1665, je pense - qui dit qu'on ne peut refuser à une personne un logement à cause du nombre d'enfants. Il y a actuellement un problème d'application. C'est que, dans ces cas, on peut prendre une poursuite, non pas en vertu de la charte, mais en vertu du Code civil, c'est-à-dire une poursuite pénale. Mais on Indique également qu'on devra désigner un organisme qui puisse porter plainte dans ces cas, sauf qu'il est arrivé qu'on n'a pas désigné d'organisme chargé de porter plainte. Est-ce que c'est la Régie du logement? Est-ce que c'est la Commission des droits de la personne? Est-ce que c'est le Procureur général? Le procureur le peut, assurément, mais, évidemment, c'est compliqué d'alier frapper à la porte du procureur de la couronne et de lui dire. Vous savez, hier, avec mes trois enfants, je me suis fait refuser. On s'en va à la Régie du logement et celle-ci dit: Nous n'avons pas de pouvoir, on ne nous en a pas délégué. On vient à la Commission des droits de la personne et on nous dit: On ne nous a pas délégué ce pouvoir.

Il y a quelques semaines, on a eu une petite rencontre avec les gens de la Régie du logement et le Procureur général pour essayer de régler cette question pour qu'un organisme, que ce soit la Commission des droits de la personne ou la Régie du logement, puisse avoir ce pouvoir d'enquête et de poursuite contre les propriétaires récalcitrants.

M. Doyon: Est-ce que madame voulait dire quelques mots sur le...

Une voix: Non. Je vous remercie.

M. Doyon: Simplement une dernière question, M. le Président, avec votre permission. Je me dis que la discrimination raciale qui existe Indéniablement dans certains milieux - je suis le premier à la déplorer et à la réprouver, c'est absolument malheureux - très souvent, l'explication - ce n'est pas une excuse, mais j'essaie de voir les explications - en est que les gens qui se trouvent en position de force à un moment donné règlent des comptes à partir d'une mentalité ou de la perception qu'ils ont des gens contre lesquels ils veulent faire preuve de discrimination. Un moyen d'obvier à cela - je me demande si la commission le fait. C'est de saisir... Je comprends qu'il y a un travail d'éducation à faire auprès des gens susceptibles de faire preuve de discrimination envers d'autres, mais il y a aussi, d'après moi, une certaine responsabilité de la part des victimes de discrimination; responsabilité entre guillemets. Je me dis qu'il faudrait que cela joue des deux côtés. Je suis certain que, si on savait aussi bien qu'on devrait le savoir l'apport économique, culturel, à tous les points de vue, que les gens de couleur, par exemple, nous ont apporté, si on savait que ces gens-là ont fait un travail extraordinaire dans tel domaine, ont réussi mieux que bien d'autres, etc., la majorité viendrait à les apprécier, à les valoriser. II ne faut pas s'attendre que ce soit la majorité qui valorise la minorité. Cela serait rêver en couleur et on ne vit pas dans ce genre de monde. La minorité a peut-être, comme première responsabilité, de faire valoir les gens qui en valent la peine dans son groupe racial, que ce soit au niveau des sexes... Il y a des gens de valeur dans tous les milieux et il y a des bons-à-riens dans tous les milieux.

D'après moi, la première responsabilité de la minorité est de dire: Parmi les gens de couleur, il y en a qui ont réalisé telle chose, qui ont réussi tel exploit, des gens de qui on a toutes tes raisons d'être fiers et qu'on est chanceux d'avoir comme concitoyens, comme Québécois comme nous, comme Canadiens. Je me demande

si, du côté de ta commission, il n'y aurait pas moyen que les communautés culturelles... Je n'aime pas trop ce mot parce que cela implique que les gens sont organisés et, très souvent, les groupes ethniques ne sont pas vraiment organisés, ne vivent pas vraiment en communauté. Ils sont dispersés un peu partout, ils sont intégrés plus ou moins à divers degrés, ce ne sont pas de véritables communautés.

Les groupes ethniques - appelons-les comme cela - ou les groupes minoritaires auraient peut-être, avec l'aide de la commission, avantage à faire connaître leurs bons coups, comme n'importe qui a avantage... Comme vous êtes en train de le faire, par exemple. Ce n'est pas à nous, les députés, qu'il appartient de faire l'apologie de la commission, vous le faites beaucoup plus efficacement. C'est à vous de le faire et c'est comme cela que vous réussissez à être appréciés et à vendre votre marchandise, qui est parfaitement vendable. Les minorités ont peut-être un rôle à jouer avec un coup de main, un coup de pouce de la commission dans ce domaine. Je calcule que je n'en sais pas assez sur l'apport des minorités. Que ce soient les minorités autochtones, que ce soient les minorités noires, asiatiques, etc., elles ont sûrement beaucoup fait pour le pays qu'on a là. Il y a toujours une question de ressentiment. Inconsciemment, il y a toujours des comptes qui se règlent quelque part. Mes ancêtres sont arrivés au Canada en 1643; il n'y avait alors que des épinettes sur le bord du Saint-Laurent, des mouches noires, des maringouins, etc., et on a bâti ce pays. On se sent un petit peu frustrés que des gens arrivent ici, de but en blanc; les rues sont maintenant pavées, il y a des égouts partout, etc. Mon père m'a raconté ce que son grand-père lui a dit: Cela n'a pas toujours été drôle dans te fond de la Beauce, quand mes arrière-grands-parents étaient cultivateurs, paysans. Cela joue un rôle. Si on savait ce qu'ils apportent, et pas seulement ce qu'ils viennent prendre, cela permettrait beaucoup plus de compréhension entre les groupes ethniques. Je me demande si la commission a déjà réfléchi au rôle qu'elle pourrait jouer vis-à-vis des minorités à ce sujet.

M. Lachapelle: Mme Sainte-Marie, je pense, avait des propos sur ce sujet.

Mme Sainte-Marie (Paule): Je pourrais vous donner trois exemptes qui illustrent des choses qu'on a tenté de faire à la commission. Le 10 décembre, c'est l'anniversaire de la Déclaration universelle, comme vous le savez, et, à différentes reprises, on a regroupé des gens en favorisant l'expression des diverses communautés. Je pense que le président vous en a parlé dans son mémoire. Il y a une chose qui est assez importante aussi, ce n'est pas juste de valoriser te folklore du pays d'origine comme il était dans le temps, mais aussi l'expression actuelle, chez nous, des minorités. C'est une chose qu'on a essayé de faire, on ne l'a pas fait souvent, mais, oui, on a une préoccupation.

La deuxième chose que je voudrais vous signaler, c'est que, dans le bulletin des droits et libertés dont il a été beaucoup question - vous en avez souvent entendu parler par les groupes au cours de ces assises - on a essayé d'avoir une petite chronique qui signale, au passage, un film fait par les autochtones, une pièce de théâtre montée par la communauté notre, un livre publié par eux. On ne le fait pas beaucoup, et peut-être même pas suffisamment, mais c'est une de nos préoccupations.

L'autre exemple que je voudrais vous donner est d'un ordre un peu différent, mais rejoint votre préoccupation quand vous dites: Les minorités elles-mêmes ont à faire quelque chose. Dans l'enquête sur le taxi, un des résultats positifs de cette enquête a été que les chauffeurs de taxi noirs se sont réunis et ont dit: On nous accuse de faire ceci, de faire cela, eh bien, vous allez voir qu'on va remédier à ces situations. On va se donner une meilleure information sur la ville, on va avoir des taxis propres, on va avoir la monnaie. Ce sont toutes sortes de critiques qui avaient été faites. Je pense que vous avez raison de signaler qu'une minorité... Mais iI faut que ce soit un groupe qui se prenne en main, ce ne sont pas les individus qui peuvent faire ça.

Le Président (M. Filion): M. le député de Louis-Hébert, ça va? J'ai plusieurs Intervenants, mais, à ce moment-ci, très brièvement, peut-être un commentaire et une question. Le président l'a relevé dans son mémoire et certains intervenants l'ont signalé, c'est la complexité du travail, la complexité du matériel qu'a à administrer la Commission des droits de la personne. Finalement, la charte - cela a été souligné par Me Bissonnette - appartient à tout le monde; elle appartient à toute la société québécoise, mais ce n'est pas facile. J'ai eu l'occasion de signaler à un intervenant, qui reprochait à la commission le fait que, lors des récents incidents à Montréal, tout ce qu'elle avait jugé bon de faire avait été de rappeler l'existence de la présomption d'innocence, j'avais signalé à cet intervenant que, souvent, les droits d'un individu ou d'un groupe d'individus s'arrêtent là où commencent les droits et libertés d'un autre individu ou d'un autre groupe d'individus. Souvent, le problème est plus complexe que cela parce qu'un même dossier peut permettre la réunion ou l'affrontement de presque trois et même de plusieurs droits.

Si on prend les incidents survenus récemment à Montréal, il y a présomption d'innocence, bien sûr. On Invoquera d'abord la non-discrimination pour cause de race et il y a aussi la libre expression parce que tout cela est véhiculé généralement dand les médias, donc, par un prisme qui a ses faiblesses. Il faut, je pense, à la base, prendre conscience... Et ce n'est pas facile

d'expliquer à vos intervenants. Écoutez, vous avez une cause de harcèlement sexuel, cela a l'air simple pour vous, mais, d'un autre côté, il nous faut d'abord apprécier les faits. On doit écouter chacune des parties. II y a le droit à l'audition de chacune des parties qui entre en jeu. Donc, complexité du travail. Quant à nous, nous en avons, autour de cette table, sur le fait que, d'abord, la charte doit appartenir à tout le monde, parce que ce n'est pas vrai qu'on va réunir dans un immeuble, en affichant Commission des droits de la personne, l'ensemble de tout le savoir, de tout le vécu et de toute la prospective en termes de droits de la personne.

Ce qui m'amène un peu plus à ma question. Ce qu'a bien soulevé le député de Louis-Hébert, c'est la question de fa crédibilité de la commission. Elle a une matière complexe à administrer sûrement, mais elle doit maintenir une crédibilité qui, malgré les interventions qui ont pu, encore une fois, paraître négatives, à mon avis, n'en est pas affectée à un point irrémédiable, loin de là. Je pense, encore une fois, que les reproches étaient faits sur une base constructive. Dans notre questionnaire, on avait points forts et points faibles. Des points forts ont été mentionnés dans les mémoires même si on en a moins parlé, lors des auditions. (16 h 15)

Au sujet de la crédibilité de la commission, une chose me frappe à ce stade-ci, elle n'est apparue comme une constante et elle m amène rapidement à évoquer, à réfléchir tout haut sur une possibilité, soit l'utilisation par la commission des groupes que je qualifierais d'intermédiaires Je vais vous donner un exemple Par exemple, tout ce qui concerne le droit à la réputation. Ce n'est pas un secteur facile non plus et, sauf erreur, la charte québécoise est ta seule à contenir ce droit, la charte canadienne ne le contient pas. Le Québec a innové en incluant ce droit à la réputation. Est-ce que la commission ne pourrait pas utiliser un peu plus les groupes intermédiaires comme le Conseil de presse? Quotidiennement - les membres le savent - les journalistes ont à travailler sur l'actualité, à rendre compte de ce qu'on leur dit, à émettre leur opinion, etc. Est-ce que d'utiliser, en deux mots, davantage les agents multiplicateurs que sont les organismes Intermédiaires. Tous les groupes qui sont venus devant nous aujourd'hui sont, à leur façon, des agents multiplicateurs qui pourraient faire un écho passablement fort. Encore une fois le monopole n'appartient pas à la Commission des droits de la personne, la Commission des droits de la personne ne peut pas, à elle seule, rejoindre tout le monde, tout le temps. C'est impossible. Donc, l'utilisation des groupes Intermédiaires me paraîtrait devoir faire davantage l'objet des préoccupations de la commission.

On peut songer aussi au fait que 75 % des plaintes concernent le travail. Le Conseil du patronat est venu devant nous, la Chambre de commerce est venue déposer un mémoire, et on espère avoir le mémoire de la CSN ou de la CEQ, évidemment, c'est dans les groupes organisés. Dans les groupes non organisés, il existe également certains organismes qui ont une crédibilité à l'intérieur d'une clientèle qui les connaît davantage. Par exemple, quand M Dufour nous a dit hier, en témoignant pour le Conseil du patronat. Vous savez, une bonne partie des articles, des avis de la commission, par exemple, les formulaires-types d'emploi, on les a repris dans notre publication. Alors, lorsque le patron de l'entreprise reçoit la publication du Conseil du patronat, qui reprend l'avis de la Commission des droits de la personne, je vais vous dire que cela a un effet multiplicateur énorme parce que c'est l'utilisation d'un véhicule déjà connu, car la Commission des droits de la personne, pour bien des gens, est un peu difficile d'accès. En ce sens là, je ne sais pas si vous êtes en mesure de me faire part de vos réflexions sur cet aspect.

M. Bissonnette: Si vous me le permettez, M le Président, à votre question, la réponse est oui, effectivement. Je pense que cela se fait déjà beaucoup et je vais vous donner un seul exemple. En ce qui concerne le droit à la réputation, bien sûr, on communique avec le Conseil de presse. On est actuellement en train de réfléchir à une proposition devant éventuelle ment être mise sur papier et que j'ai un peu évoquée tout à l'heure liberté d'expression, droit à la réputation. Le seul problème c'est que même si ce travail se fait, même si, effectivement, les agents multiplicateurs retrans mettent les messages à cet égard, la réponse n'est pas concluante et on n'arrive pas à des décisions en disant. Voici, le journaliste a eu tort ou effectivement, chaque fois qu'un stéréotype est utilisé par un journaliste, oui cela brime le droit à la réputation. Cela demeure quand même des réponses nuancées et cela ne satisfait pas toujours les personnes qui portent plainte chez nous ou les gens qui portent plainte devant le Conseil de presse, bien que, parfois cela les satisfasse aussi.

En terminant, je voudrais simplement dire que, oui, nous croyons qu'il faut collaborer avec les agents multiplicateurs. Ceci dit, dans le domaine des droits et libertés, iI y a bien souvent un équilibre à atteindre, mais ce qui demeure important et ce qui doit être fait, je pense, de façon plus particulière par la commission, c'est de rappeler les grands principes contenus dans la charte, le droit à l'égalité. II faut le rappeler dans plusieurs domaines. C'est peut-être là, finalement, notre spécificité On tente de le faire de notre mieux et je dois vous dire qu'à la Direction de l'éducation il y a un certain nombre de personnes qui y travaillent, mais il en faudrait peut être plus. Cela dépend aussi des orientations que le législateur donne par sa loi ou ses budgets à une direction de l'éducation.

Le Président (M. Filion): II y a un travail qui se fait à la commission en ce qui concerne les organismes intermédiaires. C'est clair, on en a de multiples exemples. Mon propos avait pour but d'accentuer ce contact-là. J'ai pris connaissance de votre mémoire. Je sais pertinemment que le travail se fait déjà et il s'agit uniquement d'accentuer l'utilisation de ces caisses de résonance qui existent déjà.

Alors, c'est bien, je vous remercie. Je vais reconnaître maintenant Mme la députée de Groulx, ensuite M. le député de Shefford. J'ai également M. le député de Chapleau, ensuite MM. les députés de Marquette et de Beauharnois. Alors donc, Mme la députée de Groulx!

Mme Bleau: Boujour, messieurs! En page 10 du mémoire, vous nous dites que le programme d'accès à l'égalité a eu pour effet d'accroître les responsabilités et pouvoirs de la commission. Lorsque vous êtes à préparer, avec un employeur, un programme d'accès à l'égalité, si jamais un employé de cet employeur fait une plainte à ta commission, vous sentez-vous capables, à ce moment, de présenter la plainte? Avez-vous l'habitude de la refuser? L'avez-vous déjà refusée?

M. Lachapelle: Nous n'avons jamais refusé de telles plaintes. On en a d'ailleurs eu une à la STCUM, pendant que nous étions à discuter avec les autorités de la STCUM concernant la mise en place d'un programme d'accès à l'égalité, que Mme Roy a d'ailleurs annoncé il y a quelques mois. Il y avait, à la STCUM, une plainte qu'on appelait de discrimination à rebours, c'est-à-dire un homme qui, lui, avait été refusé parce qu'on avait dit qu'on embauchait des femmes - une plainte contre la STCUM - et, en même temps, un groupe de femmes sont venues porter une plainte parce qu'elles avaient été refusées à l'embauche à cause d'une règle de la STCUM selon laquelle il fallait cinq ans de conduite de camions lourds pour être embauché. C'est un exemple. Je parle de celui-là parce que je le connais bien et que j'ai eu l'occasion d'en discuter. J'ai même demandé au groupe en question de rétablir la vérité parce qu'elles savent pertinemment qu'on a reçu la plainte, que l'enquête est menée et qu'il y a actuellement un programme d'accès à l'égalité. Tout cela s'est fait en même temps. Je peux vous donner d'autres exemptes du travail qu'on fait actuellement où il y a des plaintes et des programmes d'accès à l'égalité en même temps. Cela n'empêche pas les gens des programmes d'accès à l'égalité de faire leur travail et la commission d'enquêter et de continuer son travail.

Mme Bleau: Bien. On sait qu'un plaignant peut avoir droit à un avocat quand arrive le temps d'assurer le suivi de la plainte. Est-ce que les parties sont bien au courant qu'elles peuvent jouir des services d'un avocat? Est-ce que vous le leur dites d'avance?

M. Lachapelle: Oui. C'est très clair, c'est très bien indiqué. Il n'y a vraiment aucun problème là-dessus. Ce que les enquêteurs disent, et on leur demande de plus en plus de le faire, c'est que c'est eux qui sont maîtres de l'enquête. C'est à l'enquêteur de mener son enquête, qu'il y ait avocat ou pas. C'est à l'enquêteur de faire valoir la vérité, de faire connaître la vérité et d'enquêter. Les avocats sont là comme des aides et non pour mener l'enquête. C'est la seule précaution que l'on prend pour bien montrer que c'est une enquête de la commission et que ce ne sont pas des avocats qui se présentent devant nous comme devant une espèce de tribunal où le juge a un rôle neutre, finalement. Dans notre cas, nous sommes actifs et nous devons aller chercher la vérité.

Mme Bleau: Comment, d'abord, expliquez-vous le manque d'intérêt des avocats à l'égard de la commission, entre autres, l'aide juridique, qui ne travaille à peu près pas à des dossiers en regard de la commission?

M. Lachapelle: II y a de plus en plus d'avocats devant la Commission des droits de la personne. Je ne sais pas pourquoi les gens de l'aide juridique ne sont pas là. Est-ce qu'ils peuvent refuser le mandat de venir à la commission? J'en serais fort surpris. Il y a peut-être, évidemment, des personnes qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique.

Mme Bleau: Oui, c'est cela.

M. Lachapelle: Il y a toujours des personnes qui se situent au milieu et qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique mais je n'ai pas de données sur la question à savoir s'il y a de nombreux avocats de l'aide juridique. Je ne sais pas non plus si mes collègues connaissent la réponse.

Mme Bleau: Justement, c'est parce qu'il n'y en a pas beaucoup que je vous al posé la question.

M. Lachapelle: II y a très souvent des avocats devant la commisson.

Mme Bleau: Oui, mais de l'aide juridique?

M. Lachapelle: De l'aide juridique, je ne sais pas. Je pourrais vérifier si vous le désirez, je pourrais faire une vérification.

Mme Bleau: En page 67, vous nous dites qu'il y a un comité de concertation des relations Interethniques et raciales. J'aimerais savoir quel est le rôle de ce comité et quels groupes en font partie.

M. Lachapelle: Ce comité a été annoncé il y a plusieurs mois, mais il a été créé assez récemment, il y a quelques mois seulement. Ce comité a eu sa première rencontre. L'objectif est de faire connaître à la commission, à partir des préoccupations et du quotidien des gens, les préoccupations des diverses communautés dans leur milieu, les problèmes de discrimination et, également, leurs attentes vis-à-vis de la commission.

D'autre part, la commission se sert de ce véhicule pour faire connaître ses projets parce que nous sommes conscients qu'on a une certaine difficulté à acheminer nos activités vers les divers groupes. Ces personnes sont constituées des diverses communautés culturelles de la région de Montréal. On compte à peu près une quinzaine de personnes provenant des communautés les plus représentatives. Ces personnes sont là à titre personnel. Elles ne représentent personne comme tel, on les a choisies à cause de leur implication dans leur milieu, mais on ne leur demande pas d'être là pour la communauté chinoise ou pour représenter telle association ou tel groupe. On veut qu'elles soient fà pour leur implication personnelle, leur expérience personnelle, leur savoir, et je dois vous dire que notre première rencontre a été extrêmement riche, extrêmement profitable; les gens nous ont fait connaître leurs points de vue et leurs attentes vis-à-vis de fa commission. On pense aussi tirer de ce groupe des enseignements fort intéressants.

De la commission, je dois également dire qu'il y a trois commissaires qui travaillent avec ce groupe. Il y a un nombre important d'employés des diverses directions, des programmes d'accès à l'égalité, de l'éducation, de la recherche, qui, également, participent à ces rencontres.

Mme Bleau: Dernière question- En région, est-ce que le nombre d'employés, de commissaires est suffisant pour régler les dossiers dans un délai convenable? Est-ce que cela vous prendrait beaucoup plus d'employés?

M. Lachapelle: Un des problèmes en région... Bien sûr, actuellement, il n'y a pas de retard, il n'y a pas de délai parce que les dossiers sont neufs et qu'ils sont traités assez rapidement. La crainte qu'on pourrait avoir, c'est qu'avec le temps il s'accumule des dossiers. Mais ne parlons pas pour l'instant de délai. La difficulté qu'on entrevoit, c'est celle que j'ai mentionnée ce matin, c'est-à-dire de jouer ce double rôle, d'accueillir, d'une part, des personnes qui viennent porter des plaintes et, ensuite, le lendemain, je dis: Maintenant, vous savez, j'enquête et je deviens partial C'est vraiment problématique, si bien que, en région, il y aurait suffisamment de travail de promotion et d'éducation à faire pour qu'il y ait deux personnes, une qui s'occupe d'un aspect plus promotionnel, et l'autre qui ait plutôt une fonction d'enquête.

Actuellement, on est obligés d'envoyer, dans des cas plus problématiques, des enquêteurs soit de Montréal, soit de Québec, et ce n'est pas des plus souhaitables. Évidemment, les gens en région n'aiment pas - et je pense que c'est tout à fait légitime - voir arriver quelqu'un de Montréal entendre leur cas. Il nous apparaît, à nous, qu'on devrait fournir sur place ces services-là.

Mme Bleau: J'ai un grand respect pour tout ce que vous représentez et je vous remercie.

M. Lachapelle: Merci, madame. (16 h 30)

Le Président (M. Filion): J'aimerais obtenir une clarification au sujet de la première question de Mme la députée de Groulx sur les programmes d'accès à l'égalité. Vous avez envoyé sur place un consultant - si j'ai bien compris - à la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Des plaintes, par ailleurs, vous ont été déposées, de sorte que des enquêtes ont eu lieu. Est-ce qu'on doit comprendre de votre réponse que vous ne voyiez, à ce moment-là, aucune incompatibilité entre le rôle d'assistance, de conseil de ta Commission des droits de la personne, à l'intérieur d'une boîte, et son rôle d'enquête sur une matière qui peut faire l'objet du programme d'accès à l'égalité, c'est-à-dire qui peut faire l'objet d'une discrimination systémique et d'un éventuel programme d'accès à l'égalité?

M. Lachapelle: C'était ma réponse. Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Lachapelle: Je dois ajouter un élément que je n'ai pas donné tantôt Évidemment, à l'époque, la crainte des employeurs était la suivante: Quand on va à la Commission des droits de la personne et qu'on ouvre grand nos livres en lui confiant tout ce qu'on a, qu'est-ce qui arrive si, en même temps, on a une plainte et que vous avez déjà tous les dossiers chez vous? Qu'est-ce que vous allez faire? Est-ce que vous allez vous servir de ces dossiers-là? Nous leur avons donné la garantie que les dossiers qui étaient au programme d'accès à l'égalité, à la fonction conseil étalent confidentiels et n'étaient pas transférés à la section des enquêtes, de la même manière que si on allait faire affaire avec la firme - je ne veux pas faire de publicité - et associés je ne sais qui, les dossiers restaient, bien sûr, à la firme et ne sortaient pas de là; ils n'étaient pas transférés aux enquêtes. C'est la garantie que nous avons donnée aux employeurs pour être bien sûr qu'ils traitent avec nous en toute confidentialité.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je dois vous dire que je n'ai pas eu le plaisir

d'assister aux travaux de la présente commission J'étais à l'extérieur de Québec et j'ai rencontré des groupes. II en a été largement question, je peux vous le dire

J'écoutais mes collègues qui sont intervenus avant mol et, effectivement, on a rebrassé les mêmes Idées et les mêmes préoccupations. II a été question d'une foule de choses. Entre autres, Mme la députée de Groulx soulignait qu'on retrouve dans votre mémoire une augmentation des responsabilités et une augmentation des travaux de la commission, lorsqu'on ajoute, par de nouvelles lois ou de nouvelles décisions gouvernementales, de nouvelles nonnes dans la société L'égalité, c'en est une, mais il a été question aussi - c'est le sujet sur lequel je voudrais qu'on élabore un peu - de la part de quelques autres collègues avant moi, entre autres, de l'habitation et du harcèlement. Vous avez même parlé du moratoire tantôt. II a été question de vos relations et de vos échanges - à mon avis, assez réguliers - avec la Régie du logement. Donc, c'est un secteur qui est sensible. C'est un secteur important, parce que tout le monde doit se loger, surtout à Montréal où il y a plus de 70 % de gens qui sont locataires. Cela veut dire qu'il y a eu une majorité de gens qui sont susceptibles de se présenter à la Régie du logement, même si ce n'est pas le cas, heureusement. On sait qu'il y en a quand même plusieurs, même si beaucoup n'y vont pas. S'ils ne se présentent pas à la bonne place, vous devez les diriger. On sait que ce que vous avez à faire n'est pas facile. C'est vrai que c'est quelque chose d'important et de complexe. Ce n'est pas deux et deux font quatre, en tout cas, c'est très rare quand on parle de l'exercice des droits. Les droits des uns et les droits des autres, ce n'est pas facile. Mais chacun a ses droits et ce n'est pas nécessairement tranché au couteau

Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen au plan du fonctionnement, dans certains cas, que la clarté, quand c'est possible, puisse vous faciliter les choses? Donc, l'efficacité et le fonctionnement, est-ce que cela ne pourrait se faire par clarté? Voici où je veux en venir en donnant un exemple précis. Tantôt, on a parlé d'un aveugle avec son animal ou d'autre chose. Moi, je vais prendre un cas très précis pour savoir s'il n'y aurait pas moyen. Je disais tantôt, il y a augmentation des responsabilités et des tâches qui vous sont confiées de temps en temps par des décisions qu'on prend, ici, à Québec. C'est possible que cela vous arrive encore très bientôt avec une loi, la loi 87, qu'on discute présentement et qui porte sur la levée du moratoire quant à fa transformation du logement locatif en copropriété. On en a discuté. Vous avez fait référence tantôt à la commission qui s'est tenue au mois d'août. On sait que cela s'en vient. Donc, il y a des risques que cela vous amène plus de cas parce qu'on sait que cela va toucher passablement de gens, probablement. Ce n'est pas que je le souhaite, mais il vaut mieux prévenir que guérir, comme on dit

Lors de la commission, il a été question de harcèlement. C'est vrai que ce n'est pas facile, le harcèlement, comment interpréter cela et jusqu'à quel point il y en a. S'il y en a, comment peut-on décider de le dénoncer, décider d'Intervenir et de poursuivre des gens face à du harcèlement? Mais, il n'y a pas de définition du harcèlement en matière de logement, ce qui n'existe pas et qu'on ne retrouvera pas, à moins qu'il n'y ait des amendements lors de l'étude, article par article. On ne retrouve pas de définition de harcèlement dans le projet de loi qui a été déposé

Je veux en venir à un point très précis, avec une demande précise aussi. Si on ne retrouve pas de définition du harcèlement dans la loi, on sait que ce ne sera pas facile pour les gens de la Commission des droits de la personne de prendre des décisions. En commission, vous nous avez dit, lors de l'audition, au mois d'août, à Montréal, que, selon votre interprétation, l'offre faite à des locataires pour acheter leur départ ou leur droit de maintien dans les lieux serait du harcèlement. D'autres, y compris le ministre, ont dit que ce n'était pas du harcèlement mais que c'était de la libre entreprise. II y a eu une interprétation différente. Est-ce que ce n'est pas un cas où ta commission pourrait utiliser l'interprétation qu'elle donne? La commission est là pour faire respecter les droits de la personne, informer aussi, mais probablement décider, je suppose, de l'interprétation qu'elle va donner à certains gestes, notamment, si l'achat du droit de départ des locataires pour permettre la transformation de leur logement en propriété constitue du harcèlement. Est-ce que, pour clarifier, simplifier, informer et, surtout, prévenir les gens, la commission ne pourrait pas émettre un avis? Est-ce que cela se fait? Je vous pose la question Est-ce que la commission ne pourrait pas émettre un avis? De cette façon-là, ce serait clair pour tout le monde, cela viendrait compenser le manque de clarté, étant donné qu'il n'y a pas de définition dans la loi Cela exempterait qu'il y ait des problèmes de ce côté parce que les gens, eux, ne le feront pas et, s'ils le font, l'interprétation sera facile puisqu'un avis aura été émis Est-ce qu'il serait possible de prévenir dans ce sens-là et de commencer, maintenant, à Informer les gens pour éviter des problèmes dans un avenir à court terme?

M. Lachapelle: Je voudrais apporter une nuance. Ce que je disais, c'est que cela pouvait constituer du harcèlement. Évidemment, le fait de vouloir racheter ce droit pour une somme d'argent pouvait constituer une forme de harcèlement, suivant la façon par laquelle l'on tente d'inciter la personne à accepter cette offre. Ce que nous avons également dit lors de cette rencontre, c'est que les preuves de harcèlement, dans tous ces cas, sont extrêmement complexes. Le harcèlement ne se fait jamais de façon très

évidente. Cela se fait de façon subtile et la commission a vécu toutes ces questions de harcèlement en matière sexuelle, en matière raciale.

On a donné récemment une définition du harcèlement. La commission s'est longuement penchée sur toutes ces questions et on a une définition du harcèlement qui est très large et qui engloberait, peut-être, mais pas nécessairement, ce que vous nous avez mentionné tantôt. Je pense que la commission devrait faire connaître, dans ce cadre-là, ce qu'est la définition du harcèlement, ce qu'on entend par harcèlement. Cela aiderait sûrement les gens qui en sont victimes mais, peut-être aussi, les personnes qui se proposeraient d'utiliser la loi et quelques moyens de harcèlement pour déloger les locataires. Je crois que cela pourrait clarifier la situation. Il y a un document sur le harcèlement dans le milieu de travail qui pourrait s'appliquer à cette situation du harcèlement dans le domaine du logement.

M. Paré: II pourrait y avoir un avis, une définition de harcèlement. Vous dites qu'il y en a déjà une de disponible en milieu de travail. Si, moi, je vous lançais l'invitation ou la demande, en tant que porte-parole de citoyens et de groupes que j'ai rencontrés, d'émettre un avis dans lequel il y aurait une définition du harcèlement en matière de logement, est-ce que ce serait recevable? Est-ce que vous pourriez émettre un avis dans ce sens-là de façon que ce soit clair et net?

M. Lachapelle: Bien sûr, on en prend note D'abord, cela va nous aider parce qu'il y aura des cas chez nous. Cela nous servira sûrement à avoir une excellente orientation de départ et, aussi, à aider les groupes et les personnes qui auront à utiliser les services de la commission.

M. Paré: Je le vois aussi à des fins d'efficacité et de fonctionnement; sinon, nous, nous en ferons une, ici, à Québec. Vous aurez à l'interpréter et à l'appliquer probablement, à des cas individuels, cas par cas, et la Régie du logement aussi. À ce moment-là, cela sera le dédale qu'on connaît et qui amène des plaintes quant au fonctionnement, chez vous et à la Régie du logement. Très souvent, c'est juste parce qu'il manque une définition et ce n'est la faute ni de la Commission des droits de la personne, ni de la Régie du logement. C'est un manque de clarté. On ne peut pas être toujours clairs, mais, quand c'est possible, je pense qu'on devrait l'être. Dans le cas présent, on pourrait l'être avant que les problèmes, possibles et même probables, nous arrivent à court terme.

M. Lachapelle: La question que vous posez rejoint, de façon éminemment pratique, une conversation que j'avais avec la vice-présidente de la Régie du logement. On se disait justement que, si ce projet de loi devenait loi, il faudrait, à très brève échéance, se rencontrer et tenter de fixer ensemble les paramètres d'application de cette loi. Je pense qu'une bonne méthode serait sûrement de définir, de façon claire et avec un entendement commun, le harcèlement et aussi l'exploitation. Ce serait sûrement un autre aspect de cette loi.

M. Paré: Merci, M. le Président. Ça c'est de l'efficacité.

Le Président (M. Filion): Je reviens sur les avis de la commission. Sauf erreur, les avis de la commission, au cours de leur histoire ont reçu, en générai, un assez bon accueil. Malheureusement, il y a un organisme qui a témoigné devant nous et qui ne savait pas que vous vous étiez prononcés sur les visites des inspecteurs de l'aide sociale. On le lui a rappelé parce que cela a été dans les journaux pendant quelques jours. Les médias en général donnent un assez bon écho des avis de la commission Sauf erreur, il n'y en a pas eu beaucoup depuis 1976. Il me semble que j'ai vu circuler un chiffre. Est-ce que je me trompe en disant une vingtaine, au maximum?

M. Bissonnette: Juste une information. Je ne donnerai pas le nombre d'avis qui ont été rendus par la commission, mais je veux simplement indiquer qu'il existe un recueil qu'on appelle droits et libertés où sont reproduits, depuis deux ans maintenant, les avis de la commission. Cela aide justement les personnes à pouvoir identifier plus rapidement les avis qui sont émis par la commission. Cet instrument existe depuis deux ans maintenant... C'est maintenant la troisième année? On commence notre troisième année, je pense.

Le Président (M. Filion): Je cherche en même temps la disposition législative. C'est probablement l'article 67 C'est cela?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Filion): ...paragraphe... Est-ce que c'est le paragraphe e ou...

Une voix: Non.

Le Président (M. Filion): Je veux juste connaître la base juridique.

M. Lachapelle: Entre autres, procéder à l'analyse des lois.

Le Président (M. Filion): Oui, d'accord.

M. Lachapelle: C'est souvent sous cet aspect et il y a le paragraphe e également.

Le Président (M. Filion): Le paragraphe e

également.

M. Lachapelle: J'exhibe ici un document qui s'appelle: Bibliographie analytique de recherche. Ce ne sont pas nécessairement des avis formels de la commission, mais des recherches du service de recherche de la commission qui sont souvent publiées. Ce cahier contient quelque 54 pages. C'est une longue énumération de toute la documentation et de tous les avis que la commission a donnés depuis l'origine. Je lis: état civil, discrimination, race, couleur, inviolabilité de la demeure, droit au secret professionnel. Ce document date de 1985. Ces derniers mois, nous avons émis un avis, assez récemment, concernant les examens médicaux en emploi, par exemple, tout ce qui touche le sida et ces questions, et, également, un avis concernant les infirmières et la...

Une voix: Est-ce que...

M. Lachapelle: C'était sur la confidentialité. Ah oui! La question des avortements, est-ce que les infirmières peuvent refuser de faire un avortement?

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Lachapelle: II y en a un autre concernant les infirmières dans les écoles, ce droit à la confidentialité qu'ont les enfants qui vont se confier à l'infirmière, qui, ensuite, les référait pour un avortement ou pour autre chose: est-ce que ces enfants pouvaient bénéficier de la confidentialité? Il y en a de façon assez régulière. De mémoire, à la commission, on en a eu plusieurs ces derniers mois. Généralement, ils sont acheminés à l'Assemblée nationale et publiés...

Le Président (M. Filion): C'est cela.

M. Lachapelle: ...dans ce document, Droits et libertés, qui, bien sûr, est pour l'usage de tous les avocats. On l'envoie également aux infirmières, aux personnes intéressées. Le cas des examens médicaux en emploi a été envoyé dans le milieu des employeurs. (16 h 45)

Le Président (M. Filion): L'utilité de ces avis consignés, si l'on veut, est frappante; ils permettent de régler une multitude de cas de façon préventive et même de façon ponctuelle, une fois que la commission s'est prononcée sur un sujet. Je sais que vous avez changé d'idée en ce qui concerne les soins accordés aux malades, c'est-à-dire en ce qui concerne le sexe de la personne qui rend les soins - cela peut arriver qu'on change d'idée. J'ai cru comprendre qu'il y avait eu trois décisions là-dessus, trois avis.

M. Lachapelle: On change d'idée.

Le Président (M. Filion): Pardon?

M. Lachapelle: On dit même que la Cour suprême change d'idée au cours des années, alors...

Le Président (M. Filion): Malheureusement...

M. Lachapelle: Modestement, la commission peut se tromper.

Le Président (M. Filion): Malheureusement, elle ne change pas souvent de notre bord - cela a déjà été dit avant moi. Donc, il y a une utilité à ces avis qui demandent une préparation énorme et un soin absolu. Je sais que. le député de Sainte-Marie veut Intervenir sur plusieurs sujets, mais, de façon précise sur le dernier sujet qui a été évoqué par le député de Shefford, je vais laisser la parole au député de Sainte-Marie.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vais souhaiter la bienvenue aux membres de la commission. Je vais y aller directement, à la suite de l'énoncé. Le député de Shefford m'a devancé un peu sur cette question de la définition du harcèlement, dans le domaine de l'habitation, qu'on devra mentionner ou, à tout le moins, sur laquelle on devra se pencher concrètement. Dans cette réflexion, je voudrais essayer de regarder cela dans son ensemble, de façon globale.

Je regardais les interventions des divers groupes sur la définition d'un logement décent par rapport à un prix décent, sur les motifs de discrimination qu'on peut élaborer, et tout le reste. Des représentations ont été faites par des personnes dans mon comté. Je suis d'un comté montréalais et les comtés montréalais n'ont pas beaucoup de propriétaires, mais j'en ai, de petits propriétaires. Comment faire cette forme de déclaration universelle ou d'avis comme il a été énoncé, tout en ayant un profond respect... J'essayais de concilier les deux lors des rencontres que j'ai eues avec les gens de la SHQ pour essayer de trouver, par rapport à ce qui se fait dans le monde du travail et dans le milieu syndical, qui ont présenté quelques propositions, quelle serait la meilleure formulation d'ordre général. De cette généralité, on essayait de voir une application très spécifique de cas. Je vous laisse cette partie du travail qui n'est pas facile. On trouvait toujours à redire pour trouver une autre définition. C'est un aspect fort important et qui touche une bonne partie de la population.

Voici ce que j'aimerais aborder avec vous plus précisément. On a entendu plusieurs groupes Ici qui nous ont tracé... Votre document fait référence à une autre pensée quant au traitement des plaintes Toujours dans ce même projet de loi, il a été avancé que la commission pourrait se pencher sur des cas de discrimination et peut-être aussi exiger des montants. On parlait de

5000 $ à 25 000 $ d'amendes. J'ai écouté les divers groupes qu'on a eus ici. J'essayais de voir, en termes de mécanique, la jonction qui pourrait exister entre la Régie du logement et la commission, surtout quand on sait que ces cas de harcèlement sont toujours des types de causes pour l'avant-veille. Les observations qu'on a eues ici de diverses personnes, est-ce que la commission va regarder cela - cette problématique et les autres ne sont pas faciles - pour voir, en termes d'efficience et d'efficacité, comme vous ('indiquez dans votre document, quelle orientation prendre quant à la priorisation des interventions?

M. Lachapelle: Toujours en matière de logement?

M. Laporte: Oui.

M. Lachapelle: En matière de logement, une première préoccupation que nous avons concernant le harcèlement et l'exploitation, c'est la difficulté de la preuve. On a eu des cas. Ici même à Québec, je me souviens d'un cas assez prenant d'une vieille dame qui était exploitée par son fils où nous avons dû demander une Injonction au nom de la dame. Elle ne voulait pas sortir et nous trouvions que c'était véritablement un cas d'exploitation qui était dénoncé par le CLSC. Elle se sentait évidemment tellement déchirée voyant que son fils ne pourrait plus s'occuper d'elle. Il la battait pourtant, il lui enlevait son chèque, mais elfe n'était pas capable d'en venir à la conclusion qu'elle devait sortir. On a été obligés de demander une Injonction pour forcer le fils à partir et obtenir les services du CLSC, qui était prêt, bien sûr, à donner des services. Je donne ce cas pour dire que ce n'est pas simple à régler. Les personnes âgées, entre autres - parce qu'on pensait, lors des discussions sur la levée du moratoire, à ces cas-là - ont beaucoup de difficultés à s'équiper, à venir devant la commission, à ramasser les preuves. Par définition, elles sont démunies face à toutes ces questions. Je dois vous dire que cela nous préoccupe beaucoup. Ma première préoccupation concerne la capacité de ces personnes à venir porter des plaintes chez nous de façon articulée, de façon à être capables de ramasser tous les faits, les événements qui se sont produits et à se rendre à la commission.

L'autre préoccupation que nous avons sur ce sujet, c'est la rapidité d'exécution. Il ne faut pas attendre six mois, pendant que la personne est à la porte, pour aller enquêter. Je dois vous dire qu'actuellement, à la commission, il y a une charge de travail Importante. Je ne suis pas ici pour faire des récriminations et demander du personnel supplémentaire, mais je tiens à souligner cet aspect. Il va falloir avoir une équipe de personnes qui vont partir dès qu'on aura un appel téléphonique pour aller immédiatement rencontrer la personne et le propriétaire pour essayer d'intervenir rapidement. Pour cela, il faut être capable de continuer. À moins qu'on ne laisse nos autres dossiers d'enquête et, là, d'autres groupes vont venir nous dire: Vous ne faites pas votre job. Oui, on a envoyé nos gens travailler dans le domaine du logement. Il faudra vraiment des Interventions rapides, précises, après qu'on se sera entendu avec la Régie du logement sur la façon d'obtenir les preuves, sur la façon de fonctionner. À mon sens, il faudra penser à cette dimension-là et j'espère que, lors de vos discussions sur ce projet de toi, vous aurez cette préoccupation. Cela ne se fera pas seul. Il y a les deux aspects: aider les personnes âgées et aider les personnes handicapées qui seront aux prises avec ces problèmes.

Une des craintes qu'on a exprimées à ce moment-là, c'est que au sujet des personnes âgées qui, dès qu'elles sont face à cette possibilité de voir leur appartement transformé en condominium et de devoir partir, vont facilement céder le morceau en disant: Je ne sais que faire dans ces circonstances. Vous comprenez que toute cette aide qu'on peut leur fournir par la Régie du logement, par la Commission des droits de la personne, ce n'est pas à la portée de tout le monde facilement. En tout cas, II va falloir faire une publicité de tous les instants pour que tes gens sachent cela. Il va falloir être sûr que les gens ont bien compris qu'ils ont des recours et qu'ils peuvent refuser en tout temps de signer ou d'accepter de partir du logement. Et, quand il y aura des cas, encore une fois, de harcèlement qui seront dénoncés, il faudra que, rapidement, on puisse intervenir.

Le Président (M. Filion): Vous avez souligné le problème du manque d'effectif et de ressources humaines et financières. Je dois vous dire que j'ai bien lu, dans votre mémoire, les lignes et entre les lignes, et qu'on a bien perçu là-dessus que, dans le fond, un organisme peut faire plus, mais encore faut-il que la charge de travail soit humaine. Lorsque, dans votre mémoire, vous faites le calcul des charges de travail, je peux vous dire qu'on n'est pas sourds, notamment lorsqu'il faut - comme vous l'avez mentionné - tenir compte que certains dossiers requièrent une attention continue.

Vous avez mentionné les cas de discrimination systémique ou les programmes d'accès à l'égalité. Il y a énormément de travail en profondeur. Je pense que je l'ai déjà souligné, lorsqu'on doit, par exemple, définir - je ne me souviens pas de l'expression exacte - le bassin de ressources disponibles en main-d'oeuvre dans le secteur, je ne sais pas, des forêts en Mauricie du côté féminin: Bonne chance, tout le monde! Un autre cas peut être, je ne sais pas, moi, le secteur de l'industrie automobile, des chaînes de montage dans Laurentides-Lanaudière. Vous partez là-dessus... Je sais qu'il existe des statistiques. Il faut du monde pour faire marcher ces boites. Cela prend des gens, comme vous le

dites, pour travailler à fond sur certains dossiers et d'autres pour réagir rapidement parce que la cause. On ne pourra jamais opérer un redressement équitable si on n'intervient pas maintenant. Là-dessus, il y a une responsabilité qui n'appartient pas à la commission, mais qui appartient évidemment à ceux qui disposent des budgets et de l'autorité pour ouvrir la bourse qui contient les taxes de ces mêmes citoyens qui viennent. parfois nous dire qu'ils ne sont pas satisfaits C'est le chaînon démocratique. Je voulais seulement soulever cette question pour que vous ne pensiez pas que nous n'avons pas perçu vos messages là-dessus, aussi délicats qu'ils aient été

Je vais donc céder la parole à M le député de Beauharnois

M. Marcil: Merci, M le Président Vous avez participé aux audiences depuis le début Les groupes que nous avons entendus, à l'exception du Conseil du patronat, n'ont pas été très élogieux, et je pense que vous en avez pris note. La plupart des groupes ont soulevé à peu près les mêmes commentaires dans leur mémoire les délais trop longs, la multiplicité et la confusion des divers rôles de la CDP Certains ont reproché le manque de caractère exécutoire des décisions, d'autres favorisaient la mise sur pied d'un tribunal administratif. Je sais que la mission de la Commission des droits de la personne consiste surtout à faire connaître la charte des droits et libertés, à la faire comprendre aux gens, à essayer d'Intervenir par le biais de la médiation pour régler des cas et, aussi éduquer et informer la population pour que cela ne se reproduise plus

Parmi tout cela, d'autres ont soulevé le fait qu'il était difficile pour la Commission des droits de la personne de faire la promotion dune chose et, en même temps, de demeurer neutre par rapport à cette même chose, ce que le député de Louis Hébert a soulevé tantôt. Par contre, le sondage fait par Optimum dévoilait des résultats très positifs de l'action, du moins, la perception que la population avait de la Commission des droits de la personne. De deux choses l'une ou les gens et les organismes qui sont venus nous rencontrer pour nous faire part de leurs sentiments, des problèmes qu'ils vivent face à la commission ne comprennent pas ou ne saisissent pas réellement la mission ou les objectifs de cette Commission des droits de la personne, ou il y a une situation ou une dimension à la Commission des droits de la personne qui n'est pas développée, probablement à cause de l'expérience que nous vivons avec la commission depuis des années. On n'a peut-être pas voulu la développer ou ce sont de nouveaux problèmes qui soulèvent un tas d'interventions possibles qu'on n'était pas préparé à faire par manque d'enquêteurs et ainsi de suite

Je ne veux pas du tout être juge du travail que vous faites Je pense que, depuis que la commission est sur pied, il y a des résultats positifs II ne s'agit pas de lancer ta balle à Pierre, Jean, Jacques, mais d'essayer de voir comment on peut resituer tout cela dans le temps. La question que je voulais vous poser aujourd'hui, et c'est probablement la dernière qu'on va poser cet après-midi, est la suivante en tant que membre de cette Commission des droits de la personne, à la suite des audiences que nous avons vues durant trois jours et après les dix dernières années, après les expériences que vous avez vécues et le contact que vous avez eu avec la population ou les divers organismes qui ont fait appel à vous, est-ce qu'il y aurait lieu - vous allez peut-être me dire que ce n'est pas à vous à faire des propositions - d'apporter des modifications majeures non pas au contenu de la charte, mais à la façon de la faire appliquer? (17 heures)

II est certain que, lorsqu'on vit des expériences de médiation ou les gens ont réglé leur différend pour 100 $, 200 $ ou une bouteille de Champagne, il y a des cas où c'est tout à fait normal, c'est une façon de faire de l'éducation, j'en conviens. Par contre, il y a d'autres cas qui sont dramatiques où des gens ont perdu leur emploi à la suite de délais. Parfois, les résultats ou les jugements, on les obtient mais deux ans après, et, pendant ces deux années, la personne n'a pas travaillé. II y a quand même des cas dramatiques que I on vit

Tout bonnement, est-ce que vous auriez des propositions? Si vous aviez à améliorer la commission - je ne parle pas de la réorganiser parce que, quand même, on a une bonne organisation, on a une bonne structure - il y a peut-être des choses qu'il faudrait revoir, à part le problème du personnel. Si on réglait le problème du personnel, est-ce qu'on aurait quand même à modifier ou à ajouter une structure executive, si on peut dire?

M. Lachapelle: J'allais dire, un peu comme M le président tantôt, que, d'abord, notre première réflexion, à la suite de tout ce qui a été dit par les groupes, c'est, bien sûr, que c'était un jugement très sévère sur la commission, mais j'allais dire, comme le mentionnait M le président, que nous le prenons de façon extrêmement positive. Ce qu'on a dit à propos de la commission, je pense que tout le monde l'a dit de manière à en améliorer le fonctionnement, et il y a des remarques très pertinentes qui ont été faites sur les problèmes conflictuels qu'on peut vivre à cause des différents mandats qui sont donnés à la commission

Vous me demandez. Est-ce que vous auriez des suggestions? J'ai l'impression que, dans les quelques minutes imparties, ce serait difficile de vous dire quelles sont ces suggestions. Ce que je voudrais surtout vous dire, c'est que les discussions qu'on a eues cet après-midi, quant à nous, sont extrêmement riches de filons pour pouvoir explorer d'autres avenues que celles que nous

avons actuellement. D'ailleurs, à la commission, je l'ai mentionné ce matin, nous sommes actuellement en train de réfléchir à chacun des mécanismes qui sont en place et qui visent au traitement des plaintes, parce que c'est probablement là qu'est la grande difficulté de la commission. On doit le dire: dans certains cas, on ne vous livre pas toujours la marchandise dans des délais qui sont acceptables, bien que, dans beaucoup de cas, on ait donné des résultats en matière de règlement et même dans des cas d'enquête également. Je pense qu'on a réussi à faire progresser des dossiers de façon tout à fait acceptable, avec des résultats précis et concrets que l'on pourrait, à l'occasion, démontrer devant cette commission, si c'était nécessaire. Je pense que les gens sont en majorité convaincus qu'il y a des choses qui se sont faites. Encore une fois, nous sommes en plein processus à la commission, mes collègues et moi, et les employés de la commission, parce qu'ils travaillent également avec nous à cette réflexion, pour amener des suggestions qu'il m'apparaîtrait un peu prématuré de mettre sur la table,

Le président m'indiquait ce matin - je pense que vous l'avez indiqué de façon publique également - qu'il y aurait peut-être lieu, une fois que tout cela aura été décanté, qu'on puisse indiquer certaines lignes et faire certaines suggestions de modification, si nécessaire, qu'on pourrait se revoir pour en discuter et voir si les propositions de votre commission pourraient être mises en application de façon acceptable autant pour la commission que pour toute la population.

Le Président (M. Filion): Merci. M. le président et M. le député de Beauharnois. De consentement, nous avons décidé de prolonger légèrement nos travaux jusqu'à 17 h 15. Alors, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Oui, merci, M. le Président. Plusieurs groupes que nous avons entendus mardi et mercredi auraient souhaité que la commission soit partout, c'est-à-dire, comme un parti politique, qu'elle se prononce sur tous les dossiers, qu'elle soit équipée d'un Winnebago et qu'elle soit partout au fur et à mesure que des droits et libertés sont menacés. Maintenant, je tiens à vous dire que ce n'est pas nécessairement son rôle que de courir constamment après des micros, bien au contraire.

J'avais trois petites questions, puisqu'il nous reste quelques minutes. La première n'est pas une question, mais je tenais à vous féliciter pour le colloque qui s'est tenu au début de 1986, dont j'ai eu l'honneur d'ailleurs de faire le discours de clôture: "Éducation aux droits". Si vous avez à répéter des expériences de ce genre, je serai certainement à votre disposition pour vous aider dans toutes les étapes et faire des pressions auprès du ministre de la Justice pour débloquer les fonds nécessaires. Je me souviens des sketches de jeunes comédiens qui avaient pour but d'expliquer aux jeunes du secondaire et même du primaire, si ma mémoire est bonne, ce qu'était la Charte des droits et libertés de la personne dans la pratique, comment visualiser cela. Ceci dit, j'ai deux petites questions. Cela n'a pas fait l'objet d'exposés de la part des groupes puisque ce n'était pas inclus dans notre questionnaire, nous nous étions limités volontairement. Cependant, une question qui a fait l'objet de vifs débats l'année dernière concerne la mobilité de la main-d'oeuvre au sein de la Commission des droits de la personne, pas nécessairement les membres, car on sait que le personnel en général ne fait pas partie de la fonction publique. Un enquêteur, par exemple, après dix ans, peut en avoir assez et vouloir aller travailler ailleurs, mais, dans le fonctionnement actuel, c'est impossible, d'après ce qu'on me dit. C'est qu'effectivement, n'étant pas membres de la fonction publique, les employés sont souvent restreints dans leurs demandes de mutation futures. Je me demande s'il ne faudrait pas envisager l'intégration des membres. Vous pourriez vous entendre là-dessus.

Troisièmement, concernant les groupes autochtones, vous en avez peut-être parlé dans votre mémoire, mais je ne me souviens pas quelles ont été les interventions récentes pour ce qui est des Communautés autochtones.

M. Lachapelle: Pour ce qui est de la question de la mobilité du personnel, bien sûr, cela a fait l'objet de grandes discussions lorsqu'il y a eu le dépôt d'un projet de loi sur l'intégration des employés de la commission à la fonction publique, en même temps que, vous vous en souviendrez, un projet de loi pour fusionner le Comité de la protection de la jeunesse et ta Commission des droits de la personne, projet de loi qui a été retiré Nous avons eu, depuis lors, de nombreuses discussions avec le syndicat de la Commission des droits de la personne, puisque les employés sont syndiqués et qu'ils ont un syndicat affilié à la CSN, indépendant du syndicat des employés de la fonction publique. Bien sûr, ce problème est ressorti et le comité que nous avions formé travaillait à cette problématique de la mobilité des employés Une des solutions étant l'intégration des employés, on pourrait revenir sur cette question-là. Nous avons quand même constaté ensemble qu'il y avait d'autres mécanismes; c'est habituellement une question de res-sourcement des gens, et on a convenu que la mobilité se faisait de bien des façons. Cela peut se faire parce que les gens sont déplacés d'un secteur à l'autre à la commission, cela peut se faire parce qu'on s'en va en dehors de la commission, cela peut se faire également en accordant des congés, des congés d'études, des congés sabbatiques, des congés à traitement différé. Nous avons, ces derniers mois, grandement favorisé ces congés, étant entendu que la commission pouvait y perdre durant un certain temps, mais que cela était nécessaire au ressour-

cement des employés qui, pendant dix ans, ont oeuvré dans le même domaine et qui ont besoin d'aller voir ailleurs ce qui se passe, d'aller travailler dans d'autres secteurs. Peut-être aussi que quelques employés allant travailler dans d'autres secteurs peuvent finalement s'y intéreser au point de faire carrière ailleurs.

L'autre élément que nous avons envisagé ensemble et qui a été discuté à l'époque était la possibilité, non pas que tes employés soient intégrés à la fonction publique, ce qui posait par ailleurs des problèmes assez important... Entre autres, qu'arrive-t-il lorsque la Commission des droits de la personne enquête sur les employés du gouvernement, par exemple, sur une plainte du SPGQ quant à la parité salariale et où il y a des implications extrêmement importantes? C'était une des préoccupations et le Conseil du trésor s'était même opposé à ce que les employés de la Commission des droits de la personne enquêtent dans ces dossiers, si bien qu'on a engagé quelqu'un qui n'était pas de la commission pour enquêter. Alors, imaginez-vous d'autres dossiers où des employés de la commission iraient enquêter. Cela posait vraiment un problème d'impartialité, d'indépendance de la part des employés de la commission.

Ce qui avait été suggéré à l'époque et, malheureusement, qui n'a pas été retenu, qui n'est pas encore en discussion sur la table, c'est que les employés de la Commission des droits de ta personne puissent faire ce qu'on appelait le pont avec la fonction publique, puissent postuler des emplois à la fonction publique au même titre que les autres employés de la fonction publique et que, de la même manière, les employés de la fonction publique puissent venir à la Commission des droits de la personne, à la suite de l'établissement de la reconnaissance de leurs compétences, parce qu'on pourrait dire qu'un avocat recruté à la Commission des droits de la personne n'a pas été recruté suivant les mêmes critères que ceux de la fonction publique et, à ce compte-là, n'aurait pas la même reconnaissance syndicale, d'ancienneté, etc. Mais nous avions établi certains paramètres qui pouvaient permettre aux employés, comme cela, de passer de la Commission des droits de la personne à la fonction publique, en se présentant à des concours au même titre que les autres employés. La suggestion est encore sur la table, mais il y a peu de progrès.

Il y a une autre possibilité, c'est qu'on puisse établir certains mécanismes de prêts entre les organismes. Ce ne sont pas des choses faciles à faire. J'ai moi-même contacté plusieurs dirigeants d'organismes avec qui j'ai eu des discussions. Tant qu'on est sur le plan des discussions théoriques et que tout le monde se dit: Oui, chez mol, j'ai le même problème - si l'on fait le tour de la fonction publique et des organismes, il y a 48 organismes, je pense, qui sont un peu dans la même situation que la commission - tout le monde est plein de bonne volonté: Oui, c'est vrai, on devrait pouvoir faire des échanges. Quand arrive le moment de dire: Untel s'en va à tel endroit pour deux ans et vous allez prendre Untel à sa place, on a passablement plus de difficultés à réaliser cela de façon pratique et concrète. Si bien qu'à ce jour, je ne suis pas arrivé à faire des transferts de personnel avec d'autres organismes, bien que des employés d'autres organismes disent: Oui, nous sommes intéressés par la Commission des droits de la personne. Ce ne sont pas des solutions faciles. Si bien que nous préconisons toujours ce pont et cette possibilité pour les employés de la commission d'accéder à la fonction publique sans perdre de fonds de pension, sans perdre l'ancienneté, par exemple, et toutes les conséquences qui pourraient en découler, Actuellement, si un employé de la Commission des droits de la personne veut postuler à la fonction publique, il doit évidemment démissionner de la commission et perdre l'ancienneté qu'il y aurait accumulée, ce qui est un problème.

Le Président (M. Filion): Alors, je vous remercie... Une voix:...

Le Président (M. Filion): Pardon?

Une voix: Oui, il y avait...

Le Président (M. Filion): Ah bon! Alors, sur la question des autochtones, troisième point soulevé par M. le député de Marquette, je vais reconnaître Me Bissonnette.

M. Bissonnette: Oui, la commission se penche sur la question des autochtones effectivement. Il y a un comité interne qui a été créé sur les peuples autochtones dont fait partie, notamment, Mme Bibiane Courtois, qui a été pendant plusieurs années présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec. Dans les projets actuels à l'égard des peuples autochtones, il y en a un sur lequel on se penche, soit de faire une consultation auprès de ces groupes, de façon à avoir de l'information sur un certain nombre de points qui nous importent et qui les concernent, entre autres, essayer de vérifier avec eux dans quelle mesure, justement, la commission québécoise... Mais on pense aussi à la commission canadienne, à cause, justement, des difficultés d'établir quelle est la commission qui a compétence. Je pense que ceux qui, parmi vous, avez suivi des cours de droit constitutionnel savez bien que, en matière autochtone, ce n'est pas toujours facile de tracer la ligne, à savoir: Est-ce qu'on tombe dans le champ fédéral ou est-ce qu'on demeure dans le champ provincial? Là-dessus, on aimerait justement entendre les groupes et peut-être aussi avoir de l'information à cet égard. C'est un des points sur lesquels on aimerait les entendre et, également, sur le rôle

que peut Jouer la Commission des droits de la personne du Québec lorsqu'on se retrouve face à des conflits qui peuvent surgir dans les communautés, un peu comme ce qu'a évoqué le président de la commission à propos d'une communauté de Saint-Augustin, où un employé de la commission est intervenu. On peut faire le bilan de ce qui a été fait déjà, parce qu'il y a quand même un certain nombre de choses qui ont été faites depuis quelques années, mais il faut aussi souligner que c'est toujours possible que d'autres choses soient faites et s'entendre là-dessus. (17 h 15)

Un autre sujet qui nous intéresse, qui nous importe - on va voir dans quelle mesure c'est un sujet qui préoccupe les peuples autochtones eux-mêmes, dans la mesure où on pourra faire cette tournée - c'est d'essayer d'identifier les mécanismes qui sont plus particulièrement ceux des peuples autochtones. Cela revient à une question qui a été évoquée cet après-midi lorsqu'on a dit: Écoutez, pour des personnes, parfois, remplir des formulaires écrits de façon à porter plainte à la commission, ce n'est pas toujours facile. Alors, vous comprendrez que pour certains groupes, peut-être pas les groupes qu'on connaît mieux, comme les gens du comté du député de Beauharnois, les gens de Kahnawake, je pense que la plupart d'entre eux sont assez familiers avec les procédures écrites, mais, si on pense à d'autres communautés - je pense aux Inuit chez qui j'ai déjà séjourné - je suis à peu près certain que peu d'entre eux seront portés, même s'ils subissent une discrimination, à avoir le réflexe de porter plainte par écrit à une commission qui, de toute façon, est à des milliers de kilomètres de leur communauté. Alors, nous nous interrogeons là-dessus et on aimerait discuter avec les principaux Intéressés et avec les membres de la commission canadienne pour voir dans quelle mesure on pourrait s'assurer de se référer à leur façon propre d'agir dans ce domaine. Je pense au conseiller parajudiciai-re qui pourrait jouer un rôle dans ce domaine.

Un autre de nos sujets de préoccupation c'est: Est-ce qu'il est pertinent de penser à amender la charte québécoise de façon à s'assurer que les droits ancestraux des peuples autochtones issus de traités soient bien reconnus dans le cadre provincial en matière de droits et libertés? Ce n'est pas acquis, et je pense que vous le savez. Il y a des problèmes qui se sont posés dans le domaine du bâtiment, notamment. Cela a été réglé par voie législative, mais le problème se pose dans d'autres domaines.

Alors, c'est un projet. Il n'est pas acquis que nous aurons les fonds pour faire cette tournée, mais je dois vous dire que ce comité se penche sur ces questions et que nous tentons de maintenir le contact. Ce n'est pas facile non plus parce que les groupes sont parfois loin, mais il y a quand même des efforts qui sont faits dans ce sens.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

Remarques finales M. Claude Filion

Le Président (M. Filion): Merci. En terminant ces travaux, je voudrais remercier les représentants de la Commission des droits de la personne. Il y a matière à poursuivre pour eux une réflexion déjà amorcée. Je voudrais simplement leur signaler quelques points additionnels dont nous n'avons pas traité dans les discussions et qui, j'en suis sûr, de toute façon, auraient fait partie de cette réflexion

II y a le processus de recevabilité des plaintes. On a parlé du questionnaire; par contre, durant nos auditions, on a remarqué qu'il y a certaines résistances à la recevabilité dans certains cas. Je pense au harcèlement sexuel, et à l'orientation sexuelle. On aurait pu parler également longtemps de la question des délais. Mais, quant à la question des délais, il y a beaucoup de règlements et les délais sont longs quand il n'y a pas de règlement Est-ce qu'il y a beaucoup de règlements parce que les délais sont longs et, comme l'ont mentionné certains intervenants, le député de Louis-Hébert notamment, on manque de souffle, ce qui favorise le règlement parce que les délais sont longs? Peu importe la solution à ce problème, il demeure que les délais devront être raccourcis, je pense, pour le plus grand bien de tout le monde.

Il y a le problème d'accessibilité à l'information, aux décisions. Cela peut prendre une forme concrète. Des intervenants nous ont dit: Les bureaux sont ouverts de 9 heures à 16 heures. Je travaille, alors, comment vais-je faire pour... Bon! Est-ce qu'il y a possibilité de songer qu'un samedi, de temps en temps, le centre de documentation de la commission soit ouvert? C'est un problème particulier, mais ce qui a été soulevé est beaucoup plus vaste. On aimerait que le réservoir de connaissances de la Commission des droits de la personne puisse se déverser plus facilement à l'intérieur d'autres groupes, que j'appelle des groupes intermédiaires, qui sont des partenaires occasionnels de la commission, mais non pas au détriment des responsabilités de la commission et des groupes eux-mêmes.

La question de la représentativité ou du caractère représentatif du personnel de la commission a été mentionnée. Je vous la soumets. On n'en a pas traité. Il y a également l'article 48. Il y en a quelques autres, j'en suis convaincu. Je sais qu'un représentant de la commission assistait à nos travaux. De toute façon, l'ensemble des mémoires vous a déjà été remis. La transcription de nos débats est évidemment disponible entièrement et rapidement, je l'espère,

pour le bénéfice des membres de fa commission. Il demeure tout à fait vraisemblable que nous nous revoyons. De notre côté, je l'ai signalé, la réflexion se fera en séance de travail. Nous allons donc fort probablement nous revoir pour continuer de façon tout à fait sereine et positive ce travail bien amorcé.

Encore une fois, en mon nom personnel et au nom des membres de la commission, un gros merci au président de la commission, aux commissaires qui se sont déplacés, ainsi qu'à tout le personnel qui a préparé l'excellent mémoire et, également, cette période de discussions très fructueuses.

En terminant nos travaux, je voudrais simplement déposer, sous la cote D-1, une liasse de questionnaires remplis. Il s'agit des réponses des avocats salariés du réseau de l'aide juridique au questionnaire sur la Commission des droits de la personne qui nous ont été transmises par la Commission des services juridiques en septembre 1987 sous la cote D-1. Je voudrais également déposer le mémoire de la Chambre de commerce du Québec, daté du 18 septembre 1987, sous la cote 1-M, et, sous la cote 11-MA, l'exposé du Comité provincial des malades.

Ceci termine donc nos travaux, mais je m'en voudrais de ne pas remercier tous les députés qui ont participé à la consultation de cette commission. Nul doute qu'à travers nos fonctions parlementaires.. Je dois vous dire que digérer cette masse d'information, devenir familiers avec cette masse d'information a quand même été, je pense, un très bel exploit sur le plan parlementaire, compte tenu que les députés ont d'autres fonctions à l'intérieur et à l'extérieur de ce Parlement. Ce n'est pas un plaidoyer pour ce qui pourrait venir et dont les journaux vont traiter. Je voudrais également remercier la secrétaire de la commission, Me Giguère, qui a assuré un déroulement très logique de l'ensemble de nos travaux, ainsi que le personnel qui s'est rendu disponible durant ces trois journées.

Alors, les travaux sont ajournés sine die.

M. Lachapelle: Est-ce que vous pouvez me permettre quinze secondes avant la fin de l'émission?

Le Président (M. Filion): Oui, je vous en prie.

M. Lachapelle: J'aimerais, à mon tour, remercier les membres de cette commission. Je dois vous dire que, si nous trouvions, hier et avant-hier, que les propos tenus par les groupes étaient extrêmement positifs, on les trouvait quand même parfois sévères. La rencontre que nous avons eue aujourd'hui a été, comme vous f'avez mentionné, sereine et positive

Nous profitons de l'occasion pour dire que ce genre de rencontre est extrêmement profitable pour la démocratie, pour tous les groupes qui veulent se faire entendre, et nous vous remercions de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Filion): Merci. Nos travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 17 h 24)

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