Journal des débats (Hansard) of the Committee on Public Finance
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Wednesday, February 1, 2023
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Vol. 47 N° 3
Special consultations and public hearings on Bill n° 3, An Act respecting health and social services information and amending various legislative provisions
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-deux minutes)
Le Président (M. Simard) : Et
bon mercredi matin. Je constate que nous avons quorum et nous sommes en mesure
de reprendre nos travaux.
Comme vous le savez, la commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de
services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
Madame le Secrétaire, Bonjour.
La Secrétaire : Bonjour.
Le Président (M. Simard) : Y
a-t-il des remplacements ce matin?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Monsieur Beauchemin Marguerite-Bourgeoys est remplacé par madame
Setlakwe Mont-Royal-Outremont et Monsieur Bouazzi Maurice-Richard par Monsieur
Marissal Rosemont.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
à nos collègues. Donc, nous recevons ce matin des représentantes du Conseil
pour la protection des malades. Messieurs, bonjour. Bienvenue parmi nous.
M. Brunet (Paul G.) : Bonjour,
M. le Président.
M. Hurteau (Pierre) : Bonjour.
Le Président (M. Simard) : Auriez-vous
d'abord l'amabilité, s'il vous plaît, de vous présenter?
M. Brunet (Paul G.) : Oui.
Mon nom est Paul Brunet, je suis président du Conseil de la protection des
malades. L'organisme fêtera ses 50 ans l'année prochaine. J'espère que
vous serez avec nous.
Le Président (M. Simard) : Je
le souhaite également.
M. Brunet (Paul G.) : Et je
suis accompagné de mon collègue le vice-président.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons.
M. Brunet (Paul G.) : Bien,
merci de nous accueillir, M. le Président, M. le ministre et les membres de l'Assemblée
nationale.
Depuis 50 ans, le CPM a probablement
près d'une centaine de mémoires chez vous, toujours dans le but d'améliorer les
soins et les services dans le réseau de la santé et services sociaux. L'an
prochain, le conseil va fêter ses 50 ans. On aimerait ça que le
gouvernement, que vous autres signaliez ça de manière à nous aider à poursuivre
l'œuvre de mon frère Claude, qui fonda le CPM en 1974. Je veux fêter au mois d'août
mes 25 ans comme porte-parole du conseil, sûrement avec en mémoire toutes
les interventions que nous faisons et les échanges positifs que nous avons avec
les membres du gouvernement.
Sans plus tarder, je cède la parole à mon
collègue le vice-président, M. Pierre Hurteau, qui fera la présentation devant
vous.
M. Hurteau (Pierre) : Alors,
je salue tout le monde.
Et évidemment que le CPM salue l'initiative
du gouvernement de doter le Québec d'un cadre juridique de la gestion des
données informatiques en santé, quelque chose de moderne, ensuite de très
englobant, qui touche un ensemble d'acteurs du secteur de la santé. Alors, c'est
peut-être une des premières fois, là, où on touche à la fois les patients, les
cliniciens et les chercheurs. Encore une fois, la pandémie a probablement
permis de réaliser à quel point il y avait des déficiences, des insuffisances
dans ce domaine-là, alors qu'aujourd'hui on a plein de moyens technologiques
pour accéder à toutes sortes d'informations. Alors, le CPM reconnaît également
la nécessité d'avoir des informations en santé mises en commun pour faciliter
les avancées de la recherche scientifique. Parce qu'au fond, quand la recherche
progresse, c'est les usagers, les patients qui en bénéficient au bout du
compte. Le CPM constate, évidemment, là, que le projet de loi n° 3 a à peu près
doublé dans son nombre d'articles par rapport au projet initial du numéro 19.
Donc, pour nous, là, ça a été une tâche un peu compliquée de revoir tout l'ensemble.
Donc, nécessairement, le point de vue qu'on exprime, il est quand même limité,
compte tenu du temps qu'on avait pour réagir à tout ça.
En même temps, je pense qu'il faut dire
que le CPM est bien positionné pour faire valoir le point de...
M. Hurteau (Pierre) : ...des
usagers dans les champs d'action qui sont couverts par le projet de loi. Parce
que le CPM dispose d'un réseau de plus de 200 comités d'usagers à travers
toute la province. Et en plus, il y a au moins 200 citoyens qui sont des
souscripteurs à son programme Protection santé. Donc, c'est en s'appuyant sur
cette expérience de 50 ans, là, auprès des usagers du réseau que le CPM
veut vous transmettre à la fois ses questions et ses observations.
D'abord, une observation générale
s'impose, le projet de loi énonce des grands principes, mais on aurait aimé que
ce soit... qu'il s'avance un peu plus davantage sur les moyens mis en œuvre
pour réaliser les objectifs, notamment en ce qui concerne des mécanismes
d'évaluation de la nécessité d'utiliser ou de recevoir un renseignement et la
gestion sécuritaire des renseignements. À ce chapitre, tout semble avoir été
délégué au pouvoir réglementaire de l'exécutif ou ce qui est appelé le
dirigeant Réseau information. Alors, tout ça rend parfois un peu difficile
l'appréciation détaillée du projet de loi.
Or, si on regarde la notion de
consentement, évidemment, on est tout à fait d'accord avec ce qui est énoncé
là-dedans. Là où on se pose certaines questions et on aimerait avoir un peu
plus d'éclaircissements, même si on pense que le projet de loi actuel a
certaines bonifications au niveau de ce qu'on pourrait considérer étant les
balises au niveau de l'accès et du consentement ... donc, je pense qu'il répond
mieux que ne le faisait le projet de loi n° 19, mais ce qui nous suscite
certaines interrogations, c'est la notion de consentement élargi qu'on retrouve
à l'article 6. Lorsqu'on parle de, par exemple, en matière de recherche,
il peut viser des thématiques de recherche, des catégories d'activités de recherche
ou des catégories de chercheurs. Alors, d'une part, on pense qu'il y a lieu de
définir davantage ces notions-là de thématiques de recherche, de catégories
d'activités de recherche ou de catégories de chercheurs. C'est très vaste et on
ne sait pas trop, là, qu'est-ce que sa vise précisément.
• (11 h 30) •
De plus, nous estimons qu'il ne peut y
avoir de consentement général à un accès vers toutes ces catégorisations. Donc,
il ne devrait pas y avoir de guichet unique, ou ce qu'on appelle en anglais un "one
stop shop" pour les chercheurs. Évidemment, on salue le droit de refus de
retrait exprimé à l'article 7 et en lien avec ce que nous avons énoncé au
paragraphe précédent, l'usager doit être en mesure d'exercer ce droit en tout
ou en partie, c'est-à-dire sur certains aspects de la recherche ou certains
types de recherches. Par exemple, moi, je peux être d'accord pour donner un
accès à des données biomédicales tumorales, puis j'en ai, d'ailleurs, en
passant, mais je peux être en désaccord pour que ces données soient transmises
à des chercheurs d'une entreprise privée. Alors, ça, c'est un aspect important
qu'il faudra préciser.
Ensuite, on note aussi qu'il n'y a pas
tellement, sinon une absence totale, là, d'éduquer en aval l'usager sur son
droit d'accès, de refus ou de rectification et sur les manières de les exercer.
Ça, c'est important parce qu'on a une population vieillissante et le niveau de
littératie n'est pas souvent à la hauteur. Alors, il faut pallier à ça.
Finalement, on note aussi que dans tout
ça, là, il n'y a pas de distinction nette établie dans le projet, là, il aurait
peut-être eu lieu de le faire, entre...
11 h 30 (version non révisée)
M. Hurteau (Pierre) : ...ce
qu'est un renseignement nominalisé puis un renseignement dénominalisé. Il
faudrait que ça soit clair, à la fois pour l'usager, mais aussi pour le
chercheur, et aussi pour ceux qui administrent les données.
On note aussi l'absence de délais prévus,
ça, c'est important, pour accéder aux données, soit par l'usager, soit par le
chercheur. Nous pensons que les données devraient être accessibles par l'usager
dès qu'elles sont disponibles. L'usager ne devrait pas subir de délais pour
obtenir des résultats de laboratoire, ou d'imagerie, ou autres tests
diagnostiques. On ne favorise pas un délai de 30 jours, comme c'est le cas dans
le carnet santé. Ce n'est pas... 30 jours, là, pour beaucoup de patients, là,
ce n'est pas efficace. Si j'ai à gérer des prises de médicaments en rapport
avec mes résultats sanguins et tout ça, là, 30 jours, là, entre vous et moi, ça
ne vaut rien.
Maintenant, l'article 55, le troisième
paragraphe de l'article nous semblel d'une portée très large et suscite
certaines inquiétudes. Lorsqu'on parle, par exemple, nécessaire à l'application
lorsqu'on... on peut avoir accès, là, lorsque c'est nécessaire à l'application
d'une loi au Québec, que cette utilisation soit ou non prévue expressément par
la loi. Qu'est-ce que ça veut dire, ça? Est-ce que ça veut dire que la RRQ, la
SAAQ, la CNESST, par exemple, pourraient accéder aux données de santé sans le
consentement de l'usager pour déterminer son droit à des prestations? Que veut
dire exactement «au bénéfice de la personne» dans cet article-là? Dans certains
cas, on sait très bien que la détermination du quantum de la prestation est
liée à l'état de santé de la personne concernée. Donc, c'est ça qu'on veut dire
«le bénéfice de la personne» ou quoi?
Et l'article 28 où il est question de l'accessibilité
aux données par le conjoint, l'ascendant direct ou le descendant direct d'une
personne décédée. Nous, on pense que ça doit s'étendre à toute personne
significative désignée par écrit par l'usager. De plus, l'accès ne doit pas
être limité à un renseignement relatif à la cause du décès, mais doit s'entendre
du dossier médical en général.
Le Président (M. Simard) : Peut-être
en conclusion, M. Hurteau, s'il vous plaît.
M. Hurteau (Pierre) : Bien
là, j'ai...
Le Président (M. Simard) : On
pourra peut-être... On pourra peut-être revenir.
M. Hurteau (Pierre) : Peut-être
qu'on pourra répondre à d'autres... d'autres sujets, là, suite aux
questionnements des membres de la commission.
Le Président (M. Simard) : Très
bien, merci. Merci beaucoup à vous deux. Alors je cède maintenant... Parce que,
dans le fond, votre temps excédent était pris sur le temps de l'autre collègue
du Parti libéral. Donc, je cède la parole à M. le ministre.
M. Caire : J'ai combien de
temps?
Le Président (M. Simard) : 16
min 30 s de mémoire.
M. Caire : Merci, M. le
Président. M. Brunet, M. Hurteau, merci d'être là. Présentation assez dense.
Plusieurs questions. Et je vous dirais que je souhaite les aborder, oui, comme
législateur, comme ministre qui porte le dossier, mais aussi comme usager du
réseau de la santé. En fait, nous sommes tous, ici, des usagers du réseau de la
santé. Et donc, techniquement, vous parlez en notre nom. Et je vous avoue que,
dans la présentation que vous venez de faire, il y a des choses que je ne
comprends pas au sens où en quoi mon intérêt comme usager va être bien servi
par ce que vous nous demandez. Puis c'est sur cet angle-là, je pense, que j'aimerais
qu'on ait cette discussion. Parce que les élus ne sont pas désincarnés, là, on
est des usagers du réseau de la santé aussi.
Vous, vous dites au niveau de la
protection, puis je reconnais là, vous avez salué le progrès au niveau de la
protection des renseignements personnels, et je dois d'entrée de jeu vous dire
que je suis le ministre qui a porté la loi 64, qui est devenue la loi 25, sur
la réforme de la protection des renseignements personnels. Et ce que nous
faisons dans le p.l. no 3 est un calque à toutes fins utiles de ce qu'on a fait
dans la loi no 25. Puis juste pour établir peut-être le périmètre de la
discussion...
M. Caire : ...on a fait, je
vous dirais, un projet de loi un peu miroir du règlement général de protection
des données européen, qui est la loi la plus sévère en matière de protection
des renseignements personnels au monde. Donc, le p.l. 3 et la loi 25 nous
amènent dans cette ligue-là des lois les plus sévères en matière de protection
des renseignements personnels.
Donc, quand vous nous dites qu'il y a trop
d'éléments qui sont laissés à la... bien, qui vont se définir par règlement,
j'aimerais ça voir comment ça s'inscrit dans cette idée-là de protection des
renseignements personnels, parce que je pense que... Puis je vous donne mon
opinion, puis on en discute. Je pense que, législativement, on rentre dans une
zone où on est extrêmement sévères. Et, dans le fond, ce que vous dites, c'est
qu'on ne l'est peut-être pas encore assez. Parce qu'il faut comprendre qu'une
loi, c'est toffe à modifier. Comme j'ai dit à tout le monde, on ne refera pas
cet exercice-là à chaque année, là. On fait ça, puis la prochaine fois qu'on va
revoir la loi, c'est peut-être dans une, deux, trois, quatre législatures,
alors qu'un règlement nous donne une souplesse.
Donc, j'essaie de voir en quoi cette...
Dans le cadre qu'on est en train d'installer pour la protection des
renseignements personnels, qu'est-ce que cette future réglementation là vous
fait craindre? Je vais le formuler comme ça.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
écoutez, moi, je pense... Je pense d'abord... Puis je n'ai peut-être pas été
bien compris, là, sur l'espèce de remarque que j'ai faite sur le fait que c'est
parfois trop large. Alors, souvent, le diable est dans le détail. On n'a pas le
détail des choses. Donc, c'est difficile d'apprécier à sa juste valeur, là, où
est-ce qu'on s'en va. On donne beaucoup de grands principes généraux, mais il y
a des choses qu'on... Ça va venir par règlement, mais on ne sait pas trop
qu'est-ce qu'il y a dans ce règlement-là. Alors, c'est plus à ce niveau-là, là.
On ne pense pas que le projet est trop sévère. Je ne pense pas qu'on a dit ça.
On ne pense pas qu'il laisse des choses en plan, mais on a fait un certain
nombre d'observations sur des choses précises pour lesquelles on aimerait avoir
des réponses.
M. Caire : Je comprends, mais
je reviens quand même, parce que vous dites : C'est des grands principes.
Je pense qu'on va plus loin que dans les grands principes. Je pense qu'il y a
des obligations, il y a des responsabilités qui sont définies, il y a des
sanctions administratives qui sont prévues, il y a des sanctions pénales qui
sont prévues. Vous voudriez...
Puis quand vous dites : Le règlement,
bien, on ne sait pas ce qu'il y a dedans, ça, c'est... vous avez tout à fait
raison, là, c'est sûr. Le propre d'un règlement, c'est de découler d'une loi.
Donc, il faut adopter la loi pour... Puis on ne peut pas présumer... je l'ai
dit à des intervenants hier, on ne peut pas présumer que l'Assemblée nationale
va adopter la loi, évidemment. Donc... Mais, une fois... Puis, bon, j'écoute
les collègues. Je vous dirais que je suis assez optimiste, là. Mais, une fois
que la loi est adoptée, on fait les règlements, mais les règlements sont
adoptés au Conseil des ministres et ils sont rendus publics. Donc,
éventuellement, ça aussi, ça va être rendu public. Mais, si vous pensez qu'on
en met trop dans la portion règlement, c'est que vous pensez, logiquement,
qu'on devrait en mettre un peu plus dans la portion législative. Qu'est-ce que
vous voudriez voir préciser dans la portion législative qu'on met par
règlement, par exemple?
M. Hurteau (Pierre) : ...
• (11 h 40) •
Le Président (M. Simard) : M.
Hurteau, excusez-moi. J'ai juste une toute petite question d'intendance. J'ai
été un bien mauvais président. En vous demandant d'officialiser devant nos
micros le petit délai de sept minutes supplémentaire...
M. Caire : Consentement.
Le Président (M. Simard) : ...parce
que nous dépassons l'heure prévue. Toujours bien consentement?
Des voix : ...
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup pour cette précision. Veuillez poursuivre, Monsieur Hurteau, je vous
prie. Merci beaucoup.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
je pense que je vous ai donné des exemples concrets qui sont extrêmement importants
pour les usagers et qu'on ne retrouve pas dans la loi, c'est la question des
délais d'accès. Ça, ce n'est pas un détail, ça. Et je pense que la commissaire
à la Santé vous a aussi fait un certain nombre de remarques à ce sujet-là. Et
on ne trouve absolument rien, dans le projet de loi, sur les délais. Pourtant,
là, ça, ça affecte quotidiennement les usagers et c'est très concret.
L'autre chose que je vous ai...
M. Hurteau (Pierre) : ...
M. Caire : Par exemple, les
délais, vous voudriez les voir inscrits dans la loi. C'est ce que je comprends?
M. Hurteau (Pierre) : Absolument.
Absolument, pourquoi pas? Il y a des lois qui prévoient des délais, par
exemple, pour aller en appel, pour demander une révision, pour accéder à un
dossier. Mais pourquoi que ça, ce n'est là?
M. Caire : O.K., je
comprends. Puis je reviendrai...
M. Hurteau (Pierre) : ...la
question d'élargir la notion...
M. Caire : Sur
l'article 55, je reviendrai tantôt. Mais vous avez parlé, M. Hurteau, du consentement
et vous avez dit... si je vous ai bien compris, vous avez dit notamment... puis
je pense que ça s'adressait plus au consentement à l'utilisation des données de
santé pour des projets de recherche, vous avez dit : On voudrait avoir,
premièrement, non seulement un consentement... Et là je comprends que vous
voudriez avoir un consentement qui est explicite et non pas implicite, comme le
prévoit la loi maintenant, et vous voudriez avoir un consentement qui est
explicite et qui est ventilé selon les différents usages qui peuvent être faits
des données de santé dans la recherche. Est-ce que je vous ai bien compris?
M. Hurteau (Pierre) : Tout à
fait.
M. Caire : O.K. Mais en même
temps vous dites : On a une littératie qui est à parfaire, je vais le dire
comme ça. Comment vous conciliez le fait de donner à quelqu'un une
responsabilité dont vous dites qu'il n'est peut-être pas en mesure de
l'assumer?
M. Hurteau (Pierre) : Bien
là, c'est pour ça que je vous ai dit qu'il faut éduquer la personne. Ce n'est
pas parce qu'elle ne comprend pas qu'on peut faire ce qu'on veut.
M. Caire : O.K., mais... O.K.
Donc, vous, l'idée de dire que le principe général... vous dites... Parce que
ce que la loi dit, c'est que, lorsqu'un renseignement de santé, son cycle de
vie est terminé, cycle de vie commence au moment où je le connecte... où je le
collecte, pardon, à des fins précises, lorsque son cycle de vie est terminé, je
dois le détruire. Ça, c'est ce que la loi dit. Il y a une possibilité de
l'anonymiser aux fins de recherches. «Anonymiser», la définition, elle est dans
le cadre législatif québécois, là, ça a déjà été défini. C'est pour ça qu'on ne
reprend pas des définitions qui existent déjà dans d'autres lois, puisque,
quand une loi le dit, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Donc, on
ne répète pas ça. C'est le fait de ne pas pouvoir associer de l'information à
un individu. Ça, ça répond peut-être à une interrogation que vous aviez :
Pourquoi ce n'est pas dans la loi? Parce que c'est déjà prévu dans d'autres
lois.
Mais vous, vous dites : Ça, il
faudrait que ça... il ne faudrait pas que ça puisse se faire sans qu'il y ait
un consentement explicite et un consentement explicite ventilé de l'usager.
Puis là vous nous dites qu'en plus, parce que... vous comprenez, là, ce que
vous demandez au législateur, là, c'est de prévoir dans la loi qu'on va assurer
une montée en compétence de l'usager pour être capable d'assumer cette
obligation-là. Je vous suis-tu dans votre raisonnement ou je suis dans le champ,
là? Parce que je comprends ce que vous dites, mais là on est en train de
discuter d'un projet de loi. Donc, vous, vous voudriez voir inscrire ces
choses-là dans la loi, là?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
en tout cas, ce que moi, comme usager, je ne veux pas, là, c'est que mon
consentement soit absolument à n'importe quoi, au choix de qui veut bien
s'abreuver à qu'est-ce qu'il y a dans mon dossier.
M. Caire : O.K., mais ça, je
l'ai bien compris, M. Hurteau. Mais législativement, parce que c'est de ça
qu'on discute, là, on est en train... Vous dites : Il y a trop de choses
qui sont laissées aux règlements. Donc, vous ne voulez pas que le gouvernement,
par règlement, assure une certaine formation des usagers, vous voulez que ce
soit dans la loi. Mais vous voulez qu'on mette ça dans la loi comment? Parce
que nous, comme législateur, après ça, là, on prend ce que vous nous dites puis
on essaie de traduire ça par... puis je regarde ma collègue de l'opposition
officielle qui est avocate, il va falloir qu'on ponde un texte législatif qui
est cohérent non seulement avec le projet de loi, mais qui est cohérent avec le
corpus législatif québécois, là. Ça fait que comprenez-vous, là? C'est ça que
vous nous demandez aujourd'hui. Ça fait que moi, je veux bien, là, mais
j'aimerais que vous m'indiquiez peut-être des pistes de solution parce que je
ne sais pas comment on peut faire ça.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
écoutez, moi, là, ce que je fais, là, c'est que je vous exprime un souci qui
vient de la part des usagers. Vous-même, vous dites, vous êtes un usager comme.
M. Hurteau (Pierre) : ...tout
le monde dans la salle. Alors, on veut bien comprendre. Alors, moi, là, je ne
suis pas législateur, mon rôle n'est pas celui d'un législateur, mais je vous
le dis, je vous exprime mes besoins. Alors...
M. Caire : O.K. Vous avez
parlé de l'article 55 et c'est un article, ça, qui découle directement de
ce qui est déjà prévu dans la loi 25. Donc, la loi 25, la loi sur la
protection des renseignements personnels, je le rappelle aux fins de la
discussion, que c'est une loi qui a une valeur quasi constitutionnelle, donc
elle a préséance sur toute autre loi. Je ne me trompe pas quand je dis ça? Et
voilà, je ne me trompe pas. Donc ça, c'est déjà prévu. L'idée, en fait, de cet
article-là, puis c'est Dr Amyot, hier, dans le fond, qui nous en parlait. Il
dit : Moi, je me présente devant mon médecin, puis là, je vous rappelle,
moi, je suis un usager, et là, je m'adresse à vous à titre d'usager, je me
présente devant mon médecin. Est-ce que je veux que ce professionnel de la
santé là que je consulte ait un accès total aux renseignements de santé qui
sont nécessaires à sa prestation de service? Ma réponse à moi comme usager,
c'est oui, j'aimerais entendre la vôtre.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
moi, je pense que le problème, ce n'est pas celui du médecin, là. Le problème,
c'est celui d'un tiers qui veut accéder à des données de santé qui sont dans
mon dossier pour... Je ne sais pas, est-ce que c'est... Il pourrait... C'est
une question que je pose, là : Est-ce qu'il pourrait le faire pour établir
mon droit de prestation?
M. Caire : Bien, en fait, ce
que la loi dit, c'est ceci... bon, excusez-moi, M. Hurteau, j'ai perdu la fin
de votre phrase.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
toujours sans mon consentement, là, on parle de sans mon consentement.
M. Caire : En fait, ce que la
loi dit, c'est que si cette information-là est nécessaire à la prestation de
services qui lui est dévolue par la loi, il a accès à ça. Puis je vous donne un
exemple, la SAAQ émet un permis de conduire. Je vois que vous portez des
lunettes. La SAAQ a le droit, avant de vous émettre un permis de conduire...
doit savoir s'il y a une contrainte médicale au niveau de votre vue, sinon,
elle ne vous émettra pas de permis. Donc, ce que la loi dit, c'est... ce que
cette loi-là dit, c'est que la SAAQ, c'est de sa responsabilité de s'assurer de
ça. À partir de là, la SAAQ a deux choix, soit elle a accès à votre dossier
santé et à ce moment-là, constate que vous devez avoir des lunettes, soit elle
vous... elle met le fardeau, puis c'est ça, là, que M. Amyot disait hier, soit
elle met le fardeau sur vos épaules de dire : Bien, écoute, compte tenu
que moi, je ne peux pas avoir accès aux renseignements que je possède déjà, je
vais te poser une question comme citoyen pour laquelle j'ai déjà la réponse,
mais on ne veut pas me la donner. Ça fait que, si vous me demandez, moi, comme
usager, là, est-ce que je trouverais ça plus simple que ça se passe comme ça?
C'est-à-dire que la SAAQ ait accès à cette information-là, et attention à cette
information-là seulement, parce que ce que la loi dit, c'est que le prestataire
de services a accès aux informations qui sont nécessaires à sa prestation de
services. Donc, s'ils me demandent : Est-ce que j'ai le syndrome du côlon
irritable? Ça, ça n'a pas rapport avec mon permis de conduire, il n'aura pas
accès à ça, là, on s'entend. C'est ça que la loi dit. Donc, vous... Moi, comme
usager, je pense que c'est une bonne chose parce que sinon je me transforme en
commis de l'État, puis je suis obligé de répondre à des questions pour
lesquelles l'État a déjà la réponse. C'est un peu la philosophie du PL trois.
Vous, comme mon représentant, vous me dites quoi, à ça?
• (11 h 50) •
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
moi, je me dis : Écoutez, la question des lunettes, c'est peut-être un
exemple facile, là, mais il y a peut-être des exemples qui sont un peu plus
compliqués, même si on prend seulement la SAAQ, là. Moi, je veux dire, quand je
renouvelle mon permis, j'ai des questions auxquelles je dois répondre, OK? Le
fardeau est à moi de donner des indications claires sur, par exemple, mon état
de santé. Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé? Patati patata. Là, vous
renversez ça. Est-ce que... C'est une question que je pose : Est-ce qu'on
s'en va dans une situation où la SAAQ, à tout renouvellement, va vérifier dans
mon dossier...
M. Hurteau (Pierre) : ...de
santé, puis savoir si j'ai changé de pilule, puis dire : Ah! Oh, oh! Là,
là, ça ne marche pas, là...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
M. Hurteau (Pierre) : ...vous
avez augmenté vos pilules de tension artérielle, ou votre antidépresseur, ou
votre ci, ou votre ça, là.
M. Caire : La SAAQ va devoir
poser les questions...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Caire : Puis-je renouveler
son permis de conduire? Et il y a quelqu'un qui va devoir répondre.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Alors, nous poursuivons avec Mme la députée de Mont-Royal-Outremont
qui dispose de 11 minutes.
Mme Setlakwe : Merci
beaucoup, messieurs. Non seulement pour votre présentation, on réalise qu'elle
a été écourtée, votre présentation verbale. Mais soyez rassurés qu'on a sous
les mains votre mémoire, qui est très détaillé, et donc l'ensemble de vos
questionnements, vos préoccupations, là, seront pris en compte.
Moi, je regarde tout ça, et je suis
obligée de prendre un pas de recul puis de vous demander... Vous soulevez une
série, puis on l'apprécie, là, de préoccupations très précises. Mais, dans
l'ensemble, où est votre niveau de satisfaction par rapport au projet de loi,
vous? Puis là j'ai une sous-question, on dirait que... Parce qu'il va falloir
se pencher là-dessus aussi, dans l'exercice de bonification de la loi, pour se
garder une marge de manœuvre, tu sais, quel élément est pour vous... Quels sont
les éléments les plus problématiques?
Donc, il y a deux choses. Quelle est votre
appréciation générale du projet de loi, tu sais, sachant, je pense, qu'on veut
tous une efficacité, une fluidité efficace des données en gardant un équilibre,
là, au niveau de la protection des renseignements personnels? Je pense, c'est
cette appréciation-là, moi, qui me manque dans l'ensemble. Puis peut-être
une...
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
je pense que...
Mme Setlakwe : Oui, allez-y.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
je pense qu'au début, là, je l'ai dit clairement que nous sommes absolument
d'accord à l'échange d'informations. Il n'y en a pas assez et on en souhaite
davantage, même on veut que ça débouche. Écoutez, là, à plusieurs reprises, on
a manifesté notre impatience de voir le registre du cancer mis à jour. Moi,
j'ai été un patient du cancer. On dépend de la recherche. Et, quand ces
choses-là, là, ne sont pas mises à jour, bien, ça nuit à la recherche, ça ne
facilite pas la recherche. Donc, oui, on est absolument contre l'échange de
renseignements, faciliter les choses, avoir un accès plus général. On l'a dit
d'emblée, c'est bien que... Écoutez, là, le réseau, là, les systèmes
informatiques qui ne se parlent pas, là, ça doit finir, ça, ça nuit à la santé
des gens. Ça doit terminer. Sauf que ce qu'on essaie d'exprimer dans des choses
bien concrètes, c'est que, dans tout ça, il faut protéger la vie privée de
l'usager. Ça ne devient pas un marché ouvert, là, à un échange de
renseignements, là, pour toutes sortes de personnes qui pourraient aller piger
dans le plateau de bonbons, y compris l'entreprise privée, les assureurs, etc.
Alors, je pense que c'est... comme vous
l'avez dit, nous sommes d'accord avec ça. Je pense que le fait qu'on ait fait
des remarques précises, ça ne veut pas dire qu'on est contre le projet. On est
pour le projet, mais il y a certaines choses qu'on aimerait, avoir des réponses
claires et des améliorations. La question, là, de limiter, par exemple, au
conjoint ou à... ça, là, quotidiennement, là, quand on est dans des comités
d'usagers, au CPM, un peu partout, là, il y a des... L'accès aux données d'une
personne quand on est proche aidant, là, ce n'est pas évident, on se bute
constamment à toutes sortes de : Ah! c'est, la confidentialité, on ne peut
pas rien vous dire, là. Écoutez, là, moi, je le vis quotidiennement, là, je
suis proche aidant d'un homme de 101 ans et ce n'est pas évident tout ça.
Alors, c'est ça, là, c'est des choses
comme ça. Nous, on se base, on vous l'a dit au début, sur notre expérience
terrain, sur ce qu'on vit au quotidien. Et c'est ça qu'on veut voir améliorer.
Mme Setlakwe : C'est bien
compris. Me Brunet, aviez-vous quelque chose à ajouter? Je vous...
M. Brunet (Paul G.) : ...Bien,
mon collègue a raison. Mais surtout durant la COVID, là, des centaines de
personnes nous ont demandé de les aider à obtenir une copie du dossier médical
de leurs proches qui étaient morts apparemment de la COVID, mais quand on
confronte ces causes de décès là avec la directive ministérielle de la docteure
Opatrny du 16 avril 2020 dans laquelle elle disait, elle instruisait les
directeurs médicaux d'établissements de soins que quand quelqu'un meurt durant
cette période-ci, pas de diagnostic, pas de test, vous écrivez : Cause de
décès, COVID. Alors, les gens voulaient savoir de quoi étaient morts leurs
proches, et c'étaient des batailles en règle avec le réseau pour savoir et
obtenir copie. On aimerait ça que cela cesse, quand des gens proches, sans
exiger autant de documentation et de détails... C'est comme si, et parfois
c'est par pure ignorance. J'ai entendu des soignants dire : On ne peut pas
vous dire le dossier, c'est confidentiel. Non, mais c'est parce que vous ne
comprenez pas que le contenu du dossier médical, ça m'appartient, c'est moi,
l'usager. Il y a des gens qui, par ignorance, pensent qu'ils n'ont pas le droit
de le dire à personne, même pas aux patients et encore moins à leurs proches.
Ça fait qu'il y a quand même probablement plus d'éducation que de législation
qui est en cause ici.
Mme Setlakwe : Votre point
est très clair à ce niveau-là. Merci beaucoup.
Là, je vous amènerais sur la recherche.
Parce que, moi, je le sais, je pense qu'il y a encore du travail à faire, mais
je pense qu'il y a une bonne connaissance dans la population de la valeur de la
recherche. C'est vraiment la clé, là, pour accélérer l'efficacité des traitements,
et vous l'avez mentionné. Là, toutefois, quand on se penche sur le projet de
loi, sur le concept de consentement élargi, là, vous semblez vouloir préciser.
Puis, les précisions que vous demandez au niveau, là, des thématiques de
recherche, des catégories d'activité et de recherche, catégories de chercheurs,
moi, ça me fait craindre que... on ne va peut-être pas nuire aux objectifs du
projet de loi trois. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Vous voulez qu'on
soit plus précis, tu sais, même, on veut circonscrire. Vous souhaitez qu'on
restreigne finalement les catégories, les types de recherche, tout ça, mais,
moi, ça, ça me fait peur. J'ai peur qu'on n'atteigne pas les résultats
souhaités.
M. Hurteau (Pierre) : Écoutez,
je ne pense pas, là, qu'on veut une liste exhaustive, là, de toutes les
catégories, de tout ça, là. Mais on aimerait... Je comprends aussi qu'une loi,
là, c'est général. Mais, en tout cas, Chose certaine, puis comme vous l'avez
dit, là, il va y avoir un gros travail d'éducation à faire. Ça ne se fait
peut-être pas dans une loi, mais, au moins, la loi devrait reconnaître que les
administrateurs et que tous ceux qui vont être en charge de ces projets-là, ils
ont une obligation d'éduquer la population par rapport à ça. C'est ce n'est pas
au projet de loi d'éduquer la population, mais au moins reconnaître que les
administrateurs ont une obligation de le faire.
Et sur la question de ce que vous venez
d'énoncer, là, écoutez, c'est vague, là, les... C'est quoi, une thématique de
recherche, là? Expliquez-moi c'est quoi.
• (12 heures) •
Mme Setlakwe : Oui. Là, je
vais lire l'article en détail. Mais je pense qu'il va falloir réfléchir
sérieusement, là, pour atteindre l'équilibre souhaité. On vous entend.
Est-ce que, Me Brunet, vous avez quelque
chose à ajouter au niveau de ces dispositions-là? Non. Sinon...
M. Hurteau (Pierre) : Je
voudrais... aussi que peut-être qu'on a une sensibilité particulière, là. Mais
le domaine de la santé, là, ça touche quelque chose de très intime à la personne,
de très précieux pour la personne. Ce n'est pas la même chose que mon permis de
conduire, ce n'est pas fait la même chose que ma prestation de, je ne sais pas,
moi, d'accidenté du travail, tu sais. C'est quelque chose qui est très intime,
qui concerne ma vie propre. Et c'est pour ça que, nous, on comprend, là, qu'il
peut y avoir des miroirs avec d'autres lois, d'autres... Mais on vous demande
d'avoir...
12 h (version non révisée)
M. Hurteau (Pierre) : ...une
sensibilité particulière par rapport à ce projet de loi, qui touche la santé.
Mme Setlakwe : C'est noté. On
nous... On reproche souvent au système de ne pas être efficace. Comment se
fait-il que le bras gauche ne parle pas au bras droit? Tu sais, on l'entend
régulièrement, puis, bon, clairement, ce sera un pas dans la bonne direction,
ce projet de loi là.
Et là vous mentionnez spécifiquement vos
craintes par rapport à certains organismes que vous nommez, là, RRQ, la SAQ,
CNESST. On en a parlé avec la question du ministre Caire, qui a soulevé l'exemple
de la SAQ. Hier, le ministre faisait lieu d'un autre exemple, là. Disons, tu
sais, s'il y a un crédit d'impôt qui serait disponible pour un bénéficiaire, un
patient, en lien avec une condition médicale, puis que le nouveau système
permettait à Revenu Québec, tu sais, de ne pas avoir à refaire, tout un
exercice ou, en tout cas, que Revenu Québec, soit informé, soit au courant, et
qu'ultimement ça puisse bénéficier au patient, qu'est-ce que vous pensez de ça?
Tu sais, c'en est un, un exemple peut-être probant.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
moi, je pense que c'est une bonne chose, mais est-ce qu'il n'y a pas moyen d'obtenir
le consentement de la personne?
Mme Setlakwe : Oui, c'est
parce que, là, je pense qu'on veut... oui, on veut éviter un fardeau
administratif, on veut que ce soit fluide, que ce soit... Oui, il va falloir
trouver le juste équilibre. Je voulais simplement qu'on évoque cet exemple-là
aussi, en conclusion.
Bien, j'ai terminé, je vous remercie,
puis, encore une fois, on a l'ensemble de vos... Me Brunet, vous voulez ajouter
quelque chose, je pense?
M. Brunet (Paul G.) : Je veux
juste compléter. Quand je reçois mon renouvellement de permis de conduire, on
me demande : Devez-vous porter des lunettes? Je marque : Oui. Je n'ai
pas besoin de la SAAQ qui a accès à mon dossier, c'est moi qui déclare, puis,
si j'ai fait une mauvaise déclaration, je serai poursuivi pour ça. Ça, c'est la
première chose, comprenez-vous? C'est cet exemple-là que je voulais apporter,
madame.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Je dois, malheureusement, vous arrêter, mais merci beaucoup. M. le député
de Rosemont.
M. Marissal : ...M. le
Président. Bonjour, MM. Hurteau et Brunet. M. Brunet, si vous m'envoyez une
invitation, là, pour le 50e, je vous promets que je vais être là. J'apprécie
beaucoup le travail que vous faites, et le travail que vous faites sans aucune
complaisance, au risque, parfois, d'être un peu abrasif, mais c'est mieux ça
que de ne rien dire. Alors j'apprécie beaucoup votre travail. M. Hurteau, je ne
vous connais pas, mais vous m'avez l'air, aussi, assez dédié à la cause.
M. Brunet, je reviens rapidement, là...
Vous avez dit quelque chose, tantôt, qui a accroché mon oreille. On est un
petit peu à côté de la track, mais ce n'est pas grave, on va y arriver pareil.
La directive de la sous-ministre sur la question des causes des décès, où il
fallait automatiquement écrire «COVID», avez-vous fait des démarches auprès de
certains organismes pour faire la lumière là-dessus? J'avoue que c'est
intrigant.
M. Brunet (Paul G.) : Oui, on
s'est plaints au ministère de la Santé, on n'a pas eu de nouvelles. Et ce sont
des médecins qui m'ont signalé cette directive-là, qu'ils considéraient, au
mieux, à la limite de leur droit de pratique et de leur liberté
professionnelle. Mais elle est bel et bien datée du 16 avril 2020 et
elle instruisait, avec le ton qu'on connaît, les directeurs médicaux, de dire :
Non, non, si quelqu'un meurt, là, dans cette période-ci, là, c'est «COVID»,
si... vous n'avez pas besoin de faire de diagnostics, pas de test, la
personne... Alors là, les gens nous revenaient en disant : Moi, je ne suis
pas sûr que mon père est mort de la COVID, il était très bien il y a deux
semaines, puis là, soudainement, il meurt. Et parfois - on l'a vu dans l'enquête
de Mme Kamel - il y a des gens qui sont morts par déshydratation, et je n'ai
pas déposé une plainte pour négligence criminelle, qui n'a pas été retenue,
pour rien.
Alors, il y a tout un mystère autour des
causes de décès, malheureusement, et ce fut une lutte qui, parfois, s'est
révélée positive pour des familles, mais, parfois, où on est demeurés dans le
mystère, et c'est bien triste.
M. Marissal : J'en conviens.
À suivre, probablement, donc. Revenons sur le sujet dont on vient de parler,
notamment avec ma collègue de Mont-Royal-Outremont. L'article 55, il dit une
chose et son contraire, me semble-t-il, là, puis vous me donnerez votre
appréciation. On dit, deuxième alinéa : «Elle est manifestement au
bénéfice de la personne concernée.» On parle de la décision, là. Troisième :
«Elle est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, que cette utilisation
soit ou non prévue expressément par la loi.» Bon, là, on va s'entendre, vous l'avez
dit, là, je suis assez d'accord avec vous que c'est assez large, merci, là,
comme... il n'y a pas beaucoup de balises ici...
M. Marissal : Mais, si elle
est manifestement au bénéfice de la personne, mais qu'elle sert aussi à
l'application de la loi, lequel des deux alinéas prime? Parce que, parfois,
l'application de la loi n'est pas nécessairement perçue comme étant au bénéfice
de la personne. Vous êtes avocat, M. Brunet, je pense que vous comprenez.
M. Hurteau (Pierre) : J'espère
que c'est... Oui, mais, écoutez, j'espère que ce n'est pas à moi de poser la
question, parce que j'ai posé la question, je n'ai pas plus la réponse que
vous.
M. Brunet (Paul G.) : Oui.
M. Marissal : Bon.
M. Brunet (Paul G.) : Tu
sais, si le renseignement sert à empêcher quelqu'un d'avoir son permis de
conduire, je ne suis pas sûr que ce soit à son bénéfice. Peut-être à celui de
la société, mais pas à son bénéfice à elle, cette personne-là, on s'entend.
M. Marissal : Je comprends. À
suivre, ça aussi, donc, à l'étude article par article. J'en prends bonne note.
On m'a noté que... Des gens qu'on consulte, vous savez, ad hoc, là, quand on
étudie les projets de loi, des gens du milieu de la santé m'ont dit :
Faites attention, petit drapeau rouge! Et, s'il y a une trop grande divulgation
ou une divulgation trop large des dossiers directement aux patients ou aux
personnes, il ne faudrait pas se retrouver dans un cas que quelqu'un apprenne
qu'il a le cancer sans avoir parlé d'abord avec l'équipe traitante. Vous en
pensez quoi?
Le Président (M. Simard) : Très
rapidement, s'il vous plaît.
M. Hurteau (Pierre) : ...c'est
un sujet très complexe, là. Mais, moi, je peux vous dire que depuis plusieurs années,
à titre de patient qui a eu le cancer, j'ai accès à l'intérieur d'une heure à
tous mes résultats de laboratoire très facilement...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Hurteau (Pierre) : ...parfois
avant le médecin. Et nous, on considère, comme usagers, que c'est important, ça
fait partie de notre droit...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Hurteau (Pierre) : ...d'être
informés de ce qui se passe avec notre état...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Hurteau (Pierre) : ...de
santé et de participer à nos soins. Alors...
Le Président (M. Simard) : Merci,
M. Hurteau. Malheureusement, c'est ici que notre... que nos échanges doivent
s'arrêter. Alors, M. Hurteau, M. Brunet, merci beaucoup pour votre participation
et votre contribution à nos travaux, ce fut fort apprécié.
Sur ce, nous allons suspendre nos travaux,
et on se retrouve à 15 heures au même endroit. Au plaisir!
(Suspension de la séance à 12 h 08)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 03)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers amis, bon après-midi à toutes et à tous. Nous voilà de retour. Je
constate que nous avons quorum. Nous pouvons reprendre nos travaux.
Comme vous le savez, nous poursuivrons la
consultation particulière et les auditions publiques sur le projet de loi n° 3,
Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant
diverses dispositions législatives.
J'aurai besoin, avant de débuter nos
travaux, que nous puissions avoir un consentement puisqu'il y aura certains
députés qui devront être remplacés dans le courant de l'après-midi parce que
des fonctions les appellent au Salon bleu. Donc, le député de Rosemont serait
remplacé en temps et lieu par le député de Jean-Talon, qui lui-même à son...
Jean-Lesage, pardon, qui lui-même, à son tour, relaisserait sa place au député
de Rosemont quelques minutes plus tard. Est-ce que j'ai donc votre
consentement? Consentement.
Merci pour votre collaboration. Nous avons
la chance de recevoir des représentants de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec. Alors, messieurs, bonjour. Auriez-vous d'abord l'amabilité
de vous présenter?
M. Oliva (Vincent) : Bonjour.
Donc, je suis docteur Vincent Oliva, président de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec...
Le Président (M. Simard) : Bienvenue,
monsieur.
M. Oliva (Vincent) : ...accompagné
de... Tu es en «mute».
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Pardonnez-moi.
Bonjour à tous et à toutes. Pierre-Luc Desgagné, je suis directeur général de
la fédération.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
à vous deux. Nous vous écoutons.
M. Oliva (Vincent) : Parfait.
Bien, merci, M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les
parlementaires, bonjour à toutes, bonjour à tous. Nous voulons remercier la
commission pour l'invitation que nous avons reçue. Encore une fois, je suis Dr Vincent
Oliva, président de la fédération mais aussi radiologiste d'intervention.
Et la fédération, je vous rappelle que c'est
plus de 10 000 médecins spécialistes répartis en 59 spécialités, toutes les
disciplines médicales, chirurgicales, d'imagerie et de laboratoire qui sont
disponibles 24 heures sur 24, 5 millions de patients québécois soignés chaque
année, 30 millions de consultations médicales. Les médecins spécialistes, ce
sont des professionnels de la santé qui sont présents et mobilisés pour
soigner, mais aussi réorganiser les soins au sein d'un réseau aux fragilités
multiples, amplifiées par la récente pandémie. C'est dans ce contexte
difficile, connu de tous que nous rappelons notre volonté de collaboration et
de dialogue pour améliorer tout ce qui peut l'être, afin de permettre un
meilleur accès et une qualité des soins offerts à nos patients.
Nous accueillons ainsi favorablement le
principe d'un tel projet de loi. Nous pensons que l'accès et l'utilisation de
données probantes sont nécessaires au bon fonctionnement du réseau de santé.
Nous croyons qu'une circulation rapide, efficace et sécuritaire des
renseignements de santé au sein du cercle de soins du patient est la clé pour
lui offrir une prestation de soins de qualité. Nous souscrivons ainsi à la
création d'un nouveau régime de gestion des renseignements de santé qui doit
prioritairement prendre en compte les besoins du patient. Nous saluons les
avancées contenues dans ce texte en comparaison au projet de loi n° 19,
notamment le meilleur encadrement du principe de consentement implicite.
Toutefois, nous sommes d'avis que la solution proposée, bien que nécessaire et
perfectible, en ce qu'elle contient de nombreux écueils. Nous rappelons que,
dans toute réforme qui touche le système de santé, l'intérêt du patient doit
primer.
Aujourd'hui, je vous entretiendrai de
quatre éléments principaux sur lesquels nous tenons à exprimer de fortes
inquiétudes. Premièrement, la protection.
M. Oliva (Vincent) : ...Du
droit à la vie privée de nos patients. La relation de confiance entre un
patient et son médecin est tributaire du fait que le patient soit assuré que le
droit à sa vie privée et le droit au secret professionnel soient respectés, que
ses renseignements de santé demeurent confidentiels et qu'ils ne soient divulgués
qu'aux seules personnes qui le requièrent dans le cadre de la prestation des
soins.
Le PL trois suggère un encadrement général
de la protection des données, vraiment consolider au sein d'une seule et même
loi toutes les règles en matière de protection, d'utilisation et d'accès aux
renseignements de santé. Or, la consolidation proposée dans le texte a pour
effet de supprimer les balises bien spécifiques qui préexistaient afin que les
renseignements soient exclusivement encadrés par le cadre général.
Aussi, nous sommes particulièrement
préoccupés par l'étendue des pouvoirs que se donne l'État en matière de
renseignements en santé, qui sont sans limites, qu'il s'agisse de la nature des
informations ou des fins pour lesquelles ces renseignements pourraient être
utilisés ou communiqués. L'État semble se donner carte blanche, ce qui surprend
quand on pense au cadre de la relation thérapeutique qui unit le médecin à son
patient. Telles que libellées, les règles prévues dans ce texte ne... (panne de
son) ...le respect du droit à la vie privée du patient ni la protection du
secret professionnel, des principes pourtant au cœur de la prestation des
soins. Comme médecin, je ne veux pas avoir à me retenir quant aux
renseignements que j'inscris sur le dossier patient de peur qu'il se retrouve
dans des mains inopportunes. Si le projet de loi mise sur une simplification
des règles encadrant l'accès aux renseignements de santé et un principe de
consentement implicite, encore faut-il qu'il comporte des garanties suffisantes
de protection du droit à la vie privée. La préservation de la relation de
confiance entre le professionnel de la santé et son patient en dépend.
Deuxièmement, des renseignements
nominatifs. La fédération est ouverte au partage de renseignements entre la
régie ou les établissements et le ministre afin qu'il puisse exercer
efficacement ses fonctions au bénéfice des patients. Toutefois, nous ne
pourrons souscrire à ce que ces renseignements soient nominatifs et utilisés au
détriment des médecins à des fins coercitives, notamment dans le cadre du
contrôle de leur facturation ou de l'exercice de leur pratique. Nous sommes en
effet déçus de constater qu'à l'instar du PL onze le gouvernement persiste et
signe dans sa volonté de s'arroger des informations au sujet des professionnels
de santé sans aucune consultation des partenaires du milieu. Notre lecture du
présent projet de loi nous apprend que le ministère de la Santé aurait accès à
une foule de renseignements provenant de diverses entités, la Régie de l'assurance
maladie du Québec, les établissements, et cetera. Cela pourrait potentiellement
lui être présenté sous une forme nominative permettant d'identifier les
médecins. La Fédération réitère ainsi son opposition au dévoilement de
renseignements nominatifs sur ses membres. Encore une fois, nous soulevons
l'absence de balises claires et définies encadrant l'accès du ministère de la
Santé et des organismes de santé à de tels renseignements et le risque que ces
derniers soient nominatifs et utilisés à toutes fins utiles. La fédération
souhaite un encadrement strict et explicite de ces renseignements,
particulièrement lorsqu'il est question des conditions d'exercice des médecins,
de planification des exercices médicaux, des effectifs médicaux et de facturation
médicale. Seuls les renseignements nécessaires à la collaboration
interprofessionnelle et à l'organisation des soins devraient être partagés.
• (15 h 10) •
Troisièmement, le déséquilibre de
l'information disponible. Toujours dans ce cadre, la Fédération déplore le
déséquilibre de l'information disponible entre le gouvernement et les
organismes représentatifs causé par l'étendue des pouvoirs que s'arroge le
gouvernement dans ce texte. Nous rappelons que les associations
professionnelles ont justement été créées dans un esprit de réciprocité et de
collaboration dans l'organisation des soins, qu'en l'espèce et de la façon dont
le PL trois est rédigé, il met en péril l'équilibre entre les forces en
présence. Si, malgré tout, le projet de loi trois devait être adopté sans
amendement, il nous apparaît incontournable que la FMSQ puisse aussi avoir
accès aux données et informations qui seront ainsi recueillies.
Quatrièmement, l'efficacité des systèmes
d'information en santé et la lourdeur administrative. Comme partenaires, vous
êtes témoins tous les jours des problèmes de santé auxquels sont confrontés vos
concitoyens. Nos systèmes technologiques ne permettent pas actuellement de
colliger de manière uniforme les renseignements de santé des patients. Ils sont
consignés sous de multiples formes et supports et dispersés au sein de
plusieurs systèmes d'information tous différents. En conséquence, il n'est pas
possible d'accéder aux informations consolidées d'un usager, rendant ainsi...
M. Oliva (Vincent) : ...la
consultation du dossier patient extrêmement difficile pour le professionnel de
la santé. Cet état de fait peut avoir un impact réel sur la qualité et la
continuité des soins.
Nous croyons que le projet de loi ne
portera pas ses fruits sans uniformisation et interconnexion de l'ensemble des
systèmes d'information. Aussi, nous pensons utile de souligner que ce nouveau
régime ne doit en rien venir alourdir et complexifier les tâches
médico-administratives des médecins. En effet, la vocation première des médecins
est de soigner. Toute réforme doit maximiser l'accès aux soins et non le
remplacer par des démarches administratives. Pas plus tard que ce lundi, la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a révélé, dans un rapport,
que les médecins consacraient plus de 18 millions d'heures par année à des
tâches administratives superflues, l'équivalent de 55 millions de
consultations par année.
Aussi, nous avons évalué que seulement
pour les organismes de santé dans lesquels pratiquent les médecins spécialistes,
pas moins de 2109 responsables de la protection des renseignements de
santé devront être nommés. Nous avons également compté pas moins de
52 occurrences du terme «règlement» dans ce texte. Nous mettant en garde
quant à la complexité qu'une telle réglementation pourrait générer dans la
pratique quotidienne de nos membres. Plus encore, nous vous rappelons à la
prudence quant à votre rôle de législateur qui pourrait bien être fragilisé par
le renvoi de la réglementation de questions ou d'enjeux significatifs aux
employés d'un ministère.
En conclusion, M. le Président, il est
important de rappeler que la Fédération est toujours ouverte à discuter des
mesures qui peuvent favoriser l'accès aux soins de santé. Les médecins sont
pleinement mobilisés, ils veulent travailler, ils veulent opérer, ils veulent
soigner. Ce projet de loi nous invite toutefois à la plus grande prudence en ce
qu'il comporte des risques réels, notamment pour le respect du secret
professionnel et par conséquent pour la relation de confiance avec le patient.
À la fédération, nous croyons à un juste
équilibre entre le respect de la vie privée et de la confidentialité et le
droit de gérance du ministre comme premier responsable de l'administration
gouvernementale en matière de santé. La fédération vous invite dès lors à
resserrer certains volets du texte et souhaite que les réserves qu'elles
expriment soient prises en compte. Nous demeurons disponibles pour répondre à
vos questions et espérons que notre contribution à la bonification du projet de
loi aura été utile. Merci à tous.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous, cher docteur. Je cède maintenant la parole au ministre.
M. Caire : Oui, merci, Dr
Oliva, M. Desgagné. Bonjour, merci d'être là. Une présentation encore une fois
dense. J'espère qu'en seize minutes j'aurai le temps de faire le tour des
préoccupations et des points que vous soulevez. Vous en soulever de très
nombreux.
Je vais faire... parce que je prends pour acquis
que vous ne suivez pas nécessairement toutes les consultations que nous avons
faites. Donc, je m'excuse auprès des collègues, je vais répéter des choses que
j'ai déjà dites à plusieurs reprises.
J'ai eu, à la dernière législature, le
privilège de piloter le projet de loi n° 95, qui fait essentiellement, pour
l'ensemble de l'administration publique, ce que le projet de loi n° 3 fait pour
le réseau de la santé. Donc, il y a des commentaires que vous avez faits qui
vont... On va jaser docteur là. Et j'ai aussi eu le privilège de piloter la loi
64 sur la refonte de la protection des renseignements personnels. Vous avez
souligné les ajouts qui ont été faits au PL 3 qui sont des calques de ce qui
est maintenant la loi 25, la loi 25 est elle-même fortement inspirée du
règlement général de protection des données européen, et c'est à ce jour le
régime de protection des renseignements personnels le plus sévère au monde.
Donc, quand vous parlez de menace à la vie privée, je vais être très intéressé
que vous m'expliquiez comment le régime le plus sévère au monde peut
représenter une menace pour les renseignements personnels et pour la vie
privée. Alors, ce sera ma première question, Dr Oliva, parce que vous semblez
dire que le pouvoir du gouvernement est sans limites et que c'est donc une
menace à la vie privée potentiellement dans un contexte où le Québec se
distingue en Amérique en ayant adopté le régime de protection des
renseignements personnels le plus sévère au monde.
Comment peut-on concilier ces deux choses
qui, moi, m'apparaissent un peu inconciliables?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
écoutez, merci pour votre question. Évidemment, un régime, c'est une chose,
puis l'application, c'est une autre. Vous savez très bien que les fuites
existent. On est à l'ère de la cybersécurité qui n'est pas infaillible, et puis
je pense que tout le monde est au courant qu'il y a eu des fuites dans certains
milieux d'affaires, dans les assurances entre autres. Donc...
M. Oliva (Vincent) : ...en
plus, dans un contexte où... Vous savez sûrement qu'on a pris un retard
technologique en santé qui est très important, là, puis je ne dirai pas qu'on
est dans l'âge... à l'âge de pierre, mais c'est une analogie qui n'est pas
complètement exagérée, dans le sens qu'on fonctionne encore beaucoup par les
fax. Donc, d'ici à ce qu'on mette en place un système informatique, une
architecture efficace pour bien protéger ces renseignements-là, on a des
inquiétudes, et... la nature sensible des renseignements qui circulent à
travers un cercle de soins, c'est évidemment des informations qu'on ne voudrait
pas qu'ils se retrouvent dans des mains inopportunes.
M. Caire : ...permettre...
Parce que, dans le fond, vous dites deux choses, puis je vais essayer de les
concilier. D'un côté, vous saluez le projet de loi, qui donne une mobilité à la
donnée qui va permettre aux professionnels de la santé d'avoir accès à plus
d'informations, mais, de l'autre côté, vous dites : Ça, ça représente une
menace, parce que, dans un contexte informatique faillible, on donne donc un
plus grand accès aussi à ceux qui vont passer à travers ces systèmes-là.
Ceci étant dit, je tiens quand même à
souligner pour les collègues : le projet de loi n°3 est technologiquement
neutre. Donc, c'est un cadre législatif. Il y a, au gouvernement du Québec,
d'autres volontés au niveau de la protection des systèmes d'information.
Et je voudrais vous entendre sur un
élément, parce que la loi amène quand même quelque chose de nouveau... qui
sont, d'un, une responsabilité quant à la protection des renseignements personnels,
mais aussi une possibilité de sanctions extrêmement sévères au niveau
administratif et au niveau pénal qui n'existaient pas dans le cadre législatif
québécois et qui font en sorte qu'il y a des entreprises, organisations, sans
les nommer, qui ont effectivement été au cœur de fuites de données sans qu'il y
ait de conséquences, ce qui ne sera plus le cas. Donc, est-ce que vous ne
pensez pas qu'au contraire, ça, c'est de nature à responsabiliser tout le monde
quant à la protection des renseignements personnels au point de vue
technologique?
M. Oliva (Vincent) : Bien, je
vais vous dire bien honnêtement, les sanctions, c'est bien, mais on veut
surtout éviter que ce genre de fuites arrivent. Une fois qu'elles sont
arrivées, que les gens soient sanctionnés ou pas... C'est normal qu'il y ait
des sanctions. Mais nous, ce qu'on veut surtout, c'est que ces renseignements
soient disponibles pour les gens pour qui ça va être utile. Puis le constat que
je me fais en regardant le projet de loi, c'est de me demander : Pourquoi
est-ce qu'on fait tout ça? Dans le fond, on fait ça pour le patient. Et ce
qu'on veut, c'est que les informations suivent le patient, et c'est
principalement les professionnels de la santé qui doivent avoir accès à ces
informations-là pour le bénéfice du patient. Or, le projet de loi ne touche pas
l'accès des professionnels de la santé au bénéfice du patient, il touche
l'accès de plusieurs organismes, dont l'État. Et en quoi est-ce que ça va être
bénéfique à l'État, tous ces renseignements-là? Vous ne trouvez pas qu'on a
assez de tableaux de bord? Les listes d'attente, vous les avez.
M. Caire : Là, je... Vous me
permettrez d'avoir un désaccord profond ou je dirais même d'être diamétralement
opposé, parce que, vous avez raison, l'information appartient au patient, mais
les informations seront accessibles à ceux qui en ont besoin pour exercer leurs
fonctions. Et je vous suis tout à fait, là. C'est... L'objectif du projet de
loi n° 3, c'est dire : L'information suit le patient et ne reste pas au
niveau soit de l'établissement soit du professionnel qui a donné le soin. Ça,
là-dessus, on est tout à fait d'accord. Ce que la loi dit, c'est que sont
accessibles les informations à ceux qui en ont besoin dans l'exercice de leur
fonction, fonction qui est prévue par une loi. Donc, de toute façon, ceux qui
doivent avoir accès à ces informations-là vont y avoir droit. Puis ça, ça
m'apparaît être juste du gros bon sens, non?
• (15 h 20) •
M. Oliva (Vincent) : Oui.
Bien, écoutez, je pense qu'on... Sur le principe du projet de loi, on s'entend,
la fluidité des informations. Donc, on ne remet pas en question la nécessité ou
le bien-fondé du projet. Ce qu'on dit, c'est que tout est dans la nuance et
dans le balisage. Nous, ce qu'on dit, c'est que les bons renseignements
devraient être disponibles pour les bonnes personnes, pour que ce soit utile
pour les patients.
M. Caire : Mais...
M. Oliva (Vincent) : Quand il
y a des usages qui sont collatéraux, ça nous inquiète un petit peu.
M. Caire : Parce que,
docteur... Ce que vous dites là, docteur, c'est au cœur de notre discussion.
Les bonnes informations doivent être disponibles aux bonnes personnes.
L'intention du législateur, c'est exactement ça. La façon dont le...
M. Caire : ...le projet de loi
est écrit, c'est exactement pour aller dans cette direction-là. Or, vous
semblez voir, dans le libellé des articles, quelque chose qui ne nous amène pas
là. C'est peut-être là où je voudrais vous entendre, parce qu'on a peut-être un
dialogue de sourds, parce que, dans le fond, on dit la même chose, mais on a
juste une perception différente, là.
M. Oliva (Vincent) : ...oui,
bien... je laisserai la parole à Me Desgagné, mais, encore une fois, tout est
dans le niveau de resserrement des renseignements. On trouve que les balises
sont trop larges, c'est ce qu'on trouve, et que les renseignements, on ne voit
pas les limites. Et vous comprenez qu'un patient, par exemple, qui se fait
enlever des pierres dans la vésicule biliaire, c'est une chose, mais un patient
qui a eu un avortement, qui a été agressé sexuellement ou qui a eu... qui a
consulté pour usage de cannabis, bien, c'est des renseignements extrêmement
sensibles, et puis ça, il n'y a pas de...
M. Caire : Tout à fait, et
c'est la raison pour laquelle le projet de loi autorise l'individu à refuser
qu'on divulgue ces informations-là. Donc, pour le patient, il y a, et c'est
prévu dans la loi, le droit de refuser que des informations soient divulguées à
qui que ce soit, y compris, y compris au professionnel de la santé, s'il le
désire, là. Ça fait que c'est pour ça que je... Vous me dites «un
resserrement». O.K., mais à quel niveau, docteur? Parce que je ne vois pas,
législativement... Parce que, nous, après ça, vous comprenez, là, il faut pondre
un texte législatif cohérent, non seulement cohérent avec le projet de loi,
mais cohérent avec l'ensemble du corpus législatif québécois, là. Et comment
on... En tout cas... Puis l'idée, c'est, justement, de voir comment on peut le
bonifier, ça fait que je suis en mode écoute. Mais comment... de quel
resserrement parle-t-on, en fait?
M. Oliva (Vincent) : Peut-être,
je peux laisser Me Desgagné compléter, là.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : M.
le ministre, il y a trois éléments, je pense... Puis on comprend très bien
l'objectif, qui est légitime, mais d'abord, quand l'État se met à vouloir gérer
les renseignements personnels, ça devrait être... ça devrait tous nous allumer
une lumière rouge, dans le sens qu'il faut...
M. Caire : Bien, maître, je
m'excuse, mais, si ce n'est pas le rôle de l'État, c'est le rôle de qui, là?
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Bien
non, mais ce que j'allais dire, c'est... L'encadrement, ça va. Ce qu'on
constate ici, ce qu'on vous souligne, M. le ministre... Je veux juste aller au
bout de mon idée puis, si j'étais parlementaire, moi, je me questionnerais.
Premièrement, l'article 2 reconnaît que
les renseignements qui vont circuler pourront permettre d'identifier
indirectement une personne. Avec les outils d'intelligence artificielle qui
existent, je pense que le mot «indirectement» pourrait devenir «directement»
assez facilement. Alors, moi, il me semble que... je me questionnerais sur
l'utilisation du mot «indirectement» dès l'article 2. C'est une suggestion que
je vous fais.
Deuxièmement, il y a énormément de renvois
à la réglementation. Moi, si j'étais parlementaire, et qu'il y a autant
d'occurrences et de renvois à de futurs règlements, je serais préoccupé, parce
que, ça, ça veut dire que le législateur abandonne une grande partie de son
rôle de législateur pour renvoyer ça à l'administration. Je serais extrêmement
prudent quand il y a autant de renvois réglementaires.
Puis, troisièmement, vous le savez, ça
vise à assurer une certaine vélocité au sein de l'État et permettre la
transmission des renseignements de santé entre les différentes institutions. Le
Dr Oliva vous le mentionne, votre priorité absolue... peut-être pas la vôtre
personnellement, mais celle du législateur, ça devrait être de faire en sorte
que soit ciblée la relation patient-médecin, et non pas de donner accès à toute
une foule d'organisations gouvernementales. Là, vous allez me répondre :
Je le fais dans le cadre d'une mission, l'organisme qui voudra avoir accès à ça
devra le justifier dans le cadre d'une mission. Je vous donne un exemple. La
RAMQ, par exemple, la Régie de l'assurance maladie pourrait décider, elle, que,
dans le cadre de sa mission, elle a un pouvoir d'enquête, alors, étant donné
mon pouvoir d'enquête, moi, je veux avoir accès à toutes les données que vous
avez rassemblées, parce que, pour mes enquêtes, ça va m'aider. Ça, ça peut
amener un dérapage.
M. Caire : Maître, vous savez
bien que ça ne marche pas de même, là, voyons donc, voyons...
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Bien...
M. Caire : Maître, maître,
maître, voyons, vous savez que ce que vous dites là ne correspond pas à la
réalité législative du Québec, là.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Bien,
M. le ministre, vous m'avez vous-même affirmé... puis vous le faites bien... vous
m'avez vous-même affirmé qu'une organisation qui agirait dans le cadre de sa
mission... c'est ce que vous avez dit...
M. Caire : Oui, prévue par la
loi.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Prévue
par la loi. Bien, le pouvoir d'enquête de la RAMQ, il est prévu par la loi.
M. Caire : Oui.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Bon,
alors, la RAMQ...
M. Caire : Oui, mais ça, ça
ne veut pas dire... non, mais, un instant, maître... ça ne veut pas dire...
Puis c'est intéressant que vous ameniez ce point-là parce qu'on avait,
justement, le débat avec la commissaire à la santé, et qui, justement,
disait... bien, dans l'article, il est dit qu'elle voudrait qu'on remplace le
«peut» par le «doit». Je ne sais pas si vous avez suivi ce débat-là. Parce que l'article
prévoit qu'il peut divulguer des informations, et non pas «il le doit», et,
justement, parce qu'on veut qu'il y ait ce devoir de réserve, de dire : Un
instant, est-ce que, de par la nature de tes fonctions, tu peux avoir accès à
ces informations-là?
Donc, on a la commissaire qui dit...
M. Caire : ...ça devrait être
obligatoire. Vous, vous dites : Non, ça devrait être... bien, peut-être
pas interdit, là, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche que vous
n'avez pas prononcés, mais je pense que le compromis, il est justement dans la
loi en disant : Bien, il ne faut pas raisonner dans l'absolu, mais il faut
permettre... Puis la Commissaire à la santé nous disait : Écoutez, là, à
cause de ça, moi, ça m'a pris un an, un an, puis ça a même fait l'objet d'un
article aujourd'hui, un an pour obtenir des renseignements pour être capable de
faire mon travail. Bon, ça, c'est le premier point. Donc, je pense que
l'article, justement, s'assure de circonscrire aux seules données qui sont
nécessaires à l'exercice des fonctions.
Et puis vous dites que ça devrait... le
projet de loi devrait, bon, pas exclusivement mais privilégier la relation
patient-professionnel de la santé. Bien, non, parce que le projet de loi vise
aussi à s'assurer d'avoir une saine administration du réseau de la santé. Puis
ça, je pense que le contribuable québécois va être content de savoir que ces
administrateurs ont accès à des informations qui leur sont nécessaires, ni plus
ni moins, mais qui leur sont nécessaires pour avoir une saine gestion du réseau
de la santé puis s'assurer qu'on va, justement, chercher cette efficience dont
le Dr Oliva faisait mention à travers des systèmes informatiques déficients.
Parce que ça aussi, ça contribue à miner la relation ou, je dirais, le temps
qui est... Puis vous parliez de l'étude de la Fédération canadienne
indépendante : 18 millions d'heures à faire de l'administration pour
des médecins, c'est inacceptable. On est tous d'accord, mais, si je n'améliore
pas ma capacité à gérer le système, à gérer le réseau, et donc... et si vous ne
me donnez pas accès à des informations, vous ne m'aidez pas avoir la capacité à
le faire, vous ne m'aidez pas à avoir la capacité à le faire, bien, les
médecins vont continuer à faire des choses qu'ils ne devraient pas faire. CQFD.
M. Oliva (Vincent) : D'abord,
juste pour reprendre un point, là, c'est qu'on en est tout à fait en accord
avec le rôle puis les fonctions de la commissaire, là. Donc, tu sais, nos
propos ne visaient pas son rôle ni ses fonctions. Nous, en essence, ce qu'on
dit, c'est que... Puis je comprends que vous dites, ça ne fonctionne pas comme
ça dans la vie, mais ce qui est écrit, c'est qu'il y a pas mal de monde qui
pourrait avoir accès à pas mal de données, et c'est ça qui nous inquiète.
Puis, quand on parle de la relation
patient-médecin, je disais tantôt, si le patient commence à retenir des
renseignements parce qu'il sait qu'ils peuvent se retrouver un petit peu
partout dans le réseau... Et la gestion, c'est une chose, mais, tu sais, pour
nous, le bénéfice principal de ce projet de loi, c'est de favoriser la
circulation fluide de ces données-là pour que le patient évite de courir à
droite, à gauche pour ramasser ses renseignements, c'est le continuum de soins,
puis c'est là-dessus qu'il faut se concentrer. Après ça, oui, comme outil de
gestion, mais vous comprenez que, sous prétexte qu'on veut gérer, ça donne
accès à beaucoup, beaucoup de renseignements qui sont très sensibles. Et, si on
se met à refuser que ces données soient partagées parce que justement on a peur
qu'elles se retrouvent à droite, à gauche, bien, ça va revenir un petit peu
contredire l'objectif de la loi. Ce qu'on ne voudrait pas, c'est justement que
les patients puis les médecins commencent, disons, à exercer leur option de
sortie.
Donc, encore une fois, nous, c'est notre
angle. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on le vit quotidiennement. Les outils qu'on
a actuellement ne nous permettent pas d'exercer notre travail comme il faut ou
de façon très fluide. On l'a dit tantôt, le continuum de soins, les outils
qu'on a actuellement, comme le DSQ, sont imparfaits. Donc, pour ça, on est très
en faveur. Pour le reste, la facilité potentielle avec la... et le nombre de
personnes qui ont potentiellement accès à ces renseignements, c'est ça qui nous
inquiète.
• (15 h 30) •
M. Caire : Bien, puis je vais
vous donner un exemple...
Le Président (M. Simard) : Excusez-moi,
M. le ministre, mais le temps passe si vite.
M. Caire : O.K., ça, c'est un
genre de c'est fini?
Le Président (M. Simard) : Oui,
c'est un... et ça finit très poli. Vous voyez, presque poétique.
M. Caire : Docteur, désolé,
il semblerait que...
Le Président (M. Simard) : J'aurais
dû vous faire signe avant.
M. Caire : ...contrairement à
moi, mon temps est expiré.
Le Président (M. Simard) : Oui.
Merci. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue de
Mont-Royal-Outremont.
Mme Setlakwe : Bonjour,
Messieurs, et merci pour votre présentation. Vos réticences sont bien
entendues, vos craintes, vos inquiétudes. J'ai trouvé percutant, là, le moment
où vous avez mentionné que vous ne voulez pas vous ramasser dans une situation
où, comme médecin...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Setlakwe : ...spécialiste,
vous alliez vous retenir d'indiquer certaines informations dans le rapport du
patient, de peur que cette information-là se... tu sais, vous l'avez dit même
plusieurs fois, se retrouve à droite, à gauche, entre les mains de... tu sais,
pour quelles fins entre les mains de tiers. Ça, j'ai trouvé ça assez percutant
et ça m'amène à... Vos réticences sont tellement... je ne dirais pas exagérées,
elles ne sont pas exagérées, mais elles sont bien entendues, elles sont fortes.
Et j'aimerais que vous précisiez un petit peu, là, ce que vous... quand vous
avez dit ça... Qu'est-ce qui vous amène à dire ça? Il me semble que là, tu
sais, j'enlève un peu mon chapeau de législateur puis je mets mon chapeau d'utilisatrice
aussi du système de santé. On veut que ce soit... On veut que, quand on va
devant un médecin spécialiste, qui est une denrée rare, une denrée rare, puis
on n'a pas beaucoup de temps, on veut que l'information soit là, on veut que l'échange
d'information soit efficace de part et d'autre. Alors, juste un peu... Je
comprends que vous... Élaborez un petit peu.
M. Oliva (Vincent) : Oui,
merci. Bien, vous savez, la relation entre un médecin et son patient, c'est une
relation extrêmement intime, extrêmement privilégiée et qu'on doit respecter.
Et on ne veut pas de filtre, parce qu'on veut l'heure juste, O.K. Pas de
filtre, ça veut dire qu'il y a des renseignements très sensibles qui sortent,
et ces renseignements sensibles, encore une fois, je comprends qu'on veuille
gérer un réseau, mais, pour moi, en fait, ce n'est pas ça qui limite la gestion
du réseau parce que les problèmes du réseau sont connus. On les a, les listes d'attente,
on sait combien de patients attendent. Les problèmes sont connus, c'est la mise
en œuvre qui est déficiente pour améliorer la fluidité du réseau.
Les renseignements, c'est une chose, mais,
pour moi, les renseignements doivent surtout servir à ce que tous les
professionnels de santé qui sont impliqués dans ce continuum de soins aient un
accès fluide, pour ne pas avoir à recommencer à chaque fois, pour être sûr que,
par exemple, le chirurgien ait tous les tests préopératoires, pour être sûr que
le médecin à qui le patient est référé ait toute l'information. Pour moi, c'est
ça, l'essence des besoins. Et tant que ça reste dans les mains des
professionnels de santé, je suis assez rassuré, mais, quand ça va dans les
mains des gestionnaires, j'ai le droit de me poser des questions. Puis je pense
que les gens vont se poser des questions, parce que les fuites, ça existe, on l'a
vu, on l'a vécu.
Mme Setlakwe : Vous avez
mentionné également - merci - un déséquilibre, au niveau de l'information
disponible, que la relation, avec le ministère, si j'ai bien compris, avec l'État,
doit se faire dans un esprit de réciprocité, de collaboration. Pouvez-vous me
donner des exemples concrets, là, de ce qui vous inquiète par rapport à... Vous
protégez vos membres, ça se comprend, mais qu'est-ce qui vous inquiète
précisément?
M. Oliva (Vincent) : Oui, je
peux peut-être... Desgagnés.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Merci.
Merci, M. le Président, Mme la députée de Mont-Royal-Outremont. Merci de votre
question, parce que ça, c'est un point important et un élément important du
mémoire que nous présentons, là. Ce qu'on veut dire par là, c'est que, comme
vous le savez, on est l'organisme représentatif, et c'est donc nous qui
négocions avec le gouvernement. Comme vous le savez, dans le cadre des
relations de travail entre le gouvernement et des instances représentatives
comme la nôtre, bien, le droit à une négociation, bien, il est rendu quasi
constitutionnel maintenant. L'État a l'obligation de négocier de bonne foi,
mais, pour que la négociation ait lieu, il faut également qu'il y ait une
certaine forme de réciprocité.
Notre crainte, c'est que, si le projet de
loi devait être adopté tel quel, l'État va avoir, en sa possession, tout un lot
de nouvelles informations, de nouvelles données qui vont participer à un
certain déséquilibre entre les parties qui doivent négocier et pourraient
mettre en péril, disons, notre pouvoir de négociation. C'est ce qu'on indique.
Soyons prudents parce que s'il y a un déséquilibre dans l'accès à cette
information-là, ça vient déséquilibrer un pouvoir de négociation, puis ça, bien
entendu, c'est quelque chose qu'on ne pourra pas accepter.
Mme Setlakwe : Sur un autre
sujet. Merci. La recherche, on ne vous a pas entendus sur la recherche. Il me
semble que c'est un élément, à mes yeux, là, important, capital dans le projet
de loi. On sait que la recherche nous amène à atteindre des nouveaux sommets,
des avancées dans les traitements. Comme médecins spécialistes, comment vous
voyez l'apport de ce projet de loi là? Est-ce qu'on s'en va dans la bonne
direction? Est-ce que vous pensez qu'on va atteindre les objectifs? Est-ce que
vous avez des réticences, des craintes par rapport au volet chercheur?
M. Oliva (Vincent) : C'est
effectivement du côté de la recherche...
M. Oliva (Vincent) : ...Certains
déchirements entre le désir de garder ces informations confidentielles et le
besoin de les partager pour faire des avancées, puis trouver des moyens de
traiter ou d'investiguer qui soient meilleurs. Il y a là une question de
compromis. Mais ce qui est implicite dans votre question, c'est que plus on
ouvre sur la recherche et plus on laisse ces renseignements-là, disons, courir
vers faire des lacs de données, par exemple, bien, plus les informations
personnelles et nominatives des patients pourraient potentiellement être
compromises. Alors, ce que je vous dirais là-dessus, c'est qu'on ne peut pas
empêcher le progrès. Puis je pense que la recherche est extrêmement utile et
c'est ça qui fait progresser la médecine, mais il faut que ce soit encadré de
façon extrêmement rigoureuse. Je pense que le processus de dénominalisation, il
faut qu'il soit extrêmement rigoureux. À voir l'état technologique de notre
réseau, j'ai des doutes qu'on puisse faire ça aujourd'hui de façon sécuritaire.
Mme Setlakwe : Merci. J'ai
peut-être deux autres questions. Justement, au niveau des tâches
administratives, on sait que vous en avez déjà trop, là, sur votre assiette. Et
il me semble que l'objectif, c'est justement de simplifier. Je comprends qu'il
y a peut-être, à court terme, dans la mise en œuvre, il va y avoir, bon, un
aspect nouveauté, il va y avoir une charge additionnelle. Mais est-ce que vous
voyez d'un bon oeil, à moyen et long terme, que ça va faciliter la tâche? Ou...
Oui.
M. Oliva (Vincent) : Oui. Je
ne pense pas que ça va faciliter la tâche. Je pense que ça va alourdir la
tâche. Mais, mais, si c'est pour des fins utiles, tant mieux, ça va... Donc,
si... Autrement dit, si cette charge additionnelle, que représente le fait
d'avoir à transmettre ces données, à les encadrer comme il faut, fait en sorte
que, à l'autre bout, on retrouve des gains d'efficience, parce que, dans le
fond, le patient perd moins de temps, puis le médecin perd moins de temps à
courir après ses données, bien, c'est là qu'on va retrouver un équilibre. Alors,
si vous parlez d'améliorer les choses, au total, oui. Il faut juste être
conscients que le fait de devoir transmettre et encadrer la transmission de ces
données-là, c'est une charge additionnelle. Assurons-nous que cette charge se
transforme en quelque chose d'utile à l'autre bout.
Mme Setlakwe : Merci. Et
vraiment la dernière question, et c'est un sujet qui est revenu à quelques
reprises dans les consultations précédentes, la question du patient qui a comme
trop d'informations entre les mains. Mais on sait que de plus en plus, le
patient, l'utilisateur, prend le contrôle de son état de santé, et tout ça, et
c'est une bonne chose, je pense qu'on s'entend là-dessus. Et, bon, on peut
utiliser des termes qui ne m'étaient pas familiers et qui le sont plus
maintenant, là, tu sais, la trajectoire de soins, là, vous avez parlé de
continuum de soins, et tout ça, est-ce que c'est une bonne chose? Est-ce qu'à
un moment donné vous avez une crainte que le patient reçoive trop
d'informations, et même, tu sais, que ce ne soit pas accompagné d'une
explication? Tu sais, recevoir un rapport, recevoir des résultats de
laboratoire, là... C'est ça qui est en train de circuler. Et est-ce qu'à un
moment donné on pourrait se retrouver avec des problèmes?
• (15 h 40) •
M. Oliva (Vincent) : Oui.
Écoutez, c'est clair que ça implique des fois un petit peu plus de travail, là,
de la part des professionnels pour expliquer comme il faut. Cependant, je pense
que c'est une bonne orientation. Je pense que le fait d'impliquer le patient
dans sa trajectoire, de lui donner plus de renseignements, c'est une bonne
chose. Évidemment, il y a des patients qui interprètent ça eux-mêmes, qui vont
sur Google. Nous, dans le jargon, on dit «doctor» Google. Et des fois, il y a
des patients qui arrivent puis qui ont fait leur diagnostic puis qui
disent : voici, j'ai besoin de ça, et on doit désamorcer un peu puis
dire : Bien, regardez, on va reprendre des choses, là, parce que la
théorie, c'est une chose, la pratique, c'est une autre. Mais globalement, je
pense que c'est quand même une bonne chose. Moi, le fait que les renseignements
du patient lui soient transmis, oui, ça nécessite un ajustement de la part des
professionnels, mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Je pense
que les patients sont de plus en plus éduqués et devront de plus en plus
s'éduquer.
Mme Setlakwe : Merci.
Rassurez-nous, là, qu'il n'y a pas une bombe, une mauvaise nouvelle, là, qui
est livrée par un système informatique sans accompagnement d'un coup de téléphone.
On espère ne pas être rendus là, là, à recevoir des mauvaises nouvelles par un
dépôt de documents. Je dis ça un peu à la blague.
Une voix : absolument.
Mme Setlakwe : Merci
beaucoup, messieurs...
Le Président (M. Simard) : …merci
à vous, cher collègue. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage
qui dispose d'environ six minutes.
M. Zanetti : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci pour votre présentation. J'ai des questions à vous poser
par rapport à votre recommandation numéro dix, de mettre en place un régime
particulier d'application pour certains renseignements de santé à caractère
sensible, notamment les renseignements quant aux événements de santé mentale,
de nature sexuelle, et incluant les changements de sexe et les interruptions
volontaires de grossesse. Donc, vous dites : Ce régime pourrait entre
autres, restreindre ou interdire l'accès de certains intervenants à des données
spécifiques. Ce que je voudrais comprendre, c'est comment est-ce que ça, ça
pourrait s'opérationnaliser plus concrètement. Puis aussi qu'est-ce qui fait
qu'en ce moment ces renseignements-là sont protégés et que vous craignez que
tout à coup, ils ne le soient plus, au fond?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
c'est une question complexe. Nous, en fait, on soulève des drapeaux, on ne
prétend pas qu'on a toutes les réponses. On a des pistes, quand même, de
réponses. Vous comprenez que ce n'est pas nous qui avons écrit le projet de
loi, nous, on regarde où est-ce qu'il y a des... où il y a des failles
potentielles. Mais je pense qu'il y a certaines pathologies qui effectivement
sont plus sensibles. Et, par exemple, il pourrait y avoir des niveaux
différents, disons, d'information ou de facilité d'accès à l'information parce
qu'il y a des informations qui ne devraient jamais divulguées, autre qu'au
personnel soignant, par exemple. Alors, ils pourraient y avoir une gradation
dans le niveau d'informations qui sont disponibles et c'est là que le balisage
est nécessaire. Donc, je pense que... L'expression populaire dit que le diable
est dans les détails, je pense qu'il faut qu'il y ait un niveau de granularité
assez important pour pouvoir justement encadrer la transmission de certaines
informations, dont celles que vous avez nommées pour s'assurer que ce soient
effectivement les bonnes personnes qui aient accès à ces informations-là.
M. Zanetti : Puis, en ce
moment...
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Est-ce
que je peux ajouter quelque chose? Ah! excusez-moi.
M. Zanetti : Ah! oui, allez-y,
oui, oui.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : M.
le député de Jean-Lesage, juste pour aller... abonder dans le même sens et
peut-être ajouter une information intéressante, là. La réponse à votre question
est en partie dans la section qui précède la recommandation, où on donne des
exemples, mais on vous souligne aussi que, quant à nous, il y aurait sans doute
lieu de faire une réflexion, que les parlementaires fassent une réflexion à cet
égard-là parce qu'il s'agit de... tout renseignement personnel est sensible,
mais dans le cas qui nous occupe, où, en fonction de cette section-là qui est
dans notre mémoire, on vous... On attire votre attention sur des résultats ou
des renseignements ultrasensibles. Et je pense que, comme parlementaire, on
attire votre attention qu'à l'intérieur même de la transmission des
informations, on devrait restreindre l'accès à des informations de cette
nature-là qui sont ultrasensibles. On donne l'exemple de l'IGT. Je peux vous
dire une chose, des médecins qui pratiquent une IGT, pas besoin de crier au
loup, tout le monde le sait, ça peut créer du remous, ils peuvent faire
l'objet, bien entendu, de menaces. Donc, prenons l'exemple d'une fuite ou d'un
accès non autorisé. Bien, vous avez accès assez facilement à des informations
permettant d'identifier le professionnel de la santé. Ça fait que l'idée
derrière ça, c'est de vous demander ou de vous suggérer de faire une réflexion
puis de profiter de la commission parlementaire pour peut-être vous interroger
sur des renseignements ultrasensibles. C'est tout.
M. Oliva (Vincent) : Et je
m'excuse. Juste pour précision, l'IGT, c'est une interruption de grossesse
tardive. C'est une interruption de grossesse au troisième trimestre, là, alors
que le fœtus est quasiment viable, là. O.K.. Donc évidemment, ça soulève toutes
sortes de problèmes éthiques, et donc c'est ce genre d'information qu'on veut
certainement protéger.
M. Zanetti : Et, à l'heure
actuelle, comment est-ce que ces renseignements-là sont protégés? Est-ce que ça
peut arriver à l'heure actuelle, par exemple, qu'un renseignement comme ça
fasse l'objet d'une fuite ou...
M. Oliva (Vincent) : Bien,
écoutez, c'est le secret professionnel. Donc, je veux dire, à partir du moment
où il n'y a pas de politique de transmission implicite de ces
renseignements-là,... BOn, une fuite est toujours possible, mais évidemment,
vous comprenez qu'avec le projet de loi qui est proposé, où il y a une
transmission implicite de ces informations, bien, le risque augmente forcément.
M. Zanetti : Donc, au fond,
c'est la question, je comprends, du risque qui augmente. Bien, merci, c'est
toutes les questiona que j'avais.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, Monsieur Oliva, Me Desgagné, merci beaucoup d'avoir participé aux
travaux. Ce fût fort instructif. On espère vous recevoir sous peu...
Le Président (M. Simard) : ...Ceci
étant dit, nous allons suspendre nos travaux afin de faire place à nos
prochains invités. À nouveau, merci.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 51)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous sommes en mesure de poursuivre nos travaux. Et nous avons
l'honneur de recevoir des représentants de la Ligue des droits et libertés.
Mesdames, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter, s'il vous plaît?
Mme Khelil (Lynda) : Oui.
Bonjour. Je me présente, Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et
libertés. Et je suis accompagnée aujourd'hui de madame...
Mme Khelil (Lynda) : ...Anne
Pineau, membre de la Ligue des droits et libertés.
Le Président (M. Simard) : Alors,
nous sommes à votre écoute, et vous disposez de dix minutes.
Mme Khelil (Lynda) : Merci.
Donc, bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mme et M. les Députés. La Ligue
des droits et libertés remercie la Commission des finances publiques de cette
invitation à participer aux consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services
sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
Quelques mots sur la Ligue des droits et
libertés. Fondée en 1963, la Ligue célèbre cette année ses 60 ans de lutte pour
les droits humains au Québec et au Canada en tant qu'organisation indépendante
et non partisane. La Ligue des droits et libertés a contribué à la création
d'instruments de protection des droits humains, dont la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec, adoptée en 1975.
Donc, je vais présenter brièvement le
contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi n° 3, puis madame Pineau
poursuivra par la suite pour le reste de la présentation. Donc, brièvement, en
juin 2019, le gouvernement du Québec publiait sa Stratégie de transformation
numérique gouvernementale pour la période 2019-2023. Premier jalon en vue d'une
numérisation des services publics de bout en bout, la Stratégie affirme vouloir
placer les citoyens et citoyennes au centre de l'évolution des services, des
programmes et des politiques. Depuis, les projets de loi se bousculent pour
donner forme à cette stratégie, notamment par une révision des régimes de
protection des renseignements personnels en vigueur au Québec. Donc, on parle
ici du projet de loi n° 14, du projet de loi n° 95 puis du projet de loi n° 64.
Une constante se dégage par ailleurs. Ces lois libéralisent l'utilisation et la
communication de renseignements personnels sans consentement, ce qui n'est pas,
tel que le note la Commission d'accès à l'information dans son mémoire sur le
projet de loi n° 64, de nature à accroître le contrôle du citoyen sur les
renseignements qui le concernent. Cette effervescence législative se poursuit
maintenant avec le dépôt du projet de loi n° 3, que nous sommes appelées
aujourd'hui à commenter.
La protection des renseignements
personnels devient encore plus névralgique à l'heure actuelle. Le développement
de l'intelligence artificielle et l'extension du modèle... du modèle
d'affaires, pardon, qui est fondé sur l'exploitation des données ne vont pas
sans risques, et les gouvernements n'échappent pas à cet engouement pour les
données. Il apparaît donc crucial, dans ce contexte, de rehausser les
protections, particulièrement concernant les renseignements de santé et de
services sociaux, qui sont parmi les plus sensibles et les plus intimes.
Concernant le projet de loi n° 3, on
constate que le projet de loi n° 3 concerne les renseignements de santé et de
services sociaux détenus par les organismes du secteur de la santé et des
services sociaux, que l'article 2 définit très largement les renseignements de
santé et de services sociaux. Il inclut l'état de santé physique ou mentale
d'une personne, ses facteurs déterminants, ses antécédents médicaux familiaux,
tout matériel prélevé, les implants et orthèses, les services reçus et leurs
résultats, et cetera. La liste est extensible, d'autres types de renseignements
pouvant s'ajouter par voie réglementaire. Et on aura l'occasion d'aborder cet
aspect plus tard.
Quant à la notion d'organisme de santé,
elle dépasse de loin le réseau de santé au sens habituel du terme. Sont
notamment concernés le ministère de la Santé et des Services sociaux, de
nombreux organismes liés à la santé mentionnés en annexe au projet de loi n° 3.
Je ne vous ferai pas la liste pour gain de temps. À cela s'ajoutent la personne
et le groupement qui concluent une entente pour la prestation de services de
santé et de services sociaux pour le compte de certains organismes de santé.
Nous comprenons, d'autre part, que ce nouveau périmètre mêle le public et le
privé, s'applique sans égard au fait que les soins et services prodigués soient
assumés par l'État.
Le propos aujourd'hui de la Ligue des
droits et libertés, là, la perspective d'analyse que met de l'avant la Ligue
quant au projet de loi n° 3 est celle d'une préoccupation quant aux droits et
libertés. Donc, les lois de protection des renseignements personnels mettent en
œuvre des droits fondamentaux garantis par la Charte des droits et libertés du
Québec, dont le droit à l'égalité, le droit à la dignité, le droit à la vie
privée et le droit au secret professionnel. Évidemment, toute limitation à ces
droits est soumise au texte... au test, pardon, exigeant de l'article 9.1 de la
Charte. Donc, on parle d'un objectif légitime et important, mesure
proportionnelle à l'objectif et d'une atteinte minimale au droit.
Donc, sur cette introduction, je vais
céder la parole à madame Pineau pour la suite de la présentation.
Mme Pineau (Anne) : Oui...
Mme Pineau (Anne) : …merci beaucoup
de nous recevoir. Donc, au cœur des lois de protection des renseignements
personnels, se trouve le droit à la vie privée, et le droit à la vie privée est
particulièrement important en matière de renseignement de santé. On assimile
souvent le droit à la vie privée à une question de protection des informations,
de sécurité, de confidentialité. Mais de façon plus fondamentale, la vie
privée, c'est aussi le droit de contrôler l'information qui me concerne. Le
droit de la donnée à une finalité précise et qu'on respecte cette finalité-là,
sauf consentement évidemment. Donc, au cœur de ce droit-là, on trouve le droit
à l'autonomie, à la dignité et le droit à la vie privée.
Selon le projet de loi, la personne doit
être informée des fins précises pour lesquelles ses renseignements sont
reconnus. Pourtant, à de multiples occasions, le projet de loi permet
l'utilisation ou la communication de ces renseignements à de tout autre fin et
sans consentement. Donc, je n'énumérerai pas, mais on pourra y revenir. Ces dérogations
ne remplissent pas, selon nous, le test exigeant de la charte. Par ailleurs, le
projet de loi aménage une autorisation générale d'usage des renseignements à
d'autres fins administratives et sans qu'il n'y ait une distinction dans le
type de renseignements qui pourraient être utilisés. La notion de
renseignements de santé est extrêmement large. Elle inclut des renseignements
particulièrement intimes sur les personnes, et on comprend la nécessité que les
professionnels de la santé puissent obtenir des historiques de traitement, des
radiographies, des tests, des analyses, toutes sortes d'éléments de ce type-là
qui sont très, très intimes, mais à des fins de gestion administrative, on
comprend mal que la même notion de renseignement aussi large puisse être
utilisée. Donc, on devrait limiter strictement le type de renseignements
accessibles à des fins administratives ou de gestion.
Un autre enjeu, le secret professionnel
qui n'est pas abordé comme tel dans le projet de loi. Contrairement à ce qu'on
avait dans la loi sur le partage de certains renseignements de santé. Alors, on
se demande un peu comment va s'articuler la question du secret professionnel.
Parce que les renseignements de santé sont presque par définition, des
renseignements visés par le secret professionnel. En matière de recherche, on
prône un régime unifié d'autorisation d'accès et on substituerait à… le critère
déraisonnable de requérir le consentement par une impossibilité pratique de
l'obtenir.
• (16 heures) •
Le système national de dépôt de
renseignements soulève des inquiétudes dans la mesure où on semble concentrer
énormément de renseignements à un seul point d'entrée et ce qui pourrait
soulever des convoitises au niveau, là, des rançongiciels et du piratage
informatique.
La communication de renseignements hors
Québec, qui est présente un peu partout dans ce projet de loi là, limite ou
permet la communication dans un pays qui a un régime adéquat et non un régime
équivalent, ce qui est pour nous une problématique. Et on s'inquiète aussi un
peu, en terminant, sur l'utilisation qu'on veut faire des données pour
lesquelles le gouvernement se donne beaucoup de possibilités d'accès. Et nous
craignons qu'un recours aveugle aux données mène à une standardisation des
pratiques au détriment d'une approche décentralisée. Nous appréhendons le
profilage de consommation, le contrôle des pratiques professionnelles,
l'imposition d'outils d'évaluation supplantant le jugement professionnel et
l'introduction du financement des hôpitaux par activités.
Donc, en conclusion, le projet de loi
aménage l'accès à une masse imposante de renseignements. L'emprise du
gouvernement sur ces données s'étendra bien au-delà du système de santé
traditionnel. Ces renseignements de santé ont été fournis en vue de recevoir
des soins et pourront être utilisés à de tout autres fins. Le projet de loi
brouille les frontières entre le public et le privé. Nous craignons que ce
périmètre élargi ne soit l'occasion d'une privatisation accrue du régime public
de santé. Alors, voilà.
Le Président (M. Simard) : Ah!
bon, bien, pile dans les temps. Merci beaucoup, beaucoup. Je cède...
16 h (version non révisée)
Le Président (M. Simard) : ...maintenant
la parole au ministre.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Bon. En fait, vous parlez de la loi 14, de la loi 95 et la loi 64,
ça adonne bien, parce que je suis le ministre qui a été au cœur de l'adoption
de ces trois projets de loi qui ont été adoptés à l'unanimité à l'Assemblée
nationale, je tiens quand même à le souligner. Vous parlez d'une libéralisation
des renseignements personnels, je vais vous poser un peu... Puis là, les
collègues, allez prendre un café, là, parce que je vais être redondant.
Alors que le Québec se dote d'un régime de
protection des renseignements personnels qui est le plus sévère en Amérique, et
de loin, alors qu'on adopte un régime de protection des renseignements personnels
qui est l'équivalent du régime de protection... le régime général de protection
des données européen qui est le plus sévère au monde, vous nous parlez de
libéralisation des renseignements personnels. Comment est-ce que c'est
conciliable, ces deux univers qui, semble-t-il, ne sont pas dans le même fuseau
horaire, là? Je ne comprends pas, je ne comprends pas votre démarche qui vous
amène à cette conclusion-là.
Mme Pineau (Anne) : Je vais
répondre. M. le ministre, nous, on avait participé à la consultation sur le projet
de loi n° 64. On a fait valoir les mêmes commentaires à ce projet de loi là que
ceux qu'on vous soumet aujourd'hui. Je pense qu'on ne peut pas... on ne peut
pas ignorer qu'il y a un changement de modèle. On avait une loi de protection des
renseignements personnels qui précisait chaque finalité pour lesquels un
renseignement pouvait être utilisé. Et, faute de cette précision à la loi, il n'y
avait pas possibilité, sauf consentement de la personne. Je pense que ce n'est
pas une nouveauté de dire que le projet de loi n° 14, 95, 64 ont tendu à
changer de ce modèle-là, pour dire : Il faut qu'on cesse de travailler en
silo, il faut cesser de ne pas pouvoir utiliser les informations pour d'autres
fins.
Or, on a, de plus en plus, établi des modalités
d'accès qui permettent d'autres utilisations que celles pour lesquelles, au
départ, la personne a donné son renseignement. Par exemple, le projet de loi n°
3 nous dit que, quand je recueille le consentement, je dois indiquer pour
chacune des finalités. Et vous avez ensuite l'article 14, qui nous dit que,
lorsque je recueille des renseignements, je dois indiquer la finalité pour
laquelle ces renseignements-là sont utilisés... Seront utilisés. Mais il est un
fait que, malgré tout, on pourra les utiliser à d'autres fins. Je pense que c'est
ce que vous avez voulu, c'est ce que l'ensemble des législations qui ont été
adoptées...
M. Caire : Mais si je peux me
permettre, si je peux me permettre, tout ce que vous dites est vrai, mais, je
pense, doit être précisé. On peut les utiliser à d'autres fins lorsque c'est
manifestement dans l'intérêt de la personne. Et on a eu cette discussion-là, en
commission parlementaire, avec les collègues. Il n'est pas question d'utiliser
des renseignements personnels à des fins qui n'ont rien à voir avec ce pour
quoi ils ont été collectés, c'est ce que la loi dit, et si ce n'est pas
manifestement dans l'intérêt. Et on a statué d'ailleurs, justement, vous
parliez de la loi 64, que la cour avait bien... la Cour suprême, je pense,
avait bien balisé ce qui était... la notion de «manifestement dans l'intérêt
de».
Donc, oui, vous avez raison, on reprend,
on reprend ce principe-là ici, mais je vous amène dans une situation concrète,
puis ça va peut-être nous aider, là, à comprendre, effectivement, ce que l'on
veut. Puis je vais reprendre les propos du docteur Amyot, Docteur Amyot qui dit :
Bon. Moi, quand je vois un patient, je veux avoir accès à toute l'information.
Or, moi, je peux avoir un dossier à l'Hôpital Chauveau, Je peux avoir un
dossier au CHUL. Je peux avoir un dossier à la Cité verte, mais je peux aussi,
ou, dans le cours de vacances, avoir...
M. Caire : ...consulter un
médecin dans l'extraordinaire région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Bien, le
médecin qui me soigne veut avoir accès à tout ça. Or, si je vous suis bien, il
faudrait que je donne mon consentement pour que chacune des informations de
chacun de ces professionnels de la santé que j'ai consultés, pour chacun des
établissements, des lieux physiques, il faudrait que je donne mon consentement
à chaque fois, alors que manifestement, c'est ce que je veux, que le médecin,
il aille accès à toute l'information. Donc l'idée de l'article, c'est ça. C'est
ça, l'idée de l'article. Puis, en quoi ça, pour vous, ça représente une
violation de la vie privée ou des droits et libertés d'un individu, alors que
c'est manifestement dans l'objectif de mieux le servir, là?
Mme Pineau (Anne) : Oui,
merci pour la question. Effectivement, je pense que dans un contexte de soins,
c'est particulièrement approprié que les renseignements puissent circuler et
puissent être utilisés par l'ensemble des professionnels qui ont pour charge de
soigner le patient. On n'en a pas vraiment à ce niveau-là, je pense qu'on peut
même dire que ça, c'est comme une utilisation à une fin incompatible avec la
finalité pour laquelle j'ai donné le renseignement au départ. Tu sais, je
fournis des renseignements à mon médecin. Je pense que c'est une fin compatible
que de faire suivre quand je suis soigné par un autre médecin. Ceci dit, je ne
vois pas pourquoi on ne permettrait pas à la personne de carrément et
précisément dire : Oui, je consens à ce que l'ensemble des professionnels
qui auront à traiter mon dossier puissent y avoir accès. On en a par contre...
M. Caire : Si je peux me
permettre, parce que c'est important ce que vous venez de dire là, la loi
prévoit que la personne peut refuser son consentement à ce que les informations
soient transmises, même à un professionnel de la santé. Donc, ce que vous nous
dites là, la loi le fait, on peut, n'importe quel citoyen peut refuser que ces
renseignements de santé soient transmis à qui que ce soit, là. Je voulais juste
contextualiser, là, parce que ça semble être le sens de votre propos, là, si
j'ai bien compris.
Mme Pineau (Anne) : Oui, en
fait, on comprend que les renseignements circulent. Ils ont été recueillis à
des fins de soigner la personne et il apparaît normal qu'ils puissent circuler
dans le cadre de l'épisode de soins. Et effectivement, vous avez raison,
l'article sept vient restreindre éventuellement l'accès de certains
intervenants à certains renseignements si la personne le juge essentiel. Et ça,
on n'a pas de problèmes non plus avec ça. Moi... nous, on en a plus sur
l'utilisation à des fins administratives par une foule d'autres organismes. Là,
je parle particulièrement des cas où c'est le gestionnaire délégué aux données
numériques qui sera appelé à trancher des demandes d'un peu tout le monde.
Alors vous avez les organismes de santé, les organismes publics, des ordres
professionnels, des organismes de d'autres gouvernements qui pourront demander
l'accès à des renseignements de santé en faisant valoir que c'est pour
l'application d'une loi, alors que ce n'est pas prévu à la loi, remplir ma
mission, pour l'objet de mes activités, pour remplir mes fonctions, pour mettre
en œuvre un programme ou encore si c'est manifestement au bénéfice de la
personne ou en cas de circonstances exceptionnelles. Alors là, on a quand même
tout plein d'organismes qui peuvent venir chercher des renseignements de santé.
Et, bon, évidemment, on pense que dans un cas comme ça, le consentement n'est
pas là. D'ailleurs, ça sera le travail du gestionnaire de dire dans quels cas
il pourra autoriser malgré qu'il n'y ait pas eu de consentement. Et donc on a
là quand même une utilisation possible de beaucoup de renseignements à des fins
que la personne, elle n'a pas pu prévoir.
• (16 h 10) •
M. Caire : Mais si je peux me
permettre, la discussion est super intéressante, mais en fait, vous
dites : Ce n'est pas prévu à la loi. Je dois corriger ça parce que la loi
dit manifestement que vous n'avez accès aux renseignements que dans le cadre de
votre fonction, fonction qui est prévue par une loi. Donc quand vous parlez du
gestionnaire de données, puis là, il faut lire aussi dans le contexte de la loi
95, là, qui amène au niveau de la protection des renseignements personnels, des
obligations supplémentaires. En fait, le gestionnaire est l'arbitre, bon, en
tout cas, pas le seul, là, parce qu'il y aura le centre d'accès aux données,
mais qui va justement avoir...
M. Caire : ...bien, non, je ne
peux pas vous donner accès à ces informations-là parce que, dans le cadre de
votre... de l'exécution de votre mandat, vous n'avez pas besoin de ça, vous
n'avez pas besoin de ces renseignements-là. Et c'est là tout le... bien, pas
tout là mais une partie du mécanisme de protection qui fait en sorte que je
pense que vos craintes... puis je les entends, mais peut-être que ça, ça va
vous rassurer, de dire que, justement, son rôle, c'est de faire en sorte que,
si, dans l'exécution d'un mandat prévu par la loi, vous n'avez pas besoin
d'avoir ces informations-là, vous ne les aurez pas.
Et c'est intéressant parce que c'est un
peu la discussion qu'on avait avec la Commissaire à la santé et au bien-être
qui voulait remplacer le «peut» par un «doit». Et là je pense que nous, on a
émis des réticences justement parce que, si c'est une obligation de transmettre
les renseignements personnels, là j'aurais tendance à vous donner raison, mais
comme ce n'est pas une obligation, qu'il y a cette possibilité-là de les donner
ou non, il y a quand même un jugement qui s'exerce en fonction de l'ensemble du
contexte législatif québécois. Ça fait que je pense, en tout cas, que ça va
dans le sens peut-être d'un plus grand... d'un meilleur contrôle aux
renseignements personnels.
Mais je vais revenir sur l'aspect gestion,
parce que les représentants de la FMSQ avaient un peu les mêmes craintes. Ne
trouvez-vous pas qu'une organisation qui vient chercher 43 % du budget du
Québec devrait faire l'objet d'une gestion rigoureuse, extrêmement rigoureuse,
devrais-je dire? Et, si oui, comment un gestionnaire peut-il faire une gestion
extrêmement rigoureuse de son organisation s'il n'a pas accès à l'information
nécessaire pour remplir son mandat?
Mme Pineau (Anne) : Oui, nos
préoccupations sont de deux ordres. D'abord, le fait qu'on va quand même
permettre l'accès à des renseignements pour une fin qui n'avait pas été
précisée au départ. C'est vrai que le gestionnaire délégué aux données
numériques va intervenir et décider dans quel cas ce sera possible ou pas. Le
gestionnaire est quand même partie de l'appareil gouvernemental, et notamment
il est... il fonctionne dans le cadre de la loi sur la gouvernance, et on pense
qu'il est possible que la circulation de la donnée pour lui soit plus
importante que le test qu'il devra faire de vérifier l'impact sur la vie privée
et l'intérêt public. Donc, on sait que plusieurs de ces cas de figure là
étaient autrefois l'objet d'un avis de la Commission d'accès à l'information.
Ça, ça tombe avec la loi 25, et c'est maintenant le gestionnaire qui doit
remplir cette fonction. Donc, on a quand même des préoccupations de ce type-là.
Mais l'autre préoccupation qu'on a, c'est
qu'il y a des renseignements de santé qui sont tellement intimes, tellement
névralgiques et tellement, comment dire, précieux pour les gens que... Et la
loi, le renseignement... la définition privée à la loi ne distingue pas. Il y
a... On pourrait utiliser n'importe quel type de renseignements de santé à d'autres
fins, notamment pour évaluer le fonctionnement ou l'organisation du système.
Or, on trouve qu'il y a certains renseignements qui sont tellement critiques
qui ne devraient pas pouvoir servir à autre chose qu'à des traitements de
santé.
M. Caire : Je vous suis
là-dessus, mais, si je peux vous rassurer, d'une part... En fait, les
renseignements de santé font l'objet d'un régime particulier. Je veux dire la
loi 3 est un régime particulier pour les renseignements de santé. Donc, on
vous suit tout à fait quand vous dites que ce sont des renseignements hautement
sensibles.
Ceci étant dit, lorsqu'on dit que le
professionnel qui exerce son mandat doit avoir accès seulement aux informations
dont il a besoin, je ne vois pas comment on pourrait conclure qu'un
gestionnaire a besoin de savoir quel est l'état de mon cancer pour prendre une
décision de gestion. Je caricature, là, mais vous comprenez l'exemple que je
veux donner. Alors, oui, il peut avoir accès au nombre de chirurgies, il peut
avoir accès aux délais dans les urgences, il peut avoir accès à des
informations qui relèvent de son mandat de gestionnaire, mais...
M. Caire : Et je pense que,
dans le libellé de la loi, de la façon dont la loi est construite, il ne serait
pas... il serait difficilement justifiable pour qui que ce soit de donner accès
à des renseignements de santé sensibles d'un individu en particulier, à un
gestionnaire qui n'a pas pour fonction de soigner les gens. Puis je dirais
même, je vais aller plus loin que ça, si vous me permettez, je ne vois pas
comment on pourrait donner des renseignements de santé très précis à un
professionnel de la santé dont ce n'est pas le mandat, de soigner cette
pathologie-là en particulier. Alors, c'est ça la... Je pense que... Puis je
comprends votre inquiétude parce que le libellé est effectivement générique,
mais dans l'interprétation, puis c'est pour ça qu'on est quand même en
cohérence avec ce qu'on a fait avec 95 et 64, et les définitions, et les
jugements de la Cour suprême qui en découle. Et je vous invite aussi à revoir
95 parce que sur le... sur les sources de données numériques, là, il y a des...
et il y a une obligation de faire des évaluations de facteurs relatifs à la vie
privée. Il y a des règles de gouvernance qui doivent être établies, qui doivent
être validées par CAI. Donc, on... On travaille en cohérence avec les autres
lois du Québec. Et je pense que ça, en tout cas, ça devrait être de nature à
vous rassurer, je l'espère.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
1caiJ'ai-tu assez conclu à ton goût?
Le Président (M. Simard) : Ah!
C'est très bien conclu, M. le ministre.
M. Caire : Je suis un maître
de la conclusion.
Le Président (M. Simard) : Alors,
mesdames, nous allons poursuivre nos échanges, cette fois-ci avec la députée de
Mont-Royal-Outremont, qui dispose de 12 min 20 s.
Mme Setlakwe : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames, pour votre intervention très, très pertinente, très
importante. La protection des droits et libertés, c'est fondamental, c'est
extrêmement important. Et les principes que vous défendez sont importants et il
faut en tenir compte. On va certainement relire le libellé pour s'assurer qu'on
a... Tu sais, vous allez nous amener finalement à trouver le juste équilibre
dans ce dossier-là par rapport aux objectifs, là, qui sont visés et qui sont
louables. Parce que, nous, on est dans la recherche du bien commun, du bien
public. Donc, on vous entend, et je ne veux pas refaire toute la discussion,
puist vous avez soumis un mémoire détaillé, mais dites-nous quand même sur
quelles pistes est-ce qu'on est dans la bonne direction, tu sais, sur quels...
sur quels aspects est-ce que vous pensez qu'on va faire des progrès et que le
projet de loi va être bénéfique, là, pour l'ensemble des utilisateurs?
• (16 h 20) •
Mme Pineau (Anne) : Si je
peux me permettre, il y a quand même des aspects, là, qui... qui sont
intéressants dans le sens de prévoir un régime unifié de façon de traiter les
renseignements de santé de la même façon, peu importe où ils sont éparpillés.
Nous, on pense aussi que... Je pense que par rapport à la loi no 25, ce qu'on
amène du côté de la recherche, il y a quand même des... des éléments
intéressants dans ça, notamment toute la question du Centre d'accès à la recherche
qui, malheureusement, n'est pas désigné à la loi, malheureusement, parce que ça
ne nous permet pas vraiment de discuter de l'expertise de cet organisme-là ou
de comment il va fonctionner. Tu sais, je veux dire, ça, c'est quelque chose
que nous regrettons, là, qu'on n'ait pas l'identité de ce centre d'accès à la
recherche. Mais bon, je pense que dans la mesure où ça sera une organisation
qui a vraiment une expertise, qui sera préoccupée par non seulement la
recherche, mais aussi le droit à la vie privée et l'intérêt public en matière
de recherche, je pense qu'il y a, là, une procédure qui peut être intéressante.
Mais je vous avoue que, nous, on voudrait un régime unifié, c'est-à-dire que
tout, toute demande pour utilisation de renseignements sans consentement en
matière de recherche devrait faire l'objet d'une autorisation par le Centre
d'accès à la recherche, plutôt que d'avoir une procédure double. Parce que ce
que le projet de loi prévoit, c'est que, si vous êtes un chercheur lié à un
établissement de santé...
Mme Pineau (Anne) : ...ou à
un établissement, là, de l'annexe un, dans ce cas-là, vous faites votre demande
à l'établissement de santé ou à l'organisme de l'annexe un, et c'est lui...
c'est la plus haute autorité de cet organisme-là qui va autoriser l'accès à des
renseignements de santé sans consentement. Et on a une difficulté, parce que
ces organismes-là embauchent... Un chercheur lié, c'est quelqu'un qui est
embauché par un CIUSSS, par exemple, pour faire de la recherche. Alors, on peut
s'attendre que, dès que le chercheur va demander à la plus haute autorité,
j'aurais besoin de tel, tel, tel renseignement, bien, on peut... Nous, on
craint que ça soit du rubber stamp et que l'étape qui consiste à vraiment
vérifier s'il était impossible d'obtenir le consentement et si c'est vraiment
d'intérêt public par rapport à l'impact sur la vie privée, ce test
d'équilibrage des droits risque, bon, d'être plus ou moins appliqué avec
sévérité. Alors que, si on avait un seul organisme qui dispose de l'ensemble
des autorisations, on pourrait s'assurer que le test d'équilibrage des droits
puisse être appliqué de façon constante.
Mme Setlakwe : Merci. Vous
avez parlé de l'importance de contrôler l'information, donc vous ne voyez pas
dans la loi un encadrement assez... un encadrement suffisant, adéquat. Vous ne
voyez pas que... une possibilité pour le patient de cesser, tu sais, ou de
retirer son consentement ou de le baliser adéquatement. Vous avez parlé de ça,
là, de l'importance de contrôle et, si je vous entends bien, vous n'êtes pas
rassurés à la lecture du projet de loi?
Mme Pineau (Anne) : Bien,
c'est certain que le contrôle de l'information, c'est le contrôle de
l'utilisation qui en est fait. Alors, à partir du moment où je consens à vous
donner un renseignement à des fins de soins, et que ce renseignement là,
ensuite, peut être utilisé sans mon consentement à d'autres finalités, bien là,
il y a une perte de contrôle, c'est fatal. Alors ça, c'est le modèle qui est
proposé, mais qui est le même qui a été adopté avec 95 et avec la loi 25.
Donc, ça, pour nous, c'est... ça demeure une problématique.
Mme Setlakwe : Au niveau,
donc, de la protection - puis je terminerais avec ça, là - des renseignements
personnels, évidemment, on est tous préoccupés par cet aspect-là, sachant aussi
que le risque zéro n'existe pas. Vous pensez, donc, que le projet de loi n'est
pas assez strict, n'offre pas un encadrement adéquat pour bien protéger le
renseignement personnel.
Mme Pineau (Anne) : Bien, le
projet de loi reprend le modèle qui a été adopté et qu'on a très critiqué dans
le cadre notamment du projet de loi n° 64. Donc, à cet égard là, la
possibilité d'utiliser à d'autres fins les renseignements, pour nous, c'est un
problème, c'est une approche qui ne nous satisfait pas.
Mme Setlakwe : On va regarder
attentivement votre mémoire. J'imagine, vous avez proposé... Je n'ai pas eu la
chance de le lire en détail, mais vous proposez, j'imagine, des amendements au
libellé pour... qui vous rassurerait.
Mme Pineau (Anne) : À
plusieurs endroits, oui.
Mme Setlakwe : O.K.
Excellent. Je vous remercie beaucoup mesdames.
Le Président (M. Simard) : Merci,
à vous, chère collègue. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont, qui
disposera de neuf minutes.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être là. Merci pour le mémoire, qui est
quand même assez exhaustif. Je vais essayer de le prendre en deux parties, là,
question de compartimenter ma pensée là-dessus, là. De un, je vais parler des
patients ou des personnes parce qu'on n'est pas toujours un patient dans la
vie, là. On l'est à partir du moment où on est traité, suivi ou malade, et ça
ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin de notre dossier de santé, même si on
n'est pas patients, là, ce pourquoi je fais la distinction. Le but, là,
évidemment, ici, ce pourquoi je serais en principe d'accord avec une idée
générale qui est dans le projet de loi... Et je n'ai pas dit que j'ai fait...
je n'ai pas dit que le projet de loi était adopté puis que je vais l'adopter.
Je dis qu'en principe, l'idée générale, c'est de faciliter la fluidité et le
transfert de l'information au bénéfice du patient ou de la personne. On
conviendra, je pense, tout le monde ici que parfois c'est un peu kafkaïen,
c'est un peu compliqué, là, d'avoir des données de...
M. Marissal : ...de santé, ça
ne circule pas nécessairement, on n'est pas tout le monde arrivé au XXIᵉ
siècle, là. Alors, ça, c'est la prétention du projet de loi qui est déposé ici,
de servir d'abord et avant tout la personne, le patient et les citoyens. Vous,
vous voyez des éléments dans ce projet de loi qui vont en ce sens? On parlera
de vos craintes après, elles sont bien exprimées. Mais est-ce que vous
retrouvez, dans ce que vous avez lu, le principe de servir d'abord et avant
tout les citoyens et les citoyennes en matière de données personnelles?
Mme Pineau (Anne) : Effectivement,
en ce qui concerne les soins de santé, je pense que ça permet à l'intervenant
professionnel qui en a besoin d'obtenir communication des renseignements qui
lui sont nécessaires pour procéder aux soins qu'il a à prodiguer. Ça, c'est...
Notre problème n'est pas là. Notre problème, il est lorsque... un organisme
public, mettons, un ministère, ou la SAAQ, ou n'importe quel autre organisme
public, il faut s'adresser aux gestionnaires délégués aux données numériques,
lui dire : Moi, j'ai besoin de telle information de santé pour remplir la
mission et que le gestionnaire va dire : Effectivement, précise-moi la
finalité pour laquelle tu en as besoin, et éventuellement fera droit à cette
demande-là, sans que moi, j'aie donné mon consentement à cette utilisation-là
qui n'a rien à voir avec les soins de santé.
M. Marissal : Vous, vous
faites le postulat que ça pourrait se faire... donc je vais le dire comme je le
pense, là, dans mes mots, ça peut se faire dans le dos du citoyen.
Mme Pineau (Anne) : Bien, ce
que dit 72, là, c'est que le gestionnaire délégué aux données numériques
autorise les communications de toute une section. Cette section-là permet à un
organisme de santé, à un organisme public, à un ordre professionnel ou à un
organisme d'un autre gouvernement de demander l'autorisation de recevoir des
renseignements de la part d'un organisme détenteur de renseignements, et là il
y a une mécanique. Et c'est pour des fins imprécises, là, l'application de la
loi, alors que ce n'est pas prévu pour ma mission, mon objet, ma fonction,
parce que c'est au bénéfice de la personne... Mais là on comprend qu'on est
plus dans l'utilisation des fins de soins de santé, là. Alors, ça, c'est 72,
60... et suivants. C'est plus là qu'on a des problèmes.
• (16 h 30) •
M. Marissal : Je comprends.
Je comprends bien votre point. Prenons-le maintenant sous l'angle de la
recherche, là. J'ai bien lu, là, les sections de votre mémoire là-dessus, là,
je comprends vos craintes. Il y a une crainte un peu, là... depuis le début
qu'on parle de fluidité des renseignements personnels de santé, là, puis ça
doit faire trois ans, on a commencé ça dans la dernière législature, là, il y a
clairement toujours la crainte ou le spectre, selon notre niveau d'anxiété, que
le privé, le «Big Pharma» notamment... ou qu'à un moment donné ça deviennent
des données tellement valorisées, tellement commerciales, tellement chères
aussi, tellement cherchées, recherchées, prisées qu'on va l'échapper puis qu'à
un moment donné ça va servir à ça aussi. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Pineau (Anne) : Bien,
nous, on voudrait qu'on définisse d'abord qu'est-ce que l'intérêt public qui
justifie une recherche. On sait que le test qui sera appliqué, c'est...
D'abord, on fournit les renseignements sans consentement si on estime que c'est
déraisonnable d'exiger le consentement, premier élément, et si le projet est
dans l'intérêt public, qui l'emporte... l'objectif du projet l'emporte sur
l'impact sur la vie privée. Alors, nous, d'abord, on aimerait que soit défini
la question de l'intérêt public, qu'est-ce qu'on entend par l'intérêt public.
Alors, pour nous, ça devrait être des recherches qui poursuivent le bien
commun, qui visent l'amélioration de la santé, du bien-être, qui servent des
fins socialement utiles puis qui assurent le partage des résultats et des
bénéfices. Donc... et en conséquence de...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Pineau (Anne) : ...cette
vision-là qu'on a de l'intérêt public, on permettrait aux chercheurs liés à des
organismes de santé d'utiliser la mécanique et aussi à des chercheurs qui
relèvent du monde académique, O.K., qui sont attachés à une université qui
fonctionne en fonction de subventions dans des institutions agréées, mais on ne
permettrait pas les demandes en provenance d'entités commerciales...
M. Marissal : C'est clair.
Mme Pineau (Anne) : ...parce
que...
M. Marissal : C'est bon. C'est
clair. Il me reste peu de temps, là, j'accélère et j'abrège, il y a, dans votre
dernier paragraphe, une série d'appréhensions qui sont assez lourdes, là, je
vais essayer d'y aller dans l'ordre, on ne pourra malheureusement pas toutes
les passer parce que je n'ai pas assez de temps, «la Ligue des droits et de
libertés s'inquiète d'une utilisation des données qui mènerait à une
standardisation des pratiques dans le réseau», pouvez-vous m'expliquer ce que
vous entendez par «une standardisation des pratiques dans le réseau»? Quelle
est votre crainte à ce sujet?
Mme Pineau (Anne) : Bien, à
partir du moment où on s'en remet à des données, fatalement, on va essayer de
trouver les meilleures pratiques supposément attachées à telle ou telle façon
de fonctionner, et, la crainte, c'est que la donnée qui est un portrait d'une
situation, mais qui ne rend pas toujours compte de l'ensemble ou d'autres
aspects de la situation qui... dont elle ne tient pas compte, donc on se fie un
peu aveuglément à ces données-là et qu'on omette de tenir compte qu'il y a
toutes sortes de réalités dans toutes sortes de milieux qui font qu'adopter
telle pratique, bien, ça ne conviendra pas nécessairement dans tous les
milieux.
M. Marissal : D'accord. Et
ensuite, «nous appréhendons aussi le profilage de consommation de soins - ça,
ça va, je comprends bien - et le contrôle des pratiques professionnelles».
Allez-y là-dessus, puis je verrai si ça correspond à quelque chose qu'on a
entendu aussi hier d'un autre groupe. Je veux juste vous entendre, d'abord.
Mme Pineau (Anne) : Mais, en
fait, c'est... ça aussi, à partir du moment où on automatise des choses, vous
avez, là, par exemple, des systèmes de décision entièrement automatisés, là,
qui sont mentionnés dans ce projet de loi là comme une des possibilités qu'on
dépossède peu à peu des professionnels dans leur fonction de juger d'un cas,
non pas à partir seulement de données, ou en cochant des cases, et en ayant un
résultat au bout de la ligne, O.K., il faut laisser aux professionnels la marge
de manoeuvre pour utiliser les données qui peuvent être tout à fait utiles,
mais ne pas compromettre leur jugement professionnel pour autant, là.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
mesdames Khelil et Pineau, merci beaucoup pour la qualité à la fois de votre
présentation et de vos réponses, nous espérons vous retrouver sous peu parmi
nous. Cela dit, nous allons suspendre nos travaux afin de faire place à vos
prochains invités. Au revoir, mesdames.
(Suspension de la séance à 16 h 35)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous reprenons nos travaux. Nous avons l'honneur de recevoir
parmi nous l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du
Québec. Madame, monsieur, soyez les bienvenus! Auriez-vous d'abord l'amabilité
de vous présenter?
M. Allard (Alexandre) : Oui,
bonjour, je suis Alexandre Allard, le président du conseil d'administration de
l'AGISQ, la voix des archivistes médicaux du Québec.
Mme Chagnon (Lise) : Et à mon
tour, je suis Lise Chagnon, qui est la directrice générale de la même
association.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons. Vous disposez de 10 minutes.
M. Allard (Alexandre) : Excellent...
M. Allard (Alexandre) : ...M.
le ministre, chers députés, merci de nous recevoir aujourd'hui. C'est un
plaisir d'être avec vous en réel pour pouvoir vous présenter notre mémoire.
Déjà, d'emblée, on mentionne que d'adopter
tel quel PL 3, sans intégrer une stratégie par rapport aux archivistes médicaux
du Québec, ne permettrait pas d'atteindre ses objectifs tels qu'ils sont
décrits, tels qu'ils sont entendus. Pourquoi? Tout simplement parce qu'on est
une profession qui a besoin d'un petit peu d'air, on est une profession qui a
besoin d'un peu de soutien.
Et qu'est-ce qu'on est, en fait, comme
archiviste médical? Souvent, quand on se réfère à des métiers, on va se référer
à la racine des mots. Un mécanicien va faire de la mécanique, un pharmacien, de
la pharmacie, un médecin, de la médecine. Un archiviste médical, ça ne classe
pas de papiers, pas du tout. On n'est pas là pour ça. On est là avec la même
formation que les infirmières. Mais enlevez le côté clinique de la chose auprès
du patient, remplacez ça par de la formation au niveau légal et par rapport à
de la codification d'information pour générer toutes les statistiques de santé
sur la planète, et vous venez de bâtir un profil d'archiviste médical.
Alors, l'Association des gestionnaires de
l'information de la santé, la voix des archivistes médicaux, c'est ce que nous
sommes. Et on est partout en province, partout dans les organisations. On est
1600 au Québec. Notre force, c'est l'intérêt, clairement, la circulation de l'information,
la confidentialité, la sécurité, l'exploitation des données. On est là pour ça,
et d'ailleurs, dans le réseau depuis plus de 60 ans. 63 ans, je
pense, hein, Lise, c'est bien ça?
Mme Chagnon (Lise) : Oui.
M. Allard (Alexandre) : Donc,
ça fait deux décennies, en fait, qu'on tente de lancer des alertes, on tente de
lancer des signaux auprès des décideurs, auprès des institutions, sur l'état du
réseau. Et je pense que la pandémie, on pense qu'au niveau de la pandémie...
tout simplement venue mettre un coup de surligneur sur des problématiques de
circulation de l'information de santé. Et, pour nous, on y voit une
opportunité.
Alors, sur ce, Lise.
Mme Chagnon (Lise) : Alors,
nous avons préparé un mémoire qui vous a été déposé dans le cadre des
consultations particulières qui sont faites aujourd'hui dans le cadre du projet
de loi. Alors, l'an dernier, on en avait préparé un aussi dans le sillage du
dépôt du projet de loi n° 19 qui a été malheureusement... qui est
malheureusement mort au feuilleton et qui n'a pu être adopté par l'Assemblée
générale.
Alors, aujourd'hui, ce qu'on veut vous
dire, c'est qu'on vous recommande d'intégrer une stratégie de gestion
rigoureuse des données ainsi que l'architecture informationnelle au projet de
loi trois, qui est la Loi sur des renseignements de santé et de services
sociaux modifiant certaines dispositions législatives de plusieurs lois. On
vous recommande aussi de bonifier le texte du projet de loi trois afin de
minimiser le recours éventuel aux règlements et de pérenniser ses assises dès
le départ, d'intégrer les obligations en matière de la qualité des données pour
assurer l'imputabilité des organismes et permettre la valorisation intégrale
des données, d'introduire le rôle des techniciens en information clinique dans
le projet de loi trois, chose que nous n'avons pas vue en lisant le projet de
loi trois, et, par le fait même, de réformer l'encadrement de la profession
d'archiviste médicale pour la faire évoluer vers celle de technicien en
information clinique. Parce qu'on juge que l'appellation «archiviste médical»
ne nous caractérise plus du tout. Nous sommes vraiment des techniciens en
information clinique.
Alexandre va vous expliquer la suite.
M. Allard (Alexandre) : Alors,
clairement, on est dans le réseau de la santé. On est là depuis longtemps.
Alors, comme on dit dans le jargon, vous voulez savoir comment une information
circule, demandez à un archiviste médical, il va vous l'expliquer. Le réseau de
la santé est basé sur entre 500 à 700 systèmes d'information. Et, un peu
comme dans tous les domaines de la société, l'informatique a pris de plein
fouet le réseau de la santé. Mais, pour nous autres, oui, c'est vrai qu'il y a
des pénuries, des pénuries postpandémies, mais, moi, ma religion à moi, c'est
l'information. Alors, la problématique du réseau de la santé, c'est la mauvaise
circulation de l'information.
Et d'ailleurs, quand on parle de réelle
stratégie de flux de données et quand on regarde ce qui est écrit par rapport
aux articles sur le dépôt national de données, on fait parfois le lien entre
des vestiges qu'il pourrait y avoir par rapport à un DSQ qui déciderait suite à
l'adoption d'un projet de loi comme celui-là versus des intentions de dépôt
national de données. Un dépôt de données devrait être un dépôt de données et
non pas des moyens de rattacher toutes sortes de besoins pour donner des
services à la population.
Donc, selon nous, et après avoir eu des
très bonnes discussions avec un éminent chercheur en information, monsieur Daniel
Caron, titulaire de la Chaire de recherche en l'information de l'ÉNAP, ce qu'il
faut voir dans une stratégie comme celle-là, quand on parle de flux
d'information, c'est que le dépôt de données devrait être l'équivalent d'une
boule et que, peu importe les utilisateurs qu'on va rattacher à ça...
M. Allard (Alexandre) : ...les
fournisseurs, des chercheurs, c'est des profils d'utilisation avec de la
journalisation. C'est ça qui est question.
Alors, dans le cadre de la commission
parlementaire, vous allez recevoir toutes sortes de groupes, des syndicats, des
groupes de pression, qui, chacun à leur tour, vont vous dire : Ah! bien,
moi, l'usager devrait être au cœur de la préoccupation. On est pour ça. Les
médecins vont avoir leurs préoccupations, les infirmières et tout le monde, en
fait. Vous allez recevoir également le groupe des chercheurs. Mais le vrai
enjeu ici, c'est l'information. Parce que, si on met le coeur... on met
l'objectif d'information au cœur des prochaines décisions, tous les autres besoins
vont pouvoir se rattacher, et on va pouvoir amener de... je m'excuse, de
l'efficacité dans le réseau de la santé.
Et, si vous regardez tous les grands de ce
monde, regardez à la bourse, le top dix, tous ceux qui sont là ont compris une
affaire, c'est que la stratégie pour faire de la business, c'est de
l'information. Donc, je fais un petit parallèle avec la business, mais c'est la
même affaire. On est assis sur une très grande business d'information au Québec
par rapport à la santé et on la sous-utilise. Et la sous-utilisation a un
impact budgétaire important parce que c'est 50 % du budget du
gouvernement.
On tient à reconnaître les efforts, le
courage du ministère, ministère de la Santé, bien sûr, ministère de la
Cybersécurité, pour enfin doter le Québec de modifications législatives qui
correspondent aux aspirations de sa population et des cliniciens, bien entendu.
Basé sur la circulation de l'information, le Québec se dotera enfin d'une loi
ou de lois qui permettra de se doter des technologies des plus avant-gardistes.
Du courage pour annoncer au réseau de la santé qu'on doit faire un virage de
l'information coûte que coûte, incluant les archivistes médicaux à devenir des
techniciens en information clinique. Du courage pour changer le focus de la médecine
et soins infirmiers pour faire un focus sur l'information, qui est le nerf de
la guerre. Du courage pour faire de l'information la pierre angulaire sur le
plus gros chantier en santé depuis 1978.
Il faut également avoir le courage
d'annoncer aux Québécois puis Québécoises que le projet DSN, ça ne va pas
coûter 700 millions, mais qu'il y en a pour 12 milliards à investir. Tout ça
pour faire quoi? Pour informatiser l'ensemble du réseau de la santé sous peu
importe ses coutures et éviter de faire du bricolage de données quand vient le
temps de rassembler de l'information qui correspond à des visions du passé de
notre réseau de la santé. Parce qu'à l'heure actuelle, quand je vous parle de
500, 700 systèmes d'information, ces systèmes d'information là sont souvent
reliés aux façons de faire du passé. Il y a deux fusions de ça. Donc, on parle
de CHSLD. Il y a un système pour les CHSLD. On parle des CLSC. Il y a un
système... Puis, d'ailleurs, ces systèmes-là remontent à 1992. Alors, ça vous
donne une idée de la vétusté des systèmes. Quand arrive la maison des aînés...
on est pour ça, on veut prendre soin de nos âgés, mais, si ça arrive avec des
nouvelles préoccupations par rapport à des nouvelles intentions de systèmes
d'information, il faut inventer quelque chose d'autre. Sinon, si ça n'existe
pas, il faut le bricoler.
Alors, c'est ce que le projet de loi n° 3 nous
permettra de passer outre. Mais clairement ça va prendre des professionnels de
l'information de santé, des professionnels qui connaissent l'information, qui
sont au cœur de cette circulation-là. Et oui, on parle de confidentialité et de
sécurité, mais, pour nous, c'est beaucoup plus que ça. Les gens, c'est de
l'information, et, si on veut traiter les gens, c'est par l'information qu'on
va pouvoir les traiter.
Alors, nous ne sommes pas peu fiers
qu'entre les deux projets de loi... parce que nous, on trouve certaines
similitudes, p.l. 19 et p.l. 3, de voir des mots apparaître, qui étaient très
peu présents ou pas présents dans l'ancienne mouture. On parle de
communication, de sécurité, de confidentialité, de journalisation, de
conservation et de règles de gouvernance. Et il y en a un qui a disparu,
peut-être pour les bonnes raisons, il s'agit de l'intelligence artificielle. Ça
a disparu. C'était très limitatif auparavant. Mais là il a complètement disparu
du projet de loi. Et ça, c'est soit que ça amène des préoccupations ou soit
peut-être une opportunité de créer une loi spécifique pour l'utilisation de
l'intelligence artificielle en santé.
• (16 h 50) •
Vous le savez, le réseau de la santé
québécois, c'est 80 % à 85 % des hôpitaux et de toutes les autres missions
du réseau qui sont papier. Alors, oui, il y a parfois des préoccupations par
rapport à l'utilisation du fax, mais, si on remplace le fax par un fax Web, ça
demeure un fax. Et, si on remplace le fax Web par un courriel ou par un Teams,
souvent, le fax est plus efficace que le courriel. Donc, on parle de moyens,
encore une fois, alors qu'ici c'est de l'objectif dont il est question.
Le Président (M. Simard) : ...s'il
vous plaît.
M. Allard (Alexandre) : Certainement.
Mme Chagnon (Lise) : Juste
pour vous dire que nous sommes parfaitement en accord avec le projet de loi.
Nous y voyons cependant quelques éléments qu'il, pour nous, serait important de
regarder de plus près. Et actuellement...
Mme Chagnon (Lise) : ...on a
beaucoup, beaucoup d'informations sur papier, on est très d'accord à ce que la
circulation de l'information se fasse au niveau informatisé, mais avec certaines
balises.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous deux. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Caire : Merci M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci de votre présentation. D'entrée de jeu,
j'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait initialement dans la
présentation où vous avez dit : Il faudrait minimiser le recours au
règlement et pérenniser le cadre. Donc je comprends que vous voudriez voir des
éléments ajoutés à la loi plutôt que de les voir aller du côté réglementaire.
Donc pouvez-vous nous préciser votre pensée là-dessus? Vous pensez à quoi
exactement? De quelle façon ça s'articulerait?
M. Allard (Alexandre) : O.K.
Par rapport à l'utilisation des règlements, tout simplement, ce qu'on vient
mentionner ici, c'est que si on vient définir la majorité des moyens à mettre
en place par règlement, ça pourrait faire en sorte que d'une gestion... d'un
gouvernement à l'autre, qu'on vienne qu'à dénaturer le réseau de la santé au
complet, dépendamment, dépendamment de dans quelle situation qu'on est. Alors,
à ce niveau-là, il y a des éléments qui méritent un peu plus d'attention, par
exemple le consentement à l'utilisation des données. Mais par rapport à ça, et
il nous semble que si on veut y aller dans la transparence, si on veut donner
par exemple l'opportunité aux usagers de choisir dans quels projets de
recherche ils veulent que leurs données soient utilisées, bien, qu'on prévoie
des éléments comme celui-là. Certains parlent d'opting out, partiel ou total.
Mais dans certains cas, si on redonne par exemple la responsabilité aux
établissements de faire cette collecte de données là, moi, je me demande bien à
quelle étape du parcours de soins, quand on est malades, on va commencer à
prendre le temps de décoder tout ce que ça veut dire. Et le principe de
consentement libre et éclairé pour nous a sa place.
Quand on parle de gouvernance, des règles
de gouvernance, présentement au Québec, suite à une petite analyse suivant nos
contacts dans l'ensemble des établissements, les règles de gouvernance sont
très mal comprises par rapport aux technologies de l'information dans le
réseau. Certains établissements y voient un intérêt. Certains établissements
ont mis de l'énergie, mais ont mis au rancart tout le beau travail qui était
fait par rapport à ça. Donc ce n'est pas quelque chose où un établissement
devrait décider quel bout fait son bonheur, mais beaucoup plus de savoir qu'on
se rallie tout alentour des mêmes préoccupations. Donc, ce n'est pas quelque
chose qu'on devrait remettre dans les mains des établissements, mais beaucoup
plus alentour d'un ministère, par exemple. C'est deux exemples.
M. Caire : Bien, en fait,
est-ce que justement, ce n'est pas l'objectif d'un règlement de s'assurer d'une
pérennité? Parce que là, je me fais l'avocat du diable, vous comprenez que
quand on légifère, le processus d'adaptation d'une loi est beaucoup plus rigide
que d'un règlement. Puis je comprends ce que vous me dites. Le côté négatif de
légiférer, c'est que si on se rend compte qu'une règle est mal adaptée, le
processus pour la changer devient beaucoup plus lourd, long et complexe. Donc
je vous repose ma question, parce que là, vous semblez dire au niveau des
établissements, mais le règlement, il est adopté par le Conseil des ministres.
Donc les établissements n'ont pas le choix de se conformer au règlement. Ne
pensez-vous pas, à la lueur de l'exemple que vous venez de me donner, que le
règlement est peut-être, je ne dirai pas : La meilleure solution, mettons,
le moindre mal?
M. Allard (Alexandre) : Un
bon point à débattre. Un bon point à débattre. Je pense que pour être en
mesure, on pense que c'est quelque chose qu'on pourrait analyser sous cet
angle-là et peut-être en fournissant aux parlementaires de l'information
supplémentaire pour étayer notre position. Je pense que ça pourrait être bien,
mais on est... Dans ces principes-là, on est également dans des principes par
rapport à tout le volet de la confidentialité. Moi... On pense qu'il y a
avantage à être le plus transparent possible.
M. Caire : Alors, vous avez
parlé des... Et ça, ce sont des mots que je fais miens, là, des trop nombreux
systèmes qui paralysent le réseau. Et là vous êtes archivistes, je suis
informaticien. À quelque part, on va se retrouver, je suis sûr. Ne croyez-vous
pas justement que cette pluralité de systèmes, qui en plus ont le défaut de ne
pas se parler, évidemment, tu sais, pour être bien sûr d'être dysfonctionnels,
là... Ne croyez-vous pas que ça, c'est le fait justement d'une information qui
a été collectée, traitée et conservée en silo, et donc que le projet de loi en
ce sens-là va favoriser l'avènement de l'unicité ou l'uniformité, devrais-je
dire des systèmes?
M. Allard (Alexandre) : Très
bénéfique, hein, puis on le dit, on est pour quelque chose comme ça. Et enfin,
un coup d'air frais dans le réseau de la santé pour améliorer les...
M. Allard (Alexandre) : ...on
travaille avec des trucs avec la vétusté du système et souvent, sans égard aux
gens qui sont assis, ici, parfois, les ministères ne savent plus quelles
informations ils possèdent. Alors, vient des moments où on doit réinventer le
bouton à quatre trous. Il y a des systèmes ou des situations où on doit
ressaisir la même information, et il y en a tout plein. Je pourrais vous
bombarder d'exemples — mon temps est limité — mais je pense
qu'il y a beaucoup...
M. Caire : On passe une belle
journée jusqu'à date.
M. Allard (Alexandre) : Non,
non, non, mais dans le sens qu'il y a des belles d'initiatives, mais la
problématique, c'est que les systèmes ne se parlent pas. Vous êtes en
informatique, l'interopérabilité du système. L'identification unique de
l'usager, le Québec fait bande à part du reste du Canada, alors pour y avoir
été à l'extérieur du Canada. Donc, clairement, il faut identifier notre patient
de façon unique au Québec, première des choses. Donc, vivement une
identification numérique de l'usager incluse dans la santé. Souhaitons-le. Mais
clairement, oui, retirer des systèmes d'information de façon massive dans le
réseau de la santé. Mais il faut garder une petite étoile à la tête parce que,
dans le réseau de la santé, une technologie qui va faire 100 % de ce que
le réseau de la santé doit faire, impossible va trouver. Ça ne se peut pas.
M. Caire : Je vais vous poser
une question parce que jusqu'à date j'entends ce que vous me dites. Donc on
s'entend que ça prend de la mobilité de la donnée, le p. l. 3 le fait. Et
cette mobilité-là va nous permettre d'asseoir un système informatique
uniformisé. Là, on parle de changement de culture, la culture du changement. On
parle d'adapter ces façons de faire au système et non pas le contraire si on
veut rester dans l'uniformité. Comment les archivistes peuvent? Technicien en
informations médicales, s'il vous plaît.
M. Allard (Alexandre) : L'information
clinique.
M. Caire : L'information
clinique.
M. Allard (Alexandre) : Étant
donné qu'on est dans toutes les missions du réseau de la santé.
M. Caire : Comment, comment
pouvez-vous contribuer à ça?
M. Allard (Alexandre) : En
fait, les archivistes médicaux, les techniciens en information clinique sont
partout dans les systèmes d'information, souvent dans le pilotage des données,
dans l'accompagnement des gestionnaires, des intervenants pour effectuer la
saisie d'informations dans les systèmes, la tenue de dossiers, les règles de
conservation et d'utilisation de données. Encore ce matin, je parlais à une
cheffe par rapport... en néphrologie ou son équipe conserve des informations
avant de les mettre en circulation. Mais clairement un impact sur elle, mais
sur toute l'équipe, sur le monde médical. Donc, on peut aider l'ensemble du
réseau à ce que l'information circule. Ce sont les meilleures personnes pour
vous aider parce qu'elles sont déjà les deux mains sur l'électricité. Donc, si
vous a besoin de jouer dans l'électricité, vous appelez un électricien. Mais,
si vous avez besoin de jouer dans les données, vous appelez un archiviste
médical.
M. Caire : Un informaticien.
M. Allard (Alexandre) : Ou un
informaticien, mais l'informaticien...
M. Caire : Non, non, je vous
taquine. Je prêche pour ma paroisse.
M. Allard (Alexandre) : Non,
non, non, puis on a toujours une bonne collaboration. Mais je me permets de
vous relancer, l'informaticien, lui, est très bon dans la coquille et est très
bon dans l'échange. S'occupe.
M. Caire : Mais il ne
s'occupe pas de la ligne d'affaires, non, non, vous avez raison.
M. Allard (Alexandre) : Mais
le contenu, l'archiviste, on est le spécialiste du contenu, alors.
M. Caire : Vous avez amené un
concept que je n'ai pas compris, puis ça, j'aimerais ça que vous m'apporter des
précisions parce que vous avez parlé d'un dépôt de données.
M. Allard (Alexandre) : Oui.
M. Caire : Et évidemment, à
travers le prisme du p. l. 3, on s'entend, là, je ne vois pas où on
conçoit la notion, là, du dépôt de données ou en tout cas pas dans le sens où
je l'entends.
M. Allard (Alexandre) : En
fait... Bien, en fait ça va m'amener une question. Mais, bon, système national
de dépôt de renseignements, donc on peut y mettre un paquet d'affaires
là-dedans. D'ailleurs, j'ai une préoccupation très personnelle là-dessus. À
notre avis, ça en prendrait deux.
M. Caire : Je vous
laisserai...
M. Allard (Alexandre) : Mais,
bon, au travers de ça, une des choses qui n'est pas claire dans le p.
l. 3, c'est : Qui est propriétaire de la donnée?
M. Caire : Le patient.
M. Allard (Alexandre) : Donc,
s'il y a une problématique de journalisation, donc j'abuse de son dossier,
c'est le patient qui va mettre les mesures coercitives en place?
M. Caire : Non. O. K. Là,
vous parlez du fiduciaire.
M. Allard (Alexandre) : Le
propriétaire?
M. Caire : Le propriétaire.
C'est le patient qui en est le fiduciaire.
M. Allard (Alexandre) : Le
fiduciaire, c'est qui?
• (17 heures) •
M. Caire : Sur le... Bien,
alors, voilà, qu'est-ce que le p. l. 3 vous dit?
M. Allard (Alexandre) : Le p.
l. 3 dit que ce n'est pas clair.
M. Caire : Mais encore?
M. Allard (Alexandre) : En
fait, dépendamment où est-ce qu'on est, parfois ça va être le dépôt national de
données, parfois ça va être l'établissement, parfois il va y avoir des
entreprises tierces.
M. Caire : Le plus haut
responsable.
M. Allard (Alexandre) : Oui.
Mais, étant donné que l'information circule, la propriété de l'information, on
ne peut pas l'asseoir en quelque part. Parce que si, mettons, on se donne un
exemple : Je suis dans une GMF de l'autre bord de la rue et j'abuse de mes
accès parce que, par exemple, je suis père d'une fille et je... dans à son
dossier d'une mineure de 17 ans avec avortement. Déjà, c'est problématique
en partant avec les lois actuelles. Si j'abuse de l'accès, qui va dire au
médecin : Ça ne fonctionne pas du tout?
M. Caire : Donc, vous, ce que
vous dites, c'est que vous ne... la ligne...
17 h (version non révisée)
M. Caire : ...hiérarchique,
la ligne de responsabilité...
M. Allard (Alexandre) : Ce n'est
pas clair.
M. Caire : ...vous ne la
retrouvez pas suffisamment clairement?
M. Allard (Alexandre) : Exactement,
parce que les endroits où on va retrouver de l'information sont multiples, ils
ne sont pas uniques.
M. Caire : Mais là vous n'avez
pas répondu, vous êtes un bon politicien, hein, vous n'avez pas répondu à ma
notion de dépôt de données, je n'ai toujours pas compris. Ceci étant dit, votre
commentaire est pris en compte, sachez-le, je ne veux pas faire de la
diversion, là.
M. Allard (Alexandre) : Mais
le dépôt de données, on y voyait dans le dépôt national de données, mais dépôt
de données, aussi, locales dans un établissement, dans un CISSS, dans un
CIUSSS...
M. Caire : Je comprends, je
comprends. C'est beau.
M. Allard (Alexandre) : ...parce
que la notion de flux d'information va aller alentour d'une notion de...
M. Caire : Parce que, moi, j'ai,
en référence, la loi 95 qui nous amène sur les sources officielles de données.
Donc là, c'est un autre modèle de gestion dans lequel, éventuellement, la santé
va s'inscrire, dans le respect, évidemment, du p.l. 3, là. Mais c'est pour ça qu'il
n'y a pas de... il n'y a pas de velléité de faire une espèce d'entrepôt de
données gouvernementales.
M. Allard (Alexandre) : Non,
non, non, ce n'est pas...
M. Caire : C'est parce que j'ai
entendu, puis ça, je veux le dire au micro, là, j'ai entendu : Ah! vous
allez centraliser la donnée. Ce n'est pas l'objectif du gouvernement. On en
avait discuté d'ailleurs avec le collègue de Rosemont. Ce n'est pas dans cette
idée-là que ces projets-là, 95 et p.l.3 sont faits dans cette espèce de gros
rassemblement de données à un seul endroit. Ce n'est pas du tout, du tout du
tout ça, le modèle qu'on veut mettre en place. C'est le club des ex.
Une voix : ...
M. Caire : Je m'excuse.
M. Allard (Alexandre) : Il n'y
a pas de faute.
M. Caire : Bon. Vous avez
parlé d'intelligence artificielle, vous avez dit : L'intelligence
artificielle a été retirée du projet de loi n° 3, il était dans le 19. En fait,
je vais faire un commentaire puis, après ça, je vais vous poser une question.
Le commentaire c'est qu'on veut un projet de loi qui est technologiquement
neutre. Ce qui était la philosophie qu'on avait quand on a adopté aussi la loi
64, qui est devenue maintenant la loi 25, et compte tenu que la loi 3 instaure
un régime de protection qui est hérité de la loi 25 avec les adaptations nécessaires.
Il était donc nécessaire qu'il devienne technologiquement neutre.
Ceci étant dit, vous avez dit : Ça
prendrait une loi. Il y a une stratégie d'intégration et d'intelligence
artificielle au sein du gouvernement, qui est pilotée par mon ministère,
évidemment. Mais vous, vous parlez d'une loi, pourquoi?
M. Allard (Alexandre) : Pour
encadrer son utilisation au gouvernement, comme en santé, parce qu'on peut
faire plein de choses avec ça.
M. Caire : Alors là, je
vais... Oui. Bien, en fait...
M. Allard (Alexandre) : Plein
de choses.
M. Caire : ...oui et non.
Mais je vais relancer la discussion sur la prémisse de ce que je vous ai dit :
Une loi, c'est difficile à changer, une stratégie, un règlement, il y a plus de
souplesse dans un contexte où on dit qu'on peut faire plein de choses avec l'intelligence
artificielle. Mais qu'est-ce qu'on peut faire avec l'intelligence artificielle?
La vérité, c'est qu'il n'y a pas de réponse précise à ça, parce que ça évolue
tellement rapidement que... Est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait
justement se donner des mécanismes de contrôle? Oui, mais avec de la souplesse
qui nous permet de s'adapter. Parce que le temps qu'on adopte la loi, l'intelligence
artificielle va être rendue plus loin.
M. Allard (Alexandre) : Effectivement,
on n'est pas contre votre enlignement par rapport à... faire une différence
entre le législatif et le réglementaire. Par contre, d'installer un mécanisme,
un mécanisme de contrôle éthique d'une technologie similaire, peu importe
comment on va l'appeler, aujourd'hui, elle s'appelle comme ça, elle s'appellera
une autre chose demain, serait de bon augure. Parce que oui, on peut faire des
choses très belles avec l'intelligence artificielle, comme on pourrait faire
des choses très laides.
M. Caire : Absolument.
M. Allard (Alexandre) : Alors,
de l'intégrer dans la loi, justement parce que c'est difficile de le changer,
il y aurait avantage de mettre quelque chose qui oblige la soumission d'un
dossier pour mettre ça en place à un comité d'éthique particulier.
M. Caire : Bien, c'est parce
qu'à ce moment-là, et ma question n'était pas anodine, à ce moment-là, je vous
ramène au projet de loi qui, dans le volet protection des renseignements
personnels, a quand même des éléments qui viennent encadrer notamment l'utilisation
pour des processus décisionnels de technologies, toujours dans un contexte
technologiquement neutre. Évidemment, on n'a pas ciblé l'intelligence
artificielle, mais on parle d'outils technologiques qui viennent en soutien à
la décision et qui amènent des obligations, quant à la façon de communiquer, de
gérer, de, etc.
Donc, est-ce que ça, compte tenu de ce que
la loi a à faire... Parce que l'idée de la loi n'est pas de prescrire l'utilisation
de telle ou telle technologie ou le déploiement, donc c'est vraiment de faire
un cadre législatif. Est-ce que vous ne pensez pas qu'avec les paramètres que
je viens de vous mentionner...
M. Caire : ...fait ce que la
loi doit faire, c'est-à-dire s'assurer que, si on utilise des technologies, on
les encadre, le facteur humain est pris en compte, et cetera. Ce que la loi,
donc, dans sa version actuelle, fait quand même.
M. Allard (Alexandre) : On
continue de penser qu'une obligation de soumettre à un comité éthique devrait
être écrite dans la loi, tout comme les chercheurs doivent. Il y a plein de
chapitres de la loi qui sont écrits par les chercheurs.
M. Caire : Quand vous parlez
d'un comité éthique, vous parlez d'un comité éthique au moment où on fait le
déploiement d'une technologie qui inclut l'intelligence artificielle?
M. Allard (Alexandre) : absolument.
M. Caire : Puis vous en
feriez une obligation légale?
M. Allard (Alexandre) : Absolument.
M. Caire : O.K.
M. Allard (Alexandre) : Et
quand vous dites que le règlement... la loi, je m'excuse, est technologiquement
neutre, quand vous allez dans les règles par rapport au système national de
dépôt de renseignements, ce n'est pas technologiquement neutre. Parce qu'on
parle de système de rendez-vous, de prise de rendez-vous, ça, c'est de la
technologie, on parle d'utilisation de communication simplifiée...
M. Caire : Pas
nécessairement, pas nécessairement. Le système, ce n'est pas nécessairement
technologique. Ça va se faire au téléphone.
M. Allard (Alexandre) : On
parle de comment trouver un professionnel de la santé. On parle un petit peu de
technologie au travers de ça. Et, à la limite, c'est un peu limitatif parce
qu'il y a plein d'affaires qu'on n'a pas mentionnées là-dedans : le
Registre des implants du Québec, le registre des allergies, le registre des
intolérances, le registre des traumas, qui pourraient être là, le registre
d'oncologie. Alors, il manque plein de choses. Puis on reste à la base sur plein
de petits éléments. Je comprends qu'ils vont améliorer la vie des citoyens,
mais c'est des moyens, c'est des outils, que des outils pour donner des
services. Ce n'est rien d'autre que ça. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Merci. Je cède parole à la députée de Mont-Royal-Outremont.
Mme Setlakwe : Merci à vous
deux. Moi, je ne suis pas informaticienne comme le ministre, je suis avocate.
Mes questions vont être d'ordre plus général.
Si je vous entends bien, là, votre... Vous
n'êtes pas contre le projet de loi, là, dans son principe, pas du tout, au
contraire. Mais je pense que votre doléance principale, si j'ai bien compris,
c'est : où sommes-nous, nous avons un rôle à jouer, et la loi n'a pas tenu
compte de ce que nous, on doit... On va forcément... On devrait apporter ou on
va apporter dans ce nouveau système là. Est-ce que c'est ce qu'on entend?
M. Allard (Alexandre) : Exactement,
exactement. On aimerait faire partie du changement, de la solution.
Mme Setlakwe : Puis là, en
plus, on voit que, puis, ça, ça déborde un peu de la loi, mais on entend que
clairement, votre rôle a évolué, puis pas juste avec ce projet de loi là,
depuis des années. Donc, on va vous appeler les techniciens en information
clinique. Donc, ça, c'est une chose, là. Et là, ça reste à voir, est-ce que...
Ça m'amène à mon deuxième point aussi, qui semble être votre doléance aussi
importante, c'est : vous restez sur votre appétit, là. En lisant la loi,
il manque des... On comprend que ça va prendre des règlements, mais vous pensez
qu'il y a trop de transferts de cadre... ou, en tout cas, d'encadrement qui est
transféré vers les règlements, là. Il faudrait quand même ramener certains
principes, certaines procédures dans la loi elle-même.
• (17 h 10) •
M. Allard (Alexandre) : Oui,
exactement. Donc, un peu comme on disait tantôt, on va revenir avec des
documents supplémentaires pour avoir une position complète et détaillée. Je
pense que, à brûle-pourpoint comme ça, on se serait peut-être limités dans
notre capacité de répondre adéquatement. Mais vous avez raison.
Et, plus loin encore, il y a trois
professions qui vont être complètement atteintes dans le réseau de la santé, si
PL trois est adopté tel quel demain matin, les premiers, en informatique,
clairement, sur la gestion de la coquille. Les avocats devront absolument se
refaire une tête par rapport à tout ça parce que ça change la donne. Mais ceux
qu'on change les couteaux puis les fourchettes à la table, c'est les
archivistes médicaux. Parce que leur travail, c'est 100 % de
l'information. On vous branche à l'ordinateur et vous gérez de l'information
toute la journée, alors que le médecin, on peut changer les moyens, on peut
changer la façon dont on va faire les choses. Mais, de la médecine va rester de
la médecine.
Alors, certains disent : Ah, ça va
augmenter la charge de travail. Non, DSN va améliorer la charge de travail
parce qu'on va faire de la réutilisation de l'information. Tu sais, présentement,
quand qu'un patient décède au Québec, vous savez que le médecin va écrire
minimum trois fois la même information dans un dossier, minimum : donc,
ils vont l'écrire sur le bulletin de décès, on reprend la même chose dans un
autre système, sur une feuille sommaire, et on va reprendre la même chose dans
les notes évolutives. Donc, l'objectif de ça, c'est de faire de la
réutilisation de l'information. Mais, pour faire ça, ça prend des techniciens
en information qui sont spécialisés pour les accompagner. Pas parce que Pierre
décide quelque chose et Jacques décide quelque chose d'autre. Ça prend des gens
qui vont accompagner, amener les gens dans la transition. Et les archivistes
seront des personnes de transition dans le réseau de la santé. Alors, sans ces
gens-là, c'est se priver d'une force de main-d'oeuvre qui permettra d'atteindre
ces objectifs.
Mme Setlakwe : Est-ce que
vous avez des appréhensions vis-à-vis, là, les bras, là, la main-d'oeuvre?
Est-ce que déjà il y a un manque? Est-ce qu'on va manquer de gens...
M. Allard (Alexandre) : C'est
un enjeu. C'est un enjeu, mais un peu comme on le disait d'entrée de jeu, ma
religion à moi, c'est l'information. Alors, plus vite on va amener de la
réutilisation de l'information pour le bienfait d'un patient, pour le bienfait
d'un établissement et d'un réseau de la santé, plus vite on sera en mesure de
contribuer positivement à limiter l'impact de la pénurie actuelle. Donc, on
est... on est des fervents des «quick wins», des gains rapides pour pouvoir le
faire. Donc, le secret est dans la sauce. Les cuisiniers sont aux commandes
avec les appels d'offres de DSN et compagnies parce que le p.l. no 3 permet de
mettre ces choses-là en place. Mais clairement, on a besoin des archivistes
médicaux pour être capables de faire la transition et de passer à la prochaine
étape. C'est ce qu'on souhaite.
Mme Setlakwe : On n'a pas
terminé nos consultations, là, mais votre intervention est assez unique que ça
amène vraiment une autre perspective, une autre réflexion. Je vous en remercie.
Puis j'ai presque fini. Je vous laisserais peut-être avec une dernière
question. Il y a des choses qui, selon moi, sont vraiment de base, là, qui ont
été questionnées, demandées, comme qui est propriétaire de la donnée. Mais ça,
ce n'était pas clair selon vous?
M. Allard (Alexandre) : Non,
ce n'est pas clair. Puis c'est un petit peu comme les pénalités si on abuse.
Donc, par exemple, je vous donne un accès. Vous abusez? C'est une pénalité
financière. Je devrais vous en retirer les accès, peut-être. Vous passez au
bureau, au conseil de discipline, peu importe. Je comprends qu'il y a une
partie, l'ordre professionnel, mais le règlement présentement se base sur la
bonne foi des utilisateurs et sur les ordres professionnels pour donner les
consignes d'utilisation aux intervenants. Donc, le concept de la nécessité.
Donc, moi, je suis physiothérapeute. J'ai besoin d'avoir les informations de
votre dernière opération à l'estomac. Je suis physiothérapeute, là. Est-ce que
c'est vraiment pertinent? Qui va juger de la nécessité?
Moi, je pense que ces raisons d'être là
doivent être encadrées ou doivent être validées. Peut-être que dans ce cas-là,
la nécessité, peut-être que des règlements vont faire l'affaire, mais on pense
sérieusement qu'il faut mettre peut-être une table de concertation avec des
spécialistes en données, genre les archivistes médicaux. Nous autres, on peut
être là pour aider les ministères à mettre des choses comme ça en place, mais
clairement, la nécessité, c'est élastique, hein? Une infirmière qui a besoin
d'avoir accès à l'information de santé concernant ses enfants, elle est
infirmière, elle comprend tout ça. Donc, sa nécessité à elle est différente.
Donc, oui, les établissements sont en mesure de gérer, avec parfois des mesures
et tout ça. Encore faut-il être en mesure de mettre des mesures en place. Et
quand on a quatre 85 % du réseau qui est papier, les mesures, ça... On ne
peut pas bricoler ça sur le coin d'une table, là.
Mme Setlakwe : Non. Ça va
pour moi. Pas d'autre question. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci,
madame. Je cède la parole au député de Rosemont qui dispose d'environ 12
minutes.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bien, merci d'être là. Je ne suis pas informaticien non plus, loin
s'en faut. Je serais même dans mon ancienne vie et dans celle-ci ce que les
techniciens informatiques appellent un code 18. Je suis le problème à 18 pouces
en arrière de l'écran. Ça fait qu'inutile de dire que vous m'avez perdu à
quelques occasions, vous et le ministre. Vous avez du fun, c'est déjà ça, là,
mais...
Une voix : ...
M. Marissal : Oui. En tout
cas, si on vous dérange, vous nous le direz. On va essayer de démêler tout ça
pour le profane que je suis, là. Puis on va continuer sur ce que vous disiez
avec ma collègue, là, de Mont-Royal-Outremont, on va finir pas l'avoir. Qui va
juger de la nécessité? On est pas mal dans le cœur de l'affaire, là. Votre
exemple est parlant, là. C'est vrai qu'un physiothérapeute puis l'estomac... Bon,
je suis sûr qu'il y a un lien quelque part à un moment donné, là, mais à
première vue, ça n'a pas l'air évident, là, de vous faire replacer l'épaule si
vous avez eu un problème. O.K. Vous, vous comprenez quoi du projet de loi en ce
moment? Qui décide de qui donne le go? Qui surveille?
M. Allard (Alexandre) : Présentement?
M. Marissal : Oui. De ce que
vous comprenez du projet de loi.
M. Allard (Alexandre) : Présentement,
c'est avec le consentement de l'usager que ça se fait. Par rapport au projet de
loi? O.K. O.K.
M. Marissal : Oui, oui. Bien
sûr. Bien sûr.
M. Allard (Alexandre) : Bien.
En fait, par rapport à ça, la nécessité, tout est dans les mains de
l'intervenant. Donc, de ce qu'on en comprend, Lise, corrige-moi si je dis des
niaiseries, mais c'est qu'on donne les outils. Parce que vous êtes
physiothérapeute, je vous donne... Puis ce n'est pas principalement les
physiothérapeutes, ça pourrait être n'importe quel autre. Prenons un
ergothérapeute ou un TS. Je vous donne les accès et à vous de vous contrôler.
Grosso modo, c'est comme ça que ça marche. Et on demande à l'ordre
professionnel, bien, produisez des «guidelines» que vous allez publier à vos
membres pour dire : Bien, voici comment vous devriez vous tenir par
rapport à l'accès de l'information. Vous savez à qui, dans un établissement,
les intervenants se réfèrent pour savoir qu'est-ce qu'ils ont le droit de faire
ou pas? Nous. L'ordre professionnel? Bien sûr, mais parfois pour venir décoder
ce que l'ordre professionnel veut dire, ils viennent nous voir. Et comme
président, ça m'est arrivé d'appeler le président de l'ordre des physio puis
des IPS en disant : Ce que tu as écrit dans ton...
M. Allard (Alexandre) : ...règlement,
ça ne s'applique pas. Moi, je n'écrirais pas ça comme ça. Ah! je vais changer
mon règlement. Génial. Et, quand qu'on parle de passer de réflexe papier à
électronique, c'est de ça qu'il est question. Pour les physiothérapeutes, on
demande, par exemple d'initialiser chaque page d'un document remis à un usager,
chaque page. Quand qu'on est rendus à l'écran, ça veut dire quoi? Signé chaque
écran? Ça ne fonctionne pas. Alors, on a besoin de professionnels en
information pour être en mesure de guider les gens sur le terrain, pour être en
mesure de guider le réseau, pour mettre en place des trucs qui sont efficaces,
et, un peu comme le ministre Caire disait, oui, à un certain point de permettre
l'adaptation, O.K., des équipes à des meilleures pratiques. Mais, dans certains
cas, il va falloir avoir l'humilité de dire : La meilleure pratique, ce
n'est peut être pas tout à fait celle qu'on est après jaser présentement. Et,
tu sais, quand qu'on parlait de pénurie tantôt, vous le savez que présentement,
il y a des centaines d'infirmières au Québec, que leur travail, c'est de
s'assurer, par exemple dans les médecines de jour, que votre protocole, parce
que je vous diagnostique une bosse à l'aisselle, leur travail, c'est de
s'assurer que j'aie une prise de sang, j'aie une radiographie, j'aie un scan, et
tout ça, leur travail, c'est ça principalement. Un ordinateur est capable de
faire ça.
Donc, quand qu'on parle de pénurie, il y a
du monde dans le réseau de la santé, et la réutilisation de l'information va
juste permettre de rendre ça plus fluide. Et on n'est pas d'accord au fait que
ça va rajouter de la lourdeur administrative aux gens, ça va en enlever 30,
40 % de lourdeur administrative chez les gens.
Mme Chagnon (Lise) : Ça va
permettre aussi aux usagers d'arrêter de répéter, répéter, répéter toujours
leurs histoires. Alors, le fondement du projet de loi, pour nous autres, il est
vraiment important et essentiel. Maintenant, c'est ça, il y a quand même un
certain niveau de... je ne dirais pas de coercition, mais un certain niveau de
jugement qu'il faut apporter pour s'assurer que les gens qui y ont accès, ils
ont accès à ce qu'ils ont droit d'avoir accès. C'est le petit bout qui nous
dérange un petit peu.
M. Marissal : Oui. O.K. Mais,
en ce moment, là, malgré les fax puis les méthodes cléricales assez archaïques,
là, tout le monde comprend son sens de responsabilité, là, il me semble, ou, en
tout cas, j'espère.
Mme Chagnon (Lise) : Pas
toujours. Pas toujours.
M. Allard (Alexandre) : Tu
sais, ça dépend. Le fax, ce qu'il a de génial, le fax, là, c'est que tu as une
alerte. Vous connaissez le poka-yoke ou les principes de gestion où on crée des
détrompeurs. Le petit cordon sur votre bouchon à essence pour ne pas perdre le
bouchon, ça s'appelle... c'est du poka-yoke. Je ne veux pas aller trop loin
là-dedans. C'est juste un détrompeur pour... vous oubliez de l'éviter. Le
détrompeur du fax, c'est le papier qui arrive dans la machine. C'est un
détrompeur pour les agentes administratives puis les infirmières de dire :
Ah! il faut que je m'occupe de ça, j'ai du papier dans le fax. Un courriel, ça
n'avise pas. Je veux dire, tu as quelque chose de très urgent qui rentre, là...
Ah! tu peux te mettre une alerte. Quand vous êtes sur une unité de soins, 50
alertes le matin, 50 l'après-midi, ce n'est pas une option, donc tu enlèves
l'alerte de courriel. Tu ne le sais pas que ton document important vient de
rentrer. Donc, quand qu'on parle de mécanique de communication, comme il est
écrit à une place dans le document, c'est une vraie mécanique de communication
que ça prend en place.
M. Marissal : O.K. Ça fait
qu'on continue avec les fax, puis ça ne coûtera pas 12 milliards, là, si
je vous suis bien. Non, c'est une blague, ne répondez pas à ça.
M. Allard (Alexandre) : Vous
me...
M. Marissal : Ne répondez pas
à ça. On va perdre du temps pour rien avec mes niaiseries, là. Bien, je ne le
sais pas, j'ai l'impression que vous surcomplexifiez l'affaire un peu. C'est
peut-être dû à votre métier. Tu sais, vous dites par exemple les feuilles...
chaque feuille du physio, il faut qu'elles soient paraphées.
M. Allard (Alexandre) : Oui.
M. Marissal : Bon, je vous
l'ai dit, là, en toute franchise, là, je suis un peu technotwit, mais pas tant,
là. Je suis capable de parapher des documents hypothécaires pendant que je vous
parle, par mon téléphone. Ça fait que ce n'est pas si compliqué non plus, là.
Il ne faut pas... Je ne sais pas, vous avez l'air de trouver que ça a l'air
bien compliqué.
M. Allard (Alexandre) : Bien,
en fait, il faut juste savoir que des documents comme ça, c'est un gabarit
d'impression seulement. Votre document pourrait avoir un kilomètre de long, ça
ne change rien. Donc, vous allez initialer quoi sur un document d'un kilomètre
de long, une fois à chaque 100 mètres?
Donc, les réflexes papier, c'est des
réflexes qui nous amènent là. Les façons dont vous utilisez vos applications
sur votre téléphone intelligent a des réflexes électroniques. Il faut amener la
santé aux réflexes électroniques et lâcher les réflexes papier. L'objectif est
très clair, p.l. trois doit remplacer le papier puis le crayon des intervenants
sur le plancher, des infirmières, et tout ça.
Donc, c'est bien de rajouter des agentes
administratives, là, dans les établissements, ils ne peuvent rien faire du
travail des infirmières, rien comme dans rien. J'allais dire, rien comme
dans... mais ça ne marche pas.
• (17 h 20) •
M. Marissal : Est-ce qu'il y
en a d'abord tant que ça...
M. Allard (Alexandre) : Pardon?
Des agentes?
M. Marissal : ...dans les établissements,
oui, qui sont arrivées?
M. Allard (Alexandre) : Bien,
il y en a des agentes, mais leur travail est très différent, il est
complémentaire. On en a besoin. C'est clair qu'on en a besoin, mais ce n'est
pas en saupoudrant plus d'agentes administratives qu'on arrive à faire plus de
travail.
M. Marissal : On est
d'accord.
Mme Chagnon (Lise) : ...le
pourquoi de nos appréhensions, c'est aussi qu'on voit tellement de choses sur
le terrain, si vous saviez tout ce qu'on voit, que c'est... On a raison, je
pense, de vouloir s'assurer qu'il y a des balises claires qui sont mises pour
que certains...
M. Marissal : Allez-y, on
vous écoute...
M. Marissal : ...allez-y, on
vous écoute. Vous parlez de quoi quand vous dites, vous voyez plein d'affaires
sur le terrain?
Mme Chagnon (Lise) : Mon
Dieu! Un médecin qui va vouloir consulter, pendant qu'il est en vacances, le
dossier de ses enfants, des gens qui circulent de l'information... On en voit
des choses qui ressortent dans les médias, mais pas toutes les choses qui
ressortent dans les médias.
M. Allard (Alexandre) : Pas
toujours. Donc, une infirmière qui prend une photo de plaie puis qui envoie la
photo de plaie au médecin. La photo est sur deux téléphones cellulaires, pas de
consentement d'usager. Puis le vendredi soir, avec une petite coupe de vin,
vous pensez qu'on jase de quoi? Ces gens-là cliniques, ils jasent de ça :
Tu n'as pas vu ce que j'ai vu en fin de semaine...
M. Marissal : O.K., mais là
il faudrait avoir une loi sur la conscience morale. Ça n'arrivera pas, là.
M. Allard (Alexandre) : Bien,
clairement. Si on met...
M. Marissal : Il n'y a rien
qui va empêcher ça avec l'informatique. D'ailleurs, les policiers qui fouillent
dans le... ça arrive, là, aussi, là.
Mme Chagnon (Lise) : Ça
arrive aussi, oui, oui.
M. Allard (Alexandre) : Oui.
Puis déjà qu'on a déjà une obligation, qui est tout à fait récente... les
choses, tranquillement, se mettent en place sur un registre des incidents de
confidentialité. Clairement, c'est sous-déclaré au Québec. Donc, vivement
quelque chose comme celle-là, c'est un pas dans la bonne direction. Mais, en
quelque part, c'est à partir du moment qu'on donne des outils technologiques
aux gens dans leurs mains pour faire leur travail. Les gens se trouvent plein
de façons de faire les trucs. Un jour, j'ai déjà enlevé le droit d'impression à
une infirmière. Elle était... c'était une CEPI. Donc, c'est une infirmière à
l'école qui était là pour faire ses stages. Elle, elle voulait prendre des
images du dossier pour être capable de faire une belle présentation à l'école,
sans égard à la confidentialité. Des dizaines et des dizaines de pages du
dossier. Alors, on apprend ça, on lui enlève les droits. Vous savez ce qu'elle
a fait? Elle a pris son téléphone, puis elle a pris des photos du dossier, puis
elle l'a sacré dans sa présentation à l'école. Nous, il a fallu faire un retour
à la maison d'enseignement, à l'université pour faire en sorte qu'il y ait une
conséquence de fait. Donc, si le propriétaire de l'information, c'était nous,
si ça n'avait pas été nous, le propriétaire, on n'aurait jamais fait de retour
par rapport à l'infirmière, on aurait dit : Fais tes trucs puis...
M. Marissal : Je prends la
balle au bond ici, M. Allard. Outre le fait de changer votre nom puis de vous
encadrer dans le projet de loi, c'est votre demande puis elle est légitime,
vous voyez quoi, vous, comme rôle? Voyez-vous un rôle de... je ne dirai pas
shérif, là, parce que ça a déjà été employé pour quelqu'un d'autre ici, là,
mais...
M. Allard (Alexandre) : Je
comprends. Bien, tu sais, souvent...
M. Marissal : Oui... bien, de
contrôle.
M. Allard (Alexandre) : Je
comprends. Mais souvent les médecins nous appellent la police des dossiers,
alors on est capable de jouer ce rôle-là. Mais, clairement, dans la
journalisation, on a des «assets», on a des compétences particulières par
rapport à ça. Les contrôles de sécurité, par rapport à la gestion des profils
d'accès, par rapport à la circulation de l'information, ce qu'on... dans le
jargon, on appelle les trajectoires cliniques, vous l'avez peut-être déjà
entendu, notre gang connaît ça, les trajectoires cliniques. Donc, encore ce matin,
j'avais une cheffe de service qui a fait une revue de dossiers puis elle se
demandait pourquoi les données du ministère puis les siennes ne fittaient
pas...
Le Président (M. Simard) : ...
M. Allard (Alexandre) : ...Ils
ont fait une analyse dans les dossiers médicaux, ils n'ont pas invité
d'archivistes médicales. Donc, ce qui se sont... ce qu'ils n'ont pas réalisé,
c'est la raison pour laquelle on leur disait qu'ils n'étaient pas corrects, ils
ont analysé la mauvaise affaire. Ça, c'est ce matin, ça.
M. Marissal : O.K. Je n'ai
plus de temps, mais on va vous réinviter. Vous êtes passionnants...
M. Allard (Alexandre) : Je
suis passionnant.
M. Marissal : ...passionnant
les deux, je veux dire. Puis, M. le ministre, on a trouvé un autre shérif, un
nouveau shérif ici...
Le Président (M. Simard) : Bon,
bon, bon. Alors, très bien...
M. Marissal : Alors, je vous
invite à prendre des notes. Merci de votre présentation.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, M. Allard, Mme Chagnon, merci beaucoup pour votre présence parmi
nous, ce fut fort apprécié.
Sur ce, nous allons suspendre
momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 30)
Le Président (M. Simard) : Chers
collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, chers collègues! Nous sommes
en ondes.
Nous avons le plaisir de recevoir des
représentants de l'Association des établissements privés conventionnés. Madame,
monsieur, soyez les bienvenus. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter, s'il vous plaît?
M. Nadon (Jean) : Jean Nadon,
président de l'Association des établissements privés conventionnés.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue.
Mme Lavoie (Annick) : Annick
Lavoie, directrice générale de l'Association des établissements privés
conventionnés.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
à vous aussi.
Mme Lavoie (Annick) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
nous vous écoutons, et vous disposez de 10 minutes.
M. Nadon (Jean) : Je suis
Jean Nadon, président, et Annick Lavoie, directrice générale. Au nom de tous
les membres de l'association, je vous remercie de nous donner l'occasion de
nous prononcer sur ce projet de loi. Une fois adopté, il aura pour effet d'améliorer
nos façons de faire sur une base quotidienne.
D'abord, permettez-moi de vous faire un
bref topo. L'AEPC regroupe 28 propriétaires gestionnaires qui représentent 59
établissements et installations, 57 centres d'hébergement et de soins de longue
durée et deux centres de réadaptation, incluant une unité de soins palliatifs
répartie dans 11 régions au Québec...
17 h 30 (version non révisée)
M. Nadon (Jean) : ...la
mission de l'AEPC est de promouvoir l'excellence des soins et des services de
proximité offerts par nos membres, de soutenir la place de l'entreprise privée
conventionnée dans le domaine de la santé et des services sociaux, et de mettre
en valeur les intérêts de nos membres et leur contribution essentielle. Les
établissements privés conventionnés offrent des services publics qui sont gérés
par le privé, c'est donc dire que les usagers qui sont admis dans nos
établissements de santé proviennent du mécanisme d'accès à l'hébergement et ont
la même contribution de l'usager que dans un établissement public. Nos
établissements sont régis par les mêmes lois, normes, règlements et conventions
collectives que les établissements publics. Les EPC sont reconnus pour offrir
des soins et des services de qualité supérieure dans des environnements
sécuritaires et agréables, ce sont des experts en soins et services de longue
durée avec hébergement, et en réadaptation physique. Ce modèle a fait ses preuves
puisqu'un des engagements pris par le premier ministre lors de son discours
inaugural en 2021 est celui de conventionner tous les CHSLD privés du Québec
afin d'assurer des soins de qualité à tous les aînés.
Pendant les éclosions, dans les milieux d'hébergement
pour aînés, les EPC se sont démarqués positivement par leur gestion de
proximité, leur agilité et la détermination de leur personnel engagé qui ont
contribué ensemble à limiter l'impact des éclosions sur les résidents. Un autre
constat partagé par plusieurs, à la suite des enquêtes menées après le drame
dans les CHSLD, la coroner Khamel, la Commissaire à la santé et au bien-être
ainsi que la Protectrice du citoyen ont été très claires en disant qu'on avait
un déficit d'informations et que ceci avait contribué largement aux difficultés
observées. Pendant la pandémie, le manque d'information en temps réel était
critique. On a vraiment un rattrapage à faire dans la collecte d'informations,
à en faire largement... mais je vous rappelle qu'il existe trop souvent un mur
de Chine entre l'hôpital et le CHSLD, ce qui fait en sorte que nous avons reçu
des clients contaminés qui ont été à l'origine d'éclosion et de décès.
Mmes et MM. les députés, lors de l'étude
détaillée du projet de loi, je vous invite à reconnaître l'importance d'une
meilleure fluidité de l'information à travers l'ensemble du réseau de la santé,
peu importe si c'est un organisme public ou privé. Nous sommes tous mobilisés
pour offrir des soins de qualité et sécuritaires, mais encore faut-il nous
donner les moyens de le faire.
On ne peut passer sous silence le tsunami
créé par le vieillissement de la population. Le Vérificateur général a mis en
lumière, en mai dernier, le manque de planification pour répondre aux besoins
des aînés en grande perte d'autonomie. Selon le Vérificateur général, il est
alors nécessaire d'établir un portrait juste de la demande future des aînés en
grande perte d'autonomie pour des soins de longue durée en tenant compte de l'évolution
démographique ainsi que de l'état de santé de ses aînés et en assurer
régulièrement la mise à jour. Comment établir un portrait juste de la situation
si on se prive de 25 % des lits en CHSLD, soit ceux qui sont opérés par
les partenaires privés? De plus, de suivre l'évolution de la demande actuelle
et future, il importe d'analyser les besoins de la clientèle hébergée qui s'alourdit
de façon significative afin d'adapter les soins et le milieu de vie et de
prévoir des ressources nécessaires. Nous partageons ces recommandations et
voilà pourquoi nos commentaires sur le projet de loi ne visent pas à en faire
une analyse juridique, mais plutôt à vous convaincre du bien-fondé d'une telle
réforme. Le Québec est en retard sur ce front et notre mémoire témoigne d'une
multitude d'exemples où un meilleur partage de l'information bénéficierait
autant aux résidents, aux familles, qu'aux membres de nos équipes soignantes.
Je laisse le soin à Mme Lavoie de vous illustrer quelques-uns des
exemples.
Mme Lavoie (Annick) : Merci,
monsieur Nadon. L'accessibilité aux renseignements de santé et de services
sociaux est un virage nécessaire que le Québec ne peut se permettre de manquer,
il en va de l'intérêt du résident et de ses proches, puisqu'un partage d'informations
plus fluide entre les établissements permet aux professionnels de la santé de
prendre d'importantes décisions cliniques avec justesse et de manière
sécuritaire. Il est fort regrettable de constater encore aujourd'hui que des
informations cruciales permettant d'assurer la sécurité des résidents ne sont
pas transmises en temps opportun ou que le dossier papier n'est tout simplement
pas à jour, il me fera plaisir de vous donner un exemple si le temps nous le
permet.
Encore aujourd'hui, lors d'un transfert d'un
patient vers un CHSLD ou un hôpital, une infirmière a la tâche de rassembler
une multitude de copies du profil, des rapports, des évaluations diverses du
patient. Ces documents sont remis à ce dernier qui devra à son tour les
remettre à son arrivée. Non seulement ce processus est loin d'assurer...
Mme Lavoie (Annick) : ...la
confidentialité des renseignements contenus dans l'enveloppe, mais il est...
et, en plus, il monopolise une ressource à une tâche qui n'est nullement à
valeur ajoutée.
L'informatisation des données de santé permettra
une meilleure fluidité de l'information entre professionnels et un accès plus
rapide à des données critiques. Le fardeau des patients et des proches aidants
à dire et redire les mêmes informations sera allégé, et leur confiance dans le
système de la santé sera d'autant plus grande.
Pour permettre une telle avancée,
certaines balises seront nécessaires, dont notamment le traçage de l'accès à
l'information. Le p.l. 3 vient modifier le Code des professions, et il
reviendra aux ordres professionnels de la santé d'encadrer l'accès aux
différentes données de leurs membres afin d'assurer la protection du public.
L'utilisation d'outils communs et standards devra être préconisée pour
faciliter l'élaboration des tableaux de bord, le suivi des données, le repérage
des informations et la continuité des soins.
Autre clé de succès :
l'interopérabilité des systèmes informatiques. Personnellement, il n'y a rien
de plus frustrant, en 2023, que des entraves causées par l'informatique. Est-ce
que la solution passe par un système unique dans l'ensemble des établissements?
À vous de voir. Mais minimalement tous les systèmes devraient pouvoir
communiquer entre eux.
Avant de conclure, je réitère que nous
sommes en accord avec l'intention du législateur voulant que l'information
circule plus aisément et que les barrières actuelles soient levées. Ceci aura
un impact direct sur la lourdeur administrative actuelle et permettra une
meilleure utilisation des ressources humaines au bénéfice de l'ensemble des
patients du Québec. Dans un contexte où nous sommes confrontés à une pénurie de
personnel de la santé, il est inacceptable d'imposer des évaluations à
répétition, alors qu'une communication plus fluide entre établissements
viendrait alléger le fardeau en plus de favoriser une plus grande
collaboration.
Nous encourageons donc le législateur à
mettre en place un cadre rigoureux et sécuritaire pour toutes les organisations
en possession de renseignements de santé et de services sociaux. En plus de
favoriser la confiance des patients, ce projet de loi imposera de nouveaux
standards et une plus grande uniformité des pratiques en ce qui concerne le
partage de renseignements. En balisant adéquatement l'accès et le partage de
renseignements de façon sécuritaire, nous serons à même de contribuer à un
rehaussement de la qualité et de la sécurité des soins aux aînés, sans compter
que le personnel pourra s'y retrouver plus aisément, peu importe l'endroit où
il aura à travailler.
Alors, nous sommes prêts à prendre vos
questions.
Le Président (M. Simard) : Alors,
M. le ministre, à vous la parole. Mme la députée d'Huntingdon, alors, sinon...
M. Caire : Bien, je vais...
Oui, bien, vas-y, vas-y, vas-y.
Le Président (M. Simard) : Allez-y,
chère collègue.
M. Caire : Vas-y.
J'enchaînerai.
Mme Mallette : Vous
enchaînerez. Parfait.
Le Président (M. Simard) : Vous
disposez de 16 min 20 s.
• (17 h 40) •
Mme Mallette : Bonjour. Ça va
bien? Dans le fond, j'aimerais juste valider avec vous ma compréhension. Vous
avez dit que la confidentialité d'un dossier, quand il est papier, parce que,
bon, il y a des photocopies, après ça il est donné, ça pouvait avoir des enjeux
de sécurité. Donc, est-ce que, selon vous, le projet de loi n° 3 va augmenter la
confidentialité des dossiers des patients?
Mme Lavoie (Annick) : ...très
certainement la sécurité par rapport à la confidentialité. Parce que, quand je
mentionne ça... Je vous donne un exemple. Vous avez un patient qui est en
CHSLD, qu'on transfère à l'hôpital pour un examen. Il part avec sa petite
enveloppe. Bon, il oublie l'enveloppe dans l'autobus de transport adapté, bien,
l'enveloppe, elle est là. Alors, quelqu'un peut l'ouvrir et regarder les
données, qui sont strictement confidentielles. Donc, c'est un accès qui est
quand même relativement facile. Donc, effectivement, dans un accès électronique
où on doit avoir peut-être un jeton ou quelque chose qui nous permet d'y
accéder, avec un traçage, on sait que... qui est allé dans le document et à quel
endroit il est allé, on a une sécurité qui est augmentée.
Mme Mallette : Merci.
Le Président (M. Simard) : M.
le ministre.
M. Caire : Vous avez parlé de
balises par rapport au partage des données, donc s'assurer qu'il y a un cadre qui
est...
M. Caire : ...je paraphrase,
là, mais rigoureux. Est-ce à dire que vous trouvez que le projet de loi de ce
côté-là, n'est pas suffisamment clair ou suffisamment restrictif?
Mme Lavoie (Annick) : Non. Ce
que je dis, c'est qu'il faut s'assurer que sur le terrain, on fasse vraiment
ces accès limités, qu'on encadre vraiment bien l'accès.
M. Caire : O.K., donc ça
m'amène... Ça amène la question suivante, parce qu'on écoutait tout à l'heure
les archivistes nous raconter des histoires d'horreur, là, sur une utilisation
pour le moins cavalière des renseignements de santé, qui ne sont évidemment pas
permises par la loi. Donc on s'entend, là, qu'il y a tout un processus qui doit
être mis en place de contrôle. Mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus par
rapport à ce que vous voyez dans le projet de loi, par rapport à ce qui sont
les responsabilités des uns et des autres et des obligations. Est-ce que vous
pensez que le cadre législatif favorise la mise en place de ces balises-là par
une bonne compréhension de qui fait quoi, quand, où? Je ne sais pas si vous
comprenez ma question. Est-ce que c'est suffisamment clair? Parce que tout à
l'heure, là, les archivistes nous disaient : Bien, qui est le propriétaire
de la donnée, oui, mais qui est le fiduciaire, qui est responsable. Puis eux
semblaient dire qu'il y avait peut-être des précisions à apporter. Vous, comme
gestionnaires d'établissement, est-ce que ce que vous voyez dans le projet de
loi, ça vous rassure par rapport... on est clair par rapport à la ligne
d'autorité? Je vais le dire comme ça.
Mme Lavoie (Annick) : Écoutez,
ce que je vous répondrais, c'est ça va être une responsabilité qui est imposée
à plusieurs groupes. Donc, je mentionnais, bon, les autres professionnels
auront à faire leur bout de chemin, qu'ils ont d'ailleurs parce qu'ils ont des
règlements qui permettent d'aller dans telle section du document. Chaque ordre
a son accès au dossier. Alors, bon, ils mentionnaient tout à l'heure un
physiothérapeute. Bien, un physiothérapeute n'a pas nécessairement accès à la
liste de médicaments parce que ça n'a pas rapport avec l'action qu'il doit
prendre, le soin qu'il doit faire. Par contre, vous avez une nutritionniste
qui, elle, a accès à beaucoup plus de sections dans le dossier parce que ça a
beaucoup plus d'impact. Alors ce genre de choses là existe déjà par des
règlements dans chacun des ordres professionnels. Et il faudra s'assurer que
dans un dossier électronique, il y ait des accès qui ne soient pas accessibles.
Je ne suis pas informaticienne, mais je suis sûre qu'il y a des technologies
qui nous permettent de bloquer des sections et qu'on pourra utiliser ça.
M. Caire : Mais, sans entrer
dans les considérations technologiques, je vais laisser le soin à mon collègue
de Rosemont d'adopter cette ligne-là, puisque... Non, mais plus sérieusement
dans la perspective d'un projet de loi qui est technologiquement neutre. Parce
que je comprends... puis vous avez une préoccupation quand on va déployer une
application, est-ce que cette application-là peut faire de la gestion de
permission? La réponse à ça, c'est oui. Mais restons au niveau du projet de
loi, parce que justement, cette question-là a été soulevée, puis je vais faire
un lien avec ma prochaine question parce que vous avez parlé de la fluidité.
Puis moi, je veux vous entendre là-dessus. Est-ce que ces restrictions-là qui
sont prévues, est-ce qu'elles sont, selon vous, facilement transposables sur le
terrain. Comme gestionnaire,
là, est-ce que... dit : Moi j'ai à assumer cette responsabilité-là dans
mon établissement. Est-ce qu'on vous impose un fardeau trop lourd? Est-ce que
vous comprenez bien quelles sont vos responsabilités? Est-ce que les
responsabilités sont au bon endroit, aux bonnes personnes? Parce que par
rapport à la balise dont vous parliez, là, je pense que c'est plus cet angle-là
qui serait intéressant compte tenu que la loi n'aborde pas les questions
technologiques. Voilà.
Mme Lavoie (Annick) : Je
laisserais peut-être mon collègue de répondre étant donné qu'il est déjà
propriétaire.
M. Nadon (Jean) : Écoutez, on
est ici... Quand on parle de fluidité, je veux juste d'un exemple, quand un
résident arrive dans un établissement, peu importe... d'un CHSLD à l'autre,
comme de raison, normalement, c'est les mêmes informations. On reçoit par
courriel environ 50 à 70 pages scannées et on reçoit ça. Et une des
raisons pourquoi on est ici aussi, c'est pour essayer d'avoir une fluidité. Et
quand on pense, c'est une infirmière qui va rentrer toutes ces informations-là
et en plus que ces informations-là, la plupart...
M. Nadon (Jean) : ...du
temps, ne sont pas à jour. Encore une plus grande... c'est... nous autres,
c'est sûr, c'est un côté de terrain qu'on vous parle. Côté technologique, des
fois, je vous laisse la sécurité, et tout ça. Parce qu'on sait qu'on connaît le
DSQ, je pense qu'il y a des accès, et tout ça. C'est bien. Mais, par rapport
aux centres d'hébergement, si on regarde depuis la pandémie, je pense que, tu
sais, il n'y a pas eu de fluidité. Et, avec le manque de personnel, je pense
qu'on est à l'heure d'actualiser soit des informations communes ou de... Par
rapport à l'hôpital versus un CHSLD. Quand on parle... On est encore en train
de partir avec... La dame part avec son enveloppe puis elle revient avec une
enveloppe, puis on n'a même pas le portrait global. On parle de sécurité. On
parle aussi de... avec la pénurie d'infirmières, et tout ça, c'est un des
grands enjeux qu'on vise, pourquoi qu'on est là en ce moment.
M. Caire : Mais, au niveau de
la fluidité, parce que, je pense que c'est au début de l'intervention, vous
avez dit : ça va être important de reconnaître le besoin de fluidité,
j'aurais envie de vous dire : Bien oui, on dépose le PL trois parce qu'on
le reconnaît, donc... Mais est-ce que le PL trois, parce qu'il y a un volet,
bon, puis je pense qu'on l'a abordé, il y a un volet Protection des
renseignements personnels qui est quand même très important, mais il y a aussi
comme objectif de rendre plus accessible, je vais le dire de cette façon-là,
puis de s'assurer d'une mobilité de la donnée, donc je pense que ça répond à
votre préoccupation. Est-ce qu'on le fait bien, est-ce qu'on le fait
suffisamment? Et est-ce que ce qui est prévu comme mobilité de la donnée par le
PL trois à l'intérieur du réseau de la santé, est-ce que ça répond aux
problèmes, est-ce que ça corrige les problèmes que vous avez rencontrés,
auxquels vous avez fait face, notamment pendant la pandémie?
Mme Lavoie (Annick) : À
première vue, ça semble combler les attentes, effectivement. Et je parle pour
le réseau des CHSLD, là, je ne suis pas du tout dans les hôpitaux ou quoi que
ce soit. Mais, pour nous, c'est une façon de régler beaucoup d'incohérence et
de manque, si on veut, oui.
M. Caire : O.K. On a
entendu à quelques reprises que le PL trois, c'était c'est une bonne idée, mais
devrait se limiter à la... la Fluidité de l'information devrait se limiter aux
professionnels de la santé versus les patients, que d'avoir cette
possibilité-là, au niveau des gestionnaires, ce n'était pas une bonne idée, ça
pouvait entraver la confidentialité et la vie privée, voire même... Je ne me
souviens plus comment, comment ça nous a été dit, là, mais la pratique de
l'acte médical ou la confidentialité de l'acte médical. J'aimerais ça que vous,
du point de vue des gestionnaires, vous nous disiez ce que vous pensez de ça et
ce que cette mobilité-là de la donnée peut faire pour vous, comme
gestionnaires. Est-ce que ça peut amener de l'efficience, si oui, de quelle façon,
et qui va en bénéficier?
• (17 h 50) •
Mme Lavoie (Annick) : Bien,
en fait, si on y va avec l'utilité de la donnée, je ne suis pas certaine qu'un
gestionnaire a nécessairement besoin d'avoir accès à toute l'information qui va
être contenue dans ce dossier-là. Par contre, certaines informations vont être
cruciales. Comme si, par exemple, on nous transfère un patient qui a de
l'obésité morbide, bien, c'est important que le gestionnaire puisse savoir,
bien, parce qu'on n'a pas des chambres pour ce genre de patient là en quantité
industrielle, alors, il va falloir qu'il soit capable, en mesure de dire :
oui, est-ce que j'ai une place, non, je n'ai pas de place, est-ce que j'ai
besoin d'un équipement. Ce genre de choses-là peut être importantes, mais
d'avoir tout le détail de ce que le patient a comme complexité médicale, je
pense que ce n'est pas nécessairement utile.
M. Caire : Bien, mon
point n'était pas évidemment d'avoir tout le détail parce que ce n'était pas...
Mais, entre tout le détail puis entre tout ou pantoute, j'imagine qu'il y a
comme un juste milieu?
Mme Lavoie (Annick) : Tout
à fait.
M. Caire : Puis, en
fait, M. Nadon, je pense que c'est vous qui avez abordé la question de la
surcharge de travail pour des fins administratives. De quelle façon Le PL trois
peut faire partie d'une solution pour réduire cette charge de travail là,
libérer des ressources pour d'autres tâches? En quoi ça, ça va faire...
M. Caire : ...parce que vous
semblez dire que ça peut faire partie de la solution. En quoi ça peut faire
partie de la solution?
M. Nadon (Jean) : Je pense
que c'est d'encadrer les données pour que la fluidité entre les établissements,
je pense que c'est un... en gros, c'est ça. Quand on sait aussi qu'en ce
moment, les CHSLD, on a environ 4 500 places en attente et on voit
que le roulement est de plus en plus rapide dans les CHSLD, bien, il faut...
Donc, on reçoit de plus en plus. Le roulement de résidents est de plus en plus
rapide. Donc, c'est... En ayant cette fluidité là, bien, les gens vont passer
beaucoup moins de temps et beaucoup moins d'erreurs. Et quand on parle aussi de
sécurité, c'est à ce moment où on laisse les établissements un peu, avec des
fois des logiciels un peu maison. Quand on parlait un peu de recevoir ça par
courriel et puis, après ça, là on met ça sur l'ordinateur. Est-ce que c'est...
tu sais, avec une... tu sais, on est tous beaucoup plus vulnérables avec une
clé et tout ça. Ça fait qu'il faut juste faire attention aussi parce que ces
informations-là, on les a dans les centres. Ça fait que c'est pour ça que je
parle, on est réellement... Dans le réseau de la santé, on est réellement la...
c'est vraiment une base, là, qu'est ce qu'on a. Quand on a... Si on n'est pas
capable de paramétrer des logiciels communs en hébergement, ce qui est quand
même très précis avec des paramètres, on est loin. Puis, de laisser les
établissements chacun pas bonifier mais avoir leur propre logiciel, parce que
oui, il y en a plusieurs et il y a beaucoup de choses maison, bien, je pense
que la sécurité, c'est... Pas besoin de vous expliquer le pourquoi que le
projet de loi, si on encadre ça, ça, ça va être beaucoup plus sécuritaire.
M. Caire : Merci.
Mme Lavoie (Annick) : Est-ce
que je pourrais donner un petit complément d'information?
M. Caire : Laissez-moi y
penser.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Caire : Je vous en prie.
Mme Lavoie (Annick) : Et je
vous dirai que, quand on reçoit des données qui sont papier, on mentionnait
tout à l'heure, et qu'elles ne sont pas toujours à jour, donc on a besoin
d'avoir une infirmière, que ce soit la DSI ou une infirmière clinicienne, qui
doit communiquer avec l'autre hôpital et dire : Telle affaire, est-ce que c'est
toujours d'actualité? Est-ce que le patient a changé? Est-ce que son état est
toujours stable? C'est beaucoup de temps. Donc, c'est l'utilisation d'une
ressource très particulière, une infirmière, pour une activité qui n'est pas à
valeur ajoutée du tout. Donc, c'est vraiment le fait de pouvoir avoir accès
rapidement au dossier et à la donnée, l'infirmière n'aura pas besoin d'appeler
pour valider. Donc là, ça vient d'enlever une certaine lourdeur administrative,
puis une utilisation de ressources beaucoup plus adéquate.
M. Caire : Mais ça m'amène
une autre question parce que ce que vous décrivez là avec le papier :
Est-ce qu'on ne le vit pas aussi avec des systèmes d'information qui vont
colliger chacun de leur côté des informations puis se désynchroniser? Alors,
dans ce sens-là, est-ce que le projet de loin n° 3
amènerait aussi cette capacité là de s'assurer que, même dans nos systèmes
d'information, on n'a pas une information qui n'est plus intègre parce que M.
ou Mme Untelle a consulté à telle date, plus tard reconsulte à un autre
endroit? Mais là, j'ai dit deux fois la même personne, mais à des endroits
différents, avec des informations différentes. Donc, cette
désynchronisation-là, est-ce que vous la vivez aussi dans les systèmes
informatiques?
Mme Lavoie (Annick) : Mais
c'est la raison pour laquelle je disais que tout à l'heure, les systèmes
doivent se parler. L'interopérabilité entre les systèmes est importante pour
que justement, il y ait un système, on ne soit pas en phase avec deux systèmes.
L'importance est là.
M. Caire : Merci.
Mme Lavoie (Annick) : De
rien.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Je cède maintenant la parole à notre collègue de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux. Vous êtes assez clairs dans vos propos là. On
entend que vous accueillez favorablement ce projet de loi là. En fait, vous
semblez l'attendre avec impatience.
Moi, je suis plus à la recherche
d'exemples concrets puis je vais poser une question plus générale avant de vous
offrir l'opportunité de nous donner des exemples concrets, là, d'irritants.
Mais pour vous, le projet de loi... parce que là, vous vous hébergez des aînés
qui sont dans des des CHSLD conventionnés, et donc le bénéfice du projet de
loi, il est surtout pour... Comment vous le voyez, le gestionnaire, donc pour
vous, pour l'infirmière, vous parlez souvent des infirmières, et ça, ça
m'interpelle beaucoup, et/ou le patient ou tu sais, c'est de façon égale les
trois acteurs?
Mme Lavoie (Annick) : J'aurais
tendance à vous dire que c'est vraiment le résident pour sa sécurité, pour être
sûr qu'on lui offre les bons soins et le personnel... les professionnels de la
santé.
Mme Setlakwe : Le fait que
l'information suit le patient, peu importe où il est allé chercher ses... où il
a fait ses tests, où est allé chercher ses soins, où il a fait des
consultations, le fait que ça le suit, qu'il n'y a pas besoin d'aller faire des
photocopies à gauche et à droite puis de... Vous avez illustré assez... de
façon assez éloquente, là, à quel point ça peut devenir... il y a des petits...
Mme Setlakwe : ...la
confidentialité peut être mise en péril.
Mais vous parlez, là, ici, dans votre...
Donc, vous voyez... juste pour finir mon idée, vous voyez dans le projet de
loi... puis là je rejoins ma collègue de l'autre côté, vous voyez dans le
projet de loi... Autant on est inquiets, là, de la protection de la donnée,
vous voyez aussi, par rapport à l'ancien système, qu'on va probablement hausser
la sécurité. O.K.
Vous mentionnez dans votre mémoire, qui
est très détaillée, ça, ça m'a fait sursauter, bon, ça nous prend des solutions
créatives, c'est : «Faute de solution technologique homologuée, accréditée
et reconnue, certains gestionnaires vont créer eux-mêmes certains documents
pour assurer le suivi des patients ou pour faciliter les suivis avec d'autres
intervenants.»
Mme Lavoie (Annick) : Oui,
bien, c'est un petit peu... Vous savez, il y a un comité au ministère, là, qui
est le comité de normalisation des formulaires, et ce comité-là, bon, établit
des standards sur lequel tous les hôpitaux ou tous les centres vont inscrire,
là, des données, mais parfois on n'a pas accès à toutes ces informations-là.
Donc, un gestionnaire, bien, va se faire un tableau Excel, il va se faire une
espèce de formulaire maison. C'est là, le problème, là, c'est que ces
formulaires maison là, bien, c'est bon pour juste eux autres, là. Alors, si tu
transfères ça dans un autre hôpital ou dans un autre CHSLD, on regarde le
document puis on ne sait pas, ce n'est pas un standard. Donc, c'est pour ça que
je mentionnais tout à l'heure : C'est important d'avoir des documents qui
sont standards pour qu'on puisse se parler, peu importe, et qu'un employé
travaille à un endroit ou un autre endroit, bien, c'est toujours à la même
place, l'information se retrouve à la bonne place.
Mme Setlakwe : Oui, je trouve
que c'est un bon exemple. J'aimerais ça que vous nous donniez d'autres exemples
concrets, puis pas... puis ça peut être... c'est difficile de faire abstraction
de la pandémie parce que c'est un contexte dans lequel on continue d'évoluer,
là, ce n'est pas complètement derrière nous, mais les irritants majeurs, là,
dans les dernières années, tu sais, pandémie et même hors pandémie.
Mme Lavoie (Annick) : Bien,
je vous dirais, un des irritants majeurs, c'est de ne pas avoir toute
l'information en temps opportun. C'est un très grand risque pour la sécurité du
résident. Je vous donne un exemple. Vous avez un résident qui a fait une chute,
a une fracture de la hanche, a un remplacement avec une prothèse de Moore, et,
dans sa feuille sommaire, ça dit que le patient a également, en 2018, fait un
AVC, bon, tout ça, la liste de médicaments, etc. Le patient arrive, nous, ce
qu'on a comme premier diagnostic, c'est un remplacement de hanche, donc il a
besoin de réadaptation, mais il n'y a rien qui dit dans le dossier que le
patient est dysphasique suite à son AVC. Il arrive, on lui donne... s'il arrive
à l'heure du repas, on lui donne un repas régulier, c'est très dangereux, il
peut mourir, là, il peut s'étouffer puis mourir. Donc, ce genre d'irritant là,
c'est de dire : Bien, on n'a pas toute l'information pour prendre les
décisions cliniques importantes et cruciales en temps opportun.
• (18 heures) •
Mme Setlakwe : Je trouve que
c'est un exemple qui parle beaucoup puis je vous remercie. Parce qu'à la
lecture du projet loi, puis... entendu des intervenants venant de milieux
divers puis ayant... tu sais, représentant, bon, des intérêts, ou en tout cas,
ça nous amène à réfléchir puis à s'assurer qu'on atteigne le bon équilibre
entre, c'est ça, tu sais, protéger les droits et libertés, protéger la donnée,
tout ça, et en même temps assurer la sécurité puis dans quel moment c'est... Il
faut avoir des exemples concrets à l'esprit qui nous amènent à dire :
O.K., oui, cet exemple-là, c'est pour ça qu'on a ce libellé-là, pour couvrir
telle situation. Tu sais, on agit, nous, dans le bien commun, dans l'intérêt
public. Et c'est un exercice assez délicat, là, d'atteindre l'équilibre parfait
avec un projet de loi superimportant, tu sais, qui soulève des enjeux
multiples. Donc, merci. Si vous avez d'autres exemples, allez-y. Moi, j'ai
encore un peu de temps. Sinon, je n'ai pas d'autres questions, donc si...
M. Nadon (Jean) : Des
exemples. Je sais qu'on a parlé un petit peu des documents qu'on est en
train... Le bleu... Tu sais, c'est effrayant aujourd'hui, quand on est encore
en train d'écrire des documents avec des feuilles de couleurs, que ça va à un
endroit versus l'autre. Puis aussi, là, tu sais, quand je parlais du temps
d'attente, la plupart du temps, là, les documents que... Si un résident, ça
prend, exemple, un an avant d'aller dans un centre d'hébergement, bien, souvent
le dossier n'est pas à jour du tout aussi. Ça fait que je pense que ça... avec
une fluidité, bien, on va pouvoir avoir des dossiers à jour. C'est comme si on
prend le résident un peu...
18 h (version non révisée)
M. Nadon (Jean) : ...à froid.
Il faut tout réévaluer, ça, c'est majeur pour la sécurité de nos résidents. C'est
ce qu'on prône.
Mme Setlakwe : Je vous
remercie. C'est tout pour moi. Ça nous aide vraiment, tu sais. Vous donnez...
vous donnez vie, là, vous apportez de la couleur à un texte de loi qui est un
cadre puis... Merci.
M. Nadon (Jean) : Ce qu'on
voulait vous dire, c'est vraiment le côté terrain, puis aussi de pas oublier,
dans un projet de loi, je l'ai dit tantôt, mais que de penser, des fois, c'est
fait pour... même si nous, on donne des services publics, les CHSLD privés
conventionnés. Mais, des fois, je ne sais pas si ça vient des projets de loi,
mais on a toujours une difficulté à avoir l'information. Des fois, le public va
l'avoir, mais le public, juste de penser, dans le projet de loi, d'inclure,
parce qu'on offre un service public et... On n'a pas l'information, soit il y a
comme souvent des barrières à ce niveau-là, mais peut-être en tenir compte.
Parce que bon, on n'est pas les seuls privés qui donnent des services publics.
Pensez-y, parce que, souvent, on se bat
avec les CISSS, et tout ça, pour avoir certaines informations, certains accès.
Entre autres, on a parlé de la pandémie, mais c'était flagrant qu'on n'avait
pas accès à certains logiciels, puis c'est pour la sécurité...
Mme Setlakwe : Donc, dans le
fond, vous, vous agissez pour des personnes hébergées.
M. Nadon (Jean) : Oui, mais
vous n'êtes pas surpris qu'on fait une différence entre le service public et les
services privés. C'est juste ça, je pense.
Mme Setlakwe : C'est compris.
Merci. C'est tout pour moi.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous. Je cède la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Merci, monsieur Nadon, madame Lavoie. J'ai plusieurs questions,
notamment sur l'imputabilité puis sur l'éthique. On en a beaucoup parlé depuis
hier. Je vais aller dans le vif du sujet, là. Vous, vous voyez... Parce que
vous êtes des privés puis vous donnez un service public, vous réclamez beaucoup
de données pour faciliter les soins à vos usagers, à vos résidents. Je
comprends l'idée. Vous voyez comment votre rôle dans la protection des données
puis dans l'imputabilité, s'il y a un pépin? Donc, on est ici, là, dans le
département de l'imputabilité, de l'éthique. Est-ce que c'est vous qui êtes
ultimement responsables?
M. Nadon (Jean) : Je vous
dirais, puis Annick, tu me diras si j'ai raison, c'est qu'on peut avoir toute l'information
requise, mais avec de la difficulté. Quand on parle de manque de fluidité, c'est
juste parce que, soit qu'on les aide papiers, on ne les a pas à jour ou... C'est
plus ça, l'information. En tant que privé, on n'est pas ici pour demander plus
de données, on va les avoir, sauf que ce n'est pas facile à avoir. Ça fait que
c'est ce côté-là, parce que, normalement, bien oui...
M. Marissal : On se comprend
mal, là, j'ai mal formulé ma question.
M. Nadon (Jean) : Parfait.
M. Marissal : Je parle
évidemment dans le contexte du projet de loi n° 3, à supposer qu'il soit
adopté, et que vous dites : Je vais avoir les données de toute façon. Bon,
je débattrais de ça, là, mais... dans la deuxième section de mes questions.
Mais mettons que vous les avez, là, vous voyez votre rôle comment en protection
des données, vu que vous les avez? Dans votre hypothèse, vous les avez, le
projet de loi est adopté, vous les avez, ça facilite votre travail. C'est bon.
Votre rôle éthique et d'imputabilité, vous le voyez comment?
Mme Lavoie (Annick) : Mais
évidemment on fait affaire avec des professionnels, donc ils ont eux-mêmes un
code d'éthique et de déontologie qu'ils doivent respecter. Donc ça, c'est déjà
une première barrière à la diffusion générale. Et évidemment on a des gens qui
sont aux archives également, qui vont surveiller l'utilisation des données. Et
je pense que le fait d'avoir la traçabilité de qui a eu accès et qui a fait...
a écrit dans un dossier, c'est une mesure de protection. Alors, s'il arrive
quoi que ce soit, on peut retourner à cet endroit-là, en tant que gestionnaire,
puis dire : O.K. Bon. Qui était dans le dossier au moment où il est arrivé
un bris de confidentialité? Donc, on peut prendre action à ce moment-là.
M. Marissal : O.K. Mais,
mettons, là, que, cas hypothétique, la résidence, un CHSLD conventionné privé,
Les lilas fleuris - j'espère que ça n'existe pas, là, parce que j'essaie de
donner un exemple fictif, là - il y a une fuite de données, il y a un vol de
données, vous en êtes les... pas les propriétaires... ou les gardiens, à tout
le moins. Je repose ma question. Vous me disiez que ça peut arriver que quelqu'un
parte avec un dossier papier aussi, là, mais c'est un peu plus compliqué, ça se
fait assez vite, là, un transfert de données, ou vous êtes victime d'une
attaque, une cyberattaque, là. Les cyberattaques...
M. Marissal : ...ne vous vole
pas les dossiers papier, là. Ça fait que, vous, comment vous voyez votre
responsabilité là-dedans? Parce qu'avec plus de moyens viennent plus de
responsabilités, là, pour paraphraser Spiderman, là. Si vous avez plus de
données qui vous arrivent en temps réel, puis c'est ce que vous demandez, puis
beaucoup de données qui rentrent, là, vous avez comme une information entre les
mains, là.
Mme Lavoie (Annick) : C'est
sûr et certain qu'il y a une sécurité au niveau des systèmes informatiques, et,
si c'est un système qui va parler avec le réseau de la santé, il y aura cette
préoccupation également du réseau d'avoir des mécanismes de... antihameçonnage
et tout le reste. Le risque zéro n'existe pas, donc ça peut toujours être... il
peut toujours y avoir des vols de données, d'informations. Mais, chose
certaine, ça pourrait difficilement être par l'intérieur. Nos employés, on peut
voir... Tu sais, si tu mets 800 pages d'information sur une clé USB, bien, dans
le traçage, on va voir qu'il y a eu 800 pages qui sont parties, puis ça va
sonner une cloche. Puis on a des systèmes informatiques, on a des
informaticiens qui travaillent pour nous, donc c'est sûr et certain que ça va
se faire comme : Oh! il y a un petit problème ici. Qui est parti avec 800
pages? Donc, c'est un moyen, là, de sécurité.
M. Marissal : O.K. Vous dites
que vous voudriez avoir les données, là, pour obtenir des données de santé
publique en temps réel pour mieux gérer les crises et pandémies futures. Je
comprends que vous avez fait référence à la COVID, là, puis l'exemple est bon,
là. Temps réel, est-ce que vous envisagez par exemple là-dedans des mesures en biométrie?
Est-ce que c'est à ce point, là, temps réel?
Mme Lavoie (Annick) : Bien,
quand on mentionne «en temps réel», ce qu'on avait comme problématique durant
la pandémie, c'étaient les... nos employés faisaient des tests COVID, puis on
avait peut-être cinq, six, sept, huit jours plus tard le résultat. Mais,
pendant ce temps-là, l'employé n'était pas sur le terrain, on l'avait mis en
retrait, donc ce qui causait une problématique pour les soins et les services.
Donc, ça, pour nous, c'était une problématique. Même chose avec nos résidents,
on mettait les résidents en isolation pendant des jours et des jours, alors que
ce n'était pas nécessaire, parce que finalement ils étaient négatifs. Mais on
ne l'avait pas, le....
C'est dans ce sens-là que ça nous prend en
temps réel. Temps réel, on s'entend, là, tu sais. Quelques heures, une journée,
ce n'est pas grave. Mais, plus que ça, c'est... C'est là où c'était
problématique, là.
M. Marissal : Je lis la
recommandation 3, la fin, là, de votre paragraphe : «Dans le cas de
résidents admis en CHSLD, l'ensemble des renseignements de santé sont
nécessaires aux intervenants pour offrir des soins et des services de qualité
et sécuritaires. Il importe donc d'y avoir accès de façon conviviale et en
temps opportun.» D'un, vous dites : «Dans le cas de résidents admis...
l'ensemble des renseignements de santé...». C'est beaucoup, ça, l'ensemble,
c'est beaucoup, puis vous avez dit un peu le contraire, Mme Lavoie, tout à
l'heure en disant : Pas besoin d'avoir tous les détails.
Mme Lavoie (Annick) : Bien,
l'ensemble des renseignements de santé vont être importants. Je mentionnais
tout à l'heure dans mon exemple... par rapport à quelqu'un qui vient pour un
problème de hanche, mais qui a un problème de diabète et d'AVC avec de la
dysphagie. Bien, ça nous prend l'ensemble du portrait.
M. Marissal : Je comprends.
Vous avez probablement suivi un peu nos travaux, là il est question beaucoup
d'«opting out», d'«opting in». Est-ce que les gens devraient être automatiquement
réputés volontaires à faire circuler leurs données, ou au contraire
devraient-ils être réputés pas volontaires tant qu'ils se portent volontaires?
Ça, c'est l'«opting out». Vous êtes où là-dedans? Parce que vos résidents, là,
par définition, sont plus vieux, hein, c'est des aînés, peut-être pas
superhabiles avec les nouvelles technologies, pas branchés, pas nécessairement
de famille proche non plus. Bien, je ne vous apprends rien, vous savez tout ça,
là, c'est votre clientèle, là. Vous êtes où là-dedans, vous?
• (18 h 10) •
Mme Lavoie (Annick) : Bien,
je pense que c'est important que la personne puisse donner son consentement de
façon éclairée et comprenne vraiment les impacts de ce consentement-là, parce
que c'est le minimum, c'est son droit.
M. Marissal : Puis dans le
cas de quelqu'un qui n'est pas apte...
Mme Lavoie (Annick) : Bien, à
ce moment-là, c'est son répondant.
M. Marissal : ...et qui n'a
pas de répondant ou qui n'a pas de mandataire? C'est parce que ça se pose
beaucoup, beaucoup. Moi, j'ai passé beaucoup, beaucoup de jours et de mois à
travailler sur le projet de loi sur l'aide médicale à mourir, la dernière
session... la dernière législation. Il y a beaucoup de gens qui sont inaptes,
qui n'ont pas de... Est-ce qu'on devrait les déclarer d'emblée «out»?
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Très rapidement, s'il vous plaît.
Mme Lavoie (Annick) : Bien,
je vous dirais, ces gens-là ont la...
Mme Lavoie (Annick) : ...curatelle
pour prendre soin d'eux, là, ils ont une protection.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, Monsieur Nadon, madame Lavoie, merci pour votre très belle
présentation. On espère vous revoir sous peu parmi nous.
Sur ce, compte tenu de l'heure, nous
allons ajourner nos travaux. Et je tiens à vous remercier pour la très, très,
très belle journée et votre précieuse collaboration à tous. On se retrouve
demain, au revoir.
(Fin de la séance à 18 h 12)