(Onze heures vingt-huit minutes)
Le Président (M. Simard) :
Bonjour à tous. Bienvenue à cette première audition et séance totalement
virtuelle de la Commission des finances publiques. Donc, nous avions déjà reçu,
par le passé, des intervenants en visioconférence, mais, cette fois-ci,
s'ajoute à toute notre logistique, bien sûr, une présence virtuelle de la part
de l'ensemble des membres de la commission.
Donc, j'ai pu constater préalablement, avec le secrétariat
de la commission, que nous avions quorum. Comme vous le savez, notre commission
est réunie aujourd'hui, virtuellement, je le rappelle, afin de procéder aux consultations
particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 60,
Loi modifiant la Loi sur la fonction publique et d'autres
dispositions.
Avant de continuer, je dois demander à Mme la
secrétaire s'il y a des remplacements aujourd'hui.
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Ouellet (René-Lévesque) est remplacé par M. Gaudreault (Jonquière).
Le Président (M. Simard) : Très
bien. J'en profite, Mme la secrétaire, d'abord, pour vous saluer, vous
remercier du travail extraordinaire que vous-même et, bien sûr, toute l'équipe
qui vous entoure avez accompli depuis ce matin afin que nous puissions procéder
rondement dans le cadre de cette consultation virtuelle. On est arrivé très tôt
ce matin, et, bien sûr, ceux qui nous écoutent ne le voient pas, mais sachez
qu'on est sept dans la salle Lafontaine, actuellement, à soutenir, comment dire, ces travaux de manière
technique. Donc, merci à toute l'équipe pour sa patience, sa diligence
et son professionnalisme.
Remarques préliminaires
Alors, nous
allons d'abord commencer, comme le veut, bien sûr,
la tradition, par des remarques
préliminaires. Et je cède immédiatement la parole à la députée de Champlain, la présidente du Conseil du trésor.
Madame, la parole est à vous
pour une période de six minutes.
Mme Sonia LeBel
Mme LeBel : Alors, merci, M. le
Président. Alors, je salue tous mes collègues de la banquette ministérielle, je
salue tous mes collègues de l'opposition. C'est vraiment un plaisir de vous
retrouver à cette commission pour l'étude d'un nouveau projet de loi, le projet
de loi n° 60, qui est la Loi modifiant
la Loi sur la fonction publique et d'autres
dispositions, qui a été déposé
à l'Assemblée nationale par mon précédent collègue du Trésor le 12 juin
2020.
• (11 h 30) •
Donc, je pense que c'est important, d'entrée de
jeu, de vous expliquer pourquoi il est requis de changer le processus de
dotation, ce qui a mené à l'élaboration de ce projet de loi. Il est vraiment
souhaité et souhaitable que la fonction publique se modernise et soit plus
efficiente en s'arrimant aux tendances actuelles, en matière de dotation, entre
autres.
J'ouvre, d'ailleurs, une parenthèse pour
mentionner que le processus de sélection proposé a été élaboré en fonction des travaux d'analyse et d'une vigie
effectuée auprès de 13 organisations comparables au Québec, au Canada
et à l'international. Ainsi, le processus de
sélection proposé correspond aux tendances observées ainsi qu'aux pratiques
en vigueur.
L'objectif est de permettre aux ministères et
organismes de doter leurs emplois de façon efficiente et surtout en temps
opportun, d'être compétitifs sur le marché de l'emploi et d'opter pour des
pratiques de gestion flexibles pour ainsi assurer des services de qualité aux
citoyens.
Il est souhaité, pour ce projet de loi, de
répondre à des problématiques qui nuisent à l'efficience et à la compétitivité
de la fonction publique comme employeur afin que nous soyons plus performants
lorsque vient le moment de combler nos
emplois. En effet, les processus de qualification actuels ne répondent pas
toujours aux besoins précis des ministères et organismes. Les offres
d'emploi sont génériques, les candidats inscrits dans des banques de personnes
qualifiées n'ont pas nécessairement le profil précis qui est recherché par les
différentes organisations du gouvernement. De plus, certains candidats ne sont
plus disponibles ou intéressés à un emploi lorsque celui-ci est offert, en raison d'un délai trop long entre la
publication de l'appel de candidatures et le moment où ils sont sollicités.
Depuis 2015, c'est plus de
500 000 candidatures qui ont été traitées et analysées. De ce nombre,
seulement 5 % d'entre elles ont été
embauchées, soit environ... soit plus de 30 000 personnes,
30 700 environ. Il faut donc se rendre à l'évidence que nous
traitons un trop grand nombre de dossiers par rapport au nombre d'emplois à
pourvoir et que cette méthode affecte grandement l'efficience des processus et
la performance de la fonction publique.
Ces problèmes nuisent à
l'image du gouvernement en tant qu'employeur. Il peut s'écouler plusieurs mois,
comme je l'ai dit, voire plusieurs années,
des fois, entre le dépôt d'une candidature et la présentation d'une offre
d'emploi au candidat. Ce dernier a
donc amplement le temps de se désintéresser ou de trouver un autre emploi.
Bref, si nous voulons être plus
performants à la dotation de nos emplois, nous devons moderniser nos façons de
faire et mettre fin à l'ère des délais et des processus de qualification
génériques.
Nous proposons, donc, un nouveau processus de
sélection qui nous permettra de combler nos emplois en temps opportun. Les principes qui encadrent ce nouveau processus de
dotation sont : l'efficacité, l'efficience, l'imputabilité, la transparence et surtout l'égalité d'accès du
citoyen à la fonction publique, tout en favorisant, naturellement, l'équité
et la diversité. Ceux-ci ne feront jamais l'objet de compromis.
À cet effet, permettez-moi de préciser que le
processus de dotation par qualification actuel est similaire à celui qui était
en vigueur il y a près de 50 ans. Bien sûr, au fil du temps, des
modifications ont été apportées, ici et là, mais
force est de constater que les mêmes problèmes reviennent. C'est pourquoi,
cette fois-ci, il est proposé de changer les paradigmes afin que le
processus de dotation permette une nomination au terme d'un processus de
sélection pour un emploi précis au lieu de créer des banques de personnes
qualifiées pour pourvoir d'éventuels emplois. Parmi les modifications proposées
au processus de dotation à travers le p.l n° 60, on
retrouve la publication d'offres d'emploi précises
au lieu d'appels de candidatures génériques, des moyens d'évaluation en lien
avec l'emploi précis à combler, au lieu d'examens génériques en salle, une
approche décentralisée, un processus de sélection qui prend en compte
les besoins précis des ministères et organismes.
En terminant, je répète que le besoin criant de
moderniser nos façons de faire est au coeur de ce projet de loi. En opérant une
réforme en profondeur du processus de dotation, nous faisons en sorte que tout
le monde y gagne. Les candidats perdront moins de temps dans les banques à
attendre d'être convoqués en entrevue, sauront rapidement si leur candidature
est retenue ou non et entreront en fonction beaucoup plus rapidement, et ce, au
bénéfice de notre belle fonction publique.
Aussi, les ministères et organismes seront en mesure d'obtenir le bon candidat,
pour le bon poste, au bon moment.
Petit projet de loi très ciblé, mais d'une
importance capitale, j'en suis convaincue, pour l'avenir de notre fonction
publique... J'ai de grandes ambitions pour repositionner cette fonction
publique comme un employeur de choix, et
ainsi être plus attractifs pour mener à terme nos projets pour le Québec.
J'invite mes collègues de tous les partis à la même collaboration constructive que nous avons eue précédemment et
que nous avons toujours ensemble, mais je vous assure également de mon
ouverture et de ma collaboration, comme toujours. Écoutons ensemble les
consultations et voyons, par la suite, comment on peut améliorer ce projet de
loi dans les objectifs que je viens d'élaborer. Mais, avant tout, je suis
vraiment impatiente d'entendre les groupes que nous aurons. Alors, merci, M. le
Président.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au porte-parole de
l'opposition officielle, le député de La Pinière.
M. Gaétan Barrette
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Alors, d'entrée de jeu, je souhaite la bienvenue à tout le monde,
évidemment. Très heureux de se retrouver, ça fait effectivement longtemps que
nous n'avons pas eu la chance de débattre.
Alors, ça a été agréable, jusqu'à maintenant, je suis sûr que ça va continuer
de l'être et, surtout, je suis convaincu que ça va être productif.
Par contre, à
propos du projet de loi qui nous intéresse, actuellement, j'ai plusieurs
interrogations, M. le Président. Alors, évidemment, quand j'entends la
ministre, la présidente du Conseil du trésor nous mentionner l'importance
d'avoir un processus, une procédure qui soit équitable, transparente,
efficiente et efficace, bon, tout le monde est d'accord avec ce genre d'énoncé
là, je le suis et j'appuie la chose.
Maintenant, j'ai quand même quelques bémols.
Alors, quand on prend l'argument de dire que nous voulons le projet de loi n° 60 pour être plus compétitifs, bien, ce n'est pas la
procédure qui rend notre dotation d'emploi compétitive, notre compétitivité;
c'est-à-dire, donner, avoir les meilleurs candidats possibles pour une fonction
déterminée, provient des conditions d'emploi, nommément le salaire. Et ça, évidemment,
dans le projet de loi n° 60, je ne pense pas qu'on va s'adresser à ça. Il
est quand même connu depuis toujours que la compétitivité à laquelle on fait
face... bien, on a des problèmes parce qu'on paie moins bien les gens, au
gouvernement du Québec, pour une compétence équivalente, et ça, ça ne va pas se
régler par le projet de loi n° 60. Donc, cet objectif-là ne peut pas être
atteint, ça, c'est, pour moi, très clair.
À partir du maintenant où on a enlevé du tableau
cet élément-ci, bien, il y a des éléments dans le projet de loi qui sont
problématiques. Alors, on entendra plusieurs groupes, dont la Commission sur la
fonction publique. Bien, moi, j'aurais une
question à poser, très simple : Allons-nous être équitables à ceux qui
bénéficiaient du régime en place? Je fais référence aujourd'hui
spécifiquement à l'article 8, qui vient faire en sorte que le régime qui
était en vigueur, évidemment, va être aboli. Mais nulle part dans le projet de
loi on ne prend en compte le tort qu'on vient causer à ceux qui, au fil des
années, ont pratiqué dans d'autres champs d'activité, notamment dans le secteur
politique. Ça, moi, quand une loi vient
abolir des choses sans compensation, sans prendre en considération le tort que
ça fait à l'existant, je pense qu'il y a un problème et je vais évidemment
vouloir m'y adresser au fil des consultations et de l'étude détaillée
que l'on fera.
Maintenant, je vais quand même rappeler à tout
le monde qu'on est dans un milieu politique. C'est sûr que ce qui nous est
présenté dans le projet de loi vise une plus grande efficacité, mais un milieu
politique, c'est un milieu politique. Est-ce que ce qui
est proposé actuellement garantit — et j'insiste là-dessus — une
impartialité? Est-ce que l'organisme, qui est la CFP, qui, elle, a la capacité
de surveiller ça, aura les moyens de le faire? Est-ce qu'on peut, dans une
organisation politique, être 100 % impartial? Je comprends et j'admets le
fait que le mode de dotation que l'on a actuellement pose des problèmes, mais
il avait une grande neutralité. Actuellement, allons-nous vraiment retrouver une neutralité équivalente? Aujourd'hui,
là, dans l'état actuel du projet de loi, je ne vois pas nécessairement
ces conditions-là. On en reparlera, évidemment. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le député de
La Pinière. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Vincent Marissal
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Mme la présidente du Conseil du trésor, chers
collègues, moi aussi, je suis heureux de vous voir, mais j'ai peu de temps pour
vous faire connaître toute l'appréciation que j'ai d'être avec vous
aujourd'hui, alors j'irai rapidement.
J'aborde évidemment
avec ouverture l'étude du projet de loi n° 60. Par contre, j'ai quelques
doutes ou questions, assurément, sur le
modèle qui sera retenu et sur les règlements qui seront déposés aussi en appui,
évidemment, mécanique de ce projet de loi. Tout est là, hein, tout est
là, dans l'application d'un projet de loi.
Si nous devions,
d'aventure, nous diriger vers un modèle calqué purement sur le milieu des
affaires, donc un modèle purement business, au nom de l'efficacité — je ne
le dis pas méchamment, mais ce sont souvent des mots qui reviennent dans la
bouche du gouvernement de la CAQ — bien, évidemment, on va s'assurer que
l'équité et que l'efficacité ne soient pas
juste le maître-mot pour passer par-dessus certains principes comme l'équité et
la compétence, puisque, selon moi,
peut-être que le processus actuel est long, mais la compétence devrait
néanmoins, encore et toujours, rester un critère cardinal d'évaluation.
Alors, voilà. Je m'arrête ici. Merci.
• (11 h 40) •
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Je cède la parole au
député de Jonquière.
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault :
Oui. Merci beaucoup. Bonjour à tous et à toutes.
Un des plus grands
atouts du Québec, depuis la Révolution tranquille, c'est d'avoir été capable de
constituer une fonction publique forte, dédiée, indépendante, professionnelle,
distribuée partout sur le territoire du Québec. Et je suis un... j'ai beaucoup
de reconnaissance pour le travail fait par la fonction publique.
Maintenant, il faut
certainement favoriser le renouvellement de la fonction publique, la rendre
attirante pour poursuivre dans cette construction d'un État fort, moderne,
adapté à la réalité du XXIe siècle, mais il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la compétence, de la
connaissance du français comme condition de base pour travailler dans la
fonction publique québécoise, et il ne faut surtout pas revenir à une époque de
retours d'ascenseurs politiques. Alors, voici quelques éléments sur lesquels
j'entends être extrêmement vigilant.
Ceci étant dit, nous
sommes favorables au principe de ce projet de loi. Alors, voilà. J'ai bien hâte
d'entendre nos invités.
Auditions
Le Président
(M. Simard) : Merci, cher collègue. Alors, nos remarques
préliminaires étant terminées, nous allons entreprendre la partie des auditions
et nous avons l'honneur de recevoir aujourd'hui des représentants de la
Commission de la fonction publique, qui sont déjà avec nous en ligne depuis un
certain temps.
Madame, monsieur,
bienvenue. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, après quoi vous
pourriez faire votre présentation, et vous savez que vous disposez d'une
période de 10 minutes pour le faire.
Commission de la fonction
publique du Québec (CFPQ)
Mme Fréchette
(Hélène) : Très bien. Merci. Alors, mon nom est Hélène Fréchette,
présidente de la Commission de la fonction publique. Je suis accompagnée
également de Me Mathieu Breton, qui est juge et membre également de la
Commission de la fonction publique.
Je
voudrais tout d'abord vous saluer tous et vous remercier de nous avoir invités aux consultations particulières
sur le projet de loi n° 60. Je tiens également à saluer Mme la présidente
du Conseil du trésor et responsable de l'administration publique.
Alors, je ne sais
pas, M. Breton, si vous vouliez ajouter quelque chose avant de commencer?
M. Breton
(Mathieu) : Non, mais merci
de nous recevoir, mon nom est Mathieu Breton. Comme disait Me Fréchette,
je suis commissaire membre de l'assemblée de la Commission de la fonction
publique et j'agis à titre de juge administratif, notamment. Donc, je vais
laisser Mme Fréchette faire la présentation. Merci.
Mme Fréchette (Hélène) : Alors,
compte tenu du délai qui m'est imparti, je vais aller au vif du sujet. Vous
n'êtes pas sans savoir que la Commission de la fonction publique est un
organisme neutre et indépendant chargé, entre autres, d'entendre les recours prévus à la
Loi sur la fonction publique et de veiller au respect des principes en matière
de gestion des ressources humaines qui
découlent de cette loi par les ministères et les organismes qui y sont
assujettis. Mme la présidente du Conseil du trésor a fait mention, tout
à l'heure, des principes de la loi.
La commission joue un rôle central dans la
gestion des ressources humaines de la fonction publique, puisque sa mission est de contribuer à assurer l'égalité
d'accès des citoyennes et des citoyens à la fonction publique, d'assurer la
compétence des personnes qui y sont recrutées et promues ainsi que d'assurer
l'impartialité et l'équité des décisions qui sont prises en matière de
gestion des ressources humaines.
Il y a quatre
points particuliers principaux que la commission veut porter à votre attention.
Juste, tout d'abord, souligner l'important travail qui a été accompli par la
présidente du Conseil du trésor ainsi que par son prédécesseur et toutes leurs équipes dans l'élaboration du projet
de loi qui a pour objet de rendre plus efficace le processus de dotation
des emplois dans la fonction publique. La commission a, d'ailleurs, déjà
participé à des consultations préliminaires menées par le Secrétariat du
Conseil du trésor.
Alors, la commission comprend la nécessité
d'apporter des changements majeurs au processus actuel de dotation. Comme le
marché de l'emploi ne cesse d'évoluer, le cadre normatif de la fonction
publique doit en faire autant pour s'adapter aux nouvelles réalités. Alors, la
commission est, d'ailleurs, d'avis que le projet de loi proposé respecte, dans
l'ensemble, les principes de la loi en matière de dotation en personnel.
Cependant, je tiens à vous formuler les
commentaires suivants concernant certains aspects des changements proposés.
Alors, concernant le respect du cadre de gestion des ressources humaines dans
la fonction publique, le projet de loi prévoit les modifications au processus
de recrutement et de promotion des fonctionnaires. Dans la plupart des cas, là,
le processus actuel permet à un seul organisme spécialisé en recrutement de
lancer des appels de candidatures pour tous les emplois d'une même classe, et
ce, dans l'ensemble des ministères et des organismes ainsi que dans toutes les régions du Québec. Dorénavant, cette responsabilité incombera aux
sous-ministres et aux dirigeants d'organismes, qui publieront des offres
d'emploi concernant... des offres concernant les emplois précis qu'ils désirent
pourvoir.
En résumé, le projet de loi décentralise la
dotation des emplois à pourvoir au sein des ministères et des organismes et accorde une plus grande
responsabilité aux sous-ministres et aux dirigeants d'organismes, qui
deviennent, de ce fait, imputables du respect des règles prévues. La
commission est préoccupée à cet égard. Elle craint en effet que cette
décentralisation impose aux directions des ressources humaines l'analyse d'une
multitude de candidatures à la suite d'une offre d'emploi. Il serait important
que des mesures soient prévues pour aider les organisations qui ne
disposeraient pas des ressources nécessaires, le cas échéant.
Par ailleurs, la responsabilité d'établir les
différentes normes applicables au nouveau processus de dotation, notamment quant aux moyens d'évaluation des
candidats, incombera au Conseil du trésor, à qui il reviendra également
de déterminer les cas et les situations où un sous-ministre ou un dirigeant
d'organisme pourra choisir un candidat autrement que par un processus de
sélection. Or, ces règles, qui découlent des nouveaux articles 42 à 50.4
de la loi, ne sont pas encore connues, et la commission émet des réserves à ce
sujet.
En effet, suivant l'adoption éventuelle du
projet de loi, le Conseil du trésor déterminera des normes plus précises,
spécialement dans des directives. Celles-ci ne seront toutefois pas portées à
l'attention des parlementaires ou des parties prenantes avant leur adoption ni
publiées à titre de projet dans la Gazette officielle du Québec, alors,
dans ce contexte, la commission peut difficilement se prononcer sur le respect
des principes de la loi. Chose certaine, les règles doivent être modifiées et
allégées, mais avec le souci de préserver les principes qui sont le fondement
de la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique
québécoise. Alors, la commission invite le Conseil du trésor à demeurer engagé
dans le maintien de cet équilibre à toutes les étapes de mise en oeuvre des
nouveaux processus.
Un autre point qui préoccupe la commission,
c'est le pouvoir de vérification qui sera confié au Conseil du trésor quant à
la façon dont seront recrutés et promus les fonctionnaires qui est prévu à
l'article 43 de la loi. C'est un nouvel alinéa qui est ajouté, où on dit
que «le président du Conseil du trésor a compétence pour vérifier la façon dont
sont recrutés et promus les fonctionnaires par les sous-ministres et les
dirigeants d'organisme visés par la présente loi. À cette fin, le président du
Conseil du trésor peut, par écrit, désigner une personne qui sera chargée de
cette vérification.» On le retrouve à la page 9 de notre mémoire. Or,
cette compétence de vérification fait partie, à l'heure actuelle, de la mission
de la commission, qui est prévue par la loi au deuxième paragraphe de l'article 115,
où on mentionne que «la commission est chargée [de] vérifier l'observation de
la loi et de ses règlements relativement au recrutement et à la promotion des
fonctionnaires».
Alors, dans ses rapports de vérification, comme
dans ses rapports d'enquête, la commission peut formuler des recommandations
aux autorités compétentes ou, si elle le juge utile, faire rapport à l'Assemblée
nationale. On assure le suivi de ces recommandations afin d'évaluer dans quelle
mesure les mesures correctives ont été mises en place. Les travaux de surveillance ont pour objectif
de susciter des améliorations en matière de gestion des ressources
humaines, et, dans ce contexte, le taux d'application des recommandations
formulées par la commission, qui s'élève à
94 % pour l'année financière 2019‑2020, constitue un bon moyen d'évaluer les retombées
positives et constructives.
En outre, le mode de nomination des membres de
la commission ainsi que la présidente, moi-même, en l'occurrence, prévu à la loi... nous sommes nommés sur proposition de premier ministre, par résolution de l'Assemblée
nationale approuvée par au moins les deux tiers de ses membres. Ainsi,
lorsqu'on adopte un rapport de vérification ou d'enquête, l'assemblée des
membres ne fait l'objet d'aucune pression indue et n'a aucun compte à rendre au
gouvernement quant aux recommandations formulées, alors l'indépendance et
l'autonomie de la commission sont vraiment consacrées par la loi. Et, en plus,
la commission... en fait, la commission et ses membres, on est investis des pouvoirs d'enquête pour obtenir tous les renseignements
jugés nécessaires pour mener à bien nos travaux et assigner des personnes à
comparaître.
• (11 h 50) •
Alors, la commission
souhaite vraiment s'assurer que la modification qui est prévue à l'article 43
de la loi ne constitue pas une façon de limiter sa capacité d'intervention relativement
au recrutement et à la promotion des fonctionnaires, ce qui ne serait vraisemblablement
pas souhaitable pour la saine gestion des ressources humaines de la fonction
publique.
Une autre
préoccupation est le nouveau pouvoir également accordé au président du Conseil
du trésor de demander à la commission d'effectuer une vérification
particulière. Ce nouveau pouvoir est prévu à l'article 115 de la loi, où
on dit que «la commission doit également effectuer une vérification
particulière sur toute matière qui est de sa compétence lorsque le président du
Conseil du trésor lui en fait la demande. [La Commission] est [...] tenue de
faire rapport de sa vérification au président du Conseil du trésor.»
Comme organisme de
surveillance, la commission procède aux enquêtes et aux vérifications qu'elle
juge nécessaires dans les ministères et les organismes. Ces activités de
vérification font l'objet d'une planification annuelle. Les sujets et les
organisations sont choisis en tenant compte de certains critères, dont le
risque, qui occupe une place prépondérante. Or, le nouveau libellé proposé de
l'article 115 peut laisser croire que le pouvoir accordé au président du
Conseil du trésor est susceptible de porter atteinte à l'indépendance de la
commission dans la réalisation de sa mission. En effet, selon le nombre de
vérifications demandées par le président du Conseil du trésor ou selon leur
complexité, la commission pourrait ne pas être en mesure de réaliser l'ensemble
des activités de surveillance planifiées dans son calendrier annuel ou
incapable de répondre aux demandes de sa clientèle.
C'est pourquoi la
commission souhaite que le texte proposé ressemble plus à celui retenu dans la
Loi sur le vérificateur général, ce qui serait plus respectueux de l'indépendance
de la commission. En effet, l'article 36 de la Loi sur le vérificateur
général, que vous retrouvez à la page 11 de notre mémoire, prévoit
également que le Conseil du trésor peut faire une demande au Vérificateur
général pour une vérification particulière, sauf qu'on a ajouté une phrase qui dit que «toutefois, cette vérification
ou cette enquête ne peut avoir préséance sur les obligations principales
du Vérificateur général».
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Mme Fréchette, auriez-vous un court
mot de conclusion? Parce que je vous ai déjà laissé quand même plus de temps
que prévu. Très rapidement. Très, très rapidement.
Mme Fréchette
(Hélène) : En fait, il y aurait aussi une demande qu'on voudrait
faire, c'est que la loi prévoie que la commission puisse ajouter les pratiques
de gestion des ressources humaines dans ses champs de surveillance. Et,
comme je vous dis, on est d'accord avec les principes du projet de loi, mais on
va continuer à veiller pour que ça se fasse dans le respect des principes.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme la présidente, et
désolé de vous contraindre dans le temps. C'est une tâche bien ingrate
qui m'incombe.
Mme Fréchette
(Hélène) : J'ai mal évalué, je suis désolée.
Le Président (M. Simard) :
Ce n'est pas grave, madame, alors... et, du reste, vous pourrez poursuivre dans
les échanges que vous aurez avec nos collègues parlementaires. Je cède
maintenant la parole à la présidente du Conseil du trésor pour une période de
16 min 30 s.
Mme LeBel :
Bien, merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, Mme Fréchette, Mme
la présidente, si vous voulez compléter, là, je vois que vous aviez peut-être
d'autres rubriques, là, à votre mémoire, et je vais vous donner l'occasion, peut-être, de compléter et de
conclure vos commentaires, puis on pourra peut-être poursuivre notre
échange sur certains points plus précis, là, je ne sais pas si... Vous aviez
coupé court, si vous aviez autre chose à ajouter, là, ça me ferait plaisir que
vous le fassiez maintenant.
Mme Fréchette
(Hélène) : Bien, je vous remercie. Il me restait un élément, effectivement,
concernant, là, les pouvoirs de la commission, comme je le disais tout à
l'heure. On est chargé de vérifier le cadre, l'application du cadre normatif de
la loi, mais on estime que la commission... il pourrait être prévu que la
commission puisse vérifier également les
pratiques de gestion des ressources humaines et de faire des études sur des
sujets d'intérêt dans cette matière.
Alors, c'est pourquoi
on proposerait de... c'est une proposition qui avait déjà été faite, il y a
quelques années, mais on essaie encore, on la soumet encore parce qu'on
considère que c'est important, on aimerait qu'à l'article 115 de la loi
soient ajoutés les deux paragraphes qui sont indiqués, là, à la page 13 de
notre mémoire. On aimerait faire ajouter le paragraphe 2.1°, qui serait de
vérifier les pratiques de gestion des ressources humaines dans la fonction
publique et d'étudier des sujets d'intérêt en matière de gestion des ressources
humaines dans la fonction publique.
Ça nous permettrait
de déterminer si le cadre de gouvernance puis les systèmes de gestion des
ressources humaines sont mis en place et bien documentés. Ça nous permettrait
également d'évaluer si les pratiques de gestion respectent les principes de la
loi, ou encore de mettre en évidence les forces et les lacunes de ces pratiques
au sein des ministères et des organismes, ainsi que des pistes d'amélioration.
Et un dernier point, également, que l'on trouve
important, c'est qu'on puisse prévoir, dans les règles ou même dans la loi,
idéalement, prévoir des mécanismes pour s'assurer que les candidats qui vont
participer à des processus
de sélection soient informés par écrit de la possibilité de demander à la
Commission de la fonction publique de faire enquête s'ils constatent des
illégalités ou des irrégularités dans lesdits processus.
Parce que, pour l'instant, les gens sont déjà
avisés, lorsque la candidature est refusée, qu'ils ont un droit de recours à la
Commission de la fonction publique, mais ce recours-là n'existera plus, donc ce
serait important que, justement, les participants ou les candidats puissent
s'adresser à la commission pour s'assurer de la légalité, de la conformité du
processus. Parce que, bien que vous nous connaissiez, on réalise, dans le cadre
de nos activités, que plusieurs fonctionnaires, ou même citoyens et
fonctionnaires non syndiqués qu'on entend dans leurs recours, dans leurs
demandes, ne connaissent pas l'existence de la Commission de la fonction
publique. Alors, pour nous, ce serait capital, là, que les gens aient un droit
de recours pour s'assurer du respect de tout ça.
Mme LeBel : Merci,
Mme Fréchette. Puis, d'ailleurs, je suis contente que vous ayez eu l'occasion
de compléter, parce que je vois deux grands volets de votre intervention, de
votre mémoire, il y a le volet où vos commentaires visent plus précisément le
nouveau système de dotation qu'on espère mettre en place par le projet de loi n° 60 puis il y a tout ce qui a égard aux
pouvoirs de la commission, pouvoir de vérification, ou au droit des citoyens
de s'adresser à la commission en cas de...
quand ils se sentent lésés, là, je vais le dire comme ça. Donc, je vais
peut-être m'intéresser plus précisément, si vous le permettez, dans
l'échange qu'on a à faire, sur, justement, ce pouvoir-là.
Présentement, je comprends, là, l'intervention
de la commission, que vous êtes quand même généralement en faveur avec la
volonté de rendre... de moderniser le système de dotation de la fonction
publique. On passe... Je pense que c'est
important de le souligner, puis on va avoir l'occasion de le faire beaucoup au
cours de nos travaux, on passe d'un
processus de qualification qui est très général, où on fait des entrevues dans
des gymnases, à grand déploiement, et on
met des gens dans des banques jusqu'au moment où des postes s'ouvrent et qu'on
ait besoin d'aller voir quels sont les candidats qui correspondent à nos
besoins, à un processus de sélection.
Est-ce que, de façon générale, de passer d'un...
C'est deux principes différents de doter, on s'entend. Est-ce que vous pensez
que, d'une façon générale, de passer d'un principe à l'autre, c'est quand même
une bonne chose? Est-ce qu'on va effectivement rencontrer, selon vos
observations ou votre connaissance, les objectifs de mieux doter les emplois, là, qui sont à la fonction publique,
là? Est-ce que vous avez constaté des lacunes? Parce que je pense que, présentement, les gens peuvent faire appel du
processus de qualification auprès de la commission, si je ne me trompe pas.
Mme Fréchette (Hélène) : Oui,
en matière de recrutement et de promotion. En fait, la préoccupation que nous
avons, c'est ça, c'est qu'actuellement il y a un recours possible pour les
gens, ce qui n'est pas prévu... parce qu'on ne connaît pas tout le détail,
toutes les règles qui seront développées et écrites par le Conseil du trésor...
Mme LeBel : ...
Mme Fréchette (Hélène) :
Pardon?
Mme LeBel : Ah! excusez-moi. Je
me posais une question, si j'avais ma loi avec moi, mais je me suis rendu
compte que mon micro était ouvert. Excusez-moi.
Mme Fréchette
(Hélène) : O.K. C'est ça, en fait, c'est, bon, est-ce que... On est
tous conscients que le processus actuel pour doter les emplois à la fonction
publique est trop lourd et est inefficace, et, comme vous le disiez, peu
de gens réussissent à obtenir un emploi. Ça peut durer des années, les listes
sont bonnes pour des années, et, souvent, quand on est rendu... on n'a même pas
le temps de finir le processus que, quand on appelle un candidat, il s'est
trouvé autre chose ailleurs, évidemment.
Sauf que trop en faire puis ne pas assez en
faire... il y a un équilibre qu'il faut retrouver, qu'il faut conserver, et
puis c'est là où nous, nous sommes inquiets, parce que, comme je vous le disais
tout à l'heure, il y avait le CSPQ, à l'époque, qui est rendu l'ITQ et que...
et l'autre organisme, qui s'occupaient de la sélection pour l'ensemble des
postes de la fonction publique, la majorité, sauf pour les gros ministères, là,
qui avaient une délégation pour le faire, et il y avait des milliers de
candidatures, milliers de candidats qui postulaient pour, justement, se
qualifier.
• (12 heures) •
Alors, avec
le nouveau processus, à la commission, on s'interroge vraiment sur la capacité de chaque organisation de réussir à traiter toutes ces demandes-là. Si je
prends, par exemple, comme exemple la Commission de la fonction publique, on est 43 employés. Quand on fait
un appel de candidatures, on n'a pas une équipe en gestion des ressources
humaines pour valider tout ça, pour valider et analyser les candidatures, si
elles sont recevables ou pas. Alors, il y a plusieurs
organisations, même dans les grosses... on connaît toujours... On connaît le
manque de main-d'oeuvre un peu partout,
alors c'est là qu'on se questionne sur la faisabilité de ce processus de
sélection là. C'est sûr qu'on est conscient, comme vous, Mme la
présidente du Conseil du trésor, qu'il faut faire quelque chose, sauf que c'est
quand même... on se questionne, justement, sur ce que ça va donner.
Et une autre préoccupation que je peux vous
soumettre, c'est qu'actuellement tout est encadré, au niveau du processus de sélection, au niveau de l'appel de
candidatures, les examens, et tout ça, et on constate... nos travaux nous
ont permis de constater qu'il y avait
beaucoup de contournements. Et, souvent, les ministères et organismes soulèvent
comme argument pour contourner ou ne pas respecter le cadre normatif que,
justement, c'est trop lourd, ils ont besoin,
ce n'est pas assez rapide, etc. Sauf que, depuis très longtemps, on a toujours
essayé de simplifier les processus, les règles, les exigences, et ce
n'est jamais suffisant, ce sont toujours les mêmes arguments qui sont soulevés.
Parce que, déjà, en
1993, le Vérificateur général avait constaté de nombreux problèmes éprouvés
dans la gestion des ressources humaines et il parlait, à ce moment-là,
de responsabiliser les gestionnaires et exiger de leur part une reddition de comptes significative. Or, on fait encore les
mêmes constats à la Commission de la fonction publique que ceux qui ont été faits en 1993, à l'époque, par le Vérificateur
général. Et on est 30 ans plus tard, et il y a eu de nombreux allègements,
là, depuis cette constatation-là, en 1993, et il y a toujours des
contournements.
Alors,
s'il y a plein de règles que les ministères et organismes réussissent à
contourner, on se demande sérieusement... s'il n'y a presque plus de règles,
c'est sûr qu'on ne les contournera pas, mais, quand il y a des règles pour
prévoir l'équité, l'impartialité, l'égalité d'accès qui ne sont pas respectées,
s'il n'y a plus de règle du tout pour le processus, ou des règles qu'on ne
connaît pas encore, on est vraiment préoccupés par la façon dont on va pouvoir
assurer le respect de ces principes-là.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui. J'essaie... C'est vraiment dans l'optique de
bien comprendre, là, les préoccupations que vous soulevez,
Mme Fréchette, j'essaie de comprendre. Effectivement, j'ai lu, dans la
conclusion de votre mémoire, que vous parliez de ces nombreux constats. Je suis
très préoccupée, moi, par cet équilibre nécessaire à maintenir entre de l'agilité, de l'efficacité, d'être capable de
mieux cibler, parce que les candidats... Et j'essaie de comprendre, là. Quand
on parle d'un processus de sélection, versus un processus de qualification,
c'est qu'on va passer d'une qualification très générique où on dit, dans le
fond... je sais que je simplifie, là, mais : Bien, voici, on ouvre les
banques, êtes-vous intéressé à travailler à la fonction publique? Et là les
gens se présentent, passent un examen de qualification très général et, après
ça, sont accessibles à un poste éventuel qui s'ouvrira, puis il y a quand même
une sélection qui est faite par la suite, mais à l'intérieur de la banque.
Mais, souvent, les gens, ce qu'on a dénoncé ou ce qu'on a vu, les gens, bon, se
tannent, ne sont plus là, n'ont pas nécessairement... ne répondent pas
nécessairement aux besoins du ministère et organisme. Il n'y a rien qui assure
que, dans la banque en question, le professionnel ou la personne avec les
qualifications qu'on recherche seront présents.
Je ne comprends pas beaucoup...
trop ce que vous voulez me dire par : On pense qu'ils ne seront pas en
mesure de traiter les candidatures. On parle d'un processus de sélection où on
va afficher un poste avec des critères. Ça
prend un avocat, à titre exemple, là — je
le sais que ça peut être plus large que ça, c'est la fonction publique — un
ingénieur ou, en tout cas, il va y avoir des
critères très précis, et les gens qualifiés répondant à la sélection de base
devront se présenter. Et là, naturellement, le gestionnaire devra faire
les entrevues nécessaires et les évaluations nécessaires.
Donc, juste essayer
de comprendre, où est la notion de je crains qu'ils ne soient pas capables, en
termes de nombre? J'ai bien compris, l'accompagnement, j'en suis, parce qu'on
va passer d'une façon de faire à une autre, puis c'est important, tous ces principes d'équité là que vous mentionnez, et
c'est quelque chose qui me préoccupe, il va falloir trouver
une façon de respecter ces principes-là. Mais c'est plutôt au nombre de... vous
avez parlé de la difficulté de traitement du
nombre de demandes, à moins... et je ne veux pas vous mettre des mots dans la
bouche, je vous ai peut-être
mal comprise, là.
Mme Fortin
(Hélène) : Non, non, je me suis peut-être mal exprimée, mais, en fait,
ce que je voulais dire, c'est qu'actuellement, lorsqu'il y a un appel de
candidatures, c'est ça, il y a plusieurs personnes, des centaines, dans
certains cas, comme les ingénieurs, dernièrement, si je ne me trompe pas, il y
a eu énormément de demandes. Alors, à moins
que l'appel d'offres qui soit fait pour le nouveau processus de sélection soit
vraiment très, très limité puis avec des points précis, je veux dire, si on cherche un avocat, si, par exemple, on cherche un avocat en droit de l'environnement, il y a plus qu'un candidat qui va être susceptible
d'appliquer, si on se fie au nombre d'avocats spécialisés en environnement.
Ou, bon, on parle d'avocats, on parle d'ingénieurs, mais ça peut être un agent
de secrétariat. À ce moment-là, il y a plusieurs personnes qui sont en mesure
de postuler, et c'est là qu'on craint qu'il y ait une énorme quantité de
candidats qui déposent leur candidature. Et c'est là que se trouve le problème,
selon moi, pour les organisations, de traiter toutes ces demandes-là.
Mme LeBel :
Il faut apprendre, comme tout le monde, à gérer notre micro. Alors, je
comprends bien votre point de vue. Maintenant, on a effectivement un processus
d'appel, présentement, quand on parle du processus de promotion, du processus,
etc. Il existe tout de même l'article 115, qui pourra répondre, je pense,
à la préoccupation que vous avez de donner un droit aux citoyens d'en appeler.
Donc, si je comprends bien, vous, votre préoccupation majeure, c'est plutôt que le citoyen soit informé, justement, du refus,
vous avez mentionné du refus de sa candidature, naturellement, et de son
droit de pouvoir en faire appel à la Commission de la fonction publique en
vertu de l'article 115. Je comprends bien votre enjeu sur cette
question-là?
Mme Fréchette
(Hélène) : Oui, c'est exactement ça, Mme la présidente. C'est vraiment
majeur, que les gens soient informés des possibilités de recours... ou de
recours, plutôt de contestation, là, ce ne sera pas un recours, c'est plus une
demande d'enquête pour s'assurer que tout est fait dans les règles ou tout
respect avec le processus.
Mme LeBel :
Donc, outre les pouvoirs de la commission que vous avez mentionné vouloir...
que vous aimeriez, souhaiteriez voir ajoutés, l'article 115 pourrait
répondre effectivement au besoin de vérifier la... j'allais dire «conformité»,
mais ce n'est pas le bon terme, mais que le processus de sélection s'est fait
correctement, dans les règles de l'art et
selon les normes. Mais ce que vous souhaitez, c'est que le citoyen en soit
informé, là. Donc, nul n'est censé ignorer la loi, mais vous voulez
qu'on aille quand même un pas plus loin, si je comprends bien.
Mme Fréchette
(Hélène) : Bien, c'est ça, comme il est fait actuellement pour les
processus actuels. Les gens, dès qu'ils sont
avisés par lettre de leur refus, on les avise de la possibilité de s'adresser à
la Commission de la fonction publique.
Mme LeBel :
Parfait. Bien, merci, c'est bien compris, Mme Fréchette. Je vous remercie
beaucoup de votre intervention aujourd'hui, c'est très éclairant, et on va
continuer à analyser, là, votre mémoire et de travailler en collaboration avec
vous, comme toujours. Merci.
Mme Fréchette
(Hélène) : Merci, Mme la Présidente.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme la ministre. Il reste environ
une minute à votre groupe parlementaire, si d'aventure quelqu'un souhaitait intervenir. Sans quoi je vais laisser
la parole au porte-parole de l'opposition
officielle, M. le député de La Pinière. Vous disposez de 11 minutes.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Me Fréchette,
Me Breton. Comme vous avez constaté, nous ne sommes pas inondés de groupes
qui veulent parler devant nous ni inondés de mémoires, alors je pense que c'est
encore plus important qu'on prenne le temps de discuter avec vous.
Je ne sais pas si
vous avez entendu mes commentaires, au début, là. Comment peut-on dire que le projet
de loi n° 60 va nous mener à être plus compétitifs,
concurrentiels dans le marché de l'emploi? Parce que, moi, là, être plus efficace dans la dotation, dans la procédure,
c'est une chose, mais je ne vois pas en quoi ça nous rend plus compétitifs.
Mme Fréchette
(Hélène) : Bien, écoutez, pour l'instant, c'est sûr que les procédures
sont simplifiées, il y a moins d'étapes. Est-ce que ce sera plus... Est-ce
qu'on sera plus compétitifs? Je crois que c'est l'avenir qui le dira. Nous,
notre préoccupation, c'est de s'assurer, justement, des principes, de voir à ce
que l'équité, l'accès, tout ça, l'impartialité soient toujours présents. Sauf
que, pour être plus compétitifs, bien, comme je vous dis, on verra avec les règles ou les directives qui seront adoptées
qui nous... qui verront si, justement, on est plus rapide, on est plus flexibles
et plus compétitif.
Je ne sais pas si Me
Breton a quelque chose à ajouter à ce sujet-là.
• (12 h 10) •
M. Breton
(Mathieu) : Oui, peut-être pour... Oui. Bonjour, M. le député. Peut-être,
pour compléter, c'est ça, bien, en fait,
c'est sûr que nous, à la Commission
de la fonction publique, notre
principale préoccupation, ce n'est pas la compétitivité, là, c'est le respect des principes fondateurs de la
loi, comme l'accès, l'équité, l'impartialité,
le mérite, la sélection au mérite.
Par contre, c'est
certain qu'on peut constater rapidement que, comme disait Mme Fréchette,
il y a une étape préliminaire... l'étape des
processus de qualification n'existera plus, puisque l'étape des processus de
sélection se passera directement pour une offre d'emploi pour un emploi
précis, là. Une étape qui pouvait ressembler à ce qu'il se passait déjà,
actuellement, mais après la première étape de présélection, si vous voulez, où
est-ce que les gens devaient réussir le
processus de qualification qu'impose une banque avant de passer l'étape d'un
affichage pour un emploi précis.
Mais c'est sûr que
nous, comme je vous dis, nos préoccupations ont plus été sur les principes de
la loi et leur respect plutôt que le côté compétitif, là, qui est votre
préoccupation, là, en ce moment.
M. Barrette :
Je comprends. Alors, je comprends dans vos propos, là, qu'on est probablement
sur la même page, mais je ne voulais pas vous mettre sur la sellette.
Par contre, là, je
vais vous mettre sur la sellette. L'article 8, là, l'article 8, là,
qui vient essentiellement abolir le régime actuel... O.K., là je vais vraiment
mettre clairement en situation pour ma question. Il y a un paquet de gens qui
sont allés dans le secteur politique en provenant du milieu des fonctionnaires,
en pleine connaissance de cause des règles qui étaient en place au moment où
ils l'ont fait. Aujourd'hui, on vient abolir ça. Je comprends que, pour le
futur, on veuille le faire. C'est le choix du gouvernement, on pourrait en
débattre. Je ne vous demande pas d'en débattre, mais, pour le passé, pour ceux
qui sont là, trouvez-vous ça équitable, vous? Vous êtes un tribunal, à toutes fins utiles. Trouvez-vous ça équitable qu'on vienne altérer les droits... bien, les
droits, la situation de certains individus, eu égard aux règles qui étaient et sont encore en
place? Ne devrait-on pas avoir une attitude plus... celle de reconnaître
le passé, même si on veut changer le futur?
Mme Fréchette
(Hélène) : Me Breton, je vais vous laisser répondre si vous êtes en
mesure de...
M. Breton
(Mathieu) : Bien oui, bien,
je vais tenter de répondre à M. le
député du mieux que je peux. Là, vous
faites référence, si je comprends bien, à l'accession à la fonction publique
par des employés de cabinets politiques, c'est ça, de députés ou de ministres,
c'est bien ça, M. le député?
M. Barrette :
Oui. Je fais référence à tous les individus qui, par exemple, quand ils ont
momentanément quitté la fonction publique en
ayant l'assurance par les règles en
vigueur qu'ils allaient pouvoir
revenir là où ils étaient aujourd'hui... En clair, une personne qui s'en
va faire 10 ans en politique, aujourd'hui, retourne fonctionnaire, vient
de perdre 10 ans d'ancienneté et vient de perdre une position sur son
fonds de pension. Trouvez-vous ça équitable?
M. Breton
(Mathieu) : Bon, écoutez,
rapidement, ce que je peux vous dire, là-dessus, c'est
certain qu'il y a... ce qu'on a compris, nous, c'est qu'il y
avait une harmonisation qui était faite à ce niveau-là, une adéquation avec le
fait que les processus de qualification étaient abolis, en ce sens qu'il y avait
comme des processus réservés pour les gens qui travaillaient dans le personnel politique,
pour qu'ils puissent accéder à la fonction publique puisqu'ils n'étaient pas
soumis au processus général, donc ils pouvaient toujours pouvoir accéder à un
emploi.
Par contre,
c'est sûr qu'on ne serait pas contre qu'il y ait des dispositions
transitoires, qu'on appelle communément une clause grand-père, pour les
gens qui sont actuellement en poste, mais je vous dirais que, nous, lorsqu'on a
lu cette modification-là, M. le député, on trouvait que c'était quand même dans
un esprit logique avec le reste des modifications apportées, en ce sens qu'il
n'y aura plus... Avant, vous comprenez qu'il y avait des processus de qualification à date... bien, pas fixe, là, mais
ponctuellement, et c'est pour permettre aux personnes de retourner dans
la fonction publique sans devoir attendre
après un processus de qualification, qui était une étape obligatoire pour accéder
à un emploi. Mais, comme je vous dis, nous, on a trouvé ça... qu'il y avait une
logique dans la modification, dans la globalité du projet de loi. Mais, bien
sûr, je vous dirais, on n'est certainement pas contre qu'il y ait des dispositions
transitoires pour les personnes qui seraient actuellement visées par l'ancien
régime, là.
M. Barrette : Alors, on
s'entend sur une chose. Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire pour ce
qui est de la procédure, mais vous êtes d'accord avec le fait qu'actuellement,
de la manière que c'est déposé, il y a un impact pécuniaire négatif, qui est l'élément
que je pense qu'on doit compenser. Qu'en pensez-vous?
M. Breton (Mathieu) :
Là-dessus, je ne peux pas vous répondre, M. le député, il faudrait probablement
adresser vos commentaires à la présidente du Conseil du trésor. J'en suis bien
désolé, mais je dois vous avouer que je n'ai pas les réponses à vos questions à
ce niveau-là et je n'ai pas les réponses sur quels sont les impacts sur les
personnes que vous me dites, par exemple, qui pouvaient bénéficier d'un droit
de retour. J'avoue que notre analyse là-dessus...
n'a pas porté là-dessus, n'a pas porté, en général, là-dessus, puis je n'aurais
pas les détails sur les modalités aussi précises que vous le demandez,
sur l'impact salarial, et tout ça, là.
M. Barrette : Bien, vous savez
que vous êtes un tribunal, vous auriez pu avoir à traiter ce genre de chose.
Mais n'allons pas plus loin là-dessus.
Ne trouvez-vous pas qu'actuellement on va créer
une situation qui va... La loi, là, elle n'est pas claire. Me Fréchette,
vous l'avez bien dit, là : Toutes les règles, là, il n'y en a aucune de
connue. Il n'y a absolument rien de connu, au moment du dépôt du projet de loi,
et probablement rien à la fin de l'étude détaillée, parce que c'est un peu comme ça qu'on fonctionne, là, depuis... dans
cette législature-ci. Ne trouvez-vous pas qu'il est possible qu'on se retrouve
dans des situations où il va être assez
difficile d'être impartial, et même, très possiblement, dans des situations de
favoritisme?
M. Breton
(Mathieu) : Je m'excuse, juste avant de laisser Mme Fréchette
répondre, j'aimerais juste compléter ma réponse, M. Barrette. Je
m'excuse, là, je ne veux pas prendre trop de temps, mais je me rends compte que...
je ne voulais pas parler à travers mon chapeau, mais le nouvel article 30
de la Loi sur la fonction publique, que je vois qui est modifié, semble
répondre à votre préoccupation, là, pour les gens qui ont occupé un emploi dans
le personnel politique, qu'ils reprennent le classement qu'ils occupaient dans
le ministère ou l'organisme auquel ils appartenaient au moment de leur départ,
là.
M. Barrette : Bien oui, c'est
ce que je vous dis. Alors, une personne qui est allée en politique, là, va
perdre, donc, pendant 10 ans, va perdre 10 ans d'ancienneté et va
revenir en arrière sur son régime de retraite. C'est l'impact pécuniaire
négatif.
Mais revenons, parce que, moi, mon temps passe,
là, si vous me le permettez, puis il me reste deux minutes. La situation sans
règle, actuellement, là, moi, il me semble que ça ouvre beaucoup, beaucoup,
beaucoup la porte à un certain favoritisme. Il n'y a pas de règle, ce n'est pas
clair.
Qu'est-ce que vous voudriez voir comme règle
pour s'assurer de ça, du non-favoritisme? Et c'est particulièrement probable
dans les promotions dans les ministères. Je comprends que le régime d'avant
était lourd, mais il y avait au moins une
certaine objectivité de qualifications. Là, ça ne sera pas ça, là, sans règle
claire, puis on n'en a pas, puis je prédis qu'on n'en aura pas.
Qu'est-ce que vous souhaiteriez voir comme règle?
Mme Fréchette (Hélène) : ...
Le Président (M. Simard) :
Alors, M. Breton, votre micro fonctionne-t-il? Ah! Mme Fréchette,
pardon, Mme Fréchette.
Mme Fréchette (Hélène) : Oui,
le mien, ça va. Je m'excuse.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Oui.
Mme Fréchette
(Hélène) : Alors, ce que je
disais M. le député, c'est qu'actuellement nous, on n'a pas à déterminer
les règles. Nous, on a à s'assurer que les règles qui seront déterminées seront
justement... les règles, les politiques ou les directives,
appelons-les comme on veut, seront effectivement conformes à la loi, puis c'est
ce que le Conseil du trésor... bien,
conformes à la loi, conformes aux principes de la loi et ce que les gens du
Conseil du trésor nous disent. Mais on ne peut pas décider pour eux ce
qui sera fait, sauf que c'est ça, nous, là, comme je le disais tout à l'heure,
puis je le rappelle, il faut qu'on ait ça à l'esprit pour s'assurer de
l'impartialité, que ce soit vraiment des processus... c'est un processus de sélection, mais que le mode
d'application réponde à tous ces critères-là puis tienne compte de tout, que ce
soit vraiment bien encadré.
Je pense qu'iil y a peut-être une façon de le
faire sans que ce soit nécessairement aussi lourd qu'auparavant, mais, c'est ça, c'est parce qu'on veut le... on
voudrait, justement, être consultés au moment de l'adoption ou de la rédaction
de ces politiques et de ces directives, compte tenu de notre caractère neutre
et impartial, pour que, justement, on
s'assure que tout soit bien. Mais, c'est ça, c'est au Conseil du trésor à les
déterminer, mais dans le respect de la loi.
M. Barrette : Il me reste peut-être
à peu près une minute, là, M. le Président?
Le Président (M. Simard) :
40 secondes.
M. Barrette : Vous avez fait
référence, Me Fréchette, au fait que, dans ce projet de loi là, le Trésor vient
se substituer à vous, là. Est-ce que, vraiment, il vous reste quelque chose,
là, ou tout le pouvoir des vérifications s'en va au Trésor?
Mme Fréchette (Hélène) : Bien,
c'est la question qu'on a avec l'article... avec la modification à
l'article 43, c'est sûr qu'on a...
c'est parce qu'en fait on va avoir une... la façon dont je le lis,
actuellement, dont la commission le lit, c'est qu'on va avoir une
compétence...
M. Barrette : Vague.
Mme Fréchette
(Hélène) : ...pas parallèle,
là, mais c'est parce que, c'est ça, tu sais, ce n'est pas clairement précis.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Barrette : Juste, M. le Président, qui a préséance, selon
vous, à la lecture actuelle du projet
de loi, le Conseil du trésor
ou vous?
Mme Fréchette
(Hélène) : Je ne peux pas vous
dire. Je ne sais pas. C'est pour ça que nous, on... c'est ce que... la
commission tient à ce que ce soit clarifié.
M. Barrette : Merci.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, cher collègue. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont, qui
dispose d'une période d'environ trois minutes, un peu moins.
• (12 h 20) •
M. Marissal : Oui. Merci, M. le
Président. Mme Fréchette, M. Breton, merci d'être là, merci pour
votre mémoire, mais il me semble néanmoins qu'il y a une contradiction. Puis je
ne ferai pas dans les nuances parce que je n'ai pas le temps, là, mais il y a
une contradiction qui me semble assez évidente entre le premier et le troisième
paragraphe de la page de votre résumé, la page 3, où vous dites que vous
accueillez favorablement le projet de loi, mais,
par ailleurs, au troisième paragraphe, vous dites que vous ne pouvez pas vous
«prononcer de manière éclairée sur l'ensemble des éléments du nouveau
processus, car plusieurs modalités qu'il introduira ne sont pas connues et ne
le seront qu'après l'adoption du projet de loi». Je suis d'accord avec le
député de La Pinière, ça semble être la façon de fonctionner, maintenant, avec
le gouvernement. On construit des routes et des chemins, puis on nous
dit : Faites-nous confiance, et ensuite on mettra la signalisation, mais
la signalisation puis les sens uniques viennent après, alors on se prononce sur quelque chose qui est incomplet. Moi,
j'y vois un manque de transparence, là, dans les intentions. Vous, vous
qualifiez ça comment, puisque vous en avez fait mention dans votre
présentation?
Mme Fréchette (Hélène) : Moi,
sincèrement, M. le député, je ne veux pas qualifier d'une façon ou d'une
autre, je ne fais que constater les faits. Et comme je le dis dans le mémoire,
et comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut faire quelque chose avec les
processus pour la dotation des emplois de la fonction publique. Alors, je ne
prête aucune intention à personne. Comme je le disais tout à l'heure, c'est un
travail colossal de rebrasser tout ça.
Nous, ce qui nous importe, c'est que ce soit
fait dans le plus grand respect des principes prévus à la loi. Et, jusqu'à
maintenant, je n'ai jamais douté de la bonne foi du Conseil du trésor, ni de sa
présidente, ni de ses équipes. C'est pour ça qu'on est ici, pour faire part de
ce qui nous préoccupe, mais, pour le reste...
M. Marissal : Je vous entends,
je vous comprends et je respecte parfaitement votre point de vue,
Mme Fréchette. Simplement, je ne suis pas dans les sentiments, ici, je
suis dans l'application d'une future loi pour laquelle nous n'avons pas les
leviers et les interrupteurs. Moi, ça me cause un problème, comme législateur,
et, visiblement, vous aussi. Je comprends
que vous ne voulez pas qualifier la chose, c'est une question éminemment
politique.
Mais
revenons rapidement sur un autre point d'achoppement, semble-t-il, c'est
l'article 43, effectivement, qui semble réduire comme peau de chagrin la
portée de votre organisme. Il paraît qu'on n'écrit pas pour ne rien dire, là,
quand on est législateur, alors j'imagine qu'il y a une intention, là, du
gouvernement. Et la question demeure, si on adopte ça, dans les faits actuels,
ça diminue les pouvoirs de votre organisme. Alors, qui aura le dernier mot?
Le Président
(M. Simard) : Succinctement, s'il vous plaît.
Mme Fréchette
(Hélène) : Bien, c'est là la question. Je ne sais pas. Je veux dire,
nous, le législateur nous a accordé des
pouvoirs. Si, maintenant, on les accorde au Conseil du trésor, il va falloir
qu'on spécifie les choses. C'est pour ça qu'on lève la main, parce qu'on ne le
sait pas, ce qu'il va arriver avec ça, puis on ne le comprend pas, le...
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Marissal :
Je vous remercie, Mme Fréchette.
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au
député de Jonquière pour une période d'environ trois minutes.
M. Gaudreault :
Oui. Merci, Mes Fréchette et Breton. J'ajoute ma voix à mes collègues de
l'opposition sur l'absence de balises claires pour les parlementaires. Puis, à
la page 3 de votre mémoire, vous êtes effectivement très catégorique, là :«[...]la commission ne
dispose pas d'une information précise [...] sur la mise en oeuvre des
modifications proposées qui se
traduira par l'adoption de directives
et de politiques. [...]celles-ci ne seront pas soumises à l'attention
des parlementaires...»
Je dois vous dire
qu'on vit exactement la même chose présentement dans le projet de loi n° 65,
où le ministre se donne de très grands pouvoirs réglementaires, et on est
obligés de faire de la législation un peu à vue, là, tu sais. Alors, moi,
j'aimerais savoir, de votre part, est-ce que vous seriez favorable, à tout le
moins, à ce que, durant cette commission sur
le projet de loi n° 30, la ministre dépose ses intentions, à tout le
moins, réglementaires, et les intentions de directives, qu'elle les
dépose.
Mme Fréchette
(Hélène) : Bien, c'est sûr, M. le député, qu'on serait favorable, parce
que c'est ça, notre problème, c'est que, oui, on est d'accord avec le principe,
mais c'est dans les détails qu'on ne le sait pas. C'est là qu'on veut... c'est
depuis le début qu'on se pose la question puis c'est depuis le début qu'on l'a
soulevé aux équipes de travail, là, au Secrétariat du Conseil du trésor.
M. Gaudreault :
Très bien. Alors, je vous annonce tout de suite qu'on va, probablement, avec le
soutien de mes collègues des deux autres oppositions, faire la demande de ce
dépôt des directives, des intentions, à tout le moins.
Maintenant, vous avez
mentionné que la décentralisation à l'égard des sous-ministres, bon, ce n'est
pas mauvais en soi, mais ça vous interroge. Quelles balises vous croyez qu'on
pourrait mettre pour encadrer? Moi, je suis
favorable à la décentralisation de façon générale, mais on a besoin de balises,
là, quand même, pour ne pas que ça devienne un bar ouvert.
Mme Fréchette
(Hélène) : Bien, c'est ça, comme je le disais tout à l'heure, les
balises, je ne les connais pas, je ne sais pas quels moyens peuvent être mis en
place, je ne connais pas tous les mécanismes dans les ministères et organismes.
Sauf que c'est sûr qu'actuellement il faut que quelqu'un soit responsable, il
faut que quelqu'un soit imputable de tout ce qui sera fait. C'est là qu'est la
question, je pense, il faut que les gens, vraiment, les gestionnaires aient en
main... ou, en tout cas, soient conscientisés, ou qu'on exige d'eux clairement
de remplir, de respecter le cadre normatif
et de respecter les règles pour s'assurer que tout soit fait correctement, et
non pas essayer de se cacher, ou de se faufiler, ou de s'excuser par certains
moyens qui sont plus faciles, par les contournements. Je pense qu'il faut
vraiment y aller avec une plus grande imputabilité des gestionnaires.
M. Gaudreault :
Merci.
Mme Fréchette
(Hélène) : Je ne sais pas si, Me Breton, vous aviez autre chose à
ajouter.
Le Président
(M. Simard) : Alors, il faudrait que ce soit très succinctement,
s'il vous plaît.
M. Breton
(Mathieu) : Bien, c'est ça, imputabilité, ça rime avec meilleure
reddition de comptes, meilleure conservation des dossiers, meilleure... que ça
puisse être vérifié soit à l'interne ou par des vérificateurs externes, comme nous, de la CFP, avec une meilleure... c'est
ça, tenue de dossiers, puis une grande rigueur, puis de l'imputabilité au
niveau peut-être de...
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Breton (Mathieu) : ...de
l'évaluation du rendement des gestionnaires. Donc, je m'arrête là, mais, merci,
M. le député, pour votre question.
Le
Président (M. Simard) : Alors, Mme Fréchette,
M. Breton, merci beaucoup pour votre contribution très précieuse à nos
travaux.
Sur ce, nous allons
suspendre et nous allons reprendre à 14 heures. Alors, bon lunch à tous et
à toutes.
(Suspension de la séance à
12 h 28)
(Reprise à 14 h 04)
Le Président
(M. Simard) : ...
(Panne de son)
Syndicat de professionnelles
et professionnels du
gouvernement du Québec (SPGQ)
Mme Lamarre
(Line) : ...sont le résultat du travail de ces professionnels, femmes
et hommes, dédiés à la mission de l'État. Ceci met la table pour la réflexion à
laquelle nous sommes conviés. Le recrutement de ces experts, comment sera-t-il? Comment procéderons-nous pour
le recrutement de ces femmes et de ces hommes qui s'investiront dans la
mise en oeuvre des services de l'État québécois?
Le SPGQ reconnaît que
le processus d'embauche actuel empêche l'agilité nécessaire à tout employeur
pour un recrutement efficace et efficient. Ce processus-là doit être revu.
Cependant, en accord avec une expression consacrée, il ne faudrait pas jeter le
bébé avec l'eau du bain. Et malheureusement le projet de loi n° 60,
actuellement, se débarrasse pas mal de l'eau et du bébé en même temps. Le
processus de recrutement actuel a comme objectif d'éviter le favoritisme et
d'assurer l'impartialité des embauches, mais, malgré toutes les protections qui
existent actuellement dans la loi, les dérapages existent.
Si le projet de loi,
le p.l. n° 60, est adopté, alors là tous les garde-fous seraient retirés.
Les pouvoirs de recrutement vont être confiés aux dirigeants de ministères et
d'organismes, avec très peu de protection pour les prétendus ou les gens qui
veulent postuler. En outre, le projet de loi dit, dans son préambule, «qu'une
personne peut participer à un processus de sélection et être nommée à un emploi
même si elle ne respecte pas les conditions minimales
d'admission, mais est en voie de les respecter». Mais qu'est-ce que ça
signifie, être en voie de les respecter?
Ne
mettons pas en danger la qualification des experts de l'État. Le SPGQ estime
que ces dispositions ouvrent la porte
au recrutement de personnel sous-qualifié, que ces dispositions tendent à déconsidérer le travail des professionnels.
Penserait-on à embaucher un avocat avant qu'il ait obtenu son Barreau? Bien
non, évidemment, les collègues de l'AANEQ ne laisseraient pas se produire une
telle chose, ni son ordre professionnel. Pourquoi donc serait-il possible de
faire la même chose ou même souhaiter qu'on fasse ça avec un professionnel, un
chimiste non qualifié, un arpenteur géomètre
n'ayant pas terminé sa formation, un vétérinaire? Évidemment, non, les ordres professionnels s'y opposeraient, mais pourquoi serait-il acceptable d'embaucher quelqu'un
de pas qualifié dans d'autres postes?
Le défi pandémique a
été relevé avec brio par les professionnels de l'État québécois, au pied levé,
souvent sans matériel et sans soutien
adéquat. Ils ont maintenu les services de l'État sans aucune
interruption. C'est la compétence de ces professionnels qui a permis que
se mettent en place tous les décrets et les orientations liés à la pandémie,
une main-d'oeuvre qualifiée, performante, autonome et indépendante pouvant
informer, justement et impartialement, les preneurs de décision.
Mettre en place un
processus de recrutement qui mette à mal ou en danger la qualification des
professionnels de l'État viendrait, selon le SPGQ, mettre en danger les
services étatiques. Limiter au maximum l'arbitraire dans les processus de
sélection devrait être la norme. Pourtant, le projet de loi nous amène dans une
tout autre direction. Jusqu'où iront les divergences entre les processus de
sélection entre ministères et organismes? Ouvre-t-on la porte, dans un avenir
proche, à des différences de rémunération comme on en trouve dans les
organismes parapublics ou entre les organismes parapublics? Le projet de loi ne
prévoit pas ça, mais il en sème les germes. Ces différences de rémunération
existent déjà, elles sont teintées de discrimination envers celles et ceux
travaillant dans des secteurs d'emploi à majorité féminine, comme l'éducation,
la santé et les arts. Les employeurs d'organismes parapublics, dans des
secteurs à prédominance historique masculine, puis là je parle d'Hydro-Québec,
Investissement Québec, la Caisse de dépôt, offrent des salaires parfois
supérieurs de 20 000 $
par rapport à la fonction publique pour des services étatiques de même nature
pour la même population.
La fonction publique
ne pourra pas recruter les meilleurs si son processus de sélection ne prend pas
en compte tous les paramètres qui suscitent l'attraction et la rétention du
personnel. Elle sera, dès lors, toujours en train de former sa main-d'oeuvre au profit de ses concurrents, un peu comme un
club-école. Le SPGQ est inquiet, car la directive concernant
l'application du p.l. n° 60 est inconnue
présentement. Existera-t-elle? Sera-t-elle définie par chacun des ministères?
Excellente question. Le projet de loi n'ouvre tellement pas que nous ne pouvons
que nous inquiéter.
Comment se dérouleront les mutations, les
affectations, c'est-à-dire les possibilités de mobilité qui existent, actuellement,
pour nos membres? Seront-elles encore prioritaires dans le processus de
recrutement? Comment s'effectueront les droits de retour dans la fonction
publique, prévus aux conventions collectives, dans ce nouveau processus, pour
les personnes ayant déjà fait partie ou ayant fait partie d'un détachement
administratif? Ces dernières conditions figurent aux conventions
collectives négociées de bonne foi
des organismes parapublics. Aucune précision n'est
prévue au projet de loi pour encadrer ces mouvements de personnel.
• (14 h 10) •
À cet effet, l'article suivant ne nous rassure
pas. L'article 43 du projet de loi dit : «Chaque sous-ministre et
dirigeant d'organisme établit et met en oeuvre des processus de sélection pour
le recrutement et la promotion [des] fonctionnaires de son ministère [et] de
son organisme.» Qu'arrive-t-il s'ils proviennent d'un autre ministère, d'un organisme
parapublic? Comment s'inséreront-ils dans ce processus-là? Une cohérence entre
les manières de faire des différents ministères et organismes est-elle prévue?
Le SPGQ est également préoccupé quant aux
mesures qui seront mises en place pour dénoncer un processus qui serait entaché
d'irrégularités, puisque l'article 35 de la Loi sur la fonction publique
est aboli par le prochain projet de loi. Cet article disait : «Un candidat
peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique s'il estime
que la procédure utilisée pour son admission ou son évaluation dans le cadre
d'un processus de qualification visant exclusivement la promotion a été
entachée d'une irrégularité ou [une illégitimité].» Ça n'existera plus, ça.
L'abolition de cet article prive les employés d'un recours.
L'occasion était pourtant belle de corriger les
pratiques de gestation... de gestion, excusez, datant des années 60 et de
propulser dans le présent les manières de recruter. Malheureusement, il semble
que le p.l. n° 60 nous replonge dans les années
sombres du duplessisme. Pourquoi? Parce qu'il donnerait aux ministères et aux
dirigeants d'organismes le pouvoir d'embaucher des gens qui ne répondent pas
aux qualifications. C'est malheureux.
Et, parmi les
bonnes pratiques de gestion, il est évident que, pour favoriser l'embauche des
bonnes personnes, des ressources compétentes, le premier pas est
d'offrir des conditions de travail dignes des meilleurs employeurs. Nous sommes
ici loin de la cible. Prenons, par exemple, le régime d'assurance qui est
assumé par les employés, le régime salarial
empreint d'une discrimination systémique envers les employés travaillant dans
des secteurs à majorité féminine ou l'amplitude des échelles salariales
qui nous ramènent à l'ère où un employé faisait carrière au même endroit
pendant 35 ans. Ce n'est plus le cas, le monde a changé.
Parmi les bonnes pratiques de gestion, il est
d'ores et déjà connu que l'implication des partenaires employés et syndicaux
est essentielle. Des comités de sélection mixtes devraient permettre aux
syndicats de veiller à l'intégrité et à l'impartialité du processus de
sélection. La mise sur pied de comités de sélection permettant aux experts de contenu de valider la compétence des prochains collègues
devrait être encouragée. Qui de mieux placé pour vérifier de la
compétence d'un candidat que celui qui effectue un travail semblable? Rien ne
semble indiquer que c'est la voie privilégiée par le p.l. n° 60.
Ce genre de comité, pourtant, existe déjà dans
les collèges relevant du gouvernement. Pourquoi ne pas avoir balisé plus
concrètement le changement des processus de recrutement? Pourquoi laisser tant
de latitude à un même employeur? Parce que
l'employeur, c'est bien le gouvernement
du Québec, hein, à moins que les ministères
ne soient devenus des employeurs indépendants. Si tel était le cas, sommes-nous
en train de limiter la mobilité du personnel d'un ministère
à l'autre ou sommes-nous en train — et je
fais un clin d'oeil à Mme LeBel — de
paver la voie à un démantèlement subtil de l'État?
Le SPGQ
recommande l'introduction de règles plus souples que celles prévues au processus
actuel — cependant, elles doivent être
uniformes, beaucoup plus précises que ce qui est véhiculé par le p.l.
n° 60 actuellement — recommande
aussi le maintien des mécanismes pour contester un recrutement partial,
recommande la création d'un réel partenariat avec les syndicats, recommande la
mise en place d'un processus pour recruter, embaucher, soutenir et maintenir en
emploi des professionnels qualifiés. Le SPGQ recommande de s'inspirer des
meilleures pratiques de gestion et de recrutement et finalement d'offrir de
meilleures conditions de travail aux employés de l'État. Ces conditions doivent
être équitables d'un organisme à l'autre, ces conditions doivent être garanties
par un processus de recrutement équitable et impartial — ...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
Mme Lamarre (Line) : ...je
termine — afin
d'assurer le maintien de l'expertise interne et la qualité des services
étatiques. Il aurait été fort apprécié, M. le Président, que ces travaux de
réflexion sur le p.l. n° 60 se fassent en collaboration
avec les syndicats concernés avant la rédaction même du projet de loi. Merci.
Le
Président (M. Simard) :
Alors, merci à vous, Mme la
présidente. Entre présidents, on se
comprend. Je cède maintenant la parole à Mme... une autre présidente, la
présidente du Conseil du trésor.
Mme LeBel : Oui, on est dans le
festival de la présidence, effectivement. Donc, bonjour, tout le monde,
bonjour, Mme Lamarre, ça me fait plaisir de vous voir à nouveau. Donc, écoutez,
vous savez que c'est à mon tour de vous
faire un petit clin d'oeil. Je comprends très bien vos enjeux, qui sont
plus des enjeux de l'ordre de la négociation, donc
on va... Je les entends, mais je pense que, pour les fins de discussion, vous
allez me permettre de les laisser de côté.
Par contre, je vais en faire un tout sur un
point particulier, c'est-à-dire qu'un des objectifs... Projet de loi...
perfectible... pardon, absolument, je suis de celles qui croient beaucoup aux
consultations et aux discussions, mais il faut mettre une proposition en jeu,
sur la table, et elle est là. Vous avez fait vos commentaires, et je trouve ça
parfait, alors c'est de ça qu'on pourra peut-être discuter.
Un des objectifs de ce projet de loi est de
rendre, entre autres, la fonction publique beaucoup plus attractive, beaucoup
plus compétitive. J'ai compris vos commentaires par rapport à l'ensemble des
mesures et incluant les conditions de travail pour
que ce point, cet objectif soit atteint, mais je comprends également que vous
êtes d'accord à l'effet que le processus de
dotation peut aussi être un des éléments au coeur de l'atteinte de cet objectif-là,
d'améliorer le processus de dotation
actuel. Est-ce que je comprends ça de vos propos également? Parce que je ne
veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là.
Mme Lamarre
(Line) : Tout à fait, Mme la Présidente.
Mme LeBel : Parfait. Donc, on part du principe... à tout le
moins, on est au même endroit, on part du principe qu'il n'est pas du tout
superflu ou inutile de se pencher sur le processus de dotation actuel. J'ai vu,
dans votre mémoire, que vous aviez également fait... donc, que vous
aviez exprimé, donc, à l'hiver, dans un rapport de recherche qui a été diffusé,
je pense, il n'y a pas longtemps, le souhait de rendre, justement, plus souple
le processus de qualification du personnel de la fonction publique.
On part maintenant
d'un processus de qualification à un processus de sélection. Je vous rassure,
il n'est ni question de démanteler l'État ni question de retourner à une ère
qui est révolue, là. Chaque chose a eu son époque, mais on ne veut pas retourner en arrière. Et je suis très soucieuse de
maintenir cet équilibre, qui peut être étroit, si on veut, là, la voie de passage entre la souplesse,
l'agilité et s'assurer qu'on ne fait pas... qu'on ne va pas choisir des
candidats qui n'ont pas la compétence ou qui n'ont pas les
qualifications nécessaires.
Alors, ça m'amène au
point que vous avez mentionné, je pense que c'est l'article 29 dont vous
avez parlé, celui qui... Bon, je veux juste
être sûre de bien le lire, là, vous avez mentionné l'allègement du processus de
dotation... non, ce n'est pas ça du
tout, la question de pouvoir embaucher des gens qui sont en processus
d'obtention, là. Mes mots ne sont pas les bons, là, mais, dans l'état
actuel des choses, c'est quelque chose qui se fait déjà. Est-ce que je me
trompe, dans le processus actuel, là?
Mme Lamarre
(Line) : Bien, vous seriez mieux placée que moi pour y répondre, Mme
la présidente, mais je ne crois pas qu'actuellement, quand on met des critères
de sélection, on puisse embaucher quelqu'un qui n'a pas les critères, là.
Mme LeBel :
Bien, c'est parce qu'on n'est pas dans un... puis loin de moi de vouloir
argumenter avec vous, là, je suis vraiment... De votre point de vue, si vous
aviez entendu parler de cas... et ce n'est pas pour vous coincer, là, c'est vraiment
une curiosité légitime de ma part. Parce que, moi, ma compréhension du
processus actuel, c'est qu'il ne s'agit pas d'un processus de sélection, mais
de qualification, qui est un processus de qualification, je dirais. Quand je dis : De base, là, ce n'est pas
parce qu'il n'est pas adéquat, c'est plutôt qu'il est fait de façon générique pour
créer des banques. Donc, c'est... le seuil, c'est un seuil minimal, si on veut,
et qu'après ça les différents ministères et organismes vont piger dans cette
banque, là, pour aller chercher des candidats.
Et je me demandais si
vous aviez été au courant du fait que ça existe déjà, des clauses d'aspirant,
là, pas... Et je comprends, on s'entend que
ce n'est pas pour des professionnels, faisant partie d'un ordre professionnel, qui ont besoin d'un permis d'exercice, là, je comprends très
bien votre commentaire, par rapport à un ingénieur qui a besoin d'être
ingénieur en fonction de son ordre professionnel ou d'un avocat qui doit avoir
son permis d'exercice, c'est... comme, tu n'es pas à peu près avocat, tu l'es
ou tu ne l'es pas. Mais je pense qu'il y a d'autres catégories d'emploi, dans
la fonction publique, où l'expérience, quelquefois, peut être reconnue. Est-ce
que vous pensez que c'est quelque chose qu'il faut totalement abolir ou c'est
une notion qu'on peut quand même bien baliser, se permettre de garder en cas de
pénurie d'emploi, là? Et on exclut toute la catégorie
des professionnels visés par des permis d'exercice spécifiques,
là, on s'entend.
Mme Lamarre
(Line) : Je vous dirais, Mme la présidente, je ne peux pas être à
moitié sociologue, hein, pourtant, je n'ai
pas d'ordre professionnel de sociologue, je le suis ou je ne le suis
pas. Puis je pense que c'est important qu'on ne sous-estime
pas, même en pénurie d'emploi, là, ce serait inacceptable.
Puis on l'a vu en éducation, pourtant, beaucoup, hein, dans des postes d'enseignant, puis je ne
représente pas d'enseignant, donc ce n'est pas pour la négociation, mais on l'a
vu beaucoup, des enseignants non qualifiés, mais ne pas être
capables de terminer des années scolaires. Donc, j'ai des titres
d'emploi, j'ai un comptable qui doit faire de la comptabilité, bien, même s'il
n'est pas obligé d'être comptable pour la faire, je pense que c'est important
qu'il ait sa qualification. Puis je pense que les processus de qualification
avaient ça de bon, c'est que tu étais qualifié. Maintenant, ce que le projet de
loi n° 60 nous dit, c'est : Même si tu n'étais pas tout à fait
qualifié, tu pourrais commencer pareil. Bien, je ne pense pas que ce soit
acceptable.
Mme LeBel :
Il ne sera pas qualifié comme avocat, là.
• (14 h 20) •
Mme Lamarre (Line) :
Non, pas comme avocat, même comme comptable ou comme sociologue. Je n'ai pas terminé ma formation en sociologie, mais je me
trouve une job, je commence à écrire des affaires puis je commence à
avoir de l'allure. Bien non, je ne pense pas que ce soit acceptable, tu es professionnel,
tu as un diplôme universitaire, tu fais un
emploi ou, par une expérience que tu as accumulée à l'intérieur d'un ministère,
tu as développé une compétence, hein, là, c'est une autre chose, mais on
n'est pas dans... quelqu'un que je prends de l'extérieur, qui n'a pas atteint
une compétence, puis là je le rentre, on n'est pas au même endroit, là.
Mme LeBel : Parfait. Non, mais c'est important
qu'on en parle pour bien se comprendre. Puis, moi, mon objectif,
Mme Lamarre, c'est... (Panne de son) ...qu'on se comprenne très bien, là.
Donc, vous êtes... vous pensez qu'il n'y a aucun cas de
figure qui pourrait justifier ce genre d'intégration là, dans la fonction
publique, de quelqu'un qui vient de l'extérieur. Parce que vous avez mentionné
les enseignants, puis là je ne rentrerai pas dans le débat, ce n'est pas... on
n'est pas dans les conditions de travail, on est dans la pratique. Un
enseignant, actuellement, pourrait obtenir un contrat d'enseignement s'il n'a
pas son brevet d'enseignement, en autant qu'il s'inscrive à l'université pour
compléter ses crédits. Ça existe. C'est bon ou c'est mauvais, ce n'est pas ça,
l'objectif de la discussion, c'est de dire que ça existe.
Mais votre point de vue est qu'on ne devrait pas
le faire, dans aucun cas de figure, pour la fonction publique, pour les gens
qui viennent de l'extérieur, mais vous faites une différence pour des
compétences acquises à l'intérieur de la fonction publique, même si le... je
sais que je réduis à sa plus simple expression, mais même si le diplôme, entre
guillemets, là, affairant n'est pas encore... n'est pas là, là.
Mme Lamarre (Line) : Oui. Oui,
vous avez raison, vous résumez bien ma pensée, pour la simple et bonne raison
que le type de travail fait à l'intérieur des ministères, parfois, n'est pas un
travail qui s'enseigne à l'université, hein? On ne se le cachera pas, là, il
n'est pas enseigné à l'université de faire certaines tâches très précises
prévues dans la fonction publique. On va
prendre quelqu'un qui a un diplôme en sociologie, puis il va finir par écrire, peut-être, des discours ministériels, ou je ne sais pas quoi, mais il n'aura pas
nécessairement appris à faire ça, c'est un généraliste qu'on va
spécialiser.
Si vous avez travaillé, je ne sais pas, à la
CNESST pendant toute votre carrière, il se peut que vous soyez rentré sans les diplômes nécessaires à un poste
professionnel, mais qu'au fil des années vous ayez développé tellement
d'expertises pointues dans un travail à la CNESST que vous soyez capable
d'occuper une chaise professionnelle, ce qui ne pourrait pas arriver d'un
citoyen ordinaire qui, tout à coup, postule sur un poste puis dit : Bien,
je n'ai pas plus de diplôme que l'autre, pourquoi je ne l'aurais pas? Bien,
parce que l'autre a 30 ans d'expérience dans un poste bien précis. Et ça, je pense qu'une fois assise, dans
un comité de sélection paritaire employeur-syndicat, je pense qu'on arrive
à des conclusions qui ont de l'allure puis à des analyses qui ont de l'allure,
mais on parle de postes de professionnels, il y a un minimum de qualification.
Mme LeBel : Bien, là-dessus, on
est sur la même longueur d'onde, là, mais je voulais voir un peu, parce qu'il y
a des moments où ça... Comme je vous dis, ça existe, présentement, les clauses
d'aspirant, si je peux le dire comme ça, là.
Donc, c'est de voir... Et, si vous pensez qu'il y avait, peut-être,
des cas de figure, si on pouvait encadrer cette possibilité-là, mais
quand même donner une certaine souplesse, si on voit quelqu'un qui a une
expérience de travail, de vie, peut-être même à l'extérieur de la fonction
publique... Parce que vous parliez d'expérience de travail à l'intérieur de la
fonction publique, puis je vous entends très bien. Et là, encore là, on exclut,
là, de... Dans la prémisse de base de notre conversation, on ne parle pas
d'avocats, d'ingénieurs, de membres d'ordres professionnels ou qui ont besoin
de permis d'exercice. Je ne dis pas qu'ils sont mieux, plus compétents ou moins
compétents, mais ils sont dans une catégorie d'actes préservés particulière,
donc c'est la seule raison pour laquelle j'exclus cette catégorie de ma
conversation.
Ne pensez-vous pas, puis je n'essaie pas de vous
convaincre, je veux vraiment explorer avec vous, qu'il peut y avoir, peut-être,
dans certains cas de figure que j'ai peut-être du mal à imaginer aujourd'hui,
des moments où cette même compétence, que vous semblez pouvoir reconnaître,
acquise dans la fonction publique, pourrait être utile, qualifiante, entre guillemets, pour le poste recherché et avoir été
acquise ailleurs? Maintenant, c'est de mettre en place des façons
d'avoir des facteurs d'équivalence qui sont objectifs ou... Mais, si on part du
grand principe, pensez-vous qu'on devrait exclure totalement cette possibilité-là?
Il y a une différence entre exclure puis encadrer, là.
Mme Lamarre (Line) : Oui, c'est
ça, je pense qu'on devrait la baliser de façon à ce que ça devienne l'exception.
Mme LeBel : Parfait.
Mme Lamarre (Line) : À partir
du moment où ça devient la règle, et puis qu'on peut le faire n'importe quand,
à tout moment et de toutes les manières, je pense qu'on est en train de faire
une grave erreur, c'est-à-dire que je vais rentrer plein de gens qui ont des
D.E.C. sur des postes de professionnels, en se disant : Bien, écoute, dans
quatre ans, il aura son bac, hein, à force
d'étudier, puis là, bien, il sera... Bien non, je pense qu'on ferait une grave
erreur.
Mme LeBel : Bien, je pense
qu'on est à la même place, là. Je fais une très grande différence entre une
façon courante de faire les choses et une façon exceptionnelle, dans des cas de
figure bien précis, là, qui pourraient se justifier ou qui devront se démontrer.
Mais de n'avoir aucune possibilité de le faire, je ne suis pas sûre que c'est souhaitable, mais j'entends bien votre message
puis je comprends qu'il faut s'assurer que ce soient des cas d'exception.
Et, quand on parle... une vraie exception, là, pas une exception qui devient la
règle.
Mme Lamarre (Line) : Et, pour
ça, il faudra se donner des balises.
Mme LeBel : Absolument. J'avais
une autre interrogation, parce que vous êtes quand même... Je suis ici de la
fonction publique, mais je viens d'un corps d'emploi très particulier, donc je
n'ai pas l'expérience que vous avez. Vous sembliez faire un point à l'effet que
le processus, tel qu'il est présenté dans le projet de loi n° 60, par
rapport au processus
actuel, viendrait limiter, ou entraver, ou empêcher les mouvements entre
ministères. Pourquoi est-ce que vous voyez ça? Parce que, là, on parle
d'un processus de qualification où on bâtit des banques.
Mme Lamarre (Line) : Oui.
Mme LeBel : Quand un poste est
ouvert et s'affiche, les gens qui sont déjà à l'intérieur de la fonction
publique, j'ai l'impression, ils ont l'opportunité de lever la main, et le
gestionnaire peut aussi aller vers la banque, c'est
ce que je comprends, vous me corrigerez. Et je sais que je simplifie à
outrance, là, mais c'est pour bien comprendre. Maintenant, le gestionnaire, dans le processus de sélection, va afficher
un poste. Les gens de l'extérieur vont appliquer directement sur le
poste au lieu de transiter via une banque, disons-le comme ça, mais je vois mal,
et peut-être que je manque... j'ai peut-être quelque chose dans mon angle mort
que je ne vois pas, comment ça va faire une différence pour les gens qui
veulent transiter d'un ministère à l'autre. Ils auront toujours l'occasion de
lever la main pour le poste. En quoi est-ce que vous y voyez un problème
potentiel?
Mme Lamarre (Line) : En fait,
c'est que le projet de loi n'en parle pas, ce que... vous ne pouvez pas le
voir, là, je comprends que vous ne le voyez pas. Le projet de loi ne dit
pas : Bien, le processus de mutation ou de transfert d'un ministère à
l'autre sera toujours présent. Le projet de loi n'en parle pas. Alors, s'il
n'en parle pas, est-ce que ça veut dire que les gens devront postuler de la
même façon? Et, comme je vous le disais, dans l'article où on dit : Chacun
des ministères va fixer ses règles de recrutement, bien, est-ce qu'un ministère
pourrait fixer une règle de recrutement en disant : Bien, nous, on ne
reçoit pas de mutation? Est-ce qu'il pourrait le faire? Bien, je ne le sais
pas, le projet de loi, il ne le prévoit pas, il n'en parle pas. Alors, ça cause
un problème.
Mme LeBel : Bien, vous me
corrigerez, Mme Lamarre, si je me trompe, mais la loi actuelle ne prévoit
pas non plus ça. C'est dans les conventions, si je ne me trompe pas, dans les
ententes qu'on a dans les conventions, que ce processus de mutation... mais la
loi actuelle ne le prévoit pas non plus.
Mme Lamarre (Line) : Oui, mais...
Non, mais la loi actuelle, ce qu'elle prévoit, c'est que vous avez une banque
de qualification qui est ouverte à tous les ministères. Là, vous me parlez d'un
processus de sélection qui serait par ministère. C'est bien différent, là.
Mme LeBel : Oui, parce que
c'est le... Bien, je veux juste... Encore une fois, c'est juste dans l'objectif
de bien se comprendre, il est par ministère parce que c'est le ministère qui a
un poste à pourvoir, on s'entend, mais il n'y a rien qui empêche les employés
d'appliquer, entre guillemets, là, ce n'est peut-être pas le bon terme, mais de
signifier leur intérêt pour le poste en question et de procéder par la
mutation, mais il va y avoir un affichage de poste dans un processus de
sélection. Alors, peut-être que... Le but, ce n'est pas d'empêcher ce qu'il se
fait actuellement. Donc, je veux juste voir comment on peut s'assurer que ce
n'est pas le cas, là...
Mme Lamarre (Line) : Bien, si
c'est le cas, il devrait donc... ça devrait donc être inscrit, dans le p.l. n°
60, que le système ou le processus de mutation qui est en place va continuer
comme il était prévu dans les conventions collectives. Parce qu'en modifiant la
manière de recruter on vient comme dire à chaque ministère : Tu fais ton
propre recrutement, tu n'as plus besoin d'aller dans une banque centrale. Bien,
du coup, je dois m'assurer que tout le monde qui est dans des autres ministères
pourront transiter facilement vers un nouveau ministère. Si je ne le prévois
pas puis que j'ai aboli la banque centrale de recrutement, bien, j'ai un problème,
là.
• (14 h 30) •
Mme LeBel : O.K. Bien, en tout
cas, je comprends votre préoccupation. Je ne sais pas si elle est reflétée par
ce qu'on fait ou non, mais je vais en prendre bonne note, puis on va faire ce
qu'il faut pour faire les vérifications, là, s'il y a quelque chose à faire.
Merci, Mme Lamarre, de votre participation.
Mme Lamarre (Line) : Merci
beaucoup.
Mme LeBel : Bien oui, je vous
rassure. Je vous rassure qu'on s'en occupe.
Le Président (M. Simard) :
Alors, merci à vous, Mme la ministre. Il reste à votre formation politique
encore quelques secondes. Est-ce que quelqu'un souhaiterait intervenir à ce
stade-ci... sans quoi je cède la parole au porte-parole de l'opposition
officielle, le député de La Pinière. Cher collègue.
M. Barrette : Merci,
M. le Président. Mme Lamarre,
M. Daneau, écoutez, je vais vous avouer que je comprends très
bien les craintes que vous avez exprimées ainsi que les remèdes que vous
aimeriez voir, là. Écoutez, moi, je regarde ça, là, puis évidemment, ça, c'est
dans l'esprit du gouvernement actuel. Essentiellement, chaque ministère et
organisme va devenir un employeur quasiment indépendant, il va faire son
processus de recrutement.
Et vous-même avez noté à plusieurs reprises...
en fait, je pense que c'est six fois, que vous faites référence, dans votre
document, qui n'est pas très long. Ce n'est pas une critique, là, c'est pour
montrer l'ampleur que vous mettez,
l'importance que vous mettez au potentiel de favoritisme dans ce processus-là
qui se met en place. Pourriez-vous nous dire quel genre de balises vous
voudriez avoir?
Mme Lamarre
(Line) : Bien, il est très, très clair pour le SPGQ qu'un processus
paritaire, c'est-à-dire comme on le voit
dans les collèges, actuellement, c'est-à-dire des comités de sélection qui sont
constitués de membres du syndicat, d'employés qui occupent la même tâche
puis de parties patronales, éviterait qu'on puisse passer un candidat qu'on
souhaite voir passer.
Vous pouvez être sûr que, si quelqu'un arrivait
en postulant puis il n'a pas les critères de base qui sont demandés à
l'affichage, bien, le syndicat va lever la main autour de la table puis va
dire : Bien, on ne va pas retenir ce candidat-là, il n'a pas les critères
de base. Et là, si l'employeur insiste pour le passer, bien, on va devoir se
comprendre puis se dire : Bien, écoutez, là, si vous faites ça, vous
dérogez, et pourquoi vous voulez faire ça? Est-ce qu'il y a une volonté de prendre ce candidat-là? Et là vous voyez le favoritisme
qui vient d'être contré par un mécanisme simple, hein, un comité de
sélection comme il en existe dans tous les collèges du Québec, actuellement.
M. Barrette : Écoutez, moi, je
suis très, très, très en accord avec votre vision des choses. Pour moi, c'est
une évidence, que le projet de loi, tel qu'il est — puis je pense que vous
le voyez comme ça — c'est
que c'est un chèque en blanc, là. Le voyez-vous un peu comme ça, vous aussi,
hein?
Mme Lamarre (Line) : Je n'irais
peut-être pas jusque-là, M. Barrette. Il y a quand même des choses qui
sont énoncées qui sont intéressantes. Il y a quand même une volonté de modifier
ou de changer un système de recrutement ou un processus de recrutement, qui est
complètement sclérosant, là, on ne se le cachera pas, là. Ça ne peut pas
fonctionner comme ça.
Une fois qu'on a dit ça, bien, je vous l'ai dit,
hein, il faut qu'on fasse attention puis qu'on se donne les balises.
Présentement, dans le projet de loi n° 60, il y a beaucoup trop de
libertés laissées à chacun des ministres ou sous-ministres, c'est très
dangereux, très dangereux, et pour des questions simples, là.
M. Barrette : Je suis d'accord
avec vous, là. Je ne voulais pas dire que le chèque en blanc... Je ne voulais
pas dire que le système actuel était bon. Ça, sur le côté sclérosant, on
s'entend là-dessus. Maintenant, on part d'un extrême et on va vraiment à
l'autre extrême.
J'aimerais vous entendre sur si vous faites une
distinction, en termes, je dirais, de travers, là, de potentiel de dérapage,
entre la situation de l'embauche, versus celle de la promotion.
Mme Lamarre (Line) : Je ne suis
pas certaine de bien comprendre la question.
M. Barrette : O.K. Je vais la
poser différemment. Moi, je vois un grand potentiel de favoritisme dans la
procédure d'embauche, pour les raisons que vous avez vous-même évoquées. Est-ce
que vous pensez qu'il y a plus de potentiel de favoritisme dans l'embauche de
quelqu'un qui n'est pas déjà dans le système public que dans la situation de
promotion? La raison pour laquelle je vous dis ça, c'est parce que j'ai vécu
des situations, moi, où les promotions étaient pas mal orientées.
Mme Lamarre (Line) : Oui. Je ne
voudrais pas... je n'irais peut-être pas jusque-là. Il y a quelque chose qui
m'a un petit peu achalée dans le projet de loi, c'est sur le retour des gens
qui sont allés en politique et qui reviennent, hein, on a rajouté des clauses
pour dire comment ces gens-là vont être accueillis. Bien, c'est un peu
inquiétant de penser que quelqu'un qui aurait été, je ne sais pas, moi,
15 ans dans un rôle politique revienne sur sa chaise.
Je prends, mettons, un biologiste qui a décidé
de faire de la politique et qui, du jour au lendemain, est ramené, et il serait
ramené sans qu'on valide qu'il a encore les compétences pour être biologiste.
Quand ça fait 15 ans que tu n'as pas fait ton métier, là, ça se peut que
tu aies besoin d'un petit rafraîchissement, mettons. Puis là je dis :
Imaginez un biologiste... ce n'est peut-être pas compliqué. Imaginez un
informaticien qui aurait laissé le métier pendant 15 ans et qu'on
retournerait exactement sur sa chaise quand ça fait 15 ans qu'il n'a pas
touché à de la programmation informatique, je pense... ou, en tout cas, à de
l'analyse informatique. Je pense que c'est un danger. Est-ce que, là, il y
aurait du favoritisme parce qu'on rentre la personne puis qu'on veut lui donner
un poste? Je pense qu'on ouvre une grande porte, là.
M. Barrette : Maintenant, je
vais vous mettre dans... je vais exploiter votre position syndicale. Je
comprends ce que vous dites, même que je suis d'accord avec ce que vous dites,
mais vous n'accepteriez jamais qu'un de vos syndiqués,
parce qu'il change de poste, soit rétrogradé de 15 ans dans les échelles de
salaire. Est-ce que je me trompe?
Mme Lamarre (Line) : Non, c'est
clair que non.
M. Barrette : Alors, il y a une
chose, qui est celle que vous avez dite, il y a aussi l'impact négatif
pécuniaire qui vient de la règle actuelle qu'une personne reprend son poste. Je
suis d'accord avec vous qu'il devrait prouver sa qualification, mais, en même temps... ça, c'est correct, mais, en même
temps, on ne peut pas imposer à cette personne-là une rétrogradation
pécuniaire tel que c'est proposé actuellement.
Là, je passe à un autre sujet qui est bien
important, que je trouve dans votre mémoire. Vous avez dit que... Parlez-moi
donc, là, de votre vision, de ce que vous... votre vision des problèmes qui
surviennent sur la question des équivalences. Je comprends, là, ce que vous
m'avez dit pour la personne... ce que vous avez débattu tantôt, la personne qui
est en voie d'être qualifiée, ça, je le comprends très bien, mais est-ce qu'il
y a d'autres situations où vous voyez que ce sujet-là des
équivalences va être un problème? Est-ce qu'on ouvre une porte qui, elle aussi,
est un petit peut trop chèque en blanc? Je ne veux pas revenir sur la question
de «va bientôt finir son cours», pas ça, mais est-ce que vous voyez d'autres
situations ou c'est la seule que vous voyez?
Mme Lamarre (Line) : Bien, il
pourrait y en avoir d'autres. Écoutez, je n'ai pas fait une analyse détaillée
de ça — puis
je ne pense pas qu'on en a fait une, Philippe? — mais je pense que
l'analyse de la compétence de quelqu'un doit se faire au moment de la sélection
et elle doit se faire sur des critères qui sont très clairs, très précis. Ce
n'est pas un mécanisme... ce n'est pas un automatisme, et j'espère que ça n'en
sera pas un, d'où le fait que le processus de qualification n'était pas une mauvaise
idée, c'était une bonne idée. Maintenant, ce n'est pas... un processus de
qualification comme il est actuellement, ce n'est pas possible, en 2021, c'est
impensable. Donc, il faut trouver un moyen
de s'assurer de la compétence des gens par des mécanismes de recrutement
efficients et efficaces où on balise le danger du favoritisme, bien sûr.
M. Barrette :
O.K. c'est bon. Vous, là, est-ce que je vous mets des mots dans la bouche si je
vous dis qu'adopter ce projet de loi là tel qu'il est, c'est impossible,
faute de lignes directrices, faute de balises clairement établies?
Mme Lamarre (Line) : Je dirais
qu'il y a encore un grand processus d'échange avant qu'on puisse adopter ce
projet de loi là, nécessaire, définitivement nécessaire.
M. Barrette : Oui, mais
malheureusement on est dans un régime de parlementarisme majoritaire qui laisse
peu de place aux résultats. Mais on va discuter, ça, c'est clair. Ça, je peux
vous le garantir.
Un autre élément que je voulais discuter à
propos de votre mémoire, puis là c'est une question, c'est une interrogation, je ne suis pas assez familier avec
vos conventions collectives dans votre secteur... vous, l'ancienneté, c'est
quelque chose qui fonctionne, là, vous avez ça, vous?
Mme Lamarre (Line) : Oui, sauf
que ce n'est pas l'ancienneté pure, au sens, il suffit que tu sois plus vieux
que l'autre pour que tu l'emportes, là. Ce n'est pas simple de même.
M. Barrette : Non, non, non, je
comprends, mais à compétence égale, à compétence égale... Moi, je lis ça, ce
projet de loi là, il y a un arbitraire qui va basculer en faveur de
l'employeur. À compétence égale, moi, la façon dont je le lis, l'employeur aura
la possibilité de passer par-dessus cette clause-là, non?
Mme Lamarre (Line) : Là, vous
rentrez dans du très, très, très pointu, pour lequel j'aurais besoin d'un autre
conseiller à côté de moi pour me dire si actuellement... Je ne suis pas
certaine qu'actuellement la clause d'ancienneté est une grande priorité dans la
fonction publique.
M. Barrette : O.K. Mais, en
général, syndicalement parlant, vous allez aller au combat pour chacun des
individus qui se considèrent lésés. C'est correct. C'est à ça que ça sert,
c'est à ça que ça...
• (14 h 40) •
Mme Lamarre (Line) : Bien sûr,
bien sûr.
M. Barrette : Voilà.
Maintenant, dans le cas... Moi, de la manière que je regarde ça, je vois déjà
le cas où, sur une description d'emploi, là,
d'embauche, on décrit l'emploi... deux personnes également qualifiées, mais là
l'employeur, quand je regarde le projet de loi comme il est écrit, va
choisir celui qui fait son affaire. Moi, je le vois comme étant beaucoup
d'indépendance pour le sous-ministre du ministère en question ou de
l'organisme.
Mme Lamarre (Line) : C'est pour
ça que je vous répète, M. Barrette, que la meilleure des choses, c'est
qu'un comité de sélection paritaire où le syndicat siégerait et ferait la
démonstration d'une... Vous savez, une compétence parfaitement identique, là,
ça n'arrive pas, ça.
M. Barrette : O.K. Il me reste
à peu près une minute, Mme Lamarre. Vous avez dit, dans votre mémoire,
vous avez évoqué la possibilité... Vous entrevoyez, vous, que le projet de loi
nous amène vers une révision de la classification ou vous souhaitez une
révision de la classification.
Mme Lamarre (Line) : On en
souhaite une, oui, ça, c'est clair. Est-ce que le projet de loi nous amène là?
Bien, je pense qu'inévitablement le projet de loi, en faisant en sorte que
chaque ministère devienne quasi un employeur
indépendant, bien, on risque de se retrouver avec un problème à un moment
donné. Pas demain matin, pas dans deux ans, mais, à long terme, les
distinctions vont se creuser.
M. Barrette : Et c'est sans
compter que, là, le Trésor, compte tenu du fait qu'on tasse la CFP, va devenir
juge et partie.
Mme Lamarre (Line) : Bien oui,
puis, écoutez, à la lumière des détachements d'unités administratives qui se
multiplient, des démantèlements, on est inquiets de ça.
Le
Président (M. Simard) : En conclusion.
M. Barrette :
Bien, avec raison. En tout cas, moi, écoutez, j'appuie pas mal votre position.
Il y a vraiment des choses réglementaires et des balises qui doivent être
précisées, qui doivent être dans la loi. Moi, actuellement, là, je comprends
que le passé n'est pas bon, ou plus bon, là, aujourd'hui.
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Barrette :
Et ce qui est devant nous, c'est un chèque un petit peu trop blanc.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Merci à vous, cher collègue. Je cède
maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de
2 min 45 s.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Mme Lamarre, M. Daneau, bien heureux de vous
revoir, même si ce n'est pas en personne, ce qui est la nouvelle normalité,
semble-t-il.
Vous avez dit,
Mme Lamarre, tout à l'heure, là, qu'il y a des risques imminents, hein,
que vous voyez. C'est assez bien expliqué dans votre mémoire, là. Je vous pose
une question énorme, là, en peu de temps : Entre le système sclérosé, que
vous qualifiez vous-même de sclérosé, en ce moment, et un éventuel retour au
duplessisme, où est-ce qu'elle est, la voie de passage? Comment on règle ça?
Mme Lamarre
(Line) : Bien, écoutez, je pense que ce qui est proposé dans le
p.l. n° 60, là, ce n'est pas entièrement négatif, là. Contrairement à
ce qu'on tente de me faire dire par moments, là, ce n'est pas entièrement négatif.
Ce qu'il manque, dans ce projet de loi, là, c'est des balises pour encadrer le
recrutement ministériel, comment on va...
Donner tous les pouvoirs au sous-ministre ou au ministre, là, c'est une erreur
monumentale. Après, là, comment on peut encadrer ça en disant :
Chacun des ministères a l'obligation de mettre des comités de recrutement en
place qui prennent en compte la partie syndicale et la partie patronale, qui
font une place... Je pense qu'en faisant ça on règle une bonne partie de nos
problèmes.
M. Marissal :
Rassurez-vous, Mme Lamarre, je n'essaierais jamais de vous faire dire des
choses. Je suis un ancien journaliste, je ne ferais jamais ça, jamais, jamais.
Vous avez accroché beaucoup, et moi aussi, sur le
passage qui dit, là : Être en voie de respecter les conditions
minimales d'admission. Moi, je suis un peu déchiré avec ça parce que je suis de
ceux qui disent depuis longtemps qu'il faut rajeunir la fonction publique, mais
je vois notamment, dans cette phrase-là, le risque de tomber dans un régime, et
je ne le dis vraiment pas de façon péjorative, là, mais dans un régime de
juniors, parce que ça ouvre la porte, justement, à engager des jeunes. Puis je
comprends que des patrons voudraient engager des plus jeunes, mais est-ce qu'il
n'y a pas là un effet pervers qu'on appelle de l'âgisme, où on va dire :
Bien, regarde, je suis bien mieux de prendre le jeune qui est là, il est plus
allumé, ça fait moins longtemps qu'il est là. Ah! il va finir après? Mais ça se
trouve à faire une forme de discrimination chez les gens qui sont déjà là.
Mme Lamarre
(Line) : M. Marissal, ce qui risque encore plus d'arriver — vous
avez raison, mais pas tant sur l'âgisme, quant à moi — c'est
sur le fait que, comme on sous-paie nos gens, dans la fonction publique, les
jeunes vont rentrer, vont faire deux, trois ans, se qualifier et vont aller
travailler à Investissement Québec, ils vont aller travailler à Hydro-Québec,
ils vont aller travailler n'importe où ailleurs que dans la fonction publique.
Ce n'est pas compliqué, c'est ça, la réalité. On n'est pas concurrentiel, ça
fait que j'aurais beau avoir les plus beaux processus de recrutement, si je veux retenir mon monde une fois
qu'ils vont être qualifiés... Parce qu'ils vont venir se qualifier chez
nous, on ne se le cachera pas, là.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. Je cède la parole au
député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui, merci beaucoup de votre présence, à mon ancien syndicat, je le répète
toujours. Je constate, à la page 5, là, que vous aussi, vous trouvez que
la ministre est peu avare de ses intentions... elle est avare, plutôt, peu
loquace de ses intentions réglementaires, de ses intentions aussi en ce qui
concerne les directives, comme le disait la Commission de la fonction publique avant, et que les avoir avec nous, bien, nous
aiderait, là, à prendre des meilleures positions puis des meilleures
décisions dans l'étude du projet de loi n° 60.
Maintenant, là où je
veux vous amener, c'est qu'on est tous d'accord pour dire : Bien, on
pourrait avoir une modernisation du recrutement de la fonction publique, avoir
des processus moins lourds, être capable d'être séduisant pour renouveler la
fonction publique. Êtes-vous capable de faire des parallèles ou nous éclairer
de votre expérience avec l'Agence du revenu et hors fonction publique? Est-ce
qu'on peut s'inspirer? Est-ce que ce qu'il s'est passé à l'Agence du revenu, en étant hors fonction publique, peut venir
nous éclairer sur ce qu'on doit éviter ou ce qu'on doit soutenir dans le
projet de loi n° 60?
Mme Lamarre
(Line) : On a tenté de faire un petit peu cette analyse-là, mais on
n'est pas arrivés à des conclusions qui sont
encore très claires. Le comparatif, l'Agence du revenu, continue à avoir un
système qui n'est pas tout à fait un recrutement pur comme il est écrit
dans le p.l. n° 60. L'Agence du revenu est
encore dans un modèle, je dirais, un peu hybride, là.
M. Gaudreault :
O.K. Maintenant... En tout cas, moi, ça m'intéresse, là, de fouiller ça un peu
plus, on pourra peut-être y revenir, éventuellement. Maintenant,
j'aimerais vous entendre sur ce que moi, j'appellerais les dérives, là, d'une
forme de décentralisation. Vous avez quatre picots, là, à la page 5, là,
en l'absence de balise, une spécialisation trop
accrue, l'accroissement du pouvoir discrétionnaire. Donc, vous trouvez que, si
on donne un peu plus de pouvoirs au sous-ministre, on risque finalement
de se retrouver avec une fonction publique très, très, très spécialisée dans un
type précis qui ne sera plus mobile d'un ministère à l'autre ou d'une direction
à l'autre.
Mme Lamarre (Line) : Ça, c'est
clair que, pour nous, c'est un des problèmes du p.l. n° 60,
c'est de ne pas avoir prévu comment la mobilité du personnel va pouvoir
perdurer. Ça, il y a, là-dessus, une pierre d'achoppement, pour nous, dans le p.l. n° 60.
Il faut qu'on prévoie des mesures pour permettre la mobilité du personnel. Et
je pense que, quand on ne fait pas
ça, on pénalise le gouvernement d'expertises qui pourraient facilement... qui
le font, actuellement, là, qui bougent facilement d'un ministère à un
autre. Voilà.
M. Gaudreault : Très bien.
Merci.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Merci à vous, cher collègue.
Alors, Mme Daneau... pardon, Mme Lamarre, M. Daneau,
merci beaucoup de votre présence parmi nous aujourd'hui. Merci pour votre
contribution.
Sur ce, nous
allons suspendre momentanément nos travaux afin de faire place à nos prochains
invités. Merci encore.
(Suspension de la séance à 14 h 48)
(Reprise à 15 heures)
Le Président (M. Simard) :
Alors, chers amis, il est 15 heures. Nous reprenons, donc, nos travaux.
Nous sommes en présence de représentants du Syndicat de la fonction publique et
parapublique du Québec. Messieurs, soyez les bienvenus parmi nous. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter?
Syndicat de la fonction publique et parapublique
du Québec inc. (SFPQ)
M. Daigle
(Christian) : Oui. Alors, je me présente, Christian Daigle, président
général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, et je
suis accompagné de mon collègue, M. Gabriel Arruda, conseiller à la
recherche et à la défense des services publics au SFPQ.
Le Président (M. Simard) :
Bienvenue à vous deux. Et vous disposez d'une période de 10 minutes.
M. Daigle
(Christian) : Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président,
Mme la présidente du Conseil du trésor, Mmes et MM. les députés, je suis
heureux d'être ici avec vous pour parler d'une institution dont on parle trop
peu souvent, la fonction publique québécoise. Elle n'est pas une institution
parmi tant d'autres, car elle est au coeur de
la société québécoise contemporaine. Ce n'est pas une bureaucratie
inutile, ce sont les personnes qui entretiennent les routes et les rendent
sécuritaires, ce sont les gens qui donnent accès aux programmes sociaux
auxquels on a droit, qui permettent aux palais de justice de fonctionner, qui
permettent même à l'Assemblée nationale de siéger.
À titre de président du SFPQ, je représente
fièrement plus de 40 000 membres, dont 30 000 personnes qui
oeuvrent chaque jour dans cette institution, soit près de
27 000 employées et employés de bureau, techniciennes et techniciens, auxquels s'ajoutent un peu plus de
3 000 ouvrières et ouvriers travaillant au sein de différents ministères
et organismes.
Avec la présentation du projet de loi n° 60, nous prenons acte de la volonté du gouvernement de
s'attaquer aux enjeux de recrutement et de
promotion au sein de l'administration publique. Nous constatons aussi que le gouvernement veut remplacer le processus de
qualification actuel par un processus de sélection qui se voudrait plus
flexible et désormais décentralisé. Nous
sommes malheureusement obligés de constater que cette solution soulève
autant de questions que de craintes dans nos rangs. C'est pourquoi, aujourd'hui, j'aimerais prendre quelques minutes pour discuter avec vous de ces
craintes et de ces questions. J'aurai le plaisir de répondre à vos questions
par la suite.
Les effets de la flexibilité et de la
décentralisation. J'aimerais, dans un premier temps, replacer cette réforme
dans son contexte. Je ne referai pas toute l'histoire de la dotation dans la
fonction publique, mais je pense qu'il est important qu'on retourne un peu en
arrière pour comprendre où on s'en va.
Au Québec, comme dans la vaste majorité des démocraties,
le gouvernement a implanté un système méritocratique de recrutement des
fonctionnaires pour deux grandes raisons : un, pour s'assurer que ces
personnes possèdent les qualités nécessaires pour accomplir les tâches pour
lesquelles elles sont engagées ou promues, deux, pour lutter contre le
favoritisme politique et administratif dans le processus de sélection des
personnes candidates et maintenir l'indépendance de l'appareil.
Cependant, depuis les années 80, on
remarque une lente érosion du principe méritocratique dans le processus de dotation de la fonction publique. On est ainsi
passé des grands concours à la liste de déclaration d'aptitudes. On a connu
l'abolition des niveaux lors des concours. On a noyé les concours de promotion
à travers le recrutement. On a mis en place des
promotions sans concurrence et, plus récemment, on a instauré les banques de
qualification. Toutes ces réformes ont toujours eu pour objectif d'assouplir
les règles afin de limiter les inconvénients pour l'employeur et d'accroître le
pouvoir des gestionnaires. Avec ce projet de loi, le gouvernement a l'intention
d'éliminer l'évaluation indépendante des personnes candidates et les références
à l'impartialité dans le processus de dotation.
Selon nous, le projet
de loi n° 60 ouvre la porte à un recrutement plus efficace, mais aussi
plus arbitraire que jamais depuis les années
Duplessis. Avec la décentralisation du recrutement et la création de profils
plus individualisés pour les postes, le processus de sélection risque
d'être marqué par des effets de réseau et de favoritisme. C'est en rupture avec
l'esprit de la loi, qui veut un traitement impartial des fonctionnaires et un
accès à tous les citoyennes et citoyens.
C'est pourquoi le SFPQ est particulièrement inquiet des impacts qu'aura le projet de loi sur la fonction publique
au courant des prochaines années.
Les pièces manquantes
au projet de loi... Notre inquiétude est accentuée par le fait que les détails
de cette réforme restent toujours inconnus. Oui, le projet de loi brosse les
grandes lignes du processus de sélection, mais il contient surtout des
dispositions qui renvoient à des règlements et des directives qui seront
produites ultérieurement par le Conseil du trésor. Comme le diable est dans les
détails, le processus de sélection proposé par le gouvernement reste encore
énigmatique sur bien des aspects. Afin qu'on puisse avoir un vrai débat éclairé
sur la réforme proposée, il nous semble nécessaire de connaître les intentions
réglementaires et les directives du Secrétariat du Conseil du trésor. Cette
solution permettrait à tous et à toutes de bien comprendre les implications et
les conséquences de la réforme proposée par le gouvernement. Si le Conseil du
trésor allait en ce sens, nous serions heureux de revenir auprès de cette
commission afin de discuter plus précisément de notre appréciation du nouveau
processus et de ses impacts sur nos membres et l'appareil public.
Nous
aimerions revenir sur deux éléments du projet de loi. Le premier, c'est la
question des stages probatoires. Actuellement, la Loi sur
la fonction publique permet déjà au Conseil du trésor de prolonger la durée
minimale du stage probatoire pour certaines classes d'emploi. Pour être franc,
la réalité pour la majorité des classes d'emploi, c'est que le stage est déjà
d'un an. Nous sommes d'avis que cette flexibilité déjà présente dans la loi
pour les autres est plus que suffisante pour encadrer les différentes réalités
professionnelles au sein des ministères et des organismes pour les quelques
classes d'emploi inférieures à un an. Une prolongation uniforme du stage
probatoire à toutes les classes d'emploi ne
fera que précariser davantage la fonction publique québécoise pour les emplois
où cette prolongation n'apporte aucune valeur ajoutée à l'employeur.
L'autre
élément qui nous semble important de mettre de l'avant, si le gouvernement
entend poursuivre cette réforme, c'est un
renforcement des mécanismes de surveillance et de contrôle sur le processus de
dotation. C'est pourquoi nous sommes d'avis qu'un renforcement de la
Commission de la fonction publique doit être au coeur de cette réforme. Avec la décentralisation du processus de
dotation, nous sommes aussi d'avis que la commission de la fonction
publique aura besoin de ressources humaines et financières supplémentaires afin
de jouer son rôle de chien de garde auprès
de ses multiples acteurs. Dans notre mémoire, nous offrons des avenues pour
ajouter de nouvelles responsabilités à la commission : un, le
renforcement de ses pouvoirs d'enquête; deux, le recours systématique à ses
services pour la certification des moyens d'utilisation; trois, lui
donner un rôle plus central dans les prochaines révisions de la Loi sur la
fonction publique.
La sous-rémunération
des fonctionnaires... Je ne pourrai pas terminer mon allocution sans parler du
coeur du problème de recrutement et surtout de la rétention. Il y a peut-être
une partie du problème qui est causé par les règles de dotation, car nous
reconnaissons que les processus sont parfois longs et complexes, mais il y a
surtout une cause structurelle, la sous-rémunération du personnel de la
fonction publique. Ce constat n'est pas une lubie syndicale, mais une situation
démontrée et documentée année après année par l'Institut de la statistique du
Québec, l'ISQ, un organisme neutre et indépendant du gouvernement du Québec.
Dans sa plus récente version des travaux comparatifs, l'ISQ démontre que les
salaires, de même que la rémunération globale des personnes employées du
secteur public québécois sont inférieurs par rapport au personnel des autres
milieux de travail exerçant le même métier. En 2018, on constatait ainsi un
retard moyen de la rémunération globale de 35 % pour les ouvriers, de
10 % pour le personnel de bureau et de 5 % pour les techniciennes et
techniciens de la fonction publique. Il y également lieu de prendre en considération que, depuis près de trois décennies,
le personnel fonctionnaire et ouvrier de l'État québécois s'appauvrit
d'année en année. Il a perdu près de 7 % de son pouvoir d'achat, ce qui
représente une perte annuelle d'environ 3 000 $ par personne. De
plus, tant que les augmentations salariales négociées resteront en pourcentage,
les membres que je représente seront les plus pénalisés dans notre système.
Enfin, si les
conditions salariales de la fonction publique québécoise ne sont pas mises à
niveau, l'enjeu de l'attraction et de la
rétention dans la fonction publique se maintiendra, car on pourra s'entendre
pour mettre en place le meilleur processus de dotation, mais rien n'empêchera l'exode des personnes
employées déjà en poste, et l'attraction sur des postes vacants ne sera pas au rendez-vous afin de combler
tous les postes pour maintenir une fonction publique neutre, compétente
et efficace au Québec. Merci beaucoup de votre attention.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous. Je cède maintenant la parole à Mme la
ministre pour une période d'un peu plus de 16 minutes.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Daigle, de votre présence et
d'avoir pris la peine de participer à nos
travaux. Je sais que c'est quelque
chose qui concerne beaucoup
votre syndicat, donc c'est vraiment
agréable de pouvoir en parler aujourd'hui.
Peut-être, d'entrée de jeu, je comprends que
vous avez mentionné, là, que le processus soulève autant de questionnements que
d'inquiétudes, celui qui est proposé par projet de loi n° 60, donc,
parlons-en. Parce que l'idée, justement, des
consultations et, par la suite, de l'étude article par article que j'aurai le
plaisir de faire avec mes collègues... puis le plaisir, là, c'est un plaisir
réel, là, parce qu'on est capable, je pense, de faire progresser les projets de
loi vers les objectifs communs.
Donc, l'objectif du projet de loi, vous le
connaissez, il est de rendre... de moderniser le processus de dotation actuel. J'ai très bien compris vos commentaires,
là, sur l'attractivité, la rétention et les conditions de travail, mais ce
n'est pas le projet de loi qui va régler ça. On pourra s'en parler dans
un autre forum. Mais, si on parle du projet de loi et du processus de dotation,
qui est, quant à moi, un morceau aussi, là, de l'agilité de la fonction publique,
de l'attractivité, de la compétitivité, ça
en fait partie, là, êtes-vous d'accord, d'entrée de jeu, que le processus
actuel — et
votre collègue, Mme Lamarre, a
parlé de sclérosé — est-ce
que vous êtes d'accord pour dire qu'il faut... il faut s'attaquer au processus
actuel, il faut le moderniser, le changer? Est-ce qu'on peut partir de cette
prémisse de base là, ou vous pensez que le processus actuel devrait être
maintenu?
• (15 h 10) •
M. Daigle
(Christian) : Le processus actuel a des choses à améliorer. Si on
prend les délais que ça prend pour remettre en place un concours, pour avoir ce
concours-là, avoir les résultats du concours, que les candidats, après ça, soient référés sur des banques, oui,
toute cette situation-là, ce long délai là n'amène pas, je dirais, une
plus-value pour embaucher des gens et surtout pour embaucher les bonnes
personnes, parce que ces bonnes personnes là vont se tanner d'attendre et vont
accepter des offres d'ailleurs.
Donc, pour nous, oui, mais, dans
le processus actuel, il y a quand même des choses qui sont intéressantes, d'où,
justement, d'avoir des banques de candidatures qui vont permettre à plusieurs
ministères d'aller chercher ça plutôt que
d'avoir des offres personnalisées où est-ce que les gens vont devoir postuler
sur plusieurs emplois ou de suivre ces
offres d'emploi là d'une place à l'autre. Alors, il y a des choses à améliorer,
je vous l'accorde sans problème, là-dessus.
Mme LeBel :
O.K. Mais je veux juste comprendre, M. Daigle, votre dernière phrase,
parce que c'est important pour moi. On passe présentement
d'un processus de qualification, c'est-à-dire où on crée des banques d'employés
admissibles, je vais le dire comme ça, qualifiés, mais ils se qualifient, donc,
pour être admissibles à un poste dans la fonction publique, et les employeurs,
les ministères et organismes, actuellement, quand ils ont une ouverture de poste, un poste disponible, vont... doivent se
tourner vers ces banques. Donc, c'est la condition sine qua non pour accepter...
pour accéder à un poste. La première étape,
c'est de faire partie de la banque. Là-dessus, je pense qu'on se comprend bien.
Ce qu'on se propose de faire,
donc, c'est... nous, on pense que la qualification, ça n'appartient pas au
gouvernement de le faire, c'est au... bon, au collégial, au professionnel,
au... dans le sens au secteur professionnel secondaire, collégial,
universitaire, aux ordres professionnels. Puis là on y va avec toutes les
catégories de postes possibles et disponibles dans la fonction publique, on se
comprend bien, là. On pense que la qualification doit être là. Donc, nous, on
se propose d'abolir les banques et plutôt d'y aller sur un processus de
sélection.
Maintenant, vous avez semblé me
dire que vous êtes d'accord avec le fait que le processus actuel est...
moi, j'ai entendu sclérosé, je pense que c'est le bon terme parce
qu'effectivement les gens se présentent dans une banque, ça peut prendre de
trois ans... de trois ans, je m'excuse, de trois mois, des fois, même à un an,
dans des cas de figure, avant qu'on soit même appelés sur une possibilité de
poste. Et donc les gens, souvent, ne sont soit plus intéressés pour diverses
raisons ou bien ils se sont trouvé un emploi ailleurs. Et je dois vous dire que
le marché du travail est compétitif présentement. Donc, les gens les plus
qualifiés, ou les plus pertinents, ou les plus compétents, souvent, vont se
faire recruter rapidement ailleurs, on se comprend. Et, comme notre objectif
est de garder notre belle fonction publique forte et de la garder compétitive,
je pense que c'est important qu'on se modernise.
Mais vous avez semblé dire, en fin de course,
que vous pensiez que les banques avaient du bon. Alors, est-ce que vous pensez
à un modèle hybride entre ce qu'on a... Parce que je vois mal comment on peut
garder une banque à peu près ou ne pas la garder, là. Je veux comprendre votre
pensée, M. Daigle, là.
M. Daigle
(Christian) : O.K. Sur ce point-là, je ne
dis pas, nécessairement, qu'il faut conserver les banques. Le problème qu'on
voit, entre autres, c'est le fait d'envoyer le processus ou de décentraliser ce
processus-là à la trop petite échelle.
Mme LeBel : O.K. Je comprends.
M. Daigle
(Christian) : Alors, pour nous, de multiplier les différentes
offres d'emploi, pour nous, il n'y a pas nécessairement une plus-value à ça. On
va plus peut-être avoir des problèmes à ça. Et les gens qui vont devoir
postuler vont devoir postuler à plusieurs offres d'emploi. Donc, c'est plus cet
aspect-là que je voulais souligner à la fin de mon allocution.
Mme LeBel : O.K. Bien, merci.
Je suis contente de vous l'avoir fait préciser, là, pour comprendre ce que vous
vouliez dire.
L'autre commentaire que je pense qu'il est
pertinent de creuser avec vous, que vous avez fait, puis vous n'êtes pas le
seul à l'avoir fait, vous êtes le troisième groupe qu'on entend ce matin, puis
ça devient... je dirais que c'est le fil commun des consultations jusqu'à
présent, c'est peut-être le pouvoir trop large, tel qu'il appert dans le projet
de loi n° 60 présentement, en matière de processus
d'affichage des offres d'emploi. Vous avez fait référence aux articles 45 et suivants, là, ce que vous
appelez, dans votre mémoire, les pièces manquantes. Donc, ce que vous nous
dites, puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais je vais
tenter de traduire ma compréhension de votre pensée,
c'est que la base, elle est là, mais ça manque de précision sur les
orientations et les intentions. C'est ce que vous dites?
M. Daigle
(Christian) : Effectivement, on a beaucoup
de difficultés à bien saisir l'amplitude du projet de loi quand il nous manque
les règlements et directives qui vont venir préciser ces choses-là.
Si je peux aller beaucoup plus loin, même, je
dirais que, dans ce qu'on a vu, dans ce qu'on a étudié du projet de loi, on dit
même que certaines offres d'emploi pourraient aller plus loin dans les demandes
ou dans les profils recherchés, donc aller plus loin que la demande de base
selon certaines dispositions, certains besoins qu'il y aurait pour une organisation, une direction ou pour un
ministère. Ce faisant, pour nous, ça peut même avoir un impact, puis là ça va dépendre de la façon que c'est affiché, puis
ça pourrait même avoir un impact sur l'équité salariale et l'évaluation
de cet emploi-là par la suite, donc de recréer des biais au niveau de l'équité,
peut-être même. Mais ça, ça va dépendre de tout ce qui va être mis en place. Ça
fait que c'est pour ça que nous, on a beaucoup de difficultés présentement à
bien évaluer l'impact et jusqu'où vont aller ces choses-là à ce niveau-là.
Mme LeBel : O.K. Je comprends.
Je vais donner un cas de figure juste pour voir. Moi, ma compréhension,
peut-être que je me trompe, puis on va continuer à prendre tous les
commentaires puis à aller s'assurer, là, que les objectifs sont bien traduits
par la rédaction, là, des fois... le diable est souvent dans les détails, mais
ce que j'en comprends, moi, c'est qu'on peut rechercher un poste avec une
qualification y, là, de base, là — quand je dis «de base», c'est-à-dire commune pour un poste donné — mais
que, dans ce secteur, on a perdu, pour toutes sortes de raisons... Il y
a beaucoup de gens qui sont partis à la retraite, donc on se retrouve avec un
secteur a qui est très jeune. Donc, on voudrait peut-être avoir des gens avec
un certain nombre d'années d'expérience. À l'inverse, on est peut-être beaucoup
de gens d'expérience, mais on veut renouveler un peu. Donc, on pourrait vouloir
recruter dans un bassin de moins de cinq ans ou de plus que cinq ans
d'expérience.
Donc, pensez-vous que, ça... C'est un enjeu, par
contre. Moi, je le comprends comme ça. Quand on dit qu'on peut peut-être aller
plus... au-delà de la qualification, là... Peut-être que mon exemple n'est pas
bon, mais, je me dis, on cherche... Le seul terme qui me vient, c'est un
avocat, parce que c'est ça que... c'est ce que... j'en suis, là, mais vous comprenez ce que je veux dire. Il y a la
différence entre dire : Je cherche un avocat ou je cherche un avocat de
10 ans d'expérience parce que mon bassin est très jeune et je veux
rééquilibrer mon corps... pas mon corps d'emploi mais mon équipe,
disons-le comme ça, là.
M. Daigle
(Christian) : Je parlerai moins pour les avocats, c'est moins
mon domaine.
Mme LeBel : Non, je sais.
M. Daigle
(Christian) : ...technicien en administration, une adjointe
administrative...
17847 Mme LeBel : 17847 Mme LeBel :
Parfait. Merci de me donner un autre...
M. Daigle
(Christian) : Si on y va uniquement par les années d'expérience, pour
renouveler, mettons, quelqu'un qui est parti, qu'on a perdu, soit quelqu'un qui
est parti à la retraite ou quelqu'un qui est parti vers une autre entreprise,
oui, on peut demander plusieurs années d'expérience, et ça, ce n'est pas un
problème pour nous, ça se fait déjà, et la personne va juste progresser plus
rapidement à travers l'échelle salariale. On a jusqu'à 12 échelons pour
monter, et cette personne-là va, au lieu de partir à l'échelon 1, avec les
critères de base, va monter peut-être déjà à l'échelon 6, 8 ou 10. Donc,
ça, ce n'est pas un problème.
Mais, si on demande des qualifications autres
que les compétences de base, mettons, pour un technicien en administration, on
demanderait des connaissances supplémentaires sur tel logiciel, telle façon de
faire, telle autre chose, donc des choses qui pourraient amener une
réévaluation de l'emploi selon les 17 facteurs et sous-facteurs de l'équité salariale, là, pour nous, ça poserait
problème, parce que le ministère cherche quelqu'un de très précis, peut-être,
mais ça va changer la nature même de l'emploi puis de son évaluation. Donc,
c'est de ce côté-là que je vous le dis.
Si on parle juste d'ancienneté ou d'expérience
de métier, ça, pour nous, ce n'est pas un problème, c'est ce qu'il se fait déjà
par le processus actuel. Il y a déjà des offres présentement. Puis, dans le
domaine où est-ce que je travaillais, au gouvernement du Québec, il y avait eu
un concours d'affiché, puis il y avait même deux concours en parallèle, un qui
demandait six ans d'expérience, pour avoir des gens d'expérience, puis un
autre qui ne demandait aucune personne
d'expérience, pour embaucher des gens à plus long terme, à ce moment-là, des
gens qui vont progresser plus longtemps dans l'échelle salariale.
Mme LeBel : O.K. Bien, je comprends que c'est plus dans les
spécificités des qualifications, ou des compétences, ou des diplômes,
entre guillemets, ou, en tout cas, de la formation requise que vous craigniez
qu'on vienne créer, à l'intérieur d'une catégorie d'emploi, des gens avec des
différences qui ne seraient peut-être pas reconnues dans la catégorie d'emploi.
C'est ce que vous dites? Je n'ai peut-être pas les bons termes, là, mais...
M. Daigle
(Christian) : Bien, c'est exactement ça. Et, n'ayant pas les
détails, et règlements, et directives de tout ça, c'est sûr qu'on n'a pas été
capable... en mesure d'évaluer. Et c'est les craintes, entre autres, que nous
avions sur une partie du processus qui était celui-ci.
Mme LeBel :
O.K. Bien, c'est important de le comprendre, justement, si on est pour mettre
de l'avant certaines balises ou certaines directives, de voir dans quel cadre
vous craignez qu'il y ait des ouvertures ou des brèches, là, qui ne seraient
pas très bienvenues.
M. Daigle
(Christian) : Puis, si je
peux me permettre, l'autre crainte que nous avons aussi, c'est que, des fois,
ce soient des critères tellement spécifiques qu'il y a juste une personne qui
peut se qualifier, puis c'est la personne que le gestionnaire ou que la
direction avait déjà identifiée comme étant la personne qu'elle voulait, donc,
d'avoir quelque chose de trop précis, pour aller chercher vraiment la personne
qu'on veut. Donc, pour ça, ça nous pose problème aussi parce qu'on veut que
tous les membres aient une chance égale de postuler soit pour une promotion ou
d'appliquer en tant que citoyen également aussi.
Mme LeBel : Bien, là-dessus, écoutez,
je ne vous dis pas qu'il n'y a pas cette crainte-là dans la lecture du projet
de loi, mais je veux vous rassurer tout de suite sur les intentions qui ne sont
pas celles-là, autant qu'on parle... je vais appeler ça un appel d'offres
ciblé, là, c'est-à-dire que les critères sont tellement précis, tu sais, je
cherche quelqu'un de 5 pi 2 po avec les yeux bruns, là, genre. Donc,
on comprend que je blague, mais je comprends tout à fait votre inquiétude
là-dessus, et on va prendre les moyens nécessaires pour que ce ne soit pas le
cas.
Je pense qu'il faut trouver l'équilibre, le
juste équilibre entre une agilité, une souplesse, une décentralisation puis
éviter, justement, qu'on puisse avoir de l'arbitraire ou de la... j'allais dire
du préférentiel, mais vous comprenez ce que je veux dire, là, d'aller cibler
quelqu'un qui... donc. Puis moi, je suis très soucieuse du fait que la fonction
publique appartient à tous les citoyens. Donc, la chance d'accès égale devant
la fonction publique, je pense que c'est un
principe qui doit être bien reflété, à tout le moins dans nos intentions.
Alors, là-dessus, je vous entends. Maintenant, on verra comment on
pourra le faire ou s'en assurer. Ça, c'est une autre histoire. Entre l'objectif
et le chemin pour l'atteindre, c'est deux choses. Donc, on pourra voir.
• (15 h 20) •
Ce qui m'amène, justement, peut-être, à un
dernier point à discuter avec vous, c'est la question du stage probatoire et, encore là, l'égalité et l'équité de
tous devant la fonction publique. Parce que, pour moi, c'est un privilège
de travailler pour la fonction publique, et il y a beaucoup d'avantages aussi à
travailler pour la fonction publique. Puis là je ne suis pas en négociation
puis en train de vouloir dire qu'il y a tellement d'avantages qu'on ne peut
rien faire, là, ne lisez pas de sous-entendu, mais je suis assez transparente,
là, je pense sincèrement que c'est un avantage. Je viens de la fonction
publique, je suis moi-même une personne issue de la fonction publique, donc,
pour moi, c'est un privilège de travailler pour la fonction publique, c'est un
avantage.
Mais un des avantages de la fonction publique,
c'est la permanence. Ça ne veut pas dire que ça règle tous les problèmes, là,
ça fait que c'est pour ça que je vous dis : N'y lisez pas de sous-entendu.
Mais je pense qu'on peut ne pas nier, ni vous ni moi, que la permanence a une
raison d'être, mais ça demeure un avantage pour un employé de la fonction
publique.
Ce stage probatoire là, vous la savez, bon, il
est de six mois ou d'un an dans la fonction publique. J'ai été même étonnée, je vais vous avouer, M. Daigle,
d'apprendre qu'il y avait des stages de six mois, parce que moi, j'ai eu,
en 1990 et 1991, à faire le stage probatoire... le stage de deux...
l'approbation de deux ans, dont la première partie du stage probatoire d'un an,
là. Donc, j'ai été étonnée d'apprendre qu'il y avait des stages de six mois.
Et j'aimerais ça vous entendre un peu plus sur
le fait que... Pour moi, il va de soi que d'avoir un stage probatoire d'un an
avant d'atteindre la permanence, qui est un statut d'emploi assez important
dans la fonction publique... Je sais qu'on ne rentrera pas dans les détails de
la deuxième année si l'emploi est coupé, là, mais on se comprend, là, la
permanence est vraiment atteinte après la première année ou après le premier
six mois. Après ça, c'est d'autres enjeux, après ça, il y a le deux ans, là.
Mais je ne veux pas qu'on rentre dans cette technicalité-là. Pour moi, il va de
soi de faire en sorte que tout le monde ait ce stage d'un an à faire là,
d'uniformiser. Puis j'avoue que je vois mal comment je peux précariser la
fonction publique en mettant tout le monde à un an.
Et, si c'est
le cas, vous avez mentionné qu'il y a des emplois qui, quant à vous, c'est
justifié que ça soit un an. Pour moi, beaucoup d'emplois sont justifiés
que ça soit un an, qu'on fasse le tour du calendrier au moins une fois avant de
pouvoir bien évaluer un employé puis de lui donner accès à une permanence.
Quels sont les corps d'emploi qui sont présentement à six mois, donc? Parce que
notre... vous l'avez même dit d'entrée de jeu, beaucoup sont déjà à un an.
Quels sont les corps d'emploi qui sont présentement à six mois que vous jugez
qu'ils ne devraient pas passer à un an puis pourquoi? C'est une question
multiple, là, mais ça tourne tout autour du même sujet, finalement, là.
M. Daigle
(Christian) : Oui, bien, effectivement. Dommage que votre
entrée en matière ne m'ouvre pas la porte pour parler de la négociation, parce
que j'en aurais profité également.
Mme LeBel : Non. On le fera
ailleurs, M. Daigle.
M. Daigle
(Christian) : On le fera à
une autre rencontre, effectivement. Bien, effectivement, la période de probation complète est de
deux ans, mais le stage dont on fait référence, le stage d'évaluation, est de
six mois ou d'un an. Tous les emplois techniques qui demandent, justement, une
certaine complexité, un D.E.C. comme condition minimale, c'est d'un an, l'évaluation. On parle d'un stage
de six mois au niveau de certains emplois ou la plupart des emplois ouvriers,
on parle également d'agents de bureau, je
crois les huissiers audienciers également aussi, puis certains corps d'emploi
qui ont des conditions d'admission
minimalistes, donc un secondaire V. Ces conditions d'admission là étant
minimalistes, l'évaluation par le gestionnaire,
par la personne de la direction, par l'employeur, est beaucoup plus facile à
faire dans une période de six mois, et on
est capable de voir si la personne est capable d'accomplir ses tâches ou si
elle ne répondra pas aux besoins de l'organisation. Donc, le reste...
Puis comme je le
disais aussi dans ma présentation, cette possibilité-là, si jamais, mettons,
pour une raison quelconque, le six mois n'a pas été capable d'être rencontré
par le gestionnaire pour faire une évaluation complète de la personne, il y a
possibilité de prolonger ce six mois-là. Donc, ça n'empêche pas, justement,
l'organisation de prolonger avec des raisons nécessaires. Puis c'est toujours
de même depuis le début aussi.
Donc, tous les
emplois d'un certain niveau de complexité, niveau technique, sont à un an,
puis, pour nous, c'est tout à fait compréhensible à travers le deux ans, mais,
le six mois, je pense que c'est la base pour un ouvrier. Le fait de monter ça à
un an, ça amène une précarité pour ces gens-là ou une incertitude, déjà que ces
gens-là, souvent, sont saisonniers, ils sont saisonniers depuis de fortes
années, soit saisonniers d'hiver, saisonniers d'été, ont des emplois précaires
au niveau de la justice ou des huissiers. Et, lorsqu'on arrive avec la période
de probation, c'est déjà complété, je dirais, à un niveau occasionnel. Donc, ça
devient une confirmation, seulement, de la personne dans les tâches qu'elle
effectue déjà depuis de nombreuses saisons, de nombreuses années.
Alors, pour nous, on
pense que le six mois... lorsqu'on embauche une nouvelle personne, on a en
masse le temps d'évaluer un ouvrier dans ses
compétences, dans ses capacités, un agent de bureau de la même
façon également aussi. Et, s'il
y avait un besoin spécifique, on peut prolonger cette période de probation là
pour aller un petit peu plus loin que six mois, voire la prolonger de quelques
semaines ou quelques mois, pour finaliser cette évaluation-là.
Mme LeBel :
Je n'ai plus de temps, je pense, M. le Président. Ça termine, je pense?
Le Président
(M. Simard) : Oui, tout à fait, tout à fait, Mme la présidente.
Mme LeBel :
...ailleurs. Merci.
Le Président (M. Simard) :
Très bien. Alors, je cède la parole au député de La Pinière.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, MM. Daigle et Arruda. Alors, je
vais enchaîner un peu dans le même sens des sujets qui ont été discutés
précédemment. Je vais vous donner un cas de figure puis je vais vous demander
votre opinion là-dessus, là. Dans la transformation que va faire le projet de
loi n° 60 des ministères et organismes pour en faire, dans les faits, des
quasi-entreprises indépendantes les unes des autres, là, comme il n'y a pas de
règle, là, est-ce qu'actuellement, à votre avis, le projet de loi, s'il était
tel quel, sans règle, sans rien, là, pourrait permettre à un organisme, par
exemple... mais mettons plutôt un ministère, d'afficher un poste avec sa description et d'embaucher préférentiellement
quelqu'un de l'externe plutôt que de l'interne? Est-ce que tout le monde
se retrouve vraiment égal, face au poste affiché, comparativement à
aujourd'hui?
M. Daigle
(Christian) : Bien, c'est difficile, justement, n'ayant pas les
règlements et directives. De la façon qu'on voit les choses, c'est une
possibilité qu'il y a, mais c'est une possibilité aussi que le ministère,
l'organisme puissent cibler une personne déjà à l'interne, une personne qui
serait déjà visée par la direction ou qui serait visée par l'organisme, pour pouvoir aller vers cette
personne-là de façon... de préférence, à ce moment-là, avec ce qui est amené.
Comme j'ai dit tantôt
à Mme LeBel, à la ministre LeBel, je n'ai... on n'a pas les détails qui
vont nous permettre de pouvoir bien évaluer.
C'est pour ça qu'on aurait préféré, justement, avoir un peu plus d'information
sur les règlements et directives pour, après ça, analyser le tout et
vous faire part peut-être de modifications pour peaufiner la chose. Mais
présentement il y a trop de latitude dans le dépôt qui a été fait pour nous
permettre, je vous dirais, une bonne analyse puis il y a trop de latitude qui
va être donnée, selon nous, dans le processus qui va être décentralisé.
M. Barrette :
Je comprends que, si vous dites qu'on peut cibler une personne à l'interne, on
pourrait, à la limite, cibler quelqu'un à l'externe, dans l'état actuel du projet
de loi.
M. Daigle
(Christian) : Tout à fait, vous avez tout
à fait raison. On pourrait faire fi, mettons, des promotions internes qui
peuvent se faire, des possibilités pour d'autres personnes d'appliquer sur un
poste pour changer son orientation de carrière et d'aller cibler directement
une personne à l'externe qu'on voulait obtenir ou qu'on voulait avoir et l'amener vers l'organisation. C'est tout à fait plausible aussi de la façon qu'il est rédigé présentement, sans avoir d'autres précisions dessus.
M. Barrette :
O.K. Et c'est dans ce sens-là que moi, je vois les ministères et organismes se
transformer en employeurs indépendants, là. Je comprends que, quand ils
rentrent et qu'ils ont leur permanence, comme disait la ministre, bon, là, c'est une
autre chose. Maintenant, on ne le sait pas, là. On peut cibler à
l'externe autant qu'on peut cibler à l'interne. Dans les deux
cas, c'est du favoritisme.
Est-ce que vous
estimez... Je pense que c'est assez clair, en fait, j'ai déjà la réponse, là.
Mais vous, là, dans vos recommandations, là, est-ce que vous souhaitez... Pour que je la comprenne bien,
votre recommandation, là, est-ce
que vous souhaitez, dans le fond, que, pour ce qui est de la vérification et de
la, entre guillemets, contestation, là, on va l'appeler comme ça, que ce soit
le statu quo?
Moi, j'ai été surpris, là, de voir cette
provision-là, beaucoup, beaucoup, beaucoup, parce que ce n'est pas juste sortir
des banques, c'est de devenir complètement indépendant de l'externe, c'est une
espèce de libéralisation extrême de l'embauche. Alors, on
libéralise l'embauche, parce que le projet de loi, il n'y a pas de règle
claire, on ne les sait pas. Puis, en plus,
quand il est temps de vérifier, là on est juge et partie, le Trésor fait tout.
Parce que je ne sais pas si vous avez entendu la CFP qui est venue ce matin, c'est parce que,
là, il leur reste quoi, là? En termes
de vérification, je pense que vous le lisez comme ça.
Le contrepoids, il
est où? Le fameux «check and balance», là, il est où, le contrepoids? Là, moi,
je le vois, qu'il n'y en a quasiment plus puisque le Trésor devient juge et
partie.
• (15 h 30) •
M. Daigle (Christian) : Effectivement, vous avez tout à fait raison sur cet
aspect-là. Pour nous, la commission
doit garder un certain contrôle. On comprend que l'exclusion de la commission
est nécessaire peut-être à un niveau, mais il faut la ramener à un autre
niveau. On pense... puis on a déposé notre mémoire, même un travail à long
terme où est-ce que la commission pourrait, de façon périodique, à tous les
cinq ans, à tous les 10 ans, déposer un mémoire pour l'amélioration du
processus. Ce processus-là va perdurer dans le temps. Il faut qu'on puisse, justement,
trouver une façon de l'améliorer et non pas de le changer du tout au tout.
Pour nous, le fait
que la commission perde présentement cette possibilité-là pour les gens de
faire appel, ça nous pose problème, parce que c'était l'organisme neutre et
indépendant extérieur à l'embauche qui se faisait ou au processus d'embauche
qui permettait une neutralité. Même si des personnes se faisaient exclure d'un
processus d'embauche, pouvaient contester, elles n'avaient pas, si elles
gagnaient, la possibilité d'intégrer puis d'avoir le poste. Elles avaient la
possibilité de pouvoir intégrer ce processus d'embauche là et de pouvoir y
participer, comme toute autre personne. Mais, s'il y a un processus puis la
commission est exclue de ça automatiquement, la personne va se revirer vers qui
pour pouvoir accéder à ça, et est-ce que le processus va continuer quand même
durant ce temps-là? La personne, bien
qu'elle serait légitime de pouvoir demander à y participer, va se trouver, à ce
moment-là, défavorisée par un biais, par une situation particulière qui
aura exclu sa candidature ou qui n'aura pas tenu compte de certains facteurs ou
critères dans celle-ci. Alors, pour nous, cette situation-là pose problème.
M. Barrette :
O.K. Ce matin... pas ce matin, avec le groupe qui vous a précédés, là... vos
collègues de l'autre syndicat, eux, ont soulevé la question des équivalences.
Ils ont fait un débat, que je comprends, là, mais ce n'est pas là-dessus que je
veux aller, un débat sur la formation en cours qui n'est pas encore complétée.
Je ne sais pas si vous l'avez entendu. Vous, avez-vous un enjeu là-dessus,
autre que celui... puis peut-être que vous l'avez, celui-là aussi, là, mais je
le comprends bien, peut-être que vous avez une vision différente, mais avez-vous
un enjeu, vous, de ce côté-là?
M. Daigle
(Christian) : On n'a pas beaucoup d'enjeux de ce côté-là, parce
que, nous, lorsque les gens sont embauchés, ils doivent déjà posséder les
critères minimaux. Il y a peu de promotions. Il y en a quelques-unes, des
promotions, mais il y en a, tu sais, mettons, d'agent de bureau ou d'agent de
secrétariat à technicien et technicienne. Donc, oui, il peut y avoir une
promotion, mais la plupart de nos gens, lorsqu'ils ont des promotions, c'est
vers des postes de professionnels ou autres postes. Soit qu'ils ont une
expérience interne qu'ils ont développée au fil des années, un 12 ans, un
15 ans, un 20 ans d'expérience qui leur permet de bien connaître le
système interne — et
ce n'est pas juste d'apprendre ça dans les livres, mais il faut apprendre
comment travailler avec aussi — ou ils ont fait une formation en
parallèle, je vous dirais, pour aller chercher les diplômes nécessaires.
Alors, pour nous, il
faut maintenir, je pense, un certain niveau de méritocratie interne également
aussi, de par cette promotion-là, de ne pas juste aller vers des diplômes pour
permettre aux gens de venir de l'externe et prendre des postes de
professionnels ou autres postes de direction. Mais on pense qu'à l'interne il
peut y avoir un certain développement puis que d'avoir des gens qui connaissent
la machine, si je peux l'appeler de même, va être tout aussi aidant que
quelqu'un qui connaît les mécanismes sur les bancs d'école.
M. Barrette :
O.K. Je comprends bien votre position là-dessus. Elle a bien du sens, chez
vous, peut-être plus que chez vos collègues
de l'autre syndicat. Moi, il y a une chose là-dedans qui, vraiment, là, je ne
vois... que peut-être pas... Je ne pense pas qu'il y a juste des
problèmes, là, je veux bien que ce soit clair, puis la ministre, je pense
qu'elle a bien compris. Je comprends qu'actuellement la mécanique, là,
ancienne, des banques, là, O.K., on est en 2021, c'est correct, mais, à l'autre bout, là, ce projet de loi là,
particulièrement chez vos membres, ou dans votre... du milieu que vous
représentez, c'est tellement ouvert que, sur la question de l'ancienneté, on va
voir plein, plein, plein de contestations. Je vois assez facilement pour... je
le vois, là, hyperfacile, là, écrire une description de tâches, là. S'il n'y a
pas de directives qui soient claires, ils vont faire en sorte que je vais avoir
absolument, là, toutes les nuances possibles pour choisir un par rapport à un
autre, à compétence égale, mais à ancienneté inégale. Ça, j'imagine que vous le
voyez, vous, particulièrement dans les groupes d'emploi que vous avez.
M. Daigle (Christian) : Effectivement, on le voit déjà par le processus
actuel. Il y a déjà une latitude présentement qui se fait lorsqu'on noie un processus de dotation
et de promotion en même temps, qu'on fait du recrutement puis de la promotion
en même temps. Il y a déjà des critères spécifiques qui peuvent permettre
d'aller d'un bord ou de l'autre. Le
processus... La modification qu'on amène présentement amène également, ou
maintient ce biais-là également possible. Alors, pour nous, c'est
difficile de ne pas avoir tous les détails et de pouvoir se prononcer, mais il
y a présentement cet enjeu-là qui nous pose problème, où est-ce qu'on veut que
toutes les personnes à l'emploi puissent avoir les mêmes chances.
On a vu, même
aujourd'hui, dans les journaux, la possibilité, des fois, d'aller chercher des
gens qui sont proches de nous, puis de ne pas... justement, de faire fi
peut-être... ou d'avoir une apparence de ne pas être neutre dans le processus. Alors, pour
nous, on veut vraiment faire attention à ça et donner toutes les chances à nos
gens, autant aux citoyens et citoyennes qui postulent sur un poste que
les gens qui sont à l'interne qui voudraient, justement, améliorer leur situation et continuer à grandir au gouvernement,
dans leurs ministères, parce que c'est une forme, un peu, de reconnaissance
que d'avoir une promotion à l'interne et de pouvoir, justement, gravir les
échelons.
M. Barrette :
O.K. Très bien. Alors là, là, je me suis fait reprocher gentiment, très
gentiment, précédemment, de vouloir
vous mettre des mots dans la bouche, là, mais je vais le faire différemment,
là. Je ne veux pas les mettre, les mots, dans votre bouche, mais je vais
quasiment le faire. Là, je comprends que ce projet de loi là, là, il est en
grand manque de clarifications législatives. En français, là, il n'y a pas de
directive, il n'y a pas de balise, il n'y a rien, là. C'est un projet de loi qu'on souhaite adopter sans ça, c'est comme ça
que je vois. Vous souhaiteriez qu'il y en ait, des balises claires, dans
la loi, là?
M. Daigle
(Christian) : Tout à fait. C'est, d'ailleurs, ce que j'ai fait
dans mon allocution d'ouverture, j'ai dit : Qu'on nous dépose des
règlements, les directives qui vont permettre de mieux comprendre le projet de
loi, qui vont nous permettre de mieux l'appliquer, et ça va nous faire plaisir
de revenir devant vous, la commission, pour vous encenser, si ça va dans le
sens qu'on veut, pour vous aider à l'améliorer, s'il y a des choses à
améliorer, ou pour le changer si ça ne fait vraiment pas notre affaire. Mais,
présentement, nous n'avons pas assez d'information pour avoir une image claire de tout ce qui s'en vient. Il y a encore beaucoup
de flou, comme derrière moi, présentement, puis on n'y voit pas clair.
M. Barrette :
Bien, c'est correct, là, vous pourrez revenir pour encenser les oppositions
d'avoir réussi à clarifier la chose.
M. Daigle
(Christian) : Merci.
M. Barrette :
Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président
(M. Simard) : 20 secondes, cher collègue.
M. Barrette :
Bon, bien, écoutez, je vous remercie, M. Daigle, d'être venu, et on va
faire la bataille, parce qu'il y a des bonnes intentions, ici, mais il y a pas
mal de pièges.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole au porte-parole
de la deuxième opposition, le député de Rosemont.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. M. Daigle, M.Arruda, bienvenue, merci d'être là.
Vous avez écrit textuellement, dans votre mémoire : «Le coeur du problème[,
c'est] la sous-rémunération [dans la fonction publique].» Moi, je dirais que
c'est un des coeurs du problème, là, si un problème peut avoir plus d'un coeur,
là. Disons que je suis d'accord avec vous
que c'est un sacré problème récurrent. Moi, je ne vois rien dans le projet de loi n° 60 qui touche ce problème-là, précisément,
là. C'est une chose. Un projet de loi, ce n'est pas comme la bonne vieille
Jinny qui réglait tous les problèmes en clignant des yeux, là, ça règle deux,
trois problèmes, là, mais ça ne règle pas celui-là. Mais on dit souvent :
Si tu ne peux pas aider, ne nuis pas. Est-ce que le projet de loi n° 60
nuit, en plus, au problème que vous identifiez, c'est-à-dire la sous-rémunération? Non seulement ça n'adresse pas — c'est
un anglicisme, ça — ça
ne touche pas ce problème-là, mais est-ce que ça l'aggrave?
M. Daigle
(Christian) : Bien, dans un premier temps, puis sans vouloir
faire de la négociation, les salaires étant tellement
bas, c'est sûr et certain que ça amène un exode des gens déjà en poste. Donc, déjà, d'avoir un problème, je
dirais, sur le délai d'embauche, d'avoir un problème également pour arriver à
doter les emplois qui deviendraient tout de même disponibles via des retraites,
via des départs pour une raison particulière, le fait qu'il y a un exode des
gens déjà en poste vers des endroits ou des emplois avec des meilleures
conditions, bien, automatiquement, on vient aggraver le problème d'embauche.
Donc, pour nous, le
fait de donner des bonnes conditions de travail va limiter de beaucoup le
problème de dotation que nous avons présentement. Et, à ce moment-là, le projet
de loi qui est là présentement va pallier peut-être à certains manques, mais,
comme je le disais à votre collègue avant, du Parti libéral, présentement, on a
encore trop de flou. Il y a trop de situations qui ne sont pas assez éclairées
là-dedans. Le fait de décentraliser peut également amener des problèmes. Ça
peut peut-être régler, mais je n'ai pas les détails de cette
décentralisation-là, comment ça va s'opérer. Donc, pour nous, oui, ça peut
amener plus de difficultés, jusqu'à un certain niveau, bien qu'on veuille régler un problème. Je reconnais qu'il faut régler
des choses, qu'il y a des choses qui sont problématiques, mais est-ce
que ça va aller plus loin avec des problèmes autres que ce qu'on connaît
présentement? Je ne peux pas vous le dire.
M. Marissal :
Je pense qu'on s'entend, pas mal tout le monde, sur une chose, là — ce
n'est pas tous les jours qu'on s'entend, tout le monde, sur une chose, là, il y
a quand même une bonne brochette d'opinions, ici, là, dans... j'allais dire autour de la table, autour de mon
écran, dans mon écran — c'est que le processus d'embauche, il est long. On a dit
«sclérosé». Je pense que tout le monde s'entend, c'est vrai que c'est devenu
assez complexe, même un peu kafkaïen, à l'occasion. Donc, il y a des problèmes
en amont.
Le
Président (M. Simard) : En conclusion.
M. Marissal :
Est-ce que vous diriez qu'en ce moment il y a des problèmes en aval, c'est-à-dire
que le processus actuel amène aussi à des problèmes de recrutement dans la
qualité des gens qu'on embauche?
M. Daigle
(Christian) : Oui, bien, c'est un peu le fait d'attendre trop
longtemps. Avec la longueur du processus que nous avons avant d'offrir un
emploi à quelqu'un, effectivement, on peut perdre des gens de qualité. Ça, je le reconnais. Les gens qui participent à un
concours s'attendent à avoir, d'habitude, une réponse assez rapide, et
surtout la jeune génération, elle s'attend encore à avoir des choses plus
rapides.
• (15 h 40) •
M. Marissal :
Merci.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de
Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Merci, M. Daigle et M. Arruda, de votre présence. J'aimerais ça
vous entendre sur la situation du retour à leur emploi, là, du personnel
politique, qui va faire un passage en politique, que ce soit dans les cabinets ou que ça soit comme député, là, ou
autre, parce que je pense que ça concerne particulièrement votre syndicat.
Comment vous voyez ça?
M. Daigle
(Christian) : C'est plutôt rare que les gens viennent à notre
niveau, au niveau technique ou au niveau ouvrier, c'est plus dans les emplois,
j'imagine, professionnels ou autres, mais ça arrive. On a eu des députés qui
sont revenus sur leur emploi, ça se produit de temps en temps, mais nos emplois
ne sont pas les emplois, normalement, qui sont visés par ça.
Lorsque ça arrive,
bien, présentement, le processus permet ce retour-là. Ces gens-là reviennent
avec une certaine, je dirais, là, compétence ou des connaissances autres de
l'appareil, du ministère, selon les fonctions qu'elles ont occupées durant leur
séjour soit dans un cabinet soit dans des fonctions officielles. Alors, pour
nous, c'est une plus-value, puis ces gens-là devraient avoir la possibilité,
justement, de continuer à avoir une promotion, s'il y avait des emplois qui s'ouvraient, pour, justement,
faire bénéficier l'appareil d'État d'une façon autre, mais de le faire
bénéficier de leurs connaissances à travers tout ça.
M. Gaudreault :
Donc, que cette nouvelle expertise, on va dire ça comme ça, soit reconnue.
M. Daigle
(Christian) : Exactement. Puis ça peut être au niveau
municipal, ça peut être à plein de niveaux, qu'ils vont revenir par la suite au
niveau du gouvernement du Québec. Puis il faut qu'on puisse, justement, mettre
en valeur l'expertise qu'ils ont été chercher, de la même façon qu'une personne
qui va aller chercher des diplômes en poursuivant un cours en marge de son
emploi aussi.
M. Gaudreault :
Avec le peu de temps qu'il me reste, vous faites un bon bout dans votre
mémoire, pages 5 et 6, sur la réalité
du ministère des Transports. Je pense que c'est un enjeu tout à fait important,
que la ministre connaît bien, ayant été, dans une ancienne vie, à la
commission Charbonneau. En vue de recréer, de maintenir l'expertise, d'aller chercher des gens qui vont rester au
ministère, qui ne sont pas juste des juniors pour être repêchés ailleurs par le
privé et qui vont être capables de
surveiller les contrats, est-ce que vous trouvez que ce projet de loi offre des
solutions dans ce sens-là?
M. Daigle
(Christian) : Non, malheureusement, il n'offre pas de solution
en ce sens-là. On facilite, oui, le recrutement de ces personnes-là en passant
plus rapidement à la période, justement, de concours pour aller chercher ces
gens-là, mais on ne sera pas capable de les retenir par la suite. On n'est pas
capable de garder les gens que nous avons à l'interne. Les techniciens en
travaux publics, en génie civil, présentement, les ouvriers que nous avons,
spécialisés, au niveau des conducteurs routiers de poids lourds, on n'est pas
capable de garder ces gens-là à l'interne, il
y a plus de départs qui se font que ce qu'on est capable d'embaucher. Donc, pour nous, c'est un gros
problème. Même le ministre Bonnardel, le collègue de Mme LeBel, l'a
souligné, les salaires sont au coeur du problème au niveau du ministère des
Transports.
Le Président
(M. Simard) : En conclusion.
M. Gaudreault :
Oui, mais est-ce que de donner, justement, plus de souplesse ou de
décentralisation, entre guillemets, là, au directeur ou au sous-ministre des
Transports n'est pas une solution, à ce moment-là?
M. Daigle
(Christian) : C'est une partie de la solution, mais l'autre
partie va y aller avec les salaires, parce que, si on ne réussit pas à combler,
ça va nous coûter plus cher, en bout de ligne, parce que les gens vont
repartir. C'est de la formation qu'on va perdre, qu'on va payer et qu'on va
perdre à chaque fois.
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Daigle
(Christian) : L'expertise, on va la perdre, également, puis on
va perdre, après ça, aussi... Même en allant en sous-traitance, ça va nous
coûter...
Le Président (M. Simard) :
Merci.
M. Gaudreault : Merci.
Le
Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, cher collègue de
Jonquière. Alors, M. Arruda, M. Daigle, merci de votre
présence parmi nous et de la qualité de votre contribution à notre réflexion
collective.
Sur ce, nous
allons suspendre momentanément nos travaux afin de faire place à nos prochains
invités. Au revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 43)
(Reprise à 15 h 52)
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, nous reprenons nos travaux. Nous sommes en présence de
représentants de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement
du Québec. Messieurs, bienvenue parmi nous. Merci d'avoir accepté notre
invitation. Auriez-vous, d'abord, l'amabilité de vous présenter?
Association professionnelle des ingénieurs du
gouvernement du Québec (APIGQ)
M. Martin (Marc-André) : D'accord,
je me présente, Marc-André Martin, je suis ingénieur civil au ministère des Transports, mais, aujourd'hui,
j'interviens à titre de président de l'Association
professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec. Et je suis
accompagné de M. Andy Guyaz, ingénieur au ministère de l'Environnement,
qui agit à titre de secrétaire-trésorier pour l'association.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Vous disposez d'une période de 10 minutes.
M. Martin
(Marc-André) : Alors, M. le
Président de la Commission des finances publiques, Mmes, MM. les députés, Mme la présidente du Conseil du trésor,
c'est avec plaisir que nous rencontrons les parlementaires aujourd'hui
afin de vous partager nos réflexions sur l'état de l'ingénierie au
gouvernement, sur le recrutement de nos experts et, plus précisément, sur
certaines dispositions du projet de loi présentement à l'étude.
Si vous me le permettez, avant d'entrer dans le
vif du sujet, je souhaiterais prendre quelques minutes pour vous présenter notre association. L'Association
professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec — l'acronyme APIGQ, on va l'appeler APIGQ — représente 1 600 ingénieurs à
l'emploi du gouvernement du Québec. Ils oeuvrent au sein de
25 ministères et organismes publics, dans des domaines aussi variés que
nombreux, allant du bâtiment, des transports, de l'environnement, des barrages,
jusqu'à l'agriculture et les technologies de l'information.
Maintenant,
pour bien comprendre le positionnement de l'APIGQ sur le projet de loi
n° 60, il est important de faire un
léger pas de recul historique sur une problématique qui perdure depuis des
années : nous faisons malheureusement référence au manque systémique
d'expertise en ingénierie au sein du gouvernement du Québec. À toutes fins
pratiques, il existe deux manières de
rehausser l'expertise. D'une part, en misant sur le développement à l'interne
par le rapatriement des travaux d'envergure, et, d'autre part, en
attirant des candidats déjà qualifiés, déjà expérimentés provenant de l'externe. Le projet de loi n° 60, avec sa
refonte du processus de sélection des candidats de la fonction publique,
constitue une opportunité pour entamer le grand exercice de rehaussement
de l'expertise du gouvernement en ingénierie.
Il nous apparaît urgent de procéder au
recrutement nécessaire d'ingénieurs expérimentés. Le débalancement entre
l'expertise du secteur privé et du secteur public est tel que le gouvernement
est vulnérable face aux firmes de génie et
aux entrepreneurs. Les carences, sur le plan des ressources humaines, que ce
soit sur le plan des compétences ou du nombre, entravent notre capacité à
préparer des projets, à encadrer les firmes externes et à déceler la collusion.
Nous vivons désormais une dépendance dangereuse envers l'expertise externe, qui
a grandement augmenté le prix de nos infrastructures et réduit leur qualité. Je
tiens à apporter... Ici, là, je veux juste mentionner que ce sont tous des constats tirés de rapports indépendants, du
rapport de la commission Charbonneau, des rapports du Vérificateur général
et du rapport des experts indépendants commandés par le ministère des
Transports.
Donc, nous constatons depuis longtemps la
désuétude de notre processus de qualification. Dans le domaine de l'ingénierie, la majorité des candidats
embauchés sont âgés de 35 ans ou moins. En 2019‑2020, sur les
131 embauches d'ingénieurs effectuées au gouvernement, 41 %
d'entre eux étaient des candidats à la profession, donc l'équivalent de
stagiaires. Seulement 14 % cumulaient plus de 10 années d'expérience.
Le problème d'attraction est grave. Pour renverser
la tendance, il nous faut réviser les politiques salariales et augmenter
l'apport de projets faits à l'interne, mais également il est important
d'améliorer le processus de recrutement pour faciliter l'accès à la pratique du
génie au gouvernement. Sur cette base, l'APIGQ salue le projet de loi n° 60 et reconnaît qu'une révision de nos processus de recrutement est nécessaire. Ainsi, afin
d'atteindre cet objectif, nous soumettons à la commission deux recommandations
qui pourront alimenter la réflexion des
parlementaires sur les enjeux de recrutement de l'expertise et pouvant bonifier
le projet de loi n° 60 présentement à l'étude.
Sous
sa forme actuelle, le projet de loi n° 60, à son
article 12, prévoit remplacer le processus de qualification de la Loi sur
la fonction publique par un processus de sélection décentralisé. Nous saluons
cette orientation de permettre aux ministères
d'afficher des emplois disponibles au moment où les ministères et organismes
ont réellement un besoin plutôt que de se référer à une banque qui ne
reflète pas la réalité de... réelle disponibilité ou du réel intérêt des
candidats ayant soumis leur candidature. Enfin, le processus de sélection
permettrait de réduire les délais entre le moment où un candidat répond à une
offre d'emploi et le moment où il l'obtient, contrairement au processus de
qualification actuel où les candidats appliquent à des moments prédéterminés.
Néanmoins, nous nous
inquiétons d'un aspect de cette proposition. Nous comprenons que ce nouveau processus de sélection est entièrement contrôlé
par la direction de l'organisme ayant affiché le poste. Cela comprendrait
la présélection des candidats, la détermination du profil recherché, jusqu'à
l'évaluation en emploi et de l'embauche. Nous
sommes d'avis qu'un tel contrôle ne semble pas favoriser les principes
d'égalité d'accès des citoyens à la
fonction publique et laisse trop de discrétion entre les mains d'un dirigeant
d'organisme.
Ainsi, notre première
recommandation vise à rendre le processus de présélection plus indépendant et
plus objectif en le confiant à un tiers
autre que le sous-ministre ou le dirigeant de l'organisme responsable. Nous
proposons que l'étape de présélection soit confiée à un tiers afin
d'éviter tout favoritisme lors de la sélection des candidats pour combler un
besoin.
Notre seconde recommandation
vise à mieux définir les exigences requises pour un poste requérant une expertise particulière. Quotidiennement, les
ingénieurs du gouvernement doivent émettre des avis d'expertise en génie
qui ont un impact sur la sécurité du public
et la saine gestion des fonds publics. Malgré l'importance de leur rôle,
nous déplorons que l'expertise d'un
candidat soit un aspect encore négligé dans l'évaluation d'embauche des
ingénieurs au gouvernement. Bien qu'il s'agisse d'un processus normé, aucune
exigence minimale de connaissances ou d'expérience n'est évaluée dans la
version actuelle de la Loi sur la fonction publique ni de la Loi sur l'administration
publique. Le projet de loi n° 60 n'apporte aucune modification
à cet aspect du processus de sélection, laissant plutôt une incertitude sur les critères minimaux requis lors
de l'évaluation du candidat. Ceci est particulièrement préoccupant pour des postes nécessitant une expertise précise
d'ingénierie. Nous devrions nous assurer que les candidats à l'embauche
détiennent la spécialité de génie correspondant aux fonctions à combler.
En ce sens, nous
proposons que des évaluations techniques spécifiques aux postes à pourvoir
soient exigées afin de s'assurer que seulement
les candidats ayant l'expérience, la spécialité et l'expertise requises soient
embauchés dans des postes d'ingénieur. Nous croyons qu'il est important
que le processus d'analyse des candidatures reçues inclue une évaluation des compétences techniques reliées au champ
d'expertise demandé, et, à ce titre, nous souhaitons que la Loi sur la fonction
publique puisse refléter cet impératif.
En conclusion,
l'APIGQ remercie les membres de la Commission des finances publiques pour
l'opportunité qui nous a été fournie de contribuer à l'amélioration du projet
de loi n° 60. Nous saluons ce projet de loi et sommes
convaincus qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction pour la mise en place
d'un processus de sélection mieux adapté à la réalité du marché du travail et
favorisant une saine gestion des fonds publics.
Il est toutefois
nécessaire d'éviter toute forme de favoritisme qui pourrait survenir avec le projet
de loi sous sa forme actuelle. Surtout, il est primordial de s'assurer que les
candidats qui accèdent à la fonction publique possèdent les compétences
techniques et les qualifications requises à leurs futures fonctions.
Trop souvent, il est
allégué que le renforcement de l'expertise s'évalue par le nombre d'ingénieurs
en poste au gouvernement. Or, il s'agit d'une fausse perception. L'expertise ne
se calcule pas en nombre d'employés, mais plutôt dans la valeur de l'expérience
et de leurs connaissances. C'est pourquoi... (panne de son) ...aux politiques
de recrutement, nous devons nous assurer de recruter les meilleurs candidats
parmi ceux qui possèdent les qualifications spécifiques au poste à combler.
M. le Président, je
vous remercie à nouveau, et nous sommes maintenant prêts pour la période
d'échange avec les membres de la commission.
• (16 heures) •
Le
Président (M. Simard) :
Merci, M. Martin. Je cède maintenant la parole à la présidente du Conseil du trésor.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci, M. Martin, pour ces commentaires
extrêmement éclairants. Je vais peut-être vous amener... plonger tout de suite
au coeur du nouveau système de dotation. Je suis contente de voir que vous...
J'ai bien compris aussi tous vos commentaires, là, sur l'attractivité, la
rétention, etc., là, qui est beaucoup plus large que le processus de
recrutement, mais le processus de recrutement fait partie, là, de ce morceau,
de ce casse-tête-là qu'il faut améliorer pour être capable d'aller chercher,
là, la bonne expertise au bon moment, au bon endroit. Puis je pense que vous
conviendrez avec moi que le marché, aussi, présentement, est très compétitif,
donc d'être capable d'aller rapidement
chercher les meilleurs éléments avant qu'ils soient embauchés ailleurs. Le
processus de dotation actuel ne favorise certainement pas ce genre
d'exploit, disons-le. Vous avez eu connaissance de ça, effectivement?
M. Martin
(Marc-André) : Merci, Mme la présidente. Oui, vous mettez le doigt sur
quelque chose qui est tout à fait exact. Aujourd'hui, le marché est vivant, et, plus que
jamais, on se doit d'être proactifs, que ce soit au niveau du recrutement mais
aussi des conditions de travail. Je vous dirais, là, que c'est un tout. Mais
aujourd'hui je comprends que le forum, c'est essentiellement sur le
recrutement, mais, si vous me permettez, je vous dirais que l'ensemble des... Comment je pourrais dire ça... J'entends le
ministre des Transports qui nous dit, à toutes les fois qu'il a une tribune,
qu'il souhaite réouvrir les conditions de travail, qu'il a besoin d'un nouveau
processus de recrutement, puis je suis content, aujourd'hui, qu'on puisse enfin
discuter de ces enjeux-là.
Mme LeBel :
Je vous comprends très bien pour les enjeux, là, qui ne sont pas... Je vous
entends pour les enjeux qui ne sont pas reliés au processus de recrutement,
mais aujourd'hui on va, si vous me permettez, on va mettre l'accent et le focus sur ce processus-là parce que c'est l'objet
du projet de loi n° 60. Je suis... Je veux juste comprendre avec
vous, parce que je trouve ça intéressant... bon, on passe, naturellement, d'un
processus où on crée des banques de candidatures à un processus de sélection
beaucoup plus direct et ciblé. C'est-à-dire, au moment où un poste est
nécessaire dans un endroit donné, on l'affiche avec certains critères, on
rencontre les candidats qui correspondent aux critères et on sélectionne. Donc,
on s'entend que, tant pour la fonction publique que pour le candidat, il y a
des avantages certains à tout ça.
Mais vous parlez de... Et, pour moi, c'est très
important, le principe d'égalité d'accès du citoyen à la fonction publique, là, à compétences, naturellement,
égales, et qu'on n'ait pas trop de discrétion ou d'arbitraire entre les mains
d'une seule personne. Donc, il faut trouver l'équilibre, là, entre l'agilité et
les garanties, là, d'objectivité, disons-le, du processus.
Mais je ne suis pas sûre de comprendre qu'est-ce
que vous voulez dire par une étape de présélection, parce qu'on n'est pas dans
des banques, donc il n'y a pas de présélection. Une banque est un peu une
présélection, si on veut. On crée un bassin de personnes qui ont passé une
première étape, à l'intérieur de laquelle on doit piger. Donc, ce n'est pas
tout à fait exact, mais je peux qualifier ça de présélection, là, ce qui ne
garantit pas, nécessairement, un poste à un endroit donné, mais c'est une première
étape de franchie.
Qu'est-ce que vous voulez dire par une étape de
présélection? Parce qu'elle n'est pas prévue par le projet de loi, mais juste
m'expliquer un peu votre vision par rapport à ça pour que je comprenne bien.
M. Martin (Marc-André) : Lorsque
les gens du Conseil du trésor nous ont rencontrés, plus précisément
M. Hubert, il nous a expliqué un peu les étapes du processus qu'il
souhaitait mettre en place, en lien avec le projet de loi n° 60, et il y avait une étape où est-ce qu'il disait, bon, le
dirigeant d'entreprise a décrit le poste, par la suite, les gens peuvent
appliquer sur le poste, fait une première présélection des candidats, par la
suite, les candidats passent des examens et, par la suite, il nous a expliqué
qu'il faisait un choix parmi ceux qui avaient réussi les examens, puis ce
qu'était la sélection des gens passés en entrevue et, par la suite, ça amenait
au choix de l'employé.
Donc, nous, ce qu'on souhaite, c'est un peu...
c'est vraiment de choisir un tiers, vraiment quelqu'un qui a une séparation
claire avec le dirigeant de l'entreprise pour faire la sélection des C.V. pour
que ce soit objectif et basé uniquement sur ce qui est écrit et non... pour
éviter toute influence externe qui pourrait avoir lieu par le dirigeant ou par le
sous-ministre. C'est ça qu'on souhaite.
Mme LeBel : Dans le fond, vous
voulez vous assurer qu'il y a une bonne adéquation entre le choix final ou, en
tout cas, ceux qui auront accès à l'entrevue ou, en tout cas, la sélection
finale et les critères affichés dans le poste, parce qu'à partir du moment où
la personne remplit les critères ça devrait bien aller.
Donc, qui voyez-vous comme tiers indépendant?
Donc, dans le fond, quelqu'un qui n'est pas le sous-ministre du ministère
concerné? Quelqu'un qui n'a pas le choix final? Parce que, à un moment donné,
d'aller vers une firme externe, on vient alourdir aussi le processus. Et,
comprenez-moi, j'en suis, là, pour la régularité du processus, mais, en même
temps, mon objectif de garder ça simple, dans le sens où agile et efficace, ma
préoccupation est très grande aussi. Donc, je ne voudrais pas qu'on crée une
espèce de minibanque indirecte. Comprenez-vous ce que je veux dire, là? Je ne
veux pas qu'on recrée à petite échelle, à chaque fois qu'il y a un poste
d'affiché, le processus actuel. Je comprends que ce n'est pas votre intention,
mais je veux m'assurer, parce que... de voir un peu quelle serait votre vision
de présélection et qui pourrait faire office de présélecteur, disons-le comme
ça.
M. Martin (Marc-André) : Nous,
c'est sûr qu'on peut s'attendre... on n'a pas été dans le fin détail, là. Pour
nous, ça peut être les ressources humaines déjà en place ou centrales. Si vous
voulez que ça soit les ressources humaines du Conseil du trésor, il n'y a pas
de problème, c'est des gens déjà en place. On ne souhaite pas créer une entité
indépendante, là. C'est vraiment, là, s'assurer qu'il y ait une séparation
claire entre celui qui dirige presque l'entièreté du processus de sélection, le
dirigeant d'entreprise, et la première sélection.
Puis je vous ferais peut-être une analogie. Je
vous dirais... Je ne sais pas si vous avez déjà fait affaire, dans le privé,
avec Randstad. Bien, c'est un peu ça qu'ils font. C'est qu'ils choisissent,
parmi une banque de C.V., lesquels, les 10
qui fittent le mieux, l'envoi à la compagnie, puis la compagnie, après ça,
décide parmi ceux-là qui qu'ils passent en entrevue, etc.
Donc, c'est un petit peu le même principe. C'est
qu'on a déjà un tiers indépendant qui fait une présélection, qui nous envoie
les C.V. qui, à son sens, c'est les meilleurs, puis le dirigeant d'entreprise
fait avec. On vient couper une certaine...
On vient donner une scission, on vient faire une séparation claire. Puis il n'y
aura pas d'avantage indu parce qu'on connaît le dirigeant ou un ami de
la famille.
• (16 h 10) •
Mme LeBel :
Bien, j'aime bien ça, quand vous fonctionnez par exemple, parce que ça me
permet, effectivement, d'avoir une belle vision, puis je comprends très
bien ce que... exactement ce que vous voulez dire. Maintenant, quand vous
dites : Augmenter les exigences requises, dans votre recommandation
n° 2, pour un poste requérant une expertise particulière et mettre en
place des examens de qualifications techniques, je peux comprendre que le... je
comprends que le processus de qualification
actuel, qui est beaucoup... bon, qui marche plus par classes d'emploi que
par qualifications spécifiques, disons-le, pour... plus techniques, là, est
déficient dans cette matière-là, mais, quand on va parler d'un processus de
sélection, où, à ce moment-là, en principe, ces qualifications techniques là
devraient être des
exigences de l'emploi, bon, il y a l'expertise, il y a la qualification, etc.,
là. Peut-être que... Qu'est-ce que vous voulez dire par rehausser les
exigences requises? Donc, c'est dans les affichages de poste, à ce moment-là,
qu'on va le faire, là.
M. Martin
(Marc-André) : C'est qu'on devrait avoir une évaluation. Là,
présentement, ce qu'il se passe, c'est... on a des tests psychométriques. On
est capable d'évaluer si la personne fitte le profil fonction publique. C'est
le parfait petit fonctionnaire. Mais là on engage — je vais vous donner un
exemple — on
engage des gens pour inspecter des ponts, indépendamment des compétences. Est-ce
qu'il fitte le profil fonctionnaire? Oui. Je le passe en entrevue. On regarde
un peu la personne, le profil de la personne en entrevue, mais on n'a aucune
idée des ses compétences. On n'a jamais évalué son expertise, sa compétence,
ses connaissances. Et c'est très, très important, l'ingénierie. Surtout qu'aujourd'hui de moins en moins... c'est de plus en plus rare
que les gestionnaires, les dirigeants soient des ingénieurs. Donc, pour
être à même d'évaluer, être à même de quantifier, être capable de donner un
jugement sur un pair alors qu'on ne connaît pas pantoute le domaine, je vous
dirais que, même s'il va avoir fait la meilleure entrevue du monde, puis vous
ne connaissez pas les inspections de ponts, puis vous engagez un inspecteur de
ponts, la personne peut complètement vous remplir, entre guillemets.
Excusez-moi l'expression.
Mme LeBel :
Non, non, je vous suis. Je vous suis. Mais, dans le fond...
M. Martin
(Marc-André) : Donc... et c'est pour ça...
Mme LeBel :
Excusez-moi, M. Martin. Mais, dans le fond, c'est ça que je comprends,
mais ce que je veux essayer de comprendre avec vous, c'est que moi, j'ai
l'impression, peut-être à tort, là, que le processus de sélection va nous
permettre, justement, d'aller au-delà des qualifications génériques de base
d'une catégorie d'emplois donnée pour un fonctionnaire, là, donc, et qui va
nous permettre, par le processus de sélection, de pouvoir avoir, justement,
dans l'affichage donné... parce que, si on cherche un ingénieur pour inspecter
les ponts ou si on cherche un ingénieur pour
faire... bon, peu importe, là, vous comprenez ce que je veux dire, va nous
permettre, dans le processus de sélection, d'aller chercher des exigences
minimales en qualifications, une expertise puis souvent, peut-être, en
expérience, même. Parce que, des fois, on peut dire : Bien, il me
manque un ingénieur d'expérience pour surveiller des travaux, ou bien j'ai
besoin de rajeunir ou d'assurer ma relève, j'ai besoin d'aller chercher des
gens avec moins d'expérience, etc. Donc, moi, mon impression, c'est que le
processus de sélection va nous permettre d'atteindre ces objectifs-là. Mais
est-ce que... puis... Mais je vois que vous dites qu'on devrait, donc, proposer
des exigences minimales prévues. Donc, vous pensez que les exigences...
devraient être prévues au projet de loi, aux directives ou au règlement? Je
veux bien qu'on se suive, là. Et quels types d'exigences minimales vous pensez
qu'on va y mettre, là? Parce que ça ne peut pas être applicable à tout non
plus, là.
M. Martin
(Marc-André) : Je vous dirais, là, que, peu importe le type
d'ingénieur que vous avez besoin, vous avez
besoin d'un ingénieur qui travaille en géologie, on a besoin, absolument, de
faire une évaluation technique.
Présentement,
là, le projet de loi, il prévoit des types ou des modes d'évaluation. Ça serait
important qu'il y ait au moins un des... une des évaluations porte sur
le côté spécifique et technique du poste. Donc, si j'ai besoin d'un ingénieur
en géologie, ça prendrait un minimum... Si c'est une personne qui a juste des
connaissances de base, ça nous prend un examen de base en géologie pour
savoir : Est-ce que j'engage quelqu'un avec des compétences?
Je vous dirais... Je
vous ferais un exemple ou une... Chez Hydro-Québec, ils le font. Donc, c'est
bon chez Hydro-Québec. Puis je vous le dis, là, je parle... c'est un processus
que vous êtes en train d'essayer de mettre en place,
ça ressemble beaucoup à ce qui se fait là aussi, puis eux autres aussi, ils
sous-traitent... bien, ils sous-traitent, il y a une partie qui est indépendante, qui fait le premier tri des C.V., donc.
Puis je pense que, l'évaluation, c'est primordial pour être en mesure,
là...
Présentement, là, si
je vous sortirais, là, puis ce n'est pas anecdotique, l'ensemble des postes
d'ingénieurs qui sont affichés, là, depuis la semaine passée, il n'y en a pas
un, poste, comment je pourrais dire ça, qui spécifie si on a besoin d'un
ingénieur en structure, ou un ingénieur en géologie, ou un ingénieur en
sécurité routière. On n'est même pas en mesure de mettre une spécification,
sinon on n'a pas personne qui applique. Donc, c'est important, là, c'est
vraiment très important. Ça va de la sécurité, là.
Mme LeBel :
Non, non, mais, je suis curieuse, là, je suis vraiment curieuse, M. Martin.
Ça dit quoi? Ça dit «ingénieur», point? C'est ça?
M. Martin (Marc-André) : Bien, regardez, j'en ai à côté de
moi, puis, si vous me permettez, Mme
la présidente, je vais vous en lire. Il y a... Puis c'est même un poste
chez vous, c'est sûr que ça date un petit peu, mais c'est un poste chez vous,
au Conseil du trésor, pour les gens qui vont analyser les projets de 100 millions
et plus, les projets de 50 millions et plus au Québec, les ingénieurs qui
doivent analyser ça. On explique la mission, les attributions et le profil
recherché. Regardez, là, le profil recherché pour l'ingénieur qui va travailler
sur les plus gros projets d'infrastructure au Québec : «La personne
recherchée maîtrise les principes de gestion de projet, fait preuve de rigueur,
de jugement dans ses analyses et se distingue par sa capacité à rédiger des
analyses de haute qualité.» Voilà le profil recherché.
Maîtriser des principes de gestion de projet, je
vais être honnête avec vous, là, même quelqu'un qui fait du design d'intérieur
maîtrise ces principes-là. On n'est pas même pas capable d'exiger que la
personne qui va travailler sur les projets de 100 millions
et plus, ça soit quelqu'un qui en ai fait au moins pendant 15 ans, qui
ait... Tu sais, on ne veut pas un géologue, là, on veut un ingénieur, tu sais,
en travaux publics, c'est qu'est-ce qu'on cherche.
C'est la même chose
un peu partout. Je veux dire, on n'est même pas capable de spécifier, à la
direction générale des structures du ministère des Transports, qu'on veut un
ingénieur qui a des connaissances de structures. «Des connaissances de
structures seraient un atout.» Ça a comme... Ça n'a plus de bon sens. Il faut
vraiment faire quelque chose maintenant, puis je pense qu'on est en train de le
régler ensemble.
Mme LeBel :
Merci, M. Martin. C'était très éclairant. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Simard) : Alors, Mme la ministre, il reste un peu plus de
quatre minutes à votre groupe parlementaire.
L'un ou l'autre de vos collègues souhaiterait-il intervenir, sans quoi je vais
céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de
La Pinière.
M. Barrette :
Écoutez, M. Martin, je vais le dire avec... prenez ça comme un compliment.
Ça fait bientôt sept ans, là, que je siège au gouvernement... au Parlement du
Québec, c'est la présentation la plus amusante que j'ai eue, mais très
pertinente, par exemple. Je dois vous dire que vous avez été, à mon sens,
extrêmement pertinent. J'apprends une chose, d'ailleurs. Vous venez de m'apprendre
une affaire. Alors, vous, les ingénieurs, je ne sais pas si c'est comme ça pour
tous les fonctionnaires, mais vous avez des tests psychométriques pour tout le
monde, mais pas de test compétences. Alors, j'ai bien aimé votre expression.
Alors, le test psychométrique, c'est pour voir si vous fittez dans le moule
fonctionnaire — je
ne dis pas ça négativement, là, mais un observateur externe peut le voir de
cette façon-là — mais
il n'y a pas de test de compétences. C'est comme ça, là? Tout le monde a ça?
M. Martin
(Marc-André) : M. le député, oui, effectivement, là, c'est des tests
généraux que le biologiste va passer, le professionnel en actuariat. C'est à
peu près... C'est tous les mêmes tests généraux. C'est vraiment des tests pour
voir est-ce que vous fittez le profil fonction publique. Si — je
vais donner un exemple — M. Polo,
il a un problème, est-ce qu'il va voir son gestionnaire, essaie de le régler
tout seul ou bougonne dans son bureau? Bien, on répond une des questions, puis
c'est pas mal le type de question qu'on a à répondre.
Anciennement, au
début des années 90, c'est sûr que j'étais très jeune, mais ce qu'on m'a
expliqué, c'est qu'il y avait des... ils avaient des examens techniques, ça
existait, pour valider les compétences, l'expérience, les connaissances des
gens.
M. Barrette :
Eh bien. Juste pour... un point d'information, là, je n'ai pas bien saisi.
L'organisme qui vous a vus en prévision du projet de loi, juste savoir si j'ai
bien compris, là, l'organisme ou le... M. Hubert, là, qui vous a... c'est
quoi, là, que vous avez eu comme préconsultation?
M. Martin
(Marc-André) : M. Alexandre Hubert, qui est au Conseil du trésor,
je ne peux pas nommer son titre, là, il est quand même assez haut placé, là, il
est peut-être deux catégories en dessous de la présidente, Mme LeBel. Ils
ont rencontré l'ensemble des syndicats pour nous expliquer un peu qu'est-ce qui
s'en venait avec le projet de loi n° 60, ou des associations aussi,
associations de cadres, etc. Et ils ont fait un PowerPoint pour nous expliquer
quelle était la réforme de la Loi sur la fonction publique qu'ils souhaitaient
mettre en place. Et ils parlaient d'un procédé de présélection, puis etc.
M. Barrette :
Donc, ça vient de l'intérieur du Trésor, ça?
M. Martin
(Marc-André) : Oui.
M. Barrette :
O.K. Je vais vous avouer que j'étais, moi, personnellement, quand j'ai lu votre
mémoire, bien confortable avec ça, parce que c'est un peu... vous savez, dans
les organisations où la personne qui est en haut n'a pas nécessairement la
compétence pour faire ce genre d'entrevue là. Je me vois mal, moi, faire une
entrevue avec... pour un poste d'ingénieur, hein? Bon, je peux comprendre si on
m'explique, mais je ne pense pas que je puisse déceler les subtilités de la compétence
d'une personne ou d'une autre. Alors, si j'étais dans cette position-là dans le
privé, je ferais affaire avec un chasseur de têtes, par exemple, pour aller
chercher un profil très, très, très élevé pour une position de haut niveau.
Maintenant, je
comprends très bien votre principe de présélection. Est-ce que vous voyez ça...
Est-ce que vous suggérez que ce soit
appliqué seulement dans certaines catégories d'emploi ou vous voyez ça à plus
large échelle?
M. Martin
(Marc-André) : Présentement, très certainement, on le voit pour
l'ingénierie, très certainement. On a autant d'ingénieurs que de types
d'ingénieurs. Les gens travaillent dans des domaines, c'est multiple... Je vous
dirais, là, c'est très, très complexe,
l'ingénierie, là. On n'est plus comme dans les années 60, où qu'il avait
cinq, six grands pans d'ingénierie, là. Maintenant, il y en a des
dizaines, et des dizaines, et des dizaines. On se doit d'évaluer les gens d'un
niveau technique. C'est vraiment... Pour l'ingénierie, c'est essentiel.
Maintenant, pour le
reste, je ne peux pas me prononcer, là, je n'ai pas... la question.
M. Barrette : Mais vous seriez
d'avis que, pour les fonctions qui nécessitent des connaissances, je vais les
appeler techniques, là, par opposition à des connaissances courantes, c'est
fondamental d'avoir cette présélection-là.
M. Martin
(Marc-André) : C'est fondamental. On passe des examens à l'université,
on passe des examens pour être à l'Ordre des
ingénieurs, on devrait nécessairement être évalués, minimalement, sur les
compétences, nos connaissances pour entrer dans la fonction publique
puis avoir le privilège d'y travailler.
M. Barrette :
O.K. Maintenant... parce que, quand vous dites ça, ça nous amène aussi sur un
sujet dont on a parlé précédemment. Je ne sais pas si vous avez eu la chance
d'écouter et d'entendre tous les groupes qui sont passés devant vous, mais les groupes qui sont passés
devant vous ont débattu, je dirais, négativement la question de certaines
équivalences. Alors, ça pourrait s'appliquer
chez les ingénieurs : Je fais mon cours, j'ai un emploi puis je vais le
compléter, ou une maîtrise, ou je ne sais pas quoi. Est-ce que, vous, il
y a un enjeu là? En fait, est-ce que vous seriez favorables ou non à ce principe-là d'équivalence sur la base
d'une compétence à terminer, à acquérir, qui n'est pas complétée? Et,
dans le même ordre d'idées, un petit peu plus loin, est-ce que vous êtes
confortables ou non avec le prolongement de la période de probation? Il y a
deux questions.
M. Martin (Marc-André) : Pour la notion d'équivalence, ça touche plus les
gens qui sont chez le syndicat des professionnels et des... le Syndicat de la fonction publique. Chez nous, il n'y a pas vraiment de notion
d'équivalence de compétences. On ne
peut pas transformer des années de scolarité puis compenser par des années
d'expérience à cause de notre ordre professionnel. On ne peut pas
prendre une personne qui est professionnelle en sciences physiques puis la
promouvoir à titre d'ingénieur en faisant une équivalence, c'est impossible à
faire. Ça fait que, pour nous, ce n'est pas un enjeu, clairement, ce n'est pas
un enjeu au niveau des équivalences, là.
Pour ce qui est de la
deuxième question...
M. Barrette :
La probation.
M. Martin
(Marc-André) : Oui, c'est ça. Bon, on n'en voit pas nécessairement une
problématique pour nous, là. Ça n'a pas
une... Regardez, si on fait l'affaire, on fait l'affaire. Des fois, ça peut
être plus long évaluer. Je ne vois... Je n'ai pas d'enjeu là-dessus.
M. Barrette :
O.K. Maintenant, l'enjeu de la compétence, ça, c'est clair. Là, l'enjeu de la
compétence, vous le traitez comment vous, là, là, cet enjeu-là? Puis je vais
être plus précis dans ma question, là : s'il n'y a pas une présélection,
hein, ou même s'il y en a une, vous affichez un poste, vous savez, les postes,
souvent, quand on arrive à l'expérience, ça va être marqué minimum cinq ans
d'expérience, minimum deux ans d'expérience, comment vous faites la... Parce
que, vous savez, là, je vais vous dire une chose que probablement... avec
laquelle vous allez être probablement d'accord, il y a des gens qui peuvent
avoir huit ans d'expérience puis être moyens, puis des gens qui en ont trois
puis qui sont excellents. Vous faites la distinction comment, dans la sélection,
à ce moment-là?
• (16 h 20) •
M. Martin
(Marc-André) : Bon, l'enjeu de la compétence, on le voit directement
dans les examens. Mais là, présentement, ce qu'on voit et ce qui est de même
depuis à peu près... près d'une dizaine d'années, on n'est même plus à même,
présentement, au gouvernement, d'exiger trois ans ou cinq ans d'expérience dans
le domaine. On n'est même pas capable... dans aucun des appels de candidatures
on ne voit ça présentement, on n'est même pas capable d'exiger une spécialité.
On engage des gens qui devraient faire des études hydrauliques, on n'est même
pas capable d'exiger qu'ils aient déjà fait de l'hydraulique.
Donc,
l'enjeu de la compétence, ça doit être évalué par des examens. Puis, de toute
façon, lorsque vous avez des gestionnaires qui sont qualifiés et
compétents, ils vont être en mesure de faire des bons choix. Ça, je suis
convaincu.
M. Barrette :
Oui, mais, moi, l'enjeu que je vois, c'est la présélection. Bon, remarquez que...
Bien, en fait, je vais vous poser une question qui va peut-être me permettre,
moi, de me faire une meilleure tête, là. Je ne sais pas si c'était Mme la ministre, tantôt, qui nous disait... ou un des
syndicats, je ne me rappelle plus, mais il a été mentionné qu'il y
avait, grosso modo, dans la fonction
publique, 500 000 demandes
par année puis il en avait 25 000, 27 000, de postes octroyés. Vous, c'est quoi, le ratio de
demandes... pas de demandes, mais de propositions de gens qui appliquent...
pardon, d'applications par poste?
M. Martin (Marc-André) :
C'est une très... Ça, par exemple, je ne suis pas en mesure de vous le dire,
mais je sais qu'il y en a quand même un bon taux de roulement chez les
ingénieurs, là, je vous dirais, depuis 2012. Il s'est embauché plus de
1 000 ingénieurs dans la fonction publique. Puis, «overall», moi, mon
membership n'a pas tout à fait monté de 200. Ça fait que ça vous donne à peu
près un ordre d'idée de combien de personnes rentrent puis combien de personnes
partent, mais je ne peux pas vous dire.
M. Barrette :
Non, mais ça nous donne... C'est impressionnant, d'ailleurs, 1 000, puis
200 qui restent. Vous êtes combien dans votre syndicat?
M. Martin
(Marc-André) : On est 1 600 et des poussières, 1 650.
M. Barrette :
Ça veut... Ça, c'est un méchant «turnover», là. Ça veut dire que 80 % du
monde a changé, là.
M. Martin (Marc-André) : Bien,
je vous dirais que, la plupart du temps...
M. Barrette :
Mais peut-être pas changé, mais... En tout cas, il y en a un méchant paquet, de
personnes qui sont venues, qui sont parties. Elles sont parties pourquoi?
Est-ce que vous sondez ça?
M. Martin
(Marc-André) : Mais, c'est
clairement un enjeu de conditions salariales et aussi un enjeu de mandats
intéressants. On sous-traite la majorité des mandats intéressants. Les gens,
là, je vous dirais, pour être un ingénieur moi-même, ce qu'on discute à Noël,
ce n'est pas de nos salaires, c'est des mandats. Est-ce qu'on a fait des
mandats intéressants? Puis la réponse, présentement, c'est plate, c'est triste,
mais c'est souvent des mandats qui n'ont pas été pris par le privé, puis les
conditions de salaire n'aident certainement pas non plus.
M. Barrette :
Je ne sais pas si ça va vous réconforter, mais ce sont des mots qui ont été
prononcés exactement de la même
manière, même par M. Daigle, là, dont le membership... donc, il était plus
de base, là. Ce n'est pas péjoratif, ce que je dis là, là. Partout,
c'est ça, là. Je suis un peu étonné, mais pas étonné en même temps. Ça fait que
comment on fait? Comment on change ça, par curiosité? Pourquoi c'est comme ça?
M. Martin (Marc-André) : Bon,
bien, prenons peut-être un pas de recul. Moi, je vous dirais que je vois ça
quand même présentement positivement. Nous, on entend notre ministre des
Transports, où est-ce que la majorité des membres sont, nous dire qu'il faut
réouvrir les conditions de travail, il faut réouvrir le processus de
recrutement. Nous, de notre côté, on a un rapport fait par un juge de la Cour
d'appel à la retraite qui a évalué puis étudié la situation en matière
d'expertise au gouvernement. Il a fait l'étude la plus exhaustive jamais faite
présentement en matière d'expertise puis qui nous donne... qui fait des
constats assez alarmants. Le Conseil du trésor a ce rapport-là confidentiel
chez eux, puis, en plus de ça, je vous dirais, les astres sont alignés, parce
qu'on a Mme la présidente du Conseil du trésor qui a siégé sur la commission
Charbonneau, qui est au courant de tout ce qu'il s'est passé, les enjeux. Donc, avec tout ça ensemble, je ne peux pas
croire qu'on n'y arrivera pas, à renforcer l'expertise, puis je vous
dirais que c'est clairement un enjeu politique.
Maintenant,
ce n'est plus un enjeu de simples négociations des conditions de travail avec
le Conseil du trésor. Si c'est ça, on n'y arrivera jamais. Maintenant, c'est
vraiment un enjeu de volonté politique. Tous les astres sont alignés pour... toutes les personnes qui doivent
comprendre sont exactement où ce qu'elles devraient être, et on a les
meilleures personnes en place pour y arriver.
M. Barrette :
Sauf que, quand je vous écoute, l'un est indissociable de l'autre. Il y a la
condition de travail, la rémunération,
et l'intérêt professionnel par les projets. Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est
l'un et l'autre. C'est indissociable.
M. Martin
(Marc-André) : Vous avez
tout à fait raison. Regardez, même si on avait les meilleures conditions
de travail au monde, si on n'a pas des projets intéressants, on ne gardera pas
nos gens. C'est important d'avoir des projets motivants. C'est ce qui motive
les ingénieurs, la technique, les mathématiques...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci.
M. Barrette : Merci beaucoup,
M. Martin. C'était très éclairant.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Merci, M. Martin. Effectivement, c'est éclairant. Je partais...
C'est un peu épeurant aussi, là. Je vous
remercie de votre franchise, votre candeur. Ça aide quand même à mettre des
vrais faits sur ce qui sont parfois des anecdotes, mais là c'est assez
frappant, là, c'est frappant.
Souvent, tu sais, quand on étudie un projet de
loi, on va nous dire, en cours d'étude : Non, vous n'êtes pas à la bonne place, on ne parle pas de ça icitte. Bon,
c'est clair que, dans 60, on ne parle pas de rémunération. Puis, en plus,
il y a tout l'aspect de la négociation en ce moment, là, ça fait qu'on ne
parlera pas de ça.
Cela dit, vous avez fait deux recommandations.
Elles sont au nombre de deux. Elles sont faciles, elles sont faciles à comprendre. Croyez-vous qu'on peut les
rentrer dans le projet de loi, que ça aurait au moins un effet, du moins,
ce que vous venez de décrier, de décrire,
là, chez ingénieurs, et qu'on peut le rentrer dans projet de loi, qu'on ne
devrait pas se faire dire : Non, non, tu n'es pas à la bonne place,
tu es à côté de tes pompes?
M. Martin (Marc-André) : M. le
député, moi, j'y crois pertinemment. C'est pour ça qu'on ne s'est pas étirés et
attardés à faire plein, plein de recommandations. On a pris les deux qui, à
notre sens, étaient les principales, celles qui devaient être poussées de
l'avant, et les plus réalisables, puis assez facilement. Dans notre mémoire, on
a indiqué à quel article dans la loi nous voyons ou nous verrions où elles
pourraient être intégrées. On n'en fera pas mention tout de suite, là, mais je
vous dirais que, oui, moi, j'y crois fermement. C'est assez simple. C'est déjà
des choses qui étaient de l'avant à l'époque, avant que le Conseil du trésor
centralise le recrutement au Conseil du trésor, en fait, le Secrétariat du
Conseil du trésor. À l'époque des années 90, c'étaient déjà les ministères
et organismes, et ils évaluaient les compétences via des évaluations techniques,
du moins pour l'ingénierie.
Donc, c'étaient déjà des choses qui ont déjà été
faites. Je ne peux pas croire qu'on ne peut pas, comme, regarder qu'est-ce qui a déjà été fait et le réappliquer à nouveau. Et
les histoires de favoritisme, les histoires... pour éviter tout ça,
c'est assez simple, c'est... Et on n'a comme pas le choix d'aller dans cette
direction-là.
M. Marissal :
Eh bien, de toute façon, ça semble tomber sous le sens, effectivement. Mais les
gens avant vous, les trois groupes avant vous ont beaucoup parlé d'une
ouverture au favoritisme possible, avec ce qu'on voit dans le projet de loi
n° 60. J'aimerais ça vous entendre brièvement là-dessus, parce que je n'ai
presque plus de temps.
M. Martin (Marc-André) : Bien,
clairement, c'est sûr qu'on ne peut pas laisser entre les mains d'un seul
dirigeant d'organisme l'ensemble des décisions. C'est assez simple de pouvoir...
d'être capable de rentrer des amis de la famille, là. Pour ceux qui ont lu LeJournal de Québec à matin, on ne veut plus en voir, des affaires de
même, hein? Le CIUSSS de la Gaspésie, etc. Donc, on veut quelque chose qui est
exempt, qui est indépendant. On souhaite avoir une séparation claire entre une
espèce de présélection et le reste du processus. C'est facile, après ça, de...
Tous les Québécois et Québécoises devraient avoir, je dirais, la même chance de
pouvoir rentrer dans la fonction publique. Il ne devrait pas y avoir un
avantage indu du fait qu'on connaît un dirigeant, du fait que le mari d'un tel
joue au hockey avec un des gestionnaires à tel endroit. Ça devrait être... Il
devrait y avoir, nécessairement, une ceinture puis des bretelles à quelque part
dans le processus pour empêcher que ça arrive.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Marissal : Merci. Merci,
M. Martin.
Le Président (M. Simard) :
Merci. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Alors,
merci. Écoutez, moi, ce que j'entends, là, j'ai l'impression que ça fait
tellement longtemps qu'on l'entend. Vous parlez de séparation claire, de lutte
contre la corruption. Pourquoi on ne transforme pas le ministère des Transports
en agence autonome?
M. Martin (Marc-André) : C'est
une très bonne question que je n'avais pas vue venir. C'est sûr que...
M. Gaudreault : Pourtant, vous
savez comment je suis un tenant de cela.
M. Martin (Marc-André) : C'est
une question qui mérite d'être étudiée, là. Présentement, je vous dirais que
les... sans vouloir rentrer dans, comme, qu'est-ce qu'il se passe présentement
dans le ministère des Transports, les commandes
politiques, c'est encore présent. On est encore sous l'influence de. Et le
meilleur moyen d'y arriver, c'est de tasser tranquillement les
ingénieurs. Pourquoi? Le rôle des ingénieurs, dans les 10 dernières
années, il s'est vu dévaluer et tasser, puis
je vais vous donner le meilleur exemple. Au ministère des Transports, on
n'appelle même plus un chargé
d'activité un chargé... un chargé de projet un chargé de projet, on l'appelle
le chargé d'activité. Voulez-vous bien me dire c'est quoi, ça? On
organise-tu le ballon chasseur?
Non, non, un chargé de projet, c'est un chargé
de projet. Un ingénieur, ça devrait être dans le haut de la pyramide et voir...
• (16 h 30) •
M. Gaudreault : Arrêtez,
arrêtez, arrêtez, j'en entends trop. Je ne peux pas croire qu'on entend ça encore...
M. Barrette : Continuez.
M. Gaudreault : ...après la commission
Charbonneau, après tout ce qu'on sait. Moi, je pense que de casser le moule,
changer la culture organisationnelle, c'est de créer une agence des transports
indépendante qui va avoir l'autonomie pour recruter, pour payer ses ingénieurs,
pour faire en sorte que les ingénieurs aient le goût de travailler parce qu'ils
vont être sur les chantiers, ils vont contrôler puis ils vont surveiller les
chantiers. Alors, moi, je pense que la meilleure chose à faire, qu'on peut
faire pour la fonction publique, c'est de donner cette autonomie. Qu'est-ce que
vous en pensez?
M. Martin (Marc-André) : Je
vous dirais qu'au niveau de l'autonomie professionnelle c'est parfait. C'est ça
que les gens souhaitent avoir.
Là, présentement, on est pris dans une espèce de moule, dans un carcan. Puis je ne veux
pas trop me prononcer sur l'agence des transports, mais nécessairement
avoir une espèce d'agence d'ingénierie, d'avoir un volet strictement ingénierie
où est-ce que c'est exempt de pressions politiques, exempt de commandes politiques...
Tu sais, vous savez, c'est plus facile, passer
des commandes politiques chez des gens qui ont moins d'expertise. Ils ne vont
pas vous dire non, ils vont rentrer dans le moule. Tu sais, c'est plus facile
de faire passer des choses quand les gens
connaissent un petit peu moins ça puis qu'on garde un niveau d'expertise assez moyen pour être
capable de couler nos affaires.
Donc, c'est
important, l'expertise. C'est important de voir les coups arriver puis c'est
important d'être capable de dire non. C'est ça, l'autonomie
professionnelle.
M. Gaudreault : Oui. Puis ce
n'est pas au politique de choisir où on va faire une route plutôt qu'une autre
selon les priorités routières et les priorités de sécurité publique de la
population. Alors, moi, j'abonde dans votre sens et j'aurai... et je vous
invite à examiner en profondeur les capacités ou la possibilité d'une agence
des transports.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Alors, MM. Martin et Guyaz, merci
beaucoup pour la contribution que vous avez faite à cette commission
aujourd'hui.
Sur ce, j'ajourne nos travaux, hein, nous avons
complété nos auditions pour aujourd'hui, et j'ajourne nos travaux jusqu'au
mardi 16 février à 9 h 30. Au grand plaisir de vous y revoir.
(Fin de la séance à 16 h 32)