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(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît! Notre séance de la commission permanente des institutions
est maintenant ouverte. Pour le bénéfice des membres de la
commission et de nos invités de ce matin, je rappellerai notre mandat
qui est de procéder à une consultation générale et
de tenir des audiences publiques concernant l'avant-projet de loi sur le Code
de procédure pénale. Nous agissons ainsi, bien sûr, en
fonction d'un ordre de l'Assemblée nationale du 18 décembre 1986
et à la suite du dépôt, par le ministre de la Justice, de
l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale. À
ce stade-ci, je demanderai à notre secrétaire, Me Lucie
Giguère, d'annoncer les remplacements, s'il y en a.
La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le
Président.
Organisation des travaux
Le Président (M. Filion): Merci. Encore une fois, pour le
bénéfice des membres de la commission, je rappellerai notre ordre
du jour d'aujourd'hui. Jusqu'à 11 heures, la Commission des valeurs
mobilières du Québec a déjà pris place à la
table des invités; de 11 heures à 12 h 30, la Commission des
services juridiques nous rendra visite; nous suspendrons nos travaux entre 12 h
30 et 14 heures. À 14 heures, la Chambre des huissiers du Québec;
à 15 heures, l'Association des usagers de la langue française;
à 16 heures, des représentants de la ville de Montréal;
à 17 h 30, des remarques de clôture s'il y en a, de chaque
côté.
Je souhaite donc la bienvenue à la Commission des valeurs
mobilières et à son président, M. Paul Guy. Je lui
demanderais d'entrée de jeu de bien vouloir nous présenter les
personnes qui l'accompagnent.
Auditions
M. Guy (Paul); Merci, M. le Président. Les personnes qui
m'accompagnent, ce matin, sont à ma gauche Antoni Dandonneau, chef du
service au conseil juridique de la commission; à ma droite, Richard
Proulx, avocat au service du contentieux de la commission.
Le Président (M. Filion): Je vous rappellerai que le temps
alloué est d'environ 60 minutes. Evidemment à cette commission,
nous sommes souples comme l'exigent, dans certains cas, les institutions
elles-mêmes. Alors, 20 minutes sont allouées pour la
présentation de votre mémoire, de votre point de vue; 20 minutes
sont généralement consacrées aux membres du parti
ministériel pour une période d'échange de propos avec les
invités, et 20 dernières minutes sont réservées
à celui qui vous parle, en l'occurrence le représentant de
l'Opposition, pour une période d'échanges de vues
également.
Donc, sans plus tarder, je vous demanderais de bien vouloir
présenter votre mémoire.
Commission des valeurs mobilières du
Québec
M. Guy: M. le Président, j'aimerais en premier lieu
remercier cette commission de nous entendre, ce matin, et de nous permettre de
discuter un certain nombre de problèmes auxquels nous allons faire face
avec le Code de procédure pénale.
La réforme de la procédure pénale, pour la sanction
de toute infraction aux lois et aux règlements du Québec, est
à souhaiter depuis longtemps. Elle facilitera l'administration de la
justice et sera plus équitable tant pour la poursuite que pour le
prévenu.
La Commission des valeurs mobilières du Québec, en tant
qu'organisme chargé de l'application de la Loi sur la valeurs
mobilières, a pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt,
de l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale
présenté par M. Herbert Marx, ministre de la Justice. Cette
réforme a un impact direct sur les infractions prévues aux
articles 191 à 213 de la Loi sur les valeurs mobilières. Le Code
de procédure pénale s'applique à toutes les infractions
aux lois et règlements du Québec. Cependant, la complexité
de la Loi sur les valeurs mobilières fait que certains articles du Code
de procédure pénale créent des difficultés
importantes dans l'administration de cette loi.
Ce que je voudrais surtout discuter, ce matin, ce sont des points qui
sont particuliers à la Commission des valeurs mobilières dans
l'administration de la Loi sur
les valeurs mobilières et un point plus général en
fait qui est d'application, pas seulement pour la commission, mais pour
d'autres organismes ou d'autres personnes chargées d'administration de
lois.
Le premier point qui est de la plus importante préoccupation pour
la commission, c'est la prescription. Le principe, dans l'avant-projet sur le
Code de procédure pénale est la prescription d'un an, sauf que le
point de départ de la prescription peut varier suivant la loi
applicable. Il est cependant impossible de prévoir dans une autre loi un
délai plus long.
L'article 211 de la Loi sur les valeurs mobilières prévoit
un délai de prescription de deux ans à compter de la
connaissance, par la commission, des faits qui y donnent lieu.
Le Code de procédure pénale aura pour effet de modifier
sensiblement le délai de prescription pour une infraction à la
Loi sur les valeurs mobilières et de le réduire à un an.
Toutefois, une incertitude demeure quant à la date de départ de
cette prescription. L'incompatibilité entre le point de départ de
la prescription prévue à la Loi sur les valeurs mobilières
et au Code de procédure pénale, fait en sorte que le principe
général prévu au premier alinéa de l'article 63 du
Code de procédure pénale devrait s'appliquer aux infractions
à la Loi sur les valeurs mobilières.
Le délai d'un an est inacceptable, compte tenu de la
complexité et de la durée des enquêtes de la commission et
peut avoir pour effet de rendre inopérantes certaines dispositions parmi
les plus importantes de la Loi sur les valeurs mobilières.
Il est important ici de souligner également que la Loi sur les
valeurs mobilières prévoit, contrairement à d'autres lois,
des sanctions qui sont beaucoup plus importantes que la plupart des lois
particulières au Québec. Notamment dans le cas d'usage
d'informations priviligiées et d'informations fausses ou trompeuses, les
sanctions sont d'un minimum de 5000 $ à 100 000 $ et possibilité
également d'une peine de prison. Je dois souligner ici que la commission
fait des recommandations au gouvernement pour augmenter ces sanctions de
façon très importante. On a vu dernièrement, en Ontario,
que les sanctions pour l'usage d'informations priviligiées ont
été portées à 1 000 000 $ d'amende. Ce sont des
infractions très importantes et la complexité des enquêtes
pouvant mener à une poursuite è la suite de ces infractions est
très lourde également.
Contrairement à la majorité des lois et règlements
visés par le Code de procédure pénale, la Loi sur les
valeurs mobilières réglemente un domaine très complexe de
l'activité économique.
Les enquêtes de la commission dépassent
régulièrement le délai d'un an, vu la complexité de
certaines opérations. Il en est souvent ainsi lorsque la commission
enquête sur des informations fausses ou trompeuses dans un prospectus ou
sur l'usage d'informations priviligiées. Pour citer deux exemples qui
sont de connaissance publique: L'enquête sur la Banque commerciale du
Canada. Il s'agit d'une enquête qui a débuté il y a presque
deux ans, elle n'est pas encore terminée. La commission n'a pas encore
pris la décision, à savoir si elle va intenter des poursuites ou
non. Dans l'enquête concernant l'usage d'informations priviligiées
concernant l'offre publique d'Imasco sur les titres de Genstar, c'est
également une enquête qui dépasse de beaucoup un an
à l'heure actuelle. Ce sont des enquêtes qui sont complexes et
elles prennent beaucoup de temps.
Dans certaines de ces enquêtes, la commission doit travailler en
étroite collaboration avec d'autres organismes de réglementation
des valeurs mobilières des différentes provinces canadiennes et
des États-Unis et parfois avec les autorités policières.
Je pense qu'il est important de souligner qu'en valeurs mobilières,
lorsque les titres... je donnais l'exemple tout à l'heure d'Imasco,
Genstar, ce sont des titres qui étaient cotés en Suisse, en
France, aux États-Unis, à Montréal, à Toronto,
è Vancouver. Les opérations sur valeurs mobilières se font
sur tous ces marchés. Pour faire une enquête valable, non
seulement on doit enquêter au Québec, mais on doit savoir qui a
fait les opérations à l'étranger parce que, bien souvent,
les opérations sur valeurs se font par l'intermédiaire des
banques et il faut aller derrière ces banques pour trouver le vrai
client. Ce sont des enquêtes qui sont longues, qui exigent la
collaboration d'autres organismes partout dans le monde et, bien entendu, qui
s'étendent très souvent, sinon presque toujours, au-delà
d'un an.
De plus, dans le cas des infractions à la Loi sur les valeurs
mobilières, il est généralement impossible de prendre un
contrevenant en flagrant délit. Les faits relatifs à une
infraction nous sont toujours connus après la perpétration de
l'infraction et parfois après plus d'un an. Pensons seulement aux
enquêtes sur des informations fausses ou trompeuses dans un prospectus
visé par la commission. Les faits reprochés sont souvent connus
plus d'un an après le visa du prospectus ou après le placement.
Il est donc indispensable que le délai de prescription soit de deux ans.
Je voudrais souligner que le délai de deux ans, selon les circonstances
actuelles, pour les nouvelles infractions, et selon la vogue d'usage
d'informations privilégiées, les enquêtes deviennent de
plus en plus complexes, est nettement un minimum dans mon esprit.
Limiter la prescription à un an à
compter de la date de ta perpétration de l'infraction ou de la
connaissance des faits y donnant lieu ou de la connaissance de la
perpétration de l'infraction aurait pour effet de rendre inutile et
impossible la majorité des enquêtes de la commission et, à
toutes fins utiles, de rendre inopérants plusieurs articles de la Loi
sur les valeurs mobilières, notamment ceux qui traitent d'informations
fausses ou trompeuses ou de l'usage d'informations privilégiées.
En fait, ce dont on parle ici, ce sont des. infractions les plus importantes.
La commission pourrait alors difficilement remplir sa mission de protection des
épargnants contre les pratiques déloyales, abusives et
frauduleuses.
Pour régler cette difficulté, la commission recommande que
l'article 62 soit remplacé par le suivant: "Toute poursuite
pénale se prescrit par un an à moins qu'une autre loi ne
prévoie un autre délai."
Le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère de la
Justice et par le comité de législation, bien entendu, pourra
exercer un contrôle sur des dispositions d'une autre loi qui
prévoirait un délai de prescription plus long. Ce serait, bien
entendu, à l'organisme, au ministère ou au ministre, en fait, qui
recommande de mettre dans une loi particulière un délai plus
long, de justifier pourquoi il doit y avoir un délai de prescription
plus long.
Un autre problème auquel on fait face, c'est un problème
plus technique, c'est la complicité. La complicité en valeurs
mobilières, je dois souligner que c'est un élément qui est
beaucoup plus important que dans d'autres secteurs. Je pourrais
répéter les observations d'un membre de Securities and Exchange
Commission qui disait il y a quelques années: "II n'y a pas de fraude en
valeurs mobilières qui peuvent se faire sans la complicité ou la
collaboration d'un professionnel, qu'il soit avocat, comptable,
évaluateur, notaire." Cela est très vrai. Actuellement, bien
entendu, il est très difficile, avec les dispositions actuelles... Cela
n'est pas nécessairement une remarque sur le Code de procédure
pénale de poursuivre et de réussir des poursuites pour
complicité. Ce qui nous préoccupe surtout, en ce qui concerne le
Code de procédure pénale, c'est qu'il n'y a pas de dispositions
qui prévoient le lieu du dépôt des plaintes pour
complicité. On peut présumer qu'il serait toujours possible de
régler cette question dans la Loi sur les valeurs mobilières; si
c'était la conclusion, en ce qui concerne la commission, on pourrait
être très satisfait de cette situation: qu'on puisse, dans notre
loi, régler la question du lieu du dépôt des plaintes pour
complicité. Déjà, la Loi sur les valeurs mobilières
contient des dispositions concernant la complicité, des dispositions que
la commission va recommander bientôt au gouvernement de modifier pour
rendre, en fait, plus facile ou, en fin de compte, pour nous donner une chance
de succès raisonnable dans des poursuites sur la complicité (10 h
30)
L'autre point, c'est l'intervention du Procureur général.
L'avant-projet de Code de procédure pénale prévoit que le
Procureur général peut intervenir à toute étape de
la poursuite pour en assumer la conduite suivant l'article 167 de ce projet. Il
peut éqalement, en vertu de l'article 168, ordonner l'arrêt de la
poursuite avant que le jugement ne soit rendu en première instance.
Dans le cas de la Loi sur les valeurs mobilières, où la
commission ou le Procureur général peuvent intenter des
poursuites, il nous apparaîtrait souhaitable que, dans le cas où
l'initiative de la poursuite a été prise par la commission, au
moins il y ait consultation de l'organisme avant que le Procureur
général n'intervienne pour arrêter ou entreprendre une
autre procédure concernant cette poursuite.
Il y a un autre point de préoccupation pour la commission et
c'est la question du constat. Le constat, bien entendu, en ce qui concerne le
principe du constat, ne pose pas de problème à la Commission des
valeurs mobilières. Le problème que le constat peut poser
à la commission et sur lequel on voudrait être rassuré,
c'est qu'il n'y ait pas, par règlement ou dans la loi, un cadre rigide
concernant le constat. Dans la mesure où le constat est, à toutes
fins utiles, la dénonciation que la commission porte actuellement avec,
bien entendu, la possibilité pour le contrevenant de plaider non
coupable par écrit, cela ne nous poserait pas de problème. Si on
nous impose un cadre rigide de constat, je pense qu'on pourrait avoir de
sérieux problèmes en ce qui concerne les infractions à la
Loi sur les valeurs mobilières. Je dois même souligner que la
possibilité de plaider coupable par écrit pour un certain nombre
d'infractions techniques à la Loi sur les valeurs mobilières,
lesquelles sont des infractions de nature beaucoup moins importantes, est un
grand avantage et réduira certainement les coûts, aussi bien pour
la commission que pour la personne qui est poursuivie. Dans plusieurs cas de
ces infractions mineures et techniques, la plupart du temps, les contrevenants
plaident coupable. Ce sera quand même une mesure qui aura comme effet de
faciliter l'administration.
Il me reste un point qui est un point plus technique et qui ne concerne
pas seulement notre commission, c'est la signification de l'avis d'appel. La
commission croit que la signification d'un avis d'appel à la Cour
supérieure et d'une demande de permission d'appeler à la Cour
d'appel, suivant les articles 380 et 409 du Code de procédure
pénale, devrait pouvoir se faire à la partie
adverse ou à son procureur lors de l'instance
précédente. Il s'agit d'un détail technique mais qui est
quand même important et sur lequel on souhaite qu'il y ait des
modifications.
En dernier lieu, j'aimerais mentionner que la commission ne voit pas de
raison pour laquelle le poursuivant, autorisé en vertu d'une autre loi
et chargé de l'administration de celle-ci, pourrait être contraint
de fournir un cautionnement. Les mêmes motifs qui justifient l'exception
en faveur du Procureur général devraient également
s'appliquer à la commission qui représente de la même
manière l'État dans l'administration de ses lois et
représente la même solvabilité. C'est évident que si
on est obligé de donner un cautionnement à chaque fois, cela nous
pose un problème sérieux et on ne devrait pas avoir l'obligation
de fournir le cautionnement.
Je vous remercie, M. le Président. Bien entendu, nous sommes
maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. Guy, de vos
commentaires et de votre présentation. J'inviterais maintenant le
ministre de la Justice à échanger ses vues avec vous.
M. Marx: J'aimerais, premièrement, remercier la Commission
des valeurs mobilières d'avoir présenté un mémoire
et de nous faire part d'un certain nombre de problèmes.
Je constate que le constat ne posera pas beaucoup de problèmes
parce que ce sera, bien sûr, un document souple, en ce sens que le billet
d'infraction pour une infraction routière pourra être un document
différent que le constat qui sera utilisé par la Commission des
valeurs mobilières. On va s'assurer que le constat qu'on va
préparer sera utile pour tous les organismes qui auront besoin
d'utiliser cet instrument.
En ce qui concerne la prescription, dans votre loi, c'était une
prescription de deux ans; dans l'avant-projet de loi on parle d'une
prescription d'un an. Je comprends que s'il y a une fraude en ce qui concerne
les valeurs mobilières, il y a trois recours possibles toujours: il y a
le recours civil, le recours pénal et le recours criminel et, si c'est
une infraction, cela peut tomber sous le Code criminel.
Finalement, le Code criminel, c'est pour réprimer un mal, quoique
les lois provinciales pénales, c'est pour faire respecter des lois
provinciales. C'est la différence entre le droit criminel et le droit
pénal. Mais qu'a-t-on comme prescription dans d'autres juridictions
à travers le Canada? Est-ce un an, deux ans? Vous n'avez pas les... ?
L'Ontario, par exemple?
M. Guy: M. le ministre, je m'excuse, je n'ai pas la Loi sur les
valeurs mobilières pour l'Ontario avec mot. Je ne peux pas vous le dire.
On pourrait quand même regarder pour vous le dire, si vous voulez.
M. Marx: Oui, parce que cela va de soi que l'on ne veut pas
adopter un code qui va nuire à l'application de la Loi sur les valeurs
mobilières. Si c'est nécessaire, on va discuter de la
façon que l'on peut arriver à une exception pour votre loi. Je
vais demander que l'on fasse une petite recherche pour savoir quelle est la
prescription dans d'autres juridictions et surtout en Ontario.
Vous avez dit que pour le droit commercial, votre enquête prend
plus de deux ans déjà. Est-ce possible que ce soit prescrit?
M. Guy: M. le ministre, bien entendu, pour que l'on intente des
poursuites, il va s'agir de déterminer à quel moment la
commission a eu connaissance des faits, parce que c'est ce que notre loi
prévoit.
Notre argumentation sur cette question a toujours été que
la connaissance des faits ne débute certainement pas avant que ta
commission ordonne officiellement une enquête. Alors, il peut y avoir des
éléments de pré-enquête qui se feront bien avant que
la commission ordonne officiellement une enquête et tant qu'on n'a pas...
Cela deviendra alors une question pour nous de démontrer devant le
tribunal qu'on n'a pas excédé la prescription de deux ans.
Si je pouvais juste revenir un moment sur ce que je vous ai dit tout
à l'heure concernant les trois possibilités, bien entendu, en ce
qui concerne les Codes civil, criminel et pénal, historiquement on peut
noter qu'en matière de valeurs mobilières, au Canada, il y a
très peu de poursuites criminelles pour plusieurs raisons. D'abord, le
Code criminel, à part les dispositions sur la fraude directement, les
dispositions qui concernent les valeurs mobilières, les autres
dispositions sur les valeurs mobilières sont extrêmement
difficiles, sinon impossibles à prouver. Les tentatives faites par la
Commission des valeurs mobilières pour tenter de poursuivre des
personnes pour infraction au Code criminel se sont
révélées, dans presque tous les cas, des
échecs.
Alors, le Code criminel, en matière de valeurs mobilières,
est, à toutes fins utiles, peu sinon pas utilisé et les
commissions utilisent surtout les dispositions des lois sur les valeurs
mobilières pour poursuivre les contrevenants.
M. Marx: Aux États-Unis, j'ai lu dans les journaux que les
gens condamnés pour "insider trading"...
M. Guy: Aux États-Unis, on utilise
beaucoup les procédures civiles.
M. Marx: Les gens vont en prison pour quelques années
maintenant.
M. Guy: Oui, mais il ne faut pas oublier que dans le Code
criminel... Si on prend les cas des États-Unis, Boesky, Levine et ainsi
de suite, il n'y a pas de dispositions dans le Code criminel au Canada sur
l'usage d'informations privilégiées. Les seules dispositions de
loi qui régissent ce comportement, ce sont les lois sur les valeurs
mobilières. Même si on voulait, on ne pourrait pas
poursuivre...
M. Marx: Aux États-Unis, c'est une loi
fédérale quoique, au Canada, ce soient des lois provinciales.
M. Guy: Il y a deux choses. Aux États-Unis, on poursuit ce
qu'on peut appeler "au criminel" - entre guillemets - parce que ce n'est pas le
même système que nous, mais c'est en vertu quand même de
dispositions de sécurité, Securities and Exchange Act, non pas en
vertu des dispositions d'un Code criminel. Mais la Securities and Exchange
Commission utilise souvent et surtout des poursuites civiles et, dans les cas
qu'on a connus récemment, des poursuites criminelles. Eux aussi ont eu
un certain nombre de difficultés en ce qui concerne les poursuites
criminelles qui sont utilisées quand même moins fréquemment
que les actions civiles. Maintenant, ce que je voulais dire là-dessus,
c'est que les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières sont,
à toutes fins utiles, les seules dispositions, dans bien des cas, pour
réprimer un certain nombre de comportements dont l'usage d'informations
privilégies et d'informations fausses ou trompeuses. Ce sont des
infractions qui n'existent pas au Code criminel. Alors, on n'a pas...
M. Marx: J'aimerais vous poser cette question. Faut-il demander
au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel pour
prévoir des infractions criminelles en ce qui concerne certaines
pratiques frauduleuses, comme l'"insider trading"? Je trouve que c'est une
infraction grave. Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que
l'état de droit est tel que quelqu'un qui fait une telle fraude aux
États-Unis pourrait être condamné à la prison pour
quelques années et que s'il fait cela au Québec, ce n'est pas
aussi grave, c'est juste une amende.
M. Guy: Non, il peut aller en prison ici au Québec. On
présume.
M. Marx: Oui, mais en ce qui concerne les prisons, on va avoir
des mesures alternatives en vertu de notre Code pénal...
M. Guy: C'est bien important que la prison demeure pour ce type
d'infraction. Cela ne veut pas dire qu'il va aller en prison, mais il y a la
possibilité d'aller en prison. Il y a eu, M. le ministre...
M. Marx: Pour les infractions pénales, on va avoir un
système où au lieu de l'emprisonnement il y a les mesures
alternatives, c'est-à-dire l'amende, les travaux compensatoires et ainsi
de suite. On fait cette distinction entre le pénal et le criminel.
M. Guy: Je ne suis pas sûr que dans ce type d'infraction,
cela soit souhaitable. Je voudrais revenir...
M. Marx: Est-ce que quelqu'un est déjà allé
en prison récemment pour une infraction à la Loi sur les valeurs
mobilières du Québec? Je n'ai jamais vu cela. De toute
façon, ces gens-là peuvent se payer des avocats et aller
jusqu'à la Cour...
M. Guy: Je ne le crois pas.
M. Marx: Parce que, c'est cela... C'est bien difficile. La
prison, c'est...
M. Guy: Je ne crois pas que quelqu'un soit allé en prison
pour cela, en tout cas, je ne me le rappelle pas.
M. Marx: La prison, c'est l'institution des pauvres.
M. Guy: Je voudrais revenir sur la...
Le Président (M. Filion): C'est vous qui le dites.
M. Marx: La prison est l'institution des pauvres. J'ai dit cela
depuis dix ans.
Le Président (M. Filion): Oui, mais si c'est vous qui le
dites, cela m'inquiète.
M. Marx: On commence à m'écouter maintenant.
M. Guy: Je ne me prononcerai pas là-dessus.
M. Marx: On ne voit pas beaucoup de riches en prison et j'ai
visité beaucoup de prisons.
M. Guy: Je me rappelle, lorsque je suis entré à la
commission en 1973, on a commencé des négociations avec le
gouvernement fédéral sur des modifications au Code criminel. On
est rendu aujourd'hui en 1987, 14 ans plus tard, ce n'est pas encore fait. 11 y
a de nouvelles négociations qui se font avec la Commission de
réforme
du droit sur des modifications au Code criminel concernant des
infractions qui sont plutôt des infractions à la Loi sur les
valeurs mobilières. Maintenant, à quel moment cela va-t-il
aboutir et y aura-t-il un projet de réforme du Code criminel? Je ne le
sais pas. Mais il reste que le fédéral a toujours dit aux
commissions de valeurs mobilières, depuis que ces négociations et
ces discussions ont débuté, que les lois provinciales devraient
quand même prévoir les mêmes infractions, parce qu'il ne
faut pas oublier qu'en vertu du droit criminel, il faut la preuve de mens rea.
Elle est quasi impossible à faire en valeurs mobilières. Je pense
qu'il faut réaliser que ce n'est pas- facile de prouver l'intention
coupable de quelqu'un en matière de valeurs mobilières. C'est
pour cela que les dispositions actuelles du Code criminel ont été
peu ou pas utilisées. C'est parce qu'on n'arrive pas à faire ces
preuves, et les contrevenants échappent, en fait, à la justice.
Je pense que les deux peuvent exister ensemble. (10 h 45)
M. Marx: Les deux ne peuvent pas exister comme en ce qui concerne
les infractions routières. Il y a le Code criminel et il y a aussi le
Code de sécurité routière du Québec. Je vais
demander qu'on examine cette question quant aux infractions criminelles pour
les fraudes en ce qui concerne les valeurs mobilières. Je pense que
c'est peut-être quelque chose à examiner. Le Code criminel est
vraiment pour réprimer un mal, c'est la définition d'une loi
criminelle, alors qu'une loi pénale est seulement pour faire respecter
nos lois. Cela n'a pas la même teneur.
M. Guy: Vous faites une distinction qui...
M. Marx: De droit constitutionnel.
M. Guy: Oui, parce que, en matière de valeurs
mobilières, je pense que s'il y a réellement le concept de
répression également d'un mal en ce qui concerne certaines
infractions en valeurs mobilières, et je ne parle pas des infractions
qui sont plus techniques comme une personne qui exerce l'activité de
courtier et qui n'est pas inscrit, ce qui est réellement une
contravention à la loi beaucoup plus technique, mais quand on parle
d'informations fausses ou trompeuses dans un prospectus où il peut y
avoir des millions de dollars en jeu, où les épargnants sont
lésés, je pense qu'il y a quand même le concept de
répression d'un mal qui est là.
M. Marx: C'est intéressant de constater que personne ne va
en prison.
M. Guy: Cela dépend peut-être des tribunaux, cela ne
dépend pas nécessairement de la loi.
M. Marx: Oui, il y a cela. Enfreindre la Loi sur les valeurs
mobilières, c'est une question d'argent. Les gens aux États-Unis
qui ont fait l'"insider trading" sont tout à fait prêts à
payer des amendes de 1 000 000 $ ou plus, cela n'est rien parce qu'ils ont fait
beaucoup plus que cela en profits, mais ils vont purger des sentences en prison
aussi, apparemment.
On va examiner toute cette question de prescription pour faire en sorte
que l'efficacité de votre loi reste. On n'a pas l'intention de rendre
votre loi inefficace, je vous assure.
En ce qui concerne la complicité, peut-on poursuivre quelqu'un au
Québec pour une information fausse ou trompeuse hors du
Québec'
M. Proulx (Richard): Actuellement, je crois qu'on pourrait
poursuivre le contrevenant à l'information fausse ou trompeuse, mais
souvent ce qui arrive, si on prend l'exemple d'un prospectus qui serait
préparé en Ontario et déposé au Québec, s'il
y avait de l'information fausse ou trompeuse et qu'on voudrait poursuivre, la
compagnie serait en faillite et on voudrait poursuivre les personnes qui ont
préparé le prospectus, les dirigeants, quelquefois des
professionnels qui ont oeuvré dans le travail du prospectus, je ne crois
pas que l'on pourrait poursuivre pour complicité pour une telle
infraction, parce que les éléments de la complicité se
retrouvent en Ontario. C'est que...
M. Marx: C'est cela, qu'est-ce qu'on fait dans un tel cas, est-ce
qu'on poursuit en Ontario?
M. Proulx: L'Ontario peut poursuivre s'il y a eu une information
fausse ou trompeuse en Ontario également mais nous, nous ne pourrions
pas le faire. Il y a des fois où... je peux donner comme exemple qu'il y
a des placements qui se font qu'on incorpore, comme dans les fonds communs de
placement, on incorpore en Ontario par une déclaration de fiducie, mais
le placement s'effectue seulement au Québec. Je ne pense pas qu'on
pourrait poursuivre en matière de complicité. Le problème
a été soulevé dans une cause que j'ai plaidée mais,
dans ce cas, la complicité des éléments avait
été réalisée au Québec mais dans deux
districts. Le juge a été très embêté parce
que le prospectus était déposé à Montréal,
mais les éléments de la complicité avaient
été réalisés à l'extérieur, dans un
autre district judiciaire. L'endroit où on devait déposer la
plainte a été l'objet d'un débat. Si on avait
réalisé le même débat, mais où les
éléments seraient effectués à l'extérieur de
la province, on aurait perdu.
M. Marx: Avez-vous des ententes avec l'Ontario, des ententes
administratives ou autres pour faire en sorte que quelqu'un -comment dirais-je
- "he does not fall between the cracks"... II y a des gens qui vont commettre
des infractions mais on ne peut pas les poursuivre parce qu'il n'y a pas de loi
qui s'applique à eux.
M. Guy: II n'y a pas d'entente, M. le ministre, comme telle. Tout
ce qu'il y a dans les lois sur les valeurs mobilières, ce sont des
dispositions concernant la signification. On peut demander à une autre
commission de signifier pour nous, dans certains cas, mais il n'y a pas
d'entente. Il faudrait que cela soit une infraction è leur loi pour
qu'une autre commission - supposons la commission d'Ontario - puisse
poursuivre. Si c'est une infraction à notre loi, il ne pourra pas
poursuivre pour une infraction qui a été commise à la Loi
sur les valeurs mobilières du Québec. Dans ce sens, il n'y a pas
d'entente. C'est possible qu'une enquête se fasse sur un même
dossier et que, éventuellement, on en arrive à la conclusion
qu'on doit intenter des poursuites au Québec. Dans certains cas d'usage
d'informations privilégiées notamment, on peut s'entendre
à la fin de l'enquête et dire: Ce sont des personnes qui
résident en Ontario, vous poursuivez ces personnes, nous, ici, allons
poursuivre les personnes qui résident au Québec. Ce sont des
choses possibles et ce sont des choses qui se sont faites dans le passé
sans entente préalable et sans cadre formel.
M. Marx: La possibilité reste que quelqu'un commette une
infraction en Ontario d'une loi québécoise et, comme on ne peut
pas le poursuivre en Ontario et on ne peut pas le poursuivre au Québec,
il y a un problème. Une autre raison pour laquelle il faut
peut-être penser à modifier le Code criminel pour inclure un
certain nombre d'infractions en ce qui concerne les valeurs mobilières
sur le plan des infractions criminelles.
Le Président (M. Filion): M.
Dandonneau.
M. Dandonneau (Antoni): Je ne suis pas certain que le fait
d'introduire des modifications au Code criminel réglerait notre
problème. Notre problème n'est pas un problème de
poursuite criminelle, c'est un problème de poursuite pénale. Les
dispositions introduites dans le Code criminel n'auraient pas d'application en
matière pénale, de telle sorte que le problème resterait
entier au niveau pénal.
M. Marx: Comme M. Guy a dit, les dispositions pénales et
criminelles se recoupent ou couvrent les mêmes domaines, donc c'est comme
conduire avec facultés affaiblies. Il y a des dispositions dans le Code
de sécurité routière et dans le Code criminel. La preuve
est différente. J'admets et cela ne va pas aider...
M. Guy: ...il y un problème que je soulignais tout
à l'heure, M. le ministre, sur la question de complicité. Il
n'est pas possible de commettre une fraude ou une opération
illégale en valeurs mobilières sans la collaboration d'un
comptable, d'un avocat, d'un notaire, d'un évaluateur, ou autre. C'est
quasi impossible que cela se fasse. Ces gens participent toujours à
l'établissement d'un prospectus ou l'établissement d'un document
d'information. C'est pour cela que nous allons recommander que dans notre loi
on précise, de façon à assurer qu'on ait une chance de
succès pour des poursuites pour la complicité. Actuellement, le
fardeau qui nous a été imposé par les tribunaux sur la
complicité est un fardeau qu'on ne peut absolument pas atteindre. On a
quelques décisions dans le cas de complicité où les gens
ont bien entendu été trouvés non coupables parce qu'on
nous impose le fardeau de la mens rea, c'est-à-dire de prouver que la
personne qui a contribué à l'infraction savait qu'il y avait une
infraction, elle l'a fait intentionnellement. Ce sont des fardeaux impossibles,
on n'est pas capable de prouver ces choses, ce qui fait que les complices ne
sont jamais rejoints. Probablement que cela peut se régler aussi bien
sur la question du lieu de l'infraction que sur la complicité, par des
dispositions dans la Loi sur les valeurs mobilières. C'est ce que je
disais tout à l'heure, si cette solution était acceptable, je
pense que pour nous...
M. Marx: ...parce qu'on n'a pas mis la complicité dans
l'avant-projet, parce que la complicité est reliée à
l'infraction, mais on va examiner avec vous la possibilité de garder la
complicité dans votre loi.
En ce qui concerne les appels, on va aussi discuter de cette question
avec vous, à savoir si cela peut être signifié à
l'avocat et ainsi de suite. C'est tout pour moi. Merci.
Le Président (M. Filion): Cela va? M. Marx:
Oui.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui, merci M. le Président. En ce qui concerne
les inquiétudes que vous avez pour ce qui est de la prescription de la
période d'un an qui pourrait vous créer des problèmes en
ce qui concerne les enquêtes que vous devez faire, il est bien sûr
que la commission a des mandats qui l'amènent à
faire des évaluations de prospectus, à voir à la
protection des intérêts des actionnaires minoritaires, entre
autres, effectivement. Les mandats de la commission sont nombreux et
variés.
Vous avez fait valoir - je pense que c'est hier - devant la commission
du budget et de l'admimistration que vous étiez drôlement à
court de personnel. Vous avez fait état de l'augmentation du nombre de
prospectus; vous avez fait des comparaisons avec l'Ontario. Vous avez
parlé de l'augmentation de votre personnel. Je me demande si ce manque
de personnel dont vous faisiez état, hier, est en rapport avec le nombre
de mois ou parfois le nombre d'années que cela peut prendre pour
éclaircir des cas qui sont portés à votre attention. En
d'autres mots, si vous aviez un personnel suffisant, en nombre suffisant et
à compétence suffisante aussi, cela ne pourrait-il pas
accélérer les choses et, finalement, la commission pourrait
rendre ses décisions dans des délais plus rapides et, en
même temps, permettre à des gens qui veulent savoir à quoi
s'en tenir... je pense aux investisseurs, il faut bien savoir si les cas que
vous traitez sont tous des cas concrets, c'est-à-dire qu'il y a des gens
qui ont de l'argent quelque part, qui en ont placé, qui sont pris dans
une situation et qui ne savent pas ce qui se passe, cela est très
concret, très réel, on connaît des gens qui sont mal pris
et qui voudraient voir ces choses-là débloquer dans des
délais acceptables... Cette insuffisance de personnel a-t-elle un
rapport avec l'augmentation du délai dont vous avez besoin?
M. Guy: C'est l'un des facteurs, mais ce n'est pas le seul; cela
a un effet. Il n'y a pas de doute que si la commission a un certain nombre
d'enquêteurs et que tous ces enquêteurs s'occupent d'une
enquête, ils ne peuvent pas faire d'autres enquêtes et elles
attendent. Il n'y a pas de doute que s'il y a un manque d'enquêteurs, il
faudra plus de temps à faire les enquêtes. Mais ce n'est pas le
seul facteur. Le facteur que je mentionnais tout à l'heure, surtout dans
les enquêtes de nature importante - et c'est cela qu'il est important de
souligner - soit sur informations fausses ou trompeuses, soit usage
d'informations privilégiées, ce sont des enquêtes qui sont,
de par leur nature même, complexes et longues. On sait que, dans
l'affaire Boesky Levine aux États-Unis, ce sont des enquêtes qui
ont demandé quatre ans. Ce ne sont pas des enquêtes qu'on peut
faire dans une période courte, parce qu'il y a le jeu de plusieurs
organismes qui sont impliqués et il faut non seulement avoir la
collaboration de ces organismes, mais bien souvent, il faut que ces organismes
fassent également l'enquête pour nous sur certains
éléments. C'est-à-dire que - je peux donner un exemple
assez facile - si on fait une enquête sur usage d'informations
privilégiées et que l'opération s'est faite sur la Bourse
de Toronto, il faut que la Commission des valeurs mobilières de
l'Ontario demande au courtier qui est inscrit à Toronto: Quel est le
client qui a fait cette opération? Là, on est rendu à un
point... Cela peut être une banque, alors si c'est une banque, elle va
voir la banque et le client peut demeurer à l'extérieur de
l'Ontario comme à l'extérieur du Québec. Alors, il va
falloir demander à un autre organisme d'intervenir et de faire cette
partie de l'enquête pour nous. Bien entendu, cela ne peut pas faire
autrement qu'occasionner des délais très longs. D'abord, il faut
que ces commissions prennent la décision d'instituer une enquête
et ce n'est pas toujours facile; il faut quand même qu'il y ait une
relation avec les dispositions de leur loi, ce qui fait que ces
enquêtes-là sont longues; de la nature même de l'infraction,
ce sont des enquêtes qui sont longues.
L'autre facteur que vous avez mentionné, il est évident
que c'est un facteur qui joue aussi. Si on a seulement cinq enquêteurs et
les cinq sont occupés à une enquête en particulier parce
que cette enquête était importante, toutes les autres
enquêtes retardent, bien entendu. (11 heures)
M. Doyon: En d'autres mots, on aurait beau allonger le
délai à deux ans et même le prolonger, si vous n'avez pas
de personnel suffisant, vous ne passerez jamais au travers. Cela peut
être deux ou trois ans, il faut évidemment qu'une enquête se
termine avant d'en entreprendre une autre. Je comprends qu'il faut un
délai suffisant, mais il faut aussi du personnel suffisant. Je pense
qu'hier, vous avez eu l'occasion de le faire valoir. Ces deux choses sont
interreliées. Le ministre de la Justice aura beau prolonger les
délais, si vous ne disposez pas du personnel nécessaire, vous
allez être toujours pris avec des délais qui ne seront pas
suffisants, en ce sens que le personnel ne pouvant pas faire dix choses en
même temps, il ne pourra pas s'acquitter de sa tâche. C'est
l'inquiétude que j'ai.
Le Président (M. Filion): M.
Dandonneau.
M. Dandonneau: Inversement, on aura beau nous donner le personnel
dont nous avons besoin, il restera toujours qu'il y a des enquêtes -
particulièrement en matière de l'information
privilégiée - qui, dans le fond, exigent un délai
supérieur à un an. C'est la pratique aux États-Unis, par
exemple, où on voit que les infractions les plus importantes en
matière de valeurs mobilières exigent des enquêtes d'une
durée longue et supérieure à un an.
Le Président (M. Filion): Merci, Me Dandonneau.
M. Doyon: Voici l'autre chose sur laquelle je voulais avoir des
éclaircissements. On sait qu'actuellement, le "trading" se fait c'est
peut-être à 80 % par des institutions, que ce soit des fonds
mutuels, des fonds de retraite, des compagnies d'assurances, ou je ne sais
trop, de gros investisseurs procèdent par blocs de millions d'actions
chaque jour. Je me dis que, là-dedans, l'investisseur individuel est
totalement perdu et sûrement dépourvu de moyens. Dans les
circonstances, je pense qu'il est particulièrement important qu'une
commission comme la vôtre soit extrêmement vigilante, parce que
l'investisseur qui décide de placer son argent le fait, et il doit le
faire, consciemment, à ses risques et périls, c'est bien
sûr, mais selon des règles du jeu qui sont "fair", qui sont
équitables. Je ne suis pas trop inquiet quand je vois de gros
investisseurs, que ce soit des fonds de retraite bien organisés, bien
structurés... Ils ont eu l'occasion de peser le pour et le contre, ils
connaissent les meilleurs avocats, il savent avec qui faire affaire, ils ont
accès aux rapports financiers des entreprises qu'ils ont le temps
d'étudier, qu'ils ont le temps de mettre sur ordinateur, etc. Je me dis
que ces gens sont capables de se défendre parce qu'ils sont
équipés pour se défendre. Par contre, l'investisseur
ordinaire qui investit 5000 $ à 6000 $ par année dans des valeurs
boursières est désavantagé par rapport à ces
énormes entreprises qui investissent des millions de dollars et qui
transigent à coup de dizaines de milliers d'actions. C'est pourquoi je
trouve qu'il est particulièrement important que votre commission ait
tous les moyens nécessaires pour s'assurer que tout le monde est
traité sur le même pied, que cela se passe selon des règles
du jeu qui sont connues et qui n'avantagent personne par rapport à
d'autres. Je pense que le ministre est sensible aux demandes que vous faites de
disposer du temps nécessaire pour faire les enquêtes. Je suis
sensible aussi à cela. Je vais faire le message pour que vous ayez le
personnel nécessaire pour agir, parce que c'est de l'économie de
bouts de chandelle. Le prix qu'il y a à payer pour cela au niveau de la
confiance que les gens doivent avoir dans les valeurs mobilières qui se
transigent au Québec et qui sont enregistrées à la Bourse
de Montréal à la suite de prospectus qui sont approuvés
par vous et tout le "trading" qui se fait à ce sujet, parce qu'il est
important que vous puissiez donner la caution qui est nécessaire
à ces transactions pour que cela se passe selon des règles du
jeu, comme je le disais, parfaitement justes, parfaitement équitables...
C'est là-dessus que je voulais terminer.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Louis-Hébert. M. le président.
M. Guy: Je ne peux pas être plus d'accord avec vous. On a
souligné hier, on l'a souligné à maintes reprises, que
l'importance, la très grande importance du rôle "policier" de la
commission - entre guillemets - c'est-à-dire que la commission
intervienne rapidement pour poursuivre, s'il y a lieu, les contrevenants de
façon... C'est la meilleure protection que l'on peut donner aux petits
épargnants. La façon d'assurer la confiance dans le marché
des valeurs mobilières et d'assainir le marché, c'est
réellement d'effectuer ce rôle d'une façon très
efficace et très rapide. Je suis tout à fait d'accord avec cela.
C'est évident que si on n'a pas les ressources et si on doit mettre de
côté un certain nombre de dossiers d'enquêtes qu'on ne peut
pas faire, les gens qui ont été lésés par ces
situations sont des gens qui vont perdre, en quelque sorte, la confiance dans
le marché et qui vont probablement décider que le marché
des valeurs mobilières, ce n'est pas pour eux, alors que cela devrait
être le contraire. On doit encourager et avoir le plus qrand nombre
d'investisseurs au Québec dans le marché des valeurs
mobilières.
Le Président (M. Filion): Même si le temps du parti
ministériel est épuisé depuis déjà fort
longtemps, cela me fait plaisir de laisser la parole à M. le ministre.
Je comprends qu'il a une dernière question.
M. Marx: Nous avons une Opposition généreuse et un
président généreux aussi.
Dans votre mémoire, vous préconisez qu'en appel on devrait
être capable de signifier au procureur de l'intimé en
première instance, supposons que le défendeur a changé
d'avocat...
M. Proulx: Si on fait la comparaison. Vous avez dit tantôt
qu'il y avait une certaine différence entre le droit pénal et le
droit criminel. Sur ce point, il ne faut pas trop associer le droit
pénal au droit criminel. Si on constate les appels en matière de
procédure civile, on signifie toujours l'appel au procureur de la partie
adverse. Son mandat se termine à la fin du délai d'appel. Si on
signifie l'appel à un autre procureur, l'appel sera valide, sauf que
l'autre partie va comparaître par son nouveau procureur, parce
qu'à la suite de la signification de l'avis d'appel, c'est prévu
que les deux parties doivent comparaître par procureur. À ce
moment-là, il fera comparaître le procureur de son choix,
c'est-à-dire son nouveau procureur, parce que cela devient un peu
inutile de faire signifier ces appels à des parties.
Le problème que l'on a, c'est surtout
lorsque la partie adverse réside à l'extérieur de
la province. Cela nous cause des problèmes de signification. Les
délais sont très courts. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait
pas signifier au procureur de la partie adverse. Rien n'empêche que ce
procureur soit substitué par un nouveau procureur par la suite. Notre
mémoire va encore plus loin: la règle de signification à
la partie se justifie encore beaucoup moins lorsqu'il y a eu comparution
à la cour par les procureurs. Pourquoi signifierait-on notre
mémoire pour les procédures à la partie adverse lorsque la
partie adverse a comparu par procureur?
M. Marx: II y a une différence entre le droit civil et le
droit pénal, parce que dans la charte québécoise,
l'article 35 prévoit que tout accusé a droit à une
défense pleine et entière et a le droit de... ainsi de suite. Une
défense pleine et entière signifie qu'elle reçoit l'avis
d'appel. La personne accusée reçoit...
M. Proulx: Je ne vois pas en quoi un avis d'appel puisse brimer
la partie accusée de produire une défense pleine et
entière. Si jamais le procureur ne transmettait pas l'avis d'appel
à son client, il y aurait peut-être moyen d'appliquer les
procédures de rétractation de jugement ou on peut prévoir
un système pour que l'on puisse envoyer une copie à l'appel, mais
le principe de la défense pleine et entière est sur le fond.
Là, c'est tout simplement une question de procédure d'aviser la
partie adverse et d'être représentée par avocat que l'on va
en appel.
M. Marx: Mais supposons que l'avocat en première instance
n'est plus son avocat et supposons qu'il est en vacances en Europe; cela
arrive. Qu'arrive-t-il? On a signifié l'avocat. Ce n'est plus son avocat
et, de toute façon, il est en vacances.
M. Proulx: II ne perdra pas le droit. Il doit produire une
comparution par la suite. L'appel ne procédera pas par défaut. Il
y a moyen de prévoir des dispositions dans la loi. Il y a toujours la
rétractation de jugement. Comme je vous le disais, s'il y avait un
jugement de rendu par défaut...
M. Marx: Quel est l'objectif poursuivi? Est-ce parce que vous ne
savez pas qui est...?
M. Proulx: Souvent, dans le cas des valeurs mobilières, la
partie poursuivie demeure à l'extérieur de la province. On a
été obligé d'utiliser le processus prévu pour la
signification à l'extérieur dans un délai très
court. On ne voit pas pourquoi c'est une compagnie et, dans le domaine des
valeurs mobilières, beaucoup de contrevenants sont des compagnies qui
ont donné un mandat à un bureau d'avocats, je ne vois pas
pourquoi, ici dans la province, on ne pourrait pas signifier à ce bureau
d'avocats ou au procureur.
Le Président (M. Filion): Je pense que le ministre va
réfléchir à cela. Y a-t-il autre chose?
M. Marx: Non, merci. Comme il l'a dit, on va revoir ce
problème.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie de votre
mémoire qui a l'avantage d'être très pratique, d'être
collé à la connaissance d'une réalité vécue
avec une loi pénale qui est celle de la Loi sur les valeurs
mobilières. Je pense que le mémoire est bien fait et va droit au
but; dans ce sens, sans trop de philosophie juridique, il explique les
problèmes que vous auriez à vivre avec le nouveau Code de
procédure pénale que nous étudions par voie d'avant-projet
de loi. Il s'agit, et je tiens à le spécifier, d'un avant-projet
de loi précisément pour permettre cette nécessaire
réflexion sur les conséquences des dispositions que pourrait
adopter ce Parlement à la suite de sa consultation et de son
étude.
Je voudrais peut-être vous poser quelques questions
préliminaires pour bien comprendre la nature des activités
judiciaires de la commission. D'abord, il n'est pas besoin d'être un
spécialiste pour se rendre compte qu'au Québec, dans les
dernières années, nous avons assisté à une
véritable explosion de l'engouement des Québécois et des
Québécoises pour le marché boursier. Les statistiques que
vous avez étalées, hier, devant une commission de ce Parlement
sont, cette fois-ci, fort révélatrices. J'ai été
fasciné d'apprendre que le nombre de visas et de prospectus avait plus
que doublé en trois ans. J'ai été également non pas
surpris mais un peu déçu de constater que, par rapport à
une explosion semblable, le budget de la Commission des valeurs
mobilières du Québec était demeuré quelque part
autour de 40 % inférieur à celui de la Commission des valeurs
mobilières de l'Ontario. Dans ses nombreuses activités, est-ce
que vous pourriez me dire à peu près combien de dossiers
d'enquêtes la commission peut ouvrir durant une année et aussi
combien, approximativement, de ces dossiers résultent sur une base
annuelle, en moyenne, pour les deux dernières années, en
dépôts de plaintes pénales en vertu de la Loi sur les
valeurs mobilières? Encore une fois, le nombre approximatif me
satisferait.
M. Guy: M. le Président, je vais vous donner les chiffres
que j'ai ici, si vous me permettez de prendre quelques secondes pour les
retracer. Pour le nombre d'enquêtes, on
distingue bien entendu les enquêtes officielles, là
où la commission ordonne une enquête, et les enquêtes qui se
font sans ordonnance d'enquête de la commission, c'est-à-dire
qu'on arrive à certaines conclusions, dans bien des cas, sans être
obligé de faire une enquête formelle. Le nombre d'enquêtes a
diminué de 36 % dans les trois dernières années, alors il
y a une diminution du nombre d'enquêtes, et c'est directement fonction -
et je l'ai expliqué hier - du manque de ressources d'enquêteurs
à la commission que l'on ne fait pas actuellement 50 % des
enquêtes qu'on devrait faire. Je peux le répéter,
même si je l'ai dit hier. C'est évident que le nombre
d'enquêtes devrait être beaucoup plus grand que cela et ne devrait
pas diminuer, mais augmenter parce qu'avec l'activité accrue dans le
domaine des valeurs mobilières, le nombre de plaintes qui sont faites
à la commission a augmenté de façon considérable et
le nombre de demandes de renseignements est passé de 2000 à 8000,
dans deux ans. Je pense que cela devrait se refléter sur le nombre
d'enquêtes. Cela ne se reflète pas et je pense que l'explication
est très simple et repose sur le nombre d'enquêtes qui ont
été entreprises par la commission. On a déposé 200
plaintes pénales en 1985-1986, 160 en 1986-1987, c'est-à-dire
jusqu'au mois de février, cela ne comprend pas le mois de mars, c'est
onze mois, bien entendu. On a obtenu 52 jugements cette année par
rapport à 50 l'année précédente. En
général, le résultat est en grande partie positif,
c'est-à-dire qu'on a obtenu dans la plupart des cas des condamnations.
On n'a pas eu beaucoup de succès. Je l'ai mentionné tout à
l'heure, dans les cas de complicité où le fardeau de la preuve
nous est imposé par les tribunaux et non pas nécessairement par
une loi, on applique les normes du Code criminel et c'est un fardeau qu'on ne
peut pas atteindre. On n'a pas eu de succès sur les questions de
complicité jusqu'ici. On a déposé des plaintes, mais on
n'a pas eu de succès. (11 h 15)
Le Président (M. Filion): C'est un nombre quand même
assez impressionnant, autour de 160 ou 200 plaintes pénales qui sont
déposées, le nombre d'enquêtes aussi. Vous disposez de
combien de personnes pour ce qui est des enquêtes?
M. Guy: Actuellement, on a cinq enquêteurs je crois. Il me
semble que ces chiffres que je vous donne sont assez exacts.
Le Président (M. Filion): Donc, d'une part, comme l'a bien
souligné Me Dandonneau, il y a le problème du volume qui est
déjà un problème. Il y a un autre problème, qui est
la question de la complexité. À cause de la nature des
activités boursières, il n'y a pas beaucoup de flagrants
délis dans vos dossiers, contrairement à la Loi sur la
conservation de la faune ou au Code de la sécurité
routière où mener une enquête se résout dans bien
des cas, dans 90 % des cas, à des flagrants délis. Dans votre cas
vous devez, si je comprends bien, disséquer des transactions
boursières pour y retracer, dans certains cas, des infractions à
l'intérieur de ces activités. C'est bien cela?
M. Guy: II faut dire que, dans plusieurs cas, la commission
intervient pour arrêter certaines activités qui sont des
activités faites en contravention de la loi par des mesures, en fait,
plutôt administratives, comme des interdictions qui sont un peu de la
nature similaire à des injonctions, déblocages de fonds et ainsi
de suite, et l'enquête se fait par la suite et peut donner lieu à
des poursuites éventuellement. C'est plutôt l'exception. Supposons
qu'une personne fait de la publicité dans les journaux sur des titres,
des placements, elle n'est pas inscrite auprès de la commission, il n'y
a pas de prospectus, la commission va intervenir immédiatement pour que
cette personne arrête d'exercer cette activité. Ce n'est pas le
nombre le plus important, c'est quand même un nombre minime de cas. Vous
avez raison, on apprend la plupart des affaires après que
l'activité est terminée, soit par une plainte, soit par la
commission directement. Par les différentes activités qu'on
poursuit, on s'aperçoit que quelqu'un a reçu une contravention.
Dans le cas de l'usage d'informations privilégiées, notamment,
où ce sont des cas plus complexes ou plus difficiles, c'est toujours
après coup, bien entendu. Il y a une annonce, une offre publique et
là on voit que, quelques jours avant l'annonce, il y a une fluctuation
anormale des cours à la Bourse, on l'apprend après et
l'enquête se fait par la suite. Je pense que pour la majorité des
cas, l'enquête est faite après l'infraction et non pas avant.
Le Président (M. Filion): Je dois vous dire à la
lueur de vos remarques et à la suite des commentaires du
député de Louis-Hébert, que je suis tout à fait
d'accord avec ce que le député de Louis-Hébert disait
tantôt. Vous agissez finalement pour la protection du public et cette
fois-ci le public est large et de plus en plus large. C'est une bonne chose que
les Québécois et les Québécoises
s'intéressent aux activités boursières, donc aux
activités économiques. Si on veut que cet intérêt
soit soutenu dans l'avenir, il se doit d'être bien
sécurisé, si l'on veut, par une vigilance qui est celle du
caractère un peu policier, comme vous le dites entre guillemets, de la
Commission des valeurs mobilières. Je dois vous dire que je
considère votre demande, quant à la prescription allongée
de deux ans tout à fait
raisonnable dans les circonstances. Je m'interroge cependant sur le
point de départ de cette prescription. Vous dites, au bas de la page 2
de votre mémoire, à peu près au centre du dernier
paragraphe: "La connaissance de la perpétration de l'infraction est un
critère différent de la connaissance des faits qui y donnent
lieu." J'aimerais beaucoup que...
M. Guy: II y a un problème d'interprétation. Nous
interprétons notre loi actuellement et je dois vous avouer que,
même dans notre loi, je ne suis pas personnellement très satisfait
de la précision de cette disposition sur la prescription parce que, bien
souvent, il va y avoir certains comportements qui nous sont signalés et
on ne sait pas s'il y a infraction ou contravention à la loi. Il va
falloir faire une enquête qui peut prendre six mois et peut-être
que là, à un moment donné après le début de
l'enquête, après six mois, on va dire: Oui, il y a peut-être
infraction è la loi et là, il va falloir poursuivre pour obtenir
la preuve nécessaire à la poursuite. À quel moment cette
prescription joue-t-elle? Nous prétendons au moins qu'elle ne peut pas
jouer avant que la commission ordonne une enquête officielle parce que
l'on pense qu'on a des raisons ou des motifs de croire qu'il y a
peut-être une infraction à la loi et qu'elle joue à partir
de ce moment-là. Cela demeure quand même une question qui,
même dans notre loi, je dois l'admettre, n'est pas très claire. On
dit: Pour toute infraction prévue par la présente loi, l'action
pénale se prescrit par deux ans à compter de la connaissance par
la commission des faits qui y donnent lieu, c'est-à-dire des faits qui
donnent lieu à l'infraction. Alors, on peut prétendre que cela
peut même être après que l'enquête soit
commencée parce que, bien souvent, on ne connaissait pas les faits qui
ont donné lieu à l'infraction lors du début de
l'enquête. Il y a quand même une ambiguïté qu'il serait
probablement utile de relever même dans notre loi.
Le Président (M. Filion): Est-ce que cette
ambiguïté-là a amené dans la jurisprudence,
c'est-à-dire au niveau de vos...
M. Proulx: Non, on n'a pas eu de...
Le Président (M. Fïlion): ...problèmes
majeurs...
M. Proulx: ...problèmes jusqu'à maintenant.
Naturellement, lorsqu'on a un problème, cela se pose toujours dans une
enquête très complexe; dans un dossier compliqué, une
enquête peut durer presque deux ans ou on peut être à cheval
sur la prescription et si on interprète la date de départ,
à un moment donné on est prescrit et à un autre moment
donné on n'est pas prescrit. On n'a qu'à penser à un
dossier comme Imasco ou la Banque Commerciale; c'est se genre de dossier
où les procureurs soulèvent tous les points possibles pour se
tirer d'embarras. On peut soulever la prescription, même à
l'intérieur du contentieux. Il y a des débats à savoir
quand exactement interpréter la date à laquelle on peut compter
le départ de la prescription.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Proulx: J'aimerais aussi souligner... Tantôt, vous avez
parlé du nombre d'enquêtes, il y a beaucoup d'enquêtes en
matière de contrat d'investissement et on n'a pas actuellement le
personnel voulu pour compléter ces enquêtes. La complexité
des recours maintenant devant les tribunaux, le nombre de contestations est
beaucoup plus élevé et on embarque souvent dana des questions de
juridiction, de points de droits nouveaux. Les débats juridiques sont
beaucoup plus longs devant les tribunaux qu'autrefois.
Le Président (M. Filion): D'accord, je vous remercie. En
ce qui concerne votre deuxième point, la complicité, eu
égard à la compétence territoriale, je vais vous dire que,
en tout cas à l'oeil, ce n'est pas un problème facile. Le
ministre a exposé tantôt les choix qui peuvent se
présenter. Evidemment, les modifications au Code criminel apparaissent
d'emblée la meilleure solution; le problème, évidemment,
c'est qu'il y a une distinction à faire et, dans certains cas, vous en
voulez une; vous choisissez de poursuivre en vertu de la Loi sur les valeurs
mobilières plutôt qu'en vertu du Code criminel à cause,
notamment, de la mens rea, l'intention criminelle qui doit être
prouvée, on le sait, dans le cas d'un acte criminel; ce qui n'est pas
nécessairement le cas en droit pénal. En tout cas, je vais
participer à ce sujet à la réflexion, ce n'est pas un
problème facile comme je vous ai dit. Il faut surtout éviter,
nous, comme législateurs, de créer un vacuum juridique où
on connaît l'imagination dans le marché boursier des
fraudeurs.
Il ne faudrait pas que leur imagination leur fasse découvrir une
plage d'activités que nos lois ne couvriraient pas. Maintenant, la
solution n'est pas facile.
En ce qui concerne votre troisième point... Je ne sais pas si
vous voulez réagir à ces propos sur le deuxième point.
M. Proulx: Comme on l'a mentionné tantôt, je ne
crois pas que les dispositions, même le Code criminel amendé,
seraient suffisantes, parce que notre but, c'est de faire respecter la Loi sur
les valeurs mobilières, puisqu'on demande un outil pour faire respecter
notre loi. Il y a la question
de la mens rea et l'information priviligiée n'est pas couverte
par le Code criminel.
Il y a d'autres domaines comme en matière d'information fausse et
trompeuse. C'est plus facile de poursuivre et on a de meilleurs
résultats en vertu de notre loi. Comme les placements qui viennent de
l'extérieur, pour une bonne partie, si on veut poursuivre tout le monde,
il faut avoir des règles adéquates en matière de
complicité.
Le Président (M. Filion): D'accord. M. Guy.
M. Guy: Je voudrais, M. le Président, parce que je trouve
que c'est important... Je pense qu'il faut faire attention. Il y a
l'efficacité de la répression aussi. La Loi sur les valeurs
mobilières, c'est un outil beaucoup plus efficace que le Code criminel.
Je pense que c'est très important de le souligner. Je pourrais donner un
exemple qui est une affaire publique, dans le cas de SODECOM où c'est
une information fausse et trompeuse dans le prospectus qu'on a transmis
à la Sûreté du Québec pour faire enquête et on
n'a poursuivi en vertu du Code criminel que le président de la
société.
Alors, sa condamnation où des millions de dollars ont
été perdus par les petits épargnants dans ce placement -
en fait, ils ont tout perdu leur argent - a été, je crois, un
jour de prison. On sait qu'en matière de crime économique, les
tribunaux ne sont pas très enclins à donner des sentences
importantes.
Alors que nous, nous avons repris le dossier à la suite de cela
et on a intenté des poursuites contre le vérificateur, contre
d'autres dirigeants de la société qui, d'après nous, on
croit, sont aussi coupables de l'infracation que le président de la
société.
C'est un cas où, ayant fait un effort pour dire: Voici, on va
poursuivre en vertu d'une fraude conformément au Code criminel et,
enfin, peut-être qu'on va avoir la personne à une condamnation
plus sévère, on s'aperçoit après deux ans d'une
longue enquête que la personne est trouvée coupable et elle a un
jour de prison.
On est obligé de reprendre le dossier, faire une enquête
pour poursuivre en vertu de notre loi des personnes qui ont contribué
à cette infraction-là.
Alors, le Code criminel, dans des cas comme cela, ne nous a pas
aidés du tout. Je veux dire que quant à nous, on a trouvé
quand même qu'on a perdu un temps important à faire une
enquête qui, en fin de compte, donne des résultats qui ne sont pas
très bons.
Le Président (M. Filion): D'accord. En ce qui
concerne...
M. Guy: Aussi, Me Proulx me souligne - c'est très vrai -
qu'il y a la question de spécialisation. Bien entendu, il n'y a pas
beaucoup de spécialistes au Québec en valeurs mobilières
en droit criminel. Enfin, il y en a très peu; il y en a un ou deux.
C'est là qu'on a un problème quand on transmet les dossiers au
procureur de la couronne sur des crimes économiques en valeurs
mobilières. Bien entendu, ce ne sont pas des dossiers qui les
intéressent beaucoup.
On peut comprendre cela. Ce sont des domaines très complexes dans
lesquels ils n'ont pas beaucoup d'expertise.
Le Président (M. Filion): Surtout qu'ils n'ont pas de
comptables pour les aider.
M. Guy: ...
M. Marx: ...c'est faux. (11 h 30)
Le Président (M. Filion): Quant au troisième point
qui concerne le pouvoir de nolle prosequi du Procureur général en
droit pénal, je vais vous dire que la discussion a déjà
été amorcée hier et se continuera. Je pense que le
ministre en a pris bonne note. Nous avons jeté les bases de la
réflexion là-dessus.
En ce qui concerne l'appel, le problème est bien posé. Il
y avait une décision à prendre et des discussions allaient avoir
lieu en droit civil. C'est vrai qu'en droit civil, on peut signifier notre avis
d'appel au procureur qui agissait en première instance et qu'en droit
pénal, on ne peut pas.
La raison que je vois derrière cela, c'est une raison un peu
historique. S'il y a un appel, souvent, l'avocat qui agit dans une cause
criminelle - on reviendra au pénal plus tard - une fois le procès
terminé, son client n'est pas toujours satisfait. Il peut changer
d'avocat vite. Mais s'il a un avis d'appel de la couronne, cela veut dire que
des fois, c'est le contraire et il peut être très satisfait, parce
que cela veut dire que la couronne ne l'a pas été. En deux mots,
ce qu'en droit pénal un changement de procureur est une chose beaucoup
plus courante qu'en droit civil et c'est une chose qui, dans certains cas,
correspond beaucoup plus à des critères émotifs. Et aussi,
surtout, en droit criminel, on joue avec la liberté des gens. Comme je
l'ai mentionné hier, la privation de la liberté reste le
châtiment le plus ultime dans la catégorie des sanctions. En droit
criminel, la privation de la liberté, donc les peines d'emprisonnement
sont quand même une chose relativement courante. Le problème que
nous avons devant nous est en droit pénal. En droit pénal,
l'emprisonnement existe, bien sûr, et constitue une espèce de
moyen beaucoup plus dissuasif qu'autre chose, parce qu'il n'est pas très
utilisé. Je serais curieux - et on va sûrement avoir quelques
chiffres là-dessus à un moment donné - de
savoir quel est le pourcentage des personnes condamnées qui vont
effectivement en prison. Je dois vous dire que je suis convainu que c'est
inférieur à 1 %, sachant que le Code de sécurité
routière est du droit pénal. Mais la prison existe quand
même, en bout de ligne. J'ai eu l'occasion hier d'exposer qu'à mon
sens, le jour où l'emprisonnement sera disparu de notre droit
pénal tout à fait n'est peut-être pas si
éloigné qu'on pense. Si un crime est suffisamment sérieux
que la prison soit la sanction, est-ce qu'on ne doit pas songer au fait que ce
crime-là soit défini à l'intérieur du Code
criminel? Mais c'est là une discussion un peu ésotérique,
je reviens quand même au fond de mon propos qui est la signification au
procureur.
Je dois vous dire qu'a priori, en tout cas dans le cas de la Loi sur les
valeurs mobilières, je vois d'abord les problèmes qui se posent.
Souvent, ce sont des corporations qui sont poursuivies. Les corporations ne
sont pas toujours faciles à rejoindre. Les individus peuvent demeurer
à l'extérieur du Québec. Or, ils ont toujours pris un
avocat qui était au Québec pour défendre leur cause.
À ce moment-là, je suis sensible à cette demande de la
part de la commission pour que la signification puisse se faire au procureur
qui agit en première instance.
Je pense que vous voulez réagir un peu à la question de
l'emprisonnement et allons-y directement dans ce sens. Croyez-vous que
l'emprisonnement comme sanction à une infraction à la Loi sur les
valeurs mobilières est une nécessité?
M. Guy: M. le Président, je veux certainement
réagir parce que M. le ministre a dit tout à l'heure que la
prison était l'institution des pauvres, je pense qu'en matière
mobilière cela pourrait devenir l'institution des riches. Parce que ce
sont des personnes qui sont très riches qui commettent les infractions
en matière de valeurs mobilières. Ce n'est pas pour rien, je
pense, que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a fait une
recommandation au gouvernement de l'Ontario et que le gouvernement a
adopté, il y a quelques semaines, une modification de la Loi sur les
valeurs mobilières portant les peines en matière d'usage
d'informations privilégiées à 1 000 000 $ ou trois fois le
bénéfice réalisé par le contrevenant et une
possibilité de deux ans de prison. C'est pour montrer l'importance et
l'effet négatif de ce type d'infraction sur le marché des valeurs
mobilières. Ce ne sont pas des questions qu'on va régler avec le
Code criminel. Je ne suis pas en désaccord. J'ai participé,
à la commission, depuis 1973, à des discussions sur des
modifications au Code criminel et je ne suis certainement pas en
désaccord avec le fait qu'on intègre certaines dispositions dans
le Code criminel qui sont doublées dans la Loi sur les valeurs
mobilières. Mais ce ne sera pas la réponse ni le remède
parce qu'on va toujours faire face, en matière de valeurs
mobilières, à des preuves qui vont nous être très
difficiles à faire. L'efficacité de la répression de ces
infractions est beaucoup plus grande si ces infractions sont poursuivies en
vertu de la Loi sur les valeurs mobilières plutôt qu'en vertu du
Code criminel. Je pense que l'efficacité est également un
élément important là-dedans. C'est important de garder,
pour des infractions aussi importantes que cela, la possibilité que les
gens aillent en prison même si on n'aime pas la prison. On a, M. le
Président, un exemple assez concret, je vais demander à Me Proulx
de vous le souligner.
M. Proulx: Récemment, on a poursuivi des contrevenants,
non pas au pénal, on a pris une injonction contre eux afin qu'ils
cessent de faire des placements en contravention à la loi. Ces personnes
ont continué. On a obtenu un premier puis un second outrage au tribunal.
Vous savez qu'avec outrage au tribunal il y a possibilité d'amende
jusqu'à 50 000 $ ou emprisonnement. Pour la seconde contravention, la
peine a été de 3000 $. Lorsqu'on pense aux profits énormes
que ces personnes peuvent faire à contrevenir en vendant des placements
en contravention à la loi, la peine est disproportionnée.
Souvent, j'ai parlé avec des personnes qu'on poursuivait, on nous disait
qu'au point de vue économique, c'est plus payant de payer l'amende que
de déposer un prospectus ou une notice d'offre et de payer des frais
d'avocat et de comptable: Vous nous poursuivrez à chaque fois. A un
moment donné, la seule solution, c'est l'emprisonnement si on veut que
ces personnes cessent. On voit cela souvent dans le domaine de la vente de
placements de parts de société en commandite. Les personnes
préfèrent contrevenir à la loi, payer l'amende,
plutôt que déposer les documents à la commission.
M. Guy: En matière de valeurs mobilières je pense
qu'il faut noter que le récidivisme est très fréquent. On
fait face souvent aux mêmes personnes; les mêmes personnes
continuent et continuent et continuent, par le fait bien souvent qu'elles ont
été poursuivies au criminel. On a cité, hier, le cas de
gens qui ont été poursuivis au criminel et condamnés
à des amendes assez sévères, mais les peines
imposées par les tribunaux en général dans le domaine du
crime économique sont très faibles. Dans ce cas-là, les
gens avaient réalisé un bénéfice de dizaines de
millions de dollars et on les avaient condamnés à 500 000 $
d'amende. Cela leur importe peu de payer 500 000 $ d'amende pour
réaliser 10 000 000 $ de bénéfice. Tant qu'ils ne vont pas
en prison, ils continuent. Vous ne pouvez pas savoir la
peur d'aller en prison qu'ont la plupart des contrevenants en
matière de valeurs mobilières. Pour avoir eu souvent des
discussions afin d'essayer de conclure des ententes à l'amiable dans
bien des cas, tout ce qu'ils veulent éviter, c'est la prison. Les
amendes, ils s'en foutent pas mal; ils sont prêts à payer des
amendes, même importantes.
Le Président (M. Filion): M. le ministre.
M. Marx: Sur le droit criminel, à la quesiton que nous
avons soulevée, je pense qu'au début vous avez dit: II pourrait y
avoir des infractions qu'on ne peut pas poursuivre au Québec et qu'on ne
peut pas poursuivre en Ontario. Donc, il serait peut-être utile d'avoir
des dispositions au Code criminel pour que les gens ne puissent pas
échapper complètement aux lois dites provinciales. Il y a un
problème là. En ce qui concerne les amendes, vous pouvez toujours
les augmenter et prévoir des minimums.
M. Guy: Certainement, je suis entièrement d'accord M. le
ministre.
M. Marx: Je pense que vous avez une demande pour augmenter...
M. Guy: Pour augmenter dans le cas d'usage d'informations
privilégiées. M. le ministre sera certainement d'accord sur les
questions du Code criminel. Je l'ai dit tout à l'heure, on n'est pas
opposé à ce qu'il y ait des infractions au Code criminel. Il y a
des cas quand même où c'est peut-être la seule avenue qu'on
aura de poursuivre en vertu du Code criminel. Les enquêtes en vertu du
Code criminel en matière de valeurs mobilières, je l'ai
souligné tout à l'heure, ne sont pas faciles. Le personnel de la
GRC ou de la Sûreté du Québec dans certains cas est peu
disponible pour ces enquêtes. On ne veut pas, bien souvent, faire ces
enquêtes qui sont trop longues. On ne veut pas mettre des ressources
pendant deux ans, trois ans, quatre ans, dans certains cas - plusieurs
enquêtes ont demandé quatre à cinq ans à la GRC -
pour une période aussi longue pour faire des enquêtes en
matière de valeurs mobilières. C'est toujours le
problème.
M. Marx: Je comprends qu'il faut avoir les deux. Il faut avoir la
loi pénale et peut-être la loi criminelle aussi.
Le Président (M. Filion): D'accord. Je voudrais, au nom
des membres de cette commission vous remercier de votre mémoire, vous
remercier de votre présence et vous remercier de la qualité de
nos échanges de vues dont témoigne, je pense, le temps
allongé que nous avons pris pour vous entendre ce matin.
Je pense que vous retiendrez du Parlement qu'on dépasse souvent
le temps prescrit, si je me fie à la longueur du témoignage que
vous avez rendu hier à une autre commission. Je voudrais vous remercier,
M. Guy, Me Dandonneau ainsi que Me Proulx.
Sans plus tarder, je voudrais inviter les représentants de la
Commission des services juridiques, que je vois à l'arrière,
à bien vouloir prendre place à la table des invités. Nous
allons suspendre pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 41)
(Reprise à 11 h 47)
Le Président (M. Filion): Je voudrais souhaiter la plus
cordiale des bienvenues aux représentants de la Commission des services
juridiques. Je voudrais sans plus tarder demander à leur porte-parole de
bien vouloir s'identifier pour les besoins à la fois des membres de la
commission et de ceux du Journal des débats.
Commission des services juridiques
M. Bouchard (Denis): Merci, M. le Président. Je m'appelle
Denis Bouchard. Je suis vice-président de la Commission des services
juridiques. Je voudrais remercier tout d'abord cette commission de permettre
à la nôtre de fournir ses observations au sujet de cet
avant-projet de loi concernant le Code de procédure pénale.
Le mémoire qui vous a été soumis et que nous allons
discuter ce matin a été préparé par un groupe
d'avocats criminalistes au service de différents bureaux et de
corporations d'aide juridique dans la province. Certains m'accompagnent, ce
matin. Je voudrais vous les présenter pour ensuite leur laisser
présenter eux-mêmes ce mémoire.
À mon extrême gauche, Me Richard Côté, du
bureau d'aide juridique de Rimouski; près de moi, Me Michel Marchand,
criminaliste, plaideur et recherchiste à la Commission des services
juridiques qui, plus spécialement, présentera le mémoire
et, à ma droite, Me Pierre Gagnon, criminaliste au bureau d'aide
juridique de Saint-Jérôme.
Comme vous avez pu le constater d'une façon plus
générale, la Commission des services juridiques est, par
conséquent, le point de vue d'une clientèle
défavorisée. C'est un autre son de cloche évidemment que
celui que nous avons écouté dans les heures
précédentes, quoique je vous prie de croire que notre
mémoire n'est pas une réponse à celui de la Commission des
valeurs mobilières, notre clientèle ne jouant pas trop
frauduleusement à la Bourse.
Je veux tout simplement vous signaler que c'est donc une
responsabilité importante
qu'a la Commission des services juridiques de parler au nom de cette
clientèle défavorisée qui est présente devant les
tribunaux en matière pénale. Si la prison est une institution des
pauvres, il faudrait... Je pense que cela ressort de notre mémoire.
C'est le grand thème de notre mémoire: l'efficacité
administrative. Je vous prie aussi de croire que cela peut paraître
surprenant de parler d'efficacité administrative comme étant
quelque chose qu'on ne devrait pas atteindre.
Mais ce n'est pas cela du tout. Vous savez combien, à la
commission, nous y tenons et l'atteignons. Mais l'efficacité
administrative à l'égard de droits fondamentaux, il y a un
partage, il y a un équilibre à tenir; et c'est cet
équilibre que nous avons tenté de rechercher et de vous
exprimer.
Je demanderais à Me Michel Marchand de vous présenter ce
mémoire dans le temps que vous lui allouerez, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): Je vous en prie. Me
Marchand.
M. Marchand (Michel): En février 1985, le ministère
de la Justice nous avait demandé notre opinion concernant un document
qui circulait au niveau ministériel. C'était un peu
l'ancêtre du document actuel. À ce moment-là, on avait
rédigé un rapport; on avait préparé un
mémoire et on avait mentionné qu'il y avait de nombreuses
lacunes. On a été agréablement surpris à la lecture
de l'avant-projet de loi de constater que plusieurs lacunes ont
été comblées. Cependant, il y a encore, à notre
avis, du travail à faire. Je pense qu'il y a certaines modifications
importantes qui devraient être apportées pour qu'on ait finalement
un juste équilibre entre l'efficacité administrative, dont
parlait Me Bouchard, et la protection des libertés individuelles.
Mon exposé se déroulera comme suit. J'ai regardé
les grands thèmes du mémoire et je vais développer
rapidement chacun des points qui me semblent les plus importants. En premier,
je vais discuter du respect des garanties procédurales. Ensuite, je vais
discuter du problème des jeunes, entre autres, pour ce qui est des avis
aux parents et des amendes; du problème de l'outrage au tribunal; des
problèmes de preuve, il y a de nombreux problèmes de preuve dans
le projet de loi; des problèmes de prescription; des problèmes de
cautionnement; des problèmes du fait d'être obligé de
déclarer son nom au juge de paix - je pense que c'est aller très
loin - des problèmes de perquisition; de constat d'infraction; des
problèmes de l'application de l'arrêt Kienapple; des
problèmes des sentences; des dépens; de l'exécution des
jugements et de la rétractation. C'est beaucoup de sujets, mais qui vont
quand même être traités très rapidement.
Alors, j'enchaîne immédiatement avec le respect des
garanties procédurales qui est le premier thème que j'entends
aborder. Il y a deux articles qui retiennent notre attention. Ce sont les
articles 2 et 59 du projet. À l'article 2 - je le lis rapidement -on
mentionne que: "Les règles édictées dans le présent
code doivent être interprétées comme ayant pour but de
faciliter le déroulement de la procédure plutôt que de la
retarder ou d'y mettre fin prématurément."
À l'article 59, on mentionne que: "Un juge peut, dans
l'intérêt de la justice, admettre une preuve, aux conditions qu'il
détermine, malgré l'inaccomplissement d'une formalité ou
ordonner l'ajournement de l'audience afin de permettre l'accomplissement de
cette formalité."
On voit finalement dans ces deux articles le ton du Code de
procédure pénale à certains égards. Dans le fond,
ces deux articles soulignent le critère d'efficacité
administrative au détriment, à notre avis, de la
présomption d'innoncence.
Le formalisme, en matière pénale et en matière
criminelle, est très important. On commence notre mémoire en
soulignant une citation d'un juge de la Cour suprême des
États-Unis, et je pense qu'il ne faut pas perdre cela de vue. Il ne faut
pas penser que le formalisme est de la dentelle. Le formalisme est là
pour protéger des garanties individuelles et, surtout en matière
pénale et criminelle, il faut faire très attention à cela.
On dit souvent qu'en pénal provincial il n'y a pas d'emprisonnement.
Mais il faut faire attention. Souvent, il peut y avoir de l'emprisonnement,
particulièrement pour les gens démunis. Les gens que nous
représentons vont souvent être emprisonnés parce que, tout
simplement, ils n'ont pas l'argent pour payer l'amende. En plus, il faut se
souvenir qu'il y a de nombreuses possibilités de condamner à du
consécutif, particulièrement si les gens n'ont pas d'argent.
C'est toujours du consécutif du moment qu'il y a un défaut de
paiement d'amende. Il faut vraiment avoir cela à l'esprit lorsqu'on
parle de garantie procédurale. Nous pensons que les articles 2 et 59 qui
donnent le ton, en quelque sorte, du projet, devraient tout simplement
être mis de côté.
Le deuxième thème que j'aborde concerne les jeunes. Je
développe cela de deux manières différentes.
Premièrement, en rapport avec l'avis aux père et mère et,
deuxièmement, en rapport avec les amendes minimales. Alors, je vais
développer le premier point. C'est l'article 13 du projet qui
prévoit la signification au père ou à la mère ou
à tout autre titulaire de l'autorité parentale. Il y a vraiment
un problème si on compare cette disposition avec l'article le de la Loi
sur la protection de la jeunesse qui est un champ un peu pareil, dans le fond,
ce
sont des jeunes qui sont pris avec des problèmes de protection.
Ici, on a des jeunes qui sont pris avec des problèmes pénaux.
Dans la Loi sur la protection de la jeunesse, on prévoit qu'il doit y
avoir signification au père et à la mère ou à toute
autre titulaire de l'autorité parentale. Je fais référence
à l'article le de la Loi sur la protection de la jeunesse. Ce n'est pas
dans le mémoire, mais c'est quelque chose qui est ajouté. Il faut
aussi avoir à l'esprit l'article 648 du Code civil du Québec qui
prévoit que les titulaires de l'autorité parentale sont les
père et mère; les deux exercent cela conjointement. Nous ne
voyons pas pourquoi les deux ne seraient pas avisés. Je pense
particulièrement au cas où l'enfant est trouvé dans un bar
à 3 heures du matin, dans un cas où les parents vivent
séparés, comme cela arrive très souvent, ce n'est plus
quelque chose de très rare de nos jours, cela arrive
régulièrement. Je pense que les deux parents aimeraient bien
savoir que leur jeune a été trouvé dans un bar à 3
heures du matin. Il faudrait vraiment amender cela pour prévoir la
signification aux deux parents.
Il y a aussi un autre problème qui se soulève - je ne sais
pas comment cela pourrait être interprété en jurisprudence
-c'est l'autre titulaire de l'autorité parentale. Si l'enfant est
placé en famille d'accueil, qu'est-ce qu'il arrive? Lorsqu'on dit: "ou
autre titulaire de l'autorité parentale", cela voudrait-il dire qu'une
signification à la famille d'accueil serait suffisante? Je
soulève le problème. Je n'ai pas de réponse, mais je pense
qu'il devait y avoir un "et" là aussi pour que, finalement, tous ceux
qui entourent le jeune soient au courant des problèmes de ce jeune;
souvent, cela peut peut-être être l'amorce d'une
délinquance, surtout en matière de débit de boissons.
Quant aux amendes minimales, on prévoit, dans le projet toujours,
la même formule qui dit sensiblement ce qui suit: Toutefois, lorsque le
défendeur est une personne âgée de moins de 18 ans, le
montant des frais que cette personne peut être condamnée à
payer ne peut excéder 100 $. C'est le montant des frais encourus pour
les témoins, le cautionnement et les amendes. On reprend exactement le
texte de l'article 72.1 de la Loi sur les poursuites sommaires; ce texte a fait
l'objet d'une interprétation judiciaire. La Cour d'appel du
Québec a dit récemment - le 5 décembre 1986 - que ce texte
voulait dire tout simplement que lorsque le minimum de l'amende était
supérieur à 100 $, on appliquait 100 $. Cela veut dire, au fond,
que, pour environ les deux tiers des infractions pénales provinciales
québécoises, le juge n'a plus de discrétion lorsqu'il
s'agit de jeunes, il doit nécessairement imposer une amende de 100 $. Je
cite le mémoire aux pages 41 et 42, un texte de M. Létourneau qui
est en date de 1975, dans lequel il faisait la revue des infractions au
Québec avec les minimums et les maximums, cela a changé, c'est
certainement pire que c'était à l'époque; on en arrive
à la conclusion que 262 cas prévoient des amendes minimales se
situant entre 0 $ et 100 $, alors 262 cas; 328 cas de minimum se situant entre
100 $ et plus. Cela veut dire qu'il y a plus d'amendes dont les minimums sont
supérieurs ou égaux à 100 $. Je pense qu'il y a un
problème. Les jeunes, on le sait, ne travaillent pas, vont à
l'école lorsqu'ils ne sont pas sur le chômage; je pense que le
juge devrait avoir discrétion pour les jeunes afin de déterminer
le montant de l'amende ou le montant des frais pour qu'ils se situent entre 0 $
et 100 $. On a appris que, lorsque l'article 72.1 a été fait,
apparemment que c'était l'intention du léqisteur; du moins, c'est
ce que les gens de la couronne nous ont dit lorsqu'on a plaidé le
jugement qui était la base de l'interprétation que je vous ai
donnée tantôt. Ce serait peut-être le moment de corriger la
situation.
Autre problème: l'outrage au tribunal qui peut être aussi
exploré sur deux paliers différents. Premièrement, le fait
de pouvoir condamner pour outrage au tribunal in faciae. Dans le
mémoire, on parle du C-19, l'article 131.13 de ce projet de loi, qui
avait été présenté en première lecture au
gouvernement fédéral le 7 février 1984; là-dedans,
on prévoyait une procédure qui était vraiment
adéquate et respectueuse des droits des gens, qui était
respectueuse de la présomption d'innoncence et qui était aussi
respectueuse de l'obligation d'être jugé devant un tribunal
indépendant et impartial. On prévoyait là-dedans que,
lorsque la personne fait du trouble à la cour, le juge peut tout
simplement l'exclure de la cour et lui ordonner de se présenter devant
un autre magistrat qui, lui, jugera. Je pense que tout ce qu'il faut en
matière d'outrage au tribunal, c'est cela, c'est le pouvoir de faire en
sorte que la personne cesse son trouble, soit exclue de la cour et se fasse
juger devant un autre magistrat qui, lui, pourra, en toute quiétude et
en toute froideur, juger l'individu et déterminer s'il s'agissait
vraiment ou non d'un outrage au tribunal. Je pense qu'il faudrait profiter de
l'occasion pour actualiser le Code criminel. On sait que l'outrage au tribunal
a fait l'objet de nombreux débats. Je pense que ce serait l'occasion de
rendre cela plus conforme aux droits fondamentaux. (12 heures)
Le deuxième problème que j'ai en ce qui concerne l'outrage
au tribunal, c'est que non seulement on prévoit que l'outrage au
tribunal existe encore - comme on le connaît actuellement lorsque c'est
in faciae - mais, en plus, on prévoit qu'un juge de paix va pouvoir
condamner pour outrage au tribunal. C'est aller très loin, la Loi sur
les poursuites sommaines actuellement ne prévoit
pas cela. On n'a qu'à lire l'article 73 pour s'en rendre compte.
Je pense que c'est un deuxième problème et c'est un très
gros problème. L'outrage au tribunal, il faut garder cela en
mémoire, c'est quand même quelque chose de très
sérieux, les qens sont passibles d'amendes de 5000 $ ou encore d'un
emprisonnement d'un an. C'est quelque chose, je pense, qu'il ne faut pas
prendre à la légère.
Un autre thème que je n'ai pas mentionné tantôt et
que je vais aborder rapidement, c'est l'homogénéité avec
le Code criminel. On traite cela un peu partout dans le code. On se rend compte
qu'il y a un tas de choses, finalement, qui pourraient être
homogènes au Code criminel et qui ne le sont pas. Nous pensons que ce
serait à l'avantage de tout le monde de rendre cela homogène
lorsque, finalement, cela ne change pas grand chose. On pense, par exemple,
à ce qui a trait è l'arrestation. On parle de motifs raisonnables
seulement. Pourquoi ne pas parler de motifs raisonnables et probables, comme le
Code criminel le prévoit? Comme le droit, finalement, existe depuis de
nombreuses années et que cela n'a pas causé de problèmes,
c'est quelque chose avec lequel les intervenants judiciaires sont
habitués, les policiers sont habitués, tout le monde est
habitué, alors pourquoi changer la formulation? En ce qui concerne des
motifs raisonnables et pour un mandat de perquisition aussi, pourquoi ne pas
suivre l'arrêt Southam et parler de motifs raisonnables et probables?
Enfin, il y a un tas de choses comme cela dans le projet qu'il faudrait,
à notre avis, changer pour les rendre le plus possible conformes au Code
criminel. Je pense aussi à l'article 543, par exemple, du Code criminel
qui porte sur les gens incapables de subir l'instruction. Pourquoi ne pas se
rapprocher de cet article lorsqu'on réfère, par exemple, aux
articles 274, 275 et 276 du projet? On reprend ce concept, mais d'une
manière toute difforme, d'une manière qui n'est pas pareille. On
ne prévoit même pas la possibilité de retarder
l'instruction jusqu'à la fin de la preuve de la couronne. C'est un autre
accroc majeur. II y a plusieurs points comme cela, je pense, qui devraient
être révisés et on devrait prévoir, dans la mesure
du possible, l'homogénéité avec le Code criminel. Un
dernier point là-dessus: on ne prévoit pas la possibilité
de plaider coupable à une infraction incluse. On prévoit que le
juge peut nous condamner pour une infraction incluse, mais on ne prévoit
pas que l'accusé peut offrir de plaider coupable à une infraction
incluse. C'est une autre lacune.
J'arrive au problème de la preuve et c'est, à notre avis,
un gros problème. L'article que j'ai en mémoire, entre autres,
est l'article 46 qui nous parle du fait que la défense est
obligée d'établir qu'il bénéficie d'une exception,
d'une exemption, d'une excuse ou d'une justification. Cela est conforme
à la "common law", c'est conforme au droit qui existait
antérieurement à la charte, je ne suis pas certain que c'est
conforme à l'arrêt Oakes. L'arrêt Oakes de la Cour
suprême n'est peut-être pas allé assez loin pour couvrir cet
article, mais je pense que les jalons sont là et que si on oblige
l'accusé à offrir une preuve qui va au-delà du doute
raisonnable, je pense qu'on contrevient à la présomption
d'innocence, on contrevient à l'article lld de la charte. Dans ce
cas-ci, si on voit l'article 46, non seulement on a le fardeau mais en plus
c'est un fardeau de preuve prépondérante. Le juge pourrait,
à la fin de l'instruction, avoir un doute raisonnable et être
obligé de condamner. C'est exactement ce que dit l'article 46. Alors, je
pense que cela devrait être révisé.
Un autre article qui retient notre attention, l'article 54, est dans la
même veine. Cette fois-là, c'est encore pire parce que dans
l'article 54, on mentionne qu'il incombe au défendeur de faire la preuve
qu'il est titulaire d'un certificat, d'une licence ou d'un permis. Alors
là, on oblige le défendeur à faire la preuve d'un
élément essentiel de l'actus reus, un élément
essentiel de l'infraction. Je pense qu'on pourrait prévoir un
mécanisme par lequel on pourrait signifier préalablement au
défendeur un certificat attestant qu'il n'était pas
détenteur d'un permis ou encore un mécanisme lui permettant de
demander à la couronne de faire cette preuve. Je ne pense pas qu'on
devrait rester avec une disposition similaire à ce qu'on a actuellement,
qui est l'article 54.
Un autre problème en matière de preuve, l'article 48,
où on mentionne que les règles de preuve en matière
criminelle s'appliquent en matière pénale. On ne fait aucune
référence à la partie 1 de la Loi sur la preuve au Canada,
quelle est l'intention du législateur? Est-ce qu'on veut se
référer ou non à cette loi? Je pense que c'est très
important. D'ailleurs la loi actuelle, article 44 réfère à
la Loi sur la preuve au Canada. Pourquoi avoir un texte équivoque qui ne
réfère qu'aux règles de preuve en matière
criminelle sans préciser qu'on réfère également
à la partie 1 de la Loi sur la preuve au Canada. C'est très
important, notamment pour ce qui est de la preuve documentaire, quant à
la preuve de certificat, de dossier de ministère, on devrait vraiment
avoir un renvoi pour que cela ne cause pas de problème.
Autre problème quant à la preuve, le constat d'infraction
et le rapport d'infraction, l'article 49. Dans la loi actuelle sur les
poursuites sommaires, c'est-à-dire l'article 31, on prévoit
quelque chose qui est un peu similaire, le rapport d'infraction, mais
seulement pour les agents de la paix ou encore les personnes
chargées de l'application d'une loi. Pourquoi aller beaucoup plus loin
que cela et permettre à peu près à tout le monde de
pouvoir procéder par le constat d'infraction ou encore par le rapport
d'infraction? Nous pensons que cela devrait être limité aux
policiers ou encore aux personnes chargées de l'application d'une loi et
ce n'est pas du tout indiqué, ni pour le constat d'infraction, ni pour
le rapport. Je comprends qu'une procédure pénale commence par la
signification d'un constat d'infraction et que, en règle
générale, c'est le Procureur général qui
décide. Rien ne dit qu'un constat d'infraction ne peut pas être
fait par d'autre qu'une personne en situation d'autorité.
Compte tenu du fait que c'est de la preuve exceptionnelle, ce sont des
règles de preuve exorbitantes, je pense qu'il devait être
précisé que cela ne s'applique qu'aux agents de la paix ou aux
personnes chargées de l'application d'une loi. Il faut bien penser que
ces rapports vont valoir comme preuve. On va peut-être en arriver
à une situation où la preuve va n'être que documentaire et
où l'accusé sera obligé de demander è chaque fois
qu'on fasse preuve de sa culpabilité. Ce qui est le principe va devenir
l'exception. Autre problème quant à la preuve - et
j'achève pour ce thème - les articles 51 et 52. Dans l'article 51
on mentionne: "Un document mis en preuve par le poursuivant et qui, suivant
toute apparence, a été écrit ou signé par le
défendeur fait preuve, en l'absence de toute preuve contraire, que ce
dernier l'a écrit ou signé." C'est aller loin aussi. Je pense
qu'an en aurait suffisamment avec les règles de preuve qu'on
connaît actuellement qui sont les règles de preuve
circonstancielles sans avoir à prévoir un article de ce type.
L'article 52 aussi cause beaucoup de problèmes. Lorsqu'on
mentionne que "Le juge devant qui un document est mis en preuve peut recevoir
toute preuve qu'il considère pertinente et digne de foi en
l'espèce", c'est aller très loin. En matière de
cautionnement, on retrouve une disposition similaire à cela dans le Code
criminel, et la jurisprudence a décidé qu'on n'était pas
obligé de dire que c'était une preuve digne de foi. Donc, on
n'est pas obligé de dire lorsqu'on veut admettre en preuve une
déclaration extra judiciaire. On a même dit qu'une preuve digne de
foi, c'était du ouï-dire. Finalement, cela ouvre la porte à
plein de choses et je ne vois pas ce que cet article fait dans un contexte
pénal, dans un contexte où les gens peuvent être
privés de leur liberté. C'est ce que j'avais à dire pour
ce qui est de la preuve. Il y a donc de nombreux problèmes.
Le thème suivant: la prescription. Ce sont les articles 62 et 63.
Il y a quand même une grosse évolution qui a été
faite par rapport au droit qu'on connaît actuellement, cependant, comme
on le mentionne dans le mémoire, on aurait peut-être pu aller un
peu plus loin et prévoir ce que le fédéral prévoit,
soit la prescription de six mois, qui est prévue à l'article 721,
paragraphe 2 du Code criminel.
D'autre part, autre problème, c'est qu'on ne prévoit pas
de délai maximal, lorsque le délai se compute à partir de
la connaissance de l'infraction. Autrement dit, une infraction qui ne serait
connue que dix ans après sa perpétration pourrait être
poursuivie si la personne en situation d'autorité ou l'agent de la paix
n'a connaissance de cela que dix après la perpétration de
l'infraction. Il faudrait un délai maximal à l'extérieur
duquel il ne serait plus possible de poursuivre. Je pense que c'est très
important. On pourrait, par exemple, prévoir un délai maximal
d'un an à compter de la perpétration de l'infraction dans le cas
où la connaissance survient è l'extérieur du délai
de six mois. Il faudrait vraiment prévoir une balise maximale sinon on
en arrive à des situations où les crimes sont, à toute
fins utiles, imprescriptibles. C'est ce que cela dit finalement.
Dernier problème quant à la prescription, l'article 64.
Dans l'article 64 on voit, d'après le libellé qu'il n'y a pas
d'obligation de signifier... on ne prévoit rien; cela peut prendre un,
deux ou trois ans; on ne prévoit pas de possibilité de demander
une interruption de prescription, il n'y a rien à ce sujet dans
l'article 64.
Un autre problème qui a retenu notre attention, c'est celui du
cautionnement, entre autres, les articles 80, 81 et 82. On prévoit un
cautionnement pour la personne qui se soustraira à la justice. Nous
disons que les gens qui sont en territoire québécois et qui ne
quitteront pas demain matin ne devraient pas faire l'objet d'un cautionnement;
cela peut peut-être s'appliquer pour les gens qui vont
définitivement quitter le territoire, mais pour ceux qui sont ici, on ne
voit pas pourquoi on introduirait une disposition de ce type. D'autant plus que
tout le processus peut se faire par défaut, cela peut se faire d'un bout
à l'autre du processus. D'une manière générale, on
prévoit qu'on doit procéder par saisie. Alors, si la personne a
des biens, on pourra saisir ses biens. Pourquoi prévoir une
procédure de ce type?
D'autre part, au sujet du cautionnement, nous prétendons qu'il
devrait toujours y avoir une discrétion du policier pour imposer un
cautionnement selon ce qu'il juge opportun. D'autre part, le cautionnement
judiciaire, selon l'article 02, il n'y a absolument rien qui prévoit que
la règle audi alteram partem doit s'appliquer. Quand on lit l'article
82, on a l'impression que cela peut s'appliquer sans la présence du
défendeur. Il faudrait peut-être qu'il soit partie à
cela
pour, finalement, avoir son mot à dire quant à la
décision judiciaire de fixer un cautionnement.
Un autre problème, c'est l'article 100 où on parle de
l'obligation de déclarer ses nom et adresse au juge de paix. Que la
personne soit obligée de déclarer ses nom et adresse à
l'agent de la paix qui procède à l'arrestation, il n'y a pas de
problème, c'est bien convenable, mais que la personne soit passible
d'outrage au tribunal si elle ne déclare pas ses nom et adresse, nous
pensons que c'est exorbitant.
En matière criminelle, même pour des causes de meurtre, on
ne prévoit pas quelque chose de ce genre. On se demande vraiment
pourquoi prévoir cela en matière pénale provinciale.
D'autant plus qu'il faut avoir à l'esprit que, sauvent, ces
procédures vont se faire devant des juges de paix, ce sera la
première procédure, la procédure préliminaire et,
en plus, l'individu qui pourrait être passible d'une amende de 300 $
pourra faire l'objet d'un outrage au tribunal passible d'une amende de 5000 $
ou encore d'un emprisonnement pour une période d'un an. C'est aller
très loin pour finalement régler un problème qui est quand
même relativement mineur. On peut très bien procéder contre
un individu même si on n'a pas son nom. Si on n'a pas son nom, c'est
peut-être un bon motif pour ne pas le remettre en liberté et de
procéder contre lui par la suite, mais ce n'est pas un motif de le
condamner pour outrage au tribunal.
Autre problème, le problème de la perquisition, aux
articles 110 et suivants. Je pense que c'est un très gros
problème. Le formalisme est un gros problème, les
problèmes de preuve aussi sont de gros problèmes, mais le
problème de la perquisition, on pense que cela pourrait être revu.
Dans l'article 110, entre autres, on prévoit que celui qui effectue une
perquisition doit, sur demande, alors il faut lui demander pour que la
personne, l'agent de la paix, donne son nom, sa qualité, qu'il mentionne
quel type d'infraction fonde la perquisition; il faudrait vraiment que l'agent
de la paix soit obligé de dire ce qu'il vient faire et que l'article 110
soit mandatoire plutôt que facultatif, sur demande.
Toujours sur les perquisitions, l'article 111 dans lequel on
prévoit la perquisition de choses qui sont facilement visibles,
finalement le "plain view doctrine". C'est beaucoup plus large de dire
"facilement visible" que ce qui est actuellement connu en "common law"
lorsqu'on parle de choses saisissables, qui sont bien en vue. Les choses
facilement visibles, ce n'est peut-être pas pareil aux choses bien en
vue, je pense qu'il y a une marge et cela permet aux policiers finalement
d'aller très loin.
D'autre part, on devrait prévoir, toujours à l'article
111, que les policiers ne fouillent que dans les endroits où il est
raisonnable de trouver les choses qu'on recherche. Si on recherche un piano, on
ne devrait pas aller fouiller dans les tiroirs; il faudrait que ce soit
prévu, la Commission de réforme du droit du Canada l'a
prévu dans l'un des derniers documents de travail, il faudrait que ce
soit prévu. (12 h 15)
À l'article 115 aussi, dans lequel on parle de l'obtention d'un
mandat de perquisition, on ne parle pas du tout de déclaration
écrite. Il y a un problème quant è la vérification
du mandat de perquisition. On n'a pas de déclaration écrite de la
part du policier, il n'y a rien qui oblige le policier à faire une
déclaration écrite. Comment vérifier la
légalité de cela? Il faudrait vraiment qu'il y ait quelque chose
de prévu à cet égard.
Les perquisitions sans mandat causent aussi un gros problème
à l'article 123 où on ne prévoit même pas
l'exception de la maison d'habitation. On prévoit que l'on peut
perquisitionner sans mandat, compte tenu de l'urgence de la situation lorsqu'il
est question de mettre en danger notamment la santé des personnes, la
sécurité des personnes et des biens et d'entraîner la
disparition et la destruction ou la perte d'un élément de preuve.
Elle est très large et vraiment exorbitante la "common law" telle qu'on
la connaît actuellement, parce que le critère est de
protéger la vie ou de prévenir des blessures corporelles graves.
Alors, il faudrait vraiment que ce soit limité à cela et il
faudrait vraiment que ce soit limité dans le cas de maisons d'habitation
pour ne pas finalement permettre l'intrusion de l'état dans les maisons
pour tes motifs qui ne sont pas vraiment importants et urgents.
Autre problème en ce qui concerne les perquisitions:
l'accessibilité au mandat et à l'information contenue au dossier,
entre autres, pour l'accusé. La lecture des articles 142, 143 et 144
nous laisse perplexe. On peut penser que l'accusé n'y aura pas
accès dans certains cas lorsque la couronne demandera de faire en sorte
que le dossier soit tenu confidentiel. Alors, il faudrait vraiment que
l'accusé puisse toujours avoir accès. D'ailleurs, la Cour
suprême a déjà dit, dans une cause que l'on cite dans le
mémoire, que ce serait aller contre les règles de justice
fondamentale, que ce serait un délit de justice de faire en sorte que
l'accusé ne puisse pas vérifier cela. Il faudrait vraiment
corriger cela.
D'autre part, il faudrait aussi prévoir un mécanisme qui
prévoirait la possibilité d'avoir accès au mandat au seul
cas où une personne est vraiment accusée. Actuellement, on
prévoit plutôt le cas où on saisit des choses. Si on saisit
des choses, on peut avoir accès. Il faudrait plutôt prévoir
que l'on peut avoir accès si les procédures judiciaires
contre la personne sont entamées et terminées,
plutôt que de prévoir l'accès au seul cas où on a
saisi quelque chose. Il arrive des cas, j'en ai déjà vu dans ma
pratique, où des mandats de perquisition sont exécutés,
où on trouve des choses, mais où ies citoyens sont
acquittés, ou encore, où les citoyens ne sont pas poursuivis. Ce
sont des choses qui arrivent. Alors, il faudrait prévoir quelque chose
à ce niveau-là. Par exemple, je pense aux recommandations de la
Commission de réforme du droit du Canada. On en traite dans le
mémoire.
Un autre problème qui a retenu notre attention: le constat
d'infraction. On souligne dans le mémoire qu'il n'y a pas d'avis de
récidive. Il faudrait prévoir un mécanisme par lequel il y
a vraiment un avis de récidive. D'autre part, on mentionne dans le
mémoire qu'il ne faudrait pas que la récidive apparaisse sur le
constat d'infraction. C'est le cas actuellement à 174. Lorsque le juge
aura devant lui le constat d'infraction, il saura que l'accusé a
déjà été trouvé coupable pour la même
infraction. Alors, il faudrait vraiment changer cela. De toute façon, ce
Parlement a voté une loi qui change plusieurs dispositions
législatives, eu égard à la Charte des droits et
libertés de la personne, et on prévoit l'abolition de l'article
12.5 de la Loi sur les poursuites sommaires. Alors, il faudrait vraiment
changer cela.
Pour la description de l'infraction et des modifications, on devrait
d'une manière générale être plus conforme à
ce que prévoit le Code criminel, notamment aux articles 510 et 529.
Maintenant, un autre thème qui a retenu notre attention, l'article 233,
alinéa 2, soit l'application de l'arrêt Kienapple,
c'est-à-dire l'interdiction de condamner un individu pour plusieurs
infractions découlant du même acte. Alors, je pense que l'article
233, paragraphe 2, est très mal libellé et ne reflète pas
du tout ce que la jurisprudence entend par l'interdiction de convictions
multiples. Dans le mémoire, on traite de l'arrêt Prince qui est le
dernier arrêt de la Cour suprême sur ce sujet-là. On devrait
s'y inspirer pour codifier mieux la défense qui est actuellement
prévue par la "common law".
L'article 233, paragraphe 2, dit: "Toutefois, le juge ne peut accueillir
cette défense, s'il est convaincu que le législateur a
créé des infractions distinctes, bien qu'elles découlent
des mêmes faits ou du même événement." Si on a
l'affaire Kienapple, cela veut dire qu'avec l'alinéa 2, l'individu
pourrait être trouvé coupable des deux infractions. Cette
règle existe justement pour contrer cela. Alors, il faudrait
plutôt que le législateur te dise clairement lorsqu'il veut que
l'individu soit trouvé coupable des deux infractions et c'est ce que
Kienapple et Prince disent finalement.
J'achève, je n'en ai que pour quelques minutes.
Quant aux sentences, ce sont les articles 289 et suivants. À
l'article 289, an prévoit la détention provisoire,
c'est-à-dire qu'on prévoit qu'on peut déduire de la
sentence le temps purgé par l'individu en détention provisoire,
mais par contre, on ne prévoit pas le cas où l'individu a une
amende minimale. L'individu a une amende minimale de 300 $, il a purgé
cinq jours de détention. Qu'arrive-t-il? On devrait prévoir un
mécanisme par lequel il y aurait une déduction automatique du
temps que l'individu a déjà purgé.
II y a le problème de l'article 293. Est-ce qu'on veut vraiment
mettre de côté la Loi sur la probation et sur les
établissements de détention? De la manière dont c'est
libellé, on peut penser que c'est ce que le législateur veut. On
n'est pas certain, mais on trouve que cela serait vraiment exorbitant de mettre
de côté cette loi dans ce cas-là.
L'article 294 qui prévoit l'emprisonnement consécutif
lorsqu'il s'agit de défaut de paiement d'amende ne devrait pas exister.
Le juge devrait toujours avoir la possibilité de regarder l'ensemble du
dossier, de regarder la situation de l'accusé et de déterminer la
sentence à imposer. À ce moment-là, ce serait une sentence
judiciaire et non une sentence inflexible comme cela serait le cas actuellement
si cela est adopté.
Autre problème aussi. Pourquoi l'interdiction de donner du
discontinu pour une personne qui est condamnée à un défaut
de paiement d'amende? Une personne qui est condamnée à 30 jours
de prison pour une grosse infraction peut purger du discontinu. Par contre, une
personne, sur un défaut de paiement d'amendé, ne peut pas. Une
personne qui est condamnée pour une infraction plus petite, moins grave,
ne pourrait pas avoir du discontinu. On voit vraiment qu'il y a une anomalie
dans cela.
Le dernier thème que j'entends aborder est l'exécution des
jugements. Plusieurs articles, entre autres à l'article 310, on se
demande si le percepteur ne deviendra pas une grosse agence de collection. On
va demander aux tiers des informations, on va même possiblement avoir un
mandat pour le témoin récalcitrant. Je pense que c'est vraiment
exorbitant.
En ce qui concerne l'article 317, la saisie immobilière, on
devrait introduire ce qu'on a introduit récemment dans le Code de
procédure civile, soit l'article 553.2 qui prévoit
l'insaisissabilîté d'un immeuble servant de résidence
principale au débiteur lorsque la créance est inférieure
à 5000 $ et non pas la possibilité de saisir un immeuble pour une
amende mineure. Il faudrait vraiment légiférer dans ce sens.
Pour les travaux compensatoires aussi, à l'article 318, nous
disons que les travaux
compensatoires devraient obligatoirement être offerts au
défendeur, ce qui ferait en sorte que les gens qui sont démunis
ne seraient pas emprisonnés pour dettes. Il faudrait vraiment
prévoir un mécanisme par lequel on est obligé d'offrir des
travaux et il faudrait aussi que les travaux soient offerts à
l'intérieur d'un délai maximal. Actuellement, il n'y a rien de
prévu là-dessus. On peut offrir des travaux compensatoires deux
ou trois ans après, il n'y a rien de prévu. Finalement, les
travaux compensatoires sont un privilège. C'est cela qui est
prévu actuellement et c'est ce qu'on va reproduire là-dedans. Si
on veut vraiment que les gens paient les amendes, il faudrait prévoir un
mécanisme pour ceux qui n'ont pas le moyen de payer les amendes. Il
faudrait prévoir des travaux compensatoires d'une manière
obligatoire pour faire en sorte que les gens qui sont démunis ne soient
pas emprisonnés pour dette.
Le Président (M. Filion): Ça va pour la
présentation du mémoire. Je voudrais vous en remercier et je
voudrais inviter le ministre de la Justice ou d'autres membres du groupe
ministériel à amorcer avec vous la période de nos travaux
qui porte sur l'échange de propos.
M. le ministre.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais
premièrement remercier les membres de la Commission des services
juridiques pour avoir préparé le mémoire. Je pense que
c'est important d'avoir eu ce mémoire et aussi qu'il ait
été présenté ici. Je suis heureux aussi d'apprendre
qu'il y a moins de lacunes dans l'avant-projet qu'il n'y en avait dans le
document de travail. Je suis sûr qu'il va y avoir moins de lacunes dans
le projet quand il sera déposé et, évidemment, quand il
sera adopté il n'y aura pas de lacune. Donc, on fait des progrès.
Mais vous savez que nous avons ici un avant-projet et non pas un projet de loi.
Donc, nous sommes conscients qu'il y a des lacunes et qu'il y a des articles
qu'il faut modifier. Je peux vous dire tout de suite que les articles
concernant la preuve seront revus et corrigés, le cas
échéant, c'est-à-dire de l'article 45, section V. Ces
articles seront revus et corrigés, le cas échéant. En
matière pénale, on me dit que la plupart des accusés vont
devant la cour sans avocat. Cela veut dire qu'ils se défendent
eux-mêmes la plupart du temps, en matière pénale. Je pense
qu'il est important aussi que la procédure qu'on a dans ce code soit
aussi simple que possible, pour que les gens puissent se défendre, le
cas échéant aussi. Je vais essayer de prendre un certain nombre
d'articles que vous avez commenté. L'article 2 sur
l'interprétation: on va revoir cet article pour voir s'il est vraiment
nécessaire de le garder, où on prévoit que "Les
règles édictées dans le présent code doivent
être interprétées comme ayant pour but de faciliter le
déroulement de la procédure plutôt que de la retarder ou
d'y mettre fin prématurément." Nous avons mis cela pour vraiment
bénéficier à l'accusé mais on va revoir cet article
et étudier si c'est vraiment nécessaire.
En ce qui concerne l'article 13, sur l'avis qu'il faut donner aux
parents, je peux vous dire tout de suite qu'il a une erreur d'impression et
c'est "père et mère" et pas "ou" sa mère. C'est une erreur
d'impression et, bien sûr, cela sera corrigé. Nous n'avons pas
fait l'erreur d'impression.
Concernant les amendes aux adolescents; s'ils n'ont pas d'argent, ils
devront faire des travaux compensatoires, le cas échéant.
Même si les travaux compensatoires ne sont pas obligatoires, quand vous
êtes condamné à la prison, en arrivant à la prison,
vous pouvez toujours choisir des travaux compensatoires. On me dit qu'il n'y a
pas de programme dans toutes les municipalités, mais je pense qu'il faut
faire en sorte qu'il y ait des programmes dans toutes les municipalités
ou partout au Québec, sinon cela serait perpétuer
l'inégalité des Québécois devant la loi. Si
certains peuvent bénéficier de tels travaux compensatoires et que
d'autres ne peuvent pas, cela serait inacceptable, quoique en mettant ces
programmes en oeuvre il était difficile de couvrir tout le Québec
en même temps. Je pense qu'il sera difficile d'avoir une amende pour ceux
qui ont 19 ans et une autre amende pour ceux qui ont 22 ans. Vous avez
suggéré deux sortes d'amendes.
M. Bouchard: Là-dessus, M. le ministre, je pense que la
suggestion c'est d'avoir une discrétion qui pourrait être
clairement exprimée de 0 à 100 $ et non pas un minimum de 100 $.
Dans un autre article, on parle des frais encourus à la suite de
l'exécution d'un mandat d'amener. On dit que si le mandat d'amener peut
engendrer des frais de 200 $ ou de 300 $ on devrait obligatoirement payer 100
$. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une discrétion totale? (12 h
30)
M. Marx: On a limité le maximum.
M. Bouchard: La jurisprudence, à ce niveau... Ce qu'on
voudrait signaler, c'est qu'il faudrait un texte assez clair pour que,
justement, on n'ait pas de ces discussions. Est-ce un minimum, est-ce un
maximum, y a-t-il une discrétion totale ou y a-t-il une
discrétion partielle?
Le Président (M. Filion): Si j'ai bien compris votre
mémoire, finalement, le texte actuel n'est pas suffisamment explicite.
Je dois quand même comprendre que la volonté du
législateur, à ce stade-ci, est de faire en
sorte que 100 $ soit un maximum et non pas un minimum. Je comprends le
problème qui se pose à cause de l'existence des lois
pénales qui entraînent la condamnation et qui peuvent contenir des
minimums et des maximums et je pense que c'est précisément cela
que vous soulevez dans votre mémoire.
M. Gagnon (Pierre E.): Notre propos concerne surtout les mineurs.
Ce que l'on dit, c'est que lorsqu'il y a un mineur devant un juge, le juge
devrait avoir discrétion et le juge devrait vérifier, finalement,
la capacité de payer du mineur.
M. Marchand: C'est très important parce qu'il y a plus de
50 % des amendes, finalement, dont les minimums sont supérieurs à
100 $. Cela veut dire qu'à chaque cas, le juge n'a aucune
discrétion pour imposer l'amende et impose une amende
systématiquement de 100 $. Cela découle exactement du jugement de
la Cour d'appel.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Marchand: De toute façon, en matière de jeunes
contrevenants, au niveau fédéral, les juges ont toujours
entière discrétion en ce qui concerne les amendes. Il n'y a pas
de minimum.
Le Président (M. Filion): Avec la permission du ministre,
parce que je dois quitter un peu plus tôt... Je suis très
sensibilisé au problème du renversement des fardeaux de preuve et
vous l'avez bien soulevé dans votre mémoire. Il y a une
distinction à faire cependant dans l'ensemble des articles ou des sujets
contenus dans le projet de loi qui font l'objet d'un renversement des fardeaux
de preuve. Je pense que dans certains cas, les renversements des fardeaux de
preuve peuvent s'expliquer par la nécessité d'éviter une
surcharge incroyable de travail à faire des preuves qui...
c'est-à-dire où l'accusé peut contribuer aussi facilement,
comme de sortir un document qu'il a déjà en sa possession.
L'idée là-dedans... Avez-vous réfléchi à la
possibilité de créer des distinctions entre les différents
fardeaux de renversement de preuve qui existent dans l'avant-projet de loi ou
si, de façon générale, vous considérez que tous les
renversements de fardeaux de preuve vont à l'encontre des garanties
individuelles, comme vous l'avez mentionné. Ma question s'adresse
probablement à Me Marchand.
M. Marchand: Nous voyons deux gros problèmes. Le plus
gros, peut-être, c'est l'histoire de la prépondérance de
preuve. Peu importe qu'on demande à l'accusé de faire la preuve,
il n'en reste pas moins qu'on est pris avec un problème de
prépondérance de preuve dans tous les cas de renversments de
fardeaux. C'est ce que l'on prévoit actuellement dans le projet. Nous
disons que ce ne devrait être, dans tous les cas, qu'un doute raisonnable
pour ne pas qu'on en arrive à la même situation que l'arrêt
Appleby où le juge de première instance avait dit: J'ai un doute
mais je n'ai pas une preuve prépondérante, donc je vous trouve
coupable. C'est ce qu'il a dit à Appleby, la Cour suprême a dit
que c'était correct. Alors, il faudrait en arriver à une
situation où, du moment qu'on a un doute, l'accusé doit
être acquitté, que ce soit une exemption ou que ce soit la preuve
d'un permis.
L'autre facette, c'est sur la possibilité pour la défense
de demander à la couronne de faire cette preuve. Si on ne veut pas
mettre à la charge de l'État l'obligation dans tous les cas de
faire la preuve d'un permis, on pourrait au moins prévoir un cas qui va
être similaire à ce qu'on a dans le code concernant les locataires
et les propriétaires. On dit: Si le locataire ou le propriétaire
veut qu'on fasse la preuve, qu'il nous envoie un avis. On pourrait
prévoir quelque chose de ce type. À ce moment-là, si la
défense trouve qu'il y a quelque chose à faire à ce
niveau, elle demandera à la couronne de lui faire la preuve qu'on a le
permis. Ce serait quand même des cas vraiment extraordinaires et, si la
défense ferait cela, c'est certainement qu'il y aurait un
problème, alors on demanderait de faire la preuve. Si on met
l'accusé dans la boîte aux témoins, il va être pris
pour répondre à plusieurs choses, non seulement au permis mais
à d'autres choses. Je pense qu'il faut faire attention à
cela.
Le Président (M. Filion): La référence que
vous avez mentionnée à la Loi sur la preuve au Canada, d'abord
actuellement, dans l'actuelle Loi sur les poursuites sommaires, y a-t-il une
référence...?
M. Marchand: Oui, explicite.
Le Président (M. Filion): II y a une
référence explicite qui n'existe pas actuellement dans
l'avant-projet de loi, d'où votre insistance à cette
inscription?
M. Marchand: C'est cela.
Le Président (M. Filion): Sur l'outrage au tribunal, j'ai
remarqué, je ne sais pas si c'est dans votre mémoire ou dans le
résumé, que vous recommandez l'abolition de l'outrage au
tribunal. En vous écoutant tantôt et à la suite
d'échanges de vues que nous avons eus avec d'autres intervenants, nous
nous interrogeons sur la procédure d'outrage au tribunal pour
éviter cet éternel problème d'être à la fois
juge et partie. Par contre, quand je vous ai écouté tantôt,
vous sembliez pencher du côté d'une procédure
différente d'outrage au tribunal. Dans le texte de votre
mémoire, vous employez l'expression "aboli".
M. Marchand: Si on a dit cela, c'est mal exprimé. Ce n'est
pas le fond de notre pensée. Ce qu'on veut vraiment, c'est adopter une
procédure similaire à ce que le fédéral avait
adopté dans le C-19. On a reproduit l'article dans le mémoire et
c'est ce qu'on trouverait le plus agréable. C'est sûr qu'il faut
qu'outrage au tribunal reste. H n'y a pas de problème là-dessus.
Le problème, c'est de savoir par qui on va le faire juger.
L'autre problème est en ce qui concerne les juges de paix. On ne
veut pas que des juges de paix qui n'ont pas de formation juridique puissent
condamner quelqu'un pour outrage au tribunal. C'est dans ce sens qu'on dit
qu'il ne devrait pas être possible pour un juge de paix de condamner pour
outrage au tribunal.
Le Président (M. Filion): On avait déjà
noté d'ailleurs cette espèce d'extension d'outrage au tribunal
qui serait pour le moins regrettable compte tenu des problèmes que nous
avons actuellement avec outrage au tribunal comme tel à élargir
son champ de possibilité. Vous mentionnez également un
problème qui va devenir de plus en plus d'actualité qui a trait
un peu à la protection du respect des individus. Quand vous dites: Les
médias d'information ne devraient pas avoir accès aux mandats de
perquisition si aucune dénonciation n'est logée contre le
défendeur. Sauf erreur, je crois que le Code criminel contient une
disposition semblable depuis quelques années. Si je comprends bien, il
s'agirait de reproduire cette prescription du Code crinimel quant au Code
pénal. C'est bien cela?
M. Marchand: Ou le Code criminel ou ce que la Commission de
réforme du droit prévoyait. Il y a une distinction entre les
deux. Je pense que dans le Code criminel, cela dit qu'il peut y avoir une
publicité du moment que la dénonciation est
déposée. La Commission de réforme du droit, si ma
mémoire est bonne, parle plutôt de la fin des procédures.
Il y a une distinction entre les deux. Nous adoptions plutôt la
Commission de réforme du droit. Je pense que l'article du Code criminel,
de toute façon, va être changé à plus ou moins long
terme.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Marx: Cela a été déclaré
inconditionnel.
M. Marchand: II y a deux tribunaux qui ont dit cela, mais ce ne
sont pas des Cours d'appel, ce sont des Cours supérieures au Manitoba et
en Ontario.
M. Marx: Cour d'appel, non, pas d'appel, vous avez raison. Deux
Cours supérieures.
M. Marchand: C'est cela.
M. Marx: Deux, cela vaut une Cour d'appel.
M. Marchand: Par contre, la raison pour laquelle ils ont
annulé cet article c'est surtout parce qu'il n'y avait pas de lien
véritable entre l'information et le mandat. Si l'article 443.2
était mieux libellé, je ne suis pas certain qu'il aurait
été déclaré inconditionnel.
Le Président (M. Filion): En ce qui concerne
l'emprisonnement discontinu, je trouve que c'est une formule récente,
qui remonte à une dizaine ou une quinzaine d'années, vous avez
souligné à juste titre que l'avant-projet prévoit de
façon tout à fait spécifique que l'emprisonnement pour
défaut de paiement d'amende ne pourra pas être imposé ou
purgé de façon discontinue, je dois comprendre que votre
sensibilité à cette question vient probablement de la pratique
quotidienne de votre métier. Pour beaucoup d'individus, le fait de
s'absenter du travail durant des heures régulières du travail
peut carrément causer la perte de l'emploi. De purger la sentence de
façon discontinue peut leur permettre tout au moins de conserver un
emploi ou de continuer à mener une vie un peu régulière
tout en purgeant effectivement la sentence qui a été
imposée. Je m'excuse de vous poser la question, dans la Loi sur les
poursuites sommaires actuelle, on a la possibilité d'un emprisonnement
discontinu?
M. Marchand: Je ne pourrais pas vous répondre, je ne suis
pas certain de cela. Je sais que dans le Code criminel, cela existe pour un
défaut de paiement d'amende.
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Marchand: C'est prévu, c'est clair. Dans la Loi sur les
poursuites sommaires, je ne suis pas certain.
Le Président (M. Filion): Je pense qu'a fortiriori, si
cela existe dans le Code criminel, cela devrait exister dans le Code
pénal.
M. Marchand: Oui. Je ne pense pas que cela existe dans le cas la
Loi sur les poursuites sommaires, je n'ai pas cela en mémoire, cela ne
me dit rien.
Le Président (M. Fiiion): On me confirme du
côté des recherchistes, je ne sais pas si le ministère de
la Justice est du même avis, que cela n'existe pas. Sur le mandat de
perquisition, je dois vous dire que je partage votre point de vue. On a un
droit fondamental qui est le respect de sa demeure et à ce moment-ci,
comme on veut l'enfreindre, il y a un minimum de formalisme nécessaire
pour exercer une perquisition qui est différente d'une saisie, par
exemple. Quand on parle d'une perquisition, effectivement, je partage votre
préoccupation sur ce sujet-là.
Comme je dois m'absenter, peut-être qu'on ne se reverra pas. Je
voudrais, de mon côté, vous féliciter de l'extrême
qualité de votre mémoire qui a su concilier l'application de nos
grands principes qui ont été bâtis au creuset du temps de
la jurisprudence et à l'examen de combien de causes et de combien de
dossiers... concilier, donc, cette tradition et ces grands principes de droit
avec l'administration nécessairement souple et efficace et près
des citoyens. La procédure doit être comprise par le citoyen,
d'autant plus que dans bien des cas, le contact avec le droit pénal est
le seul contact pour beaucoup de personnes avec la justice. Compte tenu
également qu'en droit pénal beaucoup d'individus, comme le
soulignait un représentant du groupe ministériel, le ministre,
veulent se défendre seuls, en ce sens-là, je dois vous dire que
quant à moi je suis particulièrement fier du mémoire
produit par la Commission des services juridiques qui représente
l'ensemble de la population du Québec. Je voudrais m'excuser de ne pas
pouvoir terminer les travaux ensemble.
M. Marx: En ce qui concerne toute la question d'emprisonnement,
la politique du gouvernement est de ne pas emprisonner pour des petites
infractions, ce qui veut dire que pour les infractions pénales, c'est
d'éviter l'emprisonnement dans la mesure du possible. On va prendre des
mesures administratives pour éviter qu'il y ait l'emprisonnement pour
des petites infractions, c'est sûr et certain. C'est-à-dire que si
la personne ne veut pas payer l'amende, il y a la saisie par le percepteur des
amendes. Il y a aussi des travaux compensatoires et ainsi de suite, et
l'emprisonnement prendra un jugement par écrit et où le juge va
expliquer pourquoi quelqu'un a été condamné à la
prison. On a répété cela pendant des mois et des
années, même avant les élections. Ce que l'on veut, on ne
veut pas emprisonner des gens pour de petites infractions. On va prendre toutes
les méthodes possibles pour éviter cela. On tient beaucoup
à cela au ministère de la Justice et aussi le Solliciteur
général a parlé dans ce sens.
Je peux vous assurer qu'on va prendre les mesures qui s'imposent. On va
faire le plus possible sur le plan administratif et on peut avoir des
problèmes. Avec le temps cela va se régler aussi.
Sur la question de l'outrage, c'est le statu quo. C'est comme en droit
civil. Dans leur projet, c'est le statu quo, on n'a rien chanqé. En ce
qui concerne le juge de paix, c'est lui qui instruit le procès; ce n'est
pas n'importe quel juge de paix. Comprenez-vous ce que je veux dire? À
l'article 242, on dit: "Le juge qui instruit la poursuite a
l'autorité..." et en pratique, ce n'est pas le juge de paix, c'est le
juge de la Cour des sessions de la paix ou le juge de la Cour provinciale. En
ce qui concerne le Code criminel, vous avez dit que dans le Code criminel,
c'est "raisonnable et probable". On me dit que "raisonnable et probable", ce
n'est pas tout à fait français. C'est une redondance: si c'est
raisonnable, il faut que ce soit aussi probable. On peut avoir un bon
débat. Je suis toujours dans les droits linguistiques et la question
linguistique, en voilà une autre. C'est peut-être quelque chose
à revoir, mais nous avons toujours dit dans nos lois "raisonnable". On
n'a pas dit "raisonnable et probable". On peut revoir cela. (12 h 45)
Sur la question de la prescription, vous avez parlé de six mois,
les intervenants avant vous, la Commission des valeurs mobilières, ont
demandé deux ans. Voilà la différence entre ceux qui
défendent les pauvres et ceux qui poursuivent les riches. Je pense qu'il
serait difficile d'aller jusqu'à six mois ou un an.
Sur le cautionnement, à l'article RI, c'est la loi actuelle
aussi. À la loi actuelle on n'a rien changé. En faisant des
commentaires sur l'article 81, vous voulez qu'on change la loi actuelle, parce
qu'on a repris la disposition dans la Loi sur les poursuites sommaires.
Je ne comprends pas le problème que vous avez soulevé
à propos du constat. Vous voulez que quelqu'un qui refuse de donner son
nom soit arrêté?
M. Marchand: Qu'il soit arrêté, s'il refuse de
donner son nom, il n'y a pas de problème. Le problème, c'est
lorsque le juge de paix va le condamner pour outrage au tribunal. Je vois un
problème, si la personne refuse de s'identifier. Qu'elle puisse
être condamnée à l'outrage au tribunal, c'est vraiment
exorbitant. On ne connaît pas cela dans le Code criminel. Cela n'existe
pas.
M. Marx: À quel article? Supposons que quelqu'un refuse de
donner son nom, de s'identifier. On l'amène devant le juge; il continue
de refuser de s'identifier. Qu'est-ce qu'on fait?
M. Marchand: C'est un bon motif pour
l'emprisonner parce qu'on peut difficilement le laisser aller, on ne
sait pas son nom, on ne sait pas où il demeure, on ne sait rien. C'est
un bon motif pour l'emprisonner et faire son procès dans les huit jours,
le plus rapidement possible.
M. Marx: En vertu de quoi? On l'emprisonne pour outrage parce
qu'il n'a pas»,
M. Marchand: Non, on ne l'emprisonne pas pour outrage. On ne lui
donne pas de cautionnement parce que c'est un individu qui va partir et qu'on
ne pourra jamais retracer. Si on ne sait pas son nom et si on ne sait pas
où il demeure, comment pourra-t-on le retracer' La meilleure solution,
c'est de lui refuser un cautionnement et de procéder dans les huit
jours. Si l'individu est coupable, on le sentenciera. Si l'individu est
acquitté, il s'en ira. Il n'y a pas de problème à...
M. Marx: Supposons que tous les huit jours ou chaque fois qu'il
revient, il ne donne pas son nom.
M. Marchand: Je pense qu'on peut faire un procès sans
avoir le nom de l'accusé. Actuellement, en droit criminel cela n'existe
pas. Cela n'a jamais causé de problème.
M. Marx: Si on n'a pas son nom, si on le condamne à une
amende de 1000 $ et s'il refuse de payer, on ne peut l'emprisonner pour
l'amende de 1000 $, cela coûte trop cher. Supposons qu'on veuille saisir
ses biens, on n'a pas son nom, il sera impossible de savoir s'il a des
biens.
M. Marchand: C'est un individu qui va s'exposer à
l'emprisonnement. On peut faire tout le procès...
M. Marx: Celui qui veut aller en prison, peut-être que
l'État n'a pas intérêt à le mettre en prison,
même s'il veut y aller. Comprenez-vous ce que je veux dire? Si quelqu'un
est millionnaire, qu'il a une amende de 1000 $ et il dit: Moi, j'aimerais
plutôt aller en prison pour un jour au lieu de payer mon amende. Je pense
que c'est dans l'intérêt de l'État de saisir sa voiture et
de se faire payer les 1000 $ au lieu de l'envoyer en prison, auquel cas
l'État sera perdant. Quel est l'intérêt de le mettre en
prison? Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Marchand: Je comprends ce que vous voulez dire, mais je pense
quand même que c'est exorbitant. On est en matière pénale
provinciale, on est là pour des infractions qui sont quand même
relativement mineures. Dans le Code criminel, il n'y a absolument rien de ce
type-là qui est prévu.
Même un meurtrier n'est pas obligé de s'identifier, alors
pourquoi va-t-on forcer un autre individu à s'identifier et,
peut-être, è être condamné pour outrage au tribunal
par un juge de paix? En plus, le juge de paix, ici, n'est pas le juge de paix
de l'instruction, c'est le juge de paix ordinaire.
Alors, je trouve que c'est vraiment exorbitant. C'est prendre,
finalement, un canon pour un très petit problème, un petit
problème qui s'est déjà posé à
Montréal. On est au courant, entre autres, au niveau de l'OCQ, il y a eu
des problèmes. À notre avis, ce problème ne milite pas en
faveur d'un moyen aussi draconien que cet article. Je n'ai jamais vu de
dispositions de ce type ailleurs. Je serais curieux de reqarder dans les autres
provinces s'il y a quelque chose de ce type, mais dans le Code criminel, c'est
clair qu'il n'y a rien.
M. Marx: Juste un dernier point, sur l'insaisissabilité.
C'est déjà dans le Code de procédure civile et, on se
réfère au Code de procédure civile. Donc, on ne peut pas
saisir une maison pour une dette...
M. Marchand: Je ne le pense pas. Si on regarde la disposition
telle qu'elle est libellée actuellement, ce n'est pas ce qu'elle dit,
parce qu'il y a un régime particulier qui est instauré.
M. Marx: L'article 315: "La saisie est pratiquée suivant
les règles relatives à l'exécution civile des jugements,
sauf celles prévues au livre VIII du Code de procédure civile, et
à l'exception des règles suivantes..." On me dit que le livre
VIII, ce sont les petites créances. Donc, on tient compte de votre
objection.
M. Marchand: Peut-être que ce que le législateur
veut au fond, c'est vraiment faire en sorte que l'article 553.2 soit
applicable, mais à la lecture de l'article 317, on n'est pas certain que
c'est ce que cela veut dire. Si c'est ce que cela veut dire, tant mieux, on en
est bien heureux, mais on ne trouve pas.
M. Marx: D'accord. On va faire en sorte que cela veuille dire ce
que vous voulez que cela veuille dire, et que nous voulons que cela veuille
dire. Cette loi sur l'insaisissabilité nous est très chère
parce que c'est nous qui l'avons proposée et nous voulons que ce soit
respecté.
Bien. Je n'ai pas d'autres questions et j'aimerais vraiment vous
remercier. Même si on n'a pas touché tous les points que vous avez
soulevés dans votre présentation ou dans votre mémoire, il
va de soi que nous avons lu le mémoire et que nous avons pris des notes
sur chacun des points que vous avez soulevés. On vous remercie
vraiment
pour avoir fait ce travail et je pense que c'est vraiment dans le mandat
de la Commission des services juridiques de commenter surtout des projets de
loi qui touchent vraiment à la clientèle de la commission. Je
vous remercie encore une fois d'être venus ce matin discuter avec nous de
ce projet de loi.
M. Marchand: Je vous remercie, M. le ministre.
M. Marx: Si vous avez d'autres commentaires à un moment
donné, n'hésitez pas à communiquer avec le
ministère.
M. Marchand: Merci.
Le Président (M. Dauphin): On remercie la Commission des
services juridiques pour leur participation. À ce stade-ci, nous
suspendons nos travaux jusqu'à 14 h I5.
(Suspension de la séance à 12 h 55)
(Reprise à 14 h 29)
Le Président (M. Filion): II me fait plaisir de
déclarer ouverte cette séance de la commission des institutions.
Je pense qu'il est peut-être nécessaire, pour le
bénéfice de nos invités, de rappeler notre mandat, qui est
de procéder à une consultation générale sur
l'avant-projet de loi concernant le Code de procédure pénale. Je
demanderais à la secrétaire d'annoncer des remplacements, le cas
échéant.
La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement.
Le Président (M. Filion): Je vous rappelle l'ordre du jour
pour nos travaux de cet après-midi. Nous entendrons immédiatement
la Chambre des huissiers du Québec; ensuite l'Association des usagers de
la langue française seront nos invités. Enfin, nous terminerons
avec les représentants de la ville de Montréal, puis chacun des
deux groupes pourra faire certaines remarques finales, le cas
échéant.
Je demanderais, sans plus tarder, aux représentants de la Chambre
des huissiers du Québec de bien vouloir prendre place à l'avant,
à la table des invités. Je demanderais aux représentants
de la Chambre des huissiers du Québec de bien vouloir s'identifier et
identifier les personnes qui les accompagnent.
Chambre des huissiers du Québec
M. Dubé (Ronald): Merci, M. Filion. Je m'appelle Ronald
Dubé. Je suis huissier et porte-parole officiel de la Chambre des
huissiers du Québec. A ma droite, le vice-président de la Chambre
des huissiers, M. Jean Laflamme, de Sorel. À ma gauche, M. Alain
Coulombe, de Québec, l'ancien président de la Chambre des
huissiers du Québec; il est aussi l'ancien secrétaire. C'est
presque un permanent volontaire, un permanent bénévole de la
Chambre des huissiers depuis plusieurs années. Il y a aussi M.
Jean-Jacques de Coste, de Montréal. M. de Coste est le
vice-président de l'Union internationale des huissiers de justice et des
officiers judiciaires. Il est l'un des artisans du succès du
douzième congrès de l'union internationale qui a eu lieu à
Montréal en 1985. J'aimerais souligner aussi la présence de Me
Pierre Morin. Il est le directeur du bureau d'administration de la Loi sur les
huissiers. Il est avocat; nous sommes huissiers.
Le Président (M. Filion): Sans plus tarder, je vous invite
à faire la présentation de votre mémoire.
M. Dubé: Merci. Au nom de mes collègues et au nom
des huissiers et des huissières du Québec - parce qu'il y en a
-je profite de l'occasion exceptionnelle qui nous est présentement
offerte pour remercier les membres de la commission parlementaire des
institutions de nous avoir invités à nous faire entendre dans le
cadre des auditions sur l'avant-projet de loi sur le Code de procédure
pénale.
Nous avons jugé utile de vous présenter ce mémoire,
parce que l'huissier se considère d'abord et avant tout comme un
partenaire de l'administration de la justice au Québec plutôt
qu'un "précieux auxiliaire", entre guillemets, comme on l'a
qualifié maintes fois, avec un léger brin de paternalisme.
À mon avis, un auxiliaire, c'est quelqu'un qui aide par son concours,
sans être indispensable, tandis qu'un partenaire est plutôt un
allié, un associé, une personne qui partage ses
préoccupations profondes avec plusieurs autres. Comme vous tous et comme
tous les citoyens de ce pays, les huissiers savent que la justice doit
respecter la justice pour tous, sous peine d'être un vain mot. Lorsqu'un
huissier se déplace, c'est un peu la justice en action. Au moment de la
signification d'un acte ou de l'exécution d'un jugement, nous sommes,
soit le premier, soit le dernier contact direct du citoyen ordinaire avec
l'appareil judiciaire.
Il importe donc que l'image projetée par les officiers de justice
que nous sommes, même si elle peut sembler rigoriste à certains,
soit respectée, comprise, empreinte de loyauté envers les parties
en cause, non seulement la partie défenderesse, mais aussi la partie
demanderesse, comme on l'oublie trop souvent. En matière pénale,
la partie demanderesse, c'est l'État. Nous faisons
notre part pour atteindre cet idéal conjointement avec M. le
ministre Herbert Marx que je salue et que je n'ai pas nommé au
début, mais que je m'empresse de saluer et les sous-ministres Jacoby et
Benoît. Nous cherchons à revoir le rôle de l'huissier et sa
mission dans le système judiciaire par le biais d'un comité
bipartite appelé Justice-Chambre des huissiers, qui vise à
rationaliser nos rapports avec le ministre et qui travaille à mettre en
place tous les mécanismes susceptibles de moderniser et d'humaniser
davantage notre profession.
De récentes modifications apportées par la
législature actuelle à diverses dispositions du Code de
procédure civile, par exemple, permettent dorénavant
d'exécuter plus humainement plusieurs décisions de justice. Pour
mémoire, citons simplement l'obligation de signifier un préavis
de 48 heures avant d'exécuter un bref d'expulsion, l'obligation de
laisser au choix du débiteur saisi une valeur marchande de 4000 $ de
meubles meublants, l'impossibilité de saisir la résidence
principale d'un débiteur, sauf exception, lorsque la créance
principale est de 5000 $ ou moins. Il y a moyen d'humaniser davantage la
justice, ou du moins son approche, dans l'actuelle réforme globale de la
procédure applicable pour la sanction pénale de toute infraction
aux lois et règlements du Québec. Les objectifs sous-jacents
à notre démarche visent à assurer la viabilité de
notre fonction à l'échelle du Québec, tout en garantissant
à chaque citoyen le respect de ses droits judiciaires prévus dans
la Charte des droits et libertés de la personne. J'insisterai donc, dans
ma présentation, sur quelques points importants déjà
exposés dans notre mémoire, auxquels nous apportons une attention
particulière. Je les cite: premièrement, la notion d'agent de la
paix; deuxièmement, les conditions préalables à l'usage de
la force; troisièmement, la signification d'un constat d'infraction
après la perpétration de l'infraction; quatrièmement, les
moyens de perception et, cinquièmement, le procès-verbal de
constat ainsi que celui de perquisition.
Le premier volet que nous abordons est la notion d'agent de la paix.
Présentement, la définition de l'expression "agent de la paix" se
trouve dans une loi fédérale, à l'article 2 du Code
criminel. Â notre avis, le Code de procédure pénale doit
avoir ses propres dispositions interprétatives. Elles ne doivent pas
être distinctes de celles prévues dans les autres lois, mais
dofvent viser plutôt à plus de précisions dans un contexte
particulier. Dans l'application du présent code, l'huissier pourrait
avoir le statut d'un agent de la paix lorsqu'il procède à la
signification ou à l'exécution d'un acte judiciaire au
pénal ou lorsqu'il est chargé de l'application d'une loi ou d'un
règlement quelconque du Québec.
Le deuxième volet, c'est la condition préalable à
l'usage de la force. Lorsqu'il y a saisie en exécution d'un jugement
rendu selon une disposition du Code de procédure pénale, il n'y a
pas de problème, on se réfère, le cas
échéant, au Code de procédure civile pour les
règles relatives à l'exécution forcée, laquelle
doit se faire avec l'aide d'un serrurier, en présence de deux
témoins, à la suite de la permission obtenue du tribunal en ce
sens. Mais lorsqu'il s'agit de procéder è l'arrestation d'une
personne qui refuse d'ouvrir les portes de son domicile, soit parce qu'elle ne
veut pas qu'on l'amène devant le tribunal devant lequel elle a
refusé de comparaître pour témoigner, soit parce qu'elle
n'a pas payé l'amende, qu'elle n'a pas voulu faire de travaux
compensatoires et qu'elle ne veut pas aller en prison, rien n'est prévu
pour utiliser la force ou, du moins, les modalités préalables
à l'utilisation de la force ne le sont pas, ni dans le présent
avant-projet de loi, ni dans l'actuelle Loi sur les poursuites sommaires. Nous
n'avons pas affaire à des criminels. Alors, nous sommes d'avis que, dans
les cas prévus par les articles 27 et 343 de votre projet, s'il faut
ouvrir les portes avec un serrurier parce que la personne se barricade, il faut
obtenir la permission d'un juge. Notez bien que nous ne faisons pas pareille
recommandation à l'article 91, puisqu'il ne s'agit pas du même
contexte.
Le troisième volet que nous voyons présentement est la
signification d'un constat d'infraction après la perpétration de
l'infraction. Premièrement, le monopole de la transmmission des
procédures après la perpétration de l'infraction doit
revenir exclusivement à l'huissier. La signification d'une
procédure n'est pas la tâche de l'agent de la paix, sa tâche
est principalement celle du maintien de la paix publique.
Deuxièmement, la chambre soutient vigoureusement que la
transmission d'un acte judiciaire ou d'un constat d'infraction par la poste
n'est pas la panacée à l'évolution ascendante des
coûts admistratifs du système judiciaire. L'exercice du droit
judiciaire reconnu dans la Charte des droits et libertés de la personne
commande, à mon avis, que chaque citoyen québécois soit
informé par le moyen le plus sûr qu'une accusation est
portée contre lui. Le système postal n'est pas un moyen
sûr, le courrier ne se rend même pas au domicile de chacun. En
plus, nul ne peut être contraint d'accepter ou de retirer une lettre
recommandée, alors que l'huissier se montre en général
assez diplomate pour faire accepter l'acte qu'il est chargé de
signifier, même lorsque l'intéressé se montre quelque peu
réticent.
Sur le plan de la rapidité, essentielle, dans de nombreux cas,
à la sauvegarde des intérêts du demandeur, le courrier ne
peut
rivaliser, tant s'en faut, avec la signification par l'huissier.
Même chose quant à la date de la remise, à la certitude de
cette remise, à la preuve de cette remise. Aujourd'hui, les 592
huissiers québécois peuvent rejoindre plus de 80 % des citoyens
en parcourant moins de 50 kilomètres.
Il faut résister au raisonnement simpliste qui affirme que le
coût d'une signification par la poste se limite à 1,80 $. Il y a
des facteurs administratifs à considérer. Il faut parler
d'environ 5 $ ou 6 $ l'unité, selon le volume des procédures et
le personnel nécessaire à sa gestion et ce, pour ne pas rejoindre
plus de 75 % des destinataires. Comme l'écrémage,
c'est-à-dire les significations faciles ont déjà
été faites par la poste, il ne faut pas se surprendre si la
signification des 25 % des procédures restantes coûte beaucoup
plus cher à l'unité, parce qu'il faut que la personne qui
signifie utilise tout l'arsenal dont elle dispose, comme les routes à
des heures différentes, les permissions de signifier en dehors des
heures légales, etc.
Il faut renverser la tendance actuelle vers la signification des
procédures introductives par la poste, tandis que les procédures
incidentes seront transmises par l'huissier en urgence. L'huissier n'est pas un
dépanneur. Ce que j'affirme maintenant pour le Code de procédure
pénale, garlez-le à l'esprit lorsque vous serez appelés
à voter d'autres lois qui prévoient la signification par la poste
en pensant faire des économies.
Le monopole de la transmission des actes réservée à
l'huissier, combiné à l'assouplissement de certaines
règles de signification et complété par la révision
des tarifs, assurerait à notre système judiciaire la remise d'un
acte à un coût raisonnable dans chaque cas particulier, ce que
souhaite sûrement un gouvernement qui a fait de l'économie et de
la privatisation ses images de marque.
Ces règles de signification assouplies, modernisées,
adaptées, vous les retrouverez à la page 23 de notre
mémoire. Elles s'inspirent de ce qui se fait en France et en Belgique.
Voilà pourquoi les articles 653 et suivants, plus
particulièrement l'article 656 du nouveau Code de procédure
français, ont été reproduits à l'annexe II.
Quant à la tarification, il y a moyen de la revoir en fonction de
ce que vous déciderez. Je vous disais tout à l'heure que les
huissiers révisent leur rôle dans le système judiciaire.
Ils augmentent les prérequis pour accéder à la fonction et
se dotent d'une loi et de règlements à la mesure de leurs
ambitions.
Si, de votre côté, vous nous donnez le monopole de la
transmission des actes, du moins en ce qui concerne le Code de procédure
pénale, notre profession sera viable. Cela se reflétera sur
l'ensemble du système judiciaire, puisque vous contribuerez à
garder en place et surtout vous augmenterez la visibilité de la justice
dans les coins les plus reculés du Québec. Ce ne sera plus 50
kilomètres qu'il faudra parcourir pour se rendre chez le justiciable,
mais 25 kilomètres, parce que le nombre d'huissiers augmentera et
près de 100 % des citoyens pourront être rejoints. Alors, on
pourra parler de justice accessible.
Le quatrième volet que je voudrais souligner, ce sont les moyens
de perception. Vous préconisez l'enregistrement des jugements à
la Régie de l'assurance automobile du Québec. Cela ne doit pas
être le seul moyen de perception des amendes. En Ontario, où une
telle disposition existe, il semble y avoir un problème. Il y aurait
augmentation du nombre de personnes qui conduisent un véhicule
automobile sans permis. L'État ne peut se payer le luxe d'aller à
la pêche tous les deux ans, puisque c'est le délai de
validité d'un permis de conduire. Actuellement, lorsqu'un juqement est
obtenu et le mandat émis, ce dernier est transmis à la
Sûreté du Québec qui l'enregistre au CRPQ, le Centre de
recherches policières du Québec, et on attend qu'un conducteur se
fasse attraper. La banque de mandats impayés grossit graduellement,
parce qu'il n'y a pas moyen de la vider. Si la situation actuelle se maintient
avec le nouveau Code de procédure pénale, je me demande combien
de millions de dollars dormiront sans intérêts. Le correctif que
nous sugqérons pour la situation actuelle consiste en une tentative de
perception par l'huissier. Si le débiteur est introuvable parce qu'il
est déménagé ou inconnu, il pourrait être
enregistré au CRPQ.
Quant au Code de procédure pénale proprement dit, il faut
qu'il privilégie les autres moyens de perception comme la
saisie-exécution, la saisie de salaire, les travaux compensatoires et
même l'emprisonnement avant de se servir de l'enregistrement à la
Régie de l'assurance automobile du Québec. L'huissier,
connaissant tout le monde dans sa zone d'opération, est en mesure de
donner un sérieux coup de main dans ce domaine. Dans le but
d'alléger la procédure, nous pourrions même faire signer,
par le débiteur, un engagement à exécuter les travaux
compensatoires sans devoir l'amener à la prison. (14 h 45)
S'il ne se conforme pas à son engagement, le mandat pourra
ensuite être exécuté. Pendant que nous y sommes, quel
pourcentage est effectivement perçu du montant total des amendes
imposées par nos tribunaux? Je ne pose pas la question pour les pensions
alimentaires ni pour les petites créances ni les autres genres de
perception où intervient un percepteur. Le législateur qui prend
à son compte de décréter des
amendes ou de percevoir des sommes pour autrui a le devoir d'aller
jusqu'au bout et de se doter de moyens efficaces et modernes de perception. Ce
n'est que justice.
Il ne faut pas se complaire d'un taux quelconque de réussite sans
avoir utilisé toutes les ressources du milieu. Les huissiers sont l'une
de ces ressources. La privatisation de la perception serait-elle un moyen et
quelle énorme économie de personnel pourrait être
réalisée par le gouvernement? Le statut de percepteur judiciaire
pourrait-il être attribué à l'huissier?
Finalement, le cinquième volet sur lequel je veux attirer votre
attention: il s'agit du procès-verbal de constat et du
procès-verbal de perquisition. Nous voulons généraliser le
procès-verbal de constatation comme moyen de preuve, étant
habitués à faire respecter objectivement la loi et les
décisions de justice que nous exécutons, à tenir la
balance égale entre les parties en litige, nous sommes
particulièrement aptes à relater les faits avec la
sincérité et la conscience professionnelle que l'on nous
reconnaît généralement. La perquisition faite par une
personne chargée de l'application d'une loi devrait se faire en
présence d'un huissier, ne serait-ce que pour les raisons que je viens
d'énumérer. De plus, étant des travailleurs autonomes
payés à l'acte, agissant lorsque requis durant toutes les heures
légales, nous pouvons remplacer avantageusement un réseau
d'inspecteurs dans certains cas.
L'huissier ne coûte rien à personne lorsqu'on ne le mandate
pas. Personne d'autre que lui-même n'assume les avantages sociaux, les
vacances, le fonds de retraite. En matière de constat, les suggestions
faites à la page 33 et les modifications suggérées
à divers textes législatifs reproduites à l'annexe I sont
inspirées de la France et de la Belgique ainsi que de ce qui se fait
dans les pays membres de l'Union internationale des huissiers de justice et des
officiers judiciaires. Lors du douzième congrès international de
l'union tenu à Montréal en 1985, nous avons conclu que le
procès-verbal de constat pourrait rendre de grands services s'il
était expressément prévu dans nos codes. Dès 1973,
le Barreau du Québec suggérait aux législateurs
d'élargir le champ de pratique des huissiers vers les constats. Plus
récemment, le 6 février 1987, j'ai eu l'occasion de prononcer une
allocution devant les avocats de l'Association du jeune Barreau de
Montréal sur le sujet.
Ils conclurent aussi que le constat avait sa place ici et ont même
suggéré qu'il soit ajouté à la liste des documents
prévus au troisième alinéa de 294.1 du Code de
procédure civile, qui accepte en preuve les rapports écrits sans
que le signataire soit obligatoirement tenu de comparaître. Il s'agit
donc d'une attitude nouvelle de nature à accélérer les
dossiers devant les tribunaux. Le 15 mai prochain, lors du congrès du
Barreau du Québec, je ferai partie d'un panel sur le constat avec des
confrères européens et des juristes québécois.
C'est dire que les avocats sont à l'écoute et examinent
attentivement ce nouveau moyen de preuve. La Chambre estime que cette
commission doit le faire aussi.
En guise de conclusion, je vous rappelle que je disais, au tout
début, qu'un huissier est un partenaire du monde judiciaire. Un
partenaire, on le consulte, que ce soit pour élaborer des règles
de pratique ou pour connaître l'impact des modifications à un
article de loi où il intervient habituellement. Nous souhaitons donc
être consultés dans le domaine de notre compétence. Notre
mémoire contient d'autres éléments. Je n'ai pas
insisté là-dessus au cours de cette présentation. Il ne
faut pas conclure qu'ils ne sont pas importants. Encore une fois, merci de nous
avoir invités. Considérez donc l'huissier du Québec non
seulement comme l'auxiliaire idéal ou le partenaire par excellence, mais
beaucoup plus comme le fidèle serviteur de la justice dans ce pays. Mes
collègues et moi serons heureux de répondre à vos
questions. Merci.
Le Président (M. Filion): M. Dubé, je voudrais vous
remercier de nous avoir donné vos commentaires dans le délai
imparti. J'inviterais immédiatement le ministre de la Justice et
certains de ses collègues, s'ils le jugent à propos, à
amorcer leur discussion avec les représentants de la Chambre.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier M.
Dubé et les membres de la Chambre des huissiers du Québec
d'être venus présenter leur mémoire. Vous savez que nous
avons l'intention de revoir la loi concernant les huissiers. Espérons
qu'on mettra tout à jour un de ces jours.
En ce qui concerne votre mémoire, à la page 7, concernant
le statut d'agent de la paix et le statut de l'huissier, vous avez
écrit: "Nous croyons qu'il est important de préciser, dans le
texte, la définition et la compétence exactes de ces deux
catégories de personnes pour éviter les imbroglios juridiques qui
ont suscité des débats devant les tribunaux au cours des
récentes années." Quels sont ces imbroglios?
M. Dubé: II est arrivé dans un procès, entre
autres, qu'on a eu de la difficulté à faire admettre - et cela a
occasionné des débats - qu'un huissier était ou
n'était pas un agent de la paix. Par exemple, à la ville de
Montréal, il est arrivé que, dans l'exécution d'un mandat
précis, on a dit que l'huissier n'était pas agent de la paix,
parce qu'il n'était pas préposé au maintien de la
paix publique. Selon que l'huissier était agent de la paix ou
non, cela donnait une attitude nouvelle. Le mandat d'emprisonnement tel qu'il
était rédigé auparavant était adressé
à tout agent de la paix et au gardien de la prison commune. Il
n'était pas adressé à l'huissier. Si on disait que
l'huissier n'était pas un agent de la paix, cela voulait dire que
beaucoup de mandats d'emprisonnement étaient exécutés
illégalement. Ce sont les discussions qu'il a fallu faire.
M. Marx: II y a un jugement des tribunaux...
M. Dubé: C'est un procès qui n'est pas encore
terminé.
M. Marx: La question était soulevée devant les
tribunaux.
M. Dubé: Oui.
M. Marx: C'est-à-dire que l'huissier a agi d'une
façon illégale, parce qu'il n'était pas agent de la paix.
Donc, il n'avait pas le pouvoir de...
M. Dubé: C'est ce qu'on a tenté de démontrer
mais...
M. Marx: Cela a été allégué.
M. Dubé: Cela a été allégué,
oui.
M. Marx: C'est-à-dire que vous voulez que ce soit clair,
le cas échéant, si ce ne l'est clair pour les tribunaux, que le
statut de l'huissier soit clair par rapport à celui de l'agent de la
paix. C'est cela?
M. Dubé: Qu'on dise, comme je l'ai dit dans
l'exposé, que, lorsque l'huissier est appelé à
exécuter un mandat, il a le statut d'agent de la paix ou lorsqu'il est
chargé d'appliquer une loi du Québec, il est agent de la paix, il
a ce statut-là.
M. Marx: À l'article 339, on a déjà
prévu: "Un mandat peut être délivré et
exécuté un jour non juridique. Il est exécutoire partout
au Québec par un agent de la paix ou par un huissier."
M. Dubé: D'accord, mais il faudra aussi que le
commandement soit contenu dans le mandat, qu'il soit adressé à
tout agent de la paix, à tout huissier.
M. Marx: Ce sera dans l'administration de la loi. D'accord?
M. Dubé: D'accord.
M. Marx: Ou à toute personne habilitée à...
Ce sera donc couvert par la loi. Quant à la signification par l'huissier
aux pages 22 et 23, vous avez suggéré certaines réformes
qui sont inspirées de l'expérience européenne. Est-ce
vraiment une proposition ferme de la part des membres de la Chambre des
huissiers du Québec ou juste une suggestion?
M. Dubé: La Chambre des huissiers souhaiterait que ce
genre de signification soit permis, étant donné les
éléments que nous avons présentés dans le
mémoire et étant donné aussi que cela se fait dans
d'autres pays. Les mécanismes de protection des débiteurs ou des
personnes qui pourraient être condamnées par défaut, parce
que la procédure aurait été signifiée tel qu'on le
propose, sont prévus dans votre document, dans l'avant-projet de loi sur
le Code de procédure pénale. La personne peut demander la
requête en rétractation, en rectification, etc. Ce sont des
mécanismes de protection.
L'important, c'est de s'organiser pour que, à un coût
minime, ce soit un officier de justice ou un huissier qui se rende chez le
destinataire pour lui remettre le document, d'une façon ou d'une autre,
qui pourrait être prévue, comme nous le souhaitons.
M. Marx: À la page 23, vous dites: "Le tout pourrait
être fait à un montant forfaitaire à prévoir dans
les tarifs d'honoraires et des frais de transport des huissiers."
M. Dubé: Cela revient à une chose. Vous avez
parlé de réforme tout à l'heure. On peut réformer
la Loi sur les huissiers, la faire la plus belle possible, mais il faut faire
en sorte que ces huissiers aient du travail. À l'heure actuelle, si on
préconise de façon systématique la signification par la
poste et qu'on se réserve l'huissier dans des cas extrêmes, la
procédure à l'unité va coûter très cher,
tandis que si on s'assure que les huissiers peuvent vivre partout au
Québec en ayant un certain volume de procédures, le coût
à l'unité sera alors beaucoup moindre.
Je vous disais qu'à l'unité, coût de la poste et
coût administratif compris, une procédure signifiée par
voie postale coûte de 5 $ à 6 $, en fin de compte. Si le monopole
était donné aux huissiers, par exemple, et s'il y avait 1 000 000
de procédures signifiées par année, au lieu de
coûter 15 $, 20 $ ou 25 $ pour la signification d'une procédure,
ça pourrait coûter 7 $ ou 8 $.
M. Marx: Pour faire le travail qu'ils ont à faire à
l'heure actuelle, ils travaillent 14 heures par jour. Si le volume augmente,
comment allez-vous vous y prendre?
M. Dubé: J'ai déjà soulevé quelque
part...
M. Marx: II y a des huissiers qui nous disent: Pour gagner 20 000
$ par année comme huissier, il faut que je travaille 14 heures par jour,
je paie l'essence, je paie ma voiture, tout cela, et ce n'est pas payant
d'être huissier. J'ai entendu beaucoup de plaintes de la part d'un de vos
membres. J'en ai déjà parlé à un ancien
président de la Chambre des huissiers. C'est possible?
M. Coulombe (Alain): Oui, Jean-Marc Lachance. Alain Coulombe,
Québec. Je suis issu d'une famille d'huissiers, de
génération en génération. Nous avons vécu un
phénomène sans doute social au cours des dernières
années qui fait que la pratique de l'huisserie a
énormément changé au cours des dernières
années. J'ai travaillé des années avec mon père
quand j'étais jeune et on a toujours travaillé 18 heures par
jour. Je pense qu'on va toujours travailler ainsi, on est formé pour
cela. Peut-être que certains penseront le contraire.
La différence, c'est que nos heures sont maintenant
consacrées beaucoup plus à de l'urgence, contrairement au
passé où on travaillait toujours avec un certain volume qui nous
permettait de planifier.
M. Marx: Vous avez le volume, vous parlez de 18 heures par jour.
Comment pouvez-vous travailler plus si le volume augmente? On ne veut pas vous
noyer...
M. Coulombe: Notre problème n'est pas le volume, mais la
rationalisation de l'urgence. Comme on croit à notre métier, on
assure notre responsabilité en faisant l'urgence qu'on a à faire
maintenant. Je pense que cela doit nous permettre de pouvoir penser à
une meilleure pratique dans les années à venir en fonction des
lois. On veut intervenir, bâtir avec les structures qui s'en viennent et
non pas être des ornements de ces structures. C'est pour cela que la
chambre est aussi présente un peu partout. Nous voulons donner
l'expérience qu'on a vécue au cours de ces années.
M. Marx: Je comprends donc qu'on vous donne seulement les
urgences. C'est pourquoi vous travaillez 14 heures par jour sur les urgences;
ce n'est pas la même chose que de travailler 14 heures par jour sur le
volume. (15 heures)
M. Coulombe: Dans l'administration de bureau, c'est difficile
aussi de motiver les gens à travailler toujours sur des urgences, au
point de vue physique. On parlait de Jean-Marc Lachance, notre ancien
président. Il a été obligé de se retirer parce
qu'il était malade. À un moment donné, il a eu beaucoup
trop de stress dans son travail et à l'intérieur de la chambre.
Nous sommes tous passés par là. Ronald est passé par
là, je suis passé par là. C'est la situation d'aujourd'hui
et on veut la corriger en travaillant tous ces phénomènes.
M. Marx: Est-ce que la signification par courrier se fait en
Europe ou aux États-Unis? Est-ce que c'est courant de signifier par
courrier aux États-Unis, en Europe?
M. Dubé: Pour ce qui est des États-Unis, je ne peux
pas vous répondre. Dans les autres provinces du Canada, je peux vous
dire qu'il y a quelques années j'ai fait une certaine recherche et j'ai
constaté que la plupart des documents juridiques sont signifiés
par ce qu'on appelle des "process server" ou des shérifs ou des
compagnies qui se spécialisent en signification.
En Europe, les documents juridiques et tout ce qui touche au tribunal,
c'est un officier de justice ou un clerc "significateur" qui en fait la
procédure. Il reste quand même que les demandes de paiement, etc.,
qui ne sont pas des procédures comme telles, mais des procédures
non contentieuses, sont envoyées par la poste. C'est normal.
Ce n'est pas pour rien que j'ai reproduit plusieurs articles du nouveau
Code de procédure français à partir des articles 653 et
suivants où on voit la signification en personne, la signification
raisonnable, la signification s'il n'y a pas de réponse au domicile du
destinataire ou la signification chez le voisin, et ainsi de suite. Il s'aqit
d'adapter ce mode de signification au Québec.
En Belgique, par exemple, il y a le registre national des populations
où un huissier, par simple informatique maintenant, peut vérifier
si telle personne habite bien là et il laisse la procédure. Ici
au Québec, je peux vous dire une chose...
M. Marx: Le Lovell's, Lovell's. Lovell's à
Montréal.
M. Coulombe: Oui. C'est cela. Le Lovell's. Cela vient à
tous les deux ans. Mais je peux vous dire qu'en pratique, nous avons des
huissiers. Jean Laflamme vient de la région de Sorel. Au Québec,
on a des huissiers un peu partout. On peut vous dire que, neuf fois sur dix, on
est capable de savoir si une personne réside bien à une
adresse.
Il s'agit, dans un premier temps, de se présenter. On pèse
sur la sonnette. Pas de réponse. On s'informe chez les voisins. On
apprend que la personne habite là. On y retourne à une heure
appropriée. Il y a réponse. S'il n'y a pas réponse, on
peut signifier avec une certaine forme. On pourrait le faire.
M. Marx: D'accord. En ce qui concerne le procès-verbal de
constat par huissier, je
me souviens bien que lors de la conférence internationale, il y a
eu des reportages dans les journaux sur cet instrument. Je conviens qu'en
France, le constat sert en matière civile. Est-ce qu'il sert en
matière pénale aussi en France?
M. Dubé: Le constat, c'est surtout en matière
civile. Je suis d'accord avec vous. En matière pénale, son
pendant pourrait exister pour le mandat de perquisition. Ce n'est pas
nécessairement l'agent de la paix qui est chargé de l'application
d'une loi. On va prendre l'Ordre des denturologistes, par exemple, ou le
Barreau, ou la Chambre des notaires. Ils ont souvent des inspecteurs qui font
certaines formes de perquisition. À ce moment, il devrait y avoir une
tierce personne complètement neutre, qui n'a aucun intérêt
dans l'affaire et qui pourrait, par exemple, rédiger l'inventaire des
choses ou assister à la perquisition ou procéder à la
perquisition, la constater. C'est là une facette.
L'autre facette pourrait être la suivante: un juge, par exemple,
peut avoir besoin d'une personne, ce qu'on pourrait appeler un témoin
privilégié, pour lui donner des renseignements dans une affaire.
On va parler d'une question d'affichage. Est-ce qu'on a le droit ou non
d'afficher à une place donnée?
M. Marx: Cela tombe bien.
M. Dubé: Bien, M. l'huissier, allez voir.
M. Marx: II nous manque des inspecteurs.
Le Président (M. Filion): Je pense que c'est un bon
exemple.
M. Dubé: Bon. Un exemple concret et pratique dont on
entend parler souvent.
M. Marx: C'est cela. Au lieu d'exiger des photos, on va avoir des
constats de...
M. Dubé: D'huissiers.
M. Marx: ... Un procès-verbal de constat.
Une voix: Avec photos.
M. Dubé: Cela pourrait être avec photos, mais il
faut...
M. Marx: Parce que maintenant on a des photos effectivement.
M. Dubé: Oui. Mais il faut toujours garder à
l'esprit que cela ne constitue pas une preuve comme telle, mais ce sont des
renseignements qui sont donnés au tribunal, de telle sorte que le juge
peut se faire une meilleure idée.
M. Marx: Quelle sera la valeur en preuve d'un tel
procès-verbal de constat? Est-ce que c'est égal à un acte
authentique? Il y a les actes authentiques des notaires. Est-ce que cela a la
même valeur en preuve?
M. Dubé: Ici, au Québec comme en Europe, il faut
que le constat serve uniquement de renseignement que le juge apprécie.
Il faut dire que l'huissier est un "témoin privilégié" -
entre guillemets - quelqu'un qui est habitué à faire la part des
choses, à constater des faits et non pas à donner des opinions.
Il a vu telle chose; à telle date et à telle heure, il
était à tel endroit, il a vu telle chose, il a parlé
à telle personne. Il rédige un procès-verbal. À la
lecture de ce procès-verbal, le juge peut en tenir compte ou ne pas en
tenir compte. C'est le tribunal qui, en dernier ressort, décide. Le
procès-verbal, te constat de l'huissier peut être contesté
par l'adversaire, sans problème aussi.
M. Marx: Par le biais d'une procédure spéciale
ou...? Dans un acte authentique, il y a une procédure spéciale
d'inscription en faux afin de contester...
M. Dubé: L'article 232 du code. M. le ministre, je vais
vous répondre là-dessus. Il y a des notions essentielles que
l'huissier a pour mission de constater. Autrement dit, on va inscrire en faux
contre le procès-verbal du huissier si on remet en question la date,
l'heure de la signification, les documents signifiés et la
manière siqnifiée. Quant au reste, une simple correction en vertu
de l'article 232 fera l'affaire. Cela n'invalide pas le procès-verbal de
signification comme tel. La même chose peut se faire. Si on fait la
relation... Je l'ai reproduit ici. Allez à l'annexe I, à la page
38, le procès-verbal de constat que vous voyez ici... J'ai fait le
parallèle entre les deux genres de procès-verbaux que nous sommes
habitués à faire. Par exemple, le procès-verbal de
signification que vous voyez dans la colonne de gauche qui correspond à
l'article 144 du Code de procédure; au centre, vous voyez l'article 590,
qui est le procès-verbal de saisie-exécution et les relations qui
existent entre l'article du code et le procès-verbal lui-même, les
mentions a, b, c et d. Immédiatement à droite, nous avons le
procès-verbal de constatation, la formule que nous avons
suqgérée à tous les huissiers du Québec. Un
procès-verbal de constatation doit contenir tous ces
éléments-là de telle sorte qu'on puisse faire le lien
entre ce que l'huissier est habitué à rédiger et ce qu'il
sera appelé à rédiger.
M. Marx: Merci. J'aimerais dire que c'est un mémoire assez
complet avec des annexes qui facilitent la compréhension. J'aimerais
vous remercier. Espérons qu'on fera cette réforme durant mon
mandat.
M. Dubé: Je vous remercie, M. le ministre.
Le Président (M. Filion): On vous remercie, M. le
ministre. Il y a évidemment plusieurs grands points dans votre
mémoire. Le premier que je voudrais traiter est l'introduction du
procès-verbal de constat. Je trouve que c'est une formule
intéressante. Dans notre droit civil, vous me corrigerez si je me
trompe, ce constat n'existe pas ou à peu près pas dans notre
tradition et dans nos lois. Est-ce que je me trompe?
M. Dubé: Si on fait un peu l'historique du constat, en
France, il est né de la demande populaire, de la coutume du droit
prétorien. Pendant 100 ans, jusqu'au décret de 1955, il y avait
des procès-verbaux de constat qui étaient faits par des huissiers
et qui n'étaient que de simples renseignements et qui sont devenus
tellement... Le problème qui existait, c'est qu'on demandait souvent
à l'huissier d'aller témoigner sur son procès-verbal. En
1955, on a dit: Le procès-verbal de constat fait preuve, un peu le
pendant de l'article 294.1 qu'on a au Code de procédure civile
maintenant, où certains rapports sont déposés sans que le
signataire soit obligé de comparaître. C'est un peu cela, le
procès-verbal de constat. Nous, nous en sommes à l'étape
préliminaire. Maintenant, comme je le disais tout è l'heure
à M. le ministre, les huissiers sont déjà habitués
à en faire des constats, parce que tout est constatation dans ce que
l'on fait. Lorsque nous signifions une procédure, nous nous rendons
à telle place, à telle heure et nous faisons telle chose; lorsque
nous effectuons une saisie, si vous lisez l'article 590, la saisie est
constatée par le procès-verbal. Ce n'est pas un mot
étranger. À l'heure actuelle, nous faisons des
procès-verbaux de constats qui servent de renseignements aux tribunaux.
En droit civil, qui découle du Code de Napoléon, ce n'est pas une
chose étrangère que de demander à une personne de
rédiger des constatations.
Le Président (M. Filion): J'en suis et, effectivement,
comme huissier, vous faites la constatation d'abord de transmission de
documents, c'est la signification. Vous faites également, si on veut, la
constatation de saisie, comme vous l'avez mentionné. Ce qui serait
différent, c'est que vous feriez un peu, si on veut, la constatation
d'un état de fait...
M. Dubé: C'est cela.
Le Président (M. Filion): ...que vous transmettriez par la
suite directement au tribunal.
M. Dubé: Ou à une partie qui le requiert. Je vais
vous donner un autre exemple. En matière de réqie du logement, la
suggestion a été faite, justement au niveau de la révision
des tribunaux administratifs. En matière de régie du logement, en
vertu de l'article 1623 du Code civil, une partie doit remettre les lieux dans
l'état où elle les a reçus, sauf un certain usage normal.
À ce moment-là, il pourrait, comme il existe en Europe, y avoir
constatation de l'état des lieux, du logement, par exemple à
l'entrée du locataire et à la sortie du locataire, dans les deux
cas. Cela, c'est un exemple. Ce sont des faits. L'huissier n'a pas à
interpréter; par exemple, s'il voit de l'eau qui coule, il n'a pas
à dire que c'est parce qu'il y a un tuyau qui est crevé en haut.
II voit de l'eau qui coule, point. Il rapporte des faits qu'il voit, qu'il peut
sentir, toucher, voir, des faits qu'il perçoit par les sens. Ce sont des
renseignements, uniquement, que le juge apprécie.
Le Président (M. Filion): En droit pénal, cela
pourrait vouloir dire... Par exemple, vous pourriez constater, disons, dans
l'application d'un rèqlement municipal, que tel ou tel citoyen a sorti
ses poubelles avant l'heure et cela peut aller jusqu'à constater qu'il y
a obstruction par tel citoyen à cause de ce qu'il a mis sur la route ou
sur la rue publique, etc.
M. Dubé: Cela peut aller jusque là.
Le Président (M. Filion): Je suis un peu surpris de voir
que le constat, comme il existe en France et dans d'autres pays, en particulier
dans les pays latins, n'a jamais réussi tellement. Le constat de fait,
et non pas la constatation de ce que je disais tantôt, la transmission de
documents, etc., n'a jamais vraiment traversé nos moeurs ici au
Québec, de telle sorte que ce que vous suggérez dans votre
mémoire, qui est de faire de l'huissier un instrument, si l'on veut, une
personne de constat, c'est, en droit pénal, puisque c'est le sujet de
notre consultation, carrément une innovation. C'est tout à fait
nouveau, que ce soit en droit civil, en droit pénal ou en droit
criminel.
M. Dubé: D'accord. C'est pour cela qu'on l'a
proposé aussi. Il n'y a pas d'années pour évoluer.
Le Président (M. Filion): Maintenant, en ce qui concerne
la siqnification par la poste, cela m'a frappé tantôt quand vous
avez dit: Nous, nous sommes des dépanneurs; les cas d'urgence, on nous
les donne; quand cela va
bien, on ne les a pas et c'est pour cela que cela coûte si cher...
Vous avez un peu raison parce que ce n'est pas facile de retracer des personnes
à qui on ne peut livrer une simple lettre. Vous avez dit, par contre,
que le coût administratif de l'envoi d'une lettre s'élevait
à 5 $ ou 6 $. J'aimerais que vous m'expliquiez, parce qu'en incluant le
coût du timbre qui augmente constamment, il est de 0,40 $, je pense, ou
de 0,42 $... Alors, j'aimerais savoir comment vous êtes arrivé
à ce chiffre de 5 $ ou 6 $ qui est quand même assez
élevé, pour la signification par voie postale. (15 h 15)
M. Coulombe: On peut répondre à cette question sur
deux volets et je laisse le deuxième volet à Ronald. Sur la
première partie concernant les coûts de signification des
huissiers, depuis des années les huissiers ont toujours desservi des
clients qui étaient majoritairement des bureaux d'avocats. De coutume,
on a toujours desservi des avocats en faisant ce qu'on appelle la merde et les
bons coups, c'est-à-dire les bonnes procédures et la merde qui
faisaient un tout à un moment donné. Aujourd'hui, même en
ce qui concerne l'ouvrage du gouvernement, on a encore le même
phénomène. On faisait la même chose avant et maintenant on
ne peut plus le faire parce qu'on a un phénomène d'urgence et une
balance restante comme la poste restante. On fait strictement la merde et on ne
peut pas charger présentement pour la merde qu'on fait naturellement,
parce qu'on n'a plus de volume. Ce que proposent les huissiers de la Chambre
des huissiers du Québec, c'est un "deal" en voulant dire:
Écoutez! on s'assoit, on prend un volume de procédures et on
négocie un prix forfaitaire pour l'ensemble des volumes pour suivre
l'évolution d'aujourd'hui ou, si on ne fait pas ça, on va
continuer avec la merde, mais il faudra charger pour la merde pour pouvoir
balancer nécessairement. Les huissiers ont toujours travaillé en
fonction d'un certain volume qu'on n'a plus maintenant. Il faut donc repenser
à d'autres conditions, à d'autres volumes si c'est le
désir du gouvernement. Si ce n'est pas son désir, les huissiers
vont travailler à partir de cela. Ou on a besoin des huissiers ou on
n'en a pas besoin. Nous disons donc que, si on a besoin des huissiers, voici
des suggestions. Nous sommes prêts à faire toutes sortes de
concessions pour arriver à quelque chose de logique qui puisse servir
tes intérêts de tout le monde, que ce soit du ministère, de
notre clientèle qui s'appelle les avocats et du justiciable aussi
finalement.
Concernant les coûts de lettres je laisse Ronald continuer.
M. Dubé: À partir d'une hypothèse de 225 000
procédures, par exemple, où on fait une tentative de
signification par la poste, où on signifie carrément par courrier
recommandé basé sur un temps idéal, une semaine de 40
heures, il faut compter pour la manutention à peu près dix
minutes par envoi. Admettons aussi que l'envoi est mécanisé, que
l'adressage est fait de façon mécanique, il n'y a pas que
l'adressage qu'il faut faire, il faut faire l'insertion de la procédure
dans l'enveloppe, il faut faire la vérification du retour, parce que,
lorsque les cartons reviennent de la poste, il faut les vérifier et les
déposer au dossier. Cela fait un paquet de manipulations. Pour
manoeuvrer ou gérer l'envoi de 225 000 procédures annuellement il
faut environ 18 employés. Si on inclut le coût de la poste de 1.80
$, cela revient à à peu près 5 $ ou 6 $ l'unité
pour obtenir 75 % de réussite. Cela veut dire qu'on a réussi
à signifier 75 % de ces 225 000 à 5 $ ou 6 $ l'unité et il
y en a 25 % pour lesquels il faut prendre des moyens extraordinaires. En vertu
de la Loi sur les poursuites sommaires, le moyen extraordinaire à
l'article 18, c'est l'huissier. L'huissier se promène, il y va à
deux, trois ou plusieurs reprises. C'est ce qui fait grimper le coût
énormément.
Supposons une hypothèse: si on disait que la signification d'une
procédure, le moyen que l'on suggère dans notre projet, revient,
par exemple... on dirait: On charge 8 $ par procédure, mais c'est pour
rejoindre 100 % des procédures. Il n'y a plus de perte de temps.
Lorsqu'on remet une procédure à un huissier, on n'a pas besoin de
la plier et de la mettre dans une enveloppe, on la donne à l'huissier
qui s'en va la signifier; elle revient deux ou trois jours après et elle
va directement au dossier. Imaginez-vous le temps épargné. Au
lieu d'une rotation de 30 jours à peu près pour les
significations par la poste, vous avez une rotation de trois, quatre, cinq
jours ou une semaine au maximum. On dit que le temps, c'est de l'argent et tout
ça représente des économies de temps, des économies
de gestion, des économies de personnels, etc. Tout s'ensuit
là-dedans.
Le Président (M. Filion): En termes clairs, finalement,
c'est le monopole de significations que vous recherchez.
M. Dubé: Oui, monsieur.
Le Président (M. Filion): Les monopoles donnent rarement
des baisses de coûts pour l'utilisateur.
M. Dubé: On dit "monopole". Est-ce que c'est un monopole
à 100 %? Il faut tenir compte de la configuration géographique de
la situation, de la répartition des citoyens du Québec sur le
territoire. On n'enverra certainement pas un huissier à Schefferville
pour vivre là-bas; il ne vivra pas. C'est pour
cela que l'article 122 du Code de procédure civile permet,
lorsqu'il n'y a pas d'huissier capable d'agir dans un rayon de 50
kilomètres du destinataire d'un acte, que la signification puisse
être faite par la poste. Dans des cas semblables, cela va. On le fera par
la poste. Mais dans les autres cas, il n'y a pas de problème; un
huissier pourrait faire cela.
La présence de l'huissier partout sur le territoire permet non
seulement la signification des procédures pénales, mais aussi
l'exécution des procédures partout sur le territoire à un
taux qui a du bon sens. Cela permet aussi la rédaction de
procès-verbaux de constats, à un taux raisonnable. Cela
créerait un certain volume, une présence de la justice dans la
plupart des villages.
Le Président (M. Filion): En deux mots, il y a une
espèce d'infrastructure de transmission et de constatation.
M. Dubé: II y en a déjà une
infrastructure.
Le Président (M. Filion): Mais plus
élaborée, plus...
M. Dubé: On veut l'agrandir. C'est la justice en
réalité. Ce sont les citoyens qui vont en profiter.
Le Président (M. Filion): II y a environ 600 huissiers au
Québec. Est-ce que je me trompe?
M. Dubé: Au mois de janvier, il y en avait 592.
Maintenant, il y en a peut-être un peu moins, parce qu'il y en a qui
laissent la ligne; il y a moins de travail.
Le Président (M. Filion): C'est cela
précisément ma question. Est-ce que le nombre d'huissiers a eu
tendance à augmenter ou à diminuer au Québec dans les dix
dernières années?
M. Dubé: Si on fait un retour historique, en 1974, il y
avait 600 huissiers au Québec. Le 20 septembre 1975, les 600 huissiers
du Québec ont passé un examen. Après l'examen, il en
restait 300. De 1975 à aujourd'hui, il y a eu une fluctuation, une
progression de sorte qu'aujourd'hui nous sommes 592 ou un peu moins. M.
Coulombe le disait tout à l'heure, comme nous travaillons seulement pour
des urgences qui nous coûtent des sommes exorbitantes à
administrer pour un tarif qui n'est pas adapté - autrement dit, on veut
le service de limousine au prix du métro à l'heure actuelle -
cela coûte tellement cher qu'il y a une diminution du nombre d'huissiers.
Je vais aller plus loin. Dans une certaine ville du Québec, un huissier
exerçait depuis plusieurs années et il ne peut même plus
exercer. Il est venu travailler et travaille présentement dans un grand
centre. Ainsi, pour aller exécuter ou signifier dans ce coin-là,
qui était adéquatement desservi auparavant, il faut un huissier
d'un grand centre qu'on va payer au prix qu'il faut pour faire une heure de
route pour se rendre là-bas. C'est un cercle vicieux.
Le Président (M. Filion): Par curiosité, mais aussi
pour comprendre l'impact des coûts qui sont afférents à la
réforme de la procédure pénale, quel est le chiffre
d'affaires de ces 600 huissiers, en général? Évidemment,
j'inclus le civil. Vous avez sûrement, à la Chambre des huissiers,
un ordre de grandeur.
M. Dubé: On peut vous donner des statistiques qui ont
été compilées récemment dans le cadre des
études qui ont été faites pour la révision de la
loi. 75 % des huissiers du Québec qagnent moins de 25 000 $ par
année. Il y a des extrêmes; il y en a qui gagnent beaucoup et il y
en a qui ne gagnent pratiquement rien.
Le Président (M. Filion): En termes de chiffre d'affaires,
pas en termes de revenu net.
M. Dubé: Le chiffre d'affaires.
M. de Coste (Jean-Jacques): En termes de chiffre d'affaires, un
huissier peut produire une facturation mensuelle d'environ 7000 $. En
1982-1983, les frai3 d'opération d'un bureau d'huissier étaient
d'environ 34 % du chiffre d'affaires. Ce sont les frais fixes
d'opération. En 1985, les frais d'opération chez nous, à
Montréal, ont grimpé à 51 %. C'est le volume qui a
baissé. En plus, comme M. Ronald Dubé le disait,
présentement, la tarification est faite pour un ensemble de
procédures, pour un volume de procédures et non pour un service
à la pièce. D'après la dernière étude qu'on
a faite, 30 % des actes qu'on avait à signifier étaient
demandés à la pièce, mais facturés au volume, ce
qui donnait un revenu net d'à peu près 8 % à 10 % du
chiffre d'affaires.
Le Président (M. Filion): Quant à la perception
d'amendes, votre mémoire soulève cet aspect du dossier, fait
certaines revendications dans ce cas. Quel est votre rôle actuellement
dans le cadre de la loi actuelle sur la perception d'amendes?
M. Coulombe: Présentement, en ce qui concerne la
perception des amendes, les budgets sont coupés. Donc, les huissiers
n'ont pas d'ouvrage. Je crois que les amendes sont collectées
majoritairement par les policiers quant à ce qui touche
l'exécution de certains
mandats. Le policier est payé pour son travail et, en plus, il
perçoit les amendes, alors que l'huissier ne reçoit pas de
revenus du gouvernement. Il perçoit directement et fait payer par le
justiciable les frais qu'il a à payer. C'est à peu près
une des plus belles justices sociales qu'il n'y a pas. La population n'a pas
à payer pour le gars qui a eu une amende.
On vit actuellement le phénomène suivant quant au
percepteur des amendes: la majorité des huissiers n'ont
présentement pas d'ouvrage. Quant à notre rôle, on
perçoit les amendes directement auprès des gens qui ont eu
effectivement ces amendes, en les collectant indirectement par voie de saisie
généralement, en collectant les frais de l'huissier
d'après le tarif d'honoraires des huissiers.
Le Président (M, Filion): Cela, c'est dans le cadre de la
situation actuelle.
M. Coulombe: C'est cela, oui.
Le Président (M. Filion): Cela veut dire qu'au
Québec, au moment où on se parle, il y a deux catégories
de perception d'amendes: une qui est faite par les huissiers. À ce
moment, comme vous le dites, les frais sont intégrés à la
facture payée par le contrevenant. Et une autre catégorie
où les frais sont assumés par les contribuables de taxes en
général.
M. Coulombe: Par les contribuables en général et
aussi une partie, je crois, qui est chargée au débiteur en ce qui
touche l'exécution du mandat par le policier. Cela serait à
vérifier.
Le Président (M. Filion): Oui. Est-ce qu'il y a d'autres
questions des membres de cette commission? Alors, je voudrais remercier la
Chambre des huissiers, MM. Dubé, Laflamme, Coulombe, de Coste pour
d'abord, comme l'a si bien souligné le ministre, le travail et la
qualité du mémoire que vous nous avez déposé ainsi
que, je dois le souligner, la franchise de vos propos, et de votre
mémoire; je l'ai beaucoup apprécié. Vous dites à un
moment donné que personne ne va reprocher à la chambre de
prêcher pour sa paroisse, certainement pas les membres de cette
commission. Je pense qu'au contraire, cela nous a permis un échange
direct et fructueux sur le fond des problèmes.
Je voudrais également vous remercier pour cet échange
d'idées que nous avons eu cet après-midi. Comme vous le savez, il
s'agit d'un avant-projet de loi. Cette consultation ne pourra que nous aider
à bonifier le projet de loi. Le ministre de la Justice, j'en suis
sûr, cherchera à prendre les décisions qui s'imposent avant
de déposer le projet de loi comme tel, lequel sera étudié
par les membres de cette commission article par article lors de son
adoption.
Donc, merci messieurs et bonne fin d'après-midi.
M. Dubé: Merci, M. le Président. Le
Président (M. Filion): Oui?
M. Dauphin: J'aurais une petite question avant que vous
disposiez. Je crois que la chambre a décidé d'imposer un
moratoire en ce qui concerne les huissiers stagiaires. Est-ce un moratoire d'un
an? Juste une question d'information. Est-ce qu'il y a une durée?
M. Coulombe: On s'enlignait d'abord sur un moratoire de deux ans,
en fait, qui coïncidait un peu avec la réforme de ta Loi sur les
huissiers. En fait, on suit un peu le dossier de la réforme. Si la
réforme est prête l'an prochain, le moratoire va suivre la
réforme.
M. Dubé: II faut dire aussi que, comme prérequis
nous allons demander un diplôme d'études collégiales en
techniques juridiques. Actuellement, on demande un Secondaire V. Il faudrait
avoir un diplôme en techniques juridiques. Il ne faudrait pas faire en
sorte qu'il y ait un afflux incroyable d'huissiers sur le marché.
M. Dauphin: Alors, vous allez suivre effectivement la
réforme, lorsqu'elle sera clarifiée... D'accord. Merci. (15 h
30)
Le Président (M. Filion): Merci donc, messieurs.
J'inviterais immédiatement le groupe suivant à bien vouloir
prendre place à la table des invités, si cela convient aux
membres de cette commission, sans ajournement, étant donné notre
horaire chargé pour cet après-midi. Il s'agit, bien sûr, de
l'Association des usagers de la langue française. Je vois M. Robert
Auclair, son président, qui s'avance et prend place.
À l'ordre, s'il vous plaît!
C'est avec grand plaisir que nous recevons maintenant les
représentants de l'Association des usagers de la langue
française. Je demanderais à M. le juge Auclair, qui est
présent avec nous, de bien vouloir identifier la personne qui est
à sa gauche.
Association des usagers de la langue
française
M. Auclair (Robert): Vous m'avez identifié, alors c'est
déjà fait. J'ai ici M. Michel Sparer, qui est le
secrétaire de l'association.
Le Président (M. Filion): D'accord. Sans
plus tarder, je voudrais vous inviter à présenter le
sommaire de votre mémoire.
M. Auclair: Je vous remercie de nous avoir invités
à présenter le petit mémoire que nous avons
préparé. J'ai pensé toutefois peut-être prendre une
minute ou deux pour situer l'association, qui n'est peut-être pas
très connue vu qu'elle ne fait pas de bruit sur la place publique. En
deux mots, c'est une association volontaire qui a des membres dans
différentes villes du Québec et dont l'objectif fondamental est
de promouvoir la qualité de la langue, et de la langue écrite.
Cela veut dire, concrètement, la langue de l'État, des lois et
règlements, celle des organismes paragouvermentaux, des services
publics, des ordres professionnels, des syndicats et des médias en
général. Bref, la langue écrite qui atteint le public.
Comme moyen d'action, l'association fait des suggestions et des
observations de façon discrète et courtoise aux
intéressés en leur suggérant d'améliorer les textes
qui peuvent circuler. L'association ne se substitue pas, cependant, aux
organismes qui existent en vertu de la loi et qui ont à faire leur
travail. Elle n'entend pas non plus les concurrencer. C'est dans cet esprit que
nous avons fait des observations sur le Code de procédure pénale,
qui est une loi très importante à notre point de vue, parce que
c'est une loi d'usage quotidien non seulement pour le monde juridique, en
particulier, mais pour la population en général qui entend parler
de ces choses tous les jours. Je vais demander à M. Sparer, le
secrétaire, de vous donner lecture de notre petit mémoire.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le juge. M.
Sparer.
M. Sparer (Michel): Merci. Comme vous le verrez, nous nous sommes
limités à quelques observations. C'est effectivement un tout
petit mémoire. Nous vous remercions de nous avoir donné
l'occasion de faire ces humbles suggestions devant la commission des
institutions.
L'Association des usagers de la langue française tient tout
d'abord à féliciter les auteurs de cet avant-projet de loi. Ce
texte marque une fois de plus un progrès appréciable dans
l'élaboration des textes législatifs au Québec,
progrès constant qu'on remarque en particulier depuis un peu plus d'une
dizaine ou d'une quinzaine d'années. Ce sont des progrès
impressionants tant au plan de la structure, de l'agencement logique des
idées que du style, du vocabulaire et peut-être d'autres aspects
encore.
Ce code porte bien son nom. C'est un vrai code au sens où nous
avons pu l'apprécier. C'est un texte qui tient le pari, comme un vrai
code, de présenter de façon organisée l'ensemble des
règles utiles en la matière. Les articles sont d'une taille
raisonnable et les phrases sont en général claires, même si
certaines mériteraient d'être scindées, d'être plus
courtes, comme dans la plupart des textes que nous lisons quotidiennement dans
la vie courante.
L'intervention de l'association se veut, comme toujours, sobre et
constructive. Aussi, nous nous contenterons de porter à l'attention des
rédactrices, rédacteurs et des parlementaires ici présents
quelques modestes observations et quelques suggestions qui leur permettront
d'apporter peut-être quelques améliorations à ce texte
déjà fort honorable.
Nous ne nous attarderons pas à des points de détail; cela
pourrait vous paraître des points de détail. Il s'agit quand
même, comme le disait le président de l'association tout à
l'heure, d'un texte fondamental pour la pratique quotidienne de bien des
juristes, bien des avocats, des juges et d'autres intervenants dans le domaine
du droit, ce qui fait qu'il nous est apparu opportun de saisir l'occasion pour
introduire un certain nombre de précisions, d'améliorations dans
te vocabulaire ou la phraséologie juridique.
Tout d'abord, on retrouve un peu partout l'expression "jours
juridiques". Nous nous permettons de faire la suggestion suivante: Ne serait-il
pas plus simple de ne qualifier que les jours non juridiques,
c'est-à-dire en les dénommant "jours fériés"? On ne
parlerait donc plus de jours juridiques. Si on voulait absolument les
qualifier, on pourrait les qualifier de jours ouvrables ou, en tout cas, se
limiter à ne qualifier que les jours qui sont non juridiques, qu'on
appellerait donc jours fériés.
L'expression "jours fériés" existe déjà dans
la législation québécoise. On la retrouve dans la Loi
d'interprétation qui indique que les mots "jours de fête" et
"jours fériés" désignent ceci et cela. On la trouve
également dans la Loi électorale, à l'article 159, par
exemple, où on dit: "Si le scrutin tombe un jour férié, il
a lieu le lendemain." Ce ne serait pas vraiment une innovation, ce serait un
ajustement avec ce qui existe déjà, ça et là, dans
la législation de la province. On la retrouve également dans le
Code civil, la Loi sur la fête nationale et la Loi sur les normes du
travail, à l'article 60. On connaît également l'expression
"jours de palais", mais nous suggérons d'explorer la possibilité
de ne qualifier que les jours fériés.
Ensuite, on parle des procureurs. L'objet de nos observations est en
général de suggérer le mot le plus simple, le plus connu,
le plus évocateur et la phraséologie contenue dans les textes aux
phrases courtes contenant des mots simples. Puisque ceux qu'on désigne
par "procureurs" sont en fait des avocats, pourquoi ne pas parler tout
simplement des avocats?
La perpétration d'une infraction, c'est tout simplement un petit
problème de
rédaction. Le mot "perpétation", selon l'usage connu, se
dit surtout pour des crimes, alors qu'ici on parle d'une infraction. En fait,
"prouver la perpétration de l'infraction", le problème serait
réglé assez rapidement en disant "prouver l'infraction", tout
simplement.
Le jugement final, c'est un vieux problème. Nous n'avons pas de
solution toute faite pour cela. Nous soulignons simplement l'inconfort de cette
expression, surtout en circonstances bilingues puisque ça prête un
peu à confusion. Il y a polysémie en anglais là-dessus,
"final judgement" désignant tour à tour tel ou tel état de
la décision judiciaire. Ce que nous suggérons, c'est tout
simplement de faire la différence entre un jugement définitif,
c'est-à-dire la décision qui met fin à une instance comme
telle, et, s'il s'agit d'un jugement sans appel ou de dernier ressort, parler
d'un jugement de dernier ressort ou d'un jugement sans appel.
Règles de pratique et règles de procédure,
trouve-t-on dans le texte. C'est un petit problème dans la mesure
où l'expression "règles de pratique" est perçue comme un
anglicisme. On trouve également dans la législation
québécoise récente l'expression "règles de
procédure". Je pense, par exemple, aux règles de procédure
de la Cour d'appel en matière civile - c'est ainsi que cela s'appelle.
Nous avons encore une petite réticence sur "règles de
procédure" pour une raison très simple. Cela reviendrait à
dire qu'il existe des règles de procédure qui ne sont pas
incluses dans le code de procédure, lequel a une vocation
théoriquement exhaustive. Pourquoi ne pas parler, par exemple, de
règlement intérieur, comme l'évoque le très ancien
dictionnaire Capitant, ou de règlement interne du tribunal ou encore,
tout simplement, de règlement du tribunal ou de règlement de la
cour.
Nous ne parlerons pas des bureaux d'affaires qui sont vraisemblablement
des établissements. Nous parlerons peut-être un peu plus
longuement des représentations. L'expression "faire des
représentations" est perçue également comme un anglicisme
sémantique. Si le mot "représentations" existe en
français, on l'emploie dans un champ de définition qui est
plutôt celui de la langue anglaise et, en français, une
représentation est censée être une remontrance courtoise.
Je ne pense pas que les intervenants dans les procédures pénales
s'amusent à se faire des remontrances courtoises. Pourquoi ne pas
parler, par exemple, de faire des observations, de présenter des
observations, de présenter des demandes ou de demander, selon le cas, de
faire des allégations, de faire des prétentions ou de
prétendre. Enfin, bref, la langue française, tout comme la langue
anglaise, est très fertile, très abondante en synonymes ou termes
adaptés en ce sens.
Il y a d'autres aspects. Un petit problème qui nous est apparu,
c'est celui du mot "payable" à l'article 432. II s'agissait de savoir si
c'était payable ou exigible, puisque l'avant-projet de loi parle
tantôt de sommes payables, tantôt de sommes exigibles. Y a-t-il
synonymie? S'il y a synonymie, il faudrait l'éviter; s'il n'y a pas
synonymie, peut-être cela mériterait-il d'être plus
distingué.
Il y a certaines redondances. Je ne passerai pas en détail tout
ce qui se trouve dans notre petit mémoire, cela ne mérite pas
l'attention en direct des parlementaires. Il y a quelques suggestions de
rédaction peut-être un peu plus simple, dans le sens d'une
simplification de certaines phrases.
J'attirerais votre attention sur le mot "information". La plupart du
temps, on emploie "information" dans le sens de "renseignement". Nous pensons
qu'il serait opportun de saisir l'occasion, dans cet avant-projet de loi, de
faire la distinction entre ce qui est de l'information et ce qui est du
renseignement. On emploie le mot "information" dans le sens du mot
"information" en anglais. Lorsqu'on voit comment on traduit "information", de
manière générale, on traduit par "renseignements". S'il
s'agit de renseiqnements, parlons de renseignements et, lorsqu'il s'agit
d'information, c'est-à-dire d'un corps de renseignements beaucoup plus
large, parlons d'information. Les deux termes existent, il s'agit sans doute de
les différencier.
Il y a d'autres aspects de la rédaction sur lesquels nous
passerons assez rapidement. À l'article 235.9, on trouve une
distinction, semble-t-il, entre un texte "inapplicable constitutionnellement",
un texte "invalide" et un texte "inopérant". Je ne suis pas sûr
que cette distinction soit très claire à la lecture du texte;
peut-être mériterait-elle d'être explicitée.
Aux articles 207 et 208 se pose un petit problème qui nous semble
assez ennuyeux. Le texte ne dit sans doute pas ce qu'il veut dire. On semble
croire que le risque ne survient pas du fait que la personne transmet un
document, alors qu'il semblait plutôt que le risque que courait la
personne était de ne pas transmettre ce document. Enfin, notre
mémoire donne un peu plus de détails là-dessus.
Nous avons remarqué également l'expression
"réclamer une peine". Cela mériterait également une
expression plus évocatrice. Nous avons éqalement fait des
suggestions de simplification. Je ne les citerai pas toutes ici; c'est
relativement du détail. Par exemple, "transmettre le montant d'amende";
pourquoi pas "payer l'amende"? Il n'est pas faux de dire qu'on transmet le
montant de l'amende, mais pourquoi ne pas dire simplement qu'on paie l'amende
et les frais? (15 h 45)
Nous avons déjà fait le tour de ce petit mémoire.
Comme on peut le voir, les
quelques points évoqués ci-dessus relèvent du
détail ou de la précision et ne mettent en cause aucun aspect
fondamental du texte. Il y aurait, bien sûr, d'autres petites remarques
de détails à faire, mais l'association s'abstiendra d'en
encombrer le document et de retarder cette séance. L'association est
néanmoins disponible pour en faire part si cela était
souhaité.
En conclusion de la conclusion, permettez-moi de vous dire que, si nous
nous sommes présentés ici avec ces quelques remarques, c'est pour
avoir le prétexte, encore une fois, de féliciter et de saluer les
auteurs et promoteurs de ce texte qui est, en fait, remarquable. Merci de votre
attention.
Le Président (M. Filion): Je voudrais remercier M. Sparer
ainsi que M. le juge Auclair et inviter le ministre à amorcer la
discussion avec nos invités.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais à mon
tour remercier M. Auclair et M. Sparer pour ce mémoire que nous avons
trouvé très intéressant. Je retiens qu'à la
première page de votre mémoire, vous avez écrit: "Ce texte
marque un progrès appréciable dans l'élaboration des
textes législatifs au Québec tant au plan de la structure, de
l'agencement logique des idées que du style et du vocabulaire." On fait
des progrès mais, pour le ministère de la Justice, la
qualité de la langue écrite est très importante. On prend
les mesures qui s'imposent pour qu'il y ait une certaine qualité.
Vous avez fait un certain nombre de suggestions. Je retiens qu'à
la page 4, vous parlez de "bureau d'affaires". Au moins, on n'a pas dit "office
d'affaires". Donc, il n'y a pas de poursuite possible.
Je peux vous assurer que l'avant-projet de loi fait présentement
l'objet d'une révision interne sur le plan linguistique et que les
suggestions formulées par votre association seront prises en
considération. Nous avons déjà envoyé une copie de
votre mémoire au comité de perfectionnement. Nous avons un
comité de perfectionnement au ministère de la Justice
formé de linguistes et d'avocats qui travaillent à chaque texte.
Je suis sûr qu'ils vont tenir compte de vos suggestions et qu'on va
améliorer le texte encore.
Il pourrait arriver qu'on apporte des amendements en commission
parlementaire à la dernière minute. On peut avoir un texte qui
soit parfait, mais, à la dernière minute, en apportant des
amendements, il peut y avoir des erreurs qui se glissent dans le texte. On va
se souvenir de votre présentation et essayer d'éviter des
imprécisions ou des erreurs dans les textes. Merci.
Le Président (M. Filion): À mon tour de vous
remercier, messieurs, d'abord pour l'énergie que vous avez investie de
façon tout à fait gratuite, "gratuite" en termes concrets, mais
je pense que ce n'est pas gratuit quand on connaît chez vous la passion
pour les choses bien dites et bien faites. Quant à moi, je retiens
surtout la dernière phrase de votre mémoire où vous dites
que l'association est disponible pour contribuer à l'enrichissement de
ce projet de loi eu égard à la qualité de la langue qui y
est utilisée.
Je dois vous dire qu'au sein de cette commission, nous avons parfois
pris passablement de temps pour vérifier la qualité des
amendements que l'on introduisait parfois par papillon - c'est notre langage
coloré sur le plan parlementaire. Je me souviens de certaines longues
soirées où on aurait pu, des deux côtés de cette
table, faire autre chose, mais où on s'assurait que la langue
française était conforme aux usages.
Donc, quant à moi, je retiens cette disponibilité chez
vous. J'ose espérer que, du côté du ministère de la
Justice, on n'hésitera pas à faire appel à vos
lumières, à votre expérience et, en quelque sorte,
à cette passion gratuite, mais tellement nécessaire si l'on veut
protéger notre belle langue et faire en sorte qu'elle soit comprise,
également. C'est un des points qui me... On parle de rèqles de
pratique, tout le monde parle de règles de pratique. Cela a
commencé à changer, effectivement. En matière criminelle,
on parle de règles de procédure et les avocats s'y retrouvent
tout aussi bien. On sait de quoi on parle. Je pense qu'il y a
possibilité... Souvent, on se heurte, au niveau des changements,
à la tradition. On dit: Tout le monde emploie cette expression pour
désigner tel ou tel acte, mais dans le fond, lorsque le changement
survient, les gens s'habituent tout autant à utiliser l'expression
correcte. En ce sens, le fait de rechercher à augmenter la
qualité de la langue de la législation ne doit pas se heurter,
d'abord, à des préjugés de cette nature.
Alors, encore une fois, merci. J'ose espérer que vous le faites
dans d'autres projets de loi également mais, chose certaine, les membres
de cette commission, dont le volume de législation est assez
énorme, retiendront vos commentaires et votre souci de la langue
française bien dite et bien écrite. Je vous remercie.
M. Auclair: M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission, nous vous remercions de nous avoir consacré
quelques minutes et nous espérons que cela pourra être utile. Nous
vous remercions encore une fois. Au revoir.
Le Président (M. Filion): On peut suspendre quelques
minutes avant d'entendre
le dernier groupe, celui des représentants de la ville de
Montréal.
(Suspension de la séance à 15 h 52)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M. Filion): Bienvenue aux
représentants de la ville de Montréal. C'est avec grand plaisir
que la commission des institutions vous reçoit dans le cadre de sa
consultation générale portant sur l'avant-projet de loi sur le
Code de procédure pénale. Je demanderais d'abord au
représentant de la ville de Montréal de bien vouloir
s'identifier.
Ville de Montréal
M. Prescott (Michel): Oui, M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs. Je vais vous présenter mes
collègues. D'abord, je suis Michel Prescott, conseiller associé
au président du comité exécutif de la ville de
Montréal, M. Michael Fainstat. Je suis accompagné de Me Jules
Allard, à mon extrême droite, directeur adjoint du service du
contentieux, de Me Bessette, chef de l'équipe de droit pénal
à la Cour municipale de Montréal, et de Me Denis
Laliberté, chef de l'équipe de droit criminel à la Cour
municipale de Montréal.
M. Bessette, dans un deuxième temps, va faire un exposé
plus détaillé des positions de la ville, à la suite de
quoi mes collègues et moi-même serons à votre disposition
pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Filion): C'est bien. Le cadre
général de nos débats très souples est le suivant:
une trentaine de minutes vous sont réservées pour la
présentation de votre mémoire, suite à quoi nous aurons
une période d'environ 60 minutes de discussion avec les membres de cette
commission.
Sans plus tarder, j'inviterais donc Me Bessette à faire la
présentation. Oui, je vous en prie, M. Prescott.
M. Prescott: Dans un premier temps, je vais faire un
exposé très succinct des points saillants du mémoire de la
ville. Vous me permettrez d'abord de vous remercier de nous donner l'occasion
de nous faire entendre en commission parlementaire.
Dans son mémoire, la ville recommande l'adoption de règles
particulières pour les infractions de stationnement et de circulation
dans le but de raccourcir les délais de procédure, de diminuer
les coûts pour la ville et surtout pour les citoyens et citoyennes,
d'accroître la crédibilité du système de perception
dans l'utilisation de mesures d'exécution visant à diminuer le
nombre de mandats de saisie et d'emprisonnement et, enfin, d'assurer aux
citoyens le plein exercice de leurs droits quitte, s'il le faut, à la
suite de ces mesures particulières, à prévoir des
assouplissements quant aux conditions permettant la rétractation de
jugement.
Plus spécifiquement, la ville suqgère l'adoption des
mesures suivantes: la signification du constat dans le pare-brise dans les cas
d'infractions relatives au stationnement, l'élimination du procès
par défaut pour les personnes qui n'ont pas fait parvenir leur plaidoyer
à la cour, ta possibilité pour les citoyens et citoyennes de
fournir les explications écrites lorsqu'ils plaident non coupables,
l'élimination de la présence obligatoire du défendeur
à la cour par l'utilisation du procès par écrit, la
possibilité d'une requête en diminution de frais pour les
personnes qui n'ont pas reçu leur constat d'infraction et qui ont fait
l'objet d'une condamnation par défaut - les personnes qui n'ont pas de
défense, ne prétendent pas à une défense.
Chose importante dont an a déjà discuté à un
niveau plus informel: le non-renouvellement du permis et du certificat
d'immatriculation pour les défendeurs qui n'ont pas payé leur
amende dans les cas d'infractions de stationnement et de circulation, ce qui
pourrait permettre l'abolition du sabot de Denver et la réduction du
nombre de mandats de saisie et d'emprisonnement. Nous recommandons enfin la
possibilité pour l'agent de la paix d'entrer en tous lieux pour
empêcher la continuation d'une infraction relative au bruit.
Je vais demander maintenant à Me Bessette de vous faire un
exposé un peu plus détaillé de ces propositions. Je vous
remercie.
Le Président (M. Filion): Merci, M. Prescott. Me
Bessette.
M. Bessette (Jean-Pierre): M. le Président, dans un
premier temps, je voudrais vous demander la permission, demander à cette
commission la permission de distribuer certains documents auxquels nous
entendons nous référer et qui complètent notre
mémoire. Ce sont des documents dont la préparation n'a pas pu
être faite antérieurement.
Le Président (M. Filion): II s'agit en quelque sorte d'un
supplément à votre mémoire. Est-ce que c'est cela?
M. Bessette: Oui. Dans un premier temps, il s'agit d'un document
intitulé Mémoire de la ville de Montréal concernant
l'avant-projet de loi... "Annexes". Il s'agit de certains tableaux qui
illustrent des points dont nous traitons dans notre mémoire. Dans un
deuxième temps, il y a un tableau où on voit, à la partie
supérieure... Disons que je
vais attendre que la distribution soit terminée pour attirer
votre attention sur ces documents.
Le premier document sur lequel j'attire votre attention, c'est
indiqué "Annexes". C'est avec une couverture bleue. Ce sont des tableaux
et différentes statistiques auxquelles je vais me référer
pendant mon exposé.
Un deuxième document est intitulé "Proposition du
ministère de la Justice -ville de Montréal - proposition de la
ville de Montréal". Il s'agit d'un tableau qui vise à comparer la
procédure actuelle, la procédure prévue par le
ministère de la Justice et la procédure demandée par la
ville de Montréal relativement aux causes de circulation et de
stationnement.
Un troisième document est intitulé "Points saillants du
mémoire de la ville". Il s'agit des principales demandes que la ville
fait,
II y a un quatrième document où on voit "Article 91"; il
s'agit carrément d'un ajout à notre mémoire. Cet ajout
concerne la première des autres recommandations, à savoir la
possibilité pour l'agent de la paix d'entrer dans un lieu pour
empêcher la continuation d'une infraction relative au bruit.
Je vais commencer mon exposé. Compte tenu du peu de temps
à notre disposition, j'entends limiter mon exposé verbal aux
conséquences pour le contentieux de masse de la proposition du
ministère de la Justice, contentieux de masse composé à
Montréal principalement par les causes de circulation et de
stationnement.
Dans un premier temps, j'attirerai votre attention sur le tableau. C'est
à partir de ce tableau, c'est principalement en me
référant à ce tableau que je vais faire mon exposé.
Si on va dans la colonne de gauche: Système actuel. Les principales
étapes du système actuel sont les suivantes: d'abord, le billet
de contravention, ensuite, l'avis préliminaire, la sommation, le
jugement, le bref de saisie et le mandat d'emprisonnement.
Pour ce qui est du billet de contravention, pour ce qui est des causes
en matière de circulation et de stationnement, le nombre total de
billets émis par la ville de Montréal pour un an est de 1 324
000, grosso modo. De ce nombre, il y a 1 100 000 causes relatives à des
infractions de stationnement et 224 000 relatives à des infractions
dites de mouvement. En ce qui concerne le billet de contravention, le taux de
paiement est de 61 %. La deuxième étape est l'avis...
Le Président (M. Filion): M. Bessette, à quel
endroit voit-on la distinction entre le stationnement et la circulation? Non,
non, mais sur le tableau.
M. Bessette: Sur le tableau, cette distinction n'apparaît
pas.
Le Président (M. Filion): D'accord. Pourriez-vous me
redonner les chiffres?
M. Bessette: Certainement, l 324 000, c'est le nombre
d'infractions relatives à la circulation et au stationnement. De ces 1
324 000, 1 100 000 sont pour les billets A ou, si vous préférez,
pour les causes relatives au stationnement et 224 000 pour les causes relatives
aux infractions de mouvement.
Le Président (M. Filion): Merci.
M. Bessette: À cette première étape, M. le
Président, 67 % des gens paient leur amende. La deuxième
étape est l'avis préliminaire. À cette étape, nous
en avons 414 000. À la sommation, nous avons 200 000 sommations qui
donnent lieu par la suite à 100 000 jugements. Je voudrais attirer votre
attention, pour ce qui est du système actuel, aux documents en annexe
et, principalement, à l'annexe 2 de ce document.
À l'annexe 2 du document intitulé "Cour municipale, ville
de Montréal, taux de recouvrement annuel et nombre de dossiers
visés à chaque étape de la procédure", on note
qu'au niveau du billet de contravention 67 % des gens paient leur amende. Au
niveau de l'avis préliminaire, 15 % des gens paient leur amende. Au
niveau de la sommation, 6 % des gens paient leur amende. C'est donc dire qu'aux
trois premières étapes 88 % des gens paient leur amende. C'est
une remarque importante étant donné que le constat d'infraction,
qui est la nouvelle procédure prévue dans l'avant-projet ne fait
pas que viser, mais remplace de fait ces trois étapes. Par la suite,
évidemment, le taux de perception: 1,9 % des amendes sont payées
après jugement, 2,3 % au niveau du bref de saisie et 0,9 % au niveau du
mandat d'emprisonnement. Notre taux de perception à Montréal est
d'environ 93,1 %.
M. Marx: II y en a 12 000 qui sont emprisonnés?
M. Bessette: Payés. Ce sont des gens qui paient leur
amende lorsqu'on exécute un mandat d'emprisonnement, lorsque de3
huissiers se présentent à leur domicile pour les arrêter ou
que des constables les arrêtent. Ce sont des gens qui paient
immédiatement leur amende pour éviter l'emprisonnement.
M. Marx: C'est ça. Combien de personnes sont
emprisonnées? 5000?
Le Président (M. Filion): C'est écrit un peu plus
bas.
M. Marx: En tout cas... (16 h 15)
M. Bessette: Le nombre de 5000, c'est 5000 mandats
d'emprisonnement, et non pas nécessairement 5000 citoyens qui sont
emprisonnés ou conduits à l'établissement de
détention. J'attirerais également votre attention sur l'annexe 3
qui est une autre annexe importante, mais seulement à la première
page de l'annexe qui est intitulée: Évolution des frais. Pour un
billet type. Ce sur quoi je voudrais attirer votre attention, pour ce qui est
des coûts du système actuel pour le citoyen ou la citoyenne, c'est
qu'au niveau du billet... On a un cas type qui a fait l'objet de toutes les
procédures, un billet de 15 $ a finalement abouti à un compte de
106 $. Il faut réaliser à quelles étapes ces montants ont
été accumulés. Pour ceux qui paient leur billet, bien
sûr, il n'y a pas de frais. Pour l'avis préliminaire, dans le
système actuel, il y a 5 $ de frais qui se rajoutent au montant du
billet. Pour la sommation, 7 $ supplémentaires. C'est donc dire que les
trois ordres de paiement qui sont faits coûtent au défendeur 5 $
ou 12 $. Ceux qui paient le billet ne paient pas de frais; ceux qui paient
l'avis préliminaire paient 5 $ et ceux qui paient la sommation paient 12
$.
Par ailleurs, dans l'exemple type, lorsqu'un jugement par défaut
est passé, l'amende fait un saut de 27 $ à 52 $. Par la suite,
s'il y a un bref de saisie, c'est 15 $ de plus; s'il y a un mandat
d'emprisonnement par la suite, 82 $ de plus. Comme le mandat de saisie et le
mandat d'emprisonnement comportent des frais variables, on se retrouve avec des
frais de huissier de 24,60 $.
Ce qui veut dire que pour les trois premières étapes,
l'accumulation des frais contre le défendeur était de 12 $, mais
à partir du moment où on a passé un jugement par
défaut jusqu'au mandat d'emprisonnement, c'est 79,60 $, six fois plus de
frais si le défendeur fait l'objet d'une audition par défaut et
d'une procédure d'exécution ultérieure.
À cet effet, là où nous sommes quelque peu
critiques quant au projet du ministère, quant à nous, ce qui est
prioritaire pour diminuer le fardeau très lourd qui pèse sur les
épaules du citoyen, ce n'est pas aux 12 $ qu'il aurait fallu s'attaquer,
mais plus aux 79,60 $. Les principales caractéristiques du
système actuel sont, d'abord, un nombre considérable de billets
émis en matière de stationnement. Cela s'explique par le fait
qu'à Montréal, notamment, 600 000 véhicules circulent
quotidiennement dans les rues de la métropole, dont 300 000 y
stationnent l'hiver et 250 000 l'été. Pour 100 voitures qui
stationnent dans les rues, il y a un billet de contravention, grosso modo.
Comme deuxième caractéristique, il y a un taux de
perception assez élevé, à l'heure actuelle. On
perçoit quand même 88 % des amendes au niveau des trois offres de
paiement que constituent le billet de contravention, l'avis préliminaire
et la sommation. La troisième caractéristique du système
actuel, c'est le coût prohibitif des étapes que constituent le
jugement par défaut, le bref de saisie et le mandat d'emprisonnement. Au
jugement par défaut, l'amende double. On passe de 27 $ à 52 $. Le
coût du jugement par défaut est très important dans le
système actuel. C'est à cela que nous vous soumettons
respectueusement que le projet de loi devrait s'attaquer.
Malheureusement, la proposition faite dans l'avant-projet a les effets
suivants. D'abord, aux trois offres de paiement actuellement faites au citoyen
pour acquitter son amende, on substitue une seule offre de paiement, soit le
paiement par constat. Dans un tel contexte, il nous apparaît
évident qu'il est pratiquement impensable que le pourcentage actuel de
67 % augmente au niveau du paiement, au niveau du billet, d'autant plus que
dans le projet tel que rédigé, on permet au défendeur, au
lieu d'acquitter son billet dans les dix jours, de l'acquitter dans les trente
jours, ce qui donne au défendeur tout le loisir d'oublier de payer,
finalement.
Nous croyons, quant à nous, à la nécessité
du maintien du paiement de l'amende dans les dix jours dans les cas
d'infraction en matière de stationnement ou de circulation, d'abord,
parce que c'est dans les habitudes des citoyens d'acquitter ces amendes, qu'il
n'y a pas de problèmes financiers à le faire, 67 % des gens les
acquittent, même 88 % des gens acquittent ces amendes entre le billet
d'infraction et la sommation. L'effet du projet de prendre trois offres de
paiement et de substituer une offre de paiement va faire en sorte, finalement,
qu'on va se retrouver - et c'est ce qu'on a tenté de démontrer
dans notre tableau - si on maintient un taux de paiement de 67 % au niveau du
constat d'infraction, le même taux de paiement qui existe au niveau du
billet... Je ne vois pas comment on peut prétendre que ce taux de
paiement pourra augmenter, surtout que la seule mesure qu'on prévoit,
c'est finalement une mesure qui aurait plutôt tendance à le
diminuer, mais, si on pose l'hypothèse optimiste qu'on maintient 67 % de
taux de paiement, il y a une conséquence à cela. Au lieu de nous
retrouver, comme dans le système actuel, avec 84 000 jugements par
défaut, nous nous retrouverions avec 410 000 jugements par
défaut, ce qui fait que 326 000 citoyens qui, à l'heure actuelle,
payaient comme frais des montants de 5 $ ou de 12 $, désormais,
paieraient des frais de 25 $. Alors, il s'agit d'une mesure... Le
système proposé est de nature à augmenter le fardeau des
citoyens
et ce fardeau est déjà beaucoup trop lourd.
Dans la deuxième colonne^ la proposition du ministère de
la Justice, nous nous trouvons, dans un premier temps... Les
conséquences de cela: on part, dans les deux cas, avec 1 324 000 billets
ou constats d'infraction et on se retrouve avec 900 000 paiements et, dans le
système actuel, ce que l'on note, c'est que - dans la colonne de gauche
- la cour n'est pas impliquée - il y a une ligne qui est tirée,
après "avis préliminaire" - au niveau du billet de l'avis
préliminaire. La cour n'est impliquée... Il n'y a manipulation de
papier à la cour qu'au niveau de la sommation: 200 000 sommations.
Dans le système proposé dans l'avant-projet de loi, tel
qu'il est, s'il fallait retenir l'hypothèse qu'on nous force à
produire devant la Cour municipale des constats payés, nous passerions
d'un contentieux de papier de 200 000 à un contentieux de papier de 1
324 000. Si on nous faisait grâce... Je pense qu'on va convenir
facilement que l'article 214 doit être rétiré parce qu'il
comporte des conséquences réellement drastiques pour le
système, mais si on nous oblige, dans chaque cas de jugement par
défaut, à produire un constat à la cour vous venez de
faire passer notre contentieux de papier de 200 000 sommations à 410 000
constats. C'est ce qui explique les 326 000 personnes qui seraient
condamnées par défaut de plus que les 84 000 à l'heure
actuelle.
Ce faisant, non seulement va-t-il y avoir 326 000 citoyens qui vont
devoir payer 25 $ de frais alors qu'actuellement ils n'en paient que 5 $ ou 12
$, mais les frais de 25 $ sont appelés à augmenter
considérablement, étant donné que si on en vient à
doubler notre contentieux de papier les coûts de manipulation, les
coûts de classement vont augmenter en proportion. Alors, le coût
pour passer un jugement par défaut va augmenter, ce ne sera plus 25 $,
cela va être vraisemblablement 50 $ à 100 $, ce qui fait qu'un
citoyen qui ne paiera pas son constat dans le système proposé,
fera l'objet d'une production de doubles à la cour et le coût de
cela serait qu'un billet de 15 $ pourrait passer... Le premier compte qu'il
recevra alors que le citoyen est habitué d'en recevoir trois, lorsqu'il
ne paiera pas à la première étape, c'est 15 $ plus 5 $ et,
là, ce sera 15 $ plus 50 $, 60 $, 75 $ ou 100 $. Ce sera assez difficile
à expliquer.
C'est pourquoi une de nos principales demandes est de nous opposer
à toute forme d'instruction par défaut pour les citoyens qui
n'ont pas plaidé et ce, pour trois raisons. La première, c'est
qu'il y a deux types de contrevenants. Le premier type, c'est celui qui veut
contester et le deuxième, c'est celui qui ne veut pas contester. Celui
qui veut contester, on est d'accord, nous donnerons des suggestions tout
à l'heure pour augmenter ses droits; or, celui qui ne veut pas
contester, nous croyons qu'il a le droit d'être condamné. Il y a
deux catégories: ceux qui paient et ceux qui paient à ce
moment-ci. On ne voit pas pourquoi on produirait des doubles de constat
à la cour, etc., et ceux qui ne donnent pas de leurs nouvelles, ce sont
des gens qui ne désirent pas contester et qui ne désirent pas
recevoir des comptes exorbitants parce qu'ils font l'objet d'auditions qui
entraîneraient manifestement un taux de culpabilité de 100 %.
En effet, en vertu du projet tel que libellé, on doit produire un
double du constat devant un juge, une instruction ex parte, alors que le double
du constat, pour le libellé de plainte, on n'exige pas de preuve dans
l'avant-projet, le libellé fait foi de son contenu et il y a des
pouvoirs très larges d'amendement qui sont donnés dans les cas
où le libellé de la plainte serait incomplet. Le résultat
de cela ne peut être qu'un taux de culpabilité de 100 %.
Déjà, à la Cour municipale de Montréal, nous
procédons à des procès par défaut sur formule,
c'est-à-dire sur rapport d'infraction, là où les juges ont
la possibilité d'étudier une preuve. Dans ces cas-là,
notre taux de condamnation lorsqu'une personne ne se présente pas,
lorsqu'il s'agit d'une instruction par défaut, est de 97,5 % sur plus de
5000 causes.
Dans le système actuel, la première chose que nous
remarquons, évidemment, c'est l'augmentation du nombre de jugements par
défaut. Si on maintient le même taux de paiement initial, on
assiste à une augmentation du nombre de jugements par défaut,
à une augmentation du nombre de brefs de saisie d'émis - on passe
de 80 000 à 200 000 - et forcément, éventuellement, bien
que nous ne puissions pas le prévoir, à une augmentation du
nombre de journées d'emprisonnement ou du nombre de mandats
d'emprisonnement purgés.
Malheureusement, le projet actuel a non seulement l'impact
négatif de ne pas s'appliquer au mal que comportent le jugement par
défaut, le bref de saisie et le mandat d'emprisonnement, mais il vise
à augmenter le nombre de citoyens qui feront l'objet de ces mesures qui
sont extrêmement dispendieuses et cela, pour éliminer finalement
deux offres de paiement.
Le système que nous proposons est le suivant: d'abord, dans un
premier temps, nous proposons de maintenir les dix jours comme délai de
paiement en matière d'infraction de circulation et de stationnement pour
éviter une baisse du taux de perception au niveau du constat et
peut-être pour provoquer une hausse éventuelle du taux de
perception.
Deuxièmement, nous proposons d'éliminer l'étape
coûteuse et réactionnaire du jugement par défaut,
c'est-à-dire une instruction qui consiste, pour un juge, à
examiner un constat, un libellé d'infraction, ce qui est
complètement inutile étant donné que dans aucun cas le
défendeur n'a la moindre chance d'être acquitté ou de faire
l'objet d'un acquittement. (16 h 30)
Qu'est-ce qui peut se dérouler dans le cas d'un constat de
stationnement ou de circulation? D'abord, qu'est-ce que le juge peut
vérifier? Que le billet a été émis à
Montréal? Notre ordinateur n'aurait pas accepté si cela n'avait
pas été le cas. En quatorze ans de pratique à la Cour
municipale de Montréal, je n'ai jamais trouvé à la Cour
municipale de Montréal de billet qui soit de Québec, de
Saint-Jean-de-Matha ou de Chicoutimi. Cela ne se peut pas. Que le billet ne
soit pas prescrit? Le billet est déposé sur le pare-brise ou
remis en personne. Maintenant, avec le projet qui favorise la signification du
constat, le billet sera déposé sur le pare-brise ou remis
à une personne. II n'est pas question de prescription et la loi
prévoit la possibilité d'interruption de prescription. Qu'il
manque des éléments essentiels à un billet pour infraction
de stationnement, où on va lire "stationnement interdit", "passer
à un feu rouge", avec un numéro d'article... Je voudrais vous
référer à l'annexe 3, à la page suivante...
Une voix: La page suivante.
M. Bessette: À la page suivante, l'annexe 3, vous voyez ce
à quoi, finalement, ressemble un billet de contravention. Si, en vertu
du projet, nous sommes obligés de produire un double du constat dans
chaque cas où un défendeur n'a pas plaidé non coupable ou
coupable, cela voudra dire qu'à Montréal 410 000 doubles de
constats vont être déposés à la Cour municipale par
année. Il y a 247 jours ouvrables. Chaque jour, il y aura
nécessité d'examiner 1660 constats. Si on suppose que pour
vérifier le libellé - à l'article 174, il faut
vérifier si le constat est complet - il y a quand même
passablement de vérifications à faire, si on suppose une
vérification d'une minute par constat, cela veut dire qu'à la
Cour municipale de Montréal 28 heures par jour vont être
consacrées à ce que des juges s'assoient pour examiner des
billets de contravention.
Le Président (M. Filion): 28 heures par jour?
M. Bessette: 28 heures par jour. Une minute par constat, 1660
minutes, 410 000 par année divisé par 247 jours ouvrables, cela
donne 1660 par jour, divisé par 60 minutes dans une heure, cela donne 28
heures. Cela veut dire cinq juges à temps plein qu'on va devoir asseoir
dans une salle d'audience avec un procureur, salle d'audience qu'on n'a pas
encore construite parce qu'on».
Une voix: ...être nommé juqe.
M. Bessette: Je n'en doute pas, mais je ne sais pas si les
candidats qui sont intéressés à passer leur vie à
examiner cela feraient nécessairement de bons juges. Je suggère
que leur candidature devrait être examinée.
Une voix: Attentivement.
M. Bessette: Très attentivement. Nous sommes convaincus
que la procédure que nous suggérons, qui est une procédure
de bon sens, c'est la procédure de considérer qu'une personne qui
ne conteste pas, qui n'envoie pas son billet, est une personne qui... C'est un
"no contest". C'est une personne qui plaide coupable. Cette personne, qu'est-ce
qu'elle veut? Dans l'arrêt Carson, on a maintenu la procédure qui
est prévue en Ontario, qui est une procédure différente de
celle que nous suggérons, mais on l'a maintenue à cause de
l'article 1, à cause de la limitation normale d'une
société libre et démocratique. Est-ce qu'il y a vraiment
un citoyen qui peut penser que, lorsqu'il n'envoie pas de plaidoyer, il peut
lui arriver autre chose que de recevoir un compte et qui peut s'attendre
à autre chose que de recevoir un compte? La surprise pour un citoyen, ce
sera de recevoir le compte que l'avant-projet de loi prévoit pour lui.
Ce sera la surprise. C'est la société libre et
démocratique. Parlez-en à vos électeurs. Expliquez-leur
que, s'ils oublient de payer leur constat, avec la proposition du
ministère, cela équivaudra à ceci. À l'heure
actuelle, pour le billet de 15 $, il y a un rappel de paiement à 20 $.
La prochaine nouvelle qu'ils vont apprendre à compter de maintenant,
c'est que ce ne sera pas un compte de 20 $ qu'ils vont recevoir; c'est un
compte de 65 $.
Expliquez-leur qu'on a fait cela pour respecter, pour permettre, pour
prévoir un système. On produit un papier semblable devant un juge
où on va lire simplement: "Violation de parcomètre", signé
par un PAS ou par un constable, et cela fait preuve de son contenu. Le juge va
vérifier que c'est bien émis à Montréal et que ce
n'est pas prescrit. II va passer un jugement par défaut et il va falloir
que...
C'est une procédure utile, nécessaire, pour le respect des
gens. Je dis que les chartes sont là pour servir les droits du citoyen
et non pas pour les exploiter par des interprétations qui, à mon
avis, sont pour le moins douteuses relativement à la signification des
chartes. Dans une société libre et démocratique, il est
parfaitement normal de considérer que lorsque quelqu'un ne conteste pas,
surtout dans les domaines
de la circulation et du stationnement, cette personne plaide coupable.
Ce n'est certainement pas abusif lorsque, à la face même du
constat, on indique que, si on ne fait rien, on plaide coupable; il faut qu'il
en soit informé. Il s'agit d'une simple convention sociale. Il n'y a pas
de renversement de fardeau de la preuve là-dedans; il n'y a pas de
présomption de culpabilité là-dedans, il y a simplement
une convention sociale, une entente entre l'État et le citoyen dont le
citoyen est parfaitement informé. Si tu ne fais rien, tu plaides
coupable, tu reçois un compte, un point, c'est tout. II n'y a rien qui
va contre la charte là-dedans. On dit, quant à nous, que les
tribunaux ne sont pas suffisamment masochistes pour interpréter la
charte comme voulant pénaliser le citoyen à ce point. C'est
pourquoi nous insistons sur ce point particulier.
La troisième suggestion, c'est la diminution du contentieux de
papier. Quant à nous, ce qu'on veut, c'est de ramener les 200 000
sommations qu'on traite actuellement à 14 000. On ne veut produire un
double du constat que dans les cas de citoyens qui demandent d'être
entendus, de citoyens qui veulent une audition; dans les autres cas, il s'agit
d'une procédure totalement inutile et coûteuse.
De plus, nous désirons un mode spécial de signification
pour les infractions de stationnement. Ce mode spécial de signification
est déjà - nous l'avons indiqué dans notre mémoire
- prévu en Ontario, il existe également à New York.
L'article 2.02 b de notre annexe 4 l'établit: En Ontario, le mode de
signification de dépôt dans le pare-brise... C'est à
l'annexe 6 pour ce qui est de la loi newyorkaise et dans notre mémoire,
nous avons cité déjà l'article de la loi ontarienne qui
prévoit le mode de signification dans le pare-brise. Il s'agit de
l'article 16.3 du Provincial Offenses Act. Nous suggérons dans ce cas-ci
qu'on admette le principe de la signification par dépôt dans le
pare-brise et qu'on puisse, pour les gens qui n'ont pas plaidé, passer
jugement par défaut immédiatement.
Quant à nous, par ailleurs, on est absolument opposé -
évidemment, pour ceux qui paient, cela règle le dossier, mais
pour ceux qui ne paient pas - en principe à l'idée d'envoyer un
avis préliminaire ou un deuxième avis et ce, pour les motifs
suivants: Nous sommes en faveur d'une politique extrêmement souple de la
rétractation de jugement. Â cet effet, après mûre
réflexion, nous retirons les commentaires que nous avions faits dans
notre mémoire à savoir de baliser la rétractation de
jugement. Quant à nous, dans l'extrême majorité des cas,
les citoyens qui ont reçu un avis dans le pare-brise ont bel et bien
été signifiés et ont reçu signification de cet
avis. Pourquoi faire payer à 99 citoyens le coût d'un avis
préliminaire pour un cas où un citoyen ne l'aurait pas
reçu? Nous croyons que, pour ce citoyen, que la procédure de
rétractation de jugement est la procédure appropriée.
Il faut réaliser également que, si nous vous demandons la
signification dans le pare-brise, c'est que nous avons des problèmes
extrêmement sérieux de signification. À Montréal,
chaque année, autour du 1er juillet, environ 100 000 personnes
déménagent ce qui fait que, dans le domaine des sommations et des
problèmes de significations, chaque année 48 000 sommations,
grosso modo, font l'objet de tentatives infructueuses de signification. C'est
très important également parce qu'en ce qui concerne les amendes
impayées plus de 70 % des amendes impayées le sont pour des
infractions de stationnement. Au 31 décembre cette année, nous
avions un manque à gagner de 15 000 000 $ et, chaque année, cela
augmente d'environ 3 500 000 $ à 4 000 000 $ d'amendes
impayées.
À ce moment-ci, nous croyons que la mesure de signification dans
le pare-brise, la mesure de jugement par défaut favorise le citoyen
autant que l'administration car, après tout, comme on l'a
expliqué tout à l'heure, on perçoit 93 % de nos amendes.
Donc, dans 93 % des cas, si on élimine l'envoi d'avis
préliminaires, le citoyen en bénéficie.
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous en avez encore
pour longtemps, Me Bessette? Je sais que...
M. Bessette: Non.
Le Président (M. Filion): Il serait intéressant
d'entamer la discussion entre les membres de la commission et les
représentants de la ville de Montréal, compte tenu que le
ministre doit nous quitter, quant à lui, vers 17 h 30, ce qui ne nous
empêchera peut-être pas de continuer si on le désire.
M. Bessette: D'accord. Je voulais simplement faire état
des autres demandes. Je pense qu'on peut passer à la période des
questions.
Le Président (M. Filion): Oui. Bon. Ici, on appelle cela
une période d'échange de propos. Les périodes des
questions, malheureusement, ont lieu seulement quand le Parlement
siège.
M. Bessette: Ah bon!
Le Président (M. Filion): Donc, je voudrais sans plus
tarder passer la parole à M. le ministre, quand même pas sans
avoir
souligné, au nom des membres de la commission, l'excellent
travail de recherche et l'énergie et le temps qui ont été
investis dans la préparation de votre mémoire, dans la
préparation des tableaux qui nous sont remis et qui nous permettent une
bonne compréhension du problème. C'est un problème de
masse, finalement. En ce sens, je pense que... Le mémoire
également c'est la même chose.
Donc, je vais pouvoir échanger des propos avec vous tantôt.
D'abord, évidemment, M. le ministre de la Justice, la parole est
à vous.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier la
ville de Montréal d'avoir soumis ce mémoire et d'être
venue, cet après-midi, présenter ce mémoire. Cela va de
soi que la ville est bien équipée. C'est un mémoire de
substance qui est divisé, à mon avis, en deux parties: La partie
A, c'est l'efficacité; la partie 8, ce sont les droits de la personne.
Nous sommes pour l'efficacité dans le respect des droits de la personne
et je suis sûr que la ville est du même avis.
Je pense que, pour des infractions, il faut faire une distinction entre
des billets de stationnement et des billets de circulation. Les billets de
stationnement, c'est un problème. Nous sommes prêts à
étudier comment on pourrait faire des modifications dans l'avant-projet
pour donner suite aux demandes de la ville dans la mesure du possible.
En ce qui concerne la circulation, c'est une autre paire de manches
parce que la personne peut avoir des points de démérite. La ville
a le choix de poursuivre, soit en vertu de ses règlements, soit en vertu
du Code de la sécurité routière. Ce sont à peu
près les mêmes infractions. Souvent, il y a un choix. Donc, je
pense qu'il faut faire une distinction entre les deux.
En ce qui concerne les billets de stationnement, je pense que c'est un
problème administratif que l'équipe de la ville et
l'équipe des fonctionnaires au ministère pourraient discuter pour
trouver une façon de régler ce problème à la fois
efficace et à la fois respectueuse des droits de la personne. (16 h
45)
J'ai pensé qu'une façon, peut-être, pour les billets
de stationnement, s'il n'y a pas de paiement... Vous avez parlé de 67 %
des gens qui paient après avoir reçu le billet. C'est cela? Donc,
pour le reste, peut-être peut-on combiner l'avis préliminaire et
la sommation en envoyant un constat à la personne. Est-ce que cela
serait une façon? Parce que je vois que vous envoyez 400 000 avis
préliminaires et 200 000 sommations. D'accord? Donc, ce seraient
seulement 400 000 constats. Il ne serait pas nécessaire d'envoyer la
sommation après, parce que le constat sera que la personne va plaider...
Ce seraient 240 000 constats, c'est-à-dire le constat qui sera l'avis et
la sommation. C'est ça. Ce sont les deux. Mais c'est une
possibilité qu'il faut examiner. Je ne pense pas qu'on puisse discuter
cela dans tous ses détails ici aujourd'hui. Je veux vous assurer que le
ministère travaille présentement avec le contentieux de la ville
pour trouver une façon qui ferait l'affaire de tout le monde. On n'est
pas ici pour - comment dirais-je? -bousculer quoi que ce soit. Je pense que
vous comprenez cela.
Maintenant, le renouvellement des permis et le renouvellement des
plaques d'immatriculation. En ce qui concerne les permis, c'est
déjà dans le Code de la sécurité routière.
Cela ne relève pas de la Justice. Cela relève plutôt du
ministère des Transports. J'ai toujours été favorable
à ce non-renouvellement de permis de conduire. J'imagine que cela
devrait être possible pour la ville de bénéficier de cette
possibilité. Est-ce qu'il y a des pourparlers déjà entre
la ville et le ministère des Transports?
M. Prescott: II y en a déjà eu. Me Allard pourrait
en témoigner avec plus de précision que je ne puis le faire.
L'administration précédente à la ville de Montréal
a discuté avec, je pense, les gouvernements, le gouvernement
québécois précédent et celui-ci, de cette
possibilité. La nouvelle administration, que je sache, n'a pas
répété la demande, en quelque sorte, à un niveau
plus formel. C'est la première fois qu'on revient à la charge sur
cette question. Ce que je comprends, c'est qu'il faudrait doubler nos efforts
en ayant des contacts avec le ministère des Transports sur la même
question.
M. Marx: Je pense que cela devrait être possible, une fois
qu'on aura commencé à utiliser un tel système pour les
infractions au Code de la sécurité routière, d'utiliser le
même système pour les infractions aux règlements de la
ville de Montréal. En ce qui concerne le non-renouvellement des plaques
d'immatriculation, cela ne relève pas de moi non plus. Je peux vous dire
qu'en principe je serais plutôt favorable à un tel système,
mais je pense que cela relève aussi du ministère des Transports.
Je ne pense pas que les ordinateurs sont programmés pour faire un tel
travail à ce moment-ci. C'est quelque chose à examiner aussi avec
le ministre des Transports.
M. Laliberté (Denis): M. le ministre, si vous permettez un
commentaire à ce stade-ci...
Le Président (M. Filion): M. Laliberté. M.
Laliberté: ...sur ce point. Dans le
cadre de vos discussions avec le ministre Côté, il y aurait
peut-être la possibilité de mentionner les arguments suivants sur
cet aspect: D'une part, il serait peut-être intéressant, vu la
diminution possible des frais selon le système qu'on adoptera,
d'autofinancer cette mesure qui sera gérée par la Régie de
l'assurance automobile en insérant des frais de 10 $, par exemple, lors
du renouvellement des plaques, parce que l'individu aura
bénéficié d'une diminution des coûts. Dans ce sens,
on pourrait refiler une partie de cette facture au contrevenant.
La deuxième chose, pour limiter le nombre de personnes sujettes
à cela, comme dans le cas du sabot à l'heure actuelle, d'une
façon administrative on réduit l'application aux gens qui ont
trois billets et plus, trois jugements et plus. Le non-renouvellement pourrait
s'appliquer, par exemple, à des contrevenants qui ont trois jugements et
plus, ce qui ferait en sorte que la majorité des gens qui ont un ou deux
billets ne seraient pas visés par cette mesure. Il serait
peut-être intéressant d'en discuter avec le ministre des
Transports, M. Côté, pour voir s'il ne changerait pas d'opinion
sur ce point.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Filion): Oui, Me Allard.
M. Allard (Jules): M. le Président, j'aimerais
enchérir sur ce que Me Laliberté vient de mentionner en attirant
l'attention de la commission sur l'annexe 6, qui concerne la législation
de New York. À l'article 10: "In the event a respondent shall have
failed to comply with the provisions of Section 7,08 of these rules in
connection with final determinations or judgments - ce qui veut dire: au cas
où un jugement est impayé - entered on three or more summonses
served within a period of 18 months - on voit qu'il y a des balises, trois
dossiers, il ne s'agit pas de sauter sur qui que ce soit après une
condamnation - the Bureau shall certify such fact to the Commissioner of motor
véhicules of the State of New York." Par la suite, le bureau
d'immatriculation avise la personne concernée que son certificat ne sera
pas renouvelé. Donc...
M. Marx: II avise que ce ne sera pas renouvelé,
d'accord.
M. Allard: C'est cela.
M. Marx: On n'attend pas le renouvellement, on fait cela avant.
Oui, c'est intéressant.
M. Allard: C'est cela. Il s'agit d'une mesure qui est
certainement moins coûteuse que celle qui consiste à envoyer des
huissiers saisir les biens-meubles ou à utiliser le sabot de Denver; on
évite de se rabattre sur l'emprisonnement comme c'est le cas dans le
moment.
M. Bessette: À ce sujet, M. le ministre, j'aimerais
ajouter également qu'actuellement, pour ce qui est du coût de la
saisie, plus de 2 000 000 $ par année en frais de huissiers sont
dépensés par la ville de Montréal pour exécuter ces
jugements. Pour ce qui est du sabot de Denver, c'est, après tout,
seulement 13 % de ce qui est perçu par les huissiers, étant
donné que les huissiers perçoivent actuellement 3 500 000 $ par
année par le mandat de saisie et plus de 1 000 000 $ par année
par le mandat d'emprisonnement. Ces mesures, qui sont déjà
drastiques, nous apparaissent... Lorsque je disais tout à l'heure qu'on
doit s'attaquer au jugement par défaut, au bref de saisie, au mandat
d'emprisonnement, il y a simplement deux façons:
l'accélération de la procédure, l'élimination du
jugement par défaut et le non-renouvellement des permis et
privilèges pour les infractions de stationnement et de circulation. Ce
sont les seules façons vraiment efficaces, quant à nous,
d'aboutir à faire en sorte que les citoyens qui veulent contester le
fassent. On a suggéré toute une série de mesures pour
faciliter leur contestation, notamment le procès par écrit, le
fait de permettre aux citoyens qui ne veulent pas se déplacer à
la cour, lorsqu'ils plaident non coupables, de nous faire parvenir leur
explication par écrit, ce qui nous permet de les dispenser de se
présenter à la cour en étudiant leur version. Ils peuvent
nous manifester, si nous ne retenons pas leur version et que nous
décidons d'aller plus loin, leur intention que cet écrit puisse
servir aux fins de leur procès. On est en faveur d'assurer le maximum de
droits aux citoyens.
Pour ce qui est du stationnement, les règles spéciales de
signification - on parlait de rétractation tout à l'heure - on
est en faveur de cela. J'ai omis de mentionner qu'on préconise non
seulement une politique souple quant à la rétractation de
jugement, mais également que, sur tout avis de jugement qui est
envoyé au défendeur, apparaisse le texte qui permet, qui informe
le défendeur de son droit de demander la rétractation de
jugement. À ce moment-ci, on croit qu'il n'y aurait pas tellement de
personnes qui pourraient s'en plaindre.
M. Prescott: M. le Président, si vous permettez...
Le Président (M. Filion): Oui, M. Prescott.
M. Prescott: Si je comprends bien, c'est
l'avis du ministre ou du gouvernement, pour revenir à la question
du non-renouvellement des plaques d'immatriculation par exemple, que cette
mesure devrait se retrouver dans le Code de la sécurité
routière plutôt que dans le Code de procédure
pénale. C'est bien cela?
M. Marx: Oui, parce que c'est déjà là, cela
relève plutôt du ministère des Transports. Je vais prendre
contact avec le ministre des Transports, je vais lui écrire, faire
état de vos suggestions et faire en sorte de faire avancer le dossier un
peu.
M. Prescott: Mes confrères doivent le savoir, les points
de démérite s'inscrivent à quelque part
immédiatement après le jugement ou? Je vais vous dire pourquoi.
Vous soulevez le problème. Vous êtes prêt à ce que
les fonctionnaires discutent de cette question, pour ce qui est des
contraventions sur le stationnement. Je souhaiterais qu'on élargisse la
possibilité d'en discuter, à tout le moins. Je comprends vos
hésitations pour ce qui est aussi des contraventions de circulation, des
causes de mouvement, comme on le dit...
M. Marx: Je pense qu'il y a une différence entre le
stationnement et la circulation.
M. Prescott: Oui, je conviens qu'il y a une
différence.
M. Marx: Pour ce qui est de la circulation, le policier peut
donner un constat tout de suite et ce serait dans le sens de l'avant-projet du
code pénal. Je ne vois pas de problème avec cela. Avez-vous des
problèmes avec cela?
Une voix: Absolument pas.
M. Prescott: Voulez-vous dire avec le stationnement ou
avec...?
Le Président (M. Filion): Je pense que la question du
ministre...
M. Marx: Avec le constat d'infraction pour les causes de
mouvement, si vous le voulez.
M. Prescott: D'accord. Je vous dis simplement que nous
souhaiterions - cela ne vous engage en rien - que les fonctionnaires discutent
de la question des causes de mouvement et peut-être trouverons-nous un
moyen de régler l'inconvénient des points de
démérite ou de régler d'autres inconvénients du
type des causes qui sont plus souvent contestées que les causes de
stationnement. Je ne présume de rien, je dis que peut-être, ce
serait possible de...
M. Marx: On peut tout discuter, il n'y a pas de
problème...
M. Bessette: J'avoue, quant à moi, M. le ministre, que
j'ai beaucoup de difficulté a faire... Sur certains aspects,
évidemment, les infractions sont différentes et comportent des
conséquences différentes.
M. Marx: Juste en passant, les banlieues veulent que leur service
de sécurité ait le pouvoir de donner des billets de circulation.
Mais cela a été refusé, parce qu'on dit que cela prend un
policier, quoique, pour le stationnement, ceia puisse être n'importe qui,
cela puisse être votre service, les gens qu'on appelle des
aubergines.
M. Bessette: Quant à nous, il n'y a pas de problème
de signification au niveau des causes de circulation, étant donné
que le constat est remis à la personne. Ce contre quoi nous en avons,
c'est que lorsqu'on a la preuve qu'une personne a reçu la signification
d'un constat, que cette signification est personnelle et qu'elle décide
de ne pas faire parvenir son plaidoyer à la cour, on doive avoir une
instruction par défaut en produisant des doubles de constats. C'est
contre le jugement par défaut que nous en avons, que ce soit dans les
cas de circulation ou dans les cas de stationnement. Quant à nous, la
personne qui décide de ne pas contester va être automatiquement
déclarée coupable et il n'y a pas lieu d'accumuler des frais
contre cette personne.
Si on élimine la nécessité de déposer des
doubles de constat dans toutes les causes de stationnement, disons qu'on peut
se retrouver avec moins de 410 000 jugements par défaut à passer
à la cour, mais, quant à nous, le jugement par défaut est
une étape, à l'heure actuelle, et encore plus avec le projet tel
qu'il est fait, vu les pouvoirs d'amendement, vu le fait qu'on exige plus de
preuve de la poursuite pour qu'une personne soit déclarée
coupable. La simple vue du constat fait preuve, la simple signature d'une
personne sur un constat, sur un libellé de plaintes permet à un
juge de condamner... La vérification d'un constat de papier par un juge,
la tenue d'un jugement par défaut traditionnel avec un juge, un
procureur et tout le reste, c'est une mesure qui nous apparaît
très négative, à la fois pour l'intérêt du
défendeur que pour celui du poursuivant. (17 heures)
M. Marx: Juste une question. Peut-on avoir deux systèmes
pour la même infraction? Je m'explique. Supposons que quelqu'un est pris
pour excès de vitesse, le policier pourrait lui donner une contravention
en vertu d'un règlement de la ville de Montréal ou en vertu du
Code de la sécurité routière. Est-ce qu'on peut avoir
deux
systèmes? Suivant la contravention que le policier lui donne, il
a plus ou moins de droits.
M. Bessette: Quant à moi, cela doit être uniforme
pour la circulation et pour le stationnement.
M. Marx: Pour le règlement de la ville et pour le Code de
la sécurité routière.
M. Bessette: Quant à moi, il n'y a pas de
différence. De toute façon, ce sont les même9 amendes qui
sont prévues, c'est le même nombre de points de
démérite, c'est la même procédure.
M. Marx: C'est le même système.
M. Bessette: Certainement. Le système que nous proposons,
c'est justement éliminer l'étape du jugement par défaut
dans tout le contentieux de masse. '
M. Marx: Pour les infractions du Code de la
sécurité routière aussi?
M. Bessette: Oui. Pourquoi faire payer 25 $ à quelqu'un
pour quelque chose qui ne lui donne strictement rien, pour une procédure
qui ne peut conduire qu'à sa condamnation? Comment peut-on expliquer
à un citoyen qu'on lui donne un droit, alors qu'on sait pertinemment
bien que l'exercice de ce droit conduit, dans 100 % des cas, à une
déclaration de culpabilité? C'est lui imposer des coûts et
ne rien lui donner en retour. Ce sont des droits qui sont abstraits et qui ne
sont voulus par personne dans une société libre,
démocratique, etc.
Le Président (M. Filion): Merci, M. Bessette. M. Prescott,
vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Prescott: Un court commentaire, M. le Président. On est
en train d'avoir des discussions. Il est intéressant qu'on en tienne
déjà un peu, qu'il y ait des fonctionnaires ou des gens qui s'y
connaissent plus que moi. Je ne suis pas un spécialiste en la
matière, mais on a palié de rétractation tout à
l'heure. II nous apparaît important de noter une chose. La
procédure qui est proposée par la ville vise à simplifier
la procédure, à réduire les coûts pour la ville
comme pour les citoyens et citoyennes, davantage pour les citoyens et les
citoyennes - je fais un calcul non vérifié, si vous le permettez.
La procédure que l'on suggère représente une
économie de 2 200 000 $ à 2 400 000 $, selon le nombre de
personnes qui seraient trouvées coupables par rapport à la
procédure actuelle, si on s'arrête au jugement. Les citoyens et
les automobilistes ont intérêt à avoir d'abord une justice
pleine et entière, qu'on ne lèse pas leurs droits, qu'ils n'aient
pas à payer plus ou moins inutilement pour des formalités
juridiques dont les intentions sont bonnes, sans doute, mais finalement pas
vraiment utiles.
Peut-être qu'il y a une piste de solutions dans le cas du
contentieux de masse. Pour ce qui est de l'autre contentieux, le libellé
de l'article, à la paqe 89, sur la rétractation nous satisfait.
Dans le cas du contentieux de masse, peut-être qu'on devrait penser
à une formulation plus libérale encore, quant à la
rétractation, y compris pour les infractions de circulation et
peut-être - et encore là je réfléchis tout haut -que
les points de démérite ne devraient être inscrits au
dossier du défendeur qu'après le délai de demande de
rétractation passé. Si les points de démérite
n'étaient inscrits au dossier de l'individu qu'après le
délai de rétractation passé, on se retrouverait devant la
situation où l'automobiliste, n'ayant rien fait, subirait un jugement,
mais aurait encore la possibilité de demander une rétractation
plus facilement qu'actuellement, précisément plus
libéralement du fait qu'on est allé un peu vite dans les
procédures préliminaires.
M. Bessette: Pour compléter cette idée, ce que nous
favorisons, dans la proposition de la ville, c'est l'envol de deux avis de
juqement, dont le deuxième se ferait par poste certifiée.
Administrativement, ce qu'on envisage, si on peut réviser la proposition
de la ville, c'est ceci: d'abord, la procédure prévue serait
d'abord le constat d'infraction, le dépôt d'un avis sur le
pare-brise. Peut-être pour bien se comprendre, peut-on réviser
très rapidement l'ensemble de la procédurer qu'on suggère.
D'abord, l'émission d'un constat pour le stationnement et signification
dans le pare-brise. Pour la circulation, signification à la personne. On
présume que 900 000 vont payer, les mêmes 67 % qu'ils paient
à l'heure actuelle. Il y en a 410 000 qui ne plaideraient pas, et les
mêmes 14 000 qui plaident non coupables à l'heure actuelle,
plaideraient non coupables.
Dans le cas de défaut de plaider, évidemment, on
préconise, qu'ils soient considérés avoir plaidé
coupables, et que ce soit une convention inscrite au constat. Une fois que
c'est signifié, les gens savent que, s'ils ne font rien, ils plaident
coupables. Ils ne sont pas surpris s'ils ont un juqement contre eux. Tout
simplement, ce qu'on préconise, c'est que le greffier de la cour
produise devant le juge une requête avisant le juge que des personnes se
sont vu signifier des constats et qu'elles n'ont pas fait parvenir leur
plaidoyer, et demandant jugement contre ces personnes.
Par la suite, on préconise, évidemment pour ceux qui
plaident non coupables, le plaidoyer avec explication, le procès par
écrit. Après cela, évidemment, on se
retrouverait avec 416 000 avis de jugement contrairement au
système actuel où il y en a 100 000. Notre intention, dans un
premier temps, c'est d'envoyer un avis de jugement par la poste ordinaire avec
un délai de paiement et au lieu de frais de 25 $, 40 $, 50 $ ou 75 $
qu'occasionnerait le maintien d'un jugement par défaut avec un
contentieux de papier doublé par deux, on prévoit que le premier
avis de jugement ne serait que de 8 $ supérieur au montant initial du
billet.
Par la suite, si cet avis de jugement, comme il correspond grosso modo
à l'étape de l'avis préliminaire, était payé
à 50 % comme l'étape de l'avis préliminaire, on se
retrouverait alors avec 200 000 dossiers et pour les 200 000 dossiers qui
resteraient, on préconise l'envoi d'un deuxième avis de jugement,
le but étant de récupérer les trois offres de paiement
initial et, évidemment, de diminuer le nombre de brefs de saisie que
nous aurions à émettre et le nombre de mandats d'emprisonnement.
Le premier avis de jugement que nous enverrions serait par la poste ordinaire.
S'il y a une nouvelle adresse, on fait un nouvel envoi par la poste ordinaire.
Mais, si on ne reçoit pas de nouvelles, nous favorisons l'envoi d'un
deuxième avis de jugement, mais cette fois-ci, par poste
certifiée ou par huissier. Cela ajouterait simplement 5 $
supplémentaires» Tout cela pour limiter le nombre de brefs de
saisie émis. Le système que nous préconisons diminuerait
de façon draconienne les frais actuels payés et comme ce qu'on
préconise, quant à nous, augmente plutôt le système
actuel, nous, nous vouions le diminuer.
Diminuons le contentieux de papier, diminuons les étapes inutiles
et faisons en sorte de favoriser les droits du défendeur qui veut
contester, en lui donnant toutes les chances de le faire. Mais, au niveau des
avis de jugement, ce qu'on préconise, c'est que l'avis de jugement
contienne le texte de la rétractation, que ce texte apparaisse,
étant donné qu'on préconise que la loi prévoie que
la personne qui ne plaide pas plaide coupable. Comme la seule objection
pratique qu'on peut faire vraiment à cela, c'est la possibilité
qu'il n'y ait pas de signification, que le constat n'ait pas été
signifié dans le cas de stationnement ou qu'il y ait eu des
problèmes de signification, qu'on envoie un avis de jugement avec le
texte de rétractation et qu'on retarde, s'il y a lieu, par poste
certifiée, un deuxième avis de jugement et qu'on retarde, s'il y
a lieu, l'inscription des points jusqu'à ce qu'il y ait eu une preuve
qu'un avis de jugement a été signifié et que la personne
n'a pas demandé rétractation. C'est beaucoup moins cher, beaucoup
moins dispendieux, beaucoup moins onéreux et beaucoup plus juste qu'un
système qui prévoit des jugements par défaut automatiques,
pratiquement, sans aucun avis au citoyen.
M. Prescott: Un dernier commentaire, M. le Président,
complémentaire ou additionnel. Dans la procédure actuelle, si on
s'arrête au moment du jugement et sans entrer dans
l'après-jugement, c'est-à-dire dans les preuves de saisie, il en
coûte, en frais, à un automobiliste 37 $, c'est-à-dire 5 $
d'avis préliminaire, 7 $ de sommation et 25 $ de jugement, donc un total
de frais de 37 $ qui s'ajoutent à la contravention. La procédure
que nous proposons fait en sorte qu'une somme de 8 $ seulement s'additionne
à la contravention.
Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre.
M. Marx: Je veux juste assurer les représentants de la
ville et le conseiller Prescott que nous allons tenir compte de la partie B de
votre mémoire. Elle sera analysée par nos juristes et on va tenir
compte de vos suggestions en ce qui concerne tous les articles
mentionnés dans la partie B. En ce qui concerne le contentieux de masse,
j'aimerais suggérer que les fonctionnaires du ministère se
réunissent avec les fonctionnaires de la ville, les juristes de deux
contentieux pour travailler sur ce dossier et trouver, comment dirais-je, un
système qui soit efficace et qui respecte les droits de la personne en
même temps. Je pense que cela devrait être possible. Vous allez
avoir notre collaboration à 100 %.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre.
M. Laliberté: M. le Président...
Le Président (M. Filion): Me Laliberté.
M. Laliberté: Je comprends que M. le ministre doit
quitter, c'est cela? Non? D'accord. J'aurais peut-être des commentaires
à faire sur d'autres propositions qu'on n'a pas touchées et qui
portent sur des droits additionnels aux contrevenants. Je pense, entre autres,
au procès par écrit. On en parle un peu comme cela, mais, ce dont
le contrevenant se plaint, c'est de trois choses, en somme: II y a le
délai trop long pour faire valoir ses droits. Entre l'émission du
billet et le jugement, il s'écoule souvent un délai d'une
année. L'avant-projet de loi règle, en bonne partie, les
questions de délais; il raccourcit énormément ces
délais.
Le deuxième point dont les citoyens se plaignent habituellement,
ce sont les coûts énormes, en bout de ligne, par rapport au billet
original. On en a traité suffisamment, mais il y a un troisième
point aussi dont les gens se plaignent souvent en matière de
circulation, ce sont les déplacements inutiles
à la cour. On n'y touche à peu près pas dans le
projet de loi ou dans l'avant-projet de loi et on a des propositions fermes
à vous faire là-dessus. Il y en a une partie qui est visée
dans le projet de loi, c'est l'abolition de la comparution physique d'une
personne. Nous aimerions aller plus loin que cela. Notre expérience
démontre, avec le volume qu'on a, qu'il y a des gens qui nous
écrivent et qui nous fournissent des explications, mais il n'y a rien
d'officiel, il n'y a rien de vraiment légal qui sous-tend une telle
position.
Ce que l'on aimerait, c'est étendre ce qui existe
déjà dans la Loi sur les poursuites sommaires,
c'est-à-dire le témoignage par écrit pour le policier. Le
témoignage par écrit n'est pas dans nos moeurs, sauf en
matière de poursuites sommaires. Notre position, à la ville,
c'est d'étendre ce principe aussi au défendeur, pour le citoyen.
Bien souvent, les gens doivent venir deux fois, une fois pour la comparution,
une fois pour le procès. Si on élimine la comparution, il reste
encore le procès. On sait que, sur 14 000 cas, il y a à peu
près 8000 acquittements. Pourquoi y a-t-il 14 000 personnes qui doivent
se présenter? C'est parce qu'il n'y a pas d'autres possibilités,
il n'y a pas d'autres mécanismes qui permettent au poursuivant de
vérifier les explications de cet individu et nous nous rendons compte,
après une évaluation, que, dans bien des cas, on aurait
retiré la plainte purement et simplement.
Actuellement, on est obligé de forcer le citoyen à se
présenter devant un juge pour faire part de ces explications. Ce qu'on
aimerait voir inclus dans le projet de loi, c'est qu'on étende la
possibilité d'explication au plaidoyer de non-culpabilité et pas
seulement à la sentence et, en plus, que ces explications servent de
témoignage au procès, si le défendeur veut s'en servir
comme témoignage et s'éviter une présence à la
cour. Cela ne veut pas dire abolir la présence du contrevenant à
la cour, il aura le choix de se présenter ou non. (17 h 15)
Mais pour les personnes qui demeurent à l'extérieur, il
serait agréable qu'elles puissent fournir leurs explications par
écrit; nous mettrons un mécanisme d'évaluation de ces
plaintes et, si on maintient la plainte, le défendeur fera son choix:
soit qu'on prenne ces explications qui seront étudiées par un
juge de la même façon que le juge étudie le
témoignage du policier par écrit ou il aura le choix de se
présenter devant le tribunal. Je pense qu'il serait intéressant
d'incorporer cela dans la loi aussi, si on faisait une refonte en profondeur de
la Loi sur les poursuites sommaires.
Deuxième point. On a parlé de rétractation de
jugement, mais il y a aussi la requête en diminution de frais. Notre
expérience de ce type de contestation, c'est que les gens qui n'ont pas
reçu, soit le billet soit l'avis préliminaire, soit la sommation,
mais qui n'ont pas de défense pour le billet et qui n'ont pas de
requête en diminution de frais, disent: Je suis coupable de l'infraction,
sauf que j'aimerais payer le billet original, les 20 $ au lieu des 52 $. On les
force au fond à se présenter devant un juge, à plaider non
coupables, alors que ces gens veulent plaider coupables, sauf qu'ils auraient
aimé payer le billet ou l'avis préliminaire. Si on incorporait un
mécanisme prévoyant la requête en diminution de frais, je
pense qu'on réglerait une bonne partie du problème pour les
citoyens.
Le Président (M. Filion): J'aimerais vous remercier Me
Laliberté. De mon côté, je me pose quelques questions eu
égard au tableau. Vous avez dit que sur environ 1 320 000 billets,
environ 1 100 000 sont relatifs au stationnement et 224 000 relatifs à
la circulation. Le pourcentage grosso modo de ceux qui règlent leur
billet de stationnement et de circulation est de 67 %. Ma question est la
suivante: dans vos statistiques, n'auriez-vous pas, par hasard, la distinction
entre stationnement et circulation, à savoir s'il n'y a pas plus de gens
qui règlent immédiatement leur billet de circulation et que ce
sont les billets de stationnement qui sont moins payés, si on veut, ou
vice versa ou si, mathématiquement parlant, statistiquement parlant,
c'est à peu près le même pourcentage? Oui, Me Bessette.
M. Bessette: Le taux de contestation -ce à quoi vous
faites référence - est très différent en
matière de circulation et en matière de stationnement. Pour ce
qui est des causes de stationnement, seulement 0,25 % des citoyens qui se sont
vu émettre un billet de contravention plaident non coupables et
contestent leur cause. Pour ce qui est des causes de circulation, entre 2,50 %
et 2,60 %, je crois, contestent leur billet de contravention. Le taux de
contestation n'est pas très élevé, mais il est de 10
à 1. C'est tellement vrai que j'ai fait faire une vérification
récente des sommations que nous traitons à la Cour municipale et,
comme vous voyez au départ, 1 100 000 comparées à 224 000,
c'est 5 pour 1, mais lorsqu'on parle de la sommation, c'est 60-40; 60 % des 100
000 sommations impayées concernent le stationnement et 40 % concernent
la circulation.
Lorsqu'on parle des procès contestés à la Cour
municipale, six sur sept sont contestés; les 14 000 procès
contestés le sont pour des infractions de mouvement et de circulation.
Évidemment, comme Ies infractions de mouvement comportent des points de
démérite et des amendes plus sévères, les gens ont
tendance à les payer peut-être moins vite. Il y a des gens qui
ont
des petits problèmes avec les points de démérite.
Un feu rouge, je pense que c'est trois points. Alors, il y a des gens qui
retardent autant que possible le paiement de leurs amendes ou l'enregistrement
d'un plaidoyer de culpabilité pour des infractions de mouvement. Les
proportions sont très différentes.
M. Laliberté: M. le Président.
Le Président (M. Filion): Oui? Me Laliberté.
M. Laliberté: Écoutez, je m'excuse de prendre les
devants et de ne pas attendre les questions. Si vous me permettez de sortir un
peu du contentieux de masse que sont la circulation et le stationnement, il y a
deux points importants aussi dans le reste du mémoire, qu'on n'a
absolument pas touchés. Je pense qu'on doit le mentionner .
immédiatement.
Il y a d'abord la question pour l'agent de la paix d'entrer dans des
milieux privés. Le problème à Montréal, c'est qu'on
a le règlement sur le bruit. Ce sont là les problèmes de
"party", tard le soir. L'agent de la paix, bien souvent, n'a d'autre choix que
d'entrer dans la maison privée pour mettre fin à cette
infraction. Présentement, l'avant-projet de loi tel qu'il est
rédigé empêcherait l'application de notre règlement
municipal à ce niveau. On n'a aucun autre recours pour régler ce
sérieux problème de bruit.
L'idée d'empêcher les agents de la paix d'entrer dans des
endroits privés, c'est excellent. On l'a prévu dans les cas de
santé des gens. Il faudrait peut-être aussi élargir ce
critère à un point additionnel, le bruit. C'est un cas de
nuisance publique. Je pense qu'il n'y aurait pas trop de difficulté
à ce stade-ci de le prévoir dans l'avant-projet de loi. Ce serait
nécessaire de le mettre. Sans cela, on n'a aucun autre recours pour
régler nos problèmes de bruit à Montréal.
Le deuxième point, c'est l'arrestation sans mandat et la
non-obligation pour le policier d'avoir le mandat d'arrestation en sa
possession. À ce stade-ci, la position de la ville, c'est qu'à
tout le moins, il faudrait baliser ce genre de procédure en incluant,
par exemple, l'obligation pour le policier d'offrir la possibilité de
paiement immédiat sur les lieux, ce qui ne se fait pas à l'heure
actuelle.
On ne propose pas que le policier soit obligé d'avoir le mandat
d'arrestation, mais, à tout le moins, qu'il offre le paiement
immédiat. Ainsi, si quelqu'un est arrêté sur un stop ou sur
un feu et que le constable, en remplissant les papiers, se rend compte que cet
individu a un mandat, il devrait à tout le moins offrir le paiement
immédiat pour permettre au citoyen de continuer son chemin sans
être obligé, tel qu'il existe présentement, de l'amener au
poste de police et de lui faire perdre une heure, deux heures ou trois
heures.
Deuxième chose, si on ne fait pas payer sur les lieux, on propose
que l'individu en question soit déféré
immédiatement à l'établissement de détention sans
passer par le poste de police. Présentement, ces gens sont en transit
dans un poste de police. On attend, par exemple, à Montréal que
quelqu'un soit disponible pour aller chercher le mandat d'emprisonnement au
SPCUM dans le centre-ville; on l'envoie au poste de police et l'individu,
à la fin de la soirée, est transféré à
Bordeaux.
On devrait prévoir un mécanisme, soit des renseignements
par écran après enquête au CRPQ, etc., pour que
l'établissement de détention puisse retenir immédiatement
cet individu, quitte à recevoir le mandat par la suite ou quitte
à recevoir une confirmation par télex ou d'une autre façon
de l'existence du mandat.
Pour l'instant, il n'y a rien de prévu en ce sens. Je pense que
ce serait nécessaire pour éviter le problème des gens qui
veulent payer immédiatement quand il y a un mandat d'arrestation.
Présentement, ils ne peuvent pas le faire et, avec l'avant-projet de
loi, ils ne pourront pas le faire non plus. Cela est important. On sort un peu
du cadre du contentieux de masse, mais ce sont deux points auxquels on tient
énormément à la ville de Montréal.
Le Président CM. Filion): Je vous remercie de ces
précisions qui sont déjà contenues dans votre
mémoire. Je pense que c'est une bonne chose que vous puissiez
renchérir verbalement.
En ce qui concerne le non-renouvellement des plaques et des permis,
est-ce que vous avez bien examiné le nouveau Code de la
sécurité routière qui était à l'étude
ici, au Parlement, avant l'ajournement de nos travaux, c'est-à-dire
l'automne dernier?
M. Bessette: Ce qui est prévu au Code de la
sécurité routière, grosso modo, c'est le
non-renouvellement du permis de conduire pour les infractions de circulation
seulement. Il s'agit, quant à nous, d'une mesure qui ne correspond pas
du tout aux besoins réels en ce qui concerne le non-paiement des
amendes. D'abord, 70 % de nos amendes impayées le sont pour des
infractions de stationnement et on atteint un montant de 15 000 000 $, cette
année. À ce moment-ci, également, te permis de conduire,
c'est à tous les deux ans. Il y a également le fait qu'il est
beaucoup plus facile de conduire sans permis de conduire que de conduire sans
certificat d'immatriculation. Si vous n'avez pas de plaque, vous vous faites
arrêter; sans permis de conduire, ce n'est pas une garantie
de sanction, d'autant plus que les personnes qui sont accusées
devant les tribunaux de conduire sans permis de conduire, lorsque l'absence
d'un permis de conduire vient d'un avis de suspension, la plupart du temps,
contestent la réception de l'avis de suspension et, comme il n'y a
aucune présomption, dans la loi, de la réception des avis de
suspension, la défense habituelle, consiste à dire qu'on ne l'a
pas reçu et à en contester la réception. Cela
réussit dans la grande majorité des cas. C'est pour cela qu'on
suggérait, dans le mémoire, de faire en sorte que, lorsqu'on
envoie un avis par poste certifiée ou poste recommandée, une
personne ne peut pas dire qu'elle ne l'a pas reçue, à moins
qu'elle fasse la preuve: a) qu'elle était déménagée
à ce moment-là; b) qu'elle était en loi avec la province,
c'est-à-dire qu'elle avait signifié à la province son
changement d'adresse. Quant à nous, le non-renouvellement du permis de
conduire pour les infractions de circulation, c'est à tous les deux ans
et, donc, d'une efficacité très limitée et cela vise
simplement 30 % de nos amendes impayées. Ce n'est pas une mesure qui
nous emballe tellement. C'est mieux que rien, mais ce n'est pas cela qui est le
gros du problème.
Le Président (M. Filion): Oui, M. le conseiller
Prescott.
M. Prescott: Apparemment, je pense que la modification au Code de
la sécurité routière s'est faite avant les
dernières élections et il semble que la ville de Montréal
n'ait pas eu l'occasion, ou qu'on ne lui ait pas demandé son avis,
à savoir si de telles mesures devaient être incluses ou non dans
le Code de la sécurité routière.
Le Président (M. Filion): En ce qui concerne le
non-renouvellement à la fois des permis et des plaques, il faudrait
quand même signaler ceci: Le non-renouvellement du permis de conduire -
je suis convaincu que vous allez le remarquer bientôt devant les
tribunaux - va amener un nombre grandissant d'accusations de conduire sans
permis de conduire. Continuer à conduire avec un permis suspendu, que ce
soit son propre véhicule ou le véhicule d'un autre, à un
moment donné, il va falloir que cela arrête quelque part, cette
chaîne. Je prédis quand même un nombre grandissant
d'accusations sur cette base.
En ce qui concerne le non-renouvellement des plaques, je dois vous dire
que j'ai été frappé par ce que vous nous avez
exhibé dans l'annexe VI ou VII de votre mémoire, à savoir,
d'abord, un nombre minimal de contraventions et la dernière suggestion
que j'avais entendue lors d'une commission parlementaire et venant du ministre
des Transports ne tenait pas compte, à mon sens, du fait que n'importe
qui peut avoir un billet, à un moment donné, mais que trois
billets, c'est quelque chose qui est quand même différent et qui
justifie peut-être des mesures un peu plus draconiennes. En ce sens, je
suis heureux des représentations de la ville qui font une distinction
entre recevoir un billet et en avoir trois. Oui, Me Allard, je vous en
prie...
M. Allard: M. le Président, je ne voudrais pas vous
interrompre. Je voudrais simplement ajouter sur le thème que vous
développez, en vous référant à l'annexe V qui
consiste en un extrait de quelques pages d'une dizaine de volumes qui ont au
moins un pouce d'épaisseur chacun et qui renferment la liste des
contrevenants. Pour des raisons évidentes, nous avons camouflé le
nom des personnes qui pourraient être concernées. Vou3 remarquerez
certains exemples de contrevenants qui accumulent des contraventions depuis
1980, je pense, à la première page de cette annexe V et qui ont
circulé jusqu'en 1986, sans payer leurs amendes. Il y a des mandats
d'emprisonnement, il y a des brefs de saisie contre ces individus et, s'ils ont
continué de circuler, c'est grâce à la
générosité de l'État qui continue de leur fournir
leur permis de conduire et leur plaque d'immatriculation. Je pense qu'un
système semblable est aberrant. M, le ministre, je vous invite à
vous servir de ce document supplémentaire quand vous écrirez
à M. Côté. (17 h 30)
M. Marx: Je me servirai de votre livre au complet.
M. Allard: En plus.
M. Marx: II est très passionnant.
M. Allard: J'aimerais ajouter également que cette
proposition a été reprise également par le comité
d'étude Landreville que vous connaissez sur les solutions de rechange
à l'incarcération.
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Je vous pose une question,
messieurs. Advenant le cas où le gouvernement, et non pas le Parlement
commence à dégager une politique un peu plus resserrée, un
peu plus sérieuse, notamment en matière de restrictions quant
à la délivrance du permis de conduire, le renouvellement des
plaques d'immatriculation, etc., est-ce que vous seriez d'accord pour supprimer
l'emprisonnement pour des contraventions et des sanctions à des
infractions dans le cas du stationnement et de la circulation? Me Allard?
M. Allard: Je pense que cela va avoir
cet effet dans 90 % des cas. II va vous rester peut-être un
certain pourcentage d'irréductibles qui vont conduire, comme on le
disait tout à l'heure, sans permis, que vous allez peut-être
prendre au volant de véhicules, même sans plaque
d'immatriculation. Il va falloir se résoudre, comme vous l'expliquiez
tout à l'heure, M. le Président, à faire quelque chose
dans ces cas-là. Cela pourrait être la saisie du véhicule
ou la confiscation du véhicule, si on ne veut pas aller jusqu'à
l'emprisonnement. Mais on n'aura pas le choix: si on veut que la loi soit
respectée, il va falloir se résoudre à une solution
ultime. Cela pourrait être encore l'emprisonnement, mais si on
réduisait la sanction au stricte minimum, ce serait mieux.
Le Président (M. Filion): Évidemment, ce n'est pas
la ville de Montréal qui doit assumer les coûts de la personne qui
est dans une prison québécoise par suite du défaut de
payer une amende et par suite du refus, dans bien des cas, de fournir la
prestation de services compensatoires ou communautaires. Une fois que le
prisonnier est en prison, c'est l'État québécois qui doit
payer et cela lui coûte plus de 80 $ par jour pour des billets de
contravention qui valent moins que cela dans bien des cas. Néanmoins,
j'en ai parlé moi-même tout à l'heure, il est
évident qu'il faut faire autre chose que des discours quant aux mesures
alternatives à l'emprisonnement, si on veut carrément tenter de
refermer l'avenue qui mène à la prison pour des simples
infractions aux règlements de circulation, aux règlements de
stationnement. Juste une question à Me Laliberté. Il a
soulevé tout à l'heure, d'une façon très
intéressante, la question des représentations possibles par
écrit lors d'un plaidoyer de non-culpabilité. Est-ce que la ville
a envisagé quelle sorte de réaction pourrait provenir de la Cour
municipale si les représentants de la couronne municipale jugeaient que
les explications écrites du défendeur sont satisfaisantes? Par
exemple, de quelle façon le contrevenant présumé pourrait
être informé de la décision de la ville? Supposons que ces
explications soient satisfaisantes, qu'il n'y ait pas de procès et que
la couronne n'aille pas plus loin, en deux mots, est-ce qu'un avis serait
envoyé?
M. Laliberté: À l'heure actuelle, nous tentons,
à la Cour municipale, un projet pilote, sans avoir d'appui
législatif, mais on a quand même tenté une
expérience pilote pour vérifier quel était l'impact sur le
taux de contestation des contraventions et pour voir s'il n'y a pas une
augmentation radicale du taux de contestation. Une augmentation de 0,25, c'est
doubler nos procès à la Cour municipale et cela veut dire doubler
finalement la ressource judiciaire.
Deuxièmement, l'expérience porte aussi sur la
vérification du type d'explication qu'on .recevrait de la part des
défendeurs si on en avait. L'expérience n'est pas
terminée, mais à l'heure actuelle, il n'y a pas d'effet majeur
sur le taux de contestation. L'éventail des explications est assez
large. À un moment donné, il va falloir faire des
catégories à ce niveau et déléquer un peu
l'évaluation de ces catégories, soit au service émetteur
du billet ou à la ressource judiciaire. Maintenant, ce sont des
résultats qu'on doit prendre un peu avec réserve parce qu'il n'y
a pas eu de publicité. Alors on ne connaît pas l'effet d'une telle
mesure s'il y a de la publicité à ce niveau.
Chose certaine, on a établi un mécanisme à cette
occasion: on a changé notre sommation en permettant aux gens de fournir
des explications et en fournissant un endroit spécifique pour qu'ils
puissent fournir les explications. Ces gens retournaient le tout à la
Cour municipale. Une évaluation a été faite. On envoyait
un avis par la poste, soit du retrait de la plainte, soit de la date d'audition
s'il y avait un procès qui, finalement, était nécessaire
parce qu'on maintenait la procédure. En ce sens, ce n'est pas
grand-chose. Au niveau administratif, il n'y a rien de dispendieux à
changer la formule ou le formulaire.
Le Président (M. Filion): D'accord. Me Bessette, vous
voulez ajouter quelque chose.
M. Bessette: Je pourrais compléter la réponse qui a
été donnée par Me Allard relativement à l'abolition
de l'emprisonnement. Deux points là-dessus. D'abord, je pense que je
parle au nom de tous mes collègues, en disant que la ville de
Montréal est complètement opposée en principe à
l'emprisonnement pour défaut de paiement d'amende comme moyen habituel
de percevoir des amendes. Nous n'emprisonnons que dans 0,4 % des cas. Nous
faisons tous les efforts pour percevoir nos amendes autrement. Notamment,
j'attire votre attention sur les points saillants du mémoire, la
proposition no 7: ta possibilité pour le percepteur de conclure des
ententes de saisie ou d'offrir des travaux compensatoires même
après l'émission d'un mandat d'emprisonnement. Le mandat
d'emprisonnement, finalement, M. le Président, c'est dans le cas
où on ne sait pas où la personne est.
Dans la très grande majorité des cas, on peut communiquer
avec la personne, et lorsque, après l'avis de jugement, on remet un bref
de saisie à l'huissier et qu'il visite à domicile la personne
pour tenter de percevoir, dans la très grande majorité des cas,
on en arrive à des ententes. C'est ce qui explique 0,4 %. On
n'emprisonne pratiquement pas. Que voulez-vous, il y a des gens qui ne font pas
leur changement
d'adresse. On ne sait pas où ils sont. Ils ne veulent pas de
délai. Ils n'en demandent pas. On ne peut pas les saisir, on - ne
connaît même pas leur adresse et ils ne se donnent même pas
la peine de faire leur changement d'adresse à Québec. Qu'est-ce
qu'on peut faire? On émet un bref de saisie avec possibilité de
saisir le véhicule au moyen du sabot, si on trouve la personne. Mais, au
bout d'un certain temps, après trois mois, quand on ne l'a pas
trouvé - il y a certains contrevenants qui n'ont plus de véhicule
ou qui n'ont pas de véhicule - qu'est-ce qui reste? Qu'est-ce qu'on fait
dans ce cas? La seule chose qu'an peut faire, c'est émettre un mandat
d'emprisonnement.
Nous disons que l'émission d'un mandat d'emprisonnement, c'est la
seule procédure qui existe, mais cela ne devrait pas être
considéré comme annulant toutes les autres possibilités.
Après avoir envoyé le mandat d'emprisonnement et après
l'avoir inscrit au CRPQ, si finalement on retrouve la personne et qu'on
l'arrête dans l'exécution du mandat d'emprisonnement, il devrait y
avoir possibilité encore pour le percepteur d'offrir un délai,
d'offrir des travaux compensatoires ou, s'il la trouvait en possession de
biens, de procéder à la saisie.
Dans un contexte semblable, il nous apparaît que les seules
personnes qui iraient en prison finalement seraient celles qui envoient
promener tout le monde et qui refusent de prendre quelque arrangement que ce
soit. Ce sont des gens qui refuseraient de faire des travaux compensatoires,
qui refuseraient de payer l'amende, qui refuseraient de prendre des
arrangements. Pourquoi ne pas emprisonner ces gens? Je vous pose la question.
Comment pourrait-on justifier aux 88 % qui paient la sommation et qui paient
aux autres niveaux des montants qui sont assez prohibitifs dans certains cas,
comment pourrait-on justifier à ces gens le fait qu'on les laisse aller
comme le résidu du système, et qu'ils se permettent, eux,
d'envoyer promener tout le monde? Je ne vois pas.
Le Président (M. Filion): D'accord. En terminant, je
voudrais souligner que la requête en diminution de frais, si je comprends
bien, à l'intérieur de la charte actuelle de la ville de
Montréal, n'existe que dans les cas où le contrevenant a une
défense à offrir. Est-ce que je comprends bien? Non? Qu'est-ce
qui existe actuellement à l'intérieur de la charte de la ville de
Montréal en ce qui concerne la requête possible en diminution de
frais?
M. Laliberté: L'article 1162 de la charte de la ville
prévoit, ce qui est un peu la rétractation de jugement dans
l'avant-projet de loi, qu'en matière de circulation, si quelqu'un a une
défense à offrir et si, pour des motifs sérieux, il est
empêché d'offrir cette défense, il y a la
rétractation de jugement. Mais il y a aussi la possibilité pour
le juge de diminuer les frais si la personne n'a pas de défense à
offrir.
Dans certains cas, ce dont les gens se plaignent, ce n'est pas
d'être déclarés coupables par défaut parce qu'ils ne
sont pas coupables. Ils se considèrent coupables, sauf qu'ils auraient
aimé payer le billet ou l'avis préliminaire. La plupart des cas
de requête en diminution de frais qu'on a à la Cour municipale,
c'est que ces gens, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas reçu le
billet ou l'avis préliminaire ou la sommation, parce qu'ils ont
déménagé au cours de cette période. S'ils avaient
reçu l'avis préliminaire, ils auraient payé lors de l'avis
préliminaire. C'est souvent ce dont ils nous font part à la Cour
municipale.
Ces gens se disent: Je suis coupable d'avoir commis un excès de
vitesse, sauf que je ne veux pas payer 52 $; si vous m'aviez envoyé
l'avis préliminaire chez moi, je l'aurais payé à 27 $ ou
à 25 $. C'est ce qu'on demande de retenir dans l'avant-projet de loi:
permettre la requête en diminution de frais.
Le Président (M. Filion): Donc, ce serait un peu
incorporer, à l'intérieur du Code de procédure
pénale, le dispositif prévu actuellement à
l'intérieur de la charte de la ville de Montréal. C'est bien
cela?
M. Bessette: Le permettre pour le reste de la province.
Le Président (M, Filion): De façon
générale. En terminant et même en l'absence du ministre, je
voudrais, au nom de tous les membres de cette commission, vous remercier encore
une fois pour la très grande qualité de votre mémoire, la
recherche, etc. Vous étiez sans doute directement
intéressés aussi par le problème et ce n'est pas à
titre aussi gratuit qu'a pu le faire l'Association des usagers de la langue
française un peu avant vous. Je comprends aussi que les sommes en jeu,
pour les contribuables autant que pour la ville, sont énormes.
Pour bien des citoyens et citoyennes du Québec, un billet de
contravention pour une infraction aux règles de stationnement ou aux
règles de circulation n'est parfois que le seul contact qu'ils ont
durant leur vie entière avec la justice et souvent l'image de la justice
s'en trouve ou ternie ou embellie, selon la procédure qui est en
cause.
Pour toutes ces raisons, je voudrais vous remercier de votre
mémoire, vous remercier de votre présence ici, cet
après-midi. Je pense qu'au niveau de l'exécutif, avez pris note
des paroles du ministre, mais quant aux membres de cette commission, je peux
vous assurer que, lorsque viendra le
temps d'étudier ce projet de loi et non pas cet avant-projet de
loi, mais ce projet de loi, nous y apporterons toute l'attention
nécessaire. Pour ma part, je dois vous dire que vous m'avez passablement
convaincu. Je l'étais un peu de prime abord. J'ai parlé dans mes
remarques d'ouverture de la nécessité d'envisager tout le
problème du contentieux de masse - c'est le qualificatif qu'emploie
votre mémoire et qui fera probablement partie de notre vocabulaire - il
importe que ce problème de contentieux de masse reçoive une
attention . toute particulière.
Merci encore une fois. Cela termine les travaux de notre séance
de la commission des institutions. Notre mandat est terminé. Je voudrais
remercier les membres qui ont eu de la patience et qui ont manifesté
beaucoup d'attention durant nos travaux. Nos travaux sont donc ajournés.
Merci. Bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 17 h 45)