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(Onze heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Filion): Nous allons déclarer la
séance ouverte, mais uniquement dans quelques minutes.
Donc, cette séance de la commission des institutions de
l'Assemblée nationale est maintenant ouverte.
Je rappellerais le mandat qui nous est confié par
l'Assemblée, qui est de procéder à l'étude
détaillée de projets de loi d'intérêt privé.
Nous avons au menu trois projets de loi d'intérêt privé: le
projet de loi 223, Loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur, le projet
de loi 261, Loi concernant la succession d'Alexandre Blouin, et le projet de
loi 214, Loi concernant certains immeubles du cadastre de la paroisse de
Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette.
Je demanderais à notre secrétaire, Me Giguère,
d'annoncer les remplacements, s'il y en a.
La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): Alors, je proposerais aux
députés d'étudier évidemment les projets de loi
dans l'ordre fixé par l'Assemblée avec la réserve
suivante: c'est que l'on m'informe qu'en ce qui concerne le deuxième
projet de loi, le projet de loi 261, il est possible que la
députée qui présente ce projet de loi soit retenue
à une autre salle. Donc, nous pourrions, le cas échéant,
intervertir l'ordre entre le deuxième et le troisième projet de
loi pour permettre, évidemment, à la députée qui
pilote, qui présente ce projet de loi d'être présente aux
travaux.
J'appellerais donc le projet de loi 223 et je demanderais aux gens qui
sont dans la salle et qui sont intéressés de se faire entendre
sur ce projet de loi de bien vouloir s'approcher à la table des
invités et y prendre place.
Oui, M. le député de Bourget.
Projet de loi 223
M. Trudel: M. le Président, vous permettez que je vous
présente les deux requérants, étant celui qui
présente le projet de loi 223. Je le fais au nom du ministre du Commerce
extérieur et député du comté de Robert Baldwin qui,
étant membre du Conseil des ministres, ne peut présenter des
projets de loi privés. Alors, je vous présente M. Stéphane
Jolicoeur, qui est le requérant, accompagné de sa mère,
Mme Monique Poulin. M. Jolicoeur est présenté ici comme
étant procureur, je ne pense pas que M. Jolicoeur soit Me Jolicoeur,
c'est le requérant qui a décidé de présenter son
projet de loi, sa requête, lui-même.
La requête - je la résume rapidement, M. le
Président - consiste essentiellement en ce que M. Jolicoeur
désire recevoir la plus grande partie du capital de la fiducie avant le
décès de sa mère qui, de son côté, consent
à ce qu'on mette fin à ses droits dans la fiducie moyennant la
somme de 75 000 $ payable le 25 mars 1987. Or, c'est essentiellement l'objet du
projet de loi et, si vous le voulez, je pense qu'on peut laisser à M.
Jolicoeur le soin...
Le Président (M. Filion): Oui, d'accord.
M. Trudel: ...de nous expliquer cela rapidement.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
député de Bourget. Est-ce que, M. le ministre de la Justice, vous
voudriez intervenir à ce stade ou si vous aimeriez attendre à
plus tard un peu dans nos travaux? Vous apprécieriez entendre d'abord
nos invités.
M. Marx: Oui, on peut entendre les invités. J'aimerais
demander à nos invités de nous expliquer ce qui est arrivé
il y a quelques années quand ils étaient devant nous, en ce qui
concerne le même testament.
M. Jolicoeur (Stéphane): J'ai préparé un
petit texte. Je peux vous lire ça.
Dans les deux années qui ont suivi la loi de 1982, nous nous
sommes aperçus, ma mère et moi, qu'on ne nous avait pas
informés des conséquences néfastes que la loi allait
apporter.
Comme on s'en souvient, les taux d'intérêt étaient
plus élevés que 22 %. Les revenus de la succession étaient
donc suffisants pour assurer à ma mère et à moi un niveau
de vie convenable. Or, la conjoncture économique a chanqé et les
rendements de la succession ont baissé de façon substantielle. II
faut dire que la politique de placement d'un trust est très
conservatrice. Aujourd'hui, les revenus de la
succession sont à peine suffisants pour assurer la rente annuelle
de 30 000 $ à ma mère.
De ce fait - c'est ce sur quoi je voudrais attirer votre attention -
aucun montant de capital n'a été et ne sera libéré
du Trust général du Canada aux dates prévues par le
testament, c'est-à-dire le 25 mars 1987 et le 25 mars 1992. Le capital
de la succession restera figé afin d'assurer la rente versée
à Mme Jolicoeur, ma mère, jusqu'à la fin de ses jours,
soit environ 25 ans.
Deuxièmement, le testament stipule que toute décision de
la part des exécuteurs testamentaires doit être prise par la
majorité. Dans le cas du dernier projet de loi, le Trust
général a pris la tutelle à lui seul de présenter
ce projet de loi, de consentir au projet de loi sans que les deux autres
exécuteurs, qui sont mes oncles, n'en aient été
avisés.
M. Marx: Vous étiez ici.
M. Jolicoeur: J'étais ici.
M. Marx: On vous a fait venir deux fois.
M. Jolicoeur: Oui, mais l'affaire là-dedans, c'est que je
peux vous dire honnêtement que je venais juste d'avoir vingt ans à
l'époque...
M. Marx: Oui, mais on vous a fait venir deux foisl
M. Jolicoeur: Je pense que... M. Marx: Deux fois.
M. Jolicoeur: Non, je ne suis pas venu deux fois ici.
M. Marx: Deux fois ici. Vous n'avez pas parlé la
deuxième fois, on n'a pas fait adopter la loi. Vous êtes
revenu.
M. Jolicoeur: Je ne suis pas revenu.
M. Marx: Vous avez parlé quelque part dans le débat
parce que je vous ai moi-même questionné.
M. Jolicoeur: La première fois, je suis venu. Je
n'étais pas ici la deuxième fois.
M. Marx: Allez-y.
M. Jolicoeur: Ce que je veux vous dire, c'est que la
décision avait été prise par le Trust
général qui a consenti à cela. Ce qu'il est important de
savoir, c'est que !es revenus actuels de la succession suffisent juste à
assurer la rente de 30 000 $.
M. Marx: Si je me souviens bien, la première fois que vous
êtes venu ici avec votre mère, on a entendu soit vous, soit vos
avocats. J'étais dans l'Opposition à l'époque, c'est M.
Bédard qui était ministre de ta Justice et vous avez
demandé que la rente annuelle léguée à votre
mère dans le testament, qui était de 4800 $ par année,
soit portée à 30 000 $. À l'époque, nous avons eu
beaucoup d'hésitation à faire cela parce que nous ne sommes pas
ici pour changer des testaments. Votre mari, votre père a eu une
idée. Il a voulu faire quelque chose avec son argent et ce n'est pas
à nous de changer cela deux fois par décennie. Cela serait
injuste. Supposons que je fasse mon testament maintenant et que mon fils et ma
femme viennent à l'Assemblée nationale dans dix ans pour dire que
le testament n'est pas bon et qu'ils veulent le faire chanqer par
l'Assemblée nationale. Si on accepte que tout le monde puisse faire
modifier son testament à l'Assemblée nationale, il n'y a pas de
fin à cela. Ce serait inutile de faire des testaments.
Vous êtes venus ici. Nous avons eu beaucoup d'hésitation
à faire adopter ce projet de loi en 1982, cela avait même
été mis en suspens pendant, je pense, six mois, d'une session
à l'autre, parce qu'on a voulu entendre M. Jolicoeur. On a posé
une ou deux questions à M. Jolicoeur parce que, la première fois
qu'il est venu ici, il n'a pas parlé. On a posé une question pour
avoir son consentement à l'époque, si je me souviens bien.
M. Jolicoeur: Mais je ne suis pas revenu ici la deuxième
fois.
M. Marx: Oui, vous étiez ici au mois de décembre
1982. "Est-ce que - je pose cette question à M. Jolicoeur - vous
êtes d'accord pour donner votre consentement pour que ce projet de loi
soit adopté? Vous comprenez, j'imagine, tout ce dont an a discuté
et le contenu de ce projet de loi. C'est un consentement donné
librement." Et vous avez dit oui.
M. Jolicoeur: Vous voulez dire en décembre? C'était
au mois de juin 1982 et non pas au mois de décembre.
M. Marx: C'est en décembre. Au mois de juin, vous
étiez ici, mais vous n'avez pas parlé. Vous étiez assis,
vous n'avez pas parlé et c'est pourquoi, après discussion, nous
avons pensé que ce serait utile de vous entendre vous-même, pour
être sûrs que vous donniez votre consentement librement. C'est
pourquoi, si je me souviens bien, la loi n'a pas été
adoptée au mois de juin. On a attendu jusqu'au mois de décembre.
On a insisté pour que vous veniez ici et on vous a posé cette
question. Y avait-il d'autres
questions? Non. M. Bédard après cela... On a cela, ici, le
débat en commission parlementaire.
Mme Poulin (Monique): Est-ce que je peux dire un mot?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): On va attendre que cet
échange de propos soit terminé.
M. Marx: C'est-à-dire que c'est clair ici, dans le
débat, c'est enregistré, bien sûr, que M. Stéphane
Jolicoeur était ici. Il a donné son consentement. Vous venez
maintenant nous dire: Oui, le Trust générai a fait cela, mais les
autres n'étaient pas d'accord, on n'était pas ici, ainsi de
suite. Il ne faut pas oublier que vous étiez ici et que vous avez
donné votre consentement librement. C'est ici.
M. Jolicoeur: Est-ce que je peux m'exprimer ici? Les revenus
antérieurs dans la succession... Ce dont on ne nous a pas
informés, ma mère et moi, à l'époque, c'est que les
revenus de la succession à l'époque étaient suffisants
pour assurer cette rente et que, maintenant, ils ne sont plus suffisants. On ne
nous avait pas informés à savoir que les conséquences
directes de ce geste allaient amener automatiquement la fixation du capital
dans la succession. On ne nous avait jamais dit que cela allait arriver comme
cela. Maintenant que les taux d'intérêt sont à 7 %, le
Trust général, au 25 mars, lorsque je...
M. Marx: Je comprends le problème, c'est simple. Le
problème est très simple. Mais supposons que l'on fasse adopter
ce projet de loi. Dans dix ans votre mère va revenir, elle va dire
qu'elle était ici, qu'on ne lui a pas expliqué: J'avais 30 000 $,
maintenant je n'ai rien et mon fils ne me donne rien. Ce n'est pas une cour de
justice, ici, où on juge de l'équité, où tout le
monde vient plaider. Je me pose la question: Est-ce que c'est le devoir de
l'Assemblée nationale ou de cette commission de changer des
testaments?
Le Président (M- Filion): Je reconnais Mme Monique
Poulin.
Mme Poulin: Le changement maintenant est que, depuis ce temps, je
suis en affaires et je réussis quand même très bien. Ce
montant n'est pas valable pour moi. De toute façon, étant
donné que Stéphane peut hériter à 25 ans, il y a un
hasard qui s'est produit, je suis en affaires et je réussis très
bien. Alors, ce n'est plus nécessaire pour moi. C'est la
nouveauté qui vient de se présenter pour moi. Alors, je
laisse...
M. Marx: Oui, mais votre mari avait une idée quand il a
écrit le testament.
Mme Poulin: Oui. À 4800 $, à ce moment-là,
c'est sûr que c'était très bas. Cela avait besoin d'un
ajustement. Mais l'ajustement que les avocats ont fait faire par le trust a
quand même donné une mesure qui n'était pas
équitable parce que...
M. Marx: Comment peut-on s'assurer que la mesure proposée
dans le projet de loi sera équitable?
Mme Poulin: Elle le sera dans le sens suivant: étant
donné que j'ai mon travail et que je suis assurée de mon...
M. Marx: Oui. Mais supposons que dans deux ans ou dans dix ans
vous n'ayez pas votre travail.
Mme Poulin: Ce n'est pas quelque chose qui m'inquiète.
M. Marx: ...ce que vous avez dit l'autre fois aussi.
Mme Poulin: Je n'ai jamais parlé.
M. Marx: Vous avez parlé par le biais de vos avocats.
Mme Poulin: ...qui ont dit qu'ils voulaient m'offrir 30 000 $ au
détriment de la succession, de l'héritier. Parce que mon fils ne
pourra pas hériter. C'était cela, l'idée du testateur.
Pour l'instant, il n'hérite pas.
Le Président (M. Filion): Avec la permission du ministre,
M. Jolicoeur et Mme Poulin, je pense que vos témoignages, bien que
rapides, mettent quand même le doiqt sur deux aspects fondamentaux. M.
Jolicoeur qui a maintenant 24 ans...
Mme Poulin: II a 25 ans.
Le Président (M. Filion): II a 25 ans et il nous dit ceci:
On nous a mal expliqué à l'époque les conséquences
du projet de loi privé qui a été adopté le 18
décembre 1982. Vous, de votre côté, vous nous dites que les
circonstances ont changé. Vous êtes en affaires et, étant
en affaires, cette rente au montant de 30 000 $ est supérieure à
vos besoins. Je veux juste mettre en lumière que nous ne sommes pas une
cour de justice qui doit statuer sur une obliqation alimentaire
découlant d'une relation entre des individus d'une même famille.
Je pense que ce qui s'est passé en 1982, effectivement... Il est
remarquable que personne du trust ne soit ici avec vous. Est-ce qu'il y a des
gens du
trust ici dans la salle?
Mme Poulin: Non.
Le Président (M. Filion): Non. Est-ce que l'argent est
encore au même trust?
Mme Poulin: Toujours.
Le Président (M. Filion); Toujours. Ces gens-là n'ont pas
senti le besoin de venir aujourd'hui avec vous?
M. Jolicoeur: Non.
Mme Poulin: Non. Ils ont dit que c'était...
M. Jolicoeur: Ils s'en remettaient à
l'Assemblée.
Le Président (M. Filion): Ils s'en remettaient à
l'Assemblée, mais cela aurait été intéressant
d'avoir les gens du trust ici, aujourd'hui, pour qu'ils viennent nous expliquer
pourquoi, le 18 décembre 1982, devant le député de D'Arcy
McGee, alors critique de l'Opposition en matière de justice, et le
ministre de la Justice de l'époque, ils ont dit des choses à
cette Assemblée dont aujourd'hui M. Jolicoeur se plaint d'avoir
été mal informé. Vous dites: Écoutez, les
circonstances ont changé. En ce sens...
M. Jolicoeur: Elle a été mal informée elle
aussi.
Mme Poulin: Je l'ai été aussi!
Le Président (M. Filion): Bon, alors! Tout le monde l'a
été. Imaginez-vous! C'est l'Assemblée nationale ici, quand
même! Nous ne sommes pas une cour de justice.
Mme Poulin: Non, mais...
Le Président (M. Filion): Et cette Assemblée
nationale peut, dans certains cas, amener des notions d'équité
pour corriger des situations qui sont carrément inéquitables.
Mais on doit aussi veiller, madame et monsieur, à faire respecter la
volonté du de cujus, à moins, évidemment, que cette
volonté ne crée des situations qui sont absurdes et invivables.
Vous voyez à quel point nous en sommes rendus dans ce dossier.
L'Assemblée nationale s'est déjà prononcée en 1982.
On est saisi d'un deuxième projet de loi. Il y a véritablement
quelque chose qui n'a pas fonctionné rond dans ce dossier et qui ne
fonctionne toujours pas rond quant à nous. Je ne vous reproche rien,
mais j'avoue - je le dis ouvertement et publiquement, nos travaux sont
enregistrés - que j'aurais aimé avoir des représentants du
trust qui vous ont conseillés en 1982, dont maintenant les conseils
tombent complètement à plat, et qui même, si l'on se fie
à ce que vous nous dites, vous ont donné des conseils qui sont
mauvais.
Le deuxième point que je veux faire valoir, je le
répète, c'est que l'obligation alimentaire qui existe à
l'intérieur de nos lois continue à exister entre votre fils et
vous-même. Cette obligation alimentaire existe dans les deux sens,
d'ailleurs. Elle est réciproque, cette obligation alimentaire.
Le troisième point, c'est uniquement pour vous signaler que
l'Assemblée nationale n'est pas une cour d'appel de la volonté
d'un défunt. Vous comme moi - votre fils, quand il sera un peu plus
âqé, le comprendra lui aussi quand il fera un testament - nous
devons comprendre que la volonté exprimée dans un testament,
à moins d'une situation tout à fait exceptionnelle, il nous faut
respecter ce fondement même de notre droit qui est la volonté du
testateur.
Ceci étant dit, je vais peut-être, avant de passer la
parole au député de Bourqet, poser quelques questions pour mieux
saisir. Donc, l'argent est au même endroit. Combien représente le
montant en capital actuellement?
M. Jolicoeur: À peu près 470 000 $ ou 460 000 $.
C'est 460 000 $.
Le Président (M. Filion): C'est 460 000 % qu'il y a comme
capital dans ce trust.
M. Jolicoeur: Oui. Mais il y a cinq ans, lors du projet de loi de
1982, il y avait à peu près 540 000 t.
Le Président (M. Filion): Il y avait 540 000 $.
M. Jolicoeur: Oui. En 1982, il y avait 540 000 $ et, maintenant,
il y a à peu près 470 000 $. Je ne suis pas exact dans mes
chiffres.
M. Marx: C'est parce que le taux d'intérêt a
baissé et que c'était nécessaire de puiser dans le capital
pour payer les 30 000 $.
Le Président (M. Filion): Vous, M. Jolicoeur, vous avez 24
ans, vous allez avoir 25 ans...
M. Jolicoeur: J'ai 25 ans déjà. Mon anniversaire
est passé, le 25 mars.
Le Président (M. Filion): Votre anniversaire était le 25
mars. (12 heures)
M. Jolicoeur: Le 25 mars, le Trust général m'a dit
qu'aucun montant ne serait
libéré étant donné qu'on doit assurer
à Me Jolicoeur la rente pour le restant de ses jours.
Le Président (M. Filion): Qu'est-ce vous faîtes dans
la vie?
M. Joiicoeur: Je suis encore étudiant.
Le Président (M. Filion): À quel endroit?
M. Jolicoeur: Je commence à l'Institut Jean-Guy Leboeuf.
J'ai une formation d'économiste et je me prépare à suivre
des cours en immobilier.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Je vais
reconnaître le député de Bourget et, ensuite, M. le
ministre de la Justice.
M. Trudel: Oui, M. le Président. Devant les questions
qu'on se pose face au Trust général, j'avais
suggéré à M. Joiicoeur, quand il est venu me demander de
présenter un "bill" privé en son nom - ce que j'ai accepté
de faire - si possible d'avoir les gens du trust à Québec pour
être plus sûrs. Maintenant, je constate qu'ils ne sont pas
là. Je ne dis pas que M. Jolicoeur ne les a pas consultés, mais
je pense qu'il serait important, autant pour aider M. Jolicoeur et Mme Poulin
que pour aider les membres de cette commission d'avoir ces gens-là. Y
a-t-il une possibilité de les convoquer? Je ne me souviens pas des
règles de procédure, je ne sais pas si cela pourrait nous aider
à y voir plus clair, il reste que cela me paraît, M. Joiicoeur,
être un élément important au dossier, surtout
vis-à-vis des questions que se posent les membres de la commission. On a
le consentement de Mme Poulin, on a le consentement des deux exécuteurs
testamentaires...
M. Joiicoeur: Et du Trust général.
Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: Supposons qu'on n'ait pas adopté le projet de loi
en 1982, la situation actuelle serait que Mme Joiicoeur aurait une rente de
4800 $ par année, que M. Joiicoeur aurait la moitié du capital,
donc 230 000 $, et quand aurez-vous le restant?
M. Joiicoeur: L'autre partie à 30 ans.
M. Marx: À 30 ans. Si votre père a voulu que vous
n'ayez pas tout le capital en même temps, je me pose la question à
savoir si l'Assemblée nationale devrait changer le testament et
même aller à l'encontre des voeux de votre père. Je suis
exécuteur testamentaire - d'accord? - pour une succession. Les enfants
attendent l'argent et ils vont avoir la moitié à 25 ans et
l'autre moitié à 30 ans.
M. Jolicoeur: Mais c'est ce que je vais recevoir moi aussi, la
moitié à 25 ans; c'est ce que je devrais recevoir.
M. Marx: Je comprends. Mais ce que vous voulez maintenant, c'est
le tout.
M. Jolicoeur: Non, non, la moitié. M. Marx: La
moitié maintenant.
M. Jolicoeur: La moitié, moins les 75 000 $.
M. Marx: Et votre mère...
M. Jolicoeur: Ce n'est pas le tout, le testament ne change
pas.
M. Marx: C'est 75 000 $. Bon, ce que vous demandez, c'est qu'on
retourne à la situation originale.
M. Joiicoeur: C'est cela.
M. Marx: C'est cela, effectivement.
M. Jolicoeur: Avec des nuances.
M. Marx: Avec des nuances. Mme Joiicoeur aurait 75 000 $ au lieu
d'avoir une rente de 4800 $ par année. C'est cela?
Mme Poulin: Oui, exactement cela. Avec 4800 $ par année,
c'est déficient présentement.
M. Marx: Mais pourquoi avez-vous demandé, pourquoi
l'entente de 30 000 $?
Mme Poulin: À ce moment-là, je n'avais aucune
fonction, je ne travaillais pas et je prévoyais... Ce n'est pas moi qui
ai demandé 30 000 $, ce sont eux qui ont décidé que la
succession donnait un rendement équitable à 30 000 $.
M. Marx: Mais le Trust général n'est pas
allé vous voir pour dire: 4800 $, ce n'est pas assez pour vous, on va
porter cela à 30 000 $. Qui a fait les approches?
Mme Poulin: C'est l'avocat qui a décidé...
M. Marx: Mais est-ce que le Trust général est
allé vous voir ou est-ce que vous êtes allée voir le Trust
général?
Mme Poulin: Non, c'est l'avocat. On a commencé par
l'avocat pour leur demander...
Oui, le Trust général en a parlé un peu, mais c'est
surtout moi qui voulais avoir un changement parce que j'ai dit: Je ne pourrai
pas vivre avec 4800 $. À ce moment-là -cela fait quand même
juste deux ans -c'était vraiment médiocre.
M. Marx: Supposons qu'on abroge le projet de loi de 1982. Si on
abroge la loi, M. Jolicoeur aurait 230 000 $ tout de suite.
Mme Poulin: Oui.
M. Marx: D'accord? Et vous aurez une rente de 4800 $ par
année.
Mme Poulin: Oui.
M. Marx: Et quand il va avoir 30 ans, j'imagine, il va avoir le
reste moins un montant que le Trust générai va garder pour
assurer la rente de 4800 $.
Mme Poulin: Oui.
M. Marx: Mais, vous voulez retourner à la situation avant
1982 avec le chanqement que vous aurez 75 000 $ tout de suite au lieu d'avoir
4800 $...
Mme Poulin: Cela fait une grande différence. Plutôt
que d'avoir 4800 $ par année des années durant, 75 000 $
présentement, c'est plus intéressant dans le sens que si vous le
placez...
M. Marx: Oui. On va suspendre ce projet de loi.
On va suspendre et on va reprendre cet après-midi.
Le Président (M. Filion): Donc, nos travaux sur le projet
de loi 223 sont suspendus et reprendront à notre séance de 15
heures qui aura lieu à la même salle. C'est bien? J'appelle
maintenant... Est-ce que nous sommes prêts?
Projet de loi 214
Donc, cette commission reprend maintenant ses travaux. J'appelle le
projet de loi 214, Loi concernant certains immeubles du cadastre de la paroisse
de Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette. Nos invités ont
déjà pris place à la table et je demanderais aux personnes
qui sont devant nous de bien vouloir s'identifier pour les fins du Journal
des débats.
M. Fissette (Jean-Marie): Jean-Marie Fissette, greffier à
la Cour municipale et stagiaire en droit.
M. Rousseau (Jean-Jacques): Jean-Jacques Rousseau, maire
suppléant de la ville de Loretteville.
M. Taschereau (Georqes): Georqes Taschereau, avocat.
M. Martel (Gilles): Gilles Martel, directeur des services de la
ville de Loretteville.
Le Président (M. Filion): D'accord, bienvenue messieurs.
Est-ce que certains membres de cette commission... M. le député
de Chauveau, est-ce que vous désirez nous présenter le projet de
loi?
M. Poulin: Oui, cela concerne certains immeubles. La ville de
Loretteville a acquis des terrains en 1984 et il y a eu certains
problèmes à l'acquisition des terrains. Je pense que Me
Taschereau va être en mesure d'expliquer le projet.
Le Président (M. Filion): Est-ce que d'autres membres de
cette commission ont des remarques préliminaires à faire avant de
laisser la parole à nos invités? Avez-vous des remarques
préliminaires?
M. Marx: Non.
Le Président (M. Filion): Donc, je vais reconnaître
Me Taschereau. (12 h 15)
M. Taschereau: Oui. Je vous remercie, M. le Président. La
situation est très simple. Dans les faits ce qui s'est passé,
c'est ce qui suit. La caisse populaire de Saint-François-d'Assise, en
1980, a prêté une somme d'argent et le remboursement de cette
somme d'argent était garanti par une hypothèque sur certains lots
du cadastre de la paroisse de Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette située
sur le territoire de la ville de Loretteville. Outre l'emprunteur, il y avait
des cautions qui étaient intervenues à l'acte de prêt et
qui étaient responsables du remboursement de la dette. Le
débiteur est devenu en défaut et le créancier
hypothécaire a institué contre le débiteur une action
hypothécaire qui s'est soldée par la vente en justice des
immeubles affectés à la qarantie de la caisse populaire.
Or, entre le moment où la garantie hypothécaire a
été accordée et celui où les procédures en
exécution ont été menées, il y a eu une subdivision
cadastrale. Cette subdivision cadastrale n'a pas été
considérée dans les procédures de vente en justice,
c'est-à-dire dans le bref de saisie, l'avis de vente et le titre du
shérif à l'occasion de la vente en justice.
C'est une irréqularité à l'égard de laquelle
il y a un double courant jurisprudentiel: un premier qui conclut à la
nullité absolue des procédures de vente en justice faites sans
tenir compte de la
désignation cadastrale exacte des lots et un second minoritaire
en ce sens que la nullité qui en résulte est une nullité
relative.
Devant ce double courant jurisprudentiel et afin de parfaire son titre,
la ville de Loretteville a intenté une action contre le débiteur
à l'acte d'obligation, une action contre toutes les cautions à
l'acte de prêt et une action contre le prêteur hypothécaire.
Les conclusions de cette action étaient de faire déclarer le
titre de la ville de Loretteville bon et valable. La ville de Loretteville a
obtenu jugement et ce jugement n'a pas été porté en appel.
Il a été enregistré contre les lots en tenant compte de la
subdivision cadastrale effectuée à la suite du prêt
hypothécaire, mais avant les procédures de vente en justice.
Nonobstant l'obtention de ce jugement et son enregistrement contre les
immeubles, des doutes se sont élevés quant à la
validité du titre de la ville de Loretteville. La ville de Loretteville
désire depuis plusieurs mois disposer de ces terrains. Elle s'est
engagée envers des tiers à livrer la possession et à
vendre certains de ces terrains. Il y a des doutes qui s'élèvent
sur la validité du titre en ce qui concerne la désignation des
immeubles dans les procédures de vente en justice et nonobstant
l'obtention du jugement postérieur.
Un deuxième doute s'élève quant au prix
accordé lors de la vente en justice. Ce doute résulte d'un
conflit entre des dispositions de la Loi sur les cités et villes, des
dispositions générales, d'une part, aux articles 28 et suivants
qui prévoient pour la ville, pour toute corporation municipale, le droit
d'acquérir des lots dont elle a besoin pour des fins municipales par
achat ou autrement, et, d'autre part, des dispositions spécifiques
prévues aux articles 535 et suivants, je crois - je vous dis cela de
mémoire - qui concernent la vente d'immeubles pour taxes. À ces
derniers articles qui ont une portée particulière, une
portée spécifique, il est dit qu'une ville peut enchérir
et peut se porter adjudicataire lors d'une vente d'immeuble, mais que le prix
d'adjudication ou le prix de l'enchère de la ville ne doit pas
dépasser un montant suffisant pour couvrir le montant des taxes qui lui
sont dues et un montant suffisant pour couvrir les charges réelles ayant
priorité sur la sienne.
À cet égard, il y a des doutes qui sont soulevés,
notamment, au ministère des Affaires municipales. Alors, là, la
ville de Loretteville se trouve dans une situation où elle veut disposer
de ces terrains pour fins de développement domiciliaire. Elle a
d'ailleurs constitué une réserve foncière avec ces
terrains et elle veut en disposer. Il y a des promoteurs qui sont
intéressés. Les procédures de vente sont bloquées
par ces irrégularités. La ville de Loretteville se trouve dans
une espèce de vide juridique où elle ne sait pas comment
procéder pour régulariser la situation ou pour assurer les tiers
avec qui elle traite de la validité de son titre de
propriété. C'est l'objet du projet de loi qui fait l'objet de
l'étude par votre commission ce matin.
M. Marx: M. le Président, j'ai une question. Est-ce que
vous pouvez avoir un jugement déclaratoire qui va avoir l'effet de
régulariser ces titres? Vous avez dit non, je pense.
M. Taschereau: Voici, M. le député. La ville de
Loretteville a...
Le Président (M. Filion): M. le ministre de la
Justice.
M. Taschereau: M. le ministre, excusez-moi. Alors, M. le
ministre, la ville de Loretteville a déjà tenté de
corriger cette situation par l'obtention d'un jugement. Les conclusions de son
action contre les personnes que j'ai désignées sommairement tout
à l'heure étaient de faire reconnaître son titre bon et
valable. Cette procédure, cette action a été
signifiée à tous les intéressés. Personne n'est
intervenu. Il y en a un ou deux qui ont comparu, mais ils n'ont produit aucun
plaidoyer. Jugement a été obtenu et, malgré cette
situation, la ville de Loretteville est bloquée.
M. Marx: Si vous avez le jugement... M. Taschereau: Nous avons le
jugement.
M. Marx: Mais il y a un doute sur la portée du
jugement.
M. Taschereau: Voilà!
M. Marx: Mais est-ce qu'on ne peut pas clarifier le doute en
allant devant la Cour supérieure une autre fois?
M. Taschereau: Voici. C'est tout un problème de
juridiction qracieuse. Si la procédure de vente en justice est nulle de
nullité absolue, est-ce qu'un jugement postérieur peut
couvrir?
M. Marx: Cela dépend de ce que le juge a dit.
M. Taschereau: Le juge a donné raison à la ville de
Loretteville, a rendu juqement et, malgré cette situation, la ville de
Loretteville a des problèmes avec les tiers avec qui elle traite.
M. Marx: Est-ce que vous voulez dire que, même s'il y a un
jugement de la Cour supérieure, une partie pourrait contester la
validité des titres même à l'encontre de ce
jugement? C'est ce que vous voulez dire?
M. Taschereau: Ce que je vous dis, c'est que les tiers
prétendent - les tiers avec qui, entre autres, la ville a des
problèmes - que le jugement obtenu de la Cour supérieure est un
jugement rendu dans le cadre d'exercice de la juridiction gracieuse de la Cour
supérieure et que c'est un jugement annulable. Elle refuse de se
contenter de ce jugement. Concernant la possibilité d'obtenir
l'annulation d'un jugement de juridiction gracieuse de la Cour
supérieure, je vous réfère à l'arrêt rendu il
y a deux ou trois ans de la famille Denis par la Cour suprême du Canada,
où on a dit qu'un jugement de juridiction gracieuse peut être
annulé en certaines circonstances. Alors, on se dit: Comment peut-on
régulariser la situation?
Le Président (M. Filion): Est-ce que d'autres membres de
cette commission veulent intervenir? Me Taschereau, vous êtes au dossier
depuis le début?
M. Taschereau: Je suis au dossier depuis cet automne,
personnellement.
Le Président (M. Filion): L'action a été
intentée...
M. Taschereau: Oui.
Le Président (M. Filion): ...à quel moment?
M. Taschereau: L'action a été intentée en
1984 par l'étude dont je fais partie.
Le Président (M. Filion): Et le jugement a
été rendu à quel moment?
M. Taschereau: En 1984, 1985... En 1985, j'ai le jugement en ma
possession.
Le Président (M. Filion): Je ne sais pas si vous avez une
copie additionnelle, juste pour satisfaire ma curiosité, de ce
jugement?
M. Taschereau: Oui, certainement.
Le Président (M. Filion): Deuxièmement, est-ce que
vous avez eu des opinions juridiques soutenant les prétentions des
tierces parties qui sont des acquéreurs potentiels, je suppose? Je ne me
trompe pas?
M. Taschereau: Oui, exactement.
Le Président (M. Filion): Exactement.
M. Taschereau: Exactement.
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous avez des
opinions juridiques justifiant les possibilités de contestation et
d'annulation de ce jugement?
M. Taschereau: Nous n'avons pas eu d'opinion juridique
écrite. Nous sommes les procureurs de la ville de Loretteville et
certains notaires impliqués dans des dossiers de vente de
propriétés refusent le titre pour les motifs exposés plus
tôt. Nous sommes devant une situation où nous avons un jugement de
la Cour supérieure, un jugement dont il n'a pas été
interjeté appel, un jugement qui a été signifié
à tout le monde. On nous dit: Écoutez, c'est un jugement rendu
par la Cour supérieure dans l'exercice de sa juridiction gracieuse et on
ne considère pas que ce jugement a la force de la chose
jugée.
M. Marx: C'est quoi la juridiction gracieuse? C'est la
première fois que j'entends cela.
M. Taschereau: La juridiction gracieuse, écoutez, c'est
lorsqu'il n'y a pas de situation litigieuse à proprement parler. Par
exemple, les procédures pour la nomination de tuteurs, pour la vente des
biens des incapables, pour la vérification de testaments, pour
l'obtention d'un jugement de prescription trentenaire à l'égard
d'un immeuble...
Le Président (M. Filion): Donc, il s'agit d'à peu
près toutes les matières qu'on retrouve
généralement et qui sont l'objet de requête pour jugement
déclaratoire. Pas toutes, mais en bonne partie.
M. Marx: Oui, mais dans le jugement, M. le
Président...
M. Taschereau: C'est le chapitre VII.
M. Marx: C'est cela. Dans le jugement, c'est écrit: Par
son action pour jugement déclaratoire de propriété, la
demanderesse demande d'être déclarée propriétaire
des immeubles décrits aux dispositifs du présent juqement en
déclarant bon et valable son titre d'adjudication sur lesdits immeubles.
Après cela, on a les conclusions. J'imagine que les conclusions
étaient celles demandées.
M. Taschereau: Voilà!
M. Marx: Si quelqu'un a demandé des conclusions, il y a
des conclusions, donc, tout doit être beau. Mais vous me dites qu'il y a
des notaires ou des avocats qui disent: À l'encontre de ce jugement, on
peut plaider la nullité absolue d'un certain nombre d'actes.
M. Taschereau: C'est cela. C'est exactement cela. Ce que ces gens
prétendent...
M. Marx: Mais peut-être pouvez-vous avoir un jugement
où le juge va dire! On ne peut pas plaider la nullité absolue et
ainsi de suite. Donc, comme on dit, ce sont les preuves à l'eau.
M. Taschereau: La situation délicate dans laquelle on se
trouve, M. le ministre, est la suivante: on demanderait à la Cour
supérieure de dire si elle a bien fait de rendre tel jugement, alors
qu'elle s'est déjà prononcée. C'est la situation curieuse
dans laquelle on se trouve. Mettez-vous à la place de la Cour
supérieure. Elle s'est déjà prononcée. Si on lui
demande cela, elle va dire: Écoutez, on s'est déjà
prononcé sur la question.
M. Marx: En fait, ce que vous demandez dans le projet de loi,
c'est d'entériner le jugement.
M. Taschereau: C'est d'entériner le jugement et de
convaincre les tiers qui doutent de la validité de ce jugement, en se
fondant sur le jugement de la Cour suprême rendu dans l'affaire Denis -
c'est cela - de les convaincre de la validité du titre de la ville de
Loretteville.
M. Marx: Est-ce que toutes les personnes qui pourraient
être impliquées ont été avisées?
M. Taschereau: Toutes les personnes... Écoutez!
Avisées à quel niveau, M. le ministre?
M. Marx; C'est-à-dire avisées que... Toutes les
personnes qui pourraient avoir des droits ont été avisées
qu'il y a un projet de loi privé qui pourrait être adopté
à l'Assemblée nationale.
M. Taschereau: Voici l'avis dans les journaux.
M. Marx: Publié, oui.
M. Taschereau: II n'y a pas eu d'avis privé.
M. Marx: Est-ce que quelqu'un peut perdre des droits si on adopte
ce projet de loi?
M. Taschereau: Non.
M. Marx: Mes légistes me disent non aussi. (12 h 30)
M. Taschereau: Les juges, c'est cela. Oui. Je vous prie de noter,
M. le ministre, qu'au moment où ces procédures d'action pour
jugement déclaratoire ont été intentées, nous avons
bien pris soin d'assigner comme défendeurs toutes les personnes qui, de
près ou de loin, pouvaient avoir un intérêt,
c'est-à-dire: l'emprunteur, toutes les cautions, le prêteur
hypothécaire qui a fait procéder à la vente en justice.
Aucune de ces personnes qui ont reçu signification des procédures
n'est intervenue, n'a contesté l'action. Il y a eu deux comparutions
auxquelles il n'a pas été donné suite de sorte que c'est
le protonotaire spécial, compte tenu de l'article 195 du Code de
procédure civile, qui a rendu le jugement.
M. Marx: II faut comprendre, M. le Président, pour
résumer ça dans une phrase, que c'est pour enlever des doutes en
ce qui concerne le jugement. Moi, je suis d'accord qu'on enlève les
doutes et qu'on adopte ce projet de loi. D'accord?
Le Président (M. Filion): Avec la permission du ministre
de la Justice, je pense bien qu'effectivement il n'y a pas de tierce partie qui
pourrait être lésée. Ce qui me préoccupe - j'ai
reçu la copie du jugement - Me Taschereau, c'est ceci: d'une part, vous
avez un jugement de la Cour supérieure, bon, et vous nous avez, je
pense, expliqué ce secteur du droit que je ne connaissais pas: les
jugements portant sur des juridictions à titre gracieux. Je sais qu'il y
a des compagnies d'assurances qui font des paiements gracieux à
l'occasion, mais je ne savais pas que la Cour supérieure travaillait
gracieusement.
Ce qui me chicote, c'est ceci: à partir du moment où vous
n'avez aucun avis juridique contestant l'application et la pleine portée
du jugement du 11 avril 1985, j'aimerais savoir d'où est venu ce doute,
finalement, et ce qui fait qu'on est ici aujourd'hui.
M. Taschereau: Bon, voici. D'abord, pour ce qui est de
l'annulation des juqements pour juridiction gracieuse, je vous soulignerai que
le jugement dont l'annulation a été prononcée par la Cour
suprême dans l'arrêt Denis/Cossette il y a une couple
d'années, c'est un jugement qui avait été rendu autour de
1960 par la Cour supérieure. Alors, évidemment, j'imagine que les
notaires qui sont impliqués là-dedans voient leur
responsabilité professionnelle engagée, voient le jugement
Cossette/Denis et disent: "Bon, voici..." Alors, ils bloquent, ils bloquent. Je
ne vous dis pas que je partage cette opinion, mais on se trouve devant une
espèce de vide juridique où la ville de Loretteville veut
disposer de ces terrains - elle a acquis ces terrains, elle a constitué
une réserve foncière pour encourager le développement
immobilier - alors que les fins pour lesquelles elle a procédé de
la sorte ne peuvent être retenues parce qu'il y a ce
problème-là.
Le Président (M. Filion): D'accord. Vous pourriez
peut-être juste me faire un petit plaisir, pour satisfaire ma
curiosité juridique - il nous en reste, vous savez, même quand on
devient membre de cette Assemblée nationale - et m'envoyer une copie de
ce jugement au soin du secrétariat de la commission des
institutions.
M. Taschereau: Ah! bien, avec...
Le Président (M. Filion): Je suis convaincu que ça
intéresse également les autres membres du...
M. Taschereau: C'est un arrêt d'une importance
capitale!
Le Président (M. Filion): Oui, c'est ça.
M. Taschereau: Vous allez avoir de véritables jouissances
intellectuelles à en faire la lecture.
Le Président (M. Filion): Vous nous en promettez beaucoup,
là! Est-ce que les membres sont prêts à procéder
à l'appel du projet de loi? Oui. Alors, j'appelle donc le
préambule du projet de loi. Est-ce que le préambule du projet de
loi est adopté?
M. Poulin: Adopté.
Le Président (M. Filion): D'accord. J'appelle l'article 1
du projet de loi. Est-ce que l'article 1 est adopté"?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 2 du projet
de loi. Est-ce que l'article 2 est adopté?
M. Trudel: C'est adopté.
Le Président (M. Filion): L'article 3 du projet de loi?
Adopté. L'article 4 du projet de loi?
M. Trudel: Oui.
Le Président (M. Filion): L'article 5 du projet de
loi?
M. Poulin: Oui.
Le Président (M. Filion): L'article 6 du projet de
loi?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Filion): L'article 7 du projet de loi? Je
comprends donc qu'il n'y a pas d'amendement à ce projet de loi.
J'appelle également l'annexe de ce projet de loi qui est une description
de certains immeubles du cadastre de la paroisse de
Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette. Adopté.
J'appelle le titre du projet de loi et j'appelle le projet de loi
214.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. Donc, le projet
de loi est adopté. Nous en sommes au niveau, bien sûr, de la
commission parlementaire, à l'étude article par article. Ce
projet de loi devra être étudié à l'Assemblée
nationale pour son adoption en troisième lecture.
Je voudrais donc remercier nos invités, M. le maire
suppléant, si j'ai bien compris, c'est ça. Me Taschereau...
M. Martel: Martel, Gilles Martel.
Le Président (M. Filion): M. Martel également.
M. Fissette: M. Fissette.
Le Président (M. Filion): M. Fissette. Donc, je voudrais
vous remercier d'avoir patienté et d'avoir bien voulu répondre
à nos questions. Vous comprendrez les préoccupations des
parlementaires qui doivent s'assurer que cette Assemblée nationale
n'entérine ou ne sanctionne que les projets de loi privés qui
doivent l'être.
Alors, je voudrais vous remercier encore une fois et, sans plus tarder,
je voudrais appeler le projet de loi no 261.
M. Taschereau: Merci de nous avoir entendus, M. le
Président, MM. les membres de la commission.
Projet de loi 261
Le Président (M. Filion): Je remercie Me Taschereau. Je
voudrais appeler le projet de loi no 261, Loi concernant la succession
d'Alexandre Blouin.
Je demanderais aux personnes qui sont dans la salle et qui sont
intéressées par ce projet de loi de bien vouloir prendre place
à la table des intivés.
Donc, je voudrais souhaiter la bienvenue aux personnes
intéressées par le projet de loi privé no 261, Loi
concernant la succession d'Alexandre Blouin, et je demanderais aux personnes
qui sont devant nous de bien vouloir s'identifier à la fois pour le
bénéfice des membres de cette commission que pour le
bénéfice du Journal des débats car nos travaux sont
enregistrés.
Mme Blouin (Mona): Mona Blouin. Mme Blouin (Rachel):
Rachel Blouin. Le Président (M. Filion): Pardon?
Mme Blouin (Rachel): Rachel Blouin. M. Paré (Claude):
Claude Paré, avocat. M. Blouin (Claude): Claude Blouin.
Mme Blouin (Line): Line Blouin.
Le Président (M. Filion): Alors, Me Paré,
bienvenue, et aux membres de la famille Blouin également. Est-ce que Mme
la députée qui présente le projet de loi voudrait nous
présenter son projet de loi?
Mme Bélanger: D'accord.
Le Président (M. Filion): Donc, la parole est à Mme
la députée de Mégantic-Compton.
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le projet de
loi 261 que je vous présente concerne la succession de feu Alexandre
Boutin, Blouin, pardon.
M. Blouin est disparu le 4 mars 1963 et fut déclaré
décédé rétroactivement à cette date par la
Cour supérieure du Québec en vertu d'un jugement en date du 28
avril 1971.
M. Blouin a laissé un testament en vertu duquel fut
créée une fiducie administrée par trois fiduciaires, dont
son épouse, Rachel Fortin, et son fils, Claude Blouin, qui sont ici
présents. Il est à noter que, ces derniers étant
majoritaires, ils peuvent prendre les décisions pour la fiducie en vertu
de l'article 11 du testament de feu Alexandre Blouin.
En réalité, le projet de loi qui vous est
présenté non seulement respecte les dernières
volontés de feu Alexandre Blouin, mais vient de plus les bonifier. En
effet, depuis plusieurs années, Mme Rachel Fortin reçoit une
rente de la fiducie qui totalise environ 400 $. Elle continuera à
recevoir cette rente jusqu'à son décès ou son
remariage.
À la lecture du testament de feu Alexandre Blouin, nous
constatons que le but recherché par le testateur était,
évidemment, d'assurer un revenu de cet ordre pour son épouse et
ce, jusqu'à son décès ou son remariage. Or, toutes les
parties intéressées ont convenu une entente qui garantit à
Mme Fortin un tel revenu sa vie durant et ce, à son entière
satisfaction.
L'adoption de ce projet de loi permettrait aux enfants de feu Alexandre
Blouin d'administrer eux-mêmes le capital qui leur revient en
évitant les frais de gestion actuels et, qui plus est, leur permettrait
de bénéficier dès maintenant du capital qui leur
échoit sans que leur mère n'ait à se remarier ou à
être privée de sa rente. L'entente prévoit également
que, en cas de remariage, Mme Fortin remettrait aux enfants la valeur de rachat
de la rente.
Comme le testament de feu Alexandre Blouiri ne comporte aucune
substitution et n'avait que pour seul objectif de faire
bénéficier son épouse et ses enfants des sommes qui sont
maintenant facilement déterminables, nous sommes convaincus que le
présent projet de loi ne vient que compléter et bonifier les
dernières volontés de M. Blouin.
Les pétitionnaires, Mme Rachel Fortin de même que ses trois
enfants, Claude, Mona et Line, ainsi que leur procureur, Me Claude Paré,
sont disposés à répondre aux questions de la
commission.
Le Président (M. Filion): Je voudrais remercier la
députée de Mégantic-Compton pour son exposé clair
et précis. Est-ce que d'autres membres de cette commission
désirent intervenir avant de laisser la parole à Me
Paré?
M. le ministre de la Justice.
M. Marx: Sur la présentation de la députée.
Quel est le capital maintenant?
M. Paré (Claude): C'est environ 180 000 $.
M. Marx: 180 000 $. Et quels sont les frais de gestion?
M. Paré (Claude): Les frais de gestion sont de l'ordre de
1200 % à 1500 % par année.
M. Marx: Par année. M. Paré (Claude): Oui.
M. Marx: Et le revenu est de combien à peu près? Le
revenu de...
M. Paré (Claude): Le revenu de la succession
actuellement?
M. Marx: Oui.
M. Paré (Claude): M. Blouin, je pense...
M. Blouin: Environ 15 000 $.
M. Marx: 15 000 $.
M. Blouin: Par année.
M. Marx: D'accord, les frais de gestion 1200 $, les revenus 15
000 $.
Le Président (M. Filion): Me Paré, vous voulez
peut-être ajouter à l'exposé? Je vous en prie.
M. Paré (Claude): Oui. Disons que les frais de gestion ne
sont pas l'élément le plus important de la succession.
J'aimerais
préciser d'abord le contexte dans lequel nous nous
présentons devant vous.
M. Blouin a effectivement disparu en 1963 et il a laissé un
commerce qui a été administré par son épouse qui a
été nommée curatrice de ses biens. Cette administration a
procuré une appréciation importante de la valeur de la succession
lorsque M. Blouin a été déclaré
décédé par la Cour supérieure en 1971. Alors, c'est
un aspect du dossier que madame a beaucoup contribué a l'augmentation de
la valeur de la succession.
L'autre élément, c'est que, comme on le voit au testament,
on avait prévu une distribution du capital, aux trois enfants entre les
âges de 20 et 30 ans environ, à supposer le décès ou
le remariage de Mme Blouin. Cela veut dire que si, aujourd'hui, Mme Blouin
décidait de se remarier, automatiquement tout le capital serait
distribué aux enfants et madame, donc, veut procéder par le biais
d'un projet de loi privé pour éviter justement de passer par
cette formalité d'un remariage qu'on ne croit pas être dans le
sens de respecter les volontés du testataire.
Lorsque M. Blouin est disparu, sa plus jeune enfant avait environ trois
ans. Nous pensons que nous sommes en mesure aujourd'hui de prendre une
décision éclairée et il n'y a aucune utilité
à ce que le capital ne soit pas distribué aux enfants aux
âges prévus car la rente de 400 % que madame reçoit et qui
est limitée à 400 $, elle va la recevoir de toute façon
par le biais de l'achat d'une rente que les fiduciaires seraient
autorisés à acheter en vertu du projet de loi.
M. Marx: Si je comprends bien, ils vont acheter une rente pour,
disons, 16 ans.
M. Paré (Claude): C'est ça. Alors, nous
avons...
M. Marx: Mme Blouin a l'air très bien. Supposons qu'elle
vive 20 ou 25 ans, ou 30 ans ou 35 ans; qu'est-ce qui va arriver?
M. Paré (Claude): D'accord. M. le ministre...
M. Marx: Je sais qu'il y a des statistiques et tout
ça...
M. Paré (Claude): Oui, oui. M. Marx: ...mais...
M. Paré (Claude): Nous avons produit une lettre d'un
actuaire...
M. Marx: Oui, mais on corrige beaucoup de lois avec des lettres
d'actuaires.
M. Paré (Claude): Oui.
M. Marx: Avec juste une, on a corrigé les pensions des
juges.
M. Paré (Claude): D'accord. Alors, il y a un engagement
écrit qui est produit au dossier de la commission, une entente qui est
intervenue, par laquelle les trois enfants s'engaqent conjointement et
solidairement à payer une telle rente si madame, sans se remarier,
survit à la période prévue par l'actuaire. Et je tiens
également à préciser à la commission...
Le Président (M. Filion): Avez-vous dit: "survit
après la période prévue?
M. Paré (Claude): Prévue par l'actuaire. Et je
tiens également à préciser à la commission, M. le
Président, que de toute façon il existe, comme vous l'avez
mentionné d'ailleurs tout à l'heure lors de l'étude du
premier projet de loi devant vous aujourd'hui, une obligation alimentaire entre
les ascendants et les descendants qui est réciproque. Et, même,
les 400 $ pourraient être augmentés selon les besoins de madame
à l'époque. (12 h 45)
M. Marx: Oui mais, pour cela, il faut aller devant la cour.
M. Paré (Claude): Bien sûr.
M. Marx: Si je comprends bien, il y a 185 000 $ dans la
succession, on va acheter une rente pour 16 ans, c'est cela?
M. Paré (Claude): Oui, qui va coûter environ 40 000
$.
M. Marx: 40 000 $. Et les trois enfants vont se partager environ
145 000 $ tout de suite.
M. Paré (Claude): C'est cela. Comme on...
M. Marx: D'accord, oui, je comprends. M. Paré (Claude):
Oui.
M. Marx: Et, après, qu'est-ce qui arrive des 40 000 $?
M. Paré (Claude): Ils sont épuisés.
M. Marx: Ils sont épuisés dans les 16 ans.
M. Paré (Claude): Oui. Si madame décède
avant les 16 ans...
M. Marx: C'est cela.
M. Paré (Claude): ...il y a un rachat de la rente qui est
distribué aux enfants
automatiquement. Si elle décide de se remarier, comme cela avait
également été prévu par le testateur.,.
M. Marx: Oui.
M. Paré (Claude): ...elle s'engage également
à distribuer la valeur de rachat aux enfants.
M. Marx; On n'est pas ici pour forcer madame à faire des choses
qu'elle n'aimerait pas faire. Ha! Ha! C'est-à-dire que, si on n'adopte
pas le projet de loi, ce sera nécessaire pour les enfants d'attendre
soit le remariage...
M. Paré (Claude): ...ou le décès. M. Marx:
...soit le décès. M. Paré (Claude): Exact.
M. Marx: On met 40 000 $ dans une... Oui.
Le Président (M. Filion): C'est cela. Dans le testament
actuel - la dernière phrase du ministre est importante pour moi -vous
avez dit qu'advenant le cas où il n'y aurait ni remariage ni
décès, à ce moment-là, les enfants ne pourraient
toucher le capital?
M. Paré (Claude): C'est exact.
Le Président (M. Filion): Même si la rente est
largement assurée par le capital actuel...
M. Paré (Claude): C'est exact.
Le Président (M. Filion): ...le testament empêche de
diminuer le capital.
M. Paré (Claude): C'est exact.
Le Président (M. Filion): Bon, d'une part.
M. Paré (Claude): L'une des raisons à cela, M. le
Président, est sûrement que, lorsque monsieur est disparu et a
été déclaré décédé à
cette date rétroactivement par la suite, sa succession était
moins importante -c'est assez paradoxal - que celle en présence de
laquelle nous sommes aujourd'hui.
Le Président (M. Filion): Effectivement.
M. Paré (Claude): Grâce au labeur de madame...
Le Président (M. Filion): Et vous avez bien
expliqué que madame a administré... C'est un commerce de quoi,
Mme Blouin?
Mme Blouin (Rachel): Au tout début, premièrement,
quand mon mari est disparu, il avait une dette de 95 000 $. C'est un commerce
qu'il avait acheté, une buanderie sur la rue Saint-Louis...
Le Président (M. Filion): Une buanderie?
Mme Blouin (Rachel): Une buanderie.
Le Président (M. Filion): Sur la rue
Saint-Denis?
Mme Blouin (Rachel): Saint-Louis. Le Président (M.
Filion): Saint-Louis. Mme Blouin (Rachel): Oui. Le Président (M.
Filion): À Québec? Mme Blouin (Rachel): À
Québec, oui. Le Président (M. Filion): D'accord.
Mme Blouin (Rachel): Au bout de deux ans, il fallait absolument
que ça marche et on a voulu retourner les machines. Tout était
rentré, la compagnie n'a pas accepté, alors, on était pris
pour payer la dette. La maison venait d'être achetée et tout
était là en suspens. Alors, on a parti le commerce et j'ai
été obligée de laisser ma maison et d'emmener mes enfants
vivre là. On a vécu au travers du commerce, j'ai
élevé mes enfants au travers du commerce.
Le Président (M. Filion): D'accord. Quelle était la
valeur de la succession à deux moments: d'abord en 1963, lors de la
disparition, et en 1971? Avez-vous ces chiffres-là,
approximativement?
Mme Blouin (Rachel): On ne les a pas. Le Président (M.
Filion): Environ.
M. Blouin: Mon père avait une épicerie dans te
Vieux-Québec, il était locataire et il avait peut-être un
inventaire de 8000 $ à 10 000 $. C'était une épicerie du
coin. Il y avait la buanderie qu'il venait d'acheter, mais ce n'était
pas un actif comme tel parce qu'on devait 95 000 $. Et il avait une
résidence qui a été vendue à peu près en
1972 pour 24 000 $. Et il avait quelques terrains d'une valeur entre 5000 $ et
10 000 $. C'est-à-dire, si j'additionne tout cela avec la dette...
D'actif, il devait peut-être avoir 50 000 $ à ce
moment-là.
Le Président (M. Filion): Mais il avait une dette
également là-dessus?
M. Blouin: Oui, il avait... Au moment
où il a disparu, il avait un chantier de construction, une
buanderie qui était en construction. Ce qui est arrivé à
ce moment-là, c'est qu'on pouvait faire de deux choses l'une: on pouvait
geler tous les fonds pendant sept ans, parce que mon père était
disparu, il n'était pas décédé, ou on pouvait
décider de l'administrer. On l'a fait administrer pendant deux ans. On a
perdu de l'argent pendant deux ans et, là, ma mère a
décidé de l'administrer à ce moment-là.
Le Président (M. Filion): Mme Blouin, quel âge
avez-vous?
Mme Blouin (Rachel): 68 ans, j'aurai 69 ans au mois
d'août.
Le Président (M. Filion): 69 ans. La deuxième
chose, le deuxième volet que je voudrais examiner un peu avec quelques
questions... Si je comprends bien, dans le testament, il y avait
également une clause à savoir que peu importe, dans
l'éventualité d'un décès ou d'un remariage, les
enfants ne pouvaient toucher la portion de leur legs avant qu'ils aient atteint
l'âge de 30 ans.
M. Blouin: C'est cela, c'était... Non, ils avaient...
Le Président (M. Filion): Non?
M. Blouin: ...un tiers à 21 ans, un tiers à 25 ans
et un tiers à 30 ans.
Le Président (M. Filion): 21, 25 et 30 ans.
M. Blouin: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Filion): Est-ce qu'à 21 ans les
enfants...
M. Paré (Claude): Ils n'ont rien touché
jusqu'à maintenant parce qu'il n'y a eu ni décès ni
remariage.
Le Président (M. Filion): Ah! Parce que
l'éventualité ne s'est pas présentée.
M. Paré (Claude): C'est cela.
Le Président (M. Filion): D'accord. Je crois comprendre
qu'aujourd'hui un des enfants n'a pas encore 30 ans.
Une voix: C'est cela.
Le Président (M. Filion): Vous êtes madame?
Mme Blouin (Line): Line Blouin.
Le Président (M. Filion): Quel âge avez-vous?
Mme Blouin (Line): 28 ans.
Le Président (M. Filion): 28 ans. Il est curieux, le
président, dans les projets de loi privés; dans les projets de
loi publics aussi et dans les résolutions constitutionnelles encore
plus. M. le ministre de la Justice.
M. Marx: Oui, M. le Président. Si je comprends bien, la
succession était déficitaire à l'époque. C'est
madame qui a vraiment remonté l'entreprise familiale, si je peux la
désigner comme cela. Je n'ai pas d'objection, mais j'aimerais
suggérer de mettre la convention en annexe au projet de loi pour que ce
soit public en même temps parce que...
Le Président (M. Filion): Puis-je me permettre une
suggestion au ministre de la Justice? Je pense qu'on peut la mettre en annexe,
oui. Il n'y a pas de problème à la mettre en annexe.
Une voix: C'est parce qu'une annexe est toujours annexée
à...
Le Président (M. Filion): Oui, mais il faudrait la citer
à ce moment-là, il faudrait faire un amendement. M. le ministre
de la Justice, me permettez-vous une deuxième réflexion...
M. Marx: Oui, oui.
Le Président (M. Filion): ...dans le sens des amendements
ou je ne sais pas. Je regarde cela, on a une rente pour 16 ans, Mme Blouin. La
rente prévue à l'intérieur du projet de loi est de 16
ans.
Mme Blouin (Rachel): Oui.
Le Président (M. Filion): Comme le ministre de la Justice
l'a souligné - je fais la remarque un peu en même temps, je n'en
fais pas nécessairement un amendement -combien coûterait, par
exemple, une rente qui durerait 20 ans? Cela a-t-il été
examiné un peu?
Mme Blouin (Rachel): Vous voulez me faire vivre lonqtemps, vous,
là!
Le Président (M. Filion): Moi, je voudrais vous garder en
vie longtemps.
M. Paré (Claude): Je pense effectivement, M. le
Président...
Le Président (M. Filion): Non pas parce que la convention
n'est pas correcte ou rien de cela, mais...
M. Paré (Claude): Non, non.
Le Président (M. Filion): ...c'est notre devoir de nous
assurer encore une fois que la volonté soit respectée dans la
plus grande partie possible.
M. Paré (Claude): M. le Président, effectivement,
Particle 1 du projet de loi prévoit une rente d'au moins 16 ans alors
que l'actuaire nous a donné 15,82 années comme barème
d'expectative de vie. On a indiqué au projet de loi au moins 16 ans de
sorte que si on se rend compte que, des rentes sont plus avantageuses parce
qu'elles ont des termes comme 15 ans, 20 ans ou 25 ans, on se réserve le
droit d'acheter une rente supérieure à celle minimale qui
dépasse déjà l'expectative de vie.
M. Marx: Je propose un amendement, M. le Président, parce
qu'on veut protéger le plus possible Mme Fortin.
Le Président (M. Filion): Blouin. M. Marx: Mme
Blouin, dis-je.
Le Président (M. Filion): Mme Fortin-Blouin.
M. Marx: Bien, c'est cela, Mme Fortin-Blouin. Mais, avant cela,
seulement une question: Supposons qu'on adopte le projet de loi et que Mme
Blouin se marie, va-t-elle perdre sa rente?
M. Paré (Claude): Oui.
M. Marx: Elle va perdre sa rente.
M. Paré (Claude): Tel que prévu au testament,
M. Marx: Donc, on ne change pas le testament dans ce sens.
M. Paré (Claude): C'est cela.
M. Marx: Ce que je propose - donc, nous sommes d'accord -
l'amendement que je propose, c'est - et on va donner cela à la
secrétaire par écrit - d'ajouter à l'article 1, à
la troisième ligne, après le mot "acheter", les mots
"conformément à l'entente reproduite en annexe".
C'est-à-dire qu'on va lire: "Les fiduciaires de la fiducie
constituée par le testament d'Alexandre Blouin, enregistré au
bureau de la division d'enregistrement du Québec sous le numéro
727/622 sont autorisés à acheter, conformément à
l'entente reproduite en annexe, à même le capital une rente de 400
$ par mois payable à Rachel Fortin durant au moins 16 ans et à
partager également le résidu entre Mona Blouin, Claude Blouin et
Line Blouin." Cela veut dire que tout serait dans le projet de loi et...
M. Paré (Claude): C'est parfait, cela.
Le Président (M. Filion): M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: J'aimerais demander à Mme RIouin si elle a
d'autres revenus?
Mme Blouin (Rachel): Oui. Je ne vis pas avec 4400 $ par
année; 400 $ par mois, je ne vis pas avec cela.
M. Marx; Oui, mais puis-je vous demander...
Mme Blouin (Rachel): Pardon?
M. Marx: Vos autres revenus sont de quel ordre?
Mme Blouin (Rachel): J'ai de l'argent en banque, j'ai des
placements et j'ai ma propre maison, je me suis acheté une maison.
M. Marx: Mais votre revenu général, c'est...
M. Paré (Claude): M. le ministre... M. Marx:
Oui.
M. Paré (Claude): ...si vous permettez, je pourrais
répondre à ta question. D'après un bilan
préparé par Claude, il y aurait environ 275 000 $ d'actif net,
dont une maison payée au nom de madame, en plus de revenus pour 1985 de
l'ordre de plus de 20 000 $. Dans le contexte, j'aimerais préciser que
les trois enfants ont des emplois très stables.
M. Marx: D'accord.
M. Paré (Claude): Les trois travaillent d'ailleurs pour
votre auguste gouvernement...
M. Marx: Ah! bien...
M. Paré (Claude): ...et ce, depuis de nombreuses
années. Donc...
M. Trudel: Vous avez sûrement des emplois plus stables que
les nôtres.
M. Marx: Les trois travaillent au gouvernement.
M. Paré (Claude): C'est cela.
M. Marx: Si je comprends bien, madame, à part le revenu de
la succession, a assez de revenus pour vivre - comment dirais-je? -
confortablement?
Mme Blouin (Rachel): Certainement.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Filion): D'accord. Les membres de la
commission partagent l'avis éclairé du ministre de la Justice.
J'appelle donc le préambule du projet de loi en vous signalant qu'il y
aurait lieu, à mon avis, d'y faire un amendement parce que, sauf erreur,
le préambule... Non, le préambule...
M. Marx: Dans le préambule, au sixième paragraphe,
on dit: "ont conclu une entente"...
Le Président (M. Filion): C'est cela. M. Marx:
..."reproduite en annexe"...
Le Président (M. Filion): C'est cela. Donc, M. le
ministre, vous suggérez un amendement...
M. Marx: Oui, à la deuxième ligne de...
Le Président (M. Filion): À la deuxième
ligne du sixième paragraphe...
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): ...c'est du sixième
alinéa, oui, et l'amendement se lit comme suit: Après Je mot
"entente", insérer "reproduite en annexe". Donc, ajouter les mots:
"reproduite en annexe" à la deuxième ligne du sixième
alinéa du préambule après le mot "entente". Cet amendement
est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Adopté, Le
préambule, tel qu'amendé, est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 1 du projet
de loi et je comprends que le ministre voudrait déposer...
M. Marx: ...avec l'amendement...
Le Président (M. Filion): ...l'amendement suivant...
M. Marx: Déjà déposé.
Le Président (M. Filion): ...après le mot
"acheter", ajouter les mots "conformément à l'entente reproduite
en annexe". L'amendement est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Entre virgules,
évidemment.
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Est-ce que l'article 1 tel
qu'amendé est adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Est-ce que l'article 2 est
adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Est-ce que l'article 3 est
adopté'
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Est-ce que l'annexe est
adoptée? L'annexe intitulée "Convention intervenue à
Québec le 13 avril 1987."
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Filion): Est-ce que le titre du projet de
loi est adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Est-ce que le projet de loi tel
qu'amendé est adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Filion): Alors, je voudrais donc
remercier nos invités ainsi que les membres de la commission. Nos
travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 15 h 19)
Projet de loi 223 (suite)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des institutions reprend ses travaux. Veuillez prendre
place.
Nous étions à étudier et j'appelle à nouveau
le projet de loi 223, Loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur. M.
Jolicoeur est avec nous, Mme Monique Poulin également et...
M. Bleau (Jean-Claude): Jean-Claude Bleau, exécuteur
testamentaire.
Le Président (M. Filion): M. Bleau, vous êtes l'un
des exécuteurs testamentaires et vous êtes du Canada Trust. Est-ce
exact?
M. Bleau: Non, je ne suis pas du Trust général. Je
suis l'oncle de Stéphane.
Le Président (M. Filion): Ah bon! Vous êtes l'un des
exécuteurs testamentaires et l'oncle de Stéphane.
M. Bleau: C'est cela.
Le Président (M. Filion): Juste pour commencer un peu les
débats, parmi les exécuteurs testamentaires, il y avait
vous...
M. Bleau: II y avait Georges Jolicoeur, son autre oncle, et le
Trust général.
Le Président (M. Filion): Et le Trust
général.
M. Bleau: C'est cela.
Le Président (M. Filion): M. le ministre.
M. Marx: Je voudrais savoir pourquoi vous étiez d'accord
avec la loi de 1982.
M. Bleau: Nous n'avons pas été consultés,
maître. Le Trust général a fait la présentation sans
que les deux autres exécuteurs testamentaires soient au courant.
M. Marx: Votre neveu ne vous en avait pas parlé.
M. Bleau: À l'époque? Non. On n'était pas
prévenu de cela.
Le Président (M. Filion): L'autre exécuteur
testamentaire était-il dans la même situation que vous?
M. Bleau: Dans la même situation que moi.
Le Président (M. Filion): Monsieur? M. Bleau:
Georges Jolicoeur.
Le Président (M. Filion): Georges Jolicoeur.
M. Bleau: Exactement.
M. Marx: En 1982, avez-vous signé un consentement?
M. Bleau: Non.
M. Marx: Ils n'ont pas signé un consentement en 1982?
M. Bleau: Absolument pas. J'ai envoyé une lettre au Trust
général.
Le Président (M. Filion): Est-ce que les trois
exécuteurs testamentaires sont sur le même pied dans le
testament?
M. Bleau: Je le crois bien. Normale- ment, il est censé y
avoir trois exécuteurs testamentaires. Le Trust général a
été choisi pour administrer les fonds de la succession. On ne
nous a pas souvent demandé notre avis quand il s'agissait
d'administration, mais nous sommes les exécuteurs testamentaires et,
très souvent, on aqit en bon père de famille. Il s'agissait de
donner à Stéphane tout ce dont il avait besoin. Le testament
avait été fait d'une façon où Mme Jolicoeur avait
seulement 400 $ par mais. On trouvait que ce n'était pas suffisant pour
maintenir son fils et c'est pour cela que, tout au long du mandat que nous
avions, on a dit è Mme Jolicoeur: Si vous avez des dépenses
à faire pour l'éducation de Stéphane, n'hésitez pas
et on va agir, même en empruntant un peu sur le capital, à
l'époque.
Lorsque ce dernier projet de loi a été
présenté, nous n'en avions pas été informés.
M. Favreau, responsable du trust, a reçu des mises en demeure
après, naturellement, parce qu'on m'a présenté des
factures à payer pour ce projet de loi et j'ai refusé,
M. Marx: Donc, M. Jolicoeur, cela veut dire que vous n'aviez pas
consulté vos deux oncles. Est-ce exact?
M. Jolicoeur: Non. Je ne l'ai pas fait. Je pensais que mes deux
oncles avaient été consultés par le Trust
général. Je baignais dans une situation d'inconnu et je ne savais
pas à l'époque comment la machine ou le testament fonctionnait.
J'avais 20 ans à peine. Je pensais que tout avait été bien
organisé dans cette situation. De fait, j'ai appris par la suite que mes
oncles n'avaient pas été consultés.
M. Marx: Qui a intenté le processus en 1982? Qui a
donné l'idée? Est-ce que le trust est allé voir votre
mère pour lui dire: On va vous augmenter de 5000 $ à 30 000 $?
Comment cela a-t-il fonctionné?
Mme Poulin: J'ai eu une consultation avec M. Favreau et, à
ce moment-là, je ne savais pas à qui me référer
pour soumettre un projet de loi privé. M. Favreau m'a dit: Je vais vous
présenter un avocat qui s'appelle M. Blain...
M. Marx: Combien tout cela a-t-il coûté?
M. Jolicoeur: 13 000 $. M. Marx: 13 000 $?
M. Jolicoeur: 13 000 $ pour la passation d'un projet de loi.
M. Marx: Combien cela va-t-il vous coûter cette fois-ci, si
cela passe?
M. Jolicoeur: C'est la raison pour laquelle je le présente
moi-même.
Le Président (M. Filion): Donc, M. Favreau, du Trust
général du Canada, vous a présenté un avocat.
Mme Poulin: C'est cela et je ne voyais pas la liaison. À
ce moment-là, ils ont dit: C'est très bien, on va pouvoir
déterminer quel montant fixer. Je leur ai laissé le feu vert
pensant bien faire et c'est là qu'ils ont mis des montants quand
même astronomiques. C'est après qu'on a réalisé que
le montant était beaucoup trop élevé par rapport au
montant...
M. Marx: C'est-à-dire que vous avez approché le
trust.
Le Président (M. Filion): Le Trust
général.
M. Marx: Vous avez approché le Trust général
pour qu'il modifie le testament.
Mme Poulin: Bien, pour le modifier, tout simplement pour avoir
une augmentation.
M. Marx: Vous avez...
Mme Poulin: Pour assurer... Pour passer de 4800 $, durant cette
année, et augmenter. Mais je n'avais pas fixé de montant. Quand
ils ont présenté ce montant, je croyais qu'il était
valable par rapport au montant du capital, mais ce n'était pas le cas.
On l'a réalisé par la suite. Cela figeait le capital et
Stéphane ne pouvait plus hériter du montant. C'est pour cela que
nous sommes ici.
M. Marx: C'est cela, l'histoire. Puis-je vous demander quel est
votre revenu maintenant?
Mme Poulin: Je reçois 2500 $ par mois, c'est-à-dire
30 000 $. En plus, j'ai mon commerce qui va chercher entre - il peut y avoir
des variantes - 20 000 $ et 25 000 $.
M. Marx: Je n'ai pas entendu. Mme Poulin: 20 000 $
à 25 000 $.
M. Marx: 20 000 $ à 25 000 $. Quel est votre actif?
Mme Poulin: Oh! Vous m'en demandez beaucoup.
M. Marx: C'est pour savoir ce qu'on fait ici.
Mme Poulin: Oui, d'accord.
M. Marx: Qu'est-ce que vous avez comme biens?
Mme Poulin: Mon actif, cela veut dire que j'ai ma maison. Oui,
j'ai mon domicile.
M. Marx: Payé?
Mme Poulin: Oui, payé.
M. Marx: II vaut à peu près combien?
Mme Poulin: Ah! II peut aller chercher 70 000 $ ou 75 000 $.
M. Marx: Oui. Ensuite, en gros? Avez-vous des biens?
Mme Poulin: Des biens. M. Marx: Des actions?
Mme Poulin: Oui, c'est cela. Je peux peut-être aller
chercher environ 30 000 $. Je vous dis cela vite parce que vous me prenez par
surprise; j'aurais pu faire des calculs et regarder comme il le faut.
M. Marx: Votre commerce? Mme Poulin: Pardon?
M. Marx: Votre commerce, combien vaut-il? On ne veut pas vous
faire une offre d'achat, on veut...
Mme Poulin: Non, non. Il n'est pas à vendre non plus. Vous
ne seriez pas intéressé du tout. Peut-être 30 000 $. Je dis
30 000 $, cela pourrait être 25 000 $ à 30 000 $.
Le Président (M. Filion): Quelle sorte de commerce?
Mme Poulin: Aménaqement d'intérieur. Ce sont des
échantillons que je dois acheter, des catalogues et des tissus.
M. Marx: D'autres biens?
Mme Poulin: Non, c'est majeur. La maison, le commerce et quelques
placements.
M. Marx: Cela fait environ 135 000 $. Est-ce exact?
Mme Poulin: À peu près. Je ne suis pas très
bonne dans les chiffres. Si j'avais été si bonne que cela...
M. Marx: On sait cela maintenant.
Des voix: Ha! Ha!
Mme Poulin: Si j'avais été aussi bonne
que cela, il n'y aurait pas eu d'erreur. M. Marx: On est
d'accord. Le Président (M. Filion): Voilà.
M. Marx: M. Jolicoeur, quel est votre actif?
M. Jolicoeur: Moi, j'ai ma voiture et c'est tout.
Une voix: Vous avez la succession.
M. Jolicoeur: Bien, la succession qui est au Trust
général et qui va peut-être, si le projet de loi n'est pas
adopté, rester figée là pour 20 ans.
M. Marx: À combien s'élèvent les frais
d'administration de la succession? M. Bleau?
M. Bleau: C'est environ 12 000 $. M. Marx: 12 000 $ par
année? M. Bleau: Oui.
M. Marx: Les frais d'administration? Mme Poulin: C'est
très très coûteux.
M. Bleau: II y a 750 000 $... En tout et partout, il reste
à peu près 500 000 $ dans cette succession.
M. Marx: Oui, 460 000 $.
M. Bleau: II y avait 750 000 $ il n'y a pas tellement longtemps.
Alors, le capital... Voyez-vous, autrefois, le taux d'intérêt
était de 20 %. Cela pouvait rapporter...
M. Marx: Cela n'a pas duré longtemps.
M. Bleau: ...environ 60 000 $ et c'est à ce moment qu'on a
dit à Mme Jolicoeur: Écoutez, sur 60 000 $
d'intérêts, vous pouvez bien prendre 30 000 $. Mais, quand on a vu
l'affaire, on a trouvé que cela n'avait pas d'allure, parce que les taux
d'intérêts à 20 % ne durent pas longtemps.
M. Marx: Non, mais vous avez dit que le capital était de
750 000 $ il n'y a pas longtemps?
M. Bleau: Peut-être de 550 000 $. M. Marx: C'est
cela, 550 000 $.
Le Président (M. Filion): Oui, parce que cela n'aurait pas
d'allure autrement.
M. Marx: Non, non, c'est cela. Est-ce que je comprends que, quand
M. Jolicoeur a eu besoin d'argent pour payer ses frais de scolarité ou
d'autres frais, le trust, vous et son autre oncle, les exécuteurs
testamentaires, avez approuvé des montants qu'on a...
M. Bleau: C'était peut-être un peu onéreux,
mais Mme Jolicoeur nous apportait... On lui avait dit: Si Stéphane a
besoin de quoi que ce soit, préviens-nous, on signera un document et tu
seras remboursée par le trust. Or, le trust...
M. Marx: Remboursée par le trust.
M. Bleau: Le trust a toujours remboursé les
dépenses pour un camp d'été quand c'était
nécessaire ou pour des études spéciales ou pour l'habiller
ou des choses semblables. C'était assez pénible pour elle de
toujours conserver des factures et de nous les apporter. C'était la
seule façon pour nous de demander au trust de rembourser des
dépenses supplémentaires. C'est peut-être un peu pour cela
que Mme Jolicoeur a demandé de faire augmenter son revenu qui
était de 4800 $ par mois... (15 h 30)
Une voix: Par année.
M. Bleau: ...par année.
M. Marx: Si je comprends bien, le projet de loi... Quel est le
numéro du projet de loi cette année?
Le Président (M. Filion): C'est 223.
M. Marx: L'effet d'adopter ce projet de loi sera de retourner
à la période avant 1982, avec la différence que Mme
Jolicoeur, au lieu d'avoir 4800 $ par année à vie, aurait un
montant au comptant de 75 000 $ et ce serait à elle d'investir l'arqent,
le cas échéant, et d'avoir une rente de cette façon. Cela
va permettre à M. Jolicoeur d'avoir la moitié de la succession
tout de suite et l'autre moitié à l'âge de 30 ans.
M. Bleau: C'est cela.
M. Marx: On peut dire que, d'agir de cette façon, on va
respecter en qros la volonté...
M. Bleau: Du testateur.
M. Marx: Du testateur. Je pense qu'on peut voir cela de cette
façon. Je serais plutôt d'accord pour agir de cette façon.
Étant donné toutes les explications, je ne veux pas mettre les
bâtons dans les roues dans l'avenir de M. Jolicoeur et de sa
mère.
La conclusion que je tire de cette expérience de 1981-1982 et de
celle de 1987, c'est que je vais demander aux officiers du
ministère de la Justice d'être plus stricts et de faire en
sorte qu'il y ait moins de projets de loi privés qui passent, surtout en
matière de testament, parce qu'en 1982 je pense qu'on a fait le plus
possible à l'époque. M. Bédard, qui était ministre
de la Justice, était très prudent en ces matières aussi.
On a vraiment reporté la décision d'une session à l'autre
pour être sûrs et certains que ce que nous faisions serait
exactement ce que Ies deux personnes ont voulu. On a voulu s'assurer qu'on ait
votre consentement. C'est pourquoi on a fait venir M. Jolicoeur au mois de
décembre 1982 pour lui demander s'il comprenait ce qu'on faisait ici,
s'il était d'accord. Il a dit oui. Malheureusement, il n'a
peut-être pas compris exactement quel serait l'effet du projet de loi sur
sa vie. Donc, avec l'adoption de la loi 223, ce serait bien difficile pour vous
de revenir une troisième fois parce que, si c'est moi qui suis ici, soit
au pouvoir soit dans l'Opposition - on joue à la chaise musicale ici; ce
sera peut-être M. Filion qui sera ici la prochaine fois... Oui, mais il
est très jeune.
Une voix: II a un bon contenu.
M. Marx: Nous sommes donc favorables et on va juste... Il y a une
modification aussi.
Le Président (M. Filion): Avec votre permission, M. le
ministre. Avant la modification, Mme Poulin, je voudrais que vous vous rendiez
compte que si le présent projet de loi n'était pas adopté
nous devrions retourner non pas à la situation qui existait avant 1982,
mais à la situation qui existe maintenant. La situation qui existe
maintenant est que vous recevez 30 000 $ par année et le montant que
vous êtes disposée à accepter est de 75 000 $, ce qui est
considérablement moins, bien sûr, que le montant que vous recevez
actuellement qui est de 30 000 $.
Mme Poulin: II y a une grosse différence, mais
étant donné que l'âge joue aussi un rôle, avec mes 50
printemps, il m'en reste peut-être plus court à vivre que mon
fils. À ce moment-là, je considère toutes les
années qui restent à vivre et il y a aussi le travail que je fais
présentement.
Le Président (M. Filion): Donc, vous êtes pleinement
consentante à ce que nous adoptions ce projet de loi?
Mme Poulin: Je suis...
Le Président (M. Filion): Tout en étant consciente
des sommes d'argent que vous laissez, indirectement, à votre fils.
Mme Poulin: Oui. J'en suis consciente et je l'accepte bien.
Le Président (M. Filion): Depuis combien de temps
êtes-vous consentante?
Mme Poulin: On en a discuté, justement, parce qu'on
trouvait que c'était un montant assez exaqéré et qu'on
voyait venir le jour où nous allions toucher le capital. Stéphane
trouvait que, justement, il n'y aura plus de fin.
Le Président (M. Filion): D'accord. Mme Poulin:
C'était vraiment exagéré.
M. Marx: II ne peut pas toucher son capital. C'est cela le
problème.
Le Président (M. Filion): Évidemment,
Stéphane Jolicoeur, vous êtes pleinement conscient du contenu du
projet de loi et de ses conséquences en ce qui vous concerne et en ce
qui concerne votre mère.
M. Jolicoeur: J'en suis tout à fait conscient. Je pense
avoir travaillé depuis un certain temps, depuis l'an dernier, je
travaille à ce projet de lot. En fait, dans les années qui ont
suivi la présentation du premier projet de loi, peut-être deux ans
après, je me suis aperçu des conséquences que cela pouvait
comporter. C'est pour cela que j'ai fait les démarches et je suis
parfaitement conscient des implications et des répercussions que cela
peut apporter.
M. Marx: Effectivement, comme je l'ai dit, l'effet serait
d'abroger la toi de 1982 et, au lieu d'avoir une rente de 4800 $ par
année, votre mère aurait 75 000 $ comptant. Peut-être
n'aurions-nous pas dû adopter la loi en 1982, mais il est trop tard
maintenant. Parce que vous auriez eu vos 200 000 $ à l'âge de 25
ans sans la loi de 1982.
Le Président (M. Filion): M. le ministre, juste avant
d'appeler les articles, il reste quand même une question qui, dans mon
esprit, est ténébreuse dans ce dossier-là. Comment se
fait-il que le Trust général du Canada ait procédé
à l'époque à initier avec des procureurs, des avocats, un
projet de loi sans que les coexécuteurs testamentaires -M. Bleau est ici
pour en témoigner, et il y avait son oncle, coexécuteur, qui
était M. Jolicoeur, oncle évidemment de Stéphane -sans que
ces deux personnes-là aient été mises dans le coup et
informées? Cela, je vous avoue que...
M. Marx: Je peux vous dire tout de suite que je me suis
posé cette question et je vais demander aux officiers du
ministère de vérifier ce dossier, de voir comment cela se faisait
qu'en 1982 nous n'ayons pas
contacté les autres personnes. Nous aurons l'information,
j'imagine, demain matin.
Le Président (M. Filion): D'accord. M. Marx:
D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Filion): Or, M. le ministre, j'appelle le
préambule du projet de loi.
M. Marx: II y a des amendements, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Marx: Dans le préambule, à la cinquième
ligne du huitième aliéna, remplacer l'expression "le 25 mars
1987" par la suivante "le 29 juin 1987".
Le Président (M. Filion): Le 29 juin 1987?
M. Marx: C'est cela.
Le Président (M. Filion): Le projet de loi ne sera
peut-être pas sanctionné à cette date-là.
M. Marx: Bien, ce sera...
Le Président (M. Filion): Ce sera rétroactif,
supposons qu'il soit sanctionné le 1er juillet...
M. Marx: Ils vont payer les deux jours. Mais est-ce qu'on peut
mettre ici le jour de sa sanction?
Le Président (M. Filion): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Filion): Est-ce que le préambule
tel qu'amendé est adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 1.
M. Marx: Â l'article 1, à la deuxième ligne
du second aliéna, l'expression "le 25 mars 1987" sera remplacée
par "le 29 juin 1987".
Le Président (M. Filion): D'accord. Est-ce que cet
amendement est adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Adopté. Est-ce que
l'article 1 tel qu'amendé est adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Vous comprenez le sens des
modifications que nous apportons. La somme de 75 000 $ sera payable le 29 juin
au lieu du 25 mars mais évidemment, elle ne peut pas être
payée avant que le projet de loi soit sanctionné, donc
adopté par l'Assemblée nationale, ce qui devrait se faire d'ici
quand même à une dizaine de jours, peut-être plus. Je ne
veux pas me compromettre, mais quand la session sera terminée, cela
voudra dire que le projet de loi, normalement, devrait être
adopté.
Mme Poulin: D'accord.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 2 du projet
de loi.
M. Marx: Oui, adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle
l'article 3 du projet de loi.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle le
titre du projet de loi.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Filion): J'appelle le projet de loi tel
qu'amendé.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Filion): Alors, je vous invite à
rester en communication peut-être avec les gens avec qui vous
l'étiez, M. Jolicoeur, Mme Poulin, pour connaître encore une fois
cette date-là, qui sera la date à laquelle la somme de 75 000 $
pourra être payable à madame. Quant au reste, vous pourrez, si
vous rencontrez les gens du Canada Trust, leur transmettre notre
inquiétude, notre préoccupation ainsi que le désir du
ministre de fouiller un peu davantaqe les circonstances qui ont entouré
l'adoption du premier projet de loi.
M. Bleau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Filion): Alors, bonne chance.
M. Marx: Merci, M. te Président.
Le Président (M. Filion): Alors, c'est bien. Merci. Nos
travaux sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 15 h 43)