To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, November 25, 1986 - Vol. 29 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 92 - Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la Charte des droits et libertés de la personne


Journal des débats

 

(Quinze heures cinquante-trois minutes)

Le Président (M. Bélisle): À l'ordre, s'il vous plaîtl

Je souhaite la bienvenue, cet après-midi, aux membres de la commission des institutions et je déclare la séance ouverte. J'aimerais rappeler le mandat de la commission des institutions qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 92, Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la Charte des droits et libertés de la personne. J'aimerais demander à Mme la secrétaire, s'il y a des remplacements, de les annoncer.

La Secrétaire: Oui. M. Johnson (Anjou) est remplacé par M. Blais (Terrebonne).

Le Président (M. Bélisle): Nous constatons le remplacement pour les fins du procès-verbal de la commission.

Sans plus tarder, j'appelle l'article 357. M. le ministre de la Justice.

M. Marx: L'article 300?

Le Président (M. Bélisle): L'article 357.

Loi sur les tribunaux judiciaires (suite)

M. Marx: L'article 357 modifie l'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. La modification proposée a le même effet que l'article précédent à l'égard du juge en chef et des juges en chef associés et adjoints de la Cour des sessions de la paix.

M. Filion: Avez-vous des commentaires, M. le ministre?

M. Marx: C'est la même chose que l'article précédent.

M. Filion: Si vous vous souvenez bien, à l'article précédent, un de mes collègues avait soulevé cette question d'immédiat, de voisinage immédiat. Je crois que c'était le député de Saint-Jacques qui participait à nos travaux la semaine dernière. Je ne sais pas si vous avez des commentaires là-dessus. Je comprends qu'Aima n'est pas dans le voisinage immédiat de Trois-Rivières, mais est-ce que, par exemple, Beloeil serait dans le voisinage immédiat de Montréal? Si le juge en chef de Montréal... Le problème ne se pose pas à l'heure actuelle; on connaît tous M. le juge Gold, à qui je rends hommage en passant, qui a réussi un travail fantastique sur les délais à la Cour supérieure depuis sa nomination. Supposons qu'un prochain juge en chef... Dans ce cas-ci, je m'excuse, c'est la Cour des sessions de la paix; donc, c'est M. le juge Guérin qui pourrait être concerné à Montréal. Maintenant, avec la fondation du district judiciaire, est-ce que Lonqueuil est dans le voisinage immédiat de Montréal? Est-ce que Beloeil est dans le voisinaqe immédiat de Montréal?

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Si je lis l'article 81, tel qu'il est aujourd'hui: "II peut aussi nommer un juge en chef associé de la cour avec résidence à Montréal." Si on lit cela, il ne peut pas être résident d'Outremont, de Westmount, de Saint-Laurent ou d'autres villes. Je pense qu'il serait utile de chanqer cela.

M. Filion: Mais ici, on insère, après le deuxième alinéa qui parle de la résidence, comme vous nous dites, à Montréal...

M. Marx: "Dans le voisinage immédiat de la ville", premièrement, cela veut dire au moins dans le même district judiciaire. Il faut qu'il soit dans le district judiciaire. On a dit "dans le voisinage immédiat", parce qu'on n'a pas voulu lister toutes les villes où il peut résider. Je pense qu'il a fallu trouver un langaqe qui dénote que le juge doit être disponible, qu'il ne doit pas être loin du palais où il siège.

M. Filion: Dans ce sens, cela m'inquiète un petit peu, parce que le juge en chef adjoint de la Cour des sessions de la paix de Montréal, sauf erreur, demeure dans mon comté. Donc, il ne demeure pas dans le district judiciaire de Montréal.

M. Marx: Je n'ai pas la réponse à votre question, parce que je ne sais pas toutes les adresses de tous les juges.

M. Filion: Vous dites...

M. Marx: Je peux seulement lire l'article de la loi actuelle. Nous proposons au

lieu de préciser la ville, que ce soit: "dans le voisinage immédiat de la ville qui leur est respectivement assignée suivant le présent article". Je ne vois pas le problème avec cela.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Terrebonne.

M. Marx: Si vous voyez trop de problèmes avec cela, on peut retirer l'article.

M. Filion: Si on avait une tendance, je pense, ce serait plutôt dans le sens...

M. Marx: On a adopté l'article 356.

M. Filion: Je sais, on a adopté l'article 356. J'en suis conscient. Il faut dire que, dans le cas de l'article 356, il y avait des corrections qui étaient vraiment nécessaires dans bien des cas. C'est-à-dire qu'il y avait un déséquilibre entre certains districts judiciaires et d'autres. Ce n'était pas rédigé de la même façon. Par exemple, le district de Saint-Maurice n'était pas considéré sur le même pied que le discrict de Rimouski pour les fins de la résidence du juge en chef. C'est pour cela que, en examinant le texte de l'article 356 que nous avons adopté, ce commentaire que je fais aujourd'hui, je ne l'ai pas fait à ce moment-là. Nous échangeons tout simplement.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je viens d'arriver et je salue le ministre. C'est ma première intervention sur cette loi et j'ai été "briefé" durant plusieurs heures pour me faire dire que c'était pour donner plus de liberté aux gens et pour mettre plus de liberté dans plusieurs de nos lois.

Je regarde cela, M. le ministre, et je sais que vous cherchez aussi à donner plus de liberté de résidence aux juges. Je suis d'accord avec cela, mais pas sur la façon dont c'est inscrit. La question du député de Taillon était pertinente: si on ne détermine pas ce qu'est le voisinage immédiat, il y aura toujours litige. Le voisinage immédiat, selon qu'on est à pied, en avion ou en auto, est plus ou moins élastique, c'est plus ou moins loin. Dans ce cas, je ne vois pas, d'abord, pourquoi on imposerait un lieu de résidence à quelqu'un selon le poste qu'il occupe. Il faut penser que la personne a assez de sens des responsabilités pour demeurer dans un endroit où elle peut remplir les fonctions qui lui sont assignées.

Je serais d'accord pour qu'on supprime complètement l'article 81. Le lieu de résidence de ces gens ne devrait pas être déterminé par une loi - du moins, c'est ce que je pense - à cause justement du droit que les pprsonnes ont. Je demeure à Québec les jours où je viens au Parlement. Il serait complètement stupide qu'on dise dans une loi, vu que je demeure loin, que je me dois d'avoir une résidence secondaire pour remplir mon poste de député à Québec. Cela va de soi. Pourquoi l'imposerions-nous, nous législateurs, à ceux qui sont là pour appliquer notre législation?

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Jean-Talon.

M. Doyon: Je reconnais l'argumentation du député de Terrebonne. Toutefois, M. le Président, j'aimerais faire valoir qu'on a des précédents à ce sujet, par exemple, en ce qui concerne les directeurs de scrutin, à qui on impose l'obligation d'habiter dans le comté ou dans une municipalité contiguë. On est plus spécifique à ce moment-là. On parle de municipalité contiguë dans le cas des directeurs de scrutin. Donc, on a des précédents qui sont plus spécifiques. Toute comparaison étant boiteuse, celle-là ne s'applique pas totalement.

Je vous ferai remarquer qu'il y a une justification au fait d'avoir cette exigence dans la loi. Le juge en chef doit être disponible pour certaines urgences; peut-être que cela a déjà été dit. Cela se comprend et cela s'explique. Comme législateurs, nous serions malvenus vis-à-vis des justiciables qui peuvent avoir besoin, dans des cas d'urgence, d'obtenir une décision rapide d'un juge. Le juge en chef a un devoir de suppléance à ce moment-là et il faut qu'on puisse le rejoindre facilement, qu'il soit disponible et qu'il puisse se rendre rapidement à la cour où il exerce ses fonctions. Très souvent, il y a des délais de 24 heures à respecter, il y a des mises en liberté sous cautionnement et il y a des jugements à obtenir en cours de pratique, dans certains cas, qui doivent être rapides, des jugements interlocutoires.

Il y a cette explication et on serait peut-être mal avisés d'agir rapidement et de dire que cette obligation n'existe pas, premièrement, parce que des précédents existent ailleurs, dans d'autres cas, et parce que le juge en chef a un devoir de présence rapide à l'endroit normal où il exerce ses fonctions pour les justiciables. Il y a cette explication que je suggère en passant.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je remercie le député pour l'éclaircissement qu'il vient de nous donner, mais je ne suis pas tout à fait convaincu encore qu'on ne devrait pas enlever l'article. Premièrement, quant au directeur de scrutin, vous dites vous-même que c'est boiteux. Un directeur de scrutin ou un président de

scrutin se doit de connaître très bien le milieu ambiant dans lequel il va oeuvrer, car on ne peut s'occuper de différents bureaux de scrutin à Québec si on réside à Montréal, puisqu'on ne connaît pas normalement le développement de chacune des rues ou de chacune des villes. Cependant, la loi est la même sur tout le territoire. Le tissu sur lequel vont travailler les juges varie, mais la loi est la même sur tout le territoire.

Le deuxième argument que vous avez employé, c'est le fait que le juge doit, souvent à 24 heures d'avis, se rendre à la cour pour des situations urgentes. Le même problème se produit pour nous. Nous venons tout récemment d'adopter une loi spéciale et, même si on ne siège pas, à 24 heures d'avis, on se rend à notre Parlement faire ce que l'on appelle notre job de député. Il en est de même pour un juge, je crois.

Je reviens maintenant à la charge, M. le Président. Pourquoi, par cette loi qui se veut être quelque chose qui donne plus de liberté aux gens, imposerions-nous une restriction de ce genre à quelqu'un en laissant sous-entendre dans ce texte que la personne qui a ce rôle n'a pas la responsabilité voulue pour choisir elle-même son lieu de résidence, pour être disponible pour remplir sa fonction? Je crois que c'est brimer sa liberté. C'est le contraire de ce que nous voulons faire par cette loi.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, premièrement, si ce que le député de Terrebonne a dit est vrai, que les juges ont de toute façon habité près de leur palais, de leur travail, la loi ne change rien. La loi ne leur causera pas de problème parce que l'on prévoit qu'ils peuvent habiter dans le voisinage immédiat. Cela donne des balises. Cela veut dire qu'un juge de Montréal ne peut pas habiter Plattsburgh aux États-Unis ou Hull, ainsi de suite.

L'autre raison, c'est la raison donnée par le député de Louis-Hébert, c'est-à-dire la question de disponibilité. De toute façon, à l'article 356, on trouve exactement le même langage. Je n'y vois pas de problème.

Le Président (M. Bélisle): Si vous me le permettez, M. le député de Terrebonne, dans le but de...

M. Marx: Même dans l'article 32 de la loi actuelle, qui est reproduit par l'article 356, on parle du voisinage immédiat. Si l'on vérifie les alinéas 3 , 8 , 10 et 11 de la loi actuelle, c'est cela. Je pense que cela fait l'affaire de tout le monde, y compris des juges. On est prêt à voter.

Le Président (M. Bélisle): Si vous me le permettez, messieurs...

M. Marx: Je ne peux pas ajouter d'autres arguments. Je n'ai pas d'autres arguments. Je pense qu'on a déjà donné deux autres arguments et on n'en a pas d'autres.

Le Président (M. Bélisle): Dans le but d'éclairer les membres de la commission, permettez-moi de lire dans le Petit Robert -nous n'avons pas de dictionnaire juridique -la définition du mot "immédiat": "Qui précède ou suit sans intermédiaire, dans l'espace ou dans le temps". Pour un juge du district judiciaire de Montréal, je pense que cela couvrirait le district contigu, que ce soit au sud ou au nord, à Laval ou à Longueuil.

M. Filion: Pourriez-vous relire le Petit Robert?

Le Président (M. Bélisle): Pour le bénéfice des membres de la commission, M. le député de Taillon, je relis: "Qui précède ou suit sans intermédiaire, dans l'espace ou dans le temps." Exemple, "au voisinage immédiat de votre maison". C'est le sens courant qui est donné au terme "immédiat". M. le député de Taillon.

M. Filion: Je remercie le député de Louis-Hébert et le député de Terrebonne. Effectivement, la dernière fois, on a adopté peut-être un peu rapidement l'article 356. Je réfléchis de nouveau, à la lueur des arguments qui ont été apportés. Premièrement, il existe effectivement des cas où des procédures urgentes doivent être présentées à des juges par un justiciable ou même, dans certains cas, par un corps policier ou par un corps public. C'est pour cela qu'il y a généralement ce que l'on appelle des juges en chambre. Je parle surtout de mon expérience à Montréal. Je crois qu'à Québec il existe effectivement la même chose. Je sais également que les juges en chef ou les juges en chef adjoints nomment, dans beaucoup de cas, des juges pour assurer la permanence et la disponibilité. Donc, cette question d'urgence, existait parce que...

Vous savez, dans le district de Minqan, quand la loi a été adoptée, il n'y avait pas beaucoup de juges à part le juge en chef du district. Aujourd'hui, c'est un peu différent. À Montréal, combien y a-t-il de juqes à la Cour supérieure et combien de juges à la Cour des sessions et aussi à Québec? Dans la plupart des districts il y a plus d'un juge.

Donc, les arguments qui avaient présidé au départ à l'inscription dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, des articles 32 et 81, je me demande s'ils s'appliquent encore.

Deuxièmement, je me dis ceci... Non, mais laissez-moi terminer, ce ne sera pas long.

M. Marx: C'est parce que ce que vous dites pourrait être intéressant, et je trouve cela intéressant. Mais vous faites un autre débat. Est-ce que vous allez me dire que "voisinage immédiat", cela va à l'encontre de la charte québécoise? C'est cela le débat ici.

M. Filion: Laissez-moi terminer, c'est le deuxième point que je voulais soulever. Deuxième point: d'abord, le texte actuel est nettement trop restrictif, parce que pour un district judiciaire, on impose une résidence dans une municipalité qui est généralement le siège ou le lieu où se trouve le palais de justice.

L'amendement proposé constitue carrément une amélioration, M. le ministre, sur la situation actuelle, il n'y a aucun doute dans notre esprit. C'est préférable de parler de voisinage immédiat. Mais là, je me dis - je vous livre cet argument - que, dans le fond, les juges sont assez intelligents pour rester à l'endroit où ils sont près de leur palais de justice. Alors, pourquoi le législateur viendrait-il leur imposer cette condition? Je sais que vous allez me répondre, M. le ministre: La condition existe déjà, on l'améliore. Je le sais, j'en suis conscient, mais, malgré cela, est-ce que cela ne vaudrait pas la peine de profiter du fait que nous appliquons la charte des droits pour enlever carrément toute obligation de résidence dans une municipalité ou dans un voisinage immédiat, pour l'enlever comme obligation qu'on fait à nos juges de la Cour supérieure et au juge en chef de la Cour des sessions de la paix? Je tiens à remarquer ceci: Sauf erreur - vous me corrigerez - en ce qui concerne les juges de la Cour supérieure, à eux, on impose des obligations de résidence, tandis qu'aux juges de la Cour des sessions de la paix on n'en impose pas. Parce que ce qu'on retrouve à l'article 32 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, cela concerne... On mentionne le nombre de juges, ce qui veut dire qu'on va être obliqé de le changer chaque fois qu'il y aura un juge de plus. On parle de résidence pour les districts de Mégantic, Saint-François, Trois-Rivières et, avec l'amendement qu'on vient d'apporter maintenant, on modifie, dans le cas de Trois-Rivières, d'Abitibi, de Saint-François, Hull, Labelle et Pontiac...

En deux mots, mon argument, c'est un peu celui-ci: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, finalement, de carrément faire sauter cette obligation parce que les juges - si vous voulez juste me laisser terminer - je pense, lorsqu'ils sont nommés sont assez intelligents pour ne pas aller demeurer à Plattsburgh s'ils siègent à Sorel? Je pense que les juqes sont assez intelligents pour ne pas aller demeurer è Montréal s'ils siègent à Québec.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M, le Président, le député de Taillon, malheureusement, parle en théorie. On peut parler en théorie, mais dans les faits il y a l'idée d'avoir un juge résident. D'accord? Un juge peut bien siéger à Sherbrooke et habiter Montréal, cela se fait bien, l'autoroute, il peut aller et revenir le soir et même, s'il y a une tempête - et qu'il ne veut pas conduire, il peut voyaqer en autobus. Cela pourrait se faire, mais dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, on veut avoir des juges résidents, donc, on veut avoir un juge résidant à Sherbrooke, un juge résidant à Trois-Rivières ou dans d'autres villes. Pour le district de Chicoutimi avec résidence, au choix du juge, à Rimouskî ou à Rivière-du-Loup, et ainsi de suite. (16 h ]5)

Cela a toujours été comme cela et je ne suis pas prêt, en travaillant au bout de la table maintenant, à changer cela a cause d'une suggestion qui est fondée en théorie! La théorie est bonne, mais il y a aussi la pratique. Nous avons des juges résidents au Québec. C'est très important et c'est pourquoi l'article 32 est dans la loi. Maintenant, on arrive à l'article 81 qui est l'article 357 de ce projet de loi, mais on veut élargir la possibilité pour les juges en chef de résider ailleurs que dans ta ville précisée dans la loi aujourd'hui. Je ne pense pas qu'avec cette modification on pourrait dire que la loi va à l'encontre de la charte québécoise. Si cela va à l'encontre de la charte québécoise, tel que modifié par l'article que l'on propose, je serais très surpris, le député de Taillon aussi.

Le Président (M. Bélisle): Je reconnais le député de Terrebonne.

M. Blais: Laissez-moi faire une tentative auprès du ministre de la Justice. Je sais que vous êtes un homme d'avant-garde et que vous avez un respect énorme des droits de la personne, du moins dans tous vos écrits. Ici, nous sommes à juger un texte qui a été écrit il y a des décennies; nous voulons le changer. L'esprit des législateurs de l'époque pour demander que des gens soient des résidents pour l'une ou l'autre des fonctions que l'on a à accomplir dans notre vie, c'était d'abord pour la connaissance du milieu et, deuxièmement, pour la disponibilité et une présence.

Les lois ont été écrites à l'époque où les moyens de transport étaient médiévaux, les moyens de locomotion archaïques, les routes inadéquates de sorte que des durées de transport très longues en découlaient. Aujourd'hui, on ne se transporte plus à cheval, les routes sont déblayées l'hiver et le lieu de résidence n'est plus nécessaire dans beaucoup de circonstances; c'est même contre l'esprit de la Charte des droits et libertés de la personne, sinon contre la

lettre. Voyons! Je n'aurais pas le droit de demeurer à Beauharnois si je suis juge à Montréal ou je n'aurais pas le droit de demeurer à Valleyfield si je suis juge à Terrebonne? Imposer à quelqu'un une résidence selon le poste qu'il occupe est en soi contre l'esprit de la Charte des droits et libertés de la personne. Personnellement, de la façon dont je vous présente cette demande, je voudrais que cet article soit complètement annulé afin de ne pas exiger un lieu de résidence aux personnes selon leurs fonctions.

Je suis persuadé que je vous ébranle en vous disant que c'est contre l'esprit de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, tout ce que je peux dire, c'est que, si on a un juge résident à Joliette, on ne veut pas qu'il demeure à Sorel. Un juge résident, cela veut dire un juge résident qui soit disponible à Joliette jour et nuit. Si quelqu'un demande un mandat d'arrestation, que le juge soit disponible à Joliette pour émettre un mandat et ainsi de suite. Cela obéit à la tradition et aux lois et cela ne fait pas violence à la charte québécoise. Il ne faut pas oublier que le mandat que nous avons par la charte, c'est de mettre les lois en conformité avec la charte. La modification que nous proposons est dans l'esprit de la charte, parce que probablement - je ne peux pas me placer dans les bottes des juges, mais c'est bien possible - que l'article tel qu'on le retrouve dans les lois est valide, même en fonction de la charte québécoise.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon.

M. Filion: M. le Président, d'abord, c'est l'article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne qui est concerné par nos propos. L'article 1 de la Charte des droits et libertés se lit comme suit: "Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne." Dans ce cas-ci, liberté de sa personne comprend ce que j'appellerais la liberté d'établissement, c'est-à-dire la liberté d'établir sa maison, d'éduquer ses enfants, d'aller y vivre et de changer de place s'il arrive des incidents, etc. Donc, c'est l'article 1 de la charte qui est visé. Je comprends, par ailleurs, que, dans certains cas, pour la bonne exécution des fonctions rattachées à une responsabilité ou à un mandat qu'une personne a accepté que sa liberté puisse être, et on le comprendra aisément, un petit peu restreinte. Dans ce cas-ci, on n'a pas affaire, si on veut, à la dernière des catégories de personnes; on a affaire aux principaux officiers de la justice que sont les juges, qui sont donc, quant à moi, imbus d'un jugement suffisant, en tout cas, pour avoir été nommés à ce poste. Dans ce jugement, à mon avis, est inclus un jugement portant sur leur lieu de résidence.

Cela m'inquiète; je comprends que l'article n'a jamais été contesté, parce qu'on n'est quand même pas, encore une fois, pour demander à un juge de décider si la résidence de l'autre juge est bonne ou pas bonne. Mais, dans le fond, cela prendrait juste un avocat, à un moment donné, pour soulever le problème, attaquer la compétence du juge qui siéqerait à ce moment et dire: Écoutez, M. le juge, en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires, vous ne demeurez pas au même endroit. Je pense qu'il aurait peut-être un succès, mais peu importe. En tout cas, on pourrait demander au juge de trancher ou d'entendre des arguments portant sur cela, sur la validité d'une résidence. Cela m'inquiète un petit peu.

Maintenant, je poserais deux questions au ministre. C'est toujours dans le but d'enrichir, n'est-ce pas, nos débats et d'enrichir les décisions qui seront prises par l'Assemblée nationale. Vous avez parlé tantôt de juges résidents. Je me souviens, quand j'étais jeune avocat, j'entendais cette expression. Est-ce que je dois comprendre que cela n'existe plus dans nos lois ou si cela existe encore, ce concept de juges résidents? Deuxièmement, pourquoi une distinction entre les juges de la Cour supérieure et les juges de la Cour des sessions de la paix en ce qui concerne les résidents. Je ne parle pas des juqes en chef ni des juqes en chef adjoints, mais je compare l'article 32 de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui concerne les juqes de la Cour supérieure et qui, dans ce cas, implique une obligation de résidence, à l'article 81 - peut-être que, encore une fois, je fais erreur, vous me corrigerez - en ce qui concerne les juqes de la Cour des sessions de la paix où aucune obligation n'est faite aux juges de la Cour des sessions de la paix, mais plutôt aux juges en chef, juges en chef associés et juges en chef adjoints. C'est l'article 81. Or, donc, est-ce que mon analyse est exacte, M. le ministre, est-ce que je me trompe ou est-ce qu'il n'y a pas là une distinction entre deux catégories de juges qui n'aurait peut-être pas sa place?

Mon dernier commentaire est le suivant: Vous savez, aujourd'hui, M. le Président, les juges, comme n'importe quelle autre catégorie de citoyens, aiment à l'occasion, je l'ai mentionné tantôt, chanqer de résidence. Par exemple, dans une ville comme Montréal, mon comté, celui de Taillon, qui était un comté en partie agricole avant, aujourd'hui est rendu à 99 % un comté urbain. Alors, les juges aujourd'hui peuvent vouloir trouver, eux aussi, ta

sérénité qu'on trouve "en campagne" - je mets en campagne entre guillemets - qu'on trouve dans des endroits plus éloignés alors que ce n'était pas le cas quand on a adopté la Loi sur les tribunaux judiciaires. Quand on a adopté la Loi sur les tribunaux judiciaires, cela devait être aux environs de 1900, peut-être même en 1800. À ce moment-là, c'était différent. Longueuil ou Saint-Hubert, pour parler de mon comté, étaient carrément à la campagne. Dans votre comté, Mille-Îles, M. le Président, il n'y avait pas beaucoup de constructions résidentielles. C'était des fermes. Mais aujourd'hui, évidemment, avec le développement urbain, pour trouver la campagne à Montréal en particulier, il faut voyager un petit peu.

Le Président (M. Bélisle): II faut venir dans Mille-Îles.

M. Filion: Vous m'inviterez dans votre comté, on ira voir cela.

En deux mots, il faut voyager un peu. On a deux districts judiciaires qui vont venir s'accoler à Montréal. C'est le district judiciaire de Laval et celui de Longueuil. Si on interprète, comme vous l'avez fait tantôt, voisinage immédiat comme voulant dire qu'il n'y a aucun intermédiaire avec le district concerné de Montréal, à ce moment-là, je suis convaincu qu'il y a beaucoup de juges qui aimeraient aller demeurer dans le district de Richelieu, par exemple. Dans le nord de la ville, ils pourraient aller demeurer dans le comté de notre collègue, le député de Terrebonne, bien qu'ils soient juges à Montréal. À ce moment-là, la résidence serait un empêchement légal. On aura beau dire, M. le Président, mais on adapte des lois et cela sera plus ou moins suivi. Il n'y aura personne qui va contester. Le ministre de la Justice sait que ce n'est pas une attitude que je suis. Quand j'adopte une loi, j'essaie de voir les conséquences concrètes des lois sur les gens et les juges sont des citoyens très honorables de notre société, pour le moins, à part entière. Ils ont droits à cette même considération d'égalité, qui doit primer en vertu de la charte, entre tous les citoyens du Québec. Or, en ce sens-là, je fais donc cette requête auprès du ministre de la Justice parce que l'ensemble de nos travaux - M. le député de Terrebonne ne le sait peut-être pas, mais je le lui signale en passant - a été marqué, dans la mesure du passible, par le consensus. La charte des droits a toujours...

M. Blais: Je consens à enlever cela.

M. Filion: ...été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Toutes les modifications à la Charte des droits et libertés de la personne ont toujours été adoptées à l'unanimité à l'Assemblée nationale, ce qui fait que le ministre de la Justice a déjà accepté de réfléchir davantage sur plusieurs des dispositions du projet de loi 92. Dans ce cas-ci, la requête que j'adresserais au ministre de la Justice, vu les arguments apportés de part et d'autre, c'est que l'on puisse réfléchir davantage, avec l'aide de ses excellents conseillers et des excellents juristes qui l'entourent, sur ces dispositions.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, j'imagine que le député de Taillon a peut-être déjà oublié la question qu'il a posée au début de son discours de dix minutes.

M. Filion: Je ne l'ai pas oubliée, M. le ministre.

M. Marx: Ah non!

M. Filion: Ce n'est pas un discours que je faisais, non plus.

M. Marx: Non, non. Il a posé la question sur la différence entre la Cour supérieure et les cours provinciales, les cours où les juges sont de nomination provinciale parce que toutes nos cours sont provinciales. Pour la Cour supérieure, c'est prévu dans la loi parce que, malheureusement, ce n'est pas le gouvernement du Québec qui nomme les juges à la Cour supérieure. D'accord? Mais, pour les autres juges de nomination provinciale, le lieu de résidence se trouve dans le décret dans lequel on les nomme et on met: dans la ville de Joliette ou dans le voisinage immédiat.

J'aimerais porter aussi à l'attention des députés de cette commission qu'à - on peut dire que le projet de loi a été présenté, dirais-je, le 15 mai 1985 et sanctionné le 20 juin 1985, soit le projet de loi 47, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant l'administration de la justice, un des projets de loi omnibus de mon prédécesseur, M. Johnson, député d'Anjou -l'article 32 de ce projet de loi on trouve à l'alinéa 11: Pour les districts de Baie-Comeau et de Migan avec... (16 h 30)

M. Filion: Mingan.

M. Marx: Mingan, excusez-moi avec résidence à Sept-Îles ou dans le voisinage immédiat, pour un juge de la Cour supérieure. Je m'en souviens bien, M. le Président, parce que j'étais ici et que j'ai voté pour ce projet de loi; je sais que tous les députés ont voté unanimement. Le député de Taillon n'était pas à l'Assemblée nationale à l'époque; on ne peut donc pas dire qu'il a voté pour ce projet de loi, mais c'était

proposé par ses colloques, même par son collègue qui est maintenant chef de l'Opposition. Voilà, M. le Président, un autre projet de loi dans la continuité. Si c'était bon au mois de juin 1985, cela devrait être bon en décembre 1986. Je m'en souviens, j'étais critique de l'Opposition à l'époque, je vous assure que la discussion n'a pas pris plus de 30 secondes sur ces articles et j'ai dit: Oui, adopté. Tout ce que je demande aux députés de l'Opposition maintenant c'est de faire aujourd'hui ce que j'ai fait en juin 1985, quand l'ancien gouvernement a déposé ce projet de loi. Il faut dire qu'à l'époque la charte québécoise était aussi déjà adoptée, les mêmes règles étaient en jeu. Voilà. Je ne pense pas que je vais avoir d'autres arguments. Je pense que cela devrait être l'argument concluant en ce qui concerne ce débat: Si c'était bon pour le député d'Anjou, cela devrait être bon pour le ministre de la Justice et te député de Taillon.

Le Président (M. Bélisle): Avant de céder la parole au député de Taillon, je souhaite la bienvenue au député de Saint-Jacques.

M. Filion: M. le Président, je voudrais attirer l'attention du ministre sur le but de l'exercice que nous sommes en train de faire depuis déjà 15, 16 ou 17 séances de commission. La grande différence qui existe avec le moment où le projet de loi dont il a fait mention tantôt a été adopté - c'était probablement à l'occasion de la création du district judiciaire de Sept-Îles ou de Mingan - sans problème de part et d'autre, nous dit-il, c'est qu'actuellement tout le but de l'exercice que nous avons amorcé il y a déjà un mois est de rendre compatibles les articles 1 à 38 de la charte avec 113 lois qui ont été choisies - peut-être qu'il y en aura d'autres - mais 113 lois. C'est le but premier de notre exercice: de donner plein effet à la charte des droits. Au moment où on se parle, il y a d'autres commissions qui siègent et qui n'ont pas, si l'on veut, la même préoccupation que celle que nous avons depuis le début, qui est de faire en sorte que la charte reçoive pleine application. En ce sens, je comprends, il y en a eu beaucoup, on l'a vu la semaine dernière, la loi sur les terres et forêts déposée par votre collègue contenait des dispositions qui pouvaient être discutées sur le plan de la charte des droits, mais, précisément, il y en a certaines qui ne faisaient pas partie du projet de loi déposé par votre collègue. Donc, nous sommes en plein coeur de la problématique et c'est pourquoi ce ne sont pas nécessairement les mêmes arguments. Je comprends fort bien le ministre de la Justice, qui était alors à ma place dans l'Opposition, d'avoir adopté sans aucun problème cet article-là. Je ne lui en fais aucun reproche, pas plus d'ailleurs que je ne lui fais reproche de vouloir adoucir la restriction à la liberté des juqes déjà contenue. Mais je pense que, véritablement, l'ensemble de l'argumentation entendue de part et d'autre et même du côté de la présidence - pas une argumentation, mais un élément d'argumentation - m'a à peu près convaincu que cela vaut pour le moins la peine de réfléchir avant de garder cette barrière à la liberté de nos juqes. C'était juste pour répondre au dernier argument du ministre.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre.

M. Blais: Pourquoi les juqes de Montréal ne pourraient-ils pas résider à Terrebonne ou à Saint-Jérôme, comme principe? Je pense qu'on se doit de présumer du sens de la responsabilité professionnelle des juges et, de ce fait, ils ne doivent subir aucune discrimination dans le choix de résidence qu'ils doivent faire selon leur propre jugement. C'est ce qui répond à l'esprit de la Charte des droits et libertés de la personne.

De la même façon, les juqes doivent être traités de la même manière que je suis traité comme élu à Québec. Aucune loi ne m'oblige à prendre résidence près du parlement pour remplir mes obligations et je ne vois pas pourquoi j'obligerais un juge à prendre résidence à un endroit, sous prétexte sous-entendu qu'il n'a pas le jugement voulu pour choisir son lieu de résidence pour remplir de façon professionnelle la tâche qui lui incombe. C'est tout simplement cela et je suis persuadé que je vous ébranle. Je vous vois, vous commencez à cligner du bonnet un peu. Je vois que je vous ébranle et je suis très heureux que vous opiniez du bonnet comme cela, car je sais que vous êtes un type qui, dans la loi elle-même, veut absolument, au moins en paroles - si ce n'est qu'en paroles la discussion pourrait s'arrêter là quant à moi - que les gens soient protégés, qu'ils aient tous les droits et que le monde soit le plus égal possible.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Je n'ai rien à ajouter, M. le Président. J'ai livré tous les arguments que j'avais et je n'en ai pas d'autres à apporter, malheureusement. J'aimerais en avoir d'autres, mais je n'en ai pas. Je peux répéter ce que j'ai déjà dit, mais je ne pense pas que cela fera avancer le débat. Je n'ai pas d'autres arguments, que voulez-vous que je vous dise?

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon.

M. Filion: Si nos débats doivent cesser sur cette question qui est pourtant importante, je n'ai pas du tout compris en quoi nous devions, comme législateurs québécois, faire une distinction entre les juges de la Cour supérieure et les juges de la Cour des sessions de la paix quant à leur obligation de résidence,

M. Marx: II n'y a pas de distinction.

M. Filion: Mais oui. C'est ce que je vous ai dit tantôt.

M. Marx: Non. Cela veut dire qu'il y a une distinction sans différence. Si c'est une différence pour le député de Taillon, ce n'est pas ma faute. Je puis vous dire que c'est une distinction sans différence. Les juges de la Cour supérieure sont nommés par le gouvernement fédéral. Donc, dans l'acte de nomination, le gouvernement du Québec ne peut prévoir le lieu de résidence, car c'est un décret du gouvernement fédéral et non du gouvernement du Québec. La résidence de ces juges est prévue dans la Loi sur les tribunaux judiciaires. D'accord?

En ce qui concerne les juges de nomination provinciale, ceux qui sont nommés par le Québec, le lieu de résidence se trouve dans l'acte de nomination, dans le décret. C'est une distinction sans différence, car, dans les deux cas, les mêmes règles sont suivies, quoique d'une autre façon. De toute façon, nous avons l'intention de revoir la Loi sur les tribunaux judiciaires dans un proche avenir et j'imagine que le problème sera soulevé une autre fois, s'il y a problème.

M. Doyon: M. le Président.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: J'aimerais savoir de la part du ministre - peut-être cela nous permettrait-il de nous guider - s'il a eu des représentations ou des plaintes de la part des juges indiquant que cette disposition les indisposait, les brimait ou était de nature à les empêcher de fonctionner normalement. Est-ce que vous en avez eu, M. le ministre? J'ai eu l'occasion de rencontrer les juges de temps à autre et il ne m'a jamais été fait mention, à ma connaissance en tout cas, d'embêtements que pouvait causer une telle disposition législative. Je ne sais pas si le ministre...

M. Marx: Pas à ma connaissance. La question n'a pas été soulevée par les juges en chef quand je les ai rencontrés à quelques reprises cette année. La Conférence des juges n'a pas soulevé cette question. J'ai rencontré les membres de l'exécutif de la Conférence des juges. J'étais au congrès de la Conférence des juges, et, à ma connaissance, la question n'a pas été soulevée. Peut-être qu'elle a été soulevée sous mon prédécesseur, M. Johnson, mais, depuis que je suis ministre, elle n'a pas été soulevée. Je suis exactement ce que mon prédécesseur a fait dans l'adoption de ces lois.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le ministre, dans vos propos, vous dites que cela n'a pas été soulevé. J'ai eu l'occasion d'entendre quelques juges qui ont soulevé cette question. Par contre, s'ils ne l'ont pas fait avec vous, c'est peut-être qu'au moment où vous aviez des discussions ce n'était pas, pour eux, une priorité de discussion, mais cela continue quand même d'être pour eux une préoccupation. Pourquoi ne pas poser de façon formelle cette question à l'ensemble de la magistrature? II ne s'agit pas de se précipiter immédiatement dans une décision sans, au préalable, avoir eu une réponse, quelle qu'elle soit. Je n'anticiperai pas la réponse.

M. Marx: Je pense que le député...

M. Boulerice: Je ne les ai pas tous rencontrés, je vous l'ai dit, je n'en ai vu que quelques-uns.

M. Marx: Malheureusement, le député de Saint-Jacques a manqué le débat parce qu'il vient d'arriver. On a fait tout ce débat.

M. Filion: Je lui en avais déjà parlé, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Est-ce que vous lui avez dit ce que j'ai dit hier? Est-ce que c'est possible? Vous êtes tellement prévoyant que...

M. Filion: Ce que vous avez dît hier, non...

M. Boulerice: Non, parce qu'hier on était...

M. Marx: Ce que j'ai dit aujourd'hui, vous le lui avez dit hier; cela revient à cela.

M. Filion: Écoutez, on travaille ensemble, on fait équipe assez facilement de notre côté.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Terrebonne, s'il vous plaît!

M. Blais: Ce qu'il a dit hier, je le lui ai résumé en quinze secondes.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre.

M. Marx: Je n'ai rien à ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Bélisle): D'accord.

M. Marx: Je pense que j'ai amplement expliqué pourquoi nous avons proposé cet amendement.

Le Président (M. Bélisle): Y a-t-il d'autres interventions sur l'article 357?

M. Filion: Oui. Je vais juste faire un commentaire concret.

M. Marx: On discute de cela depuis une heure maintenant. Cela devrait être assez pour vider la question. On peut commencer à se répéter et prendre une autre heure. Une heure pour discuter d'un article dont on a adopté - si je puis m'exprimer ainsi - le jumeau la semaine passée et cela continue, là.

M. Blais: M. le Président, je vais intervenir...

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Terrebonne, avec calme.

M. Blais: Je suis toujours très calme.

Le Président (M. Bélisle): C'est ce que j'ai toujours noté.

M. Blais: Je suis un homme des îles moi aussi. Je tiens à vous dire une chose: la longueur de temps pendant laquelle nous discutons du droit d'une personne à choisir son lieu de résidence, je ne crois pas que ce soit la longueur de temps pendant laquelle on en discute... Le principe est important. Je suis venu parce qu'un juge de mes amis m'a dit que cela s'en venait, sans le nommer. C'est pour cela que je suis venu aujourd'hui. Hier, le député de Taillon et moi avons discuté ensemble pendant au moins trois quarts d'heure de cette question; c'est pour cela que je suis ici aujourd'hui.

M. Marx: Interurbain ou local?

M. Blais: De toute façon, cela n'a rien à voir dans le droit de la personne. J'avais le droit de l'appeler localement ou par appel interurbain, selon la charte des droits.

Le juge qui voudrait venir acheter ma maison à Terrebonne parce qu'il est juge à Montréal, il ne le peut pas, supposons. C'est brimer quelqu'un d'une liberté primaire, en 1986. On est là pour dire que la liberté des gens... On est en train de mettre la Charte des droits et libertés dans ries lois. Le choix d'une résidence, c'est une liberté primaire qui est basée sur le jugement d'une personne. Je ne reviendrai plus à la charge parce que je ne peux pas vous ébranler. Je pensais que vous opiniez du bonnet tantôt en disant, au moins: On va y repenser, mais vous dites que non. Une heure pour parler des droits d'une personne... Cela met en cause le jugement même du sens des responsabilités d'un juge. On met en cause par cet article le jugement du sens des responsabilités d'un juge. Quand même! Je pensais que cela valait la peine d'insister. Si vous pensez que cela n'en vaut pas la peine, je vais clore, pour ma part, la discussion sur cet article.

Le Président (M. Bélisle): Une dernière intervention, M. le député de Taillon?

M. Filion: Peut-être la dernière, je ne le sais pas, M. le Président.

Le Président (M. Bélisle): D'accord.

M. Filion: Je suis convaincu que vous ne me posez pas cette question pour chercher à limiter nos débats.

Le Président (M. Bélisle): Je ne vous bâillonnerai jamais, M. le député.

M. Boulerice: On ne dit jamais jamais, M. le Président. (16 h 45)

M. Filion: Je remercie mon collèque, le député de Terrebonne, parce que tantôt je l'écoutais et cela me faisait penser à autre chose. Les députés ne sont pas obligés de demeurer dans leur comté. On n'a aucune obligation en vertu des lois qui nous gouvernent; pourtant, s'il y a une catégorie d'individus qui doivent être près de leur comté et surtout près de leurs électeurs, ce sont bien les députés.

M. Marx: C'est une proposition d'amendement des lois?

M. Filion: Laissez-moi terminer. Si on laisse aux députés le choix de leur résidence, c'est parce qu'on leur dit qu'ils sont assez intelligents pour demeurer là où ils veulent et qu'il y a une sanction tous les quatre ans; si un député ne demeure pas dans son comté, s'il demeure ailleurs ou peu importe, la population juge à tous les quatre ans et les députés font leur choix de façon responsable. C'est un jugement qui leur appartient. On n'oblige pas le premier ministre à demeurer à Québec ou à demeurer dans le comté de Bertrand, ou dans le comté de Saint-Laurent, ou dans n'importe quel autre comté. Alors donc, pourquoi demander cela aux juges? Le ministre n'a pas répondu à ma question en

ce qui concerne les juges résidents, cette expression que l'on entendait, jeunes avocats, et peut-être que vous-même l'avez entendue: juge résident. Mais je sais cependant que chez les juges ils s'organisent et ils savent bien qu'il y a des mandats de perquisition à signer et différents mandats à exécuter. Ils s'organisent entre eux. Ils font un rôle et il y a des juges en disponibilité, puis indépendamment du choix de résidence. Les juges s'organisent entre eux. Il y en a le samedi matin, le samedi après-midi, puis à la Cour des sessions de la paix toute la fin de semaine. Ce ne sont pas des êtres dénués du sens des responsabilités, bien au contraire. Pour revenir à ce critère de responsabilité, les juges le savent fort bien, de première main et de premier jugement, qu'ils doivent assurer une présence judiciaire indispensable en certains cas. Il n'y a pas besoin de leur dire où demeurer; ils s'organisent entre eux.

Troisièmement, j'attire l'attention du ministre, encore une fois, sur les distinctions qu'il y a. À l'article 32, on parle des juges de la Cour supérieure et je comprends que les décrets nommant les juges à la Cour supérieure sont des décrets provenant du cabinet des ministres du gouvernement canadien, alors que les juges provinciaux sont nommés ici, à Québec, par le gouvernement du Québec. Par contre, quand on lit l'article 32, on s'aperçoit que l'obligation de résidence n'existe pas seulement pour les juges en chef, mais également pour les juges ordinaires. Par exemple, au troisième paragraphe de l'article 32, pour les juges de la Cour supérieure, je lis: Les juges de la Cour supérieure sont nommés pour les divers districts du Québec comme suit: 3° Pour les districts de Mégantic et de Saint-François, avec résidence dans la ville de Sherbrooke, ou dans le voisinage immédiat de cette ville, trois juges; alors qu'à l'article 81, qui concerne la Cour des sessions de la paix, l'obligation de résidence n'existe que pour les juges qui ont des fonctions administratives.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Saint-Jacques.

M. Filion: Alors, pour terminer...

Le Président (M. Bélisle): Excusez-moi, M. le député de Taillon.

M. Filions D'accord.

Le Président (M. Bélisle): Je pensais que vous aviez fait une pause.

M. Filion; J'avais effectivement fait une pause pour vérifier l'article 130 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Cela va encore plus loin. J'attire votre attention sur l'article 130, M. le Président. Les juges de la Cour provinciale doivent résider dans les districts ou l'un des districts pour lesquels ils ont été nommés... Et cela va encore plus loin. Sûrement que l'examen de l'article J30 va venir... Je ne sais pas comment il se fait que cela ne fait pas partie du projet de loi 92, parce qu'ici il n'est pas du tout question du voisinage immédiat. Dans l'article 130, on parle des juges ordinaires de la Cour provinciale qui doivent résider dans les districts ou l'un des districts pour lesquels ils ont été nommés et aux endroits qui leur sont assignés par le gouvernement. Donc, c'est le décret qui doit dire "voisinage immédiat", j'ai l'impression.

Donc, cela règle la question des distinctions. Mais, malgré l'absence de distinction entre les juges de la Cour supérieure et les juges de la Cour provinciale, il demeure que les représentations du député de Terrebonne, celles du député de Saint-Jacques qui viendront d'ici peu et les miennes, qui s'inscrivent, M. le ministre, carrément dans le même esprit de collaboration qui a marqué l'ensemble de nos travaux, vous justifieraient de demander de suspendre ces articles. On a un organisme privilégié de consultation, c'est la Conférence des juges, mais c'est également pour y apporter la réflexion qui découle de l'ensemble de nos commentaires. Vous savez qu'on a déjà plusieurs articles qui ont été suspendus pour la même raison. Si vous étiez disposé, dans ce cas-ci, à réexaminer cette question-là à la lueur des arguments et, peut-être, des consultations qui pourraient être menées... Je dois vous dire que, dans mon cas également, M. le ministre, il y a déjà un juge qui m'a parlé de cela. Je ne dis pas récemment, je ne dis pas non plus que c'est à la lueur des articles qu'on étudie, mais j'ai déjà été sensibilisé à cette question par des juges. Il y a un juge en particulier qui me revient à l'esprit et qui a...

M. Marx: Pour le juge qui vous a parlé, dans le décret, c'était dans le voisinaqe immédiat. C'était cela: Dans le voisinage immédiat.

M. Filion: Oui, le voisinage immédiat. M. Marx: Vous avez...

M. Filion: Pour le voisinage immédiat, il avait son problème d'interprétation de ce que cela voulait dire, évidemment, seule la jurisprudence peut éclairer nos textes de loi lorsqu'ils sont adoptés. C'est cela qui est le problème. Une fois qu'on a fini notre travail, ces textes de loi ne nous appartiennent plus. Ils doivent être appliqués en vertu de nos rèqles de lois et de jurisprudence. En ce sens-là, M. le ministre, j'ai remarqué votre esprit conciliant depuis le début des travaux. J'y fais appel encore une fois pour que nous

puissions examiner cela, sans quoi nous devrons carrément enregistrer, M. le Président, notre division sur l'adoption de cet article et, également, je dois demander la permission des membres de cette commission pour réviser mon vote sur l'article précédent.

Le Président (M. Bélisle): D'une part, je décèle une demande de suspension, M. le ministre?

M. Marx: Non, mais sur division. Entre les deux...

Le Président (M. Bélisle): Sur division. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: C'est cela. Je voulais aussi faire appel au député de D'Arcy McGee, où j'avais le plaisir d'être, entre parenthèses, vendredi soir, et je vous dis que personne ne m'a parlé, d'ailleurs, de votre lieu de résidence. Je pense que la notion de résidence est pertinente. Je vois que vous essayez de réprimer un sourire, mais je...

M. Marx: J'espère que vous n'avez pas l'intention de vous présenter contre moi aux prochaines élections, étant donné que vous étiez dans D'Arcy McGee.

M. Boulerice: Vous savez que cela a failli arriver. Vous vous en êtes bien tiré. Je ne me suis pas présenté.

M. Marx: Cela commence à me faire "shaker" ici.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: II y en a qui ont des instincts suicidaires.

M. Marx: Je vais écouter.

M. Boulerice: Chaque parti a son D'Arcy McGee. J'ai celui du Parti québécois qui est Saint-Jacques, en termes de force et d'adhésion.

Cela étant dit, je pense que ce n'est pas le sujet de notre discussion. C'est la résidence. Effectivement, M. le ministre, je crois qu'on n'exige pas des députés, qu'on n'exige pas d'un premier ministre - et, souvent, il a l'appellation de premier magistrat - ce qu'on exige des juges quant à la résidence. Il y a un autre exemple très éclatant de cela. Dans le domaine de l'aide sociale et de la santé, vous avez la notion de médecin résident. Cela ne sous-entend pas, quand vous êtes médecin résident dans un hôpital - je peux vous donner l'exemple de Saint-Luc - d'avoir à interpréter si je suis dans le voisinage immédiat de l'hôpital. À ce moment-là, ce serait la rue Dorchester, la rue Saint-Denis, ou plus loin, sans doute, la rue Delorimier. Au contraire, on est médecin résident de Saint-Luc parce qu'on a une appartenance médicale à Saint-Luc, mais on a sa résidence là où cela nous plaît. Cela peut être Saint-Bruno, cela peut être Côte-Saint-Luc, d'ailleurs, cela peut même être Hamstead...

M. Marx: Abitibi.

M. Boulerice: Cela pourrait être en Abitibi, mais il y a des exigences de résidence qui ne vont pas aussi précisément que celle qui est imposée aux juges. Vous savez qu'un médecin aussi pose des jugements. Cela prend une autre appellation, cela s'appelle un diagnostic. Un diagnostic, c'est un jugement médical que l'on porte avec une sentence aussi qui peut s'appeler un pronostic, à ce moment-là, mais il n'y a pas cette exigence-là. Je reviendrai effectivement à la suggestion que je vous faisais tantôt de suspendre cet article qui n'a aucun caractère d'urgence, à mon point de vue, pour qu'on puisse interroger la Conférence des juges, ou en tout cas que vous le fassiez, pas nécessairement la commission comme telle, pour avoir leur point de vue. Je vous le répète, ils ne vous en ont peut-être pas parlé collectivement lorsque vous les avez rencontrés parce qu'il y a d'autres problèmes, entre parenthèses les procureurs de la couronne; ils sont peut-être intéressés par cela. Ce n'était peut-être pas une priorité de discussion, comme je vous le disais tantôt, sauf que rien ne nous empêche de dire maintenant que ce n'est pas une préoccupation qu'ils ont et qu'ils vous exprimeraient spontanément. Vous seriez donc sans doute beaucoup mieux préparés à ce moment-là à porter un jugement, c'est-à-dire à inclure un article dans une loi avec toutes les justifications nécessaires; je ne crois pas qu'on les ait au moment où on se parle. Et je pense que nous souhaitons mutuellement, n'est-ce pas, M. le ministre, avoir ces justifications avant d'aller vers une loi. En tout cas, je fais appel à nouveau à cette coutumière bonne volonté que vous avez, à ce souci de la consultation et cet esprit de justice qui vous a toujours animé et je vais vous demander de suspendre cet article-là pour que vous puissiez vous-même, avec notre concours si vous le souhaitez - or» est disponibles, on est toujours portés spontanément à vous aider - voir cela. On pourra revenir au moment opportun mais, cette fois, avec une opinion émise par les principaux intervenants.

Le Président (M. Bélisle): Dernière intervention du député de Terrebonne, d'après ce que vous m'avez confirmé.

M. Blais: Oui, j'ai fait une dernière intervention tantôt pour dire d'enlever cet

article, ce que le ministre ne semble pas vouloir faire. Je vais faire une dernière intervention pour lui demander de suspendre cet article pour qu'il le regarde, pour le laisser réfléchir, afin qu'il sache le sens social des juges, leur sens des responsabilités et aussi le sens de jugement des juges sur le choix de leur résidence. De fait, cet article présume que les juges n'ont pas assez de jugement pour décider où résider; c'est curieux quand même comme article. Je répète que cet article présume qu'un juge qu'on nomme pour porter des jugements n'a pas assez de jugement personnel pour juger où établir sa résidence; il y a quelque chose qui est pour le moins loufoque dans cet article. De ce fait, et à cause principalement de cette dernière phrase, je demande à M. le ministre de suspendre cet article pour réflexion.

Le Président (M. Bélisle): Est-ce que l'article 357 est suspendu?

M. Filion: M. le Président, juste avant qu'on passe au vote, le ministre de la Justice le sait, je n'ai pas déposé d'amendement depuis le début de l'étude de notre projet de loi. J'en ai un devant moi qui vise à abroger le deuxième alinéa de l'article 81 de ta Loi sur les tribunaux judiciaires. Étant donné les conséquences de ce deuxième alinéa et les conséquences de l'amendement que je pourrais déposer sur, notamment, les articles 32 et 130 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, je ne voudrais pas que le dépôt de cet amendement provoque une nouvelle étude de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ma demande va véritablement dans le sens de celle formulée par le député de Terrebonne pour éviter cette procédure. Est-ce que le ministre ne consentirait pas à délibérer? Les juges le font, eux, ils délibèrent parfois plusieurs journées avant de prendre des décisions, plusieurs semaines dans certains cas, plusieurs mois, même, dans d'autres cas. Est-ce qu'on ne pourrait pas à notre tour, M. le ministre, comme législateurs, prendre quelques jours pour délibérer sur la résidence des juges? Je pense qu'ils méritent peut-être, M. le juge... Pardon, M. le Présidentl

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Boulerice: Vous voyez, on n'est jamais garant de l'avenir, n'est-ce pas?

M. Filion: Vous n'avez pas encore été nommé.

M. le Président, je pense que cette catégorie de citoyens mérite que les réflexions des législateurs... Je parle de nous qui avons la responsabilité, comme députés... Je pense au député de Marquette, au député de Saint-Louis et à vous, M. le Président, à mon collègue le député de Terrebonne et au député de Saint-Jacques,, qui ont suivi ce débat. Ils méritent qu'on délibère à notre tour sereinement sur les points de vue qui ont été apportés et sur les conséquences non pas uniquement de la lettre de la charte mais également de son esprit.

Combien d'amendements n'avons-nous pas adoptés ensemble en cette commission, M. le ministre, qui découlent de l'esprit de la charte des droits? Combien d'amendements? Ils sont nombreux les amendements que nous avons ensemble décidé d'adopter, alors que ce n'est pas, encore une fois, la lettre même de la charte qui est en cause, mais, dans certains cas, c'est l'esprit.

Nous avons été particulièrement minutieux, depuis le début de nos travaux, afin de protéger toutes les catégories de citoyens de la société, premièrement pour qu'ils soient véritablement égaux et, deuxièmement, pour leur permettre l'expression la plus grande possible de leur liberté fondamentale. Dans ce sens, je pense que ma requête n'est pas farfelue, M. le ministre, loin de là. Je croirais que vous pourriez, dans ce cas-ci, encore une fois, faire preuve de cet esprit que vous avez démontré au cours de toutes les années durant lesquelles vous avez siégé dans l'Opposition.

Si c'était le seul article qui devait être suspendu, je dirais: Ce n'est pas drôle, le ministre désire se prononcer maintenant. Mais, étant donné que plusieurs articles ont déjà été suspendus, environ 45 articles, mon Dieu! cela en fera 46 ou 47, c'est tout. Quand on se reverra à la fin de la commission, à ce moment-là, ayant réfléchi à cette question et l'ayant fait mijoter, notre jugement ne pourra que s'en trouver amélioré.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Bélisle): Oui, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Je peux vous assurer que j'ai eu le temps de réfléchir à ces articles étant donné qu'on a adopté l'article 356 la semaine dernière. Donc, j'ai eu une semaine pour réfléchir. J'ai réfléchi et je n'ai pas besoin de plus de temps pour réfléchir. On peut adopter cet article sur division, comme l'avait auparavant sugqéré le député de Taillon. S'il veut revenir sur l'article 356 pour l'adopter sur division aussi, je n'ai' pas d'objection.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon.

M. Filion: Ce ne sera pas long.

Le Président (M. Bélisle): Est-ce qu'on

peut suspendre pour deux minutes? M. Filion: Oui, peut-être. Le Président (M. Bélisle): Cela va?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bélisle): Nous suspendons les travaux de la commission pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Bélisle): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous recommençons les travaux de la commission. M. le député de Taillon, vous avez une proposition d'amendement à formuler?

M. Filion: Oui, à formuler. Étant donné les opinions qui ont...

M. Marx: Est-ce qu'il peut amender notre amendement? Il y a déjà un amendement, M. le Président.

Le Président (M, Bélisle): II y a une modification proposée.

M. Marx: On n'a pas disposé de cet amendement...

M. Filion: II n'y a pas d'amendement à la modification. Il y a un projet de loi, c'est tout.

Le Président (M. Bélisle): Non, M. le ministre, ce n'est pas un amendement au sens du texte qui est ici. Je comprenais très mal, je n'ai vu aucun papillon se poser sur ma table. Ce n'est pas un amendement, en aucune façon. Modification proposée à la Loi sur les tribunaux judiciaires. M. le député de Taillon, quel est votre amendement?

M. Filion: M. le Président, comme j'avais commencé à le dire tantôt, l'amendement est le suivant: "L'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires est modifié par la suppression, au premier alinéa, des mots "avec résidence à Québec ou à Montréal, selon qu'il le détermine".

Maintenant, pour la bonne compréhension de l'amendement que nous déposons, selon le sort que connaîtra cette motion d'amendement, mais si elle devait Être acceptée comme je le présume, il y aurait lieu également de modifier le deuxième alinéa de l'article 81. Il y aurait lieu de modifier également l'article 32 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, ainsi que l'article 130 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, et je m'explique.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon, je vous arrête. Je veux que vous me déposiez votre amendement écrit.

M. Filion: Je viens de vous le lire.

Le Président (M. Bélisle): Vous voulez le donner à Mme la secrétaire, s'il vous plaît?

M. Filion: Oui.

Le Président (M. Bélisle): Je vais faire lecture de votre amendement. L'article 81, et bien entendu c'est le nouvel article 357 du projet de loi qui se lirait ainsi - c'est bien cela?

M. Filion: Oui, c'est sûr.

Le Président (M. Bélisle): L'article 81 de cette loi est modifié par la suppression, au premier alinéa, des mots "avec résidence à Québec ou à Montréal, selon qu'il le détermine". Est-ce bien là le contenu de votre amendement?

M. Filion: C'est cela.

Le Président (M. Bélisle): C'est bien cela. Il n'y a pas d'autre chose à ajouter?

M. Filion: Oui, j'allais tantôt expliquer l'amendement.

Le Président (M. Bélisle): Je n'en suis pas là, M. le député de Taillon. Sur l'amendement, tel que formulé, y a-t-il d'autre chose à ajouter ou est-ce que c'est votre amendement tel qu'il est?

M. Filion: C'est l'amendement.

Le Président (M. Bélisle): C'est votre amendement. Voici. Exceptionnellement, et compte tenu de la coutume en commission parlementaire... Je vous lis l'article 198 de notre règlement qui dit: "Tout amendement doit, au moment où il est proposé, sur motion sans préavis, être transmis au président." Ce que nous venons de faire. "Celui-ci décide de sa recevabilité." Le président n'est pas obligé, en vertu de notre règlement, d'entendre les parties sur la recevabilité ou la non-recevabilité d'un tel amendement. Étant donné que la coutume existe, je vais permettre à un intervenant de chaque côté de s'exprimer sur la recevabilité de cet amendement. Vous avez la parole, M. le député de Taillon.

M. Filion: J'aimerais bien qu'on me dise le contraire. En quoi cet amendement peut-il

être irrecevable?

Le Président (M. Bélisle): Je ne vous ai pas dit qu'il était irrecevable. Vous présumez de ma décision. Je vous expose, M. le député de Taillon, conformément au règlement, que je vous donne l'occasion d'intervenir sur la recevabilité, parce que je dois juger de sa recevabilité. Je donnerai également la même occasion à un député du parti ministériel ou è M. le ministre de la Justice de nous exposer ses vues sur la recevabilité de cet amendement. Par la suite, après avoir entendu les deux parties, je jugerai de la recevabilité et après, si l'amendement est recevable, il y aura discussion sur l'amendement.

M. Filion: M. le Président, je vous suis bien, on en est à l'étape de la recevabilité et quant à moi, cette motion d'amendement est tout à fait conforme à nos règles. S'il y a des gens qui croient autour de la table que la motion n'est pas recevable, j'aimerais bien qu'on me dise en quoi. À ce moment-là, je pourrais vous expliquer en quoi ces arguments ne trouvent pas fondement.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon, vous comprendrez que je n'accepterai pas une telle façon de faire. Vous allez, vous, exposer au départ, les motifs pour lesquels votre motion d'amendement est recevable. J'écouterai le ministre de la Justice ou un autre parlementaire qui voudra peut-être me démontrer qu'elle n'est pas recevable, conformément à toute la procédure qui existe dans notre système, et je rendrai ma décision.

M. Filion: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M- Bélisle): On ne fera pas à l'inverse...

M. Filion; Si quelqu'un autour de la table, un membre de la commission, vous dit que l'amendement n'est pas recevable parce qu'il est écrit en langue chinoise et qu'on ne le comprend pas, à ce moment-là, je répliquerais à son argument, mais je ne peux pas vous expliquer maintenant en quoi l'amendement est recevable s'il n'y a pas quelqu'un autour de la table qui en conteste la recevabilité en me donnant ses arguments, parce que... Laissez-moi terminer, M. le Président. L'amendement est tout à fait conforme à nos règles a priori. Il est tout à fait conforme aux règles qui gouvernent nos activités en commission, comme aux rèqles qui gouvernent nos activités à l'Assemblée nationale. Je ne peux pas vous dire: premièrement, il est écrit en français; deuxièmement, il ne modifie pas les 380 articles et quelque projet de loi. Je ne sais pas en quoi on pourrait s'opposer a la recevabilité de l'amendement que je dépose. Je ne peux pas répondre à votre question et prendre le temps de cette commission pour échanger avec vous sur la langue française qui est convenue dans l'amendement que j'ai déposé. Vous comprenez ce que je veux dire? En deux mots, j'aimerais bien que, dans votre esprit ou dans celui des membres de la commission qui s'opposent à la recevabilité, l'on me dise en quoi il est irrecevable.

Le Président (M. Bélisle): Je note, M. le député de Taillon, que, selon vous, bien entendu, l'amendement est recevable. Ce sont vos commentaires. Est-ce que quelqu'un voudrait intervenir sur la non-recevabilité de cet amendement?

M. Doyon: M. le Président.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Très rapidement, M. le Président. Je ferai valoir, à l'encontre des prétentions du parrain de la motion, que cet amendement change totalement le fond de l'article. Il est du propre d'un amendement de modifier un article en lui qardant sa vocation première, son sens premier. Dans les circonstances, M. le Président, si vous considériez cet amendement recevable, cela aurait pour effet de changer totalement ce que le ministre de la Justice a voulu faire. Le ministre de la Justice a voulu assouplir. Ce n'est pas une question de deqré, c'est une question de nature des choses. La différence est aussi forte entre permettre selon certaines conditions et défendre. À titre d'exemple, je vous ferai valoir les pouvoirs des municipalités en ce qui concerne le zonage. Elles peuvent permettre, selon certaines conditions, certains établissements commerciaux ou industriels, etc., mais elles ne peuvent pas les défendre totalement sur leur territoire, par' exemple, et les cours se sont pronocées là-dessus. Il y a là une différence de nature. Ce que le député de Taillon propose par son amendement est totalement contraire à l'article que l'on a devant nous et qu'il modifie. C'est une différence de fond, c'est une différence dans la nature même des choses. On ne peut pas, dans les circonstances, procéder par amendement si l'on veut agir de cette façon. L'amendement n'est tout simplement pas recevable, M. le Président, Je sais que votre sens juridique va prévaloir dans ce sens et que vous allez y voir, de la même façon que je le vois, une différence fondamentale dans la nature des choses.

En passant, voyant que mon collègue de Taillon lève la main, je souligne qu'il avait toute l'occasion - et vous en aviez décidé ainsi - de faire valoir son point de vue sur

la recevabilité. Il s'est contenté de vous dire qu'il est recevable parce qu'il est recevable. M. le Président, je me suis prévalu de mon droit de vous exposer le côté contraire des choses. J'espère que vous voudrez bien décider en fonction des arguments que je vous fais valoir, avec tout le respect qui est dû à tout le monde.

Le Président (M. Bélisle): Merci, M. le député de Louis-Hébert.

M. Filion: M. le Président.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon, bien entendu, je vais vous accorder votre droit de parole même si je vous avais déclaré au départ... C'est la façon de procéder dans toute cour de justice. Dans tout exposé... Laissez-moi terminer, M. le député de Saint-Jacques. Dans toute façon de présenter une motion de recevabilité ou de non-recevabilité, que ce soit en assemblée délibérante, en vertu de n'importe quel code de procédure, ou que ce soit dans une cour de justice, il y a toujours une partie qui présente la recevabilité et une partie qui présente la non-recevabilité, et non dans l'ordre inverse. Cela ne se passe jamais comme cela ailleurs au Québec, mais, étant donné que la présidence est très réceptive, nous allons vous accorder, M. le député de Taillon, l'occasion une dernière fois d'expliquer la recevabilité de votre proposition d'amendement. Je vous écoute, M. le député de Taillon.

M. Blais: M. le Président, une directive.

Le Président (M. Bélisle): Oui, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je veux vous demander tout simplement ceci, parce que les procédures, je ne connais pas tellement cela, je me plie toujours à ce que mon président dit et c'est ce que je vais faire encore aujourd'hui. Mais je trouve cela très curieux et je vous demande une explication. Comment un président peut-il demander à quelqu'un qui propose un amendement de justifier avant contestation que l'amendement proposé est recevable? J'ai bien l'impression que quelqu'un qui propose un amendement présume, par sa présentation, de sa recevabilité. Alors là,...

Le Président (M, Bélisle): M. le député de Terrebonne, je suis assuré que vous-même, ayant une longue expérience parlementaire, avez eu l'occasion de regarder très attentivement les articles 197 et 198 et de vivre de nombreux précédents à cet égard. Alors, étant donné que j'ai répondu à votre directive, j'aimerais maintenant entendre M. le député de Taillon sur la recevabilité de sa motion d'amendement. M. le député de Taillon.

M. Filion: M. le Président, je serai bref. Les articles qui nous concernent actuellement, ce sont les articles 196, 197 et 198. Premièrement, l'article 196 dit: "Sauf disposition contraire, toute motion de fond peut être amendée."

Une voix: Là, cela va.

M. Filion: Je pense que c'est suffisamment clair pour vous éclairer. L'article 197: "Les amendements doivent concerner le même sujet que la motion et ne peuvent aller à rencontre de son principe. Ils ne visent qu'à retrancher, à ajouter ou à remplacer des mots." Ce que je dépose devant vous, c'est une motion d'amendement... Pardon?

Une voix: Pas du tout.

M. Filion: C'est une motion d'amendement à l'article...

Le Président (M. Bélisle): 357.

M. Filion: ...357 du projet de loi 92.

Le Président (M. Bélisle): C'est bien. J'avais compris.

M. Filion: C'est un amendement qui s'inscrit tout à fait dans l'ordre... D'ailleurs, vous avez entendu le débat depuis une heure, on est en train de parler de la résidence des juges. Ce n'est pas une motion qui vise autre chose que ce que l'on débat depuis une heure. Mon amendement vise a retrancher l'obligation de résidence pour les juges de la Cour des sessions de la paix. Je vais en avoir d'autres par la suite pour les autres catégories de juges.

On ne peut pas être plus à point et déclarer irrecevable à ce stade-ci ma motion d'amendement. Ce n'est pas une motion d'amendement sur la motion d'amendement -c'est peut-être important d'attirer votre attention là-dessus - on dépose une motion d'amendement sur l'article 357 du projet de loi devant nous. C'est l'endroit unique où cela peut se faire. Mais c'est là-dessus que j'attire votre attention, parce qu'il y a une partie d'argumentation de mon collègue, le député de Louis-Hébert, qui portait sur si on devait amender l'amendement, mais ce n'est pas du tout le but de la motion d'amendement que j'ai déposée devant vous.

Le Président (M. Bélisle): J'ai une question à vous poser, M. le député de Taillon, pour bien vous saisir. Si votre amendement n'était pas pour amender l'article 357, ce n'est pas un amendement...

M, Filion: L'article 357, c'est un projet de loi que l'on étudie. On n'étudie pas l'article 81 ici aujourd'hui, on étudie l'article 357. C'est le projet de loi que l'on étudie; ce n'est pas la loi qui est modifiée par le projet de loi 92. C'est l'article 357 du projet de loi 92 que l'on étudie.

Le Président (M. Bélisle): Vous ne m'éclairez toujours pas, M. le député de Taillon. Si ce n'est pas un amendement, qu'est-ce que c'est? (17 h 30)

M. Filion: Ce que je dépose? C'est un amendement au projet de loi.

Le Président (M. Bélisle): C'est un amendement à l'article 357.

M. Filion: Absolument.

Le Président (M. Bélisle): D'accord. J'ai bien compris. Continuez, M. le député de Taillon.

M. Filion: C'est un amendement à l'article 357 qui tombe en plein dans le cadre du sujet. Si cette motion est irrecevable, M. le Président, je me demande ce qu'on fait ici. C'est tout le propos de notre commission d'étudier article par article, d'amender, d'améliorer, de soustraire, etc. On a entendu le ministre de la Justice qui a dit: Là, on essaie d'agrandir l'obligation de résidence pour les juges. C'est bien clair - je tombe un peu sur le fond, mais c'est pour vous permettre de comprendre - c'est bien clair qu'avec mon amendement on vient étendre davantage la liberté de résidence. En ce sens-là, cela s'inscrit parfaitement bien dans notre débat. Avant de le déclarer irrecevable, je croirais que vous devriez... C'est le seul endroit où on peut le faire, je présume. C'est tout à fait clair dans mon esprit que la motion d'amendement est parfaitement recevable. Si vous voulez me laisser deux secondes...

Le Président (M. Bélisle): Pour une consultation privée.

M. Filion: ...pour consultation, je vais peut-être vous apporter des arguments additionnels pour vous faciliter le travail, M. le Président.

Le Président (M. Bélisle): J'écoute attentivement tout ce qu'on me dit.

M. Marx: Je vais faire du rattrapage sur mes lectures obligatoires pour vous faire épargner beaucoup de temps.

M. Filion: Est-ce que je peux me permettre, M. le Président...

Le Président (M. Bélisle): Oui, M. le député de Taillon.

M. Filion: ...d'ajouter que, n'étant pas procédurier de nature - n'est-ce pas? - l'article 244 de nos règles m'avait échappé? Mais, avec...

Le Président (M. Bélisle): Je vais vous écouter, M, le député de Taillon.

M. Filion: ...votre permission, je vais vous le dire: "La commission - c'est nous -saisie étudie chaque article du projet de loi et les débats portent sur les détails du projet." On est dans les détails du projet. "Les amendements doivent se rapporter à son objet - je disais tantôt qu'on ne pouvait pas être plus dans l'objet de l'article 357 qu'avec ma motion - et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise." Alors, on est en train d'examiner la portée de la charte des droits sur l'obligation de résidence qui fait partie de la liberté fondamentale que constitue la liberté définie à l'article 1 et qui est la liberté de la personne. Peut-être que vous pouvez me laisser réfléchir encore et j'aurai des arguments additionnels.

On me souligne également, M. le Président, la tradition et une interprétation large de l'article 244, sinon nos travaux seraient inutiles. Tous les travaux de la commission seraient inutiles parce qu'on cherche à modifier, à étudier article par article. C'est le but de la procédure qui est enclenchée par les articles 243 et suivants. Je ne finis pas de consulter, mais pour autant que...

Le Président (M. Bélisle): Vous êtes toujours en consultation permanente, M. le député de Taillon?

M. Filion: Les principes dont il est question ici à l'article 244, ce sont les principes du projet de loi. Les principes du projet de loi, comme je vous l'ai expliqué, c'est l'application de la charte à chacune des lois que nous étudions. C'est ce principe qui est important. Le principe n'est pas nécessairement celui qui est contenu à tel ou tel article, c'est le principe de l'ensemble du projet de loi. Le principe de l'ensemble du projet de loi - je vous réfère aux notes explicatives - cherche à rendre compatibles les articles 1 à 38 de la charte des droits avec un ensemble de dispositions législatives. Enfin, M. le Président, vous me laissez beaucoup parler, mais je ne suis pas convaincu que vous avez saisi, dès le début, cette argumentation.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, faisant

appel à votre sens des proportions, je vous ferai valoir que les arguments du député de Taillon doivent être considérés dans leur véritable perspective et, dans ce sens, j'attire votre attention sur le fait que l'article que nous étudions et pour lequel un amendement est soumis est un article qui, quand on le regarde, oblige à faire quelque chose, c'est-à-dire d'habiter un endroit ou son entourage immédiat. L'amendement du député de Taillon ne modifie pas cela, il enlève l'obligation. C'est dans ce sens que son amendement est totalement irrecevable puisque, contrairement à ce que veut l'article que nous étudions qui est de faire une obligation de faire quelque chose, l'amendement tel que proposé par le député de Taillon enlève totalement cette obligation, il la fait disparaître. Dans ce sens, il n'amende pas. Il ne dit pas que quelqu'un peut demeurer dans le voisinage immédiat ou dans un autre endroit qu'on pourrait déterminer, dans une ville voisine. Cela serait un amendement recevable, M. le Président, en ce sens qu'il modifierait l'obligation initiale qui est là. L'amendement du député de Taillon fait sauter l'obligation. Ce n'est plus un amendement, il n'amende plus, c'est une proposition qui va contre l'article de la loi lui-même. Si vous l'acceptiez, M. le Président, non seulement vous seriez dans l'erreur, ce que je suis sûr que vous ne tenez pas à faire, mais vous iriez à ('encontre....

M. Blais: M. le Président est dans l'erreur.

Le Président (M. Bélisle): M. le députe de Terrebonne, je vous en prie, la présidence n'est jamais dans l'erreur!

M. Doyon: ...de ce que le ministre a voulu faire. Le ministre a voulu faire une obligation de faire quelque chose. Il n'a pas voulu enlever l'obligation. Ce n'est pas ce qu'il a voulu faire et c'est pour cela que l'amendement est irrecevable.

Le Président (M. Bélisle): Je vous remercie de vos commentaires. M. le député de Taillon, encore une fois.

M. Filion: M. le Président, étant donné plusieurs facteurs que je n'énumérerai pas mais notamment les conséquences de votre décision sur le bon déroulement de nos travaux, s'il devait subsister quelque doute dans votre esprit sur la parfaite recevabilité de cet amendement, est-ce que je peux me permettre de vous suggérer de faire ce que d'autres présidents ont fait avant vous, notamment celui qui vous parle, et de prendre avis auprès des conseillers en droit parlementaire qui sont là justement pour éclairer nos lanternes dans les cas difficiles?

Si je le suggère c'est parce que je n'ai absolument aucun doute sur la recevabilité de l'amendement que je vous ai proposé.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon, président de la commission, je suis assuré que la décision que je m'apprête à rendre, après avoir discuté avec quelques personnes autour de moi tantôt et après avoir fait une lecture attentive d'une décision qui n'entraînera aucun obstacle aux travaux de la commission comme vous semblez me le suggérer, sera prise en toute impartialité en fonction de mon interprétation, à bon ou â mauvais droit, de ce que je lis dans le règlement et de la phraséologie exacte de votre proposition d'amendement. Veuillez croire que cela sera fait dans une totale impartialité.

Étant donné que j'ai entendu les deux groupes parlementaires sur cette recevabilité, la présidence se prononce de la façon suivante. À la lecture de l'article 244 du règlement, bien entendu, les débats en commission portent sur les détails du projet de loi dans un cadre large, mais la proposition d'amendement du député de Taillon a pour but, et je lis, de modifier l'article 357 - parce que ce sont bien les termes utilisés, il s'agit d'un amendement à l'article 357 du projet de loi 92, tel que présenté - par la suppression, au premier alinéa de l'article 81 de la Loi des tribunaux judiciaires...

M. Filion: Au premier alinéa.

Le Président (M. Bélisle): Premier alinéa, c'est bien ce que j'ai dit, je n'ai pas parlé du deuxième alinéa, j'ai parlé du premier alinéa... des mots, à la fin, "avec résidence à Québec ou à Montréal, selon qu'il le détermine". Or l'article actuel, l'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires se lit ainsi: "Le gouvernement peut nommer un juge en chef de la Cour des sessions de la paix avec résidence à Québec ou à Montréal, selon qu'il le détermine." Donc, la proposition d'amendement présentée par le député de Taillon permet au gouvernement de nommer un juge en chef, mais sans aucune réserve d'autorité quant à l'établissement du lieu de résidence à Québec ou à Montréal, que ce soit par décret ou par une autre voie de nomination. Je pense que la présidence comprend très bien la nature de l'amendement.

On lit à l'article 197: "Les amendements doivent concerner le même sujet que la motion et ne peuvent aller à l'encontre de son principe. Ils ne visent qu'à retrancher, à ajouter ou à remplacer des mots." C'est aussi, bien entendu, en vertu de l'article 198 que je rends la présente décision sur la recevabilité de la proposition d'amendement du député de Taillon.

Lorsque le législateur a parlé de

l'obligation de respecter le principe de ce qui est proposé dans un projet de loi, je dois dire que la proposition d'amendement, telle que formulée, qui est un amendement à l'article 357, ne représente pas un amendement à l'article 357, car l'article 357, tel que rédigé, du projet de loi 92 ne touche pas au premier alinéa de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Mais l'actuel article 357 du projet de loi 92 vise à modifier, par l'insertion après le deuxième alinéa, c'est-à-dire après le deuxième alinéa de l'article 81 actuel, un autre article qui se lit comme suit: "Le juge en chef, le juge en chef associé et le juge en chef adjoint peuvent établir leur résidence dans le voisinage immédiat de la ville qui leur est respectivement assignée suivant le présent article." Premier motif pour lequel je juge la proposition d'amendement non recevable: c'est parce que ce n'est pas un amendement à l'article 357 du projet de loi 92 tel que présenté dans le projet de loi.

Bien plus, il y a un second motif, c'est que la proposition d'amendement formulée par le député de Taillon va à l'encontre du premier alinéa et du principe contenu au premier alinéa - je m'excuse, M. le député de Taillon, c'est mon opinion - de l'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, qui est à l'effet de conserver une réserve d'autorité pour le gouvernement en place de nommer un juge en chef de la Cour des sessions de la paix, selon que le gouvernement le détermine, avec discrétion, avec résidence à Québec ou à Montréal. L'objet de la proposition d'amendement est justement d'enlever cette réserve d'autorité au gouvernement en place. Donc, de changer, à toutes fins utiles, l'exercice de la discrétion de l'autorité gouvernementale.

Pour ces motifs, je considère que la proposition d'amendement présentée par le député de Taillon n'est pas recevable.

M. Filion: En toute déférence, comme on dit devant les tribunaux, M. le Président, les principes qui sont visés par le projet de loi 92 sont les principes contenus au projet de loi 92 et sont les objectifs de la loi. Les objectifs de la loi, ce n'est pas l'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Quand nous examinons, en toute déférence encore une fois... Mais l'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, c'est dans le cadre de l'ensemble de l'examen des dispositions législatives. C'est évident que chaque article contient toujours des principes. Si nous ne pouvons pas, encore une fois, en toute déférence, il y a un autre amendement que je vais vous déposer...

Le Président (M. Bélisle): Je n'ai pas dit, monsieur...

M. Filion: Je ne veux pas en appeler de votre décision, il n'y a pas d'appel. Mes commentaires ne visent pas à vous faire changpr de décision, vous l'avez déjà rendue. Je vous soumets, encore une fois, que chaque article contient des principes. Si vous ne permettez pas d'amendement aux principes de chacun des articles, à ce moment on fait un exercice en commission parlementaire qui est tout à fait inutile. (17 h 45)

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon, vous devez comprendre la distinction entre un amendement à un article contenu dans le projet de loi 92 et une proposition d'amendement visant ce qui n'est pas visé au projet de loi 92. Je vous donne un exemple, et vous allez très bien saisir. Prenez le troisième paragraphe de l'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Supposons que vous soyez en désaccord avec la période de nomination de sept ans pour les juges, que vous considériez que cela limite la liberté individuelle de se faire nommer seulement pour un certain nombre d'années, que vous m'arriviez avec une proposition d'amendement et que rien dans l'article 357 ne parle de cela, je déclarerais votre proposition d'amendement totalement irrecevable pour les mêmes motifs.

Je pense que vous avez très bien compris la distinction à faire. Je n'ai pas à rendre de décision sur d'autres propositions d'amendement, car je n'en ai pas d'autres présentement, mais celle qui m'a été formulée n'est pas recevable. C'est ma décision. M. le député de Taillon, si vous n'avez pas d'autres propositions d'amendement, je vais appeler le vote sur l'article 357.

M. Filion: J'ai une deuxième proposition d'amendement qui se lirait comme suit, M. le Président: Le projet de loi 92 est modifié par la suppression de l'article 357.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon, je comprends qu'à demi-mot cela n'a pas été enregistré. Est-ce que vous me permettez de répéter ce que vous venez de dire?

M. Filion: Oui, allez-y.

Le Président (M. Bélisle): Bon. Vous venez de dire, à voix basse, que ce n'est pas ce que vous visiez, mais vous voulez présenter la proposition d'amendement. Est-ce exact?

M. Filion: Écoutez, M. le Président, je veux saisir les rèqles qui qouvernent les amendements en cette commission. Vous venez de rendre un premier jugement et je voudrais connaître sa portée, je voudrais savoir. Comme vous voulez appeler le vote immédiatement, je n'ai pas le choix.

Le Président (M. Bélisle): Je n'appelle pas le vote.

M. Filion: Non, mais c'est ce que vous vouliez faire.

Le Président (M. Bélisle): Je voulais appeler le vote, M. le député de Taillon, car, depuis 16 heures, nous avons discuté très largement de part et d'autre - et je vous ai écouté avec beaucoup d'attention - de l'article 357 et vos deux collègues qui vous entourent m'ont dit à plusieurs reprises qu'il s'agissait de leur dernière intervention. Je veux bien vous entendre encore une fois, si vous le voulez, mais je pense que, à défaut de proposition d'amendement ou d'autres propositions d'amendement, je mettrai l'article 357 aux voix.

M. Filion: M. le Président, j'ai une meilleure formulation de mon amendement à vous soumettre. Je retire mon dernier amendement et je dépose le suivant.

Le Président (M. Bélisle): Vous retirez votre dernier amendement?

M. Filion: Oui.

Le Président (M. Bélisle): L'amendement numéro 2?

M. Filion: Qu'on l'appelle comme cela pour se comprendre.

Le Président (M. Bélisle): D'accord. Il est retiré. Je veux être très précis, M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui, je retire le dernier amendement.

Le Président (M. Bélisle): Le deuxième. Nous sommes au troisième amendement.

M. Filion: C'est cela. Le projet de loi 92 est modifié par le remplacement de l'article 357 par le suivant: 357. L'article 81 de cette loi est modifié par la suppression des mots, au premier alinéa, "avec résidence à Québec ou à Montréal, selon qu'il le détermine" et, au deuxième alinéa, des mots "avec résidence à Montréal, si le juge en chef réside à Québec, ou à Québec, si le juge en chef réside à Montréal", et, à la dernière ligne...

M. le Président...

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon.

M. Filion: ...mon amendement est le suivant: Le projet de loi 92 est modifié par le remplacement de l'article 357 par le suivant: "357. L'article 81 de cette loi est modifié par la suppression des mots au premier alinéa "avec résidence à Québec ou à Montréal, selon qu'il le détermine."

Dans votre argumentation, M. le Président, il y avait deux éléments.

Le Président (M. Bélisle): II n'y a pas d'argumentation, M. le député de Taillon.

M. Filion: Non, non, mais dans votre point de vue.

Le Président (M. Bélisle): C'est un jugement, une décision rendue.

M. Fîlion: Oui, oui, dans votre jugement.

Le Président (M. Bélisle): Je ne tiens pas, en aucune façon, à entamer une discussion avec vous. J'essaie, au meilleur de mes connaissances, de faire le travail qui m'a été confié. Alors, j'aimerais recevoir d'abord la proposition d'amendement qui sera transmise à Mme la secrétaire, je la regarderai et nous recommencerons le même processus. Pour les fins de notre procès-verbal, je confirme que l'amendement 3 proposé par le député de Taillon à l'article 357 a été remis à Mme la secrétaire et qu'il se lit ainsi: Le projet de loi 92 est modifié par le remplacement de l'article 357 par le suivant... C'est bien de l'article 357, c'est bien cela? Le nouvel article 357 se lirait et je paraphrase: "L'article 81 de cette loi est modifié par la suppression au premier alinéa des mots "avec résidence à Québec ou à Montréal, selon qu'il le détermine". M. le député de Taillon.

M. Doyon: Est-ce que vous avez l'intention de suivre l'ordre normal des choses cette fois-ci?

Le Président (M. Bélisle): Je veux toujours tenter de suivre, encore une fois, l'ordre normal des choses. Ce n'est pas que je veuille imposer ma volonté, mais, malheureusement, j'ai quelques années de mauvais entraînement juridique. Quand on parle d'intérêt, de recevabilité et tout le reste, il faut demander à la partie qui veut l'établir de l'établir en premier. M. le député de Taillon, pourquoi cette motion est-elle recevable?

M. Filion: Je pense que c'est simple. Je n'aî pas l'intention de m'étendre. L'article 244 de nos règles dit ceci: "Les amendements doivent se rapporter à son objet". Quel est l'objet? C'est l'article du projet de loi et non pas l'article de la loi qui est modifiée par le projet de loi. L'objet de l'article du projet de loi 92 est de rendre compatible avec la charte ou l'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Quand

vous interprétez l'objet ou le principe d'un article, vous devez vous référer au principe du projet de loi et non pas au principe contenu dans la loi qui est modifiée par le projet de loi.

Deuxièmement, dans ce cas-ci, vous pourrez, non reprocher une rédaction défectueuse de l'amendement tel qu'il vous est déposé...

Le Président (M. Bélisle): Je n'ai jamais reproché cela.

M. Filion: L'article... Non, mais je signale à votre attention que c'est l'article 357 qui est modifié et non l'article 81, comme c'était le cas lors du premier amendement que je vous ai déposé et dont la formulation était défectueuse, car ce n'est pas l'article 81 qui est modifié, mais plutôt l'article 357.

Le Président (M. Bélisle): Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Taillon?

M. Filion: Pardon?

Le Président (M. Bélisle): Est-ce que vous avez terminé?

M. Filion: Oui, oui.

Le Président (M. Bélisle): D'accord. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, très rapidement, en l'espace d'une minute. Le remède que tente d'apporter le député de Taillon au défaut de sa proposition précédente ou de celle qui précédait celle qui a précédé, je ne sais plus - de toute façon ce défaut demeure entier et vous êtes, de votre côté, lié par la décision que vous venez de rendre il y a quelques instants - n'est pas à la hauteur des maux que vous aviez constatés dans la proposition précédente, en ce sens que, là encore, l'amendement, comme vous l'avez signalé et fort justement, aurait pour effet de faire disparaître l'obligation que le ministre entend continuer d'imposer aux juges, à leurs associés et à leurs adjoints quant à la résidence.

Les obligations resteront en ce qui concerne leur résidence. Le ministre n'a jamais eu l'intention et le gouvernement n'a pas l'intention non plus de faire disparaître cette obligation. L'amendement proposé par le député de Taillon, de toute évidence, fait sauter cette obligation et enlève le lien d'autorité que désire conserver le gouvernement en ce qui concerne certaines obligations de résidence - élargies, vous allez me dire - qui demeurent pour ce qui est des juges en chef et de leurs associés. Dans ce sens, je présume que votre décision ira dans le même sens que celle que vous avez rendue tout à l'heure.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon, vous me permettez?

M. Filion: Oui, comme je l'ai signalé tantôt...

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Taillon.

M. Filion: ...il y a une nuance importante dans les deux amendements. Également, en relisant une autre fois l'article 244, il est clair que les mots "objet", "esprit" et "fin" visés sont l'objet, l'esprit et la fin du projet de toi qui vise, encore une fois, à analyser une situation qui découle de la charte des droits.

S'il est impossible d'amender en commission les modalités et les détails d'un projet de loi, qu'est-ce qu'on fait ici? On est ici pour l'étudier article par article, donc détail par détail. C'est ce que vise ma proposition d'amendement.

Le Président (M. Bélisle): Si vous me le permettez, M. le député de Taillon, étant donné que nous approchons de l'heure de conclusion de nos travaux, je vais rendre ma décision concernant votre proposition d'amendement no 3 relativement à l'article 357 du projet de loi 92.

La seule distinction que je note entre la proposition d'amendement no 1 et la proposition d'amendement no 3 est de remplacer le mot "modifié" dans la proposition d'amendement no 1 par le mot "remplacement" dans l'amendement no 3, et d'ajouter qu'il s'agit là du remplacement, dans la proposition d'amendement no 3, de l'article 357 par le suivant, alors que, dans la proposition no 1 on n'avait pas mentionné qu'il s'agissait de modifier l'article 357.

Cela étant dit, je vous relis l'article 357 du projet de loi 92: "L'article 81 est modifié par l'insertion, après le deuxième alinéa, du suivant: Le juge en chef, le juge en chef associé et le juge en chef adjoint peuvent établir leur résidence dans le voisinage immédiat de la ville qui leur est respectivement assignée suivant le présent article."

L'article 357 ne vise aucunement, dans le projet de loi 92, la modification, l'élimination ou l'abrogation du principe contenu au premier alinéa de l'article 81 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Votre troisième proposition d'amendement est au même effet que la première proposition d'amendement. Je vous réfère à ma première décision que j'ai rendue tantôt sur la première proposition d'amendement, à savoir que vous ne pouvez - ce n'est pas moi qui l'ai écrit l'article 197 - changer par une proposition d'amendement un principe

contenu. Vous ne pouvez que retrancher ou ajouter ou remplacer des mots à un article. Ce que vous pourriez peut-être faire c'est de modifier l'article 357 tel qu'il est en - je vous cite l'article 197 - retranchant, ajoutant ou remplaçant des mots mais sans jamais modifier le principe contenu à l'article 81, premier alinéa, de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Je déclare donc que malheureusement, M. le député de Taillon, encore une fois la proposition d'amendement no 3 à l'article 357 est non recevable.

Il est 18 heures, messieurs, je déclare la séance de la commission des institutions pour l'étude du projet de loi 92 suspendue jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. Dufour): À l'ordre, s'il vous plaît! La séance de travail est ouverte pour l'étude du projet de loi 92, Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la Charte des droits et libertés de !a personne. En premier lieu, je vais demander le consentement pour que M. Chevrette, député de Joliette, remplace M. Yves Blais, député de Terrebonne. Est-ce qu'on a le consentement?

M. Bélisle: On peut faire cela pour notre ami, le député de Joliette.

Le Président (M. Dufour): Donc, c'est adopté?

M. Bélisle: Nous allons assurément lui permettre de se joindre à nos travaux laborieux.

M. Marx: Je veux tellement l'entendre que je ne peux pas m'y opposer.

Le Président (M. Dufour): J'appelle donc l'article 357.

M. Filion: Nous reviendrons à "laborieux". M. le Président, avec votre permission, à l'article 357 du projet de loi, je voudrais déposer l'amendement suivant dont je vous remets l'original et une copie à mon collègue, le député de Joliette. J'en ai d'autres copies avec jurisprudence pour le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: M. le Président, je sens que cette remarque me vise parce que mon nom vient d'être mentionné.

M. Filion: Avec jurisprudence pour le président.

M. Bélisle: Je remarque, M. le Président, que c'est la quatrième proposition d'amendement. Celle-là est peut-être correcte.

Le Président (M. Dufour): Cela veut dire que l'Opposition ne manque pas d'imagination!

M. Bélisle: C'est vous qui le dites.

M. Chevrette: Vous êtes en désaccord avec nous!

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Bélisle: Sur division, M. le Président.

M. Filion: M. le Président, quand vous dites quelque chose aujourd'hui, vous savez que vous avez toujours raison.

Le Président (M. Dufour): Voilà! M. Filion: Alors...

Le Président (M. Dufour): Un instant, M. le député de Taillon, on va regarder cela.

M. Filion: D'accord.

M. Kehoe: Pouvez-vous lire la résolution?

M. Filion: Le projet de loi 92, Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la Charte des droits et libertés de la personne est modifié par le remplacement de l'article 357 par le suivant: "357. L'article 81 de cette loi est remplacé par le suivant: Le gouvernement peut nommer un juge en chef de la Cour des sessions de la paix. Il peut aussi nommer un juge en chef associé de la cour, de même qu'un juge en chef adjoint. Le juge en chef, le juge en chef associé et le juge en chef adjoint sont nommés pour une période de sept ans; leur mandat ne peut être renouvelé."

L'effet de l'amendement, M. le Président, est le suivant. L'amendement proposé aura pour effet de modifier l'article 357 du projet de loi 92 pour enlever l'obligation de résidence au juge en chef, au juge en chef adjoint et au juge en chef associé de la Cour des sessions de la paix. Comme je l'ai souligné plus tôt, lorsque cet amendement aura été adopté, espérons-le, par les membres de cette commission, il y aura d'autres amendements qui viseront à modifier l'article 32 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ce ne sera pas long.

M. Marx: Juste une question de procédure. Est-ce que le député va proposer d'amender l'article pour lequel il a voté la semaine passée?

M. Filion: J'ai mentionné au ministre de la Justice cet après-midi que, si cet amendement était accepté par les membres de cette commission, nous devrions, pour des fins de cohérence et de concordance, modifier l'article.

M. Marx: Le député veut me dire qu'il avait tort la semaine passée et que le leader de l'Opposition avait tort en 1985 quand il a voté pour la même disposition.

M. Filion: On a discuté là-dessus cet après-midi. Si vous voulez que je recommence, je vais recommencer.

M. Marx: Oui, oui, recommencez parce que, si vous voulez perdre beaucoup de temps, c'est mieux de perdre le temps sur ces discussions, cela va permettre au leader de l'Opposition de parler. Cela serait bon que le leader nous explique pourquoi il a voté pour cela en 1985.

Non, si on veut perdre du temps, on peut perdre du temps sur n'importe quoi, mais on va perdre du temps sur cela.

M. Filion: M. le Président, je peux juste prendre note de la volonté du ministre de la Justice de perdre du temps. Parce que ce n'est pas la volonté de l'Opposition.

M. Marx: Mais l'Opposition n'est pas sérieuse avec les amendements qu'elle dépose, dans le sens que nous avons déjà dit que vous n'étions pas prêts à accepter ces amendements et vous êtes à votre quatrième amendement, donc, vous jouez une "game". Ce n'est pas plus qu'une "game", ce n'est pas sérieux, mais si vous voulez jouer la "game", nous sommes ici pour vous entretenir jusqu'à 10 heures et demain à 11 heures et ainsi de suite, même vendredi, si vous le voulez. Mais ce n'est pas sérieux, ce que vous faites. Vous savez cela. Si c'est sérieux parce que vous avez proposé des amendements...

M. Chevrette: Question de règlement.

M. Marx: II n'y a pas de question de règlement en commission.

M. Chevrette: Ma question de règlement est assez simple, M. le Président. D'abord, est-ce que vous le jugez recevable ou pas sur le fond? Après cela, on pourra répondre au ministre.

M. Marx: Si c'est acceptable ou non, cela ne change rien parce que c'est le quatrième, les trois autres ayant été refusés et nous avons déjà fait le débat sur toute cette question pendant deux heures. Donc, ce n'est pas sérieux.

M. Chevrette: Est-ce que c'est enregistré au moment où on se parle, M. le Président?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Je veux savoir si vous le recevez ou pas. Cela ne sert à rien de...

Le Président (M. Dufour): Vous admettrez avec moi qu'il y a déjà eu trois amendements proposés. Je n'ai pas pris connaissance des premiers amendements et je demande au secrétaire de la commission s'il peut m'indiquer s'il est recevable ou pas, parce qu'il y a une question de technique. Il faudrait que je voie les trois premiers amendements.

M. Chevrette: Aucun lien.

Le Président (M. Dufour): Aucun lien?

M. Chevrette: M. le Président, un amendement n'est pas jugé en fonction d'autres amendements; on juge s'il correspond aux critères d'un amendement. Est-ce qu'il amende le texte, est-ce qu'il enlève quelque chose, est-ce qu'il va contre le fond? C'est sur cela que vous devez vous prononcer dans un premier temps. Est-ce qu'il est recevable à sa face même ou si vous aimez qu'on plaide d'avance sur la recevabilité avant de vous prononcer? C'est une démarche logique. Ou bien le président l'accepte sans qu'on discute, ou bien le président accepte qu'on discute sur la recevabilité, s'il n'est pas sûr de lui. C'est cela qu'il faut faire.

Le Président (M. Dufour): J'aimerais peut-être entendre quelques arquments, à savoir si c'est recevable ou pas.

M. Bélisle: Est-ce qu'on ne pourrait pas, M. le Président, faire exactement ce qu'on doit faire dans les circonstances, si vous appliquez la coutume, c'est-à-dire permettre à l'un ou l'autre des groupes parlementaires de vous présenter les deux côtés de la balance qui est là, à savoir si c'est recevable ou pas et demander, comme c'est l'usage habituellement, à celui qui a un intérêt à démontrer, un intérêt quelconque à prouver, de plaider en premier sur la recevabilité comme l'a fait cet après-midi le député de Taillon, sur la première et la troisième propositions? La deuxième proposition d'amendement, M. le Président, il l'a retirée. Contrairement à ce que le député de Joliette dit - je suis en désaccord avec lui - je pense que les précédents qui sont créés, alors qu'on est toujours sur le même article et qu'on tourne toujours autour du même pot, devraient grandement, peut-être, vous éclairer. Cela n'enlève pas la valeur de la proposition d'amendement en

soi, qui est la quatrième, du député de Taillon, mais je pense que vous devriez les regarder attentivement.

Alors, moi, j'aimerais que, peut-être, vous demandiez, M. le Président, au député de Taillon pour une quatrième fois - j'admire son couraqe, sa ténacité - qu'il nous explique pourquoi elle est recevable.

Une voix: Comme les trois autres. M. Bélisle: Comme les trois autres.

Le Président (M. Dufour): Actuellement, M. le député de Joliette a la parole.

M. Chevrette: M. le Président, sur la recevabilité comme telle, l'objectif fondamental de l'étude article par article de ce projet de loi en particulier, c'est de faire en sorte qu'on réajuste au moins 113 lois en fonction de la Charte des droits et libertés de la personne. Précisément, l'objectif même de l'amendement du député de Taillon, c'est de déposer un amendement qui vise à faire en sorte que l'article en question devienne conforme aux droits et libertés, puisque le député, sur le fond, considère que lier à un lieu domiciliaire la fonction de juge, c'est contraire à la Charte des droits et libertés de la personne. On peut être en désaccord sur le fond de l'amendement, mais sur la forme est-ce que l'amendement est recevable? Moi, je dis oui, M. le Président. Il ne va pas contre le fond de l'article. Il modifie une dimension de l'article. Cela est en tout temps recevable. Quand on corrige, on veut amender, on veut ajouter ou on veut soustraire, mais qu'on ne touche pas à l'idée même ou au fondement même de l'article, je ne vois pas en quoi la présidence pourrait juger que cette motion est irrecevable. Cela est clair dans toute la jurisprudence de n'importe quel code de procédure: un amendement est admissible pour autant qu'il ne change pas le fond, qu'il ne fait que le modifier, enlever une dimension. C'est tout à fait conforme aux règles normales admises non seulement en droit parlementaire, mais en droit régissant n'importe quelle assemblée.

Que le pouvoir soit contre, il dira pourquoi il est contre l'amendement, c'est son droit. Je ne vois pas pourquoi on hésiterait du côté majoritaire, du côté gouvernemental, et on essaierait de vous faire plaider sur la forme, parce qu'on veut éviter de parler du fond. Il me semble, M. le Président, qu'on n'a pas le droit d'utiliser ce stratagème, ce serait contraire aux droits démocratiques et aux règles des assemblées délibérantes de quelque nature que ce soit. Quand on est contre, on plaide sur le fond et surtout quand on sait qu'en droit parlementaire le poids de la majorité est toujours là, il me semble qu'on ne prend pas la procédure d'essayer de déclarer irrecevable quelque chose qui l'est complètement dans sa forme. Je pense qu'on est en train de se servir de la présidence pour essayer d'éviter le débat de fond sur la valeur de l'amendement.

À mon point de vue, à ce moment-là, il serait beaucoup plus simple de vous demander de porter un jugement sur la recevabilité, si vous êtes suffisamment éclairé, et, ensuite, on plaidera sur le fond.

Le Président (M. Dufour): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'écoute le député de Joliette argumenter et faire valoir que le fait de discuter de la recevabilité d'une motion a pour effet d'éviter de discuter sur le fond. Je vous signalerai, pour répondre à cet argument en passant, que nous avons amplement discuté de toute cette question-là avant 18 heures, pendant au-delà de deux heures. Mes collègues étaient ici. Nous n'avions pas l'honneur de vous avoir parmi nous, ni le député de Joliette d'ailleurs, mais nous avons discuté pendant au-delà de deux heures de toute cette question.

M. le Président, sur la question de la recevabilité, puisqu'il s'agit d'un amendement à un article, la présidence doit regarder la nature de l'amendement présenté. Je ne pourrai pas innover, sauf que je devrai répéter - et j'ai devant moi l'amendement -ce que j'ai dit avant la suspension de 18 heures.

L'amendement que vous avez devant vous doit, pour être recevable, rencontrer l'exiqence fondamentale de respecter le fond, ne pas faire disparaître le fond, mais bien constituer un amendement au sens où on modifie, on altère la proposition principale. Notre règlement est clair à ce sujet. M. le Président, quand vous examinez l'article 357, qui est l'objet de notre débat, vous avez devant vous un amendement qui a clairement pour effet de faire disparaître totalement une obligation de résidence. Ce que l'article 357 fait, c'est constituer une obligation de résidence à certains endroits pour les juges en chef, leurs adjoints et les juges associés. L'amendement présenté par l'Opposition actuellement fait disparaître cette obligation. Ce n'est pas quelque chose qui modifie la proposition principale, c'est quelque chose qui la nie, qui la fait disparaître, qui l'abroge totalement.

Dans les circonstances, la présidence n'a d'autre choix que de déclarer non recevable un tel amendement, parce que faire autrement permettrait à cette commission de discuter d'une proposition qui n'est pas une proposition modifiée, mais qui est une proposition contraire à celle qui a été déposée par le ministre dans son projet de loi. Un amendement ne peut pas aller

totalement à l'opposé de la proposition ministérielle contenue dans le projet de loi.

Ce que l'Opposition pourrait faire - et ce n'est pas à moi de le leur dire - c'est modifier les endroits de résidence, les élargir; ils peuvent proposer que la résidence soit à tel endroit plutôt qu'à tel autre, mais on ne peut pas l'enlever. De la même façon, M. le Président, et connaissant votre longue expérience comme maire, je vous rappellerai que le pouvoir d'une municipalité de réglementer certaines activités industrielles ou commerciales ne permet pas, par exemple, à une municipalité de les empêcher, de les défendre, de les prohiber. Le pouvoir de réglementer, qui est un pouvoir donné aux municipalités - et les cours se sont prononcées là-dessus et les tribunaux sont clairs là-dessus - ne permet pas de prohiber. Ici, ce que l'on fait, c'est un peu de la même nature. L'amendement ne modifie pas l'obligation de demeurer quelque part. On ne dit pas: Plutôt que de demeurer à tel endroit, on ira ailleurs. Ce que l'amendement proposé fait - et cela ressemble à ce que l'on a eu avant le souper - c'est qu'il abroge cette obligation.

M. le Président, à moins de renier ce que votre savant prédécesseur a décidé avant 18 heures, vous êtes un peu beaucoup lié par une jurisprudence qui est on ne peut plus récente. La présidence étant une et continue, vous devez opiner dans le même sens et vous prononcer dans le même sens parce que vous prenez une succession qui est bien fondée, qui est solidement établie, où le président qui vous a précédé a clairement fait valoir les points sur lesquels il s'appuyait.

Alors, tout cela pour vous dire, en résumé, qu'on ne peut pas confondre une obligation de demeurer quelque part avec l'absence d'obligation, c'est-à-dire la liberté totale. Le gouvernement, par la voix du ministre, propose que l'obligation demeure. L'amendement proposé par l'Opposition fait disparaître cette obligation. Cela cesse d'être un amendement; c'est une autre proposition, quelque chose d'autre qu'un amendement. Ce n'est pas un amendement et, dans ce sens-là, ce n'est pas recevable.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Dufour): Cela va. Il y avait M. le député de Taillon.

M. Filion: Je vais parler après.

Le Président (M. Dufour): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Si on suivait la logique du député de Louis-Hébert, M. le Président, les parlementaires ici ne pourraient pas se permettre de vous proposer l'abolition complète d'un article. Parce que c'est écrit dans un article que les juges sont reliés à un lieu de domicile, il faudrait jouer juste avec ce qu'il y a là. Je vais vous donner une jurisprudence récente du vice-président de l'Assemblée nationale, M. Saintonqe, lorsqu'on a siégé sur la loi 160.

M. Bélisle: Assiégé? M. Chevrette: Siégé. M. Bélisle: Ah! Excusez-moi.

M. Chevrette: C'était le fait d'assiéger les syndicats, mais on siégeait sur la loi 160. Dans la loi 160, nous avons proposé de retirer des articles au complet du projet de loi, M. le Président, parce qu'en deuxième lecture, ce qu'on vote, c'est le principe d'une loi. Quand on vient travailler ici, on ne travaille que sur les modalités d'application de ce principe. On peut pertinemment proposer d'abolir complètement un article qui est une modalité du principe. Or, en suivant la logique du député de Louis-Hébert, on ne pourrait pas du tout soustraire un article du projet de loi, ce qui est un non-sens. Le ministre pourrait lui-même être d'accord et le faire lui-même. La preuve, M. le Président, c'est que le ministre lui-même change le sens complet d'une modalité bien sauvent par des papillons qu'il apporte. Il peut le faire même jusqu'en Chambre au dépôt du rapport, indépendamment du fait que cela a été étudié ici en commission ou pas. Un ministre a le pouvoir de faire cela, comme il est du pouvoir de l'Opposition d'arriver avant le dépôt du rapport et de présenter nos amendements en Chambre pour qu'ils soient votés. Si la logique était celle du député de Louis-Hébert, on contredirait tout ce processus législatif qui nous permet, précisément, de rendre plus cohérentes les modalités qui visent l'application du principe qu'on a voté en deuxième lecture, en Chambre. Cela n'aurait aucun sens. On ne peut aller dans une telle logique. La présidence ne pourrait pas nous empêcher à la fois d'amender les modalités, c'est un fait, et de soustraire des modalités. On aurait pu tout aussi bien dire dans le contexte actuel: On propose d'enlever complètement l'article. Cela pourrait être conforme parce que l'objectif est de faire en sorte que nos lois respectent la Charte des droits et libertés de la personne. Si plusieurs articles allaient dans le sens contraire, on aurait le droit de s'y soustraire complètement, de vous proposer de l'enle'ver, et non pas de faire ce que le député de Louis-Hébert dit: On n'a pas d'alternative, il faut jouer avec les modalités qu'il y a là, les modifier. M. le Président, cela n'aurait aucune logique. Cela irait tout à fait à l'encontre du droit strict des députés en commission parlementaire de soustraire

complètement une modalité et de l'amender au besoin. J'ose espérer qu'on ne peut pas aller dans ce sens-là.

Je vous réfère à la loi 160. Il y a eu au moins trois amendements qui ont visé à tout biffer. C'était recevable, c'était acceptable. On peut être contre; c'est le droit le plus strict d'un gouvernement ou d'une formation politique d'être contre une modalité qu'on veut enlever, mais on ne peut pas conclure, par exemple, que la présidence n'a pas le droit d'accepter un amendement sur la forme. C'est de la forme que vous avez à juger comme président, et non pas du fond. Dès que la forme vise à améliorer, on peut être en désaccord sur le degré de l'amélioration ou sur l'effet escompté - on peut être en désaccord comme formation politique - mais on n'a pas le droit de prendre le biais de la procédure parlementaire, afin d'enlever le vrai sens d'un amendement sur le fond. Ce serait impossible. (20 h 30)

Vous pouvez être contre, vous voterez contre, si vous jugez que l'amendement n'est pas correct. Mais, de grâce, ne créons pas de précédent sur le plan du droit parlementaire. Pour éviter de parler du fond, on s'en prend à la forme et on évite précisément de discuter du fond des choses. Si vous jugez que c'est conforme, vous autres, le fait de relier le lieu de domicile à la qualité de juge, c'est votre droit. Mais on a le droit de penser, comme formation politique, que c'est non conforme à la Charte des droits et libertés de la personne, et c'est tout à fait recevable. C'est une question d'évaluation sur le fond, mais non pas sur la forme. Si vous empêchez de discuter le fond par le biais de la forme, je pense qu'on manque complètement le bateau.

Dans la loi 160, on enlevait, mais on ajoutait aussi; à plusieurs reprises, on a ajouté des choses. Vous vous rappellerez qu'il y a eu des amendements substantiels lors de l'étude de cette loi qui, malgré sa durée de deux heures, a permis des amendements substantiels. On a même fait enlever la présomption de culpabilité pour le syndiqué, qui avait le fardeau de la preuve qu'il s'était fait stopper par une ligne de piquetage. Quelle était la conséquence de cela? Vous allez me dire que c'est un principe! Non. Le principe de la loi 160, qu'on avait adopté, était de dire aux gens: Vous devez tout faire pour être en dedans pour travailler. Le fardeau de la preuve, qui devenait une dent pour faire respecter cela, était de l'accessoire; c'était une modalité. Je ne conçois pas qu'on puisse allègrement y aller sur la forme d'une façon aussi soutenue et aussi tenace quand on voit que le principe fondamental n'est pas cela. Je pense que la présidence devrait trancher sur la forme.

Le Président (M. Dufour): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants qui veulent se faire entendre sur la recevabilité'?

M. Filion: M. le Président...

Le Président (M. Dufour): M. le député de Taillon.

M. Filion: ...je voudrais attirer votre attention sur l'article 244 de notre règlement. L'argumentation du député de Joliette est d'autant plus importante qu'elle s'inscrit dans une compréhension cohérente des activités parlementaires. À l'article 244, on dit ceci: "La commission saisie étudie chaque article du projet de loi - cela, c'est après l'adoption du principe du projet de loi qui est faite en Chambre - et les débats portent sur les détails du projet" de loi. Si les débats portent sur les détails du projet, c'est, bien sûr, que la commission peut modifier les détails d'un projet de loi; sinon, pourquoi en débattre? Un peu plus loin, on continue: "Les amendements doivent se rapporter à son objet." À l'objet de quoi? Contrairement à ce que pourraient croire d'aucuns, "les amendements doivent se rapporter à son objet" veut dire à l'objet du projet de loi; et "être conformes a son esprit" signifie à l'esprit du projet de loi, et non pas à l'esprit de l'article de loi. Sinon, tous les amendements que le ministre de la Justice a apportés à son propre projet de loi auraient été irrecevables.

Quand le ministre a décidé de retirer la disposition du projet de loi 92 qui prévoyait des modifications au versement des allocations familiales, à ce moment-là, c'était contraire à l'article du projet de loi. Mais quand il a décidé d'amender le projet de loi pour supprimer complètement la disposition du projet de loi 92 qui concernait le versement de ces allocations familiales, l'amendement du ministre était parfaitement recevable, parce qu'il était conforme à l'esprit et à l'objet du projet de loi, et non pas de l'article de loi. Donc, les amendements doivent se rapporter à l'objet du projet de loi et être conformes à son esprit et à la fin visée par le projet de loi. D'où les erreurs possibles quand on regarde l'article 244, erreurs qui peuvent amener des dérapages intellectuels qui pourraient nous porter à croire que l'amendement tel que nous le déposons est irrecevable.

Je vous dis que c'est tout à fait conforme non seulement à la lettre même de nos règles de procédure, mais aussi à l'esprit. Qu'est-ce que cela donne de se réunir en commission, si on ne peut pas modifier les détails du projet de loi? Dans ce cas-ci, nous sommes dans un détail du projet de loi, car l'objet est de changer toutes les lois pour les rendre conformes à la charte des droits. Dans ce sens, je vous

déclare, M. le Président, que l'amendement est parfaitement recevable.

Le Président (M. Dufour): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? S'il n'y a pas d'autres interventions, allons à la section des amendements, à l'article 197 qui traite du contenu des amendements. "Les amendements doivent concerner le même sujet que la motion et ne peuvent aller à l'encontre de son principe. Ils ne visent qu'à retrancher, à ajouter ou à remplacer des mots".

Si je relis l'article 193. "Le président doit refuser tout préavis ou toute motion contraire au règlement. Il peut en corriger la forme pour les rendre recevables." Si j'examine le libellé de l'amendement et que je le rapporte à l'article 81, qu'on touche avec ce qu'on a devant nous dans ce projet de loi, le libellé de la motion pourrait être corrigé, ce qui permettrait à l'amendement d'être accepté. On retranche définitivement des mots dans le premier alinéa, mais le libellé tel que je l'ai devant moi je le déclarerais difficilement recevable. Mais, comme on a le droit de corriger le contenu de l'amendement, on pourrait le faire et, à ce moment-là, je pourrais le déclarer acceptable et recevable.

M. Filion: Recevable?

Le Président (M. Dufour): C'est cela, recevable. Donc, ce serait de nature à amender l'article 81. En fait, gardons le même libellé: "Le gouvernement peut nommer un juge en chef de la Cour des sessions de la paix". Cela se terminerait là, en enlevant les mots "avec résidence à Québec ou à Montréal, selon qu'il le détermine", À ce moment-là, je retranche des mots, et c'est dans ce sens-là qu'on peut l'accepter.

Le deuxième alinéa "Il peut aussi nommer un juge en chef associé de la cour, de même qu'un juge en chef adjoint". Donc, on enlève dans ce paragraphe les mots...

M. Chevrette: Attendez un peu, M. le Président.

M. Filion: Cela va, cela va. Je vous suis, continuez.

Le Président (M. Dufour): Oui, mais cela enlève et cela retranche, parce que c'est le lieu de résidence qui est touché.

M. Bélisle: Peut-on suspendre pour cinq minutes?

M. Filion: Cela revient au même. Le Président (M. Dufour): Oui, oui. M. Bélisle: C'est une technique.

Le Président (M- Dufour): Oui, cela revient au même. Vous ne remplacez pas tout.

Une voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Dufour): Vous gardez les mots qu'il y a dans la loi. Vous retranchez et vous rajoutez.

M. Filion: Mais, étant donné que cela revient au même, est-ce que la façon...

Le Président (M. Dufour): Les deux premiers paragraphes... En fait, on pourrait l'accepter, bien sûr. On va en arriver là.

M. Filion: Cela revient au même.

Le Président (M. Dufour): Cela revient au même.

M. Filion: Parfait.

M. Chevrette: M. le Président, votre décision sera la nôtre.

Une voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Dufour): II s'agit de le formuler pour qu'il rencontre les objectifs. Je ne peux pas changer le règlement, mais le règlement est clair. Il faut que cela retranche, que cela enlève ou que cela ajoute.

M. Chevrette: Je vous ferai remarquer ceci. L'article 197, auquel vous faites allusion, par rapport à l'article 244, sans vouloir contester votre autorité, M. le Président, je vous le lis très lentement: "Les amendements doivent concerner le même sujet que la motion". Quelle est la motion? Ce n'est pas le lieu de résidence des juges. La motion que nous avons à débattre, c'est le projet de loi adopté en deuxième lecture sur le principe. Vous faites une motion de l'article qui lui est une modalité.

Je veux bien que vous preniez ce détour, mais, sur le plan du droit parlementaire, je vous avoue que c'est l'article 244 qui doit jouer et non pas l'article 197, car l'article 197 est vraiment une modalité; ce n'est pas la même chose.

Le Président (M. Dufour): L'amendement devant nous ne change pas le principe ou le fond de la loi. II reste l'essentiel, qui est le fond de la loi. C'est cela.

M. Chevrette: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que l'article 197 permet des amendements par rapport au principe qui a été adopté de l'autre côté. Le principe qui a été adopté de l'autre côté, c'est qu'on rend un paquet de lois conformes à la

Charte des droits et libertés de la personne.

L'article 244 nous permet donc de dire: On peut soustraire des modalités, amender des modalités ou ajouter des modalités, alors que l'article 197 ne fait que jouer sur des modalités techniques. Ce n'est pas tout à fait pareil.

Le Président (M. Dufour): On va suspendre deux ou trois minutes pour qu'on puisse délibérer.

(Suspension de la séance à 20 h 40)

(Reprise à 21 h 4)

Motion proposant d'enlever la référence au lieu de résidence des juges

Le Président (M. Dufour): À l'ordre, s'il vous plaît! Je tiens à vous présenter l'article tel que libellé. L'article 357 du projet de loi 92 est modifié en remplaçant tous les mots après le mot "modifié", par les suivants: "Le gouvernement peut nommer un juge en chef de la Cour des sessions de la paix. Il peut aussi nommer un juge en chef associé de la cour, de même qu'un juge en chef adjoint. Le juge en chef, le juge en chef associé et le juge en chef adjoint sont nommés pour une période de sept ans; leur mandat ne peut être renouvelé." Donc, c'est l'amendement proposé par le député de Taillon; il y a donc discussion sur le fond de la question.

M. Claude Filion

M. Filion: M. le Président, je me suis déjà exprimé là-dessus, mais, grosso modo je dirais, premièrement, que l'obligation de résidence aux juges m'apparaît contraire à l'esprit de la charte; deuxièmement... Je résume mes arguments parce qu'ils ont été...

M. Marx: M. le Président, est-ce que l'amendement a été accepté?

Le Président (M. Dufour): Oui.

M. Marx: II n'y a pas de discussion nécessaire et je vais vous dire pourquoi. C'est parce qu'on a vidé cette question tout l'après-midi avant que vous arriviez. Que le député parle ou ne parle pas, on va voter de la même façon, parce qu'on a déjà vidé la question.

Le Président (M. Dufour): M. le ministre, je suis obligé de vous dire que ce n'est pas une question de règlement. M. le député de Taillon a demandé la parole et il peut exercer son droit, même si cela peut vous sembler de la répétition. Mais j'ai l'impression que pour le bien-fondé des débats...

M. Marx: C'est ce que je viens de dire, parce que nous sommes prêts à voter. Il a déjà dit tout cela. Si vous pensez que c'est bien de parler pour ne rien dire ou de se répéter, on n'a pas d'objection.

Le Président (M. Dufour): Je demanderais à M. le ministre en vertu de quel article vous me dites que...

M. Chevrette: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Dufour): En vertu de quel article du règlement'

M. Chevrette: Je suppose que c'était ce que soulevait le député de D'Arcy McGee et ministre de la Justice.

M. le Président, vous avez accepté la motion...

Le Président (M. Dufour): L'amendement; oui, qu'il soit discuté sur le fond.

M. Chevrette: L'amendement. Dès que vous le recevez, chaque parlementaire a un droit de parole de 20 minutes.

M. Marx: Je dis au leader de l'Opposition que nous sommes prêts à voter, parce qu'on a déjà fait la discussion sur l'amendement.

M. Chevrette: Mais c'était un autre qui avait la parole.

M. Marx: Est-ce que le leader de l'Opposition veut juste faire perdre le temps de la commission et des fonctionnaires qui sont ici ou est-ce qu'il veut vraiment passer aux questions de fond?

M. Chevrette: M. le Président, sur la question de règlement, le député de Taillon a dit qu'il résumerait en une minute ses principaux arguments. S'il n'y en a pas d'autres qui demandent la parole, vous allez demander le vote. Donc, les 34 ou 54 dernières secondes de temps perdu l'ont été par le député et ministre.

Le Président (M. Dufour): M. le député de Taillon a demandé la parole et je la lui accorde. Je n'accepterai pas d'interruption, à moins que vous n'ayez une question de règlement très précise à soulever.

M. le député de Taillon.

M. Filion: Alors, au moment où le ministre m'a interrompu, j'en étais à résumer l'argumentation au soutien de t'amendement qui fait l'objet de notre étude ce soir. Premièrement, il nous apparaît que l'obligation de résidence pour les juges en chef, adjoints, associés, etc. à la Cour des

sessions de la paix est contraire à l'esprit de la charte, et plus particulièrement à l'article 1 qui dit que tout être humain a droit à la vie, à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne. On aexpliqué en longueur et en largeur cet après-midi le fait que des juges pouvaient vouloir demeurer ailleurs que dans la municipalité ou dans la municipalité adjacente à celle où ils exercent des fonctions judiciaires. En ce sens-là, les arguments du ministre sont que, premièrement, cela prend des juges pour assurer la permanence; nous sommes tout à fait d'accord avec cela. Les juges s'organisent eux-mêmes. Ils ont le jugement nécessaire pour choisir un endroit de résidence qui va leur plaire et où ils vont élever et continuer d'élever leur famille. Les juges sont tout à fait habilités à prendre les décisions qui les concernent quant au choix de leur résidence, sans nuire à leur fonction judiciaire. Cela s'applique à tous les juges au provincial, etc.

En ce sens-là, M. le Président, nous allons voter en faveur de l'amendement et nous sommes convaincus que nos collègues en commission opineront de la même façon, soit qu'une restriction à la liberté des juges n'est pas nécessaire. Comme nous sommes en train d'appliquer la charte, donnons-lui plein effet et permettons à cette catégorie de citoyens, comme à toutes les autres, de demeurer à l'endroit où ils jugent bon demeurer, tout en sachant, par ailleurs, qu'ils ont l'intelligence et le jugement nécessaires pour ne pas aller demeurer, comme le disait le ministre, à Plattsburgh s'ils siègent à Montréal. Cela ne m'inquiète d'aucune façon.

Or, voilà donc, en quelques minutes, le résumé de l'argumentation en faveur de l'amendement.

Le Président (M. Dufour): Merci, M. le député de Taillon. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Chevrette: J'aurais une question à poser au ministre.

Le Président (M. Dufour): M. le député de Juliette.

M. Chevrette: Est-ce que le ministre a un avis juridique à fournir sur cet article disant que l'article, tel que libellé, est conforme à la Charte des droits et libertés de la personne? Sinon, pourquoi n'a-t-it pas senti le besoin, sachant que cela allait contre une liberté totale, de mettre: Nonobstant la Charte des droits et libertés de la personne, les juges devront être domiciliés dans un rayon de...

M. Marx: Je n'ai pas d'avis juridique, M. le Président.

M. Chevrette: Vous n'avez pas pensé, deuxième question, de mettre "nonobstant"?

M. Marx: Est-ce que c'est une question sérieuse?

M, Chevrette: Oui. Fixer un périmètre, c'est une contrainte.

M. Marx: C'est une question sérieuse, M. le Président? J'ai pensé que c'était une blague! De toute façon, nous ne pensons pas qu'une clause "nonobstant" soit nécessaire. Ce n'était pas nécessaire quand le Parti québécois a fait adopter la loi 80 quelque chose en juin 1985, quand le leader de l'Opposition était le premier, le deuxième ou le cinquième à voter pour ce projet de loi où il y avait le même article. Voilà.

M, Chevrette: Est-ce que le ministre ne dépose pas ce projet de loi précisément pour faire en sorte que la charte s'applique? Pourquoi avez-vous senti le besoin d'amender d'abord 113 lois? C'est précisément pour les rendre conformes à la charte. Votre réponse n'est pas plus sérieuse que ma question, dans ce cas-là.

M. Marx: M. le Président, le député de Taillon a chuchoté la mauvaise réponse au leader de l'Opposition. C'est-à-dire que la charte s'applique depuis 1983, donc, quand nous avons voté cette loi du gouvernement précédent.

M. Chevrette: 113 lois non conformes.

M. Marx: Quand nous avons adopté cette loi que le gouvernement précédent avait présentée, c'était la même chose que ce qu'on fait aujourd'hui. J'aimerais informer le leader de l'Opposition qui n'était malheureusement pas ici cet après-midi - il avait peut-être d'autres choses plus importantes à faire - que j'ai rappelé que l'Opposition a voté pour l'article 356, qui a le même effet que l'article qu'on discute maintenant.

Le Président (M. Dufour): M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, devant la réponse décevante du ministre, je suis obligé de résumer l'argumentation que j'employais cet après-midi surtout que là, on parle de restrictions à l'égard d'une catégorie de citoyens qu'on a clairement identifiée qui sont les juges. Au moment où son chef, son premier ministre célèbre et chante le libre-échange qui suppose autant le mouvement des biens que celui des personnes, je ne m'explique pas le blocaqe qu'il y a immédiatement lorsqu'on lui présente une

proposition afin d'enlever cette restriction, surtout qu'on a des échos selon lesquels des gens s'en plaignent et que le ministre nous avoue, de façon candide, mais honnête, qu'il n'en a pas discuté avec les juges lorsqu'il les a rencontrés. Je lui faisais remarquer qu'effectivement, lors de la discussion qu'il a eue avec les juges à ce moment-là, ce n'était peut-être pas pour eux une préoccupation, parce qu'il y a d'autres sujets de préoccupation. Je faisais allusion au dossier des procureurs de !a couronne, comme on pourrait faire allusion au dossier des coroners, mais cela ne signifie pas que ce n'est pas chez eux une préoccupation, actuellement.

Le ministre continue de ne pas répondre en nous disant: Ils ne m'en ont pas parlé. Ce qui ajoute peut-être un peu l'injure à l'insulte, c'est de dire! Oui, et je n'ai pas l'intention de leur en parler, non plus! Rien ne nous dit qu'on ne refera pas cette discussion de façon très sereine après qu'il aura effectivement consulté les principaux intéressés. Je pense qu'ils ont des choses à dire à ce sujet. Il m'apparaîtrait donc très important qu'il s'enqage au moins à les consulter. Je le répète, on n'a pas demandé de commission parlementaire là-dessus. On ne demande pas de l'accompagner - il est suffisamment grand garçon pour aller les rencontrer - mais qu'au moins il leur pose la question et revienne avec une réponse très claire et très nette des membres de la magistrature qui répondraient: Non, cela ne nous convient pas ou... Je suis prêt à accepter leur décision si, dans l'ensemble, ils se prononcent en disant: Oui, nous l'acceptons. Sauf que j'ai tout lieu de croire qu'ils ne l'acceptent pas et que c'est un sujet de préoccupation, même s'ils n'ont pas eu, dans le temps, l'opportunité de le souligner. (21 h 15)

Je vais toujours revenir sur mon exemple. Je vais ouvrir une parenthèse. Le député de Taillon, mon collègue, avait 'raison quand il disait qu'on ne comprendrait pas et qu'on ne pourrait pas justifier qu'un juge habite à Plattsburgh. Je faisais l'analogie, au moment où on en discutait cet après-midi, avec la notion de médecins résidents, qui existe dans le domaine de la santé, dans les hôpitaux, où résidence immédiate n'existe pas. Ils travaillent dans un endroit, mais on leur donne la liberté - et je ne pense pas que cela affecte leur jugement ou leurs connaissances - d'être à deux, quatre, cinq, dix, quinze, vingt ou même cinquante kilomètres de l'endroit où ils exercent leurs fonctions médicales.

C'est la même chose pour un juge. Je ne pense pas que le fait de l'obliger avec une appellation comme environnement immédiat, aux alentours de, quand cela pourrait, d'ailleurs, être géographiquement impossible... Pour se loger, il faut tenir compte des disponibilités, des stocks de logements, comme on le dit dans le langage courant, de leur capacité de payer une résidence aussi. Donc, je ne comprends pas que le ministre refuse d'aller leur poser la question, de suspendre temporairement l'étude de cet article et de nous revenir ultérieurement avec, de nouveau, une réponse très claire et très limpide qu'il aura obtenue de la part des principaux intervenants. À ce moment-là, est-ce qu'il se refuse, lui aussi, à ce qui anime le Québec, quand il s'agit de prendre les décisions, soit le dialogue, la concertation?

Je vous avoue être déçu, car, sur plusieurs sujets, il a montré une très grande ouverture d'esprit. Notre demande ne m'apparaît pas un obstacle infranchissable pour un ministre. II s'agit d'un geste très simple et très facile à poser, soit entrer en communication avec eux, échanger, présenter et revenir - la chose peut être faite rapidement - d'ici à quelques jours ou quelques semaines au plus tard, nous faire connaître l'objet de sa consultation. À ce moment-là, en pleine connaissance de cause, tant pour lui que pour nous, on pourra revenir sur l'article de loi et nous prononcer. Mais, nous aurons au départ une expertise et une réponse de la part des principaux intervenants.

Je fais de nouveau appel au ministre qui, très souvent, a fait preuve de bonne volonté. Je pense que son attitude et les propos qu'il tient à cette commission des institutions ont toujours démontré chez lui une très qrande ouverture d'esprit, sur des sujets, d'ailleurs, beaucoup plus polémiques à l'occasion.

Je me demande pour quelle raison, sur un sujet qui a quand même son importance, il refuse de procéder à une démarche très simple et facile à réaliser pour un ministre de la Justice, pour un ministre qui a un personnel très nombreux et très compétent, qui peut facilement interroger et recevoir en son nom les réponses appropriées posées aux intervenants. Je vous remercie, M. le Président.

M. Marx: M. te Président, j'ai pris note des propos très intéressants du député de Saint-Jacques. Nous sommes maintenant prêts à adopter l'amendement.

Le Président (M. Dufour): Y a-t-il d'autres interventions?

M. Filion: Oui, M. le Président. Juste avant de passer au vote, je pense que, s'il n'y a pas d'autres interventions, nous avons épuisé le fond du sujet, étant donné que le débat de procédure a été passablement long. En ce qui nous concerne, le ministre ayant rejeté le dernier appel à la bonne volonté

qu'il avait manifestée tout au long de l'étude du projet de loi pour concilier l'argumentation de l'Opposition, il ne nous reste pas d'autre choix que de vous demander d'appeler le vote sur la motion d'amendement telle que nous l'avons déposée.

Le Président (M. Dufour): Est-ce que la motion...

M. Filion: Vote nominal.

Le Président (M, Dufour): Vote nominal? Ceux qui sont pour l'amendement?

La Secrétaire: M. Bélisle (Mille-Îles), pour ou contre l' amendement?

M. Bélisle: M. le Président, je vais m'abstenir, étant donné que j'étais président avant vous lorsque les trois autres propositions ont été présentées. Je pense que ce serait très malhonnête, sur le plan intellectuel, que je vote sur cette proposition d'amendement de l'Opposition. Je vais donc m'abstenir de voter.

La Secrétaire: M. Boulerice (Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Tout en saluant le député de Mille-Îles, je suis en faveur de l'amendement, M. le Président.

La Secrétaire: M. Dauphin (Marquette)?

M. Dauphin: Contre.

La Secrétaire: M. Després (Limoilou)?

M. Després: Contre.

La Secrétaire: M. Doyon (Louis-Hébert)?

M. Doyon: Contre.

La Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Farrah: Contre.

La Secrétaire: M. Filion (Taillon)?

M. Filion: Pour.

La Secrétaire: M. Chevrette (Joliette)? M. Blais (Terrebonne)? M. Kehoe (Chapleau)? M. Laporte (Sainte-Marie)?

M. Laporte: Contre.

La Secrétaire: M. Marcil (Beauharnois)? M. Paré (Shefford)? M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce)? M. Vallières (Richmond)? M. Marx (D'Arcy McGee)?

M. Marx: Contre.

La Secrétaire: Six contre, deux pour et une abstention.

Le Président (M. Dufour): Donc, six contre, deux pour, une abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Nous revenons à l'article 357 tel que libellé.

M. Marx: Sur division.

Le Président (M. Dufour): Adopté sur division.

M. Marx: Je veux féliciter le député de Taillon et son collègue, le député de Saint-Jacques, pour ne pas avoir pris plus de temps sur l'amendement.

Le Président (M. Dufour): J'appelle donc l'article 358.

M, Filion: Sur division.

Le Président (M. Dufour): Sur division?

M. Filion: C'est cela.

M. Marx: L'article 359.

Le Président (M. Dufour): C'est la version anglaise et la version française ou le contraire, la version française et la version anglaise. C'est la préséance de la langue française; donc, je déclare...

M. Marx: M. le Président, l'article 359.

Le Président (M. Dufour): J'appelle l'article 359.

M. Marx: Cet article modifie l'article 126 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. La modification proposée est au même effet que l'article 356 à l'égard du juge en chef et des juges en chef associés et adjoints de la Cour provinciale.

M. Filion: M. le Président, c'est la même chose que l'article que nous avons débattu et, pour la même raison qu'aux articles 357 et 358, nous allons enregistrer notre division.

Le Président (M. Dufour): C'est donc adopté sur division?

M. Filion: C'est cela.

Le Président (M. Dufour): C'est clair pour le projet en anglais aussi? Non? D'accord.

J'appelle l'article 360.

M. Marx: L'article 360 modifie l'article

141 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, La modification proposée supprime l'obligation pour les juges de la Cour provinciale de faire rapport de toutes les informations qu'ils ont prises dans l'exercice de leur charge, chaque fois qu'ils en sont requis par le gouvernement.

M. Filion: Quelle est la portée de l'amendement?

M. Marx: La portée de l'amendement est de supprimer la dernière phrase de l'article 141 et, effectivement, de supprimer l'obligation du juge de la Cour provinciale qui doit, en outre, faire rapport de toutes les informations qu'il a prises dans l'exercice de sa charge chaque fois qu'elle est requise par le gouvernement. Donc, c'est l'indépendance du tribunal dans l'exercice de ses fonctions judiciaires.

M. Filion: Mais de quel rapport s'agit-il exactement?

M. Marx: De l'article 23 de la charte.

M. Filion: L'article 23 de la charte concerne le processus judiciaire, c'est-à-dire l'audition impartiale d'un tribunal indépendant, etc.; mais de quel rapport s'agit-il à l'article 141?

M. Marx: Dans l'article 141, on dit que le juge de la Cour provinciale doit, en outre, faire rapport de toutes les informations qu'il aprises dans l'exercice de sa charge. Quelle est la charge d'un juge? La charge judiciaire.

M. Filion: Est-ce que vous avez déjà vu rapport semblable?

M. Marx: Eh bien...

M. Filion: Je me demande, concrètement: Qu'est-ce que ce rapport?

M. Marx: Chaque fois qu'il en est requis par le gouvernement. Mon gouvernement ne l'a jamais demandé; en ce qui concerne le gouvernement précédent, je n'ai pas d'information ce soir. Mon gouvernement n'a pas demandé de telles informations au juge. Maintenant, le gouvernement précédent ou d'autres gouvernements qui ont précédé, je ne sais pas. Je veux qu'on enlève cette phrase pour qu'un futur gouvernement ou le gouvernement actuel ne soit pas tenté de le faire.

M. Filion: Je me demande si le rapport dont il est question ici n'est pas le rapport du greffier plutôt. C'est le rapport du juge?

M. Marx: C'est le juge. Si on lit le début de l'article: "Chaque juge de la Cour provinciale doit voir à ce que son greffier remplisse fidèlement les devoirs qui lui sont assiqnés." Donc, le juge veille à ce que son greffier fasse son travail. "Le juge de la Cour provinciale doit "en outre" faire rapport de toutes les informations qu'il a prises dans l'exercice de sa charge, chaque fois qu'il en est requis par le gouvernement."

M. Filion: Je pense que c'est le greffier. Si on lit l'article 140 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, je me demande si le rapport dont il est question n'est pas le rapport du greffier. Si c'est le rapport du juge, j'aimerais savoir de quelle sorte de rapport il s'agit. Je n'avais jamais entendu dire qu'il y avait un rapport qui devait être fait. Quelles sont les informations prises dans l'exercice de sa charge? Quand même pas son cahier de délibérations, son cahier de notes.

M. Marx: Nous ne pensons pas que cela soit nécessaire que cela soit dans la loi. On propose donc l'abrogation de cette phrase. Mes légistes me disent que, de toute façon, ce n'est pas appliqué. Si vous pensez que c'est essentiel, on va retirer l'amendement.

M. Filion: M. le ministre, l'article se lit comme suit: "Chaque juge de la Cour provinciale doit voir à ce que son greffier remplisse fidèlement les devoirs qui lui sont assignés. Le juge de la Cour provinciale doit, en outre, faire rapport de toutes les informations qu'il a prises dans l'exercice de sa charge, chaque fois qu'il en est requis par le gouvernement". Si on enlève "chaque fois qu'il en est requis par le gouvernement", il va rester comme phrase: "Le juge de la Cour provinciale doit, en outre, faire rapport de toutes les informations qu'il a prises dans l'exercice de sa charge." De quel rapport s'agit-il? À qui fera-t-il rapport? Que veut dire "toutes les informations qu'il a prises dans l'exercice de sa charge"? Je comprends que vous enlevez un bout de phrase et vous me dites, comme explication...

M. Marx: J'enlève toute la phrase. On enlève "Le juge de la Cour provinciale...", la dernière phrase. Il y a deux phrases dans l'article; on laisse la première.

M. Filion: Toute la phrase. Quelle est la portée? C'est ce que je veux savoir.

M. Marx: La portée?

M. Filion: C'est la question que je pose: Concrètement, cela veut dire quoi? Qu'est-ce que c'était ce rapport? Je ne sais pas de quel rapport il s'agit.

M. Marx: C'est le...

M. Filion: Je suis bien prêt à dire que l'amendement est plein d'allure, mais je veux savoir de quel rapport il s'agit. Je ne connais pas ce rapport et je vous pose la question. C'est vous qui êtes le ministre de la Justice. De quel rapport s'agit-il?

M. Marx: Disons que...

M. Filion: Je veux bien qu'on le supprime, mais encore faudrait-il que je sache ce qu'on supprime.

M. Marx: On supprime le fait que le gouvernement pourrait, en tout temps, demander au juge de faire rapport concernant l'exercice de sa charge. (21 h 30)

Le Président (M. Dufour): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Comme je le dis toujours, les lois ne sont pas faites uniquement pour les avocats, nonobstant tout le respect que j'ai envers mes collègues qui professent. Je me mets dans la peau du quidam, c'est-à-dire du citoyen ordinaire qui regarde cela: "Le juge de la Cour provinciale doit, en outre, faire rapport de toutes les informations qu'il a prises dans l'exercice de sa charge chaque fois qu'il en est requis par le gouvernement." Mon interprétation à moi est que le gouvernement ne s'ingère pas dans le processus judiciaire; effectivement, ce sont deux pouvoirs très distincts. Moi, je ne vois pas pourquoi on retire cette phrase qui, à mon point de vue, signifie que le gouvernement n'influence pas le pouvoir judiciaire dans sa prise de décisions et dans les considérations qu'il apporte lorsqu'il prend jugement. Je crois que le gouvernement peut être informé, doit être informé, puisque l'administration de la justice relève quand même encore d'un gouvernement et d'une Assemblée nationale, ne serait-ce que du nombre de causes qui ont été entendues, du sujet des causes.

M. Marx: Est-ce que cela fait mal au député si on enlève cette phrase, parce qu'on n'a pas besoin de cette information? Mais, si vous insistez pour laisser cela là, on ne fera pas un débat. On va retirer l'amendement peut-être et on va laisser cela là, si vous pensez vraiment que cela va nous aider, le cas échéant. On n'a pas besoin de cette information sur l'exercice de sa charge. Si, au ministère, on me dit qu'on n'a pas besoin de cela et que les légistes font état de la question, on peut discuter de cela, mais je ne sais pas ce que cela va donner. Mais, si vous insistez comme Opposition que le ministère a besoin de cette information, que le gouvernement a besoin de cette information, peut-être peut-on penser à retirer cette modification è la loi. Il reste que si vous êtes au pouvoir un jour, au XXle siècle, cela pourrait être une information utile. Je ne veux pas prédire l'avenir, mais, au XXle siècle...

Le Président (M. Oufour): Le député de Saint-Jacques a demandé la parole.

M. Boulerice: Devant une manifeste bonne volonté du ministre qui accepte de le retirer, nous consentirons dans cinq ou six ans, enfin à la fin du mandat que nous reprendrons dans trois ans, d'en rediscuter avec lui, effectivement, pour voir quelle utilité cela a. Je veux, comme pouvoir politique, comme élu, pouvoir poser des questions à l'appareil judiciaire de l'État dont j'ai assumé la gestion.

M. Bélisle: Moi, je voudrais bien entendre le député de Taillon sur cela.

Le Président (M. Dufour): Bien là, c'est...

M. Filion: II faudrait que vous demandiez de nouvelles élections.

M. Bélisle: Des fois, c'est embarrassant, M. le député de Taillon, n'est-ce pas?

Le Président (M. Dufour): Un instant.

M. Bélisle: C'est ce qu'on appelle adopté sur division.

M. Filion: Moi, ma question est simple, M. le ministre de la Justice.

Le Président (M. Dufour): M. le député de Taillon.

M. Filion: J'aimerais savoir de quel rapport il s'agit. Mon Dieu! Ce n'est pas compliqué, c'est un rapport qui contient quoi'?

M. Marx: C'est toute l'information, c'est écrit dans l'article. Je ne peux pas aller...

M. Filion: Mais, non, écoutez, concrètement, il y a quoi dans ce rapport?

M. Marx: "Le juge de la Cour provinciale doit, en outre - ce sont deux mots importants ici - faire rapport de toutes les informations qu'il a prises dans l'exercice de sa charge." Nous n'avons pas la version anglaise, mais cela devrait être...

M. Filion: Ce serait bon d'avoir la version anglaise.

M. Marx: Ce serait bon, mais nous n'avons pas cela. Cela devrait être "in the

exercise of his office", parce que c'est comme cela dans la constitution en ce qui concerne le lieutenant-gouverneur ou le Gouverneur général. Donc, l'exercice de sa charge, "of his office", c'est-à-dire sa charge judiciaire, "chaque fois qu'il en est requis par le gouvernement." Donc, les légistes ont pensé que cela va contribuer à raffermir l'indépendance du tribunal dans l'exercice de ses fonctions judiciaires d'enlever cette phrase, c'est-à-dire la deuxième phrase de l'article 141. Est-ce que l'Opposition est divisée sur ce point?

Une voix: Sur division.

M. Boulerice: Comme de votre côté pour ce qui est d'une loi qui s'en vient.

M. Marx: Ce n'est pas l'indépendance du Québec, c'est l'indépendance des tribunaux.

M. Filion: II n'y a pas de...

M. Marx: II ne faut pas avoir de division sur cela.

M. Boulerice: II est heureux de voir que le député de D'Arcy McGee nous rejoint enfin sur cette question.

M. Marx: C'est cela.

M. Boulerice: II sera peut-être gouverneur de la province de D'Arcy McGee...

M. Marx: Probablement.

M. Boulerice: ...d'un Québec souverain.

Le Président (M. Dufour): M. le député de Taillon.

M. Filion: J'ai lu l'article à plusieurs reprises et je sais ce qui est écrit. Alors, je vais poser une autre question. Est-ce qu'à sa connaissance ou à la connaissance des gens qui l'entourent de semblables rapports ont déjà été demandés?

M. Marx: Les fonctionnaires présents n'ont pas eu connaissance d'une telle démarche. Cela est possible parce qu'on prévoit "chaque fois qu'il est en requis par le gouvernement"; on peut le demander. On ne veut même pas prévoir dans les lois qu'on pourrait demander une telle information.

M. Filion: Je vais donner comme exemple une information qui concerne un nombre de causes, les rôles. Par exemple, on a 2220 causes en suspens et on a besoin de personnel additionnel, M. le ministre. Voilà une information intéressante pour un qouvernement qui pourrait juqer à propos d'ajouter des ressources à l'appareil judiciaire, de consentir des budgets...

M. Marx: Oui, mais ce n'est pas le juge.

M. Filion: ...supplémentaires ou pour le ministre qui voudrait faire les représentations nécessaires auprès de son collègue, le président du Conseil du trésor, etc.

M. Marx: Mais ce ne sont pas les juges qui ont cette information. C'est le juge en chef qui veille à la confection des rôles. Il n'y a pas de problème là. De toute façon, on a des responsables des palais de justice qui ont toute l'information sur ordinateur. Cela ne pose pas de problème. Nous voulons donner plus d'indépendance aux tribunaux, et le député de Taillon s'y oppose. Je commence à être confus dans ce débat. J'ai l'impression que le député de Taillon ne veut pas être confronté avec les faits. Je pose la question, M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui.

M. Marx: Nous voulons ici donner plus d'indépendance aux tribunaux, et vous êtes en train de nous demander pourquoi. Je pense que cela est clair: c'est parce que nous croyons à cette indépendance.

Le Président (M. Dufour): Êtes-vous prêt à vous prononcer?

M. Filion: M. le Président, le ministre ne nous a pas apporté de réponse.

M. Marx: C'est la seule réponse que j'ai.

M. Filion: Non, mais c'est quand même incroyable!

Une voix: Pas de réponse à la réponse. M. Marx: Je n'ai pas d'autre réponse.

M. Filion: Je n'arrive pas à croire que, dans vos notes, vous ne savez pas de quel rapport il s'agit. On supprime un rapport, mais on ne sait pas lequel.

M. Marx: Je vous ai déjà expliqué cela cinq fois.

M. Filion: Mais non.

M. Marx: Je n'ai pas d'autre explication.

M. Filion: Si vous saviez de quel rapport il s'agit, quand ce rapport a-t-il été remis? À quand cela remonte-t-il? À 1912?

À I960?

M. Marx: Ce n'est pas nécessaire pour nous, quand on supprime une phrase d'un article, de faire une recherche jusqu'au début du XIXe siècle.

M. Filion: Est-ce que c'est un rapport qui porte - je donne un exemple, M. le Président - sur le nombre de causes, le nombre de salles d'audience, les problèmes administratifs? À ce moment-là, cela peut être un rapport utile...

M. Marx: À notre avis, non.

M. Filion: Si c'est un rapport qui porte sur les fonctions judiciaires du juge, c'est bien sûr qu'il n'y a absolument aucune nécessité pour le gouvernement d'en obtenir le contenu. Le ministre ne nous apporte pas de réponses, mais il me dit quand même qu'à son avis c'est clair que cela concerne non pas l'administration, mais les fonctions judiciaires.

M. Marx: C'est parce que cela couvre n'importe quoi. Le contenu n'est pas précisé.

M. Filion: Donc, à votre avis, le rapport dont il est fait mention ici pourrait contenir un rapport de ses fonctions judiciaires?

M. Marx: Si vous le voulez, oui.

M. Filion: Bon. À partir de ce moment-là, il est clair que cela n'a aucun sens si je prends votre parole que ce rapport pourrait contenir des informations judiciaires.

M. Marx: À notre avis, oui.

M. Filion: Je prends votre parole. On ne me donne d'ailleurs pas le choix, le règlement ne me donne pas le choix. Je prends votre rapport sur le rapport et, à ce moment-là, nous sommes prêts à passer à l'article suivant.

Le Président (M. Dufour): Est-ce que cet article est adopté?

M. Filion: Adopté.

M. Marx: Adopté unanimement, M. le Président. L'article 361 modifie l'article 5 de la Loi sur l'utilisation des ressources forestières.

Loi sur l'utilisation des ressources forestières

M. Filion: Nous sommes ouverts.

M. Boulerice: On en a donné la preuve, non"?

M. Marx: Oui. L'article 5 de la Loi sur l'utilisation des ressources forestières oblige le tribunal...

Le Président (M. Dufour): Je vous demande de respecter un peu le décorum.

M. Filion: On échange au sein de l'Opposition. On n'a pas peur des discussions.

M. Boulerice: C'est un parti ouvert.

M. Filion: Pas juste dans les caucus; à l'extérieur des caucus aussi, on s'exprime librement.

Le Président (M. Dufour): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Marx: Oui. L'article 5 de la Loi sur l'utilisation des ressources forestières oblige le tribunal à confisquer le bois saisi au profit de la couronne. Il serait préférable que la confiscation soit autorisée par une personne en mesure d'apprécier de manière neutre et impartiale les droits opposés de l'État et du particulier. La modification propose donc de laisser la discrétion au tribunal en remplaçant le mot "doit" par le mot "peut".

M. Filion: Adopté.

Le Président (M. Dufour): Adopté. J'appelle l'article 362.

Loi sur les valeurs mobilières

M. Marx: Cet article modifie l'article 307 de la Loi sur les valeurs mobilières. En vertu de l'article 307, la Commission des valeurs mobilières peut déléguer à un de ses membres ou à un membre de son personnel certaines fonctions de nature quasi judiciaire. Compte tenu de la nature des fonctions déléguées, la modification proposée vise à accorder à ces personnes un minimum d'indépendance dans l'exercice de ces fonctions.

M. Filion: M. le Président, nous croyons qu'il s'agit là d'une modification des plus valables.

Le Président (M. Dufour): C'est donc adopté. J'appelle l'article 363.

M. Marx: Cet article modifie l'article 314 de la Loi sur les valeurs mobilières. L'article 314 prévoit que les articles 245 et 246 s'appliquent à toute audience de la commission. Êtes-vous d'accord, M. le député de Taillon?

M. Filion: Pardon?

M. Marx: Etes-vous d'accord? Non?

M. Filion: Je vous écoutais!

M. Marx: D'accord. L'article 245 prévoit que la commission peut interdire à une personne de communiquer à quiconque, si ce n'est à son avocat, toute information reliée à une enquête. Et 246: Toute personne appelée à témoigner au cours d'une enquête ou lors d'un interrogatoire peut se faire assister d'un avocat de son choix. Si ces articles sont applicables à bon droit lors d'une enquête, ils posent un problème en regard de la charte lors d'une audience de la commission. L'article 245 n'encadre aucunement le pouvoir d'interdiction préalable de communication accordé à la commission. L'article 246 ne prévoit pas la possibilité d'être représenté par un avocat. Pour éviter que l'application de ces articles, lors d'une audience, n'entre en conflit avec certains droits reconnus par la charte, la Commission des valeurs mobilières a préféré les supprimer. En l'occurrence, les règles d'application générales en la matière, y compris celles contenues dans la charte, s'appliqueront lors d'une audience de la commission. Donc, on abroge ces deux articles.

Le Président (M. Dufour): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: J'aurais une brève question à poser au ministre. C'est une loi qui s'applique à la Commission des valeurs mobilières. Tout le monde connaît l'importance de cette commission. Tout le monde sait, d'ailleurs, que la Commission des valeurs mobilières, si je peux employer l'expression, fait école. Je sais pertinemment qu'on vient autant d'Amérique que d'Europe pour voir ses façons de fonctionner, le sérieux avec lequel elle exécute ses mandats. La question que j'aimerais poser au ministre est la suivante: Est-ce que vous avez consulté la Commission des valeurs mobilières? (21 h 45)

M. Marx: Oui.

M. Boulerice: Vous avez consulté la commission?

M. Marx: Oui. Je vous ai seulement dit que la commission nous suggérait de faire cette modification à l'article 314, de supprimer la référence aux articles 245 et 246.

M. Boulerice: Vous me dites que vous avez consulté la Commission des valeurs mobilières. Je dois vous en féliciter. Je suis désolé que vous consultiez peut-être un peu moins la magistrature que la Commission des valeurs mobilières. Je pense qu'il devrait y avoir des traitements égaux, puisqu'on parle de la charte des droits et libertés, mais si vous avez consulté la Commission des valeurs mobilières, en souhaitant que vous consultiez éqalement d'autres intervenants comme je le souhaitais tantôt, quant à moi, je serais bien disposé à voter pour votre amendement.

M. Marx: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Dufour): C'est adopté.

M. Filion: De mon côté, M. le Président, il m'apparaît que les modifications proposées sont tout à fait acceptables.

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Dufour): Donc, c'est adopté. J'appelle l'article 364.

M. Marx: Cet article modifie l'article 321 de la Loi sur les valeurs mobilières. L'article 321 traite du pouvoir de révision que possède la Commission des valeurs mobilières en regard de ses décisions. La modification proposée a pour but de circonscrire cette révision sans porter atteinte à l'impartialité des commissaires.

M. Filion: Y a-t-il une raison pour laquelle, dans le cas de la Commission des valeurs mobilières, nous n'introduisons pas le même cadre de révision que nous avons introduit dans l'ensemble des lois que nous avons examinées?

M. Marx: L'article 85 est rédigé de la même manière.

M. Filion: Dans ce sens-là, également, le deuxième alinéa de l'article 321.

M. Marx: De quel article?

M. Filion: De l'article 321 de la Loi sur les valeurs mobilières. En deux mots, le premier alinéa dit: que, sauf s'il y a une erreur de droit, on ne peut pas réviser la décision, cela va. Le deuxième alinéa de l'article 321 dit ceci: "L'auteur d'une décision rendue dans l'exercice d'un pouvoir délégué peut réviser sa décision lorsqu'un fait nouveau le justifie". Alors que nous avons adopté des modifications à plusieurs lois visant à encadrer le pouvoir de révision, dans ce cas-ci, sauf erreur, je remarque que nous n'introduisons pas les mêmes critères. Pardon?

M. Marx: C'est l'encadrement ici. M. Filion: Ce n'est pas le même.

M. Marx: "La commission peut, à tout moment, réviser ses décisions, sauf dans le cas d'une erreur de droit. L'auteur d'une décision rendue dans l'exercice d'un pouvoir délégué peut réviser sa décision lorsqu'un fait nouveau le justifie". Ce n'est pas une erreur de droit, c'est une question de fait.

M. Filion: Quand on a modifié, à l'article 205 du projet de loi...

M. Marx: Un instant, je vais chercher cet article.

M. Filion: C'est un exemple. On l'a fait dans le cas de plusieurs organismes qui détiennent des pouvoirs quasi judiciaires. On a introduit le cadre suivant, en ce qui concerne la révision: "1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente; 2° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider cette décision; 3° lorsque, partie au litige, le demandeur n'a pu, pour des raisons suffisantes, se faire entendre".

En deux mots, on a repris à de multiples reprises, dans le projet de loi 92, l'encadrement que je viens de décrire. Je me demande pourquoi, dans ce cas-ci, on se limiterait à un fait nouveau et on ne modifierait pas le deuxième alinéa de l'article 321. Il doit y avoir une raison, mais je ne la connais pas.

M. Marx: Dans nos consultations, la conclusion était qu'il faut réviser ces articles de cette façon. Vous nous avez demandé de consulter, et on a consulté. C'est le résultat de cette consultation. Si on consulte tout le monde, il peut y avoir des différences d'opinions; soit les consulter et ne pas les écouter, soit les consulter et les écouter. 5i on consulte, j'imagine que vous voulez qu'on les écoute, M. le député de Saint-Jacques. D'accord? C'est ce qu'on a fait. C'est pourquoi il y a des distinctions, sans beaucoup de différences, entre certains articles dans un certain nombre de lois. Une loi n'est pas une photocopie de l'autre.

M. Filion: Mais est-ce que la Commission des valeurs mobilières vous a dit que son pouvoir de révision ne devait pas être encadré?

M. Marx: Non, elle était d'accord avec l'amendement que nous proposons ici.

M. Filion: Mais je vous ai entendu à moult reprises, depuis le début du projet de loi 92, dire à quel point il était important d'encadrer la procédure de révision.

M. Marx: On a encadré ici.

M. Filion: Oui, mais...

M. Marx: II n'y a pas qu'une seule façon d'encadrer.

M. Filion: D'accord, mais regardez le deuxième alinéa. On dit: Lorsqu'un fait nouveau le justifie, puis, dans la plupart des cas, on dit: Lorsqu'un fait nouveau... Je me réfère à l'article 205 du projet de loi 92: S'il avait été connu en temps utile, etc. Il me semble que l'encadrement est spécial; pourquoi serait-il spécial dans ce cas-là? Est-ce que...?

M. Marx: La première phrase, c'est: "La commission peut à tout moment..." D'accord? La deuxième phrase, c'est: "Les personnes à qui on a délégué des pouvoirs", des personnes que l'on mentionne à l'article 362. Les deux articles. D'accord?

M. Filion: Oui.

M. Marx: Adopté, M. le Président.

M. Filion: II y a une nuance que...

Le Président (M. Dufour); Est-ce que vous êtes prêt a l'adopter?

M. Filion: Adopté.

Le Président (M. Dufour): Adopté.

M. Filion: On a certains articles qui ont été adoptés dans les suivants, M. le Président. On tombe à l'article 369.

Le Président (M. Dufour): J'appelle l'article 369.

Loi sur la voirie

M. Marx: L'article 369 modifie l'article 17.2 de la Loi sur la voirie. La modification vise à assurer le caractère objectif et normal de l'exercice de pouvoir d'inspection en exigeant qu'elle se fasse à des heures raisonnables et que le représentant s'identifie s'il en est requis.

M. Filion: C'est plein d'allure.

Le Président (M. Dufour): Donc, ce serait adopté? J'appelle l'article 370.

Code civil du Bas-Canada

M. Marx: Cet article modifie l'article 17 du Code civil du Ras-Canada. La modification proposée a pour objet d'offrir aux personnes tenues de prêter serment la possibilité d'exprimer ce serment par une affirmation solennelle.

M. Filion: Cela va.

Le Président (M. Dufour): Adopté. L'article 371?

M. Marx: Cet article modifie l'article 54 du Code civil du Bas-Canada. Selon la modification proposée, les actes de naissance ne devront plus faire mention de la profession du père, de la mère, des parrains et marraines. Cette mention n'est aucunement nécessaire pour identifier les père et mère, parrain et marraine.

Le Président (M. Dufour): Est-ce que l'article est adopté?

M. Filion: Je suis en train de consulter mes notes. Ce ne sera pas long, M. le Président.

Adopté.

Le Président (M. Dufour): Adopté. J'appelle l'article 372.

M. Marx: Cet article modifie l'article 65 du Code civil du Bas-Canada. La modification proposée supprime l'exigence de la mention de la profession des époux dans les actes de mariage. On biffe le mot "profession".

M. Filion: On a déjà enlevé le mot "profession" de plusieurs lois, notamment quand le témoin se présente devant le tribunal, etc., cela va de soi; mais, dans les cas qui nous concernent, je me demande dans quelle mesure la profession ne peut être utile pour déterminer l'identité, pour éviter des erreurs d'identité.

M. Marx: La profession, 50 ans plus tard... Vous n'avez pas commencé comme député. Mot, cela a changé quatre fois durant ma vie. Quand je me suis marié, supposons que j'étais vendeur itinérant ou je ne sais pas quoi à l'époque; c'est passé, j'ai fait autre chose, donc, chaque fois c'était changé. Maintenant, ils vont chercher un vendeur itinérant mais, en réalité, c'est le ministre de la Justice qu'ils cherchent. Vous voyez le problème.

M. Boulerice: Je comprends M. le ministre quand il dit changement de profession. Moi, je l'ai bien vécu, le candidat de son parti avait une profession sur le bulletin de mise en candidature, sur les tracts; enfin, cela changeait autant qu'on changeait de papier. Effectivement, cela peut sans doute poser certaines difficultés, sauf que mon collègue de Taillon amène quand même un point de vue intéressant sur le plan de l'identification. Je voudrais peut-être lui donner une autre dimension.

On parle d'acte de mariage. Tout le monde connaît l'importance de ces registres d'état civil, mais dans quelle mesure cela n'est-il pas important, M. le Président - il faut toujours prévoir l'avenir, et, comme disait l'autre, l'avenir est quelque chose qui dure longtemps - sur le plan de l'histoire, des études sociologiques au Québec, de connaître effectivement la profession, qui est synonyme d'occupation principale pour quelqu'un, lorsqu'on vient de faire ces études historiques ou sociologiques? Pour ces raisons-là, j'hésiterais à l'enlever...

M. Marx: ...donner à chaque personne qui se marie une carte postale à envoyer au sociologue pour donner l'information. On ne travaille pas pour les sociologues. Il y a le droit au respect de la vie privée et le droit des sociologues de faire leurs recherches.

Une voix: Bah! La vie privée, là...

M. Marx: Je ne pense pas que cela va trop affecter les sociologues ces jours-ci.

M. Boulerice: Tout le monde sait qu'ils sont perturbés par le gouvernement actuel; d'ailleurs, ils ne cessent de l'écrire dans les journaux. Donc, ils ont des préoccupations. Je ne pense pas que le ministre doive les balayer du revers de la main, mais, comme sa collègue balaie certains journalistes, il faudrait peut-être un peu plus de retenue.

Les droits à la vie privée, est-ce qu'il y a quelqu'un au Québec qui exerce une profession déshonorable? Moi, je n'en connais pas encore, en tout cas.

Je n'en connais pas et le vieil adage le dit: II n'y a pas de sot métier, mais il n'y a, malheureusement, souvent que de sottes gens. Il n'y a pas de sot métier et je ne vois pas de quelle façon quelqu'un aurait honte de la profession qu'il occupe, aussi modeste puisse-t-elle être, parce que cette profession, cette occupation se fait toujours, j'en suis persuadé, dans le sens de l'avancement et du développement de notre pays. Je ne comprends pas la logique. J'aimerais que le ministre m'explique toute la philosophie qui sous-tend son raisonnement. (22 heures)

M. Marx: M. le député de Saint-Jacques, voici la logique. La logique, la philosophie, le fond de l'affaire, c'est que vous avez voté pour l'article 371, qui enlève le mot "profession" des actes de naissance. Dans votre grande logique, vous devez voter pour 372; c'est dans la même logique. On n'a pas changé de logique, ni de philosophie.

M. Boulerice: Mais, monsieur...

M. Marx: Si cela n'apparaît pas dans les actes de naissance, si ce n'est pas essentiel là où les généalogistes font la recherche au Québec, si ce n'est pas

nécessaire de l'avoir là, je ne vois pas l'a-propos de le maintenir dans les actes de mariage.

M. Boulerice: Oui, c'est cela. Je pense que ce n'est pas utile de mettre la profession du bébé, puisqu'elle n'est pas encore définie...

M. Marx: Ce n'est pas la profession du bébé, c'est la profession du père, de la mère et ainsi de suite.

M. Boulerice: Et cela je ne suis pas gêné de l'avoir peut-être laissé passer. J'ai toujours dit: C'est lorsqu'on refuse de changer d'idée qu'on risque peut-être...

M. Marx: Mais vous changez d'idée toutes les trois minutes, trois fois par quinze minutes.

M. Boulerice: ...d'être mis en contradiction avec soi-même.

M. Filion: M. le ministre, là-dessus, une fois pour toutes. C'est un projet d'environ 3B0 articles, et nous avons toujours oeuvré avec le maximum de collaboration...

M. Marx: C'est toujours cela,

M. Filion: ...pour le ministre qui pilote ce projet de loi. C'est un projet de loi qui modifie 113 lois. C'est un projet de loi dont la préparation a été, du côté du ministère de la Justice, énorme, et qui a débuté en 1983. Dans certains cas, on est revenu sur des articles, on a suspendu, etc. Je suis convaincu que le ministre lui-même ne nous servira pas des arguments aussi faciles que celui-là. Nos interrogations sont de bonne foi. À plusieurs reprises, le ministre est revenu sur des articles de loi - d'ailleurs on s'est entendu, à cet effet, au début du projet de loi...

M. Marx: Oui.

M. Filion: On s'est entendu, cela fait deux fois que j'entends le ministre me servir cet argument.

Le Président (M. Dufour): Je m'excuse, M. le député de Taillon, à moins de consentement unanime...

M. Fîlion: On peut finir...

Le Président (M. Dufour): II est 22 h 1...

M. Filion: On peut finir cet article et l'adopter, mais en deux mots, M. le ministre...

Le Président (M. Dufour): Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Marx: Oui. Voici la collaboration dont le député a parlé, et il est prêt à terminer cette section.

Le Président (M. Dufour): Continuez, M. le député de Taillon.

M. Filion: Dans ce sens, on pose la question simplement: Ce n'est pas la même chose, une personne qui s'en va, disons, témoigner devant une cour de justice. Lui demander sa profession, pour moi, c'est carrément discriminatoire. Surtout, ce n'est pas nécessaire.

M. Marx: Mais ce n'est pas parce que c'est nécessaire...

M. Filion: Je voudrais renchérir, ce n'est pas tellement de donner sa profession qui peut être embêtant, c'est aussi pour les gens qui, des fois, malheureusement, ne travaillent pas au moment où ils sont appelés à témoigner devant la cour de justice. Mais le point de vue que nous soulevons, le député de Saint-Jacques et moi, depuis tantôt, c'est: Est-ce que, dans certains cas, la profession ne peut pas aider à identifier clairement une personne? Par exemple, dans les registres d'état civil, on connaît l'importance... On pose la question, et vous nous répondez: Bien non, ce n'est pas...

M. Marx: On a laissé cela dans les lois où c'était nécessaire.

M. Filion: Oui.

M. Marx: J'ai demandé aux légistes de nous fournir une liste, le cas échéant. On ne pense pas que c'est nécessaire en ce qui concerne la célébration d'un mariage. Si on pense à cela, M. le Président, ce n'est pas vraiment nécessaire. Supposons quelqu'un qui s'est marié il y ' a 30 ans. Lors de mon mariage, je pense que j'étais étudiant; je ne me souviens pas, cela fait tellement longtemps. Je pense que je travaillais pour une compagnie. Dans les actes de naissance de mes enfants, pour mon fils, j'étais étudiant pour ma fille j'étais professeur, et ainsi de suite. Cela a chanqé pour chacun de ces actes d'état civil. Ma profession a changé, donc je me pose la question: Est-ce qu'il serait utile pour quelqu'un d'essayer de m'identifier, dans ces actes, par ma profession? C'est la question que je soulève.

M. Boulerice: Je pourrais répondre d'emblée...

Le Président (M. Dufour): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je pourrais répondre d'emblée au ministre que cela va être utile, effectivement, lorsqu'on va tracer le portrait de sa carrière.

M. Marx: Quelqu'un n'aura qu'à me demander mon curriculum vitae et ce sera plus simple.

M. Boulerice: Et je pourrais même vous dire que dans le comté de Saint-Jacques il y a trois André Boulerice. J'aimerais vous livrer le pointage de la campagne électorale. Vous accueillerez peut-être moins favorablement mon propos. Ce n'est peut-être pas inutile de distinguer lequel avait dit qu'il était attaché d'administration; le deuxième, manoeuvre, pour qui j'ai beaucoup de respect; et, le troisième, je ne me souviens pas de son occupation. Cela peut, à un certain moment, être utile à ce sujet. Mais je vais conclure, M. le Président, si le ministre accepte de ne pas m'interrompre... Je vais consentir, M. le Président, en disant que, de très bonne foi, nos conversations avec le ministre sont très à l'aise et que, Mon Dieu! j'échangerai la bienveillance actuelle contre la sienne dans un autre article ultérieurement.

M. Marx: M. le Président, je veux seulement souligner que, dans la liste électorale, cela peut être utile, parce qu'on identifie quelqu'un pour un certain nombre de jours; ce n'est pas là revenir, 50 ans plus tard, pour voir qui est la personne. Dans la liste électorale, cela n'a pas changé. On a laissé la profession parce que c'est pour identifier la personne durant un nombre limité de jours, et cela peut être utile d'avoir sa profession. Mais, ici, pour identifier quelqu'un, peut-être 30 ans plus tard, cela n'est pas utile. D'accord?

M. Filion: Adopté.

Le Président (M. Dufour): Je déclare l'article 372 adopté.

M. Marx: L'article 373.

Le Président (M. Dufour): Est-ce que vous êtes prêts à continuer?

M. Marx: C'est la même chose.

Le Président (M. Dufour): Vous n'êtes pas d'accord. Je déclare donc la séance ajournée à demain matin, 11 heures.

(Fin de la séance à 22 h 7)

Document(s) related to the sitting