(Quinze heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers amis, j'avais préalablement constaté le quorum et je déclare notre séance
publique ouverte.
Comme vous le savez, la commission est réunie
virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières sur le projet
de loi n° 60, Loi modifiant la Loi sur la fonction publique
et d'autres dispositions.
Alors, Mme la secrétaire, bonjour.
La Secrétaire : Bonjour.
Le Président (M. Simard) : Y a-t-il
des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Alors, M. Ouellet (René-Lévesque) est remplacé par M. Gaudreault
(Jonquière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Simard) : Alors,
cet après-midi, nous entendrons trois groupes et nous commençons par le Service
d'orientation et d'intégration des immigrants au travail. Alors, Mme Chater,
soyez la bienvenue parmi nous. Vous savez que vous disposez d'une période de
10 minutes pour faire votre présentation. Alors, voilà, nous vous écoutons
avec grand plaisir.
Service d'orientation et d'intégration des immigrants au
travail (SOIT)
Mme Chater
(Fatna) : D'accord. Merci
beaucoup, M. le Président. Mmes, MM. les ministres, sous-ministres, les
membres de la commission, je suis très contente d'être avec vous. C'est ma
première consultation au Québec, donc excusez si je ne vais pas respecter, à la
lettre, les règles. Je débute.
Le Président (M. Simard) : Vous avez
le droit de faire un voeu, hein? Lorsque c'est la première fois, on a le droit
de faire un voeu.
Mme Chater (Fatna) : C'est bon,
c'est fait. Je me présente, Fatna Chater, je suis directrice générale par
intérim au SOIT. Donc, j'ai pris mes fonctions comme directrice générale depuis
quatre mois. J'ai plus de 20 ans d'expérience comme gestionnaire dans le
domaine des ressources humaines. C'est pour ça que je suis très contente du
sujet, ça m'intéresse vivement, et de l'immigration. Donc, mon expertise couvre
tout ce qui a trait à la dotation, justement, à l'évaluation des rendements du
personnel, la gestion des conflits, tout ce qui est négociations syndicales,
motivation, gestion de la diversité et de la formation.
En plus de ma fonction comme directrice générale,
je suis aussi formatrice auprès des gestionnaires de la fonction publique et
des gestionnaires des entreprises privées, dans toute la province, sur le thème
de la gestion de la diversité culturelle et, justement, sur la partie
ressources humaines.
Donc, aujourd'hui, je travaille au SOIT. Le
SOIT, pour ceux qui ne sont pas... qui ne le connaissent pas, c'est le service
d'orientation et d'intégration de personnes immigrantes au travail. On existe
depuis 35 ans. Donc, c'est une expérience de 35 ans et plus à allier,
justement, talent et emploi à la mission du SOIT et, justement, d'accompagner
les individus et les employeurs pour une intégration socioéconomique et la
réussite, bien sûr, professionnelle des personnes immigrantes... ainsi répondre
aux besoins de main-d'oeuvre.
Donc, le SOIT est ancré dans plus de
32 associations ethnoculturelles, est très engagé dans les comités et les tables de concertation de la Capitale-Nationale. Justement, nous, c'est pour encourager le vivre-ensemble
et dissiper des malentendus
culturels, surtout dans les milieux du travail. Donc, nous recevons annuellement plus de 1 500 personnes
immigrantes, et on travaille avec plus de 1 800 employeurs
au Québec, secteur privé et secteur public.
Le SOIT a participé activement, avec le
Secrétariat du Conseil du trésor, au processus de mesures d'intégration en emploi pour les nouveaux
arrivants, membres des minorités visibles et ethnoculturelles dans la fonction publique, donc ce qu'on avait appelé le
MIENA, Donc, pour toutes les éditions qui sont passées, donc, il y en avait trois, les résultats étaient très positifs
pour nous. Donc, juste un rappel, le MIENA, c'étaient les stages de
12 mois à la fonction publique pour les personnes nouvellement arrivées.
Donc, pour la consultation, et c'est le
sujet pour lequel je suis ici aujourd'hui, pour le projet de loi n° 60, ça
me concerne personnellement sur deux volets. Le premier volet, qui est personnel,
moi-même personne immigrante, et j'ai eu la chance de travailler avec les
acteurs de ressources humaines dans 11 pays différents, donc notamment en Europe, où j'ai acquis ma maîtrise en gestion des
administrations et de gestion des entreprises, le Maghreb, Afrique, le
Moyen-Orient. J'ai été beaucoup impliquée dans la modernisation des processus
d'embauche.
Ce que j'ai constaté, c'est que les processus de
dotation sont très différents d'un pays à l'autre et, des fois même, à
l'opposé. Comme vous le savez sans doute que le taux de chômage et le mouvement
de la population restent les deux caractéristiques qui guident et influencent
le marché du travail et nous poussent, comme employeurs, à changer nos façons
de faire.
• (15 h 30) •
À mon arrivée au Québec, j'ai aussi expérimenté
le processus de qualification à la fonction publique, que, malheureusement, je
n'ai pas réussi. J'ai découvert la complexité du processus et, surtout, les
délais, qui restent un vrai obstacle, un incitatif à aller voir ailleurs.
Le deuxième volet du sujet, et j'aimerais vous
le dire, c'est mon expérience comme formatrice auprès des gestionnaires du
secteur public. J'ai formé 40 groupes. Lors de nos formations, surtout sur
un module que nous donnons sur les ressources humaines, qui a pour objectif de
favoriser une gestion intégrée des ressources humaines dans un contexte
interculturel, le sujet du processus de recrutement revenait souvent, dans les
discussions, comme un grand défi vécu par les gestionnaires de la fonction
publique. Donc, je vous ai déposé un mémoire un peu plus détaillé pour ce
projet. C'est mon premier mémoire pareil, et je l'ai fait, et je l'ai préparé
toute seule, vu les délais que vous avez accordés.
Donc, le SOIT
a étudié avec intérêt le projet de
loi n° 60. Ce que ça nous a vraiment
marqué, c'est que ce projet vise deux
grands changements. La première modification du processus de recrutement, c'est la... maintenant,
ça va changer du processus de sélection à un processus de qualification.
Ainsi, on va éliminer la notion de banque de personnes qualifiées et la
décentralisation de la dotation puisque ce sont les ministres et organismes qui
en seront désormais responsables.
Le SOIT accueille positivement les modifications
au processus de recrutement, félicite et encourage le gouvernement du Québec à
aller de l'avant pour cette modernisation de la dotation d'emplois. La fonction
publique reste un employeur de choix pour les personnes natives, mais aussi
pour les personnes immigrantes, et surtout pour les personnes immigrantes. Actuellement,
le processus de sélection, il est trop lent et ne répond pas aux besoins en
matière de recrutement. La fonction publique se prive de plusieurs ressources
humaines motivées, qualifiées et compétentes... et il n'est pas compétitif aujourd'hui
ni pour le marché local ni pour le marché mondial. Ces modifications à ce processus
de recrutement, je pense qu'elles vont donner un souffle de modernisation au
sein de la fonction publique, et, dans tous les cas, pour le SOIT, ces
changements sont nécessaires pour pouvoir combler les postes vacants avec
efficacité et efficience.
Bien sûr que tout ce que je vais vous dire aujourd'hui,
ces propos s'inscrivent dans une perspective dictée par notre mission et
éclairée par notre expertise avec l'employabilité des personnes immigrantes.
Donc, je vais rentrer cette dimension interculturelle pour le projet.
Donc, dans ce contexte de changement démographique
et de mondialisation des marchés, l'embauche des personnes immigrantes devient
une solution très intéressante. Leur apport à la relance économique et à
l'emploi présentera de nombreux bénéfices pour le Québec.
Donc, le contexte actuel, je ne vais rien vous
apprendre, d'ici 2026, on aura un manque à combler de
1 400 000 emplois vacants pour toute la province. Bien sûr, ces
statistiques, ça a été donné si on fait abstraction de la pandémie. Au premier
trimestre 2019, les deux tiers de ces postes vacants sont donc à l'extérieur de
la région administrative du Grand Montréal. Je ne vais pas vous en parler, de
l'apport de l'immigration. Je vais rentrer vraiment dans les recommandations
pour que ça soit vraiment quelque chose de très pertinent, pour toutes les personnes qui sont au Québec, pour que ces changements
qui viennent répondre aux enjeux de rareté de main-d'oeuvre, ils vont
faciliter surtout la gestion de recrutement, qui est présentement un processus,
comme je viens de le dire, qui est complexe et long. Les gestionnaires, ainsi,
pourront combler leurs postes vacants, et on va éliminer les délais de
traitement des dossiers, et écourter les délais de prise de poste. Avec la
rareté de main-d'oeuvre dans plusieurs métiers, la fonction publique ne fait
pas une exception. Moderniser la dotation est une meilleure solution pour
augmenter la compétitivité en matière d'attraction des employés qualifiés.
Donc, pour juste rajouter d'autres choses, je
vais commencer directement par les recommandations et j'espère que j'aurai le
temps nécessaire. Donc, le projet de loi parle de la décentralisation de la
dotation. La recommandation du SOIT, c'est vraiment cette... la population
immigrante doit être visée par ces changements. Et donc les gestionnaires qui
seront impliqués dans la dotation, ils doivent avoir en plus des compétences en
matière de dotation, acquérir des nouvelles compétences en intelligence
interculturelle.
Le projet de loi habilite le président du
Conseil du trésor à fournir des services-conseils pour les ministres et les
sous-ministres. Donc, dans cette habileté, on rajoute et on considère :
l'insertion des personnes immigrantes qualifiées; renforcer la formation et la
sensibilisation des gestionnaires à la gestion de la diversité, en matière de
dotation et d'évaluation des personnes issues de l'immigration; ne pas négliger
l'importance d'intégrer les leurres culturels dans tout le processus
d'embauche; prendre en compte, dans le processus, des équivalences des
personnes immigrantes formées à l'étranger, surtout que le projet de loi
prévoit que le Conseil du trésor établit des équivalences de conditions
minimales; peut-être alléger ou adapter le processus des équivalences pour les
personnes issues de l'immigration; augmenter le pourcentage d'attraction des
immigrants dans la capitale nationale par une accessibilité accrue aux emplois
offerts par le gouvernement; impliquer les...
Le
Président (M. Simard) : Pardon. Excusez-moi de vous couper.
Simplement, est-ce qu'il y aurait consentement afin que Mme Chater
puisse terminer sa présentation?
Mme LeBel : Et
je suis même prête, M. le Président, à ce qu'elle prenne un peu de temps sur
mon temps à moi, il n'y a pas de problème, parce que je sais qu'il reste encore
quelques recommandations à nous faire part, mais j'aurai amplement de temps
pour discuter avec elle, j'en suis certaine, par la suite.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme la ministre.
Mme Chater, nous vous écoutons avec plaisir. Désolé de vous avoir
coupée.
Mme Chater (Fatna) : Merci. Donc,
nous avons un problème d'attraction des personnes immigrantes dans nos régions
du Québec. Pour une personne immigrante, réussir son immigration, c'est réussir
un emploi dans le domaine d'expertise, surtout s'il est dans la fonction
publique. Vous savez, on a une fierté à dire à nos familles : Je travaille
à la fonction publique. Donc, si vous voulez augmenter le pourcentage des
personnes qui vont travailler dans nos régions, c'est vraiment : ouvrir
des postes d'emploi dans la fonction publique dans les régions; impliquer les
organismes en employabilité des personnes immigrantes dans ce projet pilote,
parce qu'au bout d'un moment, vous parlez, dans ce projet, qu'il y aurait un projet
pilote qui va précéder la mise du projet, donc profiter de la disponibilité
d'un grand bassin de personnes immigrantes professionnelles, qualifiées et
compétentes pour des emplois à la fonction publique; appuyer, comme j'ai dit,
dans la dotation, la capitale nationale pour attirer les personnes qualifiées;
la nécessité d'un assouplissement du processus de qualification des personnes à
la fonction publique; la nécessité d'avoir des personnes issues de l'immigration
dans toutes les échelles de la fonction publique; encourager les gestionnaires
à recruter des personnes immigrantes. Mais, pour ça, il faut les outiller, les
sensibiliser à l'apport de l'immigration.
Je pense que je vais m'arrêter là, mais je vais
écouter vos questions et je répondrai à vos questions. Merci de m'avoir
écoutée.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, Mme Chater. Je cède maintenant la parole à Mme la présidente du Conseil
du trésor.
Mme LeBel : Merci, M. le Président.
Merci, Mme Chater. Effectivement, vous avez encore plusieurs commentaires dans
votre mémoire qui est fort intéressant. Et vous allez me permettre quand même
de faire un peu la part des choses. Il y a le processus de dotation qui va
passer, vous l'avez bien dit, d'un processus de qualification à un processus de
sélection, dont l'objectif de tout ça est de simplifier le processus et de
faire en sorte, comme vous l'avez bien dit, de ne pas échapper des gens de
talent qui pourraient venir travailler pour la fonction publique. Et le
processus actuel était justifié, là, à l'époque où il a été mis en place, pour
une multitude de raisons, mais la lourdeur du processus actuel, la lenteur
aussi peut décourager plusieurs candidats.
Il y a des choses qu'on peut faire dans la
politique de sélection. Il y a des choses qui sont fort pertinentes dans la stratégie d'intégration dont le
gouvernement du Québec se dote et devra se doter pour faciliter et augmenter
la présence de la diversité, là, dans la
fonction publique pour être mieux, d'ailleurs, en adéquation avec la
composition de la société québécoise. Et je pense que c'était très
important. Vous soulignez beaucoup de choses qui, je pense, ne feront pas
l'objet du projet de loi n° 60, mais qui sont des pistes de réflexion
extrêmement importantes et intéressantes.
Je vais peut-être vous amener sur deux petits
éléments qui sont peut-être plus du ressort du projet de loi sur la dotation,
et sentez-vous bien à l'aise d'élaborer quand même. Premièrement, je vois que
vous mettez peut-être l'accent beaucoup... Naturellement, ce sont maintenant...
ce ne sera plus une banque de qualification, comme on la connaît présentement,
par le biais d'un processus d'examen, ayant les qualifications minimales qui
sont, je dirais, transversales, là, communes à plusieurs corps d'emploi, là, de
la fonction publique.
Vous misez beaucoup sur la formation, n'est-ce
pas, des gestionnaires qui seront impliqués dans le processus de sélection.
Quel type de formation vous pensez qu'on devrait... que ces gestionnaires
devraient avoir, peut-être, pour avoir en tête cette intégration-là? Outre les
directives, les recommandations, les balises que le Trésor pourrait donner, il
y a les gestionnaires comme tels qui seront amenés à faire la sélection des
candidats. Vous parlez de renforcer la formation et la sensibilisation des
gestionnaires à la gestion de la diversité culturelle. Donc, vous pensiez à de
la formation. Quel type de formation auquel vous songiez?
• (15 h 40) •
Mme Chater (Fatna) : O.K. Merci.
Donc, il y a deux types de formations pour les gestionnaires : la
formation de la gestion de la diversité, mais, dans la gestion de la diversité,
la formation de la gestion tout court, surtout
en matière de ressources humaines. Vous savez que le marché de l'emploi
aujourd'hui, le marché économique, ça va vite, ça va très, très vite
même. Et donc on est toujours dans des façons de faire qui sont obsolètes, qui
sont datées dans leur temps. Donc, la modernisation, quand on parlait... c'est
chez les employeurs québécois en général, pour qu'on soit vraiment compétitifs
à l'échelle mondiale, à l'échelle aussi des provinces canadiennes. Aujourd'hui,
les autres provinces peuvent faire plus d'attraction des personnes pour
l'emploi, et je parle de toutes les personnes, je ne parle même pas des
personnes immigrantes toutes seules, parce qu'ils ont un peu allégé, ils
ont revu à la baisse les qualifications pour l'emploi.
Par contre, les employeurs québécois à jour,
dans toutes les études que nous avons menées avec l'Université de Montréal ou
l'Université Laval, ça reste des employeurs qui veulent faire de l'attraction,
mais, dans le processus de recrutement, ça reste quand même des niveaux très
hauts, c'est-à-dire, on veut quelqu'un qui est à 100 % apte à faire la job tout de suite, le travail tout de
suite. L'emploi, il est autonome à 100 % tout de suite dans tout, c'est-à-dire
on fait, pour l'apprentissage, par exemple, juste...
Je
vais vous le dire, par exemple, pour l'informatique, là, aujourd'hui, ni la
fonction publique ni les entreprises dans les régions peuvent attirer ou
garder, c'est-à-dire... on parle aussi du maintien en emploi des personnes dans
les régions, parce qu'il n'y a pas juste... Quand je parlais de la
dotation-recrutement, c'est de a à z, c'est-à-dire je recrute et je garde ce
monde-là. Donc, cette sensibilisation à la gestion... outiller, aujourd'hui,
nos gestionnaires par une modernisation aussi des façons de faire pour le
recrutement, l'évaluation, la formation, et ensuite les outiller pour la
diversité culturelle pour l'unique et simple raison : on a un manque à
rattraper pour les personnes à travailler, et, parmi les solutions qui étaient
proposées dans toutes les études, c'est l'immigration. Et donc, pour le faire,
les gestionnaires doivent être formés sur les deux, gestion, gestion de la
diversité.
Mme LeBel : Je comprends très bien.
Puis un de vos commentaires m'amène peut-être à une autre de vos
recommandations, qui est de prendre en compte, dans le processus des
équivalences, les personnes immigrantes formées à l'étranger et alléger le processus
des équivalences pour les personnes issues de l'immigration. Donc, c'est
deux... bon, c'est deux notions qui font référence à la même notion, bon.
La première, là, prendre en compte, dans le processus
des équivalences, les personnes immigrantes formées à l'étranger, bon, il y a peut-être
des enjeux, ici, effectivement, par rapport aux ordres professionnels, des
choses comme ça, mais, en dehors de ce qui
est de reconnaître une formation professionnelle, une équivalence, est-ce qu'il y a autre chose derrière cette
recommandation-là? Parce qu'on a eu, d'ailleurs, d'autres groupes qui nous ont
demandé de ne pas faire ça, d'équivalence, donc de s'assurer que les gens avaient la... les
termes ne sont pas bons, mais avaient la compétence, la qualification
nécessaire et qu'on devait, dans des cas extrêmement exceptionnels, égaler par
un facteur d'équivalence. D'autres nous ont
dit, bien, comme vous, au contraire, on doit en tenir compte. Donc, c'est
une façon de trouver l'équilibre entre
trouver la bonne personne, avec la compétence adéquate et reconnaître aussi une
certaine qualification, qui n'est peut-être pas la qualification académique
telle qu'on la connaît, mais qui est la qualification plus pratique. Mais
peut-être essayer de vous comprendre un peu là-dessus.
Puis il y a l'autre, là, alléger le processus
des équivalences aussi. À quoi vous faites référence? Parce qu'on aura un enjeu
d'égalité d'accès, là, malgré qu'on veut intégrer la diversité, entre quelqu'un
qui a la compétence demandée et une autre personne qui prétend avoir une équivalence,
là. Je vais le dire de cette façon-là, là.
Mme Chater (Fatna) : Merci. Pour les
équivalences, en fait, pour les ordres professionnels... je vais parler en mon
nom et aussi je pense que, suite à nos discussions avec tous les membres et
l'équipe du SOIT, ce n'est pas problématique d'avoir un ordre professionnel. Ce
qui pose problème aujourd'hui, c'est les délais de traitement des dossiers et,
en même temps, ce qu'ils demandent pour ces traitements des dossiers. Quand je
dis «alléger» ou «réadapter», c'est-à-dire
voir un peu à alléger, c'est-à-dire le strict nécessaire. Quand je dis le
strict nécessaire, c'est-à-dire que la personne, elle n'est pas reconnue
si elle n'a pas au moins les basiques avec peut-être des stages d'une année
même. Les personnes immigrantes, elles sont prêtes à faire une première
équivalence avec les bases du métier, mais aller dans des stages d'une année,
12 mois, pour voir cette personne, si elle fait l'affaire avec son emploi
ou pas.
Le problème qui se pose aujourd'hui, on a beaucoup
d'ingénieurs, par exemple, dans tous les métiers d'ingénierie qui trouvent le
processus lent, coûteux, et, en général, ils laissent tomber. Et, quand on
laisse tomber, on va aller chercher le travail à l'extérieur du Québec.
C'est-à-dire que le Québec, il fait un temps fou, plus beaucoup d'énergie, plus
beaucoup d'argent pour faire de l'attraction pour, au final, ramener du monde
pour aller ailleurs.
Donc, pour
toutes les personnes formées à l'étranger, elles sont conscientes qu'il y a des
ordres professionnels, mais là il faut juste prendre en compte, dans ce
processus, que ces équivalences des personnes peuvent peut-être... En fait,
quand on parle équivalences, on ne peut pas faire à l'équivalence, ce n'est pas
égal au système scolaire québécois. C'est ça
qui est aujourd'hui dans toutes les discussions qu'on a dans les tables de
concertation. C'est qu'on veut, au Québec, que ça soit à l'égal, alors
qu'on peut faire abstraction à des choses. Mais, en attendant, je peux ramener
cette personne à travailler, et on dit, après une année : On peut
reconnaître ton équivalence, sinon tu refais tes examens. Juste ça, déjà, pour
alléger ou réadapter, je pense que les ordres professionnels, aujourd'hui, ils
peuvent le faire. La fonction publique, aujourd'hui, puisque c'est un projet,
vous pouvez pas mal faire beaucoup de choses pour faire valoir les équivalences
à l'étranger.
Mme LeBel : Oui, vous répondez très
bien à ma question, mais vous comprenez que ce à quoi vous faites référence, ce sont la reconnaissance par les
milieux universitaires, éducatifs ou les ordres professionnels d'une
formation qui a été faite à l'étranger. Et c'est très délicat et même
impossible pour le gouvernement de dire : Bien, je vais reconnaître un
diplôme, surtout pas quand il y a un ordre professionnel d'impliqué.
Si on exclut les professions qui sont sous la
juridiction des ordres professionnels, donc avocat, médecin, ingénieur, est-ce
que vous avez d'autres exemples où vous pensez que le gouvernement pourrait
accorder cette espèce d'équivalence qui pourrait être moins problématique que
l'équivalence académique, là, qui n'est peut-être pas de notre ressort ou de
celle du projet de loi n° 60, à tout le moins, même
si on reconnaît qu'il y a des enjeux, là? Je ne nie pas ce que vous dites,
j'essaie de recadrer dans ce qu'on est capables de faire sur le projet de loi n° 60, là.
Mme Chater (Fatna) : O.K., je vais
vous donner un petit exemple. J'ai un ingénieur métallurgiste. Vous savez que
la métallurgie, elle a été en déclin, et après... là, depuis 2016, c'est le
retour de la métallurgie au Québec, surtout dans plusieurs régions. J'ai un
ingénieur qui n'est pas reconnu comme ingénieur. Il a un doctorat en France,
une maîtrise ingénierie au Maroc. Pour faire tout le processus, je suis en
train de l'épauler, justement, pour faire ce processus, ça s'avère très
difficile, parce qu'en même temps... Avec 15 années d'expérience dans la
métallurgie, il travaille
dans le secteur privé. Il a été appelé par la ville de Québec, mais la ville de Québec, c'est, entre
parenthèses : On peut vous prendre si le processus d'équivalence est fait,
c'est-à-dire vous êtes reconnu comme ingénieur. Il a été déjà membre de l'Ordre
des chimistes, mais il ne peut pas être dans l'ordre des membres des ingénieurs
parce qu'il y a toute la partie qu'il a faite au Maroc qui doit être reconnue.
Et ça, moi, je vous parle du processus
administratif qui est lourd. Je ne vous parle même pas du fond ou du contenu
pourquoi les ordres professionnels, ils exigent un certain niveau. Au
contraire, c'est parfait, nous sommes rassurés qu'il n'y ait pas personne qui
va prendre un poste et qui ne soit pas à la hauteur de ce poste-là. Mais
alléger les démarches administratives et peut-être faire, au lieu d'examens,
peut-être faire par expérience directement en milieu du travail... J'espère,
Mme LeBel, que je vous ai répondu.
Mme LeBel : Oui, c'est très, très
clair. Je comprends exactement l'enjeu.
Il reste à peine quelques minutes. Je vais
peut-être vous les offrir. Est-ce qu'il y a des choses que vous devriez mettre
en lumière? Mais votre mémoire est très complet. Moi, je retiens la formation,
qui est peut-être plus de notre ressort.
Et, oui, vous avez mentionné aussi :
Habiliter le président du Conseil du trésor à prendre en considération
l'insertion des personnes immigrantes qualifiées. Je veux juste peut-être
souligner qu'on ne met pas de côté les principes de la Loi sur la fonction
publique. L'article 3, d'ailleurs, le mentionne qu'on doit tenir compte
des objectifs d'embauche déterminés par le Conseil du trésor à l'égard de
diverses composantes de la société québécoise. C'est la diversité. Et également
le projet de loi introduit, à son article 49, le fait que le Conseil du
trésor peut déterminer des objectifs d'embauche à l'égard des diverses
composantes de la société québécoise, lire diversité.
Donc, j'espère que ça pourrait répondre à votre
préoccupation d'être capable d'encadrer, justement, ce processus de sélection, mais, si vous avez quelque chose à ajouter, ça
va me faire plaisir de vous écouter sur ce sujet-là qui vous passionne,
c'est très clair.
• (15 h 50) •
Mme Chater (Fatna) : Je ne remets en
rien le processus de sélection ni de recrutement à la fonction publique, mais
je suis sûre, avec mon passage dans toute la province — j'étais
même à Baie-Comeau pour former les gestionnaires — je veux vous dire, il n'y a pas la
discrimination ni le racisme au Québec. Je ne crois pas du tout. Il y a
beaucoup de méconnaissance. Ce n'est pas comme en Europe. On ne peut pas
comparer l'incomparable. Au Québec, malheureusement, aujourd'hui, chez nos
employeurs, c'est la méconnaissance. Parmi la méconnaissance, ils ne sont pas
outillés et ils n'ont pas une lecture des C.V. étrangers, ils n'ont pas une
lecture d'entrevue d'embauche.
Imaginez, moi, je suis Marocaine d'origine. Si
vous allez me dire : Fatna, c'est quoi, vos qualifications?, je vais vous
parler de mes défauts plus que mes qualifications ou plus que mes points forts
parce que j'ai été éduquée comme ça. Vous allez poser la même question à un
Algérien, sa façon d'être éduqué, et je ne fais pas des étiquettes, mais j'ai
aussi travaillé en Algérie, il va mettre plus de valorisation, mais il ne va
jamais parler de ses défauts.
Donc, ça, c'est les leurres culturels qu'il faut
qu'on... C'est pour ça, tout à l'heure, que j'ai dit la sensibilisation à la
formation. Je ne remets en rien la neutralité et je sais qu'au Québec,
personnellement, j'ai trouvé mon compte en
tant que personne immigrante. Et, quand je dis «personnellement», la majorité,
on l'a choisi pour les valeurs du
Québec, mais il faut vraiment la formation. Moi j'insiste, je la souligne, je
le mets en gras, former les gestionnaires sur les leurres culturels, si
vous voulez que ça réussisse, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas un blocage à la
porte d'entrée.
Mme LeBel : Merci beaucoup,
Mme Chater. Merci.
Mme Chater (Fatna) : Merci à vous.
Merci beaucoup de m'avoir invitée.
Le Président (M. Simard) : Mais ne
partez pas tout de suite, Mme Chater, parce que je dois maintenant...
Mme Chater (Fatna) : Ah!
Le Président (M. Simard) : Ah! non,
non, non, on n'a pas terminé, alors, parce que maintenant on cède la parole au
député de La Pinière, qui est le représentant du Parti libéral. Cher
collègue.
M. Barrette : Pour une période, M.
le Président, de...
Le Président (M. Simard) : De
11 minutes.
M. Barrette : C'est tellement court.
Le Président (M. Simard) : Trop, en
effet.
M. Barrette : Alors, bonjour,
Mme Chater.
Mme Chater (Fatna) : Bonjour,
M. Barrette.
M.
Barrette : Est-ce que j'ai bien compris que vous avez aussi oeuvré en
Europe, plus le Maroc et l'Algérie?
Mme
Chater (Fatna) : Oui,
j'étais en Europe, j'étais dans tout le Maghreb, Maroc, Algérie,
Tunisie, justement pour remettre tout
ce qui est modernisation des processus de dotation et oeuvrer aussi avec les
jeunes diplômés. J'étais aussi, avant la guerre, au Liban, en Belgique,
en Espagne, mais j'ai choisi de mourir au Québec et vivre au Québec.
M. Barrette : Oui, et on va espérer
que vous allez plutôt vivre que mourir. On va tous passer par là. On va
repousser ça le plus possible, je pense qu'on va être d'accord là-dessus.
La raison pour laquelle je vous pose cette
question-là, c'est parce que j'ai moi-même vécu en Europe plusieurs années, et
les procédures d'embauche là-bas sont assez différentes des nôtres. Par rapport
à ce qu'on a au Québec, tout ce qui est
fonction publique en Europe, c'est une dynamique qui est très différente. Je ne
la connais pas, là, celle de l'Afrique du Nord, là, je ne peux pas vraiment
commenter. Celle de l'Europe, celle-là, je peux commenter.
Essentiellement,
là, j'aimerais entendre de vous, qui avez connu plusieurs systèmes, comment...
est-ce qu'il y a un système que vous pouvez nous recommander qui va
faire, dans la loi, ce que souhaitez que la loi actuelle fasse?
Je m'explique. On s'entend que le système actuel
est problématique. On s'entend que tout ce que vous avez exprimé dans les
dernières minutes, je pense que tout le monde autour de notre table visuelle,
on va dire, virtuelle, on est d'accord avec ça. Mais actuellement ce sont des
voeux, en ce sens qu'il n'y a rien dans la loi qui permet de faire ça, il n'y a
absolument rien. Pourtant, il y a, dans le monde, des systèmes où les choses
sont beaucoup plus codifiées pour l'embauche que ce que l'on a actuellement
dans ce projet de loi là.
Alors, on est tous pour la vertu. Chacun à notre
façon, on l'exprime, notre souhait de vertu. On le dit, vous l'avez dit. On est
d'accord avec ce que vous dites, puis c'est la première fois que j'entends le
leurre culturel, puis j'ai trouvé ça très intéressant. Puis c'est vrai, il y a
des leurres culturels, puis ça marche dans les deux sens, parce qu'on a nos
appréhensions culturelles qui sont souvent non fondées, mais elles sont là comme
les leurres culturels.
Alors, est-ce que vous, dans votre expérience,
vous avez vu des systèmes qui étaient mieux codifiés, dans une loi, pour faire
ce que l'on veut faire? Je prends un exemple. Le fédéral est, au Canada, je ne
sais pas si vous le connaissez, mais il est beaucoup plus clair que nous et il
laisse, je pense, beaucoup moins d'arbitraire aux différentes organisations.
C'est sûr que notre système, actuellement, c'est lourd comme ça ne se peut pas
et certainement archaïque. Maintenant, le projet de loi, tel qu'il est écrit,
moi, de la façon dont je le vois, il nous envoie à l'autre extrême. Il n'y a
pas de juste milieu là-dedans. Il y a des voeux qui, pour le moment, sont pieux
parce que, dans la loi, ce n'est pas là. Quand je regarde le fédéral, eux
autres, ils ont codifié ça pas mal.
Alors, j'aimerais ça vous entendre sur des
façons de faire modernes qui sont codifiées pour garantir ce que vous avez
exprimé comme objectifs à atteindre sous tous les aspects que vous avez
abordés.
Mme Chater
(Fatna) : Merci beaucoup
pour cette bonne question, qui ne nécessite vraiment pas
11 minutes. Je pense que ça nécessite une vraie table de concertation,
mais je pense que, de mon expérience personnelle, le meilleur système de
recrutement, c'est le système qui vient de l'Allemagne. Ils ont beaucoup de
ressources. C'est quand même un pays industrialisé très, très performant. Pour
le recrutement, d'ailleurs, pour les C.V., ce n'est pas un C.V. d'une page ou
deux pages, c'est des C.V. de 28, 30, 50 pages, où la personne, elle
détaille toute son expertise. Ils font recruter, pour le même poste, trois
personnes différentes. Les trois personnes, elles ne savent pas qu'elles sont
recrutées pour le même poste, mais on va prendre le meilleur, c'est-à-dire que
l'expérience présentielle, avec le gestionnaire et l'équipe, c'est elle qui va
définir c'est qui qui reste et les deux autres qui vont partir.
Ça, c'est dans un monde extraordinaire, on a des
ressources, on a de l'argent pour le faire. La réalité d'aujourd'hui dans nos
entreprises, c'est des petites entreprises. La majorité des entreprises
québécoises, c'est des petites entreprises.
La fonction publique, c'est autre chose. C'est
quand même un grand recruteur. Si, dans la façon de faire, il peut le faire...
moi, je sais que les syndicats, ils ne vont pas être contents, mais, je le dis
et je le répète, je pense, pour moi, c'est
mieux d'être un candidat en interne à travailler
pour démontrer ce que je sais faire
mieux que de rester dans une banque
de candidatures. C'est-à-dire, je préfère venir travailler une année au complet pour être évaluée après une année où je fais bien mon travail ou je
ne le fais pas, et je vais l'accepter, que rester dans une banque. Peut-être
qu'un jour je vais rentrer et, finalement, je ne vais pas correspondre à
l'emploi ou je n'aurai pas aimé l'emploi. Donc, ça...
M. Barrette : Mais, ça, on est d'accord
avec ça, là. Moi, je ne veux pas... Je n'oppose pas du tout les banques, là. Les banques, on oublie ça, là. Moi,
ce qui m'importe ici, comme ça a été exprimé même par les
syndicats... puis, vous savez, moi, je ne suis pas réputé pour être particulièrement
friand du syndicalisme à l'extrême, là, mais ils ont raison sur un point, ce
qu'on propose actuellement ouvre la porte au favoritisme, là. On donne une
liberté entière au sous-ministre, avec des balises un jour, là, mais qu'on ne
connaît pas. Là, actuellement, on donne... c'est un livre ouvert, c'est un
chèque en blanc, là. Le gouvernement va faire ses règles, on ne sait pas
lesquelles, puis on ne sait pas quand, puis on ne sait pas comment, et les organisations
vont faire ce qu'elles veulent, essentiellement. Moi, je trouve... Ne
trouvez-vous pas, vous, que là il manque de balises formelles dans la loi?
Maintenant, les balises, c'est une chose, mais, à
partir du moment où c'est tout le monde qui fait son affaire, comment peut-on
penser qu'on va réussir à contrôler ça? Puis là je fais encore référence au
fédéral, qui, eux autres, ont une espèce d'organisme à côté, là, qui gère
l'embauche selon des critères, là, qui sont clairement établis, et là on n'a
pas ça. Ça ne vous inquiète pas, ça, vous?
Mme Chater (Fatna) : Moi, je
pense qu'en interne, on est assez intelligents d'être délinquants en respectant
la procédure. Vous allez me poser la question : La délinquance? La
délinquance, c'est se faire confiance en tant que personne.
On choisit des humains employés, on ne choisit pas du papier. Et donc je pense
que, dans les processus de sélection, la présence du syndicat, elle peut être
dans le comité de sélection et le comité de recrutement.
Nous, on est une toute petite structure de
15 personnes, et, quand je recrute, par exemple, un conseiller en emploi,
je peux parfaitement appeler quelqu'un de ma connaissance comme je peux...
bien, je ne peux pas le faire. Vous voyez, nous sommes syndiqués aussi ici en
interne, et on a un petit comité de trois personnes, un du syndicat et deux de
la direction, et on va faire et la sélection du C.V. et la... après, c'est les
entrevues d'embauche, et on va débattre sur : Est-ce que, cette personne,
pour l'emploi ou pas? Des fois, même, je vais prendre pour deux pour finalement
choisir une personne.
C'est sûr que, M. Barrette, aujourd'hui, je
ne serais pas capable de vous présenter quelque chose de complet, mais, d'après
mon expérience, je peux beaucoup vous ramener mon expertise là-dedans, parce
que j'étais dans des groupes de l'Europe, et du Maghreb, et du Proche-Orient,
où on discutait sur les processus de recrutement. Moi, ce que je peux vous
proposer, peut-être que vous pouvez profiter de l'expertise des ressources
expertes dans le domaine de recrutement.
Et, tout à l'heure, vous avez donné un très bon
exemple. Le fédéral, il réussit aujourd'hui son recrutement. On peut peut-être
reprendre tout ce qui est positif du fédéral et essayer de le mettre chez nous,
ici, au Québec.
M. Barrette : Quand je vous écoute,
je comprends que vous êtes en faveur d'un minimum de paritarisme, là.
Mme Chater (Fatna) : Moi, je suis en
faveur que ça marche.
M. Barrette : Oui, bien, ça, on est
d'accord. Mais là le projet de loi, lui, il l'abroge, là. Il n'y en a plus, de
paritarisme, dans ce projet de loi là, là, de la manière qu'on vient
l'appliquer.
Mme Chater (Fatna) : En tout cas, ce
n'est pas en faveur ou en défaveur. Nous, on a vu que cette ouverture,
aujourd'hui, de ce projet, vraiment, ça va sortir la fonction publique de la
façon ancienne de faire.
Maintenant, comment ça va être fait à
l'intérieur? Je ne sais pas si vous avez déjà entamé des discussions, mais je
pense que profiter des ressources externes, ça va vraiment faciliter une... de
construire un processus de recrutement fiable. Il n'y a rien dans le monde qui
est fiable à 100 %, mais au moins que ça s'approche à zéro défaut.
• (16 heures) •
M. Barrette : Je comprends ce que
vous me dites, parce que, quand je dis «paritarisme», ce n'est peut-être
pas le bon mot à utiliser. Vous utilisez «ressources externes», mais ça, il n'y
a même pas ça dans la loi. Je comprends votre point, je comprends...
Ce que vous me décrivez, c'est, mettons, vous,
vous êtes joueurs, vous participez à du recrutement dans les organismes et
ministères, ou des comme vous, ou des... parce qu'il y a plusieurs façons de
voir ça, mais là on n'est pas comme ça, là. Le projet de loi, tel qu'il est
écrit, c'est les ministères et organismes, le ministre fait ses affaires, puis
«that's it», là, bon. On va dire : La ministre va nous répondre. Puis
c'est vrai, là, qu'il va y avoir des lignes directrices, mais on ne les débat
même pas.
Alors, moi, je vois un danger, tout comme je
vois une sécurité dans ce que vous dites. Qu'il y ait une tierce partie qui
participe, oui, c'est un peu comme ça que le fédéral fonctionne, l'organisation
elle-même est une tierce partie. Puis je pense qu'en Europe vous avez vu ça
aussi, là.
Mme Chater (Fatna) : En fait, quand
je vous ai dit de profiter de l'expertise des organismes ou d'autres experts,
ce n'est pas qu'ils soient parties prenantes pour le recrutement. Au contraire,
le recrutement, il doit se faire avec les sous-ministres, les gestionnaires en
interne. C'est profiter de l'expertise pour construire un processus de
sélection et de recrutement, c'est-à-dire même avant la sélection, avant tout
le processus, pour le construire comme il faut, il faut se baser sur
l'expertise externe. Mais, attention, je suis contre...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
Mme Chater (Fatna) : ...les agences
de recrutement.
M. Barrette : Contre les agences
de recrutement. Oui, je comprends ce que vous voulez dire, là. Est-ce que...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Chater.
Mme Chater (Fatna) : Merci à vous.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous, cher collègue. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont
pour une période de 2 min 45 s.
M. Marissal : Oui. Merci, M. le
Président. Merci, Mme Chater. Si vous trouviez ça court, 11 minutes,
essayons 2 min 30 s. On va voir qu'est-ce que ça donne. C'est
malheureux que je n'aie pas plus de temps parce que votre
point est intéressant. Ça fait des années qu'on parle de meilleures représentations
des minorités ethniques, ou visibles, et autres dans la fonction publique. La fonction
publique québécoise a même un objectif de 25 %. Or, en ce moment, on est à
6 %. Oui, je vais être généreux, là, 6,3 %. On est vraiment très,
très loin.
Que des gens qui viennent d'ailleurs
s'installent ailleurs que dans les grands centres aussi, ça doit faire
40 ans qu'on parle de ça au Québec. Est-ce qu'il y a des choses que vous
voyez dans le projet de loi qui est devant nous,
pas le projet de loi super amélioré par vos recommandations, là, ce qu'on a
devant nous en ce moment, là, est-ce qu'il y a quelque chose qui change
ou qui peut changer la donne en matière de représentation des minorités? Là, je
dis «minorités», ça fait court un peu, là, ce n'est pas très «politically
correct», mais je n'ai pas le temps. Alors, parlons juste des minorités.
Mme Chater (Fatna) : Merci. D'après
Statistique Canada, vous savez que l'écart de taux de chômage entre les
personnes natives et les personnes immigrantes, il est aujourd'hui de
4,1 %. C'est malheureux, donc, s'il est presque à 10 % chez les
personnes immigrantes qu'il est alors à 5,5 % chez les natifs. Donc, pour
les... On ne parle même pas secteur privé, secteur public, c'est vraiment dans
tous les secteurs.
Je reste confiante que le recrutement, c'est la
clé de la réussite de toute organisation. Pour faire bien le recrutement, les
gens qui sont impliqués dans le recrutement, ils doivent être sensibilisés à
toutes les différences. Et effectivement on ne parle pas juste diversité
immigration, on parle diversité handicap, on parle diversité femme, on parle
diversité jeune, aujourd'hui, et diversité sénior, pourquoi pas? Avec toute
cette expertise que la personne a et elle veut retourner au travail, pourquoi
pas?
Donc, pour le
faire et bien le faire, c'est construire un processus de recrutement qui est
solide et fiable, c'est-à-dire que
les personnes y sont assez sensibilisées, ils ont toutes les balises, les
outils pour pouvoir choisir tout en restant efficaces. Je suis confiante qu'un gestionnaire, il ne va pas
choisir la personne juste pour choisir la personne. Mais malheureusement on peut être beaucoup
discriminatoires parce que c'est l'humain qui est en nous. C'est notre zone de confort, on ne va pas aller au-delà de ce qu'on veut, c'est-à-dire je vais
choisir quelqu'un qui me ressemble peut-être ou que je crois...
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup,
Mme Chater, pour votre présentation et votre mémoire. Moi, je voudrais revenir un peu plus sur ce que vous dites
à la page 11 de votre mémoire, là, dans les autres recommandations,
là, vous avez un point où vous dites : la non-ingérence du politique dans
son application. Pourquoi vous prenez la peine de nous dire ça? À quoi vous
pensez? Qu'est-ce qui vous fait peur avec l'ingérence du politique dans son
application? Là, on est beaucoup là-dedans dans ce projet de loi là.
Mme Chater (Fatna) : C'est une très
bonne question, merci beaucoup. Sachez que les recommandations que j'ai faites,
ce n'est pas toutes les miennes. C'est une des recommandations qui rejoignent
aussi la mission du SOIT, les gens aussi avec qui je travaille. Je suis
beaucoup dans la consultation aussi.
La non-ingérence du politique, ça a nui beaucoup
en Europe, au Maroc d'où je viens, dans les pays du Proche-Orient, dans les
processus de sélection de la fonction publique, c'est-à-dire, à chaque
changement, il y a un changement dans les façons de faire. Ce que nous avons
constaté pour le gouvernement marocain, là, aujourd'hui, les ministres et les
sous-ministres, ils sont tous du même parti politique. Malheureusement, dans
les institutions publiques, on trouve... les postes à responsabilités sont pris
par les mêmes personnes... enfin, ce n'est pas les mêmes personnes, mais des
personnes appartenant au même parti politique. Je ne sais pas comment ça se
fait, comment on peut le voir, mais je voulais juste mettre une parenthèse pour
dire : Attention à ce qu'on fait, que ce n'est pas du copinage, ce n'est
pas des gens qui sont choisis par rapport à leur couleur mais plutôt à leurs
compétences.
M. Gaudreault : Vous parlez, en même
temps, de la décentralisation de la dotation. C'est un des objectifs du projet de loi. Est-ce que, pour vous, la
décentralisation de la dotation, donc de confier davantage aux sous-ministres
ou à des directions régionales, par exemple, ou des directions de service,
risque d'affaiblir, là, les protections face aux politiques, donc d'ouvrir
davantage la porte à une ingérence du politique, par exemple?
Mme Chater (Fatna) : Ah non! je ne
pense pas puisque, dans les recommandations, on a dit : construire un processus de recrutement fiable qui peut justement
avoir cette promesse de ne pas avoir cette ingérence. Si la non-ingérence du politique, c'est
une recommandation, c'est, dans la construction d'un processus, faire attention
comment on peut ne pas avoir cette ingérence.
M. Gaudreault : Merci.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, Mme Chater, merci infiniment pour la qualité de cette présentation.
Merci d'avoir répondu à notre invitation.
Sur ce, nous allons suspendre temporairement nos
travaux afin de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 16 h 10)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos auditions. Nous sommes maintenant
en présence de l'Alliance des cadres de l'État. Alors, Mme Gosselin, soyez
la bienvenue parmi nous.
Mme Gosselin (Anne) : Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard) : Merci
d'avoir répondu à notre invitation. Vous savez que vous disposez d'une période
de 10 minutes.
Alliance des cadres de l'État
Mme Gosselin (Anne) : Parfait.
Alors, bonjour, Mme la présidente du Conseil du trésor. Bonjour, M. le
Président de la commission, MM. les députés, mesdames et messieurs. Alors,
l'alliance est bien entendu heureuse de participer à cette commission
parlementaire. Permettez-moi, d'entrée de jeu, en tant que présidente sortante,
de vous présenter notre formidable organisation qui existe depuis plus de
50 ans.
Alors, l'Alliance des cadres est une association
professionnelle qui regroupe près de 3 500 gestionnaires de l'État.
Elle est reconnue par le gouvernement du Québec aux fins de relations de
travail et, à ce titre, elle est la voix des
cadres et traite des enjeux individuels et collectifs qui les concernent. D'une
part, elle les représente collectivement et individuellement aux fins de relations de travail en veillant à leurs
intérêts et en protégeant leurs droits et, d'autre part, elle les
soutient aussi dans la gestion de leur carrière par des activités, des
formations, et même du coaching de carrière.
Alors, qui sont les membres de l'alliance? Ce
sont des gestionnaires publics qui sont des acteurs clés de la réalisation de la mission de l'État. En fait, ils
concrétisent les orientations, les politiques, les programmes
gouvernementaux de la société québécoise. Ils ont en moyenne 50 ans. On
est constitués de 50 % de femmes, 50 % d'hommes. 53 %
proviennent de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, 28 % de
Montréal, Laval et Montérégie, et 19 % des autres régions.
Le projet de loi modifie la Loi
sur la fonction publique, les interpelle directement, d'une part, à
titre de représentants de l'employeur, car ce sont eux qui vont pourvoir les
postes disponibles, et aussi comme salariés, pour participer à un processus de
dotation.
Comme le sujet central, aujourd'hui, est le
processus de dotation devant mener à l'attraction de candidats intéressants et
compétents, il faut bien se le dire quand même, un processus de dotation, c'est
un moyen, ce n'est pas une fin en soi. Pour résoudre en grande partie le
problème d'attraction de la main-d'oeuvre dans la fonction publique par un
processus de sélection ou de qualification, aussi agile ou efficient soit-il,
il est illusoire de penser que le seul processus va arriver à tout régler,
parce qu'on sait que les facteurs d'attraction reposent souvent sur les
conditions d'exercice, la rémunération et les autres conditions de travail.
Revenons un peu aux origines de la Loi sur la
fonction publique, qui est arrivée à la fin des années 60 et s'inscrivait dans
une ère postduplessiste, alors qu'il s'agissait de protéger le personnel de
l'État des jeux politiques qui étaient, à l'époque, marqués par du favoritisme
et du népotisme, et il fallait instaurer une administration publique compétente
et efficiente. À la fin des années 60, le législateur a instauré un processus
de dotation qui s'appuie sur plusieurs principes qui sont tributaires du fait
qu'on parle ici de fonds publics qui soutiennent les effectifs. Ces principes sont
l'égalité d'accès, l'équité, l'impartialité, le mérite et la transparence.
Ces processus de dotation sont gouvernés par la
notion de mérite. En fait, les candidats doivent détenir les connaissances, la
scolarité, l'expérience et les aptitudes requises pour bien servir leurs
concitoyens. Et, pour mesurer ce mérite, on met en branle des processus de
concours qui donnent lieu à des listes de déclaration d'aptitude. On peut ici
qualifier le processus de générique, dans la mesure où les candidats peuvent se
qualifier à plusieurs emplois ou postes similaires en même temps dans
différentes organisations. Ce processus est centralisé et exige cependant moins
d'implication des directions des ressources humaines des ministères et
organismes, ce qui a pu entraîner, en quelque sorte, une certaine perte
d'expertise.
En 2013, une nouvelle réforme nous promet plus
d'agilité par la tenue de processus de qualification qui donnent lieu à des
banques de personnes qualifiées qui sont déclarées admissibles pour cinq ans,
mais, malgré cela, plusieurs postes demeurent vacants.
Maintenant, à l'aube des années 2020, force est
de constater que le marché de l'emploi est complètement changé. Le recrutement
de personnel qualifié est plus ardu, d'où la nécessité d'être plus agile pour
traiter les candidatures dès qu'elles se présentent. Outre la compétition
omniprésente du secteur privé sur le plan de l'attraction,
on sait que le gouvernement évaluait qu'au cours des cinq prochaines années
près de 15 000 postes
seront à pourvoir sur un effectif total de 54 500 postes au complet. Avec
un tel volume de postes et selon l'information disponible sur le projet de loi
n° 60, est-il réaliste de croire qu'un processus de sélection spécifique
va permettre de répondre à la demande, tout en respectant les processus... les
principes que sont l'égalité d'accès, l'équité, l'impartialité, le mérite et la
transparence? Rien n'est moins sûr.
Prenons en compte les
principales dispositions qui soulèvent des préoccupations de l'alliance. D'une
part, le premier article, l'article 35, qui prévoit l'abolition des
recours en cas d'irrégularité ou d'illégalité commise dans un processus de
qualification à la promotion. Dans sa forme actuelle, l'alliance considère que
les pouvoirs de la Commission de la fonction publique sont déjà trop
restreints. Ils souhaiteraient, au contraire, plutôt que l'abolir, qu'on élargisse les pouvoirs de la commission.
L'article 43, de son côté, au troisième alinéa, permet à la présidente du
Conseil du trésor de désigner une personne pour vérifier la façon dont sont
recrutés et promus les fonctionnaires. Cette personne, dans le cadre de son
mandat, doit faire rapport exclusivement à la présidente. Alors, comment
justifier ce dédoublement d'intervenants dans la vérification, alors que la CFP
le fait déjà? Elle rend compte à l'Assemblée nationale, et c'est un organisme
indépendant, impartial, d'autant plus qu'on sait que le Secrétariat du Conseil
du trésor, comme employeur, est aussi assujetti aux pouvoirs de la commission.
L'autre article qui
nous préoccupe, c'est le 44, qui abolit complètement le processus de
qualification. Étonnamment, le processus proposé nous apparaît plus lourd pour
les candidats puisque ceux-ci devront soumettre leur candidature à plusieurs
organisations, alors que le volume de postes à pourvoir demeure très important.
Aussi, dans le processus, on ne prévoit pas
l'affichage obligatoire, alors que ce n'est pas obligatoire présentement,
l'affichage. L'article 41 nous suggère
que la sélection doit se faire au moyen d'un type d'évaluation. Selon nous, il
devrait y avoir, au minimum, deux types d'évaluation, parce que le
danger qui nous guette, c'est qu'on va privilégier l'entrevue parce que c'est
un moyen simple, rapide à administrer, mais aussi le plus susceptible d'être
empreint d'arbitraire.
• (16 h 30) •
L'article 51.1 aussi
nous inquiète parce que tous les pouvoirs réglementaires du Conseil du trésor
nous apparaissent considérablement réduits en faveur, possiblement, de politiques
et directives. Un règlement publié dans la Gazette officielle est plus
accessible aux citoyens comparativement à une politique ou à une directive, et
on sait que la commission aussi s'est prononcée dans ce sens-là le
11 février dernier.
L'article 50.4
prévoit que, lorsqu'un emploi redevient disponible, un candidat pourrait être
sélectionné sans refaire un processus de sélection. Alors, on ne sait pas qu'est-ce
qu'un emploi similaire, on ne sait pas s'il fera l'objet d'affichage, dans quel
délai, comment les candidats seront informés de cet emploi similaire.
L'article 115,
troisième alinéa, nous indique que la commission ne pourrait faire des
vérifications que si le président du Conseil
du trésor lui demande. Doit-on comprendre, dans cet article, que le pouvoir de
surveillance de la CFP est
possiblement limité puisque le rapport est présenté au président du Conseil du
trésor et non à l'assemblée générale?
Enfin,
l'article 32 prévoit qu'on peut établir des équivalences pour les
conditions minimales manquantes. C'est ce qu'on appelle le principe de
compensation. La règle actuelle est à l'effet que l'expérience peut être
compensée par une scolarité manquante, mais ce qu'on nous a indiqué, c'est que
l'intention du Conseil du trésor est d'en faire une exception plutôt qu'une
règle générale.
Et enfin on prévoit à
l'article 32.1 que le Conseil du trésor peut permettre que le dirigeant
sélectionne une personne autrement que par un processus de sélection. Qu'est-ce
qui pourrait justifier qu'une personne soit sélectionnée autrement que par un
processus de sélection? Ce n'est pas clair.
En conclusion, la
volonté du gouvernement de mettre en place un processus plus agile dans
l'objectif d'attirer de la main-d'oeuvre compétente pour la fonction publique
est louable, ça ne fait pas de doute. Cependant, la proposition soumise dans le
projet de loi n° 60 ne nous convainc pas qu'il s'agit
là d'un mécanisme moins lourd, plus efficient, bien au contraire. Avec les
nombreuses imprécisions, les abolitions de droits, la réduction des pouvoirs de
la Commission de la fonction publique et le nouveau processus, les
gestionnaires auront fort à faire pour recruter des candidats en plus de
s'assurer de la livraison des programmes et services à leurs concitoyens. Ils
pourront difficilement compter sur l'expertise des directions des ressources
humaines, qui ont été écartées, d'autant plus que les processus ont été
centralisés...
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
Mme Gosselin
(Anne) : ...et qu'ils ne font plus d'admissibilité et d'administration
de moyens d'évaluation. Une fonction publique qui se respecte...
Le Président (M.
Simard) : Mme Gosselin, je m'excuse, je dois vous arrêter.
Mme Gosselin
(Anne) : Je termine.
Le Président (M.
Simard) : Oui, très succinctement, s'il vous plaît.
Mme Gosselin
(Anne) : D'accord. Alors, une fonction publique qui se respecte ne
peut tolérer l'absence d'égalité et d'accès, d'équité, d'impartialité et le
non-respect des principes de mérite et de transparence, étant donné qu'il
s'agit là d'une organisation supportée par et pour l'ensemble des citoyens et
contribuables du Québec. Merci.
Le Président (M.
Simard) : Merci, Mme Gosselin. Excusez-moi, là, de vous avoir...
Mme Gosselin
(Anne) : Il n'y a pas de faute, il n'y a pas de faute.
Le Président (M.
Simard) : ...un peu trop encadrée dans le temps dont nous disposions.
Alors, Mme la ministre, je vous cède la parole.
Mme LeBel :
Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mme Gosselin. Vous avez un mémoire qui est
fort étoffé. D'ailleurs, on va prendre la
peine, là... et naturellement on ne repassera pas tous les points ensemble, là,
parce qu'il y a beaucoup de considérants, de choses et de vérifications
à aller faire.
Par
contre, je tiens, d'entrée de jeu, peut-être à aborder... vous avez commencé avec ça et peut-être
conclu avec ça, vous avez parlé qu'il
fallait que les... l'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction
publique, ce sont des principes qui
sont fort importants, que je partage, d'ailleurs. L'impartialité et l'équité
des décisions affectant les fonctionnaires, dont la dotation, je le
partage, et ce sont des principes qui vont demeurer dans la Loi sur la fonction
publique.
Maintenant, ce qu'on fait, c'est qu'on passe
d'un processus de qualification à un processus de sélection. Naturellement, est-ce
que... Est-ce que vous mettez en doute la qualité ou la compétence de vos
cadres, vos membres, de pouvoir, justement, sélectionner avec ces principes
d'impartialité et d'égalité? Est-ce que vous nous suggérez de baliser, d'une
certaine façon? Comment vous nous suggérez de pouvoir... parce que, je vous le
dis, les principes demeurent dans la loi, là. On ne vient pas affecter les
principes de la Loi sur la fonction publique. Ce sont des principes qui
demeurent, qui vont continuer d'encadrer le processus de dotation, qu'il se
fasse par qualification ou par sélection, là, ou par un autre chemin, peut-être,
qu'on verra amélioré suite à la fin des consultations.
Mais de quelle façon vous nous proposez, peut-être,
d'encadrer ou de baliser vos membres, pour s'assurer que vos membres respectent
les principes fondamentaux de la Loi sur la fonction publique, qui ne seront
pas abolis, là, par le projet de loi n° 60?
Mme Gosselin (Anne) : Il est évident
que les principes ne seront pas abolis, mais tout est dans la pratique. Les
gestionnaires vont, bien entendu, vont s'assurer de les respecter.
Le problème, c'est qu'on passe d'un extrême à
l'autre. On passe d'un système où on avait des banques énormes et on passe à un
processus très, très pointu, où il y aura peu de candidats qui vont être
sélectionnés. On ne connaît pas encore beaucoup de balises parce qu'il y a
beaucoup d'imprécisions dans le projet de loi, et c'est difficile d'évaluer
comment ça va se réaliser dans la pratique.
Il ne faut
pas oublier que, dans la fonction publique, les gens acquièrent une permanence
au bout de deux ans. Donc, il faut s'assurer que, si on va avec des
processus trop précis, avec des profils trop pointus... quelle sera la mobilité
de cette personne, là, dans deux ans, dans cinq ans, dans 10 ans, dans une
autre organisation, dans un autre poste?
C'est ça qui est inquiétant en tant que tel. Vous êtes passés d'un extrême à un
autre, et les balises qu'on retrouve dans la loi ne sont pas précises,
donc c'est difficile de se faire une idée des orientations que vous allez
prendre.
D'autant plus que vous abrogez complètement le
pouvoir réglementaire, en tout cas, en grosse partie, par des politiques et des
orientations. Mais comment le citoyen va se retrouver là-dedans, là? Dans la Gazette
officielle, dans les sites, on peut retrouver facilement les règlements.
Les politiques et les directives du Conseil du trésor, ce n'est pas évident
pour un citoyen de se retrouver dans tout ça.
Mme LeBel : Donc, si je comprends
bien, peut-être pour préciser votre pensée, ce n'est pas le processus qui est
mis de l'avant comme tel, c'est présentement... et vous n'êtes pas les seuls à
l'avoir soulevé, on devra s'y pencher d'ailleurs après les consultations, c'est
présentement l'absence de balises ou, à tout le moins, l'absence d'indications
sur ce que la réglementation ou les politiques qui vont justement encadrer ce
processus de sélection pourraient contenir, là. C'est plus sur cet enjeu-là, si
je comprends bien.
Mme Gosselin (Anne) : L'absence
de balises. Mais le citoyen, là, il va appliquer à combien de ministères et à
combien d'organismes pour un poste? Parce qu'un économiste qui a un intérêt
pour la fonction publique, il va appliquer à 80, 90 ministères et
organismes. Pensez-vous que vous simplifiez les choses à ce moment-là et que
les candidats vont pouvoir accéder plus rapidement aux postes? Pour moi, ce
n'est pas évident. Ce n'est pas démontré, et l'absence de balises ne nous donne
pas ces indications-là.
Mme LeBel : Je vais me
permettre d'être en désaccord avec vous, là. Je ne pense pas que quelqu'un va
avoir à appliquer sur 90 postes, là. D'ailleurs, l'objectif, c'est de
mieux cibler les postes.
Et vous l'avez bien dit tantôt, plusieurs postes
demeurent présentement vacants malgré le processus de qualification actuel,
malgré le fait qu'il y a des banques de personnes qualifiées. Vos membres dans
plusieurs ministères ont du mal à trouver, malgré tout, des personnes qui ont
le profil adéquat pour occuper un emploi particulier. C'est particulièrement
criant en matière de technologies de l'information présentement.
J'essaie de comprendre avec vous également...
puis je ne reprendrai pas tout ce que vous avez dit un par un, mais d'ailleurs
vous avez parlé de l'affichage qui n'est pas obligatoire, alors que
l'article 12 du projet de loi, à son article 44, parle d'une offre
d'emploi qui... «est publiée de manière à être accessible et doit fournir aux
personnes susceptibles d'avoir le profil recherché une occasion raisonnable de
soumettre leur candidature». Donc, il y a un affichage obligatoire présentement
de prévu, et, si ce n'était pas le cas, je serais d'accord avec vous. On ne
peut pas faire cela non plus en catimini du public, là. Ce serait une façon
d'atteindre le principe d'égalité d'accès. Mais cet affichage vous rassure...
peut-être que ça vous avait échappé, mais cet affichage est obligatoire et ne
doit pas être fait dans la Gazette officielle obscure, que le citoyen
moyen ne consulte pas, mais de manière à être accessible.
Mais j'ai du mal comprendre, là, comment on peut
à la fois expliquer que le processus actuel fait en sorte que plusieurs postes
demeurent vacants et de dire que de passer à un processus de sélection où le
gestionnaire, qui est votre membre, pourra mieux définir son besoin, cibler son
besoin, aura accès à une banque de candidats restreints. Je veux dire, moi,
j'en suis, là, de trouver la meilleure façon d'obtenir le meilleur candidat.
Donc, pour moi...
J'aimerais comprendre avec vous, si j'avais à vous
dire : O.K., on part du principe, à moins que vous ne soyez pas d'accord,
que le processus actuel n'est pas adéquat en 2020‑2021 et il découle, bon,
d'un historique, vous en avez fait
mention... il y a des principes qu'il faut conserver : égalité, impartialité,
etc., mais on veut de l'agilité. Quel genre
de processus vous pourriez proposer? Parce que vous parliez aussi de garder des
banques de qualification. À un moment donné, on ne peut pas... Si on passe d'un
processus à un autre, il y a certains choix à faire. Alors, quel est le genre
de processus que vous pourriez proposer, qui répondrait à la vacance des
postes, répondrait aux préoccupations de plusieurs de vos membres de
sélectionner mieux les candidats ou de mieux cibler, pardon, les compétences requises,
les qualifications requises?
• (16 h 40) •
Mme Gosselin (Anne) : Bien,
travailler sur un processus générique et définir, par la suite, des exigences
additionnelles pour un processus spécifique, un ne va pas sans... un n'empêche
pas l'autre. Ce qui se pose actuellement sur le problème des banques, c'est, quand les gens postulent, ça
prend à peu près, quatre, cinq mois avant que l'admissibilité soit déclarée, c'est-à-dire qu'à l'époque le CSPQ analysait les candidatures, et ça prenait un
temps fou avant que les candidats sachent s'ils étaient déclarés
admissibles et ça prenait un temps fou aussi avant que l'administration des
moyens d'évaluation soit faite. Je pense qu'il y avait un problème de moyens
qui était important. Moyens, ressources humaines, ressources matérielles,
ressources financières qui faisaient que les processus étaient trop longs.
Mais, comme je vous disais d'entrée de jeu, un
processus de dotation, si rapide soit-il, ne réglera pas tous les problèmes
d'attraction. Vous donniez l'exemple des technologies. J'ai un fiston qui
travaille en technologie. Moi, j'ai
encouragé mes deux fils à participer au programme de recrutement. Ils ont eu
des offres d'emploi, mais la rémunération était de 20 000 $ à
30 000 $ en dessous de ce que le privé offrait. Donc, on ne réglera
pas des problèmes d'attraction, surtout en technologie, par un processus plus
rapide. Il y a d'autres enjeux en arrière de tout ça aussi.
Mme LeBel : Je suis prête à être d'accord
avec vous que le processus de dotation n'est pas une panacée pour régler tous
les problèmes d'attraction, mais c'est très certainement un des problèmes,
quand ces gens-là se replacent sur le marché très rapidement, quand on les
appelle pour un poste donné, qu'ils ont déjà trouvé un autre emploi, donc
qu'ils ne sont plus disponibles, nonobstant les enjeux que vous venez de
mentionner.
Donc, je réitère ma question : Entre le
processus actuel, qui est très lourd et qui a été décrié comme étant très lourd par plusieurs personnes, et inclus certains
de vos membres, qu'est-ce que vous suggérez pour rendre le processus
plus agile, plus efficace? Ce que je comprends... Je crois ressentir,
d'ailleurs, vos préoccupations, une préoccupation de lourdeur pour vos membres
plutôt qu'autre chose, donc on peut les accompagner, effectivement. Il y aura
des balises à mettre. Puis je peux comprendre que ça peut être intimidant pour
un gestionnaire de passer d'un processus à
l'autre, et ça, ça sera notre travail, de bien les accompagner. Mais, outre
cette question de crainte de lourdeur, qu'est-ce
que vous nous proposez pour rendre le processus plus agile? Parce qu'il est
trop lourd présentement, là, et il...
Mme Gosselin (Anne) : Oui, mais vous
savez que, dans le passé, les ministères et organismes avaient le pouvoir de
tenir des processus de dotation. Le ministère de la Justice, le ministère du
Travail, et ainsi de suite, on est partis d'un mégasystème à on s'en va vers un
système trop pointu. En fait, les ministères et organismes pourraient
effectivement faire des processus générés pour aller valider la qualification
des gens et définir des exigences additionnelles pour des choses plus pointues
par la suite. Mais tout est, à mon sens, dans les effectifs qu'on va être prêts
à mettre à la dotation, parce qu'il faut que les analyses de candidatures...
J'entendais mon interlocutrice précédente qui
parlait de C.V. de 50 pages. C'est du temps, ça, hein, à analyser des
C.V.? Alors, il faut quand même qu'il y ait des processus qui soient bien
encadrés pour que les gens puissent avoir une compétence générée pour que, dans
le cadre des mutations ou des promotions ultérieures, ils aient une formation
ou une qualification de base pour occuper n'importe quel emploi dans les mêmes
catégories, même si ce n'est pas aussi pointu par la suite.
Mme LeBel : Mais encore une fois,
Mme Gosselin, là, le but de mes interventions, vous comprendrez, est de
bien comprendre votre position, là. Et, encore une fois, je pense que vous
confirmez mon impression que c'est plutôt dans la capacité d'analyser et de
traiter les candidatures que vous avez une crainte pour vos membres plutôt que
sur le processus lui-même.
Mais je comprends moins bien qu'est-ce que vous
voulez dire par un processus de qualification générique. Donc, moi, pour moi,
je lis «banque» tel qu'on le voit actuellement. Donc, qu'est-ce que vous voulez
dire par «processus de qualification générique»? Parce que c'est ce qu'on a présentement.
Les banques sont un processus de qualification de base où on va chercher les
compétences... peut-être que mon terme n'est pas bon dans le mot «compétences»,
là, mais des... on cherche à vérifier des conditions d'admissibilité minimales,
que ce soit de la qualification ou de la
compétence, et qu'après ça on dit : Bien, eux, là, ils ont eu un premier
filtre. Maintenant, allez-y. Alors, moi, ce que j'entends, et
je vous donne l'occasion de le clarifier parce que je ne veux pas partir avec
cette impression-là, c'est le processus actuel, dans le fond, là. C'est une banque.
Mme Gosselin (Anne) : Mais le
processus actuel avec plus de ressources, parce que, depuis plus de
15 ans, les directions des ressources humaines n'en font plus, de l'admissibilité,
n'administrent plus d'examens. Alors, il va falloir, si vous voulez tenir des
concours dans un ministère, ou appelez ça un processus de dotation parce que
j'ai la déformation des vieilles terminologies, il va falloir que les effectifs
soient au rendez-vous, là. Parce que, quand je vous ai fait la nomenclature des
derniers examens des cinq dernières années, on avait, des fois, 5 000
candidats. Étudier 5 000 C.V., là, ça prend des ressources, là, puis c'est
ça, l'enjeu, moi, je pense.
Mme LeBel : Oui, mais là-dedans...
Mme Gosselin
(Anne) : C'est d'arriver à définir un processus de base pour qu'on
s'assure que les gens aient la qualification de base puis permettre après les
gestionnaires, avec un profil spécifique, avec des conditions additionnelles,
de choisir des candidats spécifiquement.
Mme LeBel : C'est un peu paradoxal
parce que, d'un côté, certains syndicats, dont l'ordre des... pas l'Ordre des
ingénieurs, mais...
Mme Gosselin (Anne) : L'APIGQ,
l'association des ingénieurs.
Mme LeBel : Oui, merci beaucoup,
parce que je cherchais l'acronyme. Elle est venue nous dire qu'eux
préféreraient justement un processus de sélection plus pointu, où on va
chercher la compétence pointue de l'ingénieur, et j'ose espérer qu'on n'aura
pas 5 000 candidatures sur un poste d'ingénieur précis dans un département
précis. Mais c'est normal qu'on ait 5 000 candidatures. Plus le processus
est générique et demande des aptitudes de base, lire «de base» comme étant
uniformes et non pas péjorativement, c'est sûr qu'il y a 5 000
candidatures. Mais ce processus-là s'est avéré ne pas donner les résultats
escomptés.
Donc, je continue à lire, dans le fond, derrière
ce que vous me dites, que c'est une question d'effectifs. Même dans le nouveau processus, ce que vous craignez,
c'est que vos membres n'aient pas la capacité effective, là, c'est-à-dire
en termes de temps...
Mme Gosselin (Anne) : De ressources,
de temps, d'énergie, oui.
Mme LeBel : ...de ressources et
d'énergie, pour faire ce processus de sélection là plutôt que de remettre en
question leur capacité de respecter les règles de la fonction publique, là?
Mme Gosselin (Anne) : Oui. Il y a
une crainte par rapport aux effectifs. Il y a une crainte par rapport aussi aux
directions des ressources humaines, qui ont perdu ce champ d'intervention
depuis une quinzaine d'années. Et, quand on parle du cas de l'APIGQ, on parle
de corps d'emploi, tu sais, très, très vertical, les ingénieurs.
Mais, quand on parle de cadres, quand on parle
de professionnels en dehors des groupes très, très spécifiques, il faut
s'assurer que les gens... un économiste qui va être au ministère des Finances
va être capable de se retrouver au ministère du Travail ou à l'Autorité des
marchés financiers avec des compétences de base, donc, parce qu'en arrière de
tout ça on a une permanence de deux ans, là, ce qui fait qu'il faut qu'on ait
la capacité d'évaluer, de façon générique, les candidats. Puis après, si on
cherche une spécialité ou un profil plus particulier, qu'on aille en conditions
supplémentaires, ce qui est déjà possible actuellement.
Mme LeBel : O.K. Bien, en tout cas,
je comprends votre position. On va regarder tout ça puis on va le regarder avec
attention. Comme je vous ai dit, on ne passera pas un par un les commentaires
que vous avez faits sur chacun des articles, là. Votre mémoire est assez
étoffé, et on va regarder ça avec beaucoup d'attention. Merci, Mme Gosselin.
Merci.
Mme Gosselin (Anne) : Merci
beaucoup. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci. Je
cède maintenant la parole au député de La Pinière pour une période de
11 minutes.
M. Barrette : Merci. Bien, on est
quasiment rendus à bonsoir, Mme Gosselin. Écoutez, vous m'avez beaucoup
impressionné. Vous avez une connaissance historique de cette situation-là qui
est assez remarquable. J'ai appris beaucoup de choses. Le premier commentaire
que vous avez fait était à l'effet que ce qui est actuellement en place a été
mis en place pour contrecarrer la période duplessiste, où il y avait du favoritisme.
C'est pour ça, là. J'ai bien compris votre propos, là?
• (16 h 50) •
Mme Gosselin (Anne) : Oui, c'est
notre inquiétude, là, d'aller avec des processus trop pointus. D'une part, on
craint la partialité et on craint aussi des enjeux de mobilité dans la carrière
d'un fonctionnaire de l'État. On a effectivement ces craintes-là.
M. Barrette : J'ai posé cette
question-là aux syndicats, puis c'était un enjeu pour eux. Vous, dans le projet
de loi, là, il n'y a rien qui va... Disons, la mobilité du fonctionnaire va
être impactée par ce projet de loi là, là, tel qu'il est écrit aujourd'hui, là.
Mme Gosselin (Anne) : Bien, en tout
cas, il y a des risques, parce qu'à partir du moment où on travaille sur un
profil très vertical, comment on peut s'assurer que quelqu'un qui va aller
occuper un autre poste dans une autre organisation, son profil va aller de pair
avec les autres emplois qu'il va occuper? Il y a une inquiétude à cet égard-là.
M. Barrette : J'ai envie de vous
demander, là... Vous, là, vous avez écouté toutes les consultations, à date,
j'imagine, là?
Mme Gosselin
(Anne) : Oui.
M.
Barrette : Qu'est-ce qu'il manque à ce projet de loi là? Vous nous avez entendus dire, là, que le projet de loi est en quelque sorte un chèque en
blanc. Vous avez entendu la ministre dire : Bien non, faites-vous-en pas, tout va
bien aller, on va mettre des lignes directrices. Je vous ai entendue ne
pas avoir vraiment, nécessairement, une grande confiance dans les lignes
directrices. Qu'est-ce qu'il manque, là? Qu'est-ce que vous rechercheriez si
vous étiez à notre place?
Mme Gosselin (Anne) : Bon, d'une
part, les lignes directrices devraient être connues de façon un peu plus
claire, notamment par le biais du pouvoir réglementaire. Parce que, quand on
parle de règlements, on parle de Gazette officielle, ce sont des
documents qui sont publics, qui sont accessibles au commun des mortels. Quand
on parle de politiques directives, on parle du recueil des politiques
gouvernementales qui sont disponibles, moyennant un déboursé, sur le site des
publications officielles. Donc, ce n'est pas des éléments qui sont facilement
accessibles pour le commun des mortels. Donc, on voudrait que les balises
demeurent sur le plan réglementaire pour que ce soit plus connu et plus partagé
par l'ensemble des citoyens et candidats à un processus de dotation.
M. Barrette : Est-ce que vous
trouvez qu'il est normal qu'on ne débatte pas de ces orientations-là, ces
lignes directrices là, dans le projet de loi à cette étape-ci?
Mme Gosselin (Anne) : Bien, en tout
cas, si on veut sauvegarder toutes les valeurs, tous les principes
d'impartialité, bien, ça demanderait d'avoir un petit peu plus de matériel,
parce que même... dans les derniers articles qui modifient la Loi sur
l'administration publique, aux articles 32 et suivants, on prévoit même que le
président du Conseil du trésor peut
dispenser un dirigeant de sélectionner quelqu'un par un processus de dotation,
ce qui fait que... Comment ça va s'articuler? On ne sait pas vraiment,
là, parce qu'il y a plein d'exceptions qui laissent une ouverture mais qui ne
nous sont pas expliquées, balisées. Donc, la réalité pourrait être tout autre,
au-delà des principes.
M. Barrette : C'est comme si, au
Conseil du trésor, on se donnait... je fais une transposition, là, c'est comme
si on transposait dans l'embauche le gré à gré d'un contrat.
Mme Gosselin (Anne) : Bien, ça pourrait
avoir, dans certains cas... Je ne dis pas que c'est la volonté des
gestionnaires, mais les dérapages sont plus... seront peut-être plus
accessibles.
M. Barrette : Vous avez touché
momentanément la question de la Commission des finances publiques, là, le
pouvoir...
Mme Gosselin (Anne) : De la Commission
de la fonction publique.
M. Barrette : ...le contre-pouvoir, et ça, manifestement, vous
voyez un problème significatif là. Le contre-pouvoir
disparaît ou, en tout cas, il est amenuisé grandement, là.
Mme Gosselin (Anne) : Bien,
l'instauration de la Commission de la fonction publique avait ce but-là, de
faire des vérifications pour s'assurer du respect des grands principes
d'impartialité, d'accès, d'équité. Quand on voit, dans les différentes
dispositions, entre autres, dans les articles 43, 45, 46, on donne... la présidente
du Conseil du trésor aura le pouvoir de désigner quelqu'un
en-dehors de la Commission de la
fonction publique, et cette personne-là
va lui rendre compte spécifiquement à elle, alors que le tribunal puis l'organisme
impartial indépendant, qui est la Commission de la fonction publique, lui,
relève de l'Assemblée nationale et rend compte à l'Assemblée nationale. Donc,
toutes ces exceptions-là nous fait craindre, là, des dérapages.
M. Barrette : O.K. Et qu'est-ce
que vous recommandez, là? Est-ce que vous recommandez tout simplement le statu
quo ou vous recommandez un aménagement de ce qui est proposé?
Mme Gosselin (Anne) : Bien,
moi, je pense qu'on peut certainement trouver un meilleur équilibre entre des
mégabanques superlourdes et un processus trop, trop pointu. Il y a certainement
moyen de trouver un amalgame, mais il faudra aussi qu'il y ait les moyens, les
effectifs, les ressources humaines, matérielles, financières pour qu'on puisse
bouger rapidement. Parce que, si les ministères et organismes ont peu de
ressources pour faire de l'analyse de C.V., l'enjeu va être le même, là. Les
gens vont... Ça va entraîner un certain délai, et l'enjeu va être le même, même
si, en soi, le processus de dotation ne règle pas tous les problèmes
d'attraction.
M. Barrette : J'irais même
peut-être un peu plus loin. L'enjeu va être le même ou il va peut-être être
pire parce que, s'ils n'ont pas les ressources, ils risquent de vouloir aller
vite, passer vite sur les C.V., faire quelques entrevues puis prendre celui qui
fait leur affaire, tout simplement...
Mme Gosselin (Anne) : Bien,
avec...
M. Barrette : Il y a un manque
de rigueur.
Mme Gosselin
(Anne) : Avec la disposition qui prévoit un moyen d'évaluation, c'est
sûr que le risque est d'aller vite en
entrevue. Ça se convoque rapidement, ça s'exécute rapidement, mais c'est aussi
le moyen d'évaluation, l'entrevue, le plus arbitraire, en tout cas, qui
laisse place à beaucoup d'arbitraire, contrairement à un examen ou un test,
d'autant plus que, dans les dernières années, le Conseil du trésor avec, à
l'époque, le CSPQ et l'accord de la Commission de la fonction publique, avait
fait des concours, des examens qui pouvaient être corrigés par informatique
dans le temps de le dire.
M. Barrette : Si je comprends bien
votre propos, parce que je vais vous avouer que votre témoignage est très intéressant, là, est très éducatif, si je comprends bien votre propos, là, la problématique des banques, ce n'est pas...
elle n'est pas dans son essence, la présence d'une banque. Sa problématique
vient du fait qu'on n'a pas les équipes pour traiter assez rapidement le
cheminement d'une candidature au travers la banque. C'est ça, là, que je
comprends.
Mme Gosselin (Anne) : Oui, c'est un
fait que tout est dans l'exécution. Ça ne veut pas dire qu'on...
Actuellement, on ne permet plus, hein, aux ministères
de faire un concours dans un champ particulier. Alors, tu sais, il y aurait peut-être
moyen de trouver, entre les deux extrêmes que sont les banques et les processus
spécifiques pointus avec des profils pointus, il y aurait certainement moyen de
faire un amalgame, parce que, dans le passé, il y a une quinzaine d'années, les
ministères pouvaient faire leurs propres processus, donc on ne se retrouvait
pas, nécessairement, avec 5 000 candidatures.
M. Barrette : Quand les ingénieurs,
contrairement... Je ne suis pas d'accord avec qu'est-ce que la ministre nous a
dit, il y a un instant, à propos des ingénieurs. Les ingénieurs, ce qu'ils
déploraient, là, c'est l'absence de... On ne requérait pas d'eux des compétences
minimales dans un champ donné, là. Les ingénieurs ne se plaignaient pas d'un
manque de demandes de compétences extrêmes, là, mais bien l'absence de demandes
de compétence tout court. Vous, là, est-ce que ça, là, ce commentaire-là, ça
vous amène, en quelque part dans le milieu, entre les banques et ce qui est
proposé aujourd'hui?
Mme Gosselin (Anne) : Oui. Moi, je
pense qu'il y a moyen de trouver un entredeux. Le cas des ingénieurs, comme le
cas de plusieurs ordres professionnels, c'est plus spécifique parce qu'il y a
des obligations, par les ordres professionnels, de vérification. Puis un
ingénieur minier ne peut pas faire ce qu'un ingénieur électronique ou un ingénieur civil fait, là. Puis, dans le secteur
public aussi, les... hein, on sait que, dans les... auprès des ingénieurs, il y
a eu des enjeux au regard de la qualité des postes qui étaient offerts, où il y
avait moins d'intérêt parce que les postes... les activités les plus
palpitantes pour les ingénieurs étaient faites dans le secteur privé.
M. Barrette : O.K. Il me reste à peu
près une minute. J'aimerais vous entendre parce que vous avez une grande
expérience. Vous avez probablement entendu le témoignage de Mme Chater?
• (17 heures) •
Mme Gosselin (Anne) : Oui.
M. Barrette : Ainsi que le
commentaire tout à fait justifié du collègue de Rosemont. Pourquoi, dans la fonction
publique, dans la structure actuelle, on n'arrive pas à avoir une diversité
plus grande que celle que l'on a? Vu de l'intérieur, de votre point de vue,
vous l'expliquez comment, vous?
Mme Gosselin (Anne) : Je pense
objectivement qu'il y a beaucoup de méconnaissance du processus en tant que
tel. Puis d'ailleurs nous autres, à l'alliance, quand il y a des concours,
quand il y a des processus de qualification, on prépare des formations de deux
heures ou d'une demi-journée. On le fait même avec l'ENAP pour aider les gens à
se préparer, comment on se prépare, qu'est-ce qu'on lit, quels documents on
doit bien connaître. Effectivement, je l'ai réalisé à plusieurs reprises que,
pour les communautés culturelles, la passation d'examen, c'est plus difficile.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
M. Barrette : Voilà, malheureusement.
Merci beaucoup, Mme Gosselin.
Mme Gosselin (Anne) : Ça me fait
plaisir.
M. Barrette : J'aurais aimé... puis peut-être
dans un autre forum.
Le Président (M. Simard) : Merci. Je
cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Oui, merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Gosselin. Pour faire une histoire courte, parce que je
n'ai pas beaucoup de temps, moi, j'ai déjà travaillé très longtemps chez un
employeur où le dicton, parmi les employés, c'était : Poste affiché, poste
comblé. Ça se réglait tout en amont d'habitude. J'ai même été brièvement patron
dans cette entreprise puis je me souviens qu'à la première embauche on avait
trois candidates en lice, et, après la première, qui m'avait particulièrement
impressionné, on m'avait dit : Ne t'énerve pas trop, là, ce poste-là, il
est déjà réservé pour quelqu'un d'autre. Ça fait que c'est déjà réglé et ça
fonctionne souvent comme ça.
Je vous écoute, vous êtes
en train de parler des risques de s'en tenir qu'à une seule entrevue, et qu'à
une entrevue seule, je devrais dire. C'est ça, le risque que vous craignez, que
les dés soient pipés ou que... Ça nous lie les mains un peu. Là, je suis en
train de vous mettre des mots dans la bouche peut-être, là, mais qu'est-ce qui
vous dérange là-dedans, dans ce processus-là?
Mme Gosselin (Anne) : C'est un
risque de se limiter à un seul moyen, parce qu'on sait qu'il y a des gens qui
performent très bien en entrevue, mais que, sur le plan des connaissances ou
des habilités, ils sont plus faibles. L'entrevue, c'est un moyen, mais c'est
aussi le moyen qui est le plus facile à administrer et le plus rapide à
administrer, mais aussi le plus susceptible d'être empreint d'arbitraire, donc.
Et se limiter à ça, c'est qu'on risque de voir après... si on n'est pas allés
valider les connaissances de base, les habiletés de base de cette personne-là, même
si cette personne-là excelle en entrevue, on risque d'avoir des surprises par
la suite, là.
M. Marissal : Mais on s'entend,
Mme Gosselin, qu'il y a quand même un entonnoir, là. Pour arriver à
l'entrevue, là, même s'il y a trois, ou quatre, ou cinq candidats, candidates,
il y a eu une présélection qui a été faite, là. Donc, il y a aussi un problème
dans le cheminement, selon vous?
Mme Gosselin (Anne) : Bien, la
présélection, c'est toute la question de l'admissibilité, hein, de l'étude du
C.V. Il y a des C.V. qui se lisent en deux minutes, il y en a qui se lisent en
10 minutes. Ça prend beaucoup de travail, ça prend une expertise
particulière, faire de l'admissibilité, et, depuis 15 ans, les directions
des ressources humaines en font très, très peu. Donc, il va falloir s'assurer
que les effectifs sont là pour que ça se fasse très bien. Mais encore, vous
savez, lire un C.V. puis s'assurer que les gens ont vraiment les habilités
qu'ils énoncent dans leurs C.V., au regard de ce que vous recherchez, ce n'est
pas toujours évident.
M. Marissal : Autrement, s'il n'y a
pas les effectifs avant, le risque est lequel, selon vous, rapidement?
Le Président (M. Simard) : Très
rapidement, s'il vous plaît.
Mme Gosselin (Anne) : Le risque est
de faire des mauvais choix.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
M. Marissal : Merci,
Mme Gosselin.
Le Président (M. Simard) :
Mme Gosselin, merci beaucoup pour la qualité de votre présentation.
Mme Gosselin (Anne) : Ça m'a fait
plaisir.
Le Président (M. Simard) : Ce fut
fort agréable que de vous avoir avec nous.
Mais, écoutez, c'est parce que je l'avais
oublié, mais notre collègue de Jonquière est de retour parmi nous, et j'allais
oublier de lui laisser la parole. Je m'en excuse, cher collègue.
M. Gaudreault : Oui, parce que, des
fois, les nouvelles sortent à 16 h 55 un jeudi. Alors, j'aimerais
savoir, Mme Gosselin, justement, si vous partagez les inquiétudes qui nous
ont été communiquées par les ingénieurs du gouvernement du Québec, jeudi
dernier, quant aux pressions politiques.
Mme Gosselin (Anne) : Bien, c'est toujours
un risque un peu partout, la question des pressions politiques, puis, quand on
travaille sur des processus moins encadrés, le risque est là. Mais je ne me
ferai pas l'avocat des ingénieurs, je pense qu'ils sont très bien capables de
le faire eux-mêmes, là, mais on cherche... plus les processus sont bien
définis, plus ils sont rigoureux, plus on évite les biais. Mais, avec les paramètres
qu'on a présentement sur le projet de loi n° 60, on n'a pas ces outils-là
actuellement.
M. Gaudreault : O.K. Donc, c'est
insuffisant pour se protéger de ça?
Mme Gosselin (Anne) : Je pense que
ça pourrait être... Je ne vous dis pas que ça va être la règle, mais ça
pourrait permettre ces situations.
M. Gaudreault : Est-ce qu'on vous en
rapporte, des pressions politiques de la part de vos membres?
Mme Gosselin (Anne) : Bien, je vous
avoue bien franchement que nos membres ne sont pas très forts dans la
confidence dans ces situations-là. Les gestionnaires gardent ça pour eux et
dealent dans la quotidienneté avec ces situations-là.
M. Gaudreault : Comment vous
réagissez, à votre association ou chez vos membres? Comment ça réagit quand, par
exemple, des chefs de cabinet sont nommés sous-ministres? On en voit à
plusieurs reprises, là. Par exemple, le 8 juillet,
je prends ça parce que c'était le jour de ma fête, là, Isabelle Mignault est
passée de directrice de cabinet du MRI à sous-ministre adjointe au ministère
des Transports.
Mme Gosselin (Anne) : Bien, je suis
obligée de vous dire que ça ne relève pas de mon champ de compétence parce que
ça relève d'une décision du Conseil exécutif. Les administrateurs d'État, ce ne
sont pas des gens qui sont assujettis au même processus que les autres
fonctionnaires. Je suis désolée.
M. Gaudreault : Dites-moi, à la
page 4 et 5 de votre mémoire, vous êtes quand même très critique, là, sur
le fait que la diminution des pouvoirs de la Commission de la fonction publique
va faire en sorte que le Secrétariat au Conseil du trésor, si je comprends bien
ce que vous dites, pourrait devenir juge et partie.
Mme Gosselin (Anne) : Effectivement,
parce que le Secrétariat du Conseil du trésor, comme n'importe quelle
organisation publique, ministère ou organisme, est actuellement assujetti à la
surveillance de la Commission de la fonction publique. D'ailleurs, je vous ai
cité cinq situations où le secrétariat a fait l'objet d'enquête de la
Commission de la fonction publique, donc... et ce sont des informations
publiques qui sont sur le site Internet de la commission. On est inquiets sur
le fait que la Commission de la fonction publique risque de voir ses pouvoirs
très, très réduits, d'autant plus qu'il reste un espace dans le projet de loi
où la présidente du Conseil du trésor pourrait nommer quelqu'un pour faire des
vérifications, ce que la commission fait déjà.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme Gosselin.
M. Gaudreault : Merci.
Le Président (M. Simard) :
Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions. Merci à nouveau pour
la qualité de votre présentation. Ce fut fort apprécié.
Et, sur ce, nous allons suspendre temporairement
nos travaux afin de faire place à notre dernière invitée.
(Suspension de la séance à 17 h 08)
(Reprise à 17 h 21)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous sommes de retour et nous pouvons reprendre nos travaux.
Nous avons l'honneur de recevoir, ce soir, la Pre Anne Bourhis, qui est
professeure titulaire au Département de gestion des ressources humaines à HEC
Montréal.
Alors, chère collègue, soyez la bienvenue. Vous
savez que vous disposez d'une période de 10 minutes afin de faire votre
présentation.
Mme Bourhis (Anne) : Absolument. Et
les 10 minutes commencent maintenant, j'imagine?
Le Président (M. Simard) : Oui, si
vous voulez, ce serait préférable.
Mme Anne Bourhis
Mme Bourhis (Anne) : Parfait. Alors,
écoutez, M. le Président, Mmes, MM. les députés, d'abord, je voulais vous
remercier de me donner l'occasion de partager avec vous mon analyse de ce projet
de loi.
À l'automne 2019, j'ai été approchée par la
direction de la gestion de la main-d'oeuvre du Secrétariat du Conseil du trésor
pour faire un relevé des tendances en matière de dotation par le biais d'une
revue de la littérature et d'une comparaison de huit organisations publiques,
et c'est avec cet éclairage que j'aborde ma lecture du projet de loi. Dans mon
témoignage, je reviendrai très rapidement sur les principaux constats tirés de
ce mandat, donc qui datent de l'automne 2019, et, par la suite, je vous
ferai part de ma lecture du projet de loi en regard de ces constats.
Alors, tout d'abord, en ce qui concerne la
lecture de la littérature, on dégage quatre tendances de fond qui transforment
les pratiques de recrutement et de sélection du personnel, en particulier dans
un contexte de rareté de main-d'oeuvre, qui
est celui que vit l'ensemble de la société québécoise et en particulier la
fonction publique aujourd'hui. Donc, ces quatre tendances, quelles
sont-elles? D'une part, le déploiement d'une marque employeur forte; d'autre
part, la mobilisation des moyens technologiques pour optimiser les processus de
dotation; la transformation du rôle du recruteur, dont le mandat devient de
plus en plus un rôle de repérage de talent; et finalement, l'amélioration de
l'expérience candidat.
Alors, par souci de concision dans ce
témoignage, puisque nous n'avons que 10 minutes, permettez-moi de revenir
uniquement sur ce dernier point, l'expérience candidat, c'est-à-dire ce que vit
le candidat entre le moment où il fait connaissance avec un employeur potentiel
sans nécessairement, à ce moment-là, avoir l'intention d'y postuler et le
moment où il accepte une offre d'emploi. À cet égard, la littérature stipule
clairement que, d'une part, la transparence dans les qualifications
recherchées, mais également l'équité dans le traitement des candidatures, la
rigueur dans le processus d'évaluation et le délai de traitement des candidatures
sont des éléments incontournables à une bonne expérience
candidat. Et les études ont montré qu'une bonne expérience candidat permet à la
fois d'attirer des candidats de qualité mais aussi de sélectionner et de
retenir les meilleurs parmi ces candidats.
L'analyse comparative des organisations du
secteur public que j'ai menée, toujours à l'automne 2019, montre qu'à bien
des égards les organisations étudiées ont adopté des pratiques solides de
dotation en mettant en place un modèle de sélection basé sur les compétences et
sur la notion de mérite. Toutes se préoccupent également de l'égalité d'accès
aux emplois de la fonction publique et de la représentativité de leur
main-d'oeuvre par rapport à la population desservie. En général, les
organisations qui ont fait l'objet de cette étude font appel à une combinaison d'outils de mesure pour évaluer adéquatement les
candidatures mais laissent le choix final du candidat à l'appréciation
du gestionnaire qui aura à le superviser.
Ainsi, si les décisions sont décentralisées, en revanche, la conception des
outils de mesure est généralement centralisée pour répondre à l'objectif
d'équité de traitement et de rigueur dans le traitement.
Cependant, force est de constater que les
organisations du secteur public que j'ai sondées à ce moment-là cherchent à améliorer leur processus de dotation,
mais l'expérience candidat est rarement au centre de leurs
préoccupations.
Alors, cela m'amène à ma lecture du projet de
loi n° 60. D'entrée de jeu, je vous dirais que le passage d'un processus
de qualification à un processus de sélection, qui est proposé à
l'article 42, m'apparaît cohérent avec une volonté de simplifier le
processus, d'en améliorer la transparence mais aussi et surtout de réduire le
temps entre le dépôt d'une candidature et une offre d'emploi. Ces trois
éléments, transparence, simplification, réduction du temps, sont des éléments
importants qui contribuent à une expérience candidat positive.
Ce changement proposé à l'article 42 permet
également l'élimination de la notion de banque de personnes qualifiées qui
présentait, présente encore, en fait, plusieurs inconvénients. Premièrement,
les candidats postulaient pour une catégorie d'emploi sans savoir exactement
dans quel ministère ou quel organisme ils travailleraient, ce qui n'était pas
très attrayant pour les candidats. Deuxièmement, les candidats, une fois
qualifiés, pouvaient attendre longtemps avant qu'un poste se libère quelque
part. Et finalement, à cause de cette attente et dans un marché de l'emploi qui
est très fluide comme celui que l'on connaît actuellement, bien, les banques de
candidats qualifiés devenaient rapidement obsolètes, les meilleurs candidats
acceptant d'autres offres d'emploi.
Supprimer ces banques me semble donc un bon
moyen d'éviter de mobiliser des ressources pour évaluer des candidats à qui,
selon toute vraisemblance, on ne ferait jamais d'offre d'emploi.
Par ailleurs, déléguer la responsabilité du processus
de dotation aux sous-ministres et dirigeants d'organisme, comme c'est proposé à
l'article 43, me semble également une bonne idée afin de tenir compte des
spécificités de chaque organisation. Cela donne de la flexibilité au processus,
et, à cet égard, le projet de loi me semble nuancé, dans la mesure où il ouvre tout
de même la porte à des processus de dotation communs à plusieurs ministères et
organismes, ce qui fait sens pour des catégories d'emploi similaires.
• (17 h 30) •
Si on
poursuit l'examen des articles, l'article 47, qui accorde à chaque ministère
et organisme la responsabilité de déterminer
le profil recherché pour chaque emploi, me semble également
aller dans le sens d'une plus grande flexibilité pour tenir compte des caractéristiques
particulières de chaque organisation. Cependant, cette décentralisation du processus
de dotation aux ministères et organismes ne doit pas se faire au détriment des
principes de transparence, de compétence, d'équité de traitement et d'accessibilité
à la fonction publique, principes qui, selon moi, pourraient être réaffirmés
dans le projet de loi.
De la même façon, les moyens pour respecter ces
principes me semblent actuellement un peu flous. Certes, plusieurs articles du projet
de loi octroient au Conseil du trésor la responsabilité de déterminer le
contenu d'une annonce d'emploi ainsi que ses modalités, notamment la durée de
publication, c'est l'article 44, de donner des directives quant au profil
recherché, article 46, et également d'établir des moyens d'évaluation,
c'est l'article 49. Et l'article 50.1 ouvre également la porte à ce
que le Conseil du trésor fournisse aux ministères et organismes des
services-conseils en matière de moyens d'évaluation.
Cependant, il me semble, en tout respect, que le
projet de loi devrait affirmer de façon plus ferme, premièrement, que le profil
recherché doit être basé sur les compétences requises par la fonction,
compétences définies comme une combinaison
de savoir, de savoir-faire et de savoir-être,
c'est la notion de mérite; deuxièmement, que ce profil doit absolument apparaître dans le contenu de l'annonce,
c'est une question de transparence; troisièmement, que l'évaluation des
candidats doit se faire à l'aide d'outils rigoureux basés sur les meilleures
pratiques dans le domaine, ça s'attache aux principes de rigueur et d'équité;
et finalement que cette évaluation vise à comparer les compétences détenues par
un candidat au profil recherché pour le poste, à nouveau une question de
transparence.
Je pense également que le projet de loi devrait
donner plus clairement au Conseil du trésor le mandat de développer une banque d'outils d'évaluation
fiables, rigoureux, basés sur les meilleures pratiques au sein desquels
chaque ministère et organisme pourra puiser, en fonction des compétences à
évaluer, les outils utilisés pour chaque poste.
Finalement, je me questionne sur l'absence
d'indicateurs de performance. Dans la mesure où le projet de loi permet une
plus grande décentralisation des processus de dotation, ce qui, à nouveau,
semble être une bonne chose, le risque existe de voir se développer des processus
très différenciés, mais alors qui ne seront pas comparables. Or, pour être en mesure d'en évaluer la performance,
il importe de pouvoir les comparer au moyen de certains indicateurs
clés, comme le délai moyen pour combler un poste, le nombre de candidatures
recueillies pour chaque affichage, la proportion de candidatures de qualité au
sein des candidatures retenues ou encore la proportion de candidats retenus
faisant partie de groupes cibles. À nouveau, le rôle du Conseil du trésor pour
fournir aux ministères et organismes des systèmes d'information et des
indicateurs de performance uniformes pourrait être réaffirmé dans le projet de
loi.
Donc, en conclusion, je pense que le projet de
loi n° 60 répond adéquatement aux besoins de dotation de la fonction publique québécoise en ce sens qu'il simplifie et raccourcit le
processus, qu'il tient compte des particularités des ministères
et organismes et qu'il offre aux candidats plus de transparence. Je pense cependant
que le rôle du Conseil du trésor comme entité établissant les principes, les
lignes directrices et les outils d'évaluation pourrait être renforcé.
Je vous remercie de votre attention. Je suis évidemment
disponible pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup, Mme Bourhis. Je cède maintenant la parole à la présidente du
Conseil du trésor.
Mme LeBel : Mme Bourhis,
bonjour. Merci de votre contribution. Je vous dirais que je suis un peu déçue
de votre présentation. Elle est tellement claire que je suis presque à court de
questions. Mais non, je vais... Je suis très préoccupée
parce que plusieurs des intervenants ont mentionné
qu'à la base, là, c'était, là je paraphrase, naturellement, une bonne idée de simplifier le processus mais ont
émis plusieurs préoccupations, justement, quant à la capacité de respecter ces
principes d'égalité d'accès, d'impartialité, d'équité, principes qui vont
demeurer dans la Loi sur la fonction publique, mais qui doivent non pas être simplement
édictés dans une loi mais doivent aussi se refléter dans la pratique.
Et je comprends que les moyens pour respecter
ces principes, c'est de préciser, peut-être, à l'intérieur du projet de loi
lui-même, de meilleures balises ou des balises plus précises. Vous avez parlé
d'outils d'évaluation, vous avez parlé de
délais de traitement. J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu de façon plus
précise, parce qu'on peut le
faire par voie réglementaire aussi, on peut le faire par le biais de
directives. Ça a été, bon, commenté et décrié.
Moi, mon objectif est de simplifier le
processus, de le rendre plus agile, de répondre beaucoup mieux aux besoins de
la fonction publique et à la réalité du marché, vous l'avez bien mentionné,
mais également de m'assurer qu'on ne tombe pas dans des possibilités, en tout
cas, les éliminer ou, à tout le moins, les réduire à leur plus simple
expression, de favoritisme ou de ne pas respecter les règles d'égalité d'accès,
d'impartialité, et tout ça.
Donc, est-ce que vous pouvez nous proposer ou
peut-être me suggérer des façons, à l'intérieur du projet de loi, tout en
gardant le processus agile, donc en permettant peut-être au Conseil du trésor
de pouvoir évaluer, évoluer aussi dans ses outils de... parce qu'on est
d'accord... C'est une longue introduction, là, mais je vais finir par... parce
que je réfléchis, finalement, en vous parlant parce que je trouve ça fort
intéressant. Puis on n'avait pas le... On a eu le bénéfice d'avoir votre
présentation à froid, là, si on veut, ou à chaud.
Donc, tu sais, je ne pense pas que vous... je
vais donner un exemple, je ne pense pas que vous nous suggériez de lister, à
travers le projet de loi, les outils d'évaluation...
Mme Bourhis (Anne) : Non, non.
Mme LeBel : ...parce qu'ils
évoluent. Donc, on doit... J'essaie d'illustrer. Donc, on doit garder... Un
projet de loi ne se modifie pas de la même façon qu'un règlement ni de la même
façon qu'une directive. Donc, il y a des degrés d'agilité qu'on doit conserver
en fonction des principes, là.
Donc, quels sont... Donc, je reprends ma
question. Quels sont ceux que vous pensez qui sont pertinents de garder dans un
projet de loi pour bien préciser et respecter les principes qu'on a énoncés
d'abord? Qu'est-ce qui devrait se retrouver plutôt... et qu'est-ce qui pourrait
se retrouver plutôt dans une réglementation ou une directive? Je sais que...
J'ai clarifié ma pensée en vous parlant, là, mais vous voyez où est-ce que je
veux en venir.
Mme Bourhis (Anne) :
Absolument. D'entrée de jeu, n'étant pas formée en droit, vous me pardonnerez,
là, de ne pas nécessairement connaître toutes les nuances et les différences
entre une réglementation, un règlement, une loi, des directives, etc. Mais ce
qui est clair pour moi, effectivement, c'est que les principes directeurs
devraient... ceux-là sont immuables et donc devraient figurer dans le document
le plus immuable, donc le projet de loi.
Et un des principes... Dans le projet de loi
actuel, on mentionne, par exemple, que le Conseil du trésor peut agir... peut
avoir un rôle de conseil auprès des gestionnaires. Je pense qu'on pourrait
renforcer cela en disant : Non seulement
il peut, mais il doit, il devrait être l'instance qui conseille les
gestionnaires, bien évidemment, la façon dont ils... Par exemple, les conseiller sur les outils les plus
appropriés pour mesurer les compétences propres à tel ou tel emploi.
Bien évidemment, dans le projet de loi, je ne
m'attends pas à ce que soient listés, effectivement, les outils d'évaluation
parce que, vous l'avez mentionné, ces outils d'évaluation, ils évoluent, la
pratique évolue. Le fait, par contre, que les dirigeants de ministères, les
sous-ministres et les dirigeants d'organisme soient tenus de s'en référer à des
outils valides, des outils rigoureux, des outils à la pointe des connaissances
dans le domaine, ça, je pense que c'est un principe que l'on pourrait affirmer
dans le projet de loi. Et, si une entité comme le Conseil du trésor est chargée
d'avoir une banque d'outils d'évaluation, de tests, d'exemples de questions
d'entrevue, etc., et que cette banque est constamment mise à jour et mise à la
disposition des sous-ministres et des directeurs d'organisme public, à ce
moment-là, on s'assure de cette rigueur dans l'évaluation des candidats.
Je ne sais pas si ça répond... C'est un exemple
pour répondre à votre question.
Mme LeBel : Absolument, absolument.
Vous avez parlé... Je vais peut-être vous amener sur un autre aspect. Vous avez
parlé de la marque employeur cohérente aussi, vous avez parlé de l'expérience
candidat. Je comprends que vous suggérez également que le Conseil du trésor,
probablement, ou une autre entité — moi, je pense au Conseil du trésor
parce qu'on est... c'est quand même l'entité qui est chargée de chapeauter, là,
l'administration publique — s'assure
qu'il y ait des pratiques, à tout le moins, des pratiques de base qui sont
quand même assez uniformisées entre les ministères et organismes, malgré que
les besoins peuvent être différents d'une organisation à l'autre en termes de
recrutement d'un candidat.
Ce que j'ai cru comprendre
ou lire à travers vos propos, c'est qu'il faut quand même qu'on s'assure d'une
certaine base d'uniformité dans les pratiques pour que cette marque — vous
avez parlé de ça, d'une marque employeur, je
pense, ou l'expérience candidat — soit
cohérente d'une entité à l'autre, donc pas de meilleur processus dans
un... que, si je me présente pour la Justice ou un autre, si je m'en vais en
Immigration, ou, à tout le moins...
Mme Bourhis (Anne) : Absolument,
puis c'est la notion d'équité de traitement et c'est un élément important de
l'expérience candidat. L'idée est de dire : Il faut que le processus soit
aussi rigoureux, autant basé sur les meilleures pratiques, que l'on postule au ministère
de la Justice, ou au ministère des Finances, ou à l'Immigration, ou peu
importe. Dans tous les cas, on veut un processus qui ait le même niveau de
rigueur.
Bien évidemment, et c'est ce qui est inclus dans
le projet de loi, on veut aussi tenir compte des particularités de l'organisme
parce que... en fonction de l'organisme, du ministère, de l'organisme, mais
aussi du poste, parce qu'en fonction des compétences requises par le poste, des
compétences liées à l'environnement de travail spécifique aux bénéficiaires,
par exemple, des services, certains ministères...
Je vais donner un exemple. Dans certains
ministères, on fait... on travaille avec une population vulnérable, et ça prend
donc des qualités personnelles particulières qui seront moins importantes dans
un autre ministère, par exemple. Donc, il faut qu'on puisse tenir compte de ces
nuances-là, mais que, dans tous les cas, on puisse dire : Le processus est
aussi rigoureux lorsque je me présente à un ministère ou à un autre.
Et, encore une fois, je reviens à l'exemple que
je mentionnais dans ma réponse précédente, une des façons de s'assurer que le processus
est aussi rigoureux, c'est d'avoir un organisme qui centralise la conception
d'outil pour répondre aux besoins des ministères, mais également pour répondre
à ce souci d'équité. Ce n'est pas le seul moyen. On pourrait aussi penser à
s'assurer qu'à partir du moment où ça va être décentralisé, que les
gestionnaires qui sont en charge d'un processus de recrutement... et également
la formation adéquate pour savoir comment poser des questions d'entrevue,
comment administrer des examens ou des choses comme ça.
• (17 h 40) •
Mme LeBel : Excusez-moi, mon micro
était fermé. Je trouve ça fort intéressant. Certains ont mentionné, toujours
dans la crainte de ne pas respecter les principes d'accès d'égalité, de peut-être
voir qu'il y ait moins d'équité ou d'impartialité dans le processus, ont
mentionné la crainte que, si c'était décentralisé au niveau des gestionnaires,
des directeurs de... bien, des gestionnaires, donc, des différents ministères
et organismes, que peut-être, dans la sélection des candidats qui seraient
amenés peut-être en entrevue, il y ait un certain favoritisme et ont peut-être
proposé une présélection qui pourrait être faite par un organisme ou quelqu'un
qui est à l'extérieur du ministère, bon, qui fait ses besoins.
Est-ce que vous pensez que, si on y va avec une
banque d'outils de sélection où on ne laisse pas au gestionnaire en question le
choix de l'outil d'évaluation, si on y va avec l'obligation d'avoir plus qu'un
outil d'évaluation que la simple entrevue, est-ce que vous pensez que ça
pourrait répondre à ces préoccupations-là ou vous pensez que le Conseil du
trésor, à titre d'exemple, devrait faire une présélection? Et là je vais vous
dire où est ma crainte dans ce processus
de présélection là. C'est qu'on retombe dans une espèce de lourdeur des
banques, là, c'est-à-dire une
espèce de processus de qualification indirect, alors que la qualification doit
être laissée, quant à moi, aux universités et aux gens qui font la formation,
mais que nous, on doit être dans la sélection de la recherche de la compétence
d'un candidat pour un poste donné. Donc, je ne suis pas contre le fait qu'il y
ait des balises, mais j'essaie de trouver le meilleur équilibre entre retomber
dans une espèce de gestion de banque indirecte et s'assurer, justement, que
l'impartialité, l'équité, l'égalité d'accès soient... et uniformité aussi, le
plus possible, soient faits.
Donc, pensez-vous que cette banque d'outils ou
l'obligation d'en utiliser plus qu'un, parce que ça a été soulevé aussi, serait
une des façons de baliser ou de répondre à ces enjeux-là?
Mme Bourhis (Anne) : Je pense que ce
serait clairement une des façons, pas la seule façon, mais clairement une des
façons. Dans ma présentation introductive, je parlais aussi de s'assurer
d'avoir une certaine transparence, dès l'affichage du poste, dans le profil
recherché et que ce profil soit effectivement un profil qui soit basé sur une
analyse de la fonction et des compétences requises pour exercer cette fonction.
Si c'est fait, et si c'est fait, encore une fois, de façon rigoureuse, et ça
peut être fait par le gestionnaire ou par le dirigeant de l'organisme, mais
avec des conseils, un appui, un suivi des personnes expertes au Conseil du
trésor, déjà, ce que l'on envoie comme message, c'est : Le poste sera
offert à quelqu'un qui répond à ce profil et non pas à quelqu'un qui est le
meilleur ami de ou le... qui fonctionne par favoritisme. Donc, cette transparence
dans les profils, cette transparence aussi dans le processus annoncé dès le
départ : Le processus va contenir tel et tel... une entrevue, plus un
test, plus ceci, donc telles et telles étapes, je pense que, ça aussi, ça
participe du même objectif.
Et puis, et j'en parlais à la fin de mon
allocution, la question de l'imputabilité, elle vient aussi être renforcée par
des indicateurs de performance. Donc, si on demande après coup, à la fin d'un
processus ou à la fin d'une certaine période, de... si on demande des comptes,
en fait, aux sous-ministres, aux directeurs d'organisme public, si on leur
demande des comptes, par exemple, sur les profils qui ont été à la fois
recrutés, les profils des candidats, mais aussi les profils des candidats
retenus, je pense que, là aussi, ça participe de cette volonté d'éviter le
favoritisme, de rendre la fonction publique accessible à tous, mais à tous en
fonction de leurs compétences.
Un dernier point, je sais que c'est une réponse
longue, mais un dernier point sur la question de la présélection. J'aurais
aussi probablement les mêmes craintes, dans la mesure où, effectivement, il ne
faudrait pas que la machine utilise l'étape de présélection de la même façon
qu'elle utilisait les banques de candidatures qualifiées. Et par ailleurs, si
on croit au principe de donner de la flexibilité aux ministères et organismes
pour aller chercher les profils qui correspondent le
mieux à ce dont ils ont besoin, bien, la logique serait que la présélection se
fasse aussi au niveau des ministères et organismes.
J'aurais peut-être un bémol à cette affirmation
dans le cas de processus conjoints à plusieurs ministères, et c'est prévu, dans
le projet de loi, que de tels processus puissent exister. À ce moment-là, peut-être,
pourquoi pas, si on fait un processus conjoint à plusieurs ministères pour des
postes qui sont finalement assez similaires d'un processus... d'un ministère à
l'autre, je ne sais pas, un analyste, base de données, peut-être qu'on peut
dire : Bien, ça, c'est un poste où les compétences ou le profil recherché
ne variaient pas tant, que l'on travaille pour tel organisme ou tel ministère.
À ce moment-là, peut-être qu'on pourrait dire, dans ces processus-là, une
tierce partie, Conseil du trésor, par exemple, pourrait faire la première étape
de présélection. Pourquoi pas?
Mme LeBel : Donc, on pourrait avoir,
dans ces processus-là combinés, effectivement, pour des postes où le passage
d'un ministère à l'autre, parce que la compétence est moins pointue, disons...
là, on pourrait avoir une espèce de
processus de banque générique, si on veut, mais pour le bien de ce processus-là
qui est entre plusieurs ministères.
Je ne sais pas si je retiens bien ce que vous
dites. Dans le fond, il y a deux éléments clés. Puis peut-être... je ne veux
pas outresimplifier votre intervention, mais la première, c'est de s'assurer
qu'on a un affichage adéquat et rigoureux qui correspond bien aux critères du
poste recherché et que, non seulement... et qu'il énonce bien aussi les
critères de ce que l'on recherche et sur lesquels on se basera et, par la
suite, des outils d'évaluation adéquats qui nous permettront de bien
sélectionner le candidat et de s'assurer qu'il y a une adéquation, peut-être
pas parfaite mais optimale, entre les critères affichés, recherchés et la
personne sélectionnée.
Et j'y vois un troisième, c'est l'imputabilité
et les indicateurs de performance pour s'assurer exactement que, quand on a ces
deux premiers éléments là, ils sont bien suivis par les gestionnaires. Est-ce
que je résume...
Mme Bourhis (Anne) : Vous résumez très
bien.
Mme LeBel : Bon. Merci. On va voir
comment on peut préciser le projet de loi. Merci beaucoup, Mme Bourhis.
C'est très instructif.
Mme Bourhis (Anne) : Merci à vous.
Le Président (M. Simard) : Il reste
1 min 30 s à votre formation politique, Mme la ministre. Est-ce
que quelqu'un souhaiterait intervenir à ce stade-ci? Sans quoi, je vais céder
la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de La Pinière.
M. Barrette : Bonjour,
Mme Bourhis.
Mme Bourhis (Anne) : Bonjour,
M. Barrette.
M. Barrette : Oui. Bon, écoutez,
j'ai moins de temps, là, moi, j'ai 11 minutes, puis vous allez entendre le
même commentaire de mes collègues subséquemment. Là, j'ai bien compris, dans
votre introduction, au début, début, début de votre présentation, que vous
aviez été consultée par le ministère... le Conseil du trésor?
Mme Bourhis (Anne) : Oui, en 2019.
Au Secrétariat du Conseil du trésor.
M. Barrette : Mais pour ce sujet-là?
Mme Bourhis (Anne) : Pour un
sujet... pas exactement pour les modifications au projet de loi, mais pour une étude plus générale, une étude comparative de
ce qui se faisait en matière de dotation dans différentes organisations au public, excluant le gouvernement du Québec,
donc le gouvernement fédéral canadien, australien, Grande-Bretagne,
quelques organisations municipales également et une revue de la littérature.
M. Barrette : O.K. Bon, c'est intéressant.
Je ne vous ai pas entendu du tout parler de la Commission des finances
publiques. Est-ce que, n'en ayant pas parlé, vous n'en voyez plus l'utilité?
Mme Bourhis (Anne) : Non, je pense tout
simplement que ça dépasse mon champ d'expertise et que je préférais focaliser
mon intervention sur ce que je connais.
M. Barrette : O.K. Vous nous avez
parlé beaucoup de l'expérience candidat. Comment vous l'appelez? Je m'excuse,
là. Vous avez...
Mme Bourhis (Anne) : Oui,
l'expérience candidat.
M. Barrette : Candidat, là. C'est un
peu comme l'expérience client, mais le client, quand il a une mauvaise
expérience, là, il faut bien qu'il puisse se retourner vers quelque chose. Et
est-ce que ce quelque chose là, c'est la Commission des finances publiques,
dans le fond... de la fonction publique?
Mme
Bourhis (Anne) : Possiblement. Ça peut être l'ombudsman. Ce que les
candidats et, en particulier, les candidats les plus jeunes font, c'est non pas
se tourner vers des instances, mais se tourner vers leur téléphone et les
réseaux sociaux. En fait, une des choses que l'on voit de plus en plus, c'est
des candidats qui, lorsqu'ils sont insatisfaits de l'expérience qu'ils ont eue,
lorsqu'ils considèrent, par exemple, avoir été traités de façon inéquitable,
lorsqu'ils ont l'impression d'avoir été évalués sur des compétences qui
n'étaient pas pertinentes pour l'emploi ou encore lorsqu'ils ont l'impression
d'avoir été évalués avec des outils qui ne semblaient pas rigoureux, de plus en
plus, ce que les candidats font, c'est exprimer leur mécontentement ou leur
insatisfaction sur les réseaux sociaux. Et il y a des sites d'évaluation
d'employeur dans lesquels les candidats insatisfaits s'expriment et laissent
cours à tous les adjectifs que vous pouvez... que leur imagination leur permet
d'utiliser.
Donc, c'est une
problématique réelle, et je vous dirais que de plus en plus d'employeurs...
Vous parliez, tout à l'heure, de
l'expérience consommateur. Effectivement, la notion d'expérience candidat,
c'est un emprunt au marketing, mais de plus en plus d'employeurs font
une vigie de ce qui se dit sur eux, en tant qu'employeurs ou qu'employeurs
potentiels, au même titre qu'ils font une vigie de ce qui se dit sur eux en
matière de produits et services.
• (17 h 50) •
M. Barrette :
Il y a quelques instants, vous avez dit que vous aviez une expertise en termes
de comparaison de différents systèmes d'embauche, puis on vous avait consultée
essentiellement pour ça. Pouvez-vous nous parler un peu du comparatif que l'on
a ici, au Québec, avec le système fédéral? Je connais un peu le système
néo-zélandais, mais je comprends que vous connaissez aussi l'australien.
Pouvez-vous nous éclairer sur les différences? Est-ce qu'on peut emprunter à
d'autres? Parce que, là, quand on vous écoute et quand on écoute la ministre,
c'est comme si on est en train de mettre en place le système parfait, ce
dont... mais surtout, la ministre, là, puis je dis ça très gentiment pour la ministre,
là, mais il y a d'autres... prenez pas vous, là, mais je ne pense pas que vous
voulez nous dire ça. Mais est-ce qu'il y a mieux ailleurs?
Mme Bourhis
(Anne) : Je suis professeure en gestion des ressources humaines et
alors je peux vous assurer qu'en matière de gestion des ressources humaines la
perfection n'existe pas. C'est toujours dépendant du contexte et c'est toujours
quelque chose de dynamique.
Pour répondre à votre
question de façon plus spécifique, le système fédéral canadien est un système
qui ressemble un petit peu à ce que le projet de loi n° 60
propose, c'est-à-dire un système qui est très décentralisé en termes de prise
de décision dans les ministères et organismes. On a beaucoup de latitude en ce
qui concerne le profil, en ce qui concerne l'utilisation d'outils, selon les ministères
et organismes et même au sein d'un même ministère et organisme, beaucoup de
latitude en fonction du type d'emploi.
Cependant, le système
est centralisé en termes d'outils d'évaluation. Donc, il y a une boîte à
outils, si vous voulez, qui comporte à la fois des exemples d'entrevue et des exemples
de test pour différents types d'emploi, autant des tests de langues, autant des
tests d'habiletés cognitives, de tests de personnalité, et donc il y a une
centralisation des outils, une centralisation des formations aussi données aux
fonctionnaires qui ont des responsabilités en matière d'embauche pour savoir, par
exemple, comment appliquer les principes d'équité, comment appliquer le
principe de compétence, pour savoir aussi
comment traiter des candidats qui appartiennent à des groupes protégés ou à des
groupes que l'on veut cibler. Donc, le système fédéral canadien ressemble un
petit peu à ce qui est prévu au projet de loi n° 60.
Le système australien
est également très décentralisé, donc beaucoup de latitude donnée aux ministères
et organisme dans le choix des profils qu'ils évaluent.
M. Barrette :
Mais, dans le système fédéral canadien, le système australien, néo-zélandais,
est-ce que la codification de ces outils-là, elle est dans la loi? Elle est
formalisée en quelque part? Elle est comment?
Vous avez compris,
là, évidemment, de nos interventions précédentes que ce que l'on critique
fondamentalement, c'est l'espèce d'absence de balises, là, le chèque en blanc
que le projet de loi nous apparaît être, là. Moi, j'ai bien... C'est un peu
biblique, le projet de loi, là. C'est les 10 commandements, là : tu
ne voleras point, aime ton prochain, et ainsi de suite, là. Malheureusement, la
vraie vie, ça ne marche pas de même, là.
Mme Bourhis
(Anne) : Je ne suis pas sûre du niveau de codification auquel vous
faites allusion, mais, dans les lois de ces pays, Australie... gouvernement
fédéral, pardon, ce qui va être mentionné, c'est le recours à cet organisme
centralisé, c'est-à-dire qu'on va dire : Il faut que les gestionnaires en
charge de l'évaluation des candidats fassent appel aux outils qui ont été
développés par cet organisme centralisé ou ce centre d'expertise — on va
parfois parler de centre d'expertise — centralisé qui regroupe des personnes
qui vont concevoir des outils d'évaluation.
Maintenant, à ma connaissance,
et je pourrais me tromper, mais, à ma connaissance, les outils d'évaluation
comme tels ne sont pas listés dans le projet de loi, et la raison est celle que
l'on évoquait tout à l'heure avec la présidente du Conseil du trésor, c'est-à-dire
que ces outils-là, ils évoluent, la pratique, les bonnes pratiques évoluent. Et
donc les insérer, les enchâsser dans un projet de loi reviendrait à être obligé
de modifier le projet de loi tous les ans parce que des nouvelles façons
d'évaluer les candidats arrivent.
Je pense notamment
aux évaluations... à l'évolution, pardon, technologique dans le domaine de
l'évaluation des candidats, où maintenant on a de plus en plus d'outils qui
peuvent être faits à distance, on a de plus en plus d'outils d'évaluation,
même, qui utilisent l'intelligence artificielle, avec des bons et des mauvais
côtés. Je ne prône pas ça. Mais clairement, si on enchâssait dans la loi une
liste d'outils, je pense que cela nous condamnerait à devoir réviser la loi de
façon extrêmement fréquente.
M. Barrette : Par contre, on peut
enchâsser dans la loi des principes.
Mme Bourhis
(Anne) : Absolument. Et ce dont je parlais tout à l'heure, enchâsser
d'abord le principe de compétence ou de mérite, enchâsser aussi le principe que
l'évaluation se fait à l'aide de plus d'un outil, que l'évaluation doit se
faire à l'aide des outils qui correspondent aux meilleures pratiques, qu'un
organisme, par exemple, le Conseil du trésor, est en charge de déterminer quels
sont ces outils qui correspondent aux meilleures pratiques, ça, effectivement,
ces principes-là, on peut et je pense qu'on gagnerait même à les préciser dans
la loi.
M. Barrette : Bon, il me reste quelques secondes. Je comprends
que, pour vous, l'importance de la Commission de la fonction publique, en
termes de vérification et de contre-pouvoir, vous n'y voyez pas tant d'intérêt
que ça.
Mme Bourhis (Anne) : Ni l'un ni
l'autre. Ma réponse va vraiment être neutre à ce sujet. Je n'y vois ni un
organisme positif ni un organisme négatif.
M. Barrette : Très bien. Je
pense, M. le Président, que je suis au bout de mon temps.
Le Président (M. Simard) : Ah!
il vous restait quand même 17 secondes, cher collègue.
M. Barrette : Merci beaucoup,
Mme Bourhis, d'être venue.
Mme Bourhis (Anne) :
17 secondes, c'est juste le temps pour se saluer. Je vous remercie, M. le
député.
Le Président (M. Simard) : Bien
observé, Mme Bourhis. Il faut quand même prendre le temps de se taquiner
un peu, hein?
Mme Bourhis (Anne) : Absolument.
Le Président (M. Simard) : Parce
qu'on s'apprécie quand même, tous, beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole au député de Rosemont pour une période de 2 min 45 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Bourhis, ou bonsoir.
Mme Bourhis (Anne) : Bonsoir, M.
le député.
• (18 heures) •
M. Marissal : Vous avez peut-être
entendu la dame de l'alliance des cadres qui était juste avant vous. Je ne sais
pas si vous avez eu l'occasion d'entendre son témoignage, apparemment pas.
Mme Bourhis (Anne) : Malheureusement
non. J'étais en cours cet après-midi.
M. Marissal : Très bien. Bien,
son titre le dit, là, elle est présidente de l'alliance des cadres du gouvernement
du Québec et elle nous a dit, bien, beaucoup de choses que je ne résumerai pas,
là, mais une chose en particulier, que les RH au sein du gouvernement, depuis
une quinzaine d'années, mais c'est elle qui le dit, là, ce n'est pas moi, là, depuis une quinzaine d'années, n'ont plus les
moyens, n'ont plus les outils, ne font plus, finalement, leur travail de
RH.
Est-ce que vous avez, dans vos études, dans le mandat dont
vous parliez tout à l'heure, constaté ça? Parce que c'est quand même
un élément important dans le processus, là. Si la RH n'est pas capable de faire des RH,
on a un problème, là.
Mme Bourhis (Anne) : Malheureusement,
le mandat ne portait pas sur l'évaluation ni des RH en général ni du processus
de dotation en particulier dans la fonction publique québécoise. Donc, je
serais incapable de répondre à votre question. Je ne l'ai pas constaté, mais je
ne l'ai pas constaté parce que je ne l'ai pas étudié.
M. Marissal : O.K. Là, vous
avez parlé, tout à l'heure, du phénomène chez les plus jeunes, là, les
milléniaux qui se tournent vers les réseaux sociaux. Ils le font beaucoup, là,
puis c'est correct, là, j'ai des enfants de cet âge-là, là, je comprends ça. Moi,
j'aurais une autre façon de fonctionner, là. Je suis probablement d'une autre
génération. Et les gens d'une autre génération qui ne seraient pas heureux,
est-ce que les réseaux sociaux, dont ils utilisent... dont ils se servent
beaucoup moins, remplaceraient, par exemple, la Commission de la fonction
publique, qui était quand même un rempart? Parce que c'est une chose que
d'étaler ses sentiments sur les réseaux sociaux, c'en est une autre que d'aller
chercher un appui ou un avis quasi juridique, là.
Mme Bourhis (Anne) : Oui, puis je ne
veux pas me laisser entraîner sur une évaluation de la Commission de la
fonction publique, parce que ce n'était pas le noeud de mon intervention
aujourd'hui, mais, de façon générale, je vous dirais, pour avoir une réponse à
cette question-là, j'aurais tendance à regarder quels sont les chiffres de...
combien de personnes se plaignent, font des démarches auprès de la Commission
de la fonction publique et est-ce que c'est... par rapport, évidemment, en
proportion du nombre de candidats qui postulent au gouvernement chaque année et
quel est le résultat de ces démarches-là.
Loin de moi
l'idée de penser qu'il ne faut pas de contre-pouvoir ou d'organisme pour
accueillir les insatisfactions et les plaintes, loin de moi cette
pensée.
Le Président (M.
Simard) : Bien. En conclusion.
Mme Bourhis (Anne) : Mais la
question est : Est-ce qu'effectivement cette commission jouait son rôle?
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci. Je dois maintenant céder la parole au député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui, bonjour. Merci
beaucoup d'être avec nous. Vous avez parlé, entre autres, de quatre critères
que je trouve intéressants, là, pour vivre une bonne expérience candidat...
j'allais dire une bonne expérience client, une bonne expérience candidat, donc
la transparence, l'équité, la rigueur, les délais. Alors, je retiens cela.
En quoi les nouvelles mesures de
décentralisation du projet de loi n° 60, donc de donner plus de pouvoirs,
par exemple, aux sous-ministres, aux présidents d'organisme, vient soutenir un
ou plusieurs de ces quatre critères d'une bonne expérience candidat?
Mme Bourhis (Anne) : Le fait d'avoir
les... Le fait que les ministères soient directement responsables de
l'affichage de leurs postes et non pas de passer par une banque de candidatures
qualifiées ou une étape de préqualification, ça réduit les délais, la notion de
transparence aussi. Lorsque l'on fonctionne de façon centralisée, les candidats
postulent pour un emploi, ils ont un titre d'emploi, ils ne savent pas dans
quel organisme ou dans quel ministère cet emploi-là va finalement être pourvu,
donc, là encore, il y a une question de transparence. La notion d'équité, c'est la notion sur laquelle... d'équité de traitement, c'est la
notion sur laquelle, effectivement, il peut y avoir, je dirais, un certain
risque, même si ce risque, je crois, peut être balisé.
Et je reviens à la discussion qu'on a eue tout à
l'heure. Si, dans la loi, on enchâsse des balises telles qu'on doit utiliser
des outils rigoureux, on doit utiliser des outils qui correspondent aux
meilleures pratiques, on doit utiliser plus d'un outil d'évaluation, cela me
semble de nature à baliser ce risque et diminuer ce risque d'iniquité d'un ministère
ou organisme à l'autre. Mais clairement, la notion de transparence, d'équité et
de réduction des délais.
M. Gaudreault : Mais, sur la question
de l'équité, vous en faites un point important, mais, en même temps, et vous
l'avez dit tout à l'heure, les moyens sont flous. Alors, présentement, j'ai
l'impression qu'on navigue un peu à vue, de sorte que la ministre se garde des
pouvoirs réglementaires de directive, on ne les connaît pas, et c'est ce qui
pourrait venir renforcer l'équité que vous recherchez.
Et, en plus, j'ajoute aussi, de mon côté, le
fait que la Commission de la fonction publique va se voir diminuer des
pouvoirs. Alors, si moi, je postule comme fonctionnaire et... il y a l'équité
de traitement immédiat comme candidat, mais je voudrais aussi avoir une
garantie d'équité une fois que j'aurai le poste. Et là, si on coupe la Commission
de la fonction publique, je perds un peu... un peu, beaucoup, cette équité.
Le Président (M. Simard) : Très
rapidement, s'il vous plaît.
Mme Bourhis (Anne) : Oui. En fait,
je vous dirais simplement, sur la question des critères flous, c'est pourquoi,
dans mon allocution de départ, introductive, je mentionnais ce qu'il me
semblerait intéressant de rajouter dans la loi, un certain nombre de principes,
comme le fait qu'on utilise des outils rigoureux.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, Pre Bourhis, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission
et d'avoir, conséquemment, enrichi nos travaux. Ce fut fort apprécié.
Mme Bourhis (Anne) : Avec grand
plaisir.
Le Président (M. Simard) : Sur ce,
chers collègues, notre commission a complété son mandat. Vous savez que c'était
la première fois que nous avions à faire, comment dire, des consultations
particulières totalement en mode virtuel. Donc, merci beaucoup pour votre
précieuse collaboration. Ce fut fort apprécié.
Mme LeBel : Merci, Mme Bourhis.
Merci, tout le monde.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à tout le monde, et j'ajourne donc nos travaux sine die. À bientôt.
(Fin de la séance à 18 h 06)