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(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend donc ses travaux. Nous sommes à examiner
les orientations, les activités et la gestion de la Commission des
droits de la personne, conformément à l'article 294 de notre
règlement, cette commission ayant déjà choisi d'examiner
cet organisme, la Commission des droits de la personne, pour l'année
1987.
Mise au point du président
Nous avons entendu plusieurs groupes et Intervenants durant les
journées de mardi et de mercredi. Nous avons le plaisir de recevoir
aujourd'hui les représentants de la Commission des droits de la
personne. Je voudrais signaler d'entrée de jeu que la Commission des
droits de la personne n'est ici, à aucun titre, comme faisant l'objet de
griefs ou de revendications de la part des groupes qui ont été
entendus durant les deux dernières journées. J'inviterais les
représentants de la Commission des droits de la personne, son
président, ses commissaires ainsi que certains de ses fonctionnaires qui
sont avec nous, à être très à l'aise avec les
membres de la commission.
Je tiens à signaler, dans cet esprit, que tes membres de la
commission ne se sont pas encore réunis entre eux pour discuter sur le
dossier ou sur le contenu de ce que seront les recommandations de la commission
des institutions dans son rapport à l'Assemblée nationale.
Malgré le fait que les auditions ont lieu d'un bloc, c'est-à-dire
durant cette semaine, il demeure qu'il est loin d'être exclu, une fois
que les membres de la commission se seront réunis, auront discuté
et auront défini un peu l'orientation de leurs recommandations, qu'une
nouvelle rencontre puisse avoir lieu avec les représentants de la
Commission des droits de la personne. Cette nouvelle rencontre pourrait,
à ce moment-là, porter sur des sujets plus précis. Donc,
j'inviterais le président de la Commission des droits de ta personne
ainsi que les personnes qui l'accompagnent à être très
à l'aise avec nous, à nous faire part de leurs réactions,
de leurs idées et même, s'ils le jugent à propos,
d'intervenir et d'ajouter des éléments aux questions qui
pourraient être posées par les membres de cette commission. Je
voudrais qu'ils soient bien à l'aise.
Cette mise au point faite, l'inviterais le président de la
Commission des droits de la personne, Me Jacques Lachapelle. à bien
vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent, pour les
membres de la , commission ainsi que pour le Journal des débats
qui, on le sait, transcrit l'ensemble de nos propos pour des fins de
pérennité.
Auditions Commission des droits de la personne
M. Lachapelle (Jacques): Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, il nous fait plaisir encore de nous retrouver devant vous.
J'aimerais, comme vous m'avez invité à le faire, présenter
les membres de l'équipe qui m'accompagnent. M. Alain Bissonnette,
commissaire à la Commission des droits de la personne; Normand Dauphin,
directeur des bureaux régionaux; Mme Paule Sainte-Marie, directrice des
communications; M. Mayer Levy, commissaire; à l'arrière de moi,
M. Jacques Bergeron, l'adjoint exécutif, M. Bernard Guilbert, directeur
de l'administration et Mme Desjardins qui est à la commission de
Québec.
M. le Président, j'aimerais, avant de vous faire une
présentation - comme vous m'avez invité à le faire - faire
une mise au point. Devant cette commission, il y a eu des propos qui ont
été tenus sur un sujet très particulier. Je ne veux pas
revenir sur les mémoires qui ont été
déposés. Ce n'est pas mon objectif et ce n'est pas l'invitation
que vous nous avez faite. On a affirmé que dans le dossier, dit le
dossier d'enquête sur le taxi à Montréal, des
témoignages, des faits avaient été - suivant l'expression
qu'on a entendue - gommés ou annulés par la Commission des droits
de la personne. Je dois vous affirmer ici que c'est tout à fait faux. Il
n'y a jamais eu de témoignages qui ont été retirés
On a parlé d'un témoignage percutant et important et incriminant
qui aurait été retiré des dossiers. C'est tout à
fait faux et les gens qui ont fait de telles affirmations, à mon avis,
sont irresponsables. Ils mettent en doute la crédibilité de la
commission. Il n'y a jamais eu de tels tripotages, suivant les mots
utilisés par ces personnes. Je pense qu'après ces trois
années qui ont suivi l'enquête sur le taxi, que des gens viennent
révéler des choses semblables alors que ces personnes ont suivi
l'enquête sur le taxi, cela m'apparaît également
irresponsable de dire des choses semblables.
Alors, M. le Président, c'est la seule mise au point que je
voulais faire. Je ne veux pas répondre à tout ce qui a
été dit. Je pense qu'on aura l'occasion d'échanger
là-dessus et de revenir sur ces questions.
C'est avec beaucoup de satisfaction et, je dirais également, de
fierté que nous nous présentons ici. On a dit que cette
commission des institutions était probablement unique au pays où
on Invitait des groupes, des gens et une commission à venir faire part
de son mandat, à le
soumettre aux députés de l'Assemblée nationale.
Cela nous apparaît une démarche démocratique
extrêmement Importante et la Commission des droits de la personne -
même si, bien sûr, on a fait état durant ces journées
des erreurs qu'on a pu commettre durant les dix dernières années
- est heureuse aujourd'hui de venir vous parler - vous nous le permettrez
sûrement - des bons coups qu'on a pu faire durant ces quelque dix
années.
L'an dernier, déjà, on avait eu l'occasion de vous
entretenir du mandat de la Commission des droits de la personne en vous
mentionnant le caractère unique de cette charte. Nous vous avions
également fait part de la structure de la commission ainsi que de ses
orientations. C'était la demande que vous nous aviez faite. Cette
première rencontre avait permis de vous sensibiliser à la
situation de la commission par rapport à ses activités et
à l'exécution de son mandat, en particulier l'augmentation
constante du nombre de dossiers et du volume d'activités de la
commission. De même, on vous avait fait état du contexte
budgétaire et cela nous avait permis d'énoncer des mesures de
rationalisation qu'on avait mises en place à l'époque et des
moyens qu'on avait pris pour améliorer l'efficacité de fa
commission. Enfin, on avait discuté des communications et de la question
de la nomination des commissaires. Je pense que cette question-là est
également revenue ces jours derniers devant vous.
Cette année, l'examen demandé dans votre lettre du 27 juin
dernier se limite à la structure et au fonctionnement de la commission,
au règlement des litiges, à son mandat d'information et
d'éducation et à sa présence régionale. Dans ce
mémoire, nous nous sommes donc contentés de n'aborder que ces
quatre thèmes. Bien sûr, on imagine qu'on aura l'occasion de
déborder, mais, déjà, ça nous semblait suffisant de
traiter de ces quatre sujets.
Dans un premier temps, il nous apparaît extrêmement utile,
même essentiel, de rappeler l'originalité de la Charte
québécoise des droits et libertés. En 1975, le
législateur québécois a promulgué une loi sur les
droits de la personne qui allait bien au-delà de la seule prohibition de
pratiques discriminatoires. La Charte des droits et libertés de la
personne du Québec se distingue en effet, à plusieurs titres, des
autres législations canadiennes tant par son style que par le nombre de
droits qu'elle garantit. En plus d'une partie consacrée au droit
à l'égalité, les articles 10 à 19 constituant en
quelque sorte le code antidiscriminatoire, la charte énonce
également les droits et libertés fondamentaux dans des articles
précis de 1 à 9, également des droits politiques, des
droits judiciaires, des droits économiques, des droits sociaux, ce qu'on
ne retrouve pas dans les codes qu'on dit antidiscrimination des autres
provinces. Également, la protection des personnes âgées et
handicapées contre toute forme d'exploitation est assurée par un
article bien précis. Cette charte se distingue également par sa
prépondérance sur toutes autres dispositions d'une lof
québécoise qui lui seraient contraires, à moins que cette
loi n'énonce expressément, suivant une disposition de la charte,
une dérogation. La supériorité des règles contenues
dans la charte est ainsi assurée.
La charte québécoise couvre, de plus, les relations de
droit privé ainsi que les actions de l'État, ces dispositions
liant la couronne
La charte québécoise se distingue, enfin, par la
création d'une Commission des droits de la personne, axée sur la
promotion et l'éducation aux droits Je pense que c'est un principe qu'on
devra retenir constamment au cours de nos discussions.
Ainsi, la première fonction de la commission est de promouvoir,
par toutes mesures appropriées, les principes contenus dans ta charte.
Elle doit faire enquête dans les matières qui relèvent de
sa compétence, établir un programme d'éducation et
d'information de manière à faire comprendre la charte, diriger,
encourager les recherches, analyser les lois du Québec
antérieures à la charte et faire les recommandations
appropriées au gouvernement, recevoir les suggestions, les
recommandations et les demandes qui lui sont faites touchant les droits et
libertés, les étudier et faire des recommandations
appropriées au gouvernement, ainsi que coopérer avec tout
organisme du Québec ou à l'extérieur du Québec. On
le voit, le mandat de la commission est extrêmement vaste, la charte
l'est encore davantage, mais on comprend que tant de personnes viennent ici
pour dire: La commission ne répond pas à tous nos besoins.
Depuis 1985, la commission assume également une grande
responsabilité, celle des programmes d'accès à
l'égalité. On aura l'occasion d'y revenir.
Sur le plan décisionnel, ta commission n'a pas de pouvoir
coercitif, ni celui de référer ses décisions à un
tribunal des droits de la personne. Ainsi l'a voulu le législateur. Il a
préféré une Instance davantage axée sur la
promotion des droits, l'éducation au moyen de règlement des
litiges, plutôt que sur la répression et la punition, tout en
permettant à la commission, en dernier ressort, d'introduire une
instance devant le tribunal civil ou pénal. Lorsqu'une plainte est
considérée fondée, la commission n'émet que des
recommandations à l'Intention des parties. Lorsqu'elle constate, par
ailleurs, que ses recommandations n'ont pas été suivies, la
commission peut, avec le consentement de la partie plaignante, porter la cause
devant le tribunal compétent, où elle prend alors fait et cause
pour celle-ci. Auparavant, elle aura, bien sûr, fait enquête, elle
aura tenté d'amener les parties à régler leur
différend en devenant alors médiatrice, pour
éventuellement devenir le procureur de la partie plaignante. On le voit,
cela fait une série de fonctions qui sont importantes, mais qui sont
difficiles à faire fonctionner en même
temps. Pour toutes ces raisons, la commission se distingue nettement des
autres juridictions au Canada.
Dans votre demande du mois de juin dernier, vous nous aviez
demandé de vous faire des commentaires sur ta structure de la
commission. Deux aspects nous apparaissent devoir être
considérés. Le premier, la structure organisationnelle, concerne
les responsabilités des commissaires de déterminer les grandes
orientations qui doivent guider les activités de la commission et
être mises en fonctionnement par l'organisation. Le second, relatif
à la structure décisionnelle, porte sur la responsabilité
de la commission de décider des enquêtes.
La structure organisationnelle de la Commission des droits de la
personne est basée sur une organisation fonctionnelle, calquée
sur les mandats et les missions qui sont confiés par la charte. Les
principales caractéristiques de cette structure. Le plan d'organisation
a été approuvé, comme iI se doit, par le Conseil du
trésor en 1983. Il autorisait huit directions, avec huit postes de
cadre. En juin 1985, le Conseil du trésor acceptait, à titre
exploratoire, le principe de la régionalisation des services de la
commission. Nous avons fait déjà amplement le tour de la
structure de la commission et des diverses entités administratives. Je
pense qu'il ne serait pas nécessaire de revenir sur cette question;
d'ailleurs, vous avez suffisamment de documentation sur ce sujet. Les
thèmes mêmes de la structure Indiquent les définitions et
mandats que chacune des directions peut avoir.
Il serait peut-être important de revenir sur certaines
caractéristiques des entités administratives. En premier lieu,
l'assemblée des commissaires constitue l'instance décisionnelle,
en ce qui concerne les orientations et les objectifs de la commission et c'est
elle qui adopte l'interprétation des dispositions de la charte. Ces
interprétations constituent le fondement des positions de la commission,
tant en matière d'enquête que pour tout autre type d'intervention.
(10 heures)
En matière d'enquête, la commission et le
secrétariat forment l'instance décisionnelle. L'assemblée
des commissaires examine donc chaque résultat d'enquête et
décide de chaque dossier d'enquête.
Le secrétariat, lui, est responsable de la rédaction, de
la diffusion de la documentation. Il assume également l'application de
la loi sur l'accès à l'information.
La Direction des enquêtes, les bureaux régionaux, la
Direction régionale de Québec, la Direction de l'éducation
et la Direction des programmes d'accès à l'égalité
sont des directions opérationnelles qui travaillent en contact avec la
clientèle de- façon plus particulière sur
différents dossiers.
D'autre part, les directions des communications, de la recherche, du
contentieux et de l'administration sont davantage des directions conseils et de
support.
Les fonctions de défense des droits sont assumées à
Montréal et à Québec par des directions
spécialisées, enquête et contentieux. La promotion des
droits dans ces deux endroits est également assurée par des
directions spécialisées, communications, éducation.
En régions, je pense que c'est important de le signaler, comme il
n'y a qu'une seule personne, cette double fonction est assurée par la
même personne. Toutes ces activités sont coordonnées
à l'intérieur de la commission par un comité de
gestion.
Il y a des caractéristiques qui se dégagent de cette
structure. On doit constater en premier lieu que la ligne hiérarchique,
évidemment, est courte: le président et, en dessous, les
directions. Cette ligne très courte favorise la communication et la
prise de décisions. Les relations interdirections sont rapides et
peuvent s'établir au niveau des professionnels, favorisant une relation
orientée vers l'action. La coordination interdirections peut être
assurée directement par le directeur ou la directrice qui peut soumettre
toute difficulté au président.
En second lieu, la spécialisation des tâches, liée
à l'approche fonctionnelle, à Montréal et à
Québec, facilite la distinction entre la défense et la promotion
des droits et permet d'éviter des situations de conflit, tenant
principalement à la perception engagée de l'approche promotion
alors que l'approche défense, c'est-à-dire enquête, exige
davantage d'impartialité.
Il faut cependant souligner qu'en régions, encore une fois, il y
a une seule personne chargée de la promotion et de la défense des
droits, plaçant ainsi quelquefois l'organisme dans des situations
problématiques et même les personnes qui vivent en
régions.
Enfin, on doit souligner que cette courte ligne hiérarchique se
traduit par le fait qu'un nombre important, on le comprendra, de personnes se
rapportent directement au président.
La structure décisionnelle en matière de traitement des
plaintes. Contrairement à d'autres législations provinciales en
semblable matière, la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec est fort peu explicite sur la procédure que
doit suivre la commission lorsqu'elle fait enquête. Elle ne
prévoit essentiellement que les étapes de la procédure.
Ainsi, la commission reçoit une plainte, ou décide de faire
enquête de sa propre Initiative. L'enquête se tient sur les faits
allégués dans la demande ou sur ceux dévoilés au
cours de l'enquête. Une troisième étape prévoit la
médiation. En cas d'échec, la commission formule des
recommandations qui, si elles ne sont pas suivies, pourront l'amener avec
l'autorisation de la partie plaignante à s'adresser au tribunal.
L'entrée en vigueur des dispositions de la charte concernant les
programmes d'accès à l'égalité a également
eu pour effet d'accroître la responsabilité des pouvoirs de la
commission. Celle-ci doit fournir l'assistance requise à
l'élaboration des programmes d'accès à
l'égalité. Elle détient, en outre, des pouvoirs
d'enquête, de recommandation, de recours aux tribunaux et de surveillance
dans le but d'amener l'implantation de programmes d'accès à
l'égalité quand une situation de discrimination l'exige.
Il apparaît important, parce que je pense que cela a
été longuement discuté ici, qu'on fasse un peu le tour de
ces questions sur le processus de traitement des plaintes à la
commission. Le plan d'organisation de l'administration supérieure,
approuvé en 1983, apportait une restructuration partielle du service
à la clientèle. Les diverses étapes du traitement des
plaintes devenaient les suivantes: la recevabilité, l'enquête, le
comité des enquêtes et l'assemblée des commissaires, la
médiation, les recommandations de la commission et les poursuites devant
les tribunaux.
J'aimerais revenir sur ce processus d'enquête. Les requêtes
qui paraissent devoir donner lieu à une enquête sont
acheminées à la recevabilité. Les agents et agentes de
recevabilité fournissent l'aide nécessaire à la
formulation de la plainte, pour laquelle la charte ne prévoit que peu de
formalités, si ce n'est que la demande d'enquête doit être
adressée par écrit. C'est la seule formalité
exigée.
La commission ne peut refuser de faire enquête que si la demande
ne relève pas de sa compétence ou si elle estime que la partie
requérante n'a pas un intérêt suffisant, que la demande est
frivole, vexatoire, ou faite de mauvaise foi, ou qu'une enquête n'est pas
nécessaire eu égard aux circonstances.
Il faut noter que la seule exigence requise de ta part de la partie
plaignante est qu'elle ait raison de croire qu'elle est ou qu'elle a
été victime de discrimination ou d'exploitation. Donc,
l'arrivée à la commission est extrêmement large. Dès
lors, à cette étape de la réception de la plainte, la
commission décide de sa compétence et exerce des pouvoirs quasi
judiciaires, ce qui rend sa décision Judiciairement
contrôlable.
Compte tenu du nombre important de demandes qui sont adressées
à la commission - en 1986, au-delà de 3500 demandes - l'examen de
la recevabilité est donc fait par des agents ou des agentes de
recevabilité. En suivant les critères de recevabilité
prévus aux directives concernant la procédure d'enquête,
lis ou elles s'assurent que la commission a Juridiction.
Depuis l'adoption de ces directives, dès lors qu'une plainte
formelle est déposée, c'est à la commission de
décider si elle doit ou non faire enquête, après avoir
informé la partie requérante des motifs pour lesquels sa demande
pourrait être rejetée, à moins que d'autres
éléments ne puissent être fournis. Une fois la demande
acceptée, le dossier est transmis aux enquêtes.
Dans le cas où la chose est possible, un traitement rapide de la
plainte est effectué sans mettre en branle le processus formel
décrit ci-après. Nous reviendrons, un peu plus loin, sur la
question du règlement des litiges; c'est une question qui a fait l'objet
également de discussions à cette commission.
L'article 74 impose à la commission le devoir d'enquêter
sur les faits allégués dans la demande ou dévoilés
au cours de l'enquête. Le personnel enquêteur dispose des pouvoirs
et immunités des commissaires nommés suivant la Loi sur les
commissions d'enquête, ce qui signifie que l'enquêteur a le devoir
de découvrir la vérité et il peut contraindre toute
personne à témoigner et à déposer devant lui les
documents pertinents. Il peut émettre à cette fin un subpoena et,
en cas de refus, il a le pouvoir de condamner pour outrage au tribunal.
Une fois l'enquête complétée, une décision
doit intervenir sur le bien-fondé ou non de la plainte avant qu'un
mandat de médiation puisse être donné. C'est la commission,
composée actuellement de onze commissaires, puisqu'il y a un commissaire
qui a démissionné récemment, sa démission doit
prendre effet à la fin de novembre... En effet, si, pour des motifs
d'efficacité, le législateur a explicitement voulu que les
plaintes fassent l'objet d'enquête par des personnes autres que les
commissaires, il leur a réservé la décision. On ne trouve
aucune disposition dans la charte autorisant la commission à
déléguer à d'autres personnes que celles qui sont
nommées par l'Assemblée nationale la décision de statuer
sur le bien-fondé d'une plainte. La commission doit donc décider
après avoir pris connaissance des faits pertinents. À cette fin,
elle a constitué des comités d'enquêtes composés de
trois commissaires qui étudient chacun des dossiers en vue de faire une
recommandation à l'assemblée des commissaires qui décide
alors à la lumière de tous les faits révélés
par le dossier d'enquête. Trois comités d'enquêtes ont
été ainsi constitués un siège à
Québec et deux alternativement à Montréal. La
présence de ces comités d'enquêtes a
considérablement accéléré le déroulement des
enquêtes et le processus décisionnel de l'assemblée des
commissaires.
La charte a laissé beaucoup de latitude à la commission et
à ses enquêteurs pour réaliser la médiation. La
médiation peut donc être faite à tout moment, avant ou
après l'enquête. Elle peut être entreprise par
l'enquêteur lui-même, par un agent d'éducation ou
d'information et donner lieu à toute forme de règlement qui soit
à la satisfaction des parties.
Lors de ces transactions, on doit cependant garder à l'esprit que
la commission est appelée, en fin de course, à formuler des
recommandations susceptibles d'avoir des répercussions importantes pour
l'une ou l'autre des parties. Une fois la plainte jugée fondée,
la commission doit donner un mandat spécifique à
l'enquêteur ou l'enquêtrice, pour tenter d'amener une
médiation entre les parties. Si la médiation échoue, le
dossier est présenté à nouveau aux commissaires qui
émettent des recommandations.
La commission peut faire des recommandations visant à faire
cesser l'acte reproché, à accomplir un acte ou à payer une
indemnité dans un délai fixé ou recommander l'implantation
dans un délai imparti des programmes d'accès à
l'égalité suivant l'article 86.3.
Les poursuites devant les tribunaux. Lorsque la recommandation de la
commission n'est pas suivie, celle-ci peut, avec le consentement écrit
de la victime, s'adresser au tribunal afin d'obtenir une injonction, des
dommages-Intérêts pour préjudice matériel, moral et,
en cas d'atteinte intentionnelle, des dommages exemplaires. Dans le cas d'une
enquête en vertu de la partie III, elle peut requérir
l'élaboration ou l'implantation d'un programme d'accès à
l'égalité.
En outre, la présence de la commission devant les tribunaux a
permis de clarifier une Interprétation qu'il convenait de donner
à diverses dispositions de la charte, ce qui a amené la
commission, dans certains cas, à faire des demandes de modifications
à la charte.
En plus d'obtenir en faveur des victimes de discrimination des dommages
matériels, moraux et exemplaires, la commission a pu faire
décider des questions suivantes par les tribunaux: La notion de
discrimination: l'effet discriminatoire d'un acte de pouvoir d'enquête:
la juridiction de la commission, l'équité procédurale, la
juridiction sur une matière soumise à l'arbitrage. L'injonction:
son usage en matière de discrimination; le motif sexe: sous l'angle de
l'équivalence en rémunération. Le harcèlement: tes
conditions de travail discriminatoires. La grossesse: la discrimination
fondée sur le sexe. L'état civil: les cours ont statué sur
l'étendue de ce critère. Le handicap, qui a amené des
amendements à la charte. La religion: la modification d'horaires de
travail. La langue: le refus de permanence à une employée
anglophone.
Les directives relatives aux enquêtes. Je tiendrais à
signaler ici que, puisqu'il en a été mention également,
durant la dernière année - ce n'est que durant la dernière
année que la commission a vu son contentieux se constituer
complètement - on a intenté douze actions devant les tribunaux.
On a également obtenu des jugements qui nous apparaissent
extrêmement importants quand on a intenté, entre autres, des
poursuites pour ce qui est des enquêteurs sociaux où la cour a
reconnu de façon claire et précise l'inviolabilité de la
demeure et, aussi, de façon importante, la présence de la
commission comme Intervenant devant les tribunaux.
La question de l'injonction mandatoire a également
été discutée à la Cour d'appel et la commission a
obtenu gain de cause dans ce dossier, en ce sens qu'on peut obtenir une
injonction pour qu'une personne soit rétablie dans ses fonctions.
Également, on va plaider prochainement une demande devant la Cour
suprême concernant un cas de discrimination raciale avec les forces
policières.
J'aimerais vous parler des directives relatives aux procédures.
Consciente de la nécessité de suivre, en matière
d'enquête, les prescriptions de la charte et suivant en cela la demande
de nombreux groupes, la commission a adopté, en avril 1986, des
directives relatives aux règles de procédure. Il est à
noter que, n'ayant pas le pouvoir d'adopter des règles de
procédure, la commission a dû émettre à cet
égard de simples directives à l'intention de ses enquêteurs
et ' enquêtrices.
L'objectif des règles de procédure est d'assurer une
procédure d'enquête efficace dans le respect des règles
d'équité procédurales et de l'égalité des
parties.
L'objet des directives émises par la commission à son
personnel vise donc à permettre aux parties de faire valoir leur point
de vue en leur permettant notamment de vérifier la
véracité des témoignages reçus et des faits
allégués dans la demande et dévoilés au cours de
l'enquête, ainsi que l'authenticité des documents. La commission
ne statuera sur le bien-fondé d'une plainte qu'après s'être
assurée que la personne visée a été informée
des faits qu'on lui reproche et lui avoir permis de faire valoir son point de
vue et de réfuter les arguments qui lui sont préjudiciables.
Toute la procédure veille à ce que ces principes soient
rigoureusement appliqués. Ces directives, conformément à
l'esprit de la charte, permettent qu'à toute étape on puisse
régler le différend, plus particulièrement lors de la
conférence préparatoire. Elles prévoient également
que les audiences soient publiques et aient lieu en présence des
parties. Les parties peuvent renoncer à ce droit et l'enquêteur ou
l'enquêtrice peut décréter le huis clos dans
l'intérêt de la morale ou de l'ordre public.
Bien sûr, ces règles de procédure ont des
conséquences importantes. Bien que certaines de ces règles soient
venues préciser des pratiques qui existaient déjà, elles
ont rendu le processus évidemment plus formaliste et plus "judiciaire",
les parties se plaçant davantage en situation de confrontation. Selon
certains enquêteurs, les avocats ont souvent tendance à se
comporter comme s'ils étaient au procès et s'étonnent
même que l'enquêteur interroge les parties. Or, iI ne faut pas
oublier qu'il s'agit bien d'une enquête et que la commission a le devoir
de découvrir tous les faits pouvant mener à une décision
sur le bien-fondé d'une plainte. Il est du devoir de l'enquêteur
de jouer un rôle actif avant et pendant l'audition pour découvrir,
par tous les moyens légaux, la vérité et établir la
preuve pertinente.
Il faut aussi constater que la tâche des enquêteurs n'est
pas facile du fait que la charte n'énonce pas de présomption en
faveur de la victime. Les articles 19, deuxième alinéa, 20 et
86.1, deuxième alinéa, qui font peser le fardeau de la preuve sur
la mise en cause, sont des articles d'exception qui s'appliquent une fois que
la discrimination est admise ou établie. Étant
donné les pouvoirs d'enquête importants
conférés à la commission, les tribunaux, on doit le dire,
se sont montrés extrêmement exigeants à son égard
quant à sa responsabilité d'établir la preuve. La question
des délais a souvent été soulevée et certains
craignent que la procédure adoptée par la commission ne les
allonge, diminuant ainsi son efficacité et rendant le processus plus
coûteux. La commission ne possède pas, actuellement, d'analyse
comparative à ce sujet, mais II est vrai que la charge des
enquêteurs est très lourde et qu'elle augmente continuellement,
Ainsi, en 1986, 883 dossiers d'enquête ont été ouverts, par
rapport à 412 en 1984 et 552 en 1985. Au mois de janvier 1987, 1255
dossiers d'enquête étaient considérés actifs, pour
un nombre total de 22 enquêteurs et agents de recevabilité. (10 h
15)
Le Président (M. Filion): Comment?
M. Lachapelle: J'ai dit pour un nombre total de 22
enquêteurs et agents de recevabilité.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Lachapelle: Certaines de ces enquêtes, fort complexes,
impliquent souvent un nombre important de personnes, notamment les
enquêtes qui relèvent de l'article 19 traitant de
l'égalité salariale pour un travail équivalent ou encore
les plaintes de discrimination Indirecte où ta situation doit être
examinée de façon systémique. Actuellement, je peux vous
dire que nous avons une douzaine de plaintes devant la commission sur la
parité salariale et nous estimons que chacune de ces plaintes peut
prendre de neuf à douze mois d'enquête à temps plein et non
pas de délais d'enquête. Seulement ces douze plaintes, si on veut
les régler sur une période d'une année, demandent
probablement la présence d'une douzaine d'enquêteurs.
L'évaluation du mandat relatif au traitement des plaintes. La
commission est consciente qu'après dix ans dans le traitement des
plaintes en matière d'exploitation et de discrimination, elle doit
examiner les résultats obtenus. Elle s'est donc donné comme
objectif, au cours de la présente année, de procéder
à une évaluation de son mandat d'enquête,
particulièrement sur le plan de l'efficacité.
Ainsi, elle a entrepris une réflexion globale et
systématique sur le traitement des plaintes, depuis l'accueil des
demandes Jusqu'à la poursuite devant les tribunaux. Elle profitera de
l'expérience et de l'expertise de ses employés, des commentaires
et recommandations de cette commission, de même que des études
entreprises par divers organismes et équipes de recherche.
Nous avons également demandé l'aide du ministère de
la Justice afin qu'il nous fournisse une expertise externe qui nous permettra
de procéder le ptus objectivement possible à une
évaluation de ce mandat. D'ailleurs, cette évalua- tion est
déjà commencée, elle est en cours depuis à peu
près un mois. A cette évaluation devrait s'ajouter une
étude sur l'utilisation des ressources humaines et financières et
sur les moyens d'en maximiser l'utilisation.
Il a été porté devant cette commission toute la
question du règlement des litiges et j'aimerais bien vous en parler du
point de vue de la commission. Au cours de sa brève existence, la
commission a modifié et amélioré à plusieurs
reprises son approche dans le traitement des plaintes, mais elle a constamment
gardé à l'esprit que, même en matière
d'enquête, les principes de promotion et d'éducation qui lui sont
confiés par la charte doivent s'appliquer.
Dès lors, elle a toujours été consciente que son
premier devoir n'est pas de punir, mais plutôt de convaincre et
d'éduquer tout en tentant de corriger l'injustice dont ont pu être
victimes les personnes s'adressant à elle.
Nous l'avons déjà mentionné, ce n'est pas sans
raison que la commission n'a pas été constituée en
tribunal. Si elle s'est donné des règles de procédure,
c'est dans le but de respecter les principes d'équité.
L'enquête doit donc aussi servir à la promotion de la
charte. C'est ainsi que la commission a compris les devoirs prescrits par
l'article 81: "81. La commission doit tenter d'amener les parties à
régler leur différend Si un règlement intervient, les
termes doivent en être constatés dans un écrit."
La place Importante qu'occupe la médiation dans le traitement des
plaintes à la Commission des droits de la personne exige des
enquêteurs, des enquêtrices et des agents de recevabilité
une approche visant à faciliter le redressement des torts par une prise
de conscience des parties en cause
Cette démarche suppose d'abord que le droit soit connu et que les
parties conviennent de rechercher une solution à partir des
règles posées par la charte. À cet égard,
l'expérience démontre que, la plupart du temps, l'explication des
objectifs sociaux de ces règles doit venir compléter
l'explication des règles elles-mêmes.
Loin du processus Judiciaire proprement dit, cette fonction insiste plus
sur une prise de conscience volontaire de la part des mis en cause et de la
partie plaignante
Nous l'avons vu, la médiation peut intervenir à n'importe
quel stade de l'enquête Elle peut intervenir avant l'enquête. La
médiation préalable à toute démarche formelle
d'enquête a toujours été favorisée en ce qu'elle
permet un traitement rapide et satisfaisant d'une plainte pour les parties
Impliquées.
Le formalisme réduit constitue la pierre angulaire du traitement
de la médiation et dépend d'un ensemble de circonstances.
À titre d'exemple, mentionnons quelques-uns de ces facteurs:
Le mis en cause est, dès le départ, disposé
à collaborer. Il y a même souvent un aveu
spontané de sa part. Le délai entre
l'événement allégué et le dépôt de la
plainte est minime. Les exigences de la partie requérante sont
ajustées aux dommages subits. Les faits entourant le cas sont clairs et
souvent admis par les deux parties.
Bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive, mais elle situe bien
les exigences du traitement rapide d'une plainte. Il importe de mentionner que
tous les motifs de discrimination interdite ont pu faire l'objet d'intervention
rapide, prenant de quelques heures à quelques mois, comme le montrent
les exemples suivants: Une femme harcelée sexuellement qui avait
démissionné obtient en deux mois un règlement de 3500 $
accompagné d'une lettre de recommandation de l'ex-employeur. Le temps de
faire quelques appels téléphoniques et un candidat-locataire noir
sera reçu pour visiter un logement que l'on disait déjà
loué parce qu'on avait identifié son accent étranger.
En quelques semaines d'échanges et de rencontres entre un
employeur et la Commission des droits de la personne, 27 femmes sont
replacées sur une liste d'ancienneté unique avec droit de
supplantation dans l'ensemble de l'usine. Conséquence: elles peuvent
dorénavant accéder à tous les postes. De plus, seize de
ces femmes se partagent un dédommagement de 15 000 $.
Une employée occasionnelle d'un centre d'accueil qui avait
été congédiée parce qu'un examen médical
sommaire avait révélé la possibilité d'un handicap
articulatoire s'est vue, après quelques jours d'intervention de la
commission, réintégrée sur une liste de rappel et on lui a
versé un montant équivalant à trois mois de salaire pour
compenser le manque à gagner.
En quelques jours, un aveugle, s'étant vu refuser l'accès
à un taxi à cause de son chien-guide, a demandé et obtenu
que la coop de taxi verse 350 $ à la Fondation Mira et qu'une directive
soit émise à tous tes chauffeurs membres leur rappelant la
politique concernant les chiens-guides.
Un autre aveugle accompagné d'un chien-guide à qui on
avait refusé l'accès à une salle de danse s'est vu verser
une somme de 300 $ après quelques appels
téléphoniques.
Je pense qu'il était important de mentionner ces exemples et on
pourrait en mentionner d'autres, à la centaine peut-être, pour
modifier la compréhension qu'on avait laissé entendre devant
cette Assemblée, à savoir que les dédommagements
étaient à peu près de 200 $. Je pense bien que ces
exemples démontrent qu'on règle les problèmes de
façon bien différente et que, souvent, les demandes des personnes
ne portent pas sur des questions de dommages qui leur sont payés
personnellement. Je pense à ce cas où on a versé 350 $
à la Fondation Mira.
Outre l'avantage de la rapidité du traitement des plaintes, cette
approche porte en elle-même un autre bénéfice fort
important: la satisfaction de la partie requérante et, dans la
très grande majorité des cas, la satisfaction de la partie mise
en cause. Les antagonismes durent moins longtemps, il n'y a pas de frais
d'avocat et les règlements s'avèrent intéressants.
Le traitement rapide des dossiers a divers avantages et il sera
intéressant de l'exploiter plus à fond. C'est d'ailleurs dans ce
sens que travaillent actuellement les unités de la Commission des droits
de la personne qui ont la responsabilité de mener des enquêtes.
Ainsi, l'on tend à généraliser la mise en oeuvre de
l'intervention rapide par tes agents de recevabilité. En plus de mieux
documenter le dossier, ceci a pour avantage d'identifier d'entrée de jeu
quelles sont les chances de règlement rapide ou encore vers quel mode
d'intervention doit être dirigée la requête telle qu'elle se
présente, à savoir: S'agit-il véritablement d'un cas
d'enquête, d'un besoin d'information ou encore d'une opération de
type éducatif?
Même si les avenues du traitement rapide et adapté sont
attrayantes, il n'en reste pas moins qu'il y aura toujours des cas où
des enquêtes formelles seront requises.
Lorsqu'une plainte a donné lieu à une enquête qui
permet de déclarer fondées les allégations de
discrimination, un mandat de médiation est toujours donné
à l'enquêteur ou à l'enquêtrice avant que la
commission n'émette des recommandations formelles. Cette
médiation peut être faite par une autre personne que celle qui a
fait l'enquête, lorsque la situation l'exige.
Le résultat de l'enquête est soumis aux parties et les
faits constatés permettent alors d'apprécier l'opportunité
d'un règlement. La commission agit alors non comme un arbitre, mais
comme un agent conciliateur, en indiquant aux parties les modalités
susceptibles de régler le différend et les compensations à
envisager compte tenu de la Jurisprudence et des précédents. Un
pourcentage Important des plaintes se règle à cette
étape.
Certains de ces règlements illustrent de façon plus
frappante les solutions qu'une médiation après enquête
permet d'atteindre. Tel est par exemple, le cas de la petite Julie sur lequel
les médias ont attiré l'attention du public.
Julie, enfant trisomique, avait été envoyée en
classe spéciale et ses parents alléguaient qu'il y avait eu
discrimination fondée sur le handicap. Après avoir entendu toutes
les parties et le témoignage des experts, la Commission des droits de la
personne déclare que la commission scolaire avait agi de façon
discriminatoire dans son appréciation du dossier de Julie. Les normes et
les critères différents qui lui ont été
appliqués lui ont causé préjudice. En agissant ainsi, la
commission scolaire a rompu le principe d'égalité reconnu
à Julie par les articles 10 et 40 de la Charte des droits et
libertés de la personne.
L'intervention de la Commission des droits de la personne a conduit les
deux parties à conclure un arrangement à l'amiable qui a permis
la réintégration de Julie à l'école. Julie aura
accès aux divers services disponibles: trois
périodes par semaine en orthopédagogie et de l'aide
individuelle. Le ministère de l'Éducation ainsi que l'Office des
personnes handicapées du Québec pourront apporter un soutien
financier si des services supplémentaires sont utiles.
Les résultats. Sur le plan judiciaire, les chiffres de l'annexe 2
permettront d'apprécier... Je pense bien qu'il n'est pas
nécessaire de revoir cela. C'est un document assez long. Mais cela
permet de voir des comparaisons entre ce que les tribunaux ont pu accorder et
ce que tes règlements ont pu donner à la Commission des droits de
la personne.
Un aspect qui avait également été soulevé et
un autre chapitre de nos discussions aujourd'hui: l'information, la
communication et l'éducation. La loi fondamentale de la
société québécoise, la charte, doit être
connue de tous et toutes afin que les droits et libertés soient
respectés et protégés contre toute violation.
L'information et la connaissance sont essentielles pour quiconque veut
défendre ses droits. L'éducation ne l'est pas moins si on veut
que les personnes modifient leur comportement pour permettre la
réalisation d'une société plus harmonieuse fondée
sur l'égalité de chacun et chacune.
C'est ainsi que la charte a donné la mission à la
commission de "...promouvoir, par toutes mesures appropriées, les
principes contenus dans la présente charte" des droits et
libertés et le mandat d'"établir un programme d'information et
d'éducation, destiné à faire comprendre et accepter
l'objet et les dispositions de la présente charte."
Complémentaires dans leurs objectifs, les communications et
l'information visent à établir la relation qui permet le meilleur
renseignement, la meilleure connaissance, de manière à articuler
l'information de façon pratique et opérationnelle
Le défi que propose la charte est donc de taille. En effet,
comment rejoindre tous les segments de la population québécoise
distribuée sur un si vaste territoire?
Dès sa création, la commission a établi un
programme d'information destiné au public en général et
à des clientèles particulières. Les services reliés
à la diffusion de l'information se répartissent en trois
principaux secteurs: le renseignement, les publications, les moyens de
communication. La programmation d'information comprend ces trois volets.
Le texte qui suit fera état des réalisations en fonction
des divers publics rejoints. L'évaluation de ces activités guide
les orientations des programmes d'information et des stratégies de
communication pour les prochaines années.
Un large segment du public croit encore que la commission doit prendre
en charge tous les maux de la société et régler tous les
problèmes Individuels. Je pense que vous avez eu, hier, certains
exemples à ce sujet. Ainsi, fait-on appel à nous pour
régler des problèmes d'assurance, de crédit,
d'augmentation de loyer, d'annulation de mariage, de conflit de
personnalité, etc. Aux agents de renseignements revient la tâche
de clarifier des situations et de réorienter les personnes vers les
instances appropriées.
À Montréal, les agents et les agentes de renseignements
ont répondu à plus de 25 000 requêtes en 1986. À
Québec, plus de 8000 requêtes ont été reçues
pour la même année. Pour l'ensemble de la commission, les demandes
sont passées de 19 000 en 1983 à 38 000 en 1986. Il convient
d'ajouter que, depuis la mise sur pied des programmes d'accès à
l'égalité, la commission a répondu, au cours des sept
premiers mois, à 117 demandes de services.
Des rencontres d'information ont permis de rejoindre plus de 1500
personnes représentant aussi bien des associations d'employeurs, de
consultants et de praticiens en ressources humaines que des membres
d'associations d'employés et de groupes cibles. La commission a
également participé à plus de douze colloques où
près de 10 000 personnes ont pu être renseignées sur les
programmes d'accès à l'égalité. (10 h 30)
Parmi les requêtes concernant la charte, toutes ne sont pas des
plaintes devant donner lieu à une enquête. Ainsi, en 1986, 1334
requêtes émanaient aussi bien d'employeurs que de
syndiqués, d'enseignants et d'élèves, d'avocats, de
responsables de centres d'accueil.
Plus complexes dans leurs Implications, éminemment plus pratiques
dans leur application, les réponses à ces requêtes exigent
une information appliquée, pouvant satisfaire aux critères
opérationnels des demandeurs. Voici quelques exemples. Des travailleurs
et des employeurs veulent discuter de la légalité de la
pertinence de certaines questions dans les formulaires de demandes d'emploi.
Des travailleurs se plaignent de ne pas pouvoir exercer leur droit à la
liberté de non-association (obligation d'être syndiqués,
d'être gérés par un décret, de devoir participer
à des régimes collectifs de retraite, etc). Des syndicats
dénoncent les différentes formes de contrôle des
employés: fouilles à l'arrivée et au départ,
installation de caméras, etc.
De leur côté, des employeurs font état de vols
fréquents dans leur entreprise et veulent discuter de moyens de
contrôle qui respecteraient les droits des employés.
Des éducateurs, des parents, s'Informent de la manière
dont peuvent être traités des problèmes qu'ils
présentent en termes de droit à l'éducation, de
discrimination (âge d'inscription des enfants à l'école,
transfert d'une commission scolaire catholique à une commission scolaire
protestante, ou le contraire, pour des raisons de qualité
d'enseignement, activités scolaires qui sont jugées contraires
aux exigences d'une religion, etc.). Des avocats veulent connaître
l'interprétation que la commission donne de certains droits et
libertés et de différents motifs de discrimination.
Des directeurs de centres hospitaliers ou centres d'accueil veulent
discuter des moyens à
prendre pour respecter les droits des patients en même temps que
ceux de leurs employés.
Des propriétaires d'établissements publics consultent la
commission sur la façon d'agir lorsque des clients font des remarques
sur des employés de couleur ou refusent d'être servis par eux, ou
sur des clients handicapés.
Je pense que ce sont là de bons exemples et ce sont là des
exemples tout à fait quotidiens de demandes qui sont reçues
à la Commission des droits de la personne. Les énoncés
sont suffisamment clairs, mais je vous prie de croire que tes réponses
ne sont pas toujours très faciles à donner pour des gens qui sont
au bout de la ligne, au téléphone. Souvent, cela demande
plusieurs heures et plusieurs semaines de recherche avant de trouver
réponse à des questions aussi complexes que le droit à la
non-association, par exemple.
Nous aimerions aussi vous entretenir sur les publications et la
diffusion de la charte. Environ 1 000 000 d'exemplaires de la charte ont
été distribués depuis 1976, soit par les agents de la
commission, soit par les services gouvernementaux avec lesquels nous avons des
ententes de services tels Communication-Québec, la Régie du
logement, les centres de services sociaux et des organismes non
gouvernementaux.
Par mesure d'économie, 80 % de notre distribution ont
été constitués de reprographies, les versions
imprimées étant réservées pour des grandes
circonstances et des événements particuliers.
Forum des droits et libertés qui est le bulletin officiel de la
commission est tiré à 10 000 exemplaires et compte une dizaine de
parutions par année. Il est intéressant de signaler que les
articles du bulletin sont repris fréquemment par des journaux et revues
et alimentent les recherchistes d'émissions sur les affaires publiques.
Ce bulletin sert en outre de lien avec tous les organismes du Québec qui
oeuvrent dans le secteur des droits et libertés.
Pour rejoindre un large public, la commission a publié des
séries de dépliants relatifs à des sujets
spécifiques dont voici quelques exemples. Sur les motifs de
discrimination, un document a été tiré, en cinq langues,
à 50 000 exemplaires. Sur la discrimination dans le logement, un
document anglais et français dont plus de 200 000 dépliants ont
été distribués grâce à la collaboration
d'organismes telles la Régie du logement, les caisses populaires. Le
journal Habitabec, avec un tirage de 100 000 copies, a reproduit cette
année le dépliant et des articles du bulletin sur cette
question.
Sur la discrimination dans le taxi, 5000 copies ont été
distribuées en collaboration avec la ligue et les associations de
chauffeurs. Une partie du coût de l'impression a été
assumée, après de longues discussions, je dois vous le dire Ici,
par le ministère des Transports. Enfin, on a accepté de nous
donner quelques montants d'argent pour nous permettre d'imprimer ce document.
Un autre document, Salaire égal pour un travail équivalent; le
tirage de 15 000 copies est épuisé.
En réponse à des demandes d'enseignants, d'avocats, de
responsables d'organismes ou d'individus Intéressés à une
question en particulier, 3466 documents ont été
expédiés l'année dernière. étant
donné la diversité des sujets traités par la commission,
il est nécessaire de développer une stratégie
d'information adaptée aux publics touchés par une question qui
est particulière. Par exemple, la position de la commission sur la
sexualisation des postes dans les centres d'accueil et les centres hospitaliers
a été diffusée largement à toute une
clientèle..
L'étude de la commission, relative aux chroniques de chasse et de
pêche, a été publiée sous forme de cahier et
d'articles dans Droits et libertés et expédiée aux groupes
autochtones et aux instances appropriées La mise en vigueur de la partie
III de la charte a donné lieu à un vaste programme d'information
auprès des employeurs, syndicats et groupes du milieu afin de faire
connaître l'objet et les modalités des programmes d'accès
à l'égalité.
Le guide pour l'application de l'article 18.1 sur les formulaires de
demande d'emploi a été tiré à 10 000 exemplaires en
français et à 3000 en anglais. Ce guide est utilisé
principalement par les directions des ressources humaines des entreprises. Des
compagnies ayant leur siège social à l'extérieur du
Québec réclament ce guide afin de se conformer à la loi
québécoise.
Les autres publications. Parlons de la charte annotée. Ce texte
annoté de fa charte rend compte des 225 jugements concernant la Charte
des droits et libertés de la personne, depuis son entrée en
vigueur jusqu'en 1985. II nous apparaîtrait essentiel que cette
publication soit refaite pour la mettre à jour, en 1987. On tente de
trouver des moyens de satisfaire à la republication de ce document qui
nous apparaît extrêmement important pour les juristes.
Cette publication constitue un instrument indispensable d'information
pour quiconque veut connaître la jurisprudence québécoise
en matière des droits et libertés.
Droits et libertés au Québec, pour sa part, publie les
positions officielles de la commission, les décisions et les
recommandations de la commission en regard des projets de loi. Trois recueils
ont été édités à ce jour grâce
à un protocole d'entente signé avec la Société
québécoise d'information juridique (SOQUIJ).
Les médias font appel à la Commission des droits de la
personne de façon régulière. Les journalistes et
recherchistes font appel à la commission pour compléter une
recherche en vue d'une émission sur nombre d'événements
dans l'actualité, autant que sur des dossiers de la commission pour
alimenter une ligne ouverte, préparer une enquête ou un
reportage.
Ceci représente environ 300 demandes par
an, sans compter des centaines de consultations rapides sur des sujets
les plus divers. Peu d'organismes similaires à la Commission des droits
de la personne, au Québec, sont consultés aussi souvent que nous
le sommes.
Depuis 1976, la commission a émis 180 communiqués, tenu 25
conférences ou briefings de presse et établi des ententes avec
les directions des quotidiens pour la publication de textes plus
détaillés en rapport avec les interprétations de la charte
et les prises de position de l'organisme. On se doit aussi de signaler la
contribution appréciable des médias en régions pour la
couverture des événements amorcés par les
représentants régionaux.
Nous avons également établi des stratégies
spécifiques auprès des hebdos. L'Importance grandissante de ces
hebdos régionaux nous a incités à recourir à leurs
services, permettant ainsi la diffusion des messages à des publics
difficiles à rejoindre, compte tenu des limites du budget des
communications.
Une série d'articles leur sont adressés, chaque
année, pour publication à titre de service au public. Une
soixantaine d'hebdos régionaux ont reproduit au moins un texte l'an
dernier, au cours d'une campagne d'information sur la discrimination dans le
logement. À plusieurs reprises, nous avons aussi fait appel aux
câblodistributeurs pour la diffusion de courts messages
d'intérêt public. Nos interventions ont été
efficaces, mais, malheureusement, trop sporadi-ques faute de personnel
disponible pour assurer la continuité de cette opération.
Tant à Montréal qu'en régions, nous avons
participé à de nombreuses émissions destinées
à des publics cibles, notamment aux communautés culturelles. Ici
encore, nous devons restreindre notre participation par manque de ressources
humaines. Quelques émissions sur la charte par le réseau
autochtone, à Radio-Nord de Radio-Canada dans diverses régions du
Québec. Dans toutes les tournées d'information en régions,
nous avons pu compter sur la collaboration de Communication-Québec qui a
toujours facilité les relations de la commission avec les médias
locaux.
Nous ne pouvons répondre, malheureusement, adéquatement
à la demande des écoles, des groupes communautaires, des
institutions de personnes âgées. Nous acceptons à peine une
vingtaine d'invitations par an, depuis deux ans. Il faudrait pouvoir
libérer, à temps plein, un agent ou une agente d'information
uniquement pour le réseau scolaire de la province, si l'on voulait
répondre à toutes les demandes. Notre politique consiste à
regrouper des personnes-ressources dans un secteur et celles-ci relaient
l'information appropriée afin de rentabiliser et rendre plus efficaces
nos actions dans ce domaine.
En ce qui a trait aux kiosques d'information, nous restreignons notre
participation à la Semaine de la justice et à des colloques
directement reliés aux droits de la personne. Nous ne disposons que de
trois documents réalisés dans la série Justice pour les
services juridiques et de deux émissions produites par
Radio-Québec Un film sur la charte et la commission, produit en 1976, on
le comprendra, est complètement dépassé depuis que des
amendements ont été apportés à la charte en 1982 et
depuis la restructuration de la commission. Ces quelques documents ne
répondent plus aux besoins exprimés par les clientèles.
Celles-ci réclament des vidéos et des guides d'accompagnement sur
des aspects précis de la charte: la discrimination raciale, le
harcèlement sexuel, l'équité en emploi, etc.
À l'occasion du dixième anniversaire, de la journée
anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la
commission a organisé, à deux reprises, un
événement spécial auquel ont contribué
bénévolement des artistes et des organismes voués aux
droits de la personne. Pendant trois jours au Complexe Desjardins et deux jours
à l'UQAM, le public a participé au programme d'activités:
films, kiosques d'information, musique de divers pays, lecture de textes, etc.
C'est une occasion unique de fraternisation et d'information sur les droits et
libertés exprimés à travers les oeuvres de personnes de
toutes conditions et de toutes origines.
La commission s'est-elle acquittée de son mandat d'information?
A-t-elle rejoint un vaste public, des clientèles-cibles? A la
première question, nous pouvons répondre, je pense, par
l'affirmative. Le tableau des réalisations tracé
précédemment soutient cette assertion. Si l'on tient compte des
maigres ressources humaines et financières mises à notre
disposition, notre programme d'information a répondu aux exigences de
qualité des personnes requérantes.
Avons-nous rejoint le grand public? À ce propos, les sondages
effectués par la firme Optimum apportent un certain éclairage. Il
a été réalisé en 1986 auprès d'un
échantillon représentatif des 18-64 ans des régions
métropolitaines de Montréal et de Québec. Les participants
au sondage ont eu à évaluer quatre organismes gouvernementaux sur
une série de onze critères à l'aide d'une échelle
bipolaire en dix points. Les organismes sont la Commission des normes du
travail, l'Office de protection du consommateur, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail du Québec et la
Commission des droits de la personne.
D'après ce sondage, la Commission des droits de la personne du
Québec occupe le premier rang sur le plan de la notoriété
et le deuxième rang sur le plan de l'importance, de
l'impartialité, de la compétence et du niveau de satisfaction
relativement à la nature des Informations reçues. La commission
éprouve plus de difficultés, par contre, sur le plan de la
célérité à traiter les dossiers et du degré
d'influence face au gouvernement et au ministère de la Justice.
Malgré les résultats de ce sondage, nos propres canaux de
communication indiquent que
notre information a peu pénétré dans certains
milieux, notamment les communautés culturelles moins familières
avec la langue de la majorité, les individus non regroupés dans
des associations et les travailleurs et les travailleuses non syndiqués.
Nous pensons, bien sûr, à la situation des femmes immigrantes dans
les "sweat shops".
Aujourd'hui, onze ans après sa création, la Commission des
droits de la personne est confrontée à des situations plus
complexes qu'à l'origine. L'actualité concerne de plus en plus la
commission: tensions raciales dans les écoles, refus de location de
logements pour familles avec enfants, examens médicaux,
préembauche, arrivée de requérants au statut de
réfugié, etc.
La Direction des communications, antenne de la commission, doit donc
moduler ses stratégies en conséquence. C'est pourquoi nous
préparons actuellement un programme triennal de communications dont les
principaux éléments visent un élargissement des
réseaux de diffusion, une Intensification des relations avec les
médias et ta production de documents audiovisuels correspondant aux
besoins d'information des clientèles.
Voici ce qui en est de la situation de l'information. Un aspect
important de la promotion des droits se situe, bien sûr, au niveau de
l'éducation. L'éducation au respect des droits de la personne
constitue un volet important de l'activité de la Commission des droits
de la personne. Que signifie l'éducation aux droits? Qu'est-ce qui la
caractérise? La charte proclame des droits et libertés que la
société québécoise reconnaît en toute
égalité à tous les citoyens. Elle définit des
rapports sociaux basés sur le respect mutuel, en toute
réciprocité, de ces droits et libertés reconnus dans la
charte. La reconnaissance législative de ces droits et libertés
ne suffit pas; il nous faut les traduire dans les réalités
quotidiennes afin de les rendre concrets pour tous.
Cette promotion et cette éducation au droit à
l'égalité sont donc la pierre angulaire de nos interventions
éducatives. Il nous faut traduire cette notion de manière
opérationnelle et concrète. Voilà où commence le
travail éducatif.
Pour ce faire, nous collaborons durant toutes les étapes de notre
intervention avec les divers groupes cibles qui sont parfois des victimes de
discrimination ou d'exploitation, et parfois aussi avec des personnes
responsables de situations discriminatoires. La charte elle-même et les
quelques données recueillies au cours des ans ainsi que
l'expérience des employés de la commission nous ont permis, avec
le temps, de préciser les groupes cibles et les principaux secteurs
d'activité. Toute intervention éducative que nous entreprenons
comporte d'abord une phase d'analyse du contexte social que nous voulons
changer. Cette analyse prend son origine et s'alimente de consultations
nombreuses que nous menons auprès de personnes ou de groupes directement
concernés; elle s'alimente aussi de demandes qui parviennent à la
commission et de situations qui sont portées à notre attention,
par exemple, par l'entremise de la Direction des enquêtes. La Direction
de l'éducation, en accord avec les priorités définies par
la commission, peut également intervenir dans certaines situations. (10
h 45)
La phase d'analyse d'une situation nous permet d'en tracer le portrait
clair et précis, nous aide à en Identifier les causes et à
dégager les pistes de solutions possibles. Cette phase est cruciale dans
notre travail d'éducation, car elle définit la trame de fond de
notre future intervention qui se traduit concrètement, à
l'intérieur d'une approche éducative, sur trois plans: le plan
idéologique, le plan opérationnel et le plan existentiel.
Au plan idéologique, l'approche se concentre sur la
compréhension de la charte et l'actualisation de la charte par la
promotion de ses fondements idéologiques et par la prévention de
toutes les formes de discrimination, en tentant de neutraliser les obstacles au
développement des droits et libertés de la personne.
L'aspect opérationnel, lui, vise à développer des
stratégies orientées vers la formation et le développement
de réseaux d'agents multiplicateurs capables d'éduquer et de
responsabiliser leur milieu respectif. Cet aspect veut aussi susciter la
concertation et la mobilisation entre les partenaires sociaux en vue
d'enraciner ta promotion et la défense des droits au sein des diverses
communautés québécoises.
Enfin, au plan existentiel, la conscientisa-tion des citoyens et
citoyennes vise à favoriser le développement d'une conscience
sociale centrée sur les relations égalitaires et l'acceptation
mutuelle des Québécois et Québécoises. Elle
dévetoppe les habiletés et compétences requises à
l'exercice, à la défense et à la promotion des droits et
libertés de la personne. À titre d'exemple, nous offrons à
des entreprises privées ou publiques une session de formation de trois
jours dont les objectifs sont généralement les suivants: faire
connaître les implications de la charte en milieu de travail,
particulièrement en ce qui concerne la gestion des ressources humaines;
identifier les changements individuels et organl-sationnels que suscite
l'implantation de la charte à l'intérieur du milieu de travail
respectif, Identifier les obstacles qui empêchent les femmes
d'accéder à des postes de travail non traditionnels et amorcer un
programme de changement conforme à l'esprit de la charte.
Au fur et à mesure du déroulement d'une session de
formation, nous abordons successivement un, deux ou trois niveaux de notre
intervention éducative, par exemple, un test sur les
caractéristiques féminines et masculines et un exercice de
perception qui nous permettra de toucher à l'aspect existentiel; un
exposé sur la charte et ses implications en milieu de travail et un
vidéo sur l'importance du nombre dans une
entreprise nous permettra de travailler au plan Idéologique; une
mise en situation qui favorise le travail en équipe sera utilisée
au plan opérationnel.
Cette approche s'articule autour de plusieurs stratégies et
tactiques éducatives dont voici les principales composantes: la
production de documents écrits explicitant notre analyse d'une
problématique et certains scénarios proposés comme
solutions possibles; l'organisation de sessions de formation d'une, deux ou
trois journées à l'intérieur desquelles nous proposons un
ensemble de réflexions et d'activités visant à modifier
certaines perceptions de la réalité que véhiculent les
personnes invitées à ces rencontres, à modifier ainsi
leurs comportements et leurs façons de faire dans des secteurs
spécifiques de leurs activités.
La consultation auprès d'Individus et d'organismes constitue
également un moyen très fréquemment utilisé. Cette
consultation prend toute son importance quand elle prolonge et complète
une intervention plus globale dans un secteur donné puisqu'elle nous
permet de rejoindre très directement des groupes ou des individus qui
vont poursuivre en profondeur les changements souhaités. Ce contact
direct nous permet également de bien sentir les résistances du
milieu et les aspects à modifier ou à améliorer dans notre
proposition de changement.
La participation à des conférences, colloques, symposiums
nous permet de faire connaître notre point de vue et de faire partager
certaines analyses de situations Ce moyen d'intervention est Important parce
qu'il nous permet de rejoindre plusieurs personnes simultanément et de
les sensibiliser à une problématique précise. Notre
présence à ces activités a aussi pour conséquence
d'inciter les gens à faire appel à nos services pour une
intervention plus en profondeur et nous met en contact avec des situations
particulières vécues par certains groupes ou certaines
personnes.
La concertation et la conciliation communautaires constituent
également un autre moyen important utilisé par la commission.
Nous croyons en effet qu'une des finalités de l'intervention
éducative est de rendre les gens capables de s'organiser eux-mêmes
pour défendre et régler leur situation. Notre travail consiste
donc à leur faciliter la mise en commun de diverses ressources du
milieu, leur organisation, leur bon fonctionnement, tout en laissant aux
groupes de plus en plus d'autonomie. Toutes ces tactiques sont
utilisées, parfois simultanément, parfois successivement, selon
les circonstances. Un objectif est cependant commun et général:
identifier et modifier les comportements qui ont conduit à une situation
conflictuelle et les causes de cette situation, proposer et mettre en oeuvre
tes moyens appropriés pour modifier ces comportements.
Les activités d'éducation à la commission
s'organisent autour de quelques grands dossiers d'intervention: le dossier de
l'acceptation mutuelle des Québécois de toutes origines, quels
que soient leur race, leur couleur, leur origine ethnique ou nationale; le
dossier des peuples autochtones; le dossier du secteur du travail; le dossier
de la promotion des droits des jeunes en milieu scolaire; le dossier de
l'instrumentation éducative; le dossier de la situation des femmes dans
la société québécoise. Outre ces dossiers, la
commission Intervient de manière plus ponctuelle, notamment, dans le
secteur des droits judiciaires.
Au cours des années, la commission est intervenue dans chacun de
ces grands dossiers. Bien sûr, on trouvera en annexe le détail de
ces activités. Il convient cependant de souligner certaines
réalisations à cause de leur impact particulier En février
1985, la commission tenait une conférence Internationale sur
l'enseignement aux droits. Sous le thème "Les droits, ça
s'apprend", plus de 500 personnes, incluant un grand nombre de jeunes, ont
participé à des ateliers, exposés, conférences et
spectacles de théâtre Des participants de la France, de la
Belgique, de la Suisse, des États-Unis et du Canada se sont
associés à cette réflexion collective sur la situation
actuelle et les perspectives d'avenir de l'éducation aux droits
fondamentaux dans les écoles. Cette mosaïque d'activités a
été consignée dans un document de plus de 500 pages, et je
crois que c'est là un document unique sur la problématique de
l'éducation aux droits dans les écoles.
En 1981, la commission produisait, en collaboration, plus de 500 000
exemplaires du guide d'interprétation de la charte à l'usage des
jeunes de niveau secondaire. S'adressant aux jeunes, mais impliquant les
parents, les enseignants et les directions des écoles, ce guide a permis
l'affirmation et le développement d'un dialogue entre les adultes et les
jeunes. Un nouveau guide sera lancé sous peu, vraisemblablement vers la
fin de janvier.
Il convient aussi de mentionner que la Direction de l'éducation
de la commission est à l'origine de l'intégration à la
charte québécoise des programmes d'accès à
l'égalité. Une mission d'étude aux États-Unis et
une conceptualisation des principes à promouvoir ont permis à la
commission de collaborer à la rédaction des amendements à
la charte et d'être présente tout au long du processus qui a
donné naissance à la Direction des programmes d'accès
à l'égalité.
En 1986, cette direction a organisé la tenue d'un
séminaire ayant pour thème "L'accès à
l'égalité, une action concertée". S'adressant surtout aux
gestionnaires des ressources humaines, plus de 150 personnes ont
participé à cette rencontre. Forts de l'expérience des
années récentes, nous développons de nouvelles approches
conformes à notre mandat, susceptibles de favoriser la création
d'impacts éducatifs solides et durables. Face à certaines grandes
problématiques, comme le harcèlement sexuel et racial en
milieu de travail, le racisme, les droits des autochtones, nous
privilégions la mise en oeuvre de cadres globaux d'intervention,
sanctionnés par les commissaires, et qui servent d'assise et de
plate-forme délimitant l'orientation et la nature des actions à
entreprendre de la part des Intervenants de la commission.
À l'intérieur des cadres globaux d'intervention, nous
développons diverses approches éducatives en fonction des
situations en cause: stratégies pédagogiques et andragogiques,
stratégies psychosociales de conscientisation et d'habilitation aux
droits et libertés, stratégies de changement planifié dans
une organisation, stratégies de concertation avec des partenaires
sociaux, stratégies de mobilisation sociopotitique.
De plus, nous alimentons ces diverses stratégies de documents
écrits et audiovisuels vulgarisant et résumant les points
saillants de la charte, en face de certains publics cibles ou secteurs cibles:
milieu du travail, milieu scolaire, minorités visibles et ethniques,
autochtones, etc. L'opérationnalisation des activités
découle d'un plan stratégique. Pour l'année 1987-1988, le
milieu scolaire, le milieu du travail, les minorités visibles et les
communautés culturelles, les droits des autochtones et la population en
général ont fait l'objet des projets priorisés par la
commission.
La présence régionale de la commission. La Commission des
droits de la personne est consciente - je pense que la commission des
Institutions s'est souvent penchée sur cette question, elle est
très intéressée par cette question - que
l'impératif de justice qui est relié à sa fonction se
traduit par la nécessité d'assurer l'accessibilité de ses
services à l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. Un
réseau de bureaux régionaux permanents constitue un instrument
fonctionnel et dynamique pour atteindre cet objectif. Après des demandes
répétées et insistantes, qui datent déjà de
1976, le Conseil du trésor autorisait, neuf ans plus tard, en juin 1985,
à procéder à une phase pilote d'implantation de ses
services dans quatre régions administratives du Québec.
Les objectifs de la régionalisation. Dès le 18 novembre
1985, ia Commission des droits de la personne procédait à
l'ouverture de ses bureaux régionaux en Estrie, dans l'Outaouais, en
Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord, dans les villes de
Sherbrooke, Hull, Rouyn et Sept-Îles. Par le programme de
régionalisation de ses services, la commission se rendait
immédiatement disponible à une population de près de 780
000 personnes, répartie dans l'Estrie à raison de 239 000
habitants, dans l'Outaouais de 273 000, dans le Témiscamingue de plus de
150 000 et sur la Côte-Nord de plus de 100 000.
L'exigence de la régionalisation des services de la Commission
des droits de la personne découle essentiellement de l'importance
capitale pour tous les Québécois et Québécoises des
principes valeurs véhiculés par la Charte des droits et
libertés de la personne. Par-delà la reconnaissance des droits et
libertés qui y sont énoncés, la commission veut favoriser,
grâce à ses permanences régionales, l'exercice concret de
ces droits et libertés. Il s'agit de s'assurer d'abord que la charte
soit connue partout au Québec Connue, certes, mais aussi comprise et
progressivement intégrée à la vie de tous les jours.
Les objectifs des représentants régionaux à court
et moyen terme ont été ainsi définis: expliciter les
principes contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne,
avec le souci constant du vécu régional et des
problématiques particulières. Cette exploitation se fera
auprès de la population globale des territoires desservis et, d'une
façon particulière, auprès des organismes, associations et
groupes voués à la promotion et à la protection des
droits; établir des contacts significatifs avec les principaux
intervenants du milieu de façon à bien les connaître et
à se faire connaître, l'émergence d'un réseau de
coopération ne pouvant que mieux servir la cause des droits et
libertés; connaître en profondeur la région desservie, sa
géographie, sa situation socio-économique, ses problèmes
particuliers; connaître les populations cibles, leurs besoins, leurs
attentes face à la commission (les personnes handicapées, les
autochtones, les communautés ethniques, les jeunes, les personnes
âgées); collaborer avec les différentes unités
administratives à la réalisation des programmes provinciaux de la
commission; assumer l'accueil des clientèles quant aux renseignements
généraux, à la recevabilité des plaintes et aux
enquêtes.
Les représentants régionaux sont plus que des agents de
liaison entre un bureau régional et les directions de Montréal et
de Québec. Les objectifs définis, tels
qu'expérimentés depuis, en font de véritables agents des
droits de la personne habilités à répondre aux demandes et
à régler sur place les problèmes et les dossiers qui leur
sont soumis. Je ne sais pas si la commission des institutions en a pris
connaissance, mais nous avons produit pour le ministère de la Justice un
document fort complet sur la situation des bureaux régionaux avec les
statistiques et, également, toute la problématique vécue
dans chacune des régions.
Les ressources affectées à l'expérimentation. Le
budget 1986-1987 pour les bureaux régionaux est de 265 000 $ et a
nécessité l'embauche de six personnes pour ces quatre bureaux
régionaux, soit un professionnel et une secrétaire par bureau.
C'est avec satisfaction que nous soulignons l'initiative prise par la
Commission des droits de la personne et le Comité de la protection de la
jeunesse de partager le personnel de secrétariat, de même que les
locaux et le matériel commun dans les bureaux régionaux sous
étude. C'est ainsi que les secrétaires des bureaux de Sherbrooke
et de Hull sont des employées du Comité de la protection de la
jeunesse tandis que
les secrétaires du bureau de Rouyn sont des employées de
la commission.
Analyse des résultats en fonction des objectifs poursuivis. Les
objectifs précédemment énoncés se sont traduits en
activités d'information, de coopération et d'éducation, de
même qu'en activités d'accueil des clientèles, de
renseignements, de recevabilité des plaintes et d'enquêtes. Ces
activités correspondent aux mandats de la commission. Chacun pourra
examiner le tableau que nous avons produit à la page 60 du document de
la commission et qui est fort révélateur des activités qui
se font par une seule personne en région. Soulignons que les permanences
régionales ont généré, en 1986, 204 dossiers
d'enquête comparativement à 38 en 1985, 52 en 1984 et 33 en 1983
pour les mêmes régions, (11 heures)
En Estrie, dans l'Outaouais, en Abitibi. sur la Côte-Nord, les
séances d'information se sont multipliées. Les contacts avec les
groupes et organismes furent abondants Les médias d'information ont
été mis largement à contribution pour rejoindre l'ensemble
des populations desservies. Je pense que les membres de l'Assemblée
nationale qui sont dans ces régions connaissent bien les
activités de nos personnes en région. Des services concrets
d'accueil des clientèles, de référence, de prise en charge
ont été donnés. Il suffit de considérer le nombre
élevé de personnes qui se sont rendues dans les bureaux
régionaux de la commission pour comprendre l'immensité des
besoins déjà exprimés Qu'il s'agisse de
l'intégrité de la personne, du respect de la vie privée,
de l'inviolabilité de la demeure, qu'il s'agisse des droits politiques,
des droits judiciaires, des droits économiques, culturels et sociaux,
qu'il s'agisse de la non-discrimination ou de l'interdiction d'exploiter les
personnes âgées ou handicapées, c'est une vigilance de tous
les instants qu'il faut mettre en oeuvre pour contrer les atteintes aux droits
des uns et des autres Les permanences régionales participent activement
à cette vigilance.
Les résultats du programme de régionalisation des services
de la commission sont probants: l'intégration des représentants
régionaux dans leur milieu respectif crée une affinité,
une saine complicité avec les populations desservies; la
personnalisation des relations avec les gens, la visibilité,
l'accessibilité ne peuvent qu'être bénéfiques
à la commission en démystifiant son image d'éloignement,
de bureaucratisation, de dépersonnalisation; conseiller directement les
gens sur la prise en charge de leur situation et de leurs droits,
accroître leur confiance à l'égard des représentants
régionaux et réduction des délais d'intervention qui
raffermit la crédibilité de la commission.
Il est, bien sûr, des réalités qu'on ne peut
retrouver dans les chiffres et dont les statistiques ne peuvent tenir compte.
Ce sont des réalités à vivre bien plus qu'à
compiler. Dire qu'en 1986, les représentants régionaux ont
reçu en entrevue 1386 personnes, cela peut être impressionnant ou
banal, selon le pourquoi de ces visites C'est plus impressionnant que banal
quand on sait qu'on vient généralement à la commission
avec un problème, un problème humain aux dimensions souvent
multiples, et qu'on espère, en dernier recours, parfois, une solution.
C'est bien de présence et de qualité de présence dont iI
est question ici. Les représentants régionaux, au premier chef,
sont à l'écoute de leur milieu respectif et, dans la mesure des
besoins identifiés, rendent des services pertinents prévus par la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
La régionalisation de ses services est une voie d'avenir pour la
Commission des droits de la personne Elle se doit d'être présente
maintenant dans toutes les régions administratives du Québec.
À très court terme, il serait impérieux que la commission
obtienne les budgets qui permettront de rendre permanents les quatre bureaux
régionaux actuellement ouverts et de procéder à
l'ouverture de bureaux dans les autres capitales régionales qui ne sont
pas actuellement desservies par la commission.
En guise de conclusion, tel que nous l'avons préalablement
indiqué, nous avons voulu répondre aux quatre questions qui
étaient soulevées par l'Assemblée nationale. En rapport
avec chacune d'elles, nous vous avons fait part de certaines orientations de la
commission Les préoccupations de la commission débordent tout de
même ces quatre thèmes que vous nous avez soumis Puisque votre
commission étudie également les orientations des organismes
gouvernementaux, nous croyons qu'il est pertinent de vous faire connaître
les orientations et les objectifs de la commission à court et moyen
terme.
Il importe tout d'abord de rappeler qu'une partie importante des
ressources de la commission est investie dans le domaine de l'enquête et
des poursuites en matière de discrimination et d'exploitation dans
l'analyse des lois qui pourraient être contraires à la charte et
dans l'implantation des programmes d'accès à
l'égalité.
Pour ce qui est des autres activités, la Commission des droits de
la personne, consciente de l'ampleur de la tâche qu'elle doit accomplir
et des ressources nécessairement limitées dont elle dispose, a
jugé essentiel de se doter d'un mécanisme de planification
stratégique sur une base triennale qui lui permet, annuellement, de
déterminer et de réviser ses objectifs, plus
particulièrement en matière de recherche, d'éducation et
de communication
Nous avons, pour la prochaine année, centré nos efforts
sur les objectifs suivants, étant conscients que leur réalisation
peut, bien sûr, s'étendre sur plusieurs années Le premier
objectif: l'élimination des pratiques discriminatoires dans l'emploi.
L'Importance du nombre de plaintes dans le domaine de la parité
salariale et l'acuité du sujet commandent que la commission
entreprenne dans les meilleurs délais les enquêtes sur ces
dossiers, continue les recherches qui lui permettront d'évaluer l'Impact
des conséquences économiques et de mener à terme les
études sur les moyens de preuve. La commission poursuivra ses
démarches afin d'assurer la mise en application des recommandations de
l'enquête sur l'industrie du taxi. Je suis convaincu qu'on aura
l'occasion d'en reparler bientôt.
La promotion et l'application de la charte en milieu de travail,
particulièrement auprès de minorités visibles et des
femmes. Le milieu de travail a toujours été le secteur où
le nombre de plaintes à la commission a été te plus
Important et où la demande d'information a été constante.
Le milieu de travail constitue à peu près 75 % des demandes
d'enquête à la commission. La commission a entrepris la
préparation d'instruments vulgarisant les implications de la charte en
milieu de travail à l'intention des employeurs, employés et
syndicats. La commission entend assurer la diffusion des principes de la charte
en milieu de travail au moyen de colloques, conférences, rencontres,
etc.
Les programmes d'accès à l'égalité et la
lutte à la discrimination systémique. La Direction des programmes
d'accès à l'égalité, conformément à
son mandat d'agir à titre de conseiller auprès des organismes,
continuera son programme de sensibilisation auprès des entreprises, des
syndicats et des employés pour la mise en place de programmes
d'accès à l'égalité.
Dans le domaine de la lutte à la discrimination
systémique, ta recherche orientera ses efforts sur la preuve
nécessaire en matière de discrimination systémique,
l'impact des règles d'ancienneté et l'apport statistique dans
l'élaboration de la preuve.
L'évaluation des pratiques discriminatoires dans l'habitation
auprès des minorités visibles et ethniques. Le domaine du
logement constitue un champ d'intervention où la commission entend faire
davantage que le traitement des plaintes individuelles. Après une
évaluation des problèmes vécus par les femmes, les
minorités ethniques et visibles, de même que par les autochtones,
la commission entend mettre en oeuvre des mesures pour contrer la
discrimination dans le logement. Nous avons actuellement une étude en
cours sur ce sujet qui devrait nous permettre d'élaborer des
stratégies d'intervention dans le domaine du logement.
Le développement des relations interethniques et raciales. Il
importe, pour t'analyse des problèmes sociaux, la détection des
besoins de sa clientèle et fa mise en place de solutions, que la
commission consolide ses bases en se rapprochant des groupes et des diverses
communautés ethniques. Dans ce but, la commission a créé
récemment un comité de concertation des relations interethniques
et raciales. Ce comité est composé d'une quinzaine de personnes
provenant des diverses communautés culturelles de la région
métropolitaine, qui se réunit à peu près tous les
deux mois pour nous guider et nous orienter. Je dois vous dire que c'est une
initiative assez récente qui devrait, à notre avis, être
extrêmement profitable pour la commission et les minorités.
L'enquête sur les minorités visibles et ethniques devrait
fournir à la commission et à tous ceux qui oeuvrent à la
défense des droits des minorités des données leur
permettant de connaître le profil socio-économique de ces groupes
et de mettre en place des programmes d'accès à
l'égalité. Voilà une autre enquête de la commission
faite auprès de quelque 2000 ménages de la région
métropolitaine pour connaître véritablement les
problèmes de discrimination dans l'emploi et dans divers secteurs
d'activité.
La commission devra aussi déposer une étude sur la
qualité des services offerts aux minorités visibles et ethniques
dans tes services public, parapubtic et péripublic. Cette fois, c'est
une évaluation auprès des différents services offerts par
les différents secteurs d'activité. On a demandé à
ces divers organismes de nous faire connaître quels programmes ils
offraient, quelles activités ils offraient aux minorités visibles
et ethniques.
La promotion et l'application de ta charte en milieu scolaire. Le milieu
scolaire est un lieu privilégié d'éducation à la
charte. Dans les prochains mois, la commission devrait diffuser un nouveau
guide à l'intention des jeunes, guide qui a été longuement
discuté, sur lequel il y a eu de nombreuses consultations auprès
des différents groupes, des personnes impliquées dans le milieu
scolaire et des divers groupes de pression qui nous ont donné des
indications sur ce document. Je pense que c'est un document grandement attendu
et qui devrait être extrêmement profitable dans les institutions
scolaires.
La commission est consciente des besoins d'information de la population
sur les droits et libertés. Un plan triennal de communication est en
voie de développement prévoyant des stratégies de
communication auprès de l'ensemble de la population afin de vulgariser
les principes de la charte.
La défense des droits des autochtones. La commission entend, au
cours des prochains mois, consulter les groupes autochtones sur la Charte des
droits et libertés de la personne, et sur les attentes qu'ils
entretiennent face à la Commission des droits de la personne ainsi que
sur la contribution qu'elle peut leur apporter dans la reconnaissance de leurs
droits.
Mise en place de politiques et procédures dans le but
d'améliorer les services à la clientèle. La commission
doit constamment évaluer les services qu'elle rend à la
clientèle qu'elle dessert en vue d'en améliorer la
qualité. C'est ainsi qu'elle a nommé un responsable des services
à la clientèle qui doit faire rapport au président. Elle
entend continuer les démarches dans le but d'étendre les bureaux
régionaux à toute ta population québécoise.
Mise en application du plan de changement organisationl. La commission a
consulté ses employés sur les moyens visant à
améliorer la qualité de la vie au travail. Une équipe de
travail a formulé des recommandations qui seront mises en application
selon un échéancier prévu.
Évaluation des mandats de la commission, plus
particulièrement du traitement des plaintes On en a parlé
tantôt, la commission procédera à une évaluation des
résultats qualitatifs et quantitatifs en matière de traitement
des plaintes, tant au niveau de l'efficience que de l'efficacité.
Voilà, M. le Président, en substance, ce que nous pouvons
vous dire en ces quelques heures. Nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M. Filion): Je voudrais vous remercier, bien
sûr, M. le président, et je ne suis pas sans savoir que le
mémoire que vous nous avez livré ce matin a dû demander de
votre part et de la part de toute l'équipe de la Commission des droits
de la personne énormément d'énergie, de temps, de
réflexion. Nous vous remercions pour la qualité de ce
mémoire qui va sûrement alimenter notre réflexion bien
au-delà des échanges que nous pourrions avoir. Je suis convaincu
que vous connaissiez déjà bien la Commission des droits de la
personne, dont vous êtes le président depuis trois ans. Cela vous
a sûrement permis de faire un tour de jardin des activités
actuelles de la Commission des droits de la personne.
À cette étape-ci de nos travaux, nous allons suspendre la
séance quelques minutes. Nous pourrons entamer avec les
représentants de la Commission des droits de la personne une
période d'échanges avec les membres de cette commission. Nos
travaux sont donc suspendus pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 12)
(Reprise à 11 h 36)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Pour amorcer cette période d'échanges avec nos
invités, je vais d'abord donner la parole à M le
député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la
Justice.
M. Dauphin: Merci, M le Président Premièrement,
j'aimerais m'excuser de mon retard auprès de nos Invités de la
Commission des droits de la personne, ayant été victime de
délais à l'aéroport de Dorval. Cela dit, comme membres de
la commission, nous sommes heureux de vous recevoir aujourd'hui,
dernière journée de notre consultation relativement à
notre mandat. Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons reçu une
quinzaine de groupes, mardi et mercredi, groupes dont certains avaient des
critiques à faire à l'endroit de la Commission des droits de la
personne, dans certains cas, c'étaient des critiques de fond et, dans
d'autres cas, des critiques quand même assez superficielles. Aujourd'hui,
les membres de cette commission auront l'occasion d'échanger avec vous,
sur certains aspects particuliers de votre mandat et de vos activités,
qui sont revenus dans la plupart des représentations que nous avons eues
de la part des groupes invités.
Je voulais vous dire que cet échange sera très serein,
connaissant personnellement tous les membres de la commission des institutions.
Nous aurons l'occasion, par la suite, en séance de travail, de nous
réunir de nouveau afin de confectionner les recommandations que nous
ferons à l'Assemblée nationale et au ministre de la Justice.
Sans plus tarder, j'aimerais, avec votre permission, commencer
l'échange en cédant la parole à notre président,
à la suite d'une entente. Nous aurons l'occasion, par la suite,
d'aborder les différents thèmes qui sont le plus souvent revenus
lors des échanges avec les groupes invités. Alors, M. le
Président, c'est à vous à commencer.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
député de Marquette. J'ajouterai, cependant, que l'ensemble des
remarques, commentaires, opinions et critiques qui ont été faits
par les intervenants qui sont venus ici depuis deux jours ont, à ma
connaissance, toujours été faits dans une optique positive. Si
certaines critiques ont pu paraître négatives, je dois vous dire
que, de ce côté-ci, c'est-à-dire en ce qui concerne les
membres de la commission, elles ont toujours été accueillies de
façon positive. Le climat en général - vous n'étiez
pas présents - est toujours demeuré serein. II faut comprendre
aussi que, du côté de ces intervenants, c'était, dans bien
des cas, la première chance qu'ils avaient d'exprimer publiquement leur
opinion sur un organisme qui leur tient énormément à
coeur, finalement, c'est ce qui explique, parfois, la
sévérité de leur jugement.
Alors, depuis la création de la commission, l'exercice auquel les
parlementaires se livrent est une première dans nos annales. La
réforme parlementaire elle-même ne datant que de 1984, vous
comprendrez que cet exercice n'a pu être fait avant. Je voudrais
également situer, resituer le cadre de notre mandat. Nous nous sommes
donné ce mandat en vertu du règlement qui découle de la
réforme parlementaire. Nous allons, comme l'a mentionné le
député de Marquette et comme je l'avais mentionné
également, nous réunir en séance de travail, une fois les
présentes auditions terminées. II est probable que nous nous
revoyions dans un cadre qu'il reste à déterminer avec les
représentants de la Commission des droits de la personne, lorsque nos
réflexions auront été poussées un petit peu plus
loin, à la suite de quoi nous déposerons des
recommandations à l'Assemblée nationale, si
l'unanimité existe au sein de notre commission, ce dont je ne doute
point.
Je voudrais amorcer avec vous les échanges sur un point qui
m'apparaît très important, pour ne pas dire crucial. Vous l'avez
soulevé vous-même dans votre mémoire et de multiples
intervenants - pour ne pas dire tous les intervenants - l'ont également
relevé. Il s'agit de la multiplicité des rôles de la
commission. Sans être un spécialiste de la question des droits de
la personne et de la commission, en mes propres termes, j'aimerais vous exposer
la façon dont j'entrevois les choses à ce stade-ci.
D'une part, ta Commission des droits de la personne dispose d'un mandat
de promotion; vous l'avez soulevé dans votre mémoire. Ce mandat
prend la forme de responsabilités informatives, de
responsabilités éducatives; il joue également un
rôle dans le domaine de l'enquête, sur la façon dont
l'enquête se déroule. Le mandat de promotion est central pour la
Commission des droits de la personne. Vous avez relevé l'article 81 dans
votre texte, si ma mémoire est bonne, de la charte. L'accent est mis, si
l'on veut, sur la possibilité de faire accepter et faire comprendre la
charte et, donc, en ce qui concerne la médiation, de favoriser, par la
médiation, le règlement, etc., tout cela dans une optique de
promotion de l'essence même de ce que sont les droits et libertés
contenus dans la charte. Donc, c'est un mandat de promotion extrêmement
important, d'une part.
Deuxièmement, c'est un mandat d'enquête. Là-dessus,
vous n'avez pas le choix, la charte est claire. La commission, lorsqu'elle juge
une plainte recevable, doit enquêter et, donc, aller chercher les faits,
ce qu'en langage de relations du travail on appelait a l'époque le
"fact-finding board", aller chercher les faits qui sont soumis par les
plaignants. Donc, deuxièmement, un mandat d'enquête.
Troisièmement, un mandat de médiation. Encore une fois, la
loi est claire. Cette médiation peut intervenir n'importe quand: avant,
pendant ou après une enquête. C'était une formule
souhaitée par le législateur à l'époque. C'est une
formule retenue à juste titre par la commission au cours de son
existence. Mais ce mandat de médiation, déjà, dans
certains cas, vient en contradiction avec le mandat d'enquête.
Ayant moi-même agi à titre d'enquêteur dans certains
dossiers et de médiateur dans d'autres, il n'est pas facile, par
exemple, de recueillir des confidences sur la foi d'une médiation et de
s'en servir dans un rapport d'enquête. Comme une relation de confiance
doit exister dans une médiation, cette relation de confiance est
difficilement applicable dans d'autres cas au cours d'une enquête. Alors,
tout cela crée une situation - je ne dis pas qu'elle est impossible -
qui n'est pas facile. Donc, troisièmement, médiation.
Quatrièmement, la commission doit adjuger...
J'emploie le terme; il y en a peut-être d'autres que les avocats
spécialistes pourraient me souffler à l'oreille. La commission
doit décider d'abord si une plainte est recevable et décider
également s'il y a eu ou non violation d'un droit prévu à
la charte. Tout ceci - le quatrième volet, l'adjudication - ne se fait
pas sur le fond du litige, si l'on veut, c'est-à-dire ne comprend pas...
L'adjudication se termine par des recommandations au niveau ultime. Ce sont des
recommandations qui peuvent être suivies ou pas par les intervenants, le
mis en cause ou le plaignant. (11 h 45)
Bref, à certains moments, la commission est obligée d'agir
comme un tribunal mais n'a pas les pouvoirs exécutoires d'un tribunal.
Vous voyez les quatre volets, mais le quatrième n'est pas simple. On
voit la contradiction qui peut exister, dans certains cas, entre les
deuxième et troisième volets, soit entre l'enquête et la
médiation. On voit les contradictions, plutôt les conflits qui
peuvent exister entre ce devoir crucial de promotion et les trois autres volets
que sont l'enquête, la médiation et l'adjudication, bien qu'entre
la promotion et l'adjudication le conflit soit peut-être moins
évident, mais il existe, à tout le moins, entre le mandat de la
promotion et ceux de l'enquête et de la médiation.
Bref, mon tableau est simple. C'est celui d'un avocat, certes, mats d'un
profane en ces matières. Il n'est pas rose en termes de
compréhension, surtout pour les intervenants. Je suis convaincu
qu'à l'intérieur de la commission, on a réussi à se
structurer fort bien mentalement - je l'ai compris de votre mémoire.
Difficilement, certes, mais, avec le temps, on a réussi à se
structurer mentalement pour accomplir ces différents rôles que
confie la charte.
Je tiens à signaler que, dans ce que je dis, il n'y a pas
d'interprétation abusive de la charte par les commissaires ou par des
membres du personnel de la Commission des droits de la personne. La commission
doit vivre avec la loi et avec la charte telle qu'elle a été
adoptée par les législateurs, à l'unanimité, depuis
bientôt une dizaine d'années. Ce n'est pas un glissement,
là. En tout cas, à mon sens, je n'ai pas relevé d'abus
dans la compréhension du rôle de la Commission des droits de la
personne, mais bien plutôt des conflits potentiels et réels, il
faut l'admettre, à partir des exemples qui nous ont été
donnés par les intervenants. Ce sont des conflits qui découlent
d'un cadre juridique et d'une réalité vécue.
Évidemment, vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs
intervenants, pour ne pas dire la totalité d'entre eux, ont
relevé cette confusion des rôles, que certains appellent conflit
d'intérêts, qui crée, en somme, un problème de
perception auprès des intervenants. Il y a également un
problème réel pour ceux qui essaient d'y voir clair et
d'entrevoir l'avenir de la Commission des droits de la personne pour les cinq,
dix ou vingt prochaines années. Cette
confusion, évidemment, entraîne des conséquences. Je
ne voudrais pas aborder tout le chapitre des conséquences, mais signaler
uniquement que, dans mon esprit, la question des délais découle
partiellement, mais pas totalement, du problème de la
multiplicité des rôles de la Commission des droits de la personne.
Alors, en ce qui concerne les délais, au plan pratique, on parle souvent
- je l'ai répété hier - de cette action que l'on retrouve
dans plusieurs jugements "Justice delayed is justice denied"; je pense bien que
cela a été traduit dans toutes les langues. Mais il y a une
réalité à la base. Lorsqu'on tarde à rendre une
décision ou à faire un travail, à ce moment-là, ie
simple fait de retarder crée des inconvénients majeurs. Je dois
vous dire que les exemples donnés par les intervenants, en particulier
par le Comité provincial des malades, peuvent devenir fort
éloquents dans certains cas. Que l'on pense au milieu scolaire, etc.
Ce n'est qu'une conséquence que j'effleure. Je reviendrai
là-dessus plus tard. Encore une fois, c'est simplement pour signaler que
cette confusion des rôles n'est pas simplement un sujet théorique
pour amateurs de grandes réflexions philosophiques ou pour amateurs de
grands organigrammes que j'appelle des "organigrouilles", mais c'est vraiment
quelque chose de concret, qui a des conséquences concrètes sur la
réalité. En ce sens, donc, je serais heureux si vous pouviez
réagir à cet aspect de notre réflexion.
M. Lachapelle: M. te Président, je comprends que mes
collègues pourront intervenir; je sais que mon collègue, Alain
Bissonnette, a des réflexions intéressantes là-dessus. Je
voudrais ajouter en préliminaire, non pas pour compléter ce que
vous avez dit, mais je pense que, tel qu'indiqué dans notre document, il
ressort que si, - à l'extérieur, on vit ces situations
conflictuelles que peuvent entraîner (es différents rôles de
la commission, vous comprenez bien que, même à l'interne, on vit
ces mêmes problèmes.
Par exemple, je mentionnais tantôt qu'en région une seule
personne fait tous les rôles Si une personne vient déposer une
plainte, on imagine bien qu'elle doit sympathiser avec elle, lorsqu'elle
accueille la plainte, et, ensuite, elle devra peut-être enquêter,
mais enquêter en toute Impartialité, derrière une tribune.
Ce n'est pas facile. Je vous donne cela comme exemple, car c'est assez
angoissant. C'est pour cela qu'un jour, quand la Commission des droits de la
personne a rapatrié des dossiers à Montréal, ce
n'était pas dans le but de rapatrier les dossiers, mais bien plus
d'envoyer des enquêteurs de Montréal ou de Québec pour
enquêter sur ces dossiers. Ce n'était pas une situation
très tenable, à Hull, que de faire enquêter par la personne
elle-même. Vous voyez comment, de façon très humaine pour
les gens qui vivent dans l'organisation, ces conflits peuvent surgir. Ils se
sentent impliqués dans un dossier et ne sont pas toujours en mesure de
le défendre justement.
Il faudrait ajouter un élément que vous n'avez pas
mentionné quant à cette problématique pour bien la voir
dans tout son ensemble: la commission, après coup, peut aussi
poursuivre. À ce moment-là, bien sûr, elle doit se sentir
assez à l'aise avec la plainte, lorsqu'elle a déclaré,
suivant les mots utilisés, une adjudication selon laquelle la plainte
était recevable, fondée; il faut aussi, à un moment
donné, qu'elle prenne la décision de poursuivre. Là aussi,
c'est une décision difficile à prendre. Est-ce qu'on a des
chances de succès? Il y a des groupes, hier, qui ont parlé de
stratégies de la commission en matière d'Intervention devant les
tribunaux. Cela fait aussi partie de toute cette problématique de
conflits dans ses rôles.
Comme vous l'avez mentionné bien sûr, à la
commission, on vit avec ces problèmes et on a trouvé des
arrangements. Il y a des arrangements d'ordre structurel, si vous voulez: on a
dissocié, autant que possible, les rôles d'éducation, donc
la promotion du rôle d'enquête. Même à
l'intérieur du rôle d'enquête, il reste toujours ce
rôle de chercher les faits et d'établir la vérité,
Un premier conflit se pose et, en cherchant des solutions, des
réflexions, je dirais, à haute voix là-dessus, ensemble,
il faudrait que l'on puisse dissocier le rôle de médiation du
rôle d'enquête de façon que la personne qui fait la
médiation ne fasse pas ensuite l'enquête Je pense que ce serait un
minimum à établir.
Bien sûr, c'est là un aménagement administratif qui
ne règle pas tous les problèmes. Je pense que, dans les autres
cas, il faudrait véritablement se pencher sur d'autres modèles.
Est-ce qu'on devra aller dans des modèles du style Tribunal des droits
de la personne, comme on a ailleurs? Est-ce que cela éliminerait ces
problèmes, ces conflits apparents, par exemple, en ayant un tribunal
où la commission ne ferait que dire: Nous pensons qu'on devrait porter
ce dossier devant un tribunal? À ce moment-là, l'adjudication ou
la décision serait moins formelle. C'est peut-être là,
également, une autre voie que l'on devrait explorer pour éviter
ces conflits que vous avez mentionnés.
Je ne sais pas si mes collègues avaient d'autres
éléments à ajouter sur cette question. Il reste que la
problématique que vous avez soulevée l'a également
été par les groupes; elle est bien présente, nous en
sommes conscients. Il faut, à brève échéance, pour
la crédibilité des actions de ta commission, y trouver des
solutions
Le Président (M. Filion): D'accord, je vous remercie, Me
Lachapeile. Me Bissonnette.
M. Bissonnette {Alain): Bonjour. J'aimerais, sans vraiment
répondre de façon très concrète à la
problématique qui est soulevée, surtout insister sur le fait que
les quelque onze commissaires qui siègent à la commission sont
très conscients des questions qui ont été soulevées
par les organismes depuis deux jours et que c'est partagé par la
plupart de mes collègues, conscients qu'ils sont des obligations
que le Québec a à cet égard, notamment en matière
d'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Je pense
que fa plupart d'entre vous savez qu'il existe une convention internationale
à cet égard et que le Québec a des obligations, notamment
celle d'assurer à toute personne soumise à sa juridiction une
protection et une voie de recours effective devant les tribunaux et autres
organismes compétents contre tout acte de discrimination raciale.
J'aimerais bien indiquer que les commissaires et la commission doivent demeurer
vigilants à l'égard de leur propre travail dans la mesure
où on veut bien s'assurer de mettre en oeuvre, chez nous, des
obligations que nous avons choisi d'assumer devant l'ensemble de la
communauté Internationale et devant l'ensemble de la communauté
québécoise. Cela fait partie des principes que la charte nous
oblige à promouvoir. Je veux insister là-dessus.
Toute la discussion qui a lieu actuellement sur l'efficacité de
la Commission des droits de la personne, quant à mol, m'apparaît
essentielle et très positive. Elle doit se faire sereinement,
maintenant, comme en tout temps. Elle doit se faire également en
proclamant de façon très claire ce que sont, à nous tous,
nos objectifs en matière de racisme, en matière
d'égalité, en matière de discrimination. Ces objectifs
n'appartiennent pas qu'à la Commission des droits de la personne. Ils
appartiennent à toute notre société, aux
législateurs, aux communautés, aux individus et aux membres de la
commission, aussi bien ses commissaires que ses employés. Je dirais que,
comme commissaires, nous avons une espèce d'obligation de fiduciaire
à l'égard de toutes les personnes et de tous les groupes qui
composent notre société. Il est donc normal que la commission
s'interroge et que l'on Interroge la commission sur ses réalisations
à cet égard. Je suis persuadé, comme commissaire, que,
tant que ce dialogue demeurera ouvert et constant, il va permettre à
tous de prendre conscience aussi bien de leurs droits, de leurs devoirs que de
leurs responsabilités.
En termes simples, peut-être un peu philosophiques, je pense que
cela mérite d'être redit: Dans une société comme la
nôtre, le respect des droits et libertés, cela va toujours
constituer une tâche quotidienne et un enjeu sur lequel il faudra
toujours mobiliser l'ensemble des citoyens. Dans notre mandat, c'est bien
précisé que, comme commission, nous devons coopérer avec
tout organisme. Ce n'est pas une réponse à ces interrogations
plus concrètes qui visent à voir comment on va réussir
à remplir concrètement nos obligations à cet égard,
mais je voulais souligner que le débat appartient à tous et que,
comme commissaire, je suis très heureux que beaucoup de groupes,
d'individus au sein de notre société nous disent: Écoutez,
H y a des problèmes, il y a des questions de délai, il faut
peut-être précisément distinguer les différents
mandats, comme vous les avez si bien indiqués, M. le Président.
Je dois dire qu'à la commission ce sont des préoccupations qui
ont été formulées par des commissaires. Il y a eu des
réunions où on a parlé de ces questions Entre autres, j'ai
dit - cela vaut ce que ça vaut, c'est un élément dans la
réflexion - qu'il était possible que la médiation fasse
partie d'une logique différente du processus d'enquête, et
même contradictoire, dans la mesure où, lorsqu'on cherche à
faire de la médiation, on ne cherche pas à déclarer ou
à dire ce qu'est le droit, on cherche à faire en sorte que les
parties en présence, entre elles, s'entendent. C'est ce qui peut faire
qu'à l'occasion des parties concluent un règlement qui, aux yeux
de certains, sera analysé comme étant un règlement
à rabais. Mais s'il s'agit bien du règlement sur lequel les
parties s'entendent et dans la mesure où la commission aurait pu
intervenir et faire en sorte que, dans la réflexion des deux parties, on
ait mieux tenu compte de ce que sont les droits et libertés, on devrait
en être heureux, mais on a toujours ce réflexe de dire: Mais la
jurisprudence nous dit qu'on pourrait avoir plus ou moins. Moi, je dis que, si
les parties veulent vraiment aller vers la médiation, on est dans une
logique différente et qui tient plus compte d'un processus qui fait
finalement en sorte qu'on obtienne la paix entre les parties. (12 heures)
Quand on est dans le processus de l'enquête, c'est autre chose
Là, on est peut-être plus dans un processus judiciaire et la
fonction de dire le droit devient importante.
Il y aurait peut-être lieu de scinder - de quelle façon, il
faudra voir - ces deux mécanismes qui, quant à moi,
répondent à deux logiques différentes. Le problème
qu'on aura toujours, il me semble, c'est qu'il sera toujours possible pour une
des parties qui, à un moment du processus de médiation, ne sera
plus satisfaite de ce dit processus, d'invoquer un droit et de dire: On termine
ce processus et on retourne au contradictoire. Tout notre système
juridique est basé là-dessus. Ce qui veut dire que, même si
on arrivait à bien scinder les deux mécanismes, les deux
logiques, il sera toujours possible, je pense, dans notre système
Juridique, pour un avocat qui défend le mieux possible les
Intérêts de son client, de dire: On n'est plus satisfait du
processus de médiation, allons vers le contradictoire.
Bref, je pense que je ne vous ai pas donné de solution
concrète, mais je voulais exprimer que, pour mol et pour tous mes
collègues, ça demeure un dialogue très important, qu'on se
pose des questions là-dessus et qu'à l'Interne des gens tentent
de trouver des éléments de solution. Au fond, j'invite aussi bien
les membres de cette commission que les autres groupes à partager avec
nous ces réflexions.
Le Président (M. Filion): Merci, Me Bissonnette.
Me Lachapelle.
M. Lachapelle: Je voudrais ajouter à ces réflexions
qu'il m'apparaît primordial de conserver la médiation dans notre
processus. Il faut trouver des aménagements. Je pense que l'autre
aspect, qui serait strictement une espèce de système
d'enquête où on judiciariserait la procédure d'une certaine
façon, m'apparaît une autre voie qui serait inacceptable.
Actuellement, dans le système judiciaire on parle beaucoup de
déjudiciarisation. Quand on parle de déjudlciari-sation, on parle
également de médiation et de conciliation. À titre
d'exemple, en matière de petites créances, il y a quelques
années j'étais partie à une expérience où on
demandait à des personnes d'agir à titre de médiateur pour
tenter de régler certains dossiers. Actuellement, en matière de
relations matrimoniales, on a des équipes qui travaillent à la
médiation et qui tentent d'amener les parties à régler les
différents aspects qui découlent, entre autres, d'une
séparation ou d'un divorce.
Je pense qu'il est très Important, en termes éducatifs, en
termes d'efficacité de système également, que l'on
conserve cet aspect de la médiation. Il faut peut-être
l'aménager autrement, avec d'autres personnes et d'une autre
façon, mais il m'apparaît primordial, surtout dans le cadre d'une
charte où l'aspect éducatif est important. C'était la
remarque que je voulais ajouter. Je ne voudrais surtout pas qu'on perde de vue
qu'il faut garder cet aspect-là.
Le Président (M. Filion): Je pense que j'ai bien saisi te
sens de votre intervention. Il y a plusieurs personnes qui veulent intervenir.
Je donnerai la parole d'abord au député de Chapleau.
M. Kehoe: Je veux intervenir en posant des questions directes et
spécifiques. Hier, le groupe d'aide à l'information sur le
harcèlement a présenté un mémoire. Dans leur
analyse, ces gens ont fait un bref exposé du cheminement d'un dossier et
une critique concernant la procédure que vous suivez. J'aimerais que
vous répondiez à mes questions.
Premièrement, pour formuler une plainte, pourquoi faut-il que ce
soit fait par écrit? Les gens se sont plaints que les formules qu'ils
ont à remplir sont très détaillées, difficiles
à compléter, qu'on demande un tas de renseignements et
d'informations. On disait que c'est une des raisons qui prolonge les
délais avant que vous ne traitiez des dossiers. C'est la première
critique qu'ils ont avancée hier. Pourquoi faut-il que ce sort par
écrit? Je sais que la loi l'exige, d'accord, mais je voudrais
connaître votre opinion à savoir si ça pourrait être
changé. Est-ce que ce ne pourrait pas être plus simple et plus
direct? Le formalisme qui existe actuellement est-il vraiment
nécessaire?
M. Lachapelle: À cette première question, oui. il
faut que ce soit par écrit, mais cela peut se faire sans
formalité et de façon très simple. C'est bien clair, c'est
simplement le mécanisme d'enquête qui est déclenché;
on prétend que c'est dans la charte qu'il faut au moins que la personne
fasse cette première démarche.
Un autre aspect qu'on retrouve également dans la charte, c'est
que les employés doivent aider les personnes à formuler leur
requête à la commission. Le questionnaire, lui - et je suis
prêt à reconnaître d'emblée qu'il a été
construit il y a plusieurs années - est probablement très
complexe, agaçant, même, à remplir. On travaille sur cet
aspect pour le modifier et le rendre plus facile. Il reste qu'il faut bien
comprendre qu'il y a beaucoup de plaintes et de requêtes qui sont
adressées a la commission. Il y a des cas où les personnes
arrivent tout simplement en nous disant: Écoutez, je suis victime de
discrimination parce que je suis victime de discrimination. C'est à peu
près ce qui reste, n'est-ce pas? On dit: Vous allez nous articuler cela
un peu, vous allez nous donner des détails,' des éléments.
Il y a des fois où c'est extrêmement difficile d'obtenir des
éléments qui permettent de construire un dossier sur lequel on
peut un tant soit peu enquêter.
Donc, sur la recevabilité, je sais qu'on a discuté d'un
cas - il a été soumis à cette commission - où les
agents de recevabilité avaient été particulièrement
exigeants.
Une voix:...
M. Lachapelle: Oui, pour essayer au moins d'avoir des
éléments, surtout des cas d'exploitation. C'est extrêmement
complexe. Il faut aller chercher quelques preuves possibles pour faire cette
démonstration d'exploitation. Donc, à la recevabilité, on
essaie de ramasser suffisamment de matière qui nous permette ensuite
d'orienter le plus rapidement possible une enquête.
M. Kehoe: Pourquoi le plaignant lui-même est-ii
obligé de faire toute cette démarche? Évidemment, ta
critique, c'est que le plaignant était obligé de remplir toutes
ces formules, de répondre à un tas de questions et de faire toute
la démarche initiale. C'est ce que je demande dans l'ensemble.
D'après vous, il n'y a pas de manière plus simple de partir le
cheminement du dossier. Cela décourage quasiment le plaignant en
partant.
M. Lachapelle: Oui. Je ne voudrais pas donner une réponse
simpliste. D'abord, je suis d'accord avec vous, on va éliminer la
question du questionnaire trop complexe. Il faudrait l'améliorer et le
modifier.
Je dois vous dire que les employés qui sont à la
recevabilité, je pense qu'ils sont quatre à Montréal et
une à Québec, reçoivent des demandes à longueur de
journée. Malheureusement, le temps ne leur permet pas de s'asseoir
avec
chacune des personnes pour bien articuler... Une façon qui nous
paraissait la plus facile était peut-être de faire répondre
à ce questionnaire qui. bien sûr. comme vous le dites, est
peut-être trop compliqué. Mais il reste qu'il faudrait qu'on
investisse un temps important à la préparation de cette
documentation de base.
M. Kehoe: Une deuxième question concernant le cheminement
des dossiers. Le rapport final des enquêteurs, l'analyse de la preuve,
n'est pas accessible aux parties qui peuvent répliquer, répondre
à cela. C'est là une autre critique qui aété adressée.
M. Lachapelle: II est accessible. Les règles de
procédure prévoient qu'il est envoyé aux parties.
M. Kehoe: Après que le rapport est fait et que les
enquêtes...
M. Lachapelle: Oui. oui.
M. Kehoe: Les parties ont le droit de voir le rapport et de
répondre à ce...
M. Lachapelle: Nos règles de procédure
prévoient que, dès que la partie factuelle du rapport est
terminée, avant qu'elle soit envoyée au comité des
enquêtes, elle est donnée aux parties pour qu'elles puissent
répliquer.
M. Kehoe: Je parle du rapport final.
M. Lachapelle: Ah! Est-ce que vous parlez de l'analyse de la
preuve?
M. Kehoe: Oui, oui. Le rapport final de...
M. Lachapelle: Dans un rapport d'enquête, il y a deux
parties. La première partie, c'est la partie factuelle,
c'est-à-dire celle où l'enquêteur est allé chercher
les faits, il nous les décrit, il nous les aligne.
Cette partie est envoyée à chacune des parties pour
réplique. Est-ce que chacune des personnes impliquées sent que
dans ce rapport factuel tous les éléments sont là? Est-ce
qu'on a oublié des témoignages, est-ce que tous les aspects sont
là, sont tous couverts? Cela est envoyé à chacune des
parties.
Après cela, l'enquêteur fait une analyse de cette preuve,
de tel élément qui a été soumis, pèse tel ou
tel autre aspect et soumet des commentaires à la commission. Cette
partie n'est pas accessible.
Les commissaires ont estimé que cette partie était la
partie conseil auprès de la commission de la part des enquêteurs
et que cette partie ne devait pas être soumise aux parties.
M. Kehoe: J'imagine que c'est sur la foi de ce rapport que les
commissaires rendent leurs décisions. C'est un élément
d'une importance capitale. L'enquêteur donne ses impressions, ses
recommandations. J'imagine bien qu'on n'a jamais vu un rapport comme
celui-là. J'imagine que ce rapport est d'une importance capitale dans
les décisions finales qui sont rendues par le commissaire. Selon le
parti qu'il prend, l'enquêteur qui a vu les témoins, qui a pu
analyser, qui a pu juger de leur crédibilité, et ainsi de suite,
lorsqu'il fait un rapport final, j'imagine que cela a une très grande
influence sur les commissaires pour prendre leur décision. C'est ce que
le groupement en question reproche à la commission. C'est sur cela que
je vous demande votre opinion. Pensez-vous que cela rend justice au plaignant
ou aux deux parties?
Ils ne peuvent pas eux-mêmes répondre, donner leur opinion,
ou donner leur point de vue avant que l'affaire soit soumise finalement au
commissaire pour une décision quelconque.
M. Lachapelle: écoutez, bien sûr, ces règles
de procédure datent de 1986. On s'était dit à
l'époque: Le Code de procédure est amendé à tous
les ans pour y ajouter, pour l'améliorer ou le modifier. Encore une
fois, ces règles de procédure font l'objet actuellement d'un
examen C'est un aspect qui a été soulevé par les
commissaires, à savoir qu'on devrait modifier cette règle de
procédure et permettre à tout le monde d'avoir accès
à l'analyse des enquêteurs.
M. Kehoe: Dernière question, M. le Président. Dans
le même sens...
Une voix: M. Bissonnette aimerait ajouter, avec votre permission,
M. le Président.
M. Bissonnette: Si vous me permettez. Simplement un commentaire
pour dire que l'analyse de la preuve qui est faite par l'enquêteur ou
l'enquêtrice ne lie pas les commissaires. Il y a déjà un
comité d'enquête - simplement à titre d'Information -
où trois commissaires revoient l'ensemble du dossier avec
l'enquêteur ou l'enquêtrice. On tient compte de l'analyse de la
preuve; quand vous dites le mot "influence", c'est vrai, mais il reste que tout
le dossier en tant que tel est discuté, premièrement, au sein
d'un comité d'enquête et c'est ce comité d'enquête
qui fait une recommandation, si on peut dire, à l'assemblée des
commissaires qui, finalement, prend sa décision.
Ce que je veux dire, c'est que l'analyse de la preuve n'est pas aussi
déterminante qu'on peut le penser. Il reste qu'il y a quand même
une discussion très approfondie qui se fait d'abord au sein du
comité d'enquête et ensuite aussi au sein de l'assemblée
des commissaires.
Une voix: Et avec l'enquêteur.
M. Kehoe: D'accord. Dans la même ligne d'idées, les
commissaires, à un moment donné,
sont saisis d'un dossier pour faire leurs recommandations. Ils font
toute l'analyse du dossier sur la foi du rapport fait par l'enquêteur,
sans nécessairement avoir entendu tes témoins, sans avoir entendu
le plaignant ni l'autre partie. Moi, je suis juriste, Je suis avocat et je sais
comment. Ça marche dans un procès ordinaire: la
crédibilité des témoins, neuf fois sur dix, surtout sur
une question de harcèlement sexuel, comme n'importe quelle des causes
qui sont devant vous... J'imagine que cela doit être très
difficile, seulement sur la foi d'un rapport écrit où
l'enquêteur qui est devant vous, c'est lui qui a une impression; mais
deux personnes qui entendent le témoignage d'un témoin peuvent
avoir une impression totalement différente.
Quand on a une certaine expérience à plaider des causes en
cour, deux personnes qui voient le même accident ont une version
totalement différente. Ce que je dis dans l'ensemble, c'est que,
lorsqu'on n'entend pas les témoins, on ne peut juger de leur attitude,
de leur démarche, de leur crédibilité. Je trouve que,
lorsque l'enquêteur fait son rapport, qu'il comparaît devant vous
et qu'il vous donne son impression, cela ne remplace pas, en aucune
façon, la présence des témoins, des personnes en cause. Je
me demande encore une fois si ce n'est pas une des procédures les plus
importantes, les plus cruciales dans la structure actuelle ou dans
l'orientation des plaintes qui devrait être changée ou à
laquelle on devrait apporter un amendement. (12 h 15)
M. Lachapelle: Effectivement, c'est sûrement un aspect qui
devrait être examiné. C'est bien sûr que les commissaires ne
peuvent pas porter de jugement sur la crédibilité d'un
témoin Toute personne, qui est allée quelques fois dans une cour,
est bien consciente que l'appréciation d'un témoignage ne se fait
pas simplement en lisant des notes sténographiques; c'est par la
physionomie, par la façon d'aborder, etc. Vous connaissez bien cette
question. C'est sûr qu'il n'est pas facile pour les commissaires de juger
de la crédibilité d'un témoin, si bien que c'est à
l'enquêteur ou à l'enquêtrice qu'on demande: Est-ce que vous
avez une opinion sur la crédibilité du témoin? C'est eux
qui nous disent: Tel témoin, à mon avis, n'a pas un
témoignage crédible. On se base sur l'opinion des
enquêteurs et des enquêtrices qui, bien sûr, doivent se
justifier. Pour quelles raisons vous croyez que ce témoin n'est pas
crédible? Bien, il s'est contredit, il avait telle façon de
s'exprimer, etc., etc. Généralement, les commissaires acceptent,
admettent le jugement qui est donné par les enquêteurs ou les
enquêtrices. C'est sûrement un aspect qui devrait être
considéré. Je pense bien que tout le monde comprend que c'est
tout à fait dans le cadre de l'application de la charte. C'est aux
commissaires à décider et aux enquêteurs C'est comme cela
qu'on a structuré la commission et je pense bien, comme le disait M. le
président tantôt, qu'on n'a pas passé outre au texte de la
charte en faisant cela. On se conforme tout à fait à la charte.
Si on devait faire autrement, à mon avis, il faudrait modifier la
charte.
Le Président (M. Filion): Sur le même sujet, pour
bien comprendre cet aspect de la décision: Lorsque les commissaires se
réunissent pour prendre une décision sur un dossier - vous me
corrigerez - ils ont le rapport de l'enquêteur qui contient deux parties:
premièrement, les données factuelles et, deuxièmement, une
analyse de la preuve, c'est-à-dire une appréciation de la
crédibilité des témoins, etc.
Évidemment, ils reçoivent aussi la recommandation du
comité d'enquête. Ce document fait partie de leur dossier. Est-ce
qu'ils ont d'autres documents pour rendre leur décision? Non!
M. Lachapelle: Ce sont les seuls documents.
Le Président (M. Filion): Et vous avez mentionné
qu'il y avait une rencontre avec l'enquêteur. Est-ce que
l'enquêteur rencontre les commissaires et échange avec eux sur le
dossier ou s'ii rencontre uniquement le comité d'enquête?
M. Lachapelle: L'enquêteur rencontre le comité
d'enquête; il participe à la discussion avec les trois
commissaires. Si la commission s'apprête à renverser la
proposition de l'enquêteur, à ce moment-là on le fait
venir, Autrement dit, si un enquêteur nous suggère une plainte
fondée, que la commission estime qu'elle ne l'est pas, à ce
moment-là nous faisons venir l'enquêteur pour avoir avec lui une
discussion sur le fond du dossier. Évidemment, quand on est en accord
avec la recommandation de l'enquêteur et du comité des
enquêtes, il n'est pas très utile de faire venir
l'enquêteur. On fait venir l'enquêteur quand on s'apprête
à renverser sa décision.
Le Président (M. Filion): C'est une procédure qui
est unique, vous me corrigerez, à savoir que, pour rendre la
décision, les commissaires ont les faits, l'appréciation de
l'enquêteur, une recommandation d'un comité, qui sert un peu
d'intermédiaire, c'est-à-dire qui étudie probablement le
dossier plus à fond.
M. Lachapelle: Pour s'assurer que tous les éléments
de preuve sont là, que tous les aspects sont couverts, ce qui
évite de mener directement des dossiers en commission, par exemple, qui
ne seraient pas complets. On veut s'assurer que tous les témoins ont
été entendus, que tous les aspects ont été
couverts: est-ce que des opinions juridiques sont nécessaires dans le
dossier, etc.? Est-ce que des expertises médicales, par exemple, que
l'enquêteur n'aurait pas détectées seraient
nécessaires? Alors, c'est surtout cet aspect qui est couvert.
Le Président (M. Filion): C'est une question à
laquelle je pourrais trouver réponse en fouil-
lant 20 minutes dans mes papiers, mais est-ce que cette procédure
s'applique autant pour la recevabilité de la plainte que pour la
décision de la commission sur la violation ou non d'un droit reconnu
à la charte?
M. Lachapelle: Sur la recevabilité de la plainte, bien
sûr. Si la plainte est jugée recevable, it n'y a pas de
difficulté
Le Président (M. Filion): Sur un cas de
non-recevabilité?
M. Lachapelle: Sur un cas de non-recevabilité, elle suit
le même parcours.
Le Président (M. Filion): Elle suit le même
parcours
M. Lachapelle: ..jusque devant la commission
Le Président (M. Filion): Les commissaires prennent
combien de décisions dans une année, à peu
près?
M. Lachapelle: L'année passée, je crois que nous
avons fermé 450 dossiers d'enquêtes. II faut comprendre que,
là-dessus, il y en a un très grand nombre qui sont
réglés et sur lesquels on ne fait que regarder le
règlement et s'assurer que toutes les personnes ont été
impliquées. Enfin, la procédure a bien été suivie,
alors, il n'y a pas de longues discussions sur la question des
règlements
En termes de chiffres, je ne sais pas si mon collègue peut
m'aider un peu. À peu près à chaque rencontre de la
commission, à mon avis, il y a trois ou quatre dossiers qui font l'objet
d'une décision de la part des commissaires
Le Président (M. Filion): II y a peut-être une
vingtaine de
M. Lachapelle: Non
Le Président (M. Filion): Pas tant que cela?
M. Lachapelle: Parlons d'une trentaine de dossiers, si vous
voulez annuellement
Le Président (M. Filion): D'accord M. Lachapelle: .
ayant fait l'objet de Le Président (M. Filion): Me
Bissonnette
M. Bissonnette: À cet égard, ce n'est pas tellement
du nombre des décisions prises par les commissaires qu'il faut discuter,
mais cela revient à discuter à nouveau des mandats multiples.
Certains commissaires s'interrogent sur cette question qui fait en sorte qu'au
fond ils passent beaucoup de temps à regarder les dossiers
d'enquête, alors que, dans le cadre des mandats multiples qui sont ceux
de la commission, il y a peut-être aussi d'autres sujets sur lesquels ils
pourraient se pencher
Je ne dis pas qu'ils ne se penchent pas sur les autres aspects de
promotion, de médiation et de réflexion plus
généraux, mais ce que je veux simplement vous indiquer, c'est que
la structure, telle qu'elle fonctionne, exige des commissaires beaucoup
d'heures passées strictement dans le mandat d'enquête, beaucoup
d'heures. Je pense qu'il faut le souligner, parce qu'il y a beaucoup d'autres
aspects, dans la mesure où on maintient cette formule où on a des
rôles multiples, où on passe moins de temps
Le Président (M. Filion): Tout cela, sans jamais voir un
témoin, finalement. Je vais laisser la parole au député de
Marquette
M. Dauphin: Merci Effectivement, cela vaut la peine de s'y
attarder, parce que je crois que nous sommes actuellement à l'aspect
principal, l'aspect central de la problématique. Sur le même
sujet, lorsque l'enquêteur remet son rapport d'enquête
premièrement à un comité de trois commissaires, est-ce
qu'il est loisible à cedit comité de convoquer un témoin
important ou si cela ne se fait pas en pratique, ou si cela n'est pas
prévu législativement?
M. Lachapelle: Disons que ce serait loisible, mais on ne le fait
pas Bien sûr, s'il fallait le faire, il faudrait inviter l'autre partie
pour qu'elle puisse entendre ce témoignage, selon des règles de
justice naturelle bien admises par tout le monde
M. Dauphin: Mais en pratique, cela ne se fait pas
M. Lachapelle: En pnncipe, on ne le fait pas. Ce que l'on fait,
c'est que, si une partie de témoignage est requise, de l'avis des trois
commissaires, on demande à l'enquêteur d'aller chercher ce
témoignage
M. Dauphin: Celui-ci peut revenir par la suite devant le
comité des trois?
M. Lachapelle: Oui, il peut revenir par la suite
Le Président (M. Filion): Me Bissonnette, vous vouliez
ajouter quelque chose?
M. Bissonnette: Oui, si vous me permettez. Au fond,
derrière tout cela, it y a peut-être encore toute la question de
la logique même de la charte. Si, jusqu'ici, je pense - vous me
corrigerez, M le Président, si je commets des erreurs - ces
enquêteurs ont à remplir ce rôle d'obtenir les faits,
d'entendre les témoins, c'est qu'on se dit, dans le cadre de la charte,
que
c'est à ces gens-là d'obtenir tous les faits, que c'est
à eux d'entendre les témoins.
Comme, à certains égards, on se sent un peu un tribunal,
mais comme à certains autres, on ne se sent pas comme un tribunal, on se
dit que c'est à l'enquêteur de faire ce travail. Lorsqu'il agit en
tant qu'enquêteur, il n'est pas juge. Son devoir est d'aller chercher la
vérité. Son devoir n'est pas d'entendre, les procureurs des deux
parties. S'il y a deux procureurs, il va tes entendre mais s'il n'y a qu'un
seul procureur, il ira quand même chercher la vérité.
Mais laissez-moi vous dire que ce n'est pas une tâche facile.
C'est loin d'être facile pour eux. Laissez-moi vous dire que nous sommes
conscients de ce que vous soulevez. Il faut réfléchir à la
logique de tout le mécanisme. Cela soulève encore ce qu'on a dit
dès le début, toute la logique du mécanisme tel qu'il a
été mis en place. Je pense qu'il est Important de se rappeler
que, dans la mesure où on dit que ce n'est pas un tribunal, c'est aux
enquêteurs à aller chercher, un peu comme les juges d'instruction
dans d'autres juridictions étrangères, toute ia
vérité. C'est pourquoi on leur laisse le champ libre.
M. Dauphin: La situation actuelle signifie effectivement que, si
l'enquêteur, par son enquête, arrive à une conclusion,
même si dans son rapport, finalement, iI ne doit pas arriver
nécessairement à des conclusions, les commissaires ne sont
aucunement en mesure de reprendre tout cela, à la suite du rapport.
Autrement dit, si l'enquêteur arrive à certaines
conclusions...
M. Bissonnette: Non.
M. Dauphin: ...par son expertise ou son expérience, vous
avez le dossier devant vous, mais vous n'êtes pas en mesure, sans avoir
entendu tes témoins, sans avoir fait l'enquête...
M. Bissonnette: On n'a pas entendu les témoins, c'est
sûr, mais on essaie d'être en mesure de pouvoir prendre une
décision. Ce que je veux simplement dire - peut-être que le
président voudra ajouter autre chose - c'est que, parfois, les
commissaires vont demander un supplément d'enquête. Il peut
arriver, à la lecture du dossier, qu'au comité d'enquête
les gens disent: Écoutez, il me semble, M. l'enquêteur ou Mme
l'enquêtrice, qu'il y a des aspects que vous n'avez pas
considérés. Comment se fait-il que certaines personnes
impliquées dans ce processus n'ont pas été
interrogées? Comment se fait-il que vous n'ayez pas songé
à tel aspect de la question? Cela ajoute au délai. Mais il arrive
quand même assez souvent qu'on demande des suppléments
d'enquête, ce qui fait que l'enquêteur doit poursuivre
l'enquête, revenir et apporter de nouveaux éléments. Ce qui
fait qu'on ne peut pas dire que dès que l'enquêteur a soumis son
rapport, c'est terminé, pas du tout. Il arrive assez souvent que les
commissaires exigeront un supplément d'enquête.
M. Dauphin: SI vous me permettez, M. le Président,
j'aimerais revenir sur l'aspect de la médiation. M. le président
de la Commission des droits de la personne, vous avez dit tantôt que nous
devons conserver cet aspect; je suis d'accord. Cependant, vous êtes
également d'accord avec nous qu'il peut y avoir un certain conflit de
rôles: l'enquêteur peut devenir médiateur à tout
stade du processus. Est-ce que la formation d'une unité spéciale
de médiation, par exemple, peut se faire sans changement
législatif?
M. Lachapelle: Je pense qu'il y aurait lieu de songer à
des aménagements administratifs plus qu'à des modifications
législatives. Vous mentionnez une équipe qui serait
spécialisée en médiation. D'abord, la médiation,
c'est également un art, cela a des règles. Je pense qu'on a
besoin qu'un certain nombre de personnes puissent développer des
compétences dans ce domaine, puissent travailler peut-être de
façon exclusive à la médiation, quitte, même,
à ce que le rôle puisse être échangé entre
enquêteurs et médiateurs, mais il y aurait lieu de penser à
un aménagement administratif tel que vous le suggérez.
M. Dauphin: Un aménagement administratif.
Le Président (M. Filion): Juste un mot là-dessus
Par contre, l'article 81 fait l'obligation à la commission de rechercher
continuellement un règlement: "La commission doit tenter d'amener les
personnes à régler leur différend. Si un règlement
intervient..."
On parle de la commission comme si c'était le mandat de toute la
commission à toutes les étapes de rechercher un règlement
à l'amiable entre les parties et de favoriser une entente Je fais juste
poser la question, en fait.
M. Lachapelle: II y a également un article - je ne sais
pas où il se situe, peut-être que mes collègues pourraient
m'aider - qui dit que la commission peut confier à des employés
certaines de ses tâches. J'espère qu'on ne lierait pas cet
article: La commission doit tenter... Pardon? L'article 60 dit que "les
fonctionnaires-requis pour l'application de la présente charte sont
nommés par la commission." Donc, on n'estime que certaines parties. On
comprend que la commission décide et on comprend que certaines parties
sont faites, entre autres, la médiation, par les employés. Bien
sûr, cela vient aussi devant la commission et c'est pour cela qu'on
mentionnait que tous les dossiers réglés venaient devant la
commission. C'est, bien sûr, pour entériner d'une certaine
façon le règlement des différends et prendre à tout
le moins acte du règlement de ces différends. Nous
espérons qu'on n'interprétera pas cela dans le sens qu'il
faudrait
que tous les commissaires participent à ces séances de
médiation
Le Président (M. Filion): J'interprétais - c'est
simplement une parenthèse - beaucoup plus l'article 81 comme voulant
dire que c'est une obligation qui est faite à la commission à
n'importe quel moment et donc, que, durant son enquête, l'enquêteur
pourrait - je le soumets, c'est un détail, finalement
M. Lachapelle: Non
Le Président (M. Filion): par rapport à l'ensemble
de notre discussion - être investi de cette obligation de
médiation s'il n'y avait pas d'amendement législatif, mais c'est
vraiment secondaire
M. Lachapelle: Oui
Le Président (M. Filion): Me Bissonnette, vous vouliez
ajouter quelque chose là-dessus
M. Bissonnette: Simplement un élément
d'information. Je comprends qu'on réagit un peu face à ces
rôles multiples, mais on pourrait indiquer qu'il existe quand même
des organismes ailleurs qui se retrouvent dans des situations semblables, je
pense à l'échelle internationale. Peut-être que le
modèle qu'on a adopté ici, au Québec, est inspiré
de modèles qui viennent du droit international. Les comités
internationaux sur les droits de la personne, bien souvent ont un double mandat
Ils reçoivent parfois des communications qui viennent d'individus contre
les États et, à ce moment-là, le seul rôle du
comité, c'est de faire en sorte que les parties s'entendent parce qu'il
n'a aucun pouvoir décisionnel. II n'en demeure pas moins qu'il entend
les deux parties. Je voulais simplement indiquer que cette situation existe,
où parfois des organismes qui ne sont pas décisionnels ont le
double mandat de tenter d'amener les parties à régler le
différend et de faire une enquête à la fois. Il ne faut pas
oublier non plus que, dans le processus de l'enquête, si on identifie
bien les éléments en cause, c'est peut-être une bonne
façon aussi d'amorcer la possibilité d'atteindre un
règlement. Sauf que, lorsqu'on est dans le droit interne, il y a
toujours fa possibilité de recourir aux tribunaux .C'est là
où les délais se multiplient (12 h 30)
Le Président (M. Filion): Mme la députée de
Marie-Victorin
Mme Vermette: En fait, c'est un sujet qui a été un
peu touché tantôt à la suite des mémoires qui nous
ont été présentés. Du fait qu'on se fie beaucoup
plus aux rapports des enquêteurs, finalement, et qu'on ne requière
pas la présence du plaignant et, de toute façon, de la personne
qui est mise en cause aussi, comment peut-on arriver justement à une
conscience éclairée entre les parties et favoriser un
rapprochement entre elles lors d'une médiation, alors que les deux ne
peuvent pas, finalement, se présenter et faire valoir leur point de
vue'' Quand on est victime, on exige toujours réparation et quand on est
finalement la partie accusée, on se sent aussi un peu
lésée dans ses droits. Pour avoir participé à
certains comités, dont justement vous faites partie et dont vous avez
fait mention, faire la médiation et, d'autre part, avoir le pouvoir de
donner des recommandations, vous n'avez pas peur, à un moment
donné, que les gens, comme le Comité provincial des malades,
entre autres, et le comité des groupes ethniques noirs, demandent des
tribunaux spécialisés dans leur domaine respectif? Parce qu'ils
ne sont pas capables de se faire entendre et que ce n'est pas seulement par
manque de bonne volonté ou parce que les rôles sociaux doivent
être interprétés ou tes consciences
éclairées, mais parce qu'ils ne peuvent pas se faire entendre. Le
problème revient toujours à cela
M. Bissonnette: J'ai une réaction, je pense qu'ils peuvent
se faire entendre. Je pense que la charte permet à toute personne qui
subit une atteinte à ses droits et libertés d'être
entendue, si c'est dans le cadre de I'aspect discrimination, par la Commission
des droits de la personne et, si c'est dans le cadre des autres aspects qui
sont protégés par la charte québécoise, elle peut
aller devant les tribunaux. Rien n'empêche un individu d'aller
directement devant les tribunaux et d'invoquer la charte Je pense qu'ils
peuvent se faire entendre. Le problème se pose lorsqu'ils viennent
devant la Commission des droits de la personne, lorsque I'enquêteur a,
à la fois, un mandat de médiation et un mandat d'enquête et
qu'effectivement on cherche à délimiter les deux mandats. Si on
va vers l'un, il faudrait s'assurer que les deux parties veulent vraiment aller
jusqu'au bout du processus. Je partage tout à fait l'opinion de M le
président de la commission, cela exige des compétences
particulières pour faire de la médiation et cela exige aussi que
les parties veuillent bien suivre ce processus. D'autre part, à
I'enquête, ils sont tout de même entendus par l'enquêteur. La
seule chose, c'est que les commissaires en tant que tels, eux, n'entendent pas
les parties. On ne peut pas affirmer que les individus ne sont pas entendus par
les enquêteurs au sein de la commission, ils le sont
Mme Vermette: Le fait que les commissaires entendent les parties,
vous n'avez pas l'impression que cela pourrait dépolariser justement les
prises de position entre les parties et favoriser cette médiation, pour
laquelle vous sentez qu'il est important aussi de jouer un rôle
primordial?
M. Lachapelle: La médiation a lieu lors de l'enquête
avec les enquêteurs. Chacun des commissaires ne participe pas à la
médiation
Bien sûr, on n'entend pas les témoins, mais la
médiation ne se fait pas au sein de la commission. Le rapprochement des
parties se fait avec l'enquêteur ou l'enquêtrice assigné au
dossier. La commission ne fait, finalement, qu'entériner la
décision des parties de régler leur différend,
décision des parties qui est acheminée par l'enquêteur.
C'est un peu dans ce sens qu'on interprète l'article 81 qui dit: La
commission doit amener les parties. La commission le fait de façon
très Informelle en statuant finalement sur le résultat de la
négociation ou de l'entente entre les parties.
Mme Vermette: Oui.
M. Bissonnette: Permettez-moi de poursuivre. Pour répondre
directement à la question de Mme la députée, je pense que,
si on permettait - c'est une opinion personnelle, écoutez, on
réfléchit ensemble - aux parties de se présenter en tant
que telles devant l'assemblée des commissaires, cela aurait pour effet,
au contraire, de polariser encore plus le débat dans la mesure
où, avec onze commissaires, je ne vois pas comment on pourrait
réussir à vraiment amorcer un processus de médiation, on
serait un peu comme une Cour suprême, alors qu'un enquêteur a une
marge de manoeuvre plus grande, la souplesse requise pour tenter de discuter
avec les parties. Je pense que vous savez tous comment on fait de la
médiation. On essaie justement de moins formaliser la façon dont
les discussions se font. A moins que je n'aie mal compris votre question, je
pense que, si on permettait aux parties d'avoir accès aux commissaires
en tant que telles, cela polariserait plus...
Mme Vermette: Dans mon...
M. Bissonnette: Oui, je dis que cela ne dépolariserait
pas, au contraire, cela polariserait encore plus les discussions entre les
parties. C'est mon opinion.
Mme Vermette: J'ai vécu une autre expérience tout
à fait particulière, au Conseil des services essentiels,
où finalement cela favorisait le rapprochement entre les parties parce
qu'on n'a pas de pouvoir, justement, on n'a que des pouvoirs de
recommandations, donc, cela favorisait te rapprochement parce que les gens,
avant d'arriver à un autre tribunal, se disaient: II est peut-être
grand temps que, finalement, on arrive à une entente. Très
souvent, avant même que l'audition commence, les gens arrivaient à
une entente.
Le Président (M. Filion): On a dépassé
l'heure prévue. Nous devons donc suspendre, à cette
étape-ci, nos travaux, qui reprendront après la période
des affaires courantes - j'aime mieux dire cela plutôt que de dire
à 15 heures, parce que, parfois, de l'autre côté, on
dépasse notre horaire - pour se terminer aux environs de 17 heures.
Donc, nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures ou aux environs de 15
heures Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
(Reprise à 15 h 32)
Le Président (M. Filion): Nous poursuivons notre mandat
d'examen des orientations, des activités et de la gestion de la
Commission des droits de la personne. Nous poursuivons cette consultation, on
ne peut plus directe, puisque ce sont les représentants mêmes de
la Commission des droits de la personne qui sont avec nous depuis ce matin. Je
vais maintenant laisser la parole à M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. En regardant les
priorités pour l'année à venir, vous pariiez du secteur
scolaire et du secteur du travail. Si on recule de dix ans, par exemple,
quelles étalent au départ les préoccupations de la
commission? Est-ce que c'étaient les mêmes ou est-ce que c'est pas
mal différent?
M. Lachapelle: J'avoue que la question m'embête un peu,
n'ayant pas été là, si vous voulez, à l'origine de
la commission. Toutefois, je me souviens qu'en regardant certains documents de
la commission, entre autres un plan d'organisation - je ne sais pas si nous
l'avons ici - qui avait été préparé à
l'époque par les premiers commissaires, le secteur scolaire, entre
autres, était véritablement un champ d'action
privilégié parce qu'on pensait que c'était là un
endroit extrêmement Intéressant pour aller porter le message de la
charte. Bien sûr, à l'époque, on n'avait peut-être
pas évalué la nécessité d'investir davantage dans
le secteur du travail. Ce que je peux dire, c'est que, depuis lors, on constate
que le secteur du travail est extrêmement important. Comme je le
mentionnais ce matin, II y a probablement 70 % des dossiers qui nous
proviennent du secteur du travail, soit sur la question des handicaps, du
harcèlement en milieu de travail, de la discrimination sur la base du
sexe, etc. Nous avons donc choisi d'intervenir dans ce secteur du travail plus
particulièrement cette année parce qu'il y a beaucoup de demandes
aussi de la part des employeurs, des syndicats et des employés de
connaître davantage leurs droits en matière de travail. Il faut
dire que la charte a une présence très importante dans le milieu
du travail. On pense à toute la question des formulaires, de l'embauche,
toute la question de la discrimination systémique également qui,
bien sûr. fait l'objet des préoccupations des employeurs.
M. Thuringer: La raison de ma question, c'est que la
société change. Est-ce que la
commission est capable de changer ses structures et ses
préoccupations envers fa société d'aujourd'hui?
M. Lachapelle: Je dois vous dire que, bien sûr, je
comprends pourquoi vous posez la question et pourquoi vous faites le lien entre
l'éducation et la société qui se modifie constamment et
qui a des préoccupations nouvelles. Je dois vous dire que,
là-dessus, une bonne façon de s'ajuster et d'essayer de se
rapprocher le plus possible des besoins de la société, c'est
peut-être de voir d'abord, à la commission, quelles sont les
demandes. On pense que le 'caseload", si vous me permettez l'expression, est un
bon indicatif des besoins de la société.
D'autre part, on a formé également ce comité de
relations Interraciales et interethniques avec un groupe de gens du milieu
montréalais parce que, évidemment, c'est là que se
retrouve la portion la plus importante de cette population à qui on
demande de nous alimenter des préoccupations des divers secteurs.
Effectivement, ils nous disent que, bien sûr, la commission n'a
peut-être pas percé ce milieu et ils ont attiré notre
attention d'une façon très spéciale sur la
nécessité de l'information dans ces secteurs. On comprend tous
que des gens informés sont déjà passablement mieux
équipés pour défendre leurs droits et que beaucoup
d'individus dans beaucoup de milieux, dans beaucoup de communautés ne
connaissent véritablement pas leurs droits. Éventuellement, il
faudrait aller dans ce secteur.
Mais, encore une fois, il nous semble probablement plus approprié
d'aller à l'école. L'école va permettre aux enfants de
rapporter de la documentation à la maison. C'est probablement par
là qu'on percera davantage.
M. Thuringer: Une autre question. J'ai remarqué à
la page 25 qu'il y a des cas que vous avez réglés assez
rapidement et à la satisfaction des personnes impliquées Je vous
félicite parce que beaucoup de personnes ont parlé de
délai. Mais, de l'autre côté de la médaille, par
exemple, si je vous discrimine, qu'on s'arrange, et que je paie 200 $ ou 500 $,
mais que je n'ai pas changé d'attitude, à ce moment-là, la
commission a-t-elle vraiment fait son travail? Comment peut-on dépasser
ce règlement qui est bon dans un sens à un certain niveau, mais
qui ne touche pas vraiment te fond du problème? Comment régler ce
problème?
M. Lachapelle: Je n'ai pas de solution miracle à cela.
Évidemment, il faut peut-être essayer de voir ces problèmes
d'une façon plus large. Je vois un des exemples à la page 25
où on parle de ce problème de l'aveugle avec son chien-guide.
C'est un problème assez vaste actuellement. Bien sûr, on a
réglé un cas. Vous savez que, depuis quelque temps, à
Montréal, on a mis sur pied ce bureau du taxi. On est allé les
sensibiliser à cette dimension. On a demandé d'inclure, dans le
règlement de la Communauté urbaine de Montréal sur le
taxi, un article spécifique disant qu'un chauffeur de taxi ne peut
refuser, sous peine de sanction, une personne qui voyage avec ce qu'on appelle
un animal-guide, parce qu'il peut y avoir toutes sortes d'animaux, semble-t-il,
et non seulement des chiens. À moins qu'il ne puisse justifier qu'il a
une allergie, qu'il a une crainte morbide des animaux ou quoi que ce soit. Pour
aller au-delà du règlement d'un cas particulier, il nous faut
constamment aller plus loin et essayer de corriger le problème à
sa source de cette façon en essayant d'obtenir des règlements et
en allant un peu plus loin que de régler seulement le cas
spécifique.
Une autre méthode serait que la commission puisse - je pense
à une entreprise beaucoup plus vaste - tenter de régler un
problème, mais de retourner ensuite, d'aller vérifier quelques
années plus tard et dire: II y a eu un cas de discrimination, II y a eu
des cas de harcèlement dans une entreprise. Est-ce que vous avez non
seulement dédommagé cette personne, mais, en plus, est-ce que
vous avez établi une politique contre le harcèlement sexuel, par
exemple? Est-elle en vigueur? Est-ce que vous avez nommé des personnes
responsables de la mise en vigueur de cette politique? Bien sûr,
jusqu'ici, on n'a pu réaliser ce genre de processus qui nous permette
d'assurer un suivi à nos décisions, je ne vous le cacherai
pas.
M. Thuringer: Donc, vous pensez avoir assez de pouvoirs et de
mécanismes sur place pour faire vraiment le travail. Cela ne
nécessite pas d'autres pouvoirs pour...
M. Lachapelle: Vraisemblablement, on n'aurait pas besoin d'autres
pouvoirs, mais peut-être de plus de ressources pour nous permettre
d'assurer le suivi de nos décisions.
Le Président (M. Filion): Me Bissonnette, vous vouliez
ajouter quelque chose?
M. Bissonnette: Oui. Je suis très sensible à fa
question que vous soulevez, M. le député Je donnerais un exemple
de situation où, effectivement, des personnes victimes de
harcèlement sexuel avaient accepté de conclure un
règlement qui peut sembler, lorsqu'on le regarde, très faible. Il
s'agissait de personnes qui travaillaient dans un restaurant, des serveuses
qui. finalement, ont accepté un règlement qu'on estime
très faible, mais, par contre, ces personnes-là ne voulaient pas
vivre l'odieux de se retrouver devant des procédures judiciaires
à n'en plus finir.
Au fond, même si la commission avait eu des pouvoirs de sanction
réels, cela n'auraft pas réglé le problème. Ce que
je veux simplement indiquer, c'est que le mécanisme par lequel ces
serveuses ont quand même obtenu un règlement
est un mécanisme parmi d'autres. Ce qui est important à
l'égard du mis en cause dans cette affaire, c'est que le message vienne
peut-être de ses propres employés, mais que cela vienne d'ailleurs
également. Cela ne s'applique peut-être pas aux petits
restaurateurs, mais le fait que le gouvernement décide que pour
certaines entreprises, il doit nécessairement y avoir des programmes
d'accès à l'égalité avant que les contrats ne
soient donnés à ces entreprises, c'est un autre message
très clair qui dit qu'on n'accepte pas dans notre société
de discrimination et qu'on n'accepte pas non plus de harcèlement racial
ou sexuel. Autrement dit, la commission envoie des messages, le gouvernement
envoie des messages, les employés et les personnes concernés en
envoient et je pense que c'est la somme de tous ces messages qui,
espérons-le - mais ce ne sera jamais réglé - fera en sorte
qu'on éliminera le plus possible ces comportements inacceptables.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le président.
Vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Lachapelle: Oui. Si je peux me permettre un autre exemple qui
pourrait illustrer une façon pour la commission d'envisager des
solutions aux problèmes. Je vous donne l'exemple d'une petite
communauté: Saint-Augustin, où il y a un groupe d'autochtones et
une majorité blanche, et, dans ce village, se tient un festival
où on élit une reine. Les gens des communautés autochtones
ont décidé que c'était une des leurs qui allait gagner le
concours. La méthode est très facile dans ce genre de concours.
On vend des billets et celle qui vend le plus de billets est élue, c'est
assez simple. Alors, dans les communautés autochtones, on a dit: On va
acheter tous les billets, c'est très simple, on va gagner le concours et
notre candidate sera élue. Ce qui est arrivé, c'est que la
communauté blanche, voyant cela, a décidé de boycotter un
peu l'affaire et le festival a été arrêté. On a dit:
Cela ne fonctionne pas, on va manquer d'argent, etc. Ils ont
arrêté tout cela. Évidemment, on a été saisi
du problème, mais ce n'est pas une histoire facile à
régler. Ou'est-ce qu'on fait? On décrète qu'il y a
discrimination d'un groupe à l'autre? Alors, Finalement, la conclusion
de tout cela et la façon d'aborder le problème, c'est qu'on a
réuni les gens des deux communautés. C'était la
première fois que cela arrivait. On les a assis ensemble et on leur a
dit: Peut-être que vous pourriez vous parler. Il ne s'agissait pas de
leur dire: Vous allez recommencer le festival et vous allez faire cela
autrement. Je pense bien que c'était peine perdue de recommencer six
mois ou un an plus tard. Ce sont deux communautés qui ne se parlent
pratiquement pas; elles vivent ensemble, mais, même si c'est un petit
village, elles ont des échanges qui sont peut-être un peu
chaotiques. Ensemble, elles ont décidé qu'elles formeraient de
façon permanente un comité de personnes élues chez les
deux communautés qui se rencontreraient de façon
régulière pour discuter de leurs problèmes et essayer de
trouver ensemble des solutions. C'est probablement bien plus profitable que de
donner 1000 $, 10 000 $ ou 25 000 $ à cette jeune fille qui a subi la
discrimination et qui n'a pas été nommée reine de ce
carnaval. À notre avis, c'est une initiative qui est extrêmement
intéressante et qui est concluante. (15 h 45)
Le Président (M. Filion): Cela va? Est-ce que vous avez
terminé, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce? Je
vais reconnaître maintenant M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Les présentations
qui nous ont été faites ces derniers jours nous ont
éveillés à un certain nombre de problèmes qu'on
connaissait, mais qui, n'étant pas impliqués directement dans la
solution des difficultés, n'étaient pas vus sous le même
angle. Vous autres, de votre côté, vous êtes quotidiennement
appelés à trancher des litiges de situations particulières
où des gens voient les choses d'une certaine façon et d'autres
les voient d'une autre. D'après ce que j'ai compris, un certain nombre
de groupes nous ont dit et, ils l'ont dit de toutes sortes de façons,
mais cela revenait à dire très souvent que la Commission des
droits de la personne faisait preuve d'une neutralité excessive. On
disait: La Commission des droits de ta personne n'a pas à être
neutre devant des comportements inacceptables, la Commission des droits de la
personne devrait prendre parti en faveur des gens qui sont victimes de ces
comportements. On nous faisait valoir que c'était, jusqu'à un
certain point, rébarbatif pour des gens qui, bien souvent, souffraient
de toutes sortes de traumatismes, que ce soient des traumatismes réels
ou des traumatismes mentaux, pertes d'emploi, harcèlement, parfois
allant jusqu'aux coups, et que, lorsqu'ils se retrouvaient devant ta
commission, ils se retrouvaient devant des gens qui les écoutaient
effectivement, mais leur perception, c'était qu'ils avaient le fardeau
de les convaincre, de les amener de leur bord, de leur faire prendre parti
à force d'arguments et de démonstrations, et cela était un
obstacle supplémentaire à franchir pour ces personnes. Moi, en
les entendant, }e me disais: Je ne sais pas ce que la Commission des droits de
la personne pense de ça. Est-ce que la Commission des droits de la
personne pourrait, dans son esprit, se voir... Parce que, Je me dis- On a une
commission de protection du territoire agricole. On n'a pas une commission du
territoire agricole, on a une commission de protection du territoire agricole.
Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas une commission de protection des droits des
personnes? Si le territoire agricole vaut la peine d'être
protégé, si on protège le patrimoine, je me dis. Est-ce
qu'on ne pourrait pas - et j'aimerais avoir votre réflexion
là-dessus - concevoir que votre commission modifie son rôle, son
approche
et se voie finalement comme une commission de protection des droits de
ta personne, ne vous empêchant pas par là de faire preuve - et on
nous l'a fait valoir avec des exemples qui m'ont paru assez convaincants -
d'impartialité dans l'appréciation de la preuve et que les gens
sentent que la commission est là pour agir à un titre
particulier, c'est-à-dire de protection? Il y a toutes sortes de
problèmes qui se posent et, pour ce qui est de la perception, c'est
souvent très important.
Je me demande si vous avez réfléchi à cette
ambiguïté qui existe. La Commission des droits de la personne,
c'est bien neutre, c'est quelque part dans les airs. Tout le monde est d'accord
avec ça. La commission donne l'impression d'être au-dessus de la
mêlée: Battez-vous, vous autres, les Noirs contre les Blancs, nous
autres, on va décider comment on va faire la paix et on va donner raison
à l'un ou tort à l'autre, mais une fols que vous aurez
commencé à vous battre. On est au-dessus de la
mêlée, nous autres, la commission. Je sais que ce n'est pas ce que
vous voulez être, mais c'est parfois l'image que des gens qui ont affaire
à vous ont de votre commission, même si, en entendant votre
mémoire et en vous ayant devant nous, ça remet les choses dans
une certaine perspective. Comme n'importe qui, un peu comme nous autres, les
politiciens, vous avez, vous autres aussi, à vous vendre.
M. Bissonnette: C'est une grande question. Le problème -
ce n'est peut-être pas un problème, c'est peut-être
justement l'avantage - c'est que, comme Commission des droits de la personne,
notre mandat est de veiller à ce que toute personne ait droit à
la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité de ses
droits et libertés. Alors, c'est vrai pour tout le monde. Je prendrai un
seul exemple, mais peut-être que M. le président pourra en donner
d'autres.
Il est arrivé, il y a quelques mois, une situation: un
journaliste avait publié un article dans un magazine où, de
l'avis de certaines personnes et de certains groupes, le droit à la
sauvegarde de l'honneur et de la réputation de certains individus et de
certains groupes était compromis. Alors, vous voyez tout de suite qu'on
est face à deux grandes libertés: la liberté d'expression,
qui est consacrée non seulement dans la charte québécoise,
mais dans ta charte constitutionnelle, et, d'autre part, le droit à la
réputation et à l'honneur des individus et des groupes. Alors,
dans une situation pareille, on a tenté du mieux qu'on a pu de regarder
le dossier et d'analyser comment le tout avait été fait, le
contenu de l'article, pour conclure que le texte était peut-être
trop basé sur des stéréotypes et que le travail, pour ce
qui est de l'éthique journalistique, aurait pu être mieux fait.
Mais c'est dire une chose: Peut-être que le travail du journaliste aurait
pu être mieux fait, mais de là à dire que cette personne
est allée au-delà de sa liberté d'expression, de là
à dire que les effets sur les droits des groupes ou des individus,
concernant leur droit à la réputation ou leur droit à
l'honneur, ont été à ce point grands qu'il faudrait
empêcher le journaliste de publier un texte semblable - je ne sais pas si
vous voyez - on est obligés de faire un équilibre.
Dans ce dossier-là, on s'est dit: On va analyser le texte et on
va donner notre opinion. On a dit: La liberté d'expression existe, le
droit à la réputation et à l'honneur existe, essayons de
voir maintenant comment atteindre l'équilibre toujours délicat.
Finalement, on a fait notre analyse, on a dit: II y a des
stéréotypes dans ce texte-là, peut-être qu'un
journaliste aurait pu faire une enquête plus approfondie, s'appuyer sur
des faits, et on a déposé le tout devant le Conseil de presse
qui, lui, est un organisme volontaire. Les journalistes et les directeurs
d'entreprises de presse acceptent que te conseil se penche sur ces questions et
celui-ci a blâmé le journaliste.
Ce n'est pas - un pouvoir contraignant, cela peut sembler
insatisfaisant, mais, au fond, la réflexion doit être faite entre
les différentes libertés et tes différents droits. On n'a
pas le choix. Ceci dit, lorsqu'on se trouve face à des situations de
discrimination, la personne qui allègue la discrimination, c'est une
chose, on l'écoute, on doit l'écouter du mieux qu'on peut, mais
la personne qui se voit accusée d'avoir commis de la discrimination, on
doit aussi l'écouter. C'est ce qui peut nous distinguer, à
certains égards, d'organismes qui travaillent pour la promotion de
certains groupes, qui, eux, et ils le font bien, défendent les
intérêts de ces gens-là en disant: Écoutez,
généralement, dans la société, ils subissent de la
discrimination. Mais, lorsque les dossiers arrivent devant les commissaires, on
voit le dossier d'une personne et, même si l'on sait qu'il est possible
qu'en général II y ait de la discrimination à son
égard, il faut qu'on soit bien sûrs que, face à cet
individu qui met en cause une personne particulière, c'est effectivement
le cas, et je vous assure que ce n'est pas toujours facile. Peut-être que
M. le président veut ajouter d'autres éléments à
cet égard?
M. Lachapelle: Oui. La question est tout à fait
fondamentale dans la charte et dans le rôle que la commission doit Jouer
et vous touchez là un point bien important dans ce double rôle de
la commission: celui de promotion et celui d'enquête.
Bien sûr, quand on a un rôle de promotion et qu'on
reçoit une plainte de la part d'un groupe, on aurait le goût de
dénoncer et on nous le demande: Vous allez dénoncer
immédiatement telle situation qui est inacceptable? Mais, par ailleurs,
le lendemain matin, la commission doit en même temps enquêter sur
une plainte formelle. On a eu, par exemple, des groupes d'assistés
sociaux qui sont venus devant nous et qui nous ont dit: II faut dénoncer
les règles de
procédure mises en place pour les enquêtes à
domicile Par ailleurs - on auraît dû dénoncer publiquement
ces règles de procédure - mais, en même temps, on avait une
plainte à la commission et il fallait enquêter de façon
impartiale sur cette plainte Alors, comment concilier ces deux
rôles-là? C'est extrêmement délicat. On revient
toujours à ces rôles qui sont souvent conflictuels dans
l'application quotidienne.
Je pense que la commission a joué ce rôle de façon
très acceptable. Bien sûr, cela nous a souvent amenés
à faire beaucoup de nuances dans nos propos. Nous sommes constamment
conscients et nous nous rappelons constamment que la charte, c'est un tout. Je
me souviens, par exemple, que, lorsqu'on a pris des positions concernant la
levée du moratoire sur la copropriété, on avait le
rôle de défendre les droits des personnes qui auraient pu
être exploitées par la levée du moratoire Mais il y a,
également dans la charte, des principes de droit à la
propriété et de droit de disposer de ses biens, et iI y a des
propriétaires qui peuvent disposer de leurs biens Je pense qu'il fallait
nuancer toutes ces questions et les mettre ensemble. En même temps,
encore une fois, il y avait le rôle de promotion et de protection des
personnes exploitées personnes âgées exploitées,
personnes handicapées, qui risquent d'être exploitées dans
de telles situations. On en a fait grand état et on s'est portés
à la défense de ces personnes, tout en rappelant qu'il fallait
sauvegarder cet autre droit
C'est un rôle extrêmement délicat à jouer et,
bien sûr, il est dans la charte et nous tentons de le faire le mieux
possible, mais, souvent, pas à la satisfaction des groupes de personnes
qui aimeraient que l'on dénonce - c'est le mot
généralement utilisé - une situation. Oui, la
dénoncer, tout en tenant compte que la charte est un tout
M. Doyon: Je pense que votre exposé nous fait bien voir la
complexité des problèmes auxquels vous avez à faire face.
Ces situations sont très souvent complexes et, comme vous nous
l'expliquez, et je suis complètement d'accord avec vous, ce n'est jamais
complètement blanc ou complètement noir, très rarement, en
tout cas. Dans ces circonstances, la commission se trouve très souvent
dans un rôle un peu ambigu et qui risque assez souvent - c'est le prix
qu'on paie quand on fait la part des choses - de ne faire l'affaire ni de l'un,
ni de l'autre. Ce n'est pas rare, ayant plaidé moi-même devant
plusieurs cours, que le juge ne fasse l'affaire d'aucune des deux parties. II
n'est bon ni pour le défendeur, ni pour le demandeur. C'est très
souvent aussi, en même temps, le signe d'un bon jugement ou d'un bon juge
Cela fait partie du monde dans lequel on vit où il y a du pour et du
contre. Chacun voit cela du bout de sa lorgnette et dans sa perspective.
Très souvent, cela se défend, mais je me dis qu'il ne faudrait
pas non plus .
La pire affaire qui pourrait arriver à la Commission des droits
de la personne, c'est que plus personne ne vienne vous voir et ne vous saisisse
de choses. La pire affaire, ce n'est pas d'avoir trop d'ouvrage, c'est de ne
pas en avoir assez. Quand cela baissera, à ce moment-là, vous
devrez vous Inquiéter parce que vous serez dans le trouble pour de vrai,
et c'est la pire affaire qui peut vous arriver.
Je pense que ce n'est pas le cas actuellement, mais, à
écouter un certain nombre d'intervenants, on se demande s'ils ne sont
pas en train de se dire - c'est le message qui semblait ressortir - que la
Commission des droits de la personne - et je ne voudrais pas que cela en vienne
là, je ne pense pas qu'ils aient raison d'en venir là, ils n'ont
pas raison de voir cela de cette façon-là et, peu importe s'ils
en arrivent là, peu importe qu'ils aient raison ou non - de dire" La
Commission des droits de la personne, on perd notre temps avec cette "gang"?
Dans les circonstances, compte tenu des délais, compte tenu des
différentes procédures, etc, on réglera notre
problème autrement. On ira en Cour supérieure, on saisira
d'autres tribunaux ou on réglera cela avec les moyens dont on dispose.
Ce serait extrêmement mauvais et ce serait la meilleure preuve que la
commission a failli, bien qu'ayant fait tout ce qu'elle pouvait, dans
l'objectif qui était poursuivi. Parce qu'en fait l'objectif que vous
poursuivez et le mandat qui est le vôtre, c'est de voir à ce que
les litiges se règlent autrement qu'avec des coups de poing sur la
gueule. C'est finalement ce qu'on ne veut pas qui arrive, parce qu'il y a des
moyens civilisés pour évaluer les droits de tous et chacun et
laire la part des choses. On essaie de tirer la ligne et de motiver nos
jugements de telle façon qu'ils puissent être assez convaincants
Je voudrais tout simplement que vous soyez cons dents de cet aspect-là -
je suis sûr que vous l'êtes - tant dans le milieu que nous qui nous
occupons de cela depuis maintenant quelques jours. Mais, vous, vous vivez
à longueur d'année dans cela et vous y êtes probablement
beaucoup plus sensibilisés que moi- en tout cas, pour ne parler que de
mol - je peux l'être (16 heures)
Personnellement, je ne voudrais pas que la Commission des droits de la
personne devienne "irrelevant", que ce soit quelque chose qui existe quelque
part, qu'on ait la possibilité d'y faire appel, mais que les
problèmes trouvent le tour de se régler autrement qu'en passant
par vous. Les gens qui ont défilé devant nous ont parfois
donné l'impression qu'ils étaient sur le bord d'en arriver
à cette conclusion Je ne vols aucun avantage à ce que cela arrive
et je ne pense pas qu'ils seraient gagnants si cela arrivait. La commission le
sachant, ayant entendu des témoignages qui ne vous auraient
peut-être pas été donnés autrement, cela vous
permettra de regarder cela d'un oeil plus attentif
J'avais une préoccupation et je me deman-
dais si vous en aviez déjà été saisis - pour
changer un peu de sujet: Est-ce que quelqu'un qui a des problèmes de
logement parce qu'il a une trop grosse famille, par exemple, et qui se voit
refuser le logement peut faire appel aux services de la commission, la
discrimination étant basée je ne sais trop sur quoi? Est-ce que
le fait d'avoir des enfants... Est-ce qu'on a le droit de se réclamer du
droit d'avoir des enfants et de faire en sorte que cela ne soit pas un motif
acceptable de discrimination?
M. Lachapelle: Je m'excuse, je pense que Mme Sainte-Marie aurait
voulu intervenir. Ça va? Bon, d'accord.
Sur cette question du logement, effectivement, dans la charte, il y a le
motif de discrimination selon la condition sociale et l'état civil.
M. Doyon: Cela entrerait dans la condition sociale et
l'état civil.
M. Lachapelle: Cela entrerait dans la condition sociale.
Évidemment, la commission s'était donné, à
l'époque, une définition assez large de la condition sociale. Les
tribunaux nous ont ramenés à des dimensions beaucoup plus
restreintes de la condition sociale en indiquant qu'il s'agissait du
degré d'éducation, du salaire, du statut dans la
société et de la place dans la société, si bien que
la question du nombre d'enfants est devenue assez restreinte, finalement. Selon
nous, à la commission, il faudrait réunir deux ou trois
conditions pour qu'on puisse porter une plainte sur la question du nombre
d'enfants. On en prend sur cette question, sauf que ce qui arrive, c'est que
les propriétaires disent: Oui, on n'a pas d'objection au nombre
d'enfants, mais on fait la démonstration qu'ils ne sont pas capables de
payer le loyer. Alors, finalement, de cette façon, il n'y a pas de motif
de discrimination puisqu'on dit: Je l'ai refusé non pas à cause
du nombre d'enfants, mais parce qu'il n'était pas capable de payer le
loyer. Dans le Code civil, il y a également une disposition - je ne
voudrais pas me tromper, mais, de mémoire, c'est l'article 1665, je
pense - qui dit qu'on ne peut refuser à une personne un logement
à cause du nombre d'enfants. Il y a actuellement un problème
d'application. C'est que, dans ces cas, on peut prendre une poursuite, non pas
en vertu de la charte, mais en vertu du Code civil, c'est-à-dire une
poursuite pénale. Mais on Indique également qu'on devra
désigner un organisme qui puisse porter plainte dans ces cas, sauf qu'il
est arrivé qu'on n'a pas désigné d'organisme chargé
de porter plainte. Est-ce que c'est la Régie du logement? Est-ce que
c'est la Commission des droits de la personne? Est-ce que c'est le Procureur
général? Le procureur le peut, assurément, mais,
évidemment, c'est compliqué d'alier frapper à la porte du
procureur de la couronne et de lui dire. Vous savez, hier, avec mes trois
enfants, je me suis fait refuser. On s'en va à la Régie du
logement et celle-ci dit: Nous n'avons pas de pouvoir, on ne nous en a pas
délégué. On vient à la Commission des droits de la
personne et on nous dit: On ne nous a pas délégué ce
pouvoir.
Il y a quelques semaines, on a eu une petite rencontre avec les gens de
la Régie du logement et le Procureur général pour essayer
de régler cette question pour qu'un organisme, que ce soit la Commission
des droits de la personne ou la Régie du logement, puisse avoir ce
pouvoir d'enquête et de poursuite contre les propriétaires
récalcitrants.
M. Doyon: Est-ce que madame voulait dire quelques mots sur
le...
Une voix: Non. Je vous remercie.
M. Doyon: Simplement une dernière question, M. le
Président, avec votre permission. Je me dis que la discrimination
raciale qui existe Indéniablement dans certains milieux - je suis le
premier à la déplorer et à la réprouver, c'est
absolument malheureux - très souvent, l'explication - ce n'est pas une
excuse, mais j'essaie de voir les explications - en est que les gens qui se
trouvent en position de force à un moment donné règlent
des comptes à partir d'une mentalité ou de la perception qu'ils
ont des gens contre lesquels ils veulent faire preuve de discrimination. Un
moyen d'obvier à cela - je me demande si la commission le fait. C'est de
saisir... Je comprends qu'il y a un travail d'éducation à faire
auprès des gens susceptibles de faire preuve de discrimination envers
d'autres, mais il y a aussi, d'après moi, une certaine
responsabilité de la part des victimes de discrimination;
responsabilité entre guillemets. Je me dis qu'il faudrait que cela joue
des deux côtés. Je suis certain que, si on savait aussi bien qu'on
devrait le savoir l'apport économique, culturel, à tous les
points de vue, que les gens de couleur, par exemple, nous ont apporté,
si on savait que ces gens-là ont fait un travail extraordinaire dans tel
domaine, ont réussi mieux que bien d'autres, etc., la majorité
viendrait à les apprécier, à les valoriser. II ne faut pas
s'attendre que ce soit la majorité qui valorise la minorité. Cela
serait rêver en couleur et on ne vit pas dans ce genre de monde. La
minorité a peut-être, comme première responsabilité,
de faire valoir les gens qui en valent la peine dans son groupe racial, que ce
soit au niveau des sexes... Il y a des gens de valeur dans tous les milieux et
il y a des bons-à-riens dans tous les milieux.
D'après moi, la première responsabilité de la
minorité est de dire: Parmi les gens de couleur, il y en a qui ont
réalisé telle chose, qui ont réussi tel exploit, des gens
de qui on a toutes tes raisons d'être fiers et qu'on est chanceux d'avoir
comme concitoyens, comme Québécois comme nous, comme Canadiens.
Je me demande
si, du côté de ta commission, il n'y aurait pas moyen que
les communautés culturelles... Je n'aime pas trop ce mot parce que cela
implique que les gens sont organisés et, très souvent, les
groupes ethniques ne sont pas vraiment organisés, ne vivent pas vraiment
en communauté. Ils sont dispersés un peu partout, ils sont
intégrés plus ou moins à divers degrés, ce ne sont
pas de véritables communautés.
Les groupes ethniques - appelons-les comme cela - ou les groupes
minoritaires auraient peut-être, avec l'aide de la commission, avantage
à faire connaître leurs bons coups, comme n'importe qui a
avantage... Comme vous êtes en train de le faire, par exemple. Ce n'est
pas à nous, les députés, qu'il appartient de faire
l'apologie de la commission, vous le faites beaucoup plus efficacement. C'est
à vous de le faire et c'est comme cela que vous réussissez
à être appréciés et à vendre votre
marchandise, qui est parfaitement vendable. Les minorités ont
peut-être un rôle à jouer avec un coup de main, un coup de
pouce de la commission dans ce domaine. Je calcule que je n'en sais pas assez
sur l'apport des minorités. Que ce soient les minorités
autochtones, que ce soient les minorités noires, asiatiques, etc., elles
ont sûrement beaucoup fait pour le pays qu'on a là. Il y a
toujours une question de ressentiment. Inconsciemment, il y a toujours des
comptes qui se règlent quelque part. Mes ancêtres sont
arrivés au Canada en 1643; il n'y avait alors que des épinettes
sur le bord du Saint-Laurent, des mouches noires, des maringouins, etc., et on
a bâti ce pays. On se sent un petit peu frustrés que des gens
arrivent ici, de but en blanc; les rues sont maintenant pavées, il y a
des égouts partout, etc. Mon père m'a raconté ce que son
grand-père lui a dit: Cela n'a pas toujours été
drôle dans te fond de la Beauce, quand mes arrière-grands-parents
étaient cultivateurs, paysans. Cela joue un rôle. Si on savait ce
qu'ils apportent, et pas seulement ce qu'ils viennent prendre, cela permettrait
beaucoup plus de compréhension entre les groupes ethniques. Je me
demande si la commission a déjà réfléchi au
rôle qu'elle pourrait jouer vis-à-vis des minorités
à ce sujet.
M. Lachapelle: Mme Sainte-Marie, je pense, avait des propos sur
ce sujet.
Mme Sainte-Marie (Paule): Je pourrais vous donner trois exemptes
qui illustrent des choses qu'on a tenté de faire à la commission.
Le 10 décembre, c'est l'anniversaire de la Déclaration
universelle, comme vous le savez, et, à différentes reprises, on
a regroupé des gens en favorisant l'expression des diverses
communautés. Je pense que le président vous en a parlé
dans son mémoire. Il y a une chose qui est assez importante aussi, ce
n'est pas juste de valoriser te folklore du pays d'origine comme il
était dans le temps, mais aussi l'expression actuelle, chez nous, des
minorités. C'est une chose qu'on a essayé de faire, on ne l'a pas
fait souvent, mais, oui, on a une préoccupation.
La deuxième chose que je voudrais vous signaler, c'est que, dans
le bulletin des droits et libertés dont il a été beaucoup
question - vous en avez souvent entendu parler par les groupes au cours de ces
assises - on a essayé d'avoir une petite chronique qui signale, au
passage, un film fait par les autochtones, une pièce de
théâtre montée par la communauté notre, un livre
publié par eux. On ne le fait pas beaucoup, et peut-être
même pas suffisamment, mais c'est une de nos préoccupations.
L'autre exemple que je voudrais vous donner est d'un ordre un peu
différent, mais rejoint votre préoccupation quand vous dites: Les
minorités elles-mêmes ont à faire quelque chose. Dans
l'enquête sur le taxi, un des résultats positifs de cette
enquête a été que les chauffeurs de taxi noirs se sont
réunis et ont dit: On nous accuse de faire ceci, de faire cela, eh bien,
vous allez voir qu'on va remédier à ces situations. On va se
donner une meilleure information sur la ville, on va avoir des taxis propres,
on va avoir la monnaie. Ce sont toutes sortes de critiques qui avaient
été faites. Je pense que vous avez raison de signaler qu'une
minorité... Mais iI faut que ce soit un groupe qui se prenne en main, ce
ne sont pas les individus qui peuvent faire ça.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Louis-Hébert, ça va? J'ai plusieurs Intervenants, mais, à
ce moment-ci, très brièvement, peut-être un commentaire et
une question. Le président l'a relevé dans son mémoire et
certains intervenants l'ont signalé, c'est la complexité du
travail, la complexité du matériel qu'a à administrer la
Commission des droits de la personne. Finalement, la charte - cela a
été souligné par Me Bissonnette - appartient à tout
le monde; elle appartient à toute la société
québécoise, mais ce n'est pas facile. J'ai eu l'occasion de
signaler à un intervenant, qui reprochait à la commission le fait
que, lors des récents incidents à Montréal, tout ce
qu'elle avait jugé bon de faire avait été de rappeler
l'existence de la présomption d'innocence, j'avais signalé
à cet intervenant que, souvent, les droits d'un individu ou d'un groupe
d'individus s'arrêtent là où commencent les droits et
libertés d'un autre individu ou d'un autre groupe d'individus. Souvent,
le problème est plus complexe que cela parce qu'un même dossier
peut permettre la réunion ou l'affrontement de presque trois et
même de plusieurs droits.
Si on prend les incidents survenus récemment à
Montréal, il y a présomption d'innocence, bien sûr. On
Invoquera d'abord la non-discrimination pour cause de race et il y a aussi la
libre expression parce que tout cela est véhiculé
généralement dand les médias, donc, par un prisme qui a
ses faiblesses. Il faut, je pense, à la base, prendre conscience... Et
ce n'est pas facile
d'expliquer à vos intervenants. Écoutez, vous avez une
cause de harcèlement sexuel, cela a l'air simple pour vous, mais, d'un
autre côté, il nous faut d'abord apprécier les faits. On
doit écouter chacune des parties. II y a le droit à l'audition de
chacune des parties qui entre en jeu. Donc, complexité du travail. Quant
à nous, nous en avons, autour de cette table, sur le fait que, d'abord,
la charte doit appartenir à tout le monde, parce que ce n'est pas vrai
qu'on va réunir dans un immeuble, en affichant Commission des droits de
la personne, l'ensemble de tout le savoir, de tout le vécu et de toute
la prospective en termes de droits de la personne.
Ce qui m'amène un peu plus à ma question. Ce qu'a bien
soulevé le député de Louis-Hébert, c'est la
question de fa crédibilité de la commission. Elle a une
matière complexe à administrer sûrement, mais elle doit
maintenir une crédibilité qui, malgré les interventions
qui ont pu, encore une fois, paraître négatives, à mon
avis, n'en est pas affectée à un point
irrémédiable, loin de là. Je pense, encore une fois, que
les reproches étaient faits sur une base constructive. Dans notre
questionnaire, on avait points forts et points faibles. Des points forts ont
été mentionnés dans les mémoires même si on
en a moins parlé, lors des auditions. (16 h 15)
Au sujet de la crédibilité de la commission, une chose me
frappe à ce stade-ci, elle n'est apparue comme une constante et elle m
amène rapidement à évoquer, à
réfléchir tout haut sur une possibilité, soit
l'utilisation par la commission des groupes que je qualifierais
d'intermédiaires Je vais vous donner un exemple Par exemple, tout ce qui
concerne le droit à la réputation. Ce n'est pas un secteur facile
non plus et, sauf erreur, la charte québécoise est ta seule
à contenir ce droit, la charte canadienne ne le contient pas. Le
Québec a innové en incluant ce droit à la
réputation. Est-ce que la commission ne pourrait pas utiliser un peu
plus les groupes intermédiaires comme le Conseil de presse?
Quotidiennement - les membres le savent - les journalistes ont à
travailler sur l'actualité, à rendre compte de ce qu'on leur dit,
à émettre leur opinion, etc. Est-ce que d'utiliser, en deux mots,
davantage les agents multiplicateurs que sont les organismes
Intermédiaires. Tous les groupes qui sont venus devant nous aujourd'hui
sont, à leur façon, des agents multiplicateurs qui pourraient
faire un écho passablement fort. Encore une fois le monopole
n'appartient pas à la Commission des droits de la personne, la
Commission des droits de la personne ne peut pas, à elle seule,
rejoindre tout le monde, tout le temps. C'est impossible. Donc, l'utilisation
des groupes Intermédiaires me paraîtrait devoir faire davantage
l'objet des préoccupations de la commission.
On peut songer aussi au fait que 75 % des plaintes concernent le
travail. Le Conseil du patronat est venu devant nous, la Chambre de commerce
est venue déposer un mémoire, et on espère avoir le
mémoire de la CSN ou de la CEQ, évidemment, c'est dans les
groupes organisés. Dans les groupes non organisés, il existe
également certains organismes qui ont une crédibilité
à l'intérieur d'une clientèle qui les connaît
davantage. Par exemple, quand M Dufour nous a dit hier, en témoignant
pour le Conseil du patronat. Vous savez, une bonne partie des articles, des
avis de la commission, par exemple, les formulaires-types d'emploi, on les a
repris dans notre publication. Alors, lorsque le patron de l'entreprise
reçoit la publication du Conseil du patronat, qui reprend l'avis de la
Commission des droits de la personne, je vais vous dire que cela a un effet
multiplicateur énorme parce que c'est l'utilisation d'un véhicule
déjà connu, car la Commission des droits de la personne, pour
bien des gens, est un peu difficile d'accès. En ce sens là, je ne
sais pas si vous êtes en mesure de me faire part de vos réflexions
sur cet aspect.
M. Bissonnette: Si vous me le permettez, M le Président,
à votre question, la réponse est oui, effectivement. Je pense que
cela se fait déjà beaucoup et je vais vous donner un seul
exemple. En ce qui concerne le droit à la réputation, bien
sûr, on communique avec le Conseil de presse. On est actuellement en
train de réfléchir à une proposition devant
éventuelle ment être mise sur papier et que j'ai un peu
évoquée tout à l'heure liberté d'expression, droit
à la réputation. Le seul problème c'est que même si
ce travail se fait, même si, effectivement, les agents multiplicateurs
retrans mettent les messages à cet égard, la réponse n'est
pas concluante et on n'arrive pas à des décisions en disant.
Voici, le journaliste a eu tort ou effectivement, chaque fois qu'un
stéréotype est utilisé par un journaliste, oui cela brime
le droit à la réputation. Cela demeure quand même des
réponses nuancées et cela ne satisfait pas toujours les personnes
qui portent plainte chez nous ou les gens qui portent plainte devant le Conseil
de presse, bien que, parfois cela les satisfasse aussi.
En terminant, je voudrais simplement dire que, oui, nous croyons qu'il
faut collaborer avec les agents multiplicateurs. Ceci dit, dans le domaine des
droits et libertés, iI y a bien souvent un équilibre à
atteindre, mais ce qui demeure important et ce qui doit être fait, je
pense, de façon plus particulière par la commission, c'est de
rappeler les grands principes contenus dans la charte, le droit à
l'égalité. II faut le rappeler dans plusieurs domaines. C'est
peut-être là, finalement, notre spécificité On tente
de le faire de notre mieux et je dois vous dire qu'à la Direction de
l'éducation il y a un certain nombre de personnes qui y travaillent,
mais il en faudrait peut être plus. Cela dépend aussi des
orientations que le législateur donne par sa loi ou ses budgets à
une direction de l'éducation.
Le Président (M. Filion): II y a un travail qui se fait
à la commission en ce qui concerne les organismes intermédiaires.
C'est clair, on en a de multiples exemples. Mon propos avait pour but
d'accentuer ce contact-là. J'ai pris connaissance de votre
mémoire. Je sais pertinemment que le travail se fait déjà
et il s'agit uniquement d'accentuer l'utilisation de ces caisses de
résonance qui existent déjà.
Alors, c'est bien, je vous remercie. Je vais reconnaître
maintenant Mme la députée de Groulx, ensuite M. le
député de Shefford. J'ai également M. le
député de Chapleau, ensuite MM. les députés de
Marquette et de Beauharnois. Alors donc, Mme la députée de
Groulx!
Mme Bleau: Boujour, messieurs! En page 10 du mémoire, vous
nous dites que le programme d'accès à l'égalité a
eu pour effet d'accroître les responsabilités et pouvoirs de la
commission. Lorsque vous êtes à préparer, avec un
employeur, un programme d'accès à l'égalité, si
jamais un employé de cet employeur fait une plainte à ta
commission, vous sentez-vous capables, à ce moment, de présenter
la plainte? Avez-vous l'habitude de la refuser? L'avez-vous déjà
refusée?
M. Lachapelle: Nous n'avons jamais refusé de telles
plaintes. On en a d'ailleurs eu une à la STCUM, pendant que nous
étions à discuter avec les autorités de la STCUM
concernant la mise en place d'un programme d'accès à
l'égalité, que Mme Roy a d'ailleurs annoncé il y a
quelques mois. Il y avait, à la STCUM, une plainte qu'on appelait de
discrimination à rebours, c'est-à-dire un homme qui, lui, avait
été refusé parce qu'on avait dit qu'on embauchait des
femmes - une plainte contre la STCUM - et, en même temps, un groupe de
femmes sont venues porter une plainte parce qu'elles avaient été
refusées à l'embauche à cause d'une règle de la
STCUM selon laquelle il fallait cinq ans de conduite de camions lourds pour
être embauché. C'est un exemple. Je parle de celui-là parce
que je le connais bien et que j'ai eu l'occasion d'en discuter. J'ai même
demandé au groupe en question de rétablir la vérité
parce qu'elles savent pertinemment qu'on a reçu la plainte, que
l'enquête est menée et qu'il y a actuellement un programme
d'accès à l'égalité. Tout cela s'est fait en
même temps. Je peux vous donner d'autres exemptes du travail qu'on fait
actuellement où il y a des plaintes et des programmes d'accès
à l'égalité en même temps. Cela n'empêche pas
les gens des programmes d'accès à l'égalité de
faire leur travail et la commission d'enquêter et de continuer son
travail.
Mme Bleau: Bien. On sait qu'un plaignant peut avoir droit
à un avocat quand arrive le temps d'assurer le suivi de la plainte.
Est-ce que les parties sont bien au courant qu'elles peuvent jouir des services
d'un avocat? Est-ce que vous le leur dites d'avance?
M. Lachapelle: Oui. C'est très clair, c'est très
bien indiqué. Il n'y a vraiment aucun problème là-dessus.
Ce que les enquêteurs disent, et on leur demande de plus en plus de le
faire, c'est que c'est eux qui sont maîtres de l'enquête. C'est
à l'enquêteur de mener son enquête, qu'il y ait avocat ou
pas. C'est à l'enquêteur de faire valoir la vérité,
de faire connaître la vérité et d'enquêter. Les
avocats sont là comme des aides et non pour mener l'enquête. C'est
la seule précaution que l'on prend pour bien montrer que c'est une
enquête de la commission et que ce ne sont pas des avocats qui se
présentent devant nous comme devant une espèce de tribunal
où le juge a un rôle neutre, finalement. Dans notre cas, nous
sommes actifs et nous devons aller chercher la vérité.
Mme Bleau: Comment, d'abord, expliquez-vous le manque
d'intérêt des avocats à l'égard de la commission,
entre autres, l'aide juridique, qui ne travaille à peu près pas
à des dossiers en regard de la commission?
M. Lachapelle: II y a de plus en plus d'avocats devant la
Commission des droits de la personne. Je ne sais pas pourquoi les gens de
l'aide juridique ne sont pas là. Est-ce qu'ils peuvent refuser le mandat
de venir à la commission? J'en serais fort surpris. Il y a
peut-être, évidemment, des personnes qui ne sont pas admissibles
à l'aide juridique.
Mme Bleau: Oui, c'est cela.
M. Lachapelle: Il y a toujours des personnes qui se situent au
milieu et qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique mais je n'ai
pas de données sur la question à savoir s'il y a de nombreux
avocats de l'aide juridique. Je ne sais pas non plus si mes collègues
connaissent la réponse.
Mme Bleau: Justement, c'est parce qu'il n'y en a pas beaucoup que
je vous al posé la question.
M. Lachapelle: II y a très souvent des avocats devant la
commisson.
Mme Bleau: Oui, mais de l'aide juridique?
M. Lachapelle: De l'aide juridique, je ne sais pas. Je pourrais
vérifier si vous le désirez, je pourrais faire une
vérification.
Mme Bleau: En page 67, vous nous dites qu'il y a un comité
de concertation des relations Interethniques et raciales. J'aimerais savoir
quel est le rôle de ce comité et quels groupes en font partie.
M. Lachapelle: Ce comité a été
annoncé il y a plusieurs mois, mais il a été
créé assez récemment, il y a quelques mois seulement. Ce
comité a eu sa première rencontre. L'objectif est de faire
connaître à la commission, à partir des
préoccupations et du quotidien des gens, les préoccupations des
diverses communautés dans leur milieu, les problèmes de
discrimination et, également, leurs attentes vis-à-vis de la
commission.
D'autre part, la commission se sert de ce véhicule pour faire
connaître ses projets parce que nous sommes conscients qu'on a une
certaine difficulté à acheminer nos activités vers les
divers groupes. Ces personnes sont constituées des diverses
communautés culturelles de la région de Montréal. On
compte à peu près une quinzaine de personnes provenant des
communautés les plus représentatives. Ces personnes sont
là à titre personnel. Elles ne représentent personne comme
tel, on les a choisies à cause de leur implication dans leur milieu,
mais on ne leur demande pas d'être là pour la communauté
chinoise ou pour représenter telle association ou tel groupe. On veut
qu'elles soient fà pour leur implication personnelle, leur
expérience personnelle, leur savoir, et je dois vous dire que notre
première rencontre a été extrêmement riche,
extrêmement profitable; les gens nous ont fait connaître leurs
points de vue et leurs attentes vis-à-vis de fa commission. On pense
aussi tirer de ce groupe des enseignements fort intéressants.
De la commission, je dois également dire qu'il y a trois
commissaires qui travaillent avec ce groupe. Il y a un nombre important
d'employés des diverses directions, des programmes d'accès
à l'égalité, de l'éducation, de la recherche, qui,
également, participent à ces rencontres.
Mme Bleau: Dernière question- En région, est-ce que
le nombre d'employés, de commissaires est suffisant pour régler
les dossiers dans un délai convenable? Est-ce que cela vous prendrait
beaucoup plus d'employés?
M. Lachapelle: Un des problèmes en région... Bien
sûr, actuellement, il n'y a pas de retard, il n'y a pas de délai
parce que les dossiers sont neufs et qu'ils sont traités assez
rapidement. La crainte qu'on pourrait avoir, c'est qu'avec le temps il
s'accumule des dossiers. Mais ne parlons pas pour l'instant de délai. La
difficulté qu'on entrevoit, c'est celle que j'ai mentionnée ce
matin, c'est-à-dire de jouer ce double rôle, d'accueillir, d'une
part, des personnes qui viennent porter des plaintes et, ensuite, le lendemain,
je dis: Maintenant, vous savez, j'enquête et je deviens partial C'est
vraiment problématique, si bien que, en région, il y aurait
suffisamment de travail de promotion et d'éducation à faire pour
qu'il y ait deux personnes, une qui s'occupe d'un aspect plus promotionnel, et
l'autre qui ait plutôt une fonction d'enquête.
Actuellement, on est obligés d'envoyer, dans des cas plus
problématiques, des enquêteurs soit de Montréal, soit de
Québec, et ce n'est pas des plus souhaitables. Évidemment, les
gens en région n'aiment pas - et je pense que c'est tout à fait
légitime - voir arriver quelqu'un de Montréal entendre leur cas.
Il nous apparaît, à nous, qu'on devrait fournir sur place ces
services-là.
Mme Bleau: J'ai un grand respect pour tout ce que vous
représentez et je vous remercie.
M. Lachapelle: Merci, madame. (16 h 30)
Le Président (M. Filion): J'aimerais obtenir une
clarification au sujet de la première question de Mme la
députée de Groulx sur les programmes d'accès à
l'égalité. Vous avez envoyé sur place un consultant - si
j'ai bien compris - à la Société de transport de la
Communauté urbaine de Montréal. Des plaintes, par ailleurs, vous
ont été déposées, de sorte que des enquêtes
ont eu lieu. Est-ce qu'on doit comprendre de votre réponse que vous ne
voyiez, à ce moment-là, aucune incompatibilité entre le
rôle d'assistance, de conseil de ta Commission des droits de la personne,
à l'intérieur d'une boîte, et son rôle
d'enquête sur une matière qui peut faire l'objet du programme
d'accès à l'égalité, c'est-à-dire qui peut
faire l'objet d'une discrimination systémique et d'un éventuel
programme d'accès à l'égalité?
M. Lachapelle: C'était ma réponse. Le
Président (M. Filion): D'accord.
M. Lachapelle: Je dois ajouter un élément que je
n'ai pas donné tantôt Évidemment, à l'époque,
la crainte des employeurs était la suivante: Quand on va à la
Commission des droits de la personne et qu'on ouvre grand nos livres en lui
confiant tout ce qu'on a, qu'est-ce qui arrive si, en même temps, on a
une plainte et que vous avez déjà tous les dossiers chez vous?
Qu'est-ce que vous allez faire? Est-ce que vous allez vous servir de ces
dossiers-là? Nous leur avons donné la garantie que les dossiers
qui étaient au programme d'accès à
l'égalité, à la fonction conseil étalent
confidentiels et n'étaient pas transférés à la
section des enquêtes, de la même manière que si on allait
faire affaire avec la firme - je ne veux pas faire de publicité - et
associés je ne sais qui, les dossiers restaient, bien sûr,
à la firme et ne sortaient pas de là; ils n'étaient pas
transférés aux enquêtes. C'est la garantie que nous avons
donnée aux employeurs pour être bien sûr qu'ils traitent
avec nous en toute confidentialité.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je dois vous
dire que je n'ai pas eu le plaisir
d'assister aux travaux de la présente commission J'étais
à l'extérieur de Québec et j'ai rencontré des
groupes. II en a été largement question, je peux vous le dire
J'écoutais mes collègues qui sont intervenus avant mol et,
effectivement, on a rebrassé les mêmes Idées et les
mêmes préoccupations. II a été question d'une foule
de choses. Entre autres, Mme la députée de Groulx soulignait
qu'on retrouve dans votre mémoire une augmentation des
responsabilités et une augmentation des travaux de la commission,
lorsqu'on ajoute, par de nouvelles lois ou de nouvelles décisions
gouvernementales, de nouvelles nonnes dans la société
L'égalité, c'en est une, mais il a été question
aussi - c'est le sujet sur lequel je voudrais qu'on élabore un peu - de
la part de quelques autres collègues avant moi, entre autres, de
l'habitation et du harcèlement. Vous avez même parlé du
moratoire tantôt. II a été question de vos relations et de
vos échanges - à mon avis, assez réguliers - avec la
Régie du logement. Donc, c'est un secteur qui est sensible. C'est un
secteur important, parce que tout le monde doit se loger, surtout à
Montréal où il y a plus de 70 % de gens qui sont locataires. Cela
veut dire qu'il y a eu une majorité de gens qui sont susceptibles de se
présenter à la Régie du logement, même si ce n'est
pas le cas, heureusement. On sait qu'il y en a quand même plusieurs,
même si beaucoup n'y vont pas. S'ils ne se présentent pas à
la bonne place, vous devez les diriger. On sait que ce que vous avez à
faire n'est pas facile. C'est vrai que c'est quelque chose d'important et de
complexe. Ce n'est pas deux et deux font quatre, en tout cas, c'est très
rare quand on parle de l'exercice des droits. Les droits des uns et les droits
des autres, ce n'est pas facile. Mais chacun a ses droits et ce n'est pas
nécessairement tranché au couteau
Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen au plan du fonctionnement, dans
certains cas, que la clarté, quand c'est possible, puisse vous faciliter
les choses? Donc, l'efficacité et le fonctionnement, est-ce que cela ne
pourrait se faire par clarté? Voici où je veux en venir en
donnant un exemple précis. Tantôt, on a parlé d'un aveugle
avec son animal ou d'autre chose. Moi, je vais prendre un cas très
précis pour savoir s'il n'y aurait pas moyen. Je disais tantôt, il
y a augmentation des responsabilités et des tâches qui vous sont
confiées de temps en temps par des décisions qu'on prend, ici,
à Québec. C'est possible que cela vous arrive encore très
bientôt avec une loi, la loi 87, qu'on discute présentement et qui
porte sur la levée du moratoire quant à fa transformation du
logement locatif en copropriété. On en a discuté. Vous
avez fait référence tantôt à la commission qui s'est
tenue au mois d'août. On sait que cela s'en vient. Donc, il y a des
risques que cela vous amène plus de cas parce qu'on sait que cela va
toucher passablement de gens, probablement. Ce n'est pas que je le souhaite,
mais il vaut mieux prévenir que guérir, comme on dit
Lors de la commission, il a été question de
harcèlement. C'est vrai que ce n'est pas facile, le harcèlement,
comment interpréter cela et jusqu'à quel point il y en a. S'il y
en a, comment peut-on décider de le dénoncer, décider
d'Intervenir et de poursuivre des gens face à du harcèlement?
Mais, il n'y a pas de définition du harcèlement en matière
de logement, ce qui n'existe pas et qu'on ne retrouvera pas, à moins
qu'il n'y ait des amendements lors de l'étude, article par article. On
ne retrouve pas de définition de harcèlement dans le projet de
loi qui a été déposé
Je veux en venir à un point très précis, avec une
demande précise aussi. Si on ne retrouve pas de définition du
harcèlement dans la loi, on sait que ce ne sera pas facile pour les gens
de la Commission des droits de la personne de prendre des décisions. En
commission, vous nous avez dit, lors de l'audition, au mois d'août,
à Montréal, que, selon votre interprétation, l'offre faite
à des locataires pour acheter leur départ ou leur droit de
maintien dans les lieux serait du harcèlement. D'autres, y compris le
ministre, ont dit que ce n'était pas du harcèlement mais que
c'était de la libre entreprise. II y a eu une interprétation
différente. Est-ce que ce n'est pas un cas où ta commission
pourrait utiliser l'interprétation qu'elle donne? La commission est
là pour faire respecter les droits de la personne, informer aussi, mais
probablement décider, je suppose, de l'interprétation qu'elle va
donner à certains gestes, notamment, si l'achat du droit de
départ des locataires pour permettre la transformation de leur logement
en propriété constitue du harcèlement. Est-ce que, pour
clarifier, simplifier, informer et, surtout, prévenir les gens, la
commission ne pourrait pas émettre un avis? Est-ce que cela se fait? Je
vous pose la question Est-ce que la commission ne pourrait pas émettre
un avis? De cette façon-là, ce serait clair pour tout le monde,
cela viendrait compenser le manque de clarté, étant donné
qu'il n'y a pas de définition dans la loi Cela exempterait qu'il y ait
des problèmes de ce côté parce que les gens, eux, ne le
feront pas et, s'ils le font, l'interprétation sera facile puisqu'un
avis aura été émis Est-ce qu'il serait possible de
prévenir dans ce sens-là et de commencer, maintenant, à
Informer les gens pour éviter des problèmes dans un avenir
à court terme?
M. Lachapelle: Je voudrais apporter une nuance. Ce que je disais,
c'est que cela pouvait constituer du harcèlement. Évidemment, le
fait de vouloir racheter ce droit pour une somme d'argent pouvait constituer
une forme de harcèlement, suivant la façon par laquelle l'on
tente d'inciter la personne à accepter cette offre. Ce que nous avons
également dit lors de cette rencontre, c'est que les preuves de
harcèlement, dans tous ces cas, sont extrêmement complexes. Le
harcèlement ne se fait jamais de façon très
évidente. Cela se fait de façon subtile et la commission a
vécu toutes ces questions de harcèlement en matière
sexuelle, en matière raciale.
On a donné récemment une définition du
harcèlement. La commission s'est longuement penchée sur toutes
ces questions et on a une définition du harcèlement qui est
très large et qui engloberait, peut-être, mais pas
nécessairement, ce que vous nous avez mentionné tantôt. Je
pense que la commission devrait faire connaître, dans ce cadre-là,
ce qu'est la définition du harcèlement, ce qu'on entend par
harcèlement. Cela aiderait sûrement les gens qui en sont victimes
mais, peut-être aussi, les personnes qui se proposeraient d'utiliser la
loi et quelques moyens de harcèlement pour déloger les
locataires. Je crois que cela pourrait clarifier la situation. Il y a un
document sur le harcèlement dans le milieu de travail qui pourrait
s'appliquer à cette situation du harcèlement dans le domaine du
logement.
M. Paré: II pourrait y avoir un avis, une
définition de harcèlement. Vous dites qu'il y en a
déjà une de disponible en milieu de travail. Si, moi, je vous
lançais l'invitation ou la demande, en tant que porte-parole de citoyens
et de groupes que j'ai rencontrés, d'émettre un avis dans lequel
il y aurait une définition du harcèlement en matière de
logement, est-ce que ce serait recevable? Est-ce que vous pourriez
émettre un avis dans ce sens-là de façon que ce soit clair
et net?
M. Lachapelle: Bien sûr, on en prend note D'abord, cela va
nous aider parce qu'il y aura des cas chez nous. Cela nous servira
sûrement à avoir une excellente orientation de départ et,
aussi, à aider les groupes et les personnes qui auront à utiliser
les services de la commission.
M. Paré: Je le vois aussi à des fins
d'efficacité et de fonctionnement; sinon, nous, nous en ferons une, ici,
à Québec. Vous aurez à l'interpréter et à
l'appliquer probablement, à des cas individuels, cas par cas, et la
Régie du logement aussi. À ce moment-là, cela sera le
dédale qu'on connaît et qui amène des plaintes quant au
fonctionnement, chez vous et à la Régie du logement. Très
souvent, c'est juste parce qu'il manque une définition et ce n'est la
faute ni de la Commission des droits de la personne, ni de la Régie du
logement. C'est un manque de clarté. On ne peut pas être toujours
clairs, mais, quand c'est possible, je pense qu'on devrait l'être. Dans
le cas présent, on pourrait l'être avant que les problèmes,
possibles et même probables, nous arrivent à court terme.
M. Lachapelle: La question que vous posez rejoint, de
façon éminemment pratique, une conversation que j'avais avec la
vice-présidente de la Régie du logement. On se disait justement
que, si ce projet de loi devenait loi, il faudrait, à très
brève échéance, se rencontrer et tenter de fixer ensemble
les paramètres d'application de cette loi. Je pense qu'une bonne
méthode serait sûrement de définir, de façon claire
et avec un entendement commun, le harcèlement et aussi l'exploitation.
Ce serait sûrement un autre aspect de cette loi.
M. Paré: Merci, M. le Président. Ça c'est de
l'efficacité.
Le Président (M. Filion): Je reviens sur les avis de la
commission. Sauf erreur, les avis de la commission, au cours de leur histoire
ont reçu, en générai, un assez bon accueil.
Malheureusement, il y a un organisme qui a témoigné devant nous
et qui ne savait pas que vous vous étiez prononcés sur les
visites des inspecteurs de l'aide sociale. On le lui a rappelé parce que
cela a été dans les journaux pendant quelques jours. Les
médias en général donnent un assez bon écho des
avis de la commission Sauf erreur, il n'y en a pas eu beaucoup depuis 1976. Il
me semble que j'ai vu circuler un chiffre. Est-ce que je me trompe en disant
une vingtaine, au maximum?
M. Bissonnette: Juste une information. Je ne donnerai pas le
nombre d'avis qui ont été rendus par la commission, mais je veux
simplement indiquer qu'il existe un recueil qu'on appelle droits et
libertés où sont reproduits, depuis deux ans maintenant, les avis
de la commission. Cela aide justement les personnes à pouvoir identifier
plus rapidement les avis qui sont émis par la commission. Cet instrument
existe depuis deux ans maintenant... C'est maintenant la troisième
année? On commence notre troisième année, je pense.
Le Président (M. Filion): Je cherche en même temps
la disposition législative. C'est probablement l'article 67 C'est
cela?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Filion): ...paragraphe... Est-ce que
c'est le paragraphe e ou...
Une voix: Non.
Le Président (M. Filion): Je veux juste connaître la
base juridique.
M. Lachapelle: Entre autres, procéder à l'analyse
des lois.
Le Président (M. Filion): Oui, d'accord.
M. Lachapelle: C'est souvent sous cet aspect et il y a le
paragraphe e également.
Le Président (M. Filion): Le paragraphe e
également.
M. Lachapelle: J'exhibe ici un document qui s'appelle:
Bibliographie analytique de recherche. Ce ne sont pas nécessairement des
avis formels de la commission, mais des recherches du service de recherche de
la commission qui sont souvent publiées. Ce cahier contient quelque 54
pages. C'est une longue énumération de toute la documentation et
de tous les avis que la commission a donnés depuis l'origine. Je lis:
état civil, discrimination, race, couleur, inviolabilité de la
demeure, droit au secret professionnel. Ce document date de 1985. Ces derniers
mois, nous avons émis un avis, assez récemment, concernant les
examens médicaux en emploi, par exemple, tout ce qui touche le sida et
ces questions, et, également, un avis concernant les infirmières
et la...
Une voix: Est-ce que...
M. Lachapelle: C'était sur la confidentialité. Ah
oui! La question des avortements, est-ce que les infirmières peuvent
refuser de faire un avortement?
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Lachapelle: II y en a un autre concernant les
infirmières dans les écoles, ce droit à la
confidentialité qu'ont les enfants qui vont se confier à
l'infirmière, qui, ensuite, les référait pour un
avortement ou pour autre chose: est-ce que ces enfants pouvaient
bénéficier de la confidentialité? Il y en a de
façon assez régulière. De mémoire, à la
commission, on en a eu plusieurs ces derniers mois. Généralement,
ils sont acheminés à l'Assemblée nationale et
publiés...
Le Président (M. Filion): C'est cela.
M. Lachapelle: ...dans ce document, Droits et libertés,
qui, bien sûr, est pour l'usage de tous les avocats. On l'envoie
également aux infirmières, aux personnes
intéressées. Le cas des examens médicaux en emploi a
été envoyé dans le milieu des employeurs. (16 h 45)
Le Président (M. Filion): L'utilité de ces avis
consignés, si l'on veut, est frappante; ils permettent de régler
une multitude de cas de façon préventive et même de
façon ponctuelle, une fois que la commission s'est prononcée sur
un sujet. Je sais que vous avez changé d'idée en ce qui concerne
les soins accordés aux malades, c'est-à-dire en ce qui concerne
le sexe de la personne qui rend les soins - cela peut arriver qu'on change
d'idée. J'ai cru comprendre qu'il y avait eu trois décisions
là-dessus, trois avis.
M. Lachapelle: On change d'idée.
Le Président (M. Filion): Pardon?
M. Lachapelle: On dit même que la Cour suprême change
d'idée au cours des années, alors...
Le Président (M. Filion): Malheureusement...
M. Lachapelle: Modestement, la commission peut se tromper.
Le Président (M. Filion): Malheureusement, elle ne change
pas souvent de notre bord - cela a déjà été dit
avant moi. Donc, il y a une utilité à ces avis qui demandent une
préparation énorme et un soin absolu. Je sais que. le
député de Sainte-Marie veut Intervenir sur plusieurs sujets,
mais, de façon précise sur le dernier sujet qui a
été évoqué par le député de Shefford,
je vais laisser la parole au député de Sainte-Marie.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vais
souhaiter la bienvenue aux membres de la commission. Je vais y aller
directement, à la suite de l'énoncé. Le
député de Shefford m'a devancé un peu sur cette question
de la définition du harcèlement, dans le domaine de l'habitation,
qu'on devra mentionner ou, à tout le moins, sur laquelle on devra se
pencher concrètement. Dans cette réflexion, je voudrais essayer
de regarder cela dans son ensemble, de façon globale.
Je regardais les interventions des divers groupes sur la
définition d'un logement décent par rapport à un prix
décent, sur les motifs de discrimination qu'on peut élaborer, et
tout le reste. Des représentations ont été faites par des
personnes dans mon comté. Je suis d'un comté montréalais
et les comtés montréalais n'ont pas beaucoup de
propriétaires, mais j'en ai, de petits propriétaires. Comment
faire cette forme de déclaration universelle ou d'avis comme il a
été énoncé, tout en ayant un profond respect...
J'essayais de concilier les deux lors des rencontres que j'ai eues avec les
gens de la SHQ pour essayer de trouver, par rapport à ce qui se fait
dans le monde du travail et dans le milieu syndical, qui ont
présenté quelques propositions, quelle serait la meilleure
formulation d'ordre général. De cette
généralité, on essayait de voir une application
très spécifique de cas. Je vous laisse cette partie du travail
qui n'est pas facile. On trouvait toujours à redire pour trouver une
autre définition. C'est un aspect fort important et qui touche une bonne
partie de la population.
Voici ce que j'aimerais aborder avec vous plus
précisément. On a entendu plusieurs groupes Ici qui nous ont
tracé... Votre document fait référence à une autre
pensée quant au traitement des plaintes Toujours dans ce même
projet de loi, il a été avancé que la commission pourrait
se pencher sur des cas de discrimination et peut-être aussi exiger des
montants. On parlait de
5000 $ à 25 000 $ d'amendes. J'ai écouté les divers
groupes qu'on a eus ici. J'essayais de voir, en termes de mécanique, la
jonction qui pourrait exister entre la Régie du logement et la
commission, surtout quand on sait que ces cas de harcèlement sont
toujours des types de causes pour l'avant-veille. Les observations qu'on a eues
ici de diverses personnes, est-ce que la commission va regarder cela - cette
problématique et les autres ne sont pas faciles - pour voir, en termes
d'efficience et d'efficacité, comme vous ('indiquez dans votre document,
quelle orientation prendre quant à la priorisation des
interventions?
M. Lachapelle: Toujours en matière de logement?
M. Laporte: Oui.
M. Lachapelle: En matière de logement, une première
préoccupation que nous avons concernant le harcèlement et
l'exploitation, c'est la difficulté de la preuve. On a eu des cas. Ici
même à Québec, je me souviens d'un cas assez prenant d'une
vieille dame qui était exploitée par son fils où nous
avons dû demander une Injonction au nom de la dame. Elle ne voulait pas
sortir et nous trouvions que c'était véritablement un cas
d'exploitation qui était dénoncé par le CLSC. Elle se
sentait évidemment tellement déchirée voyant que son fils
ne pourrait plus s'occuper d'elle. Il la battait pourtant, il lui enlevait son
chèque, mais elfe n'était pas capable d'en venir à la
conclusion qu'elle devait sortir. On a été obligés de
demander une Injonction pour forcer le fils à partir et obtenir les
services du CLSC, qui était prêt, bien sûr, à donner
des services. Je donne ce cas pour dire que ce n'est pas simple à
régler. Les personnes âgées, entre autres - parce qu'on
pensait, lors des discussions sur la levée du moratoire, à ces
cas-là - ont beaucoup de difficultés à s'équiper,
à venir devant la commission, à ramasser les preuves. Par
définition, elles sont démunies face à toutes ces
questions. Je dois vous dire que cela nous préoccupe beaucoup. Ma
première préoccupation concerne la capacité de ces
personnes à venir porter des plaintes chez nous de façon
articulée, de façon à être capables de ramasser tous
les faits, les événements qui se sont produits et à se
rendre à la commission.
L'autre préoccupation que nous avons sur ce sujet, c'est la
rapidité d'exécution. Il ne faut pas attendre six mois, pendant
que la personne est à la porte, pour aller enquêter. Je dois vous
dire qu'actuellement, à la commission, il y a une charge de travail
Importante. Je ne suis pas ici pour faire des récriminations et demander
du personnel supplémentaire, mais je tiens à souligner cet
aspect. Il va falloir avoir une équipe de personnes qui vont partir
dès qu'on aura un appel téléphonique pour aller
immédiatement rencontrer la personne et le propriétaire pour
essayer d'intervenir rapidement. Pour cela, il faut être capable de
continuer. À moins qu'on ne laisse nos autres dossiers d'enquête
et, là, d'autres groupes vont venir nous dire: Vous ne faites pas votre
job. Oui, on a envoyé nos gens travailler dans le domaine du logement.
Il faudra vraiment des Interventions rapides, précises, après
qu'on se sera entendu avec la Régie du logement sur la façon
d'obtenir les preuves, sur la façon de fonctionner. À mon sens,
il faudra penser à cette dimension-là et j'espère que,
lors de vos discussions sur ce projet de toi, vous aurez cette
préoccupation. Cela ne se fera pas seul. Il y a les deux aspects: aider
les personnes âgées et aider les personnes handicapées qui
seront aux prises avec ces problèmes.
Une des craintes qu'on a exprimées à ce moment-là,
c'est que au sujet des personnes âgées qui, dès qu'elles
sont face à cette possibilité de voir leur appartement
transformé en condominium et de devoir partir, vont facilement
céder le morceau en disant: Je ne sais que faire dans ces circonstances.
Vous comprenez que toute cette aide qu'on peut leur fournir par la Régie
du logement, par la Commission des droits de la personne, ce n'est pas à
la portée de tout le monde facilement. En tout cas, II va falloir faire
une publicité de tous les instants pour que tes gens sachent cela. Il va
falloir être sûr que les gens ont bien compris qu'ils ont des
recours et qu'ils peuvent refuser en tout temps de signer ou d'accepter de
partir du logement. Et, quand il y aura des cas, encore une fois, de
harcèlement qui seront dénoncés, il faudra que,
rapidement, on puisse intervenir.
Le Président (M. Filion): Vous avez souligné le
problème du manque d'effectif et de ressources humaines et
financières. Je dois vous dire que j'ai bien lu, dans votre
mémoire, les lignes et entre les lignes, et qu'on a bien perçu
là-dessus que, dans le fond, un organisme peut faire plus, mais encore
faut-il que la charge de travail soit humaine. Lorsque, dans votre
mémoire, vous faites le calcul des charges de travail, je peux vous dire
qu'on n'est pas sourds, notamment lorsqu'il faut - comme vous l'avez
mentionné - tenir compte que certains dossiers requièrent une
attention continue.
Vous avez mentionné les cas de discrimination systémique
ou les programmes d'accès à l'égalité. Il y a
énormément de travail en profondeur. Je pense que je l'ai
déjà souligné, lorsqu'on doit, par exemple, définir
- je ne me souviens pas de l'expression exacte - le bassin de ressources
disponibles en main-d'oeuvre dans le secteur, je ne sais pas, des forêts
en Mauricie du côté féminin: Bonne chance, tout le monde!
Un autre cas peut être, je ne sais pas, moi, le secteur de l'industrie
automobile, des chaînes de montage dans Laurentides-Lanaudière.
Vous partez là-dessus... Je sais qu'il existe des statistiques. Il faut
du monde pour faire marcher ces boites. Cela prend des gens, comme vous le
dites, pour travailler à fond sur certains dossiers et d'autres
pour réagir rapidement parce que la cause. On ne pourra jamais
opérer un redressement équitable si on n'intervient pas
maintenant. Là-dessus, il y a une responsabilité qui n'appartient
pas à la commission, mais qui appartient évidemment à ceux
qui disposent des budgets et de l'autorité pour ouvrir la bourse qui
contient les taxes de ces mêmes citoyens qui viennent. parfois nous dire
qu'ils ne sont pas satisfaits C'est le chaînon démocratique. Je
voulais seulement soulever cette question pour que vous ne pensiez pas que nous
n'avons pas perçu vos messages là-dessus, aussi délicats
qu'ils aient été
Je vais donc céder la parole à M le député
de Beauharnois
M. Marcil: Merci, M le Président Vous avez
participé aux audiences depuis le début Les groupes que nous
avons entendus, à l'exception du Conseil du patronat, n'ont pas
été très élogieux, et je pense que vous en avez
pris note. La plupart des groupes ont soulevé à peu près
les mêmes commentaires dans leur mémoire les délais trop
longs, la multiplicité et la confusion des divers rôles de la CDP
Certains ont reproché le manque de caractère exécutoire
des décisions, d'autres favorisaient la mise sur pied d'un tribunal
administratif. Je sais que la mission de la Commission des droits de la
personne consiste surtout à faire connaître la charte des droits
et libertés, à la faire comprendre aux gens, à essayer
d'Intervenir par le biais de la médiation pour régler des cas et,
aussi éduquer et informer la population pour que cela ne se reproduise
plus
Parmi tout cela, d'autres ont soulevé le fait qu'il était
difficile pour la Commission des droits de la personne de faire la promotion
dune chose et, en même temps, de demeurer neutre par rapport à
cette même chose, ce que le député de Louis Hébert a
soulevé tantôt. Par contre, le sondage fait par Optimum
dévoilait des résultats très positifs de l'action, du
moins, la perception que la population avait de la Commission des droits de la
personne. De deux choses l'une ou les gens et les organismes qui sont venus
nous rencontrer pour nous faire part de leurs sentiments, des problèmes
qu'ils vivent face à la commission ne comprennent pas ou ne saisissent
pas réellement la mission ou les objectifs de cette Commission des
droits de la personne, ou il y a une situation ou une dimension à la
Commission des droits de la personne qui n'est pas développée,
probablement à cause de l'expérience que nous vivons avec la
commission depuis des années. On n'a peut-être pas voulu la
développer ou ce sont de nouveaux problèmes qui soulèvent
un tas d'interventions possibles qu'on n'était pas préparé
à faire par manque d'enquêteurs et ainsi de suite
Je ne veux pas du tout être juge du travail que vous faites Je
pense que, depuis que la commission est sur pied, il y a des résultats
positifs II ne s'agit pas de lancer ta balle à Pierre, Jean, Jacques,
mais d'essayer de voir comment on peut resituer tout cela dans le temps. La
question que je voulais vous poser aujourd'hui, et c'est probablement la
dernière qu'on va poser cet après-midi, est la suivante en tant
que membre de cette Commission des droits de la personne, à la suite des
audiences que nous avons vues durant trois jours et après les dix
dernières années, après les expériences que vous
avez vécues et le contact que vous avez eu avec la population ou les
divers organismes qui ont fait appel à vous, est-ce qu'il y aurait lieu
- vous allez peut-être me dire que ce n'est pas à vous à
faire des propositions - d'apporter des modifications majeures non pas au
contenu de la charte, mais à la façon de la faire appliquer? (17
heures)
II est certain que, lorsqu'on vit des expériences de
médiation ou les gens ont réglé leur différend pour
100 $, 200 $ ou une bouteille de Champagne, il y a des cas où c'est tout
à fait normal, c'est une façon de faire de l'éducation,
j'en conviens. Par contre, il y a d'autres cas qui sont dramatiques où
des gens ont perdu leur emploi à la suite de délais. Parfois, les
résultats ou les jugements, on les obtient mais deux ans après,
et, pendant ces deux années, la personne n'a pas travaillé. II y
a quand même des cas dramatiques que I on vit
Tout bonnement, est-ce que vous auriez des propositions? Si vous aviez
à améliorer la commission - je ne parle pas de la
réorganiser parce que, quand même, on a une bonne organisation, on
a une bonne structure - il y a peut-être des choses qu'il faudrait
revoir, à part le problème du personnel. Si on réglait le
problème du personnel, est-ce qu'on aurait quand même à
modifier ou à ajouter une structure executive, si on peut dire?
M. Lachapelle: J'allais dire, un peu comme M le président
tantôt, que, d'abord, notre première réflexion, à la
suite de tout ce qui a été dit par les groupes, c'est, bien
sûr, que c'était un jugement très sévère sur
la commission, mais j'allais dire, comme le mentionnait M le président,
que nous le prenons de façon extrêmement positive. Ce qu'on a dit
à propos de la commission, je pense que tout le monde l'a dit de
manière à en améliorer le fonctionnement, et il y a des
remarques très pertinentes qui ont été faites sur les
problèmes conflictuels qu'on peut vivre à cause des
différents mandats qui sont donnés à la commission
Vous me demandez. Est-ce que vous auriez des suggestions? J'ai
l'impression que, dans les quelques minutes imparties, ce serait difficile de
vous dire quelles sont ces suggestions. Ce que je voudrais surtout vous dire,
c'est que les discussions qu'on a eues cet après-midi, quant à
nous, sont extrêmement riches de filons pour pouvoir explorer d'autres
avenues que celles que nous
avons actuellement. D'ailleurs, à la commission, je l'ai
mentionné ce matin, nous sommes actuellement en train de
réfléchir à chacun des mécanismes qui sont en place
et qui visent au traitement des plaintes, parce que c'est probablement
là qu'est la grande difficulté de la commission. On doit le dire:
dans certains cas, on ne vous livre pas toujours la marchandise dans des
délais qui sont acceptables, bien que, dans beaucoup de cas, on ait
donné des résultats en matière de règlement et
même dans des cas d'enquête également. Je pense qu'on a
réussi à faire progresser des dossiers de façon tout
à fait acceptable, avec des résultats précis et concrets
que l'on pourrait, à l'occasion, démontrer devant cette
commission, si c'était nécessaire. Je pense que les gens sont en
majorité convaincus qu'il y a des choses qui se sont faites. Encore une
fois, nous sommes en plein processus à la commission, mes
collègues et moi, et les employés de la commission, parce qu'ils
travaillent également avec nous à cette réflexion, pour
amener des suggestions qu'il m'apparaîtrait un peu
prématuré de mettre sur la table,
Le président m'indiquait ce matin - je pense que vous l'avez
indiqué de façon publique également - qu'il y aurait
peut-être lieu, une fois que tout cela aura été
décanté, qu'on puisse indiquer certaines lignes et faire
certaines suggestions de modification, si nécessaire, qu'on pourrait se
revoir pour en discuter et voir si les propositions de votre commission
pourraient être mises en application de façon acceptable autant
pour la commission que pour toute la population.
Le Président (M. Filion): Merci. M. le président et
M. le député de Beauharnois. De consentement, nous avons
décidé de prolonger légèrement nos travaux
jusqu'à 17 h 15. Alors, M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Oui, merci, M. le Président. Plusieurs groupes
que nous avons entendus mardi et mercredi auraient souhaité que la
commission soit partout, c'est-à-dire, comme un parti politique, qu'elle
se prononce sur tous les dossiers, qu'elle soit équipée d'un
Winnebago et qu'elle soit partout au fur et à mesure que des droits et
libertés sont menacés. Maintenant, je tiens à vous dire
que ce n'est pas nécessairement son rôle que de courir constamment
après des micros, bien au contraire.
J'avais trois petites questions, puisqu'il nous reste quelques minutes.
La première n'est pas une question, mais je tenais à vous
féliciter pour le colloque qui s'est tenu au début de 1986, dont
j'ai eu l'honneur d'ailleurs de faire le discours de clôture:
"Éducation aux droits". Si vous avez à répéter des
expériences de ce genre, je serai certainement à votre
disposition pour vous aider dans toutes les étapes et faire des
pressions auprès du ministre de la Justice pour débloquer les
fonds nécessaires. Je me souviens des sketches de jeunes
comédiens qui avaient pour but d'expliquer aux jeunes du secondaire et
même du primaire, si ma mémoire est bonne, ce qu'était la
Charte des droits et libertés de la personne dans la pratique, comment
visualiser cela. Ceci dit, j'ai deux petites questions. Cela n'a pas fait
l'objet d'exposés de la part des groupes puisque ce n'était pas
inclus dans notre questionnaire, nous nous étions limités
volontairement. Cependant, une question qui a fait l'objet de vifs
débats l'année dernière concerne la mobilité de la
main-d'oeuvre au sein de la Commission des droits de la personne, pas
nécessairement les membres, car on sait que le personnel en
général ne fait pas partie de la fonction publique. Un
enquêteur, par exemple, après dix ans, peut en avoir assez et
vouloir aller travailler ailleurs, mais, dans le fonctionnement actuel, c'est
impossible, d'après ce qu'on me dit. C'est qu'effectivement,
n'étant pas membres de la fonction publique, les employés sont
souvent restreints dans leurs demandes de mutation futures. Je me demande s'il
ne faudrait pas envisager l'intégration des membres. Vous pourriez vous
entendre là-dessus.
Troisièmement, concernant les groupes autochtones, vous en avez
peut-être parlé dans votre mémoire, mais je ne me souviens
pas quelles ont été les interventions récentes pour ce qui
est des Communautés autochtones.
M. Lachapelle: Pour ce qui est de la question de la
mobilité du personnel, bien sûr, cela a fait l'objet de grandes
discussions lorsqu'il y a eu le dépôt d'un projet de loi sur
l'intégration des employés de la commission à la fonction
publique, en même temps que, vous vous en souviendrez, un projet de loi
pour fusionner le Comité de la protection de la jeunesse et ta
Commission des droits de la personne, projet de loi qui a été
retiré Nous avons eu, depuis lors, de nombreuses discussions avec le
syndicat de la Commission des droits de la personne, puisque les
employés sont syndiqués et qu'ils ont un syndicat affilié
à la CSN, indépendant du syndicat des employés de la
fonction publique. Bien sûr, ce problème est ressorti et le
comité que nous avions formé travaillait à cette
problématique de la mobilité des employés Une des
solutions étant l'intégration des employés, on pourrait
revenir sur cette question-là. Nous avons quand même
constaté ensemble qu'il y avait d'autres mécanismes; c'est
habituellement une question de res-sourcement des gens, et on a convenu que la
mobilité se faisait de bien des façons. Cela peut se faire parce
que les gens sont déplacés d'un secteur à l'autre à
la commission, cela peut se faire parce qu'on s'en va en dehors de la
commission, cela peut se faire également en accordant des congés,
des congés d'études, des congés sabbatiques, des
congés à traitement différé. Nous avons, ces
derniers mois, grandement favorisé ces congés, étant
entendu que la commission pouvait y perdre durant un certain temps, mais que
cela était nécessaire au ressour-
cement des employés qui, pendant dix ans, ont oeuvré dans
le même domaine et qui ont besoin d'aller voir ailleurs ce qui se passe,
d'aller travailler dans d'autres secteurs. Peut-être aussi que quelques
employés allant travailler dans d'autres secteurs peuvent finalement s'y
intéreser au point de faire carrière ailleurs.
L'autre élément que nous avons envisagé ensemble et
qui a été discuté à l'époque était la
possibilité, non pas que tes employés soient
intégrés à la fonction publique, ce qui posait par
ailleurs des problèmes assez important... Entre autres, qu'arrive-t-il
lorsque la Commission des droits de la personne enquête sur les
employés du gouvernement, par exemple, sur une plainte du SPGQ quant
à la parité salariale et où il y a des implications
extrêmement importantes? C'était une des préoccupations et
le Conseil du trésor s'était même opposé à ce
que les employés de la Commission des droits de la personne
enquêtent dans ces dossiers, si bien qu'on a engagé quelqu'un qui
n'était pas de la commission pour enquêter. Alors, imaginez-vous
d'autres dossiers où des employés de la commission iraient
enquêter. Cela posait vraiment un problème d'impartialité,
d'indépendance de la part des employés de la commission.
Ce qui avait été suggéré à
l'époque et, malheureusement, qui n'a pas été retenu, qui
n'est pas encore en discussion sur la table, c'est que les employés de
la Commission des droits de ta personne puissent faire ce qu'on appelait le
pont avec la fonction publique, puissent postuler des emplois à la
fonction publique au même titre que les autres employés de la
fonction publique et que, de la même manière, les employés
de la fonction publique puissent venir à la Commission des droits de la
personne, à la suite de l'établissement de la reconnaissance de
leurs compétences, parce qu'on pourrait dire qu'un avocat recruté
à la Commission des droits de la personne n'a pas été
recruté suivant les mêmes critères que ceux de la fonction
publique et, à ce compte-là, n'aurait pas la même
reconnaissance syndicale, d'ancienneté, etc. Mais nous avions
établi certains paramètres qui pouvaient permettre aux
employés, comme cela, de passer de la Commission des droits de la
personne à la fonction publique, en se présentant à des
concours au même titre que les autres employés. La suggestion est
encore sur la table, mais il y a peu de progrès.
Il y a une autre possibilité, c'est qu'on puisse établir
certains mécanismes de prêts entre les organismes. Ce ne sont pas
des choses faciles à faire. J'ai moi-même contacté
plusieurs dirigeants d'organismes avec qui j'ai eu des discussions. Tant qu'on
est sur le plan des discussions théoriques et que tout le monde se dit:
Oui, chez mol, j'ai le même problème - si l'on fait le tour de la
fonction publique et des organismes, il y a 48 organismes, je pense, qui sont
un peu dans la même situation que la commission - tout le monde est plein
de bonne volonté: Oui, c'est vrai, on devrait pouvoir faire des
échanges. Quand arrive le moment de dire: Untel s'en va à tel
endroit pour deux ans et vous allez prendre Untel à sa place, on a
passablement plus de difficultés à réaliser cela de
façon pratique et concrète. Si bien qu'à ce jour, je ne
suis pas arrivé à faire des transferts de personnel avec d'autres
organismes, bien que des employés d'autres organismes disent: Oui, nous
sommes intéressés par la Commission des droits de la personne. Ce
ne sont pas des solutions faciles. Si bien que nous préconisons toujours
ce pont et cette possibilité pour les employés de la commission
d'accéder à la fonction publique sans perdre de fonds de pension,
sans perdre l'ancienneté, par exemple, et toutes les conséquences
qui pourraient en découler, Actuellement, si un employé de la
Commission des droits de la personne veut postuler à la fonction
publique, il doit évidemment démissionner de la commission et
perdre l'ancienneté qu'il y aurait accumulée, ce qui est un
problème.
Le Président (M. Filion): Alors, je vous remercie...
Une voix:...
Le Président (M. Filion): Pardon?
Une voix: Oui, il y avait...
Le Président (M. Filion): Ah bon! Alors, sur la question
des autochtones, troisième point soulevé par M. le
député de Marquette, je vais reconnaître Me
Bissonnette.
M. Bissonnette: Oui, la commission se penche sur la question des
autochtones effectivement. Il y a un comité interne qui a
été créé sur les peuples autochtones dont fait
partie, notamment, Mme Bibiane Courtois, qui a été pendant
plusieurs années présidente de l'Association des femmes
autochtones du Québec. Dans les projets actuels à l'égard
des peuples autochtones, il y en a un sur lequel on se penche, soit de faire
une consultation auprès de ces groupes, de façon à avoir
de l'information sur un certain nombre de points qui nous importent et qui les
concernent, entre autres, essayer de vérifier avec eux dans quelle
mesure, justement, la commission québécoise... Mais on pense
aussi à la commission canadienne, à cause, justement, des
difficultés d'établir quelle est la commission qui a
compétence. Je pense que ceux qui, parmi vous, avez suivi des cours de
droit constitutionnel savez bien que, en matière autochtone, ce n'est
pas toujours facile de tracer la ligne, à savoir: Est-ce qu'on tombe
dans le champ fédéral ou est-ce qu'on demeure dans le champ
provincial? Là-dessus, on aimerait justement entendre les groupes et
peut-être aussi avoir de l'information à cet égard. C'est
un des points sur lesquels on aimerait les entendre et, également, sur
le rôle
que peut Jouer la Commission des droits de la personne du Québec
lorsqu'on se retrouve face à des conflits qui peuvent surgir dans les
communautés, un peu comme ce qu'a évoqué le
président de la commission à propos d'une communauté de
Saint-Augustin, où un employé de la commission est intervenu. On
peut faire le bilan de ce qui a été fait déjà,
parce qu'il y a quand même un certain nombre de choses qui ont
été faites depuis quelques années, mais il faut aussi
souligner que c'est toujours possible que d'autres choses soient faites et
s'entendre là-dessus. (17 h 15)
Un autre sujet qui nous intéresse, qui nous importe - on va voir
dans quelle mesure c'est un sujet qui préoccupe les peuples autochtones
eux-mêmes, dans la mesure où on pourra faire cette tournée
- c'est d'essayer d'identifier les mécanismes qui sont plus
particulièrement ceux des peuples autochtones. Cela revient à une
question qui a été évoquée cet après-midi
lorsqu'on a dit: Écoutez, pour des personnes, parfois, remplir des
formulaires écrits de façon à porter plainte à la
commission, ce n'est pas toujours facile. Alors, vous comprendrez que pour
certains groupes, peut-être pas les groupes qu'on connaît mieux,
comme les gens du comté du député de Beauharnois, les gens
de Kahnawake, je pense que la plupart d'entre eux sont assez familiers avec les
procédures écrites, mais, si on pense à d'autres
communautés - je pense aux Inuit chez qui j'ai déjà
séjourné - je suis à peu près certain que peu
d'entre eux seront portés, même s'ils subissent une
discrimination, à avoir le réflexe de porter plainte par
écrit à une commission qui, de toute façon, est à
des milliers de kilomètres de leur communauté. Alors, nous nous
interrogeons là-dessus et on aimerait discuter avec les principaux
Intéressés et avec les membres de la commission canadienne pour
voir dans quelle mesure on pourrait s'assurer de se référer
à leur façon propre d'agir dans ce domaine. Je pense au
conseiller parajudiciai-re qui pourrait jouer un rôle dans ce
domaine.
Un autre de nos sujets de préoccupation c'est: Est-ce qu'il est
pertinent de penser à amender la charte québécoise de
façon à s'assurer que les droits ancestraux des peuples
autochtones issus de traités soient bien reconnus dans le cadre
provincial en matière de droits et libertés? Ce n'est pas acquis,
et je pense que vous le savez. Il y a des problèmes qui se sont
posés dans le domaine du bâtiment, notamment. Cela a
été réglé par voie législative, mais le
problème se pose dans d'autres domaines.
Alors, c'est un projet. Il n'est pas acquis que nous aurons les fonds
pour faire cette tournée, mais je dois vous dire que ce comité se
penche sur ces questions et que nous tentons de maintenir le contact. Ce n'est
pas facile non plus parce que les groupes sont parfois loin, mais il y a quand
même des efforts qui sont faits dans ce sens.
M. Dauphin: Merci beaucoup.
Remarques finales M. Claude Filion
Le Président (M. Filion): Merci. En terminant ces travaux,
je voudrais remercier les représentants de la Commission des droits de
la personne. Il y a matière à poursuivre pour eux une
réflexion déjà amorcée. Je voudrais simplement leur
signaler quelques points additionnels dont nous n'avons pas traité dans
les discussions et qui, j'en suis sûr, de toute façon, auraient
fait partie de cette réflexion
II y a le processus de recevabilité des plaintes. On a
parlé du questionnaire; par contre, durant nos auditions, on a
remarqué qu'il y a certaines résistances à la
recevabilité dans certains cas. Je pense au harcèlement sexuel,
et à l'orientation sexuelle. On aurait pu parler également
longtemps de la question des délais. Mais, quant à la question
des délais, il y a beaucoup de règlements et les délais
sont longs quand il n'y a pas de règlement Est-ce qu'il y a beaucoup de
règlements parce que les délais sont longs et, comme l'ont
mentionné certains intervenants, le député de
Louis-Hébert notamment, on manque de souffle, ce qui favorise le
règlement parce que les délais sont longs? Peu importe la
solution à ce problème, il demeure que les délais devront
être raccourcis, je pense, pour le plus grand bien de tout le monde.
Il y a le problème d'accessibilité à l'information,
aux décisions. Cela peut prendre une forme concrète. Des
intervenants nous ont dit: Les bureaux sont ouverts de 9 heures à 16
heures. Je travaille, alors, comment vais-je faire pour... Bon! Est-ce qu'il y
a possibilité de songer qu'un samedi, de temps en temps, le centre de
documentation de la commission soit ouvert? C'est un problème
particulier, mais ce qui a été soulevé est beaucoup plus
vaste. On aimerait que le réservoir de connaissances de la Commission
des droits de la personne puisse se déverser plus facilement à
l'intérieur d'autres groupes, que j'appelle des groupes
intermédiaires, qui sont des partenaires occasionnels de la commission,
mais non pas au détriment des responsabilités de la commission et
des groupes eux-mêmes.
La question de la représentativité ou du caractère
représentatif du personnel de la commission a été
mentionnée. Je vous la soumets. On n'en a pas traité. Il y a
également l'article 48. Il y en a quelques autres, j'en suis convaincu.
Je sais qu'un représentant de la commission assistait à nos
travaux. De toute façon, l'ensemble des mémoires vous a
déjà été remis. La transcription de nos
débats est évidemment disponible entièrement et
rapidement, je l'espère,
pour le bénéfice des membres de fa commission. Il demeure
tout à fait vraisemblable que nous nous revoyons. De notre
côté, je l'ai signalé, la réflexion se fera en
séance de travail. Nous allons donc fort probablement nous revoir pour
continuer de façon tout à fait sereine et positive ce travail
bien amorcé.
Encore une fois, en mon nom personnel et au nom des membres de la
commission, un gros merci au président de la commission, aux
commissaires qui se sont déplacés, ainsi qu'à tout le
personnel qui a préparé l'excellent mémoire et,
également, cette période de discussions très
fructueuses.
En terminant nos travaux, je voudrais simplement déposer, sous la
cote D-1, une liasse de questionnaires remplis. Il s'agit des réponses
des avocats salariés du réseau de l'aide juridique au
questionnaire sur la Commission des droits de la personne qui nous ont
été transmises par la Commission des services juridiques en
septembre 1987 sous la cote D-1. Je voudrais également déposer le
mémoire de la Chambre de commerce du Québec, daté du 18
septembre 1987, sous la cote 1-M, et, sous la cote 11-MA, l'exposé du
Comité provincial des malades.
Ceci termine donc nos travaux, mais je m'en voudrais de ne pas remercier
tous les députés qui ont participé à la
consultation de cette commission. Nul doute qu'à travers nos fonctions
parlementaires.. Je dois vous dire que digérer cette masse
d'information, devenir familiers avec cette masse d'information a quand
même été, je pense, un très bel exploit sur le plan
parlementaire, compte tenu que les députés ont d'autres fonctions
à l'intérieur et à l'extérieur de ce Parlement. Ce
n'est pas un plaidoyer pour ce qui pourrait venir et dont les journaux vont
traiter. Je voudrais également remercier la secrétaire de la
commission, Me Giguère, qui a assuré un déroulement
très logique de l'ensemble de nos travaux, ainsi que le personnel qui
s'est rendu disponible durant ces trois journées.
Alors, les travaux sont ajournés sine die.
M. Lachapelle: Est-ce que vous pouvez me permettre quinze
secondes avant la fin de l'émission?
Le Président (M. Filion): Oui, je vous en prie.
M. Lachapelle: J'aimerais, à mon tour, remercier les
membres de cette commission. Je dois vous dire que, si nous trouvions, hier et
avant-hier, que les propos tenus par les groupes étaient
extrêmement positifs, on les trouvait quand même parfois
sévères. La rencontre que nous avons eue aujourd'hui a
été, comme vous f'avez mentionné, sereine et positive
Nous profitons de l'occasion pour dire que ce genre de rencontre est
extrêmement profitable pour la démocratie, pour tous les groupes
qui veulent se faire entendre, et nous vous remercions de nous avoir
écoutés.
Le Président (M. Filion): Merci. Nos travaux sont
ajournés sine die.
(Fin de la séance à 17 h 24)