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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Thursday, March 5, 1987 - Vol. 29 N° 40

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale


Journal des débats

 

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît! Notre séance de la commission permanente des institutions est maintenant ouverte. Pour le bénéfice des membres de la commission et de nos invités de ce matin, je rappellerai notre mandat qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques concernant l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale. Nous agissons ainsi, bien sûr, en fonction d'un ordre de l'Assemblée nationale du 18 décembre 1986 et à la suite du dépôt, par le ministre de la Justice, de l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale. À ce stade-ci, je demanderai à notre secrétaire, Me Lucie Giguère, d'annoncer les remplacements, s'il y en a.

La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Organisation des travaux

Le Président (M. Filion): Merci. Encore une fois, pour le bénéfice des membres de la commission, je rappellerai notre ordre du jour d'aujourd'hui. Jusqu'à 11 heures, la Commission des valeurs mobilières du Québec a déjà pris place à la table des invités; de 11 heures à 12 h 30, la Commission des services juridiques nous rendra visite; nous suspendrons nos travaux entre 12 h 30 et 14 heures. À 14 heures, la Chambre des huissiers du Québec; à 15 heures, l'Association des usagers de la langue française; à 16 heures, des représentants de la ville de Montréal; à 17 h 30, des remarques de clôture s'il y en a, de chaque côté.

Je souhaite donc la bienvenue à la Commission des valeurs mobilières et à son président, M. Paul Guy. Je lui demanderais d'entrée de jeu de bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Auditions

M. Guy (Paul); Merci, M. le Président. Les personnes qui m'accompagnent, ce matin, sont à ma gauche Antoni Dandonneau, chef du service au conseil juridique de la commission; à ma droite, Richard Proulx, avocat au service du contentieux de la commission.

Le Président (M. Filion): Je vous rappellerai que le temps alloué est d'environ 60 minutes. Evidemment à cette commission, nous sommes souples comme l'exigent, dans certains cas, les institutions elles-mêmes. Alors, 20 minutes sont allouées pour la présentation de votre mémoire, de votre point de vue; 20 minutes sont généralement consacrées aux membres du parti ministériel pour une période d'échange de propos avec les invités, et 20 dernières minutes sont réservées à celui qui vous parle, en l'occurrence le représentant de l'Opposition, pour une période d'échanges de vues également.

Donc, sans plus tarder, je vous demanderais de bien vouloir présenter votre mémoire.

Commission des valeurs mobilières du Québec

M. Guy: M. le Président, j'aimerais en premier lieu remercier cette commission de nous entendre, ce matin, et de nous permettre de discuter un certain nombre de problèmes auxquels nous allons faire face avec le Code de procédure pénale.

La réforme de la procédure pénale, pour la sanction de toute infraction aux lois et aux règlements du Québec, est à souhaiter depuis longtemps. Elle facilitera l'administration de la justice et sera plus équitable tant pour la poursuite que pour le prévenu.

La Commission des valeurs mobilières du Québec, en tant qu'organisme chargé de l'application de la Loi sur la valeurs mobilières, a pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt, de l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale présenté par M. Herbert Marx, ministre de la Justice. Cette réforme a un impact direct sur les infractions prévues aux articles 191 à 213 de la Loi sur les valeurs mobilières. Le Code de procédure pénale s'applique à toutes les infractions aux lois et règlements du Québec. Cependant, la complexité de la Loi sur les valeurs mobilières fait que certains articles du Code de procédure pénale créent des difficultés importantes dans l'administration de cette loi.

Ce que je voudrais surtout discuter, ce matin, ce sont des points qui sont particuliers à la Commission des valeurs mobilières dans l'administration de la Loi sur

les valeurs mobilières et un point plus général en fait qui est d'application, pas seulement pour la commission, mais pour d'autres organismes ou d'autres personnes chargées d'administration de lois.

Le premier point qui est de la plus importante préoccupation pour la commission, c'est la prescription. Le principe, dans l'avant-projet sur le Code de procédure pénale est la prescription d'un an, sauf que le point de départ de la prescription peut varier suivant la loi applicable. Il est cependant impossible de prévoir dans une autre loi un délai plus long.

L'article 211 de la Loi sur les valeurs mobilières prévoit un délai de prescription de deux ans à compter de la connaissance, par la commission, des faits qui y donnent lieu.

Le Code de procédure pénale aura pour effet de modifier sensiblement le délai de prescription pour une infraction à la Loi sur les valeurs mobilières et de le réduire à un an. Toutefois, une incertitude demeure quant à la date de départ de cette prescription. L'incompatibilité entre le point de départ de la prescription prévue à la Loi sur les valeurs mobilières et au Code de procédure pénale, fait en sorte que le principe général prévu au premier alinéa de l'article 63 du Code de procédure pénale devrait s'appliquer aux infractions à la Loi sur les valeurs mobilières.

Le délai d'un an est inacceptable, compte tenu de la complexité et de la durée des enquêtes de la commission et peut avoir pour effet de rendre inopérantes certaines dispositions parmi les plus importantes de la Loi sur les valeurs mobilières.

Il est important ici de souligner également que la Loi sur les valeurs mobilières prévoit, contrairement à d'autres lois, des sanctions qui sont beaucoup plus importantes que la plupart des lois particulières au Québec. Notamment dans le cas d'usage d'informations priviligiées et d'informations fausses ou trompeuses, les sanctions sont d'un minimum de 5000 $ à 100 000 $ et possibilité également d'une peine de prison. Je dois souligner ici que la commission fait des recommandations au gouvernement pour augmenter ces sanctions de façon très importante. On a vu dernièrement, en Ontario, que les sanctions pour l'usage d'informations priviligiées ont été portées à 1 000 000 $ d'amende. Ce sont des infractions très importantes et la complexité des enquêtes pouvant mener à une poursuite è la suite de ces infractions est très lourde également.

Contrairement à la majorité des lois et règlements visés par le Code de procédure pénale, la Loi sur les valeurs mobilières réglemente un domaine très complexe de l'activité économique.

Les enquêtes de la commission dépassent régulièrement le délai d'un an, vu la complexité de certaines opérations. Il en est souvent ainsi lorsque la commission enquête sur des informations fausses ou trompeuses dans un prospectus ou sur l'usage d'informations priviligiées. Pour citer deux exemples qui sont de connaissance publique: L'enquête sur la Banque commerciale du Canada. Il s'agit d'une enquête qui a débuté il y a presque deux ans, elle n'est pas encore terminée. La commission n'a pas encore pris la décision, à savoir si elle va intenter des poursuites ou non. Dans l'enquête concernant l'usage d'informations priviligiées concernant l'offre publique d'Imasco sur les titres de Genstar, c'est également une enquête qui dépasse de beaucoup un an à l'heure actuelle. Ce sont des enquêtes qui sont complexes et elles prennent beaucoup de temps.

Dans certaines de ces enquêtes, la commission doit travailler en étroite collaboration avec d'autres organismes de réglementation des valeurs mobilières des différentes provinces canadiennes et des États-Unis et parfois avec les autorités policières. Je pense qu'il est important de souligner qu'en valeurs mobilières, lorsque les titres... je donnais l'exemple tout à l'heure d'Imasco, Genstar, ce sont des titres qui étaient cotés en Suisse, en France, aux États-Unis, à Montréal, à Toronto, è Vancouver. Les opérations sur valeurs mobilières se font sur tous ces marchés. Pour faire une enquête valable, non seulement on doit enquêter au Québec, mais on doit savoir qui a fait les opérations à l'étranger parce que, bien souvent, les opérations sur valeurs se font par l'intermédiaire des banques et il faut aller derrière ces banques pour trouver le vrai client. Ce sont des enquêtes qui sont longues, qui exigent la collaboration d'autres organismes partout dans le monde et, bien entendu, qui s'étendent très souvent, sinon presque toujours, au-delà d'un an.

De plus, dans le cas des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, il est généralement impossible de prendre un contrevenant en flagrant délit. Les faits relatifs à une infraction nous sont toujours connus après la perpétration de l'infraction et parfois après plus d'un an. Pensons seulement aux enquêtes sur des informations fausses ou trompeuses dans un prospectus visé par la commission. Les faits reprochés sont souvent connus plus d'un an après le visa du prospectus ou après le placement. Il est donc indispensable que le délai de prescription soit de deux ans. Je voudrais souligner que le délai de deux ans, selon les circonstances actuelles, pour les nouvelles infractions, et selon la vogue d'usage d'informations privilégiées, les enquêtes deviennent de plus en plus complexes, est nettement un minimum dans mon esprit.

Limiter la prescription à un an à

compter de la date de ta perpétration de l'infraction ou de la connaissance des faits y donnant lieu ou de la connaissance de la perpétration de l'infraction aurait pour effet de rendre inutile et impossible la majorité des enquêtes de la commission et, à toutes fins utiles, de rendre inopérants plusieurs articles de la Loi sur les valeurs mobilières, notamment ceux qui traitent d'informations fausses ou trompeuses ou de l'usage d'informations privilégiées. En fait, ce dont on parle ici, ce sont des. infractions les plus importantes. La commission pourrait alors difficilement remplir sa mission de protection des épargnants contre les pratiques déloyales, abusives et frauduleuses.

Pour régler cette difficulté, la commission recommande que l'article 62 soit remplacé par le suivant: "Toute poursuite pénale se prescrit par un an à moins qu'une autre loi ne prévoie un autre délai."

Le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère de la Justice et par le comité de législation, bien entendu, pourra exercer un contrôle sur des dispositions d'une autre loi qui prévoirait un délai de prescription plus long. Ce serait, bien entendu, à l'organisme, au ministère ou au ministre, en fait, qui recommande de mettre dans une loi particulière un délai plus long, de justifier pourquoi il doit y avoir un délai de prescription plus long.

Un autre problème auquel on fait face, c'est un problème plus technique, c'est la complicité. La complicité en valeurs mobilières, je dois souligner que c'est un élément qui est beaucoup plus important que dans d'autres secteurs. Je pourrais répéter les observations d'un membre de Securities and Exchange Commission qui disait il y a quelques années: "II n'y a pas de fraude en valeurs mobilières qui peuvent se faire sans la complicité ou la collaboration d'un professionnel, qu'il soit avocat, comptable, évaluateur, notaire." Cela est très vrai. Actuellement, bien entendu, il est très difficile, avec les dispositions actuelles... Cela n'est pas nécessairement une remarque sur le Code de procédure pénale de poursuivre et de réussir des poursuites pour complicité. Ce qui nous préoccupe surtout, en ce qui concerne le Code de procédure pénale, c'est qu'il n'y a pas de dispositions qui prévoient le lieu du dépôt des plaintes pour complicité. On peut présumer qu'il serait toujours possible de régler cette question dans la Loi sur les valeurs mobilières; si c'était la conclusion, en ce qui concerne la commission, on pourrait être très satisfait de cette situation: qu'on puisse, dans notre loi, régler la question du lieu du dépôt des plaintes pour complicité. Déjà, la Loi sur les valeurs mobilières contient des dispositions concernant la complicité, des dispositions que la commission va recommander bientôt au gouvernement de modifier pour rendre, en fait, plus facile ou, en fin de compte, pour nous donner une chance de succès raisonnable dans des poursuites sur la complicité (10 h 30)

L'autre point, c'est l'intervention du Procureur général. L'avant-projet de Code de procédure pénale prévoit que le Procureur général peut intervenir à toute étape de la poursuite pour en assumer la conduite suivant l'article 167 de ce projet. Il peut éqalement, en vertu de l'article 168, ordonner l'arrêt de la poursuite avant que le jugement ne soit rendu en première instance.

Dans le cas de la Loi sur les valeurs mobilières, où la commission ou le Procureur général peuvent intenter des poursuites, il nous apparaîtrait souhaitable que, dans le cas où l'initiative de la poursuite a été prise par la commission, au moins il y ait consultation de l'organisme avant que le Procureur général n'intervienne pour arrêter ou entreprendre une autre procédure concernant cette poursuite.

Il y a un autre point de préoccupation pour la commission et c'est la question du constat. Le constat, bien entendu, en ce qui concerne le principe du constat, ne pose pas de problème à la Commission des valeurs mobilières. Le problème que le constat peut poser à la commission et sur lequel on voudrait être rassuré, c'est qu'il n'y ait pas, par règlement ou dans la loi, un cadre rigide concernant le constat. Dans la mesure où le constat est, à toutes fins utiles, la dénonciation que la commission porte actuellement avec, bien entendu, la possibilité pour le contrevenant de plaider non coupable par écrit, cela ne nous poserait pas de problème. Si on nous impose un cadre rigide de constat, je pense qu'on pourrait avoir de sérieux problèmes en ce qui concerne les infractions à la Loi sur les valeurs mobilières. Je dois même souligner que la possibilité de plaider coupable par écrit pour un certain nombre d'infractions techniques à la Loi sur les valeurs mobilières, lesquelles sont des infractions de nature beaucoup moins importantes, est un grand avantage et réduira certainement les coûts, aussi bien pour la commission que pour la personne qui est poursuivie. Dans plusieurs cas de ces infractions mineures et techniques, la plupart du temps, les contrevenants plaident coupable. Ce sera quand même une mesure qui aura comme effet de faciliter l'administration.

Il me reste un point qui est un point plus technique et qui ne concerne pas seulement notre commission, c'est la signification de l'avis d'appel. La commission croit que la signification d'un avis d'appel à la Cour supérieure et d'une demande de permission d'appeler à la Cour d'appel, suivant les articles 380 et 409 du Code de procédure pénale, devrait pouvoir se faire à la partie

adverse ou à son procureur lors de l'instance précédente. Il s'agit d'un détail technique mais qui est quand même important et sur lequel on souhaite qu'il y ait des modifications.

En dernier lieu, j'aimerais mentionner que la commission ne voit pas de raison pour laquelle le poursuivant, autorisé en vertu d'une autre loi et chargé de l'administration de celle-ci, pourrait être contraint de fournir un cautionnement. Les mêmes motifs qui justifient l'exception en faveur du Procureur général devraient également s'appliquer à la commission qui représente de la même manière l'État dans l'administration de ses lois et représente la même solvabilité. C'est évident que si on est obligé de donner un cautionnement à chaque fois, cela nous pose un problème sérieux et on ne devrait pas avoir l'obligation de fournir le cautionnement.

Je vous remercie, M. le Président. Bien entendu, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. Guy, de vos commentaires et de votre présentation. J'inviterais maintenant le ministre de la Justice à échanger ses vues avec vous.

M. Marx: J'aimerais, premièrement, remercier la Commission des valeurs mobilières d'avoir présenté un mémoire et de nous faire part d'un certain nombre de problèmes.

Je constate que le constat ne posera pas beaucoup de problèmes parce que ce sera, bien sûr, un document souple, en ce sens que le billet d'infraction pour une infraction routière pourra être un document différent que le constat qui sera utilisé par la Commission des valeurs mobilières. On va s'assurer que le constat qu'on va préparer sera utile pour tous les organismes qui auront besoin d'utiliser cet instrument.

En ce qui concerne la prescription, dans votre loi, c'était une prescription de deux ans; dans l'avant-projet de loi on parle d'une prescription d'un an. Je comprends que s'il y a une fraude en ce qui concerne les valeurs mobilières, il y a trois recours possibles toujours: il y a le recours civil, le recours pénal et le recours criminel et, si c'est une infraction, cela peut tomber sous le Code criminel.

Finalement, le Code criminel, c'est pour réprimer un mal, quoique les lois provinciales pénales, c'est pour faire respecter des lois provinciales. C'est la différence entre le droit criminel et le droit pénal. Mais qu'a-t-on comme prescription dans d'autres juridictions à travers le Canada? Est-ce un an, deux ans? Vous n'avez pas les... ? L'Ontario, par exemple?

M. Guy: M. le ministre, je m'excuse, je n'ai pas la Loi sur les valeurs mobilières pour l'Ontario avec mot. Je ne peux pas vous le dire. On pourrait quand même regarder pour vous le dire, si vous voulez.

M. Marx: Oui, parce que cela va de soi que l'on ne veut pas adopter un code qui va nuire à l'application de la Loi sur les valeurs mobilières. Si c'est nécessaire, on va discuter de la façon que l'on peut arriver à une exception pour votre loi. Je vais demander que l'on fasse une petite recherche pour savoir quelle est la prescription dans d'autres juridictions et surtout en Ontario.

Vous avez dit que pour le droit commercial, votre enquête prend plus de deux ans déjà. Est-ce possible que ce soit prescrit?

M. Guy: M. le ministre, bien entendu, pour que l'on intente des poursuites, il va s'agir de déterminer à quel moment la commission a eu connaissance des faits, parce que c'est ce que notre loi prévoit.

Notre argumentation sur cette question a toujours été que la connaissance des faits ne débute certainement pas avant que ta commission ordonne officiellement une enquête. Alors, il peut y avoir des éléments de pré-enquête qui se feront bien avant que la commission ordonne officiellement une enquête et tant qu'on n'a pas... Cela deviendra alors une question pour nous de démontrer devant le tribunal qu'on n'a pas excédé la prescription de deux ans.

Si je pouvais juste revenir un moment sur ce que je vous ai dit tout à l'heure concernant les trois possibilités, bien entendu, en ce qui concerne les Codes civil, criminel et pénal, historiquement on peut noter qu'en matière de valeurs mobilières, au Canada, il y a très peu de poursuites criminelles pour plusieurs raisons. D'abord, le Code criminel, à part les dispositions sur la fraude directement, les dispositions qui concernent les valeurs mobilières, les autres dispositions sur les valeurs mobilières sont extrêmement difficiles, sinon impossibles à prouver. Les tentatives faites par la Commission des valeurs mobilières pour tenter de poursuivre des personnes pour infraction au Code criminel se sont révélées, dans presque tous les cas, des échecs.

Alors, le Code criminel, en matière de valeurs mobilières, est, à toutes fins utiles, peu sinon pas utilisé et les commissions utilisent surtout les dispositions des lois sur les valeurs mobilières pour poursuivre les contrevenants.

M. Marx: Aux États-Unis, j'ai lu dans les journaux que les gens condamnés pour "insider trading"...

M. Guy: Aux États-Unis, on utilise

beaucoup les procédures civiles.

M. Marx: Les gens vont en prison pour quelques années maintenant.

M. Guy: Oui, mais il ne faut pas oublier que dans le Code criminel... Si on prend les cas des États-Unis, Boesky, Levine et ainsi de suite, il n'y a pas de dispositions dans le Code criminel au Canada sur l'usage d'informations privilégiées. Les seules dispositions de loi qui régissent ce comportement, ce sont les lois sur les valeurs mobilières. Même si on voulait, on ne pourrait pas poursuivre...

M. Marx: Aux États-Unis, c'est une loi fédérale quoique, au Canada, ce soient des lois provinciales.

M. Guy: Il y a deux choses. Aux États-Unis, on poursuit ce qu'on peut appeler "au criminel" - entre guillemets - parce que ce n'est pas le même système que nous, mais c'est en vertu quand même de dispositions de sécurité, Securities and Exchange Act, non pas en vertu des dispositions d'un Code criminel. Mais la Securities and Exchange Commission utilise souvent et surtout des poursuites civiles et, dans les cas qu'on a connus récemment, des poursuites criminelles. Eux aussi ont eu un certain nombre de difficultés en ce qui concerne les poursuites criminelles qui sont utilisées quand même moins fréquemment que les actions civiles. Maintenant, ce que je voulais dire là-dessus, c'est que les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières sont, à toutes fins utiles, les seules dispositions, dans bien des cas, pour réprimer un certain nombre de comportements dont l'usage d'informations privilégies et d'informations fausses ou trompeuses. Ce sont des infractions qui n'existent pas au Code criminel. Alors, on n'a pas...

M. Marx: J'aimerais vous poser cette question. Faut-il demander au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel pour prévoir des infractions criminelles en ce qui concerne certaines pratiques frauduleuses, comme l'"insider trading"? Je trouve que c'est une infraction grave. Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que l'état de droit est tel que quelqu'un qui fait une telle fraude aux États-Unis pourrait être condamné à la prison pour quelques années et que s'il fait cela au Québec, ce n'est pas aussi grave, c'est juste une amende.

M. Guy: Non, il peut aller en prison ici au Québec. On présume.

M. Marx: Oui, mais en ce qui concerne les prisons, on va avoir des mesures alternatives en vertu de notre Code pénal...

M. Guy: C'est bien important que la prison demeure pour ce type d'infraction. Cela ne veut pas dire qu'il va aller en prison, mais il y a la possibilité d'aller en prison. Il y a eu, M. le ministre...

M. Marx: Pour les infractions pénales, on va avoir un système où au lieu de l'emprisonnement il y a les mesures alternatives, c'est-à-dire l'amende, les travaux compensatoires et ainsi de suite. On fait cette distinction entre le pénal et le criminel.

M. Guy: Je ne suis pas sûr que dans ce type d'infraction, cela soit souhaitable. Je voudrais revenir...

M. Marx: Est-ce que quelqu'un est déjà allé en prison récemment pour une infraction à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec? Je n'ai jamais vu cela. De toute façon, ces gens-là peuvent se payer des avocats et aller jusqu'à la Cour...

M. Guy: Je ne le crois pas.

M. Marx: Parce que, c'est cela... C'est bien difficile. La prison, c'est...

M. Guy: Je ne crois pas que quelqu'un soit allé en prison pour cela, en tout cas, je ne me le rappelle pas.

M. Marx: La prison, c'est l'institution des pauvres.

M. Guy: Je voudrais revenir sur la...

Le Président (M. Filion): C'est vous qui le dites.

M. Marx: La prison est l'institution des pauvres. J'ai dit cela depuis dix ans.

Le Président (M. Filion): Oui, mais si c'est vous qui le dites, cela m'inquiète.

M. Marx: On commence à m'écouter maintenant.

M. Guy: Je ne me prononcerai pas là-dessus.

M. Marx: On ne voit pas beaucoup de riches en prison et j'ai visité beaucoup de prisons.

M. Guy: Je me rappelle, lorsque je suis entré à la commission en 1973, on a commencé des négociations avec le gouvernement fédéral sur des modifications au Code criminel. On est rendu aujourd'hui en 1987, 14 ans plus tard, ce n'est pas encore fait. 11 y a de nouvelles négociations qui se font avec la Commission de réforme

du droit sur des modifications au Code criminel concernant des infractions qui sont plutôt des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières. Maintenant, à quel moment cela va-t-il aboutir et y aura-t-il un projet de réforme du Code criminel? Je ne le sais pas. Mais il reste que le fédéral a toujours dit aux commissions de valeurs mobilières, depuis que ces négociations et ces discussions ont débuté, que les lois provinciales devraient quand même prévoir les mêmes infractions, parce qu'il ne faut pas oublier qu'en vertu du droit criminel, il faut la preuve de mens rea. Elle est quasi impossible à faire en valeurs mobilières. Je pense qu'il faut réaliser que ce n'est pas- facile de prouver l'intention coupable de quelqu'un en matière de valeurs mobilières. C'est pour cela que les dispositions actuelles du Code criminel ont été peu ou pas utilisées. C'est parce qu'on n'arrive pas à faire ces preuves, et les contrevenants échappent, en fait, à la justice. Je pense que les deux peuvent exister ensemble. (10 h 45)

M. Marx: Les deux ne peuvent pas exister comme en ce qui concerne les infractions routières. Il y a le Code criminel et il y a aussi le Code de sécurité routière du Québec. Je vais demander qu'on examine cette question quant aux infractions criminelles pour les fraudes en ce qui concerne les valeurs mobilières. Je pense que c'est peut-être quelque chose à examiner. Le Code criminel est vraiment pour réprimer un mal, c'est la définition d'une loi criminelle, alors qu'une loi pénale est seulement pour faire respecter nos lois. Cela n'a pas la même teneur.

M. Guy: Vous faites une distinction qui...

M. Marx: De droit constitutionnel.

M. Guy: Oui, parce que, en matière de valeurs mobilières, je pense que s'il y a réellement le concept de répression également d'un mal en ce qui concerne certaines infractions en valeurs mobilières, et je ne parle pas des infractions qui sont plus techniques comme une personne qui exerce l'activité de courtier et qui n'est pas inscrit, ce qui est réellement une contravention à la loi beaucoup plus technique, mais quand on parle d'informations fausses ou trompeuses dans un prospectus où il peut y avoir des millions de dollars en jeu, où les épargnants sont lésés, je pense qu'il y a quand même le concept de répression d'un mal qui est là.

M. Marx: C'est intéressant de constater que personne ne va en prison.

M. Guy: Cela dépend peut-être des tribunaux, cela ne dépend pas nécessairement de la loi.

M. Marx: Oui, il y a cela. Enfreindre la Loi sur les valeurs mobilières, c'est une question d'argent. Les gens aux États-Unis qui ont fait l'"insider trading" sont tout à fait prêts à payer des amendes de 1 000 000 $ ou plus, cela n'est rien parce qu'ils ont fait beaucoup plus que cela en profits, mais ils vont purger des sentences en prison aussi, apparemment.

On va examiner toute cette question de prescription pour faire en sorte que l'efficacité de votre loi reste. On n'a pas l'intention de rendre votre loi inefficace, je vous assure.

En ce qui concerne la complicité, peut-on poursuivre quelqu'un au Québec pour une information fausse ou trompeuse hors du Québec'

M. Proulx (Richard): Actuellement, je crois qu'on pourrait poursuivre le contrevenant à l'information fausse ou trompeuse, mais souvent ce qui arrive, si on prend l'exemple d'un prospectus qui serait préparé en Ontario et déposé au Québec, s'il y avait de l'information fausse ou trompeuse et qu'on voudrait poursuivre, la compagnie serait en faillite et on voudrait poursuivre les personnes qui ont préparé le prospectus, les dirigeants, quelquefois des professionnels qui ont oeuvré dans le travail du prospectus, je ne crois pas que l'on pourrait poursuivre pour complicité pour une telle infraction, parce que les éléments de la complicité se retrouvent en Ontario. C'est que...

M. Marx: C'est cela, qu'est-ce qu'on fait dans un tel cas, est-ce qu'on poursuit en Ontario?

M. Proulx: L'Ontario peut poursuivre s'il y a eu une information fausse ou trompeuse en Ontario également mais nous, nous ne pourrions pas le faire. Il y a des fois où... je peux donner comme exemple qu'il y a des placements qui se font qu'on incorpore, comme dans les fonds communs de placement, on incorpore en Ontario par une déclaration de fiducie, mais le placement s'effectue seulement au Québec. Je ne pense pas qu'on pourrait poursuivre en matière de complicité. Le problème a été soulevé dans une cause que j'ai plaidée mais, dans ce cas, la complicité des éléments avait été réalisée au Québec mais dans deux districts. Le juge a été très embêté parce que le prospectus était déposé à Montréal, mais les éléments de la complicité avaient été réalisés à l'extérieur, dans un autre district judiciaire. L'endroit où on devait déposer la plainte a été l'objet d'un débat. Si on avait réalisé le même débat, mais où les éléments seraient effectués à l'extérieur de la province, on aurait perdu.

M. Marx: Avez-vous des ententes avec l'Ontario, des ententes administratives ou autres pour faire en sorte que quelqu'un -comment dirais-je - "he does not fall between the cracks"... II y a des gens qui vont commettre des infractions mais on ne peut pas les poursuivre parce qu'il n'y a pas de loi qui s'applique à eux.

M. Guy: II n'y a pas d'entente, M. le ministre, comme telle. Tout ce qu'il y a dans les lois sur les valeurs mobilières, ce sont des dispositions concernant la signification. On peut demander à une autre commission de signifier pour nous, dans certains cas, mais il n'y a pas d'entente. Il faudrait que cela soit une infraction è leur loi pour qu'une autre commission - supposons la commission d'Ontario - puisse poursuivre. Si c'est une infraction à notre loi, il ne pourra pas poursuivre pour une infraction qui a été commise à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec. Dans ce sens, il n'y a pas d'entente. C'est possible qu'une enquête se fasse sur un même dossier et que, éventuellement, on en arrive à la conclusion qu'on doit intenter des poursuites au Québec. Dans certains cas d'usage d'informations privilégiées notamment, on peut s'entendre à la fin de l'enquête et dire: Ce sont des personnes qui résident en Ontario, vous poursuivez ces personnes, nous, ici, allons poursuivre les personnes qui résident au Québec. Ce sont des choses possibles et ce sont des choses qui se sont faites dans le passé sans entente préalable et sans cadre formel.

M. Marx: La possibilité reste que quelqu'un commette une infraction en Ontario d'une loi québécoise et, comme on ne peut pas le poursuivre en Ontario et on ne peut pas le poursuivre au Québec, il y a un problème. Une autre raison pour laquelle il faut peut-être penser à modifier le Code criminel pour inclure un certain nombre d'infractions en ce qui concerne les valeurs mobilières sur le plan des infractions criminelles.

Le Président (M. Filion): M.

Dandonneau.

M. Dandonneau (Antoni): Je ne suis pas certain que le fait d'introduire des modifications au Code criminel réglerait notre problème. Notre problème n'est pas un problème de poursuite criminelle, c'est un problème de poursuite pénale. Les dispositions introduites dans le Code criminel n'auraient pas d'application en matière pénale, de telle sorte que le problème resterait entier au niveau pénal.

M. Marx: Comme M. Guy a dit, les dispositions pénales et criminelles se recoupent ou couvrent les mêmes domaines, donc c'est comme conduire avec facultés affaiblies. Il y a des dispositions dans le Code de sécurité routière et dans le Code criminel. La preuve est différente. J'admets et cela ne va pas aider...

M. Guy: ...il y un problème que je soulignais tout à l'heure, M. le ministre, sur la question de complicité. Il n'est pas possible de commettre une fraude ou une opération illégale en valeurs mobilières sans la collaboration d'un comptable, d'un avocat, d'un notaire, d'un évaluateur, ou autre. C'est quasi impossible que cela se fasse. Ces gens participent toujours à l'établissement d'un prospectus ou l'établissement d'un document d'information. C'est pour cela que nous allons recommander que dans notre loi on précise, de façon à assurer qu'on ait une chance de succès pour des poursuites pour la complicité. Actuellement, le fardeau qui nous a été imposé par les tribunaux sur la complicité est un fardeau qu'on ne peut absolument pas atteindre. On a quelques décisions dans le cas de complicité où les gens ont bien entendu été trouvés non coupables parce qu'on nous impose le fardeau de la mens rea, c'est-à-dire de prouver que la personne qui a contribué à l'infraction savait qu'il y avait une infraction, elle l'a fait intentionnellement. Ce sont des fardeaux impossibles, on n'est pas capable de prouver ces choses, ce qui fait que les complices ne sont jamais rejoints. Probablement que cela peut se régler aussi bien sur la question du lieu de l'infraction que sur la complicité, par des dispositions dans la Loi sur les valeurs mobilières. C'est ce que je disais tout à l'heure, si cette solution était acceptable, je pense que pour nous...

M. Marx: ...parce qu'on n'a pas mis la complicité dans l'avant-projet, parce que la complicité est reliée à l'infraction, mais on va examiner avec vous la possibilité de garder la complicité dans votre loi.

En ce qui concerne les appels, on va aussi discuter de cette question avec vous, à savoir si cela peut être signifié à l'avocat et ainsi de suite. C'est tout pour moi. Merci.

Le Président (M. Filion): Cela va? M. Marx: Oui.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Oui, merci M. le Président. En ce qui concerne les inquiétudes que vous avez pour ce qui est de la prescription de la période d'un an qui pourrait vous créer des problèmes en ce qui concerne les enquêtes que vous devez faire, il est bien sûr que la commission a des mandats qui l'amènent à

faire des évaluations de prospectus, à voir à la protection des intérêts des actionnaires minoritaires, entre autres, effectivement. Les mandats de la commission sont nombreux et variés.

Vous avez fait valoir - je pense que c'est hier - devant la commission du budget et de l'admimistration que vous étiez drôlement à court de personnel. Vous avez fait état de l'augmentation du nombre de prospectus; vous avez fait des comparaisons avec l'Ontario. Vous avez parlé de l'augmentation de votre personnel. Je me demande si ce manque de personnel dont vous faisiez état, hier, est en rapport avec le nombre de mois ou parfois le nombre d'années que cela peut prendre pour éclaircir des cas qui sont portés à votre attention. En d'autres mots, si vous aviez un personnel suffisant, en nombre suffisant et à compétence suffisante aussi, cela ne pourrait-il pas accélérer les choses et, finalement, la commission pourrait rendre ses décisions dans des délais plus rapides et, en même temps, permettre à des gens qui veulent savoir à quoi s'en tenir... je pense aux investisseurs, il faut bien savoir si les cas que vous traitez sont tous des cas concrets, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui ont de l'argent quelque part, qui en ont placé, qui sont pris dans une situation et qui ne savent pas ce qui se passe, cela est très concret, très réel, on connaît des gens qui sont mal pris et qui voudraient voir ces choses-là débloquer dans des délais acceptables... Cette insuffisance de personnel a-t-elle un rapport avec l'augmentation du délai dont vous avez besoin?

M. Guy: C'est l'un des facteurs, mais ce n'est pas le seul; cela a un effet. Il n'y a pas de doute que si la commission a un certain nombre d'enquêteurs et que tous ces enquêteurs s'occupent d'une enquête, ils ne peuvent pas faire d'autres enquêtes et elles attendent. Il n'y a pas de doute que s'il y a un manque d'enquêteurs, il faudra plus de temps à faire les enquêtes. Mais ce n'est pas le seul facteur. Le facteur que je mentionnais tout à l'heure, surtout dans les enquêtes de nature importante - et c'est cela qu'il est important de souligner - soit sur informations fausses ou trompeuses, soit usage d'informations privilégiées, ce sont des enquêtes qui sont, de par leur nature même, complexes et longues. On sait que, dans l'affaire Boesky Levine aux États-Unis, ce sont des enquêtes qui ont demandé quatre ans. Ce ne sont pas des enquêtes qu'on peut faire dans une période courte, parce qu'il y a le jeu de plusieurs organismes qui sont impliqués et il faut non seulement avoir la collaboration de ces organismes, mais bien souvent, il faut que ces organismes fassent également l'enquête pour nous sur certains éléments. C'est-à-dire que - je peux donner un exemple assez facile - si on fait une enquête sur usage d'informations privilégiées et que l'opération s'est faite sur la Bourse de Toronto, il faut que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario demande au courtier qui est inscrit à Toronto: Quel est le client qui a fait cette opération? Là, on est rendu à un point... Cela peut être une banque, alors si c'est une banque, elle va voir la banque et le client peut demeurer à l'extérieur de l'Ontario comme à l'extérieur du Québec. Alors, il va falloir demander à un autre organisme d'intervenir et de faire cette partie de l'enquête pour nous. Bien entendu, cela ne peut pas faire autrement qu'occasionner des délais très longs. D'abord, il faut que ces commissions prennent la décision d'instituer une enquête et ce n'est pas toujours facile; il faut quand même qu'il y ait une relation avec les dispositions de leur loi, ce qui fait que ces enquêtes-là sont longues; de la nature même de l'infraction, ce sont des enquêtes qui sont longues.

L'autre facteur que vous avez mentionné, il est évident que c'est un facteur qui joue aussi. Si on a seulement cinq enquêteurs et les cinq sont occupés à une enquête en particulier parce que cette enquête était importante, toutes les autres enquêtes retardent, bien entendu. (11 heures)

M. Doyon: En d'autres mots, on aurait beau allonger le délai à deux ans et même le prolonger, si vous n'avez pas de personnel suffisant, vous ne passerez jamais au travers. Cela peut être deux ou trois ans, il faut évidemment qu'une enquête se termine avant d'en entreprendre une autre. Je comprends qu'il faut un délai suffisant, mais il faut aussi du personnel suffisant. Je pense qu'hier, vous avez eu l'occasion de le faire valoir. Ces deux choses sont interreliées. Le ministre de la Justice aura beau prolonger les délais, si vous ne disposez pas du personnel nécessaire, vous allez être toujours pris avec des délais qui ne seront pas suffisants, en ce sens que le personnel ne pouvant pas faire dix choses en même temps, il ne pourra pas s'acquitter de sa tâche. C'est l'inquiétude que j'ai.

Le Président (M. Filion): M.

Dandonneau.

M. Dandonneau: Inversement, on aura beau nous donner le personnel dont nous avons besoin, il restera toujours qu'il y a des enquêtes - particulièrement en matière de l'information privilégiée - qui, dans le fond, exigent un délai supérieur à un an. C'est la pratique aux États-Unis, par exemple, où on voit que les infractions les plus importantes en matière de valeurs mobilières exigent des enquêtes d'une durée longue et supérieure à un an.

Le Président (M. Filion): Merci, Me Dandonneau.

M. Doyon: Voici l'autre chose sur laquelle je voulais avoir des éclaircissements. On sait qu'actuellement, le "trading" se fait c'est peut-être à 80 % par des institutions, que ce soit des fonds mutuels, des fonds de retraite, des compagnies d'assurances, ou je ne sais trop, de gros investisseurs procèdent par blocs de millions d'actions chaque jour. Je me dis que, là-dedans, l'investisseur individuel est totalement perdu et sûrement dépourvu de moyens. Dans les circonstances, je pense qu'il est particulièrement important qu'une commission comme la vôtre soit extrêmement vigilante, parce que l'investisseur qui décide de placer son argent le fait, et il doit le faire, consciemment, à ses risques et périls, c'est bien sûr, mais selon des règles du jeu qui sont "fair", qui sont équitables. Je ne suis pas trop inquiet quand je vois de gros investisseurs, que ce soit des fonds de retraite bien organisés, bien structurés... Ils ont eu l'occasion de peser le pour et le contre, ils connaissent les meilleurs avocats, il savent avec qui faire affaire, ils ont accès aux rapports financiers des entreprises qu'ils ont le temps d'étudier, qu'ils ont le temps de mettre sur ordinateur, etc. Je me dis que ces gens sont capables de se défendre parce qu'ils sont équipés pour se défendre. Par contre, l'investisseur ordinaire qui investit 5000 $ à 6000 $ par année dans des valeurs boursières est désavantagé par rapport à ces énormes entreprises qui investissent des millions de dollars et qui transigent à coup de dizaines de milliers d'actions. C'est pourquoi je trouve qu'il est particulièrement important que votre commission ait tous les moyens nécessaires pour s'assurer que tout le monde est traité sur le même pied, que cela se passe selon des règles du jeu qui sont connues et qui n'avantagent personne par rapport à d'autres. Je pense que le ministre est sensible aux demandes que vous faites de disposer du temps nécessaire pour faire les enquêtes. Je suis sensible aussi à cela. Je vais faire le message pour que vous ayez le personnel nécessaire pour agir, parce que c'est de l'économie de bouts de chandelle. Le prix qu'il y a à payer pour cela au niveau de la confiance que les gens doivent avoir dans les valeurs mobilières qui se transigent au Québec et qui sont enregistrées à la Bourse de Montréal à la suite de prospectus qui sont approuvés par vous et tout le "trading" qui se fait à ce sujet, parce qu'il est important que vous puissiez donner la caution qui est nécessaire à ces transactions pour que cela se passe selon des règles du jeu, comme je le disais, parfaitement justes, parfaitement équitables... C'est là-dessus que je voulais terminer.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Louis-Hébert. M. le président.

M. Guy: Je ne peux pas être plus d'accord avec vous. On a souligné hier, on l'a souligné à maintes reprises, que l'importance, la très grande importance du rôle "policier" de la commission - entre guillemets - c'est-à-dire que la commission intervienne rapidement pour poursuivre, s'il y a lieu, les contrevenants de façon... C'est la meilleure protection que l'on peut donner aux petits épargnants. La façon d'assurer la confiance dans le marché des valeurs mobilières et d'assainir le marché, c'est réellement d'effectuer ce rôle d'une façon très efficace et très rapide. Je suis tout à fait d'accord avec cela. C'est évident que si on n'a pas les ressources et si on doit mettre de côté un certain nombre de dossiers d'enquêtes qu'on ne peut pas faire, les gens qui ont été lésés par ces situations sont des gens qui vont perdre, en quelque sorte, la confiance dans le marché et qui vont probablement décider que le marché des valeurs mobilières, ce n'est pas pour eux, alors que cela devrait être le contraire. On doit encourager et avoir le plus qrand nombre d'investisseurs au Québec dans le marché des valeurs mobilières.

Le Président (M. Filion): Même si le temps du parti ministériel est épuisé depuis déjà fort longtemps, cela me fait plaisir de laisser la parole à M. le ministre. Je comprends qu'il a une dernière question.

M. Marx: Nous avons une Opposition généreuse et un président généreux aussi.

Dans votre mémoire, vous préconisez qu'en appel on devrait être capable de signifier au procureur de l'intimé en première instance, supposons que le défendeur a changé d'avocat...

M. Proulx: Si on fait la comparaison. Vous avez dit tantôt qu'il y avait une certaine différence entre le droit pénal et le droit criminel. Sur ce point, il ne faut pas trop associer le droit pénal au droit criminel. Si on constate les appels en matière de procédure civile, on signifie toujours l'appel au procureur de la partie adverse. Son mandat se termine à la fin du délai d'appel. Si on signifie l'appel à un autre procureur, l'appel sera valide, sauf que l'autre partie va comparaître par son nouveau procureur, parce qu'à la suite de la signification de l'avis d'appel, c'est prévu que les deux parties doivent comparaître par procureur. À ce moment-là, il fera comparaître le procureur de son choix, c'est-à-dire son nouveau procureur, parce que cela devient un peu inutile de faire signifier ces appels à des parties.

Le problème que l'on a, c'est surtout

lorsque la partie adverse réside à l'extérieur de la province. Cela nous cause des problèmes de signification. Les délais sont très courts. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas signifier au procureur de la partie adverse. Rien n'empêche que ce procureur soit substitué par un nouveau procureur par la suite. Notre mémoire va encore plus loin: la règle de signification à la partie se justifie encore beaucoup moins lorsqu'il y a eu comparution à la cour par les procureurs. Pourquoi signifierait-on notre mémoire pour les procédures à la partie adverse lorsque la partie adverse a comparu par procureur?

M. Marx: II y a une différence entre le droit civil et le droit pénal, parce que dans la charte québécoise, l'article 35 prévoit que tout accusé a droit à une défense pleine et entière et a le droit de... ainsi de suite. Une défense pleine et entière signifie qu'elle reçoit l'avis d'appel. La personne accusée reçoit...

M. Proulx: Je ne vois pas en quoi un avis d'appel puisse brimer la partie accusée de produire une défense pleine et entière. Si jamais le procureur ne transmettait pas l'avis d'appel à son client, il y aurait peut-être moyen d'appliquer les procédures de rétractation de jugement ou on peut prévoir un système pour que l'on puisse envoyer une copie à l'appel, mais le principe de la défense pleine et entière est sur le fond. Là, c'est tout simplement une question de procédure d'aviser la partie adverse et d'être représentée par avocat que l'on va en appel.

M. Marx: Mais supposons que l'avocat en première instance n'est plus son avocat et supposons qu'il est en vacances en Europe; cela arrive. Qu'arrive-t-il? On a signifié l'avocat. Ce n'est plus son avocat et, de toute façon, il est en vacances.

M. Proulx: II ne perdra pas le droit. Il doit produire une comparution par la suite. L'appel ne procédera pas par défaut. Il y a moyen de prévoir des dispositions dans la loi. Il y a toujours la rétractation de jugement. Comme je vous le disais, s'il y avait un jugement de rendu par défaut...

M. Marx: Quel est l'objectif poursuivi? Est-ce parce que vous ne savez pas qui est...?

M. Proulx: Souvent, dans le cas des valeurs mobilières, la partie poursuivie demeure à l'extérieur de la province. On a été obligé d'utiliser le processus prévu pour la signification à l'extérieur dans un délai très court. On ne voit pas pourquoi c'est une compagnie et, dans le domaine des valeurs mobilières, beaucoup de contrevenants sont des compagnies qui ont donné un mandat à un bureau d'avocats, je ne vois pas pourquoi, ici dans la province, on ne pourrait pas signifier à ce bureau d'avocats ou au procureur.

Le Président (M. Filion): Je pense que le ministre va réfléchir à cela. Y a-t-il autre chose?

M. Marx: Non, merci. Comme il l'a dit, on va revoir ce problème.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie de votre mémoire qui a l'avantage d'être très pratique, d'être collé à la connaissance d'une réalité vécue avec une loi pénale qui est celle de la Loi sur les valeurs mobilières. Je pense que le mémoire est bien fait et va droit au but; dans ce sens, sans trop de philosophie juridique, il explique les problèmes que vous auriez à vivre avec le nouveau Code de procédure pénale que nous étudions par voie d'avant-projet de loi. Il s'agit, et je tiens à le spécifier, d'un avant-projet de loi précisément pour permettre cette nécessaire réflexion sur les conséquences des dispositions que pourrait adopter ce Parlement à la suite de sa consultation et de son étude.

Je voudrais peut-être vous poser quelques questions préliminaires pour bien comprendre la nature des activités judiciaires de la commission. D'abord, il n'est pas besoin d'être un spécialiste pour se rendre compte qu'au Québec, dans les dernières années, nous avons assisté à une véritable explosion de l'engouement des Québécois et des Québécoises pour le marché boursier. Les statistiques que vous avez étalées, hier, devant une commission de ce Parlement sont, cette fois-ci, fort révélatrices. J'ai été fasciné d'apprendre que le nombre de visas et de prospectus avait plus que doublé en trois ans. J'ai été également non pas surpris mais un peu déçu de constater que, par rapport à une explosion semblable, le budget de la Commission des valeurs mobilières du Québec était demeuré quelque part autour de 40 % inférieur à celui de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Dans ses nombreuses activités, est-ce que vous pourriez me dire à peu près combien de dossiers d'enquêtes la commission peut ouvrir durant une année et aussi combien, approximativement, de ces dossiers résultent sur une base annuelle, en moyenne, pour les deux dernières années, en dépôts de plaintes pénales en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières? Encore une fois, le nombre approximatif me satisferait.

M. Guy: M. le Président, je vais vous donner les chiffres que j'ai ici, si vous me permettez de prendre quelques secondes pour les retracer. Pour le nombre d'enquêtes, on

distingue bien entendu les enquêtes officielles, là où la commission ordonne une enquête, et les enquêtes qui se font sans ordonnance d'enquête de la commission, c'est-à-dire qu'on arrive à certaines conclusions, dans bien des cas, sans être obligé de faire une enquête formelle. Le nombre d'enquêtes a diminué de 36 % dans les trois dernières années, alors il y a une diminution du nombre d'enquêtes, et c'est directement fonction - et je l'ai expliqué hier - du manque de ressources d'enquêteurs à la commission que l'on ne fait pas actuellement 50 % des enquêtes qu'on devrait faire. Je peux le répéter, même si je l'ai dit hier. C'est évident que le nombre d'enquêtes devrait être beaucoup plus grand que cela et ne devrait pas diminuer, mais augmenter parce qu'avec l'activité accrue dans le domaine des valeurs mobilières, le nombre de plaintes qui sont faites à la commission a augmenté de façon considérable et le nombre de demandes de renseignements est passé de 2000 à 8000, dans deux ans. Je pense que cela devrait se refléter sur le nombre d'enquêtes. Cela ne se reflète pas et je pense que l'explication est très simple et repose sur le nombre d'enquêtes qui ont été entreprises par la commission. On a déposé 200 plaintes pénales en 1985-1986, 160 en 1986-1987, c'est-à-dire jusqu'au mois de février, cela ne comprend pas le mois de mars, c'est onze mois, bien entendu. On a obtenu 52 jugements cette année par rapport à 50 l'année précédente. En général, le résultat est en grande partie positif, c'est-à-dire qu'on a obtenu dans la plupart des cas des condamnations. On n'a pas eu beaucoup de succès. Je l'ai mentionné tout à l'heure, dans les cas de complicité où le fardeau de la preuve nous est imposé par les tribunaux et non pas nécessairement par une loi, on applique les normes du Code criminel et c'est un fardeau qu'on ne peut pas atteindre. On n'a pas eu de succès sur les questions de complicité jusqu'ici. On a déposé des plaintes, mais on n'a pas eu de succès. (11 h 15)

Le Président (M. Filion): C'est un nombre quand même assez impressionnant, autour de 160 ou 200 plaintes pénales qui sont déposées, le nombre d'enquêtes aussi. Vous disposez de combien de personnes pour ce qui est des enquêtes?

M. Guy: Actuellement, on a cinq enquêteurs je crois. Il me semble que ces chiffres que je vous donne sont assez exacts.

Le Président (M. Filion): Donc, d'une part, comme l'a bien souligné Me Dandonneau, il y a le problème du volume qui est déjà un problème. Il y a un autre problème, qui est la question de la complexité. À cause de la nature des activités boursières, il n'y a pas beaucoup de flagrants délis dans vos dossiers, contrairement à la Loi sur la conservation de la faune ou au Code de la sécurité routière où mener une enquête se résout dans bien des cas, dans 90 % des cas, à des flagrants délis. Dans votre cas vous devez, si je comprends bien, disséquer des transactions boursières pour y retracer, dans certains cas, des infractions à l'intérieur de ces activités. C'est bien cela?

M. Guy: II faut dire que, dans plusieurs cas, la commission intervient pour arrêter certaines activités qui sont des activités faites en contravention de la loi par des mesures, en fait, plutôt administratives, comme des interdictions qui sont un peu de la nature similaire à des injonctions, déblocages de fonds et ainsi de suite, et l'enquête se fait par la suite et peut donner lieu à des poursuites éventuellement. C'est plutôt l'exception. Supposons qu'une personne fait de la publicité dans les journaux sur des titres, des placements, elle n'est pas inscrite auprès de la commission, il n'y a pas de prospectus, la commission va intervenir immédiatement pour que cette personne arrête d'exercer cette activité. Ce n'est pas le nombre le plus important, c'est quand même un nombre minime de cas. Vous avez raison, on apprend la plupart des affaires après que l'activité est terminée, soit par une plainte, soit par la commission directement. Par les différentes activités qu'on poursuit, on s'aperçoit que quelqu'un a reçu une contravention. Dans le cas de l'usage d'informations privilégiées, notamment, où ce sont des cas plus complexes ou plus difficiles, c'est toujours après coup, bien entendu. Il y a une annonce, une offre publique et là on voit que, quelques jours avant l'annonce, il y a une fluctuation anormale des cours à la Bourse, on l'apprend après et l'enquête se fait par la suite. Je pense que pour la majorité des cas, l'enquête est faite après l'infraction et non pas avant.

Le Président (M. Filion): Je dois vous dire à la lueur de vos remarques et à la suite des commentaires du député de Louis-Hébert, que je suis tout à fait d'accord avec ce que le député de Louis-Hébert disait tantôt. Vous agissez finalement pour la protection du public et cette fois-ci le public est large et de plus en plus large. C'est une bonne chose que les Québécois et les Québécoises s'intéressent aux activités boursières, donc aux activités économiques. Si on veut que cet intérêt soit soutenu dans l'avenir, il se doit d'être bien sécurisé, si l'on veut, par une vigilance qui est celle du caractère un peu policier, comme vous le dites entre guillemets, de la Commission des valeurs mobilières. Je dois vous dire que je considère votre demande, quant à la prescription allongée de deux ans tout à fait

raisonnable dans les circonstances. Je m'interroge cependant sur le point de départ de cette prescription. Vous dites, au bas de la page 2 de votre mémoire, à peu près au centre du dernier paragraphe: "La connaissance de la perpétration de l'infraction est un critère différent de la connaissance des faits qui y donnent lieu." J'aimerais beaucoup que...

M. Guy: II y a un problème d'interprétation. Nous interprétons notre loi actuellement et je dois vous avouer que, même dans notre loi, je ne suis pas personnellement très satisfait de la précision de cette disposition sur la prescription parce que, bien souvent, il va y avoir certains comportements qui nous sont signalés et on ne sait pas s'il y a infraction ou contravention à la loi. Il va falloir faire une enquête qui peut prendre six mois et peut-être que là, à un moment donné après le début de l'enquête, après six mois, on va dire: Oui, il y a peut-être infraction è la loi et là, il va falloir poursuivre pour obtenir la preuve nécessaire à la poursuite. À quel moment cette prescription joue-t-elle? Nous prétendons au moins qu'elle ne peut pas jouer avant que la commission ordonne une enquête officielle parce que l'on pense qu'on a des raisons ou des motifs de croire qu'il y a peut-être une infraction à la loi et qu'elle joue à partir de ce moment-là. Cela demeure quand même une question qui, même dans notre loi, je dois l'admettre, n'est pas très claire. On dit: Pour toute infraction prévue par la présente loi, l'action pénale se prescrit par deux ans à compter de la connaissance par la commission des faits qui y donnent lieu, c'est-à-dire des faits qui donnent lieu à l'infraction. Alors, on peut prétendre que cela peut même être après que l'enquête soit commencée parce que, bien souvent, on ne connaissait pas les faits qui ont donné lieu à l'infraction lors du début de l'enquête. Il y a quand même une ambiguïté qu'il serait probablement utile de relever même dans notre loi.

Le Président (M. Filion): Est-ce que cette ambiguïté-là a amené dans la jurisprudence, c'est-à-dire au niveau de vos...

M. Proulx: Non, on n'a pas eu de...

Le Président (M. Fïlion): ...problèmes majeurs...

M. Proulx: ...problèmes jusqu'à maintenant. Naturellement, lorsqu'on a un problème, cela se pose toujours dans une enquête très complexe; dans un dossier compliqué, une enquête peut durer presque deux ans ou on peut être à cheval sur la prescription et si on interprète la date de départ, à un moment donné on est prescrit et à un autre moment donné on n'est pas prescrit. On n'a qu'à penser à un dossier comme Imasco ou la Banque Commerciale; c'est se genre de dossier où les procureurs soulèvent tous les points possibles pour se tirer d'embarras. On peut soulever la prescription, même à l'intérieur du contentieux. Il y a des débats à savoir quand exactement interpréter la date à laquelle on peut compter le départ de la prescription.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Proulx: J'aimerais aussi souligner... Tantôt, vous avez parlé du nombre d'enquêtes, il y a beaucoup d'enquêtes en matière de contrat d'investissement et on n'a pas actuellement le personnel voulu pour compléter ces enquêtes. La complexité des recours maintenant devant les tribunaux, le nombre de contestations est beaucoup plus élevé et on embarque souvent dana des questions de juridiction, de points de droits nouveaux. Les débats juridiques sont beaucoup plus longs devant les tribunaux qu'autrefois.

Le Président (M. Filion): D'accord, je vous remercie. En ce qui concerne votre deuxième point, la complicité, eu égard à la compétence territoriale, je vais vous dire que, en tout cas à l'oeil, ce n'est pas un problème facile. Le ministre a exposé tantôt les choix qui peuvent se présenter. Evidemment, les modifications au Code criminel apparaissent d'emblée la meilleure solution; le problème, évidemment, c'est qu'il y a une distinction à faire et, dans certains cas, vous en voulez une; vous choisissez de poursuivre en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières plutôt qu'en vertu du Code criminel à cause, notamment, de la mens rea, l'intention criminelle qui doit être prouvée, on le sait, dans le cas d'un acte criminel; ce qui n'est pas nécessairement le cas en droit pénal. En tout cas, je vais participer à ce sujet à la réflexion, ce n'est pas un problème facile comme je vous ai dit. Il faut surtout éviter, nous, comme législateurs, de créer un vacuum juridique où on connaît l'imagination dans le marché boursier des fraudeurs.

Il ne faudrait pas que leur imagination leur fasse découvrir une plage d'activités que nos lois ne couvriraient pas. Maintenant, la solution n'est pas facile.

En ce qui concerne votre troisième point... Je ne sais pas si vous voulez réagir à ces propos sur le deuxième point.

M. Proulx: Comme on l'a mentionné tantôt, je ne crois pas que les dispositions, même le Code criminel amendé, seraient suffisantes, parce que notre but, c'est de faire respecter la Loi sur les valeurs mobilières, puisqu'on demande un outil pour faire respecter notre loi. Il y a la question

de la mens rea et l'information priviligiée n'est pas couverte par le Code criminel.

Il y a d'autres domaines comme en matière d'information fausse et trompeuse. C'est plus facile de poursuivre et on a de meilleurs résultats en vertu de notre loi. Comme les placements qui viennent de l'extérieur, pour une bonne partie, si on veut poursuivre tout le monde, il faut avoir des règles adéquates en matière de complicité.

Le Président (M. Filion): D'accord. M. Guy.

M. Guy: Je voudrais, M. le Président, parce que je trouve que c'est important... Je pense qu'il faut faire attention. Il y a l'efficacité de la répression aussi. La Loi sur les valeurs mobilières, c'est un outil beaucoup plus efficace que le Code criminel. Je pense que c'est très important de le souligner. Je pourrais donner un exemple qui est une affaire publique, dans le cas de SODECOM où c'est une information fausse et trompeuse dans le prospectus qu'on a transmis à la Sûreté du Québec pour faire enquête et on n'a poursuivi en vertu du Code criminel que le président de la société.

Alors, sa condamnation où des millions de dollars ont été perdus par les petits épargnants dans ce placement - en fait, ils ont tout perdu leur argent - a été, je crois, un jour de prison. On sait qu'en matière de crime économique, les tribunaux ne sont pas très enclins à donner des sentences importantes.

Alors que nous, nous avons repris le dossier à la suite de cela et on a intenté des poursuites contre le vérificateur, contre d'autres dirigeants de la société qui, d'après nous, on croit, sont aussi coupables de l'infracation que le président de la société.

C'est un cas où, ayant fait un effort pour dire: Voici, on va poursuivre en vertu d'une fraude conformément au Code criminel et, enfin, peut-être qu'on va avoir la personne à une condamnation plus sévère, on s'aperçoit après deux ans d'une longue enquête que la personne est trouvée coupable et elle a un jour de prison.

On est obligé de reprendre le dossier, faire une enquête pour poursuivre en vertu de notre loi des personnes qui ont contribué à cette infraction-là.

Alors, le Code criminel, dans des cas comme cela, ne nous a pas aidés du tout. Je veux dire que quant à nous, on a trouvé quand même qu'on a perdu un temps important à faire une enquête qui, en fin de compte, donne des résultats qui ne sont pas très bons.

Le Président (M. Filion): D'accord. En ce qui concerne...

M. Guy: Aussi, Me Proulx me souligne - c'est très vrai - qu'il y a la question de spécialisation. Bien entendu, il n'y a pas beaucoup de spécialistes au Québec en valeurs mobilières en droit criminel. Enfin, il y en a très peu; il y en a un ou deux. C'est là qu'on a un problème quand on transmet les dossiers au procureur de la couronne sur des crimes économiques en valeurs mobilières. Bien entendu, ce ne sont pas des dossiers qui les intéressent beaucoup.

On peut comprendre cela. Ce sont des domaines très complexes dans lesquels ils n'ont pas beaucoup d'expertise.

Le Président (M. Filion): Surtout qu'ils n'ont pas de comptables pour les aider.

M. Guy: ...

M. Marx: ...c'est faux. (11 h 30)

Le Président (M. Filion): Quant au troisième point qui concerne le pouvoir de nolle prosequi du Procureur général en droit pénal, je vais vous dire que la discussion a déjà été amorcée hier et se continuera. Je pense que le ministre en a pris bonne note. Nous avons jeté les bases de la réflexion là-dessus.

En ce qui concerne l'appel, le problème est bien posé. Il y avait une décision à prendre et des discussions allaient avoir lieu en droit civil. C'est vrai qu'en droit civil, on peut signifier notre avis d'appel au procureur qui agissait en première instance et qu'en droit pénal, on ne peut pas.

La raison que je vois derrière cela, c'est une raison un peu historique. S'il y a un appel, souvent, l'avocat qui agit dans une cause criminelle - on reviendra au pénal plus tard - une fois le procès terminé, son client n'est pas toujours satisfait. Il peut changer d'avocat vite. Mais s'il a un avis d'appel de la couronne, cela veut dire que des fois, c'est le contraire et il peut être très satisfait, parce que cela veut dire que la couronne ne l'a pas été. En deux mots, ce qu'en droit pénal un changement de procureur est une chose beaucoup plus courante qu'en droit civil et c'est une chose qui, dans certains cas, correspond beaucoup plus à des critères émotifs. Et aussi, surtout, en droit criminel, on joue avec la liberté des gens. Comme je l'ai mentionné hier, la privation de la liberté reste le châtiment le plus ultime dans la catégorie des sanctions. En droit criminel, la privation de la liberté, donc les peines d'emprisonnement sont quand même une chose relativement courante. Le problème que nous avons devant nous est en droit pénal. En droit pénal, l'emprisonnement existe, bien sûr, et constitue une espèce de moyen beaucoup plus dissuasif qu'autre chose, parce qu'il n'est pas très utilisé. Je serais curieux - et on va sûrement avoir quelques chiffres là-dessus à un moment donné - de

savoir quel est le pourcentage des personnes condamnées qui vont effectivement en prison. Je dois vous dire que je suis convainu que c'est inférieur à 1 %, sachant que le Code de sécurité routière est du droit pénal. Mais la prison existe quand même, en bout de ligne. J'ai eu l'occasion hier d'exposer qu'à mon sens, le jour où l'emprisonnement sera disparu de notre droit pénal tout à fait n'est peut-être pas si éloigné qu'on pense. Si un crime est suffisamment sérieux que la prison soit la sanction, est-ce qu'on ne doit pas songer au fait que ce crime-là soit défini à l'intérieur du Code criminel? Mais c'est là une discussion un peu ésotérique, je reviens quand même au fond de mon propos qui est la signification au procureur.

Je dois vous dire qu'a priori, en tout cas dans le cas de la Loi sur les valeurs mobilières, je vois d'abord les problèmes qui se posent. Souvent, ce sont des corporations qui sont poursuivies. Les corporations ne sont pas toujours faciles à rejoindre. Les individus peuvent demeurer à l'extérieur du Québec. Or, ils ont toujours pris un avocat qui était au Québec pour défendre leur cause. À ce moment-là, je suis sensible à cette demande de la part de la commission pour que la signification puisse se faire au procureur qui agit en première instance.

Je pense que vous voulez réagir un peu à la question de l'emprisonnement et allons-y directement dans ce sens. Croyez-vous que l'emprisonnement comme sanction à une infraction à la Loi sur les valeurs mobilières est une nécessité?

M. Guy: M. le Président, je veux certainement réagir parce que M. le ministre a dit tout à l'heure que la prison était l'institution des pauvres, je pense qu'en matière mobilière cela pourrait devenir l'institution des riches. Parce que ce sont des personnes qui sont très riches qui commettent les infractions en matière de valeurs mobilières. Ce n'est pas pour rien, je pense, que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a fait une recommandation au gouvernement de l'Ontario et que le gouvernement a adopté, il y a quelques semaines, une modification de la Loi sur les valeurs mobilières portant les peines en matière d'usage d'informations privilégiées à 1 000 000 $ ou trois fois le bénéfice réalisé par le contrevenant et une possibilité de deux ans de prison. C'est pour montrer l'importance et l'effet négatif de ce type d'infraction sur le marché des valeurs mobilières. Ce ne sont pas des questions qu'on va régler avec le Code criminel. Je ne suis pas en désaccord. J'ai participé, à la commission, depuis 1973, à des discussions sur des modifications au Code criminel et je ne suis certainement pas en désaccord avec le fait qu'on intègre certaines dispositions dans le Code criminel qui sont doublées dans la Loi sur les valeurs mobilières. Mais ce ne sera pas la réponse ni le remède parce qu'on va toujours faire face, en matière de valeurs mobilières, à des preuves qui vont nous être très difficiles à faire. L'efficacité de la répression de ces infractions est beaucoup plus grande si ces infractions sont poursuivies en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières plutôt qu'en vertu du Code criminel. Je pense que l'efficacité est également un élément important là-dedans. C'est important de garder, pour des infractions aussi importantes que cela, la possibilité que les gens aillent en prison même si on n'aime pas la prison. On a, M. le Président, un exemple assez concret, je vais demander à Me Proulx de vous le souligner.

M. Proulx: Récemment, on a poursuivi des contrevenants, non pas au pénal, on a pris une injonction contre eux afin qu'ils cessent de faire des placements en contravention à la loi. Ces personnes ont continué. On a obtenu un premier puis un second outrage au tribunal. Vous savez qu'avec outrage au tribunal il y a possibilité d'amende jusqu'à 50 000 $ ou emprisonnement. Pour la seconde contravention, la peine a été de 3000 $. Lorsqu'on pense aux profits énormes que ces personnes peuvent faire à contrevenir en vendant des placements en contravention à la loi, la peine est disproportionnée. Souvent, j'ai parlé avec des personnes qu'on poursuivait, on nous disait qu'au point de vue économique, c'est plus payant de payer l'amende que de déposer un prospectus ou une notice d'offre et de payer des frais d'avocat et de comptable: Vous nous poursuivrez à chaque fois. A un moment donné, la seule solution, c'est l'emprisonnement si on veut que ces personnes cessent. On voit cela souvent dans le domaine de la vente de placements de parts de société en commandite. Les personnes préfèrent contrevenir à la loi, payer l'amende, plutôt que déposer les documents à la commission.

M. Guy: En matière de valeurs mobilières je pense qu'il faut noter que le récidivisme est très fréquent. On fait face souvent aux mêmes personnes; les mêmes personnes continuent et continuent et continuent, par le fait bien souvent qu'elles ont été poursuivies au criminel. On a cité, hier, le cas de gens qui ont été poursuivis au criminel et condamnés à des amendes assez sévères, mais les peines imposées par les tribunaux en général dans le domaine du crime économique sont très faibles. Dans ce cas-là, les gens avaient réalisé un bénéfice de dizaines de millions de dollars et on les avaient condamnés à 500 000 $ d'amende. Cela leur importe peu de payer 500 000 $ d'amende pour réaliser 10 000 000 $ de bénéfice. Tant qu'ils ne vont pas en prison, ils continuent. Vous ne pouvez pas savoir la

peur d'aller en prison qu'ont la plupart des contrevenants en matière de valeurs mobilières. Pour avoir eu souvent des discussions afin d'essayer de conclure des ententes à l'amiable dans bien des cas, tout ce qu'ils veulent éviter, c'est la prison. Les amendes, ils s'en foutent pas mal; ils sont prêts à payer des amendes, même importantes.

Le Président (M. Filion): M. le ministre.

M. Marx: Sur le droit criminel, à la quesiton que nous avons soulevée, je pense qu'au début vous avez dit: II pourrait y avoir des infractions qu'on ne peut pas poursuivre au Québec et qu'on ne peut pas poursuivre en Ontario. Donc, il serait peut-être utile d'avoir des dispositions au Code criminel pour que les gens ne puissent pas échapper complètement aux lois dites provinciales. Il y a un problème là. En ce qui concerne les amendes, vous pouvez toujours les augmenter et prévoir des minimums.

M. Guy: Certainement, je suis entièrement d'accord M. le ministre.

M. Marx: Je pense que vous avez une demande pour augmenter...

M. Guy: Pour augmenter dans le cas d'usage d'informations privilégiées. M. le ministre sera certainement d'accord sur les questions du Code criminel. Je l'ai dit tout à l'heure, on n'est pas opposé à ce qu'il y ait des infractions au Code criminel. Il y a des cas quand même où c'est peut-être la seule avenue qu'on aura de poursuivre en vertu du Code criminel. Les enquêtes en vertu du Code criminel en matière de valeurs mobilières, je l'ai souligné tout à l'heure, ne sont pas faciles. Le personnel de la GRC ou de la Sûreté du Québec dans certains cas est peu disponible pour ces enquêtes. On ne veut pas, bien souvent, faire ces enquêtes qui sont trop longues. On ne veut pas mettre des ressources pendant deux ans, trois ans, quatre ans, dans certains cas - plusieurs enquêtes ont demandé quatre à cinq ans à la GRC - pour une période aussi longue pour faire des enquêtes en matière de valeurs mobilières. C'est toujours le problème.

M. Marx: Je comprends qu'il faut avoir les deux. Il faut avoir la loi pénale et peut-être la loi criminelle aussi.

Le Président (M. Filion): D'accord. Je voudrais, au nom des membres de cette commission vous remercier de votre mémoire, vous remercier de votre présence et vous remercier de la qualité de nos échanges de vues dont témoigne, je pense, le temps allongé que nous avons pris pour vous entendre ce matin.

Je pense que vous retiendrez du Parlement qu'on dépasse souvent le temps prescrit, si je me fie à la longueur du témoignage que vous avez rendu hier à une autre commission. Je voudrais vous remercier, M. Guy, Me Dandonneau ainsi que Me Proulx.

Sans plus tarder, je voudrais inviter les représentants de la Commission des services juridiques, que je vois à l'arrière, à bien vouloir prendre place à la table des invités. Nous allons suspendre pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 41)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Filion): Je voudrais souhaiter la plus cordiale des bienvenues aux représentants de la Commission des services juridiques. Je voudrais sans plus tarder demander à leur porte-parole de bien vouloir s'identifier pour les besoins à la fois des membres de la commission et de ceux du Journal des débats.

Commission des services juridiques

M. Bouchard (Denis): Merci, M. le Président. Je m'appelle Denis Bouchard. Je suis vice-président de la Commission des services juridiques. Je voudrais remercier tout d'abord cette commission de permettre à la nôtre de fournir ses observations au sujet de cet avant-projet de loi concernant le Code de procédure pénale.

Le mémoire qui vous a été soumis et que nous allons discuter ce matin a été préparé par un groupe d'avocats criminalistes au service de différents bureaux et de corporations d'aide juridique dans la province. Certains m'accompagnent, ce matin. Je voudrais vous les présenter pour ensuite leur laisser présenter eux-mêmes ce mémoire.

À mon extrême gauche, Me Richard Côté, du bureau d'aide juridique de Rimouski; près de moi, Me Michel Marchand, criminaliste, plaideur et recherchiste à la Commission des services juridiques qui, plus spécialement, présentera le mémoire et, à ma droite, Me Pierre Gagnon, criminaliste au bureau d'aide juridique de Saint-Jérôme.

Comme vous avez pu le constater d'une façon plus générale, la Commission des services juridiques est, par conséquent, le point de vue d'une clientèle défavorisée. C'est un autre son de cloche évidemment que celui que nous avons écouté dans les heures précédentes, quoique je vous prie de croire que notre mémoire n'est pas une réponse à celui de la Commission des valeurs mobilières, notre clientèle ne jouant pas trop frauduleusement à la Bourse.

Je veux tout simplement vous signaler que c'est donc une responsabilité importante

qu'a la Commission des services juridiques de parler au nom de cette clientèle défavorisée qui est présente devant les tribunaux en matière pénale. Si la prison est une institution des pauvres, il faudrait... Je pense que cela ressort de notre mémoire. C'est le grand thème de notre mémoire: l'efficacité administrative. Je vous prie aussi de croire que cela peut paraître surprenant de parler d'efficacité administrative comme étant quelque chose qu'on ne devrait pas atteindre.

Mais ce n'est pas cela du tout. Vous savez combien, à la commission, nous y tenons et l'atteignons. Mais l'efficacité administrative à l'égard de droits fondamentaux, il y a un partage, il y a un équilibre à tenir; et c'est cet équilibre que nous avons tenté de rechercher et de vous exprimer.

Je demanderais à Me Michel Marchand de vous présenter ce mémoire dans le temps que vous lui allouerez, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Je vous en prie. Me Marchand.

M. Marchand (Michel): En février 1985, le ministère de la Justice nous avait demandé notre opinion concernant un document qui circulait au niveau ministériel. C'était un peu l'ancêtre du document actuel. À ce moment-là, on avait rédigé un rapport; on avait préparé un mémoire et on avait mentionné qu'il y avait de nombreuses lacunes. On a été agréablement surpris à la lecture de l'avant-projet de loi de constater que plusieurs lacunes ont été comblées. Cependant, il y a encore, à notre avis, du travail à faire. Je pense qu'il y a certaines modifications importantes qui devraient être apportées pour qu'on ait finalement un juste équilibre entre l'efficacité administrative, dont parlait Me Bouchard, et la protection des libertés individuelles.

Mon exposé se déroulera comme suit. J'ai regardé les grands thèmes du mémoire et je vais développer rapidement chacun des points qui me semblent les plus importants. En premier, je vais discuter du respect des garanties procédurales. Ensuite, je vais discuter du problème des jeunes, entre autres, pour ce qui est des avis aux parents et des amendes; du problème de l'outrage au tribunal; des problèmes de preuve, il y a de nombreux problèmes de preuve dans le projet de loi; des problèmes de prescription; des problèmes de cautionnement; des problèmes du fait d'être obligé de déclarer son nom au juge de paix - je pense que c'est aller très loin - des problèmes de perquisition; de constat d'infraction; des problèmes de l'application de l'arrêt Kienapple; des problèmes des sentences; des dépens; de l'exécution des jugements et de la rétractation. C'est beaucoup de sujets, mais qui vont quand même être traités très rapidement.

Alors, j'enchaîne immédiatement avec le respect des garanties procédurales qui est le premier thème que j'entends aborder. Il y a deux articles qui retiennent notre attention. Ce sont les articles 2 et 59 du projet. À l'article 2 - je le lis rapidement -on mentionne que: "Les règles édictées dans le présent code doivent être interprétées comme ayant pour but de faciliter le déroulement de la procédure plutôt que de la retarder ou d'y mettre fin prématurément."

À l'article 59, on mentionne que: "Un juge peut, dans l'intérêt de la justice, admettre une preuve, aux conditions qu'il détermine, malgré l'inaccomplissement d'une formalité ou ordonner l'ajournement de l'audience afin de permettre l'accomplissement de cette formalité."

On voit finalement dans ces deux articles le ton du Code de procédure pénale à certains égards. Dans le fond, ces deux articles soulignent le critère d'efficacité administrative au détriment, à notre avis, de la présomption d'innoncence.

Le formalisme, en matière pénale et en matière criminelle, est très important. On commence notre mémoire en soulignant une citation d'un juge de la Cour suprême des États-Unis, et je pense qu'il ne faut pas perdre cela de vue. Il ne faut pas penser que le formalisme est de la dentelle. Le formalisme est là pour protéger des garanties individuelles et, surtout en matière pénale et criminelle, il faut faire très attention à cela. On dit souvent qu'en pénal provincial il n'y a pas d'emprisonnement. Mais il faut faire attention. Souvent, il peut y avoir de l'emprisonnement, particulièrement pour les gens démunis. Les gens que nous représentons vont souvent être emprisonnés parce que, tout simplement, ils n'ont pas l'argent pour payer l'amende. En plus, il faut se souvenir qu'il y a de nombreuses possibilités de condamner à du consécutif, particulièrement si les gens n'ont pas d'argent. C'est toujours du consécutif du moment qu'il y a un défaut de paiement d'amende. Il faut vraiment avoir cela à l'esprit lorsqu'on parle de garantie procédurale. Nous pensons que les articles 2 et 59 qui donnent le ton, en quelque sorte, du projet, devraient tout simplement être mis de côté.

Le deuxième thème que j'aborde concerne les jeunes. Je développe cela de deux manières différentes. Premièrement, en rapport avec l'avis aux père et mère et, deuxièmement, en rapport avec les amendes minimales. Alors, je vais développer le premier point. C'est l'article 13 du projet qui prévoit la signification au père ou à la mère ou à tout autre titulaire de l'autorité parentale. Il y a vraiment un problème si on compare cette disposition avec l'article le de la Loi sur la protection de la jeunesse qui est un champ un peu pareil, dans le fond, ce

sont des jeunes qui sont pris avec des problèmes de protection. Ici, on a des jeunes qui sont pris avec des problèmes pénaux. Dans la Loi sur la protection de la jeunesse, on prévoit qu'il doit y avoir signification au père et à la mère ou à toute autre titulaire de l'autorité parentale. Je fais référence à l'article le de la Loi sur la protection de la jeunesse. Ce n'est pas dans le mémoire, mais c'est quelque chose qui est ajouté. Il faut aussi avoir à l'esprit l'article 648 du Code civil du Québec qui prévoit que les titulaires de l'autorité parentale sont les père et mère; les deux exercent cela conjointement. Nous ne voyons pas pourquoi les deux ne seraient pas avisés. Je pense particulièrement au cas où l'enfant est trouvé dans un bar à 3 heures du matin, dans un cas où les parents vivent séparés, comme cela arrive très souvent, ce n'est plus quelque chose de très rare de nos jours, cela arrive régulièrement. Je pense que les deux parents aimeraient bien savoir que leur jeune a été trouvé dans un bar à 3 heures du matin. Il faudrait vraiment amender cela pour prévoir la signification aux deux parents.

Il y a aussi un autre problème qui se soulève - je ne sais pas comment cela pourrait être interprété en jurisprudence -c'est l'autre titulaire de l'autorité parentale. Si l'enfant est placé en famille d'accueil, qu'est-ce qu'il arrive? Lorsqu'on dit: "ou autre titulaire de l'autorité parentale", cela voudrait-il dire qu'une signification à la famille d'accueil serait suffisante? Je soulève le problème. Je n'ai pas de réponse, mais je pense qu'il devait y avoir un "et" là aussi pour que, finalement, tous ceux qui entourent le jeune soient au courant des problèmes de ce jeune; souvent, cela peut peut-être être l'amorce d'une délinquance, surtout en matière de débit de boissons.

Quant aux amendes minimales, on prévoit, dans le projet toujours, la même formule qui dit sensiblement ce qui suit: Toutefois, lorsque le défendeur est une personne âgée de moins de 18 ans, le montant des frais que cette personne peut être condamnée à payer ne peut excéder 100 $. C'est le montant des frais encourus pour les témoins, le cautionnement et les amendes. On reprend exactement le texte de l'article 72.1 de la Loi sur les poursuites sommaires; ce texte a fait l'objet d'une interprétation judiciaire. La Cour d'appel du Québec a dit récemment - le 5 décembre 1986 - que ce texte voulait dire tout simplement que lorsque le minimum de l'amende était supérieur à 100 $, on appliquait 100 $. Cela veut dire, au fond, que, pour environ les deux tiers des infractions pénales provinciales québécoises, le juge n'a plus de discrétion lorsqu'il s'agit de jeunes, il doit nécessairement imposer une amende de 100 $. Je cite le mémoire aux pages 41 et 42, un texte de M. Létourneau qui est en date de 1975, dans lequel il faisait la revue des infractions au Québec avec les minimums et les maximums, cela a changé, c'est certainement pire que c'était à l'époque; on en arrive à la conclusion que 262 cas prévoient des amendes minimales se situant entre 0 $ et 100 $, alors 262 cas; 328 cas de minimum se situant entre 100 $ et plus. Cela veut dire qu'il y a plus d'amendes dont les minimums sont supérieurs ou égaux à 100 $. Je pense qu'il y a un problème. Les jeunes, on le sait, ne travaillent pas, vont à l'école lorsqu'ils ne sont pas sur le chômage; je pense que le juge devrait avoir discrétion pour les jeunes afin de déterminer le montant de l'amende ou le montant des frais pour qu'ils se situent entre 0 $ et 100 $. On a appris que, lorsque l'article 72.1 a été fait, apparemment que c'était l'intention du léqisteur; du moins, c'est ce que les gens de la couronne nous ont dit lorsqu'on a plaidé le jugement qui était la base de l'interprétation que je vous ai donnée tantôt. Ce serait peut-être le moment de corriger la situation.

Autre problème: l'outrage au tribunal qui peut être aussi exploré sur deux paliers différents. Premièrement, le fait de pouvoir condamner pour outrage au tribunal in faciae. Dans le mémoire, on parle du C-19, l'article 131.13 de ce projet de loi, qui avait été présenté en première lecture au gouvernement fédéral le 7 février 1984; là-dedans, on prévoyait une procédure qui était vraiment adéquate et respectueuse des droits des gens, qui était respectueuse de la présomption d'innoncence et qui était aussi respectueuse de l'obligation d'être jugé devant un tribunal indépendant et impartial. On prévoyait là-dedans que, lorsque la personne fait du trouble à la cour, le juge peut tout simplement l'exclure de la cour et lui ordonner de se présenter devant un autre magistrat qui, lui, jugera. Je pense que tout ce qu'il faut en matière d'outrage au tribunal, c'est cela, c'est le pouvoir de faire en sorte que la personne cesse son trouble, soit exclue de la cour et se fasse juger devant un autre magistrat qui, lui, pourra, en toute quiétude et en toute froideur, juger l'individu et déterminer s'il s'agissait vraiment ou non d'un outrage au tribunal. Je pense qu'il faudrait profiter de l'occasion pour actualiser le Code criminel. On sait que l'outrage au tribunal a fait l'objet de nombreux débats. Je pense que ce serait l'occasion de rendre cela plus conforme aux droits fondamentaux. (12 heures)

Le deuxième problème que j'ai en ce qui concerne l'outrage au tribunal, c'est que non seulement on prévoit que l'outrage au tribunal existe encore - comme on le connaît actuellement lorsque c'est in faciae - mais, en plus, on prévoit qu'un juge de paix va pouvoir condamner pour outrage au tribunal. C'est aller très loin, la Loi sur les poursuites sommaines actuellement ne prévoit

pas cela. On n'a qu'à lire l'article 73 pour s'en rendre compte. Je pense que c'est un deuxième problème et c'est un très gros problème. L'outrage au tribunal, il faut garder cela en mémoire, c'est quand même quelque chose de très sérieux, les qens sont passibles d'amendes de 5000 $ ou encore d'un emprisonnement d'un an. C'est quelque chose, je pense, qu'il ne faut pas prendre à la légère.

Un autre thème que je n'ai pas mentionné tantôt et que je vais aborder rapidement, c'est l'homogénéité avec le Code criminel. On traite cela un peu partout dans le code. On se rend compte qu'il y a un tas de choses, finalement, qui pourraient être homogènes au Code criminel et qui ne le sont pas. Nous pensons que ce serait à l'avantage de tout le monde de rendre cela homogène lorsque, finalement, cela ne change pas grand chose. On pense, par exemple, à ce qui a trait è l'arrestation. On parle de motifs raisonnables seulement. Pourquoi ne pas parler de motifs raisonnables et probables, comme le Code criminel le prévoit? Comme le droit, finalement, existe depuis de nombreuses années et que cela n'a pas causé de problèmes, c'est quelque chose avec lequel les intervenants judiciaires sont habitués, les policiers sont habitués, tout le monde est habitué, alors pourquoi changer la formulation? En ce qui concerne des motifs raisonnables et pour un mandat de perquisition aussi, pourquoi ne pas suivre l'arrêt Southam et parler de motifs raisonnables et probables?

Enfin, il y a un tas de choses comme cela dans le projet qu'il faudrait, à notre avis, changer pour les rendre le plus possible conformes au Code criminel. Je pense aussi à l'article 543, par exemple, du Code criminel qui porte sur les gens incapables de subir l'instruction. Pourquoi ne pas se rapprocher de cet article lorsqu'on réfère, par exemple, aux articles 274, 275 et 276 du projet? On reprend ce concept, mais d'une manière toute difforme, d'une manière qui n'est pas pareille. On ne prévoit même pas la possibilité de retarder l'instruction jusqu'à la fin de la preuve de la couronne. C'est un autre accroc majeur. II y a plusieurs points comme cela, je pense, qui devraient être révisés et on devrait prévoir, dans la mesure du possible, l'homogénéité avec le Code criminel. Un dernier point là-dessus: on ne prévoit pas la possibilité de plaider coupable à une infraction incluse. On prévoit que le juge peut nous condamner pour une infraction incluse, mais on ne prévoit pas que l'accusé peut offrir de plaider coupable à une infraction incluse. C'est une autre lacune.

J'arrive au problème de la preuve et c'est, à notre avis, un gros problème. L'article que j'ai en mémoire, entre autres, est l'article 46 qui nous parle du fait que la défense est obligée d'établir qu'il bénéficie d'une exception, d'une exemption, d'une excuse ou d'une justification. Cela est conforme à la "common law", c'est conforme au droit qui existait antérieurement à la charte, je ne suis pas certain que c'est conforme à l'arrêt Oakes. L'arrêt Oakes de la Cour suprême n'est peut-être pas allé assez loin pour couvrir cet article, mais je pense que les jalons sont là et que si on oblige l'accusé à offrir une preuve qui va au-delà du doute raisonnable, je pense qu'on contrevient à la présomption d'innocence, on contrevient à l'article lld de la charte. Dans ce cas-ci, si on voit l'article 46, non seulement on a le fardeau mais en plus c'est un fardeau de preuve prépondérante. Le juge pourrait, à la fin de l'instruction, avoir un doute raisonnable et être obligé de condamner. C'est exactement ce que dit l'article 46. Alors, je pense que cela devrait être révisé.

Un autre article qui retient notre attention, l'article 54, est dans la même veine. Cette fois-là, c'est encore pire parce que dans l'article 54, on mentionne qu'il incombe au défendeur de faire la preuve qu'il est titulaire d'un certificat, d'une licence ou d'un permis. Alors là, on oblige le défendeur à faire la preuve d'un élément essentiel de l'actus reus, un élément essentiel de l'infraction. Je pense qu'on pourrait prévoir un mécanisme par lequel on pourrait signifier préalablement au défendeur un certificat attestant qu'il n'était pas détenteur d'un permis ou encore un mécanisme lui permettant de demander à la couronne de faire cette preuve. Je ne pense pas qu'on devrait rester avec une disposition similaire à ce qu'on a actuellement, qui est l'article 54.

Un autre problème en matière de preuve, l'article 48, où on mentionne que les règles de preuve en matière criminelle s'appliquent en matière pénale. On ne fait aucune référence à la partie 1 de la Loi sur la preuve au Canada, quelle est l'intention du législateur? Est-ce qu'on veut se référer ou non à cette loi? Je pense que c'est très important. D'ailleurs la loi actuelle, article 44 réfère à la Loi sur la preuve au Canada. Pourquoi avoir un texte équivoque qui ne réfère qu'aux règles de preuve en matière criminelle sans préciser qu'on réfère également à la partie 1 de la Loi sur la preuve au Canada. C'est très important, notamment pour ce qui est de la preuve documentaire, quant à la preuve de certificat, de dossier de ministère, on devrait vraiment avoir un renvoi pour que cela ne cause pas de problème.

Autre problème quant à la preuve, le constat d'infraction et le rapport d'infraction, l'article 49. Dans la loi actuelle sur les poursuites sommaires, c'est-à-dire l'article 31, on prévoit quelque chose qui est un peu similaire, le rapport d'infraction, mais

seulement pour les agents de la paix ou encore les personnes chargées de l'application d'une loi. Pourquoi aller beaucoup plus loin que cela et permettre à peu près à tout le monde de pouvoir procéder par le constat d'infraction ou encore par le rapport d'infraction? Nous pensons que cela devrait être limité aux policiers ou encore aux personnes chargées de l'application d'une loi et ce n'est pas du tout indiqué, ni pour le constat d'infraction, ni pour le rapport. Je comprends qu'une procédure pénale commence par la signification d'un constat d'infraction et que, en règle générale, c'est le Procureur général qui décide. Rien ne dit qu'un constat d'infraction ne peut pas être fait par d'autre qu'une personne en situation d'autorité.

Compte tenu du fait que c'est de la preuve exceptionnelle, ce sont des règles de preuve exorbitantes, je pense qu'il devait être précisé que cela ne s'applique qu'aux agents de la paix ou aux personnes chargées de l'application d'une loi. Il faut bien penser que ces rapports vont valoir comme preuve. On va peut-être en arriver à une situation où la preuve va n'être que documentaire et où l'accusé sera obligé de demander è chaque fois qu'on fasse preuve de sa culpabilité. Ce qui est le principe va devenir l'exception. Autre problème quant à la preuve - et j'achève pour ce thème - les articles 51 et 52. Dans l'article 51 on mentionne: "Un document mis en preuve par le poursuivant et qui, suivant toute apparence, a été écrit ou signé par le défendeur fait preuve, en l'absence de toute preuve contraire, que ce dernier l'a écrit ou signé." C'est aller loin aussi. Je pense qu'an en aurait suffisamment avec les règles de preuve qu'on connaît actuellement qui sont les règles de preuve circonstancielles sans avoir à prévoir un article de ce type.

L'article 52 aussi cause beaucoup de problèmes. Lorsqu'on mentionne que "Le juge devant qui un document est mis en preuve peut recevoir toute preuve qu'il considère pertinente et digne de foi en l'espèce", c'est aller très loin. En matière de cautionnement, on retrouve une disposition similaire à cela dans le Code criminel, et la jurisprudence a décidé qu'on n'était pas obligé de dire que c'était une preuve digne de foi. Donc, on n'est pas obligé de dire lorsqu'on veut admettre en preuve une déclaration extra judiciaire. On a même dit qu'une preuve digne de foi, c'était du ouï-dire. Finalement, cela ouvre la porte à plein de choses et je ne vois pas ce que cet article fait dans un contexte pénal, dans un contexte où les gens peuvent être privés de leur liberté. C'est ce que j'avais à dire pour ce qui est de la preuve. Il y a donc de nombreux problèmes.

Le thème suivant: la prescription. Ce sont les articles 62 et 63. Il y a quand même une grosse évolution qui a été faite par rapport au droit qu'on connaît actuellement, cependant, comme on le mentionne dans le mémoire, on aurait peut-être pu aller un peu plus loin et prévoir ce que le fédéral prévoit, soit la prescription de six mois, qui est prévue à l'article 721, paragraphe 2 du Code criminel.

D'autre part, autre problème, c'est qu'on ne prévoit pas de délai maximal, lorsque le délai se compute à partir de la connaissance de l'infraction. Autrement dit, une infraction qui ne serait connue que dix ans après sa perpétration pourrait être poursuivie si la personne en situation d'autorité ou l'agent de la paix n'a connaissance de cela que dix après la perpétration de l'infraction. Il faudrait un délai maximal à l'extérieur duquel il ne serait plus possible de poursuivre. Je pense que c'est très important. On pourrait, par exemple, prévoir un délai maximal d'un an à compter de la perpétration de l'infraction dans le cas où la connaissance survient è l'extérieur du délai de six mois. Il faudrait vraiment prévoir une balise maximale sinon on en arrive à des situations où les crimes sont, à toute fins utiles, imprescriptibles. C'est ce que cela dit finalement.

Dernier problème quant à la prescription, l'article 64. Dans l'article 64 on voit, d'après le libellé qu'il n'y a pas d'obligation de signifier... on ne prévoit rien; cela peut prendre un, deux ou trois ans; on ne prévoit pas de possibilité de demander une interruption de prescription, il n'y a rien à ce sujet dans l'article 64.

Un autre problème qui a retenu notre attention, c'est celui du cautionnement, entre autres, les articles 80, 81 et 82. On prévoit un cautionnement pour la personne qui se soustraira à la justice. Nous disons que les gens qui sont en territoire québécois et qui ne quitteront pas demain matin ne devraient pas faire l'objet d'un cautionnement; cela peut peut-être s'appliquer pour les gens qui vont définitivement quitter le territoire, mais pour ceux qui sont ici, on ne voit pas pourquoi on introduirait une disposition de ce type. D'autant plus que tout le processus peut se faire par défaut, cela peut se faire d'un bout à l'autre du processus. D'une manière générale, on prévoit qu'on doit procéder par saisie. Alors, si la personne a des biens, on pourra saisir ses biens. Pourquoi prévoir une procédure de ce type?

D'autre part, au sujet du cautionnement, nous prétendons qu'il devrait toujours y avoir une discrétion du policier pour imposer un cautionnement selon ce qu'il juge opportun. D'autre part, le cautionnement judiciaire, selon l'article 02, il n'y a absolument rien qui prévoit que la règle audi alteram partem doit s'appliquer. Quand on lit l'article 82, on a l'impression que cela peut s'appliquer sans la présence du défendeur. Il faudrait peut-être qu'il soit partie à cela

pour, finalement, avoir son mot à dire quant à la décision judiciaire de fixer un cautionnement.

Un autre problème, c'est l'article 100 où on parle de l'obligation de déclarer ses nom et adresse au juge de paix. Que la personne soit obligée de déclarer ses nom et adresse à l'agent de la paix qui procède à l'arrestation, il n'y a pas de problème, c'est bien convenable, mais que la personne soit passible d'outrage au tribunal si elle ne déclare pas ses nom et adresse, nous pensons que c'est exorbitant.

En matière criminelle, même pour des causes de meurtre, on ne prévoit pas quelque chose de ce genre. On se demande vraiment pourquoi prévoir cela en matière pénale provinciale. D'autant plus qu'il faut avoir à l'esprit que, sauvent, ces procédures vont se faire devant des juges de paix, ce sera la première procédure, la procédure préliminaire et, en plus, l'individu qui pourrait être passible d'une amende de 300 $ pourra faire l'objet d'un outrage au tribunal passible d'une amende de 5000 $ ou encore d'un emprisonnement pour une période d'un an. C'est aller très loin pour finalement régler un problème qui est quand même relativement mineur. On peut très bien procéder contre un individu même si on n'a pas son nom. Si on n'a pas son nom, c'est peut-être un bon motif pour ne pas le remettre en liberté et de procéder contre lui par la suite, mais ce n'est pas un motif de le condamner pour outrage au tribunal.

Autre problème, le problème de la perquisition, aux articles 110 et suivants. Je pense que c'est un très gros problème. Le formalisme est un gros problème, les problèmes de preuve aussi sont de gros problèmes, mais le problème de la perquisition, on pense que cela pourrait être revu. Dans l'article 110, entre autres, on prévoit que celui qui effectue une perquisition doit, sur demande, alors il faut lui demander pour que la personne, l'agent de la paix, donne son nom, sa qualité, qu'il mentionne quel type d'infraction fonde la perquisition; il faudrait vraiment que l'agent de la paix soit obligé de dire ce qu'il vient faire et que l'article 110 soit mandatoire plutôt que facultatif, sur demande.

Toujours sur les perquisitions, l'article 111 dans lequel on prévoit la perquisition de choses qui sont facilement visibles, finalement le "plain view doctrine". C'est beaucoup plus large de dire "facilement visible" que ce qui est actuellement connu en "common law" lorsqu'on parle de choses saisissables, qui sont bien en vue. Les choses facilement visibles, ce n'est peut-être pas pareil aux choses bien en vue, je pense qu'il y a une marge et cela permet aux policiers finalement d'aller très loin.

D'autre part, on devrait prévoir, toujours à l'article 111, que les policiers ne fouillent que dans les endroits où il est raisonnable de trouver les choses qu'on recherche. Si on recherche un piano, on ne devrait pas aller fouiller dans les tiroirs; il faudrait que ce soit prévu, la Commission de réforme du droit du Canada l'a prévu dans l'un des derniers documents de travail, il faudrait que ce soit prévu. (12 h 15)

À l'article 115 aussi, dans lequel on parle de l'obtention d'un mandat de perquisition, on ne parle pas du tout de déclaration écrite. Il y a un problème quant è la vérification du mandat de perquisition. On n'a pas de déclaration écrite de la part du policier, il n'y a rien qui oblige le policier à faire une déclaration écrite. Comment vérifier la légalité de cela? Il faudrait vraiment qu'il y ait quelque chose de prévu à cet égard.

Les perquisitions sans mandat causent aussi un gros problème à l'article 123 où on ne prévoit même pas l'exception de la maison d'habitation. On prévoit que l'on peut perquisitionner sans mandat, compte tenu de l'urgence de la situation lorsqu'il est question de mettre en danger notamment la santé des personnes, la sécurité des personnes et des biens et d'entraîner la disparition et la destruction ou la perte d'un élément de preuve. Elle est très large et vraiment exorbitante la "common law" telle qu'on la connaît actuellement, parce que le critère est de protéger la vie ou de prévenir des blessures corporelles graves. Alors, il faudrait vraiment que ce soit limité à cela et il faudrait vraiment que ce soit limité dans le cas de maisons d'habitation pour ne pas finalement permettre l'intrusion de l'état dans les maisons pour tes motifs qui ne sont pas vraiment importants et urgents.

Autre problème en ce qui concerne les perquisitions: l'accessibilité au mandat et à l'information contenue au dossier, entre autres, pour l'accusé. La lecture des articles 142, 143 et 144 nous laisse perplexe. On peut penser que l'accusé n'y aura pas accès dans certains cas lorsque la couronne demandera de faire en sorte que le dossier soit tenu confidentiel. Alors, il faudrait vraiment que l'accusé puisse toujours avoir accès. D'ailleurs, la Cour suprême a déjà dit, dans une cause que l'on cite dans le mémoire, que ce serait aller contre les règles de justice fondamentale, que ce serait un délit de justice de faire en sorte que l'accusé ne puisse pas vérifier cela. Il faudrait vraiment corriger cela.

D'autre part, il faudrait aussi prévoir un mécanisme qui prévoirait la possibilité d'avoir accès au mandat au seul cas où une personne est vraiment accusée. Actuellement, on prévoit plutôt le cas où on saisit des choses. Si on saisit des choses, on peut avoir accès. Il faudrait plutôt prévoir que l'on peut avoir accès si les procédures judiciaires

contre la personne sont entamées et terminées, plutôt que de prévoir l'accès au seul cas où on a saisi quelque chose. Il arrive des cas, j'en ai déjà vu dans ma pratique, où des mandats de perquisition sont exécutés, où on trouve des choses, mais où ies citoyens sont acquittés, ou encore, où les citoyens ne sont pas poursuivis. Ce sont des choses qui arrivent. Alors, il faudrait prévoir quelque chose à ce niveau-là. Par exemple, je pense aux recommandations de la Commission de réforme du droit du Canada. On en traite dans le mémoire.

Un autre problème qui a retenu notre attention: le constat d'infraction. On souligne dans le mémoire qu'il n'y a pas d'avis de récidive. Il faudrait prévoir un mécanisme par lequel il y a vraiment un avis de récidive. D'autre part, on mentionne dans le mémoire qu'il ne faudrait pas que la récidive apparaisse sur le constat d'infraction. C'est le cas actuellement à 174. Lorsque le juge aura devant lui le constat d'infraction, il saura que l'accusé a déjà été trouvé coupable pour la même infraction. Alors, il faudrait vraiment changer cela. De toute façon, ce Parlement a voté une loi qui change plusieurs dispositions législatives, eu égard à la Charte des droits et libertés de la personne, et on prévoit l'abolition de l'article 12.5 de la Loi sur les poursuites sommaires. Alors, il faudrait vraiment changer cela.

Pour la description de l'infraction et des modifications, on devrait d'une manière générale être plus conforme à ce que prévoit le Code criminel, notamment aux articles 510 et 529. Maintenant, un autre thème qui a retenu notre attention, l'article 233, alinéa 2, soit l'application de l'arrêt Kienapple, c'est-à-dire l'interdiction de condamner un individu pour plusieurs infractions découlant du même acte. Alors, je pense que l'article 233, paragraphe 2, est très mal libellé et ne reflète pas du tout ce que la jurisprudence entend par l'interdiction de convictions multiples. Dans le mémoire, on traite de l'arrêt Prince qui est le dernier arrêt de la Cour suprême sur ce sujet-là. On devrait s'y inspirer pour codifier mieux la défense qui est actuellement prévue par la "common law".

L'article 233, paragraphe 2, dit: "Toutefois, le juge ne peut accueillir cette défense, s'il est convaincu que le législateur a créé des infractions distinctes, bien qu'elles découlent des mêmes faits ou du même événement." Si on a l'affaire Kienapple, cela veut dire qu'avec l'alinéa 2, l'individu pourrait être trouvé coupable des deux infractions. Cette règle existe justement pour contrer cela. Alors, il faudrait plutôt que le législateur te dise clairement lorsqu'il veut que l'individu soit trouvé coupable des deux infractions et c'est ce que Kienapple et Prince disent finalement.

J'achève, je n'en ai que pour quelques minutes.

Quant aux sentences, ce sont les articles 289 et suivants. À l'article 289, an prévoit la détention provisoire, c'est-à-dire qu'on prévoit qu'on peut déduire de la sentence le temps purgé par l'individu en détention provisoire, mais par contre, on ne prévoit pas le cas où l'individu a une amende minimale. L'individu a une amende minimale de 300 $, il a purgé cinq jours de détention. Qu'arrive-t-il? On devrait prévoir un mécanisme par lequel il y aurait une déduction automatique du temps que l'individu a déjà purgé.

II y a le problème de l'article 293. Est-ce qu'on veut vraiment mettre de côté la Loi sur la probation et sur les établissements de détention? De la manière dont c'est libellé, on peut penser que c'est ce que le législateur veut. On n'est pas certain, mais on trouve que cela serait vraiment exorbitant de mettre de côté cette loi dans ce cas-là.

L'article 294 qui prévoit l'emprisonnement consécutif lorsqu'il s'agit de défaut de paiement d'amende ne devrait pas exister. Le juge devrait toujours avoir la possibilité de regarder l'ensemble du dossier, de regarder la situation de l'accusé et de déterminer la sentence à imposer. À ce moment-là, ce serait une sentence judiciaire et non une sentence inflexible comme cela serait le cas actuellement si cela est adopté.

Autre problème aussi. Pourquoi l'interdiction de donner du discontinu pour une personne qui est condamnée à un défaut de paiement d'amende? Une personne qui est condamnée à 30 jours de prison pour une grosse infraction peut purger du discontinu. Par contre, une personne, sur un défaut de paiement d'amendé, ne peut pas. Une personne qui est condamnée pour une infraction plus petite, moins grave, ne pourrait pas avoir du discontinu. On voit vraiment qu'il y a une anomalie dans cela.

Le dernier thème que j'entends aborder est l'exécution des jugements. Plusieurs articles, entre autres à l'article 310, on se demande si le percepteur ne deviendra pas une grosse agence de collection. On va demander aux tiers des informations, on va même possiblement avoir un mandat pour le témoin récalcitrant. Je pense que c'est vraiment exorbitant.

En ce qui concerne l'article 317, la saisie immobilière, on devrait introduire ce qu'on a introduit récemment dans le Code de procédure civile, soit l'article 553.2 qui prévoit l'insaisissabilîté d'un immeuble servant de résidence principale au débiteur lorsque la créance est inférieure à 5000 $ et non pas la possibilité de saisir un immeuble pour une amende mineure. Il faudrait vraiment légiférer dans ce sens.

Pour les travaux compensatoires aussi, à l'article 318, nous disons que les travaux

compensatoires devraient obligatoirement être offerts au défendeur, ce qui ferait en sorte que les gens qui sont démunis ne seraient pas emprisonnés pour dettes. Il faudrait vraiment prévoir un mécanisme par lequel on est obligé d'offrir des travaux et il faudrait aussi que les travaux soient offerts à l'intérieur d'un délai maximal. Actuellement, il n'y a rien de prévu là-dessus. On peut offrir des travaux compensatoires deux ou trois ans après, il n'y a rien de prévu. Finalement, les travaux compensatoires sont un privilège. C'est cela qui est prévu actuellement et c'est ce qu'on va reproduire là-dedans. Si on veut vraiment que les gens paient les amendes, il faudrait prévoir un mécanisme pour ceux qui n'ont pas le moyen de payer les amendes. Il faudrait prévoir des travaux compensatoires d'une manière obligatoire pour faire en sorte que les gens qui sont démunis ne soient pas emprisonnés pour dette.

Le Président (M. Filion): Ça va pour la présentation du mémoire. Je voudrais vous en remercier et je voudrais inviter le ministre de la Justice ou d'autres membres du groupe ministériel à amorcer avec vous la période de nos travaux qui porte sur l'échange de propos.

M. le ministre.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais premièrement remercier les membres de la Commission des services juridiques pour avoir préparé le mémoire. Je pense que c'est important d'avoir eu ce mémoire et aussi qu'il ait été présenté ici. Je suis heureux aussi d'apprendre qu'il y a moins de lacunes dans l'avant-projet qu'il n'y en avait dans le document de travail. Je suis sûr qu'il va y avoir moins de lacunes dans le projet quand il sera déposé et, évidemment, quand il sera adopté il n'y aura pas de lacune. Donc, on fait des progrès. Mais vous savez que nous avons ici un avant-projet et non pas un projet de loi. Donc, nous sommes conscients qu'il y a des lacunes et qu'il y a des articles qu'il faut modifier. Je peux vous dire tout de suite que les articles concernant la preuve seront revus et corrigés, le cas échéant, c'est-à-dire de l'article 45, section V. Ces articles seront revus et corrigés, le cas échéant. En matière pénale, on me dit que la plupart des accusés vont devant la cour sans avocat. Cela veut dire qu'ils se défendent eux-mêmes la plupart du temps, en matière pénale. Je pense qu'il est important aussi que la procédure qu'on a dans ce code soit aussi simple que possible, pour que les gens puissent se défendre, le cas échéant aussi. Je vais essayer de prendre un certain nombre d'articles que vous avez commenté. L'article 2 sur l'interprétation: on va revoir cet article pour voir s'il est vraiment nécessaire de le garder, où on prévoit que "Les règles édictées dans le présent code doivent être interprétées comme ayant pour but de faciliter le déroulement de la procédure plutôt que de la retarder ou d'y mettre fin prématurément." Nous avons mis cela pour vraiment bénéficier à l'accusé mais on va revoir cet article et étudier si c'est vraiment nécessaire.

En ce qui concerne l'article 13, sur l'avis qu'il faut donner aux parents, je peux vous dire tout de suite qu'il a une erreur d'impression et c'est "père et mère" et pas "ou" sa mère. C'est une erreur d'impression et, bien sûr, cela sera corrigé. Nous n'avons pas fait l'erreur d'impression.

Concernant les amendes aux adolescents; s'ils n'ont pas d'argent, ils devront faire des travaux compensatoires, le cas échéant. Même si les travaux compensatoires ne sont pas obligatoires, quand vous êtes condamné à la prison, en arrivant à la prison, vous pouvez toujours choisir des travaux compensatoires. On me dit qu'il n'y a pas de programme dans toutes les municipalités, mais je pense qu'il faut faire en sorte qu'il y ait des programmes dans toutes les municipalités ou partout au Québec, sinon cela serait perpétuer l'inégalité des Québécois devant la loi. Si certains peuvent bénéficier de tels travaux compensatoires et que d'autres ne peuvent pas, cela serait inacceptable, quoique en mettant ces programmes en oeuvre il était difficile de couvrir tout le Québec en même temps. Je pense qu'il sera difficile d'avoir une amende pour ceux qui ont 19 ans et une autre amende pour ceux qui ont 22 ans. Vous avez suggéré deux sortes d'amendes.

M. Bouchard: Là-dessus, M. le ministre, je pense que la suggestion c'est d'avoir une discrétion qui pourrait être clairement exprimée de 0 à 100 $ et non pas un minimum de 100 $. Dans un autre article, on parle des frais encourus à la suite de l'exécution d'un mandat d'amener. On dit que si le mandat d'amener peut engendrer des frais de 200 $ ou de 300 $ on devrait obligatoirement payer 100 $. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une discrétion totale? (12 h 30)

M. Marx: On a limité le maximum.

M. Bouchard: La jurisprudence, à ce niveau... Ce qu'on voudrait signaler, c'est qu'il faudrait un texte assez clair pour que, justement, on n'ait pas de ces discussions. Est-ce un minimum, est-ce un maximum, y a-t-il une discrétion totale ou y a-t-il une discrétion partielle?

Le Président (M. Filion): Si j'ai bien compris votre mémoire, finalement, le texte actuel n'est pas suffisamment explicite. Je dois quand même comprendre que la volonté du législateur, à ce stade-ci, est de faire en

sorte que 100 $ soit un maximum et non pas un minimum. Je comprends le problème qui se pose à cause de l'existence des lois pénales qui entraînent la condamnation et qui peuvent contenir des minimums et des maximums et je pense que c'est précisément cela que vous soulevez dans votre mémoire.

M. Gagnon (Pierre E.): Notre propos concerne surtout les mineurs. Ce que l'on dit, c'est que lorsqu'il y a un mineur devant un juge, le juge devrait avoir discrétion et le juge devrait vérifier, finalement, la capacité de payer du mineur.

M. Marchand: C'est très important parce qu'il y a plus de 50 % des amendes, finalement, dont les minimums sont supérieurs à 100 $. Cela veut dire qu'à chaque cas, le juge n'a aucune discrétion pour imposer l'amende et impose une amende systématiquement de 100 $. Cela découle exactement du jugement de la Cour d'appel.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Marchand: De toute façon, en matière de jeunes contrevenants, au niveau fédéral, les juges ont toujours entière discrétion en ce qui concerne les amendes. Il n'y a pas de minimum.

Le Président (M. Filion): Avec la permission du ministre, parce que je dois quitter un peu plus tôt... Je suis très sensibilisé au problème du renversement des fardeaux de preuve et vous l'avez bien soulevé dans votre mémoire. Il y a une distinction à faire cependant dans l'ensemble des articles ou des sujets contenus dans le projet de loi qui font l'objet d'un renversement des fardeaux de preuve. Je pense que dans certains cas, les renversements des fardeaux de preuve peuvent s'expliquer par la nécessité d'éviter une surcharge incroyable de travail à faire des preuves qui... c'est-à-dire où l'accusé peut contribuer aussi facilement, comme de sortir un document qu'il a déjà en sa possession. L'idée là-dedans... Avez-vous réfléchi à la possibilité de créer des distinctions entre les différents fardeaux de renversement de preuve qui existent dans l'avant-projet de loi ou si, de façon générale, vous considérez que tous les renversements de fardeaux de preuve vont à l'encontre des garanties individuelles, comme vous l'avez mentionné. Ma question s'adresse probablement à Me Marchand.

M. Marchand: Nous voyons deux gros problèmes. Le plus gros, peut-être, c'est l'histoire de la prépondérance de preuve. Peu importe qu'on demande à l'accusé de faire la preuve, il n'en reste pas moins qu'on est pris avec un problème de prépondérance de preuve dans tous les cas de renversments de fardeaux. C'est ce que l'on prévoit actuellement dans le projet. Nous disons que ce ne devrait être, dans tous les cas, qu'un doute raisonnable pour ne pas qu'on en arrive à la même situation que l'arrêt Appleby où le juge de première instance avait dit: J'ai un doute mais je n'ai pas une preuve prépondérante, donc je vous trouve coupable. C'est ce qu'il a dit à Appleby, la Cour suprême a dit que c'était correct. Alors, il faudrait en arriver à une situation où, du moment qu'on a un doute, l'accusé doit être acquitté, que ce soit une exemption ou que ce soit la preuve d'un permis.

L'autre facette, c'est sur la possibilité pour la défense de demander à la couronne de faire cette preuve. Si on ne veut pas mettre à la charge de l'État l'obligation dans tous les cas de faire la preuve d'un permis, on pourrait au moins prévoir un cas qui va être similaire à ce qu'on a dans le code concernant les locataires et les propriétaires. On dit: Si le locataire ou le propriétaire veut qu'on fasse la preuve, qu'il nous envoie un avis. On pourrait prévoir quelque chose de ce type. À ce moment-là, si la défense trouve qu'il y a quelque chose à faire à ce niveau, elle demandera à la couronne de lui faire la preuve qu'on a le permis. Ce serait quand même des cas vraiment extraordinaires et, si la défense ferait cela, c'est certainement qu'il y aurait un problème, alors on demanderait de faire la preuve. Si on met l'accusé dans la boîte aux témoins, il va être pris pour répondre à plusieurs choses, non seulement au permis mais à d'autres choses. Je pense qu'il faut faire attention à cela.

Le Président (M. Filion): La référence que vous avez mentionnée à la Loi sur la preuve au Canada, d'abord actuellement, dans l'actuelle Loi sur les poursuites sommaires, y a-t-il une référence...?

M. Marchand: Oui, explicite.

Le Président (M. Filion): II y a une référence explicite qui n'existe pas actuellement dans l'avant-projet de loi, d'où votre insistance à cette inscription?

M. Marchand: C'est cela.

Le Président (M. Filion): Sur l'outrage au tribunal, j'ai remarqué, je ne sais pas si c'est dans votre mémoire ou dans le résumé, que vous recommandez l'abolition de l'outrage au tribunal. En vous écoutant tantôt et à la suite d'échanges de vues que nous avons eus avec d'autres intervenants, nous nous interrogeons sur la procédure d'outrage au tribunal pour éviter cet éternel problème d'être à la fois juge et partie. Par contre, quand je vous ai écouté tantôt, vous sembliez pencher du côté d'une procédure

différente d'outrage au tribunal. Dans le texte de votre mémoire, vous employez l'expression "aboli".

M. Marchand: Si on a dit cela, c'est mal exprimé. Ce n'est pas le fond de notre pensée. Ce qu'on veut vraiment, c'est adopter une procédure similaire à ce que le fédéral avait adopté dans le C-19. On a reproduit l'article dans le mémoire et c'est ce qu'on trouverait le plus agréable. C'est sûr qu'il faut qu'outrage au tribunal reste. H n'y a pas de problème là-dessus. Le problème, c'est de savoir par qui on va le faire juger.

L'autre problème est en ce qui concerne les juges de paix. On ne veut pas que des juges de paix qui n'ont pas de formation juridique puissent condamner quelqu'un pour outrage au tribunal. C'est dans ce sens qu'on dit qu'il ne devrait pas être possible pour un juge de paix de condamner pour outrage au tribunal.

Le Président (M. Filion): On avait déjà noté d'ailleurs cette espèce d'extension d'outrage au tribunal qui serait pour le moins regrettable compte tenu des problèmes que nous avons actuellement avec outrage au tribunal comme tel à élargir son champ de possibilité. Vous mentionnez également un problème qui va devenir de plus en plus d'actualité qui a trait un peu à la protection du respect des individus. Quand vous dites: Les médias d'information ne devraient pas avoir accès aux mandats de perquisition si aucune dénonciation n'est logée contre le défendeur. Sauf erreur, je crois que le Code criminel contient une disposition semblable depuis quelques années. Si je comprends bien, il s'agirait de reproduire cette prescription du Code crinimel quant au Code pénal. C'est bien cela?

M. Marchand: Ou le Code criminel ou ce que la Commission de réforme du droit prévoyait. Il y a une distinction entre les deux. Je pense que dans le Code criminel, cela dit qu'il peut y avoir une publicité du moment que la dénonciation est déposée. La Commission de réforme du droit, si ma mémoire est bonne, parle plutôt de la fin des procédures. Il y a une distinction entre les deux. Nous adoptions plutôt la Commission de réforme du droit. Je pense que l'article du Code criminel, de toute façon, va être changé à plus ou moins long terme.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Marx: Cela a été déclaré inconditionnel.

M. Marchand: II y a deux tribunaux qui ont dit cela, mais ce ne sont pas des Cours d'appel, ce sont des Cours supérieures au Manitoba et en Ontario.

M. Marx: Cour d'appel, non, pas d'appel, vous avez raison. Deux Cours supérieures.

M. Marchand: C'est cela.

M. Marx: Deux, cela vaut une Cour d'appel.

M. Marchand: Par contre, la raison pour laquelle ils ont annulé cet article c'est surtout parce qu'il n'y avait pas de lien véritable entre l'information et le mandat. Si l'article 443.2 était mieux libellé, je ne suis pas certain qu'il aurait été déclaré inconditionnel.

Le Président (M. Filion): En ce qui concerne l'emprisonnement discontinu, je trouve que c'est une formule récente, qui remonte à une dizaine ou une quinzaine d'années, vous avez souligné à juste titre que l'avant-projet prévoit de façon tout à fait spécifique que l'emprisonnement pour défaut de paiement d'amende ne pourra pas être imposé ou purgé de façon discontinue, je dois comprendre que votre sensibilité à cette question vient probablement de la pratique quotidienne de votre métier. Pour beaucoup d'individus, le fait de s'absenter du travail durant des heures régulières du travail peut carrément causer la perte de l'emploi. De purger la sentence de façon discontinue peut leur permettre tout au moins de conserver un emploi ou de continuer à mener une vie un peu régulière tout en purgeant effectivement la sentence qui a été imposée. Je m'excuse de vous poser la question, dans la Loi sur les poursuites sommaires actuelle, on a la possibilité d'un emprisonnement discontinu?

M. Marchand: Je ne pourrais pas vous répondre, je ne suis pas certain de cela. Je sais que dans le Code criminel, cela existe pour un défaut de paiement d'amende.

Le Président (M. Filion): Oui.

M. Marchand: C'est prévu, c'est clair. Dans la Loi sur les poursuites sommaires, je ne suis pas certain.

Le Président (M. Filion): Je pense qu'a fortiriori, si cela existe dans le Code criminel, cela devrait exister dans le Code pénal.

M. Marchand: Oui. Je ne pense pas que cela existe dans le cas la Loi sur les poursuites sommaires, je n'ai pas cela en mémoire, cela ne me dit rien.

Le Président (M. Fiiion): On me confirme du côté des recherchistes, je ne sais pas si le ministère de la Justice est du même avis, que cela n'existe pas. Sur le mandat de perquisition, je dois vous dire que je partage votre point de vue. On a un droit fondamental qui est le respect de sa demeure et à ce moment-ci, comme on veut l'enfreindre, il y a un minimum de formalisme nécessaire pour exercer une perquisition qui est différente d'une saisie, par exemple. Quand on parle d'une perquisition, effectivement, je partage votre préoccupation sur ce sujet-là.

Comme je dois m'absenter, peut-être qu'on ne se reverra pas. Je voudrais, de mon côté, vous féliciter de l'extrême qualité de votre mémoire qui a su concilier l'application de nos grands principes qui ont été bâtis au creuset du temps de la jurisprudence et à l'examen de combien de causes et de combien de dossiers... concilier, donc, cette tradition et ces grands principes de droit avec l'administration nécessairement souple et efficace et près des citoyens. La procédure doit être comprise par le citoyen, d'autant plus que dans bien des cas, le contact avec le droit pénal est le seul contact pour beaucoup de personnes avec la justice. Compte tenu également qu'en droit pénal beaucoup d'individus, comme le soulignait un représentant du groupe ministériel, le ministre, veulent se défendre seuls, en ce sens-là, je dois vous dire que quant à moi je suis particulièrement fier du mémoire produit par la Commission des services juridiques qui représente l'ensemble de la population du Québec. Je voudrais m'excuser de ne pas pouvoir terminer les travaux ensemble.

M. Marx: En ce qui concerne toute la question d'emprisonnement, la politique du gouvernement est de ne pas emprisonner pour des petites infractions, ce qui veut dire que pour les infractions pénales, c'est d'éviter l'emprisonnement dans la mesure du possible. On va prendre des mesures administratives pour éviter qu'il y ait l'emprisonnement pour des petites infractions, c'est sûr et certain. C'est-à-dire que si la personne ne veut pas payer l'amende, il y a la saisie par le percepteur des amendes. Il y a aussi des travaux compensatoires et ainsi de suite, et l'emprisonnement prendra un jugement par écrit et où le juge va expliquer pourquoi quelqu'un a été condamné à la prison. On a répété cela pendant des mois et des années, même avant les élections. Ce que l'on veut, on ne veut pas emprisonner des gens pour de petites infractions. On va prendre toutes les méthodes possibles pour éviter cela. On tient beaucoup à cela au ministère de la Justice et aussi le Solliciteur général a parlé dans ce sens.

Je peux vous assurer qu'on va prendre les mesures qui s'imposent. On va faire le plus possible sur le plan administratif et on peut avoir des problèmes. Avec le temps cela va se régler aussi.

Sur la question de l'outrage, c'est le statu quo. C'est comme en droit civil. Dans leur projet, c'est le statu quo, on n'a rien chanqé. En ce qui concerne le juge de paix, c'est lui qui instruit le procès; ce n'est pas n'importe quel juge de paix. Comprenez-vous ce que je veux dire? À l'article 242, on dit: "Le juge qui instruit la poursuite a l'autorité..." et en pratique, ce n'est pas le juge de paix, c'est le juge de la Cour des sessions de la paix ou le juge de la Cour provinciale. En ce qui concerne le Code criminel, vous avez dit que dans le Code criminel, c'est "raisonnable et probable". On me dit que "raisonnable et probable", ce n'est pas tout à fait français. C'est une redondance: si c'est raisonnable, il faut que ce soit aussi probable. On peut avoir un bon débat. Je suis toujours dans les droits linguistiques et la question linguistique, en voilà une autre. C'est peut-être quelque chose à revoir, mais nous avons toujours dit dans nos lois "raisonnable". On n'a pas dit "raisonnable et probable". On peut revoir cela. (12 h 45)

Sur la question de la prescription, vous avez parlé de six mois, les intervenants avant vous, la Commission des valeurs mobilières, ont demandé deux ans. Voilà la différence entre ceux qui défendent les pauvres et ceux qui poursuivent les riches. Je pense qu'il serait difficile d'aller jusqu'à six mois ou un an.

Sur le cautionnement, à l'article RI, c'est la loi actuelle aussi. À la loi actuelle on n'a rien changé. En faisant des commentaires sur l'article 81, vous voulez qu'on change la loi actuelle, parce qu'on a repris la disposition dans la Loi sur les poursuites sommaires.

Je ne comprends pas le problème que vous avez soulevé à propos du constat. Vous voulez que quelqu'un qui refuse de donner son nom soit arrêté?

M. Marchand: Qu'il soit arrêté, s'il refuse de donner son nom, il n'y a pas de problème. Le problème, c'est lorsque le juge de paix va le condamner pour outrage au tribunal. Je vois un problème, si la personne refuse de s'identifier. Qu'elle puisse être condamnée à l'outrage au tribunal, c'est vraiment exorbitant. On ne connaît pas cela dans le Code criminel. Cela n'existe pas.

M. Marx: À quel article? Supposons que quelqu'un refuse de donner son nom, de s'identifier. On l'amène devant le juge; il continue de refuser de s'identifier. Qu'est-ce qu'on fait?

M. Marchand: C'est un bon motif pour

l'emprisonner parce qu'on peut difficilement le laisser aller, on ne sait pas son nom, on ne sait pas où il demeure, on ne sait rien. C'est un bon motif pour l'emprisonner et faire son procès dans les huit jours, le plus rapidement possible.

M. Marx: En vertu de quoi? On l'emprisonne pour outrage parce qu'il n'a pas»,

M. Marchand: Non, on ne l'emprisonne pas pour outrage. On ne lui donne pas de cautionnement parce que c'est un individu qui va partir et qu'on ne pourra jamais retracer. Si on ne sait pas son nom et si on ne sait pas où il demeure, comment pourra-t-on le retracer' La meilleure solution, c'est de lui refuser un cautionnement et de procéder dans les huit jours. Si l'individu est coupable, on le sentenciera. Si l'individu est acquitté, il s'en ira. Il n'y a pas de problème à...

M. Marx: Supposons que tous les huit jours ou chaque fois qu'il revient, il ne donne pas son nom.

M. Marchand: Je pense qu'on peut faire un procès sans avoir le nom de l'accusé. Actuellement, en droit criminel cela n'existe pas. Cela n'a jamais causé de problème.

M. Marx: Si on n'a pas son nom, si on le condamne à une amende de 1000 $ et s'il refuse de payer, on ne peut l'emprisonner pour l'amende de 1000 $, cela coûte trop cher. Supposons qu'on veuille saisir ses biens, on n'a pas son nom, il sera impossible de savoir s'il a des biens.

M. Marchand: C'est un individu qui va s'exposer à l'emprisonnement. On peut faire tout le procès...

M. Marx: Celui qui veut aller en prison, peut-être que l'État n'a pas intérêt à le mettre en prison, même s'il veut y aller. Comprenez-vous ce que je veux dire? Si quelqu'un est millionnaire, qu'il a une amende de 1000 $ et il dit: Moi, j'aimerais plutôt aller en prison pour un jour au lieu de payer mon amende. Je pense que c'est dans l'intérêt de l'État de saisir sa voiture et de se faire payer les 1000 $ au lieu de l'envoyer en prison, auquel cas l'État sera perdant. Quel est l'intérêt de le mettre en prison? Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Marchand: Je comprends ce que vous voulez dire, mais je pense quand même que c'est exorbitant. On est en matière pénale provinciale, on est là pour des infractions qui sont quand même relativement mineures. Dans le Code criminel, il n'y a absolument rien de ce type-là qui est prévu.

Même un meurtrier n'est pas obligé de s'identifier, alors pourquoi va-t-on forcer un autre individu à s'identifier et, peut-être, è être condamné pour outrage au tribunal par un juge de paix? En plus, le juge de paix, ici, n'est pas le juge de paix de l'instruction, c'est le juge de paix ordinaire.

Alors, je trouve que c'est vraiment exorbitant. C'est prendre, finalement, un canon pour un très petit problème, un petit problème qui s'est déjà posé à Montréal. On est au courant, entre autres, au niveau de l'OCQ, il y a eu des problèmes. À notre avis, ce problème ne milite pas en faveur d'un moyen aussi draconien que cet article. Je n'ai jamais vu de dispositions de ce type ailleurs. Je serais curieux de reqarder dans les autres provinces s'il y a quelque chose de ce type, mais dans le Code criminel, c'est clair qu'il n'y a rien.

M. Marx: Juste un dernier point, sur l'insaisissabilité. C'est déjà dans le Code de procédure civile et, on se réfère au Code de procédure civile. Donc, on ne peut pas saisir une maison pour une dette...

M. Marchand: Je ne le pense pas. Si on regarde la disposition telle qu'elle est libellée actuellement, ce n'est pas ce qu'elle dit, parce qu'il y a un régime particulier qui est instauré.

M. Marx: L'article 315: "La saisie est pratiquée suivant les règles relatives à l'exécution civile des jugements, sauf celles prévues au livre VIII du Code de procédure civile, et à l'exception des règles suivantes..." On me dit que le livre VIII, ce sont les petites créances. Donc, on tient compte de votre objection.

M. Marchand: Peut-être que ce que le législateur veut au fond, c'est vraiment faire en sorte que l'article 553.2 soit applicable, mais à la lecture de l'article 317, on n'est pas certain que c'est ce que cela veut dire. Si c'est ce que cela veut dire, tant mieux, on en est bien heureux, mais on ne trouve pas.

M. Marx: D'accord. On va faire en sorte que cela veuille dire ce que vous voulez que cela veuille dire, et que nous voulons que cela veuille dire. Cette loi sur l'insaisissabilité nous est très chère parce que c'est nous qui l'avons proposée et nous voulons que ce soit respecté.

Bien. Je n'ai pas d'autres questions et j'aimerais vraiment vous remercier. Même si on n'a pas touché tous les points que vous avez soulevés dans votre présentation ou dans votre mémoire, il va de soi que nous avons lu le mémoire et que nous avons pris des notes sur chacun des points que vous avez soulevés. On vous remercie vraiment

pour avoir fait ce travail et je pense que c'est vraiment dans le mandat de la Commission des services juridiques de commenter surtout des projets de loi qui touchent vraiment à la clientèle de la commission. Je vous remercie encore une fois d'être venus ce matin discuter avec nous de ce projet de loi.

M. Marchand: Je vous remercie, M. le ministre.

M. Marx: Si vous avez d'autres commentaires à un moment donné, n'hésitez pas à communiquer avec le ministère.

M. Marchand: Merci.

Le Président (M. Dauphin): On remercie la Commission des services juridiques pour leur participation. À ce stade-ci, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 h I5.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 14 h 29)

Le Président (M. Filion): II me fait plaisir de déclarer ouverte cette séance de la commission des institutions. Je pense qu'il est peut-être nécessaire, pour le bénéfice de nos invités, de rappeler notre mandat, qui est de procéder à une consultation générale sur l'avant-projet de loi concernant le Code de procédure pénale. Je demanderais à la secrétaire d'annoncer des remplacements, le cas échéant.

La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Filion): Je vous rappelle l'ordre du jour pour nos travaux de cet après-midi. Nous entendrons immédiatement la Chambre des huissiers du Québec; ensuite l'Association des usagers de la langue française seront nos invités. Enfin, nous terminerons avec les représentants de la ville de Montréal, puis chacun des deux groupes pourra faire certaines remarques finales, le cas échéant.

Je demanderais, sans plus tarder, aux représentants de la Chambre des huissiers du Québec de bien vouloir prendre place à l'avant, à la table des invités. Je demanderais aux représentants de la Chambre des huissiers du Québec de bien vouloir s'identifier et identifier les personnes qui les accompagnent.

Chambre des huissiers du Québec

M. Dubé (Ronald): Merci, M. Filion. Je m'appelle Ronald Dubé. Je suis huissier et porte-parole officiel de la Chambre des huissiers du Québec. A ma droite, le vice-président de la Chambre des huissiers, M. Jean Laflamme, de Sorel. À ma gauche, M. Alain Coulombe, de Québec, l'ancien président de la Chambre des huissiers du Québec; il est aussi l'ancien secrétaire. C'est presque un permanent volontaire, un permanent bénévole de la Chambre des huissiers depuis plusieurs années. Il y a aussi M. Jean-Jacques de Coste, de Montréal. M. de Coste est le vice-président de l'Union internationale des huissiers de justice et des officiers judiciaires. Il est l'un des artisans du succès du douzième congrès de l'union internationale qui a eu lieu à Montréal en 1985. J'aimerais souligner aussi la présence de Me Pierre Morin. Il est le directeur du bureau d'administration de la Loi sur les huissiers. Il est avocat; nous sommes huissiers.

Le Président (M. Filion): Sans plus tarder, je vous invite à faire la présentation de votre mémoire.

M. Dubé: Merci. Au nom de mes collègues et au nom des huissiers et des huissières du Québec - parce qu'il y en a -je profite de l'occasion exceptionnelle qui nous est présentement offerte pour remercier les membres de la commission parlementaire des institutions de nous avoir invités à nous faire entendre dans le cadre des auditions sur l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale.

Nous avons jugé utile de vous présenter ce mémoire, parce que l'huissier se considère d'abord et avant tout comme un partenaire de l'administration de la justice au Québec plutôt qu'un "précieux auxiliaire", entre guillemets, comme on l'a qualifié maintes fois, avec un léger brin de paternalisme. À mon avis, un auxiliaire, c'est quelqu'un qui aide par son concours, sans être indispensable, tandis qu'un partenaire est plutôt un allié, un associé, une personne qui partage ses préoccupations profondes avec plusieurs autres. Comme vous tous et comme tous les citoyens de ce pays, les huissiers savent que la justice doit respecter la justice pour tous, sous peine d'être un vain mot. Lorsqu'un huissier se déplace, c'est un peu la justice en action. Au moment de la signification d'un acte ou de l'exécution d'un jugement, nous sommes, soit le premier, soit le dernier contact direct du citoyen ordinaire avec l'appareil judiciaire.

Il importe donc que l'image projetée par les officiers de justice que nous sommes, même si elle peut sembler rigoriste à certains, soit respectée, comprise, empreinte de loyauté envers les parties en cause, non seulement la partie défenderesse, mais aussi la partie demanderesse, comme on l'oublie trop souvent. En matière pénale, la partie demanderesse, c'est l'État. Nous faisons

notre part pour atteindre cet idéal conjointement avec M. le ministre Herbert Marx que je salue et que je n'ai pas nommé au début, mais que je m'empresse de saluer et les sous-ministres Jacoby et Benoît. Nous cherchons à revoir le rôle de l'huissier et sa mission dans le système judiciaire par le biais d'un comité bipartite appelé Justice-Chambre des huissiers, qui vise à rationaliser nos rapports avec le ministre et qui travaille à mettre en place tous les mécanismes susceptibles de moderniser et d'humaniser davantage notre profession.

De récentes modifications apportées par la législature actuelle à diverses dispositions du Code de procédure civile, par exemple, permettent dorénavant d'exécuter plus humainement plusieurs décisions de justice. Pour mémoire, citons simplement l'obligation de signifier un préavis de 48 heures avant d'exécuter un bref d'expulsion, l'obligation de laisser au choix du débiteur saisi une valeur marchande de 4000 $ de meubles meublants, l'impossibilité de saisir la résidence principale d'un débiteur, sauf exception, lorsque la créance principale est de 5000 $ ou moins. Il y a moyen d'humaniser davantage la justice, ou du moins son approche, dans l'actuelle réforme globale de la procédure applicable pour la sanction pénale de toute infraction aux lois et règlements du Québec. Les objectifs sous-jacents à notre démarche visent à assurer la viabilité de notre fonction à l'échelle du Québec, tout en garantissant à chaque citoyen le respect de ses droits judiciaires prévus dans la Charte des droits et libertés de la personne. J'insisterai donc, dans ma présentation, sur quelques points importants déjà exposés dans notre mémoire, auxquels nous apportons une attention particulière. Je les cite: premièrement, la notion d'agent de la paix; deuxièmement, les conditions préalables à l'usage de la force; troisièmement, la signification d'un constat d'infraction après la perpétration de l'infraction; quatrièmement, les moyens de perception et, cinquièmement, le procès-verbal de constat ainsi que celui de perquisition.

Le premier volet que nous abordons est la notion d'agent de la paix. Présentement, la définition de l'expression "agent de la paix" se trouve dans une loi fédérale, à l'article 2 du Code criminel. Â notre avis, le Code de procédure pénale doit avoir ses propres dispositions interprétatives. Elles ne doivent pas être distinctes de celles prévues dans les autres lois, mais dofvent viser plutôt à plus de précisions dans un contexte particulier. Dans l'application du présent code, l'huissier pourrait avoir le statut d'un agent de la paix lorsqu'il procède à la signification ou à l'exécution d'un acte judiciaire au pénal ou lorsqu'il est chargé de l'application d'une loi ou d'un règlement quelconque du Québec.

Le deuxième volet, c'est la condition préalable à l'usage de la force. Lorsqu'il y a saisie en exécution d'un jugement rendu selon une disposition du Code de procédure pénale, il n'y a pas de problème, on se réfère, le cas échéant, au Code de procédure civile pour les règles relatives à l'exécution forcée, laquelle doit se faire avec l'aide d'un serrurier, en présence de deux témoins, à la suite de la permission obtenue du tribunal en ce sens. Mais lorsqu'il s'agit de procéder è l'arrestation d'une personne qui refuse d'ouvrir les portes de son domicile, soit parce qu'elle ne veut pas qu'on l'amène devant le tribunal devant lequel elle a refusé de comparaître pour témoigner, soit parce qu'elle n'a pas payé l'amende, qu'elle n'a pas voulu faire de travaux compensatoires et qu'elle ne veut pas aller en prison, rien n'est prévu pour utiliser la force ou, du moins, les modalités préalables à l'utilisation de la force ne le sont pas, ni dans le présent avant-projet de loi, ni dans l'actuelle Loi sur les poursuites sommaires. Nous n'avons pas affaire à des criminels. Alors, nous sommes d'avis que, dans les cas prévus par les articles 27 et 343 de votre projet, s'il faut ouvrir les portes avec un serrurier parce que la personne se barricade, il faut obtenir la permission d'un juge. Notez bien que nous ne faisons pas pareille recommandation à l'article 91, puisqu'il ne s'agit pas du même contexte.

Le troisième volet que nous voyons présentement est la signification d'un constat d'infraction après la perpétration de l'infraction. Premièrement, le monopole de la transmmission des procédures après la perpétration de l'infraction doit revenir exclusivement à l'huissier. La signification d'une procédure n'est pas la tâche de l'agent de la paix, sa tâche est principalement celle du maintien de la paix publique.

Deuxièmement, la chambre soutient vigoureusement que la transmission d'un acte judiciaire ou d'un constat d'infraction par la poste n'est pas la panacée à l'évolution ascendante des coûts admistratifs du système judiciaire. L'exercice du droit judiciaire reconnu dans la Charte des droits et libertés de la personne commande, à mon avis, que chaque citoyen québécois soit informé par le moyen le plus sûr qu'une accusation est portée contre lui. Le système postal n'est pas un moyen sûr, le courrier ne se rend même pas au domicile de chacun. En plus, nul ne peut être contraint d'accepter ou de retirer une lettre recommandée, alors que l'huissier se montre en général assez diplomate pour faire accepter l'acte qu'il est chargé de signifier, même lorsque l'intéressé se montre quelque peu réticent.

Sur le plan de la rapidité, essentielle, dans de nombreux cas, à la sauvegarde des intérêts du demandeur, le courrier ne peut

rivaliser, tant s'en faut, avec la signification par l'huissier. Même chose quant à la date de la remise, à la certitude de cette remise, à la preuve de cette remise. Aujourd'hui, les 592 huissiers québécois peuvent rejoindre plus de 80 % des citoyens en parcourant moins de 50 kilomètres.

Il faut résister au raisonnement simpliste qui affirme que le coût d'une signification par la poste se limite à 1,80 $. Il y a des facteurs administratifs à considérer. Il faut parler d'environ 5 $ ou 6 $ l'unité, selon le volume des procédures et le personnel nécessaire à sa gestion et ce, pour ne pas rejoindre plus de 75 % des destinataires. Comme l'écrémage, c'est-à-dire les significations faciles ont déjà été faites par la poste, il ne faut pas se surprendre si la signification des 25 % des procédures restantes coûte beaucoup plus cher à l'unité, parce qu'il faut que la personne qui signifie utilise tout l'arsenal dont elle dispose, comme les routes à des heures différentes, les permissions de signifier en dehors des heures légales, etc.

Il faut renverser la tendance actuelle vers la signification des procédures introductives par la poste, tandis que les procédures incidentes seront transmises par l'huissier en urgence. L'huissier n'est pas un dépanneur. Ce que j'affirme maintenant pour le Code de procédure pénale, garlez-le à l'esprit lorsque vous serez appelés à voter d'autres lois qui prévoient la signification par la poste en pensant faire des économies.

Le monopole de la transmission des actes réservée à l'huissier, combiné à l'assouplissement de certaines règles de signification et complété par la révision des tarifs, assurerait à notre système judiciaire la remise d'un acte à un coût raisonnable dans chaque cas particulier, ce que souhaite sûrement un gouvernement qui a fait de l'économie et de la privatisation ses images de marque.

Ces règles de signification assouplies, modernisées, adaptées, vous les retrouverez à la page 23 de notre mémoire. Elles s'inspirent de ce qui se fait en France et en Belgique. Voilà pourquoi les articles 653 et suivants, plus particulièrement l'article 656 du nouveau Code de procédure français, ont été reproduits à l'annexe II.

Quant à la tarification, il y a moyen de la revoir en fonction de ce que vous déciderez. Je vous disais tout à l'heure que les huissiers révisent leur rôle dans le système judiciaire. Ils augmentent les prérequis pour accéder à la fonction et se dotent d'une loi et de règlements à la mesure de leurs ambitions.

Si, de votre côté, vous nous donnez le monopole de la transmission des actes, du moins en ce qui concerne le Code de procédure pénale, notre profession sera viable. Cela se reflétera sur l'ensemble du système judiciaire, puisque vous contribuerez à garder en place et surtout vous augmenterez la visibilité de la justice dans les coins les plus reculés du Québec. Ce ne sera plus 50 kilomètres qu'il faudra parcourir pour se rendre chez le justiciable, mais 25 kilomètres, parce que le nombre d'huissiers augmentera et près de 100 % des citoyens pourront être rejoints. Alors, on pourra parler de justice accessible.

Le quatrième volet que je voudrais souligner, ce sont les moyens de perception. Vous préconisez l'enregistrement des jugements à la Régie de l'assurance automobile du Québec. Cela ne doit pas être le seul moyen de perception des amendes. En Ontario, où une telle disposition existe, il semble y avoir un problème. Il y aurait augmentation du nombre de personnes qui conduisent un véhicule automobile sans permis. L'État ne peut se payer le luxe d'aller à la pêche tous les deux ans, puisque c'est le délai de validité d'un permis de conduire. Actuellement, lorsqu'un juqement est obtenu et le mandat émis, ce dernier est transmis à la Sûreté du Québec qui l'enregistre au CRPQ, le Centre de recherches policières du Québec, et on attend qu'un conducteur se fasse attraper. La banque de mandats impayés grossit graduellement, parce qu'il n'y a pas moyen de la vider. Si la situation actuelle se maintient avec le nouveau Code de procédure pénale, je me demande combien de millions de dollars dormiront sans intérêts. Le correctif que nous sugqérons pour la situation actuelle consiste en une tentative de perception par l'huissier. Si le débiteur est introuvable parce qu'il est déménagé ou inconnu, il pourrait être enregistré au CRPQ.

Quant au Code de procédure pénale proprement dit, il faut qu'il privilégie les autres moyens de perception comme la saisie-exécution, la saisie de salaire, les travaux compensatoires et même l'emprisonnement avant de se servir de l'enregistrement à la Régie de l'assurance automobile du Québec. L'huissier, connaissant tout le monde dans sa zone d'opération, est en mesure de donner un sérieux coup de main dans ce domaine. Dans le but d'alléger la procédure, nous pourrions même faire signer, par le débiteur, un engagement à exécuter les travaux compensatoires sans devoir l'amener à la prison. (14 h 45)

S'il ne se conforme pas à son engagement, le mandat pourra ensuite être exécuté. Pendant que nous y sommes, quel pourcentage est effectivement perçu du montant total des amendes imposées par nos tribunaux? Je ne pose pas la question pour les pensions alimentaires ni pour les petites créances ni les autres genres de perception où intervient un percepteur. Le législateur qui prend à son compte de décréter des

amendes ou de percevoir des sommes pour autrui a le devoir d'aller jusqu'au bout et de se doter de moyens efficaces et modernes de perception. Ce n'est que justice.

Il ne faut pas se complaire d'un taux quelconque de réussite sans avoir utilisé toutes les ressources du milieu. Les huissiers sont l'une de ces ressources. La privatisation de la perception serait-elle un moyen et quelle énorme économie de personnel pourrait être réalisée par le gouvernement? Le statut de percepteur judiciaire pourrait-il être attribué à l'huissier?

Finalement, le cinquième volet sur lequel je veux attirer votre attention: il s'agit du procès-verbal de constat et du procès-verbal de perquisition. Nous voulons généraliser le procès-verbal de constatation comme moyen de preuve, étant habitués à faire respecter objectivement la loi et les décisions de justice que nous exécutons, à tenir la balance égale entre les parties en litige, nous sommes particulièrement aptes à relater les faits avec la sincérité et la conscience professionnelle que l'on nous reconnaît généralement. La perquisition faite par une personne chargée de l'application d'une loi devrait se faire en présence d'un huissier, ne serait-ce que pour les raisons que je viens d'énumérer. De plus, étant des travailleurs autonomes payés à l'acte, agissant lorsque requis durant toutes les heures légales, nous pouvons remplacer avantageusement un réseau d'inspecteurs dans certains cas.

L'huissier ne coûte rien à personne lorsqu'on ne le mandate pas. Personne d'autre que lui-même n'assume les avantages sociaux, les vacances, le fonds de retraite. En matière de constat, les suggestions faites à la page 33 et les modifications suggérées à divers textes législatifs reproduites à l'annexe I sont inspirées de la France et de la Belgique ainsi que de ce qui se fait dans les pays membres de l'Union internationale des huissiers de justice et des officiers judiciaires. Lors du douzième congrès international de l'union tenu à Montréal en 1985, nous avons conclu que le procès-verbal de constat pourrait rendre de grands services s'il était expressément prévu dans nos codes. Dès 1973, le Barreau du Québec suggérait aux législateurs d'élargir le champ de pratique des huissiers vers les constats. Plus récemment, le 6 février 1987, j'ai eu l'occasion de prononcer une allocution devant les avocats de l'Association du jeune Barreau de Montréal sur le sujet.

Ils conclurent aussi que le constat avait sa place ici et ont même suggéré qu'il soit ajouté à la liste des documents prévus au troisième alinéa de 294.1 du Code de procédure civile, qui accepte en preuve les rapports écrits sans que le signataire soit obligatoirement tenu de comparaître. Il s'agit donc d'une attitude nouvelle de nature à accélérer les dossiers devant les tribunaux. Le 15 mai prochain, lors du congrès du Barreau du Québec, je ferai partie d'un panel sur le constat avec des confrères européens et des juristes québécois. C'est dire que les avocats sont à l'écoute et examinent attentivement ce nouveau moyen de preuve. La Chambre estime que cette commission doit le faire aussi.

En guise de conclusion, je vous rappelle que je disais, au tout début, qu'un huissier est un partenaire du monde judiciaire. Un partenaire, on le consulte, que ce soit pour élaborer des règles de pratique ou pour connaître l'impact des modifications à un article de loi où il intervient habituellement. Nous souhaitons donc être consultés dans le domaine de notre compétence. Notre mémoire contient d'autres éléments. Je n'ai pas insisté là-dessus au cours de cette présentation. Il ne faut pas conclure qu'ils ne sont pas importants. Encore une fois, merci de nous avoir invités. Considérez donc l'huissier du Québec non seulement comme l'auxiliaire idéal ou le partenaire par excellence, mais beaucoup plus comme le fidèle serviteur de la justice dans ce pays. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Filion): M. Dubé, je voudrais vous remercier de nous avoir donné vos commentaires dans le délai imparti. J'inviterais immédiatement le ministre de la Justice et certains de ses collègues, s'ils le jugent à propos, à amorcer leur discussion avec les représentants de la Chambre.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier M. Dubé et les membres de la Chambre des huissiers du Québec d'être venus présenter leur mémoire. Vous savez que nous avons l'intention de revoir la loi concernant les huissiers. Espérons qu'on mettra tout à jour un de ces jours.

En ce qui concerne votre mémoire, à la page 7, concernant le statut d'agent de la paix et le statut de l'huissier, vous avez écrit: "Nous croyons qu'il est important de préciser, dans le texte, la définition et la compétence exactes de ces deux catégories de personnes pour éviter les imbroglios juridiques qui ont suscité des débats devant les tribunaux au cours des récentes années." Quels sont ces imbroglios?

M. Dubé: II est arrivé dans un procès, entre autres, qu'on a eu de la difficulté à faire admettre - et cela a occasionné des débats - qu'un huissier était ou n'était pas un agent de la paix. Par exemple, à la ville de Montréal, il est arrivé que, dans l'exécution d'un mandat précis, on a dit que l'huissier n'était pas agent de la paix, parce qu'il n'était pas préposé au maintien de la

paix publique. Selon que l'huissier était agent de la paix ou non, cela donnait une attitude nouvelle. Le mandat d'emprisonnement tel qu'il était rédigé auparavant était adressé à tout agent de la paix et au gardien de la prison commune. Il n'était pas adressé à l'huissier. Si on disait que l'huissier n'était pas un agent de la paix, cela voulait dire que beaucoup de mandats d'emprisonnement étaient exécutés illégalement. Ce sont les discussions qu'il a fallu faire.

M. Marx: II y a un jugement des tribunaux...

M. Dubé: C'est un procès qui n'est pas encore terminé.

M. Marx: La question était soulevée devant les tribunaux.

M. Dubé: Oui.

M. Marx: C'est-à-dire que l'huissier a agi d'une façon illégale, parce qu'il n'était pas agent de la paix. Donc, il n'avait pas le pouvoir de...

M. Dubé: C'est ce qu'on a tenté de démontrer mais...

M. Marx: Cela a été allégué.

M. Dubé: Cela a été allégué, oui.

M. Marx: C'est-à-dire que vous voulez que ce soit clair, le cas échéant, si ce ne l'est clair pour les tribunaux, que le statut de l'huissier soit clair par rapport à celui de l'agent de la paix. C'est cela?

M. Dubé: Qu'on dise, comme je l'ai dit dans l'exposé, que, lorsque l'huissier est appelé à exécuter un mandat, il a le statut d'agent de la paix ou lorsqu'il est chargé d'appliquer une loi du Québec, il est agent de la paix, il a ce statut-là.

M. Marx: À l'article 339, on a déjà prévu: "Un mandat peut être délivré et exécuté un jour non juridique. Il est exécutoire partout au Québec par un agent de la paix ou par un huissier."

M. Dubé: D'accord, mais il faudra aussi que le commandement soit contenu dans le mandat, qu'il soit adressé à tout agent de la paix, à tout huissier.

M. Marx: Ce sera dans l'administration de la loi. D'accord?

M. Dubé: D'accord.

M. Marx: Ou à toute personne habilitée à... Ce sera donc couvert par la loi. Quant à la signification par l'huissier aux pages 22 et 23, vous avez suggéré certaines réformes qui sont inspirées de l'expérience européenne. Est-ce vraiment une proposition ferme de la part des membres de la Chambre des huissiers du Québec ou juste une suggestion?

M. Dubé: La Chambre des huissiers souhaiterait que ce genre de signification soit permis, étant donné les éléments que nous avons présentés dans le mémoire et étant donné aussi que cela se fait dans d'autres pays. Les mécanismes de protection des débiteurs ou des personnes qui pourraient être condamnées par défaut, parce que la procédure aurait été signifiée tel qu'on le propose, sont prévus dans votre document, dans l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale. La personne peut demander la requête en rétractation, en rectification, etc. Ce sont des mécanismes de protection.

L'important, c'est de s'organiser pour que, à un coût minime, ce soit un officier de justice ou un huissier qui se rende chez le destinataire pour lui remettre le document, d'une façon ou d'une autre, qui pourrait être prévue, comme nous le souhaitons.

M. Marx: À la page 23, vous dites: "Le tout pourrait être fait à un montant forfaitaire à prévoir dans les tarifs d'honoraires et des frais de transport des huissiers."

M. Dubé: Cela revient à une chose. Vous avez parlé de réforme tout à l'heure. On peut réformer la Loi sur les huissiers, la faire la plus belle possible, mais il faut faire en sorte que ces huissiers aient du travail. À l'heure actuelle, si on préconise de façon systématique la signification par la poste et qu'on se réserve l'huissier dans des cas extrêmes, la procédure à l'unité va coûter très cher, tandis que si on s'assure que les huissiers peuvent vivre partout au Québec en ayant un certain volume de procédures, le coût à l'unité sera alors beaucoup moindre.

Je vous disais qu'à l'unité, coût de la poste et coût administratif compris, une procédure signifiée par voie postale coûte de 5 $ à 6 $, en fin de compte. Si le monopole était donné aux huissiers, par exemple, et s'il y avait 1 000 000 de procédures signifiées par année, au lieu de coûter 15 $, 20 $ ou 25 $ pour la signification d'une procédure, ça pourrait coûter 7 $ ou 8 $.

M. Marx: Pour faire le travail qu'ils ont à faire à l'heure actuelle, ils travaillent 14 heures par jour. Si le volume augmente, comment allez-vous vous y prendre?

M. Dubé: J'ai déjà soulevé quelque part...

M. Marx: II y a des huissiers qui nous disent: Pour gagner 20 000 $ par année comme huissier, il faut que je travaille 14 heures par jour, je paie l'essence, je paie ma voiture, tout cela, et ce n'est pas payant d'être huissier. J'ai entendu beaucoup de plaintes de la part d'un de vos membres. J'en ai déjà parlé à un ancien président de la Chambre des huissiers. C'est possible?

M. Coulombe (Alain): Oui, Jean-Marc Lachance. Alain Coulombe, Québec. Je suis issu d'une famille d'huissiers, de génération en génération. Nous avons vécu un phénomène sans doute social au cours des dernières années qui fait que la pratique de l'huisserie a énormément changé au cours des dernières années. J'ai travaillé des années avec mon père quand j'étais jeune et on a toujours travaillé 18 heures par jour. Je pense qu'on va toujours travailler ainsi, on est formé pour cela. Peut-être que certains penseront le contraire.

La différence, c'est que nos heures sont maintenant consacrées beaucoup plus à de l'urgence, contrairement au passé où on travaillait toujours avec un certain volume qui nous permettait de planifier.

M. Marx: Vous avez le volume, vous parlez de 18 heures par jour. Comment pouvez-vous travailler plus si le volume augmente? On ne veut pas vous noyer...

M. Coulombe: Notre problème n'est pas le volume, mais la rationalisation de l'urgence. Comme on croit à notre métier, on assure notre responsabilité en faisant l'urgence qu'on a à faire maintenant. Je pense que cela doit nous permettre de pouvoir penser à une meilleure pratique dans les années à venir en fonction des lois. On veut intervenir, bâtir avec les structures qui s'en viennent et non pas être des ornements de ces structures. C'est pour cela que la chambre est aussi présente un peu partout. Nous voulons donner l'expérience qu'on a vécue au cours de ces années.

M. Marx: Je comprends donc qu'on vous donne seulement les urgences. C'est pourquoi vous travaillez 14 heures par jour sur les urgences; ce n'est pas la même chose que de travailler 14 heures par jour sur le volume. (15 heures)

M. Coulombe: Dans l'administration de bureau, c'est difficile aussi de motiver les gens à travailler toujours sur des urgences, au point de vue physique. On parlait de Jean-Marc Lachance, notre ancien président. Il a été obligé de se retirer parce qu'il était malade. À un moment donné, il a eu beaucoup trop de stress dans son travail et à l'intérieur de la chambre. Nous sommes tous passés par là. Ronald est passé par là, je suis passé par là. C'est la situation d'aujourd'hui et on veut la corriger en travaillant tous ces phénomènes.

M. Marx: Est-ce que la signification par courrier se fait en Europe ou aux États-Unis? Est-ce que c'est courant de signifier par courrier aux États-Unis, en Europe?

M. Dubé: Pour ce qui est des États-Unis, je ne peux pas vous répondre. Dans les autres provinces du Canada, je peux vous dire qu'il y a quelques années j'ai fait une certaine recherche et j'ai constaté que la plupart des documents juridiques sont signifiés par ce qu'on appelle des "process server" ou des shérifs ou des compagnies qui se spécialisent en signification.

En Europe, les documents juridiques et tout ce qui touche au tribunal, c'est un officier de justice ou un clerc "significateur" qui en fait la procédure. Il reste quand même que les demandes de paiement, etc., qui ne sont pas des procédures comme telles, mais des procédures non contentieuses, sont envoyées par la poste. C'est normal.

Ce n'est pas pour rien que j'ai reproduit plusieurs articles du nouveau Code de procédure français à partir des articles 653 et suivants où on voit la signification en personne, la signification raisonnable, la signification s'il n'y a pas de réponse au domicile du destinataire ou la signification chez le voisin, et ainsi de suite. Il s'aqit d'adapter ce mode de signification au Québec.

En Belgique, par exemple, il y a le registre national des populations où un huissier, par simple informatique maintenant, peut vérifier si telle personne habite bien là et il laisse la procédure. Ici au Québec, je peux vous dire une chose...

M. Marx: Le Lovell's, Lovell's. Lovell's à Montréal.

M. Coulombe: Oui. C'est cela. Le Lovell's. Cela vient à tous les deux ans. Mais je peux vous dire qu'en pratique, nous avons des huissiers. Jean Laflamme vient de la région de Sorel. Au Québec, on a des huissiers un peu partout. On peut vous dire que, neuf fois sur dix, on est capable de savoir si une personne réside bien à une adresse.

Il s'agit, dans un premier temps, de se présenter. On pèse sur la sonnette. Pas de réponse. On s'informe chez les voisins. On apprend que la personne habite là. On y retourne à une heure appropriée. Il y a réponse. S'il n'y a pas réponse, on peut signifier avec une certaine forme. On pourrait le faire.

M. Marx: D'accord. En ce qui concerne le procès-verbal de constat par huissier, je

me souviens bien que lors de la conférence internationale, il y a eu des reportages dans les journaux sur cet instrument. Je conviens qu'en France, le constat sert en matière civile. Est-ce qu'il sert en matière pénale aussi en France?

M. Dubé: Le constat, c'est surtout en matière civile. Je suis d'accord avec vous. En matière pénale, son pendant pourrait exister pour le mandat de perquisition. Ce n'est pas nécessairement l'agent de la paix qui est chargé de l'application d'une loi. On va prendre l'Ordre des denturologistes, par exemple, ou le Barreau, ou la Chambre des notaires. Ils ont souvent des inspecteurs qui font certaines formes de perquisition. À ce moment, il devrait y avoir une tierce personne complètement neutre, qui n'a aucun intérêt dans l'affaire et qui pourrait, par exemple, rédiger l'inventaire des choses ou assister à la perquisition ou procéder à la perquisition, la constater. C'est là une facette.

L'autre facette pourrait être la suivante: un juge, par exemple, peut avoir besoin d'une personne, ce qu'on pourrait appeler un témoin privilégié, pour lui donner des renseignements dans une affaire. On va parler d'une question d'affichage. Est-ce qu'on a le droit ou non d'afficher à une place donnée?

M. Marx: Cela tombe bien.

M. Dubé: Bien, M. l'huissier, allez voir.

M. Marx: II nous manque des inspecteurs.

Le Président (M. Filion): Je pense que c'est un bon exemple.

M. Dubé: Bon. Un exemple concret et pratique dont on entend parler souvent.

M. Marx: C'est cela. Au lieu d'exiger des photos, on va avoir des constats de...

M. Dubé: D'huissiers.

M. Marx: ... Un procès-verbal de constat.

Une voix: Avec photos.

M. Dubé: Cela pourrait être avec photos, mais il faut...

M. Marx: Parce que maintenant on a des photos effectivement.

M. Dubé: Oui. Mais il faut toujours garder à l'esprit que cela ne constitue pas une preuve comme telle, mais ce sont des renseignements qui sont donnés au tribunal, de telle sorte que le juge peut se faire une meilleure idée.

M. Marx: Quelle sera la valeur en preuve d'un tel procès-verbal de constat? Est-ce que c'est égal à un acte authentique? Il y a les actes authentiques des notaires. Est-ce que cela a la même valeur en preuve?

M. Dubé: Ici, au Québec comme en Europe, il faut que le constat serve uniquement de renseignement que le juge apprécie. Il faut dire que l'huissier est un "témoin privilégié" - entre guillemets - quelqu'un qui est habitué à faire la part des choses, à constater des faits et non pas à donner des opinions. Il a vu telle chose; à telle date et à telle heure, il était à tel endroit, il a vu telle chose, il a parlé à telle personne. Il rédige un procès-verbal. À la lecture de ce procès-verbal, le juge peut en tenir compte ou ne pas en tenir compte. C'est le tribunal qui, en dernier ressort, décide. Le procès-verbal, te constat de l'huissier peut être contesté par l'adversaire, sans problème aussi.

M. Marx: Par le biais d'une procédure spéciale ou...? Dans un acte authentique, il y a une procédure spéciale d'inscription en faux afin de contester...

M. Dubé: L'article 232 du code. M. le ministre, je vais vous répondre là-dessus. Il y a des notions essentielles que l'huissier a pour mission de constater. Autrement dit, on va inscrire en faux contre le procès-verbal du huissier si on remet en question la date, l'heure de la signification, les documents signifiés et la manière siqnifiée. Quant au reste, une simple correction en vertu de l'article 232 fera l'affaire. Cela n'invalide pas le procès-verbal de signification comme tel. La même chose peut se faire. Si on fait la relation... Je l'ai reproduit ici. Allez à l'annexe I, à la page 38, le procès-verbal de constat que vous voyez ici... J'ai fait le parallèle entre les deux genres de procès-verbaux que nous sommes habitués à faire. Par exemple, le procès-verbal de signification que vous voyez dans la colonne de gauche qui correspond à l'article 144 du Code de procédure; au centre, vous voyez l'article 590, qui est le procès-verbal de saisie-exécution et les relations qui existent entre l'article du code et le procès-verbal lui-même, les mentions a, b, c et d. Immédiatement à droite, nous avons le procès-verbal de constatation, la formule que nous avons suqgérée à tous les huissiers du Québec. Un procès-verbal de constatation doit contenir tous ces éléments-là de telle sorte qu'on puisse faire le lien entre ce que l'huissier est habitué à rédiger et ce qu'il sera appelé à rédiger.

M. Marx: Merci. J'aimerais dire que c'est un mémoire assez complet avec des annexes qui facilitent la compréhension. J'aimerais vous remercier. Espérons qu'on fera cette réforme durant mon mandat.

M. Dubé: Je vous remercie, M. le ministre.

Le Président (M. Filion): On vous remercie, M. le ministre. Il y a évidemment plusieurs grands points dans votre mémoire. Le premier que je voudrais traiter est l'introduction du procès-verbal de constat. Je trouve que c'est une formule intéressante. Dans notre droit civil, vous me corrigerez si je me trompe, ce constat n'existe pas ou à peu près pas dans notre tradition et dans nos lois. Est-ce que je me trompe?

M. Dubé: Si on fait un peu l'historique du constat, en France, il est né de la demande populaire, de la coutume du droit prétorien. Pendant 100 ans, jusqu'au décret de 1955, il y avait des procès-verbaux de constat qui étaient faits par des huissiers et qui n'étaient que de simples renseignements et qui sont devenus tellement... Le problème qui existait, c'est qu'on demandait souvent à l'huissier d'aller témoigner sur son procès-verbal. En 1955, on a dit: Le procès-verbal de constat fait preuve, un peu le pendant de l'article 294.1 qu'on a au Code de procédure civile maintenant, où certains rapports sont déposés sans que le signataire soit obligé de comparaître. C'est un peu cela, le procès-verbal de constat. Nous, nous en sommes à l'étape préliminaire. Maintenant, comme je le disais tout è l'heure à M. le ministre, les huissiers sont déjà habitués à en faire des constats, parce que tout est constatation dans ce que l'on fait. Lorsque nous signifions une procédure, nous nous rendons à telle place, à telle heure et nous faisons telle chose; lorsque nous effectuons une saisie, si vous lisez l'article 590, la saisie est constatée par le procès-verbal. Ce n'est pas un mot étranger. À l'heure actuelle, nous faisons des procès-verbaux de constats qui servent de renseignements aux tribunaux. En droit civil, qui découle du Code de Napoléon, ce n'est pas une chose étrangère que de demander à une personne de rédiger des constatations.

Le Président (M. Filion): J'en suis et, effectivement, comme huissier, vous faites la constatation d'abord de transmission de documents, c'est la signification. Vous faites également, si on veut, la constatation de saisie, comme vous l'avez mentionné. Ce qui serait différent, c'est que vous feriez un peu, si on veut, la constatation d'un état de fait...

M. Dubé: C'est cela.

Le Président (M. Filion): ...que vous transmettriez par la suite directement au tribunal.

M. Dubé: Ou à une partie qui le requiert. Je vais vous donner un autre exemple. En matière de réqie du logement, la suggestion a été faite, justement au niveau de la révision des tribunaux administratifs. En matière de régie du logement, en vertu de l'article 1623 du Code civil, une partie doit remettre les lieux dans l'état où elle les a reçus, sauf un certain usage normal. À ce moment-là, il pourrait, comme il existe en Europe, y avoir constatation de l'état des lieux, du logement, par exemple à l'entrée du locataire et à la sortie du locataire, dans les deux cas. Cela, c'est un exemple. Ce sont des faits. L'huissier n'a pas à interpréter; par exemple, s'il voit de l'eau qui coule, il n'a pas à dire que c'est parce qu'il y a un tuyau qui est crevé en haut. II voit de l'eau qui coule, point. Il rapporte des faits qu'il voit, qu'il peut sentir, toucher, voir, des faits qu'il perçoit par les sens. Ce sont des renseignements, uniquement, que le juge apprécie.

Le Président (M. Filion): En droit pénal, cela pourrait vouloir dire... Par exemple, vous pourriez constater, disons, dans l'application d'un rèqlement municipal, que tel ou tel citoyen a sorti ses poubelles avant l'heure et cela peut aller jusqu'à constater qu'il y a obstruction par tel citoyen à cause de ce qu'il a mis sur la route ou sur la rue publique, etc.

M. Dubé: Cela peut aller jusque là.

Le Président (M. Filion): Je suis un peu surpris de voir que le constat, comme il existe en France et dans d'autres pays, en particulier dans les pays latins, n'a jamais réussi tellement. Le constat de fait, et non pas la constatation de ce que je disais tantôt, la transmission de documents, etc., n'a jamais vraiment traversé nos moeurs ici au Québec, de telle sorte que ce que vous suggérez dans votre mémoire, qui est de faire de l'huissier un instrument, si l'on veut, une personne de constat, c'est, en droit pénal, puisque c'est le sujet de notre consultation, carrément une innovation. C'est tout à fait nouveau, que ce soit en droit civil, en droit pénal ou en droit criminel.

M. Dubé: D'accord. C'est pour cela qu'on l'a proposé aussi. Il n'y a pas d'années pour évoluer.

Le Président (M. Filion): Maintenant, en ce qui concerne la siqnification par la poste, cela m'a frappé tantôt quand vous avez dit: Nous, nous sommes des dépanneurs; les cas d'urgence, on nous les donne; quand cela va

bien, on ne les a pas et c'est pour cela que cela coûte si cher... Vous avez un peu raison parce que ce n'est pas facile de retracer des personnes à qui on ne peut livrer une simple lettre. Vous avez dit, par contre, que le coût administratif de l'envoi d'une lettre s'élevait à 5 $ ou 6 $. J'aimerais que vous m'expliquiez, parce qu'en incluant le coût du timbre qui augmente constamment, il est de 0,40 $, je pense, ou de 0,42 $... Alors, j'aimerais savoir comment vous êtes arrivé à ce chiffre de 5 $ ou 6 $ qui est quand même assez élevé, pour la signification par voie postale. (15 h 15)

M. Coulombe: On peut répondre à cette question sur deux volets et je laisse le deuxième volet à Ronald. Sur la première partie concernant les coûts de signification des huissiers, depuis des années les huissiers ont toujours desservi des clients qui étaient majoritairement des bureaux d'avocats. De coutume, on a toujours desservi des avocats en faisant ce qu'on appelle la merde et les bons coups, c'est-à-dire les bonnes procédures et la merde qui faisaient un tout à un moment donné. Aujourd'hui, même en ce qui concerne l'ouvrage du gouvernement, on a encore le même phénomène. On faisait la même chose avant et maintenant on ne peut plus le faire parce qu'on a un phénomène d'urgence et une balance restante comme la poste restante. On fait strictement la merde et on ne peut pas charger présentement pour la merde qu'on fait naturellement, parce qu'on n'a plus de volume. Ce que proposent les huissiers de la Chambre des huissiers du Québec, c'est un "deal" en voulant dire: Écoutez! on s'assoit, on prend un volume de procédures et on négocie un prix forfaitaire pour l'ensemble des volumes pour suivre l'évolution d'aujourd'hui ou, si on ne fait pas ça, on va continuer avec la merde, mais il faudra charger pour la merde pour pouvoir balancer nécessairement. Les huissiers ont toujours travaillé en fonction d'un certain volume qu'on n'a plus maintenant. Il faut donc repenser à d'autres conditions, à d'autres volumes si c'est le désir du gouvernement. Si ce n'est pas son désir, les huissiers vont travailler à partir de cela. Ou on a besoin des huissiers ou on n'en a pas besoin. Nous disons donc que, si on a besoin des huissiers, voici des suggestions. Nous sommes prêts à faire toutes sortes de concessions pour arriver à quelque chose de logique qui puisse servir tes intérêts de tout le monde, que ce soit du ministère, de notre clientèle qui s'appelle les avocats et du justiciable aussi finalement.

Concernant les coûts de lettres je laisse Ronald continuer.

M. Dubé: À partir d'une hypothèse de 225 000 procédures, par exemple, où on fait une tentative de signification par la poste, où on signifie carrément par courrier recommandé basé sur un temps idéal, une semaine de 40 heures, il faut compter pour la manutention à peu près dix minutes par envoi. Admettons aussi que l'envoi est mécanisé, que l'adressage est fait de façon mécanique, il n'y a pas que l'adressage qu'il faut faire, il faut faire l'insertion de la procédure dans l'enveloppe, il faut faire la vérification du retour, parce que, lorsque les cartons reviennent de la poste, il faut les vérifier et les déposer au dossier. Cela fait un paquet de manipulations. Pour manoeuvrer ou gérer l'envoi de 225 000 procédures annuellement il faut environ 18 employés. Si on inclut le coût de la poste de 1.80 $, cela revient à à peu près 5 $ ou 6 $ l'unité pour obtenir 75 % de réussite. Cela veut dire qu'on a réussi à signifier 75 % de ces 225 000 à 5 $ ou 6 $ l'unité et il y en a 25 % pour lesquels il faut prendre des moyens extraordinaires. En vertu de la Loi sur les poursuites sommaires, le moyen extraordinaire à l'article 18, c'est l'huissier. L'huissier se promène, il y va à deux, trois ou plusieurs reprises. C'est ce qui fait grimper le coût énormément.

Supposons une hypothèse: si on disait que la signification d'une procédure, le moyen que l'on suggère dans notre projet, revient, par exemple... on dirait: On charge 8 $ par procédure, mais c'est pour rejoindre 100 % des procédures. Il n'y a plus de perte de temps. Lorsqu'on remet une procédure à un huissier, on n'a pas besoin de la plier et de la mettre dans une enveloppe, on la donne à l'huissier qui s'en va la signifier; elle revient deux ou trois jours après et elle va directement au dossier. Imaginez-vous le temps épargné. Au lieu d'une rotation de 30 jours à peu près pour les significations par la poste, vous avez une rotation de trois, quatre, cinq jours ou une semaine au maximum. On dit que le temps, c'est de l'argent et tout ça représente des économies de temps, des économies de gestion, des économies de personnels, etc. Tout s'ensuit là-dedans.

Le Président (M. Filion): En termes clairs, finalement, c'est le monopole de significations que vous recherchez.

M. Dubé: Oui, monsieur.

Le Président (M. Filion): Les monopoles donnent rarement des baisses de coûts pour l'utilisateur.

M. Dubé: On dit "monopole". Est-ce que c'est un monopole à 100 %? Il faut tenir compte de la configuration géographique de la situation, de la répartition des citoyens du Québec sur le territoire. On n'enverra certainement pas un huissier à Schefferville pour vivre là-bas; il ne vivra pas. C'est pour

cela que l'article 122 du Code de procédure civile permet, lorsqu'il n'y a pas d'huissier capable d'agir dans un rayon de 50 kilomètres du destinataire d'un acte, que la signification puisse être faite par la poste. Dans des cas semblables, cela va. On le fera par la poste. Mais dans les autres cas, il n'y a pas de problème; un huissier pourrait faire cela.

La présence de l'huissier partout sur le territoire permet non seulement la signification des procédures pénales, mais aussi l'exécution des procédures partout sur le territoire à un taux qui a du bon sens. Cela permet aussi la rédaction de procès-verbaux de constats, à un taux raisonnable. Cela créerait un certain volume, une présence de la justice dans la plupart des villages.

Le Président (M. Filion): En deux mots, il y a une espèce d'infrastructure de transmission et de constatation.

M. Dubé: II y en a déjà une infrastructure.

Le Président (M. Filion): Mais plus élaborée, plus...

M. Dubé: On veut l'agrandir. C'est la justice en réalité. Ce sont les citoyens qui vont en profiter.

Le Président (M. Filion): II y a environ 600 huissiers au Québec. Est-ce que je me trompe?

M. Dubé: Au mois de janvier, il y en avait 592. Maintenant, il y en a peut-être un peu moins, parce qu'il y en a qui laissent la ligne; il y a moins de travail.

Le Président (M. Filion): C'est cela précisément ma question. Est-ce que le nombre d'huissiers a eu tendance à augmenter ou à diminuer au Québec dans les dix dernières années?

M. Dubé: Si on fait un retour historique, en 1974, il y avait 600 huissiers au Québec. Le 20 septembre 1975, les 600 huissiers du Québec ont passé un examen. Après l'examen, il en restait 300. De 1975 à aujourd'hui, il y a eu une fluctuation, une progression de sorte qu'aujourd'hui nous sommes 592 ou un peu moins. M. Coulombe le disait tout à l'heure, comme nous travaillons seulement pour des urgences qui nous coûtent des sommes exorbitantes à administrer pour un tarif qui n'est pas adapté - autrement dit, on veut le service de limousine au prix du métro à l'heure actuelle - cela coûte tellement cher qu'il y a une diminution du nombre d'huissiers. Je vais aller plus loin. Dans une certaine ville du Québec, un huissier exerçait depuis plusieurs années et il ne peut même plus exercer. Il est venu travailler et travaille présentement dans un grand centre. Ainsi, pour aller exécuter ou signifier dans ce coin-là, qui était adéquatement desservi auparavant, il faut un huissier d'un grand centre qu'on va payer au prix qu'il faut pour faire une heure de route pour se rendre là-bas. C'est un cercle vicieux.

Le Président (M. Filion): Par curiosité, mais aussi pour comprendre l'impact des coûts qui sont afférents à la réforme de la procédure pénale, quel est le chiffre d'affaires de ces 600 huissiers, en général? Évidemment, j'inclus le civil. Vous avez sûrement, à la Chambre des huissiers, un ordre de grandeur.

M. Dubé: On peut vous donner des statistiques qui ont été compilées récemment dans le cadre des études qui ont été faites pour la révision de la loi. 75 % des huissiers du Québec qagnent moins de 25 000 $ par année. Il y a des extrêmes; il y en a qui gagnent beaucoup et il y en a qui ne gagnent pratiquement rien.

Le Président (M. Filion): En termes de chiffre d'affaires, pas en termes de revenu net.

M. Dubé: Le chiffre d'affaires.

M. de Coste (Jean-Jacques): En termes de chiffre d'affaires, un huissier peut produire une facturation mensuelle d'environ 7000 $. En 1982-1983, les frai3 d'opération d'un bureau d'huissier étaient d'environ 34 % du chiffre d'affaires. Ce sont les frais fixes d'opération. En 1985, les frais d'opération chez nous, à Montréal, ont grimpé à 51 %. C'est le volume qui a baissé. En plus, comme M. Ronald Dubé le disait, présentement, la tarification est faite pour un ensemble de procédures, pour un volume de procédures et non pour un service à la pièce. D'après la dernière étude qu'on a faite, 30 % des actes qu'on avait à signifier étaient demandés à la pièce, mais facturés au volume, ce qui donnait un revenu net d'à peu près 8 % à 10 % du chiffre d'affaires.

Le Président (M. Filion): Quant à la perception d'amendes, votre mémoire soulève cet aspect du dossier, fait certaines revendications dans ce cas. Quel est votre rôle actuellement dans le cadre de la loi actuelle sur la perception d'amendes?

M. Coulombe: Présentement, en ce qui concerne la perception des amendes, les budgets sont coupés. Donc, les huissiers n'ont pas d'ouvrage. Je crois que les amendes sont collectées majoritairement par les policiers quant à ce qui touche l'exécution de certains

mandats. Le policier est payé pour son travail et, en plus, il perçoit les amendes, alors que l'huissier ne reçoit pas de revenus du gouvernement. Il perçoit directement et fait payer par le justiciable les frais qu'il a à payer. C'est à peu près une des plus belles justices sociales qu'il n'y a pas. La population n'a pas à payer pour le gars qui a eu une amende.

On vit actuellement le phénomène suivant quant au percepteur des amendes: la majorité des huissiers n'ont présentement pas d'ouvrage. Quant à notre rôle, on perçoit les amendes directement auprès des gens qui ont eu effectivement ces amendes, en les collectant indirectement par voie de saisie généralement, en collectant les frais de l'huissier d'après le tarif d'honoraires des huissiers.

Le Président (M, Filion): Cela, c'est dans le cadre de la situation actuelle.

M. Coulombe: C'est cela, oui.

Le Président (M. Filion): Cela veut dire qu'au Québec, au moment où on se parle, il y a deux catégories de perception d'amendes: une qui est faite par les huissiers. À ce moment, comme vous le dites, les frais sont intégrés à la facture payée par le contrevenant. Et une autre catégorie où les frais sont assumés par les contribuables de taxes en général.

M. Coulombe: Par les contribuables en général et aussi une partie, je crois, qui est chargée au débiteur en ce qui touche l'exécution du mandat par le policier. Cela serait à vérifier.

Le Président (M. Filion): Oui. Est-ce qu'il y a d'autres questions des membres de cette commission? Alors, je voudrais remercier la Chambre des huissiers, MM. Dubé, Laflamme, Coulombe, de Coste pour d'abord, comme l'a si bien souligné le ministre, le travail et la qualité du mémoire que vous nous avez déposé ainsi que, je dois le souligner, la franchise de vos propos, et de votre mémoire; je l'ai beaucoup apprécié. Vous dites à un moment donné que personne ne va reprocher à la chambre de prêcher pour sa paroisse, certainement pas les membres de cette commission. Je pense qu'au contraire, cela nous a permis un échange direct et fructueux sur le fond des problèmes.

Je voudrais également vous remercier pour cet échange d'idées que nous avons eu cet après-midi. Comme vous le savez, il s'agit d'un avant-projet de loi. Cette consultation ne pourra que nous aider à bonifier le projet de loi. Le ministre de la Justice, j'en suis sûr, cherchera à prendre les décisions qui s'imposent avant de déposer le projet de loi comme tel, lequel sera étudié par les membres de cette commission article par article lors de son adoption.

Donc, merci messieurs et bonne fin d'après-midi.

M. Dubé: Merci, M. le Président. Le Président (M. Filion): Oui?

M. Dauphin: J'aurais une petite question avant que vous disposiez. Je crois que la chambre a décidé d'imposer un moratoire en ce qui concerne les huissiers stagiaires. Est-ce un moratoire d'un an? Juste une question d'information. Est-ce qu'il y a une durée?

M. Coulombe: On s'enlignait d'abord sur un moratoire de deux ans, en fait, qui coïncidait un peu avec la réforme de ta Loi sur les huissiers. En fait, on suit un peu le dossier de la réforme. Si la réforme est prête l'an prochain, le moratoire va suivre la réforme.

M. Dubé: II faut dire aussi que, comme prérequis nous allons demander un diplôme d'études collégiales en techniques juridiques. Actuellement, on demande un Secondaire V. Il faudrait avoir un diplôme en techniques juridiques. Il ne faudrait pas faire en sorte qu'il y ait un afflux incroyable d'huissiers sur le marché.

M. Dauphin: Alors, vous allez suivre effectivement la réforme, lorsqu'elle sera clarifiée... D'accord. Merci. (15 h 30)

Le Président (M. Filion): Merci donc, messieurs. J'inviterais immédiatement le groupe suivant à bien vouloir prendre place à la table des invités, si cela convient aux membres de cette commission, sans ajournement, étant donné notre horaire chargé pour cet après-midi. Il s'agit, bien sûr, de l'Association des usagers de la langue française. Je vois M. Robert Auclair, son président, qui s'avance et prend place.

À l'ordre, s'il vous plaît!

C'est avec grand plaisir que nous recevons maintenant les représentants de l'Association des usagers de la langue française. Je demanderais à M. le juge Auclair, qui est présent avec nous, de bien vouloir identifier la personne qui est à sa gauche.

Association des usagers de la langue française

M. Auclair (Robert): Vous m'avez identifié, alors c'est déjà fait. J'ai ici M. Michel Sparer, qui est le secrétaire de l'association.

Le Président (M. Filion): D'accord. Sans

plus tarder, je voudrais vous inviter à présenter le sommaire de votre mémoire.

M. Auclair: Je vous remercie de nous avoir invités à présenter le petit mémoire que nous avons préparé. J'ai pensé toutefois peut-être prendre une minute ou deux pour situer l'association, qui n'est peut-être pas très connue vu qu'elle ne fait pas de bruit sur la place publique. En deux mots, c'est une association volontaire qui a des membres dans différentes villes du Québec et dont l'objectif fondamental est de promouvoir la qualité de la langue, et de la langue écrite. Cela veut dire, concrètement, la langue de l'État, des lois et règlements, celle des organismes paragouvermentaux, des services publics, des ordres professionnels, des syndicats et des médias en général. Bref, la langue écrite qui atteint le public.

Comme moyen d'action, l'association fait des suggestions et des observations de façon discrète et courtoise aux intéressés en leur suggérant d'améliorer les textes qui peuvent circuler. L'association ne se substitue pas, cependant, aux organismes qui existent en vertu de la loi et qui ont à faire leur travail. Elle n'entend pas non plus les concurrencer. C'est dans cet esprit que nous avons fait des observations sur le Code de procédure pénale, qui est une loi très importante à notre point de vue, parce que c'est une loi d'usage quotidien non seulement pour le monde juridique, en particulier, mais pour la population en général qui entend parler de ces choses tous les jours. Je vais demander à M. Sparer, le secrétaire, de vous donner lecture de notre petit mémoire.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le juge. M. Sparer.

M. Sparer (Michel): Merci. Comme vous le verrez, nous nous sommes limités à quelques observations. C'est effectivement un tout petit mémoire. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de faire ces humbles suggestions devant la commission des institutions.

L'Association des usagers de la langue française tient tout d'abord à féliciter les auteurs de cet avant-projet de loi. Ce texte marque une fois de plus un progrès appréciable dans l'élaboration des textes législatifs au Québec, progrès constant qu'on remarque en particulier depuis un peu plus d'une dizaine ou d'une quinzaine d'années. Ce sont des progrès impressionants tant au plan de la structure, de l'agencement logique des idées que du style, du vocabulaire et peut-être d'autres aspects encore.

Ce code porte bien son nom. C'est un vrai code au sens où nous avons pu l'apprécier. C'est un texte qui tient le pari, comme un vrai code, de présenter de façon organisée l'ensemble des règles utiles en la matière. Les articles sont d'une taille raisonnable et les phrases sont en général claires, même si certaines mériteraient d'être scindées, d'être plus courtes, comme dans la plupart des textes que nous lisons quotidiennement dans la vie courante.

L'intervention de l'association se veut, comme toujours, sobre et constructive. Aussi, nous nous contenterons de porter à l'attention des rédactrices, rédacteurs et des parlementaires ici présents quelques modestes observations et quelques suggestions qui leur permettront d'apporter peut-être quelques améliorations à ce texte déjà fort honorable.

Nous ne nous attarderons pas à des points de détail; cela pourrait vous paraître des points de détail. Il s'agit quand même, comme le disait le président de l'association tout à l'heure, d'un texte fondamental pour la pratique quotidienne de bien des juristes, bien des avocats, des juges et d'autres intervenants dans le domaine du droit, ce qui fait qu'il nous est apparu opportun de saisir l'occasion pour introduire un certain nombre de précisions, d'améliorations dans te vocabulaire ou la phraséologie juridique.

Tout d'abord, on retrouve un peu partout l'expression "jours juridiques". Nous nous permettons de faire la suggestion suivante: Ne serait-il pas plus simple de ne qualifier que les jours non juridiques, c'est-à-dire en les dénommant "jours fériés"? On ne parlerait donc plus de jours juridiques. Si on voulait absolument les qualifier, on pourrait les qualifier de jours ouvrables ou, en tout cas, se limiter à ne qualifier que les jours qui sont non juridiques, qu'on appellerait donc jours fériés.

L'expression "jours fériés" existe déjà dans la législation québécoise. On la retrouve dans la Loi d'interprétation qui indique que les mots "jours de fête" et "jours fériés" désignent ceci et cela. On la trouve également dans la Loi électorale, à l'article 159, par exemple, où on dit: "Si le scrutin tombe un jour férié, il a lieu le lendemain." Ce ne serait pas vraiment une innovation, ce serait un ajustement avec ce qui existe déjà, ça et là, dans la législation de la province. On la retrouve également dans le Code civil, la Loi sur la fête nationale et la Loi sur les normes du travail, à l'article 60. On connaît également l'expression "jours de palais", mais nous suggérons d'explorer la possibilité de ne qualifier que les jours fériés.

Ensuite, on parle des procureurs. L'objet de nos observations est en général de suggérer le mot le plus simple, le plus connu, le plus évocateur et la phraséologie contenue dans les textes aux phrases courtes contenant des mots simples. Puisque ceux qu'on désigne par "procureurs" sont en fait des avocats, pourquoi ne pas parler tout simplement des avocats?

La perpétration d'une infraction, c'est tout simplement un petit problème de

rédaction. Le mot "perpétation", selon l'usage connu, se dit surtout pour des crimes, alors qu'ici on parle d'une infraction. En fait, "prouver la perpétration de l'infraction", le problème serait réglé assez rapidement en disant "prouver l'infraction", tout simplement.

Le jugement final, c'est un vieux problème. Nous n'avons pas de solution toute faite pour cela. Nous soulignons simplement l'inconfort de cette expression, surtout en circonstances bilingues puisque ça prête un peu à confusion. Il y a polysémie en anglais là-dessus, "final judgement" désignant tour à tour tel ou tel état de la décision judiciaire. Ce que nous suggérons, c'est tout simplement de faire la différence entre un jugement définitif, c'est-à-dire la décision qui met fin à une instance comme telle, et, s'il s'agit d'un jugement sans appel ou de dernier ressort, parler d'un jugement de dernier ressort ou d'un jugement sans appel.

Règles de pratique et règles de procédure, trouve-t-on dans le texte. C'est un petit problème dans la mesure où l'expression "règles de pratique" est perçue comme un anglicisme. On trouve également dans la législation québécoise récente l'expression "règles de procédure". Je pense, par exemple, aux règles de procédure de la Cour d'appel en matière civile - c'est ainsi que cela s'appelle. Nous avons encore une petite réticence sur "règles de procédure" pour une raison très simple. Cela reviendrait à dire qu'il existe des règles de procédure qui ne sont pas incluses dans le code de procédure, lequel a une vocation théoriquement exhaustive. Pourquoi ne pas parler, par exemple, de règlement intérieur, comme l'évoque le très ancien dictionnaire Capitant, ou de règlement interne du tribunal ou encore, tout simplement, de règlement du tribunal ou de règlement de la cour.

Nous ne parlerons pas des bureaux d'affaires qui sont vraisemblablement des établissements. Nous parlerons peut-être un peu plus longuement des représentations. L'expression "faire des représentations" est perçue également comme un anglicisme sémantique. Si le mot "représentations" existe en français, on l'emploie dans un champ de définition qui est plutôt celui de la langue anglaise et, en français, une représentation est censée être une remontrance courtoise. Je ne pense pas que les intervenants dans les procédures pénales s'amusent à se faire des remontrances courtoises. Pourquoi ne pas parler, par exemple, de faire des observations, de présenter des observations, de présenter des demandes ou de demander, selon le cas, de faire des allégations, de faire des prétentions ou de prétendre. Enfin, bref, la langue française, tout comme la langue anglaise, est très fertile, très abondante en synonymes ou termes adaptés en ce sens.

Il y a d'autres aspects. Un petit problème qui nous est apparu, c'est celui du mot "payable" à l'article 432. II s'agissait de savoir si c'était payable ou exigible, puisque l'avant-projet de loi parle tantôt de sommes payables, tantôt de sommes exigibles. Y a-t-il synonymie? S'il y a synonymie, il faudrait l'éviter; s'il n'y a pas synonymie, peut-être cela mériterait-il d'être plus distingué.

Il y a certaines redondances. Je ne passerai pas en détail tout ce qui se trouve dans notre petit mémoire, cela ne mérite pas l'attention en direct des parlementaires. Il y a quelques suggestions de rédaction peut-être un peu plus simple, dans le sens d'une simplification de certaines phrases.

J'attirerais votre attention sur le mot "information". La plupart du temps, on emploie "information" dans le sens de "renseignement". Nous pensons qu'il serait opportun de saisir l'occasion, dans cet avant-projet de loi, de faire la distinction entre ce qui est de l'information et ce qui est du renseignement. On emploie le mot "information" dans le sens du mot "information" en anglais. Lorsqu'on voit comment on traduit "information", de manière générale, on traduit par "renseignements". S'il s'agit de renseiqnements, parlons de renseignements et, lorsqu'il s'agit d'information, c'est-à-dire d'un corps de renseignements beaucoup plus large, parlons d'information. Les deux termes existent, il s'agit sans doute de les différencier.

Il y a d'autres aspects de la rédaction sur lesquels nous passerons assez rapidement. À l'article 235.9, on trouve une distinction, semble-t-il, entre un texte "inapplicable constitutionnellement", un texte "invalide" et un texte "inopérant". Je ne suis pas sûr que cette distinction soit très claire à la lecture du texte; peut-être mériterait-elle d'être explicitée.

Aux articles 207 et 208 se pose un petit problème qui nous semble assez ennuyeux. Le texte ne dit sans doute pas ce qu'il veut dire. On semble croire que le risque ne survient pas du fait que la personne transmet un document, alors qu'il semblait plutôt que le risque que courait la personne était de ne pas transmettre ce document. Enfin, notre mémoire donne un peu plus de détails là-dessus.

Nous avons remarqué également l'expression "réclamer une peine". Cela mériterait également une expression plus évocatrice. Nous avons éqalement fait des suggestions de simplification. Je ne les citerai pas toutes ici; c'est relativement du détail. Par exemple, "transmettre le montant d'amende"; pourquoi pas "payer l'amende"? Il n'est pas faux de dire qu'on transmet le montant de l'amende, mais pourquoi ne pas dire simplement qu'on paie l'amende et les frais? (15 h 45)

Nous avons déjà fait le tour de ce petit mémoire. Comme on peut le voir, les

quelques points évoqués ci-dessus relèvent du détail ou de la précision et ne mettent en cause aucun aspect fondamental du texte. Il y aurait, bien sûr, d'autres petites remarques de détails à faire, mais l'association s'abstiendra d'en encombrer le document et de retarder cette séance. L'association est néanmoins disponible pour en faire part si cela était souhaité.

En conclusion de la conclusion, permettez-moi de vous dire que, si nous nous sommes présentés ici avec ces quelques remarques, c'est pour avoir le prétexte, encore une fois, de féliciter et de saluer les auteurs et promoteurs de ce texte qui est, en fait, remarquable. Merci de votre attention.

Le Président (M. Filion): Je voudrais remercier M. Sparer ainsi que M. le juge Auclair et inviter le ministre à amorcer la discussion avec nos invités.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais à mon tour remercier M. Auclair et M. Sparer pour ce mémoire que nous avons trouvé très intéressant. Je retiens qu'à la première page de votre mémoire, vous avez écrit: "Ce texte marque un progrès appréciable dans l'élaboration des textes législatifs au Québec tant au plan de la structure, de l'agencement logique des idées que du style et du vocabulaire." On fait des progrès mais, pour le ministère de la Justice, la qualité de la langue écrite est très importante. On prend les mesures qui s'imposent pour qu'il y ait une certaine qualité.

Vous avez fait un certain nombre de suggestions. Je retiens qu'à la page 4, vous parlez de "bureau d'affaires". Au moins, on n'a pas dit "office d'affaires". Donc, il n'y a pas de poursuite possible.

Je peux vous assurer que l'avant-projet de loi fait présentement l'objet d'une révision interne sur le plan linguistique et que les suggestions formulées par votre association seront prises en considération. Nous avons déjà envoyé une copie de votre mémoire au comité de perfectionnement. Nous avons un comité de perfectionnement au ministère de la Justice formé de linguistes et d'avocats qui travaillent à chaque texte. Je suis sûr qu'ils vont tenir compte de vos suggestions et qu'on va améliorer le texte encore.

Il pourrait arriver qu'on apporte des amendements en commission parlementaire à la dernière minute. On peut avoir un texte qui soit parfait, mais, à la dernière minute, en apportant des amendements, il peut y avoir des erreurs qui se glissent dans le texte. On va se souvenir de votre présentation et essayer d'éviter des imprécisions ou des erreurs dans les textes. Merci.

Le Président (M. Filion): À mon tour de vous remercier, messieurs, d'abord pour l'énergie que vous avez investie de façon tout à fait gratuite, "gratuite" en termes concrets, mais je pense que ce n'est pas gratuit quand on connaît chez vous la passion pour les choses bien dites et bien faites. Quant à moi, je retiens surtout la dernière phrase de votre mémoire où vous dites que l'association est disponible pour contribuer à l'enrichissement de ce projet de loi eu égard à la qualité de la langue qui y est utilisée.

Je dois vous dire qu'au sein de cette commission, nous avons parfois pris passablement de temps pour vérifier la qualité des amendements que l'on introduisait parfois par papillon - c'est notre langage coloré sur le plan parlementaire. Je me souviens de certaines longues soirées où on aurait pu, des deux côtés de cette table, faire autre chose, mais où on s'assurait que la langue française était conforme aux usages.

Donc, quant à moi, je retiens cette disponibilité chez vous. J'ose espérer que, du côté du ministère de la Justice, on n'hésitera pas à faire appel à vos lumières, à votre expérience et, en quelque sorte, à cette passion gratuite, mais tellement nécessaire si l'on veut protéger notre belle langue et faire en sorte qu'elle soit comprise, également. C'est un des points qui me... On parle de rèqles de pratique, tout le monde parle de règles de pratique. Cela a commencé à changer, effectivement. En matière criminelle, on parle de règles de procédure et les avocats s'y retrouvent tout aussi bien. On sait de quoi on parle. Je pense qu'il y a possibilité... Souvent, on se heurte, au niveau des changements, à la tradition. On dit: Tout le monde emploie cette expression pour désigner tel ou tel acte, mais dans le fond, lorsque le changement survient, les gens s'habituent tout autant à utiliser l'expression correcte. En ce sens, le fait de rechercher à augmenter la qualité de la langue de la législation ne doit pas se heurter, d'abord, à des préjugés de cette nature.

Alors, encore une fois, merci. J'ose espérer que vous le faites dans d'autres projets de loi également mais, chose certaine, les membres de cette commission, dont le volume de législation est assez énorme, retiendront vos commentaires et votre souci de la langue française bien dite et bien écrite. Je vous remercie.

M. Auclair: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, nous vous remercions de nous avoir consacré quelques minutes et nous espérons que cela pourra être utile. Nous vous remercions encore une fois. Au revoir.

Le Président (M. Filion): On peut suspendre quelques minutes avant d'entendre

le dernier groupe, celui des représentants de la ville de Montréal.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

(Reprise à 16 h 2)

Le Président (M. Filion): Bienvenue aux représentants de la ville de Montréal. C'est avec grand plaisir que la commission des institutions vous reçoit dans le cadre de sa consultation générale portant sur l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale. Je demanderais d'abord au représentant de la ville de Montréal de bien vouloir s'identifier.

Ville de Montréal

M. Prescott (Michel): Oui, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs. Je vais vous présenter mes collègues. D'abord, je suis Michel Prescott, conseiller associé au président du comité exécutif de la ville de Montréal, M. Michael Fainstat. Je suis accompagné de Me Jules Allard, à mon extrême droite, directeur adjoint du service du contentieux, de Me Bessette, chef de l'équipe de droit pénal à la Cour municipale de Montréal, et de Me Denis Laliberté, chef de l'équipe de droit criminel à la Cour municipale de Montréal.

M. Bessette, dans un deuxième temps, va faire un exposé plus détaillé des positions de la ville, à la suite de quoi mes collègues et moi-même serons à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Filion): C'est bien. Le cadre général de nos débats très souples est le suivant: une trentaine de minutes vous sont réservées pour la présentation de votre mémoire, suite à quoi nous aurons une période d'environ 60 minutes de discussion avec les membres de cette commission.

Sans plus tarder, j'inviterais donc Me Bessette à faire la présentation. Oui, je vous en prie, M. Prescott.

M. Prescott: Dans un premier temps, je vais faire un exposé très succinct des points saillants du mémoire de la ville. Vous me permettrez d'abord de vous remercier de nous donner l'occasion de nous faire entendre en commission parlementaire.

Dans son mémoire, la ville recommande l'adoption de règles particulières pour les infractions de stationnement et de circulation dans le but de raccourcir les délais de procédure, de diminuer les coûts pour la ville et surtout pour les citoyens et citoyennes, d'accroître la crédibilité du système de perception dans l'utilisation de mesures d'exécution visant à diminuer le nombre de mandats de saisie et d'emprisonnement et, enfin, d'assurer aux citoyens le plein exercice de leurs droits quitte, s'il le faut, à la suite de ces mesures particulières, à prévoir des assouplissements quant aux conditions permettant la rétractation de jugement.

Plus spécifiquement, la ville suqgère l'adoption des mesures suivantes: la signification du constat dans le pare-brise dans les cas d'infractions relatives au stationnement, l'élimination du procès par défaut pour les personnes qui n'ont pas fait parvenir leur plaidoyer à la cour, ta possibilité pour les citoyens et citoyennes de fournir les explications écrites lorsqu'ils plaident non coupables, l'élimination de la présence obligatoire du défendeur à la cour par l'utilisation du procès par écrit, la possibilité d'une requête en diminution de frais pour les personnes qui n'ont pas reçu leur constat d'infraction et qui ont fait l'objet d'une condamnation par défaut - les personnes qui n'ont pas de défense, ne prétendent pas à une défense.

Chose importante dont an a déjà discuté à un niveau plus informel: le non-renouvellement du permis et du certificat d'immatriculation pour les défendeurs qui n'ont pas payé leur amende dans les cas d'infractions de stationnement et de circulation, ce qui pourrait permettre l'abolition du sabot de Denver et la réduction du nombre de mandats de saisie et d'emprisonnement. Nous recommandons enfin la possibilité pour l'agent de la paix d'entrer en tous lieux pour empêcher la continuation d'une infraction relative au bruit.

Je vais demander maintenant à Me Bessette de vous faire un exposé un peu plus détaillé de ces propositions. Je vous remercie.

Le Président (M. Filion): Merci, M. Prescott. Me Bessette.

M. Bessette (Jean-Pierre): M. le Président, dans un premier temps, je voudrais vous demander la permission, demander à cette commission la permission de distribuer certains documents auxquels nous entendons nous référer et qui complètent notre mémoire. Ce sont des documents dont la préparation n'a pas pu être faite antérieurement.

Le Président (M. Filion): II s'agit en quelque sorte d'un supplément à votre mémoire. Est-ce que c'est cela?

M. Bessette: Oui. Dans un premier temps, il s'agit d'un document intitulé Mémoire de la ville de Montréal concernant l'avant-projet de loi... "Annexes". Il s'agit de certains tableaux qui illustrent des points dont nous traitons dans notre mémoire. Dans un deuxième temps, il y a un tableau où on voit, à la partie supérieure... Disons que je

vais attendre que la distribution soit terminée pour attirer votre attention sur ces documents.

Le premier document sur lequel j'attire votre attention, c'est indiqué "Annexes". C'est avec une couverture bleue. Ce sont des tableaux et différentes statistiques auxquelles je vais me référer pendant mon exposé.

Un deuxième document est intitulé "Proposition du ministère de la Justice -ville de Montréal - proposition de la ville de Montréal". Il s'agit d'un tableau qui vise à comparer la procédure actuelle, la procédure prévue par le ministère de la Justice et la procédure demandée par la ville de Montréal relativement aux causes de circulation et de stationnement.

Un troisième document est intitulé "Points saillants du mémoire de la ville". Il s'agit des principales demandes que la ville fait,

II y a un quatrième document où on voit "Article 91"; il s'agit carrément d'un ajout à notre mémoire. Cet ajout concerne la première des autres recommandations, à savoir la possibilité pour l'agent de la paix d'entrer dans un lieu pour empêcher la continuation d'une infraction relative au bruit.

Je vais commencer mon exposé. Compte tenu du peu de temps à notre disposition, j'entends limiter mon exposé verbal aux conséquences pour le contentieux de masse de la proposition du ministère de la Justice, contentieux de masse composé à Montréal principalement par les causes de circulation et de stationnement.

Dans un premier temps, j'attirerai votre attention sur le tableau. C'est à partir de ce tableau, c'est principalement en me référant à ce tableau que je vais faire mon exposé. Si on va dans la colonne de gauche: Système actuel. Les principales étapes du système actuel sont les suivantes: d'abord, le billet de contravention, ensuite, l'avis préliminaire, la sommation, le jugement, le bref de saisie et le mandat d'emprisonnement.

Pour ce qui est du billet de contravention, pour ce qui est des causes en matière de circulation et de stationnement, le nombre total de billets émis par la ville de Montréal pour un an est de 1 324 000, grosso modo. De ce nombre, il y a 1 100 000 causes relatives à des infractions de stationnement et 224 000 relatives à des infractions dites de mouvement. En ce qui concerne le billet de contravention, le taux de paiement est de 61 %. La deuxième étape est l'avis...

Le Président (M. Filion): M. Bessette, à quel endroit voit-on la distinction entre le stationnement et la circulation? Non, non, mais sur le tableau.

M. Bessette: Sur le tableau, cette distinction n'apparaît pas.

Le Président (M. Filion): D'accord. Pourriez-vous me redonner les chiffres?

M. Bessette: Certainement, l 324 000, c'est le nombre d'infractions relatives à la circulation et au stationnement. De ces 1 324 000, 1 100 000 sont pour les billets A ou, si vous préférez, pour les causes relatives au stationnement et 224 000 pour les causes relatives aux infractions de mouvement.

Le Président (M. Filion): Merci.

M. Bessette: À cette première étape, M. le Président, 67 % des gens paient leur amende. La deuxième étape est l'avis préliminaire. À cette étape, nous en avons 414 000. À la sommation, nous avons 200 000 sommations qui donnent lieu par la suite à 100 000 jugements. Je voudrais attirer votre attention, pour ce qui est du système actuel, aux documents en annexe et, principalement, à l'annexe 2 de ce document.

À l'annexe 2 du document intitulé "Cour municipale, ville de Montréal, taux de recouvrement annuel et nombre de dossiers visés à chaque étape de la procédure", on note qu'au niveau du billet de contravention 67 % des gens paient leur amende. Au niveau de l'avis préliminaire, 15 % des gens paient leur amende. Au niveau de la sommation, 6 % des gens paient leur amende. C'est donc dire qu'aux trois premières étapes 88 % des gens paient leur amende. C'est une remarque importante étant donné que le constat d'infraction, qui est la nouvelle procédure prévue dans l'avant-projet ne fait pas que viser, mais remplace de fait ces trois étapes. Par la suite, évidemment, le taux de perception: 1,9 % des amendes sont payées après jugement, 2,3 % au niveau du bref de saisie et 0,9 % au niveau du mandat d'emprisonnement. Notre taux de perception à Montréal est d'environ 93,1 %.

M. Marx: II y en a 12 000 qui sont emprisonnés?

M. Bessette: Payés. Ce sont des gens qui paient leur amende lorsqu'on exécute un mandat d'emprisonnement, lorsque de3 huissiers se présentent à leur domicile pour les arrêter ou que des constables les arrêtent. Ce sont des gens qui paient immédiatement leur amende pour éviter l'emprisonnement.

M. Marx: C'est ça. Combien de personnes sont emprisonnées? 5000?

Le Président (M. Filion): C'est écrit un peu plus bas.

M. Marx: En tout cas... (16 h 15)

M. Bessette: Le nombre de 5000, c'est 5000 mandats d'emprisonnement, et non pas nécessairement 5000 citoyens qui sont emprisonnés ou conduits à l'établissement de détention. J'attirerais également votre attention sur l'annexe 3 qui est une autre annexe importante, mais seulement à la première page de l'annexe qui est intitulée: Évolution des frais. Pour un billet type. Ce sur quoi je voudrais attirer votre attention, pour ce qui est des coûts du système actuel pour le citoyen ou la citoyenne, c'est qu'au niveau du billet... On a un cas type qui a fait l'objet de toutes les procédures, un billet de 15 $ a finalement abouti à un compte de 106 $. Il faut réaliser à quelles étapes ces montants ont été accumulés. Pour ceux qui paient leur billet, bien sûr, il n'y a pas de frais. Pour l'avis préliminaire, dans le système actuel, il y a 5 $ de frais qui se rajoutent au montant du billet. Pour la sommation, 7 $ supplémentaires. C'est donc dire que les trois ordres de paiement qui sont faits coûtent au défendeur 5 $ ou 12 $. Ceux qui paient le billet ne paient pas de frais; ceux qui paient l'avis préliminaire paient 5 $ et ceux qui paient la sommation paient 12 $.

Par ailleurs, dans l'exemple type, lorsqu'un jugement par défaut est passé, l'amende fait un saut de 27 $ à 52 $. Par la suite, s'il y a un bref de saisie, c'est 15 $ de plus; s'il y a un mandat d'emprisonnement par la suite, 82 $ de plus. Comme le mandat de saisie et le mandat d'emprisonnement comportent des frais variables, on se retrouve avec des frais de huissier de 24,60 $.

Ce qui veut dire que pour les trois premières étapes, l'accumulation des frais contre le défendeur était de 12 $, mais à partir du moment où on a passé un jugement par défaut jusqu'au mandat d'emprisonnement, c'est 79,60 $, six fois plus de frais si le défendeur fait l'objet d'une audition par défaut et d'une procédure d'exécution ultérieure.

À cet effet, là où nous sommes quelque peu critiques quant au projet du ministère, quant à nous, ce qui est prioritaire pour diminuer le fardeau très lourd qui pèse sur les épaules du citoyen, ce n'est pas aux 12 $ qu'il aurait fallu s'attaquer, mais plus aux 79,60 $. Les principales caractéristiques du système actuel sont, d'abord, un nombre considérable de billets émis en matière de stationnement. Cela s'explique par le fait qu'à Montréal, notamment, 600 000 véhicules circulent quotidiennement dans les rues de la métropole, dont 300 000 y stationnent l'hiver et 250 000 l'été. Pour 100 voitures qui stationnent dans les rues, il y a un billet de contravention, grosso modo.

Comme deuxième caractéristique, il y a un taux de perception assez élevé, à l'heure actuelle. On perçoit quand même 88 % des amendes au niveau des trois offres de paiement que constituent le billet de contravention, l'avis préliminaire et la sommation. La troisième caractéristique du système actuel, c'est le coût prohibitif des étapes que constituent le jugement par défaut, le bref de saisie et le mandat d'emprisonnement. Au jugement par défaut, l'amende double. On passe de 27 $ à 52 $. Le coût du jugement par défaut est très important dans le système actuel. C'est à cela que nous vous soumettons respectueusement que le projet de loi devrait s'attaquer.

Malheureusement, la proposition faite dans l'avant-projet a les effets suivants. D'abord, aux trois offres de paiement actuellement faites au citoyen pour acquitter son amende, on substitue une seule offre de paiement, soit le paiement par constat. Dans un tel contexte, il nous apparaît évident qu'il est pratiquement impensable que le pourcentage actuel de 67 % augmente au niveau du paiement, au niveau du billet, d'autant plus que dans le projet tel que rédigé, on permet au défendeur, au lieu d'acquitter son billet dans les dix jours, de l'acquitter dans les trente jours, ce qui donne au défendeur tout le loisir d'oublier de payer, finalement.

Nous croyons, quant à nous, à la nécessité du maintien du paiement de l'amende dans les dix jours dans les cas d'infraction en matière de stationnement ou de circulation, d'abord, parce que c'est dans les habitudes des citoyens d'acquitter ces amendes, qu'il n'y a pas de problèmes financiers à le faire, 67 % des gens les acquittent, même 88 % des gens acquittent ces amendes entre le billet d'infraction et la sommation. L'effet du projet de prendre trois offres de paiement et de substituer une offre de paiement va faire en sorte, finalement, qu'on va se retrouver - et c'est ce qu'on a tenté de démontrer dans notre tableau - si on maintient un taux de paiement de 67 % au niveau du constat d'infraction, le même taux de paiement qui existe au niveau du billet... Je ne vois pas comment on peut prétendre que ce taux de paiement pourra augmenter, surtout que la seule mesure qu'on prévoit, c'est finalement une mesure qui aurait plutôt tendance à le diminuer, mais, si on pose l'hypothèse optimiste qu'on maintient 67 % de taux de paiement, il y a une conséquence à cela. Au lieu de nous retrouver, comme dans le système actuel, avec 84 000 jugements par défaut, nous nous retrouverions avec 410 000 jugements par défaut, ce qui fait que 326 000 citoyens qui, à l'heure actuelle, payaient comme frais des montants de 5 $ ou de 12 $, désormais, paieraient des frais de 25 $. Alors, il s'agit d'une mesure... Le système proposé est de nature à augmenter le fardeau des citoyens

et ce fardeau est déjà beaucoup trop lourd.

Dans la deuxième colonne^ la proposition du ministère de la Justice, nous nous trouvons, dans un premier temps... Les conséquences de cela: on part, dans les deux cas, avec 1 324 000 billets ou constats d'infraction et on se retrouve avec 900 000 paiements et, dans le système actuel, ce que l'on note, c'est que - dans la colonne de gauche - la cour n'est pas impliquée - il y a une ligne qui est tirée, après "avis préliminaire" - au niveau du billet de l'avis préliminaire. La cour n'est impliquée... Il n'y a manipulation de papier à la cour qu'au niveau de la sommation: 200 000 sommations.

Dans le système proposé dans l'avant-projet de loi, tel qu'il est, s'il fallait retenir l'hypothèse qu'on nous force à produire devant la Cour municipale des constats payés, nous passerions d'un contentieux de papier de 200 000 à un contentieux de papier de 1 324 000. Si on nous faisait grâce... Je pense qu'on va convenir facilement que l'article 214 doit être rétiré parce qu'il comporte des conséquences réellement drastiques pour le système, mais si on nous oblige, dans chaque cas de jugement par défaut, à produire un constat à la cour vous venez de faire passer notre contentieux de papier de 200 000 sommations à 410 000 constats. C'est ce qui explique les 326 000 personnes qui seraient condamnées par défaut de plus que les 84 000 à l'heure actuelle.

Ce faisant, non seulement va-t-il y avoir 326 000 citoyens qui vont devoir payer 25 $ de frais alors qu'actuellement ils n'en paient que 5 $ ou 12 $, mais les frais de 25 $ sont appelés à augmenter considérablement, étant donné que si on en vient à doubler notre contentieux de papier les coûts de manipulation, les coûts de classement vont augmenter en proportion. Alors, le coût pour passer un jugement par défaut va augmenter, ce ne sera plus 25 $, cela va être vraisemblablement 50 $ à 100 $, ce qui fait qu'un citoyen qui ne paiera pas son constat dans le système proposé, fera l'objet d'une production de doubles à la cour et le coût de cela serait qu'un billet de 15 $ pourrait passer... Le premier compte qu'il recevra alors que le citoyen est habitué d'en recevoir trois, lorsqu'il ne paiera pas à la première étape, c'est 15 $ plus 5 $ et, là, ce sera 15 $ plus 50 $, 60 $, 75 $ ou 100 $. Ce sera assez difficile à expliquer.

C'est pourquoi une de nos principales demandes est de nous opposer à toute forme d'instruction par défaut pour les citoyens qui n'ont pas plaidé et ce, pour trois raisons. La première, c'est qu'il y a deux types de contrevenants. Le premier type, c'est celui qui veut contester et le deuxième, c'est celui qui ne veut pas contester. Celui qui veut contester, on est d'accord, nous donnerons des suggestions tout à l'heure pour augmenter ses droits; or, celui qui ne veut pas contester, nous croyons qu'il a le droit d'être condamné. Il y a deux catégories: ceux qui paient et ceux qui paient à ce moment-ci. On ne voit pas pourquoi on produirait des doubles de constat à la cour, etc., et ceux qui ne donnent pas de leurs nouvelles, ce sont des gens qui ne désirent pas contester et qui ne désirent pas recevoir des comptes exorbitants parce qu'ils font l'objet d'auditions qui entraîneraient manifestement un taux de culpabilité de 100 %.

En effet, en vertu du projet tel que libellé, on doit produire un double du constat devant un juge, une instruction ex parte, alors que le double du constat, pour le libellé de plainte, on n'exige pas de preuve dans l'avant-projet, le libellé fait foi de son contenu et il y a des pouvoirs très larges d'amendement qui sont donnés dans les cas où le libellé de la plainte serait incomplet. Le résultat de cela ne peut être qu'un taux de culpabilité de 100 %. Déjà, à la Cour municipale de Montréal, nous procédons à des procès par défaut sur formule, c'est-à-dire sur rapport d'infraction, là où les juges ont la possibilité d'étudier une preuve. Dans ces cas-là, notre taux de condamnation lorsqu'une personne ne se présente pas, lorsqu'il s'agit d'une instruction par défaut, est de 97,5 % sur plus de 5000 causes.

Dans le système actuel, la première chose que nous remarquons, évidemment, c'est l'augmentation du nombre de jugements par défaut. Si on maintient le même taux de paiement initial, on assiste à une augmentation du nombre de jugements par défaut, à une augmentation du nombre de brefs de saisie d'émis - on passe de 80 000 à 200 000 - et forcément, éventuellement, bien que nous ne puissions pas le prévoir, à une augmentation du nombre de journées d'emprisonnement ou du nombre de mandats d'emprisonnement purgés.

Malheureusement, le projet actuel a non seulement l'impact négatif de ne pas s'appliquer au mal que comportent le jugement par défaut, le bref de saisie et le mandat d'emprisonnement, mais il vise à augmenter le nombre de citoyens qui feront l'objet de ces mesures qui sont extrêmement dispendieuses et cela, pour éliminer finalement deux offres de paiement.

Le système que nous proposons est le suivant: d'abord, dans un premier temps, nous proposons de maintenir les dix jours comme délai de paiement en matière d'infraction de circulation et de stationnement pour éviter une baisse du taux de perception au niveau du constat et peut-être pour provoquer une hausse éventuelle du taux de perception.

Deuxièmement, nous proposons d'éliminer l'étape coûteuse et réactionnaire du jugement par défaut, c'est-à-dire une instruction qui consiste, pour un juge, à

examiner un constat, un libellé d'infraction, ce qui est complètement inutile étant donné que dans aucun cas le défendeur n'a la moindre chance d'être acquitté ou de faire l'objet d'un acquittement. (16 h 30)

Qu'est-ce qui peut se dérouler dans le cas d'un constat de stationnement ou de circulation? D'abord, qu'est-ce que le juge peut vérifier? Que le billet a été émis à Montréal? Notre ordinateur n'aurait pas accepté si cela n'avait pas été le cas. En quatorze ans de pratique à la Cour municipale de Montréal, je n'ai jamais trouvé à la Cour municipale de Montréal de billet qui soit de Québec, de Saint-Jean-de-Matha ou de Chicoutimi. Cela ne se peut pas. Que le billet ne soit pas prescrit? Le billet est déposé sur le pare-brise ou remis en personne. Maintenant, avec le projet qui favorise la signification du constat, le billet sera déposé sur le pare-brise ou remis à une personne. II n'est pas question de prescription et la loi prévoit la possibilité d'interruption de prescription. Qu'il manque des éléments essentiels à un billet pour infraction de stationnement, où on va lire "stationnement interdit", "passer à un feu rouge", avec un numéro d'article... Je voudrais vous référer à l'annexe 3, à la page suivante...

Une voix: La page suivante.

M. Bessette: À la page suivante, l'annexe 3, vous voyez ce à quoi, finalement, ressemble un billet de contravention. Si, en vertu du projet, nous sommes obligés de produire un double du constat dans chaque cas où un défendeur n'a pas plaidé non coupable ou coupable, cela voudra dire qu'à Montréal 410 000 doubles de constats vont être déposés à la Cour municipale par année. Il y a 247 jours ouvrables. Chaque jour, il y aura nécessité d'examiner 1660 constats. Si on suppose que pour vérifier le libellé - à l'article 174, il faut vérifier si le constat est complet - il y a quand même passablement de vérifications à faire, si on suppose une vérification d'une minute par constat, cela veut dire qu'à la Cour municipale de Montréal 28 heures par jour vont être consacrées à ce que des juges s'assoient pour examiner des billets de contravention.

Le Président (M. Filion): 28 heures par jour?

M. Bessette: 28 heures par jour. Une minute par constat, 1660 minutes, 410 000 par année divisé par 247 jours ouvrables, cela donne 1660 par jour, divisé par 60 minutes dans une heure, cela donne 28 heures. Cela veut dire cinq juges à temps plein qu'on va devoir asseoir dans une salle d'audience avec un procureur, salle d'audience qu'on n'a pas encore construite parce qu'on».

Une voix: ...être nommé juqe.

M. Bessette: Je n'en doute pas, mais je ne sais pas si les candidats qui sont intéressés à passer leur vie à examiner cela feraient nécessairement de bons juges. Je suggère que leur candidature devrait être examinée.

Une voix: Attentivement.

M. Bessette: Très attentivement. Nous sommes convaincus que la procédure que nous suggérons, qui est une procédure de bon sens, c'est la procédure de considérer qu'une personne qui ne conteste pas, qui n'envoie pas son billet, est une personne qui... C'est un "no contest". C'est une personne qui plaide coupable. Cette personne, qu'est-ce qu'elle veut? Dans l'arrêt Carson, on a maintenu la procédure qui est prévue en Ontario, qui est une procédure différente de celle que nous suggérons, mais on l'a maintenue à cause de l'article 1, à cause de la limitation normale d'une société libre et démocratique. Est-ce qu'il y a vraiment un citoyen qui peut penser que, lorsqu'il n'envoie pas de plaidoyer, il peut lui arriver autre chose que de recevoir un compte et qui peut s'attendre à autre chose que de recevoir un compte? La surprise pour un citoyen, ce sera de recevoir le compte que l'avant-projet de loi prévoit pour lui. Ce sera la surprise. C'est la société libre et démocratique. Parlez-en à vos électeurs. Expliquez-leur que, s'ils oublient de payer leur constat, avec la proposition du ministère, cela équivaudra à ceci. À l'heure actuelle, pour le billet de 15 $, il y a un rappel de paiement à 20 $. La prochaine nouvelle qu'ils vont apprendre à compter de maintenant, c'est que ce ne sera pas un compte de 20 $ qu'ils vont recevoir; c'est un compte de 65 $.

Expliquez-leur qu'on a fait cela pour respecter, pour permettre, pour prévoir un système. On produit un papier semblable devant un juge où on va lire simplement: "Violation de parcomètre", signé par un PAS ou par un constable, et cela fait preuve de son contenu. Le juge va vérifier que c'est bien émis à Montréal et que ce n'est pas prescrit. II va passer un jugement par défaut et il va falloir que...

C'est une procédure utile, nécessaire, pour le respect des gens. Je dis que les chartes sont là pour servir les droits du citoyen et non pas pour les exploiter par des interprétations qui, à mon avis, sont pour le moins douteuses relativement à la signification des chartes. Dans une société libre et démocratique, il est parfaitement normal de considérer que lorsque quelqu'un ne conteste pas, surtout dans les domaines

de la circulation et du stationnement, cette personne plaide coupable. Ce n'est certainement pas abusif lorsque, à la face même du constat, on indique que, si on ne fait rien, on plaide coupable; il faut qu'il en soit informé. Il s'agit d'une simple convention sociale. Il n'y a pas de renversement de fardeau de la preuve là-dedans; il n'y a pas de présomption de culpabilité là-dedans, il y a simplement une convention sociale, une entente entre l'État et le citoyen dont le citoyen est parfaitement informé. Si tu ne fais rien, tu plaides coupable, tu reçois un compte, un point, c'est tout. II n'y a rien qui va contre la charte là-dedans. On dit, quant à nous, que les tribunaux ne sont pas suffisamment masochistes pour interpréter la charte comme voulant pénaliser le citoyen à ce point. C'est pourquoi nous insistons sur ce point particulier.

La troisième suggestion, c'est la diminution du contentieux de papier. Quant à nous, ce qu'on veut, c'est de ramener les 200 000 sommations qu'on traite actuellement à 14 000. On ne veut produire un double du constat que dans les cas de citoyens qui demandent d'être entendus, de citoyens qui veulent une audition; dans les autres cas, il s'agit d'une procédure totalement inutile et coûteuse.

De plus, nous désirons un mode spécial de signification pour les infractions de stationnement. Ce mode spécial de signification est déjà - nous l'avons indiqué dans notre mémoire - prévu en Ontario, il existe également à New York. L'article 2.02 b de notre annexe 4 l'établit: En Ontario, le mode de signification de dépôt dans le pare-brise... C'est à l'annexe 6 pour ce qui est de la loi newyorkaise et dans notre mémoire, nous avons cité déjà l'article de la loi ontarienne qui prévoit le mode de signification dans le pare-brise. Il s'agit de l'article 16.3 du Provincial Offenses Act. Nous suggérons dans ce cas-ci qu'on admette le principe de la signification par dépôt dans le pare-brise et qu'on puisse, pour les gens qui n'ont pas plaidé, passer jugement par défaut immédiatement.

Quant à nous, par ailleurs, on est absolument opposé - évidemment, pour ceux qui paient, cela règle le dossier, mais pour ceux qui ne paient pas - en principe à l'idée d'envoyer un avis préliminaire ou un deuxième avis et ce, pour les motifs suivants: Nous sommes en faveur d'une politique extrêmement souple de la rétractation de jugement. Â cet effet, après mûre réflexion, nous retirons les commentaires que nous avions faits dans notre mémoire à savoir de baliser la rétractation de jugement. Quant à nous, dans l'extrême majorité des cas, les citoyens qui ont reçu un avis dans le pare-brise ont bel et bien été signifiés et ont reçu signification de cet avis. Pourquoi faire payer à 99 citoyens le coût d'un avis préliminaire pour un cas où un citoyen ne l'aurait pas reçu? Nous croyons que, pour ce citoyen, que la procédure de rétractation de jugement est la procédure appropriée.

Il faut réaliser également que, si nous vous demandons la signification dans le pare-brise, c'est que nous avons des problèmes extrêmement sérieux de signification. À Montréal, chaque année, autour du 1er juillet, environ 100 000 personnes déménagent ce qui fait que, dans le domaine des sommations et des problèmes de significations, chaque année 48 000 sommations, grosso modo, font l'objet de tentatives infructueuses de signification. C'est très important également parce qu'en ce qui concerne les amendes impayées plus de 70 % des amendes impayées le sont pour des infractions de stationnement. Au 31 décembre cette année, nous avions un manque à gagner de 15 000 000 $ et, chaque année, cela augmente d'environ 3 500 000 $ à 4 000 000 $ d'amendes impayées.

À ce moment-ci, nous croyons que la mesure de signification dans le pare-brise, la mesure de jugement par défaut favorise le citoyen autant que l'administration car, après tout, comme on l'a expliqué tout à l'heure, on perçoit 93 % de nos amendes. Donc, dans 93 % des cas, si on élimine l'envoi d'avis préliminaires, le citoyen en bénéficie.

Le Président (M. Filion): Est-ce que vous en avez encore pour longtemps, Me Bessette? Je sais que...

M. Bessette: Non.

Le Président (M. Filion): Il serait intéressant d'entamer la discussion entre les membres de la commission et les représentants de la ville de Montréal, compte tenu que le ministre doit nous quitter, quant à lui, vers 17 h 30, ce qui ne nous empêchera peut-être pas de continuer si on le désire.

M. Bessette: D'accord. Je voulais simplement faire état des autres demandes. Je pense qu'on peut passer à la période des questions.

Le Président (M. Filion): Oui. Bon. Ici, on appelle cela une période d'échange de propos. Les périodes des questions, malheureusement, ont lieu seulement quand le Parlement siège.

M. Bessette: Ah bon!

Le Président (M. Filion): Donc, je voudrais sans plus tarder passer la parole à M. le ministre, quand même pas sans avoir

souligné, au nom des membres de la commission, l'excellent travail de recherche et l'énergie et le temps qui ont été investis dans la préparation de votre mémoire, dans la préparation des tableaux qui nous sont remis et qui nous permettent une bonne compréhension du problème. C'est un problème de masse, finalement. En ce sens, je pense que... Le mémoire également c'est la même chose.

Donc, je vais pouvoir échanger des propos avec vous tantôt. D'abord, évidemment, M. le ministre de la Justice, la parole est à vous.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier la ville de Montréal d'avoir soumis ce mémoire et d'être venue, cet après-midi, présenter ce mémoire. Cela va de soi que la ville est bien équipée. C'est un mémoire de substance qui est divisé, à mon avis, en deux parties: La partie A, c'est l'efficacité; la partie 8, ce sont les droits de la personne. Nous sommes pour l'efficacité dans le respect des droits de la personne et je suis sûr que la ville est du même avis.

Je pense que, pour des infractions, il faut faire une distinction entre des billets de stationnement et des billets de circulation. Les billets de stationnement, c'est un problème. Nous sommes prêts à étudier comment on pourrait faire des modifications dans l'avant-projet pour donner suite aux demandes de la ville dans la mesure du possible.

En ce qui concerne la circulation, c'est une autre paire de manches parce que la personne peut avoir des points de démérite. La ville a le choix de poursuivre, soit en vertu de ses règlements, soit en vertu du Code de la sécurité routière. Ce sont à peu près les mêmes infractions. Souvent, il y a un choix. Donc, je pense qu'il faut faire une distinction entre les deux.

En ce qui concerne les billets de stationnement, je pense que c'est un problème administratif que l'équipe de la ville et l'équipe des fonctionnaires au ministère pourraient discuter pour trouver une façon de régler ce problème à la fois efficace et à la fois respectueuse des droits de la personne. (16 h 45)

J'ai pensé qu'une façon, peut-être, pour les billets de stationnement, s'il n'y a pas de paiement... Vous avez parlé de 67 % des gens qui paient après avoir reçu le billet. C'est cela? Donc, pour le reste, peut-être peut-on combiner l'avis préliminaire et la sommation en envoyant un constat à la personne. Est-ce que cela serait une façon? Parce que je vois que vous envoyez 400 000 avis préliminaires et 200 000 sommations. D'accord? Donc, ce seraient seulement 400 000 constats. Il ne serait pas nécessaire d'envoyer la sommation après, parce que le constat sera que la personne va plaider... Ce seraient 240 000 constats, c'est-à-dire le constat qui sera l'avis et la sommation. C'est ça. Ce sont les deux. Mais c'est une possibilité qu'il faut examiner. Je ne pense pas qu'on puisse discuter cela dans tous ses détails ici aujourd'hui. Je veux vous assurer que le ministère travaille présentement avec le contentieux de la ville pour trouver une façon qui ferait l'affaire de tout le monde. On n'est pas ici pour - comment dirais-je? -bousculer quoi que ce soit. Je pense que vous comprenez cela.

Maintenant, le renouvellement des permis et le renouvellement des plaques d'immatriculation. En ce qui concerne les permis, c'est déjà dans le Code de la sécurité routière. Cela ne relève pas de la Justice. Cela relève plutôt du ministère des Transports. J'ai toujours été favorable à ce non-renouvellement de permis de conduire. J'imagine que cela devrait être possible pour la ville de bénéficier de cette possibilité. Est-ce qu'il y a des pourparlers déjà entre la ville et le ministère des Transports?

M. Prescott: II y en a déjà eu. Me Allard pourrait en témoigner avec plus de précision que je ne puis le faire. L'administration précédente à la ville de Montréal a discuté avec, je pense, les gouvernements, le gouvernement québécois précédent et celui-ci, de cette possibilité. La nouvelle administration, que je sache, n'a pas répété la demande, en quelque sorte, à un niveau plus formel. C'est la première fois qu'on revient à la charge sur cette question. Ce que je comprends, c'est qu'il faudrait doubler nos efforts en ayant des contacts avec le ministère des Transports sur la même question.

M. Marx: Je pense que cela devrait être possible, une fois qu'on aura commencé à utiliser un tel système pour les infractions au Code de la sécurité routière, d'utiliser le même système pour les infractions aux règlements de la ville de Montréal. En ce qui concerne le non-renouvellement des plaques d'immatriculation, cela ne relève pas de moi non plus. Je peux vous dire qu'en principe je serais plutôt favorable à un tel système, mais je pense que cela relève aussi du ministère des Transports. Je ne pense pas que les ordinateurs sont programmés pour faire un tel travail à ce moment-ci. C'est quelque chose à examiner aussi avec le ministre des Transports.

M. Laliberté (Denis): M. le ministre, si vous permettez un commentaire à ce stade-ci...

Le Président (M. Filion): M. Laliberté. M. Laliberté: ...sur ce point. Dans le

cadre de vos discussions avec le ministre Côté, il y aurait peut-être la possibilité de mentionner les arguments suivants sur cet aspect: D'une part, il serait peut-être intéressant, vu la diminution possible des frais selon le système qu'on adoptera, d'autofinancer cette mesure qui sera gérée par la Régie de l'assurance automobile en insérant des frais de 10 $, par exemple, lors du renouvellement des plaques, parce que l'individu aura bénéficié d'une diminution des coûts. Dans ce sens, on pourrait refiler une partie de cette facture au contrevenant.

La deuxième chose, pour limiter le nombre de personnes sujettes à cela, comme dans le cas du sabot à l'heure actuelle, d'une façon administrative on réduit l'application aux gens qui ont trois billets et plus, trois jugements et plus. Le non-renouvellement pourrait s'appliquer, par exemple, à des contrevenants qui ont trois jugements et plus, ce qui ferait en sorte que la majorité des gens qui ont un ou deux billets ne seraient pas visés par cette mesure. Il serait peut-être intéressant d'en discuter avec le ministre des Transports, M. Côté, pour voir s'il ne changerait pas d'opinion sur ce point.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Filion): Oui, Me Allard.

M. Allard (Jules): M. le Président, j'aimerais enchérir sur ce que Me Laliberté vient de mentionner en attirant l'attention de la commission sur l'annexe 6, qui concerne la législation de New York. À l'article 10: "In the event a respondent shall have failed to comply with the provisions of Section 7,08 of these rules in connection with final determinations or judgments - ce qui veut dire: au cas où un jugement est impayé - entered on three or more summonses served within a period of 18 months - on voit qu'il y a des balises, trois dossiers, il ne s'agit pas de sauter sur qui que ce soit après une condamnation - the Bureau shall certify such fact to the Commissioner of motor véhicules of the State of New York." Par la suite, le bureau d'immatriculation avise la personne concernée que son certificat ne sera pas renouvelé. Donc...

M. Marx: II avise que ce ne sera pas renouvelé, d'accord.

M. Allard: C'est cela.

M. Marx: On n'attend pas le renouvellement, on fait cela avant. Oui, c'est intéressant.

M. Allard: C'est cela. Il s'agit d'une mesure qui est certainement moins coûteuse que celle qui consiste à envoyer des huissiers saisir les biens-meubles ou à utiliser le sabot de Denver; on évite de se rabattre sur l'emprisonnement comme c'est le cas dans le moment.

M. Bessette: À ce sujet, M. le ministre, j'aimerais ajouter également qu'actuellement, pour ce qui est du coût de la saisie, plus de 2 000 000 $ par année en frais de huissiers sont dépensés par la ville de Montréal pour exécuter ces jugements. Pour ce qui est du sabot de Denver, c'est, après tout, seulement 13 % de ce qui est perçu par les huissiers, étant donné que les huissiers perçoivent actuellement 3 500 000 $ par année par le mandat de saisie et plus de 1 000 000 $ par année par le mandat d'emprisonnement. Ces mesures, qui sont déjà drastiques, nous apparaissent... Lorsque je disais tout à l'heure qu'on doit s'attaquer au jugement par défaut, au bref de saisie, au mandat d'emprisonnement, il y a simplement deux façons: l'accélération de la procédure, l'élimination du jugement par défaut et le non-renouvellement des permis et privilèges pour les infractions de stationnement et de circulation. Ce sont les seules façons vraiment efficaces, quant à nous, d'aboutir à faire en sorte que les citoyens qui veulent contester le fassent. On a suggéré toute une série de mesures pour faciliter leur contestation, notamment le procès par écrit, le fait de permettre aux citoyens qui ne veulent pas se déplacer à la cour, lorsqu'ils plaident non coupables, de nous faire parvenir leur explication par écrit, ce qui nous permet de les dispenser de se présenter à la cour en étudiant leur version. Ils peuvent nous manifester, si nous ne retenons pas leur version et que nous décidons d'aller plus loin, leur intention que cet écrit puisse servir aux fins de leur procès. On est en faveur d'assurer le maximum de droits aux citoyens.

Pour ce qui est du stationnement, les règles spéciales de signification - on parlait de rétractation tout à l'heure - on est en faveur de cela. J'ai omis de mentionner qu'on préconise non seulement une politique souple quant à la rétractation de jugement, mais également que, sur tout avis de jugement qui est envoyé au défendeur, apparaisse le texte qui permet, qui informe le défendeur de son droit de demander la rétractation de jugement. À ce moment-ci, on croit qu'il n'y aurait pas tellement de personnes qui pourraient s'en plaindre.

M. Prescott: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Filion): Oui, M. Prescott.

M. Prescott: Si je comprends bien, c'est

l'avis du ministre ou du gouvernement, pour revenir à la question du non-renouvellement des plaques d'immatriculation par exemple, que cette mesure devrait se retrouver dans le Code de la sécurité routière plutôt que dans le Code de procédure pénale. C'est bien cela?

M. Marx: Oui, parce que c'est déjà là, cela relève plutôt du ministère des Transports. Je vais prendre contact avec le ministre des Transports, je vais lui écrire, faire état de vos suggestions et faire en sorte de faire avancer le dossier un peu.

M. Prescott: Mes confrères doivent le savoir, les points de démérite s'inscrivent à quelque part immédiatement après le jugement ou? Je vais vous dire pourquoi. Vous soulevez le problème. Vous êtes prêt à ce que les fonctionnaires discutent de cette question, pour ce qui est des contraventions sur le stationnement. Je souhaiterais qu'on élargisse la possibilité d'en discuter, à tout le moins. Je comprends vos hésitations pour ce qui est aussi des contraventions de circulation, des causes de mouvement, comme on le dit...

M. Marx: Je pense qu'il y a une différence entre le stationnement et la circulation.

M. Prescott: Oui, je conviens qu'il y a une différence.

M. Marx: Pour ce qui est de la circulation, le policier peut donner un constat tout de suite et ce serait dans le sens de l'avant-projet du code pénal. Je ne vois pas de problème avec cela. Avez-vous des problèmes avec cela?

Une voix: Absolument pas.

M. Prescott: Voulez-vous dire avec le stationnement ou avec...?

Le Président (M. Filion): Je pense que la question du ministre...

M. Marx: Avec le constat d'infraction pour les causes de mouvement, si vous le voulez.

M. Prescott: D'accord. Je vous dis simplement que nous souhaiterions - cela ne vous engage en rien - que les fonctionnaires discutent de la question des causes de mouvement et peut-être trouverons-nous un moyen de régler l'inconvénient des points de démérite ou de régler d'autres inconvénients du type des causes qui sont plus souvent contestées que les causes de stationnement. Je ne présume de rien, je dis que peut-être, ce serait possible de...

M. Marx: On peut tout discuter, il n'y a pas de problème...

M. Bessette: J'avoue, quant à moi, M. le ministre, que j'ai beaucoup de difficulté a faire... Sur certains aspects, évidemment, les infractions sont différentes et comportent des conséquences différentes.

M. Marx: Juste en passant, les banlieues veulent que leur service de sécurité ait le pouvoir de donner des billets de circulation. Mais cela a été refusé, parce qu'on dit que cela prend un policier, quoique, pour le stationnement, ceia puisse être n'importe qui, cela puisse être votre service, les gens qu'on appelle des aubergines.

M. Bessette: Quant à nous, il n'y a pas de problème de signification au niveau des causes de circulation, étant donné que le constat est remis à la personne. Ce contre quoi nous en avons, c'est que lorsqu'on a la preuve qu'une personne a reçu la signification d'un constat, que cette signification est personnelle et qu'elle décide de ne pas faire parvenir son plaidoyer à la cour, on doive avoir une instruction par défaut en produisant des doubles de constats. C'est contre le jugement par défaut que nous en avons, que ce soit dans les cas de circulation ou dans les cas de stationnement. Quant à nous, la personne qui décide de ne pas contester va être automatiquement déclarée coupable et il n'y a pas lieu d'accumuler des frais contre cette personne.

Si on élimine la nécessité de déposer des doubles de constat dans toutes les causes de stationnement, disons qu'on peut se retrouver avec moins de 410 000 jugements par défaut à passer à la cour, mais, quant à nous, le jugement par défaut est une étape, à l'heure actuelle, et encore plus avec le projet tel qu'il est fait, vu les pouvoirs d'amendement, vu le fait qu'on exige plus de preuve de la poursuite pour qu'une personne soit déclarée coupable. La simple vue du constat fait preuve, la simple signature d'une personne sur un constat, sur un libellé de plaintes permet à un juge de condamner... La vérification d'un constat de papier par un juge, la tenue d'un jugement par défaut traditionnel avec un juge, un procureur et tout le reste, c'est une mesure qui nous apparaît très négative, à la fois pour l'intérêt du défendeur que pour celui du poursuivant. (17 heures)

M. Marx: Juste une question. Peut-on avoir deux systèmes pour la même infraction? Je m'explique. Supposons que quelqu'un est pris pour excès de vitesse, le policier pourrait lui donner une contravention en vertu d'un règlement de la ville de Montréal ou en vertu du Code de la sécurité routière. Est-ce qu'on peut avoir deux

systèmes? Suivant la contravention que le policier lui donne, il a plus ou moins de droits.

M. Bessette: Quant à moi, cela doit être uniforme pour la circulation et pour le stationnement.

M. Marx: Pour le règlement de la ville et pour le Code de la sécurité routière.

M. Bessette: Quant à moi, il n'y a pas de différence. De toute façon, ce sont les même9 amendes qui sont prévues, c'est le même nombre de points de démérite, c'est la même procédure.

M. Marx: C'est le même système.

M. Bessette: Certainement. Le système que nous proposons, c'est justement éliminer l'étape du jugement par défaut dans tout le contentieux de masse. '

M. Marx: Pour les infractions du Code de la sécurité routière aussi?

M. Bessette: Oui. Pourquoi faire payer 25 $ à quelqu'un pour quelque chose qui ne lui donne strictement rien, pour une procédure qui ne peut conduire qu'à sa condamnation? Comment peut-on expliquer à un citoyen qu'on lui donne un droit, alors qu'on sait pertinemment bien que l'exercice de ce droit conduit, dans 100 % des cas, à une déclaration de culpabilité? C'est lui imposer des coûts et ne rien lui donner en retour. Ce sont des droits qui sont abstraits et qui ne sont voulus par personne dans une société libre, démocratique, etc.

Le Président (M. Filion): Merci, M. Bessette. M. Prescott, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Prescott: Un court commentaire, M. le Président. On est en train d'avoir des discussions. Il est intéressant qu'on en tienne déjà un peu, qu'il y ait des fonctionnaires ou des gens qui s'y connaissent plus que moi. Je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais on a palié de rétractation tout à l'heure. II nous apparaît important de noter une chose. La procédure qui est proposée par la ville vise à simplifier la procédure, à réduire les coûts pour la ville comme pour les citoyens et citoyennes, davantage pour les citoyens et les citoyennes - je fais un calcul non vérifié, si vous le permettez. La procédure que l'on suggère représente une économie de 2 200 000 $ à 2 400 000 $, selon le nombre de personnes qui seraient trouvées coupables par rapport à la procédure actuelle, si on s'arrête au jugement. Les citoyens et les automobilistes ont intérêt à avoir d'abord une justice pleine et entière, qu'on ne lèse pas leurs droits, qu'ils n'aient pas à payer plus ou moins inutilement pour des formalités juridiques dont les intentions sont bonnes, sans doute, mais finalement pas vraiment utiles.

Peut-être qu'il y a une piste de solutions dans le cas du contentieux de masse. Pour ce qui est de l'autre contentieux, le libellé de l'article, à la paqe 89, sur la rétractation nous satisfait. Dans le cas du contentieux de masse, peut-être qu'on devrait penser à une formulation plus libérale encore, quant à la rétractation, y compris pour les infractions de circulation et peut-être - et encore là je réfléchis tout haut -que les points de démérite ne devraient être inscrits au dossier du défendeur qu'après le délai de demande de rétractation passé. Si les points de démérite n'étaient inscrits au dossier de l'individu qu'après le délai de rétractation passé, on se retrouverait devant la situation où l'automobiliste, n'ayant rien fait, subirait un jugement, mais aurait encore la possibilité de demander une rétractation plus facilement qu'actuellement, précisément plus libéralement du fait qu'on est allé un peu vite dans les procédures préliminaires.

M. Bessette: Pour compléter cette idée, ce que nous favorisons, dans la proposition de la ville, c'est l'envol de deux avis de juqement, dont le deuxième se ferait par poste certifiée. Administrativement, ce qu'on envisage, si on peut réviser la proposition de la ville, c'est ceci: d'abord, la procédure prévue serait d'abord le constat d'infraction, le dépôt d'un avis sur le pare-brise. Peut-être pour bien se comprendre, peut-on réviser très rapidement l'ensemble de la procédurer qu'on suggère. D'abord, l'émission d'un constat pour le stationnement et signification dans le pare-brise. Pour la circulation, signification à la personne. On présume que 900 000 vont payer, les mêmes 67 % qu'ils paient à l'heure actuelle. Il y en a 410 000 qui ne plaideraient pas, et les mêmes 14 000 qui plaident non coupables à l'heure actuelle, plaideraient non coupables.

Dans le cas de défaut de plaider, évidemment, on préconise, qu'ils soient considérés avoir plaidé coupables, et que ce soit une convention inscrite au constat. Une fois que c'est signifié, les gens savent que, s'ils ne font rien, ils plaident coupables. Ils ne sont pas surpris s'ils ont un juqement contre eux. Tout simplement, ce qu'on préconise, c'est que le greffier de la cour produise devant le juge une requête avisant le juge que des personnes se sont vu signifier des constats et qu'elles n'ont pas fait parvenir leur plaidoyer, et demandant jugement contre ces personnes.

Par la suite, on préconise, évidemment pour ceux qui plaident non coupables, le plaidoyer avec explication, le procès par écrit. Après cela, évidemment, on se

retrouverait avec 416 000 avis de jugement contrairement au système actuel où il y en a 100 000. Notre intention, dans un premier temps, c'est d'envoyer un avis de jugement par la poste ordinaire avec un délai de paiement et au lieu de frais de 25 $, 40 $, 50 $ ou 75 $ qu'occasionnerait le maintien d'un jugement par défaut avec un contentieux de papier doublé par deux, on prévoit que le premier avis de jugement ne serait que de 8 $ supérieur au montant initial du billet.

Par la suite, si cet avis de jugement, comme il correspond grosso modo à l'étape de l'avis préliminaire, était payé à 50 % comme l'étape de l'avis préliminaire, on se retrouverait alors avec 200 000 dossiers et pour les 200 000 dossiers qui resteraient, on préconise l'envoi d'un deuxième avis de jugement, le but étant de récupérer les trois offres de paiement initial et, évidemment, de diminuer le nombre de brefs de saisie que nous aurions à émettre et le nombre de mandats d'emprisonnement. Le premier avis de jugement que nous enverrions serait par la poste ordinaire. S'il y a une nouvelle adresse, on fait un nouvel envoi par la poste ordinaire. Mais, si on ne reçoit pas de nouvelles, nous favorisons l'envoi d'un deuxième avis de jugement, mais cette fois-ci, par poste certifiée ou par huissier. Cela ajouterait simplement 5 $ supplémentaires» Tout cela pour limiter le nombre de brefs de saisie émis. Le système que nous préconisons diminuerait de façon draconienne les frais actuels payés et comme ce qu'on préconise, quant à nous, augmente plutôt le système actuel, nous, nous vouions le diminuer.

Diminuons le contentieux de papier, diminuons les étapes inutiles et faisons en sorte de favoriser les droits du défendeur qui veut contester, en lui donnant toutes les chances de le faire. Mais, au niveau des avis de jugement, ce qu'on préconise, c'est que l'avis de jugement contienne le texte de la rétractation, que ce texte apparaisse, étant donné qu'on préconise que la loi prévoie que la personne qui ne plaide pas plaide coupable. Comme la seule objection pratique qu'on peut faire vraiment à cela, c'est la possibilité qu'il n'y ait pas de signification, que le constat n'ait pas été signifié dans le cas de stationnement ou qu'il y ait eu des problèmes de signification, qu'on envoie un avis de jugement avec le texte de rétractation et qu'on retarde, s'il y a lieu, par poste certifiée, un deuxième avis de jugement et qu'on retarde, s'il y a lieu, l'inscription des points jusqu'à ce qu'il y ait eu une preuve qu'un avis de jugement a été signifié et que la personne n'a pas demandé rétractation. C'est beaucoup moins cher, beaucoup moins dispendieux, beaucoup moins onéreux et beaucoup plus juste qu'un système qui prévoit des jugements par défaut automatiques, pratiquement, sans aucun avis au citoyen.

M. Prescott: Un dernier commentaire, M. le Président, complémentaire ou additionnel. Dans la procédure actuelle, si on s'arrête au moment du jugement et sans entrer dans l'après-jugement, c'est-à-dire dans les preuves de saisie, il en coûte, en frais, à un automobiliste 37 $, c'est-à-dire 5 $ d'avis préliminaire, 7 $ de sommation et 25 $ de jugement, donc un total de frais de 37 $ qui s'ajoutent à la contravention. La procédure que nous proposons fait en sorte qu'une somme de 8 $ seulement s'additionne à la contravention.

Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre.

M. Marx: Je veux juste assurer les représentants de la ville et le conseiller Prescott que nous allons tenir compte de la partie B de votre mémoire. Elle sera analysée par nos juristes et on va tenir compte de vos suggestions en ce qui concerne tous les articles mentionnés dans la partie B. En ce qui concerne le contentieux de masse, j'aimerais suggérer que les fonctionnaires du ministère se réunissent avec les fonctionnaires de la ville, les juristes de deux contentieux pour travailler sur ce dossier et trouver, comment dirais-je, un système qui soit efficace et qui respecte les droits de la personne en même temps. Je pense que cela devrait être possible. Vous allez avoir notre collaboration à 100 %.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre.

M. Laliberté: M. le Président...

Le Président (M. Filion): Me Laliberté.

M. Laliberté: Je comprends que M. le ministre doit quitter, c'est cela? Non? D'accord. J'aurais peut-être des commentaires à faire sur d'autres propositions qu'on n'a pas touchées et qui portent sur des droits additionnels aux contrevenants. Je pense, entre autres, au procès par écrit. On en parle un peu comme cela, mais, ce dont le contrevenant se plaint, c'est de trois choses, en somme: II y a le délai trop long pour faire valoir ses droits. Entre l'émission du billet et le jugement, il s'écoule souvent un délai d'une année. L'avant-projet de loi règle, en bonne partie, les questions de délais; il raccourcit énormément ces délais.

Le deuxième point dont les citoyens se plaignent habituellement, ce sont les coûts énormes, en bout de ligne, par rapport au billet original. On en a traité suffisamment, mais il y a un troisième point aussi dont les gens se plaignent souvent en matière de circulation, ce sont les déplacements inutiles

à la cour. On n'y touche à peu près pas dans le projet de loi ou dans l'avant-projet de loi et on a des propositions fermes à vous faire là-dessus. Il y en a une partie qui est visée dans le projet de loi, c'est l'abolition de la comparution physique d'une personne. Nous aimerions aller plus loin que cela. Notre expérience démontre, avec le volume qu'on a, qu'il y a des gens qui nous écrivent et qui nous fournissent des explications, mais il n'y a rien d'officiel, il n'y a rien de vraiment légal qui sous-tend une telle position.

Ce que l'on aimerait, c'est étendre ce qui existe déjà dans la Loi sur les poursuites sommaires, c'est-à-dire le témoignage par écrit pour le policier. Le témoignage par écrit n'est pas dans nos moeurs, sauf en matière de poursuites sommaires. Notre position, à la ville, c'est d'étendre ce principe aussi au défendeur, pour le citoyen. Bien souvent, les gens doivent venir deux fois, une fois pour la comparution, une fois pour le procès. Si on élimine la comparution, il reste encore le procès. On sait que, sur 14 000 cas, il y a à peu près 8000 acquittements. Pourquoi y a-t-il 14 000 personnes qui doivent se présenter? C'est parce qu'il n'y a pas d'autres possibilités, il n'y a pas d'autres mécanismes qui permettent au poursuivant de vérifier les explications de cet individu et nous nous rendons compte, après une évaluation, que, dans bien des cas, on aurait retiré la plainte purement et simplement.

Actuellement, on est obligé de forcer le citoyen à se présenter devant un juge pour faire part de ces explications. Ce qu'on aimerait voir inclus dans le projet de loi, c'est qu'on étende la possibilité d'explication au plaidoyer de non-culpabilité et pas seulement à la sentence et, en plus, que ces explications servent de témoignage au procès, si le défendeur veut s'en servir comme témoignage et s'éviter une présence à la cour. Cela ne veut pas dire abolir la présence du contrevenant à la cour, il aura le choix de se présenter ou non. (17 h 15)

Mais pour les personnes qui demeurent à l'extérieur, il serait agréable qu'elles puissent fournir leurs explications par écrit; nous mettrons un mécanisme d'évaluation de ces plaintes et, si on maintient la plainte, le défendeur fera son choix: soit qu'on prenne ces explications qui seront étudiées par un juge de la même façon que le juge étudie le témoignage du policier par écrit ou il aura le choix de se présenter devant le tribunal. Je pense qu'il serait intéressant d'incorporer cela dans la loi aussi, si on faisait une refonte en profondeur de la Loi sur les poursuites sommaires.

Deuxième point. On a parlé de rétractation de jugement, mais il y a aussi la requête en diminution de frais. Notre expérience de ce type de contestation, c'est que les gens qui n'ont pas reçu, soit le billet soit l'avis préliminaire, soit la sommation, mais qui n'ont pas de défense pour le billet et qui n'ont pas de requête en diminution de frais, disent: Je suis coupable de l'infraction, sauf que j'aimerais payer le billet original, les 20 $ au lieu des 52 $. On les force au fond à se présenter devant un juge, à plaider non coupables, alors que ces gens veulent plaider coupables, sauf qu'ils auraient aimé payer le billet ou l'avis préliminaire. Si on incorporait un mécanisme prévoyant la requête en diminution de frais, je pense qu'on réglerait une bonne partie du problème pour les citoyens.

Le Président (M. Filion): J'aimerais vous remercier Me Laliberté. De mon côté, je me pose quelques questions eu égard au tableau. Vous avez dit que sur environ 1 320 000 billets, environ 1 100 000 sont relatifs au stationnement et 224 000 relatifs à la circulation. Le pourcentage grosso modo de ceux qui règlent leur billet de stationnement et de circulation est de 67 %. Ma question est la suivante: dans vos statistiques, n'auriez-vous pas, par hasard, la distinction entre stationnement et circulation, à savoir s'il n'y a pas plus de gens qui règlent immédiatement leur billet de circulation et que ce sont les billets de stationnement qui sont moins payés, si on veut, ou vice versa ou si, mathématiquement parlant, statistiquement parlant, c'est à peu près le même pourcentage? Oui, Me Bessette.

M. Bessette: Le taux de contestation -ce à quoi vous faites référence - est très différent en matière de circulation et en matière de stationnement. Pour ce qui est des causes de stationnement, seulement 0,25 % des citoyens qui se sont vu émettre un billet de contravention plaident non coupables et contestent leur cause. Pour ce qui est des causes de circulation, entre 2,50 % et 2,60 %, je crois, contestent leur billet de contravention. Le taux de contestation n'est pas très élevé, mais il est de 10 à 1. C'est tellement vrai que j'ai fait faire une vérification récente des sommations que nous traitons à la Cour municipale et, comme vous voyez au départ, 1 100 000 comparées à 224 000, c'est 5 pour 1, mais lorsqu'on parle de la sommation, c'est 60-40; 60 % des 100 000 sommations impayées concernent le stationnement et 40 % concernent la circulation.

Lorsqu'on parle des procès contestés à la Cour municipale, six sur sept sont contestés; les 14 000 procès contestés le sont pour des infractions de mouvement et de circulation. Évidemment, comme Ies infractions de mouvement comportent des points de démérite et des amendes plus sévères, les gens ont tendance à les payer peut-être moins vite. Il y a des gens qui ont

des petits problèmes avec les points de démérite. Un feu rouge, je pense que c'est trois points. Alors, il y a des gens qui retardent autant que possible le paiement de leurs amendes ou l'enregistrement d'un plaidoyer de culpabilité pour des infractions de mouvement. Les proportions sont très différentes.

M. Laliberté: M. le Président.

Le Président (M. Filion): Oui? Me Laliberté.

M. Laliberté: Écoutez, je m'excuse de prendre les devants et de ne pas attendre les questions. Si vous me permettez de sortir un peu du contentieux de masse que sont la circulation et le stationnement, il y a deux points importants aussi dans le reste du mémoire, qu'on n'a absolument pas touchés. Je pense qu'on doit le mentionner . immédiatement.

Il y a d'abord la question pour l'agent de la paix d'entrer dans des milieux privés. Le problème à Montréal, c'est qu'on a le règlement sur le bruit. Ce sont là les problèmes de "party", tard le soir. L'agent de la paix, bien souvent, n'a d'autre choix que d'entrer dans la maison privée pour mettre fin à cette infraction. Présentement, l'avant-projet de loi tel qu'il est rédigé empêcherait l'application de notre règlement municipal à ce niveau. On n'a aucun autre recours pour régler ce sérieux problème de bruit.

L'idée d'empêcher les agents de la paix d'entrer dans des endroits privés, c'est excellent. On l'a prévu dans les cas de santé des gens. Il faudrait peut-être aussi élargir ce critère à un point additionnel, le bruit. C'est un cas de nuisance publique. Je pense qu'il n'y aurait pas trop de difficulté à ce stade-ci de le prévoir dans l'avant-projet de loi. Ce serait nécessaire de le mettre. Sans cela, on n'a aucun autre recours pour régler nos problèmes de bruit à Montréal.

Le deuxième point, c'est l'arrestation sans mandat et la non-obligation pour le policier d'avoir le mandat d'arrestation en sa possession. À ce stade-ci, la position de la ville, c'est qu'à tout le moins, il faudrait baliser ce genre de procédure en incluant, par exemple, l'obligation pour le policier d'offrir la possibilité de paiement immédiat sur les lieux, ce qui ne se fait pas à l'heure actuelle.

On ne propose pas que le policier soit obligé d'avoir le mandat d'arrestation, mais, à tout le moins, qu'il offre le paiement immédiat. Ainsi, si quelqu'un est arrêté sur un stop ou sur un feu et que le constable, en remplissant les papiers, se rend compte que cet individu a un mandat, il devrait à tout le moins offrir le paiement immédiat pour permettre au citoyen de continuer son chemin sans être obligé, tel qu'il existe présentement, de l'amener au poste de police et de lui faire perdre une heure, deux heures ou trois heures.

Deuxième chose, si on ne fait pas payer sur les lieux, on propose que l'individu en question soit déféré immédiatement à l'établissement de détention sans passer par le poste de police. Présentement, ces gens sont en transit dans un poste de police. On attend, par exemple, à Montréal que quelqu'un soit disponible pour aller chercher le mandat d'emprisonnement au SPCUM dans le centre-ville; on l'envoie au poste de police et l'individu, à la fin de la soirée, est transféré à Bordeaux.

On devrait prévoir un mécanisme, soit des renseignements par écran après enquête au CRPQ, etc., pour que l'établissement de détention puisse retenir immédiatement cet individu, quitte à recevoir le mandat par la suite ou quitte à recevoir une confirmation par télex ou d'une autre façon de l'existence du mandat.

Pour l'instant, il n'y a rien de prévu en ce sens. Je pense que ce serait nécessaire pour éviter le problème des gens qui veulent payer immédiatement quand il y a un mandat d'arrestation. Présentement, ils ne peuvent pas le faire et, avec l'avant-projet de loi, ils ne pourront pas le faire non plus. Cela est important. On sort un peu du cadre du contentieux de masse, mais ce sont deux points auxquels on tient énormément à la ville de Montréal.

Le Président CM. Filion): Je vous remercie de ces précisions qui sont déjà contenues dans votre mémoire. Je pense que c'est une bonne chose que vous puissiez renchérir verbalement.

En ce qui concerne le non-renouvellement des plaques et des permis, est-ce que vous avez bien examiné le nouveau Code de la sécurité routière qui était à l'étude ici, au Parlement, avant l'ajournement de nos travaux, c'est-à-dire l'automne dernier?

M. Bessette: Ce qui est prévu au Code de la sécurité routière, grosso modo, c'est le non-renouvellement du permis de conduire pour les infractions de circulation seulement. Il s'agit, quant à nous, d'une mesure qui ne correspond pas du tout aux besoins réels en ce qui concerne le non-paiement des amendes. D'abord, 70 % de nos amendes impayées le sont pour des infractions de stationnement et on atteint un montant de 15 000 000 $, cette année. À ce moment-ci, également, te permis de conduire, c'est à tous les deux ans. Il y a également le fait qu'il est beaucoup plus facile de conduire sans permis de conduire que de conduire sans certificat d'immatriculation. Si vous n'avez pas de plaque, vous vous faites arrêter; sans permis de conduire, ce n'est pas une garantie

de sanction, d'autant plus que les personnes qui sont accusées devant les tribunaux de conduire sans permis de conduire, lorsque l'absence d'un permis de conduire vient d'un avis de suspension, la plupart du temps, contestent la réception de l'avis de suspension et, comme il n'y a aucune présomption, dans la loi, de la réception des avis de suspension, la défense habituelle, consiste à dire qu'on ne l'a pas reçu et à en contester la réception. Cela réussit dans la grande majorité des cas. C'est pour cela qu'on suggérait, dans le mémoire, de faire en sorte que, lorsqu'on envoie un avis par poste certifiée ou poste recommandée, une personne ne peut pas dire qu'elle ne l'a pas reçue, à moins qu'elle fasse la preuve: a) qu'elle était déménagée à ce moment-là; b) qu'elle était en loi avec la province, c'est-à-dire qu'elle avait signifié à la province son changement d'adresse. Quant à nous, le non-renouvellement du permis de conduire pour les infractions de circulation, c'est à tous les deux ans et, donc, d'une efficacité très limitée et cela vise simplement 30 % de nos amendes impayées. Ce n'est pas une mesure qui nous emballe tellement. C'est mieux que rien, mais ce n'est pas cela qui est le gros du problème.

Le Président (M. Filion): Oui, M. le conseiller Prescott.

M. Prescott: Apparemment, je pense que la modification au Code de la sécurité routière s'est faite avant les dernières élections et il semble que la ville de Montréal n'ait pas eu l'occasion, ou qu'on ne lui ait pas demandé son avis, à savoir si de telles mesures devaient être incluses ou non dans le Code de la sécurité routière.

Le Président (M. Filion): En ce qui concerne le non-renouvellement à la fois des permis et des plaques, il faudrait quand même signaler ceci: Le non-renouvellement du permis de conduire - je suis convaincu que vous allez le remarquer bientôt devant les tribunaux - va amener un nombre grandissant d'accusations de conduire sans permis de conduire. Continuer à conduire avec un permis suspendu, que ce soit son propre véhicule ou le véhicule d'un autre, à un moment donné, il va falloir que cela arrête quelque part, cette chaîne. Je prédis quand même un nombre grandissant d'accusations sur cette base.

En ce qui concerne le non-renouvellement des plaques, je dois vous dire que j'ai été frappé par ce que vous nous avez exhibé dans l'annexe VI ou VII de votre mémoire, à savoir, d'abord, un nombre minimal de contraventions et la dernière suggestion que j'avais entendue lors d'une commission parlementaire et venant du ministre des Transports ne tenait pas compte, à mon sens, du fait que n'importe qui peut avoir un billet, à un moment donné, mais que trois billets, c'est quelque chose qui est quand même différent et qui justifie peut-être des mesures un peu plus draconiennes. En ce sens, je suis heureux des représentations de la ville qui font une distinction entre recevoir un billet et en avoir trois. Oui, Me Allard, je vous en prie...

M. Allard: M. le Président, je ne voudrais pas vous interrompre. Je voudrais simplement ajouter sur le thème que vous développez, en vous référant à l'annexe V qui consiste en un extrait de quelques pages d'une dizaine de volumes qui ont au moins un pouce d'épaisseur chacun et qui renferment la liste des contrevenants. Pour des raisons évidentes, nous avons camouflé le nom des personnes qui pourraient être concernées. Vou3 remarquerez certains exemples de contrevenants qui accumulent des contraventions depuis 1980, je pense, à la première page de cette annexe V et qui ont circulé jusqu'en 1986, sans payer leurs amendes. Il y a des mandats d'emprisonnement, il y a des brefs de saisie contre ces individus et, s'ils ont continué de circuler, c'est grâce à la générosité de l'État qui continue de leur fournir leur permis de conduire et leur plaque d'immatriculation. Je pense qu'un système semblable est aberrant. M, le ministre, je vous invite à vous servir de ce document supplémentaire quand vous écrirez à M. Côté. (17 h 30)

M. Marx: Je me servirai de votre livre au complet.

M. Allard: En plus.

M. Marx: II est très passionnant.

M. Allard: J'aimerais ajouter également que cette proposition a été reprise également par le comité d'étude Landreville que vous connaissez sur les solutions de rechange à l'incarcération.

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Filion): Je vous pose une question, messieurs. Advenant le cas où le gouvernement, et non pas le Parlement commence à dégager une politique un peu plus resserrée, un peu plus sérieuse, notamment en matière de restrictions quant à la délivrance du permis de conduire, le renouvellement des plaques d'immatriculation, etc., est-ce que vous seriez d'accord pour supprimer l'emprisonnement pour des contraventions et des sanctions à des infractions dans le cas du stationnement et de la circulation? Me Allard?

M. Allard: Je pense que cela va avoir

cet effet dans 90 % des cas. II va vous rester peut-être un certain pourcentage d'irréductibles qui vont conduire, comme on le disait tout à l'heure, sans permis, que vous allez peut-être prendre au volant de véhicules, même sans plaque d'immatriculation. Il va falloir se résoudre, comme vous l'expliquiez tout à l'heure, M. le Président, à faire quelque chose dans ces cas-là. Cela pourrait être la saisie du véhicule ou la confiscation du véhicule, si on ne veut pas aller jusqu'à l'emprisonnement. Mais on n'aura pas le choix: si on veut que la loi soit respectée, il va falloir se résoudre à une solution ultime. Cela pourrait être encore l'emprisonnement, mais si on réduisait la sanction au stricte minimum, ce serait mieux.

Le Président (M. Filion): Évidemment, ce n'est pas la ville de Montréal qui doit assumer les coûts de la personne qui est dans une prison québécoise par suite du défaut de payer une amende et par suite du refus, dans bien des cas, de fournir la prestation de services compensatoires ou communautaires. Une fois que le prisonnier est en prison, c'est l'État québécois qui doit payer et cela lui coûte plus de 80 $ par jour pour des billets de contravention qui valent moins que cela dans bien des cas. Néanmoins, j'en ai parlé moi-même tout à l'heure, il est évident qu'il faut faire autre chose que des discours quant aux mesures alternatives à l'emprisonnement, si on veut carrément tenter de refermer l'avenue qui mène à la prison pour des simples infractions aux règlements de circulation, aux règlements de stationnement. Juste une question à Me Laliberté. Il a soulevé tout à l'heure, d'une façon très intéressante, la question des représentations possibles par écrit lors d'un plaidoyer de non-culpabilité. Est-ce que la ville a envisagé quelle sorte de réaction pourrait provenir de la Cour municipale si les représentants de la couronne municipale jugeaient que les explications écrites du défendeur sont satisfaisantes? Par exemple, de quelle façon le contrevenant présumé pourrait être informé de la décision de la ville? Supposons que ces explications soient satisfaisantes, qu'il n'y ait pas de procès et que la couronne n'aille pas plus loin, en deux mots, est-ce qu'un avis serait envoyé?

M. Laliberté: À l'heure actuelle, nous tentons, à la Cour municipale, un projet pilote, sans avoir d'appui législatif, mais on a quand même tenté une expérience pilote pour vérifier quel était l'impact sur le taux de contestation des contraventions et pour voir s'il n'y a pas une augmentation radicale du taux de contestation. Une augmentation de 0,25, c'est doubler nos procès à la Cour municipale et cela veut dire doubler finalement la ressource judiciaire.

Deuxièmement, l'expérience porte aussi sur la vérification du type d'explication qu'on .recevrait de la part des défendeurs si on en avait. L'expérience n'est pas terminée, mais à l'heure actuelle, il n'y a pas d'effet majeur sur le taux de contestation. L'éventail des explications est assez large. À un moment donné, il va falloir faire des catégories à ce niveau et déléquer un peu l'évaluation de ces catégories, soit au service émetteur du billet ou à la ressource judiciaire. Maintenant, ce sont des résultats qu'on doit prendre un peu avec réserve parce qu'il n'y a pas eu de publicité. Alors on ne connaît pas l'effet d'une telle mesure s'il y a de la publicité à ce niveau.

Chose certaine, on a établi un mécanisme à cette occasion: on a changé notre sommation en permettant aux gens de fournir des explications et en fournissant un endroit spécifique pour qu'ils puissent fournir les explications. Ces gens retournaient le tout à la Cour municipale. Une évaluation a été faite. On envoyait un avis par la poste, soit du retrait de la plainte, soit de la date d'audition s'il y avait un procès qui, finalement, était nécessaire parce qu'on maintenait la procédure. En ce sens, ce n'est pas grand-chose. Au niveau administratif, il n'y a rien de dispendieux à changer la formule ou le formulaire.

Le Président (M. Filion): D'accord. Me Bessette, vous voulez ajouter quelque chose.

M. Bessette: Je pourrais compléter la réponse qui a été donnée par Me Allard relativement à l'abolition de l'emprisonnement. Deux points là-dessus. D'abord, je pense que je parle au nom de tous mes collègues, en disant que la ville de Montréal est complètement opposée en principe à l'emprisonnement pour défaut de paiement d'amende comme moyen habituel de percevoir des amendes. Nous n'emprisonnons que dans 0,4 % des cas. Nous faisons tous les efforts pour percevoir nos amendes autrement. Notamment, j'attire votre attention sur les points saillants du mémoire, la proposition no 7: ta possibilité pour le percepteur de conclure des ententes de saisie ou d'offrir des travaux compensatoires même après l'émission d'un mandat d'emprisonnement. Le mandat d'emprisonnement, finalement, M. le Président, c'est dans le cas où on ne sait pas où la personne est.

Dans la très grande majorité des cas, on peut communiquer avec la personne, et lorsque, après l'avis de jugement, on remet un bref de saisie à l'huissier et qu'il visite à domicile la personne pour tenter de percevoir, dans la très grande majorité des cas, on en arrive à des ententes. C'est ce qui explique 0,4 %. On n'emprisonne pratiquement pas. Que voulez-vous, il y a des gens qui ne font pas leur changement

d'adresse. On ne sait pas où ils sont. Ils ne veulent pas de délai. Ils n'en demandent pas. On ne peut pas les saisir, on - ne connaît même pas leur adresse et ils ne se donnent même pas la peine de faire leur changement d'adresse à Québec. Qu'est-ce qu'on peut faire? On émet un bref de saisie avec possibilité de saisir le véhicule au moyen du sabot, si on trouve la personne. Mais, au bout d'un certain temps, après trois mois, quand on ne l'a pas trouvé - il y a certains contrevenants qui n'ont plus de véhicule ou qui n'ont pas de véhicule - qu'est-ce qui reste? Qu'est-ce qu'on fait dans ce cas? La seule chose qu'an peut faire, c'est émettre un mandat d'emprisonnement.

Nous disons que l'émission d'un mandat d'emprisonnement, c'est la seule procédure qui existe, mais cela ne devrait pas être considéré comme annulant toutes les autres possibilités. Après avoir envoyé le mandat d'emprisonnement et après l'avoir inscrit au CRPQ, si finalement on retrouve la personne et qu'on l'arrête dans l'exécution du mandat d'emprisonnement, il devrait y avoir possibilité encore pour le percepteur d'offrir un délai, d'offrir des travaux compensatoires ou, s'il la trouvait en possession de biens, de procéder à la saisie.

Dans un contexte semblable, il nous apparaît que les seules personnes qui iraient en prison finalement seraient celles qui envoient promener tout le monde et qui refusent de prendre quelque arrangement que ce soit. Ce sont des gens qui refuseraient de faire des travaux compensatoires, qui refuseraient de payer l'amende, qui refuseraient de prendre des arrangements. Pourquoi ne pas emprisonner ces gens? Je vous pose la question. Comment pourrait-on justifier aux 88 % qui paient la sommation et qui paient aux autres niveaux des montants qui sont assez prohibitifs dans certains cas, comment pourrait-on justifier à ces gens le fait qu'on les laisse aller comme le résidu du système, et qu'ils se permettent, eux, d'envoyer promener tout le monde? Je ne vois pas.

Le Président (M. Filion): D'accord. En terminant, je voudrais souligner que la requête en diminution de frais, si je comprends bien, à l'intérieur de la charte actuelle de la ville de Montréal, n'existe que dans les cas où le contrevenant a une défense à offrir. Est-ce que je comprends bien? Non? Qu'est-ce qui existe actuellement à l'intérieur de la charte de la ville de Montréal en ce qui concerne la requête possible en diminution de frais?

M. Laliberté: L'article 1162 de la charte de la ville prévoit, ce qui est un peu la rétractation de jugement dans l'avant-projet de loi, qu'en matière de circulation, si quelqu'un a une défense à offrir et si, pour des motifs sérieux, il est empêché d'offrir cette défense, il y a la rétractation de jugement. Mais il y a aussi la possibilité pour le juge de diminuer les frais si la personne n'a pas de défense à offrir.

Dans certains cas, ce dont les gens se plaignent, ce n'est pas d'être déclarés coupables par défaut parce qu'ils ne sont pas coupables. Ils se considèrent coupables, sauf qu'ils auraient aimé payer le billet ou l'avis préliminaire. La plupart des cas de requête en diminution de frais qu'on a à la Cour municipale, c'est que ces gens, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas reçu le billet ou l'avis préliminaire ou la sommation, parce qu'ils ont déménagé au cours de cette période. S'ils avaient reçu l'avis préliminaire, ils auraient payé lors de l'avis préliminaire. C'est souvent ce dont ils nous font part à la Cour municipale.

Ces gens se disent: Je suis coupable d'avoir commis un excès de vitesse, sauf que je ne veux pas payer 52 $; si vous m'aviez envoyé l'avis préliminaire chez moi, je l'aurais payé à 27 $ ou à 25 $. C'est ce qu'on demande de retenir dans l'avant-projet de loi: permettre la requête en diminution de frais.

Le Président (M. Filion): Donc, ce serait un peu incorporer, à l'intérieur du Code de procédure pénale, le dispositif prévu actuellement à l'intérieur de la charte de la ville de Montréal. C'est bien cela?

M. Bessette: Le permettre pour le reste de la province.

Le Président (M, Filion): De façon générale. En terminant et même en l'absence du ministre, je voudrais, au nom de tous les membres de cette commission, vous remercier encore une fois pour la très grande qualité de votre mémoire, la recherche, etc. Vous étiez sans doute directement intéressés aussi par le problème et ce n'est pas à titre aussi gratuit qu'a pu le faire l'Association des usagers de la langue française un peu avant vous. Je comprends aussi que les sommes en jeu, pour les contribuables autant que pour la ville, sont énormes.

Pour bien des citoyens et citoyennes du Québec, un billet de contravention pour une infraction aux règles de stationnement ou aux règles de circulation n'est parfois que le seul contact qu'ils ont durant leur vie entière avec la justice et souvent l'image de la justice s'en trouve ou ternie ou embellie, selon la procédure qui est en cause.

Pour toutes ces raisons, je voudrais vous remercier de votre mémoire, vous remercier de votre présence ici, cet après-midi. Je pense qu'au niveau de l'exécutif, avez pris note des paroles du ministre, mais quant aux membres de cette commission, je peux vous assurer que, lorsque viendra le

temps d'étudier ce projet de loi et non pas cet avant-projet de loi, mais ce projet de loi, nous y apporterons toute l'attention nécessaire. Pour ma part, je dois vous dire que vous m'avez passablement convaincu. Je l'étais un peu de prime abord. J'ai parlé dans mes remarques d'ouverture de la nécessité d'envisager tout le problème du contentieux de masse - c'est le qualificatif qu'emploie votre mémoire et qui fera probablement partie de notre vocabulaire - il importe que ce problème de contentieux de masse reçoive une attention . toute particulière.

Merci encore une fois. Cela termine les travaux de notre séance de la commission des institutions. Notre mandat est terminé. Je voudrais remercier les membres qui ont eu de la patience et qui ont manifesté beaucoup d'attention durant nos travaux. Nos travaux sont donc ajournés. Merci. Bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 45)

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