Journal des débats (Hansard) of the Committee on Public Finance
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Thursday, June 8, 2023
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Vol. 47 N° 26
Special consultations and public hearings on the report on the application of the Act to facilitate the disclosure of wrongdoings relating to public bodies
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures cinquante et une minutes)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum.
Nous sommes en mesure de pouvoir entreprendre nos travaux. Comme vous le savez,
la commission est aujourd'hui réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le rapport sur la mise en œuvre de
la Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard des
organismes publics. Mme la secrétaire, bonjour. Y aurait-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Monsieur Bouazzi, Maurice-Richard est remplacé par Mme Labrie,
Sherbrooke.
Le Président (M. Simard) : Alors,
pour toutes sortes de raisons, nous avons ce matin commencé légèrement en
retard. Y aurait-il consentement afin que nous puissions, donc, terminer à l'heure
prévue, en retranchant de manière proportionnelle les temps de parole afin que
nous puissions arriver top chrono dans nos temps respectifs? Il y a
consentement? Très bien.
Alors, nous avons l'honneur ce matin de
débuter nos échanges par la présence de représentantes et de représentants de
la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Ils sont par
visioconférence. Alors, Mesdames, Messieurs, bienvenue! Nous avons de légers
problèmes techniques avec lesquels nous allons devoir composer. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter? Suite à quoi, vous... (Panne de son) ...bien
entendu 10 minutes de présentation.
M. Nguyen (Michaël) : Je me
présente. Michaël Nguyen, président de la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec et journaliste judiciaire du Journal de... au Journal de
Montréal. Je suis accompagné de M. Éric-Pierre Champagne, vice-président de la
Fédération, journaliste et spécialiste en environnement à La Presse, de Mme
Geneviève Michaud, trésorière de la Fédération et directrice pour Metro Media,
ainsi que Mme Desjardins, directrice générale de la Fédération des journalistes
du Québec. Est-ce que je continue, vous me laissez la...
Le Président (M. Simard) : Voilà.
Nous vous écoutons.
M. Nguyen (Michaël) : Donc,
premièrement, M. le Président, Mesdames, Messieurs les députés, d'abord, je
tiens à vous remercier pour l'invitation à cette commission. La Fédération
professionnelle des journalistes du Québec existe depuis 54 ans
maintenant. Elle défend la liberté de presse et le droit du public à l'information.
Nous sommes un organisme sans but lucratif qui rassemble environ 700 journalistes
dans plus de 250 médias écrits et électroniques à travers toute la nation.
C'est ce qui en fait la plus... la principale et la plus représentative
organisation journalistique au Canada. Le sujet de cette rencontre aujourd'hui,
évidemment, c'est la Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard
des organismes publics. Donc, elle a fait l'objet d'un rapport sur sa mise en
œuvre en février 2020. Pour rappel, la FPJQ, on tient à mettre de l'avant
certaines recommandations et présenter aussi certaines inquiétudes suite au
dépôt de ce rapport.
En février 2016, pour faire un topo
rapide, la FPJQ avait été conviée lors de l'étude du projet de loi n° 87. Et, à
l'époque, nous avions émis certaines recommandations qui n'ont malheureusement
pas été appliquées à la mouture finale de la loi et nous souhaitons justement,
bien, profiter de ces consultations maintenant pour réitérer certaines de ces
demandes. C'est certain que la loi n'est pas liée directement au travail
journalistique, mais ça nous interpelle à travers les fondements démocratiques
qu'elle protège, notamment l'éthique et la transparence de nos institutions
ainsi que l'intérêt public. Donc, bien que la Fédération soit d'avis qu'il y a
des contextes où la divulgation d'informations confidentielles n'est pas
justifiée et qu'il doit y exister des balises, nous tenons quand même à
souligner que les recommandations prévues au rapport risquent de rendre la
décision encore plus complexe pour les sonneurs d'alarme. La loi faisait déjà
reposer le fardeau de la preuve sur leurs épaules et les recommandations proposées
par le rapport vont augmenter ces pressions et créer certaines confusions et
surtout accentuer un risque de judiciarisation du processus, ce qui la rendrait
encore plus inaccessible pour un dénonciateur. Donc, pour le bien de la
démocratie, la FPJQ souhaite éviter cette loi qui vise à faciliter la
divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics et une
efficacité aussi limitée de la Loi sur l'accès à l'information.
Parce que, je tiens à vous le rappeler, M.
le Président, Mmes, MM. les députés, ça prend du courage pour dénoncer. Un
lanceur d'alerte potentiel, il fait présentement face à un choix :
dénoncer avec un risque de devoir mettre sa vie sur pause ou fermer les yeux,
continuer sa vie sans mettre tous les projecteurs sur elle, sans vivre un
stress pour lequel cette personne n'est pas nécessairement préparée ou le
soutien qu'il pourrait recevoir risque d'être un peu aléatoire, selon les
organismes. Il y a des gens...
M. Nguyen (Michaël) :
...qui décident de se battre, par exemple, vous vous en souviendrez tous,
Claude Robinson l'a fait, il s'est battu, mais, je me permets de vous demander,
à quel prix? Donc, sans plus tarder, pour économiser le temps de la commission,
je vais laisser la parole à Monsieur Champagne, qui va vous faire part de nos
recommandations plus en détail. Merci.
0epc Oui. Bonjour. Merci, Michaël. Mais
bonjour à tous. Donc, évidemment je vais présenter deux des recommandations que
la FPJQ souhaite faire. Ma collègue Geneviève Michaud va s'occuper des deux
autres.
Concernant la protection de la
confidentialité des dénonciateurs, on tient à rappeler que la FPJQ, en 2016,
avait relevé le fait qu'il pouvait y avoir un problème à ce que la dénonciation
soit un peu comme jugée, évaluée par l'organisme visé, donc, pour nous, il y
avait un problème, là, de juge et partie évidemment. On trouve très
intéressante la recommandation qui a été faite de donner le mandat au
Protecteur du citoyen. Ça peut permettre de faire en sorte que ces dossiers-là,
si on veut, soient évalués par une personne... mais pas une personne, mais, en
tout cas, un groupe externe. On pense que c'est un pas dans la bonne direction.
Ceci dit, si on ne donne pas les moyens au Protecteur du citoyen de faire ce travail-là,
parce qu'on peut penser que, si tel était le cas, ça mettrait les potentiels
lanceurs d'alerte en confiance, en tout cas un peu plus en confiance, donc ça
mènerait probablement, fort probablement un peu plus de travail pour le
Protecteur du citoyen. Donc, si on ne lui donne pas les moyens de faire son
travail, c'est un peu comme un coup d'épée dans l'eau, là, ça revient, à notre
avis, à faire en sorte que ça... on ne corrige pas véritablement le problème,
là. C'est quelque chose qu'on voit notamment avec la Commission d'accès à
l'information, à qui on a confié de nouvelles responsabilités au cours des
dernières années, sans lui donner, par exemple, plus de budgets, plus de moyens
pour faire son travail. Je pense que la CAI l'a signalé, là, à quelques
reprises. Donc, ça, c'est un aspect qui est très important pour nous.
• (12 heures) •
L'autre aspect, c'est sur la nécessité...
En fait, il y a des lanceurs d'alerte qui finissent par parler au public, aux
journalistes. Là, on soulève un problème parce qu'il y a... En fait, la façon
dont c'est fait actuellement, c'est que, pour pouvoir parler au public et aux
journalistes, il faut cocher beaucoup de cases, et là il y a des cas très, très
précis où on peut accepter que des lanceurs d'alerte parlent au public. Mais
nous, on pense que, là, ça aussi, ça peut poser un problème parce qu'évidemment
il y a... Bon, juste un exemple. On parle par exemple... tu sais, dans un cas
où la sécurité d'une personne ou pour l'environnement est en cause, mais
prenons l'exemple de la commission Charbonneau, qui a vu le jour grâce
notamment à des lanceurs d'alerte. Est-ce que ce qui était en cause à ce
moment-là, c'était considéré comme un motif raisonnable aux yeux de la loi? Je
ne pense pas. Donc, ça aussi, c'est problématique. Puis je voudrais juste
rappeler à quel point c'est difficile pour les lanceurs d'alertes.
Rappelons-nous Louis Robert. Louis Robert, ce qu'on sait, c'est qu'il avait
passé au travers tout le processus et, malheureusement, ça n'avait rien donné,
en tout cas, lui, c'est ce qu'il avait estimé, et il a fait des sorties dans
les médias, ça fait en sorte qu'il a perdu son emploi puis l'a récupéré par la
suite. Alors, voyant ça là, les potentiels lanceurs d'alerte au sein des
organismes publics, est-ce qu'ils ont envie d'être des futurs Louis Robert? Je
pense qu'on peut présumer qu'ils n'ont peut-être pas envie de vivre ça. Donc,
l'idée, c'est de faire en sorte que les règles facilitent, là, ces gens-là qui,
en toute bonne foi, veulent dénoncer des situations problématiques.
Donc, c'est vraiment les deux, les deux
principaux, les deux premiers aspects qu'on veut porter à votre attention. Puis
je vais laisser ma collègue Geneviève Michaud, là, vous parler des deux autres.
Mme Michaud (Geneviève) : Merci,
Éric-Pierre. Bonjour à tous. Écoutez, la notion suivante qui retient notre
attention, là, c'est la protection de la notion d'intérêt public. Dans le
rapport, la recommandation 2 propose de modifier cette notion d'intérêt
public là en la rattachant à l'objet de la divulgation plutôt qu'aux intentions
des personnes qui l'effectuent. Selon nous, cette modification-là accentuerait
encore plus le fardeau de la preuve sur les dénonciateurs parce qu'en plus de
devoir se conformer à l'article 7 ils vont maintenant devoir juger, avant
même de faire leurs dénonciations, de la validité de cette dénonciation-là
selon l'intérêt public. Puis, selon nous, les sonneurs d'alerte devraient
pouvoir se baser plutôt sur leur bonne foi et leurs intentions et ne pas être
tenus de faire l'analyse juridique de la portée de leur...
12 h (version non révisée)
Mme Michaud (Geneviève) : ...qui
plus est, on pense que, d'entrée de jeu, les dénonciations... les informations
devraient être considérées comme d'intérêt public, étant donné qu'elles
concernent des organismes publics, donc que les lanceurs d'alerte ne devraient
pas avoir à se poser cette question-là, mais devraient pouvoir se baser, en
effet, sur leur intention de lancer l'alerte.
Par ailleurs, la FPJQ est d'avis, là, qu'une
révision de la loi tous les cinq ans, ce qui est proposé, est une mesure essentielle,
en autant qu'elle soit appliquée. On appuie donc, là, cette partie-là de la
recommandation numéro deux.
Puis, pour terminer, le... ce qui nous...
retient notre attention aussi, c'est la protection des lanceurs d'alerte. Et on
est d'avis que la création d'un comité multipartite pour effectuer des travaux
sur le régime de protection contre les représailles est très pertinente. Par
contre, ce qu'on souhaite souligner, c'est que ce comité devrait être lié à un
échéancier pour la production du rapport et à des mécanismes de suivi pour l'application
des recommandations.
Donc, je repasse la parole à notre
président.
M. Champagne (Éric-Pierre) : Michaël,
on ne t'entend pas.
M. Nguyen (Michaël) : Excusez-moi,
j'avais fermé mon micro. Merci, Geneviève. En conclusion, notre travail comme
journalistes, il consiste à protéger et défendre le droit du public à l'information,
ce qui est tout à fait en phase avec les principes essentiels à une saine
démocratie. Or, dans sa mouture actuelle, on remarque que cette loi est loin de
favoriser ce droit. Et, alors que la Loi d'accès à l'information est
complètement désuète, on juge que l'intérêt public reste menacé pour protéger l'image
des institutions.
Je tiens à vous rappeler que nous sommes
dans une ère de désinformation, de théories du complot, c'est quelque chose
que... vous le savez tous, des gens décident de ne pas faire confiance à l'État,
de ne pas faire confiance aux institutions. Par exemple, les feux de forêt qui
font rage actuellement, on voit passer certaines franges de la population qui
croient, à tort, que c'est le gouvernement qui a allumé ces feux.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Nguyen (Michaël) : Or,
pour regagner la confiance du public, il faut faire preuve de transparence, et
avec une loi forte, une loi qui protège et qui favorise la transparence et la
dénonciation, bien, cette confiance peut être regagnée.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci, M. le Président. Alors, nous entamons notre période d'échange.
Pour ce faire, je cède la parole au député de Maskinongé, qui dispose de neuf
minutes.
M. Allaire : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre présence. Vous êtes le seul groupe qui
avez un angle qui est vraiment propre à vous. Ça fait que ça nous éclaire
beaucoup, là, sur le travail et le rôle que vous avez à jouer dans le contexte
qui nous réunit aujourd'hui.
Vous avez parlé tantôt que vous étiez en
faveur, là, du mandat, là, plus élargi du Protecteur du citoyen, là, si on
revoit la loi. Vous avez parlé de moyens. Vous avez parlé de moyens. J'ai
compris, dans votre intervention, que vous parliez davantage de moyens, entre
autres, financiers, probablement aussi davantage de moyens au niveau des
ressources humaines. C'était probablement la pertinence de votre intervention.
Mais ma question, c'est : Est-ce que vous parlez aussi de moyens qui
seraient davantage législatifs également?
Le Président (M. Simard) : Alors,
M. le Président.
M. Nguyen (Michaël) : Quand
on parle de moyens législatifs, c'est certain que la refonte... une certaine
refonte des modifications à la loi qui donnerait du pouvoir au Protecteur de
citoyen serait accueillie favorablement. Or, on voit, le Protecteur du citoyen
a déjà beaucoup de travail sur ses épaules. Et évidemment la question, c'est :
si la loi donne ce pouvoir au Protecteur du citoyen, est-ce qu'il aura les
moyens de mettre en œuvre de... l'application de la loi? Donc, c'est certain qu'à
ce niveau-là ça va main dans la main, il faut lui donner du pouvoir, mais aussi
les moyens d'exercer ce pouvoir.
M. Allaire : Et est-ce qu'il
y a des cas qui sont venus à vos oreilles, par exemple, qui feraient en sorte
que, dans le passé, certains traitements de demandes, là, en fait, de plaintes,
par manque d'effectifs, par exemple, ou de moyens, n'auraient pas été traités
adéquatement?
M. Nguyen (Michaël) : À nos
oreilles, non, parce qu'évidemment, dans la formule actuelle, l'accès aux
médias pour les lanceurs d'alerte est excessivement limité. On peut le voir
dans l'article 7 de la loi. ...dans le rapport qui a été produit, on peut
voir que plusieurs organismes, malheureusement, n'ont pas fait de... n'ont...
ont un suivi qui est assez limité, il y a eu des changements organisationnels,
qui fait que le suivi n'a pas été fait. On remarque aussi que certains
organismes n'ont toujours pas désigné de responsable, par exemple, si je ne me
trompe pas, l'Autorité des marchés financiers ou encore l'Assemblée nationale.
M. Allaire : Merci.
M. Champagne (Éric-Pierre) : Si
je peux me permettre juste d'ajouter, si vous me le permettez, effectivement,
sur le Protecteur du citoyen, on n'a pas beaucoup d'exemples, mais on... en parallèle,
on peut parler de la Commission d'accès à l'information, qu'on connaît beaucoup
mieux, nous, comme journalistes...
M. Champagne (Éric-Pierre) : ...Puis,
on le voit bien que la Commission n'a pas toutes les ressources financières et
humaines pour faire son travail parce qu'ils ont plus de responsabilités qu'ils
n'en avaient par le passé et ils sont moins en mesure de répondre à plusieurs
choses dans les délais. Donc, nous, c'est le parallèle qu'on fait et on pense
que ça peut avoir une incidence importante, s'il y a des lanceurs d'alerte qui
se font dire : vous devez aller voir le Protecteur du citoyen, mais, s'ils
ne sont pas bien accompagnés par faute de temps ou de ressources, ça risque de
miner leur confiance dans le processus et de faire en sorte qu'ils vont
s'empêcher de faire des dénonciations.
M. Allaire : Merci. Vous avez
parlé, tantôt, là, de toutes les cases à cocher ou de la procédure à suivre,
là, pour faire une dénonciation publique, et vous n'avez pas dit ces mots-là, mais
j'ai compris que c'était lourd, là, quand même, comme processus. Vous avez
parlé de motifs raisonnables. C'est quoi les motifs raisonnables, selon vous,
là, qui seraient... qui donneraient, en fait, au dénonciateur un certain «fast
track», là, vous allez me pardonner l'anglicisme, là, mais permettre, là, de
faire une dénonciation qui est raisonnable, mais que ça soit plus léger comme
processus?
M. Nguyen (Michaël) : La
notion d'intérêt public serait déjà un pas en avant important parce
qu'actuellement, quand on lit l'article sept de la loi, je ne suis pas juriste,
je ne sais pas s'il y a des juristes parmi vous, mais ça semble plus quelque
chose qui a été écrit... Une personne anxieuse, un potentiel lanceur d'alerte
va le lire, s'il n'est pas juge, il n'est pas avocat, j'ai comme un peu
l'impression qu'il risque d'être un peu confus et qu'il risque de mettre un
bâton dans sa volonté de dénoncer. Donc, en ajoutant la notion d'intérêt public
de façon claire dans l'article sept, par exemple, bien, ça permettrait
justement de libérer un certain fardeau qui pourrait pousser un lanceur
d'alerte potentiel à aller de l'avant et justement mener ce combat en sachant
qu'il peut être protégé.
M. Allaire : Parce que, ce
qu'on voit aussi, puis il y a quand même une notion de danger, à mon avis,
c'est-à-dire que, si on ne met pas des balises, si on ne met pas différents
paramètres très clairs pour être sûrs que la divulgation qui est faite, elle
est fondée, on peut... Il peut, au final, y avoir une atteinte à la réputation,
là, puis, tu sais, il faudrait prévoir aussi un mécanisme de réparation dans un
tel contexte. Vous autres, vous voyez ça comment, cet élément-là, à partir du
moment où il y a une dénonciation qui est faite, tout l'appareil médiatique
s'emballe, par exemple, sur un dossier en particulier, mais là, au final, on se
rend compte que c'est plus ou moins fondé, là, ou pas du tout fondé?
M. Nguyen (Michaël) : On
comprend que pour qu'il y ait plainte, ça commence à l'interne. Ça, on peut
très, très bien le concevoir, idéalement, à travers le protecteur du citoyen.
Mais on essaie de penser à tous les cas de figure qui sont possibles, parce
que, c'est un peu ça, le but de la loi, c'est de prévoir les... tous les cas de
figure possibles. Mettons que ça n'avance pas, pour plein de raisons, que ça
soit par manque de moyens, par manque de ressources, mais que la plainte est
fondée, est-ce que, par exemple, un certain laps de temps... Si une plainte ne
peut pas être traitée dans un certain laps de temps, bien... et que la notion
d'intérêt public est remplie, est-ce que ça pourrait protéger... est-ce qu'un
lanceur d'alerte pourrait être protégé, s'il décide d'aller dans les médias,
bien, d'y aller publiquement? On parle de médias, ça peut évidemment être à travers
les réseaux sociaux, à travers des lettres ouvertes, peu importe le format
qu'il utilise, mais c'est... Il faut se rappeler aussi que le lanceur d'alerte,
s'il veut dénoncer, c'est qu'il a l'intérêt de l'organisme à coeur, il veut
s'assurer qu'à long terme la pérennité de l'organisation continue à avoir une
bonne réputation. Et c'est ça, tout le danger, parce qu'il y a l'image qu'il
faut protéger, évidemment, il y a le devoir de loyauté de la personne, mais en
même temps, il y a l'intérêt public. Parce qu'il faut le rappeler, la... au
final, les fonctionnaires, leur devoir de loyauté est envers leur organisation,
mais, par extension, auprès de la population, auprès des contribuables qui
financent l'organisation.
• (12 h 10) •
M. Allaire : Ça fait que
c'est l'équilibre, il faut tendre vers l'équilibre?
M. Nguyen (Michaël) : C'est...
Et, ça, c'est la difficulté que vous avez.
M. Allaire : Oui, très beau
défi. Ça va pour moi. M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Oui,
merci.
Le Président (M. Simard) : ...Cher
collègue. Alors, je cède la parole à la députée de Saint-Laurent, qui dispose
d'environ six minutes 45 secondes.
Mme Rizqy : Merci beaucoup.
Je vais aller très vite parce que c'est très peu de temps. La première fois que
j'ai reçu une enveloppe brune à mon bureau de comté, c'était un individu qui
est rentré en catastrophe et est reparti aussi vite. Il n'y avait pas d'argent
dedans, mais il y avait les plans et la preuve, la démonstration, par exemple,
que les classes de maternelle quatre ans ne coûtaient pas 124 500. C'était
écrit noir sur blanc que des projets avaient été reportés pour des
agrandissements. Et on apprenait que, finalement, la classe coûtait
1,2 million au Centre de services scolaire des Mille-Îles. Et c'est comme
ça que j'ai pu amener ça ici, à l'Assemblée nationale, et ça a été repris...
Mme Rizqy : ...par les
journalistes. Aujourd'hui, j'ai reçu une autre enveloppe brune. Moi, vous
savez, je suis aussi porte-parole en matière d'éducation, et, en éducation, nos
yeux et nos oreilles, c'est le personnel qui est sur le terrain. Le quiz du
gros bon sens. Vrai ou faux : un employé peut commenter ou répondre aux
questions d'un journaliste relativement à une situation dont il a été témoin ou
dans laquelle il a été impliqué dans le cadre de ses fonctions? Faux.
Conformément à la politique relative aux communications, toute demande de
commentaire ou d'entrevue d'un journaliste formulée aux employés et aux
intervenants dans le cadre de leurs fonctions doit être dirigée vers la
direction de leur établissement, service ou réseau, qui se référera ensuite au
service de communication.
Pour asseoir le propos, ce qui est arrivé
dans une école... l'équipe-école a demandé pourquoi que, depuis septembre, la
ressource, qui est une professionnelle de soutien, n'a pas été remplacée suite
à son retrait préventif? On est rendu au mois de mai. Alors, l'équipe-école a
été très fâchée, puis là ils se sont fait dire : Oui, mais on n'a pas cru
bon de remplacer une ressource professionnelle, puis, l'année prochaine, vu que
c'est son congé de maternité, on ne la remplacera pas plus. Donc, pendant deux
ans, il manquera une ressource. Alors, le lendemain que les employés de l'école
étaient mécontents, des pastilles vrai ou faux sur le droit de commenter ou ne
pas commenter ont été distribuées partout, par magie, ont apparu à l'école. Ça,
est-ce que ça aide à la divulgation d'informations qui sont quand même
cruciales, là, ou pas?
M. Nguyen (Michaël) : Je
pense que poser la question, c'est y répondre, et, malheureusement, il y a trop
de situations qui se passent comme ça. Les enseignants, le personnel qui
travaillent dans les commissions scolaires ont à cœur l'intérêt des enfants.
Ils ont à cœur l'intérêt de la population. Et, justement, la loi, puis c'est
notre propos, doit favoriser cette divulgation des situations qui sont
malheureuses, qui doivent être réglées, au final, pourquoi? Pour le bien des
étudiants, des élèves, et malheureusement la loi vient justement mettre un
fardeau supplémentaire, vient complexifier la chose.
Et c'est pour ça qu'on vous prie justement
de simplifier la loi. Pas pour qu'un juriste puisse la comprendre, pas pour
qu'un juge puisse l'interpréter, mais pour qu'une personne qui a une dénonciation
à faire puisse le faire en apaisant son esprit au maximum pour justement
enlever ses craintes. Un enseignant qui parle, actuellement, prend un risque de
perdre son emploi, d'avoir sa vie complètement chamboulée. Est-ce que, je vous
le demande... est-ce que c'est un contexte, un environnement favorable pour
justement dénoncer une situation qui met à mal la population?
Mme Rizqy : Tantôt, vous avez
demandé s'il y avait des juristes dans la place, bien, ça tombe bien, je suis
avocate, puis l'article 7 se lit ainsi : «Si une personne a des motifs
raisonnables de croire qu'un acte répréhensible commis ou sur le point de
l'être présente un risque grave pour la santé et la sécurité d'une personne ou
pour l'environnement et qu'elle ne peut, compte tenu de l'urgence de la
situation, s'adresser à l'une des personnes visées à l'article 6, elle peut
divulguer au public les renseignements qu'elle estime raisonnables, nécessaires
pour parer à ce risque et bénéficier d'une protection contre les représailles
prévues au chapitre VII.»
On s'entend qu'une ressource
professionnelle qui n'est pas remplacée depuis maintenant neuf mois et qui ne
sera pas remplacée l'année suivante, il n'y a pas ici un acte répréhensible ou
un risque grave pour la santé ou la sécurité, mais les élèves en question, eux,
dans leur réussite éducative, ils sont privés d'une ressource qui est
importante. Est-ce que ça, on ne devrait pas élargir pour s'assurer que les
enseignants aussi puis le personnel scolaire peuvent quand même continuer à
parler? Parce que, sinon, nous, là... Je vais vous dire très franchement, à
chaque fois que je parle avec des cadres, tout va bien, mais, par la suite,
quand je parle avec les gens qui sont sur le terrain, c'est drôle, je n'ai pas
du tout le même son de cloche.
M. Champagne (Éric-Pierre) :
...
M. Nguyen (Michaël) : ...juste
avant, rapidement à brûle-pourpoint, si on ajoute la notion de bonne foi, parce
que le motif raisonnable, c'est quelque chose qui est vague, vous êtes juriste,
vous avez peut-être une idée, et, encore là, je dirais que c'est un juge qui
déterminera si c'est un motif raisonnable. Mais, si on rajoute la notion de
bonne foi et la notion d'intérêt public, est-ce que, par exemple, ça pourrait
être une piste d'avancement pour faciliter justement ce genre de dénonciation?
M. Champagne (Éric-Pierre) : Oui,
je voudrais juste...
Mme Rizqy : Oui, allez-y.
M. Champagne (Éric-Pierre) : Ça
m'apparaît très restrictif, là, justement, cet article-là, malheureusement,
c'est très, très, très restrictif, donc ça fait en sorte qu'il y a beaucoup de
situations qui ne peuvent pas être dénoncées. Et, pour nous, ça, c'est
problématique.
Puis juste ajouter, on comprend l'intérêt
de vouloir protéger la réputation puis la confiance envers les organismes
publics puis les institutions, mais la question que j'ai envie de poser aux
élus, c'est : Si cette confiance-là est basée sur de fausses prémisses,
est-ce qu'on est mieux, est-ce qu'on a réglé, est-ce qu'on a corrigé vraiment
quelque chose, est-ce qu'on est mieux servi? Parce que, quand c'est basé sur de
fausses prémisses, c'est encore pire après ça, de...
M. Champagne (Éric-Pierre) : ...regagner
la confiance du public, là, c'est encore plus difficile. Alors aussi, il faut
garder ça en tête, à notre avis, là.
Mme Rizqy : Tantôt, on a
parlé... un député vous a fait mention : Oui, mais il y a un risque de
diffamation. Vous, dans votre travail, lorsque vous avez une personne qui vous
parle, un, vous identifiez votre source. Même si vous gardez confidentielle la
source, vous faites un travail d'investigation, là, vous ne prenez pas pour
avéré ce qui est affirmé. Alors, vous aussi, vous avez aussi des patrons qui,
eux, doivent s'assurer qu'il n'y a pas des risques de poursuites. Évidemment,
on n'est jamais à l'abri de poursuites, mais il y a quand même un travail
d'investigation qui est fait, et vous êtes très conscients aussi des risques de
poursuites potentielles. Alors, vous faites... j'imagine, vous débroussaillez
tout ça avant de publier, là.
M. Nguyen (Michaël) : Tout à
fait. Et, en plus de consulter, évidemment, des... nos services du contentieux,
on a aussi des obligations déontologiques, donc des obligations de vérification
de faits. Ce serait... ce serait... On ne pourrait pas croire qu'un média
décide... il reçoit une dénonciation anonyme puis décide de la publier telle
quelle, peu importe le média. Nous sommes tout à fait conscients des
responsabilités que les journalistes ont. Et, de façon générale, je pense que
l'histoire le prouve, les journalistes font bien leur travail.
Le Président (M. Montigny) : Alors,
en terminant.
Mme Rizqy : Merci beaucoup
pour votre travail. Pour citer le ministre de l'Éducation, un ministre a autant
de pouvoir qu'un journaliste, qu'un chroniqueur.
Le Président (M. Montigny) : Merci.
Alors, je vous remercie. Je cède maintenant la parole à la députée de
Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. J'ai seulement deux minutes 15, donc je vais formuler mes questions
rapidement. La première, dans le rapport du Trésor puis dans le mémoire du
Protecteur du citoyen, il est question d'ajouter le qualificatif grave pour
parler de la contravention à une loi. Est-ce que d'après vous c'est une bonne
idée d'ajouter ce qualificatif de grave ou est-ce que ça pourrait, en fait,
limiter les gens qui iraient divulguer des situations?
M. Nguyen (Michaël) : Tout
dépend du contexte. Parce que grave, c'est quelque chose qui est très relatif,
donc évidemment ça devient difficile de jauger la notion de gravité. On parle
d'un... il pourrait y avoir un préjudice grave à très court terme, un préjudice
grave à très long terme si, par exemple, on parle d'environnement. Des mesures
qui sont prises actuellement pourraient ne pas avoir d'effet avant
malheureusement que plusieurs décennies même, étant donné les changements
climatiques. Donc, nous, ce qu'on privilégie, c'est une formulation la plus
simple possible. Parce que la loi doit être destinée aux élus, aux juges qui
doivent trancher les litiges, mais, en première ligne, c'est la personne qui
veut dénoncer et qui va aller lire la loi pour voir est-ce qu'elle va être
protégée, est-ce qu'elle va devoir mettre sa vie sur pause, est-ce qu'elle peut
faire face à des représailles.
Un autre exemple, par exemple, c'est si le
responsable est dans... le responsable de l'application de la loi au sein de
l'organisme est un haut dirigeant de l'entreprise, un des problèmes qu'on voit
venir, c'est justement, s'il y a une dénonciation qui est faite au responsable
qui décide de ne rien faire, si la personne décide d'aller dans les médias
après parce que rien n'a bougé, bien, au sein de son entreprise, elle a déjà
été identifiée, donc les craintes de représailles sont réelles, sont concrètes,
et donc, justement, ça vient étouffer cette personne-là qui connaît une
situation malheureuse mais qui va décider de se taire pour éviter les
problèmes. Parce qu'au final les gens, qu'est-ce qu'ils veulent, c'est vivre
leur vie, travailler, avoir... s'occuper de leurs enfants, de leurs familles et
pas nécessairement de s'embarquer là-dedans.
Mme Labrie : J'aurais eu une
autre question, mais là on n'aura presque pas de temps. Qu'est-ce que vous
pensez d'ajouter aussi... de couvrir le privé, les dénonciations pour le privé,
comme ça se fait dans certains pays?
M. Nguyen (Michaël) : ...ça
peut être...
Le Président (M. Montigny) : Rapidement,
on n'a plus... Très rapidement, on n'a plus de temps.
M. Nguyen (Michaël) : Tout ce
qui peut permettre à favoriser la démocratie est avantageux.
Mme Labrie : O.K.
Le Président (M. Montigny) : Merci,
merci. Je suis désolé de vous couper. Je veux vous remercier, vraiment, pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends maintenant les travaux
quelques instants afin de permettre aux prochains témoins de prendre place.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 20)
(Reprise à 12 h 22)
Le Président (M. Montigny) : Alors,
je vous remercie. On reprend les travaux. Alors, je souhaite maintenant la
bienvenue aux représentants de l'Association professionnelle des ingénieurs du
gouvernement du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échanges avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer
votre exposé.
M. Martin (Marc-André) : M.
le Président de la Commission des finances publiques, Mme la Présidente du
Conseil du trésor, Mmes et MM les députés, je me présente, Marc-André Martin,
je suis président de l'Association professionnelle des ingénieurs du
gouvernement du Québec. À ma droite, M. Simon Dubé, qui est mon
vice-président, et à ma gauche, M. Andy Guyaz, qui le secrétaire-trésorier
de l'association.
Donc, nous sommes l'Association
professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec qui représentons plus
de 1 800 ingénieurs à l'emploi des ministères et organismes de l'État
québécois. Nos membres oeuvrent principalement au ministère des Transports,
mais nous avons également une présence significative au sein des ministères de
l'Environnement, de la Cybersécurité et du Numérique, des Affaires municipales
et des Ressources naturelles, où ils sont responsables de la gestion des grands
travaux d'infrastructure.
L'ingénieur au gouvernement est central ou
devrait être central à la prise de décisions éclairées fondées sur l'état
empirique de nos réseaux et de nos projets. Aujourd'hui, nous souhaitons
retrouver le sens de la rigueur et de la qualité dans la construction et le
maintien de nos infrastructures publiques.
C'est avec grand intérêt que nous déposons
ce mémoire dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques
sur le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi facilitant la divulgation
d'actes répréhensibles à l'égard des organismes publics. D'emblée, précisons
que cette loi est importante pour le Québec et névralgique pour la protection
de la probité de nos instances démocratiques.
Rappelons que les ingénieurs du gouvernement
du Québec ont été les premières victimes des pratiques douteuses mises en
lumière par la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats
publics dans l'industrie de la construction. Par le passé, nombreux sont les
membres qui ont été écartés de projets d'envergure ou qui ont vu leur carrière
stagner injustement parce qu'ils ont osé questionner, remettre en question et
s'opposer à des orientations de gestionnaires qui leur semblaient incohérents.
Un système efficace de divulgation et d'examen
des décisions publiques à toute la légitimité au sein d'organisations publiques
qui souhaitent récompenser ceux qui choisissent leur intégrité professionnelle
avant leur avancement de carrière.
Maintenant, l'exercice qui s'impose à nous
aujourd'hui et principalement à vous les parlementaires, c'est l'évaluation de
la performance de cette loi. Nous sommes d'avis que les données peuvent être
difficiles à apprécier, notamment parce que nous sommes privés des résultats
des années 2020 à aujourd'hui, ce qui limite l'analyse historique.
Néanmoins, nous croyons pouvoir contribuer constructivement à votre évaluation
en tentant de répondre à la question suivante, est-ce que nos membres, en
parlant nous ici des ingénieurs, est-ce que nos membres sont davantage protégés
qu'ils l'étaient face aux représailles et à la pression de leurs gestionnaires?
Essentiellement, nous croyons qu'il y a des aménagements à faire pour améliorer
l'efficacité de la loi, nous croyons que le mécanisme de loi comporte deux
failles fondamentales qui nous laissent croire que la mission première, qui est
de favoriser la divulgation, n'est pas accomplie pleinement. Nous...
laissez-nous vous expliciter ces deux éléments.
Premièrement, nous sommes d'avis que
l'approche qui repose sur un mécanisme interne propre aux ministères et
organismes constitue un vice de fond important. En effet, les organismes
publics sous la juridiction de la loi doivent identifier un responsable du
suivi des divulgations, celui-ci est souvent un haut fonctionnaire ou un cadre
supérieur, il a le devoir de faire une vérification diligente des
renseignements qui font l'objet de la divulgation. Toutefois, c'est seulement à
sa discrétion que le dossier sera référé au Protecteur du citoyen pour une
enquête plus formelle. Or, cette façon de faire ne favorise pas et ne favorise
d'aucune façon...
M. Martin (Marc-André) : ...la
divulgation. Au contraire, qu'il faille adresser une divulgation à un supérieur
hiérarchique dans sa propre organisation décourage significativement les
employés de la fonction publique à dénoncer des actes répréhensibles. Dans les
faits, les employés vont craindre des représailles de leur hiérarchie, d'autant
plus qu'il est souvent facile de reconnaître un employé sur la base du projet
ou des renseignements en question. Cette situation est particulièrement
préjudiciable pour les ingénieurs, qui peuvent compter sur une expertise très
pointue où il n'y a qu'un ou deux ingénieurs aptes à divulguer une situation.
Dans un tel cas, nos membres vont tout simplement s'abstenir.
De plus, le fait qu'un ministère, a
fortiori un haut fonctionnaire d'un ministère, effectue le premier examen des
faits répréhensibles rapportés constitue un second problème de fond. Est-ce
qu'un cadre aurait intérêt à s'auto-incriminer ou à discréditer l'organisation
qu'il dirige? Il s'agit d'une question rhétorique. Bien évidemment, nous
pouvons remettre en question cette étape d'examen sommaire effectuée à
l'interne.
Donc, notre première recommandation, c'est
pour ces raisons, nous recommandons à la commission de bien vouloir envisager
une abrogation des dispositions sur le responsable interne des suivis de
divulgation et d'habiliter le Protecteur du citoyen à recevoir toutes les
divulgations sans intermédiaire.
Donc, maintenant, le second élément qui
mérite votre attention est relatif au rôle du syndicaliste dans la mission de
la Loi sur les divulgateurs. Chaque année, plusieurs de nos membres se tournent
vers nous pour dénoncer des pratiques qui leur semblent douteuses ou contraire
à l'intérêt public. Ils le font parce qu'ils entretiennent envers leur syndicat
un sentiment de confiance et de sécurité. Parfois, ils ne sont qu'à la
recherche de conseils ou d'écoute et l'association est contrainte à un devoir
de confidentialité et de protection de ses membres, sans compromis ou
discrétion. Pour ces raisons, il est souvent plus aisé pour un de nos membres
de nous interpeller que d'intervenir auprès de son ministère. C'est avec les
meilleures intentions que nous accompagnons nos membres dans ce processus de
divulgation, souvent auprès ou préférablement auprès du Protecteur du citoyen.
Malheureusement, notre implication dans un dossier est reçue avec méfiance et
scepticisme, et ce, même lorsque les faits parlent d'eux-mêmes. Dans la quasi-totalité
des cas de dénonciation, où notre association fut appelée à s'impliquer en
soutien à notre membre, les démarches furent détournées au profit d'un procès
d'intention. On nous reproche de faire du syndicalisme, de vouloir négocier des
conditions d'emploi, de travail ou d'alimenter un conflit de travail. Bien sûr,
le syndicat a pour vocation la négociation de conventions collectives. Et, bien
sûr, ces négociations peuvent impliquer une escalade du rapport de force.
Néanmoins, c'est mal connaître les fondements du syndicalisme que de ne réduire
le mouvement syndical qu'à cette simple composante. Les syndicats jouent un
rôle prépondérant dans l'équilibre social et leur engagement au bien public est
sincère. Tout n'est pas corporatisme. Nous considérons que l'impossibilité en
pratique d'accompagner un membre à travers le processus de divulgation
constitue une atteinte à la mission de la loi.
• (12 h 30) •
Donc, notre deuxième recommandation
aujourd'hui, c'est nous demandons aux parlementaires de reconnaître dans le
texte législatif la légitimité des syndicats à effectuer des divulgations au
nom de leurs membres. En terminant, nous souhaitons remercier la Commission des
finances publiques pour l'invitation qui nous a été accordée... et partager notre
expérience. Si la loi prévoit un mécanisme de reddition de comptes et
d'évaluation, c'est précisément pour permettre le perfectionnement de la loi.
Savoir l'améliorer au gré de son existence, c'est le signe que nous ne tenons
pas pour acquise la probité de nos institutions. Nous espérons sincèrement que
vous pourrez prendre en considération nos deux recommandations et amender a Loi
facilitant la divulgation afin de pallier les lacunes que nous avons exposées
aujourd'hui. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Alors,
Messieurs, merci à vous pour votre précieuse participation à nos travaux. Je
cède la parole au député de Maskinongé qui dispose de neuf minutes.
M. Allaire : Merci, M. le
Président, merci, M. le Président. Bonjour à vous. Merci d'être présent avec
nous aujourd'hui. J'aimerais... En fait, je comprends bien, là, avec votre
intervention que vous êtes favorables au travail du Protecteur du citoyen,
naturellement, je pense que c'est clair. Dans la première partie de votre
intervention, là, vous avez entre autres parlé, là, de votre première
recommandation qui est... dans mes mots à moi, là, qui est... en fait, vous
êtes favorable à l'implantation du guichet unique, comme je vous dis, là, je le
dis dans mes mots, là, mais c'est un peu ça. Donc dans la redéfinition des
rôles, c'est de donner davantage de pouvoirs, là, entre guillemets, au
Protecteur du citoyen pour favoriser le traitement des plaintes...
12 h 30 (version non révisée)
M. Allaire : ...ça fait que
ce que je comprends de ce que vous vivez puis, probablement, de ce que vos
membres vous disent, c'est que, quand ils sont dans le cheminement de la
plainte et que c'est saisi par le Protecteur du citoyen, ça se passe généralement
bien. C'est un peu ça?
M. Martin (Marc-André) : Nous,
on recommande, dans la très majorité, de... en tout cas, d'aller vers le
Protecteur du citoyen, en premier lieu, plutôt que d'utiliser le comité d'audit
interne, etc. Donc, quand on dit que ça va bien avec le Protecteur du citoyen
ou qu'on les réfère davantage, ça nous met un certain... des bâtons dans les
roues. Et c'est pour ça, notre deuxième recommandation, c'est-à-dire que, quand
les gens viennent nous voir et qu'on les dirige vers le Protecteur du citoyen,
ils s'attendent à ce qu'on continue de les appuyer puis qu'on continue avec eux
dans le processus, ce qui nous est freiné par le Protecteur du citoyen pour l'instant
avec la loi actuelle. Donc, les gens s'attendraient à ce qu'on ait plus de
support du syndicat, ce qu'on souhaite, nous, d'ailleurs.
1all Et, au niveau de la confidentialité de
l'information, quand il arrive une situation comme celle-là, à partir du moment
où, tu sais, justement le syndicat serait conscient puis au courant de cette
information-là, vous ne pensez pas qu'il y aurait un problème, une certaine
problématique?
M. Martin (Marc-André) : ...problématique,
les gens, lorsqu'ils déposent un grief, lorsqu'ils déposent des recours avec le
syndicat, on a l'ensemble de la preuve, on est capable, d'un point de vue
juridique, d'obtenir toutes les informations nécessaires. Nous, ce qu'on veut
éviter ici, c'est d'utiliser le tribunal public populaire, c'est-à-dire qu'on
souhaite que le Protecteur du citoyen soit davantage utilisé et qu'on puisse
amener notre apport, qu'on soit capable d'accompagner les membres avec eux
plutôt qu'uniquement les prendre, puis les laisser au bas de la porte, puis
dire : Allez-y, faites ce que vous avez à faire. Les gens souhaitent une
protection supplémentaire, et cette protection-là, elle serait d'un point de
vue syndical.
M. Allaire : C'est important
ce que vous dites, puis là je vois un... potentiel, je vais le dire comme ça.
Dans ce contexte-là, avec ce que vous venez de dire, faites-moi la différence
entre, c'est quoi, pour vous, à vos yeux, comment je pourrais dire, un acte qui
concerne davantage les relations de travail versus un acte qui est
répréhensible?
M. Martin (Marc-André) : Nous,
on travaille... on représente les gens qui travaillent dans les organismes
publics. Donc, nécessairement, si des gens ont connaissance ou veulent
divulguer des actes répréhensibles, c'est nécessairement dans le cadre de leur
travail en très forte probabilité, en très, très forte proportion. Donc,
puisque c'est dans le cadre de leur travail qu'on est l'unique représentant des
employés, bien, il est tout légitime que le syndicat soit impliqué pour éviter
que les gens subissent des représailles et qu'ils soient, entre guillemets,
protégés.
M. Allaire : La ligne est
quand même mince, parce que, tu sais, votre rôle est, quand même, très
clairement défini, vous vous occupez quand même des relations de travail. À
partir du moment où l'on tombe dans une zone où il est plus... au niveau
législatif, il est quand même très clair, je trouve qu'il peut avoir un
chevauchement, un chevauchement des genres qui peut être dangereux, vous ne
trouvez pas?
M. Guyaz (Andy) : Si vous me
permettez, j'ai écouté attentivement hier le Protecteur du citoyen, et ce qu'ils
semblaient également souligner de leur côté, c'est qu'il y a un manque d'accompagnement.
Donc, de quelle manière on peut mieux les accompagner, dans le cas qui nous
préoccupe, nos membres, pour les accompagner... bien, en tout cas, de quelle
façon on va arriver sans les laisser sur le pas de la porte? Bien, nous, c'est
un peu ce qu'on propose actuellement, c'est : Pourquoi ne pas jouer ce
rôle-là? Oui, la ligne est... Je ne vais pas dire que la ligne est mince, mais
plutôt tout est dans une trame de gris. Donc, les relations de travail sont...
je ne vais pas dire interconnectées, là, mais, tu sais, les relations de
travail versus la divulgation, souvent, c'est un enchâssement entre les deux,
là. Donc, c'est un peu ce qu'on propose présentement, c'est... On a entendu
hier le manque d'accompagnement, donc il me semble que tout ça pourrait être
fait par le syndicat.
M. Allaire : Ça fait que ce
serait davantage un rôle de relayeur, une approche-conseil, que d'être impliqué
vraiment dans le processus en étant conscient d'information qui peut être
confidentielle. Parce qu'aussi, des fois, ce qu'on voit, c'est que ce n'est pas
nécessairement, par exemple, dans votre cas... l'employé, en question, qui est
concerné ou qu'il y a un préjudice à son égard à lui, mais qui est plus témoin
d'un événement dans l'organisation, par exemple, qu'il ne le touche pas lui,
nécessairement, personnellement, mais qui vaut la peine d'être divulgué.
M. Martin (Marc-André) : L'important
pour nous, ce n'est pas de se substituer au Protecteur du citoyen, puis on n'a
pas de pouvoir d'enquête. Nous, on n'est pas là pour faire... jouer aux
enquêteurs puis jouer à la police. On est là pour protéger nos membres et s'assurer
que ceux-ci, s'ils vivent des représailles quelconques, qu'on soit à leur
disposition puis qu'on ait déjà un portrait global de la situation.
M. Allaire : Ça va. Ça va
pour moi, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Simard) : Cher
collègue, merci. Je cède la parole à la députée de Saint-Laurent, auquel nous
ajoutons un peu de temps. Alors, c'est une belle surprise, un petit cadeau de
Noël avant temps.
Mme Rizqy : Merci beaucoup...
Mme Rizqy : ...Vous avez parlé
tantôt... Bonjour et bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec, dans un
premier temps. Les ingénieurs qui travaillent pour le gouvernement, même s'ils
sont syndiqués, ça reste quand même des ingénieurs qui sont aussi régis par un
code de profession puis évidemment leur propre code de déontologie. Lorsqu'un
ingénieur décide de parler, c'est parce qu'il pense sincèrement qu'il y a une
urgence opérer dans la demeure, n'est-ce pas?
M. Martin (Marc-André) : C'est
sûr que ça dépend de chacune des situations,là, les gens ont chacun un niveau
de tolérance puis de conviction différent, mais on est tous assujettis par les
lois d'ordre public. Puis surtout, de plus, nous, les ingénieurs, a contrario
avec certains employés de la fonction publique, on est assujettis à un code de
déontologie. Puis, vous avez raison, pour aller dénoncer et, entre guillemets,
des fois, ça... La ligne est mince entre le devoir de loyauté envers
l'employeur et la divulgation. Et, les gens, lorsqu'ils prennent, entre
guillemets, le courage à deux mains de le faire, c'est qu'ils ont de fortes
convictions et qu'ils sont... Et qu'ils croient fermement qu'effectivement, il
y a une problématique.
Mme Rizqy : Moi, je suis de
l'école de pensée que le devoir de loyauté envers l'employeur, l'employeur
ultime, ce sont les Québécois, et que, lorsqu'une personne, que ce soit vous ou
les ingénieurs, tout autre professionnel qui travaille, réfléchit au devoir de
loyauté, c'est loyauté envers sa profession, son code de déonto, mais aussi, en
définitive, les Québécois qu'il dessert. Parce que, nous, on n'est que des
locataires du pouvoir. Je ne fais que passer. Et on fait souvent, nous, des
demandes pour obtenir des réponses pour mieux planifier. Plusieurs journalistes
aussi font des demandes d'accès.
Ça, c'en est une récente auprès des ingénieurs.
Je... pas, c'est vraiment vrai, c'est... Vous comprendrez que je peux
continuer, là, mais il y a plus d'encre pour caviarder un rapport d'ingénieur
sur une des infrastructures qui appartient au gouvernement que pour nous
expliquer l'état des lieux.
Alors, c'est sûr que, moi, face à ça, vous
comprendrez que je vais essayer de fouiner, là. Je vais dire : O.K., qu'en
est-il, pourquoi qu'il y a beaucoup d'encre? Je vais penser il y a peut-être
quelque chose à cacher, là. Alors, est-ce qu'il n'y a pas aussi ça comme
problèmes que nous avons au Québec, cette opacité à avoir de l'information
claire sur l'état des lieux des bâtiments québécois? Puis je prends même un
exemple, le pont Pierre-Laporte, on l'a su uniquement parce qu'il y a des
ingénieurs qui ont décidé de parler à l'équipe à Enquête, sinon, on n'aurait
pas vu l'état des lieux.
• (12 h 40) •
M. Martin (Marc-André) : Honnêtement,
encore une fois, c'est toute une question de sécurité publique. Écoutez, les
gens, quand... lorsqu'ils viennent nous voir, si, nous, en tant que syndicat,
on vient faire ces deux recommandations là, c'est parce que, nécessairement, on
souhaite parler au Protecteur du citoyen. On en sait beaucoup plus que la
moyenne des gens ou la moyenne des ingénieurs, les gens nous appellent au
bureau et nous dévoilent énormément de choses. Et, nous, on a un devoir de
confidentialité puis on n'a pas de pouvoir d'enquête, puis ce n'est pas notre
rôle nécessairement de faire le procès d'intention de chacune des décisions qui
se prend au gouvernement.
Donc, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est
accompagner les... d'accompagner le membre, prendre les informations que nous
avons et parler au Protecteur du citoyen sans qu'on en ait un procès
d'intention, que c'est uniquement pour du conflit de travail. C'est ça qu'on
demande ici présentement.
Mme Rizqy : Comment qu'on
peut bonifier en ce moment la loi pour s'assurer qu'il y a une plus grande
transparence au niveau de l'information, mais aussi que ça soit moins
restrictif, là, pour les sonneurs d'alerte?
M. Martin (Marc-André) : Présentement,
nous, tu sais, on a voulu cibler uniquement deux recommandations. Dans notre
mémoire, à l'époque, on avait énormément de recommandations, dont un fonds de
défense, un peu comme l'Ordre des ingénieurs avec ses membres. Le Protecteur du
citoyen devrait peut-être avoir un fonds de défense pour ces gens-là. Donc mais
on a voulu vraiment cibler ces deux enjeux là pour donner justement, entre
guillemets, plus de transparence, d'avoir une apparence, je dirais,
d'impartialité en allant directement au Protecteur du citoyen plutôt que de
dénoncer au... à la personne du ministère. Et, de plus, si son syndicat peut
l'accompagner et peut l'aider, parce que ça prodigue une certaine protection
syndicale, ça viendrait renforcer le fait que les gens auraient beaucoup moins
peur de parler. Ils se sentiraient protégés encore plus, une deuxième couche de
protection, plus de réconfort. Puis, un syndicat, ça a plus de moyens qu'une
personne individuelle, ça fait que ça soient financiers et autres, donc c'est
sûr que la personne va se sentir encouragée à divulguer, si elle se sent
protégée puis elle voit qu'il y a des ressources derrière elle pour la
protéger.
Mme Rizqy : Je n'ai pas de
chiffres là-dessus, mais plusieurs personnes à qui je parle me disent qu'une
fois qu'ils ont dénoncé et que, par exemple, il y a eu des représailles ou
qu'ils ont dû se battre, plusieurs d'entre elles sont parties en arrêt de
travail parce qu'elles portent un double fardeau, celui...
Mme Rizqy : ...d'avoir le
sentiment de parler pour le bienfait de la population, de la société civile,
mais aussi l'autre fardeau, pour se défendre eux, puis ils ont quand même une
famille à nourrir. Est-ce que vous, vous voyez, parmi vos membres, quand ils
tentent de dénoncer... mais qu'ils sont tellement vulnérables que, finalement,
ils se retrouvent eux autres mêmes sur le carreau?
M. Martin (Marc-André) : Effectivement,
c'est un poids extrêmement lourd à porter pour ces gens-là qui, après ça, ont
l'impression que tout le monde au bureau les regarde. Parce que, comme on le
mentionnait dans notre court mémoire, c'est très facile de savoir qui a
divulgué. Les ingénieurs ont tous leur expertise assez pointue, donc lorsque
quelque chose qui coule dans les médias, ou coule à l'externe, ou coule à des
enquêteurs, nécessairement, ils sont capables de retrouver, quasiment dans les
minutes qui suivent, qui a divulgué. Donc, c'est très rapidement le bureau...
les gens ont un poids énorme à porter sur leurs épaules. Ça se transforme
souvent en arrêt... ça peut se transformer en arrêt de travail, et c'est là que
le syndicat, là, on les prend en charge, on les aide. On a énormément de gens
qui appellent au bureau, puis on donne du soutien psychologique à ces gens-là,
même si notre but premier à nous, ce n'est pas de donner du soutien
psychologique, mais on est là pour ça. Puis ce que vous mentionnez, c'est
malheureusement des choses qui se produisent très souvent.
Mme Rizqy : ...parallèlement à
ce que nous étudions présentement au niveau des sonneurs d'alerte, on devrait
peut-être aussi bonifier l'accès à l'information qui viendrait aussi enlever ce
poids parce que, si c'était public, vos rapports, on n'aurait pas besoin de
trouver des sonneurs d'alerte, on aurait la capacité de lire les rapports puis
même de trouver peut-être des ingénieurs externes pour venir valider de
l'information, qui peuvent nous accompagner. Est-ce que vous pensez que ça
pourrait être aussi une avenue, qu'on devrait s'attarder?
M. Martin (Marc-André) : Écoutez,
personnellement, en tant que citoyen, j'ai une idée très tranchée sur la Loi
sur l'accès à l'information, mais, malheureusement, tu sais, je n'ai pas le
mandat présentement du syndicat pour me prononcer sur ça.
Mme Rizqy : On peut se parler
après, autour d'un café. Bien, merci. Ah non, mais je ne veux pas vous mettre
dans l'embarras, mais merci sincèrement puis merci à tous ceux qui travaillent,
qui ont fait le choix de la fonction publique. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous. Alors, Mme la députée de Sherbrooke, vous disposez de 2 min 23 s.
Mme Labrie : Merci. La
première question que je veux vous poser, c'est par rapport à votre deuxième
recommandation, pour reconnaître la légitimité des syndicats pour effectuer des
divulgations. Est-ce que vous le voyez simplement dans un rôle d'accompagnement
ou vous voudriez que les syndicats puissent être eux-mêmes divulgateurs?
M. Martin (Marc-André) : On a
tenté, nous, d'être divulgateurs, à deux reprises, et, comme je vous dis, on se
fait porter une espèce de procès d'intention en nous disant : Écoutez,
c'est sûr que ça émane des conditions de travail. Les gens sont très, très
frileux de s'engager dans cette voie-là, justement, parce que souvent on est en
conflit de travail avec le gouvernement, tu sais, on le voit, dans les huit
dernières années, je pense qu'on a été sept années en conflit, donc les gens,
tout de suite, ils ferment la... tu sais, ils ont une réticence, ils ne veulent
pas voir prendre parti pour un parti ou l'autre.
Mme Labrie : Mais vous
voudriez pouvoir faire les deux, autant accompagner que d'être divulgateurs
vous-mêmes?
M. Martin (Marc-André) : Les
deux. Bien, lorsqu'on souhaite être divulgateurs, souvent, ce qui arrive, c'est
que c'est moi-même, Marc-André Martin, qui doit être le divulgateur au nom de
l'association, mais ce n'est pas l'association elle-même, pour l'instant.
Mme Labrie : O.K.. L'autre
question que j'ai pour vous... Vous avez nommé à plusieurs reprises, là, la
question des représailles parce que les expertises sont tellement spécifiques
que c'est facile d'identifier. Dans quelle mesure... Même s'il n'y a pas
d'intermédiaire puis que ça va directement au Protecteur du citoyen, pendant
l'enquête, qu'est-ce qu'on peut faire de plus? Est-ce que c'est déjà
suffisamment protégé pour éviter les représailles?
M. Martin (Marc-André) : Bien,
comme je vous dis, c'est pour ça qu'on a deux recommandations. La première vise
à plus de transparence. Écoutez, ce qu'on a vécu, nous, puis ce qu'on a vu au
bureau, c'est que les gens, des fois, qui font une première divulgation à
l'interne, se voient comme rencontrés, puis on pose des questions, puis on
tente de les convaincre de dire que ce n'était peut-être pas la bonne approche,
tu as peut-être mal compris certains enjeux. Donc il y a déjà comme une
première étape qui est difficile pour eux et pour s'assurer qu'ils aient comme
toute la protection nécessaire puis qu'ils n'aient pas peur de divulguer. C'est
pour ça que le syndicat doit les accompagner.
Et on a déjà tenté par le passé d'entrer
certaines dispositions pour la protection des divulgateurs dans nos conventions
collectives, et ça n'a pas fonctionné. Ça viendrait rajouter encore une troisième
couche supplémentaire, écoutez, là, si les gens pouvaient compter sur le
syndicat pour les défendre en cas de divulgation. Ça serait, pour nous, tout
un...
Mme Labrie : Ça fait que ce
serait un outil de l'intégrer aux conventions collectives.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Martin (Marc-André) : Ça
serait tout un outil.
Le Président (M. Simard) : Alors,
sur ce, messieurs, quelques mots afin de vous remercier pour votre précieuse
contribution à nos travaux.
Compte tenu de l'heure, nous ajournons...
non, nous suspendons, plutôt, on se retrouve à 14 h 45. À plus tard.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 14 h 46)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, bon retour à toutes et à tous. Je constate que nous avons
quorum. Nous sommes en mesure de reprendre nos travaux.
Et cet après-midi, et d'ici à la clôture
de nos auditions, nous aurons l'occasion de discuter avec trois groupes. Et
nous commençons bien sûr avec le Syndicat des professionnels du gouvernement du
Québec.
Alors, messieurs, soyez les bienvenus
parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité, s'il vous plaît, de vous présenter?
M. Bouvrette (Guillaume) : Alors,
bonjour. Mon nom est Guillaume Bouvrette, je suis président du Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec.
M. Dean (Marc) :Marc Dean, conseiller politique...
M. Dean (Marc) :...à la recherche du Syndicat des professionnels du
gouvernement du Québec.
M. Desjardins (Philippe) : Bonjour.
Philippe Desjardins, conseiller aux communications.
Le Président (M. Simard) : Alors,
messieurs, vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre
intervention.
M. Bouvrette (Guillaume) : Merci,
M. le Président. Mesdames, Messieurs les Députés, membres de la Commission des
Finances publiques, Mme la ministre responsable de l'Administration
gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, bonjour. Je suis, donc,
Guillaume Bouvrette, président du Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec. Je suis accompagné de Messieurs Marc Dean, conseiller à la recherche et
de Monsieur Philippe Desjardins, conseiller aux communications. Nous
représentons le SPGQ, le plus grand syndicat de personnel professionnel du
Québec. Il représente plus de 33 500 spécialistes, dont environ
24 000 dans la fonction publique, 6 000 à Revenu Québec et un peu
plus de 3 000 en santé, en éducation supérieure et en... dans diverses
sociétés d'État. Nous remercions d'abord les membres de la commission de nous
inviter à nous exprimer sur le rapport portant sur la mise en œuvre de la Loi
facilitant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard des organismes
publics, que je nommerai plus simplement la loi au cours de cette présentation.
Le SPGQ réclamait depuis longtemps la mise
en place de mécanismes de divulgation d'actes répréhensibles et de protection
des divulgateurs pour protéger ses membres. Il a d'ailleurs publié, à travers
les années, quelques mémoires et fait plusieurs sorties publiques sur le sujet.
Les membres du SPGQ sont détenteurs de l'expertise de l'État, stratégiquement
placés pour permettre au gouvernement d'accomplir sa mission et peuvent être
témoins d'actes répréhensibles dans l'exercice de leurs fonctions. Aussi, ils
s'exposent à des représailles s'ils osent divulguer des gestes condamnables. À
cet égard, le SPGQ estime que la loi doit protéger de façon optimale les
divulgateurs d'actes répréhensibles. Elle doit permettre aux professionnels de
jouer leur rôle de véritables gardiens de l'intégrité des services publics. Il
en va de la sauvegarde d'une fonction publique intègre, indépendante, au
service des citoyens.
Existe-t-il une contradiction entre le
sacro-saint devoir de loyauté d'un employé envers son employeur par rapport aux
obligations de protection de la société québécoise inhérente aux serviteurs
publics que sont les employés de l'État? Bien, la question se pose, et la réponse,
elle n'est pas simple. Dans son document de réflexion publié en 2014, alors ça
date un peu, à travers les années, on est toujours à la même place, ce document
était intitulé La protection des divulgateurs, une nécessité pour un État
intègre, le SPGQ recommandait au gouvernement de l'époque de légiférer en
matière de protection des dénonciateurs. Le SPGQ faisait alors
14 recommandations au gouvernement, dont l'essentiel figurait dans le
projet de loi n° 87, adopté en décembre 2016.
À ce moment, le SPGQ entretenait des
réserves concernant les mécanismes internes à un ministère ou à un organisme
gouvernemental sur les mécanismes de divulgation d'un acte répréhensible. Nous
soulignions alors que la loi devrait prévoir et encourager la mise en place de
mécanismes simples, sécuritaires et surtout indépendants de signalement d'actes
répréhensibles. Cette instance interne et indépendante serait habilitée à mener
des enquêtes promptes et à faire les suivis appropriés avec l'assurance que le
divulgateur dispose de garanties de confidentialité. Les procédures devraient
être conçues pour qu'une organisation publique ou privée puisse corriger les
dysfonctionnements et aussi apporter des solutions avant que le problème ne
prenne de l'ampleur.
• (14 h 50) •
Cependant, l'expérience vécue par nos
membres dans les ministères et organismes québécois démontre une tout autre
réalité. Lorsque des plaintes sont faites pour des cas de harcèlement
psychologique, par exemple, il arrive que l'organisation mise en cause se referme
comme une huître et tente de noyer le poisson. Elle adopte une attitude de
déni, et, parfois, la victime devient l'agresseur.
Pour mettre en place une procédure interne
de divulgation, il faudrait donc s'assurer qu'elle soit indépendante du pouvoir
administratif et politique et qu'elle donne des résultats rapides. Dans l'état
actuel des choses, le SPGQ croit cependant que l'on doit plutôt miser sur une
procédure de divulgation à l'externe afin d'éviter les risques de représailles.
La divulgation pourrait se faire notamment auprès d'une autorité indépendante,
comme le Protecteur du citoyen ou le Vérificateur général, auprès du
législateur, du ministre responsable, du système de justice, de la police, des
médias, des organismes de la société civile québécoise spécialisés dans
l'accompagnement et dans le conseil aux divulgateurs. Des options, il y en a.
Le divulgateur devrait pouvoir contribuer,
être mis au courant des suivis liés à sa plainte dans des délais raisonnables.
Il doit aussi pouvoir compter sur des services-conseils et d'accompagnement. Le
secteur privé devrait également être encouragé ou même obligé par la loi à
mettre en place des mécanismes de divulgation d'actes répréhensibles. Favoriser
la possibilité pour le divulgateur de recourir à plusieurs canaux protégés de
divulgation s'avère donc fondamental, et ce, afin d'éviter que tout repose sur
une seule autorité, même si elle se veut indépendante. En effet, il n'est
jamais exclu qu'un dirigeant d'organisme puisse être l'objet de pressions externes
indues qui interféreraient dans l'objectivité de ses décisions. D'ailleurs, le
rapport sur lequel on se penche aujourd'hui, donc sur la mise en œuvre de la
loi, dénonce que plusieurs hauts dirigeants d'organismes ont été désignés comme
responsables du suivi des divulgations. Par ailleurs, le processus de
divulgation devrait être expéditif de...
M. Bouvrette (Guillaume) : ...des
mécanismes de suivi rigoureux pour inciter les gens à rompre le silence. Le
nerf de la guerre d'une procédure efficace repose sur la confiance que les
éventuels divulgateurs auront dans le système mis en place.
Je reviens en 2017. Louis Robert,
agronome, conseiller expert dans le secteur des grains, membre du SPGQ, au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le
MAPAQ, avait osé alors dénoncer. Il l'avait dénoncé à l'interne l'ingérence du
privé dans la recherche publique sur l'utilisation des pesticides. Insatisfait
de l'écoute de ses supérieurs, M. Robert s'était tourné vers Radio-Canada.
Ce professionnel avait partagé en toute confidentialité des documents
accablants. En janvier 2019, le MAPAQ a congédié M. Robert. Deux de ses
collègues ont été suspendus. Ces représailles ont suscité des questions sur la
protection des lanceurs d'alerte. Le licenciement de Louis Robert a été très
médiatisé à l'époque. Il a ébranlé la confiance d'éventuels divulgateurs
d'actes répréhensibles dans le système de plaintes. Un message clair était
ainsi lancé par l'appareil gouvernemental à l'ensemble de ses employés :
Si vous osez dénoncer, vous en subirez les conséquences.
En juin 2019, en conclusion d'un rapport
spécial concernant l'application de la Loi favorisant la divulgation d'actes
répréhensibles, le Protecteur du citoyen dénonçait les manquements majeurs de
la part du MAPAQ dans le processus. Ces manquements étaient l'interprétation
erronée de la recevabilité de la divulgation et l'absence de transfert de cette
dernière au Protecteur du citoyen. Le protecteur mentionne aussi comme
manquement la violation de la confidentialité, l'identité du divulgateur, et le
suivi interne effectué au terme des vérifications. Il le juge alors non
conforme à la loi, tant auprès du divulgateur que de la personne ayant la plus
haute autorité administrative.
Toujours selon le producteur, le MAPAQ ne
pouvait alors ignorer que le divulgateur serait facilement identifié par son
implication connue dans le milieu. Le MAPAQ ne s'est pas approprié avec rigueur
la nouvelle loi qu'il était chargé d'appliquer, d'où la séquence des
manquements. Le protecteur recommandait donc au Secrétariat du Conseil du
trésor de revoir le rôle et l'encadrement législatif des responsables du suivi
des divulgations. Il voulait ainsi assurer un accompagnement adéquat des lanceurs
d'alerte, la confidentialité complète et un traitement des divulgations
dépourvu de conflit de loyauté.
Dès mai 2017, le SPGQ recommandait à ses
membres de faire appel au Protecteur du citoyen et non au responsable du suivi
des divulgations à l'intérieur des ministères et organismes du gouvernement. Le
SPGQ estimait que le système de plaintes à l'interne mis en place dans les
ministères et organismes n'allait servir qu'à débusquer et à mettre de la
pression sur les divulgateurs en leur faisant valoir leur nécessaire loyauté
envers l'employeur.
Le SPGQ mettait également en garde ses
membres concernant la divulgation publique d'un acte répréhensible ou par
l'intermédiaire d'un média. Pourquoi? Bien, parce que la loi ne protège pas
contre les représailles, sauf dans les cas d'un acte présentant un risque grave
pour la santé ou la sécurité d'une personne ou de l'environnement. Encore
faudra-t-il le prouver par la suite. Une personne pouvait toujours divulguer
des actes répréhensibles à un média, mais elle prenait le risque d'être victime
de représailles si son identité était découverte. C'est ce qui est arrivé à
Louis Robert.
La procédure de divulgation de la loi
prévoit un mécanisme interne de dénonciation en la personne du responsable du
suivi des divulgations. Et pour que celui-ci fonctionne, il doit être fondé sur
des changements de culture organisationnelle profonds destinés à développer les
communications internes, régler des situations problématiques plutôt que de les
masquer. Dans les ministères et organismes du Québec, les responsables de
l'éthique ou du suivi des divulgations sont plutôt là pour rappeler à nos
membres leur devoir de réserve et de loyauté envers l'employeur.
Le rapport sur lequel on se penche
aujourd'hui, déposé par le secrétariat du Conseil du trésor, prend la balle au
bond, on le souligne. Il propose de revoir le rôle et les responsabilités des
acteurs sollicités dans l'application de la loi. Il recommande, entre autres,
de confier au Protecteur du citoyen le mandat exclusif de recevoir les
divulgations du personnel des organismes publics. Il suggère aussi de retirer à
la personne responsable du suivi des divulgations la responsabilité de recevoir
et traiter les divulgations qui émanent du personnel de son organisme public.
Et le SPGQ se réjouit de cette recommandation.
Le SPGQ recommande qu'une campagne de
promotion de la loi soit menée afin de changer la culture des organisations.
Elle devrait se donner comme objectif d'apporter plus de transparence, briser
la loi du silence. D'ailleurs, le rapport du Secrétariat du Conseil du trésor
recommande de rappeler aux dirigeants d'organismes l'importance de leur rôle
quant à la promotion d'une culture d'éthique et d'intégrité. En outre, le SPGQ
juge important que le divulgateur puisse recourir à plusieurs canaux protégés
de divulgation afin d'éviter que tout repose sur une seule autorité. Toutefois,
le SPGQ ne recommande pas de créer une nouvelle instance responsable de
s'assurer du respect des droits de certains groupes. Le Protecteur du citoyen a
déjà compétence sur un grand nombre d'instances qui offrent des services au
public. Enfin, on croit qu'un processus de divulgation devrait être expéditif,
doté de mécanismes de suivi rigoureux pour inciter les gens à rompre le
silence.
J'aimerais d'ailleurs conclure cette
intervention en rappelant les mots de Louis Robert dans l'entrevue qu'il a
accordée à Radio-Canada en avril 2022. Il disait qu'il regrette l'apathie des
fonctionnaires qui n'osent pas dénoncer des irrégularités. Ça nous ramène à la
question posée plus tôt : À qui va la loyauté...
M. Bouvrette (Guillaume) : ...les
serviteurs de l'État. Quand tu ne dis rien, disait Louis Robert, tu deviens
complice des situations problématiques. Quand ils se taisent et choisissent
leur camp, ils permettent à la situation de perdurer. Merci de votre attention.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Nous entamons nos échanges. M. le député de Maskinongé, vous disposez
de 16 minutes 30 secondes.
M. Allaire : Merci beaucoup, M.
le Président. Salutations à vous. Merci pour la présentation. Vous représentez
quand même beaucoup, beaucoup de monde, là, jusqu'à 30 000 professionnels, ce n'est pas rien. C'est
un bon échantillon pour nous permettre, là, de bien comprendre les différents
enjeux. Ils vous disent quoi, vos membres par rapport au processus? Tu sais, je
veux un peu de qualitatif, là, c'est quoi, les commentaires qu'ils vous font
sur le processus auquel ils sont confrontés quand ils font une plainte, là?
Puis, même, je dirais même peut-être préalable à ça, est-ce que, la plupart du
temps, ils ne savent pas trop où cogner? Est-ce qu'ils ont eu la bonne
information? Vous l'avez évoqué tantôt un peu, mais allez un peu plus dans le
détail.
M. Bouvrette (Guillaume) : Oui.
Les échos qu'on a sont présents dans nos commentaires et notre mémoire.
D'abord, ils craignent que la confidentialité ne soit pas protégée. Et c'est,
on le réitère, à la base du processus. Et je pense que... je pense que tout le
monde est d'accord avec ça, que ce n'est pas un enjeu, là, ce n'est pas un
enjeu à débat. Il doit y avoir une protection de l'identité des divulgateurs
qui, lorsqu'ils font cette divulgation-là, le font de bonne foi, hein? Qu'à la
fin, la divulgation soit jugée recevable ou non ça ne devrait pas avoir
d'impact sur la protection de leur confidentialité... de leur identité, dis-je,
pardon, et des mécanismes qui sont en place pour les protéger. Maintenant, ce
qu'on comprend, c'est que l'historique amène des craintes. Les gens ont peur de
dénoncer, ne savent pas à qui dénoncer parce qu'au sein de leur ministère ou
organisme, si une personne est désignée, ils craignent qu'il y ait des fuites
d'informations, d'où notre appui à la recommandation de centraliser tout ça
auprès du Protecteur du citoyen pour les ministères et organismes publics, qui
est un organisme externe indépendant avec une expertise reconnue dans le
domaine.
M. Allaire : D'autres groupes
l'ont évoqué tantôt, et vous en avez fait allusion, puis je vais être sûr que
j'ai bien compris. Vous proposez aussi de mieux accompagner vos membres, c'est
comme ça que je le comprends dans le processus. Est-ce que vous proposez aussi
de les défendre dans ce même processus-là, c'est-à-dire que vous seriez aussi,
en quelque sorte, une partie prenante de celui qui fait la plainte? Donc, que
vous l'accompagnez vraiment, mais vous plaidez avec lui, là. Est-ce que c'est
ce que j'ai compris ou c'est plus un accompagnement vraiment de façon plus
informelle, pour être sûr qu'il franchit les bonnes étapes jusqu'au Protecteur
du citoyen puis de la prise en charge?
M. Bouvrette (Guillaume) : On
n'a pas analysé la question à savoir si on devait être partie prenante au
processus, là. Ça n'a pas fait partie de nos travaux. Par contre, là où on
insiste, c'est qu'il y a lieu de mieux diffuser l'information sur les processus
qui existent de divulgation des plaintes, sur les mécanismes de protection de
l'identité, et, on le disait tout à l'heure, sur le suivi qui sera fait en
temps opportun des plaintes qui sont déposées. Mais non, on n'est pas allé
jusqu'à demander à ce qu'on accompagne, à ce qu'on soit partie prenante aux
plaintes.
M. Allaire : Donc, ce que
vous souhaitez, c'est d'avoir encore plus d'outils pour bien diffuser le
processus à vos membres. C'est un peu ça aussi?
M. Bouvrette (Guillaume) : Encore
là, je ne pense pas qu'on a analysé la question de cette manière-là. Mais oui,
on doit mieux le comprendre. Mais la responsabilité de diffuser les processus
en place de divulgation des plaintes, je ne pense pas qu'ils appartiennent à la
partie syndicale, ils relèvent de l'employeur et donc des différents ministères
et organismes, là, dans le cas qui nous préoccupe ici.
• (15 heures) •
M. Allaire : O.K. Ça fait
que... Merci pour la... vous n'avez pas finalement la même position que l'autre
groupe que tantôt, là, je la comprends mieux.
M. Bouvrette (Guillaume) : Si
vous permettes, mon collègue souhaiterait faire un complément.
M. Allaire : Oui, oui,
allez-y.
M. Dean (Marc) :En fait, j'ajouterais que c'est arrivé dans le passé que le
Protecteur du citoyen nous a approchés, par exemple, pour mettre un lien sur
notre site Web. Ça fait que ça, déjà, comme nous, on recommandait à nos membres
d'aller voir le Protecteur du citoyen, bien, de voir qu'il y avait cette
possibilité-là directement partir d'un site web, ça... il y avait une partie
qui était... où il y avait une orientation pour aller vers ça. Puis, ce qui est
dommage, par exemple dans le cas de Louis Robert, c'est que, des fois, nous,
comme syndicat, on a à intervenir, mais au moment où il y a un congédiement,
parce que, veux, veux pas, là, c'est la loi, c'est le Code du travail qui
s'applique puis qu'on doit défendre notre membre, mais c'est sûr que, si on
avait un petit rôle à jouer... bien, en fait, le Protecteur du citoyen doit
jouer son rôle de diffuser les procédures.
M. Allaire : Oui. Je
comprends que vous êtes favorable vraiment au fameux guichet unique, là, qui
serait implanté, là, une forme de centralisation. Il y a aussi dans les
recommandations, implanter des gens qui vont être au sein des différentes
organisations publiques, qui vont jouer leur rôle de bien informer, justement.
On en a parlé un peu tantôt, là, toute l'information...
15 h (version non révisée)
M. Allaire : ...Le processus à
suivre pour se rendre jusqu'au Protecteur du citoyen, pour que, la plainte,
elle soit conforme puis qu'elle... après, elle passe les bonnes étapes au bon
moment, ça, vous êtes favorable à ça aussi?
M. Bouvrette (Guillaume) : Oui.
M. Allaire : O.K. C'est bon.
Vous avez aussi parlé... Parce que, tantôt, vous avez parlé de harcèlement
psychologique, puis je veux être sûr qu'on différencie bien ce qui est
problématique au niveau des relations de travail puis un acte répréhensible.
Est-ce que c'était simplement un exemple que vous donniez de quelqu'un, dans le
fond, qui fait une plainte puis qui est susceptible d'avoir du harcèlement de
son gestionnaire et qui devient, ultimement, cet élément-là bien précis, un
contexte de relations de travail qui... Indépendamment de la plainte qu'il va
faire comme lanceur d'alerte?
M. Bouvrette (Guillaume) : En
fait, le parallèle, je vous dirais, qu'on cherche à illustrer, c'est surtout
sur la protection de la confidentialité des intervenants, autant le plaignant
que les personnes visées par des allégations. Et, oui, dans le cas d'allégations
de harcèlement psychologique, tout le monde est affecté, et ce n'est pas
nécessairement différent dans le cas d'une divulgation d'actes répréhensibles.
La personne visée par l'allégation, si la plainte n'est pas traitée de manière
confidentielle et qu'il y a des fuites, peut subir aussi des impacts de ça, là,
d'où notre insistance si marquée sur la protection de la confidentialité.
M. Allaire : Justement, on va
pousser ça un petit peu plus loin, les représailles en lien avec des plaintes
qui sont faites puis de la façon qu'elles sont gérées. Est-ce que vous pensez
qu'on devrait le baliser davantage? Est-ce que les gestionnaires qui agissent
de façon déraisonnable, par exemple, là, puis je pèse mes mots, là, mais vous
comprenez ce que je veux dire, est-ce qu'ils devraient avoir des sanctions plus
plus graves dans des contextes comme comme ceux-là?
M. Bouvrette (Guillaume) : Je
ne suis pas certain de bien comprendre la question, parce que, dans la mesure
où on arriverait à un processus où la confidentialité du plaignant et des
personnes visées par les allégations est protégée, et c'est 100 % étanche,
c'est un défi en soi, là, mais il n'y a pas de possibilité de représailles, si
la plainte est traitée de manière 100 % confidentielle et par un organisme
externe.
M. Allaire : Puis, la
présidente du Conseil du trésor a raison, là, dans le fond, je vais vous
répéter ce qu'elle m'a dit, mais je trouve que ça fait bien du sens.
M. Bouvrette (Guillaume) : C'est
enregistré, hein?, tout ça?
M. Allaire : C'est que, ça,
vous... Tu sais, dans le fond, vous parlez dans un monde idéal, là.
M. Bouvrette (Guillaume) : Oui.
M. Allaire : Mais ce n'est
pas tout le temps comme ça, la réalité, là. Ça fait que c'était plus dans ce
contexte-là, ma question, là.
M. Bouvrette (Guillaume) : On
ne l'a pas analysé sous ce contexte-là, mais évidemment que, s'il y avait fuite,
il devrait y avoir des protections contre les représailles. Mais de la...
Voilà. Je...
Des voix : ...
M. Allaire : Oui. Puis vous
pourrez nous le communiquer après, mais, s'il y aurait des conséquences à
prévoir, des suspensions, des sans solde, avec solde, c'est des choses que vous
n'avez pas pensées? Mais je vous soumets la réflexion et je ne veux pas... je n'essaie
pas de vous pousser, peinturer dans le coin.
M. Bouvrette (Guillaume) : Non,
mais évidemment je comprends la réflexion, puis on sera disposés à avoir des
échanges, mais chaque cas étant clairement un cas d'espèce. Mais L'exemple le
plus marquant, puis on l'a souligné, de Monsieur Louis Robert, qui a été
congédié, mais là, il a été réintégré par la suite, là, il a été réintégré et
ça a été réglé pour lui. Par contre, le message qui est envoyé, la crainte chez
ses collègues de dénoncer, ça, c'est demeuré. Et je pense que c'est ça, la
volonté du gouvernement, qui est énoncée, là, de mettre fin à ça puis de mettre
en place cette loi-là, là. Il y a une volonté réelle, on le sent, là, de la
faire vivre.
M. Allaire : Parce que, les
conséquences d'un bris de confidentialité, c'est vrai que c'est grave puis ça a
des conséquences après sur les futurs divulgateurs, c'est... Puis c'est... Il
ne faut pas négliger cet élément-là, parce que, c'est ça, après ça, qui peut
être un frein ou pas. Ça va. Merci beaucoup. Merci, M. le... Ah! mon collègue,
peut-être, une question?
Le Président (M. Simard) : Oui.
M. le député de René-Lévesque, je vous en prie, il vous reste à peu près huit
minutes.
M. Montigny : simplement vous
dire que, moi, j'ai été un président d'un syndicat de professionnels en
éducation, et puis il y avait une nuance qu'on tenait compte, tu sais, puis j'aimerais
ça vous entendre là-dessus. Entre un collègue qui, pour toutes sortes de
raisons qui lui appartiennent, va volontairement mentionner des choses, qu'elles
soient vraies ou non, et on perçoit qu'il y a une volonté de faire mal, de
nuire, alors j'aimerais vous entendre sur cette nuance-là.
M. Bouvrette (Guillaume) : Bien,
je pense que j'y ai touché, mais la protection de la confidentialité de la
plainte, des personnes visées, de la personne qui a déposé la plainte, du
plaignant, limite ces dommages-là. C'est... On ne nuit à personne, si la
plainte est, demeure confidentielle, et c'est un réel défi.
Des voix : ...
M. Montigny : C'est très
clair pour moi. Je vous remercie...
Le Président (M. Simard) : Y
aurait-il d'autres remarques du côté de la partie gouvernementale? Ça va? Mme
la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour et bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Merci
de participer à nos travaux. Vous représentez plusieurs membres de la fonction
publique, dont 2800 membres en santé, en enseignement supérieur, dans d'autres
sociétés d'État, mais aussi Revenu Québec. Je vais prendre Revenu Québec parce
que je le comprends mieux, puis disons que... mon ancien passé de fiscaliste.
Tantôt, on a eu un groupe qui est venu
nous dire, bien, au niveau des ingénieurs, il y a des équipes qui sont
tellement petites que, dès qu'une personne va parler, on sait c'est qui. Chez
Revenu Québec, il y a des équipes ultrapetites, et c'est compartimenté, alors,
si un de vos membres chez Revenu Québec parle, c'est ultrafacile d'identifier
la personne qui a divulgué l'information, là. Et vous parliez tantôt de M.
Robert. Oui, il est réintégré, mais ses chances d'avancement, sur une échelle
de 10, sont de combien?
M. Bouvrette (Guillaume) : Il
a pris sa retraite aujourd'hui, alors zéro, mais ceci dit...
Mme Rizqy : On le salue, par
contre.
M. Bouvrette (Guillaume) : ...je
comprends que ça amène un statut particulier et ça laisse des traces par la
suite.
Mme Rizqy : Parce que moi, je
ne me rappelle pas d'avoir vu des gens... Dans le cas de Monsieur Robert, oui,
il a été congédié et a été réintégré. Là, il prend sa retraite, peut-être qu'il
a jugé que ses chances d'avancement étaient... oscillaient autour de zéro, mais
je ne me rappelle pas, lorsqu'il y a eu des divulgations, puis pour parler avec
pas mal de monde dans différents secteurs... même si on ne pointe pas
directement, on sait, admettons, dans les cadres, qui a parlé. Généralement,
ces gens-là sont sur une voie d'accotement, est-ce que je me trompe je?
M. Bouvrette (Guillaume) : Je
n'ai pas d'exemple en tête précis de ça. J'en profite quand même pour poser la
question : Est-ce que Monsieur Robert aurait été réintégré, n'eût été la
pression de l'opinion publique et de l'attention médiatique qui a été donnée à
son cas, là? La question se pose. Mais, par rapport à la question d'équipes,
bien, plus spécialisées, encore là, difficile de protéger à 100 % les
gens. Par contre, et le pourquoi on est en accord avec la recommandation
première du rapport, c'est que, lorsque la plainte, elle est faite à
l'organisme externe, on diminue ces risques-là d'identification, plutôt que de
le faire à l'interne, avec toute la bonne volonté du monde, là, qu'un organisme
de la taille et de la réputation de Revenu Québec pourrait vouloir y mettre,
être à l'indépendance de l'organisme qui reçoit les plaintes. Ces risques-là
sont minimisés lorsqu'on dépose ces plaintes-là à l'externe.
Mme Rizqy : À la page 8 de
votre mémoire, Louis Robert croit que, et je cite : «Quand tu ne dis rien,
tu deviens complice des situations problématiques. Quand ils se taisent, ils
choisissent leur camp, ils permettent à la situation de perdurer.» Ici, vos
membres, là, lorsqu'ils décident de parler, généralement, c'est parce qu'ils
ont essayé dans un premier temps à parler avec leur supérieur immédiat et
qu'ils ont probablement vu une situation qui est hautement problématique, qui
n'a pas été résolue à l'interne. Dans une équipe, lorsque ce type de situation
arrive, le climat de travail, entre 0 à 10, ça va bien, ça va bien aller ou ça
ne va pas super bien?
• (15 h 10) •
M. Bouvrette (Guillaume) : Il
y a certainement un impact sur le climat de travail, mais surtout, je vous
dirais, sur la motivation des gens. Il faut comprendre la dynamique,
normalement, des professionnels qu'on représente. Ce sont des gens avec un haut
niveau d'expertise qui ont à cœur la mission de l'État, du ministère, de
l'organisme, de l'agence pour lequel ils travaillent. Ces gens-là sont dévoués
à la cause, et, lorsqu'ils adressent... c'est un anglicisme, je m'excuse...
Mme Rizqy : ...
M. Bouvrette (Guillaume) : Lorsqu'ils
dénoncent des situations qu'ils jugent problématiques à leurs supérieurs, parce
que c'est, en général, ce que les gens font dans l'exercice de leur emploi, et
qu'ils ont une réponse qui minimise les impacts, qui ne prend pas au sérieux la
dénonciation, eh bien, ils ne savent pas actuellement vers qui se tourner, et
aller vers les médias, ils s'exposent à des représailles, ils le savent, et je
ne pense pas que c'est la voie qui est souhaitable. Alors, d'où l'importance de
réitérer dans des communications claires que la loi encourage la divulgation
d'actes répréhensibles et protège la confidentialité du processus.
Mme Rizqy : Dites-moi,
toujours en page 8, «la communication entre journalistes et fonctionnaires est
devenue plus difficile». Pouvez-vous élaborer?
M. Bouvrette (Guillaume) : M.
Robert faisait état à cette époque-là de permission, systématiquement, à
demander à son employeur avant de faire des interventions dans des médias ou
dans des publications spécialisées propres à son domaine d'expertise, lui,
comme agronome. D'autres professionnels de l'État, experts dans leur domaine,
qui parfois sont très, très spécialisés, pourraient être appelés à intervenir.
Et ce qu'on a constaté, c'est que, dans le passé, c'était plus facile? Il y
avait, je dirais, une certaine valorisation de l'expertise des professionnels
de l'État. Et, dans les années, il y a eu un contrôle plus serré qui s'est fait
des communications vers l'externe de la part des...
M. Bouvrette (Guillaume) : ...employeurs.
Mme Rizqy : Mais pourquoi ce
désir de contrôle?
M. Bouvrette (Guillaume) :
Bien, il faudra poser la question aux employeurs, mais...
Mme Rizqy : Oui, oui, mais
vous, à l'interne, vous devez en jaser, non?
M. Bouvrette (Guillaume) : Effectivement.
Pour nous, il y a une valeur ajoutée à faire valoir toute l'expertise des
employés de l'État dans leur domaine, et il y a une valeur pour l'État à faire
mettre, sur la place publique, la qualité de son personnel, en fait, parce que
c'est aussi ça.
Mme Rizqy : Moi, je note
aussi... on parle des journalistes, mais nous... Pardon, je vais...
(Interruption)
M. Bouvrette (Guillaume) : À
vos souhaits.
Mme Rizqy : Merci. J'ai
beaucoup de souhaits, en fait. Un à la fois, par contre. Nous, les élus, on
reçoit des appels, et puis on le sent, au bout du fil, une détresse. Les gens
qui nous parlent, un, ont peur, ils ont peur pour leur emploi, mais aussi c'est
parce que, quand qu'ils nous appellent, c'est parce qu'ils sentent sincèrement
qu'ils font la bonne chose, qu'ils veulent aider puis que c'est pour améliorer
quelque chose, là. Lorsqu'ils décident de finalement appeler un élu, là, c'est
quand même sérieux, là. Est-ce que ça... Est-ce que vos membres vous en ont
parlé dernièrement?
M. Bouvrette (Guillaume) : Oui,
non, oui? Mon collègue souhaite faire un complément. Vous voyez mon hésitation,
je n'ai pas d'écho, d'information précise là-dessus. M. Desjardins.
M. Desjardins (Philippe) : Vous
dites que, des fois, certaines personnes peuvent vous interpeller comme de quoi
qu'il y a de la détresse. Nous aussi, on a un service de l'accueil au SPGQ où
on entend souvent des gens qui sont en détresse. Ils aimeraient parfois
s'adresser directement aux médias pour révéler ce qu'ils vivent ou ce qu'ils
savent, mais, évidemment, au SPGQ, on ne leur recommande jamais de faire ça
pour... aussi un peu pour les raisons que vous avez déjà évoquées. Ça serait,
dans certains cas, très facile de les identifier, et ensuite ils pourraient en
subir des stigmates pour le reste de leur carrière et aussi peut-être des... se
voir refuser des possibilités d'avancement. Alors, on préfère que le SPGQ soit
le paratonnerre pour ces gens-là et que ces gens-là ne s'adressent pas
directement sur la place publique.
Mme Rizqy : Merci. Si vous
étiez législateurs, comment vous modifieriez, là, la première chose que vous
voudriez changer dans la loi?
M. Bouvrette (Guillaume) : Ça
n'arrive pas souvent, mais on l'a dit, on est d'accord avec la principale
recommandation du rapport déposé par le Conseil du trésor, c'est-à-dire, pour
les organismes publics, de centraliser la dénonciation des actes répréhensibles
auprès du Protecteur du citoyen, un organisme externe indépendant spécialisé,
pour traiter avec tout le sérieux que ça demande et surtout d'assurer la
confidentialité du processus.
Mme Rizqy : Ça... Oui, mais
c'est déjà, je vais dire, presque un acquis, là, alors, mais sans présumer de
quoi que ce soit, évidemment. Mais, au niveau d'actes répréhensibles, pour
vous, ça veut dire quoi, un acte répréhensible? Parce qu'en ce moment c'est
assez flou.
M. Bouvrette (Guillaume) : Oui,
et je pense que ça le demeurera dans la mesure où la personne qui le dénonce de
bonne foi croit sincèrement que l'acte en soi est répréhensible et qu'il
devrait... qu'il devrait être traité comme tel. D'où la nécessité de protéger
dans le processus pour protéger les gens. Parce qu'en bout de piste, si, par
une entité externe tierce, l'acte, il est jugé, je veux dire, acceptable dans
les paramètres qui sont les nôtres, la personne qui a fait la divulgation ne
devrait pas en subir les conséquences.
Ce qu'on... Une autre piste de solution,
c'est qu'on a avancé qu'il devrait pouvoir y avoir plusieurs canaux de
divulgation, toujours sans crainte de représailles, mais, oui, on y revient,
là, à une autorité indépendante, mais on pourrait devoir... on devrait pouvoir,
dis-je, divulguer au législateur auprès du ministre responsable directement...
du système de justice, par exemple. La multiplicité des canaux peut assurer le
fait que la plainte soit traitée et ne tombe... ne tombe pas. Voilà.
Mme Rizqy : Parfait. Tantôt,
j'ai posé la question, je me permets de la poser à vous aussi. J'ai
l'impression qu'en ce moment, oui, on me parle des sonneurs d'alerte, mais,
quand qu'on fait plusieurs demandes d'accès à l'information, les documents
qu'on reçoit sont hautement caviardés. Et là, évidemment, ce que ça frustre le
travail soit des journalistes mais même pour nous, les élus, parce que
l'objectif d'une demande d'accès à l'information, c'est de savoir ce qui se
passe. Et c'est là qu'à ce stade-là on doit essayer d'avoir des sources, à
l'interne, qui viennent nous dire, bien, qu'est-ce qui se cache derrière cette
encre noire. Il me semble qu'on devrait aussi travailler parallèlement à
s'assurer une véritable accessibilité à l'information, là.
M. Bouvrette (Guillaume) : Oui,
je comprends votre enjeu puis je pense que vous l'avez dénoncé à plusieurs
reprises. On le fait nous aussi également...
M. Bouvrette (Guillaume) : ...et
d'abord comme intervenant dans l'appareil public, comme interlocuteur, représentant
du personnel professionnel de l'État, on déplore, par moments, de devoir avoir
recours à des demandes d'accès à l'information simplement pour qu'on nous
partage des données tout à fait normales, publiques dans notre société de
droit. Et, lorsqu'on les reçoit, si elles sont incomplètes, elles ne nous sont
d'aucune utilité. On se positionne comme partenaire de l'État québécois, un
représentant de son personnel professionnel et on apprécie lorsque
l'information est disponible et qu'on peut ensemble trouver des solutions.
Mme Rizqy : Puis même entre
les différents organismes, il me semble que, quand l'information est claire et
distribuée, c'est que ça permet même, des fois, de nourrir la réflexion dans un
autre organisme.
M. Bouvrette (Guillaume) : Définitivement.
Mme Rizqy : Parfait. Merci
beaucoup. Dernière question, au niveau de l'accompagnement, on parle aussi
d'accompagnement au niveau juridique, j'imagine, au sonneur d'alerte, de
l'outiller, parce que sinon, c'est le combat de David contre Goliath. C'est ce
que vous... Est-ce que vous avec des...
M. Bouvrette (Guillaume) : La
question a été posée tout à l'heure. Je pense qu'on n'est pas allés jusqu'à se
poser la question : Est-ce qu'on souhaite être intervenants, accompagner le
plaignant formellement?
Mme Rizqy : Non, je parle
vraiment pour vos membres. Est-ce qu'il serait souhaitable d'avoir un fonds
dédié pour vraiment aider le lanceur d'alerte si jamais, malheureusement, il y
a une poursuite, ou quoi que ce soit? Parce que c'est sûr que, s'il se
représente devant l'État, c'est rare que... à moins que lui-même soit, par
exemple, un nouveau fonctionnaire qui soit avocat, puis il va se représenter
peut-être tout seul. Mais sinon les frais juridiques, tu sais, on blague, là,
mais c'est facturé à la minute, hein?
M. Bouvrette (Guillaume) : Définitivement.
On est des habitués.
M. Dean (Marc) :Il y a des expériences dans d'autres pays sur ce que vous
avancez. Si je me souviens bien, parce que j'ai beaucoup travaillé dans le
dossier, les États-Unis ont cette possibilité-là, quand une plainte est fondée,
que l'État peut payer les frais de représentation d'un professionnel ou d'un
fonctionnaire qui aurait à aller devant la justice pour... dans un cas de
dénonciation d'actes répréhensibles.
Est-ce qu'on peut appliquer ça au Québec?
Bien, c'est à vous, comme législateurs, de regarder si on pourrait l'appliquer.
Déjà, le Protecteur du citoyen, ce que j'ai vu, c'est qu'il offre du conseil
juridique, mais, une fois qu'on a conseillé quelqu'un, si l'étape suivante,
c'est la cour, bien, vous avez raison, les frais de justice sont extrêmement
élevés.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Bouvrette (Guillaume) : Vous
me direz que je suis un optimiste...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. En conclusion. On vous laisse finir? Oui.
M. Bouvrette (Guillaume) : Merci.
...je suis un optimiste, mais, si la plainte est faite à un organisme externe
et que la confidentialité est assurée, le plaignant n'aura pas à se défendre de
poursuites éventuelles.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Bouvrette (Guillaume) : Mais
peut-être que je devrais enlever mes lunettes roses, là.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Gardez-les. Alors, Mme la députée de Sherbrooke, vous disposez de
quatre minutes.
Mme Labrie : Merci. Je vais
vous demander de les enlever quelques instants parce que, bien, vous nous
l'avez fait valoir, ma collègue aussi, d'autres de vos collègues, les
ingénieurs, qui sont passés avant vous, parfois, il y a une expertise vraiment
pointue, puis, bon, malgré tous les efforts pour maintenir la confidentialité,
parfois, dans le processus d'enquête, quand même ça va se savoir, là, que
quelqu'un a... est allé dire quelque chose. Comment on peut faire pour éviter
les représailles à ce moment-là? Comment on peut équiper les gens pour éviter
des représailles ou se battre contre ces représailles?
M. Bouvrette (Guillaume) : Peut-être
qu'une piste de solution, elle a été évoquée plus tôt par le gouvernement dans
ses questions, c'est de prévoir des mesures, des sanctions contre les gens qui
exerceraient des représailles, parce que non, effectivement, on ne pourra pas
toujours toutes les éviter. Mais, s'il y a sanction, on envoie un message très
clair qu'on n'exerce pas de représailles à l'endroit de gens qui, de toute
bonne foi, ont dénoncé des actes répréhensibles, comme c'est le cas dans le
monde syndical. Lorsqu'une personne dépose un grief, là, elle est protégée par
le Code du travail à ne pas faire l'objet de représailles d'un employeur parce
qu'elle a exercé un droit. Et c'est la même chose ici, c'est un droit prévu par
la loi.
• (15 h 20) •
Mme Labrie : O.K. Vous
avez... Dans votre recommandation 7, vous parlez de processus qui doit être
expéditif. Vous parlez d'efficacité souvent aussi. Est-ce que, pour vous, il y
a une question de délai là-dedans?
M. Bouvrette (Guillaume) : Oui.
Mme Labrie : Quel type de
délai serait efficace?
M. Bouvrette (Guillaume) : Bien,
clairement, je pense qu'il y a du cas par cas, dépendant de la complexité de la
plainte, là, mais...
Mme Labrie : Mais est-ce que
ça devrait être inscrit dans la loi, certains délais pour certaines étapes?
M. Bouvrette (Guillaume) : Ça
devient difficile, je crois, à baliser, mais il appartiendra peut-être au
législateur de se poser la question. Mais on comprend que, lorsqu'un... le
divulgateur d'une plainte reste sans réponse pendant, je vais prendre un
exemple, mais plus de trois mois, sans aucun suivi, bien, évidemment qu'il se
questionne : Est-ce que c'est tombé entre deux chaises? Est-ce qu'on
traite ma plainte? Est-ce qu'on prend au sérieux ce que j'ai dénoncé de toute bonne
foi? Et, lorsqu'on fait une dénonciation, ce n'est pas... certainement pas de
gaieté de cœur. C'est un acte, je veux dire, lourd, là, au sens où les gens
adhèrent à la mission de l'État et de l'organisme qu'ils desservent. Avant
d'arriver à cette étape-là, ils ont eu, je crois, une mûre réflexion. Ils
s'attendent à ce que ça soit traité avec tout le sérieux que ça mérite. Ce
n'est pas leur quotidien, là.
Mme Labrie : Donc, une
certaine forme de délai, là, pour le suivi...
Mme Labrie : ...serait indiqué
dans le projet de loi. Vous, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous
n'avez pas statué à savoir si vous voudriez que la loi reconnaisse la
légitimité des syndicats d'effectuer eux-mêmes des divulgations au nom de leurs
membres, ce que nous a donc demandé, là, des collègues à vous qui se sont
passés tout à l'heure, vous dites aussi, par contre, que vous voulez jouer le
rôle de paratonnerre pour protéger vos membres, est-ce que vous seriez en
mesure d'y réfléchir d'ici au dépôt d'un projet de loi, votre position
là-dessus, ou bien c'est plus clair, là?
M. Bouvrette (Guillaume) : Définitivement,
mon réflexe, c'est de vous dire, c'est une avenue qui est intéressante, qui
rejoint l'objectif de protection de nos membres lorsqu'ils ne se sentent pas
outillés pour le faire par eux-mêmes.
Mme Labrie : O.K. Donc, vous
seriez favorable à une disposition comme celle-là?
M. Bouvrette (Guillaume) : À
première vue, j'ai envie de vous dire que oui, mais, tu sais, qu'on n'a pas
fait ces travaux-là chez nous, mais on peut très bien pousser cette réflexion.
Mme Labrie : Puis vous avez
mentionné que c'était plus serré, là, au niveau de la surveillance, des
demandes de permissions de vos membres, là, depuis un certain temps, est-ce que
vous avez remarqué depuis quand? Est-ce que c'est quelque chose en particulier
qui a été un déclencheur de ce resserrement-là?
M. Bouvrette (Guillaume) : Je
vais me tourne vers mes collègues, est-ce qu'on a un exemple particulier?
M. Desjardins (Philippe) : Je
crois que c'est assez difficile de vous pointer un déclencheur. Si vous me
permettez de vous parler de mon expérience personnelle comme communicateur,
j'ai travaillé dans un ministère à une certaine époque, et un journaliste communique
avec moi pour me dire : M. Desjardins, pouvez-vous m'indiquer combien
il y a d'emplacements de stationnement à tel centre carcéral au Québec? Mais la
réponse, je la connaissais, imaginez, par exemple, que c'est 750. Je n'avais
pas le droit de lui dire que c'était ça, 750. Je devais me tourner vers mon
supérieur qui lui remontait jusqu'au sous-ministre, et ensuite la réponse
redescendait et, parfois, ça pouvait prendre jusqu'à trois jours. Le
journaliste était vraiment en colère après moi, il dit : Oui, mais M.
Desjardins, la réponse, vous la connaissez. J'ai dit : Absolument, je la
connaissais, mais je n'avais pas le droit de vous la donner. Ça devait faire
l'objet... Cette information-là, votre question devait remonter dans la machine
et ensuite redescendre.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, merci. Désolé, c'est le temps dont nous disposions. Hein, ça passe
très rapidement. Alors, merci beaucoup d'avoir participé à nos travaux et
d'avoir enrichi ce faisant notre réflexion.
Compte tenu de l'heure, nous allons
suspendre momentanément nos travaux afin de faire place à notre prochain invité
qui se trouve en France.
(Suspension de la séance à 15 h 24)
(Reprise à 15 h 27)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, bienvenue à tous. Nous sommes en mesure de reprendre nos
travaux. Chers professeurs, vous vous retrouvez en France en ce moment. Merci
d'accepter notre invitation. Auriez-vous d'abord l'amabilité, s'il vous plaît,
de vous présenter?
M. Seassaud (Eric) : Bien
sûr. Bonsoir, M. le Président. Bonsoir, Mmes et MM les députés. Bien, je vous
remercie de prêter attention à ces quelques réflexions et retours d'expériences
que je souhaite... que j'aurai plaisir à partager avec vous. Je vais commencer
par une brève présentation.
Je suis... en fait, je suis un juriste
avec une expérience professionnelle de 25 années. J'ai travaillé en
entreprise, en cabinet, les deux à la fois. J'ai été directeur juridique,
éthique et conformité... une entreprise française active dans le secteur de
l'énergie... J'ai le plaisir de présider la Commission française de l'Afnor,
compliance et gouvernance des organisations et, à ce titre, j'ai eu l'occasion
de m'occuper particulièrement de la norme ISO 37 001 sur l'anticorruption.
Dans ma profession d'avocat, j'ai l'habitude de conseiller des entreprises, des
organisations sur des sujets d'éthique et de conformité globaux en ce qui
concerne la mise en place de politiques, de programmes, de dispositifs de
conformité et puis aussi spécifiques sur des transactions particulières.
En parallèle, j'enseigne l'éthique à la
compliance à la Sorbonne avec un focus particulier pour moi en ce qui concerne
l'anticorruption et l'éthique des affaires, et également les sanctions internationales,
les problèmes d'embargo et le contrôle des exportations. Voilà en résumé mon
parcours.
• (15 h 30) •
J'essaie de résumer mes principales
réflexions par rapport à mon retour de pratique en France, alors je les ai
fondées sur plusieurs textes, s'agissant des lanceurs d'alertes et des alertes
qui, je crois, comprend le sujet qui est l'objet de vos travaux. Alors,
j'aurais aimé partager ces réflexions, ces retours d'expérience avec vous. Nous
avons en France plusieurs textes qui ont concerné les lanceurs d'alerte. Alors,
ces textes sont quand même relativement récents, hein, on commence avec la loi
Sapin 2 en 2016. Tout ça vient, je dirais... a été... ce mouvement
législatif a été impulsé depuis les conventions OCDE. La loi Sapin 2 du ministre...
du ministre éponyme, prévoit deux volets s'agissant des lanceurs d'alerte, un
dispositif général qui va concerner le secteur public et le secteur privé, et
des organisations dès le seuil de 50 salariés, donc une couverture assez
large. Ça, c'est assez novateur. Et donc ça, ce dispositif, il va concerner...
Alors, le législateur a une énumération un peu pédagogique. Il aurait pu se
contenter de dire des illégalités. Il les a nommées, il a parlé de violation de
la loi, du règlement,de crimes, de délits. Il a aussi parlé de manquement aux
engagements internationaux de la France et également d'un sujet plus complexe à
appréhender pour un lanceur d'alerte, ça l'est déjà pour un juriste, mais le
concept de manquement à l'intérêt général. Ça, c'est le volet général.
Et ensuite, on a un volet spécifique qui,
lui, concerne les entreprises privées et certaines entreprises...
15 h 30 (version non révisée)
M. Seassaud (Eric) : ...publiques,
les entreprises publiques qui sont contrôlées par des capitaux publics ou les
établissements publics industriels et commerciaux qui sont, eux... elles, des
personnes morales de droit public, qui emploient plus de 500 salariés et
totalisent un chiffre d'affaires consolidé de plus de 100
millions d'euros. Et pour cette deuxième catégorie, les sujets traités
sont beaucoup plus limités, on ne parle que de corruption et de trafic
d'influence, dont deux niveaux sur les alertes. Le premier niveau, les articles
616 de la Loi Sapin 2, sur les inégalités, les crimes et délits, les
manquements à l'intérêt général et aux engagements internationaux de la France.
Un volet spécifique qui concerne la corruption et le trafic d'influence qui,
lui, ne touche que les entreprises les plus importantes, plus de 100
milliards d'euros de chiffres d'affaires consolidés et employant plus de
500 salariés.
Les... Ces lanceurs d'alerte bénéficient
d'une protection, d'une protection renforcée depuis la transposition de la
directive européenne sur les lanceurs d'alerte, qui a été transposée, en
France, l'an dernier, avec la loi Wasserman et un décret de fin d'année. On
trouve des innovations majeures de cette transposition, c'est un renforcement
du statut des lanceurs d'alerte avec une protection particulière contre les
procédures bâillons, une amende civile d'un montant limité mais qui a le mérite
d'exister de 60 000 euros. On trouve aussi des provisions pour frais de
justice pour les lanceurs d'alerte qui sont... qui n'ont pas, comment
dirais-je, les facultés personnelles d'initier, d'engager par eux-mêmes des
procédures en raison de leur coût matériel. On trouve également des éléments de
soutien psychologique pour les plus faibles d'entre eux... enfin, les plus
vulnérables plus exactement.
Et on a également un volet
d'accompagnement qui a fait énormément de débats en France, qui concerne les
facilitateurs. Dans les facilitateurs, on a les ONG, on a les syndicats, on a
aussi des collègues, et on a aussi des proches. Le but, c'était de pouvoir être
en mesure d'aider les lanceurs d'alerte. Alors, certaines organisations
souhaitaient que les ONG, les syndicats puissent être eux-mêmes qualifiés de
lanceurs d'alerte. Ça n'a pas été la solution qui a été retenue par le
législateur, mais, en revanche, le législateur a donné à ces personnes, à ces
facilitateurs, le même bénéfice en termes de protection que les lanceurs
d'alerte. Voilà sur la loi Sapin deux.
Je rajouterais un dernier élément, pour ne
pas être trop long, qu'il existe aussi un deuxième volet d'alerte sous l'égide
de la loi sur le devoir de vigilance. Alors, devoir de vigilance qui n'est pas,
en revanche, en cohérence de seuil avec la loi Sapin deux, puisque le devoir de
vigilance concerne, en France, les entreprises françaises de plus de 5000
salariés, et les entreprises ayant leur siège en France, employeurs en France
ou à l'étranger et/ou à l'étranger, 10 000 salariés. Donc, on voit que les
seuils ne sont pas cohérents entre les deux textes, ça a été un des sujets
discutés devant le Parlement au moment de l'adoption de ce texte. Et on a aussi
la possibilité, sur le fondement de ce texte, de lancer des alertes en ce qui
concerne les droits fondamentaux, ça, c'est vraiment intéressant, les atteintes
à l'environnement et les atteintes à la santé, sécurité. Alors, comme ces
éléments sont des éléments législatifs, eh bien, ils peuvent, si le lanceur
d'alerte se qualifie dans le cadre du dispositif Sapin deux, bénéficier
indirectement de cette protection de lanceur d'alerte. Mais on a là,
effectivement, un problème d'articulation des textes qui avait été soulevé.
Donc, quelque chose qui avance, mais avec des éléments à parfaire. merci,
epsilon dans les situations que l'on rencontre, mais qui peuvent être
dramatiques.
Alors, évidemment, on a cette protection
accrue, la confidentialité garantie, la possibilité, pour le lanceur d'alerte,
de ne plus passer par l'entreprise ou l'organisation avant de saisir la justice
ou les administrations, ce qui oblige les entreprises et les organisations à
être convaincantes si elles veulent avoir la chance de traiter, en interne,
leurs alertes. Mais dans certains cas marginaux...
M. Seassaud (Eric) : ...qui
ont été discutés. Venait sur la table le débat : Faut-il ou pas permettre
aux lanceurs d'alerte de bénéficier d'une partie des amendes infligées aux
organisations, aux entreprises qui sont reconnues coupables sous l'empire de
ces textes, un peu à l'instar de ce que font les Américains? La tradition
juridique française et la tradition juridique anglaise n'y étaient pas
favorables. Ce n'est pas une solution dans laquelle le législateur français
s'est engagé. Mais, en revanche, un certain nombre de faits d'actualité peuvent
effectivement soulever cette question, qui n'est pas sans pertinence, quand on
regarde des situations particulières où des gens qui ont agi au nom de
l'intérêt général se retrouvent confrontés un petit peu à une situation de mort
sociale du fait de leur action.
Voilà. J'espère ne pas avoir été trop long
et d'avoir résumé le plus possible.
Le Président (M. Simard) : Pas
du tout, cher professeur. Et, du reste, vous êtes parfaitement dans les temps.
Alors, nous allons entreprendre une période d'échange, et je vous laisse entre
les mains de mon collègue le député de Maskinongé, qui représente la partie
gouvernementale et qui est l'adjoint parlementaire de la ministre. M. le
député.
M. Allaire : Merci, M. le
Président. Merci, M. le Professeur. En fait, ma première question, pour être sûr
que je comprends bien, suite à l'instauration des deux lois, là, que vous avez
nommées tantôt, je comprends bien que ça s'adresse autant au secteur public que
privé?
• (15 h 40) •
M. Seassaud (Eric) : Alors,
s'agissant de la loi Sapin 2, oui, ça s'adresse au secteur public et au
secteur privé. Dans le secteur privé, on a les administrations étatiques, les
communes de plus de 10 000 habitants, les départements, les régions,
les syndicats de coopération intercommunaux et les personnes morales de droit
public employant plus de 50 agents.
Sur le deuxième sujet, sur la loi sur le
devoir de vigilance, c'est différent. La couverture est beaucoup moins large
puisque notamment échappe à la loi sur le devoir de vigilance l'essentiel de
l'action, ce qu'on appelle l'action économique de l'État, en tout cas, l'action
économique de la puissance publique, et c'est une des critiques majeures qui
avaient été adressées à ce texte. Au moment des débats parlementaires, certains
avaient estimé qu'environ peut-être 200 entreprises, 200 entreprises
seraient touchées effectivement par ce texte. Donc, le deuxième texte, le
deuxième texte souffre un peu aussi d'une... comment dirais-je, des conditions
dans lesquelles il a été adopté. C'est une proposition de loi d'initiative parlementaire
qui a été adoptée dans le cadre d'un calendrier d'élection présidentielle assez
serré, les... il a été adopté un petit peu rapidement, et les questions de
cohérence de texte, de seuil, d'application, le sujet que vous soulevez, M. le
député, typiquement ont été malheureusement insuffisamment traitées par le
législateur. C'est un... Ça fait partie des points qui ont été soulevés par les
commentateurs sur ce deuxième texte, qui est beaucoup moins abouti que la loi
Sapin 2.
M. Allaire : Merci pour la
précision. Je vais revenir avec le secteur public dans une prochaine question,
mais je suis un peu curieux par rapport au secteur privé. Quelle a été la
réaction des entreprises suite à la mise en vigueur de cette loi-là? Est-ce
qu'ils... Est-ce qu'ils étaient favorables? Est-ce qu'ils étaient plutôt
défavorables?
M. Seassaud (Eric) : Bien, je
vais vous répondre très directement, M. le député. Ça n'a pas suscité un
enthousiasme absolu, oserais-je dire. Alors, en fait, on avait deux situations
assez mitigées. On avait, d'une part, les grandes entreprises internationales,
qui avaient déjà mis en place un programme de conformité parce qu'ils étaient
assujettis au UKBA, au Bribery Act anglais de 2010. Donc, beaucoup
d'entreprises françaises internationales, ayant des activités en
Grande-Bretagne, ont dimensionné... ont mis en place un programme de conformité
en le dimensionnant sur le UKBA. Et donc, bon, quand la loi Sapin 2 est
venue... Eh bien, en fait, il y a une convergence assez forte des textes. Les
six principes du UKBA sont très convergents avec les huit piliers de la loi
Sapin 2, et on a des formulations qui sont différentes, mais on retrouve
effectivement les... comment dirais-je, la même volonté et on retrouve dans les
deux textes le défaut de prévention de la corruption incriminée par la... par
les textes anglais et par les textes français. On trouve aussi l'apparition,
avec la loi Sapin 2, de la justice transactionnelle, qui a été un débat très
significatif en France, là encore, en s'arc-boutant sur notre tradition
juridique, pour finalement avoir un avis du...
M. Seassaud (Eric) : ...nous
disons que, bon, effectivement, ce n'est pas très conforme avec la tradition
juridique, mais en revanche, s'agissant de pratiques internationales, on
pouvait l'accepter. Je résume à grands traits un avis assez complexe, mais
c'est un peu ça ce que les commentateurs, on avait... on avait retiré. Donc, un
accueil très mitigé, plus détendu pour les grandes entreprises qui avaient déjà
mis en place un programme de conformité, beaucoup plus réservé pour les
entreprises de taille plus moyenne qui n'avaient jamais entendu parler de
compliance autrement que par les clauses à six pieds qu'on leur faisait signer
dans des accords internationaux, sans très bien en comprendre la portée, les
enjeux et les conséquences potentielles pour elles-mêmes. Des clauses qui
étaient passées dans la chaîne contractuelle par des grands donneurs d'ordres
ayant, comme dirais-je, un élément de connexité... avec la juridiction américaine
où ces clauses-là étaient imposées. Donc on a vu vraiment un fossé entre les
PME françaises et les grandes entreprises qui étaient familiarisées à ce sujet.
Un accueil globalement plutôt... plutôt frais, plutôt frais.
M. Allaire : Suite à
l'implantation de la loi, est-ce qu'il n'y a pas un mécanisme de mise en place
de statistiques? Là, est-ce que vous êtes en mesure de mesurer l'impact de
l'implantation de la loi en France?
M. Seassaud (Eric) : Alors,
c'est assez difficile. On a... il y a des travaux qui sont en cours, avec une
volonté d'essayer de quantifier l'impact de la loi. La... on l'a... L'AFA,
l'agence française anticorruption qui a été créée par cette loi a mis en avant
essentiellement le nombre de transactions qui ont été réalisées. Et
effectivement, on voit que, depuis le début, les transactions conclues par
l'AFA augmentent en quantité et également en matière de montants transigés. Il
y a un certain nombre de... L'AFA procède à un certain nombre de contrôles et
se fondent en cela sur le modèle de l'Autorité de la concurrence, c'est-à-dire
que l'AFA commencé une segmentation du marché et a lancé différents contrôles
de grandes entreprises. Ce qui aurait pu vraiment mesurer l'impact de la loi,
c'eût été la commission des sanctions. Sans trop entrer dans le détail, mais la
loi prévoit la possibilité pour l'AFA de déférer, après un contrôle sur pièces
et sur place, des dossiers à la commission des sanctions. Mais depuis une
décision qui avait été très attendue en France, la décision... la commission
des sanctions a dit que, comme elle ne jugeait qu'au moment où le dossier lui
était présenté. Comme, en général, il se découle un délai d'un an, un peu plus
d'un an, entre le moment où... plutôt deux ans, d'ailleurs, entre le moment où
l'AFA fait son contrôle, fait ses observations et arrive... et, le cas échéant,
le dossier arrive à la commission des sanctions, en un an une entreprise a
normalement le temps de se mettre au niveau et c'est ce qui s'est produit. Ce
qui fait que la commission des sanctions ne fonctionne pas beaucoup.
Alors, certains objectent le fait que,
bien, du coup, le dispositif est peu efficace, d'autres, plus optimistes,
j'avoue que je suis assez convaincu par ça, croient à la vertu du... comment
dirais-je, de persuasion du dispositif. Et, dès lors que, finalement,
l'entreprise se met en conformité, bien, l'objectif me semble atteint. Donc, on
a... Et c'est ce qu'a mis en avant l'AFA en disant : Bon, effectivement,
on n'a pas prononcé de sanctions significatives, mais les entreprises qui ont
été identifiées dans le cadre de contrôles sur place et sur pièces et bien
finalement se sont mises en conformité à bref délai. Et c'est finalement ça...
C'est finalement une des missions essentielles qui a été confiée par le législateur
à l'agence. C'est comme ça que la chose a été perçue. Voilà.
M. Allaire : Dans votre
préparation pour votre présence ici aujourd'hui avec nous, est-ce que vous avez
pris le temps d'analyser la loi actuellement au Québec et d'être capable de
dresser des distinctions par rapport à ce qui se passe chez vous pour être
capable de voir un peu vraiment comment... comment qu'on... que vous vous
distinguez ou comment qu'on se distingue avec la loi qui existe actuellement?
M. Seassaud (Eric) : Alors,
j'avoue que j'ai lu le rapport, mais je ne suis pas rentré dans le détail,
puisqu'on m'a dit que ce qui était intéressant, c'était surtout mon retour
d'expérience sur le texte français. Cela étant...
M. Seassaud (Eric) : ...si ça
vous intéresse, je peux... je serais ravi, d'ailleurs, de vous adresser une
note complémentaire en vous disant, sur le fondement d'une lecture attentive du
texte québécois, les différences significatives que moi, je peux relever par
rapport au texte français, vous faire un élément, comment dirais-je, de
comparaison.
M. Allaire : Si vous nous
envoyez votre note, ça va nous faire plaisir d'en prendre connaissance et de
s'en inspirer, assurément.
M. Seassaud (Eric) : Eh bien,
je le ferai avec joie.
M. Allaire : Dans mon cas,
j'aurais peut-être une dernière question. J'aimerais savoir comment vous avez
géré la confidentialité chez vous pour assurer la protection du divulgateur ou
du lanceur d'alerte? Parce qu'on le sait, c'est un des principaux enjeux, là, si
on veut assurer une confiance envers le système.
M. Seassaud (Eric) : Tout à
fait. Vous avez entièrement raison. C'est l'enjeu majeur, que vous soulevez.
Écoutez, c'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle la loi Wassermann a
supprimé ce qui existait sous l'empire de la loi Sapin 2, l'échelle entre le
niveau interne préalable qu'imposait initialement la loi de 2016, avant d'aller
saisir les juridictions, les administrations, le défenseur des droits. Ça,
quand on se retrouve dans un dispositif interne qui ne présente pas de garantie
d'indépendance et de confidentialité, bien, c'est extrêmement dissuasif pour le
lanceur d'alerte. Il faut quand même le dire très clairement. Je crois que,
pour avoir un dispositif efficace, il faut une indépendance garantie, il faut
des sanctions pénales pour la violation. Le fait de... C'est curieux, moi, je
suis un privatiste, à la base, mais je dois reconnaître que c'est le pénal qui
fait bouger les lignes. En France, on a bougé parce que le droit pénal s'en est
mêlé. En France, on a changé les comportements parce que les seuils que je vous
ai indiqués, les obligations de l'article 17.2 en matière de corruption et de
trafic d'influence, est une obligation qui pèse sur les chefs d'entreprise. Et
donc c'est le droit pénal et les incriminations pénales qui ont fait bouger les
lignes. Et, actuellement, si quelqu'un commettait en France une violation de la
confidentialité du lanceur d'alerte, il pourrait être pénalement poursuit.
Ce qui fait que c'est quelque chose qui
est quand même significatif, mais je crois aussi qu'il y a une question du
choix du dispositif lui-même. Est-ce que c'est un dispositif interne sous le
contrôle de la direction générale de l'entreprise ou pas? Donc, ça, c'est un
premier élément, je dirais, de confiance pour les collaborateurs et les parties
prenantes de l'organisation concernée. Et également est-ce que cette...
l'entité qui est en charge du recueil des alertes est astreinte elle-même à des
obligations particulières de confidentialité, que ce soit contractuel, que ce
soit déontologique pour les avocats, les professions réglementées. Bref, qu'il
y ait des mesures qui garantissent effectivement l'indépendance et qu'il n'y
ait pas la possibilité d'exercer des pressions pour que telle personne au sein
d'une organisation soit contrainte ou que l'on tente de la contraindre de
révéler des sujets. Alors, évidemment, ça ne se pose toujours que sur des cas
epsilon. Ça va toucher un pour 1000 des cas d'alertes qui nous concernent, mais
ça va toucher les cas importants.
• (15 h 50) •
Et ce qui serait vraiment dommage, c'est
de concevoir un dispositif qui arrête le moustique et qui laisse passer le
mammouth. Et c'est un peu le problème, aujourd'hui, de ces sujets-là, parce
que, dans un certain nombre de cas, vous avez... vous arrivez avec des éléments
d'information qui sont si spécifiques que quelqu'un qui connaît le dossier sait
vous identifier, enfin, sait identifier d'où ça vient. Quand vous êtes au sein
d'une organisation, il y a des éléments de dossier, vous savez qu'il faut un
certain... de toute façon, il n'y a pas beaucoup de gens qui sont au courant de
ça, vous savez d'où ça vient et vous avez un faisceau d'indices. Donc, il faut
avoir un système de recueil des alertes qui garantisse une véritable
indépendance vis-à-vis de la direction générale de l'entreprise. Je pense que
c'est une question de gouvernance. Il faut qu'il y ait aussi la possibilité
d'aller directement devant le conseil d'administration, et pas simplement
devant l'exécutif, parce que le conseil d'administration, c'est l'organe de
gouvernance, c'est lui qui donne une certaine garantie à l'organisation, et je
pense que ce sont des pistes qui peuvent être utilement explorées. En tout cas,
c'est des débats qui tournent autour de ces idées qui nous occupe aujourd'hui.
M. Allaire : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors
merci. Je cède maintenant la parole à mon collègue de René-Lévesque, qui
dispose de...
Le Président (M. Simard) : ...45 secondes.
M. Montigny : Alors, bonjour.
Simplement une question qui va me permettre de mieux comprendre votre
intervention cet après-midi. En ce qui nous concerne, d'abord, l'enjeu que vous
avez parlé sur les entreprises versus les organismes gouvernementaux, les organisations
gouvernementales, en fait, d'après vous, l'intention de départ du législateur
d'agir au niveau des entreprises privées, est-ce que vous pouvez m'en... me
l'expliquer davantage? J'aurais une autre question là-dessus après.
M. Seassaud (Eric) : Voulez-vous
dire l'intention du législateur d'agir principalement envers les entreprises
privées, c'est...
M. Montigny : Bien, vous avez
beaucoup parlé des entreprises. J'aimerais vous entendre sur l'intention
qu'avait le législateur...
M. Seassaud (Eric) : Vous
avez raison. Alors, j'ai beaucoup parlé d'entreprises parce que j'ai beaucoup
conseillé d'entreprises, mais ça s'applique aussi au secteur public. Alors, je
vais... en tout cas, la loi Sapin 2, ça s'applique clairement au secteur
public. Je vais vous le dire très directement, le niveau de maturité n'est pas
le même dans le secteur privé et dans le secteur public. Ça, c'est clair.
D'abord, il y a des sujets d'ordre culturel parce que les organismes publics
sont au service de l'intérêt général et beaucoup d'entre eux pensaient n'être
pas véritablement concernés par les thématiques sous-jacentes de ces différents
textes. Donc, il y a ce premier élément culturel qui est à prendre en compte.
Ensuite, il y a une diffusion moindre,
mais qui est en train de se résorber de cette information au sein des
organismes publics. Et, aujourd'hui, les organismes publics, par exemple, se
mettent à réaliser à grande vitesse les cartographies de risques qui sont
requises par la loi Sapin 2, alors qu'ils étaient assez en retard sur le sujet,
réalisent des audits, mettent en place des dispositifs d'alerte interne. Donc,
ça, c'est aujourd'hui quelque chose qui est assez payant. Alors, on a
effectivement l'Union européenne qui réfléchit sur un comité d'éthique, mais on
a aussi ces réflexions de comités d'éthique au sein des forces armées. Donc, le
sujet, voyez-vous, le sujet se développe avec une maturité différente, il est
clair...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Seassaud (Eric) : ...et un
temps d'avance plus plus manifeste pour les entreprises, notamment liées à
l'apparition de la loi Sapin 2... pardon, au... pardonnez-moi.
Le Président (M. Simard) : Alors,
j'agis en gardien du temps. Ce que vous dites est très intéressant, mais je
dois maintenant céder la parole à ma collègue qui elle même a fréquenté très
longtemps les milieux universitaires pour y avoir notamment enseigné. Ma
collègue de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup.
Alors, bienvenue parmi nous à distance. Merci beaucoup pour votre mémoire fort
détaillée. J'aimerais aller à la page 11 de votre mémoire. Vous parlez du
contexte français. Vous parlez tout d'abord de la difficulté de
l'administration de la preuve, alors qu'un renversement de la charge de preuve
à l'encontre de l'entreprise fut initialement envisagé. Un régime de partage de
la charge de la preuve lui fut finalement préféré, à l'instar de l'évolution du
texte sur le harcèlement moral. Pouvez-vous nous expliquer, s'il vous plaît, en
ce moment, là, chez vous, comment... à qui appartient le fardeau de preuve?
Comment on peut aussi apprendre de comment vous avez évolué entre le avant et
le maintenant?
M. Seassaud (Eric) : Oui,
bien sûr. Bien, en fait, la charge de la preuve, c'est un sujet qui a été qui a
été évoqué parce qu'on s'était rendu compte qu'il était très difficile... c'est
la question des équilibres... c'est la formule de... entre le faible et le
fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. C'est un peu cette
idée-là qui a présidé aux discussions sur le renversement de la charge de la
preuve. Donc, on s'était dits, enfin, certains commentateurs, certains, comment
dirais-je, éléments ont doctrine, et puis des politiques aussi, on s'était dit
qu'en fait on devrait plutôt demander à l'entreprise de faire la preuve qu'elle
a mis en place les éléments nécessaires plutôt que de demander au lanceur
d'alerte de le faire. C'est un débat qu'on avait eu en matière de harcèlement
moral. Pourquoi? Parce que le harcèlement moral est assez difficile à prouver
pour la personne qui est concernée, parce qu'elle nécessite de la répétition,
parce qu'elle nécessite un faisceau d'indices, parce que rapporter la preuve de
tout ça, c'est...
M. Seassaud (Eric) : ...n'est
pas évident et parce qu'aussi il y a un élément de fragilité psychologique de
la personne qui est victime du harcèlement moral. Mais ensuite, le législateur
a compris ce besoin de, comment dirais-je, de rééquilibrer les rapports de
force dans l'administration de la preuve, mais écarté le renversement,
c'est-à-dire à l'entreprise de montrer au fond qu'elle n'était pas coupable,
pour dire : Bien, nous allons avoir un système de collaboration, de
partage de la preuve où chacune des parties sera invitée à apporter les
éléments de preuve de faits. C'est dans ce contexte que cette évolution est
intervenue.
Mme Rizqy : Merci beaucoup.
Permettez-moi de prêter ma voix à la députée de Vaudreuil, qui en fait avait
demandé votre présence, mais elle a un petit souci de santé, donc elle ne peut pas
être présente aujourd'hui. Alors, j'ai les questions de la députée de
Vaudreuil.
Vous permettez aux syndicats d'agir à
titre de facilitateurs. Y a-t-il des mesures à considérer?
M. Seassaud (Eric) : Alors,
c'est déjà... c'est un compromis. Le facilitateur, c'est un compromis. Ce
que... L'idée au départ, c'était de permettre aux syndicats, aux ONG d'agir
comme des lanceurs d'alerte. Pourquoi? Parce que, bien, dans certains cas,
c'étaient eux qui lançaient des alertes, en réalité, en tout cas c'étaient eux
qui avaient la capacité de... On avait un deuxième élément. C'est que, dans
certaines situations particulières, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, où,
quelles que soient les mesures de protection mises en place, le fait de révéler
des choses, pour quelqu'un qui est en interne dans l'entreprise, va forcément
vous situer, donc on arrive à savoir d'où ça vient, le fait de passer par un
tiers, un syndicat, une organisation non gouvernementale, c'est quand même un
élément protecteur.
Alors, finalement, le législateur n'a
pas... C'est une des dispositions qui ont fait l'objet, je... de réactions les
plus épidermiques et les plus hostiles parmi les gens qui n'étaient pas en
faveur de ce texte, et le législateur a eu cette solution équilibrée qui consistait
à dire : Bon. Je ne vous donne pas le qualificatif de lanceurs d'alerte,
mais je vous donne le qualificatif de facilitateurs. Et, en réalité, c'est
sémantique, mais en fait beaucoup de choses sont sémantiques, comme le choix du
terme «lanceur d'alerte» plutôt que «divulgateur», «dénonciateur», parce que
les termes ont une connotation et renvoient à une perception dans l'inconscient
collectif, et le fait d'avoir parlé de «facilitateur», ça a désamorcé... du
moins, ça a désamorcé certaines postures de principe sur le fait qu'un
syndicat, une ONG ne pouvait pas être être lanceur d'alerte, parce qu'il
n'était pas, lui, le témoin des faits, ça lui était rapporté. Mais le
législateur a donné le même bénéfice de protection à ces organisations. On n'a
pas nécessairement besoin, mais en tout cas il l'a accordé.
Et, par la même occasion, il a apporté
pour être cohérent une petite modification. Sous l'empire de la loi Sapin 2
initiale, en 2016, on exigeait des lanceurs d'alerte qu'ils fussent les témoins
des faits qu'ils rapportaient. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, ce qui permet
par exemple à un collègue qui voit la situation d'un de ses collègues se
détériorer, qui le sent en situation difficile, parfois pouvant craindre pour
sa santé et même sa vie, eh bien, d'aller saisir le dispositif compétent pour
dire : Attention! On a un élément de fragilité, on a quelqu'un en
situation de grande fragilité, on a un sujet, et d'avoir le bénéfice du statut
protecteur des lanceurs d'alerte.
• (16 heures) •
Mme Rizqy : Donc, vous, votre
loi, présentement en France, elle couvre non seulement le secteur public, mais
aussi le secteur privé. Pourquoi vous êtes venus à cette conclusion d'aussi
donner le bénéfice au secteur privé?
M. Seassaud (Eric) : C'est-à-dire,
le bénéfice?
Mme Rizqy : De la protection
des sonneurs d'alerte. Parce que, nous, on... seulement, on vise le public.
M. Seassaud (Eric) : Bien,
parce que le lanceur d'alerte, peu importe qu'il travaille ou qu'il soit une
partie prenante du secteur public ou du secteur privé. Si vous voulez, quand
vous voyez... quand une personne est témoin d'un acte de corruption, peu
importe qu'il soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, on doit le
traiter de manière... il doit être protégé de la même manière. Ça n'est pas
parce que vous êtes agent public que vous êtes... Alors, en plus, vous avez
peut-être un statut de la fonction publique qui vous protège contre les
licenciements, mais ça ne vous protège pas contre le harcèlement moral, ça ne
vous protège pas contre la mise au placard, ça ne vous protège pas contre la
destruction morale, qui peut, comment dirais-je, être la conséquence de
certaines attitudes hostiles...
16 h (version non révisée)
M. Seassaud (Eric) : ...et d'exclusion.
Voyez, on... oui, on a... on peut avoir cette protection, cette protection
contre le licenciement attachée au statut de la fonction publique en France,
mais ça ne fait pas tout. Et donc l'idée du législateur, ça a été vraiment
effectivement de traiter... s'agissant encore une fois de la loi Sapin 2.
Il en va différemment de la loi sur le devoir de vigilance. Mais s'agissant de
la loi... de Sapin 2, d'avoir une couverture vraiment large qui touche à
la fois le secteur public et le secteur privé et une protection égale que l'on
soit un lanceur d'alerte dans le secteur public ou dans le secteur privé.
Mme Rizqy : Aux États-Unis,
par exemple, lorsqu'il y a une dénonciation qui est faite et qui ramène de l'argent
dans le Trésor, le dénonciateur obtient 30 %. Est-ce que c'est quelque
chose qui existe en France?
M. Seassaud (Eric) : Alors,
non, et j'allais vous dire : Malheureusement non, qui est une opinion
personnelle. Pourquoi? J'ai complètement changé d'avis, j'ai... sur ce sujet.
Notre culture juridique, comme la culture juridique anglaise... En Angleterre,
on vous demande d'être... d'agir dans l'intérêt public. En France, on...
comment dirais-je, on a cette notion aussi d'action dans l'intérêt général, et
c'est ancré dans notre... dans nos traditions juridiques. On ne fait pas ça
pour gagner de l'argent. Mais ce n'est pas le but, en fait, en réalité. Ça,
cette fraction qui est allouée à un lanceur d'alerte aux États-Unis... Et je
préfère ce terme de lanceur d'alerte parce que, précisément, ce terme de
lanceur d'alerte renvoie à la défense de l'intérêt général et pas à la...
comment dirais-je, à la connotation judéo-chrétienne que l'on peut avoir, nous,
avec... on parle de ça, on pense... on pense à la figure de Judas, en France on
pense à Vichy, à la collaboration. Enfin, voyez... Le terme, il est... il est,
en fait, très, très, très connoté. Donc, c'est pour ça que, nous, notre premier
débat, notre premier... notre premier enjeu, il a été sémantique, en réalité.
Et pourquoi cette protection? Bien, parce que, quand vous êtes dans une
situation...
Je prends l'exemple, moi, j'avais écouté
Stéphanie Gibaud à la Sorbonne, en 2016, quand elle parlait du scandale de l'UBS,
eh bien, voilà un lanceur d'alerte qui a agi au nom de l'intérêt général qui se
trouvait dans une situation extrêmement précaire. Et je me dis que, dans des
situations qui sont aussi graves... Évidemment, on parle de l'epsilon, hein,
encore une fois, mais c'est sur l'epsilon qu'on juge de la force, en réalité, d'un
dispositif aussi, pas seulement, mais aussi. Si vous avez... Si vous allouez
une somme d'argent comme ça à un lanceur d'alerte, vous le mettez à l'abri
jusqu'à la fin de ses jours et donc vous compensez un peu la mort sociale à
laquelle il s'expose. Parce que, quand vous réalisez des... quand vous lancez
des alertes d'un niveau pareil, eh bien, ensuite, il est très difficile de...
en fait, de retrouver à exercer une activité professionnelle dans le domaine de
ses compétences. C'est une réalité. Et donc cette amende-là, ça permet de... eh
bien, en disant : Bon, bien, écoutez, vous vous êtes sacrifié au nom de l'intérêt
général, voilà une... voilà une compensation pour les conséquences que vous
subissez du fait de votre action en faveur de l'intérêt général. Ça, c'est
vraiment, moi, une opinion que j'ai... que j'ai acquise en ayant écouté cette
personne. J'avais une vision très classique avant... en ligne avec ma tradition
juridique. Quand je l'ai entendue, je me suis dit : Ah oui! Mais effectivement
qu'est-ce qu'on fait pour des gens comme elle?
Mme Rizqy : ...votre
réflexion, elle a évolué, je me posais la question, si on prend justement l'exemple
du scandale UBS, dans ce cas-là, M. Bradley Birkenfeld avait quand même fait 40
mois de prison parce qu'il avait participé à l'infraction de fraude fiscale et
par la suite avait reçu son chèque en sortant de prison, une semaine après
avoir sorti, était allé encaisser un peu plus de 100 millions de dollars
parce qu'il a quand même fait revenir dans les coffres du Trésor des milliards
de dollars. Est-ce que la personne qui participe quand même à une infraction,
même s'il devient sonneur d'alerte, devrait quand même faire face, un peu comme
dans l'affaire UBS, ou devrait avoir une amnistie?
M. Seassaud (Eric) : Bien...
c'est... Là, pour le coup, c'est vraiment du terrain de l'opinion personnelle.
Moi, je pense que... Encore une fois, j'en reviens... j'en reviens sur le
fondement des... enfin, sur les principes. Quand vous lancez une alerte, vous
vous exposez. Quand vous commettez des actes répréhensibles, eh bien, ensuite,
vous assumez les conséquences de vos actes répréhensibles. On ne peut pas
mettre dans... C'est une opinion personnelle, mais qui est fondée sur une
situation juridique. On ne traite pas.... on n'a pas... on n'est pas dans une
situation juridique identique selon qu'on lance une alerte pour dénoncer des
faits que l'on a... que l'on a...
M. Seassaud (Eric) : ...servir
soi-même et des ordres qu'on a refusé d'exécuter soi-même parce qu'ils étaient
illégaux avec d'autres situations où on a soi-même participé à la commission de
tels faits. Moi, je crois que s'agissant de deniers publics, il faut réserver
les deniers publics à la compensation des gens qui ont défendu l'intérêt
général. C'est une opinion évidemment personnelle.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Alors, nous poursuivons, cher professeur. Je cède maintenant la parole au
député de Sherbrooke qui dispose de quatre minutes.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. D'abord, je dois dire à quel point je trouve ça intéressant que ce
soit si évident pour vous qu'il faille couvrir le secteur privé avec la Loi sur
les lanceurs d'alerte. Ça n'a pas été évident au Québec lors de la précédente
loi, ce l'est, pour ma part, en ce moment. J'espère qu'on pourra s'inspirer de
ce que vous avez fait. D'ailleurs, il y a d'autres éléments très inspirants de
la façon dont vous fonctionnez, notamment la question des facilitateurs. Moi,
j'aimerais vous demander, est-ce que la majorité des divulgations qui sont
faites en France passe par des facilitateurs ou pas? Est-ce que vous avez un
portrait de la situation?
M. Seassaud (Eric) : C'est
très récent. Donc, c'est la loi... elle date de la fin de l'année dernière.
Donc, on n'a pas aujourd'hui de visibilité pour vous répondre. Je ne saurais
pas vous dire si on utilise les facilitateurs ou pas. Mais je pense que, d'ici
un an, je pourrais... si nous avons une discussion similaire, je pense que je
pourrais probablement vous répondre oui. Pourquoi? Parce que, dans un certain
nombre de cas, beaucoup de personnes vous disent : Moi, je ne prendrai pas
le risque parce que je n'ai pas confiance dans le système, parce que c'est un
système interne à l'entreprise ou à l'organisation et que cette personne est
attachée à untel, untel. Et donc je ne suis pas sûr que mon anonymat sera
respecté. En revanche, si je peux aller saisir une ONG, un syndicat et leur
dire : Voilà ce qui se passe chez moi, ça, c'est complètement différent.
Donc, je crois que c'est un des éléments clés pour moi du renforcement du
statut de lanceur d'alerte. Donc, je crois que, d'ici un an, je pense que je
pourrais vous répondre oui.
Mme Labrie : Je conçois bien
pourquoi. J'ai le goût de vous demander, là, l'adoption de cette loi-là, donc,
est toute récente, vous n'en connaissez pas encore les retombées, mais on en
devine quelques-unes. De toute évidence, il y a un niveau d'avancement sur ce
dossier-là, plus important en France qu'ici, mais j'ai quand même le goût de
vous demander, vous, pour aller plus loin par rapport à toutes les dispositions
que vous avez déjà dans vos lois en France pour protéger les lanceurs d'alerte
et faciliter les divulgations, qu'est-ce que vous auriez souhaité de plus des
lois qui existent en France actuellement? Comment en France vous pourriez aller
plus loin, disons, si on voulait s'en inspirer aussi?
• (16 h 10) •
M. Seassaud (Eric) : Alors,
je dirais trois choses. La première, c'est aligner la loi sur le devoir de
vigilance, sur la loi Sapin 2, pour les raisons dont j'ai parlé tout à
l'heure. Il y a des incohérences de champ, de seuils, de protection. Donc, il
faudrait qu'on mette en cohérence les deux textes.
Le deuxième, c'est que je crois qu'il
faut, pour les cas significatifs, il faut qu'on soit en mesure d'allouer une
fraction des amendes prononcées aux lanceurs d'alerte qui vont se retrouver
dans une situation de mort sociale. On ne peut pas durablement demander à
quelqu'un de prendre ses responsabilités et ensuite de lui dire : Bien,
écoutez, vous avez agi au nom de l'intérêt général, vous avez la reconnaissance
de la nation et vous pouvez, comme Cincinnatus, retourner à vos champs le cœur
heureux de la vertu qui vous a animé. Sauf que Cincinnatus avait encore des
champs à labourer et le lanceur d'alerte, eh bien, dans ce type de situation,
n'a plus rien à labourer parce qu'il n'a plus rien du tout.
Donc, pour des gens qui sont en charge,
qui ont une famille, des enfants, c'est quand même une décision qui est lourde
de sens. Et moi, je pense à l'aspect humain. Je crois que, pour ces gens là, il
faut qu'on les mette à l'abri du besoin, parce que leur sanction, c'est la mort
sociale et il faut qu'on les préserve. Ça, je le crois, mais fortement.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Seassaud (Eric) : Et
enfin, je renforcerais le statut... en conclusion, je renforcerais le statut de
l'indépendance des dispositifs de lancement d'alerte, avec notamment un
rattachement au conseil d'administration du dispositif, que ce soit quelque
chose qui ne dépende pas de l'exécutif, mais du conseil d'administration.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, cher professeur, cela met un terme à nos échanges, mais je...
Le Président (M. Simard) : ...je
voulais d'abord vous dire merci, notamment pour votre œuvre pédagogique, vous
m'avez appris aujourd'hui un nouveau mot, le mot "privatiste", ce
n'est pas un terme qui est très, très courant de ce côté-ci de l'Atlantique.
Alors, merci d'avoir enrichi comme vous l'avez fait à mon vocabulaire. Alors,
vous étiez en direct de la Sorbonne, Paris I. Merci beaucoup d'avoir participé
à nos travaux.
M. Seassaud (Eric) : Merci
beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Au
plaisir! Sur ce, nous allons suspendre momentanément. À nouveau, merci.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 14)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers amis, nous sommes en mesure de poursuivre nos travaux, et nous sommes en
compagnie de représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Nous sommes
par visioconférence, Messieurs, bienvenue parmi nous. Merci d'avoir accepté
notre invitation. Auriez-vous d'abord l'amabilité, s'il vous plait, de vous
présenter?
M. Beauchemin (Mario) : Oui,
certainement. Je m'appelle Mario Beauchemin, je suis troisième vice-président à
la Centrale des syndicats du Québec et je suis accompagné de Marc Daoud, qui
est conseiller syndical et juridique à la centrale aussi.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
parmi nous, messieurs, et vous disposez de 10 minutes pour faire votre
présentation.
M. Beauchemin (Mario) : Parfait.
Alors, merci beaucoup pour cette invitation. Ça me fait vraiment plaisir d'être
ici. Notre présentation comporte trois parties. Après une brève introduction,
on va s'attarder plus particulièrement aux principaux constats contenus dans le
rapport pour ensuite commenter les trois recommandations qu'on y retrouve et
finalement terminer, ce qui fait une quatrième partie finalement, avec une
brève conclusion. D'abord, vous dire que la CSQ, ça fait longtemps que la CSQ se
préoccupe de la protection des lanceurs d'alerte. Ça fait plusieurs années.
D'ailleurs, nous avions déposé un mémoire à la Commission des finances
publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 87, et nous avions été
aussi entendus en commission parlementaire en février 2016. Et, à cette
occasion, nous avions proposé 10 recommandations qui critiquaient, entre
autres choses, et je pense que c'est important de le rappeler, l'exclusion de
la loi de divulgation portant uniquement sur des conditions de travail ou qui
mettait en cause le bien-fondé des politiques et objectifs du gouvernement.
Pour nous, il est important de laisser au Protecteur du citoyen une marge de
manœuvre afin de trancher dans ces questions-là. Bref, pour la CSQ, à ce
moment-là, il s'agissait d'un pas dans la bonne direction dans la mesure où la
Protecteur du citoyen pouvait bénéficier de ressources humaines et financières
suffisantes.
J'en arrive maintenant aux principaux
constats. On en a retenu cinq. On a remarqué que 31 organismes sur 360...
354, pardon, n'avaient pas désigné de responsable de suivi et qu'il y avait eu
de nombreux changements en ce qui concerne les responsables du suivi en la
question. Troisième constat qui a retenu notre attention, c'est que le mandat
de la personne responsable du suivi des divulgations a été souvent donné à des
hauts dirigeants ou à des hautes dirigeantes, ce qui peut avoir...
M. Beauchemin (Mario) : ...Et
c'est mentionné dans le rapport, là, pour conséquence de remettre en cause l'indépendance
et l'impartialité du traitement des plaintes et peut-être aussi de décourager
la divulgation interne.
Aussi le rapport... Dans le rapport, on
constate que les responsables n'ont pas eu vraiment l'occasion de bonifier leur
expertise ou de maîtriser leur rôle adéquatement. Enfin, ce qui est aussi assez
surprenant, c'est qu'on constate un faible volume de divulgation.
En ce qui concerne maintenant les
recommandations, la première recommandation, qui donne le mandat exclusif au
Protecteur du citoyen, de recevoir les divulgations, à la CSQ, nous sommes
d'accord avec cette recommandation. Mais on tient quand même à souligner
l'importance que les rôles et responsabilités résiduaires des responsables du
suivi soient nommés dans la loi. Comme le suggère d'ailleurs le Protecteur du
citoyen, elles ou ils auraient les responsabilités suivantes, et je vais les
lire : d'une part, renseigner les membres du personnel des organismes
publics sur la loi facilitant la divulgation et réaliser des activités d'information
et de sensibilisation, encourager et développer une culture d'ouverture au sein
des organismes publics relativement à la divulgation d'actes répréhensibles,
informer et assister les divulgateurs, notamment quant à la procédure à suivre,
aux protections prévues à la loi ainsi qu'à leurs limites, diriger le
traitement des dénonciations d'actes répréhensibles vers le Protecteur du
citoyen ou vers tout autre organisme compétent, et enfin agir comme agent de
liaison en cas de vérification ou d'enquête du Protecteur du citoyen ou d'un
autre organisme compétent. Ça, c'est pour la première recommandation.
On a un petit peu plus de difficulté avec
la deuxième recommandation, là, qui veut accroître l'efficience de la loi en
ajoutant le qualificatif «grave» à l'acte répréhensible. Pas vraiment en accord
avec cet ajout. Pour nous, ça restreint la portée de la loi. Comme c'est
mentionné dans le rapport et dans les constats, de toute façon, le nombre de
divulgations est faible, ça pourrait peut-être restreindre encore davantage le
nombre de divulgation. Et on croit que, dans le doute, la définition doit quand
même amener une personne à faire la divulgation, et, dans ce cas-ci, pourquoi
ne pas laisser la marge de manœuvre au Protecteur du citoyen?
En ce qui concerne la troisième
recommandation maintenant, c'est-à-dire la création d'un comité tripartite
comprenant le ministère du Travail et de l'Emploi et de la Solidarité sociale,
le Protecteur du citoyen et le Secrétariat du Conseil du... du Trésor, pardon,
à la CSQ, nous sommes en accord avec cette recommandation, mais on tient quand
même à ajouter qu'il est important d'impliquer des personnes salariées et leurs
associations lorsqu'il est question tout particulièrement d'améliorer le régime
de protection contre les représailles. On pense que, là, là, il pourrait y
avoir une bonification de cette recommandation.
Enfin, ce n'est pas contenu dans le
rapport, mais je pense que... Et mon collègue me corrigera si je me trompe,
mais c'était dans... suggéré par le Protecteur du citoyen, on pense qu'il est
important d'améliorer aussi la gestion des plaintes pour pratique interdite à
la CNESST.
En conclusion maintenant, bien, Merci
encore pour cette invitation. Et on doit vous dire que la CSQ accueillera donc
favorablement toute modification à venir qui permettra de faciliter les
divulgations et non pas de les restreindre, ainsi que celles permettant de
consolider le régime de protection contre les représailles. On demeurera donc
présents et prêts à collaborer aux futurs travaux, comités et consultations qui
visent à atteindre ces objectifs. Merci.
Le Président (M. Simard) : alors,
merci à vous. Nous entreprenons notre période d'échange. Je cède la parole au
député de Maskinongé, qui dispose de 16 minutes 30.
• (16 h 20) •
M. Allaire : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux pour votre présence puis de la participation à nos
travaux, c'est très, très, très important et très apprécié.
Ma première question, puis je l'ai posée à
un autre groupe tantôt, est plus qualitative. Vous représentez quand même
beaucoup de monde, c'est 200 000 personnes, c'est sûr que vous
entendez beaucoup de choses, vous avez entendu beaucoup de choses sur le
processus ou la loi qui a été mise en place. C'est quoi, les commentaires qui
reviennent le plus souvent sur le processus, que vos membres font face, là,
quand qu'ils veulent procéder à une divulgation?
M. Beauchemin (Mario) : Est-ce
que tu veux y aller, Marc, ou je commence?
Une voix : On vous écoute,
Marc.
M. Daoud (Marc) : J'espère
qu'il n'y a pas d'écho?
Le Président (M. Simard) : Ah,
il n'y a pas... (panne de son) ...
M. Daoud (Marc) : O.K. en
termes de... Bien, il y a beaucoup d'interrogations sur la portée de la loi.
C'est sûr que les gens, dans les dossiers... Puis, évidemment, ce n'est pas une
réponse exhaustive, je n'ai pas connaissance de toutes... De chaque... de tous
les dossiers que chacun des syndicats de la CSQ aurait pu avoir, mais il y a
beaucoup de... souvent, on est beaucoup interpelés à informer ou à répondre aux
diverses interrogations sur comment faire une divulgation ou est-ce que c'est
opportun de la faire. Il y a beaucoup de craintes, il y a beaucoup...
M. Daoud (Marc) : ...les gens
craignent des représailles, ça, on a souvent entendu ça, que ce soit des
enseignantes ou des professionnels, ou même au niveau des CPE. Même s'il n'y a
pas eu, à ma connaissance... il n'y a pas eu de signalement ou de divulgation
qui a été faite. Les gens craignent d'être... ou ne se sentent pas assez en
confiance pour faire une divulgation. Donc, la menace des représailles est
toujours là, même si la loi, elle est là, même si la loi garantit une forme de
protection. C'est comme si les gens n'avaient pas assez confiance ou
craignaient quand même des représailles qui étaient peut-être plus subtiles, ou
que leur nom soit divulgué, ou que la confidentialité ne soit pas respectée.
Est-ce que c'est fondé ou pas, difficile à dire, mais c'est quelque chose qui
revient souvent, quand même.
M. Beauchemin (Mario) : Puis
j'ajouterais peut-être, pour compléter un peu, que, souvent, il y a comme une
confrontation entre ce désir de divulgation et aussi le devoir de loyauté
envers l'employeur, qui occupe une place importante, peut-être, là, dans l'idée
de se restreindre à vouloir faire des divulgations aussi.
M. Allaire : Ça peut se
traduire... J'entends ce que vous dites, là, puis ça me dit qu'il y a peut-être
un effort supplémentaire à faire au niveau de l'information qu'on transmet, là,
à l'ensemble des fonctionnaires qui travaillent dans notre secteur. C'est ce
que je comprends. Puis, en même temps, tout ce qu'on peut mettre en place pour
renforcer la confidentialité, qui, de ce que j'ai entendu, là, qui est un
commentaire qui revient beaucoup, là... c'est-à-dire qu'ils ont une certaine
crainte, là, que justement cet élément soit un peu rompu, en quelque sorte, là.
Ma lecture, elle est bonne?
M. Beauchemin (Mario) : Tout
à fait.
M. Allaire : Et, justement,
au niveau de la confidentialité, de quelle façon, selon votre point de vue,
qu'on peut la renforcer?
M. Daoud (Marc) : Je vais y
aller, Mario?
M. Beauchemin (Mario) : Oui,
vas-y. C'est une très bonne question.
M. Daoud (Marc) : Oui, puis,
en fait, la première recommandation, la recommandation qui consiste aussi à
laisser ou à donner, ou, en fait, à donner l'exclusivité au Protecteur du
citoyen de recevoir les divulgations aussi, concentrer soit une expertise,
évidemment, dans notre secteur, dans nos secteurs, que ce soient les centres de
services scolaires, les commissions scolaires au nord, les CISSS, etc., c'est
probablement quelque chose qui serait bienvenu puis qui renforcerait aussi la
confiance du monde de savoir qu'il y a une personne qui a vraiment... qui
possède une expertise, mais qui possède aussi... Je veux dire, la confiance au
Protecteur du citoyen, elle est quand même là, le monde savent que, s'ils font
une dénonciation, une divulgation auprès du protecteur, la confidentialité va
être garantie. C'est quelque chose qui va clairement augmenter la confiance de
nos membres.
M. Beauchemin (Mario) : Et
non pas donner le mandat à des hauts dirigeants, par exemple.
M. Allaire : Et, à partir du
moment où il y a une divulgation qui est faite, c'est sûr que la personne qui
l'a faite a toujours une certaine crainte d'avoir des représailles. Jusqu'à
quel point qu'on peut mettre en place des balises qui sont... qui vont être
facilitantes, dans un contexte où on souhaite qu'il n'y en ait pas, naturellement,
des représailles, donc, de votre point de vue, vous voyez ça comment pour qu'on
puisse limiter les représailles?
M. Beauchemin (Mario) : Tu
peux y aller, Marc?
M. Daoud (Marc) : Oui, bien,
en fait, c'est une question qui est toujours d'actualité. C'est quelque chose,
la protection contre les représailles, que ce soit dans le Code du travail,
dans la gestion ou les affaires courantes en milieu de travail, c'est toujours
là. C'est toujours quelque chose qu'on doit regarder et chercher à améliorer,
c'est sûr. On a regardé les recommandations du rapport, le Protecteur du
citoyen, c'est toujours... ça semble être une bonne piste, vraiment, de
réfléchir avec la commission tripartite aussi, qui serait mise en place aussi,
des consultations éventuelles qui seraient faites aussi avec les syndicats, le
cas échéant, ou les autres organisations aussi, à savoir comment l'améliorer.
Mais aussi, puis ça j'essaie de retrouver la mention qui avait été faite dans
le rapport, c'est que la CNSSET ne semblait pas aussi être assez bien outillée
pour répondre adéquatement aux plaintes de représailles. Il y avait quelques
dossiers qui semblaient... où est-ce que les gens ont été mal conseillés ou
même que leurs plaintes avaient été refusées pour motif qu'ils étaient
syndiqués. Donc, évidemment, tout le côté de s'assurer aussi que les organismes
administratifs qui sont liés ou qui peuvent être liés ou mis en cause dans ces
dossiers-là puissent avoir tous les outils nécessaires aussi pour répondre
adéquatement.
M. Allaire : Ça va. M. le
Président, je pense que mon collègue souhaite continuer.
Le Président (M. Simard) : Oui.
Le député de René-Lévesque, oui...
Le Président (M. Simard) : ...d'environ
10 minutes.
M. Montigny : Alors, bonjour.
Yves Montigny, député de René-Lévesque. J'ai été président d'un syndicat CSQ
des professionnels de l'éducation en Haute-Côte-Nord. Je vous amène sur un
élément particulier, qui est en lien avec le devoir de loyauté envers
l'employeur et l'information, là, qu'une personne pourrait transmettre,
pourrait vouloir signifier dans le contexte de ce qui est proposé aujourd'hui,
là.
Vous avez parlé de cette crainte-là ou de
cette réflexion-là, qui amène l'individu... Ou un doute entre son devoir de
loyauté envers l'employeur, mais qui pourrait se demander, si, en fait... Ils
mettent en opposition avec son vouloir de le transmettre pour assurer, je
dirais, le bien de la société en général, ou le bien des enfants, ou le bien
de... des personnes avec qui il travaille. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus, parce que, j'ai l'impression que vous avez dit : si on a un
guichet unique, protecteur du citoyen, c'est pas mal mieux, alors j'ai envie de
vous entendre là-dessus. Parce que je pense que ce qu'on propose pourrait
régler ça, si ce n'est pas le cas, j'aimerais ça vous entendre. Pourquoi est-ce
qu'on ne proposerait pas tout ça? Parce que, mon impression, moi, c'est qu'on
allait régler ça avec ce qu'on propose.
Le Président (M. Simard) : Alors,
messieurs, à vous la parole.
M. Beauchemin (Mario) : Oui.
Marc?
M. Daoud (Marc) : Bien, en
fait, on est d'accord que c'est un pas dans la bonne direction. Et c'est pour
ça que, dans la proposition qui est faite, non seulement on est d'accord avec
la proposition, mais il faudrait aussi, quant à nous, la bonifier, parce que ce
n'est pas juste une question de donner une expertise puis une apparence, une
apparence forte de confiance envers le Protecteur du citoyen, mais c'est aussi
au niveau des responsables du suivi des divulgations, qui resteraient dans les
organismes, que ces personnes-là soient... que leur rôle soit défini dans la
loi, qu'on comprenne très bien aussi les activités qu'elles font, la
sensibilisation qu'elles peuvent faire, le lien qu'elles peuvent faire aussi
entre une enquête, par exemple, du Protecteur du citoyen, avec avec leur
organisme, et de donner... C'est ça, de donner l'information nécessaire, la
formation nécessaire au personnel des divers organismes.
Donc là, la question demeure aussi sur les
craintes au niveau de l'obligation de loyauté. Est-ce qu'il faudrait aller
jusqu'à la restreindre ou dire que l'obligation de loyauté, dans la loi, ne...
elle peut être mise de côté? Peut-être que c'est une option à envisager, à
étudier, mais, clairement, c'est un pas dans la bonne direction et ça risque,
effectivement, d'améliorer la confiance des gens. Puis de ne pas craindre non
plus qu'ils doivent arbitrer leur devoir de loyauté avec le sentiment de
respecter les... des Objectifs de la société ou les biens ou les deniers
publics, et cetera, tout dépendant de la divulgation qui est faite, là.
• (16 h 30) •
M. Montigny : J'aimerais vous
poser une autre question. Je comprends, là, les nuances que vous avez
apportées, mais j'aimerais ça vous poser une autre question sur la notion de,
c'est grave ou ce n'est pas grave. Qu'est-ce qui, pour vous... Qu'est-ce que ça
veut dire, pour vous, quelque chose qui n'est pas grave?
M. Beauchemin (Mario) : Oui.
Je vais y aller. Bien, juste revenir sur votre première question, là, pour
faire suite à ce que mon collègue a dit, peut-être que le Protecteur du citoyen
pourrait aussi se pencher sur la notion de devoir de loyauté puis peut-être
l'encadrer, la baliser davantage pour en restreindre son application, de son
utilisation. Ça pourrait peut-être aider les gens davantage à faire des
divulgations.
Qu'est-ce qui est grave, qu'est-ce qui
n'est pas grave? On s'est posé exactement la même question. Est-ce que c'est
grave, si une salariée dénonce les conditions de travail dans son CPE? Est-ce
que c'est grave, si une préposée aux bénéficiaires dénonce le fait que ses
patients n'ont pas eu deux bains par jour? C'est une notion qui est très, très
floue, et c'est pour ça que, nous, on croit que cette notion-là vient
restreindre énormément le pouvoir de divulgation, et qu'il faudrait laisser le
Protecteur du citoyen trancher.
M. Montigny : Mais, en fait,
une sous-question, juste vous entendre sur le fait que, qu'est-ce que j'aurais
comme intérêt, si j'étais...
16 h 30 (version non révisée)
M. Montigny : ...témoin de
quelque chose qui n'est pas grave, à vouloir le dénoncer au Protecteur du
citoyen, si je pense que ce n'est pas grave.
M. Daoud (Marc) : Tu permets,
Mario?
M. Beauchemin (Mario) : Oui,
bien sûr.
M. Daoud (Marc) : Bien, en
fait, un des constats du rapport, c'est qu'il n'y a pas tant de divulgations
que ça. Donc, on sait que les gens n'utilisent pas la loi pour se venger, ou
faire de la quérulence, ou embêter un employeur. Donc, l'objectif, ce n'est
pas... de notre point de vue, il n'y a pas une nécessité d'aller restreindre
encore plus la définition d'un acte répréhensible ou la sous-définition d'un
acte répréhensible. On ne veut pas non plus que le mot "grave" que,
maintenant, évidemment... Puis j'ai même regardé au niveau de la jurisprudence,
essayer de définir le mot "grave", qu'est-ce que ça voulait dire, c'est
très... Ça va dépendre de beaucoup de circonstances, puis ça pourrait
restreindre indûment la définition, et ça pourrait même faire peur à des gens,
où est-ce que les gens pensent qu'ils sont en présence d'un acte qui mérite d'être
dénoncé. Mais, en voyant le mot "grave", est-ce que c'est une
atteinte grave à une loi du Québec? Puis là ils disent : O.K. Bien, je ne
prendrai pas de chance, je ne ferai pas ma dénonciation, parce que le
Protecteur du citoyen va tout simplement la rejeter.
Donc, on ne veut pas se retrouver dans
cette situation-là, sachant que ce n'est pas un problème à l'heure actuelle.
Laissons les gens faire leurs divulgations, et le Protecteur du citoyen va être
le mieux placé à juger ou non si, à ce moment-là, ça constitue quelque chose
qui est admissible au sens... un acte répréhensible, admissible au sens de la
loi. Donc...
M. Montigny : Juste une
sous-question. Est-ce que le fait que le mot "grave" soit là, ça
enlève au Protecteur du citoyen cette réflexion-là? Pour moi, non. En fait, ça
amène le citoyen à se poser la question, mais le Protecteur du citoyen, lui,
après ça, il va le déterminer. Ça fait que, moi, ce que je veux dire, c'est,
quand ce n'est pas grave dans la tête du citoyen, il ne dénonce pas ça, ce n'est
pas grave.
Alors, je ne vois pas en quoi, le mot
"grave" empêcherait le Protecteur du citoyen de faire sa job, en quoi
ça empêcherait les citoyens de la référer quand même. Le Protecteur du citoyen,
il fera son analyse. Mais je ne sais pas, je ne le vois pas ce que vous dites,
là, je ne le vois pas, parce quelque chose qui n'est pas grave, bien, pourquoi
je dénoncerais ça, ce n'est pas grave?
M. Beauchemin (Mario) : Mais
nous, notre crainte, c'est vraiment, puis Marc l'a souligné, c'est vraiment en
amont, là, c'est que ça pourrait restreindre, ça pourrait empêcher les
personnes de divulguer des actes répréhensibles. C'est uniquement ça qu'on dit,
là,
M. Montigny : Je vous entends
bien. C'est bon. M. le Président, j'ai à peu près combien de temps?
Le Président (M. Simard) : Deux
minutes...
M. Montigny : Bien, il me
reste simplement sur la question de la CSST. Alors, vous avez parlé, là je l'ai
oublié comment vous l'avez dit exactement, mais vous avez parlé du processus de
plainte en lien avec la CSST. Ma question est simple : Qu'est-ce qui ne va
pas, selon vous?
M. Beauchemin (Mario) : Je te
laisse la parole' Marc.
M. Daoud (Marc) : Oui. Bien,
en fait, c'est une bonne question, puis nous, on va simplement se rabattre sur
ce que le Protecteur du citoyen, il disait : C'est un constat, c'est un
constat que, probablement, au niveau administratif, les gens, les agents qui
sont formés ne sont pas... ne semblent pas connaître très bien la loi, donc,
peut-être, un manque de formation qui est fait à ce niveau-là, et plus sous l'angle
administratif que l'angle législatif. Donc, la loi semble assez être claire,
mais les gens, peut être les agents de la CNESST ne semblent pas assez outillés
au point où est-ce qu'il y a du monde qui se font dire que leur plainte n'est
tout simplement pas recevable parce qu'ils sont syndiqués. Donc, il y a un
travail à faire, mais à l'interne.
M. Montigny : Donc, au niveau
législatif, comme législateur, moi, ici aujourd'hui, je ne vais pas intervenir
là-dedans, mais c'est un message quand même que vous voulez passer pour la
partie administrative du gouvernement, c'est ça?
M. Daoud (Marc) : Exact.
M. Montigny : O.K. Je vous
entends bien. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, cher collègue. Je cède la parole à la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup.
Merci beaucoup. Vous aviez des membres ce matin, aussi, devant l'Assemblée
nationale du Québec, alors on est passé leur dire un petit bonjour. Ils sont
toujours bien visibles. Présentement, dans votre mémoire à la page 2, vous
dites que ça vaut la peine d'être reproduit intégralement. Vous parlez de l'indépendance
et l'impartialité du traitement à l'interne, et que ça pouvait même décourager
la divulgation à l'interne. Et vous ajoutez aussi que les gens qui reçoivent l'information,
évidemment, sont des cadres. Ce sont des cadres qui sont occupés, qui peuvent
même parfois...
Mme Rizqy : ...déléguer leur
responsabilité. Honnêtement, je suis vraiment surprise parce que c'est
tellement très difficile, dans un premier temps, dénoncer une situation. Ça
demande beaucoup de courage. Mais des cadres qui délèguent cette responsabilité
à une autre personne, pour moi, ça dénote aussi un manque de sensibilité dans
le caractère très confidentiel d'une dénonciation, là. Est-ce que ça, c'est une
pratique qui est quand même courante ou c'est quand même limité?
M. Beauchemin (Mario) : Si on
se fie au rapport et puis à la stat... si on se fie au rapport et aussi à... et
aux passages qu'on a reproduits, c'est marqué : «Un bon nombre de
responsables du suivi des divulgations occupe un poste de haute direction.» Un
bon nombre, donc oui, c'est assez inquiétant ce qui concerne la confidentialité
puis le désir pour certaines personnes de faire une divulgation à l'interne
aussi, là. Et peut-être que je pourrais laisser mon collègue compléter.
M. Daoud (Marc) : En fait,
c'est exactement ça. C'est un constat qui a été fait dans le rapport tout
simplement. Donc, on n'a pas plus de faits ou de causes, mais nous, on se rabat
aussi sur le rapport... le rapport qui a été produit, puis ça ne nous surprend
pas non plus. C'est logique aussi que d'arriver à ce constat-là.
Mme Rizqy : Est-ce que vous
avez sondé vos membres à cet effet?
M. Beauchemin (Mario) : On
n'a pas eu vraiment le temps, non.
Mme Rizqy : Je comprends,
mais vous êtes quand même assez occupés, puis en plus vous avez les tables de
négo. Ça... ça vous tient occupés, hein?
M. Beauchemin (Mario) : Oui.
Mme Rizqy : J'aimerais
revenir sur le devoir de loyauté, loyauté envers l'employeur. Qui est le
véritable employeur?
M. Daoud (Marc) : Bien, en
fait, dans quel contexte? On parle de quel groupe? On parle de...
Mme Rizqy : Je vais dire avec
celui que pour qui j'ai une affection particulière, parlons du réseau de
l'éducation.
M. Beauchemin (Mario) : L'employeur
est à plusieurs niveaux. Je pense que... Je pense comprendre votre question. En
fait, l'employeur, c'est la population, c'est la population, et puis les
salariés, salariées travaillent pour le bien commun, pour les enfants. Mais,
dans les faits, l'employeur, c'est le directeur d'école, c'est le directeur
d'établissement, puis au bout de la ligne, c'est le ministère de l'Éducation.
Mme Rizqy : Mais, écoutez, je
vais vous donner un exemple tout à fait récent. Alors dans une école, début
septembre, une professionnelle de soutien est retirée, c'est un retrait
préventif et elle aura l'année prochaine son congé de maternité. La direction
dit : Oui, oui, elle, sera remplacée. Fin avril, l'équipe-école se
dit : Bien, écoutez, ça fait des mois que vous nous dites qu'elle va être
remplacée. Elle n'est toujours pas remplacée. Puis on s'entend, à l'école, une
professionnelle de soutien, c'est quand même assez névralgique dans la réussite
éducative. Alors, le lendemain, disons de cet échange entre la direction et
l'équipe-école, des pastilles sont apparues pour leur dire sur ce qui s'est
passé : Vrai ou faux, est-ce que parler aux journalistes, vous avez le
droit? Faux, vous n'avez pas le droit de parler aux journalistes pour dénoncer
une situation. Vous devez vous rapporter à votre supérieur immédiat ou les
référer aux équipes de communication. Des gens m'ont envoyé ça dans une belle
enveloppe, les pastilles. J'étais même étonnée qu'on ait de l'argent à
gaspiller pour faire des pastilles sur ces affaires-là, alors qu'on manque
d'argent pour des professionnels et d'autres choses. Mais ça, c'est un
commentaire éditorial de ma part.
Mais, ma question, c'est la
suivante : Ici, est-ce que c'est assez grave, selon vous, lorsqu'une
professionnelle n'est pas remplacée tout au long de cette année et qui ne sera
pas remplacée l'année suivante, pour justifier que, par exemple, un membre ou
des membres de l'équipe-école parlent à une élue pour dénoncer cette situation,
pour dire : Aie! Il faudrait peut être que l'argent qui était débloqué par
le gouvernement, parce que l'argent est là pour la ressource, mais on a décidé
de l'allouer à autre chose, mais on ne dit pas à quoi qu'on va l'allouer?
• (16 h 40) •
M. Beauchemin (Mario) : Pour
moi, c'est grave. Et pour moi, ça devrait être l'objet d'une divulgation au
Protecteur du citoyen, et peut-être pas sortir sur la place publique tout de
suite parce qu'effectivement, on abuse du principe du devoir de loyauté, et
cette personne risquerait de perdre son emploi.
Mme Rizqy : Je peux vous dire
que la pastille fait aussi mention de quand est-ce qu'ils peuvent perdre leur
emploi. Alors, moi, je trouvais qu'il y avait là-dedans, là, non seulement une
façon de museler le monde, mais j'avais même l'impression que c'était
pratiquement de l'intimidation.
M. Beauchemin (Mario) : Intimidable,
c'est ce que j'allais dire.
Mme Rizqy : On est sur la
même longueur d'onde. J'aime ça.
M. Beauchemin (Mario) : Tout
à fait.
Mme Rizqy : Si on change
maintenant de réseau. En santé, il y a eu des articles. Prenons dans l'ouest de
l'île de Montréal, Aaron Derfel, et il a sorti des articles que personne
n'était au courant, mais si on écoutait la direction, le CIUSSS, les
dirigeants, tout allait bien, et c'est... En fait, c'est parce qu'il y avait
des gens, notamment des syndicats, parce que c'est souvent comme ça que ça...
Mme Rizqy : ...disons qu'un
membre de l'équipe de l'hôpital voit quelque chose, a peur, va se tourner vers
son délégué syndical pour dire : Écoute, moi, telle ou telle affaire, ça
me met inconfortable, et souvent c'est vous, pour protéger votre membre, qui
sortez pour raconter, mettons, à un journaliste la situation. Vous êtes, dans
le fond, le pare-feu pour l'employé, là. N'est-ce pas?
M. Beauchemin (Mario) : Tout
à fait. Oui, ça arrive souvent.
Mme Rizqy : Mais, même si
vous êtes le pare-feu de l'employé, puis disons qu'on est encore dans le monde
médical, à l'hôpital, si on parle de telle unité, ça demeure quand même assez
facile pour l'employeur de dire : Ah! Ha! On est, disons, à... j'invente
quelque chose, en obstétrique, l'équipe est très réduite cette journée-là, ils
sont capables quand même d'essayer d'identifier l'employé qui aurait parlé au
syndicat et par la suite le syndicat... et divulguer l'information. J'ai
l'impression qu'au lieu de s'attarder à l'enjeu urgent qui est de dénoncé, on
met beaucoup de temps et d'énergie à trouver la personne qui a osé dénoncer.
M. Beauchemin (Mario) : Oui,
puis il y a eu des causes devant le Tribunal administratif du travail récemment
là-dessus aussi puis une jurisprudence qui est en train de se construire
graduellement.
Mme Rizqy : Parlez-nous donc
de ces causes-là. Nous... J'aime ça les faits puis les histoires, j'adore ça en
fait.
M. Beauchemin (Mario) : Écoutez,
je ne suis pas au courant dans les trucs précis, là, mais, si vous voulez, on
pourrait vous faire parvenir des résumés en question. J'étais à une réunion ce
matin où il en était d'ailleurs question.
Mme Rizqy : O.K.
M. Daoud (Marc) : Si vous
permettez, juste pour renchérir et tenter aussi de répondre à la question,
c'est qu'on a... évidemment, on vient de voir le mémoire de l'association des
ingénieurs, on ne l'a pas feuilleté au complet, et nous, on a pris l'angle de
commenter tout simplement les recommandations qui étaient dans le rapport. Par
contre, il y a une des recommandations que l'association des ingénieurs suggère
qui attire notre attention aussi puis qui peut-être, aussi, peut venir aussi
améliorer le régime de protection. Il demande, en fait, aux parlementaires de
reconnaître, dans le texte législatif, la légitimité des syndicats à effectuer
des divulgations au nom de leurs membres. C'est extrêmement intéressant. Et ce
qui a été soulevé, le fait que les gens utilisent le syndicat comme pare-feu,
comme parapluie, c'est effectivement le cas. Ça, on le sait et même, des fois,
on leur conseille aussi, pour éviter des représailles, de parler avec leur
syndicat puis de tenter d'être ou de laisser le syndicat parler à leur place.
Et ça serait quand même une recommandation éventuelle qui serait en harmonie
puis qui améliorerait aussi le régime de protection, le fait de reconnaître
aussi que la partie syndicale peut être une partie, pourrait déposer
directement ou agir au nom de leurs membres.
Mme Rizqy : Absolument, puis
je pense que c'est une excellente suggestion. Permettez-moi d'aller plus loin.
Disons que vous êtes le pare-feu. Donc, nous avons un employé qui trouve qu'il
y a une situation très problématique, se dirige vers vous, vous dénoncez, ça
tombe dans le Protecteur du citoyen, mais disons qu'après ça, ah, c'est venu,
disons, dans l'oreille publique, et là, évidemment, part la chasse aux
sorcières pour trouver qui est la personne qui a dénoncée. Et, souvent, comment
c'est compartimenté dans certains milieux de travail, si une équipe est très
réduite, et c'est ce que les ingénieurs nous ont dit ce matin, bien, dans une
équipe réduite, c'est assez facile de trouver la personne. Même si on dit qu'il
n'y aura pas de représailles à proprement parler, même si on ne sait pas qui a
divulgué réellement, parce que c'est le syndicat qui le fait, bien, il pourrait
avoir par exemple des représailles qui soient faites par l'employeur,
réorganisation des postes et, oups, comme par magie, le poste de la personne
qu'on croit avoir dénoncée est aboli pour x raisons. Alors là, l'employé doit,
à ce moment-là, se battre devant les tribunaux, et là, essentiellement, c'est
le combat de David contre Goliath. Est-ce qu'on devrait avoir vraiment un fonds
pour accompagner, d'un point de vue juridique, devant les tribunaux, d'avoir
vraiment un fonds pour la représentation juridique mais aussi, j'ose le dire,
là, un soutien psychologique? Parce que c'est très, très pénible. J'en sais
quelque chose. Allez au tribunal, souvent, les gens vont vous dire : Ça a
été la pire expérience de leur vie.
M. Daoud (Marc) : Oui, puis,
même pour en rajouter aussi, à ce moment-là, c'est que, oui, il y a des
présomptions qui sont déjà disponibles ou qui sont déjà énumérées dans la loi,
mais il y aurait matière, si vous allez... si la législature allait de l'avant
avec la reconnaissance des organisations syndicales ou autres, là, comme
parties, de bonifier...
M. Daoud (Marc) : ...la
présomption, puis de s'assurer aussi... Ce n'est pas uniquement contre la
personne qui dépose ou qui passe à travers son syndicat pour déposer une
divulgation mais toute personne qui pourrait vraiment être liée à la
divulgation, ce qu'à ce moment-là ça pourrait être vu comme une... en fait,
l'employeur serait présumé effectuer des représailles à l'égard de ces
personnes-là ou de l'ensemble du groupe.
Mme Rizqy : Parfait. Bien,
merci beaucoup pour vos commentaires et suggestions. C'est bien noté.
Le Président (M. Simard) : Alors,
en lien avec le dernier bloc d'interventions, si vous souhaitez transmettre au
secrétariat quelques documents que ce soit, on pourra les retransmettre, bien
sûr, à l'ensemble des membres de la commission. Je cède maintenant la parole à
la députée de Sherbrooke qui dispose de quatre minutes.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Je suis... je suis assez contente d'entendre votre intérêt pour une
disposition qui viendrait permettre aux syndicats d'être eux-mêmes
divulgateurs. Je trouve ça intéressant, puis on a vu avec un autre intervenant
qu'en France c'est le cas, notamment, donc c'est assez inspirant. Moi, ça m'est
arrivé quand même souvent d'avoir des personnes, notamment, du réseau de
l'éducation, là, qui me contactait pour me parler d'enjeux puis que je les
réfère à leur syndicat. Je me demandais comment vous gérez actuellement la
situation. Est-ce que ça vous est arrivé de tenter de faire une divulgation ou
d'accompagner quelqu'un là-dedans?
M. Beauchemin (Mario) : On
n'a pas fait vraiment de recensement. On n'a pas non plus consulté nos
syndicats affiliés pour avoir des données récentes là-dessus. Je ne sais pas
si, en tant que conseiller juridique et syndical, Marc en a attendu davantage
parlé, mais pour ma part, non.
M. Daoud (Marc) : Non, on n'a
pas eu à agir directement. Pour l'instant, ça s'est limité aussi à donner de
l'information, à transmettre, à tenter de conseiller, mais ça se passe plus au
local. C'est le genre de cas qui se passe dans les syndicats locaux, puis on
n'a pas fait la recension.
Mme Labrie : Je comprends.
Une des avenues qu'on regarde aussi, c'est celle de s'attendre que le
gouvernement inclut le privé, là, dans la couverture de la loi. J'aimerais vous
entendre sur ce que vous pensez de ça, de couvrir également le secteur privé.
M. Beauchemin (Mario) : Vas-y,
Marc.
M. Daoud (Marc) : Bien,
évidemment, on représente... la vaste majorité des employeurs de nos unités de
négociation, c'est des employeurs du secteur public ou parapublic. C'est sûr
qu'on entend... On a quelques groupes où l'employeur est un employeur privé,
évidemment. Bonifier un régime, le rendre universel, c'est toujours bienvenu.
C'est toujours des dossiers qui vont être liés aux relations de travail. Même
pour le personnel qui n'est pas syndiqué, le privé est souvent non syndiqué,
donc si vous offrez des mesures... en fait, une protection de... encourager le
monde à faire des divulgations et aussi à les protéger contre les représailles,
évidemment que c'est bienvenu.
Mme Labrie : Parfait. Bien,
je vous remercie.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. Messieurs, un énorme merci pour votre participation à
cette commission. Vous avez enrichi notre réflexion, alors au plaisir de vous
retrouver subséquemment.
Ceci étant dit, compte tenu de l'heure,
nous allons suspendre momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à 16 h 50)
17 h (version non révisée)
(Reprise à 17 h 03)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos travaux. Nous avons,
bien sûr, quorum pour le faire. Et nous avons l'honneur de recevoir nos
derniers invités afin de clore cette consultation particulière, et nous
recevons des représentants du Syndicat de la fonction publique et parapublique
du Québec. Chers collègues, bienvenue! Auriez-vous d'abord l'amabilité, s'il
vous plaît, de vous présenter?
M. Daigle (Christian) :Oui. Alors, bonjour. Je me présente, Christian Daigle,
président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du
Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Pierre-Alexandre Caron,
conseiller à la recherche à la défense du service public du SFPQ, et, à ma
droite, de Monsieur Gabriel Arruda, qui est conseiller politique au bureau de
la présidence générale.
Le Président (M. Simard) : Alors,
comme vous le savez, vous disposez de 10 minutes afin de faire votre
présentation.
M. Daigle (Christian) :Merci. M. le Président, Mmes et MM. les députés, merci de
nous recevoir. Merci à la Commission des finances publiques pour les
consultations particulières sur le rapport sur la mise en œuvre de la loi
facilitant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard des organismes
publics. Bien que nous ayons dû décliner l'invitation initiale parce que le
délai de préparation était trop court, nous sommes heureux de pouvoir vous
faire part de nos recommandations et commentaires aujourd'hui.
Pour débuter, je crois important de
présenter le SFPQ. Nous sommes un syndicat indépendant qui regroupe environ
40 000 membres répartis dans plus de 35 accréditations québécoises. Quelque
30 000 d'entre eux sont issus de la fonction publique québécoise, répartis
comme suit : 26 000 employées et employés de bureau, techniciennes et
techniciens, auxquels s'ajoutent quelque 3500 ouvriers, ouvrières travaillant
au sein de différents ministères et organismes. Nos membres sont donc parmi les
premiers concernés par la Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles
à l'égard des organismes publics.
L'adoption en 2016 de la loi a constitué
une avancée importante en matière de protection des lanceurs d'alerte, même si
elle pouvait être améliorée. Depuis aussi tôt que de 1970 et plus formellement
depuis 1994, le SFPQ a milité en faveur de telles protections, avec un seul
objectif en tête : la défense de l'intérêt public. Lorsque les
divulgatrices et divulgateurs sont mieux protégés de toute forme de
représailles, nous croyons que l'intérêt public est mieux servi parce que
davantage d'actes répréhensibles pourront être dénoncés ou même prévenus. Les
lanceurs d'alerte participe ainsi à préserver la transparence des institutions
publiques et à prévenir leur corruption, comme l'a souligné le Conseil de l'Europe,
l'OCDE et d'autres organisations internationales. Ce sont ultimement les
fondements de notre démocratie qui sont solidifiés en protégeant les
divulgatrices et divulgateurs.
Dans le cadre des présentes consultations,
trois ans après le dépôt du rapport, et en regard de notre expérience des six
années passées depuis l'entrée en vigueur de la loi, nous formulerons rend
plusieurs recommandations, dont certaines datent des consultations sur le
projet de loi de 2016, car elles demeurent pertinentes encore aujourd'hui. Nous
souhaitons qu'un projet de loi soit déposé dans les plus brefs délais afin de
modifier la loi en tenant compte des recommandations du SCT et des nôtres
également.
À la suite d'un processus de reddition de
comptes demandé par le SCT aux organismes publics sous sa responsabilité, on a
émis trois recommandations dans le rapport, pour lesquelles nous avons des
commentaires et des recommandations à faire. Concernant la recommandation un,
qui touche les rôles et responsabilités des acteurs sollicités par la loi, le
SFPQ est, dans son ensemble, favorable à la distribution des rôles et
responsabilités dévolues respectivement au Protecteur du citoyen et au
responsable du suivi des divulgations. La modification la plus importante est
celle qui consacre le Protecteur du citoyen comme le canal unique pour toute
personne voulant faire une divulgation...
M. Daigle
(Christian) :...la confidentialité des
divulgations est fondamentale à la protection des personnes divulgatrices. Il
était donc rétrospectivement hasardeux de confier la responsabilité d'une
procédure aussi sensible à autant de personnes différentes qui reçoivent très
peu de divulgation.
Soulignons que le Protecteur du citoyen
continue de bénéficier de notre soutien comme principale institution
responsable de recevoir les divulgations. L'autre proposition importante est de
transférer des responsabilités, de veiller à la bonne administration de la loi
au Protecteur du citoyen. Le SFPQ affiche une réserve quant à cette
proposition, puisque le rôle du Protecteur est déjà très important et qu'il
détient aussi déjà de grands pouvoirs discrétionnaires dans l'application de la
loi. Toutefois, si cette modification ne vient pas amoindrir la responsabilité
ministérielle de la présidente du Conseil du trésor à l'égard de la loi et que
le Protecteur du citoyen se voit obligé de produire un rapport sur
l'administration de celle-ci tous les trois ou cinq ans, le SFPQ pourrait se
rallier à cette proposition.
Enfin, le SFPQ souhaiterait ajouter une
obligation au rôle des responsables du suivi des divulgations dans les divers
organismes publics. Celle-ci devrait avoir l'obligation d'informer les
personnes employées de leur organisme. Si l'objectif du législateur est réellement
de faciliter la divulgation d'actes répréhensibles, elle doit prévoir la
formation des personnes les plus susceptibles de disposer d'informations
pertinentes, c'est-à-dire les personnes employées des organismes publics. À
notre connaissance, aucune formation n'a été systématiquement donnée au
personnel embauché après l'entrée en vigueur de la loi en 2017.
Nous avons donc deux
recommandations : confier exclusivement au Protecteur du citoyen le mandat
de recevoir les divulgations du personnel des organismes publics, comme
première recommandation. Donner l'obligation au responsable du suivi des
divulgations de former le personnel des organismes publics comme seconde
recommandation. La seconde recommandation du rapport fait état de différentes
propositions pour faciliter l'application de la loi et la clarifier. D'abord,
la suggestion de rattacher la notion d'intérêt public à l'objet de la
divulgation plutôt qu'aux intentions de la personne divulgatrice est une bonne
idée. Actuellement, la loi semble opposer la notion d'intérêt public à la
notion de fins personnelles. Il faudrait dissocier les deux notions en évaluant
d'abord si l'objet de la divulgation est d'intérêt public. S'il l'est, il n'y a
pas lieu de rejeter une divulgation, même si celle-ci pourrait avoir un impact
personnel positif sur la personne divulgatrice et donc d'avoir l'apparence
d'avoir été faite à des fins personnelles.
Ainsi, selon nous, il n'y a pas
nécessairement d'opposition entre intérêts publics et fins personnelles. Quant
à la suggestion de prévoir un mécanisme de révision de la loi à tous les cinq
ans, le SFPQ la juge également à propos. Il est souhaitable de réfléchir
périodiquement à l'opportunité de réviser la loi. Finalement, la proposition
visant à ajouter le mot "grave" pour qualifier une contravention à
une loi du Québec, à une loi fédérale applicable au Québec ou à un règlement pris
en application d'une telle loi est à notre avis inopportune. Toute restriction
à la définition de ce qui peut être considéré comme un acte répréhensible au
sens de la loi pourrait avoir comme conséquence de diminuer le nombre de
divulgations, car les personnes divulgatrices pourraient se retenir de partager
de l'information qu'elles pourraient croire insuffisamment importantes ou
graves, alors qu'elles le seraient dans les faits.
• (17 h 10) •
Ces réflexions nous amènent à proposer
deux autres recommandations, soit les recommandations trois et quatre de notre
rapport. Le SFPQ est d'accord avec la recommandation de créer un comité
multipartie qui serait chargé d'analyser le processus de protection contre les
représailles et de trouver des avenues pour en améliorer l'efficience.
Toutefois, étant donné que la formation de ce comité ne requiert pas
expressément une modification de la loi, le SFPQ souhaite savoir si des travaux
ont débuté à cet effet depuis la publication du rapport en mars 2020. Si la réponse
est négative, et bien que nous soyons conscients de l'impact de la crise
sanitaire des dernières années, nous nous demandons pourquoi et voudrions des
explications. Comme mentionné d'entrée de jeu, le SFPQ souhaite mettre de
l'avant d'autres recommandations datant des consultations sur le projet de loi
de 2016. Nous ne pouvons pas toutes les décliner ici, mais nous vous
invitons... mais nous invitons les personnes intéressées à consulter notre
présent mémoire et celui de 2016 pour en avoir tous les détails. Les personnes
syndiquées ne peuvent se prévaloir des services de consultation juridique
rendues disponibles par le Protecteur du citoyen. Elles devraient néanmoins
pouvoir obtenir le soutien de leurs organisations syndicales dans le cadre de
toute procédure liée à la présente loi. La loi canadienne le permet. Il serait
important que la loi québécoise le permette également. La personne syndiquée
dans le secteur public pourrait, par exemple, obtenir des conseils auprès de
son syndicat, non seulement en cas de représailles liées à une divulgation,
mais aussi pour connaître les conditions selon lesquelles une divulgation
d'actes répréhensibles peut être réalisée. Nous recommandons donc que la loi
prévoie une disposition reconnaissant pleinement le droit à la représentation
syndicale dans le cas d'une divulgation.
Ensuite, reconnaissant l'importance
démocratique du signalement des actes répréhensibles par la divulgation
publique, même si ce canal de signalement doit être plus balisé...
M. Daigle (Christian) :...que la divulgation au Protecteur du citoyen. Le SFPQ
recommande aussi que la protection des sources journalistiques fasse l'objet
d'une disposition dans la loi, tout comme la divulgation à des parlementaires.
Soulignons que l'expérience du SFPQ en matière d'accompagnement de lanceurs
d'alerte nous permet de croire que, par le passé, des fonctionnaires et des
ouvriers ont subi des représailles après avoir divulgué des informations à un
parlementaire ou un journaliste.
Finalement, nous croyons aussi que des
mesures devraient être prévues à la loi pour que les personnes divulgatrices
soient mieux protégées en cas de représailles ou de mesures disciplinaires, tel
que le proposent les organisations internationales et européennes. De telles mesures
sont importantes afin de garantir la confiance des personnes divulgatrices
envers les mécanismes de la loi qui les protègent. À la suite d'une
dénonciation leur ayant souvent demandé beaucoup de courage, il peut
effectivement s'avérer très difficile pour un lanceur d'alerte, sur le plan
financier notamment, d'attendre l'issue de procédures judiciaires ou quasi
judiciaires. Il faut savoir qu'actuellement le temps moyen pour entendre un
grief pour congédiement d'un travailleur ou d'une travailleuse de notre
organisation est de plus de 18 mois.
En conclusion, le SFPQ souhaite que le
présent exercice de consultation permette d'aboutir rapidement à un projet de
loi qui permettra de bonifier la Loi facilitant la divulgation d'actes
répréhensibles à l'égard des organismes publics. La prise en compte de nos
commentaires et recommandations rendrait meilleure la protection des personnes
divulgatrices, une préoccupation qui doit être au cœur des discussions sur la
divulgation d'actes répréhensibles. Sans protection suffisante, moins de
dénonciations sont réalisées et l'intérêt public en pâtit. Merci beaucoup de
votre attention.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, M. le Président. Je cède la parole au député de Maskinongé et adjoint
parlementaire.
M. Allaire : Merci, M. le
Président. Salutations messieurs! Je suis content qu'on ait trouvé une plage
horaire, là, qui vous convenir davantage. Merci de participer à nos travaux. Je
pense que c'est au bénéfice de tous. C'est le fun quand je lis, dans le fond,
le résumé de vos recommandations, là, somme toute, là, vous êtes d'accord avec
l'ensemble des recommandations qui sont proposées dans le rapport. Je vous
amène à la recommandation numéro 5, là : prévoir explicitement, là...
la recommandation que vous faites, là : prévoir explicitement à la loi des
mesures correctrices à l'égard des victimes de représailles. Il y en a trois,
éléments, là, qui sont évoqués, là, le remboursement des frais juridiques,
pardon, prévoir des dommages et intérêts et également prévoir la possibilité de
mutation vers un poste équivalent. Ce que je comprends, c'est que ce sont des
mesures que vous proposez. Et est-ce qu'il y en aurait d'autres que vous n'avez
pas évoquées, qui ne sont pas écrites dans le rapport, là? Qu'est-ce qu'on peut
mettre en place pour bonifier les mesures correctrices, là?
M. Daigle
(Christian) :Bien, minimalement,
d'avoir... minimalement, d'avoir ces trois mesures-là serait déjà un bon pas à
l'avant, parce que, lorsqu'un fonctionnaire ou une fonctionnaire veut dénoncer
quelque chose, si c'est de son propre ministère, elle peut subir des
représailles. Et souvent même le fait de déplacer ces personnes-là va pouvoir
lui permettre de mieux travailler par la suite, de ne pas être la cible,
peut-être, de de visées de la part de collègues ou de supérieurs, et ainsi de
suite. Donc, pour nous d'avoir ces trois mesures-là à la base serait la moindre
des choses. Parce que nous avions fait également ces recommandations-là en
2016, mais elles n'avaient pas été tenues en compte à ce moment-là. Donc, on
pense qu'on doit ajouter le tout. Lorsque vous avez fait mention au début que
nous sommes d'accord avec l'entièreté, c'est juste qu'il y avait une petite
chose quand on parle du mot «grave», où là ça nous pose problème, parce que ça
vient baliser un petit peu ou ça vient donner une emphase sur quelque chose qui
pourrait être une dénonciation peut-être considérée comme grave, mais qui
viendrait quand même demander d'analyser un peu plus les choses. Ça fait que
nous, il y avait juste ce petit bout-là qu'on voulait justement faire attention
ou rayer, je dirais, du projet de loi. Puis, pour le reste, effectivement, vous
avez tout à fait raison qu'on est d'accord avec les modifications proposées, si
on peut en plus bonifier le tout avec nos mesures. Merci.
M. Allaire : L'élément que
vous amenez avec le terme «grave», si vous me permettez, M. le Président, je
passerai la parole à mon collègue, qui a été tantôt très éloquent avec un autre
groupe en particulier avec cet élément-là. M. le député, je vous laisse la
parole.
Le Président (M. Simard) : Alors,
M. le député de René Lévesque. Il vous reste 12 min 22 s.
M. Montigny : Merci.
Peut-être qu'on se repassera la parole mutuellement, évidemment. Sur l'enjeu du
terme «grave», j'aimerais ça vous entendre sur le fait que quelque chose n'est
pas grave. Admettons que je considère que ce n'est pas grave, bien, je ne le
dénoncerai pas, je n'en tiendrai pas nécessairement grande attention, là, je
considère ça pas grave. J'ai besoin de comprendre un peu quelque chose sur
votre opposition à ça. Je vous amène... J'ai été président d'un syndicat de
CSQ, là, en éducation, puis je vous amène juste un élément que je connaissais à
ce moment-là...
M. Montigny : ...puis que ça
m'a ramené à une expression qu'on connaît bien, dans un 47.2, là, on appelle ça
une négligence grave. Dans... C'est un mot qui est utilisé régulièrement
pour... pour bien mentionner de porter attention à quelque chose, on met le
terme «grave». Moi, là, je regarde ça, puis le citoyen qui se dit : Ce
n'est pas grave, donc, comme ce n'est pas grave, bien, il ne sera pas porté à
dénoncer. Alors, je ne sais pas pourquoi le fait qu'on mette «grave», ça pose
problème. Parce qu'en réalité il va regarder ça puis il va se dire : Bien,
moi, je considère que ça peut être grave, je vais... ou pas, ou peu importe,
puis je vais amener ça au Protecteur du citoyen, puis le Protecteur du citoyen
va décider. Alors, ce n'est pas un frein parce que, pour vrai, s'il trouvait ça
pas grave, bien, il ne ferait rien avec ça. J'ai envie de vous entendre
là-dessus.
M. Daigle
(Christian) :Merci. Je vais débuter la
réponse puis je passerai peut-être la parole à un de mes collègues par la
suite. Au niveau du mot «grave», on comprend que, dans le cadre d'un 47.2, ça
vient baliser l'espace de la cour également pour avoir à juger d'une chose.
Donc, il y a trois séries de choses, puis là je ne veux pas embarquer de ce
côté-là, on a... le temps est compté, donc... la négligence grave vient
baliser, et après ça la jurisprudence vient également amener différentes choses
qui peuvent être prouvées, pas prouvées, et ainsi de suite, et analysées.
Le mot «grave» vient aussi donner un côté
plus, je dirais, arbitraire à la personne qui voudrait dénoncer quelque chose,
puis elle dit : Bien, ce n'est peut-être pas si grave, mais je ne le
dénoncerai peut-être pas. Pour nous, c'est important que la personne puisse le
faire initialement parce que peut-être qu'elle juge que ce n'est pas nécessairement
grave à ses yeux à elle mais que ça pourrait mettre en lumière quelque chose
qui va l'être et qui est... c'est juste la pointe de l'iceberg qu'elle voit.
Elle peut voir juste 10 % mais qu'il y a 90 % qui est caché puis
qu'on va découvrir un filon où est-ce qu'il y a quelque chose qui aurait dû
être dénoncé depuis fort longtemps, qui ne l'a pas été, mais elle a trouvé
qu'est-ce qu'il devait... ou a trouvé quelque chose qu'elle pense qu'elle
devrait dénoncer, mais que ce n'est pas nécessairement grave à ses yeux, mais
ça devrait être dénoncé. Et, ce faisant, on va ouvrir la boîte puis, à ce
moment-là, on va trouver énormément de choses par la suite qui devraient être
corrigées. Si on s'attend à ce que la personne... seulement que ça soit quelque
chose de grave, est-ce que la personne va pouvoir après ça être réprimandée
parce que...
M. Montigny : Oui, mais, en
fait, ma question, c'est : Expliquez-moi quelque chose qui n'est pas grave
pour vous.
M. Daigle
(Christian) :Bien, quelque chose qui
n'est pas grave pour moi va peut-être être grave pour vous. Puis quelque chose
qui n'est pas grave pour...
M. Montigny : Mais en quoi ça
m'empêcherait parce qu'il y a le mot «grave»?
M. Daigle
(Christian) :O.K. Je vais vous donner un
exemple.
M. Montigny : Parce qu'en
fait c'est le Protecteur du citoyen qui va analyser après ce que moi, je vais
avoir fait. Puis, comme c'est relatif, bien, je ne vois pas ça comme un frein à
le faire, alors qu'on l'utilise à plein d'autres places. En quoi c'est un si
grand frein, là, honnêtement? Je pense qu'on a peur d'avoir peur, honnêtement,
là. Je le regarde comme législateur, là, puis c'est un peu comment je le vois.
• (17 h 20) •
M. Daigle
(Christian) :Je vais vous donner un
exemple, puis je vais prendre mon organisation pour ne pas peinturer quoi que
ce soit ou dépeindre quelque chose qui ne se produit peut-être pas. Chez nous,
on fait des comptes de dépenses lorsqu'on a à se déplacer. On a un comité
national de surveillance qui doit analyser les choses. Il se rend compte qu'à
un moment donné Christian Daigle, le président général, réclame un dîner puis
qu'il n'y a pas droit, peut-être, selon la réglementation. Ce n'est pas si
grave que ça, un dîner, selon moi. Mais il va peut-être le déclarer à ce
moment-là pour dénoncer la situation. Mais, en faisant ça, le comité chargé de
l'analyse va peut-être, lui, décider de dire : Bien, on va regarder si les
autres l'appliquent également, et se rendre compte que l'ensemble des
dirigeants du syndicat l'applique, parce que le président général le fait, et
que ça nous coûte des centaines de milliers de dollars par année, alors qu'on
ne devrait pas l'avoir déclaré. Alors, au départ, ce n'est peut-être pas
quelque chose qui est grave, mais ça vient mettre en lumière quelque chose qui
est beaucoup plus grave et qui amène un impact financier majeur sur les
finances de l'organisation.
Alors, en mettant le mot «grave», la
personne initialement n'aurait peut-être pas dénoncé cette situation-là. Bien,
c'est juste un dîner, ce n'est pas grave. Mais, le faisant, on vient de mettre
en lumière une pratique qui n'aurait pas dû se faire et qui coûte au syndicat,
donc aux membres, si je fais le parallèle au ministère, aux citoyens, des centaines
de milliers de dollars annuellement, pour ne pas dire des millions, peut-être,
au niveau du gouvernement.
M. Montigny : Je ne veux pas
mobiliser trop de temps, là. Je vais repasser le... mon collègue.
Le Président (M. Simard) : Je
vous en prie, cher collègue.
M. Allaire : Merci, M. le
Président. Merci, cher collègue. Votre recommandation numéro six, où vous
évoquez... où vous souhaitez la représentation syndicale des gens qui font des
divulgations, vous ne trouvez pas que la ligne peut être mince... parce que
vous n'êtes pas le seul groupe, là, à l'avoir mis de l'avant, vous ne trouvez
pas que la ligne peut être mince entre une problématique de relation de travail
qui est soulevée versus un acte répréhensible?
M. Daigle (Christian) :La ligne peut être mince, mais initialement, ce qu'on vise,
ce n'est pas une problématique de relation de travail. Si c'est ça, bien, déjà,
le syndicat va être mis au fait, parce que...
M. Daigle
(Christian) :...un grief patronal
pourrait être déposé si l'employeur pense qu'on a abusé de la situation en
faisant une telle déclaration, ou le syndiqué va pouvoir se plaindre si jamais
il est victime de représailles par la suite, et le syndicat serait également au
courant de ce qui s'est passé. En ne permettant pas l'accompagnement syndical
lors des divulgations, on empêche la connaissance du fait par le syndicat, ou
d'aller plus loin en étant accompagné par le syndicat à ce moment-là. Donc,
nous, on pense que c'est un bénéfice que le syndicat soit déjà informé de ça.
Si la situation vraiment était un problème de relations de travail, était un
conflit, mettons, entre le gestionnaire et un employé, si je peux me permettre,
bien, le syndicat pourra émettre des réserves quant à la dénonciation par
l'employé envers le Protecteur du citoyen et, déjà, à ce moment-là, allumer une
petite lumière rouge à l'employé en disant : Tu n'es peut-être pas devant
la bonne tribune, en faisant ça. En ne permettant pas l'accompagnement syndical,
bien, automatiquement, des gens vont dire : Bien, le syndicat ne peut pas
m'accompagner, je vais y aller tout seul. Et là peut-être vont aller au-devant
de situations qui ne devraient pas être devant le Protecteur du citoyen. Alors,
pour nous, on pense qu'il y a une possibilité d'accompagner le membre, de bien
le faire, parce qu'en plus de ça, le Protecteur du citoyen ne permet pas,
justement, la consultation parce que nous sommes... il y a... parce que nous
sommes le représentant de la personne déjà à ce moment-là. Donc, pour nous, il
y a un manque de représentation à ce niveau-là.
Le Président (M. Simard) : M.
le député de René-Lévesque.
M. Montigny : Bien, ça me...
Il y a quelque chose qui m'apparaît, là, imaginez, puis je reviens sur ce que
je parlais du 47.2 tantôt, là, imaginez que, pour toutes sortes de raisons, la
personne n'est pas satisfaite, quelque chose qui ne va pas dans votre rôle que
vous revendiquez là, là, pour l'accompagner, il pourrait-u dire que vous avez
mal fait, vous amener en 47.2, etc., ou...
M. Daigle
(Christian) :Bien, il pourrait toujours
nous amener en 47.2. Et là-dessus, notre taux de succès, je vous invite à aller
consulter, je pense qu'il est très bon. Ceci étant dit, je vais prendre une
expression où est-ce qu'on se fait souvent dire : Le syndicat couche avec
l'employeur. Arriver dans un cas où est-ce qu'on dirait : Bien, c'est ça,
vous ne voulez pas que j'aille devant le protecteur parce que vous coucher avec
l'employeur puis vous voulez le protéger là-dedans. Bien, ils nous feront un
47.2, puis on aura démontré qu'on a voulu faire pour protéger la personne,
comme nous faisons également aussi, de signer des ententes pour régler des
griefs à l'encontre de la vie du travailleur dans le but de le protéger
également aussi.
M. Montigny : Une dernière
question. Après ça, je vous laisse le temps. Qu'est-ce qui fait vraiment que
vous allez être, comment je dirais, que le membre en question, là, l'employé de
la fonction publique va être meilleur pour dénoncer quelque chose que lui vit,
que lui connaît, pas vous, que lui connaît parce qu'il a été témoin, lui?
Qu'est-ce qu'il y a de plus, honnêtement, à vous faire accompagner par vous?
C'est lui qui l'a vécu, il donne des faits, ce n'est pas une question de
stratégie puis de trouver... c'est vraiment juste des faits, là, qui sont
relatés.
M. Daigle
(Christian) :Vous avez tout à fait raison
là-dessus, ce n'est pas nous qui allons témoigner pour la personne, puis on ne
lui dira pas quoi dire, mais on va pouvoir l'accompagner à travers le processus,
pour le conseiller également aussi. Si la personne, elle constate quelque
chose, un manquement de la part d'un ministère, d'un organisme, qu'elle veule
dénoncer, mais qu'elle veut en profiter, justement, pour parler de relations de
travail puis comment que ça va mal avec son boss en plus, on va peut-être la
recadrer pour dire : Regarde, reste dans la dénonciation pour ne pas nuire
à ton dossier, pour ne pas ajouter puis noyer le poisson à ce moment-là. Donc,
on va pouvoir aider la personne à bien cibler. On peut également aider la
personne à bien cadrer ce qu'elle veut dénoncer, encadrer le tout pour
s'assurer qu'elle reste avec les bons termes, de la bonne façon. Puis, vous
savez, les gens qu'on représente des fois n'ont pas la possibilité de parler devant
une tribune au quotidien, donc de les aider à formuler un discours, à formuler
ce qu'ils veulent dénoncer de la bonne façon peut les aider à ce niveau-là.
M. Allaire : Et dans un
contexte hypothétique, là, où ça se réaliserait, par exemple, le niveau de
confidentialité, jusqu'à quel point vous seriez capable d'en assurer, là, sa
pleine et entière protection pour le divulgateur?
M. Daigle
(Christian) :Bien, nous avons
présentement des accompagnements qui se font à différents niveaux, et on assure
déjà la confidentialité à travers bon nombre de dossiers, de griefs, de
dénonciations que des gens viennent nous voir qui ne se réalisent peut-être
pas, parce que la personne, finalement, décide de ne pas porter plainte ou quoi
que ce soit, et on a un bon niveau de confidentialité à ce niveau-là, mais ça
demeure toujours du choix de la personne aussi, ça ne sera pas une obligation
d'être accompagné par le syndicat, la personne qui voudrait faire cavalier seul
pourra toujours la faire quand même, nous, on va offrir notre soutien. Si c'est
ajouté au projet de loi, on va offrir notre soutien, notre accompagnement aux
gens qui le désireront à ce moment-là. Ça n'empêchera pas les personnes de
vouloir le faire par elles-mêmes si elles le souhaitent. Comme présentement,
une personne peut déposer un grief par elle-même aussi sans venir chercher
l'avis du syndicat.
M. Allaire : Et on ne
risquerait... dernière question, on ne risquerait pas de se retrouver dans une
situation assez particulière lorsqu'une personne...
M. Allaire : ...par exemple,
veut faire une divulgation, vous demande de l'accompagner, mais qu'au final ce
n'est pas lui qui est concerné, là, il est témoin de, mais ce n'est pas lui qui
est concerné du tout. Et là votre rôle, vous, dans le fond, fondamentalement,
c'est d'accompagner les personnes syndiquées puis de défendre le membre. Là, on
se retrouve dans une situation où ce n'est pas lui qui a vécu un préjudice
nécessairement.
M. Daigle
(Christian) :Effectivement. Puis
présentement nous avons des situations où est-ce qu'on doit représenter deux
personnes à l'opposé. Je prends les cas de harcèlement sexuel, harcèlement
psychologique qui peut viser un employé syndiqué versus un autre employé
syndiqué. Nous avons déjà des méthodes qui sont mises en place pour éviter,
justement, la contamination par une même personne qui représenterait les deux,
donc il y a deux personnes séparées qui vont les représenter. Même principe que
notre bureau de procureur qui va assigner deux procureurs différents aux
différents dossiers pour s'assurer, justement, qu'on... ce qu'on appelle la
muraille de Chine soit respecté, à ce moment-là, et qu'il n'y ait pas de
difficulté pour le syndicat de pouvoir faire son travail correctement, tant
pour accompagner la personne qui veut dénoncer quelque chose que pour la
personne qui est visée par les allégations à ce moment-là.
M. Allaire : Merci, M. le
Président,
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Je cède la parole à la députée de Saint-Laurent qui dispose de
12 min 20 s.
Mme Rizqy : Merci beaucoup.
Désolée, moi, je n'ai jamais fait du droit du travail, j'étais en fiscalité,
mais, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, 47.2, lorsqu'on parle...
Parce que tantôt on isolait le mot «grave», mais ma compréhension, c'est que le
mot «grave» était avec un autre mot, «négligence grave», et qu'on devait
interpréter le «grave» et la jurisprudence avec la connotation de «négligence
grave». N'est-ce pas?
M. Daigle (Christian) :Tout à fait, vous avez tout à fait raison là-dessus.
Mme Rizqy : O.K. Et juste
pour terminer la discussion, parce que je trouvais ça un petit peu surréaliste,
là, quand qu'on demande à vous c'est quoi, votre définition de «grave», ce
n'est pas une démonstration évidente que vous pouvez avoir une définition, je
peux avoir une définition, et par conséquent ça devient subjectif?
M. Daigle
(Christian) :C'est ce que j'ai essayer
d'indiquer également tout à l'heure. Le niveau du mot «grave» peut changer
d'une personne à l'autre. Si je suis un chasseur, je suis un pêcheur, je me
ramasse dans le bois puis je n'ai plus de signal cellulaire, ce n'est pas grave
pour moi. Pour quelqu'un qui n'a jamais sorti de la ville, ça peut être très
grave à ce moment-là.
Mme Rizqy : Ah! surtout si
elle porte des talons hauts comme moi. Donc, la preuve qu'évidemment, si ça
devient subjectif, ça peut même faire un frein, parce qu'une personne, si on
lui ajoute, dans son esprit, la notion de grave, elle va devoir se dire :
Est-ce que c'est grave ou pas?, peut-être qu'on va perdre une dénonciation qui
peut être très utile parce qu'on a ajouté une définition qui n'est peut-être
pas nécessaire et qui est de toute évidence subjective.
M. Daigle (Christian) :Vous avez tout à fait raison à ce niveau-là, et c'est ce
que nous essayons de démontrer avec notre mémoire et avec mon allocution de
départ également aussi.
Mme Rizqy : Bien, M. le
Président, même si je ne suis pas une avocate en droit du travail, je tiens à
vous dire que j'ai finalement compris et je partage la même opinion. Je pense
que c'est tellement évident que c'est subjectif que ça devrait peut-être être
retiré. On fera, à ce moment-là, les représentations pour cela.
• (17 h 30) •
Je vous amène à la page 8 de votre
mémoire. Au niveau des mesures correctrices pour les victimes de représailles,
devrait inclure le remboursement des frais juridiques. Je vais être très
honnête avec vous, vous me surprenez, parce que moi, j'aurais été plus
généreuse. L'enjeu que j'ai, c'est que, souvent, le remboursement, c'est
l'après, mais, quand qu'on est devant le tribunal, c'est maintenant que les
avocats veulent être payés généralement, puis les factures entrent au poste et
les litiges peuvent durer des années. On a première instance, on peut
s'aventurer, par la suite, en cour d'appel et même se retrouver en Cour
suprême. Et là les gens peuvent penser que j'exagère, mais ça peut prendre, des
fois, 10 ans, un litige. Et, pendant ce temps-là, l'employé doit quand
même payer ses frais juridiques, à moins qu'il y a vraiment un avocat qui est
capable d'attendre à la fin, fin, fin du litige pour envoyer sa facture
juridique.
Mais il me semble qu'au contraire on ne
devrait pas avoir un fonds qui permet que, durant l'instance ou les
instances... de permettre à l'employé de pouvoir payer ses frais juridiques?
Parce que sinon, il y en a même qui réhypothèquent leurs maisons pour faire
face aux frais juridiques.
M. Daigle
(Christian) :Effectivement. Puis,
là-dessus, je vais laisser mon collègue, Pierre-Alexandre, pouvoir vous
adresser là-dessus, mais je tiens juste à préciser que c'est quelque chose
qu'on a ramené de notre rapport de 2016 également aussi. Donc, d'adopter ça, ce
serait un bon pas, mais, pour la suite, je vais laisser mon collègue répondre.
M. Caron (Pierre-Alexandre) : Bien,
écoutez, dans notre mémoire précise qu'on devrait inclure le remboursement des
frais juridiques. On n'a pas précisé la fréquence à laquelle peut-être ces
remboursements-là pourraient... pourraient arriver. Donc, je ne pense pas qu'il
y ait d'opposition entre votre vision et la nôtre dans notre mémoire. Je pense
qu'on partage la même préoccupation puis qu'on partage aussi votre constat du
fait que c'est très cher, des démarches... des démarches juridiques. Donc, on
ne... je ne pense pas qu'on a une opinion forte sur la provenance de ces
sommes-là, mais en autant qu'il y ait un remboursement qui soit fait dans des
délais raisonnables puis que le fardeau ne soit pas trop important, là, pour la
personne financière, ça nous conviendrait très bien. Donc là, je pense qu'on
partage... on partage votre avis...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Rizqy : ...ravie de vous
l'entendre dire, «ainsi que la possibilité de mutation vers un poste
équivalent». Ça, pour moi, c'est vraiment important parce qu'une des
conséquences qui arrive lorsqu'une personne dénonce, c'est de se sentir ostracisée,
et rester dans ce milieu de travail... Quand vous représentez différentes
équipes, vous avez plusieurs... des milliers d'employés à représenter, mais il
y a des équipes de travail plus petites, et là ça peut devenir carrément
toxique pour l'employé de rester. Un poste équivalent dans n'importe quel
autre, j'imagine, ministère aussi puis organisme?
M. Daigle
(Christian) :Oui, bien, on veut rester
dans les mêmes paramètres de la même convention collective, tant du côté des
ouvriers que du côté des fonctionnaires. Nous savons que la mobilité du
personnel est plus facile aussi de part et d'autre, parce qu'il y a des postes
équivalents qui peuvent avoir des opportunités dans d'autres ministères, puis,
à ce moment-là, ça permettrait de transférer une personne sans que ses nouveaux
collègues de travail sachent pourquoi elle a été transférée, parce qu'il en
arrive régulièrement, des transferts, puis il arrive régulièrement que des gens
changent d'emploi, pour différentes raisons, se rapprocher de la maison, les
enfants, peu importe. Mais, à ce moment-là, ça permettrait justement de sortir
la personne d'un milieu. Parce que, dans le milieu, souvent, c'est des
personnes qui vont être en opposition avec la personne, qui vont faire valoir
leur opinion à cette personne-là, alors que les personnes qui pourraient l'appuyer
vont rester plus silencieuses, donc, on le voit un peu dans tous les domaines
de la société. Donc, pour nous, ce serait important de permettre cette
mutation-là ou ce transfert-là d'un employé vers un autre ministère.
Mme Rizqy : Lorsque ce n'est
pas possible, disons, qu'il a une expertise vraiment très pointue, ça arrive,
notamment, particulièrement, chez vos membres en informatique, il y en a qui
sont ultraspécialisés, je pointe eux, mais il y en a d'autres, évidemment, à ce
moment-là, est-ce qu'il devrait y avoir une autre forme de compensation où
est-ce qu'on ne peut pas muter, mais que rester en emploi nuit à sa santé
mentale? Permettez-moi l'expression, d'avoir, au fond, dans les dommages-intérêts,
peut-être, une somme forfaitaire globale si la personne désire, à ce moment-là,
quitter puis dire : Moi, à ce stade-ci, il n'y a aucun autre poste
équivalent dans la fonction publique? Versus rester et nuire à sa santé
mentale.
M. Daigle
(Christian) :Bien, ça serait peut-être
quelque chose à évaluer. Nous, on pense que, même dans certains domaines où,
mettons... puis là je prends un exemple, mettons, un agent de bureau, on sait
qu'il y en a plusieurs dans plusieurs ministères, pas de problème. Si on prend
un poste plus spécialisé comme quelqu'un qui serait à la morgue, mettons, à ce
moment-là, bien, c'est plus difficile, mais il peut y avoir des équivalences
quand même où la personne peut quand même se réaliser avec un rangement équivalent,
donc elle ne perd pas au niveau monétaire. Elle ne fera peut-être pas les
tâches qu'elle faisait auparavant, elle va peut-être aller dans un autre
domaine. Si jamais on ne peut pas faire ça, il y a toujours le reclassement qui
pourrait se faire, mais là, à ce moment-là, oui, il devrait y avoir une
compensation peut-être monétaire pour que la personne qui ne peut pas garder un
poste de niveau équivalent puisse avoir un travail, mais qu'elle ne perde pas
au niveau monétaire là-dessus.
Mme Rizqy : Puis là,
excusez-moi, pardonnez-moi pour mon ignorance là-dessus, je pense qu'il n'y a
pas de mécanisme de suivi pour les représailles à savoir si, oui ou non, une
personne qui a dénoncé par la suite n'a pas eu d'avancement professionnel.
Est-ce que c'est quelque chose qu'on... un, je ne sais pas si ça existe, mais,
si ça n'existe pas, est-ce qu'on devrait avoir, justement, cet un instrument de
mesure, de voir, O.K., est-ce que les gens qui dénoncent... est-ce, par la
suite, ils sont vraiment sur la voie d'accotement, puis ils doivent attendre,
puis s'ils appliquent à des postes, ils savent qu'ils ne l'auront pas, là?
M. Daigle
(Christian) :Bien, c'est certain, puis je
vais passer la parole à mon collègue pour finir la réponse, là, mais c'est
certain, dans un premier temps, comme on n'était pas accompagnateur ou
accompagnatrice des personnes divulgatrices dans un premier temps, c'est
difficile pour nous d'avoir pu garder la trace des dénonciations qui ont pu
être faites dans le passé, mais je pense que ça pourrait être une bonne avenue
puis je vais laisser mon collègue, Pierre-Alexandre, peut-être, compléter la
réponse.
M. Caron (Pierre-Alexandre) : Bien,
ça pourrait être une avenue certainement intéressante. À notre connaissance,
non, il n'y a pas de tels mécanismes, là, qui sont prévus actuellement. Est-ce
que c'est un travail qui serait facile à faire? Je pense que ce ne serait pas
évident de savoir est-ce que la personne a eu de l'avancement ou pas, mais c'est
avec un grand nombre de données qu'on serait peut-être capable de dégager des
tendances. Donc, oui, si le Protecteur du citoyen, ou actuellement le
Secrétariat du Conseil du trésor, là, qui est responsable de la mise en œuvre,
là, pouvait faire cette analyse-là, ça serait fort intéressant pour nous, là,
je n'en doute pas.
Mme Rizqy : Bien, moi, je
trouve que ça serait même intéressant, même pour nous autres, d'avoir un
portrait beaucoup plus global.
Tantôt, on parlait que, justement, les
syndicats pourraient être agent facilitateur, le pare-feu pour les employés,
mais aussi, il me semble que ça permettrait pour vous d'avoir une vue très
globale de tout ce qui se passe, mais aussi des conséquences, des conséquences
pour l'employé, mais j'ose dire même de l'équipe de travail, l'unité, parce que
ce n'est pas juste l'employé qui est visé, lorsqu'il y a des représailles, ça
affecte l'unité de travail au complet, là.
M. Daigle
(Christian) :Tout à fait. Puis, avec un
mécanisme de révision à tous les trois ou cinq ans, ça permettrait de pouvoir
revenir périodiquement sur la situation et de faire les constats nécessaires, à
ce moment-là, en temps et lieu, de manière périodique, justement, puis de voir
la tendance qui peut se dessiner à travers ces évaluations-là du projet qui va
se faire.
Mme Rizqy : O.K. Bien,
parfait. Bien, merci beaucoup.
M. Daigle
(Christian) :Merci à vous...
Le Président (M. Simard) : ...merci.
Je cède la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci. J'ai
quatre minutes, je vais y aller rapidement.
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Ah!
non, pardon, on vous en ajoute. On vous en ajoute. On va faire le calcul.
Alors, commencez, je vous informerai.
Mme Labrie : Bien,
pouvez-vous me dire combien?
Le Président (M. Simard) : À
peu près sept minutes 34.
Mme Labrie : Ah! mon dieu.
O.K.
Le Président (M. Simard) : À
peu près.
Mme Labrie : Parfait. Je n'ai
jamais eu autant de temps. Ça fait que je vais avoir plusieurs questions. Une
d'entre elles, vous parlez d'un comité multipartite pour analyser le processus
de protection contre les représailles. Vous mentionnez un comité qui
regrouperait le syndicat... pas le syndicat, le Secrétariat du Conseil du trésor,
le Protecteur du citoyen et le ministère du Travail. Mais vous ne proposez pas
qu'il y ait des représentants syndicaux sur ce comité? Je me questionne à ce
sujet-là. Pourquoi?
M. Daigle
(Christian) :Je vais laisser la parole à
un de mes collègues, peut-être Gabriel ou Pierre-Alexandre.
M. Caron (Pierre-Alexandre) : Mais
écoutez, c'était difficile pour nous d'évaluer la pertinence d'être présent sur
ce comité-là. Parce que, bien, premièrement, on ne sait pas... on ne sait pas
encore s'il va exister, ce comité-là. C'était une simple proposition. On croit
qu'en tous les cas il y aurait déjà eu l'opportunité, là, pour les parties, là,
mentionnées dans ce comité-là, qui est la recommandation, finalement, du SCT,
d'avoir déjà eu l'opportunité de se regrouper. Peut-être que, si on avait un
rôle, là, qui était plus prépondérant, là, dans la loi, il y aurait une
pertinence pour nous de pouvoir s'y asseoir. En tous les cas, si on est invités
à y siéger, je serais surpris qu'on refuse.
Mme Labrie : C'est bien noté.
D'ailleurs, vous venez d'en discuter avec ma collègue, puis vous revendiquez le
droit d'être... de représenter un de vos membres dans un processus de
divulgation. En France, le syndicat peut lui-même être divulgateur. D'autres
nous ont soulevé de l'intérêt pour ça. Est-ce que c'est un intérêt que vous
auriez aussi de pouvoir agir comme divulgateurs? Parce que, par exemple, en
France, un... quelqu'un qui n'est pas témoin direct, mais qui est un tiers peut
être divulgateur. Est-ce que c'est quelque chose qui est intéressant pour votre
syndicat?
M. Daigle
(Christian) :Ça pourrait être quelque
chose d'intéressant. Par contre, nous, on prend pour acquis que les personnes,
dans un premier temps, devraient s'avancer par elle-même. Dans le même principe
qu'un grief. Quelqu'un qui constate que sa convention ou qui pense que sa
convention n'est pas respectée se doit de faire le grief elle-même. Ce n'est
pas au syndicat d'aller porter la cause, à moins que ce soit un ensemble de
travailleurs qui soit... puis là, c'est un grief syndical qui est déposé. Mais
lorsque la personne vit quelque chose de personnel, tout comme les personnes
qui constatent quelque chose de personnel, on pense que la personne devrait
normalement elle-même faire les démarches pour dénoncer la situation parce que
c'est la témoin principale et c'est la témoin oculaire, je pourrais dire, c'est
de visu, mais c'est la personne qui a constaté la chose. Donc, y aller par une
tierce partie, pour nous, ça viendrait avoir plus de difficulté parfois sur
certains aspects, mais dans des cas peut-être plus graves, on pourrait
regarder, oui, effectivement, parce que la personne qui constaterait quelque
chose de vraiment majeur pourrait à ce moment-là peut-être avoir peur pour son
bien-être ou son intégrité peut-être.
Mme Labrie : Exact. Ça
pourrait faciliter la protection contre les représailles.
M. Daigle
(Christian) :Effectivement.
Mme Labrie : O.K. Une
question qu'on a posée à plusieurs groupes, c'est celle du privé, là, on a une
loi qui protège seulement la divulgation pour les organismes publics. Dans
beaucoup de pays d'Europe, il y a également une protection pour les
divulgateurs dans le milieu privé. Donc, je vais vous demander ce que vous en
pensez. Mais là, avec l'exemple que vous avez donné à mon collègue de la partie
gouvernementale, tout à l'heure, sur un exemple de mauvaise utilisation de
fonds syndicaux, c'est clair que, si on élargit la portée de la loi pour
couvrir les organismes privés, ça couvrirait également les syndicats. Donc, je
vous pose la question : Seriez-vous à l'aise que la portée de la loi
couvre l'ensemble des organisations, pas seulement le secteur public, mais
également le privé?
• (17 h 40) •
M. Daigle
(Christian) :Bien, on n'a aucun problème
à ce niveau-là, parce qu'il peut y avoir des actes répréhensibles à tous les
niveaux et de pouvoir justement ajouter des organismes, ajouter des groupes à
travers ça, on pense que l'ensemble de la société en serait protégé. Parce que,
bien que les ministères et organismes représentent l'intérêt public ou
travaillent pour l'intérêt public, il y a beaucoup de compagnies privées qui
ont également un impact sur l'intérêt public. Alors, nous croyons que, oui, les
groupes privés devraient... à ce moment-là, mais ce faisant, il faudrait
ajouter des ressources au niveau du Protecteur du citoyen si on voulait aller
dans cette mouvance là, parce qu'il y aurait peut-être beaucoup plus de
dénonciations qui pourraient se faire et, ce faisant, amener beaucoup de
travail au Protecteur du citoyen. Donc, il aurait besoin d'avoir un regard sur
peut-être les effectifs en place pour effectuer de tels suivis.
Mme Labrie : Bien entendu.
Puis, de toute façon, assurément, si on améliore la loi puis la protection
contre les représailles, il y aura assurément plus de divulgation, donc ça
impliquait nécessairement davantage de ressources. J'aurais peut-être une
dernière question. Vous nous parlez de mesures correctrices à l'égard des
victimes de représailles. Vous parlez de remboursements de frais juridiques, et
cetera. En France, ils ont aussi inclus le soutien psychologique pour les
divulgateurs. Est-ce que c'est quelque chose pour lequel vous avez de
l'intérêt...
M. Daigle
(Christian) :...oui, certainement, il
pourrait y avoir de l'intérêt. Déjà, on a des programmes, le PAE qu'on appelle,
programme d'assistance aux employés. Donc, il y a un intérêt, justement, de
pouvoir utiliser ça parce qu'il y a une partie qui est payée par l'employeur à
ce niveau-là. Mais, s'il peut y avoir d'autres mécanismes qui peuvent être
ajoutés pour aider la personne, justement, qui subirait des représailles à
pouvoir reprendre le bon chemin à ce moment-là pour être efficace puis
reprendre ses tâches, bien, on n'a pas de problème à ce niveau-là pour ajouter
des protections, ajouter des... ajouter des... mon Dieu, il faut que j'aie un
blanc de mémoire à ce moment-ci, là, mais ajouter un... des bonifications, je
dirais, au projet de loi pour permettre aux gens, justement, de pouvoir avoir
toutes les ressources nécessaires.
Mme Labrie : Puis j'imagine
que vous le voyez aussi auprès de vos membres qui sont témoins de situations
répréhensibles, que ça doit générer une certaine... une certaine anxiété ou des
craintes d'avoir été témoin ou d'avoir connaissance de ça puis de ne pas trop
savoir comment gérer la situation.
M. Daigle
(Christian) :Oui, a posteriori, pour
avoir entendu des personnes qui ont été dénoncer ou qui ont voulu aller
dénoncer des choses, le niveau de stress est très élevé, tant lorsque vient le
temps de dénoncer que pour la suite des événements également aussi. Même
lorsque le dossier est terminé et que le dossier est clos, ils vivent encore du
stress à certains niveaux, et, à ce moment-là, on pense que, oui, un support
pourrait être bénéfique pour les gens.
Mme Labrie : O.K. Puis donc
même après que le dossier soit clos. C'est intéressant que vous le nommiez,
oui.
M. Daigle
(Christian) :Bien, oui, parce que, dans
le milieu de travail, s'il y a quelque chose qui a été dénoncé, qui a été
amené, bien, automatiquement, comme tantôt ça a été mentionné, il peut y avoir
des répercussions dans le milieu de travail aussi. Donc, la personne peut vivre
un certain stress à ce niveau-là également, mais les gens peuvent vivre le stress
de différentes façons, mais ça peut être quelque chose qui peut avoir lieu.
Mme Labrie : Parfait. Ça fait
le tour de mes questions, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Simard) : Bien,
merci à vous, chère collègue. Merci, chers intervenants, pour cette précieuse
participation à nos travaux. Avant de conclure, je dépose les mémoires des
organisations qui n'ont pas été entendues.
Et, comme notre commission vient
d'accomplir son mandat, j'ajourne nos travaux sine die. À bientôt.
(Fin à 17 h 43)