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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, February 16, 2021 - Vol. 45 N° 113

Special consultations and public hearings on Bill 60, An Act to amend the Public Service Act and other provisions


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Service d'orientation et d'intégration des immigrants au travail (SOIT)

Alliance des cadres de l'État

Mme Anne Bourhis

Autres intervenants

M. Jean-François Simard, président

Mme Sonia LeBel

M. Gaétan Barrette

M. Vincent Marissal

M. Sylvain Gaudreault

*          Mme Fatna Chatner, SOIT

*          Mme Anne Gosselin, Alliance des cadres de l'État

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission s'est réunie en visioconférence.

Journal des débats

(Quinze heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers amis, j'avais préalablement constaté le quorum et je déclare notre séance publique ouverte.

Comme vous le savez, la commission est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières sur le projet de loi n° 60, Loi modifiant la Loi sur la fonction publique et d'autres dispositions.

Alors, Mme la secrétaire, bonjour.

La Secrétaire : Bonjour.

Le Président (M. Simard) : Y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Ouellet (René-Lévesque) est remplacé par M. Gaudreault (Jonquière).

Auditions (suite)

Le Président (M. Simard) : Alors, cet après-midi, nous entendrons trois groupes et nous commençons par le Service d'orientation et d'intégration des immigrants au travail. Alors, Mme Chater, soyez la bienvenue parmi nous. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Alors, voilà, nous vous écoutons avec grand plaisir.

Service d'orientation et d'intégration des immigrants au travail (SOIT)

Mme Chater (Fatna) : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Mmes, MM. les ministres, sous-ministres, les membres de la commission, je suis très contente d'être avec vous. C'est ma première consultation au Québec, donc excusez si je ne vais pas respecter, à la lettre, les règles. Je débute.

Le Président (M. Simard) : Vous avez le droit de faire un voeu, hein? Lorsque c'est la première fois, on a le droit de faire un voeu.

Mme Chater (Fatna) : C'est bon, c'est fait. Je me présente, Fatna Chater, je suis directrice générale par intérim au SOIT. Donc, j'ai pris mes fonctions comme directrice générale depuis quatre mois. J'ai plus de 20 ans d'expérience comme gestionnaire dans le domaine des ressources humaines. C'est pour ça que je suis très contente du sujet, ça m'intéresse vivement, et de l'immigration. Donc, mon expertise couvre tout ce qui a trait à la dotation, justement, à l'évaluation des rendements du personnel, la gestion des conflits, tout ce qui est négociations syndicales, motivation, gestion de la diversité et de la formation.

En plus de ma fonction comme directrice générale, je suis aussi formatrice auprès des gestionnaires de la fonction publique et des gestionnaires des entreprises privées, dans toute la province, sur le thème de la gestion de la diversité culturelle et, justement, sur la partie ressources humaines.

Donc, aujourd'hui, je travaille au SOIT. Le SOIT, pour ceux qui ne sont pas... qui ne le connaissent pas, c'est le service d'orientation et d'intégration de personnes immigrantes au travail. On existe depuis 35 ans. Donc, c'est une expérience de 35 ans et plus à allier, justement, talent et emploi à la mission du SOIT et, justement, d'accompagner les individus et les employeurs pour une intégration socioéconomique et la réussite, bien sûr, professionnelle des personnes immigrantes... ainsi répondre aux besoins de main-d'oeuvre.

Donc, le SOIT est ancré dans plus de 32 associations ethnoculturelles, est très engagé dans les comités et les tables de concertation de la Capitale-Nationale. Justement, nous, c'est pour encourager le vivre-ensemble et dissiper des malentendus culturels, surtout dans les milieux du travail. Donc, nous recevons annuellement plus de 1 500 personnes immigrantes, et on travaille avec plus de 1 800 employeurs au Québec, secteur privé et secteur public.

Le SOIT a participé activement, avec le Secrétariat du Conseil du trésor, au processus de mesures d'intégration en emploi pour les nouveaux arrivants, membres des minorités visibles et ethnoculturelles dans la fonction publique, donc ce qu'on avait appelé le MIENA, Donc, pour toutes les éditions qui sont passées, donc, il y en avait trois, les résultats étaient très positifs pour nous. Donc, juste un rappel, le MIENA, c'étaient les stages de 12 mois à la fonction publique pour les personnes nouvellement arrivées.

Donc, pour la consultation, et c'est le sujet pour lequel je suis ici aujourd'hui, pour le projet de loi n° 60, ça me concerne personnellement sur deux volets. Le premier volet, qui est personnel, moi-même personne immigrante, et j'ai eu la chance de travailler avec les acteurs de ressources humaines dans 11 pays différents, donc notamment en Europe, où j'ai acquis ma maîtrise en gestion des administrations et de gestion des entreprises, le Maghreb, Afrique, le Moyen-Orient. J'ai été beaucoup impliquée dans la modernisation des processus d'embauche.

Ce que j'ai constaté, c'est que les processus de dotation sont très différents d'un pays à l'autre et, des fois même, à l'opposé. Comme vous le savez sans doute que le taux de chômage et le mouvement de la population restent les deux caractéristiques qui guident et influencent le marché du travail et nous poussent, comme employeurs, à changer nos façons de faire.

 (15 h 30)

À mon arrivée au Québec, j'ai aussi expérimenté le processus de qualification à la fonction publique, que, malheureusement, je n'ai pas réussi. J'ai découvert la complexité du processus et, surtout, les délais, qui restent un vrai obstacle, un incitatif à aller voir ailleurs.

Le deuxième volet du sujet, et j'aimerais vous le dire, c'est mon expérience comme formatrice auprès des gestionnaires du secteur public. J'ai formé 40 groupes. Lors de nos formations, surtout sur un module que nous donnons sur les ressources humaines, qui a pour objectif de favoriser une gestion intégrée des ressources humaines dans un contexte interculturel, le sujet du processus de recrutement revenait souvent, dans les discussions, comme un grand défi vécu par les gestionnaires de la fonction publique. Donc, je vous ai déposé un mémoire un peu plus détaillé pour ce projet. C'est mon premier mémoire pareil, et je l'ai fait, et je l'ai préparé toute seule, vu les délais que vous avez accordés.

Donc, le SOIT a étudié avec intérêt le projet de loi n° 60. Ce que ça nous a vraiment marqué, c'est que ce projet vise deux grands changements. La première modification du processus de recrutement, c'est la... maintenant, ça va changer du processus de sélection à un processus de qualification. Ainsi, on va éliminer la notion de banque de personnes qualifiées et la décentralisation de la dotation puisque ce sont les ministres et organismes qui en seront désormais responsables.

Le SOIT accueille positivement les modifications au processus de recrutement, félicite et encourage le gouvernement du Québec à aller de l'avant pour cette modernisation de la dotation d'emplois. La fonction publique reste un employeur de choix pour les personnes natives, mais aussi pour les personnes immigrantes, et surtout pour les personnes immigrantes. Actuellement, le processus de sélection, il est trop lent et ne répond pas aux besoins en matière de recrutement. La fonction publique se prive de plusieurs ressources humaines motivées, qualifiées et compétentes... et il n'est pas compétitif aujourd'hui ni pour le marché local ni pour le marché mondial. Ces modifications à ce processus de recrutement, je pense qu'elles vont donner un souffle de modernisation au sein de la fonction publique, et, dans tous les cas, pour le SOIT, ces changements sont nécessaires pour pouvoir combler les postes vacants avec efficacité et efficience.

Bien sûr que tout ce que je vais vous dire aujourd'hui, ces propos s'inscrivent dans une perspective dictée par notre mission et éclairée par notre expertise avec l'employabilité des personnes immigrantes. Donc, je vais rentrer cette dimension interculturelle pour le projet.

Donc, dans ce contexte de changement démographique et de mondialisation des marchés, l'embauche des personnes immigrantes devient une solution très intéressante. Leur apport à la relance économique et à l'emploi présentera de nombreux bénéfices pour le Québec.

Donc, le contexte actuel, je ne vais rien vous apprendre, d'ici 2026, on aura un manque à combler de 1 400 000 emplois vacants pour toute la province. Bien sûr, ces statistiques, ça a été donné si on fait abstraction de la pandémie. Au premier trimestre 2019, les deux tiers de ces postes vacants sont donc à l'extérieur de la région administrative du Grand Montréal. Je ne vais pas vous en parler, de l'apport de l'immigration. Je vais rentrer vraiment dans les recommandations pour que ça soit vraiment quelque chose de très pertinent, pour toutes les personnes qui sont au Québec, pour que ces changements qui viennent répondre aux enjeux de rareté de main-d'oeuvre, ils vont faciliter surtout la gestion de recrutement, qui est présentement un processus, comme je viens de le dire, qui est complexe et long. Les gestionnaires, ainsi, pourront combler leurs postes vacants, et on va éliminer les délais de traitement des dossiers, et écourter les délais de prise de poste. Avec la rareté de main-d'oeuvre dans plusieurs métiers, la fonction publique ne fait pas une exception. Moderniser la dotation est une meilleure solution pour augmenter la compétitivité en matière d'attraction des employés qualifiés.

Donc, pour juste rajouter d'autres choses, je vais commencer directement par les recommandations et j'espère que j'aurai le temps nécessaire. Donc, le projet de loi parle de la décentralisation de la dotation. La recommandation du SOIT, c'est vraiment cette... la population immigrante doit être visée par ces changements. Et donc les gestionnaires qui seront impliqués dans la dotation, ils doivent avoir en plus des compétences en matière de dotation, acquérir des nouvelles compétences en intelligence interculturelle.

Le projet de loi habilite le président du Conseil du trésor à fournir des services-conseils pour les ministres et les sous-ministres. Donc, dans cette habileté, on rajoute et on considère : l'insertion des personnes immigrantes qualifiées; renforcer la formation et la sensibilisation des gestionnaires à la gestion de la diversité, en matière de dotation et d'évaluation des personnes issues de l'immigration; ne pas négliger l'importance d'intégrer les leurres culturels dans tout le processus d'embauche; prendre en compte, dans le processus, des équivalences des personnes immigrantes formées à l'étranger, surtout que le projet de loi prévoit que le Conseil du trésor établit des équivalences de conditions minimales; peut-être alléger ou adapter le processus des équivalences pour les personnes issues de l'immigration; augmenter le pourcentage d'attraction des immigrants dans la capitale nationale par une accessibilité accrue aux emplois offerts par le gouvernement; impliquer les...

Le Président (M. Simard) : Pardon. Excusez-moi de vous couper. Simplement, est-ce qu'il y aurait consentement afin que Mme Chater puisse terminer sa présentation?

Mme LeBel : Et je suis même prête, M. le Président, à ce qu'elle prenne un peu de temps sur mon temps à moi, il n'y a pas de problème, parce que je sais qu'il reste encore quelques recommandations à nous faire part, mais j'aurai amplement de temps pour discuter avec elle, j'en suis certaine, par la suite.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme la ministre. Mme Chater, nous vous écoutons avec plaisir. Désolé de vous avoir coupée.

Mme Chater (Fatna) : Merci. Donc, nous avons un problème d'attraction des personnes immigrantes dans nos régions du Québec. Pour une personne immigrante, réussir son immigration, c'est réussir un emploi dans le domaine d'expertise, surtout s'il est dans la fonction publique. Vous savez, on a une fierté à dire à nos familles : Je travaille à la fonction publique. Donc, si vous voulez augmenter le pourcentage des personnes qui vont travailler dans nos régions, c'est vraiment : ouvrir des postes d'emploi dans la fonction publique dans les régions; impliquer les organismes en employabilité des personnes immigrantes dans ce projet pilote, parce qu'au bout d'un moment, vous parlez, dans ce projet, qu'il y aurait un projet pilote qui va précéder la mise du projet, donc profiter de la disponibilité d'un grand bassin de personnes immigrantes professionnelles, qualifiées et compétentes pour des emplois à la fonction publique; appuyer, comme j'ai dit, dans la dotation, la capitale nationale pour attirer les personnes qualifiées; la nécessité d'un assouplissement du processus de qualification des personnes à la fonction publique; la nécessité d'avoir des personnes issues de l'immigration dans toutes les échelles de la fonction publique; encourager les gestionnaires à recruter des personnes immigrantes. Mais, pour ça, il faut les outiller, les sensibiliser à l'apport de l'immigration.

Je pense que je vais m'arrêter là, mais je vais écouter vos questions et je répondrai à vos questions. Merci de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, Mme Chater. Je cède maintenant la parole à Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, Mme Chater. Effectivement, vous avez encore plusieurs commentaires dans votre mémoire qui est fort intéressant. Et vous allez me permettre quand même de faire un peu la part des choses. Il y a le processus de dotation qui va passer, vous l'avez bien dit, d'un processus de qualification à un processus de sélection, dont l'objectif de tout ça est de simplifier le processus et de faire en sorte, comme vous l'avez bien dit, de ne pas échapper des gens de talent qui pourraient venir travailler pour la fonction publique. Et le processus actuel était justifié, là, à l'époque où il a été mis en place, pour une multitude de raisons, mais la lourdeur du processus actuel, la lenteur aussi peut décourager plusieurs candidats.

Il y a des choses qu'on peut faire dans la politique de sélection. Il y a des choses qui sont fort pertinentes dans la stratégie d'intégration dont le gouvernement du Québec se dote et devra se doter pour faciliter et augmenter la présence de la diversité, là, dans la fonction publique pour être mieux, d'ailleurs, en adéquation avec la composition de la société québécoise. Et je pense que c'était très important. Vous soulignez beaucoup de choses qui, je pense, ne feront pas l'objet du projet de loi n° 60, mais qui sont des pistes de réflexion extrêmement importantes et intéressantes.

Je vais peut-être vous amener sur deux petits éléments qui sont peut-être plus du ressort du projet de loi sur la dotation, et sentez-vous bien à l'aise d'élaborer quand même. Premièrement, je vois que vous mettez peut-être l'accent beaucoup... Naturellement, ce sont maintenant... ce ne sera plus une banque de qualification, comme on la connaît présentement, par le biais d'un processus d'examen, ayant les qualifications minimales qui sont, je dirais, transversales, là, communes à plusieurs corps d'emploi, là, de la fonction publique.

Vous misez beaucoup sur la formation, n'est-ce pas, des gestionnaires qui seront impliqués dans le processus de sélection. Quel type de formation vous pensez qu'on devrait... que ces gestionnaires devraient avoir, peut-être, pour avoir en tête cette intégration-là? Outre les directives, les recommandations, les balises que le Trésor pourrait donner, il y a les gestionnaires comme tels qui seront amenés à faire la sélection des candidats. Vous parlez de renforcer la formation et la sensibilisation des gestionnaires à la gestion de la diversité culturelle. Donc, vous pensiez à de la formation. Quel type de formation auquel vous songiez?

• (15 h 40) •

Mme Chater (Fatna) : O.K. Merci. Donc, il y a deux types de formations pour les gestionnaires : la formation de la gestion de la diversité, mais, dans la gestion de la diversité, la formation de la gestion tout court, surtout en matière de ressources humaines. Vous savez que le marché de l'emploi aujourd'hui, le marché économique, ça va vite, ça va très, très vite même. Et donc on est toujours dans des façons de faire qui sont obsolètes, qui sont datées dans leur temps. Donc, la modernisation, quand on parlait... c'est chez les employeurs québécois en général, pour qu'on soit vraiment compétitifs à l'échelle mondiale, à l'échelle aussi des provinces canadiennes. Aujourd'hui, les autres provinces peuvent faire plus d'attraction des personnes pour l'emploi, et je parle de toutes les personnes, je ne parle même pas des personnes immigrantes toutes seules, parce qu'ils ont un peu allégé, ils ont revu à la baisse les qualifications pour l'emploi.

Par contre, les employeurs québécois à jour, dans toutes les études que nous avons menées avec l'Université de Montréal ou l'Université Laval, ça reste des employeurs qui veulent faire de l'attraction, mais, dans le processus de recrutement, ça reste quand même des niveaux très hauts, c'est-à-dire, on veut quelqu'un qui est à 100 % apte à faire la job tout de suite, le travail tout de suite. L'emploi, il est autonome à 100 % tout de suite dans tout, c'est-à-dire on fait, pour l'apprentissage, par exemple, juste...

Je vais vous le dire, par exemple, pour l'informatique, là, aujourd'hui, ni la fonction publique ni les entreprises dans les régions peuvent attirer ou garder, c'est-à-dire... on parle aussi du maintien en emploi des personnes dans les régions, parce qu'il n'y a pas juste... Quand je parlais de la dotation-recrutement, c'est de a à z, c'est-à-dire je recrute et je garde ce monde-là. Donc, cette sensibilisation à la gestion... outiller, aujourd'hui, nos gestionnaires par une modernisation aussi des façons de faire pour le recrutement, l'évaluation, la formation, et ensuite les outiller pour la diversité culturelle pour l'unique et simple raison : on a un manque à rattraper pour les personnes à travailler, et, parmi les solutions qui étaient proposées dans toutes les études, c'est l'immigration. Et donc, pour le faire, les gestionnaires doivent être formés sur les deux, gestion, gestion de la diversité.

Mme LeBel : Je comprends très bien. Puis un de vos commentaires m'amène peut-être à une autre de vos recommandations, qui est de prendre en compte, dans le processus des équivalences, les personnes immigrantes formées à l'étranger et alléger le processus des équivalences pour les personnes issues de l'immigration. Donc, c'est deux... bon, c'est deux notions qui font référence à la même notion, bon.

La première, là, prendre en compte, dans le processus des équivalences, les personnes immigrantes formées à l'étranger, bon, il y a peut-être des enjeux, ici, effectivement, par rapport aux ordres professionnels, des choses comme ça, mais, en dehors de ce qui est de reconnaître une formation professionnelle, une équivalence, est-ce qu'il y a autre chose derrière cette recommandation-là? Parce qu'on a eu, d'ailleurs, d'autres groupes qui nous ont demandé de ne pas faire ça, d'équivalence, donc de s'assurer que les gens avaient la... les termes ne sont pas bons, mais avaient la compétence, la qualification nécessaire et qu'on devait, dans des cas extrêmement exceptionnels, égaler par un facteur d'équivalence. D'autres nous ont dit, bien, comme vous, au contraire, on doit en tenir compte. Donc, c'est une façon de trouver l'équilibre entre trouver la bonne personne, avec la compétence adéquate et reconnaître aussi une certaine qualification, qui n'est peut-être pas la qualification académique telle qu'on la connaît, mais qui est la qualification plus pratique. Mais peut-être essayer de vous comprendre un peu là-dessus.

Puis il y a l'autre, là, alléger le processus des équivalences aussi. À quoi vous faites référence? Parce qu'on aura un enjeu d'égalité d'accès, là, malgré qu'on veut intégrer la diversité, entre quelqu'un qui a la compétence demandée et une autre personne qui prétend avoir une équivalence, là. Je vais le dire de cette façon-là, là.

Mme Chater (Fatna) : Merci. Pour les équivalences, en fait, pour les ordres professionnels... je vais parler en mon nom et aussi je pense que, suite à nos discussions avec tous les membres et l'équipe du SOIT, ce n'est pas problématique d'avoir un ordre professionnel. Ce qui pose problème aujourd'hui, c'est les délais de traitement des dossiers et, en même temps, ce qu'ils demandent pour ces traitements des dossiers. Quand je dis «alléger» ou «réadapter», c'est-à-dire voir un peu à alléger, c'est-à-dire le strict nécessaire. Quand je dis le strict nécessaire, c'est-à-dire que la personne, elle n'est pas reconnue si elle n'a pas au moins les basiques avec peut-être des stages d'une année même. Les personnes immigrantes, elles sont prêtes à faire une première équivalence avec les bases du métier, mais aller dans des stages d'une année, 12 mois, pour voir cette personne, si elle fait l'affaire avec son emploi ou pas.

Le problème qui se pose aujourd'hui, on a beaucoup d'ingénieurs, par exemple, dans tous les métiers d'ingénierie qui trouvent le processus lent, coûteux, et, en général, ils laissent tomber. Et, quand on laisse tomber, on va aller chercher le travail à l'extérieur du Québec. C'est-à-dire que le Québec, il fait un temps fou, plus beaucoup d'énergie, plus beaucoup d'argent pour faire de l'attraction pour, au final, ramener du monde pour aller ailleurs.

Donc, pour toutes les personnes formées à l'étranger, elles sont conscientes qu'il y a des ordres professionnels, mais là il faut juste prendre en compte, dans ce processus, que ces équivalences des personnes peuvent peut-être... En fait, quand on parle équivalences, on ne peut pas faire à l'équivalence, ce n'est pas égal au système scolaire québécois. C'est ça qui est aujourd'hui dans toutes les discussions qu'on a dans les tables de concertation. C'est qu'on veut, au Québec, que ça soit à l'égal, alors qu'on peut faire abstraction à des choses. Mais, en attendant, je peux ramener cette personne à travailler, et on dit, après une année : On peut reconnaître ton équivalence, sinon tu refais tes examens. Juste ça, déjà, pour alléger ou réadapter, je pense que les ordres professionnels, aujourd'hui, ils peuvent le faire. La fonction publique, aujourd'hui, puisque c'est un projet, vous pouvez pas mal faire beaucoup de choses pour faire valoir les équivalences à l'étranger.

Mme LeBel : Oui, vous répondez très bien à ma question, mais vous comprenez que ce à quoi vous faites référence, ce sont la reconnaissance par les milieux universitaires, éducatifs ou les ordres professionnels d'une formation qui a été faite à l'étranger. Et c'est très délicat et même impossible pour le gouvernement de dire : Bien, je vais reconnaître un diplôme, surtout pas quand il y a un ordre professionnel d'impliqué.

Si on exclut les professions qui sont sous la juridiction des ordres professionnels, donc avocat, médecin, ingénieur, est-ce que vous avez d'autres exemples où vous pensez que le gouvernement pourrait accorder cette espèce d'équivalence qui pourrait être moins problématique que l'équivalence académique, là, qui n'est peut-être pas de notre ressort ou de celle du projet de loi n° 60, à tout le moins, même si on reconnaît qu'il y a des enjeux, là? Je ne nie pas ce que vous dites, j'essaie de recadrer dans ce qu'on est capables de faire sur le projet de loi n° 60, là.

Mme Chater (Fatna) : O.K., je vais vous donner un petit exemple. J'ai un ingénieur métallurgiste. Vous savez que la métallurgie, elle a été en déclin, et après... là, depuis 2016, c'est le retour de la métallurgie au Québec, surtout dans plusieurs régions. J'ai un ingénieur qui n'est pas reconnu comme ingénieur. Il a un doctorat en France, une maîtrise ingénierie au Maroc. Pour faire tout le processus, je suis en train de l'épauler, justement, pour faire ce processus, ça s'avère très difficile, parce qu'en même temps... Avec 15 années d'expérience dans la métallurgie, il travaille dans le secteur privé. Il a été appelé par la ville de Québec, mais la ville de Québec, c'est, entre parenthèses : On peut vous prendre si le processus d'équivalence est fait, c'est-à-dire vous êtes reconnu comme ingénieur. Il a été déjà membre de l'Ordre des chimistes, mais il ne peut pas être dans l'ordre des membres des ingénieurs parce qu'il y a toute la partie qu'il a faite au Maroc qui doit être reconnue.

Et ça, moi, je vous parle du processus administratif qui est lourd. Je ne vous parle même pas du fond ou du contenu pourquoi les ordres professionnels, ils exigent un certain niveau. Au contraire, c'est parfait, nous sommes rassurés qu'il n'y ait pas personne qui va prendre un poste et qui ne soit pas à la hauteur de ce poste-là. Mais alléger les démarches administratives et peut-être faire, au lieu d'examens, peut-être faire par expérience directement en milieu du travail... J'espère, Mme LeBel, que je vous ai répondu.

Mme LeBel : Oui, c'est très, très clair. Je comprends exactement l'enjeu.

Il reste à peine quelques minutes. Je vais peut-être vous les offrir. Est-ce qu'il y a des choses que vous devriez mettre en lumière? Mais votre mémoire est très complet. Moi, je retiens la formation, qui est peut-être plus de notre ressort.

Et, oui, vous avez mentionné aussi : Habiliter le président du Conseil du trésor à prendre en considération l'insertion des personnes immigrantes qualifiées. Je veux juste peut-être souligner qu'on ne met pas de côté les principes de la Loi sur la fonction publique. L'article 3, d'ailleurs, le mentionne qu'on doit tenir compte des objectifs d'embauche déterminés par le Conseil du trésor à l'égard de diverses composantes de la société québécoise. C'est la diversité. Et également le projet de loi introduit, à son article 49, le fait que le Conseil du trésor peut déterminer des objectifs d'embauche à l'égard des diverses composantes de la société québécoise, lire diversité.

Donc, j'espère que ça pourrait répondre à votre préoccupation d'être capable d'encadrer, justement, ce processus de sélection, mais, si vous avez quelque chose à ajouter, ça va me faire plaisir de vous écouter sur ce sujet-là qui vous passionne, c'est très clair.

• (15 h 50) •

Mme Chater (Fatna) : Je ne remets en rien le processus de sélection ni de recrutement à la fonction publique, mais je suis sûre, avec mon passage dans toute la province — j'étais même à Baie-Comeau pour former les gestionnaires — je veux vous dire, il n'y a pas la discrimination ni le racisme au Québec. Je ne crois pas du tout. Il y a beaucoup de méconnaissance. Ce n'est pas comme en Europe. On ne peut pas comparer l'incomparable. Au Québec, malheureusement, aujourd'hui, chez nos employeurs, c'est la méconnaissance. Parmi la méconnaissance, ils ne sont pas outillés et ils n'ont pas une lecture des C.V. étrangers, ils n'ont pas une lecture d'entrevue d'embauche.

Imaginez, moi, je suis Marocaine d'origine. Si vous allez me dire : Fatna, c'est quoi, vos qualifications?, je vais vous parler de mes défauts plus que mes qualifications ou plus que mes points forts parce que j'ai été éduquée comme ça. Vous allez poser la même question à un Algérien, sa façon d'être éduqué, et je ne fais pas des étiquettes, mais j'ai aussi travaillé en Algérie, il va mettre plus de valorisation, mais il ne va jamais parler de ses défauts.

Donc, ça, c'est les leurres culturels qu'il faut qu'on... C'est pour ça, tout à l'heure, que j'ai dit la sensibilisation à la formation. Je ne remets en rien la neutralité et je sais qu'au Québec, personnellement, j'ai trouvé mon compte en tant que personne immigrante. Et, quand je dis «personnellement», la majorité, on l'a choisi pour les valeurs du Québec, mais il faut vraiment la formation. Moi j'insiste, je la souligne, je le mets en gras, former les gestionnaires sur les leurres culturels, si vous voulez que ça réussisse, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas un blocage à la porte d'entrée.

Mme LeBel : Merci beaucoup, Mme Chater. Merci.

Mme Chater (Fatna) : Merci à vous. Merci beaucoup de m'avoir invitée.

Le Président (M. Simard) : Mais ne partez pas tout de suite, Mme Chater, parce que je dois maintenant...

Mme Chater (Fatna) : Ah!

Le Président (M. Simard) : Ah! non, non, non, on n'a pas terminé, alors, parce que maintenant on cède la parole au député de La Pinière, qui est le représentant du Parti libéral. Cher collègue.

M. Barrette : Pour une période, M. le Président, de...

Le Président (M. Simard) : De 11 minutes.

M. Barrette : C'est tellement court.

Le Président (M. Simard) : Trop, en effet.

M. Barrette : Alors, bonjour, Mme Chater.

Mme Chater (Fatna) : Bonjour, M. Barrette.

M. Barrette : Est-ce que j'ai bien compris que vous avez aussi oeuvré en Europe, plus le Maroc et l'Algérie?

Mme Chater (Fatna) : Oui, j'étais en Europe, j'étais dans tout le Maghreb, Maroc, Algérie, Tunisie, justement pour remettre tout ce qui est modernisation des processus de dotation et oeuvrer aussi avec les jeunes diplômés. J'étais aussi, avant la guerre, au Liban, en Belgique, en Espagne, mais j'ai choisi de mourir au Québec et vivre au Québec.

M. Barrette : Oui, et on va espérer que vous allez plutôt vivre que mourir. On va tous passer par là. On va repousser ça le plus possible, je pense qu'on va être d'accord là-dessus.

La raison pour laquelle je vous pose cette question-là, c'est parce que j'ai moi-même vécu en Europe plusieurs années, et les procédures d'embauche là-bas sont assez différentes des nôtres. Par rapport à ce qu'on a au Québec, tout ce qui est fonction publique en Europe, c'est une dynamique qui est très différente. Je ne la connais pas, là, celle de l'Afrique du Nord, là, je ne peux pas vraiment commenter. Celle de l'Europe, celle-là, je peux commenter.

Essentiellement, là, j'aimerais entendre de vous, qui avez connu plusieurs systèmes, comment... est-ce qu'il y a un système que vous pouvez nous recommander qui va faire, dans la loi, ce que souhaitez que la loi actuelle fasse?

Je m'explique. On s'entend que le système actuel est problématique. On s'entend que tout ce que vous avez exprimé dans les dernières minutes, je pense que tout le monde autour de notre table visuelle, on va dire, virtuelle, on est d'accord avec ça. Mais actuellement ce sont des voeux, en ce sens qu'il n'y a rien dans la loi qui permet de faire ça, il n'y a absolument rien. Pourtant, il y a, dans le monde, des systèmes où les choses sont beaucoup plus codifiées pour l'embauche que ce que l'on a actuellement dans ce projet de loi là.

Alors, on est tous pour la vertu. Chacun à notre façon, on l'exprime, notre souhait de vertu. On le dit, vous l'avez dit. On est d'accord avec ce que vous dites, puis c'est la première fois que j'entends le leurre culturel, puis j'ai trouvé ça très intéressant. Puis c'est vrai, il y a des leurres culturels, puis ça marche dans les deux sens, parce qu'on a nos appréhensions culturelles qui sont souvent non fondées, mais elles sont là comme les leurres culturels.

Alors, est-ce que vous, dans votre expérience, vous avez vu des systèmes qui étaient mieux codifiés, dans une loi, pour faire ce que l'on veut faire? Je prends un exemple. Le fédéral est, au Canada, je ne sais pas si vous le connaissez, mais il est beaucoup plus clair que nous et il laisse, je pense, beaucoup moins d'arbitraire aux différentes organisations. C'est sûr que notre système, actuellement, c'est lourd comme ça ne se peut pas et certainement archaïque. Maintenant, le projet de loi, tel qu'il est écrit, moi, de la façon dont je le vois, il nous envoie à l'autre extrême. Il n'y a pas de juste milieu là-dedans. Il y a des voeux qui, pour le moment, sont pieux parce que, dans la loi, ce n'est pas là. Quand je regarde le fédéral, eux autres, ils ont codifié ça pas mal.

Alors, j'aimerais ça vous entendre sur des façons de faire modernes qui sont codifiées pour garantir ce que vous avez exprimé comme objectifs à atteindre sous tous les aspects que vous avez abordés.

Mme Chater (Fatna) : Merci beaucoup pour cette bonne question, qui ne nécessite vraiment pas 11 minutes. Je pense que ça nécessite une vraie table de concertation, mais je pense que, de mon expérience personnelle, le meilleur système de recrutement, c'est le système qui vient de l'Allemagne. Ils ont beaucoup de ressources. C'est quand même un pays industrialisé très, très performant. Pour le recrutement, d'ailleurs, pour les C.V., ce n'est pas un C.V. d'une page ou deux pages, c'est des C.V. de 28, 30, 50 pages, où la personne, elle détaille toute son expertise. Ils font recruter, pour le même poste, trois personnes différentes. Les trois personnes, elles ne savent pas qu'elles sont recrutées pour le même poste, mais on va prendre le meilleur, c'est-à-dire que l'expérience présentielle, avec le gestionnaire et l'équipe, c'est elle qui va définir c'est qui qui reste et les deux autres qui vont partir.

Ça, c'est dans un monde extraordinaire, on a des ressources, on a de l'argent pour le faire. La réalité d'aujourd'hui dans nos entreprises, c'est des petites entreprises. La majorité des entreprises québécoises, c'est des petites entreprises.

La fonction publique, c'est autre chose. C'est quand même un grand recruteur. Si, dans la façon de faire, il peut le faire... moi, je sais que les syndicats, ils ne vont pas être contents, mais, je le dis et je le répète, je pense, pour moi, c'est mieux d'être un candidat en interne à travailler pour démontrer ce que je sais faire mieux que de rester dans une banque de candidatures. C'est-à-dire, je préfère venir travailler une année au complet pour être évaluée après une année où je fais bien mon travail ou je ne le fais pas, et je vais l'accepter, que rester dans une banque. Peut-être qu'un jour je vais rentrer et, finalement, je ne vais pas correspondre à l'emploi ou je n'aurai pas aimé l'emploi. Donc, ça...

M. Barrette : Mais, ça, on est d'accord avec ça, là. Moi, je ne veux pas... Je n'oppose pas du tout les banques, là. Les banques, on oublie ça, là. Moi, ce qui m'importe ici, comme ça a été exprimé même par les syndicats... puis, vous savez, moi, je ne suis pas réputé pour être particulièrement friand du syndicalisme à l'extrême, là, mais ils ont raison sur un point, ce qu'on propose actuellement ouvre la porte au favoritisme, là. On donne une liberté entière au sous-ministre, avec des balises un jour, là, mais qu'on ne connaît pas. Là, actuellement, on donne... c'est un livre ouvert, c'est un chèque en blanc, là. Le gouvernement va faire ses règles, on ne sait pas lesquelles, puis on ne sait pas quand, puis on ne sait pas comment, et les organisations vont faire ce qu'elles veulent, essentiellement. Moi, je trouve... Ne trouvez-vous pas, vous, que là il manque de balises formelles dans la loi?

Maintenant, les balises, c'est une chose, mais, à partir du moment où c'est tout le monde qui fait son affaire, comment peut-on penser qu'on va réussir à contrôler ça? Puis là je fais encore référence au fédéral, qui, eux autres, ont une espèce d'organisme à côté, là, qui gère l'embauche selon des critères, là, qui sont clairement établis, et là on n'a pas ça. Ça ne vous inquiète pas, ça, vous?

Mme Chater (Fatna) : Moi, je pense qu'en interne, on est assez intelligents d'être délinquants en respectant la procédure. Vous allez me poser la question : La délinquance? La délinquance, c'est se faire confiance en tant que personne. On choisit des humains employés, on ne choisit pas du papier. Et donc je pense que, dans les processus de sélection, la présence du syndicat, elle peut être dans le comité de sélection et le comité de recrutement.

Nous, on est une toute petite structure de 15 personnes, et, quand je recrute, par exemple, un conseiller en emploi, je peux parfaitement appeler quelqu'un de ma connaissance comme je peux... bien, je ne peux pas le faire. Vous voyez, nous sommes syndiqués aussi ici en interne, et on a un petit comité de trois personnes, un du syndicat et deux de la direction, et on va faire et la sélection du C.V. et la... après, c'est les entrevues d'embauche, et on va débattre sur : Est-ce que, cette personne, pour l'emploi ou pas? Des fois, même, je vais prendre pour deux pour finalement choisir une personne.

C'est sûr que, M. Barrette, aujourd'hui, je ne serais pas capable de vous présenter quelque chose de complet, mais, d'après mon expérience, je peux beaucoup vous ramener mon expertise là-dedans, parce que j'étais dans des groupes de l'Europe, et du Maghreb, et du Proche-Orient, où on discutait sur les processus de recrutement. Moi, ce que je peux vous proposer, peut-être que vous pouvez profiter de l'expertise des ressources expertes dans le domaine de recrutement.

Et, tout à l'heure, vous avez donné un très bon exemple. Le fédéral, il réussit aujourd'hui son recrutement. On peut peut-être reprendre tout ce qui est positif du fédéral et essayer de le mettre chez nous, ici, au Québec.

M. Barrette : Quand je vous écoute, je comprends que vous êtes en faveur d'un minimum de paritarisme, là.

Mme Chater (Fatna) : Moi, je suis en faveur que ça marche.

M. Barrette : Oui, bien, ça, on est d'accord. Mais là le projet de loi, lui, il l'abroge, là. Il n'y en a plus, de paritarisme, dans ce projet de loi là, là, de la manière qu'on vient l'appliquer.

Mme Chater (Fatna) : En tout cas, ce n'est pas en faveur ou en défaveur. Nous, on a vu que cette ouverture, aujourd'hui, de ce projet, vraiment, ça va sortir la fonction publique de la façon ancienne de faire.

Maintenant, comment ça va être fait à l'intérieur? Je ne sais pas si vous avez déjà entamé des discussions, mais je pense que profiter des ressources externes, ça va vraiment faciliter une... de construire un processus de recrutement fiable. Il n'y a rien dans le monde qui est fiable à 100 %, mais au moins que ça s'approche à zéro défaut.

(16 heures)

M. Barrette : Je comprends ce que vous me dites, parce que, quand je dis «paritarisme», ce n'est peut-être pas le bon mot à utiliser. Vous utilisez «ressources externes», mais ça, il n'y a même pas ça dans la loi. Je comprends votre point, je comprends...

Ce que vous me décrivez, c'est, mettons, vous, vous êtes joueurs, vous participez à du recrutement dans les organismes et ministères, ou des comme vous, ou des... parce qu'il y a plusieurs façons de voir ça, mais là on n'est pas comme ça, là. Le projet de loi, tel qu'il est écrit, c'est les ministères et organismes, le ministre fait ses affaires, puis «that's it», là, bon. On va dire : La ministre va nous répondre. Puis c'est vrai, là, qu'il va y avoir des lignes directrices, mais on ne les débat même pas.

Alors, moi, je vois un danger, tout comme je vois une sécurité dans ce que vous dites. Qu'il y ait une tierce partie qui participe, oui, c'est un peu comme ça que le fédéral fonctionne, l'organisation elle-même est une tierce partie. Puis je pense qu'en Europe vous avez vu ça aussi, là.

Mme Chater (Fatna) : En fait, quand je vous ai dit de profiter de l'expertise des organismes ou d'autres experts, ce n'est pas qu'ils soient parties prenantes pour le recrutement. Au contraire, le recrutement, il doit se faire avec les sous-ministres, les gestionnaires en interne. C'est profiter de l'expertise pour construire un processus de sélection et de recrutement, c'est-à-dire même avant la sélection, avant tout le processus, pour le construire comme il faut, il faut se baser sur l'expertise externe. Mais, attention, je suis contre...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Chater (Fatna) : ...les agences de recrutement.

M. Barrette : Contre les agences de recrutement. Oui, je comprends ce que vous voulez dire, là. Est-ce que...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Merci, Mme Chater.

Mme Chater (Fatna) : Merci à vous.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de 2 min 45 s.

M. Marissal : Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mme Chater. Si vous trouviez ça court, 11 minutes, essayons 2 min 30 s. On va voir qu'est-ce que ça donne. C'est malheureux que je n'aie pas plus de temps parce que votre point est intéressant. Ça fait des années qu'on parle de meilleures représentations des minorités ethniques, ou visibles, et autres dans la fonction publique. La fonction publique québécoise a même un objectif de 25 %. Or, en ce moment, on est à 6 %. Oui, je vais être généreux, là, 6,3 %. On est vraiment très, très loin.

Que des gens qui viennent d'ailleurs s'installent ailleurs que dans les grands centres aussi, ça doit faire 40 ans qu'on parle de ça au Québec. Est-ce qu'il y a des choses que vous voyez dans le projet de loi qui est devant nous, pas le projet de loi super amélioré par vos recommandations, là, ce qu'on a devant nous en ce moment, là, est-ce qu'il y a quelque chose qui change ou qui peut changer la donne en matière de représentation des minorités? Là, je dis «minorités», ça fait court un peu, là, ce n'est pas très «politically correct», mais je n'ai pas le temps. Alors, parlons juste des minorités.

Mme Chater (Fatna) : Merci. D'après Statistique Canada, vous savez que l'écart de taux de chômage entre les personnes natives et les personnes immigrantes, il est aujourd'hui de 4,1 %. C'est malheureux, donc, s'il est presque à 10 % chez les personnes immigrantes qu'il est alors à 5,5 % chez les natifs. Donc, pour les... On ne parle même pas secteur privé, secteur public, c'est vraiment dans tous les secteurs.

Je reste confiante que le recrutement, c'est la clé de la réussite de toute organisation. Pour faire bien le recrutement, les gens qui sont impliqués dans le recrutement, ils doivent être sensibilisés à toutes les différences. Et effectivement on ne parle pas juste diversité immigration, on parle diversité handicap, on parle diversité femme, on parle diversité jeune, aujourd'hui, et diversité sénior, pourquoi pas? Avec toute cette expertise que la personne a et elle veut retourner au travail, pourquoi pas?

Donc, pour le faire et bien le faire, c'est construire un processus de recrutement qui est solide et fiable, c'est-à-dire que les personnes y sont assez sensibilisées, ils ont toutes les balises, les outils pour pouvoir choisir tout en restant efficaces. Je suis confiante qu'un gestionnaire, il ne va pas choisir la personne juste pour choisir la personne. Mais malheureusement on peut être beaucoup discriminatoires parce que c'est l'humain qui est en nous. C'est notre zone de confort, on ne va pas aller au-delà de ce qu'on veut, c'est-à-dire je vais choisir quelqu'un qui me ressemble peut-être ou que je crois...

M. Marissal : Merci.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, Mme Chater, pour votre présentation et votre mémoire. Moi, je voudrais revenir un peu plus sur ce que vous dites à la page 11 de votre mémoire, là, dans les autres recommandations, là, vous avez un point où vous dites : la non-ingérence du politique dans son application. Pourquoi vous prenez la peine de nous dire ça? À quoi vous pensez? Qu'est-ce qui vous fait peur avec l'ingérence du politique dans son application? Là, on est beaucoup là-dedans dans ce projet de loi là.

Mme Chater (Fatna) : C'est une très bonne question, merci beaucoup. Sachez que les recommandations que j'ai faites, ce n'est pas toutes les miennes. C'est une des recommandations qui rejoignent aussi la mission du SOIT, les gens aussi avec qui je travaille. Je suis beaucoup dans la consultation aussi.

La non-ingérence du politique, ça a nui beaucoup en Europe, au Maroc d'où je viens, dans les pays du Proche-Orient, dans les processus de sélection de la fonction publique, c'est-à-dire, à chaque changement, il y a un changement dans les façons de faire. Ce que nous avons constaté pour le gouvernement marocain, là, aujourd'hui, les ministres et les sous-ministres, ils sont tous du même parti politique. Malheureusement, dans les institutions publiques, on trouve... les postes à responsabilités sont pris par les mêmes personnes... enfin, ce n'est pas les mêmes personnes, mais des personnes appartenant au même parti politique. Je ne sais pas comment ça se fait, comment on peut le voir, mais je voulais juste mettre une parenthèse pour dire : Attention à ce qu'on fait, que ce n'est pas du copinage, ce n'est pas des gens qui sont choisis par rapport à leur couleur mais plutôt à leurs compétences.

M. Gaudreault : Vous parlez, en même temps, de la décentralisation de la dotation. C'est un des objectifs du projet de loi. Est-ce que, pour vous, la décentralisation de la dotation, donc de confier davantage aux sous-ministres ou à des directions régionales, par exemple, ou des directions de service, risque d'affaiblir, là, les protections face aux politiques, donc d'ouvrir davantage la porte à une ingérence du politique, par exemple?

Mme Chater (Fatna) : Ah non! je ne pense pas puisque, dans les recommandations, on a dit : construire un processus de recrutement fiable qui peut justement avoir cette promesse de ne pas avoir cette ingérence. Si la non-ingérence du politique, c'est une recommandation, c'est, dans la construction d'un processus, faire attention comment on peut ne pas avoir cette ingérence.

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, Mme Chater, merci infiniment pour la qualité de cette présentation. Merci d'avoir répondu à notre invitation.

Sur ce, nous allons suspendre temporairement nos travaux afin de faire place à nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos auditions. Nous sommes maintenant en présence de l'Alliance des cadres de l'État. Alors, Mme Gosselin, soyez la bienvenue parmi nous.

Mme Gosselin (Anne) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard) : Merci d'avoir répondu à notre invitation. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes.

Alliance des cadres de l'État

Mme Gosselin (Anne) : Parfait. Alors, bonjour, Mme la présidente du Conseil du trésor. Bonjour, M. le Président de la commission, MM. les députés, mesdames et messieurs. Alors, l'alliance est bien entendu heureuse de participer à cette commission parlementaire. Permettez-moi, d'entrée de jeu, en tant que présidente sortante, de vous présenter notre formidable organisation qui existe depuis plus de 50 ans.

Alors, l'Alliance des cadres est une association professionnelle qui regroupe près de 3 500 gestionnaires de l'État. Elle est reconnue par le gouvernement du Québec aux fins de relations de travail et, à ce titre, elle est la voix des cadres et traite des enjeux individuels et collectifs qui les concernent. D'une part, elle les représente collectivement et individuellement aux fins de relations de travail en veillant à leurs intérêts et en protégeant leurs droits et, d'autre part, elle les soutient aussi dans la gestion de leur carrière par des activités, des formations, et même du coaching de carrière.

Alors, qui sont les membres de l'alliance? Ce sont des gestionnaires publics qui sont des acteurs clés de la réalisation de la mission de l'État. En fait, ils concrétisent les orientations, les politiques, les programmes gouvernementaux de la société québécoise. Ils ont en moyenne 50 ans. On est constitués de 50 % de femmes, 50 % d'hommes. 53 % proviennent de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, 28 % de Montréal, Laval et Montérégie, et 19 % des autres régions.

Le projet de loi modifie la Loi sur la fonction publique, les interpelle directement, d'une part, à titre de représentants de l'employeur, car ce sont eux qui vont pourvoir les postes disponibles, et aussi comme salariés, pour participer à un processus de dotation.

Comme le sujet central, aujourd'hui, est le processus de dotation devant mener à l'attraction de candidats intéressants et compétents, il faut bien se le dire quand même, un processus de dotation, c'est un moyen, ce n'est pas une fin en soi. Pour résoudre en grande partie le problème d'attraction de la main-d'oeuvre dans la fonction publique par un processus de sélection ou de qualification, aussi agile ou efficient soit-il, il est illusoire de penser que le seul processus va arriver à tout régler, parce qu'on sait que les facteurs d'attraction reposent souvent sur les conditions d'exercice, la rémunération et les autres conditions de travail.

Revenons un peu aux origines de la Loi sur la fonction publique, qui est arrivée à la fin des années 60 et s'inscrivait dans une ère postduplessiste, alors qu'il s'agissait de protéger le personnel de l'État des jeux politiques qui étaient, à l'époque, marqués par du favoritisme et du népotisme, et il fallait instaurer une administration publique compétente et efficiente. À la fin des années 60, le législateur a instauré un processus de dotation qui s'appuie sur plusieurs principes qui sont tributaires du fait qu'on parle ici de fonds publics qui soutiennent les effectifs. Ces principes sont l'égalité d'accès, l'équité, l'impartialité, le mérite et la transparence.

Ces processus de dotation sont gouvernés par la notion de mérite. En fait, les candidats doivent détenir les connaissances, la scolarité, l'expérience et les aptitudes requises pour bien servir leurs concitoyens. Et, pour mesurer ce mérite, on met en branle des processus de concours qui donnent lieu à des listes de déclaration d'aptitude. On peut ici qualifier le processus de générique, dans la mesure où les candidats peuvent se qualifier à plusieurs emplois ou postes similaires en même temps dans différentes organisations. Ce processus est centralisé et exige cependant moins d'implication des directions des ressources humaines des ministères et organismes, ce qui a pu entraîner, en quelque sorte, une certaine perte d'expertise.

En 2013, une nouvelle réforme nous promet plus d'agilité par la tenue de processus de qualification qui donnent lieu à des banques de personnes qualifiées qui sont déclarées admissibles pour cinq ans, mais, malgré cela, plusieurs postes demeurent vacants.

Maintenant, à l'aube des années 2020, force est de constater que le marché de l'emploi est complètement changé. Le recrutement de personnel qualifié est plus ardu, d'où la nécessité d'être plus agile pour traiter les candidatures dès qu'elles se présentent. Outre la compétition omniprésente du secteur privé sur le plan de l'attraction, on sait que le gouvernement évaluait qu'au cours des cinq prochaines années près de 15 000 postes seront à pourvoir sur un effectif total de 54 500 postes au complet. Avec un tel volume de postes et selon l'information disponible sur le projet de loi n° 60, est-il réaliste de croire qu'un processus de sélection spécifique va permettre de répondre à la demande, tout en respectant les processus... les principes que sont l'égalité d'accès, l'équité, l'impartialité, le mérite et la transparence? Rien n'est moins sûr.

Prenons en compte les principales dispositions qui soulèvent des préoccupations de l'alliance. D'une part, le premier article, l'article 35, qui prévoit l'abolition des recours en cas d'irrégularité ou d'illégalité commise dans un processus de qualification à la promotion. Dans sa forme actuelle, l'alliance considère que les pouvoirs de la Commission de la fonction publique sont déjà trop restreints. Ils souhaiteraient, au contraire, plutôt que l'abolir, qu'on élargisse les pouvoirs de la commission. L'article 43, de son côté, au troisième alinéa, permet à la présidente du Conseil du trésor de désigner une personne pour vérifier la façon dont sont recrutés et promus les fonctionnaires. Cette personne, dans le cadre de son mandat, doit faire rapport exclusivement à la présidente. Alors, comment justifier ce dédoublement d'intervenants dans la vérification, alors que la CFP le fait déjà? Elle rend compte à l'Assemblée nationale, et c'est un organisme indépendant, impartial, d'autant plus qu'on sait que le Secrétariat du Conseil du trésor, comme employeur, est aussi assujetti aux pouvoirs de la commission.

L'autre article qui nous préoccupe, c'est le 44, qui abolit complètement le processus de qualification. Étonnamment, le processus proposé nous apparaît plus lourd pour les candidats puisque ceux-ci devront soumettre leur candidature à plusieurs organisations, alors que le volume de postes à pourvoir demeure très important. Aussi, dans le processus, on ne prévoit pas l'affichage obligatoire, alors que ce n'est pas obligatoire présentement, l'affichage. L'article 41 nous suggère que la sélection doit se faire au moyen d'un type d'évaluation. Selon nous, il devrait y avoir, au minimum, deux types d'évaluation, parce que le danger qui nous guette, c'est qu'on va privilégier l'entrevue parce que c'est un moyen simple, rapide à administrer, mais aussi le plus susceptible d'être empreint d'arbitraire.

(16 h 30)

L'article 51.1 aussi nous inquiète parce que tous les pouvoirs réglementaires du Conseil du trésor nous apparaissent considérablement réduits en faveur, possiblement, de politiques et directives. Un règlement publié dans la Gazette officielle est plus accessible aux citoyens comparativement à une politique ou à une directive, et on sait que la commission aussi s'est prononcée dans ce sens-là le 11 février dernier.

L'article 50.4 prévoit que, lorsqu'un emploi redevient disponible, un candidat pourrait être sélectionné sans refaire un processus de sélection. Alors, on ne sait pas qu'est-ce qu'un emploi similaire, on ne sait pas s'il fera l'objet d'affichage, dans quel délai, comment les candidats seront informés de cet emploi similaire.

L'article 115, troisième alinéa, nous indique que la commission ne pourrait faire des vérifications que si le président du Conseil du trésor lui demande. Doit-on comprendre, dans cet article, que le pouvoir de surveillance de la CFP est possiblement limité puisque le rapport est présenté au président du Conseil du trésor et non à l'assemblée générale?

Enfin, l'article 32 prévoit qu'on peut établir des équivalences pour les conditions minimales manquantes. C'est ce qu'on appelle le principe de compensation. La règle actuelle est à l'effet que l'expérience peut être compensée par une scolarité manquante, mais ce qu'on nous a indiqué, c'est que l'intention du Conseil du trésor est d'en faire une exception plutôt qu'une règle générale.

Et enfin on prévoit à l'article 32.1 que le Conseil du trésor peut permettre que le dirigeant sélectionne une personne autrement que par un processus de sélection. Qu'est-ce qui pourrait justifier qu'une personne soit sélectionnée autrement que par un processus de sélection? Ce n'est pas clair.

En conclusion, la volonté du gouvernement de mettre en place un processus plus agile dans l'objectif d'attirer de la main-d'oeuvre compétente pour la fonction publique est louable, ça ne fait pas de doute. Cependant, la proposition soumise dans le projet de loi n° 60 ne nous convainc pas qu'il s'agit là d'un mécanisme moins lourd, plus efficient, bien au contraire. Avec les nombreuses imprécisions, les abolitions de droits, la réduction des pouvoirs de la Commission de la fonction publique et le nouveau processus, les gestionnaires auront fort à faire pour recruter des candidats en plus de s'assurer de la livraison des programmes et services à leurs concitoyens. Ils pourront difficilement compter sur l'expertise des directions des ressources humaines, qui ont été écartées, d'autant plus que les processus ont été centralisés...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Gosselin (Anne) : ...et qu'ils ne font plus d'admissibilité et d'administration de moyens d'évaluation. Une fonction publique qui se respecte...

Le Président (M. Simard) : Mme Gosselin, je m'excuse, je dois vous arrêter.

Mme Gosselin (Anne) : Je termine.

Le Président (M. Simard) : Oui, très succinctement, s'il vous plaît.

Mme Gosselin (Anne) : D'accord. Alors, une fonction publique qui se respecte ne peut tolérer l'absence d'égalité et d'accès, d'équité, d'impartialité et le non-respect des principes de mérite et de transparence, étant donné qu'il s'agit là d'une organisation supportée par et pour l'ensemble des citoyens et contribuables du Québec. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Gosselin. Excusez-moi, là, de vous avoir...

Mme Gosselin (Anne) : Il n'y a pas de faute, il n'y a pas de faute.

Le Président (M. Simard) : ...un peu trop encadrée dans le temps dont nous disposions. Alors, Mme la ministre, je vous cède la parole.

Mme LeBel : Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mme Gosselin. Vous avez un mémoire qui est fort étoffé. D'ailleurs, on va prendre la peine, là... et naturellement on ne repassera pas tous les points ensemble, là, parce qu'il y a beaucoup de considérants, de choses et de vérifications à aller faire.

Par contre, je tiens, d'entrée de jeu, peut-être à aborder... vous avez commencé avec ça et peut-être conclu avec ça, vous avez parlé qu'il fallait que les... l'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction publique, ce sont des principes qui sont fort importants, que je partage, d'ailleurs. L'impartialité et l'équité des décisions affectant les fonctionnaires, dont la dotation, je le partage, et ce sont des principes qui vont demeurer dans la Loi sur la fonction publique.

Maintenant, ce qu'on fait, c'est qu'on passe d'un processus de qualification à un processus de sélection. Naturellement, est-ce que... Est-ce que vous mettez en doute la qualité ou la compétence de vos cadres, vos membres, de pouvoir, justement, sélectionner avec ces principes d'impartialité et d'égalité? Est-ce que vous nous suggérez de baliser, d'une certaine façon? Comment vous nous suggérez de pouvoir... parce que, je vous le dis, les principes demeurent dans la loi, là. On ne vient pas affecter les principes de la Loi sur la fonction publique. Ce sont des principes qui demeurent, qui vont continuer d'encadrer le processus de dotation, qu'il se fasse par qualification ou par sélection, là, ou par un autre chemin, peut-être, qu'on verra amélioré suite à la fin des consultations.

Mais de quelle façon vous nous proposez, peut-être, d'encadrer ou de baliser vos membres, pour s'assurer que vos membres respectent les principes fondamentaux de la Loi sur la fonction publique, qui ne seront pas abolis, là, par le projet de loi n° 60?

Mme Gosselin (Anne) : Il est évident que les principes ne seront pas abolis, mais tout est dans la pratique. Les gestionnaires vont, bien entendu, vont s'assurer de les respecter.

Le problème, c'est qu'on passe d'un extrême à l'autre. On passe d'un système où on avait des banques énormes et on passe à un processus très, très pointu, où il y aura peu de candidats qui vont être sélectionnés. On ne connaît pas encore beaucoup de balises parce qu'il y a beaucoup d'imprécisions dans le projet de loi, et c'est difficile d'évaluer comment ça va se réaliser dans la pratique.

Il ne faut pas oublier que, dans la fonction publique, les gens acquièrent une permanence au bout de deux ans. Donc, il faut s'assurer que, si on va avec des processus trop précis, avec des profils trop pointus... quelle sera la mobilité de cette personne, là, dans deux ans, dans cinq ans, dans 10 ans, dans une autre organisation, dans un autre poste? C'est ça qui est inquiétant en tant que tel. Vous êtes passés d'un extrême à un autre, et les balises qu'on retrouve dans la loi ne sont pas précises, donc c'est difficile de se faire une idée des orientations que vous allez prendre.

D'autant plus que vous abrogez complètement le pouvoir réglementaire, en tout cas, en grosse partie, par des politiques et des orientations. Mais comment le citoyen va se retrouver là-dedans, là? Dans la Gazette officielle, dans les sites, on peut retrouver facilement les règlements. Les politiques et les directives du Conseil du trésor, ce n'est pas évident pour un citoyen de se retrouver dans tout ça.

Mme LeBel : Donc, si je comprends bien, peut-être pour préciser votre pensée, ce n'est pas le processus qui est mis de l'avant comme tel, c'est présentement... et vous n'êtes pas les seuls à l'avoir soulevé, on devra s'y pencher d'ailleurs après les consultations, c'est présentement l'absence de balises ou, à tout le moins, l'absence d'indications sur ce que la réglementation ou les politiques qui vont justement encadrer ce processus de sélection pourraient contenir, là. C'est plus sur cet enjeu-là, si je comprends bien.

Mme Gosselin (Anne) : L'absence de balises. Mais le citoyen, là, il va appliquer à combien de ministères et à combien d'organismes pour un poste? Parce qu'un économiste qui a un intérêt pour la fonction publique, il va appliquer à 80, 90 ministères et organismes. Pensez-vous que vous simplifiez les choses à ce moment-là et que les candidats vont pouvoir accéder plus rapidement aux postes? Pour moi, ce n'est pas évident. Ce n'est pas démontré, et l'absence de balises ne nous donne pas ces indications-là.

Mme LeBel : Je vais me permettre d'être en désaccord avec vous, là. Je ne pense pas que quelqu'un va avoir à appliquer sur 90 postes, là. D'ailleurs, l'objectif, c'est de mieux cibler les postes.

Et vous l'avez bien dit tantôt, plusieurs postes demeurent présentement vacants malgré le processus de qualification actuel, malgré le fait qu'il y a des banques de personnes qualifiées. Vos membres dans plusieurs ministères ont du mal à trouver, malgré tout, des personnes qui ont le profil adéquat pour occuper un emploi particulier. C'est particulièrement criant en matière de technologies de l'information présentement.

J'essaie de comprendre avec vous également... puis je ne reprendrai pas tout ce que vous avez dit un par un, mais d'ailleurs vous avez parlé de l'affichage qui n'est pas obligatoire, alors que l'article 12 du projet de loi, à son article 44, parle d'une offre d'emploi qui... «est publiée de manière à être accessible et doit fournir aux personnes susceptibles d'avoir le profil recherché une occasion raisonnable de soumettre leur candidature». Donc, il y a un affichage obligatoire présentement de prévu, et, si ce n'était pas le cas, je serais d'accord avec vous. On ne peut pas faire cela non plus en catimini du public, là. Ce serait une façon d'atteindre le principe d'égalité d'accès. Mais cet affichage vous rassure... peut-être que ça vous avait échappé, mais cet affichage est obligatoire et ne doit pas être fait dans la Gazette officielle obscure, que le citoyen moyen ne consulte pas, mais de manière à être accessible.

Mais j'ai du mal comprendre, là, comment on peut à la fois expliquer que le processus actuel fait en sorte que plusieurs postes demeurent vacants et de dire que de passer à un processus de sélection où le gestionnaire, qui est votre membre, pourra mieux définir son besoin, cibler son besoin, aura accès à une banque de candidats restreints. Je veux dire, moi, j'en suis, là, de trouver la meilleure façon d'obtenir le meilleur candidat. Donc, pour moi...

J'aimerais comprendre avec vous, si j'avais à vous dire : O.K., on part du principe, à moins que vous ne soyez pas d'accord, que le processus actuel n'est pas adéquat en 2020‑2021 et il découle, bon, d'un historique, vous en avez fait mention... il y a des principes qu'il faut conserver : égalité, impartialité, etc., mais on veut de l'agilité. Quel genre de processus vous pourriez proposer? Parce que vous parliez aussi de garder des banques de qualification. À un moment donné, on ne peut pas... Si on passe d'un processus à un autre, il y a certains choix à faire. Alors, quel est le genre de processus que vous pourriez proposer, qui répondrait à la vacance des postes, répondrait aux préoccupations de plusieurs de vos membres de sélectionner mieux les candidats ou de mieux cibler, pardon, les compétences requises, les qualifications requises?

• (16 h 40) •

Mme Gosselin (Anne) : Bien, travailler sur un processus générique et définir, par la suite, des exigences additionnelles pour un processus spécifique, un ne va pas sans... un n'empêche pas l'autre. Ce qui se pose actuellement sur le problème des banques, c'est, quand les gens postulent, ça prend à peu près, quatre, cinq mois avant que l'admissibilité soit déclarée, c'est-à-dire qu'à l'époque le CSPQ analysait les candidatures, et ça prenait un temps fou avant que les candidats sachent s'ils étaient déclarés admissibles et ça prenait un temps fou aussi avant que l'administration des moyens d'évaluation soit faite. Je pense qu'il y avait un problème de moyens qui était important. Moyens, ressources humaines, ressources matérielles, ressources financières qui faisaient que les processus étaient trop longs.

Mais, comme je vous disais d'entrée de jeu, un processus de dotation, si rapide soit-il, ne réglera pas tous les problèmes d'attraction. Vous donniez l'exemple des technologies. J'ai un fiston qui travaille en technologie. Moi, j'ai encouragé mes deux fils à participer au programme de recrutement. Ils ont eu des offres d'emploi, mais la rémunération était de 20 000 $ à 30 000 $ en dessous de ce que le privé offrait. Donc, on ne réglera pas des problèmes d'attraction, surtout en technologie, par un processus plus rapide. Il y a d'autres enjeux en arrière de tout ça aussi.

Mme LeBel : Je suis prête à être d'accord avec vous que le processus de dotation n'est pas une panacée pour régler tous les problèmes d'attraction, mais c'est très certainement un des problèmes, quand ces gens-là se replacent sur le marché très rapidement, quand on les appelle pour un poste donné, qu'ils ont déjà trouvé un autre emploi, donc qu'ils ne sont plus disponibles, nonobstant les enjeux que vous venez de mentionner.

Donc, je réitère ma question : Entre le processus actuel, qui est très lourd et qui a été décrié comme étant très lourd par plusieurs personnes, et inclus certains de vos membres, qu'est-ce que vous suggérez pour rendre le processus plus agile, plus efficace? Ce que je comprends... Je crois ressentir, d'ailleurs, vos préoccupations, une préoccupation de lourdeur pour vos membres plutôt qu'autre chose, donc on peut les accompagner, effectivement. Il y aura des balises à mettre. Puis je peux comprendre que ça peut être intimidant pour un gestionnaire de passer d'un processus à l'autre, et ça, ça sera notre travail, de bien les accompagner. Mais, outre cette question de crainte de lourdeur, qu'est-ce que vous nous proposez pour rendre le processus plus agile? Parce qu'il est trop lourd présentement, là, et il...

Mme Gosselin (Anne) : Oui, mais vous savez que, dans le passé, les ministères et organismes avaient le pouvoir de tenir des processus de dotation. Le ministère de la Justice, le ministère du Travail, et ainsi de suite, on est partis d'un mégasystème à on s'en va vers un système trop pointu. En fait, les ministères et organismes pourraient effectivement faire des processus générés pour aller valider la qualification des gens et définir des exigences additionnelles pour des choses plus pointues par la suite. Mais tout est, à mon sens, dans les effectifs qu'on va être prêts à mettre à la dotation, parce qu'il faut que les analyses de candidatures...

J'entendais mon interlocutrice précédente qui parlait de C.V. de 50 pages. C'est du temps, ça, hein, à analyser des C.V.? Alors, il faut quand même qu'il y ait des processus qui soient bien encadrés pour que les gens puissent avoir une compétence générée pour que, dans le cadre des mutations ou des promotions ultérieures, ils aient une formation ou une qualification de base pour occuper n'importe quel emploi dans les mêmes catégories, même si ce n'est pas aussi pointu par la suite.

Mme LeBel : Mais encore une fois, Mme Gosselin, là, le but de mes interventions, vous comprendrez, est de bien comprendre votre position, là. Et, encore une fois, je pense que vous confirmez mon impression que c'est plutôt dans la capacité d'analyser et de traiter les candidatures que vous avez une crainte pour vos membres plutôt que sur le processus lui-même.

Mais je comprends moins bien qu'est-ce que vous voulez dire par un processus de qualification générique. Donc, moi, pour moi, je lis «banque» tel qu'on le voit actuellement. Donc, qu'est-ce que vous voulez dire par «processus de qualification générique»? Parce que c'est ce qu'on a présentement. Les banques sont un processus de qualification de base où on va chercher les compétences... peut-être que mon terme n'est pas bon dans le mot «compétences», là, mais des... on cherche à vérifier des conditions d'admissibilité minimales, que ce soit de la qualification ou de la compétence, et qu'après ça on dit : Bien, eux, là, ils ont eu un premier filtre. Maintenant, allez-y. Alors, moi, ce que j'entends, et je vous donne l'occasion de le clarifier parce que je ne veux pas partir avec cette impression-là, c'est le processus actuel, dans le fond, là. C'est une banque.

Mme Gosselin (Anne) : Mais le processus actuel avec plus de ressources, parce que, depuis plus de 15 ans, les directions des ressources humaines n'en font plus, de l'admissibilité, n'administrent plus d'examens. Alors, il va falloir, si vous voulez tenir des concours dans un ministère, ou appelez ça un processus de dotation parce que j'ai la déformation des vieilles terminologies, il va falloir que les effectifs soient au rendez-vous, là. Parce que, quand je vous ai fait la nomenclature des derniers examens des cinq dernières années, on avait, des fois, 5 000 candidats. Étudier 5 000 C.V., là, ça prend des ressources, là, puis c'est ça, l'enjeu, moi, je pense.

Mme LeBel : Oui, mais là-dedans...

Mme Gosselin (Anne) : C'est d'arriver à définir un processus de base pour qu'on s'assure que les gens aient la qualification de base puis permettre après les gestionnaires, avec un profil spécifique, avec des conditions additionnelles, de choisir des candidats spécifiquement.

Mme LeBel : C'est un peu paradoxal parce que, d'un côté, certains syndicats, dont l'ordre des... pas l'Ordre des ingénieurs, mais...

Mme Gosselin (Anne) : L'APIGQ, l'association des ingénieurs.

Mme LeBel : Oui, merci beaucoup, parce que je cherchais l'acronyme. Elle est venue nous dire qu'eux préféreraient justement un processus de sélection plus pointu, où on va chercher la compétence pointue de l'ingénieur, et j'ose espérer qu'on n'aura pas 5 000 candidatures sur un poste d'ingénieur précis dans un département précis. Mais c'est normal qu'on ait 5 000 candidatures. Plus le processus est générique et demande des aptitudes de base, lire «de base» comme étant uniformes et non pas péjorativement, c'est sûr qu'il y a 5 000 candidatures. Mais ce processus-là s'est avéré ne pas donner les résultats escomptés.

Donc, je continue à lire, dans le fond, derrière ce que vous me dites, que c'est une question d'effectifs. Même dans le nouveau processus, ce que vous craignez, c'est que vos membres n'aient pas la capacité effective, là, c'est-à-dire en termes de temps...

Mme Gosselin (Anne) : De ressources, de temps, d'énergie, oui.

Mme LeBel : ...de ressources et d'énergie, pour faire ce processus de sélection là plutôt que de remettre en question leur capacité de respecter les règles de la fonction publique, là?

Mme Gosselin (Anne) : Oui. Il y a une crainte par rapport aux effectifs. Il y a une crainte par rapport aussi aux directions des ressources humaines, qui ont perdu ce champ d'intervention depuis une quinzaine d'années. Et, quand on parle du cas de l'APIGQ, on parle de corps d'emploi, tu sais, très, très vertical, les ingénieurs.

Mais, quand on parle de cadres, quand on parle de professionnels en dehors des groupes très, très spécifiques, il faut s'assurer que les gens... un économiste qui va être au ministère des Finances va être capable de se retrouver au ministère du Travail ou à l'Autorité des marchés financiers avec des compétences de base, donc, parce qu'en arrière de tout ça on a une permanence de deux ans, là, ce qui fait qu'il faut qu'on ait la capacité d'évaluer, de façon générique, les candidats. Puis après, si on cherche une spécialité ou un profil plus particulier, qu'on aille en conditions supplémentaires, ce qui est déjà possible actuellement.

Mme LeBel : O.K. Bien, en tout cas, je comprends votre position. On va regarder tout ça puis on va le regarder avec attention. Comme je vous ai dit, on ne passera pas un par un les commentaires que vous avez faits sur chacun des articles, là. Votre mémoire est assez étoffé, et on va regarder ça avec beaucoup d'attention. Merci, Mme Gosselin. Merci.

Mme Gosselin (Anne) : Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière pour une période de 11 minutes.

M. Barrette : Merci. Bien, on est quasiment rendus à bonsoir, Mme Gosselin. Écoutez, vous m'avez beaucoup impressionné. Vous avez une connaissance historique de cette situation-là qui est assez remarquable. J'ai appris beaucoup de choses. Le premier commentaire que vous avez fait était à l'effet que ce qui est actuellement en place a été mis en place pour contrecarrer la période duplessiste, où il y avait du favoritisme. C'est pour ça, là. J'ai bien compris votre propos, là?

• (16 h 50) •

Mme Gosselin (Anne) : Oui, c'est notre inquiétude, là, d'aller avec des processus trop pointus. D'une part, on craint la partialité et on craint aussi des enjeux de mobilité dans la carrière d'un fonctionnaire de l'État. On a effectivement ces craintes-là.

M. Barrette : J'ai posé cette question-là aux syndicats, puis c'était un enjeu pour eux. Vous, dans le projet de loi, là, il n'y a rien qui va... Disons, la mobilité du fonctionnaire va être impactée par ce projet de loi là, là, tel qu'il est écrit aujourd'hui, là.

Mme Gosselin (Anne) : Bien, en tout cas, il y a des risques, parce qu'à partir du moment où on travaille sur un profil très vertical, comment on peut s'assurer que quelqu'un qui va aller occuper un autre poste dans une autre organisation, son profil va aller de pair avec les autres emplois qu'il va occuper? Il y a une inquiétude à cet égard-là.

M. Barrette : J'ai envie de vous demander, là... Vous, là, vous avez écouté toutes les consultations, à date, j'imagine, là?

Mme Gosselin (Anne) : Oui.

M. Barrette : Qu'est-ce qu'il manque à ce projet de loi là? Vous nous avez entendus dire, là, que le projet de loi est en quelque sorte un chèque en blanc. Vous avez entendu la ministre dire : Bien non, faites-vous-en pas, tout va bien aller, on va mettre des lignes directrices. Je vous ai entendue ne pas avoir vraiment, nécessairement, une grande confiance dans les lignes directrices. Qu'est-ce qu'il manque, là? Qu'est-ce que vous rechercheriez si vous étiez à notre place?

Mme Gosselin (Anne) : Bon, d'une part, les lignes directrices devraient être connues de façon un peu plus claire, notamment par le biais du pouvoir réglementaire. Parce que, quand on parle de règlements, on parle de Gazette officielle, ce sont des documents qui sont publics, qui sont accessibles au commun des mortels. Quand on parle de politiques directives, on parle du recueil des politiques gouvernementales qui sont disponibles, moyennant un déboursé, sur le site des publications officielles. Donc, ce n'est pas des éléments qui sont facilement accessibles pour le commun des mortels. Donc, on voudrait que les balises demeurent sur le plan réglementaire pour que ce soit plus connu et plus partagé par l'ensemble des citoyens et candidats à un processus de dotation.

M. Barrette : Est-ce que vous trouvez qu'il est normal qu'on ne débatte pas de ces orientations-là, ces lignes directrices là, dans le projet de loi à cette étape-ci?

Mme Gosselin (Anne) : Bien, en tout cas, si on veut sauvegarder toutes les valeurs, tous les principes d'impartialité, bien, ça demanderait d'avoir un petit peu plus de matériel, parce que même... dans les derniers articles qui modifient la Loi sur l'administration publique, aux articles 32 et suivants, on prévoit même que le président du Conseil du trésor peut dispenser un dirigeant de sélectionner quelqu'un par un processus de dotation, ce qui fait que... Comment ça va s'articuler? On ne sait pas vraiment, là, parce qu'il y a plein d'exceptions qui laissent une ouverture mais qui ne nous sont pas expliquées, balisées. Donc, la réalité pourrait être tout autre, au-delà des principes.

M. Barrette : C'est comme si, au Conseil du trésor, on se donnait... je fais une transposition, là, c'est comme si on transposait dans l'embauche le gré à gré d'un contrat.

Mme Gosselin (Anne) : Bien, ça pourrait avoir, dans certains cas... Je ne dis pas que c'est la volonté des gestionnaires, mais les dérapages sont plus... seront peut-être plus accessibles.

M. Barrette : Vous avez touché momentanément la question de la Commission des finances publiques, là, le pouvoir...

Mme Gosselin (Anne) : De la Commission de la fonction publique.

M. Barrette : ...le contre-pouvoir, et ça, manifestement, vous voyez un problème significatif là. Le contre-pouvoir disparaît ou, en tout cas, il est amenuisé grandement, là.

Mme Gosselin (Anne) : Bien, l'instauration de la Commission de la fonction publique avait ce but-là, de faire des vérifications pour s'assurer du respect des grands principes d'impartialité, d'accès, d'équité. Quand on voit, dans les différentes dispositions, entre autres, dans les articles 43, 45, 46, on donne... la présidente du Conseil du trésor aura le pouvoir de désigner quelqu'un en-dehors de la Commission de la fonction publique, et cette personne-là va lui rendre compte spécifiquement à elle, alors que le tribunal puis l'organisme impartial indépendant, qui est la Commission de la fonction publique, lui, relève de l'Assemblée nationale et rend compte à l'Assemblée nationale. Donc, toutes ces exceptions-là nous fait craindre, là, des dérapages.

M. Barrette : O.K. Et qu'est-ce que vous recommandez, là? Est-ce que vous recommandez tout simplement le statu quo ou vous recommandez un aménagement de ce qui est proposé?

Mme Gosselin (Anne) : Bien, moi, je pense qu'on peut certainement trouver un meilleur équilibre entre des mégabanques superlourdes et un processus trop, trop pointu. Il y a certainement moyen de trouver un amalgame, mais il faudra aussi qu'il y ait les moyens, les effectifs, les ressources humaines, matérielles, financières pour qu'on puisse bouger rapidement. Parce que, si les ministères et organismes ont peu de ressources pour faire de l'analyse de C.V., l'enjeu va être le même, là. Les gens vont... Ça va entraîner un certain délai, et l'enjeu va être le même, même si, en soi, le processus de dotation ne règle pas tous les problèmes d'attraction.

M. Barrette : J'irais même peut-être un peu plus loin. L'enjeu va être le même ou il va peut-être être pire parce que, s'ils n'ont pas les ressources, ils risquent de vouloir aller vite, passer vite sur les C.V., faire quelques entrevues puis prendre celui qui fait leur affaire, tout simplement...

Mme Gosselin (Anne) : Bien, avec...

M. Barrette : Il y a un manque de rigueur.

Mme Gosselin (Anne) : Avec la disposition qui prévoit un moyen d'évaluation, c'est sûr que le risque est d'aller vite en entrevue. Ça se convoque rapidement, ça s'exécute rapidement, mais c'est aussi le moyen d'évaluation, l'entrevue, le plus arbitraire, en tout cas, qui laisse place à beaucoup d'arbitraire, contrairement à un examen ou un test, d'autant plus que, dans les dernières années, le Conseil du trésor avec, à l'époque, le CSPQ et l'accord de la Commission de la fonction publique, avait fait des concours, des examens qui pouvaient être corrigés par informatique dans le temps de le dire.

M. Barrette : Si je comprends bien votre propos, parce que je vais vous avouer que votre témoignage est très intéressant, là, est très éducatif, si je comprends bien votre propos, là, la problématique des banques, ce n'est pas... elle n'est pas dans son essence, la présence d'une banque. Sa problématique vient du fait qu'on n'a pas les équipes pour traiter assez rapidement le cheminement d'une candidature au travers la banque. C'est ça, là, que je comprends.

Mme Gosselin (Anne) : Oui, c'est un fait que tout est dans l'exécution. Ça ne veut pas dire qu'on...

Actuellement, on ne permet plus, hein, aux ministères de faire un concours dans un champ particulier. Alors, tu sais, il y aurait peut-être moyen de trouver, entre les deux extrêmes que sont les banques et les processus spécifiques pointus avec des profils pointus, il y aurait certainement moyen de faire un amalgame, parce que, dans le passé, il y a une quinzaine d'années, les ministères pouvaient faire leurs propres processus, donc on ne se retrouvait pas, nécessairement, avec 5 000 candidatures.

M. Barrette : Quand les ingénieurs, contrairement... Je ne suis pas d'accord avec qu'est-ce que la ministre nous a dit, il y a un instant, à propos des ingénieurs. Les ingénieurs, ce qu'ils déploraient, là, c'est l'absence de... On ne requérait pas d'eux des compétences minimales dans un champ donné, là. Les ingénieurs ne se plaignaient pas d'un manque de demandes de compétences extrêmes, là, mais bien l'absence de demandes de compétence tout court. Vous, là, est-ce que ça, là, ce commentaire-là, ça vous amène, en quelque part dans le milieu, entre les banques et ce qui est proposé aujourd'hui?

Mme Gosselin (Anne) : Oui. Moi, je pense qu'il y a moyen de trouver un entredeux. Le cas des ingénieurs, comme le cas de plusieurs ordres professionnels, c'est plus spécifique parce qu'il y a des obligations, par les ordres professionnels, de vérification. Puis un ingénieur minier ne peut pas faire ce qu'un ingénieur électronique ou un ingénieur civil fait, là. Puis, dans le secteur public aussi, les... hein, on sait que, dans les... auprès des ingénieurs, il y a eu des enjeux au regard de la qualité des postes qui étaient offerts, où il y avait moins d'intérêt parce que les postes... les activités les plus palpitantes pour les ingénieurs étaient faites dans le secteur privé.

M. Barrette : O.K. Il me reste à peu près une minute. J'aimerais vous entendre parce que vous avez une grande expérience. Vous avez probablement entendu le témoignage de Mme Chater?

 (17 heures)

Mme Gosselin (Anne) : Oui.

M. Barrette : Ainsi que le commentaire tout à fait justifié du collègue de Rosemont. Pourquoi, dans la fonction publique, dans la structure actuelle, on n'arrive pas à avoir une diversité plus grande que celle que l'on a? Vu de l'intérieur, de votre point de vue, vous l'expliquez comment, vous?

Mme Gosselin (Anne) : Je pense objectivement qu'il y a beaucoup de méconnaissance du processus en tant que tel. Puis d'ailleurs nous autres, à l'alliance, quand il y a des concours, quand il y a des processus de qualification, on prépare des formations de deux heures ou d'une demi-journée. On le fait même avec l'ENAP pour aider les gens à se préparer, comment on se prépare, qu'est-ce qu'on lit, quels documents on doit bien connaître. Effectivement, je l'ai réalisé à plusieurs reprises que, pour les communautés culturelles, la passation d'examen, c'est plus difficile.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Barrette : Voilà, malheureusement. Merci beaucoup, Mme Gosselin.

Mme Gosselin (Anne) : Ça me fait plaisir.

M. Barrette : J'aurais aimé... puis peut-être dans un autre forum.

Le Président (M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gosselin. Pour faire une histoire courte, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, moi, j'ai déjà travaillé très longtemps chez un employeur où le dicton, parmi les employés, c'était : Poste affiché, poste comblé. Ça se réglait tout en amont d'habitude. J'ai même été brièvement patron dans cette entreprise puis je me souviens qu'à la première embauche on avait trois candidates en lice, et, après la première, qui m'avait particulièrement impressionné, on m'avait dit : Ne t'énerve pas trop, là, ce poste-là, il est déjà réservé pour quelqu'un d'autre. Ça fait que c'est déjà réglé et ça fonctionne souvent comme ça.

Je vous écoute, vous êtes en train de parler des risques de s'en tenir qu'à une seule entrevue, et qu'à une entrevue seule, je devrais dire. C'est ça, le risque que vous craignez, que les dés soient pipés ou que... Ça nous lie les mains un peu. Là, je suis en train de vous mettre des mots dans la bouche peut-être, là, mais qu'est-ce qui vous dérange là-dedans, dans ce processus-là?

Mme Gosselin (Anne) : C'est un risque de se limiter à un seul moyen, parce qu'on sait qu'il y a des gens qui performent très bien en entrevue, mais que, sur le plan des connaissances ou des habilités, ils sont plus faibles. L'entrevue, c'est un moyen, mais c'est aussi le moyen qui est le plus facile à administrer et le plus rapide à administrer, mais aussi le plus susceptible d'être empreint d'arbitraire, donc. Et se limiter à ça, c'est qu'on risque de voir après... si on n'est pas allés valider les connaissances de base, les habiletés de base de cette personne-là, même si cette personne-là excelle en entrevue, on risque d'avoir des surprises par la suite, là.

M. Marissal : Mais on s'entend, Mme Gosselin, qu'il y a quand même un entonnoir, là. Pour arriver à l'entrevue, là, même s'il y a trois, ou quatre, ou cinq candidats, candidates, il y a eu une présélection qui a été faite, là. Donc, il y a aussi un problème dans le cheminement, selon vous?

Mme Gosselin (Anne) : Bien, la présélection, c'est toute la question de l'admissibilité, hein, de l'étude du C.V. Il y a des C.V. qui se lisent en deux minutes, il y en a qui se lisent en 10 minutes. Ça prend beaucoup de travail, ça prend une expertise particulière, faire de l'admissibilité, et, depuis 15 ans, les directions des ressources humaines en font très, très peu. Donc, il va falloir s'assurer que les effectifs sont là pour que ça se fasse très bien. Mais encore, vous savez, lire un C.V. puis s'assurer que les gens ont vraiment les habilités qu'ils énoncent dans leurs C.V., au regard de ce que vous recherchez, ce n'est pas toujours évident.

M. Marissal : Autrement, s'il n'y a pas les effectifs avant, le risque est lequel, selon vous, rapidement?

Le Président (M. Simard) : Très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Gosselin (Anne) : Le risque est de faire des mauvais choix.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Marissal : Merci, Mme Gosselin.

Le Président (M. Simard) : Mme Gosselin, merci beaucoup pour la qualité de votre présentation.

Mme Gosselin (Anne) : Ça m'a fait plaisir.

Le Président (M. Simard) : Ce fut fort agréable que de vous avoir avec nous.

Mais, écoutez, c'est parce que je l'avais oublié, mais notre collègue de Jonquière est de retour parmi nous, et j'allais oublier de lui laisser la parole. Je m'en excuse, cher collègue.

M. Gaudreault : Oui, parce que, des fois, les nouvelles sortent à 16 h 55 un jeudi. Alors, j'aimerais savoir, Mme Gosselin, justement, si vous partagez les inquiétudes qui nous ont été communiquées par les ingénieurs du gouvernement du Québec, jeudi dernier, quant aux pressions politiques.

Mme Gosselin (Anne) : Bien, c'est toujours un risque un peu partout, la question des pressions politiques, puis, quand on travaille sur des processus moins encadrés, le risque est là. Mais je ne me ferai pas l'avocat des ingénieurs, je pense qu'ils sont très bien capables de le faire eux-mêmes, là, mais on cherche... plus les processus sont bien définis, plus ils sont rigoureux, plus on évite les biais. Mais, avec les paramètres qu'on a présentement sur le projet de loi n° 60, on n'a pas ces outils-là actuellement.

M. Gaudreault : O.K. Donc, c'est insuffisant pour se protéger de ça?

Mme Gosselin (Anne) : Je pense que ça pourrait être... Je ne vous dis pas que ça va être la règle, mais ça pourrait permettre ces situations.

M. Gaudreault : Est-ce qu'on vous en rapporte, des pressions politiques de la part de vos membres?

Mme Gosselin (Anne) : Bien, je vous avoue bien franchement que nos membres ne sont pas très forts dans la confidence dans ces situations-là. Les gestionnaires gardent ça pour eux et dealent dans la quotidienneté avec ces situations-là.

M. Gaudreault : Comment vous réagissez, à votre association ou chez vos membres? Comment ça réagit quand, par exemple, des chefs de cabinet sont nommés sous-ministres? On en voit à plusieurs reprises, là. Par exemple, le 8 juillet, je prends ça parce que c'était le jour de ma fête, là, Isabelle Mignault est passée de directrice de cabinet du MRI à sous-ministre adjointe au ministère des Transports.

Mme Gosselin (Anne) : Bien, je suis obligée de vous dire que ça ne relève pas de mon champ de compétence parce que ça relève d'une décision du Conseil exécutif. Les administrateurs d'État, ce ne sont pas des gens qui sont assujettis au même processus que les autres fonctionnaires. Je suis désolée.

M. Gaudreault : Dites-moi, à la page 4 et 5 de votre mémoire, vous êtes quand même très critique, là, sur le fait que la diminution des pouvoirs de la Commission de la fonction publique va faire en sorte que le Secrétariat au Conseil du trésor, si je comprends bien ce que vous dites, pourrait devenir juge et partie.

Mme Gosselin (Anne) : Effectivement, parce que le Secrétariat du Conseil du trésor, comme n'importe quelle organisation publique, ministère ou organisme, est actuellement assujetti à la surveillance de la Commission de la fonction publique. D'ailleurs, je vous ai cité cinq situations où le secrétariat a fait l'objet d'enquête de la Commission de la fonction publique, donc... et ce sont des informations publiques qui sont sur le site Internet de la commission. On est inquiets sur le fait que la Commission de la fonction publique risque de voir ses pouvoirs très, très réduits, d'autant plus qu'il reste un espace dans le projet de loi où la présidente du Conseil du trésor pourrait nommer quelqu'un pour faire des vérifications, ce que la commission fait déjà.

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Gosselin.

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Simard) : Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions. Merci à nouveau pour la qualité de votre présentation. Ce fut fort apprécié.

Et, sur ce, nous allons suspendre temporairement nos travaux afin de faire place à notre dernière invitée.

(Suspension de la séance à 17 h 08)

(Reprise à 17 h 21)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes de retour et nous pouvons reprendre nos travaux. Nous avons l'honneur de recevoir, ce soir, la Pre Anne Bourhis, qui est professeure titulaire au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal.

Alors, chère collègue, soyez la bienvenue. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes afin de faire votre présentation.

Mme Bourhis (Anne) : Absolument. Et les 10 minutes commencent maintenant, j'imagine?

Le Président (M. Simard) : Oui, si vous voulez, ce serait préférable.

Mme Anne Bourhis

Mme Bourhis (Anne) : Parfait. Alors, écoutez, M. le Président, Mmes, MM. les députés, d'abord, je voulais vous remercier de me donner l'occasion de partager avec vous mon analyse de ce projet de loi.

À l'automne 2019, j'ai été approchée par la direction de la gestion de la main-d'oeuvre du Secrétariat du Conseil du trésor pour faire un relevé des tendances en matière de dotation par le biais d'une revue de la littérature et d'une comparaison de huit organisations publiques, et c'est avec cet éclairage que j'aborde ma lecture du projet de loi. Dans mon témoignage, je reviendrai très rapidement sur les principaux constats tirés de ce mandat, donc qui datent de l'automne 2019, et, par la suite, je vous ferai part de ma lecture du projet de loi en regard de ces constats.

Alors, tout d'abord, en ce qui concerne la lecture de la littérature, on dégage quatre tendances de fond qui transforment les pratiques de recrutement et de sélection du personnel, en particulier dans un contexte de rareté de main-d'oeuvre, qui est celui que vit l'ensemble de la société québécoise et en particulier la fonction publique aujourd'hui. Donc, ces quatre tendances, quelles sont-elles? D'une part, le déploiement d'une marque employeur forte; d'autre part, la mobilisation des moyens technologiques pour optimiser les processus de dotation; la transformation du rôle du recruteur, dont le mandat devient de plus en plus un rôle de repérage de talent; et finalement, l'amélioration de l'expérience candidat.

Alors, par souci de concision dans ce témoignage, puisque nous n'avons que 10 minutes, permettez-moi de revenir uniquement sur ce dernier point, l'expérience candidat, c'est-à-dire ce que vit le candidat entre le moment où il fait connaissance avec un employeur potentiel sans nécessairement, à ce moment-là, avoir l'intention d'y postuler et le moment où il accepte une offre d'emploi. À cet égard, la littérature stipule clairement que, d'une part, la transparence dans les qualifications recherchées, mais également l'équité dans le traitement des candidatures, la rigueur dans le processus d'évaluation et le délai de traitement des candidatures sont des éléments incontournables à une bonne expérience candidat. Et les études ont montré qu'une bonne expérience candidat permet à la fois d'attirer des candidats de qualité mais aussi de sélectionner et de retenir les meilleurs parmi ces candidats.

L'analyse comparative des organisations du secteur public que j'ai menée, toujours à l'automne 2019, montre qu'à bien des égards les organisations étudiées ont adopté des pratiques solides de dotation en mettant en place un modèle de sélection basé sur les compétences et sur la notion de mérite. Toutes se préoccupent également de l'égalité d'accès aux emplois de la fonction publique et de la représentativité de leur main-d'oeuvre par rapport à la population desservie. En général, les organisations qui ont fait l'objet de cette étude font appel à une combinaison d'outils de mesure pour évaluer adéquatement les candidatures mais laissent le choix final du candidat à l'appréciation du gestionnaire qui aura à le superviser. Ainsi, si les décisions sont décentralisées, en revanche, la conception des outils de mesure est généralement centralisée pour répondre à l'objectif d'équité de traitement et de rigueur dans le traitement.

Cependant, force est de constater que les organisations du secteur public que j'ai sondées à ce moment-là cherchent à améliorer leur processus de dotation, mais l'expérience candidat est rarement au centre de leurs préoccupations.

Alors, cela m'amène à ma lecture du projet de loi n° 60. D'entrée de jeu, je vous dirais que le passage d'un processus de qualification à un processus de sélection, qui est proposé à l'article 42, m'apparaît cohérent avec une volonté de simplifier le processus, d'en améliorer la transparence mais aussi et surtout de réduire le temps entre le dépôt d'une candidature et une offre d'emploi. Ces trois éléments, transparence, simplification, réduction du temps, sont des éléments importants qui contribuent à une expérience candidat positive.

Ce changement proposé à l'article 42 permet également l'élimination de la notion de banque de personnes qualifiées qui présentait, présente encore, en fait, plusieurs inconvénients. Premièrement, les candidats postulaient pour une catégorie d'emploi sans savoir exactement dans quel ministère ou quel organisme ils travailleraient, ce qui n'était pas très attrayant pour les candidats. Deuxièmement, les candidats, une fois qualifiés, pouvaient attendre longtemps avant qu'un poste se libère quelque part. Et finalement, à cause de cette attente et dans un marché de l'emploi qui est très fluide comme celui que l'on connaît actuellement, bien, les banques de candidats qualifiés devenaient rapidement obsolètes, les meilleurs candidats acceptant d'autres offres d'emploi.

Supprimer ces banques me semble donc un bon moyen d'éviter de mobiliser des ressources pour évaluer des candidats à qui, selon toute vraisemblance, on ne ferait jamais d'offre d'emploi.

Par ailleurs, déléguer la responsabilité du processus de dotation aux sous-ministres et dirigeants d'organisme, comme c'est proposé à l'article 43, me semble également une bonne idée afin de tenir compte des spécificités de chaque organisation. Cela donne de la flexibilité au processus, et, à cet égard, le projet de loi me semble nuancé, dans la mesure où il ouvre tout de même la porte à des processus de dotation communs à plusieurs ministères et organismes, ce qui fait sens pour des catégories d'emploi similaires.

(17 h 30)

Si on poursuit l'examen des articles, l'article 47, qui accorde à chaque ministère et organisme la responsabilité de déterminer le profil recherché pour chaque emploi, me semble également aller dans le sens d'une plus grande flexibilité pour tenir compte des caractéristiques particulières de chaque organisation. Cependant, cette décentralisation du processus de dotation aux ministères et organismes ne doit pas se faire au détriment des principes de transparence, de compétence, d'équité de traitement et d'accessibilité à la fonction publique, principes qui, selon moi, pourraient être réaffirmés dans le projet de loi.

De la même façon, les moyens pour respecter ces principes me semblent actuellement un peu flous. Certes, plusieurs articles du projet de loi octroient au Conseil du trésor la responsabilité de déterminer le contenu d'une annonce d'emploi ainsi que ses modalités, notamment la durée de publication, c'est l'article 44, de donner des directives quant au profil recherché, article 46, et également d'établir des moyens d'évaluation, c'est l'article 49. Et l'article 50.1 ouvre également la porte à ce que le Conseil du trésor fournisse aux ministères et organismes des services-conseils en matière de moyens d'évaluation.

Cependant, il me semble, en tout respect, que le projet de loi devrait affirmer de façon plus ferme, premièrement, que le profil recherché doit être basé sur les compétences requises par la fonction, compétences définies comme une combinaison de savoir, de savoir-faire et de savoir-être, c'est la notion de mérite; deuxièmement, que ce profil doit absolument apparaître dans le contenu de l'annonce, c'est une question de transparence; troisièmement, que l'évaluation des candidats doit se faire à l'aide d'outils rigoureux basés sur les meilleures pratiques dans le domaine, ça s'attache aux principes de rigueur et d'équité; et finalement que cette évaluation vise à comparer les compétences détenues par un candidat au profil recherché pour le poste, à nouveau une question de transparence.

Je pense également que le projet de loi devrait donner plus clairement au Conseil du trésor le mandat de développer une banque d'outils d'évaluation fiables, rigoureux, basés sur les meilleures pratiques au sein desquels chaque ministère et organisme pourra puiser, en fonction des compétences à évaluer, les outils utilisés pour chaque poste.

Finalement, je me questionne sur l'absence d'indicateurs de performance. Dans la mesure où le projet de loi permet une plus grande décentralisation des processus de dotation, ce qui, à nouveau, semble être une bonne chose, le risque existe de voir se développer des processus très différenciés, mais alors qui ne seront pas comparables. Or, pour être en mesure d'en évaluer la performance, il importe de pouvoir les comparer au moyen de certains indicateurs clés, comme le délai moyen pour combler un poste, le nombre de candidatures recueillies pour chaque affichage, la proportion de candidatures de qualité au sein des candidatures retenues ou encore la proportion de candidats retenus faisant partie de groupes cibles. À nouveau, le rôle du Conseil du trésor pour fournir aux ministères et organismes des systèmes d'information et des indicateurs de performance uniformes pourrait être réaffirmé dans le projet de loi.

Donc, en conclusion, je pense que le projet de loi n° 60 répond adéquatement aux besoins de dotation de la fonction publique québécoise en ce sens qu'il simplifie et raccourcit le processus, qu'il tient compte des particularités des ministères et organismes et qu'il offre aux candidats plus de transparence. Je pense cependant que le rôle du Conseil du trésor comme entité établissant les principes, les lignes directrices et les outils d'évaluation pourrait être renforcé.

Je vous remercie de votre attention. Je suis évidemment disponible pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, Mme Bourhis. Je cède maintenant la parole à la présidente du Conseil du trésor.

Mme LeBel : Mme Bourhis, bonjour. Merci de votre contribution. Je vous dirais que je suis un peu déçue de votre présentation. Elle est tellement claire que je suis presque à court de questions. Mais non, je vais... Je suis très préoccupée parce que plusieurs des intervenants ont mentionné qu'à la base, là, c'était, là je paraphrase, naturellement, une bonne idée de simplifier le processus mais ont émis plusieurs préoccupations, justement, quant à la capacité de respecter ces principes d'égalité d'accès, d'impartialité, d'équité, principes qui vont demeurer dans la Loi sur la fonction publique, mais qui doivent non pas être simplement édictés dans une loi mais doivent aussi se refléter dans la pratique.

Et je comprends que les moyens pour respecter ces principes, c'est de préciser, peut-être, à l'intérieur du projet de loi lui-même, de meilleures balises ou des balises plus précises. Vous avez parlé d'outils d'évaluation, vous avez parlé de délais de traitement. J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu de façon plus précise, parce qu'on peut le faire par voie réglementaire aussi, on peut le faire par le biais de directives. Ça a été, bon, commenté et décrié.

Moi, mon objectif est de simplifier le processus, de le rendre plus agile, de répondre beaucoup mieux aux besoins de la fonction publique et à la réalité du marché, vous l'avez bien mentionné, mais également de m'assurer qu'on ne tombe pas dans des possibilités, en tout cas, les éliminer ou, à tout le moins, les réduire à leur plus simple expression, de favoritisme ou de ne pas respecter les règles d'égalité d'accès, d'impartialité, et tout ça.

Donc, est-ce que vous pouvez nous proposer ou peut-être me suggérer des façons, à l'intérieur du projet de loi, tout en gardant le processus agile, donc en permettant peut-être au Conseil du trésor de pouvoir évaluer, évoluer aussi dans ses outils de... parce qu'on est d'accord... C'est une longue introduction, là, mais je vais finir par... parce que je réfléchis, finalement, en vous parlant parce que je trouve ça fort intéressant. Puis on n'avait pas le... On a eu le bénéfice d'avoir votre présentation à froid, là, si on veut, ou à chaud.

Donc, tu sais, je ne pense pas que vous... je vais donner un exemple, je ne pense pas que vous nous suggériez de lister, à travers le projet de loi, les outils d'évaluation...

Mme Bourhis (Anne) : Non, non.

Mme LeBel : ...parce qu'ils évoluent. Donc, on doit... J'essaie d'illustrer. Donc, on doit garder... Un projet de loi ne se modifie pas de la même façon qu'un règlement ni de la même façon qu'une directive. Donc, il y a des degrés d'agilité qu'on doit conserver en fonction des principes, là.

Donc, quels sont... Donc, je reprends ma question. Quels sont ceux que vous pensez qui sont pertinents de garder dans un projet de loi pour bien préciser et respecter les principes qu'on a énoncés d'abord? Qu'est-ce qui devrait se retrouver plutôt... et qu'est-ce qui pourrait se retrouver plutôt dans une réglementation ou une directive? Je sais que... J'ai clarifié ma pensée en vous parlant, là, mais vous voyez où est-ce que je veux en venir.

Mme Bourhis (Anne) : Absolument. D'entrée de jeu, n'étant pas formée en droit, vous me pardonnerez, là, de ne pas nécessairement connaître toutes les nuances et les différences entre une réglementation, un règlement, une loi, des directives, etc. Mais ce qui est clair pour moi, effectivement, c'est que les principes directeurs devraient... ceux-là sont immuables et donc devraient figurer dans le document le plus immuable, donc le projet de loi.

Et un des principes... Dans le projet de loi actuel, on mentionne, par exemple, que le Conseil du trésor peut agir... peut avoir un rôle de conseil auprès des gestionnaires. Je pense qu'on pourrait renforcer cela en disant : Non seulement il peut, mais il doit, il devrait être l'instance qui conseille les gestionnaires, bien évidemment, la façon dont ils... Par exemple, les conseiller sur les outils les plus appropriés pour mesurer les compétences propres à tel ou tel emploi.

Bien évidemment, dans le projet de loi, je ne m'attends pas à ce que soient listés, effectivement, les outils d'évaluation parce que, vous l'avez mentionné, ces outils d'évaluation, ils évoluent, la pratique évolue. Le fait, par contre, que les dirigeants de ministères, les sous-ministres et les dirigeants d'organisme soient tenus de s'en référer à des outils valides, des outils rigoureux, des outils à la pointe des connaissances dans le domaine, ça, je pense que c'est un principe que l'on pourrait affirmer dans le projet de loi. Et, si une entité comme le Conseil du trésor est chargée d'avoir une banque d'outils d'évaluation, de tests, d'exemples de questions d'entrevue, etc., et que cette banque est constamment mise à jour et mise à la disposition des sous-ministres et des directeurs d'organisme public, à ce moment-là, on s'assure de cette rigueur dans l'évaluation des candidats.

Je ne sais pas si ça répond... C'est un exemple pour répondre à votre question.

Mme LeBel : Absolument, absolument. Vous avez parlé... Je vais peut-être vous amener sur un autre aspect. Vous avez parlé de la marque employeur cohérente aussi, vous avez parlé de l'expérience candidat. Je comprends que vous suggérez également que le Conseil du trésor, probablement, ou une autre entité — moi, je pense au Conseil du trésor parce qu'on est... c'est quand même l'entité qui est chargée de chapeauter, là, l'administration publique — s'assure qu'il y ait des pratiques, à tout le moins, des pratiques de base qui sont quand même assez uniformisées entre les ministères et organismes, malgré que les besoins peuvent être différents d'une organisation à l'autre en termes de recrutement d'un candidat.

Ce que j'ai cru comprendre ou lire à travers vos propos, c'est qu'il faut quand même qu'on s'assure d'une certaine base d'uniformité dans les pratiques pour que cette marque — vous avez parlé de ça, d'une marque employeur, je pense, ou l'expérience candidat — soit cohérente d'une entité à l'autre, donc pas de meilleur processus dans un... que, si je me présente pour la Justice ou un autre, si je m'en vais en Immigration, ou, à tout le moins...

Mme Bourhis (Anne) : Absolument, puis c'est la notion d'équité de traitement et c'est un élément important de l'expérience candidat. L'idée est de dire : Il faut que le processus soit aussi rigoureux, autant basé sur les meilleures pratiques, que l'on postule au ministère de la Justice, ou au ministère des Finances, ou à l'Immigration, ou peu importe. Dans tous les cas, on veut un processus qui ait le même niveau de rigueur.

Bien évidemment, et c'est ce qui est inclus dans le projet de loi, on veut aussi tenir compte des particularités de l'organisme parce que... en fonction de l'organisme, du ministère, de l'organisme, mais aussi du poste, parce qu'en fonction des compétences requises par le poste, des compétences liées à l'environnement de travail spécifique aux bénéficiaires, par exemple, des services, certains ministères...

Je vais donner un exemple. Dans certains ministères, on fait... on travaille avec une population vulnérable, et ça prend donc des qualités personnelles particulières qui seront moins importantes dans un autre ministère, par exemple. Donc, il faut qu'on puisse tenir compte de ces nuances-là, mais que, dans tous les cas, on puisse dire : Le processus est aussi rigoureux lorsque je me présente à un ministère ou à un autre.

Et, encore une fois, je reviens à l'exemple que je mentionnais dans ma réponse précédente, une des façons de s'assurer que le processus est aussi rigoureux, c'est d'avoir un organisme qui centralise la conception d'outil pour répondre aux besoins des ministères, mais également pour répondre à ce souci d'équité. Ce n'est pas le seul moyen. On pourrait aussi penser à s'assurer qu'à partir du moment où ça va être décentralisé, que les gestionnaires qui sont en charge d'un processus de recrutement... et également la formation adéquate pour savoir comment poser des questions d'entrevue, comment administrer des examens ou des choses comme ça.

• (17 h 40) •

Mme LeBel : Excusez-moi, mon micro était fermé. Je trouve ça fort intéressant. Certains ont mentionné, toujours dans la crainte de ne pas respecter les principes d'accès d'égalité, de peut-être voir qu'il y ait moins d'équité ou d'impartialité dans le processus, ont mentionné la crainte que, si c'était décentralisé au niveau des gestionnaires, des directeurs de... bien, des gestionnaires, donc, des différents ministères et organismes, que peut-être, dans la sélection des candidats qui seraient amenés peut-être en entrevue, il y ait un certain favoritisme et ont peut-être proposé une présélection qui pourrait être faite par un organisme ou quelqu'un qui est à l'extérieur du ministère, bon, qui fait ses besoins.

Est-ce que vous pensez que, si on y va avec une banque d'outils de sélection où on ne laisse pas au gestionnaire en question le choix de l'outil d'évaluation, si on y va avec l'obligation d'avoir plus qu'un outil d'évaluation que la simple entrevue, est-ce que vous pensez que ça pourrait répondre à ces préoccupations-là ou vous pensez que le Conseil du trésor, à titre d'exemple, devrait faire une présélection? Et là je vais vous dire où est ma crainte dans ce processus de présélection là. C'est qu'on retombe dans une espèce de lourdeur des banques, là, c'est-à-dire une espèce de processus de qualification indirect, alors que la qualification doit être laissée, quant à moi, aux universités et aux gens qui font la formation, mais que nous, on doit être dans la sélection de la recherche de la compétence d'un candidat pour un poste donné. Donc, je ne suis pas contre le fait qu'il y ait des balises, mais j'essaie de trouver le meilleur équilibre entre retomber dans une espèce de gestion de banque indirecte et s'assurer, justement, que l'impartialité, l'équité, l'égalité d'accès soient... et uniformité aussi, le plus possible, soient faits.

Donc, pensez-vous que cette banque d'outils ou l'obligation d'en utiliser plus qu'un, parce que ça a été soulevé aussi, serait une des façons de baliser ou de répondre à ces enjeux-là?

Mme Bourhis (Anne) : Je pense que ce serait clairement une des façons, pas la seule façon, mais clairement une des façons. Dans ma présentation introductive, je parlais aussi de s'assurer d'avoir une certaine transparence, dès l'affichage du poste, dans le profil recherché et que ce profil soit effectivement un profil qui soit basé sur une analyse de la fonction et des compétences requises pour exercer cette fonction. Si c'est fait, et si c'est fait, encore une fois, de façon rigoureuse, et ça peut être fait par le gestionnaire ou par le dirigeant de l'organisme, mais avec des conseils, un appui, un suivi des personnes expertes au Conseil du trésor, déjà, ce que l'on envoie comme message, c'est : Le poste sera offert à quelqu'un qui répond à ce profil et non pas à quelqu'un qui est le meilleur ami de ou le... qui fonctionne par favoritisme. Donc, cette transparence dans les profils, cette transparence aussi dans le processus annoncé dès le départ : Le processus va contenir tel et tel... une entrevue, plus un test, plus ceci, donc telles et telles étapes, je pense que, ça aussi, ça participe du même objectif.

Et puis, et j'en parlais à la fin de mon allocution, la question de l'imputabilité, elle vient aussi être renforcée par des indicateurs de performance. Donc, si on demande après coup, à la fin d'un processus ou à la fin d'une certaine période, de... si on demande des comptes, en fait, aux sous-ministres, aux directeurs d'organisme public, si on leur demande des comptes, par exemple, sur les profils qui ont été à la fois recrutés, les profils des candidats, mais aussi les profils des candidats retenus, je pense que, là aussi, ça participe de cette volonté d'éviter le favoritisme, de rendre la fonction publique accessible à tous, mais à tous en fonction de leurs compétences.

Un dernier point, je sais que c'est une réponse longue, mais un dernier point sur la question de la présélection. J'aurais aussi probablement les mêmes craintes, dans la mesure où, effectivement, il ne faudrait pas que la machine utilise l'étape de présélection de la même façon qu'elle utilisait les banques de candidatures qualifiées. Et par ailleurs, si on croit au principe de donner de la flexibilité aux ministères et organismes pour aller chercher les profils qui correspondent le mieux à ce dont ils ont besoin, bien, la logique serait que la présélection se fasse aussi au niveau des ministères et organismes.

J'aurais peut-être un bémol à cette affirmation dans le cas de processus conjoints à plusieurs ministères, et c'est prévu, dans le projet de loi, que de tels processus puissent exister. À ce moment-là, peut-être, pourquoi pas, si on fait un processus conjoint à plusieurs ministères pour des postes qui sont finalement assez similaires d'un processus... d'un ministère à l'autre, je ne sais pas, un analyste, base de données, peut-être qu'on peut dire : Bien, ça, c'est un poste où les compétences ou le profil recherché ne variaient pas tant, que l'on travaille pour tel organisme ou tel ministère. À ce moment-là, peut-être qu'on pourrait dire, dans ces processus-là, une tierce partie, Conseil du trésor, par exemple, pourrait faire la première étape de présélection. Pourquoi pas?

Mme LeBel : Donc, on pourrait avoir, dans ces processus-là combinés, effectivement, pour des postes où le passage d'un ministère à l'autre, parce que la compétence est moins pointue, disons... là, on pourrait avoir une espèce de processus de banque générique, si on veut, mais pour le bien de ce processus-là qui est entre plusieurs ministères.

Je ne sais pas si je retiens bien ce que vous dites. Dans le fond, il y a deux éléments clés. Puis peut-être... je ne veux pas outresimplifier votre intervention, mais la première, c'est de s'assurer qu'on a un affichage adéquat et rigoureux qui correspond bien aux critères du poste recherché et que, non seulement... et qu'il énonce bien aussi les critères de ce que l'on recherche et sur lesquels on se basera et, par la suite, des outils d'évaluation adéquats qui nous permettront de bien sélectionner le candidat et de s'assurer qu'il y a une adéquation, peut-être pas parfaite mais optimale, entre les critères affichés, recherchés et la personne sélectionnée.

Et j'y vois un troisième, c'est l'imputabilité et les indicateurs de performance pour s'assurer exactement que, quand on a ces deux premiers éléments là, ils sont bien suivis par les gestionnaires. Est-ce que je résume...

Mme Bourhis (Anne) : Vous résumez très bien.

Mme LeBel : Bon. Merci. On va voir comment on peut préciser le projet de loi. Merci beaucoup, Mme Bourhis. C'est très instructif.

Mme Bourhis (Anne) : Merci à vous.

Le Président (M. Simard) : Il reste 1 min 30 s à votre formation politique, Mme la ministre. Est-ce que quelqu'un souhaiterait intervenir à ce stade-ci? Sans quoi, je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de La Pinière.

M. Barrette : Bonjour, Mme Bourhis.

Mme Bourhis (Anne) : Bonjour, M. Barrette.

M. Barrette : Oui. Bon, écoutez, j'ai moins de temps, là, moi, j'ai 11 minutes, puis vous allez entendre le même commentaire de mes collègues subséquemment. Là, j'ai bien compris, dans votre introduction, au début, début, début de votre présentation, que vous aviez été consultée par le ministère... le Conseil du trésor?

Mme Bourhis (Anne) : Oui, en 2019. Au Secrétariat du Conseil du trésor.

M. Barrette : Mais pour ce sujet-là?

Mme Bourhis (Anne) : Pour un sujet... pas exactement pour les modifications au projet de loi, mais pour une étude plus générale, une étude comparative de ce qui se faisait en matière de dotation dans différentes organisations au public, excluant le gouvernement du Québec, donc le gouvernement fédéral canadien, australien, Grande-Bretagne, quelques organisations municipales également et une revue de la littérature.

M. Barrette : O.K. Bon, c'est intéressant. Je ne vous ai pas entendu du tout parler de la Commission des finances publiques. Est-ce que, n'en ayant pas parlé, vous n'en voyez plus l'utilité?

Mme Bourhis (Anne) : Non, je pense tout simplement que ça dépasse mon champ d'expertise et que je préférais focaliser mon intervention sur ce que je connais.

M. Barrette : O.K. Vous nous avez parlé beaucoup de l'expérience candidat. Comment vous l'appelez? Je m'excuse, là. Vous avez...

Mme Bourhis (Anne) : Oui, l'expérience candidat.

M. Barrette : Candidat, là. C'est un peu comme l'expérience client, mais le client, quand il a une mauvaise expérience, là, il faut bien qu'il puisse se retourner vers quelque chose. Et est-ce que ce quelque chose là, c'est la Commission des finances publiques, dans le fond... de la fonction publique?

Mme Bourhis (Anne) : Possiblement. Ça peut être l'ombudsman. Ce que les candidats et, en particulier, les candidats les plus jeunes font, c'est non pas se tourner vers des instances, mais se tourner vers leur téléphone et les réseaux sociaux. En fait, une des choses que l'on voit de plus en plus, c'est des candidats qui, lorsqu'ils sont insatisfaits de l'expérience qu'ils ont eue, lorsqu'ils considèrent, par exemple, avoir été traités de façon inéquitable, lorsqu'ils ont l'impression d'avoir été évalués sur des compétences qui n'étaient pas pertinentes pour l'emploi ou encore lorsqu'ils ont l'impression d'avoir été évalués avec des outils qui ne semblaient pas rigoureux, de plus en plus, ce que les candidats font, c'est exprimer leur mécontentement ou leur insatisfaction sur les réseaux sociaux. Et il y a des sites d'évaluation d'employeur dans lesquels les candidats insatisfaits s'expriment et laissent cours à tous les adjectifs que vous pouvez... que leur imagination leur permet d'utiliser.

Donc, c'est une problématique réelle, et je vous dirais que de plus en plus d'employeurs... Vous parliez, tout à l'heure, de l'expérience consommateur. Effectivement, la notion d'expérience candidat, c'est un emprunt au marketing, mais de plus en plus d'employeurs font une vigie de ce qui se dit sur eux, en tant qu'employeurs ou qu'employeurs potentiels, au même titre qu'ils font une vigie de ce qui se dit sur eux en matière de produits et services.

• (17 h 50) •

M. Barrette : Il y a quelques instants, vous avez dit que vous aviez une expertise en termes de comparaison de différents systèmes d'embauche, puis on vous avait consultée essentiellement pour ça. Pouvez-vous nous parler un peu du comparatif que l'on a ici, au Québec, avec le système fédéral? Je connais un peu le système néo-zélandais, mais je comprends que vous connaissez aussi l'australien. Pouvez-vous nous éclairer sur les différences? Est-ce qu'on peut emprunter à d'autres? Parce que, là, quand on vous écoute et quand on écoute la ministre, c'est comme si on est en train de mettre en place le système parfait, ce dont... mais surtout, la ministre, là, puis je dis ça très gentiment pour la ministre, là, mais il y a d'autres... prenez pas vous, là, mais je ne pense pas que vous voulez nous dire ça. Mais est-ce qu'il y a mieux ailleurs?

Mme Bourhis (Anne) : Je suis professeure en gestion des ressources humaines et alors je peux vous assurer qu'en matière de gestion des ressources humaines la perfection n'existe pas. C'est toujours dépendant du contexte et c'est toujours quelque chose de dynamique.

Pour répondre à votre question de façon plus spécifique, le système fédéral canadien est un système qui ressemble un petit peu à ce que le projet de loi n° 60 propose, c'est-à-dire un système qui est très décentralisé en termes de prise de décision dans les ministères et organismes. On a beaucoup de latitude en ce qui concerne le profil, en ce qui concerne l'utilisation d'outils, selon les ministères et organismes et même au sein d'un même ministère et organisme, beaucoup de latitude en fonction du type d'emploi.

Cependant, le système est centralisé en termes d'outils d'évaluation. Donc, il y a une boîte à outils, si vous voulez, qui comporte à la fois des exemples d'entrevue et des exemples de test pour différents types d'emploi, autant des tests de langues, autant des tests d'habiletés cognitives, de tests de personnalité, et donc il y a une centralisation des outils, une centralisation des formations aussi données aux fonctionnaires qui ont des responsabilités en matière d'embauche pour savoir, par exemple, comment appliquer les principes d'équité, comment appliquer le principe de compétence, pour savoir aussi comment traiter des candidats qui appartiennent à des groupes protégés ou à des groupes que l'on veut cibler. Donc, le système fédéral canadien ressemble un petit peu à ce qui est prévu au projet de loi n° 60.

Le système australien est également très décentralisé, donc beaucoup de latitude donnée aux ministères et organisme dans le choix des profils qu'ils évaluent.

M. Barrette : Mais, dans le système fédéral canadien, le système australien, néo-zélandais, est-ce que la codification de ces outils-là, elle est dans la loi? Elle est formalisée en quelque part? Elle est comment?

Vous avez compris, là, évidemment, de nos interventions précédentes que ce que l'on critique fondamentalement, c'est l'espèce d'absence de balises, là, le chèque en blanc que le projet de loi nous apparaît être, là. Moi, j'ai bien... C'est un peu biblique, le projet de loi, là. C'est les 10 commandements, là : tu ne voleras point, aime ton prochain, et ainsi de suite, là. Malheureusement, la vraie vie, ça ne marche pas de même, là.

Mme Bourhis (Anne) : Je ne suis pas sûre du niveau de codification auquel vous faites allusion, mais, dans les lois de ces pays, Australie... gouvernement fédéral, pardon, ce qui va être mentionné, c'est le recours à cet organisme centralisé, c'est-à-dire qu'on va dire : Il faut que les gestionnaires en charge de l'évaluation des candidats fassent appel aux outils qui ont été développés par cet organisme centralisé ou ce centre d'expertise — on va parfois parler de centre d'expertise — centralisé qui regroupe des personnes qui vont concevoir des outils d'évaluation.

Maintenant, à ma connaissance, et je pourrais me tromper, mais, à ma connaissance, les outils d'évaluation comme tels ne sont pas listés dans le projet de loi, et la raison est celle que l'on évoquait tout à l'heure avec la présidente du Conseil du trésor, c'est-à-dire que ces outils-là, ils évoluent, la pratique, les bonnes pratiques évoluent. Et donc les insérer, les enchâsser dans un projet de loi reviendrait à être obligé de modifier le projet de loi tous les ans parce que des nouvelles façons d'évaluer les candidats arrivent.

Je pense notamment aux évaluations... à l'évolution, pardon, technologique dans le domaine de l'évaluation des candidats, où maintenant on a de plus en plus d'outils qui peuvent être faits à distance, on a de plus en plus d'outils d'évaluation, même, qui utilisent l'intelligence artificielle, avec des bons et des mauvais côtés. Je ne prône pas ça. Mais clairement, si on enchâssait dans la loi une liste d'outils, je pense que cela nous condamnerait à devoir réviser la loi de façon extrêmement fréquente.

M. Barrette : Par contre, on peut enchâsser dans la loi des principes.

Mme Bourhis (Anne) : Absolument. Et ce dont je parlais tout à l'heure, enchâsser d'abord le principe de compétence ou de mérite, enchâsser aussi le principe que l'évaluation se fait à l'aide de plus d'un outil, que l'évaluation doit se faire à l'aide des outils qui correspondent aux meilleures pratiques, qu'un organisme, par exemple, le Conseil du trésor, est en charge de déterminer quels sont ces outils qui correspondent aux meilleures pratiques, ça, effectivement, ces principes-là, on peut et je pense qu'on gagnerait même à les préciser dans la loi.

M. Barrette : Bon, il me reste quelques secondes. Je comprends que, pour vous, l'importance de la Commission de la fonction publique, en termes de vérification et de contre-pouvoir, vous n'y voyez pas tant d'intérêt que ça.

Mme Bourhis (Anne) : Ni l'un ni l'autre. Ma réponse va vraiment être neutre à ce sujet. Je n'y vois ni un organisme positif ni un organisme négatif.

M. Barrette : Très bien. Je pense, M. le Président, que je suis au bout de mon temps.

Le Président (M. Simard) : Ah! il vous restait quand même 17 secondes, cher collègue.

M. Barrette : Merci beaucoup, Mme Bourhis, d'être venue.

Mme Bourhis (Anne) : 17 secondes, c'est juste le temps pour se saluer. Je vous remercie, M. le député.

Le Président (M. Simard) : Bien observé, Mme Bourhis. Il faut quand même prendre le temps de se taquiner un peu, hein?

Mme Bourhis (Anne) : Absolument.

Le Président (M. Simard) : Parce qu'on s'apprécie quand même, tous, beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de 2 min 45 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bourhis, ou bonsoir.

Mme Bourhis (Anne) : Bonsoir, M. le député.

(18 heures)

M. Marissal : Vous avez peut-être entendu la dame de l'alliance des cadres qui était juste avant vous. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre son témoignage, apparemment pas.

Mme Bourhis (Anne) : Malheureusement non. J'étais en cours cet après-midi.

M. Marissal : Très bien. Bien, son titre le dit, là, elle est présidente de l'alliance des cadres du gouvernement du Québec et elle nous a dit, bien, beaucoup de choses que je ne résumerai pas, là, mais une chose en particulier, que les RH au sein du gouvernement, depuis une quinzaine d'années, mais c'est elle qui le dit, là, ce n'est pas moi, là, depuis une quinzaine d'années, n'ont plus les moyens, n'ont plus les outils, ne font plus, finalement, leur travail de RH.

Est-ce que vous avez, dans vos études, dans le mandat dont vous parliez tout à l'heure, constaté ça? Parce que c'est quand même un élément important dans le processus, là. Si la RH n'est pas capable de faire des RH, on a un problème, là.

Mme Bourhis (Anne) : Malheureusement, le mandat ne portait pas sur l'évaluation ni des RH en général ni du processus de dotation en particulier dans la fonction publique québécoise. Donc, je serais incapable de répondre à votre question. Je ne l'ai pas constaté, mais je ne l'ai pas constaté parce que je ne l'ai pas étudié.

M. Marissal : O.K. Là, vous avez parlé, tout à l'heure, du phénomène chez les plus jeunes, là, les milléniaux qui se tournent vers les réseaux sociaux. Ils le font beaucoup, là, puis c'est correct, là, j'ai des enfants de cet âge-là, là, je comprends ça. Moi, j'aurais une autre façon de fonctionner, là. Je suis probablement d'une autre génération. Et les gens d'une autre génération qui ne seraient pas heureux, est-ce que les réseaux sociaux, dont ils utilisent... dont ils se servent beaucoup moins, remplaceraient, par exemple, la Commission de la fonction publique, qui était quand même un rempart? Parce que c'est une chose que d'étaler ses sentiments sur les réseaux sociaux, c'en est une autre que d'aller chercher un appui ou un avis quasi juridique, là.

Mme Bourhis (Anne) : Oui, puis je ne veux pas me laisser entraîner sur une évaluation de la Commission de la fonction publique, parce que ce n'était pas le noeud de mon intervention aujourd'hui, mais, de façon générale, je vous dirais, pour avoir une réponse à cette question-là, j'aurais tendance à regarder quels sont les chiffres de... combien de personnes se plaignent, font des démarches auprès de la Commission de la fonction publique et est-ce que c'est... par rapport, évidemment, en proportion du nombre de candidats qui postulent au gouvernement chaque année et quel est le résultat de ces démarches-là.

Loin de moi l'idée de penser qu'il ne faut pas de contre-pouvoir ou d'organisme pour accueillir les insatisfactions et les plaintes, loin de moi cette pensée.

Le Président (M. Simard) : Bien. En conclusion.

Mme Bourhis (Anne) : Mais la question est : Est-ce qu'effectivement cette commission jouait son rôle?

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci. Je dois maintenant céder la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous. Vous avez parlé, entre autres, de quatre critères que je trouve intéressants, là, pour vivre une bonne expérience candidat... j'allais dire une bonne expérience client, une bonne expérience candidat, donc la transparence, l'équité, la rigueur, les délais. Alors, je retiens cela.

En quoi les nouvelles mesures de décentralisation du projet de loi n° 60, donc de donner plus de pouvoirs, par exemple, aux sous-ministres, aux présidents d'organisme, vient soutenir un ou plusieurs de ces quatre critères d'une bonne expérience candidat?

Mme Bourhis (Anne) : Le fait d'avoir les... Le fait que les ministères soient directement responsables de l'affichage de leurs postes et non pas de passer par une banque de candidatures qualifiées ou une étape de préqualification, ça réduit les délais, la notion de transparence aussi. Lorsque l'on fonctionne de façon centralisée, les candidats postulent pour un emploi, ils ont un titre d'emploi, ils ne savent pas dans quel organisme ou dans quel ministère cet emploi-là va finalement être pourvu, donc, là encore, il y a une question de transparence. La notion d'équité, c'est la notion sur laquelle... d'équité de traitement, c'est la notion sur laquelle, effectivement, il peut y avoir, je dirais, un certain risque, même si ce risque, je crois, peut être balisé.

Et je reviens à la discussion qu'on a eue tout à l'heure. Si, dans la loi, on enchâsse des balises telles qu'on doit utiliser des outils rigoureux, on doit utiliser des outils qui correspondent aux meilleures pratiques, on doit utiliser plus d'un outil d'évaluation, cela me semble de nature à baliser ce risque et diminuer ce risque d'iniquité d'un ministère ou organisme à l'autre. Mais clairement, la notion de transparence, d'équité et de réduction des délais.

M. Gaudreault : Mais, sur la question de l'équité, vous en faites un point important, mais, en même temps, et vous l'avez dit tout à l'heure, les moyens sont flous. Alors, présentement, j'ai l'impression qu'on navigue un peu à vue, de sorte que la ministre se garde des pouvoirs réglementaires de directive, on ne les connaît pas, et c'est ce qui pourrait venir renforcer l'équité que vous recherchez.

Et, en plus, j'ajoute aussi, de mon côté, le fait que la Commission de la fonction publique va se voir diminuer des pouvoirs. Alors, si moi, je postule comme fonctionnaire et... il y a l'équité de traitement immédiat comme candidat, mais je voudrais aussi avoir une garantie d'équité une fois que j'aurai le poste. Et là, si on coupe la Commission de la fonction publique, je perds un peu... un peu, beaucoup, cette équité.

Le Président (M. Simard) : Très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Bourhis (Anne) : Oui. En fait, je vous dirais simplement, sur la question des critères flous, c'est pourquoi, dans mon allocution de départ, introductive, je mentionnais ce qu'il me semblerait intéressant de rajouter dans la loi, un certain nombre de principes, comme le fait qu'on utilise des outils rigoureux.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, Pre Bourhis, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission et d'avoir, conséquemment, enrichi nos travaux. Ce fut fort apprécié.

Mme Bourhis (Anne) : Avec grand plaisir.

Le Président (M. Simard) : Sur ce, chers collègues, notre commission a complété son mandat. Vous savez que c'était la première fois que nous avions à faire, comment dire, des consultations particulières totalement en mode virtuel. Donc, merci beaucoup pour votre précieuse collaboration. Ce fut fort apprécié.

Mme LeBel : Merci, Mme Bourhis. Merci, tout le monde.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci à tout le monde, et j'ajourne donc nos travaux sine die. À bientôt.

(Fin de la séance à 18 h 06)

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