Journal des débats (Hansard) of the Committee on Public Finance
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Tuesday, January 31, 2023
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Vol. 47 N° 2
Special consultations and public hearings on Bill n° 3, An Act respecting health and social services information and amending various legislative provisions
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Intervenants par tranches d'heure
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Simard, Jean-François
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Caire, Éric
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Setlakwe, Michelle
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Marissal, Vincent
9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, bienvenue à toutes et à tous. Je vous souhaite un bon début de
session. Je constate que nous avons quorum et je déclare donc la Commission des
finances publiques ouverte.
Comme vous le savez, la commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions
publiques sur le projet de loi no 3, Loi sur les renseignements de santé et de
services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
Mme la secrétaire, vous allez bien?
Bienvenue parmi nous. C'est votre première à la Commission des finances
publiques. Heureux de vous retrouver. Y aurait-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme
Setlakwe...
La Secrétaire : ...(Mont-Royal-Outremont);
et M. Bouazzi (Maurice-Richard) est remplacé par M. Marissal (Rosemont).
Le Président (M. Simard) : Alors,
bienvenue à nos nouveaux collègues. Comme le veut la tradition, nous débutons
ces auditions par des remarques préliminaires, et je cède d'entrée de jeu la
parole au ministre, qui dispose de six minutes.
M. Caire : Oui. Merci, M. le
Président, Vous me permettrez d'abord de vous saluer, M. le Président,
puisqu'il semblerait que nous allons continuer à travailler ensemble, et c'est
avec grand plaisir, saluer mes collègues de la partie ministérielle, saluer ma
collègue de l'opposition officielle, mon collègue du deuxième groupe
d'opposition, pour qui j'ai des salutations particulières, parce que lui et moi
avons un passé ensemble, législativement parlant, pour être sûr que tout le
monde...
Et c'est d'autant plus intéressant, M. le
Président, que ce qu'il est, je pense, important d'établir, c'est le pourquoi
du projet de loi no 3. Vous me permettrez de faire un petit peu d'historique,
parce que c'est important, pour savoir où on s'en va, de savoir d'où on part.
Et, dans le fond, c'est un grand constat, je pense, qu'on a tous fait que le
gouvernement est une immense entreprise qui travaille en... travaillait, parce
qu'on travaille à ce que ce ne soit plus le cas, mais qui travaillait en silos.
Et le problème qu'on avait dans l'univers numérique, c'est ce principe qui veut
que chaque organisme qui donne une prestation de services et qui collecte des
données devient le propriétaire de cette donnée-là. Et, de par le cadre
législatif qui existait, cette donnée-là ne pouvait pas être partagée, pour des
raisons de protection des renseignements personnels, notamment, pas
exclusivement, mais notamment.
Mais tout ça a été pensé dans un univers
papier. Alors, évidemment, le contrôle de la protection d'un document papier
versus un document numérique, ce n'est pas du tout la même chose. Donc, à ce
moment-là, le silo pouvait s'expliquer, d'une part, et, d'autre part, pour
échanger de l'information, deux organismes devaient conclure des ententes
bilatérales qui étaient extrêmement complexes d'abord à négocier, à formaliser,
et tout ça devait être avalisé par la Commission d'accès à l'information - vous
m'excuserez, M. le Président, ça doit être très désagréable dans le micro - ce
qui fait que la chose la plus simple à faire pour un organisme, dans le fond,
c'était de collecter sa propre information puis de faire ses petites affaires
tout seul.
Dans un univers papier, ce n'est pas
tellement dérangeant. Dans un univers numérique, ça fait quoi? Ça fait qu'on va
dupliquer l'information, on va créer ce qu'on appelle des doublons, on va créer
ce qu'on appelle une désynchronisation de l'information, c'est-à-dire qu'une
information qui est possédée par un organisme peut être... sur une même
personne peut être totalement désynchronisée par rapport à l'information qu'une
autre organisation possède. Pourquoi? Parce que j'ai fait affaire récemment
avec tel organisme et j'ai fait affaire il y a deux ans avec tel autre
organisme, mes informations ont changé, on est désynchronisés. Donc, un même
citoyen se retrouve à avoir autant de versions de lui-même qu'il y a
d'organismes avec qui il a fait affaire. Évidemment, on comprend que dans un
univers numérique, c'est complètement fou, c'est complètement fou.
Donc, ce qu'on a commencé à faire - ah!
merci, au nom de tous ceux qui nous écoutent - ce qu'on a commencé à faire à la
dernière législature, et là-dessus mon collègue de Rosemont a la même mémoire
institutionnelle que moi, puisqu'on parle du projet de loi no 95, sur lequel
nous avons travaillé tous les deux. L'idée, c'était de dire quoi? C'est dire
que la donnée qui est collectée par un organisme ou pour un organisme qui relève
du gouvernement, cette donnée-là, bien, le gouvernement, il en est le
propriétaire, ce qui permet à différents organismes de s'échanger cette
information-là de façon fluide, sans avoir à avoir ces ententes là, d'une
organisation, l'autre organisation, la commission d'accès qui rentre là-dedans,
puis ce que personne ne faisait.
• (9 h 50) •
Donc, on allège et on augmente la
disponibilité, la fluidité et la mobilité de la donnée. L'idée générale du
projet de loi no 95 était ça. C'est ce qu'on a fait avec la collaboration des
collègues de tous les groupes parlementaires représentés à l'Assemblée
nationale, et je les en remercie encore parce que je pense que ça a fait
avancer le Québec numériquement d'une façon assez impressionnante.
Maintenant, pourquoi le p.l. no 3? Parce
que la loi no 95 vient modifier la Loi sur la gestion et la gouvernance en
ressources informationnelles. Au niveau du réseau de la santé, plusieurs
organismes ne sont pas sous le coup de cette loi-là, donc ne sont pas tenus de
respecter cette loi-là. Et donc il y a une part très importante des
renseignements de santé, je ne me risquerai pas à les quantifier, mais c'est
une part qui est quand même très importante des renseignements de santé du
citoyen qui échappe à cette logique-là, qui veut que les renseignements de
santé d'un citoyen lui appartiennent et devraient l'accompagner...
M. Caire : ...Lorsqu'il
reçoit des soins, quel que soit le donneur de service, quel que soit le
professionnel qui lui donne les soins en question. Alors, pendant la pandémie,
et je ne veux pas revenir sur tous les éléments de la pandémie, vous
comprendrez, mais il y avait le décret d'urgence qui permettait au ministre
d'aller chercher ces informations-là dans ce contexte-là bien précis. N'ayant
plus de décret d'urgence, nous revenons à la situation, au cadre législatif
qu'on connaît. Et là, le ministre, le réseau de la santé, je devrais dire,
parce que c'est faux de dire que c'est réservé au ministre, c'est vraiment le
réseau de la santé se retrouve à avoir une information partielle et partiale
pour les raisons de désynchronisation que je vous explique, ce qui est tout à
fait intenable et ce qui nuit à la performance de notre réseau. Donc, le PL
trois, M. le Président, vient inclure dans cette logique-là ces informations-là
pour le plus grand bénéfice des patients québécois. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de
l'opposition officielle et députée de Mont-Royal-Outremont. Madame.
Mme Setlakwe : Merci. Merci,
M. le Président. Merci à tous les collègues pour votre accueil. J'en suis à ma
première commission parlementaire. C'est mon premier mandat comme élue. Alors,
soyez indulgents. Mais je suis très enthousiaste de participer à cette
commission très importante sur un projet de loi d'une grande importance. Je
suis avocate, donc l'étude d'un projet de loi, pour moi, là, je ne suis pas du
tout en terrain étranger. Je ne suis pas du tout issue du milieu de la santé.
Nous sommes d'accord d'entrée de jeu avec
le principe. Le régime actuel, il est imparfait, et, oui, il représente un
frein aux organismes dans l'exercice optimal de leurs fonctions. On comprend
que l'écosystème de santé est composé d'entités indépendantes qui, j'emploie la
même expression que vous, M. le ministre, travaillent en silo. Donc, on a
besoin d'une loi-cadre pour le bien des patients, des intervenants, des
chercheurs, mais surtout pour assurer une qualité de soins optimale.
Bon, encore une fois, on est favorables au
principe, là, d'une meilleure circulation des données et une meilleure
efficacité, tout ça pour offrir des soins, les meilleurs soins possibles aux
Québécois et Québécoises. C'est vrai qu'on note, je regardais les notes de
breffage d'hier, on note que les patients sont de plus en plus en contrôle de
la situation, en contrôle de leur état de santé, de leur dossier, veulent
participer. Et donc on connaît, nous, l'ensemble de notre état de santé, tous
les tests passés et puis qu'on souhaite que, quand on se trouve devant un
professionnel, qu'il ait rapidement toute l'info. On ne veut pas être pris. Le
temps est précieux. Quand on est devant un intervenant, on ne veut pas être
pris dans des histoires d'informations partielles, de formulaires, tout ça, on
veut que ce soit efficace. Également, pour l'avancement de la recherche, la
recherche fait partie intégrante au Québec, là, des soins qui sont offerts aux
patients. Donc, on voit des éléments positifs à cet égard-là aussi.
Bon. Ceci étant dit, c'est un projet de
loi qui est costaud. Je l'ai lu, il est très technique. Il va être complet avec
l'ensemble des règlements. Ça va prendre du temps à tout ficeler ça et à mettre
ça en œuvre. Donc, il faut... nous allons et nous devons en faire une étude
détaillée et approfondie. Autant les Québécois veulent un contrôle sur leur
état de santé, je crois qu'ils veulent un contrôle aussi sur la libre
circulation de données sensibles qui les concernent. Donc, ça va être de
trouver vraiment un encadrement adéquat à cet égard-là. C'est jusqu'où nos
données se rendent, tu sais, et pour quelles fins, tout ça, ça doit faire
l'objet d'un encadrement adéquat. Parce qu'on parle d'informations très
sensibles, donc la protection puis la sécurité des renseignements personnels,
c'est quelque chose d'extrêmement important. Nous, on veut, tu sais, on veut,
oui, ouvrir les voies d'accès, mais on va devoir permettre aux patients aussi
de les fermer au moment opportun.
Donc, on va s'assurer de retourner chaque
pierre pour être sûrs, là, qu'on se soit posé toutes les questions, qu'on
n'oublie rien. On est à l'écoute aujourd'hui, je suis à l'écoute aujourd'hui et
dans les prochains jours des différents groupes qui vont soulever évidemment
des enjeux, des préoccupations. On va les écouter. On va donc étudier le projet
de loi ensemble pour le bonifier.
Et finalement, en terminant, vous pouvez
compter sur moi et sur toute l'équipe libérale pour travailler de façon
collaborative et de façon constructive dans le meilleur intérêt de tous les
Québécois. Voilà.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous, chère collègue. Je cède maintenant la parole au député de
Rosemont, qui dispose d'une minute 30.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bien, bonjour, chers collègues, heureux de vous voir ou de vous
revoir avec pas de masque. C'est presque une première depuis trois ans ici. Je
vais faire bref dans les salutations, pas par manque de courtoisie mais par
manque de temps. On n'a pas gagné beaucoup de temps avec les dernières
élections apparemment...
M. Marissal : ...alors, je vais
y aller rapidement. Si j'ai bien compris ce que le sous- ministre Kobrynsky
nous a dit hier - et je le remercie de sa disponibilité - il nous a même dit, a
dit aux recherchistes, et ce n'est pas tombé dans l'oreille de sourds, qu'on
pouvait l'appeler pour avoir des détails. C'est une première. Je félicite et je
salue le geste. Si j'ai bien compris ce que le ministre, le sous-ministre
Kobrynsky nous a dit hier, essentiellement, et je fais court, par manque de
temps, dans le système de santé, avec les renseignements personnels et le
transfert de renseignements personnels, une chatte n'y retrouve plus ses
petits. Je suis assez d'accord avec ça. On va s'entendre, je suis assez
d'accord avec ça. Alors, si tant est qu'on va dans ce sens-là et dans le sens
de l'efficacité et des meilleurs soins à la population, je serai parfaitement
productif avec vous.
Par contre, il y a un principe fondamental
qui va me guider tout au long de cette étude, et le ministre ne sera pas
surpris, parce qu'il m'a déjà entendu, c'est la protection des renseignements
personnels, qui sont devenus, ces renseignements personnels... qui ont une
valeur mercantile immense. Ce n'est pas pour rien qu'il y a tant de gens qui
s'y intéressent. Alors, ça guidera... mais pas dans cette commission. Mais pour
le moment, tant et aussi longtemps qu'on ira vers une plus grande efficacité et
mettre un peu de ménage dans ce capharnaüm, vous pourrez compter sur moi.
Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous, cher collègue. Ces remarques préliminaires étant maintenant
terminées, nous allons procéder aux auditions comme telles, et nous allons
débuter nos consultations en visioconférence, et nous recevons M. Vincent
Dumez, directeur, Patient et codirecteur scientifique, Centre d'Excellence sur
le partenariat avec les patients et le public. Il est accompagné de Mme
Catherine Wilhelmy, coleader de la communauté Expérience. À vous deux,
bienvenue. Vous savez que vous disposez de 10 minutes, et nous sommes d'ores et
déjà à votre écoute.
M. Dumez (Vincent) :
Merci
beaucoup, M. le Président. M. le Ministre, Mme la porte-parole officielle de
l'opposition, on est ravis d'être avec vous ce matin puis d'inaugurer ces
audiences. Peut-être pour se présenter de façon plus globale au départ,
Catherine et moi, on est des patients partenaires. C'est des termes que vous
allez entendre, dont vous allez entendre parler à quelques reprises. On a un
rôle un peu particulier dans le système de santé. Ce sont des gens qui
construisons de l'intérieur, on est à l'interstice du monde de la santé et du
monde des patients. On n'est pas des représentants patients. Je pense que c'est
bien important de le dire, on ne représente pas une voix collective. On est,
avant tout, des patients très expérimentés, parce qu'on est des patients
atteints de plusieurs maladies chroniques, qui ont, à travers leur vie, eu,
justement, à faire la part des choses entre recherche, confidentialité, et
autres.
Donc, ce qu'on vous amène aujourd'hui,
c'est notre profonde expérience du système. Les nombreuses discussions aussi.
On a, Catherine et moi, contribué, depuis plusieurs années maintenant, et
encore dernièrement, à différentes réflexions avec nos collègues chercheurs,
décideurs et nos collègues patients partenaires autour de cette question de
l'accès aux données de santé.
C'est une journée très importante, ce
démarrage de l'audience. Pour nous, c'est un projet qui est très attendu. Il
est très attendu par les chercheurs, mais par les décideurs de la santé, bien
entendu, mais aussi, il est très attendu par les citoyens comme nous. Je vous
rappelle que les patients atteints d'une maladie chronique, au moins une
maladie chronique, c'est un peu plus de 50 % de la population, donc on
est... c'est loin d'être négligeable, et l'accès à nos données est quelque
chose sur lequel on... à laquelle on pense sur une base régulière, que ce soit
l'accès par d'autres ou l'accès par nous-mêmes, et je vais avoir l'occasion d'y
revenir.
On est heureux aussi d'être là ce matin
parce qu'on a souvent servi de faux prétexte à certaines barrières
bureaucratiques. On a souvent prétexté la résistance des patients à l'accès aux
données. Donc, c'est des choses sur lesquelles, encore une fois, on a beaucoup
réfléchi et on s'est beaucoup exprimé dans les dernières années. Je pense qu'il
faut vraiment faire le tri des choses. On sait que les enjeux de
confidentialité sont des enjeux importants, majeurs, qui, bien entendu,
Catherine et moi, vous le verrez, nous touchent énormément. Mais on sait aussi.
On sait aussi qu'au niveau de... qu'aujourd'hui, on a des moyens. Il y a des façons,
des mécanismes qui permettent de garantir un certain niveau tout en restant
agiles et flexibles, et je pense que c'est cet équilibre-là qu'il va falloir
trouver tout au long des discussions sur ce projet de loi.
• (10 heures) •
Rapidement, je suis un patient atteint
d'hémophilie A sévère. Donc, l'hémophilie est une maladie rare, donc ça veut
dire que je suis né avec l'hémophilie. Je côtoie chercheurs et cliniciens
depuis que je suis né, j'ai participé à des dizaines d'essais cliniques. Je
suis aussi... J'ai été contaminé, dans les années 80, par le VIH et l'hépatite
C, comme beaucoup de mes pairs, donc j'ai connu d'autres types de contexte de
la recherche. Si je suis vivant aujourd'hui et en bonne santé, c'est grâce à la
recherche. J'ai commencé les traitements VIH dans le milieu des années 90, à
Montréal, avec 14 pilules, j'ai eu une pilule aujourd'hui, et je faisais...
10 h (version révisée)
M. Dumez (Vincent) : ...accidents
hémorragiques par an, je n'en fais quasiment plus maintenant. Alors, j'ai
bénéficié considérablement des résultats de la recherche et des efforts de la
recherche. Et c'est pour cette raison qu'aujourd'hui je viens, d'une certaine
façon, à la fois soutenir ce projet de loi qui, vous le verrez, je pense, qu'on
estime est un projet intelligemment construit, en tout cas, une base
intéressante de discussion pour les prochaines semaines, mais aussi, bien
entendu, amener... porter un certain nombre, peut-être, de mises en garde ou de
questionnements que nous avons. Catherine.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Pour
ma part, moi, j'ai vu ma mère, il y a 35 ans, avoir les pires effets
secondaires des traitements du cancer, être opérée à maintes reprises puis être
mutilée à chaque fois. Puis elle a fini par en mourir. Puis, quand j'ai eu le
cancer moi-même, même si j'avais une forme de cancer du sein qui est plutôt
rare puis qui a un faible taux de survie, pour moi, il y a eu beaucoup plus de
peur que de mal. Je suis tombée des nues quand j'ai vu que les effets
secondaires n'étaient pas plus pires que ce que j'avais... Puis qu'on se
comprenne, je ne suis pas en train de dire que des effets secondaires pénibles
et graves avec de la chimio, que ça arrive, ça arrive, mais, dans la majorité
des cas, les gens vivent ça plutôt... C'est tolérable, disons. Ça se fait, ce n'est
pas une partie de plaisir, mais ça se fait.
Et ce que j'essaie de dire, c'est que j'ai
été aux premières loges, moi, pour constater les progrès qu'il y a eu dans les
traitements du cancer. Puis, pour moi comme pour bien d'autres, bien, merci,
recherche, sans ça, je ne serais pas là. Puis quand on sait, par contre, qu'il
y a juste 4 % de taux de participation aux essais cliniques en oncologie,
bien, c'est clair qu'il fallait faire quelque chose pour que la recherche soit
plus faisable pour les chercheurs.
Puis, dans ce sens-là, bien, on veut
saluer l'initiative du gouvernement qui a choisi de travailler en mode
co-construction entre le moment de la première mouture du projet de loi puis
celle qui est déposée aujourd'hui. Les améliorations sont notables puis elles
sont satisfaisantes, puis ça fait foi d'une réelle ouverture à avoir une
conversation avec les personnes concernées. Est-ce que c'est parfait? Sûrement
pas. Ces audiences-là vont sûrement permettre de mettre en lumière toutes
sortes d'affaires qui sont importantes à considérer. Puis c'est tant mieux, c'est
ça, la beauté de notre système.
Tout ça dit, on pense que le projet de loi
qui est déposé, c'est un pas dans la bonne direction. Puis ça va permettre d'avoir
une recherche où on donne aux chercheurs les moyens de faire quelque chose d'autre
avec les ressources qui leur sont octroyées que chercher des données à utiliser
pour tester leurs hypothèses. Mais, pour arriver à un résultat comme ça, il va
falloir être hyperprudents au niveau des choses éthiques. Il faut absolument qu'il
y ait des conditions qui sont solides au plan législatif, pour que tout le
monde puisse faire leur travail le plus efficacement possible, en assurant la
sécurité aux citoyens quand ils donnent accès à leurs données de santé. Est-ce
que... Pardon. Je laisse la parole à mon collègue.
M. Dumez (Vincent) : Dans
cette optique, je tiens aussi à souligner le travail de coconstruction qui a
été fait dans les derniers... dans la dernière année, année et demie. Vraiment,
bravo! Ce n'est pas souvent qu'on voit ça. Bravo aux équipes du sommet
Discovery Ski pour l'effort qui a été fait. On a été plusieurs à être
sollicités ou à être consultés. Et d'ailleurs de ce qui est ressorti, un des
éléments qu'on voulait mettre de l'avant, qu'on mettra, dans le fond, aussi
dans le mémoire qu'on va déposer aujourd'hui, cette question.... Ce qui est
intéressant, c'est qu'elle parle d'un pacte social, hein, puis ce pacte social
là, il est extrêmement important. C'est le pacte social qui dit, d'une certaine
façon, qu'en tant que citoyen je suis prêt à donner un accès agile et flexible
à mes données de santé pour des fins de décision de recherche, mais en
contrepartie, par souci d'équité et de réciprocité, vous me garantissez le
retour... d'un retour, le même droit que et que ces données puissent
éventuellement alimenter mon propre processus de décision lorsque nécessaire.
Donc, dès les premiers articles, dès les
premiers chapitres du projet de loi, il y a cette reconnaissance de la
réciprocité, et j'espère vraiment que cette réciprocité ne va pas être
entravée, durant les discussions, qu'elle va être préservée parce que c'est le
fondement même du pacte social avec...
M. Dumez (Vincent) : ...avec
la population. Je vous rappelle qu'il y avait... Un des outils les plus
précieux qui est ressorti et qui démontre cette capacité d'accès à
l'information par les citoyens, c'est le fameux Carnet santé qui a été mis en
place il y a quelques années et qui, justement, a été une preuve assez
importante de l'engagement du gouvernement québécois à redonner aux patients et
aux citoyens l'accès à leurs données de santé. C'est des efforts qu'il faut
continuer et qu'il faut certainement pousser beaucoup plus loin.
Mais, dans le cœur de ce projet de loi, il
y a cette idée du pacte social. Est-ce qu'on aurait pu aller plus loin? Oui,
éventuellement, on aurait pu aller jusqu'à une... mais, je dirais, une
reconnaissance qu'il est nécessaire pour... que la donnée suive le citoyen, par
exemple, qu'elle soit toujours... que le citoyen soit... que ce ne soit pas
le... soit citoyen qui... la donnée, mais que c'est le citoyen mais que c'est la
donnée qui suive le citoyen. Ou, encore une fois, aller même jusqu'à la
question de savoir est-ce que la donnée est la propriété du citoyen et non du
gouvernement? On aurait pu aller jusque là, mais je pense qu'on n'est pas prêt
encore aujourd'hui à aller jusque là. Mais c'est des questions qui sont
présentes et qui pourraient pousser éventuellement la réflexion plus loin à un
moment ou à un autre.
L'autre élément important dans ce projet
de loi, c'est la question de la transparence. Ce qui va nous permettre d'avoir
une certaine flexibilité, ce qui va nous permettre, je pense, en tant que
citoyen, de laisser de la place à... je dirais, à une agilité en termes d'accès
à nos données, c'est la nécessité d'être transparent, transparent à travers le
processus de consentement bien entendu, et puis transparent par rapport à la
capacité de reddition de compte.
Alors, dans tous les cas, ce qui est
d'ailleurs enchâssé dans cette loi, à la fois au niveau du consentement et de
la reddition de comptes, c'est assez clair, mais, bien entendu, doit être
attaché à ça, une question de littératie, une question d'éducation populaire,
non seulement sur la façon d'accéder à l'information, mais aussi sur, encore
une fois, ce processus de reddition de comptes aux citoyens, que ce soit en
matière d'accès, de délais d'accès, que ce soit en matière d'impact, d'impact
des données ou que ce soit encore en termes d'incident. Alors, tout va tenir
dans l'application au niveau de la transparence. Les bases sont là dans le
projet de loi, mais, sans transparence, il va être difficile de vraiment
réaliser ce pacte social et de le faire dans la confiance.
On a vu aussi, dans ce projet de loi,
toute la question autour de la sécurité de ces données. Je pense qu'il y a un
certain nombre de mécanismes qui sont mis en place aux définitions du rôle de
la CAI notamment et d'autres et de fonctions qui vont être ajoutées. On
voudrait simplement ici lever quelques drapeaux en se disant : Attention!
c'est... par exemple, le positionnement de la Commission d'accès à
l'information est un... de ce que la façon dont on le comprend, mais il
pourrait être interprété de plein de façons différentes, est un rôle de
surveillance dans ce cadre-là, un rôle plus en aval qu'en amont. Donc, bien
important pour nous, et c'est la même chose pour les SQ, de faire attention de
bien clarifier le positionnement de ces rôles-là.
On a déjà, en amont des processus de recherche,
énormément de mécanismes qui viennent protéger le citoyen, que ce soit les
comités de recherche, les comités de la recherche, que ce soit les règles
imposées par le FRQS ou les IRSC et que ce soit les règles, même au niveau des
établissements, la responsabilité des établissements. Donc, il y a déjà un
certain nombre de garanties en aval qui font en sorte qu'on peut certainement
être plus en confiance sur un accès agile et flexible à la donnée des citoyens,
sans pour autant rajouter en plus des mécanismes qui sont déjà existants et qui
pourraient venir alourdir davantage le système.
Donc, c'est un peu ambigu. Dans la loi, il
y a des choses éventuellement à clarifier là-dedans, notamment le chevauchement
entre la loi 3 et la loi 25, au sujet notamment du rôle de certains
organismes régulateurs. J'imagine que certaines autres personnes vont venir en
discuter beaucoup plus intelligemment que moi dans les prochains jours.
Catherine, je te laisse aller sur la
gouvernance.
Le Président (M. Simard) : Peut-être
en conclusion, s'il vous plaît.
M. Dumez (Vincent) : Oui, on
va être en conclusion.
Le Président (M. Simard) : Merci.
• (10 h 10) •
Mme Wilhelmy (Catherine) : Oui.
Au niveau de la gouvernance, on trouve très important d'inclure les patients
dans cette équation-là, dans la façon de gouverner le système de gestion du
réseau d'information de la santé au Québec. C'est des joueurs qui sont
importants et qu'il va falloir inclure, autant les représentants des usagers
que les patients partenaires. À ce chapitre-là, il y a une communauté au
Québec, la communauté Expérience qui peut être un terreau fertile pour aller
chercher ce type de ressources là.
On voulait aussi porter à votre attention
l'article 103, qui propose la destruction de renseignements au-delà d'un
certain temps. C'est très important pour ça, d'avoir l'accord de la communauté
scientifique puis aussi des patients, parce qu'autant dans le cas des patients
comme Vincent que comme moi détruire les données...
Mme Wilhelmy (Catherine) :
...si ça peut être périlleux pour un patient qui a une récidive de cancer
quinze ans plus tard, avoir accès à ses données de santé, ça peut être très
précieux. C'est une documentation qui aide à l'empowerment des patients. Puis,
évidemment, dans la recherche, c'est très important.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, merci.
M. Dumez (Vincent) : Peut-être
un dernier point au niveau de la gouvernance patient.
Le Président (M. Simard) : Très,
très rapidement, parce que vous avez largement dépassé le temps qui vous est
dévolu.
M. Dumez (Vincent) : Très
rapidement, la question, donc, des patients partenaires, mais aussi de la
participation des associations de patients et des associations d'usagers dans
la gouvernance, c'est le lien avec le citoyen et c'est la base de confiance. Un
grand merci de nous avoir écoutés bien.
Le Président (M. Simard) : Bien.
On pourra revenir, hein, puis étayer davantage dans la période d'échanges que
nous amorçons. M. le ministre, il vous reste douze minutes, 50 secondes.
M. Caire : J'ai une quantité
impressionnante de questions, je pense que je n'aurai pas le temps. Vous parlez
d'équilibre entre la protection des renseignements personnels et la mobilité de
la donnée. Ma collègue de l'opposition officielle est avocate. Je suis
informaticien. Vous comprendrez qu'on n'a probablement pas la même définition
de ce qu'est l'équilibre entre les deux. Vous situez où, cet équilibre-là par
rapport au projet de loi? Est-ce que, dans sa forme actuelle, vous pensez qu'il
atteint cet équilibre-là ou vous pensez qu'il y a peut-être des modifications à
apporter?
M. Dumez (Vincent) : Moi, en
ce qui me concerne, je crois qu'il pose des bases intéressantes pour qu'on
trouve un équilibre dans son application. Maintenant, il y a des pièges aussi
parce qu'une loi, ça s'interprète et ça se ramène. Mais je pense, moi, j'estime
que ce projet de loi trouve un certain équilibre, enfin, pose les bases pour
qu'on trouve un certain équilibre dans cette balance nécessaire.
M. Caire : Mais ma question
est : Est-ce qu'on maintient le projet de loi dans sa forme actuelle ou
vous verriez des modifications à apporter? Parce ce que je comprends, ce que
vous me dites, il jette des bases, mais on veut plus que des bases. Je veux
dire, c'est une législation qui va avoir un impact majeur. On veut trouver cet
équilibre-là. On n'est pas... puis vous comprendrez qu'un projet de loi de
cette nature-là, là, je pense que les collègues vont être d'accord, on ne
refera pas ça à chaque législation, là. Donc, est-ce qu'on a cet équilibre-là
ou il y a quand même des éléments à apporter pour le retrouver, cet
équilibre-là?
M. Dumez (Vincent) : En ce
qui me concerne, je pense qu'on est à l'équilibre. Puis Catherine?
Mme Wilhelmy (Catherine) : Je
pense aussi. Je ne suis pas informaticienne, mais il y a quelque chose aussi
qui relève du gros bon sens. On fait nos transactions bancaires sur Internet.
Je pense qu'on peut se fier à notre gouvernement. On se fie à des Google,
Facebook, name it, pour avoir toutes nos données personnelles. Alors je pense
qu'avec un gouvernement qui est ouvert à s'asseoir avec ceux qui sont les
parties prenantes intéressées autour de cette question-là, je pense qu'il y a
les bases amplement nécessaires pour avoir confiance.
M. Caire : Monsieur Dumez,
tantôt vous avez abordé la question de la réciprocité entre le réseau,
évidemment, et le patient, puis vous êtes allé un peu plus loin dans votre
développement en disant ce qui serait intéressant, et vous avez conjugué au
futur, c'est que l'information ou la donnée suive le patient. Or, ma
compréhension avec mon oeil d'informaticien de ce projet de loi, c'est que ça
va nous permettre de le faire. Évidemment, le projet de loi est
technologiquement neutre, mais on ne peut pas faire un pas. Ce n'est pas... La
nature du projet n'est pas d'être technologique, évidemment. Mais on a les
bases justement à cause de cette mobilité-là de l'information, on a les bases
pour que ce soit le cas. Vous, vous ne semblez pas avoir cette même
perception-là. Pourquoi?
M. Dumez (Vincent) : D'abord,
oui, il y a les bases, mais ce n'est pas un principe qui a été explicitement
intégré dans la loi à cette question. Donc, il y a les bases. Mais encore une
fois, le diable va être dans les détails. Et est-ce que c'est quelque chose qui
va être appliqué ou qui va être mis en œuvre ou pas? C'est une autre question.
C'est sûr que ça aurait été intéressant de l'avoir intégré comme principe dans
la loi. Je pense qu'on aurait fait un progrès assez majeur. Je comprends aussi
qu'au niveau... C'est un changement de culture très important. Mais c'est...
Alors, oui, il y a les bases, mais ce n'est pas là.
M. Caire : O.K., si je vous
suis bien, vous dites possiblement que législativement, on pourra le faire dans
un environnement technologique. Mais vous, vous auriez souhaité que la loi
fasse une déclaration de principe sur le fait que la donnée appartient au
patient et de ce fait le patient en est le seul juge... O.K., je vois le... On
regardera.
M. Dumez (Vincent) : Bien.
C'est... Sur la question de la propriété, c'est complexe, hein, c'est complexe
d'un point de vue légal. Mais par contre que la donnée suive...
M. Dumez (Vincent) : ...le
patient, c'est-à-dire qu'on ait accès à nos données en tout temps. Bien
entendu, si on est dans une logique aussi, par exemple, d'approche d'autosoin,
de responsabilisation, d'autonomisation, bien entendu, on rentre dans cette...
il faut donner la capacité aux citoyens d'accéder à leurs informations en tout
temps.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Il
faut donner le choix. Vous savez, il y a des patients qui ont besoin de ce
genre d'information là pour être bien. Il y a des gens qui ne peuvent pas avoir
accès à ce type d'information là sans être encadrés par un professionnel. Les
gens se connaissent, ils sont capables d'opter pour une chose ou pour une
autre. Il faut respecter les choix des patients puis les capacités puis les
limites des patients aussi.
M. Dumez (Vincent) : Ça m'est
déjà arrivé d'ouvrir mon carnet santé devant un médecin pour qu'il puisse avoir
accès à mes données, donc on voit que les bases sont là, là, parce que lui
n'avait pas accès aux données que moi, j'avais sur mon carnet santé, donc...
sur le fameux carnet santé. Donc, on sent que les bases sont là. Mais, encore
une fois, c'est un principe qui devrait peut-être être plus affirmé, mais je
sais que c'est complexe.
M. Caire : Mais...
Mme Wilhelmy (Catherine) : Et
important. Pardon.
M. Caire : Non, allez-y,
allez-y, je vous en prie.
Mme Wilhelmy (Catherine) : J'ai
envie de vous donner l'exemple d'un collègue patient partenaire qui monte
lui-même son propre dossier santé avec des cartables, des foules de cartables,
puis il a toujours avec lui le dernier. Il s'est retrouvé sur une table
d'opération à se faire dire que l'opération allait être reportée parce qu'on
n'avait pas ses derniers résultats de prise de sang. Il a dit à
l'infirmier : Allez voir dans mon casier, voici la clé. Dans le cartable,
la section x, la première feuille, c'est les derniers résultats de santé, et il
a pu être opéré.
M. Caire : Si je peux me
permettre, le projet de loi... Puis là ma collègue, qui a le même défaut que
moi, c'est-à-dire d'être une informaticienne, pourra corroborer, là, tu n'as
pas le choix, il faut que tu dises oui, mais le projet de loi, dans sa forme
actuelle, va permettre la technologie... d'asseoir une technologie qui va nous
permettre de faire ce que vous dites. Ça, le projet de loi le permet, là, la
mobilité que ça donne à la donnée va le permettre. Je vous parlais tantôt de
l'équilibre parce que... et je pense que mon collègue de Rosemont va vous poser
des questions là-dessus aussi et je serai intéressé à la réponse, mais il y a
aussi une question de protection des renseignements personnels. Donc,
l'équilibre est toujours là-dedans, le consentement, qu'est-ce qu'on rend
accessible à qui, bon, mais tout ça, technologiquement, se fait.
C'est pour ça que je vous posais la
question : Qu'est-ce qui manque? Puis là vous me dites : Ce qui
manque, c'est une déclaration de principe, dans le fond, parce que sur... Les
possibilités législatives, elles sont là, mais vous voudriez voir une
déclaration de principe inscrite au projet de loi.
M. Dumez (Vincent) : Oui. Ce
serait idéal.
M. Caire : Je comprends. Je
comprends. Madame Wilhelmy, vous avez parlé d'éthique, et, dans le projet de
loi, il est quand même spécifié, au niveau des protocoles de recherche, que ça
doit faire... il doit y avoir une validation par les pairs, notamment au niveau
des protocoles, mais aussi au niveau de l'éthique. Puis j'aimerais ça vous
entendre là-dessus. Est-ce que vous trouvez que, de ce point de vue là, le
projet de loi peut être amélioré ou c'est un commentaire général? Qu'est-ce qui
vous amène à faire le commentaire que vous avez fait?
Mme Wilhelmy (Catherine) : C'est
un commentaire général.
M. Caire : Mais, de votre
point de vue, est-ce que... Parce que c'est une question qui nous est posée
puis c'est une question qui préoccupe beaucoup. Est-ce que, du point de vue de
l'éthique, dans la recherche, est-ce que vous trouvez que le projet de loi en
fait suffisamment? Est-ce qu'on va assez loin? Est-ce qu'on va trop loin?
Est-ce qu'on est dans une situation d'équilibre?
Mme Wilhelmy (Catherine) : Non,
je ne pense pas qu'on va trop loin. Je pense que c'est une question qu'il va
falloir étayer encore plus dans les règlements, dans tout ce qui va suivre.
Mais actuellement, ce qu'il y a dans la loi, c'est correct.
M. Caire : O.K. Donc, vous,
vous le feriez de façon réglementaire mais pas législative?
Mme Wilhelmy (Catherine) : Non.
M. Dumez (Vincent) : Exactement.
M. Caire : O.K. Parfait. Je
ne sais pas...
M. Dumez (Vincent) : Je pense
qu'il faut vraiment qu'on s'appuie sur... Je veux dire, au Québec, on a des
institutions de recherche qui sont extrêmement solides, qui travaillent de
façon très rigoureuse. Nous, on le voit de l'intérieur, on les expérimente au
quotidien, on travaille avec ces personnes-là. À un moment, il ne faut pas...
il faut aussi éviter d'ajouter vérification sur vérification sur vérification,
parce que c'est là où on va. On comprend qu'il y a un stress, une angoisse,
mais, à un moment ou un autre, il faut faire aussi confiance au
professionnalisme des gens. Puis on est quand même... Moi, je travaille à
l'intérieur du système de santé depuis quelques années maintenant et j'avoue
que j'ai une confiance quand même assez importante dans cette... sur leur
capacité à identifier des enjeux potentiels d'éthique, oui.
• (10 h 20) •
Mme Wilhelmy (Catherine) : Puis,
de plus en plus, on voit, dans les comités éthique, de la participation de
citoyens, de patients partenaires, et ça amène...
M. Dumez (Vincent) : Une
garantie supplémentaire.
Mme Wilhelmy (Catherine) : ...ça
couvre l'angle...
Mme Wilhelmy (Catherine) : ...de
la perception des citoyens.
M. Caire : Mme Wilhelmy, je
vais vous en poser une petite dernière parce que je vous avoue que vous êtes
venue me chercher quand vous avez parlé de la destruction à la fin du cycle de
vie. Mon collègue de Rosemont s'en souviendra, c'est un débat que nous avons eu
dans le cadre d'un autre projet de loi que nous avons adopté. Et vous, vous
semblez dire que la communauté scientifique devrait avoir un mot à dire, je
vous avoue que... puis, là, sincèrement, je vous entends parce que je concilie
mal le fait que la donnée appartient au patient et donc de ce fait, si moi je
veux qu'on détruise mes informations, puis je veux dire, personne n'a rien à
dire. Et le fait qu'on doive consulter la communauté scientifique avant de le
faire, j'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu votre point de vue parce que
là vous jugez la frontière est mince entre déposséder le patient de ses
données, de ses renseignements de santé. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Sans
déposséder le patient, je pense encore une fois que ça prend un dialogue.
Est-ce qu'une recherche pourra être invalidée parce qu'on n'aura plus accès aux
données? Est-ce que la continuité d'un projet de recherche peut être mise en
jeu? Est-ce que... Tu sais, c'est la santé collective aussi qui est en jeu
là-dedans. Il y a la... puis...
M. Caire : Normalement, le
protocole de recherche va se baser sur une donnée qui est jugée accessible
selon les critères qu'on... Donc, la donnée qui va servir à un protocole de
recherche ne sera pas de la donnée qui va être susceptible d'être détruite. La
donnée qui est susceptible d'être détruite, techniquement, c'est une donnée
pour laquelle le cycle de vie est arrivé à sa fin utile et pour lequel il y a
une obligation dans la protection des renseignements personnels, puis c'est là,
M. Dumez, où on parlait d'équilibre. Donc dans la protection des renseignements
personnels, la chose à faire est de détruire l'information. Mais, pour d'autres
informations, ça va être de les anonymiser et de permettre d'avoir ces banques
de données là pour les chercheurs. Mais est-ce que vous n'avez pas l'impression
qu'on parle de deux choses différentes dans les faits, là? C'est parce que je
trouve ça... Je vous le dis comme je le pense. Je trouve ça dangereux de donner
à d'autres personnes que le patient le pouvoir de gérer ces données. C'est là
où je pense que l'équilibre sur la protection des renseignements personnels, on
se serait peut être limite un peu. Vous ne pensez pas?
M. Dumez (Vincent) : Peut
être que j'ai mal compris l'article 103, mais c'est... Bon, si un citoyen
veut qu'on détruise ses données, et je pense que, bien entendu, je crois qu'il
faut... il faut, bien entendu, intercéder. Mais l'enjeu c'est que, dans
l'article, on a comme l'impression qu'après un cycle de vie ce n'est pas
forcément de la volonté des citoyens de les détruire, hein? Ça peut être
différents facteurs qui vont amener à la destruction de ces données-là. Et
c'est vrai que nous, comme patients, on sait à quel point, par exemple, pour
moi, un patient hémophile, la profondeur historique des données, par exemple,
est quelque chose d'important. Donc, si des données devaient être détruites de
façon massive et qu'on puisse y avoir accès, et que ça nous enlève l'accès à
une partie de notre historique, alors là, encore une fois, on a une perspective
très, très peut-être très, très centrée sur notre vie de patient. Mais moi, je
trouve que l'article 103 n'est pas très clair. Donc moi, je crois que, si
un patient demande à ce que ces données soient détruites, il faut qu'elles
soient détruites. Ça, je pense que, ça, il n'y a aucun doute là-dessus. Par
contre, si c'est un autre critère qui amène à cette question de la destruction,
je pense qu'il y a des questions à considérer là-dedans, et certainement que la
l'anonymisation pourrait être quand même aussi une solution extrêmement
intéressante. Est-ce qu'on peut garantir un anonymat à long terme? Ça, c'est
une grande question. Mais, peut être avant d'arriver à un processus de
destruction, réfléchir à comment on pourrait conserver. En santé en tout cas,
les historiques de données sont essentiels.
M. Caire : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Mont-Royal Outremont, qui
dispose d'environ 10 minutes 30 sec.
Mme Setlakwe : Je vous
remercie tous les deux pour vos interventions ce matin. En fait, je dis «votre
éloquence», puis les cas que vous avez vécus tous les deux sont très
importants, là, d'être mis de l'avant pour qu'on saisisse bien les enjeux, les
objectifs et pour qu'on puisse vérifier, nous notre côté, si les objectifs sont
atteints.
Il y a beaucoup de questions qui ont été
déjà couvertes par M. le ministre. Ma question c'est vous avez la recherche
parce que tous les deux, vous avez mentionné que n'eut été de l'avancement de
la recherche le progrès à ce niveau-là, vous auriez. Vous auriez aujourd'hui
souffert beaucoup plus où vous auriez eu des séquelles, vous auriez eu des
effets secondaires, vous vous prendriez plus de médicaments. On le comprend
tous. Et donc pour vous juste revenir sur l'aspect recherche et l'agilité qui
est offerte aux chercheurs dans le projet de loi, e est ce que vous êtes
satisfait à ce niveau-là? Est ce qu'il y a des choses à clarifier ou est ce
qu'il y a... je pense qu'il y a une partie qui est... là-dessus, c'est ma
compréhension là, qui est couverte par le projet de loi, mais est ce qu'il y a
aussi... puis là, peut être que je déborde une question de...
Mme Setlakwe : ...valorisation
de la recherche qui n'est pas adéquate au sein de la population. J'aimerais ça
vous entendre élaborer un petit peu plus, là, sur la recherche.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Ah!
mon Dieu! Ça prend beaucoup plus d'éducation populaire sur la recherche, les
bienfaits de la recherche. Il y a comme une crainte automatique chez la
population par rapport à la recherche, alors que c'est grâce à la recherche
qu'on vit aussi longtemps, qu'on est bien aussi longtemps. Il faut avoir... et
il faut avoir accès à la recherche, peu importe où on en est au Québec. Quand
on... Vincent et moi, on a été traités dans des centres hospitaliers
universitaires, où la recherche, ça va de soi. J'ai été sur des essais
cliniques, Vincent, je ne sais pas, probablement, mais c'était... Il me semble
que ça... en tout cas, c'est une autre paire de manches, mais il me semble que
ça doit faire partie du parcours de soins, des options de traitement. Or, ça ne
l'est pas, puis c'est un peu mystérieux pour la plupart des gens, et ça ne
devrait pas l'être. Il faut démystifier cet environnement-là et le rendre
beaucoup plus accessible pour la population, pour que les chercheurs puissent
avoir des plus grands bassins de population dans leurs études.
M. Dumez (Vincent) : Je pense
qu'il faut valoriser la recherche puis il faut valoriser le processus de
recherche. On a un processus de recherche extrêmement rigoureux actuellement au
Québec. On a... Tu sais, moi, je suis extrêmement fier de ce que je vois au
quotidien, de ce que j'observe, que ce soit dans les établissements, que ce
soit dans le niveau de questionnement constant qu'on a dans cette
préoccupation. Il y a une vraie préoccupation de la protection de la
confidentialité, de la... du travail sur le consentement. Ces dernières années,
on a travaillé à coconstruire ensemble des formulaires de consentement pour que
ce soit plus... justement plus facile d'accès par les patients, qu'ils
comprennent mieux, qu'on ne soit pas dans des logiques de... au niveau... On
dit : Bien, on fait signer un consentement, mais personne ne le comprend.
Donc, on le signe sur le coin d'une table et en bout de ligne, on ne sait pas
ce qu'on a signé.
Donc, il y a énormément de choses sur
lesquelles on... qui ont été travaillées ces dernières années, qui font en
sorte qu'effectivement il faut que la population soit plus au courant de ça
puis fasse confiance au processus de recherche en lui-même. Ce n'est pas
suffisant, on est d'accord, mais le projet de loi qui est là actuellement
redonne cette confiance au processus, redonne une certaine confiance aux
chercheurs tout en mettant de l'ordre dans les mécanismes de protection. Donc
tel que c'est là... Encore une fois, c'est son application, hein, c'est dans
son application que ça va se faire. Mais tel que c'est là, je pense qu'il y a une
base pour trouver un équilibre qui est extrêmement intéressant. J'ai devant moi
l'article 39, notamment sur les chercheurs liés et leur capacité à accéder
à de l'information, etc. Donc, il y a cette agilité, cette protection qui est
là dans ce projet de loi. Elle est là aussi encore une fois parce qu'elle a été
très travaillée en collégialité, hein, je tiens à le redire, là. C'est... Il y
a beaucoup des éléments qui sont là, qu'on a... sur lesquels on a eu l'occasion
de discuter ou d'être consultés à de nombreuses reprises pour arriver à une
forme d'équilibre. Le problème de cette loi-là, maître - je dis maître, je
m'adresse à vous comme une avocate - c'est qu'il y a beaucoup de sujets à
interprétation, bien entendu.
Donc, dans son application, il va falloir
être très vigilant et il va falloir l'expliquer au citoyen. Il va falloir bien
l'expliquer aux citoyens, bien expliquer les mécanismes, justement, les
mécanismes qui les protègent, les mécanismes qui leur permet... les mécanismes
de reddition de comptes, les mécanismes qui leur permettent d'avoir des recours
en cas d'incident ou en cas d'anxiété. Donc, il y a une éducation populaire
importante à faire auprès des citoyens sur ces questions-là.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Puis
je pense que d'utiliser les citoyens, les patients qui sont déjà impliqués en
recherche, qui font déjà du partenariat patient en recherche, ça peut être un
outil intéressant pour démystifier la recherche. On est à l'intérieur, on est
avec des équipes de recherche, on voit comment ça se passe. Je pense au projet
Claret d'Annabel Cumyn, qui a fait une étude avec... auprès de la population et
avec des patients partenaires pour évaluer la réception de la population par
rapport à l'accès aux données. Bien, il est sorti là-dedans toutes sortes de
choses super intéressantes, notamment sur le fait que la population est très
ouverte à la recherche scientifique qui se fait dans nos institutions
universitaires. Alors, ça, il faut pour l'amener ailleurs, il faut l'amener
sur la place publique. Il faut que les gens en soient conscients.
Mme Setlakwe : On vous entend
très bien sur cet aspect-là. Merci. Non, pas d'autre question pour moi pour le
moment. Merci encore.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci à vous, chère collègue. Je cède maintenant la parole au député de
Rosemont.
M. Marissal : Combien de
temps?
• (10 h 30) •
Le Président (M. Simard) : Bien,
techniquement, quatre minutes, mais attendez, pardon... dix minutes 45. C'est
la grande technologie, parce que le temps de l'opposition qui n'est pas pris
par le Parti libéral vous est dévolu.
M. Marissal : Ah! merci, M.
le Président. Bonjour...
10 h 30 (version non révisée)
M. Marissal : ...bonjour, vous
deux. Merci de votre témoignage. Navré monsieur Dumez, de savoir que vous avez
été contaminé, dans les années 90, par le scandale du sang contaminé. Par
contre, vous êtes tous les deux la preuve vivante, et j'insiste, survivante,
que la recherche, effectivement, et le système de santé ne fait pas que des
fiascos, parce qu'on parle beaucoup des fiascos en santé. Croyez-moi, je suis
critique en matière de santé. Mais ça fonctionne aussi parfois. Parfois, il y a
des gens qui, comme vous, peuvent vivre et vivre une vie saine et entière. Puis
je suis heureux que vous soyez ici pour partager votre témoignage et votre
expertise.
Maintenant, M. Dumez, vous avez parlé... C'est
Dumez, hein?
M. Dumez (Vincent) : Exactement.
M. Marissal : Je ne déforme
pas trop?
M. Dumez (Vincent) : Non, pas
du tout, pas du tout.
M. Marissal : Vous avez parlé
tout à l'heure de chevauchement entre la loi 3 et 25. Je n'ai pas la
mémoire d'un logiciel, là, 25, ça me dit vaguement quelque chose, mais c'était
dans la législature...
Une voix : ...
M. Marissal : 64, il est
devenu 25. Le ministre me souffle les réponses ici, ça va accélérer mes
questions. Pouvez-vous me parler des fameux chevauchements, donc, entre le 3 et
le 25 dans l'optique, Monsieur Dumez, Mme Wilhelmy, d'améliorer le produit qui
est devant nous, hein? C'est ce qu'on fait ici aujourd'hui.
M. Dumez (Vincent) : Oui.
Bien, en fait, le projet de loi n° 25, donc, c'est sur le... un projet de
loi sur la protection de la vie privée. Donc, notamment, je ne vais pas rentrer
dans les détails, mais le rôle de la Commission d'accès à l'information doit
être arrimé entre 25 et 3, hein? Donc, on n'est pas dans les mêmes... on n'est
pas tout à fait dans les mêmes rôles, ce n'est pas explicité de la même façon.
Donc, c'est quand même un des éléments assez majeurs de ce point, de cet
élément-là. Encore une fois, l'idée, ce n'est pas de dire de voter un projet de
loi n° 3 à qui on donne une certaine agilité et flexibilité, pour qu'une autre
loi vienne, lui, cristalliser un certain nombre de choses. Actuellement, il y
a... et mes co-collègues chercheurs viendront vous en parler, il y a des
blocages actuellement assez importants dans le système sous prétexte de la loi 25.
Donc, il y a... Encore une fois, on cherche quelque chose, on cherche un
équilibre. Et ce projet de loi, ce qu'il propose, c'est justement un équilibre
de ce type-là. On rajoute, quand même à une organisation de surveillance... On
repositionne le rôle de la CAI qui d'après moi est un rôle en aval, qui est
intéressant, qui a un rôle de vérificateur. Je pense que c'est parfait comme
ça. Effectivement, c'est un rôle sur lequel le public va pouvoir se relancer.
Il y a des organisations qui s'occupent des vérifications en amont du
processus. Ce projet de loi aussi leur reprécise bien, fait confiance aux
mécanismes actuels de la recherche au Québec et au Canada, puisque beaucoup des
chercheurs sont sous l'égide de ces deux groupes-là. Donc cet équilibre-là est
bon. Si on a encore une fois assis... puis je connais moins le rôle de l'ISQ, j'avoue,
mais au niveau de la CAI, je pense qu'au niveau du positionnement de la CAI, il
faut absolument que les rôles... que ce soit bien arrimé et qu'on se comprenne
bien sur à quel moment ça intervient et pourquoi.
M. Marissal : O.K. pour être
sûr de comprendre, là, vous voyez... le rôle de la CAI en aval. Donc, un rôle
de vérification et non pas en amont et même comme loi parapluie qui devrait
dicter la marche à suivre à tous les autres.
M. Dumez (Vincent) : Oui. Si
vous faites ça, vous allez rajouter une couche de processus de vérification en
amont. Et ce que vous dites grosso modo, d'après moi, c'est que vous ne faites
pas confiance au processus en amont. Alors, à quoi ça sert d'avoir des
processus en amont? Et ces processus-à sont mis en place par des experts de la
recherche, hein? Encore une fois, on est... je ne cesserais de le redire, je
suis... je côtoie à la fois des chercheurs et des personnes en gouvernance de
la recherche au Québec tous les jours, on a un système extrêmement rigoureux.
En plus, comme le disait Catherine,
aujourd'hui, vous imaginez qu'en plus, en amont, aujourd'hui, il est
extrêmement difficile de se faire financer de la recherche au Québec et au
Canada sans avoir des patients partenaires de recherche. Donc, on a des
citoyens impliqués dans la grande majorité des projets de recherche dès les
élaborations de protocoles et les rédactions de consentement. Donc, des
protections, on en a, on en a beaucoup et beaucoup ont été mis... ont été
renforcés dans les dernières années. Alors attention de faire en sorte, il faut
considérer ça. On ne peut pas juste dire : C'est comme avant puis on garde
la même chose et on... il faut faire confiance à nos institutions en santé. On
se comprend. Comme vous l'avez dit, il y a beaucoup de chaos. Il y a beaucoup
de choses, peut-être, qui se passent moins bien...
M. Dumez (Vincent) : ...c'est
peut-être l'opinion qu'a la population en ce moment du système de santé, mais,
au niveau de la recherche, on a un système solide au Québec, duquel on doit
être fier et sur lequel on doit absolument s'appuyer.
M. Marissal : O.K.
Intéressant. Ça apporte une nouvelle perspective. Vous avez dit, tout à
l'heure, madame Wilhelmy, qu'on fait des transactions bancaires sur Internet.
Moi, je vous dirais que ça cause aussi des fuites massives de données, comme on
a vu chez Desjardins, puis des vols d'identité, puis des vols de données, je
suis un des nombreux chanceux au Québec à qui c'est arrivé, puis je ne dis pas
ça pour faire peur au monde, là, mais la donnée, la donnée primaire, elle a une
valeur, elle a une valeur mercantile, alors vous me voyez venir, là, et le
ministre m'a vu venir, il me connaît bien, je pense, là. La donnée, là, elle
appartient au patient, l'état en est le fiduciaire, après ça, elle appartient
au patient pour le patient, bon, dans le cas extrême, un peu caricatural, c'est
votre ami qui est obligé de se promener avec son cartable à l'hôpital, ça, ce
n'est probablement pas la marche à suivre, là, mais la donnée appartient au
patient. Ensuite, elle peut être utilisée par les professionnels de la santé,
on comprend ça et on le souhaite. Ensuite, elle peut être utilisée par la
recherche, et c'est là où il y a une nuance, quant à moi, la recherche
fondamentale publique et pour le bien public, et la recherche purement privée.
Puis on a eu des débats dans cette salle-ci, là, avec le ministre de
l'Économie, dans la dernière législature, où je crois avoir campé ma position
et la position de mon parti là-dessus. J'aimerais vous entendre, par contre,
sur l'accessibilité et l'utilisation de données de santé à des fins soit
purement privées de recherche, soit détournées vers le privé, c'est-à-dire,
comme ça arrive malheureusement trop souvent à Québec, ça commence dans des
chaires de recherche universitaire qui sont lourdement financées par le privé
puis ça finit au privé, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Wilhelmy (Catherine) : D'abord,
je suis désolée que votre identité ait été subtilisée par des transactions
bancaires, mais, malheureusement, malgré tout ça, je pense qu'il y a encore la
majorité de la population qui fait ses transactions bancaires sur Internet,
malgré le danger de tout ça. Et je m'excuse, l'idée est partie, rappelez-moi...
M. Marissal : Protection de
données personnelles, recherche privée, publique, utilisation, en fait, à des
fins purement mercantiles. Allez-y.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Au
niveau du privé, c'est sûr que la population est plus frileuse. L'étude dont je
vous parlais tout à l'heure d'Annabelle Cumyn, l'étude Claret, l'a documentée.
Et puis, là-dessus, j'aurais le goût de vous rapporter les propos d'un autre
collègue et patient partenaire qui disait : Si mes données sont une mine
d'or, est-ce que je peux participer aux profits? Mais c'est clair qu'il va
falloir avoir des mécanismes sécuritaires autour de ça.
M. Marissal : Est-ce qu'on
les retrouve? Parce que je vois, dans votre mémoire, qu'il y a des recommandations,
notamment, qui nous incitent à être un peu plus précis sur qui fait quoi, qui a
droit à quoi là-dedans? Est-ce que vous avez, dans le projet de loi n° 3
qui est devant nous, les balises nécessaires?
• (10 h 40) •
M. Dumez (Vincent) : Je pense
qu'effectivement le projet de loi n° 3... Moi, je suis dans l'hémophilie,
par exemple, vous avez beaucoup, hein, c'est de ce mariage clinicien
pharmaceutique. La dernière grande innovation en l'hémophilie, qui fait en
sorte qu'aujourd'hui je ne me perfuse plus aux 48 heures, là, que
j'utilise depuis quelques mois maintenant, vient de cette collaboration
cliniciens pharmaceutiques et associations de patients. Je pense, moi, je crois
que le projet de loi tel qu'il est défini là fait en sorte qu'on ne peut pas
faire de recherches privées sans le public, ça, c'est... je pense que ce
principe-là doit être maintenu et il doit être, je dirais, contrôlé dans le
temps, c'est-à-dire que c'est effectivement, on ne peut pas commencer avec...
Effectivement, beaucoup de la recherche clinique ou de la recherche
fondamentale va être financée par l'industrie, ce qui est normal, on ne pourra
pas éviter ça, puis c'est certainement... c'est ce qui donne aussi du pouvoir,
un pouvoir important à nos capacités de recherche, on l'a vu pendant la période
de COVID, mais, maintenant, il faut, de la même façon, il faut que les
mécanismes de surveillance qui sont exprimés dans la loi s'appliquent aussi à
s'assurer que cette condition-là est maintenue.
L'autre chose, encore une fois, ce qui va
nous aider là-dedans, c'est l'implication citoyenne, c'est pour ça que dans la
gouvernance, il ne faut pas juste...
M. Dumez (Vincent) : ...oui,
il faut qu'il y ait de... de la recherche. Il faut qu'il y ait des décideurs,
mais il faut qu'il y ait des associations de patients. Il faut qu'il y ait,
éventuellement, des patients partenaires. Il faut qu'il y ait des personnes qui
soient capables d'assurer un certain... des garde-fous sur la viabilité de ce
processus de collaboration. Puis, là encore, il faut faire attention, parce
qu'il ne faut pas, Il ne faut pas alourdir la chose au point... en fait,
jusqu'au point de faire que, finalement, on n'a plus de capacité. On va... On
va tuer nos capacités de recherche. Mais, jusque-là, ce qui se passe, c'est
qu'effectivement on va contrôler au départ, puis après on arrête de contrôler.
Alors, il faut que la surveillance se
fasse en continu, et c'est ce que propose ce projet de loi, il me semble.
M. Marissal : Je vous
remercie.
M. Dumez (Vincent) : Je vous
en prie.
Le Président (M. Simard) : Alors,
Mme Wilhelmy, M. Dumez, comment dire, merci pour votre témoignage aussi
touchant que le vôtre ce matin. On espère vous retrouver sous peu.
Sur ce, nous allons suspendre quelques
minutes nos travaux afin de faire place à nos prochains invités. Au revoir!
(Suspension de la séance à 10 h 42)
(Reprise à 10 h 51)
Le Président (M. Simard) : Chers
collègues, nous voici de retour. Nous sommes en compagnie de madame Joanne Castonguay,
commissaire à la santé et au bien-être. Elle est accompagnée par Denis Roy,
commissaire adjoint et scientifique principal. Alors, à vous deux, bienvenue,
vous savez que vous disposez de dix minutes pour faire votre...
Le Président (M. Simard) : ...présentation.
Mme Castonguay (Joanne) : Merci
beaucoup. M. le Président, membres de la Commission des Finances publiques, M.
le ministre de la Cybersécurité et Numérique, madame, monsieur.
Tout d'abord, je souhaite souligner le
caractère primordial du projet de loi numéro trois pour améliorer la viabilité
du système de santé et services sociaux. Je salue le gouvernement pour ce
projet de loi et remercie la Commission des finances publiques de prendre le
temps d'entendre mes observations et mes recommandations à cet égard. À titre
de Commissaire à la santé et au bien-être, ce projet m'est d'une importance
capitale. Un meilleur accès aux données en temps opportun permettra d'améliorer
la performance du système et soutenir l'efficience du commissaire dans la
réalisation de sa mission.
Comme la commission le sait, nous faisons
face à des enjeux de financement, de ressources humaines et de vieillissement
de la population, et ces enjeux exercent des pressions multiples sur la
capacité du système à répondre aux besoins de la population. La pandémie a mis
en exergue l'impact de ces enjeux sur le système et le fait que le Québec a
tardé à les résoudre, si bien que le système se trouve aujourd'hui, à bien des
égards, dans une situation critique. La nécessité d'améliorer l'efficience du
système pour en assurer sa viabilité ne fait plus aucun doute. Une meilleure
circulation des données aurait pour effet d'améliorer la performance du système
à plusieurs égards. Nous en avons retenu trois.
Premièrement, l'accès aux données
facilitera l'intégration des soins de santé et des services sociaux.
Actuellement, la difficile circulation des renseignements est un frein au
développement de soins et services intégrés, malgré la volonté de le faire de
tous les gouvernements depuis les deux dernières décennies, un problème que le
p.l. 3 vise à résoudre.
Deuxièmement, un plus grand accès aux
données permettra de soutenir le déploiement des innovations. Le Québec
effectue chaque année des investissements majeurs en recherche, en
développement et en transfert des innovations. Nos chercheurs travaillent sur
des projets innovants et prometteurs, mais ils font face à des obstacles
importants pour les implanter à grande échelle. L'un des obstacles majeurs est
le manque de données nécessaires pour démontrer la valeur de leurs idées.
Troisièmement, l'accès aux données permet
l'amélioration de la gouvernance du système de santé et services sociaux. Dans
sa publication Le devoir de faire autrement, le commissaire a fait valoir
les lacunes de gouvernance du système de santé québécois. L'accès à des données
de qualité en temps opportun est essentiel pour le gouvernement s'il veut être
informé des résultats de ses décisions et des politiques qu'il met en place.
Sinon, il s'ensuit une perte importante dans les résultats des services.
Maintenant, je souhaite parler de
l'importance du p.l. 3 pour soutenir l'efficience du commissaire dans la
réalisation de sa mission. Le commissaire est le seul organisme public
québécois indépendant responsable d'apprécier la performance du système dans
une perspective systémique, soit les résultats atteints compte tenu des
ressources consenties. Il est donc primordial qu'il puisse accéder sans
compromis ni ambiguïté aux données qui lui sont essentielles pour le faire.
L'analyse de la performance du système sous l'angle de la valeur exige
d'accéder aux données granulaires et anonymisées contenues dans toutes les
bases de données qui répertorient les activités ou les interventions effectuées
auprès des patients et le type de ressources mobilisées, incluant les
ressources humaines, les technologies et les coûts.
Pour être efficace, le commissaire doit
pouvoir bénéficier d'un accès fluide en temps opportun aux données requises à
ses analyses. Or, bien que l'accès aux données soit la clé pour évaluer la
performance du système et son évolution, elles ne sont pas facilement
accessibles, et le commissaire note des problèmes majeurs d'accès aux données.
D'abord, le manque de cohérence
législative. La Loi sur l'assurance maladie ne mentionne pas expressément le
commissaire en tant qu'entité autorisée à accéder aux informations détenues par
la RAMQ. La RAMQ estime qu'elle ne peut pas lui transmettre des informations,
même sous forme anonymisée, malgré que la loi du commissaire prévoie ce droit.
La situation est la même pour l'obtention de certaines données dont le
ministère est détenteur. En raison de cette incohérence, le commissaire doit
recourir à des ordonnances en vertu de ses pouvoirs d'enquête pour obtenir les
données nécessaires, et cette approche par autorisation à la pièce introduit
une lourdeur administrative importante dans la réalisation de ses travaux.
Également, l'analyse de la performance du
système exige de suivre son évolution dans le temps, notamment pour mieux
comprendre l'impact des politiques. Cela exige d'obtenir des données
longitudinales. Le commissaire doit pouvoir conserver ces données... les
données requises à ces analyses...
Mme Castonguay (Joanne) : ...sur
plusieurs années. Or, il est tenu de signer des engagements qui l'obligent à
détruire les données transmises une fois que le projet d'analyse est terminé.
Je souhaite que l'adoption du projet de loi n° 3 contribue à aplanir ces
obstacles à la réalisation de la mission du commissaire.
Maintenant, voici mes réactions au projet
de loi n°3. D'emblée, je souhaite souligner trois éléments positifs qui
devraient être maintenus dans les versions à venir du projet de loi n° 3 :
la volonté de favoriser la circulation des données entre tous les intervenants
du milieu de santé et des services sociaux, tout en assurant la protection des
renseignements personnels des citoyens; la volonté de permettre à un organisme
détenteur de renseignements de le conserver sous une forme anonymisée lorsque
les délais de conservation applicables à ce renseignement seront atteints et la
modification proposée à la Loi sur l'assurance maladie pour favoriser le
décloisonnement des données.
Maintenant, j'ai aussi des préoccupations
qui portent principalement sur les mécanismes d'accès aux renseignements prévus
à l'article 65 et aux articles 72 à 82. Je résumerai ainsi le principe qui
guide mes recommandations à leur sujet. Pour que le commissaire puisse exercer
sa mission en toute indépendance et en toute légitimité, une organisation, dont
il doit évaluer la performance, ne peut avoir le pouvoir de lui refuser l'accès
à des données essentielles pour accomplir son mandat. L'article 65 autorise un
organisme du secteur de la santé et des services sociaux à communiquer un
renseignement de santé ou de services sociaux à une personne ou un groupement,
si ce renseignement est nécessaire à l'application d'une loi au Québec et si la
communication est expressément prévue par sa loi. Mes recommandations visent à
clarifier l'article 65 pour qu'il n'y ait pas d'interprétation possible qui
empêcherait le commissaire de l'utiliser pour accéder aux renseignements dont
il a besoin.
Voici mes trois recommandations portant
sur cet article. Un. Clarifier les personnes et groupements autorisés à
recevoir les renseignements en ajoutant une précision à l'article 65. Pour le
moment, c'est flou. Définir l'expression expressément prévue de l'article 65
afin que celle-ci englobe de façon non équivoque les pouvoirs du commissaire
d'accéder à tous les renseignements requis pour ces analyses ou apporter tout
changement qui aurait le même effet. Et prévoir... Trois. Prévoir expressément,
à l'article 65, l'obligation de donner l'accès aux renseignements demandés
lorsqu'une telle obligation est prévue dans une loi. Présentement, l'article 65
utilise le vocable «peut communiquer un renseignement pour tous les cas». Une
quatrième recommandation propose de coordonner l'article 20 de la loi du
commissaire avec le projet de loi n° 3.
Un autre mécanisme d'accès est prévu aux
articles 72 à 82, notamment dans le cas où l'accès aux renseignements est
nécessaire à l'application d'une loi au Québec, sans que sa communication soit
expressément prévue par la loi. Dans ce cas, le responsable ministériel des
renseignements doit l'autoriser. Pour une question d'indépendance, le
commissaire estime ne pas devoir être subordonné à ce mécanisme. Je recommande
donc de soustraire les organismes, ayant des fonctions relatives à l'évaluation
des services de santé et des services sociaux, du pouvoir discrétionnaire du
responsable ministériel. Même si je ne souhaite pas que le commissaire passe,
par le responsable ministériel, les renseignements, je juge important de
souligner les écueils potentiels liés à l'implantation de cette fonction au
bénéfice des organisations potentiellement touchées. Je crains des délais de
traitement dû au volume des demandes. Pour pallier à ce problème, je recommande
de mettre en place trois mesures. La première, instaurer la possibilité pour
les organismes demandeurs d'obtenir une autorisation globale sur une base
annuelle en fonction de leur mission et de la planification annuelle qui en
découle. Prescrire un délai maximal pour la transmission des renseignements une
fois l'autorisation accordée et instaurer un mécanisme d'appel en cas de refus
par le gestionnaire délégué.
En somme, à la lecture du projet de loi
dans sa version actuelle, le commissaire craint de ne pas pouvoir anticiper et
mesurer avec justesse les conséquences de la mise en place des nouvelles
mesures sur ses activités et sa capacité à remplir adéquatement sa mission. La
commission se demande s'il bénéficiera des modalités d'accès qui lui
permettront de réaliser ses travaux et d'exercer pleinement et adéquatement ses
responsabilités en toute indépendance. Merci beaucoup pour votre écoute.
• (11 heures) •
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, Mme la commissaire. Je cède maintenant la parole au ministre qui
dispose de 16 minutes 30 secondes.
M. Caire : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, docteur. Bonjour, Mme la commissaire.
Content de vous avoir avec nous...
11 h (version non révisée)
M. Caire : ...beaucoup de
choses, une présentation assez dense. Vous m'aviez prévenu puis vous avez livré
la marchandise. C'était effectivement assez dense, plusieurs questions puis
plusieurs précisions aussi. Je vais commencer sur vous parler de l'accès à la
donnée.
Vous dites : Dans mon travail, je
dois avoir accès à la donnée de façon générale. Puis, après ça, on ira de façon
plus précise, là, quant au mandat de surveillance, d'évaluation... bien, plus d'évaluation
que de surveillance, excusez-moi, là, que vous avez. Est-ce que vous pensez
dans ce sens-là que le p. l. 3 fait le travail? Est-ce que vous pensez que
l'accès qui est offert, la mobilité de la donnée qui est prévue dans le p. l. 3
fait le travail? Et je vais vous amener peut être la contrepartie, est-ce
que... Au niveau de la protection des renseignements personnels, parce que tout
à l'heure, avec monsieur Dumez, on parlait d'équilibre, est-ce que vous pensez
qu'on a cet équilibre-là entre la nécessaire protection des renseignements personnels,
puis mon collègue de Rosemont et moi, là-dessus, partageons un même point de
vue, je pense que ces données-là, particulièrement en santé, ont une valeur
importante pour beaucoup trop de gens qui sont moins bien intentionnés que le
réseau de la santé? Donc, est-ce qu'on a trouvé cet équilibre entre la
protection des renseignements personnels, la mobilité de la donnée et l'accès à
la donnée pour que des officiers dans votre genre puissent faire leur travail?
Non.
Mme Castonguay (Joanne) : En
fait. D'abord, d'emblée là, je précise que notre mandat, ce n'est pas un mandat
de partager l'information nécessairement, surtout dans une donnée brute, avec
le secteur privé ou/et les autres. Nous-mêmes, on n'a pas là.
Là, je vais essayer de répondre à l'ensemble
de vos questions, mais, bref, je vais vous mettre dans le contexte où on a dû
faire le premier mandat qui nous a été donné et confié par le gouvernement. Ça
a pris au moins un an, avant qu'on trouve la voie de passage pour accéder aux
données dont on... qu'on avait ce qu'on avait besoin, là, pour être capable de
réaliser ce mandat-là. On n'a pas réussi à faire l'ensemble de l'année... l'ensemble
de l'analyse quantitative à l'intérieur du mandat qui nous a été octroyé parce
qu'on n'avait pas reçu toutes les données. Et donc on a publié, au cours de l'été
dernier, l'ensemble de l'analyse quantitative liée au mandat qui nous avait été
confié par le gouvernement. Ceci dit, ça ne nous a pas empêchés de faire des
recommandations au niveau des politiques, mais on a... Bon, bref, c'est juste
pour vous parler du temps et la difficulté d'accéder, et donc on a dû avoir
recours à des ordonnances.
Maintenant, est-ce que je pense que le
projet de loi va régler cet enjeu-là? Honnêtement, le projet de loi a besoin d'être
précisé quant aux articles 65 et aux articles 72 et 82, et on a fait
part de ces précisions-là, là, dans le mémoire, et... Bon. En fait, on ne sait
pas si... on ne sait même pas si on serait soumis à l'article 65 ou l'article 72
à 82. Ce n'est pas clair pour nous. Donc ça doit être clarifié. Ensuite, je
dirais que pour l'accès... bien, en fait, je m'excuse, là, je suis en train de
perdre le fil de vos questions, là, pour...
M. Caire : C'était une
question-fleuve, donc je vais...
Mme Castonguay (Joanne) : Oui.
M. Caire : En fait, là je
vous interrogeais aussi à savoir comment vous voyez l'équilibre entre la
nécessaire protection des renseignements personnels, parce qu'il y a toujours
cette préoccupation-là qu'on a, qui est tout à fait légitime, soit dit en
passant, et un meilleur accès à la donnée qui... donc... Puis, des fois, on a l'impression
que la ligne entre un accès qui vient mettre en péril la protection des
renseignements personnels ou la protection des renseignements personnels qui
vient limiter l'accès, cet équilibre-là est pas nécessairement facile à
trouver. Donc moi, je vous demandais si vous retrouvez cet équilibre-là dans le
p. l. 3.
Mme Castonguay (Joanne) : Bien,
je retrouve la volonté de retrouver cet équilibre-là, définitivement. Ce que je
dirais, par exemple, c'est qu'on doit dans ce contexte-là, là, il faut... En
fait les mesures, l'ensemble des mesures qui vont être mises en place vont être
déterminantes sur cette capacité de protection des données.
M. Caire : O.K.
Mme Castonguay (Joanne) : Tout
n'est pas précisé dans le projet de loi, à mon avis, là, à cet égard. Ce que je
dirais, par exemple, c'est que quand tu... pendant qu'on est en train de
prendre cette décision-là, il faut considérer le coût de ne pas avoir accès aux
données. J'ai parlé dans... Il y a plein plein, plein... Je pourrais vous en
parler à plein des égards, mais disons que, si on regardait l'innovation, par
exemple, tout ce qui est recherche et développement, je l'ai mentionné dans mon
allocution, mais disons que j'allais un peu vite, là. Mais on recherche... on
investit énormément...
Mme Castonguay (Joanne) : ...hein,
en recherche et développement au Québec, on a beaucoup, beaucoup de succès dans
nos découvertes. Là où on faillit, c'est dans l'implantation de nos découvertes
et on... Et donc, en fait, il y a une perte de capital importante parce que nos
découvertes sont commercialisées à l'extérieur beaucoup plus facilement
qu'elles sont commercialisées ici. Donc, c'est comme faire un investissement
puis de laisser aller les gains à un très petit groupe et non à l'ensemble de
la société, c'est ce que je dirais, là, en gros. Donc, c'est excessivement
important... Le coût est très élevé de ne pas avoir accès à cette
information-là, puis ce que je dirais, c'est qu'il y a... J'irais voir ou
j'appliquerais les meilleures connaissances à l'égard de la protection des
données, et il va falloir définitivement investir à cet égard, c'est ce que je
pourrais dire, là, pour le moment.
M. Caire : Avant
d'attaquer votre commentaire sur l'article 65, vous avez dit : Je
suis tenu de détruire les données que je possède lorsque leur fin de vie utile
est arrivée. À ma connaissance, puis là-dessus je veux vous entendre, vous
pouvez aussi, il me semble, les anonymiser à des fins d'analyse, est-ce que
j'ai une mauvaise compréhension de mon projet de loi? Parce que je comprends
l'idée, puis on en a parlé tout à l'heure avec M. Dumez, puis,
effectivement, lorsque la fin de vie utile est arrivée, on doit détruire la
donnée, c'est vrai, mais il y a cette échappatoire qui dit que, si pour des
fins d'analyse et de recherche, on peut anonymiser la donnée et, à ce
moment-là, travailler avec la matière brute, dans les faits, tant qu'on ne peut
pas la relier à un individu.
Mme Castonguay (Joanne) : Oui.
Merci pour cette question-là, elle est super importante. D'abord, on a salué
cette disposition-là dans le projet de loi puis on... notre volonté, là, ou, en
fait, notre recommandation de le préserver. Ce que je dirais, par exemple, qui
est très important, c'est que les seules données auxquelles on a accès sont
anonymisées, on n'a jamais accès aux données non anonymisées. Et, en fait, ça
ne nous intéresse pas, on n'a pas d'utilité pour ça, alors c'est ce que je dirais
dans un premier temps. Et, à l'heure actuelle, à chaque fois, qu'on démarre un
projet ou qu'on analyse une question, on doit obtenir l'information pour le
faire et on est obligé de les effacer. Je dois dire, par contre, là, que le
mandat gouvernemental nous a donné la possibilité de poursuivre puisque ça a
été deux mandats qui concernaient la même population, donc on a été capable de
valoriser ces informations-là. Maintenant, ça va se poursuivre aussi, là, dans
les mois à venir.
M. Caire : Mais je
comprends, pour conclure, je comprends que dans sa forme actuelle, le projet de
loi répond à une préoccupation que vous aviez, dont vous nous aviez fait part à
la dernière législature, là.
Mme Castonguay (Joanne) : Oui.
M. Caire : O.K. Je comprends.
Donc, ce côté-là, il est à toutes fins utiles réglé. Donc, j'irai sur
l'article 65, puis je ne vous cache pas, d'entrée de jeu, qu'une
nomenclature dans un projet de loi n'est pas quelque chose qui me sourit, mon
collègue de Rosemont ne sera pas surpris de m'entendre, parce qu'un projet de
loi, évidemment, quand on veut le modifier ou quand on veut aller chercher une
certaine souplesse, ce n'est pas nécessairement le meilleur endroit. Or, les
choses bougent, les projets de loi un peu moins. Est-ce qu'il n'y aurait pas
une autre façon? Parce que j'entends votre préoccupation, vous dites :
Moi, je dois avoir accès à l'ensemble des données qui me sont nécessaires.
Donc, ma première question, c'est oui, mais est-ce que, dans sa forme actuelle,
le projet de loi dit que vous pouvez avoir accès aux informations et aux
données qui sont nécessaires à la réalisation de votre mandat? Donc, est-ce
que, ça, ça ne répond pas à cette préoccupation-là sans qu'on ait à nommer
nommément, dans les faits, excusez le pléonasme, mais le commissaire à la santé
et au bien-être, dans la loi, est-ce que, dans sa forme actuelle, cette
disposition-là de la loi ne répond pas effectivement à cette préoccupation-là?
• (11 h 10) •
Mme Castonguay (Joanne) : Bien,
je dirais, il y a deux éléments. D'abord, c'est que, dans la loi de la RAMQ, on
n'est pas nommé expressément. Donc, si on renvoie à la loi de la RAMQ, la RAMQ
peut décider que pour mieux répondre à son propre projet de... à sa propre loi,
doit protéger... ne doit pas nous donner accès à ces données-là, dans un
premier temps. Dans un deuxième temps, on dit «l'organisme peut nous donner
accès aux données» et non «doit nous donner accès aux données», donc il devrait
y avoir une précision à cet égard. Puis, en fait, ce que je dirais, en gros,
c'est que ça demeure flou, c'est-à-dire que la façon dont le libellé est fait à
l'heure actuelle, ça peut être interprété de toutes sortes de façons, et selon
la personne qui l'interprète ou l'acteur, au gré...
Mme Castonguay (Joanne) : ...et
des années, ces acteurs-là changent, bien, l'interprétation peut changer, et on
peut perdre cet accès-là.
M. Caire : Vous me
permettrez, je vais paraphraser mon ancien collègue de La Pinière. Je vais
faire un exercice... Comment il disait ça? Une pratique illégale du droit. J'ai
l'immunité parlementaire. Mais, en fait... Parce que j'entends votre
préoccupation. Mais, si on donne une obligation à l'organisme de communiquer
l'information... Parce qu'il y a des informations qui ne seront pas nécessaires,
où il pourrait y avoir, je dirais, une vue divergente sur, bien, cette
information-là est nécessaire à la réalisation de mon mandat.
Quelle est la contrepartie qui va
dire : Bien non, cette information-là n'est pas nécessaire à la
réalisation de votre mandat, donc je ne vous la donne pas? Mais, si la loi
dit : Doit vous le donner, il n'y a comme plus de contrepartie, là, il y
a... Puis j'ai une confiance totale en vous, Mme la commissaire, bien
évidemment, mais on est dans un mécanisme de poids et de contrepoids. Alors,
c'est quoi, le contrepoids à la commissaire à la santé qui dit : Je veux
ces données-là? Qui va dire : Bien non, ce n'est pas nécessaire à la
réalisation de votre mandat, donc moi, je ne vous la donne pas? C'est quoi, le
contrepoids qu'on a?
Mme Castonguay (Joanne) : C'est
une excellente question.
M. Caire : Oui, je suis pas
pire.
Mme Castonguay (Joanne) : Ce
que je dirais... Puis là, moi, la question que ça me fait poser... Parce que je
n'ai pas nécessairement la réponse, là, vous comprendrez que je ne suis pas
avocate. Tu sais, je n'ai pas cette...
M. Caire : On a ce point-là
en commun.
Mme Castonguay (Joanne) : Mais
ce que je dirais, c'est que le besoin de données change et évolue avec les
questions qu'on se pose. Dans le passé, l'évaluation de la performance des
systèmes était beaucoup limitée aux données... En fait, on regardait la
quantité des services puis on prenait pour acquis que plus de services, c'était
bon. Alors qu'aujourd'hui on regarde beaucoup plus la valeur de ces services,
alors... et donc l'impact que les résultats de santé ont eu compte tenu, là,
des ressources qu'on a dépensées pour... Bref, ça veut dire énormément de
données et dans chaque question... la question est très large. On ne peut pas
spécifier d'avance qu'est-ce que c'est. Je ne réponds pas à votre question
directement, mais peut-être...
M. Caire : ...11 ans dans
l'opposition.
Mme Castonguay (Joanne) : Mais
peut-être que c'est un... Peut-être que c'est... Il faut réfléchir au
dispositif qui va... Je sais... Honnêtement... Est-ce que vous avez des
idées...
M. Caire : Mais
comprenez-vous? Puis je pense que les collègues vont partager cette
préoccupation-là. On vous entend, puis je pense que tout le monde ici, on est
d'accord pour dire que vous devez pouvoir faire votre travail sans d'irritants
ou sans de... Mais il n'en demeure pas moins que, dans un système comme le
nôtre, à tout pouvoir, il doit y avoir un contre-pouvoir. Et là ce que
j'entends de votre suggestion, c'est que, dans le fond, est-ce qu'on n'est pas
en train de se départir d'un contre-pouvoir que vous nous présentez comme un
irritant? Puis ça, je l'entends, là, puis je pense qu'on est tous appelés à
réfléchir à ça. Mais il doit quand même, puis peut-être vous entendre là-dessus
aussi, il doit quand même y avoir un contre-pouvoir à cette volonté-là d'avoir
accès aux données. Il doit y avoir une obligation, même pour la commissaire à
la santé, de justifier que cette donnée-là...
Mme Castonguay (Joanne) : Est-ce
que ça ne serait pas... Est-ce que ça ne se trouverait pas dans un système
d'audit, tu sais, qui s'assurerait qu'on fasse une utilisation judicieuse des
données puis qu'effectivement on les protège?
M. Caire : Je vous écoute.
Moi, je suis ici pour entendre vos... On aura ces discussions-là avec les
collègues pendant l'étude article par article, mais je vous dirais que je vous
laisse nous faire des suggestions, là.
Le Président (M. Simard) : M.
Roy souhaitait intervenir, je crois.
M. Roy (Denis A.) : Bien,
peut-être que la... Merci de la possibilité de participer à cet échange-là.
C'est une question facile, c'est encore plus agréable. Mais cette question de
l'équilibre que vous avez évoquée au point de départ est centrale. Donc, il faut,
oui, pouvoirs, contre-pouvoirs. En fait, c'est cette notion d'équilibre que
vous incarnez.
Déjà, la commission d'accès est invitée à
jouer un rôle de type surveillance de la dynamique d'ensemble et de
l'utilisation particulière. Clairement, elle pourrait se pencher périodiquement
sur l'article 65 et examiner dans quelle mesure il y a des tensions qui sont
observées, il y a des cas de figure, des exemples desquels on peut apprendre et
faire que la fonction de surveillance qu'elle porte et de protection des
renseignements soit... prenne aussi cette dimension au-delà du renseignement...
M. Roy (Denis A.) : ...en
particulier de la dynamique d'ensemble qui a été déployée par le projet de loi
n° 3. Mais la question sur l'accès en soi y serait... sans prévoir toutes
les éventualités possibles a priori, avant même de commencer à implanter la
loi, il y a quand même des lois qui sont centrales, comme celle du commissaire,
peut-être celle de l'INESSS. Celle de l'INSPQ ne prévoit pas de modalité comme
ça, l'univers de la recherche. Donc, il y a des clients, si on veut, de ces
informations-là ou utilisateurs privilégiés qui, pensons-nous, pourraient être
explicités, comme on le fait pour d'autres articles, de manière à ce que pour
ces instances-là, la dynamique soit déjà précisée, l'intention du législateur
soit explicite.
L'autre question dans
l'article 65 que nous avions identifié, c'est qu'il est relativement
vague sur la nature des renseignements. Ce sont des renseignements prévus à la
loi pour la plupart des organismes que j'ai nommés. On ne précise pas les
renseignements. Nous, ce sont les renseignements requis pour l'exercice de
notre loi. Donc... Et, dans les faits, ça va varier d'une situation à l'autre.
Donc, peut-être qu'on pourrait aussi...
Le Président (M. Simard) : Merci.
M. Caire : C'est terminé.
M. Roy (Denis A.) : ...
Le Président (M. Simard) : C'est
terminé, M. le ministre. Alors, nous pourrons poursuivre avec les questions
provenant de notre collègue d'Outremont-Mont-Royal.
Mme Setlakwe : Merci. Bonjour
et merci pour votre intervention. Juste pour continuer la discussion, là, sur
la mécanique législative puis votre crainte que la loi ne vous permette pas
d'accéder à toutes les données, dont vous avez besoin pour remplir votre
mission d'évaluer la performance. On va regarder évidemment à tête reposée le
65 et les articles 72 et suivants. Mais moi, si j'ai bien compris la
structure de la loi, c'est qu'on a défini organisme puis là on réfère à une
annexe. Et vous êtes nommé spécifiquement dans l'annexe, tout comme la RAMQ et
l'INESSS, etc. Mais là, votre crainte, c'est de savoir... Puis moi, je
comprends le principe de la loi de dire, dans certaines circonstances, un
organisme peut... et les circonstances dans lesquelles l'organisme doit faire
circuler l'information avec... auprès des autres organismes et même je pense,
auprès des intervenants, tout ça. Là, vous êtes inquiets qu'il y a peut être un
vide législatif des circonstances qui sont... ou vous auriez besoin de l'information,
mais en raison de l'utilisation de la terminologie, peu, là vous seriez
dépourvu d'avoir toute l'information à laquelle... C'est ça qui vous inquiète.
Parce que vous êtes un organisme, et la loi prévoit que les organismes entre
eux doivent faire circuler l'information. C'est ça l'intention. Mais il y a
peut être... C'est ça que vous...
Mme Castonguay (Joanne) : En
fait... Puis, c'est ça, c'est l'interprétation qui nous inquiète parce que
jusqu'à maintenant, elle ne nous a pas été favorable. C'est surtout ça. C'est
vraiment ça, parce que notre loi... notre interprétation de notre loi prévoit
qu'on va avoir accès à ces données-là, mais l'interprétation des détenteurs des
données ou du gestionnaire des données, ou la RAMQ, finalement, interprète la loi
autrement puisque... pas spécifiés dans leur propre loi. Excusez-moi, je vous
ai interrompue.
Mme Setlakwe : Non, non, je
comprends. Vous l'expliquez très bien. C'est comme ça que je l'ai compris
aussi, donc par un jeu d'interrelation entre les différents textes législatifs.
Mme Castonguay (Joanne) : C'est
ça.
Mme Setlakwe : Ce n'est
peut-être pas... La question, ce n'est peut être pas de changer la
terminologie, là, des deux principes, là, les circonstances dans lesquelles les
renseignements peuvent circuler et doivent... mais il y a peut être un moyen de
régler la question par un arrêté ministériel ou un autre mécanisme. Mais ça
vaut vraiment la peine d'être étudié, parce que là, ce que vous... vous, vous
saluer d'emblée l'objectif...
Mme Castonguay (Joanne) : Oui.
Mme Setlakwe : ...puis vous
souhaitez vraiment pouvoir remplir votre mission adéquatement et efficacement
puis vous saluer l'objectif de la loi. Mais vous avez peur qu'avec... c'est
ça...
Mme Castonguay (Joanne) : En
fait, on était...
Mme Setlakwe : ...le
mécanisme, vous en soyez privés.
Mme Castonguay (Joanne) : Exactement.
Et, dans nos recommandations, en fait, on mettait la ceinture et les bretelles,
c'est-à-dire qu'on recommandait que notre nom soit ajouté, c'est-à-dire que le
commissaire soit ajouté dans la loi de la RAMQ pour prévoir que... pour prévoir
cet accès-là et donc leur enlever la responsabilité de prendre le risque, là...
Mme Setlakwe : Non, non, on
comprend très bien. Puis en relisant, puis en lisant votre mémoire aussi, qui a
été déposé, je crois, ce matin...
• (11 h 20) •
Mme Castonguay (Joanne) : Récemment,
oui.
Mme Setlakwe : ...oui, on va
bien saisir puis on va évaluer, c'est ça, la mécanique entre tous ces articles-là,
les annexes puis les autres lois pour s'assurer que, finalement, on n'atteigne
pas l'objectif souhaité.
Mme Castonguay (Joanne) : Exact.
J'ajouterais aussi, là, que le système... puis je l'ai dit, là, puis je ne veux
pas juste critiquer le système, mais je pense qu'on peut tous être d'accord à
dire...
Mme Castonguay (Joanne) : ...le
système est dans une situation critique. Les mandats qui nous ont été donnés,
ça a pris deux ans pour être capable de réagir au premier mandat. Et là, on est
en train de prendre... On va aller beaucoup... on va beaucoup mieux. On a
beaucoup plus d'informations. On va aller beaucoup plus loin dans le mandat
actuel qui nous est confié sur les soins à domicile. Mais il y a tellement
d'enjeux qui sont pressants. Si à chaque fois, on passe la moitié de notre
énergie à essayer d'obtenir l'information, on perd énormément de temps précieux
pour réagir aux enjeux du système, alors ça fait partie des éléments qu'il faut
considérer.
Une voix : On vous entend,
c'est très clair, puis il va falloir s'assurer que... c'est ça, que le
mécanisme législatif puis la relation encore une fois entre les textes
applicables soit adéquate. Merci, merci beaucoup.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. C'est intéressant, c'est très intéressant. Je vous lis la mise en
contexte de votre rapport sur le devoir de faire autrement. Je ne lis pas pour
votre mémoire, je suis sûr que vous le connaissez par cœur, mais pour le bénéfice
des gens qui nous écoutent. Alors, nous, 2020, le gouvernement a confié au
Commissaire à la santé et au bien-être le mandat d'évaluer la performance du
système de santé et des services sociaux dans le contexte de la gestion de la
première vague de la pandémie de COVID-19, soit du 25 février au
11 juillet 2020. Ce mandat touche particulièrement l'offre des soins et
des services aux aînés et à la santé publique... et la santé publique, pardon.
Il n'évalue pas les mesures prises pour maîtriser les vagues subséquentes.
Vous, vous nous dites tout à l'heure,
madame Castonguay... bien, d'abord, merci d'être là et c'est agréable de vous
recevoir en personne. Vous nous dites : Ça vous a pris un an. Vous parliez
bien de ce mandat-là, là, je présume? Ça vous a pris un an pour trouver la voie
de passage. Vous ajoutez : À ce jour, la loi ne nous a pas été favorable.
Vous parlez de la Loi de l'accès à l'information. Je sympathise, j'ai été
journaliste pendant 25 ans, la Loi d'accès à l'information n'est pas plus
favorable pour les journalistes. Je vous le confère. Alors, je sympathise
beaucoup. Mais vous savez, moi j'ai comme un... Je mets tout ça, là, ensemble,
là, puis ça m'amène une réflexion en forme de question, là, parce que pendant
deux ans, le gouvernement nous a dit : On n'a pas besoin d'une commission
d'enquête publique, la commissaire a tous les outils pour faire son travail.
Mme Castonguay (Joanne) : On
les a eus, éventuellement.
M. Marissal : Oui, ça vous a
pris un an juste pour trouver la porte.
Mme Castonguay (Joanne) : Juste
pour les données. On a eu beaucoup d'autres informations, par contre, toute
la... On a eu accès à énormément... toute la documentation qu'on a demandée. En
fait, je ne veux pas vous empêcher de formuler l'ensemble de votre question.
Mais on a eu... On n'a pas prévenu l'accès à l'information. On ne nous a pas
empêchés d'avoir accès à l'information disponible, mais on a voulu protéger,
c'est-à-dire que nous, on a vu... c'est-à-dire que la RAMQ et le ministère ont
collaboré avec nous sur le moyen de nous donner accès aux données, mais tout en
protégeant l'information et en respectant leurs propres lois.
M. Marissal : …ma question
autrement. Est-ce qu'il y a des choses que vous n'avez pas pu faire en raison
de ce côté hermétique, de vos relations avec la CAI puis avec le côté très
hermétique de toute relation de ce type, là, que vous décrivez très bien dans
votre mémoire. Y a-t-il des choses que vous n'avez pas pu faire, que vous
souhaiteriez faire?
Mme Castonguay (Joanne) : Je
reviendrais, là, sur le hermétique, là, parce qu'ils ont été vraiment très
collaborateurs. Est-ce qu'il y a des choses qu'on aurait voulu faire et qu'on
n'aurait pas... Non, en fait, honnêtement, la réponse, c'est non. Ce que je
dirais aussi, c'est que la... Puis ça, je l'ai dit plusieurs fois nommément
dans le rapport, c'est que c'était vraiment un cumul dans le... Ce qui nous a
amenés là, c'était vraiment un cumul d'enjeux qu'on n'a jamais réglés au cours
des 20, 25 dernières années, tous les gouvernements confondus. Puis ce que
je dirais, c'est qu'on est très bons dans l'identification des problèmes. On
est très bons dans recommander, proposer des changements, mais les implanter,
on n'est vraiment pas très bons. Et ça de là notre recommandation principale,
qui était de travailler sur la gouvernance du système. Et pour travailler sur
la gouvernance... en fait, pour améliorer la gouvernance du système, ça prend
des données, ça prend de l'information. Puis, je le répète, ça ne prend pas de
l'information nominalisée, ça prend de l'information...
Mme Castonguay (Joanne) : ...sont
dénominalisés, mais ça prend la possibilité de prévoir quels vont être les
besoins de la population et de déterminer les meilleurs moyens pour y répondre,
mais de façon continue et agile. Parce qu'on ne peut pas décider aujourd'hui
qu'est-ce qui va arriver ou comment l'ensemble des acteurs du réseau vont
réagir à une politique. Et donc on doit avoir la capacité de l'évaluer.
M. Marissal : Ce que je
comprends, puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là, c'est
qu'il y avait quand même une forme de résistance. C'est comme courir avec le
vent dans la face. Ce n'était pas fluide.
Mme Castonguay (Joanne) : La
loi n'est pas fluide, la loi ne permet pas la fluidité. Non, ce n'était pas
fluide, mais honnêtement, ce n'était pas... Je n'ai jamais senti qu'il y avait
de la mauvaise intention. Je n'ai jamais senti qu'on ne voulait pas collaborer.
J'ai vraiment senti qu'on voulait protéger l'information.
M. Marissal : Ah! Mais ce
n'est pas nécessairement une question de mauvaise foi. Quand une loi est
mauvaise et on l'applique...
Mme Castonguay (Joanne) : Exactement.
Mais c'est ça.
M. Marissal : Ça donne un
mauvais résultat, là. On ne peut pas présumer de la mauvaise foi.
Mme Castonguay (Joanne) : C'est
ça. C'était ça, l'enjeu.
M. Roy (Denis A.) : Mais
l'équilibre était en faveur de la protection.
Mme Castonguay (Joanne) : Exact.
M. Roy (Denis A.) : Toujours,
toujours, toujours. L'accès. La protection. C'est ce déplacement-là, donc,
qu'on rectifie. Puis ça a été dit, on le répète, mais il faudra rester attentif
parce qu'on habite une culture de protection. Les acteurs qui auront à mettre
en œuvre les changements législatifs vont encore travailler avec ce schème
mental. Et il y a aussi toutes sortes d'événements qui arrivent dans notre
société, vous avez évoqué Desjardins, qui nous invitent à redoubler de vigueur
sur la protection. Donc, on entre dans une zone délicate. Et puis il ne faut
pas être... Il faut rester très sérieux, mais il faut s'assurer qu'on continue
à avancer. Parce qu'en l'absence d'une ressource informationnelle, on va avoir
beaucoup de mal à amener le système là où il doit aller.
M. Marissal : On ne demandera
pas à Desjardins de s'occuper de notre dossier santé. On comprend ça. C'est
noté. Pourquoi vous dites, Mme Castonguay, que vous avez plus de moyens
maintenant pour le mandat sur les soins à domicile? Parce que la loi va
changer? C'est le même schème dont parle le Dr Roy.
Mme Castonguay (Joanne) : Parce
qu'on est parti des données... des données qu'on avait déjà. Je vous rappelle
qu'on était... Moi, j'ai été nommée en janvier 2020 et j'ai pris un bureau
vide, là. Je n'avais pas d'employés, je n'avais pas de données, je n'avais pas
de cadre d'analyse, je n'avais pas de méthode, de processus, et caetera. Donc,
on a dû mettre tout ça en place pour être capables de travailler. Et là, vu
qu'on a été capable de garder les données sur lesquelles on avait déjà
travaillé puis sur lesquelles on avait déjà une bonne connaissance, on a pu
poursuivre nos travaux. Donc, ça a été beaucoup plus facile. C'est vraiment de
là que je pars, là.
Le Président (M. Simard) : Environ
cinq minutes, collègue.
M. Marissal : Oh, wow! C'est
luxueux.
Mme Castonguay (Joanne) : Puis
je dirais aussi, là, qu'étant donné qu'on savait qu'il y avait juste le
mécanisme d'ordonnance qui nous permettrait d'accéder aux données, bien, on n'a
pas essayé toutes sortes d'autre façons, là. On a été directement avec
l'ordonnance, puis on s'est dit, bien, on va les avoir. On les a eues puis on a
poursuivi nos travaux.
M. Roy (Denis A.) : Mais
sachez qu'au moment où on se parle en décembre 2023, les données devront être
effacées.
Mme Castonguay (Joanne) : Normalement,
oui.
M. Marissal : Les données
recueillies dans le cadre de votre mandat...
M. Roy (Denis A.) : Exactement.
Elles devront être effacées. J'ai signé. Moi, je suis professionnellement
responsable de veiller à ce que ce soit effacé par un engagement que nous ont
demandé de signer les détenteurs. Donc, c'est sérieux, là, les règles. Donc, il
faut... On a besoin du p.l. no 3 parce qu'il faut... Cette question de la
durée... Puis il y a une interprétation sur en quoi consiste une donnée
anonyme... anonymisée ou anonyme. En réalité, nous, on est des utilisateurs
secondaires. On a un identifiant banalisé pour le travail que l'on mène, mais
il y a un potentiel nominatif là-dessus, là. On peut retrouver des cas de
figure, une personne de tel âge, de tel... de tel genre, habitant telle région
ou tel patelin. Puis nous, on a des données sur les codes postaux, par exemple,
présentant telle condition de santé, tel type de... Donc, à un moment donné, ça
devient potentiellement nominatif. Et ça, il y a aussi... Dans la culture de
protection, c'est aussi une donnée qui est soumise à l'interprétation. Donc,
encore une fois, tout ce que les législateurs pourraient faire pour clarifier
et faciliter une interprétation qui est alignée sur les objectifs de la loi, ça
va être extrêmement utile pour enlever la discrétion, puis se rappeler qu'on
est dans une culture qui a été dominée par : On protège d'abord, on donne
accès ensuite.
• (11 h 30) •
M. Marissal : Mais à tout
prendre, ce n'est pas ça qu'on devrait faire en cas de doute, là?
Mme Castonguay (Joanne) : Le
coût est trop élevé.
M. Marissal : Le principe de
précaution, justement, là, qu'à tout prendre, je préfère préserver la sécurité
et la probité des renseignements, là.
M. Roy (Denis A.) : Mais la
loi énonce des critères intéressants...
11 h 30 (version non révisée)
M. Roy (Denis A.) : ...l'équilibre
entre la valeur pour la collectivité et les risques pour les individus, c'est
bien articulé comme un critère de la loi. C'est un défi d'exercer ce
jugement-là, mais on est dans la bonne direction quand on a des critères comme
ça, si c'est ce qui nous anime pour la mise en œuvre. On a des chances de
succès.
M. Marissal : Puis il me
reste deux minutes environ. Le «doit» et le «peut», on en a parlé tout à l'heure,
là. Ma collègue en a parlé. Vous êtes exigeante, vous voulez le «doit» puis
vous voulez un droit d'appel. On peut-tu régler pour un «peut» avec droit d'appel?
Parce que dans le fond au moins vous aurez un appel que vous n'avez pas là.
Puis «doit», c'est parce que ça peut effectivement porter à discussion en
négociation. Parce que là, le «doit», c'est toute la responsabilité sur la
personne qui doit vous remettre la donnée ou ce que vous demandez, puis, si
elle ne le fait pas, elle est en infraction où alors vous avez un appel. Vous
avez les ceintures, bretelles, les guêtres et le reste, là. Je ne sais pas
parce que «peut», on a souvent ces débats-là en article par article, «peut»,
«doit» on joue souvent avec le Bescherelle, là. «Peut» avec droit d'appel, non,
ça ne suffit pas?
Mme Castonguay (Joanne) : Bien,
en fait, le droit d'appel s'appliquait à l'autre disposition, là, pas l'article 65,
mais c'est une bonne question. Si je gardais le «peut», j'irais vers le droit d'appel.
Je le garderais le droit d'appel aussi.
M. Marissal : Parce que le
«doit» en fait, il n'y a pas d'appel. Si tu dois le faire, tu le ne fais pas,
tu es en infraction.
Mme Castonguay (Joanne) : Effectivement.
Mais l'enjeu, là... l'enjeu, moi, pour moi, il demeure toujours le même, c'est
que le coût de ne pas avoir accès à l'information est énorme. Regardez juste
quand la pandémie est arrivée. En fait, on a tellement tardé à donner accès à l'information
qu'on a perdu les compétences, l'analyse, la capacité, l'information. On ne savait
pas où étaient les travailleurs pendant la pandémie, c'est-à-dire pendant la
pandémie. Pendant le plus important de la crise, on avait la difficulté de dire
où était qui, et c'est énorme. Comment veux-tu gérer un tel système si tu n'es
pas quand t'es dire c'est quoi les ressources que tu as à ta disposition?
Alors, c'est ce genre d'éléments là qu'on veut éliminer et se donner la
capacité de base d'améliorer la performance, l'efficience. C'est-à-dire que là,
on ne va pas chercher toute la valeur des ressources qu'on met dans ce
système-là. C'est ça qui est majeur1.
M. Marissal : Je comprends. J'espère
que le ministre de la Santé nous écoute, là, ce qui était de la musique à ses
oreilles. Ça, c'était une symphonie, ça, pour le ministre de la Santé. Merci.
Je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Simard) : Alors,
Mme Castonguay, M. Roy, merci beaucoup pour votre contribution à nos
travaux.
Compte tenu de l'heure, nous allons
suspendre, et on se retrouve après les avis touchant les travaux des
commissions, autour de 15 h 15, je présume. Au plaisir.
(Suspension de la séance à 11 h 34)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 52)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, bienvenue. Je constate que nous avons quorum. Comme vous le
savez, la Commission des finances publiques est réunie afin de procéder à l'audition
du projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services
sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. Alors, nous débutons
cet après-midi en recevant des représentants de l'Association des gestionnaires
des établissements de santé et de services sociaux. Mais préalablement, avant d'entendre
nos invités, j'aurais besoin d'un consentement afin de poursuivre au-delà de l'heure
prévue dans notre motion. Y a-t-il consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Simard) : Consentement.
Alors, Mme Girard, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de
vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne? Et après quoi nous
pourrons vous écouter.
Mme Girard (Danielle) : Absolument.
Alors, bonjour, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Je me présente, je
suis Danielle Girard, présidente-directrice générale de l'AGESSS, et je vous
présente M. Jean-Philippe Brunette, directeur des affaires juridiques et des
relations de travail de notre organisation.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue.
Mme Girard (Danielle) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons.
Mme Girard (Danielle) :
Alors,
je poursuis?
Le Président (M. Simard) : Oui,
s'il vous plaît.
Mme Girard (Danielle) : D'accord.
Dans un premier temps, en mon nom personnel et au nom de l'AGESSS, je tiens à
vous remercier de l'opportunité qui nous est donnée aujourd'hui de vous
transmettre nos réflexions en lien avec le projet de loi n° 3, Loi sur les
renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives. Un mémoire écrit vous sera acheminé dans les
prochains jours.
L'Association des gestionnaires et des
établissements de santé et des services sociaux est active depuis plus de 50
ans. Notre association est la plus grande force de représentation des
gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux, de même que la
plus importante association de gestionnaires au Québec, tous secteurs
confondus, avec près de 8 000 membres actifs dans le réseau de la santé et
des services sociaux et près de 1 400 membres retraités. L'AGESSS est
reconnue, aux fins de relations de travail, de conditions d'exercice ainsi que
d'organisation du travail, comme la représentante de plus de 75 % des
gestionnaires, qui est l'interlocutrice principale auprès du ministère de la
Santé et des Services sociaux. Nous sommes une corporation constituée en vertu
de la Loi sur les syndicats professionnels. Nos membres sont répartis dans l'ensemble
des régions du Québec et dans la grande majorité des établissements.
Afin de bien situer notre intervention d'aujourd'hui,
nos membres et l'ensemble des gestionnaires du réseau de la santé et des
services sociaux seront les acteurs principaux, dans la mise en application de
la p.l. n° 3, des changements aux dispositions législatives actuelles
ainsi qu'aux règlements qui en découleront. Les gestionnaires auront la
responsabilité de s'assurer de l'agilité des processus afin que les activités
de gouvernance, comme la journalisation des communications et des
renseignements et la protection de ceux-ci, n'entraîneront aucune faille.
Notre position, la position de l'AGESSS.
M. le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, M. Caire, a déposé le
projet de loi n° 3 le 7 décembre dernier. À notre avis, un tel projet
de loi est important pour la réalisation du plan santé, qui vise à l'amélioration
de l'organisation des soins et des services offerts au Québec. Nous sommes donc
favorables au projet, car celui-ci vise, entre autres, que les données en santé
soient rattachées aux usagers du réseau, plutôt qu'à l'endroit où les soins en
sont prodigués. Nous sommes également favorables à ce projet car il devrait
amener une circulation des renseignements plus fluide, mais aussi plus
sécuritaire. Les usagers pourront aussi savoir qui a eu accès à leurs
renseignements et décider de partager ou non ces informations-là à d'autres
avec les autres professionnels.
Nous sommes d'accord aussi avec ce projet
car il devrait améliorer l'accès aux données en...
Mme Girard (Danielle) : ...à
nos gestionnaires et simplifier le travail... pardon, les divers intervenants
en soins, parce qu'il leur donnera un meilleur accès aux données santé tout en
assurant la confidentialité de leur utilisation.
Nous saluons ce projet car, selon les
informations que nous partage le ministère, il s'inspire des meilleures
pratiques en vigueur dans ce domaine en procédant, entre autres, à cette
transformation par étape. C'est important pour le réseau.
Maintenant, la mise en application d'un
tel projet. Pour qu'un tel projet fasse son chemin et atteigne l'ensemble de
ses objectifs, il est essentiel que le gouvernement planifie soigneusement
chacune des étapes qui suivront l'adoption du projet de loi. Nous entendons
ici, par planification, toutes les activités essentielles de consultations des
acteurs principaux du réseau de la santé et des services sociaux. Selon nous,
la réussite concrète d'un tel projet de loi passe par la justesse de ses
processus et l'agilité, sa mise en application. Les gestionnaires du réseau
ainsi que leurs équipes d'employés sont au cœur, vous le savez, de tous les
combats du passé et ceux du futur dans un réseau. Vous le savez, il est en
perpétuel combat. Un tel projet de loi ne peut être viable sans l'apport de tous
ces acteurs en amont sa mise en application.
Le PL 3 changera plusieurs
dispositions dans les lois déjà existantes et le projet de loi prévoit la
création de plusieurs règlements. Ces changements et ces nouveaux règlements
auront un impact clair sur le quotidien de l'ensemble des gestionnaires du
réseau et de leurs équipes d'employés. Les nouveaux processus de travail reliés
à la journalisation, l'utilisation des renseignements, la tenue des registres,
des déclarations d'incidents ainsi que l'ensemble des redditions de comptes
nécessaires doivent être planifiés et revus avec soin. Tous les processus qui
seront envisagés doivent être adaptés aux différents établissements. Ça, pour
nous, c'est vraiment important.
Tout comme l'esprit du plan santé, une vision
décentralisée doit être au cœur de la mise en application du projet de loi et
de ses règlements. Les enjeux régionaux sont importants. Si je fais un
parallèle avec la loi 25, qui s'adresse aux instances privées, chacun des
organismes touchés par cette loi, la loi 25 que je parle, adapte ses
processus et, de façon claire, selon type d'organisation. Selon nous, ça doit
être la même vision pour notre réseau de la santé et des services sociaux.
Il est important de comprendre la réalité
terrain. Je vous le dis de manière générale, on accueille favorablement le
projet. Actuellement, nous ne percevons pas d'impact du projet de loi sur les
conditions de travail actuel de nos membres. Par contre, nous percevons un
impact certain sur leurs conditions reliées à leurs tâches et à l'organisation
de leur travail dans leur profession de gestionnaire. Il faut se rappeler que
le réseau est encore et encore sous pression. Selon nous, la voie de passage se
réside en trois grands points. Premier point, la consultation des gestionnaires
pour tous les nouveaux règlements et processus de sa mise en application. Il
est important de déterminer qui fait quoi, qui est imputable de quoi. Pour se
faire, nos gestionnaires du réseau ont l'expertise, l'expérience requis pour
soutenir le gouvernement et les établissements dans l'élaboration des
règlements et des processus. Cette consultation doit se faire rapidement.
Deuxième point, il est important de
prévoir les sommes nécessaires dans le réseau de la santé et des services
sociaux pour tenir compte de la réalité terrain actuelle. Je vous rappelle,
Mesdames, Messieurs, que nos gestionnaires évoluent aujourd'hui dans des
environnements très complexes, avec des ratios d'encadrement très grands.
Plusieurs activités découlant du projet de loi sont sous la responsabilité
d'employés déjà surchargés. La responsabilité de nos gestionnaires sera alors
de les soutenir et de faciliter leur travail. On n'oublie pas que nous sommes
toujours en pénurie de main-d'oeuvre et qu'il nous manque des acteurs
importants dans notre réseau.
• (16 heures) •
Le troisième point et non le moindre,
c'est de faire de ce projet de loi une vision décentralisée et régionale dans
sa mise en application.
En terminant, Mesdames, Messieurs les
députés, l'AGESSS détient la plus grande des richesses pour la mise en
application d'un tel projet de loi. Nous avons accès à vos gestionnaires pour
les besoins spécifiques des différents établissements du réseau de la santé et
des services sociaux. Comme organisation, même comme personnellement, nous
avons à cœur notre réseau. Nous souhaitons que l'AGESSS puisse participer à des
comités qui pourraient être mis en place afin de mettre en œuvre toutes les
suites de ce projet. Merci beaucoup...
16 h (version non révisée)
Mme Girard (Danielle) : ...de
votre écoute. Et maintenant, nous sommes disponibles bien sûr pour vos
questions et commentaires.
Le Président (M. Simard) : merci
à vous, madame. M. le ministre, à vous la parole, et vous disposez d'environ
seize minutes 30 secondes.
M. Caire : Parfait. Merci, M.
le Président. D'entrée de jeu, madame Girard, vous avez parlé de l'importance
de la justesse des processus et d'avoir un déploiement par étapes. J'aimerais
ça que vous m'éclairiez là-dessus parce qu'honnêtement je ne suis pas sûr que j'ai
compris ce que vous vouliez dire par la justesse des processus.
Mme Girard (Danielle) : Merci.
Ça va me faire plaisir. Écoutez, la justesse... Pour mettre un tel projet de
loi qui va amener, comme on l'a lu, on l'a vu, la journalisation des registres
au quotidien, là, il faut les alimenter, cette journalisation-là, ces
registres-là. Un tel projet de loi, ça doit venir avec des redditions de
comptes. Bien, telle reddition de compte, il faut que les établissements soient
prêts à le faire, il faut le faire. Alors, quand je parle par étapes, le réseau
est très grand. Le réseau couvre l'ensemble de la province avec des dizaines d'établissements.
Alors, quand on parle par étapes, bien, on doit s'assurer qu'à chaque étape de
chaque règlement, à chaque règlement et... À chaque règlement adopté, bien, on
va regarder comment est-ce qu'on devrait faire le règlement, comment est-ce qu'on
devrait s'assurer que les processus dans les différents établissements sont
bien... Peuvent bien réaliser. Parce que l'objectif d'une telle loi, dans le
concret, c'est qu'on puisse répondre à ces objectifs, qu'on puisse rassurer les
usagers. Ça fait que, pour nous, c'est ça, quand on parle par étapes.
Premièrement, c'est l'ensemble des établissements. Et ce n'est pas tous de la
même façon de faire, que ça fonctionne, dans l'ensemble des établissements,
donc ce sera important d'adapter les processus aux différents établissements.
De là mon intervention sur la consultation. Et, voilà, je pense. Je ne sais pas
si je réponds à votre question...
M. Caire : O.K. Oui, oui,
oui. En fait, je pense que, là, vous amenez des sujets de discussion qui sont
extrêmement pertinents. Bon, puis, je veux dire, c'est probablement le travers
de l'informaticien que je suis, mais en quoi un processus de journalisation
serait différent d'un établissement à l'autre? Parce que, dans ma vision à moi,
une journalisation, de toute façon, c'est automatisé, là. Je ne vois pas ça
fait au pic puis à la pelle. J'espère en fait qu'on n'a pas cette vision-là de
la journalisation. Donc, en quoi chaque établissement devrait avoir une
personnalisation des processus? Puis là je prends évidemment la journalisation
comme exemple, mais c'est vrai pour l'ensemble des processus. Puis j'avoue que
ça me fait frémir un peu quand j'entends ça, là, pour être tout à fait honnête
avec vous.
Mme Girard (Danielle) : Alors,
pour vous répondre, et je ferais peut-être un petit aparté, je suis également d'origine
informatique, dans mon jeune temps.
M. Caire : Bon, on va parler
le même langage.
Mme Girard (Danielle) : On va
parler... peut-être que c'est... on est en mesure de parler le même langage.
Lorsqu'on parle, par exemple, vous amenez l'exemple de journalisation, on amène
l'exemple des registres, on amène l'exemple des redditions de comptes, O.K.
même si dans un système informatique... Votre système informatique fonctionne
de la même façon, ça va. Mais comment bien implanter votre système? Comment
bien implanter votre processus à travers un établissement, par exemple, qui ne
fonctionne pas... Que leur façon de faire ne fonctionne pas nécessairement de
la même façon. Alors, quand moi je parle de processus, je parle au-delà du
système, mais c'est comment bien l'implanter et que nos gestionnaires puissent
soutenir leurs équipes et que les équipes puissent l'alimenter. C'est ça, mon
propos.
M. Caire : si je vous
comprends bien, on est plus dans la façon de le déployer, de l'implanter, de l'opérationnaliser,
que dans la façon, dans le fonctionnement intrinsèque du processus. Est-ce que
je vous comprends bien?
Mme Girard (Danielle) : Ça
serait... C'est certain qu'on n'a pas vu les processus. On n'a pas été encore
consultés là-dessus, mais je vous dirais, en théorie, c'est ce que je tente de
vous expliquer.
M. Caire : O.K. O.K. Parfait.
Je comprends mieux ce que vous voulez dire. Mais je vais aller un petit peu
plus loin parce que, justement, vous avez parlé de justement d'adopter des processus
qui sont différents, là. Je vous entends. Puis vous avez fait le parallèle avec
la loi 25 et comme, bon, la loi 25 qui était le projet de loi n° 64
que je portais comme ministre responsable de l'accès à l'information,
protection des renseignements personnels. Puis là, je vous avoue que je ne vois
pas en quoi ce qui est la loi 25 aujourd'hui amène une adaptation dans son
application. Ça fait que je vous demanderais de m'éclairer là-dessus. Parce que
vous semblez...
M. Caire : ...que c'est ce
qu'il faut faire, tant mieux parce que, bon, je ne demande qu'à récidiver. Mais
encore faudrait-il que je comprenne comment je fais pour récidiver. Puis là, je
ne suis pas sûr que je vous suis.
Mme Girard (Danielle) : D'accord.
Alors, quand je fais le parallèle avec la loi 25 dans mon propos, ce que
je veux amener, c'est que la loi 25 arrive avec des façons de faire que
chacune, chaque organisation privée va adapter justement ses processus internes
pour réussir à répondre aux objets de la loi. Donc, on est toujours dans le
même... Mon propos et notre préoccupation, si vous voulez, c'est dans un réseau
sous pression où est-ce que c'est difficile. On aura des gestionnaires et des
équipes d'employés qui devront changer un peu leur quotidien, peut-être beaucoup.
Alors, c'est mon propos, quand je fais le lien avec la loi 25, c'est ce
que je veux dire.
M. Caire : Ce que je
comprends, c'est que ce que vous dites, c'est que le résultat attendu est le
même mais la façon de l'obtenir peut être adaptée aux équipes du terrain.
Mme Girard (Danielle) : Voilà,
voilà.
M. Caire : O.K. Ça, ça va.
Parfait. Oui, effectivement, je pense que ça... Vous dites : le projet de
loi va avoir un impact sur le travail au quotidien des gestionnaires.
Pouvez-vous nous donner des exemples? Et surtout, dans une perspective où, si
tant est que ces impacts-là sont négatifs ou, bon, sans être négatifs, amènent
des difficultés, est-ce qu'il y a des éléments qu'on peut mettre en place pour
rendre la tâche des gestionnaires plus simple? Parce que c'est ça, l'objectif
du projet de loi trois, là. C'est de simplifier la tâche de tout le monde.
Donc, si tant est qu'il y a là-dedans des éléments, des impacts sur les
gestionnaires qui sont d'autres obstacles, bien, je pense que ce serait une
bonne chose que vous les souligniez, là.
Mme Girard (Danielle) : D'accord.
Alors, quand je parle de l'impact dans le quotidien, bien, effectivement, ce
que j'amène comme impacts dans le quotidien des gestionnaires, votre projet de
loi présentement, nous n'avons pas... ça va être dans les règlements et dans
les différents processus où nous aurons qui est imputable, par exemple, des
résultats, qui devra faire quoi. On a la notion d'une personne responsable, qui
est le P.D.G., qui pourra déléguer à une personne. Mais maintenant, pour
réaliser les activités, s'il y a des incidents, réaliser les activités de
reddition de comptes au quotidien, s'assurer que finalement, le projet de loi,
bien, ce sont les gestionnaires au quotidien qui vont se retrouver avec
certaines responsabilités, et les employés. Les employés vont devoir également
probablement tenir des registres.
Donc, moi, ma préoccupation, compte tenu
que le projet de loi est quand même assez général, qu'on ne détaille pas le
comment et le qui, dans le détail, va faire quoi, bien, nous, on lève juste le
signal d'alarme pour dire : bien, écoutez, ça serait important de nous
consulter à ce moment-là pour s'assurer que c'est... Que les gens imputables,
ça risque d'être, entre autres, des gestionnaires du réseau, eh bien, qu'ils
puissent avoir tous les outils et tous les moyens pour répondre aux besoins de
la loi.
M. Caire : Mais pour être sûr
que je comprends bien ce que vous nous soumettez, oui, j'entends, là, il doit y
avoir une imputabilité. Vous voulez dire il faut être clairs dans
l'imputabilité, j'entends ça. Maintenant, est-ce que la loi est le meilleur
endroit pour faire ça ou est-ce que, ça, ça ne requiert pas une souplesse qui
serait mieux adaptée dans un règlement que dans une loi? Parce que, la loi, là,
c'est fixe, elle est adoptée, puis on ne la changera pas. Ce n'est pas le genre
de projet de loi qu'on amène à l'Assemblée nationale à chaque législature, là.
Donc, est-ce qu'on ne devrait pas viser justement un peu ce que fait la loi,
oui, donner des principes généraux, donner des outils aussi pour travailler
puis avoir par règlement peut-être un peu plus de précisions que, je dirais,
d'enfermer ça dans la loi, alors que c'est peut-être trop rigide. Puis là,
bien, on n'a pas la marge de manœuvre. Une fois que la loi est en application,
puis qu'on se rend compte, dans un an, deux ans, trois ans, que, bon, on aurait
peut-être besoin de plus de souplesse, on n'a plus cette marge de manœuvre là.
Il faut revenir de façon législative pour corriger ça, alors que, de façon
réglementaire, on a cette souplesse-là. Je ne sais pas si c'est comme ça que
vous voyez les choses ou...
• (16 h 10) •
Mme Girard (Danielle) : Bien,
écoutez, selon... puis on va vous envoyer également notre mémoire, vous allez
pouvoir, visuellement... Mais, nous, effectivement, notre intervention est
vraiment concernant ce qui suivra également, ce sont les règlements, les
processus. Et nous sommes d'avis que...
Mme Girard (Danielle) : ...c'est dans
les règlements qu'on doit être consultés, que nos gestionnaires doivent être
consultés. C'est pour ça que, là, il n'est pas trop tard. Mais nous, le signal
d'alarme, c'est... Il n'est pas trop tard, parce que les règlements ne sont pas
en écriture encore ou ne sont pas finalisés, mais il va falloir interpeller nos
gestionnaires, nous interpeller pour qu'on puisse s'assurer que c'est viable et
qu'on puisse respecter toujours les objectifs de la loi.
M. Caire : Non, je
comprends. Mais vous comprendrez qu'on ne peut pas présumer que la loi va être
adoptée. Donc, on ne peut pas négocier...
Mme Girard (Danielle) Ah! tout à fait.
M. Caire : ...des règlements
sur la base d'un projet de loi dont on ne peut pas présumer de l'adoption. Mais
j'entends votre... Bien, en fait, je l'entends, et mon collègue ministre de la
Santé et des Services sociaux l'entend. Sinon, je me fais fort de le relayer.
Mais je comprends que, dans le cadre actuel de la loi, vous dites : Ça, ça
va. Mais, éventuellement, si l'Assemblée nationale adopte la loi, les
règlements qui vont en découler devraient faire l'objet d'une collaboration
avec les gestionnaires, compte tenu de l'impact sur votre responsabilité et
votre imputabilité.
Mme Girard (Danielle) Vous avez...
M. Caire : Ça résume ça pas
pire?
Mme Girard (Danielle) Vous résumez mes
propos, absolument.
M. Caire : O.K.
Mme Girard (Danielle) Merci.
M. Caire : Vous avez parlé
d'une vision décentralisée dans le projet de loi. Là, je vous le dis comme,
moi, je le vois, il m'apparaît que la loi, elle est technologiquement neutre,
oui, mais en termes de gouvernance aussi. Est-ce que c'est le rôle du projet de
loi no 3, dont l'objectif dans les faits est de décloisonner la donnée, de
s'assurer d'une mobilité de la donnée, donc une meilleure valorisation de la
donnée, avec un volet de protection des renseignements personnels, est-ce que
c'est vraiment le rôle du projet de loi no 3 d'aller établir des principes
de gouvernance? Parce que la décentralisation, ça reste un principe de gouvernance,
puis je ne vois pas où ça s'inscrirait dans le projet de loi no 3.
Mme Girard (Danielle) Dans mes propos,
c'est vraiment dans la mise en application qui arrivera avec vos règlements,
avec vos processus, que... Quand je parle d'avoir l'agilité, que les processus
aient l'agilité et que vos processus soient... peut-être qu'on tende vers une
décentralisation, c'est-à-dire que chacun des établissements, avec leur
situation, leur façon de faire, leur couleur puisse bien intégrer ces
processus-là. Je vous dirais que c'est dans le même propos. Quand je parle de
décentralisation, c'est vraiment au niveau de la mise en application. Ça fait
que c'est dans le même propos, là, qu'on parle depuis tout à l'heure, là, de
s'assurer que... Je vais vous donner l'exemple bien simple : de s'assurer
que, le projet de loi étant adopté, les règlements étant adoptés, les
processus, qu'on ne retrouve pas dans chaque établissement, que tous les
gestionnaires et tous les gens vont devoir le faire exactement de la même façon
à la même heure... sans tenir compte de leur contexte très spécifique à chacun
d'eux. Ça fait que quand je parle de... c'est exactement la vision du plan
santé puis c'est le lien que je fais aussi avec le plan en santé.
M. Caire : Oui, oui, oui.
Oui, en fait, je ramenais votre commentaire... puis moi, je veux dire, je
pense, vous prêchez un converti, là. Mais je ramenais votre commentaire à la
portée de la loi, parce que dans les faits ce que la loi dit, c'est :
Bien, la donnée, elle est là, le problème que les gestionnaires ont, notamment
pas exclusivement, mais notamment les gestionnaires, c'est que ce
cloisonnement-là de la donnée fait en sorte que vous êtes appelés à prendre des
décisions avec une vision en tunnel, alors que vous devriez avoir une vision
périphérique. L'idée du p.l. 3, c'est de vous donner, gestionnaires, pas
exclusivement évidemment, il y a tout le personnel soignant qui va en
bénéficier, mais aussi les gestionnaires, que vous ayez cette vision
périphérique là.
Donc, est-ce que... dans la
décentralisation des façons de faire, est-ce qu'il n'y a pas un risque que ça,
nous ramène dans un travail en silo qu'on essaie de briser avec le p.l. 3?
Comprenez-vous? Je ne sais pas si vous comprenez la nuance. Je comprends ce que
vous dites, il faut respecter les façons de faire sur le terrain, pour autant
que le résultat soit similaire. Puis pour un gestionnaire, bien, avoir une
information qui est... et je parle à une informaticienne, là, vous allez
comprendre ce que je veux dire, pour avoir une information qui n'est pas
désynchronisée, bien, il faut qu'on ait quand même un format d'information qui
est similaire partout pour être capable de faire les comparables puis pour
avoir un portrait sur 360 degrés. Donc, est-ce que la décentralisation, il
n'y a pas aussi un risque, là, si on n'a pas cette vision-là globale de nous...
M. Caire : ...ramené à une
vision en tunnel puis à un travail en silo? Je vous pose la question.
Mme Girard (Danielle) : C'est
une bonne question. Vraiment, dans mon propos, une des raisons qu'on amène,
qu'on est favorables, puis je dois bien le spécifier, avec le projet de loi,
c'est justement l'accès aux informations aux gestionnaires, un accès plus
universel, le bon accès à une donnée, à une information que plutôt que
plusieurs qui sont cloisonnées. Ça fait que, ça, pour nous, là, on est très
favorables à ça.
Je reviens encore avec la notion quand,
lorsque je parle de décentralisation, on peut tout à fait tenir compte des
besoins, on peut tout à fait tenir compte des particularités des
établissements, des façons de faire des établissements, tout en amenant une
certaine cohérence dans nos façons de faire, un système qui est un système qui
est pareil, un système informatique qui est pareil. Mais mon propos, je reviens
encore, c'est il faut s'assurer que dans la...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
Mme Girard (Danielle) : C'est
bon. Merci.
Le Président (M. Simard) : Parce
qu'une autre collègue souhaitait vous adresser une question. Mme la députée
d'Huntingdon.
Mme Mallette : En fait,
j'aimerais savoir si la décentralisation, ça ne serait pas plutôt dans la
manière qu'on va gérer le changement dans chacun de ces établissements-là pour
atteindre peut-être un objectif un peu plus commun au niveau des processus.
Le Président (M. Simard) : Alors,
très succinctement, s'il vous plaît.
Mme Girard (Danielle) : Oui.
Alors, rapidement, c'est une bonne intervention. Oui, il y a la gestion du
changement, tout à fait, qui doit être adaptée. Ça, là, vous avez 100 %
raison. Mais je maintiens...
Le Président (M. Simard) : Merci,
madame.
Mme Girard (Danielle) : Oui.
Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci.
J'ai une tâche très ingrate qui est celle de calculer le temps et de le
répartir équitablement.
Mme Girard (Danielle) : Je la
respecte.
Le Président (M. Simard) : Ceci
étant dit, je le cède la parole à la députée de Mont-Royal-Outremont.
Mme Setlakwe : Merci. Merci,
là, pour vos commentaires. Ce qu'on entend, puis ce n'est pas pour répéter, là,
c'est que vous êtes clairement favorables au principe, à l'objet du projet de
loi. C'est vraiment au niveau, là, de la mise en œuvre, puis la discussion est
superintéressante parce qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, c'est au
niveau de la mise en œuvre, la mise en application que là, vos membres sont...
vont être sollicités, vont devoir changer leur façon de faire.
Puis là, je ne veux pas répéter la
discussion, mais, moi, ça m'amène en fait au dernier point qui... Moi aussi je
pensais la même chose. Parce que, décentralisation, moi aussi, là, ça
m'inquiète un petit peu. C'est peut-être, si je vous entends bien, que chacun
de vos membres n'arrivera pas au fil d'arrivée en même temps. Mais il me semble
qu'il faut viser une standardisation, là, sur la tenue des registres, sur la
reddition de comptes, sur tout le processus qui va devoir être mis en place.
Moi, c'est comme ça que je le comprends. Sinon, je suis inquiète de vouloir
revenir sur le concept de décentralisation.
Mme Girard (Danielle) : Tout
à fait. Je suis d'accord avec vous, quand... Lorsque... puis je le répète, puis
avec... Pour m'assurer que mes propos sont bien compris, pour moi, lorsque je
parle de décentralisation ou d'adaptation, prenons peut-être un autre terme, si
on aime moins, mais l'adaptation des processus, pour s'assurer qu'on tient
compte des différences dans les différentes régions, dans les différents
établissements. L'objectif... Puis on peut arriver à standardiser des pratiques,
tout à fait, tout en tenant compte de nos particularités, de nos
établissements. On va le vivre avec le plan santé où est-ce qu'on va rapprocher
l'accès aux usagers, être plus proches de nos usagers, donc on va faire une
certaine décentralisation de nos gestionnaires, une certaine. Alors, c'est le
but du plan de santé, mais on va arriver à certaines standardisations
également, donc dans la reddition de compte, dans tous ces éléments-là.
Donc je dis : j'ai le même propos que
vous. Il n'y a pas d'inquiétude à parler, selon moi, de s'assurer de respecter
les besoins des établissements. Au contraire, c'est ce qui va permettre qu'au
quotidien dans l'opérationnel, le projet de loi va pouvoir être viable et
vraiment répondre aux besoins de nos usagers du réseau.
• (16 h 20) •
Mme Setlakwe : Je peux
continuer?
Le Président (M. Simard) : Oui,
tout à fait.
Mme Setlakwe : Vous avez
parlé clairement, évidemment, de l'impact sur les tâches de vos membres,
employés déjà surchargés, pénurie de main-d'œuvre. Bon, on connaît bien le
contexte dans lequel on évolue actuellement. Est-ce que... Quel est le niveau
d'appréhension, là, au sein de vos membres? Est-ce que c'est reçu avec inquiétude?
Ou, en fait, c'est parce qu'on veut qu'ultimement tout ça soit plus efficace,
mais est-ce qu'il y a une appréhension? Puis après ça, ça m'amène à penser à
combien de temps ça va nous prendre, mettre tout ça en œuvre, là...
Mme Setlakwe : ...qu'il faut y
aller par étapes, mais il faut quand même un peu savoir vers quels... quels
défis nous attendent.
Mme Girard (Danielle) : Vous
savez, notre... Pour être représentant de nos membres, adhérer à des
changements, c'est leur quotidien, vous savez, avec le plan santé, avec tout ce
qui s'en vient. Puis ce n'est pas des changements... ce n'est pas les premiers
changements dans le réseau, on le sait. Nos membres vont être au rendez-vous.
Notre préoccupation, comme association, par rapport à nos membres, c'est
justement dans le but que le projet de loi fonctionne bien. C'est qu'on sait
qu'au quotidien, les tâches, c'est complexe. Pénurie de main-d'oeuvre. Il va
falloir changer nos façons de faire. Il va falloir devenir imputable
probablement d'un autre dossier.
Donc, la préoccupation de l'association de
ramener... c'est clair que c'est : Consultez-nous, pour qu'on nous donne
l'heure juste sur les meilleures pistes pour que ça fonctionne, vraiment les
meilleures pistes. Mais, si votre question... est-ce que nos gestionnaires
seront au rendez-vous dans les délais, à tenter... Absolument, absolument. Ils
sont toujours au rendez-vous, mais je vous répète que de les consulter, de nous
consulter, vous allez avoir des meilleures chances que tout fonctionne
rondement, de là mon propos, là. Est-ce que les gestionnaires seront là? Est-ce
qu'ils seront là avec les délais qu'on leur... C'est le quotidien de nos
gestionnaires, comme le quotidien des employés du réseau, d'être au
rendez-vous.
Mme Setlakwe : Merci. Donc,
moi, à la lecture de la loi, j'ai vu tout de suite que c'est un cadre général
avec plusieurs références à des règlements. Donc, il y a plein de... C'est ça.
Il y a des processus, des façons de faire à... Il y a un libellé, là, qui va
devoir être prévu. Mais oui, je pense que c'est probablement opportun de le
faire par voie de règlement pour assurer une souplesse. Mais, quand vous parlez
de consultation... Donc, ce que vous nous dites, là, c'est que la discussion
fait juste commencer, qu'il faut que ce soit... il faut poursuivre la
discussion avec vous et vos membres, vous.
Mme Girard (Danielle) : Absolument.
Et on a la chance d'avoir des membres partout dans la province. Donc, meilleure
façon de nous consulter justement pour standardiser. Si on est au banc des
consultations rapidement, bien, ça va être plus facile de standardiser des
choses adaptées aux besoins de chacun.
Mme Setlakwe : Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. Et je cède la parole au député de Rosemont, qui dispose
d'un temps de dix minutes 30 secondes.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux.
Mme Girard (Danielle) : Bonjour.
M. Marissal : Même s'il y en
a un qui est aphone, malheureusement. C'est clair puis ça ne l'est pas, ce que
vous dites. Je fais ça simple, là. En tout cas, ce n'est pas clair pour moi.
Peut-être que vous êtes parfaitement claire mais que je comprends mal.
Qu'est-ce qui change... Parce que vous faites beaucoup de liens, là, depuis
tantôt, entre le plan santé puis le projet de loi n° 3. Vous l'avez répété, là,
à plusieurs reprises dans les dernières minutes. Plan santé est revenu au
moins, là, cinq, six fois dans votre exposé.
Dites-nous donc : Qu'est-ce qui va
changer tant que ça dans le quotidien de vos gestionnaires avec le projet de
loi n° 3, en lien avec le plan santé? Puis gardez en tête que vous avez aussi
utilisé à maintes reprises le mot «imputabilité». Je vous laisse aller
là-dessus, là. C'est cryptique, mon affaire, mais c'est voulu.
Mme Girard (Danielle) : Parfait.
Je vais tenter d'éclaircir ou je vais tenter d'éclaircir mes propos.
Premièrement, lorsque je parle du plan santé, que je fais le lien avec le plan
santé, c'est que le plan santé est au cœur présentement de changement de
gouvernance à travers l'ensemble du réseau. Donc, pour nos membres, ils sont
tous les jours confrontés au plan santé, donc interpellés par le... Ça fait
que, lorsque je fais le lien, je fais le lien avec un projet qui est à mettre
en place, qui touche l'ensemble de nos gestionnaires.
Lorsque je fais le lien avec la loi, la
loi 3, qui est sur la loi des renseignements de santé et de services sociaux
modifiant diverses... on connaît la suite, je parle également d'une loi qui est
au cœur de l'ensemble du réseau. À partir du moment où on parle d'une loi ou
d'un projet qui touche l'ensemble du réseau...
Mme Girard (Danielle) : ...à
ce moment-là, c'est clair. Surtout un projet de loi sur les renseignements, la
sécurité des données qui amène reddition de comptes, une journalisation, mais
c'est clair qu'on a besoin d'humains qui vont saisir l'information pour
s'assurer qu'elle est juste, s'assurer de la remplir. Et lorsqu'on parle de nos
aux gestionnaires, c'est qu'on va devoir changer les façons de faire aussi dans
la prise de données des employés. Donc, c'est de ce que je parle. Lorsque je
parle d'imputabilité, à l'intérieur du projet de loi, effectivement, on est
plus général dans l'imputabilité. Mais pour nous, lorsqu'il va y avoir les
règlements à mettre en place, bien, c'est bien important, un tel projet pour
déterminer qui fait quoi et qui est imputable de quoi, lorsque je parle
d'imputabilité, mais, pour M. le ministre, pour vous, ce sera important que les
bonnes données soient rentrées. Ce sera important qu'on ait des gens
responsables à travers le réseau comme à travers d'autres organisations.
Je me permettrai de vous dire que je ne
suis pas issu du réseau. Je suis gestionnaire depuis 25 ans dans
différentes organisations. Lorsqu'on parle d'un projet ou est-ce qu'on parle de
reddition de comptes, on parle de journalisation, peu importe les termes,
lorsqu'on parle d'un projet où il y a reddition de comptes, bien, des
gestionnaires en deviennent responsables, imputables, selon les différentes
informations. Ça fait que, de là, c'est un peu ça mes propos. Ce qui est
important de bien comprendre également, c'est que nos commentaires sur le
projet de loi visent sa mise en application parce que c'est là où il sera
implanté dans le réseau et qu'on devra répondre et opérationnellement le faire
vivre, ce projet de loi là. Je ne sais pas si j'éclaire un peu mes propos.
M. Marissal : Oui, on
s'approche. Quel est le pourcentage, là, du travail de données, de saisie de
données fait par vos gestionnaires qui est encore sur papier?
Mme Girard (Danielle) : Je
vous dirais que je n'ai pas cette information-là, le réseau étant, comme je
vous le dis encore... tu sais, c'est un grand réseau avec plusieurs
établissements et je vous dirais également, pour ramener le rôle de notre
organisation, on est une organisation externe au réseau, alors on est une
organisation pour défendre des membres, alors je n'ai pas au bout des doigts,
ces informations-là, pour vous, je suis désolée.
M. Marissal : Non, non, ce
n'est pas grave. C'est parce que vous avez l'air d'avoir des préoccupations
aussi quant au travail pratico-pratique, là, travail clérical, là, carrément,
que ce soit sur un ordinateur ou sur un post-it, il faut saisir la donnée
quelque part. Idéalement, dans un logiciel, ça se perd moins qu'un post-it.
Mais quand vous dites de modifier les processus, je présume que vous ne voulez
pas dire : Débrancher le fax pour faire un reste, là. Je présume que vous
voulez dire : avoir une automatisation et une systématisation de la prise
de données, que ça s'en va à la bonne place, qu'il n'y ait pas d'incident. Vous
avez parlé vous-même d'incidents qui pourraient arriver. Et là où je reviens à
la question de l'imputabilité, il y a déjà une imputabilité en ce moment, non?
Mme Girard (Danielle) : Oui,
absolument, absolument. Mais à partir... je peux répondre, je m'excuse. Vous
aviez terminé votre question?
M. Marissal : Bien sûr, bien
sûr.
• (16 h 30) •
Mme Girard (Danielle) : D'accord.
Oui, absolument. Aujourd'hui, il y a un... c'est clair qu'il y a une
imputabilité de l'information. Soyez assurés de ça, là, ça, c'est clair.
Maintenant, on change une loi, on amène... vous savez, les origines, entre
autres, de gestion. À partir du moment, je vous le dis, où on parle de sécurité
de l'information, de cybersécurité de l'information, on se retrouve avec
s'assurer que nos gens... que l'information qui est mise dans la machine soit
la bonne. Lorsqu'on parle... le projet de loi prévoit un registre des
incidents. La même chose pour la loi 25 prévoit un registre, mais un
incident doit être analysé, doit être regardé, doit être... Il faut regarder
les impacts, il faut regarder... Alors moi, quand je parle de changement, il
faut le voir positivement. Là, ce que je vous amène, c'est qu'on veut qu'on
s'assure que ça fonctionne bien, mais un tel projet de loi avec un système
informatique qui va le soutenir, c'est important qu'on puisse avoir les...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Girard (Danielle) : ...bonnes
personnes qui font les bonnes choses. Comme je vous l'ai dit, qui est quoi? Qui
fait quoi et qui est responsable de quoi? Parce qu'on devient... Pensez-y, là,
on l'a vu, dans les médias, dans les dernières années, des bris d'information,
comment ça a été dommageable pour les organisations et pour l'inquiétude des
gens dans... Puis là, bien... Alors, ça va être important, dans le réseau, de
nous consulter pour ces processus-là, justement, pour s'assurer que tout le
monde sait et qu'ils vont bien faire leur travail comme ils le font toujours.
M. Marissal : Mais mettons...
Mme Girard (Danielle) : Je ne
sais pas si ça répond à votre question.
M. Marissal : Oui, oui, bien
oui, ça oui, ça va. Mettons qu'on trouve une boîte de documents privés de
renseignements personnels dans une poubelle en arrière d'un hôpital, comme c'est
déjà arrivé, là, ou que quelqu'un soit à l'origine d'une fuite informatique, c'est
la même... ce n'est pas le même endroit, mais c'est le même résultat. Donc, l'imputabilité
devrait être la même.
Mme Girard (Danielle) : Tout
à fait, mais... Absolument, mais là vous avez un nouveau projet de loi qui va
amener des règlements, qui va amener des processus, qui change les processus.
Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'assurons-nous de consulter les gens
concernés pour, justement, s'assurer que, par exemple, dans tel cas de
journalisation, c'est tel groupe qui en est imputable. Dans tel cas, c'est tel
autre groupe. Quand je parle d'imputabilité, là, ce n'est pas de façon
générale, il y a des gens spécifiquement qui vont devoir être imputables.
Alors, moi, ce que je dis, c'est : Déterminons correctement qui, et quoi,
et comment. Et notre propos au niveau de l'association, c'est : Consultons
les gens, justement, comme vous l'avez dit, qui sont imputables d'information,
des boîtes, que ce soit papier ou autrement... le faire.
M. Marissal : Est-ce qu'on
peut présumer que ce soit nécessairement quelqu'un en situation d'autorité, ce
qu'on appelle parfois des cadres dans le système? Puisqu'on peut imaginer aussi
qu'il y aura de la résistance, surtout s'il y a un flou dans la loi, de gens
dans la hiérarchie qui diront : Moi, je ne fais pas ça, je ne touche pas à
ça, ce n'est pas ma job.
Mme Girard (Danielle) : Vous
parlez... Je m'excuse. Est-ce que je peux... Peut-être spécifier votre
question, oui?
M. Marissal : La prise de
données puis la journalisation de vos données, là, puis s'assurer aussi que ça
reste à la bonne place, qu'il n'y a pas personne qui parte avec une clé USB,
là, ou qui appuie sur le mauvais bouton, là, ça s'est vu, là, malheureusement,
là, est-ce que vous voyez ça réservé à des postes de cadres, donc des gens en
autorité dans l'organisation?
Mme Girard (Danielle) : O.K.
J'ai compris. D'accord, je comprends votre question. Je m'excuse, j'avais mal
compris. Ce que je vous dirais, c'est que, pour moi, tant qu'on n'est pas dans
les règlements et dans la suite, c'est difficile de vous dire est-ce que ce soit...
devra absolument les gestionnaires qui font telle tâche et les employés, mais c'est
clair que ce sont les gestionnaires et leurs équipes. Il ne faut pas oublier,
dans ce projet de loi là, je ne sépare pas les gestionnaires de leurs équipes,
parce qu'à la limite, à un moment donné, vous allez comme, peut-être... vous l'avez
mentionné, il va y avoir des gens, des employés aux soins qui vont devoir
remplir des données et qu'on aura des gestionnaires qui devront les soutenir.
Ça fait que, pour moi, ça, dans mon propos, j'inclus aussi nos gens aux soins,
nos employés dans ça. Ça fait qu'est-ce que ça devrait être juste les
gestionnaires? Je vous dirais, je ne suis pas là, on verra, justement, la
suite. Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
Mme Girard, M. Brunette, c'est ici que se terminent nos échanges.
Merci beaucoup d'avoir participé à nos travaux, et on espère vous recevoir à
nouveau bientôt.
Mme Girard (Danielle) : Bien,
merci beaucoup, ce fut un plaisir. Bonne fin de journée. Merci.
Le Président (M. Simard) : Au
revoir. Merci.
Sur ce, nous allons suspendre nos travaux
quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 16 h 35)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M. Simard) : Nous
sommes de retour. Nous recevons des représentants de la Société canadienne du
cancer et de la Société de recherche sur le cancer. Messieurs, bienvenue parmi
nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter? Après quoi vous
pourrez faire votre présentation.
(Visioconférence)
M. Raynaud (David) : Oui.
Bien, je vais me lancer. Mon nom est David Raynaud et je suis gestionnaire dans
l'équipe de défense de l'intérêt public de la Société canadienne du cancer. Et
je vais laisser... Bien, je suis accompagné... j'ai le privilège d'être accompagné
de Laurent Proulx, président-directeur général de Procure, que je vais
peut-être laisser juste vous dire bonjour.
M. Proulx (Laurent) : Bonjour
à tous.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons.
M. Raynaud (David) : Bien,
écoutez, merci, M. le Président, merci à vous et aux membres de la commission
de nous recevoir afin de présenter notre mémoire collectif sur le projet de loi
n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux modifiant
diverses dispositions législatives.
Donc, comme j'ai dit, mon nom est David
Raynaud. Je travaille pour la Société canadienne du cancer et je suis avec mon
collègue Laurent Proulx, qui est président-directeur général de Procure, et
nous représentons aujourd'hui un regroupement des principaux organismes dédiés
au cancer du Québec. Ainsi, cette présentation est le fruit du travail de la
Fondation québécoise du cancer, Leucan, Procure, la Société de recherche sur le
cancer et la Société canadienne du cancer.
Sur une base quotidienne, dans nos
échanges avec les patients, leurs familles, les professionnels qui accompagnent
les personnes vivant avec le cancer ainsi que les chercheurs, nous constatons
les limites et les barrières imposées par un manque de fluidité des
renseignements relatifs à la santé et à la recherche. Nos organisations
accueillent favorablement le projet de loi n° 3, et nous saluons le fait que le
gouvernement souhaite faciliter l'accès aux renseignements de santé par les
patients, les professionnels de la santé, ainsi que de renforcer l'accès à ces
données pour des fins de recherche. Le but de notre présentation d'aujourd'hui
est ainsi d'offrir des recommandations afin de bonifier ce projet de loi.
Donc, la première partie, on parle de
garantir l'accès aux renseignements de santé du patient. Donc, l'accès aux
renseignements de santé par les personnes concernées, c'est-à-dire les
patients, est d'une grande importance pour nos organisations. Ainsi, nous
sommes favorables aux articles 17 et 23 qui renforcent cette capacité. À cet
égard, dans un sondage réalisé par nos cinq organismes... révèle que la
quasi-totalité des 9 736 répondants, donc 97 %, estime qu'il est important
d'avoir accès à leurs renseignements de santé. En ce qui concerne les parents
d'enfants atteints de cancer, c'est 98 % qui indiquent qu'il est important
d'avoir accès au dossier de leur enfant. Nous jugeons toutefois essentiel que
ces renseignements soient facilement accessibles par les patients, garantissant
un principe d'accès à leurs données en temps réel afin de favoriser
l'autonomisation du patient par rapport à son état de santé.
Laurent, est-ce que tu veux rajouter
quelque chose?
• (16 h 40) •
M. Proulx (Laurent) : Oui. Il
est clair pour nous que les systèmes qui ont été développés jusqu'à maintenant
ont focussé sur les besoins des gestionnaires du système et non pas
nécessairement sur les besoins des patients. On ne prend que la gestion des
rendez-vous, la gestion de la facturation, puis ce n'est que penser à la
carte... la fameuse carte... la carte d'hôpital qu'on doit avoir comme patient
avant de rentrer en contact avec le système de santé.
Actuellement, le système de santé est
opaque en termes d'information et de communication. On peut vous donner un
exemple. Un patient qui aurait été diagnostiqué au mois de septembre d'un
diagnostic de cancer avancé, aucune nouvelle en octobre, aucune nouvelle en
novembre, pas moyen de savoir l'état de son dossier. En décembre, on obtient
une rencontre préopératoire. Pas de date, pas d'information. Janvier passe, les
fêtes passent, puis on se retrouve avec un patient qui nous contacte, qui nous
demande de pouvoir l'aider. On l'aiguille au bon endroit. Finalement, il
obtient un statut de la clinique qui lui dit qu'il va être traité...
M. Proulx (Laurent) : ...d'ici
les deux prochains mois. Il n'est pas normal pour nous qu'un patient qui est
premièrement en situation avec un cancer avancé qui soit obligé de relancer le
système pour obtenir de l'information. Par opposition, si je commande un produit
sur Amazon, je suis sûr que je vais avoir une kyrielle de courriels qui va me
parvenir pour m'informer, l'état de mon produit, et cetera. Je trouve que le
projet de loi est intéressant, nous trouvons que le projet de loi est
intéressant, qu'il protège les informations et la diffusion d'information. Il
ne faudrait pas oublier de... d'intégrer la communication de la trajectoire de
soins du patient et de trouver le moyen de bien communiquer cette
information-là, pas nécessairement des données cliniques.
M. Raynaud (David) : Merci,
Laurent. Puis ça va bien avec la deuxième partie qui est donc l'accès par les
professionnels de la santé à ces données. Donc, un des enjeux auxquels sont
confrontés les patients est le transfert de leurs données de santé entre les
différents professionnels de la santé qui assurent leurs soins. Donc, recevoir
un diagnostic de cancer est déjà un événement difficile en soi et les patients,
selon nous, ne devraient pas avoir à se soucier de cet enjeu et se concentrer
sur leur guérison. Cette situation affecte le suivi médical et entraîne donc
une perte d'efficacité pour le système de santé, puisque le patient doit
parfois remettre un rendez-vous, car les résultats de tests n'ont pas été faits
à temps, par exemple. Donc, comme vous devez le savoir, l'attente et le report
sont des facteurs anxiogènes pour les patients, notamment en cancérologie, car
les délais pour le cancer doivent être le plus courts possible afin d'espérer
un meilleur taux de survie et des traitements moins lourds et donc moins
d'impact sur la qualité de vie du patient. Ainsi, nous croyons que
l'article 36 représente une avancée significative pour la qualité et la
continuité des soins oncologiques et nous demandons son entrée en vigueur le
plus rapidement possible, car c'est un des enjeux principaux que vivent les
personnes atteintes de cancer. Laurent, je te laisse la parole.
M. Proulx (Laurent) : Oui, on
mentionne dans notre mémoire, les applications qui avaient été développées par
des médecins de la région de Québec qui ont... Parce qu'ils ont pris en charge
le fait qu'il y avait des lacunes au niveau de la communication. Nous croyons
que le fait d'avoir des données standardisées et partageables, on va
uniformiser la qualité de service. Ce n'est pas normal que certaines régions
soient favorisées parce qu'il y a des médecins qui ont une initiative
technologique versus d'autres. Alors, il est vraiment essentiel d'avoir ces
données-là diffusées à la chaîne à... et entre tous les professionnels de la
santé, indépendamment du code postal dans lequel j'habite.
M. Raynaud (David) : Merci,
Laurent. Puis là on rentre dans la partie, donc faciliter l'accès aux données
pour des fins de recherche. Donc là, on a plusieurs propositions parce qu'on
croit que le législateur doit profiter du projet de loi n° 3 afin
d'améliorer le processus d'accès aux données pour la recherche. Actuellement,
les délais sont préoccupants et ils peuvent parfois attendre deux ans. Donc, le
Québec est malheureusement une des provinces canadiennes qui accuse le plus
important retard en ce qui a trait à l'utilisation des données cliniques. Donc,
nous sommes heureux de voir que le gouvernement veut faciliter l'accès aux
renseignements de santé pour des fins de recherche. Donc, par exemple, il y a
un délai de dix jours qui est prévu pour la présentation des observations par
des organismes à la suite d'une demande, mais nous demandons à ce qu'un délai
maximum raisonnable soit prévu pour autoriser l'accès aux renseignements. Il ne
faut pas limiter le potentiel de la recherche en créant un nouveau goulot
d'étranglement pour l'accès aux renseignements.
De plus, nous demandons à ce que les
renseignements de santé qui sont partagés dans le cadre de recherche soient
anonymisés, d'instaurer un principe clair d'opting out dans le cas où ce n'est
pas possible ou pas possible en partie, et d'assurer le respect de la volonté
des patients lorsqu'un consentement est donné ou non, afin de préserver la
confidentialité de leurs données.
Et puis, finalement, l'article 40
prévoit des critères supplémentaires pour les projets de recherche qui
impliquent la communication d'un renseignement à l'extérieur du Québec. Nous,
ce qu'on vous suggère, c'est de modifier cet article afin d'appliquer ces critères
seulement aux projets à l'extérieur du Canada afin de favoriser la recherche
collaborative entre les chercheurs des autres provinces et ceux du Québec,
notamment, ce qu'on fait beaucoup en cancérologie. Donc, je vais te laisser la
parole, Laurent, pour rajouter à mon propos.
M. Proulx (Laurent) : Dans un
contexte de recherche, Procure, l'organisme de cancer de la prostate a
construit une biobanque. Et cette biobanque-là a été dans les quatre centres
universitaires du Québec. Chaque centre universitaire avait 500 patients
et je suis un de ces 500 patients-là qui a été diagnostiqué d'un cancer de
prostate. Alors, chaque centre a à stocker des prostates, puis ils ont stocké
aussi des données sociodémographiques et des données cliniques de ces patients.
Procure a investi au-delà de 12 millions dans la conversion des données
dans une plateforme disponible pour les chercheurs. Donc, toutes les données
étaient anonymisées. Chaque patient a signé un consentement autorisant la
diffusion puis l'utilisation de leurs biospécimens. PROCURE a félicité des
projets de recherche, des projets de recherche ont été présentés et finalement
ont été présentés aux comités d'éthique de cinq centres universitaires et deux
sur quatre ont refusé d'octroyer les biospécimens. Or, on est obligés de
refuser le projet dans ce contexte-là. Alors, d'avoir un centre d'accès qui va
uniformiser aussi et permettre l'accès aux données va éviter ce genre de
traitement local de bureau d'éthique...
M. Proulx (Laurent) : ...contredire
l'accès que les patients avaient offert.
M. Raynaud (David) : Merci,
Laurent. Et puis la dernière partie de notre mémoire qu'on voulait couvrir
aujourd'hui, c'est la valorisation des données. Donc, c'est la partie la plus
volumineuse et pourrait faire l'objet d'une présentation à part entière, mais
ce qu'on veut vous faire passer comme message, c'est que les données sont à la
base de toute politique publique de santé. Il est important de les utiliser
afin de répondre aux besoins des personnes atteintes de cancer et leurs
proches. Donc, elles vont permettre de rendre disponible la bonne ressource au
bon moment, que le principe de la donnée qui suit le patient va faire une
différence majeure pour sa trajectoire de soins, comme on en parlait un peu
plus tôt. D'avoir un système de dépôt de renseignements facilitera l'accès et
le partage des données en cancérologie et donc la mise à jour du registre
québécois sur le cancer qui, pendant longtemps, était en retard avec le reste
du Canada.
Les renseignements de santé permettent
aussi de mieux identifier les barrières d'accès que certaines communautés
pourraient vivre et sont donc importantes afin de lutter contre les iniquités
de santé. Donc, on peut parler de données, par exemple, collectées sous un
principe d'auto-identification ou récolter des données intersectionnelles afin
d'identifier ces barrières. Et, pour les données qui concernent les Premières
Nations, il est important de travailler en partenariat avec ces dernières et
d'accepter les notions de propriété et de contrôle des renseignements par ces
communautés.
Ainsi, on vous recommande de continuer à
mettre à jour le registre québécois du cancer tout en harmonisant les
définitions et les processus de collecte de données avec le Registre canadien
du cancer afin de favoriser les comparaisons pancanadiennes. Donc, par exemple,
les données sur le cancer que publie chaque année la Société canadienne du
cancer en partenariat avec Statistique Canada. De rajouter comme objectif pour
le système national de dépôt de renseignements d'identifier et de réduire les
disparités en matière de santé et ainsi favoriser un principe d'équité en santé
et services sociaux. Et puis finalement d'adhérer aux principes PCAP, là, pour
la gestion des données en santé et services sociaux des Premières Nations et
ainsi soutenir le couplage et le partage de ces données avec les organisations
autochtones.
Puis finalement je vais conclure, je sais
qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps, mais, pour toutes ces raisons,
c'est que nos organisations pensent que le projet de loi n° 3 est une
opportunité de moderniser la façon dont on utilise les renseignements de santé
au Québec, ce qui permettra d'améliorer la trajectoire des patients en
cancérologie et de démocratiser l'accès de la santé pour la population du
Québec ainsi que d'améliorer l'efficacité de la recherche en santé sur le
cancer. Donc, merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, Monsieur. Je cède la parole au ministre, qui dispose de quinze minutes
et 30 secondes.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Merci, merci, Messieurs, pour votre présentation. Écoutez, il y a
beaucoup de choses, beaucoup d'éléments que vous avez amenés qui sont le fait
de la situation actuelle, qui sont corrigés par le projet de loi. Donc,
là-dessus, je vous remercie.
Vous avez parlé de l'accès aux données par
le patient. Évidemment, on est tous conscients, là, que c'est un problème assez
important. Je l'ai dit, je le répète, le PL 3, l'idée du projet de loi
n° 3, c'est de donner de la mobilité à la donnée qui va faire en sorte
qu'on va être capable, justement, de colliger cette information-là, mais pas
seulement la colliger, faire, je dirais, un certain ménages, parce que,
malheureusement, il y a des informations discordantes qui se retrouvent un peu
partout, compte tenu que les données sont associées plus à l'établissement ou
au lieu où elles ont été collectées qu'au patient. Il y aura éventuellement
aussi tout un ménage à faire pour avoir une donnée qui est cohérente, qu'il n'y
a pas de doublons.
• (16 h 50) •
Mais, une fois qu'on a fait ça, ça ouvre
la porte à beaucoup de possibilités. Et, là-dessus, je veux vous entendre,
parce qu'il y a, au Québec, Mon carnet santé qui est quand même une application
qui donne accès à un ensemble assez large de données. J'aimerais vous entendre
là-dessus et, dans le contexte de l'adoption du projet de loi... Deux questions
ou une question à deux volets. Qu'est-ce qu'il manque, ou si tant est qu'il y
ait quelque chose qui manque au projet de loi n° 3, qu'est-ce qu'il manque
pour qu'on puisse avoir vraiment un portrait global selon vous? Et, une fois
qu'on a fait ça, comment on fait pour... Quelle est la meilleure façon pour
rendre accessibles les données de santé aux différents patients?
Puis je vais peut-être me rajouter une
complémentaire, tant qu'à y être : Quel contrôle on donne au patient sur
ses informations? Je m'explique. En informatique, la donnée, vous avez quatre
possibilités, vous la... ce qu'on appelle...
M. Caire : ...la lecture,
l'ajout, la modification ou la suppression. Vous voyez ça comment, le contrôle
des données qu'on donne au patient? Jusqu'où on va dans la propriété du patient
de ses propres données?
M. Proulx (Laurent) : Bien,
je peux peut-être... Je suis informaticien de formation, alors je comprends
très bien les enjeux reliés aux données. Je dirais que, dans un premier temps,
je pense qu'un système qui est souhaité par les patients, c'est définitivement
être en mode lecture. Je pense qu'on peut développer plein d'applications qui
ne vont être utiles aux patients qu'en mode lecture.
Pour ce qui est de la modification ou de
la transformation de données, je pense qu'elle peut être faite par un
intermédiaire, qu'elle peut être... pas nécessairement être mise dans les
mains, nécessairement, du patient, elle peut être identifiée, elle peut être
flaguée, comme on peut dire, mais sans nécessairement être obligé d'être en
mode communication.
Moi, le souhait, puis je vais vous dire
bien honnêtement le souhait que je ferais, c'est qu'on puisse avoir accès à ces
données-là puis qu'on puisse avoir un AppStore ou... un AppStore d'applications
qui va utiliser ces données anonymisées ou ciblées pour le patient, donc
d'avoir un accès puis de permettre à la communauté de technologie de développer
des outils. Je pense qu'en mode lecture, si ce n'est que je donnais l'exemple
du patient, de pouvoir avoir accès à la centrale de rendez-vous, c'est quoi, ma
prochaine étape, je ne serais pas obligé de contacter l'hôpital pour savoir
quand est-ce mon prochain rendez-vous puis c'est à quelle heure, que je sois
dans le néant, bien, tout ça, c'est en mode lecture.
On est très limité aujourd'hui à la
qualité d'information, elle n'est pas uniforme, mais de pouvoir la rendre
accessible en mode lecture, moi, je pense qu'il y a une opportunité de
développer des applications qui vont être d'aide aux patients. Aujourd'hui, le
patient est confronté devant un système complètement opaque.
M. Caire : Mais M. Proulx,
j'aimerais ça, là, pour ne pas perdre le fil, qu'on aille sur ce que vous venez
de dire. Parce que, dans le fond, vous, vous dites : Je veux avoir une
continuité d'information dans la capacité que j'ai à travailler avec mes
données sur la base de l'anonymisation. Ça, ça fera l'objet d'une autre
question, si vous voulez bien.
Bien, je vais revenir à ma question
initiale. Est-ce que, dans sa forme actuelle, le p.l. 3 nous donne la
mobilité nécessaire pour être capable de construire ces couches applicatives là
qui va permettre aux patients, aux citoyens d'avoir ce plein accès là aux
données tel que vous le décrivez? Est-ce que... Parce que la base de cette
application-là, ça, ça doit s'asseoir sur une information qui est mobile, qui
est fluide, qui est accessible, qui est intègre. Donc, est-ce que le p.l. 3,
dans sa forme actuelle, va nous amener vers cette étape inévitable là du
traitement de l'information?
M. Proulx (Laurent) : Moi, je
pense que la façon que c'est... En tout cas, nous, on demande, c'est qu'il y
ait un... garantir l'accès. Donc, si vous garantissez l'accès à la fois des
données cliniques qui décrivent, par exemple, le type de cancer et la
trajectoire de soins, si vous rendez ça accessible, moi, je pense que c'est une
première étape intéressante pour un patient quand il rentre en contact avec le
système de santé. Je pense que c'est un minimum pour moi à avoir.
M. Caire : Puis dernier volet
à ma question principale, vous excuserez la déformation professionnelle, là.
Est-ce que mon Carnet santé est le type d'application que vous voyez comme
porteur de ce qu'on devrait offrir aux citoyens comme interface d'accès à ces
données de santé?
M. Proulx (Laurent) : Écoutez,
moi, je dissocie la gestion de l'information de la diffusion. Je pense que les
plateformes de diffusion, il en existe plusieurs dans plusieurs domaines. Je ne
m'attarderai pas nécessairement que ce soit sincèrement celle-là. Ce que je
conviens de dire, c'est que, si on a une donnée intègre, les plateformes de
diffusion peuvent être variées, incluant celle-là. Moi, je n'ai pas
nécessairement un biais favorable ou défavorable par rapport à la plateforme
de...
M. Caire : O.K. Là, je vais
vous amener dans un autre univers, parce qu'on a entendu beaucoup de craintes
du fait que le projet de loi n° 3 amenait une mobilité plus grande de la
donnée, puis là je vais y aller par couches. Pour certains, «mobilité»
correspond à «accès», «accès» correspond à «bris de sécurité». Est-ce que vous,
dans le projet de loi n° 3, vous voyez les garanties? Parce qu'il y a
quand même deux volets, il y a le volet, oui, de la mobilité de la donnée, mais
il y a tout le volet aussi, qui n'est quand même pas moins important, la
protection des renseignements personnels. Est-ce que vous, à la lecture du
projet de loi n° 3... Parce que je vous entends beaucoup, il faut qu'on
ait accès aux données, il faut que le patient ait accès aux données. Mais
est-ce que vous faites cette équation-là de dire, un plus grand accès, c'est un
plus grand risque à la protection des renseignements personnels ou vous voyez,
dans le projet de loi n° 3, des garanties suffisantes qui vont permettre cet
accès-là, de...
M. Caire : ...l'équilibre dont
on parlait avec nos intervenants de ce matin entre la mobilité. Vous avez...
Monsieur Raynaud, vous avez parlé de la valorisation. Pour moi, la mobilité
nous amène vers la valorisation, mais il y a un nécessaire équilibre avec la
protection des renseignements personnels. Est-ce que le projet de loi n° 3 vous
donne des garanties suffisantes qu'on a trouvé cet équilibre-là ou il y aurait
des modifications à apporter?
M. Proulx (Laurent) : Bien,
David, est-ce que tu veux y aller ou je peux y aller? C'est comme...
M. Raynaud (David) : Bien, si
tu veux... C'est toi, l'informaticien, mais je pourrais renchérir après.
M. Proulx (Laurent) : Oui, je
ne veux pas le voir sous le cas... de l'informatique. Je pense que, dans un cas
«opting out», ça, dans un premier temps, pour la recherche, c'est essentiel.
Ça, pour moi, c'est vraiment les données exposées à un tiers qui n'est pas...
qui va utilisation puis qu'on pourra dériver de la recherche. Ça, pour moi,
c'est essentiel qu'on ait cette option-là dans le projet de loi.
La deuxième, pour ce qui est de
l'information, moi, je ne suis pas d'avis qu'il y a des dangers plus grands que
d'avoir un dossier qui traîne dans un centre hospitalier puis que... pour moi,
c'est le même genre de problème. C'est sûr que c'est beaucoup plus rapide, s'il
y avait une fuite d'information, c'est beaucoup plus rapide, on peut vivre de
plus grands problèmes, mais, à partir du moment où on expose ces données-là
avec des systèmes qui protègent le patient, accès à son information uniquement,
moi, je ne limiterais pas le nombre d'informations là-dessus. Vous aviez posé
comme question : Est-ce qu'on devrait limiter le nombre d'informations de
type... Moi, je ne pense pas qu'on devrait faire cette limitation-là.
Maintenant, est-ce que le projet de loi
rassure à cet égard-là? Moi, je pense que le opting out pour la recherche, moi,
c'est le plus grand problème. Pour ce qui est du patient, je vois moins ce
problème-là.
M. Raynaud (David) : Oui,
c'est ça. Bien, peut-être juste renchérir, moi aussi, sur le principe, là,
justement, de la question des données anonymisées dans le cadre de la
recherche, vraiment ce principe d'«opting out» qui est clair, quand on ne peut
pas avoir une donnée anonymisée ou anonymisée en partie, là, donc vraiment
assurer cette protection, qu'on respecte le consentement et la volonté du
patient.
Après, c'est sûr, il y a toujours des
enjeux où on peut avoir une cyberattaque, ou je ne sais pas, qui peut faire
perdre des documents, mais nous, on ne pense pas qu'en ce moment il y ait des
mesures qui contraignent, là, qui mettent à risque la sécurité. Je pense, les
gens sont de plus en plus... ils ont de plus en plus accès à leurs données avec
leur téléphone cellulaire, notamment, avec des applications. C'est sûr, il y a
toujours des risques, là, dès qu'on parle d'un transfert de données, que ce
soit papier ou virtuel, mais nous, on pense que c'est favoriser la littératie,
là, numérique aussi des personnes, favoriser la littératie médicale des
personnes. Et ça permettra d'assurer un lien, là, plus fort entre le patient et
sa donnée, là, parce qu'il aura plus facilement accès. Puis ça, c'est ce qui
est important pour nous.
M. Caire : Je vais faire du
pouce sur la question de l'«opting out» parce que, dans ce que vous décrivez,
il n'est pas dans le projet de loi. Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus,
mais, dans la mesure où le projet de loi dit que, lorsque le cycle de vie de la
donnée est terminé, on doit détruire la donnée ou l'anonymiser pour des fins de
recherche, je comprends que vous dites... Puis là je fais l'avocat du diable
parce que j'ai posé exactement la question inverse ce matin. Vous dites que,
même si la recherche a besoin de cette information-là, le fait de l'anonymiser
n'est pas suffisant, il faut le consentement de la personne, du patient, de
l'individu, dans le fond, qui est le détenteur de ces renseignements de santé
même pour aller dans le processus d'anonymisation et de constituer des banques
de recherche aux fins de recherche.
Parce que, ce matin, on entendait :
Bien, écoutez, peut-être que ce serait intéressant qu'on consulte les
chercheurs avant de détruire la donnée. Puis, pour être tout à fait honnête,
là, personne n'a dit que le patient n'avait pas le droit de l'exiger, mais
vous, vous en faites même une condition sine qua non. Il faut, d'abord et avant
tout, que le citoyen, lorsqu'on collecte ses données, on lui pose la
question : En passant, peut-on se servir de vos renseignements personnels,
de vos renseignements de santé à des fins de recherche, oui ou non? Et, après
ça, on ira vers l'anonymiser, mais il y a comme une condition sine qua non pour
vous, là. C'est-u ça que je comprends?
• (17 heures) •
M. Proulx (Laurent) : Moi, je
suis d'avis que oui, là, je pense qu'il faut avoir cette condition-là. Je pense
que tout ce qui prête la trajectoire de soins, c'est différent de la recherche.
Puis, si on veut créer... On veut avoir de l'adhésion, puis d'avoir le
sentiment que la population contrôle tant soit peu ses données, puis de ne pas
permettre nécessairement dans l'utilisation de recherche, parce que ça, ça
devient un choix qui est personnel. Je ne ferais pas l'inverse, il faut dire
oui pour la recherche, je ferais plutôt, il faut dire non de ne pas avoir mes
données disponibles à la recherche.
M. Caire : Petite dernière
pour la route. Tout à l'heure, vous avez parlé que les...
17 h (version non révisée)
M. Caire : ...contraintes d'échange
d'informations ne devraient pas... il ne devrait pas y en avoir entre
gouvernements provinciaux du Canada, seulement lorsqu'on va à l'extérieur. Je
vous soumets la chose suivante : le Québec a un régime de protection de
renseignements personnels qui est particulier, hein, on a eu l'occasion de le
dire, qui est le plus sévère en Amérique, qui est vraiment un calque du RGPD
européen. Sans prétention aucune de ma part, les collègues des autres
provinces, même des états américains, ne sont pas du tout là. Et ça, ça amène
un problème de la responsabilité, de l'imputabilité de la protection des
renseignements personnels en vertu de notre cadre législatif qui n'est pas le
même ailleurs. Selon vous, là, on gère ça comment, parce que ça demeure que si
on envoie des renseignements personnels ailleurs, on doit, nous, s'assurer qu'ils
respectent notre cadre législatif? Alors, on arrime ça comment, dans votre
esprit?
M. Raynaud (David) : Bien, écoutez,
je pense qu'il peut avoir certaines conditions, là, c'est sûr, pour s'assurer
qu'il y ait vraiment un principe de respect de l'anonymisation de ces données
ou quoi que ce soit ou qu'il y ait vraiment un registre, un cadre qui protège
ces données-là. Je pense que nous, on veut toujours que les données des
patients soient... anonymisées ou pas, soient protégées, là, ultimement. Mais c'est
sûr que nous, la valeur ajoutée qu'on voit à vouloir partager de la donnée en
dehors du Québec, c'est notamment... Je prends l'exemple de la Société
canadienne du cancer. On finance de la recherche, qu'il y ait des études
pancanadiennes sur le cancer. Et puis là, ça pourrait faire que, dans certaines
études, il y ait certaines données qu'au Québec on n'a pas accès. Donc, il y a
une motion spéciale pour dire : Bien, le Québec a été exclu pour x
raisons, le Québec ne fait pas partie de ces estimations ou quoi que ce soit.
Comme on voit déjà un peu avec les données sur le cancer, là, on pense que ça
va se régler avec la dernière mise à jour du Registre québécois du cancer, mais
c'est cette valeur ajoutée de se dire : Mais, quand même, le même État,
là, ultimement. Puis nous, on... il y a beaucoup de recherches qui se fait au
niveau pancanadien puis il faut que les données du Québec puissent être
partagées pour s'assurer, là, de la collaboration des chercheurs à travers le
pays.
M. Proulx (Laurent) : David,
peut-être rajouter en complément, ce n'est pas nécessairement des données
uniques, non anonymisées, on parle ici de l'agrégée. Il n'y a pas intérêt, au
niveau statistique, de savoir si Laurent Proulx a eu le cancer. Ce qui est
intéressant de savoir, c'est : Est-ce que le cancer est plus dans la
région de Montréal ou Québec? Donc, ça devient des données agrégées. Alors, j'imagine
que la restriction de confidentialité ou les règles de confidentialité sont
différentes dans un contexte comme celui-là?
Le Président (M. Simard) : Merci.
D'autres questions? Sans quoi nous allons céder la parole à la députée de
Mont-Royal Outremont.
Mme Setlakwe : Merci,
Messieurs, pour votre présentation. Moi, je ne suis pas informaticienne, donc
je n'ai pas de question dans ce sens-là. D'ailleurs, vous avez été très clairs
au niveau de vos objectifs, là, puis c'est une expression que vous avez
utilisée à maintes reprises : La trajectoire de soins doit être
communiquée adéquatement aux patients. Ça, ça va.
Moi, ma question, c'est... J'aimerais revenir sur
un cas que vous avez évoqué, monsieur Proulx, là, l'initiative de Procure, puis
là je m'en vais vers la question de la recherche. J'aimerais savoir si vous...
Moi, si j'ai bien compris, cette initiative, finalement, vous avez vécu des
déceptions, et est-ce que...
M. Proulx (Laurent) : Oui.
Mme Setlakwe : Oui? Et je
veux juste clarifier. Donc, c'était un moment, c'était assez avancé, puis il y
a des établissements hospitaliers universitaires qui ont refusé de prendre les
biospécimens. Et expliquez-nous un peu plus. Puis en quoi est-ce que le projet
de loi ferait en sorte qu'on ne revive pas une situation comme ça? Moi, j'aimerais
qu'on revienne là-dessus.
M. Proulx (Laurent) : Bien,
deux volets. Le premier volet qu'il faut voir aussi, c'est que Procure a
investi pour colliger les données. Si on avait eu accès à des données
centralisées, on n'aurait pas investi l'argent de nos donateurs dans un
contexte comme celui-là.
Alors, on retourne en 2007. On construit
une biobanque. Biospécimens, données cliniques, données sociodémographiques, on
remet ça dans une grande base de données anonymisées en parallèle du système
existant. Alors, toutes les données cliniques ont été transférées, qui sont
pertinentes au dossier, c'est une transcription manuelle parce que c'est des
dossiers qui étaient faits à la main, transcrit ça dans un dossier, anonymisés,
de chacun de nos patients, des 2 000 hommes qui ont été diagnostiqués
avec un cancer de la prostate.
Par la suite, on a un comité de validation
d'allocation qui détermine la validité des projets de recherche à allouer ces
biospécimens-là. Chaque patient a donné son consentement, chaque patient a dit :
Oui, moi, je suis prêt, donne mes spécimens de prostate. Mes données sont
anonymisées, pas de problème, tu peux les diffuser aux chercheurs qui vont
faire la demande.
Par la suite, quand le projet a été validé
scientifiquement, il est présenté au comité d'éthique de ces quatre centres
universitaires là et...
M. Proulx (Laurent) : ...les
comités d'éthique, deux sur quatre ont refusé un projet qui avait un grand
potentiel de recherche, et le chercheur a décidé d'aller voir ailleurs. Alors,
pour nous, c'est important d'uniformiser aussi l'allocation d'autorisations des
accès, parce que s'il faut se retrouver à avoir une justification locale, puis
que le chercheur, il va falloir qu'il revalide auprès de chacun des centres...
on n'en sortira pas. On ne s'en sortira pas du tout...
Mme Setlakwe : Non,
sachant... Oui. Donc... mais sachant que la recherche aujourd'hui fait partie
intégrante des soins, et même on arrive à personnaliser un traitement pour un
patient, donc le projet de loi va aider en ce sens-là.
M. Proulx (Laurent) : Bien,
pour nous, si on... l'accès aux données, comme je vous dis, on a, en marge du
système, construit cette biobanque-là pour l'offrir, parce que c'est un besoin.
On a besoin de savoir le taux... le taux... de savoir à quelles données
cliniques pour pouvoir porter un jugement, une analyse, une recherche sur un
biospécimen. On ne sait pas c'est qui mais on fait une analyse de 10,
50 biospécimens avec les données puis on dérive de ces données-là des
hypothèses pour déterminer, bon, c'est quoi, l'incidence du cancer de la
prostate dans tel cas, etc. Est-ce que c'est plus des hommes noirs qui ont un
cancer de la prostate? C'est à partir de ces données-là qu'on est capable d'en
dériver.
Alors, si on permet l'accès aux chercheurs
à ces données- là, bien, on élargit le potentiel de projets de recherche, on
utilise les données pour justement dériver des nouveaux traitements, des
nouveaux diagnostics. Alors si, comme c'était le cas, que c'est des comités
d'éthique qui n'ont pas nécessairement une vue d'ensemble, bien là, on peut
avoir un traitement spécifique puis dire : Bien, non, je n'autorise pas
l'utilisation des biospécimens. Puis, comme les spécimens étaient distribués
avec quatre centres universitaires puis que le projet de recherche nécessitait
l'utilisation de biospécimens dans les quatre centres, comme il n'avait pas eu
l'autorisation, bien, ils passaient à autre chose dans le... du projet de recherche.
Mme Setlakwe : Je
comprends. Merci beaucoup pour les précisions. Je regarde... Maintenant, je ne
pense pas que j'ai d'autre question. Vos commentaires sont clairs, vos attentes
et vos préoccupations, puis même vous êtes entré dans le détail de certaines
modifications, que vous proposez à certains articles. Donc, pour moi ça va. Je
vous remercie encore une fois.
M. Proulx (Laurent) : C'est
moi qui vous remercie.
M. Raynaud (David) : Peut-être
juste, Mme la députée, si vous le permettez, je veux juste rajouter que la
recherche aussi, c'est un des meilleurs outils, sinon le meilleur outil, qu'on
a pour lutter contre le cancer. Donc, favoriser la recherche sur le cancer,
développer des nouveaux traitements, des nouvelles façons de dépister le
cancer, ça permet à la fois d'augmenter les taux de survie, de réduire le poids
du traitement aussi sur la qualité de vie du patient, et tout, ça permet aussi,
ultimement, de diminuer la pression sur le système de santé de manière un peu
plus large. Donc, il y a des bénéfices, tout le monde y gagne, le patient, le
système, et puis un jour on n'aura plus à avoir peur du cancer, je l'espère.
Mme Setlakwe : Nous
l'espérons tous. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont, qui
dispose d'environ onze minutes.
M. Marissal : Oui.
Merci, M. le Président. Merci, MM. Proulx et Raynaud d'être là encore une
fois. On se voit souvent, toujours pour la bonne cause, d'ailleurs. On va
prendre un exemple précis, là, puis Monsieur Raynaud... en toute transparence
Monsieur Raynauc et moi, on en a parlé souvent, notamment la recherche en
oncologie de pointe sur les cellules souches, qui se fait notamment à
Maisonneuve-Rosemont, qui est une grande fierté. Il y a aussi de grandes
fiertés à Maisonneuve-Rosemont, pas juste un hôpital en ruines. Qu'est-ce qu'en
ce moment les chercheurs ne peuvent pas faire, qu'ils pourraient faire avec ce
projet de loi là une fois adopté, parce qu'on a un pitch à faire, là, pour
commencer à mobiliser la... à faire de la mobilité avec les données, là? Il y a
des craintes. Vous les connaissez, on en a déjà discuté. On en a discuté dans
plein de projets de loi dans la dernière législature. Certains ont tendance
même à un peu… c'est mon cas, quand on parle, là, de libre circulation des
données, même anonymisées, parce qu'il y a toutes sortes de données sur le
sujet qui démontre que ce n'est pas si simple que ça et que, dans certaines… de
la population, ça n'existe pas, l'anonymisation, là, complète, là, ça fait
que... Enfin, bref, vous faites le pitch pour la recherche, puis il n'y a pas
personne qui est assez fou pour se mettre dans le chemin de la recherche qui va
sauver du monde, là, mais il y a quand même des limites à faire circuler des
données personnelles de santé.
Alors, je repose ma question, après le
très long préambule : Qu'est-ce que les oncologues de
Maisonneuve-Rosemont, par exemple, dans les domaines de pointe, ne peuvent pas
faire en ce moment et qu'ils pourraient faire avec ça?
• (17 h 10) •
M. Raynaud (David) : Bien,
peut-être une des choses qu'on met de l'avant dans notre présentation puis dans
notre...
M. Raynaud (David) : ...c'est
des fois un peu ce goulot d'étranglement qu'il y a, là. Des délais raisonnables
dans le fait de recevoir la donnée, c'est quelque chose qui revient souvent.
Des fois, il y a des chercheurs qui vont déposer une demande pour avoir accès à
certains renseignements, et ça prend des mois, voire des années, puis, le temps
qu'ils reçoivent l'approbation, bien là, on a le chercheur qui est passé à
autre chose, là, ou qui a déposé un projet de recherche dans une autre province
ou un autre État et qui se retrouve dans le fond à ne pas faire sa recherche au
Québec ou à ne pas pouvoir la faire. Ça, je pense que c'est une des
propositions, une des choses qui pourraient être améliorées par ce projet de
loi là, là, de rajouter un délai raisonnable pour le partage de ces
renseignements avec la recherche.
Je ne sais pas si, Laurent, tu voulais rajouter...
M. Proulx (Laurent) : Bien,
je pense aussi que, dans un contexte de.... Si je prends l'exemple de notre
biobanque, on est... les données étaient en forme non numérisée, puis il a
fallu les numériser. Alors, c'est sûr qu'on est capables, là aussi, de
standardiser toutes ces données-là puis d'en créer un univers qui va être plus
facile à comparer pour des chercheurs. Les chercheurs - on prend toutes sortes
de plateformes d'intelligence artificielle - ont besoin d'une bonne quantité de
données pour pouvoir dériver un traitement, ou peu importe. Alors, ce n'est pas
sur un «subset» ou un «subset» très petit. Alors, l'enjeu que, nous, on avait,
c'est qu'elles n'étaient pas numérisées... de les numériser, de les
standardiser.
Là, l'autre couche que vous demandez,
c'est l'accès. Moi, je trouve que l'«opting out», c'est une forme. Moi, si ça
ne m'intéresse pas que mes données soient accessibles à la recherche, bon,
bien, tu sais, je peux décider, puis je dois pouvoir décider de ça. Moi, je
pense que c'est essentiel.
Puis, dans l'autre cas, c'est sûr qu'il y
a toute une notion de... On parle d'un centre d'accès, là, mais il y a une
notion qu'il faut... Ça prend des gens qui ont quand même une qualité de
pouvoir évaluer ces projets de recherche là puis le potentiel éthique de
certains projets de recherche. Donc, je pense que c'est inévitable de rendre
accès... De limiter l'accès, je pense que c'est essentiel, mais je pense que
pour les chercheurs, d'avoir accès à des données, de pouvoir les manipuler puis
d'en extraire des tendances, c'est essentiel.
M. Marissal : Bien, l'«opting
out», là, dont vous parlez beaucoup depuis tout à l'heure, il me semble avoir
compris de vos réponses que vous ne le trouvez pas, ou en tout cas pas de façon
satisfaisante, dans le projet de loi.
M. Proulx (Laurent) : Bien,
moi, je pense que ça doit être en premier lieu, au même niveau que... Bon, on a
l'inverse aujourd'hui, là, on décide si on va donner ses organes, puis.... et
par de facto, on ne les donne pas. Moi, je pense que ça devrait être l'inverse,
on doit... les données sont distribuées, mais il devrait y avoir un «opting
out» officiel pour le patient. En tout cas, moi, je vois deux types
d'utilisation. La première, c'est vraiment pour le patient : Moi, je vois
mes données. Ça, pour moi, c'est essentiel. Mais, maintenant, l'utilisation de
mes données pour la recherche, je devrais pouvoir dire non, je devrais
définitivement pouvoir dire non.
M. Marissal : Bien,
justement, vous avez abordé la question, là, puis l'exemple, là, des greffes,
là, c'est... des organes, là, des dons d'organes, c'est un bon exemple. Vous
voyez l'«opting out»... C'est le patient ou la personne, là, pas toujours des
patients, la personne qui «opt out» ou, si elle n'«opt» pas «in», elle est
«out»?
M. Proulx (Laurent) : Moi, je
pense qu'on devrait être... opter «out», et, de facto, on est «in».
M. Marissal : Il faut
manifester... Donc, il faut cocher une case?
M. Proulx (Laurent) : Oui.
M. Marissal : Puis à quel
moment on peut le faire, comme là, plutôt patient ou comme individu, même?
Quand on nous donne cette occasion?
M. Proulx (Laurent) : Écoutez,
moi, je... à partir du moment où est-ce que vous me donnez accès à mes données
personnelles, je devrais pouvoir dire dans mon profil : Je ne veux pas,
puis je peux changer d'idée au cours de ma vie, changer d'idée puis dire :
Oui, je veux, mais ça devrait être dans les premières conditions. Vous savez,
vous avez toujours la notion de confidentialité. Vous rentrez sur n'importe
quelle plateforme, on vous demande : Voulez-vous respecter la norme? Bien,
ça devrait être une des premières questions avant de rentrer, même pour voir
mes données : Voulez-vous les rendre accessibles à la recherche? Si c'est
non, c'est non.
M. Marissal : Oui, mais on se
retrouve tous à payer des trucs d'Apple qu'on n'a pas, là, puis qu'on ne veut
pas, là, parce qu'on n'a pas coché la bonne case, là, ça fait que...
M. Proulx (Laurent) : Bien,
ça, ça ne devrait pas être sous cette forme-là.
M. Marissal : C'est plus
grave avec mes données personnelles, là.
M. Proulx (Laurent) : Ça ne
devrait pas être sous cette forme-là.
M. Marissal : Là... Mais
c'est parce que, tu sais, on parle de ça comme si c'était évident que tout le
monde a un téléphone intelligent dans sa main puis tout le monde sait s'en
servir. Ce n'est pas le cas, là, au Québec, là. On est technophiles, oui, mais
à différents niveaux, là.
M. Proulx (Laurent) : Oui,
oui, c'est ça.
M. Marissal : Il ne faut pas
non plus prendre pour acquis que tout le monde va être capable de naviguer
là-dedans d'une façon fluide, là.
M. Proulx (Laurent) : Non,
mais c'est parce que je pense que le «opt in» par défaut inclut nécessairement
l'anonymisation des données. Ça, il faudrait que ce soit clair.
M. Marissal : Oui. Là-dessus,
il me semble que votre recommandation, à la page 11, elle est... à la page 12,
elle est contradictoire. Vous écrivez : «Assurer que les renseignements de
santé qui sont partagés dans le cadre de recherche soient anonymisés, instaurer
un principe d'«opting out» clair dans le cas où les données ne peuvent être entièrement
anonymisées.» Il me semble que les deux paragraphes sont contradictoires,
puisque le...
M. Marissal : ...premier dit
que, de toute façon, ça ne peut pas se faire.
M. Proulx (Laurent) : Oui,
bien, oui, si on veut, mais je pense... Prenons la première. On s'entend que
ces niveaux de la recherche, données anonymisées, c'est de facto. Il faut que
ce soit comme ça.
M. Marissal : C'est ça, c'est
ce que je comprends.
M. Proulx (Laurent) : Puis...
Bien, je pense que c'est... Je reviens à mon exemple de 1, ce8 : il faut
que je puisse dire non...
M. Marissal : Je comprends,
là, je comprends bien l'esprit. Page 11, la recommandation : «Assurer que
le fait de s'adresser au centre d'accès n'engendre pas des délais inégaux et
plus élevés pour les chercheurs non liés.» Éclairez-moi : Qui sont les
chercheurs non liés?
M. Proulx (Laurent) : Ceux
qui ne sont pas nécessairement dans des centres hospitaliers, qui sont à
l'extérieur des centres hospitaliers.
M. Marissal : O.K. Bien, ils
sont liés à qui, ou...
M. Proulx (Laurent) : Bien,
ça peut être des projets... Aujourd'hui, on ne retrouve pas nécessairement des
centres de recherche dans les pharmaceutiques, là. Ça peut être des centres de
recherche qui sont indépendants, qui ne sont pas... sont peut-être
subventionnés par des pharmaceutiques ou pas, mais qui ne sont pas
nécessairement liés à un centre hospitalier...
M. Marissal : O.K. Et vous ne
faites pas de distinction entre le privé et le public, là?
M. Proulx (Laurent) : Pas
dans ce contexte-là.
M. Marissal : O.K. Dernière
question des médecins et spécialistes de santé publique qui, parfois, nous
conseillent nous indiquaient qu'il y a peut-être une inquiétude à avoir sur
un... et là ça va être bizarre, ce que je vais dire, là, mais je vais
m'expliquer après... un trop grand accès à la donnée médicale au patient, en ce
sens qu'il pourrait fort bien arriver un problème où le patient reçoit un
diagnostic ou une analyse X, mais sans avoir eu, d'abord, la conversation avec
le professionnel de la santé, qui pourrait...
Autrement dit, quelqu'un pourrait
apprendre qu'il a le cancer... puis ça ne m'est pas arrivé encore, mais ça doit
être un méchant choc dans la vie, là... puis, l'informatique étant ce qu'elle
est, c'est facile d'appuyer sur un bouton «Send», puis tu ne peux pas le
rattraper quand il est parti, ça fait que la personne reçoit ça, ou le
contraire. Sans être hypocondriaque, des fois, vous regardez vos analyses,
puis, si vous ne savez pas les lire, vous pensez qu'il vous reste quelques
jours à vivre, là, puis... alors que c'est peut-être juste une carence en
calcium, là, c'est... Alors, comment est-ce qu'on s'assure, là, qu'il y ait
vraiment le lien, de l'accompagnement, pour pas que des patients «freakent»
leur vie parce qu'ils reçoivent quelque chose puis qu'ils comprennent mal?
M. Proulx (Laurent) : Moi, je
l'ai eu, le cancer puis, quand je suis sorti du bureau du médecin, j'avais
50 000 questions. Alors, qu'est-ce que vous pensez que j'ai fait? J'ai
consulté Internet, puis j'ai fait exactement ça. Je n'avais pas de données,
mais j'ai consulté Internet. Moi, je pense que, comme citoyen, j'aime autant
savoir puis j'aurai à prendre la décision si je m'inquiète. Il y en a, des
patients qu'on leur annonce un diagnostic de cancer, puis que ce n'est pas eux
qui font la recherche, puis ils ne veulent rien savoir.
Je pense qu'on n'est plus à l'ère de
cacher de l'information aux patients. C'est à lui à prendre la décision de me
donner... Donne-moi l'information, puis je vais prendre la décision. Puis,
malheureusement, pour certains professionnels de la santé, ça peut être
challengeant d'avoir... ou autres, dans leur bureau. Mais moi, si j'ai
l'information, je vais être capable de consulter, de consulter des organismes
comme les nôtres, qui supportent ces patients-là avec des données qu'ils vont
nous transmettre. Ils vont me dire : Bien, mon PSA, c'est ça, voici ce que
j'ai eu. Qui ont la donnée. Aujourd'hui, ils spéculent sur la donnée, ils ne
savent pas vraiment ce qu'ils ont parce qu'ils n'ont aucun document, ils n'ont
rien, puis ils nous appellent, puis là on va à la pêche, on creuse, on creuse,
à savoir comment est-ce qu'on peut les aider.
Alors, on est des organismes qui
soutiennent ces patients-là, avec aucune information qui vient du médecin, puis
ça, c'est... Des fois, les patients réussissent à avoir leur biopsie puis...
sous format fax, qu'ils nous envoient. Mais je pense qu'on est passé cette
ère-là de dire que c'est trop dangereux qu'ils aient peur. Je vous ai donné
l'exemple du patient... au mois de septembre, il avait un diagnostic, qui ne
sait rien pendant trois mois. Je ne suis pas sûr que, lui, son niveau de
stress, il était bas. Lui, il le savait qu'il avait un cancer puis il a attendu
trois mois avant de savoir c'était quoi qui va se passer avec lui. Ça fait que
donnez-lui l'information. Puis on est des adultes, on est capables de gérer ça,
on va être capables de gérer ça.
M. Raynaud (David) : Puis
peut-être pour rajouter, Laurent, c'est sûr qu'il ne devrait pas y avoir une
annonce de diagnostic qui se fasse avec un texto, ou quoi que ce soit. Ça, on
tient à le préciser. Je pense que c'est des conversations qui doivent être
faites avec un médecin ou une équipe de soins, là.
M. Marissal : Oui, je
comprends. Merci.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, MM. Proulx et Raynaud, merci beaucoup pour votre contribution à
nos travaux, nous espérons vous retrouver sous peu.
Sur ce, nous allons suspendre nos travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 21)
(Reprise à 17 h 27)
Le Président (M. Simard) : Chers
collègues, nous reprenons nos travaux. Nous sommes en présence de représentants
de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Madame, monsieur, soyez les bienvenus.
Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?
M. Thibault (Marco) : Oui.
Marco Thibault, président-directeur général, Régie de l'assurance maladie du
Québec. Je suis accompagné de madame Mélissa Plamondon, qui est secrétaire
générale à la Régie.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons. Et vous disposez de dix minutes.
M. Thibault (Marco) : Merci.
Merci, M. le Président, membres de la commission. Depuis maintenant
50 ans, la Régie de l'assurance maladie occupe une place centrale dans le
système de santé québécois. Elle gère entre autres, l'admissibilité des
personnes au Régime d'assurance maladie du Québec ainsi que le régime public
d'assurance médicaments. La gestion de l'admissibilité de ces personnes à ces
régimes se traduit par la vérification de leur identité, la délivrance de leur
carte d'assurance maladie et l'inscription des personnes admissibles au régime
public d'assurance médicaments. Mais également, la Régie a pour mandat
d'administrer plus d'une quarantaine de programmes pour le compte du
gouvernement. Ceux-ci touchent par exemple les aides visuelles et auditives, le
remboursement des frais médicaux hors Québec, l'aide financière pour les
services d'aide domestique et la contribution financière des adultes hébergés
dans un établissement de santé, pour ne nommer que ceux-là. Enfin, la RAMQ, la
Régie, rémunère les professionnels de la santé conformément aux ententes
conclues entre les fédérations médicales et les diverses associations
professionnelles et le ministre de la Santé. Des remboursements sont également
effectués auprès des dispensateurs de services dans le cadre de divers
programmes.
À titre indicatif, il est à souligner que
les programmes de la Régie touchent l'ensemble de la population québécoise tout
en rémunérant près de 59 professionnels de la santé et autres
dispensateurs. À ce titre, ce sont plus de 340 millions de demandes de
paiement qui sont traitées annuellement pour des coûts de programmes d'environ
13 milliards de dollars, soit le quart du budget du réseau de la
santé.
Dans le cadre de l'exercice de ses
attributions, la RAMQ administre un grand nombre de renseignements personnels
concernant l'ensemble de la population québécoise de même que certains
professionnels de la santé. Ces renseignements se rapportent à l'administration
du régime d'assurance maladie et du régime public d'assurance médicaments. La
Régie est également dépositaire de données en matière de santé et de services
sociaux que lui confie le ministère de la Santé et des Services sociaux. Elle
assume la gestion opérationnelle de ces renseignements pour le compte du
ministère. Donc, la Régie en est responsable, de l'hébergement de ces
renseignements, mais toutefois, dans ces cas-ci, n'y a pas accès, à moins d'en
obtenir l'autorisation.
La Régie doit respecter un cadre de
protection des renseignements plus restrictif que celui prévu par la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels. Effectivement, le cadre législatif applicable aux
renseignements détenus par la Régie est à ce point complexe qu'il doit
respecter des considérations juridiques particulières édictées dans les lois
précises, dont la Loi sur l'assurance maladie et la loi sur le partage de
certains renseignements de santé auxquelles se superpose le régime général, la
loi sur l'accès. Conformément à la Loi sur l'assurance maladie, tous les
renseignements détenus par la Régie sur un citoyen ou un professionnel sont
confidentiels.
La Régie peut toutefois révéler de façon
exceptionnelle certains renseignements recueillis, conformément à la loi, à une
personne, à un ministère ou à un organisme. Il s'agit de communications de
renseignement permises par cette loi, qui n'exigent pas le consentement de la
personne concernée. Or, il serait parfois nécessaire de rendre accessibles à
des partenaires du réseau de la santé et des services sociaux certains
renseignements protégés, notamment pour l'exécution de leurs fonctions.
Actuellement, les renseignements identificatoires concernant les professionnels
de la santé de même que les renseignements portant sur la rémunération ne sont
pas accessibles pour le ministère ni pour les établissements ni pour des
entités comme les départements régionaux de médecine générale ou les chefs de
départements cliniques. La loi leur attribue pourtant des fonctions nécessitant
la connaissance de ces renseignements.
• (17 h 30) •
Il en est de même pour la communication
des renseignements concernant les services rendus aux personnes assurées, au Commissaire
à la santé et au bien-être que vous avez rencontré plus tôt dans la journée. Le
cadre législatif actuel limite le partage d'informations de part et d'autre
parmi les acteurs du réseau de la santé et des services sociaux. L'accès à
certaines banques ministérielles hébergées à la Régie, dont elle assure la
gestion et dont l'information serait utile à la réalisation de ses mandats,
n'est pas permis. Par exemple, l'accès au dossier Santé Québec, régi par la Loi
sur le partage de certains renseignements de santé, n'est pas autorisé, alors
qu'un tel accès faciliterait de nombreuses fonctions de la Régie. Parfois, ces
limites ne rendent pas l'accès à l'information impossible, mais...
17 h 30 (version non révisée)
M. Thibault (Marco) : ...Peu
agiles puisqu'elles exigent des autorisations précises à la pièce. Elles ont
pour effet de restreindre la capacité de la Régie à simplifier ses processus
administratifs au profit de ses clientèles. La Régie pourrait notamment éviter
d'aller requérir ces informations auprès des intervenants ou des professionnels
ou du citoyen, alors qu'elle détient déjà techniquement l'information. La Régie
collige, utilise et communique des renseignements confidentiels et très sensibles,
sans compter les risques d'incidents de sécurité et les risques d'atteinte à la
vie privée dont vous avez fait état précédemment. C'est pourquoi elle doit être
à la hauteur de la confiance des citoyens afin de protéger le droit à la vie
privée.
Pour respecter ce droit fondamental
reconnu à toute personne, la RAMQ doit s'assurer de mettre en place des mesures
de protection des renseignements confidentiels et de sécurité auxquelles est
assujettie... considérant la valeur inestimable de cette information. À titre
comparatif, on peut comparer, dans le régime et les règles de protection que la
Régie doit administrer, du même ordre que Revenu Québec avec le secret fiscal.
Ça vous donne un aperçu du cadre légal qui régit les renseignements qui sont
détenus à la Régie. Avec un tel régime de protection des renseignements
confidentiels... est essentiel et au maintien de la relation de confiance que
la Régie entretient avec sa clientèle. Donc, elle ne peut toutefois pas la
mettre à profit, cette information, afin d'offrir des services publics plus
intuitifs et faciles d'utilisation pour la population et ainsi améliorer l'efficience
et l'efficacité de l'État.
Le projet de loi concernant les
renseignements de santé et de services sociaux déposé par le gouvernement est
une opportunité pour la Régie d'obtenir des informations qui, auparavant, ne
lui étaient pas accessibles. Conséquemment, leur utilisation permettrait de
simplifier la gestion de ses programmes au profit des citoyens et des
professionnels de la santé. Cela contribuerait par le fait même à rendre l'organisation
plus performante par performant, tout en aidant le ministère dans l'accomplissement
de ses mandats. La Régie est donc en faveur des intentions du projet de loi
dans l'objectif ultime est l'amélioration de la qualité des services offerts à
la population et d'une gestion du système de santé et des services sociaux
basée sur la connaissance des besoins des personnes et de la consommation des
services.
En effet, l'abolition du régime de
confidentialité restrictif de la Régie prévue au projet de loi permettrait une
meilleure circulation des renseignements et par conséquent, un meilleur service
pour le citoyen. À titre d'exemple, des personnes assurées auraient le droit d'accéder
à leur dossier sans restriction, alors qu'une telle restriction est
présentement prévue à la Loi sur l'assurance maladie. Prenons l'exemple d'une
personne assurée qui aurait besoin d'avoir accès à l'un des programmes
financiers de la Régie, comme celui concernant le lymphoedème, les prothèses
mammaires externes ou encore une prothèse oculaire. La personne assurée doit
présenter une ordonnance médicale pour y être admissible. Or, si elle égare son
ordonnance, elle doit retourner dans le réseau pour en obtenir une autre afin
que son admissibilité soit confirmée par un professionnel de la santé.
Le projet de loi trois pave la voie à une
nouvelle approche davantage orientée sur le service aux citoyens. En effet, son
adoption permettrait de simplifier les exigences des programmes d'aide
financière que la Régie administre. Comme ces programmes reposent sur un
diagnostic ou une procédure médicale, les informations détenues dans le réseau,
si elles étaient disponibles, seraient un complément à celles que détient déjà
la Régie. La combinaison de ces informations permettrait d'attester de l'admissibilité
de la personne à certains programmes sans que la personne ait à fournir d'efforts
en ce sens. Cela permettrait également de réduire la sollicitation des
professionnels de la santé. Et on le voit dans les médias encore récemment, à
quel point on peut requérir de ceux-ci beaucoup de complétion de rapports
administratifs. Cette nouvelle approche aurait pour avantage de réduire leur
fardeau et potentiellement de réduire le nombre de rendez-vous dont le but d'obtenir
des ordonnances pour l'admissibilité aux programmes. Le projet de loi pourrait
également être profitable dans le cadre d'analyses de demande d'autorisation
pour le patient et les médicaments d'exception. En effet, il permettrait d'éviter
de recontacter le professionnel de la santé dans le cas de données manquantes
dans une demande d'autorisation et faciliterait la validation de certaines
données soumises par le professionnel pour en assurer la conformité. Qui plus
est, il assurerait la continuité de l'accès aux médicaments utilisés
antérieurement par un usager lors de son passage d'un assureur privé au régime
public. On le sait, à 65 ans, il y a une bascule. Enfin, pour ce qui est de son
rôle d'assureur public, l'accès à ces nouvelles données permettrait à la Régie
d'établir un portrait plus complet de la consommation des services par les
personnes assurées. Cela fournirait de l'information importante pour mieux
connaître sa clientèle et faire évoluer ses régimes et programmes en fonction
des besoins.
Le projet de loi concernant les
renseignements de santé des services sociaux déposés par le gouvernement
représente selon nous une avancée considérable pour les citoyens, pour les
professionnels de la santé et pour la Régie, mais également pour les
chercheurs. En effet, le décloisonnement proposé par le projet de loi
permettrait à la Régie d'obtenir des informations qui, auparavant, ne lui
étaient pas accessibles...
M. Thibault (Marco) : ...cela
lui permettrait d'améliorer la qualité de ses services, ça ouvre d'autres
possibilités en matière d'expérience client positive, ça peut représenter un
avantage certain dans le cadre de son projet de transformation. Et
l'assouplissement du régime va permettre à l'ensemble des parties prenantes de
pouvoir tabler sur la richesse de ces informations.
Les exemples d'amélioration mentionnés
précédemment, tels que celui-ci sur les demandes d'autorisation pour le patient
et les médicaments d'exception et les programmes administrés par la Régie,
démontrent la possibilité de créer de la valeur avec des données détenues par
celle-ci. En effet, la RAMQ fait partie du continuum de soins et services dans
les programmes qu'elle administre pour le patient. Bref, la RAMQ accueille
favorablement le dépôt du projet de loi sur les renseignements de santé
modifiant diverses dispositions législatives par le gouvernement. Elle entend
également poursuivre sa collaboration avec vous et le ministère pour améliorer
la qualité des services rendus. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, Monsieur Thibault. Je souhaite maintenant la parole au ministre.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Bonjour, Monsieur Thibault, Mme Plamondon. C'est ça?
Mme Plamondon (Mélissa) : Oui.
M. Caire : Bonjour, madame
Plamondon. Vous avez amené, bien, plusieurs éléments en faveur du projet de loi
n° 3, mais on est aussi là pour voir, selon vous, comment on peut le
bonifier. On a beaucoup discuté avec les intervenants précédents d'équilibre.
Ce n'est pas flagorneur, je pense, de dire que la RAMQ, c'est la plus grosse
banque d'information du gouvernement du Québec, là, peut-être avec l'Agence du
revenu, puis... bon, mais pas mal dans... sinon la plus grosse, dans les deux
ou trois plus grosses banques d'information. Il y a des enjeux de PRP très
importants.
Est-ce que le PL 3, à votre avis, trouve
cet équilibre nécessaire? Puis je pense que les collègues ont bien traduit
cette préoccupation-là qu'on a. Oui, la mobilité de la donnée, vous savez, là,
Monsieur Thibault, ce n'est pas la première fois qu'on s'en parle. Moi, je suis
un apôtre de la mobilité de la donnée pour des fins de valorisation de la
donnée, mais il y a un volet qui est quand même très important au niveau de la
protection des renseignements personnels. Le PL 3 touche à ces deux volets-là.
Est-ce que vous trouvez que, dans le PL 3, on a trouvé cet équilibre? Ou est-ce
qu'au niveau de la mobilité de la donnée on pourrait en faire mieux? Est-ce
que, ou au contraire, au niveau de la protection des renseignements personnels,
il y a moyen de renforcer ça, là? Je voudrais peut-être avoir votre vision plus
précise là-dessus.
M. Thibault (Marco) : Quand
on a fait la lecture du projet de loi, on voyait qu'il s'inspirait quand même
de dispositions apparentées à celles qui ont été adoptées dans la précédente
législature, notamment tout le projet de loi n° 64 sur la protection des
renseignements personnels ou de même que celles en lien avec la gouvernance des
ressources informationnelles qui ont été adoptées. Or... Donc, il y a quand
même une cohérence dans le corpus législatif, dans la façon dont celle-ci est
présentée.
Il y a un élément qui, personnellement,
m'a frappé puis que je trouve très intéressant, qui a été mis dans ce projet de
loi, c'est l'impossibilité de pouvoir croiser, en tout cas, c'est ma
compréhension, des renseignements de d'autres banques lorsqu'on y a accès. Et
je pense qu'une des préoccupations à l'égard de l'anonymisation, qui n'est pas
quelque chose de facile à faire mais qui se doit d'être fait, si elle n'est pas
balisée par l'impossibilité de pouvoir les croiser avec d'autres banques
achetées sur le marché, et là on peut penser aux grands de ce monde qui en
détiennent plusieurs, bien là, on vient minimiser le risque de reconstituer
quelque chose qui n'est plus tant que ça anonyme, et donc de reconstituer. Ça
fait ça, je trouve que c'est une balise qui est intéressante, qui a été
introduite dans le projet de loi et qui est un garde-fou supplémentaire à ce
qu'on pouvait retrouver dans les législations antérieures.
• (17 h 40) •
Par ailleurs, le gouvernement prévoit,
dans le projet de loi, beaucoup de balises par... sur angle réglementaire. Ça
fait que là c'est peut-être plus sur cette dimension-là qu'il sera intéressant
de voir la suite des choses par rapport aux différentes mécaniques, mais je
trouve que la question de la protection des renseignements personnels est quand
même mise à l'avant-plan avant d'arriver au partage et que cette notion-là doit
être un préalable avant de favoriser le partage de ces renseignements. En tout
cas, c'est philosophiquement ce qui se dégage de la compréhension qu'on a du
projet de loi.
M. Caire : C'est intéressant,
ce que vous amenez sur le commencement. Puis là vous comprendrez que mon rôle,
c'est de peut-être jouer un peu l'avocat du diable. Parce que, dans votre
intervention, vous dites : Ça va être intéressant pour nous dans une
perspective d'améliorer les services qu'on donne aux citoyens, donc ça va nous
donner accès à des informations pour lesquelles, actuellement, on ne peut pas
avoir accès. Je vous donne un cas de figure. Est-ce qu'il ne serait pas
intéressant, par exemple...
M. Caire : ...une condition
médicale amène un crédit d'impôt. Ce croisement-là ne pourrait-il pas être
intéressant, justement, pour dire : Ah! bien? Puis on l'a vécu, peut-être
plus du côté du fédéral, où des aînés avaient droit à de l'aide du
gouvernement, mais, n'étant pas au courant, bien, ils ne vont pas chercher l'aide.
Donc, est-ce qu'au niveau de l'amélioration du service, il n'y aurait pas lieu
justement, peut-être, de permettre ça, dans une perspective de services
toujours?
M. Thibault (Marco) : Dans la
perspective de la RAMQ qui est dans le continuum de soins, je ne vois pas trop
de contraintes à permettre cette fluidité-là parce que ça facilite la vie à la
fois du citoyen, des professionnels puis de la régie dans l'administration de
son programme. La question plus large que vous soulevez, notamment quant à
l'admissibilité à d'autres programmes gouvernementaux, pose une autre question.
Et là c'est : Est-ce qu'au niveau de l'acceptabilité sociale on est rendu
là? Honnêtement, c'est une question sur laquelle je n'ai jamais réfléchi puis
sur laquelle, honnêtement, j'ai... Honnêtement, c'est un élément qui
m'amènerait à devoir y réfléchir peut-être plus à fond avant de me prononcer.
M. Caire : Sans problème. Je
vous ramène à l'essence de ma question, puis, pour les fins de la discussion,
peut-être préciser. Avez-vous un exemple de données ou d'informations
auxquelles vous n'avez pas accès, auxquelles p.l. 3 va vous donner accès? Et
comment ça va se traduire par des services de la régie envers le citoyen?
M. Thibault (Marco) : Présentement,
un patient... Bon, dans le régime d'assurance général de médicaments
d'exception, l'accès aux médicaments ou à certaines molécules de par des
contre-indications ou des indications cliniques particulières ne peuvent être
accessibles qu'à certains critères qui sont édictés par l'INESSS. La régie doit
les administrer en conséquence.
Or, pour être capable de dire oui ou non à
l'accessibilité aux tels médicaments, il faut avoir deux éléments. Le premier
élément, le profil pharmacologique de la personne assurée. Le deuxième, les
résultats cliniques de la réponse aux autres tentatives thérapeutiques qui ont
été testées. Si, dans la mesure où cette tentative-là n'a pas été fructueuse et
que les indications cliniques sont positives, la régie peut octroyer l'accès
aux médicaments. Vous comprendrez que tous ces renseignements-là sont dans le
Dossier santé Québec. La régie ne peut pas y avoir accès puisqu'il s'agit d'un
régime très restrictif d'accès. Si demain matin nous avions... Puis on
l'administre, là, le DSQ est dans les bureaux de la régie...
M. Caire : Oui, bien, c'est
ça que j'allais dire, là. Oui, c'est ça.
M. Thibault (Marco) : ...mais
on ne peut pas légalement l'utiliser. Parce que ça nous éviterait deux choses.
La première des choses, c'est de requérir de la part des professionnels, autant
pharmaciens que médecins, l'obligation de compléter moult formulaires. On
pourrait simplifier leur travail par une corroboration de la lecture que l'on
en fait, plus, l'information est déjà disponible. Donc, on aurait quand même
l'attestation clinique, ce qui vient de faciliter leur travail, qui évite un
requis administratif de soutien aux professionnels, qui auraient à compléter
pour le professionnel.
Donc, vous voyez le genre de choses, et
dans tous les délais. On a réussi à améliorer les services. On avait des délais
dans certains cas qui étaient de plusieurs jours. On l'a réduit de plusieurs...
on est aux alentours de 33 % de réduction, on est 10, 12 jours dans
des cas très complexes, puis qui ne sont pas urgents. Mais je pense qu'elle est
encore mieux... c'est du temps inutile, c'est du temps clinique qui ne permet
pas de consacrer à d'autres patients, puis je pense que ce serait de la valeur
ajoutée.
M. Caire : Puis ça, le PL 3,
dans sa forme actuelle, va vous permettre de faire ça?
M. Thibault (Marco) : Permettrait
de le rendre accessible. Ce qu'on souhaiterait, c'est que ça soit plus clair.
Là-dessus, on s'inspire un peu des propos de la commissaire. On pense que ça
pourrait être plus explicite en ce qui concerne les attributions de la régie.
M. Caire : De quelle façon,
Monsieur Thibault, si je peux vous poser la question?
M. Thibault (Marco) : Bien,
plutôt que de dire que c'est sur accès, contenu que c'est dans notre mission de
traiter ce genre de demande et que c'est une information qui est non seulement
utile, mais nécessaire, bien, que ce soit un accès d'entrée de jeu et non pas
un accès qui est consenti sur demande.
M. Caire : Je vais vous
amener peut-être sur un autre sujet, bien, un autre sujet qui est quand même
complémentaire. Parce que, tout à l'heure, on recevait les gens de la Société
canadienne du cancer qui parlaient de rendre accessibles, en fait, l'ensemble
des informations de santé des individus. Vous le dites, vous gérez le DSQ, et
je pense que je me trompe en disant que mon Carnet santé aussi, c'est chez
vous.
Comment, à partir du p.l. n° 3,
on pourrait aller vers une plus grande accessibilité... je dis plus grande,
j'ai presque envie de dire une totale accessibilité du citoyen à ses informations
de santé? Et est-ce que vous partagez ce que les gens de la Société du cancer
nous ont dit...
M. Caire : ...en
disant : Écoutez, rendez ça disponible, mettez ça à la disposition du
citoyen, et lui gérera cette information-là comme un adulte, plutôt que de
dire : Bon, bien, on va restreindre cet accès-là, c'est le professionnel
de la santé qui va donner accès. Vous voyez ça comment, vous?
M. Thibault (Marco) : Pour
notre part, le fait de rendre le citoyen au cœur de ses propres renseignements,
parce que c'est un des principes du projet de loi dans notre compréhension,
doit être quelque chose qui doit être salué. Ça le concerne d'abord et avant
tout au premier chef, donc que lui y ait accès pour ce qui le concerne, pour
moi, ça devrait être un prérequis, et que, si dans certaines informations
sensibles, parce que j'écoutais cet échange-là, il pourrait être opportun de
venir baliser la manière dont ceux-ci sont rendus accessibles, soit dans la
forme, soit dans le délai, ça peut être des choses qui sont administrables,
c'est gérable.
M. Caire : Mais, si je peux
me permettre...
M. Thibault (Marco) : Oui.
M. Caire : ...quand vous
parlez de baliser, parce que c'est intéressant, baliser législativement ou
baliser au niveau de l'application, parce que là, on est dans la loi, là? Donc,
est-ce qu'il y a lieu ici, maintenant, de dire : Ça prend des balises
législatives ou vous, comme gestionnaires du DSQ et de mon carnet santé, vous
dites : Non, je suis capable de faire ça avec la couche applicative, par
exemple?
M. Thibault (Marco) : Je
pense qu'on devrait plus le baliser administrativement parce que ça devient des
cas d'espèce. Pour qui c'est possible? Pour qui ce n'est pas possible? Comment
législativement... Là, je regarde les juristes, là, du coin de l'oeil puis là
je me dis : Oh! Là, comment on fait une règle générale dans des
particularités? Je pense, ça devient plus complexe à faire.
M. Caire : On leur posera la
question plus tard. Mais c'est le fun...
M. Thibault (Marco) : Mais
j'ai un réflexe de base, comme avocat de profession, puis là ça me dit...
M. Caire : Mais c'est
correct, le hamster commence à fonctionner, c'est bon.
M. Thibault (Marco) : Donc,
j'ai un préjugé favorable à l'accès, mais je suis sensible également à la
manière dont celle-ci, elle est rendue et le temps avec lequel ça prend pour
qu'elle soit rendue. On pourrait certainement améliorer la façon dont les
résultats de tests diagnostic sont rendus avec une note qui dit comment qu'on
doit les interpréter... comment qu'on doit les lire. Les interpréter, ça, c'est
plus de l'ordre du professionnel, mais comment qu'on doit les lire? Il y a
moyen de favoriser ça. Dans d'autres législatures, ailleurs dans le monde, ils
l'ont fait. Ça fait qu'est-ce que c'est quelque chose qu'on peut se permettre
ici? Je pense que oui. Mais ça, c'est une question d'acceptabilité sociale, et
ça vous revient.
M. Caire : Monsieur Thibault,
j'ai la question qui tue, parce qu'encore tout à l'heure, on a parlé avec les
gens de la Société canadienne du cancer qui nous disait au niveau de
l'utilisation de nos informations en matière de protocole de recherche, ils
étaient favorables à l'opting out. Vous êtes... Vous avez été et vous êtes
encore au cœur de ce débat-là avec le don d'organe, comme gestionnaire
évidemment de la carte d'assurance maladie. Vous, vous voyez ça comment?
Dabord, est-ce que c'est souhaitable d'avoir cet opting out là? Mon collègue de
Rosemont parlait peut-être plutôt d'un opting in. Opting in, opting out, ça,
c'est le grand débat, toujours. Et, si oui, comment... Vous qui avez... qui
êtes confronté à cette réalité-là, comment on gère ça?
M. Thibault (Marco) : O.K.
Peut-être deux éléments. Je pense qu'il doit y avoir un opting out possible,
mais ça doit être in d'emblée, à la même enseigne que le DSQ actuellement.
Donc, on devrait favoriser que la circulation soit là. On devrait permettre
l'opting out peu importe le moment.
M. Caire : Mais certains vont
vous dire : Bien, pourquoi on ne le fait pas avec le don d'organe?
M. Thibault (Marco) : Parce
que, dans la loi sur le DSQ, on l'a prévu, puis dans l'autre cas, on ne l'a pas
prévu. Ça fait que là, c'est une question de choix de société. Ça fait que dans
ce contexte là, moi, je serais d'avis qu'on devrait être dans le prolongement
de ce qu'on a déjà commencé à faire avec le DSQ pour permettre l'opting out...
M. Caire : Qui est l'opting
out.
• (17 h 50) •
M. Thibault
(Marco) :
...l'opting
out. Puis on devrait pouvoir le faire, peu importe le moment. Le citoyen
pourrait de manière simple... Aujourd'hui, il est d'accord puis dans trois ans,
il change. Il change, puis on le gère.
M. Caire : Mais ça, je trouve
ça intéressant, parce que je vous amène la question suivante : Je suis in
d'emblée, je ne me suis pas prévalue de mon droit qu'on n'utilise pas mes
données pour un protocole de recherche, si bien que mes renseignements, même
anonymisés, là, mes renseignements se retrouvent au cœur d'un projet de
recherche. On est en cours de projet de recherche et là moi, je décide un
matin, bulle au cerveau, je veux sortir de là. La gestion de ça, là,
M. Thibault, là, vous, vous savez, là, de quoi on en parle, là. Là, moi,
je m'en vais dans mon immense meule de foin, là, puis là j'essaie de trouver
l'aiguille qui vienne me dire : Sors-moi de là. Je fais ça comment?
M. Thibault (Marco) : On
l'applique au moment du choix de l'individu, c'est-à-dire que, si...
M. Thibault (Marco) : ...La
communication a été faite à une date x et que l'opting out n'avait pas été
manifeste, la donnée a été transmise de façon légale. C'est postérieur à cet
«opting out» qu'on gère.
M. Caire : Je comprends.
Donc, s'il y a un protocole de recherche en cours, vos informations sont
utilisées : Désolé, vous aviez juste à vous manifester avant.
M. Thibault (Marco) : Oui.
Sinon, ça devient ingérable.
M. Caire : Donc, on
prendra... pour les futurs, on prendra compte. O.K., je comprends.
M. Thibault (Marco) : Et
n'oubliez pas que le «opting out», c'est un geste personnel identificatoire,
alors que la donnée qui est transmise est anonymisée. Donc, la capacité de la
retrouver dans le «opting out», là, ça serait un autre défi.
M. Caire : Je vous entends,
Monsieur Thibault. Sauf que, de toute façon, la donnée va être anonymisée.
Donc, ce que les gens de la Société canadienne du cancer disaient, c'est
qu'avant même de passer par le filtre de l'anonymisation... Puis vous et moi
savons, puis, tu sais, je l'ai dit, je le répète, ce n'est pas un processus qui
est irréversible, là, l'anonymisation.
M. Thibault (Marco) : Tout à
fait.
M. Caire : Bon. On s'entend,
là, qu'il y a des moyens de... Bon. Et donc, avant d'en arriver là, les gens
de la Société du cancer disaient : Bien, Il faut que le citoyen ait
consenti implicitement, explicitement. Le fait de ne pas se prévaloir de son
«opting out» est un consentement implicite puis c'est correct. Vous semblez
être à la même enseigne. Puis je vous vois réfléchir, vous n'avez pas l'air
d'accord.
M. Thibault (Marco) : C'est
parce que je regarde la... Depuis, ça fait, quoi, bientôt quatre ans et demi
que je suis à la Régie puis je regarde la multitude de demandes d'accès aux
informations de la Régie dans le cadre de protocoles de recherche. Puis je
serais le premier surpris de voir est-ce qu'il y a eu une demande d'accès qui a
été faite dans tous ces cas-là. Ça fait que, donc, comment qu'on administrerait
cette dimension-là dans un contexte en amont? Il faudrait qu'il y ait...
M. Caire : Mais, dans tous
les cas, puis ce sera ma dernière, M. le Président...
Le Président (M. Simard) : Oui.
En conclusion. Il vous reste 15 secondes.
M. Caire : Mais, dans tous
les cas, vous dites : ce n'est pas dans un cadre législatif qu'on va
régler ça, ça serait plus dans un cadre réglementaire administratif.
M. Thibault (Marco) : Il
faudrait le prévoir, prévoir le «opting out», oui, mais le gérer
administrativement.
M. Caire : O.K.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Mme la députée.
Mme Setlakwe : Merci pour
votre présentation. Merci. J'ai lu le mémoire. Vous avez... Vous faites état
d'exemples concrets qui nous aident vraiment à donner vie au projet de loi. Là,
je vais être assez directe. Vous avez peut-être déjà comme répondu, mais est-ce
que vous pensez que le projet de loi trois va assez loin, là, pour vos fins
d'améliorer le service aux patients?
M. Thibault (Marco) : Oui.
Nonobstant ce que j'ai dit, d'être plus nominal sur ce que la Régie pourrait avoir
d'emblée, oui.
Mme Setlakwe : Est-ce que
vous êtes inquiets? On entendait madame Castonguay ce matin, commissaire à la
santé et au bien-être. Êtes-vous inquiets de la terminologie dans le projet de
loi dans certains... pour ce qui est de la fluidité entre les organismes, dans
certains cas, l'information ou la donnée «doit» circuler, dans certains cas,
elle «peut», donc, et ça laisse une discrétion à l'organisme. Est-ce que, ça,
c'est un élément d'inquiétude pour vous?
M. Thibault (Marco) : Dans la
mesure où que, dans les attributions de l'entité qui en a de besoin, le «peut»
ou le «doit» devient pour moi plus accessoire, parce que c'est d'abord et avant
tout la mission de l'organisme qui est l'élément de justification du besoin. Ça
fait qu'une fois cela dit, il faudrait que j'aie une discussion avec madame
Castonguay pour être capable de bien comprendre la nuance qu'elle apporte.
Mme Setlakwe : Honnêtement,
je pense qu'on a couvert... Ça me va, ça me va.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci. Merci
d'être là, monsieur Thibault et madame Plamondon. Vous avec dit quelque chose,
tantôt, là. Je fais une parenthèse rapide, là. Vous avez dit : anonymiser
les données, ce n'est pas si simple que ça. J'ai lu des trucs effectivement qui
vont dans ce sens-là. Mais, vous, dans votre pratique, là, qu'est-ce que vous
voulez dire par ça?
M. Thibault (Marco) : Historiquement,
on était plus dans la dépersonnalisation, donc on enlève certains attributs à
des données. Là, on est à une autre étape parce que, la dépersonnalisation, ce
n'est pas suffisant. Quand on veut anonymiser, il faut rendre la donnée
difficilement reconstituable, subséquemment. C'est une expertise qu'on a
développée au cours des dernières années pour améliorer, je vous dirais, cette
dimension-là. Ça fait que ce n'était pas quelque chose qui était usuel, si on
remonte à cinq, dix, quinze ans, là.
M. Marissal : O.K.. Donc, ce
n'est pas automatique. C'est parce qu'on a l'impression que c'est comme...
c'est un automatisme : tu enlèves le nom, le numéro d'assurance sociale,
l'adresse, puis c'est fait.
M. Thibault (Marco) : C'est
des procédures, c'est des processus, c'est des gens experts qui doivent s'y
mettre le nez dedans, là. Ce n'est pas «plug and play», là, c'est plus
compliqué que ça un peu. Il faut se poser la question sur c'est quoi qu'on
détient, de quelle... à qui elle est partagée, de quelle façon qu'elle va être
utilisée, elle est croisée avec quoi, parce que dépendamment avec ce qu'elle va
être croisée, bien, ça, c'est ce qui te permet de dire : O.K., mon niveau
d'anonymisation est suffisant pour permettre l'utilisation saine de la donnée,
mais également...
M. Thibault (Marco) : ...soutenir
les projets de recherche qui y sont associés.
M. Marissal : Dans le
pratico-pratique, un groupe, là, quel qu'il soit, prenons une chaire de
recherche, obtient la possibilité, et on peut voir ça venir avec le projet de
loi n° 3, de traiter, en mauvais français, un «bundle» d'information qui a été
traité, qui a été anonymisé. Dans le pratico-pratique, là, vous envoyez ça par
courriel, quelqu'un part avec une clé USB, vous faites ça dans un bunker
sécurisé par la police? Comment vous faites ça? Parce que c'est bien beau, la
mobilité des données, puis tout ça, là, mais il y a quand même une façon de
fonctionner avec ça. Puis est-ce que vous voyez un rôle de régisseur pour la régie
puisque c'est vos données? Bien, ce n'est pas vos données, mais c'est vous qui
en êtes le gardien.
M. Thibault (Marco) : Pour ce
qui est de nos données, effectivement, on n'envoie pas de microfichier. Quand
on envoie des documents, c'est des données statistiques. Ça fait qu'il n'y a
pas de tant d'orthoplasties du genou dans telle région. On n'est pas capable de
retrouver quelqu'un. Quand on est dans des projets de recherche, là, on passe
par l'Institut de la statistique actuellement, par l'Institut de la
statistique. Donc, c'est un accès qui est sécurisé, avec capacité de croiser.
Quand il y a de l'information qui est rendue disponible, là, c'est... Il y a
des clés d'accès sécurisés avec des mots de passe pour s'assurer que...
Ce qui est intéressant dans le projet de
loi, c'est qu'avant de le rendre accessible... Puis ça, pour nous, c'était un
élément dans l'administration puis qui... les gens trouvaient ça fastidieux
parce qu'ils faisaient une demande à la régie, ils pouvaient faire une demande
au ministère, pouvaient faire une demande à l'établissement, parce que les
renseignements de santé ne sont pas qu'à la régie, il y en a plein, mais
partout ailleurs. Ça fait que ça, ça devenait complexe pour les chercheurs,
puis le projet de loi vient aider là-dessus parce qu'il y a une concentration.
Donc, on est capable d'avoir une cohérence dans la façon de gérer et
l'administrer, l'accessibilité à ces données-là.
Mais je vous dirais que le caractère
éthique de l'analyse des projets et la garantie que, quand il y avait ces
projets-là, il y avait un comité d'éthique qui les analysait, ça était un
garde-fou suffisant pour nous parce qu'on voyait le protocole, on voyait ce
que... Donc, ça nous permettait... En plus, dans l'ancienne procédure, c'était
approuvé par la Commission d'accès à l'information. Donc, ça nous donnait
l'ensemble des paramètres. Donc, on a développé une expertise qui ne nous
permet pas de juger sur le fond, parce qu'on n'est pas là pour juger sur le
fond, de juger de la crédibilité du chercheur ou du consortium dans la pratique
qu'il va avoir dans l'utilisation de ces données, parce qu'on est ultimement
encore responsable de qu'est-ce qu'on aura envoyé et de comment elles seront
utilisées, même si, en bout de piste, nous ne sommes pas les destinataires
finaux. Ça fait que, donc, ça a été une pratique qu'on a développée au cours
des années, qui nous permet de... qui n'est pas un garde-fou absolu, il n'y a
rien qui est absolu, mais qui permet d'avoir une probité, je pense, dans
l'utilisation de celles-ci.
M. Marissal : Comme député,
je peux vous confirmer que les relations avec la RAMQ et les citoyens ne sont
pas toujours de la plus grande simplicité.
M. Thibault (Marco) : On
aimerait tellement que ça soit plus simple.
M. Marissal : Je ne suspecte
aucune mauvaise foi, mais le système est un peu lourdaud, puis parfois ça
décourage un peu les... Mais c'est un autre sujet. À moins que la fluidité des
données permette aux gens d'être plus proactifs puis d'avoir...
M. Thibault (Marco) : C'est...
M. Marissal : À condition
qu'ils aient la littératie, puis qu'ils soient capables de lire ce qu'on leur
envoie, puis...
M. Thibault (Marco) : Ah!
bien, même pas, même pas. On pourrait, dans certains cas, rendre accessible
nettement plus simplement, nettement plus simplement, au-delà de
l'accessibilité technologique. Au-delà de l'accessibilité technologique.
• (18 heures) •
M. Marissal : O.K. Juste
pour, peut-être, éclairer ma lanterne. On entend souvent dire... En fait, je
fais un petit pas arrière pour vous expliquer que, et vous le savez, là, vous
étiez probablement aux premières loges de ça, là, dans la dernière législature,
à un moment donné, le ministre de l'Économie a dit quelque chose sur le fait de
partager assez librement, il disait même donner, les données de santé au Québec
et que la RAMQ, c'était finalement le Fort Knox de la donnée médicale. Et c'est
probablement vrai, d'ailleurs, à voir les gens qui tournent autour. Et de ça
est né tout un débat politique, qui est sain, là, parce qu'il faut qu'on en
discute, mais après ça on a lu des papiers dans les journaux, on a entendu des
choses. Et moi, j'avoue que je ne suis pas à jour, là, mettez-moi à jour. Il y
a déjà des ententes, il y a déjà de la transmission de données qui se fait,
notamment au privé?
M. Thibault (Marco) : Non.
M. Marissal : Non.
M. Thibault (Marco) : Ce qui
se fait au privé, c'est le même genre de rapport qu'on pourrait vous livrer à
vous, comme parlementaire, qu'un journaliste pourrait nous demander. Ce sont
des données statistiques...
18 h (version non révisée)
M. Thibault (Marco) : ...donc c'est
des données agrégées. Il n'y a pas... en tout cas, à ma connaissance, depuis
que je suis là, je n'ai jamais eu de vente de données. Ce qui est fourni comme
rapport statistique pouvait être chargé. C'est... Qu'est-ce qu'on chargeait? C'était
le temps de le produire, donc, essentiellement, mais selon une directive du
ministère des Finances, mais, au-delà de ça, il n'y a pas de transmission de
données, et là je ne vous parle pas de statistiques, de données au privé. Il y
a des statistiques transmises aux compagnies pharmaceutiques, je donne un
exemple, qui nous demandent : Ils en ont vendu combien, de molécules, dans
la dernière année ou dans les trois dernières années? C'est une demande qu'on
aurait pu rendre accessible en vertu de l'accès. Donc, il n'y a pas de
renseignements personnels, pas de données confidentielles.
M. Marissal : Non, bien, ça,
on l'espère, là.
M. Thibault (Marco) : Non,
non, non, mais c'est parce que ça vous permet de voir... Parce qu'il y a une
nuance entre données et statistiques. Il n'y a pas de données vendues, il y a
des statistiques produites et qui ont été distribuées.
M. Marissal : O.K. J'ai une
question un peu torrieuse pour vous. Savez-vous il y a combien de lobbyistes de
compagnies d'assurances qui sont, en ce moment, inscrits sur la colline Parlementaire,
ici? 56, dont un certain nombre sont en train de nous écouter s'intéressent
beaucoup, beaucoup, beaucoup à ce qu'on va faire avec le projet de loi n° 3
ici. Vous, quel est votre rôle et comment vous voyez votre rôle de régisseur de
la donnée notamment envers le privé, ou ce que j'appelle le privé glissant, là,
c'est-à-dire que ça part dans des chaires d'université puis ça finit par finir
ailleurs? Comment vous voyez, vous, la libre circulation ou la nouvelle
circulation des données?
M. Thibault (Marco) : De ce
que je vois, le rôle quant à l'accès qui serait consenti à la recherche dite
privée serait géré par le ministère, donc ne serait pas géré par la Régie.
Donc, dans ce contexte-là, on n'aurait pas de d'autorisation autre que celle
que c'est dans l'acte de données qui est prévue, c'est dans l'acte de données
qui est prévue.
Je pense que les dimensions éthiques qui
doivent être au cœur de l'ensemble des... de la circulation de ces
informations-là. Si ça n'est pas au cœur de la transmission, on pourrait avoir
des effets pervers. En même temps, je pense que, dans certains cas, il peut y
avoir... si tout est encadré, bien mesuré, bien monitoré et avec des approches
éthiques adéquates, il peut y avoir un bénéfice d'avoir certains chercheurs
privés, et que moi je ne qualifie pas compagnie d'assurance. Pour moi,
chercheur privé puis compagnie d'assurance, ce n'est pas le même élément.
Et je verrais... Je pourrais comprendre,
pour l'analyse d'un risque, qu'il pourrait y avoir un intérêt de la part des
compagnies d'assurance d'avoir accès. Je pense que le projet de loi est assez
clair là-dessus, il ne le permet pas, puis je pense, c'est une bonne chose.
Pour ce qui est de nous à l'égard de notre collaboration avec les compagnies d'assurance,
parce qu'ils administrent une partie du régime général d'assurance médicaments,
il n'y a pas de partage de renseignements cliniques qui est permis entre nous,
et il n'est pas nécessaire qu'il y en ait. Qu'il y ait partage d'information,
puis on a commencé à le faire avec certaines d'entre elles sur la fluidité,
quelqu'un qui est dans un régime privé passe au régime public, et vice versa,
ça, c'est correct parce que ça nous permet d'assurer une équité, mais il n'y a
pas de transmission d'informations outre que cela au niveau personnel.
Ça fait que ça, je pense que ça pourrait
être... c'est l'univers maximal dans lequel on peut être. De quelle façon qu'on
pourrait faciliter administrativement certains formulaires, notamment dans le
cadre du médicament... patient d'exception pour faciliter les vies de nos
professionnels? Je pense qu'on peut le regarder administrativement sans être
obligé d'aller dans le partage de données.
M. Marissal : Très bien. Ce
matin, la Commissaire à la santé et au bien-être nous disait, puis ma collègue
en a parlé tout à l'heure, là, que la RAMQ ne reconnaît pas la Commissaire à la
santé et au bien-être, mais c'est une question légale, là, si je présume.
M. Thibault (Marco) : C'est
une question légale, c'est...
M. Marissal : Ce n'est pas un
conflit personnel, là, j'imagine.
M. Thibault (Marco) : Ah!
pantoute. Non, non, on la reconnaît. Puis on a trouvé, avec madame Castonguay,
avec la commissaire, des avenues qui nous permettent de respecter le cadre.
Mais, quand je disais que la Régie a un
cadre qui est apparenté à celui de l'Agence du revenu en termes de secret
fiscal pour faire image, là, c'est carrément ça. La Régie ne peut pas
communiquer des renseignements qu'elle détient si elle n'est pas habilitée dans
sa loi. Tu sais, sans faire un cours de droit, là, quand tu viens mettre, dans
une loi, des règles spécifiques, tu viens automatiquement dire que ce n'est pas
les règles générales qui s'appliquent...
M. Thibault (Marco) : ...on
est venu mettre des règles spécifiques. Puis on est allé mettre des règles
spécifiques, on dit : L'INESSS, vous y avez droit. Mais on n'est pas allé
dire que, le commissaire, vous y avez droit. Donc, par conséquent, quand tu
interprètes le texte, tu n'as pas le choix, là, légalement, c'est une
interprétation qui se tient. Bien, tu dis : Non, tu n'y as pas accès. Tu y
as accès sous d'autres modalités. D'ailleurs, elle a un pouvoir d'enquête qui
lui permet, par ordonnance. Ça fait que c'est... on a trouvé la voie juridique.
Mais ça vous donne une idée de la complexité. Même pour des fonctions, simples
et nobles, de recherche, d'efficience, et ainsi de suite, c'était difficile. Ça
fait que ça vous donne une idée que... C'est pour ça qu'à certains égards, on
trouve nous-mêmes que, dans l'administration de toutes ces règles-là, le projet
de loi amène quand même une dose de simplicité.
M. Marissal : Très bien.
Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
M. Thibault, Mme Plamondon, merci beaucoup pour votre présence parmi nous et
votre précieuse collaboration à nos travaux.
Sur ce, nous allons suspendre
momentanément.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
(Reprise à 18 h 11)
Le Président (M. Simard) : Alors,
bonjour à tous. Nous sommes de retour et nous sommes en présence de
représentants de la Fédération des médecins...
Le Président (M. Simard) : ...praticiens
du Québec. Messieurs, auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?
M. Amyot (Marc-André) : Bien
sûr. Alors, je suis Dr Marc-André Amyot, je suis le président de la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec, je suis accompagné du docteur Sylvain
Dion, qui est le premier vice-président de la fédération, et de maître Pierre
Belzile, qui est le directeur des services juridiques.
Le Président (M. Simard) :
Merci beaucoup. Vous disposez de dix minutes.
M. Amyot (Marc-André) : Alors,
d'abord, nous tenons à remercier les membres de la commission de nous permettre
de leur livrer nos commentaires à l'égard du projet de loi n° 3. Les
médecins de famille sont au cœur de la collecte, de l'accès, de l'utilisation
et de la protection des renseignements de santé. Des patients qu'ils prennent
en charge, traitent et suivent. Leurs responsabilités, leurs obligations à
l'égard de la gestion des renseignements de santé sont multiples et encadrées
par une foule de textes législatifs, réglementaires et conventionnels.
Dans la mesure de ce qui précède, nous
appuyons le gouvernement dans sa volonté de vouloir améliorer et simplifier la
collecte, l'utilisation et la circulation des renseignements de santé. Le
gouvernement devrait cependant se garder, par le biais d'une réglementation
excessive, d'alourdir les tâches médicoadministratives des médecins, tâches
déjà trop importantes.
Dans le domaine médical, la bonne
circulation des renseignements de santé et leur accès en temps opportun sont
vitaux. Il est donc important pour les médecins de famille d'exercer dans un
cadre juridique simplifié. Cette simplification doit notamment avoir pour
objectif d'harmoniser la législation gouvernementale et la réglementation
propre à l'exercice de la médecine dans le cadre. D'une relation
médecin-patient, nous pensons que les principes propres à la collecte, à
l'utilisation ou au partage des informations de santé doivent être fondés sur
le consentement implicite du patient avant que la question vienne et sur un
environnement technologique fiable, sécuritaire et facile d'utilisation, ce qui
inclut un DMA interopérable. Actuellement, il est parfois difficile pour un
médecin de famille qui traite un patient d'être rapidement informé de
l'existence d'un renseignement que détient un autre professionnel ou un autre
organisme et de pouvoir y accéder facilement. Par exemple, un médecin en
cabinet, GMF ou non, devrait avoir accès facilement aux sommaires
d'hospitalisation lorsque son patient a été hospitalisé ou à un rapport de
consultation d'un spécialiste. Il est donc pour nous impératif qu'un médecin et
les membres de son équipe puissent aisément prendre connaissance de ce qui leur
est nécessaire de connaître pour bien s'occuper des patients.
En termes d'accessibilité et de
confidentialité, bien que nous souhaitions un décloisonnement qui permette un
meilleur accès aux renseignements et une meilleure circulation de ceux-ci, nous
tenons à souligner que cet objectif ne peut cependant pas se faire au détriment
de la confidentialité des dossiers médicaux et des banques de données
gouvernementales. Ils ne doivent faire l'objet d'un... Ils doivent faire
l'objet d'un accès et d'une utilisation sécurisée. Nous considérerions
inacceptable la commercialisation de ces renseignements et de ces données. Des
principes législatifs clairs et une réglementation à l'avenant seront
nécessaires.
Dans cette foulée, il faudra s'assurer que
la gestion centralisée des données soit sous la surveillance d'une entité
fiable. À ce dernier égard, nous attendons beaucoup du système national de
dépôt de renseignements que doit constituer le ministre en vertu de ce projet
de loi.
La réglementation. L'analyse du PL 3
nous a permis de constater qu'à de multiples reprises, les modalités
d'application de la loi devront être déterminées par règlement du gouvernement.
Évidemment, nous comprenons que les lois doivent être complétées d'un
règlement, mais certaines dispositions nous laissent perplexes. Vous en avez
dans le mémoire, quelques-unes d'énumérer. Ces exemples tirés du projet de loi
nous questionnent. De fait, nous craignons que la réglementation sur ces
questions puisse écarter la négociation des conditions de pratique des médecins
et devenir un poids si elle génère une bureaucratie dont n'ont surtout pas
besoin les médecins de famille à ce stade-ci. Toute dérive technobureaucratique
issue du PL 3 ne pourra que nuire aux objectifs de fond que nous
partageons. Dans les cliniques médicales, les CLSC, les hôpitaux, les CHSLD,
les UMF, partout où les médecins de famille travaillent, la multiplication de
ces tâches constitue actuellement un enjeu majeur dans un contexte de pénurie
sans précédent de médecins de famille et de surcharge de travail, dans un
contexte où la profession de médecin de famille vit un déficit d'attractivité.
L'alourdissement de la tâche administrative, qui est un phénomène bien
documenté, vous l'avez vu dans les journaux cette semaine, nuit à l'accès et
contribue à l'épuisement professionnel des médecins. Pour le bien-être et la
survie du réseau, la médecine familiale doit redevenir attractive. Un médecin
de famille...
M. Amyot (Marc-André) : ...ne
peut pas passer, à chaque semaine, un temps interminable à alimenter des
systèmes, des réseaux, à tenir des registres et à remplir des formulaires. Ce
n'est plus de la médecine. Nous demandons aux représentants du gouvernement de
négocier, de convenir avec nous, préférablement à tout processus réglementaire,
toutes les modalités d'application de la loi qui pourrait affecter ou modifier
les conditions de pratique des médecins de famille.
En ce qui a trait à la loi 25, nous ne
pouvons passer sous silence que l'éventuelle l'adoption du projet de loi n° 3
fera en sorte que les cliniques médicales, puisqu'elles sont des entreprises
privées, seront régies par deux lois différentes en matière de protection des
renseignements personnels et de santé. Nous venons de vous mentionner à quel
point il est important d'alléger le travail administratif des médecins, des
médecins de famille qui, à tous les jours, sur le terrain, veulent, d'abord et
avant tout, voir et soigner des patients.
Accès au ministre aux données. Le p.l. 3
donne au ministre un accès très large à divers renseignements - vous avez les
articles qui sont cités. L'utilisation qu'il en fera pourrait être préoccupante,
et une vigilance est de mise à cet égard. On ne doute pas des intentions du
ministre actuel, mais nous avons déjà connu des ministres plus intrusifs,
intransigeants, coercitifs, aveugles à toute forme de collaboration. On est
inquiets de ses pouvoirs et de l'utilisation de ces données. Les
renseignements, dont il est ici question, ne doivent pas servir d'instrument de
contrôle afin d'épier le travail individuel des médecins. Les données doivent
plutôt être utilisées de façon à aider les autorités à mieux structurer le
réseau d'une manière constructive et collaborative.
Par le biais de certains articles, le p.l.
3 permettrait au ministre d'avoir des renseignements nominatifs concernant le
profil de pratique individuelle des médecins. Comme nous l'avons déjà exprimé
l'année dernière à l'occasion du débat entourant la présentation du p.l. 11,
loi à caractère coercitif, rappelons-le, nous rejetons toute tentative du
gouvernement de vouloir utiliser des renseignements auxquels il pourrait avoir
accès au détriment des médecins, à des fins coercitives individuelles ou
collectives. Que le ministère tienne à un registre, c'est une chose, mais
pourquoi le ministre aurait-il besoin personnellement du nom des médecins et de
leur profil individuel de travail? Il est, pour nous, hors de question que les
renseignements se rattachant aux médecins ne deviennent des outils qui
permettraient au ministre de mettre en marche des mesures de contrainte à
l'endroit des médecins.
Nous croyons opportun de rappeler que les
conditions de pratique et la rémunération des médecins de famille, à
l'intérieur de notre régime, doivent faire l'objet de négociations avec notre
fédération. L'accès aux données pour la FMOQ, comme nous l'avons dit en
préambule, notre fédération est chef de file en matière de planification et
d'organisation des services médicaux au Québec. Dans cette perspective, nous
croyons que la FMOQ devrait elle-même, à titre d'organisme représentatif des
médecins de famille et de partenaires privilégiés du ministre dans
l'organisation des soins, autant en première ligne qu'en deuxième ligne en
établissement, bénéficier du même accès aux données. Actuellement, la FMOQ n'a
pas accès à tous les renseignements qu'elle aurait pourtant besoin.
En conclusion, la Fédération et les
médecins de famille adhèrent à l'objectif du gouvernement d'améliorer la
gestion des renseignements de santé et d'optimiser la convivialité des systèmes
technologiques qui s'y rattachent. Il est effectivement primordial et urgent
d'éliminer bon nombre de contraintes inutiles à la collecte, l'utilisation, et
au partage de renseignements de santé. Cependant, quelques éléments méritent
notre attention et doivent être pris en compte par les élus :
Les objectifs énoncés ne doivent pas être
atteints au détriment de la confidentialité des données, des dossiers médicaux,
des banques de données gouvernementales et d'informations nominatives.
La fédération n'acceptera d'aucune manière
que les informations nominatives se rattachant aux médecins puissent permettre
au ministre de les identifier individuellement pour, éventuellement, les
soumettre à des mesures coercitives.
• (18 h 20) •
Plusieurs modalités de l'application de la
loi à venir devront être déterminées par règlement du gouvernement, et cela nous
laisse perplexes surtout dans un contexte où des modalités, si elles affectent
ou modifient les conditions de pratique, doivent être négociées et discutées
avec les fédérations.
La superposition d'une éventuelle loi
découlant du projet de loi n° 3, par rapport à la loi 25, sanctionnée aussi
récemment que le 22 septembre 2021, et la crainte que cela amène un
dédoublement des obligations médico-administratives des médecins.
Un meilleur accès pour la FMOQ aux
renseignements, les tâches médico-administratives des médecins de famille étant
déjà beaucoup trop importantes, toute mesure... Il me reste...
M. Amyot (Marc-André) : ...Dix
secondes. Toute mesure qui alourdirait la charge administrative doit être
proscrite. Les élus ont une responsabilité importante à cet égard. Nous
souhaitons que les parlementaires soient particulièrement sensibles et à
l'écoute des points de vue exprimés par les médecins de famille. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci,
M. Amyot, merci. Message bien entendu. Je cède de la parole à M. le
ministre.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Docteur Amyot, Docteur Dion, Maître Belzile, merci de votre
présentation. Beaucoup de.... C'est très dense comme présentation, là.
Le projet de loi trois... Puis, écoutez,
celui qui vous parle a présidé le projet de loi n° 95 sur la donnée
numérique gouvernementale et le PL 64 qui est devenu la loi 25, ça
fait que je pense que j'ai une pas pire idée de ce dont on parle. Le PL trois
est un condensé de ces deux lois là pour les renseignements de santé, à savoir
une plus grande mobilité de la donnée, puis je pense que vous l'avez dit,
docteur Amyot, là, dans le réseau de la santé, dans une perspective où la
donnée est rattachée au patient et non pas au professionnel de la santé qui l'a
collectée. Première question : est-ce que vous êtes d'accord avec ce
principe : la donnée appartient au patient et non pas au professionnel de
la santé qui l'a collectée?
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
c'est déjà le principe qui nous gouverne. Les données, le dossier médical du
patient, le dossier médical en soi appartient au patient.
M. Caire : Donc vous
êtes d'accord avec ça?
M. Amyot (Marc-André) : Tout
à fait.
M. Caire : Parfait. Mais
dans un univers papier et dans un univers numérique, vous comprendrez que ça
n'a pas la même connotation. On s'entend.
À partir de là, vous avez parlé tout à
l'heure d'un «opting in». On a eu cette discussion-là avec les gens de la RAMQ,
Société canadienne du cancer. Eux parlaient d'un «opting out», premièrement, et
ils parlaient d'un «opting out» dans un contexte de données de recherche. Là,
j'essaie de voir de votre côté, quand vous parlez d'un «opting in», dans quel
contexte vous le situez.
M. Amyot (Marc-André) : Nous,
ce qu'on souhaite, là, c'est un consentement implicite sur le même modèle que
celui du DSQ. Donc, pour le DSQ, tous Les Québécois sont adhérents, à moins de
demander un retrait. Donc, vraiment, là, c'est, dans votre jargon, de l'«opting
out».
M.
Caire
:
Je comprends. Oui, c'est parfait, je comprends mieux ce que... Donc, dans ce
contexte-là, qu'on vient de situer, docteur, vous, vous dites : Le PL
trois ne doit pas avoir pour effet d'augmenter la charge de travail des
médecins. La question qui se pose, c'est : en quoi un projet de loi qui se
borne à dire : la mobilité doit être... La mobilité de la donnée doit être
assurée de façon transversale dans le réseau de la santé et qui amène un volet
de PRP, parce qu'évidemment il y a un volet de protection des renseignements
personnels qui est très important, très consistant, qui est calqué sur le
règlement général de protection des données européen, qui est un des plus
sévères au monde, donc, en termes de protection des données, là, je pense qu'on
ne peut pas faire beaucoup mieux que ce qu'on fait dans le p.l. no 3,
c'est mon opinion, je voudrais avoir la vôtre, d'une part, mais d'autre part,
en quoi, ça, ça vient alourdir le travail des médecins? Je vous avoue que je ne
vois pas le lien que vous faites, là.
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
je vous donne un exemple. Un, d'abord, il peut y avoir de l'inquiétude sur des
demandes de formulaires de registre à compléter. Ça, c'est le premier élément.
C'est une inquiétude seulement. Le projet de loi... pardon. La loi 25 exige
la mise en place dans des cabinets médicaux, d'un gestionnaire, d'un processus,
d'une banque. Tout ça, bien...
M. Caire : Non. Non.
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
il y a l'obligation, dans un GMF ou dans une clinique médicale, de nommer un
responsable, un plus haut responsable...
M. Caire : ...qui est
partageable, docteur, vous le savez, là.
M. Amyot (Marc-André) : Oui,
oui, je comprends. Mais pour organiser tout ça, là, il faut donner de la
formation aux docteurs. Quand ils font cette formation-là, peut-être pour vous,
ce n'est pas compliqué, vous êtes peut-être plus dans le domaine légal que
nous, mais, nous, là, notre «core business», c'est de donner des soins aux
patients. Puis quand vous... Puis parfois, là, ça peut paraître simple, là. La
loi 25, c'est simple, c'est vrai, sur papier, c'est simple. Mais il faut
l'afficher, il faut afficher la procédure. S'il y a un bris, il y a toute
une... Il faut la faire, cette formation-là. Bien, quand je fais cette
formation-là, comme médecin, comme gestionnaire de clinique, bien, je ne donne
pas de soins aux patients. Ce n'est pas la fin du monde. On l'a fait, c'est
correct.
M. Caire : Non, mais je
vous entends, je vous entends.
M. Amyot (Marc-André) : Mais,
projet de loi trois, ne nous arrivez pas avec ça, puissance 10.
M. Caire : Non. Bien, en
fait, ce que vous retrouvez dans le PL trois ne deviendra plus une obligation
dans la loi 25, là. Les deux sont complémentaires, ils ne se chevauchent
pas. Ceci étant...
M. Caire : ...ce que
j'entends... J'entends ce que vous me dites, mais, à ce moment-là, j'ai envie
de vous poser la question suivante, parce que vous me dites ça, mais en même
temps vous dites, l'importance de la confidentialité des renseignements, pour
vous, c'est capital. Donc, comment vous conciliez le fait que, là, on met
peut-être trop de mesures pour protéger des renseignements personnels, mais en
même temps vous nous dites : Protégez les renseignements personnels, donc
la confidentialité des renseignements, c'est capital? Comment peut-on améliorer
le p.l. 3 pour concilier ces deux éléments-là qui, de prime abord, me semblent
difficilement conciliables?
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
vous comprenez que c'est plus que des renseignements personnels, nous, c'est
des renseignements de santé, des renseignements vraiment privilégiés de l'état
de santé. Vous ne voulez pas que ça se promène un peu partout. Cependant, vous
voulez qu'entre les intervenants de la santé, ça soit facile d'obtenir cette
information-là. À l'heure actuelle, là, un médecin dans son cabinet qui
souhaite avoir accès, parce qu'il y a des dossiers d'hôpitaux qui sont
numérisés à l'heure actuelle... bon, là, c'est juste de la numérisation,
parfois, c'est encore difficile de lire le rapport de consultation, mais ça,
c'est un autre enjeu. Mais le médecin dans son bureau, qui a son patient devant
lui, le patient lui dit : Bien, je suis allé, tu peux aller voir. Les
archives, à l'heure actuelle, si je ne suis pas membre du CMDP ou je ne travaille
pas à l'hôpital, je n'ai pas accès au dossier électronique de l'hôpital.
M. Caire : Ce n'est pas
normal.
M. Amyot (Marc-André) : Bien
non, ce n'est pas normal.
M. Caire : Mais, docteur, je
vous entends, sauf que, là, vous plaidez pour une plus grande fluidité de
l'information aux professionnels de la santé. Je vous entends, je pense, ma
compréhension, c'est que le PL 3 fait ça. Mais vous nous appelez à de la
prudence sur la protection des renseignements de santé, qui sont effectivement
des renseignements sensibles. D'ailleurs, dans la loi 25, ils ont une
définition particulière. Ils ont un statut particulier dans la loi 25.
Mais vous nous dites, en même temps, que vous ne voulez pas revoir dans le
PL 3 ce qu'on a dans la loi 25, c'est-à-dire nommer un responsable de
la protection des renseignements personnels, qui, soit dit en passant, n'a pas
besoin d'être un médecin...
M. Amyot (Marc-André) : Mais
je ne veux pas qu'on fasse...
M. Caire : Mais,
comprenez-vous, docteur?
M. Amyot (Marc-André) : Oui,
oui.
M. Caire : J'essaie de voir
comment on concilie. Parce que vos préoccupations sont toutes légitimes, mais
comment on trouve l'équilibre? C'est ça, la question.
M. Amyot (Marc-André) : Oui,
mais je vais passer la parole à Maître Belzile, mais, avant, je veux juste vous
dire, il faut au moins ne pas dupliquer ce travail-là.
M. Caire : Mais ça, ça ne
sera pas le cas. Je veux vous rassurer, ce ne sera pas le cas.
M. Amyot (Marc-André) : Bon.
Mais... c'est correct.
M. Belzile (Pierre) : Bien,
dans le fond, c'est ce qu'on voulait entendre, là, M. le ministre. Parce que,
quand on...
M. Caire : O.K. Vous voyez,
facile.
M. Belzile (Pierre) : Et ce
qu'il faut comprendre, c'est que les cliniques médicales au Québec, qu'elles
soient GMF, reconnues GMF ou pas, là, ce sont des entreprises privées, donc
elles sont soumises, ces entreprises-là, à la loi 25. Alors, comme a dit
docteur Amyot, nous, on a fait beaucoup de travail avec les responsables, les
directeurs médico-cliniques, les responsables de GMF pour les informer sur les
modalités d'application de la loi 25. Nommer un responsable, il va falloir
penser à faire une politique de gouvernance des renseignements, etc.
Dans la loi, dans le projet de loi
n° 3, on vient dire : Bien non, c'est pour les renseignements de
santé. Voilà un autre régime, qui comporte aussi les mêmes obligations. Mais,
dans le projet de loi n° 3, ce qui est indiqué, c'est que ça s'applique
aux autres renseignements de santé, pas aux autres renseignements. Mais, quand
j'exploite une entreprise comme une clinique médicale, j'ai du personnel, j'ai
des infirmières, j'ai des secrétaires. Alors, toutes ces personnes-là, bien, je
dois les régir en vertu de la loi 25. Alors, il est là, le dédoublement.
M. Caire : C'est-à-dire que
la loi 25 va s'appliquer sur les renseignements qui ne sont pas des
renseignements de santé, la loi 3 va s'appliquer sur les renseignements
qui sont des renseignements santé. Et, si vous regardez les deux lois, l'une
est un calque de l'autre.
M. Belzile (Pierre) : Exact,
tout à fait, sauf que...
M. Caire : Donc, vous allez
retrouver exactement... On s'est arrangé pour synchroniser les deux lois. Donc,
il n'y a pas une duplication au sens où vous...
M. Belzile (Pierre) : Absolument,
sauf que vous comprenez la charge de travail que ça suppose pour le
gestionnaire, pour les médecins qui exploitent, ces là.
M. Caire : Bien, en tout cas.
• (18 h 30) •
M. Dion (Sylvain) : ...il
faudrait éviter, c'est l'obligation de faire double affichage, double
politique, tout ça.
M. Caire : Oui, oui, oui,
mais ça, ça ne sera pas le cas. Je vous le dis, ça ne sera pas le cas.
M. Dion (Sylvain) : Ça fait
que ça, je pense, vous nous rassurez là-dessus, là.
M. Caire : Mais je vous
rassure, ce ne sera pas le cas.
M. Amyot (Marc-André) : Est-ce
qu'on peut s'attendre à ce que des renseignements de santé qui sont hautement
plus sensibles que des renseignements personnels, là... la date de naissance ou
le numéro d'assurance maladie, etc., je comprends qu'on ne veut pas que ça
circule, mais des renseignements de santé qui sont hautement plus sensibles que
si on se conforme à la confidentialité des renseignements de santé,
nécessairement, ça inclut tous les autres renseignements personnels. Je ne sais
pas si vous saisissez ce que je veux dire.
M. Caire : Oui, je le saisis.
Écoutez, je vous entends, mais...
18 h 30 (version non révisée)
M. Caire : ...je vous dirais
que les deux régimes de protection sont, comme je vous l'ai dit, tellement à ce
point similaires que... Puis il faut... Je vais ajouter des bémols, peut-être,
à ce que vous dites, docteur, en tout respect, là, parce que je vous dirais
que, oui, les renseignements de santé sont, effectivement, des renseignements d'un
très haut niveau de sensibilité. Par contre, dans les renseignements personnels — je
pense aux renseignements fiscaux — je peux vous dire que les
hackeurs, ils se gâtent solide, là, ils ont... tu sais. À choisir, je ne suis
pas sûr... Entre ma prostate puis mon rapport d'impôt, lequel ils choisissent,
d'après moi, ce n'est pas ma prostate.
Mais, ceci étant dit, vous avez raison,
mais je veux... Je comprends ce que vous me dites, mais, plus largement...
Parce que j'entends, là, vous ne voulez pas de double emploi, vous ne voulez
pas deux personnes responsables, vous ne voulez pas de double affichage. Ce n'est
pas le cas. Donc, si, ça, on s'entend, est-ce que, dans sa forme actuelle, le
p.l. n° 3 vous... pour d'autres considérations, amène une surcharge de
travail aux médecins ou c'était vraiment ça, les éléments qui vous
inquiétaient?
M. Amyot (Marc-André) : C'était
surtout ça...
M. Caire : O.K.
M. Dion (Sylvain) : Excusez,
peut-être...
Le Président (M. Simard) : Oui,
M. Dion?
M. Dion (Sylvain) : C'est sûr
qu'il va y avoir une application, là, ça s'appelle le dépôt de données, et
tout, là. Pour nous, cliniciens, à un moment donné, c'est la convivialité de
ces outils-là. Je regarde, on en a, des bases de données actuelles, comme le
DSQ, des choses comme ça, et, à un moment donné, c'est quasiment le parcours du
combattant, là, pour pouvoir y avoir accès. Donc, ça, je pense que ça va être
important que, dans l'application de tout ça, on soit sensibles à ce que ce
soit très convivial pour faciliter le travail des gens sur le terrain. Puis,
comme on disait, bien, on passe plus de temps à soigner du monde qu'à chercher
des données, là.
M. Caire : Bien, en fait, je
lisais, ce matin, que c'est 18 millions d'heures que les médecins, au Canada,
passent à des tâches administratives, là. Mais ça, Dr Amyot, ça m'amène une
question, parce que vous avez parlé... je me souviens plus de l'expression que
vous avez utilisée, puis, moi, je suis informaticien, hein, c'est sûr, ça fait
que ça m'a chicoté un peu... de techno... tu sais, pas techno-obsession, là,
mais...
M. Amyot (Marc-André) : Techno-bureaucratique.
M. Caire : Techno-bureaucratique,
merci. Et, Dr Dion, vous parlez du DSQ. Personnellement, il me donne des
boutons, pour toutes sortes de raisons, parce qu'effectivement il est tout sauf
convivial et performant. Mais est-ce que vous ne pensez pas, au contraire, que
la technologie pourrait vous soulager d'un nombre assez important de tâches
administratives, qui... Puis là je pense aux médecins, évidemment, mais on
pourrait dire la même chose des infirmières, on pourrait... de l'ensemble du
personnel soignant. Est-ce que vous ne pensez pas, au contraire, que, grâce au
p.l. n° 3, qui va nous donner cet accès-là à plus large de l'ensemble des
données, on peut arriver... Puis on le voit, là, dans l'espace public, vous le
voyez comme moi, Dr Amyot, là, les technologies qui émergent, qui sont de plus
en plus performantes, qui sont, surtout au niveau administratif, de plus en
plus aptes à faire ce que vous êtes peut-être obligés de faire, puis vous n'avez
pas à faire, puis vous avez bien raison. Moi, je veux savoir que vous soignez
du monde, pas que vous êtes en train de trouver un lit à un patient, là, on s'entend.
Est-ce que vous ne pensez pas, au
contraire, que la solution, elle est technologique et que, pour qu'on puisse
mettre de l'avant ces solutions technologiques là, le p.l. n° 3 est un
passage obligé?
M. Amyot (Marc-André) : Vous
avez tout à fait raison, la technologie est un outil extrêmement important pour
nous. Cependant, souvent, on fait affaire avec des compagnies, des développeurs
de logiciels qui développent des logiciels en vase clos. Moi, j'ai besoin qu'ils
développent pour les utilisateurs, puis ça, bien, il faut parler aux
utilisateurs si on veut développer des outils technologiques qui permettent de
répondre aux besoins.
Le DSQ, en passant, il a eu des effets
positifs. On a pu avoir accès aux radiographies, aux laboratoires, ce qu'on n'avait
pas avant. Non, mais moi, j'ai connu l'époque où il n'y avait rien.
M. Caire : Oui. Non, non,
non, je...
M. Amyot (Marc-André) : Donc,
c'est mieux ça que rien. Puis il faut... qu'on appelle ça un DSQ, qu'on appelle
ça autre chose, il faut que l'information soit disponible à quelque part, que
les ECG, je sois capable de les voir à quelque part, que les résultats de
pathologie, que les rapports de consultation ou les feuilles sommaires... Nous,
ce que les médecins demandent, là, c'est que, sur le DSQ, toute cette
information-là soit là. Bon, je comprends qu'on a pris une autre orientation,
là, un dépôt... comment ça s'appelle...
M. Caire : ...numérique.
M. Amyot (Marc-André) : Dossier
santé numérique, bon. Ça, c'est... je comprends que c'est le DSQ 2.0.
M. Caire : Ah! non, non, non.
Désolé, docteur, en tout respect, là.
M. Amyot (Marc-André) : Non,
non, non...
• (18 h 40) •
M. Caire : On est dans une
autre philosophie complète. Mais ça m'amène à une autre question, puis je
trouve ça intéressant parce que, dans le fond, vous faites une passe sur la
palette. Non, mais c'est vrai. Vous avez dit... Puis, non, non, mais je trouve
ça intéressant comme discussion, parce que, justement, le Dossier santé
numérique vise une plateforme...
M. Amyot (Marc-André) : …bien,
moi, je n'ai pas vu de notion par rapport à... là.
M. Belzile (Pierre) : Bien,
il semblerait qu'il y ait... comme on dit, là, qu'il y ait des pares-feux
nécessaires à première vue. On comprend aussi qu'il y a de la réglementation,
là, qui est à venir à ce sujet-là. Donc ça reste à voir, là.
Mme Setlakwe : Non, c'est
très clair. Vous vouliez ajouter quelque chose tout à l'heure, je pense, non?
M. Amyot (Marc-André) : BIen,
je voulais simplement dire qu'effectivement, cette commercialisation, je ne
sais pas qui le disait tantôt, mais il y a beaucoup de compagnies qui tournent
et qui rôdent autour, qui aimeraient tellement avoir accès à toutes ces banques
de données là, qui seraient prêts à payer des fortunes pour avoir accès à ces
banques de données là. C'est important pour nous de ne pas marchandiser ou
mercantiliser ces données-là.
Mme Setlakwe : Au niveau de
la recherche, est-ce que c'est quelque chose qui vous interpelle, puis pour...
c'est un élément sur lequel le projet de loi va nous permettre de faire des
avancées?
M. Amyot (Marc-André) : Bon,
on est d'accord. Nous, tout ce qui permet la recherche, l'utilisation des données
pour faire des découvertes, des avancées qui nous permettent de mieux traiter
nos patients, on est tout à fait d'accord avec ça.
Mme Setlakwe : On comprend
qu'il y aura beaucoup de travail à venir au niveau de la réglementation, les
processus. Puis là ce qu'on entend, c'est que vous souhaitez être consultés
parce que vous avez l'inquiétude, c'est ça, de cette charge additionnelle, puis
de l'impact administratif. Puis comment est-ce que votre... le personnel, par
exemple des GMF, va mettre en application toutes ces nouvelles formalités?
M. Amyot (Marc-André) : On va
même plus loin que ça dans notre mémoire. On dit ce qui peut se régler en
discussion, qui n'a pas besoin de passer par la réglementation. Et parfois, là,
le ministère, le gouvernement peut faire des ententes avec nous. C'est toujours
préférable qu'une réglementation. Je ne sais pas si vous saisissez ce que je
veux dire. Avant d'établir un règlement, peut-être qu'on peut régler la
situation par une entente conclue sous forme de collaboration. C'est ce qu'on
privilégie, la collaboration plutôt que la réglementation.
Mme Setlakwe : Très bien.
Moi, ça me convient. Merci, messieurs.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour, rebonjour, je devrais dire, on a passé par-dessus les
élections puis on se retrouve. Vous êtes de meilleure humeur que pour le projet
de loi n° 11, ou...
M. Amyot (Marc-André) : Bien
sûr.
M. Marissal : O.K., c'est
bien, bien, je prends mes précautions pour les discussions. En passant, ne vous
en faites pas pour la complexité des articles de loi. Moi, j'ai passé plus de
quatre ans ici, j'ai étudié au moins deux douzaines de projets de loi. Je suis
encore à ce jour fasciné par la créativité linguistique des projets de loi. Je
ne prétendrais pas tout comprendre du premier coup tout le temps. Alors,
heureusement qu'on a des gens ici... les Baudelaire de la législation sont là
pour nous expliquer la prose parce que parfois... on dit qu'on ne parle pas
pour ne rien dire en législation, mais des fois, on n'écrit pas pour être
compris du premier coup non plus. Alors ce n'est pas un reproche, c'est une
constatation. Prenez-le pas comme un reproche. On apprécie beaucoup votre
travail, sans qui... Sans vous, on ne pourrait pas le faire d'ailleurs.
Alors, dites-moi, monsieur Amyot, je fais
des blagues sur votre humeur, mais vous êtes quand même pas mal crinqué sur le
côté possiblement coercitif. Expliquez-nous, là, en quoi le ministre passerait
des soirées dans son bureau ou dans sa limousine en roulant vers Montréal, à
regarder si vous avez fait votre job comme il faut? Je ne sais pas, je ne vous
prête pas de mauvaises intentions non plus, au ministre. Qu'est-ce qui vous
fait craindre que ça pourrait devenir un outil coercitif? Oui.
M. Amyot (Marc-André) : Je
peux vous déposer ça, si vous voulez, un article du Devoir. Alors, M. le
Président, je peux déposer cet article-là. Ça répond à votre question. Ça arrive.
M. Marissal : Pour le
bénéfice des gens qui nous écoutent, faites-nous un peu un résumé quand même de
ce qui vous inquiète. Parce que c'est une vraie question, aussi, par ailleurs.
M. Amyot (Marc-André) : Puis
en passant, si vous me permettez, la collaboration est toujours de mise et
toujours plus productive que la réglementation ou la coercition. La preuve, on
a conclu une entente avec le gouvernement pour améliorer l'accès aux patients,
aux Québécois qui n'ont pas de médecin de famille. Bien, je vous dirais, c'est
une entente qui a été conclue sous une forme de volontariat, de collaboration
avec le ministère. On a implanté les guichets d'accès première ligne, et ça, ça
a fait qu'on donne davantage d'accès...
M. Amyot (Marc-André) : ...à
la population. D'ailleurs, sur le tableau de bord du ministère, encore,
Monsieur David, Michel David, écrivait dans Le Devoir en disant :
Le seul voyant vert du ministère...
Le Président (M. Simard) : ...
M. Amyot (Marc-André) : Ah!
on n'a pas le droit?
Le Président (M. Simard) : Non...
M. Amyot (Marc-André) : Ah!
désolé.
Le Président (M. Simard) : ...ne
la montrez pas, s'il vous plaît.
M. Amyot (Marc-André) : Le
seul voyant vert sur le tableau du ministère, ce n'est pas moi qui le dis, là,
c'est cité par Monsieur David, c'est la contribution des médecins de famille à
l'effort collectif. D'ailleurs, durant la pandémie, les médecins de famille ont
toujours répondu présent, puis on n'a pas eu besoin de coercition.
Donc, il y a toujours cette inquiétude-là
de voir un ministre un peu plus... puis là il faut que je fasse attention à mes
mots, je ne peux pas me laisser aller, mais un ministre un peu plus... moins
collaboratif, plus...
M. Marissal : Vous avez dit
intrusif tout à l'heure.
M. Amyot (Marc-André) : Oui,
j'ai dit intrusif, je fais attention. Moins collaborateur, plus coercitif. Puis
ça là, c'est extrêmement contre-productif. Puis je vous parlais d'attractivité
de la médecine familiale tantôt, c'est un enjeu majeur pour nous. Puis le
discours politique envers les médecins de famille est extrêmement important, et
on ne veut pas revivre ça. Puis là on a un bon climat de collaboration. Avec de
la collaboration, on arrive à des résultats. On souhaite continuer dans cette
voie-là.
M. Marissal : O.K. Vous
dites, à la page 8... vous parlez de négociations. Je vais vous lire, ça va
être plus simple. «De fait, nous craignons que la réglementation sur ces
questions puisse écarter la négociation des conditions pratiques des médecins.»
Pouvez-vous... Expliquez-moi ça un peu, ce que vous voulez dire ici.
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
c'est un droit qui nous est consenti, le droit à la négociation des conditions
de pratique des médecins. Ça, c'est enchâssé, là, c'est enchâssé dans la...
c'est-tu dans la Charte des droits et libertés, ou en tout cas dans notre
entente, peu importe. On ne voudrait pas que la réglementation puisse venir
brimer ce droit à la négociation là. Mais ça, c'est très théorique parce que l'objectif,
c'est l'objectif de collaborer dans un objectif commun d'améliorer les soins,
les services à la population.
M. Marissal : O.K. Je vous
pose la question parce qu'on a vu parfois, justement, dans le courant de
négociations avec la FMOQ ou la FMSQ, je pense que la FMSQ a même eu un peu
plus de succès que vous à l'occasion, aller négocier des ententes particulières
quand il vous est demandé une tâche autre ou une nouvelle tâche, autrement dit,
que tout est monnayable. Tu me demandes de faire ça, ça alourdit beaucoup mon
travail. Est-ce que c'est de ça dont vous parlez, qu'éventuellement vous
voudriez pouvoir négocier avec le gouvernement, y compris vos honoraires?
Puisque c'est de ça dont il s'agit, là.
• (18 h 50) •
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
ça, ça fait partie de notre mandat puis de notre rôle, de négocier les
conditions de rémunération. Mais ça, c'est une chose. Mais il n'y a pas que la
rémunération. On parle aussi des conditions de pratique, de tout
l'environnement qui régit la pratique de la médecine familiale au Québec.
M. Marissal : Oui, mais vous
dites craindre, justement, à cet égard, une surcharge de travail ou vous
dites : On ne peut pas passer des heures et des heures... C'est écrit ici.
M. Amyot (Marc-André) : On ne
craint pas la surcharge de travail. Elle est déjà là.
M. Marissal : «La médecine de
famille doit devenir attractive. Un médecin de famille ne peut pas passer à
chaque semaine un temps interminable à alimenter des systèmes et des réseaux, à
tenir des registres et à remplir des formulaires.» Mais est-ce que ce n'est pas
déjà le cas?
M. Amyot (Marc-André) : Oui.
M. Marissal : La seule
affaire, c'est que vous ne parlerez peut-être plus dans votre dictaphone pour
que la secrétaire tape ça, là. Je ne sais pas si ça se fait encore, mais c'est
assez...
M. Amyot (Marc-André) : Ça se
fait encore...
M. Marissal : Ça se fait
encore?
M. Amyot (Marc-André) : ...mais
maintenant il y a des systèmes de reconnaissance vocale qui sont beaucoup plus
performants.
M. Marissal : D'accord. O.K.,
mais vous le faites déjà, puis les omnis se plaignent déjà, même des jeunes
omnis, là, qui sont très présentes sur les réseaux sociaux, qui donnent des
exemples régulièrement de : J'ai rempli cette paperasse, c'est ridicule,
ça prend un temps fou. Est-ce que... Je ne sais pas, moi, je ne suis pas
technophile à ce point-là, là, mais j'ai tendance à croire que ces objets-là
finissent aussi par être des outils utiles, qui nous facilitent la vie, là.
M. Amyot (Marc-André) : Oui,
et ce qu'on dit, c'est : Il ne faut pas alourdir. Il ne faut pas en
rajouter, des exigences et des demandes de fournir des renseignements ou d'alimenter
des banques de données. Ce qu'on dit, c'est : Il faut réduire cette charge
cléricale là et administrative là. Puis il y en a, là, des travaux qui sont
commencés mais qui vont devoir s'accélérer aussi, là. On l'a vu cette
semaine...
M. Amyot (Marc-André) : ...c'était
le... comment ça s'appelait, là?
Une voix : ...
M. Amyot (Marc-André) : Oui.
Une Association canadienne, là, de l'entreprise indépendante. Oui, c'est ça.
Puis, ça, ce n'est pas nous qui le disons, là, c'est vraiment un organisme
indépendant qui mentionne justement qu'on pourrait, si on diminuait le travail
clérical, la paperasse des médecins, récupérer des heures et des heures de
temps de consultation qu'on pourrait donner aux patients. Donc, ce qu'on dit
là-dedans, c'est qu'il ne faut pas, un, il ne faut pas en rajouter avec le
projet de loi trois.
M. Dion (Sylvain) : Mais on
l'a dit tout à l'heure, je pense que les objectifs visés par le gouvernement
seront de nature à nous aider dans notre pratique professionnelle. Et je regardais
l'exemple que donnait tout à l'heure le représentant de la Régie de l'assurance
maladie du Québec sur les médicaments d'exception, là, bien, il y a peut-être
là des avenues sur le plan clinique qui vont faire en sorte que j'ai des
patients qui vont venir me voir où je n'aurai pas d'appels de pharmaciens pour
me dire : Bien, tu pourrais-tu faire la demande de médicament d'exception?
Parce que les bases... les banques de données vont pouvoir communiquer entre
elles, puis les professionnels à la RAMQ vont pouvoir les analyser et
dire : Bien, pour tel patient, c'est correct. Donc, c'est de bon augure.
M. Marissal : Conclusion pour
moi aussi? Non.
Le Président (M. Simard) : Oui.
M. Marissal : non, bien non,
pas déjà?
Le Président (M. Simard) : Bien
oui. Il vous reste cinq secondes, si vous voulez.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
monsieur Amyot, Monsieur Dion, Monsieur Belzile, Maître Belzile, merci beaucoup
d'être venus. Merci pour votre contribution à nos travaux.
Et, sur ce, nous allons suspendre quelques
instants.
(Suspension de la séance à 18 h 55)
(Reprise à 18 h 59)
Le Président (M. Simard) : Nous
reprenons nos travaux. Et nous allons amorcer la dernière présentation de la
journée. Nous recevons des représentants du Consortium pour l'accès aux données
en santé du Québec. Mesdames, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?
Mme Bérard (Anick) : Alors,
je suis Anick Bérard. Je suis épidémiologiste, professeure titulaire à la
Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal ainsi que chercheure au CHU
Sainte-Justine à Montréal. Je suis également présidente du consortium.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue,
Mme la Présidente. Et vous êtes accompagnée par?
• (19 heures) •
Mme Obadia (Alexandra) : ...
Mme Bérard (Anick) : Oui.
Mme Obadia (Alexandra) : Bonsoir,
bonsoir. Je m'appelle Alexandra Obadia. Je suis avocate avec une expertise en
gouvernance et en protection des données et je suis directrice générale de
Cartagène, qui est une cohorte de 43 000 Québécois et qui appartient légalement
au CHU Sainte-Justine.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue,
maître.
Mme Dragomir (Alice) : Bonjour.
Moi, c'est Alice Dragomir. Je suis professeure agrégée à l'Université de
Montréal à la Faculté de pharmacie et je suis la nouvelle directrice du Réseau
québécois de recherche sur les médicaments.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue,
Mme la directrice. Alors, nous vous écoutons.
Mme Bérard (Anick) : Alors,
bonsoir, M. le Président, chers membres distingués. Tout d'abord, je vous
remercie pour l'invitation. Alors, je suis, comme j'ai dit tout à l'heure,
présidente du Consortium pour l'accès aux données en santé du Québec. Le
consortium a également déposé un mémoire.
Alors, le consortium est un groupe de
chercheurs académiques spécialisés dans la recherche fondée sur les données
réelles et l'innovation et provenant des grandes universités et centres de
recherche du Québec. Le consortium est formé de plus de 60 professeurs
chercheurs indépendants ayant jusqu'à 30 ans d'expérience et d'expertise
dans la gestion et l'analyse des données provenant des grandes banques de
données du Québec. Ces chercheurs totalisent à eux seuls plus de
100 millions de dollars en subventions de recherche des Fonds de
recherche du Québec, des Instituts de recherche en santé du Canada et de la
Fondation canadienne pour l'innovation.
Force est d'admettre que le Québec
valorise la recherche faite sur ses grandes banques de données. Le Québec a été
un chef de file en épidémiologie depuis plus de 40 ans grâce à la richesse
de ses banques de données administratives, les banques de données de la RAMQ
hospitalières, les banques de données du MSSS et des banques de données
sociodémographiques de l'Institut de la statistique du Québec, qui étaient
mises à la disposition de ces chercheurs. Donc, ce sont des données de santé
sur plus de 7 millions d'habitants avec un suivi prospectif longitudinal.
La richesse de nos grandes banques de
données ainsi que l'accès a fait en sorte que le Québec est parmi les pays
ayant le plus de chercheurs sur les données probantes en situation réelle et
sur l'analyse des mégadonnées, ce qui a mené à notre expertise en intelligence
artificielle qui est reconnue maintenant mondialement.
La recherche faite avec ces données a eu
un impact majeur sur la prise en charge des patients au Québec, au Canada et à
l'international. Par exemple, les résultats d'études québécoises sur nos
grandes banques de données ont eu un impact sur les lignes directrices et la
prise en charge du traitement des maladies mentales chez l'adulte, l'adolescent
et la femme enceinte, de la prise en charge des maladies cardiovasculaires et
la quantification de la crise des opioïdes ou de la détection de l'autisme et
du trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité chez l'enfant.
La recherche avec ces grandes banques de données a permis à plus de
475 chercheurs et des milliers d'étudiants québécois provenant de toutes
les universités, instituts et centres de recherche du Québec, de publier plus
de 20 000 manuscrits dans de grands journaux scientifiques à haut facteur
d'impact.
Malheureusement, l'accès aux données
tranquillement devenu de plus en plus restrictif avec une multiplication
d'évaluations et des délais qui minent la réalisation des projets de recherche.
Ceci a fait en sorte que l'accès est lent, plus de deux ans pour avoir accès
aux...
19 h (version non révisée)
Mme Bérard (Anick) : ...ceci
a donc diminué le nombre d'études publiées et l'impact de la recherche
québécoise au niveau provincial certes, mais aussi à l'international.
Ultimement, cet impact se traduit par un ralentissement des améliorations des politiques
de soins de santé. La mise en place du guichet unique, en juin 2019, n'a pas
réglé ces délais d'accès. Il faut toujours entre huit mois et trois ans avant d'obtenir
l'accès aux données. Ceci a eu un impact majeur au début de la pandémie
COVID-19.
Tous les chercheurs ici interpellés sont d'accord
que l'éthique et la protection des données est un aspect fondamental et
nécessaire de la recherche. Des processus rigoureux de protection des données,
chapeautés par des comités d'éthique, de la recherche, assurent, depuis
toujours, la sécurité des données de santé soumises aux chercheurs. C'est pour
cette raison qu'en plus de 40 ans, il n'y a eu aucun bris de confidentialité
dans les données mises à la disposition des chercheurs du Québec.
Plusieurs audits de la Commission d'accès
à l'information ont démontré la bonne gestion des données par les chercheurs.
De plus, tous les projets de recherche sont approuvés par des comités d'éthique.
Cependant, il faut reconnaître ces évaluations et adapter le degré de
protection éthique au degré de risque, comme dans le cas de la recherche
utilisant des données anonymisées, les services de santé effectués par des
chercheurs reconnus.
Aujourd'hui, les données sont toujours
difficiles à accéder, et les processus ne tiennent pas compte de la réalité du
financement de la recherche. Les subventions sont entre deux et cinq ans
habituellement, et donc attendre deux ans avant d'avoir les données rend la
recherche québécoise inefficace. Nous saluons donc... Le consortium salue donc
le projet de loi n° 3. L'accès rapide aux données de santé, incluant celle du
dossier de santé du Québec dans un contexte régi par un comité d'éthique, est
essentiel pour la santé des Québécois. La recherche que l'on fait sur ces
grandes banques de données là, ces recherches-là sont pour les Québécois.
Alors, pour discuter plus spécifiquement
de l'aspect juridique du p.l. 3, je donne maintenant la parole à ma collègue
maître Alexandra Obadia, présidente-directrice générale de Cartagène et membre du
consortium. Merci.
Mme Obadia (Alexandra) : Merci,
Anick. Bonsoir, M. le Président, chers membres de la Commission des finances
publiques. Je vous remercie pour l'invitation. Alors, avant de plonger dans le projet
de loi n° 3, je veux juste souligner deux éléments préliminaires qui sont
importants. Premièrement, le discours public est souvent polarisé entre l'accès
aux données et la protection des données. Or, les deux n'ont pas à s'opposer,
il y a un moyen de trouver un équilibre et de donner accès tout en protégeant
les données. Deuxièmement, il est essentiel de comprendre la distinction entre
les données de santé utilisées pour la recherche et les autres données. L'évaluation
du risque n'est absolument pas la même. Il faut savoir que l'utilisation des
données est encadrée et surveillée par des comités d'éthique. Je parle de
données de santé qui sont, pour la plupart, désignées par le ministre de la
Santé. Or, le mandat d'un comité d'éthique est de protéger les individus et
donc, par extension, leurs données. Donc, il y a déjà un encadrement rigoureux
qui protège les données de santé en recherche.
Maintenant, pour ce qui est du projet de
loi n° 3, comme ma collègue l'a dit, nous saluons ce projet de loi qui trouve
un bel équilibre en protégeant les données de santé tout en permettant un accès
qui est contrôlé. J'aurais quelques observations, toutefois, pour le bonifier
et régler des enjeux réels sur le terrain dont vous avez entendu parler ce
matin, notamment. Premièrement, la question du respect du consentement en
recherche. Il faut savoir qu'en recherche un consentement ne se donne pas à la
légère. Il y a un comité d'éthique qui vérifie s'il a été donné de façon libre
et éclairée et si l'information fournie était complète et compréhensible.
Or, malgré ça, sur le terrain, il arrive
qu'aucune distinction ne soit faite lorsqu'un chercheur demande l'accès à des
données, qu'il ait obtenu un consentement ou non. Ceci équivaut à multiplier
les évaluations et surtout à bafouer le droit des individus qui ont consenti au
partage de leurs données. Ainsi, bien qu'on mentionne le consentement à l'article
5 du projet de loi, je vous soumets qu'il serait important d'ajouter un
article, au début de la loi, qui établisse la primauté du consentement et le
devoir de tout organisme d'y donner effet. Et je suggère aussi qu'on réitère ce
principe au chapitre quatre, section deux du projet de loi, qui s'applique aux
chercheurs afin d'énoncer clairement que les articles 39 et suivants ne s'appliquent
qu'en l'absence de consentement.
Maintenant, passons à l'évaluation des
facteurs relatifs à la vie privée qui s'appliquent aux chercheurs, sans
consentement, qui demandent l'accès aux données...
Mme Obadia (Alexandra) : ...l'acronyme
est le... et on en traite aux articles 40 et suivants du projet de loi.
Lorsque le chercheur veut accéder à des données, il doit présenter donc une FVP
qui sera évaluée par le plus haut dirigeant de l'organisme ou le centre
d'accès. Or, il faut savoir qu'une telle évaluation a déjà été effectuée par un
comité d'éthique. Alors, pour éviter une duplication des évaluations, un
engorgement et des délais inutiles, je propose qu'il y ait un mécanisme de
reconnaissance de l'approbation du comité d'éthique quand il est désigné, qui
pourrait faire foi de FVP dans le projet de loi.
Maintenant, quand on réfère aux chercheurs
qui doivent en plus envoyer des données à l'extérieur du Québec, le projet de
loi exige qu'ils présentent une évaluation du Régime de protection des
renseignements de santé applicable dans l'état où ils veulent envoyer leurs
données. Je vous soumets respectueusement que ce n'est pas réaliste de
s'attendre à ce qu'un chercheur ait une telle expertise au sein de son équipe.
Je propose plutôt que le gouvernement publie une liste des États qui ont des
régimes de protection qui soient acceptables pour le Québec. Ce serait plus
simple pour tout le monde.
Troisièmement, on vous a rapporté
plusieurs fois ce matin les problèmes d'interprétation et de conflit des lois
sur le terrain. Ils sont réels et pour éviter ces situations, nous vous serions
tous reconnaissants d'établir clairement dans cette loi que c'est une loi cadre
sur les renseignements de santé et de services sociaux et qu'à ce titre, elle
aura préséance sur toute autre disposition législative ou toute autre
interprétation de nature à entraver son application. Cela dit, je salue
l'article 198 de la loi... du projet de loi, pardon, qui modifie
l'article 13.6 de la Loi sur l'ISQ par l'insertion d'un paragraphe qui
fait en sorte que l'accès qui va être octroyé par le mécanisme du projet de loi
sera reconnu et qu'il n'y aura pas une autre évaluation qui sera faite par
l'ISQ. Donc, je salue cet article-là. Par contre, je vous soumets qu'il
faudrait prévoir la même insertion à l'article 26 de la Loi sur l'ISQ pour
ne pas créer de contradictions.
Quatrièmement, les délais. Ma collègue en
a parlé ce matin. On en a parlé également. Il y a un problème en ce qui
concerne les délais pour accéder aux données de santé en recherche. Il faut
comprendre que les chercheurs obtiennent des financements avec des délais de
rigueur pour terminer leur projet de recherche, sinon ils perdent leur
financement. Alors, je suggère qu'aux articles 63 et 64 on prévoit un
délai maximal pour la communication des données aux chercheurs par les
détenteurs de données et la même chose pour le processus d'évaluation auquel on
devrait attacher un délai, que ce soit l'évaluation par le plus haut dirigeant
ou le centre d'accès à l'article 42 ou par l'ISQ à l'article 48. Et
je termine en vous disant qu'il serait bénéfique de rassembler toutes les
définitions sous l'article 3. Certaines définitions sont éparpillées. On
en retrouve une à l'article huit, du chercheur lié, la définition des
renseignements anonymisés se trouve à l'article 103, donc ça serait
bénéfique de tout rassembler à l'article trois. Merci.
• (19 h 10) •
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Docteur Bédard, vous avez parlé d'entrée de jeu... Bérard,
excusez-moi, je vous demande pardon. Vous avez parlé d'adapter la protection au
niveau de risque. Le principe est intéressant, mais dans l'opérationnalisation
de ça, comment peut-on évaluer le risque? Parce que techniquement, dans les
projets de recherche, vous ne travaillez qu'avec des données sensibles, donc
des données qui sont à haut risque, donc des données qui nécessitent le plus
haut niveau de protection requis. Alors, comment on module ça dans votre
perception des choses et comment on fait pour avoir un régime de protection
différencié pour des données dans le fond qui sont techniquement des données
hautement confidentielles?
Mme Bérard (Anick) : Oui,
mais alors merci pour la question. En fait, c'est tout à fait vrai. Les données
de santé sont des données sensibles et c'est pour ça que depuis... moi, ça fait
20 ans que je suis à Sainte-Justine. Mais depuis au moins 40 ans, à
chaque fois que les données sont autorisées pour la recherche, pour un chercheur,
disons, moi, Anick Bérard, ces données-là ne sont qu'admissibles... En fait,
les données brutes, que j'appelle, les données brutes anonymisées... je dois
dire, ce sont des données anonymisées. Alors, ces données-là sont transférées.
Maintenant, il y a une autre version, là, c'est le... mais historiquement les
données étaient téléchargées sur un serveur sécure...
Mme Bérard (Anick) : ...dans
un soit un milieu hospitalier ou un institut universitaire. Et ça, dans ces
serveurs là, les données ne pouvaient pas bouger, ils étaient régis. Bon,
premièrement, tout projet avait un comité d'éthique, hein, et tout projet était
accepté par un comité d'éthique qui supervisait la recherche. Les données
étaient sécurisées sur des serveurs. Et, en fait, il y avait une personne
seulement qui pouvait avoir accès aux données, à toute la banque de données.
Nous, dans notre équipe de recherche, et
c'est la même chose dans les autres, tous ceux qui doivent avoir... qui doivent
avoir accès aux données pour des projets de recherche, ont accès à des sous
échantillons de toutes ces données-là, autorisées, doivent signer des
formulaires de confidentialité et toutes les analyses, pour McCord, par
exemple, à Sainte-Justine, tout le monde qui veut analyser les données doit
venir en personne à Sainte-Justine. Il n'y a pas personne qui va analyser les
données chez eux. Et en fait la raison pour laquelle on fait ça, c'est que
c'est la Commission d'accès à l'information qui nous le demande spécifiquement
lorsqu'ils nous donnent l'autorisation à avoir accès à ces données là.
Alors, c'est assez régi. Moi, en plus,
j'ai été très chanceuse, la Commission d'accès à l'information est venue quatre
fois chez nous, à Sainte-Justine, pour faire des audits sur mes données. Et au
début, la première fois, c'est toujours impressionnant. Mais après on
s'habitue. Mais je me dis que c'est très bien. C'est très bien qu'ils le
fassent. Pourquoi? Parce que ça nous permet de nous ajuster. Et aussi, à chaque
fois qu'ils sont partis, ils ont écrit des rapports indiquant que notre gestion
des données était très bonne. Alors c'est un peu comme ça. C'est le fait que
depuis 40 ans, il y a eu zéro bris de données en recherche, hein? Et donc c'est
clair que les chercheurs avec les comités d'éthique, avec les protocoles de gestion
de données à l'interne où ils sont téléchargés, milieu hospitalier et
université, c'est clair que les choses sont faites dans les règles de l'art. Et
donc, étant donné ça, l'historique, il ne faudrait pas bloquer l'accès aux
données basées... C'est sûr que...
M. Caire : Bien, si vous me
permettez.
Mme Bérard (Anick) : Oui.
M. Caire : Si vous me permettez,
docteure, justement, dans le projet de loi qui vous est proposé, est-ce que
vous voyez des éléments qui sont de nature à être des bloquants? Bon, Me Obadia
lève la main. Est-ce que vous voyez des éléments qui sont de nature à être de
ce type de bloquant, là?
Mme Bérard (Anick) : Je vais
laisser Alexandra, Me Obadia, parler. Mais, en effet, il y a quelques irritants
dans la loi.
Mme Obadia (Alexandra) : Oui.
Moi, je vous dirais, M. le ministre, que cette appréciation du niveau de
risque, elle est prise en compte dans l'évaluation des facteurs de risques
relatifs à la vie privée. À l'article 40, justement, il y a une appréciation de
cette évaluation qui va être faite par le plus haut dirigeant, qui est faite
par les comités d'éthique. Et on dit que cette évaluation doit être
proportionnée à la sensibilité des renseignements concernés, à la finalité de
leur évaluation, à leur quantité, bon, à leur répartition, à leur support.
C'est ça, c'est là. C'est ça l'endroit où on prend en compte le niveau de
risque. Donc ça va être au dirigeant qui va accorder l'approbation. Ça va être
à lui d'apprécier.
M. Caire : Mais, maître, la
question était : Quels sont les irritants? Donc, quels sont les éléments
que vous retrouvez dans le projet de loi, qui sont plus des bloquants que des
éléments qui sont de nature à assurer une bonne protection? Puis ce que
j'entends que vous dites : Écoutez, là, on a une façon de faire qui est
solide, qui est rigoureuse, qui est reconnue par la CAI. J'entends ça, mais le
cadre de protection qu'on propose avec le p.l. no 3, est-ce qu'il est de nature
à aller trop loin en matière de protection des renseignements personnels par
rapport à ce que vous souhaiteriez comme régime de protection, c'est un peu ça
mon questionnement ou si ce que vous voyez là, dans le fond, on dit : Non.
Ça, c'est correct, On garde ça comme ça?
Mme Obadia (Alexandra) : Moi,
je vous dirais que, oui, à prime abord, il est correct, mais il y a une
duplication de l'évaluation, le fameux ESDP. Elle est déjà faite par un...
Alors, moi, ce que j'ajouterais, c'est qu'il y a des comités d'éthique désignés
par le ministre de la Santé, là, pour montrer patte blanche. Donc, quand il y a
une approbation d'un tel comité, ça, ça devrait être reconnu par la personne qui
octroie l'accès, le plus haut dirigeant, le centre d'accès?
M. Caire : Mais si je peux me
permettre, Me Obadia, c'est important ce que ce que vous dites? Mais il faut
aussi comprendre que, bon, la notion...
M. Caire : ...l'évaluation des
facteurs relatifs à la vie privée, c'est une notion qui est étendue pas
simplement au p.l. 3, là, c'est vrai pour tout projet informatique du
gouvernement, c'est prévu aussi dans le p.l. 25, ce qui amène une
standardisation de ça. Et cette standardisation-là, elle est définie au niveau
de la CAI.
Donc, la question que je vous pose,
c'est : Est-ce que le comité d'éthique, lui, ne devrait-il pas faire...
Parce qu'il n'est pas prescrit qui doit faire l'évaluation des facteurs
relatifs à la vie privée. Donc, que ça se fasse par le comité d'éthique, que ça
se fasse par un autre membre de l'organisation, l'important, c'est que ça se
fasse, mais que ça se fasse aussi selon certains paramètres standardisés par la
CAI.
Donc, est-ce qu'il ne serait pas plus
facile, à ce moment-là, de dire : Bien, les comités d'éthique, vous êtes
mandatés pour le faire, mais faites-le en fonction des paramètres qui ont été
fixés par la CAI? Et auquel cas la loi, dans sa forme actuelle, répondrait à
cette nécessité-là de standardiser. Parce que, comme je vous dis, des
évaluations relatives aux facteurs de la vie privée, il y en a eu dans le
projet de loi n° 95, il y en a eu dans le projet de loi n° 14, il y en a eu
dans le projet de loi n° 25. Donc, si on veut garder une certaine cohérence au
niveau du corps législatif québécois...
Mme Obadia (Alexandra) : Je
garderais ce concept. Je ne vous dis pas de l'enlever, mais je vous dis :
Si les comités d'éthique ont les mêmes critères, quand ça a déjà été fait,
peut-être que, si ça a déjà été fait, on produit l'approbation du comité
d'éthique, et ça allège, ça accélère le processus d'évaluation. C'est ça que je
dis.
M. Caire : Mon
questionnement, maître, est : Est-ce qu'il y a dans la loi quelque chose
qui empêcherait que l'évaluation faite par le comité d'éthique soit
l'évaluation qui est présentée à la CAI dans l'approbation du protocole de
recherche? Ou est-ce que...
Mme Obadia (Alexandra) : Écoutez...
M. Caire : Est-ce qu'il y a
une modification à faire à la loi pour que ça soit dit implicitement ou la loi
dans sa forme actuelle... Puis là je me revire aussi vers nos juristes, là. Je
comprends, là, que vous ne voulez pas qu'on fasse deux fois le même travail.
Ça, je pense que tout le monde ici est d'accord. Mais est-ce que la loi nous
amène là, nous amène à dire : Bien, le comité d'éthique va en faire une,
puis il va y en avoir une autre qui va devoir être... Je ne suis pas sûr que la
loi nous amène là, ça fait que je veux juste avoir votre avis là-dessus.
• (19 h 20) •
Mme Obadia (Alexandra) : La
façon dont je la lis, oui, elle nous amène là parce qu'on doit produire
l'approbation éthique, donc, au fameux plus haut dirigeant. Mais, en plus de
ça... C'est-à-dire, on doit la produire dans le cadre de l'évaluation qui sera
faite par le plus haut dirigeant. Donc, ça veut dire que ça ne peut pas tenir
lieu d'évaluation, vous comprenez? Donc, moi, c'est comme ça que je le lis.
M. Caire : O.K. Bien,
écoutez, on vous entend. J'aimerais revenir. Vous avez parlé de la primauté du
consentement, puis on a eu des bonnes discussions avec les gens de la Société
canadienne du cancer, avec les gens de la RAMQ, qui, eux, étaient des tenants
de l'«opting out». Donc, le consentement pour que les renseignements de santé
d'un citoyen servent à la recherche est un consentement qui est implicite. Ce
qui veut dire que le citoyen, s'il ne désire pas que ses renseignements de
santé servent à la recherche, doit implicitement refuser son consentement.
Quand vous dites la primauté du
consentement, en quoi ça impacte ce principe-là? Parce que, du moment où je
dis : Je ne veux pas, je veux dire, il y a une obligation légale de ne pas
utiliser ces renseignements-là. Ils doivent être détruits parce que... En fait,
la loi prévoit que soit ils sont détruits, soit on les anonymise pour qu'ils
puissent servir à la recherche. Donc, si on refuse le consentement à
l'anonymisation, ça veut dire qu'explicitement ils doivent être détruits. Donc,
quand vous parlez de primauté du consentement, qu'est-ce que ça change dans
cette mécanique-là?
Mme Obadia (Alexandra) : Je
vais vous donner un exemple très précis. Vous avez 43 000 Québécois qui ont
consenti à ce que les chercheurs accèdent aux données médico-administratives
qui sont conservées par la RAMQ, le ministère de la Santé, dont l'ISQ est le
gardien maintenant. Donc, ils ont dit : J'accepte qu'on accède et qu'on
utilise mes données pour la recherche, mes données remontant à 1998. Malgré ça,
les chercheurs doivent demander une approbation à l'ISQ, qui fait une évaluation
de leur dossier comme s'il n'y avait pas de consentement. Et, en plus, malgré
une loi qui a été adoptée en 2021, il y a une autre évaluation de la CAI qui se
fait après ça. Donc, on ne donne pas effet au consentement, vous comprenez?
Il y a des projets de recherche dans le
cadre desquels on collecte des données. On... C'est-à-dire, on rassemble une
cohorte, on fait signer des consentements, c'est approuvé par un comité
d'éthique, on collecte des données sur ces gens-là. Ces gens-là acceptent aussi
qu'on...
Mme Obadia (Alexandra) : ...Chercher
des données qui ont été collectées par la RAMQ, par exemple, ou par le
ministère, il ne faudrait pas qu'il y ait dévaluation.
M. Caire : Oui, je vous
entends. Mais est-ce que... puis là, je ne me souviens plus du nom exact qu'on
donne à ça, mais il y a un centre de gestion des données, là, qui est prévu
par... Hein?
Une voix : ...
M. Caire : Un centre de
gestion pour la recherche. Parce que, là, je vous entends, puis, dans le fond,
est-ce que, ça, ça ne découle pas justement de ce que... situation qu'on a
discuté avec les collègues, de silos, là, où chacun a un peu la mainmise sur
les informations qu'il gère. Mais le PL trois vient briser ces silos-là, donc
fait une espèce de... du renseignement de santé dans le réseau, une grande
banque d'information, puis le centre de...
Des voix : ...
M. Caire : Le centre d'accès
pour la recherche, bon, est celui qui va valider le consentement ou non.
Techniquement, c'est lui qui va donner accès ultimement à ça. Est-ce que, ça,
ça ne répond pas à votre préoccupation?
Mme Obadia (Alexandra) : Ça
répond tout à fait. Mais le problème, puis on l'a soulevé amplement ce matin,
c'est un problème d'interprétation. C'est pour ça que je disais que la loi sur
l'ISQ, il y a un autre article, il y a une autre insertion à faire à
l'article 26 de la Loi sur l'ISQ, parce que, sinon, on ne s'en sort pas.
Il y a... ça va demeurer, ce travail en silo, et chacun interprète sa propre
loi. C'est pour ça que je vous dis il y a des choses qui semblent évidentes
mais qu'il faut réaffirmer dans des lois.
M. Caire : Parfait. Je vous
entends. Je voulais revenir sur un autre élément, maître Obadia, que vous avez
amené dans votre temps votre présentation. Vous parlez de la liste des États
qui ont un régime juridique équivalent. On avait cette difficulté-là avec le
projet de loi n° 64 parce que...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Caire : Bon. Bien, en
fait, ce que je... ce que la loi prévoit, c'est qu'on n'a pas à... En fait, on
fait une évaluation, si on fait affaire avec un régime... Un État qui a un
régime équivalent, sinon, de façon contractuelle, on peut créer ce régime-là,
qui est équivalent...
Le Président (M. Simard) : Très
rapidement, s'il vous plaît.
M. Caire : On peut le faire
de façon contractuelle. C'est ça que je voulais vous dire.
Mme Obadia (Alexandra) : O.K.,
merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Désolé, je suis le gardien du temps, et c'est parfois fort ingrat.
Mme la députée de Mont-Royal-Outremont.
Mme Setlakwe : Merci,
mesdames, pour votre vos interventions. Est-ce qu'on aura un mémoire? Je pense
que c'est peut-être moi qui a pris du retard, je n'ai pas vu.
Mme Bérard (Anick) : Oui, le
consortium a soumis un mémoire.
Mme Setlakwe : A soumis, O.K.
Mme Bérard (Anick) : Oui,
oui, oui, ça fait quelques mois maintenant, peut-être années. Mais
effectivement, on peut le resoumettre. On peut vous le renvoyer, là, il n'y a
pas de souci. Mais il est accessible publiquement présentement.
Le Président (M. Simard) : ...pas
reçu.
Mme Obadia (Alexandra) : Mais
je pense qu'on ne l'a pas soumis dans le cadre du projet de loi trois.
Le Président (M. Simard) : C'est
ça...
Mme Bérard (Anick) : On
l'avait soumis avant. On l'avait soumis à plusieurs reprises. C'est ça.
Mme Obadia (Alexandra) : Oui.
Mais le CHU Sainte-Justine va produire un mémoire demain. Puis j'ai envoyé, on
a envoyé toutes les deux nos présentations, donc ça sera intégré sans doute
dans le mémoire du CHU Sainte-Justine. À moins que vous préfériez qu'on
soumette un mémoire distinct.
Mme Setlakwe : Mais c'est que
vous avez, Maître Obadia, fait une étude détaillée, là. Moi aussi, je suis
avocate, puis là, je vois que vous... j'essayais de prendre note en détail des
articles où vous voyez soit un genre de vide ou des éléments qui vont porter à
confusion ou tout simplement des éléments qui sont manquants pour assurer une
efficacité, là. Donc, oui, ce serait utile de l'avoir.
Mme Obadia (Alexandra) : Je
m'assurerai que vous ayez quelque chose demain sans faute.
Mme Setlakwe : Est-ce que je
vous entends bien, là? Vous êtes... Bien, docteure Bérard, vous êtes impliquée
dans la recherche. Vous êtes à Sainte-Justine depuis longtemps, depuis des
années, vous voyez qu'il y a un système qui est en place, qui, selon vous,
fonctionne puis assure un cadre rigoureux. On dirait que... Est-ce que je vous
entends bien, que vous restez un peu sur votre appétit? Vous avez... on dirait
que vous avez... est-ce que je vous entends, que le projet de loi a des bonnes
intentions, mais ne va pas vraiment faire en sorte qu'on va aller plus vite? On
dirait que je conserve, selon vos propos, on dirait que je demeure craintive
qu'on puisse perdre des... Que les chercheurs puissent perdre des subventions.
Il semble y avoir encore des éléments d'ambiguïté.
Mme Bérard (Anick) : C'est
peut-être parce que chat échaudé craint l'eau froide. C'est que jusqu'à
maintenant, il y a eu quand même plusieurs solutions avec le guichet unique.
Évidemment, la loi a pris du temps à suivre, là. Mais le guichet unique nous a
été présenté en juin 2019 comme la solution aux délais d'accès. En fait, ça ne règle
rien. Les délais ont été allongés...
Mme Bérard (Anick) : ...c'est
clair que le PL 3, présentement, je le salue, et le consortium le salue.
Maintenant, ce sera dans l'application, là, pour s'assurer que, comme disait ma
collègue, Me Obadia, qu'on ne répète pas les évaluations du comité d'éthique à
un autre niveau, les évaluations scientifiques également. Quand on a des
subventions du Fonds de recherche Québec, de l'Institut... des IRSC, Institut
de recherche en santé du Canada, nous, on a 8 % de chances d'être
subventionnés au Canada. Lorsqu'on a une subvention des IRSC, c'est parce que
scientifiquement notre projet est valide. Alors, il semble inutile que
quelqu'un d'autre doive l'évaluer au niveau scientifique. Ça, c'est toutes des
choses qui augmentent les délais de manière inutile.
Alors, oui, on salue le projet de loi.
Maintenant, ce sera dans son implication, parce que c'est clair que l'accès aux
données, présentement, est très, très, très problématique au niveau des délais,
je veux dire. Bon, les données demeurent très riches, les données demeurent
fantastiques pour la recherche et pour la population, mais maintenant il faut
s'assurer que l'accès aux données soit raccourci. En Ontario, dépendamment du
projet de recherche, l'accès aux données est entre trois et six mois. Ici,
c'est entre huit mois et trois ans. On n'est pas compétitifs. Alors, oui, le
p.l. 3 est bon, maintenant en espérant que ça aura comme impact de raccourcir
les délais. Et, pour ce faire, bien, il faut enlever, comme disait ma collègue,
un peu les portions de la loi qui peuvent porter à interprétation sur le
terrain, parce que c'est ça, le problème, présentement.
Mme Setlakwe : Donc, on
revient à Me Obadia, donc, on s'entend que ça va être dans l'application qu'on
va voir si les objectifs sont atteints, mais la loi va être appliquée en
fonction du libellé qu'on a. Puis, si le libellé laisse... n'est pas assez
clair, n'est pas assez explicite, bien, j'ai peur qu'on va l'interpréter de
façon restrictive et qu'on ne permettra pas, en cas de doute, une position plus
plus laxiste. Donc, j'ai l'impression qu'il faut être très spécifique dans ce
qui peut constituer une équivalence.
Et c'est là qu'on a besoin de peut-être
préciser et de prendre notre temps pour atteindre les objectifs qui sont
atteints. Et c'est là qu'on a besoin de regarder comme il faut ces articles-là.
J'ai 40 sous les yeux puis moi, je ne le vois pas clairement, là, le concept
qu'une évaluation d'un comité d'éthique pourrait tenir lieu d'une évaluation,
mais on entend que, par principe, vous êtes optimiste, mais on va le voir dans
l'application.
Mme Obadia (Alexandra) : Non,
mais je suis d'accord avec vous.
Mme Setlakwe : O.K.
• (19 h 30) •
Mme Obadia (Alexandra) : Non,
non, je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est exactement ce que je dis,
c'est que ce n'est pas clair, l'article 40, il faudrait le spécifier.
Mme Setlakwe : D'accord, on
dit la même chose.
Mme Obadia (Alexandra) : Oui.
Mme Setlakwe : On dit la même
chose. Non, c'est que, Dre Bérard, vous êtes moins dans le libellé, vous, vous
avez espoir que ça se passe plus vite, mais, si la loi n'est pas claire, ça ne
se passera pas plus vite.
Mme Bérard (Anick) : Bien,
c'est en plein ça que je disais, c'est : il faut que ça soit très
spécifique, oui, comme ça, il n'y a pas d'interprétation possible.
Mme Setlakwe : Donc, oui, là
vos propos sont très clairs. Puis je pense que je n'ai pas autre chose. Non, je
vous remercie.
Mme Bérard (Anick) : Merci.
Mme Obadia (Alexandra) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Merci à vous trois, mesdames, d'être là. Est-ce que votre
connaissance, peut-être Dre Bérard ou qui voudra répondre... Vous dites :
On n'est pas compétitifs parce que c'est trop long. De un, si on facilite la
fluidité des renseignements personnels et des données et qu'il y a plus de
demandes, est-ce qu'on ne risque pas d'allonger les délais? D'autant que, si la
CAI est impliquée, la CAI saisit toutes les occasions possibles et imaginables
en commission parlementaire pour nous dire qu'elle manque de staff, et je les
crois. Ça, c'est clair.
Mme Bérard (Anick) : Nous
aussi.
M. Marissal : Oui, oui, c'est
bon, on s'entend là-dessus. Et, de deux, est-ce qu'à votre avis on perd ou on a
perdu, là, de mémoire... Si vous avez des exemples, c'est plus parlant pour
nous, là. Est-ce qu'on a perdu à des opportunités, des chances, je devrais
dire, en français, des chances de recherche et des occasions, là? C'est le mot
que je cherche. Vous êtes notre septième groupe aujourd'hui, je suis désolé, je
cherche mes mots un peu. Des occasions de recherche qui nous ont glissé entre
les mains parce que, justement, c'est trop long puis qu'on n'est pas
compétitifs?
19 h 30 (version non révisée)
Mme Bérard (Anick) : ...en
fait, bien, spécifiquement, on va prendre la pandémie. C'est clair que, quand
la pandémie était... bien, elle est arrivée un peu plus tôt, mais disons quand
l'état d'urgence, si on peut l'appeler comme ça, a été déclaré au Québec en
mars 2020, on avait besoin des données, on avait des besoins des données
maintenant, pour essayer de comprendre un peu, évaluer les facteurs de risque,
un peu comprendre les trajectoires de soins, l'impact de la maladie sur la
population québécoise. Et nous, les chercheurs, avec les délais d'accès, c'était
impossible, on n'était incapable. Le guichet unique nous disait que les délais
étaient pour être encore plus longs parce que c'était la pandémie. Et nous, on
avait bien beau leur dire que, oui, effectivement, à cause de la pandémie, on
devrait avoir accès aux données pour être capable de comprendre un peu l'impact
de la pandémie sur la population, du moins québécoise.
Alors, oui, on a manqué une opportunité.
Et nous... je veux dire, des collègues ont utilisé des données ontariennes, des
données d'ailleurs au Canada pour voir l'impact de la maladie sur la population
québécoise parce qu'on n'avait pas accès à nos données québécoises, qui étaient
là, pourtant. Alors, oui, ça, c'est un exemple spécifique.
Au niveau d'augmenter les demandes d'accès,
en fait, il faut comprendre que le Québec est un... L'accès est long, on perd
des subventions, on perd notre «edge», si on peut l'appeler comme ça, en
recherche parce qu'on n'a pas de données, et qui est un peu un peu étrange,
parce qu'on met vraiment beaucoup d'énergie et de sous sur la politique en
intelligence artificielle. Puis on a une priorité en santé, mais on n'a pas...
je veux dire, il faut que ça, ça aille main dans la main. C'est un peu... mais,
en fait, on a espoir que ça s'améliore, mais...
Alors, c'est sûr qu'on perd notre «edge»,
mais l'expertise en épidémiologie, en analyse de big data, en intelligence
artificielle, elle est toujours là, au Québec. On est des leaders dans ces
domaines-là, encore faut-il garder cette expertise-là. Parce que, si on n'a pas
accès aux données qui sont nécessaires pour garder nos experts, nos experts
vont partir du Québec. Alors, moi, je salue. Si on a plus de demandes à la
CAI... je m'excuse, au guichet unique, tant mieux. Mais, je veux dire, si on a
plus de données... de demandes, bien, ils peuvent engager plus de gens. Il y en
a, des experts, là, sur l'analyse des big data au Québec.
Alors, moi, je ne vois pas ça comme étant
un problème, d'autant plus qu'on a identifié avec ma collègue des solutions
pour ne pas dupliquer ce que le comité d'éthique fait. Pour ne pas dupliquer,
le guichet unique devait un peu se départir ou... pas se départir, mais enlever
la nécessité d'une évaluation à la Commission d'accès à l'information. Or,
maintenant, ils le font toujours. Alors, il y a plein de choses qui sont
dédoublées. Le guichet unique évalue scientifiquement nos projets de recherche
qui ont reçu un financement. Ce n'est pas nécessaire. Alors, ça, ça pourrait,
juste ça, rétrécir les délais d'accès.
M. Marissal : Bien,
supposons... et ce n'est assurément pas un souhait, c'est une hypothèse,
supposons qu'on a une autre pandémie. Parce que, là, là, vous me donnez l'exemple
de la pandémie, mais la pandémie nous a coupé les jambes à tout le monde, là.
Je suis désolée que ça soit le cas pour vous aussi en recherche, mais on a
fermé le Parlement ici, on a obligé des gens à rentrer avant 8 h le soir dans
la maison. C'était compliqué, la pandémie, là, pour tout le monde. Mais, à
supposer qu'on en ait une autre ou une situation extrême de ce genre, est-ce qu'on
ouvre avec le projet de loi n° 3 quelque chose qui vous faciliterait l'accès,
notamment en temps réel?
Mme Bérard (Anick) : En
principe, oui. Le projet de loi n° 3 est vraiment un sauveur, si on peut l'appeler
comme ça, au niveau de l'accès aux données, tant et aussi longtemps qu'on ne
dédouble pas les processus. Je pense que ça, c'est très important. Et peut-être
un peu recadrer, recentrer le PL 3, justement, pour ne pas qu'il y ait des
interprétations différentes sur le terrain du moins, comme a dit ma collègue,
Maître Obadia.
M. Marissal : C'est bien
noté. Merci. Merci de votre...
M. Marissal : …présence.
Des voix : Merci.
Le Président (M. Simard) :
Alors, mesdames, à mon tour de vous remercier pour la qualité de votre
intervention.
Sur ce, les auditions de cette journée se
terminent. Nous allons ajourner nos travaux, mais on se redonne rendez-vous
demain, quelque part autour de 10 heures. Nous en saurons davantage après
les avis touchant les travaux en commission. Belle fin de soirée à toutes et à
tous.
(Fin de la séance à 19 h 39)